Sur la piste de l'étoile
 9782764401781, 9782764426029, 9782764426081

Table of contents :
Couverture......Page 1
De la même auteure......Page 6
Données de catalogage......Page 8
Dédicaces......Page 9
-1- Promesse tenue!......Page 13
-2- Plus vite, plus vite!......Page 25
-3- Le petit étranger......Page 41
-4- De découverte en découverte......Page 59
-5- Au centre du monde......Page 83
-6- Dans toutes les directions......Page 109
-7- Un vent du sud......Page 127
Également de la même auteure......Page 147
Résumé......Page 148

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BILBO

Sur la piste de l’étoile LUCIE BERGERON

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BILBO J E U N E S S E

Sur la piste de l’étoile

De la même auteure Jeunesse SERIE ABEL ET LEO

Bout de comète!, coll. Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2000. Léo Coup-de-vent !, coll. Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2001. Sur la piste de l’étoile, coll. Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2002. Un Tigron en mission, coll. Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2003. Le Trésor de la cité des sables, coll. Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2004. Le Monstre de la forteresse, coll. Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2005. SERIE SOLO

Solo chez madame Broussaille, coll. Mini-Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2001. Solo chez monsieur Copeau, coll. Mini-Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2002. Solo chez madame Deux-Temps, coll. Mini-Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2003. Solo chez monsieur Thanatos, coll. Mini-Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2004. Solo chez grand-maman Pompon, coll. Mini-Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2005. Solo chez Pépé Potiron, coll. Mini-Bilbo, Québec Amérique Jeunesse, 2006. Un chameau pour maman, coll. Libellule, Héritage Jeunesse, 1991. La Grande Catastrophe, coll. Libellule, Héritage Jeunesse, 1992. Un voilier dans le cimetière, coll. Boréal Junior, Éditions du Boréal, 1993. Zéro les bécots !, coll. Libellule, Héritage Jeunesse, 1994. Zéro les ados !, coll. Libellule, Héritage Jeunesse, 1995. Un micro S.V.P. !, coll. Carrousel, Héritage Jeunesse, 1996. Zéro mon Zorro !, coll. Libellule, Héritage Jeunesse, 1996. Le Magasin à surprises, coll. Carrousel, Héritage Jeunesse, 1996. À pas de souris, coll. Carrousel, Héritage Jeunesse, 1997. La Lune des revenants, coll. Libellule, Dominique et compagnie, 1997. Le Secret de Sylvio, coll. Carrousel, Dominique et compagnie,1998. La Proie des ombres, coll. Libellule, Dominique et compagnie, 1998. Zéro mon grelot !, coll. Libellule, Dominique et compagnie, 1999. Le Tournoi des petits rois, coll. Carrousel, Dominique et compagnie, 1999.

Sur la piste de l’étoile LUCIE BERGERON ILLUSTRATIONS : CAROLINE MEROLA

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada Bergeron, Lucie Sur la piste de l’étoile (Bilbo jeunesse ; 113) (Abel et Léo ; 3) ISBN 978-2-7644-0178-1 (Version imprimée) ISBN 978-2-7644-2602-9 (PDF) ISBN 978-2-7644-2608-1 (ePub) I. Titre. II. Collection. III. Collection : Bergeron, Lucie, 1960- . Abel et Léo ; 3. PS8553.E678S97 2002 PS9553.E678S97 2002 PZ23.B47Su 2002

jC843’.54 C2002-940707-9

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC. Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier. Québec Amérique 329, rue de la Commune Ouest, 3e étage Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1 Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010 Dépôt légal : 3e trimestre 2002 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada Révision linguistique : Diane Martin Montage : Andréa Joseph [PAGEXPRESS] Réimpression : février 2006 Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés © 2002 Éditions Québec Amérique inc. www.quebec-amerique.com

À tous les enfants qui ont la passion de la découverte.

Je tiens à remercier mon fils Philémon de m’avoir fait découvrir l’Inde et ses habitants. Philémon a eu le bonheur de partager pendant près d’un an la vie de familles indiennes. Sans ses conseils et ses précieuses indications, je n’aurais pas pu saisir avec autant de réalisme l’esprit de l’Inde. Merci, Philémon, d’avoir été un guide attentif et un conseiller patient et, surtout, merci de m’avoir communiqué ton amour pour ce pays fabuleux !

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Promesse tenue !

D

ehors, il fait noir, aussi noir que sous la terre. Pourtant, à ma montre, il est une heure de l’après-midi. Et je vole. Mon voyage touche à sa fin. Bientôt, je vais pouvoir courir et sauter dans les bras de grand-papa Léo. Youpi ! J’en rêve depuis si longtemps. La sonnette de l’avion retentit. Ding-ding ! J’entends un grésillement dans les hautparleurs et… « Ici, le commandant de bord. Nous allons amorcer la descente vers Mumbai dans

quelques minutes. Veuillez redresser votre siège et boucler votre ceinture. Merci. » Mon cœur fait des bonds de géant dans ma poitrine. C’est enfin la dernière étape de mon long voyage. Je n’ai même pas dormi depuis mon départ hier, à l’heure du souper. Je suis beaucoup trop excité ! Je prends l’avion pour la pre mière fois. La toute première fois de ma vie ! Quand j’attendais mon vol à l’aéroport, j’ai failli dire à maman de me ramener à la maison. Tout à coup, j’avais peur. J’avais peur de ne pas trouver ma place dans l’avion, de ne pas être capable d’attacher ma ceinture, de ne pas aimer la nourriture, de ne pas trouver les toilettes, de faire pipi à côté de la cuvette.

J’avais peur d’avoir mal au cœur. J’avais peur d’avoir peur de tomber, j’avais peur de m’en aller ! J’ai enfoui mon visage dans le gros chandail de maman et j’ai serré bien fort la main de papa. J’avais extrê mement hâte de retrouver grand-papa Léo, mais un court instant, un très court instant, j’ai souhaité que mon vol soit annulé… pour toujours. Par le hublot, je vois maintenant de petites lumières scintillantes. Des milliers et des milliers de petites lumières ! On dirait qu’en plein été la ville entière a sorti toutes ses guirlandes de Noël pour m’accueillir. Wowww ! Heureusement qu’hier je n’ai pas choisi de rester chez moi… Au moment où j’hésitais le plus à partir, une dame dans

un bel uniforme bleu royal est arrivée. Elle m’a souri en disant : — Bonjour, Abel ! Je m’appelle Christiane. C’est moi qui ai le plaisir de t’accompagner jusqu’à l’avion. Es-tu prêt ? Du coup, j’ai senti la chaleur me monter aux joues. Mon sang de Laforêt s’est mis à bouillonner et la force des Tigrons étoilés m’a envahi. C’était alors ou jamais ! L’Inde m’attendait. J’ai redressé les épaules, j’étais prêt. Maman m’a serré dans ses bras, si fort qu’elle a écrasé mes biscuits dans mon sac à dos. Puis j’ai suivi Christiane. Pendant que je marchais vers le couloir des passagers, j’entendais maman qui criait derrière moi : — N’oublie pas ta crème solaire ! Ne mange pas n’im -

porte quoi, lave-toi les mains, ne parle pas aux étrangers ! Embrasse grand-papa pour moi, dis-lui de m’appeler… Oh ! oui, bois beaucoup d’eau, de la bonne, de la pure, mets du chasse-moustiques et pense à moi ! Les conseils de maman, je les connais par cœur. Elle me les a répétés sans arrêt durant des jours. Elle les avait même écrits sur des petits papiers et collés partout dans la maison. Elle ne voulait surtout pas que j’en oublie un. Perçant un nuage, l’avion penche vers la droite pour tourner. Nous descendons de plus en plus vers la ville de Mumbai. Je ne sais pas si j’aurai le temps de la visiter. En tout cas, elle est une des plus peuplées du monde avec près

de dix-neuf millions d’habi tants. J’ai fait le calcul et c’est plus de deux fois, même plus de deux fois et demie, la population du Québec dans une seule ville. Dix-neuf millions !!! Quand j’ai lu ça dans mon encyclopédie, je l’ai presque échappée par terre. Mais comment font-ils, les Indiens, pour tous se trouver une place pour dormir ! ? Les haut-parleurs grésillent encore, puis j’entends : « Présentement, à Mumbai, le ciel est dégagé et il fait 38 °C. Comme prévu, nous allons atterrir au terminal II à 22 h 54, heure de Mumbai. Nous vous souhaitons un bon séj… » Eh ! Il est tard ! Si papa apprenait que je suis toujours debout, il me gronderait un peu. Malheureusement, je n’y

peux rien. C’est la faute du décalage horaire ! Mon ency clopédie me l’a bien expliqué. Il y a neuf heures et demie de différence entre l’Inde et le Québec. À ma montre, c’est encore l’après-midi. Par contre, ici, l’heure de dormir a sonné depuis longtemps. En tout cas, hier, papa n’avait certainement pas envie de me disputer. Juste avant que j’entre dans le couloir réservé aux passagers, il a crié d’une voix enrouée : — Abel ! Un instant ! Arrête ! Il s’est précipité vers moi et m’a plaqué deux énormes baisers sur les joues. Il me souriait, malgré les larmes qui gonflaient ses yeux. Moi aussi, j’avais le cœur gros, mais je ne pouvais plus reculer. Je me suis éloigné

avec mon accompagnatrice. Avant de disparaître complètement, je me suis arrêté pour envoyer la main à mes parents. J’avais de la peine pour eux, j’étais triste de les laisser seuls. Mais j’avais fait un serment et je devais le respecter. Il me fallait partir. Mon grand chef tigron s’ennuyait de moi et il m’at tendait à l’autre bout du monde. Bom-bouboummm ! Les roues de l’avion viennent de toucher le sol. Hourra ! Enfin arrivé…

-2-

Plus vite, plus vite !

T

ourne à gauche, tourne à droite, marche, marche, marche. Je n’ai jamais vu un corridor aussi long ! On dirait que les constructeurs d’aéroports font exprès. Ils savent pourtant que les voyageurs ont hâte de sortir. J’aimerais foncer comme un bolide, mais ma nouvelle accompagnatrice, Manasi, marche doucement en me tenant par la main. C’est elle qui est venue m’accueillir à la porte de l’avion. Manasi porte le même uniforme bleu que mon accompagnatrice au Québec,

sauf qu’elle a les cheveux très noirs et un drôle de point rouge sur le front. On appelle ça un binnn… di ! J’en ai vu souvent sur des photos. Les dames indiennes portent le bindi pour faire joli ou pour indiquer qu’elles sont mariées. La mission de Manasi est de me conduire jusqu’à mon grand-père. Mais d’abord, il faut récupérer ma valise verte. Devant le carrousel à bagages, je saute sur une patte et sur l’autre. Un sac gris, un coffre noir, une valise de métal, un fourre-tout kaki… Je n’en peux plus d’attendre. Manasi continue de tenir ma main fermement. Tout de même ! Je ne vais pas m’envoler si elle me lâche ! Malgré mon impatience, je me tais et j’essaie de rester

tranquille. À l’étranger, il est préférable de ne pas se faire trop remarquer. Tout bon Tigron voyageur sait cela. Finalement, ma valise verte apparaît. Manasi l’empoigne et la dépose sur un chariot à bagages. Je refuse cependant de lui confier mon sac à dos. Il est beaucoup trop précieux pour que je m’en sépare. D’un pas alerte, nous nous dirigeons vers la sortie. Les portes coulissantes s’ouvrent et je sursaute. Devant moi, une foule. Des hommes en turban, des femmes en sari, des hommes d’affaires à grosses lunettes. Tous ces gens se pressent contre la barrière de sécurité dans l’espoir d’apercevoir les passagers de l’avion. Je n’arrive plus à bouger, je suis trop surpris. Il y a

tellement de monde ! Et les Indiens ont la peau tellement plus foncée que moi ! Pour la première fois depuis mon départ, je me sens seul. Et tout petit. Je n’ai pas l’habitude d’être celui qui est différent des autres. Grand-papa ! Il faut que je trouve grand-papa ! Anxieux, je scrute cette foule de visages étrangers. Mais où est-il ? Mon cœur s’emballe. Il bat à toute vitesse, comme le joueur de tabla sur son tambour. Est-ce que Léo m’aurait oublié ? Soudain, je le vois. Il est là, son chapeau de cow-boy dépas sant toutes les têtes. Vivement, je pousse le chariot, je tire sur la main de Manasi et je crie à pleins poumons : — Grand-papa ! Grand-papa ! Je suis ici !

Le chapeau se tourne dans ma direction et se met à avancer. Des personnes s’écartent. D’un pas tranquille, Léo Laforêt vient vers moi. Mon grand chef ! Il me paraît encore plus imposant que dans mon souvenir. Ses épaules puissantes et ses mains larges le font ressembler à un géant guer rier. Je veux bondir pour le rejoindre, mais Manasi ne me lâche toujours pas. Mon grand-père n’a pas l’air pressé lui non plus. Qu’estce qui se passe ? Moi qui avais imaginé qu’il fendrait la foule pour venir me projeter dans les airs et me faire pirouetter jusqu’au plafond de l’aéroport… Je me demande sérieusement s’il est content de me voir. Grand-papa s’arrête à quelques pas de moi. Il joint les paumes de ses mains sur sa

poitrine et s’incline devant mon accompagnatrice en disant : — Namaskar ! Toumi kâchia ahat ? Manasi s’incline à son tour. — Koup tchan ! répond-elle avec un sourire timide. Puis elle enchaîne en parlant très vite. Mon grand-père dit quelques mots, sort des papiers de sa poche, écoute, discute avec elle. Franche ment ! On dirait que je suis invisible. Personne ne s’occupe de moi. Ils parlent, ils parlent, et je ne comprends pas un mot de ce qu’ils disent. Le seul que j’ai reconnu, c’est le premier de tout. Je l’ai appris grâce à mon encyclopédie. Namaskar signifie « bonjour » en marathi, la langue de l’État. En Inde, il existe au moins quinze langues. Quinze langues… Les chan -

ceux ! Le matin, il doit y en avoir des choses à lire sur leurs boîtes de céréales ! Après quelques hochements de tête, Manasi me pousse vers mon grand-père. Enfin ! Je savais que Manasi devait contrôler son identité, mais, à mon avis, ce n’était pas vrai ment nécessaire. Il est évident que nous sommes parents ! Si Manasi nous avait bien regardés, elle aurait vu tout de suite la ressemblance : j’ai exacte ment les mêmes épaules que mon grand chef ! Léo et moi, on est pareils. Il est juste plus vieux que moi. Manasi s’éloigne. Elle agite sa main dans notre direction et dit : — Tchèlo bye ! — Bye ! répond Léo en lui envoyant la main.

Grand-papa se retourne vers moi. Alors, son sourire se met à grandir, grandir, jusqu’à découvrir ses dents blanches éclatantes. Il pose ses grosses mains sur mes épaules et s’exclame : — Champion ! Qu’est-ce que tu faisais ? Tu en as mis du temps pour venir ! Tu n’es pas allé voir le pilote ? Tu ne sais pas qu’il faut lui dire de peser un peu sur l’accélérateur ? Je bredouille, embarrassé : — Bien… à vrai dire… — Voyons, mon Tigron, change de tête ! C’est une blague ! Viens un peu ici que je t’examine. Grand-papa me fait tourner sur moi-même. Il ajoute avec conviction : — J’avais tellement hâte de te voir. Je me sentais comme

un cheval sauvage enfermé dans un enclos. Un peu plus et je sautais la barrière pour te prendre sur mon dos et partir à la course ! Mais dans un aéroport, vaut mieux rester calme et discret. Mon grand chef continue son inspection en tâtant mes biceps. — Fantastique ! Mon valeureux guerrier est de plus en plus musclé. Crois-moi, Abel, j’ai failli ne pas te reconnaître. Tu as presque l’air d’un homme maintenant ! Puis il met ses mains autour de ma taille pour me soulever, mais il suspend son geste. — Bout de comète ! Qu’estce que tu as mangé dans l’avion ? Tu pèses plus lourd que trois ballots de riz ! Je souris et je réponds :

— C’est à cause de mon sac à dos. Grand-papa m’aide à l’en lever. Il le soupèse et réplique : — Qu’est-ce que tu as làdedans ? Deux boules de quilles et un fer à repasser ? Je pouffe de rire : — Mais non ! Une bouteille d’eau, beaucoup de miettes de biscuits, des noix et mon encyclopédie ! — Quoi ? Des pois et des spaghettis ? rétorque grandpapa, incrédule. Oh ! J’avais presque oublié que grand-papa est un peu sourd. Je répète en articulant bien : — Mon en-cy-clo-pé-die ! Le beau livre que tu m’as envoyé par courrier express. — Tu l’as avec toi ?

— Toujours ! C’est le plus formidable des cadeaux ! Je l’ai lue et relue. Mon encyclopédie, elle connaît tout ! — Ah-Ah ! Tu m’assures qu’elle sait tout… Est-ce qu’elle sait aussi comment exécuter des pirouettes ? Youpi ! En avant pour la voltige ! Le géant Léo m’em poigne par la taille et me hisse jusqu’au bout de ses bras. Il jette son regard bleu dans mes yeux, m’observe un moment, puis me repose par terre. Hé ! Ce n’est pas juste ! Mon grand-père se penche vers moi et me dit doucement : — Tes beaux grands yeux de Tigron m’ont parlé. Je l’écoute, un peu surpris. — Ils m’ont confié que tu devais refaire tes forces avant de jouer à l’acrobate. Tu as

besoin d’une bonne nuit de som meil. Assois-toi sur la valise, je vais pousser le chariot ! Tu peux te détendre, nous sommes enfin réunis. Sans protester, je grimpe sur les bagages. Grand-papa a raison. Je n’ai pas dormi depuis au moins… À vrai dire, je n’arrive plus à compter les heures. Tout s’embrouille dans ma tête, je me sens fatigué. Je bâille. Après avoir consulté sa montre, Léo s’exclame : — Accroche-toi bien, Abel ! On n’a pas de temps à perdre si on veut retrouver Bapou. Allons-y vite ! La route sera longue, champion ! Et il s’élance à grandes enjam bées dans l’aéroport bondé.

-3-

Le petit étranger

J

’entends du bruit. Un drôle de bruit… On dirait que quel qu’un frappe avec une barre de fer… En dessous de moi. Des gens parlent aussi. De quoi ? Je ne sais pas… Ils parlent trop vite. Il faudrait que je me réveille, complètement. Me réveiller pour comprendre. Mais je n’en ai pas la force. On frappe encore avec la barre de fer. Des bruits de métal. C’est agaçant. Oh ! un rire ! Juste à côté de moi. Je me rends compte que je tremble. Non, c’est mon lit qui bouge. Est-ce un tremblement de terre ?

J’entrouvre un œil. Il fait jour. Ooooh ! J’ai dormi dur. Je cligne des paupières. Hein ? Où est-ce que je suis ? Je me relève d’un coup. BONG !... Aoutch ! Ma tête ! Il y a un long panneau au-dessus de moi. Le panneau se met à craquer et un vieil homme tout maigre se penche pour me dévisager. AH ! C’est qui, lui ? Il n’a pas une dent dans la bouche ! — Kassa ahé ? me dit-il. Affolé, je me blottis contre le mur. Mais qu’est-ce qu’il me veut ? — Réponds bâra ahé ! lance une voix familière. Je me retourne. Grand-papa est debout, appuyé noncha lam ment contre un mur de métal. Il est entouré de plu sieurs Indiens. D’un air amusé, il me fait un petit salut avec

son chapeau. À côté de lui, six autres personnes sont assises et m’observent en souriant. Des hommes, une femme et des enfants. Ils sont entassés sur la même banquette en face de moi. Une banquette ?... UN TRAIN ! J’ai dormi dans un train ! Je comprends pourquoi il y avait autant de bruits bizarres. — Un petit effort, Abel ! insiste grand-papa. Le mon sieur t’a simplement demandé comment tu allais. Dis-lui que tu vas bien. Bâra ahé en marathi ! Timidement, je regarde vers la couchette du haut. Je pense que je n’ai jamais vu autant de rides dans un visage. Je murmure un bâra ahé gêné et je me réfugie dans mon coin. Aus sitôt, les passagers se mettent à parler entre eux. Ils

chuchotent en riant ou s’ar rêtent pour me fixer d’un regard espiègle. Sans attendre, je passe ma main dans mes cheveux. D’habitude, quand je me lève, ils pointent dans toutes les directions comme des milliers de cornes. Peutêtre que, ce matin, j’ai particulièrement l’air fou… — Debout, champion ! or donne mon grand chef. Il faut tout remettre en place. Sous ma couchette, j’en découvre une autre. C’est sûrement là que grand-papa a passé la nuit. Moi, j’ai dû m’endormir avant d’embarquer parce que je ne me souviens de rien. Je me rapproche du bord, puis je saute sur le plancher. Eh ! tout un bond, même pour un acrobate comme moi ! Le vieil homme du troisième

descend à son tour. Grandpapa en profite pour rabattre ma couchette contre le mur. Hein ? Elle est devenue un dossier pour la couchette du bas, transformant ainsi la première couchette en banquette. Drôlement ingénieux ! Je me dépêche d’aller m’asseoir près de la fenêtre. — Èk minute ! euh… une minute, Abel ! C’est le siège de notre voisin. Il l’a réservé. Quand on utilise la troisième couchette, notre place assise est près de la fenêtre. Je vais lui demander s’il accepte de te la céder. Mon grand-père lance un joyeux Namaskar ! et entame la discussion avec le vieux monsieur. L’homme est vêtu de blanc et sa longue chemise est très fripée. Il paraît si

minuscule à côté du géant Léo qu’il me fait penser à une petite souris blanche. Heureusement, j’obtiens la permission d’occuper sa place. En me rassoyant, j’aperçois la cam pagne avec ses champs desséchés et ses quelques arbres. Grand-papa s’installe près de moi. Je lui chuchote à l’oreille : — Est-ce que le monsieur du troisième est italien ? Grand-papa me regarde d’un air surpris. J’explique : — Il porte un chapeau blanc comme Amadeo et Luigi, les cuisiniers de la pizzeria, chez moi, au bout de la rue. Léo éclate de rire. Il rit si fort que des larmes roulent sur ses joues. Il se tourne vers les autres passagers et leur adresse la parole en marathi. Dix

secondes plus tard, c’est l’explosion ! Tous rient comme des enfants de maternelle. Certains se tiennent les côtes tandis que d’autres me montrent du doigt. Je rougis jusqu’aux oreilles. J’ai beau ne rien comprendre à leur langue, je saisis vite quand on se moque de moi. Comble de tout, grand-papa leur tend sa paume tendue et tous viennent taper dans sa main, ravis. On dirait que mon grand-père vient de leur raconter la meilleure blague de l’année ! Je croise les bras, vexé. Pour un chef de Tigrons, Léo ne respecte pas beaucoup les règles. Je croyais qu’en voyage il fallait rester discret. Pourtant, lui, il ne se gêne pas pour prendre toute la place. — Bout de comète, Abel ! Un petit sourire ! Ta réflexion

était charmante. Les Indiens raffolent des histoires drôles. Je reste impassible et je fixe le bout de mes sandales. Grandpapa soupire, puis dépose son précieux chapeau de cow-boy sur ma tête. C’est bien la première fois ! Je souris un peu. Il admet : — Tu as parfaitement rai son, le chapeau blanc de Monsieur ressemble au calot des cuisiniers de casse-croûte. Mais ici on en voit partout, comme les casquettes à ton école. Il y a même des gens très importants, des premiers ministres ! qui l’ont porté. Je suis certain que tu en as une photo dans ton encyclopédie. — Dans mon encyclopédie, tu crois ?... Hein ? Mon encyclopédie ! que je crie en tournant la tête de tous les côtés.

Trop grand pour moi, le chapeau vacille et me tombe sur les yeux. Je donne un coup de tête. Une vraie catapulte ! Grand-papa rattrape son chapeau et le remet sur sa tête. — Où est mon sac à dos ? L’as-tu perdu, grand-papa ? — Bien sûr que non ! Je l’ai rangé en dessous, sur le plancher. Ouf ! Je me penche pour regarder sous la banquette. Comme c’est un peu sombre, je me plie en deux pour mieux voir. Et je reçois un coup de langue sur le nez ! Du coup, une tête d’ours apparaît. Je me redresse en criant : — Mammouth ! Instantanément, j’entends sa queue noire battre sur le plancher. Dans l’excitation du voyage, j’avais presque oublié

que maman avait expédié Mammouth en Inde quatre jours avant moi. L’énorme chien s’ennuyait trop de son maître ! Quand le monstre est parti de la maison, j’ai dansé de joie sur le canapé du salon. Quelle corvée c’était de le garder ! Après quelques tentatives, Mammouth réussit à s’extirper de sa cachette. J’entends un aaahhh ! d’étonnement circuler dans le compartiment. Son corps robuste aux pattes de lion semble remplir l’espace entre les deux banquettes. Je me surprends à lui caresser la tête. Je lui chatouille même les oreilles. — Tu as l’air en forme, lui dis-je en fixant ses crocs acérés. Je ne me reconnais plus ! On dirait presque que je suis

heureux de le voir. Au fond, à part grand-papa, c’est le seul visage familier autour de moi. Mon grand chef siffle deux fois et la grosse bête retourne sous la banquette. — Allez, cache-toi vite ! Si le contrôleur du train t’aperçoit, je vais passer un mauvais quart d’heure. Et Bapou ne sera pas content. Les yeux rieurs, Léo m’apprend que, la nuit dernière, Mammouth a avalé son billet tout rond. — Il a une faim d’ogre, ce petit poussin noir ! Par chance, ton sac à dos est trop coriace pour lui, déclare-t-il en me le remettant. Champion, sors donc ton beau livre ! Je vais te montrer notre itinéraire. Il est important que tu saches où nous allons.

Pendant que j’ouvre mon sac, je me rends compte qu’il n’y a plus que trois personnes assises sur la banquette d’en face. Les autres passagers, une bonne dizaine, ont disparu. Je demande à grand-papa : — Où est parti tout le monde ? — Ils sont retournés à leur place. — Pourquoi ? Ce n’était pas leur compartiment ? — Évidemment, non ! — Mais alors, pour quelle raison étaient-ils avec nous ? Grand-papa soulève son chapeau de cow-boy pour se gratter la tête. Sourire en coin, il me demande : — Tu ne vas pas encore bouder si je te réponds franchement ? Je fais signe que non.

— Eh bien, c’est simple ! Tout le monde était venu voir le petit moulga, le petit garçon… blanc ! Imagine, c’est rare par ici. Tu es une véritable attraction, mon Tigron ! Je comprends mieux maintenant. Je ne suis pas le seul à me rendre compte que je suis différent. Ça paraît vraiment ! Je vais être obligé de m’habi tuer…

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De découverte en découverte

À

peine ai-je le temps de feuilleter mon encyclopédie que le train s’arrête. Je la referme d’un coup sec et la range dans mon sac. — On est arrivés, grandpapa ? On descend ? — Bout de comète ! Tu es plus pressé de sortir du train qu’un petit veau de la grange au printemps. Nous allons rester quelques minutes dans cette station, puis repartir. Regarde dehors, si tu veux. Dans la fenêtre, il n’y a pas de vitre, juste des barreaux qui vont de droite à gauche. Ce

n’est pas trop commode. J’agrippe les barreaux. En m’étirant le cou, je vois quand même une grande partie du quai de la gare. Il y a du monde partout ! Les gens se bousculent pour entrer dans le train. Ils sont au moins… je dirais… quatre classes de 4e ! avec leurs gros paquets à vouloir passer par une toute petite porte. Je m’étire encore plus. C’est la même chose à l’autre wagon ! J’aperçois alors un immense panier qui zigzague entre les têtes. — Grand-papa, viens voir ! On dirait que le panier marche tout seul. Léo se lève pour regarder. — Ah-ah ! une marchande de fruits, elle tombe pile ! Et il sort le bras pour lui faire signe. Sous le panier apparaît

une femme âgée. Elle est habillée d’un sari, cette longue étoffe que les Indiennes drapent autour d’elles. La marchande se dirige vers nous en criant : — Pérououou ! Pérou ! Pér… — Tchikki, tchikki ! Tchikki, tchikki ! lance une autre voix vers la gauche. — Santré ! Sannnntrééé ! s’exclame une troisième en face. Deux vieilles femmes accélèrent le pas tandis qu’un petit garçon en short accourt. Tous les trois s’arrêtent devant notre fenêtre. Les marchandes tiennent leur panier en équilibre sur leur tête. Incroyable ! Moi, avec une assiette sur le coco, je ne peux même pas faire un pas. Le garçon, lui, paraît beaucoup plus jeune que moi. — Que veux-tu manger ? me demande mon grand-père.

Mon ventre se met à gar gouil ler à la vue de tant de bonnes choses. Avec le décalage horaire, je ne sais plus si c’est l’heure de déjeuner ou de souper ! Je pointe le doigt vers le panier d’oranges. — Tchar santrés ! dit Léo en montrant quatre doigts et il tend à la marchande quelques pièces de monnaie entre les barreaux. Je dévore des yeux ce que m’offre le petit vendeur. Je n’en reviens toujours pas qu’il se promène tout seul dans une gare. Sa mère ne doit pas être du genre à s’inquiéter. Avec un grand sourire, il agite sous mon nez une poignée de tablettes dorées. Miammm ! — Tu es un fin connaisseur de sucreries, champion. Les tchik kis sont délicieux.

Mmmm… De grosses arachides roulées dans le caramel ! Tu vas en raffoler. L’enfant empoche la mon naie avant de nous remettre les tchikkis. Dès qu’il a terminé, il repart à la course. Un véritable homme d’affaires ! J’examine le dernier panier. Je ne sais pas si j’ai envie de goûter à ces drôles de fruits ronds. Ils ont les bouts aplatis et des bosses partout. Grandpapa n’attend pas ma réponse et en choisit deux, un vert et un jaune. D’une main habile, la marchande les coupe en quatre, mais sans les ouvrir com plè tement. Puis elle plonge sa main dans un petit sac qu’elle porte à la taille et saupoudre l’intérieur du fruit vert d’une poudre orange. Serait-ce une poudre magique ? Elle tend les

fruits à grand-papa et nous nous rassoyons. Notre voisin au chapeau blanc s’approche à son tour pour magasiner. Pendant que Léo épluche une orange, j’observe les deux marchandes. On dirait de vieilles grands-mères, peut-être même des arrière-grands-mères. Jamais je n’aurais pensé qu’on pouvait être obligé de travailler encore à cet âge-là. Elles ont l’air fatigué. La plus petite des deux compte len te ment ses sous dans la paume de sa main. Leurs saris sont usés, les couleurs sont ternes. Dans mon précieux livre, les saris sont éclatants de couleur, ils resplendissent. J’ai l’impression que le photographe n’a jamais vu de marchandes de fruits. — Champion, prends un peu de cette santré bien juteuse !

Grand-papa me donne la demie de son orange. Tout en mangeant, je lui demande : — À quoi ressemblent-ils, les sous de l’Inde ? — Ah ! les roupies, tu veux dire, répond-il en fouillant dans sa poche de pantalon. Regarde, c’est vraiment différent de notre monnaie. Il fait tomber quelques pièces dans ma main. Je les examine. Sur certaines, je recon nais la carte de l’Inde, sur d’autres, je vois trois têtes de lion et, sur une petite, un gros rhinocéros! Je ne trouve nulle part une tête de reine. Je tends les roupies à grandpapa, mais il me suggère de les garder. — De cette façon, tu auras un peu d’argent de poche. Si jamais, par le plus grand des

hasards, tu désirais t’acheter d’autres friandises, ajoute-t-il, taquin. Es-tu prêt pour ton tchikki ? Au son de ce mot, Mam mouth se pointe le museau hors de sa cachette. Dans la pénombre, ses yeux brillent de convoitise. Je lui tourne le dos pour déballer ma tablette et je regarde la gare s’éloigner. Le train s’est remis en marche, il roule déjà à bonne vitesse. Moi, j’en ai de la chance ! Je n’ai pas eu besoin de travailler pour gagner mes roupies. Taquin, grand-papa me chatouille la nuque. Il me dit : — Je vais m’absenter un petit moment. Une envie pressante… Tu comprends ? Je te confie les provisions. Il les dépose à sa place sur un large mouchoir et il quitte

le compartiment. Aussitôt, Mam mouth en profite pour s’avancer et sortir la tête. Sa truffe noire se met à frétiller, exci tée par de si bonnes odeurs. Pour le narguer, je déguste lentement, trèèès lentement, mon tchikki. L’énorme bête se lèche les babines à grands coups de langue. Gna, gna, gna, gros gourmand… J’en rajoute. Je murmure des miam-miam ! Mammouth gémit. Je fais claquer ma langue de satisfaction. Alors, il bondit, telle une panthère ! Il saute sur la banquette. Vite, je cache mon tchikki derrière mon dos. Il se rapproche. Je me recule. Ses pattes de lion m’écrasent les cuisses. Il pousse un gros wouf ! et sa bave m’éclabousse le visage. Notre voisin se lève, dégoûté. J’essaie de repousser

Mammouth, mais il insiste. Wowouf ! Wououwouf ! WOUF ! WOUF ! Les passagers d’en face jettent des regards inquiets vers l’allée. Quoi ? Qu’est-ce qu… Le contrôleur ! Il s’en vient ! ! ! Je pousse ma main dans la gueule béante et je laisse tomber mon tchikki. GLOUP ! fait Mammouth. Il saute par terre puis se glisse en silence dans sa cachette. Ouf ! Le contrôleur peut venir maintenant. Mais c’est grand-papa qui apparaît. Il s’exclame : — Qu’est-il arrivé, Abel ? Où est passée notre collation ? Sur la banquette, les fruits sont écrabouillés. Les pattes de la bête les ont réduits en purée. — Au pied, Mammouth ! lance Léo.

La mine basse, le chien vient se poster près de son maître. Enfin ! Il va avoir la punition qu’il mérite. — Bon appétit, mon p’tit poussin ! En cinq secondes, la purée disparaît. Mammouth a tout nettoyé. Les moustaches su crées, il me jette son plus doux regard. Je lui réponds par ma pire grimace. Le goinfre ! Il avait bien manigancé son coup. Je me cale dans mon coin, furieux. Notre voisin remet à grand-papa son mou choir. À l’intérieur, il reste un fruit : — Au moins, mon préféré a été épargné, dit-il en s’assoyant. Connais-tu ce fruit, Abel ? Dans sa main de géant, mon grand-père tient les quatre morceaux du fruit vert, celui qui est bizarre et couvert de

bosses. Sa chair est presque blanche. Il y a aussi des traces d’orangé qui proviennent de la mystérieuse poudre qu’a rajoutée la marchande. — Chez toi, on l’appelle goyave. Ici, c’est le pérou ! Tu en veux ? Bougon, je marmonne : — Le Pérou, ce n’est pas un pays ? Grand-papa me dévisage d’un air sévère. Il réplique sèchement : — Voyons, Abel, je ne te croyais pas si mal élevé. Aller dire que ce fruit a un goût de pipi ! Tu me déçois, champion. Je pouffe de rire. Il est évident que les bruits du train jouent des tours aux oreilles de Léo. Je rectifie : — Un PAYS, grand-papa ! Ton fruit, je n’y ai jamais goûté.

— Bonne occasion alors pour commencer ! déclare-t-il en déposant au creux de ma main un quartier de goyave. Attention ! Ne mange pas la peau parce que le fruit n’a pas été lavé. Je fronce le nez. Je n’ai pas trop envie d’essayer. — Tu sais, des Tigrons comme nous ne doivent pas craindre la nouveauté. L’an dernier, j’ai mangé en salade des sangsues hawaïennes accom pagnées de fourmis rouges flambées. Un délice ! Grand-papa s’esclaffe. Une fourmi rouge… flambée… ? Voyons donc ! C’est sûrement plus petit qu’un grain de poivre. On ne doit même pas la voir dans son assiette. Léo exagère un peu.

J’examine le morceau de pérou vert. Il a décidément une drôle d’allure. Mais c’est tout ce qu’il reste à manger. Affamé, je prends une énorme bouchée et j’avale… Ma mâchoire se crispe. Aïe ! Beau coup trop piquant ! Ouille ! Je serre les dents. Archiiiipiquant et très salé ! AYOYE ! Mes joues s’enflamment. La poudre orange n’est pas du tout une poudre magique, oh non ! Léo, lui, engouffre son deuxième morceau. Il laisse échapper un rot et dit : — Merveilleux ! Ces épices relèvent le goût du pérou. La mar chande en a mis juste assez. On détecte encore cette légère saveur d’épinette. Quel régal ! Une autre tranche, champion ?

Grand-papa se tourne vers moi. Estomaqué, il murmure : — Pauvre Abel ! Tu es plus rouge qu’un camion de pompier. Je suis sûr que tu aurais préféré le pérou jaune. Il a un petit goût de fraise. Dommage que tu l’aies écrasé en t’as soyant dessus. Pardon ? ! Je veux répliquer, mais j’en suis incapable. Ma gorge brûle trop. Grosse andouille de Mammouth ! Je comprends maintenant pour quoi il n’a pas touché au pérou vert. Il déteste ça, lui aussi. L’abominable monstre ! Il a gardé le meilleur pour lui. Ce n’est pas juste ! Exaspéré, je fixe le paysage. Un arbre… une cabane… un arbre… un champ, une cabane… Rien de très palpitant !

Pour me changer les idées, je sors mon ency clo pédie et je tourne les pages jusqu’à la carte principale de l’Inde. — Regarde, Abel, nous sommes ici ! m’indique Léo en plaçant son gros index sur la page. Je déplace doucement son doigt pour voir dessous. Si je comprends bien, nous ne sommes pas encore très loin de Mumbai. — En ce moment, nous traversons l’État du Maharashtra qui se trouve au centre du pays. Léo fait glisser son index sur le papier. Il précise : — Nous allons descendre jusqu’ici… à Papan¯asam, dans la pointe sud de l’Inde. J’aimerais que tu étudies cette carte avec attention. Nous, de la famille des Laforêt, sommes

recon nus pour notre specta culaire sens de l’orientation. D’un air solennel, mon grand chef frappe son poing contre sa poitrine et déclare : — Champion, il est essentiel que tu développes cette qualité inestimable. Tu dois apprendre à trouver ta route ! Quand j’ai traversé le désert de Gobi en Chine, je pouvais reconnaître chaque dune de sable et la nommer. Là-bas, j’ai dépanné de nombreux voyageurs, même des guides chinois aguer ris, parce qu’ils étaient perdus. Sans attendre, je plonge mon nez dans mon encyclo pédie. Grand-papa ajoute d’un ton grave : — Notre tribu possède une devise. « Suis l’étoile de ton cœur et elle te conduira où tu

veux aller. » N’oublie pas cette maxime, mon Tigron ! J’examine les routes principales, je suis les tracés de chemins de fer, j’évalue la hauteur des montagnes. Tout à coup, le train siffle et com mence à ralentir. — En avant, Abel ! s’exclame Léo. Nous descendons à cette station. Il est temps de se dégourdir les jambes. Youpi ! Je range mon encyclopédie et j’installe mon sac à dos sur mes épaules. — Nous irons nous promener un peu et, ensuite, il faudra retrouver Bapou. Encore ce Bapou ! Pourquoi grand-papa parle-t-il de lui tout le temps ? Je lui demande : — Grand-papa ? Qui est-ce, Bap…

Mais les autres passagers ramassent aussi leurs bagages et mon grand-père s’empresse de leur faire ses adieux. Comme je suis maintenant plus sûr de moi, je lance à la ronde un retentissant Namaskar ! On me répond par un grand éclat de rire. Je hausse les épaules. Qu’est-ce que j’ai encore fait ? Chez moi, je dis toujours « bonjour ! » quand je pars. C’est plus poli, non ?

-5-

Au centre du monde

S

ur le quai de la gare, nous marchons derrière Mam mouth. La grosse bête nous ouvre le chemin tandis que des voyageurs se précipitent vers le train. Autour de nous, des porteurs en chemise rouge circulent sans chariot à bagages. Ça ne les empêche pas de travailler. Au con traire… Les valises sont empilées sur leur tête ! Quels fameux acrobates ! Aussi habiles que les mar chandes de fruits avec leur panier. Je m’interroge. Pour travailler dans une gare, faut-il être allé à l’école de cirque ?

Mais je n’ose pas poser cette question à grand-papa. S’il lui prenait encore l’envie d’aller tout raconter en marathi, je ne voudrais surtout pas que la gare entière vienne lui taper dans la main pour sa blague géniale. Nous entrons dans l’édifice de la gare. C’est un petit bâtiment au plafond bas. Dans la lumière, la poussière danse et les papiers graisseux roulent sur le plancher. Plusieurs voyageurs attendent debout, mais la plupart d’entre eux sont assis par terre, malgré la saleté. Un groupe d’hommes jouent aux cartes, appuyés contre de vieilles valises. Tout près, une jeune fille et son bébé dorment sur une couverture. Je marche doucement de peur de les réveiller. Un peu plus loin,

c’est un homme en veston et cravate qui sommeille directement sur le carrelage. Pour suivre Léo, je dois contourner une famille qui boit le thé et une maman qui nourrit son enfant minuscule. Une fillette au visage barbouillé mendie, accroupie près d’une colonne. Elle chante d’une voix nasil larde en me tendant la main, une main où il n’y a que deux doigts. Intimidé, je marche plus vite pour rejoindre grandpapa. — Te voilà, champion ! Nous allons déposer nos bagages à la consigne, puis nous irons en ville. Mon grand-père s’arrête devant un comptoir. Là, il confie nos valises à un monsieur en uniforme brun qui les place dans un casier derrière lui.

Évidemment, je garde mon sac à dos et grand-papa, son sac en bandoulière. Nous sortons de la gare. Arrivé en plein soleil, la chaleur me frappe. Je sors mon chapeau kaki de mon sac et je demande : — Est-ce que je pourrais mettre mon bermuda ? Grand-papa soupire. Embarrassé, il me répond : — Je comprends que tu aies chaud, sauf qu’ici la majorité des garçons et des hommes portent le pantalon. Ils l’en durent, même s’il fait 45 °C ! C’est la coutume. Alors… Je soupire à mon tour. Je sais qu’un Tigron voyageur doit s’habituer aux règles d’un pays. Mais certaines contraintes s’avèrent plus difficiles à accep ter que d’autres. Chez moi, je serais déjà en maillot

de bain, le bedon à l’air ! Au moins, je ne suis pas un chien. La langue de Mammouth s’étire jusqu’à terre tellement il crève de chaleur. Gna, gna, gna… tant pis pour toi, gros bêta ! Devant la gare, des taxis noirs au toit jaune attendent en file, mais grand-papa ne s’en occupe pas. Il se dirige plutôt vers un drôle de véhicule à trois roues. L’engin a un toit en toile épaisse, une vitre à l’avant, mais aucune portière. Eh ! Je le reconnais ! Je crie en sautant de joie : — On peut monter, grandpapa ? On peut monter ? Hein ? On monte ? Oui ! Oui ! Oui ! — Du calme, Abel ! On dirait que tu viens d’avaler un bol de ressorts ! Énervé, je bafouille :

— Je-je l’ai vu en pho… en photo dans mon encyclopé… die. Et je rêêêêêvais de l’es sayer! J’en ai parlé à mes amis. Je leur ai dit que c’était un gros tricycle avec un moteur de moto, mais avec une banquette

et un toit comme une auto. C’est fantastique ! On fait un tour ? Grand-papa me prend par l’épaule et me serre contre lui. — Ce que j’aime chez toi, mon Tigron, c’est ton enthousiasme. Tu es toujours prêt pour de nouvelles découvertes. D’ailleurs, tu tiens ça de moi ! Le jour où on m’a annoncé que je devais partir pour les bayous de la Louisiane à la recherche du crocodile à tête de cochon, je n’ai pas hésité un seul instant. Je regarde mon grand-père avec admiration. Il a vécu tant d’aventures ! Léo ajoute : — Réjouis-toi, champion, tes désirs sont des ordres ! Nous allons utiliser ce rickshaw pour aller en ville.

Jovial, grand-papa engage la conversation avec le conducteur du véhicule. Puis nous montons nous asseoir derrière, sur la banquette. Le conducteur empoigne le guidon et nous partons. J’essaie de regar-

der dehors, mais je n’y arrive pas. Mammouth s’est collé contre moi. L’imbécile de corni chon ! Ses deux immenses fesses me bouchent la vue !!! Il a décidé que c’était LUI qui prenait l’air. Maintenant, qu’estce que je vais bien pouvoir dire à mes amis sur mon tour de rickshaw ? Heureux de la promenade, mon grand-père ne se rend compte de rien. Je l’entends siffloter son air de trompette préféré. Pétaradant, le véhicule file à bonne allure et je sens le vent sur le dessus de ma tête. Après quelques zigzags et plusieurs coups de frein, le rickshaw finit par stopper. Nous sommes arrivés à destination. Mammouth quitte la banquette sans oublier de me donner un solide coup de queue sur les

doigts. Aïe ! Léo remet une poignée de roupies au conducteur et nous descendons dans la rue. Aaaatchoummm… Ces satanés poils de chien, j’en ai plein le nez ! À peine ai-je mis le pied sur le sol qu’une balle vient heurter la semelle de ma sandale. Une belle balle rouge ! Je me penche. Elle est dure comme une balle de baseball mais un peu plus grosse. — Grand-papa ! As-tu vu ce que j’ai… BROOOMMM ! gronde le rickshaw dans mon dos. Je me retourne. Rempli à pleine capa cité, le véhicule repart déjà. De l’autre côté de la rue, des garçons s’amusent dans un terrain vague. À vrai dire, ils ont plutôt l’air de chercher quelque chose. Le plus grand

de la bande m’aperçoit alors. Il va parler à ses copains en me montrant du doigt. D’un pas souple, il s’avance vers moi. Oh ! je pense que j’ai compris. La belle balle rouge doit lui appartenir.

Je me prépare à la lui lancer quand Mammouth referme sa gueule sur ma main et me vole

la balle ! Le monstre s’assoit, les crocs bien en évidence. Le garçon n’ose plus bouger. Ses amis l’entourent, résignés. Je ne fais ni une ni deux. Je prends une poignée de vieux biscuits dans mon sac et l’offre à la bête. Du coup, Mammouth laisse tomber son butin pour s’empiffrer. Je récupère la balle. Yeurk ! Elle est dégoulinante de bave. Vite, je l’essuie sur mon pantalon et la lance au jeune Indien. Il l’attrape, le visage radieux. Aussitôt, ses amis repartent à la course vers le centre du terrain. Il les suit en relevant son bras gauche pour me saluer. La manche de sa chemise glisse. Son bras est coupé. Il n’a qu’un moignon à la hauteur du coude… Pauvre lui ! Je ne voudrais pas être à sa place.

— Regarde comme ils ont du plaisir ! s’exclame grandpapa. Ils ont de vieilles battes, mais rien ne peut les empê cher de jouer au cricket. J’observe un moment et je réplique : — Ils ont vraiment une drôle de façon de jouer au croquet. — Au cri-cket, Abel ! C’est le sport national. Le jeu res semble un peu à notre baseball. Il y a un lanceur, mais deux frap peurs. La batte est plate et on frappe vers le bas, comme avec un bâton de golf. Le lanceur doit atteindre les trois petits bâtons plantés dans le sol, là-bas, au centre. Comme une flèche sur sa cible ! Le baseball, le golf, le tir à l’arc… Je n’y comprends rien ! Sauf que j’aimerais bien aller

courir avec eux. J’apprendrais sûrement les règles très vite. Grand-papa fait rouler ses épaules. Il s’étire en déclarant : — Champion, dès que nous aurons une minute, nous irons assister à une vraie partie. Promis ! Bon… passons aux choses sérieuses ! J’ai une faim de loup. Et toi ? — Une faim GIGANTESQUE! — Tant mieux ! Partons de ce pas à la recherche de notre gueuleton ! Léo cale son chapeau de cow-boy sur sa tête et s’éloigne à grandes enjambées. Je trottine derrière lui pour le rattraper. — Tu vois ces chariots devant les petits commerces ? Eh bien, ce sont des cuisines ambulantes ! Nous passons devant un chariot sur lequel trône un chau-

dron fumant. Un homme avec une grosse moustache est en train de façonner des boulettes. À toute vitesse, grand-papa me fournit ces explications : — Ici, tu peux manger un batata wada. Boulette panée de patates jaunes frite dans l’huile et placée dans un pain. C’est le hamburger indien ! Il fait un demi-tour sur luimême. — En face, des pâkoras et ses délicieuses tranches de légumes panées. Les favoris de Bapou ! Là, du pav badji. Une sauce à base de choux-fleurs, carottes et patates… une merveille ! Et un peu plus loin, mon plat préféré, les magni fiques dosas ! Étourdi par tant de mots nou veaux, je dévisage Léo avec de grands yeux. Moi qui

ne sais même pas ce qu’il y a dans un pâté chinois… Finalement, j’opte pour les dosas. Quand grand-papa en parle, ses yeux font des étincelles. Nous nous approchons du chariot tant convoité. Dans la ruelle, il y a des hommes, des femmes, des mobylettes et… une vache ! Pas une de nos grosses vaches blanches et noires avec des pies roses. Non! Une petite vache beige toute maigre qui fouille dans les déchets qui traînent par terre. Je n’en reviens pas ! Elle se promène comme si de rien n’était, sans déranger personne. Il paraît que les Indiens aiment beaucoup les vaches. Peut-être que oui… Mais ils devraient penser à les nourrir plus souvent! Le vendeur de dosas est très occupé. Sur une plaque chauf-

fante, il prépare de larges crêpes. Il travaille avec rapidité et précision. Après avoir tourné la crêpe, le garçon dépose au centre une purée consistante d’un beau jaune doré. — De bonnes et nourris santes patates ! me précise grand-papa. Dans les petites cantines, on en utilise cons tam ment parce que ça ne coûte pas cher. Le jeune cuisinier roule la crêpe et l’enveloppe dans un morceau de papier journal. Si maman était là, elle dirait que ce n’est pas très hy-gi-é-ni-que ! Il répète l’opération pour un deuxième dosa. Il nous remet enfin notre goûter en remerciant grand-papa. Mammouth me dévore des yeux, les babines frémissantes. Sans attendre, je prends une grosse

bouchée de crêpe. Wow ! C’est croustillant, salé, et cent fois meilleur qu’un pérou vert. Malgré mon appétit, je n’arrive pas à tout manger. Le dosa est ÉNORME. Mammouth salive. Il se dandine, il trépigne en fixant mon dernier mor ceau. Je l’agite sous son nez. Il lance un WOUF ! Je bondis. En trois enjambées, je me retrouve devant la vache. Je tends la main et elle englou tit avec bonheur ma crêpe dorée. Je caresse sa tête, j’admire ses cornes peintur lurées. Puis je reviens auprès de grand-papa. Les yeux rivés sur Mammouth, je me lèche les doigts, un par un. Je savoure ma revanche. Vaincu, le gros chien soupire et regarde ailleurs. Léo m’entraîne vers une autre cuisine ambulante. Il

m’offre de partager un thé avec lui, mais je refuse. J’ai l’impression que ma tête s’est transformée en cocotte-minute ! Il fait tellement chaud sous mon chapeau. — Prends cette bouteille d’eau, Abel, me conseille-t-il en la sortant de son sac en ban doulière. Tu dois boire souvent pour ne pas te déshydrater. J’avale aussitôt trois longues gorgées. L’eau tiède me rafraîchit : un sang neuf semble couler dans mes veines. Avant de verser le thé de grand-papa, le vieux vendeur essuie un petit verre avec un linge crasseux. Beurk ! Je n’aurais pas du tout envie de boire dans ce verrelà. Les yeux plissés, Léo déguste son thé au lait. Quelque chose

attire alors mon attention : j’entends une clameur. Au bout de la rue, j’aperçois une foule, une foule qui grandit à vue d’œil. — Allons voir ! me propose mon grand chef en vidant son verre. Nous nous dirigeons vers l’attroupement. En chemin, Léo obtient des informations d’un passant. Il m’explique : — C’est Hritik, l’acteur le plus populaire du pays. Il tourne un film dans le coin. Dépêchons-nous ! En Inde, les gens sont fous de cinéma. Vite, vite, marche, il ne faut pas le rater ! J’accélère le pas. Bientôt, la foule n’est plus devant moi mais tout autour de moi. Je saute sur place pour essayer de voir par-dessus les têtes.

Quelqu’un me bouscule, un autre me marche sur le pied, je trébuche et me rattrape. Je joue des coudes pour progresser. J’ai chaud, ça sent la sueur, je suis entouré de bras, de mains, d’épaules. À l’aéroport, la foule m’avait impressionné. Mais je n’avais rien vu encore. Aujourd’hui, on dirait que le monde entier s’est rassemblé dans une seule petite rue. Je me déplace sans même marcher, porté par le flot des corps qui avancent. Soudain, la foule s’écrie : — HRITIK ! Je reçois une tape sur le menton et mes dents claquent. D’un seul bloc, tous ont levé la main très haut pour saluer leur idole. Moi, je ne vois absolument rien. La clameur finit par diminuer. La foule se disperse

peu à peu. Je respire mieux, enfin… Franchement ! C’était tout un spectacle ! — As-tu vu quelque chose, grand-papa ? demandé-je en me retournant. Hein ? Je regarde à droite… Je pivote… Pas là non plus ! Où est-il ? Je grimpe sur une caisse de bois. OÙ est mon grand-père ? Je hurle : — GRAND-PAPAAAAA ? Mais le cri de mon appel meurt sous les coups de klaxon et les pétarades des rickshaws.

-6-

Dans toutes les directions

J

e piaffe d’impatience. Grandpapa m’éneeeeerve ! Je sais, un Tigron étoilé doit savoir se débrouiller, mais, cette fois, je trouve que Léo dépasse les bornes. Je l’attends depuis une éternité. Il fait chaud et j’ai presque vidé ma bouteille d’eau. Maintenant que le célèbre acteur est passé, tous les gens de la rue ont repris leurs activités. Moi, je fais le piquet à côté d’un lampadaire ! Je dois me rendre à l’évidence. Mon grand-père ne se mon trera pas tant que je ne partirai pas à sa recherche. Lui et ses

leçons d’orientation ! Ce n’était pas nécessaire de me planter là pour m’obliger à commencer des travaux pratiques. Je suis un Laforêt moi aussi, je suis né avec une boussole dans la tête. Je suis capable de retrouver mon chemin et je vais le prouver ! D’un pas décidé, je me dirige vers le bout de la rue. Le marchand de thé se trouve làbas, à l’intersection, à droite. Grand-papa et Mammouth doivent m’y attendre, puisque c’est la dernière cuisine ambulante que nous avons visitée. Léo sera renversé par mes capacités. Les épreuves ne me font pas peur, moi ! En marchant, je verse un peu d’eau dans ma main et je me tapote la nuque pour me rafraîchir. Quelle chaleur ! Ma

peau est si brûlante qu’on pourrait y faire griller des guimauves. Tout de même, grandpapa aurait pu choisir un autre moment pour vérifier mes connaissances… Tous les passants me dévisagent. Leurs regards curieux m’intimident. Je n’aime vrai ment pas être le centre d’attraction. J’enfonce mon cha peau sur ma tête et je presse le pas, les yeux baissés. J’atteins rapidement le bout de la rue, je bifurque à droite et… POUT-pout-POUT ! Je stoppe net. Dans mon dos, quelqu’un vient de klaxonner. Est-ce grand-papa ? Mais non. Le taxi noir et jaune accélère, double un vieux tacot et poursuit sa route. Hein ? C’est quoi, cette rue-là ? Ce n’est pas celle du marchand de thé. Je ne suis

jamais passé par ici avec grand-papa. Devant moi, la rue fourmille de véhicules. Autos, motos, vélos, mobylettes, autobus, rickshaws s’entrecroisent, s’entremêlent et circulent dans tous les sens. Ça gronde, ça crie, ça se bouscule ! Pour traver ser, il me faudrait un éléphant, le plus gros des éléphants. Déçu, je reviens sur mes pas. À force de regarder par terre, j’ai dû rater une intersection. Quelques mètres plus loin, je découvre une ruelle à ma gauche. Beaucoup de piétons s’y promènent, mais je crois apercevoir plusieurs cuisines ambulantes. Voilà ! J’ai retrouvé mon chemin. C’était seulement une petite erreur de parcours. Je me faufile entre

les passants et je m’arrête devant un chariot de thé. Grand-papa n’y est pas, mais je suis certain qu’il se cache dans un coin. Tout sourire, je fixe le vieux vendeur. Il a proba blement convenu d’un signe secret avec Léo pour lui dire quand se montrer. L’Indien fronce les sourcils. Je passe mes pouces sous mes bretelles de sac à dos, content de moi. D’une voix rauque, l’homme me lance : — Kay ?... Kay ? Mon sourire diminue légèrement. Qu’est-ce qu’il dit ? — Kay paydje ? Je hausse les épaules pour indiquer que je ne comprends pas. Le vieux vendeur me fait signe d’approcher. Il me sourit. J’hésite. — Konsa dèch ?

De sa main aux doigts huileux, il m’invite derrière son chariot. — Yé ! Il en rajoute encore : — Tou kâsa ahés ? Konsa dèch ? Kouté ? J’avale ma salive avec difficulté. Il insiste : — Yé ! Yé ! Je sens mon cœur battre dans mes tempes. Qu’est-ce qu’il me veut, à la fin ? En boitant, le vieillard fait un pas vers moi. Alors, je prends mes jambes à mon cou et je déguerpis. — Come ! Come ! Come to my shop ! crie-t-il avec un drôle d’accent. « On dirait de l’anglais », pensé-je, mais je poursuis ma course sans regarder en arrière. Je finis par m’arrêter devant

une boutique de statuettes. Mon cœur galope à toute vitesse, comme la gazelle chinkara dans le désert indien. Mon t-shirt est trempé et des gouttes de sueur glissent jusqu’au bas de mon dos. Je m’assois par terre et m’appuie contre le mur de la boutique. Je déteste quand on me bombarde de questions. Et encore plus lorsque je ne comprends rien ! De toute façon, grand-papa n’était pas là. Bâti comme il est, il ne peut quand même pas se cacher dans un trou de souris. Je commence à croire que mon grand chef a voulu corser l’aventure. Il doit plutôt m’attendre chez le vendeur de dosas. D’ailleurs, je suis convaincu qu’il est en train d’engouffrer une pile de crêpes aux patates.

Après avoir vidé ma bou teille d’eau, je repars en chasse. Je visite l’une après l’autre les cuisines ambulantes. Malheureusement, aucune trace du vendeur de dosas. Grand-papa est introuvable lui aussi. Une fois encore, je rebrousse chemin, puis j’em prunte une autre petite rue. Je l’arpente de long en large. Je continue plus loin. Je tourne à gauche, à droite, toujours à droite. Je croise un marchand de ballons et un vendeur de crème glacée. J’essaie de mémoriser certains repères, de m’orienter. Je cherche le nom des rues, mais il n’y a sur les murs que des inscriptions en marathi. Ce sont des dessins incompréhensibles avec des pattes, des traits, des boucles et plein de virgules à l’envers.

En plus, toutes les boutiques se ressemblent. Partout, il y a des affiches avec des hommes à tête d’éléphant, des femmes à six bras ou des bébés bleus avec des serpents. Doucement, le décourage ment se pointe le bout du nez. Léo ne me facilite pas la tâche. J’essaie de me ressaisir. Dans ma tête, j’entends la voix de mon grand-père qui m’encourage : — Bout de comète, Abel ! Tu n’as pas abandonné quand tu effectuais tes recherches à la bibliothèque. Tu as regardé des montagnes d’atlas. Tu as épluché toutes les cartes de l’Inde pour trouver Papan¯asam. Essaie encore ! Ragaillardi, je redresse les épaules et je fonce vers une petite cabane. J’ai décidé de

changer de stratégie. Un Tigron voyageur comme moi doit faire honneur à sa tribu et se montrer débrouillard. Dans la cabane construite en vieilles planches travaille un barbier. Comme grand-papa aime toujours être rasé de près, il est probablement passé le voir. Sinon, le barbier en a peut-être entendu parler. Un géant avec un chien noir à tête d’ours, c’est plutôt rare. Les portes de la petite cabane ont été rabattues de chaque côté. Autour du commerce, le terrain n’est que poussière et foin brûlé par le soleil. J’aperçois à l’intérieur un banc de bois, un comptoir étroit et une chaise de barbier, rien de plus. Sur le mur du fond, un homme bleu portant un chignon sourit, un python

autour du cou. Bravement, je me plante devant la boutique et je lance un brillant Namaskar ! Le barbier et son client à moustache se retournent. Je n’attends pas qu’ils me posent des questions et je plonge. Puisque le marathi et le français sont incompatibles, j’ai opté pour le langage des signes. D’abord, je place ma main en visière au-dessus de mes yeux et je mime celui qui cherche au loin. Les deux Indiens me regardent d’un œil amusé. Pour me grandir, je me hausse sur la pointe des pieds. Je fais rouler mes épaules. Intrigués, des passants s’arrêtent. Tant mieux ! Cela aug mente mes chances de retrou ver grand-papa.

Je marche d’un pas lourd, les bras écartés du corps pour montrer la robustesse de Léo. En montrant du doigt mon chapeau, j’imite le lancer du lasso, puis je place mes mains

sur mes hanches comme un cow-boy prêt à dégainer. L’attroupement grandit autour de moi. Au tour de Mammouth ! À quatre pattes dans la pous sière, je me dandine, comme un chien heureux de voir son maître. Je fais le beau, je donne la patte, je me roule par terre, je montre les dents et je termine par un wouf ! bien sonore. La foule rigole en m’applaudissant avec enthousiasme. Une dame m’offre une banane tandis qu’un monsieur bedonnant dépose une roupie dans ma main. Puis ils s’en vont. — Hé ! Revenez ! Ne partez pas ! Je me tourne vers le barbier. Il a couvert de crème à raser le visage de son client et a sorti sa lame. — Monsieur ! Monsieur !

J’essaie d’attirer son attention, mais il ne bronche pas. Exaspéré, je m’assois par terre, la tête dans les mains. Tous ces efforts pour rien ! Personne n’a compris. On a pensé que c’était un spectacle ! Je soupire. Qu’est-ce que je vais faire maintenant ? Grand-papa doit se demander pourquoi je ne le retrouve pas plus vite. Moi et mon sens de l’orientation ! Je vais avoir besoin de bien des leçons avant de devenir un parfait Tigron. — Bravo ! murmure une voix tout près. Je marmonne un « merci, merci » entre deux soupirs. Comment vais-je réuss… Hein ? Je relève la tête d’un coup sec. On m’a parlé en fran çais ! Je bondis sur mes pieds, rempli d’espoir.

— Allô ?... Allô ?... Youhouou ! Et je tends l’oreille, tous mes sens aux aguets.

-7-

Un vent du Sud

J

e regarde autour de moi, le cœur battant. Dans la ruelle, chacun vaque à ses occupa tions. Sauf un. Assis dans l’ombre, un garçon me fixe intensément. Je m’approche. Eh ! Je me souviens de l’avoir remarqué pendant que je mimais. Il a la peau très foncée. Se pourrait-il que ce soit lui qui parle français ? Timidement, je lui adresse la parole : — Hmm-hmm… bon… bonjour ? — Namaskar ! répond-il sans hésiter.

Désappointé, je pousse un long soupir. — Euh… Bonjour ! se reprend-il aussitôt. Hourra ! Je lève les bras au ciel en sautillant de bonheur. Hip, hip, hip, hourra ! Le garçon m’observe, des points d’in-

terrogation dans ses yeux noirs. Surexcité, je dis : — Tu ne peux pas savoir comme je suis content ! Oh oui ! Super, super content ! Je cours m’asseoir près de mon sauveur. L’Indien doit avoir mon âge. Il porte une chemise bleue rayée et un pantalon brun, mais aucune chaussure. Je lui demande : — Tu parles français ? Depuis quand ? C’est rare en Inde ! Où l’as-tu appris ? À l’école ? Chez toi ? Vis-tu ici ? Le garçon éclate de rire. Puis, lentement, il dit de sa voix haut perchée : — Tu parles trop vite. Oups ! — Je ne comprends pas tout. J’esquisse un petit sourire gêné et je redemande :

— Où as-tu appris le français ? — Avant, j’habitais dans le Sud. J’avais des amis qui parlaient français. — Dans le Sud ? Je suis en route pour le Sud ! — Tu es encore très loin, me fait-il remarquer. — Je sais… Je dois des cendre jusqu’à Papan¯asam ! — Ma maison était à Pondichéry. Je cherche dans mes souvenirs : — Pondi… chéry… Je ne me rappelle pas où… Oh ! attends ! Je vais chercher dans mon encyclopédie ! — En-cy-clo-pé-die ? répètet-il en s’appliquant. — Oui, regarde ! Elle est magnifique.

J’ouvre mon sac à dos et je sors mon grand livre. Yahouou ! Je viens de retrouver la bouteille d’eau que papa m’avait donnée avant de partir. Je l’avais complètement oubliée, celle-là ! J’avale une grosse gorgée. Ouache ! L’eau est chaude. Tant pis ! C’est mieux que rien. Je dépose la bouteille près de moi et je m’empresse d’ouvrir mon précieux volume. À la page 29, je repère Pondichéry sur la carte. La ville, située au Tamil Nadu, donne sur la mer. Mon compagnon approuve et ajoute que c’est une ancienne colonie fran çaise. Nous regardons quelques images et il me dit : — Ton livre est très beau. Mon école n’a pas de livres aussi intéressants.

— Mon école non plus. Je suis en vacances, et toi ? — Ho !... oui ! Curieux, je lui demande : — Ho, est-ce oui en marathi ? Le garçon dodeline de la tête. On dirait qu’il n’est pas certain de la réponse. J’insiste : — Alors, c’est oui ou c’est non ? — Noko est non. Je me gratte le front. Mon sauveur a beau parler français, ce n’est pas plus clair qu’avant. Je récapitule : — Le mot ho veut-il dire oui ? Encore une fois, il se montre hésitant. — Pourquoi n’es-tu pas sûr ? — J’ai dit oui ! lance-t-il avec un brin d’impatience et il appuie son affirmation d’un

mouvement de tête caracté ristique. Oh-oh ! Je crois que j’ai compris. Amusé, je lui explique : — Toi, quand tu dis oui, tu bouges de cette façon… tu penches la tête de droite à gauche… Tout en l’imitant, je pour suis : — Dans mon pays, ça signifie qu’on n’est pas certain, qu’on hésite. Moi, quand je dis oui, je hoche la tête de haut en bas. Ce n’est pas du tout pareil ! Espiègle, je fais oui à répétition en écarquillant les yeux comme un clown. Du coup, nous pouffons de rire. Entre deux hoquets, je souffle : — Je m’appelle Abel. — Swapnil ! répond-il avec un sourire fendu jusqu’aux oreilles.

Le calme revenu, je retourne à ma préoccupation première. Tout en rangeant mon encyclopédie, je raconte à Swapnil que je cherche mon grand-père. Je précise qu’il me fait passer une épreuve pour développer mon sens de l’orientation. — Est-ce que tu l’aurais croisé en te promenant ? Il est très grand. Swapnil se concentre. — Ton grand-père a un chapeau de cow-boy ? J’acquiesce. Mon cœur bat plus fort dans ma poitrine. L’at-il aperçu ? — Ton grand-père a un chien ? — Oui, oui, oui ! Un chapeau et un chien ! Tu l’as vu ? — Noko… euh ! non, je ne l’ai pas vu, déclare-t-il avec fermeté.

Sa réponse me fait l’effet d’un coup de poing dans l’esto mac. Ce n’est pas juste ! Comment peut-il me dire non alors qu’il connaît tous ces détails ? Swapnil essaie de m’encourager : — Ton grand-père n’est sûrement pas loin. Connais-tu quelqu’un d’autre ici ? — Personne ! Mon grandpère ne m’a parlé de… AH ! Quelque chose vient de me frôler le bras. Je me retourne. — Aaaaaaah ! Surpris, le singe décampe. Hein ? Un singe ? En pleine rue ? Héééééé ! Il a volé ma bouteille d’eau ! — Arrête ! Reviens ici ! Vif comme l’éclair, Swapnil ramasse un bâton et part à sa

poursuite. Mais le singe bondit vers l’arbre le plus proche, grimpe et s’installe sur une haute branche. De ses yeux cerclés de rouge, le petit voleur me jette un regard. Il grimace en montrant ses dents poin tues. Satisfait, le singe dévisse le bouchon de ma bouteille et engloutit l’eau jusqu’à la dernière goutte. Puis il saute de branche en branche en balançant sa longue queue grise. Bong ! fait le contenant vide en tombant sur le sol. Abattu, je me lamente : — Ma bouteille, ma seule bouteille… J’ai tellement chaud. Ma belle bouteille… Penaud, Swapnil revient s’asseoir près de moi. Il met sa main sur mon épaule : — Ça va, Abol ?

— Pas Abol, Abel, que je dis entre deux reniflements. — Continue à chercher, Abel. Quelqu’un doit connaître ton grand-père. — Ah oui ? Dis-moi qui ? Le premier ministre, peut-être ? À bout de nerfs, je piétine le sol. La poussière lève et m’entoure. Mes yeux piquent. Je les frotte avec rage. Mes yeux brûlent encore plus et je pleure. D’un seul coup, tout me frappe. Le bruit qui n’arrête jamais, les cris, les klaxons, les odeurs de poubelle et d’essence, le soleil qui cuit, les visages étrangers qui ricanent. Pourquoi suis-je parti de la maison ? Pourquoi suis-je venu en Inde ? Je suis beau coup trop petit. Je vou drais téléphoner… parler à maman… entendre sa voix douce… Et grand-papa… Pour-

quoi m’impose-t-il cette stupide épreuve ? Je veux que ce soit lui qui me retrouve. Je veux qu’il m’emmène avec lui. Je veux qu’il… Soudain, une idée surgit dans mon esprit. Plus précisément, un nom… Bapou ! Grand-papa a parlé de lui plusieurs fois. Au moins trois… non, quatre fois ! Il l’a certainement fait exprès. J’en suis convaincu ! Ce n’est pas un hasard. Oooooh non ! Léo voulait semer des indices en prévision de l’épreuve. Si je trouve l’Indien, je suis per suadé qu’il me conduira à mon grand chef. Il n’y a aucun doute possible. Bapou, c’est la clef de l’épreuve des Tigrons ! Du revers de ma main, j’essuie mon nez et je déclare à Swapnil :

— Je vais chercher Bapou. Grand-papa en parlait tout le temps. Connais-tu un Bapou ? — Ho ! Ho ! Bapou, très connu ! répond-il avec aplomb. Enfin, une bonne piste ! — Peux-tu m’amener chez lui ? En guise de réponse, Swapnil bondit sur ses pieds. Il a noué sa chemise autour de sa taille. Sur sa camisole blanche, il y a une grande étoile orangée. Une étoile… ? Mon cœur s’affole. Serait-ce un autre signe de grand-papa ? Qu’est-ce qu’il disait encore ? Ce matin, dans le train… « Suis l’étoile… euh… suis l’étoile… et… elle te conduira où tu veux aller ! » Swapnil porte l’étoile des Tigrons ! Il est mon guide ! Revigoré, je jette mon sac à dos sur mon épaule. Je savais

bien que mon grand chef ne pouvait pas m’abandonner. Discrètement, il me donne un coup de pouce. Entre Tigrons, il faut s’entraider. D’ailleurs, grand-papa est sûrement dans les parages. Je parie même qu’il m’observe depuis le début. En quittant mon refuge ombragé, je regarde de tous les côtés et je distribue à la ronde de gros clins d’œil. Où qu’il soit caché, Léo ne pourra pas les manquer. Swapnil m’attend, prêt pour l’aventure. — On y va ! Tchèlo ! — Tchèlo ! Je lui emboîte le pas. J’ai chaud, j’ai soif, j’ai mal aux pieds… Pffft ! Pas grave, pas grave du tout ! Maintenant, rien ne peut m’arrêter. Je prends

une grande respiration et je redresse le menton. J’ai confiance. Mon grand chef ne s’est pas trompé quand il m’a accueilli dans sa tribu. De l’énergie, j’en produis à mesure ! Du courage, j’en ai à revendre. Je souris à Swapnil. Il me donne une tape amicale sur l’épaule. Lui aussi paraît vaillant. Il ne porte pas l’étoile pour rien. Je suis content, j’ai trouvé un bon allié. Grâce à lui, je suis sur la piste de Bapou. Et je vais le retrouver très vite, cet ami de Léo. Oh ! oui ! Très, très vite, une vraie comète ! Si vite que grand-papa va en échapper son chapeau !

À SUIVRE…

Également de la même auteure Le rossignol de Valentin, Les publications Graficor, coll. Tous azimuts, 1er cycle, livret 34, 2001. Panique en musique, Les publications Graficor, coll. Tous azimuts, 1er cycle, livret 36, 2001. Comptines pour le jour et la nuit, Les publications Graficor, coll. Tous azimuts, 1er cycle, livret 38, 2001. Le furet, Les publications Graficor, coll. Tous azimuts, 1er cycle, livret 40, 2001. Dormira? Dormira pas ? , Les publications Graficor, coll. Tous azimuts, 1er cycle, livret 42, 2001. Écris-moi vite ! , Les publications Graficor, coll. Tous azimuts, 1er cycle, livret 44, 2001. As-tu de l’imagination ?, Les publications Graficor, coll. Tous azimuts, 1er cycle, livret 46, 2001. Pile ou face, Les publications Graficor, coll. Tous azimuts, 1er cycle, livret 48, 2001.

Sur la piste de l’étoile

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LUCIE BERGERON

Conception graphique : Karine Raymond Photo : Martine Doyon

Illustration : Caroline Merola

Pour rejoindre son grand-père, Abel a survolé la moitié de la planète. Enfin ! Il est arrivé en Inde. Le géant Léo l’accueille et, sans attendre, il l’entraîne sur le sentier des découvertes. En Inde, tout est différent  ! Abel n’a plus aucun repère. Poussé par l’enthousiasme de son grand chef, Abel plonge. Il observe, découvre, essaie, il goûte à tout  ! Car le courage des Tigrons étoilés coule dans ses veines et rien ne peut l’arrêter. Mais, attention  ! Le tourbillon des découvertes emportera Abel très loin, encore plus loin qu’il ne pouvait l’imaginer… Quel plaisir de retrouver Abel et Léo dans une troisième histoire aussi dépaysante  ! Cette fois, Lucie Bergeron nous invite à un fabuleux voyage en Inde.  Lecteurs-voyageurs, soyez prêts à tout, car chaque page recèle surprises et émotions. Laissez-vous transporter par ce récit exotique, richement illustré par Caroline Merola. À lire également : Un Tigron en mission

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