Stephen Hawking en images 9782759820085

Stephen Hawking est l’un des physiciens britanniques contemporains les plus connus dans le monde. Outre son destin tragi

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Dans la même collection : L'intelligence artificielle, 2015, ISBN : 978-2-7598-1772-6 Les mathématiques en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1737-5 La génétique en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1767-2 La logique en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1748-1 La relativité en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1728-3 Le temps en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1228-8 La théorie quantique en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1229-5 La physique des particules en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1230-1 La psychologie en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1231-8

Édition originale : Stephen Hawking, © Icon Books Lts, London, 2013. Traduction : Alan Rodney - Relecture : Gaëlle Courty Imprimé en France par Présence Graphique, 37260 Monts Mise en page de l’édition française : studiowakeup.com

ISBN : 978-2-7598-1966-9 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2016

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L’homme le plus chanceux de l’Univers Lors de l’interview de Stephen Hawking pour les besoins de cet ouvrage, je lui ai posé d’emblée une question qui peut paraître téméraire, voire impertinente : « Vous considérez-vous comme un homme chanceux ? » Quelle question ! Cloué dans un fauteuil roulant depuis plus de vingt ans, incapable de parler ou d’écrire… chanceux ? Qui donc pourrait en convenir ?

Personne, sauf peutêtre Stephen Hawking luimême !

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Je suis d’accord que j’ai eu beaucoup de chance pour tout sauf quand j’ai contracté la maladie de Charcot. Et encore, cette maladie n’a pas été si terrible que ça. Avec beaucoup d’aide, j’ai réussi à surmonter ses effets. J’ai eu la satisfaction d’avoir réussi, malgré la maladie.

Aujourd’hui, je suis bien plus heureux qu’avant le début de mes ennuis de santé. Je ne vais quand même pas dire que cela m’a été profitable, mais j’ai de la chance qu’elle ne soit pas devenue le désavantage qu’elle aurait pu être.

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Revenons un peu en arrière… Tout le monde a entendu parler des ennuis de santé de Stephen Hawking. Tout a commencé un après-midi du printemps 1962, quand Stephen s’est rendu compte combien il devenait difficile de lacer ses chaussures. Il comprit que son corps n’allait pas bien du tout. Cette même année, il avait réussi, moyennant un peu de « tchatche », à décrocher sa licence à l’université d’Oxford et avait été accepté en tant que doctorant à l’université de Cambridge. Mais il avait contracté une sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie du neurone moteur incurable et mortelle. Ses médecins lui donnaient encore deux ans à vivre.

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Si l’on se fie à la presse people et aux biographies de poche, Hawking aurait passé alors plusieurs mois plongé dans une dépression profonde dans son logement universitaire, s’adonnant à la boisson et écoutant du Wagner. Pour ajouter à son amertume, il avait appris – alors que c’est pour cette raison que son premier choix était Cambridge – qu’il n’aurait pas le célèbre cosmologiste Fred Hoyle (1915–2001) comme directeur de thèse. 6

Mais la chance a commencé à tourner. D’une part, une jeune femme, Jane Wilde, que Stephen avait rencontrée au réveillon 1962, lui manifestait un intérêt sincère et, d’autre part, le département de physique de Cambridge lui avait affecté comme directeur de thèse Dennis Sciama (1926–1999), l’un des directeurs de recherche les plus « instruits » en matière de cosmologie relativiste et qui, de plus, savait vraiment inspirer ses élèves.

Alors que tous s’accordaient à dire que les capacités physiques de Stephen William Hawking étaient sévèrement limitées par les effets de la SLA, une série d’« heureux » événements a marqué le début des années 1960, lui permettant d’accomplir son destin pour devenir l’un des cosmologistes les plus célèbres des temps modernes. 7

D’abord, pour le domaine qu’il avait choisi – à savoir la physique théorique –, l’unique organe dont il avait absolument besoin était son cerveau, qui n’était pas du tout atteint par la SLA. Puis, il venait de rencontrer une partenaire d’un grand secours en la personne de Jane Wilde et, enfin, il avait été présenté au sympathique directeur de thèse, le professeur Sciama. Il devait peu de temps après faire la connaissance de Roger Penrose (né en 1931), un brillant mathématicien qui étudiait les trous noirs. Penrose lui a appris le maniement de certains outils analytiques très récents, applicables en physique, qui ont permis aussi à Hawking de résoudre un problème théorique qui a « sauvé » non seulement sa thèse de doctorat, mais l’a amené directement sur les terres de la physique moderne. L’aide de ces trois personnes survenue à un moment si critique de la vie de Hawking est peut-être plus importante qu’il n’aurait pu le croire.

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À peu près au même moment, Hawking avait un autre rendez-vous avec le destin. En l’occurrence, une théorie développée presque cinquante ans auparavant – la théorie générale de la relativité d’Albert Einstein – était en passe d’être appliquée très largement aux problèmes spécifiques de la cosmologie. Il semblait que les prévisions basées sur cette théorie étaient si bizarres qu’il leur avait fallu des décennies pour être acceptées. À cette époque, au début des années 1960, une ère glorieuse de recherche en cosmologie fondée sur la relativité générale était sur le point d’éclore. Le destin avait attendu la venue de Stephen Hawking. Le secrètement ambitieux physicien théoricien – que certains jugeaient légèrement handicapé – était fin prêt. Il ignorait combien de temps il lui restait à vivre… mais il était certain d’être là au bon endroit, au bon moment. Peut-être avait-il réellement de la chance.

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Stephen Hawking est ce que l’on appelle un cosmologiste relativiste. Cela implique qu’il étudie l’Univers dans sa totalité (cosmologiste) et pour ce faire, il met en œuvre, pour l’essentiel, la théorie de la relativité (relativiste). Et, dans la mesure où Hawking a passé toute sa carrière en tant que physicien théoricien – depuis le début des années 1960 jusqu’au milieu des années 1990 – à travailler avec la relativité générale d’Einstein, il peut être utile de rappeler ici en quoi consiste cette théorie.

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La théorie de la relativité générale Berlin, novembre 1915, Albert Einstein (1879–1955) venait d’achever sa théorie de la relativité générale, une structure mathématique dans laquelle l’espace courbé et le temps déformé avaient servi à décrire la force de la gravité. La cosmologie moderne a débuté deux ans après, quand Einstein a publié un second article ayant pour titre « Considérations cosmologiques », dans lequel il appliquait sa nouvelle théorie à l’Univers tout entier. La relativité générale est difficile à maîtriser, mais le peu de gens qui l’ont comprise s’accordent à dire qu’il s’agit d’une « élégante », voire belle théorie de la gravité. Cependant, qualifier un ensemble d’équations de « belles » n’aide pas nécessairement à comprendre vraiment les différences qui existent entre la théorie d’Albert Einstein et celle d’Isaac Newton (1642–1727). Mais peut-être qu’un exemple de la manière dont chaque théorie décrit la gravité dans la même situation physique peut nous éclairer.

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Question – Pourquoi les cosmologistes doivent-ils étudier les forces gravitationnelles ? Réponse – La cosmologie consiste à étudier tout l’Univers et une large part de ces études est basée sur des hypothèses d’envergure. La gravité détermine les structures à grande échelle de l’Univers ou, plus prosaïquement, comment les planètes, les étoiles et les galaxies « restent » à leur place. La gravité est le concept le plus important pour qui veut travailler dans ce domaine. Jusque récemment, la cosmologie était considérée comme une pseudoscience, un domaine réservé aux professeurs retraités émérites. Mais pendant les trois dernières décennies, deux développements majeurs, coïncidant plus ou moins avec la carrière de Hawking, ont totalement changé la donne.

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 En premier lieu, des découvertes majeures en astronomie d’observation des galaxies les plus lointaines ont fait de l’Univers un laboratoire où peuvent être testés des modèles cosmologiques.  En second lieu, il a été démontré de nombreuses fois que la relativité générale d’Einstein est une théorie précise et fiable de la gravitation à travers tout l’Univers. Souvenons-nous, la physique représente un processus cumulatif. De nouvelles théories se construisent parfois sur la base d’anciennes, retenant les idées et concepts qui réussissent aux tests expérimentaux et rejetant ceux qui ne les réussissent pas. Notre but final est de comprendre les contributions de Stephen Hawking à la science, lui qui a amené la théorie de la gravitation d’Einstein à son ultime limite.

Il est important de comprendre le concept des théories partielles. Par exemple, la loi de Newton sur la gravité est extrêmement précise seulement quand le champ de gravité est faible – elle doit être remplacée par la relativité générale d’Einstein dès lors que le champ gravitationnel devient fort. De même, la relativité doit être remplacée par la mécanique quantique quand on veut analyser des interactions à l’échelle microscopique, par exemple au moment (appelé « singularité ») du Big Bang, au bord ou au centre d’un trou noir. Hawking est considéré généralement comme le théoricien qui possède les meilleures chances de combiner la relativité générale et la mécanique quantique pour aboutir au concept de la gravité quantique, que les médias ont nommé à tort la théorie de tout.

Notre récit, pour être complet, se doit d’englober Newton, puis Einstein et enfin Hawking. Commençons donc par Newton.

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Newton : le concept de la force Newton avait introduit le concept d’une force gravitationnelle d’attraction et énoncé que l’attraction mutuelle entre deux corps est proportionnelle à la masse de chaque objet (c’est-à-dire la quantité de matière que contient l’objet) et inversement proportionnelle au carré de la distance qui sépare leurs centres (de gravité). Constante gravitationnelle

Masses des deux objets

F = G M1 M2 R2 Pas de panique ! L’équation en ellemême est très simple.

Distance entre les centres de gravité des deux objets

Je l’appelle ma loi de la gravitation universelle. « Si l’on . double la masse de l’un ou de l’autre objet, la force double aussi ; mais si la distance entre les deux objets est doublée, la force est réduite d’un facteur quatre, en raison du terme au carré dans le dénominateur de l’équation. Ainsi, au fur et à mesure que les deux objets s’éloignent, la force gravitationnelle entre eux décroît La gravité est en réalité la force la plus faible rapidement. » dans la nature comme on peut le constater en voyant la valeur de la constante gravitationnelle G en unités usuelles (Système international) :

G = 6,67 × 10–11 newton.mètre²/kilogramme² Le newton est l’unité scientifique de la force, équivalent à environ 113,4 grammes. 14

Les quatre types de forces de l’Univers La force électromagnétique : maintient les atomes ensemble et est à la base de toute réaction chimique. La force nucléaire forte : unit fortement les neutrons et les protons dans le noyau de l’atome. C’est une force importante pour les réactions nucléaires telles que la fission d’atomes ou la fusion. La force nucléaire faible : régit la désintégration radioactive, c’est-à-dire l’émission spontanée de particules alpha (protons) et bêta (électrons) du noyau. La force gravitationnelle : a conduit aux grandes structures de l’Univers, à la formation des galaxies, des étoiles et des planètes.

RT E

UE

NU E

N

AG

M RO

FO E

C LE

IR ÉA

CE

LA

É

R FO -10

10

LA

FO RC

IQ ÉT

LE

IB FA IRE

T

CL

Les quatre forces connues se sont séparées et distinguées individuellement au cours des premiers instants d’existence de l’Univers.

LA

ÉA

CL

U EN

RC

FO

E

ELL

N ION

5 -3

10

CE

OR

F LA

T ITA AV R G

-43

10

15

Quand deux sumotoris (pesant chacun environ 135 kilos) s’approchent l’un de l’autre dans le cercle de combat, appelé dohyo– (à disons 1 mètre), la force de gravité qui les attire l’un vers l’autre est infime… environ 10 000 fois plus petite que celle nécessaire pour extraire un mouchoir de sa boîte ! Pour convertir la réponse en kilogrammes, il faut multiplier les newtons par 0,225 × 0,453 592 37= 0,102 06. Fg= (6,67 ×10-11) (135) (135) = 0,000012 Newtons 0,000 001 224 7 kilo (1 mètre)2

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Mais la force qui les attire vers le sol est bien plus forte, parce que l’objet qui les attire vers le bas est la Terre dont la masse est de 5,98 × 1024 kilos, que l’on inscrit au numérateur avec la masse du sumotori (135 kilos). Le rayon de la Terre est de 6,37 × 106 mètres, inscrit au dénominateur. Prenez une calculatrice, faites le calcul !

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Les Principia : l’Univers selon Newton Newton s’intéressait particulièrement à l’étude de la force gravitationnelle entre le Soleil et les planètes du système solaire. L’impulsion qui a donné lieu à la publication en 1687 de sa théorie de la gravitation, intitulée Principia (Principes mathématiques de la philosophie naturelle), est venue après un échange, en 1684, à la Royal Society (l’Académie des sciences britannique) entre l’astronome Edmond Halley (1656–1742), l’architecte sir Christopher Wren (1632–1723) et le principal rival de Newton, Robert Hooke (1635–1703). Nous pensons qu’une loi au carré inverse sur l’attraction gravitationnelle implique des orbites elliptiques des planètes. Mais nous n’en avons pas la preuve. Moi si, mais je garde secrète ma preuve.

Je vais aller à Cambridge pour solliciter l’avis de Newton…

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Eh bien moi, je vais retourner à Saint Paul pour construire ma cathédrale.

Newton, le génie reclus, a répondu sans hésiter au questionnement de Halley concernant les orbites elliptiques.

Effectivement, une loi en carré inverse produit bien des orbites elliptiques, un résultat que j’ai démontré mathématiquement.

C’est excitant, ce que vous dites là ! Pouvezvous nous montrer cette démonstration ?

À l’époque, tout le monde savait que Johannes Kepler (1571–1630) avait montré que les orbites planétaires étaient elliptiques, mais une preuve mathématique était autrement plus intéressante. Eh bien… je n’arrive pas à mettre la main dessus !

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Halley, frustré, repartit pour Londres, mais trois mois plus tard, il reçut un manuscrit de 9 pages en latin, De Motu Corporum (Du mouvement des corps en orbite), dans lequel Newton décrivait les parcours elliptiques des planètes selon sa loi de la gravitation et ses lois du mouvement. Ce document annonçait en quelque sorte son œuvre magistrale Principia (1687), où Newton présentait un exposé mathématique complet de ses idées.

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Newton et Hawking Les médias comparent souvent Stephen Hawking à d’autres physiciens célèbres tels Newton et Einstein, ce qui tend à écarter bon nombre de scientifiques et, notamment, des historiens des sciences. Jamais aucun individu ne pourra dominer son époque comme l’a fait Newton, tandis que Hawking est simplement l’un des membres d’un petit groupe de scientifiques d’élite à la pointe de la cosmologie moderne. Toutefois, certaines comparaisons sont très intéressantes. Newton a mené toute sa carrière scientifique à l’université de Cambridge, sa résidence et ses laboratoires se trouvant au Trinity College. Hawking travaille et vit depuis 1962 à Cambridge, si l’on ne tient pas compte de quelques années sabbatiques passées à l’étranger. Tous deux ont essayé d’expliquer l’Univers physique observable à partir de théories gravitationnelles : Newton et sa propre théorie (ou loi), et Hawking en se basant surtout sur la relativité générale d’Einstein. Tous deux ont occupé la distinguée chaire lucasienne de mathématiques à Cambridge.

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Le large champ d’application de la loi sur la gravitation universelle que Newton a développé dans Principia est assez extraordinaire. Sa théorie a connu un succès immédiat, applicable telle qu’elle était pour décrire tous les mouvements du système solaire, y compris la Lune et les comètes, ainsi que les planètes. Les calculs étaient tellement précis qu’ils ont permis de découvrir en 1846 la planète Neptune, que l’on ne pouvait pas distinguer avec les télescopes de l’époque.

Il subsistait, cependant, un petit problème. L’orbite de Mercure n’était pas tout à fait juste. Mais Mercure est très proche du Soleil et donc difficile à observer ; la différence était due, pensait-t-on, à des erreurs d’observation, ce que tout le monde acceptait aux XVIIe et XVIIIe siècles. Quant aux orbites de Jupiter, Mars et Saturne, elles étaient « parfaites ». Personne ne s’en inquiétait.

Mais moi, justement, je m’en inquiète !

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Tais-toi, tu n’es même pas encore né !

Nombre de lecteurs peuvent trouver étonnant qu’envoyer l’Homme sur la Lune, quelque cinquante ans après Einstein, n’ait demandé aucune modification de la théorie de Newton. Les ingénieurs de la NASA (National Aeronautics and Space Administration) se sont servis des Principia pour la programmation de leurs fusées lancées depuis le cap Kennedy en 1969.

Pourquoi ne pas utiliser la théorie d’Einstein ? N’est-elle . pas plus précise que la loi de Newton ?

C’est vrai ça, mais ici, à la NASA, on n’en a pas besoin.

La différence est minime, à moins que les mesures soient effectuées très près d’un objet massif. En ce qui concerne les orbites autour du Soleil et des planètes, et d’ailleurs dans tout le système solaire, on peut négliger les effets relativistes d’Einstein et considérer que la théorie de Newton est parfaitement adaptée. 23

Le concept de masse Considérons un instant la méthode miracle pour perdre du poids : un voyage jusqu’à la Lune ! Lorsqu’un objet est transporté par un vaisseau spatial pour y être déposé, son poids diminuera d’un facteur 6 environ. Une démonstration de la perte de poids est très simple à réaliser – on compare la force de gravité exercée sur un corps à la surface de la Terre en appliquant la loi de Newton (c’est-à-dire son poids) avec celle exercée sur le même objet déposé sur la surface lunaire. Il suffit d’insérer les bons chiffres dans l’équation et vous pourrez constater par vous-même la perte énorme de poids. Mais attention à la manière dont vous tenez compte de la masse.

La masse de cette astronaute est d’environ 60 kilos (déterminée à l’aide d’une balance étalonnée) ; la masse de la Terre est de 5,98 × 1024 kilos et son rayon est de 6,37 × 106 mètres. Si nous utilisons ces valeurs dans l’équation de Newton, nous pouvons calculer son poids :

Poids = Fg = 590 newtons 24

Quel sera son poids sur la Lune ? Servez-vous de la même méthode, mais en utilisant à présent la masse de la Lune, soit 7,34 × 1022 kilos et son rayon, égal à 1,74 × 106 mètres

Poids = 97 newtons (soit six fois moins que sur Terre). Même notre sumotori ne pèserait que 220 N.

Je ne pèse qu’un sixième de mon poids sur Terre ! Mais rappelezvous que les newtons représentent une mesure du poids (force), tandis que les kilogrammes servent à mesurer une masse.

Cela signifie que la masse de l’astronaute ne change pas sur la Lune. Elle n’a pas perdu de la matière qui constitue son corps. En effet, son apparence physique et sa taille ne sont pas affectées par des changements du champ gravitationnel.

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La masse représente un concept délicat, à n’en point douter. Elle est non seulement difficile à comprendre mais, jusqu’à Einstein, c’était un concept terriblement ambigu. Pensez à cette propriété des corps selon laquelle ils sont attirés par d’autres corps, d’après la première loi de Newton sur la gravité universelle.

(masse gravitationnelle) F (force) = a =

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Gm1m2 R2

Ensuite, pensez à cette propriété des corps qui leur confère une résistance aux changements de vitesse, selon la seconde loi de Newton sur le mouvement des corps :

(masse inertielle) F (force) = m × a (accélération) ou…



F (force) a = m (masse)

Il est évident qu’une masse inertielle plus élevée, pour une même force, va subir une accélération plus petite. Y a-t-il une différence entre Newton ces deux quantités, d’une part la est un géant de masse gravitationnelle, d’autre la théorie physique. part la masse inertielle ? Newton Je suis heureux de a semé le doute. scruter l’Univers à travers son point de vue, mais je dois avouer que le concept de masse m’inquiète… ainsi que quelques autres points !

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Albert Einstein, sauveur de la physique classique Un seul homme, Albert Einstein, fut chargé de clarifier les quelques anomalies non élucidées de la physique classique. Les grands physiciens de l’époque victorienne (XIXe siècle) avaient décidé que seuls des problèmes triviaux subsistaient. Cependant, Einstein s’est évertué à bouleverser la physique newtonienne. Essayez de voir la structure théorique de Newton comme un château de cartes. Il est vrai qu’Einstein n’a retiré que deux de ses cartes. Toutefois, ces deux-là se trouvaient à la base de la structure.

J’ai rejeté le double concept d’un temps universel et d’un espace absolu. … Oups !

Pour y parvenir, il lui était nécessaire de postuler que rien ne pouvait se déplacer plus vite que la lumière, pour laquelle Einstein avait noté que toutes les observations donnaient une valeur identique. Travail qu’il avait appelé la théorie de la relativité générale. 28

Les premiers articles d’Einstein traitaient de l’électrodynamique et impliquaient des signaux lumineux et des horloges en mouvement. Mais assez tôt, il a commencé à s’inquiéter du phénomène gravitationnel et s’est trouvé troublé par la propriété étonnante de l’action à distance. Selon Newton, si le Soleil devait disparaître à un instant t, l’effet de son champ gravitationnel sur la Terre disparaîtrait au même moment, bien que la Terre se trouve à presque 150 millions de kilomètres. Mais la lumière du Soleil, se déplaçant à vitesse constante (c), continuerait à arriver sur Terre pendant huit minutes. C’est ce décalage qui troublait Einstein, ainsi que le concept de masse. Pourquoi les masses inertielle et gravitationnelle devraient être alors identiques ?

Pour Einstein, de tels concepts constituaient des paradoxes qui allaient le troubler des années durant. Mais, tout jeune homme, Einstein avait compris que la main de Dieu se cachait dans les détails. 29

Einstein « l’Inquiet » a commencé à penser qu’il y avait peut-être une autre façon d’expliquer la gravité. Et peut-être qu’il ne s’agissait nullement d’une force. Puisque le mouvement d’un objet qui chute librement ne dépend ni de sa masse, ni de sa composition (comme Galilée l’avait déjà découvert au xve siècle), la gravité était due peut-être à certaines propriétés du milieu dans lequel il chute, c’est-à-dire l’espace lui-même. Par une série d’étapes remarquablement créatives, quoique hors des chemins classiques, Einstein en est arrivé à affirmer que l’espace n’est pas plat mais courbé et que la courbure locale de l’espace est due à la présence de masses dans l’Univers. Par conséquent, les corps qui se déplacent dans un espace courbé ne suivent pas des lignes droites mais plutôt des lignes de moindre résistance le long des contours de l’espace courbé. On les appelle Ah ! les géodésiques. L’un des boulets de canon de Galilée !

Si cela était vérifié, nul besoin d’invoquer une mystérieuse « force gravitationnelle » qui serait transmise instantanément. Nul besoin non plus d’expliquer pourquoi masse inertielle et masse gravitationnelle sont strictement identiques. Einstein s’apprêtait à sauver la physique classique de ces écarts et à achever ainsi les travaux commencés par Newton et James Clerk Maxwell (1831–1879).

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Einstein et Hawking Nous sommes redevables, pour la plupart des grandes découvertes en physique, à des scientifiques qui ont su combiner une intuition presque miraculeuse avec de solides compétences mathématiques. Et le premier de ces talents, l’intuition, est bien plus important que les autres. Einstein n’était pas un mathématicien pur, ni Stephen Hawking d’ailleurs. Ils ont, l’un comme l’autre, acquis suffisamment de savoirs mathématiques pour effectuer leurs calculs et cela les aidait à formuler leurs concepts en physique de la manière la plus efficace possible. Einstein a tanné sans relâche son ami hongrois Marcel Grossmann (1878–1936) pour apprendre les techniques de la géométrie riemannienne nécessaires à sa compréhension de l’espace courbé. Hawking, soucieux d’explorer les secrets des trous noirs au début des années 1960, a interrogé jusqu’à l’épuisement le professeur Roger Penrose pour apprendre les nouvelles méthodes topologiques qui sous-tendaient la théorie de la singularité. L’un et l’autre avaient eu du flair pour identifier les problèmes les plus intéressants. L’idée avancée par Einstein quant à l’espace courbé était assez plausible, mais la manière de quantifier une approche aussi révolutionnaire n’était pas claire. Il a commencé alors à imaginer ses célèbres expériences gedanken (« de pensée »), comme il l’a fait pour sa théorie de la relativité restreinte. Ses idées qualitatives et peu précises sur l’espace courbé sont devenues un ensemble d’équations indiquant le degré exact de courbure correspondant à une masse de matière donnée. On dit que ces équations constituent l’un des exemples les plus créatifs du pouvoir de la pensée abstraite absolue. Einstein déclara plus tard que l’idée l’ayant poussé à entreprendre ces recherches était « la pensée la plus heureuse de ma vie ».

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La pensée la plus heureuse d’Einstein Assis sur une chaise au Bureau des brevets à Berne (en 1907), une idée m’est soudain venue. « Si une personne chute librement, elle ne peut sentir son poids. » Cela m’a surpris et cette pensée élémentaire m’a fait une forte impression. Elle m’a guidé vers une théorie de la gravitation. C’était la pensée la plus heureuse de ma vie. Je me suis rendu compte que pour […] un observateur qui tombe librement du toit d’une maison, il n’existe – du moins dans son environnement immédiat – aucun champ gravitationnel. Si celui qui tombe ainsi lâche, à son tour, d’autres corps (par exemple les boulets de canon de Galilée), ces derniers seront « au repos » ou en mouvement uniforme, indépendamment de leur composition chimique ou physique. (Naturellement, nous tenons pour négligeable le ralentissement dû au frottement de l’air.) L’observateur aura donc le droit d’interpréter son état comme étant « au repos » ou en mouvement uniforme […].

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Et Einstein de poursuivre… En raison de cette idée, la loi expérimentale peu commune – qui énonce que, dans le champ gravitationnel, tous les corps chutent avec une accélération identique [autrement dit, la masse gravitationnelle est la même que la masse inertielle] – a soudain pris un sens physique profond. S’il devait y avoir un seul objet qui chute de manière différente, alors l’observateur pourrait se rendre compte qu’il est effectivement dans un champ gravitationnel et, de plus, qu’il est lui-même en train de chuter dedans. Toutefois, si un tel objet n’existe pas – tel que cela a été démontré très précisément, à commencer par les expériences de Galilée en 1590 – l’observateur ne dispose, en réalité, d’aucun moyen objectif pour s’apercevoir qu’il chute dans un champ gravitationnel. Il a le droit de considérer que son état est « au repos » et que son environnement ne subit aucun effet gravitationnel. Par conséquent, le fait que l’accélération en chute libre soit indépendante de la nature de la matière constitue un argument puissant qui défend le postulat que les principes de la relativité puissent être étendus aux systèmes coordonnés qui se trouvent en mouvement non uniforme.

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L’idée d’Einstein selon laquelle une personne en chute libre ne perçoit pas son propre poids semble relativement simple. Cependant, en partant de ce constat, Einstein utilisa son intuition et les lois de la physique pour éliminer ainsi toutes les anomalies de la théorie de Newton. Il a transformé la simple image d’une personne qui chute dans l’espace en un petit laboratoire dans lequel l’effet de gravité n’existe pas. Il pouvait analyser ainsi les effets de la gravitation sur des phénomènes tels que la courbure d’un rayon lumineux ou le ralentissement d’une horloge en remplaçant simplement le champ gravitationnel par un mouvement accéléré simulé. En réfléchissant simplement au cas d’un homme qui aurait sauté d’un toit à Berlin (selon la légende), Einstein a pu remplacer la notion de gravitation par celle d’accélération et découvrir son principe d’équivalence.

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Einstein pouvait utiliser dorénavant le puissant principe de la relativité – qui énonce que les lois de la physique n’ont pas besoin de dépendre d’un quelconque cadre de référence – pour tester ses nouvelles lois de la courbure de l’espace. Il bénéficiait également de son principe d’équivalence (la gravité égale l’accélération) pour commencer. De plus, il disposait d’une autre information, cette fois expérimentale.

Le périhélie de Mercure : du problème à sa solution Rappelons que les scientifiques du temps de Newton ne se souciaient guère de la petite anomalie orbitale que les astronomes avaient notée, s’agissant du mouvement elliptique de la planète Mercure, qui n’avait pas le même point de départ à chaque cycle. À l’époque d’Einstein, les astronomes étaient franchement inquiets, ils voulaient y voir clair. L’anomalie avait été calculée avec précision, soit 43 secondes d’arc de décalage par siècle, et ne devait pas disparaître. Einstein était maintenant en mesure d’utiliser le résultat du calcul du périhélie pour tester sa loi de courbure de l’espace (le terme « périhélie » provient du grec peri, « proche » et helios, « Soleil »).

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Einstein pouvait utiliser dorénavant le puissant principe de la relativité – qui énonce que les lois de la physique n’ont pas besoin de dépendre d’un quelconque cadre de référence – pour tester ses nouvelles lois de la courbure de l’espace. Il bénéficiait également de son principe d’équivalence (la gravité égale l’accélération) pour commencer. De plus, il disposait d’une autre information, cette fois expérimentale.

Le périhélie de Mercure : du problème à sa solution Rappelons que les scientifiques du temps de Newton ne se souciaient guère de la petite anomalie orbitale que les astronomes avaient notée, s’agissant du mouvement elliptique de la planète Mercure, qui n’avait pas le même point de départ à chaque cycle. À l’époque d’Einstein, les astronomes étaient franchement inquiets, ils voulaient y voir clair. L’anomalie avait été calculée avec précision, soit 43 secondes d’arc de décalage par siècle, et ne devait pas disparaître. Einstein était maintenant en mesure d’utiliser le résultat du calcul du périhélie pour tester sa loi de courbure de l’espace (le terme « périhélie » provient du grec peri, « proche » et helios, « Soleil »).

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Trouver la bonne équation Einstein s’est servi des « 3 P » pour tester ses équations…

Einstein a continué la mise au point d’équations (mentalement épuisé et essayant de faire abstraction de la Première Guerre mondiale) …

…jusqu’à ce que mes équations livrent enfin… 1. la bonne prédiction du décalage du périhélie de Mercure 2. incorporant le principe d’équivalence 3. en conformité avec le principe de relativité, c’est-à-dire qu’elles ont rigoureusement la même forme quand elles sont exprimées quel que soit le cadre de référence auquel il pouvait penser.

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Ses toutes dernières équations ont prévu également une déviation de 1,7 seconde d’arc d’un rayon de lumière d’étoile frôlant le Soleil, en incluant sa prédiction antérieure de l’expansion du temps gravitationnel, à savoir la déformation du temps. Einstein a présenté cette ultime rédaction de sa loi de la relativité générale relative de l’espace courbé et du temps déformé à l’Académie royale de Prusse le 25 novembre 1915. Aussitôt après sa présentation, Einstein s’est installé pour écrire une lettre à un ami proche, le physicien autrichien Paul Ehrenfest (1880–1933).

« J’ai été, quelques jours durant, fou de joie.

Imaginez donc le plaisir ressenti en voyant que ma nouvelle loi de la courbure de l’espace était conforme au principe de la relativité et prédisait avec précision la trajectoire correcte du périhélie de Mercure

… des années à chercher dans le noir une vérité que l’on sent mais que l’on ne peut exprimer – l’intense désir et les altérations de la confiance et les regrets jusqu’au moment tout s’éclaire – ce sont des sentiments que seul connaît celui qui les a éprouvés lui-même ! »

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Les équations de champ – que signifient-elles ? Le professeur de 36 ans avait construit un ensemble d’équations mathématiques qui détaillaient les liens entre la courbure de l’espace et la distribution des masses dans l’Univers. D’après Einstein, c’est la matière qui dicte à l’espace comment se courber, puis c’est au tour de l’espace d’indiquer à la matière comment se déplacer – ce qui constitue une nouvelle façon de décrire la gravitation. Il n’y a pas de force. Un véritable effort de l’esprit est nécessaire pour passer d’une vision de la gravitation à l’autre.

La constante cosmologique d’Einstein (lambda)

Le tenseur métrique

La densité massique (ou énergie) – le tenseur du mouvement (source de courbure)

L’explication du décalage du périhélie de Mercure est contenue dans ces équations miracles, ainsi que le degré de courbure des rayons stellaires, l’existence des ondes gravitationnelles, l’information quant aux singularités de l’espace-temps, un descriptif de la formation des étoiles à neutrons et des trous noirs, et même la prédiction d’un Univers en expansion. Voilà pour la bonne nouvelle… 38

La mauvaise nouvelle est que les mathématiques utilisées sont extrêmement ardues. Il n’y a pas moins de 20 équations simultanées avec chacune 10 inconnues. Elles s’avèrent être quasi insolubles excepté dans des situations où la prise en compte de la symétrie ou de l’énergie peut les réduire à des formes plus simples. Si nous ignorons la constante cosmologique lambda (laquelle ne s’y trouve même pas) et si nous considérons l’espace libre comme un milieu où le tenseur de masse est égal à zéro, on peut alors écrire ces équations de façon très simple…

Ce que l’on appelle la solution du vide.

Cette formule simple est devenue célèbre par cette photographie d’Einstein prise lors de l’un de ses cours théoriques, dans les années 1920. Cela semble si facile ! 39

L’image de la feuille de caoutchouc pour visualiser l’espace courbé La théorie de la gravitation selon Einstein est plutôt hors du commun comparée aux autres théories de champ, celles du champ électrique ou magnétique par exemple, en ce sens que la description du mouvement (c’est-à-dire comment un objet se déplace) est incluse d’office dans les équations de champ (comment l’espace-temps se courbe). Cela peut être appréhendé grâce à un modèle imagé fort simple – celui de la feuille de caoutchouc. Imaginons que nous ayons une table de billard avec une surface en ardoise sur laquelle est tendue une feuille de caoutchouc que l’on peut étirer à volonté. Si un objet léger (par exemple une balle de ping-pong) est projeté sur cette surface, il va suivre une ligne plus ou moins droite. Nous avons là une simulation de l’espace plat et la trajectoire de la balle représente le mouvement linéaire de la relativité restreinte.

À présent, nous plaçons une lourde boule de billard au centre de la feuille, qui courbe cette dernière, de sorte qu’une dépression se forme à cet emplacement. Ce modèle simule la courbure de l’espace proche d’une masse centrale, décrite par la relativité générale.

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Le cas le plus simple (en dehors de celui de la ligne droite) se produit quand la dépression capture l’objet léger en mouvement pour le placer en orbite circulaire. Il est à noter qu’il n’y a nul besoin d’une force centripète pour maintenir l’objet en orbite, comme dans le cas du modèle newtonien. L’objet « aimerait » bien se déplacer en suivant une ligne droite, mais comme l’espace proche est courbé, il se met à décrire un cercle autour du centre de la dépression. En réalité, il se déplace le long de la trajectoire de moindre résistance dans cet espace courbé. C’est ainsi que la relativité générale décrit comment une planète est capturée en orbite autour du Soleil.

Si l’objet se déplace sur une ligne qui mène au centre, il va s’enfoncer dans la dépression et son mouvement va s’accélérer vers le centre qui l’attire. C’est précisément ce qui arrive lorsqu’une météorite s’écrase sur la Terre ou sur le Soleil.

Avec de tels diagrammes, on peut facilement visualiser la nette différence entre les modèles de Newton et Einstein. Ce dernier a remplacé la force gravitationnelle de Newton par le concept de l’espace courbé. Quand Einstein a publié sa nouvelle théorie, nombre de ses contemporains étaient sceptiques. Ils étaient nombreux à ne pas souhaiter voir le modèle de Newton abandonné. Les sceptiques avaient besoin qu’on leur présente plus de preuves. 41

La courbure des rayons stellaires : l’éclipse du 29 mai 1919 Quatre ans plus tard, le monde scientifique attendait les conclusions d’une expérience qu’Einstein lui-même avait suggérée dans l’un de ses articles, à savoir la prédiction de la courbure des rayons stellaires au cours d’une éclipse de Soleil. Selon sa théorie, les rayons stellaires venant vers nous en frôlant le bord du disque solaire seraient déviés de 1,7 seconde d’arc de leur trajectoire théorique. L’expérience constituait le premier test réel de la théorie.

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L’éclipse totale du Soleil avait été prévue le 29 mai 1919, au beau milieu de l’amas d’étoiles des Hyades, le plus proche du système solaire, distant de 151 années-lumière. Cet amas comprend entre 300 et 400 étoiles brillantes. Les conditions réunies pour mener à bien l’expérience étaient à la fois inhabituelles et remarquables. L’astrophysicien britannique Arthur Stanley Eddington (1882–1944) avait mené une expédition sur l’île de Principe dans le golfe de Guinée au large de Libreville (Gabon), et donc proche de l’équateur. Eddington avait mis en évidence que les rayons lumineux émis par ces étoiles il y a plus de 150 ans avaient été courbés au passage du Soleil, huit minutes seulement avant d’impressionner les plaques photographiques sur Terre, précisément aux endroits prédits par la théorie d’Einstein. L’une des expériences les plus remarquables de l’histoire des sciences venait de prendre fin, avec succès.

Le schéma de la feuille de caoutchouc en deux dimensions rend le déplacement apparent de l’étoile si simple. 43

Les résultats de cette expédition furent présentés par l’astronome royal de l’époque, sir Frank Watson Dyson (1868-1939), à l’Académie des sciences britanniques (Royal Society) le 6 novembre 1919, et Einstein est devenu un héros international du jour au lendemain. La une du New York Times suggérait la découverte d’un nouvel Univers et, l’éloge fait par la presse n’était pas exagérée. Un monde fatigué de se livrer à des guerres a accueilli à bras ouverts le timide et excentrique scientifique assis devant ses carnets, crayon en main, dans son studio à Berlin, lui qui avait compris le grand plan dont s’est servi le Tout-Puissant pour bâtir l’Univers entier.

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De nombreux critiques restaient d’avis que les résultats n’étaient pas concluants et que la possibilité d’erreurs dans les mesures stellaires était trop grande… Le scepticisme a perduré ainsi un certain temps.

Pour résoudre les équations d’Einstein : le matériel de base dont disposait Hawking Dans le quart de siècle qui a séparé la publication par Einstein de sa théorie de la relativité générale et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs solutions aux équations de champ ont été proposées et se sont révélées capitales pour les travaux de Stephen Hawking.

Il est remarquable que tous ces résultats étaient ignorés ou tournés en ridicule au moment de leur publication ; en particulier par l’auteur de la théorie lui-même Albert Einstein ! La première de ces solutions est apparue très peu de temps après.

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De nombreux critiques restaient d’avis que les résultats n’étaient pas concluants et que la possibilité d’erreurs dans les mesures stellaires était trop grande… Le scepticisme a perduré ainsi un certain temps.

Pour résoudre les équations d’Einstein : le matériel de base dont disposait Hawking Dans le quart de siècle qui a séparé la publication par Einstein de sa théorie de la relativité générale et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs solutions aux équations de champ ont été proposées et se sont révélées capitales pour les travaux de Stephen Hawking.

Il est remarquable que tous ces résultats étaient ignorés ou tournés en ridicule au moment de leur publication ; en particulier par l’auteur de la théorie lui-même Albert Einstein ! La première de ces solutions est apparue très peu de temps après.

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1. La géométrie dite de Schwarzschild En 1915, la même année que celle de la publication de la théorie de la relativité générale d’Einstein, le mathématicien allemand Karl Schwarzschild (1873–1916) a transmis un article à Einstein dans lequel il se servait d’une analyse mathématique sophistiquée pour parvenir à une solution exacte des équations de champ appliquées à un corps sphérique quelconque, une étoile par exemple. Cette solution a beaucoup intrigué Einstein car sa propre approche ne donnait qu’une solution approximative de ses équations ; il pensait même qu’une solution exacte ne serait jamais trouvée. La solution de Schwarzschild était une réussite, et non des moindres en raison des manipulations techniques nécessaires pour résoudre un ensemble de dix équations avec vingt inconnues, ce qui aboutissait à des centaines de termes algébriques. Il ne s’agit pas de simples équations algébriques, mais d’équations de second degré, non linéaires, différentielles à solutions partielles – le fléau de tout doctorant en physique.

Aujourd’hui, une salle remplie d’ordinateurs est nécessaire pour trouver ces solutions. Et dire que Schwarzschild y est parvenu le premier, avec sa plume et du papier. Un véritable tour de force ! 46

Le rayon critique Les formules de Schwarzschild ont apporté la preuve que la courbure de l’espace autour d’un objet de masse quelconque varie en fonction de la distance du centre de gravité de l’objet, c’est-à-dire de la longueur d’un rayon. Ses résultats ont produit une très étrange forme géométrique. Il semblait exister un point critique à partir duquel la courbure était si forte que la matière ne pouvait alors s’en échapper. On appelle ce point critique le rayon de Schwarzschild (r), qui dépend uniquement de la masse de l’objet (m) et s’écrit : r = 2gm/c² où g est la constante gravitationnelle et c la vitesse de la lumière. Il n’y avait pas de quoi s’alarmer au sujet de ce point critique, puisque l’on n’avait pas les moyens d’étudier l’intérieur des planètes et a fortiori celui des étoiles. Cela n’empêchait pas les astrophysiciens de spéculer déjà sur ce qui arriverait si une telle planète ou étoile existait et donc remplissait les conditions de cette équation du rayon critique. Les forces gravitationnelles seraient tellement élevées que l’objet s’effondrerait sur lui-même au point que rien ne pourrait s’opposer aux effets d’autogravitation dus à l’extrême courbure de l’espace. Toute la matière de l’objet serait comprimée en une singularité (qui sera mieux définie plus loin) – un point unique situé en son centre de gravité. La taille de planètes aussi massives que la Terre serait réduite à celle d’un petit pois – et le Soleil à une sphère de 3 kilomètres de diamètre. Les détracteurs ont annoncé, bien sûr, qu’une telle hypothèse était absurde. Le calcul en lui-même serait le fruit d’un hasard mathématique. De toute manière, personne ne voulait plus y réfléchir. Et encore moins Einstein lui-même.

Nein ! Nein ! Nein ! 47

2. Friedmann : l’Univers en expansion En 1922, quelques années après Schwarzschild, une autre solution controversée des équations d’Einstein a été avancée par le Russe Alexander Friedmann (1888–1925) avec son idée que l’Univers serait uniformément baigné dans une soupe de matière peu dense. (Des mesures récentes montrent que cette hypothèse d’un Univers homogène et isotrope serait plausible si l’on fait abstraction de la formation des étoiles et des galaxies.) Friedmann a montré que la théorie de la relativité générale prévoyait un Univers instable dans lequel la moindre perturbation donnerait lieu soit à une expansion, soit à une contraction. Il a trouvé et corrigé une erreur dans l’article d’Einstein sur la cosmologie (publié en 1917) pour parvenir à cette affirmation. (On ne s’étonne donc pas qu’Einstein n’aimait pas cette prédiction.) Rappelons qu’Einstein avait introduit dans ses équations de champ la constante cosmologique lambda principalement afin « d’arrêter l’expansion ». Dans le même temps, les astronomes lui disaient que l’Univers était en réalité statique et c’est pourquoi il souhaitait étayer sa théorie pour qu’elle soit conforme aux observations astronomiques. Plus tard, Einstein déclara que sa « constante cosmologique » était la plus grosse erreur de sa vie. Friedmann a retiré le terme lambda des équations et a conclu à un Univers en expansion, affirmation avec laquelle – et on le comprend – Einstein était en désaccord. C’était une autre solution à ses équations qu’il avait tournée en ridicule. Quelle grossière erreur que cette constante cosmologique !

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Les prédictions de Friedmann en faveur d’un Univers en expansion peuvent se résumer en considérant trois valeurs différentes pour la masse de l’Univers, valeurs établies en fonction d’un rapport oméga (Ω). ■ Lorsque

la densité massique de l’Univers est plus grande que la valeur critique Dans ce cas, l’expansion est suffisamment lente et la masse suffisamment grande pour que la force gravitationnelle arrête l’expansion et en inverse le mouvement. On verrait alors un Big Crunch (un effondrement final, à l’opposé du Big Bang initial) où toute la matière de l’Univers serait ramenée à un point unique singulier. Ω > 1 (plus grand que…). ■ Lorsque

la densité massique de l’Univers est inférieure à la valeur critique L’expansion de l’Univers est beaucoup plus rapide. La force gravitationnelle ne peut l’arrêter, mais ralentit l’expansion. Ω < 1 (plus petit que…). ■ Lorsque

la densité massique de l’Univers est égale à la valeur critique L’Univers est en expansion, mais à un taux qui l’empêche de s’effondrer. La vitesse à laquelle les galaxies s’éloignent les unes des autres diminue graduellement, cependant les galaxies continuent de s’écarter. Ω = 1 (égal à…).

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Le précurseur du Big Bang : l’atome primordial de Lemaître Le cosmologiste belge abbé Georges Lemaître (1894–1966) a été le premier à se servir des solutions de Friedmann pour décrire un modèle du commencement de l’Univers qu’il a appelé l’atome primordial ou œuf cosmique. Lemaître était un visionnaire. Il avait non seulement anticipé que l’expansion de l’Univers serait confirmée en analysant des décalages vers le rouge dans les spectres lumineux des galaxies, mais il est allé jusqu’à suggérer la possibilité de détecter le rayonnement résiduel émis de cet « atome primordial ». Ces deux idées dominent la cosmologie dite du Big Bang en cette Ouais, s’ils dernière décennie du n’ont pas raison, XXe siècle. moi si ! !

En 1929, l’astronome Edwin Hubble (1889–1953) s’est servi du télescope Hooker de l’observatoire installé sur le mont Wilson en Californie pour découvrir des galaxies et confirmer que l’Univers est effectivement en phase d’expansion. Cependant, il ignorait tout de la théorie d’Einstein ou de la cosmologie selon Lemaître.

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Enfin, en 1931, Lemaître a pu « coincer » Hubble et Einstein au Caltech en Californie, où il animait un séminaire sur son modèle de l’Univers. À un moment, .. l’Univers occupait un tout petit espace avant que le processus d’expansion ne démarre, il y a plusieurs milliards d’années.

Et il continue de s’étendre aujourd’hui !

Voici le plus beau descriptif de la création de l’Univers que j’aie jamais entendu.

Oups !

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3. Oppenheimer : l’effondrement gravitationnel continu, 1939 La troisième solution apportée aux équations de champ d’Einstein, importante à la fois pour la cosmologie moderne et Stephen Hawking, a été publiée par le physicien américain Julius Robert Oppenheimer (1904–1967), professeur de physique à Berkeley, et l’un de ses étudiants, Hartland Snyder (1913–1962), en 1939. En dépit de la critique affichée d’Einstein, d’Eddington et de pratiquement tout le monde, ils se sont lancés dans le problème de la géométrie de Schwarzschild. Leur article, intitulé « On Continued Gravitational Collapse » (« De l’effondrement gravitationnel continu ») a été publié dans The Physical Review.

Les étoiles finissent par brûler leur carburant, s’éteignent et commencent à s’effondrer sur elles-mêmes sous l’effet des forces gravitationnelles. Dans un modèle idéal d’une étoile sphérique qui se contracte, un phénomène d’écrasement peut l’amener au rayon critique rc. Il s’ensuivra un effondrement gravitationnel cataclysmique, en lieu et place de l’étoile qui avait brillé jusqu’alors. 52

■ La

courbure de l’espace serait telle que les rayons lumineux émis depuis la surface de l’étoile seraient recourbés et dirigés vers l’intérieur de l’astre, coupant celui-là de toute observation, comme si les événements n’avaient pas ou plus d’existence.

■ Les

rayons lumineux au niveau de la surface connaîtraient un décalage « infini » vers le rouge, c’est-à-dire que la lumière ne posséderait, pour ainsi dire, aucune énergie.

■ Il

se formerait donc un horizon d’événements à sens unique au-delà duquel les particules, le rayonnement, etc., pourraient pénétrer dans l’étoile mais ne pourraient en ressortir.

■À

la fin du processus d’effondrement, une singularité se créerait, non pas au rayon critique mais au centre de l’étoile. Toute la physique serait continue pour un observateur qui tomberait en même temps que la surface stellaire s’effondrerait vers le centre de l’astre. Nein ! Nein ! Nein !

Une fois de plus, Einstein s’y est opposé. Il a tourné en ridicule vigoureusement l’article d’Oppenheimer. Il a même refusé d’accepter que la théorie de la relativité pouvait décrire des étoiles effondrées – celles baptisées étoiles à neutrons – qui n’étaient pas devenues critiques (car encore observables) en dépit des prédictions de l’excentrique astrophysicien américano-suisse Fritz Zwicky (1898–1974), chercheur au Caltech, et de l’éminent Lev Landau (1908–1968), prix Nobel de physique en 1962, à Moscou. 53

1er septembre 1939 ■ Date

de la publication de l’article d’Oppenheimer (et Snyder) dans The Physical Review, qui décrit l’effondrement gravitationnel d’une étoile. ■ Dans

le même numéro de la revue, un autre article de Niels Bohr (1885–1962) et de John Wheeler (1911–2008), décrivait les mécanismes qui sous-tendent la fission nucléaire (la même réaction que celle utilisée dans une bombe atomique).

■ Ce

même 1er septembre 1939, les troupes d’Hitler ont envahi la Pologne, déclenchant la Seconde Guerre mondiale.

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Lorsque la fission nucléaire de l’uranium a été découverte par les Allemands Otto Hahn (1879–1968) et Fritz Friedrich Wilhelm Strassmann (1902–1980), dit « Fritz », les physiciens et les politiciens craignaient que l’Allemagne d’Hitler ne cherchât à développer une bombe atomique pour transformer le monde entier en un Empire nazi, un IIIe Reich brandissant la menace d’une dévastation nucléaire à ses ennemis. Il est facile alors de voir pourquoi les recherches en cosmologie ont été retardées. Contempler les mystères de l’Univers physique dans un tel climat de crise politique constituait un luxe que le monde libre ne pouvait s’offrir.

Nein ! Nein ! Nein ! Dehors Schwarzschild, Friedmann et Oppenheimer !

Le comble était que l’initiateur de la théorie de la relativité générale s’était opposé aux prédictions cosmologiques qui découlaient logiquement de ses propres équations, comme l’ont développé ensuite Schwarzschild, Friedmann et Oppenheimer. Vingt ans allaient s’écouler avant que ce travail ne reprenne et que l’on puisse apprécier la valeur et les conséquences de ces nouvelles solutions. 55

1942… un virage important de notre récit En 1942, les physiciens commençaient à se concentrer sur quelques applications meurtrières. Oppenheimer, l’un des héros des débuts de la recherche cosmologique, avait quitté le confort hautement intellectuel de l’université de Berkeley pour rejoindre les paysages désertiques de Los Alamos et le projet Manhattan. En décembre 1942, le physicien italien Enrico Fermi (1901–1941) et son équipe réussirent la première réaction en chaîne nucléaire contrôlée, à l’université de Chicago. La même année, le 8 janvier, naissait Stephen William Hawking à Oxford. Sa mère avait fui Londres pour éviter les bombardements nocturnes réguliers de la Luftwaffe.

La recherche sur l’effondrement des étoiles avait été abandonnée depuis une vingtaine d’années, laissant le temps à Stephen Hawking de grandir, terminer avec succès ses études de licence et de maîtrise à Oxford et s’inscrire en doctorat à l’université de Cambridge. 56

La mort d’Einstein Albert Einstein est mort le 18 avril 1955 à Princeton, petite ville universitaire du New Jersey dans l’Est des États-Unis. Dans ses dernières volontés, il a exprimé le désir que sa dépouille soit incinérée, de sorte que « personne ne vienne adorer mes os ». Ce qui n’a pas empêché des médecins peu scrupuleux de l’éthique de procéder à une autopsie inutile, retirant le cerveau et les yeux d’Einstein et les emportant – un véritable acte odieux d’invasion de la sphère privée. Quand Einstein avait quitté l’Europe pour les États-Unis en 1933, la partie réellement créative de ses recherches et travaux était restée derrière lui. Pendant les 22 dernières années de sa vie, il n’a pas étudié les questions cosmologiques importantes qui découlaient de sa théorie de la relativité générale. En réalité, il s’est acharné à essayer de réunir ses équations de champ de la relativité générale avec celles de Maxwell pour le champ électromagnétique et celle, méconnue, de la mécanique quantique. Ses calculs théoriques de champs unifiés ont été trouvés près de son lit de mort.

57

Oppenheimer

Deux autres physiciens, qui habitaient aussi à Princeton, ont pleuré le décès du grand scientifique. Oppenheimer, qui n’était plus associé à l’effort de guerre de son pays, est devenu directeur de l’Institut d’études avancées et John Wheeler professeur de physique à l’université de Princeton. Wheeler achevait quelques années critiques à travailler sur le développement de la bombe à hydrogène (à fusion, dite bombe thermonucléaire) et était revenu à des recherches cosmologiques fondamentales, avec un intérêt tout particulier pour les étoiles en effondrement.

Wheeler

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Quelle coïncidence de voir que ces deux physiciens habitaient des maisons de part et d’autre de la même rue dans cette petite ville universitaire. Ils entretenaient des visions opposées de l’Univers et de la vue politique américaine, ce qui avait pour effet de les opposer dans les débats controversés, tels que la sécurité ou les armes nucléaires. Et ils ne tarderaient pas à s’affronter à nouveau sur la relativité générale et sur les mécanismes de l’effondrement stellaire.

En 1958, trois ans après le décès d’Einstein, tous deux ont fait le voyage de Princeton à Bruxelles pour assister à une conférence internationale sur la cosmologie moderne. Wheeler avait été invité pour présenter une synthèse de ses dernières recherches. 59

De toutes les conséquences prévisibles de la relativité générale, la question du destin final des grandes étoiles massives figure parmi les plus difficiles à cerner. L’implosion des astres massifs telle que calculée par Oppenheimer, en 1939, ne donne pas de réponse satisfaisante.

Pourquoi pas ? Si des étoiles bien plus lourdes que notre Soleil existent réellement dans l’évolution stellaire, j’ai tendance à croire que leur effondrement peut être décrit dans le cadre de la relativité générale.

Ne pourrait-on pas supposer simplement que de telles masses vont subir une contraction gravitationnelle continue, au point de se couper du reste de l’Univers ?

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« Oppie », ton modèle est simplement trop idéalisé. Les étoiles réelles, en se contractant, produiraient des réactions nucléaires, des ondes de choc, du rayonnement thermique, le tout accompagné par une éjection de la masse stellaire… Autant de phénomènes imprévisibles !

Si seulement j’avais gardé les simulations d’explosion de la bombe à hydrogène, nous aurions pu réécrire les programmes pour modéliser le processus d’implosion d’une étoile massive. Mais j’y pense… Ils ont encore de l’expertise sur la conception des bombes thermonucléaires à Los Alamos et Livermore. Peut-être pourraient-ils nous donner un coup de main pour effectuer nos calculs.

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Quelques années plus tard, Edward Teller (1908-2003) appelle Wheeler depuis le Laboratoire de rayonnement de Livermore, en Californie.

Bonjour John. le Dr Colgate et son équipe ont terminé la simulation d’étoiles en effondrement, comme tu l’avais demandé. ils ont trouvé que lorsqu’une étoile est petite et arrive en fin de vie, non seulement une supernova se déclenche, mais avec la forte probabilité que se forme alors une étoile à neutrons.

Mais pour des étoiles qui auraient une masse deux fois plus élevée que celle du Soleil, les calculs montrent que l’implosion conduit à un effondrement gravitationnel continu, exactement comme cela est prédit par la théorie de la relativité générale. Très bonne nouvelle ! C’est donc exactement ce qu’a dit « Oppie ». La tête qu’il va faire en apprenant qu’il avait vu juste depuis le début ! Cinq ans plus tard, Wheeler animait une conférence à une rencontre spéciale à Dallas, organisée pour marquer l’anniversaire de la découverte des quasars. « La simulation par ordinateur du processus d’effondrement d’une étoile en fin de vie est remarquablement proche de celle modélisée par Oppenheimer et Snyder. » Vu par un observateur extérieur, l’effondrement ralentit pour se figer quand il atteint le rayon critique. En revanche, vu par un observateur positionné à la surface de l’étoile et qui accompagnerait le processus, l’effondrement est perçu comme continu, même au passage du rayon critique, et se poursuit sans hésitation vers le centre de l’astre. 62

Pendant ce temps-là, dans le couloir menant à l’amphithéâtre… Traîtr e

na g aki as

Oppie, tu devrais venir dans la salle, Wheeler est en train de crier tes louanges à tue-tête à propos des étoiles en effondrement. Il a été converti !

Commu

te nis

hiroshima

S’il te plaît, ne me dérange pas. Tu vois bien que je médite sur le Bhagavad Gita !

Wheeler était dépité du fait qu’Oppenheimer s’était désintéressé de la question de l’effondrement des étoiles. Mais Oppie était épuisé après tant d’années d’intrigues politiciennes – les critiques de sa direction scientifique du projet Manhattan, sa réaction face à la tragédie des deux bombes atomiques larguées, sur Hiroshima et Nagasaki, les accusations de trahison envers son pays, la perte ignominieuse de son accréditation secret défense. Tout comme l’étoile qui s’éteint, l’enfant prodige, « der Wunderkind », s’effondrait sur lui-même dans son propre monde, coupé du reste de l’Univers. Mais pour Wheeler, un chapitre nouveau de l’histoire de la physique venait de s’ouvrir : « Quels que soient les résultats de nos recherches, nous avons à présent le sentiment qu’au moins dans le cas d’une implosion stellaire, nous nous trouvons face à une situation où la théorie de la relativité générale prend tout son sens, de manière considérable, et où son union fougueuse avec la physique quantique sera consommée. » 63

À la même époque, en 1962, Stephen William Hawking entrait à l’université de Cambridge. Hawking devait franchir le premier pas du scénario de rêve de Wheeler, qui consistait à combiner la théorie de la relativité générale avec la mécanique quantique. Mais, déjà, il ressentait les premiers symptômes d’une maladie qui allait, en dix ans, le clouer dans un fauteuil roulant et, en l’espace de deux décennies, le priver de la parole.

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L’ère Hawking Un visiteur se rendant au Département de mathématiques appliquées et de physique théorique (DAMTP) de l’université de Cambridge trouvera un grand portrait photographique de Stephen Hawking, l’actuel professeur lucasien de mathématiques, accroché dans la modeste réception du département, à côté des portraits de deux géants de la physique mathématique qui l’ont précédé : sir Isaac Newton et Paul Dirac (1902-1984) – ce dernier étant renommé mondialement pour ses travaux dans le domaine de la mécanique quantique relativiste.

Un exemplaire original de la thèse de Hawking, datant de 1965, est conservé, avec des centaines d’autres, rangé dans la bibliothèque du DAMTP au premier étage, dans lequel la plupart des équations sont écrites à la main. Ce texte marque le début d’une nouvelle ère de la cosmologie moderne. 65

Hawking était parti d’Oxford pour aller à Cambridge afin d’étudier avec le célèbre cosmologiste sir Fred Hoyle (1915–2001). Mais il était déçu. Ma demande pour effectuer des recherches à Cambridge a été approuvée, cependant j’ai été agacé d’apprendre que mon directeur de thèse n’allait pas être Hoyle mais un autre homme, Dennis Sciama. Sciama, tout comme Hoyle, croyait à la théorie de l’état stationnaire de l’Univers, le modèle où celui-là n’a ni début ni fin.

Mais au final, c’était pour le mieux. Hoyle était très souvent en voyage à l’étranger et, par conséquent, je ne l’aurais pas beaucoup vu.

Sciama, en revanche, était présent et toujours stimulant, même si j’étais souvent en désaccord avec ses idées.

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Avec le panache intellectuel qui le caractérise, Hawking a intitulé sa thèse « Propriétés d’Univers en expansion ». Dès la seconde ligne du résumé de sa thèse, Hawking rappelle ses débuts à Cambridge en ces termes…

Le premier chapitre démontre que le concept de l’expansion de l’Univers mène à de grandes difficultés pour défendre la théorie Hoyle-Narlikar de la gravité.

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Fred Hoyle était le plus connu du trio d’auteurs – avec les Autrichiens Hermann Bondi (1919–2005) et Thomas Gold (1920–2004), tous deux réfugiés de l’Europe nazie – défendant la thèse d’un Univers à l’état stationnaire.

Notre modèle suggère que la matière se crée de façon continue, au fur et à mesure que l’Univers s’étend, ce qui est en opposition totale avec le concept d’un supposé Big Bang qui se serait déclenché à partir d’un état initial infiniment dense.

Au début des années 1960, le modèle de l’état stationnaire était probablement accepté par plus de cosmologistes et d’astrophysiciens que celui du Big Bang. Fred Hoyle était particulièrement perturbé par certains aspects du modèle opposé. C’est lors d’une émission radiophonique du soir à la BBC, le 23 août 1950, dans la série « La Nature de l’Univers », que Fred Hoyle, alors enseignant en mathématiques à Cambridge, eut la mauvaise idée de l’appeler Big Bang – mais en réalité par dérision. Cette idée d’une création instantanée de notre Univers, c’est comme rêver d’une fille fofolle qui jaillit hors d’un gâteau d’anniversaire : c’est ridicule. J’appelle cela le Big Bang. En revanche, ma propre théorie d’un Univers en état stationnaire…

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Douze ans après ce passage à la radio, Hoyle développait encore certains points de la théorie gravitationnelle au DAMTP, avec un doctorant indien nommé Jayant Vishnu Narlikar (né en 1938), pour étayer sa défense du modèle stationnaire. Hawking, qui s’enlisait un peu dans ses recherches pendant ses premiers mois à Cambridge, s’était intéressé aux calculs de Narlikar, au point de traîner dans son bureau, ce qui était tout à fait admis dans l’esprit ouvert du DAMTP, favorisant la libre discussion, la liberté de recherche et le partage des idées. Hoyle ignorait tout de ces échanges. J’aimerais bien t’aider avec ces équations. Elles sont captivantes. De plus, je n’ai pas encore déterminé mon propre sujet de thèse.

J’apprécie ton aide, Stephen, mais n’es-tu pas inquiet pour ton propre travail ici ?

Hawking s’est progressivement impliqué de plus en plus dans la résolution des difficultés de Narlikar par rapport au projet que Hoyle lui avait assigné. 69

En tant qu’homme qui savait soigner son image, Hoyle avait l’habitude de présenter ses idées avant publication, donc avant même que son travail soit validé par des referees, dans le but de voir paraître son nom dans les journaux et ainsi s’assurer l’octroi de subventions pour ses recherches. Il avait programmé ainsi une présentation à la prestigieuse Royal Society pour y discuter de ses dernières idées, basées sur les calculs de Narlikar.

Y a-t-il des questions ?

Hawking se lève, appuyé sur sa canne, tandis que le silence s’installe dans la salle. La quantité dont vous parlez diverge.

il voulait dire que toutes les conclusions basées sur cette quantité étaient fausses ! 70

Bien sûr que non, elle ne diverge pas !

Mais si !

Comment pouvez-vous affirmer cela ?

Parce que j’ai effectué les calculs moi-même.

Hoyle était furieux, tandis qu’un rire embarrassé traversait la salle. C’était une confrontation dramatique entre l’un des cosmologistes les plus connus du monde et l’étudiant qu’il avait refusé de superviser personnellement. La séance fut rapidement levée. 71

Hawking avait entièrement raison au sujet de la divergence dans les équations de Hoyle et la nouvelle approche a été rapidement délaissée. En quelque sorte, le travail de Hoyle a été « jugé » sur la place publique par un doctorant inconnu. Plus tard, Stephen a rédigé un article dans lequel il résumait les méthodes mathématiques dont il s’était servi, ce qui l’a établi en tant que jeune chercheur prometteur.

Il ne me reste plus qu’à décider du sujet de ma thèse !

Était-ce de l’arrogance… ou de l’ambition pure ? Pour de l’ambition, certes, c’était réussi. Stephen William Hawking n’était plus un doctorant inconnu. 72

Le directeur de thèse désintéressé Dennis Sciama s’est révélé être un directeur de thèse dévoué, dans la pure tradition de ces tuteurs désintéressés qui stimulent les esprits de leurs élèves, les poussant à découvrir les moyens intellectuels leur permettant d’accroître leur expérience. J’étais au courant de la maladie de Stephen mais je l’ai traité comme n’importe quel autre élève.

Et c’est exactement l’attitude que j’attendais de lui.

Il a refusé d’accélérer le programme doctoral de Hawking, malgré l’insistance du père persuasif de Stephen.

Je me demande : Stephen va-t-il un jour trouver un sujet approprié pour sa thèse…

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Sciama avait développé un style unique pour superviser ses doctorants. Il ne cosignait pas leur travail, une pratique pourtant courante chez d’autres professeurs de par le monde (on lui connaît très peu d’articles cosignés avec d’autres chercheurs d’ailleurs). Il ne choisissait même pas leurs sujets. Si l’on veut étudier l’hypothèse d’une origine de l’Univers sous la forme du Big Bang, avec le fond de rayonnement cosmique qui l’accompagne, alors la cosmologie ne devient compréhensible qu’en partant de la relativité générale. C’est ainsi que, tout naturellement, quand j’ai mis sur pied une école doctorale à Cambridge dans les années 1960, réunissant des étudiants qui me paraissaient suffisamment doués pour travailler sur ces sujets ardus, j’ai proposé une approche par la relativité générale. Il est à noter que presque tous les étudiants recrutés par Sciama ont connu par la suite des carrières exceptionnelles dans le domaine de la cosmologie.

■ Brandon

Carter (1942–) est directeur de recherches à l’Observatoire de Paris.

■ Georges

Ellis (1939–) est professeur de physique en Afrique du Sud. (Ellis a cosigné un livre avec Hawking intitulé La structure à grande échelle de l’espace-temps, considéré comme la Bible de la recherche en cosmologie relativiste. Cet ouvrage est dédié à D. W. Sciama.)

… Et bien sûr, Stephen Hawking, 17e titulaire de la chaire lucasienne à Cambridge. 74

■ Martin

Rees (1942–) est l’actuel directeur de l’Institut d’astronomie à Cambridge.

L’une des activités majeures de Sciama était de faire assister ses étudiants à d’importants séminaires. Il semblait toujours au courant de tout ce qui se passait. Au milieu des années 1960, le groupe de Cambridge s’est intéressé aux travaux d’un jeune chercheur en mathématiques appliquées, Roger Penrose, basé à l’époque au Birbeck College à Londres. Après son doctorat à Cambridge et des études post-doctorales aux ÉtatsUnis, Penrose commençait à développer des idées sur la théorie de la singularité, en phase avec les idées du groupe de recherche de Cambridge.

Bien que Penrose ne fût pas l’un de mes propres anciens étudiants, j’avais réussi à séduire ce prolifique mathématicien, l’encourageant à entreprendre des recherches sur la cosmologie à la fin des années 1950…

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Quelques années à peine après que John Wheeler a accepté la solution d’Oppenheimer et l’existence des trous noirs, Sciama a commencé à partager son enthousiasme avec quelques collègues et étudiants. Penrose, qui figurait déjà parmi les meilleurs mathématiciens de son temps, a eu un éclair de génie alors qu’il discutait de ces sujets exotiques avec Sciama dans un café de Cambridge.

Dennis, je suis persuadé que mes nouvelles méthodes mathématiques en topologie pourraient s’appliquer aux problèmes de l’effondrement des étoiles…

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Penrose allait démontrer que si une étoile s’effondrait au-delà d’un certain point, elle ne pourrait plus entrer à nouveau en expansion. Prise dans le cadre de la relativité générale, une étoile ne peut éviter de devenir infiniment dense, c’est-à-dire qu’elle finit inévitablement par former une singularité en son centre. Il n’était pas vrai – bien que de nombreux scientifiques insistassent – que la matière d’une étoile « se dépasse en vol » pour recommencer à s’étendre. Il y aurait nécessairement une singularité de l’espace-temps, un point où le temps s’arrêterait et les lois de la physique ne s’appliqueraient plus. Il s’agissait du premier théorème de la singularité. CE N’EST PAS VRAI, AFFIRMAIT PENROSE, LA MATIÈRE À L’INTÉRIEUR D’UN ASTRE QUI S’EFFONDRE NE PEUT SE DÉPASSER EN VOL ET RECOMMENCER À S’ÉTENDRE

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Quelque chose qu’il faut savoir : qu’est-ce qu’une singularité ? De manière générale, une singularité est un point où aucune fonction mathématique ne peut s’appliquer. La fonction semble y diverger pour prendre des valeurs qui tendent vers l’infini. Par exemple, l’équation algébrique simple Y = 1/X possède une singularité quand X prend la valeur 0. Si nous faisons en sorte que X prenne des valeurs arbitrairement petites, alors Y prendra des valeurs arbitrairement grandes dans le sens vertical ou positif. Si nous imposons ensuite des valeurs arbitrairement petites et négatives pour X, Y prendra aussi des valeurs négatives, arbitrairement grandes. Ainsi, pour le plus petit changement imaginable de la valeur de X, disons de +0,000 001 à –0,000 001, la valeur de Y varie de +1 million à –1 million. Il devient évident qu’à la valeur X = 0, quelque chose ne va pas. Il s’agit d’une singularité mathématique.

En relativité générale, une singularité est une région de l’espace-temps où la courbure gravitationnelle devient si forte que les lois de la relativité générale ne s’appliquent plus et l’on doit supposer qu’interviennent alors des lois de gravité quantique. 78

Si l’on tente de décrire une singularité avec la seule relativité générale, on obtient un résultat faux, en ce sens, notamment, que la courbure et la gravité des marées deviennent infinies en ce point. La gravité quantique remplace probablement ces valeurs infinies par une « mousse quantique » – et opère une fusion avec les lois de la relativité générale. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut étudier les points de singularité, ni que l’on ne peut comprendre la physique à proximité de ces points. Il existe des théorèmes de singularité qui donnent d’importantes informations qualitatives, à certaines conditions. Par exemple, si l’on manie les mathématiques avec perspicacité, la preuve de l’existence d’une vraie singularité peut constituer un résultat avec un sens physique. D’où les théorèmes de singularité de Penrose et, plus tard, de Hawking. Dans la solution de Schwarzschild des équations de champ d’Einstein, le rayon critique n’est pas une vraie singularité (et ce, malgré sa première description comme singularité de Schwarzschild). Les processus physiques sont continus en deçà de ce rayon, et une simple modification des coordonnées mathématiques fait disparaître la divergence.

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Un groupe d’étudiants de Sciama étaient présents au séminaire de Penrose à Londres quand ce dernier a annoncé avoir démontré qu’il existe bel et bien une singularité dès lors qu’une étoile s’effondre sur elle-même pour former un trou noir. Il se trouve que Hawking n’avait pas accompagné le groupe ce jour-là. Mais quand il a appris la nouvelle, cela l’a grandement impressionné.

Les résultats de Penrose sont très intéressants. Je me demande si l’on peut s’en servir, en les adaptant, pour comprendre l’origine de l’Univers, un Univers en expansion faisant le contraire d’une étoile qui s’effondre. Tu veux dire en inversant la flèche du temps…

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En effet. Le même raisonnement que celui de Penrose dans son théorème sur les étoiles s’appliquerait. Je vais essayer d’adapter son résultat à l’ensemble de l’Univers et nous verrons. Très bien. Cela devrait être très intéressant.

Il restait à Hawking un an de doctorat et ce n’était que maintenant qu’il faisait face à un défi problématique. Pour adapter la méthode de Penrose, il lui fallait travailler dur, apprendre les mathématiques nécessaires et les intégrer dans le dernier chapitre de sa thèse – son premier théorème de singularité relatif au commencement de l’Univers. Hawking avait démontré que si la relativité générale était correcte, il devait nécessairement y avoir eu une singularité dans le passé qui marquait le début du temps.

Tout ce qui a pu exister avant cette singularité ne peut être considéré comme faisant partie de cet univers.

Une tradition dans les universités britanniques veut que le doctorant fasse évaluer sa thèse par son directeur de thèse mais aussi par un expert externe du domaine choisi par le directeur.

Un travail tout à fait brillant.

Alors, devinez qui Sciama a choisi pour évaluer la thèse de Stephen – vous avez raison, c’était moi !

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Hawking a réussi son doctorat en 1965. Il y a eu quelques complications – comme, par exemple, l’évocation de la coexistence d’univers infinis et finis – mais au cours des quelques années suivantes, il a développé de nouvelles techniques pour surmonter ces obstacles.

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Le fait que l’Univers a commencé par un Big Bang – à savoir un Univers avec un état initial extrêmement dense et chaud – est communément admis par tout le monde aujourd’hui. Ce constat constitue la contribution majeure de Hawking à la cosmologie du Big Bang, un résultat capital pour lequel il est devenu mondialement connu. Cinq ans après son doctorat, en 1970, Hawking était devenu un cosmologiste connu de par le monde.

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Stephen Hawking a été un défenseur du modèle du Big Bang depuis ses débuts comme doctorant. Sa thèse d’ailleurs, qui critiquait le modèle de l’état stationnaire de Hoyle et sa preuve d’une singularité au moment du Big Bang, a lié son nom à tout jamais au succès du modèle du Big Bang. Il est intéressant d’imaginer ce que serait devenue l’histoire récente de la cosmologie (ou du moins l’histoire personnelle de Hawking) si sa demande d’effectuer sa thèse auprès de Fred Hoyle à Cambridge avait été acceptée. Hoyle et son ancien étudiant d’il y a trente ans, Jayant Narlikar, ont continué encore à étayer leur modèle d’état stationnaire. Mais ce modèle est aujourd’hui caduc. Le monde de la cosmologie a évolué. Un article paru dans Scientific American, en octobre 1994, dans un numéro spécial sur l’Univers a présenté la description acceptée par la majorité de notre compréhension de l’Univers.

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L'évolution de l'Univers Notre compréhension de l’évolution de l’Univers constitue l’une des grandes réussites scientifique du XXe siècle. Ces nouvelles connaissances viennent couronner des décennies d’expérimentations novatrices et de théories. Les télescopes modernes sur Terre ou dans l’espace détectent la lumière émise par des galaxies distantes de plusieurs milliards d’années-lumière et nous révèlent à quoi ressemblait l’Univers quand il était jeune. Des accélérateurs de particules explorent la physique élémentaire de l’environnement à très haute énergie de l’Univers à ses débuts. Des satellites détectent le rayonnement diffus de fond cosmologique résultant des tout premiers instants d’expansion de la matière, fournissant une image de l’Univers à la plus grande échelle observable. Nos meilleurs efforts pour expliquer cette manne de données sont concentrés dans une théorie connue sous le nom de modèle cosmologique standard ou cosmologie du Big Bang. La principale affirmation revendiquée par cette théorie est que sur une moyenne à grande échelle, l’Univers connaît une expansion presque homogène depuis son état initial extrêmement dense. Il n’existe pas aujourd’hui de thèse fondamentale contredisant la théorie du Big Bang, même si nous reconnaissons volontiers qu’il subsiste encore des questions non résolues pour l’instant au niveau de la théorie elle-même. Les astronomes, par exemple, ne sont pas sûrs de la manière dont les galaxies se sont formées, mais il n’y a pas de raison de penser que le processus ne se produise pas dans le cadre général du Big Bang. En effet, les prédictions de la théorie ont été vérifiés en réussissant tous les tests conduits jusqu’à nos jours. (Scientific American, octobre 1994.)

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1965 : une grande année pour Hawking Hawking a épousé sa fiancée, Jane Wilde, dans la chapelle du Trinity College à Cambridge en juillet 1965. Et, malgré sa démarche de plus en plus hésitante, soutenu par sa canne, il avait présenté avec succès sa thèse de doctorat, avait une femme dévouée et intelligente, et de nouveaux outils mathématiques pour poursuivre ses études de cosmologie. Il avait bénéficié par ailleurs d’une bourse au Caius College pour poursuivre ses recherches au DAMTP. Il n’était plus déprimé.

Et l’on peut remarquer ce regard sûr de soi, déterminé qui dit… je peux tout faire. Rien ne pourra m’arrêter, pas même la SLA. 86

Un esprit « inarrêtable » Il y a pléthore d’histoires sur les capacités mentales prodigieuses de Hawking, révélées pendant ses années d’étudiant à l’université d’Oxford. Plusieurs de ses camarades de classe avaient passé des semaines sur un important devoir, un ensemble de treize problèmes extraits d’un ouvrage réputé difficile, Electricity and Magnetism, de Bleaney et Bleaney. Ils devaient résoudre un maximum de problèmes. La plupart des étudiants en ont réussi un ou deux dans le temps imparti. Comme il en avait coutume, Hawking a attendu le dernier jour pour s’y mettre. Après une matinée passée dans sa chambre, il en est sorti pour dire qu’il n’avait pu résoudre que les dix premiers ! L’un de ses superviseurs à Oxford, concernant la partie physique statistique, lui avait donné plusieurs problèmes à résoudre, tirés d’un livre que Stephen n’appréciait pas. À leur rencontre suivante, Stephen est arrivé non seulement avec l’ensemble des problèmes dûment résolus, mais aussi avec une liste de toutes les erreurs qu’il avait repérées dans le livre. Le superviseur s’est le sujet rapidement rendu compte que Hawking en savait plus sur que lui-même.

Alors que son séjour à Oxford tirait à sa fin et que lui-même, sans doute, commençait à souffrir des effets de sa maladie, Hawking a fait une terrible chute dans l’un des escaliers du hall de l’université. Il en a résulté que Hawking a perdu temporairement la mémoire. Il ne se souvenait même plus de son nom. Après quelques heures de questionnement par ses amis, il a recouvré ses esprits mais se demandait si son cerveau n’avait pas subi de possibles dommages irréversibles. Pour en avoir le cœur net, il s’est soumis au test dit de Mensa, qui mesure le QI – quotient intellectuel – d’individus doués d’une intelligence supérieure. Hawking était ravi de réussir le test haut la main, avec un score remarquable de 160 ! Rien, pas même la terrible SLA, ne pouvait arrêter un tel esprit. 87

La révolution des années soixante On peut se demander si les historiens de la société du XXIe siècle vont continuer d’analyser et de décrire ou non la décennie 1960 comme une époque de grands bouleversements sociaux et de changements radicaux sur Terre. En revanche, il est certain que les historiens des sciences vont voir cette même époque comme une période de changement radical de notre compréhension de l’Univers. On l’a déjà qualifiée d’âge d’or de la cosmologie relativiste. Les héros des années soixante – des Beatles aux coiffures de Muppets, aux foules bigarrées réunies à Woodstock – sont devenus des icônes familiers. Il en va de même dans les sciences de la cosmologie, mais la plupart des protagonistes sont largement méconnus du grand public.

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Les années soixante ont connu de remarquables progrès en astronomie observationnelle, en raison notamment des avancées technologiques et des instruments de mesure. Toutes sortes de phénomènes inhabituels observés ont conduit les astronomes à formuler de nouveaux modèles d’objets célestes et cela peut, à juste titre, être considéré comme une révolution en cosmologie. Le début de cette révolution remonterait à une conférence cruciale en un lieu et à une date qui ont marqué de manière indélébile l’histoire du XXe siècle – mais pour d’autres raisons.

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Dallas 1963

Si vous demandez à plusieurs personnes âgées de plus de 50 ans si elles se souviennent de Dallas 1963, la majorité d’entre elles peuvent immédiatement dire ce qu’elles étaient en train de faire quand le président John Fitzgerald Kennedy a été tué par arme à feu le 22 novembre.

Mais peut-être, qui sait, quelques-unes donneraient une réponse ambiguë. Bien entendu, elles se souviennent de la mort tragique de Kennedy. Mais Dallas 1963 revêt une connotation spéciale pour les quelques trois cents astronomes, astrophysiciens, cosmologistes et relativistes qui s’étaient rendus à la première conférence texane sur l’Astrophysique relativiste, organisée pour marquer la découverte des quasars. La conférence s’est tenue à Dallas du 16 au 18 décembre 1963, soit trois semaines seulement après l’assassinat de JFK. 90

Les relativistes, un ensemble de spécialistes hors-norme qui passaient le plus clair de leur temps à jongler avec les équations d’Einstein, avaient été invités à rejoindre de vrais astronomes et astrophysiciens pour engager le dialogue. Et voilà que, 25 ans après le célèbre article cosigné par Oppenheimer et Snyder sur le processus d’effondrement des étoiles, on se mettait enfin à invoquer la théorie de la relativité générale pour expliquer un nouveau phénomène physique qui avait été réellement observé par des astronomes professionnels. On pensait que des étoiles effondrées sur elles-mêmes sous l’effet de la gravitation (que l’on appellerait bientôt trous noirs) pouvaient être la source de l’énergie colossale nécessaire pour expliquer les observations astronomiques de ces nouveaux objets célestes excitants appelés quasars. Thomas Gold (1920–2004), l’un des développeurs de la thèse de l’Univers à l’état stationnaire, avait été invité à prononcer le discours postprandial traditionnel à la conférence de Dallas. La découverte des quasars nous autorise à suggérer que les relativistes et leurs travaux sophistiqués ne représentent pas seulement des fioritures culturelles magnifiques, mais pourraient s’avérer utiles à la science ! Tout le monde est content ; d’un côté, les relativistes qui ont l’impression d’être appréciés et considérés désormais comme des experts dans un domaine dont ils ne soupçonnaient guère l’existence, et, de l’autre, les astrophysiciens qui ont élargi leur empire en annexant un autre sujet – la relativité générale. Tout cela est très agréable, espérons que nous avons vu juste.

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Et c’était effectivement juste, comme Hawking l’a admis lui-même modestement trente ans plus tard. Il y a eu de grands changements dans le statut de la relativité générale et de la cosmologie au cours de ces trente dernières années. Quand j’ai commencé mes recherches au Département de mathématiques appliquées et de physique théorique (DAMTP) à Cambridge en 1962, la théorie de la relativité générale était considérée comme une théorie belle mais incroyablement compliquée, sans aucun lien avec le monde réel. Quant à la cosmologie, elle était considérée comme une pseudoscience aux spéculations extravagantes non contrecarrées, faute d’observations.

Aujourd’hui la situation est très différente, due en partie aux avancées considérables rendues possibles par des technologies récentes, mais aussi parce que nous avons fait d’immenses progrès dans les aspects théoriques connexes. Et c’est dans ce dernier volet que j’ai apporté ma modeste contribution.

Mais examiner les quasars nécessitait des techniques totalement nouvelles d’observation. Aussi, avant de mieux décrire l’excitation suscitée par la découverte de ces objets, il sera sans doute fort utile de passer en revue quelque chose que vous devez connaître. 92

Quelque chose que vous devez connaître : le spectre électromagnétique L’expression spectre électromagnétique (EM) semble très technique en raison de la juxtaposition de deux termes rarement évoqués en dehors des sciences physiques. Le premier, « électromagnétique », signifie simplement que les ondes dont nous allons parler (lumière, radio, infrarouge) se composent de champs électriques et magnétiques qui vibrent. Le second terme, « spectre », a trait à la dimension des ondes, c’est-à-dire à leurs longueurs d’onde. Le spectre EM se réfère à toutes les longueurs d’onde de rayonnement existant dans la nature. Des ondes de dimensions différentes possèdent des caractéristiques différentes et sont générées par des phénomènes physiques différents. De plus, elles ne peuvent être détectées que par des équipements complètement différents. Le rayonnement, bien qu’invisible à l’œil nu, qui nous parvient des étoiles, voire des galaxies (donc en dehors du spectre visible) nous donne, cependant, de précieuses informations.

Les longueurs d’onde couvrent une large gamme de valeurs, depuis celles des rayons X (inférieures à la distance qui séparent les atomes) à celles des ondes radioélectriques (plusieurs kilomètres de long). Ces ondes avancent toutes à la même vitesse que la lumière et il existe une relation remarquablement simple entre longueur d’onde, fréquence de la source qui émet les ondes et vitesse de transmission :

(longueur d’onde) × (fréquence d’émission) = (vitesse de la lumière) 93

Avant les années 1960, quand on parlait d’astronomie d’observation, on se référait à des observations dans le spectre visible, effectuées au moyen de télescopes composés d’assemblages savants de lentilles de verre ou de miroirs réfléchissants, et de l’œil humain ou d’appareils photographiques sensibles. En se servant de pellicules spéciales, ces observations furent étendues à l’infrarouge, c’est-à-dire à des longueurs d’onde plus grandes que celles de la lumière visible à l’œil nu. À la fin des années 1950 et au cours de la décennie suivante, presque tout le spectre électromagnétique devint détectable par les astronomes observationnels, de sorte que nous distinguons à présent la radioastronomie, l’astronomie en micro-ondes, l’astronomie infrarouge, l’astronomie de la lumière visible, l’astronomie en ultraviolets, l’astronomie des rayons X et même l’astronomie des rayons gamma. Les grandes découvertes des années 1960 provenaient de ces prolongements des observations en dehors du spectre visible, et plus spécialement en micro-ondes et aux radiofréquences. Les quasars et les pulsars ont été découverts dans la bande des radiofréquences et le rayonnement de fond cosmologique a été détecté dans la bande des micro-ondes. Et dans les années 1970, l’astronomie des rayons X, à l’autre bout du spectre électromagnétique, fournit la première preuve tangible de l’existence des trous noirs grâce à des observations dans la constellation de Cygnus X-1 (à environ 6 000 années-lumière du Soleil).

Ma théorie électromagnétique, qui date de 1867, a prédit l’existence de toutes ces ondes.

James Clerk Maxwell (1831–1879)… un autre scientifique originaire de Cambridge 94

1963 : les quasars Des observations aux radiofréquences mais aussi dans le spectre visible, au cours des années 1960 à 1962, ont mis en évidence plus d’une demidouzaine d’objets brillants dans le ciel, assez petits pour être des étoiles mais avec un spectre lumineux très étrange – ce qui les différenciait de toutes les étoiles observées jusque-là. Le mystère a persisté jusqu’au 5 février 1963, date à laquelle les astronomes Maarten Schmidt (né en 1929) et Jesse Greenstein (1909–2002) ont réalisé une découverte au Caltech.

Nous nous sommes rendu compte que les lignes spectrales de l’hydrogène dans la lumière provenant de ces objets (faciles à reconnaître dans la signature spectrale d’une étoile donnée)…

… avaient subi un assez grand décalage en pourcentage vers les longueurs d’onde rouges (plus grandes).

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Les valeurs mesurées indiquaient que ces objets quasi stellaires (abrégés plus tard en quasars) s’éloignaient des observateurs situés sur Terre à des vitesses phénoménales et devaient donc se trouver déjà à de très, très grandes distances.

Cette conclusion découle de la même méthodologie que j’ai mise en œuvre dans les années 1930 quand j’ai découvert que l’Univers était en expansion.

Au début, on pensait qu’il s’agissait d’étoiles de la Voie lactée mais leurs découvreurs défendirent bientôt l’idée que ces objets s’éloignaient de la Terre en raison, justement, de l’expansion de l’Univers. Aux énormes distances mises en évidence par ces calculs, leur luminosité impliquait qu’ils rayonnaient une énergie 100 fois plus forte que la galaxie la plus lumineuse jamais observée. LES QUASARS. LA LUMIÈRE QUITTE LE QUASAR AU POINT A. DES MILLIARDS D’ANNÉES PLUS TARD, AU POINT B, CETTE LUMIÈRE N’A PAS ENCORE ATTEINT LA VOIE LACTÉE. QUAND ELLE NOUS PARVIENT ENFIN, AU POINT C, NOUS LA DÉTECTONS EXACTEMENT COMME ELLE ÉTAIT AU POINT A.

Quand mon explosion a commencé, la Terre n’était même pas « née ».

L’unique explication possible pour de tels niveaux d’énergie semble être l’effondrement gravitationnel des étoiles. Cela implique la théorie de la relativité générale. 96

1965 : le fond diffus cosmologique En 1965, une détection accidentelle de mystérieuses micro-ondes arrivant des confins de l’espace a constitué la première indication expérimentale de l’exactitude du modèle du Big Bang. Jusque-là, on considérait ce modèle comme une farce. Voici le récit de cette découverte… L’image de l’Univers comme un « atome primitif » (ou « œuf cosmique »), pour reprendre les expressions du chanoine belge monseigneur Georges Lemaître (1894–1966) en 1927 – surnommé « l’abbé du Big Bang » – a conduit quelques cosmologistes à imaginer l’Univers à ses débuts comme un plasma chaud, dense et en rapide évolution. L’un des plus imaginatifs, George Gamow (1904–1968), un Russe libre-penseur ayant émigré aux États-Unis, a analysé les effets du refroidissement de ce plasma au fur et à mesure de l’expansion de l’Univers. Il a ensuite avancé l’une des plus importantes prédictions de l’histoire des sciences.

Deux collègues américains de Gamow, l’astrophysicien et cosmologiste Ralph Alpher (1921–2007) et le physicien Robert Herman (1914–1997), ont en effet prédit (suite à leurs travaux menés en 1948–1950) que ce rayonnement diffus pouvait encore être détecté.

L’Univers aujourd’hui est peut-être encore rempli d’un rayonnement cosmologique fossile, composé d’anciens photons émis lors du Big Bang. Après quelques corrections apportées à mes premiers calculs, il a été montré que la température de ce rayonnement devrait être aujourd’hui d’environ 5 degrés Celsius au-dessus du zéro absolu (–273,15 °C).

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Tout corps chaud (c’est-à-dire tout objet qui a une température) émet des ondes électromagnétiques en continu, appelées rayonnement thermique, même si la température n’est que de 5 degrés au-dessus du zéro absolu. Le problème était de savoir comment mesurer ce rayonnement – et de déterminer dans quelle bande de longueur d’onde chercher. Et pour comprendre ce volet de notre récit, voici quelque chose d’autre que vous devez réellement connaître !

Quelque chose que vous devez connaître – le rayonnement thermique Nos livres . de physique actuels n’y consacrent qu’une ou deux pages tout au plus. Cependant, deux aspects importants de la cosmologie moderne exigent que l’on comprenne ce qu’est le rayonnement thermique : le rayonnement cosmique diffus et la plus importante des découvertes de Stephen Hawking, le rayonnement des trous noirs. .

Vous devez donc réellement comprendre ce qu’est le rayonnement thermique.

La physique qui sous-tend le rayonnement thermique est, somme toute, assez simple, bien que nécessitant une hypothèse hardie (qui a amorcé la théorie quantique) de Max Planck (1858–1947) en 1900 pour en expliquer les détails. Sa théorie montrait comment le taux relatif d’émission d’énergie radiante (ondes électromagnétiques) dépend de la longueur d’onde, à différentes températures. Les courbes théoriques présentées par Planck révèlent que le rayonnement s’étale et que sa valeur maximale se déplace vers des longueurs d’onde plus grandes, au fur et à mesure que la température diminue. ■À

800 °C, il y a suffisamment de rayonnement visible pour que l’objet prenne un aspect très rouge, bien que la majorité de cette énergie émise soit confinée à la bande infrarouge. ■ À 300 °C, pratiquement toute l’énergie émise est véhiculée par des ondes plus longues que celles de la bande rouge, d’où le terme infrarouge, qui signifie au-delà du rouge. Aucun rayonnement n’est émis dans le spectre visible. ■ À 5 °C au-dessus du zéro absolu (autrement dit à –268 °C [–273,15 + 5]), le rayonnement émis se trouve totalement en dehors de l’infrarouge, dans la bande des micro-ondes, ce qui nécessite de disposer de récepteurs microondes spéciaux pour effectuer les mesures. 98

Tout corps chaud (c’est-à-dire tout objet qui a une température) émet des ondes électromagnétiques en continu, appelées rayonnement thermique, même si la température n’est que de 5 degrés au-dessus du zéro absolu. Le problème était de savoir comment mesurer ce rayonnement – et de déterminer dans quelle bande de longueur d’onde chercher. Et pour comprendre ce volet de notre récit, voici quelque chose d’autre que vous devez réellement connaître !

Quelque chose que vous devez connaître – le rayonnement thermique Nos livres . de physique actuels n’y consacrent qu’une ou deux pages tout au plus. Cependant, deux aspects importants de la cosmologie moderne exigent que l’on comprenne ce qu’est le rayonnement thermique : le rayonnement cosmique diffus et la plus importante des découvertes de Stephen Hawking, le rayonnement des trous noirs. .

Vous devez donc réellement comprendre ce qu’est le rayonnement thermique.

La physique qui sous-tend le rayonnement thermique est, somme toute, assez simple, bien que nécessitant une hypothèse hardie (qui a amorcé la théorie quantique) de Max Planck (1858–1947) en 1900 pour en expliquer les détails. Sa théorie montrait comment le taux relatif d’émission d’énergie radiante (ondes électromagnétiques) dépend de la longueur d’onde, à différentes températures. Les courbes théoriques présentées par Planck révèlent que le rayonnement s’étale et que sa valeur maximale se déplace vers des longueurs d’onde plus grandes, au fur et à mesure que la température diminue. ■À

800 °C, il y a suffisamment de rayonnement visible pour que l’objet prenne un aspect très rouge, bien que la majorité de cette énergie émise soit confinée à la bande infrarouge. ■ À 300 °C, pratiquement toute l’énergie émise est véhiculée par des ondes plus longues que celles de la bande rouge, d’où le terme infrarouge, qui signifie au-delà du rouge. Aucun rayonnement n’est émis dans le spectre visible. ■ À 5 °C au-dessus du zéro absolu (autrement dit à –268 °C [–273,15 + 5]), le rayonnement émis se trouve totalement en dehors de l’infrarouge, dans la bande des micro-ondes, ce qui nécessite de disposer de récepteurs microondes spéciaux pour effectuer les mesures. 98

Puisque la forme de cette courbe est déterminée uniquement par la température des corps émetteurs, les mesures à différentes longueurs d’onde peuvent donner la température de ces corps. À l’inverse, si la température du corps rayonnant est connue, alors la forme et la distribution de son rayonnement peuvent être prédites à partir de la théorie. Gardons cela à l’esprit. Cette physique est simple mais cruciale pour comprendre la nature du fond diffus cosmologique qui nous parvient des confins de notre Univers et des trous noirs.

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Pour revenir un instant sur la prédiction de Gamow, la courbe théorique de la distribution du rayonnement thermique à 5 °C au-dessus du zéro absolu indique que le pic d’énergie émise devrait se trouver dans la région des micro-ondes du spectre électromagnétique. Alors que d’autres groupes planifiaient des expérimentations pour analyser les micro-ondes de Gamow, celles-là ont été mises en évidence accidentellement par deux chercheurs, Arno Penzias (né en1933) et Robert Wilson (né en 1936), qui travaillaient aux Bell Labs, à Holmdel, dans le New Jersey (États-Unis).

Ce n’est pas notre faute !

Robert, quel est ce sifflement permanent que l’on reçoit par notre antenne micro-onde à cornet ?

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Allons, Arno, notre antenne a été conçue pour des communications par satellite. Le bruit doit être causé par ces satanés pigeons.

La boule de feu chauffée à blanc du Big Bang s’est diluée et a refroidi en raison de l’expansion de l’Univers. Le rayonnement a subsisté, mais ses longueurs d’onde ont été étirées par le phénomène d’expansion jusqu’aux micro-ondes – précisément là où Penzias et Wilson l’ont découvert. Bien que ne pouvant effectuer des mesures qu’à une seule longueur d’onde, les deux physiciens Arno A. Penzias et Robert W. Wilson ont été les colauréats du prix Nobel de physique en 1978 (partagé avec le Russe Pyotr L. Kapitsa (1894–1984)) pour avoir été les premiers à confirmer expérimentalement cette unique preuve de l’existence du Big Bang. Un nouveau champ de recherche cosmologique s’est ouvert dès l’annonce de cette découverte – l’étude des origines de l’Univers à partir des analyses du fond diffus cosmologique. 101

Cette découverte d’un rayonnement cosmique micro-onde a mis à mal la théorie d’un état stationnaire de l’Univers, en démontrant qu’à un moment donné dans son passé, notre Univers a nécessairement été très chaud et très dense. Mais ces observations n’excluaient pas pour autant la possibilité que l’Univers ait rebondi à une certaine densité, mais pas extrêmement élevée. Cependant, cette possibilité a été aussi écartée et jugée non fondée par les théorèmes de singularité que Penrose et moi-même avions démontrés. Nous avons publié The Singularities of Gravitationnal Collapse and Cosmology (Les singularités de l’effondrement gravitationnel et la cosmologie), un théorème à tout faire montrant que le concept classique du temps a dû avoir un commencement en une singularité dans son passé (c’est-à-dire le Big Bang). Une autre implication de ce théorème est que le temps s’arrêterait, au moins pour une partie de l’espace-temps, lorsqu’une étoile s’effondre sur elle-même.

La majeure partie de mes travaux depuis cette publication concerne l’analyse de ces conséquences et implications.

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Les radioastronomes ont poursuivi leurs découvertes de nombreuses radiogalaxies (c’est-à-dire des galaxies qui génèrent des ondes électromagnétiques principalement dans le spectre radioélectrique). C’est alors qu’en 1967, une doctorante du nom de Jocelyn Bell (née en 1943) a observé des pulsations extrêmement régulières à une longueur d’onde de 3,7 mètres en provenance de l’une de ces galaxies. Les radioastronomes de Cambridge pensaient avoir contacté une civilisation extraterrestre ! Messieurs, ce ne sont pas des pulsations ordinaires.

Mon Dieu ! Vous voulez dire…

Elles . doivent . provenir d’une source organisée.

Eh, oui, il s’agit bien de petits hommes verts ! !

Les pulsations étaient très faibles. Cela signifiait que l’émetteur devait être très petit, pour la simple raison qu’un corps ne peut émettre des pulsations courtes et rapides. Le temps de voyage du rayonnement depuis les différentes parties de la source aurait pour conséquence d’étaler le signal. La source devait être très compacte, un objet de diamètre inférieur à plusieurs milliers de kilomètres, mais se trouvant à la distance habituelle des étoiles. Jocelyn Bell 103

Au moment où les radioastronomes de Cambridge annonçaient leurs résultats, les théoriciens du DAMTP, Sciama, Hawking et Rees, étaient assis, béats, au séminaire. Voilà une découverte de plus qui corrobore le concept d’étoiles qui s’effondrent sur elles-mêmes sous l’effet des forces gravitationnelles, et donc la relativité générale.

J’étais présent au séminaire où a été annoncée la découverte des pulsars. La pièce était décorée de petits hommes verts en papier. D’ailleurs, les quatre premiers pulsars découverts ont été nommés « LGM un à quatre ». LGM signifiant en anglais Little Green Men (« petits hommes verts »).

Clairement, ces objets devaient être extrêmement compacts et tourner sur eux-mêmes, mais nous n’étions pas sûrs qu’il s’agisse d’étoiles naines blanches, déjà connues des astronomes, ou de nouvelles étoiles à neutrons, comme on disait à l’époque… 104

bien plus compactes que les naines blanches, pratiquement à l’état de trous noirs.

Il a fallu ensuite quelques mois de débat avant que cela devienne clair. Tommy Gold, qui avait travaillé auparavant sur la théorie de l’état stationnaire, était le premier à apporter les clarifications nécessaires.

Les pulsars . sont des étoiles à . neutrons qui tournent sur elles-mêmes et ne peuvent être rien d’autre. Les ondes radioélectriques émises par ces étoiles atteignent la Terre de manière intermittente quand l’étoile est en rotation, un peu comme le faisceau lumineux d’un phare.

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Les trous noirs – Wheeler offre un buzzword aux médias Vers la fin des années 1960, tout le monde parlait d’étoiles effondrées sous les effets gravitationnels. Les étoiles partiellement effondrées – les naines blanches et les étoiles à neutrons – étaient devenues des objets familiers pour les astronomes. Mais John Wheeler s’intéressait en réalité aux étoiles massives et totalement effondrées.

J’en avais assez de parler d’« étoiles effondrées sous les effets gravitationnels ». Lors d’une conférence sur la physique de l’espace à New York en 1969, j’ai commencé tout simplement à parler de trous noirs.

Cela a eu un effet magique. Tout le monde s’est mis à utiliser cette expression. Même les spécialistes pouvaient se rendre compte dorénavant qu’ils se référaient à la même chose. À Moscou, Pasadena, Princeton et Cambridge, l’expression « trous noirs » a vite remplacé celle d’ « étoiles effondrées sous les effets gravitationnels ». 106

L’âge des trous noirs Les médias sont devenus fous. Au moins pouvaient-ils encapsuler ces nouveaux champs de physique et d'astronomie en deux termes simples qui pouvaient être repris facilement dans les colonnes des journaux… Des écrivains ont adopté l’expression et on la voyait fleurir sur les rayons réservés à la vulgarisation des sciences et la science-fiction. À la télévision, la série Star Trek s’est trouvée de nouveaux horizons et destinations pour ses vaisseaux intergalactiques. Dans les soirées mondaines, les scientifiques étaient invités à expliquer les trous noirs aux convives. Les trous noirs sont devenus tout à fait familiers… Mais qui, au fond, savait vraiment ce qu’ils étaient ?

was ist ein schwarzes loch ?

¿ Que es un agujero negro ?

what is a black hole? Qu'est-ce qu'un trou noir ? 107

Qu’est-ce qu’un trou noir ? C’est quoi exactement un trou noir ?

Ce n’était pas une question simple. Imaginez comment expliquer les solutions de Schwarzschild et d’Oppenheimer aux équations d’Einstein, puis passer en revue comment la Nature a comprimé ces corps célestes jusqu’à ce que l’espace qui les enveloppe soit réduit à néant, entraînant leur disparition… et tout ça sans me servir de mes mains. Mais comment la Nature parvient-elle à comprimer ces énormes objets célestes ?

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Dès lors qu’une étoile a épuisé la totalité de son carburant, elle s’effondre sur elle-même sous l’effet gravitationnel de son poids. Et comme vous le savez, je me suis toujours demandé de quoi les étoiles étaient faites et comment elles parvenaient à émettre de la lumière.

La naissance et la mort des étoiles

Les étoiles se forment suite à l’attraction gravitationnelle mutuelle de molécules flottant dans l’espace, principalement d’hydrogène gazeux, causant la formation de grumeaux. Au fur et à mesure que ces agrégats se regroupent, la gravitation compresse de plus en plus les molécules les unes des autres jusqu’à ce qu’elles interagissent sous une forte pression, qui entraîne une augmentation de la température. Le processus se poursuit au point que le gaz commence à luire et à émettre un rayonnement électromagnétique, à des longueurs d’onde variées. Au fur et à mesure que la compression augmente, l’interaction s’intensifie jusqu’à ce que la pression du rayonnement soit suffisante pour empêcher des contractions gravitationnelles supplémentaires. L’étoile atteint ainsi un équilibre dynamique et peut briller intensément pendant plusieurs milliards d’années.

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Mais où l’étoile va-t-elle chercher toute l’énergie nécessaire pour chauffer sans arrêt les molécules et produire du rayonnement ?

La première solution à cette question a été apportée par le grand scientifique anglais (et sans doute l’un des tout premiers astrophysiciens) sir Arthur Eddington (1882–1944). Dans sa célèbre monographie The Internal Constitution of the Stars (La constitution interne des étoiles), il explique que cette énergie provient d’une réaction thermonucléaire en son cœur permettant de chauffer en continu les atomes de gaz. Toutefois, à l’époque, je ne comprenais pas la nature du processus au cœur de l’étoile qui produisait ce rayonnement.

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Nous devons cette découverte, en 1938, au physicien nucléaire américain d’origine allemande Hans Bethe (1906–2005), prix Nobel de physique en 1967 pour sa contribution.

J’ai montré qu’une réaction de fusion nucléaire (combinant de l’hydrogène et du deutérium pour former de l’hélium) produit l’énergie nécessaire. Mon équation E = mc2 donne la quantité d’énergie qui serait produite par cette réaction. Une partie de la masse de l’étoile est convertie en chaleur et rayonnement, ce qui consomme petit à petit son « carburant ». Donc, une fois ce carburant totalement épuisé, ce sont les forces gravitationnelles qui deviennent prépondérantes amenant l’étoile à s’effondrer sur elle-même et devenir un trou noir. C’est bien ça ?

Bon, c’est un peu plus compliqué que cela, puisque l’état final dépend de la masse initiale de l’étoile en question. 111

Comment les étoiles s’effondrent pour devenir des naines blanches, des étoiles à neutrons et des trous noirs Masse de l’étoile = M en unités de masse solaire (si une étoile a une masse 5 fois supérieure à celle du Soleil, M = 5).

L’étoile a brûlé tout son carburant, tout l’hydrogène est transformé en hélium et le rayonnement cesse.

(L’étoile peut exploser rapidement et devenir soit une géante rouge soit une supernova.)

L’étoile se consume pendant des milliards d’années dans un équilibre dynamique, émettant de la chaleur et de la lumière.

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La gravité recommence à comprimer la matière résiduelle et ne rencontre aucune résistance.

Ce qui s’ensuit dépendra de la masse initiale de l’étoile.

Naine blanche (rayon – 2 575 kilomètres) Si M est inférieure à 1,4, l’étoile se contracte jusqu’à ce que ses molécules gazeuses se recouvrent. La répulsion électronique suffit à arrêter la compression. Étoile à neutrons (rayon – 16 kilomètres) Si M est supérieure à 1,4, les forces gravitationnelles l’emportent sur la force des électrons, qui sont chassés de leurs orbites vers le noyau de l’atome. Les électrons se combinent alors avec les protons pour former des neutrons. La répulsion neutronique arrête la compression si M est inférieure à 3,0. Trou noir Si M est supérieure à 3,0 (trois fois la masse solaire), alors rien ne peut arrêter la compression. L’étoile s’effondre complètement et disparaît du champ visuel. Un trou noir se forme. Dans le cas du trou noir, la courbure de l’espace est si extrême que, comprimée à un rayon spécial, appelé horizon des événements, la lumière émise par la surface de l’étoile se replie complètement sur elle-même, c’est-à-dire que les rayons lumineux se dirigent vers l’intérieur de étoile et non vers l’extérieur. Pour un observateur extérieur, l’étoile disparaît.

On a observé et photographié des traces de quelques naines blanches et détecté quelques « bips » d’étoiles à neutrons en rotation au moyen de radiotélescopes. Mais il est évident que l’on ne pourra jamais observer directement de trou noir. 113

Ces cercles, de taille de plus en plus réduite, illustrent comment une étoile géante en fin de vie, au fur et à mesure que son diamètre décroît, passe en dessous de l’horizon des événements pour devenir un trou noir et, finalement, constituer une singularité en son centre.

LE CARBURANT S’ÉPUISE, L’ÉTOILE RÉTRECIT, MAIS RESTE VISIBLE, PUISQUE DE LA LUMIÈRE S’EN ÉCHAPPE.

LA COURBURE DE L’ESPACETEMPS DEVIENT SI EXTRÊME QUE LA LUMIÈRE NE PEUT PLUS S’ÉCHAPPER. DÈS QUE L’HORIZON DES ÉVÉNEMENTS SE FORME, L’ÉTOILE DEVIENT INVISIBLE. CET HORIZON DES ÉVÉNEMENTS, QUI CONSTITUE LA FRONTIÈRE DU TROU NOIR, NE CHANGE PAS ALORS QUE L’ÉTOILE POURSUIT SON EFFONDREMENT EN DESSOUS DE CE RAYON CRITIQUE.

L’ÉTOILE EST RÉDUITE À UNE SINGULARITÉ, OÙ LA DENSITÉ ET LA COURBURE DE L’ESPACE-TEMPS SONT DEVENUES INFINIES. 114

L’illustration ci-dessous présente les mêmes informations dans un diagramme en trois dimensions qui inclut la flèche du temps sur l’axe vertical. Le diagramme montre la courbure des rayons de lumière et indique comment la surface de l’étoile a rétréci jusqu’à la singularité (en dépassant l’horizon des événements) au fur et à mesure que l’étoile s’effondrait. Il est très important de comprendre à présent la trajectoire des rayons de lumière depuis la surface de l’étoile au moment du passage de l’horizon des événements. Juste avant que l’horizon se forme, les rayons de lumière sont repliés fortement par la gravité et quittent à peine la surface de l’étoile. Quelques instants plus tard, quand l’étoile passe l’horizon des événements, les rayons sont attirés vers l’intérieur de l’étoile jusqu’à atteindre la singularité au centre. Entre ces deux positions, quand l’étoile a tout juste atteint l’horizon des événements, la force de la gravité est trop forte pour que la lumière puisse encore s’échapper, mais suffisante pour attirer la lumière vers l’intérieur de l’étoile. Les rayons de lumière « flottent » à la surface et c’est ce qui définit l’horizon des événements.

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Que se passerait-il si quelqu’un s’avisait de descendre dans un trou noir ? Selon Einstein et les relativistes, la réponse surpasse la science-fiction. D’après la solution d’Oppenheimer et de Snyder, quiconque passe à travers l’horizon des événements finira inévitablement au point de singularité en piteux état. Il sera à la fois étiré et comprimé de sorte qu’arrivé au centre du trou noir, son corps sera devenu infiniment long et sa largueur réduite à zéro, comme un spaghetti ! Et les atomes de son corps subiraient le même sort !

É LARIT

SINGU

C’est bien fait pour lui ! Ma théorie n’était pas si éloignée que ça de la vérité… Comment peut-on être sûr que ces trous noirs existent, puisque nous ne pouvons pas les observer ? Voilà une très bonne question…

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Les observations tendant à prouver l’existence des trous noirs Stephen Hawking affirme qu’il existe des milliers et des milliers de trous noirs dans la seule Voie lactée (notre galaxie). Cependant, en attendant le jour où un astronome aura la chance de constater de visu la disparition d’une étoile répertoriée, il faudra passer par des approches indirectes – par exemple l’observation d’un système binaire d’étoiles, l’une étant visible et l’autre invisible (le trou noir). John Wheeler nous propose une métaphore intéressante d’un tel système. Vous êtes-vous déjà rendu à un bal et avez-vous vu les jeunes hommes portant leur frac noir et les jeunes femmes dans leur robe blanche qui virevoltent dans les bras les uns des autres… Puis, quand la lumière ambiante baisse, on ne distingue plus que les filles. La jeune femme en blanc est l’étoile visible et son cavalier le trou noir. Vous ne voyez pas le jeune homme mais la fille qui tournoie apporte la preuve indiscutable que « quelque chose » la retient en orbite.

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En décembre 1970, le satellite Uhuru était lancé par une fusée Scout depuis une plate-forme au large des côtes du Kenya. Les astronomes s’apprêtaient à se servir d’un nouveau segment du spectre électromagnétique – les rayons X – pour sonder la voûte céleste. En moins de deux ans, plus de 300 sources de rayons X ont été détectées. L’une d’elles, dans la constellation du Cygne (appelée désormais Cygnus X-1), ressemblait beaucoup au système binaire d’étoiles que les amateurs de trous noirs enthousiastes attendaient.

La composante visible de ce système binaire était une étoile bleue (HDE 226868) de magnitude 9, d’une masse environ 23 fois celle du Soleil, orbitant autour de son compagnon invisible en 5,6 jours, à une distance de 8 200 années-lumière de la Terre.

Munis d’une bonne estimation de la masse de HDE 226868 et des observations précises de sa période de révolution, les astronomes étaient en mesure de calculer la masse du compagnon invisible – dix fois celle du Soleil. Trop grand pour être une étoile à neutrons, il ne pouvait être qu’un trou noir. 118

Les théoriciens ont rapidement proposé un modèle pour expliquer l’origine des rayons X. Ils croient que le trou noir aspire la matière de son compagnon visible, formant autour du trou un disque d’accrétion. Les régions centrales, plus chaudes, se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière, produisent d’intenses giclées de rayons X juste avant que la matière aspirée ne soit engloutie en spirales dans le trou.

RAYONS X

TROU NOIR

Depuis la découverte de Cygnus X-1, un second satellite d’observation en rayons X, appelé Einstein et lancé en 1978, a cartographié plus de 1 000 sources de rayons X. Seules deux ou trois d’entre elles sont susceptibles d’être des trous noirs, tandis que des centaines d’autres ont été identifiées comme étoiles à neutrons. La nature semble préférer l’état neutronique stable au funeste trou noir.

DISQUE D’ACCRÉTION

COMPAGNON VISIBLE (HDE 226868)

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Si vous regardez la constellation du Cygne – à quelque 8 000 années-lumière de distance –, il y a toutes les chances que vous regardiez en direction d’un trou noir. L’étoile visible est étirée et distendue parce que son compagnon – un trou noir – exerce une force gravitationnelle phénoménale, telle que HDE 226868 a la forme d’un œuf.

Texte du pari 5 (traduit) de Stephen Hawking avec Kip Thorne sur le fait que Cygnus X-1 n’est pas un trou noir. on notera qu’en juin 1990 (quinze ans après), Hawking a reconnu avoir perdu ce pari – avec une empreinte de doigt au-dessus de la date et avec le mot « conceded » (« défaite reconnue ») ; Hawking était un habitué des paris avec ses collègues. 120

Les années 1970 : Hawking et les trous noirs Au début des années 1970, le concept de relativité générale et l’existence des trous noirs étaient définitivement acquis. Hawking, qui avait besoin maintenant d’un déambulateur pour se déplacer, était fin prêt néanmoins pour la suite. Il étudiait de manière indépendante, choisissant ses collaborateurs partout dans le monde. Il appliquait des techniques mathématiques avancées de Penrose – principalement dérivées de la topologie – aux propriétés des trous noirs. Le groupe de John Wheeler à l’université de Princeton, Zeldovich et ses étudiants à Moscou, et Kip Thorne (un protégé de Wheeler en poste au Caltech, à Pasadena) n’arrivaient pas à le suivre. Hawking avait réussi maîtriser ces nouvelles techniques et avait longueur d’avance. devenu synonyme trous noirs.

à une Son nom était de recherche sur les

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Thorne est devenu un proche de Hawking et a observé son développement de très près. Au mois de novembre 1970, Stephen Hawking était au summum de son art. Il avait à son actif plusieurs découvertes majeures, mais n’était pas encore pour autant une figure dominante. C’est à partir des années 1970 que nous l’avons vu affirmer sa suprématie. Même avec sa terrible maladie, on peut se demander comment Hawking a pu distancer, par la pensée et par l’intuition, ses principaux collègues et concurrents tels Roger Penrose, Werner Israel et Yakov Borisovich Zeldovich ? Eux avaient l’usage de leurs mains ; ils pouvaient ainsi réaliser des croquis et aligner des pages de calculs, avec des résultats complexes et intermédiaires, sur lesquels ils pouvaient revenir à loisir, les combinant en vue de parvenir à un résultat final. Autant d’opérations que j’imagine mal quelqu’un faire de tête.

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Les images et équations mentales d’Hawking sont devenues plus puissantes pour certains types de problèmes que les traditionnelles rédigées à la main, et moins puissantes pour d’autres. Il avait appris petit à petit à se concentrer sur des problèmes pour lesquels ses nouvelles méthodes lui conféraient une plus grande puissance, que personne d’autre ne pouvait égaler.

Au début des années 1970, les mains de Hawking étaient en grande partie paralysées ; il ne pouvait ni dessiner ni écrire d’équations. Toutes ses recherches devaient être réalisées de tête. Mais la perte du contrôle de ses mains ayant été progressive, Hawking a eu tout le temps de s’y adapter. Il a entraîné son esprit au fur et à mesure à penser de manière différente des autres physiciens. Il réfléchit en utilisant de nouveaux types de représentations mentales intuitives et d’équations mentales ayant remplacé, chez lui, les dessins réalisés à la main et les équations écrites.

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Quand Hawking s’écria « Eurêka » L’un des problèmes pour lequel Hawking a utilisé des images mentales pour mieux comprendre le processus était son étude de l’aire de surface des trous noirs. Ce qui au départ était un problème plutôt ésotérique dans le domaine de la dynamique des trous noirs l’a amené finalement à sa plus grande découverte en astrophysique. Tout comme « l’idée la plus heureuse » d’Einstein, Hawking se souvient aussi parfaitement de ce qu’il était en train de faire quand sa meilleure idée lui est venue.

Un soir de novembre 1970, peu de temps après la naissance de ma fille Lucy, j’ai commencé à réfléchir aux trous noirs alors que je m’apprêtais à me coucher. Un processus que mon handicap physique rendait très long, j’avais donc plein de temps devant moi. En un éclair, il s’est rendu compte, en réfléchissant aux trajectoires des rayons de lumière qui planaient au-dessus de l’horizon des événements de deux trous noirs, que l’aire de surface d’un trou noir ne pouvait jamais diminuer. Pour parvenir à cette conclusion, nul besoin de papier et stylo, ni même d’ordinateur – les images étaient là, dans son esprit.

Ces images étaient si éclatantes que je suis resté éveillé une bonne partie de la nuit.

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Les rayons de lumière qui constituent l’horizon des événements, c’est-à-dire la frontière du trou noir, ne peuvent en aucun cas se rapprocher. Par conséquent, l’aire de cet horizon des événements (c’est-à-dire la surface du trou noir) peut augmenter ou rester identique au fil du temps, mais ne peut jamais diminuer.

Si le contraire pouvait se produire, cela signifierait qu’au moins quelques rayons de lumière proches de cette frontière devraient nécessairement se rapprocher… ce qui n’est pas possible physiquement !

À première vue, cette affirmation peut ne pas paraître remarquable. Puisque rien ne peut ressortir d’un trou noir et que, au contraire, tout peut y être englouti, comment le trou noir ferait-il pour diminuer ? Mais l’idée de Hawking avait une portée plus large. Même si deux trous noirs se combinent, leur surface totale serait toujours égale ou supérieure à la somme des deux. Elle ne peut diminuer. Hawking a publié ce résultat.

L’aire d’un trou noir ne peut que rester identique à elle-même ou augmenter, mais ne peut jamais diminuer. Loi de Hawking sur l’augmentation d’aire d’un trou noir 125

Cette affirmation – « … mais ne peut jamais diminuer » – a conduit immédiatement les scientifiques à réfléchir à une quantité appelée « entropie » qui apparaît dans la seconde loi de la thermodynamique. L’entropie (le désordre) d’un système ne peut que rester identique (ou augmenter) mais jamais diminuer (si le système est isolé et laissé livré à lui-même pour atteindre l’équilibre). Cette seconde loi de la thermodynamique a une histoire très intéressante et il s’agit certainement de quelque chose que vous devez connaître.

Les lois de la thermodynamique Au cours du xixe siècle, une série d’équations mathématiques furent mises au point par des chimistes, des géologues et des physiciens, formant un ensemble qui combinait plusieurs concepts, quelque peu disparates, pour produire quelques grandes lois de la physique. Des quantités telles que la chaleur et l’énergie du mouvement devenaient des variations de la même chose – à savoir l’énergie – qui avaient déjà été utilisées pour expliquer et quantifier des effets électriques, chimiques et magnétiques. L’énergie totale disponible dans l’Univers (le système isolé ultime) était une constante et une forme pouvait être transformée en une autre. Cela est devenu la « première loi de la thermodynamique ». Fer à repasser (chaleur)

Énergie potentielle

Moulin à eau Énergie cinétique 126

Énergie électrique Générateur

Cette affirmation – « … mais ne peut jamais diminuer » – a conduit immédiatement les scientifiques à réfléchir à une quantité appelée « entropie » qui apparaît dans la seconde loi de la thermodynamique. L’entropie (le désordre) d’un système ne peut que rester identique (ou augmenter) mais jamais diminuer (si le système est isolé et laissé livré à lui-même pour atteindre l’équilibre). Cette seconde loi de la thermodynamique a une histoire très intéressante et il s’agit certainement de quelque chose que vous devez connaître.

Les lois de la thermodynamique Au cours du xixe siècle, une série d’équations mathématiques furent mises au point par des chimistes, des géologues et des physiciens, formant un ensemble qui combinait plusieurs concepts, quelque peu disparates, pour produire quelques grandes lois de la physique. Des quantités telles que la chaleur et l’énergie du mouvement devenaient des variations de la même chose – à savoir l’énergie – qui avaient déjà été utilisées pour expliquer et quantifier des effets électriques, chimiques et magnétiques. L’énergie totale disponible dans l’Univers (le système isolé ultime) était une constante et une forme pouvait être transformée en une autre. Cela est devenu la « première loi de la thermodynamique ». Fer à repasser (chaleur)

Énergie potentielle

Moulin à eau Énergie cinétique 126

Énergie électrique Générateur

La seconde loi de la thermodynamique est plus subtile, mais tout aussi profonde. Lors d’un cours donné en 1854, Hermann von Helmholtz (1821–1894) a annoncé qu’au fil du temps, toute l’énergie disponible serait transformée finalement en chaleur, à une température uniforme et que, par conséquent, tous les processus naturels cesseraient. C’est ce que nous appelons la mort thermique de l’Univers, qui a pour fondement la dissipation de l’énergie. Une autre façon de présenter ce principe a été suggérée par le physicien allemand Rudolf Clausius (1822–1888) en 1865.

J’ai introduit un nouveau concept, que j’ai nommé entropie et que j’ai défini en fonction de la chaleur transférée d’un corps à un autre.

Il a démontré que l’entropie totale d’un système donné augmente chaque fois que de la chaleur passe d’un corps chaud à un corps froid. Elle augmente aussi quand une énergie mécanique se transforme en énergie interne (chaleur) comme, par exemple, dans certaines collisions ou par friction. 127

Nous devons au physicien autrichien Ludwig Boltzmann (1844–1906) une définition plus générale de l’entropie, qu’il a formulée en 1878. Selon ma définition, l’entropie dépend de la probabilité de certaines dispositions moléculaires. Par exemple, si un état donné possède un très grand nombre de dispositions moléculaires différentes possibles, il aura une très Un œuf grande entropie. qui tombe par terre et s’écrase aura fort peu de chances de retrouver Le principe sa forme de dissipation initiale. de l’énergie (la formule généralisée de la seconde loi de la thermodynamique) peut s’énoncer maintenant en termes très simples : l’entropie d’un système isolé tend toujours à croître. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Cela signifie que la chaleur ne peut être transmise d’un corps froid vers un corps chaud ; qu’un ballon ne peut rebondir à une hauteur plus grande que celle de son point de départ, en convertissant de l’énergie potentielle en chaleur ; un œuf brouillé ne peut pas se reconstituer et recouvrer sa forme initiale. Si le contraire s’avérait possible, cependant, cela ne contredirait pas les principes des lois de la mécanique newtonienne – le résultat serait une baisse d’entropie du système, ce qui est interdit par la seconde loi de la thermodynamique. C’est cette loi qui dicte au temps quel doit être le sens de sa flèche. 128

À quel point cette seconde loi est-elle importante ? Elle devrait nous être aussi familière que les pièces de Shakespeare, comme l’a fait remarquer l’écrivain C. P. Snow dans son célèbre ouvrage The Two Cultures and the Scientific Revolution (Les deux cultures et la révolution scientifique). Les humanistes ont émis un gloussement compatissant en apprenant que des scientifiques n’avaient jamais lu d’œuvre majeure de la littérature anglaise, les qualifiant d’ignorants spécialistes. Cela m’a agacé au point que souvent je leur demandais combien d’entre eux étaient capables de décrire la seconde loi de la thermodynamique. Leur réponse était glaciale ; elle était aussi négative.

Et pourtant ma question équivalait scientifiquement à demander à quelqu’un s’il avait déjà lu une pièce de William Shakespeare. Mais qui est ce C. P. Snow ?

129

Revenons au concept des trous noirs… Quand des corps atteignent leur équilibre thermique, ils ont une température et émettent donc un rayonnement thermique, échangeant de l’énergie avec les corps aux alentours, comme nous l’avons vu aux pages 98 et 99.

Mais tout le monde sait que les trous noirs n’émettent rien – c’est la définition même d’un trou noir. Tout peut être englouti dans un trou noir, rien n’en sort – lumière et autres rayonnements compris.

Il s’ensuit que tous s’accordaient à dire que si les trous noirs ne rayonnent pas, ils ne peuvent avoir de température. En conclusion, ils ne peuvent posséder d’entropie. Les trous noirs sont coupés de l’Univers environnant et ne se trouvent pas en équilibre thermique… Du moins, c’est ce que tout le monde pensait.

Jusqu’au jour où un doctorant de John Wheeler à l’université de Princeton mit son grain de sel. 130

La naissance controversée d’une nouvelle idée Université de Princeton, dans le New Jersey : John Wheeler et son doctorant Jacob Bekenstein (1947—2015) discutent. Jacob, cela m’a toujours troublé de penser que quand je pose une tasse de thé chaud à côté d’une tasse de thé froid, j’augmente le degré de désordre dans l’Univers en laissant la chaleur passer de l’une à l’autre. J’augmente le désordre, c’est-à-dire l’entropie, de l’Univers. Est-ce juste de dire cela ?

Absolument, professeur Wheeler, cela correspond bien à l’application de la seconde loi de la thermodynamique.

Supposons à présent que je vois passer un trou noir et que j’y jette mes deux tasses. La preuve de ce que je viens de dire disparaît à tout jamais, puisque les trous noirs ne peuvent posséder d’entropie, n’est-ce pas ? Et de plus, rien ne peut jamais en ressortir.

Je vais y réfléchir, si vous le permettez, professeur Wheeler. Plus tard, Bekenstein revient voir le professeur… Pour ma part, je pense qu’un trou noir possède de l’entropie et que celle-là a non seulement la même valeur que l’aire du trou, comme Hawking l’a démontré, mais qu’elle augmente sans arrêt. Je pense écrire un court article pour expliquer comment démontrer que l’aire de la surface d’un trou noir est identique à son entropie.

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Pendant ce temps, au DAMTP, Stephen Hawking et Brandon Carter discutent de l’article rédigé par Bekenstein. Je suis très perturbé. Bekenstein a fait une mauvaise utilisation de ma découverte de l’augmentation de l’aire de la surface d’un trou noir.

Tout à fait d’accord avec toi. Tout le monde sait que si un objet possède de l’entropie, il doit également avoir une température. Et qui dit température, dit rayonnement thermique.

Mais comment un trou noir pourrait-il rayonner si rien ne peut s’en échapper ? C’est absurde.

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Août 1972, l’école d’été Les Houches sur la physique des trous noirs Haut perchés dans les Alpes françaises, Stephen Hawking, James Bardeen et Brandon Carter ont uni leurs forces pour déduire, à partir des équations de relativité générale d’Einstein, l’ensemble des lois qui gouvernent l’évolution des trous noirs. Une fois leur concertation terminée, ils ont produit un ensemble de lois de la mécanique des trous noirs qui, à vrai dire, présentaient une ressemblance frappante avec les lois de la thermodynamique. S (entropie) = k1A (aire de la surface du trou noir) T (température) = k2G (force de gravité à la surface du trou noir) k1 et k2 sont des constantes

Chaque loi sur les trous noirs, en effet, était identique à l’une des lois de la thermodynamique, à condition de remplacer « aire de la surface du trou noir » par « entropie » et « gravité à la surface du trou noir » par « température ». Les coïncidences s’accumulaient.

Pendant ce temps-là, Jacob Bekenstein, doctorant venu à l’école d’été des Houches, était toujours convaincu que les trous noirs possédaient de l’entropie. 133

Nous savons que ces . nouvelles lois ressemblent à celles de la thermodynamique… Mais ça n’est pas le cas. Il s’agit d’une pure coïncidence. Les trous noirs sont des objets uniques. Les lois de la thermodynamique ne peuvent tout simplement pas s’appliquer à leur cas.

Mais quel est leur problème à ces types ?

Ne se rendent-ils pas compte à quel point la seconde loi de la thermodynamique est importante ? Mais vous notez quand même la parfaite adéquation entre les deux ensembles de lois – l’aire de la surface correspond bien à l’entropie du trou noir.

Une fois l’école d’été terminée, Bekenstein a continué à affirmer dans ses articles publiés dans les revues techniques que l’aire de surface d’un trou noir était identique à son entropie. Cependant, il ne disait pas que le trou noir possédait une température ou qu’il devait émettre un rayonnement. Bekenstein était en flagrante contradiction avec les lois de la thermodynamique. 134

Hawking, quant à lui, continuait à attaquer les conclusions de Bekenstein, mais il était de plus en plus troublé. Imaginons un instant que Bekenstein soit dans le vrai. Il faut donc que je recherche un mécanisme qui permette de produire un rayonnement à partir d’un trou noir.

Jusque-là, tous les calculs sur les trous noirs s’effectuaient sur la base d’approximations tirées d’applications de la théorie de la relativité générale, valables pour les échelles macroscopiques, c’est-à-dire pour de grands corps. Elles tenaient pour nuls les effets quantiques, mais ils ne pouvaient sûrement pas être négligés dans le cas des trous noirs.

Hawking a commencé . alors à explorer la frontière entre le trou noir et le vide de l’espace interstellaire, et s’est posé la question de savoir comment d’intenses forces gravitationnelles à cette surface pouvaient affecter des particules, réelles ou virtuelles, dans les environs. Une minute ! C’est quoi une particule virtuelle ? Temps mort ! Voici quelque chose que vous devez connaître. 135

Le principe de l’incertitude et les particules virtuelles Le principe de l’incertitude, élucidé par Werner Heisenberg (1901–1976) en 1927, nous apprend qu’il y a des limites à la précision avec laquelle nous pouvons mesurer certaines grandeurs physiques, telle que la position exacte, le moment (d’une force), l’énergie voire même le temps. Il ne s’agit pas d’une limite de nos instruments de mesure, mais d’une caractéristique inhérente à l’Univers qui, en somme, ne révèle aucune de ses grandeurs avec précision. Pensons au vide qui règne dans le fin fond de l’espace. Nous supposons qu’il ne contient strictement rien et, par conséquent, ne possède aucune énergie. Mais en appliquant le principe d’incertitude, nous ne pouvons pas en être sûrs. Peut-être, en observant l’espace lointain de suffisamment près, serions-nous en mesure d’y trouver un peu d’énergie – du moins pour de courts laps de temps.

Le principe d’incertitude a prédit que l’énergie peut sans arrêt apparaître ou disparaître à une échelle fixée par la constante de Planck (une valeur extrêmement faible). Mais en appliquant l’équation d’Einstein E = mc2, cette énergie peut se transformer en particules et/ou antiparticules qui vont et viennent, qui existent ou n’existent pas. Ce sont des particules virtuelles qui virevoltent juste en dessous du seuil de la réalité observable. 136

Hawking a réfléchi à ce qui pourrait se passer à la surface d’un trou noir, c’est-à-dire à l’horizon des événements, où l’intense champ gravitationnel interagit avec ces paires de particules virtuelles. En réalité, il combinait la mécanique quantique et la relativité générale en un unique calcul, pour la toute première fois. Ce qu’il a trouvé semblait tout à fait remarquable.

Je suis parvenu à la conclusion que les trous noirs n’étaient pas totalement noirs.

Il semblerait que l’intense force gravitationnelle qui règne à la surface d’un trou noir peut attirer l’une des particules de la paire virtuelle vers le trou (énergie négative), ce qui tend à réduire la masse du trou noir, tandis que l’autre particule, à présent dépariée (énergie positive), s’échappe de la surface sous forme de rayonnement et peut donc être détectée par un observateur extérieur, c’est-à-dire un observateur qui n’est pas en train de tomber dans le trou. 137

Le trait le plus remarquable dans cette découverte était la nature du rayonnement. Ce dernier avait un spectre de rayonnement thermique parfait, ce qui signifiait que les trous noirs étaient semblables à tout autre corps de l’Univers. Il devenait clair maintenant que les trous noirs possédaient non seulement une entropie, mais aussi une température, et se conformaient donc aux lois classiques de la thermodynamique, telles qu’établies à la fin du xixe siècle. L’écrivain scientifique Dennis Overbye, dans son livre sur la cosmologie moderne bien connu Lonely Hearts of the Cosmos (Les cœurs esseulés du cosmos), a offert une magnifique métaphore pour décrire son sentiment face à la découverte de Hawking.

C’est comme si Hawking avait soulevé le capot d’une Ferrari pour y découvrir une antique machine à vapeur qui tournait tranquillement. 138

Freeman Dyson (né en 1923), l’un des meilleurs physiciens mathématiciens du monde, était ravi d’apprendre l’existence de cette nouvelle théorie et a écrit un essai populaire après la visite de Hawking à l’Institute of Advanced Studies à l’université de Princeton.

Dans la nouvelle vision de Hawking, un trou noir n’est plus un puits sans fond mais un objet physique. Un trou noir n’est pas totalement noir mais émet un rayonnement thermique à une certaine température, bien définie. Un trou noir n’est pas du tout permanent mais va finalement s’évaporer et disparaître sous la forme d’un pur rayonnement. C’est ainsi que Hawking a sorti les trous noirs du domaine de l’abstraction mathématique pour les amener dans le domaine des objets observables et mesurables.

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Hawking hésitait à publier ses nouveaux résultats et ne les partageait qu’avec un cercle restreint de collègues proches. Dennis Sciama, qui effectuait une visite à Cambridge (il venait d’être nommé à un poste dans le département de physique d’Oxford), rencontra l’un de ses anciens étudiants, Martin Rees, qui était alors en fonction à l’Institute of Astronomy à Cambridge. Dennis, as-tu entendu parler de la découverte de Stephen ? Tout est maintenant différent, tout a changé. Mais de quoi parles-tu ?

Stephen, nous organisons dans quelques semaines à Oxford une conférence sur les trous noirs. Pourquoi ne viendrais-tu pas présenter tes nouveaux résultats sur le rayonnement des trous noirs ?

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Les trous noirs ne sont plus noirs car, en raison de l’effet de la mécanique quantique de Stephen, ils rayonnent comme tous les corps chauds.

Février 1974, laboratoire Rutherford-Appleton, Oxford Le président de séance, John Taylor, professeur de mathématiques bien connu également auteur d’un livre sur les trous noirs, introduit Stephen Hawking. La présentation de Stephen Hawking d’aujourd’hui porte sur « Les explosions des trous noirs ».

Quinze minutes plus tard… … ainsi, j’en déduis que les trous noirs ne sont pas réellement noirs. Ils ont une température, une entropie et produisent un rayonnement, tout comme n’importe quel autre corps soumis aux lois de la thermodynamique. À la fin, ils explosent.

Quand Hawking eut terminé, Taylor a immortalisé son propre nom dans le folklore de la cosmologie en affirmant haut et fort… Pardonnez-moi, Stephen, mais c’est de la foutaise totale.

Taylor a quitté la conférence sur le champ sans demander son reste. Hawking, sidéré, est resté silencieux dans son fauteuil. Il savait pertinemment que sa contribution allait être controversée, mais pas à ce point. 141

Un mois après cette conférence à Oxford, Hawking a publié une lettre à l’éditeur dans la prestigieuse revue scientifique britannique Nature sur cette nouvelle forme de rayonnement intitulée « Black Hole Explosions ? » (« Les trous noirs peuvent-ils exploser ? »). L’article est devenu un sujet de discussion dans tous les départements de physique du monde et de nombreux physiciens étaient sceptiques. Quatre mois plus tard, le professeur Taylor et l’un de ses collègues Paul Davies (du King’s College, université de Londres) ont publié une lettre de réponse, toujours dans Nature, sous le titre « Do black holes really explode ? » (« Les trous noirs explosent-ils vraiment ? »).

Tous ne rejetaient pas aussi catégoriquement la nouvelle idée de Hawking.

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Freeman Dyson, par exemple, a comparé les formules de Hawking à la théorie fondatrice de Max Planck, en 1900, qui a mené à l’élaboration de la théorie quantique.

Peut-être que la nouvelle théorie de Hawking nous fournira un indice sur la gravité (ou gravitation) quantique.

Hawking, à son tour, a couché sur le papier une équation qui ressemble assez bien à celle de Planck. Elle s’écrit S = kA où S est l’entropie d’un trou noir, A est l’aire de sa surface et k une constante. Mais qu’est-ce que cela signifie réellement d’affirmer que l’entropie et l’aire de surface d’un trou noir sont la même chose ? Nous sommes en réalité encore loin de comprendre cela, tout comme Planck était loin de comprendre la mécanique quantique en 1900. Tout ce que nous pouvons affirmer avec certitude est que l’équation de Hawking nous donne un indice pour résoudre le casse-tête des trous noirs. Nous pouvons être sûrs, en revanche que, d’une manière ou d’une autre, cette équation occupera une place centrale dans une théorie non établie encore qui reliera la gravitation, la mécanique quantique et la thermodynamique. La meilleure façon, peut-être, de considérer la découverte de Hawking est d’utiliser une autre analogie historique. En 1900, Max Planck avait écrit la formule E = hν, où E est l’énergie d’une onde lumineuse, ν sa fréquence et h une constante appelée maintenant la constante de Planck. C’est cette équation qui marqua le début de la théorie quantique mais, en 1900, elle n’avait aucun sens physique. Elle n’a commencé à être clarifiée que 25 ans plus tard, quand l’équation de Planck a été intégrée à celle que nous appelons aujourd’hui mécanique quantique. 143

Il est hautement improbable qu’il y ait déjà eu une démonstration aussi puissante de la cohérence des sciences physiques – un premier pas vers la gravitation quantique. C’est cette unification des trois théories distinctes de la physique qui confère autant d’importance au rayonnement de Hawking.

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La reconnaissance de l’importance de son travail est arrivée vite. Quelques semaines seulement après sa publication sur le rayonnement des trous noirs, Stephen a reçu la plus grande récompense académique du Royaume-Uni en étant élu membre, à 32 ans seulement, à la Royal Society, un honneur dont il était particulièrement fier et auquel il était très sensible. Peu de temps après, Hawking a reçu une invitation, financée par une bourse – réservée à des scientifiques remarquables –, pour aller étudier pendant un an la cosmologie au Caltech, à Pasadena, avec l’éminent théoricien américain Kip Thorne.

C’est pendant mon séjour en Californie que j’ai appris, par une notification du Vatican, que j’avais été choisi par l’Académie pontificale des sciences pour recevoir la médaille Pie XI.

Étrangement, c’est cette récompense qui a initié un changement de cap des recherches de Hawking, passant des trous noirs à la genèse de l’Univers, sujets naturellement d’un grand intérêt pour l’Église catholique romaine. 146

Hawking et le Vatican – le Galilée des temps modernes La puissante Église catholique romaine s’intéressait de près aux théories scientifiques invoquant les cieux. Pendant des siècles, l’Église a soutenu et promu les enseignements scientifiques d’Aristote (sans doute excellent philosophe mais piètre physicien) et le système céleste de Ptolémée qui plaçaient tous la Terre et l’Homme au centre de l’Univers.

Afin de protéger les enseignements de l’Église, Giordani Bruno a été conduit au bûcher en 1600 pour avoir propagé les idées de Copernic liées à l’héliocentrisme, affirmant que c’est le Soleil et non la Terre qui se trouve au centre du système solaire.

Ce n’est qu’en 1992 que l’Église m’a demandé pardon. Un peu tard, porca miseria (nom d’un chien !)

Trente-trois ans plus tard, Galilée a dû se plier devant l’Inquisition et renier publiquement sa foi en Copernic. Plus tard, il fut assigné à résidence en 1631 dans sa villa le Gioiello à Arcetri pour le restant de ses jours. Il y est décédé en 1642. 147

Depuis ce temps-là, le Vatican s’est montré plus subtil envers les scientifiques qui tentaient de trouver des solutions à nos ultimes questionnements sur l’Univers. Il semble à présent heureux de courtiser Stephen Hawking, cosmologiste élevé pourtant dans une Angleterre protestante.

Parce que Rome est satisfaite du modèle du Big Bang. Elle a perturbé le signor Fred Hoyle et même il professore Einstein mais nous, nous y voyons un événement de la Création !

Tout compte fait, n’était-ce pas là le concept proposé initialement en 1927 par un prêtre catholique belge, l’abbé George Lemaître et dont Einstein lui-même a dit qu’il était « beau » ?

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L’Église était prompte à admettre l’idée (du moins d’après les critères du Vatican). Le 22 novembre 1951, à l’ouverture d’une séance de l’Académie pontificale des sciences, le pape Pie XII a déclaré que la vision de Lemaître était conforme au concept catholique de la création divine. Par conséquent, tout scientifique qui soutenait le concept du Big Bang serait certainement un ami de Rome. Notre jeune ami, . il dottore Stephen Hawking, . a démontré en 1970 que la relativité . générale d’Einstein exige que toute la matière et toute l’énergie de l’Univers ont dû être combinées, à un moment précis dans le passé, en un unique point, qu’il appelle la singularité. Perfetto ! La science n’aura sans doute jamais été aussi proche d’identifier la main de Dieu !

Alors, n’était-ce pas tout à fait justifié que l’Académie pontificale récompense l’excellent Hawking en lui attribuant sa médaille Pie XI ?

Hawking était inquiet… 149

J’ai hésité avant d’accepter, étant donné le sort qui fut réservé à Galilée. Arrivé à Rome pour la cérémonie de remise de la médaille, j’ai insisté pour voir les archives du procès de Galilée, conservées dans la bibliothèque du Vatican.

Vers la fin des années 1970, Hawking s’était rendu compte que les lois de la relativité générale ne s’appliquaient pas au moment précis du Big Bang, principalement en raison de l’existence du principe d’incertitude et était en train d’explorer la combinaison de la relativité générale et de la mécanique quantique. Il commençait déjà à entretenir des pensées d’hérétique. Mais il est retourné à Rome en 1981, invité à une conférence sur la cosmologie organisée par le Vatican. Dorénavant, il disposait d’un nouveau champ de recherche, les débuts de l’Univers. Le papier avait un titre hautement technique, « Une proposition sans borne ». 150

Mon intérêt pour les origines et le destin final de l’Univers s’est ravivé alors que j’assistais à une conférence sur la cosmologie au Vatican en 1981. Par la suite, nous avons obtenu une audience avec le pape, qui était en train de se remettre d’une tentative d’assassinat sur sa personne.

Je trouve acceptable d’étudier l’évolution de l’Univers après le Big Bang mais, de grâce, ne vous préoccupez surtout pas du Big Bang lui-même, car il s’agit du moment de la Création, et donc de l’œuvre de Dieu.

Dans sa communication, Hawking a suggéré que l’espace et le temps étaient des entités finies pour ce qui est de leur étendue, mais refermées sur ellesmêmes, sans bords ni frontières. Plus tard, on l’a appelée la proposition sans borne. Si cette théorie s’avère être juste, les singularités n’auraient pas d’existence et les lois de la science s’appliqueraient partout, y compris au tout début de l’Univers. 151

Hawking et le jeune Univers

J’étais content qu’il [le Pape Jean-Paul II] ignorât le sujet de ma communication, qui laissait entrevoir la possibilité que l’espacetemps soit fini, mais sans borne, ce qui impliquait logiquement qu’il n’avait ni début, ni moment de création. Il n’était pas évident immédiatement que ma communication avait des implications sur les origines de l’Univers, car elle était plutôt technique avec un titre rebutant : « Les conditions de bornage de l’Univers ». Hawking avait commencé à étudier sérieusement le tout jeune Univers, sujet qui l’a accaparé jusqu’à ce jour. Dans sa communication au Vatican, il a défendu sa proposition sans borne, sa dernière et plus radicale idée. Il s’agissait, ni plus ni moins, d’essayer d’appliquer la théorie quantique à la singularité supposée être à l’origine de l’Univers. 152

Pourquoi avons-nous besoin de la théorique quantique ? Dans le modèle du Big Bang à l’origine de l’Univers, la théorie générale de la relativité nous fournit un programme fiable pour décrire l’évolution de notre Univers, de quelques instants à partir du temps T = 0 jusqu’à aujourd’hui. Toutefois, grâce à Hawking, nous savons qu’au point de départ, la relativité générale a prédit une singularité et que la théorie s’effondre. Il s’agit d’une théorie classique, ni le temps ni l’espace ne peuvent être déterminés par les équations d’Einstein quand la matière est comprimée à de telles densités phénoménales. Comment la physique peut-elle prédire alors le commencement de l’Univers quand ses lois se trouvent inapplicables dès le Big Bang ? Il faut avoir recours à la théorie quantique.

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La cosmologie quantique En partant de cette problématique, Hawking et son collaborateur Jim Hartle, de l’université de Californie (Santa Barbara), se sont servis de la proposition sans borne pour développer une nouvelle idée dans le cadre de la cosmologie quantique. À la différence des approches employées précédemment, Hawking et Hartle (nommés H & H ci-après) ont invoqué un temps imaginaire pour étudier la singularité au moment du Big Bang.

Leur raisonnement est le suivant. Au moment précis de sa naissance, l’Univers se trouvait entièrement dans son état quantique. Par conséquent, H & H traitent l’Univers comme un système quantique unique, dont ils essaient de déterminer la fonction d’onde. En d’autres termes, ils appliquent les principes classiques de la mécanique quantique à tout l’Univers « avant » le début du Big Bang. Il s’agit de la tentative la plus sérieuse de Hawking pour réussir là où Einstein avait échoué passé l’âge de 50 ans, à savoir « pondre encore un œuf d’or ». 154

Vous avez perdu le fil ? Ce n’est pas étonnant. Comprendre cette proposition de H & H, c’est comme si le Big Bang était la simplicité même. Mais lançons-nous…

La gravitation quantique ou la « TdT » Les scientifiques recherchent la gravitation quantique, ou TdT, la théorie du tout – expression, notons-le, qui n’est du tout au goût de la plupart des physiciens. Jusqu’à présent, les tentatives des spécialistes de la physique des particules et des relativistes n’ont pas été très fructueuses.

C’est exactement ce que j’ai fait en quantifiant les champs électromagnétiques en photons, dans ma propre théorie de l’électrodynamique quantique.

Les champs quantifiés : est-ce que ce concept peut s’appliquer à la gravitation ? Richard Feynman (1918–1988)

Comme à son habitude, Hawking choisit une approche différente pour ce problème. Pas la gravitation quantique, mais sa propre cosmologie quantique, pour essayer de trouver la fonction d’onde de l’Univers. Elle s’appuie sur sa proposition d’un univers sans borne. 155

J’ai toujours éprouvé des doutes profonds quant à l’idée qu’au commencement de l’Univers, les lois de la physique ne s’appliquaient pas. Elles pouvaient devenir inopérantes à n’importe quel autre moment. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions développé la proposition sans borne, qui a pour effet d’éliminer la question d’une singularité au commencement de l’Univers. Mais le problème avec la cosmologie est qu’elle ne peut rien prédire sur l’évolution de l’Univers, sans faire des suppositions relatives à ses conditions initiales. Tout ce que l’on peut affirmer est que les choses sont ce qu’elles sont aujourd’hui précisément parce qu’elles étaient ce qu’elles ont été à un stade antérieur.

De nombreuses personnes pensent que cette vision est justifiée et que la science ne devrait s’intéresser qu’aux lois qui gouvernent l’évolution de l’Univers dans le temps. Ils pensent que les conditions initiales de l’Univers déterminent comment il a commencé, une question qui relève de la métaphysique ou de la religion plutôt que de la science.

En effet, laissons ces questions-là à la religion, comme je l’ai dit déjà en 1981 !

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La cosmologie et le temps complexe Alors, qu’y a-t-il de nouveau dans la cosmologie quantique ? H & H, pour y répondre, ont eu recours à un subterfuge, inventant une échelle de temps complexe leur permettant d’explorer tous les univers possibles qui pouvaient se former à partir de l’état quantique initial. Pour ce faire, ils ont divisé le temps en deux composantes distinctes : l’une réelle et l’autre imaginaire. À la différence du temps réel, la composante imaginaire ne disparaît pas au moment du Big Bang et la théorie reste donc utilisable au moment de la singularité. Les procédures classiques de la mécanique quantique peuvent alors servir à définir une fonction d’onde pour l’Univers.

Mais que sont ces procédures classiques de la mécanique quantique ? Et, pendant que l’on y est, c’est quoi, au juste, une fonction d’onde ? Cette variable, la plus omniprésente de toutes les variables de la physique moderne, nous vient directement de la théorie quantique à ses débuts. C’était l’idée de génie du physicien viennois Erwin Schrödinger (1887–1961).

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Ondes et particules : la farce qu’a jouée la Nature aux physiciens Des expériences ont mis en évidence l’existence d’une dualité onde/particule dans la nature. Par exemple, un rayon de lumière peut produire des raies d’interférence (agissant comme une onde) mais il peut déloger aussi des électrons d’une surface métallique (agissant alors comme une particule). De la même façon, les électrons présentent toutes sortes de propriétés des particules, tandis qu’un faisceau d’électrons peut produire une image de diffraction (onde) quand il traverse une fine grille optique. Cette dualité constitue un fait fondamental du monde physique dont nous devons nous accommoder. Il s’agit d’ailleurs de l’une des conséquences du principe d’incertitude bien connu… ou vice versa.

Dans les années 1920, les premiers héros de la mécanique quantique – Heisenberg, Schrödinger, Bohr et Born – ont mis au point un langage mathématique décrivant les deux propriétés (onde et particule) simultanément. L’expression la plus élégante de ce langage était contenue dans une formule que nous devons à Schrödinger, dont la solution – la fonction d’onde – détermine le comportement d’un système de particules. Si les forces et les barrières rencontrées par chaque particule en mouvement sont bien connues dans leur connotation classique et pour un système donné, mon équation peut être invoquée. Sa solution donnera immédiatement des indications quant au système considéré, en tout point de l’espace et à tout moment. Wunderbar, ja ! 158

L’étrange planète de la mécanique quantique Qu’est-ce précisément qu’une fonction d’onde ? Et qu’est-ce qui ondule ? Voici la réponse de Max Born (faisant sienne une idée d’Einstein !). La fonction d’onde, . qui occupe entièrement . l’espace autour du noyau d’un . atome et décrit le comportement d’un système de particules, est une onde probabiliste ! Elle indique où pourraient se trouver ces particules. L’un des problèmes les plus simples à résoudre en appliquant la mécanique quantique est l’atome d’hydrogène. Quand on trouve la solution de l’équation de Schrödinger pour ce cas, la fonction d’onde qui en résulte détermine la probabilité pour chaque état d’énergie de l’atome, puisqu’elle indique la probabilité de trouver l’électron (le seul) à telle ou telle distance du noyau. Ainsi, le noyau est vu comme enveloppé d’un nuage de probabilités, au lieu d’être imaginé avec son électron en orbite « planétaire », comme on le fait pour tous les atomes dans la vision classique. On aura plus de chances de trouver l’électron dans le nuage de probabilité entourant le noyau atomique de l’hydrogène mais on ne peut dire précisément où est situé l’électron dans l’atome à tout instant. On peut seulement indiquer la probabilité qu’il se trouve à tel ou tel endroit.

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La cosmologie quantique : une application de l’équation de Schrödinger à l’Univers Hawking a-t-il été un penseur téméraire ? Au lieu de réfléchir aux orbitales électroniques autour du noyau de l’atome, imaginez les modèles cosmologiques de l’Univers. La relativité générale autorise différents modèles : les uns partent d’un point unique (la singularité) pour atteindre (par expansion dans le vide environnant) une taille maximale, avant de revenir au point de départ ; d’autres ne cessent jamais de s’étendre ; d’autres s’étendent différemment et ce dans différentes directions. Et pourtant, tous ces modèles obéissent bien aux équations d’Einstein. Tout comme Schrödinger a remplacé les orbites classiques des électrons par des fonctions d’onde qui décrivent la probabilité – sans connaître sa position exacte – qu’un électron soit en train de faire telle ou telle chose, H & H ont assigné à chaque modèle cosmologique une fonction d’onde qui indique sa probabilité de prendre, en évoluant, telle ou telle forme géométrique.

En ne choisissant . que des univers sans borne – que . ce soit dans le temps ou dans l’espace –, H & H obtiennent des résultats qui semblent être en accord avec les observations réalisées sur notre Univers.

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Les univers clos satisfont la restriction. Ils sont finis mais n’ont pas de bord, un peu comme la surface en 2D de la Terre. Ils s’étendent, arrêtent leur expansion puis retournent au même état initial, comme les points sur le bord du bol dans le dessin ci-après. Vus de cette façon, les univers clos auraient un commencement et une fin, et donc posséderaient des bornes, mais seulement en temps réel. Néanmoins, la composante imaginaire est continue. Ainsi H & H ont fait disparaître les singularités initiale et finale de l’Univers clos.

Ils ont également démontré que les plus probables des univers sont uniformes et concluent que notre Univers est à la fois clos et uniforme – une sphère finie d’espace-temps sans bornes. Carte de la distribution uniforme des galaxies – source NASA INFRARED SATELLITE

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17 février 1995, au DAMTP Comme Hawking a déclaré à l’auteur six semaines seulement avant la publication de ce livre… Notre proposition sans borne prédit un Univers qui commence de manière lisse et ordonnée. C’est une inflation du contenu qui préside d’abord à son expansion initiale, puis l’Univers passe au modèle du Big Bang chaud, poursuivant son expansion jusqu’à un rayon maximum avant de s’arrêter puis de s’effondrer en une autre singularité appelée Big Crunch de manière irrégulière et désordonnée. Le temps réel s’arrête en ce point, mais l’Univers continue d’exister.

Votre théorie prédit qu’un univers clos et uniforme est le plus probable et que, de ce fait, il devait exister des variations de densité quand l’Univers était tout jeune, en raison de fluctuations quantiques.

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Il semble que cette proposition sans borne soit votre troisième œuf d’or…

Les calculs réalisés jusqu’ici, effectués pour des modèles simples, indiquent qu’un univers sans borne serait tout à fait semblable au nôtre. De plus, il intégrerait quelques idées importantes que l’on retrouve dans les concepts de la cosmologie moderne, par exemple l’inflation ou les fluctuations quantiques. Même le principe anthropique semble s’y conformer. Si vous parvenez à comprendre ces trois derniers concepts, vous aurez acquis une excellente vision de l’Univers selon Stephen Hawking. Pas mal pour des débutants !

Inflation Vers la fin des années 1970, un nouveau concept, l’inflation, était avancé, selon lequel l’Univers serait parti d’un état initial plus petit qu’un proton pour atteindre une taille macroscopique de dix mètres environ en une fraction de seconde. La vitesse de cette expansion était proprement phénoménale. Ce concept a eu le mérite d’apporter une solution à deux problèmes qui chagrinaient les cosmologistes depuis des années. 1. Pourquoi l’Univers est-il si plat, c’est-à-dire ne montre aucune courbure ? 2. Pourquoi le fond diffus cosmologique est-il si uniforme ? 1. La première question implique que la densité massique de l’Univers s’accorde parfaitement avec la valeur critique depuis sa toute première phase d’expansion, ce qui en soi est une idée ahurissante (cf. p. 49). Mais une expansion rapide au commencement aurait aplati l’Univers pour atteindre sa densité massique comme le montre un simple diagramme.

2. L’inflation peut aussi expliquer pourquoi le fond diffus cosmologique est si uniforme. Quand l’Univers était infinitésimalement petit, toute la matière et toute l’énergie étaient homogènes puisque tout était connecté à tout le reste. Quand l’inflation a commencé, l’homogénéité de cet instant initial s’est répandue à travers un Univers bien plus grand, qui continuait à s’étendre. Ainsi, quand la matière et le rayonnement se sont découplés environ 300 000 ans après le Big Bang, l’Univers était encore étonnamment uniforme. 163

Inflation et fluctuations quantiques Le processus d’inflation qui a lissé le jeune Univers a pu aussi engendrer de petites variations de densité – ce qui pourrait être à l’origine de la formation de galaxies. Rappelons notre discussion de la page 136 : si nous observons un système physique quelconque d’assez près – même le vide –, nous pouvons observer les effets des fluctuations quantiques. L’inflation n’efface pas ces fluctuations quantiques, mais en fait des variations de densité qui apparaissent alors comme des ondelettes de matière-énergie au sein de l’espace-temps, lesquelles s’impriment sur le fond diffus cosmologique, créant de minuscules variations de température. Ce sont ces variations de température que l’astrophysicien américain George Smoot et son équipe de l’université de Berkeley/NASA recherchaient au moyen du satellite COBE (acronyme anglais pour satellite d’exploration du fond diffus cosmologique) lancé en 1989. Et, parvenus à ce point, nous avons besoin d’un nouveau concept audacieux…

164

Le principe anthropique Le principe anthropique est un concept quasi métaphysique qui implique que si un univers donné n’accepte pas les constantes fondamentales de la nature, qui permettent l’existence de la vie et le développement d’une intelligence, il n’y aurait, de toutes les façons, personne pour faire état de ses propriétés. C’est pour cette raison que notre Univers nous semble si correct ; il s’accorde parfaitement. Bien que de nombreux scientifiques aient rejeté cette idée, le physicien américain Steven Weinberg, une autorité indiscutable – il avait écrit un livre intitulé The First Three Minutes (Les trois premières minutes) – est d’avis que la cosmologie quantique fournit un cadre dans lequel le principe anthropique coule de source. L’univers le plus probable est celui dans lequel nous vivons ! Tout comme Pangloss, philosophe absurde de Voltaire, qui assène sans arrêt à son élève Candide : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ».

165

Hawking et le prix Nobel Stephen Hawking s’est vu décerner pratiquement tous les honneurs et récompenses que peut recevoir un scientifique de nos jours. Naturellement, la question se pose de savoir s’il sera lauréat du plus prestigieux d’entre eux – invité à l’Académie royale des sciences à Stockholm pour recevoir le prix Nobel de physique. On peut même se demander pourquoi il ne l’a pas déjà reçu.

Il y a des obstacles à cela. Tout d’abord, le prix Nobel n’est que rarement décerné pour des recherches en astronomie ou en cosmologie, mais plutôt en physique. Le second obstacle est plus sérieux : Alfred Nobel était un homme très pratique (il a fait fortune sur la base de ses brevets en explosifs, notamment la TNT) et avait insisté – dans son testament à l’origine du prix portant son nom – sur le fait que, pour être éligibles, les découvertes théoriques devaient être validées expérimentalement. Pour des cosmologistes comme Hawking, dont le laboratoire s’étend jusqu’aux régions reculées de l’Univers, les preuves expérimentales ne seront peut-être jamais apportées ou, au mieux, pas avant des décennies. 166

Passons en revue les découvertes théoriques majeures de Hawking qui, peut-être, lui vaudront un jour le prix Nobel. 1. Partant de la relativité générale, Hawking et Penrose ont montré que le concept classique du temps a dû commencer par une singularité au moment du Big Bang, donc l’Univers a existé, à un moment donné dans son passé, dans un état dense et chaud. 2. En 1974, il a découvert que les trous noirs rayonnaient non seulement comme des corps thermodynamiques (phénomène qui porte désormais le nom de rayonnement Hawking) mais possédaient, en outre, une température (proportionnelle à leur gravitation de surface) et une entropie (proportionnelle à leur aire de surface). 3. Il a présenté avec Jim Hartle un modèle pour le tout jeune Univers appelé proposition sans borne qui prédit des variations de densité dans ce jeune Univers en raison de fluctuations quantiques du vide environnant.

Ironiquement, le rayonnement Hawking, son œuvre la plus importante, semble un candidat peu plausible pour le prix Nobel dans la mesure où il semble impossible à détecter. Toutefois, la singularité du Big Bang (état chaud et dense de l’Univers) et les fluctuations quantiques (en quelque sorte les graines à l’origine de la formation des galaxies) pourraient être validées si des mesures extrêmement précises, absolues et différentielles du fond diffus cosmologique pouvaient être effectuées. Et c’est précisément l’exploit qu’a réalisé le projet COBE entre 1989 et 1992.

167

COBE : la plus grande découverte de tous les temps (?) On a mis douze ans à concevoir et assembler les satellites COBE (I et II), mais les résultats furent tout à fait stupéfiants. Les instruments à bord de COBE I, lancé en 1989, n’ont mis que 8 minutes pour valider les conclusions basées sur les mesures de Penzias et Wilson réalisées en 1964, mais, cette fois-ci, à des ondes de longueurs différentes. Les données recueillies donnaient une courbe quasi parfaite du rayonnement thermique (cf. p. 99) pour une température de fond cosmologique de 2,736 K au-dessus du zéro absolu (K = 0). L’instrument principal de COBE I était un radiomètre en micro-ondes absolu, refroidi dans un bain d’hélium liquide* stocké également à bord du satellite. Les résultats ont confirmé, sans aucun doute possible, que les détecteurs étaient effectivement en train d’observer ce qui restait du Big Bang, l’état initial chaud et dense du jeune Univers. Une courbe comme celle-là aurait surpris Max Planck comme elle a étonné l’American Astronomical Society lorsqu’elle y a été présentée pour la première fois en 1990.

* Un cryostat de 650 litres d’hélium liquide.

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Mais les nouvelles les plus étonnantes restaient à venir. Le satellite COBE II était équipé d’un radiomètre différentiel en micro-ondes (DMR) très sensible qui ne mesurait pas la température absolue (en K) en un point donné du ciel observé. Au contraire, il mesurait la différence de température entre deux points. En résumé, l’antenne unique de COBE I annonce : « La température au point A est de 2,725 K » alors que le radiomètre différentiel à bord à antenne double de COBE II déclare : « La différence de température entre le point A et le point B est de 0,002 K ».

169

Il s’agissait du projet de George Smoot qui consistait à rechercher des signes tangibles de l’existence d’ondelettes dans l’espace-temps de l’Univers âgé de 300 000 ans. En avril 1992, après une collecte et une analyse de données de plus de deux ans, Smoot et son équipe ont fait une annonce fracassante. Le satellite COBE II avait détecté de minuscules variations de température de l’ordre de un centième de millième de kelvin au niveau du fond diffus cosmologique. D’après les cartes de température du ciel complet, générées par ordinateur, cette température était très légèrement supérieure dans la direction des grands amas galactiques et très légèrement inférieure dans les grands espaces vides interstellaires.

LA CARTE DE COBE II DU CIEL EN MICRO-ONDES MONTRANT NOTRE GALAXIE ET LES ONDELETTES COSMIQUES DU FOND DIFFUS COSMOLOGIQUE

Il devenait désormais possible pour les théoriciens d’expliquer quelquesunes des structures observées aujourd’hui, qui sont en réalité des événements qui se sont passés il y a des milliards d’années. 170

Ce communiqué fut accueilli de manière enthousiaste par les médias partout dans le monde.

171

« C’est la plus grande découverte du siècle, si ce n’est de tous les temps. »

Si vous avez la foi, c’est comme si vous découvriez le visage de Dieu.

Hawking et Smoot ont fait tous deux des annonces qui, de par leur contenu, couvraient les deux extrémités du spectre émotionnel. Smoot est un homme aux convictions religieuses et il a vu dans le Big Bang un événement lié à la Création. Les découvertes de COBE l’ont affecté sur le plan émotionnel. Hawking, pour sa part, voyait les choses différemment. D’après lui, les variations du fond diffus cosmologique révélées par COBE signifiaient tout simplement que l’existence de fluctuations quantiques dans un univers en expansion était cohérente avec sa proposition sans borne. Il n’est donc pas étonnant qu’il sourie. Le succès des observations menées par COBE est considéré comme une confirmation sidérante de la cosmologie du Big Bang. Mais la partie n’est pas encore finie. Il n’est pas impossible que la solution finale pour expliquer les débuts et la structure de notre Univers soit bien plus complexe que l’on ne l’imagine aujourd’hui. Le cosmos selon Aristote et Ptolémée avec la Terre en son centre, puis le système héliocentrique de Copernic, l’œuf cosmique de Lemaître et la proposition sans borne de Hawking sont autant de progrès vers une compréhension plus approfondie de l’Univers et de la place que nous y avons. C’est un voyage ouvert à tous, pour mieux contempler, comprendre et apprécier le spectacle de l’histoire cosmologique. 172

Stephen William Hawking, cosmologiste – spécimen de l’espèce Homo sapiens, environ 2000 de notre ère – qui a indubitablement contribué à la science. 173

Lectures complémentaires suggérées par l’auteur Sur Stephen Hawking Stephen Hawking, A Life in Science (Une vie de science), Michael White et John Gribbin, Plume Books (Putnam), New York, 1992. Stephen Hawking, Quest for a Theory of Everything (La quête de la théorie du tout), Kitty Ferguson, Bantam Books, New York, 1992.

Sur le développement de l’astronomie classique The Sleepwalkers (Les somnambules), Arthur Koestler, Grosset & Dunlap, New York, 1959. Coming of Age in the Milky Way (La Voie lactée atteint sa majorité), Timothy Ferris, Anchor Books, New York, 1989.

Sur la nouvelle cosmologie / les trous noirs A Brief History of Time (Une brève histoire du temps), Stephen Hawking, Bantam Books, New York, 1988. The First Three Minutes (Les trois premières minutes), Steven Weinberg, Bantam Books, New York, 1984. Black Holes and Time Warps (Les trous noirs et la déformation du temps), K. S. Thorne, W. W. Norton & Cie, New York, 1994. Black Holes and Warped Spacetime (Les trous noirs et l’espace-temps déformé), W. M. Kaufmann, W. H. Freeman, San Francisco, 1979. Black Holes (Les trous noirs), Jean-Pierre Luminet, Cambridge University Press, New York, 1992. In Search of the Big Bang (À la recherche du Big Bang), John Gribbin, Bantam Books, New York, 1986. Lonely Hearts of the Cosmos (Les âmes seules de l’Univers), Dennis Overbye, Harper Collins, New York, 1991.

COBE (Cosmic Background Explorer) Wrinkles in Time (Les rides du temps), George Smoot et Keay Davidson, Avon Books, New York, 1994.

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Remerciements J’ai été encouragé au départ par un échange avec Dennis Sciama l’été dernier à Oxford et par la publication du livre de Kip Thorne, un véritable cadeau du ciel. Les livres de John Gribbin et ses articles réguliers publiés dans le New Scientist ont été fort utiles. J’exprime des remerciements appuyés à John Wheeler, Freeman Dyson, Jacob Bekenstein et Simon Shaffer pour certains dessins et références utiles. J’ai pu aussi discuter de la cosmologie quantique avec Chris Isham qui a aimablement lu le manuscrit avant publication. Le temps que j’ai passé au DAMTP m’a permis d’approfondir ma compréhension de la vie de Stephen Hawking. Le personnel du département et, en particulier, Mme Sue Masey, ont gentiment répondu à mes nombreuses questions. Jane Hawking a fourni d’intéressants documents et a également lu le manuscrit avant publication. Ma collègue Maryke Brecher a couvert mes mystérieuses disparitions quand la progression du travail devenait ardue et Kathy Black, grâce à ses fabuleuses compétences au clavier, m’a aidé à tenir parfaitement (ou presque) les délais. Mes remerciements les plus sincères à Stephen Hawking lui-même, qui a approuvé le projet dès le début et m’a inclus à maintes occasions dans son emploi du temps chargé pour discuter et me prodiguer des conseils. Stephen marque profondément la plupart de ses collègues et collaborateurs, et je ne suis pas une exception à la règle. Le regarder communiquer m’a appris à m’exprimer de façon plus concise, précise, claire dans tout ce que j’entreprends. Ainsi, j’espère désormais ne jamais laisser des désordres mineurs, comme des maux de tête ou la fatigue, interrompre une tâche méritante, quelle qu’elle soit. Oscar Zarate, notre dessinateur, a rendu cet ouvrage différent de tout autre livre de physique ou d’astronomie que j’ai jamais vu… J. P. McEvoy, Londres, mars 1995 Oscar Zarate tient à remercier Judy Groves pour son aide avec les diagrammes, Woodrow Phoenix pour la typographie, Marta Rodrigues pour le filtrage et la mise en page des photos et Bill Mayblin pour ses conseils concernant les graphiques en général. J. P. McEvoy a obtenu son doctorat de physique à l’Imperial College, Londres, en 1968. Pendant un quart de siècle, il a exercé une activité de chercheur associé en physique et enseigné à RCA, l’université Clark (Worcester, Massachussetts) et l’École américaine de Londres (ASL). Il a publié plus de 50 articles sur des sujets techniques et s’est récemment impliqué dans le journalisme scientifique et le développement multimédia pour la télévision éducationnelle. Oscar Zarate a produit bon nombre de romans graphiques internationalement reconnus dont A small killing qui a reçu le prix Will Eisner du meilleur roman graphique en 1994. Il a aussi édité It’s Dark in London, une série d’histoires graphiques, publiée en 1996. Les photographies sont de Marc McEvoy et David Simmonds.

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Index B

Bekenstein, Jacob 130–5 Bell, Jocelyn 103 Bethe, Hans 110–1 Big Bang (théorie du) 49–51, 68, 74, 82–5, 101, 18–62 Big Crunch (l’effondrement) 49–51, 165 Boltzmann, Ludwig 128 Born, Max 159

- Mariage 86 - Médaille Pie XI 149–50 - Naissance 56 - Prix Nobel 166–7 - Quotient intellectuel 87 Heisenberg, Werner 135–6, 144 Horizon des événements 113–6, 136–7 Hoyle, Fred 66, 68–72, 84 Hubble, Edwin 50–1

C

I

Charcot (maladie de) 4–7 COBE (satellites) 168–72 Constante cosmologique 48 Cosmologie 12, 88–91 Cosmologie quantique 154, 157, 160, 165 Courbure de l’espace 30–43

D

Dieu 29 Dyson, Freeman 139, 143

E

Éclipse solaire 42–3 Eddington, Arthur S. 43, 110 Effondrement gravitationnel 47, 52–4, 62–3 Église catholique 146–52 Einstein, Albert 28–45, 48, 57 Entropie 126, 131–5, 138 État stationnaire 102 Étoiles 109–14 Étoiles à neutrons 104–5, 112–3

F

K

Kepler, Johannes 19

L

Lemaître, abbé 50–1 Loi d’aire de Hawking 125 Loi de la mécanique des trous noirs 126–9 Loi du mouvement (Newton) 27 Lois de thermodynamique 126–9, 133 Longueurs d’onde 93–4

M

Masse 14, 16–7, 24–7 Mécanique quantique 159 Mercure (périhélie) 22, 35–9 Micro-ondes 99–101

N

Naines blanches 112–3 Narlikar, Jayant 69 Newton, Isaac 11, 13–9

Feynman, Richard 155 Fluctuations quantiques 164 Fonction d’onde 154, 157–9 Friedmann, Alexander 48–9

O

G

P

Galilée 147 Gamow, George 97 Géodésiques 30 Gold, Thomas 91, 105 Gravitation 14, 26–7 Gravité 12–27, 30, 144, 154 Gravité quantique 144, 154

H

Halley, Edmund 18–20 Hartle, Jim 154–7, 160–1 Hawking, Stephen - Maladie 4–7

176

Inflation 163–4

Oppenheimer, J. Robert 52–6, 58–63

Particules 158 Particules virtuelles 135–6 Penrose, Roger 8, 75–81 Penzias, Arno 100–1, 168 Planck (constante de) 136 Planck, Max 98–9, 143 Principe anthropique 65 Principe d’équivalence 34 Principe d’incertitude 136, 158 Principia 18, 20, 22–3 Proposition sans borne 151–2, 155–6, 162–3 Pulsars 104–5

Q

Quantique (théorie) 153 Quasars 90–2, 95–6

R

Rayonnement 130, 169–70 - cosmique 97 - des trous noirs 130 - thermique 98–100 Relativité (théorie) 9–11, 13, 28, 160 Royal Society 146 Royal Society (thèse de Hawking) 67–73

S

Satellites 118–9 Schrödinger, Erwin 157 Schwarzschild espace 46–7 géométrie 46–53 rayon 115 Schwarzschild, Karl 46–7, 79 Sciama, Dennis 7, 66, 73–6, 140 Singularité 75–84, 102, 114 Solution du vide 39 Système solaire 18

T

Taylor, John 141 Temps complexe 157 Théorie du tout (TdT) 155 Théories partielles 13 Thorne, Kip 121–2, 146 Trou noir (découverte) 118–9 Trou noir (Hawking) 121–2, 130 et suite Trous noirs 41, 80, 91, 106–24, 130–45

U

Univers : - autres 160–1 - début 81, 150–65 - évolution 85 - expansion 48–51, 96 - histoire 101 - plat 49, 163

W

Weinberg, Steven 165 Wheeler, John 58–63, 106, 117, 131–2 Wilde, Jane 7–8 Wilson, Robert 100–1, 168