Une mort très digne: L'histoire du Cimetière Mont-Royal
 9780773571372

Table of contents :
Table Des Matières
Cartes
Remerciements
Le cimetière en couleurs
Chronologie
Introduction
Obsolescence du cimetière urbain
Établissement d'un cimetière rural
Le cimetière victorien
Convenances contestées : le cimetière comme lieu public
L'entreprise et son administration, 1852–1924
Plan-pelouse ou pierre veuve
Crémation, 1902–1974
Sépultures militaires
Continuité et droits de propriété
Nouvelle respectabilité : l'entreprise et l'histoire
Notes
Bibliographie
Sources des illustrations
Index
A
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Plans de reconnaissance

Citation preview

UNEMORT TRES DIGNE

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MORT T R E S D I G N E

L ' H I S T O I R E DU C I M E T I È R E MONT-ROYAL BRIAN

YOUNG

Essai photographique : G E O F F R E Y

Traduit de l'anglais par Marie-Cécile Brasseur McGill-Queen's University Press

JAMES

McGill-Queen's University Press, 2003 ISBN 0-7735-2599-8 Dépôt légal 2ième trimestre 2003 Essai photographique de Geoffrey James Imprimé au Canada sur papier entièrement recyclé sans acide Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal. Nous remercions le gouvernement du Canada pour le soutien financier accordé à nos publications par l'entremise du Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition (PADIÉ). Nous remercions également le Conseil des Arts du Canada pour sa participation à notre programme éditorial.

Données de catalogage avant publication (Canada) Young, Brian, 1940Une mort très digne : l'histoire du Cimetière Mont-Royal /Brian Young ; photographies, Geoffrey James ; traduit de l'anglais par Marie-Cécile Brasseur. Traduction de: Respectable burial. Comprend des références bibliographiques et un index. ISBN

0-7735-2599-8

i.Cimetière Mont-Royal (Montréal, Québec)—Histoire. 2. Protestants—Québec (Province)—Montréal—Histoire. 3. Sépulture—Québec (Province)—Montréal—Histoire. 4. Mort—Québec (Province)—Montréal—Histoire. 5. Montréal (Québec)—Moeurs et coutumes. 6. Montréal (Québec)—Histoire. I. James, Geoffrey, 1942- II. Brasseur, Marie-Cécile III. Titre.

FC2947.6I Y6814 2003

971.4'28

02003-901828-8

F I O 5 4 . 5 . M 8 6 2 M 6 8 I 4 2003

Cet ouvrage a été photocomposé par David LeBlanc en 11/14 Bembo, à Montréal (Québec).

A Elizabeth et Edgar Andrew Collard, historiens et amis du cimetière leur vie durant

TABLE

DES

MATIERES

Cartes / viii Remerciements / ix Le cimetière en couleurs / xi Geoffrey James Chronologie / xli Introduction / xlvi Obsolescence du cimetière urbain / 2 Établissement d'un cimetière rural / 22 Le cimetière victorien / 40 Convenances contestées : le cimetière comme lieu public / 64 L'entreprise et son administration, 1852—1924 / 84 Plan-pelouse ou pierre veuve / 106 Crémation, 1902-1974 / 126 Sépultures militaires / 142 Continuité et droits de propriété / 158 Nouvelle respectabilité : l'entreprise et l'histoire / 178 Notes / 199 Bibliographie / 2 15 Sources des illustrations / 2 19 Index / 225 Plans de reconnaissance / 231

CARTES

Plan du mont Royal montrant les deux principaux cimetières / lii Emplacement du cimetière protestant, 1815 / 7 La ferme Spring Grove. Décembre, 1851 / 29 Plan du cimetière par Sidney et Neff, 1852 / 30 Terrains achetés par le cimetière Mont-Royal, 1851—1883 / 36 Plan de l'entrée, 1885 / 67 Le mont Royal 1866 / 68 La montagne et le quartier Mile End, 1872 / 98 Plan de l'entrée du parc, 1885 / 115 Emplacement du cimetière Hawthorn-Dale sur l'île de Montréal / 117 Plan du cimetière Hawthorn-Dale / 117 Projet du maire Jean Drapeau relatif à l'aménagement de deux artères nord-sud franchissant le mont Royal, 1955 / 171 Changements apportés aux limites du cimetière, 1928—1963 / 173 Plan de reconnaissance du cimetière Mont-Royal / 231 Plan de reconnaissance du secteur sud-est / 234 Plan de reconnaissance du secteur sud-ouest / 234 Plan de reconnaissance du secteur nord / 235 Plan de reconnaissance du secteur des œuvres de bienfaisance / 235

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C A R T E S

REMERCIEMENTS

Ma liste de remerciements est substantielle, couvrant le monde de l'enseignement et de la recherche universitaires aussi bien que les professionnels de l'édition, de la photographie et des services funéraires. Au Royaume-Uni, un merci spécial va à Julie Rugg du Cemetery Research Group, de l'université d'York, et aux historiens Colin Coates et Robert Morris, de l'université d'Edimbourg. Brian Treggett, régisseur du cimetière Mount Hermon à Québec a ouvert ses archives et fait avec moi la tournée des lieux. À Montréal, Mary Anne Poutanen, du Montréal History Group a aidé à former des chercheurs et a participé à maintes discussions sur le sens du protestantisme, de la respectabilité et de la spatialité du cimetière. Peter McNally a contribué à la documentation sur l'ancien cimetière protestant. J'ai bénéficié de l'apport des membres du séminaires que j'ai dirigé à McGill sur les institutions québécoises, l'histoire du cimetière étant le point focal du cours. Parcourant le cimetière ou fouillant les archives à mes côtés, et présentant des essais sur la culture matérielle, Brian Fitzgerald, Darcy Ingram, Julie Lassonde, John Papageorgiou, Olivier Peri et Caroline Schoofs m'ont aidé à comprendre des éléments essentiels de la pierre, de l'architecture et de la place du cimetière. Les étudiants Anny Duchaine, Walter Forsberg et Marie-Laure Mahood ont effectué une recherche superbe sur les oubliés, ceux qu'on a enterrés dans la fosse commune. Sophie Mathieu et Caroline Schoofs ont méticuleusement fouillé les archives, et une bonne part du travail visant les concessions des œuvres de bienfaisance et de la colonie chinoise est attribuable à Darcy Ingram. Jadwiga Dunin Borkowska et Jarrett Rudy ont tourni les résultats d'une recherche substantielle dans les médias imprimés. Rosalyn Trigger et Janice Harvey, spécialistes de la communauté protestante, ont partagé avec moi leurs connaissances du sujet. Mia Webster a mis de l'ordre dans ma recherche sur les photos et illustrations. Maintenant retraité, Donald Roy, directeur du cimetière et du crématorium, a gentiment répondu à mes questions, retraçant à mon intention le cours historique de l'institution et de la vie privée de la famille Roy sur la montagne. L'architecte paysagiste Malaka Ackaoui a partagé son enthousiasme sur le sens culturel et physique du cimetière. Aurèle Parisien, directeur littéraire des McGill-

Queen's University Press, n'a pas craint d'innover et de mettre la main à la pâte pour tirer de moi le meilleur livre possible. En révisant le manuscrit, Barbara Tessman a combiné une empathie envers le travail de l'auteur à une exactitude férocement rigoureuse. Dans les coulisses de l'éditeur, Joan McGilvray et Susanne McAdam ont recouru à la main de fer dans le gant de velours pour faire en sorte que l'auteur franchisse enfin la ligne d'arrivée. Le travail réalisé avec Geoffrey James m'a aidé à ajuster ma perspective d'historien à la perception intellectuelle du photographe. Au cimetière Mont-Royal, la directrice des relations publiques, Myriam Cloutier, a fait preuve à tous les tournants d'un enthousiasme indéfectible. Le directeur général du cimetière, Merle Christopher, a joué un rôle crucial dans l'écriture de cette histoire, en offrant généreusement accès tant aux registres de l'entreprise qu'à son propre bagage de connaissances sur les implications humaines et commerciales de la sépulture. J'ai beaucoup apprécié les contacts avec les administrateurs. Leur sens — vieillot, je suppose — de la culture et de la communauté, leur apport à une institution sans but lucratif qui fraie quotidiennement avec la mort et l'ensevelissement, et leur ouverture d'esprit face à mon travail m'ont donné matière à réflexion. Tout au long du processus de rédaction, Rod MacLeod a occupé une place centrale, consultant les archives du cimetière, relisant les ébauches successives et offrant ses vues personnelles sur la culture du cimetière. L'ouvrage doit beaucoup à toutes ces personnes ; la responsabilité du résultat final, toutefois, doit m'être entièrement attribuée. La dédicace aux historiens Elizabeth et Edgar Andrew Collard ne saurait mieux convenir. Les ouvrages d'Elizabeth Collard sur la poterie et la porcelaine canadienne sont un modèle de rédaction et de recherche sur l'histoire de la culture matérielle. Rédacteur émérite de la Gazette de Montréal, Edgar Andrew Collard s'est intéressé sa vie durant à l'histoire du cimetière Mont-Royal. Il en a rédigé une histoire inédite, Garden in the Sun, source importante d'information qu'on peut se procurer au cimetière et à laquelle j'ai puisé pour rédiger cette histoire. Les livres et les rubriques qu'il a signées dans la Gazette, de 1944 à 2000, demeurent des sources précieuses sur l'histoire du Montréal anglais. Edgar Andrew Collard est décédé en 2000, et Elizabeth Collard en 2001 ; tous deux sont inhumés au cimetière Mont-Royal. X

R E M E R C I E M E N T S

LE C I M E T I E R E EN C O U L E U R S

En remontant le boulevard du Mont-Royal à partir de l'avenue du Parc, le promeneur laisse derrière lui les gratte-ciel du centre-ville de Montréal de même que les amateurs de football ou de traîne sauvage qui, selon la saison, s'amusent dans le parc du mont Royal conçu par Olmsted. Les résidences élégantes et la forêt défilent de part et d'autre du boulevard pendant les dix minutes de marche qui le conduisent au portail du cimetière Mont-Royal. Là, dans le val que flanquent le mont Royal et le sommet d'Outremont, se tapit un cimetière aux vastes pelouses et aux allées sinueuses bordées d'arbres. Les plus anciennes sections du cimetière, ornées ici et là de clôtures de fer forgé et dont l'organisation semble relever du hasard, ont l'allure et le rythme réconfortant d'un enclos paroissial dans la campagne anglaise. Plus haut sur la pente, les sections moins anciennes sont dessinées à grands traits et forment des étendues impériales et rassurantes de pelouse bien soignée. Sur les monuments d'une sobriété pieuse ou d'un romantisme élaboré, les inscriptions commémorent les origines écossaises, la richesse, la guerre, une œuvre de charité ou encore la vie de famille des « bonnes épouses ». Évoquant mille offices célébrés dans les églises protestantes de Montréal, elles prêchent l'importance du travail, du devoir; de la famille et de la britannicité ou se contentent d'un mot, sans plus : père, mère, époux, fille. L'ambiance change vers l'arrière du cimetière. L'opulence des sépultures victoriennes, le sentiment intense de confiance, de droits acquis et d'immortalité qui s'en dégage, semblent bien loin des tombes d'immigrants, de nouveau-nés, de soldats et de pauvres qui se pressent près de la clôture séparant le cimetière Mont-Royal de son voisin catholique. Quel est donc ce lieu, cette chose, cette idée que l'on appelle le cimetière Mont-Royal ? N'est-ce qu'un lieu de sépulture traitant de la dure réalité que représentent la mort et la pourriture ? Est-ce l'expression tangible du sentiment victorien unissant l'âme à la nature ? Ou est-ce le vestige de très dignes œuvres de charité protestantes ? Certains y voient une entreprise aux rouages bien huilés où, par-delà le sentiment et la culture protestante, des régisseurs professionnels doivent s'occuper efficacement de la poussière et de la santé publique et assurer à tous un enterrement convenable. D'autres font écho aux vieux débats sur les avantages

de la crémation par rapport à l'ensevelissement ; ceux-là voient dans le cimetière moderne un monument de narcissisme et lui reprochent de maltraiter l'environnement naturel. Produit de la société urbaine, le cimetière demeurera toujours le site de technologies et d'idéologies en concurrence. Lorsqu'ils ont envisagé l'établissement d'un nouveau lieu de sépulture à Montréal, les fondateurs du cimetière ont introduit l'exubérance victorienne dans leur plan. Adoptant le modèle du cimetière « rural », ils ont entrepris de créer un site de beauté naturelle juxtaposé à la ville en contrebas. Au-dessus de la grisaille de l'industrialisation urbaine, ils ont cherché à contenir la verdure des hauteurs et l'aspect des monuments, en songeant à l'inspiration que les poètes tels Wordsworth trouvaient dans la mort. Quoique leur cimetière ait été ouvert au public, il était régi par le code strict de respectabilité et l'idée que se faisaient les protestants du deuil et de l'épreuve intime. Les mœurs et la susceptibilité esthétique ont pu changer mais les défunts et ceux qui les pleurent s'efforcent encore de raconter leur histoire : au-delà de la rigueur de la mort et des dates gravées dans la pierre, les épitaphes et les prières soudent la mémoire, la tradition, l'histoire et en viennent à créer un paysage de fiction. Les photographies de Geoffrey James captent les notions conflictuelles du cimetière, son passé et sa modernité, ses tensions inhérentes. Les bourgeons printaniers sont toujours précurseurs du feuillage automnal, et c'est l'essence même du cimetière que la beauté ordonnée et luxuriante de l'entretien perpétuel fasse soudain place au sol provisoirement perturbé, aux planches, aux pelles en attente, à la fosse béante. Un amas de sol nu, les dos vêtus de noir; un cycliste à peine aperçu, et une tombe décorée avec exubérance interposent la réalité sociale et physique de l'entreprise dans la vision de beauté et de paix naturelle qu'entretiennent les administrateurs. Le mariage de ces visions est le pivot de l'histoire canalisée dans ce livre. Le cimetière nous sensibilise à la distance, au silence, au saisonnier et à l'empiétement inexorable de la nature sur la pierre ouvrée, l'humain et le bâti. James nous rappelle le lien poétique entre la sensualité et la mort, la beauté et la réalité, le fragile et le solide. L'agitation et la beauté dépouillée, esseulée, de ses photographies conduisent au cœur du cimetière, à son histoire, à son mystère et à sa signification.

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CHRONOLOGIE

1760 1786 1799 1801 1803 1804 1814 1815 1831 1832 1836 1843 1847 1852 1853 1854 1855 1861 1862 1864 1868

Capitulation de Montréal ; arrivée du clergé anglican au Québec Formation d'une congrégation presbytérienne à Montréal Ouverture du cimetière protestant Érection de la chapelle au cimetière protestant Organisation des méthodistes à Montréal Ouverture du cimetière rural le Père Lachaise à Paris Établissement d'un lieu de sépulture militaire sur le chemin Papineau à Montréal Établissement du deuxième cimetière protestant, le cimetière Papineau, adjacent au lieu de sépulture militaire Fondation à Cambridge, au Massachusetts, du cimetière Mount Auburn ; formation d'une congrégation baptiste à Montréal Par suite de l'épidémie de choléra, le cimetière protestant est comble Fondation du cimetière Laurel Hill à Philadelphie Adoption d'une loi sur la livraison des cadavres non réclamés aux écoles de médecine de la Province unie du Canada (Anatomy Act) Constitution en société de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal Acquisition du site du cimetière sur le mont Royal auprès du Dr Michael McCulloch ; premier enterrement (William Squire) ; Richard Sprigings nommé régisseur Construction du charmer au nouveau cimetière Consécration du cimetière Mont-Royal (CMR) par l'évêque anglican Francis Fulford Première mise au tombeau dans un mausolée au CMR ; ouverture du cimetière Notre-Dame-des-Neiges; Dissémination de la technique d'embaumement ; le CMR introduit l'entretien perpétuel Construction de la résidence du régisseur et du portail Achat de 28 acres supplémentaires, y compris Mount Murray Cession d'un espace pour l'enterrement des pompiers morts en devoir

1874 Établissement d'entreprises de crémation en Angleterre et à New York 1875 Fermeture du premier cimetière protestant ; enterrement de Joseph Guibord 1876 Mise en service du premier crématorium aux États-Unis ; construction de deux maisonnettes pour les employés du CMR ; ouverture du parc du mont Royal ; publication du journal des entrepreneurs de pompes funèbres, The Casket 1877 Funérailles de Thomas Lett Hackett, membre de l'Ordre d'Orange 1882 Fondation de l'association nationale des directeurs de pompes funèbres aux États-Unis 1886 Aménagement du chemin de fer gravissant la pente du mont Royal 1887 Fondation de l'association américaine des régisseurs de cimetière ; les administrateurs du CMR évoquent la crémation pour la première fois 1890 Nomination de Frank Roy au poste de régisseur 1891 Ouverture de la nouvelle fosse commune au CMR 1895 Construction de l'Hôpital Royal Victoria 1897 Avènement de la tondeuse à gazon mécanique 1898 Accession de Ormiston Roy au poste de régisseur ;John H. R. Molson lègue 10 000$ au cimetière pour construire un crématorium ; ouverture de la section pour enfants 1899 Etablissement de la société américaine des architectes du paysage 1900 Construction d'un jardin d'hiver et de nouveaux charniers au CMR ; mise en service du crématorium de Mount Auburn 1902 Première crémation au cimetière Mont-Royal (sénateur Alexander Walker Ogilvie) 1903 Obtention d'une charte fédérale pour la Crématorium Limited, entité distincte de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal ; installation du système téléphonique sur les lieux 1910 Première inhumation à Hawthorn-Dale ; inauguration de la concession du Fonds du Souvenir au CMR 1912 Tunnel du chemin de fer creusé sous le mont Royal 1913 Démission de George Durnford au poste de secrétaire-trésorier ; établissement du Forest Lawn Mémorial Park à Glendale, en Californie 1914 Ormiston Roy prend le titre d'architecte du paysage et régisseur général xlii

CHRONOLOGIE

1915 Aménagement du bureau du cimetière sur les lieux du cimetière du chemin Papineau 1917 Établissement de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth ; les enterrements en hiver deviennent chose commune 1918 Épidémie de grippe 1919 Nouveau déménagement des bureaux du CMR au centre-ville 1921 Acquisition par le gouvernement fédéral d'un lot de sépultures militaires au CMR 1923 Ouverture des bureaux dans l'édifice acquis par le CMR au 1207 Drummond ; construction du chemin du Souvenir de l'entrée du cimetière jusqu'au crématorium 1924 Ormiston Roy devient architecte du paysage ; John F. Roy devient gestionnaire ; construction de l'oratoire Saint-Joseph ; développement d'un parcours de tramway de Côte-des-Neiges au parc du mont Royal 1927 Dernier service du tramway funéraire au cimetière Hawthorn-Dale 1930 Mise en service du parcours de tramway de l'angle des avenues du Parc et du Mont-Royal jusqu'au parc de la montagne 1936 Dévoilement du monument de la Croix du Sacrifice sur la tombe de Sir Arthur Currie 1949 Démolition du jardin d'hiver au CMR 1951 Vente d'une seconde concession de sépultures militaires au ministère des Anciens combattants 1952 Construction de la tour de Bell Téléphone sur un terrain acquis du cimetière 1958 Décès d'Ormiston Roy ; transfert des services administratifs du centre-ville au cimetière ; ouverture de voies d'accès aux automobilistes jusqu'au sommet de la montagne 1964 L'encyclique Vatican II permet la crémation des catholiques 1966 Démission de John R. Roy à la gestion, reprise parW. Wallace Roy ; Donald Roy se joint à l'entreprise au titre de gestionnaire adjoint ; grève des employés du cimetière 1967 Donald Roy devient gestionnaire 1970 Crise felquiste ; l'armée s'installe à la grille sud du cimetière 1974 Merle Christopher est nommé adjoint de Donald Roy 1975 Mise en vente de monuments commémoratifs, plaques de bronze et inscriptions ; ouverture du crématorium au cimetière Notre-Dame-des-Neiges 1976 Célébrations de la Saint-Jean-Baptiste au parc du mont Royal CHRONOLOGIE

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1978 Les restes de soixante soldats britanniques sont excavés du sol pendant la construction de l'édifice Guy-Favreau et déménagés au cimetière 1979 Coupe à blanc effectuée par le cimetière sur Mount Murray 1984 Agrandissement du crématorium, ajout de la seconde chapelle ainsi que d'un mausolée et d'un columbarium 1986 Établissement des Amis de la Montagne, association concernant la protection de l'environnement du mont Royal 1990 Retraite de Donald Roy; nomination de Merle Christopher au nouveau poste de directeur général ; production du plan maître pour le développement de Mountain View ; Elsie Norsworthy est la première femme siégeant au conseil ; l'entreprise commence à offrir des services funéraires 1992 Acquisition de la résidence funéraire M. A. Blythe Bernier par la Compagnie du Cimetière Mont-Royal ; expropriation de la partie sud du cimetière Hawthorn-Dale par la Communauté urbaine de Montréal pour l'inclusion à un parc régional 1995 Ouverture du nouveau Complexe Commémoratif Hawthorn-Dale ; embauche de Myriam Cloutier à la coordination des communications 1998 Adoption du nouveau logo et réorganisation de l'entreprise qui devient les Services commémoratifs Mont-Royal ; achèvement du complexe funéraire au CMR ; établissement des Amis du Cimetière Mont-Royal afin de promouvoir les activités éducatives et historiques 1999 Établissement de la division des arrangements préalables ; la Commission des lieux et monuments historiques du Canada porte le cimetière sur la liste des lieux historiques nationaux 2002 Le cimetière célèbre 150 ans d'histoire depuis la première inhumation en 1852

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C H R O N O L O G I E

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e printemps est sans doute la saison la plus douce au cimetière Mont-Royal. Bien entendu, dans une entreprise de services funéraires, chaque jour est jour de travail et même les lilas en rieurs n'empêchent pas les fourgonnettes anonymes de franchir le portail et de se diriger vers le crématorium du complexe funéraire. Toutefois, l'institution qu'est devenu le cimetière dépasse la mort, le deuil, l'incinération et l'enterrement, ce qui n'est jamais aussi évident qu'au printemps, alors que les lieux fourmillent d'activité. Les listes dressées par les ornithologues amateurs côtoient sur le babillard de la maison de garde les invitations aux concerts gospel et aux promenades. Les visiteurs sont invités à découvrir les lieux à l'aide de brochures qui signalent ici une essence arboricole rare, là le monument d'un tavernier, et ailleurs l'épitaphe d'un homme politique. Même la fermeture du portail à vingt-et-une heures s'effectue sans histoires, un employé attendant patiemment dans son camion que les voitures retardataires reprennent la direction de la maison, à l'autre bout de la ville. Un peu plus tard, les cyclistes, maîtres et chiens en promenade, ou flâneurs qui se sont attardés aux mausolées des Molson, continuent de défiler par la portière des piétons ouverte en tout temps. Les activités organisées à cette époque de l'année figurent au nombre des rôles multiples du cimetière. Dans la soirée du 6 mai 1999, par exemple, le cimetière a programmé une promenade à la lumière des bougies et au son de la musique, suivie de la plantation d'un rosier commémoratif pour aider les gens endeuillés à surmonter la peine qui tend à accompagner les dimanches de la fête des mères ou des pères. La semaine suivante, un séminaire d'information sur la planification de la succession, les arrangements préalables, le processus du deuil, la crémation et les tendances en matière de commémoration était ponctué toutes les

Ci-contre Le cimetière Mont-Royal de nos jours. Grâce aux nichoirs installés à leur intention, les merles-bleus sont réapparus au cimetière.

heures par un concert du Festival de musique de chambre de Montréal. Des spécialistes ont ensuite évoqué les rites funéraires hindous, juifs, islamiques et bouddhistes pratiqués dans le monde. Dès huit heures le lendemain matin, c'est le milieu naturel qui prenait la relève alors que 92 ornithologues amateurs ont répondu à l'invitation du cimetière à la tournée d'observation et au recensement annuel des oiseaux. Le feuillage touffu qu'un printemps hâtif a favorisé réduit l'observation à 52 espèces d'oiseaux, y compris cinq espèces de faucons, ainsi que les oiseaux chanteurs comme le grand moqueur, l'oriole du Nord, le tangara écarlate et le merle-bleu qui nichent au cimetière. Depuis qu'on a installé des nichoirs à leur intention en 1992, les merles-bleus se reproduisent maintenant en nombre croissant après que leur population a décliné pendant des décennies. Au cours des ans, 145 espèces d'oiseaux ont été identifiées, y compris 25 espèces de fauvettes au plumage vivement coloré. Plus tard dans l'été, l'accent portera sur la richesse du patrimoine historique. En août, par exemple, la visite guidée élaborée à partir de l'histoire de l'Université McGill offre l'occasion de voir le monument dédié aux personnes qui ont donné leur corps aux fins de la recherche scientifique. D'autres faits historiques attendent le promeneur. Il y a un siècle et demi, le 19 octobre 1852, William Squire, pasteur méthodiste et victime du choléra, a la distinction de devenir la première personne inhumée au cimetière Monument de l'Université McGill à la mémoire des donneurs (F-1770, section F-7). En 1992, le cimetière Mont-Royal offre à l'Université McGill un lieu de sépulture pour commémorer les personnes ayant donné leur corps à la science et accueillir les membres de leur famille. Dévoilé le 16 novembre 1994, le monument symbolise le cycle de la vie : la petite colombe à gauche devient l'oiseau adulte à droite, tandis que l'extrémité ébréchée représente la rupture de la mort.

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Mont-Royal. Cinquante ans plus tard, le 19 avril 1902, la première incinération — celle du sénateur AlexanderWalker Ogilvie, dont la famille a fait fortune dans la minoterie et qui a siégé au conseil d'administration du cimetière — a lieu dans le tout nouveau crématorium. Comment une institution qui fraie quotidiennement avec la mort, l'inhumation, la crémation et le deuil, en vient-elle à associer son image aux oiseaux, à la musique de chambre et à l'histoire? L'importance qu'accordé le cimetière MontRoyal à l'identité communautaire, à l'histoire et à l'environnement s'inscrit dans l'effort visant à obvier la concurrence des conglomérats de services funéraires qui ont commencé vers le milieu des années 1980 à acheter les résidences funéraires, cimetières et crématoriums de Montréal. L'harmonisation des objectifs du cimetière Mont-Royal à ceux du patrimoine et de l'écologie fait partie de la nouvelle respectabilité des lieux. Société sans but lucratif profondément enracinée dans l'histoire de Montréal, le cimetière des années 1990 a étendu son champ d'activités à toute la gamme des services funéraires, s'est investi dans la communauté et a pris ses responsabilités sur le plan de l'environnement. Si, comme le veut l'adage, la mort est l'une des rares certitudes de la vie, l'élimination des cadavres est un acte nécessaire soumis aux impératifs délicats du devoir civique, de la religion, de la vie privée. Les obsèques, la crémation et l'inhumation sont des moments intenses et déterminants pour les familles, les êtres chers, voire l'ensemble de la communauté lorsqu'il s'agit d'une figure publique. C'est ainsi qu'en mai 2000, des foules ont attendu dans des queues qui semblaient sans fin le moment de saluer une dernière fois Maurice Richard, légendaire hockeyeur des Canadiens dont le corps était exposé dans le plus vaste amphithéâtre de Montréal ; quelques mois plus tard, des milliers de Montréalais se pressaient à l'hôtel de ville pour rendre hommage à l'ancien premier ministre, Pierre Elliott Trudeau. L'un des plus imposants cortèges funèbres de l'histoire de Montréal fut celui d'Arthur Currie, général pendant la Première Guerre mondiale et recteur de l'Université McGill, enterré au cimetière Mont-Royal en décembre 1933. Dans la société occidentale, c'est habituellement dans un cimetière qu'on dispose des corps. Aux yeux de l'historien, ces lieux s'apparentent à un laboratoire d'étude de la culture matérielle. Leur aménagement, leur architecture, leurs édifices, monuments et épitaphes, constituent l'expression profonde d'une culture et révèlent sans réserve les conceptions religieuses, le statut social, la nation, Introduction

xlix

l'enfance, le genre et l'ethnie. Ils reflètent aussi le déséquilibre des forces sociales. De toute évidence, avoir voix au chapitre dans la gestion d'un cimetière, imaginer, définir et modeler les lieux de sépulture, et pourvoir à son propre enterrement comme à celui des siens en achetant une concession familiale, tout cela est la prérogative des puissants, des ayants droit. Par contre, les malheureux, les miséreux et les mendiants qui occupent le plus bas échelon social ne laissent guère la marque de leur passage dans la vie comme dans la mort. Mais dans le cas qui nous occupe, les pauvres, les petites gens et les non-protestants n'ont pas été complètement muets ni impuissants. Les archives révèlent nettement leur détermination à échapper à la dégradation des tables de dissection, à obtenir la dignité d'une fosse individuelle, à faire porter leur nom sur une stèle commune ou, à tout le moins, à assurer qu'un tumulus identifie leur sépulture. Le cimetière Mont-Royal est aussi une sorte de musée permanent qui nous apprend comment les diverses générations ont fait face aux catastrophes, à la mortalité infantile ou à la vieillesse. Puisqu'il s'occupe de cette marchandise vite avariée que sont les cadavres, le cimetière a pris rapidement de l'ampleur pendant les épidémies, a adapté sa mise en marché aux nouveaux segments de population et de clientèle, et a réinventé son paysage à mesure que la perception du public évoluait envers la nature et l'environnement. Dans le bureau des gestionnaires, la stratégie visant à faire adopter le plan d'entretien perpétuel fait contraste avec les ravages évidents du temps sur les morts, les monuments et la mémoire. Du reste, l'endroit ne suscite-t-il pas une réflexion profonde sur l'évanescence du temps? Même le visiteur occasionnel ne peut ignorer les variations sur ce thème dont témoignent les épitaphes de ceux qui dorment sous ses pas : «Vous êtes ce que je fus un jour » ; « Au revoir » ; ou encore «Votre temps sur terre s'achève ». L'attention portée à la verdure et au paysage révèle des vues spécifiques quant à l'embellissement et à la nature, tandis que les pierres tombales servent à mesurer l'expression de leur identité par des générations successives. À l'époque victorienne, par exemple, la perception de la commémoration diffère largement de celle des Montréalais qui ont connu la Première Guerre mondiale. L'ethnie est aussi facteur de rassemblement, et l'on discerne sans mal la présence des diverses confessions protestantes ainsi que des traditions bouddhiste et juive. Les fondateurs du cimetière Mont-Royal ont réussi à créer une institution correspondant à leur imaginaire culturel. Ombragé, spacieux et de bon ton, leur 1

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cimetière, par opposition aux lieux de sépulture ou enclos paroissiaux, allait différer de son prédécesseur urbain, beaucoup plus primitif. À l'encontre d'autres manifestations témoignant des origines britanniques de leur communauté à Montréal, notamment la colonne Nelson, la cathédrale Christ Church et le Crystal Palace, les fondateurs du cimetière ont préféré le rural à l'urbain en construisant dans un endroit isolé, en retrait de la ville, et en y limitant l'accès à ceux de leur choix. Inspirés par leurs domaines, leurs jardins, leurs bibliothèques, leurs voyages, et les multiples exemples qu'offrait alors le monde protestant, ils ont érigé une institution qui allait impressionner l'observateur par son architecture classique, sa nature romantique et la sévérité de son code de comportement. Aménagé sur un site aider au point le plus élevé de la ville, le cimetière, ses urnes, ses croix celtiques, son portail en pierre de taille et son paysage analogue à un jardin anglais, représentaient la version conservatrice et protestante de la mémoire, du milieu naturel et de la société, une conception de l'espace pouvant servir de rempart au catholicisme, au nationalisme, au républicanisme et à la démocratie qui bouillonnaient à ses pieds dans la cité. Même utopique, cependant, le cimetière est un élément trop critique pour l'ordre et la santé publiques, et ses fonctions sont trop urbaines pour qu'il puisse demeurer en marge du fait social et du changement technologique. Les compromis consentis à la modernité sont manifestes dans sa conception, son matériel, son système de tenue des registres et l'évolution de sa gestion. Encore que fortement partisans des tendances britanniques, les premiers administrateurs se fient presque entièrement aux modèles américains pour aménager leur cimetière rural sur le mont Royal. Une génération plus tard, Ormiston Roy, le plus important des régisseurs dans l'histoire du cimetière, sera encore plus influencé par les Américains, leurs cimetières et leurs goûts en matière d'aménagement paysager. Tout au début du xxe siècle, Roy applique le concept du plan-pelouse tant au mont Royal que dans le nouveau cimetière Hawthorn-Dale, établi en banlieue en 1910. La pierre et la sentimentalité du cimetière rural font place aux pelouses serties d'arbustes, bordées de plantes vivaces et s'ouvrant sur des échappées verdoyantes ; la mort devient moins évidente et l'inhumation presque accessoire dans la création d'un espace public et égalitaire mais harmonieux et naturel. Deux changements titanesques marquent les activités du cimetière pendant cette période. Tout d'abord, l'ouverture en 1901 du premier crématorium canadien défie les croyances religieuses et les Introduction li

attitudes nourries par la tradition de l'enterrement. Ferme symbole de modernité, la crémation oppose l'efficacité du four industriel à la lenteur du processus naturel de décomposition sous terre. Plus tard, après la Première Guerre mondiale, le sens de la hiérarchie et le sentiment d'exclusivité qui régnaient jusqu'alors sur les lieux sont remués par la démocratisation de la mort, de même que par l'effritement de la place politique qu'occupaient les Anglais à Montréal. Il résulte, entre autres, de ces transformations que jusque dans les années 1970, le conseil d'administration, qui agit par philanthropie et ne se réunit qu'à l'occasion, tend à subordonner son avis à celui de régisseurs chevronnés dont l'expertise en matière de crémation, de technologie, d'horticulture et de gestion des données demeure un atout incontestable. Plan du mont Royal montrant les deux principaux cimetières

C'est un devoir chrétien que de pourvoir à l'enterrement des protestants destitués, immigrants tout juste arrivés, malheureux qui ont trépassé à l'asile, en prison ou dans un baraquement, et victimes d'épidémies ou d'accidents du travail. Même si certains cimetières ruraux sont exemptés de cette responsabilité parce qu'il existe des lieux de sépulture bon marché et marginaux qui, dans bien des cas, appartiennent à la municipalité, les autorités au mont Royal se plient volontiers à cette obligation. En continuant d'ensevelir les pauvres, les fondateurs et leurs partenaires des œuvres de bienfaisance font montre de charité chrétienne et témoignent concrètement de la solidarité sociale unissant la communauté protestante de Montréal. Dans les coins reculés du cimetière et le long de sa clôture arrière, mais aussi dans certains sites étonnamment prestigieux, se trouvent les tombes des fantassins de la société urbaine, rappel des simples soldats, serviteurs, journaliers, marins et immigrants démunis qui comptent parmi la communauté protestante. Prenant ses racines dans le patrimoine légué par la Réforme et l'enclos paroissial anglican, ce devoir protestant de fournir une sépulture décente s'applique aussi bien aux juifs qu'aux catholiques errants, aux protestants décédés sans affiliation confessionnelle ou aux défunts anonymes qu'on présume protestants. À mesure que change la démographie de Montréal au XXe siècle, le cimetière devient aussi le dernier refuge des fidèles des Églises orthodoxes et des protestants de toutes origines. Qui plus est, le cimetière dévie de l'attention centrale accordée à la famille ou à l'individu en acceptant de commémorer la contribution collective des pompiers, des militaires, des francsmaçons et des membres de certaines confréries. Étant donné la part centrale que le protestantisme occupe dans ce livre, il peut sembler contradictoire de faire valoir du même coup le rôle séculier du cimetière. Et pourtant, sa fondation a coïncidé avec la période précédant la Confédération pendant laquelle l'activité de l'État a connu une flambée spectaculaire en matière de fiscalité, d'éducation, de santé publique et de renseignements confidentiels. Le cimetière fournit un bon exemple de ce que l'élite devait se charger d'accomplir au nom de l'État, souvent par l'entremise d'organisations religieuses nées en Europe. Ainsi, dès 1665, la St Andrew's Society est mise sur pied en Ecosse pour enterrer les victimes d'une épidémie. On ne saurait comprendre l'histoire canadienne sans prendre conscience de la résonance de ces pratiques culturelles à Montréal et du fait que la société industrielle se

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fiait à des entreprises privées comme le cimetière Mont-Royal pour assumer certaines fonctions publiques, notamment l'inhumation des pauvres. En accomplissant avec persistance sa mission historique d'ensevelir les destitués non catholiques, le conseil d'administration a pu imposer à tous les échelons de la communauté protestante, des indigents aux présidents de banque, la vision que partageaient ses membres de la sépulture respectable. Dans les premières décennies de l'histoire du cimetière, cette vision a placé les administrateurs dans une position conflictuelle vis-à-vis certaines figures populaires, que ce soit Joe Beef, l'Ordre d'Orange ou les dirigeants de la communauté chinoise. Après la Deuxième Guerre mondiale, les progrès de l'État providence, la sécularisation des mœurs et la Révolution tranquille au Québec ont favorisé la renonciation de l'Église catholique et de ses pendants protestants aux fonctions éducatives et sociales qui leur avaient été historiquement assignées. C'est la confusion semée parmi le public et les gestionnaires quant aux droits de propriété et au devoir civique du cimetière Mont-Royal qui, en 1970, a suscité des protestations et affecté les relations publiques parce que la direction avait décidé d'effectuer une coupe à blanc sur sa propriété. Les enjeux de la modernisation ne se restreignent pas non plus aux seules relations du cimetière avec le public. Sur les lieux mêmes, les nouvelles professions de jardinier paysagiste, d'architecte du paysage, de régisseur, de gestionnaire et de directeur général soulèvent de nouvelles contradictions entre les intérêts professionnels, scientifiques et technologiques du monde moderne et les anciennes traditions. Les nouveaux modes de transport, le matériel industriel et les habitudes de consommation hors les murs apportent aussi des changements au cimetière. Ce ne fut pas toujours aisé pour les autorités du cimetière de se mettre à la page sur le plan de la technologie et des transports. En 1908, le cimetière satellite Hawthorn-Dale est aménagé dans la banlieue est de Montréal parce qu'on pense que le tramway sera le principal moyen de transport, tant des cercueils que des familles en deuil ; mais dès les années 1920, le corbillard motorisé et l'automobile viennent révolutionner le mode de transport au cimetière. Au cours des premières décennies, des centaines de journaliers sont embauchés pour fossoyer, retirer les corps du charnier et déboiser des pans de montagne. Après la Première Guerre mondiale, l'avènement du tracteur à essence, de la tondeuse à moteur, de la perceuse à diamant et de la

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rétrocaveuse permet de creuser le sol à l'année longue, d'abandonner les charniers et de réduire l'embauche saisonnière en faveur d'un personnel moins nombreux mais plus efficace. Dès la fin du XIXe siècle, certaines institutions, notamment les maisons funéraires et les hôpitaux, remettent en question tant le pouvoir du clergé protestant que les anciennes pratiques commerciales du cimetière. Les visites et les obsèques ne se font plus guère à la résidence du défunt ni à l'église, mais au salon funéraire. Nouvelle profession aussi que celle de l'entrepreneur de pompes funèbres, qui jouit du monopole de la technique d'embaumement, se charge de préparer les corps, négocie l'heure de l'inhumation et la présence du clergé, et orchestre le dernier cérémonial auprès de la tombe. Pour tout dire, même l'achat d'un lot au cimetière peut être organisé par les bons soins des pompes funèbres 1 . La mort elle-même se dissocie de plus en plus du quotidien, et l'on ne trépasse plus dans son lit mais le plus souvent dans un lit d'hôpital. Il vient un temps où l'Hôpital Royal Victoria, gêné par les funérailles improvisées qui se répètent dans l'amphithéâtre de la faculté de médecine, ouvre en 1902 une chapelle dans la nouvelle aile de pathologie pour répondre à la demande des familles « qui ne peuvent prendre des dispositions convenables ». Après le service funèbre à l'hôpital, les corps sont directement transférés au cimetière pour l'ensevelissement2. Presque dès sa naissance, donc, le cimetière Mont-Royal a été assujetti aux pressions sociales, technologiques et économiques du monde extérieur. En m'invitant à écrire l'histoire et à fouiller les archives de leur institution, les administrateurs m'ont demandé de réfléchir à la complexité de composer avec ces pressions au fil de l'évolution du cimetière Mont-Royal3. D'endroit « lugubre imprégné de mort et de deuil4 », le cimetière est devenu un trésor naturel et historique sans cesser pour autant de réussir en affaires. Envisageant davantage qu'un récit historique de l'entreprise, qu'un inventaire des riches ou des excentriques inhumés dans son enceinte ou qu'une tournée des épitaphes curieuses, ils m'ont encouragé à associer le cimetière aux grands développements de la société canadienne. Ils espèrent qu'en découvrant l'histoire de leur cimetière, les lecteurs comprendront mieux celle de leur communauté.Tout compte fait, cela correspond précisément à la mission du cimetière.

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OBSOLESCENCE DU CIMETIERE URBAIN

JL u début du XIXe siècle, après les guerres napoi ^ léoniennes, Montréal abrite une population L^^^ d'origines diverses qui s'accroît rapidement. m ^k Dès 1831, un taux de croissance annuelle ., M KL. de quatre pour cent l'a portée à quelque 34 ooo âmes1, ce qui implique la hausse du nombre des naissances et, inévitablement, des décès. Entre 1831 et 1844, près de 18 ooo naissances sont enregistrées à Montréal, tandis que les décès se chiffrent à 7254. Dans les années funestes, la mort gagne du terrain et semble vouloir dominer les statistiques : ainsi, l'épidémie de typhoïde de 1849 fait 1522 victimes à Montréal, tandis qu'on y enregistre 2355 naissances 2 . Lorsque le cimetière Mont-Royal est établi, au milieu du siècle, la population de la ville est majoritairement anglophone, mais nettement divisée par les querelles ethniques importées des îles britanniques, sans compter la scission entre catholiques et protestants. Près du tiers des Montréalais sont des protestants d'origine anglaise ou écossaise, encore qu'y figurent aussi des Américains et des Irlandais. Par ailleurs, les Canadiens français, pratiquement tous catholiques, représentent 44 pour cent des habitants de la ville. Enfin, les catholiques anglophones, surtout des Irlandais, forment 25 pour cent de la population^.

Le lecteur parcourant les journaux de l'époque pourrait conclure que la mort frappe au hasard les citoyens jouant de malchance : un accident de train ou un naufrage, un cheval emballé, une bagarre de taverne, un mari ivre. La presse populaire couvre avidement les nombreuses enquêtes que tient le coroner (323 en 1848) pour déterminer la cause de morts violentes ou inhabituelles. Les verdicts rendus confirment tant la sensibilité de l'époque à l'égard du suicide que le péril que pose le Saint-Laurent, notamment pour les marins ou les travailleurs sur ses berges : 136 cas de noyades et 15 suicides, 9 corps trouvés sans vie, 8 cas d'intempérance et une personne morte d'inanition. Le terme inconnu n'apparaît que rarement comme cause de décès, coroners et jurys préférant qualifier 94 décès de mort subite*. Les archives du cimetière nient cependant la centralité du sensationnel qu'affectionnent les quotidiens. Elles renvoient plutôt à l'âge, aux troubles de santé, aux épidémies, à la réalité des classes sociales, aux difficiles conditions du travail, et aux dangers particuliers qu'impliqué alors le fait d'être mère ou nouveau-né''. Comme c'est le cas pour la plupart des grandes villes, le programme d'hygiène publique de Montréal est rudimentaire. L'absence d'un réseau d'égouts et d'approvisionnement en eau potable assure une récolte régulière de dépouilles destinées aux lieux de sépulture.

Alors que de nos jours, la mort des enfants est considérée comme contraire à la nature, c'est un événement par trop répandu avant la Première Guerre mondiale.Tant en Europe qu'en Amérique, la mort en bas âge sévit dans la classe moyenne comme dans la classe ouvrière. En 1846, les enfants de moins de quatre ans représentent près des deux tiers des inhumations dans les cimetières catholiques de Montréal. Les statistiques sont aussi sombres chez les protestants : de 1850 à 1854, plus du tiers des inhumations dans les cimetières de Toronto sont celles d'enfants âgés de moins d'un an6. Les registres du cimetière Mont-Royal confirment la vulnérabilité des petits. En 1859, par exemple, 47,7 pour cent des enterrements sont ceux d'enfants de moins de 10 ans. Les maladies infectieuses sont particulièrement redoutables pour les enfants : ainsi, 57 pour cent des victimes protestantes de l'épidémie de variole de 1885 ont moins de 15 ans?. Les cimetières, outre qu'ils révèlent la prédilection de la Faucheuse pour les très jeunes et les très vieux, font aussi état du statut social et de l'identité, tentant de suggérer cohésion et stabilité par le biais de la mort : en réalité, les fossoyeurs ont rarement réussi à rétrécir le fossé qui, dans la vie, sépare si évidemment le privilégié du pauvre. Tout au long de l'histoire, les pharaons, seigneurs, évêques et autres crésus ont laissé des instructions visant l'emplacement de leur sépulture à proximité d'autels ou de lieux sacrés, et ont fait ériger de somptueux monuments funéraires proclamant leur prestige. Au Québec, les membres du clergé catholique, de même que les seigneurs et les marchands, sont inhumés dans les cryptes de leur église ou chapelle. Ainsi, les dépouilles de 216 prêtres et notables reposent sous l'église paroissiale de Saint-Jean-Port-Joli. La crypte de Notre-Dame, construite à Montréal dans les années 1820, contient trois caveaux respectivement réservés aux frères des Ecoles chrétiennes, aux religieuses de la congrégation de Notre-Dame 4

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et aux prêtres du Séminaire de Montréal. En 1861, les Sœurs de la Charité transfèrent les ossements de 178 religieuses, qui reposaient dans la crypte de leur ancien couvent, au caveau de la chapelle du nouveau couvent qu'elles ont fait bâtir, à côté de l'Hôtel-Dieu, sur les flancs du mont Royal8. Les gens du peuple ne font pas l'objet de pareille distinction. Bien que la plupart trouvent le repos éternel dans un cimetière, certains sont enterrés sans cérémonie dans les champs qui entourent Montréal, comme en fait foi la presse de l'époque. La coroner a tenu enquête, mercredi, au sujet du corps d'Elizabeth Thompson, épouse d'un dénommé Hibberts, soldat du ioe régiment. Selon le verdict, la victime est morte d'intoxication et de l'effet du froid. Le corps a été trouvé sur l'un des vaisseaux du roi amarré au bord de la rivière vers huit heures du matin. Le coroner fut notifié sur le champ et, dès trois heures de l'après-midi, il avait formé le jury. Nous avons appris que le coroner devait présenter un certificat au clergé catholique afin que le corps puisse être enterré selon les rites chrétiens. Au lieu d'un certificat, le coroner a répondu qu'il suffirait amplement de creuser un trou n'importe où et d'y enfouir le corps. Toutefois, le cadavre est resté dans le vaisseau jusqu'à quatre heures de l'après-midi du jeudi, exposé aux bêtes et aux oiseaux de proie, jusqu'à ce que M. F. Bouche, un dénommé Roy, ainsi qu'une femme le déposent avec humanité, enveloppé d'un drap, dans une caisse de bois et l'enterrent dans un champ voisiné

Les diverses dénominations protestantes pratiquent un large éventail de rites et d'usages relatifs à l'enterrement. Les membres de l'Église anglicane tiennent à l'inhumation en sol consacré. Ils aménagent donc des cimetières dans l'enclos paroissial des églises qu'ils bâtissent dans les colonies, par exemple à Halifax ou à New York. Dès la moitié

du XIXe siècle, des milliers de dépouilles reposent dans l'enclos paroissial de Trinity Church à New York. Malgré les conflits que soulève à l'occasion le droit des pasteurs dissidents à présider aux enterrements dans ces lieux, l'enclos de la paroisse demeure le lieu de sépulture habituel du protestant. Pour leur part, les presbytériens s'opposent fortement à l'inhumation dans des cryptes ou les murs des églises, de même qu'à l'usage du glas ou des hymnes pendant les funérailles. Dans les villages ou les campagnes, bien des protestants aménagent des enclos familiaux ou des lieux de sépulture pluriconfessionnels. Le pasteur anglican peut consacrer un enclos isolé, dans le champ d'un fermier par exemple, comme le révèle le récit de l'inhumation d'un nouveau-né par un missionnaire anglican en 1852. J'atteignis le lieu où j'avais pris des dispositions la veille pour m'écarter de ma tournée afin d'aller enterrer le corps d'un nourrisson. À l'école où le service devait avoir lieu, j'attendis qu'arrivent les amis et parents avec le corps du disparu. Dès leur arrivée, je fis la lecture des psaumes et des textes habituels et prêchai, suivant la pratique quasi universelle dans ce pays, le sermon de circonstance tiré de Amos 4,12. Le corps fut alors enterré dans un coin de la ferme appartenant à la famille, non loin de l'école, au même endroit où j'officiais à l'enterrement de la grand-mère de l'enfant, il y a quelque temps. Endroit singulièrement pittoresque que ce lieu de sépulture en retrait — et qui ne manque pas de ramener l'esprit de l'observateur à l'époque primitive de Macpelah (je pense que c'est bien cela), le lieu de sépulture des Patriarches et de leurs femmes. Abritée d'un côté par un roc anfractueux surmonté de quelques buissons rabougris, l'éminence altière où a pris place cette inhumation insolite commandait des trois autres côtés une vue des plus panoramiques sur le pays environnant, composé surtout de vastes pans de forêts intactes, mais tacheté ici et là de lointaines habitations. Deux ou trois monts situés à diverses distances bordaient

la perspective, créant un jeu d'ombres et de lumières. L'éclat vif du soleil brillant, la limpidité du bleu céruléen brisée à intervalles par des nuages moelleux, et l'air embaumé annonçant le printemps communiquaient le sentiment inénarrable d'un plaisir élevé qui ne pouvait manquer de susciter la réflexion et de porter l'esprit à contempler ce monde de lumière et de gloire qui, par-delà la tombe, a été offert à tout croyant par la mort et la résurrection du Rédempteur 10 .

Église presbytérienne abandonnée. La Guerre. Comté de Huntingdon. L'exode des protestants du Québec rend obsolète la question de l'entretien perpétuel, comme le rappelle cette émouvante photo prise en 2000.

Les inhumations protestantes à Québec et à Montréal différent nécessairement des enterrements effectués ailleurs dans l'Empire britannique. Établie dans la colonie française et catholique, Montréal à l'ère de la Nouvelle-France compte cinq cimetières catholiques 11 . Après la Conquête de 1760, le cimetière le plus important de la ville se trouve à l'intérieur des murs, entre la rue Saint-François-Xavier et le square Obdolescence du cimetière urbain

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Victoria d'aujourd'hui. Il n'y a évidemment aucune église anglicane à Montréal avant la Conquête ; jusqu'à ce que soit construite l'église Christ Church sur la rue NotreDame, dans la première décennie du XIX e siècle, les anglicans font leurs dévotions à la chapelle des Jésuites. La seule église protestante permanente des années 1790, lorsqu'on commence à parler d'établir un cimetière protestant, est l'église presbytérienne de la rue Saint-Gabriel, mais elle ne possède pas d'enclos paroissial. Dans les décennies qui suivent la Conquête et jusqu'à ce qu'ils aménagent leur propre cimetière en 1799, les protestants sont donc enterrés dans le cimetière catholique, à l'angle des actuelles rues Saint-Pierre et Saint-Jacques12. Dès les années 1790, le surpeuplement des lieux de sépulture et les inquiétudes au sujet de la contamination du public poussent les politiciens à envisager l'aménagement de cimetières en dehors des murs de la cité. La communauté catholique et la petite congrégation juive de la ville cherchent toutes deux un site en périphérie, dans les vergers et domaines du quartier Saint-Antoine. Le cimetière catholique (ou cimetière Saint-Antoine) est construit sur le site qu'occupé maintenant le square Dominion^. Au même moment, la conscience de l'identité ethnique et religieuse s'aiguise au sein de la cité. La richesse grandissante des marchands protestants renforce leur détermination à imposer la culture et les institutions britanniques à Montréal, détermination que Murray Greenwood appellera à bon droit la mentalité de garnison de l'élite anglaise1^. Ainsi, vers la fin de la décennie, les délégués des principales confessions protestantes forment un comité chargé d'examiner la possibilité d'établir un cimetière hors les murs. En 1797, les membres du comité (James McGill, John Richardson,Thomas Forsyth, Charles Blake et Isaac Winslow Clarke), tous chefs de file des communautés anglicanes et presbytériennes, déboursent -C2O° p°ur acquérir un site au 6

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nord des murs de la cité dans le quartier périphérique Saint-Laurent, site actuel du complexe fédéral Guy-Favreau sur le boulevard René-Lévesque. Décrit dans la Gazette par les ternies convenable et pratique, le cimetière protestant n'est d'abord qu'un site de faibles dimensions (161 sur 262 pieds) auquel on accède par une ruelle débouchant sur la rue Craig1^. Dès 1824, il comporte cependant une façade considérable et un accès sur Dorchester, puis en 1842, il est de nouveau agrandi. La pluriconfessionnalité, communément recherchée par les dirigeants protestants, prend une grande signification dans la structure du nouveau cimetière. La nécropole de Glasgow, par exemple, est établie par la Merchant's House en tant que cimetière non confessionnel, et le premier défunt qu'on y enterre est un Juif. À Montréal, cette conception plus vaste voulant qu'un lieu de sépulture soit une institution apte à intégrer et à unifier la communauté, en dépit de ses profondes divergences confessionnelles, fait en sorte que les morts sont enterrés dans un lieu « commun à tous les protestants de Montréal et des environs ». Issus des congrégations protestantes et anglicanes, les premiers administrateurs, auxquels s'ajoutera par la suite un méthodiste wesleyen, sont nommés parmi les acquéreurs de lots, puis comblent eux-mêmes les vacances au sein du conseil en choisissant leurs successeurs au nombre des détenteurs de lots. En 1801, une chapelle est érigée sur les lieux pour la commodité des gens assistant aux funérailles16. Elle est utilisée, semble-t-il, par toutes les confessions. Dès l'ouverture du cimetière, les protestants notables s'empressent d'acquérir des lots et d'y transférer les restes des êtres chers ayant été enterrés dans le cimetière protestant à l'intérieur des murs. À sa mort, en 1807, le juge Arthur Davidson, lui aussi administrateur du cimetière, est inhumé dans les lieux nouvellement aménagés. Sa première femme, née McCord, l'a précédé dans la mort en 1790, à

l'âge de 23 ans, et comme l'indique sa pierre tombale, sa dépouille a été « enterrée à l'intérieur des murs ». En 1811, elle est transférée au nouveau cimetière aux côtés de son mari. Un demi-siècle plus tard, ses restes seront de nouveau déménagés, cette fois au cimetière Mont-Royal17. Le cimetière n'est qu'une des nombreuses institutions établies dans un Montréal protestant en expansion. En organisant un hôpital, des écoles, des églises et des asiles, les dirigeants protestants de la cité cherchent à mettre en évidence la présence de leur communauté, sa stabilité, sa persistance et son histoire. Ils se tournent vers des institutions qui leur permettent de codifier le comportement, les manières, la tenue et les relations de mise dans une société raffinée. En particulier, le nouveau cimetière rend hommage aux aînés décédés tout en protégeant les vivants de plus en plus sensibles aux questions d'hygiène et de santé publiques. Il souligne aussi l'importance de la mémoire collective dans une société urbaine en évolution et sert à instruire le public sur des questions morales, religieuses et culturelles allant de l'architecture à la verdure en passant par la rédaction d'épitaphes. Situé en périphérie de la ville, le cimetière est un nouvel espace semi-public, ouvert aux visiteurs mais régi par les administrateurs, dont le penchant pour l'ordre et le décorum se manifeste dans les règlements. Ainsi, les célébrants sont tenus de maintenir et leur autorité et la maîtrise du cérémonial, sans oublier la tenue de registres précis. Aucun enterrement n'est permis sans la présence d'un pasteur protestant, chargé d'officier et de consigner l'inhumation dans les registres officiels de sa paroisse. Les renseignements inscrits comprennent la date du décès, l'occupation du défunt et la signature de deux témoins. Bien que l'Église catholique romaine et l'Eglise anglicane soient particulièrement reconnues comme institutions établies dans le Bas-Canada (c'est-à-dire qu'on leur accorde officiellement le droit d'assumer les fonctions civiques du

mariage et de l'enterrement), les lois adoptées dans les premières décennies du XIXe siècle autorisent les congrégations juives, baptistes, méthodistes, congrégationalistes et presbytériennes de Montréal à tenir un registre des enterrements18. À l'époque, et encore aujourd'hui, la régularisation du nombre de funérailles, la discipline de la main-d'œuvre et le contrôle des activités sur le site sont essentiels à la bonne gestion d'un cimetière : on imagine sans peine la détresse d'une famille en deuil devant des préparations incomplètes. C'est pourquoi les manuels du XIX e siècle pressent le gardien de conserver en tout temps une fosse ouverte afin de parer à de telles urgences. Pour éviter toute confusion, les pasteurs doivent donner un avis de 24 heures au gardien ou au fossoyeur19. Les épidémies successives de choléra et de typhoïde réduisent cependant le délai d'avis requis pour les enterrements, car en 1853, celui-ci est de huit heures, sans compter les heures de la nuit20. La chapelle du cimetière doit demeurer verrouillée ; le célébrant en obtient la clé au bureau du registraire du cimetière protestant. Comme la famille se disperse après que le corps a été enterré, il peut s'avérer difficile de toucher la somme due auprès des personnes éprouvées. Les règlements stipulent donc qu'il faut réclamer le paiement des frais d'enterrement à l'avance. Le cimetière nouvellement aménagé continue d'offrir des lots familiaux aux familles fortunées, mais l'enterrement des protestants démunis demeure une question épineuse. En dépit du mythe historique attribuant une richesse quasi universelle aux Montréalais anglophones, les administrateurs, chargés de faire du cimetière un lieu de sépulture « commun à tous les protestants », font face à la réalité et savent qu'ils doivent fournir une sépulture aux indigents dont le nombre croît sans cesse. Il ne sera jamais question d'échapper à cette responsabilité, mais il faut tout de même envisager deux questions d'ordre pratique : qui se chargera des coûts réels au sein de la communauté protestante et Obdolescence du cimetière urbain

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quelle est la définition d'un enterrement minimal ? Pour répondre à ces questions, qui persisteront jusqu'au XXe siècle, les administrateurs doivent décider si l'enterrement d'un pauvre comprend une fosse individuelle, un service religieux aux abords de la tombe et un marqueur ou un tumulus que les membres de la famille pourront reconnaître. En octobre 1818, une fosse commune est creusée en prévision des décès pouvant survenir au cours de l'hiver parmi les protestants indigents. Une large tranchée de huit pieds de profondeur est aménagée de telle sorte que peuvent y tenir les cercueils sur deux gradins. Un abri temporaire empêche la neige de combler le trou. Au dégel du printemps, la fosse commune est comblée, et l'abri transporté sur le site prévu pour l'hiver suivant21. L'enterrement de plusieurs corps, les uns au-dessus des autres dans une même fosse, est aussi un moyen acceptable permettant d'économiser l'espace. Là où on peut creuser le sol jusqu'à une profondeur de six pieds trois pouces, il est possible d'enterrer deux adultes dans une même fosse et, au besoin, un enfant par-dessus22. Lorsqu'on arrive à identifier la confession à laquelle appartient un pauvre, les membres de son église assument les frais d'enterrement. En 1816, les aînés de l'église presbytérienne St Andrew se rencontrent pour prendre la décision d'acheter un lot au cimetière afin d'y inhumer leurs paroissiens indigents. Toutefois, les enterrements gratuits, bien qu'ils comblent un besoin social, ne sont fournis qu'à contrecœur par ces protestants pour qui la responsabilité individuelle prime sur tout ; on ne les accorde que sur délivrance d'un certificat de pauvreté émis par un pasteur ou un aîné de la paroisse qui paiera au moins les frais de la fosse et du fossoyeur2-^. L'industrialisation comme telle est souvent datée à une époque ultérieure, mais la construction de canaux, de basiliques et de manufactures qui marquent l'ère post-napoléonienne

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apporte un changement radical dans les villes telles Glasgow et Montréal où convergent les immigrants, main-d'œuvre plutôt mobile d'hommes, de femmes et déjeunes gens sans réseaux familiaux. Dans ces cités en expansion, bien des travailleurs, anciens soldats et autres indigents meurent sans affiliation connue à une église. À Glasgow, les malades sont emmenés à l'infirmerie royale et, après qu'ils y ont trépassé, leur dépouille est déposée dans des fosses communes recouvertes de planches : « par temps chaud, l'odeur qui s'en répand est insupportable2^ ». La situation contraste à Montréal où le clergé représentant quatre églises protestantes, y compris St Andrew, se rassemble en 1820 et satisfait à ce nouveau besoin social en établissant un fonds pour l'enterrement des pauvres. En 1823, la congrégation de St Andrew vote la somme de £7.10.0, sa quote-part pour l'enterrement des protestants dont les corps n'ont pas été réclamés à la morgue de l'Hôpital général de Montréal2^. On constate combien la somme est modeste en la comparant aux frais facturés pour d'autres enterrements dans la même décennie. Dans l'enclos paroissial, les lots familiaux coûtaient £3.105. et une seule tombe, £i. Au cimetière Papineau, plus éloigné de la ville, un lot familial coûte £2, une fosse pour adulte 138. et une petite fosse 75. 6d. La profondeur des fosses doit atteindre au moins quatre pieds pour les adultes et trois pieds pour les enfants. Le régisseur est autorisé à demander 2s. 6d. pour un enterrement et 55. pour l'installation d'une pierre tombale26. S'ajoutent à ces dépenses les frais du fossoyeur pour divers services. Le taux de mortalité au sein des protestants pauvres rend caduque toute mesure telle la fosse commune d'hiver, les enterrements multiples dans une même fosse et la collaboration bienveillante des diverses dénominations. L'ouverture d'un nouveau cimetière pour les protestants, essentiellement ceux à revenus modestes, fait d'une pierre deux coups : les

Emplacement du cimetière protestant, 1815. Les protestants de Montréal aménagent un lieu de sépulture au nord de la ville fortifiée en 1799. On distingue dans la partie supérieure de la carte l'emplacement des lieux auxquels on accède par un chemin étroit (Lanc to thé New Burying Groimd), En 1815, les administrateurs font l'acquisition du terrain jouxtant le cimetière au nord, ce qui en double la superficie et permet d'aménager une entrée sur Dorchester (alors appelée St-Jean-Baptiste). Avant l'ouverture de ce nouveau cimetière, en 1799, les protestants étaient enterrés dans le cimetière protestant situé juste à l'intérieur des fortifications près de la rue Saint- Jacques, à gauche presque au milieu de la carte. À noter aussi l'enclos paroissial (chnrch yard) derrière l'église Notre-Dame, au sud de la Place d'Armes.

Prix des fosses en 1825. La profondeur des fosses doit atteindre au moins quatre pieds pour les adultes et trois pieds pour les enfants. Outre les frais d'excavation, les familles déboursaient ^3.105. pour un lot et £i pour une fosse simple dans le cimetière protestant. Au cimetière Papineau, plus éloigné de la ville, un lot familial coûte /X une fosse simple, 138. et une fosse pour enfant, ys.ôd. Le régisseur demande 2s.6d. pour un enterrement et 55. pour l'installation d'une pierre tombale.

terrains coûteux ne seront pas mis à contribution et les sépultures décidément pauvres seront éloignées des propriétaires de lots bien établis. Comme ils le feront un siècle plus tard dans le cas du cimetière Hawthorn-Dale, les administrateurs commencent à chercher un terrain convenable à l'est de la ville. En 1814, un cimetière militaire a été établi sur le chemin Papineau ; un an plus tard, les administrateurs protestants achètent le site adjacent pour la somme de ,£400. Situé près de l'actuelle rampe d'accès au pont Jacques-Cartier, le nouveau lieu de sépulture, communément appelé le cimetière Papineau, mesure 425 sur 158 pieds27. En quelques années à peine, les deux sites ne suffisent plus à répondre à la demande tellement les décès sont nombreux chez les protestants. L'épidémie de choléra de 1832 fait périr 1950 victimes à Montréal, soulevant par le fait même auprès des administrateurs des questions d'hygiène publique, d'espace requis pour les enterrements et de responsabilité civique. En moins

de deux ans, le choléra frappe de nouveau (882 victimes), puis encore et encore en 1849 (496 décès), en 1851, en 1852, en 1854. La pire épidémie de typhoïde de l'histoire de la ville tue 3862 personnes en 1847. La crise de l'enterrement qu'entraînent les épidémies à Montréal sévit aussi ailleurs. À Québec, on ouvre rapidement en 1832 un lieu de sépulture pour les catholiques victimes du choléra28 ; en Ecosse, 158 personnes meurent du choléra en une seule journée à Glasgow ; en Angleterre, les autorités de la ville d'York ouvrent un lieu de sépulture qui accueille les dépouilles de 185 victimes de l'épisode cholérique de 1832. Cette année-là, le premier cas de choléra est décelé à Montréal le 9 juin. Trois jours plus tard, plus d'une centaine de cadavres ont été empilés au cimetière catholique et les médecins menacent de les brûler s'ils ne sont pas enterrés sur l'heure. Des équipes de volontaires vitement rassemblées par des prêtres creusent des fosses dans lesquelles les charretiers embauchés par les agents de la santé publique entassent les cadavres. Le 19 juin, pire journée de l'épidémie, 149 personnes sont inhumées en ce que Joseph Workman, étudiant en médecine, qualifiera de « carnaval de la mort cholérique2^ ». Les choses sont faites en toute hâte ; les certificats d'inhumation et les statistiques sur le nombre de victimes dépendent de la mémoire des charretiers et des registres tenus par les représentants officiels du cimetière qui sont par ailleurs fort affairés. Comme on craint la contamination, les règlements d'hygiène publique suspendent les funérailles en refusant l'accès de toute victime de l'épidémie à une église ; pour faciliter ce qu'une loi appelle l'enterrement rapide, on suspend même le rituel religieux auprès de la tombe et on cesse de sonner le glas30. Protestant ou catholique, les cimetières de la cité ne suffisent pas à la demande, et des fosses sont aménagées près des abris des émigrants à Pointe-Saint-Charles. Des témoins oculaires, notamment le jeune immigrant Alfred Perry, gardent

d'horribles souvenirs des scènes d'enterrement survenues pendant l'épidémie. Peu de temps après l'arrivée de la famille d'Alfred à Montréal, son père est atteint du choléra. Il est sur le point de succomber lorsqu'un charretier vient à la maison, soutient que le père est mort et, malgré les dénégations de la mère, le charge sur sa charrette, puis l'emporte à Pointe-Saint-Charles où on a creusé une fosse pour l'enterrement des immigrants. Mme Perry suit, protestant en vain que son mari n'est pas mort. Le charretier est sur le point de le jeter dans la fosse lorsqu'il s'aperçoit que l'homme, qui a bougé, est encore en vie. M. Perry expire toutefois pendant le voyage de retour à la ville. La seule façon dont Mme Perry peut persuader un autre charretier d'emporter le corps de son mari au cimetière anglais est de lui donner le costume que porte le défunts 1 . La fosse aménagée près des abris des immigrants est rouverte pour les victimes de la typhoïde en 1847. Selon les quotidiens, 437 personnes, dont 65 pour cent sont des immigrants, périssent à Montréal dans la semaine précédant le 24 juillet. Tandis que les cimetières accueillent 80 des victimes de cette épidémie, au moins 202 cadavres sont enterrés dans les fosses de Pointe-Saint-Charles. On ignore où sont les sépultures du reste des victimes^ 2 . Près du pont Victoria, on peut encore voir la pierre marquant la fosse commune de 3862 immigrants irlandais. Ces épidémies ne font qu'accentuer l'inadéquation des cimetières de la ville. En 1843,les administrateurs protestants votent un crédit de ^12.10 pour construire au cimetière Papineau une « maison des morts où pourront être déposés les étrangers qui meurent dans des hôtels ou sur des bateaux à vapeur-" ». Deux ans plus tard, les autorités s'inquiètent parce qu'il ne reste plus que 125 lots inoccupés dans le cimetière protestant et 20 dans le cimetière Papineau34. Qui plus est, le problème ne relève pas uniquement de la démographie. Dans les deux dernières décennies précédant la

La peste cholérique, Québec, env. 1832. Des maladies infectieuses comme le choléra et la typhoïde se répandent rapidement, surtout en milieu urbain. Logés à l'étroit, mal nourris, et pourvus de systèmes d'eau et d'assainissement rudimentaires, les pauvres sont particulièrement vulnérables. Dans ce tableau de Joseph Légaré, les dépouilles des victimes de l'épidémie de choléra à Québec sont empilées sur des charrettes qui se dirigent vers les fosses communes. Les épidémies les plus remarquables au cours de l'histoire du cimetière Mont-Royal ont été causées par le choléra et la typhoïde, dans les années 1850, la variole en 1885, et la grippe en 1918.

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Le cimetière protestant. Ouvert en 1799, le premier cimetière protestant de Montréal a fermé ses portes en 1854, deux ans après l'inauguration du nouveau cimetière aménagé sur le mont Royal. Cette photo, datant probablement des années 1860, montre l'encombrement et le désordre du cimetière protestant, si désagréable aux yeux des Victoriens. De nombreuses familles en ont fait exhumer les corps pour les enterrer dans un lot familial au nouveau cimetière, mais des milliers de tombes et de monuments sont restés sur les lieux lorsque le cimetière a été rasé dans les années 1870 pour faire place au parc municipal appelé square Dufferin. La petite construction en pierres, qu'on voit au centre gauche de la photo, est la chapelle mortuaire érigée en 1801. Même après la fermeture du cimetière, cet édifice a servi de bureau à Joshua Pelton, le registraire du cimetière Mont-Royal. Après que Pelton eut pris sa retraite, en 1858, la chapelle devint le premier site de l'église St John thé Evangelist, puis en 1869, elle servit d'école, à la grande horreur de nombreux citoyens.

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construction du cimetière Mont-Royal, l'incapacité des responsables du cimetière et du clergé à fournir une simple cérémonie ou même une fosse soulève une controverse qui met enjeu l'harmonie entre les classes, le droit des individus à une mort convenable et la compétence des pères du protestantisme dans la cité. Les enterrements célébrés à la hâte ou le dimanche sont source particulière de conflits. En 1831, le régisseur du cimetière protestant, pressé par le clergé, informe le public que les enterrements seront dorénavant interdits le dimanche « sauf pendant les journées chaudes d'été ... auquel cas, les obsèques ne seront pas permises^ ». Alors même que la communauté médicale, largement protestante, s'organise en profession, prend de l'ampleur et élève ses tarifs, les caricatures des journaux de l'époque commencent à se moquer de l'impuissance de l'establishment médical devant les épidémies. Un article dans la presse anglophone décrivant la sinistre inhumation de trois enfants dans une même fosse met au jour la crainte secrète de l'enterrement anonyme et le manque de respect pour les personnes vulnérables, les pauvres et les malades-'6. Par ailleurs, les familles affligées n'acceptent pas facilement le préjudice esthétique que causent les 25 livres de chaux, dont il faut par règlement recouvrir les victimes du choléra. Les règles visant l'inhumation dans l'enclos paroissial sont encore plus sévères : le fond du cercueil doit être couvert de 20 livres de chaux délitée, et le linceul doit en contenir autant^. Le discrédit croissant à l'égard du cimetière protestant ne tient pas seulement au fait qu'il ne peut répondre à la demande créée par tant d'épidémies désastreuses. À mesure que le quartier Saint-Laurent se développe autour de lui, le cimetière en vient à servir de parc, de terrain de jeu ou de raccourci pour les piétons. Vu la pénurie de parcs publics dans la cité du XIXe siècle, la communauté traite le cimetière comme un espace récréatif et les piétons, comme une

voie publique, mais la sensibilité des Victoriens s'offense de telles activités en un lieu censément consacré à la mort, au deuil et au décorum. Cela dit, même les pratiques intimement liées à la mort et à l'inhumation suscitent parfois le désaveu des autorités. L'étroit rapport du cimetière avec la mort et l'horreur, sans compter que l'endroit est un espace public presque sans supervision, peut encourager des comportements étranges. Il arrive que les gens venus aux funérailles s'éternisent sur place et que les obsèques aux abords de la tombe tournent à l'émeute. On nous apprend que lundi matin, une balle tirée du cimetière protestant a passé à travers la fenêtre de la maison de M. Ralston, au 54 rue Chenneville. M. Ralston se rendit aussitôt au cimetière et y a vu un homme qu'il avait toutes les raisons de croire la cause de l'accident. Cette personne niait toutefois avoir fait feu en aucun temps. Nous espérons que ce rapport suscitera la prudence des gens qui s'occupent de surveiller les tombes de leurs amis, car il est de notre connaissance que des coups de feu sont constamment tirés, probablement dans le dessin de vider l'arme, mais sans grand égard pour la direction que peut prendre la balle'».

Epris de pureté et de propreté, les Victoriens lèvent aussi le nez sur l'aspect esthétique du cimetière. Les attitudes changent : le public est plus sensible aux odeurs™. Alors qu'on adopte des règlements municipaux pour contrôler les émanations des fosses d'aisance et des cochons, le drainage médiocre de cimetières excessivement bondés est porté à l'attention du public. Au Nouveau-Brunswick, les fondateurs de la société du cimetière rural de Saint John (1848) parlent avec peine d'endroits confinés et peu esthétiques, de même que de la « compression pire que dans tout autre cimetière présentement en usage ». A l'autre bout du

continent, en Colombie-Britannique, les citoyens de Victoria marquent leur opposition aux odeurs se dégageant du cimetière de la Compagnie de la Baie d'Hudson, dans lequel des « restes partiellement exposés sont excessivement répugnants pour les passants et les personnes qui vivent ou détiennent une propriété dans le voisinage ... Ces restes se décomposent de plus en plus avec la chaleur de l'été et sont susceptibles d'infecter l'air, de produire la malaria et d'entraîner la maladie*0 ». Aux États-Unis, les autorités signalent des masses putrides en un endroit près duquel « des milliers de citoyens dorment et contractent des maladies ». Elles n'hésitent d'ailleurs pas à relier la putrescence à la race : « Un vent du sud soufflant sur la ville d'un cimetière trop densément occupé serait non seulement répugnant mais malsain. Si une enquête était instituée à Philadelphie, on découvrirait sans le moindre doute que la population noire est enterrée de telle manière à rendre l'air au-dessus de ses tombes extrêmement impur*1. » Le viol des sépultures est une autre des indignités associées aux anciens cimetières ; il contribue à répandre l'impression que ce sont des endroits dangereux où les protestants défunts n'ont pas le respect mérité. Dans les cours d'anatomie, les étudiants en médecine doivent pratiquer la dissection de cadavres humains. Selon la loi de 1844, la dépouille des destitués (qui meurent dans la rue, en prison, dans les hôpitaux ou autres institutions) peut être livrée à l'école de médecine sauf si le corps est réclamé dans les 24 heures qui suivent par des parents ou des amis. La loi stipule aussi que si la personne en donne l'instruction, son corps doit être « convenablement enterré*2 ». À Montréal, à la faculté de médecine de l'Université McGill, qui date de 1829, un inspecteur d'anatomie supervise les transferts, touche les frais de 5 $ pour chaque corps livré à l'école de médecine et fournit au prêtre ou au pasteur de la paroisse du défunt le formulaire officiel qui remplace le certificat habituellement Obdolescence du cimetière urbain

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versé dans les registres. Enfin, la même loi stipule que les écoles de médecine doivent assurer l'enterrement convenable des corps utilisés. Toutefois, cet approvisionnement légal en cadavres répond rarement à la demande. Jusque dans les années 1890, alors que la pratique de l'embaumement se répand et change les habitudes établies en pathologie, les étudiants s'adressent à des fournisseurs qui demandent d e 3 O $ a 5 0 $ le cadavre ou encore recourent au viol des sépultures. Les dépouilles en transit disparaissent mystérieusement des gares ferroviaires, des corps sont retirés de tombes fraîchement creusées, des cercueils arrivent au cimetière lestés de pierres. Ces tractations nocturnes aboutissent toutes au seuil des écoles de médecine à Kingston, à Toronto ou à Montréal. Il arrive même que l'aptitude à obtenir des cadavres fasse partie des compétences pour lesquelles un étudiant est recommandé. Un médecin de campagne en Ontario chante l'éloge de deux de ses élèves non seulement pour leurs qualifications, mais en raison du fait que « les deux semblent aimer l'odeur du cimetière et je vous assure qu'ils figureront parmi les mieux expérimentés dans l'obtention de matériel de dissection^ ». Dans la décennie 1850, le vol de cadavres prend de telles proportions à l'Hôpital général de Montréal que jusqu'à ce qu'elle puisse construire une morgue sûre, la direction demande aux autorités du cimetière d'ouvrir les cercueils en provenance de l'hôpital, surtout en hiver, pour assurer que leur cargo humain n'a pas été remplacé par des pierres44. Comme l'hiver retarde la putréfaction des corps, il constitue la haute saison pour les étudiants de McGill. Les cibles préférées sont les fosses à peine couvertes des indigents et les maisons des morts de la région, dont le contenu gelé, mais laissé sans protection, attend la fonte du printemps. « Incapables de payer les frais du charnier, les pauvres enterrent leurs morts en hiver dans des fosses peu profondes dans une certaine

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partie du cimetière [Notre-Dame-des-Neiges], et ces fosses fraîchement creusées sont marquées par le gardien [en retour d'un pot-de-vin], puis les étudiants y montent la nuit venue, déterrent les corps habituellement inhumés le matin précédent, en retirent tous les vêtements, les enveloppent dans des couvertures et les font glisser sur des luges jusqu'en bas du chemin de la Côte-des-Neiges45 ». En janvier 1861, le chef de police de Montréal muni d'un mandat perquisitionne à l'école de médecine de McGill au sujet de six corps volés dans leur sépulture à Longueuil : le Dr William Edward Scott, professeur d'anatomie à McGill, est assigné à témoigner devant le tribunal sur ce qu'il sait de cette affaire**6. Le juge Samuel McCord, président du cimetière, est aussi actif dans un vaste éventail de dossiers civiques sur l'embellissement paysager, la respectabilité protestante et la santé publique à Montréal. Membre du comité d'assainissement de la ville, il s'inquiète des inondations au vieux cimetière protestant et des dangers de contamination ; il soutient que « quiconque a constaté l'imperfection du drainage actuel ne saurait hésiter^ » à appuyer le projet du nouveau cimetière. Ses documents personnels incluent un rapport sur l'inhumation urbaine, issu du Parlement en 1852 : les parlementaires ont demandé à des témoins s'ils avaient des « cercueils à brûler ou à retirer pour en déposer ailleurs ou en vendre les ossements afin de faire de la place pour de nouvelles fosses. Quelles sortes de maladies, ont-ils poursuivi, les émanations gazeuses issues des cadavres peuvent-elles vraisemblablement causer si elles sont inhalées de l'atmosphère ou bues de l'eau ayant perlé à travers un lieu de sépulture? » Les parlementaires s'inquiètent de ce que les émanations gazeuses des cimetières entraînent l'alcoolisme chez les fossoyeurs et demandent à certains témoins si « l'inhalation des gaz nuisibles s'échappant d'enclos paroissiaux surpeuplés pourrait avoir quelque influence

morale, par exemple en poussant les fossoyeurs à abuser de stimulants48 ». Ces préoccupations au regard de l'hygiène et de l'efficacité des inhumations sont clairement liées au mouvement sanitaire qu'on associe en Angleterre à des réformateurs tels que Edwin Chadwick. Les soucis d'ordre civique qu'entretiennent des gens comme McCord poussent les riches à migrer vers les domaines sur les flancs du mont Royal. L'achèvement de la gigantesque église Notre-Dame dans les années 1820 et, deux décennies plus tard, de sa contrepartie irlandaise, l'église Saint-Patrick dans le quartier Saint-Laurent, rappelle aux protestants de Montréal la faille religieuse qui divise profondément la cité. Parallèlement à l'expansion de ses institutions catholiques, Montréal a connu l'avènement du nationalisme canadien-français, les rébellions de 1837—1838 et le développement de la Société SaintJean-Baptiste. Les Montréalais anglophones, eux, ont considéré la défaite des Patriotes comme une victoire majeure et, dans les années 1840, le vent dans les voiles et les poches bien remplies, ils déploient leurs préférences culturelles et concrétisent leur vision du beau et du sacré dans l'aménagement de la cité. Leur imagination se nourrit abondamment des ouvrages britanniques et américains qu'on trouve aisément en librairie ou en bibliothèque, ainsi que des périodiques et des sociétés de lecture. Les éditions touristiques britanniques et la littérature des clubs alpins regorgent notamment de très populaires récits de voyage dans les Highlands, en Ecosse ou dans les Alpes. À Montréal, la montagne se modèle sur ses homologues européens et devient davantage associée à l'élément anglo-saxon d'un nationalisme canadien naissant. Peu de temps après son mariage, John Samuel McCord, président du cimetière protestant, est emporté par cette vague de passion pour le mont Royal. Abandonnant le quartier des commerçants et la demeure familiale sur les

plaines le long du canal Lachine, il construit sur le mont Royal une résidence d'été dont il fera sans tarder son foyer permanent. Alors que son père, Thomas (administrateur du cimetière protestant en 1815), a fait fructifier son domaine en y produisant des légumes et du foin, John Samuel entretient une vision tout autre du raffinement masculin et de la domesticité. Même s'il a commandé la milice montréalaise lancée à la poursuite des patriotes en 1837, il exprime sa virilité sous une forme bien plus domestique par les massifs fleuris, le ruisseau de la montagne détourné vers sa propriété, et la tonnelle de son jardin. De culture britannique, socialement responsables à l'égard de leurs inférieurs et vifs admirateurs de la montagne, McCord et ses pairs seront des forces critiques dans la création du cimetière Mont-Royal^. Les effets du mouvement romantique sur le développement du cimetière sont évidents. McCord, sa femme, Anne Ross, et leurs voisins font partie d'un monde colonial influencé par les lettres britanniques. Dans leur jeunesse, ils ont lu Vîvanhoé de Walter Scott et étudié les tableaux des artistes paysagers tels John Constable. William Wordsworth est un grand favori, les McCord tirant de l'un de ses poèmes le nom au demeurant fort classique de leur domaine, Temple Grove, et partageant le sens du beau et du sacré que le poète accorde à la nature. Dans Tintern Abbey, par exemple, Wordsworth donne un immense appui à l'idéal du cimetière rural aménagé dans des endroits naturels et isolés où, dans un milieu paisible, bien drainé et sûr, les morts sont honorés et les vivants en bénéficient moralement : — cette humeur sereine et bénie, Où ... le souffle et le mouvement même, Du sang humain dans notre carcasse charnelle, Quasiment suspendus, nous soyons endormis Obdolescence du cimetière urbain

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De corps et devenions comme une âme vivante ; Tandis que, d'un regard qu'apaisé le pouvoir De l'harmonie, et celui, profond, de la joie, Nous pénétrons la vie des choses50. Sur le plan culturel, ces nouveaux cimetières érigés en milieu périurbain et appelés par euphémisme « cimetières ruraux » reflètent une vision romantique du paysage. À la fin du XVIIIe siècle, le paysagiste Capability Brown dessine un jardin britannique aux contours suaves, respirant la joie et la paix et faisant grand usage de bosquets, de sentiers sinueux, de pentes douces et d'étangs sereins. Cette vision d'une nature évocatrice réside au cœur du mouvement des cimetières ruraux. Les cimetières comme celui qui nous occupe ici sont les premiers lieux récréatifs conçus pour

Tableau i Etablissement des cimetières ruraux

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Nom du cimetière

Ville

Date d'éstablissement

Père Lachaise

Paris

1804

Mount Auburn

Cambridge, MA

1831

Necropolis

Glasgow

1833

Laurel Hill

Philadelphie

1836

Green-Wood

Brooklyn

1838

Highgate

Londres

1839

Albany Rural Cemetery

Albany, NY

1841

Swan Point

Providence, Ri

184?

Mount-Hermon

Québec

1848

Cataraqui Cemetery

Kingston, ON

1850

Mont-Royal

Montréal

1852

Notre-Dame-des-Neiges

Montréal

1855

Graceland Cemetery

Chicago

1861

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pénétrer l'esprit des citadins : leur mission est morale et éducative. Dans l'ouvrage The Layout Planting and Management of Cemeteries qu'il écrit en 1843, le concepteur de jardins paysagers John Claudius Loudon décrit le cimetière rural comme une école où l'on s'instruit sur « l'architecture, la sculpture, l'aménagement paysager, l'arboriculture, la botanique et ces importants facteurs du jardinage général que sont la propreté, l'ordre et l'entretien suivi51 ». Le cimetière Mont-Royal s'inspire directement du cimetière Mount Auburn, établi à Cambridge au Massachusetts en 1831 ; ses sentiers sinueux épousant les courbes naturelles du paysage, son allure de parc et ses avenues aux noms d'arbre ou de plante seront directement reproduits à Montréal. Modelé sur le jardin anglais, le cimetière Mount Auburn est conçu par la société d'horticulture du Massachusetts comme un lieu de repos pour les morts et, ce qui importe tout autant, un lieu de consolation pour les vivants. Cinq étangs artificiels et des milles de sentiers pédestres et de voies carrossables occupent un site charmant en périphérie de la ville près de l'université Harvard. C'est à la fois un lieu de sépulture ornemental et un jardin, ponctué par la villa où vit le jardinier52. Son influence sur le mouvement des cimetières ruraux est sans pareille ; Andrew Jackson Downing, le premier professionnel consulté par les Montréalais, le décrit comme « l'Athènes de la Nouvelle-Angleterre ». Dans sa propre publicité, le cimetière parle d'un endroit de beauté, dont on a extrait tout l'aspect répugnant des anciens cimetières^. Les administrateurs du cimetière protestant à Montréal sont bien au fait de l'exemplaire cimetière Mount Auburn et du mouvement des cimetières ruraux né en France, mais qui se répand en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada. En 1847, l'année marquant la création de la Compagnie du Cimetière de Montréal, le graveur écossais James Smillie, qui a vécu au Québec avant de déménager

John Samuel McCord

Anne Ross McCord

Vue de Montréal, env. 1840. John Samuel McCord, qui a présidé la Compagnie du Cimetière Mont-Royal, a commandé ce tableau à James Duncan, qui l'a peint depuis le domaine des McCord. Le classicisme du tableau, le panorama et l'aménagement naturel qu'il dépeint, auraient pu servir de modèle au cimetière rural qu'on allait bientôt établir de l'autre côté de la montagne.

à New York en 1830, publie des ouvrages illustrés sur les cimetières Mount Auburn et Green-Wood. Vers 1845, l'artiste William Bartlett, bien connu pour ses paysages canadiens, signe une gravure de Forest Pond au cimetière Mount Auburn^. Ces œuvres percent rapidement sur le marché canadien, où les élus municipaux de plusieurs villes planifient l'aménagement de nouveaux cimetières. À Kingston, le cimetière Cataraqui obtient sa charte de société sans but lucratif en 1850. « Nécessaire pour la santé des citoyens de Kingston » et planifié pour « embellir le voisinage », le cimetière, construit sur des collines ondulantes aux abords de la cité, comprend des étangs, la villa du régisseur et les sentiers serpentins qui caractérisent le cimetière rural55. Vu ses fonctions de secrétaire de la Société d'histoire naturelle et de président et de la Société d'horticulture et du cimetière protestant, John Samuel McCord connaît, bien entendu, la société d'horticulture du Massachusetts et son aménagement du cimetière Mount Auburn 56 . Il entretient une correspondance avec les dirigeants de la nécropole de Toronto. De Québec, son frère lui fait parvenir une copie des règlements du cimetière Mount-Hermon, nouvellement construit, et lui suggère d'utiliser les publications des cimetières Mount Auburn et Green-Wood comme guides. À quatre kilomètres des murs de la ville de Québec, le cimetière Mount Hermon est aménagé en terrasses sur un site de 32 acres et bénéficie d'une vue pittoresque du Saint-Laurent et des montagnes dans le lointain. Les terres sont acquises en 1848 pour les protestants, toutes dénominations confondues, et un an plus tard, le plan du cimetière est dressé par David B. Douglas, professeur de West Point, renommé pour sa conception du cimetière Green-Wood de New York et du cimetière rural d'Albany. Le débat qu'entraîné à Québec la construction d'une chapelle sur les lieux (elle sera finalement érigée de l'autre côté de la rue, face au cimetière) et la consécration d'une partie

Plan du cimetière Mount Auburn, 1832. Le plan d'implantation du cimetière Mount Auburn a servi de prototype à la plupart clés cimetières ruraux d'Amérique du Nord, y compris le cimetière Mont-Royal. Conçu par Henry A. S. Dearborn, il met en évidence un aménagement naturel utopique, pourvu d'étangs ornementaux, de sentiers sinueux et de paisibles terrasses où s'aligneront les sépultures. Obdolescencc du cimetière urbain

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Forest Pound au cimetière Mount Auburn, Gravure de William Bartlett, 1839. Les livres sur les cimetières ruraux sont bien accueillis du public. Les œuvres de graveurs tels que W.H. Bartlett et James Smillie illustrant les cimetières Mount Auburn et Green-Wood correspondent à l'époque aux livres cadeaux d'aujourd'hui.

distincte du cimetière pour les anglicans sont instructifs pour les Montréalais, comme le sont le portail de bon goût et la villa du régisseur. Au cimetière Mount Auburn, la société d'horticulture du Massachusetts envisage d'utiliser le site comme une institution de formation de jardiniers ; à Glasgow, les concepteurs ont consulté les dirigeants du Royal Botanic Garden sur l'aménagement de la nécropole57. Un manuel publié en 1846 par l'un des fondateurs de l'influent cimetière Laurel Hill de Philadelphie décrit les nouveaux cimetières comme des « registres historiques », la tombe

étant un « témoin du bon goût » et le décor, « la seule bibliothèque du travailleur-*58 ». À l'instar de l'Université McGill, un nouveau cimetière pourra servir de laboratoire naturel afin d'instruire le public sur des sujets aussi variés que la botanique, le comportement social et la religion. On note du reste les termes révélateurs de cimetière et jardin publics dans la première charte de la Compagnie du Cimetière Mont Royal. Quant au président du cimetière, John Samuel McCord, il voit les lieux comme un site éducatif important pour les familles en deuil, les visiteurs et ses propres enfants.

Obdolescence du cimetière urbain

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DEUX ETABLLSSEMENT D ' UN CIMETIERE RURAL

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ux yeux des Montréalais anglophones, l'écrasement du mouvement nationaliste après les rébellions avortées de 1837—1838 confirme nettement la supériorité de la culture britannique. Ce sentiment trouve son expression et sa forme politique dans le symbolisme frappant du rapport de Lord Durham (1839), qui préconise l'union du Haut et du Bas-Canada et l'assimilation des Canadiens français. Les protestants de Montréal dominent en force dans le commerce, les professions et l'industrie. Leur fortune et le sentiment de leur identité favorisent le développement d'institutions telles l'Université McGill, l'Hôpital général de Montréal, l'Orphelinat protestant de Montréal, la Ladies Benevolent Society, la Société d'histoire naturelle, maintes associations ethniques et les églises confessionnelles. Et pourtant, les clochers, les domaines et les artifices de la bonne société protestante masquent une inquiétude profonde quant à la permanence de cet ordre social. La mère patrie repense le mercantilisme, examine le coût de l'empire et modifie ses relations avec les États-Unis. Elle porte un grand coup aux Anglais de Montréal lorsqu'elle conteste le principe des échanges commerciaux préférentiels avec ses colonies et envisage manifestement la restructuration politique de l'Amérique du Nord britannique. Par ailleurs, les Canadiens anglais doivent aussi s'adapter aux

réalités du pouvoir économique et du républicanisme américains. Nous avons vu qu'à Montréal même, les hiérarchies traditionnelles sont déchirées par les épidémies, l'immigration et l'urbanisation galopante. La démocratisation de la société du Bas-Canada dans la tourmente des années 1840 est marquée par des émeutes électorales, la lapidation du carrosse du gouverneur général, la naissance d'un mouvement qui prône l'annexion aux États-Unis et, en 1849, le sac du parlement de Montréal, où siège l'entité politique issue du rapport Durham. Pareille agitation perturbe les pères de la cité qui cherchent à maintenir le bon ordre et la paix sociale. Des observateurs éclairés, tels le juge John Samuel McCord et l'industriel John Redpath, s'inquiètent d'une éventuelle débâcle de l'autorité traditionnelle et donnent raison à John Stuart Mill : « les gens de la masse n'empruntent plus leurs opinions aux dignitaires de l'Église ou de l'État, aux dirigeants notoires ou aux livres1. » Les luttes religieuses et ethniques se poursuivent toujours. Tandis que la génération qu'a dominée Louis-Joseph Papineau prend de l'âge et perd sa force, de jeunes nationalistes comme Louis-Hippolyte LaFontaine et GeorgeEtienne Cartier tâtent les eaux politiques d'après 1841 et cherchent à capitaliser sur l'électoral canadien-français dont ils ont la faveur. Comme la vaste majorité des Montréalais sont catholiques, les évêques de l'Église catholique romaine

fondent à Montréal leurs propres institutions sociales et éducatives, au nombre desquelles le cimetière Notre Dame-des-Neiges jouera un rôle important. Dans la génération précédente, la hiérarchie catholique était davantage issue de l'aristocratie française et mieux disposée à collaborer avec l'autorité britannique. Mais dès les années 1840, les émeutes religieuses, les tentatives de prosélytisme à l'égard de l'autre, et l'intolérance des orangistes comme des ultramontains compromettent les alliances de longue date entre l'élite francophone et anglophone. L'établissement d'un cimetière, vu les fonctions sacrées, civiques et familiales du lieu, est une composante critique de la définition d'une communauté : il faut attribuer un site, assurer la collaboration entre partenaires religieux, établir des règlements, tout cela, tandis que l'État étend son autorité à des domaines de compétence jusqu'alors dominés par l'Eglise, dont l'éducation, la colonisation, les asiles et les prisons. La présence de l'État s'intensifie par le biais de la codification des lois visant la famille et le mariage. Le cimetière est un moyen de contrebalancer cette intrusion du pouvoir étatique dans les affaires impliquant à la fois le public et le privé. Si on l'établit en société privée, il peut servir à imposer à la société urbaine la vision morale et sociale des protestants de Montréal, dont les dirigeants se trouvent dans une conjoncture religieuse et politique sans comparaison. En effet, les flèches des églises montréalaises rappellent constamment une concurrence religieuse qui n'existe ni à Toronto, où domine la culture protestante, ni à Québec, où les effectifs de l'Église d'Angleterre sont bien loin de faire le poids avec ceux de l'Église de Rome. Outre l'expansion de son infrastructure catholique, Montréal compte en 1852 cinq églises anglicanes, six presbytériennes, deux congrégationalistes, une baptiste, trois chapelles méthodistes, et une congrégation unitarienne. Malgré le sectarisme des administrateurs et leur ambivalence à l'égard 24

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du catholicisme, le cimetière se distingue par des règles englobantes, offrant la sépulture à tous les protestants et, dans un sens plus vaste, à tous les Montréalais (suicidés ou excommuniés, par exemple) auxquels on refuse l'ensevelissement en lieux consacrés par l'Église catholique. Entre 1822 et i846,les administrateurs supervisent 10 273 enterrements, pour la plupart ceux de pauvres gens2. Devant le besoin criant de nouveaux espaces, ils tentent de s'assurer la collaboration des multiples confessions et pendant un bref moment, en 1845, il semble que les catholiques vont se joindre aux protestants et aux juifs pour mettre en œuvre un projet de cimetière à grande échelle. À Montréal, le protestantisme change de visage vers le milieu du siècle. Les anglicans, fiers de leur prestige d'Église reconnue, ont été forcés de mettre de l'eau dans leur vin, ayant notamment perdu la bataille pour faire de l'Université McGill une institution sectaire. D'autres dénominations protestantes croissent en nombre. Celles qui deviennent de plus en plus urbaines et respectables, notamment les baptistes, finissent par mettre le prosélytisme en veilleuse. Les administrateurs espèrent que le paysage, les formes physiques, et les monuments du nouveau cimetière rallieront les protestants de toutes les couches sociales. À mi-parcours de la période victorienne, la culture protestante, soutient William Westfall, « se fie au grand attrait du romantisme pour imprimer au cœur même de la communauté son système magistral d'idéaux moraux^ ». L'expérience vécue à Montréal trouve son parallèle ailleurs. L'histoire du Nouveau-Brunswick est depuis longtemps marquée par les luttes entre protestants et catholiques irlandais. Malgré ce passé belliqueux, les fondateurs du cimetière de Saint John ont envoyé leur prospectus à chacune des dénominations chrétiennes pour solliciter leur participation ; tandis que les anglicans, presbytériens, congrégationalistes et baptistes acceptent de collaborer, les méthodistes

et les catholiques, eux, ne répondent pas à l'invitation^. À Moncton, autre centre urbain du Nouveau-Brunswick, le cimetière rural est ouvert aux chrétiens de toutes confessions, mais bien peu de catholiques choisissent d'être enterrés en sol profane^. À Montréal, les administrateurs du cimetière protestant donneront l'impulsion au projet d'aménagement d'un nouveau lieu de sépulture modelé sur le cimetière rural.Vers la fin de 1845, ils commencent à promouvoir la construction d'un cimetière inclusif, situé bien au-delà des quartiers périphériques. Selon la Gazette, il faut choisir un endroit assez éloigné pour qu'on le ne voie pas, mais assez vaste pour répondre aux besoins des citadins pendant un siècle ou davantage. Le site « doit être choisi pour être vu, là où il provoquera l'admiration tant en raison de son emplacement discret que de sa beauté naturelle6 ». Pareille description convient parfaitement au cimetière Mont-Royal. Le 7 avril 1846, les administrateurs du cimetière protestant se rencontrent comme d'habitude dans les bureaux de la Montréal Assurance Company. Cette fois-ci, cependant, A. A. David, de la communauté juive, et A. Laroque, de la paroisse catholique, se joignent à eux. La mission et le statut officiel de Laroque sont clairement consignés au procèsverbal : « Les marguilliers de sa paroisse l'ont mandé de rencontrer les membres du comité et de collaborer aux efforts qu'ils déploient en vue de procurer un cimetière public propre à satisfaire les besoins de la cité7. » La charte subséquente indique clairement que le cimetière alors envisagé aurait été décentralisé en secteurs distincts, où catholiques, juifs, anglicans et autres confessions auraient pu consacrer le sol de leur section et ériger leur propre chapelle. Chaque congrégation aurait nommé ses administrateurs et tenu ses propres registres. Au printemps et à l'été 1846, l'œcuménisme est manifeste : David et Laroque se

joignent à leur contrepartie protestante, puis le comité se met en quête d'un site convenable8. Dans une circulaire datée du 24 octobre 1846, les pasteurs des « diverses congrégations montréalaises » sont priés de mandater un laïque à la réunion visant l'établissement d'un « cimetière public à l'usage de toutes les dénominations » y . Comme cela s'est produit à Saint John, cependant, la collaboration des catholiques s'effondre juste au moment où le comité s'apprête à constituer la société. Les motifs de ce désistement restent incertains, mais on peut conjecturer que le conformisme accru de l'Église catholique, les suspicions à l'égard des ambitions protestantes quant au prosélytisme et le durcissement des attitudes sur la question des relations œcuméniques sont mis en cause. Le procès-verbal de la réunion du 3 janvier 1847 signale l'absence d'un représentant de l'Église catholique et la décision d'acheter un nouveau site « à l'usage des congrégations protestantes et juives, où l'ornemental se combinera avec la salubrité et la sûreté10 ». Un site sur le flanc nord-est de la montagne retient la faveur des administrateurs, qui envoient l'arpenteur John Ostell y ouvrir une fosse expérimentale tandis qu'ils prient les autorités de la ville de prolonger la rue Bleury vers le nord jusqu'au chemin de la Côte-Sainte-Catherine11. Cette activité prend place au vu et au su d'un concurrent, une nouvelle entreprise privée, qui entend construire un cimetière rural protestant sur la crête du chemin de la Côte-des-Neiges. Bien qu'il ne semble pas encore structuré en société, le cimetière Mount Trafalgar entreprend de recueillir des souscriptions en avril 1846 et effectue huit inhumations entre le mois d'août et le début de l'hiver. Appuyé par un conseil d'administration, provisoire mais influent, composé de John Young, Luther Holton, William Workman, William Lyman et Jacob DeWitt (propriétaire du site de 16 acres), Frederick B. Matthews annonce qu'il Etablissement d'un cimetière rural

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Résidence de William Murray,Westmount, 1899. Né en Ecosse, Murray a fait fortune dans la marine marchande et les assurances. Son domaine s'étend de la rue Sainte-Catherine jusqu'au sommet de Westmount et comprend l'actuel parc Murray Hill. Son activité philanthropique a touché à toutes les facettes des sociétés de bienfaisance protestantes, notamment l'Hôpital Général de Montréal, la Ladies Benevolent Society, de même que la St. Andrew's Society et la Protestant House of Industry and Refuge dont il a été président. Il a été l'un des administrateurs presbytériens (1851-1874), le premier secrétaire (1851) et le troisième président (1858—1874) du cimetière Mont-Royal. Des années durant, les administrateurs se sont rencontrés dans les bureaux de sa société d'assurances. En 1877, deux ans après sa mort, le plus haut sommet du cimetière a été renommé en son honneur. Plus récemment, on parle plutôt du sommet Outremont ou de la section Mountain View, tandis que les contreforts ont conservé le nom de Mount Murray.

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sera « constamment sur les lieux pour assurer l'ordre et le décorum » au titre de régisseur et de jardinier résidant. La publicité réitère les idéaux du cimetière rural : « L'extrême beauté naturelle de l'emplacement, ses vastes panoramas, pittoresques et diversifiés, ses bosquets d'arbres et de plantes, ses massifs fleuris, ses terrasses naturelles et son sentier serpentant sous des tonnelles luxuriantes jusqu'à la tour Trafalgar qui pointe au sommet du mont, tout cela fait de l'endroit un site singulièrement adapté aux buts d'un cimetière12. » En dépit de cet entourage, et de deux bâtisses pouvant immédiatement servir à aménager une chapelle, un charnier et la résidence du régisseur, Mount Trafalgar n'est pas une réussite. Matthews ne tarde donc pas à offrir sa propriété aux administrateurs du cimetière protestant pour la somme de ^3000^. Quoiqu'imposante pour un domaine privé, la superficie est trop petite pour satisfaire aux besoins de la population protestante montréalaise qui ne cesse de s'accroître ; « encore qu'une bonne chose », note un commentateur au sujet de Mount Trafalgar, « il y en a trop peu1-* ». La nature mercantile du nouveau cimetière a peut-être répugné aux éventuels acheteurs. Par contraste, le projet du cimetière protestant, même s'il sera structuré comme une société de commandite par actions, repose sur sa réputation établie depuis un demi-siècle en tant que fiducie plutôt que société commerciale1-^. Sa structure d'entreprise privée, indépendante de l'État mais orientée vers le service public, touche, semble-t-il, la corde sensible de la communauté protestante. La charte de la Compagnie du Cimetière de Montréal est signée en juillet 1847 par 15 représentants de l'élite protestante (John Samuel McCord, John Torrance, John Smith, William Murray, James Ferrier, Benjamin Holmes, J. H. Maitland, George Moffatt, David Brown, John Redpath, John Molson, Benjamin Lyman, John Mathewson, John Birks et Henry Vennor) auxquels s'est joint le seizième

membre fondateur, le juif A. A. David. Outre leur influence dans les secteurs commercial, industriel, politique ou judiciaire, ces hommes adhèrent tous aux sociétés nationales ou de bienfaisance sises à Montréal. La plupart ont fait partie de l'Association constitutionnelle qui a pris les armes pour contrer l'action des Patriotes, et nombre d'entre eux ont été officiers de la milice pendant les rébellions de 1837. HS partagent maints intérêts intellectuels, notamment un enthousiasme fervent pour les sciences et les arts. Plusieurs d'entre eux possèdent des domaines considérables et s'intéressent vivement au jardinage, à l'architecture et aux travaux de la Société d'horticulture de Montréal. La charte de la Compagnie du Cimetière de Montréal restera inactive pendant quatre ans ; ce n'est qu'en 1851 qu'un nombre suffisant de souscriptions permettront de structurer l'entreprise. Son conseil d'administration est formé différemment de celui du cimetière protestant, qui a toujours compris cinq administrateurs, deux nommés par les anglicans, deux par les presbytériens et un par les méthodistes. Les administrateurs qui, en 1851, assistent à la rencontre d'inauguration de la Compagnie du Cimetière de Montréal ont été délégués par leur dénomination en nombre proportionnel à la valeur des souscriptions. Selon cette structure, les presbytériens ont neuf administrateurs, les anglicans en ont cinq, les méthodistes wesleyens deux, les congrégationalistes deux, et les baptistes et unitariens chacun un. La communauté juive a aussi son administrateur parce qu'elle a versé la somme de £3.6.8 pour des lots (1852), mais elle songe à se retirer du projet, car le seul propriétaire est A. A. David (sa femme est anglicane), qui, en somme, se représente lui-même16. Dès 1853, il aura quitté le conseil. A la rencontre du 8 avril 1851, les administrateurs convainquent le juge John Samuel McCord de reconduire le mandat qu'il détenait au cimetière protestant en assurant la présidence du nouveau cimetière. Avec à sa tête un conseil

actif et un président d'expérience, et dans ses coffres, des souscriptions totalisant £1401, la Compagnie annonce qu'elle recherche un site pour l'établissement du cimetière'7. Après avoir rejeté plusieurs offres en raison du prix ou de l'inadéquation de l'emplacement, les administrateurs forment un comité qu'ils chargent de trouver un site. Hugh Allan, William Murray et l'arpenteur J. H. Springle examinent donc des douzaines de possibilités au cours de l'été 1851, y compris la ferme Rolland dans le quartier Sainte-Marie, à l'extrémité est de la ville. La ferme sera vendue bon marché lors d'une enchère publique, mais le comité l'a rejetée sur la recommandation de Springle18. Sa préférence va toujours vers la montagne, en particulier pour la ferme Spring Grove sur le flanc nord-est appartenant à Michael McCulloch, professeur de médecine à McGill'9. Le 8 novembre, les administrateurs conviennent d'acheter 57 acres de McCulloch au coût de £50 l'unité. Ils acquerront 13 acres supplémentaires afin d'avoir vue sur l'est de la ville, de même que l'espace requis pour aménager un lac et améliorer l'accès au cimetière. Empruntant la rhétorique du défunt cimetière Mount Trafalgar, le rapport d'exercice de 1852 répète deux fois magnifique dans le même paragraphe et témoigne du contentement des administrateurs devant l'acquisition. « La propriété est admirablement adaptée à notre but, dont le sol est suffisamment profond et les ruisseaux assez nombreux pour aménager lacs et étangs, bien boisée, avec une surface ondulée et magnifique, sise à l'écart du bruit et de la chaleur de la ville, mais encore assez proche et d'accès pratique. Un endroit propice à l'établissement d'un magnifique cimetière qui comptera parmi les plus beaux d'Amérique 20 . » Les administrateurs ne manquent pas d'associer le cimetière à la montagne en remplaçant par Mont-Royal le Montréal de son appellation officielle. Mais si la ferme Spring Grove répond à leurs critères d'hygiène publique, d'éloignement Établissement d'un cimetière rural

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La montagne. Ce dessin cartographique du XIXe siècle montre l'emplacement du cimetière, l'inclinaison des pentes, le réseau routier original et les domaines McCord et Redpath.

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de la ville et de beauté naturelle, elle présente néanmoins des inconvénients considérables pour l'établissement d'un cimetière. Le sol est en grande partie couvert de forêt, les eaux de ruissellement posent problème, et enfin, le roc et les pentes abruptes ne sont guère propices à l'inhumation, si bien qu'il faudra terrasser des sections entières. Il n'y a pas de voie d'accès, encore que McCulloch a consenti à réserver ^500 sur le prix d'achat à la construction d'une route menant au cimetière à partir du chemin de la Côte-Sainte-Catherine. L'ambition des fondateurs et leur évidente compréhension du mouvement du cimetière rural se manifestent lorsqu'ils sollicitent les conseils de spécialistes américains. Si un entrepreneur local est embauché pour construire une clôture ceinturant la propriété, les administrateurs dédaignent UNE

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les jeunes professionnels de l'architecture et du paysagement de Montréal, sollicitant plutôt les conseils d'Andrew Jackson Downing, le paysagiste le plus connu du continent. Comme Downing tarde à répondre, ils consultent le régisseur du prestigieux cimetière Laurel Hill de Philadelphie, qui leur suggère de s'adresser à James Sidney. À cette époque où la spécialisation des professions laisse encore un peu de place aux généralistes, Sidney est réputé parmi les tenants du cimetière rural pour ses compétences diverses en cartographie, en arpentage, en ingénierie civile et en aménagement paysager. Il a conçu les cimetières Woodlawn, dans le Bronx, et Easton, en Pennsylvanie, et a planifié l'expansion de Mount Auburn et de Laurel Hill, deux des grands cimetières ruraux d'Amérique. Aux yeux des administrateurs, néophytes en la matière, le fait que Sidney offre les services d'une entreprise de construction, qu'il a établie à Philadelphie avec James P. W. Neff, présente un avantage certain. Le mandat confié à Sidney pour la conception du cimetière est annoncé à l'assemblée annuelle d'avril 1852, les administrateurs le priant d'aménager le site avec un soin particulier afin d'en « exalter la grande beauté naturelle et d'en tirer plein profit21 ». En moins de quelques semaines, Sidney visite Montréal et produit un plan étroitement modelé sur celui de Mount Auburn. Impressionnés par sa rapidité, son professionnalisme et sans doute aussi son plan presque calqué sur le meilleur modèle américain, les administrateurs acceptent la soumission de la firme de Sidney. En contrepartie de la somme de ^1468, Sidney et Neff doivent aménager les chemins carrossables, les lots d'inhumation, le lac, les charniers, la résidence du régisseur et les bureaux. Reconnaissant l'importance d'une entrée grandiose, avec lac et portail imposant, les administrateurs achètent un lopin supplémentaire longeant la propriété, de même qu'une section triangulaire du côté est. Ces travaux débutent à l'été 1852,

La ferme Spring Grove, décembre, 1851 Le Montréalais James Springle, architecte, arpenteur et administrateur du cimetière, a tracé cette carte du domaine McCulloch lorsque le conseil a acheté sa première propriété en 1851. On y voit les limites du cimetière à l'époque, la voie d'accès proposée menant au chemin de la Côte-Sainte-Catherine et les domaines contigus. Presque toute la propriété au nord de Spring Grove est demeurée aux mains de la famille McCulloch.

Plan du cimetière par Sidney et Neff, 1852 Le plan dessiné par James Sidney ressemble beaucoup à celui de Mount Auburn, faisant jouer tout le relief naturel de la montagne. Au-delà de la maison du régisseur et du lac artificiel, les visiteurs remontent l'avenue Maple pour atteindre les hauteurs et sépultures de la section A. Les rues Maple sont fort populaires dans les villages anglais du Québec ; au cimetière, les avenues prennent ainsi le nom de divers arbres, ce qui alimente le sentiment de la nature familière. Certains lots sont déjà portés sur le plan, tandis que la section A, dont l'élévation est la plus prononcée à l'époque, est complètement dessinée à l'intention de l'élite.

de même que la construction de la route reliant l'entrée au bas de la montagne. Longue de 80 pieds, cette avenue digne et fiable assurera en toute saison l'accès aux cortèges funèbres, qui, sans cela, auraient dû faire un détour peu pratique dans une voie sinueuse partant de la Côte-SaiiiteCatherine. Pour que la voie d'accès soit rectiligne, on obtient un droit de passage sur la propriété de Benjamin Hall. Cela permet d'allonger la voie, qui sera renommée boulevard du Mont-Royal, jusqu'en bas de la montagne 22 . Une fois les travaux en train, les administrateurs doivent régler sans tarder des questions pratiques mais délicates : consécration des lieux, attribution de sections de sépulture et détermination des sections réservées aux pauvres, droits des diverses confessions à un espace distinct, intégration des traditions artistiques, littéraires, spatiales et funéraires des groupes concernés. La réponse à ces questions est tributaire de la collaboration pluriconfessionnelle qui s'est manifestée cinq ans plus tôt, au moment de la création de la compagnie. Après avoir examiné les solutions adoptées ailleurs, les administrateurs font face à des options conflictuelles. À Toronto, la nécropole établie en 1826 est une société non sectaire sans but lucratif. À York, en Angleterre, une moitié de la chapelle du cimetière a été consacrée par l'Église anglicane tandis que l'autre sert aux non-conformistes. L'exemple de Québec retient aussi l'attention. Au lieu de nommer chaque confession, la charte du cimetière Mount-Hermon (1849) réserve simplement les lieux aux protestants, mais permet l'attribution de certaines sections à des groupes particuliers, lesquels détiennent alors un droit exclusif de sépulture dans un espace consacré. Les anglicans se prévaudront de cette disposition pour faire consacrer des sections réservées à leur usage. L'inhumation de non-protestants, que la charte nomme les autres, est laissée à la discrétion des administrateurs2^ Vu l'histoire de Montréal, les fondateurs du cimetière Mont-Royal ne favorisent guère le sectarisme. Au lieu

d'utiliser une terminologie générale comme on l'a fait à Québec, leur charte nomme tous les groupes : anglicans, presbytériens, méthodistes wesleyens, congrégationalistes, baptistes, unitariens et juifs. Le Montréalais protestant qui veut acheter un lot au cimetière doit déclarer appartenir à la confession « dont il souhaite être perçu comme membre », même s'il ne fréquente pas l'église et ne fait partie d'aucune congrégation 2 ^. En outre, la charte de 1847 prévoit que des parties spécifiques du cimetière sont réservées aux juifs et aux anglicans ;bien qu'elles ne puissent être clôturées, ni autrement séparées du reste du cimetière, ces sections sont consacrées suivant les rites prescrits par l'Église anglicane et la tradition juive. Les confessions ont la permission de construire des églises ou chapelles dans le cimetière, de les consacrer et de charger un gardien de la supervision des enterrements et de la tenue des registres. Cela dit, la conception et l'aménagement du cimetière dans son ensemble relèvent du régisseur. Sections exclusives, compétences distinctes et chapelles concurrentielles : voilà qui aurait engendré un sectarisme évident. Mais cinq ans s'écouleront entre la signature de la charte et l'ouverture du cimetière. Les administrateurs mettront cette période à profit pour trouver un compromis qui réponde aux vœux de la grande famille anglicane, laquelle souhaite la sépulture en sol consacré, sans créer pour autant un cimetière dans lequel les anglicans se distinguent des autres protestants. En septembre 1852, les administrateurs demandent à la législature d'abroger les dispositions de leur charte qui accordent une compétence exclusive aux anglicans et aux juifs 25 . Il n'est donc plus question d'un lieu distinct de sépultures pour les anglicans ; quant aux juifs, une section leur sera exclusivement attribuée sous réserve des conditions imposées par les administrateurs. La question de la consécration du sol n'est résolue que deux mois avant la première inhumation. Les administrateurs Établissement d'un cimetière rural

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L'évêque Francis Fulford

demanderont à l'évêque anglican de consacrer « l'ensemble » du cimetière, mais stipuleront expressément que cela « ne saurait conférer à l'Église anglicane quelque privilège d'exclusivité26 ». Cette politique est adoptée, mais la consécration des lieux est retardée de près de deux ans, pendant lesquels plusieurs centaines d'enterrements, anglicans ou autres, prendront place au cimetière. Dès l'automne 1852, la route s'allonge déjà sur quatre milles, les premiers lots ont été arpentés et aménagés, et le cimetière est prêt à ouvrir ses portes. La première inhumation, celle du révérend William Squire, un pasteur méthodiste victime du choléra, a lieu le 19 octobre 1852 avant le premier gel. Vu le rôle qu'ont joué le protestantisme et 32

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l'hygiène publique dans l'établissement du cimetière, il semble bien approprié que son premier client ait été un ministre du culte, victime d'une épidémie. Par contre, le révérend Squire ne sera pas longtemps le seul à occuper les lieux. Dès le printemps 1853, le charnier qu'on a achevé de construire en février contient 14 corps. L'attrait du nouveau cimetière auprès des familles éminentes est tel qu'elles s'empressent de faire exhumer leurs parents du cimetière protestant. Ainsi, 51 dépouilles sont transférées dans les nouveaux lots du mont Royal en avril i85327. Lors même des premières funérailles, les dirigeants s'inquiètent du fait qu'une bonne partie du terrain d'origine convient mal à l'inhumation, notamment parce qu'il est trop rocailleux. Au cours des années suivantes, ils agrandiront substantiellement la propriété. En 1855, les administrateurs se portent acquéreurs de la partie nord du domaine de John Redpath, ajoutant au cimetière un grand pan de sol meuble. Dix ans plus tard, 63 acres sont ajoutées à l'extrémité nord-est du cimetière. Il ne s'agit pas simplement de répondre aux besoins futurs, mais de garder la mainmise sur le développement des environs. En 1864, un lopin de 28 acres vient s'ajouter au nord de la résidence du régisseur. Ce n'est sans doute pas l'endroit idéal pour creuser des fosses, mais « les hauteurs couvertes de boisés sont très jolies à voir du cimetière et, dans la crainte que des acheteurs éventuels coupent les arbres et érigent des édifices incongrus, ce qui gâcherait la vue pittoresque ... [nous] avons cru prudent d'acquérir ce lopin28 ». Le même souci quant à la vue et à l'élévation justifie l'achat de 17 acres, y compris le sommet qu'on renommera Mount Murray. Bien que coûteux et impropre à l'ensevelissement, le site est considéré comme un ajout de grande valeur, et son acquisition signale que, dès les années 1870, les administrateurs songent à la commémoration et au potentiel de l'endroit pour entretenir la mémoire nationale.

Les tombes de l'abbaye de Westminster à Londres et du Panthéon à Paris, le tombeau de Napoléon aux Invalides, la statue à la gloire d'Horatio Nelson érigée sur la place Jacques-Cartier à Montréal, le monument au patriote Ludger Duvernay dans le cimetière catholique voisin sont tous des exemples de sites utilisés pour renforcer la mémoire nationale. Mount Murray, notent les administrateurs, « est le point le plus élevé de l'île de Montréal et sera vraisemblablement considéré un jour comme le site idéal pour ériger un monument à la mémoire de quelque Canadien méritoire ou pour rappeler un événement marquant dans l'histoire de notre ville ou du Dominion2^ ». Nous verrons plus loin comment la mémoire nationale, le sommet et son usage public reviendront hanter les administrateurs du XXe siècle. Les travaux liés à l'enterrement et, en fait, les transactions quotidiennes au cimetière, relèvent du régisseur. Au cimetière protestant, ces procédures (y compris la supervision des lieux et de la chapelle, les ventes et la direction des inhumations) ont été assumées pendant quatre décennies par deux régisseurs, d'abord un dénommé Prine, puis Joshua Pelton. Pendant des années, Prine touche des honoraires de 2s. 6d. pour la vente d'un lot et l'enregistrement d'un enterrement ; en 1816, on augmente ses émoluments à 55. par suite de ses plaintes. Trois ans plus tard, il perçoit un salaire annuel de ,£12,10. À sa retraite en 1822, il est remplacé au cimetière protestant et au cimetière Papineau par Pelton, sacristain de l'Église épiscopale. Ce dernier occupera son poste pendant 36 ans, d'abord à titre de régisseur et trésorier, puis comme registraire chargé de la vente des lots et des enterrements. Dès l'ouverture du cimetière Mont-Royal, Pelton en représente la direction en ville, rencontre le public à son bureau sur le site du cimetière protestant et assume la tâche du registraire pour ce qui concerne la vente de lots et les préparatifs de

l'inhumation. En 1848, son salaire est de ^75 par année, mais lorsqu'il prend sa retraite en 1858, on lui accorde une rente annuelle de 200 $3°. Les bureaux du cimetière protestant sont alors fermés. Les entrepreneurs de pompes funèbres cherchant à élargir leur clientèle protestante s'empressent d'offrir leurs services de représentation, de sorte que les familles en deuil ne soient pas forcées de se rendre jusqu'au cimetière pour prendre des arrangements ou acheter des lots. Joseph Wray, par exemple, propose de distribuer l'information au nom du cimetière à partir de son entreprise située angle Saint-Laurent et Dorchester. Lui et son concurrent, George Armstrong, offrent tous deux d'expédier le courrier au cimetière. Ainsi, dans une annonce offrant gants noirs, corbillards d'enfant et cercueils de métal, Armstrong précise que « toute communication ou message déposé à son adresse relativement aux funérailles sera gratuitement transmise au cimetière31 ». En fait, le cimetière a déjà opté pour un régisseur résidant. De toute évidence, la gestion d'une grande propriété, l'organisation de sa main-d'œuvre et la supervision de nombreuses inhumations exigent des compétences dépassant largement celles du sacristain, auquel la coutume a confié la charge des enclos paroissiaux et des sépultures. Les manuels décrivent le candidat idéal à ce poste comme « un homme intelligent, aux sentiments cultivés, ayant un penchant pour le jardinage et des connaissances en horticulture 32 ». Les nouveaux cimetières ruraux veulent surtout des jardiniers au poste de régisseur et, souvent, leurs administrateurs n'ont qu'à en chercher un dans leur propre domaine33. En 1852, une annonce dans les journaux signale que le cimetière est à la recherche d'un « individu compétent pour remplir la double tâche de jardinier et de régisseur 33 ». Richard Sprigings décrochera l'emploi. Né en 1815 à St Albans, en Angleterre, il est jardinier au domaine d'Henry Corse depuis qu'il a émigré à Montréal. En sa qualité de Établissement d'un cimetière rural

33

L'acte de consécration Arborant tout l'apparat du costume épiscopal et accompagné du chœur de la cathédrale et de neuf pasteurs anglicans, l'évêque Fulford consacre le cimetière le 15 juin 1854. Le cérémonial sacré tenu sur le site est tiré du rituel anglican (Book of Common Frayer) et comporte des prières, un extrait de l'office des morts, une courte litanie, et la signature de l'Acte de consécration, lequel désigne le cimetière comme un lieu réservé à l'inhumation des morts et dissocié de tout usage profane ou commun.

Les charniers. En hiver, la tâche du tossoyeur est une entreprise extrêmement compliquée du fait que le sol de Montréal est gelé en protondeur de décembre à mai. L'excavation au préalable de grandes fosses pouvant accueillir au moins les dépouilles des pauvres, comme cela se faisait auparavant, ne concorde en rien avec la vision romantique entretenue par les dirigeants du nouveau cimetière. C'est pourquoi un ample charnier est aménagé dans un coin discret à flanc de colline. On commence à l'utiliser le 3 février 1853. Les corps y sont déposés et gelés jusqu'à ce qu'on puisse les enterrer après le dégel du printemps. Comme le public craint les pillards, les administrateurs signalent avec fierté que leur charnier est à la fois pratique et parfaitement sûr. À l'hiver de 1859, les corps de 105 enfants et de 100 adultes encombrent les lieux, ce qui oblige à entreprendre la construction d'un second charnier, adjacent au premier. Les outils industriels et machines puissantes inventées au XXe siècle permettront de creuser à même le sol gelé, si bien que passé 1919, les charniers seront relégués à l'entreposage de l'équipement, ce à quoi ils servent encore actuellement.

Le révérend William Squire (234-8, section A). Squire était le pasteur de la chapelle méthodiste que fréquentaient les ouvriers du secteur industriel longeant le canal Lachine. Le 15 octobre 1852, Squire assiste à l'agonie de SamuelYoung, un marchand atteint du choléra. Le lendemain, après avoir enterré Young dans le cimetière protestant, lui-même est emporté par la maladie. Le 19 octobre, ses obsèques ont lieu dans la chapelle méthodiste, puis un convoi funèbre de soixante-dix voitures grimpe l'avenue du Mont-Royal, franchit l'entrée, puis défile dans les avenues du cimetière jusqu'à la tombe de Squire.

Terrains achetés par le cimetière Mont-Royal, 1851-1883 À la propriété achetée de Michael McCulloch par le cimetière en 1851 s'ajoutent d'autres lopins acquis du même propriétaire en 1852 et en 1864, de John Redpath en 1855 et de William Tait (englobant une bonne partie de Mount Murray) en 1870. Dans les décennies 1870 et 1880, le cimetière a échangé divers lopins de terre avec la municipalité de Montréal pour l'établissement du parc du mont-R.oyal. Certaines parties de ces lopins ont fait l'objet d'autres échanges à mesure que furent aménagées les limites du parc. Les résultats de ces échanges sont reproduits dans leurs grandes lignes sur la carte ci-dessus.

36

UNE

MORT

TRES

DIGNE

directeur de la Société d'horticulture de Montréal, il siège aux côtés de certains des administrateurs du cimetière, notamment John Samuel McCord. Embauché à un salaire annuel de ^100, il emménage sans tarder dans la résidence du régisseur 34 . Les règlements du cimetière consacrent quatre pages à la description de ses devoirs : responsable du cimetière tout entier, il doit assurer le respect de tous les règlements qu'il entend adopter, vendre des fosses, et tenir à jour le registre des sépultures ainsi que les livres comptables^. Par ailleurs, ses fonctions de superviseur comprennent le droit d'embauché et de mise à pied. L'intendance de cimetière est une occupation, on pourrait dire un métier, transmise de père en fils. Selon l'historien David Sloane, « pères et grands-pères apprennent les ficelles du métier à leurs fils ou petits-fils36 ». Dans l'État de New York, l'intendance des cimetières à Auburn, à Cortland et à Syracuse est une tradition familiale. Au mont Royal, les membres des familles Sprigings et Roy, ayant eux-mêmes des liens de parenté, travaillent au cimetière depuis 1852. William, frère cadet de Richard Sprigings et lui aussi jardinier, est embauché par le cimetière en 1859 comme ai de-jardinier et se chargera des enterrements pendant quatre décennies. À l'instar de Richard,William vit avec sa famille sur les lieux, où naîtront les enfants des deux frères Sprigings. Deux des fils de William, Duncan Charles et Edward Findlay travailleront au cimetière, l'un comme jardinier, l'autre comme contremaître. La seule fille de Richard Sprigings, Charlotte Ann, épousera le successeur de son beau-père au poste de régisseur, Ormiston Roy, qui fera figure de proue dans l'histoire du cimetière au XXe siècle. Nous verrons plus loin que Andrew Roy, membre de la quatrième génération de la famille, travaille encore dans l'entreprise. Les règlements soulignent la subordination du régisseur. Il doit faire rapport aux administrateurs de « toute affaire d'intérêt ou d'importance » et demeure leur « subordonné

en tout temps et à tous égards ». Durant le XIXe siècle, le conseil d'administration prend toutes les décisions critiques à l'égard du cimetière, mais son pouvoir décline après que Ormiston Roy étend l'autonomie de son intendance en 1898. Suivant la coutume chère aux protestants, le cimetière Mont-Royal est dirigé par des hommes issus du même groupe social, en fait, assez souvent des mêmes familles. Les administrateurs choisissent parmi eux les membres du Bureau ainsi que ceux des comités de la finance et des lieux. La charte de 1847 prévoit la tenue de l'assemblée générale annuelle le premier lundi d'avril et d'assemblées régulières, le premier mercredi de chaque mois. L'assemblée réunissant chaque année les représentants des confessions admissibles à élire les administrateurs a lieu quatre jours après la tenue de l'assemblée générale annuelle 37 . La charte accorde une représentation religieuse proportionnelle aux membres constituants. La souscription à l'entreprise, soit la somme totale versée pour les lots, est divisée par 21 pour obtenir le chiffre de base. Si une confession a collectivement acheté des lots totalisant le chiffre de base, elle nomme un administrateur ; si la somme est le double, la confession qui l'a versée nomme deux administrateurs, et ainsi de suite38. Les fractions dépassant la moitié du chiffre de base comptent pour un administrateur, tandis que celles inférieures à la moitié ne sont pas prises en compte, ce qui entraînera l'exclusion de l'administrateur juif qui a siégé au premier conseil. En 1856, le conseil formé d'après cette formule se répartit comme suit : neuf administrateurs pour les presbytériens, six pour les anglicans, deux chacun pour les méthodistes et les congrégationalistes, et un chacun pour les unitariens et les baptistes.Vu le schisme qui divise les presbytériens, les neuf administrateurs représentent St Andrew (trois), les presbytériens américains (deux) et les autres églises presbytériennes. En 1925, l'Église unie est établie par suite de la fusion des méthodistes, des congré-

gationalistes et d'une partie de l'Eglise presbytérienne. Ce n'est qu'en 1946, cependant, que le cimetière résoudra le représentation des presbytériens en cédant cinq de leurs neuf administrateurs à l'Église unie. En 1967, celle-ci comptera le plus grand nombre d'administrateurs, suivie des anglicans, des presbytériens, des unitariens et des baptistes. De toute évidence, le conseil d'administration est une entité issue de l'élite protestante et qui se perpétue d'elle-même. On comprend dès lors pourquoi les tentatives afin de rallier les groupes religieux au projet du nouveau cimetière rural n'ont abouti à rien. Suivant la tradition, les juifs ne sont pas enterrés avec les gentils. En 1854, la Shearith Israël, une congrégation de juifs espagnols et portugais, tente d'acheter une parcelle au cimetière. Apparemment insatisfaite de la section qu'on lui offre, elle fait plutôt l'acquisition de la partie du domaine McCulloch adjacente au cimetière le long de l'avenue Mont-Royal39. Par la suite, Shaar Hashomayim, une congrégation de juifs allemands et polonais, achètera un petit lopin jouxtant celui de Shearith Israël. Pendant 150 ans, ces deux cimetières maintiendront une relation symbiotique avec leur contrepartie protestante. Tableau 2 Répartition du conseil d'administration du cimetière Mont-Royal suivant les confessions religieuses Confession

1856

1865

1872

IQiy

1967

anglicane

6

7

8

7

7

presbytérienne

9

9

8

9

4

méthodiste

2

2

2

2

-

congrégationaliste

2

I

I

I

-

unitarienne

I

I

1

I

i

baptiste

I

I

I

I

i

(Eglise) unie

-

-

-

-

8

Etablissement d'un cimetière rural

37

On ne peut en dire autant du cimetière catholique Notre-Dame-des-Neiges, qui ouvre ses portes en 1854. Catholiques et protestants partagent une longue clôture que les administrateurs du Mont-Royal appellent la « clôture des catholiques » - mais par ailleurs se tournent le dos ; tandis que les lieux de sépulture juifs s'étendent tout près du portail du cimetière Mont-Royal, l'entrée de Notre-Dame-des-Neiges s'ouvre à deux kilomètres de là, sur le chemin de la Côte-des-Neiges. S'étant retirés du projet de cimetière commun qu'appuyaient les protestants, les marguilliers catholiques appliquent chez eux à la lettre les règles de l'inhumation en sol consacré : les tombes sont donc réservées à ceux qui professent la religion catholique ... pour y être ensevelis avec les honneurs d'une sépulture ecclésiastique. Bien que le cimetière catholique ouvre une section profane pour la sépulture des enfants mort-nés, nombre de ceux qui n'ont pas été baptisés ou qui n'appartiennent que de nom à l'Eglise catholique, mais ne sont pas jugés dignes d'une sépulture ecclésiastique, y compris, après 1902, toute personne incinérée, sont enterrés au cimetière Mont-Royal40. Cette règle relative à la religion des personnes enterrées en sol consacré se révélera parfois objet de litige entre les deux institutions.

Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges est l'œuvre de Ci-contre Henri Maurice Perrault, architecte et arpenteur bien connu Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges de Montréal qui, par la suite, a conçu l'hôtel de ville et le Collège de Montréal, de même que l'aménagement du chemin menant à Mount Murray dans le cimetière Mont-Royal. Bien qu'il présente certaines caractéristiques du cimetière rural, Notre-Dame-des-Neiges est davantage monumental ; l'entrée s'ouvre sur une longue avenue rectiligne, bordée d'arbres et menant à une grande croix. Au nombre des autres symboles du catholicisme et du nationalisme canadien-français figurent le premier monument commémoratif du cimetière érigé par la Société SaintJean-Baptiste en l'honneur de son fondateur, Ludger Duvernay, et le monument commémoratif aux Patriotes des rébellions de 1837-1838. Des premières discussions, en 1845, jusqu'au premier enterrement, en 1852, les fondateurs du cimetière MontRoyal ont dressé la charte et le plan d'un cimetière répondant aux impulsions romantiques qu'éveillent la nature, la beauté, la chrétienté et la mort. Bien que les communautés catholique et juive ne tarderont pas à le jouxter sur le flanc nord de la montagne, le cimetière Mont-Royal persistera dans l'esprit d'un cimetière rural qui se veut le reflet de la société victorienne.

Etablissement d'un cimetière rural

39

Trois

LE CIMETIERE VICT VICTORIEN

L

e cimetière Mont-Royal ressemble en tous points aux quartiers de l'élite anglophone montréalaise. C'est le prolongement, au-delà du mont, de l'architecture cohérente et du paysage caractéristique des domaines voisins et du campus universitaire. Il fait partie, cependant, du tissu institutionnel des protestants de toutes classes ; des sections entières sont destinées aux familles modestes, à l'artisan, au commis, au gagne-petit. Une troisième composante de la population protestante doit aussi y trouver place : ce sont les pauvres, pour lesquels même la tombe la plus modeste demeure hors de portée. Les bien nantis, sauf si la mort survient subitement, choisissent un lot familial un peu comme on prend aujourd'hui les arrangements préalables recommandés par les directeurs funéraires. Les plans originaux du cimetière tiennent compte de ces sensibilités ; on y trouve les sections élégantes des concessions familiales et les lots subdivisés où l'acheteur modeste peut obtenir une fosse simple. La sélection du lot familial ressemble assez au choix d'un voisinage ou d'une maison. Tel le banc d'église en vue, un beau terrain est signe de prestige. Les familles fortunées établissent leur lieu de sépulture (comme elles l'ont fait pour leur domaine dans la force de l'âge) sur des sites en hauteur, bien drainés, facilement accessibles et à proximité des amis.

Une visite au cimetière, 1872.

Répétons-le, l'intérêt pour l'architecture, le paysagement et le jardinage est perçu comme un attribut positif de la masculinité victorienne. En fait, la verdure, les clôtures à portail et les monuments caractérisant les lots des marchands, des juge^ uu des industriels influents sont en quelque sorte l'extension du domaine où ils ont vécu. L'importateur Robert Reford, par exemple, dit à un statuaire de Toronto : « Le site de ce monument est unique sur le mont Royal, qu'il surplombe en entier et d'où la vue vers le nord et l'ouest est pratiquement illimitée1 ». Les architectes qui ont conçu manoirs, entrepôts et manufactures, sont priés de dresser le plan des caveaux ou des mausolées. L'armateur Hugh Allan commande trois ouvertures dans l'enceinte de son lot, chacune portant le nom d'un parent. La culture victorienne, l'importance de la mémoire familiale et le capital investi dans l'acquisition et le développement d'un lot, assureront l'harmonie de style au sein des sections clef, dont l'architecture, le paysagement et les monuments sont fort attrayants. Bien des Montréalais influents seront inhumés dans la section A, point culminant du cimetière original. Près des tombes de John Samuel McCord, des Ross et des Davidson (sa belle-famille), se trouvent les lots de Peter McGill, du brasseur William Dow, du maire et chancelier de McGill, James Ferrier, et de Benaiah Gibb, mécène et marchand tailleur de la haute société. L'unité de la section A relève davantage de l'affinité sociale que de la confession religieuse ; son éminence Francis Fulford, premier évêque anglican du diocèse de Montréal, repose en compagnie de ses fiers paroissiens, les McCord, mais non loin d'eux se trouvent les Ferrier, des méthodistes, et les Gibb, éminents presbytériens. À quelques pas, les pasteurs méthodistes, dont le chef iroquois Joseph Onesakenrat, sont groupés autour de William Squire. Certains administrateurs s'établissent plus bas, dans les collines ondulant au centre du cimetière. La section E renferme

l'impressionnante concession de Hugh Allan, tandis que les très influents Frothingham occupent, à proximité, la section Gi. De l'autre côté du vallon, la section C, aussi prestigieuse, comprend de nombreux mausolées, dont ceux des Molson, et les lots des célèbres Abbott, Bethune et Dawson. À proximité du portail principal, mais séparée de celui-ci par un boisé, la section H compte parmi les plus anciennes. Beaucoup plus modeste par sa disposition, son élévation, sa vue et son prix, elle abrite les tombes du chef patriote Thomas Storrow Brown et du régisseur Richard Sprigings. Lorsque les acquisitions additionnelles de terrain permettent de prolonger spectaculairement le cimetière à flanc de montagne, de nouvelles sections (F, I, L) y sont aménagées. Les fortunés optent pour ces concessions sélectes. En fait, certaines familles déjà établies ailleurs choisiront de vendre leur lot pour s'installer dans les hauteurs.Ainsi,John Redpath, entrepreneur et industriel milliardaire, quitte la section A au

Ci-contre Le sarcophage des McCord (A-249, section A). La section A-2, la première ayant servi à l'inhumation de l'élite, a été aménagée dans les années 1850 sur les hauteurs du cimetière. On y trouve les lots de familles protestantes notables, notamment ceux du juriste Charles Dewey Day, du marchand David Torrance, du tailleur Benaiah Gibb, du financier John Rosé et des brasseurs William et Andrew Dow. Les monuments y sont plutôt massifs et, fidèles à la tradition victorienne, ils portent de longues épitaphes. En accord avec le prestige que lui conféraient ses postes de juge et de premier président du cimetière, John Samuel McCord a choisi un lot adjacent à celui de la famille de sa femme, les Ross et les Davidson, ainsi qu'à ceux de Francis Fulford, évêque anglican de Montréal, et du banquier Peter McGill. Douze membres de la famille y sont inhumés. Les épitaphes résument leur apport à la Conquête, à leur profession et à l'histoire canadienne. Évidente sur cette photo datant de 1918, la clôture en fer forgé qui délimitait le lot familial a été enlevée depuis, comme presque toutes ses semblables, d'ailleurs. Le cimetière victorien

43

Peter McGill (A-248, section A). Marchand et président de la Banque de Montréal, de la St. Andrew's Society et de la Montréal Auxiliary Bible Society, McGill était d'avis que la classe ouvrière devrait tirer des enseignements de ses élites.

Le lot de Sir John Abbott (C-395, section C). Juriste très en vue de Montréal, Sir John Abbott est devenu le troisième des premiers ministres canadiens. D'autres membres des familles Abbott et Bethune sont inhumés ici, notamment le père de Sir John, Joseph Abbott, premier registraire et vice-recteur du collège McGill, ainsi que son beau-père, John Bethune, recteur de la cathédrale Christ Church et du collège McGill.

John William Dawson (C-ioo, section C). Géologue de renommée internationale, premier président de la Société royale du Canada et recteur de l'Université McGill (1855-1893), Dawson a forgé le caractère de l'université en l'orientant fortement vers les sciences et le commerce.Vu ses convictions de fondamentaliste, Dawson a joué un rôle de premier plan dans la campagne contre le Darwinisme. Le lot des familles Dawson et Harrington, où Dawson a été inhumé en 1899, est l'un des plus paisibles de tout le cimetière.

Pierre tombale de Joseph Onesakenrat (A233, section A). À l'exception de Joseph Onesakenrat, les registres officiels du cimetière et les principaux sites de sépulture ne contiennent pratiquement aucun nom autochtone. Chef iroquois et pasteur méthodiste, Onesakenrat est inhumé dans la section réservée aux pasteurs méthodistes. La tombe est marquée de l'usuel panneau de fer forgé. La sépulture d'Onesakenrat, tout comme celles des Thomas Hackett, Charles Chiniquy et Joseph Guibord, rappelle la centralité du combat religieux au Canada du XIXe siècle et les conflits qui ont jalonné l'histoire du cimetière. Iroquois né en 1845 à la mission des Sulpiciens à Oka, Onesakenrat grandit dans la religion catholique. Les prêtres de la mission l'envoient étudier à leur collège classique à Montréal. À son retour, en 1868, il est élu chef de sa tribu. Il s'en prend bientôt à ses anciens mentors et conteste leur prétention au titre de la seigneurie. La même année, Charles Chiniquy, ancien prêtre catholique devenu missionnaire protestant, prêche à Oka trois jours durant. Par suite de cette visite, les méthodistes établissent une mission à Oka et y convertissent la plupart des Iroquois. Menaçant de recourir à la violence, le chef Joseph enjoint les prêtres d'abandonner la seigneurie et d'en restaurer la propriété aux Iroquois. En 1875, les Sulpiciens démantèlent l'église méthodiste qui avait été construite à Oka ; deux ans plus tard, l'église catholique brûle mystérieusement. Accusé d'avoir volontairement causé l'incendie, mais finalement libéré, Onesakenrat reçoit l'appui financier des dirigeants protestants de Montréal. Il est ordonné ministre du culte méthodiste. Avant sa mort, en 1881, il œuvre comme missionnaire et s'emploie à traduire la Bible en iroquois.

profit de la section Li qu'occupent déjà des familles opulentes telles les Torrance et les Birks. Ici, le grand obélisque des Redpath fait concurrence à celui de Matthew Gault, premier directeur de ce qui allait devenir la Sun Life du Canada. La partie la plus élevée de la section M est développée après 1885 ; selon les administrateurs, c'est l'un « des meilleurs endroits pour l'aménagement de caveaux2 ». Malgré la dominance des urnes, obélisques et croix celtiques des riches, ces anciennes sections où se mêlent les styles, les confessions et les classes sociales, sont des plus éclectiques. Leurs monuments de matériaux divers (granit, grès, marbre) et la variété des styles étonnent : juste en dehors de l'enclos de la famille Allan, par exemple, se trouve un monument fait de tuyaux, tandis que Joseph Onesakenrat est commémoré d'une simple plaque de fer. Les monuments ne sont pas alignés, comme dans les sections postérieures à 1900, mais suivent les pentes du vallon ou les courbes des avenues Spruce, Hawthorne ou Elm. L'influence du romantisme se manifeste dans les aménagements naturels, de même que dans l'expression émotive de l'amour, de la dévotion ou des accomplissements du trépassé. Gravées dans la pierre, de longues épitaphes rappellent le lieu de naissance, la profession, la contribution civique et les sentiments religieux ou humains des défunts. Dans les exemples les plus flagrants, sur le sarcophage des McCord notamment, le texte relate le rôle joué par la famille dans l'histoire canadienne. Les pierres tombales à la mémoire des hommes parlent généralement du travail, de l'église, du club ou des services rendus au public, tandis que chez les femmes, il est question de moralité, de descendance, d'amitié, et de dévotion. Le privilège social et économique ne peut cependant empêcher la mort des tout-petits. Dans ces sections victoriennes, leurs dépouilles sont enterrées dans le lot familial, où leurs pierres tombales ornées d'un agneau ou d'un enfant ensommeillé se démarquent encore.

Ci-dessus Monument d'un enfant A droite ci-dessus Monument d'Alice Graham Oswald (Happy)

Jane Caldwell et Stephen Sewell, membres insignes de la communauté anglophone, perdent quatre enfants dans les années 1840 ; d'abord enterrés au cimetière protestant, leurs restes seront transportés dans le lot familial (section £5) au mont Royal :W. Caldwell, dix-huit mois ; Stephen, quatre ans ; Susan, six mois ; et Isabella, cinq ans. La mortalité infantile est en hausse pendant toute la période victorienne et jusqu'à la Première Guerre mondiale. En 1859, les enfants de zéro à deux ans représentent 33,1 pour cent des enterrements au cimetière Mont-Royal, mais dès 1915, la proportion commence à décliner (31,2 pour cent). Ce n'est qu'après 1916, toutefois, que la mortalité infantile, telle qu'en témoignent les inhumations protestantes, diminue sensiblement (16,1 pour cent en 1924). En parallèle, le pourcentage de décès chez les plus de 40 ans augmente en Le cimetière victorien

47

Edith Margaret Cleghorn, 1900. Le crâne, sculpture répandue dans les cimetières avant l'émergence du mouvement rural, est absent de l'iconographie du mont Royal. Situé au cimetière protestant (Mount Herrnon) de Québec, le monument (page 47) étonne par l'association du crâne et de l'enfant. Au cimetière Mont-Royal, les monuments dédiés à des enfants sont habituellement décorés d'agneaux ou de bambins endormis. En dépit du taux élevé de mortalité infantile tout au long du XIXe siècle et malgré les récits historiques prétendant que les familles nombreuses acceptaient sans trop d'affliction le décès des enfants, de nombreuses sépultures font foi de l'intense attachement émotif des parents envers leur progéniture. Alice Graham (Happy) est décédée de la grippe à l'âge de dix ans. Leur foi gravement éprouvée par la mort de leur fillette, les parents expriment leur espérance d'une réunion dans l'au-delà par l'épitaphe bien connue : « Elle n'est pas morte, niais endormie ». Traditionnellement, on commémorait les êtres chers à l'aide de portraits peints, de médaillons ou d'une mèche de cheveux. Après l'avènement de la photographie commerciale, les parents affligés, tels ceux de la petite Edith Margaret Cleghorn, soulageaient leur peine en faisant photographier l'enfant dans sa tombe.

flèche. En 1859, ce groupe ne représente que 21,6 pour cent des corps ensevelis au cimetière, mais en 1924, il correspond à plus de la moitié. Depuis longtemps, les puissants de ce monde favorisent la mise en tombeau ou en crypte. L'Europe regorge de mausolées de familles aristocratiques ou de marchands cossus. Dans l'esprit du public, ces constructions sont souvent associées aux coutumes catholiques, mais les protestants fortunés de Montréal, de Québec et de Toronto ont aussi érigé de ces tombeaux pour accueillir leur dépouille. Plus d'une douzaine seront construits au cimetière Mont-Royal avant 1883. Coûtant au bas mot 5000 $, la plupart sont aménagés dans le flanc de la montagne, encore que certains caveaux sont de construction libre. Ces jalons font immédiatement remarquer le cimetière et alimentent le mythe selon lequel tout le Montréal anglais est riche et puissant. Un guide touristique décrit les mausolées des Molson, comme « les plus élégants et imposants du continent3 ». Vu les impératifs d'hygiène publique, la construction de mausolées est strictement réglementée : construits en briques, les murs doivent avoir au moins 16 pouces d'épaisseur, tandis que les murs de pierre doivent atteindre les deux pieds. Les caveaux creusés à flanc de colline comptent deux portes, séparées l'une de l'autre d'un intervalle d'au moins un pied et demi-*. La loi provinciale stipule aussi que les cercueils déposés dans les mausolées sont entourés d'une gaine de ciment épaisse de quatre pouces. La méthode consiste à construire une gaine de briques laissant un vide tout autour du cercueil, qu'on dépose ensuite sur des blocs de pierre. Puis le ciment est coulé et se répand dans l'espace autour du cercueil''. À la fin du siècle, les mausolées et grands monuments de la génération précédente n'intéressent plus les familles aisées. Dans la section Pine Hill Side, aménagée au tournant

du siècle, la statuaire est moins flagrante, les matériaux plus uniformes et l'expression de sentiments religieux ou personnels plus frugale. Ici reposent certains des grands capitalistes canadiens du début du XXe siècle, notamment Sir Herbert Holt (d. 1941), président de la Banque royale, et Richard B. Angus (d. 1922), président de la Banque de Montréal et l'un des fondateurs du Canadien Pacifique. Dans les sections plus anciennes, les victimes de catastrophes ferroviaires ou maritimes sont souvent honorées avec ostentation, mais ici les hommages demeurent circonspects. Charles Melville Hays, président du Grand Tronc, mort le 15 avril 1912, est l'une des rares victimes du Titanic dont le corps fut recouvré. Son gendre, Thornton Davidson, est honoré sur la même tombe, mais sa dépouille ne fut jamais retrouvée. Les épouses ont survécu et n'ont été ensevelies que des années plus tard dans la concession familiale. Dans l'étude du Montréal protestant et de son cimetière, on aurait tort, cependant, d'accorder une importance indue aux seules familles riches et influentes. Le cimetière demeure un lieu de sépulture « commun à tous les protestants ». La grande majorité des morts qui franchissent son portail est d'origine modeste : ce sont des ouvriers, artisans, épiciers, commis et ainsi de suite. La plupart des cortèges arrivent non pas de la cathédrale Christ Church ni du Golden Square Mile, mais plutôt des églises et chapelles non conformistes que fréquentent la population de Pointe-Saint-Charles ou du quartier Saint-Laurent. Les défunts sont enterrés dans des fosses individuelles à prix modique, par opposition aux lots familiaux beaucoup plus coûteux. Les cartes anciennes montrent la disposition d'attrayantes sections réservées à ces fosses au centre du cimetière (section B, la partie centrale de la section C, et les parties inférieures de la section M6). Naturellement, l'achat de telles fosses implique que les

Le cimetière victorien

49

Les mausolées de la famille Molson (C6i, 62, 63, section C). Les mausolées les plus imposants du cimetière ont été construits entre 1860 et 1863 à l'intention des trois fils de John Molson et de leur famille. Conçus par l'architecte George Browne, aidé de son fils John James, les trois caveaux de pierre calcaire ont été construits au coût de 15 ooo $. Browne, le père, avait collaboré à plusieurs projets pour le compte des Molson, y compris le siège social de leur banque, leur villa en banlieue et douze maisons servant à loger les travailleurs à proximité de la brasserie. Dans la partie supérieure du lot familial, les deux mausolées sont séparés par un obélisque de 60 pieds de hauteur érigé à la mémoire de John Molson père et de sa femme, SarahVaughan, dont les restes ont été exhumés du cimetière protestant et transportés ici. Outre leur influence chrétienne, les mausolées contiennent un mélange d'allusions héraldiques, classiques et littéraires. Leurs portes de fer forgé, qu'un historien de l'architecture a qualifiées d'énigmatiques, montrent des flèches croisées, des anges féminins aux seins dénudés et un trèfle.

Tableau 3 Corps enterres au cintetiere Mont-Royal selon I age du T deces, en 1859, en 1915 et en 1924

1859 mort-nes

1 1

95

22

1924

mort-nés

mort-nés

185 674

'54

143 278

2—4

51

2-4

71

2-4

52

5-9

16

5-9

39

35

10—19

13 48

10—19

5-9 10—19

20-29

83 186

30-39 40-49

46

30-39

181

30

40-49

50-59 60-69

23

50-59 60-69

153 182

20-29

70-79 80-89

27 H 6

90+

o

total

H 464

70-79 80-89 90+

inconnu total

58

20—29

94 126

30-39 40-49

186 192

163

50-59 60-69

236

157

70-79

207

7i

80-89

101

12

90+

TI

inconnu

0

2,157

total

4

1,723 Le caveau de William Workman (1-25, section I)-

Tableau 4 Mausolées au cimetière Mont-Royal Famille

Première inhumation

Total des inhumations

Elizabeth Amelia Campbell Robertson 1855

36

Stanley Clarke Bagg

1856

Frederick T. Judah

1858

H 18

Succession de John Molson

1860

32

(épouse ciu Dr William Robertson)i

Benjamin Hall

1861

16

Succession de Thomas Molson

1863

26

Succession de William Molson

1863

16

Succession clé Thomas Kay

1863

9

Miss Barbara Scott

1870

Succession de William Workman

1878

7 i

Hiram Mills

1882

i

George A. Drummond

1883

21

À l'époque, il était rare que le testament d'un protestant mentionne les dispositions funéraires, mais celui de William Workman, rédigé en 1877, demandait clairement que son « corps ne soit pas enterré, mais placé dans un caveau ». Un legs de 5000 $ devait assurer la construction « d'un caveau substantiel en pierre de taille, solide et bien construit, et muni de doubles portes en fer ». L'aménagement du mausolée devait être modelé sur celui construit par Mme Amable Prévost pour son mari clans le cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Workman laissait un placement dont l'intérêt annuel (24 $) devait servir à conserver son mausolée en parfait état à perpétuité ; « les murs solides, les joints de la pierre proprement cimentés, la voûte du toit étanche, les portes fraîchement et correctement peintes, le gazon bien coupé et le tout bien préservé, ayant une allure fraîche et propre ». Séparé de sa femme, il ne prend aucune disposition pour la présence de sa dépouille dans le caveau, mais demande par contre que les cercueils de son fils et de sa fille soient placés sur des tablettes de part et d'autre du sien. En fait, sa dépouille est la seule dans le caveau qui, depuis, a été scellé.

A gauche ci-dessus Monument de Giulio Lallo A droite ci-dessus Monument de Lilian Pribyi

Ci-dessus Gwendolin Evelyn Allan Médaillon Anna Allan (£-198, section ES). Le cimetière contient les corps de centaines de personnes peu connues qui ont été victimes de catastrophes maritimes, ferroviaires ou aériennes. Certains des Montréalais fortunés qui voyageaient pour affaires, pour se détendre ou pour parfaire leur éducation ont été victimes de tragédies maritimes, telles celle du Titanic ou du Lusitania. La famille Allan était sans doute la plus importante de Montréal. Sir Hugh Allan ayant été le premier trésorier du cimetière, le lot de sa famille compte encore aujourd'hui parmi les plus pittoresques du cimetière. Gwendolin et Anna petites filles de Hugh Allan et filles de Sir Montagu Allan et de Marguerite Ethel Mackenzie — ont toutes deux péri lorsque le Lusitania, un navire de ligne de la Cunard, fut torpillé par un sousmarin allemand le 7 mai 1915. Passagères en première classe, les deux jeunes filles voyageaient avec leur mère à destination de l'Angleterre pour rendre visite à leur sœur, infirmière militaire en France. Le corps de Anna Allan ne fut jamais retrouvé, mais le lot familial comporte une pierre dressée à sa mémoire. Les restes de Gwendolin Allan ont été retrouvés et inhumés le 24 juillet 1915.

Les gens fortunés enterraient leurs enfants auprès des autres membres de la famille. Tenant compte de la réalité économique des familles à petits moyens et du taux élevé de mortalité infantile, les administrateurs ouvrirent, après 1888, d'abord la section Cj, puis la section G3, toutes deux réservées aux enfants. La séparation de ces sections des lieux de sépulture des adultes, l'échelle réduite et les thèmes des monuments, ainsi que le libellé des épitaphes mettent en relief les qualités de pureté et d'innocence que notre culture prête aux enfants. Cette ségrégation trouvait aussi son reflet dans les activités spécialisées d'autres secteurs de la société, notamment les hôpitaux, bibliothèques et orphelinats réservés aux enfants. Les pierres tombales de cette section sont ornées de cœurs, de livres ouverts, de colombes, de chérubins, mais surtout d'agneaux, tous réduits à l'échelle d'un enfant. George et Edna Ryan, dont le fils Lawrence est décédé le 24 juillet 1919 à l'âge de treize mois, ont fait inscrire sur sa pierre : « Dors, cher petit. Repose-toi. Dieu t'a rappelé à Lui. Ainsi voulut-Il qu'il en soit ». D'autres ont choisi d'utiliser l'espace restreint de la pierre tombale pour y faire graver le nom de l'enfant, la date de sa mort et son lieu d'origine : « Né en Angleterre ». Les enfants ensevelis dans ces sections avaient moins de dix ans et dans bien des cas, moins de cinq. En outre, on trouve ici un nombre considérable de ce que les registres du cimetière appellent des « mort-nés », c'est-à-dire des enfants sans nom, morts à la naissance ou dans les quelques jours suivants. Nombre d'enfants mort-nés étaient inhumés dans une fosse anonyme et gratuite, mais dans les sections pour enfants, les pierres tombales montrent clairement qu'ils étaient ici ensevelis dans un lot acheté par leurs parents. En fait, des années plus tard, le cimetière a permis que quelques parents soient enterrés auprès de leurs enfants dans la section G3.

membres de la famille ne seront vraisemblablement pas enterrés ensemble. La disparition des tout-petits est particulièrement pathétique et soulève des questions épineuses sur le plan de la logistique et de la commémoration. La direction du cimetière doit faire la part des choses entre la réalité financière déjeunes couples et les émotions profondes que soulève la perte d'un enfant. À en croire les registres, l'événement n'est pas moins dramatique à l'époque qu'il ne l'est aujourd'hui. Plus économique, l'inhumation des enfants dans de nouvelles sections, séparées des tombes de leurs aînés, transmettra une vision culturelle d'innocence dans le sommeil éternel. Au cours des années 1880, une petite partie de la section Cj est réservée aux enfants.Au cours de la décennie suivante, le sol de la section G 3 s'avère trop superficiel pour le fossoyage en profondeur, si bien que la section, de taille considérable, est entièrement consacrée aux enfants. Elle demeure la plus importante du genre au cimetière. Outre la mort des enfants, les points de repère des tombes soulèvent des tensions. La commémoration, telle que la perçoit la population, s'écarte souvent des principes esthétiques et organisationnels qu'entretiennent les pères du cimetière. Tout le monde ne peut s'offrir une pierre, mais dans les premières années suivant l'enterrement du moins, les familles peuvent repérer une sépulture donnée à l'aide du tumulus, tertre d'environ huit pouces d'épaisseur amoncelé sur la tombe afin de compenser pour l'affaissement du sol qui surviendra par la suite. La culture populaire accorde une grande importance aux tumulus qui, en l'absence d'une pierre et d'une épitaphe, rappellent physiquement la présence du disparu. Dès l'ouverture du cimetière, les administrateurs soulèvent la question : il s'agit d'aplanir ces tertres disgracieux évoquant la mort ou, du moins, en diminuer la taille en réduisant la quantité de sol entassé sur les tombes

après la mise en terre. Sensible à l'opinion publique,William Murray préconise leur conservation, soutenant qu'on doit laisser « les gens exercer leur propre jugement ... car bien que ce soit une question de goût, c'est aussi une question fort délicate7 ». Benaiah Gibb signale les plaintes de pauvres gens qui, après que les tertres sont réduits à la hauteur réglementaire, « ne peuvent plus reconnaître l'endroit où leurs amis sont enterrés parce qu'ils ne peuvent faire les frais d'une pierre tombale. Est-ce vrai8 ? » Par ailleurs, des voix influentes s'élèvent contre les tumulus. Recommandant leur suppression, Peter McGill insiste sur l'importance de l'harmonie, principe impliquant que l'esthétique des sections modestes devrait imiter celle des plus distinguées. Il considère le cimetière comme un site éducatif et cohérent où pauvres et humbles doivent tirer des leçons de morale de leurs supérieurs. Président de la Banque de Montréal, de la St Andrew's Society et de la Montréal Auxiliary Bible Society, McGill laissera des instructions pour qu'on l'enterre en présence de ses domestiques, chacun vêtu d'un habit de deuil fourni par sa succession. Afin de préserver le caractère essentiel du cimetière rural, soutient-il, les tertres doivent être supprimés et les fosses individuelles sur lesquelles les familles n'ont pas les moyens de faire ériger une pierre doivent demeurer des espaces déserts, ce qui, du reste, mettra en valeur l'aménagement et l'architecture des concessions familiales. « Si nous voulons faire de l'endroit un lieu de beauté et le préserver de l'inélégance si fréquente d'autres cimetières, il faut appliquer un règlement uniforme9 ». Ceux qui s'opposent aux tumulus ne réussiront pas à les faire abolir, mais ses défenseurs ne seront guère plus satisfaits de la règle qui en limite la hauteur à huit pouces. Un compromis est finalement atteint : on laissera disparaître les tumulus naturellement dans les anciennes sections réservées aux fosses

Le cimetière victorien

53

individuelles, niais ils seront interdits dans les nouvelles. Ainsi les actes de vente visant les fosses de la section D, ouverte en 1890, contiennent une disposition interdisant les tertres ; les lots seront simplement marqués d'un petit pilier de granit10. Ce débat montre la complexité des rapports entre les administrateurs et leurs clients d'origines diverses. Vu les circonstances uniques de certaines personnes, les administrateurs peuvent difficilement en refuser la clientèle et utiliser la famille comme seul point de référence dans la définition de leur institution sociale. En 1864, par exemple, un lot est accordé à la Scots Fusilier Guards pour l'enterrement des fusiliers décédés à Montréal. La même année, la Société allemande enterre 52 immigrants protestants, victimes d'une catastrophe ferroviaire. Tout au long de cette période, la St Andrews Society, établie en 1834, œuvre au service des Écossais. Son rapport d'exercice de 1867 décrit comme suit l'une des cinq inhumations qu'elle a assumées cette année-là. Un vieil homme de l'Ouest canadien partit en Ecosse au milieu de l'été chercher son frère et sa famille pour les ramener au Canada. Pendant le voyage sur le vapeur St. Andrew, le frère, pourtant fort et en santé, contracta un rhume qui tourna à l'inflammation pulmonaire. Malgré les bons soins du Dr Patton et du capitaine Scott, son état s'est aggravé et il décéda à l'Hôpital général de Montréal le lendemain de son arrivée. Le vieil homme, étranger dans ces parages, était fort affligé car il n'avait assez d'argent que pour payer le voyage des entants orphelins de son frère à destination. L'affaire fut portée à l'attention du comité par M. Milloy, et des mesures furent immédiatement prises afin que le corps soit enterré dans la section de l'association et que le révérend M. Patton dirige le service religieux. Lorsqu'on lui dit que le comité allait se charger de tous les arrangements funéraires, le pauvre homme s'est senti délesté

du grand poids qui l'angoissait tant et dans ses adieux, aucune expression n'était assez forte pour exprimer sa gratitude11.

Dix ans plus tôt, la St Andrew's Society s'est vu octroyer un lot de 750 pieds dans la Section FS où elle fit enterrer les Écossais victimes du naufrage du Montréal. Les administrateurs et leurs pairs font ainsi preuve de charité chrétienne dans l'exercice d'activités bénévoles auprès du cimetière, des églises, de l'université ou du YMCA ; les classes ouvrières, elles, expriment solidarité, patriotisme ou christianisme par le biais des syndicats, des églises, de l'Armée du Salut, de la milice ou des sociétés nationales. L'œuvre des pompiers est notamment symbolique. Associée aux valeurs traditionnellement masculines que sont le courage, la force et la protection de la vie et de la propriété, la brigade des pompiers sera formée de volontaires jusqu'en 1858, année où la municipalité décidera d'assigner un pompier rémunéré à chacun des douze postes de la ville. À mesure que le métier se spécialise, la brigade se structure comme une organisation militaire : les hommes dorment avec bottes et éperons et, selon le souvenir d'un des chefs pompiers, « un groupe de jeunes gens désordonnés hantent les lieux à toute heure12 ». Les uniformes, orchestres, sports, tournois interurbains, alcools contrôlés et sociétés nationales de la brigade des pompiers en font le lieu privilégié du comportement typiquement mâle, mais acceptable. À l'instar du club de raquetteurs du mont Royal et de l'association d'athlétisme amateur auxquels adhèrent nombre des administrateurs, la brigade est un monde de camaraderie virile et d'activité physique à l'extérieur du foyer, et les femmes sortent dans la rue pour voir leurs hommes exhiber leurs muscles d'acier. Les conflagrations, tel le grand incendie de 1852 à Montréal, sont d'énormes catastrophes qui détruisent des quartiers tout entiers. Elles sont aussi des plus spectaculaires, car elles surviennent Le cimetière victorien

Ci-contre La catastrophe ferroviaire de 1864. Le 29 juin 1864, un train du Grand Tronc, qui transportait 500 immigrants allemands, fonce dans la travée ouverte d'un pont mobile sur la rivière Richelieu, causant la pire catastrophe ferroviaire survenue jusque-là au Canada. La Société allemande fait enterrer au cimetière Mont-Royal 52 protestants figurant parmi une centaine de victimes (0904).

55

Le monument aux pompiers (6125-126, section Gi). Le plus remarquable monument du cimetière a été érigé à la mémoire des pompiers de la ville, et son site demeure un lieu de commémoration.

*N.d.T. : C'est l'expresion consacrée en français. Cependant, il convient de signaler qu'il ne s'agit pas d'une seule fosse où les cadavres sont entassés les uns sur les autres, mais plutôt d'un grand espace anonyme où l'on creuse des fosses individuelles sans les identifier.

56

souvent la nuit et provoquent ces étincelles et explosions, ces cris et hurlements, ce bruit sourd de murs qui s'effondrent, sans compter le déploiement d'une demi-douzaine d'hommes à demi gelés ou brûlés, portant le casque et l'uniforme. Aux yeux des autorités et de la ville et du cimetière, le défilé des pompiers, comme celui de la milice, est une forme bien plus acceptable d'expression de son identité par la classe ouvrière que ne le sont les manifestations des grévistes, des Chevaliers du Travail, des orangistes ou de l'Armée du Salut^. Bien entendu, des pompiers périssent en tentant de protéger la vie et la propriété. La fierté civique que suscitent ces morts héroïques ajoute du poids aux demandes visant l'attribution d'un lot et l'érection d'un monument dédié aux pompiers. Une des nombreuses exceptions aux principes organisateurs basés sur la famille, la stèle à la mémoire des pompiers solennise les vertus civiques, la solidarité communautaire et l'attitude valeureuse d'hommes courageux. La question d'un lot distinct pour les pompiers UNE

MORT

TRES

DIGNE

surgit par suite du décès de William Sharpe (son nom est le premier gravé sur la stèle). Il a péri sous le poids d'une cheminée dans l'incendie du 17 septembre 1867 et a été enterré dans une fosse individuelle. En avril 1868, quelques jours seulement après la mort de deux autres pompiers volontaires, dont Hugh Scott, les administrateurs font don d'un lot de 500 pieds destiné à l'enterrement des pompiers protestants morts en devoir. En 1876, ce lot double de taille ; en dépit des difficultés financières que connaît alors le cimetière, les administrateurs acceptent tout de même d'en réduire le prix de moitié14. Une autre facette du devoir protestant est constamment mise à l'épreuve par l'enterrement des indigents. Dans tous les centres urbains, la mort des indigents entraîne des problèmes de logistique. À Manhattan, par exemple, 2897 dépouilles (représentant 18 pour cent de la mortalité totale) sont enterrées dans le cimetière des pauvres en i84815. Depuis l'ouverture de leurs lieux de sépulture en 1799, les administrateurs protestants de Montréal sont aux prises avec des difficultés semblables. Au début du siècle, les besoins sont partiellement comblés par les fosses d'hiver et le cimetière Papineau, mais en 1833, ce dernier est comble. Les administrateurs résolvent donc « de prendre des mesures immédiates pour se procurer un nouveau lopin de terre où enterrer seulement les pauvres » et prient les congrégations protestantes de contribuer à ce projet16. Depuis l'ouverture du cimetière, on appelait fosse des pauvres les lieux réservés à l'inhumation des indigents ; plus tard, la désignation basée sur la classe est remplacée par une connotation économique : fosse gratuite^. Encore qu'on ne le voie pas sur la carte de 1852 (qui entend représenter un idéal), ce terrain, que nous appellerons ici la fosse commune*, s'étend en marge, du côté ouest, jusqu'à la clôture séparant le cimetière Mont-Royal de son voisin catholique. Les enterrements gratuits représentent une partie substantielle de

l'activité du cimetière et témoignent de la pauvreté persistante chez les Montréalais protestants. En 1896, par exemple, près du quart des inhumations (306 sur 1204) prennent place dans la fosse commune18. Il importe de s'attarder sur la signification du concept de la fosse commune, car il met en lumière les valeurs d'une classe dans laquelle l'homme doit prévoir pour ses vieux jours, son enterrement et sa veuve. Chez les protestants, ces valeurs sont transmises par les églises, le YMCA et les sociétés d'assurance qui ne cessent de croître et que dirigent certains administrateurs, entre autres Matthew Gault et le président Samuel McCord. Au début, l'accès à la fosse commune est relativement libéral. On l'accorde sur simple déclaration, écrite par un pasteur ou un médecin, certifiant que le défunt n'a ni famille ni amis pouvant faire les frais de son enterrement. Dès les années 1880, le conseil d'administration tente de limiter les enterrements gratuits en accordant à ses seuls membres le droit d'émettre de tels certificats. L'anonymat est le prix à payer pour un enterrement dans la fosse commune. Les croix ou autres marques y sont interdites et après 1900, du moins, le cimetière limite à cinq ans sa responsabilité d'y localiser une sépulture donnée iy . Voilà qui contraste violemment avec les registres extrêmement précis relatifs aux autres sections du cimetière. L'équation est limpide : ceux qui paient ont droit au souvenir perpétuel et au granit commémoratif, tandis que les destitués n'ont droit à aucune forme concrète de commémoration. Même si les fosses sont fournies gratuitement, le cimetière tente de tirer un minimum des indigents. En 1853, il charge 55. pour creuser une fosse de pauvre dans un sol « ordinaire » sans gel, et 2s. 6d. supplémentaires si le corps doit être transféré du charnier 20 . L'enterrement d'un enfant coûte les deux tiers de celui d'un adulte. C'est encore moins cher qu'à Kingston, où le gouvernement paie ys. 6p. pour faire creuser les fosses des prisonniers

morts au pénitencier21. En 1865, le cimetière demande i $ pour creuser une tombe à l'intention d'un pauvre, mais « une remise est toujours consentie, sur leur demande, aux gens qui ne peuvent payer cette somme22 ». En hiver, le cimetière doit assumer les frais d'entreposage au charnier et, le printemps venu, ceux du transfert dans la fosse commune. Le coût de la préservation des cadavres dans le charnier est estimé à TOS. pour le premier mois et 2s. id. par mois par la suite ; l'entreposage du corps d'un enfant âgé de moins de huit ans coûte la moitié de ce prix. En 1857, cependant, les familles de 13 des 62 dépouilles entreposées dans le charnier n'ont versé aucun paiement, sans doute parce qu'il s'agissait de cas dits méritoires. Les archives du cimetière, les journaux de l'époque et autres documents anciens fournissent quelque explication au sujet des milliers de corps ensevelis dans la fosse commune. Dépourvue d'adresse ou de pays d'origine, la fiche de John Robinson aux archives du cimetière signale simplement qu'il s'est égorgé vif et a été enterré le 31 juillet 1866. Au moins sept personnes nommées Malone sont enterrées gratuitement entre 1860 et 1895 et, bien qu'elles ne soient pas inhumées en même temps, plusieurs d'entre elles semblent avoir des liens de parenté. Catherine, fille de William Malone, morte de la diarrhée à l'âge de huit mois, est inhumée le 28 juillet 1862. L'Irlandaise Catherine Montgomery Malone, femme de William Malone, elle aussi victime de la tuberculose et probablement mère de la petite Catherine, est enterrée le 25 juillet 1865.Trente ans plus tard, le 9 janvier 1895, William Malone, d'origine irlandaise, meurt à 75 ans de la tuberculose dans le refuge des pauvres, et son corps rejoint celui des autres Malone dans la fosse commune2-^ Le statut d'immigrant joue un rôle critique dans le cheminement d'une dépouille vers la fosse commune, comme le montre l'exemple des Malone. On le constate aussi dans Le cimetière victorien

57

Recommandation d'enterrement sans frais. Dans le cimetière protestant, l'accès à une sépulture gratuite n'était accordé que sur la demande d'un pasteur protestant. Cette recommandation d'enterrement sans frais au cimetière Mont-Royal témoigne de la puissance croissante de la profession médicale à la fin du XIXe siècle et du pouvoir du médecin qui, à l'instar du clergé, évalue des questions indépendantes de sa profession, dont la religion ou la condition économique d'un patient.

l'examen de 16 personnes décédées en 1882, en 1885 ou en 1888 par suite de causes inhabituelles (suicide, meurtre, accident) et enterrées dans la fosse commune. Le Montréal Daily Witness fait état de 13 de ces morts ; neuf ont un emploi, plusieurs sont mariés et ont une famille en Grande-Bretagne, mais tous sont immigrants2**. Signalons par ailleurs que la fosse commune est l'ultime destination des mort-nés et de bien d'autres enfants, ces deux catégories représentant la majorité 58

UNE

MORT

TRES

DIGNE

des inhumations gratuites. En 1882, 19 pour cent des inhumations dans la fosse commune sont celles d'enfants mortnés et 43 pour cent, celles de poupons de moins d'un an25. Les trois adresses notées le plus souvent dans les registres du cimetière pour ces malheureux sont l'hôpital universitaire (qui devient un hôpital de maternité après 1885), l'HôtelDieu et la pouponnière protestante. Tandis que les cas les plus désespérés, comme celui des mort-nés, des bébés et des immigrants destitués, se retrouvent dans la fosse commune, le coût de l'enterrement des pauvres en général est assumé depuis longtemps par les diverses dénominations protestantes. Alors que Montréal s'industrialise, celles-ci se font la concurrence pour obtenir la faveur des travailleurs spécialisés et de leur famille, mais se distancient davantage des marins, des domestiques, des ouvriers du canal et des journaliers d'usines qui forment pourtant une partie non négligeable de la main-d'œuvre urbaine. Ces travailleurs sont parfois des célibataires de passage, sans famille ni affiliation religieuse ; nombre d'entre eux meurent dans les foyers d'accueil, dans la rue ou à l'Hôpital général de Montréal. Dans certains cas, l'hôpital ou la prison achète une fosse individuelle à leur intention. La Old Brewery Mission, toujours active à Montréal, est propriétaire de fosses où reposent, ici et là dans le cimetière, des personnes qui, au moment de leur décès, pouvaient encore faire les frais d'obsèques modestes et d'une fosse. Souvent, les sociétés de bienfaisance assument les frais d'enterrement de pauvres gens qui meurent sans affiliation mais qu'on présume protestants : ce sont les né à Glasgow, servante originaire d'Ulster, journalier anglais, ancien soldat britannique, et autres immigrants britanniques ou allemands victimes d'une épidémie ou d'un accident. En 1868, des lots de taille considérable situés à proximité de la fosse commune sont gracieusement cédés à la Ladies Benevolent Society, à l'Orphelinat protestant et au Protestant House of

Industry and Refuge26. Cette dernière institution est née de la décision de ne pas créer d'asile public pour les pauvres ; elle obtient sa charte en 1863 et accueille les sans-logis, ou ceux que son rapport annuel décrit comme « le rebut de la société27 » et « ce qu'il y a de plus bas dans l'échelle sociale ». En 1865, elle fait enterrer deux personnes décédées au refuge, une femme âgée et un bébé, au coût total de 9,50 $ ; en 1868, elle débourse 19,50 $ pour l'inhumation de cinq adultes morts au refuge et trois qui ont trépassé à l'Hôpital général de Montréal28. Cent quatre-vingt-douze personnes sont inhumées dans son lot. Dès 1903, pas moins de 14 sociétés de bienfaisance, amicales et associations nationales ont acheté ou se sont vu accorder des lots, presque tous situés le long de la clôture à l'extrémité ouest du cimetière. Figure parmi les plus importantes le Montréal Sailors' Institute ; organisé avec l'appui de la famille Allan qui était influente dans la marine marchande, l'institut a fait inhumer dans son lot quelque 500 marins décédés dans la région de Montréal. L'obligation civique d'assurer l'inhumation se précise davantage chez les protestants sous l'influence du mouvement d'évangélisation sociale (Social Gospel) à la fin du XIXe siècle. Plus vigoureux au sein de l'Armée du Salut et chez les méthodistes, mais aussi présent chez les presbytériens et même dans l'Église anglicane formelle, ce mouvement d'évangélisation prêche la responsabilité des chrétiens les uns envers les autres. Le mouvement se soucie des YMCA, des missions, de la pratique de la tempérance, mais aussi de l'inhumation convenable des défunts29. Qui sait, le bénévolat est peut-être une simple tactique de l'élite pour prévenir la résistance sociale. Après tout, nombre des grands employeurs industriels de Montréal siégeront au conseil du cimetière ; les familles Redpath (importateur de sucre), Ogilvie (minoterie), Allan (marine marchande) et Molson (brasserie), comptent parmi les propriétaires de grandes

entreprises. Sans aucun doute, l'intérêt manifesté par ces employeurs protestants à la croissance d'institutions comme le YMCA, le Montréal Sailors' Institute, et le Protestant House of Industry and Refuge, de même qu'aux sociétés nationales des Écossais, des Anglais ou des Irlandais, émane d'un désir de domination sur la main-d'œuvre protestante. Les pauvres ne prisent guère la mort anonyme et la charité élitiste. Afin de forcer les autorités à accorder au pensionnaire, au marin ou à l'immigrant une place visible dans le cimetière, les classes plus démunies font appel à l'ethnie, au service militaire, aux fraternités et aux nouveaux mouvements Tableau 5 Principaux lots cédés ou vendus à des groupes ethniques ou des œuvres de bienfaisance jusqu'en 1903 Groupe

Lot

Année

Superficie (en pieds carrés

Prix

Protestant Orphan Asyluni (i)

1853

cession

Ladies Benevolent Society (i)

1853 1857

cession

St Andrew's Society

F28*

750

cession

Firemen's Benevolent Association (i)

G 125*

1868

500

cession

Protestant House of Industry and Refuge

G 400

1868

IOOO

cession

Protestant Orphan Asyluni (2)

1868

500

cession

1868

IOOO

cession

Firemen's Benevolent Association (2)

6401 6402 Gi26*

1876

YMCA

G 39 8

1882

500 1600

400 $

Boy 's Home

G397 G399 G 3 96 G 126*

1886

500

Ladies Benevolent Society (2)

Irish Protestant Benevolent Society Montréal Sailors' Institute Firemen's Benevolent Association (3) St George 's Society St Margaret's Home Irish Protestant Benevolent Society Indépendant Order of Oddfellows Protestant House of Industry and Refuge Colonie chinoise de la province de Québec Source : Diagramme tiré du procès-verbal, Darcy Ingram *En dehors de la section des œuvres de bienfaisance

G394 0403 G 3 99- A G 1198* G 1197* N500*

1886

IOOO

100 $

125 $ 250$

225$

1890

740

1895 1895

IOOO

500

500 $ 300 $

1896

400

200 $

1897

240

60$

1900

600

420$

1901

500

225 $

1903

1500

1200 $

La Ladies Benevolent Society, 1909 (6402, section G6). Des protestantes bien en vue, notamment les épouses de nombreux administrateurs du cimetière, dirigent la Ladies Benevolent Society, association de femmes bénévoles qui commence à s'occuper des enfants et des veuves en 1832. En 1853, cette association et l'orphelinat protestant sont les premières œuvres de charité à obtenir un terrain où enterrer sans frais leurs pupilles. La grande majorité des 59 personnes inhumées dans le lot de la Ladies Benevolent Society entre 1870 et 1921 sont des femmes. Deux hommes adultes y ont aussi été enterrés, et des quinze enfants inhumés dans la même période, six sont des garçons.

religieux, tel celui de l'Armée du Salut. L'ensevelissement sans cercueil, sans rite religieux, sans obsèques, sans croix ni tumulus pour marquer son passage dans la vie, c'est ce qu'on appelle alors « le dernier échec du pauvre30 ». Jusque dans les années 1930, les destitués qui meurent dans les hôpitaux protestants de Montréal sont enterrés sans service religieux, un sujet d'opprobre31, mais le pire, dans l'imagination populaire, est de perdre jusqu'à la propriété de son corps pour finir dans l'abjection sur une dalle de dissection à l'école de médecine. L'inhumation dans le lot d'une société de bienfaisance est un dénouement plus heureux. Du côté des catholiques, des travailleurs organisent avec l'aide du clergé des sociétés d'entraide, comme celle de l'Union des Prières, qui assument les frais d'enterrement de leurs membres et prêtent quelque assistance aux veuves. En 1907, une soirée littéraire et musicale prend place sous l'égide de l'archevêque de Montréal afin de recueillir les fonds qui permettront d'ériger une statue de la Vierge, en guise de monument collectif aux pauvres de la fosse commune de Notre-Dame-des-Neiges-32. Chez les protestants, les amicales ou sociétés ethniques, telle la St Andrew's Society, se chargent de fournir aux destitués un enterrement convenable. Le cas de la Irish Protestant Benevolent Society est ici instructif. Au début, cette société de bienfaisance fait inhumer à ses frais dans la fosse commune les Irlandais protestants qui meurent déshérités ; elle semble une candidate idéale à l'assignation d'un lot gratuit, comme celui qui a été consenti dans les années 1850 et 1860 aux œuvres de bienfaisance comme l'orphelinat protestant. Toutefois, les registres du cimetière font état d'une certaine méfiance, suscitée par l'origine ethnique et la classe sociale, entre les administrateurs et cette société irlandaise. En outre, dès les années 1870, le cimetière est coincé par les restrictions financières et sa mission d'enterrer tous les

protestants décédés. En 1871, les administrateurs offrent à moitié prix un lot à la Société, mais se disputeront avec elle dans les années suivantes quant à l'emplacement de celui-ci, la forçant en fin de compte à s'installer dans la section des œuvres de bienfaisance33. Enfin, en 1886, la Société consent à débourser 250 $ pour un lot de 1000 pieds carrés, lequel sera agrandi en 1897. Le cimetière, pour sa part, accepte d'assumer les frais des enterrements et de l'entretien perpétuel du site, lequel est par la suite terrassé, nivelé, enherbé et entouré d'un muret. Réagissant aux protestations contre la tombe anonyme, la Société entreprend de marquer chacune des tombes de pierres identiques. Dans une année typique, 1888 par exemple, la Société paie les frais des funérailles et de l'inhumation de sept personnes34. Les groupes minoritaires (dont les juifs, qui, comme nous l'avons vu, possèdent leur propre section) ont toujours été représentés dans les registres du cimetière. Avant 1885, cependant, ceux-ci ne mentionnent qu'occasionnellement le nom d'un autochtone ou d'un ancien esclave né à Madras ou à Calcutta, en Inde ou aux Antilles. En réalité, ces personnes ont peut-être fait partie d'une famille coloniale britannique. L'essor des grands projets de construction, notamment le chemin de fer du Canadien Pacifique, entraîne l'immigration de nombreux Chinois au Canada. Dès 1901, la population chinoise, presque entièrement masculine, a atteint 1000 personnes et exploite à Montréal 228 blanchisseries. Sa présence suscite des attitudes conflictuelles. L'eugénisme, avec ses notions visant l'amélioration de la race, la restriction de l'immigration et la reproduction des plus aptes, retient la faveur à l'Université McGill et au sein de la communauté protestante-". Pareille théorie se veut scientifique, mais contribue au racisme à l'égard des Chinois et alimente les craintes relatives à l'exploitation sexuelle des femmes de race blanche aux mains de leurs employeurs chinois. En 1900, Le cimetière victorien

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Monument du Montréal Protestant Homes (0400, section G6). Typique de bien des monuments de la section réservée aux œuvres de charité, ce monument témoigne de la solidité des institutions philanthropiques et de l'anonymat des pauvres qu'elles faisaient ensevelir.

Monuments du Montréal Sailors' Institute (6393, 63933, 0396, section G6). Par contraste avec la plupart des monuments de cette section, les stèles commémoratives sur le lot de l'institut portent le nom de chacun des marins inhumés.

la taxe de 50 $, imposée aux Chinois pour faire entrer un membre de leur famille au Canada, est portée à 100 $, puis elle passe à 500 $ en 1903. Finalement, la Loi de l'immigration chinoise, adoptée en 1923, interrompt toute immigration-^'. Par ailleurs, les églises protestantes ont des missions en Asie, et les esprits libéraux se montrent progressivement plus ouverts aux religions et aux rituels funéraires des Orientaux. Un article publié à Montréal en 1873 sur les lieux de sépulture chinois décrit leurs tombes comme « des lieux de contemplation plaisante, voire bénéfique^? ».

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UNE

MORT

TRES

DIGNE

Les presbytériens sont particulièrement actifs au sein de la communauté cantonaise de Montréal. En 1897, une mission chinoise est établie par l'Église presbytérienne Knox, dont les registres porteront mention des naissances, mariages et décès des Cantonais chrétiens. C'est d'ailleurs un groupe de cette confession qui achètera le lot N5OO au début du XXe siècle. Ostensiblement réservée aux chrétiens, la concession est utilisée, semble-t-il, pour enterrer les Cantonais de toute confession. Certaines dépouilles seront exhumées par la suite et transportées en Chine pour y être inhumées dans le lot familial, encore que cela ne soit pas consigné dans les archives du cimetière^8. L'emplacement de la concession chinoise, bien à l'écart, dans un vallon adjacent à la fosse commune et au cimetière catholique, révèle manifestement le malaise des administrateurs devant la définition du pluralisme et l'intégration d'un groupe qui, tout protestant soit-il, n'appartient pas à la race blanche. En 1903, les aînés de la communauté chinoise demandent la permission de tenir des cérémonies afin d'honorer leurs morts « suivant leurs coutumes-^ ». Peu disposés à la tenue de manifestations culturelles chinoises dans leur cimetière, les administrateurs opposent leur refus. D'abord déroutés, les Chinois réagissent en accumulant 450 signatures sur une pétition présentée avec l'assurance que la demande est unanime. Dans une autre requête, ils prient les administrateurs de faire preuve de tolérance à l'égard de leurs « pratiques inoffensives » comme l'ont fait les villes de New York et de Vancouver, elles aussi « gouvernées par des chrétiens d'origine anglo-saxonne ». De nouveau, les administrateurs rejettent la demande car ils ne sauraient accorder, disent-ils, des « privilèges exceptionnels » à une communauté particulière^. Les archives du cimetière n'indiquent pas clairement à quel moment les rites funéraires chinois ont enfin été admis.

Temple Emanu-el. La première congrégation de réformistes à Montréal date de 1882. Au tournant du siècle, cette congrégation juive fait l'acquisition d'un terrain, à proximité des cimetières de Shearith Israël et Shaar Hashomayim, mais nettement dans les limites du cimetière protestant, conformément aux canons du réformisme. En 1917, Mortimer Davis, l'un des dirigeants de la congrégation, propose aux administrateurs un plan inhabituel : la congrégation fera l'achat d'un deuxième terrain que le cimetière Mont-Royal pourra subdiviser en lots familiaux ou individuels, comme pour tout autre section. Les administrateurs auront toute autorité sur la vente et l'entretien des lots, mais la congrégation en demeurera la propriétaire. Les administrateurs acceptèrent d'aménager la section Dj et d'y créer des sentiers. A gauche Cérémonie chinoise au cimetière Ross Bay. La communauté chinoise de Victoria, en ColombieBritannique, est propriétaire du coin des Chinois au cimetière Ross Bay et y tient des cérémonies semblables à celles que la colonie chinoise de Montréal souhaite tenir au cimetière Mont-Royal. Cette photographie de la fin du xix e siècle montre la communauté sacrifiant un cochon rôti en hommage à la personne décédée. Au nombre des coutumes traditionnelles figurent le tintement de clochettes ainsi que les fruits et les fleurs placés sur la tombe pour accompagner l'âme du défunt.

Encadré Signatures sur une lettre de la colonie chinoise, 7 décembre 1903 (Nsoo à 504, section Ni). Lettrés, persistants et sachant fort bien que certaines requêtes peuvent faire vibrer la corde sensible de la charité chrétienne chez les administrateurs, les dirigeants de la communauté chinoise de Montréal ont demandé plusieurs fois la permission de tenir des cérémonies commémoratives traditionnelles sur le terrain qu'ils ont acquis dans la section N. En 1903, ces sept signatures chinoises ont pu paraître étranges et menaçantes aux yeux des administrateurs, mais les idéogrammes chinois maintenant visibles dans bien des parties du cimetière témoignent d'une attitude toute différente envers le pluralisme montréalais.

QUATRE

CONVENANCES CONTESTEES: LE CIMETIERE COMME LIEU PUBLIC

F1 :

idèles aux prescriptions voulant que le cimetière soit un « laboratoire naturel d'instruction publique » et un lieu « admiré tant en raison de son emplacement isolé que de sa beauté », les administrateurs s'efforcent d'en faire un endroit qui vaut la peine d'être visité, encore qu'à des conditions soigneusement articulées. Son éloignement pose un défi et au visiteur fortuit et aux processions funèbres, soumises d'ailleurs à des règles bien différentes de celles qui prévalaient au cimetière protestant. Les administrateurs n'ont que très peu de latitude. Doivent-ils encourager ou limiter les visites? promouvoir le cimetière comme lieu d'instruction morale ou protéger un site dont la sécurité est perpétuellement compromise? appuyer les grandes processions symboliques à la mémoire de maires, soldats héroïques ou recteurs universitaires, mais prévenir les perturbations inhérentes au défilé polarisé d'un Joseph Guibord ou d'un Thomas Hackett? Clôtures, portails et édifices sont essentiels à la définition de l'espace, à la démarcation entre lieux sacrés et monde profane. Les administrateurs s'empressent d'encercler leur propriété d'une clôture, qui sera périodiquement déplacée ou remplacée à mesure que s'agrandit le cimetière. Ils sont aussi sensibles à l'impact visuel d'une entrée magistrale. Arrivés au sommet du boulevard Mont-Royal, les visiteurs

et cortèges doivent absolument se trouver devant un portail impressionnant, marquant le passage entre le domaine des vivants et celui des morts, ce lieu privé et respectable au code de conduite particulier. En 1856, on demande au paysagiste James Sidney de concevoir une entrée et un portail, « qui soient substantiels et décoratifs ... une voie carrossable et des entrées latérales avec lissage pour enclore ce qui reste du terrain en façade1 ». Estimé à 1600 $, le plan de Sidney comprend la démolition de la résidence du régisseur, pour que le portail « donne sur un gazon et une aire ornementale », mais n'est pas mis en œuvre2. Les administrateurs mettent sous le boisseau leurs visées d'un portail grandiose, optant plutôt pour la construction d'une serre juste à l'intérieur de l'entrée. Non seulement fournirat-elle les fleurs au cimetière, mais dans la tradition des cimetières ruraux tel Mount Auburn, la serre d'horticulture servira aussi à des fins éducatives, car les visiteurs voudront en examiner le contenu. Le sens pratique règne également de l'autre côté de l'entrée, où on aménage écurie et potager à l'intention du régisseur, encore que le jardin soit entouré d'une palissade pour « bien cacher à la vue tout ce qui ne convient pas au caractère des lieux^ ». Cinq ans s'écoulent avant que les administrateurs ne songent à réaménager l'entrée. Abandonnant le plan de Sidney, ils lancent un concours local offrant 100 $ en prime

Portail du cimetière, env. 1880-1990. Haut de 48 pieds et construit en pierre de taille, le portail de style gothique sert à démarquer le cimetière des lieux séculiers. Cette photo de Notman montre l'aménagement stylé de l'entrée à la fin du XIXe siècle. On aperçoit à droite la salle d'attente. La présence d'une femme et d'une petite fille dans l'allée montre que les lieux sont adéquats pour les daines respectables. Après que l'automobile a supplanté le cheval comme principal moyen de transport au cimetière, les allées piétonnières et l'entrée pavée ont été bituminées.

La maison de garde ou salle d'attente. Le plus ancien des édifices au cimetière, il est décrit dans le rapport d'exercice de 1862 comme un lieu « pratique pour les groupes assistant à des funérailles... car ils peuvent s'y réchauffer en hiver ou s'y abriter de la pluie ».

Résidence du régisseur. La première résidence de Richard Sprigings sur le mont Royal se dressait juste en face du portail original, mais fut démolie lorsque le portail en fer forgé a été construit dans les années 1860. La nouvelle et imposante maison du régisseur, qu'on aperçoit clairement sur cette photo, a été érigée du côté ouest du portail. Détruite dans un incendie en 1901, elle a été rebâtie par la suite et abrite maintenant les bureaux du cimetière.

Plan de l'entrée, 1885. Le plan du cimetière que Joseph Rielle dessine en 1885 (réimpression en 1891) est le seul plan détaillé des lieux au xrxe siècle indiquant les lots, les édifices et le relief du paysage. Ce dessin de détail montre l'entrée et le haut du boulevard Mont-Royal menant à la ville. La section réservée aux juifs portugais est clairement indiquée, comme l'est le cimetière des juifs allemands qui, lui, ne fait pas partie du cimetière Mont-Royal. La résidence du régisseur, à gauche du portail d'entrée, est indiquée et son jardin est bien visible. De l'autre côté du portail se trouvent la maison de garde ou salle d'attente et les remises longeant les serres à l'arrière. Du côté gauche, presque au centre du plan, sont esquissés les charniers qui donnent sur l'avenue Lotus.

Le mont Royal en 1866. Cet extrait d'un plan de Montréal en 1866 montre le dense couvert forestier sur les pentes nord de la montagne. Sauf une grande clairière au centre et une plus petite près de l'entrée, le cimetière MontRoyal (dont les limites en 1866 sont marquées d'un trait noir) est encore très boisé. De même, le plateau élevé au nord-ouest du cimetière, appelé par la suite Mount Murray, et les pentes de Westmount (centre gauche) étaient alors et sont encore dans l'ensemble couverts de forêt. On distingue à gauche le chemin de la Côte-des-Neiges serpentant en direction nord et séparant le mont Royal de Westmount. L'entrée du cimetière Notre-Dame-des-Neiges (centre gauche) est suivie d'une bande de terre relativement étroite qui s'étend jusqu'à la limite du cimetière MontRoyal. On note (centre droite) la courbe du boulevard MontRoyal qui se termine au portail du cimetière Mont-Royal.

à qui concevra une entrée dont le coût n'excédera pas 6000 $. Des architectes renommés de Montréal se portent en lice : J. J. Browne, Fowler et Roy, Lawford et Nelson, William Footner et John William Hopkins. Le dessin de ce dernier, qui inclut un portail, une nouvelle maison et une salle d'accueil, est accepté et exécuté en 1862 pour moins de 10 ooo $. Par la suite, la résidence du régisseur est rasée, puis des massifs de fleurs sont plantés tout autour. Il en résulte « une belle vue sur les lieux à partir de l'entrée », que le rapport d'exercice de 1875 qualifie de « point de vue ininterrompu 4 ». On constate sur les anciennes photographies que le cimetière demeure longtemps densément boisé. Ce n'est que dans les années 1870 que le paysage victorien, évident encore aujourd'hui dans une bonne partie du cimetière, est créé en éclaircissant la forêt, ce qui transformera « des fourrés enchevêtrés et hermétiques en clairières et échappées comme on en voit dans les parcs5 ». Un coin rocheux sur les hauteurs abrite bientôt une tonnelle rustique où les visiteurs peuvent se reposer, puis un pont, lui aussi rustique, enjambe le ravin entre les avenues Hawthorne et Oak, tandis qu'un petit lac remplace une aire marécageuse dans la section D. Derrière la maison du régisseur, les remises et ateliers sont démolis, les pelouses sont agrandies et les débouchés, remblayés et gazonnés. Maintes fois répétés dans les procès-verbaux des assemblées du conseil tout au long de la décennie, certains termes et expressions (échappées, joliesse de la vue, attraits, beautés cachées) témoignent de l'importance du paysage. L'arpenteur Henri-Maurice Perrault dresse le plan des allées menant à la colline qu'on appellera plus tard Mount Murray. Dès 1877, trois circuits se rendent au sommet. « Ce bel endroit sera accessible tant aux voitures qu'aux promeneurs : une fois aménagées, les approches offriront des sites sans pareils pour les tombes et monuments et ne manqueront certainement pas d'attraits. »

La visite des lieux est aussi favorisée par la construction, sur la crête, d'un observatoire de bois haut de 50 pieds et couronné d'une sculpture ailée6. Aux efforts déployés pour aménager les lieux et l'entrée correspond un égal souci de maintenir la norme sur les lots individuels. Un code régissant leur apparence ainsi que le choix des matériaux pour les monuments et les mausolées permet d'imposer une esthétique uniforme. Lorsqu'il rédige la réglementation du cimetière, John Samuel McCord puise à même les règles de Mount Auburn, dont une copie se trouve encore dans ses documents. Ainsi, les règlements visant les heures d'ouverture, la conduite des chevaux, les consommations interdites et la protection des fleurs sauvages ou cultivées sont repris textuellement?. De même, les deux cimetières publient une brochure montrant aux visiteurs ces échappées, allées et mausolées. Les efforts des administrateurs, du régisseur et des propriétaires de lot font du cimetière un lieu privilégié où langue, paysagement, horticulture et sculpture s'unissent en un étalage impressionnant de beauté et de moralité protestante. Le cimetière, note-t-on « est en passe de devenir un endroit de grand intérêt et de forte attraction, non seulement en raison de sa beauté naturelle, mais aussi ... du grand nombre de monuments et de caveaux supérieurs et coûteux qui y furent érigés en si peu de temps8 ». En 1869, le nouvel évêque anglican de Montréal s'étonne qu'une visite au cimetière lui soit si vite imposée : « Le jour même de notre arrivée à Montréal, une dame très gentille et fortunée, membre de notre Église, nous emmène en ballade dans sa calèche et propose une visite au cimetière. Si l'objet du pèlerinage ne fut guère réjouissant, il fut néanmoins quelque peu suggestif (très inconsciemment de sa part), surtout lorsqu'elle prit soin de me montrer la sépulture de feu l'évêque, ainsi qu'un espace que son successeur pourrait se procurer?. » Le cimetière est déjà considéré comme Convenances contestées : le cimetière comme lieu public

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Carte postale stéréoscopique, publicité du photographe J. G. Parks. Cette photographie stéréoscopique du cimetière a servi de publicité au photographe montréalais J. G. Parks. La popularité de telles images et leur usage à des fins commerciales mettent en évidence la fierté de la communauté à l'égard de son cimetière.

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une destination touristique ; les guides attirent l'attention sur « sa situation pittoresque dans le vallon », ses monuments qui « brillent à travers le feuillage », son « parfait entretien », de même que « le jugement et le bon goût » de ses gestionnaires10. Pour faire du cimetière un endroit encore plus attrayant, les administrateurs se penchent enfin sur l'apparence du boulevard Mont-Royal, qui mène à son portail. En 1869, les travaux de terrassement sont suivis d'une plantation d'arbres, tandis qu'on abat ceux considérés comme « laids et superflus ». Plusieurs des confessions nommées dans la charte du cimetière, les méthodistes en particulier, se trouvent au cœur de la réforme des mœurs, de l'observance dominicale et du mouvement de tempérance. Rien d'étonnant, donc, à ce que les administrateurs, qui ont établi ce qu'ils appellent une « communion solennelle » avec leurs voisins du côté nord de la montagne, réagissent énergiquement à UNE

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TRES

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l'annonce d'un projet visant l'établissement d'une taverne « prétendant accommoder les visiteurs du cimetière » sur le boulevard Mont-Royal près du chemin de la CôteSte-Catherine. Opposant un refus indigné à la demande quelque peu étonnante du propriétaire afin d'ériger une enseigne sur le boulevard Mont-Royal pour attirer à sa taverne les familles endeuillées descendant du cimetière, les administrateurs convainquent les autorités municipales d'Outremont de lui retirer son permis de débit de boisson. Lorsque le propriétaire découragé offre de vendre sa propriété, ils s'empressent apparemment d'en faire l'acquisition. Pour mieux signaler le caractère privé de leur propriété, ils font installer une barrière sur le boulevard Mont-Royal, presque au pied de la montagne, malgré les protestations des McCulloch qui soutiennent que, selon l'acte de vente original, le boulevard doit demeurer une voie publique". L'opposition à l'établissement d'une taverne, de même que la tentative de restreindre l'accès non seulement au cimetière mais aussi à le boulevard Mont-Royal, montrent à quel point les administrateurs sont déterminés à faire du cimetière un modèle de respectabilité. L'ancien lieu de sépulture avait échoué à ce chapitre, comme en témoignait l'absence de daines convenables sur ses prémisses. Un observateur de Glasgow note que jusque dans les années 1920, seuls les hommes assistaient aux funérailles en Ecosse, « les femmes restant derrière à préparer le thé12 ». A Montréal, le quotidien local signale que les hommes ne visitent l'ancien lieu de sépulture que pour assister à des funérailles ; les femmes n'y vont jamais. « Aucune femme ne s'y montre jamais ... Faut-il que l'endroit soit dégoûtant pour qu'une mère ne puisse y aller trouver consolation en pleurant sur la tombe de son unique enfant, pour qu'une épouse ne puisse y entrer et verser une larme sur la sépulture marquant le dernier repos de son cher mari ; nous sommes convaincue que les lieux

demeurent dans leur état actuel justement parce qu'aucune femme ne peut y aller1-''. » Le cimetière Mont-Royal allait être tout ce que n'était pas l'ancien lieu de sépulture, un lieu non pas dégoûtant mais solennel que les dames pourraient fréquenter. Son adéquation aux visiteurs de la gent féminine allait en fait constituer la mesure de sa respectabilité. Le cimetière est donc clôturé, fermé d'un portail et surveillé afin qu'y régnent la tranquillité et le bon ordre prescrits par les règlements1^. Pour éviter les dommages, dangers ou inconvénients, il n'est ouvert que du lever au coucher du soleil. Y sont interdits de séjour les enfants non accompagnés, les chiens et quiconque transporte des consommations, euphémisme préféré pour parler d'alcool. Composante critique du mouvement de réforme morale, l'observance dominicale sert à régir le comportement des hommes pendant l'unique journée de congé de la semaine. Les dimanches sont donc réservés aux propriétaires de lots, à leurs amis et aux membres de leur famille, à condition qu'ils se présentent « à pied et ticket en main ». À l'exemple de l'observance dominicale à l'église, une visite en après-midi au lot familial est signe de la respectabilité protestante. La ballade en voiture sur la montagne, une visite à l'observatoire, l'entretien des tombes, et le thé de cinq heures en compagnie des aînés reflètent et encouragent tout à la fois le respect des convenances dans les loisirs, la tenue, le langage, les rôles masculins et féminins, et l'accomplissement du devoir familial. Les administrateurs voient d'un bon œil l'attitude de la classe moyenne envers le cimetière, mais resteront toujours ambivalents quant aux rapports avec les classes populaires, dont le comportement « agité et impertinent » se double d'une tendance à « blesser les sentiments » des visiteurs plus circonspects. Faut-il entièrement exclure du cimetière ceux qui n'y possèdent pas de lot, ou susciter leur raffinement en

Le lot de la famille Michael. Acheté en 1894 au c °ùt de 115,20 $ par William Michael, ce lot familial de 144 pieds carrés - enceinte, dalle portant le nom de la famille, et une tombe — contenait une seule pierre tombale érigée d'un côté lorsque cette photo a été prise en août 1895. La femme est venue visiter le terrain familial en charrette. La tombe bien entretenue est évidente à ses pieds, tandis que les travaux d'aménagement de nouvelles sections sont visibles à l'arnère-plan.

Convenances contestées : le cimetière comme lieu public

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Louisa Goddard Frothingham en deuil, env. 1899 (G-24, section G-i). Malgré sa réputation de femme indépendante, Louisa Frothingham a porté le deuil de son mari,J. H. R. Molson. Le code vestimentaire du deuil était alors beaucoup plus strict pour les femmes que pour les hommes. Les professionnels et hommes d'affaires qui perdaient leur femme n'avaient qu'à ajouter des accessoires noirs gants, bourdalou et cravate — aux costumes sombres qu'ils portaient de coutume en public. Chez les femmes, le deuil complet — robe de soie et crêpes noirs - était de rigueur pendant deux ans, après quoi la veuve pouvait porter le gris, le lavande ou le blanc du demi-deuil.

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les soumettant à « l'influence bénie et ennoblissante » d'un milieu bien régenté ? Chose certaine, les règlements destinés aux visiteurs dont les familles reposent dans les sections plus huppées ne sont pas les mêmes que ceux imposés aux gens qui se rendent sur la fosse commune. Selon les règles imprimées, les visiteurs dont « un membre de la parenté est inhumé dans le lot public » ne sont admis que les dimanches, sur laissez-passer spécial délivré par un administrateur ou le secrétaire du cimetière15. Dans la pratique, aucun ticket ne sera émis, mais le portail restera ouvert le dimanche pendant toute la première décennie d'activités. En 1862, cependant, les administrateurs apprennent que le cimetière accueille des « foules de visiteurs » dont le comportement « ne convient guère au caractère de l'endroit ». L'année suivante, alors que le nouveau portail, symbole de leur détermination, est bien en place, ils appliqueront le règlement du dimanche à la lettre et entreprendront la délivrance de tickets d'admission aux propriétaires. « C'est avec grand regret, disent-ils, que pareille mesure a été jugée nécessaire par suite des trop nombreux visiteurs du dimanche dont on a découvert que le comportement agité et impertinent perturbe les gens visitant les lieux de sépulture de leurs morts et en blesse les sentiments16. » Cette restriction imposée aux visiteurs suscite l'indignation de certains propriétaires de lots qui, comme l'un d'eux l'écrit dans la Gazette, voient la visite au cimetière comme un événement ennoblissant : « Montréal est démunie de parcs, de jardins et de terrains de jeux. Nos paisibles mécaniciens et respectueux opérateurs n'ont pas le temps de visiter ces lieux sur semaine et, s'ils en sont exclus pendant les dimanches de la courte saison d'été, toute cette beauté et cette influence morale seront perdues pour eux. Pareille perte blesse directement toute la communauté, car je défie quiconque de quitter ces lieux, après une visite avec son épouse et sa famille, sans en ressentir l'influence bénie et ennoblissante17. »

Les funérailles tenues le dimanche impliquent l'ouverture du portail, le bruit et la présence d'attroupements éperdus, sans compter qu'elles offusquent les tenants de la stricte observance dominicale. En 1876, les administrateurs interdisent la tenue de funérailles le dimanche en dépit des protestations portant que les travailleurs en seront éprouvés car ils perdront la paie d'une journée pour assister à des funérailles sur semaine18. L'emplacement d'un cimetière sur une montagne à cinq kilomètres de la ville impose la modification drastique des enterrements protestants quant à la forme et à la logistique. À l'ancien lieu de sépulture, juste à l'extérieur de la vieille ville, les cercueils arrivaient sur une charrette ou parfois même sur les épaules des amis. Vu sa chapelle et sa proximité, l'endroit accueillait les gens de toutes les strates sociales. Si les funérailles dominicales faisaient l'affaire de l'ouvrier, elles convenaient moins bien aux autorités et au clergé, mais se déroulaient néanmoins dans la chapelle, les familles pouvant ensuite accompagner le défunt jusqu'à sa tombe. Dans les 50 premières années de son existence, le cimetière Mont-Royal ne possède pas de chapelle, de sorte que les obsèques sont physiquement séparées de l'inhumation. En théorie, il faut un corbillard et une voiture pour transporter le cercueil et la famille en deuil au nouveau cimetière, encore que les membres du conseil municipal de Montréal parleront, en 1856, des « morts et mourants transportés dans les taxis publics de la ville ». La procession à destination du cimetière est exigeante, comme en fait foi ce témoignage : « scène et voyage pénibles au mont Royal, puis cette conversation en chemin, sans compter une pluie affreuse à partir de trois heures1'^ ». La distance et le coût empêchent les gens frêles, pauvres, handicapés ou excessivement gais de faire le voyage, sans compter que les processions et foules nombreuses sont découragées par le cimetière, sauf si la personne est de notoriété publique. En 1855, la chapelle de

Journée de patinage des élèves de Bute House, l'école des demoiselles Mclntosh, 1873. Avant la construction des cimetières, la montagne était un lieu essentiellement réservé aux hommes pour des activités de plein air comme la raquette. En même temps que la respectabilité, les cimetières ont apporté une présence féminine sur la montagne, du moins pendant la journée. Mais que ce fut pour patiner sur le lac aux Castors ou visiter le tombeau familial, le costume convenable était de mise.

l'ancien lieu de sépulture est rouverte pour la tenue des funérailles ; une fois le service terminé, « il est entendu que seuls les amis intimes et la famille immédiate prennent part à la procession » jusqu'au mont Royal20. Interdiction d'enterrer le dimanche, heures d'ouverture et discrétion de l'assistance sont autant de règles auxquelles font exception les obsèques militaires. Nombre des Convenances contestées : le cimetière comme Heu public

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administrateurs sont officiers de la milice et appartiennent à cette culture masculine pour laquelle il importe de saluer un camarade décédé et de l'enterrer avec les honneurs militaires. Par contre, les cercueils couverts du drapeau de l'Union royale, transportés sur un affût de canon que hâlent quatre chevaux, accompagnés du peloton de tir et d'une fanfare roulant tambours au son de la Marche funèbre et de centaines d'hommes piétinant les pelouses, voilà qui s'inscrit en faux contre l'importance des convenances et la convivialité d'un lieu public pour la famille et les dames. L'activité nocturne sur les lieux est un souci constant pour les administrateurs qui ordonnent strictement au régisseur d'interdire les salves sauf sur autorisation expresse du président21. Quoi qu'en disent les règlements, les défilés militaires arrivent habituellement tard en fin de journée après la longue marche de la ville à la montagne. L'office des morts est lu « à la faible lumière d'une lanterne » après quoi des salves, souvent tirées dans la noirceur, marquent la fin Richard Choules. Choules, dont le nom est gravé sur la stèle des pompiers, était chargé de sortir les livres, meubles et autres biens précieux des immeubles en flammes. En 1877, il survit à l'effondrement d'une partie d'un édifice en feu en sautant du deuxième étage. Comme il habite tout près, il va chez lui réveiller sa femme pour l'amener voir l'incendie. Puis il pénètre de nouveau dans l'édifice où il trouvera la mort.

de la cérémonie22. Un salut au canon est approuvé en 1912 pour les funérailles du colonel Edward A. Whitehead, chef des Scouts et commandant du 3 rd Victoria Rifles. Reposant sur un affût de canon, son cercueil est accompagné dans la bruine de septembre par un cortège de 200 camarades de régiment, 500 scouts portant « hampes inclinées » et les représentants officiels de la loge maçonnique St Paul, de la société du Grand Tronc, et du club de football Rosé and Thistle. « Tandis que les premières ombres de la soirée s'allongeaient sur le mont Royal, le corps du citoyensoldat arrivait au crématorium. Après le service présidant à la mise en terre, trois salves furent tirées, puis les membres du régiment firent volte-face, formèrent quatre colonnes en ligne, puis s'en allèrent au pas, laissant leur mort reposer jusqu'à l'aube23 ». Tout aussi imposantes et même plus chargées d'émotions sont les obsèques des pompiers qui périssent en devoir. En 1877, les funérailles de pompiers protestants morts dans l'incendie d'une usine se déroulent dans la demeure de chacun, mais leurs cercueils sont ensuite transportés à la caserne d'où partira la procession funèbre les emportant au Mont-Royal. L'office des morts de l'Église d'Angleterre est lu dans la maison de Richard Choules, et la loge des Oddfellows marche derrière son corbillard. À la caserne centrale, les corps sont placés sur une charrette à incendie transformée en catafalque ; casque, ceinture et clef de bouche sont disposés sur le cercueil de chaque victime2-*. Assistent notamment au défilé le maire et les porte-parole de la ville, 80 policiers, le grand maître des francs-maçons, le prévôt de la loge des Oddfellows, le sous-prévôt de la loge orangiste, ainsi que les porteurs qui marchent de part et d'autre du catafalque. Quittant la Place d'Armes, la procession défile dans la rue Saint-Jacques, traverse le square Victoria et monte la côte du Beaver Hall jusqu'au square Phillip et à la rue Union, puis longe Sherbrooke jusqu'à

l'angle de Bleury, où nombre de piétons montent dans les voitures pour la longue route jusqu'au cimetière. Les gens se tiennent dans les champs bordant la route pour rendre hommage aux disparus. Le lot des pompiers n'étant pas encore achevé, les corps sont places dans le charnier à leur arrivée au cimetière, tandis que le peloton de tir salue de salves et que les rites funéraires sont accomplis par les francsmaçons, les Oddfellows et l'aumônier. Bien que ces grandes manifestations de la culture masculine incluent tout l'éventail des classes sociales, les funérailles militaires et paramilitaires montrent la face respectable de la classe ouvrière du Montréal protestant. Les administrateurs sont bien moins disposés à accommoder des personnages controversés dont le cortège funèbre (ou pire encore, la présence au cimetière) risque de provoquer le désordre. Ce sera certainement le cas de Joseph Guibord, dont le corps sera abrité dans le charnier du cimetière Mont-Royal pendant plusieurs années et provoquera une émeute lors de son transfert au cimetière Notre-Dame-des-Neiges en 1875. Un peu plus tard, les administrateurs craindront aussi que le cimetière ne devienne le théâtre de scènes violentes lors de l'enterrement de Charles Chiniquy, prêtre renégat fort controversé. L'inhumation la plus problématique, toutefois, est celle de Thomas Hackett, membre de l'Ordre d'Orange, dont la mort, survenue dans une bagarre de rue le 12 juillet 1877, a enflammé les tensions religieuses dans la ville entière et placé les administrateurs dans une position fort délicate. Comptant 13 loges dans la seule ville de Montréal, l'Ordre d'Orange constitue en 1862 une force majeure violemment opposée à la majorité catholique. Il constitue la plus importante fraternité protestante ; ses loges et clubs, qui accueillent des hommes qui boivent sec, aiment parader et recourent souvent à la violence, ont un attrait certain pour les travailleurs protestants d'origine irlandaise2^. Mais par-dessus

tout, l'Ordre est uni dans l'opposition à ce qu'il considère comme la tyrannie catholique. Armé d'un pistolet Coït et prétendant protéger les jeunes protestantes des durs à cuire catholiques, Thomas Hackett est tué dans une mêlée au square Victoria. Victime d'une « tuerie préméditée », selon le titre d'un quotidien, Hackett repose en chapelle ardente dans la bibliothèque de la salle des orangistes26. Le lys des orangistes domine parmi les drapeaux de l'Union, les tentures noires et les masses de fleurs qui décorent la salle. Hackett a reçu trois balles au visage, de sorte qu'il est difficile d'exposer sa dépouille, mais son cercueil est muni d'un couvert vitré qui laisse voir ses mutilations. À la tête du cercueil, sur une table couverte de tissu, est posée une simple note : « Thomas Lett Hackett meurt, mais ne se rend pas ». Dans pareil contexte, les émotions sont exacerbées. Un quotidien local décrit ainsi la scène : « Toute la matinée, une foule immense, incluant bien des dames et des jeunes filles, s'est pressée aux portes afin de saluer la dépouille de feu Thomas Lett Hackett ... Le spectacle de son corps était profondément touchant ; les femmes sanglotaient après avoir contemplé les traits mutilés à travers la plaque de verre et même les costauds essuyaient une larme27. » Au total, 20 ooo personnes se presseront dans la salle pour défiler devant le cercueil, et on épinglera sur chacune des rubans orange et rouges en vue du cortège funèbre. Les orangistes de Buffalo, de Toronto, de Kingston et d'Ottawa délèguent plus de 1200 membres pour appuyer l'Ordre dans son affirmation du protestantisme britannique : « Nous sommes venus protéger les orangistes de Montréal », proclame le grand maître de Kingston, « et malheur à cette ville s'il nous fallait y revenir28 ». Malgré leur répugnance face à la violence populaire et à la haine ethnique, les administrateurs doivent montrer leur solidarité et fournir une tombe convenable vu l'intensité des sentiments qui animent les Canadiens anglais. La Convenances contestées : le cimetière comme lieu public

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Le tombeau de Joseph Guibord. Même s'il reflète ostensiblement l'idéal familial, l'amour de la nature chez les Protestants et la perpétuation du souvenir, le cimetière est fréquemment le théâtre d'événements politiques. Guibord était membre de l'Institut canadien, une société libérale de lecture et de débat condamnée par Ignace Bourget, l'évêque catholique de Montréal. Lorsque Guibord décède, en 1869, le cimetière Notre-Dame-des-Neiges refuse son inhumation dans le terrain familial. Tandis que se déroulent les poursuites, la dépouille de Guibord est placée provisoirement dans le charnier du cimetière Mont-Royal. L'affaire va en appel, et le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres tranche finalement en faveur de la succession Guibord en 1875. La décision, cependant, n'est pas garante d'un enterrement harmonieux. La première tentative pour ensevelir Guibord dans le cimetière catholique est bloquée par la populace, et le cercueil doit rentrer au cimetière protestant. En novembre, les deux nécropoles prennent l'allure de camps armés. Mille hommes de la milice sont dépêchés sur le boulevard Saint-Laurent et l'avenue du Mont-Royal sur un parcours d'un mille jusqu'au charnier. Entouré de 40 policiers armés et suivi par la milice, le corps est transporté au cimetière catholique en la présence du maire, William Hingston. Monseigneur Bourget ayant sécularisé sa tombe, Guibord est inhumé sans autre perturbation. Afin de protéger le corps du vandalisme, un cercueil inhabituel a été conçu dans la pierre. On abandonnera éventuellement l'idée de cet encombrant cercueil, la solution adoptée étant tout simplement de combler la fosse de ciment. Néanmoins, le cercueil de pierre aura été une curiosité pour les Montréalais respectables qui venaient en voir les progrès à l'atelier, comme le montre cette gravure.

St Andrew's Society, sur la motion du sénateur Alexander Walker Ogilvie, lui-même administrateur, assistera en bloc aux funérailles, tandis que la St George's Society offre d'en faire autant « au titre de société rassemblant des Anglais ». Composée d'un escadron de cavalerie, d'une batterie d'artillerie, de l'infanterie des 5e et 6e districts militaires, de la police municipale, et de fanfares, la procession s'étire sur des dizaines de pâtés de maison. Elle est menée par le grand maréchal de l'Ordre d'Orange et comprend des travailleurs protestants de Pointe-Saint-Charles, une société de jeunes orangistes britanniques et des groupes déjeunes apprentis. Tandis que le corps de Hackett est accueilli par le recteur, le doyen et trois chanoines de la cathédrale Christ Church, le régiment du Prince de Galles marche tout droit vers le cimetière afin d'y assurer l'ordre à l'arrivée du cortège. Au cimetière, le révérend Charles A. Doudiet signale que le monument commémoratif sera « la marque de la valeur que les vrais Britanniques accordent aux libertés civiles et religieuses ». Il prononce un long discours sur la tombe de Hackett. « Que les événements des derniers jours soient gravés sur l'obélisque de granit qui marquera le lieu de son dernier repos, afin que nos enfants comprennent clairement plus tard l'origine de la lutte imminente pour l'égalité des droits que nous réclamons dans la gloire, pour lesquels nous lutterons, pour lesquels nous mourrons, sous la règle de la glorieuse constitution de l'Empire britannique, et que tentent d'assaillir une certaine catégorie d'hommes dangereux dans cette province2?. » Alors que la procession rentre en ville, les fanfares abandonnent la Marche funèbre en faveur de chansons populaires comme The Protestant Boys. L'établissement d'un fonds pour l'érection d'un monument à la mémoire de Hackett maintient la controverse. Les règlements du cimetière confèrent aux administrateurs le droit de retirer une épitaphe « offensante ou inconvenante », droit dont ils se prévaudront dans le cas de Hackett.

La vente du lot de Hackett est expressément conditionnelle à leur approbation, au préalable, et du monument et de son inscription. Mais lorsque s'élève le monument, ils découvrent avec horreur que l'épitaphe enfreint les termes de l'entente. Même si l'enquête ayant suivi sa mort a conclu que Hackett a lui-même utilisé son arme et qu'il est mort avec soixante balles dans ses poches, l'épitaphe dit qu'il a été « cruellement assassiné » tandis qu'il « rentrait tranquillement du divin office». S'ils permettent que ces mots soient conservés, les administrateurs, en mars 1881, s'accordent unanimement pour faire enlever la ligne spécifiant : « par une clique d'Irlandais catholiques30 ». Ainsi, l'épitaphe se lit maintenant comme suit :

Charles Chiniquy (D-20i8, section D-i).

À la mémoire du frère Thos. Lett Hackett, Qui a été cruellement assassiné [ligne effacée] au square Victoria tandis qu'il rentrait tranquillement du divin office le 12 juillet 1877 Ce monument est érigé par les orangistes et protestants du Dominion, pour honorer sa mémoire Et marquer leur haine de ses meurtriers

Les administrateurs résistent aussi aux efforts du Fonds commémoratif Hackett en vue d'ériger son monument sur un site prestigieux. Pendant que les négociations traînent en longueur, le corps de Hackett, comme celui de Guibord plusieurs années auparavant, demeure dans le charnier du cimetière. En fin de compte, l'Ordre d'Orange devra se contenter d'un site non loin de l'entrée, mais pas

particulièrement visible. Un coin à proximité du portail convient parfaitement aux administrateurs ; si l'héritage de Hackett continue d'enflammer les esprits, la violence ne perturbera pas le cœur du cimetière, et on pourra la subjuguer plus facilement. Cela représente un contraste flagrant par rapport au site prestigieux accordé à la société des pompiers volontaires. Les funérailles devant le monument des pompiers avancent loin dans le cimetière, remontant l'avenue Hawthorne, passant près des puissants de Montréal tel Hugh Allan, jusqu'à la butte de la section G-I25 où reposent les héros de la brigade des pompiers, entourés de maires et de présidents de banque. Se trouvent aussi à proximité les tombes de plusieurs francs-maçons canadiens Convenances contestées : le cimetière comme lieu public

À l'instar de Joseph Guibord et de Thomas Hackett, Charles Chiniquy évoque la centralité de la religion, bien davantage que de l'ethnie ou de la langue, dans les querelles montréalaises du XIXe siècle. Chiniquy est d'abord sacré prêtre catholique. Défenseur passionné de la tempérance, il a toujours été un subalterne difficile pour ses supérieurs épiscopaux. Envoyé en Illinois comme prêtre de la colonisation en 1851, il ne tarde pas à entrer en conflit avec l'évêque irlandais de Chicago. Il est excommunié en 1858, et finit par joindre les rangs de l'église presbytérienne. En 1875, il vient à Montréal, invité par la Société franco-canadienne, dont le but est de convertir les catholiques. Contestant l'infaillibilité papale, l'impérialisme de l'Eglise catholique et son intolérance à l'égard des protestants, Chiniquy prêche l'importance de la Bible à de grandes foules rassemblées partout au Québec. Comme il est accompagné de gardes armés et qu'il livre un message contestataire dans un style belliqueux, ses assemblées tournent souvent à l'émeute. Lorsqu'il meurt à Montréal, le 16 janvier 1899, mille personnes en deuil accompagnent son cortège funèbre jusqu'à sa dernière demeure.

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Thomas Hackett (El)

Détail du monument de Hackett représentant Guillaume d'Orange.

La mort de Hackett au square Victoria Les quotidiens lus par un grand nombre de protestants ont pratiquement transformé la scène du meurtre de Hackett en un lieu sacré. Malgré le Guillaume d'Orange ornant son monument au cimetière, les manifestations populaires sur la tombe de Hackett ont été évitées.

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UNE

MORT

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français auxquels on a refusé l'inhumation en sol catholique et qui ont été enterrés au cimetière Mont-Royal dans des lots dont leur loge a payé les frais. L'histoire des loges maçonniques diffère largement de celle de l'Ordre d'Orange. La franc-maçonnerie s'adresse à un éventail plus large de classes sociales ; en fait, nombre des administrateurs en font partie. Les loges sont des sociétés de bienfaisance qui aident leurs membres moins fortunés et mettent l'accent sur la solidarité sociale. Une annonce parue dans la Gazette sous le titre « Urgence funéraire » convie les frères de la loge Kilwinning de Montréal à assister, le 24. décembre 1866, aux funérailles et à l'enterrement au cimetière MontRoyal de l'intendant général, sergent John Brewster, mort d'une maladie pulmonaire à l'hôpital militaire. « Le défunt était universellement estimé, non moins par ses frères d'armes que par quiconque a eu affaire à lui depuis qu'il s'est installé dans cette ville^1 ». L'enterrement le plus sensationnel, ayant le potentiel le plus explosif, sera celui de Charles McKiernan mieux connu sous le nom de Joe Beef qui, tout Irlandais et catholique fût-il, était avant tout le symbole de la culture ouvrière. Après son service dans l'armée britannique pendant la guerre de Crimée, McKiernan est muté au Canada et une fois réformé, il ouvre une taverne près des quais du port de Montréal en 1868. Dans sa publicité, la Cantine de Joe Beef se veut « la grande maison de la populace », où ne manquent ni ours dansant, ni musique, ni tables de billard. Outre l'alcool et la bonne compagnie, la taverne offre chambre et couvert aux garçons, gens de passage et dockers, mais sans imposer les conditions morales des institutions de réforme comme le YMCA ou le Montréal Sailors' Institute. La taverne est aussi le point focal de la résistance syndicale dans les grèves des travailleurs du port et du canal à l'emploi de personnages puissants tel Hugh Allan, aussi administrateur du cimetière.

Cette politicaillerie ne manque pas de déborder sur le cimetière, où les vues cavalières de Joe Beef, son sens de la plèbe et le fait qu'il sanctionne le jeu et la boisson jurent avec la notion de respectabilité qu'affectionnent les administrateurs. Que lui importe si le cimetière préfère que ses lots servent à commémorer la famille, McKiernan fera enterrer dans le sien une connaissance qui s'est suicidée en se jetant dans le fleuve Saint-Laurent et lui fournira une pierre tombale. Pis encore, dans un discours qu'il prononce devant 2000 grévistes du canal Lachine, il établit un lien entre les demandes des ouvriers pour un juste salaire d'un dollar par jour et la culture du cimetière Mont-Royal, l'indignité de la dissection dans un laboratoire d'anatomie et l'enterrement des pauvres sans même un rasage ou un linceul propre. « Allez mourir à l'hôpital, dit-il aux grévistes, et ils réclameront leur sacro-saint dollar pour vous raser et vous épargner le scalpel des étudiants-12. » Les autorités du cimetière ont toujours déconseillé les grandes processions sur les lieux. Encore là, McKiernan détonnera des notions de convenance chères aux administrateurs lorsque sa première femme, Margaret McRae, meurt quatre jours après avoir accouché en septembre 1871. Malgré la désapprobation de la direction du cimetière, elle et son enfant mort-né sont accompagnés par une fanfare jusqu'à la tombe. La foule ne tient aucun compte des règles et devient intempestive alors que les fosses se remplissent. Invitant l'assistance à retourner à sa taverne, McKiernan dit à la fanfare déjouer The Girl I Left Behind Me* en franchissant le portail du cimetière-". L'enterrement de Joe Beef lui-même, en janvier 1889, offre aux Montréalais l'occasion de montrer leur solidarité et de contenir les rues, tandis qu'y défile une grande procession formée de marins, « rats de cale » et « flâneurs professionnels », et d'un grand nombre de femmes. Par contraste avec la bienséance d'une maison silencieuse aux tentures

Groupe de francs-maçons, Montréal 1877. La franc-maçonnerie du XIXe siècle au Québec est perçue suivant deux visions. Éminemment respectable dans le Québec protestant, qui la considère comme une institution de bienfaisance, elle attire nombre des administrateurs du cimetière. Par contraste, les autorités catholiques l'associent aux société secrètes, à la Révolution française et à l'anticléricalisme. Encore que généralement prudents dans leurs rapports avec les Montréalais catholiques, les administrateurs accordent néanmoins des lots prestigieux aux loges maçonniques francophones Denecheau (£-434, a, b, c, section E-6) et Cœurs-Unis (A-ij^M, section A-i), non loin du monument aux pompiers. Certains des francs-maçons inhumés dans ces terrains sont des protestants d'origine belge, suisse ou française, mais d'autres sont des Canadiens-Français ayant épousé une protestante et le protestantisme. Nombre des maçons enterrés ici à partir de 1902 ont demandé l'incinération de leur corps et n'ont pu être enterrés en sol consacré par l'Église catholique, qui a interdit la crémation jusqu'en 1964. Convenances contestées : le cimetière comme lieu public

*N.d.T. : Littéralement, « la fille que j'ai laissée derrière moi ».

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tirées que favorise la bonne société, la chambre au-dessus de sa taverne est transformée en chapelle ardente par des draperies blanches bordées de noir. Joe Beef repose dans sa tenue de soirée tandis que des milliers de personnes, lit-on dans les journaux, montent l'escalier pour venir lui rendre un dernier hommage34. En dépit du passé religieux équivoque de McKiernan, le recteur de l'église StThomas vient réciter à son chevet une partie de l'office des morts de l'Église d'Angleterre. Tiré par quatre chevaux noirs, son corbillard est suivi par les représentants d'une cinquantaine de syndicats, et le cortège, qui longe les rues de la Commune, McGill et Bleury à destination de la montagne, est réputé le plus impressionnant de tout Montréal depuis l'assassinat de Thomas d'Arcy McGee. Son épitaphe, commandée par sa seconde épouse, compare sans ambages la générosité de Joe Beef à l'égo'ïsme des Montréalais riches :

Ci-dessus La vie à la cantine de Joe Beef Les thèmes mis en relief à la cantine de Joe Beef- la classe populaire, représentée ici par un Noir, la convivialité masculine, le plaisir fruste illustré par l'ours et sa bouteille, le souhait de l'ouvrier d'avoir « la paix » dans sa taverne, et la puissance de l'Armée britannique incarnée dans la viande et la bière posaient autant de défis à la respectabilité protestante telle que symbolisée par le cimetière. A gauche Joe Beef (B-9QI-E, section B-2)

... plus d'un homme riche et puissant Mort et parti avant A refusé avec mépris du pain au pauvre homme Qui frappait à sa porte Mais Joe accueillait le prolétaire Et partageait avec lui son humble pitance Et lui rendait la vie joyeuse Sans souci des convenances ... Ces obsèques sensationnelles soulèvent la question de la place qui convient aux femmes dans la procession et, en fait, au cimetière même. Bien entendu, ce sont surtout les femmes qui veillent alors les mourants et préparent le corps pour l'ensevelissement suivant la coutume. Bien qu'elles assistent à l'exposition en chapelle ardente et aux funérailles, lorsque celles-ci ont lieu à la maison, il leur est de plus en plus difficile de se présenter aux obsèques religieuses et aux enterrements. Les manuels d'étiquette publiés en

Angleterre au milieu du siècle proscrivent la participation des femmes aux processions funéraires. Dans les années 1870, il est de mise que la veuve assiste aux funérailles de son mari à l'église, mais elle doit rentrer directement à la maison dès que s'ébranle le cortège funèbre. La situation trouve son parallèle en Afrique du Sud, où l'on déconseille aux femmes d'assister aux funérailles calvinistes. Décrivant les obsèques de la femme du gouverneur colonial du Cap, en 1789, Robert Ross signale que des 43 personnes composant le cortège funèbre, la seule femme présente se trouve dans le cercueil-^. Les pratiques protestantes au Canada sont calquées sur le conformisme manifeste dans tout l'empire. Certains hommes pensent que les funérailles sont trop émotivement exigeantes pour les femmes. Le président McCord en est sans doute l'exemple typique : les moments particulièrement déchirants, dont l'exhumation de ses parents du cimetière protestant et leur enterrement au mont Royal, ainsi que le transfert du corps de son frère du charnier à sa tombe, sont des devoirs d'homme auxquels participent uniquement ses fils. Lorsque Joe Beef repose en chapelle ardente, la scène est « pleine de pathos », dit un journaliste ; les hommes expriment leurs condoléances avec « une phraséologie assez fruste » en dépit de la présence des femmes ayant monté l'escalier de la taverne pour rendre hommage à la dépouille. On aura le même souci pour les « nombreuses dames et jeunes filles » assistant aux funérailles de Hackett^ 6 . Les consommations alcoolisées, les processions sur les lieux, le décorum féminin et la présence au cimetière de ce que l'épitaphe de Joe Beef nomme le prolétaire, soulèvent une fois de plus des questions de convenance et même de sécurité pour les visiteurs. Un constat s'impose en septembre 1877 alors que le régisseur Richard Sprigings est attaqué en plein jour près de l'entrée du cimetière. Tiré de sa voiture et perdant conscience sous les coups dans ce qui semble être

un vol, Sprigings est secouru par un passant. A peine un an plus tard, les administrateurs demandent aux policiers d'enquêter sur le vol systématique des chaînes décoratives entourant de nombreux lots. Retracés par le biais d'un vendeur de camelote, deux des employés du cimetière, le menuisier David Vaillancourt et le forgeron Magloire Labelle, sont reconnus coupables et condamnés à deux mois de prison aux travaux forcés^. Dans la foulée de ces incidents, les administrateurs embauchent un constable chargé de superviser les lieux. Dès 1887, quatre employés endossent l'uniforme et sont assermentés au titre de constables spéciaux afin d'assurer la préservation du décorum et du bon ordre. Les constables patrouillent les lieux le dimanche, inquiets des chiens et des chevaux emballés. Ils doivent prévenir l'abandon de détritus par les groupes de piqueniqueurs et enquêter sur les plaintes au sujet de vols de fleurs et de profanation des tombes-^ En 1880, le constable Pierre Gauthier arrête Mme Benjamin White et ses enfants qui tentent de quitter les lieux avec des paniers de fleurs. S'ensuit une altercation clans laquelle Gauthier empoigne Mme White « et la traîne à gauche et à droite ». Accusé d'agression, le constable témoigne à sa défense que White l'a provoqué en disant, comme le rapporte un article de journal, que « dès qu'un Canadien-français est investi de la moindre autorité, il se rend généralement désagréable-™ ». Le bois volé dans les forêts du cimetière entraîne aussi des poursuites*0. Plus bas sur la liste des comportements irrespectueux vient le problème des gens qui urinent sur les lieux. Tandis que les femmes, du moins au dire du rapport d'exercice, semblent exclues de cette activité, les hommes et leur urine s'ajoutent aux chiens errants, aux chevaux emballés et aux voleurs de fleurs sur la liste de sujets dont les administrateurs doivent délibérer. Au moins l'un de ces problèmes est allégé en 1899 par l'érection, près du portail, de vespasiennes « ayant la forme d'un cabinet » pour les messieurs*1. Convenances contestées : le c i m e t i è r e comme lieu p u b l i c

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Ci-dessus Inauguration du parc du mont Royal. Les Montréalais profitent du jour anniversaire de la reine Victoria, le 24 mai 1876, pour inaugurer le nouveau parc du mont Royal. Dans l'ensemble, l'événement consiste en une bataille à grand renfort de canon et de cavalerie, simulée pour le plaisir des dames et des messieurs bien mis.

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Bon nombre des questions litigieuses résultent de contradictions entre les normes protestantes et l'usage du cimetière comme lieu public. C'est très certainement pour cette raison que les administrateurs accueillent avec enthousiasme la construction du parc du mont Royal, qui créera sur la montagne un autre site réservé aux activités de loisirs. En 1870, la ville se propose d'exproprier le sommet de la montagne pour en faire un parc public et demande au cimetière d'abandonner une partie de ses terres. Au terme de courtes négociations, les administrateurs consentent à échanger une partie du terrain rocheux sur les hauteurs contre plusieurs acres du côté sud-est beaucoup plus propices à l'inhumation-*2. Cette transaction rapporte aussi aux administrateurs une bande de terrain adjacent au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, laquelle servira de « route ou UNE

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voie de communication » vers les institutions catholiques43. Cette bande de terrain deviendra finalement l'entrée secondaire des deux cimetières. Encore qu'espace public, le parc du mont Royal, tel qu'il est conçu du moins, ne menace en rien le cimetière. Succédant à Andrew Jackson Downing au titre de plus grand architecte paysagiste d'Amérique du Nord, Frederick Law Olmsted cherche à imiter, dans sa conception du parc, le cimetière Mont-Royal en tant qu'oasis de beauté correspondant étroitement aux dogmes romantiques du XIXe siècle. Les administrateurs sont sans doute rassurés, puisque Olmsted s'oppose à l'usage public de la montagne. « S'il faut qu'elle [la montagne] soit traversée de routes et de sentiers, tachetée d'abris et rayée d'escaliers ; si elle doit être couverte de papier graisseux, de bouteilles de bière, de conserves de sardines et de collets de papier ; si des milliers de gens sont libres de s'y récréer sans aucune restriction, chacun selon son goût particulier, elle perdra vraisemblablement tout le charme naturel que vous y avez d'abord trouvé44. » Le parc sera donc en quelque sorte le prolongement des jardins des familles aisées vivant déjà sur la montagne, car l'accès, du moins au début, se limite aux méandres d'une ou de deux voies carrossables. Cependant, la croissance de la classe ouvrière montréalaise, ses besoins sur le plan des loisirs, et la démocratisation des attitudes envers les lieux publics transformeront bientôt et le parc et le cimetière. En 1891, le Montréal Island Railway propose d'installer des rails montant l'avenue Mont-Royal sans doute jusqu'à l'entrée du cimetière. Devant le refus des administrateurs, le chemin de fer tente sans succès de faire adopter une loi provinciale permettant la réalisation du projet. Trois ans plus tard, le Montréal Park and Island Railway fait la promotion d'un monorail menant au sommet du mont Royal, qui permettrait au grand public d'accéder au parc et, par l'entrée secondaire, aux deux cimetières, le catholique et le protestant. Le plan

Funiculaire menant au parc du mont Royal. Après l'aménagement du parc en 1876, et à plus forte raison après l'installation du funiculaire en 1886, la montagne est utilisée à de nombreuses fins. Les Montréalais se rendent par funiculaire (et plus tard, par tramway) au sommet du mont Royal pour y admirer la vue, prendre l'air frais ou savourer un pique-nique. Les deux cimetières demeurent toutefois à l'écart des activités de loisirs populaires sur la montagne ; ce sont des sociétés privées, dirigées selon le cas par des décideurs protestants ou catholiques.

est appuyé par les Chevaliers du Travail parce qu'il donnera à la classe ouvrière accès à la montagne, mais le cimetière y oppose une vive résistance. Afin de défendre « la beauté naturelle, l'isolement, la solennité, le charme unique et la tranquillité » des lieux, les administrateurs protestent

auprès du conseil municipal de Montréal contre toute intrusion par monorail « dans le champ visuel et auditif de ceux qui assistent à des funérailles ou visitent la tombe de parents 45 . » En 1896, le projet est mis en veilleuse ; trois décennies s'écouleront avant qu'il ne se réalise enfin.

Convenances contestées : le cimetière comme lieu public

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CINQ

L'ENTREPRISE ET SON ADMINISTRATION, 1852-1924

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i les notions d'esthétisnie, la morale et toute une série de questions sociales relatives à la mort comptent au nombre de leurs multiples préoccupations, les administrateurs ne sont pas moins chargés de gérer cette entreprise que demeure le cimetière Mont-Royal. Et quelle entreprise ! Une propriété couvrant des centaines d'acres sur la montagne, plusieurs milles de voies d'accès, des édifices, des chevaux, la résidence du régisseur et un dortoir pour ses journaliers, une serre et des forêts, un bureau et des investissements. Essentiellement, le travail consiste à vendre des biens immeubles, à en enterrer les détenteurs avec goût et efficacité, à gérer une main-d'œuvre nombreuse et saisonnière, et à tenir soigneusement les registres. Tandis que l'achat d'un lot par une famille en deuil est une occurrence quotidienne, ce sont les terrains achetés à l'avance par des personnes aisées cherchant à se ménager un site familial, qui apportent le capital initial à l'entreprise. Comme pour toute subdivision foncière, le promoteur qui veut maintenir le prestige et la valeur de sa propriété doit régler les questions visant l'emplacement, les grilles, le panorama, l'usage du site et la compatibilité du voisinage. Les ventes aux familles affluentes dépendent de l'aspect esthétique de la propriété, de l'intégration du portail, des édifices, des sentiers, du paysage et des échappées en un ensemble architectural et natu-

rel qui flatte les aspirations culturelles des protestants. Ces acheteurs sont certainement rassurés du fait qu'au cimetière Mont-Royal, un lot devient un attribut permanent, une sorte de domaine familial en miniature. Contrairement aux concessions dites temporaires vendues ailleurs pour une période pouvant atteindre 99 ans, les lots du cimetière Mont-Royal sont vendus au titre de biens immeubles 1 , de sorte qu'une fois payés, on peut les transférer librement ou les léguer en héritage. Suivant la tradition de la common law britannique plutôt que du code civil, point n'est besoin d'enregistrer les transferts de lots devant notaire ; un acte translatif signé par deux témoins et enregistré dans les livres du cimetière est valide. À la différence de l'immobilier sous presque toutes ses formes, les lots du cimetière MontRoyal ne peuvent être grevés d'hypothèque ni faire l'objet de quelque autre attribution, ce qui constitue une protection contre des situations vexantes comme la saisie d'un lot par suite d'une faillite. Il arrive que, des années plus tard, la famille ou un bienfaiteur remette en état la tombe d'une personne endettée. Malgré certaines restrictions qu'imposent les règlements quant à l'apparence des lots, les propriétaires jouissent de droits appréciables pour tout ce qui concerne monuments, enceintes, verdure et entretien de leur propriété. On leur permet de cultiver des arbres, des arbustes et des plantes,

bien que les administrateurs conservent un droit de passage sur les lots afin d'y enlever arbres, branches ou racines nuisibles, dangereux ou indésirables. Conformément aux principes libéraux, l'entretien général du lot relève de la responsabilité du propriétaire2. Nombre d'entre eux plantent, émondent ou tondent assidûment, et la vente de plantes ornementales cultivées au cimetière est une source importante de revenus. À cet égard, la demande est telle qu'on construit une deuxième serre de grandes proportions en 1893. Les administrateurs interviennent rarement dans la conception d'un monument ou d'une enceinte, mais se réservent le droit « d'empêcher l'érection de grands ajouts pouvant détonner de l'effet général ou obstruer un panorama important^ ». Il est permis de ceindre un lot d'une clôture de fer ou d'un muret de pierre ; périssable et putrescible, le bois est interdit tant pour les clôtures que pour les monuments. Les enceintes de pierre ne doivent pas excé-

Acte de vente d'un lot à Hance Alderdice. Comme l'implique cet acte de 1854, les lots du cimetière sont acquis au même titre qu'une propriété et peuvent être subdivisés.

der dix-huit pouces de hauteur, tandis que les clôtures de fer doivent être légères, propres et symétriques, sans excéder quatre pieds et demi de hauteur*. Les lots ceints de murets de pierre ou de clôtures sont pourvus d'escaliers et de portails donnant accès à l'enceinte privée, réservée à la famille. On constate dans la finesse des travaux de maçonnerie ou de ferronnerie ornant les lots huppés et les mausolées que les propriétaires font appel à un réseau d'artisans, d'entrepreneurs et d'architectes répondant à leurs goûts. Les produits de la forge étant extrêmement prisés dans les clôtures, portails et grilles de foyer des maisons victoriennes, les fonderies ont aussi une clientèle substantielle au cimetière. William Clendinneng & Co. y réalisera des enceintes remarquables, dont certaines demeurent encore aujourd'hui. Souvent, les propriétaires de lots bien en vue font appel aux artisans qui ont construit leur maison pour ériger une enceinte exigeant la compétence d'un maître maçon.

La tombe des Lovell (F-I54, section F-T). A son époque, John Lovell (1810—1893) est le plus important éditeur de livres, de quotidiens et d'annuaires à Montréal. Sarah Kurczyn, qu'il a épousée en 1849, dirige une école pour jeunes filles. Le livre ouvert qui orne leur tombe ne saurait mieux convenir.

David Thompson dans la passe de l'Athabasca, 1810 (C-5oy, section C-5). Au nombre des grands noms reposant au cimetière figure l'explorateur David Thompson (1770—1857). Il a atteint la source du Mississippi puis, en 1811, l'océan Pacifique. Après une vie passée à explorer les territoires sis au nord et à l'ouest du pays et à en dresser la carte, Thompson meurt criblé de dettes et est inhumé dans une tombe anonyme. Sept décennies plus tard, la Société historique du Canada lui fait ériger un monument convenable. Lors du dévoilement de ce monument, en 1926, on cite l'évaluation que Thompson a faite de ses propres accomplissements. «J'ai arpenté au complet cette partie de l'Amérique du Nord, d'un océan à l'autre ; des observations astronomiques quasi innombrables m'ont permis de déterminer la position des montagnes, des lacs, des rivières et d'autres endroits remarquables de ce continent, et les cartes dressées et tracées selon la position géographique de tout cela ont formé l'œuvre de vingt-sept ans. »

Plan du lot de la famille Murray (A-2i, section A-i). Les passants se doutent à peine du monde reposant sous leur pied. Ce plan, préservé dans les archives du cimetière, donne une idée de l'aménagement et de l'utilisation d'une grande concession, dans le cas présent, celle de William Murray, qui tut longtemps administrateur et président du cimetière Mont-Royal. Acheté par Murray en 1854, le terrain se démarque des espaces voisins par un muret de pierre, soutenu à intervalles réguliers par des piliers et formant une sorte d'entrée à l'une des extrémités. Le terrain est dominé par l'imposant monument qui porte, sur sa face frontale, les épitaphes de Murray et de sa femme, Agnes Gow, et de chaque côté, celles de leur fils aîné, Alexander, et de leur second fils, John. L'admissibilité à l'inhumation dans un grand terrain peut se comparer à la répartition des chambres dans une grande maison. Dans le lot des Murray, la mère du patriarche William et celle de sa femme, Agnes, occupent respectivement les tombes de part et d'autre du monument, tandis que les parents et leurs fils, Alexander et John, reposent en face du monument ; les autres membres de la famille, leur époux ou épouse, ainsi que leurs enfants sont alignés dans les rangées subséquentes.

La sculpture de pierres tombales souvent massives, comme celles en vogue à l'époque, est aussi un métier spécialisé. Le motif de l'urne retient la faveur. Dans la dernière déclaration qu'ils font aux vivants, ces gens ont un penchant pour les longues épitaphes ajoutant du poids au discours, à la moralité et aux accomplissements d'une vie. Les hommes, on ne s'en étonnera guère, donnent priorité aux réalisations publiques, encore que leur rôle de père, de mari et de bon chrétien soit souvent mentionné. Chez les femmes, l'épitaphe évoque surtout la vie au foyer, bien qu'on trouve des exceptions notables à la règle. Ainsi, l'épitaphe de Hannah Lyman rappelle qu'elle a su « façonner par ses enseignements et son influence l'esprit et le cœur de nombreuses femmes ». Celle de Jane Davidson Ross, belle-mère du premier président du cimetière, John Samuel McCord, est beaucoup plus conventionnelle. Datant de 1866, c'est une ode à la famille, une longue litanie de principes moraux et de références bibliques : Ci-gît dans la tombe, auprès de son père, de sa mère et de son mari, Monument de Hannah Lynian (6-213, section G). Originaire de la Nouvelle-Angleterre, la famille Lyman a fait fortune à Montréal dans la vente en gros de médicaments et a joué un rôle de premier plan pendant les premières années du cimetière. Benjamin Lyman figure au nombre des fondateurs du cimetière Mont-Royal, dont il préside le conseil de 1875 à 1877. Hannah Lyman a ouvert une école pour jeunes filles en 1839 à Montréal. Congrégationaliste convaincue, elle enseigne la Bible dans sa maison aux soldats de la garnison britannique. En 1865, elle devient la directrice du collège Vassar à Poughkeepsie, dans l'État de New York. Elle est emportée par la tuberculose en 1871. Son monument est inusité pour un cimetière protestant en raison de la sensualité féminine qui s'en dégage et de l'usage de la croix, mais son épitaphe atteste de l'influence qu'elle a exercée sur les femmes : Sa noble tâche si dignement accomplie Fut de façonner par ses enseignements et son influence L'esprit et le cœur de nombreuses femmes Qui chériront à jamais son souvenir Avec tendresse et gratitude

Jane Davidson Ross Humble chrétienne sa vie durant en instantes prières dont le pèlerinage II a prolongé au-delà du ternie assigné de quatre-vingt ans afin qu'elle puisse briller par l'exemple pour les enfants de ses enfants. Enfin accompli son voyage elle s'est endormie en Jésus le 25 mars 1866. Point d'alarme quand retentit le cri : «Voici l'époux! Sortez à sa rencontre! » car l'huile n'a jamais manqué dans sa lampe. Et elle entendra ces paroles joyeuses : « Venez, les bénis de mon Père recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde ».

Plans d'architecte pour le caveau de Henry Black, 1849. Alors que les pierres tombales plus simples sont tirées d'un recueil de modèles, les architectes de la localité offrent à la clientèle haut de gamme de concevoir monuments et mausolées sur demande. À Québec, le juge Henry Black a fait construire son mausolée au cimetière MountHermon suivant ce plan dressé par l'architecte Edward Stavely.

Tombe d'Isabella Smith, épouse d'Andrew Allan, 1881 (£-169, section £-5). Le terrain appartenant à Hugh Allan, le plus grand des capitalistes canadiens d'après la Confédération, constitue le meilleur exemple encore visible d'un enclos victorien. Sa clôture et ses grilles de fer, forgées à la fonderie Clendinneng, la diversité de ses monuments et son ambiance de jardin rappellent tant le caractère privé de la sépulture que le pouvoir publique de ses occupants.

Au Xixe siecle, la pierre tombale fait partie de la gamme des produits d'une entreprise telle la Montreal Manufactory in Marble, qui annonce des monuments funeraires « imposants », mais aussi des plateaux de table et des atres de cheminee. Sa concurrente, la William Cunningham's Marble Factory, produit des montants de cheminee, des fonts baptismaux et, « dans le plus bref delais », des monuments, steles et pierres tombales5. Au faste des lots cossus correspondent des obseques et une inhumation de plus en plus elaborees.Vers la moitie du siecle, un eventail de petits entrepreneurs offrent leurs services aux families eprouvees. Ce sont ceux qui fabriquent les cercueils, en gravent les plaques ou en rembourrent 1'interieur, ce sont les cochers en livree et leur corbillard, ce sont encore les fleuristes, modistes et imprimeurs de cartes funeraires. Chez la plupart, les produits et services funeraires ne constituent qu'un aspect d'une entreprise diversifiee.John Hoggard, agent de recouvrement et distributeur de factures et de circulaires (les services postaux sont encore tres rudimentaires), developpe un a-cote lucratif en livrant les invitations funeraires. Le boutiquier Henry Morgan annonce que les accessoires de deuil sont la specialite de son magasin de la rue Saint-Jacques. Avant 1'ouverture du cimetiere Mont-Royal en 1852, les entrepreneurs de pompes funebres ne sont pas legion a Montreal. A leur place, un artisan comme C. Robertson, ebeniste et rembourreur, annonce qu'il dessert les funerailles dans les plus brefs delais et qu'il peut disposer a main levee de cercueils de qualite et de tallies diverses6. Le cimetiere protestant et son pendant catholique etant distants de la ville, les processions funeraires connaissent une visibilite toute nouvelle, comme d'ailleurs ce que Robertson, devenu entrepreneur de pompes funebres, appelle le transport « avec classe et bon gout ».Alors qu'en

Les ateliers de J. Brunet, env. 1901. Pour repondre aux besoins de ceux qui ne peuvent aspirer ni au fer forge, ni aux marbres elabores que prisent les notables, des entrepreneurs comme Thompson et Kinch offrent, outre les monuments, tombes, tablettes et ornements funeraires de tout genre, le travail pratique de leurs marbriers et sculpteurs. Des les annees 1890, les emplacements a proximite des cimetieres de la montagne prennent de la valeur pour les industries qui y servent leur clientele. Un fleuriste s'installe pres des grilles du cimetiere Mont-Royal, des producteurs de monuments ouvrent leurs portes le long du boulevard Saint-Laurent, et J. Brunet, proprietaire d'une carriere de granit, etablit un atelier de marbre et granit sur le chemin de la Cote-des-Neiges, pres de 1'entree du cimetiere catholique. II importe des monuments pour les families fortunees, et ses macons reparent ou sculptent les pierres tombales et construisent cryptes et piliers.

A droite Publicite de 1'atelier Hyatt, 1857. L'essor des entrepreneurs de pompes funebres sur le plan professionnel, et la presence des visiteurs et touristes du dimanche au cimetiere favorisent le faste funeraire et, par voie de consequence, le developpement d'un vaste eventail de specialites, notamment la fabrication de pierres tombales. Bien plus qu'un simple rappel du lieu de sepulture, les monuments agissent comme symboles du prestige familial tout en portant un message d'ordre spirituel ou moral. Pour produire 1'effet recherche, les sites les plus elabores font appel au travail d'artisans, d'artistes et souvent meme d'architectes.

L'entreprise et son administration, 1852-1924

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1851, Robertson a utilise 1'expression « corbillards et crepes aux plus has prix », les annonces de 1864 promettent des produits inegales en ville, notamment un corbillard vitre de premiere classe pour adulte ou pour enfant. Sachant la Faucheuse democrats, la firme Scale and Tees annonce en 1860 des corbillards « de premier ou de second ordre », pouvant etre munis de panneaux en verre ou, pour les plus discrets, en tissu.Vu 1'eloignement, 1'isolement et 1'etrangete de deux nouveaux cimetieres sur la montagne, de nombreuses families acceptent qu'un entrepreneur de pompes funebres serve d'intermediaire entre elles et les dirigeants du cimetiere. Ainsi, Robertson offre d'epargner aux families en deuil le souci de voir aux details de 1'enterrement : « toute instruction relative aux funerailles sera promptement transmise au cimetiere sans frais, ce qui epargnera tous les soucis a la famille7 ». C'est au regisseur et a ses assistants qu'incombe 1'organisation du fossoyage des tombes et du passage ordonne des groupes assistant aux funerailles, pour ne rien dire des taches saisonnieres et perennes relevant de 1'entretien des lieux. La reorganisation de la main-d'oeuvre du cimetiere reflete la specialisation des professions et 1'application a une societe sans but lucratif des nouveaux principes de gestion issus du monde des affaires. Le personnel se specialise davantage, mais sa stabilite est assuree par 1'embauche des fils et autres membres de la famille. Des services distincts sont etablis en 1875, et les administrateurs approuvent la description des taches de cinq employes permanents. Peter Turner, maitre jardinier et forestier, occupe dans la hierarchic le second rang, juste au-dessous de Richard Sprigings. Charge de « 1'horticulture decorative du domaine tout entier », il doit concevoir les routes et sections nouvelles, superviser I'amenagement du paysage, et diriger les taches relevant de 1'horticulture, notamment 1'entretien des serres et la taille des plantes. William Sprigings, le frere de Richard,

Grille n° 19, incluant les piliers et le portail en fer. Source : catalogue commercial de la fonderie Wm. Clendinneng & Son Co. Ltd. 1894

Ci-dessus Piliers et grilles de fer forge. Modeles Clendinneng Irlandais protestant, William Clendinneng (1833-1907) a fait de sa fonderie de Montreal une impressionnante entreprise. Des 1891, ses 450 ouvriers produisent pres de 55 ooo poeles par annee. Ses clotures de fer forge ceinturent la residence du gouverneur general a Ottawa, ainsi que les grandes maisons bourgeoises des Molson et des Allan. On peut encore voir les enceintes, clotures et piliers concus et forges par la fonderie sur le lot des families Allan, Phillips, Oxley et Lauder, de meme qu'au portail d'entree. Clendinneng, que le vacarme de la fonderie a rendu sourd, a etc frappe et tue par un train en 1907. Lui et sa femme sont enterres au cimetiere.

Ci-contre

Interieur de la fonderie Clendinneng, 1891

Publicite de la fonderie Clendinneng

Encadre

William Clendinneng Encadre

Exterieur de la fonderie Clendinneng, 1891 L'entreprise et son administration, 1852-1924

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Corbillard pour enfant La fenêtre vitrée du corbillard de Joseph Wray révèle l'importance du faste funéraire dans le transport des dépouilles vers les cimetières de la montagne. Dès la fin du siècle, les décès survenaient de plus en plus souvent à l'hôpital ; en 1889, Wray exploite son service de pompes funèbres à partir de l'Hôpital Général de Montréal. L'annonce de Wray fait un judicieux usage de la montagne en toile de fond. Les entrepreneurs de pompes funèbres offraient des corbillards blancs fastueux pour le transport des enfants.

A droite Publicité de l'entrepreneur de pompes funèbres Joseph C.Wray, 1889

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est sous-jardinier et se charge du fossoyage, de la tonte des pelouses, de l'entretien des massifs fleuris et de la supervision de l'ornementation des lots. Chef journalier et palefrenier, Charles Wilson assure l'entretien des routes, le soin des chevaux et le maintien des écuries ; c'est à lui qu'incombé la tâche critique de retirer les corps du charnier au printemps. Le portier John McCuaig est chargé du nettoyage de la loge, de la sécurité au cimetière, de l'ouverture des portes à 7 heures et de leur fermeture au coucher du soleil8. Comme la femme de Richard Sprigings est Ann McCuaig et celle de William Sprigings, Christina McCuaig, John leur est sans doute apparenté. Outre ces spécialistes, le cimetière embauche une importante main-d'œuvre saisonnière pour les travaux manuels lourds, notamment le fossoyage, les travaux routiers, l'entretien forestier, l'embellissement des lieux en saison, et le retrait des corps du charnier afin de les ensevelir pendant les quelques journées critiques suivant le dégel printanier. On imaginera mieux les responsabilités du régisseur à la fin du XIX e siècle en pensant à une succession de tâches en couches superposées. Déboiser les forêts, dynamiter les fosses, exploiter une carrière pour alimenter le réseau routier, brûler les souches, terrasser les lots, les aménager et y planter des végétaux, poser escaliers et fondations de pierres tombales, creuser des fosses, ériger les monuments, graver les épitaphes et ficher en terre des clôtures en fer forgé, voilà autant d'occupations qui produisent du bruit, de la poussière, de la fumée, des rebuts, et le va-et-vient de chevaux et d'hommes en sueur. Un coup d'œil à sa charte nous rappelle toute l'ampleur du temporel au cimetière : outre l'inhumation, ses clauses mentionnent spécifiquement les égouts, clôtures, chapelles, chevaux, corbillards, routes, aires de stationnement, chemins, sentiers, squares, fossés, drains, plans d'eau, arbres, buissons et plantes. Les administrateurs

sont autorisés à embaucher arpenteurs, architectes, jardiniers, régisseurs, commis, et « autres agents ou serviteurs9 ». Parmi les outils et l'équipement qu'on trouve communément dans les grands cimetières, et qui tous en évoquent la temporalité, figurent les haches, pics, bêches, pelles, leviers, râteaux, grattes, balais, seaux, brouettes, pompes, cordes et poulies, planches, échelles, plates-formes, caisses, chevalets, couvre- fosses et abris de toutes sortes10. Les lieux abritent des familles et leur foyer, un monde de travail en expansion, qui s'occupe de comptabilité, d'enregistrement, de transport, d'entreposage, de culture et de réparations ; c'est pratiquement un village complet avec maisons, bureau, chambre forte, charniers, écurie, serres, poste de pompe, ateliers de forge et de voitures, cabanes à outils, remises, parcs d'entreposage, pâturages, carrières, couches de semis et dépotoir. Les enfants du personnel vivant sur place grandissent sur les flancs de la montagne, jouent parmi les tombes et apprennent le métier et les mœurs du cimetière en travaillant aux côtés de leurs aînés. Les dirigeants se soucient constamment de tenir ces sites de travail, pleins de bruit, de poussière, de muscles déployés et de mort visible, à distance des zones d'ensevelissement auxquelles s'appliquent des normes respectables visant la propreté, l'ordre, la paix et la beauté. Toute cette activité exige le transport des denrées propres à alimenter le travail et la vie sur la montagne ; il faut procurer la nourriture au personnel, le foin aux chevaux et les fleurs aux disparus, et acheminer les chargements plus lourds et plus lents de chaînes, de clôture de fer et de granit. Qui plus est, chaque corps s'accompagne de formalités, car les actes, certificats médicaux, et déclarations pastorales assurent la légitimité civile de l'enregistrement et de l'inhumation en même temps qu'ils procurent de l'emploi au personnel administratif et aux teneurs de livres. Morts ou vivants, des êtres humains se joignent au matériel transporté dans L'entreprise et son administration, 1852 — 1924

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la longue ascension de l'avenue Mont-Royal à partir du fourmillant boulevard Saint-Laurent. Bien sûr, les cortèges funèbres, les familles en deuil et les visiteurs créent le trafic le plus visible, mais les ouvriers, tout comme les pasteurs des nombreuses confessions représentées au cimetière, y ont aussi à faire tous les jours. Aucune entreprise, tout harmonieuse soit-elle, n'est à l'abri des imprévus qui viennent bousculer le quotidien. L'an 1880 est particulièrement désastreux. Deux incendies ravagent l'un la serre, l'autre les étables, tuant cinq chevaux et détruisant tous les traîneaux et les harnais11. Par ailleurs, les épidémies, les catastrophes naturelles ou d'autres événements peuvent aussi se révéler éprouvants, mais le cimetière est tenu de maintenir le rythme des enterrements en dépit des crises épisodiques. Le choléra, la typhoïde, la Equipe de travailleurs au cimetière. Les différentes tâches qu'il fallait accomplir en plein air sont évidentes dans cette photo sans date provenant des archives du cimetière. Cinq des ouvriers tiennent une pelle et l'un d'eux, une scie ; on voit clairement au premier plan les câbles servant à abaisser le cercueil dans la fosse. Trois des hommes portent la cravate et ont les mains libres ; l'homme portant chapeau melon, gilet et montre à chaîne est sans doute le régisseur.

variole s'abattent régulièrement sur Montréal, et l'ensevelissement des corps contagieux comporte des risques. Malgré l'éloignement de la ville, le régisseur trouve souvent au matin des corps déposés pendant la nuit devant le portail du cimetière12. Ceux qui ne sont pas vaccinés contre la variole sont facilement exposés à la contagion, car le virus aérogène peut survivre pendant plusieurs jours dans les vêtements, le linceul ou le cercueil de la victime. Les prescriptions législatives visant la santé publique sont claires quant à l'inhumation de telles victimes : les funérailles sont strictement privées et les corps, enterrés dans les vingt-quatre heures dans la municipalité où ils ont trépassé. Comme la loi interdit aussi qu'on dépose les dépouilles contagieuses dans un charnier, une remise de bois est érigée en 1872 pour contenir les victimes pendant

l'hiver. En 1874, les administrateurs fustigeront Sprigings pour avoir placé des victimes de la variole dans le charnier plutôt que dans la remise spéciale. Le régisseur dira en guise d'excuses qu'il s'est laissé attendrir par les « sentiments de certaines personnes 1 ^ ». Sauf dans les crises attribuables aux épidémies, le règlement visant les cimetières stipule expressément que l'on peut creuser une fosse sur avis de huit heures, donné pendant la journée au régisseur'4. Les fossoyeurs du cimetière Mont-Royal forment une main-d'œuvre compétente sous la supervision immédiate du second jardinier. Ils recourent à tout un éventail de stratégies afin de minimiser la détresse des familles en deuil et de faciliter l'intervention du clergé autour de la tombe. Dans les enclos d'autrefois, les fossoyeurs répandaient le sol n'importe où, si bien que les porteurs devaient enjamber des monticules de terre pour se rendre à la fosse. Les cimetières s'efforcent de réduire la boue et les troublants amas de terre. Au cimetière MontRoyal, on emporte la terre dans des brouettes ou des caisses tombales, ce qui laisse la fosse entourée d'un gazon bien propre. Des couvre-fosses, munis de manches de brouette, servent à préserver les fosses fraîchement creusées de la pluie ou de la neige et empêchent que « l'on ne s'approche trop près des abords ». Parmi les professionnels embauchés par le cimetière, les fossoyeurs sont renommés pour l'expertise particulière qu'ils mettent à adoucir la rigidité d'une fosse béante en la tapissant de rameaux de cèdre'\ Pendant la durée du service de l'inhumation, la fosse est bordée de planches. Certains cimetières fournissent au pasteur un abri, qui parfois comprend un toit de toile noire et une plate-forme d'où le pasteur peut s'adresser à l'assistance, mais cette pratique reste inconnue au cimetière Mont-Royal. L'entretien des tombes, ou ce que les procès-verbaux appellent « l'assurance d'une uniformité ordonnée et désirable dans l'entretien des lieux », est vin problème pérenne' 6 .

La caisse tombale.

Tous les régisseurs de cimetière semblent se tracasser pour ce qu'un manuel décrit comme « le manque de perpendicularité » des pierres tombales17. Cette problématique obliquité exige qu'on respecte à la lettre les règlements relatifs à l'établissement des fondations en dessous de la profondeur de gel. Ça ne va déjà pas trop bien sur les tombes soigneusement entretenues, mais les sites négligés, surtout les grands lots auxquels on a apporté des embellissements substantiels, sont un fléau. Clôtures dilapidées, monuments inclinés et verdure intempestive en font des horreurs flagrantes. Toujours préoccupés d'esthétisme, les administrateurs ordonnent au régisseur de leur signaler les lots négligés. Dès 1887, 524 propriétaires paient des frais annuels pour l'entretien de leur lot par les travailleurs du cimetière, mais bien d'autres ne font rien de tel, non plus qu'ils s'occupent d'y voir euxmêmes. La question de l'entretien s'inscrit dans un paradoxe plus vaste : en effet, la stabilité du bien immeuble (le lot) et l'intemporalité projetée par le cimetière rural contrastent L'entreprise et son administration, 1852 — 1924

La caisse tombale servait à contenir la terre excavée de la fosse pour éviter de salir le gazon environnant ; i! en fallait de une à quatre, selon les dimensions de la fosse. Certaines étaient munies de roues plus hautes d'un côté que de l'autre, de sorte que le fossoyeur puisse les pousser à l'écart et laisser la fosse libre de planche ou de terre pendant le service funèbre. Au cimetière Mont-Royal, le régisseur Ormiston Roy est d'avis que les caisses tombales favorisent un chantier propre, efficace et silencieux. « Ces caisses », explique-t-il en 1899, « sont manipulées par deux hommes ; non seulement assurent-elles la propreté du terrain, mais elles permettent de remplir une fosse silencieusement et en quatre fois moins de temps que ne requiert le même travail effectué à la pelle. »

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La montagne et le quartier Mile End, 1872 Dès le début des années 1870, les administrateurs partent en campagne pour faire prolonger la rue Bleury vers le nord à partir de l'Hôtel-Dieu jusqu'au tourniquet sur l'avenue Mont- Royal. Cela avantagera les groupes assistant à des funérailles en provenance du centre et de l'ouest de la ville, et évitera à d'autres la circulation dense et le brouhaha du boulevard Saint-Laurent (procès-verbal, rapport d'exercice, 1873). La carte ne reproduit pas sans quelque fantaisie les avenues du cimetière ; quant au dessin du parc du mont Royal, fait plusieurs années avant que le concepteur, Frederick Olmsted, ne vienne à Montréal, il relève de la pure invention. Néanmoins, la primauté de la montagne ne fait ici aucun doute.

violemment avec l'instabilité de la famille protestante à Montréal. La réputation du cimetière repose sur la constance et son discours, sur le repos éternel, mais les propriétaires de lots sont assujettis aux aléas de la vie urbaine ; migration, infertilité, épidémie, catastrophe, décadence ou manque d'intérêt peuvent compromettre l'aptitude d'une famille à assurer l'entretien de sa concession. Les propriétaires quittant Montréal posent un problème particulier. Afin de résoudre cette contradiction troublante entre la finalité de la mort et les coûts récurrents d'entretien d'une tombe, le cimetière adopte dès sa première décennie la politique selon laquelle le prix d'une concession inclut son entretien à perpétuité. Sans doute y a-t-il coïncidence entre l'inauguration, en 1859, du chemin de fer du Grand Tronc allant vers le sud-est de l'Ontario et le Maine, et la discussion des administrateurs, en 1860, à propos des propriétaires « qui pourraient quitter la ville pour un temps ou à jamais18 ». En 1861, ils annoncent donc l'option de l'entretien perpétuel, plan qui sera ajusté au cours des deux décennies suivantes. En 1869, les propriétaires de lots reçoivent une lettre qui décrit la popularité de cette option et les invite à y souscrire. Un extrait des règlements de 1879 donne une idée des coûts : Les administrateurs assument la charge des lots, ainsi que la préservation et la réparation des enceintes, tombes et monuments à perpétuité, aux conditions suivantes. Pour la charge des lots seulement

Pour chaque aire d'une superficie de 100 pieds jusqu'à concurrence de 400 pieds, paiement de TO $ comptant ; Pour chaque aire d'une superficie de 100 pieds au-delà de 400 pieds, paiement semblable de 5 $ ; Pour la fourniture, la plantation, la taille et le remplacement de temps à autre d'arbustes fleuris, une surcharge de 50^ sur les frais susmentionnés.

Pour la préservation et la réparation de monuments, tombes et enceintes, si la structure est

en granit, paiement comptant équivalent à 10 % du coût ; en marbre, en pierre calcaire ou en grès, paiement comptant équivalant à 15 % du coût, ou à tel prix spécial dont pourront

convenir les administrateurs. Et même principe pour les enceintes :

L'âge et l'état de la structure au moment de la prise en charge étant pris en considération et, dans tous les cas, suivant l'approbation des administrateurs19.

Fiche d'inscription de Martha Anderson Phillips.

En 1883, placée devant l'alternative de fermer les yeux sur les tombes négligées parsemant le cimetière ou d'en assumer les frais d'entretien, la direction institue un fonds de dotation dont les revenus serviront à l'embellissement des lieux. L'usage accru du gazon pour recouvrir les tombes, ou ce que les procès verbaux appellent la « pelouse », et l'efficacité des tondeuses tirées par des chevaux pour faucher les grandes sections ouvertes, changent l'aspect de l'entretien perpétuel. En 1887,une résolution propose que tout acte de vente comprenne le « soin de la pelouse à perpétuité », mais l'option n'est retenue que par une minorité de propriétaires. En 1893,le quart seulement des concessions sont entretenues sur la base des frais annuels ou de l'entretien perpétuel20. La mise en œuvre de la politique de l'entretien perpétuel et les préoccupations croissantes à l'égard de l'entretien des tombes mènent graduellement les administrateurs à adopter une approche plus scientifique de la gestion du cimetière. Frank Roy, successeur de Sprigings, et par la suite son fils, Ormiston Roy, appliquent les théories modernes de gestion à l'intendance des lieux et de l'entreprise. Pour assurer le maintien des normes sur le chapitre de l'apparence, le cimetière impose son droit de régenter les lots

Le système de classement à fiches demeure un moyen efficace de trouver l'emplacement de tombes spécifiques dans le cimetière.

L'entreprise et son a d m i n i s t r a t i o n , 1852-1924

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décadents. Les propriétaires sont avisés par courrier recommandé à leur dernière adresse connue ; si les réparations ne sont pas effectuées dans les 90 jours, le régisseur peut (en théorie, aux frais du propriétaire) retirer les clôtures et abaisser les bornes afin de faciliter l'accès aux tondeuses. En 1902, Ormiston Roy signale aux administrateurs que nombre des anciens actionnaires ont acquiescé à sa demande de retirer de leur concession les « clôtures, haies, bornes ou murets trop hauts ». Quant aux propriétaires qu'on ne peut retracer et dont les lots sont « tombés en décadence et devenus des horreurs », leurs murets et monuments sont enlevés et déposés dans un entrepôt. On en tient soigneusement compte au cas où un propriétaire ou son descendant se manifesterait un jour 21 . Dans cet esprit d'efficacité, les lots assujettis à l'entretien perpétuel augmentent de façon spectaculaire, passant de 59 en 1887 à 2750 en 1904. Néanmoins, le principe de l'entretien perpétuel crée certaines difficultés. Lors d'une réunion des régisseurs, Ormiston Roy signale les dangers d'une définition trop permissive de l'entretien perpétuel qui pousserait des propriétaires à présumer que leur gazon sera arrosé par temps sec ou replaqué s'il est endommagé par le dessouchement22. Lorsqu'il a sa chance d'imposer sa propre vision au cimetière Hawthorn-Dale en 1910, Roy s'assure que l'entretien perpétuel est étroitement défini comme l'entretien raisonnable de la pelouse. Les mausolées présentent un autre problème, car même si les propriétaires ont laissé des fonds à cet effet, l'entretien requis est substantiel. Après 1900, les cimetières adoptent le principe du plan pelouse, si bien que les mausolées perdent de la faveur auprès de la direction malgré leur importance comme attraits architecturaux. En 1908, après avoir discuté avec la famille Molson de l'état de ses mausolées, les administrateurs lui refusent une demande de conversion à l'entretien perpétuel 2 -^. 100

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Si l'application de la gestion scientifique est clairement évidente dès 1875 dans l'entretien des lieux, elle tarde quelque peu à toucher les activités commerciales au cimetière. Toutefois, dans la foulée de la structuration de grandes sociétés vers la fin du XIXe siècle, notamment dans les chemins de fer et l'industrie, la modernité pénètre aussi dans les bureaux. L'apparition de la machine à écrire, les nouvelles formes de tenue des registres et la présence d'un personnel administratif féminin marquent un renouveau bureaucratique. A l'instar du contrôle des inventaires dans le commerce, la tenue des registres et la localisation exacte des corps inhumés sont des fonctions critiques de la gestion d'une entreprise qui effectuera des dizaines de milliers d'enterrements. Dès 1875, le cimetière met plus d'assiduité à noter l'information sur les enterrements dans la fosse commune et, dans les années 1880, on précise encore davantage les renseignements consignés en y incluant l'affiliation religieuse des pauvres. En 1890, lorsque Ormiston Roy commence à travailler au cimetière, 1170 inhumations sont effectuées ; en 1958, l'année de sa mort, les registres affichent 1734 inhumations et 636 crémations24. À une réunion des régisseurs, Roy apprend que la plupart des cimetières utilisent un système de fichiers semblable à celui qu'emploient les bibliothèques publiques, de préférence aux livres comptables qu'emploie le cimetière MontRoyal. Dès 1904, un fichier indexant tous les propriétaires de lots et les tombes est établi ; le recoupement des références permet de retrouver rapidement les renseignements sur les sites d'ensevelissement et l'état de tous les lots. En 1885, on innove en nommant George Durnford, qui ne siège pas au conseil, au poste de secrétaire-trésorier. Comptable agréé, Durnford travaillera à temps partiel à l'organisation des finances et à la vente de lots, et conseillera le conseil au sujet des politiques. Tant sa famille que ses activités de bénévolat le relient à la haute bourgeoisie

protestante. Membre de la famille Sewell et résidant au domaine Green Hythe, sur Sherbrooke Ouest, il est juge de paix, anglican, franc-maçon, président de la United Empire Loyalist Association, capitaine du 68 th Durham Light Infantry, et compte parmi les dirigeants de l'I lôpital homéopathique, d'une société de numismatique et d'antiquités, et de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux. Même s'il touche des honoraires, il est de toute évidence à la hauteur du rang social des administrateurs. Il rédige l'importante brochure de la Compagnie sur la crémation et, signe évident de son prestige social, il paraphe avec le président les rapports d'exercice. Pendant les cinq premières décennies de son existence, le cimetière Mont-Royal, pas plus que le cimetière protestant, n'a de bureau d'affaires permanent. Dans les années

1850, le registraire Joshua Pelton recevait les acheteurs à la chapelle du cimetière protestant. Par la suite, des bureaux loués dans l'édifice de la Lancashire Life sur la rue SaintJacques servaient aux assemblées des administrateurs et à l'entreposage des registres. Apparemment, ce bureau n'était ouvert qu'à des heures irrégulières suivant l'horaire de Durnford. Les acheteurs ayant pris des arrangements financiers au centre-ville montaient ensuite au cimetière où, accompagnés du régisseur, ils pouvaient choisir le site de leur tombe ou leur concession. En 1913, George Durnford renonce au poste de secrétairetrésorier et en moins d'un an, les activités commerciales de l'entreprise sont réorganisées et centralisées sous l'égide du régisseur. En dépit de l'opposition de certains administrateurs, Ormiston Roy convainc le conseil de déménager ses Le chanoine F. G. Scott lisant l'office des morts. Recteur de la cathédrale Holy Trinity à Québec et illustre aumônier des troupes canadiennes pendant la Première Guerre mondiale, le chanoine Frederick George Scott préside ici à l'inhumation, en 1912, de Augustus Kilgore, un chasseur du Château Frontenac. La scène se déroule au cimetière Mount-Hermon de Québec, mais aurait été similaire à Montréal. Père du poète Frank Scott, le chanoine a lui-même été enseveli au cimetière Mont-Royal (394, section C).

bureaux dans un édifice près du cimetière sur Papineau. consacrer plus de temps à la planification et à la gestion « Avoir nos propres bureaux compensera largement pour le générale des affaires26. » Au cours de la Première Guerre peu d'inconvénient qu'entraînera pour certains une course mondiale, la gestion du cimetière est de nouveau restrucen tramway d'à peine dix minutes de plus pour nous turée alors que John Roy devient le régisseur général et joindre. » Situé au terminus du cimetière Hawthorn-Dale, Ormiston Roy prend le titre d'architecte paysagiste. Six récemment ouvert par la Compagnie (voir chapitre vi), et ans plus tard, John Roy assurera la gérance du cimetière, pourvu de voûtes à l'épreuve du feu, le nouveau bureau est un poste qu'il occupera jusqu'à ce qu'il prenne sa retraite achevé pour moins de 4000 $. Dès 1919, Roy est cependant après 40 ans de service. En recommandant son frère aux forcé d'admettre que l'expérience est un échec. Alors qu'il administrateurs, Ormiston Roy combine sans scrupule les s'attendait à ce que le public utilise le tramway pour se ren- valeurs traditionnelles d'honnêteté et de respect cultivées dre aux bureaux du chemin Papineau afin d'y faire l'acqui- dans l'entreprise, aux qualités attendues d'un professionsition d'un lot, les directeurs de pompes funèbres sont nel, soit un diplôme universitaire, la connaissance des nouintervenus en offrant leurs services. « Les acheteurs éven- velles technologies et une aptitude pour l'efficacité et la tuels, explique Roy aux administrateurs, au lieu de s'adres- compression des coûts. « II est fidèle, honnête, fiable, symser à nous, achètent leur lot des entrepreneurs de pompes pathique et respectueux dans ses rapports avec le public. funèbres qui, naturellement, préfèrent vendre des cercueils Jeune, énergique, diplômé du collège Macdonald, il a déjà coûteux et des lots à bas prix2^. » Comme dans tout le sec- eu l'idée d'étayer les parois des tombes (en les retenant teur des services, l'emplacement et la facilité d'accès pour le simplement par de la broche), ce qui a permis d'épargner client sont des facteurs cruciaux. Le réaménagement des des centaines de dollars en fossoyage2?. » bureaux dans l'édifice de la Standard Life, au cœur du disEn dépit de la modernisation des pratiques administratrict des affaires sur la rue Saint-Jacques, facilite donc tives, le cimetière demeure un employeur paternaliste, l'accès au public. Lorsque cet édifice est détruit par un embauchant d'abord les fils des employés en place, fournisincendie en 1922, la société achète un autre édifice à sant le gîte à certains, une pension modeste à la plupart et une bureaux au 1207 rue Drummond et y installe ses pénates tombe à chacun. Henry Gwilliam agira au titre de régisseur l'année d'après. du cimetière Hawthorn-Dale depuis l'inauguration des Le départ de Durnford coïncide aussi avec la multipli- lieux, en 1910, jusqu'à son décès 40 ans plus tard. Il a émication des tâches administratives et la nomination de gré du Shropshire, en Angleterre, et a d'abord travaillé à nouveaux employés. Y figurent notamment le frère la ferme Raeburn de Pointe-Claire, puis a géré la ferme d'Ormiston Roy, John F. Roy, nommé adjoint au régisseur Elmwood à Longue-Pointe près du cimetière Hawthornen 1914, J. A. Ryan, nouveau secrétaire-trésorier, et Mme Dale.William Duffield travaille au cimetière Mont-Royal A. W. McEwen, commis en chef. À Hawthorn-Dale, depuis son inauguration, en 1852, jusqu'à ce qu'il prenne Henry Gwilliam est nommé régisseur sous la supervision sa retraite en 1915. On l'y enterrera en 1917. Alfred Nall y de Ormiston Roy. « Cette réorganisation du travail dans sera contremaître pendant 60 ans. Lorsqu'il se retire à cause divers services, signale Roy, s'est révélée clairement béné- de problèmes de santé en 1924, il continue néanmoins de fique et, en m'épargnant certains détails, me permet de vivre dans une des maisons du cimetière et recevra une 102

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pension jusqu'à sa mort, en 1932. Louis Laviolette travaille comme fossoyeur pendant près de 60 ans, prenant sa retraite en 1924. John Short est commis dans les bureaux du cimetière de 1907 jusqu'à sa mort en 1934. Le décès d'employés de longue date est noté dans le rapport d'exercice des administrateurs. «Je signale avec regret », dit le gérant John F. Roy aux administrateurs en 1930, le décès, cette année, de deux de nos fidèles employés. Joseph Allaire a rarement manqué un jour d'ouvrage en plus de 50 ans, qu'importé le temps. Il détenait une police d'assurance de la Sun Life en vertu du régime de groupe pour la somme de TOOO $, laquelle a été versée à sa veuve. Benjamin Paquet, décédé en novembre dernier des suites d'une longue maladie, a aussi répondu pendant plus de 40 ans à nos demandes à toute

tées sur une tombe, mais apparemment abandonnés ou laissés sur place pour usage ultérieur. Afin de mettre un terme à pareille confusion, il propose de placer près de l'entrée 25 arrosoirs estampillés au nom du cimetière pour en éviter le vol-'0. Les cortèges funèbres progressent à travers le cimetière à des vitesses variables, suivant l'acuité de la douleur, l'inévitable délai des funérailles et la capacité des chevaux et du corbillard de circuler sur des voies aux conditions imprévisibles. La direction du cimetière et des églises s'efforce depuis longtemps d'assurer la ponctualité des funérailles et des processions. En 1841, alors qu'on enterre encore au cimetière protestant, les dirigeants de l'église St Paul's publient dans les journaux de la ville une résolution visant la ponctualité des funérailles.

heure du jour ou de la nuit. Malheureusement, il ne faisait pas partie de notre régime d'assurance, étant tombé malade juste

La Kirk Session de l'église St Paul est d'avis que pas plus de

avant que la police n'entre en vigueur, mais pendant sa maladie,

dix minutes ne doivent s'écouler passé l'heure que précise la

il a reçu une petite pension, et son fils, qui l'a remplacé, semble

circulaire d'invitation, avant que le cortège funèbre ne se mette

tout aussi dévoué que son père28.

en branle. Elle pense que le temps présentement perdu en raison de la lenteur de bien des gens à s'approcher n'est pas

Les préoccupations quotidiennes d'Ormiston Roy, comme celles de tout régisseur, sont centrées sur le déroulement ordonné des enterrements et l'organisation efficace du travail. Afin de pallier l'inconfort qu'entraînent la pluie et la boue pour les familles en deuil et les pasteurs, il fait des essais avec des abris de toile rapidement érigés et des bâches permettant de garder le site propre et sec. On incite les familles à quitter les lieux dès que le cercueil est abaissé dans la fosse, ce qui permet aux travailleurs de remplir celle-ci à leur gré plus tard dans la journée et d'effectuer le labeur dur et disgracieux qui consiste à tasser le sol pour réduire le renfoncement ultérieur 29 . Son sens aigu de l'ordre le pousse même à pondérer le problème des contenants apportés par les familles pour arroser les fleurs plan-

mesuré par la perte subie par une personne, mais bien par la perte cumulée que subissent tous ceux qui sont ponctuels, sans compter les inconvénients et le danger auxquels s'exposent ceux qui doivent parfois endurer les vicissitudes du temps pendant plus de trois quarts d'heure 31 .

Comme les horaires sont approximatifs, la cloche située à l'entrée du cimetière Mont-Royal sert depuis toujours à prévenir les fossoyeurs et autres travailleurs de l'arrivée d'un cortège. En 1903, imitant un système pratique et peu coûteux qu'il a vu fonctionner à Mount Auburn, Roy établit une ligne téléphonique sur les lieux. Cela permet au contremaître de donner ses instructions sans avoir à quitter son bureau, ce qui épargne un temps considérable. En L'entreprise et son administration, 1852—1924

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1907, il explique d'autres méthodes mises en place pour améliorer l'efficacité. L'organisation du personnel a été modifiée au cours de l'année. Jusqu'à maintenant, la coutume était de confier à divers contremaîtres la supervision de différentes tâches, par exemple, le fossoyage, la tonte du gazon, etc., mais désormais, les contremaîtres supervisent tous les travaux prenant place dans leur division respective, y compris les enterrements, la réparation des avenues, la tonte du gazon, etc. À ce jour, l'expérience s'est révélée plutôt satisfaisante, car le public peut être renseigné vite et bien par le contremaître, et les travaux se poursuivent plus efficacement et plus économiquement dans les diverses branches d'activités32.

La coordination des enterrements et de l'organisation du travail importe tout particulièrement au printemps, lorsque les corps sont retirés des charniers, habituellement par centaines, pour être enterrés. La loi provinciale oblige à enterrer tout corps entreposé dans un charnier au plus tard le 20 mai. Mais à Montréal, le sol gèle à une profondeur d'au moins trois pieds, si bien qu'on ne peut le creuser avant le dégel, lequel est tributaire de la température plutôt que des règlements. En 1907, un dégel tardif ne laisse que 21 jours au cimetière pour assurer l'inhumation de plus de six cents corps, ce qui signifie plus de 33 enterrements par jour, le dimanche étant exclu. Ces années-là, le cimetière emploie quelque deux cents fossoyeurs. Bien des familles souhaitant assister à ces enterrements, de préférence en après-midi, ceux-ci se succèdent à intervalles de dix minutes en période de pointe, comme quoi l'insistance du régisseur sur la ponctualité a sa raison d'être33. La mise au point d'équipement lourd permet d'introduire graduellement les enterrements en hiver pendant la Première Guerre mondiale. En 1918, on n'a mis au char104

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nier que 39 corps, par comparaison à près de sept cents par les années passées^. En dépit du coût que représente le déneigement hivernal, c'est une innovation majeure dans l'organisation du travail qui réduit la dépendance à l'égard de la main-d'œuvre saisonnière et permet d'employer un personnel plus permanent. La disparition du deuxième service funèbre réduit aussi la détresse des familles. La gestion de la main-d'œuvre saisonnière est l'une des responsabilités critiques du régisseur. Pendant la saison de pointe, les journaliers habitent sur les lieux, l'espace à l'étage de l'atelier de menuiserie ayant été transformé en dortoir. Au cours de l'épidémie de grippe qui sévit en octobre et en novembre 1918, le cimetière enterre 667 corps de plus que dans la même période l'année précédente. Dès le début, nous avons pris la précaution d'imposer au personnel le port du masque, comme le prescrit l'Hôpital général de Montréal à ses infirmières et, Dieu merci, aucun de nos employés n'a contracté, que je sache, la maladie. Chacun était à son poste à toute heure du jour ou de la nuit, et des enterrements ont été effectués au clair de lune, alors que tous les travailleurs étaient rentrés à la maison et que le régisseur devait prier les contremaîtres de remplir les fosses35.

Roy signale avec fierté que même si certains journaliers ont refusé de travailler par crainte de contracter la maladie, il a réussi, « en poussant de manière et d'autre les hommes en place à travailler plus fort », à enterrer toutes les victimes, si bien que les charniers sont restés vides. La longue carrière de Ormiston Roy tout au long de la première moitié du XXe siècle coïncide avec la transformation radicale des pratiques dans les cimetières d'Amérique du Nord. Le cimetière rural modèle où il commence à travailler en 1890 est essentiellement une entreprise à produit unique au service de la respectabilité victorienne et, au

besoin, de la charité chrétienne. L'attention est alors centrée sur la famille protestante ; l'inhumation, qu'elle soit dans un lot familial, une fosse individuelle, la concession d'une œuvre de charité ou la fosse commune, se déroule en partenariat avec les pasteurs protestants et les dirigeants des sociétés de bienfaisance. La cohérence et les pratiques du cimetière rural sont contestées tout au long de la carrière de Roy. Le plan-pelouse prend de plus en plus de vogue. La démographie des religions change à Montréal, et le taux de mortalité infantile y décline de manière frappante. La

crémation devient une solution de rechange à l'inhumation traditionnelle, et les nouvelles technologies de communication, de transport et de construction transforment l'organisation de l'enterrement et du travail. La spécialisation des professions fait de l'entrepreneur de pompes funèbres un intervenant prépondérant dans les activités du cimetière. Par ailleurs, l'émergence de nouvelles professions, notamment l'architecture du paysage et l'intendance de cimetière, remet en question l'autorité des administrateurs et leurs vues traditionnelles.

L'entreprise et son a d m i n i s t r a t i o n , 1852-1924

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PLAN - PELOUSE OU PIERRE VEUVE

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endant cinquante ans, le cimetière Mont-Royal se développe comme l'un des cimetières ruraux les plus attrayants du continent, ce que confirme encore aujourd'hui une visite des sections anciennes. Les lecteurs du guide de Montréal que John Langford publie en 1868 découvrent un décor qualifié de « paisible, pittoresque, plaisant, et protégé1 ». Une fois franchi le portail imposant et la résidence du régisseur, une ballade sur les lieux dans les années 1870 révèle une profusion d'images cohérentes : mausolées érigés par les nantis en sanctuaires familiaux, grandes concessions aux enceintes et portails évoquant l'intimité de foyers cossus, monuments de tailles et de formes diverses, et matériaux témoignant de vies bien vécues ou d'amours interrompues. Des monuments commémoratifs marquent les sections réservées aux orphelins, aux francs-maçons, aux pompiers ou aux victimes de catastrophes ferroviaires. Une bonne partie des lieux demeure sous le couvert forestier, « luxuriante verdure des arbres », dit Langford. Pendant la ballade, les visiteurs peuvent savourer les épitaphes des monuments huppés, courts essais relatant l'origine familiale, les accomplissements individuels, le sentiment religieux, le service public et la rectitude féminine. Le ton du cimetière est celui de certains Montréalais bien en vue qui entendent trouver le reflet de leurs convictions

religieuses et esthétiques dans l'espace naturel établi pour faciliter les activités éducatives, domestiques, récréatives et commémoratives de leur communauté. Même dans ses deuxième et troisième générations — quatre générations de Hodgson siégeront au conseil entre 1880 et I9542 — le conseil demeurera un groupe social cohésif, dont les membres sont liés par des intérêts communs, le voisinage et le sens du devoir protestant. Néanmoins, le régisseur acquerra au fil des ans une influence grandissante sur l'aspect et les fonctions du cimetière. Les régisseurs embauchés pendant les premières décennies du cimetière appartiennent à une autre classe sociale et

Carte postale à la mémoire de Sarah Maxwell (G-2OOM, section G-2)

Cortège funèbre de Sarah Maxwell Dès le début du XXe siècle, les quotidiens à gros tirage accroissent leur effectif de lecteurs en offrant des reportages d'événements catastrophiques, tel l'incendie de 1907 qui a détruit l'école Hochelaga et dans lequel une enseignante et plusieurs élèves ont perdu la vie. Les articles louaient l'enseignante Sarah Maxwell, qui a aidé de nombreux enfants à échapper aux flammes et qui a péri en tentant d'en sauver davantage. Des cartes postales ont été produites pour commémorer l'événement. Son épitaphe au cimetière Mont-Royal se lit ainsi : « À la douce mémoire de Sarah Maxwell, âgée de 31 ans, qui a perdu la vie en tentant de sauver celle de ses élèves lors de l'incendie de l'école Hochelaga, le 26 février 1907, et à celle des petits qui ont péri avec elle. »

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ont perfectionné leur savoir de la tradition artisanale du jardinage. On a vu que l'horticulture et la création d'un paysage romantique sont des composantes fondamentales du cimetière rural. Ainsi, les conseillers du Royal Botanical Garden ont aidé les autorités de la nécropole de Glasgow à choisir les ormes, cyprès, cèdres et lierres propres au nouvel environnement funéraire^. Que ce soit McCord, Moffatt ou Murray, la relation qu'entretiennent les présidents du conseil avec le régisseur Richard Sprigings n'est que l'extension de leur attitude envers le jardinier embauché sur leur propre domaine. Nés pour la plupart en Angleterre, les jardiniers de Montréal sont des artisans bien renseignés sur les plantes et l'aménagement, et aptes à gérer le travail qu'exigé un grand domaine. A leurs principales compétences en horticulture, à la direction des travaux et en arpentage, s'ajoute UNE

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le savoir du bedeau sur les pratiques de l'enterrement et sur les délicates relations publiques liées à l'inhumation. Les longues années de service de Richard Sprigings au poste de jardinier régisseur, qu'il a occupé pendant près de 40 ans, prennent fin à sa mort en 1890. Il est remplacé par Frank Roy (1841-1898). Né en Ecosse, celui-ci a travaillé comme jardinier dans plusieurs domaines et comme chef jardinier du Royal Botanic Gardens à Glasgow. Il est venu prendre la gérance d'une pépinière de Montréal et a ajouté un fleuron à sa renommée par sa conception du Forest and Stream Club de DorvaK À l'exemple de Sprigings, il est actif au sein de la Société d'horticulture de Montréal, dont il occupera un temps la présidence. Il est l'un des rares Canadiens à devenir membre de la Royal Horticultural Society, et publie fréquemment dans le Canadian Horticultural Magazine. En 1890, l'année même où Frank Roy

est nommé régisseur, son jeune fils, W. Ormiston Roy (1874-1958) est embauché comme commis au cimetière. Roy père contracte bientôt une fièvre rhumatismale et, pendant sa maladie, le fils assume nombre des fonctions du régisseur. À la mort de son père, en 1898, Ormiston Roy lui succède à la régie. Lorsqu'il épouse Charlotte, la fille de l'ancien régisseur Richard Sprigings, Ormiston Roy choisit une femme particulièrement habituée à la vie dans l'environnement du cimetière. Charlotte Sprigings a grandi, s'est mariée et a élevé ses enfants sur le mont Royal. Ormiston Roy, on l'a vu, se joint à une entreprise dominée par le romantisme, l'éthique du bénévolat et la vision précise d'administrateurs bien déterminés. Les photos d'époque, notamment celles de William Notman, montrent le côté rustique du cimetière. Les sections, les édifices, le portail, la fontaine et les jardins d'entrée représentent autant de zones entretenues aux petits soins dans le contexte plus vaste et contrastant d'une forêt à la topographie rocheuse et aux pentes abruptes. A mesure que la notion américaine du plan-pelouse en vient à dominer sa pensée, Roy s'attaque à la nature sauvage et à la pierre massive et dénudée qui caractérisent le cimetière rural. Sa génération ne prise guère les exagérations victoriennes représentant la mort, le classicisme, la religion et l'individu. Les monuments, clôtures de fer, urnes et longues épitaphes sont à ses yeux des éléments envahissants et narcissiques. Il entend dynamiter, déboiser et construire afin de créer un décor séculaire, analogue à un parc, où les pelouses serties de quelques arbustes bien taillés et bordées de massifs fleuris étalent leur verdoyante richesse. Les pierres verticales sont remplacées par de plus petits monuments, parfois posés à plat sur le sol, ou par des plaques de bronze qui n'obstruent ni l'entretien de la pelouse ni la perspective en terrasses. Rouille, tumulus, pierres inclinées, clôtures de fer et murets de pierre sont des plaies dont il faut se débarrasser.

Tableau 6 Présidents du cimetière, 1851-2002 Nom

Années de présidence

Nom

Années de présidence

John Samuel McCord

1851-1854

Douglas G. Macpherson

1956-1958

George Moffat

1855-1857

Ernest C. Koch

William Murray

1858-1874

Roy L. Campbell

1959 1960—1961

Benjamin Lyman

1875-1877

J. C. Hope

1962—1963

Robert Esdaile

1878-1879

R. H. Dean

1964—1966

Henry Bulmer

1880-1881

Dudley S.Thomas

1967—1968

Henry Lyman

1882-1883 1884

Frank E. H. Gates

1969—1971

M. H. Gault

John de M. Marier

1972—1980

James McDougall

1885

Joseph S. Connolly

1981-1992

C. D. Proctor

1886-1892

Robert M. Everson

John Stirling

1893

John W. Durnford

1993-1996 1996-1999

Richard White

1894-1895

Donald B. Wilkie

1999-

J. P. Cleghorn

1896-1897

A.W. Ogilvie Alex Macpherson

1898-1900

James Tasker

1903—1904

G. F. C. Smith

1905-1906

Seargent P. Stearns

1907-1908

S. O. Shorey

1909-1910

John Beattie

1910-1912

1901—1902

C.J. Fleet

1913-1914

E. Goff Penny

1915-1916

William Hanson

1917-1918

Farquhar Robertson

1919-1920

John Patterson

1921—1923

Dr Milton L. Hersey

1946-1927

W. Gordon Hanson

1948- 1949

H. P.Thornhill C. G. Mussell

1950-1951

Prof. C. M. McKergow

1952-1953 1954-1955

Plan-pelouse ou pierre veuve

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Vue du cimetière Mont-Royal, env. 1915.

Chapelle ardente du Dr McPhail, 1902.

Fondateur du plus important studio de photographie de Montréal, William Notman est lui-même inhumé au cimetière Mont-Royal. Le photographe avait le sens aigu d'un entrepreneur quant à la valeur commerciale du cimetière, prenant de nombreux clichés des paysages pouvant s'intégrer à des albums souvenir, servir à produire des rarres postales ou s'ajouter à sa propre collection de panoramas canadiens. Prise au-dessus du mausolée Drummond, la vue ci-contre évoque la présence subtile du pouvoir des Drummond combinée à la beauté du paysage. L'entreprise de Norman reposait surtout sur le portrait — individuel, de famille, de groupe — ce qui convenait fort bien aux gens de l'époque victorienne, dont le penchant pour la commémoration ne pouvait être entièrement satisfait par les silhouettes ou portraits peints. Le désir de se rappeler des êtres chers et le réalisme absolu de la photographie amenaient les familles endeuillées à commander au studio Notman la photo qui d'une chapelle ardente, qui d'une tombe au cimetière, et qui encore d'une dépouille mortelle. Par ailleurs, la croissance de l'industrie des fleurs fraîches faisait du fleuriste le décorateur idéal des aménagements funèbres, comme en témoigne la photo de Miss McDougall.

Des fleurs pour Miss McDougall, 1910.

William Notman (F-2C, section F-3).

Invention brevetée de Ormiston Roy, 1909.

No. 117,770. Hollow Block Burying Ground. Terrains à sépultures avec compartiments creux.

En sa qualité de régisseur, Roy devait résoudre quotidiennement les difficultés que présentait le fossoyage de tombes dans les parois rocheuses d'une bonne partie du mont Royal. Brevetée en 1909 sous le nom de Terrains à sépulture avec compartiments creux, son invention vise à réduire les frais liés à l'extraction et à l'élimination du roc en utilisant des compartiments de béton creux qu'on peut déposer à la verticale puis recouvrir d'une couche arable pour créer une surface artificielle. Les fosses, placées dans n'importe quelle direction, sont facilement préparées en retirant la couche arable et le nombre requis de compartiments. Un test de l'invention a été proposé aux administrateurs, Roy acceptant de renoncer au revenu des redevances jusqu'à ce que le procédé ait été éprouvé, mais on ne sait trop ce qu'il en est résulté.

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William Ormiston Roy, Montréal, Québec, Canada, 13th April, 1909 ; 6 years. Mled llth December, 1908. Receipt No. 164,948. Claim.—l. The method of preparing ground for burial purposes consisting of constructing a bed of hollow vertical blocks on thé surface and covering thé surface of thé blocks with a laver of earth as described. 2. The method of preparmg rock^ ground for burial purposes consisting of removing thé surface earth, constructing a bed of hollow vertical triaiigular blocks on thé rock surface and theii spreading earth on thé surface of th© blocks, as described.

L'entretien perpétuel permet d'imposer la cohésion du plan-pelouse puisqu'il confie la charge de l'entretien des tombes à la gestion du cimetière. Le plan-pelouse sera moins tributaire des propriétaires individuels ou encore de l'art des poètes, des maçons et des forgerons, mais dépendra davantage de professionnels compétents en horticulture, en construction, en ingénierie et en architecture du paysage. Roy lui-même obtient une patente pour les blocs de ciment creux servant à terrasser les pentes rocheuses, ainsi converties en sépultures faciles à ouvrir. Avec la permission des administrateurs, il entreprend de concevoir, contre rémunération, les monuments des sections huppées et expérimente avec les lignes pures et classiques d'une plaque de bronze posée sur le tablier ou la pierre de base5. UNE

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Autocrate et fier de ses initiatives, Roy décrit le planpelouse comme la « plus grande création d'art d'extérieur en Amérique, aussi propre aux Américains que sont leurs gratte-ciel6 ». Au cimetière Mont-Royal, écrit-il, « nous avons fait des lieux un sanctuaire d'oiseaux, avons démoli certains des caveaux les plus laids et des milliers de stèles, murets, clôtures de fer et enceintes en tout genre hérités du passé ; nous avons exercé une influence notable afin que nos monuments soient plus petits et plus artistiques que presque partout ailleurs, et avons mis en vogue l'arrière-plan d'arbustes et de plantes dans nos meilleures concessions? ». Cette fascination à l'égard du plan-pelouse provient des contacts de Roy avec des professionnels américains. Les administrateurs ont toujours poussé les régisseurs à se perfectionner en assistant à des conférences. En 1864, « désireux d'embellir le cimetière », ils parrainent une visite du beaupère de Roy, Richard Sprigings, aux foires d'horticulture de Boston, de New York, de Philadelphie, de Baltimore et de Cincinnati, tandis que son père est envoyé à Philadelphie en 1894. Dans ses premières années en poste, Ormiston Roy assiste aux réunions de l'association des régisseurs de cimetière d'Amérique. Créée en 1887, celle-ci compte 360 membres en 1921, favorise le rôle accru des régisseurs dans l'administration des cimetières et, par ses assemblées et publications, informe ses membres des innovations techniques et des créations en architecture du paysage8. À la première assemblée, Ormiston Roy fait la connaissance de Ossian Cole Simonds, régisseur du cimetière Graceland de Chicago. Simonds exerce une influence énorme en Amérique du Nord ; outre l'aménagement de Graceland, il a conçu des arboretums et des parcs, a lancé un programme universitaire en architecture du paysage et a signé le classique Landscape Garàening (1920). Il a aussi fondé la American Park and Outdoor Art Association (1897). D'emblée, Roy accepte l'influence de celui qu'il appelle son mentor et un

artiste-né9. Simonds visitera d'ailleurs Montréal plusieurs fois et conseillera Roy sur la mise en œuvre de son planpelouse tant au cimetière Mont-Royal qu'au cimetière Hawthorn-Dale, lequel sera bientôt créé. Lors de leur première rencontre, en 1899, Simonds emmène Roy au cimetière Hartford et lui signale son aversion pour les pierres, monuments et stèles funéraires. Favorisant le plan-pelouse, il préconise de substituer la « beauté naturelle des arbres, arbustes et plantes vivaces à l'effet dénudé et froid que produit trop de maçonnerie10 ». L'un des moyens de réduire l'effet de la pierre est de limiter les monuments à un seul par lot. D'autres régisseurs s'accordent avec Simonds pour condamner « toute cette maçonnerie inutile » et soutiennent que les propriétaires doivent soumettre les plans architecturaux à l'approbation des dirigeants du cimetière. Les tumulus, marque familière des sépultures dépourvues de monument et source de controverse au cimetière, sont considérés comme des horreurs. Simonds propose de les bannir et de favoriser plutôt des bornes marquant les quatre coins d'un lot à ras le sol. Les monuments mêmes doivent rapetisser afin de donner simplement un avant-goût de la toile de fond composée d'arbres, d'arbustes et de plantes vivaces. Au retour du colloque de 1899, Roy défend ces idées devant les administrateurs. Le gazon, suggère-t-il, doit devenir la caractéristique naturelle prépondérante, remplaçant même le gravier des sentiers 11 . Les annuelles, couvre- sols et plantes tendres comme le géranium, et les « monstruosités » que sont les arrangements en forme de cadran solaire, d'horloge et de calendrier ne conviennent guère à ce plan gazonné, tandis que les palmiers et bananiers et autres végétaux tropicaux sont tout bonnement des « anomalies » n'ayant pas leur place dans un cimetière nord-américain. Aux critiques soutenant que les cimetières sont des institutions exemptes de taxe qui empêchent de combler cer-

tains besoins des villes en matière d'espace industriel et récréatif, Simonds répond que le cimetière est un atout réel, une œuvre d'art, un lieu qui apporte quelque chose aux vivants. Dans la troisième phase de son histoire, vers la fin du XX e siècle, le cimetière soulignera l'importance des activités sur les lieux, mais pour l'instant, Simonds considère que les lieux contribuent aux loisirs en donnant au citadin « le plaisir de voir, d'entendre, d'observer, en résumé, le plaisir qui provient de la nature ». Ces priorités distinguent le cimetière de la plupart des parcs, qui mettent alors l'accent sur le mouvement, la diversité des activités, les jeux et les sports12. Simonds a prévu les préoccupations au sujet de l'environnement. Les cimetières qu'il conçoit non seulement protègent le corps des défunts, mais servent la mémoire collective. « C'est un lieu sûr pour les arbres, les arbustes, les fleurs, les fougères, la mousse, la tourbe et tous ces petits plants qui forment un joli couvre-sol, le tout agencé de manière à créer de beaux paysages dont la perpétuité certaine sera en fait réclamée par les générations futures '3. » Les règles du cimetière font bientôt écho à la conversion enthousiaste du jeune Ormiston Roy. Les propriétaires qui entendent « encercler leur lot, y construire des caveaux ou en définir les bornes de manière évidente », doivent maintenant en appeler au régisseur. La campagne du cimetière contre les lots négligés et la démolition des travaux de fer forgé et enceintes de pierre par les propriétaires peu disposés à payer pour leur entretien ou par le cimetière dans le cas des lots abandonnés, remontent aux premières années de service d'Ormiston Roy. L'accession de Ormiston Roy à la régie rompt évidemment avec les principes sous-jacents à la création du cimetière rural, mais son père a quand même introduit avant lui certaines des notions du plan-pelouse. En effet, Frank Roy a réalisé plusieurs projets destinés à bonifier les lieux et à Plan-pelouse ou pierre veuve

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en mitiger l'ambiance trop rustique. En 1891, il dirige la construction d'une magnifique fontaine près de l'entrée principale, qui ajoute « à l'apparence générale et à la joliesse des massifs fleuris ». Près de sa résidence, il cultive un jardin anglais qui restera longtemps après sa mort le «jardin de Frank Roy »14. L'année suivante, il gazonne autour du portail principal les zones laissées jusque-là en fourrage et crée « la beauté d'une jolie pelouse environnante ».En 1893, les parties rocheuses de la section M sont excavées afin de produire un nouveau site d'inhumation et d'adoucir l'aspect rustique des lieux ; la pierre ainsi concassée sert à terrasser les voies carrossables. À l'été de 1896, Frank Roy supervise le drainage d'une importante partie de la section E et y découvre une source qu'on utilise pour approvisionner la serre en eau'5. Il applique la politique d'interdiction des tumulus dans la section D, où seront aussi bannies les clôtures en faveur de bornes installées par le cimetière. Il ouvre la section G 3 réservée aux enfants. Ses petits monuments, souvent en forme d'agneau, ou ses pierres plates renforcent psychologiquement la notion du cimetière considéré comme une pelouse. Le développement de ce site peu coûteux ainsi que les tombes à prix modiques de la section G encouragent tout le monde, sauf les plus destitués, à acheter une fosse ; en outre, le prolongement de la pelouse vers l'arrière du cimetière adoucit l'aspect isolé de la fosse commune16. Dans les années 1890, le rehaussement des aires réservées aux sociétés de bienfaisance et de la fosse commune prend beaucoup d'importance. Pendant deux décennies, les administrateurs ont parlé de les remettre dans un état respectable, à l'exemple des autres sections, mais en fait, peu d'améliorations ont été apportées. Ces sections sont de plus en plus visibles à mesure que croît l'usage public du parc du mont Royal et que les visiteurs entrent au cimetière

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par le portail arrière qui les amène à proximité de ces zones peu attrayantes. La solution la plus simple est d'ouvrir une nouvelle fosse commune plus au nord, hors de vue de l'entrée. L'ancien site est donc terrassé et nettoyé. Les administrateurs discutent alors de l'acquisition du terrain à l'arrière du cimetière près du parc. Cela leur permettra de fermer le portail sud et d'aménager une nouvelle entrée qui ouvre d'une part sur le parc, et d'autre part, sur une aire « où les améliorations et dépenses pour la réfection des monuments ont été des plus importantes1? ». L'ouverture d'une nouvelle fosse commune améliore sans doute l'esthétisme des lieux, mais ne règle guère le problème pratique que pose l'enterrement sans frais d'un grand nombre de pauvres. La direction s'inquiète non seulement du nombre de ces inhumations, mais aussi de ce qu'elle considère comme le laxisme avec lequel les confessions fortement affectées par le gospel social les accordent. Aux yeux des dirigeants, l'enterrement gratuit est sans le moindre doute un privilège réservé aux pauvres méritoires plutôt qu'aux simulateurs. Les administrateurs sont particulièrement ennuyés lorsqu'ils apprennent que certains bénéficiaires de l'enterrement gratuit ont reçu des funérailles coûteuses' 8 . Ils annulent le droit du clergé à donner accès à la fosse commune et limitent « le privilège de l'inhumation gratuite aux cas nécessiteux appuyés par un membre de la fiducie ou autre responsable19 ». Ormiston Roy n'est toujours pas satisfait et se plaindra quelques années plus tard que « selon les termes de notre charte, nous sommes forcés d'enterrer sans frais les pauvres des nombreuses confessions protestantes de la ville ». Il estime en 1906 que, depuis l'ouverture de la nouvelle fosse commune en 1891, plus de 4000 dépouilles ont été inhumées gratuitement. Cela a coûté 10 ooo $ au cimetière, « car on doit tenir compte du terrain fourni, de l'entreposage au charnier en

Plan de l'entrée du parc, 1885. Après l'ouverture du parc du mont Royal en 1876, une bande de terrain chevauchant les cimetières Mont-Royal et Notre-Dame-des-Neiges donne accès aux deux cimetières. La route, qu'on voit dans la partie inférieure gauche du plan, mène à deux portails, soit à gauche, celui de Notre-Dame-des-Neiges et tout droit, celui de Mont-Royal. Les visiteurs pénétrant dans le cimetière protestant par le portail du parc passent devant la maison de garde (que William Sprigings, frère du régisseur, a habité pendant bien des années) et arrivent tout droit dans la section des œuvres de bienfaisance (398-402), au-delà de laquelle se trouve la fosse commune (en haut à gauche). Juste en face, de part et d'autre de Forest Drive et de l'avenue Cypress, se trouve une section aménagée en partie pour des fosses individuelles destinées aux protestants à revenus modestes. Plus avant vers l'est, de l'autre côté de l'avenue Cypress, le cimetière allait créer sa principale section pour enfants.

hiver, du transport à la fosse au printemps, du fossoyage, et du numéro de plomb assigné à chaque cercueil, sans compter le temps requis pour l'enregistrement et la tenue des registres pendant cinq ans afin de savoir précisément où se trouve la sépulture au cas où la parenté réclamerait le corps20 ». En 1905, outre les enterrements dans les concessions des sociétés de bienfaisance, 255 corps sont inhumés dans la fosse commune, soit en moyenne un par jour pendant la saison21. Ormiston Roy s'inquiète aussi des dépenses croissantes qu'entraîné l'ouverture de fosses communes et de fosses à prix modiques, du fait que le terrain utile devient de plus en plus rocailleux et difficile à travailler : Au cours des dernières années, nous avons été forcés de recourir au processus actuel d'ouverture de lieux de sépulture en remplissant près de quatre pieds de pierre concassée dans le fond de chaque lot. On dépose par-dessus quelque six pouces de gravier concassé plus fin, puis on y ajoute à peu près un pied et demi de sol, juste assez pour qu'y pousse du gazon. Lorsqu'on vend des lots dans de telles sections, l'acheteur est informé que le tréfonds est rempli de pierre concassée. La pierre qu'on enlève pour chaque tombe est emportée au fur et à mesure du fossoyage et on rapporte suffisamment de terre pour assurer l'inhumation22.

Si la méthode est réalisable dans les onéreuses concessions familiales de Fine Hill Side, elle est impraticable dans les sections où des fosses individuelles seront creusées côte à côte. Le sol et les pierres tendent à s'écraser dans ces fosses qui exigent un étai de planches. « Le jour n'est pas loin », dit-on aux administrateurs en 1906, « alors qu'il faudra creuser dans du roc presque compact chaque pied d'espace de sépulture2-^. » L'aménagement d'un cimetière satellite en périphérie, sur un site au sol meuble et bien drainé facilement accessible 116

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au public, constitue un moyen de fournir des tombes à prix raisonnable. En 1906, après des recherches considérables, les administrateurs paient 23 ooo $ à George Irving pour sa ferme de 142 acres située au Bout de l'Isle, soit dans l'extrémité est de l'île de Montréal2-*. « Magnifiquement situé, avec façade d'un peu plus de cinq arpents donnant sur le fleuve Saint-Laurent, le site a une profondeur de 28 arpents. Le terrain ondulant est bien situé pour ce qui est du drainage et, une fois aménagé et parsemé des arbres et arbustes qu'on entend y planter, ce sera à tous égards un lieu très invitant2-*1. » En outre, le sol meuble réduira le travail de fossoyage, tandis que les sections non encore aménagées pourront servir de pépinière pour la culture de plantes et arbustes ou pourront être cultivées afin de fournir le foin aux chevaux du cimetière26. Une dernière considération pour un site destiné à attirer la classe ouvrière est l'accessibilité par transport en commun. On prévoit que le nouveau cimetière imitera de nombreux autres cimetières d'Amérique et d'Angleterre qui se servent du tramway. Comme deux lignes concurrentes sont en service de part et d'autre de la propriété, les administrateurs prévoient en bénéficier pour la desserte de l'entreprise dans une direction comme dans l'autre2?. Les négociations en vue d'établir une station, des lignes secondaires et un tarif réduit pour les funérailles culminent en 1908 par la conclusion d'un contrat avec la Montréal Tramways Company, qui offrira un service spécial à destination du cimetière trois fois par semaine. On construit au cimetière un terminus, une salle d'attente et un charnier pouvant contenir 300 corps. Dans la ville, la Compagnie érige une station spéciale au terminus situé près du cimetière de la rue Papineau. C'est là qu'arrivent les corbillards tirés par des chevaux et suivis de processions funéraires. Les cercueils sont déposés dans la voiture funéraire. Au début, celle-ci ne peut transporter les familles en deuil, qui doivent côtoyer

Emplacement du cimetière Hawthorn-Dale sur l'île de Montréal

Hawthorn-1 )ale Longue et étroite, la ferme jouxtant les berges du Saint-Laurent devient le cimetière Hawthorn-Dale, mais non sans être tributaire de l'extension des voies de transport vers l'est. Déjà traversé par le Canadien National, le site est divisé en deux parties dans les années 1930 par le prolongement de la rue Sherbrooke. Ce plan montre un groupe d'édifices près de l'entrée originale donnant sur la rue Notre-Dame.

Le « char corbillard ». En 1915, un tramway est modifié pour desservir le cimetière. Une fois vidé, l'intérieur est réaménagé. Des tablettes surélevées, fixées le long des cloisons, supportent deux rangées de cercueils. Les fenêtres sont garnies de verre dépoli, et des portes à charnières sont aménagées dans la cloison de droite pour charger les cercueils. On peut lire en lettres dorées sur fond noir « char corbillard » à l'avant, et « Cimetière Hawthorn-Dale » de chaque côté.

La Buick de la résidence funéraire Armstrong, 1927. Le caractère polyvalent, privé et prestigieux qu'offrant les corbillards motorisés ont relégué aux oubliettes l'usage des transports publics par les petits cortèges funèbres se rendant au cimetière Hawthorn-Dale.

les passagers du tramway régulier pour se rendre aux funérailles. En 1915, une voiture funéraire est mise en service ; les parois latérales s'ouvrent pour charger facilement les cercueils, et des places sont prévues pour les familles. La voiture est divisée en sections. Naturellement, un espace est réservé au conducteur et au chauffeur à l'avant. Vient ensuite l'espace du directeur des pompes funèbres et de ses assistants, tandis que le milieu de la voiture est consacré au cercueil et aux arrangements floraux. La partie arrière est 118

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aménagée un peu comme une voiture-salon pour accueillir la famille immédiate et les amis intimes28. La voiture funéraire restera en service jusqu'en 1927, alors que l'usage accru des corbillards motorisés la rendra désuète29 ». Ormiston Roy considère le cimetière Hawthorn-Dale comme une ardoise neuve. Il y appliquera les principes de l'aménagement professionnel et de la gestion moderne sans les contraintes du règlement, des droits de propriété, des tumulus et des clôtures qui ont envenimé les choses au cimetière Mont-Royal. Il conçoit le plan de HawthornDale après avoir visité le site avec son ami Ossian Cole Simonds. On accède à l'aire de sépulture par un chemin circulaire pavé. D'autres voies seront terrassées, pressées au rouleau et recouvertes de gazon, ce qui réduira l'entretien et rehaussera la ressemblance à un parc. Les règlements du nouveau cimetière sont calqués sur ceux que Simonds a publiés dans une encyclopédie de l'aménagement paysager. Les administrateurs sont informés que ces règlements ont été adoptés à l'unanimité par les membres de l'association américaine des régisseurs de cimetière30. Les règles à Hawthorn-Dale imposent au cimetière la stricte gouverne de tous les aspects visuels. Forte de l'égalitarisme apparu au XXe siècle, et afin de favoriser la « justice pour tous », la direction se réserve le droit d'exclure ou de retirer les pierres tombales, structures ou arbres « nuisant à l'apparence générale des lieux ». On restreint la plantation d'arbres et d'arbustes « afin de protéger les droits de tous et d'assurer les meilleurs résultats possibles ». Toute plantation est soumise à l'approbation du régisseur. Comme on estime le coût de l'entretien de concessions closes à quatre fois celui de la pelouse, tout ce qui est fer, broche, siège ou vase est interdit à Hawthorn-Dale, sauf si une permission spéciale est accordée. En cette ère nouvelle et rutilante de l'automobile, le fer corrodé dénote la pourriture par opposition au vert-de-gris du bronze qui parle plutôt de millésime.

Tout objet rouillé est voué au remisage. Murets et enceintes sont interdits, les lots étant démarqués plutôt par les bornes standard installées par le cimetière aux frais du propriétaire. Les tumulus sont peu recommandés, car ils bloquent l'action des tondeuses et attirent l'attention des visiteurs sur la présence de la mort. Ils sont exclus des tombes les moins coûteuses, soit les fosses pour enfants, vendues au prix de 5 $ et celles pour adultes coûtant moins de 15 $. Sur les fosses plus coûteuses, on en limite la hauteur à quatre pouces. Les pierres tombales ne sont acceptées que si elles sont en pierre de taille ou en bronze : « aucun matériau artificiel n'est permis ». Elles ne doivent pas couvrir plus de 5 % de la superficie du lot et, pour éviter qu'elles ne s'inclinent, les pierres de plus de un pied de hauteur doivent être posées sur des fondations de ciment construites par le cimetière. Sur les tombes d'enfants et les tombes bon marché pour adultes (dont le prix varie de 12,50 $ à 15 $), la hauteur des pierres est restreinte à huit pouces, tandis qu'elle ne doit pas dépasser un pied sur toute fosse individuelle. Les mausolées n'ont pas leur place sur le nouveau site, les administrateurs partageant l'avis des meilleurs jardiniers du jour pour qui l'apparence de ces constructions est « généralement nuisible aux lieux [et elles] sont susceptibles de suinter ... et de devenir des ruines hideuses31 ». Au cimetière Mont-Royal, la gestion de la maind'œuvre a souffert de la présence de travailleurs de l'extérieur venant sur les lieux pour entretenir les lots, jardiner ou réparer les ouvrages de fer forgé. Au cimetière HawthornDale, sauf pour les ouvrages de maçonnerie, tous les travaux sont effectués par les employés permanents. Le régisseur en place, Henry Gwilliam, fait respecter le règlement et en répond à son supérieur, Ormiston Roy32. Tandis que le cimetière de la montagne attire l'attention du visiteur sur les monuments et mausolées, la mission du cimetière Hawthorn-Dale est de fournir un site accessible

et attrayant pour l'inhumation à prix modique. Lorsqu'il ouvre ses portes en 1910, quatre acres ont été aménagés, drainés, terrassés, recouverts de terre noire, fertilisés et apprêtés pour l'inhumation. Le prix des fosses de Hawthorn-Dale inclut le fossoyage, le transport du corps et l'entretien perpétuel. Les fosses d'enfants sont annoncées à moitié prix par rapport à ce que demande le cimetière Mont-Royal (de 10 à 16 $), tandis que les fosses pour adultes sont offertes à des prix variés (12,50 $, 15 $, 17,50 $ et 20 $)-«. La meilleure solution pour éviter d'avoir à fournir des fosses gratuites est de maintenir les prix si bas que seuls les plus indigents ne puissent les payer : « nous avons fixé les prix si bas à HawthornDale, signale Ormiston Roy en 1918, que seuls ceux qui sont dans la plus grande misère n'auront d'autre choix que de demander un enterrement gratuit 34 . »Vers le milieu des années 1930, les pires de la grande Crise, le cimetière maintient que les prix de ses terrains comptent parmi les plus modiques dans les villes d'Amérique du Nord, allant de « 41 cents ajuste au-dessus de un dollar le pied » à HawthornDale, tandis qu'au cimetière Mont-Royal, on peut se procurer une tombe sur « le plan-pelouse, marqueur de bronze permis à ras le sol, pour 1,75 $ le pied3-''. » Bien que la propriété ait été achetée en 1906 et que le cimetière ait ouvert ses portes en 1910, Hawthorn-Dale n'est pas béni avant octobre 1911. Le compromis prudent entre les confessions et les incidents ayant marqué l'enterrement de figures controversées comme Joseph Guibord et Thomas Hackett ont sensibilisé la direction aux répercussions des disputes politiques et religieuses. C'est pourquoi on parlera à Hawthorn-Dale de dédicace plutôt que de consécration. En réponse à la demande du président du cimetière, John Beattie, qui tient à distinguer les nouveaux lieux de sépulture des usages communs et profanes, l'évêque anglican John Cragg Farthing accepte de bénir le cimetière. Après lecture des psaumes 90 et 103, il déclare le Plan-pelouse ou pierre veuve

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cimetière Hawthorn-Dale un lieu où « le corps des fidèles peut reposer en paix36 ». L'impact de Hawthorn-Dale se fait immédiatement sentir au cimetière Mont-Royal, car il accueille une bonne partie des clients de pratiquement toutes les confessions protestantes qui recherchent une tombe modeste, et une proportion accrue des enterrements fournis par les sociétés de bienfaisance. Les registres du cimetière Mont-Royal signalent 255 inhumations gratuites en 1905, mais aucune en 1912. Dans la première année d'activité à HawthornDale, 89 inhumations sont effectuées dans la fosse commune, et des 348 autres, 47 sont qualifiées de « bon marché37 ». En 1914, Hawthorn-Dale enregistre 673 inhumations, dont 80 sans frais, par comparaison à 1647 au cimetière MontRoyal38. De nouveaux groupes œuvrant auprès des protestants démunis, par exemple l'Armée du Salut, ne suivent pas le modèle instauré au XIXe siècle par les institutions de bienfaisance de la classe moyenne, dont les grandes concessions s'ornaient d'imposants monuments commémoratifs. Ils achètent plutôt des fosses individuelles au fur et à mesure. En 1908, l'Armée du Salut a versé 3,50 $ pour une fosse au cimetière Mont-Royal, mais dans les décennies qui suivent, elle achète 19 fosses à Hawthorn-Dale. D'après les registres, ce sont des fosses de 8 pieds ou de 24 pieds carrés, vendues à des prix variant de 3,50 $, en 1908 à 72 $ en 1973.Y sont inhumés les corps d'hommes, de femmes ou d'enfants qui ont trépassé à la maternité, au refuge pour homme, au service du travail et dans d'autres établissements de l'Armée du Salut. D'autres fiches portent l'indication « Ville de Montréal », car l'administration municipale s'occupe en effet de disposer des corps que personne ne réclame ou qui restent sans identification. Parce qu'on les présume catholiques, ces corps non identifiés sont livrés au « cimetière de l'Est » par un contractuel des pompes funèbres et sont enterrés dans la fosse commune sans cérémonie religieuse ; 1 2O

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en 1948, la ville paie 3 $ pour l'inhumation d'un adulte et i $ pour celle d'un enfant (dont la définition, unique en son genre, est un individu dont le cercueil a moins de quatre pieds)39. Les dépouilles associées à la religion protestante mais non réclamées par la famille sont livrées à Hawthorn-Dale. Inhumées aux frais de la Ville, elles ne bénéficient pas généralement d'un service funèbre encore qu'en 1936, l'association des pasteurs protestants de Montréal se dise disposée à offrir ce service sans frais^0. Cette combinaison de tombes bon marché et de fosses individuelles vendues à la ville ou aux sociétés de bienfaisance se traduit par une diminution progressive des inhumations gratuites consenties par le cimetière Mont-Royal. En 1919, les 15 inhumations gratuites effectuées à HawthornDale (il n'y en a eu aucune au cimetière Mont-Royal) sont les moins nombreuses depuis la fondation du cimetière Mont-Royal en 1852. Le nombre continue à décliner si bien qu'on n'en compte plus que quatre en 1954 et en 19554!. Après 1969, un programme provincial de bien-être social se charge de l'enterrement de tous les destitués. En 2002, les familles à la charge de l'État ou les sociétés de bienfaisance qui doivent enterrer une personne destituée reçoivent le somme de 2 500 $ pour couvrir les frais d'enterrement. La somme correspond aux prestations versées aux héritiers de personnes ayant contribué au régime de retraite du Québec. Fidèle à sa vocation de cimetière modeste, HawthornDale donne l'impression générale d'égalitarisme et d'ordre. Aucune pierre n'est visible depuis l'entrée, et le gazon domine sauf dans l'avenue pavée. Pour préserver la perspective, les tombes bordant l'avenue sont marquées de pierres plates posées à ras le sol, tandis que les monuments verticaux marquent les tombes plus éloignées, près des arbres. Des sections distinctes sont réservées aux enfants, à la fosse commune et aux militaires. La petitesse des monuments, même

ceux commémorant des catastrophes, est frappante. Les épitaphes en sont donc réduites à quelques mots dans un style populaire ou familier : « Papa », « Petit souriant », « C'est fini », « Que le ciel nous réunisse ». Par opposition, le cimetière Mont-Royal continue de se déployer telle une vitrine opulente de l'élite protestante, surtout avec l'aménagement de Pine Hill Side et de Rosé Hill. Ormiston Roy favorise l'enlèvement des enceintes dilapidées et l'ouverture de sections destinées aux petits monuments. Ayant conçu et ouvert Hawthorn-Dale, Roy consacre ensuite plus de temps à jouer le rôle de naturaliste et gardien de la beauté qu'il s'est assigné. En 1914, il négocie un nouveau contrat dans lequel l'entreprise retient ses services au double titre d'architecte du paysage et de régisseur général ; les administrateurs y reconnaissent le droit de Roy à « une plus grande liberté afin de se consacrer à sa profession d'architecte du paysage » et à accepter « des travaux à l'extérieur en tant que jardinier paysagiste42 ». Outre son salaire annuel de 1800 $, il continue de loger dans la maison située en périphérie du cimetière et pour laquelle tous les frais d'éclairage, de chauffage et de taxe sont payés par la Compagnie. En vertu de ce nouveau contrat, Roy ne dispose plus du cheval et du gréement que la Compagnie lui offrait auparavant, mais il peut garer l'automobile qu'il a lui-même achetée dans un garage du cimetière et la faire laver par le garçon d'écurie. On a vu le peu de goût de Roy pour l'encombrement évoqué par ce que le poète Stéphane Mallarmé appelle la « pierre veuve« ». L'un de ses modèles d'aménagement est Central Park à New York. Ses espaces ouverts « imitant à la perfection la campagne et la nature feraient un cimetière idéal », écrit Roy en i899 44 . Il continue de travailler pour donner au cimetière un paysage nouveau et cohésif ou, comme il le dit, « une section entière à l'effet fini et harmonieux » qui prédomine sur les goûts individuels. Il

déconseille les plantes annuelles repiquées au hasard, suivant les « goûts divers des propriétaires de lot », leur préférant la grâce naturelle du lilas et du pommetier ou de plantes vivaces, notamment les rosiers et les pivoines4-*5. En 1916, le cimetière annonce son intention de cesser la production de plants florifères en serre ; dorénavant, les propriétaires souhaitant porter ou planter des fleurs sur une tombe devront se les procurer auprès des fleuristes. Apparemment, cette décision ne sera pas mise en application puisqu'en 1918, une nouvelle serre consacrée aux fleurs est construite près de l'entrée46. On ne sait trop si Roy a participé à la fondation du jardin botanique de Montréal en 1931, mais il a certainement collaboré avec certains des botanistes de renommée internationale qui y ont travaillé. Lui et Henry Teuscher créent ensemble des espèces naines, dont une de pommetier à fleurs, aptes à remplacer les anciens conifères et les pommiers malades qui déparent alors une bonne partie du paysage montréalais. Bien que de nombreux arbustes et arbres sont élevés en pépinière au cimetière Hawthorn- Dale, des stocks sont importés avant la Deuxième Guerre mondiale d'Orléans, en France, et de Boskoop, en Hollande4?. Il existe bien un rosier Ormiston Roy et un pommetier à fleurs du même nom, mais Roy voue une passion particulière à la pivoine et s'assure qu'on la plante en massifs au cimetière. Si l'urne coiffant le monument funèbre symbolise le XIX e siècle, la pivoine devient, par l'intervention de Roy, synonyme du style plan-pelouse. Il organise des comités de distribution dans chaque province afin d'introduire dans les jardins la pivoine rosé Wembley. Il rêve d'en faire la fleur nationale du Canada et la cultive dans des pépinières privées avec l'aide de son fils. Après l'ouverture du parc du mont Royal qui attire les foules montréalaises sur la montagne, un nombre fortement accru de visiteurs, au demeurant pas tous désirables aux yeux des administrateurs, se promènent dans les allées Plan-pelouse ou pierre veuve

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du cimetière. Leur présence soulève la question de la régle- sud de la clôture du cimetière, laquelle a été démolie dans mentation et de la sécurité. Clôturer le cimetière devient le transfert, mais il faut des années avant que Montréal ne une tâche particulièrement urgente en 1905 lorsque tienne parole. Dans l'intervalle, le cimetière porte plainte s'effondre l'ancienne clôture de perche qui circonscrivait la car l'absence de clôture entraîne des dommages aux « lots propriété.Toujours au fait des dernières technologies, Roy de nos sections les plus huppées ». En dépit des surnumérecommande la « clôture parfaite de Pittsburgh », c'est- raires auxquels on confie la garde des lieux pour contrer le à-dire une clôture de cinq pieds de hauteur, en treillis métal- vandalisme, « il est impossible de prévenir le vol de plantes lique soudé, à laquelle il ajoute trois rangs de fil de fer bar- et les dommages causés aux arbustes florifères49 ». belé, ce qui la rend, dit-il, « très efficace^8 ». Cette enceinte La mise en service de la ligne de tramway longeant demeurera intacte jusque dans les années 1920, alors que le le chemin Shakespeare à partir de la Côte-des-Neiges cimetière échangera des lopins de terre avec la Ville afin de jusqu'au parc, en 1924, et l'aménagement d'une route du permettre la construction de voies de transport public côté est de la montagne, en 1930, obligent la direction du menant au parc du mont Royal. L'échange comprend un cimetière à porter une attention particulière à l'esthétique engagement de la part de la Ville de reconstruire la partie et à la sûreté du portail arrière donnant accès à la ligne de tramway et au parc. En 1935, les anciennes grilles d'entrée donnant sur le parc près des concessions des œuvres de charité sont finalement démantelées et transportées à HawthornDale. Ayant acquis de la Ville une bande de terre longeant le cimetière Notre-Dame-des-Neiges et un terrain additionnel près de la ligne de tramway, le cimetière construit une nouvelle entrée près de l'emplacement actuel du portail sud. Les visiteurs peuvent dorénavant venir directement de l'arrêt de tramway en utilisant le chemin qui longe le cimetière catholique ; lorsqu'ils pénètrent dans les lieux, ils aperçoivent d'abord la très jolie section A-2 plutôt que les concessions des œuvres de bienfaisance. En dépit de la désapprobation de certains administrateurs eu égard au nombre croissant de visiteurs, Ormiston Massifs de pivoines près du crématorium. Roy appuie toujours vigoureusement l'accès du public au cimetière, en particulier par automobile. En 1911, les admiCette photo sans date du crématorium souligne l'importance nistrateurs avaient décidé de maintenir la règle au sujet de qu'accordé Ormiston Roy au plan d'aménagement paysager. De grands arbustes cachent le four crématoire tandis que des l'automobile, à savoir qu'elle était indésirable et qu'il fallait vignes grimpantes contournent les portes de la chapelle. Les afficher un avis à cet effet. À l'opposé, Roy entend plutôt allées sinueuses sont accentuées par des massifs de plantes vivaces. adapter le cimetière aux automobilistes. En 1919, il entreprend d'expérimenter avec des chemins concaves facilitant T 22

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l'écoulement des eaux de ruissellement. Le parrainage de T. Howard Stewart, qui fait construire le chemin du Souvenir jusqu'au crématorium, permet à Roy d'expérimenter le revêtement bitumineux et, en 1924, il signale que le cimetière est l'un des premiers cndroitb au Canada à utiliser un mélange de type amiesite qu'on étend à froid et qui est moins glissant par temps de pluie que le macadam traditionnel50. Dès 1924, le cimetière a aménagé un espace spacieux pour le stationnement des automobiles près de la résidence du régisseur. Pour assurer que le cimetière est accessible en toute saison, Roy préconise l'achat de matériel de pointe, de telle sorte que dès 1938, Hawthorn-Dale est pourvu d'un tracteur Caterpillar au diesel et d'un chasseneige Baldwin-''1. Ces améliorations ajoutent sans aucun doute à l'attrait et à l'accessibilité du cimetière pour les automobilistes, encore qu'avant la Deuxième Guerre mondiale, ceux-ci sont plutôt rares à Montréal. Si l'auto permet aux gens âgés et aux handicapés de visiter le cimetière, elle a aussi le mérite de ne pas favoriser les jeux lubriques, les pique-niques et autres loisirs sédentaires. Sauf s'ils sont propriétaires de lot, les visiteurs sont priés de conduire lentement mais sans s'arrêter du portail avant aux grilles arrière. La visite des cimetières Mont-Royal ou Hawthorn-Dale le dimanche des pivoines devient une tradition printanière aussi populaire que le Peony Mile de Langport, dans le Somerset, ou les dimanches aux lilas organisés à Boston et à Rochester. Des milliers de pivoines longent l'avenue principale du cimetière HawthornDale ; en 1935, des policiers sont embauchés pour éviter les embouteillages du dimanche des pivoines. En 1939, le portail reste ouvert toute la soirée au cimetière Mont-Royal pour faciliter la circulation des visiteurs venus admirer les massifs fleuris : plus de 1000 automobiles se présentent en une soirée et, une fois de plus, les policiers doivent diriger la circulation^ 2 .

Trente-six ans après le premier colloque de l'association américaine des régisseurs de cimetière auquel il a assisté et où il a rencontré Ossian Cole Simonds, Roy rappelle en 1935 les vues de son mentor quant à la contribution du plan-pelouse à la société. Nos grands cimetières devraient suivre le rythme des meilleures inventions du siècle, des meilleures théories religieuses, scientifiques et économiques. Ils devraient être, comme leur nom l'implique, des lieux apaisants, des lieux de repos libres de toute intrusion. Cela semble naturel que les gens doivent retenir pour un tel endroit la crème de la production en art paysager, un endroit où une joie chaleureuse et une lumière ensoleillée émanent des pelouses étalées ; où les échappées laissent joliment entrevoir les nuages ou le soleil se couchant à l'horizon ; où les feuillus fournissent une ombre rafraîchissante, plaisent à l'oeil et abritent chaque année les oiseaux qui reviennent y siffler leur chant d'accueil ; où les arbustes fleuris enchantent l'œil, parfument l'air et rendent les lieux de sépulture attrayants. De tels endroits semblent exister davantage pour les vivants

En tramway sur la montagne.

que pour les morts, car ce sont les vivants qui en ont le plus grand besoin".

Une ballade en tramway sur le flanc est de la montagne constitue une sortie des plus spectaculaires dans la région de Montréal. Du point de départ de la boucle, sur l'avenue du Parc, le tramway serpente un circuit découpé dans le roc pour atteindre le sommet, offrant au passage une vue impressionnante sur la ville et le cimetière. Posés en 1930, les rails seront démantelés dans les années 1950 pour faire place à la voie Camillien-Houde, un circuit des plus populaires à Montréal de nos jours.

Outre sa position publique au titre d'architecte du paysage et de régisseur du cimetière, Roy développe des intérêts, passe-temps et contacts personnels qui lui valent un prestige certain dans le Montréal anglophone. Francmaçon, historien, ornithologue et curleur, Ormiston Roy est décrit dans une biographie datée de 1912 comme un des meilleurs éleveurs de colleys sur le continent. Secrétaire de la Société d'horticulture de Montréal et de la Fruit Growing Society, il occupe aussi la vice-présidence de l'American Park and Outdoor Art Association. Sa réputation, ses amis haut placés et sa connaissance intime de questions techniques et éthiques complexes, notamment au Plan-pelouse ou pierre veuve

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sujet de la crémation, lui assurent une grande liberté de manœuvre. En 1934, il signale au conseil qu'il donne des interviews dans les journaux afin de faire valoir « quelques points sur lesquels tant de citoyens sont mal informés ». Un an plus tard, « ayant œuvré 45 ans au cimetière », il se sent assez à l'aise avec les membres du conseil pour passer en revue les améliorations apportées sous sa tutelle54. L'évolution des relations entre les administrateurs et les gestionnaires est manifeste dans la description de tâche de Roy. Son père a occupé les postes de jardinier, puis de chefjardinier ; dans sa notice nécrologique, le conseil parle de « l'expérience pratique eu taut que jardinier paysagiste » de Frank Roy55. Les deux beaux-frères d'Ormiston Roy, qui ont travaillé avec lui au cimetière, sont identifiés dans leur notice nécrologique comme jardinier et contremaître. On signale vaguement au sujet de son instruction officielle que Ormiston Roy a été formé par le Conseil des Arts et Manufactures de la Province de Québec. Celui-ci donnait des cours du soir aux artisans et apprentis de plus de quinze ans dans des matières aussi diverses que le dessin d'architecture, la sculpture sur marbre ou sur bois, la plomberie et la cordonnerie. Avant d'être embauché par le cimetière, Roy a travaillé, semble-t-il, dans le commerce des semences56. Ormiston Roy n'a pas raté la vague de spécialisation des professions survenue au tournant du siècle en devenant le régisseur du cimetière et en se dissociant très tôt de son métier d'origine. À la fin, on le dira horticulteur, architecte paysagiste de génie, botaniste ou philosophe. Voyageur invétéré, il participe aux colloques et visite cimetières et parcs dans bien des villes d'Europe, d'Amérique et du Japon. Toujours actif au sein des sociétés internationales préoccupées d'horticulture, de crémation et de cimetière, Roy revient de ses voyages tonifié par les dernières découvertes technologiques, les nouveautés en horticulture et les

Cortège funèbre d'Isabella Scott, née McMaster. La féministe Isabella Scott a été inhumée le 17 juillet 1942. Le photographe de la Gazette a choisi ici un point de vue avantageux pour mettre en évidence la longue file d'automobiles composant le convoi funéraire. Les chemins du cimetière ont été élargis, renforcés et pavés pour accommoder la circulation en automobile.

Circuit pittoresque pour automobilistes, 1941. Après les « dimanches des pivoines » des années 1930, le cimetière otfre aux automobilistes un circuit particulier pour admirer les lilas et pommetiers en fleurs. On constate dans cette annonce que même si les administrateurs sont fiers de leurs jardins naturels, ils hésitent à laisser le visiteur déambuler à sa guise. T24

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innovations dans les cimetières. Animé de l'esprit d'un entrepreneur, il se sert de ses contacts, de ses aptitudes et des produits qu'il a mis au point dans sa carrière de régisseur pour lancer avec succès une petite entreprise et agir à titre de consultant. Il aménage ainsi le paysage du domaine de 27 acres que possède Eugène Lafleur à Hudson, au Québec. Il poursuit avant dans cette direction en acceptant des contrats pour la succession Rockefeller à New York, la société Ford à Deerborn, au Michigan, le chemin de fer du Grand Tronc, les domaines du gouverneur général à Ottawa et à Québec, et celui de Mackenzie King, Kingsmere, dans les collines de Gatineau". Fort de la réputation qu'il s'est acquise au cimetière Mont-Royal, il met sur pied une entreprise d'exportation de pivoines, confiant ses fermes de Rouse's Point, dans l'État de New York, et de Laval, au Québec, à son fils Carlyle58. Au cimetière, il prend successivement le titre de régisseur, d'architecte paysagiste et de gérant général. En 1918, il devient gestionnaire de l'aménagement et du crématorium. Le monument érigé en son honneur par le conseil du cimetière sur les hauteurs de Fine Hill Side le rappelle à notre mémoire comme un naturaliste.

Orniiston Roy (1393, section PHS). À son décès, en août 1958, Orniiston Roy a été incinéré et ses cendres enterrées dans la section Fine Hill Side. Sa pierre tombale, érigée par les administrateurs, porte l'épitaphe suivante : « Naturaliste paysager, planteur de pivoines, ami du colley, curleur, au service continu du Cimetière Mont-Royal de 1890 à 1958 ». Plan-pelouse ou pierre veuve

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a première crémation jamais effectuée au Canada se déroule au cimetière Mont-Royal en 1902. Non seulement le nouveau régisseur, Ormiston Roy, est un adepte convaincu de la crémation, mais la construction du crématorium a été subventionnée par deux des capitalistes les plus en vue au pays, J. H. R. Molson et William Christopher Macdonald. En Europe comme en Amérique du Nord, ses promoteurs voient dans la crémation une méthode propre, efficace et techniquement intéressante, qui, de surcroît, tient compte de la santé publique et des préoccupations quant à la pollution de l'air et de l'eau émanant des lieux de sépulture. Le crématorium symbolise la supériorité de la science moderne et du four industriel sur la lenteur du processus naturel de putréfaction. Qui plus est, la crémation s'inscrit sans peine dans les principes du plan-pelouse appliqués au développement du cimetière, car lorsqu'on retire le cadavre du lieu de sépulture, on y efface l'ubiquité de la mort. La crémation vient aussi contester les sentiments de l'époque romantique et victorienne exprimés par le biais des mausolées, des grands monuments et des tumulus. Par ailleurs, elle permet de modifier le plan d'aménagement des lieux et d'en réorienter les usages. Même si on les enterre, plutôt que de les disperser au vent ou de les entreposer dans un colombarium, les cendres exigent des fosses

peu profondes et de petites dimensions qu'il sera facile de creuser dans les sections ne convenant pas à l'enfouissement d'un cercueil. La technique de la crémation a des répercussions notables sur le plan commercial puisqu'elle aide les cimetières à reprendre la maîtrise du cérémonial et du traitement des corps qui, au cours des décennies précédentes, leur avait échappé en raison de la spécialisation des directeurs de pompes funèbres. Parce qu'ils étaient éloignés de la ville, les cimetières ruraux ont contribué en un sens à la transformation des modes de transport, de communication et d'organisation, tout comme ils ont favorisé le développement des services offerts par les entreprises funéraires. L'embaumement est encore plus lourd de conséquences. C'est en 1882 que les directeurs de pompes funèbres forment une association nationale aux États-Unis. Ils se servent efficacement de l'art de l'embaumement pour prendre la vedette auprès des familles endeuillées, organiser à leur place les funérailles et prévoir toutes les dispositions pour le transport au cimetière et l'inhumation comme telle. Afin de faciliter l'embaumement, qui requiert un appareillage spécial notamment pour la disposition des déchets, les cadavres sont le plus souvent transportés dans ce qu'on appelle alors un salon mortuaire. Comme ils y installent la dépouille dans son cercueil et organisent les arrangements floraux, de même que leur

Infirmières portant un cercueil, Winnipeg. La maison cossue du voisinage recyclée en résidence funéraire, la clôture de fer forgé, et le contraste entre les infirmières vêtues de blanc et les employés des pompes funèbres en noir illustrent l'importance croissante des services funéraires. Par ailleurs, il était rare que des femmes portent un cercueil.

La chapelle de la résidence funéraire Joseph C. Wray, env. 1935. La résidence funéraire Wray a longuement été associée au cimetière Mont-Royal. L'architecture de sa chapelle témoigne du fait que de nombreuses funérailles avaient lieu à la résidence mortuaire plutôt qu'à l'église. Les fleurs fraîches demeurent le principal moyen d'exprimer les condoléances.

livraison, les heures de visite et les obsèques, les directeurs de funérailles occupent une position idéale pour conseiller les familles sur le transport au cimetière, les types de fosses et le choix du monument. Ormiston Roy s'élève contre le coût élevé des enterrements, la stupidité des directeurs de funérailles et, en particulier, leur appropriation du pouvoir au cimetière. Il espère qu'une fois doté d'un crématorium, le cimetière reprendra la tête de file dans les affaires en érigeant une chapelle pour la célébration d'obsèques précédant la crémation. Cette concurrence entre cimetières et entreprises funéraires complique les rapports entre les uns et les autres. Plus tard au XXe siècle, les relations épineuses atteindront un sommet avec la construction de crématoriums par les grands complexes funéraires. La Compagnie du Cimetière Mont-Royal se lancera aussi dans les services funéraires au cours des années 1990. Quels que soient ses avantages, l'élimination des cadavres par le biais de l'incinération pose un problème fondamental sur le plan religieux : anathème pour les catholiques, les juifs et les Grecs orthodoxes, la pratique est perçue fort différemment des protestants. Largement répandue dans la Grèce et la Rome antiques, mais proscrite par les autorités chrétiennes, la crémation reprend du service à la fin du XIX e siècle sous l'impulsion des programmes de santé publique semblables à ceux qui ont donné naissance au cimetière rural plusieurs décennies auparavant. En 1876, un rapport sur les lieux de sépulture dans la ville industrielle de Glasgow signale que la crémation s'inscrit dans une stratégie plus vaste visant à éliminer la puanteur et la pollution urbaines : « Du côté de la santé publique, la crémation est ce qu'il y a de mieux, car elle détruit tout à la fois les germes des maladies infectieuses, des émanations offensantes et de la corruption 1 ». La nouvelle technologie résout le problème que pose l'élimination des masses de cadavres dans les villes

ou celle des victimes d'épidémies, de catastrophes et des guerres modernes. Le four crématoire conçu par Bruno Brunetti est montré à l'exposition de Vienne en 1873, tandis que les illustrations du four de William Siemen sont diffusées dans le public un ou deux ans plus tard2. Aux États-Unis, les représentants officiels de la santé publique s'inquiètent de ce que les cimetières ruraux, établis au XIXe siècle en périphérie de la plupart des grandes villes, ne puissent plus répondre à la demande urbaine en matière d'ensevelissement des corps. Le premier crématorium américain est d'abord établi en 1876, puis suivi quelques mois plus tard par la constitution en société de la United States Crémation Company, laquelle a construit le crématorium Fresh Pond de Long Island, où la première incinération a eu lieu en 1885. Une association nationale de la crémation est fondée l'année suivante. En moins de dix ans, San Francisco, Buffalo, Boston, Lancaster (Pennsylvanie),Worcester (Massachusetts), Cincinnati, Pittsburgh, New Orléans, St Louis, Baltimore, San Antonio, Los Angeles et Détroit ont toutes leur entreprise privée ou publique de crémation. En 1900, les 24 crématoriums que comptent les États-Unis assurent 2414 incinérations. Toutefois, par contraste avec l'embaumement qui est largement accepté du public, la crémation ne progresse que lentement : en 1920, un pour cent seulement des décès aux États-Unis sont suivis d'une incinération^. Les tendances sont semblables en Europe. Malgré l'opposition de l'Église catholique, la pratique de la crémation progresse le plus vite en Italie, où le premier crématorium municipal est érigé à Milan en 18744. La même année, la Crémation Society of England est fondée en vue de promouvoir un processus qui, s'il ne peut offenser les vivants, en rendra du moins les restes anodins. Son premier président est Sir Henry Thompson, le médecin de la reine Victoria, et des intellectuels bien connus comme Anthony Trollope Crémation, 1902-1974

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Le four à réverbère Siemens. Les rites observés près de la fosse sont de tradition dans l'inhumation chrétienne. Combiner l'incinération à une cérémonie religieuse a exigé un peu d'ingénuité, comme le démontre cette gravure de 1874. Le procédé Siemens suggérait d'abaisser le cercueil dans le four, ce qui ressemblait aux enterrements habituels, mais offrait une plus grande efficacité. La nouvelle technologie de la crémation a été largement diffusée par le Canadian Illustrated News.

et Herbert Spencer en appuient les desseins^. Le premier crématorium britannique est construit en 1879 ; les tribunaux lui accordent le droit d'entreprendre ses activités en 1885, et dès 1902, des villes comme Glasgow, Liverpool et Manchester ont un crématorium en service6. En Allemagne, le premier crématorium est construit en 1878, et d'autres pays emboîtent le pas, dont la Suède (1887), la Suisse (1889), le Danemark (1893), et l'Australie (1903). Mais tant en Europe qu'en Amérique, les plus ardents défenseurs de la crémation sont les médecins, surtout ceux qui s'intéressent à la santé publique. Une pétition circulant dans les rencontres de la British Médical Association en 1880 recueille 1880 signatures en faveur de la crémation. Aux États-Unis, un comité de médecins s'élève contre cette « horrible pratique » de l'enterrement, qui « répand la désolation et la pestilence chez les humains [et empoisonne] l'air pur, l'eau pure et le sol pur ». Par suite de la publication de ce rapport, l'association américaine de médecine comme celle de la santé publique adoptent toutes deux une résolution en faveur de la crémation?. C'est encore un médecin qui rédige le périodique Modem Cremationist de Pennsylvanie, tandis qu'à Milwaukee, les enthousiastes suggèrent à l'académie de médecine de fonder elle-même une société de crémation. Le crématorium de Buffalo, dont le président est un médecin, a l'appui indéfectible du Buffalo Médical and Surgical Journal. À Paris, on prend des dispositions pour faire incinérer les 3000 cadavres qui sortent chaque année des écoles d'anatomie de la ville8.Voilà qui contraste fortement avec le transfert des restes dans l'ossuaire de la ville, cette carrière souterraine ayant servi de dépôt aux ossements de générations de pauvres qu'on y transportait depuis les enclos paroissiaux. En 1885, une pétition en faveur de la crémation est signée par 1942 médecins en Allemagne^. En Australie, le Dr Robert Wylde, d'Adelaide, cite Louis Pasteur avant de rappeler à son auditoire, en

1890, qu'un cimetière peut causer la fièvre jaune, le choléra ou la typhoïde. « Les gaz émanant des cadavres sont parfois assez puissants pour soulever le couvercle d'un cercueil, même de plomb, et ne peuvent constituer qu'une source de danger pour ceux qui vivent à proximité des lieux de sépulture10. » Les chefs d'entreprise joignent leur voix au chœur des médecins. Andrew Carnegie, aciériste et philanthrope américain, soutient que la crémation est « en matière d'hygiène, l'une des grandes améliorations d'une ère évoluée ». Par ailleurs, de nombreux architectes entretiennent des relations de travail étroites avec les cimetières, dont ils dessinent les grilles, les monuments et les mausolées. On ne s'étonne donc pas que la revue Canadian Architect and Builder reprenne à son compte les avertissements de Darwin et de Pasteur. On y lit en 1906 que, dans un seul acre, les vers de terre retournent une quinzaine de tonnes de sol et libèrent ainsi des germes pouvant infecter les animaux de maladies fatales. «Voilà en deux mots, dit la revue, la raison d'être de la crémation11. » Les crématistes doivent toutefois composer avec une vigoureuse opposition. Au premier rang des troupes séculières viennent les entrepreneurs de pompes funèbres qui, dans l'esprit du public, sont les professionnels de la mort. Réagissant à la concurrence que pose la crémation à l'embaumement, au cercueil et aux activités de la maison mortuaire, ils dénigrent la pratique dans la revue Tlie Casket, et font grand cas de sa brutalité pour le corps humain. L'Église catholique oppose carrément son veto sur le plan religieux, adopte des décrets condamnant la pratique à plus d'une reprise et va jusqu'à associer la crémation à la francmaçonnerie, aux libéraux et, par la suite, aux communistes. Le droit canon, repris en 1886, est infrangible : « le corps des fidèles doit être inhumé, leur crémation est interdite12 ». Naturellement, l'Église catholique détient au Québec un

pouvoir particulier qui la pousse à tenter d'empêcher la crémation même chez d'autres confessions religieuses en exerçant des pressions sur la législature pour que celle-ci refuse de changer la charte du cimetière Mont-Royal. La plupart des juifs s'opposent aussi à l'incinération, encore que certains rabbins de la Réforme l'appuient et président aux obsèques la précédant, du moins aux États-Unis^. Les femmes de la classe moyenne constituent un important segment de la population qui favorise le cimetière rural en raison de l'importance que celui-ci accorde à la respectabilité et à la famille. Ces clientes potentielles échappent donc aux partisans de la crémation, qui tendent à voir les femmes comme les gardiennes de la sentimentalité victorienne et les championnes de l'enterrement classique. À vrai dire, les femmes ne semblent pas impressionnées par les arguments utilitaires des crématistes radicaux qui soutiennent que l'incinération des corps pourrait servir à fournir de l'électricité, tandis que les restes répandus dans les champs fertiliseraient le sol. Moins de femmes que d'hommes optent pour l'incinération au cimetière MontRoyal. Reste que même en minorité, des femmes, pour la plupart détentrices d'un diplôme universitaire, militent dans les sociétés américaines en faveur de la crémation. Six des 113 membres de la société de crémation de San Francisco sont des femmes, tandis qu'à Los Angeles elles sont au nombre de 12 sur 152 membres. De retour d'Italie, l'activiste californienne Grâce Greenwood signale l'utilité du crématorium de Milan pour les familles pauvres et le décrit comme « le moyen le plus pur de rendre la poussière à la poussière ». Pour retenir l'attention des femmes protestantes, les crématistes recourent à l'argument selon lequel la propreté physique est liée à la réforme morale : « on conçoit facilement, dit l'un d'eux, qu'une femme à l'esprit raffiné veuille opter pour la crémation afin d'échapper à ce qui l'effraie des vers, de la moisissure, de l'érémacausis, de la Crémation, 1902-1974

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L'incinération du Dr William Priée. Avant que ne soit mise au point la technologie moderne du four crématoire, l'incinération, telle qu'on la pratiquait dans ce crématorium écossais, était un choix marginal dans la société occidentale. Ces méthodes artisanales fascinaient les journalistes populaires, mais étaient critiquées par un vaste éventail d'opposants.

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putréfaction ou d'un acte quelconque de profanation »'4. A Washington, Kate Field montre les inconvénients manifestes de la lente putréfaction en terre par rapport à l'incinération, qu'elle considère comme le moyen le plus sain, le plus propre et le plus poétique d'éliminer les corps. « Quiconque préfère les horribles vers aux cendres possède une imagination bien étrange », soutient-elle*$. Le feu cathartique de la crémation a des liens évidents avec la pureté, le savon, et ce que la revue méthodiste Christian Guardian appelle le « gospel de la brosse à dents »' 6 . Aménagés aux fins de l'ensevelissement, les anciens cimetières ne semblent pas l'endroit idéal pour ériger un crématorium. En Amérique, les premiers crématoriums sont construits par des entreprises qui mettent l'accent sur la dispersion des cendres et voient les cimetières comme des concurrents. Mais bien des cimetières de Grande-Bretagne et d'Amérique du Nord ne sont pas de cet avis. En Ecosse, un rapport publié en 1876 donne à croire que « l'inhumation bien conçue et la crémation perfectionnée » peuvent UNE

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très bien coexister1?. Dès les années 1890, l'association américaine des régisseurs de cimetière appuie la construction de crématoriums dans l'enceinte des cimetières. À son retour de l'assemblée annuelle de cette association en 1899, Ormiston Roy explique aux administrateurs que la question a été longuement débattue. La même année, la chapelle de Mount Auburn est convertie en crématorium. À Milwaukee, le cimetière Forest Home, qui relève de l'Église épiscopale, fait aussi ériger un crématorium18. Dès le tournant du siècle, 15 des 24 crématoriums américains sont situés dans l'enceinte d'un cimetière. En 1913, lorsqu'une association de la crémation est instaurée en Amérique du Nord, elle compte parmi ses membres bon nombre de régisseurs de cimetière, dont Ormiston Roy, qui en deviendra le président en 1920. Cette association et celle des régisseurs de cimetière ne tardent pas à tenir des conférences communes et parlent même de fusion 1 ^. La tendance favorable à l'incinération se répand au Canada dès les années 1880. C'est en 1887 que Hugo Erichsen, médecin ontarien qui a participé à l'organisation du premier colloque international sur la crémation et qui préside l'association de crémation du Michigan, publie Crémation of thé Dead Considered from an Aesthetic, Sanitary, Religions, Historical, Médico-Légal and Economical Stanpdpoint. Son livre s'adresse « à tous ceux qui apprécient la propreté, à tous ceux qui aiment le sentiment véritable, aux amis de l'économie, à tous ceux qui vénèrent leurs morts, et à tous ceux qui n'ont pas peur du changement ». Il propose l'incinération obligatoire pour les morts au champ d'honneur, de même que l'établissement, soit d'un corps d'armée chargé de la crémation ou, encore mieux, d'une société neutre, sorte de Croix noire, qui s'occuperait de « rassembler les cadavres et de les confier aux flammes20 ». Il soutient que dans les cimetières civils, les fossoyeurs sont exposés aux « dangers des gaz émanant des tombes ». Citant un rapport rédigé en

1885 à Montréal, il signale le cas d'un fossoyeur qui a creusé une tombe à côté de celle d'une victime de la variole récemment inhumée. « À l'époque, il n'y avait pas d'infection dans le village, mais quelques jours après avoir creusé cette tombe, Robitaille faiblit et finit pai inouïir de la variole ; de toute évidence il a contracté la maladie du cadavre d'un homme qui avait été enterré un mois auparavant. » La tendance des fossoyeurs à abuser de l'alcool, prétend Erichsen, n'est rien d'autre qu'une forme de résistance à « l'empoisonnement progressivement contracté sous l'influence maligne des vapeurs » qui s'échappent des cimetières. Il signale qu'on a dû donner du gin à des fossoyeurs qui devaient déplacer des corps dans un enclos paroissial du Surrey, tandis qu'à Paris, trois hommes ont péri d'avoir « inhalé les gaz s'échappant de cercueils21 ». Le livre d'Erichsen a une influence certaine à Montréal. Il se trouve notamment sur les rayons de la bibliothèque de John H. R. Molson.22 Les membres de l'école de médecine de McGill ajoutent leur soutien à la crémation en liant la pratique au darwinisme, à l'évolution et au naturel de la mort.William Osier, étoile de la faculté de médecine, affirme qu'il faut examiner la crémation dans une perspective séculière : les sciences telles la psychologie et la biologie montrent que la mort n'est pas une rencontre sacrée, mais bien un processus collectif nécessaire au cycle de l'évolution2^ Le Dr George A. Baynes, professeur à McGill, donne un cours sur la santé publique aux étudiants en théologie. Son dernier exposé, en 1875, porte sur la crémation et a été publié sous forme de brochure. Il dit à ses élèves que l'enterrement dans les centres urbains est une « haute trahison contre la vie ». Il soutient que le corps est une masse imprégnée de contagion qui ne requiert qu'une canalisation lui permettant d'engendrer une maladie fatale. Une infirmière distraite qui ouvre la fenêtre d'une chambre où un malade vient de mourir d'une affection contagieuse risque de contaminer

l'atmosphère. Les funérailles et « la parade des morts dans les rues de la ville sont pleines de danger ». Un corbillard ouvert transportait un enfant mort de la scarlatine vers le cimetière catholique le long de la rue Sherbrooke. Un petit garçon, attiré par le poney blanc, sortit en courant de sa maison, suivit le cortège et revint raconter ce qu'il avait vu du poney et de la voiture ; quelques heures plus tard, le garçon tombe malade et meurt en quelques jours de la scarlatine ... À mon avis, il serait sage d'assurer que les corbillards restent clos. En fait, la loi devrait les y obliger. Voilà bien l'illustration du proverbial « coup de mort attrapé aux funérailles24 ».

Quelques années plus tard, le Dr H. Dalpi présente aux administrateurs du cimetière Mont-Royal une requête lui permettant de diriger personnellement l'incinération, dans l'enceinte du cimetière, de patients décédés2-\ La crémation est mentionnée pour la première fois dans les archives du cimetière Mont-Royal en 1888, lorsqu'un administrateur anglican, Wolferstan Thomas, signale que des individus seraient disposés à construire un crématorium si le cimetière acceptait d'en assurer l'entretien et de faire don du terrain 26 . Aucune suite n'est donnée pendant sept ans, et Thomas soulève de nouveau la question. Au nombre des administrateurs, AlexanderW Ogilvie appuie fermement la pratique, mais d'autres hésitent à dépenser les 15 ooo $ ou 20 ooo $ requis pour la construction et s'inquiètent des frais d'entretien qui s'ensuivront. On signale aussi que la charte du cimetière restreint ses activités à l'inhumation en terre et que la construction d'un crématorium serait censurée par les catholiques2?. L'hésitation des administrateurs reflète leur ambivalence face à l'incinération des cadavres. Selon les dogmes de la théologie protestante, l'âme s'envole au moment de la mort, mais le corps est promis à la résurrection. La simple C r é m a t i o n , 1902-1974

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John H. R. Molson, 1890. Fils de Thomas Molson, dirigeant de la brasserie familiale et de la Banque Molson, et principal gouverneur à l'Université McGill, John H. R. Molson a largement contribué aux causes protestantes, dont l'Université McGill, le Musée Redpath et l'Hôpital Général de Montréal. Son père était un anglican convaincu, mais J. H. R. Molson adopta la doctrine unitarienne de sa femme, Louisa Frothingham. En laissant des instructions pour sa propre incinération, de même qu'un legs de 10 ooo $ pour la construction d'un crématorium, Molson confirmait la croyance populaire voulant qu'au nombre des dénominations protestantes, les unitariens favorisaient le plus fortement la crémation.

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épitaphe se lisant : « Au revoir », tout comme la poignée de main qui orne nombre des monuments du XIXe siècle, laisse présager que les êtres chers seront réunis physiquement et spirituellement au-delà de la tombe. Néanmoins, la crémation plaît aux protestants libéraux, les unitariens entre autres, et aux tenants du mouvement de pureté sociale, les méthodistes en particulier ; elle est acceptée par les autorités de presque toutes les confessions protestantes. En 1928, la liturgie de l'église anglicane prévoit un service et autorise le clergé à accompagner le corps au crématorium, à officier aux obsèques dans la chapelle funéraire et à présider à la cérémonie de l'enterrement des cendres28. En 1897,1e débat sur la crémation au cimetière MontRoyal reprend de la vitalité en raison du don de 10 ooo $ de John H. R. Molson, lequel est destiné « à l'érection et à l'exploitation d'un four crématoire29 ». Étant donné le prestige de Molson, son legs ne peut être laissé pour compte, même s'il ne couvre pas la totalité des frais de construction d'un crématorium. Lui-même a laissé des instructions pour son incinération, si bien qu'après le service funèbre à sa résidence, son corps est emporté par train vers Boston. L'incinération a lieu au crématorium Forest Hills et fait la une des journaux montréalais. Un reporter parle d'une structure scientifique établie dans un milieu serein, au milieu des fleurs sauvages, sous un riche couvert forestier. Un chœur d'oiseaux chantent dans la nature. Son corps est réduit en cendres en à peine plus d'une heure. Très courtois, le régisseur me dit que toutes les composantes du cercueil et des vêtements sont dissipées en fumée dans la cheminée, car elles sont plus légères que celles du corps humain, et il ne reste des cendres humaines que la matière minérale des os. La combustion de matière inorganique est complète et pendant l'incinération, la cheminée ne crache aucune parcelle visible30.

Encore hésitants, les administrateurs versent le legs de Molson dans un compte en fiducie. La question est soulevée de nouveau par Ormiston Roy lorsqu'il revient du colloque de l'association américaine des régisseurs de cimetière en 1899. À ses yeux, ia crémation est une question séculière et une affaire d'efficacité. Il rappelle que les administrateurs des cimetières américains, qui « ont trouvé l'idée absurde quelques années auparavant », érigent maintenant des crématoriums sur les lieux et adoptent la pratique, « ne serait-ce que pour répondre à une demande croissante-^1 ». Malgré cela, une autre année s'écoule sans qu'une décision ne soit arrêtée. Wolferstan Thomas, promoteur initial de la crémation au sein du conseil, est lui-même disparu, et les cendres de Molson reposent depuis longtemps dans son mausolée avant que l'entreprise ne consente à construire un crématorium. En fin de compte, c'est le manufacturier de tabac Sir William Christopher Macdonald qui forcera la main des administrateurs. Il a siégé avec Molson au conseil de McGill et cède aux pressions exercées par Roy en reprenant la cause de son ami. Il offre même aux administrateurs de construire un crématorium à ses propres frais. À l'assemblée générale d'août 1900, le cimetière accepte enfin l'offre de Macdonald mais à la condition expresse que le crématorium « ne soit en aucun temps et d'aucune manière à la charge de la Compagnie 32 ». Les coûts de la construction sont réduits du fait que Roy suggère d'intégrer le crématorium au complexe (charniers, jardin d'hiver et chapelle) en construction sur les hauteurs rocheuses à l'extrémité est du cimetière. Les travaux de construction sont entrepris avant l'automne 1900". C'est alors que les administrateurs demandent à la législature provinciale de modifier leur charte pour leur permettre d'exploiter un crématorium.

L'agitation du conseil au sujet de la réaction des catholiques est immédiatement justifiée lorsque l'archevêque de Montréal annonce son intention d'opposer son veto à la modification de la charte. Monseigneur Louis-Adolphe Paquet, doyen de la faculté de théologie de l'Université Laval, attaque le projet qu'il traite « d'invention païenne qui cadre mal avec l'esprit et la tradition d'un pays chrétien comme le nôtre-^ ». L'opposition catholique au projet de loi n'est retirée que lorsque la loi est modifiée de manière à limiter la crémation aux protestants, ce qui ne manque pas d'irriter Macdonald-^. D'autres craintes au sujet de la crémation sont tempérées par des restrictions supplémentaires apportées à la loi en 1901 : la Compagnie peut incinérer à la condition que le défunt en ait exprimé le voeu, de préférence dans un testament, qu'un certificat médical soit produit et que le défunt ne soit pas décédé de mort violente. Le 18 avril 1902, le sénateur Alexander Walker Ogilvie, ancien président du conseil, est la première personne dont le corps est incinéré au crématorium du mont Royal. Les administrateurs publient une brochure de 34 pages dont ils distribuent 6000 exemplaires aux journaux et aux médecins de tout le Canada. Sa publication coïncide avec l'ouverture du crématorium. Intitulée Crémation: ils History, Pmctiœ and Advantages, la brochure présente un processus moderne et scientifique dont l'un des objectifs est « d'éliminer une menace évidente à la santé publique ». Bien ancré dans le séculier, le texte affirme que la science a remporté le débat haut la main, la crémation démontrant « l'existence d'un plan parfait. Aucun scrupule religieux ne devrait nous rattacher aux erreurs du passé en matière d'hygiène^ 6 ». Par opposition aux manifestations publiques de deuil et de commémoration auxquelles les cimetières se pliaient par le passé, la crémation, fait-on valoir, est discrète, stérile, essentiellement privée, et remplace « la laideur d'une tombe

C r é m a t i o n , 1902-1974

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William Christopher Macdonald (F-440, section F-6). La source de l'intérêt que portait Macdonald à l'incinération demeure obscure, encore qu'il imitait en cela les philanthropes américains tel Andrew Carnegie. Issu d'un mariage mixte - de mère protestante et de père catholique - Macdonald a rejeté toute religion à l'adolescence. Peut-être ne cherchait-il qu'à tirer l'oreille des chrétiens attachés à la tradition, mais son intérêt pour l'incinération reflète aussi les vues de sa génération qui prône l'efficacité de la science moderne. Une bonne partie de son œuvre philanthropique a été associée à l'Université McGill, où il a fortement appuyé les sciences de l'agriculture, de la physique, de l'ingénierie, et de la médecine. Macdonald est mort à l'âge de 86 ans le 9 juin 1917. Son incinération, exigée par testament, a pris place dans le crématorium qu'il a parrainé. Son urne funéraire a été inhumée aux côtés de celles de sa mère et de sa sœur.

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ouverte » par « un processus qui se déroule dans l'ordre, le décorum et le respect des convenances ». La crémation offre enfin l'avantage de coûts modiques, d'un cercueil sans prétention et de funérailles simples^?. Macdonald, premier commanditaire du crématorium, n'accepte pas le compromis législatif qui réserve la crémation aux seuls protestants et suggère aux administrateurs de demander à la législature d'augmenter les pouvoirs du crématorium-^8. Dès 1903, la résistance des catholiques montre clairement que le seul recours sera de constituer une nouvelle société à charte fédérale ayant le droit de pratiquer l'incinération sans égard à la religion. En octobre 1903, une charte est accordée. Juridiquement distincte de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal, la Crématorium Limitée est autorisée à « éliminer par incinération les corps de personnes défuntes ». Le crématorium est administré par un gestionnaire qui répond de ses fonctions à cinq directeurs UNE

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bénévoles choisis parmi les administrateurs du cimetière. En mars 1904, les directeurs du crématorium achètent du cimetière la bâtisse et le terrain sur lequel elle est située, puis se servent du legs de Molson comme fonds d'exploitation jusqu'en 1916, alors qu'ils reçoivent celui de Macdonald totalisant la somme époustouflante de 100 ooo $w. C'est l'exécuteur testamentaire ou le plus proche parent de la personne défunte qui fait une demande d'incinération et qui signe une déclaration affirmant le souhait du défunt à cet effet, de préférence formulé par écrit. Le demandeur est aussi tenu de confirmer que les autres membres de la famille ont été informés de la crémation, qu'ils n'y opposent aucune objection, et que le défunt n'a pas trépassé dans des circonstances violentes. Un second formulaire, plutôt long lui aussi, doit être rempli par le médecin traitant^0. Si la mort a été violente, il faut la permission du coroner avant d'incinérer le corps. En outre, le crématorium est prié d'embaucher un « arbitre médical » qui doit signer un certificat homologué avant que l'incinération ne prenne place. Plus précisément, l'arbitre interdira la crémation dans les cas où il « semble que la mort soit attribuable à un poison, à la violence, à toute activité illicite, à la privation ou à la négligence, ou si elle est entourée de circonstances suspectes quelles qu'elles soient^1 ». Par ailleurs, le Conseil de la santé peut ordonner la crémation des victimes d'une épidémie, ce qui témoigne des soucis en matière de santé publique. En pareil cas, l'incinération peut prendre place moins de 24 heures après le décès. Le plan du crématorium est conçu par Andrew T. Taylor, l'architecte qui a mené à bien plusieurs projets de Macdonald, y compris l'édifice des sciences de l'Université McGill dédié à la mémoire de Macdonald. La décision d'intégrer le crématorium au complexe réunissant le jardin d'hiver, la chapelle et les charniers signifie que la crémation compte parmi l'ensemble des services qu'offre le cimetière. Si les premiers

Le jardin d'hiver et le crématorium, env. 1901. L'entrée principale, la chapelle et le jardin d'hiver se trouvent à droite, tandis que le crématorium et sa cheminée proéminente, se trouvent à gauche.

Plan d'implantation du crématorium, du jardin d'hiver et des charniers, env. 1901. La planification du complexe abritant le jardin d'hiver et le charnier a été entreprise avant que l'incinération ne devienne un enjeu critique pour le cimetière. Le plan original est d'établir trois autres charniers, dont l'un sera réservé aux victimes de maladies contagieuses. Aux yeux d'Ormiston Roy, fervent d'horticulture, la chapelle et le jardin d'hiver ont une importance singulière. Orné de nombreuses plantes, ce lieu est prévu, comme le dit Roy, pour que « les gens assistant à des funérailles puissent attendre dans un décor confortable et plaisant, tandis que les corps sont déposés dans les charniers ». Comme l'installation s'y prête bien, elle est adaptée aux fins de l'incinération par l'ajout du tour crématoire et de la chapelle.

Intérieur du jardin d'hiver. Il fallait passer par le jardin d'hiver pour se rendre au crématorium comme tel. Au début, les services ont lieu « au milieu des fleurs », ce qui semble susciter « l'appréciation de tous ceux qui ont l'occasion d'assister à des funérailles en hiver ». Le jardin d'hiver regorge de plantes ornementales provenant des serres du cimetière, encore que quelques achats de grands spécimens de fougères et de palmiers provenant du jardin botanique de McGill ou d'ailleurs ajoutent à l'ambiance. Devenu excessivement coûteux à chauffer, le jardin d'hiver sera démoli dans les années 1950.

La chapelle. On n'a pas construit de chapelle au cimetière Mont-Royal, comme on l'avait fait à l'ancien cimetière protestant. Habituellement, les funérailles ont lieu dans les églises ou les résidences de la ville, et l'office des morts suit aux abords de la tombe. Une fois le crématorium établi, cependant, il faut une chapelle où célébrer le service funèbre avant l'incinération.

crématoriums sont sans grâce et effrayants, la chapelle du crématorium au cimetière Mont-Royal, à l'instar de ses contreparties américaines érigées à la même époque, est luxueusement couverte de marbre, ce qui convient au service funèbre. Loin de rappeler le sécularisme des premiers crématistes, ni même le discours de la brochure d'hier, l'installation a été aménagée pour répondre aux vues culturelles des protestants sur le deuil et les funérailles. Les familles en deuil avancent dans la chapelle en passant par le jardin d'hiver, rempli de palmiers, de fleurs exotiques et de plantes 138

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annuelles. La chapelle comme telle a été planifiée pour accommoder l'office protestant, et la plupart des obsèques ressemblent de près à la cérémonie traditionnelle de mise en terre, le cercueil étant placé sur un catafalque central dans la chapelle. Les fours crématoires sont adjacents à la chapelle où se déroulent les services funèbres. Donald Roy affirmera plus tard que cette disposition des lieux « a laissé dans l'esprit des gens l'affreuse image de l'incinération éminente et n'a guère contribué, vu la présence angoissante de ces appareils, à promouvoir le mouvement de la crémation ». Une fois le service terminé, l'assistance retourne au jardin d'hiver, pendant que les employés retirent les fleurs et les poignées de métal, puis, à l'aide d'un diable, font glisser le cercueil au-delà des portes de bronze dans l'un des deux fours aménagés le long du mur. Constitués d'une gaine d'acier garnie de briques réfractaires jaunes, les fours ont été construits par James Inglis, régisseur du célèbre crématorium Gardner Earl de Troy, New York. Chauffés au kérosène, ils atteignent une température de quelque 2000 degrés, capable d'incinérer un corps en deux heures42. Pendant les premières années d'exploitation,John Howie, préposé au four crématoire, a du mal à maîtriser « l'épaisse fumée noire qui se dégage tout au long de la crémation43 ». Le changement de combustible en 1910 réduit un peu la fumée, mais le conseil est prévenu que « tant qu'on adhérera à la pratique de mettre les cercueils dans une chambre froide, il est peu probable qu'on arrive à complètement éliminer la fumée^ ». Les restes sont retirés du four le lendemain et déposés dans une urne ; la famille pourra choisir de les disperser, de placer l'urne dans un columbarium ou encore de l'enterrer dans une fosse. Les urnes non réclamées sont un problème chronique. En principe, le crématorium peut enterrer les cendres qui n'ont pas été reprises dans les trente jours suivant l'incinération^, mais la direction hésite toujours

à procéder à l'inhumation sans la présence de la famille. À vrai dire, il arrive que la crémation soit contestée, comme ce fut le cas pour Thomas Roddick. En 1960,2500 urnes non réclamées s'étant accumulées dans les charniers, le conseil convient de les enterrer en tranchées dans la section B. Les urnes sont étiquetées et leur emplacement exact, noté. Les membres du conseil décident alors qu'à l'avenir, une période de deux ans sera considérée comme un délai raisonnable, après quoi les urnes seront ensevelies^6. Les premiers crématistes ont considéré l'incinération et la dispersion des cendres comme une solution de rechange à l'inhumation, mais en Amérique du Nord, l'intégration de crématoriums aux cimetières, ce qui ne se faisait guère en Europe, a donné l'élan à la tradition d'enterrer les cendres. Vers la fin du XXe siècle, près de la moitié des restes incinérés aux États-Unis sont déposés dans les niches des columbariums ou mis en terre47. Pareilles tendances fournissent aux crématoriums l'occasion d'offrir toute une gamme de services. C'est ainsi que Ormiston Roy reconnaît déjà au début du siècle le potentiel commercial du crématorium, qu'il développe de plusieurs façons. En 1918, il entreprend de stocker des urnes ornementales de divers modèles-*8. Il planifie avec goût des sites d'inhumation des cendres en utilisant des sections attrayantes mais au sol trop peu profond pour y enfouir des cercueils. En 1927, Lilac Knoll, petite éminence centrale mais rocailleuse, est réservée à l'enfouis sèment des cendres. Comme les acheteurs sont encouragés à prendre des lots de taille considérable, cette section élégamment aménagée ne se distingue pas de ses voisines, destinées aux enterrements traditionnels. Pendant un demi-siècle, Ormiston Roy administre les affaires du crématorium. Souscrivant aisément aux principes égalitaristes et à la société de consommation, il vante les mérites de la crémation ; c'est une pratique « commode et peu coûteuse, qui n'impose pas un fardeau financier aux

survivants, pensée qui trouble bien des gens dans leurs derniers moments-^ ». Après sa retraite, les Roy se succèdent au poste : d'abord son frère, John F. Roy, qui prend sa retraite en 1966 ; puis son fils, W. Wallace Roy, qui assure la régie en 1966-1967 ; et enfin le fils de John, Donald K. Roy. Le fils de ce dernier, Andrew, commence à travailler à temps plein au cimetière en 1981, fait partie des cadres de 1990 à 1997, puis devient le directeur des services funéraires et de crémation, relevant du directeur général. Les crématoriums comme celui du mont Royal ont dû expérimenter avec divers types de fournaises et de combustibles, dont le bois, le charbon, le kérosène et le gaz naturel. Ormiston Roy s'attache à améliorer l'efficacité du crématorium et à en éliminer la fumée50. En 1926, il convainc le conseil d'installer le système de combustion Balmfirth dans trois des fours crématoires. Cela réduit de moitié les coûts en combustible, puisqu'on peut utiliser du charbon de qualité inférieure. Roy visite des crématoires en France, en Angleterre et en Allemagne. À Berlin, il est impressionné de voir une centaine de cercueils attendant l'incinération dans un crématorium exploité 24 heures sur 24 et qui met 60 minutes à incinérer un corps. Fournis par l'entreprise, les cercueils bon marché sont de taille et d'apparence uniformes, y compris les fausses poignées et les ornements en papier mâché 5 '. En 1949, outre qu'il annonce l'aménagement d'une nouvelle avenue propre à éliminer la congestion qu'entraîné l'arrivée de plusieurs cortèges funèbres au même moment, Roy prédit que le crématorium du mont Royal sera le premier en Amérique du Nord à incinérer à l'aide de l'énergie électrique 52 . La même année, le jardin d'hiver est démoli en raison de son état lamentable et des frais onéreux d'exploitation. Dès 1955, les rénovations du crématorium en augmentent l'efficacité et la facilité d'accès. Sur le plan de l'esthétisme, la perte du jardin d'hiver est compensée par la modernisation des fours et leur aménagement au sous-sol, C r é m a t i o n , 1902-1974

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plutôt que sur un mur de la chapelle, laquelle gagne décidément en apparence en perdant cet attribut plutôt macabre. Théoriquement, la crémation demeure peu coûteuse : de 10 $ en 1913, les frais passent à un modeste 50 $ par adulte (35 $ par enfant) au début des années 196053. Par contre, la direction se plaint des entrepreneurs de pompes funèbres et des profits qu'ils réalisent en envoyant aux flammes des cercueils luxueux. « Bien des gens se plaignent du coût élevé des funérailles, dit Roy à un reporter de la Gazette, surtout lorsque des cercueils dispendieux sont utilisés pour la crémation, mais nous ne pouvons guère rendre service aux propriétaires de lots quand ils font appel à nous après avoir pris toutes leurs dispositions54. » Même bon marché, la crémation ne gagne pas vite en popularité à Montréal. Trois incinérations seulement sont effectuées en 1902, contre six en 1903. En 1912, il n'y en a que 71, mais l'épidémie de grippe de 1918 surcharge la capacité d'inhumation du cimetière et entraîne une hausse frappante : cette année-là, on enregistre 24 incinérations entre le 10 octobre et le 4 novembre, par comparaison à trois, durant la même période de l'année précédente. Au cours des décennies suivantes, les chiffres Tableau 7 Popularité de la crémation de 1902 à 1972 Incinérations

Année

140

Total des enregistrements

Pourcentage

d 'incinérations

1902

3

1186

0,25 %

1912

7i

1901

3,73

1922

141

1875

7,52

1932

407

2043

19,92

1942

506

2045

24,74

1952

600

2302

26,06

1962

735

2328

3i,57

1972

1136

2754

48,51

UNE

MORT

TRES

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n'augmenteront que lentement : 200 en 1925, 407 en 1932, 506 en 1942. Les 573 incinérations effectuées en 1948 représentent 32 pour cent des dépouilles reçues au cimetière dans l'année. La pratique continue à progresser lentement dans les années 1950 et 1960, le total se chiffrant à 607 en 1951 et à 735 en 1962^. H faudra attendre jusqu'en 1974 avant que le nombre d'incinérations (1607) effectuées au cimetière n'excède celui des enterrements (1411). Jusqu'en 1963, l'Église catholique continue de condamner la crémation, même si celle-ci est pratiquée dans les pays fort catholiques que sont la Belgique et la France. L'encyclique Vatican II modifie cependant le droit canon et permet l'incinération. Bien que l'Église recommande toujours la coutume pieuse d'ensevelir le corps des morts, l'incinération est autorisée si l'individu en a fait la demande expresse par écrit ou verbalement. Une messe funèbre est normalement chantée en présence du corps, et des prières suivent au crématorium. Depuis 1985, l'Eglise catholique du Canada permet que le service funèbre se fasse en présence des cendres du défunt-*-6. L'effet de Vatican II est immédiat. Avant 1965, les catholiques optent rarement pour l'incinération. Jusqu'en 1964, ils ne représentent qu'un pour cent des incinérations effectuées au cimetière Mont-Royal. Parmi les plus notables figure Honoré Beaugrand, maire de Montréal, incinéré en 1906 et dont les cendres ont été enterrées aux côtés de celles de sa femme, une protestante. En une seule décennie, le nombre d'incinérations progressera de plus du double en raison de l'apport catholique. En 1973, la proportion de catholiques incinérés atteint près de 24 pour cent des incinérations", mais cela marque la fin d'une époque. En mars 1974, l'évêque de Montréal accorde au cimetière Notre Dame-des-Neiges la permission d'ériger son propre crématorium. Le cimetière de l'Est et le Parc commémoratif de Montréal en construiront aussi par la suite. Aujourd'hui,

la crémation est utilisée davantage au Québec que partout ailleurs au Canada et aux Etats-Unis. En 1998, 53 pour cent des décès survenus au Québec sont suivis d'une incinération, tandis que la proportion est de 42 pour cent dans l'ensemble du Canada et d'un faible 24 pour cent aux États-Unis^8.

Le portail Roddick en miniature au cimetière Sir Thomas Roddick, professeur émérite en médecine, fut doyen de la faculté de médecine de McGill (1901-1908) et chirurgien en chef de l'hôpital Royal Victoria. Sa femme, Amy Redpath, est issue de l'illustre famille montréalaise du même nom. Roddick meurt le 20 février 1923. Le surlendemain, il est enterré au cimetière Mont-Royal, ce qui soulève une intense controverse au sujet de l'incinération. Après avoir lu son testament, six jours plus tard, ses exécuteurs demandent à la cour supérieure du Québec d'ordonner l'exhumation du corps de Roddick et son incinération, suivant les volontés attestées du défunt. Sa femme réussit à contester cette demande, témoignant que son mari a tacitement renoncé à ce souhait. En 1925, elle fait construire en son honneur le portail Roddick, haut lieu de l'Université McGill. Au cimetière, une reproduction miniature du portail sert de monument sur sa tombe.

Le portail Roddick de l'Université McGill.

Sir Thomas Roddick (L-i).

huit

sepultures militaires

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ous avons vu que les pompiers, les francs-maçons, la communauté chinoise et les sociétés nationales ont cherché, pendant les premières décennies du cimetière, l'espace et la structure formelle propres à circonscrire la commémoration de leurs défunts et de leurs valeurs religieuses. Cela s'est déroulé sous l'œil attentif des administrateurs qui opposent parfois leur veto et appliquent leurs vues quant aux commémorations convenables et à l'usage respectueux des lieux. Le siècle nouveau viendra modifier leur propension à traiter le souvenir comme un phénomène essentiellement privé. Le nationalisme, l'empire et le sacrifice humain deviennent des questions incendiaires, à mesure que la Guerre des Boërs et la Première Guerre mondiale effritent le tissu de l'unité canadienne. Tandis que dans les années 1880, le conseil a pu prendre une décision autonome sur la manière de traiter le monument du fauteur de troubles qu'avait été l'orangiste Thomas Hackett, ce que Pierre Nora appellera « les lieux de mémoire » prendront au nouveau siècle un aspect poignant et véritablement public 1 . Les défilés historiques sur les plaines d'Abraham rappelant l'héroïsme de Wolfe et de Montcalm, l'édification au pied de la montagne d'une statue à Sir George-Etienne Cartier, père de la Confédération et partisan de la bonne entente, et l'émotion que suscite

l'érection de la tombe du soldat inconnu amènent aux grilles du cimetière l'enjeu d'une indéniable intensité qu'est la mémoire publique. Au cimetière Mont-Royal, cela se manifeste spécifiquement dans l'enterrement des anciens combattants et la commémoration des soldats tombés au champ d'honneur à l'étranger. Cette question de la commémoration de la guerre au cimetière est brusquement portée sur la scène publique lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale. Elle sera renforcée par le célèbre poème Au champ d'honneur — de John McCrae, médecin de Montréal qui a servi en France et en Belgique — et par les horribles pertes canadiennes dans les batailles comme celles d'Ypres ou deVimy. Le cimetière Mont-Royal, société jusqu'ici fortement autonome, ne sera pas le seul cimetière à subir l'impact de la guerre à mesure que l'administration fédérale et des organisations internationales, notamment la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth, imposeront leurs vues quant à la commémoration du sacrifice. Dans l'histoire ancienne du Canada, les soldats français et anglais sont enterrés sur les champs de bataille où ils ont péri et, plus tard, aux côtés de leurs contemporains civils dans les enclos paroissiaux. Dès les années 1830, deux cimetières militaires existent à Montréal pour servir la garnison britannique stationnée dans la cité. Le cimetière Papineau est

Cimetière militaire Papineau, 1942. À l'exemple de nombreux lieux de sépulture militaire au Canada, le cimetière Papineau était dans un triste état d'abandon.

établi en 1814 sur un lot de 400 sur 150 pieds. En 1869, il est à son comble, comptant près d'un millier de soldats britanniques (ainsi que les membres de leur famille) issus d'unités telles que les Royal Scots Fusiliers, les 2yA Welsh Fusiliers et les Seaforth Highlanders. Au nombre de ses tombes figure celle du lieutenant George Weir, tué par les patriotes au début des hostilités à SaintDenis dans la rébellion de 1837 : son cortège funèbre s'étend sur un demi-mille le long du chemin Papineau, « masse vivante d'hommes, dont aucun ne sera admis sur les lieux hormis ceux qui suivent immédiatement le corbillard2 ». Le plus imposant de ses monuments est celui du général Benjamin D'Urban. Eminent officier des guerres napoléoniennes, il a gouverné à la Guyane britannique, aux Antilles et en 144

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Afrique du Sud, et a succombé à la typhoïde pendant l'épidémie de 1849. Après la Confédération et le retrait du dernier régiment britannique de Montréal en 1876, le cimetière est transféré aux autorités militaires canadiennes. Le site occupé par le cimetière militaire et le cimetière protestant qui le jouxtait est envisagé pour la construction de l'hôpital antivariolique de Montréal, mais l'idée est rejetée parce que « ce serait mauvais pour les patients de se savoir hospitalisés sur le site d'un cimetière ». Par ailleurs, le cimetière militaire de l'île Sainte-Hélène est un lieu bien plus exigu où le personnel en service est inhumé aux côtés des membres de la famille de 1829 à 18703. Les plus anciens enterrements sur l'île Sainte-Hélène sont présidés par un aumônier de l'armée, fonction qu'assumé après 1840 le

pasteur anglican de la paroisse St Mary dans Hochelaga. Nombre des marqueurs sont en bois, et le cimetière est particulièrement connu pour les clôtures de chaînes ornementales qui ceignent les tombes individuelles. Jusqu'à ce que soient aménagés des parcs historiques semblables à celui des plaines d'Abraham en 1908, les champs de bataille et cimetières militaires comme les deux de Montréal sont négligés tant par le public que par l'administration fédérale. Aux États-Unis, par contre, la mémoire nationale est vénérée sur les sites anciens de la Guerre civile, notamment à Gettysburg, ou en rassemblant les corps des héros tombés à la guerre dans les cimetières nationaux comme celui d'Arlington. En mai 1902, le Montréal Star signale que les anciens combattants et l'Ordre impérial des filles de l'Empire honoreront les soldats britanniques décédés à Montréal en fauchant l'herbe et en chaulant la clôture qui entoure le cimetière négligé sur l'île Sainte-Hélène. Nombre des plaques marquant les tombes ont disparu ; à vrai dire, parvenu aux années 1930, il ne reste pas grand-chose qui rappelle le souvenir des 50 soldats, quatre femmes et 25 enfants qui y sont censément enterrés4. Au chemin Papineau,le cimetière militaire n'est pas en meilleur état, son entretien ayant été laissé aux soins de bénévoles, en particulier les Filles de l'Empire. Les journaux comparent la décrépitude des lieux de sépulture militaires à la beauté des cimetières ruraux de Montréal. Selon les propos du Star, l'herbe sauvage, les monuments tombés et les tumulus anonymes des premiers « contrastent étrangement avec les cimetières bien entretenus derrière la montagne ». Lorsque le cimetière du chemin Papineau est vandalisé en 1912, le gouvernement fédéral consacre la somme de 7000 $ à sa remise en état\ La fourniture d'une sépulture convenable aux soldats destitués qui meurent à Montréal est liée à l'entretien des cimetières militaires et pose problème. En 1908, Arthur

H. D. Hair, immigrant d'Angleterre qui a participé aux campagnes des Indes et d'Afrique du Sud, publie dans la presse la description de la mort misérable d'un « pensionné britannique » dont il a été témoin. Sans ami ni parent, l'ancien combattant, honorablement réformé après 31 ans de service, est tombé dans l'embrasure d'une porte, malade et comateux. Des policiers qui le croient enivré le transportent à l'Hôpital général de Montréal, où Hair travaille comme garçon de salle. L'homme meurt sans reprendre conscience. Comme il n'adhérait pas à l'association des anciens combattants, celle-ci lui refuse l'enterrement ; son corps aboutit donc sur une table de dissection de l'école de médecine de McGill. Choqué par cette cuisante humiliation d'un ancien combattant britannique, Hair propose l'établissement d'un fonds qui servira à enterrer les destitués qui ont combattu pour l'Empire6. En 1909, le Fonds du Souvenir est constitué en société, Hair y siégeant comme secrétaire fondateur. Le Fonds du Souvenir allait agir comme le proche parent désigné par la loi sur l'anatomie pour protéger les anciens combattants destitués des tables de dissection et assurer que leur corps soit convenablement enseveli. En 1910, le Fonds recueille 211 $ en contributions publiques, 98 $ de la succession d'un donateur privé, et 64 $ de diverses unités militaires. Il compte parmi ses bienfaiteurs le gouverneur général du Canada, l'évêque anglican de Montréal, Sir Montagu AHan, directeur de la société de navigation AUan, le lieutenant-colonel honoraire du 5e régiment des Royal Highlanders, ainsi que Hugh Graham, baron d'Atholstan, fondateur du Montréal Star et organisateur du Children's Patriotic Fund des soldats britanniques. Son président honoraire est le révérend Frederick George Scott, aumônier du 8e régiment des Royal Rifles ; son comptable est George Durnford, capitaine du 68 e Durham Light Infantry et secrétaire trésorier du cimetière Mont-Royal. Sépultures militaires

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Lot et canon du Fonds du Souvenir (N-74 à N-99, section N-2).

Canon du Fonds du Souvenir pointé vers les sépultures militaires. Le canon placé sur le site du Fonds du Souvenir sert à distinguer les sections militaires du reste du cimetière, où dominent les symboles classiques, religieux et familiaux.

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Dans les années suivant la Première Guerre mondiale, le Fonds du Souvenir, dont le siège social est situé à Montréal, exerce une influence notable, notamment lorsque le recteur de McGill, le général Arthur Currie, en accepte la présidence. Énumérés dans un document de douze pages, ses règlements précisent en détail le déroulement d'un enterrement. Y sont mentionnés le drapeau de l'Union royale et les emblèmes de la marine ou de l'armée pour les cercueils, un budget de i $ pour la publication d'une notice nécrologique, les résidences funéraires officielles (J. C.Wray ou J. Brunet à Montréal), la liquidation des effets du défunt, et les dispositions visant la présence d'un représentant du Fonds du Souvenir ainsi que d'officiers en devoir dans l'association militaire locale. Comme les règles interdisent qu'on transporte les corps d'un district à un autre, le soldat indigent est enterré dans la région où il est mort. Le coût des funérailles ne doit pas excéder 50 $, réparti comme suit : enlèvement et préparation du corps (7 $), suaire (3 $), cercueil avec poignées et plaque portant le nom du défunt (25 $), corbillard (10 $), voiture funèbre (5 $). Les frais d'enterrement ne doivent pas excéder la somme de 25 $ et le coût de la plaque commémorative, y compris le lettrage, 11,50 $. Réservant 12,50 $ aux impondérables, le budget prévu par le Fonds du Souvenir pour « un enterrement complet, de A à Z » est de 100 $. UNE

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L'adhésion, qui coûte un dollar, est accordée aux hommes comme aux femmes, encore que ces dernières ne soient pas admises au conseil d'administration. Au nombre des 77 membres que compte le Fonds se trouvent quatre femmes. Les souscriptions proviennent d'unités militaires de Montréal, des Filles de l'Empire, du club de littérature et d'art dramatique de Trinity Church, et des églises anglicanes et presbytériennes. Pendant la Première Guerre mondiale, la Montréal Heavy Brigade organise un tournoi de cartes et une danse qui rapportent 60 $, tandis que les officiers de la salle d'exercice de la rue Craig envoient 300 $ qu'ils ont recueillis de la location des lieux. Comme il n'appartient à aucune confession en particulier, le Fonds du Souvenir fait une demande de sites et au cimetière catholique et au cimetière protestant8. La Compagnie du Cimetière Mont-Royal offre deux options : des terrains à 20 $ au mont Royal ou à 10 $ à Hawthorn-Dale. Ayant opté pour le cimetière Mont-Royal, le Fonds du Souvenir fait l'acquisition de deux rangées de cinq tombes dans la section NS. Cet emplacement à proximité de la clôture des catholiques, de la nouvelle fosse commune et de la concession de la communauté chinoise, indique bien que le conseil considère les soldats destitués comme un groupe marginal qu'il vaut mieux tenir à l'écart des concessions familiales formant le point focal du cimetière. Avant la Première Guerre mondiale, l'ambivalence des administrateurs face à la violence et à la guerre se reflète dans leur hésitation à sanctionner l'installation sur la concession du Fonds du Souvenir de deux pièces d'artillerie provenant du fort de l'île Sainte-Hélène. Aux Etats-Unis, on voit souvent dans les sections d'anciens combattants de cimetières privés un canon de la guerre civile américaine ou de la guerre hispano-américaine, mais pareil attirail jure avec les principes du plan-pelouse et alimente l'opposition de Roy aux démonstrations flagrantes. Manifestement perplexes,

les administrateurs acceptent néanmoins la demande en 1912, mais signalent leur crainte que les canons, fondus en GrandeBretagne en 1875, « puissent être trafiqués par des jeunes ». On peut encore admirer ces pièces d'artillerie sur le site du Fonds du Souvenir10.Vu sa réaction devant les canons, on ne s'étonnera guère que le conseil impose une règle bien stricte sur les terrains du Fonds du Souvenir. Rien ne doit les marquer hormis la pierre réglementaire de TO pouces de hauteur sur 20 pouces de largeur. Les terrains vendus au Fonds du Souvenir ne sont pas assortis du programme de l'entretien perpétuel. C'est le Fonds qui se charge de couper l'herbe, de réparer les monuments et de niveler les fosses affaissées11. De 1910 à 1913, le Fonds du Souvenir prête son assistance financière à 37 enterrements, soit 29 protestants et huit catholiques, dans divers cimetières. Quoique la plupart soient ensevelis dans des concessions du Fonds du Souvenir, dans la section N par exemple, trois anciens combattants ont été enterrés dans des lots familiaux avec l'aide financière du Fonds du Souvenir. En 1914, le Fonds élargit sa mission afin d'ajouter aux soldats destitués « tous les cas d'urgence analogues » associés au personnel militaire décédé, particulièrement en sollicitant le gouvernement au nom des veuves et des orphelins. À la fin de la guerre, le nombre de fosses du cimetière réservées au Fonds du Souvenir était passé de 15 à 19. Le Fonds est désormais autorisé à acheter des fosses à 20 $ l'unité ; disposées en rangées de dix, celles-ci peuvent contenir deux cercueils superposés. Les frais de fossoyage pour une tombe destinée au Fonds du Souvenir sont de 4 $ en été et de 10 $ en hiver12. Convaincue que le Fonds achète des fosses au prix des indigents et les revend à profit au gouvernement, la direction du cimetière Mont-Royal presse le gouvernement fédéral d'acheter les fosses destinées aux militaires directement auprès du cimetière'3. La Première Guerre mondiale ébranle la communauté anglaise de Montréal, sa perception d'elle-même et de ses

institutions, de même que sa conception de la mort et de la mémoire. La disparition de 66 655 Canadiens sur les champs de bataille européens, une perte sans comparaison dans l'histoire martiale du pays, modifie le point focal des traditions commémoratives et rappelle qu'il est urgent de reconnaître la nation et le sacrifice des Canadiens. Tandis que le cimetière Mont-Royal, notamment dans ses sections huppées, met l'accent sur la famille, le protestantisme et les accomplissements individuels, les tueries de la Première Guerre mondiale rappellent la massification de la mort, le grand sacrifice et la « transgression des limites de la condition humaine1-* ».Wiliam Douw Lighthall, poète et historien amateur, ancien maire de Westmount, et propriétaire d'un lot au cimetière, dit à la Société royale du Canada que la guerre est « l'ère homérique du Canada, une histoire trop grandiose pour qu'on ne l'oublie jamais^ ». La guerre met à l'épreuve le dogme entretenu de longue date par les administrateurs. Leur embarras à l'égard des tombes du Fonds du Souvenir semble déplacé, et les haut lieux du cimetière, par exemple les mausolées des Molson, paraissent surannés, voire déliquescents, par comparaison à l'austère simplicité des tombes militaires et, par la suite, à l'égalitarisme manifeste dans les cimetières de guerre tel celui qui a été aménagé sur le plateau de Vimy. Dans les deux décennies qui ont suivi 1914, les autorités au mont Royal se débattent avec le problème que pose la relation entre le souvenir national de la guerre et la commémoration des morts civiles. Ils ne seront sans doute jamais satisfaits du « clairon du cœur », selon le mot de Lighthall. Infructueux et inélégants, leurs efforts d'aménagement d'un chemin du Souvenir ou d'un cénotaphe à ras le sol semblent insignifiants par comparaison à la pléthore de monuments élevés dans les parcs, les gares, les hôpitaux et sur les places publiques du Canada. Malgré son ambivalence à l'égard des cérémonies commémoratives sur les lieux, le personnel du cimetière n'est Sépultures militaires

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pas insensible aux réalités de la guerre. Le secrétaire trésorier J. A. Ryan s'est enrôlé, deux des administrateurs combattront au front, et le portier Percy Potter sera honoré pour ses cinq ans de service outre-mer. En 1916, en réponse à une requête du Canadian Patriotic Fund, la Compagnie offre douze fosses au cimetière Hawthorn-Dale au « tarif des œuvres de bienfaisance » pour l'inhumation de femmes et d'enfants indigents dont le mari ou le père est parti au front16. Ormiston Roy, pour sa part, prend des dispositions avec les administrateurs au début de 1917 et offre gratuitement ses services au gouvernement fédéral dans le dessein d'établir un plan d'inhumation des soldats morts au Canada. Comme les administrateurs semblent se faire à l'idée d'enterrer les anciens combattants, ils acceptent de payer le salaire de Roy et avalisent son plan d'inhumation et de commémoration nationales suivant lequel Ottawa fournira « un lieu convenable pour le dernier repos de chaque soldat, riche ou pauvre, ayant participé à la Grande Guerre, mais qui mourra au Canada1? ». L'initiative de Roy est cependant éclipsée par la création, en mai 1917, de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth par suite d'une résolution que présente à la Conférence impériale de guerre le premier ministre du Canada, Robert Borden. Comme plus d'un million de soldats de Grande-Bretagne, de ses colonies et de ses possessions sont tombés au champ d'honneur, la Commission se charge d'aménager des cimetières convenables sur les divers sites des grandes batailles, de déterminer la forme que prendra la commémoration et de fixer les règles visant le traitement des grades dans les cimetières militaires18. On convient d'emblée que les soldats canadiens morts en Angleterre seront rapatriés, mais que ceux qui tombent au front seront inhumés dans les cimetières militaires d'Europe. On mettra ainsi en relief l'égalitarisme de la mort au sein des camarades d'armée, tout en assurant que 148

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la politique canadienne demeure axée sur la pratique britannique. Par ailleurs, la décision résout le problème logistique que poserait le transfert de milliers de dépouilles d'un continent à l'autre^. Un comité d'artistes propose la pierre standard dont les droits de propriété sont déjà détenus par la Commission. C'est une plaque verticale mesurant 32 pouces de hauteur sur 15 pouces de largeur, et portant un emblème, généralement la feuille d'érable dans le cas de Canadiens. Sous l'emblème apparaît le nom du défunt, suivi du nom de son service ou de son régiment, de la date du décès et de son âge. Un proche parent peut choisir un emblème religieux, une croix ou l'étoile de David, et suggérer le texte d'une inscription de pas plus de soixante lettres au bas de la pierre20. Tandis que progressent les plans de la Commission de 1918 à 1920, Roy sollicite plusieurs fois l'appui du gouvernement pour son plan, mais ses demandes demeurent lettre morte. En 1921, il visite les champs de bataille et les cimetières européens en vue de déterminer le meilleur moyen d'honorer les anciens combattants au mont Royal. À son avis, les cimetières militaires britanniques sont les plus distingués, encore qu'ils soient « guindés, cérémonieux et stéréotypés, et contiennent plus de pierres mais moins d'arbres, d'arbustes, de pelouse et de fleurs qu'un naturaliste en aménagement aimerait y retrouver21 ». La centralité qu'accordé la Commission aux plaques de pierre verticale l'irrite clairement. Au lieu des rangées de pierre bien alignées de part et d'autre d'un cénotaphe central, il préconise des sites calqués sur le plan-pelouse, qui sont, dit-il, plus faciles à entretenir. « J'espérais qu'on adopte un plan qui aurait permis d'épargner des millions et des millions de livres sterling, un plan comportant des fleurs, des arbres, des arbustes, des jardins et des sanctuaires d'oiseaux, plutôt que des rangées et des rangées de pierre froide et de lignes artificielles qui rendent l'entretien si coûteux et qui, tôt ou

tard, finissent dans la décrépitude taute de fonds pour les maintenir.22 » D'autres relations sont modifiées par la guerre et le nouvel enjeu de la mémoire nationale. Depuis leur établissement dans les années 1850, les cimetières protestant et catholique ont entretenu des relations distantes, par delà ce qu'on appelle du côté protestant la « clôture des catholiques ». Voisins immédiats sur la montagne et compagnons de voyage dans l'entreprise de l'inhumation, ils s'observent mutuellement mais ne se parlent que rarement. L'affaire Guibord, l'enterrement de Charles Chiniquy en sol protestant et les divergences au sujet de la crémation rappellent à chacun que la religion demeure une ligne de faille quasi concrète sur la montagne. Les administrateurs protestants sont périodiquement sollicités, mais refusent systématiquement de pratiquer une ouverture dans la clôture entre les deux cimetières, même si dès les années 1880, chacun possède une entrée donnant sur le chemin qui mène au parc du mont Royal. Du point de vue des administrateurs, cet arrangement est loin du compromis idéal : en 1909, ils se plaignent des « catholiques qui, pour visiter le cimetière voisin, utilisent le leur comme si c'était une voie publique et le traitent fort peu galamment en certaines saisons et lors de festivals, au grand détriment des fleurs et des plantes 2 ^ ». Et pourtant, après la Première Guerre mondiale, les cimetières sont obligés d'ouvrir la clôture du fait que la Commission des sépultures de guerre a acheté des propriétés adjacentes et entend y ériger un cénotaphe dont une façade sera en français et l'autre en anglais. La fraternité du service militaire sera mise en évidence par les cérémonies et les pierres uniformes ornant les tombes de part et d'autre de la clôture. En 1921, la Commission achète une « concession pour soldats » dans la section G ; les 300 tombes qui s'y trouvent coûtent 55 $ l'unité pour un total de 16 500 $. La Commission exige qu'on aménage un passage le long du

cimetière catholique, où elle a aussi fait l'acquisition d'une concession identique. Dans cette ville qu'a blessée la crise de la conscription, la juxtaposition des concessions protestante et catholique montre bien que la camaraderie et l'uniformité du sacrifice sont des principes imposés de l'extérieur. En outre, la politique de la Commission interdit toute marque de favoritisme témoignant du rang ou d'un acte de bravoure, et tout le personnel des forces armées, qu'il ait été jugé par une cour martiale ou trouvé coupable d'un crime, a le droit d'être inhumé dans la section militaire2^. Le contrat de vente au cimetière MontRoyal stipule l'acceptation des règlements applicables à tous les lieux de sépulture gérés par la Commission, mais vu le climat de Montréal, les pierres tombales seront en granit et devront être posées sur des fondations conformes aux règlements du cimetière. Chaque fosse ne sera occupée que par une seule dépouille2''. La vente comprend l'option de l'entretien perpétuel, sauf dans des « circonstances imprévisibles » tel le piétinement du gazon pendant les funérailles26. En 1922, la Croix du sacrifice, monument commémoratif que la Commission érige sur les sites contenant au moins 40 soldats tombés au champ d'honneur, est érigée sur la ligne séparant la concession protestante qui renferme 450 morts de la guerre, de la concession catholique qui en contient 4692?. Conçue par Sir Reginald Blomfield, la croix monumentale porte une épée de bronze pointant vers le sol, et le cénotaphe porte des inscriptions en français du côté catholique, en anglais du côté protestant. Les deux inscriptions se distinguent par une omission à première vue infime, mais qui a tout de même du poids. Du côté du MontRoyal, l'inscription se lit ainsi : « À la mémoire des soldats morts pour le roi et la patrie dans la grande guerre 1914—1918 ». Du côté de Notre-Dame-des-Neiges, cependant, le renvoi au roi a été omis. L'inscription se lit : « À la mémoire des soldats morts pour la patrie dans la grande Sépultures militaires

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Concession de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth. L'égalitarisme, la simplicité et l'uniformité de ces sépultures militaires du XXe siècle contrastent nettement avec l'individualité et le caractère des lots du XIXe siècle dans les sections de l'élite.

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guerre 1914—1918 ». Voilà en bref ce que les dirigeants présument être la différence d'opinion entre soldats anglais et soldats français quant à l'empire et à la nation. Pour le soldat protestant, le roi et le pays sont des notions cruciales, tandis que la mère patrie domine aux yeux du catholique francophone. L'exposition d'un canon de campagne sur la concession du Fonds du Souvenir, les lignes géométriques des pierres tombales bien alignées, et l'ouverture d'une brèche dans la clôture catholique mettent au défi la cohérence d'un cimetière basé essentiellement sur les conceptions protestantes de la famille, de la vie privée et de l'individualisme. La célébration de la fête de la reine Victoria par la remise de décorations, sur la concession du Fonds du Souvenir, devient une fête populaire qui entraîne la présence d'une foule bruyante jusque dans les derniers recoins du cimetière. Les fanfares, le cornemuseur et le dernier clairon accompagnent les bénévoles chargés de nettoyer le site et d'y déployer le drapeau britannique38. À partir du début des années 1920, les hommes politiques participent à la journée de remise des décorations aux côtés des Scouts, de l'Ordre impérial des filles de l'empire et des associations d'anciens combattants. Déçu par l'architecture, l'isolement et la froideur du granit qu'a imposés la Commission des sépultures de guerre dans les concessions militaires sises au fond du cimetière, Ormiston Roy s'adresse à des bienfaiteurs privés afin de réaliser un projet commémoratif pouvant étendre le plan-pelouse jusqu'au cœur de son domaine. En 1923, T. Howard Stewart, héritier de Sir William Macdonald, parraine la construction d'un chemin du Souvenir allant du portail jusqu'au crématorium. Stewart insiste cependant pour que l'aspect commémoratif de la voie cadre avec les principes du plan-pelouse : « les espaces gazonnés et les plantes ornementales resteront constants, et les enterrements ne

devront jamais empiéter sur cette disposition ». Roy espère appliquer le concept à l'ensemble du cimetière en y aménageant des chemins à la mémoire des soldats. Parrainés par des philanthropes, ces sentiers seraient bordés d'aires gazonnées où les familles pourraient poser à ras le sol des plaques souvenir en bronze. Aux antipodes des vues de la Commission, les sentiers du cimetière, tels que les décrit Ormiston Roy, sont bordés de plaques de bronze adoptant la forme d'une feuille d'érable et portant des inscriptions à la mémoire de nos héros, le tout en une adaptation du plan que j'ai conçu pour les champs de bataille d'Europe. Ces feuilles de bronze, pas plus hautes que le gazon pour épargner les lames des tondeuses, s'inséreraient dans un aménagement artistique d'arbres et de massifs fleuris et feraient de notre cimetière un exemple pour les générations futures en leur montrant que les grands cénotaphes et les monuments ostentatoires ne sont pas nécessaires pour aménager des lieux paisibles servant au dernier repos de nos disparus2CJ.

Le renvoi aux plaques de bronze révèle l'influence du parc commémoratif Forest Lawn, dont l'établissement, en 1913 à Glendale en Californie s'est avéré une grande réussite. Les seuls marqueurs permis dans ce cimetière sont les plaques de bronze, matériau durable et léger que l'oxydation des ans transforme en verdure. Offert par une variété de producteurs, le bronze libère aussi les dirigeants de cimetière de la dépendance à l'égard des producteurs locaux de pierre et présente de nouvelles occasions d'affaires30. Roy espère aussi égaler l'importance de Forest Lawn en tant qu'attraction touristique. Pour ajouter au poids artistique du « sanctuaire de renommée mondiale » qu'il envisage au mont Royal, Roy propose d'embaucher George W. Hill et de lui confier la conception des feuilles d'érable

La croix du sacrifice. Outre qu'elle marque la sépulture d'anciens combattants de diverses confessions religieuses, la croix du sacrifice ouvre une brèche dans la clôture entre les cimetières protestant et catholique.

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Cérémonie d'inauguration de la concession du Fonds du Souvenir, 1910.

Survol du monument à Sir George-Etienne Cartier sur le mont Royal, le 24 mai 1921. Il ne fait pas de doute que les célébrations marquant le Jour de Victoria, ponctuées de bruit, de pique-niques et de foules festives sur les flancs de la montagne tout près de la clôture du cimetière, représentaient un usage conflictuel de la montagne.

en bronze. Hill a déjà sculpté le cénotaphe de Montréal à la mémoire de la guerre d'Afrique du Sud (1904), les statues des pères de la Confédération que furent George Brown et Thomas d'Arcy McGee, de même que le cénotaphe bien connu de Westmount. Posées sur des bases de béton solides et nullement affectées par les tondeuses, les feuilles d'érable de Hill vont servir de « cénotaphes aux héros de Montréal disparus dans la Grande Guerre, et prouveront enfin que les Canadiens peuvent perpétuer, sur une grande échelle et d'une manière digne et convenable, les noms de ces hommes et de ces femmes de courage qui ont pris part à la Grande Guerre ». Roy voit dans les chemins commémoratifs un moyen de

susciter chez les citoyens la fierté de leur cimetière : « Quel moyen conviendrait mieux aux citoyens de Montréal pour honorer ceux des leurs qui sont tombés à la guerre que l'aménagement de chemins commémoratifs dans nos cimetières, institutions qui méritent leur appui au même titre que toute œuvre de bienfaisance ou tout hôpital du pays^ 1 . » Enfin, dit Roy aux administrateurs, les chemins réduiraient les coûts d'entretien car ils permettraient d'éliminer plusieurs intersections que l'on pourrait convertir en aires de sépulture. Déclassé par les monuments plus audacieux qu'on a érigés dans les parcs, les squares et autres lieux publics, le plan de Roy visant à faire du cimetière le point focal de commémoration Sépultures militaires

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Cénotaphe de Westmount. Surplombant l'Hôtel de ville, l'impressionnant monument aux Morts de Westmount devint un site important de commémoration.

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militaire et de visites populaires ne se matérialisera jamais. Il se peut qu'il ait heurté le sentiment de respectabilité si cher aux administrateurs, mais quoi qu'il en soit, Roy ne réussit pas à attirer l'appui philanthropique nécessaire et, lorsque sa santé s'altère à l'été de 1925, le projet glisse lentement dans l'oubli. En un signe manifeste de la marginalisation du cimetière Mont-Royal comme site de commémoration militaire, le Fonds du Souvenir décide en 1930 d'inhumer désormais les anciens combattants au Champ d'honneur aménagé au sein des Jardins commémoratifs Lakeview dans la banlieue ouest de Pointe-Claire. Cimetière pelouse aux plaques commémoratives rasant le sol, le Champ d'honneur est réservé aux anciens combattants et à leur épouse^2. Dès les années 1930, les cimetières militaires comme celui du plateau de Vimy, où s'élève un superbe monument, deviennent des hauts lieux de mémoire collective à saveur émotive et nationaliste, fort éloignés de la norme des cimetières civils au Canada. Une fois de plus, les administrateurs du cimetière Mont-Royal, qui n'ont jamais été à l'aise devant la parade militaire, le tir de canon, les fanfares et autres manifestations de la masculinité, sont entraînés dans le débat sur la reconnaissance du statut militaire des héros enterrés dans leur enceinte. Les funérailles du général Arthur Currie, et son enterrement au cimetière Mont-Royal en décembre 1933, sont un événement public de taille. On ferme les écoles, et les derniers rites auprès de la tombe sont radiodiffusés depuis le cimetière. Général pendant la guerre, Currie a assumé la présidence nationale du Fonds du Souvenir de 1924 à 1932 et a été recteur de l'Université McGill, position prestigieuse qui l'a porté au premier rang de la société civile. Dans un discours qu'il écrit quelques semaines avant sa mort en vue de l'Armistice, le général Currie déplore que le Canada n'ait pas conservé sa foi « dans les morts qui ne reviendront pas » et que le sacrifice du soldat n'ait pas tourné à la gloire^.

Comme le cimetière tarde à commémorer la présence du plus important héros militaire du Canada dans son enceinte, le Fonds du Souvenir entreprend d'aménager l'avenue circulaire Currie au Champ d'honneur de PointeClaire. Au moins deux années «'croulent après l'enterrement de Currie avant que les autorités du cimetière ne commencent à négocier avec la famille en vue de retirer le corps du lot familial situé dans la section 1-64 près de Fine Hill Side au fond du cimetière, pour le mettre dans une tombe plus en vue sur laquelle un monument allait être érigé. Le cimetière consent à payer le tiers du coût du nouveau lot, et Ormiston Roy fournit le plan tant du monument que de l'aménagement paysager. Le 28 novembre 1936, le corps de Currie est transféré au site E-i68, un lot bien en vue situé à la croisée des chemins près de l'entrée principale. Le monument à la mémoire d'Arthur Currie est dévoilé le jour du troisième anniversaire de sa mort. Réplique de la Croix du sacrifice utilisée par la Commission des sépultures dans les cimetières militaires du Commonwealth, y compris au mont Royal, le monument a nécessité une permission spéciale pour qu'on puisse le reproduire sur une concession privée dans laquelle d'autres membres de la famille allaient être enterrés 34 . Le lot comprend des échantillons de sol provenant de Vimy, d'Ypres, de la Somme et de Mons, qui furent le théâtre des combats les plus sanglants auxquels ont participé les troupes canadiennes 35 . Comme il lui incombe d'aménager le lot du général Currie, Roy en profite pour reprendre le plan qui dort depuis quelques années et prévoit des plaques commémoratives que les familles militaires pourraient placer tout autour de la tombe du général. « Aucun autre pays, signale-t-il, n'a fourni une concession militaire où des tablettes de bronze, insérées à même la tourbe, commémorent non seulement ceux qui sont tombés outre-mer, mais aussi les soldats décédés plus tard, après leur retour au pays36. »

Dans le discours qu'il rédige à l'occasion du dévoilement, Roy décrit le site comme un « sanctuaire, le Walhalla des soldats de la Grande Guerre ». Il suggère qu'on tienne chaque année un service commémoratif comme ceux qui ont lieu aux États-Unis, qui « attirent des milliers de personnes et auxquels assistent des chorales d'église et des fanfares militaires, dont la musique est parfois diffusée par des hauts parleurs installés dans les arbres3? ». Le projet de Roy se bute encore une fois au conformisme des administrateurs qui hésitent à transformer leur cimetière en un Walhalla muni de hauts parleurs. Ni les cénotaphes ni les cérémonies ne se manifesteront sur le lot des Currie dans l'Entre-deux-guerres. La Deuxième Guerre mondiale remet à l'ordre du jour la question des tombes militaires et de la commémoration des soldats morts à la guerre. Au cimetière Mont-Royal, le lot acheté par la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth en 1921 est presque plein, même si on y a ajouté un lopin supplémentaire en 1938 ^-942-944). Et pourtant, le conseil hésite une fois de plus à passer à l'action. En 1950, il offre au ministère des Anciens combattants, qui administre désormais les sépultures de guerre, une concession plutôt quelconque, malgré ses bonnes dimensions, longeant la clôture catholique du côté de l'entrée de l'ancien parc. Un site en banlieue leur est offert au cimetière HawthornDale comme solution de rechange. Le gouvernement fédéral opte pour l'achat d'une concession de 28 800 pieds carrés à l'entrée du parc au coût de 72 ooo $, ce qui comprend la somme de n 200 $ pour l'entretien perpétuel 38 . Il fait aussi l'acquisition d'une section semblable du côté catholique. Dans les deux cimetières, les enterrements se font selon l'ordre chronologique, sans égard au grade, le premier à mourir étant inhumé dans le coin gauche de façade. Les administrateurs demeurent cependant préoccupés par cette section. Sépultures m i l i t a i r e s

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Convoi funéraire de Sir Arthur Curne progressant le long de l'avenue du Parc, 1933. Certaines des funérailles les plus impressionnantes de Montréal ont été réservées aux chefs militaires. Les funérailles du général Currie furent presque aussi imposantes que celles du général Benjamin D'Urban, en 1849, alors que les commerces fermèrent leurs portes et que 10 ooo Montréalais s'alignèrent en bordure des rues.

Le monument de Sir Arthur Currie (£-169, section £-5).

Lot du ministère des Anciens combattants.

Le passant entrant dans le cimetière par le portail principal peut difficilement manquer le monument du général Currie.

L'absence de monuments verticaux dans cette section militaire souligne l'acceptation des principes du plan-pelouse qu'ont adoptés bien des cimetières au Canada.

Ils tentent d'intégrer l'aire, son architecture et son aménagement paysager, ainsi que le thème du sacrifice de la vie, à la modestie des sites voisins, dont bon nombre appartiennent aux membres de groupes ethniques minoritaires. La préservation de la cohésion du cimetière et la satisfaction des besoins de ses constituants ethniques importent à l'entreprise qui fait face à une concurrence croissante de la part des parcs commémoratifs établis en banlieue. Quelques années après l'ouverture de la nouvelle section militaire, les administrateurs expriment leur mécontentement quant à son apparence, car, vue de la route, la section donne

l'impression d'une pelouse quelconque menant à la clôture de la section militaire du cimetière catholique adjacent. Il peut s'agir d'une coïncidence, mais l'année de la mort d'Ormiston Roy (1958), les administrateurs ordonnent de démanteler la serre à proximité et, un an plus tard, demandent au ministère d'ériger un monument convenable, lequel pourrait être mis en valeur, suggèrent-ils, par une allée de ginkgos. L'érection du monument, à la limite démarquant la concession militaire catholique de sa contrepartie protestante, ne sera complétée qu'en 1965.

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es transformations entreprises dans les années 1890 en ce qui concerne la gestion, la technologie et le plan-pelouse sont pratiquement achevées avant l'arrivée des années 1920. Après avoir passé un quart de siècle à la régie, Ormiston Roy est promu au poste d'architecte du paysage au cimetière, ce qui ne l'empêche en rien de poursuivre ses activités parallèles d'expert conseil et de pépiniériste. Il demeure un employé du cimetière, mais cède à son frère, John, la responsabilité des activités quotidiennes visant les enterrements et l'administration. Au cours des décennies suivantes, la gestion du cimetière est l'apanage des générations successives de la famille Roy qui, suivant la tradition établie par Ormiston, dirigent l'entreprise de main de maître pour le bénéfice de la communauté protestante. Par ailleurs, le Québec connaît une mutation fondamentale dans la période d'après-guerre, en particulier dans les décennies 1960 et 1970. La montée du nationalisme québécois, l'État providence qui assure entre autres bénéfices un enterrement convenable, la poursuite de plaisirs de plus en plus séculiers, les préoccupations environnementales, et le besoin d'espaces verts sur la montagne tendent à comprimer la vitalité du cimetière pelouse, à reléguer aux oubliettes pivoines, monuments militaires et visites dominicales sur la

tombe des parents.. Quand elle n'y résiste pas car rément, l'entreprise privée, propriétaire et protestante qu'est le cimetière ne fait aucun cas des changements qui secouent la société environnante. Mais à l'aube des années 1980, il n'est pas certain que la gestion compétente et l'assertion des droits de propriété suffisent à protéger le cimetière du déclin qu'entraîné la lente désagrégation de la communauté protestante. En 1924, John F. Roy reprend la gestion d'une entreprise déjà fortement spécialisée. Des secrétaires et administrateurs permanents répondent aux demandes du public dans un bureau de la rue Drummond au centre-ville. Dans l'enceinte même du cimetière, la capacité de procéder aux inhumations en hiver permet de structurer plus efficacement la main-d'œuvre après 1919. Fasciné par les engins mécaniques, Ormiston Roy, bricoleur et voyageur averti, a implanté les nouvelles technologies. La tondeuse mécanique, le téléphone, la rétrochargeuse, le clôturage et le pavage, l'essor des lignes de tramway à destination des deux cimetières, de même que l'usage accru des camions, des tracteurs, des déneigeuses et surtout des automobiles ont permis de créer de nouvelles aires de sépulture et de modifier le paysage pour y ajouter des échappées, des arbustes et beaucoup de verdure. Cette technologie facilite non seulement les communications entre les divers sites du cimetière et le

contrôle de l'accès du public, mais aussi l'aménagement et le drainage des chemins qui permettent d'accueillir le trafic lourd et d'accéder aux lieux à longueur d'année. La mise en œuvre du plan-pelouse confère au cimetière un aspect moderne où les plaques discrètes, posées à plat sur le sol, ont supplanté enceintes et parapets et estompé la prédominance du granit. Les administrateurs ont effectivement mis en place un système d'enterrement à deux paliers pour les protestants : tous les pauvres et un nombre croissant de personnes à revenus modestes sont dirigés vers Hawthorn-Dale, tandis qu'au cimetière Mont-Royal, la plupart des lots appartiennent à des familles de la classe moyenne. Ce n'est que dans les années 1950 que le cimetière Mont-Royal peut répondre aux besoins des groupes orthodoxes et des populations asiatiques et orientales grâce aux aménagements substantiels de sites remblayés. En 1902, le cimetière met en service le premier crématorium au Canada et restera pendant des décennies le seul Le mausolée des Judah (C-28, section C-2). Il a fallu sceller plusieurs mausolées négligés en raison du vandalisme.

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à offrir la crémation. Outre les enterrements traditionnels pratiqués au cimetière, la crémation prend une importance commerciale non négligeable, les dépouilles provenant de tout le centre du Canada. Les urnes exigent moins d'espace que les cercueils, si bien que l'on peut ouvrir de nouvelles sections et créer un paysage intégré dans des parties considérables du cimetière. La crémation confère au cimetière la maîtrise d'une technologie de pointe, sans compter qu'une fois construits le jardin d'hiver et la chapelle, elle renouvellera le contact direct avec le public et les pasteurs protestants. Par ailleurs, c'est un moyen de soutenir la concurrence des services funéraires qui dominent le marché des funérailles et des enterrements par le biais des résidences funéraires et de l'embaumement. Enfin, la Première Guerre mondiale a forcé le cimetière à réfléchir sur son rôle en tant que lieu de mémoire public, et malgré l'ambivalence des administrateurs à leur égard, les sections militaires aménagées à l'initiative du Fonds du Souvenir et de la Commission des

sépultures de guerre ont modifié l'aspect de vastes pans crématorium est substantiellement modernisé. Les années du cimetière de même que la circulation des visiteurs 1940 et 1950 introduisent dans les cimetières d'Amérique sur les lieux. du Nord la tondeuse moderne, le coupe-gazon et l'indisLorsqu'il prend sa retraite en 1966, John F. Roy parle des pensable rétrochargeuse 6 . 42 années passées au service de l'iiistiiuiion. Signalant que En 1966, lorsque son père prend sa retraite, Donald Roy sa famille est associée au cimetière depuis 1890, il suggère quitte son emploi à la Canada Starch pour devenir adjoint que, par contraste avec les étonnantes innovations intro- à la gestion et registraire du cimetière et du crématorium. duites par son frère, l'œuvre de sa vie a été marquée par la Respectant le travail de son père tout comme celui de son continuité, l'adaptation technologique et la restauration « oncle favori », Ormiston Roy, il s'installe sans peine dans physique de la propriété. Il ne se sent pas tenu de pondérer ses nouvelles fonctions. Il a grandi dans une maison que la position du cimetière par rapport à la métamorphose son père a bâtie tout contre la limite du cimetière. Actifs au sociale et politique de la société québécoise : « Les trois conseil scolaire, à l'église presbytérienne et dans les sports, réalisations notables qui m'ont grandement satisfait sont le les Roy sont une famille en vue d'Outremont, quartier qui nivellement des chemins de gravier et leur recouvrement a conservé la marque d'une forte influence protestante et bitumineux, la remise en état générale du cimetière depuis dont l'architecture et les espaces verts ajoutent un complé1956, et la modernisation des installations au crémato- ment au cimetière. John et Wallace Roy partagent un sens rium 1 ». En 1949, il a supervisé l'ouverture d'une voie aigu des lieux et de leur écologie. Dans le cadre d'un proimportante traversant Rosé Hill pour relier Fine Hill Side gramme lancé par la Verdun and Sportsman's Association à la section C-2 et ainsi permettre le développement du afin d'accroître la population de faisans sur le mont Royal, site le plus précieux pour l'aménagement de lots dans le les Roy élèvent les oiseaux en captivité et les libèrent dans cimetière2. Un an plus tard, il fait paver les principaux la montagne. En 1960, les employés du cimetière nourrissent chemins en vue des célébrations du centenaire de 1952. déjà quelque 150 faisans l'hiver durant?. Dans le cadre de la remise en état générale des lieux, des Même s'il a grandi pendant la Crise, Donald Roy qualifie expériences sont entreprises en 1955 dans des sections pres- d'idyllique son enfance sur le mont Royal. La vie familiale tigieuses (L-i et F-4) mais envahies par la végétation pour et quotidienne est inséparable de celle du cimetière. Son « faire de ces zones des lots soignés-^ ». Le succès de ces expé- père se rend au travail en franchissant la grille arrière, rentre riences donne lieu à un programme à long terme établi dîner à la maison et fait laver sa voiture chaque jour par les pour « restaurer les lieux, en retirer les arbres et arbustes employés du cimetière. Ormiston Roy et sa famille vivent superflus, redresser les monuments et plaques, labourer, juste en contrebas, dans une maison construite à leur intenétendre des milliers de verges de terre arable, niveler, fertiliser, tion dans l'enceinte du cimetière. Donald fait de la luge sur ensemencer et améliorer les chemins4 ». Dans cet effort de la montagne et travaille à temps partiel sur les lieux où des nettoyage, on va jusqu'à enlever les « enceintes déla- membres de sa famille et des employés qu'il connaît depuis brées » ou même les mausolées dilapidés dont on ne peut toujours lui enseignent l'horticulture, l'aménagement localiser le propriétaire^. En 1949, le jardin d'hiver est paysager, la gestion du personnel, et les métiers associés au démoli et, au cours des quelques années subséquentes, le cimetière. À l'exemple de son père, il a étudié l'agriculture C o n t i n u i t é et droits de propriété

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au collège Macdonald de McGill et a hérité de lui un intérêt pour la technologie de la crémation. Il poursuit la tradition familiale lorsqu'il devient président de l'association de crémation d'Amérique du Nord en 1983. Sans égard à la spécialisation de plus en plus pointue des professions au XXe siècle, les gestionnaires du cimetière persistent, dans l'esprit généraliste, à s'occuper de tout : ils traitent avec la main-d'œuvre comme avec le public, prêtent la main à l'arpentage, à l'aménagement ou à l'extraction en carrière, et pratiquent avec virtuosité tant la technique de l'enterrement que l'art de rassurer les familles en deuil. Ils se tiennent au fait de la technologie de la crémation et se familiarisent avec les règlements de plus en plus complexes en matière de santé publique, d'environnement et de normes d'émission des fours crématoires. Jusqu'à ce que soit vendu l'édifice de la rue Drummond, en 1958, le gérant John F. Roy passe ses matinées dans le centre-ville des cols blancs où il veille à la comptabilité, aux inscriptions et aux budgets. En après-midi, il rentre au cimetière pour régler les problèmes de main-d'œuvre, d'inondation, de fumée noire au crématorium ou de bris de rétrochargeuse. Les employés de longue date apportent leur expertise dans divers métiers, de l'extraction en carrière à la ferronnerie, en passant par la construction et la foresterie. L'arpentage relève du directeur de l'exploitation, Bill Chapman, qui aménage et développe divers sites sur les lieux sans l'aide d'ingénieurs, d'architectes du paysage ou de commissions de planification. Dans l'édifice du centre-ville, Albert Swindlehurst, diplômé en droit de McGill, assume les fonctions de secrétaire et vend nombre des lots. Ses avantages sociaux incluent le gîte dans une petite maison sur le site de Hawthorn-Dale. Les cadres voyagent dans le monde entier pour assister à des colloques ou visiter des cimetières et se tenir au courant des plus récentes technologies. 162

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Grandir sur la montagne — Betty Roy. Née en I9ii,jessie Margaret « Betty » Henderson a emménagé avec sa mère et son frère dans la maison de ses grands-parents après que son père ait été tué durant la Première Guerre mondiale. Son grand-père, John Henderson, gère le parc du Mont-Royal, et elle grandit dans la maison Smith, une grande maison de pierre construite en 1858. Rénové en 1999, l'édifice sert maintenant de centre d'accueil au parc. Non loin de là, dans une maison appartenant au cimetière, grandit aussi Wallace Roy, le fils du régisseur du cimetière, Ormiston Roy. Les jeunes canotent sur l'étang de la montagne, montent à cheval et font de la luge. Les enthousiastes des clubs sportifs, notamment de raquette et de chasse, utilisaient alors la montagne été comme hiver. Malgré l'augmentation des visiteurs empruntant le funiculaire, Betty Roy se rappelle que : « on se figurait que la montagne était dominée par les gens fortunés qui, seuls, pouvaient y monter à cheval ou l'utiliser autrement ». En 1932, le mariage de Betty Henderson à Wallace Roy lie les deux plus importantes familles chargées respectivement du cimetière et du parc et rappelle l'aspect isolé de la vie sur la montagne. Wallace Roy a passé sa carrière sur la montagne, travaillant d'abord au titre de régisseur général du cimetière, puis d'adjoint à la gestion et de registraire et enfin, comme gestionnaire jusqu'à sa retraite.

Les employés du cimetière traitent le public avec respect et efficacité. Les gens qui n'ont pas de lot familial se rendent généralement au bureau du centre-ville pour faire l'acquisition d'un terrain. Ils y sont accueillis par un personnel compatissant qui, comme le faisait avant eux le sacristain de l'église, leur suggère diverses options et leur montre un diagramme du cimetière. S'ils préfèrent visiter les lieux, le gérant les conduit dans la voiture luxueuse que lui assigne la Compagnie afin d'inspecter les lots en vente. Dans le cas d'une crémation, un membre de la famille est tenu de produire certains documents et de signer les formulaires au cimetière. Pendant la visite, il pourra discuter de l'achat d'une tombe où inhumer l'urne funéraire. Si les nouvelles technologies sont adoptées avec enthousiasme au crématorium et dans l'aménagement paysager, le travail de bureau et la tenue des registres reposent toujours sur des méthodes artisanales. Le fichier modelé sur celui qu'utilisent les bibliothèques pour repérer les livres est introduit par Ormiston Roy en 1899. Chaque sépulture est individuellement notée sur un diagramme signé au verso par le contremaître de chantier, puis reproduit dans les dossiers du cimetière. Les inscriptions sont notées en duplicata, et un messager rapporte chaque jour au cimetière les données répertoriées dans le bureau du centre-ville. Les familles assistant aux funérailles doivent s'acquitter des frais avant la crémation ou l'inhumation ; elles s'arrêtent donc habituellement au bureau à l'arrivée pour que le registraire puisse noter les données et toucher le paiement8. Même s'ils distribuent des plans montrant l'emplacement des cimetières et le parcours entre ceux-ci et le centre-ville, les employés du centre-ville suscitent des plaintes de la part de pénitents qui ont raté les funérailles parce que le personnel ne « connaît pas intimement les lieux ». Du reste, la répartition de l'administration entre le cimetière et le centreville est devenue obsolète maintenant que la prospérité

d'après-guerre a popularisé l'usage de l'automobile. Les clients se rendent directement au cimetière, si bien que les bureaux du centre-ville, ouverts une génération auparavant, ne sont plus guère rentables. L'édifice de la rue Drummond est vendu en 1958. Le siège social et la réception emménagent dans de nouveaux quartiers tout près du grand portail. Depuis longtemps, le cimetière pratique des activités commerciales telle la vente des produits de sa pépinière. Les multiples entreprises d'Ormiston Roy dans le domaine commercial (fleurs, plaques de bronze et brevet d'invention) comprennent la vente des couronnes de gui décorant les tombes à Noël, pratique lancée dans les années 1930. Par ailleurs, le conseil tient pour suspects bien des projets lucratifs qu'on lui présente et garde dans ses classeurs des chemises bourrées de propositions qu'il tient à distance en invoquant son statut de société sans but lucratif. Les constructeurs de mausolées dits communautaires comptent au nombre des entrepreneurs, habituellement des Américains, qui tentent d'acheter des sites au cimetière Mont-Royal. Ces complexes massifs offrent jusqu'à 8000 cryptes pouvant accueillir autant de cercueils, et leur publicité annonce des abris chauffés pour les enterrements en hiver, ainsi qu'une chapelle où célébrer le service avant la crémation. Le mieux connu est le Forest Lawn's Gréât Mausoleum. ( J Issue d'une culture californienne qui comprend le marketing énergique des services funéraires, cette société est calquée sur le Campo Santo de Pisé ; les frais d'entrée permettent d'y admirer le vitrail du mausolée représentant la Dernière Cène10. Les mausolées communautaires sont réprouvés par l'association américaine des régisseurs de cimetière, à la grande satisfaction d'Ormiston Roy qui ne prise guère les monuments, les tourniquets et les foules. En 1913, il proteste contre la proposition d'une entreprise commerciale qui, selon lui, a presque réussi à persuader les administrateurs de Continuité et droits de propriété

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lui vendre un site pour l'établissement d'un caveau d'une capacité de 900 dépouilles. Roy raconte qu'un de ses représentants commerciaux lui a offert des actions d'une valeur de 40 ooo $ pour utiliser son nom sur le prospectus et assurer qu'il ne soulèvera pas d'objections ni ne déconseillera le projet aux administrateurs" .Vers le milieu des années 1930, d'autres projets de mausolées sont proposés au cimetière Mont-Royal. Plus tard, une société formée par ce que Roy appelle des « escrocs de l'extérieur » s'effondre à Toronto avec 400 ooo $ de souscriptions en souffrance. Un autre projet de mausolée que propose l'entrepreneur Maxwell A. Holliday est écarté par Ormiston Roy qui n'y voit rien qu'un « classeur à dépouilles ». En 1940, Maxwell Holliday est arrêté et accusé d'avoir escroqué 49 ooo $ au cimetière Notre-Dame-des-Neiges pour l'un de ces projets voués à l'échec 12 . La gestion de la main-d'œuvre compte parmi les tâches les plus critiques du régisseur. Nous avons mentionné que le cimetière Mont-Royal mêle avec bonheur le népotisme au paternalisme pour favoriser la loyauté de ses employés. Sauf pour le personnel cadre, bon nombre des tâches sont saisonnières et non spécialisées : extraction de la pierre en carrière, construction routière, travaux de la forêt, aménagement et fossoyage. Les ouvriers occupant ces emplois sont perçus à tort par les autorités comme une maind'œuvre instable ou migratrice. Mais dans toute grande entreprise, les coûts et la productivité sont des questions fondamentales et, à l'exemple de la plupart des cimetières d'Amérique du Nord, le cimetière Mont-Royal voit d'un mauvais œil la solidarité ouvrière et les syndicats. Le cimetière peut utiliser la mécanisation, les sous-traitants et un surplus d'ouvriers pendant certaines périodes pour contrebalancer le militantisme syndical. Donald Roy raconte des souvenirs de son enfance alors que dans les années 1930, les chômeurs suppliaient la direction de leur donner du travail 164

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ou simplement du pain. Les hommes à la recherche d'un boulot de fossoyeur ou de casseur de pierre se rassemblaient le matin sous le balcon de l'entrepreneur qui vivait à l'étage au-dessus de l'atelier du cimetière. Ceux qui avaient de la chance s'en sortaient avec un bon de travail d'une journée^. Dans un rapport de 1931, Ormiston Roy signale que le nettoyage du cimetière a fourni « pendant plusieurs semaines à près d'une centaine de chômeurs de la ville du travail dont ils avaient grand besoin et qu'ils ont grandement apprécié'4- ». Cette main-d'œuvre à bon marché permet de réaliser de vastes améliorations : ainsi, dans les années 1930, l'herbe est coupée à la grandeur du cimetière, même sur les lots dont les propriétaires n'ont pas cotisé au programme d'entretien perpétuel^. Tout au long de la Crise économique et de la Deuxième Guerre mondiale, la Compagnie du Cimetière Mont-Royal réitère les demandes d'exemption eu égard à la Loi sur les accidents de travail, à la Loi des salaires raisonnables et à la Loi sur l'assurancechômage, arguant qu'elle est une société sans but lucratif, qu'elle fournit des enterrements gratuits aux pauvres et que la plupart de ses ouvriers travaillent dans l'horticulture et sont exemptés en vertu de ces lois. En 1941, John F. Roy s'adresse ainsi à la Commission d'assurance-chômage : Sauf pour le forgeron, le charpentier et le personnel de bureau, tous nos employés travaillent en horticulture, par exemple, à la tonte du gazon, à la plantation de fleurs, au désherbage et à l'arrosage, au ratissage des feuilles, au forçage en couche chaude, à la culture du grain et du fourrage pour répondre à nos propres besoins, à la taille des arbres et des arbustes, et ainsi de suite. Je ne prétends pas que ma requête d'exemption s'applique à tous les cimetières, mais seulement au cimetière Mont-Royal parce que c'est sans doute le seul du pays qui soit tenu d'enterrer gratuitement les protestants démunis. Je peux soutenir que le cimetière Mont-Royal est une

œuvre de bienfaisance au même titre que tout hôpital dans la mesure où il pourvoit aux besoins des pauvres à même ses revenus, comme le font les hôpitaux. Les riches portent le plus grand poids, mais à l'encontre de la situation dans les hôpitaux, nous ne touchons aucun subside de^ auioi lies municipales ou provinciales, encore que celles-ci reconnaissent le caractère charitable de notre institution en lui accordant diverses exemptions, notamment sur le plan des taxes. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir limiter l'application de la loi aux membres de notre personnel occupant un métier spécifique ou qui travaillent dans le bureau... 1 6 La pénurie de main-d'œuvre qu'occasionné la Deuxième Guerre mondiale signifie qu'en 1943, le cimetière ne peut embaucher que 60 ouvriers, par comparaison aux 190 hommes qu'il avait retenus l'année précédente. Les marins de commerce qui attendent le départ de leur navire sont employés temporairement, et un boni de cinq cents l'heure est offert aux ouvriers réguliers. Le militantisme syndical est présent au Québec dans l'industrie du textile et les mines bien avant la Révolution tranquille des années 1960. Il a pénétré au cimetière dans la période de l'après-guerre. En 1949, le conseil apprend qu'un syndicat s'établit au cimetière catholique voisin ; les conditions de travail et les salaires s'améliorent sans tarder. En 1951, le salaire horaire est porté au double de ce qu'il était en 1943, c'est-à-dire un dollar l'heure pour les « postes clés ». En 1955, un régime de retraite est mis en place pour les employés possédant trois ans de service. Un rapport interne montre que, outre ses 12 employés salariés, les journaliers embauchés à temps plein « ne sont pas nécessairement, comme on l'avait présumé, des travailleurs migrants. Mais à la place d'une classe d'ouvriers migrants, 28 journaliers sont en service depuis au moins trois ans, et huit ont plus de 25 ans de service1? ». En 1964, tous les salaires augmentent de 15 pour cent, et les

congés sont allongés. Désormais, tous les employés sont inscrits aux termes de la Loi de l'assurance-chômage. Ces concessions ne parviennent pas à repousser l'organisation d'un syndicat. Les ouvriers ont plusieurs griefs. Des accidents sont survenus au cimetière : en 1947, Henri Pilon est mort des blessures causées par un accident de travail ; en 1959, trois ouvriers ont été blessés lorsqu'un mur de la serre qu'ils étaient en train de démolir s'est écrasé sur eux. Les ouvriers critiquent de plus en plus ouvertement l'échelle des salaires et le fait qu'on leur assigne des tâches sur la propriété du régisseur pendant les heures de travail. En 1953, les administrateurs reçoivent une lettre signée « Les Employés du cimetière Mont-Royal », laquelle soutient que des « travaux considérables sont effectués au bénéfice personnel du régisseur, mais aux frais de la Compagnie, et si cela n'était pas, les salaires pourraient être augmentés sans hausser les coûts pour la Compagnie ». Après enquête, les administrateurs prennent un vote de confiance à l'endroit de John Roy, et notent qu'ils sont « pleinement convaincus que les allégations énoncées ne sont nullement fondées' 8 ». La tension des relations de travail caractérise bien d'autres cimetières, dont les régisseurs se plaignent de la « trahison » des employés de longue date de même que du militantisme et de la « subversion de l'extérieur' 9 ». Les cimetières se trouvent dans une position épineuse. D'une part, les nouvelles technologies atténuent la dépendance à l'égard des travailleurs saisonniers, de telle sorte que les administrateurs ne sont guère motivés à régler les griefs. Ainsi, l'introduction de la rétrocaveuse permet de creuser une tombe en vingt minutes quelle que soit la période de l'année, alors que cette tâche exigeait auparavant au moins trois heures de fossoyage en sol meuble, ou une journée entière en sol rocheux20. Et pourtant, les cimetières n'ont pas les moyens de composer avec l'image négative que suscitent les conflits C o n t i n u i t é et droits de propriété

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Les fossoyeurs en 2002.

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de travail dans l'opinion publique. Les grèves rendues publiques à coups de reportages signalant l'entassement des corps qui attendent l'inhumation ont abîmé l'image de marque de plusieurs cimetières prestigieux. En 1966, les ouvriers du cimetière Mont-Royal adhèrent au Syndicat des travailleurs du service d'immeuble. Malgré l'arbitrage et l'embauche d'un avocat spécialisé en droit du travail, les hommes déclenchent la grève le 25 novembre de la même année. Toute inhumation ou crémation cesse pendant 14 jours. Finalement, les grévistes touchent une « augmentation substantielle » de salaire et d'avantages sociaux, dont le coût est récupéré par une hausse des frais funéraires21.Vers le milieu des années 1970, le cimetière est de nouveau aux prises avec des arrêts de travail suscités par des conditions qui ne soutiennent pas la comparaison avec celles en vigueur dans divers cimetières de Montréal. UNE

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Désireuse d'éviter la grève, l'entreprise est « pratiquement obligée » d'offrir la semaine de cinq jours, ainsi que l'échelle de salaire dont jouissent les employés de Notre Dame-des-Neiges22. En 1978, les travailleurs se mettent de nouveau en grève quand le cimetière réduit sa maind'œuvre saisonnière en retenant les services d'entrepreneurs paysagistes qui promettent des techniques « supérieures » dans la tonte de gazon et un « usage plus efficace de la machinerie moderne ». Les ouvriers réguliers respectent les lignes de piquetage de leurs confrères saisonniers, et des scènes hideuses éclatent à l'arrivée de cortèges funèbres devant les grilles d'entrée. Un compromis est atteint après trois jours : le syndicat accepte les entrepreneurs de l'extérieur à la condition que le cimetière embauche dix ouvriers pour la saison d'été23. Il est évident qu'au cimetière Mont-Royal, le syndicalisme et la disparition de la main-d'œuvre britannique ont compromis le nativisme et le sentiment de la collégialité du lieu de travail. Dans les années 1960, la main-d'œuvre saisonnière est en grande partie italienne, puis devient portugaise dans les années 1980. Le procès-verbal d'une assemblée du conseil tenue en 1969 signale que les hommes ne montrent pas le « même degré d'intérêt et de fierté personnels que par le passé ».En 1975, les administrateurs apprennent que « les ouvriers d'été n'ont pas fait preuve d'aptitudes très satisfaisantes, surtout parce que nombre d'entre eux sont des immigrants récemment arrivés de pays étrangers où les connaissances et les compétences techniques sont de bas niveau par rapport aux normes canadiennes24 ». Ces changements dans la main-d'œuvre ethnique reflètent les transformations démographiques qui surviennent à Montréal. Alors que les deux tiers de la population de la ville sont toujours d'origine française, la population d'origine britannique, elle, décroît progressivement. En 1901, celle-ci représentait 33,6 pour cent de la population

montréalaise, mais la proportion est tombée à 24 pour cent en 1921, puis à 12,4 pour cent en I96i 2 5. Aussi tardivement qu'en 1939, le cimetière a toujours la conviction que ses activités sont destinées à servir « les seuls intérêts et bénéfices de la population protestante de Montréal 26 ». Mais l'accent sur le protestantisme est déjà une politique myope qui deviendra intenable plus tard, dans le courant du siècle, alors que la proportion de protestants dans la population québécoise passera de 8,1 pour cent en 1961 à 4,9 pour cent en 19812?. Ce déclin coïncide, du moins à Montréal, avec une forte immigration venue d'abord d'Europe, puis d'Asie, et enfin d'Amérique latine. Entre 1951 et 1961, le nombre d'Italiens a presque triplé, atteignant 79 841. Le pluralisme qui gagne du terrain à Montréal place les administrateurs devant la nouvelle réalité : leur clientèle traditionnellement protestante est remplacée par les nouveaux immigrés provenant en particulier de Grèce, d'Ukraine et du Moyen-Orient. Une bonne partie de la croissance de la population non protestante prend place aux abords même du cimetière. Par exemple, Outremont compte déjà en 1940 une population juive substantielle qui s'accroît progressivement. Les quartiers du Mile End, de l'avenue du Parc et de la côte des Neiges, où les protestants ont autrefois dominé, absorbent d'importants groupes ethniques dans les décennies d'après-guerre. Les enterrements anglicans, qui représentaient 44 pour cent des inhumations en 1911 et 37,3 pour cent en 1951, ne correspondent plus qu'à 12,4 pour cent en 1998. La croissance des enterrements grecs, ukrainiens et orthodoxes russes prend une importance particulière puisque ceux-ci constituent dès 1991 le quart des inhumations effectuées au cimetière. La dénomination orthodoxe est devenue la plus importante du cimetière, reflétant en cela la croissance démographique de Montréal. Ainsi, la population grecque de la ville passe d'un millier de personnes en 1906 à 2100 en 1940, puis à

Monument grec orthodoxe. Situé dans la section Mountain View, ce monument reflète la diversification de la clientèle du cimetière.

Continuité et droits de propriété

167

23 623 en igôi 28 . La Hellenic Ladies Benevolent Society, qui obtient sa charte en novembre 1922, achète une tombe en IQ33 29 . Elle achète aussi, en 1945, un lot de 720 pieds carrés, lequel contient aujourd'hui les 42 dépouilles que cette œuvre de bienfaisance y a inhumées à ses frais depuis. En même temps, comme un nombre croissant de familles catholiques optent pour la crémation, leur représentation augmente aussi au cimetière Mont-Royal. Dès 1971, 11,4 pour cent des corbillards qui franchissent le portail et passent devant le monument de l'orangiste Thomas Hackett contiennent la dépouille d'un catholique. Bien qu'il continue de servir les protestants pauvres ou à revenus modestes, le cimetière Hawthorn-Dale souffre de plus en plus de son éloigneraient de la population anglophone de Montréal. Au cours du siècle, la minorité anglophone de la région de Pointe-aux-Trembles décline nettement. La décision que prend le conseil en 1927 de mettre fin au service du tramway funéraire à partir du terminus Papineau, lequel ne s'est jamais avéré rentable, est symptomatique de cet isolement. Par la suite, les cortèges funéraires se rendront à Hawthorn-Dale en automobile. En quelques années, on assiste au démantèlement du cimetière de l'avenue Papineau et de l'ancien bureau, qui font place à la voie d'accès nord du pont Jacques-Cartier. Près de 900 corps sont retirés du chantier et enterrés à Hawthorn-Dale dans un site acheté par la Ville-10. L'approche physique du cimetière Hawthorn-Dale s'enrichit des restes de son pendant au mont Royal, soit l'ancien portail donnant sur le parc et devenu inutile après l'échange de terrain visant à accommoder le nouveau tramway. Il sera installé sur la rue Notre-Dame, à l'extrémité sud du cimetière HawthornDale. Le prolongement de la rue Sherbrooke vers l'est coupe le cimetière en deux parties. Bien que l'entreprise touche une indemnité en compensation, la division signifie en fait que la partie sud, qui ne contient heureusement aucune 168

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tombe, doit être abandonnée comme lieu d'inhumation^ 1 . Celle-ci sera expropriée par la municipalité qui y aménagera un parc. Pendant le demi-siècle suivant, bien des offres sont formulées visant d'autres parties de HawthornDale, mais elles sont toutes rejetées afin de maintenir une réserve pour les sépultures. En dépit des prix modiques, cependant, le cimetière demeure sous-utilisé, ce qui ne motive guère les administrateurs à en améliorer les installations. En 1965, Hawthorn-Dale commence à offrir l'enterrement en hiver, mais ce service est suspendu une décennie plus tard en raison des frais que suppose l'exploitation du cimetière de décembre à avril, et on reprend la pratique d'entreposer les corps, pendant cette période, dans les charniers du crématorium sur la montagne. À l'hiver 1977, l'édifice vacant qui a contenu les bureaux d'Hawthorn-Dale est détruit par le feu ; il ne sera pas remplacé avant deux décennies^3. Le conseil doit aussi composer avec la municipalité et son projet de découper la montagne en artères routières. En 1949, les représentants des services de la circulation proposent de creuser une artère souterraine partant de l'avenue des Pins et de la rue Drummond pour atteindre le boulevard Mont-Royal. La dépense étant énorme, le projet est mis en veilleuse. Il est cependant repris et transformé par le maire Jean Drapeau, qui annonce en janvier 1955 l'étonnant projet de construire deux boulevards qui traverseront la montagne sur l'axe nord-sud et qui affecteront directement le cimetière. « Je respecte, même si je ne la partage pas, l'opinion de ceux qui croient que le mont Royal [donc, la montagne] doit être préservé comme un lieu de retraite », dira Jean Drapeau devant le Cercle canadien de Montréal, « mais le fait que la plus importante artère commerciale aboutissant à l'un de ses flancs soit privée d'accès nord-sud, semble justifier un point de vue différent-" ». En août de la même année, après avoir consulté une firme

new-yorkaise d'architectes du paysage, la municipalité abandonne ses plans relativement aux artères nord-sud en faveur de la conversion de la ligne de tramway de la montagne en promenade panoramique. Même si leur société n'a pas de but lucratif, les administrateurs ne sont pas immunisés contre les projets à rendement prometteur qui empiètent seulement sur la périphérie des lieux. En 1952, la société Bell a construit une tour sur un terrain acheté dans la partie supérieure du cimetière sans susciter le moindre heurt. En 1959, les administrateurs décident d'impliquer le cimetière dans un projet immobilier de l'avenue Mont-Royal. Ils avaient déjà tenté pareille subdivision en 1914, mais avaient retiré le projet après avoir constaté qu'ils n'étaient pas admissibles à l'exemption fiscale et qu'ils devraient payer des taxes foncières sur des lots résidentiels non vendus. En 1931, la ville d'Outremont a tenté sans succès de raviver l'intérêt des administrateurs pour la subdivision foncière ; plus tard, en 1953, ces derniers envisagent brièvement d'acquérir des terrains du côté opposé de l'avenue Mont-Royal afin de limiter la construction

près de l'entrée principale34. Ils répondent plus favorablement en 1959 à l'idée d'une vente immobilière de l'ordre de quatre millions de dollars, surtout parce qu'ils s'intéressent à investir dans la construction d'un nouveau cimetière dans la partie ouest de l'île de Montréal, où se concentre de plus en plus la population protestante. Le développement de l'avenue Mont-Royal demande un investissement de 100 millions de dollars dans la construction de 4675 logements répartis en 26 édifices, dont le plus haut n'excédera pas 16 étages. Cette partie du cimetière est trop rocheuse pour convenir à l'inhumation, mais elle est aisément accessible et fort visible. C'est pourquoi la Compagnie du Cimetière MontRoyal se trouve impliquée dans une controverse publique tant avec les écologistes qu'avec les propriétaires voisins d'Outremont. Outre l'opposition que présente le Comité de vigilance d'Outremont, récemment mis sur pied, la vente de terrains suscite l'opposition de groupes aussi divers que le Comité pour la sauvegarde de Montréal, l'association montréalaise des parcs et terrains de jeux, et le

Tableau 8 Confession religieuse des personnes enterrées au cimetière Mont-Royal de janvier à avril Année

Anglicane

Presbytérienne

Baptiste

1911

44

29.4

2-3

12. 1

I93i

40.7

21.2

3-9

1951

37-3

19.4

1971

30.3

1991 1998

Méthodiste

Luthérienne

Congrégationaliste

Église unie

0.8

2-3

o

1.8

0.8

0.5

4

2

0.5

o

0.9

24.9

3-5

O.2

0.7

O.2

3-3

2.4

0.4

0.8

O

28.3

5-6

0.6

o

0.8

4.4

15-9

i-3

0.1

3-5

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22.8

7-1

9-5

1-3

2.8

5-4

19.8

6.6

0.4

o

2.2

O

15-8

24-3

11.4

12.9

2.2

4-4

12.4

5

0.4

o

1.2

o

5-8

19.8

9-9

il. 6

26

7-9

"^Comprend les Témoins de Jéhovah, l'Église apostolique, l'Armée du Salut, l'Eglise nouvelle, le Temple Emmanu-el, l'Église unitarienne, l'Église pentecôtiste, etc. Source : Registre du cimetière Mont-Royal ; tableau compilé par Sophie Mathieu

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Orthodoxe Catholique

Protestante sans mention

autre*

Conseil des femmes de Montréal. Devant les éditoriaux hostiles de la presse francophone et anglophone, le blocage de toute modification de zonage par le gouvernement provincial et le différend entre Outremont et Montréal quant à leur compétence respective sur les terres et la possibilité de les exproprier pour le parc du mont Royal ou de les développer sur le plan immobilier, le promoteur retire sa proposition. En février 1962, la législature provinciale appuie la prétention de Montréal au droit de restreindre le zonage sur toute la montagne, malgré les protestations énergiques du cimetière, et décrète que le terrain contesté relève de sa compétence. En 1975, menacé d'expropriation pour les fins du parc, le cimetière accepte finalement la somme de i 567 025 $ pour la vente de son terrain à la Ville de Montréal. Malgré la confrontation publique avec les groupes de protection de l'environnement et du patrimoine, la société du cimetière est lente à reconnaître sa vulnérabilité. Le public a sans doute tendance à confondre les espaces publique et institutionnel et à assumer qu'il a un droit de passage acquis partout sur le mont Royal, et le cimetière persiste à revendiquer ses droits de propriété au titre d'entreprise privée. En 1955, les administrateurs répondent à une plainte formulée dans les journaux au sujet du manque de fontaines, de toilettes et de bancs sur les lieux. Ils rappellent aux Montréalais que le cimetière « n'est pas un parc et que des bancs à profusion pourraient brouiller l'apparence générale des lieux ou favoriser les pique-niques, ce qui n'est pas nécessairement souhaitable ». En 1959, le cimetière ouvre de nouveau son portail les dimanches, mais embauche des agents de sécurité de la firme Darnes pour patrouiller les lieux^6. Comme plusieurs des sections prestigieuses situées dans les parties supérieures du cimetière approchent la pleine capacité, on entreprend, à la fin des années 1970, d'aménager des

Projet du maire Jean Drapeau relatif à l'aménagement de deux artères nord-sud franchissant le mont Royal, env. 1955.

C o n t i n u i t é et droits de propriété

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Convoi funèbre, env. 1930. La centralité de l'automobile n'a pas encore éclipsé la tradition au cimetière. Ce convoi funèbre composé uniquement d'hommes, dont certains portent le haut-de-forme, suit à pied le corbillard motorisé en route vers l'un des cimetières de la montagne.

Inauguration de la voie Camillien-Houde, 1958. Prise lors de l'ouverture de la route panoramique qui a remplacé le tramway du mont Royal, cette photographie met en évidence la place grandissante qu'occupé l'automobile tant sur la montagne que dans l'enceinte du cimetière.

Limites du cimetière au début du XXe siècle

Changements apportés aux limites du cimetière, 1928-1963 Le cimetière échange de grandes portions de terrain avec la Ville de Montréal en 1928, alors qu'on construit la ligne de tramway qui fait la boucle sur le flanc est de la montagne à partir de l'avenue du Parc. Plusieurs lopins au nord du crématorium sont vendus à la congrégation juive Shaar Hashomayim dans les années 1940. Les portions restantes du côté est du cimetière sont expropriées par la municipalité dans les années 1960 et intégrées au parc du mont Royal après une vaine tentative de la part du cimetière de vendre à un promoteur immobilier.

sites de sépulture sur le sommet Mount Murray. Voilà qui provoquera une nouvelle controverse portant sur le rôle du cimetière dans la définition de l'utilisation de la montagne, la transformation de sa nature et de sa géographie, ainsi que la réglementation de l'accès public. Non seulement le projet soulève l'ire des écologistes et des partisans d'un usage plus démocratique de la montagne, mais la coupe à blanc et l'aménagement du site surviennent dans le contexte de la montée du nationalisme québécois. Certains des tenants du mouvement voient dans le Montréal anglais, — et par

inférence, dans le cimetière protestant, unilingue, qui occupe une partie de la montagne et renferme les mausolées élevés à la richesse anglaise — le sommet de la pyramide coloniale, dans laquelle les Québécois ont été « opprimés ... colonisés ... exploités^ ». Le Montréal anglais s'est senti collectivement menacé par la crise felquiste, et il y a à peine un an que l'Université McGill a été le théâtre de l'Opération McGill français, laquelle a rassemblé devant le portail Roddick 15 ooo démonstrateurs qui ont contesté la place des institutions anglaises au Québec. Pareillement, les hôpitaux, Continuité et droits de propriété

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Des travailleurs réparent les pierres tombales après les célébrations de la Saint-Jean-Baptiste sur le mont Royal en 1976. Voici un extrait du Rapport d'exercice de 1977 à ce sujet. « Des groupes de chahuteurs rentrant des festivités ont dévasté certaines sections. Des douzaines de monuments ont été gravement endommagés ; quelque 350 autres ont simplement été renversés. Le cimetière a pris une apparence jamais vue dans toute son histoire. Les équipes de travailleurs ont été chargées de redresser les monuments tombés, ce qui a pu être réalisé sans dommages dans bien des cas. Certains étaient cependant trop lourds et encombrants, de sorte qu'il a fallu retenir les services d'une maison spécialisée munie de l'équipement adéquat. Aidé par les ouvriers du cimetière afin de réduire les coûts dans la mesure du possible, le spécialiste a pu redresser les monuments restants et, dans certains cas, les remettre en état. Certaines pierres ont dû être réparées en atelier, mais elles ont toutes été remises en place. Malheureusement, certains monuments n'étaient plus réparables. Ce sont des monuments plats de marbre ancien et effrité qui, après avoir été brisés, ne pouvaient être remis à la verticale et qu'on a dû laisser à plat sur le sol. Le processus de nettoyage a été achevé en quelque trois semaines. Pour protester contre cet usage pervers de la propriété privée, une lettre a été adressée à son honneur le maire de Montréal. »

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le YMCA, les églises, les musées et le cimetière protestant ont été accusés de faire obstacle à l'émergence d'une nation dans laquelle la culture québécoise doit prédominer. En réalité, peu de démonstrations nationalistes auront lieu au cimetière comme tel. Les exceptions sont les deux manifestations survenues l'une en juin 1975, l'autre plus tard en 1976, alors que le parc du mont Royal jouxtant le cimetière est le théâtre d'énormes rassemblements nationalistes qui durent plusieurs jours et qu'a organisés la Société SaintJean-Baptiste. J'y étais moi-même en observateur et me rappelle le sentiment d'appartenance à un pays que célébraient des milliers de Montréalais sur la montagne : la foule et ses libations, le spectacle, la musique et les déchets laissèrent une impression d'un joyeux carnaval médiéval. Le cimetière voit l'événement d'un autre œil. Le bruit, la bière et le sentiment de libération qui accompagnent les célébrations en l'honneur du saint patron des Canadiens français heurtent indirectement la culture et les origines du cimetière et offusquent son sens de l'intimité, du protestantisme et de la respectabilité. Les milliers de personnes qui traversent les lieux la nuit pour se rendre au parc et les rares individus qui vandalisent les monuments violent un territoire bien circonscrit, un lieu de mémoire protestant. Voilà le cadre politique dans lequel le projet du Mount Murray est lancé. En 1959, une section du mont a été aménagée pour y creuser des tombes individuelles marquées de plaques au sol38. Deux décennies plus tard, on entreprend un plan plus ambitieux visant le développement des hauteurs. Après tout, il s'agit là de la partie la plus réfractaire de la propriété, un terrain en pente raide, boisé et rocailleux ; on y accède par un ancien chemin de halage, et vu sa situation en retrait, le site a servi de dépotoir au cimetière. Par contre, le panorama qu'il domine, étant le plus haut sommet de la propriété, lui confère un potentiel certain pour ce

Vue du mont Royal à vol d'oiseau, 1956. Cette vue prise du côté nord montre l'Université de Montréal, voisine des deux cimetières. On discerne nettement la forêt de Mount Murray, dans l'enceinte du cimetière Mont-Royal. Il importe aussi de noter la vigueur de l'expansion urbaine au nord de la montagne.

Arbres centenaires abattus sur le mont Royal. Sous ce titre, La Presse du 8 août 1979 montre des bulldozers terrassant le magnifique site du cimetière sur le mont Royal pour élargir les lieux de sépulture des protestants. Le I e r février 1980, La Presse revient à l'attaque en publiant une photo du site prise en hiver et qu'elle appelle un « désert ». Léon Gagnon, raquetteur et professeur de géographie, dénonce la « catastrophe » et réclame du gouvernement l'imposition d'une évaluation des répercussions sur l'environnement avant d'ainsi « modifier l'ordre naturel du paysage ».

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qui a trait à l'aménagement de sépultures exclusives. C'est le directeur qui prend la décision de couper à blanc le boisé du sommet sans consulter, semble-t-il, les administrateurs. Donald Roy affirme tout bonnement qu'il était « maître à bord ». Son assistant à l'époque, Merle Christopher, concède que la coupe a été faite « comme cela se faisait autrefois^ ». Donald Roy retient les services de l'entrepreneur Jack Orr qu'il charge de déboiser le terrain, d'améliorer l'ancien chemin de halage et d'aménager, avec du remblai provenant des chantiers de construction de la ville, des terrasses qui serviront de lieux de sépulture.

Tandis que le cimetière décrit le projet comme un « exploit en aménagement », les écologistes y voient une action brutale envers la montagne. L'élargissement de l'ancien chemin et son revêtement bitumineux au sommet soulèvent d'autres critiques. Signalant que le cimetière est privé et protestant, Huguette Roberge journaliste à La Presse, déplore que les droits de propriété soient plus sacrés que la protection de la montagne. Sauf pour les questions administratives tels les permis de construction, accuset-elle, le cimetière est à peine assujetti à l'autorité municipale. La méfiance ethnique est évidente dans sa contestation du besoin d'espace pour les sépultures protestantes alors que la crémation gagne tant de popularité. L'implication est transparente : alors même qu'ils diminuent en nombre et en importance, les protestants forment un groupe élitiste et étroit qui détient les meilleures positions^0. En février 1980, un autre journaliste de La Presse accuse le

cimetière de tirer profit de la montagne comme site de remblai. La réplique du cimetière, reposant surtout sur des arguments relatifs aux droits de propriété, est sans effet : Donald Roy dit à La Presse que son entreprise a le droit de couper autant d'arbres qu'il lui plaît sur sa propriété et qu'elle a le droit de réaliser des profits, comme le fait toute entreprise^. Il faudra une décennie avant que le cimetière passe de la confrontation aux alliances avec les écologistes dans le dessein de protéger la montagne, sa flore et ses oiseaux. Ce n'est que dans les années 1990 qu'il acceptera le changement d'orientation de la société. Bilingue et mieux intégré à la société québécoise, il fera alors valoir son rôle historique au titre d'institution pluraliste, encore que protestante, et mettra au point une stratégie de relations publiques fondée sur son importance en tant que site patrimonial et naturel.

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e nos jours, le visiteur déambulant au cimetière Mont-Royal ou au cimetière Hawthorn-Dale sera vraisemblablement frappé par le contraste entre, d'une part, le paysage victorien et l'architecture gothique et, d'autre part, la technologie de pointe du crématorium. Il comparera, entre autres, le décor plus chaleureux, charmant et encombré des bureaux administratifs situés dans l'ancienne résidence du régisseur juste à l'entrée principale, à l'élégance efficace et moderne qui caractérise le complexe funéraire. Cette juxtaposition du traditionnel et du futuriste, de la nature et de l'ordinateur, des nichoirs à merles-bleus et de la voiturette à la disposition du personnel trouve son explication dans le changement fondamental des stratégies commerciales mises en place au cimetière depuis 1990. Le lecteur se souviendra que presque tout au long du XXe siècle, le cimetière a subi la forte influence de Ormiston, de John et de Donald Roy, qui ont toujours fait valoir les qualités d'un service fiable et efficace à une clientèle à majorité protestante. Bien que le cimetière ait officiellement accueilli toutes les communautés dès sa création, ses assises culturelles sont demeurées essentiellement protestantes et britanniques, ce que nous avons tenté d'englober dans le terme « respectabilité ».

La voûte des archives, bureau principal. La tradition au cimetière est exemplifiée dans cette voûte, qui abrite d'excellentes archives et résume l'importance accordée depuis toujours à la tenue précise des registres.

Le cimetière a du mal à justifier le fiasco de la coupe à blanc sur le mont Royal en 1979 avec ses arguments inopportuns du droit à la propriété et du privilège protestant. Toutefois, il en vient lentement à percevoir l'importance, pour les relations publiques, de promouvoir les caractéristiques positives de son passé, notamment ses liens avec la philanthropie, la compassion chrétienne dont il a fait preuve envers les nécessiteux, son statut d'institution sans but lucratif dont les racines dans la communauté locale remontent à 1799 et, surtout, sa réputation de tolérance envers tous. Le virage vers une orientation axée sur le patrimoine et sur la

place légitime du cimetière dans la communauté fait partie de la transition qui introduit la troisième phase de son histoire, en supposant que l'on considère le cimetière rural et le cimetière pelouse comme les deux premières. Ces changements sont motivés par la concurrence provenant de « l'industrie de la mort », en particulier des multinationales. Pour sa part, le directeur général, Merle Christopher, se concentre sur l'organisation administrative, les ventes, le marketing, et les relations publiques plutôt que sur les questions techniques. Plutôt que de se dissocier du conseil, il cherche à raviver les relations avec les administrateurs, lesquels reviennent à leur tour à l'activisme de leurs prédécesseurs du XIXe siècle. La politique favorisant la transparence envers le public, le bilinguisme et un appel enthousiaste à la clientèle non protestante est devenue centrale. Afin de changer la perception du public et de le sensibiliser au potentiel patrimonial, écologique et récréatif que représentent les cimetières Mont-Royal et Hawthorn-Dale, la direction a mis sur pied une visite guidée des lieux et une tournée des gens célèbres enterrés dans l'enceinte. Les nichoirs d'oiseaux, tout comme l'intégration de niches pour urnes funéraires dans un jardin de sculptures aménagé au sommet de Mount Murray, l'embauche d'un architecte du paysage et d'un agent des relations publiques, et l'élargissement des services funéraires font partie de cette nouvelle image de marque. Hawthorn-Dale a été transformé. L'éléphant blanc qu'il était a été intégré au système des parcs dans la partie est de l'île de Montréal, et il est devenu un fournisseur régional et pluriculturel de services d'inhumation et de crémation. Pour mieux situer cette transition, reportons-nous en arrière de plusieurs décennies. En 1952, le cimetière MontRoyal célèbre le centenaire de son premier enterrement. Le cimetière admet alors que des automobiles circulent sur les lieux certaines soirées à partir de dix-sept heures 180

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jusqu'au crépuscule pour admirer les arbres en rieurs. Les administrateurs décident aussi de soigner à perpétuité la tombe du premier défunt, « vu l'intérêt historique de ce lot et le caractère vénérable de son occupant, le révérend William Squire1 ». Le principal événement des célébrations du centenaire est le service commémoratif chanté le 22 octobre. Le feuillet souvenir inclut l'ordre du service, le mot du président, quelques renseignements historiques et un poème que Wilson MacDonald a dédié à Ormiston Roy et intitulé « Cent ans de paix ». Ils aspiraient au repos, et combien profond leur sommeil désormais ! Le bras frais et blanc de l'argile autour d'eux répandue : Leur rire envolé vers le soleil Et tous leurs malheurs semés aux vents affables Qui chapeautent cette montagne. Ils ont perdu Le jardin de nos rosés, et leurs mains N'envoient plus d'adieux dans l'air, La vaillante poussière qui un jour enferma La gloire des grands mensonges est ici retombée, Tels les temples qu'aucun dieu ne visite : Car l'humilité dans laquelle les hommes prennent L'humble terre pour épouse ramène Tous les sommets à niveau égal. Ici ni la robe de soie pourpre, ni la majesté du port, Ni l'ascendance, ni le nom, ni le haut rang N'a pouvoir d'ajouter quelque faveur au repos. Le prophète et le paysan dorment. Tous deux engagés Dans la même aventure : la superbe ou la caste Ne tient plus séparées leurs terres hostiles ; Mais au rythme de la brise d'été, La poussière de leurs restes chantera à l'unisson Se fondra humblement dans le cœur de la plus altière des fleurs Dans quelque autre jardin royal du soleil.

Elsie Reford dans son jardin à Grand-Métis (258, section PHS). Elsie Reford (1872—1967), née Meighen, a épousé le fils d'une des grandes familles de la marine marchande à Montréal. Anglicans et philanthropes importants, les Reford ont soutenu l'université, l'hôpital et le cimetière de la communauté protestante. Elsie a atteint la renommée en raison du jardin spectaculaire qu'elle a créé au domaine d'été de la famille à Grand-Métis.

C. D. Howe (507, section Rosé Hill). Aux côtés des têtes d'affiche du parti Conservateur, tels Alexander Tilloch Galt et J. J. C. Abbott, bon nombre de Libéraux de renom sont aussi enterrés au cimetière Mont-Royal. Ministre des munitions et des approvisionnements sous Mackenzie King pendant la Deuxième Guerre mondiale, Clarence Decatur Howe (1886—1960), ingénieur d'origine américaine, a joué un rôle décisif dans l'organisation de l'effort de guerre canadien. Après la guerre, pendant le démantèlement des services de contrôle gouvernementaux, il a assuré la liaison entre le gouvernement et l'entreprise en sa qualité de ministre du commerce (1948-1957).

L'histoire du cimetière n'a représenté qu'une partie négligeable de cette cérémonie. La couverture que lui donne la Gazette comprend un article d'Edgar Andrew Collard, riche en anecdotes sur les funérailles extravagantes et autres incidents, mais faisant peu de cas de l'importance du cimetière sur le plan historique ou de sa place dans la vie de la cité. La Gazette poursuit en faisant valoir le travail efficace des premiers administrateurs, mais sauf pour un paragraphe portant sur Squire, ne renvoie à aucun des personnages célèbres enterrés au cimetière ni à ses atouts uniques tel le crématorium2. En 1959, le cimetière ouvre ses portes aux automobilistes du dimanche. À la fin de l'été, on a dénombré 3184 automobiles ayant franchi le portail principal3. La fierté avec laquelle les administrateurs notent cette statistique révèle qu'ils sont de plus en plus sensibles au fait que le public apprécie cette plus grande facilité d'accès au cimetière. Par ailleurs, ce type de visite convient tout à fait à Ormiston Roy, qui perçoit les lieux comme un jardin floral que les visiteurs pourront admirer de leur voiture. Selon cette conception, le cimetière est un sujet intéressant pour prendre des clichés au kodak, mais cela ne risque guère de promouvoir l'endroit comme un refuge naturel complexe ou encore un lieu de réflexion dans la quiétude de la nature. Le patrimoine, lui aussi, demeure un concept nébuleux, comme en témoignent certaines discussions du conseil sur l'éventuelle participation du cimetière à l'exposition internationale que planifie Montréal pour 1967 : au nombre des efforts dits « d'embellissement général », le conseil envisage de remplacer le portail historique de l'entrée principale-*. Malgré ces positions discutables, le conseil en vient à percevoir à la fin des années 1960 l'importance d'une attitude transparente et franche envers le public. L'image du cimetière a souffert dans l'opinion publique lorsqu'il a tenté, en 1959, de vendre à des promoteurs des terres sur l'avenue 182

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Mont-Royal ; les administrateurs ont admis que « la Compagnie a été mise sur la sellette en raison de la situation des terres. Il semble plutôt certain que sous le présent système d'administration quelque peu rigide... il pourrait y avoir quelques motifs à critiques, ce qu'on pourrait atténuer ou mieux défendre si l'on disséminait plus largement les renseignements sur les affaires de la Compagnie5 ». C'est pendant cette mésaventure que l'idée de publier une histoire du cimetière est abordée pour la première fois. Donald Roy la reprend en 1973 et suggère comme auteur Edgar Andrew Collard, rédacteur à la Gazette. Pareil document, dit Donald Roy aux administrateurs, « serait une publication utile tant pour les relations publiques, que comme matériel historique6 ». Encore une fois, la suggestion suit une publicité défavorable, un article de la Gazette ayant accusé le cimetière de maltraiter les « tombes des pauvres ». Le conseil a répliqué énergiquement : « Aucun des cimetières n'a une section d'assistés sociaux et aucun ne donne des services de la manière décrite dans votre article. Bien que nos cimetières servent les familles inscrites à l'aide sociale, tous les assistés sociaux sont traités de la même manière et selon les mêmes normes élevées qui s'appliquent à tous les enterrements. Ni l'un ni l'autre de nos cimetières ne creuse des tranchées ni ne laisse les cercueils exposés à la vue. » En réaction à cette accusation, le conseil entend attirer l'attention sur les 120 années que l'entreprise a consacrées au service du public et exprimer son indignation devant le fait que la Gazette ait ainsi « dégradé l'histoire prestigieuse du cimetière Mont- Royal? ». Collard est chargé de se mettre à l'œuvre et de rédiger l'histoire du cimetière, mais ne progresse que lentement parce qu'il est à la retraite, qu'il doit signer chaque semaine un article pour la Gazette, et qu'il préfère l'anecdotique au pendant plus vaste de l'histoire sociale de l'institution. Cela dit, les décisions ne concordent pas toutes avec le soin accru que prend le conseil de son image publique.

Le bourreau du Canada : Alexander Armstrong English (alias Arthur Ellis).

Anna Harriet Leonowens, née Crawford (F-yjS, section F-9). Immortalisée dans l'ouvrage Anna and thé Kitig of Siain, et dans plusieurs films basés sur ce livre, notamment la comédie musicale The King and I, Leonowens a vécu sa retraite en compagnie de sa fille à Montréal. Elle est morte en 1915. Aujourd'hui, le site de son monument est souvent utilisé comme plateau de tournage.

Après une carrière dans l'armée britannique, English (1865-1938) devint à l'âge de 47 ans le bourreau du Canada. Entre 1912 et 1934, il effectua 600 pendaisons un peu partout dans le pays. Neveu d'un célèbre bourreau britannique et formé en ingénierie mécanique, English émigré au Canada en 1912. Il touche 200 $ ainsi que ses frais pour une pendaison et se déplace avec un sac noir contenant ses cordes, ses sangles et sa cagoule noire. Aux petits centres urbains qui ne possèdent pas de potence permanente, il offre un gibet démontable. « Ellis » est connu des policiers de l'Est de Montréal comme un individu violent, qui se promène dans la rue avec un revolver de calibre .38 accroché à la ceinture. Arrêté pour avoir battu sa femme, il est apparemment libéré sans procès parce que trois condamnés attendent ses bons offices à Vancouver. Longtemps séparée de son mari et lui ayant survécu pendant vingt- deux ans, Edith Grimsdale choisit néanmoins d'être enterrée à ses côtés au cimetière Mont-Royal.

Nous avons vu que la décision de procéder à la coupe à blanc en 1979, et la manière malavisée dont Donald Roy a justifié cette action, révèle à quel point le droit de propriété a préséance sur l'intérêt du public et la conservation d'un espace vert. Pourtant, le rapport d'exercice de 1977, soit deux ans avant le déboisement de Mount Murray, fait état d'une sensibilité manifeste à l'égard de l'intérêt du public envers la montagne. Depuis un certain nombre d'années, il semble que les deux cimetières, mais en particulier le Mont-Royal, soient visités non seulement par ceux qui prennent soin de tombes spécifiques, mais aussi par le grand public, comme s'ils étaient des sanctuaires paisibles pour la promenade du dimanche ou la randonnée de détente du week-end. Nous sommes heureux de noter que le public apprécie davantage le spectacle des massifs fleuris, des arbres en fleurs, des pivoines, des rosiers, enfin toute la beauté naturelle du cimetière. En outre, le cimetière Mont-Royal est devenu en toute saison l'endroit favori des observateurs d'oiseaux. Pour favoriser la croissance de la population de faisans, des graines sont fournies dans deux endroits du cimetière8.

Quoique sensible à la beauté naturelle du site dont elle a la charge et à ce qu'elle décrit comme les « promenades du dimanche » et les « randonnées de détente », la Compagnie du Cimetière Mont-Royal a du mal à transmettre ses sympathies changeantes au public. Piqués par la mauvaise presse, les administrateurs sont forcés de s'en mêler. En 1982, ils débattent de la mise en œuvre d'un « plan officiel de reboisement » et envisagent de demander à la faculté de McGill d'évaluer et de cataloguer la flore et la faune des lieux9. Ils n'annulent pas, cependant, le plan de développement de Mount Murray. Par conséquent, ils se trouvent impliqués dans le conflit qui persiste, en particulier avec un groupe communautaire formé dans les années 1980, l'Association 184

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des citoyens d'Outremont. Les administrateurs sont tout sauf ravis de se retrouver devant les tribunaux pour avoir enfreint et le règlement municipal d'Outremont visant la coupe d'arbres, et la loi provinciale de l'environnement. Ce désastre jouera un rôle critique dans le virage vers la transparence de leurs relations avec le public. Outre le problème que crée cette apparence d'isolement et d'insensibilité, le cimetière Mont-Royal doit composer avec la nouvelle concurrence du secteur privé. Ouvert en 1934, le Parc Commémoratif de Montréal est vaguement modelé sur son fameux pendant californien, le parc commémoratif Forest Lawn. Les cimetières ruraux avaient pour mission de vendre des lots qui devaient assurer un lieu de sépulture aux familles établies et à leurs descendants. Les parcs commémoratifs ont démocratisé le principe. Entreprises à but lucratif, ils font la promotion des pré-arrangements et utilisent des représentants commerciaux pour convaincre des segments beaucoup plus vastes de la population du besoin d'acquérir un lieu de sépulture pour usage ultérieur. Utilisant les simples statues religieuses, les plaques de bronze à l'horizontale et le style du plan-pelouse, les parcs commémoratifs sont des sociétés pragmatiques qui associent l'enterrement au profit et qui bénéficient de la consommation d'après-guerre et de la culture d'entreprise, laquelle se répand alors comme la foudre dans les milieux suburbains d'Amérique du Nord. À la place de la sobriété gardée, des échappées sur le granit et du protestantisme guindé qu'on perçoit au cimetière Mont-Royal, les parcs comnicmoratij-S vendent ±e milieu familier de la banlieue, l'accès pratique à l'autoroute, l'entretien autonome, et un guichet unique pour les visites, la chapelle et la sépulture. Dès les années 1960, la vente de ce qu'on appelle maintenant les contrats préalables d'arrangement funéraire se pratique aussi dans les résidences funéraires, par exemple chez Alfred Dallaire, maison qui se spécialise dans les funérailles

à prix moyen offertes aux anglophones, aux francophones aussi bien qu'à tous autres groupes ethniques. Le cimetière Mont-Royal doit également faire face à une nouvelle concurrence dans les services de crémation dont il avait le monopole au Québec depuis 1901. Cela n'est plus le cas en 1975, lorsque des crématoriums sont ouverts, l'un à Notre-Dame-des-Neiges, l'autre au Parc Commémoratif de Montréal. A ceux-ci se joignent bientôt les crématoriums d'autres exploitants, notamment la résidence funéraire Alfred Dallaire, qui dessert la clientèle de banlieue et met en service deux crématoriums, l'un sur la rive sud, l'autre sur l'île de Laval. La réaction au cimetière Mont-Royal est d'abord muette. Conformément à son statut de société sans but lucratif, le cimetière a toujours rejeté avec indignation les stratégies agressives de commercialisation qu'empruntent les parcs commémoratifs. Dédaigneux de la vente à l'arraché, Donald Roy résume la chose ainsi : « Le mot publicité me déplaisait10 ». En même temps, la direction s'emploie à protéger son marché et à diversifier ses revenus. On améliore le service du crématorium afin de pouvoir aller chercher les dépouilles dans les maisons funéraires à l'extérieur de la région de Montréal. Merle Christopher, qui a acquis de l'expérience en commercialisation auprès des administrateurs de la nécropole de Toronto, est embauché comme adjoint à la direction en 1974, et en un changement majeur d'orientation, décide d'offrir au public des monuments, des inscriptions et des plaques de bronze. Ce commerce entrepris en 1975 représente maintenant la moitié des recettes enregistrées au cimetière". C'est aussi en gardant un œil sur la concurrence que la direction fait effectuer, au début des années 1980, des rénovations en profondeur au crématorium. On construit une deuxième chapelle à droite de l'entrée, un columbarium à l'arrière de l'ancienne chapelle et des cryptes, qui remplacent

les anciens charniers. À ne pas confondre avec les voisins parvenus, le crématorium Mont-Royal est devenu, selon le mot des administrateurs, « l'un des meilleurs d'Amérique du Nord12 ». En dépit de ces transformations, la direction hésite à emprunter les armes de ses concurrents, préférant de loin s'en remettre à sa réputation de fiabilité, de serviabilité et de courtoisie'3. Comme elle se sent davantage à l'aise dans le milieu anglophone de Montréal, ses activités d'inhumation et de crémation demeurent tributaires de ses bons rapports avec les résidences funéraires et, par le biais des administrateurs, avec le réseau des principales églises protestantes. Vers la fin des années 1980, la concurrence dans le secteur des funérailles, de l'enterrement et de la crémation s'intensifie avec l'entrée en scène des conglomérats multinationaux. Les nouveaux administrateurs au conseil s'inquiètent de ce que le cimetière, en tant que société sans but lucratif, n'est pas suffisamment sensible aux nouvelles méthodes commerciales ; ils suggèrent que le conseil même se mêle activement de l'exploitation du cimetière, ce qu'on a surtout laissé aux soins de la direction depuis l'époque d'Ormiston Roy'•*. Avant tout, l'image d'institution fermée et anglo-protestante que projette le cimetière doit changer si l'entreprise espère s'épanouir dans un Québec en évolution. Du reste, sa clientèle a déjà changé du tout au tout pendant la dernière génération. Non seulement le caractère pluriculturel du cimetière est-il sensiblement plus manifeste, mais un nombre croissant des membres de la communauté anglophone, laquelle constitue son marché depuis toujours, n'appartiennent plus à une confession protestante spécifique. Cette tendance est évidente dans le registre des enterrements. En 1971, seulement 1,3 pour cent des entrées mentionnent que le défunt est un protestant sans affiliation déclarée ; en 1998, cette catégorie est passée à 11,8 pour cent. Pareillement, en 1971, 2,8 pour cent des entrées ne mentionnent aucune affiliation religieuse, alors qu'en 1998, Nouvelle respectabilité : l'entreprise et son histoire

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Plan du crématorium, 1982-1984. Dans le cadre des travaux de rénovation, les charniers ont été remplacés par des niches pour recevoir les urnes.

cette catégorie compte bien 26 pour cent des inscriptions. Si l'entreprise se voit tenue de remodeler son image au mont Royal en raison de la sécularisation de sa clientèle, la situation est encore plus dramatique à Hawthorn-Dale. Unilingue et protestant, ce dernier peut difficilement survivre dans une partie de l'île de Montréal où la grande majorité de la population est catholique et francophone. En 1990, alors que Donald Roy est sur le point de prendre sa retraite, les administrateurs remplacent la fonction de gérant par celle de directeur général en une restructuration qui, selon eux, reflète davantage « l'usage courant dans les sociétés sans but lucratif' s ». Merle Christopher, adjoint à la direction depuis le début des années 1980, est promu au nouveau poste. Résolus à participer davantage aux activités quotidiennes du cimetière et à entretenir une bonne relation de travail avec le directeur général, les administrateurs conviennent d'un système de visites par rotation selon lequel ils feront, seul ou à deux, la tournée du cimetière pour en examiner certains sites, notamment le crématorium, les ateliers ou l'aménagement de Mount Murray. Vu la nouvelle attitude qu'il entend adopter envers le public, le cimetière retient les services d'une firme francophone d'experts conseils du nom de Cabinet de relations publiques National. Dans sa campagne pour améliorer l'image de la société, cette firme encourage le cimetière à diffuser des annonces à la radio. Les grilles du cimetière restent ouvertes plus tard pendant les soirées d'été afin de faciliter la visite des lieux. On introduit les randonnées d'observation d'oiseaux et les promenades guidées. Toutes ces initiatives témoignent d'un changement fondamental. En mai 1990, deux autobus regorgeant de délégués de la International Lilac Society Conférence sont accueillis au cimetière. Ils feront don, par la suite, d'une plaque reconnaissant le mérite de l'entreprise, « pour avoir préservé un parc joliment aménagé qui contient de nombreux lilas16 ».

Merle Christopher, directeur général

L'emploi du mot « parc » sur la plaque témoigne d'un changement, sans doute minime mais important, dans les termes et la perception. Cette ouverture vient démentir l'image voulant que le cimetière Mont-Royal soit « peu coopératif envers d'autres groupes d'intérêts et leurs préoccupations1? ». Après des années d'intransigeance, l'admission de l'erreur commise sur le plan de l'environnement est retenue comme moyen de résoudre le contentieux issu de l'aménagement de Mount Murray. En juillet 1990, l'entreprise plaide coupable à l'accusation d'avoir contrevenu à la loi provinciale de l'environnement en déchargeant des briques et du matériel de construction et verse une amende de 1500 $ : Nouvelle respectabilité : l'entreprise et son histoire

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quelques mois plus tard, Merle Christopher rencontre les représentants de la municipalité d'Outremont et explique que la stabilité de la pente de Mount Murray sera assurée par le reboisement qu'entreprendra le cimetière et qui donnera l'effet d'une forêt. Christopher est bientôt en mesure de dire aux administrateurs qu'ils peuvent respirer librement : « nous aurons bientôt éteint tous les feux dans la communauté78 ». Lorsqu'il a repris la direction, l'un des premiers gestes de Christopher a été de retenir les services de l'architecte du paysage Malaka Ackaoui. Sa mission a deux volets : réévaluer le développement de Mount Murray et songer aux possibilités qu'offre le cimetière dans son ensemble pour des activités éducatives et touristiques. Il résulte de ses efforts un plan directeur qui s'écarte nettement de l'attitude antérieure qui insistait sur les droits de propriété privée19. Adoptant l'approche holistique, l'architecte examine les possibilités qu'offrent les lieux quant au paysage, à la circulation et au développement. Elle tourne le dos aux régimes antérieurs qui ont favorisé l'un l'inhumation, l'autre la pelouse, et valorise plutôt la croissance naturelle qui pourra unifier le site en liant le visuel à l'écologique. Si le transport sur les lieux s'est fait autrefois en voiture, et plus récemment en automobile, elle propose maintenant que la marche soit privilégiée. Depuis 1977 et l'adoption du français comme langue officielle au Québec, la langue est l'enjeu ultime de la question nationale qui entraîne la lutte pour l'accès aux écoles anglaises, soulève des conflits sur la légalité des enseignes bilingues et modifie les toponymes anglais ; tout cela contribue à marginaliser la communauté anglophone. Autrefois confiant en son unilinguisme anglais, le cimetière, sous la gouverne de Merle Christopher, introduit le bilinguisme tant dans la signalisation sur les lieux que dans sa correspondance d'affaires. Lorsqu'il faut trancher entre l'appellation I 88

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Mount Murray, choisie d'après l'un des fondateurs protestants du cimetière, ou le plus politiquement acceptable sommet Outremont, le cimetière, même avant les années 1990, évite la controverse en optant pour Mountain View. Lieu de sépulture, le site est aussi aménagé de manière à maximiser l'accès public, à préserver arbres et arbustes indigènes, et à respecter ce que Malaka Ackaoui appelle « l'esprit du mont Royal ». S'y trouvent combinés un remarquable belvédère, un environnement propice à la réflexion et un lieu de sépulture destiné à deux des clientèles croissantes du cimetière. La terrasse en contrebas comprend les jardins destinés aux enterrements conventionnels. Disposés en cercle, ces terrains se sont avérés particulièrement prisés par les familles orthodoxes et asiatiques. Le jardin de sculptures et le belvédère où sont aménagées les niches répondent à la demande croissante visant l'entreposage des urnes. Mettant l'accent sur l'ouverture culturelle, les sculptures ont été choisies dans le cadre d'un concours tenu par le cimetière, avec la collaboration du Conseil de la sculpture du Québec et du ministère des Affaires culturelles du Québec20. D'autres recommandations du plan maître ont aussi été largement mises en oeuvre. Le programme d'identification des arbres a été introduit et, en 1997, un horticulteur, formé dans la tradition d'Ormiston Roy, a été embauché pour superviser la plantation et l'entretien des massifs de fleurs et des arbustes. L'observation des oiseaux est, dans l'enceinte du cimetière, une activité publique de plein air compatible avec l'ambiance d'un cimetière rural, respectueuse de la vie et de la nature, et favorisant un attribut du comportement traditionnel des protestants : comme le signale la National Géographie Society, « les observateurs d'expérience savent se déplacer sans bruit et se tenir patiemment sans bouger21 ». Il est révélateur que Elsie Norsworthy, la première femme siégeant au conseil du cimetière, ait produit la brochure intitulée « Observation d'oiseaux au Cimetière

Hors du temps. Signée Charles Daudelin, cette sculpture a été érigée sur le somme Outremont et dévoilée le 20 juin 1993. Le jardin qui renferme la sculpture et le belvédère columbarium correspondent aux nouvelles structures familiales et à une conception contemporaine de l'enterrement.

La section des enfants. Une section a été aménagée en 1999 pour créer un lieu de sépulture particulier où enterrer les enfants, les bébés mort-nés ou les fœtus spontanément avortés. Réalisée par Pascale Archambault, la sculpture représente des silhouettes d'enfants au jeu.

Mont-Royal » et encouragé la construction de nichoirs à merles-bleus et l'affichage des espèces observées. La deuxième femme à siéger au conseil, Anne Pasold, présidente de la bibliothèque Atwater et figure bien connue au musée Redpath de l'Université McGill, a su convaincre le cimetière de contribuer la somme de 7000 $ à une « visite du cimetière hors l'enceinte » dans le cadre d'une exposition au musée Redpath. Le directeur général, Merle Christopher, se rappelle de l'initiative comme d'un « plan de marketing visant à informer le public sur notre propriété » mais aussi comme « l'acte d'une firme se comportant en bon citoyen22 ». La réaction favorable du public aux initiatives des administratrices convainc Christopher qu'il vaut la peine Dessin d'architecture du paysage. Aux nouveaux besoins en matière de sépulture, ce plan intègre d'autres considérations, notamment la sculpture, les préoccupations d'ordre environnemental, les vues pittoresques, les sentiers et l'observation des oiseaux.

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d'investir dans les relations publiques. En 1995, Myriam Cloutier, diplômée de l'Université Laval, est nommée au poste de coordonnatrice des communications. Promue à la direction des relations publiques en 1997, elle joue un rôle de premier plan en cataloguant les figures historiques enterrées au cimetière, en poussant la recherche pour répondre aux questions sur la généalogie, en dirigeant les visites guidées, et en établissant un contact avec la presse francophone. La stratégie des relations publiques repose sur l'idée que la place qu'occupé le cimetière dans l'histoire peut servir de base à la reconnaissance de sa place légitime dans la communauté. Au début des années 1970, les gouvernements, les institutions et les entreprises réalisent de plus en

plus le potentiel politique ou commercial que représente leur association avec la vie culturelle des galeries d'art, des expositions historiques et des musées. La Compagnie d'Assurance-Vie Manufacturers parraine par exemple une histoire spécialisée de l'entreprise canadienne, tandis que pour les lecteurs d'histoire populaire. Pierre Berton publie The National Dream, ouvrage qui ancre les accomplissements du chemin de fer Canadien Pacifique au sentiment positif d'un nouveau nationalisme canadien2-''. À Montréal, un vaste éventail d'entreprises font valoir leurs racines auprès de la clientèle. Dès 1965, par exemple, le grand magasin Eaton's parraine la Semaine du musée à Montréal. À mesure que les notions de patrimoine en viennent à remplacer les définitions plus étroites et livresques de l'histoire, les centres et sites d'interprétation qui valorisent l'identité locale prennent de l'ampleur. À Ottawa, le multiculturalisme devient une politique officielle qui donne lieu à la prise de mesures propres à nourrir notre patrimoine culturel : pour ne pas être en reste, le gouvernement du Québec publie un livre blanc qui fait grand cas du patrimoine21*. Établi au Québec en 1992, le réseau des économusées prend pour devise, « Le patrimoine qui gagne sa vie25 » et prône le mélange d'une culture vibrante et d'une ambition économique bien légitime. Au tournant des années 1990, le Canada compte plus de 2000 musées, qui se consacrent tous, d'une manière ou d'une autre, à cultiver la mémoire publique. Quant aux dirigeants du cimetière Mont-Royal qui cherchent à rehausser l'image de leur entreprise, ils ne peuvent ignorer l'importance des acres de culture matérielle qu'ils contemplent de la fenêtre même de leur bureau : l'emplacement de leur entreprise coïncide avec un site du patrimoine de premier ordre. Dès 1990, le comité d'histoire nouvellement formé au cimetière, publie la brochure intitulée Une promenade historique au cœur du Cimetière Mont-Royal. Viennent ensuite les

promenades guidées du week-end. Organisées par la directrice des relations publiques autour de thèmes particuliers — l'Université McGill, les rues de Montréal, ou les désastres maritimes — ces promenades attirent des centaines de visiteurs. Des figures populaires ou des historiens commentent la promenade, un jour en anglais, le lendemain en français. En 1998, le cimetière crée une société de bienfaisance bilingue, Les Amis du Cimetière Mont-Royal/Friends of thé Mount-Royal Cemetery. Celle-ci fait valoir que le cimetière est une institution d'intérêt public et organise des activités portant sur le patrimoine et l'environnement à l'aide de dons admis en déduction. Par suite de ces initiatives, l'image étroite associée aux mausolées des protestants cossus fait place à la plénitude et à la richesse de l'histoire culturelle et politique du cimetière. L'attention est centrée sur les figures de proue fédérales, comme J. C. C. Abbott et Alexander Tilloch Galt, ou municipales, tel Honoré Beaugrand qui a opté pour la crémation, les étoiles du hockey comme Howie Morenz, ou les victimes allemandes d'une catastrophe ferroviaire du XIXe siècle. Les archives du cimetière, notamment celles qui portent sur les enterrements, ou encore des monuments spécifiques aident tant les étudiants que les spécialistes dans l'étude de thèmes concernant l'architecture, les femmes, la mortalité infantile, le travail, la pauvreté, les peuples autochtones ou l'esclavage. Pour les férus de généalogie, le cimetière est une source d'information fascinante sur les individus et les familles qui ont des centaines de milliers de descendants répartis sur le continent. Pareils liens avec l'histoire locale deviennent un outil de premier ordre dont se servent les cimetières indépendants et résidences funéraires établies de longue date pour tenir tête à la concurrence internationale. Lépine Cloutier, à l'époque un groupe de maisons funéraires de Québec, joue sans vergogne la corde du nationalisme québécois dans l'annonce qu'il publie dans les journaux. « Le groupe Lépine Cloutier Nouvelle respectabilité : l'entreprise et son histoire

Liste de contrôle quotidien des oiseaux observés au cimetière Mont-Royal. L'emploi de son symbole social sur les documents relatifs à l'observation des oiseaux et les aménagements propices à la bicyclette ou à la promenade sont autant d'éléments marquant l'association de plus en plus étroite entre la fonction principale du cimetière, les activités de plein air et la protection de l'environnement. Le cimetière est aussi renommé chez les horticulteurs, notamment parce qu'on y cultive des essences comme le rnétaséquoia, que l'on trouve rarement dans la région de Montréal.

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reste une entreprise entièrement québécoise. Entièrement, totalement et uniquement québécoise ... Lorsque vous vous adressez à ces maisons du groupe Lépine Cloutier, vous vous adressez à des vôtres, ce que nous sommes depuis maintenant 140 ans et ce que nous continuerons d'être26. » La consolidation des entreprises funéraires aux ÉtatsUnis remonte aux années 1960, mais l'acquisition par les intérêts américains de maisons funéraires canadiennes n'a commencé qu'au milieu des années 1980. En 1998, les trois plus grandes multinationales — Service Corporation International, le groupe Loewen (dont le siège social est à Vancouver) et Stewart Enterprises — contrôlaient 5242 maisons funéraires, 1158 cimetières, et plus de 225 crématoriums répartis dans le monde entier2?. Sociétés commerciales dont les actions sont négociables, elles font jouer leurs capitaux, leur expérience internationale et leur influence politique sur les marchés qu'elles souhaitent conquérir. La Service Corporation International a versé à l'ancien président américain George Bush la somme de 70 ooo $ pour prononcer un discours devant l'association internationale des cimetières et entreprises funéraires, et a fait un don de 100 ooo $ à sa bibliothèque présidentielle28. Ce ne sont pas là des frais énormes à la rubrique des relations publiques pour une entreprise qui, en 1998, comptait 3300 maisons funéraires, employait 35 ooo personnes et affichait un chiffre d'affaires de 2,5 milliards de dollars. Cette année-là, la Service Corporation International contrôlait 15 pour cent du marché britannique ; en outre, par le biais j j. • _ • j_ ' _ 1 _ ^1_ i. i. C ' uc sa parueipaQuii au pius granuJ cungiunicrai, luneraire en Europe, elle dirigeait 950 maisons funéraires en France. Aux Etats-Unis, les maisons affiliées à son concurrent, Stewart Enterprises, tenaient un service funéraire sur neuf 29 . Comme elles construisent des crématoriums et cimetières hautement concurrentiels, ces sociétés internationales représentent une menace redoutable pour les sociétés sans

Portes ouvertes. Les initiatives récentes du service des relations publiques comprennent les promenades sur le site et l'établissement de la société des Amis du Cimetière Mont-Royal.

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Francis Reginald Scott

Monument de Marian et de F. R. Scott (394, section C) Poète, professeur de droit constitutionnel, et l'un des fondateurs du mouvement socialiste canadien, Frank Scott est enterré ici auprès de sa femme, l'artiste Marian Dale Scott. Dans la tombe voisine reposent ses parents : le chanoine Frederick George Scott et son épouse Amy. Les épitaphes sur les deux tombes illustrent les formes changeantes de la commémoration d'une génération à l'autre : la plus ancienne souligne la foi du pasteur anglican, tandis que la plus récente évoque le thème de l'amour séculaire — The Dance h One / La danse est une.

Dernier hommage à Howie Morenz, n mars 1937 (L-2O37-G, section L-2). À Montréal, les étoiles du hockey ont des funérailles de héros. Des milliers d'enthousiastes ont défilé devant le cercueil de William Howard Morenz, décédé à trentequatre ans et exposé au Forum de Montréal.

but lucratif telle la Compagnie du Cimetière MontRoyal. En 1998, la Service Corporation International est à la tête de 430 cimetières. Bien qu'elle conserve le nom des entreprises familiales qu'elle achète, ainsi que la gestion locale, elle peut regrouper certains services (corbillards, équipement, comptabilité) et diriger la clientèle de ses résidences funéraires vers ses propres crématoriums et cimetières. Outre la gestion centralisée et les économies d'échelle réalisées dans les achats, elle consacre de gros budgets à la publicité, et commercialise en particulier les contrats préalables d'arrangement funéraire. En 1998, la maison Lépine Cloutier de Québec, que cinq générations de la famille ont successivement dirigée, est vendue à Urgel Bourgie de Montréal. À son tour, Urgel Bourgie, la plus importante entreprise de services funéraires au Québec, comptant 77 résidences et cinq cimetières, est vendue en 1996 à Stewart Enterprises. Les cimetières représentent aussi d'excellents sites pour ces grands complexes funéraires. La direction de Notre-Dame-des-Neiges à Montréal a découvert que 75 pour cent des participants à une enquête étaient en faveur du regroupement des services, soit la résidence funéraire, la chapelle, la réception, la crémation et l'inhumation-^ 0 . À Los Angeles, Stewart Enterprises a conclu avec les autorités catholiques un bail qui lui permet de construire des dépôts mortuaires dans six des onze cimetières que possède le diocèse. Les services d'enterrement et de crémation de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal dépendent dans une grande mesure de la relation établie depuis longtemps avec les résidences funéraires de toute la région. Ce réseau a menacé de s'effondrer lorsque les trois sociétés internationales ont pénétré le marché de Montréal, achetant des entreprises bien connues : ainsi, Collins Clark MacGillivray et Wray-Walton-Wray sont passés aux mains de la Service Corporation International, tandis que Paperman and Son r94

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était racheté par Loewen, et que Stewart prenait le contrôle de Urgel Bourgie et de Perron. À la fin des années 1970, la région de Montréal comptait bien 28 sociétés indépendantes de services funéraires ; 20 ans plus tard, on n'y en trouvait plus que six. Au tournant du millénaire, les multinationales contrôlent à peu près les trois quarts des services funéraires de Montréal. En outre, la Service Corporation International exploite un crématorium sur la rive sud depuis 1994. Les répercussions, on ne s'en étonnera guère, sont dramatiques pour le cimetière Mont-Royal : ainsi, dans la période triennale 1996—1998, les crémations ont chuté de 23 pour cent par rapport à la période précédente de 1993-19953I. Comme elles l'ont fait aux Etats-Unis, les multinationales ont conclu un accord avec les autorités catholiques à Montréal afin d'établir des résidences funéraires sur l'emplacement de leurs cimetières. En 1997, le Centre Funéraire Côte-des-Neiges, détenu par la Service Corporation International, est construit en bordure du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, un portail distinct permettant d'accéder à l'un et à l'autre. Aux États-Unis, il y a longtemps que les cimetières, et surtout les parcs commémoratifs, offrent les services funéraires. En banlieue de Los Angeles, par exemple, le parc commémoratif Forest Lawn a ouvert sa propre chapelle funéraire en 1934. Quant au cimetière Mont-Royal, il n'entreprendra d'offrir des services funéraires que dans les années 1990, en un changement d'orientation des plus importants depuis l'ouverture du crématorium près d'un siècle auparavant. Une décennie plus tôt, la société a acquis un permis d'entrepreneur de pompes funèbres pour se conformer aux lois provinciales régissant l'exploitation des crématoriums. Dès 1990, elle fait une demande au ministère des Affaires sociales afin que son permis comprenne le transport des corps, c'est-à-dire le droit de transférer un corps de l'emplacement où la mort est survenue à son

crématorium, prérogative jusque-là réservée aux directeurs de funérailles. Presque aussitôt, le cimetière commence à offrir des obsèques dans la chapelle de son crématorium, utilisant au début la résidence funéraire M. A. Blythe Dernier pour les services d'embaumement. Cette maison, qu'un procès-verbal décrit comme « un établissement au profil modeste qui sert la communauté avec soin et compréhension », est bien connue dans la localité : en fait, son propriétaire, qui prend de l'âge, a déjà reçu des offres de certaines sociétés internationales32. Établie en 1928, la firme, d'abord sise à l'angle des rues Sherbrooke et Sainte-Famille, s'est ensuite installée dans un quartier anglophone de la classe moyenne près du campus de l'Université McGill. Dans les années 1930, elle se reloge quelques pâtés de maisons plus au nord, sur l'avenue du Parc, près de l'avenue des Pins, emplacement attrayant pour les immigrants qui vivent et travaillent le long du boulevard Saint-Laurent, à proximité. Les familles protestantes d'origine allemande composent une bonne partie de sa clientèle, dont nombre des funérailles ont lieu à l'église luthérienne voisine. Dans les années 1980, la maison suit le mouvement des communautés d'immigrants vers le Nord de la ville et s'installe en fin de

compte sur l'avenue Ogilvy, dans le quartier Parc Extension. Au début de 1992, les administrateurs votent en faveur de l'acquisition de Blythe Dernier, dont ils poursuivent l'exploitation en tant qu'entreprise locale de quartier pluriethnique. Aujourd'hui, la clientèle de Dlythe Dernier est protestante dans une proportion de 40 pour cent, catholique dans une proportion égale, et grecque orthodoxe pour le reste. 33 L'achat de cette maison funéraire ne constitue qu'un volet du programme d'expansion. La vente de cercueils et d'urnes est réorganisée dans de nouvelles salles de montre. La direction est restructurée pour refléter ces changements : en 1997, Andrew Roy, fils de l'ancien gérant général Donald Roy, est nommé à la direction des services funéraires et de crémation, tandis que Allan Job assume une fonction parallèle à la direction de l'exploitation du cimetière. Une division des ventes et de la commercialisation entre en activité, entreprend d'étendre la couverture publicitaire et crée un siteWeb34. En 1998, le personnel du bureau compte 13 personnes, soit le double de ce qu'il était 20 ans auparavant. La nouvelle appellation officielle de l'entreprise, qui en reflète la croissance, le sens des affaires et le bilinguisme, est celle de Organigramme. Les années 1990 ont marqué la réorganisation la plus importante survenue au cimetière depuis la construction du crématorium au siècle précédent.

Services commémoratifs Mont-Royal / Mount-Royal Commemorative Services. On prend aussi des mesures pour améliorer la viabilité du cimetière Hawthorn-Dale. Au début des années 1990, l'entretien des lieux coûtait quelque 50 ooo $ par année et, à plusieurs reprises, la société a envisagé de vendre la portion non développée du site au sud de la rue Sherbrooke à des promoteurs immobiliers35. Mais à la fin des années 1980, la municipalité se montre intéressée au potentiel du site pour un espace vert. Les autorités commencent par refuser un permis de construction pour de nouvelles installations et, en 1988, placent sous avis de réserve une partie non aménagée de la propriété du cimetière en vue de la transformer en parc36. Trois ans plus tard, l'administration municipale exproprie le terrain, accordant à la société une indemnité de 6 400 ooo $ en compensation. Cette entente donne au public accès à un parc qui était inaccessible, parce qu'il était situé derrière le cimetière. Apparemment

heureux de cette intégration au sein d'un réseau plus vaste de parcs, les administrateurs parlent de « coexistence37 ». L'indemnité servira à développer la capacité de l'entreprise à offrir des services concurrentiels. Après voir construit une installation moderne de services funéraires et de crémation, le Complexe Commémoratif Hawthorn-Dale ouvre ses portes en 1994. Il adoptera par la suite l'appellation de Complexe funéraire des Trembles afin de souligner son emplacement et l'identifier davantage à la communauté de Pointe-aux-Trembles. Aujourd'hui, 97 pour cent de sa clientèle est catholique. Une partie de l'indemnité sert aussi à défrayer le complexe du crématorium Mont-Royal pour des rénovations substantielles. Au printemps de 1998,16 complexe a été transformé en une installation moderne offrant les services de funérailles, d'enterrement et de crémation et comportant d'élégantes salles de réception, deux chapelles et un nouveau columbarium. Tandis que cette installation manifestement

Le four crématoire en 2002. Extérieur du complexe funéraire.

196

UNE

MORT

TRES

DIGNE

Prise des cimetières juifs, cette vue d'hiver rappelle l'effet dévastateur du verglas de 1998 sur le cimetière.

Ci-dessus à gauche Intérieur du complexe funéraire en 2002.

A gauche Le columbarium en 2002.

Ci-dessus à droite Les bureaux vus de l'extérieur. La tradition et les racines culturelles du cimetière sont magnifiées dans l'architecture de l'ancienne résidence du régisseur, qui abrite maintenant les bureaux du cimetière à l'entrée principale.

efficace et moderne ressemble à un complexe funéraire haut de gamme, les activités publiques sont maintenues dans le décor et le jardin traditionnels près de l'entrée principale : ainsi, l'administration, les bureaux, le programme de soutien des personnes en deuil, et la réception où le public est accueilli ont été stratégiquement conservés dans l'ancienne résidence du régisseur. Les changements remarquables qui ont été introduits par la Compagnie du Cimetière Mont-Royal depuis 1990 semblent présenter un paradoxe. Parallèlement à l'entrée dans le monde du marketing, à l'utilisation des nouveaux outils de commercialisation, à l'aménagement de paysages différents, et à la sollicitation active de la clientèle non britannique, le patrimoine et la mémoire ont regagné leurs lettres de noblesse. Pour ainsi dire, l'histoire a bouclé la boucle. Cruciale dans la conception originale du cimetière et dans son développement en tant que partie distincte de la culture protestante à Montréal, l'histoire est mise à contribution pour aider la Compagnie du Cimetière Mont-Royal à soutenir la concurrence, rappelant aux Montréalais que le cimetière est unique en son genre, comme le sont, par association, ses diverses installations. Son histoire, son emplacement

198

UNE

MORT

TRÈS

DIGNE

magnifique et sa culture matérielle distinguent le cimetière Mont-Royal des parcs commémoratifs homogènes et des concurrents internationaux. Dans le jargon démocratique de la publicité, le cimetière représente « l'histoire d'un peuple » ou, comme une autre brochure le suggère, « un endroit où les vies sont commémorées, les décès sont inscrits, les familles sont réunies^8 ». Les fondateurs du cimetière auraient-ils été surpris par ces stratégies commerciales innovatrices, par cette nouvelle respectabilité émanant de l'utilisation efficace du patrimoine et de l'environnement ? Eux-mêmes étaient plongés dans un paradoxe, déchirés entre les profits poussiéreux livrés par le canal, les horloges ou la cale des navires, et leurs sentiments profonds envers la montagne, les panoramas, la mémoire et les êtres chers. Dans sa troisième phase, le cimetière a peut-être, lui aussi, bouclé la boucle. Revenu au chevauchement initial des intérêts privés et du service public, à la plénitude des lieux de sépultures et de l'art statuaire, à la vision romantique qui tente de lier la fin de la vie au cours de la nature, il s'acquitte de sa mission protestante, historique et toujours entière, laquelle consiste en quelque sorte à tirer de la mort des enseignements pour la vie.

NOTES

INTRODUCTION

3 Louise Dechêne et Jean-Claude Robert, « Le choléra de 1832 dans le Bas-Canada : mesure des inégalités devant la

1 Robert W. Habenstein et William M. Lamers, The History of American Funeral Directing, Bulfm, Milwaukee, 1955, p. 411 2 W. Slater Lewis, Royal Victoria Hospital, 1887—1947, McGill-Queen's University Press, Montréal, 1969, p. 116. 3 Le lecteur trouvera dans ces pages une série d'appellations,

mort », dans Étude méthodologique des crises démographiques du passé, éd. H. Charbonneau et André Larose, Éditions Ordina, Liège, 1979, p. 230. 4 Appendix to thé Eighth Volume, Appendix B. 5 Évoquant la Flandre du XIXe siècle, Marguerite Yourcenar

par exemple, le cimetière, le cimetière protestant, le

se rappelle les accouchements de sa grand-mère, qui assem-

cimetière Mont-Royal et ainsi de suite, utilisées pour parler

blait « à chaque fois dans un de ses tiroirs les éléments de

du cimetière. Nous avons pris cette liberté afin d'alléger le

sa propre toilette mortuaire [...] pour le cas où Dieu

texte, mais l'appellation officielle de l'entreprise est : La

voudrait à cette occasion la rappeler à lui. », Souvenirs pieux,

Compagnie du Cimetière Mont-Royal. 4 Montréal Star, n août 1934.

Gallimard, Paris, 1974, p. 129. 6 Risa Barkin et lan Gentles, « Death in Victorian Toronto, 1850—1899 », LJrban History Review 19, n° 2, 1990, p. 20—21.

CHAPITRE

UN

7 Michael Bliss, Plaque: A Story of Smallpox in Montréal, HarperCollins, Toronto, 1991, p. 277.

1 Alan Stewart, « Colonisation, commerce et économie locale », dans Montréal, ville fortifiée an Xl'in1' siècle, sous la direction de Phyllis Lambert et Alan Stewart, Centre canadien d'architecture, Montréal, 1992. 2 Appendix to thé Eighth Volume of thé Journals of thé Législative Assembly of thé Province of Canada (1849), Appendix B ; Appendix to thé Nmth Volume of thé Journals of thé Législative Assembly of thé Province of Canada (1850), Appendix ZZ.

8 Montréal Gazette, 31 janvier 1861. 9 Montréal Herald, 2 novembre 1816. 10 Archives de l'Église anglicane, Montréal, James Jones, missionnaire à Bedford, au Rév. F. Fulford, 1852, dans la correspondance du Rév. F. Fulford, 1852—1859, p. 299. T i Charles Mappin, « The Evolution of Montreal's Cemetery Space from 1642 to thé Présent », Master of LJrhan Planning, Université McGill, 1995, p. 20. 12 Montréal Gazette, 16 septembre 1872. N O T ES

DES

PAG E S

Iv À

6

199

T3 Mappin, op. cit, 31, p. 28-29. 14 Murray Greenwood, Legades of Fear: Law and Politics in Québec in thé Era of thé French Révolution, Osgoode Society,

Nineteenth-Century Canada, University of Toronto Press, Toronto, 1980, p. 36. 32 Montréal Transcript, 27 juillet 1847, 15 avril 1847 ; Jean-Rémi

Toronto, 1993, p. 6. 15 Archives du Cimetière Mont-Royal (ci-après ACMR),

Brault, Montréal au XIXe siècle, Leméac, Montréal, 1990,

Notaire Chabouillez N.P., n" 2525, acte de vente,

p. 138 ; selon d'autres estimations, les enterrements à la

26 juillet 1797 ; Montréal Gazette, j juin 1846.

Pointe-Saint-Charles se chiffraient à 6000 ; Anonyme, « Le

16 ACMR, procès-verbaux, 7 mai 1799, 26 juillet 1801.

Typhus de 1847 », Revue Canadienne, 1898—1899, p. 257.

17 Montréal Gazette, 6 août 1960.

33 ACMR, procès-verbal, 12 juin 1843.

18 Revised Acts and Ordinances of Lower Canada, Montréal,

34 ACMR, procès-verbal, 5 septembre 1845.

184519 Musée McCord, Documents de la famille McCord,

36 Montréal Transcript, Ier septembre 1847 ; Robert Prévost,

35 Montréal Gazette, 19 mai 1831.

dossier 854, « Cimetière protestant de Montréal,

Montréal: A History, McClelland and Stewart, Toronto, 1993,

Règlements de 1825 ».

p. 288.

20 ACMR, procès-verbal, 5 août 1853.

37 Bilson, Darkened House, p. 117.

21 ACMR, procès-verbaux, 7 mai 1799, 17 juin 1818.

38 Montréal Transcript, 6 février 1847.

22 Musée McCord, Op. cit. Règlements de 1825.

39 Au sujet du changement des attitudes envers les odeurs, voir Alain Corbin, The Foui and thé Fragrant: Odour and thé

23 Ibid. 24 James Berry, The Glasgow Necropolis, Glasgow City Council, 25 Les renseignements tirés des archives de la Church of St Andrew and St Paul ont été fournis par le révérend J. S. S. Armour. 27 An Act toVest in thé Mount Royal Cemetery Company, thé Old Protestant Burial Grounds in thé City of Montréal, Statutes of Québec, 1872. 28 J. M. LeMoine, Québec Past and Présent, Côté, Québec, 1876, p. 441—442. dans Walter Sendzik, The 1832 Montréal Choiera Epidémie, thèse de maîtrise, Université McGill, 1997, p. 2. 30 Revised Statutes of thé Province of Québec, vol. i, Québec, 1888, art. 3847, 3848, 3070.

PAGES

Material History Bulletin 25, printemps 1987, p. 12. to Rural Cemeteries, Church Yards, Churches, and Chapels, Bartlett and Welford, New York 1846, p. 19, 5. 42 An Act respecting thé practice of Physics and Surgery, and thé Study ofAnatomy, Canada Consolidated Statutes, 1859. 43 R. D. Gidney et W. P.J. Millar, Professional Gentlemen: The Professions in Nineteenth-Century Ontario, University of

29 Louise Dechêne et Jean-Claude Robert, Op. cit., p. 236; cité

DES

Evolution of British Columbian Cemeteries, 1850—1950 », 41 J. Jay Smith, Designs for Monuments and Mural Tablets Adapted

26 Op. cit. Règlements de 1825

NOTES

Social Imagination, Papermac, Londres, 1996. 40 Cité dans Colin Coates, « Monuments and Memories:The

Glasgow, 1985, p. 22.

2OO

31 Geoffrey Bilson, A Darkened House: Choiera in

6

À 14

Toronto Press, Toronto, 1994, p. 156. 44 36e rapport d'exercice de l'Hôpital Général de Montréal, 1858 ; H. E. MacDermot, History of thé Montréal General Hospital, Montréal General Hospital, Montréal, 1950, p. 15. 45 E J. Shepherd, Réminiscences of Student Days and Dissecting

Room, inédit, 1919, p. 25, cité dans Caroline Schoofs,

Taken on thé Spot with Descriptive Notices, New York, 1847 ;

Shepherd Dissection, inédit, exposé en histoire, Université

James Smillie, Green-Wood Illustrated, New York, 1847.

McGill, 1999. 46 Montréal Gazette, 26, 28 janvier 1861.

55 Paul King, « A Brief History of thé Cataraqui Cemetery », Historié Kingston, vol. 28, 1979, p. 11—24.

47 Documents de la famille McCuid, duisicr 854, « Cimetière

56 Documents de la famille McCord, dossier 856, Henry Scott

protestant de Montréal », note manuscrite de John Samuel

à John Samuel McCord, 17 avril 1851 ; les documents de la

McCord, s.d. 48 Documents de la famille McCord, dossier 857, « Rapports

famille McCord comprennent aussi des lettres de la nécropole de Toronto. Voir dossier 857, « Rapports divers au sujet

divers au sujet du cimetière Mont-Royal, questions présen-

du Cimetière Mont-Royal » ; au sujet du cimetière Mount

tées au comité de l'Assemblée législative chargé d'examiner

Hermon, voir LeMoine, Op. cit., p. 441—442.

[...] le besoin de légiférer dans les grandes villes ou leurs

57 Linden-Ward, Silent City, p. 199.

districts de police » 1852.

58 Smith, Op. cit., p. 7.

49 Voir Richard L. Bushman, The Refinement of America: Persotis, Houses, Cities, Knopf, New York, 1992 ; Mariana

CHAPITRE

DEUX

Valverde, The Age of Light, Soap, and Water Moral Reform in English Canada, 1885—1925, McClelland and Stewart, Toronto, 1991, p. 30. 50 William Wordsworth, «Vers composés sur les bords de la Wye en amont de Tintern Abbey », Poèmes, Traduction de François-René Daillie, Gallimard, Paris, 2001, p 31. 51 Cité dans Leonore Davidoff et Catherine Hall, Fatnily Fortunes: Men and Womcn of thé English Middle Class, 1780-1850, Hutchison, Londres, 1987, p. 409. 52 Boston Athaneum, « Mount Auburn Cemetery Circular », Boston, 1832. 53 Downing cité dans David Schuyler, « The Evolution of thé Anglo-American Rural Cemetery: Landscape Architecture as Social and Cultural History », Journal of Garden History, vol. 4, n° 3, 1985, p. 595 ; H. Dearborn, A Concise History of and Guide througli Mount Anburn, Boston, 1843, p. i . 54 Mary Macaulay Allodi et Rosemarie L.Tovell, An Engraver's Pilgrittmgc:James Snhllie in Québec, 1821—1830, Royal

1 John Stuart Mill, « On Liberty », cité dans Jùrgen Habermas, The Structural Transformation of thé Public Sphère: An Inquiry into a Category of Bourgeois Society, MIT Press, Cambridge, 1999, p. 133. 2 Montréal Gazette, 7 juin 1846. 3 William Westfall, Two Worlds:The Protestant Culture of Nineteenth-Ccntury Ontario, McGill-Queen's University Press, Montréal et Kingston, 1989, p. 195. 4 Voir T. W. Acheson, Saint John: The Making of a Colonial Community, University of Toronto Press, Toronto, 1985 ; et Saint John Rural Cemetery Company: Act of Incorporation, W. L. Avery, Saint John, 1848, p. 5. 5 Roy Bourgeois, La commercialisation de la mort à Moncton, 1856-1914, Université Laval, thèse de doctorat, 1999, p. 166. 6 Montréal Gazette, 30 janvier 1846. 7 Archives du cimetière Mont-Royal (ci-après, A C M R ) , procès-verbal, 7 avril 1846.

Ontario Muséum, Toronto, 1989, p. xix ; Mount Anburn

8 ACMR, procès-verbaux, 7 avril, n et 18 août 1846.

Illustratcd in Highly Finished Line Engravings from Drau'ings

9 A C M R , circulaire du 24 octobre 1846 par Joshua Pelton.

NOTES

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À

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2OI

10 Montréal Transcript, n janvier 1847.

20 ACMR, rapport d'exercice, 1852.

11 ACMR, procès-verbal du 18 août 1846.

21 Ibid.

12 Montréal Gazette, 23 juin 1846.

22 ACMR, procès-verbal, 3 juin 1853 ; rapport d'exercice, 1854.

13 An Act to Incorporate thé Montréal Cemetery Company,

23 An Act to Incorporate thé Mount Hermon Cemetery,

Statutes of Canada, 10 & 11 Vie., c. 67, 1847 ; Montréal Transcript, n janvier 1847 ; Edgar Andrew Collard, Garden in thé Sun (inédit), ch. 8.

Statutes of Canada, 10 & n Vict., c. 67, 1847.

14 Montréal Gazette, 6 juillet 1846. 15 Le cimetière rural de Moncton, établi en 1856, a adopté une structure semblable d'entreprise privée, mais sans but lucratif (Bourgeois, op.cit, p. 165). Dans Brooklyn, le cimetière Green-Wood a apparemment été structuré en

25 An Act to amend thé Act incorporating thé Mount Royal Cemetery Company, Statutes of Canada, lôVict., c.n8, 22 avril 1853. 26 Archives du diocèse anglican de Montréal, dossier « cimetière », acte de consécration, 15 juin 1854.

1838 d'abord comme une société par actions à buts lucra-

27 ACMR, rapport d'exercice, 1853.

tifs, et par la suite comme une fiducie. D.C. Sloane, The

28 ACMR, rapport d'exercice, 1865.

Last Gréât Necessity: Cerneteries in American History,]ohns

29 ACMR, rapport d'exercice, 1874.Voir au sujet de la mémoire

Hopkins University Press, Baltimore, 1991, p. 59. 16 Montréal Gazette, 7 avril 1851. 17 Musée McCord, Documents de la famille McCord, dossier 410, journal de J. S. McCord, I er avril 1851, coupure ; ACMR, procès-verbal de l'assemblée annuelle

nationale, Pierre Nora, éd., Les lieux de mémoire, Gallimard, Paris, 1997, vol. 2, p. 1729—54. 30 A C M R , procès-verbaux, 16 juillet 1816, 18 octobre 1819, 7 avril 1859. 31 ACMR, rapport d'exercice, avril 1858 ; Montréal Gazette, Ier mars 1861.

de 1852.

18 A C M R , procès-verbal, 26 septembre 1851. iy Le choix d'une pente exposée au nord à plus haute élévation que la ville est conforme aux critères de santé

202

Statutes of Canada, 12 Vict., c. 191, 30 mai 1849. 24 An Act to Incorporate The Montréal Cemetery Company,

32 J.Jay Smith, Designs for Monuments and Mural Tablets Adapted to Rural Cerneteries, Church Yards, Churches, and Chapels, Bartlett and Welford, New York 1846, p. 18.

publique déterminés à l'origine par les Français. Une loi

33 À Québec, William Treggett, émigré d'Angleterre, travaillait

française de 1804 précisait en effet l'exposition nord pour

comme jardinier au domaine du marchand de bois John

les nouveaux cimetières afin que l'air putride en soit éva-

Gilmour, où il était renommé pour ses compétences

cué par les vents. Thomas A. Kselman, Death and thé Afterlife

en horticulture, en architecture du paysage et en dessin.

in Modem France, Princeton University Press, Princeton, NJ,

Gilmour, lui-même administrateur du cimetière Mount

1993, p. 169—170 ; un manuel américain sur les cimetières

Hermon, a joué un rôle central dans l'embauche de

reconnaît le besoin d'un site élevé et aéré, mais privilégie

Treggett au poste de régisseur en 1885, poste qu'il a occupé

l'exposition sud, de sorte que la neige fonde plus rapide-

pendant 43 ans. Depuis lors, tous les régisseurs du cimetière

ment. J.Jay Smith, Designs for Monuments and Mural Tablets

Mount Hermon ont été et sont encore aujourd'hui des

Adapted to Rural Cerneteries, Church Yards, Churches, and

membres de la famille Treggett. Le cimetière rural de

Chapels, Bartlett and Welford, New York, 1846, p. 7.

Moncton a d'abord embauché un « bedeau et gardien »

NOTES

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34 35

36 37 38

39 40

pour surveiller les lieux mais Fa remplacé par un jardinier en 1881. Bourgeois, op. cit., p. 168. ACMR, rapport d'exercice, 1853. Acte de constitution en société et règlements de la Compagnie du Cimetière Mont Royal, Bentley and Co., 1879, p. 34-38. Sloane, op. cit., p. 207—208. Règlements modifiés de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal, procès-verbal, vol. 2, 1852. ACMR, charte de 1847, l'article 5 de la charte de 1847 stipule que « toute telle dénomination a droit d'élire un nombre d'administrateurs égal à la proportion, sur vingt-et-un, de la somme souscrite par ses membres par rapport à l'ensemble du capital actions souscrit. » ACMR, procès-verbal, 6 janvier 1854. Règlement concernant le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Beauchemin et Valois, Libraires-Imprimeurs, Montréal, 1877. CHAPITRE

TROIS

1 Lettre de Alexander Reford à l'auteur, 14 juillet 2002. Correspondance de Reford , vol. 12, Robert Reford à la Mclntosh Granité Company, 26 mai 1909. 2 Archives du Cimetière Mont-Royal (ci-après ACMR), rapport d'exercice, 1887. 3 John Langford,The Stranger's Illustrated Guide to thé City of Montréal, Chisholm, Montréal, 1868. 4 Musée McCord, Documents de la famille McCord, dossier 855, Règlements concernant les visiteurs au cimetière Mont-Royal, 1852. 5 Québec, documents parlementaires, vol. 30, partie 2, 1896, annexes 1,5. 6 ACMR, rapport d'exercice, 1886. 7 ACMR, rapport d'exercice, 1854.

8 Ibid. 9 ACMR, rapport d'exercice, 1855.Voir aussi, Documents de la famille McCord, journal de J. S. McCord, 3 avril 1854, L'autre moyen d'identifier une tombe, sauf pour la fosse commune, est de consulter les registres au bureau du cimetière. 10 ACMR, rapport d'exercice, 1894. 11 Rapport d'exercice de la St Andrew's Society of Montréal, Montréal, 1867, p. 5-6. 12 William Orme McRobie, Fighting thé Fiâmes, orTwentySevenYears in thé Montréal Pire Brigade, Witness Printing House, Montréal, 1881, p. 29. Au sujet des premières années de la brigade des pompiers, consulter Huguette Charron et Françoise Lewis, Les débuts d'un Chef, Zéphirin Benoit. La naissance d'une ville, Saint-Henri 1875—1888, Publication privée, Montréal, 2000. 13 Bryan Palmer, Working Class Expérience: Rethinking thé History of Canadian Labour, 1800—1991, McClelland and Stewart,Toronto, 1992, p. 128 ; Lynne Marks, Revivais and Roller Rinks: Religion, Leisure, and Identity in LateNineteenth-Century Small-Town Ontario, University of Toronto Press, Toronto, 1996, p. 117. 14 ACMR, rapport d'exercice, 1868. 15 David Charles Sloane, The Last Gréât Necessity: Cemeteries in American History, Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1991, p. 84. 16 Archives nationales du Québec à Montréal, American Presbyterian Church, enveloppe portant mention Com. Receipts 1830—1839, Joshua Pelton au rév. M. Perkins, pasteur de l'Église presbytérienne, 20 avril 1833 ; document fourni par Rosalind Trigger. 17 ACMR, procès-verbal, 5 août 1853. 18 ACMR, rapport d'exercice, 1896. 19 A C M R , rapport d'exercice, 1906. 20 Documents de la famille McCord, coupure dans le journal NOTES

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20j

de J. S. McCord, 19 janvier 1895. 21 Journals of thé Législative Assembly of thé Province of

Québec, 1987, p. 278 ; au sujet du mouvement de l'eugénisme à Montréal, voir Angus McLaren, Our Own

Canada, 1849, AppendixTTTT au vol. 8, remboursement à

Master Race: Eugenics in Canada, 1885—1945, McClelland

C.H. Linter, 30 mars 1847 ; tarif des honoraires inclus au

and Stewart, Toronto, 1990, p. 24—25.

procès-verbal, 1853 ; l'enterrement en hiver (de décembre à avril), si le sol n'est pas gelé, coûte T2s. 6p. comme aussi l'exhumation ou le dynamitage du roc. 22 ACMR, procès-verbal, 13 mai 1865. 23 ACMR, fiches d'enterrement, 31 juillet 1866, 28 juillet 1862, 25 juillet 1865, 9 janvier 1895. 24 Anny Duchaine,Walter Forsberg et Marie-Laure Mahood, The Forgotten Free Ground'rA Research Project on Plot

36 Peter S. Li,The Chinese in Canada, Oxford University Press,Toronto, 1988, p. 59 ; au sujet du racisme, voir Constance Backhouse, Colour Coded: A Légal History of Racism in Canada, 1900—1950, University ofToronto Press, Toronto, 1999, p. 132-172. 37 The Favorite, 3 mai 1873, p. 269. 38 Helly, op. cit., p. 173. 39 ACMR, procès-verbal, 14 septembre 1903. Pour une descrip-

G-45O of thé Mount Royal Cemetery, mémoire de pre-

tion d'un enterrement chinois, voir la Montréal Gazette,

mier cycle, McGill, décembre 2001, p. 4.

1er mai 1858.

25 Ibid., annexe 15.

40 ACMR, procès-verbal, 5 janvier 1904.

26 ACMR, rapport d'exercice, 1868. 27 Janice Harvey, The Protestant Orphan Asylum and thé

CHAPITRE

QUATRE

Montréal Ladies Benevolent Society: A Case Study in Protestant Child Charity, thèse de doctorat, Université McGill, 2001.

procès-verbal, 12 septembre 1856.

28 Rapports d'exercices 1864, 1865, 1869, Montréal Protestant

2 ACMR, procès-verbal, 2 avril 1861.

House of Industry and Refuge, Herald Press, Montréal.

3 ACMR, procès-verbal, 6 avril 1858.

29 Richard Allen, The Social Gospel: Religion and Social Reforin in Canada, 1914—28, University ofToronto Press,

4 ACMR, procès-verbal I er mars 1863 ; 5 avril 1864 ; ACMR, rapport d'exercice , 1875. 5 ACMR, procès-verbal, 4 avril 1871.

Toronto, 1973. 30 Thomas Laqueur, « Bodies, Death and Pauper Funerals », Représentations vol. i, n° i, 1983, p. 120. 31 Montréal Gazette, n février 1936.

6 ACMR, rapports d'exercices, 1875, 1877. 7 Musée McCord, Documents de la famille McCord, dossier 855, « Règlements concernant les visiteurs au

32 La Presse, 16 octobre 1907.

Cimetière Mont-Royal », novembre, 1852 ; dossier 857,

33 ACMR, procès-verbal, 3 août 1871.

rapports divers sur le cimetière Mont-Royal, Règles du

34 Collard,The Irish Way:The History of thé Irish Protestant

cimetière Mount Auburn.

Benevolent Society, Price-Patterson, Montréal, 1992, p. 57 ;

8 ACMR, rapport d'exercice, 1864.

rapport d'exercice de la Irish Protestant Benevolent Society

9 Ashton Oxenden, The History of My Life, Green, Londres,

of Montréal, Montréal, 1889. 35 Denise Helly, Les Chinois de Montréal, 1877-1951, IQRC, 204

1 Archives du Cimetière Mont-Royal (ci-après, ACMR) ,

NOTES

DES

PAGES

57

A

70

1891, p. 177-178. 10 John Langford, The Stmnger's Illustrated Guide to thé City of

Montréal, Chisholm, Montréal, 1868 ; Adrien Leblond de

26 Montréal Daily Star, 16 juillet 1877.

Brumath, Guide de Montréal et de ses environs, Granger,

27 Ibid. Mary Ryan décrit le mieux l'expansion des céré-

Montréal, 1897, p. 72 ; The Traveler's Guide for Montréal and

monies publiques dans la période 1825—1850. Elle note

Québec, Montréal, 1861, p. 9 ; The Albion Hôtel Visitor's Guide

aussi la mesure dans laquelle les rites publics étaient

to Montréal and Ri vu Si LawsciUL, Dc^kci, Stearns and

« clairement marqués de symboles masculins, le plus sou

Murray, Montréal, s.d., p. 15.

vent créés par des mains d'hommes ». Women in Public:

11 ACMR, procès-verbaux, 5 avril 1870, 6 novembre 1873 ; 5 février 1874 ; Ier juin 1876. On présume que la clôture

Between Banners and Ballots, 1825-1880, Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1990, p. 23.

a été enlevée lorsque la rue Bleury a été prolongée par

28 Senior, op. cit., p. 76

l'actuelle avenue du Parc, plus tard dans les années 1870.

29 Montréal Daily Star, 16 juillet 1877.

12 Charlotte Hutt, City of thé Dead:The Story of Glasgow's Southern Necropolis, Glasgow City Libraries and Archives, Glasgow, 1996, p. 21.

30 ACMR, procès-verbal, 2 mai 1878, Ier mars 1881 ; Actes de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal, p. 41. 31 Montréal Gazette, 24 décembre 1866. Pendant trois généra-

13 Montréal Gazette, 31 janvier 1851. 14 Documents de la famille McCord, dossier 855, Règlements concernant les visiteurs au cimetière Mont-Royal, novem-

bre, 1852.

tions, les descendants du président McCord seront importants au sein des francs-maçons. 32 Peter DeLottinville, « Joe Beefof Montréal: Workmg-Class Culture and thé Tavern, 1869—1889 », Labour/Le Travailleur

15 Ibid.

8/9 (Automne/printemps 1981/82)^.23.

16 ACMR, rapport d'exercice, 1864. 17 Montréal Gazette, 23 mai 1865. er

18 A C M R , procès-verbal, I juin 1876 ; au sujet de l'impor-

33 Ibid., 28. Au sujet de la contradiction entre la taverne, sa place, et la culture du cimetière, voir Roy Rosenzweig, « The Rise of thé Saloon », dans Rethinking Popular Culture:

tance des règles morales, voir Mariana Valverde, The Age of

Conteniporary Perspectives in Cuit lirai Studies, éd. C. Mukerji

Light, Soap, and Water: Moral Rcform in English Canada,

et Michael Schudson, University ofCalifornia Press,

1885—ig2$, McClelland and Stewart,Toronto, 1991.

Berkeley, 1991, p. 121—156.

19 Montréal Gazette, 6 novembre 1865 ; Documents de la famille McCord, dossier 420,journal, 21 septembreiSôj. 20 Cité dans Edgar Andrew Collard, Garden in thé Sun, inédit, phase il, p. 8. 21 Acte de constitution en société et règlements du cimetière Mont-Royal, Bentley and Co., Montréal, 1879, p. 37. 22 Montréal Gazette, 10 septembre, 3 décembre 1866.

34 Montréal Gazette, 19 janvier 1889 ; Montréal Star, 16, 18 janvier 1889; Montréal Herald, 16 janvier 1889. 35 Robert Ross, Status and Respectability in thé Cape Colony, 1750-1870, Cambridge University Press, Cambridge, 1999, p. 25.

36 Montréal Gazette, 19 janvier 1889 ; Montréal Star, 16, 18 janvier 1889; Montréal Herald, 16 janvier 1889.

23 Montréal Daily Witness, n septembre 1912.

37 ACMR, procès-verbal, 4 octobre 1877, 4 juillet 1878.

24 Montréal Gazette, 2 mai 1877.

38 Actes de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal, p. 38 ;

25 Hereward Senior, Orangeisni:The Canadian Phase, McGraw-Hill, Toronto, 1972, p. 47, 62.

rapport d'exercice, 1887. 39 ACMR, coupure s. d., procès-verbal, novembre 1880. N O T E S

DES

P A G E S

JO

À

8I

2O S

40 ACMR , coupure s. d., procès-verbal, 15 avril 1901. 41 ACMR, rapport du régisseur, rapport d'exercice, 1899. Le

to Rural Cemeteries, Church Yards, Cherches, and Chapels, Bartlett and Welford, New York, 1846, p. 14.

rapport ne fait pas mention d'un service semblable pour

11 ACMR, rapport d'exercice, 1880.

les femmes.

12 Voir notamment le procès-verbal de l'assemblée annuelle

42 ACMR, procès-verbal, 7 mars 1872. 43 ACMR, acte notarié par F. J. Durand n° 7000, 22 janvier

1878.

de 1855.

13 Québec, An Act for thé Préservation of thé Public Health, By-law, Rules and Régulations, 1885 ; procès-verbaux,

44 Frederick Law Olmsted, Mount Royal, Montréal, Putnam's Sons, New York, 1981, p. 26. 45 ACMR, procès-verbal, 6 février 1894, 31 décembre 1895.

2 avril 1872, 7 mai 1874. 14 Documents de la famille McCord, dossier 855, Règlements concernant les visiteurs. 15 Smith, Op. cit., p. 14 ; Brian Treggett, régisseur du cimetière

CHAPITRE

Mount-Hermon, interviewé par l'auteur, 10 avril 2000.

CINQ

16 ACMR, rapport d'exercice, 1893. 1 À l'entrée du cimetière du Père Lachaise à Paris, des listes sont affichées énumérant les tombes qui feront l'objet

18 ACMR, rapport d'exercice, 1860. Au cimetière rural de

d'une reprise de biens à moins que les héritiers ne paient

Moncton, le fonds de dotation de l'entretien perpétuel n'a

pour le renouvellement du bail.

été établi qu'en 1907. Roy Bourgeois, La commercialisation

2 La Compagnie du Cimetière de Montréal, D. Bentley and Co., Montréal, 1879, p. 40-41. 3 Musée McCord, documents de la famille McCord, dossier 855, Règlements concernant les visiteurs au cimetière Mont-Royal, novembre 1852. 4 Documents de la famille McCord, dossier 855, Conditions, limitations et privilèges au Cimetière Mont-Royal, 1852. 5 Montréal Gazette, 17 juillet 1856. 6 Montréal Directory, John Lovell, Montréal, 1851 ; Lovell's Business Directory, 1877—1878, p. 215.

de la mort à Moncton, 1856—1914, thèse de doctorat, Université Laval, 1999, p. 178. Selon la tradition orale du cimetière Mount-Hermon, l'implantation de l'entretien perpétuel en 1880 fut directement liée à l'arrivée du chemin de fer à Québec et à l'exode subséquent de nombreux protestants propriétaires de lots. 19 ACMR, règlements de 1879. 20 ACMR, rapport d'exercice, 1893 ; la tondeuse tirée par des chevaux est mentionnée dans le rapport d'exercice de

1899.

7 Montréal Gazette, 29 juin 1864.

21 ACMR, rapport d'exercice, 1905.

8 Archives du cimetière Mont-Royal (ci-après, ACMR ), rap-

22 ACMR, rapport du régisseur, rapport d'exercice, 1899.

port du comité sur l'établissement de services, procès-

23 ACMR, procès-verbal, 8 décembre 1908.

verbal, 14 mars 1875.

24 ACMR, rapport des administrateurs et du directeur général

9 Charte consolidée de la Compagnie du Cimetière

pour l'année 1999, 27 avril 2000. Voir les similarités avec

Mont-Royal, 1955, art. 5., comprise au procès-verbal,

d'autres professions dans Magali Sarfatti Larson, The Rise

vol. 12.

of Professionalism: A Sociological Analysis, University of

10 J. Jay Smith, Designs for Monuments and Mural Tablets Adapted 206

17 Smith, Op. cit., p. 24.

NOTES

DES

PAGES

8l

À 1OO

California Press, Berkeley, 1977, p. 199.

25 ACMR, procès-verbal, 14 janvier 1919. 26 ACMR, rapport de l'architecte du paysage et du régisseur général, inclus au rapport d'exercice, 1915. 27 ACMR, Ormiston Roy au comité des lieux, inclus au procès-verbal, 19 mars i y j » . 28 ACMR, rapport du gérant John F. Roy, 3 février 1930, inclus au rapport d'exercice, 1930. 29 ACMR, rapport du régisseur inclus au rapport d'exercice,

Ier février 1935, inclus au rapport d'exercice, 1935.

7 Ibid. 8 David Charles Sloane, The Last Gréât Necessity: Cemeteries in American History,]ohns Hopkins University Press, Baltimore, 1991, p. ni. 9 A C M R , rapport d'exercice, 1899. 10 Ibid. 11 ACMR, rapport d'exercice, 1899. 12 Voir Sarah Schmidt, « 'Private' Acts in 'Public' Spaces: Parks

1899. 30 ACMR, rapports d'exercices, 1899, 1904.

in Turn-of-the-Century Montréal », dans Tamara Myers

31 Archives nationales du Québec à Montréal, Église pres-

et al., éd., Power, Place and Identity: Historical Studies of Social

bytérienne américaine, P6o3, 82, SSi4, lettre de la Kirk Session, St Paul's, au rév. Caleb Strong, 30 août 1841. Document fourni par Rosalyn Trigger. 32 ACMR, rapport du régisseur inclus au rapport d'exercice,

and Légal Régulation in Québec, Montréal History Group, Montréal, 1998, p. 129—150. 13 « Progress of Rural Cemeteries », Park and Cemetery and Landscape Garden, vol. 33, n° 9, 1923, p. 234 14 Donald Roy interviewé par l'auteur, 29 avril 2000.

1908. 33 ACMR, rapport d'exercice, 1908. 34 ACMR, rapport du régisseur inclus au rapport d'exercice,

15 ACMR, rapports d'exercices et rapports du régisseur, 1891, 1892,1893,1896. 16 ACMR, rapport d'exercice, 1890.

1918. 35 ACMR, rapport d'exercice, 1919 ; procès-verbal, 9—12 novembre 1918.

17 ACMR, procès-verbal, 23 mars 1897. 18 A C M R , procès-verbal, 3 marsiSyo. 19 ACMR, rapport d'exercice, 1890.

CHAPITRE

SIX

20 ACMR, rapport d'exercice, 1906. 21 Ibid.

1 John Langford, The Stranger's Illustrated Guide to thé City of Montréal, C.R. Chisholm, Montréal, 1868. 2 Jonathan Hodgson (1880—1914),Thomas E. Hodgson (1914-1926), C.J. Hodgson (1926-1952),T. W. Hodgson (I953-I954)3 James Stevens Curl, The Cemeteries and Burial Gwunds of Glasgow, Strathclyde Council, Glasgow, 1974, p. 5. 4 Canadian Horticultural Magazine, novembre 1898, p. 193. 5 Archives du Cimetière Mont-Royal (ci-après ACMR), procès-verbal, 17 juin 1938. 6 ACMR, rapport de l'architecte du paysage en date du

22 ACMR, rapport d'exercice, 1909. 23 ACMR, rapport du régisseur inclus au rapport d'exercice,

1906. 24 ACMR, lettre affichée dans les procès-verbaux, 1907. George Irving au président de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal, 20 décembre 1906 ; ACMR, rapport d'exercice, 1907.

25 A C M R , rapport d'exercice, 1907. Dans ses premières années, on appelle le cimetière Riverview ou Bellevue. En 1909, l'appellation Hawthorn-Dale est retenue : Hawthom est le nom anglais de l'aubépine, arbre de la famille des rosacées, NOTES

DES

PAGES

102

À

II 6

2O7

tandis que date se traduit par vallon, emploi ironique vu le site plane, les vallons ayant été si vantés par les tenants de l'ancien cimetière rural.

44 A C M R , rapport du régisseur du 19 décembre 1899 inclus au rapport d'exercice, 1899. 45 A C M R , rapport d'exercice, 1899; rapport du régisseur inclus

26 ACMR, rapport de l'architecte du paysage en date du Ier février 1945, inclus au rapport d'exercice, 1945. 27 ACMR, procès-verbal, 16 octobre 1906. 28 V A . Linnell, cité dans la rubrique de Edgar Andrew

au rapport d'exercice, 1906. 46 A C M R , rapport de l'architecte du paysage, rapports d'exercices 1917,1919. 47 ACMR, rapport de l'architecte du paysage, inclus au rapport

Collard, Montréal Gazette, 29 mai 1982 ; ACMR, Jean-Paul

d'exercice, 1945 ; ACMR, rapport de l'architecte du paysage

Viaud, conservateur, Musée ferroviaire canadien, à Myriam

inclus au rapport d'exercice, 1954.

Cloutier, 24 octobre 1995. 29 Le tramway funéraire est maintenant exposé au Musée ferroviaire canadien de Carignan, au Québec. 30 ACMR, rapport du comité des lieux à la Compagnie du Cimetière Mont-Royal, 16 juin 1908. 31 Montréal Gazette, 21 juin 1908. 32 Ibid. 33 Ibid. Le fossoyage d'une tombe pour adulte sur la montagne coûte 5 $, ou 7,50 $ avec abri. 34 ACMR, rapport d'exercice, 1918. 35 Montréal Gazette, 2 février 1934. 36 ACMR, rapport d'exercice, 1912.

48 ACMR, rapport du régisseur inclus au rapport d'exercice, 1906.

49 ACMR, rapport de l'architecte du paysage inclus au rapport d'exercice, 1932. 50 ACMR, rapport de l'architecte du paysage inclus au rapport d'exercice, 1925. 51 ACMR, rapport de l'architecte du paysage inclus au rapport d'exercice, 1945. 52 ACMR, rapport d'exercice, 1936 ; Collard, Garden in thé Sun, (inédit), phase III, p. 43. 53 ACMR, rapport de l'architecte du paysage, rapport d'exercice, 1935.

37 ACMR, rapport d'exercice, 1910.

54 Ibid.

38 ACMR, rapport d'exercice, 1914.

55 ACMR, Rapport d'exercice, 1898.

39 Ces enterrements catholiques sans le bénéfice d'un service

56 Conseil des Arts et Manufactures de la Province de

funèbre font l'objet de plaintes dans les journaux parce

Québec, « École de Montréal », 1888-1889.

qu'ils sont contraires aux lois canoniques suivant lesquelles

57 Montréal Gazette, 3 août 2002.

les pauvres ont droit à des funérailles et à une inhumation

58 Donald Roy, interviewé par l'auteur, 29 avril 2000.

convenables. Le Devoir, 4 janvier 1952 et Le Matin, 14 janvier 1952.

C H A P I T R E s t, P i

40 Montréal Gazette, n février 1936. 41 Montréal Gazette, n mars 1955. 42 ACMR, rapport d'exercice, 1915. 43 Mallarmé, Collected Poems, University of California Press, Édition bilingue, Berkeley, 1994, p. 53.

208

N O T HS DES

PAGES

TI 6

À T2 9

1 Kenneth Macleod, Report on thé Burial Grounds in Glasgow, Andersen, Glasgow, 1876, p. 44. 2 Voir notamment William Tegg, The Last Act, Londres, 1876), et le Canadian Illustrated News, 5 décembre 1874.

3 James Farrell, Inventing thé American Way ofDeath, 1830—1920, Temple University Press, Philadelphie, 1986, p. 164.

20 Erichsen, Crémation of thé Dead, p. 138-139. 21 Ibid., p. 86.

4 Hugo Erichsen, The Crémation of thé Dead Considered iront

22 L'exemplaire ayant appartenu à Molson est conservé à la

an Aesthetic, Sanitary, Religions, Historical, Médico-Légal, and

bibliothèque médicale Osier de l'Université McGill.

Economicai SftJndpoim, D.C). 1 Lynes, Driroit, 1887, p. _so.

23 Cilé dans David Charles Sloanc. The Last Gieut Xecessity:

5 Crémation: Its History, Practice and A avantages, Mount Royal Cemetery Company Crématorium, Montréal, 1902, p. 12. 6 Robert Nicol, At thé End of thé Road: Government, Society, and thé Disposai of Hnman Remains in thé Nineteenth and Twenticth Centnry, St Leonard's Allen and Union, Londres,

1994, p. 172.

Press, Baltimore, 1991, p. 145. 24 George A. Baynes, Disposai of thé Dead: By Land, by Water, or by Pire, Witness Printing House, Montréal, 1875, p. 9. 25 Shirley E.Woods Jr, The Molson Saga, 1763-1983, Doubleday,Toronto, 1983, p. 191.

7 Augustus Cobb, Earth-bnrial and Crémation. The History oj Earth-bnrial with Its Attendant Evils, and thé Advantage

Cemeteries in American History. Johns Hopkins University

Offered

hy Crémation, Putnam's, New York, 1892, p. 88.

26 A C M R , procès-verbal, 6 mars 1888. 27 ACMR, rapport d'exercice, 1896. 28 Prothero, Purified by Pire, p. 75 ; C.J. Cuming, A History

8 Erichsen, Crémation of thé Dead, p. 229-230.

of Anglican Litnrgy, St Martin's Press, Londres, 1969, p. 89 ;

9 Cobb, Earth-bnrial and Crémation, p. 132.

Louise A. Winton, réd., Handbook of Burial Rites,

10 Nicol, At thé End of thé Road, p, 81. TT « Crematoria in Gréât Britain and Abroad », Canadian Arcliitect and Bnilder, vol. 19, n° 4, 1906, p.52. 12 Stephen Prothero, Purified by Pire: A History of Crémation in America, University of Califorma Press, Berkeley, 2001, p. 165.

Commemorative Services of Ontario, Toronto, 1985. 29 Woods, Molson Saga, p. 190. 30 Montréal Daily Star, i cr juin 1898. 31 ACMR, rapport du régisseur intégré au rapport d'exercice,

1899. 32 Cité dans Donald Roy, « The History and Growth of

13 Ibid., p. 137. 14 Erichsen, Crémation of thé Dead, p. 251 ; Cobb, Earth-bnrial

Crémation in Canada » (discours prononcé devant la

and Crémation, p. 157, 159 ; Prothero, Punfied by Pire, p.

33 George Durdy, « The Crémation Movement in Canada »,

131—132 ; Macleod, Report, p. 44. 15 Cobb, Earth-bnrial and Crémation, p. 161. 16 Mariana Valverde, The Age of Light, Soap, and Watcr: Moral

Crémation Association of North America, 1980, p. 6. Canadian Cemetery Service, juin 1958, p. 2. 34 Cité dans Sébastien St-Onge, L'industrie de la mort, Éditions Nota bene, Montréal, 2001, p. 29—30.

Refont! in English Canada, 1885-1925, McClelland and

35 Roy, « History and Growth », p. 2.

Stewart, Toronto, 1991, p. 46.

36 Crémation: Its History, Practice and Advantages, Mount Royal

17 Macleod, Report, p. 44.

Cemetery Company Crématorium, Montréal, 1902, p. 6;

18 Archives du Cimetière Mont-Royal (ACMR), rapport

procès-verbal du Crématorium, 1905.

d'exercice, 1899. 19 Prothero, Purified by Pire, p. 119.

37 Voir notamment Ormiston Roy dans Montréal Gazette, 2 février 1934.

NOTES

DES

PAG ES

I 2 9

À

136

2 O9

38 ACMR, procès-verbal, 8 juillet 1902.

L'Église canadienne, vol. 9, n° 7 (1976) : p. 196—197 ; Louise

39 « Lettres patentes du crématorium », Secrétariat d'État,

A.Winton, réd., Handbook of Burial Rites, Commemorative

22 octobre 1903, insérées dans les registres du crématorium ; ACMR, procès verbal, 3 juillet 1900 ; Stanley Brice Frost et Robert H. Michel, « Sir William Christopher Macdonald », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, p. 750—755 ; ACMR, archives non classées, Donald M. Rowat N.P. #6015, 25 août 1914 ; ACMR, voir aussi le testament de

Services of Ontario, Toronto, 1985, p. 8. 57 Calculs de Brian Fitzgerald, « The Roman Catholic Church and Its Reaction to Crémation at Mount Royal Cemetery », essai inédit, Université McGill, 1998. 58 Chiffres de la Crémation Association of North America cités dans St-Onge, L'industrie de la mort, p. 139.

William Macdonald, non classé. 40 « Règlements », s.d.,The Crématorium Limited, insérés

CHAPITRE

HUIT

dans les registres du Crématorium. 1 Pierre Nora, réd., Les lieux de mémoire, Gallimard, Paris,

41 Ibid. 42 Crémation: lis History, p. 20—21 ; Le Petit Journal, 27 février

1938.

2 Montréal Gazette, 15 avril 1942.

43 Entrevue de l'auteur avec Donald Roy, 29 avril 2000.

3 La Presse, 25 mai 1940.

44 Ormiston Roy au président, Crématorium Ltd., 8 mars

4 Montréal Star, 24 mai 1902, 20 octobre 1937.

1911, lettre insérée dans les registres du crématorium ; entrevue de l'auteur avec Donald Roy, 29 avril 2000. 45 « Règlements », s.d.,The Crématorium Limited, insérés dans les registres du Crématorium. 46 Registres du Crématorium, 28 mars, 16 septembre 1960. 47 Sloane, The Last Gréât Necessity, p. 228. 48 ACMR, registres du Crématorium, 2 décembre 1918. 49 Montréal Gazette, Ier octobre 1951. 50 ACMR, registres du Crématorium, 2 décembre 1918. 51 Rapport de l'architecte du paysage, rapport d'exercice,

1936. 52 Montréal Gazette, 5 février 1949. 53 Montréal Herald, 23 mai 1914 > Le Petit Journal, 18 juillet 1965 ; ACMR, registres du Crématorium, i cr janvier 1965.

5 Ibid., 24 mai 1902 ; Collard, Garden in thé Sun, (inédit), phase III, p. 22. 6 Montréal Gazette, 28 décembre 1908. 7 Au sujet du Fonds du Souvenir, consulter Serge Marc Durflinger, Lest We ForgetiA History of thé Last Post Fund, 1909-1999, Fonds du Souvenir, Montréal, 2000. 8 Archives du cimetière Mont-Royal (ACMR), coupure jointe au procès-verbal, Fonds du Souvenir, 5e rapport d'exercice. 9 ACMR, procès-verbal, 5 avril 1910. 10 David Charles Sloane, The Last Gréât Necessity: Cemeteries in American History, Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1991, p. 233 ; cité dans Durflinger, Lest We Forget, p. 19.

11 ACMR, rapport d'exercice, 1918.

54 Montréal Gazette, 2 février 1934.

12 ACMR, procès-verbal, 9 avril 1918.

55 Montréal Gazette, 5 février 1949; ACMR, registres du

13 Ibid.

Crématorium, 2 décembre 1918. 56 « Législation et directives concernant l'incinération. Document approuvé par le Comité exécutif de l'A.E.Q. », 210

1997, vol. 2.

NOTES

DES

PAGES

136

À 147

14 Nora réd., Les lieux de mémoire, p. 1775. 15 Cité dans Jonathan Vance, Death So Noble: Memory, Mcaning, and thé First World War, UBC Press, Vancouver, 1997, p. 100.

16 Vance, Death So Noble, p. 63 ; rapport du conseil, février

réunion du Comité des lieux, 8 mars 1921 ; Entente entre

1917, Canadian Patriotic Fund au secrétaire du Cimetière

La Compagnie du Cimetière Mont-Royal et le Dominion

Mont-Royal, 9 février 1915, inclus au procès verbal, 9

du Canada, 12 avril 1921, incluse au procès-verbal, 1921.

février 1915. 17 ACMR, rapport d'exercice, février ïyiS. 18 Edwin Gibson et G. Kingsley Ward, Courage Remembered: The Story behind thé Construction and Maintenance of thé Commomvealth's Military Cemeteries and Memorials of thé IVars of 1914-1918 and 1939-1945, McClelland and Stewart, Toronto, 1989, p. 47, 57, 241. La Commission a identifié le

On devait se servir du granit, de préférence à la pierre calcaire de Portland provenant des carrières anglaises et utilisée dans les cimetières de la Commission en Europe. 26 ACMR, Entente entre La Compagnie du Cimetière Mont-Royal et le Dominion du Canada, 12 avril 1921. 27 Les chiffres relatifs aux cimetières proviennent de Gibson et Ward, Courage Remembered, p. 244.

lieu de sépulture ou de crémation de 584 967 soldats

28 Durflinger, Lest We Forget, p. 19.

tombés pendant la Première Guerre mondiale et a élevé un

29 ACMR, rapport de l'architecte du paysage et du régisseur,

monument à la mémoire des 529 808 disparus au combat.

rapport d'exercice, 1923.

La Seconde Guerre mondiale a renouvelé son mandat.

30 David Charles Sloane, The Last Gréât Neœssity, p. 183—184.

Ayant pris le nouveau nom de Commission des sépultures

31 ACMR, rapport de l'architecte du paysage et du régisseur,

de guerre du Commonwealth en 1960, elle comptait en 1989 quelque 1400 employés répartis dans le monde entier

rapport d'exercice, 1925. 32 Mappin, The Evolution of Montreal's Cemetery Space from

et administrait un budget de £18 millions. Gardienne de

1642 to thé Présent, maîtrise en planification urbaine,

quelque 2500 cimetières militaires et 200 cénotaphes, elle a

Université McGill, 1995, p. 53; Collard, Garden in thé Sun,

commémoré i 694 857 morts de guerre, y compris no 088

phase 111, p. 23 ; Montréal Gazette, 15 avril 1942. En 1944,

Canadiens. Les pays du Commonwealth paient un pour-

dans le cadre du projet d'amélioration du réseau routier, la

centage du budget de la Commission selon la proportion

Ville de Montréal a acheté le cimetière militaire Papineau

des tombes que leurs soldats occupent dans ses sites ; en

au prix de 35 ooo $, somme que le Fonds du Souvenir a

1937, le gouvernement du Canada versait 7,8 pour cent du budget de la Commission, proportion qui a atteint 9,9 pour cent dans les années 1980. 19 Vance, Death So Noble, p. 60-61.

utilisée pour transférer les restes à Pointe-Claire. 33 ACMR, rapport de l'architecte du paysage et du régisseur, rapport d'exercice, 1934 ;Vance, Death So Noble, p. 70. 34 Un dessin du monument Currie signé A. T. Galt Durnford,

20 Gibson et Ward, Courage Remembered, p. 67.

et offert par sa fille, Mme W Ralph Lewis, est accroché

21 A C M R , rapport de l'architecte du paysage et du régisseur,

dans le bureau du cimetière.

rapport d'exercice, 1922. 22 ACMR, rapport de l'architecte du paysage et du régisseur , rapport d'exercice, 1923. 23 ACMR procès-verbal, 24 janvier 1909. 24 Gibson et Ward, Courage Remembered, p. 81, 83 25 Vance, Deatli So Noble, p. 61. ACMR, procès-verbal de la

35 Vance, Death So Noble, p. 70. 36 ACMR, rapport de l'architecte du paysage et du régisseur, rapport d'exercice, 1937. 37 A C M R , supplément privé au rapport de l'architecte du paysage et du régisseur, rapport d'exercice, 1937. 38 ACMR, procès-verbal, 9 janvier 1951. NOTES

DES

PAGES

147

À

155

211

CHAPITRE

23 ACMR, rapport d'exercice, 1978.

NEUF

24 ACMR, procès-verbal, 20 mai 1969 ; rapport d'exercice, 1975. T Archives du cimetière Mont-Royal (ACMR),John F. Roy au conseil d'administration, 28 février 1966, rapport d'exer-

University Press, Montréal, 1969, p. 124, 177. 26 ACMR, Annonce placée dans le Montréal Churchman, juillet

cice, 1967. 2 ACMR, procès-verbal, 5 novembre 1948.

1939, dossier de publicité.

3 ACMR, procès-verbal, 6 septembre 1955.

27 Simon Langlois, La société québécoise en tendances, içôo—içço,

4 ACMR, rapport du régisseur, février 1962.

Institut québécois de recherche sur la culture, Québec,

5 ACMR, procès-verbal, 14 septembre 1962, 21 octobre 1958,

1990, p. 351.

2i novembre 1961.

28 Peter Stathopoulos, The Greek Comrnunity of Montréal,

6 David Charles Sloane, The Last Gréât Necessity: Cemeteries in American History,]ohns Hopkins University Press, Baltimore, 1991, p. 238—239. 7 ACMR, coupure de journal non identifié, s.d., Gordon Mesley, « Pheasants Prosper atop Mount Royal ». 8 Merle Christopher interviewé par l'auteur, 8 août 2000. 9 Sloane, TheLast Gréât Necessity, p. 222.

Centre national de recherche sociale, Athènes, 1971, p. 25. 29 Cette tombe fut transférée par la suite au père de l'enfant qu'on y avait inhumé. 30 ACMR, rapport de l'architecte paysagiste, rapports d'exercices, 1930,1931. 31 ACMR, rapport de l'architecte paysagiste, rapports d'exercices, 1937,1938.

10 Ibid., 169.

32 ACMR, rapport d'exercice, 1977.

11 ACMR, procès-verbal, 24 octobre 1913, 12 mars 1935.

33 Montréal Gazette, n janvier 1955.

12 ACMR, procès-verbal, 12 mars 1935 ; Montréal Gazette,

34 ACMR, procès-verbal, 2 mai 1953. 35 Projet de loi n° 243 : Loi concernant La Compagnie du

14 août 1940. 13 Donald Roy interviewé par l'auteur, 29 avril 2000.

cimetière Mont-Royal et certaines limites territoriales de la cité

14 ACMR, rapport de l'architecte du paysage et du régisseur,

d'Outremont et de la cité, de Montréal, Québec, Assemblée

rapport d'exercice, 1932.

législative 9-10 Elizabeth II, c. 102 (10 juin 1961) ; procès-verbal, 21 novembre 1960 ; rapports d'exercice,

15 Ibid.,janvier 1933. 16 ACMR, John F. Roy à H. T. Duath, inspecteur, Compagnie

février 1972, mars 1975.

d'assurance-chômage, 8 juillet 1941, incluse au procès-

36 ACMR, procès-verbal, 6 septembre 1955, 12 mai 1959.

verbal, 1941.

37 Léandre Bergeron, Petit manuel d'histoire du Québec, Éditions

17 ACMR, régime ue retraite ues employés, 15 noveniore i955> inclus au procès-verbal, 1955. 18 ACMR, procès-verbal, 9 juin 1953. 19 Sloane, Last Gréât Necessity, p. 208.

queoecoises, Montréal, 19705 p- 5 38 ACMR, procès-verbal, 16 octobre 1959. 39 Donald Roy interviewé par l'auteur, 29 avril 2000 ; Merle Christopher interviewé par l'auteur, 28 janvier 2002.

20 Ibid., p. 239.

40 La Presse, 8 août 1979.

21 ACMR, rapport d'exercice, 1967.

41 La Presse, Ier février 1980.

22 ACMR, rapport d'exercice, 1977. 212

25 J. I. Cooper, Montréal: A BriefHistory, McGill-Queen's

NOTES

DBS

PAGES

161

À 177

CHAPITRE

DIX

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2 Montréal Gazette, iS octobre i y > 2 .

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3 ACMR, procès-verbal, 13 septembre 1959.

Pierre Mayrand, « A New Concept in Museology in

4 ACMR, procès-verbal, 12 septembre 1966.

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5 A C M R , procès-verbal, 2i mars 1961. 6 A C M R , procès-verbal, 27 juin 1973. 7 ACMR, procès-verbal, 19 septembre 1973, coupure sans ciate d'une lettre à la Montréal Gazette. 8 ACMR, rapport d'exercice, 1977. 9 ACMR, procès-verbal, 29 septembre 1982. 10 Donald Roy interviewé par l'auteur, 29 avril 2000. 11 Merle Christopher interviewé par l'auteur, 29 janvier 2002.

25 Société internationale des entreprises Économusée, http://www.economusees.com. 26 Cité dans Sébastien St-Onge, L'industrie de la mort, Éditions Nota bene, Montréal, 2001, p. 53. 27 A C M R , « Consolidation des entreprises funéraires », 20 octobre 1998. 28 Thomas Lynch, « Last Rites », Harper's Magazine, juin 2000,

p. 168.

12 ACMR, rapport d'exercice, 1986.

29 ACMR, « Consolidation des frais funéraires ».

13 Montréal Gazette 17 juin 1954.

30 St-Onge, L'industrie de la mort, 61, p. 127.

14 Merle Christopher interviewé par l'auteur, 28 janvier 2002.

31 ACMR, « Consolidation des entreprises funéraires ».

15 A C M R , procès-verbal, 22 février 1990.

32 ACMR, procès-verbal, 31 octobre 1991.

16 ACMR, procès-verbal, 31 mai 1990.

33 Département d'histoire de l'Université McCill, dossier de

17 ACMR, procès-verbal, 26 avril 1990.

recherche compilé par Sophie Mathieu.

18 A C M R , procès-verbal, 28 juin 1990.

34 www.mountroyalcem.com

19 ACMR, procès-verbal, 22 février, 25 octobre 1990 ; Malaka

35 Merle Christopher interviewé par l'auteur, 28 janvier 2002.

Ackaoui interviewée par l'auteur, 18 août 2000. 20 Le cimetière Mont-Royal. Un jardin pour la vie, Williams, Asselin, Ackaoui et Associés, Montréal, 1995, p. 30. 21 Field Guide to thé Birds o/ North America, National Géographie Society, Washington, 1992, p. 14. 22 Merle Christopher interviewé par l'auteur, 29 janvier 2002.

36 ACMR, rapport d'exercice, 1989. 37 A C M R , procès-verbal, 18 novembre 1991. 38 « This Is a Cemetery », brochure de la Compagnie du Cimetière Mont-Royal, s.d. Pour plus d'information sur le cimetière en tant que site patrimonial, consulter les bulletins de nouvelles de l'Écomusée de l'Au-Delà.

23 Michael Bliss, Northern Enterprise: Five Centuries of Canadian

NOTES

DES

PAGES

I 8 0

À

1y 8

2I j

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BIBLIOGRAPHIE

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imposante documentation remontant à l'établissement du

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protestantes ont joué un rôle crucial dans l'histoire du

actes et de la correspondance. Les registres dans lesquels sont

cimetière Mont-Royal. La communauté anglicane est traitée

notés les enterrements sont fort importants, comme le sont les

par J. I. Cooper dans The Blessed Communion: thé Origins and

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La meilleurs histoire des presbytériens à Montréal demeure

Press, Montréal et Kingston, 2002. Il existe une importante lit-

celle de Robert Campbell, A History of thé Scotch Presbyîerian

térature sur l'élite protestante qui a fondé le cimetière et le

Church in St Gabriel Street,W. Drysdale, Montréal, 1887. Au sujet

dirige encore de nos jours. Un bon point de départ à ce sujet

de l'évolution du protestantisme au début du XXe siècle, voir

se trouve dans l'ouvrage de Ronald Rudin, The Forgotten

notamment l'ouvrage de Michel Gauvreau, Collège and Creed in

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Douglas and Mclntyre,Vancouver, 1987. La vie du fondateur,

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John Samuel McCord, est décrite par P. Miller, B. Young,

University ofToronto Press, Toronto, 1985. Les implications du

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catholicisme et de l'enterrement sont traitées par Raymond

une vision passionnée, Musée McCord d'histoire canadienne,

Lemieux et Jean-Paul Montminy, dans Le catholicisme québécois,

Montréal, 1992. Pour mieux saisir le développement du mont

Les Éditions de l'IQRC, Québec, 2000. Sur les questions de la

Royal dans le Montréal anglais, il importe de consulter la thèse

commémoration et de la mémoire publique, voir Pierre Nora,

de doctorat de Roderick MacLeod, Salubrious Settings and

réd., Les lieux de mémoire, Gallimard, Paris, vol. 2, 1997.

L'ouvrage de Jonathan F.Vance, Death So Noble: Memory,

mémoire de maîtrise en planification urbaine de Charles

Meaning, and thé First World War, UBC Press,Vancouver, 1997, est

Mappin, The Evolution of Montreal's Cemetery Space from 1642

de la plus haute importance en raison de sa perception de l'in-

to thé Présent, Université McGill, 1995. L'aspect patrimonial des

fluence de la Première Guerre mondiale sur la commémoration

cimetières est traité dans le bulletin de nouvelles et d'autres

et les attitudes envers la mort. L'histoire du Fonds du Souvenir

publications de l'Écomusée de l'Au-Delà, société sans but

a été rédigée par Serge Marc Durflinger, dans Lest We Forget:

lucratif de Montréal dont les objectifs sont de préserver la

A History of thé Last Post Fund, 1909—1999, Fonds du Souvenir,

patrimoine naturel, culturel et historique des cimetières du

Montréal, 2000. Un ouvrage important sur la question du

Québec. Le développement de l'industrie des services

e

paysage de la mémoire collective au XX siècle est celui de

funéraires dans le Québec contemporain est étudié par

H. V. Nelles, The Art of Nation-Building: Pageantry and Spectacle at

Sébastien St-Onge, dans L'industrie de la mort, Éditions Nota

Quebec's Tercentenary, University of Toronto Press, Toronto, 1999.

bene, Québec, 2001. Le manuscrit inédit (s.d.) de Edgar

Les plus vastes implications de la spécialisation professionnelle

Andrew Collard, intitulé Garden in thé Sun, se trouve au

sont traités avec efficacité par Burton Bledstein, dans The

cimetière et est d'une importance particulière pour ce qui

Culture of Professionalism: The Middle-Class and thé Development

a trait à l'histoire du cimetière Mont-Royal. Au sujet des

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Asselin, Ackaoui et Associés, Montréal, 1995. Le site Web

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www.mountroyalcem.com offre une variété d'information sur

inégalités devant la mort », dans Étude méthodologique des crises

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L'ouvrage le plus influent sur la mort dans la société occi-

Ordina Éditions, Liège, 1979, ainsi que l'ouvrage de Geoffrey

dentale est celui de Philippe Ariès, Western Attitudes toivard Death

Bilson, A Darkened House: Choiera in Nineteenth-Century Canada,

from thé Middle Ages to thé Présent, Johns Hopkins University

University of Toronto Press, Toronto, 1980. L'épidémie de va-

Press, Baltimore, 1974. Le contexte historique de la mort est

riole survenue à Montréal en 1885 est traitée par Michael Bliss

éminemment traité par Michel Vovelle dans Mourir autrefois.

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Attitudes collectives devant la mort aux XVIIe et XVIIIe siècles,

Toronto, 1991. L'ouvrage d'Alain Corbin, The Foui and thé

Gallimard, Paris, 1974. Pat Jalland étudie l'histoire sociale du

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XIXe siècle dans Death in thé Victorian Family, Oxford University

1996, offre une étude intéressante de l'évolution des attitudes

Press, Oxford, 1996. La mort en Angleterre aux xvi e et XVII e

de la classe moyenne à l'égard des odeurs.

siècles est efficacement décrite par David Cressy dans Birth,

Au sujet de la mort au Québec, voir les ouvrages de Serge

216

aménagements récents effectués au cimetière, voir Malaka Ackaoui, Le cimetière Mont- Royal. Un Jardin pour la vie, Williams,

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La crémation est bien décrite dans la brochure publiée en

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importante étude de cas centrée sur les entreprises dunéraires

dans Robert Nicol, Ai thé End oj thé Road: Government, Society,

canadiennes, mais contient aussi une section considérable sur le

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2l8

plus professionnel que j'aie vu est celui de SusanWilson,

La signification de la montagne pour les Montréalais est

rités notables avec celle du cimetière Mont-Royal ; elle est

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B I B L I O G R A P H I E

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TT

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12

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18

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19

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20

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26

Résidence de William Murray,Westmount, 1899 / Musée McCord d'histoire canadienne, 11-132057

28

La montagne / Musée McCord d'histoire canadienne, M9944

32

L'évêque Francis Fulford / Musée McCord d'histoire canadienne,Vue-2343O

34

L'acte de consécration / Archives du diocèse anglican de Montréal

35

Le révérend William Squire / Archives nationales du Canada, n° d'accession 1965-60-26

35

Les charniers / Photographe : Aurèle Parisien

38

Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges / Photographe : Aurèle Parisien

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42

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Le lot de Sir John Abbott / Photographe : Aurèle Parisien

45 John William Dawson / Archives de l'Université McGill, PRO272OI

46

Pierre tombale de Joseph Onesakenrat / Photographe : Aurèle Parisien

47

Monument d'un enfant / Photographe : Brian Young

47

Monument d'Alice Graham Oswald (Happy) / Photographe : Aurèle Parisien

48

Edith Margaret Cleghorn, 1900 / Musée McCord d'histoire canadienne, 11-133755

50

Les mausolées de la famille Molson / Archives nationales du Canada PA-148773

51

Le caveau de William Workman / Photographe : Aurèle Parisien

52

Gwendolin Evelyn Allan / Gracieuseté dejoanne Morgan & Don Kelly

52

Anna Allan / Gracieuseté dejoanne Morgan & Don Kelly

52

Monument de Giulio Lallo / Photographe : Aurèle Parisien

52

Monument de Lilian Pribyi / Photographe : Aurèle Parisien

54

La catastrophe ferroviaire de 1864 / Archives nationales du Canada, ^038907

55

Le monument aux pompiers, 2002 / Photographe : Aurèle Parisien

58

Recommandation d'enterrement sans frais / Archives du cimetière Mont-Royal

60

La Ladies Benevolent Society / Musée McCord d'histoire canadienne,Notman 174471

62

Monument du Montréal Protestant Homes / Photographe : Aurèle Parisien

62

Monument du Montréal Sailors' Institute / Archives du cimetière Mont-Royal

63

Temple Emanu-el / Archives nationales du Québec à Montréal, fonds Armour Landry, P97, P14156

63

Cérémonie chinoise au cimetière Ross Bay / Archives de l'Université de Victoria, 93.O49P/38O4N

63

Signatures sur une lettre de la colonie chinoise, Archives du cimetière Mont-Royal décembre 7, 1903

66

Portail du cimetière, env. 1880—1890 / Archives nationales du Canada, C-O7O93O

66

La maison de garde ou salle d'attente / Archives du cimetière Mont-Royal

66

Résidence du régisseur / Archives du cimetière Mont-Royal

70

Carte postale stéréoscopique, publicité du photographe, J. G. Parks / Archives nationales du Québec à Québec, ?533, D4, ?3

71

Le lot de la famille Michael / Gracieuseté de Mary E.C. Coppin

72

Louisa Goddard Frothingham en deuil, env. 1898 / Musée McCord d'histoire canadienne, M2OO2.65.i5

73 Journée de patinage des élèves de Bute House, Montréal, 1873" / Musée McCord d'histoire canadienne, I-8i8oo 74

Richard Choules / Bibliothèque nationale du Québec, L'Opinion publique, 17 mai 1877, p. 231

76

Le tombeau de Joseph Guibord / Bibliothèque nationale du Canada, Henri Julien, C-OÔ2963

77

L'abbé Charles Chiniquy / Archives nationales du Québec à Québec, Piooo, 84, 052-1

78

Thomas Lett Hackett / Montréal Daily Star, 16 juillet, 1877, p. 2

78

La mort de Hackett / Division des livres rares et des collections spéciales, Bibliothèques de l'Université McGill,

78

Détail du monument de Hackett / Photographe : Aurèle Parisien

Canadian Illustrated News, 21 juillet 1877

22O

79

Groupe de francs-maçons, Montréal, 1877 / Musée McCord d'histoire canadienne, N-oooo.74

80

La vie à la cantine de Joe Beef / Le Canard, 28 avril 1874, Photo de la Bibliothèque nationale 1-8707

SOURCES

DES I L L U S T R A T I O N S

8o Joe Beef / Le Canard, 28 décembre 1878, p. 8 82

Inauguration du parc du mont Royal / Division des livres rares et des collections spéciales, Bibliothèques de l'Université McGill / Canadian lllustrated News, 3 juin 1876

83

Téléphérique menant au parc du mont Royal / Archives nationales du Canada, 0-070905

86

Acte de vente d'un lot à Haiice ALIcrice / Archives du cimetière Mont-Royal

87

David Thompson dans la passe de l'Athabaska, 1810 / Archives nationales du Canada, C. W. Jefferys, 0-070258

87

La tombe des Lovell / Photographe : Aurèle Parisien

87

Plan du lot de la famille Murray / Archives du cimetière Mont-Royal

88

Monument de Hannah Lyman / Photographe : Aurèle Parisien

89

Plan d'architecte pour le caveau de Henry Black, 1849 / Archives nationales du Québec à Québec, P54i,8a

89

Plan d'architecte pour le caveau de Henry Black, 1849 / Archives nationales du Québec à Québec, P54i,8b

90

Tombe d'Isabella Smith, épouse d'Andrew Allan, 1881 / Musée McCord d'histoire canadienne, 11-62637

91

Les ateliers de J. Brunet, env. 1901 / Bibliothèque nationale du Québec, Monuments du Mont-Royal,

91

Publicité de l'atelier Hyatt, 1857 / Gracieuseté de la bibliothèque W. D.Jordan de musique et des collections spéciales,

Cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Photo : Laprés & Lavergne Université Queen's, Kingston, Ont., Mackey's Montréal Directory, 1856—1857, p. 356 92

William Clendinneng / Musée McCord d'histoire canadienne, 11-86093

92

Extérieur de la fonderie Clendinneng, 1891 / Bibliothèque nationale du Québec

92

Intérieur de la fonderie Clendinneng, 1891 / Bibliothèque nationale du Québec

93

Publicité de la fonderie Clendinneng / Bibliothèque nationale du Québec, Picturesque Montréal, 1876

93

Piliers et grille de fer forgé, modèles Clendinneng / Tiré de la collection privée de David Clendenning

94

Publicité de l'entrepreneur de pompes funèbres Joseph C .Wray, 1889 / Musée McCord d'histoire canadienne, M2O02X.6.2.7O3

94

Corbillard pour enfant, 1908—1909 / Archives de la ville de Toronto, fonds 1244, article 5.16

96

Equipe de travailleurs au cimetière/ Archives du cimetière Mont-Royal

97

La caisse tombale/ Bibliothèques de l'Université McGill, Designs for Monuments and Mural 'lablets adapted to Rural Cemeteries,

99

Fiche d'inscription de Martha Andersen Phillips / Archives du cimetière Mont-Royal

Church Yards, Churches & Chapels, 1846 101

Le chanoine F. C. Scott lisant l'office des morts, 1912 / Archives du cimetière Mount Hermon, photo fournie par Mary Carter, Cambridge, Angleterre

107

Carte postale à la mémoire de Sarah Maxwell / Bibliothèque nationale du Québec

108

Cortège funèbre de Sarah Maxwell / Bibliothèque nationale du Québec

110 Vue du cimetière Mont-Royal, env. 1915 / Musée McCord d'histoire canadienne, Notman, vue-648i 111 William Notman / Musée McCord d'histoire canadienne, 1-1519.1

ni ni

Chapelle ardente du Dr McPhail, 1902 / Musée McCord d'histoire canadienne, 141731-1! Des fleurs pour Miss McDougall, 1910 / Musée McCord d'histoire canadienne, 179941-II S O U R C E S

DES

I L L U S T R A T I O N S

221

TT2

Invention brevetée de Ormiston Roy, 1909 / Bibliothèques de l'Université McGill, Gazette canadienne du Bureau

118

Le « char corbillard » / Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal

des brevets, vol. 37, avril 1909, n° 117770 118

La Buick de la résidence funéraire Armstrong, 1927 / Archives du cimetière Mont-Royal

122

Massifs de pivoines près du crématorium / Archives du cimetière Mont-Royal

123

En tramway sur la montagne / Association canadienne d'histoire ferroviaire

124

Cortège funèbre d'Isabella Scott, née McMaster / Archives nationales du Canada, Collection de la Gazette, PA-i834i

124

Circuit pittoresque pour automobilistes, 1941 / Archives du cimetière Mont-Royal

125

Ormiston Roy / Gracieuseté de la famille Roy

128 Infirmières portant un cercueil,Winnipeg / Archives publiques du Manitoba, Collection L.B. Foote, 189, Ni789 128

La chapelle de la résidence funéraire Joseph C.Wray, 1934—1935 / Musée McCord d'histoire canadienne,Vue-2584

130

Le four à réverbère Siemens / Bibliothèque nationale du Canada, C-6i27i

132

L'incinération du Dr William Price, Pays de Galles/ National Muséums & Galleries ofWales

134 John H. R. Molson, 189 / Musée McCord d'histoire canadienne, 11-91436 136

William Christopher Macdonald, 187 / Musée McCord d'histoire canadienne, 45493-6!

137

Plan d'implantation du crématorium, du jardin d'hiver et des charniers, env. 191 / Archives du cimetière Mont-Royal

137

Le jardin d'hiver et le crématorium, env. 191 / Archives du cimetière Mont-Royal

137 Intérieur du jardin d'hiver / Archives du cimetière Mont-Royal 138

La chapelle / Photographe :Aurèle Parisien

141

Le portail Roddick de l'Université McGill / Archives de l'Université McGill, PR2Ô75

141

Le portail Roddick en miniature au cimetière / Archives du cimetière Mont-Royal

141

Sir Thomas Roddick / Archives de l'Université McGill, PR8336

144

Cimetière militaire Papineau, 1942 / Archives nationales du Canada, 0-54491

146 Lot et canon du Fonds du Souvenir / Gracieuseté du Fonds du Souvenir 146

Canon du Fonds du Souvenir pointé vers les sépultures, 21 / Photographe : Julien Leloup

150

Concession de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth (hiver) / Archives du cimetière Mont-Royal

150

Concession de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth / Photographe :Aurèle Parisien

151

La croix du sacrifice/ Photographe :Aurèle Parisien

152

Inauguration de la concession du Fonds du Souvenir, 191 / Gracieuseté du Fonds du Souvenir

153

Survol du monument George-Etienne Cartier, 24 mai 1921 / Gracieuseté du Fonds du Souvenir

154

Le cénotaphe de Westmount / Photographe :Aurèle Parisien

156

Cortège funèbre de Sir Arthur Currie / Archives de l'Université McGill, PR357

157

Monument de Sir Arthur Currie / Photographe :Aurèle Parisien

157 Lot du ministère des Anciens combattants / Photographe :Aurèle Parisien

222

SOURCES

DES

ILLUSTRATIONS

i6o

Le mausolée Judah / Photographe :Aurèle Parisien

162

Grandir sur la montagne — Betty Roy / Gracieuseté de la famille Roy

166

Les fossoyeurs en 2002 / Photographe :Aurèle Parisien

167

Monument grec orthodoxe / Photographe :Aurèle Parisien

169

Publicité de 1939 / Archivu.s du umctière Mont-Royal

169

Publicité de 1988 / Archives du cimetière Mont-Royal

169

Publicité de 1990 / Archives du cimetière Mont-Royal

172

Convoi funèbre, env. 1930 / Musée McCord d'histoire canadienne, MP-i978.iO7-58

172

Inauguration de la voie Camillien-Houde, 1958 / Archives nationales du Québec à Montréal, fonds Armour Landry, P97, Pi554O

174

Des travailleurs réparent des pierres tombales après les célébrations de la Saint-Jean-Baptiste sur la montagne, 1976 / Archives de la Gazette de Montréal

175

Vue du mont Royal à vol d'oiseau / Archives du cimetière Mont-Royal

176

Arbres centenaires abattus sur le mont Royal / Archives de La Presse

179

La voûte des archives, bureau principal / Photographe : Aurèle Parisien

181

Elsie Reford dans son jardin à Grand-Métis / Alexander Reford, Jardins des Métis

181

C. D. Howe / Archives nationales du Canada, C-O05337

183

Anna Harriet Leonowens, née Crawford / Musée McCord d'histoire canadienne, 180204-!!

183

Le bourreau du Canada : Alexander Armstrong English / Archives de la Montréal Gazette

186

Plan du crématorium / Archives du cimetière Mont-Royal

187

Merle Christopher, Directeur général / Photographe : Aurèle Parisien

189

Hors du temps, sculpture de Charles Daudelin / Photographe : Aurèle Parisien

189

Section des enfants, sculpture de Pascale Archambault / Photographe : Aurèle Parisien

190

Dessin d'architecture du paysage / extrait de Malaka Ackaoui, Le cimetière Mont-Royal. Un jardin pour la vie,

191

Liste de contrôle quotidien des oiseaux observés au cimetière Mont-Royal / Archives du cimetière Mont-Royal

192

Portes ouvertes / Archives du cimetière Mont-Royal

193

Francis Reginald Scott / Archives nationales du Canada: PA-2O583O

193

Monument de Marian et de F. R. Scott / Photographe : Aurèle Parisien

193

Dernier hommage à Howie Morenz, 1937 / Montréal Gazette, 12 mars 1937, p. 13

195

Organigramme / McGill-Queen's University Press

196

Le four crématoire, 2002 / Photographe : Aurèle Parisien

196

Extérieur du complexe funéraire, 1998 / Archives du cimetière Mont-Royal

197

Intérieur du complexe funéraire, 2002 / Archives du cimetière Mont-Royal

197

Le columbarium, 2002 / Photographe : Aurèle Parisien

197

Les bureaux vus de l'extérieur / Photographe : Aurèle Parisien

SOURCES

DES

ILLUSTRATIONS

223

PLANS

xxii Plan du mont Royal montrant les deux principaux cimetières (Plan dressé par Rod MacLeod) 9 Emplacement du cimetière protestant, 1815 (Joseph Bouchette, plan de Montréal, 1815) 29 La ferme Spring Grove, décembre, 1851 (Adapté par Rod MacLeod du plan de J. Springle, 1851, Archives du cimetière Mont-Royal) 30 Plan du cimetière par Sidney et Neff, 7852 (Plan du cimetière Mont-Royal, Montréal, Sidney et Neff, 1852, Archives du Cimetière Mont-Royal) 36 Terrains achetés par le cimetière Mont-Royal, 1851—1883. (Plan dressé par Rod MacLeod) 67 Plan de l'entrée, 1885 (Plan dressé par Joseph Rielle en 1885 et réimprimé en 1891, Archives du cimetière Mont-Royal) 68 Le mont Royal en 1866 (Détail d'un plan non identifié de Montréal, 1866, Archives du cimetière Mont-Royal) 9 8 La montagne et le quartier Mile End, 1872 (Plan de Montréal dressé en 1872 par Johnson, Archives du cimetière Mont-Royal) 115 Plan de l'entrée du parc, 1885 (Plan dressé par Joseph Rielle en 1885 et réimprimé en 1891, Archives du cimetière Mont-Royal) 117 Emplacement du cimetière Hawthorn-Dale sur l'île de Montréal (Plan dressé par Rod MacLeod) 117 Plan du cimetière Hawthorn-Dale (Plan non identifié du cimetière Hawthorn-Dale, sans date, Archives du cimetière Mont-Royal) 171 Projet du maire Jean Drapeau relatif à l'aménagement de deux artères nord-sud franchissant le mont Royal, 1955. Coupure sans date du Montréal Star, Archives du cimetière Mont-Royal) 173 Changements apportés aux limites du cimetière, 1928—1963 (Plan dressé par Rod MacLeod) 234 Plan de reconnaissance du cimetière Mont-Royal (Plan dressé par Rod MacLeod) 234 Plan de reconnaissance du secteur sud-est (Plan dressé par Rod MacLeod) 234 Plan de reconnaissance du secteur sud-ouest (Plan dressé par Rod MacLeod) 235 Plan de reconnaissance du secteur nord (Plan dressé par Rod MacLeod) 235 Plan de reconnaissance du secteur des œuvres de bienfaisance (Plan dressé par Rod MacLeod)

224

SOURCES

DES

ILLUSTRATIONS

N D EX

abbaye de Westminster, 33 Abbott, famille, 45 Abbott, Sir John. C., 45, 181, 191, 234 Ackaoui, Malaka, 188 administrateurs, 25, 37, 53, 76-77, 100-103, 112-114, 133, 147-148, 151, 159-160, 165, 179-180, 187-198 ; et le développement, 168 ; et les questions environnementales, 174-177, 190 ; et les relations de travail, 166 Albany, cimetière rural d', 16, 19 Alderdice, Hance, 86 Allan, Andrew, 90 Allan, Anna, 52 Allan, famille, 59, 93, 235 Allan, Gwendolin Evelyn, 52 Allan, Sir Hugh Montagu, 52 Allan, Sir Hugh, 52, 77, 90, 235 aménagement paysager, 18, 19, 65, 66, 67, 69, 85, 112-113, T I 8 , I 2 2 > 148, 157 American Park and Outcioor Art Association, 112, 123

Amis de la Montagne, les, xliv Amis du Cimetière Mont-Royal, les, xliv, 191, 192 Anatoiny Act (1844), xli, 13, 79 Anciens combattants, voir ministère des, anglicans, xli, 4, 5, 6, 7, 21, 24, 31, 32, 34, 37, 119, 134, 145, 170 ; voir aussi Église d'Angleterre Angus, Richard, B., 49, 235 Archambault, Pascale, 188 architectes, 69, 89 Armée du Salut, 61, 120

Arrnstrong, George, 33 association américaine des régisseurs de cimetière, xlii, 109, 123 Association des citoyens d'Outremont, 184 association montréalaise des parc et terrains de jeux,170 association nationale des directeurs de pompes funèbres, xlii, 127 Association of American Cemetery Superintendents, voir association américaine des régisseurs de cimetière automobile, 66, 118, 122-123, 168, 171, 172 Bagg, Stanley Clarke, 51 Banque de Montréal, 49, 53 baptistes, 24, 31, 37, 170 Bartlett, William, 19, 20 Beattie,John, 109, 119 Beaugrand, Honoré, 140, 191, 234 Beefjoe, 78-80,234 Bell, société xlii, 170 Dernier, Blythe, 195 Berton, Pierre, 191 Bethune, famille, 45, 234 Bethune, John, 43, 45 bienfaisance, 55, 56-61 bienfaisance, secteur des œuvres de, 7, 8, 53, 55, 57,61, 119, 120 Birks, famille, 234 Birks,John, 26 Black, Hon. Henry, 89 Blake, Charles, 6 Blomfield, Sir Reginald, 149

Borden, Robert, 148 Brown, Capability, 16 Brown, David, 26 Brown, George, 153 Brown,Thomas Storrow, 43, 235 Browne, George, 50 Browne, John James, 50, 69 Brunet,J., 91 Brunetti, Bruno, 129 Buffalo Médical and Sitrgical Journal, 130

Bulmer, Henry, 109 Caldwell, Jane, 47 Camillien-Houde, voie, 123, 172 Campbell, Roy. L., 109 Canadian Horîicultural Magazine, 108 Canadian Patriotic Fund, 148 Carnegie, Andrew, 131 Cartier, George-Etienne, 23, 143, 153 Cataraqui, cimetière, 16, 19 catastrophes, 54, 55, 108, 234 catholiques, 3, 7, 24, 149, 194, 208 ; relations avec les protestants, 23-24, 75-78 ; et la crémation 129,135, 140 Centre Funéraire Côte-des-Neiges, 194 Champ d'honneur, 153, 155 Chapman, Bill, 162 charniers, 32, 35, 75, 76, 95, 96-97, 104, 137,

^33 chemins commémoratifs, 150-151, 153 Chevaliers du Travail, 56 Chiniquy, Charles, 46, 77, 149, 235 chinoise, communauté, 42, 59, 61—62, 63, 233

choléra, 10-12 Choules, Richard, 74 Christ Church, 6, 49, 76 Christopher, Merle, xliii, xliv, 176, 180, 187, 188,190 cimetière de l'Est, 120, 140 cimetière de Saint John, 24 cimetière Graceland, 16, 112 cimetière Green-Wood, 16, 19, 20 cimetière Hawthorn-Dale, xlii, xliv, 100, 102, IT6-T20, 146, 160, 162, 170, 179, 180, 187, 196, 207 cimetière Highgate, 16 cimetière Laurel Hill, Ixi, 16, 21 cimetière militaire de l'île Sainte-Hélène, 144, H5 cimetière militaire Papineau, 144, 211 cimetière Mont-Royal, bilinguisme au, 188 ; bureaux du, 101-102 ; et l'entretien perpétuel, 99—100 ; et la crémation, 126—141 ; et la main-d'oeuvre, 96 ; et la récréation, 82 ; et la transmission des lots, 85 ; et la vie sur la montagne, 95, 162 ; et le développement foncier, 170-171 ; et les enfants, 4, 47, 48, 52—53, 119 ; et les épidémies, 4, 10—12, 57, 104 ; et les femmes, 60, 70, 81, 88, 131 ; et les héros, 56, 74-75 ; et les pauvres, 59-61 ; et les questions environnementales, 168—190 ; et les règles, 82, 86 ; et ses relations avec le cimetière catholique, 23-24, 25, 75-78 ; fondation du, 16, 19, 25, 37, 134—136 ; voir aussi, enterrement, consécration, régisseurs, administrateurs cimetière Mount Trafalgar, 25, 26, 27 cimetière Notre-Dame-des-Neiges, xli, xliii, 16, 24, 38, 39, 51, 61, 68, 75, 82, 91, 115, 122, 140,164,166,185, 233, 235 cimetière Papineau, xli, 10, 56, 116 cimetière protestant, 5, 6, 8, 9, 10, 12, 19, 25, 26,32, 37,73, 103 cimetière rural de Moncton, 25, 202 cimetière rural, 16, 22—39, 105, 113 cimetière Saint-Antoine, 6 cimetière Swan Point, 16 Clarke, Isaac Winslow, 6 Cleghorn, Edith Margaret, 48 226

I N D E X

CleghornJ. P., 109 Clendinneng, William, 86, 92-93, 234 clergé, 8, 57, 58, 114 clôtures, 65, 86, 90, 93, 122, 205 Cloutier, Myriarn, xliv, 190 club de raquetteurs du mont Royal, 55 Coeurs-Unis, loge maçonnique, 79 Collar, Edgar Andrew, 176, 182 Collins Clark MacGillivray, andWhite, 194 Comité pour la sauvegarde de Montréal, 170 commémoration, 48, ni, 143, 146-147, 149-155, 188, 189 Commission des lieux et monuments historiques du Canada, xliv Commission des sépultures de guerre du Commonwealth, xlii, 148, 149, 150, 151, 155, 211,233 Compagnie de la Baie d'Hudson, 234 Compagnie du Cimetière de Montréal, 26, 27, 3i Compagnie du Cimetière Mont-Royal, 129, 164, 169, 170, 184, 198,199 Complexe Commémoratif Hawthorn-Dale, xliv, 196 Complexe Funéraire des Trembles, 195 Conférence impériale de guerre, 148 congrégationaliste, Église, 8, 24, 37, 170 Connolly,Joseph S., 109 consécration, xli, 31, 34, 119 Constable,John, 15 corbillard, 93, 94 ; voir aussi, transport Corse, Henry, 33 crémation, xlii, 126—141, 160 ; voir aussi crématorium Crémation: Ils History, Practice and Advantages,

135 crématorium de Forest Hills (Boston), 134 Crématorium Limitée, xlii, 136 crématorium, xliii, xliv, 122, 127-141, 160, 169, 170,185, 186, 192, 194,195, 196 Croix du sacrifice, xliii, 149, 151 Croix noire, 132 crypte, 4, 163, 169, 185 culture populaire, 74-81 Cunningham, William, 91 Currie, Sir Arthur, xliii, 146, 154-157, 211, 235

D'Urban, Général Benjamin, 144, 156 Dallaire, Alfred, 184 Daudelin, Charles, 189 David, A. A., 25, 27 Davidson, Arthur, 6 Davidson, Thornton, 49 Davis, Mortimer, 63, 235 Dawson, A. O., 109 Dawson, John William, 43, 45, 234 Day, Charles Dewey, 43 Dean, R. H., 109 Dearborn, Henry A. S., 19 Denechau, loge maçonnique, 79 Deuxième Guerre mondiale, 155, 164, 165, 211 DeWitt, Jacob, 25 dimanche des pivoines, 122, 123 donneurs (McGill), xlviii, 234 Doudiet, rév. Charles A., 76 Douglas, David B., 19 Dow, William, 43, 234 Downing, Andrew Jackson, 16, 28, 82 Drapeau, Jean, 168, 171 Drummond famille, ni Drummond, George A., 51 Duffield, William, 102 Duncan, James, 18 Durnford, A.T. Galt, 211 Durnford, George, xliii, 100, 101, 145 Durnford, John W, 109 Duvernay, Ludger, 33, 39 Easton Cemetery, 28 Écomusée de l'Au-Delà, 213 économusée, 191 Église d'Angleterre, 24, 74, 80, voir aussi anglicans église presbytérienne St Andrew, 8, 25 église presbytérienne St Gabriel, 6 église St Pauls, 103 église St Thomas, 80 Église unie, 37, 170 élite, 40—43 embaumement, xli, 14, 127 émigrants, n, 57, 58, 166—167 enfants, sections des 52, 53, 189, 233, voir aussi mortalité infantile

English, Alexander Armstrong (alias Arthur Ellis), 183 enterrement militaire, 10, 143-157 enterrement, 1', 8-12, 47, 97, 101, 120 ; de l'élite, 41 ; des enfants, 45, 46—53 ; des militaires, 73-74, 142-157 ; des pauvres, 7, 8, 12, 55, 56—61, 119, 208 ; en hiver, 32, 104 ; et L transmission de lots, 85 ; et les femmes, 70-72, 88 ; par opposition à l'incinération, 127 entrepreneurs de pompes funèbres, 91, 93, 103, 127, 128, 131, 160 ; voir aussi, Joseph C.Wray, résidences funéraires entretien perpétuel, 99-100, 112, 206 environnement, Ixiv, 168, 170, 171, 176, 184, 190 épidémie de grippe, xliii, 104, 140 épidémies, 4, 10-12, 57, 104 épitaphes, 43, 46, 48, 88, 121 Erichsen, Hugo, 132 Esdaile, Robert, 109 eugénisme, 61 Everson, Robert M., 109 Farthing, John Cragg, 119 femmes, les, 60, 88, 131 ; assistance aux funérailles, 80—81 ; clans les espaces publics, 205 ; tenue de deuil, 71—73 fer forgé, 42, 43, 90, 93 Ferrier, James, 26, 43, 234 Field, Kate, 132 Firemen's Benevolent Association, 59 Fleet, C. J., 109 fleurs, 48, 66, 121, 122, 124, 128 fonderie Clendinneng, 90, 92—93 Fonds du Souvenir, xlii, 145-148, 150, 152, 154, 155, 233 Footner, William, 69 Ford Motor Company, 125 Forest and Stream Club (Dorval), 108 Forest Home (Milwaukee), 132 Forest Lawn, voir parc commémoratif Forest Lawn Forsyth, Thomas, 6 Forum de Montréal, 193 fosse commune, xlii, 57, 61, 114, 115, 116, 119,

120,233,235

fossoyage, 14, 95, 96, 97, 101, 116, 133, 163, 166 Fowler et Roy (architectes), 69 francs-maçons, 74, 79, 235 Fresh Pond Crématorium, 129 Frothingham, famille, 43, 235 Frothingham, Louisa Codciard, ~-, 134, 235 Fulford, Francis, Ixi, 32, 34, 43, 234 funérailles, 12, 13, 94, 102, 103, 127, 133 funiculaire, 83 Gagnon, Léon,176 Galt, Alexander Tilloch, 181, 191,234 Gardner Earl Mémorial Crématorium, 138 Gates, Frank E. H., 109 Gault, Mathew H., 46, 57, 109, 234 Gauthier, Pierre, 81 Gibb, Benaiah, 43, 53, 234 Gilmour, John, 202 Gow, Agnes, 87 Graham, Alice, 48 Graham, Hugh, 145 Grand Tronc, chemin de fer du, 49, 55, 74, 125 Grecs orthodoxes, 167, 168, 170 Greenwood, Murray, 6 Grimsdale, Edith, 183 Guibord, Joseph, 46, 76, 77, 119, 149 Gwilliam, Henry, 102, 119 Hackett,Thomas Lett, xlii, 75-78, 119, 143, 168,235 Hair, Arthur H. D., 145 Hall, Benjamin, 31,51 Hanson, W. Gordon, 109 Hanson, William, 109 Hays, Charles Melville, 49, 234 Hellenic Ladies' Benevolent Society, 168 Henderson,Jessie Margaret (Betty Roy), 162 Henderson, John, 162 herbe, 99, 113 Hersey, Dr Milton L., 109 Hill, George W, 151 Hingston, William, 76 Hodgson, C. J., 109 Hodgson, famille, 107 Hoggard, John, 91

Holgate, Edwin, 234 Holliday, Maxwell, A., 164 Holmes, Benjamin, 26 Holt, Herbert, 49, 234 Holton, Luther, 25 Hope,J.C., 109 hôpital de maternité, 58 Hôpital général de Montréal, 8, 14, 23, 26, 58, 59,94, 104, 134, 145 Hôpital Royal-Victoria, xlii Hopkins, John William, 69, 234 Howe, Clarence Decatur, 181, 234 incendie de l'école Hochelaga, 108 International Cemetery and Funeral Association, 192 Irish Protestant Benevolent Society, 56, 61, 235 Irving, George, 116 Jardin botanique de Montréal, 121 jardins botaniques de McGill, 137 Jardins commémoratifs Lakeview, 153 Job, Allan, 195 Judah, mausolée des, 51, 160 juifs, 6, 31, 61, 67, 131, 167 Kay, Thomas, 51 Kilgore, Augustus, 101 Koch, Ernest C., 109 Kurczyn, Sarah, 87 Labelle, Magloire, 81 Ladies Benevolent Society, 23, 59, 60, 235 Lafleur, Eugène, 125 LaFontaine, Louis-Hippolyte, 23 Lallo Giulio, 52 Langford, John, 107 Laroque, A., 25 Laviolette, Louis, 103 Légaré, Joseph, n Leonowens, Anna Harriet (née Crawford), 183,234 Lépine Cloutier, 191, 192, 194 Lewis, Mrs. Ralph W, 2 i i lieu de sépulture militaire (chemin Papineau), 10, H3 I N D E X

227

M. A. Blythe Bernier, résidence funéraire, xliv,

McCord, Thomas, 15 McCrae,John, 143 McCraie, Margaret, 79 McCuaig, John, 95 McCulloch, Dr Michael, xli, 27, 28, 29, 37, 234 McCulloch, famille, 234 McDougall, James, 109 McDougall, Miss, ni McEwen, Mme A.W, 102 McGee,Thomas D'Arcy, 80, 153 McGill, James, 6 McGill, Peter, 43, 44, 53, 234 McKergow, Prof. C. M., 109 McKieran, Charles, 78, 79 McPhail, Dr, ni méthodistes, 7, 24, 37, 46, 170 Michael, William, 71 Mill, John Stuart, 23 Mills, Hiram, 51 ministère des Anciens combattants, xliii, 155,

195 Macaulay, T. B., 109 Macdonald,William Christopher, 127, 135, 136, 150, 234 MacDonald,Wilson, 180 Mackay, famille, 234 Macpherson, Alex, 109 Macpherson, Douglas G., 109 Magor,J. H., 109 main-d'oeuvre, 96, 103, 104, 119, 164-166 ; voir aussi, fossoyage, syndicat MaitlandJ. H. 26 Mallarmé, Stéphane, 121 Malone, Catherine Montgomery, 57 Malone, Catherine, 57 Malone, William, 57 Marier, John de M., 109 Massachusetts Horticultural Society, 16, 19, 21 Mathewson, John, 26 Matthews, Frederick B., 25, 26 mausolées, xli, 43, 50, 51, 89, 100, 119, 147, 160 mausolées des Molson, 50, 233 Maxwell, Edward, 234 Maxwell, Sarah, 107, 108, 234 McCord, John Samuel, 14, 15, 17, 18, 19, 21, 23, 26, 36, 43, 46, 69, 88, 108, 109, 234

157,233 Modem Cremationist, 130 Moffatt, George, 26, 108 Molson, famille, 50, 59, 93, 147 Molson, John, 26, 50, 51, 233 Molson, John H. R., 72, 127, 133, 134, 135, 235 Molson, Thomas, 51, 134, 233 Molson, Walter, 109 Molson, William, 51 mont Royal, 15, 18, 27-28, 29, 33, 39, 68, 153, 162, 170,171, 172, 175, 176,191, 192 Montréal Assurance Company, 25 Montréal Auxiliary Bible Society, 44, 53 Montréal Park and Island Railway, 82 Montréal Protestant Homes, 62 Montréal Sailors' Institute, 59, 62, 78, 235 Montréal Tramways Company, 116 monument des pompiers, 55 Morenz, Howie, 191, 193, 234 mortalité infantile, 4, 47, 48, 52-53, 233 ; voir aussi, enfants Mount Auburn, cimetière, xli, 16, 19, 20, 28, 132 Mount Murray, xli, xliv, 32, 33, 69, 174, 180, 184,187,188 Mountain View, xliv, 184, 188, 233

lieux de sépulture catholiques, 4, 5, 6, 10, n ; voir aussi, cimetière Notre-Dame-des-Neiges Lighthall, William Douw, 147 Lilac Knoll, 139, 233 Loewen, 192 Loi des salaires raisonnables, 164 Loi sur l'assurance-chômage, 164 Loi sur les accidents du travail, 164 Loudon,John Claudius, 16 Lovell, John, 87, 234 Lusitania, 52 luthériens, 170 Lyman, Arthur, 109 Lyman, Benjamin, 26, 88, 109 Lyman, Hannah, 88, 235 Lyman, Henry, 109 Lyman, William, 25

228

I N D E X

Mount-Hermon, cimetière, 16, 19, 31, 48, 99, 202,206 Murray, Alexander, 87 Murray, famille, 87 Murray, John, 87 Murray, William, 26, 27, 87, 108, 109, 234 Mussell, C. G., 109 NaU, Alfred, 102 National Dream, 191 Natural History Society, 19, 23 nécropole, de Glasgow, 16, 108 ; de Toronto, 19 Neff, James P.W, 28, 30 Nora, Pierre, 143 Norsworthy, Elsie, xliv, 188 Notman, William, ni, 234 observation des oiseaux, 48, 180, 188 Oddfellows, 74, 75 Ogilvie, Alexander Walker, xlii, 76, 109, 133 Olmsted, Frederick Law, 82, 98 Onesakenrat (ou Onasakenrat) Joseph, 46, 234 Ordre d'Orange, xlii, 24, 75, 77, 78 Ordre impérial des filles de l'Empire, 145, 150 Orrjack, 176 Ostell,John, 25 Oswald, Alice Graham, 47 Outremont, 167, 170 Outremont, sommet, 26 Panthéon (Paris), 33 Papineau, Louis-Joseph, 23 Paquet, Louis-Adolphe, 135 parc commémoratif, 140, 184 Parc commémoratif de Montréal, 184 parc commémoratif Forest Lawn, xlii, 151, 163, 194 parc du mont Royal, 82, 83, 115, 162 parc Murray Hill, 26 Parks,J. G., 70 Pasold,Anne, 190 Pasteur, Louis, 130 Patterson, John, 109 pauvreté, 7-8, 10, 55, 56-61, 62, 114, 119, 145-147, 208, 235 Pelton,Joshua, 12, 33, 101

Penny, E. Goff, 109 Père-Lachaise, cimetière du, xli, 16 Perrault, Henri-Maurice, 39, 69 Perry, Alfred, n Phillips, March Andersen, 99 photographie, 48, 69, 70, ni pierre tombale, 8, 52-53, 88-91,148 Pilon, Henri, 165 Pine Hill Side, 49, 116, 121, 125, 155, 161 plan-pelouse, 100, 112—113, 118-119, 148, 157 Pointe-Saint-Charles, 10, n, 49, 76, 200 pompiers, 55, 74, 235 portail, 65, 66, 72 Porter, Percy, 148 Première Guerre mondiale, 104, 143, 154, 160, 211

presbytériens, xli, 5, 6, 24, 37, 77, 170 presbytériens américains, 37 Prévost, Mme Amable, 51 Price, Dr William, 132 Proctor, C. D., 109 profession médicale, 57, 133 Protestant House of Industry and Refuge, 26, 59,235 Protestant Orphan Asylum, 23, 59, 235 protestantisme, 3, 4, 49, 76, 77, 101, 129 ; et l'enterrement, 4, 5, 10—n, 73 ; et la culture, 70—71, 82 ; et la pluriconfessionalité, 6, 24, 31, 37> 59 ; et la richesse, 49, 58 ; et les œuvres de bienfaisance, 58—61 ; institutions du, 19, 26—27 ; voir aussi, clergé PykeJ.W, 109 Redpath, famille, 59, 234 Redpath, John, 23, 26, 32, 36, 46 Redpath, musée, 134 Reford, Elsie, 181, 234 Reford, Robert, 43 régisseurs, 33, 36-37, 93, 95, 102, 107-114 ; voir aussi, Richard Sprigings, Frank Roy, Ormiston Roy registres, 99, 163, 179 Richardson, James, 6 Richler, Mordecai, 234 Roberge, Huguette, 177 Robertson, C., 91, 93

Robertson, Dr William, 51 Robertson, Elizabeth Amelia Campbell, 51 Robertson, Farquhar, 109 Robinson,John, 57 Robinson,W.W., 109 Roddick, Thomas, 141,234 romantisme, 15-16, 46, 82 Rosé, John, 43 Ross, Anne, 17 Ross, Brig.-Gén. J. G., 109 Ross, Jane Davidson, 88 Ross, Robert, 81 Rowan, John, 234 Roy, Andrew, 36, 139, 195 Roy, Betty, voir, Henderson, Jessie Margaret Roy, Carlyle, 125 Roy, Donald, 139, 161, 164, 176, 177, 179, 182, 185, 195 Roy, famille, 36 Roy, Frank, 99, 108-109, I T 3, 124, 235 Roy,John F., 102, 103, 139, 159, 162, 165, 179, 234 Roy, Lawford et Nelson (architectes), 69 Roy, Ormiston, xlii, xliii, 36, 37, 87, 99, 100, 102-105, 108-125,129, 132,135, 137, 139, 148, 150, 153, 155, 157, 159, 161, 162,163, 164, 179, 182, 188,234 Roy,W.Wallace, 139, 162 Royal Botanic Garden (Glasgow) 21, 108 Royal Horticultural Society, 108 Russe orthodoxe, 167 Ryan, Edna, 52 Ryan, George, 52 Ryan, J. A., 102, 148 Ryan, Lawrence, 52 Ryerson, Stanley, 234

santé publique, 3, 4, 7, TO, n, 13, 32, 35, 49, 130—131, 202 Scots Fusilier Guards, 55 Scott, Barbara, 51 Scott, Dr William Edward, 14 Scott, Frank R., I O L , 193, 234 Scott, Frederick George, 101, 145, 193 Scott, Isabella (née McMaster), 124 Scott, Marian Dale, 193

Scouts, 74, 150 Séminaire de Montréal, 4 Service Corporation International, 192, 194 Services commémoratifs Mont-Royal, xliv, 195,196 Sewell, Stephen, 47 Shaar Hashomayim, 37, 63, 173 S harpe, William, 56 Shearith Israël, 37, 63 Shorey, S. O., 109 Sidney, James, 28, 30, 65 Siemen, William, 129, 130 Simonds, Ossian Cole, 112-113, 123 Simpson, George, 234 Sise, famille, 234 Sloane, David, 36 Smillie, James, 19, 20 Smith, G. F. C., 109 Smith, Isabella, 90 Smith, John, 26 Société allemande, 55 Société d'horticulture de Montréal, 27, 36, 108,123 société de numimatique et d'antiquités, 101 société du cimetière rural de Saint John, 13, 25 Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux, TOI Société Saint-Jean-Baptiste, 15, 39, 174 Sprigings, Charlotte Ann, 36, 109 Sprigings, Duncan Charles, 36 Sprigings, Edward Findlay, 36 Sprigings, Edward, 36 Sprigings, Richard, xli, 36, 66, 81, 93, 95, 112, 235 Sprigings,William, 36, 93, 95, 115 Spring Grove, ferme, 27, 29 Springle, James, 29 Squire, William, 32, 35, 43, 180, 182, 234 St Andrews Society, 8, 26, 44, 53, 55, 59, 61, 76 St George's Society, 59, 79, 235 St John thé Evangelist, église, 12 St Margaret's Home for Incurables, 59, 235 Stavely, Edward, 89 Stearns, Seargent P., 109 Stewart Enterprises, 194 Stewart,T. Howard, 150

INDEX

229

Stirling, John, 109 sulpiciens, 46 ; voir aussi Séminaire de Montréal Sun Life Assurance Company, 46 S windlehurst, Albert, 162 Syndicat des travailleurs du service d'immeuble, 160 Tait, William, 36 Tasker, James, 109 Taylor, Andrew T., 136 technologie, 159, 161 temple Emanu-el, 63, 235 terrains à sépulture avec compartiments creux, 112 Teuscher, Henry, 121, 235 Thomas, Dudley S., 109 Thomas, Wolferstan, 133 Thompson, David, 87, 234 Thompson, Sir Henry, 129 Thornhill, H. P., 109 Titanic, 49, 52 tondeuse, xlii, 99 Torrance, David, 234

230

INDEX

Torrance, famille, 46 Torrance, John, 26 tramway, 114, 118, 122, 159 transport, 94, 170, 171, 172, 208 ; voir aussi, corbillard, tramways, automobile Treggett, William, 202 tumuluï, 53, 114, i i y Turner, Peter, 93 Ukrainiens, 167 Union des Prières, 61 unitariens, 31, 37, 134 United Empire Loyalist Association, 101 Université McGill, xlviii, 13, 21, 23, 24, 45, 61, 134, 137, 146, 162,173,191 Urgel Bourgie, 194 Vaillancourt, David, 81 Vatican II, 140 Vaughan, Sarah, 50 Vennor, Henry, 26 Verdun and District Sportsman's Association, 161 viol de sépultures, 13

Weir, George, 144 Wesleyan Methodists, 6, 31 ; voir aussi méthodistes Westfall, William, 24 Westmount, 66, 153 White, Richard, 109 Whitchead, Colonel Edward A., 74 Wight, Norman, 109 Wilkie, Donald 13., 109 Wilson, Charles, 95 Wilson, Henry, 235 Woodlawn, cimetière, 28 Wordsworth, William, 15 Workman, Joseph, 10 Workman, William, 25, 51, 234 Wray, Joseph C., 33, 94, 128 Wray-Wilton-Wray, 194 Wylde, Dr Robert, 130 YMCA, 44, 55, 59, 78, 174, 235 Young, John, 25, 234 Young, Samuel, 35 Yourcenar, Marguerite, 199

PLANS DU

DE RECONNAISSANCE

CIMETIERE

MONT-ROYAL

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Plan de reconnaissance du cimetière Mont-Royal 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15

Maison de garde Bureau Anciens charniers Lilac knoll Complexe du crématorium Mausolées des Molson Entrée sud Lot du ministère des Anciens combattants Section des enfants (G-3) Lot de la Commission des sépultures de guerre Grille ouvrant sur le cimetière Notre-Dame-des-Neiges Lot du Fonds du Souvenir Nouvelle fosse commune Lot de la communauté chinoise Remises et résidences des travailleurs

A. Plan de reconnaissance du secteur sud-est 1 2 3 4 5

Famille Redpath Famille Roddick Famille Birks Famille Gault Famille Mackay (fondatrice de l'école Mackay pour les sourds) 6 Famille Torrance 7 Mausolée de William Workman 8 Alexander Tilloch Galt, père de la Confédération 9 Ormiston Roy 10 Elsie Reford 11 Richard B. Angus 12 John F. Roy 13 C. D. Howe 14 Mordecai Richler 15 Herbert Holt

16 17 18 19

Charles M elville Hays Anna Leonowens Famille Sise Edward Maxwell (architecte du Musée des Beaux-Arts de Montréal) 20 Edwin Holgate 21 John William Dawson 22 Victimes de la catastrophe ferroviaire du Grand Tronc 23 Familles Abbott et Bethune 24 Frank Scott 25 Famille McCulloch 26 George Browne (architecte des mausolées des Molson) 27 Stanley Ryerson 28 Joe Beef 29 David Thompson

B. Plan de reconnaissance du secteur sud-ouest 1 2 3 4 5 6 7 8

William Squire Joseph Onesakenrat Peter McGill William Dow L'évêque Francis Fulford Famille McCord Benaiah Gibb John Williams Hopkins (architecte du portail du cimetière) 9 James Ferrier 10 William Murray 11 JohnYoung 12 John Rowan (marchand de fourrure pour la Compagnie de la Baie d'Hudson)

13 George Simpson (dirigeant de la Compagnie de la Baie d'Hudson) 14 William Christopher Macdonald 15 John Lovell 16 William Notman 17 William Clendinneng 18 Howie Morenz 19 Donateurs (McGill) 20 Honoré Beaugrand 21 Sarah Maxwell

C. Plan de reconnaissance du secteur nord 1 2 3 4

Thomas Storrow Brown Richard Sprigings Hannah Lyman Monument de la concession des pompieis 5 J. H. R. Molson et la famille Frothingham 6 Monuments des loges franc-maçonnes

7 Hugh Allan 8 Arthur Currie 9 Henry Wilson et Henry Teuscher 10 Charles Chiniquy 11 Frank Roy 12 Thomas Hackett 13 Mortimer Davis (Temple Emanu-el)

D. Plan de reconnaissance du secteur des œuvres de bienfaisance 1 2 3 4

Montréal Sailors' Institute St Margaret's Home for Incurables Montréal Sailors' Institute Boys' Home

5 YMCA

6 Irish Protestant Benevolent Society

7 8 y 10 11

Protestant House of Industry and Refuge Protestant Orphan Asylum Ladies Benevolent Society7 St Georges Society Ancienne fosse commune