Simone Weil, la passion de la raison 9782747539951, 2747539954

La Passion de la raison a voulu suivre l'œuvre de Simone Weil sur l'étroite ligne de crête où elle s'avan

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Simone Weil, la passion de la raison
 9782747539951, 2747539954

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Simone Weil: La passion de la raison
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INDEX DES NOMS CITÉS

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SIMONE WEIL LA PASSION DE LA RAISON TEXTES RÉUNIS ET PRÉSENTÉS PAR MIREILLE CALLE ET EBERHARD GRUBER

avec la collaboration de Nadia Setti

L'Harmattan 5-7, fue de l'École-Polytechnique 75005 Paris FRANCE

L'Harmattan Hongrie Hargita u. 3 1026 Budapest HO~GRIE

L'Harmattan Italia Via Bava, 37 10214 Torino ITALIE

Collection Trait d'union Dirigée par: Mireille Calle, Eberhard Gruber, Max Vernet

Adresse rédaction: Département Etudes féminines - UFR 4 Université de Paris VIII - Vincennes 2, rue de la liberté, 93526 Saint-Denis Cedex 02

Trait d'union: petit trait horizontal hors de l'alphabet. Il marque la liaison, ou la séparation, dans certains composés. Il met en question ce qu'il rapproche; permet de passer outre. Lire par le trait d'union, c'est être conduit au bord des constructions: littéraires, sociales, philosophiques. Des livres seront réunis, qui font entendre la voix de ceux qui excèdent les distinctions catégoriques, prennent à l'oblique, relancent les limites, questionnent les seuils. S'efforcent de penser l'intersection, la convergence, l'interruption.

~L'Hannattan,2003 ISBN: 2-7475-3995-4

Table des matières

Mireille Calle, Eberhard Gruber

Liminaire.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

Marie-Odile Germain Quelques mots sur les manuscrits

RobertChenavier EberhardGruber

SimoneWeil

19

Philosophie/politiquede la raisonou philosophie/politiquede l'entendement?

23

Un pontversDieu? Sur la limite du raisonnement analogique chez

SimoneWeil.. Wanda Tommasi

......

La splendeur du visible: images et

symboleschezSimoneWeil Federica Negri

SimoneWeilpar CristinaCampo

Mireille Calle

La grâce de l'écriture ou Quand on désire

Susanne Sandherr

Gabriella Fiori

......39 87 lOI

du pain on ne reçoitpas des pierres

119

Simone Weil, une philosophie de la force ou Pour une seconde lecture de la condition féminine.

.137

Le rôle de la raison dans une vie consciente de femme, vis-à-vis de la confusion meurtrière de l'époque ..157

AndréA. Devaux. Raisonet mystèrechezSimoneWeil

181

DomenicoCanciani Du malheurouvrierà l'enracinement

191

Rolf Kühn

Le Moi face à la manifestation pure du réel...211

Michel Narcy

Le dualisme chez Alain, Simone Weil et Simone Pétrement.

Index des noms cités

.237 255

6

Sigles utilisés Œuvres de Simone Weil La nomenclature utilisée reprend celle, plus complète, publiée dans chaque numéro des Cahiers Simone Weil (CSW).

AD

C

Attente de Dieu, La Colombe, Ed. du Vieux Colombier, 1950, (1èreédition). AD 4 : Paris, Fayard, 1966. AD 5, Paris, éd. du Seuil, colI. «Livre de vie» 1977. Cahiers (Plon, I, 1951 ; II, 1953 ; III, 1956). C I 2 nouvelle édition, revue et augmentée (Cahier 1-4), Plon, Paris, 1970 C II 2 (Cahier 5-8), Paris, Plon, 1972.

C III 2 (Cahier 8 suite - Il), Paris, Plon, 1974.

co CS E

EHP EL IPC LPh

La Condition ouvrière, Paris, Gallimard, colI. «Idées», 1951 (Avant-propos d'Albertine Thévenon). La Connaissance surnaturelle, Paris, Gallimard, 1950. L'Enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain, Paris, Gallimard, 1949. E2:Paris, Gallimard, colI. «Idées», 1962, 1977. E3:Paris, Gallimard, colI. «folio-essais», 1990. Écrits historiques et politiques, Paris Gallimard, colI. « Espoir », 1960. Ecrits de Londres et Dernières Lettres, Paris, Gallimard, colI. « Espoir», 1957. Intuitions pré-chrétiennes, La Colombe, Ed. du Vieux Colombier, 1951 ; Librairie Fayard, 1951. IPC2: Fayard, :Paris, 1985. Leçons de philosophie (Roanne 1933-34), (présentées par Anne Reynaud-Guérithault). Librairie Plon, 1959. LPh2: Union Générale d'Editions, colI. «10/18» 1966. 7

LR

LPh3: Paris, Plon, 1989. Lettre à un Religieux, Paris, éd. du Seuil, coll. « Livre de vie », 1974.

OC

OE OL PG

S SG

Oeuvres complètes (1988 ), édition publiée sous la direction d'André A. Devaux et de Florence de Lussy, Paris, Gallimard. OC I Premiers écrits philosophiques, 1988. OC II. 1 : Ecrits historiques et politiques. L'engagement syndical (1927-juillet 1934), 1988. OC II. 2 : Ecrits historiques et politiques. L'expérience ouvrière et l'adieu à la révolution (juillet 1934-juin 1937), 1991. OC II. 3 : Ecrits historiques et politiques. Vers la guerre (1937-1940), 1989. OC VI.1 : Cahiers (1933-septembre 1941), textes établis et présentés par Alyette Degrâces, Pierre Kaplan, Florence de Lussy et Michel Narcy, Paris, Gallimard, 1994. OC VI.2 : Cahiers (septembre 1941-février 1942), textes établis et présentés par Alyette Degrâces, Marie-Annette Fourneyron, Florence de Lussy et Michel Narcy, 1997. OC VI.3 : Cahiers (février 1942-juin 1942), textes établis et présentés par Alyette Degrâces, MarieAnnette Fourneyron, Florence de Lussy et Michel Narcy, 2002. Oeuvres, édition établie sous la direction de Florence de Lussy, Paris, Gallimard, 1999 (Collection "Quarto"). Oppression et liberté, Paris, Gallimard, 1955. La Pesanteur et la grâce: Paris, Librairie Plon, 1947 (textes choisis et présentés par Gustave Thibon). PG2: colI. « Agora », 1991. PG3: Paris, Plon, 1991 (Collection «Pocket»). Sur la science, Paris, Gallimard, 1966. La Source grecque, Paris, Gallimard,

SG 1 1953 ; SG 2 1963.

8

Autres ouvrages CSW

Cahiers Simone Weil, revue trimestrielle publiée depuis 1973 par l'Association pour l'étude de la pensée de Simone Weil. SP I, II Simone Pétrement, La Vie de Simone Weil, 2 vol. : I (1909-1934), II (1934-1943), Paris, Fayard, 1973, 1978. Textes bibliques Col Epître aux Colossiens Eph Epître aux Ephésiens Jn Evangile de Jean Le Evangile de Luc Mc Evangile de Marc Mt Evangile de Matthieu Os Osée Pr Proverbes

9

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Liminaire «Quant au ventre d'un homme, il est plus vaste que les Deux-Greniers. Il est plein de toutes sortes de propos. Tu dois choisir le bon, Et le dire alors même que le mauvais demeure emprisonné dans ton ventre.» 1

C'est de L'Enseignement d'Ani, ensemble de manuscrits d'Ancienne Egypte, de l'Epoque rames side, que nous parvient cette sentence. Les papyrus de Saqqara et de Deirel-Medina ajoutent la précision d'une sensible variante: « Emprisonne ce qui est mauvais de sorte que ça meure fjusqu'à ce que tu meures] »2. Ce passage nous a paru emblématique d'une certaine forme de relation à soi et au monde que Simone Weil n'aura cessé de rechercher par l'effet de 1'« union des contradictoires », une relation d'écartèlement dont le schème sacrifi1. L'Enseignement d'Ani est connu par une vingtaine de manuscrits, dont la version la plus complète est celle du papyrus de Boulaq (fin XXIè dynastie). Cf. l'édition fondamentale par J.F. Quack, Die Lehren des Ani. Ein neuagyptischer Weisheitstext in seinem kulturellen Umfeld (DBO, 141), Fribourg et Gottingen, 1994. Nous nous référons à la traduction et aux notes de l'édition française établie par Pascal Vemus, Enseignement d'Ani in Sagesses de l'Egypte pharaonique, Imprimerie Nationale Editions, 2001, p. 236-266. La citation est à la section 20, 7-12 (p.249). 2. Note de Pascal Vemus. L'italique dans le texte signale la traduction littérale.

ciel à l'œuvre constitue, aussi, une vertigineuse dynamique des hétérogènes conjuguant lucidité, tension sublime, processus apotropaïque, capacité dialectique de la relève du pâti par le don, et cela dans une exigence éthique extrême. Le Cahier VIII (K8) récemment publié dans l'édition du tome VI.3 des Oeuvres complètes3, comporte des réflexions particulièrement éclairantes à cet égard: L'union des contradictoires est écartèlement. L'union des contradictoires est par elle-même passion, elle est impossible sans une extrême souffrance. Il faut user de la souffrance en tant que contradiction éprouvée. Par cet usage elle est médiatrice, et par suite rédemptrice. Il faut en user en tant qu'écartèlement.4

C'est bien cela, la puissance de médiation et de rédemption de la relation d'écartèlement, qu'au titre de Passion de la raison les textes ci-après rassemblés s'efforcent d'explorer - tant dans l'élaboration de la pensée de Simone Weil nourrie des philosophies égyptiennes, indiennes, grecques, bibliques que dans sa volonté d'être présente à tous les combats à livrer, que ce soit celui de la condition ouvrière, celui des républicains espagnols contre le franquisme, celui de la seconde guerre mondiale puis de la Résistance française lors de l'Occupation. Que ce soit, surtout et superlativement, le combat qu'exige une quête mystique ardente et réfléchie.

Ce titre - Simone Weil,La Passion de la raison -, dont Michel Narcy note à propos qu'il fait écho au volume de 3. DC VI.3.Voir ici et pour toutes les références à l'œuvre de Simone Weil la liste des sigles désormais cités dans le texte. 4. Simone Weil, Cahiers (K8), ms.29 et ms. 30, op. cit., p.63 et 64. Cf. également, ms.28 du même Cahier, ce passage qui forme constellation avec les deux citations ci-dessus: «Union des vertus contraires comme effet exclusif du surnaturel et signe propre de la grâce. C'est la transposition dans le comportement de l'usage logique des propositions contradictoires pour atteindre les vérités divines. Transcendance divine.! Le beau est une application de cela.(Comment ?) »

12

mélange réuni en hommage à Ferdinand Alquié5, place les analyses sous double signe: objectif et subjectif, le génitif dit assez qu'il n'y a ni dichotomie ni dualité fût-elle versatile mais que, avec Simone Weil, il y va de l'espace d'un battement et de ce qui fait levier dans l'être. Dans sa pensée comme dans sa réalité; dans sa pesée comme dans son attente; comme dans la médiatrice abnégation du sujet: « Et plus rien dans ma pensée qui procéderait de je. À travers moi, Dieu et la création seraient en contact» (C 1112, 111). La quête de Simone Weil s'avance ainsi sur la crête étroite où se joignent et disjoignent les versants contraires, et les études ici s'emploient à suivre son cheminement dans les différents domaines qu'il traverse avec une égale fulgurance. La Passion de la raison: c'est façon d'aborder, articulant le divin amour et la douleur christique, ce que Florence de Lussy nomme avec bonheur, sous-titrant le troisième

volume du tome VI, « La Porte du transcendant» dans l'œuvre de Simone Weil (OC VI. 3) - une porte qu'on ne passera pas. Tant il est vrai qu'il s'agit moins dans cette pensée de franchissement que de seuil; seuils multiples et démultipliés comme autant de confrontations de l'impossible et de mises en souffrance, de degrés, étapes, états, passages où puiser l'énergie qui est énergie d'écrire attendre souffrir réfléchir désirer. L'un des intérêts de ce recueil, et non le moindre, est précisément de déployer une diversité d'approches et de tons, chaque signataire prospectant de manière singulière la démarche weilienne, ce qui donne à lire le large spectre d'une pensée en gestation. Ainsi le présent volume s'organise-t-il selon une trajectoire questionnante - attitude intellectuelle fondamentale de celle qui n'aura eu de cesse de pointer les interrogations - avec, en ouverture, l'analyse de Robert Chenavier « Philosophie/politique de la raison ou philosophie/poli-

5. La Passion de la raison: hommage à Ferdinand Alquié, sous la direction de Jean-Luc Marion, PUF, 1983. Cf Michel Narcy, «Le dualisme chez Alain, Simone Weil et Simone Pétrement », infra, note 2.

13

tique de l'entendement? » et en clôture, celle de Michel Narcy «Le dualisme chez Alain, Simone Weil et Simone Pétrement ». Ces deux contributions qui se font écho en ce qu'elles réexaminent les tenants et les aboutissants de l'ambivalence à l'œuvre chez Simone Weil, inscrivent notre recueil dans l'arc de la polarité weilienne par excellence, celle de la philosophie politique et de la philosophie spéculative voire la mathesis théologique. Robert Chenavier reprend dans toutes ses finesses la distinction entre imagination, entendement, raison et en vient à considérer comment, pour Weil, qui n'est en cela pas éloignée de Kant et qui précède certaines positions de Merleau-Ponty, « il n'y a pas de politique d'entendement qui ne soit une politique de raison; à condition d'envisager l'idéal de la raison comme n'ayant d'existence qu'à titre de "limite théorique" de ce qui est réalisable.» Michel Narcy, quant à lui, soumettant à l'analyse critique la notionde « dualisme », notion qu'il réévalue, à l'endroit de SimoneWeil,par une doublecroisée - comparative et différentielle, avec Alain avec Simone Pétrement -, reconsidère ses lectures de Platon et note comment l'importance que prend le Timée par rapport à la République est symptoma-

tique d'une vision du monde où « ce n'est plus l'esprit qui cède et se trouve empêché par la nécessité, mais au contraire la nécessité qui cède à l'esprit ». Cette résistance qui est au cœur de la pensée weilienne, Michel Narcy la désigne par

une imageremarquable: « Si le mondeest beau, dit Simone Weil, il n'est plus une caverne », et Narcy d'ajouter: « c'est le soleil lui-même [...] qui est descendu dans la caverne ». Croisées et tensions à l'œuvre sont exhaussées par l'analyse de Eberhard Gruber qui s'emploie à porter à toutes conséquences le raisonnement algébrique auquel Simone Weil applique son esprit de plus en plus assidûment. En effet, avec « "Un pont vers Dieu" ? Sur la limite du raisonnement analogique chez Simone Weil », le signataire, se référant à la volonté de Simone Weil de « rendre à la science sa destination de pont vers Dieu» (0112,72) et creusant la réflexivité de la « logique du pont» en son double génitif, 14

reprend la problématique des logoï alogoï et articule le principe des proportions analogiques et le motif, majeur chez Weil, du Christ et de la Croix. L'analogie, ce « Comprendre sans cesser de percevoir» (LPh, 199), permet alors de lire, selon Gruber qui revendique une « seconde leéture » (CI2,152), une « seconde attention» ou « respiration» (CII2, 51), la médiation christique Dieu-homme dans une perspective non plus métaphorique mais catachrétique - à l'image, déconstructive, du tableau de

Magritte intitulé « Le pont d'Héraclite ». C'est l'impact et l'inscription du « penser par images»

qui requièrentla réflexionde WandaTommasi: « La splendeur du visible: images et symboles chez Simone Weil ».

Relevantles principauxmotifsweiliensainsique la « coexistence problématique du platonisme et du christianisme» risquant de piéger « de l'intérieur» sa pensée, Wanda Tommasi reprend la distinction entre eidolon et eikon, pointant ainsi la différence chez Weil entre l'illusoire idolâtrie et l'icône porteuse du divin monde suprasensible. En suite de quoi, elle souligne combien importe pour la philosophe le thème de « la beauté comme nourriture» : où, rédemptrice, la beauté rejoint le mystère chrétien de l'eucharistie. « Mystère» est donc aussi un terme de conjugaison contradictoire avec « raison », et c'est la voie de lecture suivie par André A. Devaux dont l'étude, partant de la notion de mystère en tant que « levier permettant de transporter "la pensée [...] de l'autre côté de la porte impossible à

ouvrir"» déplie ensuite la subtile évolution vers le « surnaturel » et le «mysticisme» de celle pour qui « la géométrie» n'allait pas sans le sentiment le plus « passionné ». L'accès à Simone Weil par le sentiment passionné et par le « tissu de cellules vivantes» que forment existence et pensée: tel est le choix de Gabriella Fiori qui lie, dans une écriture de l'empathie, réflexion et biographie au titre de : « Le rôle de la raison dans une vie consciente de femme, vis-à-vis de la confusion meurtrière de l'époque». Nourrie de témoignages souvent de première main, cette étude qui tient à rendre compte de l'intériorité et de l'exté15

riorité des exigences weiliennes, s'attache à faire le portrait de ce « legs à l'humanité» que constitue une œuvre-vie «centrée sur l'équilibre entre liberté et responsabilité ». Un des apports de ce volume est, nul doute, la singulière attention portée à cette «vie consciente de femme », laquelle se trouve explorée dans ses diverses facettes et selon des tonalités différentes faisant apparaître une figure weilienne inusitée. C'est, notamment, celle que suscite la contribution de

Susanne Sandherr ; « Simone Weil, une philosophie de la force ou Pour une seconde lecture de la cond~tionféminine », où, à considérer la critique weilienne du pouvoir et sa déconstruction du capitalisme, l'analyse fait émerger la perspective d'une «autre force que la force» qui serait liée à « une image assez hétérogène de la condition féminine» ; et où se conjoindraientle langagedu « Dieu de l'alliance », celui du courage féminin et la langue d'un « iconoclasme poétique ». Avec la mise en perspective par Federica Negri de la réception de l'œuvre de Weil en Italie dans les années Cinquante, à travers sa réinterprétation par Cristina Campo, personnage de premier plan, « traductrice raffinée, écrivain et poétesse toujours en quête du mot parfait» , c'est un autre éclairage qui est apporté: le double visage féminin ainsi mis en jeu porte à réexaminer les notions de "création" et de «décréation», et de considérer jusqu'où l'esthétique peut être « la clef des vérités surnaturelles» (CIII2,275). Domenico Canciani quant à lui, à l'enseigne: « Du malheur ouvrier à l'enracinement », propose une construction qui réinscrit condition ouvrière et condition féminine

dans la problématique weilienne de « l'enracinement»

-

rappelant d'entrée la visée éthique de son livre L'Enracinement qui a pour sous-titre Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain, et l'ambition d'un projet de «civilisation nouvelle». Le pluriel qui s'attache à « patries », la déconstruction de la pensée de l'Occident colonial, l'expérience réfléchie de l'oppression ouvrière et du malheur humain, sont alors, nul doute, les moments forts de la passion selon Simone Weil mais aussi d'une utopie qu'elle n'eut que le temps d'esquisser. 16

« Le "moi" face à la manifestation pure du réel» de Rolf Kühn s'impose le réexamen d'un « centre subjectif

déterminant» dans la perception, et de la coupure entre Je

et Moi. La démarche de Kühn s'attache à cerner une « égoïté weilienne » à la lumière de ses lectures de Kant, de Freud et de Platon - « Egoïté » qui constitue « comme une troisième catégorie ontologique» et devient ainsi la « charnière de la philosophie réflexive et de l'herméneutique religieuse ». Reste, et Rolf Kühn en souligne la richesse, la

tension interne à l'analyse weilienne : entre « une finitude radicale» et « un désir infini». Quelle grammaire fera l'impossible? Quelle phrase pour exposer la tension, l'attente, la finitude et le désir infini ? Pour Mireille Calle, c'est la scène weilienne par excel-

lence, laquelle est scène de « La grâce de l'écriture ou : Quand on désire du pain on ne reçoit pas des pierres». Reprenant à Simone Weil la formulation qu'elle adresse au Père Perrin, Calle s'efforce de repérer quelques tours majeurs de l'énergétique du phrasé weilien, notamment sa prédilection pour l'aphorisme, le fragment, la sentence, le poème dont elle fait l'hypothèse qu'ils sont formes de l'hupomone. Cette étude s'attache à rendre sensible une démarche philosophique qui prend tous les risques de 1'« inexprimable» et qui est promesse - « Poser dans les corps une vérité qui est de l'âme» (OE,804). Car ce qui s'avère, dans la traversée de ces diverses analyses et qui émeut, c'est la recherche d'une méthode (