Roi de France : De Charles VIII à Louis XVI 9782070356461, 9782072587238

Qu'est-ce qu'être roi de France ? La question est d'une fausse évidence. Michèle Fogel y répond en cernan

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Roi de France : De Charles VIII à Louis XVI
 9782070356461, 9782072587238

Table of contents :
Couverture......Page 1
Titre......Page 5
Copyright
......Page 6
L'auteur......Page 7
Introduction - Naissance d’un Dauphin......Page 9
Première partie - L’imprévisible accession à la Couronne......Page 19
Chapitre premier - Le principe successoral......Page 21
L’invention de la loi originelle......Page 23
La maison de France et ses lignages......Page 29
Le sang des Bourbons......Page 39
Un héritage ? Royaume, couronne, domaine, État......Page 47
Chapitre II - Les obligations de l’héritage : les alliances matrimoniales......Page 58
La difficile capture des héritières......Page 62
La fille toute nue......Page 72
Alliées, otages : les Infantes d’Espagne......Page 80
Liens du sang et intérêt politique......Page 89
Chapitre III - Les obligations de l’héritage : la reproduction......Page 96
L’entrée au lit nuptial......Page 98
Grossesses incertaines......Page 108
Il a plu à Dieu…......Page 112
Les naissances et les morts......Page 123
Chapitre IV - Le mort saisit le vif......Page 132
Passages......Page 136
Le temps suspendu : les funérailles royales de Charles VIII à Charles IX (1498-1574)......Page 143
La disparition du « quasi-interrègne » (1560-1610)......Page 152
Disputes autour de l’effigie......Page 162
Le vivant, les morts et Dieu......Page 165
Deuxième partie - L’élévation et la distance......Page 173
Introduction - Description d’un roi......Page 175
Chapitre V - Vers Reims : des parcours dissemblables......Page 180
Cousins......Page 181
Fils de France......Page 195
Les rois enfants......Page 202
L’unification cérémonielle : le sacre......Page 210
Chapitre VI - De la magnificence à la représentation : parures et divertissements......Page 219
Magnificences rivales......Page 223
Parures I : l’éclat......Page 229
Somptuosités éphémères : les divertissements......Page 235
« Ce qui se consume en dépenses qui peuvent passer pour superflues… »......Page 242
Parures II : rois et reines......Page 247
Chapitre VII - De la magnificence à la représentation : exposition, retrait, familiarité......Page 254
Mobilités......Page 256
Construction et cérémonialisation de la distance......Page 262
Unité de lieu, unité d’action : Louis XIV à Versailles......Page 270
Du retrait et de la familiarité......Page 280
La représentation : suite et fin......Page 289
Chapitre VIII - Le roi gouverne par lui-même......Page 296
La poche du roi Louis XII......Page 297
Vouloir, pouvoir : le roi et ses conseillers jusqu’aux États généraux de 1588......Page 304
Le choix du roi : novembre 1630, mars 1661......Page 319
Le roi et ses ministres : l’exemple du grand roi......Page 324
Troisième partie - Exercices du pouvoir : le roi et la guerre......Page 337
Introduction - Un métier de roi......Page 339
Chapitre IX - Une guerre de magnificence : l’entreprise de Naples (1494-1495)......Page 347
La reconquête d’un bien usurpé......Page 349
La volonté du roi......Page 353
« Quand princes vont en ost conquérir en lointain et étrange pays… »......Page 357
Le voyage......Page 360
« Passer outre »......Page 371
« Je ne suis pas ici pour mon plaisir… »......Page 382
D’une guerre l’autre......Page 386
Chapitre X - Le roi dans les guerres communes (1562-1629) : une histoire à écrire......Page 392
La dépossession du droit de guerre......Page 393
La dépossession du droit de leveret de conduire des armées......Page 399
Un mode de connaissance du royaume......Page 406
Chapitre XI - La toute-puissance et ses limites......Page 412
Voir, saisir, détruire : la Rhénanie moyenne de l’automne 1688 à l’été 1689......Page 414
La direction des opérations......Page 425
Le débat de la guerre et de la politique pendant la guerre de succession d’Autriche (1744-1748)......Page 436
Des guerres hors de portée......Page 443
Épilogue - Une rencontre singulière : 14 juillet 1790......Page 455
Appendices......Page 465
Chronologie de douze rois de France Repères chronologiques......Page 467
Généalogies......Page 471
Cartes de l'agrandissement du royaume de France......Page 477
Sources et bibliographie......Page 483
Notes......Page 499
Index des noms......Page 551
Du même auteur......Page 586
Table des matières......Page 582
Achevé de numérisation......Page 587

Citation preview

Michèle Fogel

Roi de France De Charles VIII à Louis XVI

INÉDIT

histoire

COLLECTION FOLIO HISTOIRE

Michèle Fogel

Roi de France De Charles VIII à Louis XVI

Gallimard

Cet ouvrage est publié sous la direction de Martine Allaire.

© Éditions Gallimard, 2014. Couverture : Rubens, Henri IV part pour la guerre d’Allemagne et confie à la reine le Gouvernement de son royaume, le 20 mars 1610 (détail). Musée du Louvre, Paris. Photo © RMN-Grand Palais / Thierry Le Mage.

Ancienne élève de l’École normale supérieure de Fontenayaux-Roses, Michèle Fogel a été maître de conférences en histoire moderne à l’université de Paris-X Nanterre. Elle a participé au deuxième volume du Siècle des Lumières, publié sous la direction d’Albert Soboul (Presses universitaires de France, 1977), et a publié notamment Les cérémonies de l’information dans la France du XVI e au XVIII e siècle (Fayard, 1989), L’État dans la France moderne. De la fin du XV e au milieu du XVIII e siècle (Hachette, 1992) et Marie de Gournay. Itinéraires d’une femme savante (Fayard, 2004).

Introduction N A I S SA N C E D ’ U N D A U P H I N

Le 2 septembre 1601, dans toutes les églises de Paris, commencent les prières des Quarante-heures « pour obtenir l’heureuse délivrance de la reine très Chrétienne et la naissance d’un prince Dauphin ».1 Le clergé invite les fidèles à unir, dans une même dévotion doloriste, le séjour du Christ au tombeau entre l’horreur de la Crucifixion et la gloire de la Résurrection, la mise en danger de la vie de la reine, Marie de Médicis, et la venue au jour d’un enfant que Dieu dans sa toute-puissance et son infinie bonté aura doté d’un sexe masculin. Prières parisiennes doublement agréables à l’heureux père, le roi Henri IV, celles d’une ville rebelle qu’il a condamnée à processionner chaque année en mémoire de sa soumission le 22 mars 1594. C’est la première naissance royale depuis près de trente ans. Mais le 25 octobre 1572, une princesse était née qui, suivant les règles de la succession des rois en France, n’avait aucun droit sur la Couronne, pas même celui de la donner à un époux ou de la transmettre à un fils. Aussi lorsque le roi Charles IX, son père, était mort dix-sept mois après sa naissance, c’était son oncle, Henri III, qui lui avait succédé ; sa

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Roi de France

mère, Élisabeth d’Autriche, était retournée à Vienne, et la petite fille, restée à la cour de France, avait rapidement disparu.2 En octobre 1572, Henri IV n’était qu’Henri de Bourbon, roi de Navarre, un petit royaume disputé à l’Espagne. Trois mois auparavant, le 24 août, alors qu’il venait d’épouser la plus jeune sœur de Charles IX, Marguerite de Valois, de grands nobles, des gentilshommes de sa suite et de nombreux parisiens, tous protestants comme lui, avaient été massacrés. La Saint-Barthélemy marquait un moment paroxystique dans les guerres de religion qui ont bouleversé le royaume pendant près de quarante ans. Pour que ce jeune prince isolé et menacé devienne Henri IV, le Très Chrétien roi de France et de Navarre, il a fallu d’abord que meurent sans héritier Charles IX et ses frères : François, duc d’Anjou, avant même d’avoir régné ; Henri III, assassiné en août 1589. Ainsi s’éteignait la dynastie des Valois. Henri de Bourbon était le premier dans l’ordre de succession à la Couronne : cousin lointain du roi défunt, il devait compter vingt ascendants mâles pour arriver à leur ancêtre commun, saint Louis. Ce droit, cependant, n’était rien sans les armes — encore neuf ans de guerre — et les armes, rien sans les concessions et les négociations — la conversion définitive du roi au catholicisme, les compensations financières au ralliement des grands nobles, la confirmation des privilèges des grandes villes. Au printemps 1598, l’édit de Nantes avait établi un compromis entre les droits des protestants et la prééminence des catholiques, tandis que le traité de Vervins mettait un terme aux interventions de l’Espagne dans les affaires du royaume. C’était la paix. Les membres des parlements de Paris et de Rouen, aussi bien que les membres du

Naissance d’un Dauphin

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clergé réunis en assemblée, avaient alors exhorté Henri IV à remplir au plus vite son devoir de roi : assurer sa descendance puisque son union avec Marguerite de Valois était restée stérile et qu’il avait déjà quarante-cinq ans. Trois démarches s’imposaient : négocier avec celle qui, même éloignée et déconsidérée, restait la reine de France et tenait à monnayer son acceptation ; négocier avec le pape qui seul pouvait défaire les liens sacrés qui les unissaient ; trouver la nouvelle épouse qui remplirait sa part d’obligation. Le temps qu’aboutissent les négociations avec la reine et que le pape, rassuré sur l’orientation qu’Henri IV donnait à sa politique, prononce la dissolution du mariage en décembre 1599, la maîtresse préférée du roi, Gabrielle d’Estrées, était morte à vingt-six ans lors de son quatrième accouchement. Le roi l’aurait sans doute épousée malgré les protestations de ses cousins Conti et Soissons, porteurs eux aussi du sang de saint Louis : il en était amoureux, elle lui avait donné deux fils qu’il avait légitimés. Fin 1599, il était trop tard pour profiter de la paix de Vervins et rechercher l’Infante d’Espagne, IsabelleClaire-Eugénie : elle venait d’épouser son cousin Albert d’Autriche. Elizabeth d’Angleterre vieillissait en « Reine vierge » ; Henri montrait du mépris à l’égard des princesses des petits états allemands. Restait la nièce du Grand-duc de Toscane, Marie de Médicis, âgée de vingt-sept ans : une famille princière d’élévation récente, qui avait déjà fourni une reine de France fort robuste, Catherine, l’épouse d’Henri II ; une famille alliée dans son désir de résister à l’emprise espagnole et savoyarde en Italie du Nord et qui avait financé une partie de la reconquête du royaume. La dot effacerait une partie des dettes.

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Roi de France

Le contrat de mariage était signé depuis trois mois, et déjà le roi engageait la future reine à se préparer à la tâche qui l’attendait : « J’ai pris des eaux de Pougues, de quoi je m’en suis bien trouvé… écrivaitil le 24 juillet 1600… Comme vous désirez la conservation de ma santé, j’en fais ainsi de vous et vous recommande la vôtre, afin que, à votre arrivée, nous puissions faire un bel enfant qui fasse rire nos amis et pleurer nos ennemis. »3 Après la première bénédiction nuptiale à Florence où le Grand-duc avait tenu le rôle du roi, et le débarquement à Marseille, Marie de Médicis attendait son époux à Lyon tandis qu’il dirigeait les dernières opérations militaires contre la Savoie. Avant même la deuxième bénédiction qui devait les réunir, le roi, revenant de la guerre, s’était présenté un soir chez la reine et la nouvelle de la prompte consommation du mariage s’était répandue parmi tous ceux qui portaient un intérêt à l’avenir de la nouvelle dynastie. Il était resté à Lyon suffisamment longtemps pour signer la paix avec la Savoie le 17 janvier 1601 et, suivant Philippe Hurault, un de ses familiers, pour « avoir assez donné de satisfaction et assurance de son amitié conjugale à la Reine, la laissant enceinte comme il croyait et était vrai. »4 Il était parti pour Paris où elle était venue le rejoindre début février. La grossesse était peu à peu devenue une certitude. Mi-août, en prévision des couches de la reine, la cour s’était installée à Fontainebleau, ce grand et beau palais aux vastes salles, aux jardins aérés. Dans la nuit du 26 au 27 septembre, environ neuf mois et deux semaines après la première entrevue de Lyon, les douleurs annoncent l’imminence de la naissance. Le roi prévient la reine : « Ma mie, vous savez que je vous ai dit, par plusieurs fois, le besoin qu’il y a

Naissance d’un Dauphin

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que les Princes du sang soient à votre accouchement. Je vous supplie de vous y vouloir résoudre, c’est la grandeur de vous et de votre enfant. » Et comme elle acquiesce sans enthousiasme, il ajoute : « Je sais bien, ma mie, que vous voulez tout ce que je veux, mais je connais votre naturel qui est timide et honteux ; que je crains que si vous ne prenez une grande résolution, les voyant, cela ne vous empêche d’accoucher. C’est pourquoi, derechef, je vous prie de ne vous étonner point, puis que c’est la forme que l’on tient au premier accouchement des Reines. »5 Telles sont du moins les paroles que la sage-femme, Louise Boursier, a reconstituées de mémoire. Toute pudeur écartée, cette naissance royale s’organise entre les impératifs dynastiques, les procédés médicaux que la sage-femme parisienne connaît et défend comme elle peut et les savoir-faire italiens qui rassurent la reine et qu’elle réussit en partie à imposer grâce à deux de ses femmes de chambre et un apothicaire de sa suite florentine. Dans le grand salon ovale, un lit d’apparat tendu de velours rouge cramoisi orné d’or a été dressé près de la cheminée et de son grand feu vivement entretenu ; deux religieux de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés prient en permanence devant l’autel où repose un fragment de la ceinture de sainte Marguerite qu’ils ont apporté avec eux. La sainte, prisonnière du ventre d’un dragon, s’en est libérée par la prière et depuis, elle protège toutes les femmes en couches du monde catholique, les reines de France en particulier. Au centre de la pièce, un grand pavillon de toile de près de quarante mètres de tour abrite un pavillon plus petit où sont installés le lit de travail d’usage en France et la chaise d’accouchement apportée d’Italie. Dans le petit pavillon, le roi va et vient, accompagné du jeune César de Vendôme, le

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Roi de France

fils légitimé de la défunte Gabrielle qu’il adore ; sur des tabourets ont pris place la sœur du roi, Catherine de Bourbon, duchesse de Bar, Anne d’Este, duchesse de Nemours, surintendante de la Maison de la reine, Antoinette de Pons, marquise de Guercheville, première dame d’honneur. S’agitent autour de la reine la sage-femme, un chirurgien du roi, un médecin de la reine, l’apothicaire et les suivantes venus de Florence, enfin, un médecin du roi désigné pour s’occuper de l’enfant, Jean Héroard. Au bout de vingt-deux heures de travail, la naissance a lieu. La chaise d’accouchement sur laquelle la reine est installée fait face à l’ouverture du petit pavillon : le roi se trouve derrière la chaise, il ordonne aux princes du sang qui attendent dans le grand pavillon de s’approcher de l’ouverture et de se courber pour mieux voir. La sage-femme, assise sur un siège bas, prend l’enfant, l’enveloppe rapidement de linges et le remet à Mme de Montglat, sa gouvernante. François de Bourbon, prince de Conti, son frère, Charles, comte de Soissons, et leur cousin, Henri de Bourbon, duc de Montpensier, peuvent témoigner de la naissance, mais pas encore du sexe de l’enfant : car la sage-femme n’a rien dit, elle tient à ce que la délivrance finale, l’expulsion du placenta, se fasse dans le calme. Elle ne peut cependant résister longtemps à l’anxiété du roi ; la reine aussi s’inquiète : « È maschio ? » demande-t‑elle en se levant de la chaise, puis retombe évanouie. Les linges qui enveloppent l’enfant sont écartés : c’est bien un fils. Et la sœur du roi plaisante sur la taille des organes génitaux du petit prince. Le roi embrasse la reine, puis les princes du sang et va faire ouvrir les portes du salon ovale : une cohue de deux cents courtisans envahit la salle. Les pavillons de

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toile n’offrent plus de protection : les valets ont toutes les peines du monde à porter la reine sur le lit d’apparat où s’effectue la délivrance. À Louise Boursier qui tente de protester, le roi répond : « Taistoi, tais-toi, sage-femme, ne te fâche point ; cet enfant est à tout le monde ; il faut que chacun s’en réjouisse. »6 Porté près de la cheminée, le nouveau-né est lavé avec du vin mêlé d’huile ; la sage-femme, le chirurgien et Héroard l’examinent, le trouvent faible et décident de lui glisser une cuillère de vin dans la bouche. Il est emmailloté, présenté à la reine puis emporté par sa gouvernante dans ses appartements où l’attendent nourrice, remueuse et berceuse. Il est onze heures du soir, des courriers partent annoncer la nouvelle aux cours étrangères. Aux villes du royaume, ils apportent l’ordre royal de célébrer l’événement par des cérémonies d’action de grâces, processions et Te Deum ; ainsi la lettre à la municipalité parisienne : Très-chers et bien aimés. Entre tant de miraculeux témoignages de l’assistance divine que l’on a pu remarquer en notre faveur depuis notre avènement à cette couronne, il n’y en a pas un seul qui ne nous ait fait ressentir plus vivement les effets de sa bonté, que l’heureux accouchement de la reine notre très chère et très aimée épouse et compagne qui vient de mettre au monde un fils ; dont nous recueillons une joie que nous ne pouvons exprimer. Mais comme les calamités publiques nous ont toujours plus ému durant nos misères passées, que la considération de notre particulier intérêt ; aussi ne recevons-nous pas tant de plaisir et contentement pour ce qui nous touche dans cette naissance, que pour le bien général de nos sujets, qui auront bonne part en cette occasion de réjouissance,

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Roi de France dont nous avons bien voulu vous avertir par la présente…7

Dans l’après-midi du lendemain, tandis que sonnent les cloches du Palais de justice et de NotreDame, tous les corps constitués parisiens, cours souveraines et municipalité, se rendent en cortège à la cathédrale ; toutes les églises paroissiales et les communautés religieuses célèbrent aussi un Te Deum ; les coups des canons de la ville et de l’Arsenal, et le soir, les feux de joie dans tous les quartiers ainsi que sur la place de Grève devant l’Hôtel de ville exaltent l’atmosphère de réjouissance unanimiste. Le jour suivant, des processions parcourent la ville. Une partie de l’histoire des rois se situe entre ce que la lettre à la municipalité parisienne nomme le « particulier intérêt » du roi et « le bien général de tous les sujets » et qu’elle présente comme nécessairement et harmonieusement liés. Rien de mesquin dans ce mot d’« intérêt » : il désigne ici le mouvement qui porte la personne vers ce qui est important pour elle. Associé à « particulier », il marque la joie d’un homme, de n’importe quel homme, à la naissance de son premier fils et son soulagement d’avoir conservé son épouse en vie. Que cet événement singulier puisse faire « le bien général », tel est assurément l’un des mystères associés à la royauté : les célébrations sont là pour le proclamer. Marie de Médicis a dû vivre l’événement autrement : seule femme du royaume à devoir accoucher à la vue des hommes, princesse italienne à peine arrivée dans un monde étranger par sa langue, par son mode propre d’organisation et qui tente, au milieu de ses souffrances et de ses peurs, de se raccrocher aux visages et aux mots familiers. De cette tension entre le « particu-

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lier » — le privé — et le « général » — on commence à dire le « public » —, le nouveau-né lui-même a dû pâtir. Au mépris de toutes les précautions médicales, il a dû d’abord être exposé devant « tout le monde » puisque, suivant son père, il lui appartient. Tout le monde : la famille royale, les grands nobles, les dignitaires ecclésiastiques et les grands officiers présents à la cour, ces deux cents personnes qui figurent l’ensemble du royaume. À cet égard, le sexe du Dauphin est emblématique : partie du corps dont il faut avoir honte et qu’il faut toujours tenir cachée, ce sexe masculin est pourtant ce qui fait de lui un roi en puissance, à une mort près, celle de son père… Deux jours après sa naissance, le 29 septembre, l’enfant est ondoyé, et Henri IV s’émerveille : « C’est un Dauphin, qu’il y a quatre-vingts ans qu’il n’en était point né en France. »8 En quoi le roi se trompe un peu : de Dauphin, c’est‑à-dire de premier fils d’un roi régnant, il n’en est pas né depuis 1518, au début du règne de François Ier. Soit quatre-vingt-trois ans. Et si le roi se trompe, c’est que ce Dauphin-là s’est effacé des mémoires : il est mort à dix-huit ans sans avoir pu succéder à son père. C’est dire l’incertitude qui pèse sur ces vies particulières prises dans le réseau des obligations générales imposées par la Couronne, cet ensemble grandiose et disparate de pouvoirs qui leur échoit de façon imprévisible et passagère.

PREMIÈRE PARTIE

L’IMPRÉVISIBLE ACCESSION À LA COURONNE

Chapitre premier LE PRINCIPE SUCCESSORAL

Le 29 mai 1484, les notables de Reims accueillent le jeune roi Charles VIII, la veille de son couronnement : pour cette occasion unique, ils ont voulu lui présenter dans des tableaux vivants les meilleures images de leur ville et de la royauté.1 Le long du trajet, le roi rencontre sur une première estrade deux petits enfants nus, protégés par une louve et un couple de bergers : ce sont Romulus et Remus, les fondateurs de Rome, mais par un de ces jeux de mots si pratiqués par les lettrés de ce temps, Remus est tenu pour le fondateur de Reims — Remis en latin.2 Puis c’est Pharamond dictant la loi qui fixe les règles de dévolution de la couronne de France et, plus loin, Clovis recevant à Reims même l’huile miraculeuse du baptême et de la consécration. Charles VIII demande des explications sur cette huile apportée par un ange3 et qui sera appliquée sur son corps le lendemain ; impressionné par cette attention divine toute particulière — il n’a pas encore quatorze ans — il ôte son chapeau et dégrafe son manteau. Le dernier tableau lui montre le toucher des écrouelles, ce rite guérisseur qu’il devra accomplir au lendemain du sacre.4 De Pharamond, il n’a rien demandé car il sait être roi

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Roi de France

depuis la mort de son père Louis XI il y a moins d’un an. Pourtant, des quatre tableaux vivants, c’est précisément celui-ci qui énonce des vérités nouvelles et problématiques. Pharamond siège sur un trône, tenant le sceptre royal dans la main droite et l’épée nue dans la gauche ; quatre personnages s’affairent à le couronner tandis que quatre autres lisent un grand parchemin ; tous portent la barbe et les cheveux longs des Francs. Sur le bord de l’estrade, une affiche commente : Les Français extraits des Troyens, Païens nommés Sicambriens Font Pharamond leur premier Roi, Qui leur fait la Salique Loi. Et les affranchit des Romains, Lors régnant sur tous les humains. On contait quand ce cas advint L’an de grâce quatre-cent vingt.5

Sont ainsi affirmées tout ensemble la grandeur du peuple et la grandeur du roi de France. Des récits légendaires convergent en effet pour faire des Francs les descendants des Troyens qui ont suivi Francion — peut-être un neveu d’Énée, peut-être un fils d’Hector — et se sont installés en Sicambrie — autour de la vallée de la Ruhr, tandis qu’Énée entraînait ses compagnons vers l’Italie. Là, au milieu des forêts, les Francs ont réussi à mettre Jules César lui-même en échec. Dès ses origines, donc, la France ne devrait rien à Rome, ni à l’empire germanique qui s’en veut l’héritier. C’est ce que Pharamond, le roi que les Francs ont initialement choisi, proclame en édictant la loi qui désormais après lui, réglera l’ordre de ses successeurs : la loi salique. Et cela sans même le

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secours de la foi chrétienne puisque la rédaction est précisément datée de 420 alors que le baptême de Clovis n’intervient qu’à la fin du Ve siècle. Comme si le Très Chrétien roi de France ne devait rien non plus à l’Église. Par-delà ces affirmations glorieuses, le tableau vivant et son commentaire présentent une illustration synthétique de tous les écrits du XVe siècle destinés à recouvrir les traces des crises et des conflits qui ont bouleversé le royaume après que, pour la première fois depuis l’élection d’Hugues Capet en 987, il n’est plus resté de fils de roi pour succéder à son père, ceci de façon répétitive et rapprochée : trois fois en douze ans.

L’INVENTION DE LA LOI ORIGINELLE

En 1316, après la mort du premier fils de Philippe le Bel, Louis X, et du fils posthume de celui-ci, le deuxième fils, Philippe, s’empare de la couronne au détriment de Jeanne, l’unique enfant survivant de Louis. 6 En échange de sa renonciation au trône de France, cette petite fille de cinq ans doit recevoir le royaume de Navarre, légué à son père par sa grandmère paternelle. À peine couronné, Philippe V réunit, en février 1317, les grands nobles, les prélats et des notables des villes : ils déclarent qu’en effet, il n’y a pas d’exemple que les femmes aient jamais succédé dans le royaume de France. L’Université de Paris, chargée de trouver des justifications supplémentaires, argue du degré de parenté vis‑à-vis du roi saint de la dynastie, Louis IX, mort en 1270 : Philippe compte deux

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Roi de France

degrés, Jeanne en compte trois. En 1322, les filles de Philippe V sont à leur tour écartées au profit de son dernier frère qui devient Charles IV. À la mort de celui-ci, en 1328, sont récusés aussi bien ses filles que le fils de sa sœur Isabelle et d’Édouard II d’Angleterre. Les barons qui décident de reconnaître son cousin, Philippe de Valois, n’ont voulu ni d’un roi anglais ni d’un roi trop jeune pour gouverner. Pour prévenir toute autre contestation, le royaume de Navarre est effectivement remis à Jeanne, maintenant promise au puissant comte d’Évreux, Philippe, fils du dernier frère de Philippe le Bel. À partir de la fin des années 1330, Édouard III d’Angleterre décide de revendiquer la couronne de France : il ne conteste pas que les femmes ne puissent pas succéder, mais il soutient que leur incapacité ne se transmet pas à leur fils. Lui, Édouard, est le neveu des derniers rois défunts : Philippe le Bel est son grand-père alors qu’il n’est que l’oncle de Philippe VI de Valois. Au reste, ses ambassadeurs font valoir que les décisions de 1317 et de 1328 ne reposent pas sur une loi, mais résultent d’un usage, d’une coutume. C’est donc une législation que les successeurs de Philippe VI entreprennent de formuler, mais de façon chaotique, au gré des situations catastrophiques nées du conflit armé avec les rois d’Angleterre et de la menace que constituent toujours les minorités et les régences pour le maintien de l’autorité royale. En août 1374, lors d’une assemblée de Grands et de notables réunie au château de Vincennes, Charles V, le petit-fils de Philippe VI, fait rédiger une loi qui fixe l’âge de la majorité des rois — l’entrée dans la quatorzième année : en mai 1375, il va lui-même présider à sa publication solennelle au Parlement en présence du Dauphin âgé de sept ans, des princes de la famille

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royale, des grands nobles et des prélats. Dans cette loi déclarée « irréfragable et perpétuelle » 7, est décrit pour la première fois de façon très précise le système de primogéniture en ligne masculine qui « concourt à l’utilité publique du royaume » : d’abord l’aîné des fils du roi, puis s’il n’a pas de descendant mâle, les autres fils dans l’ordre de leur naissance ; en l’absence de descendant mâle de ces fils, la couronne passe aux frères du roi, « nés du même père, naturels et légitimes » toujours dans l’ordre de leur naissance, puis à leurs descendants mâles. Pour plus de précaution, il est désormais établi que la dot des filles des rois ne comportera aucune terre, mais uniquement du numéraire. En décembre 1407, alors que commencent les affrontements sanglants entre ses oncles et ses cousins, Charles VI recourt lui aussi à une séance solennelle au Parlement pour établir le principe de l’instantanéité de la succession royale en opposition avec le droit féodal qui prévoyait une tutelle en cas de minorité. Bien entendu, c’est le fils premier-né, même mineur, qui « sitôt que son père est allé de vie à trépas… doit être tenu et réputé pour Roi »8, suivant l’ordre voulu par la nature, forme visible et continuée de la Création divine. Les définitions du texte alors promulgué s’accumulent pour tenter de garantir son application contre les aléas de la politique : c’est une « loi, édit, constitution et ordonnance perpétuelle, établie et non jamais révocable » rendant dès à présent caduque toute dérogation, qu’elle soit basée sur la coutume ou sur des décisions à venir. Pourtant, treize ans plus tard, en 1420, Charles VI — sous l’influence de son épouse, Isabeau de Bavière et de son cousin, Jean, duc de Bourgogne — déshérite Charles, le dernier fils qui lui reste, et remet son

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royaume en même temps que sa fille Catherine à Henri V d’Angleterre (Traité de Troyes). Le sacre ne suffit pas au Dauphin Charles pour se faire reconnaître comme le roi Charles VII, il lui faut aussi des arguments irréfutables pour rassembler les hommes et les finances nécessaires à la poursuite de la guerre contre les Anglais jusqu’en 1453. Les ordonnances de 1374 et de 1407 ont prouvé leur inefficacité. Les érudits s’attachent désormais à la lecture et à l’exploitation de ce qu’ils tiennent pour la loi originelle : la loi salique. Au prix de nombre de distorsions. Il s’agit d’un texte vénérable par son ancienneté. Aujourd’hui, on le date du règne de Clovis (480-511), roi des Francs Saliens qui ont un moment séjourné près de la rivière Ijssel dans les actuels Pays-Bas. Encore connu du temps de Charlemagne, ce texte réapparaît entre le milieu du XIIIe et du XIVe siècle, mais c’est à un historiographe de France, Richard Lescot, que revient l’honneur d’en trouver en 1358 une version manuscrite dans l’abbaye de Saint-Denis qui abrite aussi les tombeaux des rois et les insignes de la royauté utilisés tant aux sacres qu’aux funérailles. C’est aussi à lui sans doute que revient la responsabilité du premier détournement de sens. Le texte concernait la dévolution des biens fonciers familiaux des Francs Saliens — d’où son nom de loi salique. Il disait : « De la terre salique, toutefois, aucun héritage n’ira à une femme, mais c’est au sexe viril, c’est‑à-dire du côté de ses frères, que toute la terre doit aller. »9 Lescot lit et comprend « toute la terre salique » au sens de « royaume », transformant ainsi des biens privés en biens publics : ce qui l’intéresse, c’est qu’il est écrit que ces biens ne pouvaient se transmettre aux femmes — dans le cadre de la

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société franque, ils permettaient aux hommes de mener leur vie de guerrier ; les femmes héritaient des biens meubles. Ainsi Lescot peut-il réécrire et faire circuler le texte sous une nouvelle forme : « Aucune part, dans un royaume, ne revient à une femme. »10 Cette formule si commode n’a pas été utilisée dans le grand édit d’août 1374 : c’est la parole divine de l’Ancien Testament qui est appelée à justifier la primogéniture masculine, avec la citation in extenso de la bénédiction d’Isaac à Jacob : Que Dieu te donne la rosée du ciel et les terres fertiles, l’abondance des fruits, du vin et de l’huile ; que les peuples te servent, que les tribus t’adorent. Sois le maître de tes frères, et que les fils de ta mère s’inclinent devant toi.11

Dans leur recherche anxieuse de nouvelles preuves, les lettrés qui entourent Charles VII construisent la défense de ses droits sur le texte de la loi salique réinterprété ; ils le répandent auprès des grands nobles, des officiers du roi, des notables des villes. Ils lui inventent des utilisations rétrospectives impossibles lors des crises de 1317 et de 1328. Ils le justifient : les femmes ne sauraient recevoir l’huile miraculeuse du sacre ni porter l’oriflamme au combat. Ils l’ornementent : la rédaction de la loi salique reçoit une date qui ne doit rien au hasard, 420, soit exactement mille ans avant le catastrophique traité de Troyes. La loi salique reçoit surtout un auteur : le roi Pharamond. Le premier roi des Francs, imaginé vers 660 par Frédégaire pour son Liber Historiae Francorum, a gagné dans l’épaisseur du temps un droit à l’existence. Chef des Francs Sicambriens, il aurait dicté la

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loi en prenant conseil de quatre sages — les quatre personnages lisant présentés à Charles VIII — dans une localité appelée Saleheim, ce qui justifie l’épithète de « salique » qu’il a fallu, par souci relatif de cohérence, détacher des Francs Saliens. Parée, recomposée, commentée, la loi salique devient le noyau d’une histoire des origines, un mythe, qui unit l’origine du peuple, l’origine de la royauté et l’origine de la loi : d’un acte de pure volonté, le premier roi a créé le royaume et assuré sa perpétuation par le sang qui court d’un héritier mâle à l’autre suivant la chaîne des générations. Ainsi la maison de France12 peut-elle prétendre à une double supériorité : sur les autres familles nobles du royaume qui ne peuvent revendiquer un tel pouvoir créateur, sur les autres monarques d’Europe, soit qu’ils doivent en passer par une élection qui suppose toujours des tractations préalables, soit qu’en l’absence d’héritier mâle, leur couronne échoie à une femme et que se pose alors la redoutable question de son mariage. Il reste cependant une question sans réponse ou plutôt susceptible de multiples réponses : dans le tableau vivant de Reims, que représentent les quatre personnages qui posent la couronne sur la tête de Pharamond ? Simplement les pairs de France qui procèdent ainsi lors des sacres ? Ou bien le peuple des Francs Sicambriens qui s’est donné un roi comme l’affirment les mauvais vers placés au bord de l’estrade ? Au nom de qui le peuple parle-t‑il ? Qui peut parler au nom du peuple ? Le plus souvent occultée, la question de la source du pouvoir royal réapparaît à chaque mise en cause de l’ordre de succession pour devenir l’objet principal des débats et

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des conflits qui marquent les règnes de Louis XV et de Louis XVI.

LA MAISON DE FRANCE ET SES LIGNAGES

Malgré les ordonnances « irrévocables » de 1374 et de 1407, malgré la loi salique, le fils de Charles VII, le très méfiant Louis XI, sentant la mort venir, a pris une double précaution. En septembre 1482, entouré de ses proches conseillers, il va visiter son dernier fils vivant, Charles, âgé de douze ans et installé au château d’Amboise, puis il fait rédiger le compte-rendu du discours qu’il a adressé au Dauphin et des engagements pris par celui-ci. Le compte-rendu est envoyé à tous ses officiers sous la forme d’une ordonnance qui porte les signatures du Dauphin et des personnages les plus importants du royaume, et reçoit le titre de « Remontrances d’Amboise »13 : Nous lui avons remontré le grand désir que nous avons, qu’il pût, après nous, parvenir, à l’aide de Dieu, à la couronne de France, son vrai héritage et qu’il le pût si bien et grandement gouverner et entretenir, que ce fût à son honneur et louange, au profit et utilité des subjects du royaume et de la chose publique d’icelui.

Les formulations compliquées de la première « remontrance » ne devraient étonner que ceux qui donnent davantage d’importance au texte des lois qu’aux conditions concrètes de leur application. La deuxième « remontrance » permet de mieux comprendre les craintes du roi :

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Nous lui avons ordonné, commandé et enjoint, ainsi qu’un père peut le faire à son fils, qu’il se gouverne, entretienne en bon régime et entretien dudit royaume par le conseil, avis et gouvernement de nos parents et seigneurs de notre sang et lignage, et autres grands seigneurs et barons, chevaliers, capitaines et autres gens notables, sages et de bon conseil et conduite.

Si Louis XI ne fait pas confiance aux ordonnances irrévocables de ses prédécesseurs, c’est qu’il n’ignore rien des rivalités qui traversent la maison de France et qui prennent appui sur ses différents lignages14. Il a lui-même mené contre son père la « Praguerie », révolte princière de 1440, et dû lutter à son tour contre la « ligue du Bien Public » dans les années 14641465. Aussi soutient-il cette évidence, une sorte de vœu pieux ou de conjuration, que le bon gouvernement du royaume repose sur l’entente entre ceux que leur position généalogique impose au roi comme d’éventuels successeurs, « nos parents et seigneurs de notre sang et lignage », et ceux qu’il choisit pour leur dévouement et leur habileté, « autres gens notables, sages et de bon conseil et conduite » : les premiers prétendent avoir un droit de naissance à la direction des affaires et trouvent à s’allier avec d’autres grandes familles nobles, les seconds sont des serviteurs révocables à tout moment. À mesure, en effet, qu’ont été formulés les principes de succession, un groupe s’est dégagé parmi la haute noblesse : « seigneurs du sang de France », « princes et seigneurs du sang et lignage du roi », « princes des fleurs de lys », finalement désignés dans les années 1560 sous l’appellation qui leur est restée, les « princes du sang ». Ce sont les membres des

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lignages qui peuvent, à quelque degré que ce soit, se revendiquer de l’ancêtre commun, saint Louis. Bien sûr, au-delà de saint Louis, ils peuvent tous se dire descendants d’Hugues Capet, mais ce serait mettre l’accent sur des périodes difficiles de l’histoire de la monarchie française, celles où la désignation du roi dépendait du bon vouloir des barons et par là même, entretenir le souvenir des conditions conflictuelles de l’accession des Valois. C’est d’ailleurs ce que les Conventionnels ont voulu rappeler en attribuant le patronyme de Capet à Louis XVI, le roi destitué qu’ils entendaient juger. Louis IX a la grande supériorité d’avoir été fils d’une longue lignée de rois et surtout, d’avoir trouvé la mort à la Croisade, ce qui lui a valu très vite la sainteté.15 Au début du XIIIe siècle, du temps des successions sans drame, les rois avaient commencé à compenser l’accession de l’aîné à la Couronne en donnant aux puînés des terres détachées du domaine royal, les « apanages », pour leur permettre de vivre en véritables fils de France. Éventuellement, ces terres recevaient le titre de pairie, ce qui plaçait leur titulaire dans la strate supérieure de la noblesse. Chaque apanage est constitutif d’un lignage, il donne son nom à la « maison » qui unit tous les descendants à travers les générations et fait apparaître dans leur blason la fleur de lys royale. L’apanage se transmet évidemment par primogéniture masculine pour faire retour au domaine si le lignage s’éteint faute d’héritier mâle ou si, au contraire, il accède à la Couronne et devient le lignage régnant. En effet, à l’aîné de la maison qui a l’ancêtre commun le plus proche d’avec le roi revient le titre de premier prince du sang et l’éventualité maximale d’accéder à la Couronne. Autour de l’apanage initial, d’autres terres s’agrègent, souvent

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apportées par les épouses et qui peuvent être données à des cadets fondateurs de nouveaux lignages. Dans les années 1460, on dénombre vingt-trois princes du sang, membres de huit maisons distinctes du lignage royal. Les uns appartiennent à la branche des Valois et à ses maisons : dans l’ordre de leur création, la maison d’Alençon issue de Charles, frère de Philippe VI (†1346), la maison d’Anjou issue du premier des frères de Charles V, Louis (†1384), la maison d’Orléans, fondée par Louis, frère cadet de Charles VI (†1407), enfin la maison d’Angoulême, fondée par Jean, frère de Charles d’Orléans (†1467). La maison de Bourgogne occupe une place différente : elle repose sur des terres données à titre perpétuel par Jean II à son dernier fils, Philippe le Hardi (1361). Les autres princes du sang sont issus du dernier fils de saint Louis, Robert de Clermont (†1317) qui avait épousé l’héritière des Bourbons : le cadet de ses petits-fils, Jacques, comte de La Marche, a fondé un nouveau lignage auquel son propre fils, Jean, en épousant l’héritière des Vendôme, a donné le nom de Bourbon-Vendôme (†1477). À la quatrième génération, un rameau s’est détaché de la branche aînée des Bourbons de Clermont : Louis, cadet de Charles Ier de Bourbon (†1456), a fondé la maison des Bourbon-Montpensier. En 1573, à côté des deux frères du roi, il ne reste plus que sept princes du sang : tous appartiennent à la branche des Bourbon-Vendôme. La disparition de lignages aux fleurs de lys est parallèle à celle de nombreuses familles nobles, mais leur puissance et leur prestige les exposent davantage aussi bien à la tentation de la rébellion qu’à la jalousie de l’aîné de la branche aînée, le roi. C’est ainsi qu’en 1476, Louis XI impose sa seconde fille, Jeanne,

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en mariage à Louis d’Orléans, premier prince du sang : Jeanne est maladive et contrefaite. Le roi espère stériliser le premier lignage qui puisse prétendre à la Couronne après ses propres fils. Faute d’enfant, disparaissent en 1481 la maison d’Anjou et en 1524, la maison d’Alençon. Faute de frère et sous la pression des armées du roi de France qui ravagent ses terres, Marie de Bourgogne, l’unique héritière de Charles le Téméraire mort au combat en 1477, ne trouve d’autre solution que le mariage avec Maximilien de Habsbourg auquel elle apporte en dot l’héritage de sa maison ; elle ne peut cependant retenir la Bourgogne elle-même conquise et immédiatement rattachée au royaume. Pierre de Bourbon, comte de Clermont, issu en ligne directe du cinquième fils de saint Louis, et époux d’Anne de France, fille aînée de Louis XI, a obtenu de Louis XII qu’il renonce aux prétentions que la Couronne pouvait avoir sur le duché de Bourbon en faveur de leur unique enfant, une fille, Suzanne. Restait à trouver un époux à cette héritière : il avait d’abord pensé à Charles d’Alençon, mais c’est un mariage plus proche qu’Anne, devenue veuve, favorise. Suzanne est unie à Charles, l’héritier de la branche cadette des Bourbons, les Montpensier. Ainsi les deux maisons fusionnent-elles : Charles prend le titre de duc de Bourbon. D’abord proche de François I er qui lui donne la charge de connétable, il est poussé à la révolte par le roi et sa mère, Louise de Savoie, et passe au service de Charles Quint, ses biens sont confisqués. Lorsqu’il meurt en 1527 sans héritier, c’est toute la branche aînée des Bourbons qui disparaît avec lui. Subsistent alors les deux maisons de la branche cadette, la maison des Bourbon-Vendôme et la maison issue du deuxième fils de Jean de Vendôme,

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Louis de La Roche-sur-Yon (†1520) : son épouse, sœur du connétable, transmet à leur fils la terre de Montpensier détachée des biens du défunt ; leur maison reprend le nom des Bourbon-Montpensier. Le lignage issu de Philippe de Valois n’est évidemment pas épargné : sa branche aînée s’éteint en 1498 avec Charles VIII, et sa branche cadette, les Orléans, s’éteint à son tour avec Louis XII en 1515, laissant la place à François, l’héritier de la maison des ValoisAngoulême, créée par son grand-père Jean, frère de Charles d’Orléans (†1465). Entre ces deux dates, dixsept ans — à peine plus que ce qu’il avait fallu, deux siècles plus tôt, aux Valois pour accéder à la Couronne — mais cette fois, un passage sans résistance, sinon sans anxiété, de la Couronne d’un lignage à l’autre : la loi salique prouve alors son efficacité et acquiert son authenticité de la pratique. En Angleterre, ce sont les trente ans de la guerre des DeuxRoses (1455-1485) qui ont départagé les princes de la maison royale de Lancaster et assuré la victoire des Tudor sur les York. Pendant trois générations, les membres de la maison des Valois-Angoulême détiennent la couronne de France : François Ier, son fils Henri II, et ses trois petits-fils François II, Charles IX, Henri III. La prééminence des Valois ne se discute pas : la trahison du connétable rejaillit un moment sur ce qui reste des Bourbons ; l’aîné des Bourbon-Vendôme, Antoine, épouse Jeanne d’Albret et, devenant ainsi roi de Navarre, il poursuit le rêve d’une reconquête de la partie de son royaume enlevée par les Espagnols en 1513. Cependant, de nouvelles rivalités commencent à opposer les princes du sang et les maisons de ceux que l’on appelle les princes étrangers. À mesure que de grands lignages s’éteignaient ou

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menaçaient de le faire faute d’héritier mâle, Louis XII, puis François Ier ont trouvé bon d’attirer les cadets de familles régnantes proches du royaume : de Lorraine viennent Claude, le premier duc de Guise, de Clèves, François, le premier duc de Nevers, de Savoie, Jacques, le premier duc de Nemours. Les Guise surtout accumulent terres, titres et charges ; cette puissance favorise de grandes alliances. Claude de Guise épouse Antoinette de Bourbon-Vendôme, tante du roi de Navarre, leur fils François épouse Anne d’Este, petitefille de Louis XII par sa mère Renée de France ; leur fille est unie à Jacques V d’Écosse et leur petite-fille, Marie, née de cette union, est donnée en mariage au Dauphin François, qui devient roi quelques mois après les noces. La rivalité entre les Bourbons et les Guise commence à se dessiner au sacre d’Henri II en 1547 : Louis III de Bourbon-Montpensier réclame la préséance sur Claude de Guise et François de Nevers. Certes, Montpensier lui-même ne vient qu’en cinquième position dans l’ordre de succession, mais pour lui, il y a une unité et une pérennité du sang royal qui doivent l’emporter sur les titres accordés par la grâce éphémère d’un roi. À partir des années 1560, cette rivalité de maisons princières se double d’une opposition religieuse : le deuxième frère d’Antoine de Bourbon-Vendôme, Louis, fondateur de la maison des Condé, puis sa veuve, Jeanne d’Albret, incarnent les espoirs des protestants alors que les Guise soutiennent un catholicisme sans concession. La question religieuse divise d’ailleurs les princes du sang eux-mêmes : en dehors d’Antoine de BourbonVendôme, son frère, Charles, le cardinal de Bourbon, et ses cousins Montpensier restent catholiques ; à la génération suivante, appartiennent aussi à l’Église

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romaine les trois fils cadets de Louis de Condé, François de Conti, Charles de Soissons et Charles, cardinal de Vendôme. Après la mort prématurée d’Henri II, les successions rapprochées de ses deux premiers fils et la minorité du second affaiblissent d’autant plus le pouvoir royal que les factions religieuses s’en disputent le contrôle. Sa veuve, Catherine de Médicis, régente puis reine mère très influente, trouve dans l’exaltation du sang royal un des moyens de résistance aux pressions.16 En mai 1561, au sacre de Charles IX, elle fait donner la place de premier pair de France à son puîné, Édouard-Alexandre, le futur Henri III, âgé de dix ans. Aux États généraux de Saint-Germain-enLaye qui suivent le sacre, il est décidé que les princes du sang occuperont la première place après les membres de la famille régnante dans toutes les assemblées d’État. En 1576, Henri III leur donne cette préséance pour l’ensemble des occasions solennelles : le sang royal leur confère non seulement la qualité de pair dès leur naissance, mais il y ajoute une supériorité qui justifie leur prééminence sur tous les autres pairs. Dans ces années de guerre, le pouvoir royal tient les princes du sang tantôt pour des alliés nécessaires, tantôt pour des ennemis, ou encore pour les deux. Ainsi l’espoir d’attirer et de retenir à la cour l’unique héritier vivant d’Antoine de Bourbon-Vendôme, Henri, premier prince du sang, explique que lui soit donnée en mariage Marguerite, la sœur du roi Charles IX. Retenu à la cour et converti au catholicisme après la Saint-Barthélemy, il parvient à s’enfuir quatre ans plus tard. En juin 1584, la mort du frère cadet du roi, François d’Alençon, devenu duc d’Anjou, révèle l’épuise-

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ment du lignage des Valois : les neuf années d’union d’Henri III et de Louise de Lorraine-Vaudémont n’ont pas donné d’héritier. Premier successible, Henri de Bourbon-Vendôme est revenu au protestantisme. Au début de l’année suivante, pour soutenir le rassemblement de tous les catholiques du royaume en une Sainte Ligue, Henri de Guise réunit dans son château de Joinville les envoyés de Philippe II, roi d’Espagne, et les membres de sa propre famille.17 Le texte qu’ils signent — traité de Joinville — oppose au principe de dévolution de la Couronne par primogéniture masculine la primauté du salut spirituel des sujets, lequel ne peut se faire que sous le règne d’un roi catholique. Deuxième prince du sang, le cardinal de Bourbon est alors désigné comme le seul successeur possible, mais il est déjà âgé de soixante et un ans. Même relevé de ses vœux, il lui serait difficile d’avoir rapidement un héritier en légitime mariage ; ce serait donc une sorte de roi intérimaire. Depuis leur installation en France, les Guise ont favorisé la publication d’ouvrages érudits qui vantent l’ancienneté de leur maison : par les ducs de Lorraine, elle remonte directement à Charlemagne, ce qui donne à leur sang une supériorité sur celui des Capétiens. La question restée ouverte de savoir qui, après le cardinal de Bourbon, pourrait être opposé à Henri de Bourbon-Vendôme est tranchée une première fois par Henri III : contraint par la Ligue de proclamer le principe de catholicité des rois de France et de désigner le cardinal de Bourbon « comme le plus proche parent de notre sang » 18, le roi ordonne en décembre 1588 l’assassinat du duc et du cardinal de Guise et l’enfermement du cardinal de Bourbon. Lorsque Henri III meurt assassiné à son tour l’été suivant, rares sont les maisons qui peuvent

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s’enorgueillir de porter le sang de saint Louis. La stricte application du principe de primogéniture masculine, tel que l’ordonnance de 1374 l’avait l’énoncé, impose l’accession au trône de l’héritier du premier lignage issu de Jacques, le deuxième petit-fils de Robert de Clermont, fils de Louis IX : Henri de BourbonVendôme, roi de Navarre, devient Henri IV. Telle est du moins la présentation analytique que l’on peut faire de la question ouverte par la mort sans héritier direct du dernier Valois. Car le conflit religieux a entraîné une violente remise en cause du principe de primogéniture en ligne masculine : les publications les plus diverses renvoient la loi salique à ses barbares auteurs païens et à ses obscures forêts originelles d’Outre-Rhin. Proclamé roi par la Ligue au lendemain de l’assassinat d’Henri III, le cardinal de Bourbon, désigné comme Charles X, s’éteint dans sa résidence surveillée de Fontenay-le-Comte en mai 1590. Après trois ans d’une guerre incertaine, le duc de Mayenne, qui a pris le titre de Lieutenant Général de l’État et couronne de France, convoque des États généraux à Paris pour procéder à l’élection d’un roi catholique : les délégués, tous ligueurs, arrivent fin janvier 1593. Début mai, l’envoyé de Philippe II dévoile les intentions de son maître : imposer Isabelle-Claire-Eugénie, la fille née de son union avec la sœur des derniers Valois, Élisabeth. C’est une triple violation de la loi salique — une femme, un héritage par la mère, une élection. En outre, il faudrait donner à cette Infante un époux : Mayenne pense à son second fils, Philippe II préférerait un archiduc Habsbourg, mais finit par désigner un prince français, le fils du duc assassiné, Charles de Guise. Cependant le 28 juin, ce qui reste de membres du

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Parlement à Paris exprime dans un arrêt les remontrances très précises que Jean Lemaître, l’un des présidents, devra présenter au duc de Mayenne : Qu’aucun traité ne se fasse pour transférer la couronne en la main d’un prince ou d’une princesse étrangers ; que les lois fondamentales du royaume soient gardées, et les arrêts donnés par la dite cour pour la déclaration d’un roi catholique et français exécutés ; qu’il [le duc de Mayenne] ait à employer l’autorité qui lui est confiée, pour empêcher que sous prétexte de religion, la couronne ne se transfère en des mains étrangères, contre les lois du royaume […]. Et néanmoins dès à présent, a, ladite cour, déclaré et déclare tous traités faits ou à faire ci-après, pour l’établissement de prince ou princesse étrangers, nul et de nul effet et valeur, comme faits au préjudice de la loi Salique et autres lois fondamentales du royaume.19

À ce moment, les risques ne sont plus si grands. Il y a six semaines qu’Henri IV a convoqué son cousin Conti, le plus âgé des princes du sang, pour lui annoncer sa décision de renoncer au protestantisme. Il prépare avec éclat l’abjuration qu’il accomplit à SaintDenis les 23 et 24 juillet. Aussi « l’arrêt Lemaître » vaut-il plus pour les principes généraux qu’il rassemble que pour ses effets immédiats.

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À partir d’Henri IV, et pour deux siècles, la couronne reste dans le même lignage, celui des BourbonVendôme que l’on n’appelle plus que Bourbon. D’un

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règne à l’autre, il subsiste toujours un héritier direct, un fils à la mort d’Henri IV, un fils encore à celle de Louis XIII, un arrière-petit-fils à celle de Louis XIV et un petit-fils lorsque Louis XV disparaît. Les âpres conflits qui ont entouré l’accession d’Henri IV à la Couronne ont redonné de l’importance à l’ancêtre commun des Valois et des Bourbons : saint Louis. Henri IV prend soin de donner son nom à son premier-né légitime et l’usage s’en perpétue. Il fait figurer le saint roi en tête de la série des portraits des prédécesseurs qui mène à la chambre royale dans le palais du Louvre ; il fonde en son honneur un hôpital à Paris, une église à Rome. En 1618, à la demande du jeune Louis XIII qui vient de saisir les rênes du pouvoir et reprend ici un projet de son père, le pape institue saint Louis « patron et protecteur de la France » et il faut inventer des réjouissances particulières pour marquer sa fête le 25 août. En 1696, Louis XIV crée un nouvel ordre distinctif qui porte le nom du grand ancêtre. Pendant un moment, la raréfaction des princes du sang permet à la famille régnante de se comporter comme si elle était seule à porter le sang de saint Louis. Remarquable en effet est la fragilité de tous les lignages aux fleurs de lys en dehors du lignage royal. Les Montpensier s’éteignent en 1608, François de Conti meurt sans héritier en 1614, les Soissons ne vont pas au-delà du fils de Charles qui disparaît en 1641. Les Condé, eux, survivent, ainsi que leur branche cadette créée pour Armand, le fils cadet de Henri II de Bourbon-Condé, qui reprend le nom des Conti. Ils tentent d’abord de retrouver l’ancienne tradition d’opposition des princes du sang au gouvernement royal : Henri pendant la minorité de Louis XIII, ses fils pendant celle de Louis XIV. Battu et passé au

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service du roi d’Espagne, l’aîné des fils, celui que l’on appelle « le Grand Condé », exprime tout son désenchantement lorsqu’il s’apprête à aller saluer l’arrivée à Anvers de la reine Christine de Suède qui commence son tour d’Europe après avoir abdiqué : « Où est cette femme qui abandonne si légèrement ce pour quoi nous avons combattu et travaillé toute notre vie et que pourtant nous ne pouvons atteindre ? »20 Le retour du Grand Condé dans le royaume fait l’objet de négociations au traité des Pyrénées (1659) ; dès lors, lui et ses successeurs s’occupent à accroître richesse et influence sans plus songer au pouvoir. Le lignage royal n’échappe pas à cet élagage. Les frères des rois restent certes des fondateurs de maison en puissance : de la même manière que le premier-né reçoit le Dauphiné qui lui donne son titre, les puînés reçoivent dès leur naissance les grands fiefs titrés qui permettent de les désigner avant tout baptême comme duc d’Orléans, d’Anjou ou de Berry. Mais le seul frère survivant de Louis XIII, Gaston, n’a personne à qui transmettre l’apanage d’Orléans. Charles, duc de Berry, troisième fils du Grand Dauphin, fils de Louis XIV, disparaît de même en 1714. Le deuxième fils du Grand Dauphin, Philippe, duc d’Anjou, appelé à être roi d’Espagne, doit solennellement renoncer à ses droits sur la succession de France après douze années de guerres menées par les autres monarchies européennes qui ne veulent évidemment pas d’une union des deux royaumes. Seul le frère de Louis XIV, Philippe, a fondé une maison qui a duré, sans que le lignage royal en ait d’abord ressenti une menace. Cependant Louis XIV, s’il ne peut éviter de confier la régence qui doit inaugurer le règne du très jeune Louis XV à son neveu d’Orléans, premier successible, précise dans son testament d’août 1714 la

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composition du Conseil qui doit l’entourer. Il y fait figurer ses fils légitimés, le duc du Maine et le comte de Toulouse, qu’il vient de déclarer aptes à succéder à la Couronne en cas de disparition complète des princes du sang. Son aïeul n’avait pas été jusque-là. Alors qu’il était séparé de son épouse, Marguerite de Valois, depuis plus de dix ans, Henri IV, converti, sacré et entré dans Paris, avait eu le bonheur de voir naître un premier fils de sa liaison avec Gabrielle d’Estrées. Dans les lettres de légitimation qu’il fait enregistrer au Parlement sept mois plus tard, en janvier 1595, il marque sa volonté de respecter les limites imposées par la loi de succession à laquelle il doit sa couronne : Nous avons voulu, en attendant qu’il [Dieu] veuille nous donner des enfants qui puissent légitimement accéder à cette couronne, rechercher d’en avoir ailleurs en quelque lieu digne et honorable, qui soient obligés d’y servir, comme il s’est vu d’autres de cette qualité qui ont très bien mérité de cet État et y ont fait de grands et notables services.21

La qualité de bâtard royal légitimé du jeune César entraînerait donc obligatoirement son dévouement : l’exemple auquel le texte renvoie est celui de Charles, alors comte d’Auvergne et Grand Prieur de France. Fils de Charles IX et de Marie Touchet, élevé avec affection par son oncle Henri III, il avait mis ses qualités guerrières au service d’Henri IV, lui rendant en effet de « grands et notables services ». Ailleurs et plus haut dans le temps, l’un des meilleurs instruments de la politique des Habsbourg avait été don Juan d’Autriche, fils adultérin de Charles Quint. Il est pourtant un moment où César, ainsi que sa

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sœur Catherine-Henriette et son frère Alexandre, ont été près de devenir les enfants d’une union dûment consacrée malgré l’opposition des princes du sang. Entre la reprise des négociations de divorce avec Marguerite de Valois en 1595 et la position quasiroyale de Gabrielle d’Estrées, il est difficile de savoir à qui s’adresse la grâce que reçoit César en avril 1598 avec le duché-pairie de Vendôme, ce bien qu’Henri IV tenait de son père et qui était donc entré dans le domaine lorsqu’il était devenu roi. Dans les dix-huit mois qui suivent la mort de Gabrielle, l’annulation de la première union, le mariage avec Marie de Médicis, la naissance du Dauphin jalonnent un retour rapide aux principes. Les enfants de Gabrielle continuent cependant de bénéficier d’une position particulière, différente de celle des enfants nés des liaisons suivantes avec Henriette d’Entragues, Jacqueline de Bueil ou Charlotte des Essarts ; ces derniers viennent trop tard face à l’abondance des enfants légitimes, trop tard aussi puisque l’assassinat de leur père les prive très vite de sa protection. Si Alexandre devient Grand prieur de Malte, position classique d’un bâtard légitimé qui lui interdit en principe toute descendance légitime, César a pour mission de faire revivre la maison de Vendôme « une des premières et plus anciennes pairies de notredit royaume, de l’ancien patrimoine et domaine de la branche et maison royale dont nous sommes issus »22, dit la déclaration royale qui le confirme dans ses droits le 15 avril 1610. Sa sœur et lui sont utilisés comme des enfants royaux dans la reconstruction des liens avec les anciens ennemis de la maison des Guise : en 1598, la négociation de retour en grâce du duc de Mercœur prévoit le mariage de César avec Françoise de Lorraine-Mercœur, chose faite

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en 1609 ; Catherine-Henriette est promise à Charles de Lorraine, duc d’Elbeuf, qu’elle épouse en effet en 1619. Henri IV apprécie d’autant plus ces alliances qu’elles complètent l’union avec le duc de Bar, issu de la branche aînée des ducs de Lorraine, qu’il a imposée à sa propre sœur. Au baptême du Dauphin et de ses sœurs en 1606, comme au sacre de la reine le 13 mai 1610, César de Vendôme figure juste après les princes du sang, mais en tête des pairs de France : c’est dire à la fois la force de ses liens avec la famille royale et la limite qui lui interdit d’accéder à la Couronne. À la mort d’Henri IV, il perd cette préséance, mais Louis XIV la lui rend ainsi qu’à ses héritiers en 1662. C’est que le petit-fils du roi Henri n’a plus aucune raison de douter de la supériorité de nature du sang royal ni de la capacité d’un roi de France à disposer de ses grâces comme il l’entend. Son union avec MarieThérèse a donné un premier fils en quinze mois, et les cinq naissances suivantes ne sont pas toutes immédiatement suivies de deuils : aussi est-ce par un mouvement de pure volonté qu’il légitime les deux enfants vivants de sa liaison avec Mlle de La Vallière, puis les six que Mme de Montespan lui donne. Le temps venu, il unit certains de ces enfants légitimés avec des enfants légitimes des princes du sang : du côté de Mlle de La Vallière, une fille épouse un fils du prince de Conti ; du côté de Mme de Montespan, une fille se marie avec le petit-fils du Grand Condé, une autre avec le fils de Philippe d’Orléans, frère du roi, enfin un fils, le duc de Maine, épouse une petite-fille du Grand Condé. Une manière radicale sans doute d’affirmer l’unité de la famille royale. De façon cohérente, le duc du Maine et son frère, le comte de

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Toulouse, obtiennent en 1694 la position accordée précédemment aux Vendôme : après les princes du sang, avant les pairs de France. Il est impossible de dire si, sans la série des morts qui ne lui laisse qu’un arrière-petit-fils de quatre ans, Louis XIV aurait résolu d’aller au-delà : toujours est-il que c’est au lendemain de la disparition de son dernier petit-fils, le duc de Berry, qu’il déclare les légitimés et leur descendance habilités à accéder à la Couronne « à défaut de tous les princes de sang royal »23 — édit de juillet 1714. La ligne est alors franchie : successibles, le duc du Maine et le comte de Toulouse occupent la même position que les princes du sang et reçoivent les mêmes honneurs. Dans les deux années qui suivent la mort de Louis XIV, les princes du sang s’efforcent de faire annuler l’édit et les ducs et pairs de faire supprimer la préséance que les légitimés ont obtenue sur eux ; les légitimés se défendent. La polémique fait ressurgir la question de savoir qui désignerait un roi en cas d’extinction complète de la maison de France : des États généraux, certes, il y a des précédents plus ou moins heureux, mais au nom de qui ? L’édit de juillet 1717, rédigé par le régent sous la signature de Louis XV, annule les droits des légitimés à la succession tout en leur laissant la préséance sur les ducs et pairs ; il s’appuie sur les lois fondamentales invoquées par l’arrêt Lemaître de 1593 mais en les liant à des notions différentes, la nation, l’État : Mais si la nation française éprouvait jamais ce malheur [l’extinction de la maison de France], ce serait à la nation même qu’il appartiendrait de réparer par la sagesse de son choix, et puisque les lois fondamentales de notre royaume nous mettent dans l’heureuse

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Roi de France impuissance d’aliéner le domaine de notre couronne, nous faisons gloire de reconnaître qu’il nous est encore moins libre de disposer de notre couronne même, nous savons qu’elle n’est à nous que pour le bien et le salut de l’État, et par conséquent l’État seul aurait droit d’en disposer dans un triste événement que nos peuples ne prévoient qu’avec peine, et dont nous sentons que la seule idée nous afflige.24

Faut-il entendre que nation et État se recouvrent ? Et que le roi de France n’agit qu’en leur nom ? Questions graves qui courent pendant tout le siècle. Pour le moment, elles s’effacent devant l’évidence d’une succession assurée : en février 1717, les médecins, chirurgiens et apothicaires attachés à son service ont solennellement et minutieusement examiné le jeune roi âgé de sept ans ; devant toute la cour, ils l’ont déclaré en parfaite santé. D’ailleurs, au cas où il viendrait à disparaître, le régent lui succéderait, et il a lui-même un fils de quatorze ans. Louis XV s’est enorgueilli de laisser des descendants mâles directs comme il le disait à son cousin le duc de Chartres, petit-fils du régent : « J’ai un dauphin, le comte d’Artois a deux princes et l’on assure que Madame est grosse. Vous êtes maître de faire des vôtres ce qu’il vous plaira. »25 Après des années de difficultés, Louis XVI a vu naître deux fils. La crise de l’Ancien régime n’est pas une crise dynastique. Après avoir été pour certains tentés de soutenir les parlements contre le roi dans le conflit qui se développe à partir des années 1730, les princes du sang reprennent leur place aux côtés de Louis XVI et de ses frères dans les grandes assemblées tenues à partir de 1787. À l’exception de Louis-Philippe d’Orléans,

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qui favorise le développement de l’insurrection parisienne de l’été 1789.

UN HÉRITAGE ? ROYAUME, COURONNE, DOMAINE, ÉTAT

Savoir quel héritage revient à chaque roi : il faut reprendre le discours adressé par Louis XI au Dauphin, non pour trouver une réponse, mais pour percevoir toute la complexité de la question. Dans le préambule des « Remontrances d’Amboise », le roi se présente ainsi : … Dieu notre créateur nous a fait de si grandes grâces qu’il lui a plu nous faire chef, gouverneur et prince de la plus notable région et nation dessus la terre, qui est le royaume de France, dont plusieurs des Princes et Rois nos prédécesseurs ont été si trèsgrands, vertueux et vaillants qu’ils ont acquis le nom de Roi très-chrétien […] lequel notre royaume et autres nos pays et seigneuries nous avons, grâce à Dieu et par l’intercession de la très-benoîte Vierge Marie sa mère, si bien entretenu, défendu et gouverné, que nous l’avons augmenté et accru de toute part…26

Ce qui prime dans la conscience de ce roi si proche de la mort, ce qu’il veut transmettre à son héritier et affirmer devant ses fidèles comme devant ses ennemis, c’est l’orgueil d’avoir sous sa domination le royaume le plus prestigieux de « toute la terre », entendons toute la Chrétienté.27 Justifié ou non, ce sentiment s’appuie sur le titre de Très Chrétien que les rois de France ont revendiqué depuis le XIIIe siècle,

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fait accepter par les papes et qu’ils sont seuls à porter : titre exceptionnel donc, destiné à nier la supériorité de l’empereur et à réduire les prétentions des autres rois. Ce « chef, gouverneur et prince » — le langage politique a par la suite unifié ces notions dans l’unique mot de « souverain » — vit en effet son pouvoir dans une rivalité permanente : il n’est évidemment pas le seul, tous les rois se disputent les droits sur les terres, qu’ils soient d’héritage ou de conquête, comme les cent ans du conflit francoanglais viennent de le montrer. À ce moment du jeu perpétuel, Louis XI peut estimer avoir gagné : la trêve signée avec les Anglais en 1475 ne leur laisse que la ville de Calais isolée par rapport au reste du royaume, la Bourgogne a été conquise, l’apanage d’Anjou est revenu à la Couronne, augmenté du royaume de Provence et d’espoirs en Italie. […] Nous lui avons remontré le grand désir que nous avons, qu’il pût, après nous, parvenir, à l’aide de Dieu, à la couronne de France, son vrai héritage et qu’il le pût si bien et grandement gouverner et entretenir, que ce fût à son honneur et louange, au profit et utilité des subjects du royaume et de la chose publique d’icelui.28

« [L]a couronne de France, son vrai héritage » : ce qui semble une simple affirmation comporte des interprétations multiples ; elles portent à la fois sur chacun des deux termes et sur leur association. « Héritage » peut ici s’entendre de deux manières : l’une, factuelle, désigne la succession par primogéniture masculine que des générations de rois et de juristes ont travaillé à construire et à rendre possible. L’autre sens d’héritage, plus englobant et plus cou-

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rant, tend à s’associer à la propriété : celle que le père transmet à ses enfants, celle qui donne au seigneur les droits qu’il exerce sur ses terres et sur ses dépendants, celle que tous ont pour mission de faire prospérer et d’agrandir. De son côté, la « couronne de France » comporte elle aussi une superposition de significations. C’est d’abord l’objet posé sur la tête du roi après qu’il a été oint de l’huile miraculeuse : il rend visible la protection que Dieu accorde à ses élus, il dit leur suprême puissance. Cet objet, sinon toujours le même, du moins toujours semblable et pieusement conservé à l’abbaye de Saint-Denis, passe d’une tête à l’autre à mesure des successions : il dit la permanence au-delà de la fragilité des êtres humains mortels, permanence de la dynastie, permanence du royaume dont elle a la charge. Au XIIe siècle, ces significations symboliques s’assemblent pour former la notion abstraite de Couronne. Cette notion se trouve au centre de la crise du début du XVe siècle : contre les décisions de Charles VI, les défenseurs du Dauphin, Jean de Terrevermeille en particulier, affirment que la Couronne n’est pas un bien privé dont un possesseur pourrait disposer à son gré, qu’il n’est pas de la capacité d’un roi d’en spolier son fils légitime, que la Couronne est donc indisponible. Lorsqu’en 1593, l’« arrêt Lemaître » reprend le même argument contre Mayenne et ses tractations avec le roi d’Espagne, le principe d’indisponibilité de la Couronne a gagné en prestige et en solidité : il est devenu l’une des « lois fondamentales du royaume ». Une manière théorique et grandiose de recouvrir ce que le récit de la loi salique qui en est l’armature pouvait avoir de trop poétique. L’édit de juillet 1717 reconnaît bien la force des lois fondamentales du royaume : elles peuvent mettre le roi « dans l’heureuse

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impuissance » d’agir de son propre mouvement. Il en expose le contenu alors indissociable : indisponibilité de la Couronne et inaliénabilité du domaine.29 La question des relations entre le roi et la Couronne ne se pose pas seulement dans les moments de succession difficile. Elle se pose de manière concrète et permanente à propos du domaine.30 Ici encore, il s’agit d’une notion à contenus multiples dont l’ambivalence originelle tient d’abord à la royauté ellemême et aux droits élémentaires qu’elle a imposés aux autres seigneurs : le pouvoir de faire la loi, de rendre la justice en dernier ressort, de battre monnaie, de décider de la guerre et de la paix, plus une accumulation de droits concernant la circulation des biens et la condition des personnes ; tous ces éléments forment le « domaine incorporel ». Plus profondément, cette ambivalence tient à la base féodale à partir de laquelle le pouvoir royal a développé son emprise : c’est le « domaine corporel », terres, fiefs et droits dont le roi est le seigneur direct. À partir des premières possessions capétiennes situées en Île-deFrance, il s’est agrandi par mariages, par héritages, par conquêtes, comme dans les autres grandes familles nobles. L’ambivalence se retrouve dans l’écart entre le mode patrimonial de transmission de cet ensemble et l’utilisation des revenus qu’il procure et qui dépassent les besoins ordinaires de la famille royale. Cette ambivalence est exploitée dans les deux sens : pour leur part, les rois ont tendance à considérer le domaine comme leur bien propre, dépensant ses revenus comme ils l’entendent, les donnant à leurs fidèles ou les aliénant au profit de leurs créanciers ; au contraire, les sujets, qu’ils soient juges permanents au Parlement ou membres éphémères des États généraux réunis en temps de difficultés, sou-

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tiennent que les revenus du domaine doivent assurer les dépenses d’intérêt général — essentiellement la justice et la défense militaire —, sans recourir à des prélèvements supplémentaires. Ici encore le conflit avec les rois d’Angleterre est créateur : à partir des années 1350-1360, l’ambivalence est masquée par un déplacement, le domaine est réputé appartenir non pas au roi, mais à la Couronne. Cela permet aux États de prétendre limiter la prodigalité royale, cela permet surtout aux rois d’annuler les aliénations qu’ils ont dû consentir, de revenir sur la promesse de cession de territoires faites sous la contrainte des défaites et de donner aux acquisitions un statut protecteur. Cette première esquisse du principe d’inaliénabilité du domaine bénéficie sans aucun doute aux rois. L’ambivalence s’entretient cependant de par l’abondance des acquisitions à partir de la fin du XVe siècle. Qu’ils viennent par mariage, par conquête et surtout par l’accession rapprochée à la Couronne des différents lignages de la maison de France, les terres et les droits n’entrent pas forcément ni directement dans le domaine de la Couronne à côté duquel subsiste un domaine du roi. À l’exemple de l’ancien Empire romain où les empereurs possédaient des biens privés distincts du fiscus — ensemble des ressources destinées aux dépenses publiques —, le Saint Empire et le royaume d’Angleterre connaissent la même distinction. En France, le domaine du roi est essentiellement alimenté par les apports des épouses, terres féodales qui peuvent échapper à la loi salique. Ainsi, Louis XII considère comme ses biens propres les comtés de Blois et de Soissons, ainsi que d’autres terres, venus de son héritage maternel. Il a d’ailleurs accepté, en épousant Anne de Bretagne, de faire de son duché

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l’héritage d’un deuxième fils à venir. Lorsqu’il révoque en 1508 toutes les aliénations pesant sur les biens domaniaux, c’est pour mieux en négocier de nouvelles quatre ans plus tard. Inversement, son successeur et gendre, François Ier, choisit de renforcer le domaine de la Couronne. Il est vrai que pour ce roi guerrier et somptueux, n’importe quel revenu, qu’il soit du domaine ou des impositions, est bon à dépenser. À la mort de Suzanne de Bourbon, il reprend le Bourbonnais à son époux le connétable ; de son côté, la reine mère, Louise de Savoie, fait valoir ses droits de parente la plus proche pour s’emparer des biens maternels de la défunte, étant bien entendu que le roi son fils en héritera. À la mort de Claude de France, son épouse, François Ier prépare la réunion de la Bretagne ; et lors de son retour de captivité à Madrid, il trouve l’appui du Parlement pour rompre son engagement de céder la Bourgogne à Charles Quint. Dans un contexte troublé par les conflits religieux et la jeunesse du roi Charles IX, l’édit de Moulins établit en février 1566 l’inaliénabilité du domaine comme une suite de l’indisponibilité de la Couronne ; dans la même année, des mesures successives le complètent. Ces mesures répondent aux demandes des États généraux de 1561, et aussi aux critiques nées de l’union de l’héritière du duché de Nevers avec un nouveau prince étranger, Louis de Gonzague, cadet du duc de Mantoue. Sont désormais interdites les nouvelles inféodations de terres appartenant au domaine ; ne sont autorisés que les apanages, toujours réversibles en cas d’extinction des mâles et les aliénations temporaires, toujours remboursables ; les princes apanagés sont tenus d’unir à leur apanage leurs acquisitions d’où qu’elles viennent ; les terres nouvellement érigées en pairies et en grands fiefs de

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dignité — marquisats, comtés, duchés —, devront faire retour au domaine en cas d’absence d’héritier mâle en ligne directe. Si le roi acquiert de nouveaux biens, il peut les unir immédiatement au domaine par lettres patentes ; il dispose de dix ans pour les donner ou les vendre, mais si pendant cette durée ces biens sont gérés par les officiers ordinaires du domaine, ils sont considérés comme des biens domaniaux. Enfin, le roi se revendique comme seigneur des terres échappées à toute domination seigneuriale, position de principe que Louis XIV a réutilisée dans un but fiscal en 1692. En 1590 commence le dernier conflit entre domaine du roi et domaine de la Couronne. Henri IV admet volontiers, comme une conséquence inévitable de la succession en ligne masculine dont il bénéficie, le retour au domaine de la Couronne de l’apanage paternel, le duché du Vendôme, ainsi que celui du duché d’Alençon, apanage qui lui a été concédé par Henri III en 1584, cependant dans les lettres patentes du 13 avril 1590, il refuse la réunion des biens hérités de sa mère. Il s’agit d’un énorme ensemble, résultat d’une politique systématique de rassemblement des terres menée par les Albret depuis la fin du XVe siècle : en plus du royaume de Navarre, la principauté de Béarn, le duché d’Albret, les comtés de Périgord, de Foix, de Bigorre, d’Armagnac, de Fezensac, de Rodez, les vicomtés de Lomagne et de Fezensaguet. Il entend conserver la libre disposition de ces biens pour sa sœur, Catherine, qui n’est pas encore mariée, plus sûrement source de financement de la conquête de son royaume ; peut-être aussi tient-il à garder des biens au cas où il échouerait. Ainsi prétend-il échapper à la législation de 1566. Malgré l’opposition de nombre de parlementaires

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de Paris, Bordeaux et Toulouse, le roi maintient la séparation jusqu’en 1607, moment où, le royaume étant tranquille et sa sœur morte sans héritier, il laisse opérer la réunion, à l’exception du royaume de Navarre. En 1610, Marguerite de Valois remet au jeune Louis XIII les comtés d’Auvergne et de Clermont dont elle bénéficiait et qui avaient fait partie de la dot de sa mère, Catherine de Médicis. En 1620, le royaume de Navarre est réuni lors d’une expédition militaire. En dehors des apanages toujours menacés de disparition, le duché de Nevers est alors le seul grand fief à échapper à la domination directe du roi, jusqu’à ce qu’en 1629, l’ouverture de la succession du duché de Mantoue entraîne le dernier duc de Nevers hors du royaume. Du domaine de la Couronne, ainsi étendu à l’ensemble du royaume, certains juristes soutiennent que le roi n’est que l’usufruitier : certes, le principe d’inaliénabilité interdit toute cession définitive, mais outre que le domaine peut fournir des terres aux cadets et contribuer ainsi à maintenir la cohésion de la famille régnante, c’est une réserve de biens qui permet de gager rapidement des emprunts, donc de trouver des sources de financement bien plus souples que les prélèvements fiscaux, objets de résistance passive ou active. Le royaume, en effet, est plus qu’un ensemble de territoires aux limites duquel commencent d’autres royaumes, limites sans cesse remises en cause au gré des conflits. Le royaume est aussi un ensemble d’êtres humains dont le roi reçoit la charge. Pour Louis XI, l’héritage établit entre eux une relation de réciprocité : le roi tire « honneur et louange » à remplir sa fonction de protecteur de ses sujets. S’ils

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lui doivent, comme leur nom de « sujets » l’indique, entière soumission, c’est à lui de pourvoir à leur « profit et utilité ». Deux siècles plus tard, Louis XIV, dans des notes qui n’étaient pas destinées à la publication, ne dit pas autre chose, mais il le dit en des termes nouveaux : L’intérêt de l’État doit marcher le premier. On doit forcer son inclination et ne pas se mettre en état de se reprocher, dans quelque chose d’important, qu’on pouvait faire mieux, mais que quelques intérêts particuliers en ont empêché et ont détourné les vues que l’on devait avoir pour la grandeur, le bien et la puissance de l’État. […] Quand on a l’État en vue, on travaille pour soi. Le bien de l’un fait la gloire de l’autre.31

Cet État, apparemment extérieur à la personne royale au point qu’il l’oblige à régler ses actions, était déjà présent dans le discours de Louis XI, mais sous sa forme embryonnaire : c’est la « chose publique », au « profit et utilité » de laquelle le futur roi devrait œuvrer. Cette « chose publique », version française de l’expression latine, res publica, a pris le relais de la notion théologique de « bien commun ». Sans doute parce que le terme de « république » était attaché à des systèmes concrets, qu’il s’agisse de Venise ou de Gênes, le langage politique, en France comme ailleurs en Europe, lui a finalement préféré le terme d’« État », progressivement tiré de son sens descriptif à partir du XVe siècle. Cependant, bien davantage que Louis XI, Louis XIV exprime de façon positive et possessive la jouissance que le roi tire à mobiliser toutes ses capacités pour le bien de l’État. Plus rien en effet ne vient le troubler dans sa position d’héritier.32 En janvier 1599, Henri IV avait convoqué les

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membres du Parlement au Louvre pour les obliger à enregistrer l’édit de Nantes : Si l’obéissance était due à mes prédécesseurs, il m’est dû autant ou plus de dévotion, d’autant que j’ai rétabli l’État, Dieu m’ayant choisi pour me mettre au Royaume qui est mien par héritage et par acquisition […] Je sais bien qu’on a fait des brigues au Parlement, qu’on a suscité des prédicateurs séditieux ; mais je vous donnerai bien ordre contre ces gens-là et ne m’en attendrai pas à vous. C’est le chemin qu’on prit pour faire les Barricades et venir par degré à l’assassinat du feu Roi. Je me garderai bien de tout cela : je couperai la racines à toutes factions, à toutes prédications séditieuses et je ferai accourcir ceux qui les susciteront. J’ai sauté les murailles des villes : je sauterai bien sur les barricades qui ne sont pas si hautes.33

C’est ici que l’on peut mesurer combien les guerres civiles ont mis le principe successoral à rude épreuve. Ce roi qui se vante d’avoir rétabli l’État, c’est‑à-dire l’ordre nécessaire au bien commun, est un conquérant. Héritier suivant une loi immémoriale reconnue comme fondamentale, il a pourtant dû se battre pour acquérir son héritage, « sautant les murailles des villes », l’épée à la main. Or, le droit du conquérant ne se discute pas, tout doit céder à la force victorieuse, parce qu’elle est la force et parce la victoire est un signe de la protection de Dieu. Et ce Dieu qui avait pourvu à sa naissance et à sa survie, c’est‑à-dire à la réalisation concrète de la loi de dévolution de la Couronne, donne au roi la connaissance de ce qui est bien pour sa gloire et bon pour ses sujets. Subsiste ainsi une ambivalence permanente : roi maître, propriétaire, seigneur de l’État ou serviteur,

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administrateur, usufruitier ? Malgré les théorisations restrictives, les rois vivent leur accession comme une prise de possession, tâchant de perpétuer leur pouvoir forcément éphémère par la production d’un héritier.

Chapitre II LES OBLIGATIONS DE L’HÉRITAGE : LES ALLIANCES MATRIMONIALES

Un jour de février 1725 où il a trop longtemps chassé dans la forêt de Fontainebleau, Louis XV est saisi de fièvre.1 Dans la nuit, tandis que ses médecins s’affairent, des courtisans s’empressent auprès de la veuve du Régent présente au château : elle est la mère de Louis, duc d’Orléans, premier successible, déjà marié et déjà père. Six semaines plus tard, le roi de France accepte de faire demander à l’ancien roi de Pologne, Stanislas Leszczynski, la main de sa fille, la princesse Marie. Il a quinze ans. À l’obligation de procréer, but de tout mariage chrétien, le mariage royal ajoute celle de garantir la stabilité du pouvoir en maintenant la couronne de France dans le même lignage. Depuis un an, le maréchal de Villars, familier de Louis XIV à la fin de son règne, a saisi toutes les occasions de faire entendre au jeune roi qu’il est mûr pour accomplir son devoir puisque aussi bien, dès que les premiers signes de la puberté l’ont troublé, toute la cour l’a su et en a plaisanté. Une fiancée était pourtant arrivée d’Espagne trois ans auparavant : le roi l’avait accueillie comme la future reine au milieu des célébrations qui avaient

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duré huit jours. Elle était le gage d’un rapprochement entre les Bourbons : un double mariage avec, d’un côté, le fils du roi d’Espagne et la fille du Régent, et de l’autre, le roi de France et l’Infante. Pour Philippe V, un moyen de préparer la remise en cause des obligations auxquelles il avait dû se soumettre pour garder la Couronne espagnole2, pour Philippe d’Orléans, un appui au cas où Louis XV disparaîtrait. Au mépris des décisions du concile de Latran (1215) qui interdisaient les mariages jusqu’au quatrième degré — où les arrière-grands-pères des conjoints auraient été frères —, le pape avait autorisé le mariage du roi avec la fille de son oncle paternel. Il le faisait toujours. Garant de la validité sacramentelle des mariages entre princes catholiques, le pape est aussi un souverain attentif aux fluctuations de leurs relations. Cependant en 1725, l’Infante n’a que sept ans. Le mouvement des courtisans vers les Orléans pendant la maladie du roi n’a pas échappé à Louis de Condé, duc de Bourbon, prince du sang lui aussi, qui a pris la tête du Conseil après la mort du Régent. Le 1er mars, des courriers partent vers Madrid, Rome, Londres et Turin. C’est dire que le changement d’orientation matrimoniale d’un roi n’intéresse pas seulement les familles des conjoints. À Philippe V, il est demandé de comprendre les nécessités dynastiques. Lui-même a vu mourir son fils sans que la jeune veuve ait pu annoncer un espoir de grossesse. À l’opposé du mariage qui est un sacrement, les fiançailles sont des conventions familiales : leur rupture ne demande aucune procédure particulière. Sans attendre la réponse du roi d’Espagne, Morville, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, fait établir d’après les courriers diplomatiques la liste de toutes les princesses d’Europe, une centaine. Il en élimine

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les trois-quarts, trop âgées ou trop jeunes, et présente les autres au roi et à son Conseil le 31 mars. Sont rejetées les filles des branches cadettes appauvries des maisons souveraines, ainsi que la fille du tsar Pierre Ier malgré la visite de celui-ci en 1717 : sa mère est de « trop basse extraction », son peuple jugé « trop barbare »3. Les filles du roi de Prusse, la petite-fille du roi d’Angleterre ne peuvent devenir reine d’un royaume où le culte protestant est interdit. La princesse portugaise est soupçonnée de mauvaise santé comme toute sa famille, réputée peu féconde comme ses sujets. Il ne saurait non plus être question d’une union interne à la maison de France qui accenturait les rivalités latentes entre les princes du sang. Reste la princesse Marie Leszczynska. Son portrait est arrivé à la cour dès le 21 mars, un peintre avait été envoyé auprès de la princesse moins d’une semaine après la maladie du roi. Le choix avait donc été fait en petit comité sous l’autorité du duc de Bourbon. La démonstration très documentée présentée par le ministre a eu pour but de faire accepter au roi un mariage rapide avec une jeune fille de sept ans son aînée et de faire entériner par l’ensemble des membres du Conseil une alliance qui ne rapporte rien, ni dot, ni territoire, ni prestige, ni renforcement d’influence. La princesse Marie est la fille unique du prince palatin de Posnanie, brièvement roi de Pologne de 1704 à 1709 avec le soutien du roi de Suède Charles XII ; depuis sa destitution au profit d’Auguste II de Saxe, protégé du tsar, Stanislas vit à Wissembourg en Alsace des pensions versées par le roi de France et le duc de Lorraine. Du moins, Marie avait-elle fait bonne impression sur les diplomates français qui passaient par là. Le duc de Bourbon, veuf, avait songé à l’épouser.

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Le 31 mars, la décision solennelle du roi en son Conseil permet d’entamer les étapes suivantes. Le 5 avril, l’Infante quitte Versailles entourée d’une suite de deux cents personnes, la magnificence étant chargée d’atténuer l’humiliation. Le 15 août, le mariage par procuration est célébré dans la cathédrale de Strasbourg : le duc d’Orléans représente le roi dans cette union qui doit l’éloigner de la Couronne. Telle est l’ironie de la tâche dévolue au premier prince du sang. Le 5 septembre, les époux sont bénis dans la chapelle du château de Fontainebleau. De cette union que l’on pourrait croire neutre, réduite à la seule nécessité interne de perpétuer la branche aînée de la maison de France, les effets ne tardent pas à se faire sentir. Philippe V n’attend pas le retour de sa fille pour renvoyer la veuve de son fils, quitter l’alliance française et se tourner vers l’empereur Charles VI. Huit ans après, la mort d’Auguste II ravive les antagonismes autour de la succession de Pologne. Le roi de France ne peut moins faire que de soutenir l’honneur et la candidature de son beaupère. La guerre prend pendant cinq ans le relais des combinaisons matrimoniales et diplomatiques. Lorsqu’elle se termine, Stanislas reçoit le duché de Lorraine. À sa mort, en 1766, il lègue à son gendre cette terre d’Empire si longtemps convoitée et si souvent envahie. Le mariage médiocre et précipité de Louis XV n’a pas échappé à l’enchevêtrement des liens et des droits qui recouvre le territoire morcelé de l’Europe.4 Il est exceptionnel en effet qu’un mariage royal se limite à sa fonction de perpétuation lignagère. En dehors de l’union d’Henri IV et de la nièce du Grand-duc de Toscane, on ne peut citer que celle d’Henri III et de Louise de Vaudémont, issue d’une branche cadette

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des ducs de Lorraine. Toutes les autres créent ou renforcent des liens de parenté entre familles princières avec trois objectifs : soit acquérir des droits sur de nouveaux territoires, soit établir la paix à un moment favorable d’une épreuve de force, soit enfin acquérir de nouveaux alliés et intervenir dans les affaires des autres princes. Il n’y aurait pas là grande différence avec le mariage noble ou roturier si les conflits portant sur les droits acquis par les alliances matrimoniales et les rivalités entretenues par elles ne se réglaient par la guerre — jugement de Dieu —, plutôt que par la justice des hommes. La théologie chrétienne qui modèle les consciences des rois et de leurs conseillers condamne l’agression née de l’avidité, mais elle accepte la guerre justifiée par le bon droit, et le meilleur naît des liens de parenté. Cependant, même appuyés sur les stratégies les plus soigneuses, les montages matrimoniaux se heurtent toujours à la réalité des aléas biologiques : il faut un minimum de concordance des âges entre les futurs époux, et une fois la promesse de mariage solennisée, rien ne dit que la mort ne détruira pas le lien espéré avant la consommation qui seule peut rendre effective les promesses de l’alliance. Rien ne dit non plus que d’autres alliances n’apparaissent plus urgentes et plus bénéfiques.

LA DIFFICILE CAPTURE DES HÉRITIÈRES

De la fin du XVe siècle au milieu du siècle suivant, domine la recherche des héritières. Elle se déroule

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parallèlement aux fusions des lignages de la maison de France, dont elle est complémentaire : toutes ont pour effet de rassembler des terres qui se trouvaient partiellement ou totalement sous la suzeraineté du roi de France et risquaient de lui échapper par la constitution d’états autonomes.5 En l’absence d’héritier mâle de la maison de Bourgogne, puis de celle des Montfort détentrice du duché de Bretagne, Louis XI et ses successeurs mènent des opérations de longue haleine qui utilisent à la fois l’union matrimoniale et la guerre pour s’emparer des héritières : en ce sens, le contrat de mariage complète le traité de paix, voire le remplace. Tout dépend alors des forces que l’héritière parvient à mobiliser pour maintenir l’unité et l’indépendance de ses biens. L’opération de réunion peut s’étendre sur plusieurs générations : elle devient encore davantage tributaire des hasards biologiques. À la mort de son père, Charles le Téméraire, en janvier 1477, Marie de Bourgogne se trouve à la tête du plus bel héritage de cette fin du XVe siècle. Dernière conquête, le duché de Lorraine fait le lien entre les possessions du Sud — duché de Bourgogne et comté de Bourgogne ou Franche-Comté, terre d’Empire — et celles du Nord — du Luxembourg à la Gueldre et à la Picardie en passant par la Flandre. Les revenus atteignent les trois quarts de ceux du royaume de France. Pour défendre ses biens contre la coalition qui a vaincu son père6, Marie de Bourgogne se tourne vers le roi de France, son parrain. Elle a vingt ans. De cette situation matrimoniale idéale, le roi ne peut tirer parti : Charles, son unique fils survivant, n’en a que sept. La duchesse a fait savoir qu’elle agréerait un prince de la maison de France, Charles d’Angoulême, célibataire en âge d’être marié. Par l’union de sa fille

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difforme et de Louis d’Orléans, Louis XI croit avoir préparé à terme l’extinction du deuxième lignage de la maison de France, il refuse d’accroître la puissance du troisième. Il entend bien cependant profiter de l’absence d’héritier mâle pour exiger le retour à la Couronne des biens de la maison de Bourgogne. Marie et ses conseillers font valoir que le duché, qui en est le noyau, avait été apporté par Jeanne de Bourgogne à Philippe VI : c’est une terre familiale et non royale.7 Ce qu’il ne peut obtenir par un mariage, faute de concordance des âges, Louis XI le prend par la guerre. Il fait envahir la Bourgogne, l’Artois et la Picardie. L’héritière offre alors sa main au fils de l’empereur Frédéric III, Maximilien de Habsbourg ; le contrat, signé à Bruges le 21 avril 1477, prévoit que son héritage passera intact au deuxième fils à venir de cette union, ce qui permettra de perpétuer la maison de Bourgogne. Il s’agit là d’un biais auquel les grandes maisons nobles du Nord du royaume recourent lorsqu’elles sont menacées d’extinction. Toutefois, un mois après les noces, Marie fait de son époux son légataire universel. Un grand arc se forme entre les terres de sa maison et celles de Maximilien qui commencent en Haute-Alsace pour s’égrener jusqu’au Danube et à l’Adriatique en passant par le Tyrol. Cinq ans plus tard, le hasard offre au roi de France une seconde chance. Marie meurt en mars 1482, ne laissant qu’un fils, Philippe, et une fille, Marguerite. En principe, sa donation à Maximilien ne peut être remise en cause au nom du contrat initial puisqu’il n’y a pas de deuxième fils. Louis XI saisit pourtant l’occasion de construire un projet semblable à l’offre initiale de la défunte

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Marie : grâce au décalage de génération, le Dauphin Charles, maintenant âgé de douze ans, pourrait épouser Marguerite, qui vient d’en avoir deux. La guerre est chargée de rendre l’alliance inévitable. Profitant de la révolte des possessions occidentales de Maximilien, Louis XI fait envahir le Brabant. La paix est signée en décembre 1482, le contrat de fiançailles en mars de l’année suivante : Marguerite d’Autriche apportera en dot le duché et le comté de Bourgogne ainsi que l’Artois ; l’avantage territorial est moindre que dans la première hypothèse, mais il est toujours bon à prendre. Après la célébration des fiançailles à Amboise en juin 1483, Marguerite va résider à Plessis-lès-Tours où, très entourée, elle attend de grandir jusqu’à l’âge du mariage. Cependant depuis trois ans — les trois dernières années de sa vie — Louis XI a préparé la capture d’un autre héritage, le duché de Bretagne, riche unité territoriale qui s’est construit une indépendance de fait en jouant sur l’affrontement des rois de France et d’Angleterre.8 Il profite de l’absence d’héritiers mâles chez les deux familles qui se disputent le duché pour racheter les droits que les Penthièvre prétendent avoir contre les Monfort et attire à lui une partie des nobles bretons. C’est à eux que, devenue régente, Anne de Beaujeu demande de reconnaître les droits du jeune Charles VIII. En 1485, le duc François II en appelle aux états de Bretagne pour confirmer ceux de ses filles, Anne et Isabeau. Contrairement à Marie de Bourgogne, le duc n’est pas isolé. Si la phase finale de la guerre des DeuxRoses détourne les souverains anglais des affaires continentales, Maximilien, élu et couronné roi des Romains9, fait envahir l’Artois. Début 1487, Louis

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d’Orléans, menant l’opposition de grands nobles à Anne de Beaujeu, rejoint François II et le pousse à la guerre. Cependant, privé du soutien de Maximilien, retenu prisonnier à Bruges par ses sujets révoltés de février 1488 à mai 1489, le duc reçoit du roi d’Aragon et du duc d’Albret, parents de sa seconde épouse, une aide militaire insuffisante à contrer les troupes de Charles VIII. Battu à Saint-Aubin-du-Cormier, François II reconnaît la suzeraineté du roi de France et le laisse maître de décider du mariage de ses filles (Traité du Verger, 19 août 1488). Il meurt accidentellement peu après. En février 1489, Anne, héritière de onze ans, est proclamée duchesse.10 Maximilien et Charles VIII seraient prêts à se désintéresser du duché de Bretagne pour se tourner vers de plus vastes horizons — l’un, libéré de sa prison de Bruges, veut rétablir son emprise sur ses multiples possessions, l’autre est décidé à s’emparer d’un héritage plus attirant, le royaume de Naples. Ferdinand d’Aragon et Henry VII, le vainqueur de la guerre des DeuxRoses, s’entendent pour préparer la rupture complète du duché d’avec le royaume de France. Maximilien offre alors d’épouser l’héritière de Bretagne : le duché pourrait compenser les pertes inscrites dans le contrat de sa propre fille. Le mariage, approuvé par les états de Bretagne en violation du traité de Saint-Aubin, est célébré par procuration le 18 décembre 1490. Charles VIII dirige une nouvelle invasion au printemps suivant. Devant Rennes assiégée où Anne se tient, il fait demander à la duchesse de choisir un époux entre trois princes français ; elle s’obstine à ne vouloir « qu’un roi ou un fils de roi. »11 Pour se libérer de la question bretonne, Charles VIII finit par se proposer lui-même : il renonce à Marguerite, la fiancée qui avait fini par lui plaire, et prend le risque de

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perdre ainsi les acquis du traité d’Arras. Les états de Bretagne demandent à la duchesse Anne d’accepter la proposition de Charles VIII ; le roi entre dans Rennes pour recueillir son consentement (mars 1491). Le 12 novembre, la duchesse est présentée nue à Anne et Pierre de Beaujeu ainsi qu’à Louis d’Orléans qui, après un séjour de trois ans en prison pour crime de lèse-majesté, a retrouvé sa place de premier prince du sang.12 Ils ne considèrent pas sa claudication comme un obstacle à sa fécondité. Une demande de dispense pour cousinage au quatrième degré est sollicitée du pape. Maximilien dénonce cette union comme un rapt et un double adultère. Pour parer à toute éventualité, Charles VIII retient Marguerite. Il faut faire vite : la duchesse Anne subit l’affront de laisser sa terre natale sans avoir été mariée par procuration. Elle est conduite au château de Langeais et immédiatement unie à son vainqueur le 6 décembre sans attendre l’autorisation pontificale. Cependant, le contrat, gage « de paix perpétuelle et indissoluble »13, a été signé la veille : il n’est pas si drastique que la défaite ne le ferait attendre. Charles VIII devient duc de Bretagne par son mariage et non par les droits achetés par son père : il est nommé procureur de son épouse pour le gouvernement du duché. Le duché sera réuni à la Couronne si le couple a un fils, s’il reste sans descendance ou si la reine meurt la première ; mais si le couple a une fille, elle pourra revendiquer le duché qui n’est pas une terre salique ; enfin, si le roi meurt le premier, la reine peut garder le duché à condition d’épouser le nouveau roi, ou s’il refuse, son plus proche héritier. Deux mois après, pour compenser ce mariage rapide et sans éclat et proclamer la grandeur et la solidité des liens qui unissent le duché

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au royaume, Anne est solennellement couronnée reine de France à l’abbaye de Saint-Denis.14 Reste à obtenir des autres puissances l’acceptation de cette union et donc de la légitimité des enfants à venir. Le pape envoie la bulle de dispense au printemps 1492. Les alliés de la duchesse se font rembourser leurs frais de guerre, l’Angleterre en argent, l’Aragon en terres. En mai 1493, Maximilien, après avoir attaqué l’Artois et la Franche-Comté, se décide à négocier. Au traité de Senlis, il renonce officiellement au mariage français de sa fille ; Marguerite peut rejoindre sa famille ; de tout l’héritage bourguignon, Charles VIII ne garde que le duché de Bourgogne, les comtés de Mâcon, de Bar-sur-Seine et Auxerre. À la fin de l’année, Maximilien renonce au mariage breton : la mort de son père vient de lui ouvrir la voie de l’empire ; pour préparer le voyage à Rome où le pape devrait le couronner, mieux vaut une union avec une princesse milanaise, Bianca Sforza.15 En outre, les Ottomans menacent ses possessions orientales. À la mort de Charles VIII, en avril 1498, la reine Anne n’a pas d’enfant vivant. Elle peut, selon les termes du contrat de Langeais, recouvrer ses droits sur son duché à condition d’épouser le successeur du roi défunt. Louis d’Orléans, devenu Louis XII, le lui propose et entreprend une procédure d’annulation de son mariage avec Jeanne de France. En attendant, Anne s’installe à Nantes, reprend en main l’administration du duché, fait battre de la monnaie à son nom. Une fois l’annulation obtenue, le roi se rend auprès d’elle. Le contrat est signé le jour de son arrivée à Nantes, le 7 janvier 1499. Cette fois, Anne obtient que le duché échappe complètement à la Couronne : suivant le schéma déjà rencontré, le duché ira au deuxième enfant mâle, ou femelle à défaut ; si le

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couple n’a pas d’enfant, le cousin germain d’Anne, Jean de Chalon, prince d’Orange en héritera ; si elle meurt avant lui, le roi aura l’usufruit du duché, puis le cédera aux héritiers de sa défunte épouse. L’union est célébrée le lendemain. L’assurance de l’indépendance du duché tient donc à la naissance de deux fils : l’aîné pour être roi de France, le cadet pour fonder une nouvelle maison de Bretagne. Or, le seul enfant vivant du couple jusque 1510 est une fille, Claude, née en octobre 1499. En admettant qu’elle hérite du duché, se posera toujours la question de savoir si l’alliance qu’elle sera amenée à contracter maintiendra les dispositions si favorables du contrat de Nantes. Anne reprend alors le projet abandonné en 1491 sous la pression des armes : une union entre l’héritière du duché de Bretagne, cette fois fille de France, et un Habsbourg. Ce schéma, parce qu’il noie le duché dans une multitude de possessions disparates et rétives, lui semble à même d’assurer son indépendance jusqu’à la naissance d’un jeune prince capable de relever sa maison. Les années 1501 à 1506 semblent favorables à cette orientation : Maximilien Ier a besoin de la neutralité du roi de France pour assurer le passage des couronnes d’Espagne à son fils, Philippe, époux de Jeanne, devenue l’unique héritière d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon ; Louis XII a besoin de la reconnaissance par Maximilien des droits hérités de sa grand-mère paternelle, Valentina Visconti, sur le duché de Milan qu’il vient de conquérir. Lorsque le roi paraît faiblir, Anne traite directement avec Maximilien. Quatre entrevues se succèdent — trois à Blois, une à Lyon. En septembre 1504, le roi de France, l’empereur et son fils signent les traités de Blois. L’étendue

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de la dot que Claude apportera à Charles, l’aîné des fils de Philippe, montre ce que la reine Anne est prête à consentir pour sauver son duché : en cas d’absence d’héritier mâle au trône de France, la future mariée disposera du duché de Milan, du comté d’Asti et de la république de Gênes, nouvelles conquêtes, du comté de Blois, bien maternel du roi, du duché de Bourgogne, acquis au traité de Senlis, et bien entendu de la Bretagne. De son côté, Louis XII s’est fait reconnaître la possession du duché de Milan. Le 5 avril 1506, un traité signé à Lyon renouvelle les engagements de Blois. Un mois ne s’est pas écoulé qu’une assemblée de notables bien choisis supplie le roi de mettre le comble à la félicité de ses sujets en unissant sa fille avec « Monsieur François ici présent et qui est tout français » 16, François d’Angoulême. Louis XII a décidé de mettre fin au double jeu qu’il a mené parallèlement aux accords avec les Habsbourg : favoriser le premier prince du sang et préparer son union avec Claude. La semaine suivante, le contrat est signé : le roi promet à Claude l’apanage d’Orléans, les comtés de Soissons, de Blois et d’Asti, le duché de Milan et Gênes, le tout à rendre contre 20 000 livres de rentes au cas où naîtrait un Dauphin. La reine Anne s’engage à verser 100 000 écus à sa fille mais se fait reconnaître le droit de lui donner le duché de Bretagne si un fils naissait en effet. Les grands nobles et toutes les villes doivent reconnaître par serment la validité du contrat. Ferdinand d’Aragon et Maximilien s’apprêtent à la guerre, mais la mort de Philippe en septembre 1506 et quelques succès remportés sur les Ottomans les détournent l’un comme l’autre de la poursuite du mariage français.

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Il est vraisemblable que le double jeu de Louis XII ait reposé sur l’espoir jamais abandonné d’obtenir un fils. Fin janvier 1512, la reine Anne met au monde un garçon ; il meurt aussitôt et la reine ne survit que deux ans à ses dernières couches. Quatre mois après sa mort, en mai 1514, l’union de Claude et de François est célébrée : le contrat reconnaît Claude comme héritière du duché de Bretagne du côté maternel, et du côté paternel, de biens et de droits familiaux, les comtés de Soissons et Blois, le Milanais. En octobre de la même année, Louis XII épouse Mary Tudor, sœur d’Henry VIII d’Angleterre ; il attend beaucoup de sa jeunesse et de sa vitalité. Trois mois plus tard, il meurt. François d’Angoulême devient roi : aucune naissance n’est venue changer les dispositions prévues. Le nouveau couple royal réalise rapidement les conditions requises pour la résurrection d’une maison de Bretagne : après deux filles, un Dauphin naît en février 1518, un deuxième garçon en mars de l’année suivante, un troisième en 1522. Or Claude ne se sent pas tenue par les espoirs de ses ascendants maternels.17 Fille de roi, femme de roi, reine couronnée, elle se situe du côté des hommes, son père et son époux qui, tous deux, ont dû leur couronne à la stricte application de la loi salique. Dès l’avènement de François Ier, elle lui a cédé ses droits sur le Milanais, et à la naissance du Dauphin, elle annonce son intention de lui donner le duché de Bretagne et tous ses autres biens. Son testament, rédigé le jour de sa mort le 26 juillet 1524, explicite sa volonté de se conformer aux règles de dévolution de la Couronne de France. Il décrit minutieusement le passage de tous ses biens à ses héritiers mâles dans l’ordre de primogéniture.18

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Les états de Bretagne contestent le testament au nom du contrat de Nantes : ils parviennent à sauver les droits particuliers du duché, non son indépendance. En 1532, le Dauphin majeur devient François III, duc de Bretagne et fait une entrée solennelle à Rennes, mais nul ne reprend ce titre à sa mort, quatre ans plus tard.

LA FILLE TOUTE NUE

Dans le temps où il a fallu deux guerres et trois mariages pour faire entrer l’héritage breton dans le royaume de France, les alliances matrimoniales ont offert à la domination des Habsbourg une accumulation de terres et de couronnes. 19 L’ensemble que Maximilien avait déjà peine à maîtriser s’est agrandi des possessions espagnoles, puis des royaumes de Bohême et de Hongrie ; en 1556, Charles Quint, son petit-fils, opère la division des héritages, ce qui jette les bases des deux maisons désignées ensuite comme Habsbourg de Madrid et Habsbourg de Vienne. Paradoxalement, la dernière des grandes héritières féodales offerte à la Couronne de France, Catherine de Médicis, est un pur produit des espoirs italiens de François Ier.20 À peine arrivé sur le trône, le roi s’est lancé dans la reconquête du duché de Milan perdu à la fin du règne précédent. Il cherche à nouer alliance avec les Médicis au moment où ils connaissent une nouvelle phase de grandeur avec le retour à Florence (1511) et l’élection d’un pape, Léon X (1513-1523) : les uns comme les autres ressentent la nécessité de résister à l’emprise croissante des Habsbourg.

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Avec les Médicis, François Ier inaugure sa politique d’union d’héritières françaises et de princes étrangers21 : ici il ne s’agit pas d’enraciner de nouveaux fidèles, mais de les utiliser hors du royaume. Julien, maître de Florence, venu féliciter le roi de France de son avènement, est marié à la tante maternelle du roi, Philiberte de Savoie, mais il meurt vite et sans enfant. Le roi donne à son neveu et successeur, Laurent II, une autre épouse de grande noblesse : Madeleine, l’une des deux héritières de la maison des La Tour, comtes d’Auvergne, alliés aux BourbonVendôme ; sa sœur aînée, Anne, a épousé un cousin des rois d’Écosse, Jean Stuart, duc d’Albanie. Le couple célèbre ses noces à Amboise en mai 1518 : dans le mois qui suit la naissance de leur fille, Catherine, à Florence en avril 1519, ils meurent tous les deux. La question de savoir s’il convient de réclamer l’enfant ne reçoit pas de réponse dans la décennie 1520-1530 où se conjuguent les échecs de François Ier devant Charles Quint, les troubles de Florence et l’invasion des états pontificaux par les troupes de l’empereur jusqu’au sac de Rome (1527). En 1530, alors que s’est ouvert un moment de paix, l’union de Catherine de Médicis et d’Henri, duc d’Orléans, deuxième fils du roi de France pourrait être un prélude à une revanche des perdants, le pape Clément VII (1523-1534), cousin de Léon X et de Laurent II, et le roi de France. Une première négociation a lieu à Rome de novembre 1530 jusqu’en avril 1531. Un traité préfigure le contrat : le pape exige la renonciation de Catherine à Florence bien qu’elle soit l’unique héritière légitime de la branche aînée des Médicis ; il s’apprête à y établir un duché pour son fils

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illégitime, Alexandre. François Ier accepte de crainte que l’empereur n’impose le mariage de Catherine avec Francesco II Sforza, maître du duché de Milan de nouveau perdu. Les obstacles au mariage de Catherine de Médicis et d’Henri d’Orléans s’effacent au cours de secondes négociations : le contrat est signé le 27 octobre 1533 à l’arrivée de la fiancée à Marseille où le pape l’a accompagnée.22 La partie déclarée du contrat fait état des faibles compensations obtenues par Catherine en échange de sa renonciation à Florence : 30 000 écus d’or versés par Clément VII. En revanche, elle garde ses droits sur le duché d’Urbino, offert à son père par Léon X et revenu à leurs possesseurs précédents, les della Rovere. Sa dot proprement dite se monte à 100 000 écus versés en trois fois, auxquels s’ajoutent pour 27 900 écus de pierres précieuses et les terres maternelles évaluées à 120 000 livres (40 000 écus). Un destin plus brillant attend le jeune couple : les articles secrets résumés dans une note de François Ier au moment du mariage lui reconnaissent, d’une part, des droits sur Pise, Livourne, Reggio et Modène qui doivent servir de base à une reconquête du Milanais et, d’autre part, Gênes, Parme et Plaisance pour s’emparer du duché d’Urbino. Le cadet du roi de France verrait ainsi se dessiner pour lui un royaume dans l’Italie du Nord et du Centre ; il est probable que le pape pensait plutôt à en prendre la tête et à repousser l’avidité française vers Naples. Dans tous les cas, le montage se fracture en moins d’un an, à la mort de Clément VII. Son successeur n’est pas un Médicis. C’est là ce qui provoque la fureur de François Ier et son exclamation si souvent citée — « J’ai eu la fille toute nue » —, en partie erronée.

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Le véritable intérêt de l’apport de Catherine se situe à l’intérieur du royaume. Déjà la mort d’Anne de La Tour d’Auvergne en 1524 avait entraîné le partage de ses biens entre son époux et sa sœur. En 1533, un différend entre le duc d’Albanie et la jeune épouse du duc d’Orléans avait été réglé par François Ier au profit de sa belle-fille ; enfin le premier fils du roi, François III de Bretagne, mourant sans héritier en 1536, lui avait légué tout ce qui lui restait. À partir de ce moment, l’héritage de Catherine comprend des seigneuries dispersées en Picardie, dans le Berry, le Bourbonnais, le Limousin, à Castres, et de grands fiefs titrés, baronnie de La Tour en Auvergne, comtés d’Auvergne, de La Marche et du Lauragais. Un procès bien mené contre les évêques de Clermont entre 1551 et 1557 lui permet d’y ajouter le comté de Clermont. Dans les premiers temps du mariage, les terres du centre ont permis de surveiller celles qui avaient été confisquées au connétable de Bourbon et réunies à la Couronne : en 1534, le roi, prétextant le jeune âge des Orléans, s’est déclaré administrateur des biens de Catherine. En 1547, Catherine en devient pleinement maîtresse puisque l’accession d’Henri à la Couronne oblige à distinguer terres royales et terres familiales. Capable de vendre les éléments les plus dispersés pour soutenir les expéditions de son époux en Italie, elle puise ensuite dans ses terres d’Auvergne une grande partie des ressources en fidèles et en argent qui lui permettent d’agir comme reine régente, puis comme reine mère tandis que ses fils se succèdent sur le trône. Pour l’aîné d’entre eux, François, né en 1544, un parti prestigieux s’est offert très tôt. Mieux qu’une héritière, Mary Stuart, est reine d’Écosse six jours après sa naissance : quatre ans plus tard, elle est

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confiée à la cour de France tandis que sa mère, Marie de Guise, continue sur place la lutte contre les rois d’Angleterre dans laquelle son époux, Jacques V, avait trouvé la mort. Un royaume, le renforcement de la vieille alliance contre un ennemi commun : l’éventualité de ce mariage gagne encore en intérêt lorsque Mary Tudor, devenue reine d’Angleterre (1553) et épouse de Philippe, héritier de Charles Quint (1554), déclare la guerre au roi de France (1557). Fort de la prise de Calais, dernière place anglaise du royaume, François de Guise, oncle de Mary Stuart, obtient l’assentiment d’Henri II. Le contrat est signé le 19 avril 1558 : le Dauphin portera le titre de roi d’Écosse ; les deux couronnes iront au fils aîné ; s’il n’y a que des filles, l’aînée aura la couronne d’Écosse et recevra un époux avec le consentement commun du roi de France et du parlement d’Écosse. Un testament secret, rédigé deux semaines auparavant, allait plus loin : si Mary mourait la première et sans enfant, sa couronne irait à son époux, voire au roi Henri II.23 Le 24 avril, jour de son mariage, le Dauphin devient roi d’Écosse ; à la mort de son père, le 10 juillet 1559, il est roi de France. Il disparaît à son tour dix-huit mois plus tard, sans espoir d’héritier, rompant la brève union des deux couronnes. Alors que Charles Quint et Ferdinand ont eu soin de multiplier les alliances entre leurs descendants et de continuer celles que les souverains d’Espagne avaient depuis longtemps entretenues avec le royaume du Portugal, Henri II, puis Catherine de Médicis négocient des alliances dispersées au hasard des occasions. La paix du Cateau-Cambrésis (avril 1559) s’accompagne d’un nombre restreint de mariages : la situation démographique des familles des signataires réduit le nombre et la qualité des échanges. Du côté

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des Valois, le Dauphin est déjà marié, ses trois frères ont entre neuf et quatre ans ; des trois filles, Claude, la deuxième, a épousé au début de l’année le duc Charles III de Lorraine. À l’aînée, Élisabeth, revient le redoutable honneur de devenir la nouvelle épouse du roi d’Espagne, Philippe II, veuf pour la deuxième fois et qui n’a qu’un fils, Don Carlos, atteint de troubles mentaux. Reste un mariage annexe et dans une certaine mesure inférieur : le duc de Savoie reçoit la sœur d’Henri II : Marguerite a déjà trente-six ans, nul ne peut dire si elle est encore féconde. Il est difficile de rendre compte des tractations qui ont eu lieu par la suite avec Elizabeth d’Angleterre. Le fait qu’elle accepte de prendre la tête de la nouvelle Église fondée par son père en rupture avec Rome rend son alliance problématique pour des princes catholiques : pourtant, même après son excommunication par le pape en 1570, il subsiste toujours l’espoir ou l’illusion d’un retour au catholicisme. Des négociations ont été entamées aussi bien pour Charles IX en 1564, que pour ses frères puînés, Henri et François. C’est avec ce dernier que les contacts ont été les plus fréquents. Sans tenir compte de la fragilité de son propre lignage, François d’Anjou se cherche un autre royaume entre 1579 et 1582. Ce que cherche la reine d’Angleterre, qui n’a plus l’âge de mettre des enfants au monde, c’est une possibilité d’intervention en faveur des protestants du continent. En avril 1581, une ambassade française va demander sa main et établir un projet de contrat ; en octobre, François se rend lui-même à la cour d’Angleterre. Il est probable que l’insistance des conseillers d’Elizabeth à faire participer son futur époux à sa dignité mais non à sa souveraineté repousse le candidat vers son entreprise sur les Pays-Bas espagnols. Ce pourquoi la reine lui

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accorde volontiers une aide financière. Les projets en restent là. Dans les années 1560, Catherine de Médicis avait entamé parallèlement des négociations pour obtenir un double mariage avec les Habsbourg de Vienne : Charles IX épouserait Anne, fille aînée de Maximilien, et Marguerite, sa sœur cadette, épouserait Rodolphe, aîné des fils de l’empereur. Mais lorsqu’en 1570, le roi arrive à l’âge du mariage, Philippe II, de nouveau veuf, s’empare de la fille aînée : ne reste à Charles IX que la puînée, Élisabeth. Comme Rodolphe refuse de prendre une épouse, c’est un mariage sans contrepartie pour la Couronne de France. Et sans suite pendant très longtemps : les Habsbourg de Vienne s’affaiblissent par les partages successoraux qu’ils pratiquent et par la lourdeur d’un pouvoir impérial qui échoit à l’un d’eux à chaque génération mais ne peut rien devant les divisions de l’empire. C’est dans cette situation de raréfaction des héritières qu’Henri III prend la succession de son frère et doit trouver rapidement une épouse. À la différence de la plupart de ses prédécesseurs, Henri III est déjà adulte ; il a vécu une première expérience royale en Pologne : il entend choisir lui-même sa reine. Il refuse la veuve de son frère, puis une princesse de Suède suggérée par Catherine de Médicis. En janvier 1575, il fait demander à Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont, la main de sa fille Louise, belle jeune fille aperçue un an plus tôt.24 Louise n’aura pas de dot : elle est issue d’une branche pauvre des ducs de Lorraine, c’est une aînée négligée depuis les remariages successifs de son père. Cependant, élevée à la cour de Nancy auprès de Claude, la fille préférée de Catherine de Médicis, elle présente l’avantage d’un

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lien supplémentaire entre les rois de France et les ducs de Lorraine. On pouvait penser que Catherine de Médicis avait mis son héritage au service du pouvoir royal. Rédigé en janvier 1589, au moment où l’absence d’héritier direct apparaît définitive, son testament corrige cette impression. Puisque le lignage dans lequel elle est entrée par son mariage est appelé à disparaître au profit de celui des Bourbon-Vendôme avec Henri de Navarre, protestant, elle choisit de reconstruire ou de renforcer les deux lignages dont elle est issue. D’un côté, elle confie ses terres d’Auvergne et du Lauragais à son petit-fils, Charles d’Angoulême, fils illégitime de Charles IX, ce qui devrait permettre de faire renaître la maison des La Tour d’Auvergne. De l’autre, elle complète la cession des droits entamée deux ans plus tôt au profit de sa petite-fille, Christine de Lorraine25, lorsque celle-ci a été mariée à Ferdinand, Grand-duc de Toscane, venu de la branche cadette des Médicis : elle lui abandonne non seulement l’ensemble de ses droits en Italie, mais aussi les 200 000 écus que le Grand-duc lui avait déjà remis en compensation. La reine mère a trouvé là une manière très habile de clore une dispute de plus de cinquante ans. Elle légitime la réunification de la maison des Médicis et contribue à son illustration comme maison souveraine. Qui plus est, en se dessaisissant de tous ses biens et droits, elle abolit toute prétention des Valois en Italie. Quant à ce qui reste de Valois en France, le testament est clair à leur égard. Il ignore la reine Marguerite, l’épouse séparée, mais toujours légitime d’Henri de Navarre. La seule « fille » qui y figure est Louise de Lorraine, l’épouse d’Henri III : elle reçoit la terre et le château de Chenonceaux. Le roi lui-même

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est institué unique héritier pour régler les dettes et recueillir à titre personnel les legs dont les destinataires ne pourraient bénéficier. La reine mère a pris acte de l’extinction d’un lignage auquel elle avait donné quatre fils : plus héritière que souveraine, comme sa devancière Anne de Bretagne, elle ne se sent plus tenue de contribuer à l’application de la loi salique. Cependant, ces dispositions n’échappent pas à la force d’attraction du pouvoir royal. Le prestige acquis par la maison réunifiée des Médicis contribue à rendre acceptable le mariage de la nièce de Ferdinand et de Christine, Marie de Médicis, avec Henri IV. Quant au comté d’Auvergne, la reine Marguerite le réclame après la dissolution de son mariage, puis le donne en usufruit au Dauphin Louis, qui le joint au domaine lorsqu’il devient roi.

ALLIÉES, OTAGES : LES INFANTES D’ESPAGNE

Les négociations du Cateau-Cambrésis et plus encore celles qui aboutissent quelque trente ans plus tard à la paix de Vervins (1598) ont vu s’affirmer la volonté des Habsbourg de Madrid qui ont repris le titre de Rois Catholiques accordé à Isabelle de Castille et à Ferdinand d’Aragon de tenir la première place en Europe. Pour le Très Chrétien, et particulièrement avec la nouvelle maison régnante des Bourbons, il devient vital de faire reconnaître sa propre puissance par la captation des Infantes. Officiellement, personne n’attend que les princesses mariées à des rois

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étrangers plaident la cause de leur royaume d’origine. La plus grande discrétion leur est enseignée au contraire, ainsi que l’obligation de donner au plus vite un héritier à la dynastie qui les accueille. Il n’est pas de don plus précieux pour un roi que de lui offrir le moyen de perpétuer et d’étendre son lignage. Les opérations de reconquête du royaume, la lenteur de la dissolution de son mariage avec Marguerite de Valois ont empêché Henri IV d’épouser IsabelleClaire-Eugénie, fille aînée de Philippe II et d’Élisabeth de Valois. Sur la suggestion du pape Clément VIII, l’alliance est reportée à la génération suivante : le pape a accepté de dissoudre le premier mariage du roi de France, il tient à poursuivre son œuvre en liant ce nouveau converti à une monarchie purement catholique. La naissance des premiers enfants de France et d’Espagne coïncide : l’Infante n’a que cinq jours de plus que le Dauphin. Henri IV songe immédiatement à leur mariage : dès que son fils commence à parler, c’est un des jeux du roi que de lui demander de montrer « le chéri de l’Infante » et de raconter comment il va lui faire « un petit bébé »26. Philippe III est beaucoup plus réticent en raison des droits que les Infantes possèdent sur les couronnes d’Espagne : la naissance de deux fils, en 1605, 1607 — un troisième en 1609 — le rassure et permet d’envisager un double mariage, l’Infant épousant Élisabeth, née en novembre 1602. Les négociations commencent en 1608 : Philippe IV et ses conseillers espèrent en obtenir l’affaiblissement du soutien du roi de France aux Provinces-Unies. Dans les derniers moments de son règne, alors qu’il est décidé à intervenir dans l’empire au côté des forces protestantes, Henri IV fait négocier l’union d’Élisabeth avec l’héritier du duc de Savoie pour détacher le duc de ses liens avec les Habsbourg d’Espagne.

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Cependant il est probable qu’il aurait maintenu la première partie du projet espagnol : il y allait de son prestige. Marie de Médicis, devenue régente, s’attache à la réalisation de la double union : sensible à l’intérêt d’une alliance avec une maison aussi puissante, elle y voit dans l’immédiat un moyen d’affaiblir les nostalgiques de la Ligue très redoutés après l’assassinat d’Henri IV.27 Les tractations se font d’abord officieusement en raison de l’opposition des nobles protestants. De son côté, Philippe III tente de garder son aînée, mais l’accord finit par se faire. Le 26 janvier 1612, le jeune roi de France et sa sœur paraissent au Conseil et donnent leur consentement. Trois jours de fêtes en avril à Paris publient avec éclat la nouvelle alliance. Ambassadeur extraordinaire, le duc de Mayenne part pour Madrid ; en chemin il croise avec solennité le duc de Pastrana, son homologue envoyé à la cour de France. Les contrats sont signés de façon quasi synchrone à Madrid le 22 août pour l’union de Louis XIII et d’Anne, à Paris, le 25, jour de la Saint-Louis, pour celle de l’infant Philippe et d’Élisabeth. Les négociateurs se sont attachés à établir une parfaite égalité dans les termes de l’échange : Anne renonce à ses droits sur les couronnes d’Espagne, Élisabeth par définition n’en a aucun sur la couronne de France ; pour compensation, toutes deux reçoivent une dot de 500 000 écus et pour 50 000 écus de bijoux. Le nombre de personnes qui doivent prendre part à leurs suites respectives est fixé à cinquante-trois. En s’appuyant sur le précédent du traité de Vervins, l’envoyé français réussit à convaincre Philippe III de renoncer à sa signature habituelle : « Yo, el Rey » et à signer de son prénom comme les autres rois. Trois ans s’écoulent jusqu’à la célébration des

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mariages : temps nécessaire au développement du roi et de l’Infante qui atteignent l’âge de quatorze ans en septembre 1615, temps rempli des difficultés rencontrées par Marie de Médicis face à l’opposition menée par Condé, premier prince du sang. Le moment de la conclusion enfin venu, les cours de France et d’Espagne s’attachent de nouveau à synchroniser toutes les phases : cette unité de temps doit démontrer leur unité de vue. Les mariages par procuration, celui d’Anne à Burgos, celui d’Élisabeth à Bordeaux, ont lieu tous deux le 18 octobre, et le 9 novembre, les princesses se croisent dans le pavillon flottant construit au milieu de la Bidassoa. La cour d’Espagne a voulu surenchérir : Anne porte une robe de voile d’or, Élisabeth est seulement vêtue d’une robe de voile d’argent ; la suite d’Anne comprend le double de personnes. La nouvelle reine de France épouse le roi à Bordeaux le 25 novembre. Cependant une cour réduite l’accueille, nombre de grands seigneurs et particulièrement Condé mènent leurs troupes contre l’armée royale en Champagne, en Picardie, puis dans le Poitou. Le temps n’est pas aux réjouissances : il faut rester deux mois à Bordeaux en attendant que les routes soient sûres et le voyage de retour doit encore s’interrompre longuement dans la petite ville de Loudun où le gouvernement négocie avec les révoltés. Le 16 mai 1616, la nouvelle reine peut enfin faire son entrée à Paris. Moins d’un an après, en mars 1617, un front catholique unissant les Habsbourg de Madrid et ceux de Vienne contre les forces protestantes dans l’Empire et aux Provinces-Unies rejette la maison de France vers d’autres alliances : de gage de paix, la jeune reine devient une sorte d’otage. Après qu’en 1635, Louis XIII et Richelieu, son principal ministre, ont décidé

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d’entrer dans le grand conflit qui dévaste l’Europe, la reine est soupçonnée, puis accusée d’intelligence avec son frère le roi d’Espagne, Philippe IV. La naissance du fils tant attendu en septembre 1638, LouisDieudonné — futur Louis XIV —, puis d’un deuxième garçon deux ans après, la mort du roi en mai 1643 font enfin d’Anne d’Autriche une souveraine. À la fin des années 1650, le mariage de Louis XIV et de sa cousine espagnole est à la fois l’instrument qui permet de mettre fin au conflit opposant la maison de France à celle d’Espagne depuis 1635 et ce qui retarde cette fin.28 Il en est question dès 1646 alors que commencent des négociations générales en Westphalie : Mazarin, nommé principal ministre par la reine régente, spécule sur l’épuisement des forces espagnoles et rêve sur l’épuisement biologique de la maison régnante. Aux vingt-cinq ans de guerre contre les Provinces-Unies, en Italie et dans l’Empire, à la banqueroute et aux soulèvements de la Catalogne et du Portugal s’ajoutent en effet des difficultés dynastiques : des sept enfants qu’Élisabeth de France a mis au monde avant de mourir en 1642, il ne reste que la dernière, Marie-Thérèse, née en septembre 1638, cinq jours après l’héritier de la couronne de France. Un mariage ferait de ce dernier l’époux de l’héritière des couronnes d’Espagne, de Milan, de Naples et des Indes. Philippe IV rompt les premiers pourparlers. Il profite à son tour des révoltes en France (Fronde, 16481653) et accueille les grands seigneurs, Turenne, puis Condé qui trahissent leur roi. Il se tourne vers sa famille de Vienne : en 1649, il épouse sa nièce, MarieAnne d’Autriche, comptant sur la fécondité notoire des princesses de cette maison et promet MarieThérèse à son neveu Ferdinand, fils aîné de l’empe-

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reur Ferdinand III. Militairement, les deux camps sont incapables d’emporter la décision. Les négociations reprennent en 1656. La perte des provinces occupées par les Français, l’Artois, le Roussillon, serait supportable à Philippe IV si elle n’était liée au mariage français : la diplomatie française y insiste d’autant plus que le fiancé autrichien de MarieThérèse est mort en 1654. Hugues de Lionne, l’envoyé français, prétend que son maître accepterait l’Infante « avec sa seule chemise » 29. Galanteries diplomatiques qui ne peuvent cacher l’évidence : MarieThérèse n’a alors qu’une demi-sœur, elle reste l’héritière en titre. Philippe IV et ses conseillers préfèrent continuer la guerre ; il est question de nouvelles fiançailles entre l’Infante et Léopold, deuxième fils de l’empereur Ferdinand. Enfin, la reine Marie-Anne met au monde un fils en novembre 1657 — un autre en décembre 1658. Cependant, entre juillet et novembre de cette année-là, un sentiment d’urgence a saisi les deux cours. Du côté français, la maladie du jeune roi — deux semaines entre la vie et la mort — oblige à trouver une épouse immédiatement disponible. Christine de Savoie, tante paternelle du roi, est invitée à venir présenter sa fille, Marguerite, à Lyon où la cour arrive le 27 octobre. Du côté espagnol, après la déroute des Dunes (14 juin 1658), le projet d’alliance matrimoniale avec le cousin de Vienne est abandonné : le 8 juillet, le jeune Léopold promet d’y renoncer en échange de l’assurance de son élection à l’Empire30 ; le rapport du chef des armées espagnoles en Italie, lu en Conseil le 14 septembre, fait état d’une situation si désespérée que Philippe IV décide de proposer la paix. Rassuré par la naissance de son premier fils, il vit pourtant de façon déchirante l’obligation de

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payer le prix de la paix en donnant l’Infante ; il voit ce don comme le sacrifice d’Isaac par Abraham. 31 Pimentel, son envoyé, rejoint la cour de France à Lyon le 24 novembre, rendant inutile et humiliante l’arrivée du duc de Savoie, de sa mère et de sa sœur quatre jours après.32 La phase décisive des négociations s’étire du 13 août au 7 novembre 1659 : vingt-quatre séances de discussion entre Mazarin et don Luis de Haro, ou leurs adjoints, Hugues de Lionne et Pedro Coloma, dans un pavillon tout exprès construit sur l’île des Faisans au milieu de la Bidassoa et dont l’aménagement a été lui aussi négocié. Si la partie française n’a aucun doute sur sa supériorité militaire et la grandeur de son roi, Philippe IV et don Luis entendent limiter les pertes territoriales, ne rien céder des principes que leur dicte l’honneur ni renoncer à la déférence que leur a longtemps valu la suprématie de l’Espagne. D’un côté comme de l’autre, le mariage avec l’Infante sert de moyen de pression : c’est la condition que Mazarin met pour rendre des places conquises ; c’est la condition que met don Luis de Haro pour discuter le nombre de ces places, obtenir la réintégration du prince de Condé à son rang. Des cent vingt-quatre articles du traité, le cœur est le bref article 33 qui reconnaît aux ministres négociateurs le pouvoir de dresser le contrat. Le 22 août commencent les discussions sur l’étendue et la forme de la renonciation de l’Infante à ses biens patrimoniaux : le ministre espagnol s’en tient au modèle utilisé en 1615, une renonciation générale établie par cinq actes successifs de 1612 à 1620. Mazarin, poussé par la reine mère et le roi, réclame une renonciation limitée qui laisserait une option sur les Pays-Bas. Mais il n’obtient aucune concession sur ce point fon-

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damental. Il réclame une dot de deux millions d’écus : chiffre énorme qu’il justifie comme la contrepartie des places qui seront rendues. Il finit par accepter de revenir au montant de 1615 — 500 000 écus.33 Les rédacteurs du contrat, Pedro Coloma et Hugues de Lionne, juxtaposent le résultat des discussions dans deux articles différents : l’article 4, dont Hugues de Lionne a tiré par la suite fierté et influence, lie au paiement effectif des 500 000 écus la renonciation de l’Infante aux droits qu’elle pourrait avoir sur les héritages de ses père et mère ; l’article 5 énonce la renonciation de l’Infante et de ses descendants à la succession « es Royaumes, états, seigneuries, dominations qui appartiennent et appartiendront à Sa Majesté Catholique ».34 Une renonciation aux biens familiaux distincte de la renonciation aux droits de la souveraineté ? On en a beaucoup discuté par la suite. De toute façon, Philippe IV et ses conseillers savent que les renonciations circonstancielles d’un contrat ne tiennent pas contre les règles successorales aussi imprescriptibles pour les Couronnes d’Espagne que pour celle de France ; or, elles admettent la succession des femmes. L’infant Philippe Prosper est toujours vivant lorsque le traité est signé par les ministres le 7 novembre : l’existence d’un héritier mâle reste le seul rempart contre les prétentions françaises. Dans l’immédiat, l’accomplissement du mariage sert de moyen de pression pour assurer l’application des décisions. Le 30 octobre, don Luis de Haro avait écrit à son roi : « Je n’oserais conseiller à Votre Majesté qu’elle permette que madame l’Infante sorte d’Espagne, parce que le mariage est ce qui fait la paix et l’assurance que nous avons sur elle, et si elle part avec Son Altesse à Saint-Jean-de-Luz, d’après ce que

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j’ai pu voir de ce gouvernement, je ne me risquerais pas à assurer à Votre Majesté qu’on puisse obtenir l’accomplissement du reste. » 35 Un article secret adjoint au traité prévoit que l’Infante entrera en France le 25 avril 1660 : temps estimé nécessaire par les négociateurs eux-mêmes pour les échanges de places, le licenciement des armées, la réintégration de Condé. Se fiant au précédent de 1615, la cour s’était installée à Bordeaux à la mi-août. Fin septembre, pour éviter le ridicule d’une trop longue attente avec ce qu’elle marquerait de dépendance vis‑à-vis du roi d’Espagne, Mazarin suggère à Louis XIV d’entreprendre un grand voyage dans les provinces du Sud de son royaume : la cour quitte Bordeaux le 19 octobre.36 Philippe IV, d’accord avec son ministre, est bien décidé à ne se séparer de sa fille sacrifiée que le plus tard possible. Question de sentiment, de culpabilité peut-être ?37 De prestige en même temps. Tant qu’il garde l’Infante, le roi est maître de désigner l’ambassadeur qui viendra demander sa main, de décider d’accompagner sa fille, de reculer la date du départ, de rompre avec le précédent de 1615 en refusant la célébration du mariage par procuration dans la vénérable cathédrale de Burgos. Les différentes étapes de la préparation du mariage prennent valeur d’épreuves imposées à la cour de France afin qu’elle reconnaisse la suprématie du Roi Catholique quand bien même le sort des armes en a décidé autrement. Début mai, l’Infante, conduite par son père, arrive à San Sebastien tandis qu’après sept mois de déplacements, la cour de France atteint Saint-Jean-deLuz. Trois semaines durant, Mazarin et don Luis de Haro retrouvent l’île des Faisans pour régler d’ultimes différends. Le 2 juin, Marie-Thérèse lit

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l’acte de renonciation devant son père et les Grands qui l’accompagnent. Le lendemain, le mariage par procuration a lieu dans l’église de Fontarabie. Le 4 juin, dans le bâtiment agrandi et redécoré de l’île des Faisans, le roi d’Espagne présente la nouvelle reine de France à la reine mère. Le frère et la sœur échangent quelques mots de souverains. Le roi de France passe splendidement vêtu et masqué. Le 6 juin, les deux rois entendent dans les deux langues la lecture du traité des Pyrénées, puis du contrat : ils signent. Le lendemain, au milieu des larmes tant espagnoles que françaises, la reine de France fait ses adieux à son père. Deux jours plus tard, à SaintJean-de-Luz, l’union est consacrée et consommée. Le retour de la cour vers Paris se fait en quatre-vingtquinze étapes : le 20 juillet, le couple royal s’installe au château de Vincennes en attendant de faire son entrée dans la capitale.

LIENS DU SANG ET INTÉRÊT POLITIQUE

Quand je serais propre frère de l’empereur, engendrés tous deux par un même père dans les flancs de la même mère, que nous serions d’ailleurs [par ailleurs] unis d’amitié autant que deux frères l’ont jamais été, l’intérêt politique ne me permettrait pas que moi étant roi de France et lui empereur, je rétablisse le duc de Lorraine dans son état à sa prière, et il n’aurait aucun sujet raisonnable de trouver mauvais le refus que je lui ferais, ni de se plaindre que j’eusse manqué à l’amitié qui est ou doit être entre deux frères ; à plus forte raison dois-je tenir cette conduite étant nés dans

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Roi de France deux maisons qui, quoique étroitement liées par le sang, ont toujours depuis deux siècles, été opposées par leurs intérêts.38

Au lendemain de la première guerre de son règne personnel et pour préparer la seconde, Louis XIV entretient des relations suivies avec Léopold I er. Dans cette lettre adressée en septembre 1671 à Grémonville, son envoyé à Vienne, le roi met radicalement en doute la réalité des obligations nées des alliances matrimoniales entre maisons régnantes. L’idée d’une unité de la Chrétienté où les souverains étroitement liés par le sang ne pourraient se combattre est morte : elle a cédé la place au droit ouvertement reconnu à chaque maison d’agir au mieux pour sa gloire et l’extension de ses possessions, ce qui s’avoue comme son « intérêt politique ». Ce n’est pas à dire que les mariages n’entrent pas dans ce cadre. Louis XIV a tiré rapidement parti du sien : c’est au nom des droits de la reine qu’il a entrepris sa première guerre. Et il attend, comme tous les autres souverains, l’extinction des Habsbourg de Madrid puisque le dernier fils de Philippe IV, né en 1661, s’est lui aussi révélé de santé fragile. 39 Charles II met cependant trente-neuf ans et deux mariages à mourir sans héritier direct : pour le premier mariage, en 1679, le roi de France accepte de donner sa nièce, Marie-Louise d’Orléans.40 Cette longue séquence laisse à Louis XIV la liberté de se tourner vers d’autres terrains d’intervention. La conviction d’être le plus grand roi du monde le conduit à considérer les unions matrimoniales comme des occasions de créer des dépendants, trop honorés de recevoir une fille de France et plus encore d’être admis à donner une reine éventuelle. Loin

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d’être la reconnaissance d’une égalité de puissance, donc de marquer un moment de paix, les mariages deviennent des moyens de renforcer ou de construire des réseaux d’alliés prêts à soutenir le roi dans ses entreprises guerrières ou du moins à ne pas s’y opposer. La maigreur de sa descendance légitime — un seul enfant atteint l’âge adulte, trois petits-fils naissent entre 1682 et 1686 —, ainsi que sa volonté d’unir ses enfants illégitimes aux princes du sang, l’obligent à mobiliser l’ensemble de ses collatéraux et de leurs descendants au service de sa politique matrimoniale. Louis XIV applique ainsi de façon systématique les principes qui avaient été proclamés dans l’urgence des années 1630 : Gaston, le frère rebelle de Louis XIII, avait alors épousé Marguerite, la sœur du duc de Lorraine chez qui il avait trouvé refuge. Le roi avait condamné ce mariage, les juristes avaient assuré qu’en tant que chef de la maison de France, il était maître de décider des unions de tous ses membres.41 Parmi les alliances extérieures, la plus stérile se fait avec l’Angleterre. En avril 1661, le frère du roi, Philippe d’Orléans, est uni à Henriette d’Angleterre, fille d’Henriette de France, sœur de Louis XIII et de Charles Ier décapité en 1649 ; elle est la sœur de Charles II qui vient de retrouver le trône d’Angleterre. De la même manière que lors du premier mariage, la cour de France avait spéculé sur une rentrée rapide dans le sein de l’Église romaine grâce à l’influence d’Henriette de France, Henriette d’Angleterre est chargée de reprendre le projet de conversion et d’attirer son frère dans une guerre contre les ProvincesUnies. Il est d’autres alliances qui, bien que ne donnant pas toujours des résultats immédiats, n’en ont pas été moins poursuivies avec une certaine constance. Des

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mariages tentent de maintenir des liens avec les princes allemands capables de s’opposer à Léopold Ier, seul véritable rival de Louis XIV. En 1663, Henri Jules, fils du Grand Condé, reçoit pour épouse la deuxième fille de l’électeur de Bavière. En 1671, Philippe d’Orléans est remarié à une fille de l’électeur palatin : Élisabeth-Charlotte se convertit pour l’occasion.42 En 1680, nouveau mariage bavarois, cette fois au plus haut niveau des maisons : le Dauphin épouse Marie-Anne-Victoire, la fille aînée de l’électeur. En 1698, une fille du second mariage de Philippe d’Orléans, nommée Élisabeth-Charlotte comme sa mère, est donnée à Léopold, duc de Lorraine. Du côté des États italiens, à l’opposé de l’union sans suite de Marguerite-Louise, fille de Gaston d’Orléans et de Marguerite de Lorraine, avec le fils du grand-duc de Toscane, le futur Côme III, en 1661, les alliances avec la maison de Savoie se renouvellent à chaque génération. Le roi de France attend de la complaisance des Savoyards la possibilité de faire passer facilement ses troupes de l’autre côté des Alpes ; la cour de Savoie préfère oublier l’humiliation de Lyon et tirer de la rivalité des Bourbons et des Habsbourg le meilleur parti possible. En 1663, la deuxième fille de Gaston d’Orléans et de Marguerite de Lorraine, Françoise d’Orléans, est unie à Charles-Emmanuel II ; en 1684, Anne-Marie, fille du premier mariage de Philippe d’Orléans, épouse Victor-Amédée II. Ce qui n’empêche pas ce dernier d’entrer aux côtés de la ligue d’Augsbourg dans la guerre qui commence en 1689. En 1697, le duc signe une paix séparée ; pour le maintenir dans de bonnes dispositions, il est sollicité de donner sa fille aînée, Marie-Adélaïde, âgée de onze ans, en mariage au fils aîné du Grand Dauphin, Louis, duc de Bourgogne, qui en a quinze. En 1701,

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les bonnes relations sont confirmées par l’union du deuxième fils du Grand Dauphin, devenu Philippe V, roi d’Espagne, avec Marie-Louise, la deuxième fille du duc de Savoie. Deux ans plus tard, le duc préfère se ranger de nouveau du côté des adversaires du roi de France. Le règne de Louis XIV s’achève dans un double mouvement reconnu et imposé par les autres puissances européennes : Philippe V, son petit-fils, hérite des couronnes d’Espagne au prix de sa renonciation à la couronne de France. S’il faut ensuite aux puissances de l’Europe occidentale vingt-cinq ans de nonagression avant de reprendre le fil des conflits armés, Louis XV retrouve en face de lui les meilleurs adversaires de son arrière-grand-père, l’empereur et le roi d’Angleterre. Ainsi se dessinent par compensation les alliances qu’il peut envisager pour ses enfants. En 1739, à la demande de la cour d’Espagne qui a effacé le souvenir du renvoi de l’Infante en 1725, il donne Madame Première, Louise-Élisabeth, à peine âgée douze ans, au fils cadet de Philippe V et d’Élisabeth Farnèse. La maladie du roi en août 1744 au cours de sa première campagne militaire rend soudain urgent le mariage du Dauphin qui vient d’avoir quinze ans. Un redoublement d’alliance s’impose d’autant plus que les deux royaumes ont signé l’année précédente un « pacte de famille » pour s’opposer à l’Angleterre. Louis-Ferdinand épouse Marie-Thérèse d’Espagne en février 1745 : elle meurt dix-sept mois plus tard en mettant une fille au monde. La guerre de succession d’Autriche (1744-1748) dans laquelle le roi de France est engagé avec l’Espagne pour tout allié raréfie les épouses possibles. Louis XV répugne à accepter la sœur cadette de la défunte ; son meilleur guerrier, le maréchal de Saxe, propose la deuxième

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fille de l’électeur de Saxe, roi de Pologne, qu’il paraît possible de détacher de l’alliance autrichienne. MarieJosèphe passe le Rhin à Strasbourg le 27 janvier 1747 ; le mariage est célébré à Versailles le 9 février. Le roi n’estime pas nécessaire de faire de ses autres enfants vivants, toutes des filles, des instruments diplomatiques. Une guerre plus tard, la jonction des forces du roi d’Angleterre et du roi de Prusse rend inévitable le rapprochement des Bourbons et des Habsbourg, diplomatique et militaire en 1756, matrimonial dès que possible. Les négociations commencent en 1764 alors que les futurs époux ont l’un dix ans et l’autre neuf. L’impératrice Marie-Thérèse tient à ce mariage comme à la preuve éclatante de son entente avec le roi de France. Du point de vue de sa maison, elle a tout à gagner puisqu’elle ne donne au Dauphin que sa neuvième et avant-dernière enfant vivante. Elle va jusqu’à demander un précepteur au duc de Choiseul, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, pour achever de préparer l’archiduchesse à son entrée à la cour de France. En juin 1769, Louis XV, qui avait un moment pensé à épouser lui-même Marie-Antoinette, donne son accord.43 Les fastes des grandes alliances du passé sont retrouvés : quarante-huit carrosses accompagnent le marquis de Durfort à Vienne où il présente la demande en mariage le 16 avril 1770 ; le lendemain, l’archiduchesse prononce sa renonciation à l’héritage des Habsbourg ; le 19, le mariage par procuration est célébré dans l’église des Augustins. Le 7 mai, la Dauphine arrive en vue de Strasbourg. Le protocole du passage des Infantes sur la Bidassoa sert de matrice à son entrée dans le royaume : sur une île du Rhin, un pavillon a été construit ; elle y revêt une robe faite de tissus d’or et reçoit l’hommage de sa

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nouvelle Maison. Le mariage est célébré à Versailles le 16 mai. Des fêtes le prolongent dont une à Paris où l’enthousiasme de la foule provoque l’étouffement de cent trente-deux personnes. Dans les deux années qui suivent, Louis, comte de Provence, et Charles, comte d’Artois, les deux frères du Dauphin, sont mariés à Marie-Joséphine et MarieThérèse, filles du roi de Sardaigne. 44 En 1775, Louis XVI, roi depuis la mort de son grand-père l’année précédente, donne Clotilde, une des sœurs qui lui reste, au fils aîné du roi de Sardaigne, Charles-Emmanuel de Savoie. Sa sœur cadette, Élisabeth, va rejoindre le clan des filles de France non mariées, ses tantes, Adélaïde, Marie-Victoire, Sophie. En cette fin du XVIIIe siècle, tout se passe comme si la croyance dans l’efficacité politique des liens matrimoniaux s’était effacée. C’est là que cette phrase bien connue « Les rois n’épousent pas des bergères » acquiert toute sa justesse. Les princes ne peuvent faire moins que d’épouser des filles de souverains qui se trouvent presque toujours déjà parents des Bourbons, mais de lien, l’union matrimoniale devient le signe d’une entente qui peut n’être qu’éphémère. Aussi n’est-il plus nécessaire de trouver des partis convenables à toutes les filles de France. Et comme il reste toujours aussi difficile d’avoir un héritier mâle, le mariage royal se trouve réduit à sa fonction reproductive élémentaire.

Chapitre III LES OBLIGATIONS DE L’HÉRITAGE : LA REPRODUCTION

Chers frères, de si bon cœur comme faire le pouvons, vous recommandons à vous. Mardi dernier à Langeais furent faites les épousailles du roi et de la reine, notre souveraine Dame, et la nuit d’icelui audit Langeais couchèrent ensemble et là laissa la reine son pucelage. Hier à heure de dîner arriva au Plessis le roi, et au soir la reine et y fait-on bonne et grande chère. Nous avons bien voulu vous en avertir afin que faire processions générales, feux et toutes choses pieuses en regraciant Dieu. Autres nouvelles pour le présent ne pouvons vous écrire, pour que la seigneurie est fort occupée, et encore ne avons rien besoigné touchant nos charges, mais en toute dilligence y besognons et en bref vous le ferons savoir.1

Au nom des six bourgeois de Rennes qui ont accompagné Anne de Bretagne au château de Langeais, le procureur de la municipalité tient à rassurer ses concitoyens sur l’heureux événement qui a eu lieu deux jours plus tôt. De son côté, Jean de Chalon, prince d’Orange, cousin de la duchesse et membre du Conseil ducal, assortit des mêmes précisions l’ordre de célébration qu’il adresse à toutes les villes du duché.

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Pareilles proclamations ne se retrouvent pas à chaque noce royale. Celles-ci dans leur crudité ont le mérite de montrer l’importance de l’ultime étape du processus d’union : la consommation. Ce qui au sens originel, proche encore aux oreilles de ces gens imprégnés de latin, signifie « mener à son terme, achever ». Le succès de cette action a été constaté au matin des noces et célébré par l’abondance des nourritures elles aussi consommées dans un grand festin le soir au château du Plessis. Dans l’épreuve, le roi a gardé suffisamment de force pour quitter Langeais dans la matinée, la reine a dû prendre quelque repos puisqu’elle ne le rejoint que dans la soirée. Pour les notables bretons soulagés, le dépucelage de la duchesse-reine marque un point de non-retour et la fin des tribulations : sont abolis le mariage par procuration avec l’empereur Maximilien et l’attente de la dispense pontificale tandis que les accords reconnus au contrat deviennent irréversibles et le sacrement donné aux époux indissoluble. Dès lors l’union peut commencer à produire des effets réels : la fin des dépenses de guerre et de l’occupation militaire du duché, toutes choses auxquelles les représentants bretons vont maintenant pouvoir « besogner » — travailler. Telle n’est pas exactement la position de l’Église : elle a attendu le concile de Latran de 1215 pour reconnaître aux couples mariés la capacité à atteindre la béatitude éternelle et mis encore trois siècles pour intégrer pleinement la bénédiction nuptiale parmi les sacrements.2 Que l’absence de consommation n’entraîne pas forcément l’annulation du mariage témoigne de la primauté fondamentale conservée à la virginité. Encore pendant le concile de Trente (15451563), le débat se poursuit pour savoir ce qui fait le

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sacrement du mariage : les paroles de consentement prononcées publiquement par chacun des époux, les actes du prêtre ou l’union charnelle qui est censée les lier aussi indissolublement que le Christ et son Église ? Ce qui peut cependant occuper les théologiens ne tient pas devant les nécessités de la vie sociale et plus encore de la survie dynastique.

L’ENTRÉE AU LIT NUPTIAL

Les rares statistiques disponibles pour l’aristocratie européenne indiquent un âge moyen au mariage de vingt et un ans pour les garçons et de dix-huit pour les filles3, mais il est facile de voir combien les enjeux politiques qui s’attachent aux mariages royaux entraînent une plus grande précocité. Dans la série constituée par les rois, par les princes qui sont devenus rois et par ceux qui ont transmis le sang royal en primogéniture sans porter la couronne — quinze hommes en tout — un premier groupe se dessine, celui des mariés dans l’urgence : sept d’entre eux, près de la moitié, ont entre quatorze et seize ans.4 L’urgence peut être vitale, ainsi du jeune Louis XV après sa maladie, de son fils Louis-Ferdinand après une autre maladie du roi. Elle est le plus souvent directement politique et concerne les héritiers en puissance plutôt que les rois eux-mêmes à l’exception de Louis XIII : pour Henri d’Orléans et pour le Dauphin François, il s’agit de saisir une héritière ; pour Louis XIII, pour le duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, pour le Dauphin Louis-Auguste, petit-fils

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de Louis XV, il s’agit d’affirmer une alliance. Dans ces conditions, les épousées sont elles aussi très jeunes, à l’exception de Marie Leszczynska. Le droit canonique fixe l’âge minimum requis à douze ans pour les filles et quatorze pour les garçons. Cependant l’expérience du danger des grossesses trop précoces a imposé d’attendre que les filles aient atteint quatorze ans. C’est l’âge de Catherine de Médicis et d’Anne d’Autriche ; Mary Stuart a quinze ans, MarieAntoinette aussi. Seule la première épouse du Dauphin Louis-Ferdinand, Marie-Thérèse-Raphaëlle d’Espagne est légèrement plus âgée, dix-huit ans, mais en temps de guerre, le choix était limité et l’alliance espagnole indispensable. Une nécessité identique — garder le duc de Savoie dans le camp de Louis XIV alors en guerre contre tous les États d’Europe occidentale et centrale — conduit au résultat inverse : Marie-Adélaïde arrive à la cour de France à l’âge de douze ans. Le 7 décembre 1697, son union avec le duc de Bourgogne est consacrée à Versailles devant la cour qui a reçu l’ordre de se montrer particulièrement somptueuse ; le soir, les mariés en déshabillé se couchent dans le lit nuptial en présence du roi et des courtisans ; ensuite de quoi, ils restent seuls avec le Dauphin et le gouverneur du jeune duc, bavardent un quart d’heure, échangent un baiser et se quittent pour ne plus se rencontrer qu’épisodiquement et sous surveillance pendant près de deux ans. Ce simulacre de consommation publique a été considéré comme nécessaire et suffisant pour proclamer l’indissolubilité du mariage. La plupart des unions du second groupe — sept hommes — ont rencontré des obstacles qui ont eu pour effet de retarder l’âge au mariage : entre dix-huit et vingt-quatre ans. Malgré les multiples engagements

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publics, Anne de Bretagne s’est efforcée de repousser le mariage de sa fille Claude avec François d’Angoulême : il a lieu quatre mois après sa mort, Claude atteint alors quatorze ans, François en a vingt. Les autres obstacles relèvent essentiellement de la guerre : conquête du duché de Bretagne pour Charles VIII, vingt et un ans et Anne, quinze ans ; guerre civile pour Charles IX qui, à vingt ans, épouse Élisabeth d’Autriche, seize ans ; Louis XIV doit attendre l’épuisement des forces espagnoles pour obtenir le prix de la victoire, Marie-Thérèse, ils ont tous les deux vingtdeux ans ; le mariage du Grand Dauphin, dix-neuf ans, avec Marie-Anne-Victoire de Bavière, vingt ans, a dépendu du rétablissement des liens diplomatiques après la paix de Ryswick de 1697. Quant à Henri III, parti occuper le trône de Pologne, il rentre en France à la mort de son frère, Charles IX, et se marie dès son retour : il a vingt-quatre ans, Louise de Lorraine en a vingt-deux. Vient enfin dans ce groupe, un remariage : marié à quinze ans, le Dauphin Louis-Ferdinand est veuf à dix-sept ans ; sept mois plus tard, il épouse Marie-Josèphe de Saxe, seize ans. Le dernier groupe est constitué de trois rois âgés de trente-six à cinquante-deux ans, tous ont déjà été mariés. François Ier, veuf à trente ans, épouse six ans plus tard la sœur de Charles Quint, Éléonore, trentedeux ans, veuve elle aussi. Lorsque Louis d’Orléans succède à Charles VIII, il a près de trente-six ans : tant qu’il n’était que prince du sang, il pouvait supporter la stérilité de son union avec Jeanne de France ; devenu roi, il a besoin d’un fils. L’annulation de son mariage devient nécessaire quand bien même les conditions du contrat de Langeais ne le pousseraient pas à épouser la veuve de son prédécesseur. La procédure commence fin juillet 1498 lorsque le pape

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Alexandre VI nomme deux juges pour mener le procès dans les formes ; elle se termine le 17 décembre sur une sentence d’annulation basée sur la nonconsommation du mariage en raison de l’incapacité de Jeanne. La découverte de la lettre de Louis XI au comte de Dammartin où il annonçait sa décision de conclure le mariage de sa fille et de Louis d’Orléans « pour ce que les enfants qu’ils auront ensemble ne leur coûteront guère à nourrir »5 a permis d’emporter la décision. De son côté, tout en affirmant qu’à plusieurs reprises le duc s’était vanté de ses exploits nocturnes avec elle, Jeanne a refusé de subir un examen corporel. Quatre mois plus tard, Louis XII épouse Anne de Bretagne, elle a vingt-deux ans. Veuf à cinquante-deux ans, il se tourne vers Mary Tudor, âgée de quinze ans. Dans les noces villageoises, une telle différence d’âge aurait donné aux jeunes mâles célibataires l’occasion de faire un beau charivari : ici, les petits clercs du Palais de justice de Paris font circuler des poèmes où ils se moquent du roi et de « sa haquenée » qui va hâter son entrée en Enfer ou au Paradis.6 En août 1589, la mort du dernier Valois donne la Couronne à Henri de Navarre et fait de Marguerite de Valois qu’il avait épousée en 1572 une reine de France. Le nouveau couple royal n’a pas d’enfant et s’est définitivement séparé au début des années 1580 : même les pressions d’Henri III après la disparition de François d’Anjou n’ont pu convaincre Henri de Navarre de reprendre la vie commune avec une femme qui avait mis au monde deux enfants adultérins.7 De 1592 à 1599, des négociateurs viennent de façon intermittente au château d’Usson où elle a été contrainte de se retirer. Toute perdue de réputation qu’elle est, Marguerite de Valois reste fille et reine de

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France et sait parfaitement jouer de sa seule arme : sauf à envisager une rupture avec l’Église romaine, Henri IV a besoin de son accord pour obtenir du pape un procès en dissolution. Déjà assurée d’importants avantages financiers, elle envoie sa procuration au roi neuf jours après la mort de Gabrielle d’Estrées : comme le reste de la famille royale, elle tient à ce que la nouvelle reine vienne d’une maison souveraine. Le procès se déroule du 24 septembre au 17 décembre 1599. L’annulation est prononcée d’une part, en raison de la parenté spirituelle qui existait entre Henri de Navarre et Henri II son parrain et faisait de Marguerite la sœur spirituelle de son époux et, d’autre part, en raison de la contrainte qui aurait été exercée sur la jeune femme au moment du mariage. Un an plus tard, Henri IV se présente en conquérant à la chambre de sa nouvelle épouse : fait unique dans l’histoire des rois et des princes de cette période, il entre dans un lit qui n’a pas été préparé pour les noces et sans que l’échange public des paroles de consentement des époux n’ait été accompli, ni le banquet, ni les réjouissances. Il a quarante-sept ans, Marie de Médicis en a vingt-sept : peut-être estimet‑il qu’il n’y a pas de temps à perdre. Quelques-uns de ces couples se connaissaient avant le mariage sans que cela représente un avantage certain. Il est difficile de croire que, malgré ses manières chevaleresques, l’entrée de Charles VIII dans Rennes ait pu séduire la jeune duchesse vaincue. Louis XII a rencontré Anne dès son enfance lorsque, encore duc d’Orléans, il s’est rendu auprès de son père pour le pousser à la guerre ; il l’a même vue nue lors de l’inspection prénuptiale ; il a fréquenté la cour de Charles VIII, mais n’a pas manifesté de chagrin à la mort du Dauphin Charles-Orland. François d’Angou-

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lême, appelé dès huit ans auprès de Louis XII, a eu largement le temps de se rendre compte que Claude était petite, laide et qu’elle avait hérité de la claudication de sa mère tandis qu’elle-même développait une admiration éperdue pour ce beau garçon vigoureux. Après la signature du traité de Madrid, il obtient de Charles Quint de rencontrer sa nouvelle fiancée, Éléonore : bien décidé à obtenir son soutien, il déploie tout son charme au cours des deux jours de fête organisés avant son départ ; il aurait volontiers été audelà, mais l’empereur est aussi conscient que le roi de l’arme diplomatique que représente la consommation d’un mariage.8 Le Dauphin François connaît son épouse depuis son plus jeune âge puisque Mary Stuart a été élevée avec les enfants de France. Henri III a remarqué Louise de Lorraine en s’arrêtant à Nancy alors qu’il partait pour la Pologne. Tous les autres couples n’ont eu pour imaginer leurs futurs que des rapports d’ambassadeurs et des portraits, flatteurs et convenus les uns comme les autres ; ils disposent ensuite de deux jours à une semaine pour se rencontrer — entre l’arrivée des épouses et la célébration finale. Après la signature du traité et du contrat où les futurs époux se sont officiellement vus, vient la journée des adieux que la nouvelle reine Marie-Thérèse termine par un souper familial avec le roi et la reine mère. Le lendemain est ponctué de quelques moments passés en compagnie du roi : deux visites, une messe, un déjeuner. Le troisième jour a lieu la bénédiction où la reine apparaît dans l’habit royal de France — la robe et le grand manteau de velours bleuviolet semé de fleur de lys d’or, puis le temps s’étire jusqu’au soir :

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Roi de France Quand il fut nuit, l’Infante Reine quitta la maison de la Reine mère et alla chez le Roi, conduite par lui, par la Reine leur mère et par Monsieur. […] Leurs Majestés et Monsieur soupèrent en public, sans plus de cérémonie qu’à l’ordinaire, et le Roi demanda aussitôt à se coucher. La Reine dit à la Reine sa tante, avec les larmes aux yeux : Es muy temprano (Il est trop tôt) qui fut depuis qu’elle était arrivée le seul moment de chagrin qu’on lui vit, et que sa modestie la força de sentir ; mais enfin quand on lui eut dit que le Roi était déshabillé, elle s’assit à la ruelle de son lit sur deux carreaux, pour en faire autant sans se mettre à sa toilette. […] Elle se déshabilla sans faire nulle façon ; et comme on lui eut dit que le Roi l’attendait, elle prononça ces mêmes paroles : Presto, presto, quel Rey m’espera (Vite, vite, le roi m’attend). Après une obéissance si ponctuelle, qu’on pouvait déjà soupçonner être mêlée de passion, tous deux se couchèrent avec la bénédiction de la Reine, leur mère commune.9

Mme de Motteville s’est bâti une position de témoin indéfectiblement favorable à Anne d’Autriche : dans la description de la nouvelle reine au soir de ses noces, on peut se demander si elle suit fidèlement ses différents états d’âme ou si elle reproduit des lieux communs. À la pudeur nécessaire de la vierge, à la non moins nécessaire obéissance à l’époux, Mme de Motteville ajoute la force des sentiments, « la passion ». Entêtement d’une dame de compagnie dévouée qui a toujours voulu voir le triomphe de l’amour autour de sa souveraine, la « mère » commune des deux époux ? D’autres témoins ont employé ce même terme de « passion » pour décrire les sentiments de Marie-Thérèse envers son époux10, mais en général, il suffit que les épouses aient été préparées à leur devoir et à leur tâche : sans transition dans cette culture qui ne distingue pas l’adoles-

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cence et ne définit pas la jeune fille, elles cessent d’être des enfants pour devenir des femmes, ou plus exactement elles commencent à espérer le devenir en étant mère au plus vite. À plus forte raison s’il s’agit de produire un futur roi Très Chrétien. On laissera de côté les quelques paroles glorieuses que certains de ces hommes ont prononcées au matin de leurs noces et qui nous ont été parfois transmises. Si Louis XIV a eu du mal à se déprendre de sa chaste passion pour Marie Mancini, du moins, sa mère avait pris soin de le faire préparer à sa fonction reproductrice. Certains des époux même jeunes avaient déjà des maîtresses en titre — Diane de Poitiers pour Henri d’Orléans, Marie Touchet pour Charles IX — ou multiples, comme François d’Angoulême. Henri IV s’est vanté d’avoir donné tant de preuves de son « amitié conjugale » à sa nouvelle épouse qu’il a pu la quitter au bout d’un mois pour retrouver une maîtresse exigeante, Mme de Verneuil, qui avait très vite pris la place de Gabrielle d’Estrées. Cinq mariages n’ont pas été immédiatement consommés. Au soir du 18 mai 1514, François d’Angoulême n’est pas entré dans le lit béni par le prêtre : habitué à suivre ses caprices, humilié d’avoir une épouse si laide, il ne ressent la nécessité de remplir son devoir conjugal qu’à partir du moment où le remariage de Louis XII risque de menacer sa position d’héritier présomptif. L’ignorance et la maladresse retiennent un temps le Grand Dauphin : Louis XIV, furieux, intervient pour faire compléter son éducation. Le chagrin paralyse le Dauphin Louis-Ferdinand lorsqu’il est obligé d’accueillir sa seconde épouse sept mois seulement après la perte de la première. Restent les cas de Louis XIII et du Dauphin LouisAuguste, devenu Louis XVI. Il est illusoire de vouloir

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donner des explications à des défaillances sexuelles vieilles de trois à quatre siècles et qui concernent deux garçons de quatorze et de seize ans. Sur le moment, seul compte l’incapacité de leur corps devant ce que la fonction royale et le principe successoral exigent d’eux : au matin du 26 novembre 1615, quoique le jeune roi en prétende et qu’Héroard constate sur son pénis irrité, la reine est toujours vierge ; quant au Dauphin Louis, au matin du 17 mai 1770, il ne prétend à rien que de remettre à plus tard l’accomplissement de son devoir. Dès lors, l’anxiété et l’agitation s’emparent des deux cours concernées par ces mariages, les ambassadeurs servant de relais au moindre signe positif ou négatif. Mais ici s’arrêtent les similitudes entre les deux situations. Au moment du mariage de Louis XIII, le développement des affrontements entre catholiques et protestants en Europe pousse le pape à intervenir dans la réussite des unions franco-espagnoles : son envoyé, le cardinal Bentivoglio, fait pression sur le père Arnoux, jésuite, confesseur du roi. Cependant, le confesseur à qui le roi a confié sa répugnance aussi bien que le médecin s’attachent à faire valoir son jeune âge pour lui éviter de nouvelles tentatives humiliantes ; de son côté, Marie de Médicis n’est sans doute guère pressée de voir son fils devenir un homme — et qui sait ? un père — ce qui la priverait du pouvoir encore plus rapidement. Les lettres fréquentes et affectueuses de Philippe III à sa fille lui conseillent patience, obéissance et piété : elle multiplie les actes de dévotion. Le 25 janvier 1619, soit plus de trois ans après les noces, l’union est enfin réalisée : le temps, l’affirmation du pouvoir du roi avec l’assassinat de Concini et le bannissement de Marie de Médicis hors de la cour, la jalousie qu’il éprouve au

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moment des mariages de sa demi-sœur CatherineHenriette de Vendôme, puis de sa sœur Christine ont donné au jeune homme l’envie d’affronter l’épreuve ; l’amitié du duc de Luynes lui en a donné le courage. Dans sa livraison pour l’année 1619, le Mercure françois consigne « l’accomplissement du mariage du roi de France » et ajoute « la France faisait des vœux à Dieu pour qu’il donnât à la Reine un Dauphin »11. Les « Réflexions données à la reine de France » par son frère, l’empereur Joseph II, venu la visiter au printemps 1777, montrent les changements intervenus un siècle et demi plus tard dans les manières d’envisager la consommation du mariage royal. N’êtes-vous pas froide ou distraite quand il vous caresse, vous parle ? Comment, si cela était, voudriezvous qu’un homme froid et qui n’a pas senti les plaisirs charnels, s’approche, s’excite et enfin vous aime et parvienne à terminer la grande œuvre ou au moins goûter les plaisirs possibles à son état avec vous ? Ce point exige toute votre attention, et tout ce que vous ferez pour obtenir ce grand but sera le lien le plus fort que vous mettrez au bonheur de votre vie.12

Les objectifs politiques restent semblables : garder le royaume de France dans l’alliance autrichienne, éviter que la couronne de France ne passe au frère cadet de Louis XVI, le comte d’Artois, qui vient d’avoir un fils. Les moyens diffèrent radicalement : la dévotion, la soumission ont disparu devant la puissance du plaisir. Parallèlement, l’exposition laisse place à l’intimité. Après sept ans de surveillance constante — mises au lit cérémonielles, état des draps, examen des médecins, questions précises du grand-père amateur de femmes tant qu’il a vécu, puis nouvelles questions et conseils techniques du beau-

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frère, bruits de cour minutieusement relayés par l’ambassadeur autrichien Mercy-Argenteau — l’événement arrive impromptu et discret : dans la matinée du 18 août 1777, le roi se rend chez la reine au moment où elle sort du bain. Si le médecin Lassonne est ensuite appelé à constater le succès de l’entreprise, le roi lui impose le silence : les bruits ne commencent à courir que six jours plus tard, ce qui constitue une autre sorte d’exploit.

GROSSESSES INCERTAINES

À la consommation succède immédiatement l’attente de la grossesse. Une attente largement partagée, même si ce n’est pas par « la France » tout entière comme le prétend le Mercure : le roi a besoin d’un fils pour s’inscrire pleinement dans la lignée des rois, la reine doit construire sa place aux côtés de son époux ou la Dauphine auprès du roi régnant, le personnel politique et les courtisans tiennent à la stabilité, les ambassadeurs doivent connaître le plus tôt possible ce qui peut mobiliser le jeu des alliances. L’attente cependant se fait dans l’opacité des signes. L’expérience commune lie le coït et la conception. Des préceptes venus de la médecine antique et relayés par la morale chrétienne veulent que la femme soit un réceptacle passif où doit s’opérer le mélange intégral de la semence masculine et des fluides féminins.13 C’est ce qui peut expliquer aussi l’immobilité d’Anne de Bretagne et de Marie de Médicis qui mettent longtemps à quitter le lit nuptial. Inversement, s’il est vrai que la stérilité du couple Henri d’Orléans-Catherine

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de Médicis était liée à des défauts anatomiques et qu’il leur suffisait de quitter la seule position d’union autorisée par l’Église pour être capable de concevoir, il a fallu plus de neuf ans aux médecins pour s’en apercevoir et à eux pour s’y résoudre. L’écoulement menstruel est interprété comme un indicateur de la bonne santé nécessaire à la procréation : c’est une « purgation mensuelle », équivalent naturel des saignées pratiquées par les médecins pour rétablir l’équilibre des humeurs.14 Dans l’ignorance des périodes de fécondité, les couples n’ont d’autre solution que de multiplier les rapports sexuels. Tandis que Louis XII négocie son mariage avec Mary Tudor, François d’Angoulême se résoud à rejoindre Claude de France au château d’Amboise ; sur les conseils des médecins, il y séjourne deux semaines et passe toutes les matinées dans le lit de son épouse ; sans succès d’ailleurs puisque leur premier enfant ne naît que douze mois plus tard. D’autres couples sentent l’urgence de la mort prochaine : Louis XII se serait épuisé avec Mary Tudor, comme les petits clercs l’avaient prédit. Dans l’espoir de régner sur le royaume de France comme sur celui d’Écosse, Mary Stuart tente d’obtenir un enfant de François II alors qu’il est rongé par la tuberculose. Pour l’ambassadeur vénitien, Zaccaria Contarini, Anne de Bretagne au début de son mariage dépasse les bornes de la bienséance, il note à la mi-janvier 1492 : « La reine est désireuse du roi outre mesure au point que, depuis qu’elle est sa femme, il s’est passé très peu de nuits qu’elle n’ait dormi avec lui. » 15 Mais une dizaine d’années plus tard, après le deuxième mariage, c’est le conseiller royal, le maréchal de Gié, qui se plaint de devoir se rendre le matin dans la chambre de la reine pour pouvoir parler au roi. Il est évidemment possible

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d’accorder à la reine un fort appétit sexuel et un grand ascendant sur ses époux, il est encore beaucoup plus probable qu’Anne soit d’abord à la recherche de la grossesse qui lui donnera un fils, puis deux, et lui permettra de sauver son duché. L’arrêt des règles n’est pas tenu pour un signe certain de grossesse avant le XVIIIe siècle.16 Louise Boursier, la sage-femme de Marie de Médicis, y ajoute une douzaine d’autres signes variables, en attendant l’indication la plus sûre : les mouvements de l’enfant. C’était la preuve retenue par la loi romaine, elle a été reprise par la théologie qui voit dans ces mouvements la manifestation de l’âme que l’enfant vient de recevoir. À trois mois de la conception pour les garçons, à quatre pour les filles. Ces premiers temps constituent une période dangereuse pour toutes les femmes enceintes, mais particulièrement pour les jeunes reines, entourées de médecins sur qui pèse la charge de conserver la dynastie. Deux d’entre elles ont été sans doute victimes du zèle de ces médecins. Élisabeth d’Autriche, mariée depuis novembre 1570, prise de vomissements début janvier, est saignée pour une bronchite à la fin du mois ; les vomissements cessent. Dix-neuf mois se passent ensuite avant la naissance de son premier enfant. Pour Louise de Lorraine, les signes étaient plus cohérents : mariée à la mi-février, elle ressent des nausées et des douleurs mammaires à partir de la fin du mois de mars. Ces malaises sont interprétés comme des troubles digestifs : vers la fin avril, une purge destinée à les soulager provoque l’expulsion d’un fœtus mâle et une infection génitale qui n’a jamais guéri.17 La cécité des médecins a décidé de la fin des Valois. Quant à Anne d’Autriche, il n’est pas sûr qu’elle ait eu conscience d’être enceinte lorsqu’après deux mois d’intimité continue avec son

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époux début 1622, elle rentre en courant d’une soirée chez la princesse de Conti, fait une chute dans une salle mal éclairée du Louvre et avorte. Héroard qui avait noté nuit par nuit le nombre de rapports sexuels du couple royal n’a découvert la grossesse que lorsqu’il a vu l’embryon. Sur les dix-neuf unions formées par les quinze rois et princes et les dix-huit princesses, cinq n’ont pas produit d’enfants : deux sont des remariages, Louis XII et Mary Tudor, François Ier et Éléonore d’Autriche ; deux autres cas de stérilité, François II et Mary Stuart, Henri III et Louise de Lorraine, sont liés à une maladie originelle ou provoquée ; les raisons pour lesquelles Marguerite de Valois n’a pas conçu d’enfant légitime restent inconnues. Trois couples ont eu la chance d’avoir un enfant dans les neuf à dix mois qui ont suivi leurs noces : Charles VIII et Anne de Bretagne, Henri IV et Marie de Médicis ont eu un fils ; à son deuxième époux, Anne n’a pu donner qu’une fille. Les enfants les plus nombreux, six, naissent dans les deux ans : seuls Louis XIV et MarieThérèse ont eu un fils ; François I er et Claude de France, Charles IX et Élisabeth d’Autriche, Louis XV et Marie Leszczynska, leur fils avec ses deux épouses successives ont eu une fille. Le Grand Dauphin et son épouse ont eu un fils au bout de deux ans et demi ; le duc de Bourgogne a dû attendre deux ans pour pouvoir consommer son mariage avec la petite MarieAdélaïde de Savoie, un fils naît quatre ans plus tard. Les difficultés physiques ou psychologiques rendent compte des premières naissances tardives, huit ans et sept mois, pour Louis XVI et Marie-Antoinette, dix ans et deux mois pour Henri d’Orléans et Catherine de Médicis. Quant à la naissance de Louis XIV, vingtdeux ans et dix mois après le mariage de ses parents,

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elle a nécessité une telle quantité d’intermédiaires qu’il faut y revenir plus en détail.

IL A PLU À DIEU…

Chers et bien aimés, Il a plu à Dieu nous donner une fille, de laquelle la Reine, notre très chère Épouse, est ce jour d’hui par sa grâce heureusement accouchée ; ce n’est pas chose qui soit selon les apparences humaines si avantageuses qu’eût été un fils, et néanmoins, étant resolus de nous conformer de tout point à ce qui sera sa divine volonté, nous n’avons laissé de la recevoir avec beaucoup de plaisir et de contentement, accompagné de cette ferme créance, que sa bonté a plus de soin de nous que nous ne saurions jamais en mériter, et qu’elle sait mieux que nous mêmes ce qui est nécessaire à nous, et à notre État…18

Quatorze mois après la naissance du Dauphin, Henri IV annonce celle de sa sœur et donne à toutes les autorités du royaume l’ordre de la faire célébrer. À la reine qui pleurait ses souffrances inutiles, le roi avait gracieusement assuré qu’il fallait aussi des filles pour conclure des alliances. À ses sujets, il rappelle cette vérité fondamentale de la toute puissance et de l’omniscience de Dieu. Ce qui, dans une religion pleine d’intercesseurs comme le christianisme romain, offre la possibilité de multiples pratiques destinées à attirer son attention et sa bienveillance. Charles VIII, puis Louis XII ont eu la rare chance d’avoir près d’eux un intercesseur vivant.19 À soixante-sept ans, François de Paule avait dû quitter sa Calabre, ses grottes et ses compagnons ermites

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pour obéir aux ordres du pape, adoucir les maux du roi Louis XI pendant la dernière année de sa vie et préparer l’expulsion de Ferrand, l’usurpateur aragonais du royaume de Naples. Installé dans les châteaux du Plessis, puis d’Amboise, ce vieil homme parvient à mener la vie d’austérité et de prières qu’il a promise à Dieu, ce qui lui vaut respect et admiration des rois et de leur famille. Ses parents longtemps stériles l’avaient voué à saint François d’Assise : sa naissance tardive, puis sa guérison d’une maladie lorsqu’il était enfant le désignent par analogie comme le recours des couples royaux et aristocratiques dans la production d’un héritier. Une fonction qu’il accepte d’autant plus volontiers qu’il obtient en échange les fondations nécessaires à l’expansion de l’ordre des Minimes qu’il a créé. Dix mois après son mariage, Anne de Bretagne accouche d’un fils suivant la prophétie de François de Paule : au prénom de son père, Charles, est ajouté celui d’Orland — Roland — où se marque l’espoir conjoint du roi et du saint homme de préparer la conquête du royaume de Naples, suivie d’une croisade. Ici s’arrête le pouvoir de l’intercesseur : le Dauphin meurt à trois ans, et trois ans plus tard Charles VIII disparaît sans héritier. La reine Anne cependant ne renonce pas à sa protection : en 1498, elle fonde une communauté de tertiaires franciscaines à laquelle elle participe ; elle prend l’habitude d’entourer sa taille d’une cordelière. En avril 1507, alors que François de Paule vient de s’éteindre, elle fait vœu d’œuvrer à sa canonisation en échange de la guérison de sa fille Claude, âgée de huit ans. De fait, c’est aux Angoulême que la protection de François de Paule paraît avoir été le plus bénéfique. Dans l’année qui avait suivi son mariage, Louise de Savoie avait profité d’un voyage à la cour pour aller visiter l’ermite,

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il lui avait annoncé la naissance d’un fils : deux ans après Marguerite, naît en effet un garçon qui reçoit le prénom de François. Devenue son épouse, Claude de France a toutes les raisons de reprendre la dévotion et le vœu de sa mère : après la naissance de deux filles et enceinte de nouveau, elle s’engage solennellement devant le général de l’ordre des Minimes à prénommer François le fils qu’elle espère si ardemment. Le roi intervient lui aussi auprès du pape : la canonisation est prononcée en 1519. Trois ans plus tôt, François Ier avait fait modifier le collier de l’ordre de SaintMichel créé par Louis XI : il avait fait remplacer les aiguillettes à ferrets par une cordelière. 20 Il avait aussi commandé une médaille où d’un côté figuraient le roi et sa famille et de l’autre l’ermite avec cette devise Regiae Stirpis Propagatori — « Au prolongateur de la souche royale ». Plus tard, le roi ordonna que le même thème soit repris dans un des tableaux ornant la grande galerie de Fontainebleau. La prudence cependant conseillait de multiplier les recours. Parmi les nombreux lieux de culte, les couples royaux opèrent des choix qui ne sont pas dénués d’autres arrière-pensées politiques21. Saint Claude possède un fort pouvoir thaumaturgique : il a ressuscité un enfant. Son sanctuaire dans les montagnes du Jura a l’avantage d’appartenir à la Bourgogne conquise entre 1477 et 1482. C’est à lui que la reine Anne voue le premier enfant issu de son mariage avec Louis XII, c’est son nom qu’elle donne à cette fille, c’est lui qu’elle va remercier par un pèlerinage dans l’été qui suit la naissance : tout attachée qu’elle soit à son duché, elle est suffisamment reine de France pour soutenir l’agrandissement du royaume. En octobre 1515, deux mois après la naissance décevante d’une première fille, la reine Claude, accompa-

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gnée de sa belle-mère et de sa belle-sœur, part vers la Provence honorer Marie-Madeleine de la SainteBaume : la province est de rattachement récent, c’est la porte de l’Italie. Toutes trois s’installent à Sisteron pour attendre le retour du roi, heureux vainqueur à Marignan. Il y parvient en janvier 1516. Cinq mois plus tard, alors que les premiers mouvements d’un enfant se sont fait sentir, le couple royal ajoute à la dévotion à François de Paule l’adoration des reliques du Saint-Sépulcre à Chambéry, capitale du duché de Savoie dont la mère du roi est originaire : ils y marchent à pied depuis Lyon. Lorsqu’à Bologne en décembre 1515, le roi avait reçu des mains du pape un morceau de la Vraie Croix, il n’avait promis d’entreprendre la croisade qu’à condition d’avoir un fils. Neuf mois après les retrouvailles de Sisteron cependant, la nouvelle naissance provoque une nouvelle déception. Les pèlerinages se restreignent à l’Île-deFrance, au Val de Loire. Un Dauphin vient au monde le 28 février 1518, et deux autres garçons après lui. Les gestes de dévotion se raréfient. Sans qu’il soit possible d’expliquer pourquoi, il ne semble pas que la longue stérilité d’Henri d’Orléans et de Catherine de Médicis ait donné lieu à de semblables déploiements. Peut-être François I er, qui dominait toute sa famille, comptait-il sur son fils préféré, Charles, le dernier, pour succéder à Henri au cas où il n’aurait pas d’héritier. De son côté, Catherine paraît avoir davantage fait confiance aux breuvages et aux emplâtres végétaux : médecins et familiers lui en proposent, elle-même cherche des recettes dans la lecture de textes antiques et médiévaux.22 Henri III et Louise de Lorraine ont ressenti ce besoin de soins corporels. Chose exceptionnelle, la reine s’est plongée dans la mer lors d’un voyage en

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Normandie en 1576. Le roi s’est laissé examiner par les médecins qui, outre une maladie vénérienne, ont diagnostiqué la malformation héritée du père et une tuberculose partagée avec ses frères. Régulièrement de 1580 à 1585, le couple prend les eaux à BourbonLancy, à Chenonceaux, à Pougues.23 L’essentiel reste évidemment l’appel à Dieu et à son intercesseur principal, la Vierge. Cependant, dans ce dernier quart du XVIe siècle, il ne s’agit plus d’une recherche patiente de dialogue, de l’espoir confiant dans un échange de dons : le christianisme réformé refuse ces pratiques, il n’y voit que marchandage indigne du Tout-Puissant, il dénonce la dévotion aux intercesseurs et aux reliques comme de l’idolâtrie. Les nombreux gestes religieux du roi pour sauver son lignage prennent forcément l’allure d’une profession de foi catholique : en 1577, il institue une messe pour la fécondité de la reine, rituel accepté par Rome quatre ans plus tard ; en février 1579, deux fois en 1582, deux fois l’année suivante et encore en 1584, le couple se rend en pèlerinage à Chartres prier la Vierge noire. Les dévotions de 1583 sont particulièrement remarquées : pour Pâques, le roi et la reine, quittant Paris, font le trajet à pied à l’aller comme au retour, le roi poursuit même jusqu’au sanctuaire de Notre-Dame-de-Cléry, trois semaines de marche en tout ; la reine revient à Chartres en décembre et passe la nuit de Noël à prier dans la crypte. Ce qui pourrait se lire comme l’attitude pénitentielle de n’importe quel couple catholique en mal d’enfant prend par la volonté du roi un sens clairement monarchique : en décembre 1581 et en décembre 1582, le roi ordonne des prières dans tout le royaume pour la perpétuation du lignage royal ; à Paris, ces prières s’ouvrent par une grande procession au cours de laquelle les reliques de la

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Sainte-Chapelle sont offertes à l’adoration des fidèles. Henri III prétend ainsi unir ses sujets dans un même geste religieux, mais ce geste exclut évidemment les protestants : l’illusion naît chez les catholiques les plus zélés d’attirer le roi vers une politique sans compromis. Le roi en novembre 1582, la reine en janvier 1583 se rendent d’ailleurs au sanctuaire de NotreDame-de-Liesse, situé en Picardie sur les terres des Guise24 : il est difficile de dire s’il s’agit alors d’un geste uniquement dévot qui s’adresse à la plus puissante des Vierges du royaume, ou s’il s’agit d’un signe politique, bienveillance à l’égard des Guise ou au contraire, revendication de la supériorité royale vis‑àvis d’un clan aristocratique. À partir de 1585, les pérégrinations cessent alors qu’avec la mort de François d’Anjou et les années qui passent, il n’y a plus d’espoir de sauver le lignage des Valois. La guerre ranimée contre les forces protestantes exacerbe les prétentions du duc de Guise et oblige le roi à défendre le principe même de son autorité. Après le double assassinat de décembre 1588, les prédicateurs zélés en appellent à la vengeance : la stérilité du couple royal est reconnue pour ce qu’elle est depuis l’Ancien Testament, le signe que Dieu s’est détourné du roi. Le jour de la naissance du Dauphin, Louis XIII ne peut s’empêcher de revenir sur le passé : à Alvise Contarini, envoyé de Venise, il parle des « quatre malheureux avortements »25 qui ont précédé cette naissance. Dans les quinze années qui ont suivi la chute de 1622, entre les campagnes militaires, les maladies du roi et les phases de tensions politiques, les moments d’intimité ont été rares, mais devoir dynastique oblige, les époux ont tenté d’obtenir un héritier : on cite une douzaine de sanctuaires qu’ils

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ont visités eux-mêmes ou fait visiter en leur nom par un religieux26 ; dans l’année 1633, on sait qu’ils prennent les eaux à Forges, que la reine va s’asseoir sur la pierre fécondante de saint Fiacre en Brie et entreprend des dévotions particulières à saint Norbert qui, avant de fonder les Prémontrés, avait eu le temps de faire de nombreux enfants. Attitude purement politique puisque le roi a développé une grande méfiance vis‑à-vis de son épouse : la reine est apparue bien imprudente devant les tentatives de séduction de l’envoyé anglais, le duc de Buckingham, au moment du mariage d’Henriette de France en 1624 ; plus gravement, elle s’est laissée compromettre dans les rébellions de Gaston, le frère du roi ; un projet révélé en 1631, alors qu’il s’est enfui à Bruxelles, envisage leur mariage en cas de décès du roi. Les deux années qui suivent l’entrée dans la guerre en 1635 accroissent la distance entre les époux : alors que le royaume est menacé par l’avancée des troupes espagnoles, la reine continue secrètement sa correspondance avec ses frères, Philippe IV, le roi d’Espagne, et Ferdinand, gouverneur des Pays-Bas. Sur l’avis de Richelieu qui a fait surveiller le courrier, le roi ordonne une perquisition dans les appartements de la reine le 11 août 1637 : six jours plus tard, elle consent à tout avouer et le roi à tout pardonner. À ce moment, Louis XIII songe à répudier cette épouse stérile et dangereuse. Un calcul assez simple lui montre cependant le temps qu’exigerait la dissolution de son mariage, d’autant qu’il n’est pas sûr que le pape serait disposé à entendre la demande d’un souverain catholique marié à une Habsbourg et militairement allié à des états protestants. À quoi s’ajouterait la difficulté de trouver une autre épouse en ce temps de conflit généralisé. Enfin, la force du

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sentiment religieux le pousse à faire une ultime tentative auprès de la reine. Dans plusieurs couvents de fondation récente, un regain de ferveur se manifeste depuis le début de la guerre : le courant mystique en plein épanouissement s’imprègne de préoccupations politiques. Richelieu prend soin d’en informer le roi. En 1635, chez les Carmélites de Beaune et d’Orléans, des sœurs prient sans relâche et mêlent l’adoration de l’Enfant Jésus à la demande d’un Dauphin ; en 1636, chez les Calvairiennes de Paris, la sœur Anne-Marie recueille les conseils militaires de la Vierge et l’ordre du Christ d’honorer sa Divine mère.27 En mai 1637, l’invasion est contenue et le roi songe à payer sa dette lorsque Dieu le prive d’un être très cher : Louise-Angélique de La Fayette, à qui il vient de proposer de devenir sa maîtresse en titre, choisit de se retirer chez les Visitandines. Au cours des entrevues qu’ils ont à l’automne, elle l’exhorte à revenir à son devoir de roi Très Chrétien et à se rapprocher de son épouse. Une tradition romanesque prétend que, surpris par l’orage alors qu’il quitte le couvent des Visitandines pour se rendre au château de Saint-Maur, Louis XIII doit chercher refuge au Louvre chez la reine. D’autres versions font état d’une cohabitation entre le 9 novembre et le 2 décembre et insistent sur le rôle du confesseur, le père Caussin, et d’une autre amie du roi, Marie de Hautefort. Quoi qu’il en soit, à la mi-janvier, Bouvard, premier médecin du roi, s’empresse d’annoncer à Richelieu « les signes les plus certains… qui font foi d’un enfant déjà conçu et formé de six semaines ».28 Dès lors commencent les rites propitiatoires nécessaires à l’obtention d’un Dauphin : le 27 janvier, Louis de Bernage, aumônier du roi, écrit au chapitre de

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Notre-Dame du Puy en Anjou pour obtenir le prêt des deux ceintures consacrées ; la reine en porte une le 6 février. Le lendemain, le frère Fiacre quitte Paris sous la conduite du supérieur de son couvent des Augustins déchaussés, tous deux portent un ordre de mission royal : Le Roi, vu les grandes assistances que plusieurs femmes enceintes ont reçu pour la conservation de leur fruit par l’intercession de Notre-Dame de Grâces, en Provence, et voulant n’omettre aucun des moyens qui viennent à sa connaissance pour obtenir cette grâce du ciel en faveur de la Reine son épouse, a chargé le père Chrysostome, supérieur des Pères Augustins de Paris de s’acheminer au lieu de Notre-Dame de Grâces, avec le frère Fiacre, du même Ordre, et y étant, présenter à Dieu les vœux et prières de sa Mère, et y célébrer pendant neuf jours la Sainte Messe, afin que par l’offrande de ce grand sacrifice, il plaise à la Divine bonté d’accorder à la reine, son épouse, une heureuse lignée, et conduire à la fin désirée le fruit dont toute la France espère qu’elle est enceinte…29

Le jeune frère a donc réussi à convaincre ses supérieurs : depuis le mois de septembre, il leur avait fait part de la nécessité de faire des neuvaines pour la venue d’un Dauphin. Du 8 novembre au 5 décembre, il n’avait cessé de prier à Notre-Dame de Paris et à Notre-Dame-des-Victoires, église parisienne qui appartenait à son ordre. La concomitance des dates avec la période de la conception et l’attention particulière de la Vierge qui lui avait fait la grâce de lui apparaître par trois fois, tenant dans ses bras un enfant royal, avaient attiré l’attention de différents ecclésiastiques : ils en avaient fait part à la reine puis au roi. La dernière série de prières à la

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Vierge de Cotignac en Provence se fait donc sur ordre royal. De son côté, le roi offre à Notre-Dame de Paris une garniture d’autel en vermeil en prévision du Te Deum de célébration de la naissance et un tableau où le peintre Philippe de Champaigne le représente à genoux devant le Christ et sa Mère. Mêlant le destin de son lignage et la protection de son état, c’est dans le même temps qu’il accomplit la consécration du royaume à la Vierge : en cours de rédaction depuis septembre, le texte du vœu est achevé sous forme d’édit et signé le 10 février. En avril, aux premiers mouvements de l’enfant, le roi ordonne des prières publiques. À partir du 27 août, le Saint Sacrement est exposé dans cinq églises parisiennes dont NotreDame, des prières continuelles préparent la naissance désormais imminente. Quand les douleurs commencent, Anne d’Autriche s’entoure le ventre de la ceinture de la Vierge du Puy. Dans ces conditions, le garçon qui naît à Saint-Germain le 5 septembre 1638, ne pouvait s’appeler que Louis-Dieudonné. Satisfait, mais toujours maussade, Louis XIII finit pourtant par s’irriter de tant de remerciements à Dieu pour ce « miracle » et par dire crûment « que ce n’en était point un qu’un mari qui couchait avec sa femme lui fît un enfant ».30 Marie-Thérèse, l’épouse de Louis XIV, est la dernière princesse dont on puisse rapporter une dévotion spécifiquement tournée vers la reproduction. À la première grossesse, en 1661, le frère Fiacre, qui a acquis une autorité indiscutable en la matière, est gratifié d’une vision : une statue en vermeil de sainte Thérèse brille sur l’autel de Notre-Dame-des-Victoires ; la statue est immédiatement offerte. Cette attention particulière demandée à une compatriote de la reine est

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confirmée par le roi d’Espagne lui-même : Philippe IV envoie à sa fille un bras de la grande sainte. D’autres reliques affluent vers le couple royal. Dans l’été qui précède la naissance, alors que la cour est installée à Fontainebleau, le roi se rend à pied dans une église proche prier pour la conservation de l’enfant. Le 15 octobre, ordre est donné au chapitre de NotreDame d’exposer le Saint Sacrement et d’inviter les fidèles à prier pour la reine, d’autres églises parisiennes exposent leurs reliques. Le 1er novembre, aux premières douleurs, le roi communie ; la reine accouche à proximité de la ceinture de sainte Marguerite. En 1668, alors qu’elle est enceinte pour la cinquième fois en sept ans, Marie-Thérèse crée, dans l’église des Feuillants de la rue Saint-Honoré près du Louvre, une confrérie dédiée à la protectrice des femmes en couches. L’église abritait déjà une ceinture et des os de la sainte : à cette occasion, l’évêque de Soissons consent à se séparer de la tête conservée jusque-là par une abbaye de son diocèse.31 Philippe d’Orléans, frère du roi, et Mlle de Montpensier, leur tante, accompagnent la reine au long de la cérémonie fondatrice : la demande de protection s’étend à la dynastie dans son ensemble. Ce n’est pas à dire qu’ensuite les couples royaux n’aient plus besoin de la bienveillance divine, ce sont leurs rapports avec Dieu qui se modifient. Lorsqu’en mai 1749, la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe vient de subir une quatrième fausse couche en vingt et un mois, Louis XV convoque ses médecins et des accoucheurs parisiens qui préconisent une cure à Forgesles-Eaux.

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LES NAISSANCES ET LES MORTS

« C’est la forme que l’on tient au premier accouchement des Reines »32, prétendait Henri IV pour imposer à Marie de Médicis la présence des princes du sang à la naissance de leur premier enfant. À vrai dire, il n’est pas du tout sûr que le roi n’ait pas inventé cette « forme » pour la circonstance. Anne de Bretagne et sa fille Claude paraissent avoir accouché au milieu des femmes de leur Maison. Anne avait une prédilection pour le château du Plessis-lèsTours, bâti au règne précédent : elle y a mis au monde trois des cinq enfants qu’elle a eus de Charles VIII ; il lui est aussi arrivé d’accoucher en suivant les pérégrinations royales, en 1494 à Romorantin, en 1498, à Amboise. Le premier enfant de sa deuxième union, Claude, naît à Romorantin où Anne a fui l’épidémie qui sévit sur la Loire, les accouchements suivants se font régulièrement à Blois où Louis XII séjourne volontiers lorsqu’il n’est pas à la guerre. Il est aisé de comprendre qu’étant donné la lutte que les époux mènent l’un contre l’autre à propos de l’héritage breton, la reine tienne à rester auprès du roi lorsqu’elle lui donne de nouveaux enfants, mais rien ne dit que la cour soit invitée à assister aux accouchements. Claude met ses trois premiers enfants au monde à Amboise en l’absence de son époux, donc des personnages les plus éminents de l’entourage royal : dans ces années-là, tous sont occupés à la réalisation du rêve italien. À la naissance du Dauphin n’assistent que quelques dames d’honneur, trois femmes de chambre et la future gouvernante de l’enfant. Rien ne permet de savoir si le nombreux personnel médical

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décrit par les sources relève d’une exception ou d’un soin particulier à ce troisième accouchement en moins de trois ans : six médecins, cinq chirurgiens, un apothicaire. S’y ajoute un astrologue qui a évidemment besoin de connaître l’heure exacte de la naissance pour faire l’horoscope de l’enfant. François Ier, revenu de Lyon en toute hâte, interdit les mouvements des curieux autour du berceau. Il écrit à son chambellan : Monsieur du Bouchage, j’ai été averti qu’il y a plusieurs allants et venants qui se jugèrent d’aller voir mon fils le dauphin, ce que je ne veux ni n’entends pour l’inconvénient qui en peut à venir. À cette cause, je vous prie, voire défends, qu’on y laisse personne entrer que ceux qui viennent en deçà, proches de ma personne ou portant lettre de moi ou de la reine, ou Madame ma mère à cette fin.33

Les quatre enfants suivants voient le jour à SaintGermain à l’écart de la cour : la reine est toujours entourée de ses femmes, encouragée parfois par sa belle-mère. Que François Ier assiste à la naissance de son premier petit-fils paraît davantage lié au soulagement de voir sa belle-fille féconde après tant d’attente : c’est d’ailleurs ce qu’il dit au nonce, décrivant en outre avec complaisance la sortie d’un placenta intact. Rien n’indique qu’il ait ordonné aux officiers et aux courtisans de l’accompagner. Les naissances ultérieures ont parfois lieu à Fontainebleau comme la première, mais le peu de détails conservés dans les mémoires tend à conforter l’impression d’une absence de cérémonial. Rien n’est signalé non plus lors de la naissance en octobre 1572 de Marie-Élisabeth, fille de

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Charles IX, dernière naissance royale avant celle du Dauphin en septembre 1601. Ce qu’Henri IV invente en imposant un caractère public au premier accouchement des reines peut se lire d’abord comme un moyen d’affirmer la prééminence de son lignage sur celui des princes du sang, témoins-otages qui doivent soutenir la vue d’un spectacle totalement inédit pour eux puisque toutes les autres femmes accouchent hors de la présence des hommes. Au-delà, avec l’entrée des officiers et des courtisans, il s’agit de montrer l’enracinement de la nouvelle dynastie et la permanence du Roi à la fois semblable et différent de père en fils. En vertu du principe de primogéniture, la démonstration n’a pas à être renouvelée pour les naissances suivantes, du moins Henri IV le prétend-il. La reine en profite : quatorze mois plus tard, toujours à Fontainebleau, elle fait installer le lit de travail dans sa propre chambre et n’admet auprès d’elle que trois femmes, sa confidente Leonora Galigaï, sa première dame d’honneur, la marquise de Guercheville et la gouvernante du Dauphin, Mme de Montglat. Les naissances suivantes ont lieu soit à Fontainebleau soit au Louvre, mais toujours avec discrétion. Il reste peu de détails sur la naissance de Louis-Dieudonné à Saint-Germain si ce n’est qu’il y avait foule, que le roi, lassé d’attendre, était parti manger et que son frère, Gaston d’Orléans, n’a pu masquer sa déception en se voyant rétrograder d’un degré dans la ligne de succession. Louis XIV a tardé à mettre en valeur la « forme » inventée par son grand-père, il ne semble pas l’avoir exigée de son épouse : ce n’est qu’installé à Versailles avec toute sa famille et tous ses courtisans qu’il recourt aux ressources du cérémonial pour accueillir ses petits-fils et arrière-petits-fils, quel que soit le rang

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de leur naissance puisqu’il s’agit à chaque fois de la transmission du sang royal. À vrai dire, ces ressources sont maigres : avertie par l’accoucheur de l’imminence de la naissance, la première dame d’honneur de la princesse va en informer le roi, puis les princes et princesses du sang, les officiers et les ambassadeurs. Tous se retrouvent à proximité de la chambre de la parturiente et doivent prendre place suivant leur position dans la généalogie et dans le service du roi. Le roi se tient au pied du lit, les membres de la famille royale dans la chambre ; les autres invités auxquels s’est jointe la foule des courtisans se répartissent dans l’antichambre et au-delà. Ils n’ont rien d’autre à faire qu’à tenir leur rang et à essayer de deviner les phases de l’accouchement d’après l’intensité des cris. Quant aux acteurs principaux, la parturiente, son enfant et le personnel médical, ils échappent évidemment à toute tentative de formalisation. Limité, ce cérémonial est aléatoire dans sa durée, dans les incidents qui peuvent survenir et surtout dans ses résultats : la Grande Dauphine et la duchesse de Bourgogne ont eu la chance de n’avoir que des garçons, mais Marie Leszczynska, les deux Dauphines et Marie-Antoinette ont d’abord eu des filles, ce qui a provoqué le désintérêt immédiat et la dispersion des assistants. Ce schéma perdure pourtant de génération en génération jusqu’au premier accouchement de MarieAntoinette, à ceci près que c’est alors le garde des sceaux qui se tient au pied du lit pour constater le sexe de l’enfant et qu’il n’y a plus de limite à la curiosité des courtisans qui envahissent la chambre. Dans la cohue, l’accoucheur ne peut se faire apporter de l’eau chaude, la reine fait une syncope et doit être saignée avant la délivrance. Trois ans plus tard, Louis XVI n’autorise l’entrée de la chambre qu’à ses

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tantes, à son frère d’Artois et aux dames d’honneur préférées de la reine, le garde des sceaux étant toujours présent au pied du lit ; cependant à la phase finale, dite « des grandes douleurs », les portes de la chambre sont ouvertes à tous les membres de la Maison du roi et de la reine ainsi qu’aux principaux courtisans. À la troisième naissance, Marie-Antoinette retrouve l’énergie de sa mère, l’impératrice aux seize enfants : elle dissimule les premières douleurs et réussit à accoucher avant l’arrivée des princes du sang. La tentative d’imposer à un événement incontrôlable une forme significative de sa fonction dans la perpétuation de la dynastie est emblématique des contraintes politiques qui pèsent sur l’ensemble de la reproduction. « Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher »34 : la plainte que l’on prête à Marie Leszczynska coïncide avec l’image courante des reines et des princesses épuisées à force de grossesses. Cette reine avait quelque raison de se plaindre, ayant mis au monde onze enfants, dont des jumelles, en dix ans. De façon plus tragique, la Grande Dauphine, Anne de Bavière, sur son lit de mort, accuse son dernier fils d’avoir causé sa perte : il a quatre ans, elle ne s’est jamais remise de sa naissance. Elle avait eu trois enfants en moins de cinq ans, elle est morte à trente ans, peut-être des blessures de son dernier accouchement, sans aucun doute d’une mélancolie profonde de princesse étrangère dont la transplantation avait échoué. La reine Claude correspondrait sans doute le mieux à l’image courante : elle a mis sept enfants au monde en neuf ans et est morte treize mois après la dernière naissance, à moins de vingt-cinq ans. Cependant, elle était parfaitement consciente de la nécessité de multiplier les chances de survie de la nouvelle

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branche des Valois-Angoulême. C’est encore pour des raisons politiques entièrement assumées qu’Anne, sa mère, ayant eu cinq enfants dont aucun n’avait survécu lors de son premier mariage, poursuit sa quête d’un fils jusqu’à sa neuvième grossesse pour mourir deux ans plus tard à trente-huit ans. Ainsi l’image n’est pas fausse, mais elle demande à être examinée plus en détail. Dans l’ensemble, les dix-neuf unions n’ont donné que soixante-dix enfants, une moyenne de 3,68 inférieure à celle de l’ensemble des autres familles régnantes en Europe — de 5,8 à 4,6 entre le début du XVIe et la fin du XVIIIe siècle, pour ne pas parler des paysannes du Perche qui mettaient plus de huit enfants au monde si elles étaient mariées avant l’âge de vingt ans.35 Deux des cinq unions stériles l’ont sans doute été volontairement : pourvu de cinq enfants vivants dont trois fils, François Ier n’attendait rien d’autre d’Éléonore d’Autriche que des liens diplomatiques ; la fécondité du mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois pouvait se révéler mortelle.36 Une des quatorze unions fécondes a été interrompue par la mort de l’épouse dès la première naissance : la Dauphine Marie-Thérèse-Raphaëlle d’Espagne est morte le lendemain de ses couches à l’âge de vingt ans sans qu’on puisse maintenant déterminer pourquoi. Une autre union a été brisée par la disparition conjointe des époux : après avoir mis au monde trois enfants en six ans, la duchesse de Bourgogne a précédé de deux semaines son mari dans la mort, tous deux victimes de l’épidémie de variole qui tue aussi un de leurs fils ; ils avaient moins de trente-cinq ans. Huit de ces quatorze unions ont été interrompues par la mort de l’époux avant que l’épouse n’ait atteint l’âge

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de la ménopause. Charles VIII est mort par accident, François II, Charles IX et le Dauphin LouisFerdinand sont morts de tuberculose, mais c’est dans leur fonction royale que sont morts Henri II, combattant dans le tournoi des fêtes de 1559, Henri IV, assassiné, et Louis XIII, épuisé par les tâches politiques et militaires. Le veuvage a ainsi délivré Catherine et Marie de Médicis : l’une à sa neuvième grossesse en neuf ans, l’autre à sa sixième pendant le même temps, l’une comme l’autre ayant de plus en plus mal à se remettre de leurs accouchements. Deux ans après la naissance de Louis-Dieudonné, Anne d’Autriche avait mis au monde un deuxième fils et n’avait que quarante-deux ans à la mort de son époux. Bien soignée après sa série de fausses couches, la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe avait mis au monde huit enfants en quatorze ans et n’avait que trente-trois ans lorsqu’elle est devenue veuve. Marie-Thérèse a supporté vaillamment les fatigues et les souffrances de six grossesses en douze ans : elle y voyait la preuve de l’affection du roi, elle s’enorgueillissait de ce qu’il daignait l’honorer et le faisait savoir. Trois ans après la naissance de son dernier enfant, elle espérait encore une nouvelle grossesse, elle n’avait que trente-neuf ans, mais même en respectant l’usage et en finissant ses nuits dans le lit de la reine, Louis XIV avait d’autres intérêts. Seules Marie Leszczynska et Marie-Antoinette ont résisté à leur devoir de reine et d’épouse chrétienne. La première a demandé à en être dispensée après les débuts malheureux d’une dixième grossesse, la seconde a imposé des périodes d’abstinence à son époux malgré la réprobation de son frère Joseph II qui ne voyait là que caprice aristocratique. Car il est vrai que, contrairement aux pratiques des ducs et

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pairs contemporains, les couples de la famille royale pendant la fin du XVIIe et tout le XVIIIe siècle avaient continué à multiplier les naissances autant que la maladie et la mort le leur permettaient. MarieAntoinette restait cependant soumise aux exigences diplomatiques de la cour de Vienne ; en outre, avec les années, elle était de plus en plus tentée de jouer un rôle dans le gouvernement du royaume. Elle savait que sa position n’était solide que pour autant qu’elle procurait des héritiers à la Couronne. Dans un ordre inédit et inversé, elle a modulé les faveurs qu’elle accordait au roi : à partir de la naissance de sa première fille, elle a obtenu presque trois ans de répit, puis après la naissance du Dauphin encore deux ans. Mais une fausse couche et la fragilité du petit garçon l’ont obligée à rapprocher les naissances de ses troisième et quatrième enfants, séparées seulement de seize mois. Pourvu de quatre enfants en huit ans, le couple royal a dû affronter ensuite la grande lutte pour la possession de la souveraineté : lorsque le Dauphin meurt le 4 juin 1789, la question est déjà moins de transmettre la Couronne que de la garder. Des soixante-dix enfants nés de l’ensemble de ces unions, six sont morts à la naissance et sept autres dans leur première année ; huit ont disparu entre un et cinq ans, six entre cinq et huit ans. Vingt-sept morts en tout, soit environ les deux cinquièmes des naissances, une proportion légèrement supérieure à la moyenne de la mortalité des enfants des familles régnantes qui tournerait autour du tiers. Si la plupart des morts sont dues aux hasards des maladies, une faiblesse congénitale a emporté cinq des six enfants de Louis XIV et de Marie-Thérèse, et sept des neuf issus d’Anne de Bretagne et de ses deux époux. Louis XIV conserve un Dauphin, mais les

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espoirs d’Anne s’effondrent à la dernière naissance. Dans ses carnets, Louise de Savoie, mère de François d’Angoulême, se souvient de ce 25 janvier 1512 : Anne reine de France à Blois le jour de la sainte Agnès eut un fils, mais il ne pouvait retarder l’exaltation de mon César, car il avait faute de vie, en ce temps j’étais à Amboise dans ma chambre, et le pauvre M. qui a servi mon fils et moi en très-humble et loyale persévérance m’en apporta la nouvelle.37

Telle est en effet la force du principe successoral : le roi de France ne saurait disparaître faute d’héritier direct.

Chapitre IV L E M O R T S A I SI T L E V I F

« Le mort saisit le vif. » Venu du droit coutumier, ce bel adage établit la saisie immédiate de l’héritage par l’héritier, quelles que soient les exigences du seigneur : il a souvent été utilisé pour justifier l’avènement des très jeunes rois. Dans son raccourci brutal, il rend compte de cette réalité élémentaire : tout règne commence par une mort. M O N C O U S I N , La juste douleur que je ressens de la perte que je viens de faire du feu Roi mon très-honoré Seigneur et Bisayeul, est d’autant plus vive, qu’en même temps que la Divine providence m’a privé, en le retirant de ce monde le premier de ce mois, des avantages que je devais attendre de sa tendresse pour moi, son exemple et son expérience consommée de l’art de régner auraient été des Leçons vivantes dont j’aurais pu profiter, si Dieu avait étendu ses jours autant qu’il lui avait donné de vertus Chrétiennes et Héroïques. Au milieu de l’affliction que me cause une perte si grande et qui m’est commune avec mes Sujets, j’espère de la Misericorde divine qu’elle récompensera éternellement sa piété, sa justice et son zèle pour la Religion, c’est aussi l’objet de mes vœux et de mes Prières à Dieu, et comme je désire qu’elles soient accompagnées de celle de mes Peuples, je vous écris cette Lettre pour

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vous dire qu’aussitôt que vous l’aurez reçue, mon intention est que vous fassiez faire des Prières publiques dans l’étendue de votre Diocèse, et m’assurant que par votre exemple vous exciterez le zèle et la piété de mes Sujets, Je prie Dieu qu’il vous ait, M O N C O U S I N , en sa sainte garde. Écrit à Versailles le 5 septembre 1715. Signé, LOUIS, Et plus bas, COLBERT.1

Aussi curieux qu’il y paraisse, c’est de septembre 1715 que date ce qui peut passer pour la première annonce générale de la mort d’un roi, Louis XIV, et de l’avènement de son successeur, Louis XV. Cette circulaire, expédiée par les différents secrétaires d’État — ici, Colbert de Torcy2 — atteint tous les prélats, tous les gouverneurs, toutes les cours souveraines et à travers eux, tous les sujets du royaume. Encore faut-il prendre garde à sa forme et à son contenu. Le nouveau roi n’annonce pas son avènement : il est le roi. En témoignent sa signature, « Louis », le titre d’honneur, « Mon Cousin », qu’il donne à l’archevêque de Reims, premier pair de France, et la catégorie dans laquelle se range ce texte, une « lettre royale » qui n’a besoin que du petit sceau de cire rouge pour être immédiatement exécutoire. De la même manière, la mort du prédécesseur n’est mentionnée que pour mettre en valeur les liens du roi avec son « très-honoré Seigneur et Bisayeul » : autrement dit la position dans la généalogie royale qui justifie la succession. Tout ceci, assez intemporel, pourrait convenir à n’importe quel événement de ce type. Seule la manière dont sont formulés les regrets sur le grand exemple à jamais disparu laisse entendre la réalité : Louis a cinq ans lorsqu’il signe cette lettre rédigée par les soins du régent, son cousin Philippe d’Orléans. Cependant ces éléments diplomatico-rhétoriques

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ne sont que des marqueurs mobilisés autour de l’objet essentiel de la lettre, qui n’est pas l’annonce, mais bien l’ordre donné à tous les sujets de prendre part, suivant leur place dans la hiérarchie sociale et politique, aux prières solennelles pour le repos de l’âme du roi défunt. Ainsi sont empruntés les canaux de la publication cérémonielle : jusque-là, ils étaient réservés aux événements heureux pour lesquels il convient de rendre grâce à la Providence Divine, renforcement du lignage par les mariages, puis par la naissance des fils, succès militaires, rétablissement de la paix.3 Le même enchevêtrement d’éléments du rituel religieux et d’éléments d’information se retrouve dans cette lettre, mais sur le mode inverse de l’imploration de la Miséricorde de Dieu. Ce mode a souvent servi par le passé, soit pour aider les reines dans leurs tâches reproductrices, soit pour éloigner des rois les menaces des maladies ou des blessures, jamais pour leur mort. Au risque de l’enchaînement très paradoxal qui marque la fin d’Henri II : le 9 juillet 1559, la municipalité de Paris doit se rendre en procession prier pour la guérison du roi ; lorsqu’il meurt le lendemain, rien d’autre que la rumeur ne répand la nouvelle, jusqu’à ce que, un mois plus tard, le 11 août, tous les corps constitués de la ville reçoivent l’ordre d’aller saluer le cortège des funérailles. Le silence officiel qui entoure la mort d’un roi et l’avènement d’un autre, au moins jusqu’au début du XVIIIe siècle, étonne puisque l’ordonnance de 1407 avait établi que les deux s’enchaînent en une succession immédiate. Il suggère que le passage d’un règne à l’autre revêt un caractère incertain, dangereux. Pour des raisons de circonstances d’abord : en mettant de côté l’exécution de Louis XVI qui, par défini-

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tion, nie toute possibilité de succession, sur un ensemble de onze rois, quatre n’ont pas de fils, mais laissent des reines en âge de procréer, cinq successeurs n’ont pas atteint leur quatorzième année — âge de la majorité royale, quatre autres ont moins de vingt-cinq ans — âge de la majorité reconnue par le droit romain et certaines coutumes du royaume. Quatre morts ont lieu pendant une guerre extérieure, trois pendant les conflits religieux, et parmi elles, l’assassinat d’Henri III trouve un écho quelque vingt ans plus tard dans celui de son successeur, Henri IV, au moment où il s’apprête à mener une armée dans le Saint Empire. L’urgence peut alors pousser le nouveau roi ou le Conseil de régence qui gouverne en son nom à rompre le silence : en 1589, en 1610 comme en 1643, différentes autorités locales reçoivent avec l’annonce de la mort d’Henri III, d’Henri IV et de Louis XIII l’ordre de prendre les mesures nécessaires pour empêcher les troubles.4 Cependant au-delà des aléas, il reste toujours des raisons de fond qui tiennent au caractère personnel du pouvoir royal : chaque mort détruit les liens que le roi défunt a tissés et qui assuraient un certain ordre dans sa Maison, dans son gouvernement comme dans son royaume et dans ses relations avec les autres états ; nul ne peut prévoir la manière dont le successeur fera face à ses obligations.5 Chaque mort est une « mutation » qui fait craindre le pire dans une culture où le passé doit témoigner de sa permanence pour assurer le présent.

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PASSAGES

La tradition fait remonter à saint Louis la capacité de léguer au successeur des paroles ultimes, « derniers propos », pieusement recueillis, qui doivent le guider dans l’exercice de ses nouvelles fonctions. Cet effort s’ajoute à la double obligation de mourir en chrétien et de mourir en roi avec l’aide plus ou moins adroite des clercs et des médecins. Tous les rois n’y sont pas parvenus, certains ne l’ont même pas voulu. Aucun des rois de la période moderne n’a atteint le degré d’attention porté par Louis XI à la transmission de son pouvoir. On se souvient de l’entrevue d’Amboise en septembre 1482, des discours et serments échangés entre le roi et le Dauphin, et de leur transformation en une ordonnance authentifiée, puis expédiée à tous les officiers du royaume. Par deux fois, le roi est revenu voir son fils, le dernier qu’il lui restait : à la fin du mois d’août 1483, décidé à mourir au Plessis-lès-Tours dans le dénuement du pénitent qu’il est devenu sous la conduite de François de Paule, il annonce la dissolution de sa Maison, puis il envoie à celui qu’il appelle déjà « le roi mon fils » le chancelier avec les sceaux, deux cents archers de la garde royale, ses chiens de chasse et ses chevaux, ses oiseaux de proie, et son gendre, Pierre de Beaujeu, pour assurer avec Anne de France le gouvernement au nom du jeune homme qui entre dans sa treizième année. Les conditions de leur décès ont empêché cinq rois d’avoir un contact quelconque avec leur successeur. Charles VIII, jeune étourdi de vingt-huit ans, court dans une des galeries supérieures du château

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d’Amboise, sa tête heurte le linteau d’une porte ; il tombe quelques instants plus tard, les médecins le jugent intransportable. Il meurt au bout de neuf heures d’inconscience, au milieu des déjections des hommes et des oiseaux, invoquant enfin Dieu, la Vierge, saint Claude et saint Blaise, si du moins les témoignages sont fiables. François II, jeune garçon de seize ans, ne peut résister aux douleurs qui lui vrillent le crâne : des cris, il passe à la prostration et s’éteint. Six semaines d’agonie où il ne cesse de cracher du sang laissent à Charles IX, vingt-quatre ans, le temps de préparer sa mort : ultimes tentatives pour féconder la reine, condamnation et exécution d’empoisonneurs et de comploteurs réels ou supposés, puis, une fois la justice royale passée, la pénitence et la communion, le pardon aux chefs du complot, son frère, Alençon, et son beau-frère, Navarre. Il meurt une couronne sur la tête, entouré du chancelier et des autres grands officiers ; sa mère, Catherine de Médicis, est présente en tant que régente temporaire en attendant le retour de son frère Henri, roi de Pologne. En deux coups de couteau, Ravaillac a tranché l’aorte : lorsque le carrosse rentre au Louvre, Henri IV est déjà mort, même si les grands seigneurs qui l’accompagnaient ont trouvé prudent de tenir jusque-là le décès secret. Il ne reste à Louis XIII, neuf ans et demi, qu’à se rêver en protecteur d’un père tant admiré : parlant de l’assassin, il s’exclame : « Ah si j’eusse été là avec ma grande épée je l’eusse tué ! »6, ce que Héroard ne manque pas de consigner. Convaincu par son chirurgien de quitter l’intimité du petit Trianon pour affronter la maladie avec solennité, Louis XV se trouve de fait isolé dans ses appartements de Versailles : la variole éloigne la famille et les courtisans, à l’exception de deux ministres, de quelques grands seigneurs et des filles

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du roi, de toute façon sacrifiées. Soumis à toutes sortes de tentatives médicales, il satisfait finalement à ses obligations de catholique en présence des princes du sang et des ministres convoqués dans sa chambre ; mais dans les quelques mots que le Grand-Aumônier croit devoir répandre pour maintenir le précédent du Bisaïeul, s’il est question de repentance et du soulagement des peuples, il n’y a rien qui s’adresse au successeur retenu avec ses frères sur le grand escalier. Fautil en accuser l’opium que les médecins utilisent pour réduire la douleur ? Faut-il y voir un désintérêt pour ce jeune maladroit qui n’a toujours pas été capable d’entrer dans la grande chaîne des générations ? Louis XVI en tout cas se sent abandonné. Deux rois ont consciemment marqué de la distance vis‑à-vis de leur successeur : dans les deux cas, il s’agit, non de fils, mais de cousins imposés par les principes de dévolution. Louis XII a eu le temps de se voir mourir : à cinquante-deux ans, il avait été souvent malade et les quelques mois fastueux de son union avec Mary Tudor l’ont épuisé. Il s’éteint à Paris, au palais des Tournelles, entouré de son confesseur, d’hommes d’armes qu’il avait menés en Italie et de gentilshommes anglais de la suite de la reine : à aucun moment, il ne fait un geste vers François d’Angoulême. Il y a quelque chose de pathétique chez ce roi qui meurt sans fils : en dehors d’une hypothétique grossesse de la reine dont il ne pourra de toute façon connaître l’issue, il doit se plier à l’ordre auquel il a dû la couronne et admettre que son successeur a toute chance d’être ce jeune cousin qu’il a cru habile de marier à l’aînée de ses filles contre l’avis de la reine Anne et qui s’est révélé fantasque, prodigue, volage. Ni le grand cérémonial de cour qu’il avait construit, ni la garde des quarante-cinq gentilshommes qui

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l’entouraient ne protègent plus Henri III lorsqu’en homme de guerre, il s’installe sur les hauteurs de Saint-Cloud pour mener le siège de Paris révolté : aussi est-il facile au moine Jacques Clément de l’approcher au matin du 1er août 1589 et de le blesser mortellement.7 Ce qui se passe dans la vingtaine d’heures qui suit a fait l’objet de récits contradictoires parce qu’orientés vers des buts précis : ses proches ont vanté auprès du pape sa ferveur religieuse et son appel à la miséricorde divine, ce qui laissait supposer qu’il se repentait de l’assassinat des Guise et de l’arrestation du cardinal Charles de Bourbon ; les partisans d’Henri de Navarre se sont attachés à répandre l’idée que le roi mourant l’avait désigné comme son successeur légitime. Une raison factuelle retient de croire à cette dernière version : lorsque, averti de l’attentat, Henri de Navarre accourt de Meudon où il a pris ses quartiers, ni Henri III ni les médecins ne croient encore la blessure fatale ; le roi a d’ailleurs dicté plusieurs lettres en ce sens. Lorsque dans la journée, son état ne laisse plus d’espoir, le roi ne manifeste pas le désir de rappeler son cousin près de lui : Navarre ne retourne à Saint-Cloud que dans la nuit lorsque la nouvelle de la mort d’Henri III lui parvient. Ce qu’on appelle un peu vite « l’alliance des deux Henri » n’était qu’une « trêve accordée au roi de Navarre » : proclamée comme telle, elle permettait de se débarrasser des attaques des forces protestantes et de faire entrer Navarre dans la position d’un vassal obéissant.8 Ainsi le roi de France avait-il pu réunir trente mille hommes en armes autour de Paris. En aucun cas, ce n’était une alliance politique, le roi entendait rester le maître et si la dévolution de la Couronne devait, faute d’héritier direct, désigner Navarre, Henri III n’avait

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pas l’intention de lui faciliter le chemin tant qu’il n’aurait pas accepté la nécessité de la conversion. Blessé à la tête le 30 juin, Henri II parvient à bénir le Dauphin quelques jours avant de mourir le 10 juillet. François Ier, son père, avait eu au contraire le temps et la force de maîtriser la progression de la maladie.9 Il décide des lectures pieuses qui sont faites à son chevet ainsi que du moment où les sacrements doivent lui être administrés. Sachant bien que l’agonie d’un roi pousse les courtisans à le déserter pour se rapprocher du successeur, il impose à ses conseillers préférés et à ses familiers de rester près de lui jusqu’à la fin. Par deux fois, il convoque le Dauphin : il lui parle d’abord de la guerre et des relations avec le duché de Savoie ; neuf jours plus tard, il lui confie le soin de ses serviteurs, lui lègue ses biens personnels à charge de doter sa dernière fille, Marguerite. La nuit de la mort, le Dauphin revient demander la bénédiction paternelle et les paroles affectueuses qui accompagnent cette bénédiction le font défaillir. Autant qu’il l’a pu, le roi a conjuré les dangers de la succession, la présentant comme une continuité, alors qu’il était notoire que le Dauphin n’avait jamais été son fils préféré et que cet homme de vingt-neuf ans était depuis longtemps en désaccord avec la politique, les conseillers et même la maîtresse en titre de son père. Louis XIII a la chance de mourir en laissant un fils, et même deux.10 Malade depuis fin février, il s’installe à Saint-Germain. Fin mars, il se voit mourant au point de faire une confession générale et de communier, mais il résiste encore un mois à la pression de ses conseillers avant de régler les questions dynastiques : le 20 avril, il fait lire devant son héritier, son épouse et toute la cour, les dispositions qu’il a prises pour organiser la régence. Le lendemain, alors que le

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roi ne peut quitter sa chambre, le Dauphin est baptisé et reçoit le nom de Louis-Dieudonné : le roi lui aurait ensuite posé quelques questions, puis se serait tourné vers Dieu pour lui recommander son fils. Le surlendemain, le Parlement enregistre sur son ordre la réintégration de son frère, Gaston d’Orléans, à tous les droits que lui vaut sa naissance. Ce même jour, 22 avril, le roi reçoit de nouveau les sacrements de la pénitence et de la communion : à cette occasion, ses fils sont présentés à sa bénédiction. Ensuite le roi partage ses forces déclinantes entre les décisions qui relèvent de la politique quotidienne et le salut de son âme. Le 13 mai, veille de sa mort, il décide de faire ses adieux : paraissent d’abord devant lui, outre la reine, le Dauphin et son frère, Gaston d’Orléans et le prince de Condé, donc dans un premier temps, tous les porteurs du sang de saint Louis présents à la cour ; viennent ensuite les gens de sa Maison. Il semble bien que le roi n’a jamais prononcé quelques mots pour préparer son fils à la tâche qui l’attendait, des « derniers propos » dignes d’être mémorisés, même par un enfant qui n’avait pas encore cinq ans, et que l’on aurait pu rapporter. Son espoir avait été de mener le Dauphin jusqu’à sa majorité, d’abdiquer en sa faveur et de finir sa vie dans la dévotion. La maladie qui détruit cet homme de quarante-deux ans le soumet à la reine, une femme dont il se méfie depuis longtemps, mais qui, forte de sa position de mère, assurera la régence, quelque précaution qu’il prenne pour limiter son pouvoir. Cette femme ne quitte pas la chambre où il se meurt, bonne épouse ou plutôt déjà régente. Dès lors, le roi ne peut que recevoir la mort comme une grâce dans un abandon qui le rapproche du grand ancêtre, saint Louis : une manière indirecte de transmettre le prestige affermi des Bourbons à son

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successeur alors que la guerre fait rage avec les Espagnols, eux dont les rois s’efforcent précisément de vivre leur agonie comme une réplique de la Passion du Christ.11 Alors qu’il ne lui reste qu’un arrière-petit-fils de cinq ans, Louis XIV démontre une dernière fois sa maîtrise de « l’art de régner ». Malgré la fièvre et la gangrène, il saisit l’occasion de la célébration de la Saint-Louis, le 25, pour faire un dernier repas public, recevoir les sacrements et prendre congé. Paraissent devant lui pour recevoir un mot aimable ou ses dernières recommandations, des membres de sa Maison, le maréchal de Villeroy qu’il nomme gouverneur du futur roi, son neveu, le duc d’Orléans, qu’il a désigné comme régent, puis un autre prince du sang, Conti, et les légitimés à qui il ordonne de vivre tous en paix, enfin son épouse morganatique, Mme de Maintenon. Sa faiblesse l’oblige à reporter au lendemain la suite des adieux : sont convoqués les princes et les princesses, trois cardinaux conseillers de sa politique religieuse, les officiers de sa Maison militaire. Après une interruption imposée par les médecins et les chirurgiens, il fait appeler le Dauphin. Installé par sa gouvernante, Mme de Ventadour, sur un fauteuil au chevet du lit, l’enfant écoute son arrière-grand-père : Mon cher enfant, vous allez être un grand roi. N’oubliez jamais les grandes obligations que vous avez envers Dieu. Ne m’imitez pas, surtout dans les guerres avec vos voisins. Soulagez votre peuple le plus que vous pourrez. J’ai eu le malheur par les nécessités de l’État de ne pouvoir le faire. Suivez les conseils des personnes éclairées, sages et désintéressées. Songez que c’est à Dieu que vous devez tout ce que vous êtes et n’oubliez jamais les obligations que vous avez envers Madame de

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Ventadour pour tous les soins qu’elle a pris de vous élever et qu’elle veut bien continuer encore.12

Comparés aux remontrances d’Amboise, ces recommandations paraissent bien pauvres. Ce sont les lieux communs du prince chrétien parvenu à l’humilité et à la repentance sous la force des sacrements qu’il vient de recevoir. Ils témoignent d’une situation successorale apaisée : pourvu que cet enfant grandisse sous la protection de Dieu et de sa gouvernante, le sang qu’il a reçu de ses ancêtres ne peut manquer de faire de lui un grand roi.

LE TEMPS SUSPENDU : LES FUNÉRAILLES ROYALES DE CHARLES VIII À CHARLES IX (1498-1574)

Quand nos rois sont trépassés, c’est notre coutume solennelle, transmise depuis la plus haute antiquité, de les exposer au peuple dans leurs vêtements royaux et de les servir comme s’ils étaient vivants. Oui, en vérité, celui qui a été désigné ne doit ni ne peut accéder au pouvoir ni être publiquement salué comme roi avant que, les rites consacrés au roi mort ayant été accomplis, celui-ci n’ait été rendu à la terre de ses ancêtres. D’où, comme on le présume habituellement, il y a doute sur la question de savoir, dans cet intervalle de temps, qui est un quasi-interrègne, il y a doute sur la question de savoir sous les auspices de qui les diplômes doivent être publiés : sous ceux du roi défunt, ou plutôt sous ceux de celui qui a reçu le pouvoir dans le royaume, bien qu’il n’ait pas encore été inauguré. Et celui qui sera bientôt inauguré, il a

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Roi de France plu [au Parlement] de le tenir pour déjà inauguré. 19 avril 1498.13

Rédigé douze jours après le décès de Charles VIII, cet arrêt du Parlement de Paris témoigne d’une difficulté ressentie jusqu’au début du XVIIe siècle. L’hommage dû au roi mort semble exclure son successeur, le roi vivant, de toute visibilité, de toute activité, au point qu’au mépris de l’ordonnance de 1407 qu’ils ne peuvent ignorer, les juges se permettent de parler de « quasi-interrègne. »14 Le temps suspendu de cet hommage est borné par le moment où le roi s’éteint dans l’un de ses châteaux et celui où il est « rendu à la terre de ses ancêtres », soit la crypte de l’abbaye de Saint-Denis, à huit kilomètres au nord de Paris. Dans la Chrétienté occidentale et jusqu’au dernier tiers du XVIe siècle, si l’on excepte le cas particulier des papes, successeurs de saint Pierre et ensevelis dans sa basilique, les rois de France et les rois d’Angleterre sont les seuls souverains à jouir d’une nécropole. 15 L’abbaye de Westminster abrite les tombes royales depuis le XIe siècle et les restes d’un roi saint, Edward le Confesseur 16, elle bénéficie du prestige supplémentaire d’être le lieu des couronnements ; l’abbaye de SaintDenis s’est développée autour des reliques du premier évêque de Paris, martyrisé vers 250 et qu’une légende a habilement confondu avec Denys l’Aréopagite, disciple de saint Paul et qui aurait reçu mission d’évangéliser la Gaule. Depuis le XIIe siècle, les liens entre le saint, son abbaye et la dynastie capétienne se sont développés : garde des rois morts, garde de la couronne, puis des autres insignes du pouvoir, protection des rois au combat grâce aux reliques et à la bannière, légitimation de la succession en ligne masculine avec

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la découverte du manuscrit contenant le texte de la loi salique17. À partir de 1492 et d’Anne de Bretagne, ces liens se renforcent encore puisque l’abbaye, en accueillant le couronnement des reines, joue un rôle dans la perpétuation de la dynastie. Le lieu de la mort peut être relativement éloigné de Saint-Denis, Amboise pour Charles VIII, Rambouillet pour François Ier, Orléans pour François II : les distances ne sont pas telles qu’elles puissent rendre compte des vingt-cinq jours de latence pour le premier, encore moins des cinquante-quatre pour le second puisque le troisième atteint l’abbaye en quatorze jours. D’ailleurs, lorsque Henri II meurt à Paris et Charles IX à Vincennes, l’un met trente-quatre jours à rejoindre ses ancêtres, l’autre quarante-trois. Au contraire, la dépouille de Louis XII, mort à Paris, n’attend que onze jours. Ces variations dans le temps dépendent de la manière dont sont déployés les éléments rituels prévus par cette « coutume » que les juges disent antique et dont l’essentiel paraît être l’exposition et le service du roi mort « comme s’il était vivant ». De fait, en 1498, la « coutume » a subi des transformations récentes. Avant les crises successorales du XIVe siècle, la dépouille du roi revêtue des habits et insignes royaux était exposée quelques jours sur le lieu du décès, puis portée dans un cercueil jusque Saint-Denis en passant par Notre-Dame ; ainsi en avait-il été de Philippe le Bel que ses trois fils accompagnèrent portant le deuil en noir.18 De nouveaux usages naissent de la rivalité des rois d’Angleterre et de France, et plus précisément lors des morts rapprochées d’Henry V, le 31 août 1422 à Vincennes, et de son beau-père, Charles VI, le 21 octobre suivant à Paris. Deux ans plus tôt, le traité de Troyes avait fait

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d’Henry et de ses descendants les héritiers de la couronne de France. Deux choses importaient aux grands seigneurs anglais chargés d’organiser les funérailles : d’un côté, il fallait montrer Henry en roi sur tout le trajet qui devait le mener du château de Vincennes à l’abbaye de Westminster, ce fut le rôle de l’effigie — mannequin de cire portant vêtements et insignes royaux — placée sur son cercueil ; de l’autre, il fallait revendiquer l’héritage du royaume de France, ce fut le rôle des acclamations qui succédèrent à la mise au tombeau de Charles VI à Saint-Denis : « Vive Henry par la grâce de Dieu roi de France et d’Angleterre ! » — il s’agissait d’Henry VI alors âgé de quelques mois. À la mort de Charles VII, en 1461, son effigie figura aux funérailles et le nom de son fils Louis fut acclamé à Saint-Denis tandis qu’à Westminster, puis à Windsor pour Henry VIII19, les cris d’avènement continuaient d’associer les deux royaumes. Dès lors, et à l’exception de l’enterrement de Louis XI semblable à celui de n’importe quel chanoine de Notre-Dame de Cléry, les funérailles royales françaises se conforment à l’exemple anglais, modulé toutefois par ceux qui prennent en charge l’organisation de la cérémonie. Pour Charles VIII, le Grand écuyer et le Premier chambellan profitent de la confusion et défendent les positions des fidèles du roi défunt ; ensuite les successeurs eux-mêmes désignent un responsable parmi les dignitaires de la Maison du roi mort, fournissent les fonds et surveillent les préparatifs avec plus ou moins de discrétion. Pressé d’imposer ses droits, François Ier parvient à faire enterrer Louis XII en onze jours, il se fait sacrer treize jours après les obsèques, prenant le risque d’une grossesse de la jeune veuve.20 Pour exalter la grandeur du lignage royal, Henri II décide de réunir ses frères

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morts à leur père et il faut attendre que leurs dépouilles soient transportées l’une de Tournon, l’autre d’une abbaye proche de Beauvais : tous les éléments du cérémonial en reçoivent une amplification d’autant mieux venue qu’Henry VIII, le vieux rival en magnificence, est mort deux mois auparavant. La description qu’en fait Jean du Tillet, greffier du Parlement, devient la référence des grandes célébrations funèbres jusqu’aux funérailles d’Henri IV. Le temps suspendu se divise en différentes séquences pendant lesquelles s’accomplit le parcours royal jusqu’à Saint-Denis. Le service au roi vivant n’a pas fait disparaître l’exposition du roi défunt : c’est celle d’un chrétien sur son lit de mort, accompagné des prières qui recommandent son âme à Dieu ; c’est celle d’un souverain devant lequel viennent s’incliner les grands officiers, les prélats et les proches. Les veuves en âge de procréer ne peuvent se présenter : en principe, elles ne doivent pas quitter leurs appartements pendant quarante jours. Cette première exposition se réduit généralement à vingt-quatre heures, une semaine pour Louis XII, mais on est en janvier. Le cadavre est ensuite remis aux soins des médecins : il ne semble pas que la recherche des causes de la mort entre dans leurs préoccupations avant le décès de Charles IX et les accusations d’empoisonnement qui l’ont précédé. Il s’agit plutôt d’utiliser le corps du défunt pour renforcer ses liens avec Dieu et avec ses ancêtres : son cœur et ses entrailles, prélevés et enfermés dans des coffrets précieux, sont confiés autant que possible à des fondations liées à son lignage et qui vont démultiplier les prières. Le cœur de Charles VIII rejoint Notre-Dame de Cléry où son père repose ; ceux de Louis XII, d’Henri II, de Charles IX sont déposés dans la chapelle fondée par

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Louis d’Orléans en 1394 à l’église des Célestins à Paris, mais le cœur de François Ier demeure au prieuré de Haute-Bruyère, près de Rambouillet, celui de François II à Sainte-Croix d’Orléans.21 Embaumé pour préparer dans l’immédiat son accueil par ses prédécesseurs et, quand Dieu en décidera, pour la Résurrection, le reste du corps est enfermé sans ornement dans un double cercueil de bois et de plomb. Les hommages et les prières recommencent : pour qu’en 1498, le Parlement puisse les considérer comme le service dû au roi « comme s’il était vivant », il faut que les insignes royaux — couronne, sceptre et main de justice — aient été transportés depuis l’abbaye de Saint-Denis et déposés sur le cercueil recouvert d’un drap d’or. Ces objets, remis successivement à tous les rois au cours de leur sacre, portent en eux la permanence de la fonction royale.22 Tant qu’ils ne sont pas revenus à Saint-Denis, on peut considérer en effet que le roi est vivant. L’effigie, progressivement détachée de la rivalité avec les rois d’Angleterre, est un moyen supplémentaire d’affirmer la même chose : son réalisme, en particulier les yeux ouverts dans un visage de cire modelé d’après le masque mortuaire, fait voir cette permanence. Mais en retour, son emploi modifie le cérémonial. À partir du moment où elle est revêtue des habits royaux, enveloppée dans le grand manteau orné de fleurs de lys, c’est l’effigie qui reçoit les insignes royaux et donc les hommages. Pour Charles VIII et Louis XII, elle n’apparaît que tardivement, juste avant que le cercueil ne quitte le lieu du décès : posée sur lui dans le premier cas, puis portée sur un autre charriot pour le second, elle l’accompagne jusqu’à SaintDenis. Avec François Ier, mort le 31 mars 1547, l’effigie n’apparaît que le 24 avril, treize jours après que le

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corps a été porté de Rambouillet au château de SaintCloud, plus proche de la capitale et qui appartient alors à l’évêque de Paris. Elle est exposée sur un lit de parade dans une salle d’apparat tendue de tapisseries précieuses, tandis que le cercueil demeure dans une salle tendue de noir. Le service qui lui est rendu se dédouble : hommage politico-religieux que tous les grands personnages du royaume et les ambassadeurs viennent rendre comme les y invitent les mains de l’effigie jointes pour la prière ainsi que la croix et le bénitier placés au pied du lit ; de façon plus personnelle, des repas lui sont présentés au déjeuner et au souper par les officiers de sa Maison et par ses familiers. Cette nouvelle ramification rituelle s’est développée à partir de la rivalité avec les Habsbourg. Au service de Marguerite d’Autriche, régente des PaysBas, l’érudit Jean Lemaire de Belges avait accumulé des matériaux tirés des sources gréco-romaines destinés à exalter le destin impérial de sa maison : c’était le moment où Maximilien, son père, faisait travailler à un projet de chapelle funéraire dynastique. Passé à la cour de France en 1511, Jean Lemaire offre à sa nouvelle protectrice, la reine Anne, un traité manuscrit sur les pompes funèbres antiques : les repas servis aux empereurs romains trouvent logiquement leur place au pied de l’effigie de la reine dès les funérailles d’Anne en 1522. Malgré sa condamnation très connue par les Pères de l’Église, cet usage païen se maintient : tout au plus, la viande, le pain et le vin sont-ils donnés aux pauvres.23 Contrairement à ce que dit l’arrêt du Parlement dans un raccourci rhétorique, cette première phase de l’exposition du roi « comme s’il était vivant » ne concerne qu’un nombre restreint de personnes ayant

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toutes, à quelque titre que ce soit, un lien direct avec le roi. L’exposition « au peuple » commence lorsque cercueil et effigie quittent le lieu du décès pour cheminer sur les routes si le roi est mort en dehors de la capitale ; elle se déploie pendant les deux à trois jours où ils circulent dans les rues de Paris entre un premier service religieux dans une église limitrophe, un second à Notre-Dame, puis le long du trajet final qui mène à Saint-Denis. Tous ceux qui peuvent approcher du cortège aperçoivent ce qu’ils ne pourraient jamais voir autrement : non seulement le roi en majesté — portant la couronne et tenant sceptre et main de justice dans ses mains ouvertes — mais encore l’ensemble des ornements et des armes reçus au sacre, qu’ils relèvent de la permanence de la Couronne ou bien de la supériorité du roi sur tous les seigneurs du royaume, l’épée de Charlemagne, la bannière de France présente sur les champs de bataille et le dais tout brodé d’or, repris des fêtes du SaintSacrement. Tous ces objets sont portés par les officiers de la Couronne et de la Maison du roi, mais au plus près de l’effigie, les présidents du Parlement ont imposé leur présence : leur robe rouge des grandes solennités dit à sa manière la permanence de la justice royale. À l’avant de ce segment central, les pauvres et les différents ordres du clergé témoignent des liens du roi avec Dieu ; le segment terminal exalte sa puissance terrestre, force de son lignage avec les princes de son sang, respect des puissances étrangères avec les ambassadeurs, importance de ses fidèles avec les gentilshommes de sa Maison et les hommes d’armes qui ferment la marche. La longueur du cortège funèbre de François Ier a été évaluée à mille cinq cents mètres : les funérailles sont sans

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doute alors la plus grande démonstration de la grandeur royale. Démonstration ambivalente. Alors que l’effigie montre le roi vivant, les vingt-quatre crieurs de la ville de Paris, après plusieurs stations au Palais de justice, parcourent les rues et les carrefours puis prennent place dans la partie antérieure du cortège : ils appellent tous les habitants à prier pour l’âme du roi mort comme pour n’importe quel notable chrétien décédé dans la ville. C’est à Saint-Denis que cette opposition trouve sa résolution rituelle : lorsqu’après un dernier service religieux, le cercueil et les insignes royaux ont été descendus dans la crypte au plus près des ancêtres, les officiers de la Maison du roi viennent au bord de la fosse ouverte dans le dallage déposer les marques de leurs fonctions ; la bannière et l’épée sont abaissées, et du fond de la crypte, proclamation est faite par trois fois : « Le roi est mort ! », puis la bannière et l’épée sont relevées et libèrent le cri de l’avènement prononcé depuis le chœur de la basilique : « Vive le roi… (énième du nom) ! »24 Si publication il y a à ce moment, elle est restreinte à l’espace consacré et aux participants du cortège, mais elle ouvre sur le temps infini qui unit les rois passés aux rois à venir. Au soir des funérailles, le Grand maître réunit toute la Maison du roi défunt pour un dernier repas et prononce sa dissolution. Ces proclamations successives permettent au nouveau roi d’établir sa présence à la cour et d’occuper enfin pleinement la place du mort.

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LA DISPARITION DU « QUASI-INTERRÈGNE » (1560-1610)

Ce qui était en discussion dans l’arrêt du Parlement de 1498 relevait de questions pratiques. Depuis la mort de Charles VIII, les maîtres des requêtes de son hôtel continuaient d’expédier des lettres avec son sceau ; parallèlement, le chancelier qui avait rejoint Louis XII sur ses terres de l’Orléanais transmettait ses décisions avec des sceaux à son nom. Ainsi le Parlement se donne-t‑il l’illusion de maîtriser la confusion en acceptant d’anticiper sur le cérémonial et ordonne aux maîtres des requêtes de faire graver de nouveaux sceaux. Pour autant, doit-on croire que les nouveaux rois soient ordinairement paralysés jusqu’à la proclamation de leur avènement à Saint-Denis ?25 Les serviteurs directs d’un roi ne sont pas les seuls à devoir leur charge à sa volonté : tous ceux qui, dans le royaume, détiennent une part de son autorité doivent en principe recevoir confirmation de son successeur ; de même, les villes qui ont négocié leurs droits particuliers pourraient se trouver dans l’obligation de recommencer. S’il n’y est pas tenu en droit, puisqu’il n’est pas héritier mais successeur du roi défunt, il est de l’intérêt du nouveau roi de ne pas jeter le trouble parmi les centaines de personnes qui administrent la justice et les finances dans le royaume, encore moins parmi les notables des villes. C’est aussi pour lui le seul moyen immédiat de faire connaître son accession à la Couronne. Avec le chancelier qui se tient à ses côtés et ne paraît pas aux funérailles, il fait donc expédier au plus vite les lettres de confirmation des

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officiers de toutes les cours — à commencer par les parlements, ainsi que de quelques villes. En remerciement de ces grâces, officiers et villes offrent un don en argent.26 Dans le même temps, le nouveau roi distribue des terres à ses proches et procède aux nominations de ses fidèles : dans les onze jours pendant lesquels s’est déroulé l’hommage à Louis XII, François Ier a choisi un secrétaire aux finances et pourvu aux offices de connétable et de chancelier alors vacants ; le lendemain même de la mort de son père, Henri II a décidé qu’à l’avenir les membres de la Maison du roi seraient maintenus dans leur charge27, mais il a renvoyé les conseillers préférés et la maîtresse en titre de François Ier, il a mis fin à la disgrâce du connétable de Montmorency et entamé avec lui une transformation complète du Conseil et de ses rapports avec les provinces et les pays étrangers. Aussi est-il probable que la discrétion de Louis XII ait relevé davantage de la prudence nécessaire à ses négociations avec la reine Anne en vue de leur mariage que d’un « quasi-interrègne ». Son attitude, cependant, avait paru donner une cohérence à deux séries de faits jusque-là disjoints : d’un côté, l’usage de l’effigie né des rivalités avec les rois d’Angleterre, de l’autre, l’absence des fils aux funérailles de leur père qui lui est antérieure et s’est répétée pour des raisons à chaque fois différentes depuis la mort de Charles V en 1380. En 1498, le Parlement interprète l’abstention de Louis XII comme une exclusion nécessaire, conséquence logique des hommages dus au roi vivant de l’effigie : l’absence du successeur se trouve intégrée dans la coutume et s’y fige. Pour se montrer en public, il ne reste au nouveau roi que la possibilité de venir prier devant le corps ou le cercueil du prédécesseur et donner l’eau bénite, ce

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qui le limite au rôle de bon chrétien. Seul François Ier a osé paraître au service funèbre de Louis XII à NotreDame, enveloppé du grand manteau du deuil royal pourpre sombre à longue traîne ; Henri II a été critiqué pour avoir regardé passer le cortège de son père et de ses frères alors qu’il se tenait caché dans une maison de la rue Saint-Jacques.28 Le cérémonial des funérailles tel qu’il s’est développé depuis la fin du XVe siècle présente donc un double inconvénient : il attire l’attention sur la mort du prédécesseur et sur l’instabilité qu’elle risque de provoquer ; il restreint la capacité de mouvement du nouveau roi. Il rend ainsi difficile le passage d’un règne à l’autre. Les bouleversements de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe entraînent la destruction de ce parasitage cérémoniel. Lorsque François II s’éteint à Orléans le 5 décembre 1560, les États généraux qu’il y avait convoqués sont prêts à se réunir : partout dans le royaume la désignation des députés est terminée, l’ouverture doit avoir lieu le 13 dans la grande salle qu’il a fait construire. La question n’est pas alors celle de l’activité cachée de son successeur. Charles, le nouveau roi, premier des frères cadets, a dix ans : il s’agit de savoir qui va exercer le pouvoir en son nom. Les précédents désignent les princes du sang, oncles ou cousins. Or, Louis de Condé sympathise avec la Réforme : compromis dans une conjuration au printemps précédent, il vient d’être condamné à mort.29 De leur côté, les Guise, qui s’affirment comme les défenseurs du catholicisme, ne veulent rien perdre d’une influence renforcée sous le court règne de François II. Dans toutes les provinces, les troubles se multiplient. Dix-huit mois plus tôt, à la mort d’Henri II, les rites s’étaient étendus sur trentequatre jours. Contre le temps suspendu de l’hommage

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cérémoniel, la reine mère, Catherine de Médicis et Michel de L’Hospital, qu’elle avait fait nommer chancelier, choisissent l’action immédiate : le lendemain de la mort de François II, son successeur préside le Conseil et lui enjoint de donner la régence à sa mère ; la date d’ouverture des États généraux est maintenue.30 Le 13 décembre, Charles IX fait son entrée dans la grande salle, entouré de sa mère, de son frère puîné, des princes du sang dont Condé rentré en grâce, des officiers de la Couronne, de son Conseil et de nombre de grands seigneurs ; il procède à l’ouverture des travaux. Six jours plus tard, la dépouille de François II arrive à Saint-Denis dans un isolement total : seuls les deux gouverneurs du jeune roi défunt et l’évêque de Senlis, un vieillard aveugle, l’accompagnent. Il ne subsiste pas de relation officielle de ce pauvre enterrement dont les frais ont été avancés par l’un des médecins du roi.31 Sans doute la reine mère avait-elle jugé suffisante la remise solennelle du cœur du roi défunt à la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans. Autour de cette éclipse du grand cérémonial funéraire, les principes de la succession sont de nouveau énoncés. S’appuyant sur l’ordonnance de 1407, le Conseil du 6 décembre avait affirmé : « Suivant la loi du royaume, l’autorité royale ne meurt point, le mort saisit le vif, et l’autorité passe sans interruption du roi défunt à son successeur légitime. »32 Trois ans plus tard, alors que Charles IX, entrant dans sa quatorzième année, inaugure sa majorité en grande cérémonie au parlement de Rouen, Michel de L’Hospital revient sur le moment de ce qu’il appelle « la création » du roi en France : Ils [nos majeurs et prédécesseurs] ont voulu pourvoir aux inconvénients qui pourraient advenir durant

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Roi de France le temps et espace qui est entre la mort d’un roi et la création du successeur. Tels inconvénients s’aperçoivent dans tous lieux où il y a interrègne. […] Pour à quoi obvier, nosdits majeurs ont ordonné comme loi perpétuelle, que jamais le royaume n’est vacant : ains il y a continuation de roi à roi, et que sitôt que le roi a l’œil clos, aussitôt nous ayons roi, nous ayons seigneur et maître, sans attendre couronnement, onction ni sacre, sans attendre toute autre solennité.33

Ce que L’Hospital évoque lorsqu’il parle des « inconvénients » qui adviennent partout où il y a des interrègnes, ce sont les troubles de l’Empire romain connus de ses auditeurs érudits, mais aussi les émeutes qui viennent d’avoir lieu à Rome lors de la mort du pape Paul IV en 1559 ; ce sont les négociations que Charles Quint a dû mener pour faire reconnaître son fils comme héritier des différentes couronnes d’Espagne et encore ses tractations avec les princes électeurs du Saint Empire romain germanique pour préparer l’accession de son frère à la couronne impériale. Bien sûr, derrière ces arguments, s’entend aussi la crainte du développement des violences dans le royaume. La paix civile en France tient à l’efficacité du principe de dévolution. Dans la déclaration du Conseil aussi bien que dans le discours du chancelier, les juristes contemporains peuvent reconnaître une juxtaposition de sentences prises de sources différentes.34 La prescription contenue dans l’ordonnance de 1407 — « sitôt que son père est allé de vie à trépas, [le fils premier né] doit être tenu pour Roi » — a attiré une règle venue du droit coutumier qui lui donne un aspect plus concret : « Le mort saisit le vif. » Appliquée isolément à la succession royale, cette formule était gênante puisqu’elle

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concernait la saisie immédiate d’un fief par l’héritier quels que soient les droits du suzerain alors que tout l’effort des théoriciens depuis la fin du XVe siècle tendait précisément à prouver que le royaume n’était pas un véritable héritage. C’est ici que le droit canonique intervient : l’affirmation de Michel de L’Hospital, « l’autorité royale ne meurt point », est une reprise de la règle « Dignitas non moritur », où la dignité désignait depuis la fin du XIIe siècle la charge ecclésiastique qui passait d’un détenteur à l’autre en demeurant toujours semblable, immortelle. Étendue aux charges laïques, la notion de dignité éternelle convenait particulièrement bien aux pouvoirs des empereurs et des rois : elle donnait une grandeur supplémentaire à la Couronne. Que la royauté fût une dignité pouvait aussi signifier qu’elle n’était pas la propriété du roi, ce que l’avocat Philippe Pot avait avancé aux États généraux de 1484, mais cet aspect demeure caché dans les discours des années 1560 : ce qu’il importe alors de faire valoir, c’est qu’à partir du moment où le pouvoir royal est une dignité, il est perpétuel, son exercice ne peut connaître ni interruption ni suspension. La « création du roi » s’enchaîne immédiatement à la mort du prédécesseur. À condition que le cérémonial ne vienne pas contredire cette immédiateté. Si l’hommage funèbre à Charles IX s’étire sur quarante-trois jours, c’est qu’il a fallu gagner du temps en attendant des nouvelles de Cracovie.35 Ensuite les circonstances exceptionnelles — deux assassinats, un successeur mineur —, modifient profondément les relations entre mort et avènement. En août 1589, dans la mesure du possible, Henri IV a voulu faire reproduire les séquences des funérailles royales : il y allait de sa propre légitimité. Le corps

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embaumé d’Henri III est exposé quelques jours : ceux qui viennent lui rendre hommage reconnaissent par là même la succession du roi de Navarre. Cependant, l’urgence impose de ne pas attendre l’accomplissement de tous les rites coutumiers : le nouveau roi s’est installé dans la maison du défunt la nuit même de la mort de celui-ci. Le lendemain, profitant de l’usage traditionnel de la confirmation des privilèges urbains, il fait connaître son accession aux principales villes du royaume ; le 4, il adresse à toutes les cours souveraines une déclaration où, en échange de sa promesse de protéger la religion catholique et de s’y faire instruire, il a obtenu l’allégeance officielle et la signature d’un certain nombre de grands seigneurs. Ce n’est pas un cortège qui accompagne le défunt jusqu’à sa tombe, mais une véritable armée qui entoure sa dépouille. Il n’y a pas d’effigie, encore moins d’insignes royaux puisqu’ils sont dans les mains des Ligueurs, mais un roi vivant et en armes qui assure la protection de son prédécesseur mort : après une première station à l’abbaye de Poissy, le convoi contourne Paris et Saint-Denis, tenus par la Ligue ; le roi et ses troupes le quittent à Clermont-enBeauvaisis pour aller se battre en Normandie. Près de Compiègne, ville fidèle à ceux que l’on appelle les Royaux, l’abbaye de Sainte-Corneille, fondée au IXe siècle, accueille les restes du roi défunt auprès de deux souverains carolingiens et d’un capétien. Un dernier office y est célébré le 16 août.36 L’assassinat d’Henri IV, une vingtaine d’années après, donne l’occasion de trouver la forme cérémonielle qui convient à l’immédiateté de la succession. Le jour même, tandis que les conseillers du défunt conjurent Marie de Médicis de se ressaisir, une délégation apporte au Louvre l’arrêt que le Parlement

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vient de prendre à peine trois heures après la mort du roi et qui reconnaît la régence à la mère du nouveau roi. Si tous sont d’accord pour éviter d’en appeler aux États généraux ou de confier le gouvernement aux princes du sang, Soissons et Condé, il n’est pas question pour la reine et les conseillers de laisser l’initiative au Parlement sur une question si importante. Une lettre signée du roi Louis est envoyée aux parlements de province pour leur annoncer l’assassinat de son père et leur ordonner de maintenir les sujets dans l’obéissance, en particulier d’empêcher la remise en cause des édits de pacification religieuse.37 Parallèlement, les membres du Parlement de Paris reçoivent l’ordre de se préparer pour le lit de justice que le roi tiendra le jour suivant. Dans la Grand’salle du couvent des Augustins, ils font dresser l’estrade, surmontée du dais et installer le fauteuil rempli de coussins où le roi va siéger.38 Des décisions concernant l’ensemble du royaume ont déjà été prises dans ce cadre, mais le véritable précédent de cette séance a eu lieu le 17 août 1563 au parlement de Rouen lorsque Charles IX a inauguré sa majorité. Au matin du 15 mai 1610, lendemain de la mort de son père, le nouveau roi fait son apparition hors du Louvre : précédé des gardes qui battent tambour pour annoncer sa progression, il monte un cheval blanc, porte une couronne et l’habit pourpre foncé du deuil royal, son frère cadet le suit, puis les princes du sang, les grands seigneurs, les officiers de la Couronne, des gentilshommes à pied, enfin, dans des carrosses, la reine, toute vêtue de noir, et les princesses et dames de la cour. C’est donc un impressionnant cortège qui rejoint la Seine et la traverse au Pont-Neuf pour atteindre le couvent des Augustins. Les membres du Parlement accueillent le roi, revêtus de la robe rouge

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des occasions solennelles. Après que la reine, pour laquelle un fauteuil a été rajouté sur l’estrade à la droite de celui du roi, a prié le Parlement de prodiguer ses conseils au roi son fils et fait mine de se retirer, Louis XIII, de sa voix de garçon de huit ans et demi, demande à la cour son avis sur la proposition qu’il a « ordonné au chancelier » de lui présenter. Il s’agit bien sûr de donner la régence à la reine mère. Suivent les discours du chancelier et du premier président, puis le chancelier sollicite dans l’ordre l’avis du roi, de la reine, des membres du Parlement, enfin des princes du sang, des ducs, des pairs et des officiers de la Couronne. Le procureur général justifie cette procédure exceptionnelle et propose de passer à la publication de la déclaration royale. Après avoir fait ouvrir les portes de la salle, ce qui constitue la première étape de la publication de tout acte officiel, le chancelier lit le texte de la déclaration : Le Roi séant en son lit de Justice, par l’avis des Princes de son sang, autres Princes, Ducs, Pairs et officiers de la Couronne, ouï et requérant son Procureur général a déclaré et déclare la Reine sa mère, régente de France pour avoir soin de l’éducation et nourriture de sa personne et de l’administration des affaires de son royaume pendant son bas-âge. Et sera le présent arrêt publié et enregistré en tous les bailliages et sénéchaussées et autres sièges royaux du ressort de la Cour et en toutes les autres cours du Parlement de son royaume.39

Lorsque Louis XIII et son entourage quittent le couvent des Augustins, la foule, accourue à la nouvelle de cet événement inédit, acclame le roi. Ces vivats désordonnés, lancés dans l’espace ouvert de la ville, précèdent de six semaines ceux qui doivent être

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proférés dans le chœur de l’abbaye de Saint-Denis. Une forme cérémonielle a été trouvée pour rendre manifeste l’enchaînement immédiat de la mort et de l’avènement. Mais la complexité de son déroulement et le sens des discours dépassent de beaucoup la question pratique de la succession. Ce qui s’est vu dans la Grand’salle des Augustins au moment de l’institution de la régence, c’est le roi créant la loi. Ce qui peut s’interpréter de deux manières complémentaires : sa capacité à dire la loi est la preuve qu’il est roi, et il peut dire la loi parce qu’il ne lui est pas lié, suivant l’antique sentence, « Princeps legibus solutus est ». Dans les années 1570, le juriste Jean Bodin avait fait de cette liberté créatrice le principe même de la souveraineté « absolue » sans laquelle il n’y a pas de paix civile. Que cette liberté puisse être exercée par un enfant ne peut plus être remis en question : la victoire d’Henri IV a imposé la primauté du sang royal et son rôle de principe actif dans ce que Michel de L’Hospital avait appelé un peu dangereusement peut-être la « création du roi ». Dans son discours, le premier président avait reconnu dans le jeune garçon « l’image vive du défunt » comme seule la filiation peut en produire. C’est au nom de cette primauté que le Parlement a dû accepter la présence, parmi les princes du sang, du fils du comte de Soissons, Louis de Bourbon, âgé de six ans. Et c’est pour montrer la grandeur de la souveraineté royale que les seigneurs et les dames de la cour ont été admis nombreux dans la Grand’salle des Augustins. Le cérémonial funéraire s’étire ensuite pendant quarante-sept jours. Cette lenteur retrouvée permet l’organisation du Conseil autour de la régente et l’apaisement des tensions que le choc de la nouvelle a fait naître dans les provinces. Les rites religieux

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prennent particulièrement soin de cette âme qui n’a pu bénéficier des derniers sacrements ; ils doivent aussi témoigner de la pureté de la foi catholique du roi converti. Quant aux hommages, ils sont à la mesure du maître d’un grand royaume ; les services à l’effigie sont magnifiques ; le cortège final comprend neuf cents religieux, tous les membres des trois cours souveraines siégeant à Paris, ainsi que ceux de la municipalité sont invités à y participer. Or la mise en place de ce cortège donne lieu à un conflit entre l’évêque de Paris et l’évêque d’Angers, Grand Aumônier, d’une part, et les présidents au Parlement de l’autre.

DISPUTES AUTOUR DE L’EFFIGIE

On consulta les anciens mémoires […]. Tous ces monuments s’accordaient en ce point : savoir que l’Évêque de Paris était le Curé du Roi, d’où il résultait qu’il était du devoir de ce Prélat d’administrer les choses saintes au Roi ; qu’ainsi il devait inhumer le corps du Prince, et par conséquent suivre immédiatement le cercueil, et non l’image en cire, qui ne contient pas la dépouille mortelle du Roi, mais qui la représente au contraire dans toute sa majesté, comme le chef de la justice : que si le Parlement environnait cette image de ses robes rouges, ce n’était point pour se faire honneur, mais pour représenter le Roi dans toute sa splendeur : qu’autrefois l’image était placée sur le cercueil ; ce qui pouvait être cause que la place de l’Évêque avait été marquée aux pieds de cette image ; mais que dans la suite sur l’observation qu’on fit qu’il ne convenait pas que le sujet des obsèques fût dessous l’image qui

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représentait le Roi comme vivant, on avait séparé le corps d’avec l’image, et l’Évêque d’avec le Parlement.40

La querelle ne trouve pas de bonne solution. En tant qu’évêque de Paris, Gondi a eu la préséance sur les autres prélats au couronnement de la reine le 13 mai ; lui et Charles Miron, le Grand Aumônier, sont des serviteurs fidèles du pouvoir royal. Marie de Médicis les autorise à marcher près de l’effigie, si bien que, contrairement à l’usage, Gondi se trouve loin du cercueil au moment où celui-ci doit être confié aux religieux de Saint-Denis ; après un moment de confusion, un capitaine des gardes s’en charge. Aussi bien, la reine n’a-t‑elle pas voulu entendre l’argumentation des présidents : pour elle, comme pour ses conseillers, le lit de justice du 15 mai l’a rendue obsolète. Ce que le Parlement défend, en effet, arguant de ses robes rouges, c’est en premier lieu une conception restreinte du pouvoir royal, un roi « chef de la justice ». En 1547, les usages de la chancellerie l’avaient imposée à Henri II dans la lettre de confirmation écrite au Parlement de Paris au lendemain de la mort de son père : « Il faut après avoir regardé à ce qui est nécessaire faire pour le Salut de l’âme du Défunt, que nous pourvoyons aux autres choses concernant la conduite de notre État dont la justice qui fait régner les Princes est la première partie… »41 C’est sur cette base que les parlementaires parisiens avaient refusé d’accueillir l’inauguration de la majorité de Charles IX, la jugeant inutile. S’adressant au roi, ils poussaient à l’extrême les déclarations sur l’immédiateté de la succession : « Quand vous ne seriez âgé que d’un jour, vous seriez toujours majeur quant à la justice, comme si vous aviez trente ans… »42, mais c’était pour mettre en valeur leur propre rôle puisqu’ils

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affirmaient que cette justice « est administrée par la puissance que le Créateur vous a donnée, et en votre nom ». À les suivre — « Aussi la parure rouge dont nous sommes vêtus es exèques des Roys, enseigne qu’ils ne sont morts pour la justice » —, les parlementaires n’étaient pas seulement les administrateurs de la principale fonction du roi, mais les garants de l’immortalité de cette fonction. Ils se trouvaient ainsi en porte‑à-faux par rapport à la progression des formulations théoriques : ils continuaient d’affirmer que la justice ne meurt pas alors qu’au même moment, Michel de L’Hospital parlait de l’immortalité de la dignité royale dans toute son étendue. De la même manière, lorsqu’en 1610, les parlementaires invoquent la « majesté » royale, peuvent-ils ignorer l’équivalence que Bodin avait établie : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République, que les Latins appellent majestatem » ?43 Sans doute sont-ils persuadés que leur fonction dans l’enregistrement et la publication des lois, et les remarques qu’ils sont autorisés à faire en cette occasion, leur assurent une participation permanente à la souveraineté. À l’opposé de la reine et de ses conseillers, ils voient dans le lit de justice qui vient d’avoir lieu une reconnaissance éclatante de cette participation. C’est d’ailleurs le sens de leur lutte pour inclure la mention de l’arrêt du 14 mai dans la déclaration du 15. En défendant leur place dans le cortège, ils disent assez clairement que sans eux, l’effigie n’est qu’un simulacre : « Si le Parlement environnait cette image de ses robes rouges, ce n’était point pour se faire honneur, mais pour représenter le Roi dans toute sa splendeur. » Représenter s’entend ici dans le sens usuel de mettre sous les yeux en même temps que dans le sens juridique de pouvoir

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agir à la place d’un absent. 44 Dans le passage du Recueil des Roys qui les inspirait, du Tillet avait simplement parlé de faire honneur aux rois. Mais si les robes rouges représentent la souveraineté, que restet‑il à l’effigie dans son grand manteau fleurdelysé, que reste-t‑il à la couronne, au sceptre et à la main de justice remis au sacre à chaque roi ? On peut saisir la différence entre les royautés de France et d’Angleterre à partir du même objet : lors de funérailles d’Elizabeth Ire en 1603, ce sont les vêtements utilisés à l’ouverture des sessions du Parlement et désignés sous le nom de « robes d’office »45 qui enveloppaient son effigie. Pour autant qu’elles concernent le cérémonial luimême, ces questions ont disparu en même temps que l’effigie aux funérailles de Louis XIII et de ses successeurs ; pour autant qu’elles concernent les rapports entre le roi et les parlements de son royaume, elles nourrissent des conflits récurrents jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

LE VIVANT, LES MORTS ET DIEU

Le transfert de cérémonial opéré dans l’urgence en mai 1610 trouve à se réemployer en mai 1643.46 Le nouveau roi n’a pas cinq ans et c’est en lit de justice que la régence pleine et entière doit être confiée à la reine mère au mépris des dispositions établies le 20 avril par Louis XIII. Cependant, la guerre ouverte depuis 1635 a réclamé des ressources fiscales supplémentaires et le Parlement n’a cessé de s’y opposer. Pour empêcher que le lit de justice inévitable ne

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marque la première apparition du roi en public, la reine et ses conseillers décident de compliquer le parcours cérémoniel. Avant même de quitter SaintGermain, ils font expédier une lettre du roi à la municipalité de Paris, l’exhortant à y maintenir l’ordre « nonobstant cette mutation »47 qui vient d’avoir lieu. Au lendemain de la mort de son père, Louis XIV accomplit une sorte d’entrée dans la capitale : ses gardes ouvrent la voie, sa mère, son frère, son oncle l’entourent dans son carrosse ; le premier écuyer, à cheval, porte son épée ; le gouverneur et la municipalité au grand complet l’accueillent et l’assurent de leur soumission. Des vivats l’accompagnent jusqu’au Louvre. Pendant deux jours, les députations des différentes cours siégeant à Paris tentent d’être reçues par le roi ou au moins par la régente. Le 18, avant le début du lit de justice, le roi, sa famille, ses officiers, ses gardes et sa suite se rendent en cortège à la SainteChapelle, construite sur l’ordre de saint Louis : ils entendent une messe sous la protection des reliques parmi lesquelles figure le crâne de l’ancêtre fondateur. Quant au lit de justice lui-même, il se déroule suivant le précédent de 1610, si ce n’est que Gaston d’Orléans et Henri de Condé se démettent d’euxmêmes du rôle que Louis XIII avait prévu de leur donner. Ainsi, à quelques modulations cérémonielles près, l’avènement de Louis XIV reproduit celui de Louis XIII. Les funérailles de ce dernier marquent au contraire une rupture complète avec celles d’Henri IV. Il ne s’agit pas seulement de la disparition de l’effigie, il s’agit aussi de la disparition des grands cortèges qui avaient traversé Paris en plusieurs stations avant de prendre le chemin de Saint-Denis. Il n’y a plus désormais d’occasion d’apercevoir le cercueil, ni « l’image

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vivante » du roi portant les insignes de son pouvoir. Quant aux participants des cortèges qui avaient eu l’honneur de marcher plus ou moins près du défunt, ils sont immobilisés dans l’espace clos de la basilique par les soins du maître des cérémonies et de ses assistants pour la première des célébrations solennelles le 22 juin, puis se retrouvent dans les mêmes conditions à Notre-Dame, cinq jours plus tard. Il serait tentant de voir dans cette simplification un retour du roi à sa condition de chrétien ordinaire.48 Ce serait oublier que l’intérêt même du successeur continue d’exiger l’exaltation de la grandeur royale : c’est bien ainsi que l’entendent les rédacteurs de la lettre de Louis XIV au maître des cérémonies et au capitaine de ses gardes pour la préparation du 22 juin à Saint-Denis « ainsi qu’il convient à l’honneur du lieu et à la majesté royale ».49 Il s’agit plutôt de nouveaux moyens d’expression dont le schéma général rejoint les usages espagnols : Anne d’Autriche en était évidemment familière et elle n’aurait jamais pensé que le prestige de sa maison d’origine en fût affaibli. Alors que la cour a déserté Saint-Germain pour suivre le nouveau roi dans les manifestations de son avènement, le corps de Louis XIII reste exposé quatre jours sur un lit de parade : la dépouille, simplement vêtue d’une chemise et d’un bonnet blancs, un crucifix dans les mains, reçoit l’hommage des seuls gens de sa Maison, des fidèles ; elle est entourée de prières ininterrompues. Le 19 mai, lendemain du lit de justice, le premier gentilhomme de la Chambre et le maître des cérémonies reviennent à Saint-Germain. Le corps est enfermé dans le cercueil : un convoi où figurent quelques grands seigneurs le conduit directement à Saint-Denis où il arrive de nuit, à la lumière des flambeaux. Le cercueil est installé la tête tournée

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vers l’autel, les insignes royaux posés sur le drap mortuaire qui le recouvre. Si l’on tient compte des cent messes basses et d’une messe solennelle par jour pendant cinq semaines, puis des centaines de « pauvres » vêtus de noirs et portant des flambeaux, et des 14 700 cierges consumés au service solennel du 22 juin, il ne peut s’agir des funérailles d’un simple chrétien. D’autant que les rites suivent scrupuleusement le déroulement habituel jusqu’aux cris de proclamation du nouveau roi. Enfin, le 27, une nouvelle cérémonie est célébrée à Notre-Dame en présence de la reine : devant un catafalque entouré de lumières, l’oraison funèbre présente le roi dans sa grandeur et dans ses faiblesses. Ce qui se déploie en effet, c’est le retour du roi à son seul juge, Dieu. Le dernier volet de la construction d’une théorie de la souveraineté absolue s’achève en effet avec l’affirmation du droit divin des rois. Cela peut s’entendre comme la conséquence ultime de l’institution divine de tout pouvoir terrestre, mais aussi comme la coupure définitivement opérée dans les significations possibles du terme d’« élu » : la Providence a assuré la victoire de son père, elle a pourvu à sa naissance et à celle de ses fils, elle l’a soutenu dans ses actions. De cette présence de Dieu à ses côtés, ont témoigné les victoires sur les Protestants dans le Sud-Ouest du royaume jusqu’à la chute de La Rochelle, leur place forte principale, puis les victoires sur les troupes impériales et espagnoles. Et Louis XIII en a manifesté sa reconnaissance en ordonnant les cérémonies d’action de grâce, vingtdeux Te Deum de victoires depuis 1621, auxquels s’ajoutent ceux qui célèbrent la naissance de ses fils.50 La bienveillance divine s’est d’ailleurs immédiatement confirmée : le 18 mai, un jeune prince du sang,

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le duc d’Enghien, a battu les Espagnols à Rocroi, si bien que le premier Te Deum du règne de Louis XIV a été célébré à Paris le 22 mai, huit jours après son avènement. Le plus court chemin jusqu’à Saint-Denis permet donc au roi d’échapper aux regards des sujets pour rejoindre au plus vite Dieu et ses ancêtres. Ce n’est pas à dire que la basilique soit le lieu idéal pour montrer la grandeur dynastique : trop petite, trop obscure, pour tout dire trop « gothique ». Rien qui soit comparable à l’éclat de la chapelle Saint-Laurent de l’Escurial construite par Philippe II à partir de 1565 et de nouveau enrichie par Philippe III, le père d’Anne d’Autriche, puis par Philippe IV, son frère. Mais s’il avait fallu treize ans à Philippe II pour rassembler les dix-huit corps de ses ancêtres dispersés dans les divers royaumes d’Espagne, rares étaient les rois de France à avoir échappé à Saint-Denis en dehors de Louis XI. La profanation de l’abbaye par les Ligueurs qui s’étaient emparés des insignes royaux et les avaient défaits pour mieux les monnayer avait été réparée par la conversion d’Henri IV, puis par le sacre de Marie de Médicis. Saint Denis lui-même avait perdu avec une partie de sa légende son rôle de protecteur des armes du roi, mais en accueillant les rois, les reines, les enfants et petits-enfants de France, son abbaye contribue à l’exaltation du sang royal : elle fait partie de l’ensemble des preuves qui attestent la légitimité du lignage des Bourbons. Henri IV avait envoyé le Dauphin Louis la visiter pour commencer son apprentissage royal, le jeune Louis XIV y a séjourné, ses fils, petits-fils et arrière-petits-fils y ont été conduits, le fils de Louis XV de même. Plus encore, depuis la mort d’Henri IV, un cercueil vide est placé près de l’autel : surmonté d’un dais, éclairé par un

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luminaire qui brûle nuit et jour, il porte sur le drap noir qui le recouvre les insignes de la royauté. Cette représentation du roi mort veille en intercesseur sur le roi vivant jusqu’à ce que ce dernier vienne le rejoindre. En septembre 1792, le cercueil installé à la mort de Louis XV veillait toujours. Il n’y a donc aucune raison pour que, même séparées par de très longs intervalles, les funérailles de Louis XIV et celles de Louis XV n’aient pas été calquées sur le modèle hérité de Louis XIII. À l’exposition du corps près, puisque Louis XV avait succombé à une maladie extrêmement contagieuse, se retrouvent le transport du cercueil de nuit aux flambeaux, les semaines de service religieux à Saint-Denis, les grandes funérailles avec les cris, puis la grande oraison funèbre à Notre-Dame. L’adéquation la plus simple entre le principe de l’immédiateté de la succession et la proclamation de l’avènement est enfin trouvée. Au matin du 1er septembre 1715, un officier s’avance sur le balcon de la chambre du roi donnant sur la cour de Marbre, tenant un chapeau à plume noire, il crie : « Le roi est mort ! », puis ayant pris un autre chapeau à plume blanche, il revient crier : « Vive le roi Louis XV ! » Villeroy, capitaine des gardes, dispose ses hommes le long de la Galerie des glaces et canalise la foule des courtisans : au nouveau roi, Philippe d’Orléans qui doit assurer la régence vient le premier rendre hommage et présenter courtisans et ministres. Dans l’après-midi du 10 mai 1774, le Grand chambellan ouvre la porte de la chambre du roi, il annonce d’un même mouvement la mort de ce dernier et le nouveau règne, tandis qu’un valet vient souffler une bougie sur le balcon à l’attention des coursiers prêts à partir. Une cohue envahit les appartements de celui qui vient de devenir Louis XVI. En 1715 comme en 1774, rien ne s’oppose

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plus à ce que tous les sujets apprennent la nouvelle à condition que leurs prières accompagnent le retour du roi à Dieu. Cependant l’enfant de cinq ans fond en larmes en s’entendant appeler « Sire » et « Votre Majesté », le jeune homme de vingt ans tombe à genoux et réclame l’aide de son épouse. Loin de ne concerner que leur mort, la question des relations entre les rois et la fonction dont ils sont investis se pose tous les jours de leur vie.

DEUXIÈME PARTIE

L’ÉLÉVATION ET LA DISTANCE

Introduction D E S C R I PT I O N D ’ U N R O I

Au retour d’un séjour de trente-quatre mois à la cour de François Ier, l’ambassadeur vénitien Marino Cavalli lit son rapport au Sénat ; comme il est d’usage, le Doge et le Conseil des Dix honorent cette séance de leur présence. Nul enjeu particulier dans ce texte : ses auditeurs, comme lui-même, appartiennent aux familles patriciennes les plus importantes de la République ; habitués à vivre dans l’opulence et le raffinement, familiers de la diversité des formes de pouvoir dans toute l’étendue de l’Europe, Empire ottoman compris, ils n’ont besoin que de pouvoir évaluer les chances de durée de la paix récemment conclue entre le roi de France et l’empereur Charles Quint 1. En 1546, cela fait près de trente ans que la Sérénissime s’est efforcée de rester neutre dans le grand conflit qui les oppose, et elle entend bien continuer ainsi. L’ensemble de la « Relation » suit le parcours obligé des descriptions de pays : les limites, les richesses avec un accent bienvenu sur les échanges commerciaux, les villes, l’histoire de la monarchie avec la singularité de sa loi de succession et la puissance du

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pouvoir royal. Puis vient la description du roi luimême. Le roi est maintenant âgé de cinquante-quatre ans, d’une royale présence, de sorte que sans savoir qu’il est le roi, et sans avoir vu son portrait, tout étranger pourrait, l’ayant vu, dire : C’est le roi. Il a dans tous les mouvements de son corps une gravité et une grandeur tellement brave que je pense que nul autre prince ne l’égale, pour ne pas dire le surpasse, aujourd’hui.2

D’abord l’évidence visuelle : l’apparence révèle l’être royal. Primi Visconti, noble aventurier du Piémont, n’a pas davantage de doute lorsqu’arrivant à la cour de France en 1673, il distingue aisément Louis XIV au milieu de la foule des courtisans qui l’accompagnent à la chapelle du château de Saint-Germain.3 Chez François Ier, cette apparence se construit sur la manière de tenir et de mouvoir le corps. Y a-t‑il un savoir de ces mouvements ? Comment se transmet-il ? Quelle est sa justification ? S’agit-il d’un trait permanent ou lié à un moment particulier de l’histoire de la royauté ? C’est une voie qu’il faut suivre si l’on veut bien penser au contraire à Louis IX, avec son humilité et son rayonnement spirituel. Il possède une complexion excellente, et une nature forte et gaillarde, et on ne peut imaginer les désordres, les fatigues, et les peines qu’il a supportées et supporte encore dans ses continuels voyages à travers ses pays. En vérité je pense que peu d’hommes au monde auraient pu surmonter comme lui tant d’adversités.

Ici se marque le souci très conjoncturel de la bonne santé du roi : un successeur pourrait avoir hâte de remettre la paix en question. Au-delà, Cavalli s’attache

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à la force de ce corps soumis aux obligations du pouvoir. Et il faut savoir que la nature lui a donné une voie inférieure par laquelle chaque année il se purge de ce qu’il accumule chaque année de mauvais, de sorte que cela pourrait être le moyen (même si la matière augmentait beaucoup) de le faire vivre encore assez. Ce pourquoi il mange et boit très bien, et dort encore mieux, et ce qui importe le plus, il veut vivre en extrême allégresse et douceurs.

S’il y a des secrets dans la vie du roi, ils ne concernent pas le fonctionnement de son corps : parce qu’il conditionne l’exercice quotidien du pouvoir, ce fonctionnement prend place parmi les éléments d’information qui circulent entre les états. Comment concevoir les relations entre la banalité de besoins charnels communs à tous les hommes et l’évidente grandeur royale ? En termes d’association, d’exaltation ? Pour cela, il lui plaît de s’habiller de façon recherchée, avec des ors, des broderies et des pierres précieuses et des habits somptueux, avec des frises et galons d’or tout autour. Jusqu’aux pourpoints tous profilés et tissés d’or, avec des chemises très belles, et sorties par les ouvertures du pourpoint : toutes choses à la façon de France et qui permettent de vivre joyeux et long temps.

Un tableau conservé à Fontainebleau permet de visualiser quelques-unes des indications données par Cavalli.4 Sous un manteau de velours noir brodé de fils d’or, agrémenté de petites perles et fermé par un col de fourrure, un pourpoint où le satin rose sert de

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base à un entrelacs d’épais galons d’or, de perles de fort diamètre et de nœuds qui pourraient porter des rubis ; la chemise de fine toile plissée apparaît dans l’encolure et autour des poignets. Il faudra voir si l’association faite par Cavalli avec la douceur de vivre suffit à épuiser la signification de la somptuosité, et encore si ce ruissellement de richesses vestimentaires se poursuit jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Ce roi, comme tous les autres rois de France, a reçu de Dieu le don singulier de guérir les écrouelles par son attouchement. Les habitants même de l’Espagne accourent pour profiter de cette propriété merveilleuse. La cérémonie a lieu dans quelque jour solennel, comme Pâques, la Nativité et la fête de Notre Dame. Le roi se confesse d’abord et communie ; puis il fait un signe de croix sur les malades en disant : « Le roi te touche, que Dieu te bénisse ! » Je crois que si les malades ne guérissaient point, il n’en viendrait pas de si loin à si grands frais. Ainsi puisque l’affluence augmente toujours, il faut bien croire que Dieu se sert de ce moyen pour accorder cette grâce aux infirmes, et pour faire à tous les rois de France cette prérogative d’honneur et de réputation.

Soupçon de scepticisme envers l’efficacité, mais non envers la singularité du rituel vers lequel tant de malades affluent ni envers le prestige qui en rejaillit sur les rois de France. Il faudra donc interroger les relations de ces derniers avec Dieu, voir comment le rituel du sacre prépare le nouveau roi à l’exercice de son pouvoir thaumaturgique.5 Et comme lorsqu’il est en bonne santé, il a un corps apte à supporter toutes sortes de fatigues et d’épuisement, il le supporte ; ainsi de l’esprit, il ne veut avoir une pensée qui le presse plus que de raison. Pour cela,

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il a remis presque tout au très révérend Tournon, et au très illustre amiral : et il fait et répond et négocie ce que ces deux lui conseillent et veulent. Et si quelque réponse a été donnée aux orateurs de quelque concession, ou des ordres à d’autres (pourtant cela arrive rarement) qui n’aient pas été faites suivant la consultation de ces deux-là et qui leur déplaisent, elle est révoquée ou changée à son arbitrage. Il est vrai que dans la somme des choses d’État très importantes est le dessein de la guerre, sa majesté, parce que dans les autres elle s’en remet à eux, veut en cela qu’eux et tout le reste s’en remettent à elle ; et dans ces cas, il n’est personne de la Cour, quelle que soit l’autorité qu’il ait, qui ose lui objecter quoique ce soit.

Vient enfin le domaine de l’exercice du pouvoir avec l’obligation permanente de prendre des décisions sur tout et à tout moment. Au lieu du large Conseil que l’on pourrait attendre après les Remontrances d’Amboise, Cavalli distingue auprès de François Ier le cardinal de Tournon et l’amiral d’Annebault : à ces deux conseillers préférés semblent revenir les décisions courantes. Le roi se réserve les domaines décisifs que sont les relations avec les autres souverains dans la paix comme dans la guerre. Autour, se devine une cour à peine esquissée dans ce passage, mais où chacun peut être tenté d’essayer d’infléchir la volonté du roi et d’en bénéficier.

Chapitre V VERS REIMS : DES PARCOURS DISSEMBLABLES

Il existe toute une littérature destinée à l’éducation du Prince.1 Miroir ou Institution, une multitude de textes expose les qualités et les savoirs nécessaires à l’exercice du pouvoir royal, ainsi que les moyens de les acquérir. Cependant, bien des arguments empêchent de partir de leur contenu pour retrouver la manière dont les souverains ont été préparés à leur tâche. La plupart des auteurs ont saisi cette forme pour rendre hommage à un jeune prince et à son père ou encore, comme Ronsard, à un roi enfant, Charles IX, et à travers lui, à sa mère, Catherine de Médicis : une manière de faire sa cour. Ils ont aussi pu prendre prétexte du genre pour présenter leur conception d’une royauté idéale, et dans ce cas, essayer de toucher un public de lettrés plus large que la famille et les conseillers du roi. Non que l’éducation des héritiers de la Couronne ait été négligée, mais à bien y regarder, les plus systématiquement instruits sont morts avant d’être rois : le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, qui a bénéficié des éblouissantes leçons de Bossuet et de son équipe, a traîné à la cour une vie de figurant plus cultivé et plus riche que les autres ; pour son fils, le duc de Bourgogne, une enquête systématique sur toutes les

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provinces du royaume avait été commandée aux intendants. Mieux vaut donc s’en tenir aux princes qui ont réellement régné. Tous connaissent le catalogue des vertus royales, appuyé sur les Écritures et les commentaires des œuvres d’Aristote : piété, bonté, bienfaisance, tempérance, droiture, courage, magnanimité, sagesse… Ils partagent une culture aristocratique faite d’un apprentissage religieux précoce doublé de l’acquisition des signes de distinction portés par le corps, ses activités de loisirs, ses parures et l’ensemble des manières de sociabilité courtisane. Ces éléments permanents se nuancent en fonction des idéaux successifs : jusqu’aux crises religieuses, un prince sage et prudent, amateur des lettres qui donnent de la force à ses discours ; au rétablissement de la paix civile, un héros qui doit régner sur ses passions comme sur ses sujets et puise sa force dans la présence constante du Dieu de la Contre-Réforme ; jaloux de son pouvoir, il doit acquérir des connaissances précises comme autant d’instruments de gouvernement. À partir de ces traits communs, il faut distinguer les voies que les princes ont empruntées : cousins qui ont bénéficié de l’épuisement de la branche régnante, fils de rois parmi lesquels la mort a fait son choix, enfin ceux à qui la Couronne a ravi l’enfance.

COUSINS

Ils sont trois : Louis d’Orléans et Henri de BourbonNavarre devenus roi de France à trente-six ans, François de Valois à vingt.2 La mort de leur père les a

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placés très jeunes dans la position de premier prince du sang : Louis avait trois ans, François deux, Henri neuf. La couronne n’en était pas proche pour autant : Louis venait après les fils et le frère de Louis XI, et lorsque le dernier fils survivant est devenu Charles VIII, son mariage et les cinq grossesses de son épouse, Anne de Bretagne, paraissaient devoir produire un héritier direct. À son tour, François a été tenu à distance par les quatre grossesses suivantes de la reine Anne, puis par le remariage in extremis de Louis XII avec Mary Tudor. Quant à Henri, il se plaçait derrière les frères de Charles IX, Henri d’Anjou et François d’Alençon3, pour qui l’on pouvait imaginer un avenir matrimonial fécond. Rien qui obligeât les responsables de l’éducation de Louis et de François à les entraîner à l’exercice du pouvoir ; le cas est légèrement différent pour Henri qui doit hériter de la couronne de Navarre, même si la majeure partie des terres qui en dépendent a été enlevée par Ferdinand d’Aragon en 1512. Éloigné de la cour par la méfiance de Louis XI vis‑à-vis des princes du sang, Louis d’Orléans passe une jeunesse médiocre sous la tutelle de sa mère, Marie de Clèves. Les serviteurs fidèles à sa Maison lui transmettent la culture orale des grands nobles ; les exercices physiques et la chasse ne parviennent pas à rendre vigoureux ce corps frêle et disgracieux. À quatorze ans, sur ordre de Louis XI, il épouse Jeanne de France. Ils se séparent dès le lendemain, mais les cent mil écus de la dot sont les bienvenus. Henri reste le seul héritier mâle de l’union d’Antoine, aîné des Bourbons, duc de Vendôme et de Jeanne, héritière d’Henri d’Albret, roi de Navarre, richement possessionné dans le Sud-Ouest du royaume. Bien que Charles Quint ait profité de ce

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mariage pour proclamer le rattachement définitif des terres conquises, les Albret tiennent à leur titre et à leurs prétentions. Suivant les ordres d’Henri d’Albret respectés après sa mort en 1555, l’enfant connaît une première éducation dure et frugale destinée à développer l’endurance d’un guerrier. Parce que Antoine de Bourbon et son épouse doivent être présents à la cour de France où monte l’antagonisme entre les princes du sang et les princes étrangers, Henri remplit très tôt ses devoirs d’héritier : en 1558 — il a cinq ans —, il préside en tant que « prince régent et lieutenant général » les états de Béarn qui organisent la défense du Pays basque contre les troupes espagnoles. L’année suivante, Antoine de Bourbon accompagne Élisabeth de France vers l’Espagne où elle doit épouser Philippe II ; il la reçoit dans son château de Pau et lui présente son fils. Lorsque Henri a sept ans, commence à se dessiner la déchirure religieuse qui a marqué la majeure partie de sa vie. Baptisé dans l’Église catholique, il se trouve pris entre sa mère qui déclare sa foi réformée et son père, indifférent aux querelles d’interprétation religieuse et avant tout soucieux de ne pas perdre sa position de premier prince du sang. Il reçoit un gouverneur choisi parmi les fidèles des Albret et un précepteur calviniste recommandé à Jeanne par Théodore de Bèze.4 Quant à François de Valois, plus que le fils, il est l’œuvre de sa mère, Louise de Savoie.5 Mariée à douze ans au comte Charles d’Angoulême qui la remet aux bons soins de sa maîtresse en titre, Jeanne de Polignac, Louise ne peut assurer sa place qu’en produisant des enfants légitimes face aux bâtards de son époux. Profitant d’un séjour à la cour en 14901491, elle rend visite à François de Paule ; il lui prédit un fils. Après une fille, naît en effet un fils, il reçoit le

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prénom de François pour attirer la protection du saint homme, et à travers lui, celle de Dieu. Charles d’Angoulême meurt deux ans plus tard, en 1496, laissant à son épouse la tutelle des enfants : à dix-neuf ans, Louise de Savoie serait libre de préparer son fils au grand destin qu’elle imagine, n’était la sollicitude de Louis d’Orléans à laquelle elle doit résister tout en l’utilisant. En tant que chef de la branche aînée des Orléans6, il réclame la tutelle puisque Louise est loin d’être majeure : il n’obtient que le titre de tuteur honoraire. Devenu roi, il invite Jeanne à s’installer au château d’Amboise, dans une aile nouvellement construite, qui a reçu le nom prédestiné de logis des Sept vertus. Il offre à François le duché de Valois qu’il détenait en héritage. Louise profite de la disgrâce de Pierre de Rohan, maréchal de Gié, le gouverneur que Louis XII a donné à son fils, pour imposer Artus Gouffier, un courtisan des plus habiles. François, enfant robuste, accueille avec ardeur les savoirs mondains nécessaires à la vie de cour et les savoirs virils de la chasse et du combat. Cependant, pour Louise, l’essentiel tient à la formation morale. Lettrée elle-même — la devise inscrite dans sa chambre à Angoulême portait « Mes livres et mes enfants » —, elle confie le préceptorat de son fils au chanoine François Desmoulins, lui adjoint le cordelier Jean Thénaud, tous deux venus de l’Angoumois. Ensemble, ils constituent une sorte d’atelier chargé de trouver les preuves de l’élection divine de l’enfant grâce aux arts de l’astrologie et de la kabbale, d’inventer les devises qui doivent construire sa conscience de héros et d’énoncer dans des textes courts, en latin ou en français, en prose ou en vers, les principes qui le guideront. À dix ans, le jeune garçon reçoit son emblème

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gravé sur une médaille.7 Sur l’avers, il peut se voir paré de ses titres actuels : F R A N Ç O I S D U C D E V A L O I S COMTE D’ANGOULEME AU X AN D(E) S(ON) EA (GE).

Au revers, un animal au milieu des flammes entouré d’une devise rédigée en italien — N O T R I S C O A L B U O N O S T I N G O E L R E O M C C C C C I I I I 8 — lui présente un tableau de ses origines et ses droits : la salamandre marque sa maison depuis que son grandpère paternel, Jean d’Angoulême, l’a fondée ; elle peut être associée au serpent en mue de son grand-père maternel, Philippe de Savoie, mais aussi à la vipère de Valentina Visconti, son arrière-grand-mère paternelle, venue de la famille qui régnait alors sur le duché de Milan. La devise est celle des Visconti, c’est pourquoi elle figure en italien et non en latin. Alors que Louis XII, issu du fils aîné de Valentina, voulait être le seul à revendiquer le Milanais, figure et devise indiquent à l’enfant les moyens de défendre ses ambitions : « se nourrir au bon feu », c’est se montrer digne de la grâce divine qui l’a fait naître dans une telle lignée, « éteindre le mauvais feu », c’est maîtriser ses passions. Et encore, sortir indemne de l’épreuve du feu n’est donné qu’aux êtres constants et intègres. La salamandre et sa devise simplifiée, « Nutrisco et extinguo », ont accompagné François tout au long de sa vie, motif majeur de décoration des châteaux qu’il a fait construire. L’essentiel de l’apprentissage politique des cousins tient dans les relations qu’ils entretiennent avec les rois régnants. De leur côté, les souverains se trouvent partagés entre l’obligation de protéger les branches cadettes de la maison de France et la crainte très justifiée de voir les premiers princes du sang prendre la tête des résistances nobiliaires. Les mariages avec des filles de France offrent un moyen d’empêcher

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une alliance externe qui accroîtrait la puissance de ces princes. Cependant entre aînées et cadettes, des modulations interviennent : ainsi de Jeanne de France, promise à Louis d’Orléans dès sa naissance, alors qu’Anne, sa sœur aînée, est unie à Pierre de Beaujeu issu des Bourbons plus éloignés de la Couronne ; ainsi de Marguerite de Valois, la troisième des filles d’Henri II et de Catherine de Médicis, finalement donnée à Henri de Bourbon-Navarre, alors que ses aînées ont connu des mariages plus prestigieux. L’union de François de Valois avec Claude de France, la première née, n’a été envisagée que comme une alternative au projet défendu par la reine Anne d’une alliance avec Charles de Habsbourg, projet que Louis XII a soutenu tant qu’il avait besoin de l’investiture de l’empereur pour le duché de Milan. De toute façon, jusqu’aux jours de sa mort, il s’est efforcé d’avoir un fils. Suivant leur différence d’âge avec le roi régnant, les cousins occupent une position différente auprès de lui. Louis d’Orléans a vingt et un ans lorsque Charles VIII hérite de la couronne à treize ans. Bien qu’il ait dû jurer à Louis XI de ne pas réclamer la régence, Louis n’a de cesse d’affaiblir Anne de Beaujeu, régente en titre, et son époux. Pour surmonter son inexpérience, il s’attache François d’OrléansLongueville, comte de Dunois9, et Georges d’Amboise, déjà évêque de Montauban.10 Ayant échoué à obtenir des États généraux qu’ils ôtent tout pouvoir aux Beaujeu, il profite ensuite de la tactique de conciliation de ces derniers : il obtient la prééminence sur les pairs du royaume pendant le couronnement ; il éblouit le jeune roi par son goût des femmes, son ardeur à la chasse, l’éclat de ses parures. Son projet de l’enlever échoue. Aussi, après avoir réclamé en

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vain la condamnation des Beaujeu auprès du Parlement et des autres cours parisiennes, se lance-t‑il dans la révolte armée : il rallie de grands nobles, intervient dans les affaires de Bretagne, faisant du duché la base de sa résistance. Nouvel échec : condamné en son absence par le Parlement pour lèse-majesté, fait prisonnier à Saint-Aubin-du-Cormier, il passe trois années entre prison et résidence surveillée. Il y découvre l’intérêt de la lecture. Lorsqu’en juin 1491, Charles VIII lui-même vient lui signifier sa rentrée en grâce, Louis est résigné à l’obéissance. Il retrouve sa place de premier prince du sang : il représente le roi dans les négociations ultimes du mariage avec Anne de Bretagne ; il conduit la reine à Saint-Denis lors de son sacre, tient la couronne au-dessus de sa tête ; il est le premier parrain du Dauphin Charles-Orland. Cependant, lorsque commence l’expédition en Italie, il ne peut faire valoir ses droits sur le Milanais : Ludovic Sforza veut le duché et il est l’allié indispensable de Charles VIII dans la conquête du royaume de Naples. Louis, cantonné à des opérations de soutien, tente l’opération désastreuse sur Novare en Milanais. Rentré en France, il se replie sur la Normandie dont il est le gouverneur et sur ses terres du Blésois et de l’Orléanais ; il élargit ses lectures au droit, à l’histoire des héros antiques, aux récits des voyageurs. Il ne revient auprès du roi que pour partager ses beuveries et ses aventures amoureuses. Ainsi que Louis XI l’avait voulu, Jeanne de France dont il admet parfois la présence est incapable de lui donner un héritier, alors qu’à peine Charles-Orland est-il mort que la reine Anne commence une nouvelle grossesse. Le début de l’année 1498 est particulièrement difficile : Anne le hait depuis qu’il a marqué trop d’empressement aux réjouissances ordonnées par le roi pour la

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distraire de la mort du Dauphin. C’est dans sa résidence de Montils-les-Blois que Louis apprend la mort accidentelle de Charles VIII. Tout autre est la position de François d’Angoulême qui n’a que cinq ans lorsque Louis d’Orléans devient roi. Il sert de pion dans des arrangements matrimoniaux fluctuants. Dès sa naissance en 1499, Claude de France lui a été promise, mais la pression de la reine Anne, jointe aux ambitions de Louis XII sur le Milanais, transforme cette promesse en mirage qui s’éloigne lors des entrevues avec les Habsbourg ou qui prend consistance lors des deux maladies du roi. Celui-ci redoute d’autant plus la mort qu’il n’a pas de fils et qu’après la naissance de Claude, la reine connaît sept années de stérilité. François est l’héritier présomptif, présenté comme tel aux archiducs Habsbourg pendant la première entrevue de 1501. En 1504, Louis XII le fait appeler pour lui parler de ses devoirs futurs ; en 1505, il inscrit son union avec Claude dans son testament ; en 1506, il invite François à l’assemblée des notables chargée de réclamer ses fiançailles avec Claude. Le jeu de mot lancé alors : « Monsieur François ici présent et qui est tout français » avait de quoi faire rêver ce garçon de douze ans. De même, les somptueuses fiançailles qui ont immédiatement suivi l’assemblée. Une première fois, en 1507, Louis XII l’emmène voir la guerre en Italie ; l’année suivante, il réclame sa présence permanente à la cour. Cependant, à mesure que grandit celui que sa mère a préparé à être un héros, grandit parallèlement la méfiance de Louis XII qui le juge trop dépensier et trop sûr de lui : François n’est pas appellé à siéger au Conseil, il ne suit pas le roi dans ses nouvelles expéditions. Lorsqu’il a dixhuit ans, en 1512, le roi l’émancipe de la tutelle de sa

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mère et l’envoie combattre l’invasion dans le SudOuest avec le titre de lieutenant général de Guyenne, sous l’autorité réelle de l’un des meilleurs guerriers du temps, Odet de Foix. Sa mère exalte ce moment par un double médaillon : le premier le présente de profil, la tête ceinte de lauriers sur le modèle romain, avec l’inscription latine hyperbolique : « M A X I M U S F R A N C I S C U S F R A N C O R U M D U X »11 ; le deuxième médaillon rend hommage à Louise elle-même.12 Le contenu du livre manuscrit que le jeune duc reçoit pour son anniversaire cette même année a une tonalité moins triomphale : des vers latins de François Desmoulins exhortent le jeune homme à mettre « son espérance dans le Seigneur qui, dans sa miséricorde secourt la mère dans les tracas et relève, par sa justice vengeresse, le fils loyal et plein de zèle. »13 Un petit tableau peint sur carton donne l’explication des inquiétudes qui transparaissent dans ce texte : François à genoux prie le Christ sous la protection de sainte Agnès. Agnès est la sainte honorée le 21 janvier : Louise et ses proches reconnaissent sa protection dans la mort immédiate du nouveau Dauphin né ce jour de l’année 1512. Après le décès de la reine, François se montre impatient de jouir des revenus promis en dot à sa fiancée : le roi qui négocie son remariage, accepte de faire célébrer l’union, mais sans éclat, au château de Saint-Germain où il s’est installé pour chasser. Le jeune marié supporte avec brio l’épreuve des nouvelles noces royales, puis montre une grande habileté à se saisir du pouvoir dès la mort de Louis XII. Aux fêtes du Carnaval de 1564, Henri de BourbonNavarre, âgé de onze ans, tient le rôle d’un berger dans un ballet dont le livret a été composé par Ronsard. Les autres bergers sont les frères du roi,

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Henri, treize ans, François, neuf ans, et Henri de Guise, quatorze ans ; il y a aussi une bergère, Marguerite, onze ans. Devant le roi, la reine mère et toute la cour, Henri récite : Il me souvient qu’un jour, aux rochers du Béart14, J’allai voir une vieille ingénieuse en l’art D’appeler les esprits hors des tombes poudreuses,

[La sorcière lui fait voir les désordres qu’entraînent les discordes religieuses, mais le réconforte en affirmant que le salut réside dans l’autorité royale] … Lors, suivant mon destin, En France je vins voir le grand Pasteur Carlin, Carlin que j’aime autant qu’une vermeille rose Aime la blanche main de celle qui l’arrose, Que les prés les ruisseaux, les ruisseaux la verdeur ; Car de son amitié procède ma grandeur.15

Telle est en effet la situation du jeune prince depuis qu’en 1561, il est venu vivre à la cour. Bien accueilli par Catherine de Médicis, il est intégré au groupe d’enfants royaux et nobles qui entourent Charles IX, le « grand Pasteur Carlin » du poème. Compagnon de jeux, compagnon d’études, à deux restrictions près : l’une éclate dans l’hommage rendu à ce roi qui a seulement trois ans de plus que lui ; rien de cette familiarité enfantine ne doit effacer la hiérarchie. L’autre restriction est évoquée par la sorcière : que le premier prince du sang se conforme au catholicisme de son père ou qu’il soit gagné à la religion réformée de sa mère modifie forcément le rapport des forces politiques. Tout l’art de Catherine de Médicis est d’ignorer ce qui pourrait diviser : lorsqu’Antoine de Bourbon est mort à la fin de l’année 1562, Henri a reçu une

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partie de ses charges militaires — gouvernement et amirauté de Guyenne —, la réalité du commandement étant assuré par Blaise de Montluc ; pendant le grand voyage où Charles IX parcourt son royaume de 1564 à 1566, le jeune Navarre occupe la troisième place dans les cortèges, immédiatement après le roi et son frère puîné.16 Henri accueille le roi dans les principales villes de son gouvernement ; renouvelant le geste de son père, il convoque sa noblesse pour aller avec elle au-devant de la reine d’Espagne lors de l’entrevue avec sa famille à Bayonne en juinjuillet 1565. Tout ceci n’a pu se faire sans l’agrément de la reine mère. Cette attitude conciliatrice est brisée par Jeanne d’Albret au début de 1567 : elle a besoin du premier prince du sang pour prendre la tête du parti protestant face à Louis de Condé, son beau-frère, et à Gaspard de Coligny. Cependant, si le jeune prince sait se faire acclamer par ses sujets de Basse-Navarre une fois réprimé le soulèvement catholique, s’il parvient à séduire les huguenots de La Rochelle où il arrive en septembre 1568 en compagnie de sa mère et des chefs protestants, ces démonstrations ne tiennent pas devant la réalité de la guerre. Après le désastre de Jarnac en mars 1569, Henri écrit au vainqueur, Henri d’Anjou, le frère du roi, pour lui recommander les prisonniers huguenots. Le duc, qui a fait exécuter Condé au soir du combat, lui répond avec hauteur : [je] serais bien d’avis que vous même prissiez volonté de […] retourner trouver le roi, mon dit seigneur et frère, lequel je m’assure, attendu sa bonté et votre jeune âge, vous embrassera, ne vous laissant plus abuser à ceux qui vous mènent où vous ne pouvez faire que contre Sa Majesté et votre devoir, n’étant plus en

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Roi de France ce fait question de la religion, car les actions passées jusques à cette heure en font bonne et claire preuve.17

Même après la disparition de Condé, son « jeune âge », il a alors seize ans, empêche Henri de BourbonNavarre d’être le chef réel du parti protestant : Coligny dirige les opérations militaires et Jeanne, tout ce qui est politique. Du moins Henri peut-il incarner des espérances. Sa mère lui fait lire la Vie des hommes illustres de Plutarque, dans la traduction d’Amyot qu’il a connu auprès de Charles IX. Coligny, puis Louis de Nassau, venu avec son frère Guillaume d’Orange18 au secours des huguenots de France, se chargent de son éducation guerrière. La paix revenue en 1570, il préside à La Rochelle la réunion des Églises protestantes qui rédige la confession de foi des réformés français. Il peut ensuite retrouver son Béarn. Henri a dix-neuf ans lorsque, instrument d’une réconciliation décalée, il quitte de nouveau ses terres en mai 1572 pour aller épouser Marguerite de Valois : il arrive à la cour en tant que roi de Navarre puisque sa mère vient de mourir. Isolé après le massacre qui a suivi ses noces, contraint d’abjurer en même temps que son cousin Henri de Condé19, il est traité par le roi et sa mère avec la considération et la défiance dues à son rang. Il doit accompagner les frères du roi au siège de La Rochelle, signer avec tous les Bourbons la reconnaissance des droits d’Henri d’Anjou sur la couronne de France lorsque le duc part en Pologne. Compromis au printemps 1574 dans une conjuration menée par François d’Alençon, puis pardonné par le roi mourant, il doit donner son approbation à la régence de la reine mère. Avec toute la famille royale, il accueille le nouveau roi à Lyon, assiste à son sacre et à son mariage. Passivité, pru-

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dence ou malchance, il est le dernier à s’enfuir : Henri de Condé, parti au printemps 1574, a pris la tête des forces protestantes du Midi ; François d’Alençon s’est échappé en septembre 1575 pour rejoindre le soulèvement nobiliaire des « Malcontents ». En février 1576, Henri de Navarre profite d’une partie de chasse : il est vraisemblable qu’Henri III a vu dans ce départ un moyen de troubler l’alliance entre Alençon et Condé. Huit ans plus tard, à la mi-avril 1584, les envoyés du roi de Navarre à la cour de France lui rendent compte de la situation : le dernier frère du roi est mourant ; de façon officieuse, Henri III a déclaré qu’il considérait son cousin comme son successeur légitime. Philippe de Mornay, l’un des envoyés, rédige la lettre : Dorénavant, sire, faites état, que vous serez l’abord [accueil bienveillant] des nations étrangères, et surtout des peuples ou princes affligés. Il faut donc qu’en votre maison on voie quelque splendeur ; en votre conseil, une dignité ; en votre personne, une gravité ; en vos actions sérieuses, une constance […]. Nous disons ceci, sire, parce que Votre Majesté s’est contentée jusqu’ici, ou du témoignage de sa conscience contre les calomnies des hommes, ou du soin intérieur de ses affaires, sans la forme extérieure de les manier ; à un particulier, cette façon de vivre serait propre, qui n’a à répondre que de soi et à soi même. À vous, sire, qui êtes né pour tous, non la vertu et la prudence seulement, mais la réputation de vertu et de prudence est nécessaire. De vertu, afin que tous la voyant en vous, vous en honorent ; de prudence, afin que venant à être à vous, ils espèrent tout heur [chance favorable] sous votre conduite.20

Depuis son retour sur ses terres, Henri s’est fait reconnaître comme le chef des forces réformées du

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royaume et comme l’interlocuteur des princes étrangers qui désirent les soutenir. Il a constitué une Maison, avec ses officiers et ses serviteurs, et un Conseil où il attire politiques, hommes d’armes et diplomates. Dans son château de Nérac, il a mené une vie brillante, que ce soit pendant les trois années du séjour de Marguerite, ou après son départ définitif en 1584. De quel droit Philippe de Mornay peut-il réclamer davantage ? De tous les cousins et d’ailleurs de la majeure partie des rois de cette longue période, Henri de Navarre est le seul à avoir eu la chance de parfaire son apprentissage politique sous la conduite d’un homme intelligent, expérimenté et désintéressé.21 Mornay, gentilhomme huguenot du Berry, n’a pas été obligé de rester confiné à la cour de France : après des études à Paris, il a voyagé dans le Saint Empire, séjourné à Venise, puis à Londres. Revenu en France en 1572 et introduit auprès de Coligny, il échappe au massacre, combat parmi les « Malcontents », participe aux négociations qui mettent fin au soulèvement. Le grand capitaine protestant François de La Noue le recommande à Henri de Navarre lorsque celui-ci commence à construire son pouvoir après sa fuite. Contrairement à Corisande, comtesse de Guiche, maîtresse préférée de ces années et qui veut en faire un héros sur le modèle chevaleresque, Mornay veut faire d’Henri un roi de France. Ce qu’il donne à entendre à son maître, c’est toute la différence entre le comportement du particulier qui n’agit que pour lui-même et celui du prince dans l’exercice de sa souveraineté. Une « forme extérieure » doit envelopper tous les actes du roi : cette forme est faite des éléments matériels qui composent son train de vie obligatoirement somptueux ; elle s’attache à sa gestuelle,

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ce que Mornay appelle la « gravité » et que l’ambassadeur vénitien avait vu en François Ier ; elle requiert la pleine maîtrise des délibérations qui ont lieu entre le roi et ses conseillers. Ainsi se construit la réputation, comme un éclat venu s’ajouter aux qualités élémentaires de qui s’occupe de la vie publique — la prudence ou capacité de discernement, la vertu ou courage — et qui doit donner confiance tant aux princes étrangers qu’à l’actuel roi de France et à ses sujets. Ce texte est le dernier où Mornay tente de faire l’éducation de l’héritier présomptif : Henri a trente et un ans, et il a davantage besoin de diplomates et de guerriers que d’un mentor. Quelques jours après l’assassinat d’Henri III, Mornay doute de l’efficacité de ses conseils : « Considérez, écrit-il au vicomte de Turenne22, que la couronne lui est plutôt tombée sur la tête, qu’échue paisiblement ; et partant qu’il y a plus de quoi l’étourdir que de l’honorer à ces commencements. »23

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La place du Dauphin est en principe indiscutable : premier né mâle accueilli dans l’allégresse, il est l’unique héritier. Il peut être aussi un survivant : trois garçons sont morts avant la naissance du Dauphin Charles, fils de Louis XI, et c’est un enfant qui grandit seul dans la forteresse d’Amboise. Tel aussi le Dauphin Louis qui vit à Versailles après qu’une épidémie l’a privé en 1712 de ses parents et de son frère aîné. Tel le futur Louis XVI après la disparition de son frère aîné et de son père.

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Chez les couples royaux assez heureux pour garder des enfants vivants, le premier garçon n’est pas séparé des autres, filles aînées ou ensemble des puînés, au moins jusqu’à ce qu’il ait atteint les sept ans de l’âge de raison. Après la mort des deux filles aînées de François Ier, il reste auprès du Dauphin François, né en 1518, son frère Henri, né un an après, Madeleine, née en 1520, Charles, en 1522, et Marguerite, en 1523. Les enfants de celui qui devient Henri II en 1547 sont encore plus nombreux : après François, né en 1544, viennent deux filles, puis Charles, né en 1550, Henri, en 1551, Marguerite, deux ans plus tard et François en 1555 ; Mary Stuart vit avec eux. Il faut ensuite attendre Henri IV pour trouver un Dauphin : comme il n’est immédiatement suivi que de deux filles, le roi trouve bon de faire vivre auprès d’eux les deux fils nés de ses amours avec Gabrielle d’Estrées et ceux de sa liaison avec la marquise de Verneuil. La reine met ensuite au monde deux autres garçons, puis une fille. À sa mort, Louis XIII laisse deux fils. Au milieu du XVIIIe siècle, un nouveau groupe d’enfants se constitue : le Dauphin Louis-Ferdinand, fils de Louis XV, en est le père24 ; le duc de Bourgogne, naît en 1751, un autre fils meurt à un an, puis le duc de Berry, naît en 1754, le comte de Provence, un an plus tard, le comte d’Artois, en 1757, et deux filles. Dans l’ensemble, la surveillance de la première enfance revient aux femmes : mère et grand-mère, Claude de France et Louise de Savoie surtout après la mort de la reine, maîtresse en titre, Diane de Poitiers, que Catherine de Médicis s’emploie à contourner, Marie de Médicis, Anne d’Autriche. Il s’agit de choisir les gouvernantes, de trouver les nourrices, les médecins, les aumôniers, il s’agit de faire nommer les gouverneurs qui assurent d’abord la sécurité. Avant le

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regroupement de la famille royale à Versailles, il faut aussi choisir un lieu qui épargne aux enfants l’agitation que crée un roi souvent guerrier et toujours mobile ou qui leur permette de fuir les épidémies. Ainsi Amboise en hiver et les nouveaux bâtiments de Blois en été reçoivent-ils les enfants de François Ier ; Blois encore, Cheverny et Saint-Germain accueillent ses petits-enfants. Les enfants d’Henri IV sont élevés à Saint-Germain, avec un déplacement vers le ChâteauNeuf. Anne d’Autriche y vit avec ses fils jusqu’à la mort de Louis XIII. À partir de Louis XIV, les enfants de France se trouvent dans la proximité du roi régnant et sous son autorité, puis Louis XV en abandonne la surveillance à son fils et à sa belle-fille.25 Dans cette première phase de leur vie, peu de choses séparent les aînés des cadets, les garçons des filles, et d’une manière générale des enfants des grandes familles nobles dont certains sont invités à vivre avec eux. Tous apprennent les fondements de la religion catholique avec les bribes de latin des prières, la lecture et l’écriture ; les garçons commencent aussi tôt que possible l’entraînement physique qui doit leur donner la grâce, la vigueur et le goût de la guerre. Seul le futur Louis XIII paraît avoir été l’objet d’une attention particulière dès sa naissance.26 Dauphin d’une nouvelle dynastie, seul garçon jusqu’à l’âge de six ans, il subit d’innombrables interventions de son médecin pour réguler ses fonctions digestives et des stimulations fréquentes de ses organes sexuels aussi bien de la part de son père que des servantes et des courtisans. Son bégaiement précoce ne l’empêche pas d’exprimer la conscience de sa supériorité : mépris pour les bâtards de Verneuil avec qui il est obligé de vivre, mise à la porte du cardinal de Sourdis qui a osé s’appuyer sur la table préparée pour le goûter. La

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naissance de ses frères le remplit de fierté, mais il en profite peu : l’un a deux ans et l’autre neuf mois lorsqu’il est appellé à vivre auprès du roi. C’est en effet autour de sept ans que les fils de France sont admis à la cour de leur père. S’ils ne l’ont déjà, ils reçoivent un gouverneur qui assure leur protection et les aide à se repérer dans ce monde changeant, leur indiquant les noms, les charges et les rangs. Un ensemble d’officiers, de gardes et de serviteurs constitue leur Maison. Un précepteur clerc ou laïc s’efforce de développer leurs qualités morales, leur réflexion sur les grands exemples, leur capacité à s’exprimer en public. Ce schéma établi, il faut aussitôt le moduler en fonction des événements politiques : car les fils de France sont les instruments les plus précieux et les plus dociles dans les mains des rois, ils leur doivent la double obéissance d’enfant et de sujet. Aux deux extrêmes, on peut opposer le futur Charles VIII, quasiment emprisonné à Amboise par crainte des complots, surveillé par son père qui correspond tous les jours avec son gouverneur et fait d’abord pourvoir à sa formation militaire, et les deux fils aînés de François Ier envoyés en Espagne comme otages en échange de la libération du roi. En février 1526, François, huit ans, et Henri, sept ans, quittent Blois, accompagnés d’un gouverneur et de son épouse, d’un précepteur, d’un aumônier, et d’une suite de plus de deux cents personnes. Deux ans plus tard, en représailles des manœuvres de leur père, Charles Quint sépare les enfants de leur entourage et les confie aux gouverneurs de forteresses de plus en plus sinistres. Au sortir de ces épreuves, les princes parlent l’espagnol et manifestent une grande mélancolie. Du moins ont-ils découvert Amadis de Gaule27,

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le grand roman qui leur propose des modèles de chevaliers en quête de nobles causes à défendre pour obtenir l’amour de belles dames un peu magiciennes. À leur retour, dotés d’une Maison où ils retrouvent la majeure partie de ceux qui avaient fait le voyage d’Espagne, ils suivent pendant trois ans leur père et sa nouvelle épouse, Éléonore, sœur de Charles Quint, dans leurs déplacements à travers le royaume. Leur présence montre aux sujets que les deux millions d’écus remis à l’empereur ne l’ont pas été en vain ; de leur côté, ils apprennent à supporter la lenteur des échanges cérémoniels entre le roi et les notables locaux. Le droit d’aînesse marque cependant une différence : le Dauphin va seul à Rennes recevoir la couronne ducale de Bretagne ; il est fiancé à la fille aînée du roi d’Angleterre. Son frère cadet peut au contraire servir d’instrument commode dans un montage matrimonial risqué avec « la nièce du pape », Catherine de Médicis. En 1536, à la reprise de la guerre avec l’empereur, le Dauphin meurt brusquement. Henri reçoit ses titres, ses revenus, une partie de ses serviteurs et l’injonction de son père de mettre son « cœur, esprit et entendement »28 à remplacer dignement le disparu. Il a dix-huit ans. Pendant les huit années d’un conflit intermittent, la guerre offre au nouveau Dauphin un espace d’aventure. D’abord sous la surveillance d’Anne de Montmorency, puis chargé de différents commandements jusqu’à la lieutenance générale en 1544, il aime les chevauchées et les combats, même s’il se révèle moins brillant ou moins heureux que son frère cadet, Charles. Présent aux entrevues diplomatiques, il n’est pas autorisé à intervenir dans les négociations. Alors que dans l’été 1544, il se prépare à défendre l’Île-de-France face à l’invasion des troupes impériales, son père accepte

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de payer le prix de la paix par une série de renoncements en Italie, tout en attendant une compensation du mariage de Charles avec une fille ou une nièce de l’empereur. Humilié par cette perspective qui fait trop d’honneur à son cadet, Henri se pose en futur roi : il rédige un document où il se fait le défenseur des droits inaliénables de la Couronne. Il n’ose cependant aller jusqu’à la rupture ouverte avec son père : le texte est remis à la garde de deux notaires de Fontainebleau. Il partage ensuite son temps entre des opérations militaires contre les forces anglaises en Picardie et sa propre cour, organisée par son épouse et qui accueille hommes d’affaires et lettrés florentins. Son premier fils est né en janvier 1544, son frère Charles meurt en septembre 1545. Jouissant d’une position dynastique renforcée, il peut attendre. En 1553, les aînés des enfants d’Henri II sont appelés à la cour : les filles rejoignent la Maison de leur mère, le Dauphin reçoit sa propre Maison et vit soit à Saint-Germain soit dans un hôtel parisien proche du palais des Tournelles. Entouré de précepteurs choisis parmi les lettrés les plus solides, dont Amyot qui travaille à ses traductions de Plutarque, François semble plus intéressé par les jeux, la chasse et les démonstrations de somptuosité.29 À l’occasion de son mariage avec Mary Stuart, les autres enfants de France sont installés dans un hôtel proche du Louvre. Dans les deux années qui suivent, la situation de la fratrie est bouleversée : le Dauphin devient roi le 10 juillet 1559, il a quinze ans ; il meurt à dix-sept ans, laissant la place à son frère Charles qui n’en a que dix. Louis-Auguste, duc de Berry, futur Louis XVI, a connu la même série de déplacements. À la mort de son frère aîné, il doit porter les espoirs de leur père,

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Louis-Ferdinand, ce Dauphin réduit à l’impuissance.30 Il n’a pas sept ans ; son père meurt quatre ans plus tard. Le voici Dauphin à son tour. Dans la mesure où il n’intéresse son grand-père, Louis XV, que comme un moyen de consolider l’alliance avec l’Autriche, il continue de suivre le programme d’éducation que son père avait mis au point avec le duc de La Vauguyon. Ce dernier, gouverneur en titre, se comporte comme un légataire d’autant plus zélé que Marie-Josèphe de Saxe étant morte à son tour, il reste seul responsable des fils de France avec Coëtlosquet, évêque de Limoges, leur précepteur. La transmission des principes tels que Bossuet avait pu les exposer s’infléchit sous la volonté de racheter les fautes de Louis XV, d’éviter la succession des conflits qui marquent son règne depuis le milieu du siècle, donc de préparer un roi vertueux et sûr de ses droits. La possession de la souveraineté est étayée par l’utilisation de preuves historiques ; les liens privilégiés avec Dieu sont assortis d’obligations envers les sujets. Au lieu de relever de la jouissance à la manière de Louis XIV, l’exercice du pouvoir est associé à la crainte de mal faire. L’histoire de la Révolution anglaise semble avoir constitué un objet privilégié de réflexion puisque, à la veille de son exécution, Louis XVI en parlait encore. 31 Le mariage avec l’archiduchesse d’Autriche, la mort de La Vauguyon conduisent le roi à s’intéresser davantage à son petitfils : il lui fait enseigner la diplomatie par un commis des Affaires étrangères et l’emmène à la chasse.

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LES ROIS ENFANTS

Ils sont quatre à être projetés enfants dans l’exercice de la fonction royale : Charles IX, dix ans, Louis XIII, huit ans et demi, Louis XIV, moins de cinq ans, Louis XV, un peu plus. Le principe de l’instantanéité de la succession, qu’il soit encore à réaffirmer jusqu’en 1610 ou tenu ensuite pour acquis, permet une démonstration immédiate de la souveraineté qui leur échoit : Charles IX préside le Conseil au matin de la mort de son frère, Louis XIII tient un lit de justice le lendemain de la mort de son père, Louis XIV quatre jours après ; Louis XV reçoit l’hommage de la cour, puis des délégués de l’assemblée du clergé et des cours souveraines, avant d’aller tenir lui aussi un lit de justice. Paradoxalement, ces démonstrations initiales sont en même temps l’aveu de la faiblesse des rois enfants puisqu’elles ont pour objet d’entériner la nomination d’un régent, responsable de leur vie et de leur éducation en même temps qu’administrateur du royaume, et ce jusqu’à ce qu’ils atteignent la majorité au seuil de leur quatorzième année. Au moment où Charles IX devenait majeur, Michel de L’Hospital avait tenté de banaliser ce paradoxe : « Les lois des hommes ne peuvent changer ni muer les lois de la nature, ni que telle loi puisse faire sage celui qui être ne le peut pour n’avoir l’expérience des choses. »32 Position redoutable et convoitée que celle du régent qui dispose d’un court laps de temps pour faire acquérir au petit roi les moyens de dominer « les choses » alors que sa faiblesse naturelle invite princes du sang et haute noblesse à réclamer davantage de pouvoir. De fait, en

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dépit des ordonnances et des déclarations solennelles, la majorité ne marque pas vraiment de rupture : les régents remettent leur pouvoir au roi qui les reconduit dans leur position de chef du Conseil. De Charles IX, Michel de L’Hospital avait souligné qu’« il voulait être réputé majeur en tout et partout et à l’endroit de tous, fors et excepté vers la reine sa mère, à laquelle il réservait la puissance de commander ».33 La prétention de faire coïncider le début de la puberté et l’achèvement de la formation politique mélange deux ordres différents, quoique non moins nécessaires à la survie de la royauté : capacité reproductrice et capacité à exercer le pouvoir. Aussi la période d’apprentissage se prolonge-t‑elle de façon diffuse jusqu’au moment imprévisible où le roi décide de passer directement à la gestion des affaires. À ce moment, aussi bien Louis XIII que Louis XIV et Louis XV étaient déjà mariés. Autant qu’ils l’ont pu pendant leurs derniers jours, les rois ont désigné des régents en titre : Anne d’Autriche pour son fils, Philippe d’Orléans pour son cousin. Louis XIII comme Louis XIV avaient prévu d’entourer ces régents d’un Conseil composé par eux-mêmes, ce dont chacun d’eux s’est débarrassé avec l’assentiment du Parlement. À la mort de François II, dans une situation proche de la guerre civile, Catherine de Médicis s’est imposée aux Bourbons aussi bien qu’aux Guise, et en mai 1610, Marie de Médicis a volontiers écouté les demandes parallèles du Parlement et des conseillers du roi défunt. À l’exception de Philippe d’Orléans, les régents se sont vu contester leur autorité34 : les factions religieuses structurées par les grandes maisons nobles ont tenté d’accaparer, voire d’enlever Charles IX ; les grands nobles n’ont cessé de se soulever pendant la régence

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de Marie de Médicis et même rêvé de la destitution du roi35 ; quant à la minorité de Louis XIV, commencée alors que la guerre réclamait toujours davantage de ressources, elle a été marquée par une succession de rébellions au point que, dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649, le roi a dû se réfugier au château de SaintGermain, ou encore accepter d’être vu par une foule d’émeutiers dormant (ou faisant semblant ?) dans son lit du Palais-Royal en février 1651. 36 Catherine de Médicis a joué les factions les unes contre les autres, les deux autres régentes se sont appuyées sur des conseillers qui ne devaient leur ascension qu’au pouvoir royal : Concini, noble florentin, avait épousé la confidente de Marie de Médicis ; Mazarin, après des débuts dans la diplomatie pontificale, était passé au service du roi de France ; sur la recommandation de Richelieu, Louis XIII en avait fait le parrain du Dauphin, Anne d’Autriche crée pour lui la surintendance de l’éducation du roi et de son frère. Dans ces conditions difficiles, les apparitions solennelles des rois enfants ont été multipliées, la souveraineté dont ils étaient porteurs venant au secours des décisions prises en leur nom par les régents : Charles IX préside l’ouverture des États généraux de 1560 et 1561 et Louis XIII en 1614 ; Louis XIV impose en lit de justice l’enregistrement d’édits fiscaux en 1645 et 1648 et, parallèlement, assiste à la célébration des Te Deum de victoire à Notre-Dame, quatre fois en 1645 et le 26 août 1648 où deux conseillers au Parlement sont arrêtés à la fin de la cérémonie ; Louis XV préside en 1717 le lit de justice qui exclut les princes légitimés de la succession. À ces apparitions ponctuelles, il faut ajouter dans les périodes de rétablissement de la paix intérieure, le voyage de Charles IX marqué par les ren-

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contres diplomatiques et les réceptions dans les villes, et les incursions de Louis XIV dans les provinces pendant la dizaine d’années qui s’achève avec le traité des Pyrénées. Ces démonstrations ne sont pas forcément efficaces, du moins ne réclament-elles aucun savoir particulier de la part de ces enfants : il leur suffit d’être. Dans un cadre cérémoniel qui se précise toujours davantage à partir de la deuxième moitié du XVIe siècle, leur gouverneur les guide, ou les porte, jusqu’à la place qui leur revient : la première. Quel que soit leur degré de compréhension de ces actions, ils ne peuvent qu’être sensibles aux regards qui convergent vers eux, à la tonalité déférente et admirative de ceux qui, tête nue, prennent la parole après les quelques mots qu’ils ont eu à prononcer. Ainsi acquièrent-ils la conscience de leur supériorité : au gouverneur d’entretenir cette conscience dans toutes les occasions de la vie quotidienne ; au précepteur de l’approfondir par des lectures commentées. Les techniques nouvelles de l’escrime, de la danse et de l’équitation leur donnent en outre les moyens de maîtriser leur corps et de trouver les postures qui conviennent le mieux à l’expression physique de cette supériorité. De façon tout à fait exceptionnelle, Charles IX a été constamment lié à son frère Henri, cadet d’un an. Dès l’ouverture des États généraux de décembre 1560, Henri porte le titre honorifique de Monsieur ; il se tient à la droite du roi, l’emportant en préséance sur les princes du sang ; lors du sacre, il occupe la place du premier des pairs. Présent aux côtés du roi dans toutes les occasions solennelles qui ont suivi, il est le seul berger à ne pas rendre hommage au « Grand Pasteur Carlin » dans le ballet de 1564. Il est même

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arrivé, pendant l’entrevue de Bayonne avec leur sœur Élisabeth, que le roi et Monsieur soient vêtus de la même manière.37 L’âpreté des luttes commandait peut-être de montrer que si le roi venait à disparaître, il aurait un successeur déjà préparé à la tâche. À ces considérations politiques, s’ajoutaient les angoisses personnelles de la reine mère : après la mort de son premier fils, elle attendait les morts suivantes selon l’horoscope dressé à sa demande par l’astrologue Michel de Notre-Dame (Nostradamus). La reprise des conflits armés à partir de 1567 a été l’occasion d’une complémentarité impossible à envisager en d’autres circonstances : au roi, le maintien à la cour, la présence au Conseil où la reine mère continue de peser sur les décisions ; à Monsieur, l’apprentissage guerrier, le titre de lieutenant général à seize ans, et l’exaltation des combats. Au soir de Jarnac, Henri écrit à son frère : « Monseigneur, vous avez gagné la bataille. Le prince de Condé est mort. Je me porte bien, suppliant le créateur qu’il vous conserve. Mil cinq cent soixante neuf. Entre Jarnac et Châteauneuf »38 ; il s’arroge le droit de faire connaître directement la nouvelle au Pape, à Philippe II, à la reine d’Angleterre ainsi qu’aux parlements de Paris, Toulouse et Bordeaux.39 Quelques mois plus tard, le roi impose sa présence à la reddition de Saint-Jeand’Angély. Cependant lorsqu’en mars 1571, il fait son entrée dans Paris accompagné de sa jeune épouse, Elizabeth d’Autriche, le dernier arc de triomphe avant d’arriver à Notre-Dame porte les statues des « jumeaux Dioscures, qui sont les figures de Castor et Pollux ressemblant de visage au roi et à monseigneur, faites d’or et ayant chacune une étoile d’or sur la tête »40. Ce décor, préparé par la municipalité et sans aucun doute accepté par la reine mère, rend explicite

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la répartition des tâches imaginée par Catherine de Médicis depuis la paix de 1570 : au roi, la délicate politique de coexistence entre les deux religions, à son frère, la maîtrise de la faction catholique. Charles IX se trouve dans une situation de dépendance insupportable pour un roi. Il cherche un terrain où faire reconnaître sa suprématie : il s’oriente vers un soutien aux révoltés protestants des Pays-Bas. Coligny accusé de l’y encourager devient la cible de la faction catholique. L’engrenage qui conduit aux massacres de la Saint-Barthélemy est en place. De son côté, Henri a accumulé expériences militaires et expériences politiques, il a rassemblé autour de lui de jeunes nobles remarqués lors des combats ; le voyage en Pologne, son passage à Vienne et à Venise enrichissent ces expériences et confortent ces liens. Alors que les derniers Valois ont été élevés dans l’admiration des héros et des lettres antiques, bien commun des humanistes de toute l’Europe, les Bourbons reçoivent une éducation spécifique destinée à enraciner la nouvelle dynastie.41 La Petite galerie aménagée au Louvre par Henri IV un an après la naissance du Dauphin marque cette orientation : vingt-deux portraits de rois et de reines conduisent jusqu’à saint Louis. Des lectures sur l’histoire des règnes complètent l’initiation visuelle. Le choix des gouverneurs souligne la volonté de continuité avec les prédécesseurs : Gilles de Souvré, immédiatement passé du service armé d’Henri III à celui d’Henri IV, est nommé auprès du Dauphin ; il est allié à Nicolas de Villeroy, secrétaire d’État en fonction de façon quasi ininterrompue de 1569 à sa mort en 1617. Les gouverneurs de Louis XIV et de Louis XV sont des descendants de Villeroy : son petit-fils avait fait partie des compagnons de jeu de Louis XIII ; après une

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carrière militaire, il est nommé auprès de Louis XIV en 1646 et reste un familier du roi jusqu’à sa mort en 1685 ; son arrière-petit-fils assure sa charge auprès de Louis XV jusqu’à ce que son respect pointilleux du passé ne devienne insupportable au Régent qui le démet un an avant la majorité du roi. Malgré sa répugnance, le Dauphin avait dû laver les pieds des pauvres aux Pâques de 1609, manière de prendre conscience des liens particuliers qui unissent un descendant de saint Louis à Dieu. Dans l’ensemble, le rôle des aumôniers, des confesseurs, des prédicateurs s’accroît ; en accord avec les recommandations de l’Église, la pratique cultuelle s’intensifie, donnant à l’enfant roi l’assurance de son élection originelle et de l’attention particulière de Dieu. La domination des passions, banalité qui figurait déjà dans le programme éducatif de François de Valois, s’enrichit d’être la contrepartie de l’obéissance des sujets. Il s’agit pour le roi de dépasser ses désirs particuliers au profit de sa gloire et du bien du royaume. C’est en ces termes qu’en juillet 1559, Mazarin a demandé à Louis XIV de renoncer à Marie Mancini et d’épouser l’infante Marie-Thérèse. Complémentaire, l’obligation où se trouve le roi de garder silence et impassibilité jusqu’au moment où il lui appartient de faire connaître sa décision et de la faire exécuter. Son langage doit acquérir la brièveté et la force du commandement. Reste la question de « l’expérience des choses », comme l’avait dit Michel de L’Hospital. Même appuyé sur des lectures d’histoire contemporaine, même étendu par les représentations cartographiques considérées désormais comme nécessaires à la guerre comme à la diplomatie, l’apprentissage en ce domaine ne peut se faire que par la fréquentation du Conseil.

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Marie de Médicis est trop incertaine de sa propre capacité à gouverner pour y admettre régulièrement Louis XIII. Au contraire, Louis XIV suit régulièrement les séances ; quand il atteint sa dix-septième année, il étudie chaque jour, sous la conduite d’un secrétaire d’État, un dossier choisi par Mazarin. Les dernières dispositions qu’il prend avant de mourir prévoient que Louis XV présidera le Conseil à l’âge de dix ans, « non pour ordonner ou décider, mais pour entendre et prendre les premières connaissances des affaires ».42 Les jeunes Bourbons ont supporté plus ou moins patiemment ce temps de latence où, déclarés majeurs, ils n’en étaient pas moins écartés du pouvoir d’« ordonner ou décider ». Le 24 avril 1617, alors que les grands nobles ont de nouveau pris les armes, Louis XIII fait assassiner Concini. Cette première décision autonome d’un roi de seize ans est suivie de l’exil immédiat de la reine mère et de la dispersion de ses conseillers. Par un souci très raisonné de conserver l’ordre péniblement rétabli, Louis XIV, au contraire, a choisi d’attendre la mort de Mazarin, cet homme « très habile, très adroit, qui m’aimait et que j’aimais, qui m’avait rendu de grands services, mais dont les pensées et les manières étaient naturellement très différentes des miennes, que je ne pouvais toutefois contredire, ni lui ôter la moindre partie de son crédit sans exciter peut-être de nouveau contre lui, par cette image quoique fausse de disgrâce, les mêmes orages qu’on avait eu tant de peine à calmer… »43 Le jeune roi a préféré se jeter dans les divertissements, les plaisirs de la guerre, les démonstrations diplomatiques. Rien cependant ne pouvait affaiblir la conscience du pouvoir que lui donnait une « nature » différente. La formation conçue par sa mère et par son parrain avait parfaitement réussi.

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Louis XV conserve près de lui le précepteur désigné par son arrière-grand-père, l’abbé de Fleury devenu cardinal. Il en fait son confesseur, puis son principal ministre à partir de 1726. Dix-sept ans plus tard, à la mort de Fleury, le roi se sent enfin libre : il décide de participer lui-même aux campagnes de la guerre ouverte pour la succession d’Autriche. Il a trente-trois ans.

L’UNIFICATION CÉRÉMONIELLE : LE SACRE

Quelles que soient les voies qui les ont conduits au pouvoir souverain, les rois vivent tous l’expérience unique du sacre.44 Certains avec une grande hâte : Louis XII un mois à peine après la fin des funérailles de Charles VIII, François Ier quinze jours seulement après celles de Louis XII. Ce sont des cousins. Pour les successeurs directs, les délais peuvent croître en raison même de l’importance accordée aux funérailles du prédécesseur : la décision d’Henri II de réunir ses deux frères morts à son père retarde son propre sacre de deux mois. Les délais varient surtout en fonction de la situation politique telle qu’elle est appréciée par le roi lui-même ou par les régents à sa place : il n’est pas facile et il est très dispendieux45 de mettre en mouvement le roi, sa famille, son Conseil, sa Maison avec ses centaines d’hommes en armes, le haut clergé et la haute noblesse du royaume pour un voyage qui demande une semaine rien que de Paris à Reims, à quoi doivent s’ajouter le temps du séjour à Reims et éventuellement l’entrée solennelle du retour

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dans la capitale. Le sacre de François II a lieu cinq semaines après la mise au tombeau de son père, et celui de Louis XIII trois mois et demi : dans les deux cas, la peur des troubles pousse l’entourage royal à accumuler les démonstrations cérémonielles. Au contraire, la tenue des États généraux de janvier à mars 1484 repousse le sacre de Charles VIII à la fin mai, soit neuf mois après la mort de son père ; il en est de même pour Charles IX, sacré entre les État d’Orléans et ceux de Pontoise, cinq mois après l’arrivée de la dépouille de François II à Saint-Denis. De retour dans le royaume de France en septembre 1574, Henri III trouve une partie de la noblesse soulevée et les finances épuisées : il attend février 1575 pour faire le voyage à Reims. Après l’assassinat de son prédécesseur, Henri IV a passé cinq années à faire la guerre, il a dû revenir au catholicisme en juillet 1593 et lors de son sacre, le 27 février 1594, Reims et Paris sont encore aux mains des Ligueurs : le sacre a lieu à Chartres. Ce n’est qu’onze ans après la mort de son père que l’apaisement des luttes intérieures permet d’envisager le sacre de Louis XIV. Le Régent a attendu sept ans avant de faire célébrer le sacre de Louis XV : le conflit feutré avec la haute noblesse autour de l’organisation du gouvernement, quelques affrontements avec l’Espagne, la liquidation profitable des tentatives de réorganisation financière — le Système Law — ont laissé au roi le temps de grandir et de prendre des forces pour affronter la lourde cérémonie. Quant à Louis XVI, les onze mois qui séparent la mort de son grand-père de son sacre sont remplis d’expérimentations de toutes sortes et d’une suite d’émeutes de la faim — la Guerre des Farines. L’ensemble des dispositions législatives et des pratiques qui font un roi du mâle le plus proche dès que

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son prédécesseur a fermé les yeux concernent le temps immédiat de la succession. Le sacre concerne le temps long de la royauté. Il offre au nouveau venu le moyen de prendre place dans la chaîne des rois jusqu’à Clovis lui-même ; il lui offre de sentir et de montrer ses liens avec Dieu ainsi qu’avec le royaume qui lui est échu. Le tableau vivant qui avait retenu l’attention de Charles VIII lors de son entrée à Reims s’appuyait sur le récit d’Hincmar, archevêque de cette ville dans la seconde moitié du IXe siècle. En composant une Vie de saint Rémi mort en martyr en 533, Hincmar avait raconté comment une colombe avait apporté à Remi l’huile sainte avec laquelle il avait pu oindre le roi des Francs. La substitution de l’onction que recevaient les rois de l’Ancien Testament à l’immersion du récit évangélique se retrouvait à la même époque dans les représentations du baptême du Christ, elle s’inscrivit ensuite dans les pratiques baptismales. Grâce au récit d’Hincmar, les rois de France bénéficiaient d’origines de plus en plus lointaines et de l’assimilation, implicite ou revendiquée suivant les périodes, avec le Christ lui-même. Bien des rois chrétiens pouvaient tirer même argument de l’onction qu’ils recevaient aussi, seuls les rois de France pouvaient s’enorgueillir de la permanence de la grâce accordée par Dieu à Remi et à Clovis : le récipient qui avait contenu l’huile existait toujours. Dans la Sainte-Ampoule conservée dans l’abbaye de Saint-Remi à Reims, l’huile miraculeuse se renouvelait au fur et à mesure des besoins.46 De roi en roi, se transmettait le souci d’une répétition à l’identique depuis les origines, aussi le sacre était-il la plus sérieusement documentée de toutes les cérémonies royales. Depuis le Xe siècle, une série de recueils liturgiques, les ordines, indiquaient la

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succession des prières et des gestes nécessaires à son accomplissement.47 L’archevêché de Reims en conservait ainsi que l’abbaye de Saint-Denis, les plus importants datant des règnes de saint Louis et de Charles V. L’abbaye avait en outre la garde des insignes du pouvoir depuis le XIIe siècle : à l’époque moderne, dans un souci de revendication par rapport au Saint Empire, l’épée et la grande couronne fermée à l’impériale, indatables toutes deux, et le sceptre, ciselé à la fin du XVe siècle, sont réputés avoir appartenu à Charlemagne ; il faut y ajouter la main de justice et l’anneau. Une partie des vêtements pouvaient aussi être déposés à Saint-Denis, leur réemploi dépendait de l’intervalle entre deux sacres ou du désir de magnificence particulier à un roi. En 1589, la Ligue parisienne s’empare des principaux insignes du pouvoir, vend les pierres précieuses et fait fondre l’or, le tout pour environ 20 000 écus, si bien que tout a dû être refait pour Henri IV.48 Installé dans le palais archiépiscopal qui jouxte la cathédrale, où il est venu se recueillir la veille, le roi passe la nuit en prière. Au lever du jour, sur l’ordre de l’archevêque de Reims, deux pairs ecclésiastiques49, les évêques de Laon et de Beauvais, se rendent dans sa chambre et le trouvent assis sur un lit de parade, enveloppé d’un grand manteau qui recouvre la tunique cramoisie du pouvoir souverain superposée à la chemise blanche de la pureté, toutes deux fendues à l’encolure sur le devant et sur le dos en prévision de l’onction. En 1561, Catherine de Médicis envoie les douze pairs auprès de Charles IX qui semble dormir encore : elle force ainsi les nobles et les ecclésiastiques les plus puissants du royaume à faire hommage au petit roi. Écarté lors des deux sacres suivants, cet éveil du roi reçoit un contenu accentué lors de la

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cérémonie de 1610 : les pairs qui frappent à la porte de la chambre demandent d’abord le fils du roi défunt, puis le roi que Dieu leur a donné. Est ainsi affirmée la permanence de la dynastie sous la protection divine. Précédé de ses gardes, de trompettes et de hérauts, du clergé de Reims, des gentilshommes de sa Maison et des chevaliers des ordres, le roi, accompagné des évêques de Laon et de Beauvais et suivi des grands officiers de sa Maison, se dirige vers le chœur de la cathédrale. Dans cet espace clos par un jubé depuis le début du XVe siècle, ont pris place, chacun suivant son rang, les membres de la famille royale et les princes du sang, les officiers de la Couronne et de la Maison du roi, tout ce que le royaume compte de grand dans le clergé et la noblesse, les membres du Conseil, les ambassadeurs, dont le nonce. Devant eux seuls se déroulent les différentes étapes du sacre et du couronnement. Sur l’estrade construite devant l’autel se répartissent les protagonistes de la cérémonie : le roi, l’officiant, archevêque de Reims50, les pairs ecclésiastiques et laïcs, le Connétable, le Grand chambellan, le Chancelier. Le roi prie devant l’autel, fait ses offrandes et va s’asseoir sous un dais. Le grand prieur de Saint-Remi apporte le reliquaire de la Sainte-Ampoule, le pose sur la droite de l’autel, puis se tient de ce côté. Sur la gauche, les insignes royaux ont été disposés à la garde du grand commandeur de Saint-Denis qui les a escortés depuis l’abbaye. Une sorte de mise à l’épreuve attend le roi : la prestation des serments, seule phase discutée du sacre. Le roi se rend devant l’autel et s’asseoit sur un fauteuil : à la demande de l’archevêque, il jure de protéger l’Église et ses privilèges ; puis, debout, la main sur l’Évangile, il jure de faire vivre ses sujets dans la

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justice et la miséricorde et de combattre l’hérésie. En 1547, Henri II avait commandé au greffier du Parlement, Jean du Tillet, d’étudier les anciens ordines : par respect envers le passé, il réintroduit, après le premier serment, le geste de l’archevêque de se tourner vers les pairs pour demander leur consentement ; il souligne ce moment en faisant chanter le Te Deum, hymne d’action de grâces. Ce rite, encore présent dans l’ordo de Charles V, portait la trace de l’élection primitive, en particulier de celle d’Hugues Capet, où l’intervention de l’archevêque de Reims avait été décisive. Il semblait introduire un pacte — serments contre consentement — contradictoire avec le principe successoral et l’élection divine. Après avoir servi d’argument à tous ceux qui, au temps des troubles, réclamaient un contrôle du pouvoir royal, ce rite disparaît à partir du sacre d’Henri IV. Privés du geste du consentement, les serments deviennent une déclaration devant Dieu de la prise de possession du royaume. En 1774, Louis XVI refuse la suggestion de Turgot de les remplacer par un engagement à protéger tous les sujets quelle que soit leur religion, comme il refuse d’ailleurs toute modification du rituel.51 Le roi reçoit ensuite ses armes de combattant. Dépouillé de son premier manteau, il est chaussé de bottines de satin bleu à fleur de lys par le Grand chambellan, le premier pair lui met les éperons d’or, puis les lui retire ; l’archevêque lui remet l’épée de Charlemagne qui est ensuite portée nue, la pointe en haut, par le Connétable jusqu’à la fin de la cérémonie. La préparation à l’onction commence. Pendant une demi-heure, les évêques de Laon et de Beauvais implorent de la grâce divine la protection du roi et du royaume : les litanies du sacre, reprises par les

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assistants, en appellent au souvenir de Salomon ; le roi les entend prosterné au pied de l’autel aux côtés de l’archevêque. Puis l’archevêque se rasseoit et consacre le roi agenouillé : du pouce enduit du baume miraculeux mêlé au chrême baptismal, il trace le signe de la croix sur sa tête, sa poitrine, le haut de son dos, ses épaules et la saignée de ses bras. Le roi relevé est revêtu de la tunique, de la dalmatique et du manteau, que les commentaires comparent aux vêtements distinctifs des sous-diacres, des diacres et des prêtres. L’archevêque procède à l’onction des mains sur lesquelles il fait glisser les gants qu’il a bénis, puis l’anneau à l’annulaire droit. Jusqu’au dernier tiers du XVIe siècle, cet anneau est unanimement rapproché de celui des évêques ; ensuite, il sert d’argument pour décrire les liens entre le roi et le royaume, un nœud conjugal où le royaume doit être soumis tel une épouse et où le roi doit être respectueux du bien du royaume, tel l’époux de la dot.52 Consacré, le roi accède enfin aux insignes du pouvoir : l’archevêque place le sceptre dans sa main droite, la main de justice dans sa main gauche ; il montre la grande couronne de Charlemagne à tous les assistants ; le Chancelier appelle les autres pairs et tous maintiennent la couronne au-dessus du roi, jusqu’à ce que, les prières achevées, l’archevêque la pose sur la tête du roi. Précédé du connétable portant l’épée, accompagné de l’archevêque et des pairs, suivi du Chancelier et des principaux officiers de sa Maison, aidé des princes choisis pour porter la queue de son manteau, le roi gravit les quarante marches qui lui permettent d’accéder à la plate-forme construite sur le jubé. Là, assis en majesté sur un trône, il peut être enfin vu, quoique de dos, de tous ceux qui n’ont pas été invités

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à prendre place dans le chœur. L’archevêque prononce de nouvelles prières, lui donne le baiser sur la bouche, ainsi que le grand prêtre Samuel au roi Saül. Il crie : « Vivat rex in eternum », ce que reprennent les autres pairs et toute l’assistance. Alors le Te Deum est célébré, du moins après qu’Henri IV et ses conseillers ont compris l’erreur commise par Henri II. L’archevêque célèbre la messe : le roi descend le rejoindre au moment des offrandes, puis à la fin, au moment de la communion où, parce qu’il est roi de France, il communie, comme les prêtres, sous les deux espèces.53 Après quoi, il quitte la couronne de Charlemagne pour une autre plus légère. Six ou sept heures après qu’il a fait son entrée dans la cathédrale, il en sort sous les acclamations, tout étincelant des insignes du pouvoir. Dans les jours qui suivent, il peut commencer à exercer son pouvoir guérisseur. Que celui-ci lui ait été communiqué par la seule onction est devenu problématique à partir du règne de Louis XII : l’intercession de saint Marcoul dont le roi visite le sanctuaire en quittant Reims paraît désormais indispensable. Devant la foule des malades rassemblés, il passe, effleure les plaies de chacun de sa main dégantée, prononce la formule : « Le roi te touche, Dieu te guérit. » Curieusement, alors que le sacre d’Henri IV a eu lieu à Chartres, qu’il a fallu trouver d’autres pairs, une autre huile sainte et fabriquer de nouveaux insignes du pouvoir, six à sept cents malades affluent à Paris deux semaines après la reddition de la capitale. Soucieux de mettre de nouveau l’accent sur l’onction miraculeuse, l’entourage de Louis XIV fait transporter les reliques de saint Marcoul à l’abbaye de SaintRemi auprès de la Sainte-Ampoule. Encore en 1775,

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au lendemain de son sacre, Louis XVI touche deux mille quatre cents malades que la modification de la formule depuis Louis XV — « Dieu te guérisse » — n’a pas découragés.

Chapitre VI DE LA MAGNIFICENCE À L A RE P R É S E N T A T I O N : PARURES ET DIVERTISSEMENTS

On n’avait vu de mémoire d’homme tant de magnificences à Constantinople, comme il s’en est vu cette année : tellement que jointes avec les magnificences cidevant rapportées, que l’on a faites en France, Espagne, Naples et Allemagne ; on peut bien appeler cette année, L’an des Magnificences.1

Le rédacteur anonyme du Mercure françois pour l’année 1612 s’émerveille : il a consacré une cinquantaine de pages aux fêtes de la publication du double mariage espagnol données à Paris et dans la viceroyauté de Naples2, auxquelles il a ajouté le récit de l’ambassade du duc de Mayenne à Madrid, la description des funérailles de l’empereur Rodolphe et du couronnement de son successeur, Mathias ; il termine par Constantinople où ont eu lieu le mariage de la fille aînée du sultan et la réception d’une ambassade venue de Perse. D’un bout à l’autre de l’Europe, chrétienne ou non, et même au-delà, semble régner le même goût de la magnificence. En France, la notion est difficilement réapparue dans la littérature politique entre la fin du XIVe et le début du XVe siècle. Tandis que s’énonçaient les

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principes de succession et que se dessinaient les contours de la souveraineté, le besoin s’est fait sentir de redéfinir les traits distinctifs du comportement royal.3 La grande référence en la matière était l’Éthique à Nicomaque d’Aristote que Thomas d’Aquin avait commentée. Dans les années qui suivent son avènement, Charles V en commande une traduction française à Nicolas Oresme, l’un de ses lettrés préférés.4 Cependant, des vertus nécessaires à la vie sociale auxquelles Aristote avait consacré le Livre IV, Oresme écarte la Magnificence, il ne garde que la Libéralité — pratique du don convenable à la condition de celui qui donne comme de celui qui reçoit, et la Magnanimité — ensemble des qualités de grandeur et de générosité que doivent manifester ceux qui possèdent richesse et pouvoir. Le roi devait s’en contenter, lui que les vignettes du manuscrit d’Oresme montrent toujours simplement vêtu : reconnaissable à sa couronne et à son manteau protecteur, il semble limiter ses dépenses aux besoins élémentaires de sa vie et de ses fonctions sur le modèle d’humilité de son ancêtre, saint Louis. Une quarantaine d’années plus tard, Christine de Pisan décrit la chevauchée du même Charles V allant de l’un à l’autre de ses châteaux « richement refaits » : L’accoutumée manière de chevaucher était de notable ordre : à très grand compagnie de barons et princes et gentils hommes bien montés et en riches habits, lui assis sus palefroi de grande élite, tout temps vêtu en habit royal, chevauchant entre ses gens, si loin de lui par telle et si honorable ordonnance, que par l’orné maintien de son bel ordre, bien put savoir et connaître tout homme, étranger ou autre, lequel de tous était le Roi. […] Et ainsi ce très sage Roi avait chère en tous ses faits

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la noble vertu d’ordre et convenable mesure. Lesquelles cérémonies royales n’accomplissait mi tant au goût de sa plaisance, comme pour garder à ses successeurs à venir que, par solennel ordre, se doit tenir et mener en très digne degré de la haute couronne de France, à laquelle toute magnificence souveraine est due et pertinent.5

Voici donc la magnificence retrouvée. On notera que dès ce moment, elle est associée à la mise en ordre du roi et des personnages qui l’entourent et à leur évolution dans l’espace, c’est‑à-dire au cérémonial. Aristote, quant à lui, a été réinterprété. Pour le philosophe, le Magnifique devait adapter les dépenses qui dépassaient ses besoins vitaux à sa position sociale : ainsi est-il juste que le roi l’emporte dans la rivalité somptuaire qui l’oppose aux grands seigneurs. Cependant, c’est au bien de la cité que le Magnifique devait consacrer ces dépenses, finançant édifices publics, cérémonies religieuses, navires de guerre. Si par « couronne », on entend le bien commun du royaume, alors il devient acceptable qu’en portant les plus riches vêtements, en montant les plus beaux chevaux, le roi ne se laisse aller ni à la prodigalité ni à la convoitise également condamnées par Aristote et la morale chrétienne : il répond à l’obligation de se rendre digne de l’héritage qu’il a reçu et qu’il transmet à son fils. La magnificence devient ainsi la forme visible de la souveraineté, dignité invisible échue au roi pour veiller au bien du royaume. En tant que telle elle doit surpasser les moyens que les seigneurs ont d’exprimer la possession de dignités inférieures. Elle peut être considérée comme un prolongement du sacre, mais elle a, sur cette manifestation unique et

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réservée à un petit nombre de témoins, la supériorité d’accompagner le roi dans sa vie quotidienne et de renforcer constamment la conscience qu’il a de son élection. Sur le terrain politique, elle répond au besoin de voir qui s’était déjà manifesté dans le domaine religieux et que l’Église avait accepté de satisfaire en exposant le Corps du Christ dans les processions de la Fête-Dieu.6 Avec la même limitation — celle de la condition humaine elle-même — que les signes visibles paraissent toujours inférieurs, insuffisants à représenter la réalité invisible, alors même que la notion de souveraineté s’amplifie pour être associée à la majesté, puissance rayonnante longtemps réservée à Dieu. Il faut donc multiplier les signes et faire appel à tous ceux qui savent en créer : gens de plume, peintres, architectes, sculpteurs, orfèvres, musiciens, tailleurs. Au risque d’oublier ce à quoi ces signes renvoient et de se laisser aller au seul plaisir que procure la satisfaction de tout désir. Pierre Salmon, secrétaire de Charles VI, le rappelle au roi en dressant une liste non exhaustive des éléments de la magnificence : Et par espécial [particulièrement], le Roi, qui est souverain sur tous les seigneurs et autres gens de son royaume, et qui a honorable et noble mesnie [domesticité], nobles chevaux, nobles vêtements, précieux joyaux, délicieux vivres, et généralement tout ce que son cœur désire, doit avoir grande honte s’il n’est excellent sur tous les autres.7

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MAGNIFICENCES RIVALES

Il n’est pas étonnant que la réapparition de la notion et de la pratique de la magnificence soit contemporaine du conflit avec les rois d’Angleterre. Ce qui est en jeu ne se limite pas à l’affirmation de la souveraineté sur les Grands et les sujets du royaume, c’est aussi le rapport aux autres princes, détenteurs de droits identiques sur d’autres territoires, voire sur les mêmes. Au XVIe siècle, les occasions de rencontres directes sont relativement nombreuses : en dehors de la captivité de François Ier et de l’aventure polonaise d’Henri III, les rois de France ne quittent leur royaume que pour faire la guerre, mais ils ont accueilli Maximilien, Philippe de Habsbourg et son épouse Jeanne de Castille, Henry VIII d’Angleterre et Charles Quint à plusieurs reprises, le pape Clément VII, Emmanuel-Philibert de Savoie, Élisabeth de Valois en tant qu’épouse de Philippe II. Des quatre rencontres entre Louis XII, Anne de Bretagne et les parents de l’époux promis à Claude de France, la première est la mieux connue.8 Au cours de l’année 1501, Jeanne de Castille, qui résidait aux Pays-Bas auprès de son époux, doit se rendre dans les royaumes d’Espagne dont elle vient d’hériter. Le roi de France les invite à traverser le royaume et à séjourner près de lui au château de Blois : ils y arrivent le 7 décembre après avoir été fêtés sur son ordre à chaque étape. Ils y restent une semaine avec une suite imposante puisqu’au moins deux cents chevaux ont été dénombrés. Les moyens de la magnificence et les techniques du cérémonial qui marquent ce séjour ont été puisés

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dans les nombreuses descriptions de la réception de l’empereur Charles IV par le roi Charles V en 1378 et adaptés en fonction des objectifs du roi de France : confirmer l’engagement matrimonial signé par les ambassadeurs le 13 octobre, mais distinguer entre Philippe, en qui Louis XII ne veut voir qu’un vassal pour la Flandre et l’Artois auxquels il n’a pas renoncé, et Jeanne, l’héritière des couronnes d’Espagne. Dans les mois qui précèdent, des objets précieux ont été pris dans les différents châteaux jusqu’au palais ducal de Nantes et transportés à Blois ; ils sont distribués suivant la hiérarchie des honneurs dans les appartements du premier étage du « logis-neuf » attribués aux archiducs. Si le sol disparaît partout sous d’épais tapis de Turquie, Jeanne dispose d’un nombre supérieur de pièces, situées dans la partie droite du bâtiment. Alors que chez son époux, les murs sont tendus de tapisseries, chez elle, ils sont recouverts de draps d’or dans la salle la plus grande ; dans les pièces suivantes de plus en plus petites, sont utilisés le velours puis le satin cramoisis brodés d’or, enfin le velours blanc et violet. La plupart des ressources ont été mobilisées pour le « logis-neuf ». Dans le bâtiment où logent le roi de France et son épouse, il reste des tapisseries et le drap d’or qui recouvre le dais et le fauteuil dans la grande salle où le roi accueille l’archiduc, ainsi que dans la salle où il prend ses repas ; dans la chambre de la reine, le lit est surmonté d’un dais de damas cramoisi et entouré de rideaux de soie brochée. Les invités arrivent en fin de journée : entre chacun des quatre cents archers de la garde, vêtus de casaques brodées au Porc-épic, emblème du roi, un valet porte une torche et éclaire le chemin qui va de la cour d’entrée à la salle où Louis XII est assis sous

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son dais. Le roi laisse à l’archiduc le temps d’ôter son bonnet et de faire trois révérences avant d’aller à sa rencontre ; au contraire, il s’avance jusqu’au seuil pour accueillir Jeanne, sans doute parce qu’elle est femme, surtout parce qu’elle est reine, ce qui ne l’empêche pas de faire, elle aussi, trois révérences. Une fois ces marquages accomplis, la magnificence peut se déployer dans les nourritures et les boissons fournies tant aux repas privés qu’aux banquets communs et dans les divertissements : chasse au faucon le matin, l’après-midi, joutes où le roi de France seul met ses gentilshommes en danger, le soir, bals ou jeux de cartes. Les services religieux, et particulièrement la célébration de l’alliance la veille du départ, rassemblent les deux couples et leur suite dans les vêtements les plus éclatants. La voix des chantres de la chapelle royale est appréciée comme un élément supplémentaire de somptuosité. Le dernier jour s’échangent les cadeaux : Jeanne offre une bague à la princesse Claude que ses deux ans ont tenue à l’écart des festivités ; la reine Anne offre des chevaux à l’archiduc, d’autres chevaux ainsi qu’une litière et des bijoux à l’archiduchesse. Le roi fait envoyer une barge chargée de vins au château où a lieu l’étape suivante. L’entrevue de Blois avait discrètement modulé la magnificence en fonction d’une échelle des dignités, au contraire, celle de François Ier et d’Henry VIII en juin 1520 doit exalter l’égale puissance des deux souverains : des moyens mis en œuvre elle a vite acquis le surnom de Camp du drap d’or.9 Une petite vallée située à mi-chemin du château de Guines qui fait partie du territoire anglais entourant Calais et de la ville d’Ardres qui appartient au royaume de France a été choisie comme terrain de

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rencontre.10 Là est construit le pavillon où auront lieu les conversations royales : il est recouvert de drap d’or et de velours cramoisi qui conviennent à tous les rois. Les deux devises y sont brodées — D E U [Dieu] E S T M O N D R O I T , et S E M P E R V I V A T I N E T E R N O 11 — un entrelacs de lys de France et de roses des Tudor court autour de la corniche. À l’intérieur, des tapis, des coussins, deux fauteuils : il n’est pas question de s’y attarder car les arrangements diplomatiques sont traités par les conseillers des deux rois. À proximité, le champ clos des jeux guerriers est un rectangle de trois cents mètres sur cent dix, limité par un arc de triomphe sur chaque petit côté ; treize poteaux de treize mètres forment l’armature de l’arbre d’honneur, six cents mètres de tissus de soie ont été nécessaires pour l’habiller et lui donner feuilles, fleurs et fruits — deux mille fleurs d’aubépine anglaises, mille huit cents fleurs de framboisiers françaises, deux mille quatre cents cerises. Le 7 juin, jour de la Fête-Dieu, a lieu la première rencontre. Des coups de canon tirés par la garde franco-anglaise qui doit assurer l’ordre indiquent aux rois et à leur suite le moment de se mettre en mouvement. Henry VIII quitte son palais éphémère : une construction en bois d’un étage et de cent mètres de côté reposant sur des fondations de briques ; un château de roman chevaleresque avec sa crénelure, brillant des vitres d’une multiplicité de fenêtres ; des peintures sur toile habillent les murs. Cinq cents gardes chevauchent en tête, deux mille fantassins les suivent, puis les archers, le glaive de l’État porté par le marquis de Dorset, brillant homme de guerre, enfin, le roi fastueusement vêtu, montant un cheval paré d’une housse de toile d’or à figures, puis ses

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conseillers, ses courtisans. Henry VIII a choisi la somptuosité guerrière. François Ier a plutôt choisi de montrer sa puissance politique : trois à quatre cents tentes recouvertes de tissus d’or et d’argent brodés aux armes de chacun des grands nobles qui l’occupe et marquées de la fleur de lys royale ; les fleurs de lys ont été commandées à Florence. La tente du roi est ronde, très haute, couverte de brocart d’or barré de trois larges bandes de velours bleu fleurdelysé qui rappellent le manteau du sacre ; elle est surmontée d’une statue de saint Michel.12 Le roi n’est précédé que d’une centaine de lansquenets et de Suisses, il a revêtu un costume éblouissant de pierres précieuses, les grands officiers de sa Maison l’entourent, parmi eux, le connétable porte l’épée ; suivent des ambassadeurs, des courtisans et des gardes. Les deux cortèges s’aperçoivent du haut des monticules aménagés dans la vallée, s’arrêtent. Une fanfare rompt le silence : les deux rois galopent l’un vers l’autre, mettent pied à terre, se donnent l’accolade, et marchent vers le pavillon se tenant par le bras pour éviter tout débat de préséance. Dans la mesure où les négociations ont déjà eu lieu, les jours suivants sont dédiés aux divertissements — et à un repli du camp français sur la ville et l’abbaye d’Ardres car les tentes n’ont pas résisté aux averses. Le 9 juin, les armes des deux rois sont solennellement hissées sur l’arbre d’honneur. Le 11, en présence des deux reines, Catherine d’Aragon et Claude de France, installées dans des tribunes, ont lieu les premières épreuves : les rois combattent à la tête du même groupe de quatorze chevaliers, échangent leur cheval préféré. Les jeux occupent encore deux journées de la semaine suivante. À un

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moment, lassés de regarder la suite du tournoi sous la pluie, ces jeunes gens — Henry a vingt-neuf ans, François en a vingt-six — se battent au corps à corps dans la boue. Par trois fois, le roi de France se rend dans le château éphémère, le roi d’Angleterre dans l’abbaye d’Ardres, les reines leur font les honneurs de banquets et de danses préparées de longue date. Deux jours avant la séparation, le 23 juin, le cardinal Wolsey célèbre une messe dans le champ du tournoi, les chapelles des deux rois chantent en alternance. La splendeur de cette rencontre ne dissuade pas Henry VIII de préférer l’alliance avec Charles Quint. Une fois réalisés les aménagements en fonction d’éventuelles différences de statut, la magnificence entre souverains exclut tout calcul : elle pousse à l’extrême d’un côté les capacités de dépense, de l’autre, l’imagination et l’ingéniosité des conseillers, des artisans, des créateurs. Le temps de la rencontre, elle concentre tous ses moyens d’expression : surabondance de la nourriture, ornementation des lieux, ostentation des parures, simulacre de combats qui peuvent se révéler mortels, agrément de la danse, éclat de la musique, qu’elle soit d’église, de guerre ou de divertissement. Ces traits marquent encore l’accueil du pape Clément VII pour les noces de sa « nièce », Catherine de Médicis, et la deuxième réception de Charles Quint qui traverse le royaume pendant l’hiver 1539-1540 pour rejoindre Gand révolté. Ensuite, les occasions de rencontre se raréfient. Dans l’été 1565, Philippe II décline l’invitation de Charles IX et de sa mère, et c’est à son épouse installée à Bayonne que sont offerts banquets, bals et tournois.13 Le roi d’Espagne ne se sent pas tenu à une surenchère éblouissante, il est beaucoup plus attaché au cérémonial, et plus précisément

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à la préséance sur tous les autres souverains que ses représentants commencent à réclamer aux négociations du Cateau-Cambrésis en 1559. Au siècle suivant, il a fallu des mois de discussion pour que Philippe IV et Louis XIV se retrouvent sur l’île d’une rivière pyrénéenne pour la ratification du traité de paix et le mariage du roi de France avec l’Infante. C’est la dernière entrevue solennelle entre souverains. Dans les périodes de paix du XVIIIe siècle, les princes étrangers préfèrent être accueillis à titre privé, voire familial. La magnificence entretenue par les rivalités s’est reportée de façon indirecte sur l’accueil des épouses, et plus fréquemment sur les ambassades, qu’il s’agisse du train des représentants du roi à l’extérieur du royaume ou de l’arrivée des étrangers à la cour de France.

PARURES I : L’ÉCLAT

S’attacher aux parures, entendues au sens large des habits et des bijoux, n’est pas arbitraire. Ce choix s’appuie sur l’équivalence entre vêtements et statut social exprimée dans la législation de la fin du XVe à la fin du XVIe siècle.14 En mars 1514, un édit interdit expressément aux non-nobles « de prendre et usurper le titre de noblesse, soit en leurs qualités ou en habillements »15 : il fait référence au privilège obtenu par la noblesse depuis 1485 d’être la seule à pouvoir porter des draps d’or, d’argent et des tissus de soie. Par nature, les parures royales déploient la somptuosité sans limite qui convient à la supériorité souveraine.

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Par fonction, elles occupent un rôle fondamental dans le cérémonial quotidien qui commence chaque matin par l’habillage du roi et se termine une fois accomplie l’opération inverse. Rassembler une série de portraits pour s’attacher aux seuls détails vestimentaires qu’ils contiennent semble hasardeux puisque ce genre de production n’a pas de prétention réaliste : il relève des choix du commanditaire et du peintre, l’un cherchant à faire valoir sa grandeur, l’autre son habileté.16 C’est une manière de compenser la disparité des traces laissées par les vêtements royaux français.17 La série des portraits sera double puisque les reines, appelées par le sacrement du mariage et par le couronnement de certaines d’entre elles à recevoir une part de la dignité de leur époux, partagent avec lui le devoir de magnificence. Elles le font d’autant mieux qu’à l’exception de Louise de Lorraine, les familles dont elles sont issues mettent leur honneur à leur composer un trousseau fastueux : savoir combien de temps elles portent les vêtements de leur cour d’origine reste une question en débat, du moins peuvent-elles en faire réemployer les étoffes et les ornements ; en outre, elles apportent des bijoux et en reçoivent en cadeau de noces. Donc, douze rois et douze reines. Et, faisant coupure, le portrait d’un roi en manteau de sacre, Louis XIII, peint par Philippe de Champaigne longtemps après la cérémonie. De la fin du XVe au premier tiers du XVIIe siècle, dominent la lourdeur des tissus et l’intensité des couleurs : l’une comme l’autre font la somptuosité d’un vêtement, au sens propre. Le prix d’un tissu résulte de la rareté et de l’exotisme des matières — métaux précieux, soie ; il résulte aussi de leur quantité — nombre et longueur des fibres nécessaires à la production du

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velours, du satin ou du taffetas et aux motifs qui sont réalisés en relief ou en contraste. De même l’intensité des couleurs est liée à la quantité des produits tinctoriaux utilisés. De tout cela, les artisans des grandes villes de l’Italie du Nord sont les maîtres. Joue aussi la longueur croissante des tissus nécessaire à la réalisation des habits : dans le vêtement masculin, multiplication des pièces qui viennent s’ajuster sur le corps comme les éléments d’une armure, superposition et gonflement des robes et des jupes dans le vêtement féminin ; pour l’un comme pour l’autre, développement des manches, goût pour les grands vêtements enveloppants doublés de fourrures. Les comptes de 1556 pour la reine indiquent l’équivalent de douze à dix-huit mètres pour une robe de dessus, cinq à sept mètres pour la robe de dessous qui apparaît dans les ouvertures de la première, comme le montre le portrait de Catherine de Médicis à peu près contemporain.18 La disposition des tentures de matières, de textures et de coloris différents dans la suite des pièces réservées à Jeanne de Castille exprimait une hiérarchie. Cette hiérarchie se retrouve dans les premiers portraits : les tissus d’or façonnés du manteau court de Louis XII et du pourpoint de son prédécesseur renvoient aux robes de drap d’or qu’Anne a portées en décembre 1501 pour les moments les plus importants de l’entrevue, l’accueil, la messe du lendemain, la célébration de la paix.19 Viennent ensuite les couleurs saturées : Anne de Bretagne en velours rouge, Claude de France en velours noir. Le rouge et le noir se trouvent dans le manteau et le bonnet de Charles VIII, dans le bonnet et les larges manches qui sortent du manteau de Louis XII. Le rouge a pour lui la longue histoire des empereurs de Rome et de Byzance. Il se

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décline en pourpre, en écarlate et en cramoisi : mais bien que cette dernière nuance soit réservée aux princes et aux princesses par l’édit somptuaire de juillet 1549, il semble qu’au cours du XVIe siècle, le rouge soit plutôt utilisé pour les livrées des serviteurs et les robes des dames d’honneur des reines que par les souverains eux-mêmes, exception faite du grand manteau de deuil — un rouge sombre tirant sur le violet, porté par François Ier lors du service célébré à Notre-Dame en hommage à Louis XII le 15 janvier 1515. Noirs sont au contraire les pourpoints et les capes d’Henri II et de ses fils. Avec la majeure partie des terres bourguignonnes, les Habsbourg ont hérité de la prédilection pour le noir affirmée par Philippe le Bon en souvenir de son père assassiné.20 Il y a dans ce noir des Valois une manière de revendication, mais aussi un goût entretenu par les femmes : à la mort de son premier époux, la reine Anne avait pris le deuil en noir suivant le mode breton ; le portrait de sa fille Claude la montre peut-être après la mort de sa mère, les grossesses n’ont pas encore alourdi son corps. Les armes du duché de Bretagne associaient le noir au blanc, et Anne portait volontiers du blanc. Cette union se retrouve dans le vêtement d’Henri II — sous la cape et le pourpoint, tranche le blanc des hauts-de-chausses, des bas et des chaussures — mais il s’agit d’un hommage à sa maîtresse préférée, Diane de Poitiers, qui avait adopté ces couleurs pour marquer son veuvage. Au demeurant, porté par des façonnages qui jouent sur la lumière et ses reflets, le noir reste une couleur somptueuse jusqu’au début du XVIIe siècle, où il s’assagit et devient preuve de modestie des notables urbains, des officiers et des adeptes du christianisme réformé. En dehors de ces couleurs fondamentales, le por-

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trait de François Ier suggère que toutes les nuances sont possibles, ce que confirment ceux des reines à partir de celui d’Éléonore, comme les comptes des années 1556 et 1557 et les remarques pessimistes de l’ambassadeur espagnol à propos du costume de satin violet relevé par des bijoux de corail porté par le jeune Henri III au moment de son retour dans le royaume.21 Les couleurs, dans leurs variations et leurs associations, comptent en effet moins que l’accumulation de broderies, de passementeries de fils d’or et d’argent, la profusion de joyaux qui tendent à recouvrir les tissus.22 Avec son réseau de perles, la robe de Catherine de Médicis fait pendant au pourpoint de François Ier ; enrichi de rubis et d’émeraudes, le motif se retrouve dans le maladroit portrait d’Henri IV qui a appartenu au maréchal de Lesdiguières. Le Mercure français prétend que trente-deux mille perles et trois mille diamants constellaient la robe portée par Marie de Médicis au baptême de ses enfants en 1606.23 L’ordre de grandeur est vraisemblable : l’inventaire du début de l’année 1610 dénombre onze mille cinq cents grands diamants et cinq mille huit cents perles. Cinq ans plus tard, en prévision du double mariage espagnol, plus de trois cent vingt mille perles sont achetées qui doivent parer deux robes, un devant de corsage, une paire de manches et des chaussures. Les perles ont l’avantage de se percer, donc de se coudre facilement ; les pierres doivent être montées sur du métal. Quand elles ne sont pas disposées sur les tissus, les unes et les autres sont associées en parures : Élisabeth d’Autriche porte sur la tête un bandeau de perles et d’émeraudes offert par son époux ; le tour de cou, le tour du décolleté, la chaîne avec son triple pendentif de rubis, de diamant et d’une perle en forme de poire sont des cadeaux de Catherine de

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Médicis. La fille de l’empereur a reçu pour ses noces autant de parures qu’il y a de couleurs de pierres précieuses, ce qui n’empêche pas le roi de s’acheter une parure de rubis et une autre de saphir l’année suivant son mariage. Lorsqu’Henri III décide de ne plus porter que du noir, il l’agrémente de pendentifs d’oreilles et de douze colliers de perles, ainsi que d’une broche de diamants tenant les plumes de son chapeau. S’il est relativement facile de se procurer de l’or et de l’argent qui circulent dans le royaume sous forme de monnaie, il n’en est pas de même des pierres et des perles : les premières viennent d’Inde et d’Afghanistan, les deuxièmes surtout du Golfe persique, puis dans une moindre mesure de l’Amérique espagnole ; la chute de l’empire byzantin, le pillage du camp du Téméraire devant Nancy ont mis en circulation des bijoux entiers ou démontés. Dans l’ensemble, le royaume de France se trouve mal placé par rapport aux réseaux commerciaux dominés par les Italiens, les Portugais, les Espagnols et les Allemands : ici encore s’exerce la rivalité entre souverains. Certains bijoux sont arrivés dans le royaume avec les reines : un diamant en table et un grand rubis rosé d’Anne de Bretagne encore inventoriés au XVIIIe siècle, les perles de Catherine de Médicis. En raison de leur forte valeur immédiatement mobilisable, les joyaux sont toujours menacés de vente : François Ier, de retour de captivité, fait entrer ce qui reste après le paiement de sa rançon dans le domaine inaliénable de la Couronne, mais, six ans plus tard, en 1537, il en retire le contrôle aux magistrats de la Chambre des Comptes pour en confier la gestion aux Menus Plaisirs, département de sa Maison. La magnificence n’a pas à être contrôlée. Le statut des bijoux reste variable. Nombre d’entre eux ne relèvent pas de la Couronne, en parti-

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culier ceux qui appartiennent aux reines en propre : Mary Stuart est repartie en Écosse avec les perles que Catherine de Médicis lui avait données ; cependant, Éléonore et Élisabeth d’Autriche ont dû restituer leurs parures au moment de leur veuvage. Pendant les guerres civiles, les emprunts gagés sur certains joyaux se transforment en vente définitive faute de remboursements. À charge pour Henri IV et ses successeurs de reprendre les achats comme l’avaient fait les prédécesseurs autant qu’ils l’avaient pu. En 1532, les joyaux de la Couronne inventoriés sont estimés à 150 000 écus, soit l’équivalent de 510 kg d’or pur, à quoi il faut ajouter les bijoux remis à la reine Éléonore dont huit pièces estimées à plus de 300 000 écus. Leur valeur atteint près de 690 000 écus (2 386 kg d’or) en 1575, près de 4 millions (5 611 kg d’or) en 1691. Cet accroissement lié aux legs d’Anne d’Autriche et des cardinaux ministres ainsi qu’à l’achat par Louis XIV de superbes diamants et saphirs directement arrivés de l’Inde ne doit pas faire illusion : à regarder les portraits de Louis XIII, de ses successeurs et de leurs épouses, il semble bien qu’au cours du XVIIe siècle, le temps de la magnificence des parures est passé.

SOMPTUOSITÉS ÉPHÉMÈRES : LES DIVERTISSEMENTS

Aux noces de François de Clèves, duc de Nevers, et de Marguerite de Bourbon-Vendôme, célébrées au Louvre le 23 janvier 1539, le banquet est suivi d’un bal, de mascarades et d’un ballet final.24 Cinq satyres

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— le Dauphin, son frère Charles, le cardinal de Lorraine, le roi de Navarre et le connétable Anne de Montmorency — accueillent leurs nymphes, parmi lesquelles la duchesse d’Étampes, maîtresse officielle du roi : tous portent des costumes tissés d’or et d’argent, des guirlandes de perles et de pierres précieuses, ils sont masqués de satin cramoisi, à l’exception de la duchesse et d’une autre très belle dame. François Ier clôt la fête : il danse accompagné de Cesare Fregoso, homme de guerre italien passé à son service. Le correspondant de la duchesse de Mantoue peine à le décrire : Du costume du roi, je ne parlerai pas parce que je n’ai pas le moyen de réussir avec honneur en raison de la variété des choses remarquables qu’on y voyait, de sorte qu’il tenait du divin plutôt que de l’humain. C’était un costume de guerre antique enrichi de broderies, de pierres précieuses et de perles dans lequel il paraissait que Sa Majesté représentait le Dieu Mars.25

Ce n’est là qu’un exemple parmi les centaines dont on peut relever les traces du règne de Louis XII à celui de Louis XIII26 : les divertissements ponctuent l’année au gré des événements — mariages, baptêmes, ambassades ; plus régulièrement, ils marquent l’hiver qui rend difficiles les déplacements et la guerre et qui offre des occasions de célébrations festives à prétexte religieux, les Rois début janvier et la mi-carême. Pris de la culture commune qui leur fait une grande place, la danse et les déguisements du Carnaval sont retravaillés en fonction des impératifs de la magnificence suivant la voie ouverte par les cours italiennes. Les jeunes princes et les rois enfants se soumettent

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avec plus ou moins d’enthousiasme aux leçons de danse. Il en va tout autrement lorsque devenus les maîtres, ils décident de donner un bal ou un ballet. Le lieu doit être suffisamment spacieux pour permettre l’évolution des danseurs au milieu des autres courtisans. Les plus grandes résidences royales en sont pourvues : salle du Palais de l’Île de la Cité, salle des Cariatides au rez-de-chaussée du Louvre, remplacée sous Henri III par une salle au premier étage, quinze mètres sur environ cinquante ; aménagée dans l’été 1572, la salle du Petit-Bourbon, légèrement plus petite ; la plus belle reste celle de Fontainebleau, décorée par le Primatice et les frères dell’Abate qui l’achèvent au milieu des années 1550 ; une autre salle a été construite à Saint-Germain dans la décennie précédente. Pour chaque occasion, une estrade, surmontée d’un dais, accueille le roi et sa famille, des tapisseries recouvrent les murs, des tapis le parquet. Les flambeaux et les chandelles brûlent par milliers. La Chambre et l’Écurie du roi fournissent les instrumentistes et les chanteurs. Le bal suit une gradation habile, des danses lentes vers les rapides. Ce qui paraît relever du simple échauffement musculaire intègre une démonstration de pouvoir : à l’ouverture, la pavane unit le roi et la reine qui font ensemble le tour de la salle, suivis des autres couples par ordre de préséance ; pour l’allemande, ils se séparent, le roi devant donner son accord au partenaire de la reine ; au branle qui se danse en cercle, la reine doit se trouver entre deux princes du sang. Jusqu’ici le roi a pu montrer le maintien de son corps, la grâce de ses mouvements : les courantes, les voltes et les gaillardes réclament ensuite l’habileté, la hardiesse, la maîtrise. Il est entendu que les qualités corporelles traduisent les

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qualités morales, elles concourent aussi au plaisir d’être roi : cette vitalité que Cavalli a notée chez François Ier dans ses dernières années, Henri III et Louis XIII aiment à la ressentir au milieu des épreuves, Henri IV comme une récompense à la fin de ses tribulations.27 Mascarades et ballets offrent la possibilité de créer des situations, voire des mondes imaginaires repris de la mythologie antique ou des trois ouvrages chevaleresques qui ont fait rêver souverains et nobles d’Europe pendant le XVIe et le début du XVIIe siècle : l’Amadis de Gaule, le Roland Furieux et la Jérusalem délivrée. Le choix du thème appartient au roi luimême, aidé de ses intimes, le comte de Brissac proche d’Henri II, les ducs de Luynes, de Nemours et de Liancourt pour Louis XIII. À partir de Catherine de Médicis, les reines s’y sont passionnées, Louise de Lorraine avec grand succès en 1581 à l’occasion des noces de sa demi-sœur avec le duc de Joyeuse. Aux costumes revient en premier le soin de faire comprendre le thème choisi, et de faire admirer la capacité du roi à dépenser. Avec le correspondant de la duchesse de Mantoue, on aura noté que les costumes du ballet final sont faits de métaux précieux et de joyaux véritables. Depuis son arrivée en 1531, le Primatice travaille à la cour de France ; il ajoute l’imagination ludique à la nécessaire somptuosité. À la génération suivante, Antoine Caron conçoit les costumes de Catherine de Médicis et ses fils. À partir du règne de Louis XIII, ce sont plutôt des dessinateurs, comme Daniel Rabel qui exerce de 1614 à 1634 ; dans le même temps, des ingénieurs du roi, détournés de leurs tâches militaires, construisent les décors, les machines et mettent au point les feux d’artifices. Au contraire de la mascarade, forme légère, qui

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joue sur la succession de groupes de danseurs costumés de façon différente pour chaque séquence, le ballet développe le thème choisi par l’adjonction de poèmes chantés. La rédaction du livret est confiée à un poète attaché à la cour : ceux de la Pléiade y ont participé, Malherbe, quoique très réticent, a obéi aux commandes d’Henri IV et de Marie de Médicis, les jeunes poètes libertins, amis du duc de Liancourt, se sont amusés à créer les personnages burlesques de la Douairière de Billebahaut (1626). Les maîtres de danse et de musique, recrutés en très large majorité en Italie jusqu’au milieu du XVIIe siècle, composent les airs, assemblent les pas et les enseignent au roi et aux autres danseurs qui peuvent dépasser la centaine. Les répétitions durent de dix jours à six semaines — pour le Ballet Comique de la Reine de 1581. Qu’ils évoluent sur le parquet ou sur la scène construite à l’autre bout de la salle et qui supporte décors et machines, les danseurs font toujours face à l’estrade royale. Jouant sur la nécessaire correspondance entre le mouvement, les mots et la musique, les poètes humanistes, contemporains des guerres religieuses, ont proposé d’interpréter les ballets comme une invitation à la concorde. C’était offrir là un outil politique adaptable aux circonstances. Faire reconnaître l’autorité de Charles IX avait été l’objet de la Bergerie de 1564 ; obliger Henri de Navarre, le surlendemain de ses noces, à attendre en Enfer que Charles IX et ses frères viennent le conduire au Paradis d’amour a été ressenti à juste titre comme une humiliation par les huguenots de sa suite. En 1581, Louise de Lorraine, aidée du maître italien naturalisé, Balthazard de Beaujoyeux, a voulu montrer le triomphe du roi sur les désordres. À la fin décembre 1616, Marie de Médicis laisse à son fils la responsabilité d’organiser

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le prochain bal. Louis XIII choisit la Délivrance de Renaud : le 29 janvier suivant, devant la reine mère et la cour, Luynes danse Renaud, le roi interprète le démon du feu, puissant, destructeur autant que bienfaisant ; au final, il apparaît triomphant en Godefroy de Bouillon, libérateur de Jérusalem, entouré de douze chevaliers. Ce ballet, dansé trois mois avant l’assassinat de Concini, a pris rétrospectivement le sens d’une revendication d’autonomie. Il est plus difficile de discerner un lien entre le Ballet de la Merlaison, dont Louis XIII, en février 1635, a composé la musique et la chorégraphie sur le thème de la chasse au merle, et l’entrée dans la guerre européenne solennellement déclarée deux mois plus tard. Brantôme comme La Noue ont déploré le goût des rois pour la danse. Injustement : les rois et les gentilshommes aimaient autant les jeux guerriers. Les tournois où se succédaient des joutes — combats d’homme à homme en champ clos —, doublaient de jour les réjouissances nocturnes ; ils pouvaient aussi avoir lieu de façon indépendante, à la belle saison. La magnificence s’y déployait aussi : proclamation du défi et des différents combats par les hérauts et les trompettes, éclat des armures et des armes, beauté des chevaux et de leur harnachement, hommage aux dames somptueusement parées installées dans les tribunes et dont les combattants portaient les couleurs, exaltation du lignage dans les blasons des écus, affirmation des combattants dans le choix de leurs emblèmes et devises. Avec cet excès supplémentaire : le risque de la blessure ou de la mort. Le 30 juin 1559, au troisième jour du tournoi des fêtes nuptiales qui complètent les accords du CateauCambrésis, Henri II porte le blanc et le noir de Diane de Poitiers, il affronte victorieusement le duc de

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Nemours, en jaune et noir, puis le duc de Guise en blanc et incarnat. Le résultat du troisième assaut mené par le comte de Montgommery lui semble incertain, il exige de le recommencer : il charge son adversaire ; dans le choc, la lance de Montgommery se brise. Henri II met dix jours à mourir d’un éclat de bois qui a traversé la visière de son casque. Cet événement accélère l’adoption par la cour de France des courses qui exigent la même habileté équestre et la même force que les joutes mais en réduisant la cible à des mannequins, à des bagues suspendues à des potences.28 Il est possible de maintenir les protocoles du tournoi et de développer les démonstrations de magnificence en regroupant les participants en équipes — les quadrilles29, en attribuant à chacune d’elle une identité à l’intérieur du thème choisi, identité qui s’exprime par les costumes et les harnachements. Le carrousel unit ainsi les prouesses nécessaires à la guerre et les pratiques du ballet de cour dans un espace forcément agrandi. Pour la publication du double mariage espagnol, en avril 1612, Marie de Médicis a confié la préparation de la fête à Antoine de Pluvinel, maître d’équitation du roi ; il est aidé des amateurs de ballet, Bassompierre, Nevers et Guise. La place Royale nouvellement aménagée accueille pendant quatre jours la tribune royale, le château de la Félicité qui lui fait face et qui est tenu par les Chevaliers de la Gloire ; dix quadrilles, composées de la plus grande noblesse du royaume, concourent sous des noms et des costumes flamboyants, Chevaliers du Soleil, du Lys, d’Amadis, de l’Air, de l’Univers… Au soir du deuxième jour, tous se rendent en cortège au Louvre, précédés de deux cents trompettes, de hautbois et de chanteurs : le défilé dure deux heures par les rues dont les habitants

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ont reçu l’ordre de suspendre des lanternes aux fenêtres. La description de ce carrousel ouvre « l’an des Magnificences » du Mercure françois de 1612.

« CE QUI SE CONSUME EN DÉPENSES QUI PEUVENT PASSER POUR SUPERFLUES… »

Au début des années 1670, Louis XIV fait rédiger la partie des Mémoires pour l’instruction du Dauphin qui concerne les débuts de son règne personnel. Après avoir décrit la situation qu’il a trouvée à la mort de Mazarin, il s’attarde longuement sur le carrousel qu’il a donné entre Louvre et Tuileries les 5 et 6 juin 1662. Il le présente comme le versant aimable de la politique de répression menée pour rétablir l’ordre après la Fronde, et plus encore comme une opération de séduction qui repose sur un faux-semblant. Cette société de plaisirs, qui donne aux personnes de la Cour une honnête familiarité avec nous, les touche et les charme plus qu’on ne peut dire. Les peuples, d’un autre côté, se plaisent au spectacle, où au fond on a pour but de leur plaire ; et tous nos sujets en général sont ravis de voir que nous aimons ce qu’ils aiment, ou à quoi ils réussissent le mieux. Par là nous tenons leur esprit et leur cœur, quelquefois plus fortement peutêtre que par les récompenses et les bienfaits…30

Le temps du spectacle, les courtisans comme les peuples vivent dans l’illusion d’un partage avec le souverain. Ce qui est par nature impossible, étant donné « la différence presque infinie de la naissance, du rang et du pouvoir »31, comme il l’a dit un peu plus

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haut dans le même passage et comme il l’avait déjà remarqué à propos de Mazarin. Il poursuit : Et à l’égard des étrangers, dans un état qu’ils voient florissant d’ailleurs et bien réglé, ce qui se consume en dépenses qui peuvent passer pour superflues, fait sur eux une impression très avantageuse de magnificence, de puissance, de richesse et de grandeur, sans compter encore que l’adresse à tous les exercices du corps, et qui ne peut être entretenue et confirmée que par là, est toujours de bonne grâce à un prince, et fait juger avantageusement, par ce qu’on voit, de ce qu’on ne voit pas.32

L’ancien lieu commun de la correspondance nécessaire entre qualités physiques et morales prend un sens accru : c’est précisément la « bonne grâce » déployée aux exercices équestres, pourtant partagée sinon avec tous les sujets, du moins avec bon nombre de nobles, qui est chargée de rendre perceptible « la différence presqu’infinie » entre le prince et eux. Le carrousel de 1662 ne présentait d’ailleurs aucune ambiguïté. Avant que ne commencent les épreuves, « toutes les Nations de la terre », soient les quatre quadrilles portant les costumes des Perses, des Turcs, des Indiens et des « sauvages de l’Amérique », devaient venir rendre hommage au roi empereur entouré de sa quadrille romaine. Louis portait pour emblème le Soleil avec la devise Nec pluribus Impar33, qu’il a conservés pendant tout son règne. Turcs et Indiens étaient menés par Condé et son fils, les vaincus de la Fronde, dont le retour en grâce avait été négocié au traité des Pyrénées trois ans auparavant. Au total, près de mille trois cents participants, tous désignés par le roi. Accusée de multiplier les danses et les joutes, « une

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dépense par trop superflue », Catherine de Médicis avait refusé d’entrer dans un quelconque calcul. D’après Brantôme qui rapporte l’abondance de ces « honorables Magnificences », elle avait simplement soutenu que « la France serait mieux estimée et redoutée, tant pour en voir ses biens et ses richesses, que pour voir tant de Gentilshommes si braves et si adroits aux armes. »34 Malgré le poids des guerres, elle restait fidèle à l’attitude de son défunt beau-père, François Ier : « Tout ce dont j’ai besoin, suivant ma volonté », avait-il répondu à l’envoyé vénitien Tommaseo qui l’interrogeait sur ses finances.35 Chez Louis XIV, le souci du prestige extérieur ne s’est pas affaibli, bien au contraire : il a déjà entamé la série des revendications de préséance ou de territoires qui doivent lui faire reconnaître la première place en Europe. Ce qui change, c’est l’appréciation de la magnificence. Dans ces années 1670, le roi ne conçoit plus la magnificence comme une vertu nécessaire à l’exercice de la souveraineté. Banalisée, la notion ne se suffit plus à elle-même comme on le lisait encore dans le Mercure de 1612 : elle a besoin d’être explicitée par des notions complémentaires, « puissance, richesse, grandeur ». Plus encore, la tournure précautionneuse par laquelle sont évoqués les moyens financiers que suppose son déploiement — « ce qui se consume en ces dépenses qui peuvent passer pour superflues… » — pourrait bien être l’aveu d’un calcul, au moins de la conscience du prix à payer, d’autant que le roi emploie le verbe très fort de « consumer » qui implique une destruction sans retour. S’entend peutêtre l’écho du marchandage mené auprès de Colbert pour obtenir le million de livres nécessaires au carrousel de 1662. En échange, le roi avait accepté de

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retarder la fête de deux semaines, obligeant ainsi les étrangers accourus à Paris à dépenser en attendant. Telle est du moins l’anecdote qui s’était transmise et que le duc de Luynes rapportait dans son Journal au milieu du XVIIIe siècle.36 Henri III n’avait rien marchandé des trois millions « consumés » aux noces de Joyeuse, dont un pour le seul Ballet comique de la Reine : il avait emprunté. La distance exprimée vis‑à-vis des divertissements somptueux met des mots sur la rupture que Louis XIV vient d’effectuer entre février 1669, où il a dansé le « Soleil » et l’« Europe » dans le Ballet de Flore, et février de l’année suivante où, bien qu’il ait répété les rôles de « Neptune » et d’« Apollon », il n’est pas apparu dans les Amants magnifiques.37 Ce détachement clôt les neuf premières années de son règne personnel : sur la lancée de ses années d’apprentissage où il avait dansé dans treize ballets, le roi a tenu vingt rôles dans dix autres spectacles. Après le carrousel de 1662, il a donné par trois fois des fêtes qui ont duré de six à sept jours : la plus remarquable, Les Plaisirs de l’Île enchantée, montée en 1664 sous la responsabilité du duc de Saint-Aignan, ajoutait à la tradition des défilés, courses, ballets et feux d’artifice, des comédies en musique et sans musique — Tartuffe y fut représenté.38 Dans ces années, une première rupture se dessine : du ballet de cour où les courtisans dansaient en grand nombre, on est passé au ballet du roi où celui-ci danse seul entouré de quelques courtisans particulièrement habiles et de professionnels pour lesquels une Académie a été fondée en 1661. Ensuite le roi ne danse plus et réduit l’ampleur des divertissements, à l’exception de ceux qui célèbrent, en 1674, la conquête de la Franche-Comté. En hâte, Molière,

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Corneille, Quinault et Lully mettent au point la tragédie lyrique que le roi suit assis, face à la scène, entouré de ceux qu’il a désignés, en avant de la première rangée des autres spectateurs. À mesure que ses descendants grandissent, il leur offre l’occasion de danser, de se déguiser et même de faire un petit carrousel en 1685, mais il restreint encore le nombre des participants, choisit plutôt les châteaux satellites de Versailles et ne fait que de brèves apparitions. L’argument de l’âge — trente et un an au dernier ballet — ne tient pas si l’on songe à ses prédécesseurs. L’argument du poids des responsabilités peut-être, encore que la guerre ait toujours été présente, sauf par brèves parenthèses, depuis la fin du XVe siècle. Il se peut surtout que Louis XIV se trouve luimême affecté par le changement culturel repéré au XVIIe siècle à travers des sources multiples et que l’on peut résumer très brièvement comme la fin de la lecture analogique du monde où le visible portait toujours témoignage de l’invisible.39 Exact contemporain de Louis XIV, le commissaire au Châtelet, Nicolas de La Mare, donne une définition nouvelle de la magnificence dans le premier volume de son Traité de la Police publié en 1705 : La magnificence diffère du luxe, en ce que jamais elle ne s’écarte de la droite raison, et des règles de la bienséance : si les Princes et les Grands font des dépenses splendides, paraissent avec pompe, cela est proportionné à leur élévation et à leurs revenus ; cet éclat est même nécessaire pour soutenir le rang de leur naissance, imprimer le respect aux peuples, et maintenir le Négoce et les Arts, en y faisant couler abondamment des sommes immenses, qui demeureraient inutiles dans leurs Trésors.40

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Entre les traces d’Aristote et les justifications raisonnables, utilitaristes, pour tout dire marchandes, la magnificence a perdu les excès qui faisaient sa grandeur et sa nécessité.

PARURES II : ROIS ET REINES

Parmi les portraits conservés de Louis XIII, on chercherait en vain le roi dans un costume chargé de pierreries. Il apparaît sous l’armure du guerrier, ou bien inaugurant un genre qui s’est perpétué jusque Louis XVI, enveloppé dans le manteau du sacre, le sceptre dans la main droite, la couronne à proximité ; à partir de Louis XIV, s’ajoutent « l’épée de Charlemagne » et la main de justice. Ces portraits ne commémorent pas la cérémonie : sous le manteau de Louis XIII apparaît une cuirasse d’empereur romain — il vient de soumettre La Rochelle ; ses successeurs sont revêtus de l’habit créé par Henri III pour les novices de l’Ordre du Saint-Esprit auquel ils n’accèdent que dans les jours qui suivent le sacre ; tous portent le collier de l’Ordre.41 Ce sont des rois en majesté entourés des insignes d’un pouvoir qu’ils ont reçu de Dieu et du sang de leurs pères. Sur les portraits de Louis XV et de Louis XVI, la puissance dynastique est d’ailleurs confirmée par le collier de la Toison d’or qui double celui du Saint-Esprit : les rois de France sont chefs de la maison des Bourbons dont la branche cadette règne sur l’Espagne depuis 1701. Une fois ces principes assurés, la manière dont le

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roi est réellement vêtu importe peu. D’autant que les textes des neuf lois somptuaires qui se succèdent de 1601 à 1660 n’associent plus habits et statut social malgré les réclamations de la noblesse aux États généraux de 1614. Ces lois établissent le libre accès aux soieries, désormais produites dans le royaume en quantité suffisante ; elles réglementent la consommation des dentelles tant qu’elles doivent être importées ; elles interdisent à l’ensemble des sujets l’usage des tissus et ornements d’or et d’argent parce qu’elles y voient un prélèvement stérilisant sur la quantité des métaux précieux nécessaire à l’État et une menace sur les fortunes nobles. L’édit de novembre 1660 reconnaît cependant à l’entourage du roi l’obligation de ce qu’il dénonce par ailleurs comme « les dépenses superflues et le luxe des habits. »42 Mais le roi luimême n’y est pas forcément soumis. Richelieu avait insisté auprès de Louis XIII pour qu’il revête un habit somptueux lors de son entrée à Paris après la prise de La Rochelle, mais Louis XIV a tenu le lit de justice de septembre 1645 en robe d’enfant alors qu’il avait déjà pris ses vêtements d’homme.43 À dix-sept ans, il a fait irruption au Parlement en habit de chasse. Il semble qu’il n’ait plus besoin de la magnificence pour affirmer son pouvoir. Le voici dans sa maturité tel que le marquis de Dangeau en a conservé le souvenir : Il était vêtu de velours de couleurs plus ou moins foncées, avec une légère broderie et un simple bouton d’or ; toujours une veste de drap ou de satin, rouge, bleue ou verte, fort brodée. Il ne porta jamais de bagues ni pierreries qu’à ses boucles de souliers ou de jarretières. Son chapeau était toujours bordé de point d’Espagne avec un plumet blanc. Il était le seul de la

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maison royale ou des princes qui portât l’ordre du Saint-Esprit dessous l’habit, excepté les jours de mariage ou de grandes fêtes, où il portait l’ordre pardessus, avec des pierreries de huit à neuf millions.44

À partir des mêmes années 1660-1670 qui ont vu les derniers feux des grands divertissements, le vêtement du roi s’est modifié sans que sa place dans le cérémonial quotidien en ait pâti, en témoigne la réorganisation du service de la Garde-robe sous l’autorité d’un Grand maître en 1669.45 L’habit royal est réduit à trois pièces : le justaucorps à basques et à grands revers, très peu orné si on le compare aux pourpoints du XVIe siècle et au vêtement enflé de rubans et de découpes que le roi portait le jour de son mariage ; une veste de dessous en lainage ou en soie brodée ; la culotte arrêtée au genou.46 Tel que le marquis de Dangeau le décrit, il y a dans cet habillement tout un jeu sur la somptuosité : Louis XIV n’expose pas ce qu’il porte de plus précieux. Le collier ou la plaque de l’Ordre du Saint-Esprit, les broderies de la veste n’apparaissent que dans l’ouverture du justaucorps. Les pierreries sont cantonnées aux parties basses du corps — mollets où s’attachent les jarretières et pieds dans les chaussures à boucles. Restent les obligations dynastiques et diplomatiques, même si la permanence des conflits et les aléas de la reproduction raréfient ces occasions : pour le mariage du duc de Bourgogne en 1697, le roi s’est paré et a obligé tous les membres de sa famille et sa cour à se couvrir de tissus précieux et de joyaux. Dangeau a sans doute surestimé la valeur des pierreries portées aux jours de grande démonstration, cependant l’inventaire effectué en 1691 avait recensé, entre autres, deux parures : l’une, toute de diamants, estimée à 4 511 373 livres, l’autre mêlant diamants et perles

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montant à 1 499 713 livres.47 Il s’agissait des boutons, des pierres cousues autour des boutonnières du justaucorps et de la veste, et des crochets qui maintenaient les plumes du chapeau : au lieu de s’étaler, la somptuosité se nichait dans les détails fonctionnels. La magnificence avait cédé la place au raffinement. La tendance s’est confirmée. L’habit simplifié, resserré, sans basques ni revers, la veste ou le gilet brodé, la culotte — ce sont les vêtements que l’on retrouve sur les portraits de Louis XV et de Louis XVI. Sur des tissus de soie unis, velours et satin, les broderies au fil d’or marquent le bas des manches, les bords de l’habit et du gilet pour le premier ; pour le second, la soie de couleur se mêle à l’or pour former de légers motifs végétaux.48 Plus que de somptuosité, ces broderies témoignent du savoir-faire de brodeurs qui n’appartiennent plus tous à la Maison du roi : certains tiennent boutique à Paris et vendent à n’importe quel client pourvu qu’il soit capable de payer. Le luxe, ce vice dénoncé par de La Mare, vient de la ville et contamine les parures du souverain. La supériorité royale se retrouve dans la grande plaque de diamants avec la croix de l’Ordre du Saint-Esprit que portent les deux rois, estimée à 460 000 livres en 1791 ; celle de la Toison d’or visible sur le portrait de Louis XV en valait autant, encore se peut-il qu’à ce moment, la situation politique ait entraîné la sous-évaluation des joyaux d’une Couronne affaiblie. En 1717, Philippe d’Orléans avait fait décider en Conseil l’achat d’un diamant si grand, si parfait et si cher, deux millions de livres, qu’il était bon de le soustraire aux autres souverains d’Europe. La pierre qui depuis porte le nom de Régent, a brillé sur l’épaule de Louis XV, dix ans, à la réception de l’ambassade de Turquie

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de 1721, puis à celle de 1742, sur le chapeau du Dauphin, alors âgé de treize ans. À l’opposé des parures des rois qui se sont peu à peu éloignées de l’ostentation, celles des reines lui restent dans l’ensemble fidèles. Sur son portrait peint par Rubens dans les années 1620-1625, Anne d’Autriche montre un étonnant dédain pour les conventions acceptées par sa belle-mère vingt ans auparavant et qui voulaient que la reine de France abandonne les vêtements de son pays d’origine : après une dizaine d’années de mariage, elle porte une grande collerette « à l’espagnole », sur un décolleté carré « à la française » il est vrai.49 Les bijoux abondants sont bien ceux de la Couronne : on peut reconnaître le pendentif à la perle portée par Élisabeth d’Autriche. La double robe, la superposition du noir profond aux ramages dorés, les grandes manches où les rubans laissent luire le satin blanc du dessous paraissent reproduire les façons du siècle passé. Au début des années 1660, Marie-Thérèse a bien quitté les grandes jupes raides de son royaume natal. Elle semble modeste dans sa robe de satin blanc : le corsage est à peine brodé, les seuls ornements sont la dentelle qui enserre les épaules, les grosses perles avec leurs pierreries intercalées, disposées en cordon ou montées en broche au milieu du décolleté et sur les rubans des manches. Sa main droite tient le grand manteau royal qui l’entoure dans la pénombre. Quatre-vingt-sept ans plus tard, Marie Leszczynska porte une robe de satin broché d’or, une deuxième jupe vient s’ajuster à la taille et s’allonge en traîne, le tout est alourdi de rubans d’or et de glands d’argent ; des torsades de perles et de diamants retiennent ses cheveux ; sur ses oreilles et sur son cou, d’autres diamants dont le Grand Sancy,

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légué à Louis XIV par Mazarin. Ces robes énormes — tenues par des jupons aux armatures d’osier, elles nécessitaient environ vingt-cinq mètres de tissus, autant donc que deux siècles auparavant — la reine devait les porter lorsqu’elle était au milieu de la cour. En octobre 1746, à Fontainebleau, elle resta dans sa chambre pour écouter un concert qui se donnait dans son antichambre « parce que si elle était dans la pièce même où se fait la musique, note le duc de Luynes, il faudrait qu’elle y fût en représentation et par conséquent en grand habit. »50 Écartées de l’exercice du pouvoir depuis le début du règne personnel de Louis XIV, les reines ne le sont pas des obligations qui tiennent à leur statut ambivalent de souveraine et de sujette.51 Le tableau de Van Loo insiste sur la dépendance de la reine vis‑à-vis du roi : une couronne qu’elle n’a jamais portée puisqu’il n’y a plus de sacre pour les reines après 1610, un buste de Louis XV qui la domine d’un regard sévère. Outre son concours à la survie de la dynastie, il a été demandé à Marie Leszczynska, comme aux autres, de montrer dans son comportement quotidien que, par son union avec le roi, elle a accédé à la dignité souveraine. Elle a donc pris sa place dans ce qui se désigne au milieu du XVIIIe siècle sous le nom de « représentation » et qui unit, comme on le voit avec le duc de Luynes, cérémonial et magnificence. Non sans lassitude : sur le tableau, sa main droite ne tient que des fleurs, à ses pieds, un petit chien attend ; au concert de Fontainebleau, elle a trouvé le moyen d’échapper à ses devoirs, en robe simple, appelée « robe de chambre »52. Dans les premières années du règne de son époux, Marie-Antoinette se fait peindre à plusieurs reprises en « grand habit ». Puis elle s’en débarrasse avec la

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complicité de Rose Bertin qui tient un magasin de modes à Paris et lui a fourni la plus grande partie de ses parures dès 1774. « Sa Majesté est très bien, elle a cet air leste et délibéré, cette aisance qu’elle préfère à la gêne de la représentation et qui chez elle ne fait point tort à la noblesse de son rôle. »53 Robe-chemise unie, rendue légère par la mousseline et par la forme près du corps, pas de bijoux, mais un grand chapeau de paille. Malgré le compte rendu complaisant, le tableau de Vigée-Lebrun faisait scandale : une reine non parée était exposée au public venu voir la production picturale rassemblée au Salon de l’année 1783.

Chapitre VII DE LA MAGNIFICENCE À LA REPRÉSENTATION : EXPOSITION, RETRAIT, FAMILIARITÉ

… Je désirerais que prissiez une heure certaine de vous lever, et pour contenter votre noblesse, faire comme faisait le Roi votre père ; car quand il prenait sa chemise, et que les habillements entraient, tous les princes, seigneurs, capitaines, chevaliers de l’ordre, gentilshommes de la chambre, maîtres d’Hôtel, gentilshommes servants entraient lors, et il parlait à eux, et [ils] le voyaient, ce qui les contentait beaucoup.1

Dans cette lettre adressée par Catherine de Médicis à l’un de ses fils, la prise de la chemise vient en tête des moyens de remise en ordre du royaume sous l’autorité du roi. Un siècle plus tard, sous le règne de Louis XIV, la prise de la chemise se retrouve lors de la séquence la plus solennelle du cérémonial matinal, le Grand Lever, où s’assemblent comme au temps d’Henri II les plus hauts dignitaires de l’Église, les plus grands seigneurs, auxquels s’ajoutent ambassadeurs, maréchaux, gouverneurs de province, présidents de parlement présents à la cour, enfin les ministres et les secrétaires d’État. Seul le Dauphin ou l’un de ses fils, à la rigueur un neveu, peuvent présenter la che-

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mise au roi : s’il n’y a qu’un seul roi vivant, le sang qu’ils partagent avec lui promet la permanence de la royauté.2 Une nécessité élémentaire, le passage de la seminudité de la nuit à la vêture de jour, partagée par tout homme suffisamment riche pour porter du linge sous ses habits, perd sa banalité pour être transformée en manifestation de puissance publique. Manger, prier, se déplacer, se préparer au sommeil sont susceptibles de la même métamorphose. Ces actes quotidiens donnent consistance à ce que la magnificence peut avoir d’éphémère, ils remplissent les vides que laissent ses coups d’éclat. Il y faut, d’un côté, la continuité et la répétitivité des gestes des officiers attachés au service personnel du roi — le rituel —, de l’autre, le choix et la mise en ordre des personnes admises à les regarder — l’établissement et le respect des préséances : le tout forme le cérémonial qui accompagne de façon continue la vie du roi. Henri III, quant à lui, a refusé une partie de cette ostentation : il n’admettait à son lever que de rares familiers et n’apparaissait devant les grands seigneurs et les officiers qu’au moment où il était prêt à prendre sa cape et son épée. Tout roi est ainsi partagé entre ce qui s’avère comme un devoir d’exposition et le besoin d’échapper aux regards qui le scrutent et tentent de deviner les décisions qu’il va prendre, distinctions individuelles ou choix politiques de grande envergure.3

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MOBILITÉS

Jusqu’au milieu du XVIe siècle, les rois de France sont beaucoup trop mobiles pour éprouver la nécessité de suivre des règles qui les distinguent et de les imposer à leur entourage. L’hiver les retient dans leurs châteaux préférés : Plessis-lès-Tours et Amboise pour Charles VIII, Blois pour Louis XII. François Ier utilise ces deux derniers lieux, ajoute Fontainebleau, le Louvre, Saint-Germain. Henri II continue les travaux au Louvre et surtout à Saint-Germain, il redécouvre le palais de Tournelles ainsi que Vincennes. Après cette période stable dont on dit que les rois sont « en séjour », les voyages commencent dès le printemps. Les départs à la guerre opèrent la rupture la plus radicale. Charles VIII consacre trois mois à la soumission de la Bretagne et dix-huit à l’expédition dans le royaume de Naples. Louis XII, François Ier, Henri II quittent la cour dès qu’ils le peuvent, le premier dans les mois qui suivent son mariage avec Anne, le deuxième trois mois après son avènement, le troisième l’année suivante. Louis XII passe dix-huit mois à conquérir le duché de Milan, il se rend à Gênes en 1507, participe aux opérations contre Venise en 1509, puis repart en campagne en 1511 et 1512. François Ier ne revient d’Italie que dans l’été 1516, reprend la tête de ses armées en 1521, puis, d’octobre 1524 à février 1525 ; fait prisonnier, il ne rentre en France qu’en mars 1526. À la fin de son règne, ce sont plutôt ses fils qu’il envoie au combat, mais lui-même se déplace dans les provinces menacées, de la Bourgogne à la Picardie. Devenu roi,

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Henri II part chaque année de 1548 à 1554, et de nouveau en 1557-1558. Les exigences de la guerre détruisent ce qui pouvait se mettre en place d’un cérémonial quotidien, elles recomposent l’entourage du roi en fonction du mode de vie hasardeux des armées et de la familiarité des batailles. Au passage cependant, la magnificence des cours italiennes s’impose comme un modèle dès la fin du XVe siècle. La mobilité tient aussi aux liens personnels que le roi entretient avec la noblesse des provinces et avec les villes : par sa présence, se renouvellent les fidélités et s’obtiennent les financements particulièrement nécessaires en période de guerre. Lyon, porte de l’Italie, grande place de commerce où les marchands acceptent de fournir de l’argent, retient longuement Charles VIII et Louis XII : les différents séjours du premier équivalent à dix-huit mois, ceux du second à deux ans. François Ier fait du retour de sa première campagne un voyage triomphal, il visite Picardie et Normandie l’année suivante, la Bretagne en 1518 ; en 1520, il se rend dans son Angoumois natal et de nouveau en Picardie à la rencontre d’Henry VIII. De novembre 1531 à février 1534, en compagnie de ses fils libérés et de sa nouvelle épouse, il chemine à travers l’ensemble des provinces du royaume à l’exception de la Guyenne où il les avait accueillis tous trois en juillet 1530. Une pratique que Catherine de Médicis impose au jeune Charles IX pendant trois années consécutives comme un instrument de pacification après les premiers affrontements religieux (1564-1566).4 Pour que cette présence royale soit efficace, il faut que le souverain soit entouré du maximum de fidèles et de serviteurs, ainsi que des membres du Conseil et des officiers pourvus de charges gouvernementales : dix à douze mille chevaux

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et animaux de trait donnent une mesure approximative du nombre de personnes que le roi emmène avec lui — huit à dix mille.5 Il est évidemment impossible d’imposer un ordre à cette population en mouvement, ni d’ailleurs de prévoir aux haltes des logements pour tous. Au long des voyages, comme pendant les séjours, les rois s’échappent en compagnie de personnes choisies, ainsi de « la petite bande » de jolies femmes qui entoure François Ier. Toute terre giboyeuse les attire, la chasse les entraîne à la suite des proies.6 Bien que, sur le mode italo-espagnol, les rois aient multiplié les maisons de plaisance de toutes tailles — ainsi de Chambord, Madrid, La Muette, Villers-Cotterêts et Folembray construits pour François Ier — il arrive qu’ils mangent et dorment au hasard, comme à la guerre. Enfin, ils acceptent volontiers les invitations de leurs proches conseillers — Louis XII chez le cardinal d’Amboise à Chateau-Gaillon, Henri II chez le connétable de Montmorency à Écouen et à Chantilly — ou bien ils s’installent auprès de leurs maîtresses en titre dans les châteaux qu’ils leur ont offerts, François Ier chez la duchesse d’Étampes à Challuau près de Fontainebleau, Henri II à Anet chez Diane de Poitiers. L’absence d’un ordre prévisible qui fait gémir les diplomates et sourire les princes étrangers vient peutêtre aussi de la tension entre la nécessité de rassembler auprès du roi le maximum de parents, de grands seigneurs, de « capitaines et autres gens notables », comme le disaient les Remontrances d’Amboise et la succession rapide de deux cousins — Louis XII et François Ier —, entourés de réseaux de fidèles différents de ceux de leur prédécesseur. La longue attente du Dauphin Henri produit le même effet. Cela ne

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signifie pas que la cour se renouvelle à chaque règne : elle augmente en nombre de tous ceux — nobles, ecclésiastiques, juristes, financiers — qui viennent chercher grâces, charges et protections ou se croient assez puissants pour influer sur la volonté royale. Sa composition gagne en hétérogénéité, allant au-delà des sujets nés dans le royaume avec l’accueil des princes cadets d’autres maisons souveraines et les familiers que les reines ont amenés de leurs terres natales. Dans ce milieu mouvant, il existe une structure relativement stable parce que calquée sur les besoins immédiats du roi durant sa vie et jusque dans sa mort : sa Maison avec ses officiers et ses serviteurs de tous rangs, héritage de l’hôtel mis en place au XIIIe siècle. Que les officiers perdent en principe leur charge à la mort de leur maître permet l’intégration des fidèles des nouveaux rois. D’autant que chaque souverain a multiplié les charges en subdivisant les services : alors qu’au début de règne de Louis XI, ils n’atteignaient pas la centaine, de Charles VIII à François Ier, les effectifs passent de trois cent soixante-six à six cent vingt-deux, ce qu’aucun grand seigneur du royaume ne peut entretenir. Ils sont un millier sous le règne d’Henri II dont environ deux cents à exercer des charges nobles.7 Sous l’autorité du Grand maître, qui prête serment entre les mains du roi, détient les clés de toutes les résidences et décide d’une bonne partie des nominations, se répartissent les officiers responsables des différents services. Tout en gardant son prestige et son rang, le Grand chambellan perd la réalité de ses fonctions au profit du premier gentilhomme de la Chambre à partir de 1545 : assisté des gentilshommes ordinaires créés par François Ier et du maître de la

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Garde-robe, le premier gentilhomme pourvoit à la magnificence du roi, vêtements, joyaux et meubles, ainsi que l’argent des dépenses impromptues. La Chapelle, réorganisée par Charles VIII, François Ier et Henri II, veille aux exercices de piété quotidiens qui entretiennent les liens du Très Chrétien avec Dieu et à l’accomplissement de ses œuvres charitables et thaumaturgiques : elle comprend le Grand aumônier, le maître de la chapelle, le maître de l’oratoire, les confesseurs, les prédicateurs, les lecteurs et les musiciens. L’alimentation du roi est confiée au Grand maître d’hôtel et à sa suite, aux Grand échanson, Grand panetier, Grand écuyer tranchant. Le Grand écuyer fait entretenir chevaux de selle, de parade, animaux de trait et matériel de transport. Le Prévôt de l’hôtel a la difficile tâche de tenir prêts les logis. L’organisation des chasses revient au Grand fauconnier depuis Louis XII, et au Grand veneur depuis François Ier. Dans ses déplacements, comme dans ses résidences, le roi est protégé par la garde écossaise créée par Charles VII, à laquelle Louis XII a ajouté les compagnies d’archers, des Cent-Suisses et des Centgentilshommes de l’hôtel. La Chambre aux deniers tient le registre des emplois et assure le paiement des gages. Autant que les déplacements le permettent, les grands officiers de la Maison du roi font respecter un certain nombre de règles définies à la fin du XIVe siècle, montrant ainsi la supériorité de leur propre position : le roi mange seul, le Grand maître se tient derrière lui ; le roi s’éveille, le premier gentilhomme a dormi auprès de lui, il organise son habillement ; dans la journée, il garde un accès direct au souverain même lorsque celui-ci s’occupe d’affaires d’État avec ses conseillers. Ces grands officiers mettent en ordre le

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cortège qui entoure le roi lors de son accueil solennel par les villes. La Maison figure aux sacres, certains de ses membres accompagnent les rois dans leur agonie, s’occupent d’organiser les funérailles, tous sont présents à Saint-Denis où ils prennent un dernier repas. De par leur fonction, ils se trouvent à la fois dans la familiarité du roi et engagés dans des pratiques cérémonielles. Les Maisons des reines, organisées sur le même modèle, fonctionnent sans doute plus régulièrement. Elles échappent en partie à la mobilité : installées à Lyon ou à Grenoble, les reines attendent le retour des expéditions en Italie ; les fins de grossesse les retiennent à Amboise, Blois ou Moulins ; elles ne suivent pas le roi dans ses parties de chasse. Écartées en principe de l’exercice du pouvoir, elles trouvent dans leur Maison le moyen de maintenir la dignité acquise par leur mariage et démontrée lors de leur couronnement en même temps que la grandeur héritée de leurs ancêtres : dès 1492, Anne de Bretagne dispose de deux cent quarante-quatre officiers et serviteurs dont quarantesept femmes ; quatre ans plus tard, ce sont quatrevingts personnes supplémentaires, à peine moins que pour son époux. François Ier ne peut moins faire que d’en mettre près de quatre cents à la disposition de la sœur de Charles Quint, veuve d’un roi du Portugal. Toutes ces reines accueillent des serviteurs, des lettrés, voire, pour Catherine de Médicis, des financiers de leur pays d’origine.

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CONSTRUCTION ET CÉRÉMONIALISATION DE LA DISTANCE

Faisant à Charles Quint les honneurs de Fontainebleau en 1539, François Ier lui avait montré l’appartement récemment aménagé au rez-dechaussée de son nouveau château : une suite de trois salles de bains et de quatre petits salons, tout étincelants de stucs dorés, de fresques où il apparaissait en maître des Dieux poursuivant ses conquêtes amoureuses ; quelques chefs d’œuvre de ses collections y étaient exposés.8 Il y trouvait l’isolement et la tranquillité. Le reste de ses logements, à Fontainebleau aussi bien qu’à Saint-Germain et à Blois, offrait au contraire un accès facile suivant le principe de « la grande conglutination, lien et conjonction de vrai amour, naïve dévotion, cordiale concorde et intime affection » entre le roi de France et ses sujets qu’il avait lui-même vanté dans un édit de 15239 : un large escalier conduisait à la grande salle10 où, devant une foule composite que les archers contenaient plus ou moins, le roi prenait ses repas et donnait ses audiences ; sa chambre était ouverte aux grands seigneurs ; seuls la garde-robe et un cabinet constituaient ordinairement des espaces privés.11 Le changement d’attitude commence avec Henri II, ainsi que sa veuve le rappelait. Dès les premiers moments du règne, le nouveau roi décide de donner plus de grandeur aux funérailles de son père et plus d’éclat à son propre sacre. L’accomplissement de ces grandes cérémonies pose inévitablement la question de l’ordonnancement des participants. Tel avait été l’objet des Estats de France rédigés pour Charles V et

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sans doute responsables de l’enthousiasme de Christine de Pisan devant « l’orné maintien d’un si bel ordre » qui entourait le roi lors de ses chevauchées. Le texte des Estats de France avait disparu, la mémoire en avait subsisté, passant par la cour de Bourgogne pour inspirer celle d’Angleterre à la fin du XVe siècle, puis celles des Habsbourg 12: Ferdinand Ier avait donné un premier règlement en 1527, un deuxième en 153713 ; en 1548, Charles Quint organise la Maison de Philippe, son héritier. Henri II exprime une préoccupation identique au même moment : l’année qui suit son avènement, il donne commission au greffier du Parlement, Jean du Tillet, d’entreprendre des recherches documentaires sur les pratiques de ses prédécesseurs « pour éviter la confusion que l’on voit souvent arriver en tous lieux où lesdits Rangs et séances se doivent tenir ».14 En attendant les résultats de ces travaux et conscient du savoir-faire accumulé par les membres de sa Maison, il décide que désormais ce personnel ne se séparera plus à la mort de chaque roi. La volonté de mise en ordre oblige à trouver de nouvelles dispositions spatiales. Les séjours à Paris sont devenus de plus en plus fréquents : à partir de 1522, la municipalité a accepté de se porter garante d’une partie des emprunts du roi15 ; François Ier a eu à plusieurs reprises besoin de recourir au Parlement dans des situations difficiles. Autour des années 1540, les zones de guerre s’éloignent de l’Italie pour remonter vers l’Est et le Nord du royaume. La création par Henri II de quatre secrétaires d’État chargés d’expédier ses ordres dans les provinces facilite la tendance à la sédentarisation du pouvoir royal. Mais à Paris, en dehors du petit palais des Tournelles, il n’existe que la forteresse du Louvre, commencée sous Philippe-

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Auguste, agrandie par Charles V, délabrée et sinistre malgré les aménagements entrepris par Louis XII16. Construire un nouveau palais ne peut se faire qu’au prix de la destruction compliquée de la forteresse. Le donjon est démoli en 1528, François Ier confie à Pierre Lescot un projet plus vaste qu’Henri II et Charles IX font réaliser : un premier bâtiment entame la façade ouest. Le Louvre devient la résidence officielle des rois de France en 1566. Ici commence à s’opérer la gradation des espaces sur un modèle utilisé pour Henry VIII à Hampton Court, ainsi que dans les palais des cardinaux romains. Au rez-de-chaussée, la salle des Cariatides peut accueillir les bals ; un large escalier conduit à une grande salle, mais seules les personnes de marque accèdent à l’antichambre sous le contrôle des huissiers, le roi y prend ses repas ; vient la chambre d’apparat, où les seigneurs invités assistent à la vêture et sont admis à converser avec le roi ; alors commence l’espace privé, la chambre où le roi dort, la garde-robe et le cabinet où il règle des affaires avec qui il veut, sans témoin. Le pavillon des poêles à Fontainebleau est construit sur le même mode. Après la mort d’Henri II, Catherine de Médicis dans le nouveau palais des Tuileries, comme Charles IX et Henri III à mesure que les travaux progressent aux dépens de la partie sud du vieux Louvre, raffinent sur le parcours qui conduit à leur personne : les salles intermédiaires se succèdent comme autant d’obstacles potentiels tandis que les cabinets se multiplient au premier puis au second étage. On prendra la mesure de cette nécessité si l’on sait qu’en 1560, au début des troubles, Louis de Condé était arrivé à la cour entouré de cinq cents fidèles et Anne de Montmorency de huit cents : la Maison du roi comptait alors un millier de membres.

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L’âpreté des rivalités entre les grands lignages, la violence des luttes religieuses qui ensanglantent jusqu’au palais du Louvre conduisent les fils d’Henri II, avec ou sans les conseils de leur mère, à définir un ordre dont ils tentent d’être le maître. Cette recherche est d’autant plus nécessaire que la décision d’Henri II de pérenniser les offices de la Maison du roi a entraîné leur patrimonialisation : ainsi à la mort de François de Guise en 1563, sa charge de Grand maître est passée à Henri, l’aîné de ses fils, et celle de Grand chambellan au puîné, Charles, duc de Mayenne ; ils sont encore en place sous Henri III. Début janvier 1585, alors que les Guise viennent d’appeler les catholiques à se regrouper dans une Ligue, Henri III réduit leur rôle à la cour. Il édicte un ensemble de règlements, en fait distribuer un exemplaire imprimé à chaque courtisan et crée la charge de Grand maître des cérémonies pour en assurer l’exécution.17 Henri III précise ce qu’il attend du nouvel officier : Comme pour le singulier désir que nous avons que toutes choses soient conduites en notre Cour avec l’ordre requis pour y faire reconnaître la dignité et splendeur convenables à notre Royale Grandeur, nous ayons fait plusieurs beaux règlements, pour l’exécution desquels nous avons par exprès voulu et ordonné que le sieur de Rhodes, Guillaume Pot, Prévôt et Maître des Cérémonies de nos deux Ordres, soit ordinairement, ou le plus souvent qu’il pourra à notre suite, afin de faire accomplir ce qui dépendra de sa charge selon nos intentions…18

Résumant près de quarante années de recherches commencées sous le règne de son père et jalonnées par les règlements édictés par son frère Charles IX en 1567 et en 1572, puis par lui-même en 1578,

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Henri III définit l’ordre imposé à son entourage comme le moyen de rendre visible, donc incontestable, sa « Royale Grandeur », sa souveraineté. Une partie de cet ordre joue sur l’espace, l’autre sur le temps. Autour du roi, il y a d’abord le vide, nul ne doit l’approcher qu’il n’y ait été invité. Suivant « le département [répartition] des heures »19, le roi oblige tous ceux qui, possédant un titre ou une charge, sont présents au palais à l’accompagner dans toutes ses actions suivant un ordonnancement dont il est le principe directeur : au plus proche, ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. Cette mise en espace n’est pas nouvelle : on la trouve dans toutes les grandes cérémonies, comme Jean du Tillet en avait rassemblé les preuves dans sa collection de procès-verbaux qui a commencé à circuler sous forme manuscrite en 1566.20 La nouveauté consiste à l’introduire à l’intérieur du palais et à la lier à l’activité quotidienne du souverain. Henri III utilise ainsi ce qu’il a pu voir lorsqu’il a été accueilli par l’empereur à Vienne après sa fuite de Pologne ou ce qu’il a appris des ambassadeurs à propos du cérémonial qui entoure aussi bien Philippe II que la reine Elizabeth.21 Le matin à 5 heures, le prévôt de l’hôtel ouvre les portes du Louvre et en contrôle l’accès avec sa compagnie de quatre-vingts archers. Seuls les membres de la famille royale, le cardinal de Lorraine et le chancelier peuvent entrer en voiture dans la cour. Tandis que le roi est supposé dormir encore, les huissiers prennent position dans les différentes salles : ceux qui n’ont pas de qualité particulière — « toutes sortes de gens » —, sont admis dans la grande salle, à condition qu’ils aient bonne « apparence » ; les maîtres d’hôtel et les gentilshommes de la Maison du roi, des écuyers et les officiers inférieurs des différentes compagnies de

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garde attendent dans l’antichambre ; le reste de la Maison, les artisans attachés à l’habillement et aux meubles du roi, les officiers des régiments de cavalerie et de pied, les prélats et abbés de second rang, les gouverneurs de province qui ne sont pas princes, les membres les moins importants du Conseil attendent dans la chambre d’État ; enfin, ceux qui sont attachés au service personnel du roi — deux gentilshommes de la Maison portant sa cape et son épée, des gentilshommes de sa chambre, son premier médecin, ses nains, ses musiciens —, ainsi que ceux qui occupent les premières dignités et les plus grands offices attendent dans la salle d’audience. La chambre royale reste vide : le lit d’apparat y est entouré de barrières, et nul ne doit y porter la main. Qu’il ait dormi chez la reine ou dans son cabinet, le roi s’installe en ce dernier lieu pour y être préparé par ses valets et barbiers sous la direction du maître de la Garde-robe, le duc de Joyeuse ; auprès de lui, son autre favori, le duc d’Épernon, premier gentilhomme de la Chambre. Lorsqu’il fait annoncer qu’il est éveillé, le groupe des personnages les plus importants s’avance dans la chambre royale, entraînant le rapprochement du groupe suivant qui pénètre dans la chambre d’audience. Après les prières, la collation et le règlement de quelques affaires avec des conseillers qu’il a fait appeler, le roi fait son entrée dans la chambre royale où le deuxième groupe rejoint le premier ; le roi prend sa cape et son épée. Alors se forme le cortège qui l’accompagne lorsqu’il traverse le palais pour aller entendre la messe. Il marche, précédé des gentilshommes de la Chambre qui l’attendaient dans l’antichambre et de deux maîtres des requêtes qui prennent les demandes de grâces au passage pour lui

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éviter d’être importuné. Après la messe, il revient vers ses appartements entouré du même cortège. Le dîner — notre déjeuner —, est servi dans l’antichambre : la serviette pour les mains lui est présentée par le Grand maître, et en son absence par les ducs de Joyeuse ou d’Épernon ; protégé par une barrière, le roi mange seul, ou avec ses deux favoris placés au bas bout de la table. Des hommes d’armes montent la garde autour de lui, des gentilshommes de sa Maison, des grands seigneurs et des conseillers peuvent lui parler mais à haute voix, sur des sujets généraux et « dignes de Sa Majesté » ; quelques lettrés peuvent être invités à relever le ton de ces conversations. Audelà de la barrière, le reste des courtisans suit les différentes phases du service : l’arrivée des plats requiert neuf personnes dont quatre archers, sans compter les pages. Suivant les jours de la semaine, les chantres de la chapelle ou les violons agrémentent le repas. Dans l’heure qui suit, le roi reçoit, soit en restant dans l’antichambre soit en s’installant dans la salle d’audience. Il revient ensuite à son cabinet, suivi du cortège recomposé qui s’arrête à sa chambre. Là, les membres des deux premiers groupes attendent, les autres se dispersent. Parmi ceux qui sont restés dans la chambre, le roi fait appeler les trente-trois personnes avec lesquels il tient son Conseil. Vers 14 heures, lorsqu’il va rendre visite à la reine mère, les deux premiers groupes se forment en cortège. Quelques heures de l’après-midi sont consacrées aux délassements physiques. Ensuite, le « département des heures » se déroule à l’inverse de celui du matin, avec quelques variantes, mais en gardant le même accompagnement hiérarchisé : le roi se rend à la chapelle pour les Vêpres, il soupe à 18 heures, quatre fois par semaine avec la

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reine mère ; les divertissements ont lieu jusque 20 heures. Lorsque le roi se prépare pour la nuit, il s’arrête d’abord à la chambre d’État : en présence des plus hauts dignitaires, ceux du premier groupe, il ôte sa cape et son épée et prend son manteau de nuit des mains du Grand chambellan ou des gentilshommes de la Chambre. Il se rend directement dans son cabinet avec quelques conseillers pour les dernières décisions ; les membres du premier groupe pénètrent dans la chambre royale. Lorsqu’il revient à la chambre royale, les membres du deuxième groupe y sont admis : devant cette assistance, le roi est déchaussé, une collation lui est servie tandis que des musiciens exécutent ses airs préférés. Il se retire enfin dans son cabinet accompagné de ses deux favoris dont l’un porte un bougeoir. Telle est du moins la « façon » dont Henri III entendait « être honoré, accompagné et servi ». Quelques témoignages indiquent que la répartition des différents groupes dans les différentes pièces a été respectée à l’occasion des réceptions diplomatiques. Mais en ces temps de guerres civiles, le roi qui avait beaucoup combattu dans sa jeunesse et était encore capable de se battre, savait que la distance cérémonielle ne suffisait pas à le protéger. En 1578, il avait créé l’office de Grand Prévôt de France, chargé de faire régner l’ordre dans un rayon de dix lieues autour de sa personne avec l’aide d’officiers et de soixantedix-huit archers. Le prévôt de l’hôtel avait reçu une compagnie de quatre-vingts archers pour garder les portes du palais ; douze compagnies de Gardes françaises résidaient dans les faubourgs de Paris, mobilisables à tout instant. Lors de ses déplacements, le roi était précédé des Cent-Suisses, entouré de cinquante hommes pris dans les deux compagnies des Cent-

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gentilshommes auxquels s’ajoutaient des hommes venus des quatre nouvelles compagnies de gardes du corps. L’ensemble atteignait deux mille six cent cinquante hommes en 1579. Au moment même où il rédigeait les règlements publiés en janvier 1585, une partie des Cent-Gentilshommes était passée à la Ligue et Henri III confiait sa sécurité à une garde de quarante-cinq gentilshommes de petite noblesse provinciale qui lui étaient tout dévoués et dormaient dans la chambre royale. Ce qui ne l’a défendu ni de l’insurrection de Paris en mai 1588 ni de son assassin en août 1589. Dans les soixante-dix années qui suivent, les principes énoncés par Henri III ne sont respectés que par intermittence : les guerres civiles et étrangères imposent aux rois une grande mobilité, les complots et les soulèvements aristocratiques compromettent l’exécution du cérémonial quotidien.

UNITÉ DE LIEU, UNITÉ D’ACTION : LOUIS XIV À VERSAILLES

Votre Majesté retourne de Versailles. Je la supplie de me permettre de lui dire deux mots de réflexion que je fais souvent et qu’elle pardonnera, s’il lui plaît, à mon zèle. Cette maison regarde bien davantage le plaisir et le divertissement de Votre Majesté que sa gloire […] je croirais prévariquer à la fidélité que je lui dois si je ne lui disais qu’il est bien juste qu’après une si grande et forte application qu’elle donne aux affaires de son État avec l’admiration de tout le monde, elle donne quelque chose à ses plaisirs et à ses divertissements, mais qu’il

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faut bien prendre garde qu’ils ne préjudicient à sa gloire.22

Jean-Baptiste Colbert fait partie du personnel que Louis XIV a gardé près de lui lors de la réorganisation qui a suivi la mort de Mazarin en mars 1661. Nommé au Conseil des finances créé après la disgrâce du surintendant Fouquet, Colbert a su trouver les ressources nécessaires aux dépenses du roi. Depuis janvier 1664, il est surintendant des bâtiments. Dans cette lettre de septembre 1665, il peut reprendre à son compte le jugement de « tout le monde » sur « l’application » du roi « aux affaires de son État » : il en est l’un des heureux instruments. Lorsqu’il fait des « plaisirs et divertissements » la contrepartie inévitable de cette « application », ce petit-fils de marchands drapiers d’Amiens joue sur l’opposition banale de l’otium (loisir) et du negotium (activité). Il se peut aussi qu’outrepassant la distance qui les sépare, il tente de montrer l’indulgence protectrice d’un homme mûr — il a quarante-six ans, vis‑àvis d’un roi jeune — vingt-huit ans — qui doit dépenser le trop-plein de ses forces à la chasse, à la danse et dans une activité sexuelle productrice, en quatre ans, de trois enfants légitimes et d’un bâtard que Mme Colbert a été chargée de confier à une nourrice. Mais il sait qu’il ne peut être entendu de son maître qu’à condition de lui parler le langage de la gloire, ce rayonnement d’origine divine qui entoure la majesté et la rend plus durable : c’est le rayonnement des héros combattants, son grand-père et son père. Leurs victoires sur les ennemis intérieurs et extérieurs ont été autant de signes de la protection de Dieu qu’ils avaient su mériter par leur force intérieure :

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Roi de France Votre Majesté sait qu’au défaut des actions éclatantes de la guerre, rien ne marque davantage la grandeur et l’esprit des princes que les bâtiments ; et toute la postérité les mesure de l’aune de ces superbes maisons qu’ils ont élevées dans leur vie. Ô quelle pitié, que le plus grand roi et le plus vertueux, de la véritable vertu qui fait les plus grands princes, fut mesuré à l’aune de Versailles ! Et toutefois, il y a lieu de craindre ce malheur.23

Colbert n’a garde d’oublier que la magnificence fait partie des devoirs d’un roi et contribue à sa gloire tout autant que la guerre, mais il n’imagine pas un instant qu’elle puisse se développer dans l’éclat éphémère des carrousels, des ballets et des feux d’artifice. En février 1663, il a chargé quelques académiciens — la Petite Académie — de rechercher tous les moyens propres à rendre mémorables les actions du roi. En septembre 1665, le bâtiment qui arrache à Colbert les accents pathétiques d’un prophète est la « maison des champs » construite par Louis XIII au bord d’un terrain de chasse de soixante-dix hectares.24 L’équipe, menée par l’architecte Le Vau et le paysagiste Le Nôtre et qui avait fait merveille au château de Vaux, y a été envoyée dès le lendemain de l’arrestation de Fouquet. Les appartements ont reçu une nouvelle décoration, un parc arboré commence d’être aménagé, des communs ont été ajoutés : Versailles a déjà accueilli le roi et sa cour une première fois en septembre 1663 et pour les Plaisirs de l’Île Enchantée en mai 1664. Mais Colbert est à ce point persuadé que rien de grand ne peut être réalisé dans ce lieu qu’il regrette de ne pas avoir noyé les 500 000 écus (1 500 000 livres) déjà dépensés dans le flot des ordonnances au comptant qui assurent les

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dépenses du roi sans en indiquer la destination, « afin d’en ôter la connaissance ». Versailles, une misérable passade, devrait rester dans l’obscurité. […] pendant qu’elle a dépensé de si grandes sommes en cette maison, elle a négligé le Louvre, qui est assurément le plus superbe palais qu’il y ait au monde et le plus digne de la grandeur de Votre Majesté… Et Dieu veuille que tant d’occasions qui le peuvent nécessiter d’entrer dans quelques grandes guerres, en lui ôtant les moyens d’achever ce superbe bâtiment, ne lui donnent pour longtemps le déplaisir d’en avoir perdu le temps et l’occasion.25

En quoi Louis XIV peut-il considérer que le Louvre est un cadre insuffisant au déploiement de sa gloire ? Les travaux repris par Henri IV et par Louis XIII sont en train de venir à bout de l’ancienne forteresse. Pendant qu’ils s’achèvent, le roi peut séjourner aux Tuileries : entièrement réaménagées par Le Vau, elles sont liées au palais principal par une galerie le long de la Seine qui doit être doublée au nord. Quant au grand quadrilatère imaginé par Henri IV, il n’attend plus que la façade monumentale qui, à l’est, doit se tourner vers la ville. Là est la difficulté : quelle que soit la solution retenue pour la colonnade, la ville n’offre pas au palais du Louvre le cadre qui convient à la grandeur du roi. La question est politique : les Mémoires de Louis XIV et les décorations de Versailles montrent bien que les humiliations de la Fronde n’ont jamais été oubliées ; au-delà, chaque année, une procession oblige les autorités municipales à célébrer la soumission de la ville à Henri IV en mars 1594. La question est aussi spatiale : la distance nécessaire à l’expression de la majesté ne trouve pas à se déployer dans Paris. À l’ouest, un premier jardin

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n’atteint pas le demi-hectare, une zone de taillis encore indécise couvre ensuite dix-sept hectares : les Parisiens se permettent d’y chasser quand le roi est absent de la capitale.26 Dans leur ensemble, les bâtiments sont enserrés dans un enchevêtrement bien trop dense, qu’il s’agisse des palais des grands seigneurs ou des maisons construites sur des terrains relevant de seigneuries ecclésiastiques. Aucun recul ne permet d’apprécier la monumentalité de la façade orientale et de mettre l’ensemble en valeur. Après des séjours de plus en plus fréquents à Versailles, Louis XIV annonce en 1678 sa volonté de s’y installer avec sa famille, sa cour et son gouvernement alors que s’achève la deuxième guerre de son règne personnel. Quatre années sont encore nécessaires pour achever le plus gros des travaux : pendant ces années, le roi réorganise sa Maison et publie un nouveau règlement de cour. Rien de ce qu’il ordonne ne diffère fondamentalement de ce qu’Henri III avait prévu. Mais cette fois, le cérémonial quotidien a trouvé le cadre qui convient à son épanouissement. À cinq lieues de Paris, l’espace est vaste, constitué de seigneuries achetées pour l’essentiel de 1632 à 1692 : 15 000 hectares d’un seul tenant jusque Marly, trois fois plus qu’à Chambord, près de mille fois plus qu’aux Tuileries. C’est en tant que seigneur que le roi a ordonné la destruction des villages de Trianon (1668), de Versailles (1673), de Choisy (168385). C’est en tant que maître absolu qu’il choisit entre les solutions architecturales proposées par l’équipe Le Vau-d’Orbay-Le Nôtre, puis par celle de Mansart, revenant au besoin sur ses décisions lorsque la réalisation ne correspond pas à ce qu’il avait imaginé ou que son désir a changé. Quant aux décorations intérieures, elles sont proposées par le peintre Le Brun

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dans l’esprit de la Petite Académie. Colbert, trop conscient de ne devoir son existence sociale et celle de sa famille qu’à l’exactitude de son obéissance, surveille la marche des travaux et fournit les fonds qui permettent de faire travailler jusque 36 000 hommes sur les chantiers. Après sa mort (1683), Louvois, qui détient déjà le secrétariat d’État à la Guerre, continue la surveillance et puise dans les effectifs des armées pour faire compléter le système d’adduction d’eau. Rien n’a donc pu entraver le remodelage de la large vallée semée d’étangs et de buttes suivant les directions imaginées par Le Nôtre le long d’un axe qui passe par le milieu du pavillon de chasse de Louis XIII : à l’est, sur un plan doucement incliné, trois larges avenues convergent vers la place d’armes qui protège l’entrée du château ; à l’ouest, s’étage une série de terrasses, de jardins, de bassins et de grandes pièces d’eau que les plantations systématiques d’arbres entourent, forêts vite pourvues de gibier. D’un côté comme de l’autre le long du grand axe, aucun obstacle ne s’oppose aux regards attirés de loin par la demeure royale isolée sur une éminence, sorte de point de fuite vers l’infini qui révèle ses richesses à mesure que l’on approche. À cette maîtrise de l’espace extérieur, répond une utilisation variable des bâtiments successivement construits jusqu’à la stabilisation qui suit la mort de la reine en 1683.27 Le premier étage de l’ancien pavillon de chasse abrite les moments de la vie du roi où il ne peut être vu que par des personnes choisies. Sur la façade orientale habillée de marbre rose, la chambre du roi est précédée, sur le côté gauche, des deux antichambres où s’effectue le service du repas du soir — le Grand couvert —, et d’une salle des gardes autour de laquelle se répartissent les quatre petites

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pièces dévolues à Mme de Maintenon. De l’autre côté, la chambre du roi est suivie d’une série de cabinets qui se continuent sur le côté droit ; les uns servent aux entretiens particuliers, aux différents conseils, à la garde-robe, les autres aux loisirs privés. La vaste pièce qui se trouve au milieu, et qui est devenue en 1701 la chambre du roi, ouvre sur la Grande galerie. Ici commencent les constructions qui enveloppent le pavillon initial et regardent vers les jardins : à l’exception des quatre salles qui, sur la façade sud, composent les appartements de la reine attribués après sa mort à la Dauphine, le reste — la Galerie et les salons qui s’échelonnent sur le côté nord et prennent le nom de Grand appartement — constitue la zone où courtisans et visiteurs peuvent circuler sans autre contrainte que la bonne tenue. Tous peuvent voir le roi, qu’il se rende à la messe tous les matins ou donne des divertissements trois soirées par semaine ; en retour, le roi peut reconnaître des visages, apprécier la déférence de chacun. Cette zone est la partie la plus somptueuse du château avec ses marbres, ses ornements de bronze dorés qui tapissent les murs, les 350 miroirs de la Galerie qui renvoient la lumière et les dessins des jardins, les lustres et les girandoles de cristal. Même occupé ailleurs par d’autres tâches ou d’autres loisirs, le roi reste présent dans les peintures : il faut le deviner dans les actions des dieux et des héros antiques du Grand Appartement, mais il est bien reconnaissable, prêt pour l’immortalité avec sa perruque et sa cuirasse d’empereur romain, sur la voûte de la Galerie — 76 mètres sur 16, où médaillons et tableaux exposent ses actions. De la même manière, lorsqu’ils gravissent les degrés de l’escalier monumental qui a fini par recevoir leur nom, les ambassadeurs sont accueillis par le buste du roi entouré de

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panneaux où les peuples des quatre parties du monde admirent ses récents triomphes guerriers.28 Si l’on se souvient du Carrousel de 1662 et des hommages qui en marquaient le début, on peut apprécier les métamorphoses de la magnificence royale : d’un mode de vie aux manifestations changeantes, la magnificence s’est concentrée, solidifiée, en un cadre digne de l’exercice du pouvoir absolu. De chaque côté du corps central, se greffent des ailes perpendiculaires : les trois cent cinquante logements des membres de la famille royale et des courtisans s’y répartissent. En avant de cet ensemble, du côté de l’entrée du palais, les pavillons abritant logements et bureaux des secrétaires d’État témoignent de l’importance enfin reconnue à leurs fonctions. En continuant vers ce que les plans géométriques dessinent peu à peu comme une ville nouvelle, les services sont assurés par les Communs et par les Écuries. Ayant ainsi réuni autour de lui tous ceux qui lui sont liés par le sang, le service ou la faveur, Louis XIV doit maîtriser une population qui, en période de paix, peut atteindre jusqu’à 10 000 personnes en comptant serviteurs et gens de métier, et garder le temps nécessaire à l’accomplissement de ce qui lui importe vraiment, l’affirmation de sa primauté politique et militaire sur tous les souverains d’Europe. La plus grande partie de cette population est tenue par un office à remplir : ce sont les membres de la Maison civile du roi, de son épouse tant qu’elle a vécu, de son frère et de sa belle-sœur, ainsi que de sa Maison militaire ; à quoi il faut ajouter le personnel attaché au gouvernement du royaume.29 À cette population fixe, des visiteurs viennent se joindre, en quête de grâces, de protection, voire d’émerveillement. L’ordre que le roi impose à ce vaste ensemble tient d’abord

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au strict respect des « heures », emploi du temps immuable au long des trente dernières années du règne, où les seules variables portent sur le choix entre la chasse et la promenade de l’après-midi et sur les événements dynastiques en partie imprévisibles. À chaque moment, chacun sait ce qu’il doit faire en fonction de ce que le roi fait lui-même. Les mouvements des gardes, les annonces solennelles des huissiers, les coups frappés par la canne du Grand maître des cérémonies sont là pour marquer les grandes articulations du temps. Henri III avait mis au point un système qui obligeait les membres de sa cour à l’accompagner tout au long de la journée, la lucidité de Louis XIV lui permet de raffiner sur les détails : Nulle récompense ne coûte moins à nos peuples, et nulle ne touche plus les cœurs bien faits que ces distinctions de rang, qui sont presque le premier motif de toutes les actions humaines, mais surtout des plus nobles et des plus grandes ; c’est d’ailleurs un des plus visibles effets de notre puissance, que de donner quand il nous plaît un prix infini à ce qui en soi-même n’est rien […] ; il est à propos, non seulement d’en user de celles que nos pères ont introduites, quand nous le pouvons, mais même d’en inventer de nouvelles, pourvu que ce soit avec dignité, comme vous verrez d’ailleurs que j’ai tâché de vous en montrer l’exemple.30

Bien que ces remarques adressées au Dauphin concernent la nomination de nouveaux chevaliers du Saint-Esprit pour l’année 1661, l’essentiel de ces « riens » est bien plus immatériel : il joue sur la distance au roi au moment du lever, indicateur reconnu de la position de chacun à la cour. Là où Henri III avait imaginé trois groupes en plus de ses quelques

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familiers, Louis XIV en distingue cinq, utilisant la série des soins à sa personne pour marquer les degrés des faveurs qu’il accorde. Les « grandes entrées », données parfois en récompense à quelques valeureux guerriers, permettent d’assister au moment où valets et officiers de la Chambre aident le roi à sortir de son lit. Les plus proches parmi les grands seigneurs reçoivent les « secondes entrées » : ils sont présents lorsque le roi passe sur sa chaise percée. Avec les « entrées de la chambre », une centaine de hauts personnages du royaume et d’ambassadeurs se pressent pour apercevoir le roi en train de prendre ses vêtements — la fameuse chemise — et de prier. Puis le roi se retire avec ceux qui possèdent les « entrées de cabinet » : il prend les premières décisions de la journée. Enfin, il garde auprès de lui ceux dont il accepte la proximité de façon permanente, premiers valets, descendants légitimes et légitimés, collaborateurs préférés : ceux là possèdent le droit d’accéder « par les derrières », sans passer par les antichambres. Le service des repas reprend les distinctions voulues par Henri III à quelques variantes près. Derrière le roi, uniquement des officiers de sa Maison ; à sa table, au dîner, son frère ou la reine tant qu’elle a vécu, au souper, les enfants de France. En face du roi, au dîner, les hommes de sa famille et quelques courtisans, tous debout ; au souper, les princesses et duchesses assises sur des pliants, les grands seigneurs debout. Au plus titré revient l’honneur de présenter en fin de repas la serviette humide avec laquelle le roi se nettoie les mains. Les logements sont attribués en fonction du sang, du rang et de la faveur. Viennent enfin des grâces pour la plupart temporaires : accompagner le roi à la chasse, pour les dames accéder aux différents carrosses, être

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invité dans les résidences annexes, tenir le bougeoir au moment du coucher. Le respect des distinctions ainsi accordées est assuré par le roi lui-même, par le personnel de sa Maison où les charges s’héritent tandis que les archives s’accumulent. Et par l’intérêt des bénéficiaires.

DU RETRAIT ET DE LA FAMILIARITÉ

On connaît l’ordre donné par Louis XIV à la Dauphine chagrinée par un deuil, affaiblie par les maternités : « Madame, je veux qu’il y ait appartement et que vous y dansiez. Nous ne sommes point des particuliers, nous nous devons tout entiers au public. » Une médaille, gravée en 1685, avait ainsi célébré l’achèvement du Grand Appartement : « Comitas et Magnificentia — Pro Hilaritate Publicae Aperta Regia » [Familiarité et Magnificence — Le Palais du roi ouvert à la Réjouissance Publique].31 Il y a quelque difficulté à penser ensemble ce public et cette familiarité. Le « public » désigne ici l’ensemble des courtisans, témoins de la grâce que le roi leur fait de sa présence ou des grâces spécifiques qu’il accorde ou s’apprête à accorder. Mme de Sévigné, apprenant de son château des Rochers les progrès des amours du roi et de Mme de Maintenon, avait préféré à ce mot polyvalent une expression hyperbolique : « Cette dame de Maintenon ou de Maintenant passe tous les soirs depuis huit heures jusqu’à dix avec Sa Majesté. M. de Chamarande la mène et la ramène à la face de l’univers. »32 Lors des soirées dites d’appartement, et malgré la formule de la médaille, le « public » n’a

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que l’illusion de la familiarité, comme Louis XIV l’avait expliqué à propos du carrousel de 1662 : de la musique et des collations sont offertes, le roi circule autour des tables où l’on joue grand jeu sans souci des préséances. Le jeu est une pratique courante des soirées princières et nobles : un siècle plus tard, l’impératrice Marie-Thérèse le recommande encore à ses enfants comme le moyen infaillible d’échapper à la pression de toutes ces personnes « qui cherchent à vous éplucher ».33 Mais s’il y a danse, le respect des rangs reprend ses droits : Marie-Anne-Victoire de Bavière doit y prendre part parce qu’elle est Dauphine, et que la reine étant morte, elle occupe la première place du côté des femmes. Au demeurant, Louis XIV reste très avare de ses moyens d’expression : entre Henri IV et Louis XIII, la parole brève, puis le visage impénétrable et le silence sont devenus des attributs de la domination des rois de France comme ils l’étaient chez les Habsbourg de Madrid depuis Philippe II. Avec l’accumulation des guerres et des années, Louis XIV en vient à déserter ces soirées et leur public pour travailler avec un ministre dans la chambre de Mme de Maintenon, épousée secrètement peu de temps après la mort de la reine. La familiarité dont les courtisans rêvent est celle qui leur permettrait d’accéder directement au roi, à « son oreille ». Les rois eux-mêmes en ont besoin, ils l’ont régulièrement marqué en créant des espaces réservés à l’intérieur de leur palais, voire des lieux particuliers : comme François Ier, Louis XIV a fait installer un appartement des bains au rez-de-chaussée du corps central du château de Versailles34 ; parallèlement à la construction principale, il a fait édifier de petites résidences, Trianon, Noisy et surtout Marly, qui sont comme les répliques des anciennes

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« maisons des champs » où les Valois échappaient à leur cour. Cependant, où qu’il soit, le roi ne peut se départir de son pouvoir, et la question se pose toujours de savoir qui il peut admettre auprès de lui sans trop de risque. Parmi ces proches, sans doute faut-il distinguer d’un côté les maîtresses et de l’autre, ceux que de nombreux mots essaient de cerner : « compagnons », « familiers », « amis », « mignons », « favoris », tous des hommes. Sans s’attarder à ce que Catherine de Médicis appelait avec un contentement de mère « la chasse au palais », on ne retiendra que les liaisons amoureuses durables pour autant que les indications éparses dans les biographies permettent d’en dégager des traits significatifs.35 Ces liaisons correspondent au modèle commun à la noblesse qui, dans sa version idéale, reconnaît à l’épouse consacrée la double dignité du lignage dont elle est issue et de celui dont elle assure la continuation tandis qu’il voit dans la maîtresse l’instrument d’une fusion des corps fondée sur l’affinité des âmes. Les maîtresses ont été choisies, elles sont de bonne maison, elles partagent avec les rois la connaissance des grandes familles et des usages de la cour, elles ne rencontrent pas les difficultés d’adaptation des reines venues d’ailleurs, elles sont accessibles en dehors du cérémonial, elles ne sont pas soumises à l’obligation des grossesses. Pourvues d’un petit office dans la Maison de la reine ou auprès des enfants de France, elles ont d’autres moyens de sortir du domaine privé où les tient le plaisir du roi : avec leur beauté, leurs manières et leur intelligence, elles participent de sa magnificence. Il arrive d’ailleurs que les rois leur confient des bijoux de la Couronne. Avec les fiefs d’honneur qui leur sont

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attribués, elles prennent rang parmi les plus grandes dames nobles. Pour Anne de Pisseleu, devenue duchesse d’Étampes, François Ier a fait construire un appartement à Fontainebleau. Il a chargé le Primatice de peindre dans la chambre les triomphes d’Alexandre.36 Plus qu’Anne de Montmorency, Grand maître de la Maison du roi, et assurément plus que la reine Éléonore, elle met au point les grands divertissements de la cour. De Diane de Poitiers, Henri II a porté les couleurs dans les entrées aussi bien que dans les tournois. Il a séjourné avec la cour au château d’Anet, leurs chiffres enlacés ont orné bien des logis royaux. Au sacre de la reine, elle a pris place parmi les princesses du sang. L’une comme l’autre ont été tentées d’influer sur les décisions royales. Pour favoriser leur propre famille par des charges et des alliances comme n’importe quel courtisan distingué aurait tenté de le faire, mais aussi pour écarter ceux qui pourraient affaiblir la puissance de leur amant. C’est ainsi qu’Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers se sont affrontées au début des années 1540, lorsque le Dauphin critiquait les tractations de son père avec l’empereur. Il est cependant difficile de dépasser les rapports contradictoires des ambassadeurs et de dire si ces maîtresses ont joué un rôle actif dans les choix diplomatiques. En tant que femmes, elles ne pouvaient prétendre à aucune autre charge que domestique ni disposer d’un réseau d’agents qui soutiendraient leurs vues auprès des autres souverains.37 Mais elles ont apporté leur soutien à l’une ou l’autre des factions regroupées autour des grandes familles, en l’occurrence, Montmorency ou Guise. Cette position subalterne des maîtresses royales s’accentue encore du temps d’Henri IV et des premières liaisons de Louis XIV.

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Mes belles amours, Deux heures après l’arrivée de ce porteur, vous verrez un cavalier qui vous aime fort, que l’on appelle Roi de France et de Navarre, titre certainement honorable, mais bien pénible. Celui de votre sujet est bien plus délicieux. Tous trois ensemble sont bons, à quelle que sauce qu’on les puisse mettre, et n’ai résolu de les céder à personne […].38

En septembre 1594, Henri IV prévient Gabrielle d’Estrées de son arrivée imminente auprès d’elle. Amoureux, il accepte avec « délice » sa dépendance, d’autant plus attaché à sa maîtresse qu’elle vient de lui donner son premier fils. Mais il n’abandonne rien de la supériorité des titres qu’il a hérités, même s’il doit encore se battre et manœuvrer pour faire respecter le plus grand. Cinq ans plus tard, pressé d’enraciner son pouvoir grâce aux deux fils qu’il a légitimés, il prépare son union avec Gabrielle, malgré les avis de ses conseillers et l’opposition pontificale à l’annulation de son premier mariage. Nul ne peut dire ce qui serait advenu si la mort n’avait emporté la jeune femme à son quatrième accouchement. Ni Mlle de La Vallière ni Mme de Montespan n’ont été autre chose que de jolis objets, prétextes ou instruments de la magnificence royale, capables qui plus est de produire la quantité d’enfants vivants qui manquait au couple royal. « Que la beauté qui fait nos plaisirs n’ait jamais la liberté de nous parler de nos affaires, ni des gens qui nous y servent »39 : ces principes rigoureux que Louis XIV voulait inculquer au Dauphin dans les années de ses amours avec la belle Athénaïs, il les a mis à l’épreuve lorsqu’après la mort de la reine, il a fait consacrer par l’Église sa liaison

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avec Mme de Maintenon. Certes, elle était bien trop fine pour quitter le livre ou l’ouvrage qui l’occupait d’un côté de la cheminée de sa chambre tandis que le roi travaillait de l’autre côté avec un ministre. Rien ne prouve qu’elle n’ait été sollicitée de donner son avis en dehors de la présence d’un témoin, mais rien ne démontre son influence dans les grandes décisions des trente dernières années du règne, en particulier dans l’affaire de la succession d’Espagne.40 Cette pratique qui consiste à régler les affaires publiques dans un cadre privé semble relever, pour une part, du caractère personnel du pouvoir royal et pour une autre part, de la nécessité du secret qui doit envelopper nombre de décisions avant leur application. À tout prendre, il était peut-être moins dangereux de parler devant une femme que devant un homme qui pouvait toujours espérer une charge d’importance. L’histoire des rois et de leurs familiers est en effet parcourue par la question du degré de pouvoir auquel peut prétendre un homme en qui le roi a suffisamment confiance pour l’admettre n’importe quand auprès de lui.41 Tant que le cérémonial quotidien n’a pas opéré de coupure entre exposition et familiarité, il est difficile de distinguer parmi les proches du roi, compagnons des aventures guerrières ou conseillers politiques, récompensés de leur fidélité dès l’accession à la Couronne. Anne de Montmorency et Jacques d’Albon sont les premiers à avoir occupé une place exceptionnelle auprès d’un roi. Alors que commence à s’établir le rituel de l’habillement, ils sont admis à passer la nuit dans la chambre d’Henri II.42 L’un est Grand maître de la Maison du roi depuis François Ier, l’autre a été nommé premier gentilhomme de la Chambre dès l’avènement. Le premier connaît la

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politique et la guerre, le deuxième se meut à l’aise dans les démonstrations de magnificence. À mesure que la structuration du cérémonial quotidien creuse un vide autour du roi, toute position de proximité acquiert une importance remarquable. Faveur particulière, elle peut ignorer les hiérarchies, elle ne relève que de la volonté du roi et apparaît comme un moyen supplémentaire de son pouvoir.43 Contre les Guise qui tiennent sa Maison, contre François d’Anjou, son cadet44, qui mène l’opposition nobiliaire, Henri III a constitué « sa troupe », des fidèles issus de familles provinciales qui ont préféré le service du roi à celui des grandes maisons. Cette trentaine de jeunes gens, rencontrés dans les premières campagnes, mis à l’épreuve de l’aventure polonaise, ou enlevés au duc d’Anjou, apparaît sur le versant exposé de la magnificence et de la guerre : leur élégance, la richesse de leurs parures, leur ardeur au combat font rayonner l’éclat du roi dans toutes les occasions publiques. Parce que le choix du roi relève de la sympathie, de la complicité, de l’amitié, ils sont admis à partager ses moments de retrait dans ses palais comme ses périodes de purification corporelle et spirituelle à Ollainville ou à Vincennes. Cette situation d’exception attise les haines : « mignon » qui n’avait jusque-là désigné que les jeunes gens élevés dans l’entourage d’un prince prend une tournure péjorative et dénonciatrice d’homosexualité, crime passible de mort. Cible des Guise et des partisans de François d’Anjou, déchiré par des rivalités sanglantes, le groupe des familiers s’amenuise. Henri III conserve sa faveur à Joyeuse et à Épernon, qu’il fait ducs et pairs ; il marie le premier à la demi-sœur de la reine dans des noces somptueuses. Pourvus de charges domestiques, ils jouissent du privilège de prendre

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place à la table du roi et de dormir dans son cabinet, mais ni l’un ni l’autre ne font partie des conseillers politiques les plus écoutés du roi : ce sont surtout des agents d’exécution. Dans les années 1580, ceux qui survivent reçoivent des gouvernements de villes et de provinces, ils sont envoyés se battre contre les Protestants : Joyeuse meurt à Coutras ; le roi préfère sacrifier d’Épernon sous la pression de la Ligue en lui ôtant la plupart de ses charges. Seul, il prend la décision d’assassiner les Guise et en confie le soin à ses derniers familiers. Ainsi, ce que le cérémonial quotidien crée de besoin compensatoire se heurte à l’affirmation parallèle d’une souveraineté sans partage. Il faut la fragilité d’un roi de treize ans, tenu à l’écart par sa mère, pour que parmi la dizaine de jeunes gens attachés à sa personne, le responsable de la fauconnerie devienne le favori de Louis XIII, celui qui par sa grâce a pris le titre de duc de Luynes en 1619.45 En 1614, Charles d’Albert, personnage aimable, reçoit avec l’accord de la reine mère et de Concini un logement qui lui permet un accès direct à celui du roi. De vingt ans son aîné, il se serait contenté d’aider le jeune homme à grandir dans la bonne humeur. Maître d’œuvre de la Délivrance de Renaud dont le succès à la cour a été interprété comme le signe d’une attente, Luynes aurait préféré obtenir par la négociation avec la reine mère l’exil de Concini. Il a refusé, pour lui et ses frères, toute participation à « l’arrestation » du favori de Marie de Médicis. Présent à la cour depuis l’enfance, il pouvait apprécier la précarité de sa position : une reine mère hostile, de très vieux ministres rappelés faute de mieux faisaient de lui l’unique dépositaire de la confiance d’un roi qui par ailleurs était persuadé de son droit au pouvoir absolu. Obligé de sortir de la

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familiarité, il a pris place au Conseil et tenté d’y faire entendre la voix de la conciliation. Il est mort connétable et garde des sceaux en 1621 pendant la première campagne contre les Protestants. Il semble bien qu’ensuite la coupure entre les familiers et ceux qui participent à l’activité gouvernementale du roi se reforme et s’accentue. Il a fallu des années de patience et d’échecs avant que Richelieu ne s’impose comme conseiller principal, sans jamais parvenir à vaincre la méfiance du roi. Inversement, aussi forts qu’aient été les liens entre Louis XIII et Cinq-Mars, le roi ne lui a jamais accordé plus qu’une charge domestique, très prestigieuse il est vrai, celle de Grand écuyer. L’obligation où il s’est trouvé de faire exécuter le jeune homme, compromis dans un complot mené par les Espagnols pour le détrôner, a montré les dangers réels de la familiarité. Bon héritier, Louis XIV s’en est tenu à une stricte séparation. Ceux qui bénéficient de la proximité du roi, de ses paroles sans contrainte, ne peuvent accéder aux affaires. Quelques grands seigneurs spirituels, élégants et bons danseurs reçoivent des offices domestiques, et des commandements militaires s’ils en sont capables. Chargés de scruter du matin au soir tous les signes de l’état de santé du roi, les médecins ne connaissent plus, comme sous les Valois, la faveur qui avaient permis à certains d’entre eux de faire fortune et d’intégrer les grandes familles de notables parisiens : ils sont commis à la réparation des dégâts de repas trop somptueux.46 Les premiers valets, qui jouissent d’une noblesse de service temporaire sauf décision royale particulière, sont les seuls désormais à dormir dans la chambre du roi : leur participation discrète mais essentielle au cérémonial quotidien en fait de redoutables observateurs, ils ont d’ailleurs juré

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de révéler tout ce qui importe « au service et à la sécurité du roi ».47

LA REPRÉSENTATION : SUITE ET FIN

Marie Leszczynska avait préféré écouter le concert derrière la porte de sa chambre plutôt que d’avoir à revêtir une robe de vingt-cinq mètres d’ampleur. La reine pouvait trouver un stratagème. Son petit-fils, Louis XVI, subit le cérémonial du sacre qu’il a volontairement maintenu dans ses formes traditionnelles « d’un air de bonté mais ennuyé de la représentation et il aurait fallu, à tout cela, le grand air qu’y mettait Louis XIV »48, note le duc de Croÿ. Trois ans plus tard, suivant ce même témoin, courtisan assidu, le roi ne montrait pas davantage de goût pour les hommages ni au débotté, retour de chasse, ni, ce qui est pire, à son coucher : Le Roi ne nous dit pas un mot, suivant son usage avec les arrivants, et il aurait été à souhaiter que cet usage fût différent. Depuis Louis XIV, le ton de représentation était passé. Le soir, de même, le coucher fut rudement long, à parler chasse et quoiqu’il y eut d’excellentes choses dans le fond, on regrettait que l’extérieur ne répondît pas.49

Une première césure apparaît entre « l’extérieur » — la médiocrité de ce que le duc voit et entend autour du roi, et ce qu’il appelle « le fond ». Deuxième césure : ce fond ne tient pas à la fonction royale

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comme on pouvait s’y attendre depuis Henri II au moins, mais à la capacité personnelle de Louis XVI de remplir cette fonction. La référence nostalgique à Louis XIV s’impose avec le même terme que pour le sacre, la « représentation ». Ce terme court dans le langage des lettrés depuis la fin du XVIe siècle pour désigner l’ensemble des moyens qui rendent évidente la supériorité de statut. 50 Il apparaît comme un sens dérivé de deux emplois principaux : l’un s’inscrit dans la conception générale du visible comme indice de l’invisible que l’Église d’Occident a appliquée aux images à la fin du VIIe siècle, leur donnant le pouvoir de faire voir le Christ sans pour autant être confondues avec lui 51 ; l’autre, pris du droit romain à partir du XIIIe siècle, définit la capacité d’un héritier à exercer les droits d’une personne disparue. La « représentation » n’est pas associée au mode de vie royal avant la fin du XVIIe siècle, encore s’agit-il d’un usage mondain que les dictionnaires contemporains n’enregistrent pas : ils préfèrent ajouter aux images et au droit les pratiques du théâtre, objets de tant de discussions depuis les années 1630. Il est possible que la part d’illusion que le théâtre entretenait ait donné une coloration péjorative à ce terme ; les liens contradictoires des acteurs et de leur public, entre fascination et distance critique, renforçaient cette coloration. Il est possible aussi que les revendications récurrentes des officiers des parlements à « représenter » la dignité royale aient marqué la « représentation » d’une connotation dangereuse.52 Au reste, les rois ne manquaient ni de moyens ni de mots pour rendre apparente leur prééminence : les Valois se mouvaient à l’aise dans la magnificence, Henri III avait réglé les mouvements de la cour en fonction des siens pour exalter sa « Royale grandeur »,

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Louis XIV avait eu grand plaisir à mettre au point le cadre qui exaltait sa gloire. Pourtant chez lui se dessinait une distance avouée entre ses manières de vivre et l’utilisation qu’il pouvait en faire pour maîtriser ses courtisans et au-delà, tous ses sujets : « donner quand il nous plaît un prix infini à ce qui en soi-même n’est rien. » Chez Luynes comme chez Croÿ, la représentation apparaît comme la servitude paradoxale de la souveraineté car s’il était vrai que la souveraineté était transmise par le sang, alors aucun signe — pas plus les parures que les gestes — ne devait être nécessaire à l’exercice du pouvoir : « C’est en ma personne seule que réside la puissance souveraine », affirme Louis XV au Parlement qu’il a honoré d’une visite surprise.53 Dans la vie quotidienne toutefois, il était difficile d’échapper au cérémonial. En vertu du respect dû aux usages des prédécesseurs, particulièrement de ce qu’il restait de mémoire de Louis XIV et de son « grand air ». Après sept années passées aux Tuileries, Louis XV retrouve Versailles et sa Grande galerie avec enthousiasme : instruit par le vieux maréchal de Villeroy, il réclame sans attendre sa majorité les marques de respect qui lui sont dues. En ceci, il rencontre le désir des quelques grandes familles aristocratiques qui se transmettent les charges de sa Maison.54 À la fin des années 1730, il fait unifier les pièces disparates qui entouraient la Cour de marbre en un appartement d’apparat, donnant plus de valeur à la chambre, et vingt ans plus tard, en plein conflit avec le Parlement, il fait agrandir et redécorer la salle du Conseil. Cependant, si la chambre sert bien de cadre au lever et au coucher officiels, Louis XV inaugure la variabilité des « heures » qu’il fixe d’un jour à l’autre.

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Il fait creuser des appartements de plus en plus retirés, à la fois vers l’aile nord et dans les étages supérieurs et les combles : il y installe la chambre où il dort, ses bibliothèques, ses cabinets de travail et de loisirs, des cuisines et des salles à manger qui lui permettent de souper en bavardant avec quelques personnes choisies. Il reprend les habitudes de mobilité de ses prédécesseurs dans les châteaux annexes, ajoute de nouvelles « maisons des champs », le petit Trianon, Bellevue, La Muette, Choisy. Pour les courtisans, les occasions de voir le roi se raréfient alors qu’ils sont d’autant plus nombreux que la mortalité a reculé dans la famille royale comme dans les autres et qu’aussi bien le service du Dauphin et de sa famille que celui des filles du roi réclame beaucoup de monde. Or, le palais de Versailles devient d’autant plus petit que l’achèvement de l’Opéra en 1766 a supprimé plus de quatre-vingt logements. Le service de cour oblige une partie de ceux qui en ont la charge à vivre ailleurs et à ne venir au palais que pour remplir leurs obligations. Cependant tous sont tenus par le souci des rangs à faire respecter ou à faire redéfinir par le roi lui-même, satisfaits de ce qu’en 1751, les Honneurs de la Cour aient exclu ceux qui ne pouvaient prouver une noblesse antérieure à 1400. Tous, sauf la première maîtresse en titre à être née roturière : Jeanne-Antoinette Poisson faite marquise de Pompadour au début de sa liaison avec le roi dans l’été 1745. En choisissant une jeune femme liée au milieu des grands financiers et formée au monde dans les salons parisiens, Louis XV affirmait son pouvoir tant vis‑à-vis de sa famille qui s’était permis, pendant sa maladie l’année précédente, d’exiger le renvoi de Mme de Châteauroux, que vis‑à-vis de la cour dans son ensemble. Mme de Pompadour ne s’est

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pas contentée de rendre plus agréables les moments de retrait du roi. Elle a pris sa part dans les commandes d’œuvres d’art et si elle a fait installer un théâtre dans les petits appartements, c’était en attendant de pouvoir en aménager un plus grand dans le volume de l’escalier des Ambassadeurs.55 Seule la nécessité de donner des logements aux filles du roi a fait échouer ce projet. La marquise a fait inviter la reine au château de Choisy que le roi lui avait donné, elle a recommandé de faire payer les dettes de la souveraine. Les ministres du roi, les envoyés étrangers, les courtisans se pressaient pour assister à sa toilette et bénéficier de sa protection : la faveur qu’elle marque à Choiseul, chargé des Affaires étrangères, permet à Louis XV de mener une seconde diplomatie, secrète celle-là. Lorsque Jeanne du Barry lui succède cinq ans après sa mort, le duc de Croÿ s’inquiète des changements éventuels « si cette dame, qui n’était pas faite pour s’y être attendue, prenait une partie de l’ascendant et représentation de Cour qu’avait eus Madame de Pompadour et qui n’avait pas eu lieu depuis elle. »56 Louis XVI a transformé son lever en toilette à heure variable ; il a multiplié les soupers réduits à quelques convives, et particulièrement à ses frères accompagnés de leurs épouses ; il s’est volontiers retiré dans les châteaux annexes ; il a autorisé la reine à se rendre à Paris sans cortège d’apparat. Marie-Antoinette n’a pas toujours échappé au cérémonial quotidien : en témoigne le célèbre moment rapporté par une de ses femmes de chambre où elle a dû attendre nue que toutes les dames présentes soient placées dans le bon ordre pour recevoir sa chemise des mains de l’épouse du premier frère du roi, la comtesse de Provence.57 Il n’est pas sûr cependant que cet usage ait été prolongé :

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la reine ne cachait pas son dédain pour les aristocrates de cour comme Mme de Noailles, sa première dame d’honneur. Lorsqu’elle bouleverse les usages à la naissance de son premier enfant, sa mère l’impératrice gronde : « Sans les [enfants royaux] pousser jusqu’au point de nourrir l’orgueil, il faut les accoutumer dès la naissance à la représentation, pour obvier à tant d’inconvénients inévitables lorsque le souverain et sa famille ne se distinguent point par la représentation de l’ordre des particuliers. »58 La conduite de la guerre d’Amérique et les paternités successives ont redonné à Louis XVI le goût de la magnificence : la reine a été chargée de multiplier bals, concerts et comédies. Malgré les changements de protocole, les naissances des enfants de France ont été célébrées avec faste. En 1783-1784, des 90 millions de livres empruntés pour rembourser les dépenses de la guerre qui s’achevait, le roi en a prélevé près de 19 pour acheter les châteaux de Rambouillet, l’IsleAdam, Saint-Cloud et refaire les écuries de SaintGermain et de Sèvres. Dans les mêmes années, 20 millions étaient attribués aux travaux de réfection de Versailles.59 À mesure que les difficultés se sont accumulées et qu’il a dû convoquer des assemblées, Louis XVI a retrouvé les vertus du cérémonial. Le 4 mai 1789, pour l’ouverture des États généraux, la procession qui va, dans Versailles, de l’église Notre-Dame à l’église Saint-Louis a été préparée par le roi et son Grand maître des cérémonies, le marquis de DreuxBrézé. D’abord les députés du Tiers état en petit habit et tricorne noirs, ceux de la noblesse en veste noire chamarrée et portant un chapeau à plumes blanches, bas clergé en robe noire, dignitaires de l’Église en robes et manteaux violets ; après le dais du

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Saint sacrement soutenu par ses frères et ses neveux, Louis XVI marche accompagné de son épouse, l’un et l’autre vêtus d’or et d’argent, portant les plus précieux joyaux de la Couronne, suivis des princes du sang et de toute la cour dans les habits les plus éclatants. Dans les semaines qui suivent, cette manifestation d’un ordre hiérarchique immuable dont le roi était le sommet s’avère impuissante devant la volonté des députés du Tiers de faire valoir les droits de la nation, donnant un autre contenu à la représentation.

Chapitre VIII LE ROI GOUVERNE PAR LUI-MÊME

Le roi gouverne par lui-même : la formule est connue, visible au bord de l’un des versants du panneau central de la Galerie des Glaces à Versailles. Le titre originel, composé au début des années 1680 avec l’approbation de Louis XIV, est à la fois plus bavard et plus cohérent avec les images : Louis le Grand, dans la fleur de sa jeunesse, prend en main le timon de l’État, et renonçant au repos et aux plaisirs, se donne tout entier à la véritable gloire.1 Sous le manteau aux lys, le roi porte la cuirasse impériale ; à peine posé sur son trône, il acquiesce à l’invitation des déesses et des dieux qui lui montrent la voie vers l’autre versant du panneau. Là, s’affirme L’orgueil des puissances voisines de la France, l’Empire, l’Espagne, la Hollande. Ainsi apparaît le but du renoncement à l’insouciance de la jeunesse : la conduite de la guerre pour la domination du monde. Ce que confirment les quatre grands panneaux latéraux où se déploient les talents militaires et les conquêtes du roi. Dans les années 1750, les titres du panneau central changent : avec les Bourbons en Espagne, la neutralité des Provinces-Unies et le rapprochement avec Vienne, L’Orgueil s’efface au profit des Fastes des puis-

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sances voisines de la France, ce qui ne veut pas dire grand-chose. Mais surtout, l’autre titre a disparu : il apparaît maintenant que la véritable gloire du Grand roi a été de gouverner par lui-même, c’est‑à-dire de ne pas dépendre de ses conseillers. La grandeur de sa maison par rapport aux autres maisons régnantes constitue le principal objet de l’action d’un roi, mais les moyens pour y parvenir sont d’une multiplicité écrasante : maîtriser les sollicitations particulières, prendre connaissance des courriers provenant des cours étrangères, des opérations militaires, comme des demandes et des rapports venant des différentes parties du royaume, répondre à tout cela par des décisions mûrement réfléchies, ainsi que, sur le panneau central de la Galerie, Minerve l’indique au jeune roi en lui présentant un bouclier où il peut voir le reflet de son visage. Dans les Remontrances d’Amboise, Louis XI comptait sur un large Conseil pour entourer son fils. Des siècles se sont écoulés, mais la question est restée de savoir quelles relations le roi peut entretenir avec ses conseillers et s’il peut s’en passer.

LA POCHE DU ROI LOUIS XII

La grande lettre de recommandations de Catherine de Médicis à son fils ne se limitait pas à l’établissement d’un cérémonial quotidien. Elle passait ensuite à la distribution des charges et des gratifications : Aussi je vous dirai que du temps du Roi Louis douzième votre aïeul, qu’il avait une façon que je

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Roi de France désirerais infiniment que vous voulussiez prendre, pour vous ôter toute importunité et presse de la cour, et pour faire connaître à tous qu’il n’y a que vous qui donne les biens et honneurs, vous en serez servi avec plus de fidélité : c’est qu’il avait ordinairement en la poche le nom de tous ceux qui avaient charge de lui, fusse près ou loin, grands ou petits comme de toutes qualités, comme aussi il avait un autre rôle, où étaient écrits tous les offices et bénéfices et autres choses qu’il pouvait donner [cette liste était constamment remise à jour en fonction des vacances et des confiscations] et lors, il prenait le rôle et regardait selon la valeur qu’il voyait par iceluy ou qu’on luy mandait, et, selon le rôle de ceux qu’il avait dans la poche, il donnait à celui à qui bon lui semblait, et lui en faisait faire la dépêche lui-même, et sans qu’il en sût rien…2

Avec les simplifications qu’impose sa volonté démonstrative, Catherine de Médicis décrit ici un roi dans l’exercice d’une vertu tenue pour fondamentale avant même la magnificence : la Libéralité, l’art de donner. Il ne s’agit pas seulement d’ignorer les demandes importunes qui assaillent le roi où qu’il soit. Il s’agit d’une revendication de souveraineté : être le seul à donner implique d’être le seul à pouvoir attendre en retour la fidélité de celui qui a reçu, en vertu du lien de réciprocité qui est la marque du don.3 Ainsi le roi peut-il espérer traverser les réseaux de domination établis par les Grands suivant les mêmes principes. Il peut aussi tenter de surmonter l’hétérogénéité de son vaste royaume en faisant de tous ceux qui exercent une fonction en son nom, non seulement des délégués, mais des fidèles tenus par des obligations personnelles. Louis XII paraît avoir tout prévu pour exercer sa libéralité : une partie de sa parure, dont il est difficile de savoir si c’est une poche ou un

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petit sac porté à la taille ou à l’épaule ; et cachées aux yeux de tous, deux listes, l’une indiquant le nom de tous les officiers en place, l’autre, les charges vacantes et les ressources impromptues. Ce qui suppose une correspondance suivie entre le roi et les « principaux officiers en chaque province », ainsi qu’un secrétaire pour la mise à jour des listes. Il n’est pas jusqu’à la forme du don qui ne soit impressionnante puisqu’elle tient dans l’ignorance aussi bien l’entourage du roi que le bénéficiaire. Les raisons du roi ne relèvent que de sa conscience et ne se découvrent éventuellement que dans la lettre qui rend exécutoire la décision royale mais n’est obligatoirement publiable qu’en cas de nomination à certaines charges.4 Agir sans justification est la marque indiscutable de la grâce.5 On peut douter d’un témoignage qui n’est après tout que de seconde génération, bien que François Ier, dès la mort de Louis XII, ait distribué offices vacants, terres et argent avec une largesse qui a frappé les témoins et qu’il ait continué de le faire pendant tout son règne.6 Cependant au moment où Catherine de Médicis formule ses conseils, la capacité du roi à donner commence à s’amoindrir. Le principe d’inaliénabilité du domaine acquis à partir de 1566 le prive d’une source importante de libéralités, d’autant qu’au fur et à mesure de l’accession des différents lignages à la Couronne, les biens patrimoniaux fusionnent avec le domaine — fusion achevée en 1607. Encore peut-il procéder à de nouveaux achats au profit d’un ou d’une favorite, élever le titre attribué à un fief ou encore assigner, quoique de façon temporaire, des revenus domaniaux au bénéfice de personnes de son choix. Mais surtout, bien que le nombre des offices n’ait cessé d’augmenter — de 4 000 en 1515 à 20 000 en 15737 —, leur circulation tend à lui échapper. Dans

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un mouvement qui va de la fin du XVe au début du XVIIe siècle, la conjonction de ses besoins financiers et du désir des titulaires d’avoir la pleine jouissance de leur office a favorisé la mise en place d’un système où les officiers paient des droits de mutation en échange desquels ils peuvent acheter, vendre et finalement léguer leurs offices. Les liens personnels tels que la reine mère veut encore les rêver ont été transformés en obligations financières dont les revenus sont administrés par la Recette des Parties Casuelles créée pendant les premières guerres menées par François Ier (1523). Des sauvegardes existent, comme autant de preuves que le roi conserve sa domination souveraine. À leur entrée en charge, les officiers prêtent serment, à quoi s’ajoute une taxe à partir de 1578.8 En bonne orthodoxie, ils ne sont pas censés posséder leur office : cette dignité accordée par le roi reste en son pouvoir, comme reste à la disposition des Parties Casuelles l’argent qu’ils ont dû avancer pour pouvoir l’exercer. Enfin, la possibilité d’assurer le passage à un héritier par le paiement d’une taxe annuelle — la Paulette — n’a été accordée en 1604 que comme une grâce renouvelable et modifiable au gré du roi tous les neuf ans. Principes qui sont restés valables jusqu’à la fin du XVIIIe siècle mais qui n’empêchent pas cette circulation autonome fondée sur les échanges entre particuliers — la vénalité légale — de couvrir l’administration de la justice et des finances dans l’étendue du royaume, soit peut-être 46 000 offices en 1665. Des domaines réservés de la grâce royale se maintiennent cependant : le service de la personne du roi, l’exercice du droit de lever des troupes et de commander des armées, enfin la vie spirituelle des sujets dont le roi est responsable devant Dieu.

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Les grands offices de la Couronne et de la Maison du roi, les commandements généraux des armées, les gouvernements des provinces et des villes restent dans la main du roi : il y trouve le moyen de maintenir son emprise personnelle par le jeu des récompenses et des disgrâces. Les grands officiers contrôlent ensuite l’attribution des très nombreuses charges subalternes. Des arrangements de gré à gré, une vénalité coutumière, se développent, officiels dans certains corps d’armée, tolérés ailleurs, y compris dans le personnel ecclésiastique attaché à la personne du roi, mais toujours en référence au pouvoir royal et avec enregistrement auprès d’un secrétaire d’État.9 Même si les Bourbons tendent à accepter, puis à favoriser le maintien des mêmes familles dans certaines charges, toutes ces dernières restent viagères, comme le montrent les lendemains de batailles qui remettent par dizaines les commandements militaires à la disposition du roi. Aussi bien dans sa Maison que dans ses forces armées, il revient au roi d’accorder la survivance au successeur désigné ou de prévoir, par un brevet de retenue, un dédommagement pécuniaire au titulaire résignataire ou aux ayant-droits d’un officier disparu. Les bénéfices ecclésiastiques constituent le plus grand domaine où la grâce royale trouve à s’exercer. Cent-quatorze diocèses et plus de mille abbayes et prieurés qui jusque-là relevaient d’une désignation élective sont remis à la désignation royale par le Concordat obtenu de Léon X en 1516 lors de la première descente de François Ier en Italie.10 L’autorité du roi sur les nominations s’est trouvée limitée jusqu’au milieu du XVIIe siècle par les privilèges reconnus au pape sur une quinzaine de sièges ou détenus par les reines et les princes apanagés sur les terres dont

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ils étaient pourvus. Avec ce qui restait à leur disposition, François Ier et ses successeurs immédiats ont donné sans compter à leurs fidèles, laissant s’accumuler les bénéfices chez les Montmorency, les Guise ou les Joyeuse quitte à ce que les bénéficiaires en redistribuent une partie pour renforcer leur réseau d’influence. Ils ont aussi accepté la perpétuation de l’ancienne pratique de désignation d’un successeur par le titulaire. C’est en apparence une riche et abondante moisson qui nous revient en toutes les saisons de l’année, pour combler de grâces ceux qui nous servent et que nous aimons. Mais peut-être n’y a-t‑il rien de plus épineux dans la royauté, s’il est vrai, comme on n’en peut douter, que notre conscience demeure engagée pour peu que nous donnions trop ou à notre propre penchant, ou aux souvenirs des services rendus, ou même à quelque utilité présente de l’État, en faveur de personnes d’ailleurs [par ailleurs] incapables, ou beaucoup moins capables que d’autres sur qui nous pourrions jeter les yeux.11

Écrivant dans les années 1670, Louis XIV exprime toujours l’ambivalence de la libéralité entre les impondérables de la faveur — du sentiment à la nécessité de cultiver des soutiens — et les impératifs de la compétence. La marge de liberté royale aurait pu s’amoindrir avec les exigences d’une reconquête catholique après la rupture de la Réforme et les guerres civiles. Le clergé a tenté d’imposer aux rois la présence d’un Conseil de conscience qui les guiderait dans leurs choix. Mais les successeurs d’Henri IV étaient bien décidés à exercer l’absolue maîtrise des liens de leurs sujets avec Dieu, même s’il y allait de leur propre salut comme le suggère ce passage des

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Mémoires. Ils y étaient d’autant plus enclins que l’Église possédait le réseau le plus régulièrement hiérarchisé du royaume. Au moment où Louis XIV écrit, il réunit encore son confesseur et l’archevêque de Paris, puis à partir des années 1680, il discute des vacances figurant sur la feuille des bénéfices avec son seul confesseur lorsque celui-ci vient à Versailles le vendredi. Lors des fêtes qui marquent l’année liturgique, et alors qu’il vient de recevoir le sacrement de la pénitence qui doit purifier ses intentions, il procède aux nominations ; les nouveaux titulaires lui sont présentés. En intégrant l’élévation des prélats au cérémonial de cour, le roi affirme son autorité sur l’Église de France. Ainsi préparés, les choix deviennent plus homogènes : ils tiennent compte des capacités religieuses et de l’orthodoxie des prélats comme des nécessités de l’exercice de la grâce qui vont des récompenses dues aux serviteurs directs du roi, courtisans et ministres, à l’attention donnée aux sièges stratégiques — Paris et Reims, mais aussi ceux du Midi où le protestantisme était profondément enraciné —, enfin à l’appui sur des familles locales, qu’elles soient d’épée ou de robe. À la majorité de Louis XV, les pratiques instituées par Louis XIV reprennent : les nominations sont préparées par le roi et un prélat désigné comme Ministre de la feuille, mais qui ne siège pas au Conseil, une manière de montrer que la gestion de la haute hiérarchie ecclésiale continue de relever de la seule grâce royale. Il ne s’agit cependant que d’un arbitrage entre des candidats qui se ressemblent par l’ancienneté de leur noblesse, des études identiques et l’appui du prélat auprès duquel ils exercent déjà les fonctions de vicaire général. Le système paraît fonctionner sans accroc malgré les nouveaux conflits

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politico-religieux. La libéralité du roi s’exerce plus librement sur les abbayes et prieurés d’autant qu’à partir de 1766, une commission procède à la suppression ou au regroupement des plus délabrés.

VOULOIR, POUVOIR : LE ROI ET SES CONSEILLERS JUSQU’AUX ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1588

À lire Cavalli, il semblerait que, dans les dernières années de sa vie, François Ier ait trouvé le moyen de « gouverner par lui-même » : soutenu par ses deux conseillers préférés — l’amiral d’Annebault et le cardinal de Tournon — auxquels il délègue le soin des affaires qui ne l’intéressent pas, il exerce un contrôle exclusif sur les grandes questions diplomatiques et la conduite des opérations militaires.12 Dans les débuts de son règne, le fils choyé de Louise de Savoie s’est débarrassé du gouvernement par Conseil qui avait marqué les deux règnes précédents.13 Correspondant à la description qu’en avait donnée Louis XI, cette forme lourde réalisait l’idéal féodal d’échange entre la protection du suzerain et l’aide des vassaux. Elle réservait au roi le droit de désigner qui pouvait figurer au Conseil parmi les princes du sang, grands feudataires, prélats, officiers de justice anoblis, notables urbains capables de trouver des ressources financières — entre trente et soixante personnes —, et qui, parmi elles, serait appelé en consultation sur des sujets précis, une vingtaine ordinairement. Cette forme répondait aussi à l’idéal du roi juge organisant autour de sa personne

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une sorte de tribunal où les affaires étaient exposées et les solutions mises aux voix. Après quoi, le roi pouvait décider seul, sa fonction lui donnait la « certaine science ». Sous Charles VIII, le recours au Conseil large a été une manière de légitimer les décisions prises sous la régence puis sous l’influence de la sœur du roi, Anne de Beaujeu, et de son beau-frère, un Bourbon, ce qui nourrrissait la méfiance des autres princes du sang et grands seigneurs. Louis XII, quant à lui, tard venu à la Couronne, rendu prudent par ses anciennes révoltes, se trouvait au surplus embarrassé par son épouse, cette duchesse de Bretagne qui avait gardé des prétentions à la souveraineté. Par deux fois, la recherche d’appuis avait obligé le roi, ou la régence en son nom, à étendre le nombre des conseillers : soit à l’ensemble du royaume — les États généraux de 1484 confirment la position d’Anne de Beaujeu et de son époux ; soit à une centaine de personnes choisies par Louis XII — l’Assemblée des notables de 1506 le supplie de rompre ses serments de donner sa fille à l’héritier des Habsbourg. François Ier a toujours eu près de lui un nombre restreint de personnes pour l’aider à s’orienter dans les choix politiques : outre sa mère, son oncle maternel, René de Savoie et les frères Artus et Guillaume Gouffier accompagnent les premières années de son règne ; au retour de Madrid, Montmorency et le cardinal Jean de Lorraine jusqu’à la disgrâce de Montmorency en 1541 ; puis jusqu’à la fin, Annebault et Tournon dont parle Cavalli. Tous d’ancienne noblesse, ils partagent le goût du souverain pour la chasse, les fêtes et la guerre, ils bénéficient de sa familiarité. Dominant de vastes terres qui leur assurent un pouvoir local et des revenus suffisants pour s’intégrer

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à la magnificence royale, ils sont gratifiés des hautes charges de la Maison du roi, de la Couronne et de l’Église, ainsi que de commandements militaires en province et aux armées, ce qui multiplie leurs revenus et leur permet de mener à bien les missions que le roi leur confie. Avec le chancelier qui pourvoit à la mise en forme et à l’authentification des décisions tandis qu’un secrétaire aux finances veille à trouver les moyens de leur exécution, ils constituent le noyau du Conseil. À l’occasion sont adjoints des participants spécialisés — prélats, chefs de guerre, grands magistrats — ou directement intéressés, ainsi de Marguerite de Navarre, sœur du roi et acquise à la Réforme, contrainte d’accepter le mariage de sa fille Jeanne avec le duc de Clèves, fidèle au catholicisme. Le Conseil se tient dans n’importe quel lieu où est le roi, les conseillers principaux y apparaissent comme les traducteurs de la pensée royale, à laquelle ils fournissent des éléments d’information et d’argumentation. Si François Ier s’est toujours donné la possibilité de s’entourer d’un petit nombre de conseillers, ce n’est qu’à partir de son retour de Madrid qu’il parvient à se dégager des prétentions du Parlement de Paris à prendre part, voire à contrôler ses décisions. Lorsqu’à la mort de Charles VIII, le Parlement avait déclaré que malgré le « quasi-interrègne » qui couvrait la période des funérailles, tous les actes officiels devaient être revêtus du sceau du nouveau roi, il y avait deux manières d’interpréter cette prise de position. Les rois pouvaient y voir une réponse technique liée à la fonction d’enregistrement exercée par les parlements.14 Les membres des parlements considéraient qu’ils étaient issus de la cour du roi et que, la justice étant le fondement du pouvoir royal, ils

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étaient les garants de la perpétuité de ce pouvoir bien davantage que les rois qui ne faisaient que passer. De toute façon, la « certaine science » royale leur paraissait impuissante sans la connaissance du droit qu’ils avaient acquise et mettaient en pratique.15 Cette haute conscience se renforçait avec le développement d’une hérédité de fait. Charles VIII et Louis XII ont reconnu l’importance du Parlement dans leurs visites solennelles au retour du sacre, puis à l’occasion de grands procès et d’enregistrement d’édits.16 Le dais et les coussins bleus aux fleurs de lys qui recouvraient le fauteuil où ils siègent avaient été originellement remis au Parlement par Charles V en 1366. Ce matériel avait conforté les juges dans la position définie par ce roi deux ans auparavant : ils « représentent l’image de notre majesté, de laquelle, comme de la fontaine de justice, nos sujets reçoivent constamment les fruits de la justice ».17 D’où le nom de « lit de justice » donné aux meubles et qui a fini par désigner la séance elle-même. 18 Accentuant ses liens avec sa cour de justice, Louis XII a fait décorer la Grand’chambre aux couleurs royales (1511), mais il a confirmé la décision de son prédécesseur de détacher une partie de ses conseillers ordinaires pour former un Grand Conseil qui traiterait d’affaires soustraites à ses juges. François Ier s’est d’abord conformé aux usages, visitant sa cour de justice après son sacre. Au retour de ses triomphes guerriers et diplomatiques, il vient le 5 février 1517 dire au Parlement dont il connaît les réticences vis‑à-vis du Concordat qu’il veut « être obéi comme roi et maître et que sadite cour n’a d’autre autorité que celle qu’il lui baille »19 ; s’il accepte d’entendre des remontrances, il les examinera avec ses propres conseillers. Cependant le Parlement

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s’impose comme l’instrument indispensable aux ambitions du roi en menant les procès pour félonie contre Charles Quint, vassal pour l’Artois et la Flandre, pour la saisie des terres héritées de son épouse par le Connétable de Bourbon, puis pour sa trahison : à chaque occasion, François Ier assiste à la première séance. Fort du rôle qu’il joue lors de la captivité du roi dans la mise en défense de Paris et de la frontière nord, ainsi que dans les premières mesures de répression contre les Réformateurs de l’Église, le Parlement émet le 10 avril 1525 des remontrances où il critique les actions du roi et de sa mère qui a exercé la régence — des empiétements du Grand Conseil à l’absence de fermeté vis‑à-vis des hérétiques, du développement de la vénalité des charges aux malversations des financiers. Cette opposition s’atténue en deux séquences. Le 24 juillet 1527, la reprise du procès désormais posthume du Connétable20 est l’occasion d’un lit de justice en forme où François Ier siège en grand apparat sur une estrade réhaussée, enveloppée d’un tapis bleu fleurdelisé. Le premier président, Charles Guillart, commence par rendre hommage au « premier, le plus grand et le plus excellent Roi de la Chrétienté »21, il en appelle aux témoignages d’Homère et de Jules César pour affirmer : « Ainsi nous devons révérer les rois comme donnés et élus de Dieu, et comme préposés aux choses sacrées et divines, les devons réputer saints. » Puis il justifie les remontrances de 1525 : Cette votre cour a toujours été l’honneur et la souveraine de France, et doit être honorée tellement, que les arrêts et jugements d’icelle doivent être gardés sans les enfreindre, autrement c’est corrompre votre vie civile,

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et grandement diminuer votre autorité ; et quand vous y contrevenez et les empêchez, vous êtes dissemblable et contraire à vous même.

Comme il est difficile de soutenir le partage de la souveraineté face à ce roi en majesté, fût-ce pour le protéger contre lui-même, Guillart recourt à la maxime romaine réutilisée depuis le XIIIe siècle — Princeps legibus solutus est22 — pour tenter de définir ce que peut être le pouvoir du roi : Nous ne voulons révoquer en doute, ou disputer votre puissance, ce serait une espèce de sacrilège. Nous savons bien que vous êtes au-dessus des lois, et que les lois et ordonnances ne peuvent vous contraindre […]. Mais entendons dire, que vous ne voulez, que vous ne devez vouloir tout ce que vous pouvez, ainsi seulement ce qui est raison bon et équitable, ce qui n’est autre chose que justice. Vertu n’est autre chose, suivant les Stoïques, que parfaite et bonne nature suivant raison […] Dieu quand il vint en ce monde pour muer [transformer] la loi, combien qu’il fût par dessus la loi, néanmoins, il voulut naître, vivre, observer la loi. Ordonner les choses de puissance absolue, et non positive, est comme les faire sans raison et sans volonté, qui tient plus de la nature brute que raisonnable. Nous ne voulons pourtant dire, qu’en aucun cas particulier et singulier vous n’en puissiez user, mais le moins, et non en user serait le mieux.

Pour Guillart et ses collègues, il ne fait aucun doute que le Parlement est habilité à faire entendre au roi la voix de la nature raisonnable telle qu’elle a été donnée par Dieu aux hommes et consignée dans les coutumes et les lois. Ils ont beau admettre l’existence de situations exceptionnelles où le roi puisse rester sourd, François Ier quitte la Grand’salle ; il fait

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rédiger par ses conseillers un règlement ébauché depuis les remontrances de 1525 et qui limite le Parlement à ses fonctions judiciaires dont le roi lui confirmera la délégation chaque année.23 Deux jours plus tard, après que le procès du feu Connétable a été achevé, le règlement est transcrit sur les registres sans que la procédure d’enregistrement habituelle soit accomplie. Le 16 décembre suivant, le roi tient un lit de justice ouvert à ceux qu’il a convoqués comme pour une Assemblée des notables : membres de la haute noblesse, prélats, députés de tous les parlements, municipalité parisienne. Les quelque deux cents personnes présentes jurent de garder le secret des délibérations : il s’agit de rompre le traité de Madrid et de trouver les deux millions d’écus nécessaires à la délivrance des fils de France. Le roi affirme que c’est d’un pur mouvement de volonté qu’il a décidé de « faire honneur à ses sujets de se montrer si familier envers eux que de vouloir leur avis et délibération ».24 Puis il en vient à la question du duché de Bourgogne promis à l’empereur : Sur quoi ledit Seigneur considérant le danger qui était de quitter un tel duché et de le démembrer de la Couronne de France, se résolut qu’il ne le ferait point ; et pensa qu’il n’était qu’un homme qui était pour mourir, et valait mieux qu’il demeurât toute sa vie prisonnier, que ledit duché pût être démembré, et en vint aucun mal à ses sujets.25

Ainsi François Ier se présente-t‑il comme le dépositaire passager, mortel, de la dignité royale et des droits inaliénables de la Couronne, reprenant le fil des démonstrations qui avaient aidé Charles VII à reconquérir son royaume. Il est difficile de connaître

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son degré d’adhésion à cette déclaration d’humilité ; son prédécesseur, Louis XII, s’était dit « officier de la Couronne ».26 Lors de la séance finale du 20 décembre, les députés expriment leur accord avec les propositions du roi. Après le cardinal de Bourbon qui parle pour l’Église et le duc de Vendôme pour la noblesse, le président de Selves s’adresse au roi au nom des parlements. Il le remercie d’avoir envisagé de se sacrifier « par grande charité au peuple français » suivant les paroles de David au peuple de Judée — « Vous êtes mes frères… », et celles du Christ à ses disciples — « Nul n’a plus grande charité que celui qui donne sa vie pour ses amis. »27 Il objecte : Mais considérez que tout ainsi que nature abhorre que le chef soit séparé du corps, lequel ôté, il n’y a plus de vie ; ainsi le peuple Français, qui est le corps mystique, et duquel ledit Seigneur est le chef, demeurant sans lui et qu’il en fût éloigné, serait sans vie et sans sûreté…28

En utilisant, après bien d’autres juristes, la notion de corps mystique pour désigner les liens entre le roi et le peuple, Selves recourt à l’image antique du corps humain — chef ayant le double sens de tête et de dirigeant — comme représentation de la cité, telle qu’elle a été réinvestie par la théologie à partir du XIIe siècle pour représenter l’Église dont les liens invisibles unissant tous les fidèles en Dieu leur imposent l’obéissance au Pape, son lieutenant sur terre. 29 Cependant lorsqu’il commente le refus de céder la Bourgogne, le président semble faire écho aux propos du roi tout en les entraînant vers une voie qui peut se révéler contraignante :

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Davantage ledit Seigneur ne le pourrait faire ; car il est tenu d’entretenir les droits de la Couronne, laquelle est à lui et à son peuple, et à ses sujets commune ; À lui comme le chef et aux peuple et dits sujets comme membres. Et est un mariage fait entre le dit Seigneur ; et le droit de ce mariage que le dit Seigneur est tenu de garder, est d’entretenir et conserver les droits de la Couronne.30

Abandonnant le corps mystique où toute autorité vient du chef, et de Dieu au-dessus de lui, Selves revient à l’image originelle : il présente l’union du roi et des sujets comme un corps politique qui subsiste certes par la solidarité inégalitaire du chef et des membres, mais dont les deux éléments possèdent ensemble la Couronne, donc des droits. Il y a là une difficulté qui se marque par l’impossibilité où se trouve Selves de choisir entre les mots de « peuple » — avec l’écho de sa puissance romaine et de « sujets » — avec son sens de soumission. D’où le recours à une troisième image, formulée en France depuis le règne de Louis XI : elle fait du roi l’époux du royaume. Il est donc tenu de maintenir l’intégrité des droits qui lui sont confiés, tels une dot, à son avènement31 ; en revanche, il possède sur ses sujets l’autorité de l’époux sur l’épouse, du père sur ses enfants. Dans l’immédiat, cette juxtaposition d’images en partie contradictoires aboutit au même résultat : la Bourgogne ne peut être soustraite au royaume, la rançon doit être payée, et les relations s’apaisent entre le roi et le Parlement. Cependant la question de savoir dans quelle mesure les droits du royaume peuvent limiter le pouvoir royal et qui peut avoir la capacité

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de les faire valoir est l’objet de réflexions et de travaux de plus en plus nombreux. Au début de son règne, Henri II exprime une vue très claire des relations qu’il veut entretenir avec ses différents conseillers. Contre la suggestion de soumettre des lettres patentes à la signature des membres de son Conseil, il affirme : Et si était ainsi, la trouverais beaucoup plus étrange et moins faisable que la publication et homologation qu’il requiert en être faite en mes cours de Parlements. Et me semble que là où est apposé mon grand sceau avec le seing de l’un de mes secrétaires d’État, qu’il ne faut point autre approbation ni caution des gens de mon Conseil privé, qui ne sont et ne peuvent être que moi-même.32

Ainsi, les parlements jouent seulement un rôle pratique dans la circulation des décisions et le Conseil ne peut avoir de volonté ni même d’existence hors de la personne royale. Restent les quatre secrétaires d’État créés par Henri II le lendemain de son avènement : ils lui présentent les dépêches venues de l’étranger et des provinces et prennent de lui seul la teneur des réponses à expédier immédiatement. Cette répartition des tâches résiste mal aux épreuves qui marquent son règne et surtout ceux de ses fils. L’organisation du gouvernement évolue alors dans deux directions. L’une tend à développer les instruments de décision. Elle s’appuie sur les secrétaires d’État choisis dans la haute robe pour leur compétence et leur dévouement et qui restent longtemps en charge. Le Conseil conserve une formation étroite et mobile, où ne sont appelés que les proches du roi ; Catherine de Médicis fait le lien d’un règne à l’autre,

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elle apporte son expérience et la force de ses fidèles d’Italie et d’Auvergne. Dans la formation large, parfois appelée Conseil d’État, on retrouve l’abondance des participants habituelle avant François Ier — une trentaine en 1551, une centaine en 1572.33 Cette abondance, et c’est la deuxième orientation, répond aux rivalités des grandes maisons : lorsqu’ils ne s’affrontent pas à la guerre, leurs chefs veulent tous être présents au Conseil, entourés de leurs alliés. Au roi, quel que soit son âge, de se montrer le maître. En 1560, le chancelier Michel de L’Hospital avait vu dans l’obéissance des sujets à un roi de dix ans un effet de l’intervention divine ; en 1572, ce même roi, Charles IX, va au Parlement deux jours après la SaintBarthélemy proclamer que la destruction d’« une malheureuse et détestable conspiration », dirigée contre lui et toute sa famille, a été exécutée « sous son exprès commandement. »34 En 1585, Henri III a pensé maîtriser les luttes d’influence en restreignant le nombre de ses Conseillers en titre et en les intégrant au cérémonial de cour. Six sont pris dans le clergé, autant dans la haute robe et vingt dans la noblesse, tous doivent endosser une robe cramoisie lorsqu’ils siègent et proposent leur avis sur les requêtes du clergé, les questions d’offices et de finances. L’essentiel des décisions continue d’être pris avec les proches et les secrétaires d’État. La dureté des conflits oblige cependant Henri III à réunir les États généraux par deux fois (1576, 1588) et une Assemblée des notables dans l’intervalle (1583). La convocation des États généraux à Blois à l’automne 1588 obéit à deux impératifs immédiats : réaffirmer le pouvoir du roi face aux ligues de la noblesse et des villes dont les Guise paraissent les maîtres et qui l’ont forcé à fuir Paris six mois plus

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tôt ; trouver des subsides pour reprendre la direction de la guerre contre les huguenots. Les élections sont un échec pour ses partisans : devant une assemblée majoritairement hostile, il prononce le discours inaugural le 16 octobre.35 Après l’invocation à Dieu qu’il a demandé aux députés de partager avec lui, il reconnaît la nécessité des « bons conseils des sujets »36 dans l’œuvre de restauration d’un royaume épuisé. Puis il aborde le point le plus attendu : La juste crainte que vous auriez de tomber après ma mort, sous la domination d’un Roi hérétique, s’il advenait que Dieu nous fortunât [éprouvât] tant de ne me donner lignée, n’est pas plus enracinée dans vos cœurs que dans le mien. Et j’atteste devant Dieu, que je n’ai mon salut plus affecté, que j’ai de vous en ôter la crainte, et l’effet, c’est pourquoi j’ai fait quasi principalement mon saint Édit d’union, et pour abolir cette damnable hérésie, lequel encore que je l’aie juré très saintement, et solennellement […]. Je suis d’avis pour le rendre plus stable, que nous en fassions une des Lois fondamentales du Royaume, et qu’à ce prochain jour de mardi, en ce même lieu et en cette même et notable assemblée de tous nos États, nous la jurions tous, à ce que jamais nul n’en prétende cause d’ignorance.

Alors que l’édit d’Union avec ses sujets dans la lutte contre l’hérésie et contre l’accession d’Henri de Navarre à la Couronne lui a été imposé en juillet, Henri III tente de l’utiliser pour lier toutes les composantes de l’assemblée dans un retour à l’obéissance. Les moyens à sa disposition sont minces et hasardeux : il a imposé le report du serment au surlendemain contre la demande des députés du Tiers

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qui voulaient en marquer la séance d’ouverture ; il propose de reconnaître à l’édit le statut de loi fondamentale. Une sorte de surenchère puisqu’un édit répond à un objet passager et peut être aboli, alors qu’une loi fondamentale s’inscrit dans la durée éternelle de la monarchie et comme telle s’impose à tous les rois.37 Tout en s’attribuant l’initiative de la création de cette loi fondamentale alors que le terme figure déjà dans le préambule de l’édit, Henri III consent à y associer ses sujets dans le cadre des États généraux. Contrairement à son expérience polonaise d’une diète toute puissante, l’exemple d’Elizabeth Ire qu’il connaît bien peut le rassurer quant à la capacité d’un pouvoir royal d’utiliser les représentants du royaume siégeant en Parlement pour faire voter des lois, lever des impôts et soutenir des entreprises guerrières. Cependant, en France, la fonction de Conseil reconnue aux États généraux s’est transformée en revendication d’un contrôle permanent du gouvernement royal, revendication exprimée aux précédents États de 1576 ; elle est reprise par les Ligueurs, c’est‑à-dire en octobre 1588, l’ensemble des députés du clergé et du Tiers et la moitié environ des députés de la noblesse. Lorsqu’il appelle les trois ordres à concourir à la rédaction d’ordonnances complémentaires pour restaurer le royaume, le roi exprime l’ambivalence de sa position : Que s’il semble que ce faisant, je me soumette trop volontairement aux Lois dont je suis l’auteur, et qui me dispensent elles-mêmes de leur Empire [pouvoir], et que par ce moyen je rende la dignité Royale plus bornée et limitée que mes prédécesseurs : C’est en quoi la vraie générosité du Prince se connaît, que de dresser

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ses pensées et ses actions selon la bonne Loi, et se bander du tout à ne la laisser corrompre.

Un abandon de ce qui semblait acquis depuis deux siècles et dont le président Guillart avait fait état en juillet 1527 : la puissance du roi vient de ce qu’il n’est pas lié par les lois — ab-solutus —, parce qu’il en est le créateur. Mais s’il faut croire Henri III, sa soumission aux lois est un effet de sa « vraie générosité », c’est‑à-dire de sa grâce qui échappe à tout contrôle humain. Face à cette assemblée dominée par les catholiques zélés, il n’a d’autre recours que Dieu. De trois façons : il rappelle l’institution divine des rois, « la révérence que vous devez à Dieu, qui m’a constitué sur vous, pour représenter son image », l’hérédité étant vue comme une forme directe de protection divine, ou de mise à l’épreuve personnelle ainsi qu’il l’a dit à propos de sa « lignée » stérile. Il promet la condamnation pour lèse-majesté en cas de désobéissance, celle-ci étant en toute logique assimilée à une rébellion contre Dieu : « Car toutes ligues, associations, pratiques, menées, intelligences, levée d’hommes et d’argent, et réception d’icelui, tant dedans que hors le Royaume sont actes de Roi, et en toute Monarchie bien ordonnée, crimes de lèse-Majesté, sans la permission du Souverain. »38 Dernière forme du recours à Dieu, l’assignation des rebelles « à comparaître au dernier jour devant le Juge des Juges », ce qui leur vaudra la damnation éternelle. Il faut prendre au sérieux cette menace venant d’un roi qui a longuement cherché dans la pénitence le moyen d’expier ses propres péchés. Cependant Henri III a réorganisé son gouvernement depuis septembre : il a nommé un nouveau

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garde des sceaux à la place du chancelier, donné les finances à l’un de ses plus anciens fidèles, François d’O ; il a renvoyé les secrétaires d’État, dont Villeroy en place depuis 1567, cantonnant les nouveaux au statut d’auxiliaire prévu par son père. Il a repris en main ses armées et obtenu du duc de Nevers qu’il parte combattre les forces protestantes. Ainsi penset‑il affaiblir le duc de Guise qui, après le soulèvement de Paris, s’était fait donner la lieutenance générale du royaume. Il attend le million et demie de livres (500 000 écus) qui lui permettra de mener une grande offensive. Les députés du Tiers refusent de fournir des subsides tant qu’ils ne contrôlent pas les finances royales. Guise relaie leurs exigences au Conseil. Le 23 et le 24 décembre, des opérations conjointes visent à détruire cette double opposition : le duc et le cardinal de Guise sont assassinés ; sont arrêtés une partie de leur famille, ainsi que les députés du Tiers les plus actifs dont Chapelle-Marteau porté à la tête de la municipalité parisienne par l’insurrection. Pour accomplir cette rupture, Henri III n’a pris conseil que de sa conscience : face à la menace du duc « d’arracher notre sceptre et couronne… Dieu a mis en nous l’autorité, les moyens et le courage de l’en châtier »39, fait-il écrire au parlement du Dauphiné. Lorsqu’il explique son action au légat du pape, il associe des notions encore mal définies, parlant de « nécessité d’État »40. La capacité du roi à agir audessus des lois dans des circonstances exceptionnelles avait été reconnue par le président Guillart en 1527, elle ne portait pas encore le nom de « nécessité ». Quant au terme d’« État », il s’est dégagé de sa fonction descriptive pour nommer la réalité supérieure jusque-là désignée par Couronne ou par Royaume,

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avec la qualité supplémentaire d’échapper aux droits des sujets quels qu’ils soient.

LE CHOIX DU ROI : NOVEMBRE 1630, MARS 1661

« La journée des Dupes » et « la prise du pouvoir par Louis XIV » : deux scènes emblématiques de l’histoire de France. Leur point commun : le moment où un roi manifeste sa liberté, l’un dans un retournement aussi apparent qu’inattendu, l’autre avec simplicité et assurance. Au delà des images et des lieux communs, il faut chercher la singularité de ces épreuves.41 Ce sont de jeunes rois, Louis XIV plus que son père, vingt-deux ans et vingt-neuf. Tous deux sont pourvus d’une épouse, mais n’ont pas encore d’héritier : Anne d’Autriche en est à sa quatrième fausse couche, Marie-Thérèse commence sa première grossesse. Tous deux ont été des rois enfants, présents aux grandes démonstrations des lits de justice, sacrés aussi tôt que possible ; mais leur relation avec leur mère, régente puis chef du Conseil, a été différente. Louis XIII a déjà l’expérience d’une revendication violente du pouvoir : à seize ans, il a fait assassiner Concini et déclaré vouloir régner seul. Son fils a accepté le long apprentissage qu’Anne d’Autriche et Mazarin lui ont imposé. « Tout était calme en tous lieux »42, écrit Louis XIV revenant sur l’événement dix ans plus tard. On ne peut en dire autant de l’automne 1630 : au retour d’une deuxième campagne en Italie où ses troupes ont affronté les Espagnols, Louis XIII a failli mourir

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d’une infection intestinale ; arrivé à Paris, il ne peut s’installer au Louvre encombré de travaux, et se déplace entre Fontainebleau, Saint-Germain, Versailles et l’hôtel qui avait appartenu à Concini et se trouve à proximité du palais de sa mère, le Luxembourg. C’est dans ce palais, consacré tout entier à la gloire de Marie de Médicis, que le 10 novembre a lieu le Conseil au sortir duquel la reine mère exige du roi le renvoi de son principal ministre, Richelieu, et que le lendemain matin, le cardinal interrompt un entretien entre la mère et le fils, puis se retire tandis que le roi rejoint sa maison des champs de Versailles. La reine mère s’attarde au milieu des courtisans qui la félicitent de sa victoire alors que Louis XIII fait venir Richelieu auprès de lui. Si « la journée des Dupes » paraît se jouer autour de la seule reine mère, c’est que, depuis la fin des guerres qui l’ont opposée au roi de 1617 à 1621, elle est devenue l’intercesseur des Grands auprès de lui. Avec plus ou moins de bonheur : certains ont pris la tête des révoltes protestantes ; d’autres se sont compromis en poussant le frère du roi, Gaston, à refuser le mariage avec une Bourbon-Montpensier qu’il estime audessous de son rang, puis ont projeté l’assassinat de Richelieu en 1626. À partir de cette année, son rôle de médiatrice acquiert une dimension supplémentaire : sous l’influence du cardinal de Bérulle, son guide spirituel jusqu’en 1629 où il meurt, et de Michel de Marillac qu’elle a fait nommer chancelier, la reine mère dépasse la question banale des prétentions aristocratiques à contrôler le Conseil ; avec les « dévôts » qui l’entourent désormais, elle voit dans le pouvoir royal l’instrument de la Réforme catholique qui doit agir sur les mœurs, poursuivre la lutte contre les pro-

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testants jusqu’à leur disparition et conclure la paix avec les Habsbourg. L’éviction de Marie de Médicis relève donc d’un double choix : modifier le fonctionnement du gouvernement, mener une autre politique. Lorsqu’il réunit un Conseil le surlendemain de la mort de Mazarin, Louis XIV utilise l’appartement de sa mère au château de Vincennes où la famille royale s’est installée pendant l’agonie du ministre, mais il ne semble pas qu’elle ait été présente. Après avoir connu un moment de gloire lors de l’entrevue avec le roi d’Espagne, son frère, pour la paix des Pyrénées, Anne d’Autriche est renvoyée à ses devoirs dynastiques — aider la nouvelle reine à s’acclimater, préparer l’union de son deuxième fils —, ainsi qu’à ses devoirs spirituels.43 Héritier présomptif tant que la reine n’a pas mis au monde un fils, Philippe n’a aucune des exigences de son oncle, Gaston d’Orléans : au reste, il ne peut se plaindre d’un mariage qui va l’unir à la fille du roi d’Angleterre. Parmi les princes du sang, Condé, récemment rentré d’exil et assagi, puis les ducs et pairs, les maréchaux de France, les grands officiers de la Couronne et les ministres : tous entendent les intentions du roi. Elles se résument à enterrer la fonction de ministre principal avec Mazarin et à convoquer ceux que le roi désigne à mesure de ses besoins. Le choix du fils s’oppose à celui du père qui avait conforté la place de Richelieu auprès de lui. Dans la soirée du 11 novembre, Louis XIII et son ministre principal ont mis au point la destruction de l’entourage dévôt de la reine mère : Michel de Marillac rend les sceaux, est exilé puis arrêté, de même que son frère, commandant des armées en Italie. Au lendemain de cette éprouvante journée, Richelieu écrit au roi :

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Roi de France Il m’est impossible de ne pas témoigner à Votre Majesté l’extrême satisfaction que je reçus hier de l’honneur de sa vue. Ses sentiments sont pleins de générosité, et d’autant plus estimables qu’elle les soumet à la raison, et aux justes considérations du bien et du salut de l’État […] Je conjure, au nom de Dieu, Votre Majesté de ne se faire point de mal à elle-même par quelque mélancolie ; et moyennant cela, j’espère que, par la bonté de Dieu, elle aura tout contentement. Pour moi, je n’en aurai jamais qu’en faisant connaître de plus en plus à Votre Majesté, que je suis la plus fidèle créature, le plus passionné sujet, et le plus zélé serviteur que jamais roi et maître ait eu au monde […].44

« Créature », qui ne doit son existence qu’au roi, Armand de Richelieu revendique de l’être comme son père, petit noble poitevin attaché à Henri III pour lequel il a procédé en tant que Grand prévôt de France à l’arrestation des députés du Tiers le 24 décembre 1588. Parce que ce père l’avait laissé orphelin à cinq ans au milieu d’une famille nombreuse et désargentée, Richelieu s’est consacré à l’Église. Il a trouvé l’occasion de faire carrière en devenant d’abord la « créature » de Marie de Médicis : il a fait fonctionner sa maison, il l’a aidée dans ses démêlés avec le roi. La reine mère a pensé qu’en lui retirant au soir du 10 novembre toutes les charges qu’il occupait auprès d’elle, elle indiquait à son fils la manière de se débarrasser d’un serviteur. L’ambivalence de la position de Richelieu est là : « serviteur » qui peut être renvoyé d’un mot, voire d’un silence, « ministre principal de l’État » depuis novembre 1629 après avoir été lieutenant général des armées au siège de La Rochelle, en Italie et dans le Languedoc. Le premier terme l’autorise à se croire de la familia-

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rité du roi et à se permettre de le mettre en garde contre la « mélancolie » qui pourrait le saisir après ce nouveau coup porté à sa mère. Cependant, les fonctions qu’il a brillamment remplies, les fidèles dont il a su s’entourer, l’accord qu’il a passé avec le prince de Condé font de Richelieu un puissant instrument de l’action royale ; à différentes reprises, il a éclairé pour le roi les voies possibles, la réforme intérieure suivant le vœu des « dévôts » ou la lutte contre les Habsbourg. Toute la différence entre les journées du 11 novembre 1630 et du 10 mars 1661 tient dans l’entière liberté de Louis XIV de définir seul son action : « En effet, tout était calme en tous lieux, écrit-il ; ni mouvement ni apparence de mouvement dans le royaume qui pût m’interrompre ou s’opposer à mes projets ; la paix était établie avec mes voisins, vraisemblablement pour autant de temps que je le voudrais… »45 Dans ces trente années, l’association toujours fragile d’un roi, puis d’une reine avec un ministre principal est venue à bout des Habsbourg de Vienne puis de Madrid et des résistances multiples des sujets. Il a fallu recourir aux forces armées à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume et trouver les ressources financières pour les soutenir. Il a fallu aussi pouvoir agir en toute bonne conscience, celle que l’on perçoit chez le jeune héritier satisfait. « Si l’obéissance était due à mes prédécesseurs, il m’est dû autant ou plus de dévotion, d’autant que j’ai rétabli l’État, Dieu m’ayant choisi pour me mettre au Royaume qui est mien par héritage et par acquisition. »46 Prononcée en février 1599 par Henri IV pour obtenir du Parlement de Paris l’enregistrement de l’édit de Nantes, cette phrase unit de façon nouvelle les éléments qui servaient à définir le pouvoir royal.

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Mieux que l’institution divine que toutes les formes de pouvoir terrestre peuvent revendiquer, il s’agit d’une « élection », intervention directe de Dieu dans le choix de la personne destinée à accomplir la loi. Pour le royaume de France, cette loi est avant tout la loi salique dont l’origine mystérieuse peut apparaître elle aussi comme une manifestation de la volonté divine : nouveau signe de Dieu, la victoire militaire d’Henri IV qui lui a « acquis » le royaume a imposé cette loi comme fondamentale ; en retour, la loi donne à cette acquisition le statut d’un « héritage » porté par le sang. Si, maintenant, l’État se dégage nettement du Royaume comme l’instrument capable d’imposer un ordre à l’ensemble des sujets, ceux-ci se voient dénier la fonction de Conseil revendiquée tant par les parlements que par les assemblées : l’obéissance qui structure l’entière hiérarchie de la Création s’amplifie par la force du droit divin du roi et devient « dévotion ». Dès lors, l’image du corps mystique ou politique qui servait à rendre compte de la position ou des droits des sujets devient obsolète : la « tête » a absorbé les membres. Et Louis XIV peut affirmer : « La nation ne fait point corps en France : elle est tout entière dans la personne du roi. »47

LE ROI ET SES MINISTRES : L’EXEMPLE DU GRAND ROI

Un roi, quelque habiles et éclairés que soient ses ministres, ne porte point lui-même la main à l’ouvrage sans qu’il y paraisse. […] Tout ce qui est le plus nécessaire à ce travail est en même temps agréable ; car c’est

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en un mot, mon fils, avoir les yeux ouverts sur toute la terre ; apprendre à toute heure les nouvelles de toutes les provinces et de toutes les nations, le secret de toutes les cours, l’humeur et le faible de tous les princes et de tous les ministres étrangers ; être informé d’un nombre infini de choses qu’on croit que nous ignorons ; pénétrer parmi nos sujets ce qu’ils nous cachent avec le plus de soin ; découvrir les vues les plus éloignées de nos propres courtisans, leurs intérêts les plus obscurs qui viennent à nous par des intérêts contraires. Et je ne sais enfin quel autre plaisir nous ne quitterions point pour celui-là, si la seule curiosité nous le donnait.48

Comme bien d’autres dans les Mémoires, ce passage témoigne de la jouissance qui marque les heures passées par Louis XIV dans ses tâches de gouvernement. Cette position de domination où il lui semble tout voir et tout savoir pour décider de tout ne se conçoit pas sans les instruments que sont les ministres.49 Ils relaient la volonté du roi dans les départements dont ils ont la charge et qui, d’âge divers, ont été peu à peu stabilisés : les quatre secrétariats d’État joignent à une compétence thématique — Maison du roi, Guerre, Affaires étrangères, Marine, une autorité sur certaines portions du royaume ; s’ajoutent les services spécialisés, Bâtiments, Postes, Fortifications. Le Contrôleur général qui remplace le Surintendant après la chute de Fouquet pourvoit aux besoins financiers. Quelques dizaines de commis préparent les dossiers et mettent en forme les décisions. L’exécution des ordres est contrôlée par les intendants, commissaires envoyés dans les provinces, aux armées, à la marine ; ce sont en même temps des informateurs attentifs. L’annonce du 10 mars 1661 eût été impossible sans les « créatures » formées par Richelieu et

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Mazarin. Les familles Le Tellier et Colbert mettent leurs alliances, leurs clients et leurs pourvoyeurs de fonds au service du roi. En retour, profitant de l’élimination de Fouquet (1661) et de la mise à l’écart d’Hugues de Lionne (1672), Jean-Baptiste Colbert accumule les Bâtiments, le Contrôle général des Finances, et les secrétariats de la Maison du roi et de la Marine que son fils Seignelay reprend à sa mort (1683) ; son frère, Colbert de Croissy, est aux Affaires étrangères où son fils, Colbert de Torcy, lui succède en 1696. Louvois ajoute aux Postes le Secrétariat à la Guerre où il succède à son père, Michel Le Tellier, et les Bâtiments après le décès de Colbert ; son cousin, Le Peletier, accède au Contrôle général. Jusqu’à la mort de Louvois, la liberté réelle du roi consiste à jouer sur les rivalités des deux familles. À cette date, 1691, la volonté formulée en mars 1661 parvient à sa pleine réalisation : dans la trentaine d’années écoulées, le service du roi a fini par prévaloir sur les liens personnels qui permettaient aux familles ministérielles d’accomplir ses ordres ; commis, intendants, financiers travaillent indifféremment avec les responsables successifs des départements qui en retour trouvent plus simple de maintenir les liens déjà établis. De son côté, en multipliant les titulaires, le roi montre plus aisément qu’il ne fait que prendre les avis. La tendance était déjà lisible dans l’architecture du palais à Versailles avec la séparation des pavillons des secrétaires d’État et les bureaux du Contrôle général. Chamillart qui a su plaire, ainsi que les Pontchartrain, père et fils, sont les derniers à cumuler. Le temps consacré au gouvernement s’inscrit dans le « règlement des heures » rêvé par Catherine de Médicis et tenté par Henri III. Au lever et dans la

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deuxième partie de l’après-midi, les réunions en tête‑à-tête où se prennent les décisions qui portent sur les détails d’application, et particulièrement la progression des opérations militaires. Situé le matin après la messe, le Conseil a cessé d’être un lieu de légitimation ou de contrôle pour devenir un instrument de travail : il reçoit une organisation stable jusqu’en 1789, un plan de séance fixé à partir du fauteuil du roi et une salle dans les Grands appartements. Le roi siège régulièrement avec des secrétaires d’État et le Contrôleur général au Conseil d’En-Haut, qui s’occupe des affaires les plus importantes, et au Conseil des Finances ; souvent présidé par le Chancelier, le Conseil des Dépêches examine le courrier ordinaire des provinces. Le Conseil d’En-Haut s’ouvre à la famille royale et à la grande noblesse pour régler les questions de préséance ou effectuer des choix diplomatiques décisifs. Au printemps 1709, lorsque l’acceptation de la Succession d’Espagne a mis le royaume en danger, Louis XIV est d’accord avec son petit-fils, le duc de Bourgogne, et avec le duc de Beauvilliers pour défendre l’honneur dynastique alors que ses ministres insistent sur l’épuisement des ressources.50 Parce que l’acceptation elle-même devait rester secrète dans un premier temps, elle avait été décidée le 9 novembre 1700 chez Mme de Maintenon, le roi ayant appelé son fils le Grand Dauphin, le duc de Beauvilliers, le chancelier et le secrétaire aux Affaires étrangères. S’il faut ajouter les heures passées en compagnie des seuls secrétaires particuliers pour la lecture et l’annotation des rapports, la rédaction de lettres de civilité à d’autres souverains ou à de grands personnages, la mise au point d’aide-mémoire, le plaisir de tout savoir pour tout décider se paie chèrement : les

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médecins notent les « vapeurs » diurnes et les cauchemars nocturnes qui troublent leur royal patient et ne peuvent être attribués à la seule magnificence de son alimentation.51 « Le feu Roi, mon bisaïeul, que je veux imiter tant qu’il me sera possible, m’a recommandé, en mourant, de prendre conseil en toutes choses et de chercher à connaître le meilleur pour le suivre toujours. »52 À la veille de perdre le cardinal de Fleury, son ancien précepteur et conseiller principal, Louis XV se tourne vers un témoin encore vivant : le maréchal de Noailles a commencé sa carrière militaire pendant la guerre de Succession d’Espagne et épousé une nièce de Mme de Maintenon. Louis XVI manifeste le même besoin de rester au plus près du grand Roi lorsque dans le trouble de son avènement, il s’adresse à Maurepas qui lui a été recommandé neuf ans auparavant par son père mourant : « Je suis roi : ce seul mot renferme bien des obligations, mais je n’ai que vingtans. »53 Maurepas en a soixante-treize : témoin lui aussi, petit-fils du premier Pontchartrain ; le roi lui donne l’ancien appartement de Mme du Barry avec un accès direct au sien. D’un roi à l’autre, une même volonté de fidélité au modèle et un appel à l’aide. Une fois Fleury mort fin janvier 1743, Noailles remet à Louis XV une copie des Instructions de Louis XIV à Philippe, son petit-fils, partant pour l’Espagne, et qui se terminent par : « Je finis par un des plus importants avis que je puisse vous donner : ne vous laissez pas gouverner ; soyez le maître ; n’ayez jamais de favoris ni de premier ministre ; écoutez, consultez votre Conseil, mais décidez : Dieu qui vous a fait roi, vous donnera les lumières qui vous sont nécessaires tant que vous aurez des bonnes intentions. »54 Une manière de faire entendre à

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Louis XV qu’il faut en finir avec cette période de vingt années où, tout en étant présent au Conseil, il s’est contenté d’approuver les décisions de ses conseillers principaux successifs ; Noailles le renvoie au mode de gouvernement solitaire où le roi assure seul les orientations de sa politique. Sous la protection de Maurepas, Louis XVI a établi une régularité de gouvernement qu’il maintient après la mort de son conseiller principal (1781) et qui lui épargne les réunions du Conseil et les affrontements entre conseillers. Le duc de Croÿ, si critique par ailleurs sur le manque de représentation, rapporte : Il allait à la chasse et travaillait aux heures de règle avec chaque ministre, ayant bien soin de ne parler à chacun que de sa partie, les arrêtant, pour peu qu’ils allassent au-delà, paraissant d’ailleurs [par ailleurs] assez ferme et décidé, de sorte que, rien ne marqua et chacun était réservé.55

Il est sans doute essentiel au pouvoir absolu de droit divin que le roi soit le maître de ses décisions, encore faut-il que les questions en débat l’intéressent. Les relations avec les autres souverains sont de celleslà, la confrontation militaire en étant la partie la plus glorieuse. Louis XV a laissé Fleury mener seul la petite guerre de la Succession de Pologne, qui pourtant concernait son beau-père ; il prend ensuite la direction des opérations et de la diplomatie dans la guerre de Succession d’Autriche (1744-1748) et dans celle de Sept ans (1756-1763) ; il construit des liens secrets avec les états d’Europe orientale destinés à contrebalancer sa diplomatie officielle confiée à Choiseul et qui passe par un rapprochement avec l’Autriche. De cette reprise en main, les nouveaux

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titres du panneau central de la Grande galerie portent témoignage alors même que les résultats de cette politique sont désastreux. En nommant Vergennes aux Affaires étrangères suivant l’avis de Maurepas, Louis XVI choisit un ministre désireux de redonner à la Couronne de France la première place en Europe.56 L’occasion en est la révolte des colonies anglaises en Amérique que le roi suit avec intérêt jusqu’au moment où, assuré du soutien de son oncle le roi d’Espagne, il peut entrer en guerre avec le roi d’Angleterre (1778). Les années qui suivent la paix de 1783 offrent d’autres occasions d’intervention à propos des ProvincesUnies, de la Bavière ou de l’Empire ottoman. Tout cela ne devrait pas aller au-delà des questions habituelles d’interprétation des informations venues des autres cours ou des théâtres de guerre et qui peuvent se discuter lors des réunions de travail entre le roi et le ministre concerné : Vergennes est le seul ministre de Louis XVI à être resté en place aussi longtemps, de 1774 à sa mort en 1787. Cependant les possibilités de mener une politique de grandeur se heurtent à d’autres parties de l’héritage du Grand Roi autrement difficiles à maîtriser. Ce Dieu, non seulement l’unique juge, mais le véritable conseiller du roi, devait être adoré de façon uniforme. Louis XIV a réaffirmé son autorité sur l’Église (1682), supprimé les dernières libertés de culte des Protestants (1685). Restait le Jansénisme.57 Parce qu’elle concerne la foi et doit s’appuyer sur des condamnations pontificales, la répression de ce courant catholique hétérodoxe peut mettre en danger l’indépendance des rois de France vis‑à-vis du pape. Une première bulle a été publiée en 1656, une autre, la bulle Unigenitus demandée par Louis XIV à Clément XI, se heurte en 1713 à l’opposition du clergé de

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France et du Parlement de Paris. Ayant, à l’occasion de la Régence, retrouvé la plénitude du droit de remontrances restreint en 1672, les parlementaires s’affirment d’abord comme les défenseurs de la souveraineté royale. Puis, contraints en 1730 d’enregistrer la bulle Unigenitus comme « loi d’Église et d’État », ils s’instituent défenseurs des sujets menacés de mourir sans sacrements, alors que la protection des âmes appartenait en principe à l’élu de Dieu. Les parlementaires retrouvent les convictions de leurs prédécesseurs d’exprimer les droits du royaume, ou plutôt maintenant de la Nation, évoquée dans l’édit de 1717 sur l’exclusion des princes légitimés comme le recours ultime qui déciderait du sort de la Couronne en cas d’extinction de la maison de France. 58 Le conflit perdure, relayé après 1750 par le refus d’enregistrer de nouveaux prélèvements fiscaux. Décidé à maintenir intact l’héritage, Louis XV fait au Parlement, le 3 mars 1766, l’honneur d’un discours auquel il a lui-même travaillé : il y réaffirme, comme son bisaïeul, que la nation n’est pas « un corps séparé du monarque » et que la souveraineté réside toute entière dans la personne de celui-ci.59 Pour en finir avec les prétentions des parlements d’empiéter sur son pouvoir, il accepte en février 1771 les édits proposés par Maupeou, son chancelier : reprendre aux membres des parlements les charges qui ne leur avaient été que déléguées, nommer des juges appointés par le Trésor royal. Quatre mois après son avènement, Louis XVI cède à la pression de son Conseiller principal, Maurepas, de son Garde des sceaux, Miromesnil, et de son Contrôleur général des finances, Turgot : il rend leurs offices aux parlementaires, mais il ne peut échapper à l’autre partie de l’héritage du Grand Roi. Déjà dans

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sa correspondance avec Noailles, Louis XV s’était inquiété : « Ne payons-nous pas tout ce que le feu Roi a fait de dettes pour affaires extraordinaires… ? »60 Le maréchal avait alors énoncé la règle des finances royales : Votre contrôleur général doit, à l’avenir être obligé de fournir les fonds dont on aura besoin, sans qu’il ose s’informer des raisons pour lesquelles on les demande, et encore moins en décider ; il doit se renfermer à juger les moyens les plus convenables pour trouver les sommes que Votre Majesté jugera nécessaires à l’exécution de ses desseins…61

… et de citer l’attitude de « M. Colbert » à l’égard du « feu Roi ». Position que le duc d’Artois, frère de Louis XVI, tenait encore en 1787. L’obligation de répondre aux besoins financiers du roi quel qu’en soit le montant a poussé les Contrôleurs généraux à chercher d’autres moyens que l’élévation des taxes et des emprunts. Colbert avait lancé des enquêtes visant à éliminer les usurpations nobiliaires (16681672), essayé de favoriser la production manufacturière et les échanges maritimes. L’Averdy, nommé par Louis XV (1763-1768), et Turgot, par Louis XVI (1774-1776), ont voulu établir la liberté des échanges intérieurs et extérieurs pour accroître les revenus des taxes. Ces dernières tentatives ont été abandonnées devant les résistances parlementaires, puis devant l’urgence de retrouver du crédit parmi les financiers du royaume et de l’étranger. Si l’on veut mesurer les difficultés croissantes, on peut noter que cinq Contrôleurs généraux se sont succédé pendant les cinquante-quatre ans du règne personnel de Louis XIV, dix dans les vingt et une années qui vont

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de la mort de Fleury à celle de Louis XV, et neuf dans les quinze années qui séparent l’avènement de Louis XVI de l’été 1789. Lorsque Necker, le banquier genevois nommé à la direction du Trésor, éprouve des difficultés à continuer le financement de la guerre d’Amérique, il rend au roi un compte de ses dépenses et de ses recettes et ose le publier. Compte-rendu optimiste qui visait à rassurer d’éventuels prêteurs, mais qui expose ce qui devait rester à la fois indiscutable et secret. Or, la capacité du roi à emprunter est d’autant plus réduite que le service de la dette emporte plus de la moitié des rentrées. Il faudrait donc augmenter les revenus fiscaux en reprenant le fil des tentatives inaugurées sous Louis XIV et complétées à chaque guerre : imposer un prélèvement sur tous les sujets quel que soit leur statut — capitation, dixième, vingtième.62 Au risque de mettre en danger l’organisation sociale fondée sur les privilèges, c’est‑à-dire sur l’exercice de la grâce royale qui les a accordés. À ce problème fondamental, s’ajoutent des questions de tactique : contourner l’inévitable opposition parlementaire en faisant appel à des assemblées plus larges sans remettre en cause l’acquis de près de deux siècles et soumettre le pouvoir du roi à l’obligation de rechercher conseil ou approbation. L’Assemblée des Notables paraît la forme la plus maniable puisque sa composition dépend du roi. Messieurs, je vous ai choisis dans les différents ordres de l’État, et je vous ai assemblés pour vous faire part de mes projets. C’est ainsi qu’en ont usé plusieurs de mes prédécesseurs, et notamment le chef de ma branche dont le nom est resté cher aux

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Roi de France Français, et dont je me ferai gloire de suivre toujours les exemples.63

Ainsi Louis XVI accueille-t‑il le 22 février 1787 ceux qu’il a désignés en comité restreint avec Vergennes, Miromesnil et Calonne, responsable des finances depuis 1783 : les présidents et procureurs généraux des parlements, quelques ecclésiastiques, de grands nobles en principe favorables, les intendants, des maires, avec comme relais les princes du sang. De ces personnages qui occupent dans leur majorité des fonctions importantes dans les institutions monarchiques, le roi attend seulement des suggestions pratiques sur la manière dont le prélèvement du nouvel impôt, la subvention territoriale à payer en nature, peut s’effectuer. Or, c’est l’impôt lui-même que les Notables se permettent de refuser. La difficulté à trouver de nouvelles ressources met le roi dans une impuissance d’autant plus insupportable que la Russie et l’Autriche cherchent à entamer la puissance ottomane, traditionnelle alliée des rois de France.64 Se développe alors la fuite en avant qui, après le refus du Parlement d’enregistrer la subvention territoriale, ne laisse d’autre solution que de convoquer les États généraux. Au début de son discours d’ouverture, Louis XVI avait pris soin de rappeler aux Notables sa position dans la lignée des Bourbons. Dans le même esprit, il a fait figurer la reine et les enfants royaux à la séance de clôture. Cette affirmation dynastique s’est accentuée depuis la mort de Vergennes fin janvier 1787 : Louis XVI cherche l’appui de ses frères et de son épouse pour se protéger d’une noblesse qui a retrouvé les revendications de gouvernement par Conseil couramment discutées au temps des Valois. C’est alors

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que Marie-Antoinette commence à jouer le rôle de conseiller principal. Mal accueillie par une noblesse de cour restée hostile à l’alliance autrichienne, elle ne s’était entourée que de personnes de son choix, ignorant les usages de transmission des charges curiales, confiant même les enfants de France aux soins de ses amies, Mme de Guéméné puis la princesse de Polignac.65 La pression de sa mère et de son frère pour orienter la politique extérieure de la France s’était heurtée à la méfiance du roi et de ses conseillers préférés, Maurepas comme Vergennes. Après leurs disparitions successives, Marie-Antoinette peut jouer un rôle actif auprès du roi parce qu’elle est la mère de ses fils. Elle n’a pas davantage d’idées que lui sur la manière de sortir des difficultés financières sans mettre en danger les principes de la souveraineté absolue, mais en apparaissant à ses côtés dans la préparation des grandes décisions, elle va à l’encontre d’une pratique établie de très longue date et qui interdisait à la reine régnante d’intervenir en politique sauf pour exercer d’éphémères régences d’absence. Pour sa part, en recherchant ouvertement les conseils de son épouse, Louis XVI accentue son propre isolement et lie le sort de sa famille à l’exercice personnel du pouvoir.

TROISIÈME PARTIE

EXERCICES DU POUVOIR : LE ROI ET LA GUERRE

Introduction UN MÉTIER DE ROI

Ceci ne vous surprendra pas, vous m’en aviez déjà ouvert quelque chose ; voici, je crois le moment de vous en parler, puisque toutes mes troupes sont réunies. Selon toute apparence, nous allons avoir la guerre personnellement. La déclarerons-nous, ou attendronsnous qu’on nous la déclare, soit de fait, soit autrement ? Dans tous les cas, il faudra faire quelque chose soit à la fin de cette campagne soit au commencement de l’autre ; vous savez ce que vous m’avez promis, et ce n’est pas d’aujourd’hui que j’en grille d’envie.1

De Versailles, le 24 juillet 1743, Louis XV s’adresse au précieux témoin du Bisaïeul qu’il a choisi pour conseiller particulier : le maréchal de Noailles est alors cantonné à Spire en Rhénanie où refluent les quelque 40 000 hommes engagés dans un conflit qui ne porte pas encore de nom. À la mort de l’empereur Charles VI en novembre 1740, le cardinal Fleury avait obtenu du roi qu’il reconnaisse en Marie-Thérèse d’Autriche l’héritière de son père2 ; Louis XV était ensuite revenu à l’orientation anti-habsbourgeoise qui, au début du siècle, avait donné l’Espagne et ses possessions d’outre-mer à un Bourbon. L’élection impériale eut

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lieu sous la contrainte. Deux mois après la mort de Charles VI, le roi de Prusse, Frédéric II, avait enlevé la Silésie à Marie-Thérèse et la diplomatie française avait monté une coalition comprenant la Prusse, la Saxe et l’Espagne pour appuyer la candidature de Charles-Albert de Bavière, époux d’une fille du frère aîné de l’empereur défunt. 3 Dans l’été 1741, les troupes du roi de France partaient soutenir les forces bavaroises pour conquérir la Bohême ; Charles-Albert fut élu empereur à Francfort en janvier 1742. Alors Marie-Thérèse accepta de renoncer à la Silésie en échange de l’alliance de Frédéric II. L’Angleterre renforça cette conjonction : les intérêts du roi George II, qui possédait l’électorat de Hanovre, coïncidaient avec ceux de la majorité du Parlement qui voulait réduire la concurrence espagnole et française.4 Dans l’hiver 1742-1743, la Bohême était abandonnée, puis l’armée de Marie-Thérèse attaqua la Bavière, CharlesAlbert ne pouvait plus quitter Francfort. Le maréchal de Noailles tenta d’affaiblir les forces anglohanovriennes unies aux forces autrichiennes : ce fut la grave défaite de Dettingen sur le Main (23 juin). La première réaction du roi à l’annonce de cet échec avait été d’augmenter le nombre de ses régiments. Puis, dans cette lettre du 24 juillet, il en vient à envisager les possibilités d’évolution de la situation. « Selon toute apparence, nous allons avoir la guerre personnellement. » Cette expression curieuse montre à quel point le roi vit dans la conviction de l’unicité de sa personne et de son royaume. Au-delà, en tant que roi de France, il ne peut continuer à fournir une force d’appoint à un empereur sans terre et qui vient de se déclarer neutre. Désormais l’affrontement de ses armées et de celles de l’Autriche, de l’Angleterre et bientôt de la Prusse doit s’avouer comme une guerre.

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La question de savoir qui va prendre l’initiative de la déclaration concerne uniquement les relations entre souverains. Quels que soient les objets et les degrés de rivalité entre eux, il existe une solidarité de statut, donc une exigence de respect vis‑à-vis d’ennemis transitoires qui peuvent, une fois la paix venue, devenir des parents, s’ils ne l’étaient déjà.5 Jusqu’au milieu du XVIIe siècle, des hérauts d’armes ont pu être envoyés aux adversaires pour signifier la rupture, énoncer les raisons et les buts de guerre ; la présence d’ambassadeurs permanents rend ensuite ces démonstrations inutiles, mais non pas l’argumentation. Tous ces princes ont hérité des principes énoncés dans la cité romaine, christianisés par saint Augustin, développés par saint Thomas : seul celui qui possède le pouvoir suprême a le droit d’entreprendre une guerre ; c’est de cette source que la guerre tire sa légitimité. Soucieux de guider ceux qui portaient la responsabilité de la décision, théologiens médiévaux et modernes ont défini la notion de guerre juste en énumérant les causes qui pouvaient être défendues par les armes. Le secours aux alliés figure parmi celles-ci : Louis XV pourrait faire valoir cet argument après l’attaque de Marie-Thérèse sur la Bavière. Dans l’hypothèse où il préférerait attendre les déclarations des puissances coalisées, il pourrait invoquer la défense de son honneur et de l’intégrité de son royaume. Rien ici ne suggère un quelconque calcul qui tiendrait compte des sujets : il y va du principe même de légitimité qui trouve d’ailleurs sa traduction concrète dans la forme de publication des déclarations de guerre qui ont suivi en mars et avril 1744.6 Une ordonnance, c’est‑àdire un ordre immédiatement exécutoire sans contrôle ni enregistrement par une cour de justice, est envoyée à ceux qui occupent une fonction mili-

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taire dans le royaume, avec mission de diffuser ce texte pour les besoins de son application : les raisons de la guerre sont contenues dans les considérants des ordres donnés aux officiers de procéder à l’expulsion des ressortissants des états ennemis, ainsi qu’aux sujets d’attaquer ceux qui se trouveraient à leur portée, et à tout le moins de cesser tout commerce avec eux. « Dans tous les cas, il faudra faire quelque chose, soit à la fin de cette campagne, soit au commencement de l’autre… » Maître de la décision d’entrer en guerre, le roi l’est tout autant de la conduite des opérations. Malgré les constructions théoriques transformées en lieux communs qui font de la justice l’attribut du pouvoir royal, les souverains ont dû déléguer à des juges, inamovibles, puis héréditaires. En outre, la question de savoir si les rois, créateurs des lois, leur sont soumis n’a jamais été définitivement réglée. Rien de tel dans la guerre : à l’exception de la charge de connétable, d’ailleurs supprimée en 1627, les commandements généraux peuvent n’être confiés que pour le temps d’une campagne, c’est‑à-dire la durée de la belle saison.7 Encore les titulaires reçoivent-ils avec leur nomination l’ébauche d’un plan d’action dont un courrier serré assure le suivi de l’exécution. Il entre, dans ce domaine de l’activité royale, une part de raisonnement et d’anticipation à court terme qui le rend plus vivant, plus intéressant, plus désirable aussi : celui d’une liberté de décision que rien ne vient limiter. Ce qui n’exclut pas les demandes de conseil telles que Louis XV les adresse à Noailles. « Vous savez qu’il faut faire des dispositions d’avance pour la réussite d’un projet. Si c’est du côté de la mer, Ypres pourrait assez nous convenir ; si c’est du côté de la Meuse, Mons, Namur. »8 Ce roi

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qui n’a jamais quitté ses résidences de l’Île-de-France convoque la mémoire des campagnes du bisaïeul : toutes ces villes ont été déjà été conquises ; leur siège est donc possible et promet d’être glorieux. Car il s’agit d’accompagner dignement une décision si grave que Louis XV peine à la formuler : Je me hasarde peut-être un peu trop dans les circonstances critiques où nous sommes ; mais si vous ne croyez pas la chose possible, mandez-le moi avec votre franchise ordinaire. Je suis accoutumé à me contenir sur les choses que je désire, et qui n’ont pas été possibles jusqu’à présent, ou du moins qu’on n’a pas cru telles, et je saurai me contenir sur celle-ci, quoique je puisse vous assurer que j’ai un désir extrême de connaître par moi-même un métier que mes pères ont si bien pratiqué…9

Passé la plainte d’avoir été tenu trop longtemps par les volontés du défunt cardinal de Fleury, le roi approche de l’objet brûlant — « j’en grille d’envie » —, de son désir, sans toutefois aller jusqu’à l’expression positive de sa volonté. La caution des « pères » lui offre la possibilité de se réfugier dans une présentation technique de cette activité royale particulière, « un métier », et lui épargne de nommer les choses par leur nom. Partir à la guerre implique en effet plus qu’un changement de lieu : un véritable changement de mode de vie où le cérémonial se fragmente au gré des chemins, où la personne du roi peut être menacée, où son honneur et sa réputation sont soumis aux hasards des rencontres avec l’ennemi. Une véritable mise à l’épreuve où les protections ordinaires et les lenteurs des délibérations n’ont plus court. Au reçu de la lettre10, Noailles s’enthousiasme :

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Roi de France Sire, Je ne puis exprimer à Votre Majesté la satisfaction infinie que m’a causée la lettre dont elle m’a honoré, le 24 du mois dernier. J’y reconnais le sang et les sentiments de Louis XIV et de Henri IV ; j’en félicite Votre majesté, son État, et tous ceux qui, comme moi, s’intéressent à sa gloire. La résolution que vous prenez, Sire, d’aller à la guerre, est devenue indispensable à tous égards. C’est l’unique moyen de sauver votre État qui est en danger, on ne doit point vous le dissimuler. L’honneur personnel de Votre Majesté y est engagé ; un Roi n’est jamais si grand qu’à la tête de ses armées […]. Tous les souverains de l’Europe ont été à la guerre ; Votre Majesté, Sire, serait le premier et le seul de sa race qui n’eût point paru à la tête de ses armées. Elle serait d’autant moins excusable qu’il y a plus de motifs qui l’exigent, et, d’ailleurs, Sire, tout le monde reconnaît dans Votre Majesté les talents nécessaires pour la guerre ; ces talents sont nés avec elle, et malgré tout ce qu’on a fait pour les enfouir, on n’a pu les étouffer.11

En osant expliciter les intentions du roi, Noailles joue sur deux registres. L’un se situe dans l’immédiat : en Rhénanie, les armées ennemies sont aux portes du royaume ; depuis l’ouverture de la crise en 1740, le roi de Prusse, comme celui d’Angleterre, ont mené leurs troupes à la bataille ; Dettingen qui vient d’avoir lieu en présence de George II et de son fils préféré, le duc de Cumberland, appelle une revanche. En partant à la guerre, Louis XV va tenir son rang de souverain parmi ses rivaux et achever la reprise en main du gouvernement du royaume que Noailles l’a conjuré d’effectuer quelques mois auparavant. Il va imposer à ses troupes et à leur encadrement noble le respect de ses décisions.

Un métier de roi

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Ces éléments concrets ne se comprennent que dilatés dans la profondeur du temps de l’héritage. Noailles feint de tenir pour rien les semaines d’apprentissage que le roi avait consacrées dans sa jeunesse à l’acquisition du savoir-faire militaire.12 Dans ce que le roi appelle le « métier » de ses pères, le maréchal veut ignorer que les propositions pour les opérations futures ne sont que des citations de précédents ; il préfère y voir les effets d’un don transmis par le sang à l’instar de la souveraineté elle-même, ou mieux, l’expression la plus adéquate de la possession de la souveraineté.13 Le choix des ancêtres référents traduit bien cette conviction : en dehors de la bataille des Dunes à laquelle il a assisté lorsqu’il avait vingt-trois ans, Louis XIV ne s’est rendu sur les théâtres d’opérations que pour y diriger des sièges qu’il aurait tout aussi bien pu suivre du Louvre, de Saint-Germain ou de Versailles. Mais sa vie entière s’est inscrite de façon quasi continue dans les conflits armés : de 1638 à 1715, les périodes de paix représentent vingt-et-un ans dispersés en cinq séquences ; le reste du temps, il a fallu que ceux qui détenaient la souveraineté, son père, lui-même ou ceux qui, à titre provisoire, la régente Anne d’Autriche et Mazarin, l’exerçaient en son nom, assurent la fonction de chef de guerre. Quant à Henri IV, l’invocation du fondateur de la dynastie était certes inévitable et sa réputation de guerrier bien établie : à ceci près que, commencée à la tête des armées protestantes, la carrière du premier roi Bourbon s’est affirmée à la bataille d’Arques (mars 1590) contre les forces du duc de Mayenne et que les plus grands sièges qu’il a menés se sont faits autour de Rouen, de Paris et d’Amiens. Les liens entre souveraineté et direction de la guerre s’inscrivent ici dans la nécessité élémentaire de maîtriser les bases

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territoriales de l’exercice du pouvoir. Au contraire, les guerres précédentes et une bonne partie des suivantes répondent au projet dont Louis XI s’était enorgueilli : augmenter ces bases, faire coïncider la grandeur de la maison royale et l’étendue de ses possessions. À l’approche de la mort, Louis XIV s’est reproché d’avoir « trop aimé la guerre » : il n’est pas le seul roi de France. Prédécesseurs et successeurs ont pratiqué la guerre avec une grande constance.14

Chapitre IX UNE GUERRE DE MAGNIFICENCE : L ’ E N T R E PR I S E D E N A P L E S (1494-1495)

Le lundi matin, environ sept heures, sixième jour de juillet, l’an mille quatre cent quatre vingt quinze, monta le noble roi à cheval, et me fit appeler plusieurs fois. Je vins à lui, et le trouvai armé de toutes pièces, et monté sur le plus beau cheval que j’aie vu de mon temps, appelé Savoie. Plusieurs disaient qu’il était de Bresse. Le duc Charles de Savoie le lui avait donné. Et était noir et n’avait qu’un œil, et était moyen cheval, de bonne grandeur pour celui qui était monté dessus. Et semblait ce jeune homme tout autre que sa nature ne portait, ni sa taille, ni sa complexion ; car il était fort craintif à parler, et est encore aujourd’hui. Aussi avait-il été nourri [élevé] en grande crainte, et avec petites personnes ; et ce cheval le montrait grand ; et avait le visage bon et de bonne couleur, et la parole audacieuse et sage.1

Dans les trois années qui suivent le retour d’Italie, Commynes rassemble souvenirs et commentaires à l’intention d’Angelo Cato, ancien médecin de Louis XI ; il n’envisage pas leur circulation immédiate. Aussi peut-il présenter Charles VIII tel qu’il apparaît d’ordinaire à tous ceux qui le voient de près ou de loin : petit, malingre, maladroit, bégayant. Pourtant, au matin du

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6 juillet 1495, le roi est métamorphosé. Son corps est magnifié par la vêture de métal ornementé de son armure ; il a choisi un cheval qu’il connaît bien pour l’avoir reçu de son oncle maternel, le duc de Savoie, lorsque celui-ci est venu à la cour six ans auparavant. Malgré la mutilation, l’animal a gardé sa beauté, il communique au roi la force et l’assurance qui se lisent sur son visage, s’entendent dans les mots qu’il prononce. Commynes peut d’autant moins être souçonné de complaisance qu’il a pris le parti de Louis d’Orléans dans sa révolte du début du règne et que Charles VIII l’utilise pour son expérience diplomatique sans lui accorder grande confiance. Dans l’attitude du roi, il reconnaît l’effet des plaisirs de la guerre, l’émotion à l’approche des forces adverses dont il faut évaluer les intentions, la perspective de l’affrontement physique dans des espaces ouverts qui n’ont plus rien à voir avec les champs clos et les règles des tournois, le tout appuyé sur une conscience partagée de la présence divine : Et semblait bien (et m’en souvient) que frère Hiéronyme m’avait dit vrai, quand il me dit que Dieu le conduisait par la main et qu’il aurait bien affaire en chemin, mais que l’honneur lui en demeurerait.2

Dans cette fin du XVe siècle, les prophètes sont nombreux et influent sur les décisions politiques : Commynes, envoyé à Florence, a rencontré Hiéronyme Savonarole dont la prédication a accéléré la fuite de Pierre de Médicis. Le dominicain n’est pas le seul parmi ses contemporains à avoir vu la volonté divine dans l’expédition de Charles VIII en Italie. D’une manière plus large, l’activité guerrière des rois se situe sous le regard d’un Dieu qui n’est pas le

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Christ rédempteur, mais le Dieu des armées qui les conduit au combat depuis l’Ancien Testament. Souvenir précis des paroles de Savonarole, imprégnation commune, Commynes paraphrase le début d’un psaume de David : « Béni soit Yahvé mon rocher / Qui a dressé mes mains au combat / Et mes doigts pour la bataille. »3 Au matin du 6 juillet 1495, ce jeune homme de vingt-cinq ans qui manifeste une grandeur vraiment royale se prépare pour sa première bataille : les troupes coalisées de Venise, de Milan et de Mantoue l’attendent près de Fornoue au bord de la plaine du Pô ; il revient du royaume de Naples dont il a pris possession au terme d’un voyage accompli d’août 1494 à février 1495, soit six mois pour parcourir plus de 1 200 km.4

LA RECONQUÊTE D’UN BIEN USURPÉ

Dans l’ensemble des possessions que Louis XI était parvenu à capter après la mort du duc d’Anjou (1480), la Provence ouvrait des droits sur le royaume de Naples.5 Le duc n’avait pas pu les défendre contre Ferrand, le fils légitimé d’Alphonse, roi d’un royaume d’Aragon alors en pleine expansion en Méditerranée occidentale, mais Louis XI avait essayé de trouver des appuis dans la péninsule italienne en prévision du moment où son fils entreprendrait la reconquête. Recevant en janvier 1478 les délégués vénitiens venus signer un traité d’amitié, Louis XI avait élargi la mission future de son héritier : « Aller avec sa noblesse et la chevalerie de France combattre le détestable Turc

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et les autres infidèles… »6. Aux droits légitimes sur l’héritage, il ajoutait l’espoir de la croisade : y autorisaient le titre ancien, « royaume de Sicile et de Jérusalem », et la position de ses limites orientales, « saint passage » ouvert sur l’Adriatique, faisant face à l’avancée des armées ottomanes depuis la prise de Constantinople (1453). Ce n’était pas par hasard que, parmi les saints hommes qui abondaient dans une Église en crise, Louis XI avait choisi François de Paule, né en Calabre et connu pour ses dénonciations des injustices commises par Ferrand ; Sixte IV avait autorisé son installation auprès du roi de France. Louis XI, mourant, avait reçu ses consolations, et c’est auprès de Charles VIII que le moine tient l’essentiel de son rôle politique.7 Installé au Plessis-lèsTours, il accueille les nobles napolitains opposants à Ferrand ; son neveu, procureur général de l’ordre des Minimes, se déplace fréquemment à Rome. Le sort du royaume de Naples ne peut s’envisager sans les liens qui l’unissent au pouvoir pontifical depuis sa création par Urbain IV en 1265. En 1481, Sixte IV avait reconnu les droits des rois de France et offert au Dauphin Charles le titre honorifique de gonfalonnier de l’Église.8 Venise de son côté faisait de même : visitant la cour de France au début de 1484, Antonio Loredano apportait une lettre officielle reconnaissant ces droits et parlait au tout jeune roi d’une expédition militaire. 9 Rome comme Venise cherchaient alors un protecteur contre la coalition qu’elles avaient fait naître en attaquant le duché de Ferrare.10 Au titre de chefs de l’Église catholique et de princes territoriaux, les papes étaient doublement intéressés à la défense de la péninsule italienne contre les Ottomans : la côte de la Romagne qui leur apparte-

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nait était aussi exposée que celle des Pouilles. Le 20 janvier 1488, Charles VIII, alors âgé de dix-huit ans, reçoit les envoyés d’Innocent IV : ils le pressent d’en finir avec les conflits intérieurs pour mener la croisade avec le pape. Cette croisade, annoncée par une bulle l’année précédente, paraît favorisée par la révolte de Djem, un frère du sultan Bajazet : réfugié auprès de l’Ordre des Hospitaliers, il est retenu en France. Ce prince ottoman fait rêver tous les souverains chrétiens : son opposition à Bajazet, et pourquoi pas sa conversion, pourrait susciter un soulèvement des provinces occidentales de l’empire et faciliter la reconquête. Le roi de Bohême, les autorités vénitiennes, Laurent de Médicis, Ferrand luimême ont envoyé des ambassades à la cour de France pour obtenir Djem. Innocent IV le réclame ; le prince lui est finalement livré au début de 1489. En 1491, Charles VIII charge André Paléologue, dernier descendant mâle des empereurs Byzantins, d’aller évaluer les possibilités d’insurrection des Chrétiens de Morée.11 Il est difficile de savoir si le roi adhère alors aux espoirs exprimés dans les écrits prophétiques : croit-il à l’influence de la similitude de son prénom avec celui du grand Empereur, Charlemagne, vainqueur d’autres Infidèles ? Ou encore se voit-il maître de Constantinople, puis de Jérusalem où sa mort doit ouvrir le règne des Mille ans qui précèdent la fin du monde et le Jugement dernier ? À côté de cette grande politique où Charles VIII est l’objet de sollicitations de la part des autres souverains, y compris du souverain pontife, l’affaire de Bretagne paraît bien mince. Un manuscrit qui a circulé dans les cours de France et d’Angleterre après la fin de la guerre de Cent Ans la définirait assez comme

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une « guerre commune ». Le héraut d’armes de France s’adresse à celui d’Angleterre : Et sachez, sire héraut, que je fais grande différence entre guerre commune et guerre de magnificence. Car je dis que guerre commune est en soi même ou contre ses voisins et lignagers, et guerre de magnificence est quand princes vont en ost conquérir en lointain et étrange pays, ou soi combattre pour la foi catholique défendre ou élargir.12

Une guerre qui avait commencé par une rébellion des grands nobles et n’avait pour objectif que de faire rentrer un vassal dans l’obéissance. N’étaient les alliés que le duc de Bretagne, François II, avait pu trouver : le roi d’Angleterre, celui d’Aragon et Maximilien, roi des Romains, époux par procuration de la duchesse Anne après le décès de son père. En décembre 1491, le roi de France finit par l’emporter : le duché est soumis, l’union avec Anne consommée. Mais il a dû payer de sa personne : l’obligation de renoncer à la fille du roi des Romains, futur empereur, pour épouser une simple duchesse pouvait passer pour une humiliation. Moins d’un mois plus tard, le 2 janvier 1492, le dernier royaume musulman d’Espagne tombe aux mains de Ferdinand d’Aragon et de son épouse Isabelle de Castille. De son côté, Maximilien affronte les Ottomans en Hongrie. Il devient urgent d’illustrer le nom de Très Chrétien. En attendant mieux, cette même année 1492, Charles VIII choisit une devise audacieuse, « Plus qu’aultre ». La nuit du 13 octobre, François de Paule, prévenu de la naissance imminente du premier enfant du roi, prédit un garçon et lui offre un prénom non moins revendicatif : Orlando,

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prince légendaire, avait autrefois triomphé des Infidèles en Calabre et dans les Pouilles.

LA VOLONTÉ DU ROI

D’abord obligé, de par sa jeunesse, de donner la caution de sa souveraineté aux décisions qui se prenaient sous l’influence de sa sœur, Anne de France, et de son beau-frère, Pierre de Beaujeu-Bourbon, Charles VIII a réuni autour de lui des conseillers capables de donner consistance à ses désirs de grandeur. Il a gardé dans sa familiarité Étienne de Vesc que son père avait placé auprès de lui lorsqu’il était tout enfant. Ce Dauphinois d’origine avait compris tout l’intérêt de l’héritage provençal ; entré au Conseil au début du règne, il y a défendu les droits du roi sur Naples. À partir des années 1490, il occupe des charges en Provence dont il veut faire la base de la reconquête. Sont adjoints d’anciens serviteurs du roi René, nostalgiques du royaume perdu, ainsi de Perron de Baschi, originaire de l’Ombrie et déjà employé par Louis XI pour des missions en Italie. Proches aussi et intégrés à la Maison du roi, de jeunes seigneurs tentés par toutes les formes d’aventure, Louis de Luxembourg, le comte de Ligny. Enfin, un personnage essentiel : à la tête d’un réseau de marchands tourangeaux et de financiers, Guillaume Briçonnet, seul capable de trouver les ressources nécessaires, mais qui, au vu des engagements pris pour soutenir la guerre en Bretagne, hésite longuement.

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De décembre 1492 à mai 1493, trois traités permettent de désintéresser les souverains étrangers de l’affaire de Bretagne. Charles VIII impose à son Conseil divisé les concessions nécessaires pour obtenir la paix de ce côté-là. Le traité d’Étaples établit le paiement d’un tribut annuel aux rois d’Angleterre, les traités de Barcelone avec Ferdinand d’Aragon et de Senlis avec Maximilien entérinent de lourdes rétrocessions territoriales. C’est le moment où les droits de Charles VIII commencent à être présentés comme l’annonce de l’entreprise, autrement dit de l’expédition militaire. Ainsi, la guerre voulue par le roi entre-t‑elle dans la catégorie des guerres justes. Perron de Baschi entreprend alors le tour des états italiens pour obtenir leur concours. Ferrare et Bologne promettent de faciliter le passage des armées. Sensible aux prolongements possibles de l’expédition de Naples, Venise préfère rester maîtresse de ses relations avec les Ottomans. À Florence, Pierre de Médicis qui tente de succéder à son père Laurent, mort en avril, refuse de s’engager. Au contraire, en mai 1493, Ludovic Sforza vient lui-même renouveler l’alliance conclue cinq ans plus tôt : il a besoin de faire reconnaître la confiscation du pouvoir qu’il a opérée au détriment de son neveu ; en outre, il préfère soutenir le projet lointain du roi que d’affronter les réclamations sur Milan de son cousin, Louis d’Orléans, petit-fils de Valentina Visconti, et déjà possesseur du comté d’Asti.13 Il manque encore un élément essentiel : l’assentiment du suzerain, le pape, Alexandre VI, élu en août 1492. Sur l’insistance du frère de Ludovic, le cardinal Ascanio Sforza, il reconnaît les droits de Charles VIII, mais ne promet rien de plus. Seul signe

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de bienveillance, il donne son investiture au frère de Guillaume Briçonnet, Robert, pour l’archevêché de Reims, et pour l’évêché de Saint-Malo à Guillaume lui-même, qui, profitant de son veuvage, cherche dans l’état ecclésiastique la légitimité qui manquait à son ascension. Malgré ces maigres résultats, Charles VIII réunit son Conseil presque quotidiennement pendant l’automne 1493. Pour lui, il ne s’agit plus que de prendre les mesures d’organisation nécessaires à l’entreprise. Les membres de la commission restreinte — Étienne de Vesc, le vieux maréchal d’Esquerdes, Guillaume Briçonnet, Commynes —, qui l’avaient aidé dans les négociations, se retrouvent dans le Conseil. Les divergences portent désormais sur l’étendue de l’expédition : Pierre de Bourbon, Commynes, Esquerdes défendent la modération vis‑à-vis de Pierre de Médicis ; le prince d’Orange ne veut rien qui puisse provoquer le mécontentement de Maximilien ; les maréchaux de Graville et de Gié soutiennent les droits de Louis d’Orléans en proposant des opérations proches du Milanais. Chers et bien aimés, présentement avons eu nouvelles d’Italie comme le roi Ferrand, lequel par usurpation, possédait le royaume de Naples, est allé de vie à trépas. Et, pour ce qu’avons été dûment averti que ledit royaume nous appartient tant par droite succession que par testament de la maison d’Anjou, et autres bons et grands avertissements que l’on nous a fait des pays d’Italie, princes et seigneurs dudit royaume qui nous en ont écrit, avons délibéré à diligence nous transporter en notre bonne ville de Lyon, et illec [là] faire venir devers nous plusieurs bons et grands personnages, tant de notre sang, prélats, capitaines, chefs de guerre, gens de notre conseil, de nos parlements et autres, auquel

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Roi de France lieu faisons apporter nos droits, titres et enseignements et ce qui nous a été envoyé pour ladite cause, pour le tout mettre en délibération et sur ce prendre une bonne conclusion telle qu’il sera avisé pour le bien de nous et de notre royaume, delaquelle et de toutes nos autres affaires sommes délibérés vous avertir comme nos bons et loyaux sujets. Donné à Amboise, le 10e jour de février.14

Mort opportune que celle du roi « usurpateur » le 25 janvier 1494 : dix jours auparavant, Charles VIII avait congédié l’ambassadeur de Naples venu lui proposer l’abandon de ses revendications contre une aide à la croisade. À peine la nouvelle reçue, le roi fait envoyer cette lettre à la municipalité de Troyes, et vraisemblablement à toutes les villes connues pour leur obéissance. Il fait valoir le dossier de ses droits qui sera présenté au Conseil élargi qu’il prévoit de tenir bientôt à Lyon. Les pièces qui le composent avaient d’abord été réunies pour contrer René II de Lorraine, petit-fils de René d’Anjou par sa mère. Au vu des preuves, ce Conseil où il convoque nobles, prélats, chefs de guerre et grands officiers de justice ne pourra que parvenir aux bonnes « conclusions » : le bien-fondé des droits du roi sur le royaume de Naples. Première ambiguïté : ces conclusions vont-elles revêtir la forme d’un avis ou d’un consentement à l’entreprise guerrière ? Se reconnaît ici l’interprétation contradictoire des rapports entre le roi et ses conseillers quels qu’ils soient et qui traverse l’histoire de la monarchie. Seconde ambiguïté : la promesse du roi aux villes de continuer à les informer relève-t‑elle d’un mouvement de sa grâce ou de la nécessité d’obtenir leur concours ? Le jour même de la rédaction de la lettre aux villes, ordre a été expédié à tous les officiers

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concernés de rassembler les compagnies d’ordonnance15 et de les tenir prêtes à marcher à partir du 8 mars : le Conseil élargi est prévu pour le 17 et une assemblée des délégués des municipalités doit avoir lieu début avril. De fait, courant mars, les premiers soldats franchissent les Alpes sous la direction de Bérault Stuart d’Aubigny. Le consentement, s’il était jamais demandé, serait purement formel. Cependant, s’il est entendu que les nobles doivent remplir leur fonction de combattants, les villes entretiennent un rapport différent, mais non moins étroit avec la guerre : certaines doivent livrer des combattants tout équipés, toutes détiennent les sources du financement des troupes. Qu’il s’agisse de rassembler les fonds de la taille prélevée dans les campagnes, de mettre à la disposition du roi les revenus des droits levés sur les marchandises — le sel en particulier —, c’est en ville qu’exercent les officiers des finances capables, en outre, de faire des avances rétribuées sur les rentrées et de trouver des prêteurs supplémentaires ; ce sont aussi les municipalités qui peuvent accepter de prêter solidairement de l’argent au roi.

« QUAND PRINCES VONT EN OST CONQUÉRIR EN LOINTAIN ET ÉTRANGE PAYS… »

Début mars 1494, le roi avait confié à l’ambassadeur de Milan qu’il était conscient de l’hostilité « de la plus grande part du royaume », mais savait que tout plierait s’il partait à la guerre « en personne »16. « En personne » demande quelques précisions. Voici ce que des observateurs vénitiens ont relevé de la « cour,

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suite et garde du roi », au moment où, après avoir franchi les Alpes et longé la plaine du Pô, Charles VIII a traversé les Apennins pour pénétrer dans le territoire soumis à Florence.17 D’une cour mobile comme il était alors d’usage, la guerre conserve l’abondance des serviteurs : 200 personnes attachées à la Chancellerie mettent en forme et expédient les décisions prises en Conseil ; 1 100 subalternes assurent la vie matérielle, le soin des animaux de trait, le port de la correspondance, le transport des tentes et des meubles, des coffres remplis de parures civiles et guerrières, de joyaux, d’objet précieux et de reliques. Une dizaine de grands seigneurs, avec leur suite — 1 165 cavaliers, entourent le roi : princes étrangers comme le prince d’Orange ; fidèles des provinces de rattachement récent, Antoine de Bessay, bailli de Dijon ou Louis d’Hallwin, sieur de Piennes, venus de Bourgogne ; combattants victorieux de la Bretagne, le maréchal de Rieux, le maréchal de Gié, Louis de La Trémoille. La Maison du roi garde sa structure et ses grands officiers mais elle s’augmente de forces armées à la disposition directe du roi : aux bandes des Cent-Gentilhommes et des Gardes écossaises, s’ajoutent 400 archers à cheval, autant d’arbalétriers montés eux aussi, 1 800 gens d’armes organisés en lances, 1 200 fantassins et 400 « pensionnaires », gentilshommes venus offrir leurs services : soit 4 000 combattants.18 L’ensemble est évalué à 9 500 personnes. La guerre a évidemment exclu les épouses et leur suite. Les femmes ne sont cependant pas complètement absentes : les unes, visibles, sont les belles offertes au passage avec éclat par les familles nobles ou notables telle Alda de Gonzague, rencontrée à Lucques et qui va rejoindre le roi à Naples ; les autres, prostituées mêlées aux mar-

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chands et aux artisans qui suivent toutes les armées, ne sont pas plus comptabilisées qu’eux. « Sa Majesté jusqu’ici est d’avis d’emmener tous les princes du royaume à sa suite », avait écrit l’envoyé milanais en mars 1494.19 Des listes complémentaires remises aux autorités vénitiennes relèvent la présence en Italie de princes du sang — Louis d’Orléans, Gilbert de Montpensier et François de Vendôme — des branches cadettes de la maison de Bourbon, d’alliés du roi — Philippe de Bresse, son oncle maternel —, de grands nobles étrangers — Louis de Luxembourg, Engelbert de Clèves, comte de Nevers —, de puissants seigneurs provinciaux — Louis d’Armagnac, comte de Guise, Jean de Foix, Gabriel d’Albret, les sieurs de La Palice, de Gramont. Plus d’une trentaine de noms repérés.20 Triple avantage pour le roi de France : faire vis‑à-vis des États étrangers, amis ou ennemis, une démonstration de puissance ; enlever aux grands des occasions de soulèvement dans un royaume confié à la garde de Pierre de Bourbon, nommé lieutenantgénéral, et à 900 nobles de toute condition désignés pour maintenir l’ordre dans les provinces21 ; offrir à tous la possibilité de servir le roi tout en ayant l’occasion de « conquérir si riche pays », but que le héraut de France associait à la guerre de magnificence.22 Au total, 28 000 combattants avaient été jugés nécessaires : il en avait fallu 24 000 pour réduire la Bretagne. Plus de la moitié est constituée de forces permanentes : la cavalerie lourde des compagnies d’ordonnance, ces « chevaliers » évoqués par Louis XI devant les envoyés vénitiens, soit 2 423 lances financées par la taille, l’impôt annuel qui alimente l’ordinaire des guerres suivant les règles reprécisées aux États généraux de 1484.23 Aux moyens multiformes

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de l’extraordinaire des guerres — taxes, emprunts, droits domaniaux — revenait de pourvoir à l’entretien de tout le reste : arquebusiers montés sur des chevaux plus légers, environ 3 500 gens de pied munis d’arcs ou d’arbalètes, auxquels s’ajoutent 3 000 Suisses et les Allemands d’Engelbert de Clèves ; 70 canons de toute taille et 90 navires. À quoi il faut ajouter les 30 000 hommes qui assurent le service des gens de guerre et de leur matériel : ainsi les gros canons sont tirés par 20 chevaux sous la surveillance des charretiers. Le maréchal de Crèvecœur qui avait participé aux dernières guerres de Louis XI estimait à 1 800 000 livres la somme nécessaire à la mobilisation des troupes et autant pour les faire vivre une année en Italie : aucune activité royale ne pouvait consommer pareille somme en si peu de temps. Au cours d’un Conseil élargi en juillet 1493, le roi avait maintenu à 2 300 000 livres le montant de la taille pour l’année suivante, mais comme l’arriéré de la guerre de Bretagne en exigeait près de la moitié, le prélèvement en serait anticipé. En avril 1494, un emprunt de 100 000 livres était établi sur les municipalités, le paiement des gages et pensions suspendu ; Briçonnet commençait à négocier un prêt auprès des banquiers de Gênes. Ludovic Sforza offrait 6 000 combattants. Les revenus attendus du royaume de Naples étaient évalués à 1 500 000 livres.

LE VOYAGE

Tant que le roi en garde la maîtrise, il n’est pas de plus grand exercice du pouvoir que de faire mouvoir

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des dizaines de milliers d’hommes et les Grands du royaume suivant les objectifs qu’il a définis. 24 Au 1er juillet 1494, Charles VIII faisait état d’un plan d’opérations qui plaçait Louis d’Orléans à la tête des troupes envoyées à Gênes ; pour plus de sûreté, le prince partit accompagné de fidèles du roi, dont Pierre d’Urfé.25 L’« armée de mer » devait comporter près de 3 000 cavaliers et 6 000 gens de pied dont 1 500 Suisses, l’artillerie et des vivres. Quatre-vingtdix navires, pris dans la flotte bretonne et provençale ou construits dans les ports normands, charentais ou méditerranéens arrivèrent à Gênes et à Savone. Il s’agissait de la reproduction élargie des expéditions menées en son temps par René d’Anjou pour laquelle les barons napolitains étaient venus plaider, plans et cartes à l’appui, en février 1490. Cette reproduction était si prévisible que Alphonse II, fils de Ferrand et nouveau roi de Naples, avait expédié le 22 juin une flotte de soixante et un navires commandée par son oncle, don Frederico : arrivés en vue de Gênes trois semaines plus tard, elle se heurtait aux forces menées par Urfé et se repliait sur Livourne avec l’accord de Pierre de Médicis. Une nouvelle tentative le 5 septembre rencontra un nouvel échec. Cela faisait à peine une semaine que Charles VIII avait passé le col du Mont Genèvre. Le roi comptait-il embarquer pour Naples avec la flotte de Gênes, la plus importante jamais réunie alors ? Son départ tardif du royaume, fin août, évite la chaleur plus redoutable à ces guerriers lourdement vêtus que les pluies et le froid. Il ne s’agit cependant pas d’un calcul, mais de l’effet de la lenteur à réunir les fonds que nécessitent la mise en place et le mouvement des corps d’armée. Ce n’est que le 21 août que Briçonnet apporte au roi les premières liquidités

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tirées d’un emprunt de l’équivalent de 350 000 livres finalement obtenu auprès de banquiers et de marchands génois et milanais : il y avait fallu la caution du roi, des joyaux de la reine et l’engagement des proches conseillers ; Ludovic Sforza a été mis à contribution. Les pèlerins partant pour les Lieux saints savaient bien, tout pétris de foi qu’ils étaient, que la Méditerranée cessait d’être fiable après le 15 août. Un souverain, dont l’héritier avait deux ans, ne pouvait s’y aventurer. Encore moins après qu’une maladie l’a immobilisé à Turin de fin septembre à début octobre. Ainsi la chevauchée du roi et du gros des troupes se dilate dans le temps à travers un espace différent : au lieu de joindre Naples par la mer en environ trois semaines, il faut envisager de traverser la péninsule. Les voies terrestres sont bien connues des ecclésiastiques, des diplomates et des nobles qui ont déjà entrepris des voyages par curiosité. D’ailleurs, Ludovic Sforza fournit quelques-uns de ses capitaines pour guider les différentes forces armées ; son gendre, Galeazzo da Sanseverino, issu d’une grande famille napolitaine, accompagne le roi. Mais le cheminement terrestre est d’autant plus long qu’il traverse des états. Tandis que ses troupes installent leurs campements à l’entour, Charles VIII est accueilli dans les cours avec les fastes d’usage. Il rencontre Louis d’Orléans à Asti, cultive à Turin les liens avec la maison de Savoie dont la neutralité est nécessaire à la traversée des Alpes ; à Casale, il trouve l’appui financier de la marquise régente du Montferrat, fille d’André Paléologue auquel il vient d’acheter ses droits sur Constantinople. Arrivé dans le Milanais au moment où le duc légitime se meurt, il se rend d’abord auprès de lui à Pavie, mais

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choisit d’appuyer Ludovic, l’oncle usurpateur, son seul allié dans l’entreprise. Enfin, le roi ne cesse d’assurer le pape de son intention d’aller le rencontrer à Rome. Ce cheminement diplomatique plus que guerrier justifie le nom de voyage souvent employé pour désigner l’expédition. Il renvoie au Romzug26, le déplacement du roi des Romains venu chercher, avec la bénédiction papale, la couronne impériale : il y a comme une anticipation de ce que Maximilien ne devrait pas tarder à accomplir, puisque son père, Frédéric III, est mort en août 1493. Malgré leur rivalité autour de la figure de Charlemagne, Charles VIII a constamment recherché l’assentiment de Maximilien. Il a pu espérer que le mariage du nouvel empereur avec la nièce de Ludovic faciliterait le rapprochement. De fait, en janvier 1494, il a obtenu de lui une reconnaissance écrite, mais officieuse, de ses droits ; il a offert d’aller le rencontrer avant son départ pour la guerre ; il a continué de lui écrire, comptant sur la pression ottomane qui s’intensifiait en Croatie. Il pouvait y avoir là une alliance grandiose entre l’empereur et le Très Chrétien unis dans la croisade qui devait suivre la reconquête de Naples. Et peut-être dans l’immédiat un moyen de pression sur Alexandre VI qui avait rapidement reconnu les droits d’Alphonse et envoyé son propre neveu, le cardinal Juan de Borgia, procéder au couronnement. En octobre, la perspective de devoir traverser le territoire florentin modifie le caractère du déplacement : Pierre de Médicis a choisi de s’allier avec Alphonse. Désormais, le voyage revêt la forme guerrière de l’entreprise : Charles VIII porte quotidiennement son armure et appelle à lui les troupes qui opèrent depuis début juillet. La stratégie imaginée par Alphonse incluait une

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opération parallèle, terrestre celle-là, qui visait l’Est du territoire milanais en remontant par la Romagne : il la confia à son héritier, Ferrandino, âgé de vingtdeux ans, qui réunit environ 8 000 hommes.27 À la demande de Ludovic Sforza, les premiers combattants qui ont franchi les Alpes sous la direction de Stuart d’Aubigny rejoignent les troupes milanaises à Parme ; début septembre, Montpensier y arrive avec une partie des troupes qui ont accompagné le roi. En octobre, les armées sont au contact entre Bologne et Ravenne, mais Ferrandino refuse la bataille. Chargé de prendre Mordano, petite ville dépendante de Catherine Sforza28 qui voulait rester neutre, Stuart d’Aubigny fait massacrer la garnison et une partie de la population (19 octobre). Montpensier reçoit l’ordre de rejoindre le roi en Toscane avec ses hommes, Aubigny et les siens doivent se diriger vers Rome à la suite des troupes napolitaines qui se replient. Tandis que Louis d’Orléans, atteint de malaria, ne quitte plus ses terres d’Asti, 3 000 hommes embarquent à Gênes pour rejoindre les côtes napolitaines sous la responsabilité d’un baron exilé, le prince de Salerne ; 2 000 autres doivent s’arrêter sur la côte romaine pour soutenir les Colonna en révolte contre Alexandre VI. La plus grande partie des chevaux a été vendue sur place. Le reste des troupes et l’artillerie la plus lourde doivent débarquer à La Spezia et marcher le long de la côte toscane : la jonction se fait fin octobre avec le gros de l’armée royale après qu’elle a franchi les Apennins. À partir de là, il n’y a plus d’opération militaire qu’en présence ou à proximité du roi. Ayant rassemblé ses troupes, Charles VIII prend le commandement des opérations. Au-delà de l’exagération des

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récits contraints — lettres du roi destinées à circuler ou grand poème en vers qu’un secrétaire de la reine Anne, André de La Vigne, est chargé de rédiger au fur et à mesure de la progression —, il y a dans cette activité la nécessaire affirmation de la supériorité royale et la mise en application du savoir guerrier accumulé depuis l’enfance jusqu’au suivi des campagnes en Bretagne. Le roi s’y est préparé : son maître d’armes l’accompagne et dans les papiers qu’il fait transporter figure l’ordre de bataille utilisé à Saint-Aubin-duCormier.29 Au demeurant, le mode de décision dans l’ordre militaire ne diffère pas de celui utilisé dans l’ordre civil : à intervalles réguliers, le roi convoque ses capitaines pour analyser les situations et définir les suites. Montpensier dégage la voie : il installe des pièces d’artillerie devant les places fortes qui parsèment le territoire de Florence. Les places ne résistent pas au feu des canons malgré les nouvelles fortifications dont certaines sont dotées.30 Le roi arrive pour en prendre possession. Le pillage de reddition des villes et celui de traversée des campagnes commence, avec ou sans prétexte de résistance : la pauvreté des contrées accidentées ou marécageuses rend difficile l’achat de vivres ; de toute façon, à mesure que le roi s’éloigne du royaume — il est maintenant à près de deux semaines de Grenoble pour un coursier pressé, le paiement des soldes et des pensions ne peut être régulièrement assuré. Les trésoriers des guerres transportent l’argent lentement, craignant pour leur sécurité. Pierre de Bourbon qui n’a pas quitté Moulins, la capitale de ses terres, tarde à envoyer des fonds. Le roi et son Conseil décident de nouvelles sources de financement : aliénation de droits domaniaux pour 120 000 écus, emprunts auprès du

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clergé.31 La pression sur les villes traversées s’accentue. Face à la progression de ce roi et de son armée forte maintenant de 17 000 combattants qu’il faut doubler du nombre des serviteurs et augmenter encore de milliers d’aventuriers en quête d’occasions32, des délégations s’efforcent de négocier. Pise demande à retrouver son indépendance vis‑à-vis de Florence, Pierre de Médicis vient offrir des places déjà prises en échange d’une aide contre les Florentins qui l’ont chassé, Savonarole vient persuader le roi « glaive de Dieu » de soutenir le parti contraire et de préparer la réforme de l’Église. En dehors de Pise, déjà occupée par Montpensier mais qu’il est intéressant de traiter en alliée indépendante pour faire pression sur Florence, le roi n’accepte de négocier que sur la quantité d’hommes d’armes qui vont séjourner dans les villes, ainsi que sur le montant des « prêts », formes de rachat du droit illimité de prélèvement reconnu à tout conquérant.33 Lucques offre 20 000 ducats et une forteresse, Florence obtient le détournement de 6 000 hommes vers Sienne et tente de maintenir au moment de l’entrée du roi les formes traditionnelles de reconnaissance mutuelle des détenteurs de l’autorité : la confirmation des privilèges en échange des clés de la ville. De fait, le 17 novembre, alors que la Seigneurie attend sur une estrade devant la porte San-Fregiano, les forces armées de Charles VIII pénètrent dans la ville à la suite de jeunes cavaliers florentins, tambours battants comme à la bataille et, malgré la brèche pratiquée dans la muraille, elles mettent tant de temps à défiler que le roi reçoit les clés alors que ses soldats ont déjà pris position dans le territoire urbain. Le 26 novembre, Charles VIII promet solennellement de

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rendre les places fortes, Pise comprise, lorsqu’il aura assis sa domination sur son héritage ; en retour, Florence s’engage pour 120 000 florins dont le tiers payable dans les deux semaines. Sienne ne peut éviter de recevoir le roi et 10 000 combattants pendant près d’une semaine, en foi de quoi elle n’est soumise à aucun autre prélèvement. L’ensemble des garnisons laissées immobilise 900 hommes. Ludovic Sforza rappelle ses troupes de Toscane aussi bien que de Romagne, mais laisse son gendre auprès du roi. Rome est ensuite l’inévitable station de la chevauchée royale : il en va de l’investiture pontificale qui doit compléter les droits hérités. Alexandre VI n’a cessé de proposer des rencontres partout ailleurs, Charles VIII les a refusées. L’occupation militaire est devenue nécessaire. Avant de quitter Florence, le roi a reçu du cardinal della Rovere les preuves des tractations entre le pape et le sultan Bajazet34 : l’appel à partir directement en croisade n’était donc qu’un leurre. Le 27 novembre, Charles VIII adresse à toute la Chrétienté un manifeste où il dénonce le danger turc et annonce son intention de continuer, de gré ou de force, sa route vers Naples. À ce moment, il bénéficie de l’appui de Maximilien qui songe à le rejoindre au printemps. Le 10 décembre, Ferrandino et ses troupes amoindries entrent à Rome : les armées du roi de France s’y dirigent. Des opérations annexes prennent possession de places qui sont déjà sous la domination d’alliés romains : Ligny et des Suisses s’installent à Ostie aux côtés des Colonna et accueillent l’arrivée des renforts, ainsi que le ravitaillement en argent et en vivres ; Rieux et 6 000 hommes ravagent quelques petites places des Abbruzes avant d’atteindre L’Aquila, détenue par les Orsini et della Rovere.

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Alors que Ferrandino continue sa retraite, Charles VIII entre à Rome dans la soirée du 31 décembre, ses forces armées mettent toute la nuit et la matinée suivante à pénétrer dans la ville ouverte dont les clés avaient été remises au maréchal de Gié, sans contrepartie. Trente-six canons sont installés devant le palais où le roi réside. Les tractations s’étendent sur un mois sans qu’il n’obtienne rien d’autre du pape que de reprendre le prince Djem gravement malade35, l’autorisation de faire passer ses hommes à travers le territoire pontifical et le chapeau de cardinal pour Briçonnet. Il est vrai que Charles VIII n’a pas jugé possible de déposer le pape comme les opposants à Alexandre VI le lui conseillaient. Il quitte Rome le 28 janvier 1495, un jour après que Ferrandino, en faveur de qui son père a abdiqué, a été couronné avec l’investiture pontificale. Le lendemain, face aux envoyés des Rois Catholiques venus signifier l’opposition de ceux-ci à l’entreprise, Charles VIII réaffirme la valeur de ses droits. Trois semaines plus tard, il s’installe au somptueux château de Poggioreale qui domine Naples. Des raisons politiques autant que militaires lui ont fait choisir de ne pas suivre l’ancienne Via Appia qui longe la côte, puis coupe droit sur Capoue. Malgré le froid et la neige, il lui faut accompagner les opérations de soumission des forteresses proches de la route d’altitude qui passe par San Germano, porte de son royaume, opérations qu’il a confiées au maréchal de Rieux, à Engelbert de Clèves, ainsi qu’à Louis d’Armagnac qui descend le cours du Liri et va assiéger Gaëte. Dans deux lettres envoyées à Pierre de Bourbon et une autre destinée à l’amiral de Graville qui surveille la frontière picarde, le roi explique qu’il ne peut laisser des places menacer ses arrières.36 Ces

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lettres racontent en des termes presque identiques la prise de Monte San Giovanni : les ordres donnés à Montpensier pour mener hommes et canons, l’arrivée du roi dans l’après-midi du 9 février, son commandement à l’artillerie de tirer, l’assaut dès la première brèche par les cavaliers démontés, et le massacre de « 7 à 800 hommes de guerre… Je vous assure, monsieur l’amiral, que je ne vis jamais un si bel ébat ni si hardiment assaillir et défendre que je vis là. »37 Que les détails en soient arrangés n’enlève rien au plaisir ludique exprimé par Charles VIII. Plaisir qui se retrouve lorsqu’il passe ses après-midis à suivre les travaux de siège des différentes forteresses de Naples au point d’en avoir une insolation. Son entrée, le 22 février, dans la capitale de son royaume s’est faite sur le mode familier de la visite d’un souverain jouissant de ses droits. La démonstration de force avait été opérée deux jours auparavant : un héraut avait publié la menace de saccage en cas de résistance, les troupes le suivaient. Charles VIII descendit de Poggioreale sur une mule qu’il menait avec des éperons de bois, portant au poing un des oiseaux de proie qu’il venait de découvrir avec ravissement dans les volières du château. Ce qui n’empêchait pas les opérations guerrières de continuer : à Naples même du 24 février au 12 mars, à Gaëte qui se rendit le 27 mars après un siège de six semaines. Les grands capitaines et leurs troupes furent dispersés : Stuart d’Aubigny devait prendre possession de la Calabre, Gabriel d’Albret des Pouilles. Soucieux d’économiser ses soldats, Ferrandino évita le contact et se réfugia à Messine, dans la Sicile du roi d’Aragon. Cependant, la soumission militaire dépassait les capacités des armées de Charles VIII, mêmes renforcées par l’arrivée des

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soldats venus de Gênes et qui, après une tempête, avaient été obligés de passer l’hiver en Sardaigne pour réparer les navires. Du reste, cet apport fut neutralisé par le départ du maréchal de Rieux et de ses 2 000 Bretons pressés de retourner dans leur pays natal. Le territoire était trop étendu, trop accidenté. Certaines villes envoyèrent des délégations pour signifier leur obéissance, d’autres restaient hors d’atteinte, en particulier Brindisi sur l’Adriatique et Reggio de Calabre face à Messine. Malgré la proximité des possessions ottomanes que l’on pouvait voir de la côte orientale, il n’était plus question d’entreprendre la croisade, encore moins depuis l’arraisonnement par les Vénitiens le 25 février du bateau des émissaires qui devaient préparer le soulèvement de la Morée. La croisade devenait le rêve contenu dans le nouvel emblème du roi : l’épée dressée, entourée d’une palme qui associait la justice à la victoire.38 L’emprise territoriale ne pouvait se faire que par l’établissement de rapports personnels de fidélité : distributions de charges aux barons napolitains ralliés et aux proches du roi qui reçurent en outre de grands fiefs : le prince de Salerne retrouva ses terres et sa charge de Grand amiral ; Étienne de Vesc fut récompensé de deux duchés et de deux comtés ; des alliances matrimoniales étaient prévues entre les deux aristocraties. Le roi, rassuré par ce « Paradis » qui répondait à ses espoirs, se comportait avec magnificence : il avait pris le titre de « roi de France, de Sicile et de Jérusalem » ; il distribua les richesses trouvées dans le Trésor, abaissa les impôts. Il mit en place des juges. Comme les plus grandes puissances chrétiennes et musulmanes lui avaient envoyé leurs compliments après son entrée à Naples, il attendait un revirement du pape.39 Début mai, il l’attendait

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encore, mais la situation avait changé. Il fut couronné le 12 mai alors qu’une partie de ses soldats avait commencé à prendre le chemin du retour.

« PASSER OUTRE »

Le 8 mai, le roi avait écrit à Pierre de Bourbon : Mon frère, j’ai reçu vos lettres et ai vu la diligence que faite avez à envoyer gens en Ast[i] pour mon frère d’Orléans. Faites diligence, car pour rien ne voudrais qu’il fût outragé du duc de Milan ; et n’eusse jamais pensé qu’il l’eût voulu faire, car l’outrage, je le répute à moi fait. De me clôre le passage, il [Ludovic Sforza] aurait bien à besogner, car je suis bien accompagné de gens de bien pour passer partout : aussi je ne voudrais rien demander à personne. Il me suffit d’avoir recouvert mon royaume de Naples ; de l’autrui je ne demande aucune chose, mais qui me demandera je mettrai en peine de me revancher et de leur montrer, ou [avec] l’aide de Dieu, qu’ils auront tort. Et qui aura fait outrage ou tort à mondit frère duc d’Orléans, je mettrai peine de lui aider et faire réparer.40

Une coalition s’était en effet formée pendant l’hiver : Venise avait cherché des alliés contre l’entreprise de Charles VIII qui menaçait sa suprématie dans l’Adriatique. Elle trouva d’abord Ferdinand d’Aragon qui refusait l’installation du roi de France face à la Sicile, puis Ludovic Sforza qui avait fini par craindre sa trop grande puissance. Quant à Maximilien, il fut convaincu de l’impossibilité d’une croisade commune après l’affaire du bateau saisi

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par les Vénitiens. Pour lui, après la chute de Constantinople, il ne pouvait y avoir qu’un seul empereur dans la Chrétienté. La pomme d’or que Charles VIII tenait dans sa main gauche lors de son couronnement comme roi de Sicile et de Jérusalem avait beau ne pas porter de croix suivant la coutume napolitaine et à la différence du globe impérial, de toute façon, il était trop tard : le traité de la ligue qui unissait Venise, les Rois Catholiques, le pape, Maximilien et Ludovic avait été lu le 31 mars 1495 au Sénat de la République. Parmi l’assistance se trouvait Commynes, envoyé par le roi, et le 4 avril des ambassadeurs vénitiens avaient averti ce dernier des nouvelles dispositions diplomatiques. L’adhésion à la ligue n’impliquait pas l’entrée en guerre immédiate de tous les participants. Fort d’avoir obtenu la reconnaissance impériale de ses droits sur le Milanais, Ludovic Sforza avait été le premier à attaquer. Le 5 avril, il envoyait ses troupes assiéger Asti, Louis d’Orléans demanda des secours à Pierre de Beaujeu : Charles VIII l’apprit un mois plus tard. Dans sa lettre du 8 mai, il approuvait l’envoi de renforts au premier prince du sang, « son frère », et en ordonnait d’autres. Il ne voyait dans l’attaque de Sforza qu’une disposition destinée à s’opposer à son passage, ce qu’il se faisait fort de surmonter aisément « accompagné de gens de bien » comme il allait l’être. Le partage de ses troupes avait déjà commencé : environ 11 700 hommes, dont un tiers recruté sur place, devaient rester à la disposition de Montpensier. En tant que prince du sang, il était tout désigné pour exercer les fonctions de vice-roi. Avec le roi, à peine un peu plus de combattants, mais de meilleure qualité, davantage de lances, la garde royale et les « pen-

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sionnaires », davantage de Suisses, une partie de l’artillerie, et 3 000 chevaux pris dans le royaume. L’artillerie s’était mise en mouvement, et des vingtsix navires en bon état, le tiers quittait Naples : les uns devaient déposer à Pise le butin le plus lourd qui prendrait ensuite les voies terrestres à destination d’Amboise ; ils emportaient aussi les farines et les prostituées de métier ou contraintes qui devaient retrouver le gros des armées en Toscane.41 Les autres navires portaient des hommes d’armes sous la direction de Jacques de Myolans, accompagné de Paolo Fregoso, condottiere napolitain : ils devaient enlever Gênes à Ludovic. Le 20 mai, Charles VIII et les forces qui l’entourent entament le chemin du retour. Un incident lors de la traversée du Garigliano les oblige à reprendre la route d’altitude ; le trajet jusqu’à la traversée des Apennins se calque sur celui de l’aller. Dans des conditions complètement différentes. Les ressources des zones traversées ont déjà été épuisées par le premier passage. La disette et les épidémies accompagnent les troupes, comme il arrive très souvent dans ces économies de manque qui ne peuvent supporter une brutale augmentation de population à nourrir, mais avec cette nouveauté d’une maladie sexuellement transmissible, la syphillis arrivée du Nouveau Monde jusqu’à Naples. Le roi ne s’attarde pas dans les villes : toutes ne peuvent fournir des vivres qu’il n’est de toute façon plus question de payer, non que les finances du royaume soient épuisées, mais parce que les conditions de transport sont trop hasardeuses. Dans sa lettre du 8 mai à Pierre de Bourbon, Charles VIII en avait plaisanté, prétendant que le manque de solde augmenterait le zèle de ses troupes à avancer, mais les pillages se multiplient, et

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avec eux, la désobéissance. Florence, dominée alors par la faction mystique qui soutient Savonarole, évite le passage et s’acquitte de 30 000 ducats promis sept mois plus tôt. Le roi ne peut refuser à Sienne, puis à Pise de laisser des garnisons : 600 combattants sont ainsi soustraits à ses armées. De toute façon, il faut aller vite. Secouru dans Asti, Louis d’Orléans a ignoré les ordres du roi : le 13 juin, il a saisi la première ville du Milanais à sa portée, Novare, avec les 10 000 hommes qu’il a pu rassembler. Comme il était prévisible, Venise est entrée en guerre le lendemain. Fin juin, le roi et son armée se trouvent au pied des Apennins, soit cinq semaines après le départ de Naples alors que l’aller avait demandé quatre mois. Encouragé par les nouvelles du succès de la flotte de Myolans qui a pris La Spezia, Charles VIII décide de se défaire encore d’une partie de ses troupes : Philippe de Bresse part avec 500 hommes d’armes et 2 000 arbalétriers pour aller attaquer Gênes. Le maréchal de Gié et l’avant-garde traversent la montagne en suivant les routes de crête le long desquelles des seigneurs ouvrent leurs châteaux ; arrivé près de Fornoue, au débouché du Taro sur la plaine du Pô, il fait prévenir le roi que les troupes de la ligue ont installé leur camp sur la rive droite de la rivière ; elles bloquent l’accès vers Parme et l’ancienne Via Romea qui permet de remonter le long du Pô. Au lieu de rejoindre Philippe de Bresse sur la côte toscane, le roi préfère suivre son avant-garde. Quatre jours sont nécessaires pour faire passer l’artillerie dont les quatorze gros canons débarqués à La Spezia. En attendant, le ravitaillement est d’autant plus difficle que les Suisses ont incendié la place de Pontremoli avec les réserves de nourriture qui s’y trouvaient. Le roi et le reste de l’armée arrivent en vue de la plaine vers

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midi le 5 juillet et s’installent près du gué de Fornoue, à environ 2 km du camp adverse. 42 Les paysans s’empressent de venir vendre des vivres. Charles VIII est resté dans les mêmes dispositions que celles qu’il a marquées deux mois plus tôt : ayant recouvré son héritage de Naples — le 2 juillet, la nouvelle de la victoire de Seminara remportée le 16 juin en Calabre sur les Aragonais l’a rassuré —, il prétend ne demander rien d’autre que le passage vers le royaume de France. Or, la prise de Novare par Louis d’Orléans rend cette position intenable. Cela n’empêche pas le roi de charger Commynes et Briçonnet de négocier jusqu’à la dernière minute en essayant de jouer sur les différences entre les deux commissaires vénitiens chargés par la République d’épargner ses ressources et Francesco de Gonzague, le jeune marquis de Mantoue qui a obtenu le commandement des troupes43 et souhaite l’affrontement. Briçonnet qui ne connaît rien à la guerre pense que quelques coups de canon suffiront à assurer le passage ; l’expérience de Commynes lui fait dire que lorsque deux grosses armées sont si proches, il est difficile de les empêcher de se battre. Bien entendu, s’il y va de son honneur, Charles VIII est prêt à répondre comme il l’avait écrit à Pierre de Bourbon : « qui me demandera je mettrai en peine de me revancher et de leur montrer, ou [avec] l’aide de Dieu, qu’ils auront tort. » Cette position double se retrouve dans la conduite et les décisions prises au matin du 6 juillet. Dès l’aube, les bagages passent le gué de Fornoue et s’acheminent lentement vers les côteaux où les logements de la nuit suivante doivent être préparés. Avec eux, le personnel de la trésorerie, Briçonnet dès que le combat commence, et très peu d’escorte. Si le chiffre habituellement retenu de 6 000 valets est fiable, il faut

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admettre que depuis les observations des Vénitiens neuf mois plus tôt, leur quantité a été multipliée par neuf. À mesure de leur progression, « le roi, sa cour et sa garde » ont acheté ou pris tout ce que les artisans et les artistes italiens avaient produit de plus séduisant : tissus d’or et de soie, lainages fins, fourrures, bijoux, objets de la vie courante transformés en œuvres d’art. De son côté, pour parer à une éventuelle confrontation, le roi a passé sur son armure la tunique de soie qui porte la double croix de Jérusalem, son heaume est surmonté de grandes plumes blanches et violettes, huit jeunes gens pris parmi ses intimes et semblablement vêtus doivent former avec lui le groupe des « Neufs preux » d’un célèbre roman de chevalerie44, Savoie, son cheval préféré, est recouvert d’une housse semblable à la tunique royale ; enfin, une messe demande la protection divine.45 En regard de cette conjonction de la somptuosité et du rituel qui marque alors l’ultime préparation aux combats, les dispositions guerrières arrêtées par Charles VIII en Conseil sont simples : l’objectif est de traverser le Taro pour rejoindre la Via Romea à la hauteur de Plaisance. L’ordre de bataille fixe à chacun des grands capitaines la place qu’il doit occuper sans pouvoir prendre d’autres initiatives que restreintes ; le commandement n’appartient qu’au roi. Vers midi, lorsque les derniers bagages sont passés, les combattants commencent à traverser et à avancer le long de la rive gauche. L’avant-garde, toujours conduite par Gié, a été renforcée : elle comprend l’artillerie, près de 500 lances, des chevau-légers, 3 000 Suisses, les hommes de pied allemands d’Engelbert de Clèves, 300 archers de la garde royale sans leurs chevaux. Au centre, sous la direction de Jean de Foix, vicomte de Narbonne, les 600 combattants

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d’élite de la « bataille », lances, archers écossais et autres membres de la Maison du roi, signalés par l’enseigne brodée Missus a Dei — « Envoyé de Dieu » : le roi doit se trouver parmi eux. L’arrière-garde, 2 000 hommes d’armes, est placée sous la responsabilité de La Trémoille. Cet ordre compact, dont les segments sont proches les uns des autres, correspond au souci du roi de passer en force : à Claude de La Châtre, son maître d’armes venu l’encourager devant l’imminence de cette « bonne grosse bataille » qu’il avait tant désirée, il répond : « Mais ils sont dix fois autant que nous sommes… Si faut passer outre. »46 Non pas dix fois, mais sûrement trois fois plus nombreux : près de 27 000 combattants fournis par Venise, 3 500 par Ludovic Sforza occupé par ailleurs au siège de Novare ; en tant que marquis de Mantoue, Francesco de Gonzague ne peut offrir qu’un nombre restreint de combattants, mais ils appartiennent tous à sa Maison et montent les superbes chevaux issus de ses élevages.47 Leur camp est installé depuis fin juin dans un vaste espace situé assez bas sur la rive droite du Taro, près du village de Giarola ; les hommes sont reposés, les bêtes bien nourries, l’artillerie bien disposée. En révélant les intentions du roi de ne pas prendre la route de Parme, la traversée de la rivière par ses troupes oblige les chefs italiens à revoir leurs plans. L’oncle de Francesco, Rodolfo, homme de guerre très expérimenté et dont Venise a exigé l’engagement à ses côtés, fait adopter une tactique mobile qui utilise les différentes armes suivant les caractéristiques de chacune. Le premier coup de canon qui n’était que le signal de la mise en mouvement des troupes royales est interprété comme le début d’une attaque. La cavalerie légère de la ligue passe le gué de

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Fornoue à la suite de l’arrière-garde française48 : aux 600 arbalétriers montés s’ajoutent autant d’estradiots, recrutés dans les possessions vénitiennes de l’Adriatique ; sur leurs petits chevaux turcs très agiles, ils ont déjà passé les jours précédents à harceler les soldats du roi, emportant quelques têtes coupées que la République paie un à quatre ducats pièce. Ils ont pour mission d’atteindre les collines pour fondre sur la gauche des forces adverses. Dans le même temps, le comte de Caiazzo49 mène sa cavalerie lourde, soutenue par 2 000 fantassins, au gué de Giarola situé en aval pour attaquer l’avant-garde française. Entre ces zones extrêmes, Francesco de Gonzague s’apprête à traverser au gué d’Oppiano à la tête de sa Maison, de 500 hommes d’armes et de 600 arbalétriers montés ; son oncle l’accompagne ; il est appuyé sur sa gauche par 350 autres cavaliers qui avancent vers le gué de Gualatico et suivi de centaines d’arbalétriers et de 5 000 fantassins. Il a pour objectif d’attaquer la « bataille » autour de Charles VIII et, si possible, de s’emparer de lui : la République en a promis 100 000 ducats. Une partie de l’artillerie vénitienne est tirée vers la rivière pour couvrir les différents passages. Obligé de s’immobiliser pour parer à l’attaque, Gié utilise son artillerie légère et neutralise l’artillerie adverse ; les Suisses obligent cavaliers et fantassins à refluer vers la rivière ; les tentatives suivantes échouent. De l’autre côté, la cavalerie légère vénitienne réussit à contourner l’arrière-garde française, mais ne peut enfoncer le centre ; au lieu de se regrouper, des cavaliers attaquent le cortège des bagages très mal défendu et dès lors, ne s’occupent que d’emporter les plus belles pièces, la tente royale, des coffres du roi et des grands seigneurs. Lorsqu’ils sont

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satisfaits, d’autres prennent le relais, aventuriers, soldats du roi prêts à déserter, qu’une lettre de Charles VIII a dénoncés ultérieurement aux habitants de Lyon leur interdisant d’acheter les objets précieux qu’on viendrait leur proposer.50 Dans l’immédiat, le roi envoie des hommes de pied reprendre le contrôle de ce qui reste. L’essentiel de l’affrontement se joue au centre : là où est le roi de France, là est l’honneur de se battre. Mais au cours de la journée, le Taro se gonfle des eaux des orages nocturnes qui ruissellent de la montagne et la pluie recommence à tomber : certains gués deviennent impraticables. Les cavaliers des Gonzague et leurs forces d’appoint sont obligés de traverser en amont : vers le milieu de l’après-midi, ils s’approchent le long de la grève dans un ordre et dans un appareil dont Commynes se souvient avec plaisir, « bardés, bien empanachés, belles bourdonnasses, très bien accompagnés d’arbalétriers à cheval et d’Estradiots, et de gens de pied ».51 Ce qui laisse le temps à Charles VIII d’ordonner à la « bataille » de se rapprocher de l’arrière-garde et aux deux corps de faire face à l’ennemi. C’est le dernier ordre qu’il donne : ses proches le pressent de se porter au premier rang ; d’autant plus visible qu’il se tient au plus près de son enseigne de champion de Dieu. La voie empruntée décale Francesco de Gonzague et « la fleur de son ost » : ils se heurtent, non directement au roi comme ils l’espéraient, mais à sa droite, affrontant une partie de la « bataille » et la gauche de l’arrière-garde, ce qui n’enlève rien à la violence du choc. Une fois les lances jetées, les cavaliers s’affrontent entre mêlée et combat singulier : quelles que soient leurs responsabilités par ailleurs, ces hommes ne peuvent résister au désir d’accomplir des

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exploits. Le heaume de Charles VIII est endommagé, Mathieu, bâtard de Bourbon, l’un des « preux » qui combattent à ses côtés, est entraîné par sa monture dans les rangs adverses. Francesco de Gonzague perd successivement trois chevaux, son épée se brise ; une dizaine de membres de sa maison périssent, dont Rodolfo. Les combattants du roi seraient prêts à rompre n’était l’étroitesse de l’espace qui, d’un côté, leur rend le recul difficile et, d’un autre, empêche arbalétriers et hommes de pied de la ligue d’avancer sur la rive pour soutenir les hommes d’armes. Sans qu’on sache qui de Trivulzio, condottiere milanais au service de Charles VIII, ou de La Trémoille en a pris l’initiative, une charge de cavaliers sur le flanc droit des hommes de Gonzague les oblige à refluer. Avec la mort de Rodolfo, il n’y a dans le camp de la ligue plus personne pour faire mouvoir les corps d’armée, et particulièrement ceux qui attendaient un signal pour traverser et venir en renfort. Il n’y a pas davantage de coordination du côté français : le roi a cessé d’être un chef de guerre pour être un combattant. Commynes raconte comment chacun étant occupé à la « chasse » — au triple sens de faire fuir les adversaires, de les achever et de dépouiller les cadavres —, le roi qui ne peut quitter le lieu où il s’est battu sous peine de paraître fuir, reste isolé, sans protection : attaqué par un petit groupe d’hommes d’armes près de la rivière, il tire partie de l’habileté de son cheval et tient tête jusqu’à l’arrivée de gens de sa Maison.52 Tandis que l’arrière-garde reste auprès des gués encore franchissables, le roi et les combattants de la « bataille » finissent par rejoindre Gié et l’avant-garde : au Conseil qu’il tient alors, Charles VIII accepte de ne

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pas poursuivre les assaillants jusque dans leur camp, traverser le Taro est devenu trop dangereux. Il passe la nuit au village de Medesano sur la colline qui surplombe le champ de bataille boueux, piétiné et couvert de cadavres détroussés. La nourriture et les abris sont rares, la tente royale et beaucoup d’objets précieux ont disparu, l’unique puits devient vite inutilisable. Le lendemain est jour de trêve négociée où chacun essaie d’avoir des nouvelles des prisonniers, de retrouver ses morts et de deviner les intentions de l’adversaire. Le roi, dont les soldats ont tué tous ceux qu’ils saisissaient, redoute que le marquis de Mantoue ne veuille en tirer vengeance. À l’aube du jour suivant, alors que les hommes de Clèves feignent de garder le camp, une messe est célébrée mêlant action de grâce, prières pour les morts et demande de protection, puis le roi de France et son armée s’en vont chercher la Via Romea sans guide, à travers champs et forêts. Ils l’atteignent vers midi, et c’est ensuite une marche forcée — 200 km en sept jours, évitant les villes pour ne pas avoir à négocier ou à intervenir dans leurs affaires, harcelés au début par les Estradiots qui détruisent les ponts sur les affluents du Pô. Obliquant vers le sud-ouest, ils atteignent Asti, terre de Louis d’Orléans, le 15 juillet. Trois jours plus tôt, Charles VIII a pris le temps de faire savoir à Anne et à Pierre de Bourbon qu’il a remporté, avec l’aide de Dieu et de la Vierge, une victoire sur les armées de la ligue et ordonné sa célébration dans les formes accoutumées. Francesco de Gonzague n’avait pas attendu pour annoncer à Venise et à Mantoue ce qu’il considérait comme un succès. À suivre les critères ordinaires — la possession du lieu à la fin du combat, la supériorité du

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nombre des morts du côté des vaincus —, Fornoue est bien une victoire du roi de France.53 Mais l’importance du butin qui apparaît dans toutes les villes jusqu’à Venise et surtout la quantité d’objets personnels appartenant au roi — de son heaume et de son glaive d’apparat au portrait du Dauphin en passant par son livre d’heures et un carnet de dessins érotiques — ont entretenu l’idée inverse et fait naître le bruit de sa mort.

« JE NE SUIS PAS ICI POUR MON PLAISIR… »

Je ne suis pas ici pour mon plaisir, mais seulement pour éviter la guerre et dépenses de mon royaume de France et mettre en sûreté mondit royaume de Naples et mesdits bons serviteurs que j’y ai laissés et me semble bien que là où j’ai mis et mets ma personne en danger et tant de gens de bien que j’ai avec moi et étrangers qui libéralement viennent me servir, que les gens de mes finances ne doivent laisser tomber la compagnie en inconvénient. Et a été force, jusques à ce qu’on m’ait envoyé l’argent que j’ai écrit, que j’aye envoyé par les villes et bonnes maisons d’ici entour emprunter à grand intérêt et honte ce qu’on pourra finer, attendant la venue de l’argent que j’ai toujours écrit que l’on m’envoye ; et si ce ne sera pas grand-chose, car à peine pourrai-je bailler auxdits Suisses un franc ou un franc et demie…54

Même si cette lettre adressée à Pierre de Bourbon le 10 septembre n’est pas destinée à quelque publication que ce soit, elle contient un aveu étonnant de la part d’un roi qui vient d’accomplir une campagne

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conquérante de douze mois et de remporter en personne une victoire. Charles VIII se trouve en Savoie depuis six semaines, se déplaçant entre Turin où se tient la cour de Savoie et Chieri où il a fait établir son camp ; les nouvelles lui parviennent plus rapidement et lui-même peut multiplier ordres et courriers. Le déplaisir qu’il manifeste trouve son origine dans la désobéissance de Louis d’Orléans : 10 000 hommes sont immobilisés dans Novare ; le siège, maintenant complètement établi, a attiré les meilleurs guerriers de la ligue, Francesco de Gonzague entre autres, et 25 000 hommes dont 10 000 envoyés par Maximilien qui vient d’obtenir une avance d’impôt de la Diète impériale. Le roi des Romains pourrait aussi faire pression sur les frontières de Picardie et de Bourgogne ; déjà Ferdinand d’Aragon a fait avancer soldats et artillerie dans le Roussillon dont il a repris possession deux ans plus tôt. Le royaume de France est menacé. Celui de Sicile et de Jérusalem dont Charles VIII joint les titres à celui de France dans ses lettres officielles n’est pas moins en danger. La victoire de Seminara avait aussi bien révélé la présence en Calabre de Ferrandino, de ses troupes, du soutien aragonais ; le 7 juillet, Ferrandino était entré dans Naples tandis que Montpensier s’enfermait dans une des forteresses avec 3 000 hommes, le tiers de ses forces. Stuart d’Aubigny et ce qui restait de soldats ne pouvaient prétendre défendre le territoire ; déjà Venise s’était emparée de Monopoli, au sud de Bari. Malgré les renforts conduits par Philippe de Bresse, la tentative sur Gênes avait échoué : le 22 août, le roi avait ordonné à ses troupes immobilisées le long de la côte ligure de partir pour Naples, ce à quoi Ludovic Sforza s’opposait encore deux mois plus tard. Dans l’immédiat, Charles VIII ne peut envisager de rassem-

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bler une armée suffisamment puissante pour faire lever le siège de Novare mais ne peut non plus, pour des raisons d’honneur, abandonner le premier prince du sang de France. Supportant mal son impuissance, le roi accuse ses officiers de finances. Le 10 août, un trésorier des guerres est arrivé avec la solde des compagnies d’ordonnance. Le 30 juillet, Charles VIII s’est défait pour trois ans du revenu de l’impôt sur le sel dans le comté de Nevers au profit d’Engelbert de Clèves et de ses hommes de pied.55 Mais d’autres chefs de troupes, étrangers ou non, ne reçoivent rien, et il faut faire appel « aux villes et bonnes maisons d’ici entour ». La duchesse de Savoie consent de nouveaux prêts. Briçonnet, envoyé négocier à Florence le paiement de 30 000 ducats qui restent dus et un prêt supplémentaire de 70 000, se heurte d’abord au refus de la Seigneurie tant que Pise ne sera pas revenue sous sa domination : or, Robert de Balsac, à la tête de la garnison laissée par Charles VIII, ne veut pas quitter la place sans compensation. Le 26 août, Briçonnet obtient les 30 000 ducats et une promesse de prêt le 7 septembre : le tout contre le dépôt de bijoux du roi pour un montant de 30 000 ducats, ce qui prouve que le pillage à Fornoue était loin d’être complet. Des fonds sont immédiatement envoyés au bailli de Dijon pour recruter des Suisses. Beaucoup de sujets du roi sentant la proximité du royaume quittent l’armée avec ou sans congé. Malgré tous les incidents qui ont marqué l’entreprise de Naples, les Cantons restent le meilleur réservoir de combattants efficaces et les négociations ont commencé fin juillet bien avant que l’argent n’arrive. Avec l’approche de la saison froide, les montagnards viennent avec femmes et

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enfants, et en bien plus grand nombre qu’il n’est nécessaire. Le 11 septembre, Charles VIII et son armée prennent position à Verceil, à 20 km de Novare et non loin du camp adverse. Autour du roi, les avis sont partagés : Louis d’Orléans a envoyé Georges d’Amboise, son conseiller préféré, pour soutenir ses intérêts, et Briçonnet, maintenant que les troupes sont rafraîchies et en partie payées, verrait bien une offensive contre Milan, puis Gênes. Les hommes de guerre, Gié, La Trémoille sont moins sûrs de la force réelle de l’armée et font valoir le retour des pluies d’automne ; Commynes déconseille une nouvelle aventure qui hasarderait la vie du roi. Charles VIII choisit la négociation et des formes plus assurées de magnificence. Déjà, fin juillet, il avait racheté à l’un de ses hommes un cheval auquel Francesco de Gonzague tenait beaucoup et promis d’en chercher deux autres. Le marquis lui avait renvoyé des dessins pris à Fornoue, le roi lui avait demandé ses reliques et le serviteur qui les gardait.56 Le 15 septembre commencent les pourparlers : le roi a passé sur son armure une tunique qui mêle le blanc, le violet, le gris et le cramoisi ; il monte Savoie qui porte les mêmes couleurs. L’un des premiers échanges qui marque la bonne volonté des parties est la remise de Mathieu de Bourbon contre un cheval turc que le roi a fait revêtir de drap d’or, comme le trompette mantouan chargé de le reconduire. Vient ensuite l’échange des otages : tandis que Commynes va prendre place dans le camp de la ligue, le marquis est fastueusement accueilli par le roi. Les négociations principales ont lieu entre Ludovic Sforza et les envoyés de Charles VIII, en présence des ambassadeurs de Venise, de Maximilien et des Rois

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Catholiques. Le 24 septembre, Louis d’Orléans est libre de venir au Conseil ; le 26, ce qu’il reste de survivants sort de Novare, 5 500 hommes dont 300 meurent imédiatement. Ce jour-là, les Suisses commencent à arriver à Verceil : ils sont 10 000, ils font peur, 15 000 autres les suivent. Ludovic Sforza fait toutes les concessions qui lui permettent de signer la paix avec Charles VIII les 9 et 10 octobre : il accueille ses opposants dont Trivulzio, transforme son prêt initial de 75 000 ducats en don, remet 50 000 ducats à Louis d’Orléans contre Novare qui de toute façon s’est rendue ; il reconnaît la suzeraineté du roi de France sur Gênes et promet de mettre le port à sa disposition pour la prochaine expédition. Le camp de la ligue est dispersé ; à partir du 11 octobre, Charles VIII, sa Maison et ses troupes reprennent le chemin du royaume. Le 7 novembre, le roi fait une grande entrée à Lyon où l’attend la reine.

D’UNE GUERRE L’AUTRE

Plutôt que de suivre pendant encore une année les étapes qui conduisent à la perte du royaume de Naples, il vaut mieux dégager quelques caractéristiques de cette entreprise, comme des sept conflits suivants jusque 1559, signature de la paix du CateauCambrésis qui marque l’abandon des revendications italiennes des Valois. Frappants d’abord, les liens qu’entretiennent la forme dynastique du pouvoir royal et la guerre. La supériorité des droits de la maison régnante s’affirme aux dépens des droits du sang de René II de Lorraine

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et des droits du suzerain du royaume de Naples, même si celui-ci est le souverain pontife. Bien qu’appuyée sur des preuves, cette supériorité ne se démontre vraiment que par la guerre dans sa double dimension de recours à la force et de contestation offerte au jugement de Dieu. La démonstration vaut aussi bien pour les maisons nobles du royaume que vis‑à-vis des maisons étrangères. Avec deux inflexions logiques. D’un côté, l’obligation de faire passer en premier la survie de la lignée : avec la mort du Dauphin Charles-Orlando en décembre 1495, puis celle d’un autre garçon en octobre de l’année suivante, il est devenu très difficile à Charles VIII d’envisager de reprendre l’entreprise en personne. De l’autre, le déplacement des revendications en fonction des maisons qui accèdent à la Couronne : au nom des droits de Valentina Visconti, sa grand-mère, Louis d’Orléans, devenu Louis XII, conquiert le Milanais, comme ensuite son cousin, François Ier. Or, ce duché se trouve dans la dépendance de l’empereur qui en détient l’investiture. D’affrontement en affrontement, l’antagonisme se met en place entre la maison de France et celle des Habsbourg : dans l’affaire de Bretagne, puis dans celle de Naples, Maximilien n’avait offert que des forces d’appoint. Mais Charles VIII n’avait pas encore quitté Rome en janvier 1495 que l’ambassadeur des Rois Catholiques obtenait l’accord de principe de l’empereur sur la double alliance matrimoniale dont son petit-fils, Charles Quint, a finalement bénéficié. À partir de 1521, pour le Milanais ou pour d’autres territoires, l’affrontement est direct : il a duré, avec quelques pauses, jusqu’aux années 1750. Pour Charles VIII, et pour ses premiers successeurs, la guerre institue un mode de vie qui amplifie

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les traits distinctifs du mode de vie royal. La chevauchée guerrière rassemble la noblesse en bien plus grand nombre que la cour ordinaire : grands seigneurs et petits nobles provinciaux ou étrangers viennent servir le roi dans des structures qui tiennent à la fois de la familiarité et des différentes formes de commandement nécessaires à la maîtrise des combattants, compagnies des lances ou bandes des piétons, des Suisses et des Allemands. Cette abondance de moyens — hommes, chevaux, matériel — est la forme la plus achevée de la magnificence qui pourrait y retrouver le caractère antique de dépense accomplie au profit de la cité s’il était admis que les revendications de la dynastie régnante coïncident avec le bien du royaume. Plus sûrement, la démonstration de puissance et de richesse s’accomplit en miroir de celle des ennemis, passage à l’extrême des fastes rivaux déployés dans les rencontres diplomatiques. La magnificence guerrière ne joue pas seulement sur la quantité : chevaux sélectionnés pour leur beauté ; armures, casques, armes de jet, de trait ou de poing, canons de toutes tailles avec leurs noms poétiques — couleuvrines, faucons, fauconneaux —, fabriqués pour leur raffinement autant que pour leur utilité. Lorsqu’au matin de Marignan, Robert de La Mark vient prévenir François Ier de l’imminence de l’attaque ennemie, il le trouve en train de choisir un « harnais d’Allemagne… merveilleusement bien fait et fort aisé. »57 Les lois somptuaires qui ont tenté de hiérarchiser et de limiter les dépenses de parures ont toutes considéré les jours de bataille comme les moments où les restrictions cessent, la magnificence des combattants rejaillissant sur celle du roi.58 Destructions ou pillages, les batailles consomment en quelques heures hommes, chevaux, matériel et parures : au soir de

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Fornoue, Commynes ne parle plus du panache sur le heaume de Charles VIII. La chevauchée dans son ensemble a un effet d’usure plus lent mais non moins certain : les hasards du ravitaillement en vivres et en fourrage, les variations de température et d’humidité pour tous ces hommes qui vivent jour et nuit à l’air libre, les épidémies, tout cela réduit les forces engagées, tout autant que l’envie de rentrer au pays. Il ne reste aux responsables des finances royales qu’à imaginer des moyens nouveaux pour recruter de nouveaux combattants : le manque de liquidités, s’il peut ralentir les mouvements du roi, ne les interdit jamais. Il y a comme un effet induit qui passe de l’urgence à trouver de nouvelles ressources pour la guerre à l’invention de nouveaux rouages de gouvernement : ainsi au début de l’affrontement entre François Ier et Charles Quint, répondent l’implication de la municipalité de Paris dans le système des emprunts, les Rentes de l’Hôtel de ville (1522) et la mise en place de la Recette des parties casuelles alimentée par les transactions sur les offices (1523). Parallèlement, la taille a quadruplé depuis Charles VIII et connaît sous divers noms un nouvel accroissement de 53 % jusqu’en 1558. Alors que le groupe des financiers lyonnais chargés d’alimenter le Trésor royal ne peut plus honorer les engagements qu’il a pris auprès de ses propres prêteurs, Henri II passe en revue 11 000 cavaliers et 29 000 hommes de pied dans une plaine du Calaisis (8 août 1558). Il est difficile de dire si, au moment où ils commencent à négocier, Henri II et Philippe II ne peuvent vraiment plus trouver à financer de nouvelles opérations, ou s’ils sont l’un comme l’autre préoccupés par le développement des conflits religieux dans les terres qui leur sont soumises. L’activité guerrière du roi ne connaît pas la

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contrainte des lois écrites ou coutumières dont les juges, détenteurs de la part du pouvoir judiciaire délégué, possèdent la connaissance. Pour une part, elle ressortit de l’exercice quotidien qui entraîne le roi au combat, qu’il s’agisse des armes, des tournois ou de la chasse : il acquiert force, adresse et rapidité du coup d’œil. D’une manière plus large qui transforme le roi combattant en maître des opérations, l’activité guerrière relève d’un savoir-faire transmis oralement, une multiplicité de recettes assez simples, connues des hommes de guerre plus âgés et qui permettent de répondre à des situations toujours changeantes en fonction du temps et des territoires traversés. Ces prises de décisions incessantes ne sont soumises à aucun principe, elles entretiennent des relations aléatoires avec les expériences précédentes plus ou moins mémorisées, plus ou moins transposables. La situation de conflit et les risques mortels qu’elle comporte imposent ensuite l’obéissance aux ordres du roi : il faut toute l’ambiguïté de la position de premier prince du sang et la hâte avec laquelle Charles VIII retourne vers le royaume de France pour que Louis d’Orléans, s’enfermant dans Novare, ne soit pas accusé de trahison. Cette grande liberté de mouvement, de décision et d’invention que la guerre est seule à procurer au roi trouve évidemment ses limites. Dans la résistance des adversaires d’abord : dans les coalitions qu’ils peuvent monter, donc dans les moyens qu’ils peuvent assembler. Dans les différentes armes qu’ils utilisent aussi et qui peuvent obliger le roi de France à modifier la composition de ses propres armées : aux lansquenets allemands, organisés par Maximilien à partir de 1495 sur le modèle des Suisses, tentent de répondre les légions levées par François Ier dans son royaume

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en 1534. Et dans l’habileté tactique dont un chef de guerre adverse peut faire preuve au bon moment : ainsi de l’échec catastrophique du siège de Pavie entrepris par François Ier pour compléter sa domination sur le Milanais ; le 24 février 1525, l’arrivée de nouvelles troupes habsbourgeoises permet la sortie de la garnison, l’armée royale est prise en tenaille et le roi de France fait prisonnier. L’autre résistance, inhérente à l’activité guerrière elle-même, tient à l’espace dans lequel elle se déroule. Cette évidence contredit la réalisation des revendications dynastiques puisque les arrangements matrimoniaux ou testamentaires cherchent l’accumulation des titres et des biens au mépris de leur enracinement territorial. La coordination entre les opérations est difficile à réaliser : des renforts levés en Provence abordent à Naples le 6 octobre 1496, lendemain du jour où Montpensier, enfermé dans le Castel Nuovo et croyant à la mort de Charles VIII, a accepté de rendre la citadelle et de signer une trêve. Inévitablement, la distance met en péril la fonction de chef de guerre revendiquée par le roi, de façon très nette avec l’affaire de Novare, mais aussi dans tous les cas où la guerre se déroule sur plusieurs terrains en même temps : la délégation devient nécessaire et avec elle, inévitable, la question du contrôle et de la coordination.

Chapitre X LE ROI DANS LES GUERRES COMMUNES (1562-1629) : UNE HISTOIRE À ÉCRIRE

La paix générale est à peine signée et célébrée en 1559 que commence une période de près de soixante-dix années connue sous différentes désignations toutes associées à la guerre : « guerres civiles », disaient les contemporains s’aidant de l’exemple romain pour décrire ce qu’ils avaient sous les yeux ; « guerres de Religion », disent nos contemporains en se référant à l’affrontement armé qui a opposé catholiques et réformés et ne cesse que lorsque Louis XIII retire à ces derniers les bases territoriales concédées par son père (Édit de grâce d’Alès, 1629). À moins qu’avec Arlette Jouanna, on n’associe les deux qualificatifs : « guerres civiles de Religion ».1 Le paradoxe vient de ce que, d’un côté, cette période est considérée comme décisive pour la redéfinition de la personne royale — l’élu porteur du sang de saint Louis, et de son pouvoir — qui ne relève que du jugement de Dieu et que de l’autre, l’action des rois dans ces guerres a fait éventuellement l’objet de récits, mais non d’analyse.2 « Guerres communes », aurait dit le héraut de France qui les opposait avec condescendance aux guerres de magnificence parce qu’elles se canton-

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naient aux terres et aux gens connus et ne rapportaient rien.3 Peut-être faudrait-il partir de l’infériorité dans laquelle ce type de conflit est tenu pour tenter de comprendre l’action guerrière menée par le roi dans le cadre d’un royaume en principe soumis tout entier à son autorité et à sa protection ? Prolonger le travail de James Wood à propos de l’armée royale lorsqu’il disait vouloir « mettre la guerre au centre des guerres de religion »4 ? Voir quelle place le roi occupe par rapport à ce centre ? Les traces sont là, dans la correspondance royale5, il faudrait en réorienter la lecture suivant quelques axes remarquables que l’on suivra ici en pointillé.

LA DÉPOSSESSION DU DROIT DE GUERRE

Début février 1567, Charles IX reprenait à son compte l’expérience de la première guerre qu’il avait vécue enfant et justifiait l’édit de pacification voulu par Catherine de Médicis et ses conseillers : à Fourquevaux, son ambassadeur auprès de Philippe II, il expliquait son refus de reprendre les armes contre ses sujets réformés pour servir d’appui à la grande opération de reconquête des Pays-Bas espagnols que le duc d’Albe était en train de préparer : Je vois bien qu’il [Albe] voudrait que tout le monde fût en la danse là où est son maître. Et quant à moi, puisque Dieu m’a fait cette grâce d’en sortir, je me contente de n’y rentrer jamais si je puis […] quant à la capitulation que j’ai faite avec mes sujets comme il dit, dont ils [les Espagnols] ont été si marris, après que j’ai

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Roi de France vu que les combats tant de fois réitérés, les batailles données, les villes prises d’assaut ne profitaient de rien que de me ruiner de plus en plus et de me faire perdre tous les jours des plus grands hommes de mes sujets qui fussent en la chrétienté, j’ai mieux aimé, par l’avis de tous mes bons et plus fidèles serviteurs, faire ce que j’ai fait que de perdre le reste.6

Le roi évaluait avec une simplicité lucide les risques encourus par son pouvoir et qui caractérisent l’ensemble des épisodes guerriers de 1562 à 1598 : cinq d’entre eux sont des insurrections protestantes dirigées par des princes du sang, un semble naître des initiatives locales des officiers royaux pour prolonger les effets de la Saint-Barthélemy parisienne, un autre, commencé par les protestants, unit des gentilshommes « Malcontents » des deux religions sous la direction du frère cadet d’Henri III, François d’Alençon ; dans le dernier, il y a coïncidence étroite entre mouvements protestants et constitution de la Ligue catholique armée dirigée par les Guise.7 Quels que soient les motifs religieux et les espoirs politiques qui les ont suscitées, ces prises d’armes nient le droit souverain à décider de la guerre. Elles s’imposent au roi dans n’importe quelles circonstances, qu’il soit mineur (1562), mourant ou dans les premiers moments de son règne (1574), ou encore qu’il ait cru trouver les dispositions favorables à la paix intérieure en modulant les libertés accordées aux fidèles de la « nouvelle opinion » par les édits qui mettent fin à chaque confrontation. Dans sa lettre, Charles IX tentait de maintenir une distance en exprimant sa répugnance à se trouver mêlé à une lutte avec ses sujets : « une danse », indigne d’un roi. Henri III parle de « troubles », de « rébellion », de « perturbations du

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repos public »8. La question n’est pas tant de la défense du catholicisme dans lequel ils ont été élevés et sacrés : l’application de la législation répressive pouvait y suffire.9 Il s’agit de la défense d’une prérogative royale : au sens propre, du point de vue du roi, ces guerres ne sont ni des guerres « civiles » ni des guerres « de religion ». À partir du moment où il y a prise d’armes dans son royaume, le roi doit répondre : le châtiment des rebelles fait partie des cas de guerre juste. Charles IX savait bien cependant que les différents types d’opérations guerrières qu’il énumérait ne pouvaient qu’affaiblir son royaume, ce bien reçu en héritage et qu’il devait agrandir comme tous ses prédécesseurs avaient tenté de le faire. Après avoir contré, comme on le verra, les soulèvements de fin 1567 et de 1568, il a cherché le conflit avec Philippe II, le seul adversaire possible d’un roi de France. Les revendications ne manquaient pas : la perte de l’Artois et de la Flandre confirmée au traité du Cateau-Cambrésis ne leur retirait pas la qualité de fiefs dépendants de la Couronne ; si l’itinéraire de son grand voyage avait prudemment évité la frontière picarde, le roi montrait son désir d’une expansion vers le nord en faisant réamménager le château de Compiègne et en le doublant d’un nouveau palais, Charleval, commencé en 1570.10 Au loin, sur le nouveau continent, il pouvait aussi s’agir de venger les Normands envoyés fonder l’établissement de Charlesfort en Floride et massacrés par les Espagnols (1565). Charles IX ordonnait à ses diplomates de travailler à isoler Philippe II des princes allemands, ainsi que de l’empereur Maximilien dont il venait d’épouser une fille ; après la bataille de Lépante (octobre 1571), remportée par une alliance à laquelle il avait refusé

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de participer, il avait maintenu les relations avec l’Empire ottoman dans l’espoir d’offrir à Venise un compromis acceptable en Méditerranée orientale.11 D’autant que l’intérêt de Philippe II pour l’Afrique du Nord irritait la République. Restait à convaincre Côme de Médicis, duc de Toscane, d’apporter son soutien aux revendications de Charles sur l’ancien héritage du Milanais. Philippe II serait alors isolé, obligé de combattre sur des fronts différents, très éloignés les uns des autres. Situation encore plus dangereuse si Elizabeth d’Angleterre consentait à un rapprochement avec le roi de France en épousant son frère Henri. Une véritable entreprise : « le roi voit une guerre comme nécessaire, le plus vite et au dehors », écrivait un envoyé toscan en mars 1571. 12 « Au dehors », tout est là : quitte « à perdre les plus grands hommes de ses sujets », mieux valait que ce fût en portant les destructions hors du royaume et pour la gloire de la dynastie. Charles IX reçoit par deux fois Louis de Nassau qui dirige avec son frère, Guillaume d’Orange, la révolte des Pays-Bas ; il fait préparer à Bordeaux une flotte capable de porter 15 000 hommes, renforcer les défenses en Languedoc et en Provence, mais n’arrive pas à fournir au gouverneur de Picardie les 12 000 hommes qu’il réclame. Au printemps 1572, les progrès des révoltés qui se sont emparés des bouches de l’Escaut et de la Meuse obligent le roi à envisager une entrée en guerre rapide : il semble que de la mi-juin à début août, les membres de son Conseil se soient peu à peu laissé convaincre à l’exception de Catherine de Médicis, d’Henri d’Anjou et du maréchal de Tavannes. Trop lentement au gré de Coligny qui commet l’erreur de menacer le roi d’une participation immédiate et massive des réformés français aux luttes des Pays-Bas, avec ou sans

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son autorisation. En appelant à cette mobilisation dans un manifeste, Coligny met en cause la souveraineté du roi ; mais comme l’écrit Charles IX à son ambassadeur en Angleterre un mois après la Saint-Barthélemy, il était impossible de faire un procès en lèse-majesté à un homme qui pouvait mener près de 36 000 combattants.13 Il n’en reste pas moins que l’enchaînement des massacres qui suit l’exécution de Coligny paralyse l’accomplissement du grand dessein de Charles IX. Henri III a montré bien davantage de réticence à attaquer Philippe II. Il n’avait guère de raison d’aider son frère François à se saisir du sud des Pays-Bas. Il faudrait surtout suivre de près sa répugnance à soutenir les prétentions de sa mère, Catherine de Médicis, sur la couronne du Portugal au moment où la disparition du roi Sébastien a mis ce royaume à la merci de Philippe II.14 Confiant alors son sentiment à Villeroy, il avait utilisé le raisonnement courant de l’exportation de la guerre et sous une forme brutale : « Il [le projet du Portugal] serait très bon pour nous ôter tant de vermine », mais pour ajouter aussitôt : « Le nerf nous est coupé que vous savez être l’argent. »15 Les deux tentatives se font contre son gré alors que des troupes ont été levées parmi ses sujets et qu’il a tout de même procuré plus de 900 000 livres à François d’Anjou.16 Dans l’été 1582, tandis qu’il prenait les eaux en compagnie de son épouse pour favoriser la venue d’un héritier, Henri III a laissé sa mère, nommée régente temporaire, envoyer une flotte de soixante-quatre navires aux Açores pour secourir le prétendant qu’elle soutenait. « Je meurs de regret que de mon temps il arrive à cet état et à moi par conséquent tant de honte et de dommages et sans que les dûsse tant porter puisque le conseil ne vient pas de moi » 17, écrit-il à Villeroy en apprenant l’échec

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sanglant de l’expédition, mais il ne cherche pas à contre-attaquer. Contre le projet du Portugal, il avait rapidement avancé l’argument du manque de fonds : la nécessité de trouver de nouvelles ressources mettait en effet son autorité à l’épreuve, l’appel au Clergé donnant à celui-ci l’occasion d’exiger la suppression entière de l’hérésie, la convocation d’États généraux permettant l’expression collective d’une volonté de contrôle sur les actions du roi. Il se peut aussi que malgré l’expérience et le goût de la guerre acquis dans sa jeunesse ou peut-être à cause d’eux, il ait cru davantage en l’efficacité d’une politique de réformes qui rassemblerait les meilleurs de ses sujets autour de lui.18 Il est vrai qu’après la mort de l’empereur Maximilien (1576), la reine d’Angleterre est la seule alliée possible du roi de France : leurs relations diplomatiques sont denses et continues, chaque cour a joué avec l’éventualité d’un autre mariage, cette fois entre la reine et François d’Anjou, jusqu’à la mort de celui-ci en juin 1584. Ensuite les politiques d’intolérance religieuse s’accentuent parallèlement dans les deux royaumes et rendent un rapprochement difficile à envisager. Le droit de conclure des alliances n’est d’ailleurs plus depuis longtemps le monopole du souverain : dès 1562, les princes protestants avaient signé un traité avec Elizabeth et Le Havre avait été occupé par les Anglais. En janvier 1585, les Guise passent un accord avec les représentants de Philippe II qui promet 600 000 écus (1 800 000 livres) par an. À la fin des années 1580, le royaume de France devient un champ d’opérations où les troupes espagnoles interviennent pour soutenir la Ligue, mais aussi renforcer leurs moyens de lutte contre les

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Provinces-Unies19 et l’Angleterre à partir des provinces maritimes, de la Picardie à la Bretagne. Leurs alliés opèrent en Dauphiné et en Provence pour le duc de Savoie (fin 1588), et en Champagne pour celui de Lorraine (1590). Ce n’est qu’en janvier 1595 qu’Henri IV se sent assez fort pour revendiquer le plein exercice de la souveraineté et déclarer la guerre au roi d’Espagne. Les négociations sont pratiquement achevées à Vervins (traité du 2 mai 1598), lorsqu’il signe à Nantes l’édit qui doit mettre un terme aux conflits de religion dans son royaume. L’initiative de la reprise de ces conflits en 1620 revient à son fils, Louis XIII, lorsqu’il dirige l’invasion de l’ancien royaume de Navarre pour y imposer le retour du culte catholique. Dans les années suivantes, toujours présent dans les principales opérations, il mène la reconquête des places protestantes : il peut alors disposer de 80 000 fantassins et de 6 000 cavaliers.20 Mais il ne perd jamais de vue la possibilité de reprendre la politique d’affrontement avec les Habsbourg vers laquelle il esquisse de premières tentatives avant même que ne soit établie la paix d’Alès.

LA DÉPOSSESSION DU DROIT DE LEVER ET DE CONDUIRE DES ARMÉES

Chaque insurrection met en cause le principe proclamé par Charles VII dans une ordonnance de 1439 : le roi est le seul dans le royaume à pouvoir lever et entretenir une armée. La première conséquence de la négation de ce droit

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régalien s’est fait sentir dès le début des soulèvements : le passage du côté des réformés de la moitié de l’infanterie — on ignore combien de cavaliers —, à quoi s’ajoute une partie des officiers habitués à combattre et à commander. Dès 1562 cependant, l’armée royale retrouve les 48 000 hommes des dernières années de la guerre contre Philippe II ; fin 1567, elle en comprend 72 000. Les difficultés de financement obligent ensuite à en réduire le nombre : moins de 46 000 en 1574, 29 000 en 1576. S’y ajoutent aussi la lassitude, la méfiance vis‑à-vis de la politique royale : entre août 1575 et février 1576, lorsqu’une partie de la noblesse sympathise avec les Malcontents, Henri III est obligé de répéter quatre fois l’ordre de former les compagnies de gendarmes. Privé de l’initiative de l’entrée en guerre, le roi se trouve dans une situation d’infériorité temporelle et spatiale. D’une manière générale, les insurrections ignorent le calendrier coutumier de la guerre qui tend à respecter les travaux des champs parce qu’ils procurent la nourriture aux hommes et aux bêtes et à éviter l’hiver qui rend difficile la progression des troupes et du matériel. Les effectifs hors opérations, qu’il s’agisse de la paix ou de la morte-saison où l’on ne se bat habituellement pas, représentent 52 % des gendarmes et 62 % de l’infanterie : il faut donc le temps de remplir les vides. Il faut aussi le temps de faire mouvoir ces forces vers les lieux des combats alors que le stationnement de la majeure partie d’entre elles répond au premier souci du roi : garantir l’Île-de-France, désormais centre du pouvoir, et les frontières du royaume. Souci qu’il ne peut complètement abandonner puisque les grands nobles protestants tentent par deux fois de s’emparer de sa personne (1562, 1567) et puisqu’aussi bien ses

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troupes que les troupes adverses dépendent des renforts en combattants étrangers : aux uns, il faut garantir le passage, aux autres, l’interdire autant qu’il est possible avec des frontières qui s’étendent sur de multiples provinces. Les étrangers, Suisses, Allemands, Italiens, représentent 36 % des effectifs des armées royales en 1567, puis chutent à 12 % cinq ans plus tard. Aux difficultés initiales de chaque campagne succèdent l’usure, le découragement, le mécontentement provoqué par le tarissement des paies auxquels il faut évidemment ajouter morts, blessures et épidémies. Parmi les textes réglementaires qui suivent l’Assemblée des notables de 1583-1584 figurent l’abaissement du nombre d’hommes des compagnies de gendarmes et l’autorisation de recruter des roturiers « s’ils ont montré de la vertu »21. Dans l’ensemble malgré tout, les armées royales ont toujours été plus nombreuses, mieux équipées en artillerie, sensibles comme toutes les armées de l’Europe occidentale aux changements techniques et tactiques : organisation d’unités plus réduites et plus mobiles, utilisation grandissante d’armes à feu par les cavaliers autant que par les fantassins. Cependant, les prises d’armes s’inscrivaient dans l’autonomie de défense reconnue aux villes par la royauté. La multiplicité des foyers d’insurrection pose en premier lieu la question du contrôle du roi sur les gouverneurs et les lieutenants généraux entre respect de l’enracinement local, compétence guerrière et faveur.22 Il faudrait suivre la correspondance échangée, qu’il s’agisse des gouvernements les plus exposés ou de ceux qui continuent à être considérés comme essentiels à la protection du royaume, Picardie, Normandie, Bourgogne, Provence. Il est difficile d’attribuer au seul Charles IX la responsabilité des

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ordres de mise en défense de leur territoire envoyés à tous les gouverneurs le 28 septembre 1567, au lendemain de la tentative d’enlèvement dont il a failli être victime ; ensuite, malgré la nomination de son cadet Henri comme lieutenant-général pour éviter les rivalités entre grands seigneurs, le roi semble avoir assuré le contrôle des mouvements des troupes. Reconnaissant les difficultés de transmission des informations, il laisse toutefois aux plus fidèles la liberté de correspondre directement et de prendre des initiatives locales, « faisant comme l’on dit la guerre à l’œil », comme il l’écrit à Louis de Gonzague, duc de Nevers.23 Les éléments de cohérence viennent de la nécessité politique pour le pouvoir royal d’établir un rapport de forces favorable, ce qui l’oblige à choisir des zones prioritaires d’opérations, d’y faire mouvoir de véritables armées pour mener des opérations de siège ou rechercher l’affrontement des batailles, retrouvant par là les bases d’une culture militaire partagée avec ses adversaires. En juillet 1562, Antoine de Bourbon, alors lieutenant-général du royaume, avait présenté au Conseil un plan de campagne prévoyant les mouvements de quatre armées en direction de Rouen, Orléans, Lyon et la Guyenne. Il s’agissait d’un moment de minorité particulièrement délicat. Il faudrait vérifier si d’autres plans ont été discutés par la suite en Conseil ou en privé. On peut repérer, en mai 1586, l’envoi simultané de forces dans le Poitou, la Guyenne et le Gévaudan, puis en 1587, la coordination dangereuse mais inévitable puisque Henri III a dû accepter de s’allier avec la Ligue, entre l’armée menée sur la frontière orientale par Henri de Guise contre les mercenaires allemands protestants et l’armée conduite par Anne de Joyeuse vers le SudOuest contre les forces d’Henri de Navarre.

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La direction royale unifiée autant qu’il est possible ne peut cependant se substituer à la nécessité d’une présence réelle ressentie par les souverains euxmêmes, mais dont nous ne connaissons que des linéaments. Les mouvements de Charles IX pendant toute l’année 1569 dans les provinces frontières paraissent dictés par le soulagement d’avoir à combattre les princes étrangers venus au secours des huguenots24, puis par la volonté de réaffirmer sa supériorité sur son cadet : deux mois après le succès revendiqué par celui-ci à Jarnac (13 mars), les « seigneurs et capitaines » sont sollicités de donner leur avis sur l’éventualité d’une nouvelle bataille, avis qui doit être « envoyé en diligence au Roi »25, lequel reprend aussi la direction du siège de Saint-Jean-d’Angély à la fin de l’année. Il n’en reste pas moins que les batailles les plus importantes sont données en son absence, et que quatre ans plus tard, l’aggravation de sa maladie lui interdit de prendre part au siège de La Rochelle alors que tous les princes du sang catholiques en âge de combattre y sont rassemblés. Jusqu’à la dernière année de son règne, l’activité guerrière d’Henri III est en grande partie ignorée. Sa présence devant La Fère en 1580 est surtout connue par l’hommage que lui fit Montaigne de la première édition des Essais. Et sa tentative d’arracher au duc de Guise la gloire d’avoir chassé les mercenaires allemands du royaume paraîtrait vaine s’il n’en avait affirmé lui-même la nécessité politique en imposant une grande célébration lors de son retour à Paris le 23 décembre 1587 après trois semaines de campagne. La mort de Joyeuse à la tête de l’armée royale face à Henri de Navarre lors la bataille de Coutras deux mois plus tôt a laissé le roi à découvert aussi bien du côté de la Ligue que du côté des huguenots. Sans en

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avoir toujours les moyens financiers ou politiques, Henri III s’oriente vers le recours de plus en plus ouvert à la force sous ses différentes formes : contre le soutien que les Ligueurs parisiens apportent au duc de Guise, il tente de faire occuper la capitale par 2 000 hommes de sa garde et 4 000 Suisses (12 mai 1588) ; affaibli par l’insurrection parisienne qu’il a ainsi provoquée, il temporise jusqu’au moment où il fait exécuter les Guise et met sur pied une armée de 28 000 hommes. Mais le siège de Paris exige bien d’autres forces : Henri de Navarre s’empresse d’apporter son concours — 12 000 hommes — après la signature d’une trêve (avril 1589). L’assassinat d’Henri III en août laisse à son successeur l’obligation d’utiliser lui aussi la force pour imposer le droit, ici le respect des principes de dévolution de la Couronne, tels qu’ils ont été étayés et appliqués depuis plus de deux siècles. Plus que jamais l’exercice de la souveraineté passe par la direction de la guerre et par la présence du roi dans les affrontements. Une étude manque qui suivrait Henri IV dans ses pérégrinations guerrières, qui ferait le tri entre plans de campagne et improvisations, qui dégagerait la part des conseillers appelés à participer aux prises de décisions. Évidente est la médiocrité des résultats : batailles brillamment remportées (Arques, 21 septembre 1589 ; Ivry, 14 mars 1590), mais comme à l’ordinaire, sans conséquences décisives, sièges qui ne tiennent pas compte de la capacité de résistance d’organismes urbains très étendus et désormais protégés de fortifications bastionnées. Dès le mois d’août 1589, il a fallu abandonner le projet d’Henri III de reprendre Paris, pour revenir deux mois plus tard, puis se replier sur les villes du pourtour, ce qui permet à Mayenne, Nemours et leurs

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troupes de venir renforcer les quelque 40 000 bourgeois en armes ; la victoire d’Ivry relance les opérations d’investissements qui doivent être de nouveau abandonnées devant l’avancée d’Alexandre Farnèse, gouverneur des Pays-Bas espagnols (août-septembre 1590) ; rien ne peut interdire l’entrée dans la capitale des soldats envoyés par Philippe II (février 1591), ni l’arrivée des délégués aux États généraux de la Ligue deux ans plus tard (janvier 1593). Pour soutenir les besoins de la guerre en un moment où le prélèvement fiscal est impossible, Henri IV fait engager les revenus du domaine, refuse d’y joindre ses biens patrimoniaux pour mieux en disposer — en novembre 1590, il en fait vendre pour 100 000 écus. Il obtient des subsides des ProvincesUnies, du duc de Toscane, mais paie cher ceux qu’il reçoit de la reine d’Angleterre : Elizabeth impose Rouen comme l’objet d’une opération conjointe du roi de France et des renforts menés par le comte d’Essex.26 Commencé le 11 novembre 1591, le siège n’a d’autre résultat que de provoquer la venue d’Alexandre Farnèse et de ses troupes : parvenus en Normandie en février 1592, ils obligent les assaillants à se retirer le 19 avril. Henri IV cherche alors l’affrontement que, très habilement, Farnèse refuse. C’est l’impasse. Malgré tous ses efforts, ce roi combattant n’a jamais pu réunir plus de 30 000 hommes (1591) : de toute façon, le royaume de France, premier état d’Europe occidentale, est bien trop étendu pour pouvoir être militairement soumis. Le successeur légitime d’Henri III devait faire preuve de son courage et de ses capacités à combattre, il devait par ses victoires démontrer l’appui que Dieu apportait à son droit, il devait entreprendre, à l’épreuve du feu, le

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rapprochement de ses compagnons huguenots et des catholiques ralliés : au matin d’Ivry, ce roi dépenaillé a eu le génie de faire poser des plumes blanches sur son casque, unifiant et confisquant à son profit la couleur des signes distinctifs, l’écharpe et la croix, que chaque parti s’était donnés.27 Au-delà de la conversion et du sacre, il appartenait ensuite aux compromis, aux négociations et aux concessions d’obtenir les ralliements des seigneurs et des villes. À Sully qui regrettait les quelque trente millions accordés aux villes en plus de la confirmation de leurs privilèges et de l’oubli des désobéissances passées, Henri IV répliquait avec raison que des sièges auraient coûté dix fois plus.28

UN MODE DE CONNAISSANCE DU ROYAUME

Ce que le roi découvre à chaque campagne de ces guerres intérieures, c’est une partie de son royaume dans son étendue et dans ses détails. Dans tous les autres domaines, la délégation d’un secteur du pouvoir remet à l’officier qui en bénéficie la charge de connaître la portion de territoire sur laquelle il exerce.29 Seul un conflit d’autorité peut faire remonter cette connaissance ainsi médiatisée jusqu’au roi s’il a à en juger en Conseil ou en privé, encore resteelle parcellaire et incohérente puisque le découpage territorial diffère d’un type de juridiction à l’autre. Quant au voyage royal, il obéit à des contraintes diplomatiques vis‑à-vis des autres monarchies ou des villes avec lesquelles il est nécessaire d’entretenir de bonnes relations : on pourrait dire qu’il s’inscrit

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davantage dans le temps, celui des précédents, que dans l’espace. Le caractère aléatoire de la localisation des opérations guerrières oblige à dilater les zones sur lesquelles le roi agit en personne ou par l’intermédiaire de chefs d’armées à qui il confie des missions urgentes, précises et contrôlées autant qu’il lui est possible. Les seules corrections au hasard viennent de la disposition du relief et des réseaux fluviaux, donc des voies de passage, qui rendent en partie compte des objectifs et infléchissent le cheminement des armées et leurs approches. Lorsqu’au début de sa seconde campagne, en mai 1622, Louis XIII annonce le prochain siège de Royan, il le restitue dans un cadre plus large : « Il importe à notre Couronne que nous achevions ainsi que nous avons commencé de nettoyer entièrement les provinces du deçà [de la Garonne] et ôter toutes les places et retraites aux rebelles. »30 Depuis son départ, le roi a revisité les passages sur la Loire, traversant Saumur, soumise l’année précédente, descendant jusque Nantes, point d’appui fidèlement catholique. Puis il s’est avancé par le Poitou jusqu’en Saintonge où Royan est effectivement réduit au moment où une avant-garde s’empare de Tonneins sur la Garonne (11 mai). Le « nettoyage » s’étend ensuite le long de la rive nord du fleuve et des basses vallées de ses affluents : Louis XIII y progresse, surveillant la prise des villes, autorisant les massacres, ordonnant la destruction des récoltes, envoyant des troupes élargir la zone soumise sur l’autre rive jusqu’en Haute-Guyenne. À partir d’août, il est en BasLanguedoc et mène une autre série de sièges rapidement et brutalement conclus jusqu’à l’échec devant Montpellier et l’établissement d’une paix que les deux parties souhaitent provisoire (Paix de Montpellier,

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18 octobre 1622). Le roi visite alors Marseille, puis emprunte les vallées du Rhône et de la Durance, traverse le Dauphiné en principe tenu par son vieux gouverneur, Lesdiguières, récemment converti et nommé connétable en remplacement de Luynes mort dans la campagne précédente. Le roi se rend enfin à Lyon où la reine est venue le rejoindre. Ils sont de retour à Paris au début de 1623. Deux semaines avant de partir pour cette campagne, Louis XIII avait donné à René Siette31, un des ingénieurs géographes recrutés depuis le règne de son père, mission de préparer un recueil des plans de tout ce qui portait fortification dans son royaume. Désirant faire lever les plans de toutes les Villes Citadelles et Châteaux de notre dit Royaume pour en faire cartes particulières et générales et icelles assembler dans un livre que nous voulons être mis dans notre cabinet afin d’y avoir à retrouver selon les occasions qui pourraient se présenter comme aussi faire graver les sièges que nous avons ci devant faits et ceux que nous ferons ci après…32

La nomination contient en même temps l’ordre aux autorités locales de tout rang « de faire ouverture audit Siette desdites portes et démonstration des lieux dont ils seront par lui figurés ». La présentation du recueil comporte une triple orientation : l’emplacement des lieux fortifiés sur les cartes représentant une portion du royaume ou peut-être le royaume en entier, le détail des appareils de défense de chaque place, le détail des opérations de sièges menées l’année précédente ou qui vont suivre. Que Louis XIII compte pouvoir disposer de cette documentation au lieu même où il se retire pour tra-

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vailler traduit l’accentuation par la pratique guerrière du besoin des rois de visualiser les lieux d’application de leurs décisions. Louis XII se contentait des listes d’offices qu’il tirait de sa poche. La première commande royale de cartes de toutes les provinces coïncide avec le grand voyage que Catherine de Médicis fait accomplir au roi son fils, mais aussi avec le lendemain de la première guerre civile.33 En 1586, Henri III ordonne la confection d’une carte des villes et des places tenues par les huguenots. Pour préparer et mettre en pratique les libertés qui leur sont accordées par l’édit de Nantes, Henri IV n’utilise pas de cartes, mais des dénombrements plus rapides à réaliser ; ses ingénieurs doivent ensuite couvrir toutes les places du royaume34, mais il faut beaucoup de temps pour réunir les informations, les harmoniser, les répartir et les rendre lisibles sur une surface plane. Il ne semble d’ailleurs pas que la documentation se transmette d’un règne à l’autre : Louis XIII ne compte pas se servir des cartes dressées pour son père, il est même possible qu’il en ignore l’existence. En outre, sa volonté d’étendre et de consolider ce qu’il voit lorsqu’il fait la « guerre à l’œil », comme disait Charles IX, n’est pas dépourvue d’ambiguïté. Il est difficile de savoir si le recueil servira à localiser plus commodément les objets des décisions futures, et donc aidera à préciser la formulation de ces décisions, ou s’il sera le support d’une mémorisation des actions d’éclat. Le terme de « gravure » appliqué à la seule représentation des sièges suggère que peut-être dans l’esprit du roi, il ne s’agit pas de plans géométriques des murs et des travaux d’approche avec l’emplacement de l’artillerie — ce que René Siette avait réalisé pour le siège de Clairac l’année précédente, mais d’une évocation de l’affrontement dans une perspective de

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célébration. Différentes, les deux interprétations ne s’excluent pas, elles se complètent : la pratique de la guerre « commune » produit un effet de connaissance en même temps qu’un affermissement du sentiment de domination du roi sur son royaume. Aussitôt quasi qu’il a monté à cheval, Dieu l’a comblé de conquêtes. L’histoire Sainte nous représente un grand capitaine qui, tournoyant une Ville, en fait tomber les murailles. La vue et la présence du Roi renversent les remparts, ruinent les bastions et les portes de Villes, l’Ange de Dieu marche devant lui, qui lui ouvre les passages. Ce que soixante ans de rébellion avaient soustrait à l’obéissance de nos Rois, il y entre en un instant, les Villes par centaines se mettent à ses pieds ; Et qui plus est, il regagne les cœurs…35

Ce portrait du roi en Josué, le destructeur de murailles, est tracé en présence de Louis XIII par Marillac, garde des sceaux, le jour de l’ouverture de l’Assemblée des notables, le 2 décembre 1626. Les huguenots résistent encore autour de La Rochelle, en Bas-Languedoc et dans le Dauphiné, mais déjà s’exprime autour du roi l’idée de mener l’expérience des guerres intérieures jusqu’à sa dernière conséquence, avoir un royaume ouvert au regard du roi comme à la traversée de ses armées : la déclaration publiée au mois de juillet précédent a ordonné la démolition des fortifications de toutes les villes de l’intérieur du royaume, quelle qu’ait été leur situation pendant les soixante-dix années de conflits religieux. Si jamais le recueil de Siette avait jamais vu le jour, il aurait pu servir à suivre la progression des travaux. Encore que ce désir de détruire les murailles urbaines ait été partagé par certaines villes, la déclaration de juillet 1626 n’a connu qu’un début d’appli-

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cation.36 Pour des raisons pratiques : les démantèlements sont des opérations délicates, longues et coûteuses. Pour des raisons politiques surtout : le passage de Louis XIII par Marseille, Grenoble et Lyon à la fin de la campagne de 1622 ne marquait pas seulement le retour d’un heureux guerrier. Ou plutôt, parce qu’il avait vaincu ses sujets rebelles, le roi pouvait visiter les bases que ses prédécesseurs avaient utilisées pour leurs opérations en Italie : alors que les Habsbourg de Vienne venaient à bout du soulèvement de leurs sujets de Bohême, les Habsbourg de Madrid prétendaient étendre leur influence au-delà du Milanais en contrôlant la vallée de l’Adda qui permettait de rejoindre le Tyrol autrichien. Un grand conflit se dessinait qui valait peut-être d’abandonner la vision du royaume unifié et transparent.

Chapitre XI LA TOUTE-PUISSANCE ET SES LIMITES

Alors le Roi leva les yeux au ciel, et, joignant les mains, jetant son bonnet sur la table, dit : « Mon Dieu, je te supplie qu’il te plaise me donner aujourd’hui le conseil de ce que je dois faire pour la conservation de mon royaume, et que le tout soit à ton honneur et à ta gloire. » Sur quoi monsieur l’amiral [Annebault] lui demanda : « Sire, quelle opinion vous prend-il à présent ? » Le Roi, après avoir demeuré quelque peu, se tourna vers moi, disant, comme en s’écriant : « Qu’ils combattent ! Qu’ils combattent ! »1

On était fin mars 1544. Montluc avait été envoyé par le comte d’Enghien qui commandait en Piémont pour obtenir du roi l’autorisation de risquer ses soldats dans une bataille. Le 14 avril, à Cerisolles, les troupes de François Ier l’emportaient sur celles de Charles Quint. L’admirable dans le récit que Montluc fait bien des années plus tard ne vient pas de la présence de Dieu, rarement invoqué dans les Conseils, ni de l’influence que peut avoir eue le jeune Gascon éloquent qu’il prétend avoir été. Entre le moment où il a quitté la zone de guerre et celui où il revient portant « le congé de donner une bataille »2, il s’est écoulé six semaines : ni l’armée du roi ni l’armée impériale

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n’étaient censées avoir changé de position. Une fois exprimée, la volonté royale ignorait la distance, les obstacles — ici les cols alpins à franchir au tout début du printemps —, le hasard des mauvaises rencontres qui pouvaient faire disparaître le messager ; elle comptait aussi sur le maintien d’une volonté symétrique chez les adversaires. Deux siècles plus tard, un récit envoyé par un officier peu après la bataille de Laaffelt au comte d’Argenson, secrétaire d’État à la Guerre, témoigne d’une attente semblable quoique dans un espace plus restreint. Le maréchal de Saxe qui mène les troupes du roi de France dans le nord des Pays-Bas apprend à la fois l’approche de Louis XV qui vient le rejoindre et le rassemblement des armées adverses. Il fait ranger ses soldats en ordre de bataille, puis « il envoya M. le Comte de Coigny, lieutenant général du jour, et M. de Crémilles, maréchal des logis de l’armée, vers le Roi pour savoir de lui s’il voulait donner une bataille aux Ennemis qui paraissaient disposés à recevoir ».3 Rien d’étonnant que pour encourager le Dauphin à ses responsabilités futures, Bossuet ait donné une version exaltée de ces prises de décisions qui sont la marque de la souveraineté : Considérez le prince dans son cabinet. De là partent les ordres qui font aller de concert les magistrats et les capitaines, les citoyens et les soldats, les provinces et les armées par terre et par mer. C’est l’image de Dieu, qui assis sur son trône, fait aller toute la nature.4

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VOIR, SAISIR, DÉTRUIRE : LA RHÉNANIE MOYENNE DE L’AUTOMNE 1688 À L’ÉTÉ 1689

À cinquante ans, Louis XIV n’a connu que des expériences heureuses de recours à la guerre. Il avait dix ans lorsque son royaume s’est accru des terres d’Alsace enlevées à l’Empire (Traité de Munster, 1648), vingt ans lorsque l’Espagne a dû céder l’Artois et le Roussillon (Traité des Pyrénées, 1658), trente lorsqu’elle a dû lui donner une partie des Flandres (Paix d’Aix-la-Chapelle, 1668), quarante lorsqu’il lui a pris la Franche-Comté (Traité de Nimègue, 1679). Au moment où l’installation à Versailles s’achevait, il avait procédé à quelques saisies aux dépens de l’Empire : au duché de Lorraine occupé depuis 1670, il avait ajouté Montbéliard (1680), Strasbourg (1681) et le Luxembourg (1683) restitué cependant un an plus tard. Maître d’un territoire compact tel que Louis XI l’avait rêvé deux siècles plus tôt, il était ce qu’il estimait être par droit de naissance : « Le plus grand roi du monde ». À la fin du printemps 1688, la question est de savoir s’il va le rester. C’est en Rhénanie moyenne, zone de petits états multiples où il avait entretenu des clients, que les déconvenues s’additionnent.5 Ayant hérité du Palatinat en 1685, Philippe-Guillaume de Neubourg était le beau-père de l’empereur : il rejette les réclamations immédiatement présentées par Louis XIV au nom de Madame et de son époux, Philippe d’Orléans.6 De son côté, le pape refuse d’entériner l’élection du candidat du roi de France à l’archevêché de Cologne et désigne un Bavarois.7 Derrière ces résistances, se

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profile la métamorphose du « chef et capitainegénéral d’une République d’Allemagne, assez nouvelle en comparaison des autres états »8, pour reprendre les termes, tous empreints de mépris, employés par Louis XIV lorsqu’il voulait enseigner au Dauphin la supériorité des rois de France sur les empereurs « éloignés de cette grandeur dont ils affectent les titres »9. Léopold Ier a arrêté une grande offensive ottomane, et fort du soutien en argent et en hommes que la Diète — princes, seigneurs et villes de l’Empire — lui a accordé, il a repris la Hongrie perdue depuis le début du XVIe siècle ; la Serbie est en passe d’être conquise. Ces victoires montrent que contrairement à ce que le roi de France avait appris et pratiqué, les Habsbourg de Vienne peuvent se passer de l’appui que ceux de Madrid sont désormais incapables de leur donner. L’empereur apparaît comme le chef dont la ligue d’Augsbourg, formée en 1686 par défiance envers Louis XIV, peut avoir besoin.10 Pour maintenir sa prééminence, le roi ne pense avoir d’autre moyen que la guerre : ce ne sont pas les petites seigneuries de Madame qui importent, mais l’honneur du roi, forme personnelle, dynastique et ancienne de ce qui, en cette fin du XVIIe siècle, peut se dire aussi comme « l’intérêt de l’État ». La situation paraît favorable : les troupes impériales se battent encore contre les Turcs et celles de Guillaume d’Orange, stadhouder des Provinces-Unies, qui pourraient soutenir la ligue d’Augsbourg, sont mobilisées dans le projet de Guillaume de profiter de l’opposition à Jacques II pour passer en Angleterre et se faire reconnaître comme roi. Louis XIV pense qu’il échouera, mais compte profiter de cette absence. La décision est entérinée en Conseil le 20 août, un plan de campagne établi dans la semaine qui suit ; le

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2 septembre, la cour apprend les nominations de tous les officiers supérieurs, puis dans les jours qui viennent, les levées d’hommes destinées à compléter les effectifs permanents, près de 70 000 dont 6 000 Suisses.11 La démonstration de force se déploie. Quatre armées — 150 000 hommes au total — convergent en un mois vers la Rhénanie moyenne12 : l’une passe le Rhin sur un pont de bateaux et prend position devant la forteresse impériale de Philippsbourg ; deux traversent le Palatinat cisrhénan ; la quatrième remonte la rive gauche du Rhin depuis la Meuse en direction de Coblentz. Les guerres quasiment incessantes depuis les années 1620, les affrontements avec des armées en pleine mutation ont provoqué de grands changements dans les armées du roi de France : des centaines de milliers de sujets, répartis suivant une structure claire et hiérarchisée, encadrés par des officiers de mieux en mieux formés et propriétaires non héréditaires de leur charge, dirigés par des officiers supérieurs dont la carrière a été définie par des règles strictes que seule la grâce particulière du roi peut infléchir, enfin et peutêtre surtout, un accompagnement très nombreux d’officiers civils.13 Dès le 27 août, les intendants des provinces ont reçu l’ordre de sortir les farines en réserve dans les forteresses et d’en acheter d’autres en Beauce et en Île-de-France, en Champagne, en Franche-Comté, en Alsace. Sur place les intendants d’armées font fabriquer le pain.14 Les munitions quittent elles aussi les magasins des forteresses, des compléments sont commandés aux forges de Hayange ; 30 000 sacs de terre nécessaires aux travaux de siège sont expédiés de Mézières, 20 000 de Metz. Il faut aussi fournir les vieux linges utilisés pour panser les blessures : ils partent de Paris. Des milliers de chariots loués ou réquisitionnés — 4 000 en Alsace — ajoutent à l’encombrement des

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routes le long desquelles marchent les régiments. Le fourrage sera trouvé sur place. Saint-Pouange, un des intendants d’armée présent à Philippsbourg, estime les « dépenses de subsistance à 400 000 livres par mois sans compter les travaux de tranchées, ceux de l’artillerie, des ponts et des charrois pour le transport des munitions de guerre et du pain ».15 Les premiers fonds sont pour une part acheminés en espèces par les soins du Contrôleur général des finances et pour une autre, prévus pour être tirés de lettres de change à valoir sur des banquiers de Strasbourg et de Francfort, ville libre pour le moment hors du conflit. La magnificence retrouvée accompagne la force, mais sous une autre forme : non pas l’éclat — les hommes sont parfois déficients, l’habillement loin d’être aussi uniforme que les ordonnances le prévoient, mousquets, fusils et canons souvent mal fondus —, mais la quantité — l’abondance des moyens — contraste avec l’économie de manque toujours à la merci des mauvaises récoltes et de leurs suites mortelles.16 Pour réduire la part du hasard inhérent à toute guerre, il s’agit d’arriver à s’emparer de l’espace avant l’arrivée des ennemis. Le roi travaille avec le secrétaire d’État à la Guerre, Louvois, formé par son père qui avait occupé cette fonction de 1643 à 1662. Le ministre entretient un réseau dense de correspondants : chefs d’armée, intendants des provinces frontières, intendants des armées, ingénieurs et ce personnage singulier, le marquis de Chamlay, remarqué dès la guerre de Hollande pour la précision avec laquelle il est capable de décrire les territoires et d’en déduire les ressources tant matérielles que guerrières.17 À charge pour Louvois de présenter les informations au roi, de faire retranscrire ses intentions et de les expédier aux exécutants qui peu

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à peu prennent position dans des zones désormais situées à plus de trois jours de transport du courrier. Philippsbourg s’est imposée comme le premier objectif : située sur la rive droite du Rhin, elle offrait une voie de pénétration. Rattachée au royaume lors des règlements de 1648, la ville bien fortifiée avait été prise par l’empereur au traité de Nimègue ; reprise, elle pouvait constituer un objet de négociation. Le roi en faisait déjà l’offre dans le « Mémoire » qu’il avait fait porter à la Diète et qu’il fait publier à Paris le jour où ses troupes entrent en territoire ennemi.18 Commencé le 27 septembre, le siège oppose 40 000 assaillants bien ravitaillés à une garnison de 2 500 hommes, le double de ce qui est généralement considéré comme la bonne proportion. Puisqu’aucune armée adverse ne peut venir la contrecarrer dans l’immédiat, l’opération demande beaucoup de travaux — Vauban y pourvoit —, mais offre peu de surprise : le roi envoie le Dauphin apprendre la guerre en toute sécurité. Ce même 27 septembre, Louvois écrit au maréchal de Duras qui commande à Philippsbourg sous l’autorité officielle du Dauphin pour le mettre au courant des intentions ultérieures du roi : ajouter à la forteresse impériale la prise de Mannheim, Heidelberg, Spire et Landau : « L’établissement de garnisons dans ces places mettrait Sa Majesté en état de dominer entièrement les pays situés entre le Neckre [Neckar] et le haut Rhin, et le Neckre et le Main, et d’en tirer des sommes très considérables pendant cet hiver, et ôterait à l’Empereur et à l’Empire les moyens d’établir des quartiers. »19 Un plan simple qui vise à passer commodément l’hiver en bloquant tout mouvement des armées adverses lorsqu’elles seront en état de tenter une contre-offensive. Le 29 octobre, sortant de la forteresse avec les honneurs de la

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guerre, le comte de Starhemberg, commandant de Philippsbourg, a l’élégance d’adresser un compliment au Dauphin. Le maréchal de Duras rapporte à Louvois : « Il lui a dit que dans le malheur où il était d’avoir perdu à l’Empereur la plus belle place de l’Empire, ce lui était une espèce de consolation de l’avoir remise à un aussi grand Prince que lui, fils du plus grand Roi du monde. »20 Ainsi, un mois après le début de l’invasion, Louis XIV a-t‑il obtenu la reconnaissance qu’il cherchait, du moins en apparence, puisque Stahremberg avait tout de même fait référence à l’Empereur et à l’Empire avant de parler du roi. Dans sa lettre à Duras, Louvois liait la mise en place des garnisons et l’organisation de la levée des contributions dont le roi avait menacé l’Empire dans son « Manifeste ». Parallèlement, il avait demandé à Chamlay, envoyé lui aussi à Philippsbourg, de lui indiquer des lieux complémentaires. Chamlay avait répondu une semaine plus tard. Décrivant la répartition du relief au-delà du Rhin, indiquant les distances, il proposait un programme : … je destinerais donc Heydelberg, et Mannheim, s’il était pris, à faire contribuer tout le pays qui est entre le Rhin, le Neckar, le Main et Lottenwald [l’Odenwald], Heilbronn s’étendrait sans difficulté jusques à Nordlingue [Nordlingen], et jusque à Rottenbourg et Mariendal [Marienthal] sur le Tauber, et quand il serait vrai que les Impériaux dussent venir, vous auriez assez de temps pour en tirer une grande somme d’argent que je ferais certainement monter audelà d’un million si je n’avais pas peur qu’on me taxe d’exagération, ce pays étant sans difficulté le plus riche d’Allemagne, Phorzeim [Pforzheim] ferait aussi

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Roi de France contribuer le duché de Wirtemberg [Wurtemberg] et force terres libres et de la maison d’Autriche.21

Ce n’est pas la pratique de la contribution qui importe ici — d’usage courant, immémorial, elle est considérée comme le rachat du pillage que toutes les armées sont en droit de commettre au fur et à mesure de leur progression —, mais le savoir qu’elle met en jeu. Savoir topographique d’abord que Louvois rassemble à partir de ses correspondances et qui lui permet de désigner trois places frontières bien réparties — Fribourg22, Strasbourg, Fort-Louis —, auxquelles s’ajoutent les villes relais situées sur le Neckar et ses affluents et proposées par Chamlay — Heidelberg, Heilbronn, Pforzheim. Sans doute, et plus important pour le roi lui-même, la levée des contributions suppose un savoir institutionnel : sans attendre les propositions de son conseiller préféré, le ministre avait transmis à La Grange, l’intendant d’Alsace, les premiers ordres : Le Roi juge à propos que monsieur de La Grange envoie incessamment dans tous les pays au-delà du Rhin qui sont à portée de l’Alsace, des mandements portant ordre d’apporter de l’argent pour la subsistance de l’armée, c’est‑à-dire qu’il faut taxer chacun des États et seigneuries d’entre le Neckar et le Main, le pays de Virtemberg [Wurtemberg], et tous les pays à portée de Fribourg, et le marquisat de Baden à ce qu’on croira qu’ils pourront porter…23

Louvois joignait un modèle, déjà utilisé par La Goupillière, intendant à l’armée du marquis de Boufflers, qui s’était avancé sur la rive gauche du Rhin à proximité du confluent avec le Main. Adressé aux « officiers, maires et habitants » d’une seigneu-

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rie, le mandement ordonnait l’envoi de représentants qui viendraient prendre connaissance du montant total de la contribution exigée, mais apporteraient « par avance une somme considérable d’argent avec le dénombrement desdits officiers, maires et habitants ».24 Faute de quoi, ils y seraient militairement contraints : ces ordres ont pris le nom de Brandschriften — lettres de feu. Les listes finalement dressées par les intendants des différentes armées comportent près de trois cents noms de lieu, précisant leur statut, le nom du seigneur éventuel, les catégories sociales susceptibles d’un traitement spécifique, nobles, communautés religieuses, anabaptistes, juifs. L’organisation de ce prélèvement allège certes l’effort financier : le total des sommes exigées dépasse les cinq millions de livres, deux ont été finalement obtenus.25 Encore davantage, elle est une double démonstration de toute-puissance. Vis‑à-vis de ses propres troupes, Louis XIV lui-même prend la peine de faire rappeler à plusieurs reprises qu’il est seul maître : quelques pillards incontrôlés sont rattrapés et pendus dès le mois d’octobre. Et vis‑àvis de tous ceux qui exercent un pouvoir dans ces régions. Chamlay recommande de « faire crier l’Allemagne »26, Louvois parle de « donner de la terreur », ce sont des expressions que le roi n’emploie pas : il penserait plutôt en termes de moyens, « la rigueur » opposée à « la douceur »27 et semble avoir conçu de façon très précise l’utilisation des différentes formes de contrainte en fonction des distances. Le 6 octobre, il ordonne la construction d’un pont de bateaux à la hauteur de Worms pour « faire des incursions dans les pays situés au-delà du Rhin, et leur faire payer la contribution »28. Le 23 novembre, Louvois transmet

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à Montclar, resté à Heilbronn à la tête des troupes qui doivent passer l’hiver au-delà du Rhin : Sa Majesté vous recommande auparavant que les troupes ennemies puissent arriver à portée du Rhin, de donner tous vos soins pour l’avancement de la contribution des pays les plus éloignés, ce qui ne peut se faire qu’en vous portant bien fort au milieu de ceux qui ne voudront pas se soumettre, en y faisant tant de désordre que chacun se presse d’apporter son argent. Comme il y en a de si éloignés qu’il ne serait pas prudent de s’y porter avec de grands corps, Sa Majesté s’attend que vous chercherez des gens du pays propres à y aller mettre le feu la nuit dans des maisons pour intimider les lieux qui ne se croient pas à portée d’être contraints…29

Il y a donc différentes zones, les unes occupées de façon permanente où les intendants traitent avec les notables locaux, les autres attaquées de façon ponctuelle par de petits groupes de cavaliers qu’un des officiers qui les commande ne tarde pas à comparer à des Tartares. Il ne doit pas être désagréable au roi de France de faire contribuer au passage des terres qui appartiennent à la maison d’Autriche ou au Wurtemberg dont le duc a montré son hostilité, mais d’une manière générale, la guerre donne au conquérant la possibilité de se saisir, d’entrer en pleine jouissance des droits attachés à l’exercice de l’autorité seigneuriale, urbaine ou étatique au-delà des frontières du royaume. De cette démonstration de souveraineté absolue, le roi attend qu’elle montre le chemin de l’obéissance à ceux qui s’en sont écartés et qu’elle affaiblisse la position de l’Empereur vis‑à-vis des États de l’Empire puisqu’il s’avère incapable de les protéger.

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Alors que tous surveillaient la progression des armées, un projet complémentaire s’est élaboré au moyen des courriers croisés de Louvois, développant les intentions du roi, de l’intendant d’Alsace directement intéressé à la protection d’une province de rattachement récent, et des officiers qui découvrent les territoires au fur et à mesure de l’invasion : « nettoyer les bords du Rhin », avait proposé La Grange dès le 7 septembre, « dominer entièrement » avait écrit Louvois à Duras trois semaines plus tard, « avoir le pays ouvert », « couvrir le pays », « être absolument maître du Rhin », résume Chamlay. Il s’agit de détruire les armatures défensives qui entourent aussi bien les petits châteaux que les grosses villes, rendant définitivement impossible toute utilisation militaire ultérieure. Lorsque Chamlay, fin octobre, en dresse le projet d’ensemble30, les opérations de destruction ont déjà commencé et, de fait, elles réclament une discussion au cas par cas. Le choix suppose une connaissance aussi précise que possible des enjeux de chaque destruction : il s’agit d’évaluer chaque lieu, tant pour sa capacité d’accueil d’une garnison que pour l’étendue de l’espace qu’il commande à l’entour. Cette connaissance se construit par un échange entre propositions des officiers sur place, questions de Louvois, descriptions complémentaires, recours difficile aux cartes insuffisamment précises et aux plans dressés rapidement par les ingénieurs. Il est possible que le roi ne suive pas tous ces allers-retours de lettres portant sur des détails topographiques. Il intervient pour des objectifs dont il veut la destruction complète parce qu’ils appartiennent à l’électeur palatin : Kreutznach, forteresse proche du royaume à l’ouest du Rhin, Heidelberg, la capitale, Mannheim, récemment embellie.

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Au total, quatre-vingt-sept lieux ont été désignés le long du Rhin moyen et de ses affluents jusqu’à la hauteur de Coblentz ; les travaux durent jusqu’au mois de juin 1689 avec un maximum entre décembre et avril. De l’avis de Vauban, le recours aux explosifs est coûteux, dangereux et inefficace. De véritables chantiers effectuent le travail de sape des murailles et de comblement des fossés : ils sont souvent dirigés par des entrepreneurs en maçonnerie qui suivent l’armée et obtiennent les contrats sur place par adjudication ou sur présentation d’un devis envoyé au roi pour acceptation.31 Jusqu’à 3 000 hommes, dont 500 paysans réquisitionnés, travaillent pendant deux mois et demi sur les fortifications de Mannheim ; les destructions opérées à Spire et à Worms s’étendent de février à juin. La mine n’est utilisée que pour les petits châteaux. Les destructions en série, aussi évidentes dans leur principe que le rasement des villages autour du château de Versailles ou les démantèlements des villes fortifiées du royaume dans les années 1620, s’ajoutent aux contributions comme une conséquence ultime de l’exercice du pouvoir. Facilitées par l’encadrement administratif des armées, elles accomplissent ensemble la domination des espaces que la conquête seule ne pouvait obtenir. Cependant, suivant l’alliance de Magdebourg constituée fin octobre, les troupes du Brandebourg ont pris position en face de Cologne, celles de Trêves et de Hesse en face de Coblentz, celles de la Bavière, de la Saxe et du marquisat de Baden-Durlach tentent d’empêcher les incursions au-delà du Neckar. À plusieurs reprises en mars 1689, le roi désigne précisément les villes de la vallée du Neckar et de son affluent, l’Ens, qui doivent être détruites : à Montclar,

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chargé de mener à bien ces opérations, Louvois accuse réception de sa dernière lettre, « par laquelle le Roi a été surpris d’apprendre que ses ordres à vous tant de fois réitérés, aient été si mal exécutés à l’égard de Heidelberg et Sa Majesté en est si mal contente qu’Elle se souvient fort bien qu’elle avait donné l’ordre de brûler Eslingen, Tubingen, Pforzheim et Aspern lesquels ne l’ont pas été mieux que Heidelberg. »32 Du printemps à l’été, les travaux finissent par manquer de moyens techniques, d’argent et de main-d’œuvre : le recours au feu devient de plus en plus fréquent, il nourrit l’indiscipline, le pillage et la désertion caractéristiques des campagnes trop longues.

LA DIRECTION DES OPÉRATIONS

Le 26 novembre 1688, les Provinces-Unies avaient déclaré la Guerre ; fin janvier, l’Empereur et la Diète en font autant. Louis XIV complète lui-même la grande alliance formée contre lui : il déclare la guerre à l’Espagne en avril 1689 pour l’autorisation qu’elle a donnée aux troupes de l’Empire d’utiliser les Pays-Bas ; son soutien à Jacques II et à ses expéditions en Irlande procure au nouveau roi d’Angleterre, Guillaume III, le bon argument pour entrer en guerre en mai. L’année suivante, le duc de Savoie abandonne l’alliance française. Cible d’une coalition comme il n’en a jamais affronté, le royaume de France est susceptible d’être attaqué sur toutes ses frontières terrestres en dehors de la Franche-Comté jointive des Cantons suisses — 3 000 km et sur ses 3 500 km de côtes. En 1690,

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entre les levées de soldats, l’appel à l’arrière-ban féodal et la ressource inédite de mobilisation des sujets dans une milice qui doit défendre les provinces frontières, les forces armées comprennent officiellement 420 000 hommes, plus vraisemblablement 340 000, chiffre qui n’a été atteint ni avant ni dans la suite du règne.33 Plus que jamais, le roi doit assurer la direction des opérations. Au-delà de toute considération politique, lui seul occupe une position centrale. Les délais d’acheminement des ordres et des nouvelles de leur exécution s’allongent évidemment à mesure de l’éloignement des zones d’opérations : du moins, à Versailles, le Secrétariat à la Guerre dispose-t‑il d’un pavillon en avant du château où la correspondance et les matériaux, collationnés depuis Le Tellier, ont trouvé leur place. Lorsque Louvois ou son fils, Barbezieux, qui lui succède en juillet 1691, doivent suivre le roi à Fontainebleau ou à Marly, les commis maintiennent une permanence. Il en est de même pour la Marine, où Seignelay a succédé à Colbert, son père, avant de mourir en novembre 1690 et d’être remplacé par Pontchartrain, déjà Contrôleur général des finances. Le roi ne peut cependant se consacrer exclusivement à sa fonction de chef de guerre. Il doit respecter le calendrier des Conseils, donner son consentement aux multiples moyens de trouver des ressources pour compenser l’augmentation brutale des dépenses, assurer les nominations épiscopales alors que le conflit avec la papauté continue et que l’on assiste à l’accession d’un nouveau pape.34 Il doit veiller à la diplomatie, même si celleci se restreint dans les débuts du conflit à nommer un nouvel ambassadeur à Istanbul, à recevoir les cadeaux du roi de Siam et, surtout, à accueillir Jacques II et son épouse avec tous les honneurs en

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attendant de fournir au roi déchu les moyens de tenter la reconquête de son royaume. Il ne peut non plus abandonner le mode de vie pour lequel il vient d’achever la mise au point du cadre parfait. Tant que Louvois a vécu, Louis XIV a pu en partie se reposer sur lui : en tout cas, après chaque séance de travail, il pouvait aller tirer quelques oiseaux dans le parc. Ce n’est qu’après la mort du ministre qu’il restreint ses loisirs : au 28 janvier 1692, Dangeau note : « Le roi ne sort point du tout du jour non plus que hier, il donne beaucoup d’audiences et travaille le reste du jour. Il s’est accoutumé à dicter et fait écrire M. de Barbezieux, sous lui, toutes les lettres importantes qui regardent les affaires de la guerre. »35 Toute impressionnante qu’elle soit par le nombre d’états engagés, la ligue d’Augsbourg ne réunit pas plus de 200 000 hommes et connaît des difficultés de coordination malgré les conférences réunies par Guillaume III à La Haye en 1691 et 1692. Louis XIV conserve l’initiative, mais se trouve face à des difficultés de choix. Il garde désormais Chamlay auprès de lui et convoque les chefs d’armée au printemps, chacun suivant la zone qui lui a été attribuée. En fonction des discussions et des connaissances qu’il a accumulées, Chamlay rédige des rapports détaillés sur toutes les opérations envisageables.36 Le 19 août 1691, le roi écrit au maréchal de Luxembourg : Le sieur Chamlay m’a donné un mémoire sur ce qu’il connaît des postes ennemis et sur les avantages que l’on peut prendre sur eux. Je vous l’envoie non pour vous rien apprendre mais pour vous faire connaître ce qui lui paraît possible. Je vous l’adresse d’autant plus volontiers que j’approuve une partie de ce qu’il contient et que cela ne vous engage à rien faire non plus que ce

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Roi de France que je vous dis dans le commencement de cette lettre, si vous ne le jugez pas à propos. Vous voyez les choses de près et connaissez les avantages que vous pouvez avoir sur les ennemis.37

Le maréchal de Luxembourg est pour la deuxième année à la tête des armées des Flandres, le roi connaît d’autant plus ses talents que six mois plus tôt, le maréchal a su empêcher une armée ennemie de secourir Mons pendant que lui-même en dirigeait le siège. La très remarquable politesse de ton exprime pour une part la distance, la liberté acquise par le roi vis‑à-vis de ses grands hommes de guerre : les derniers qui ont osé prendre les armes contre lui pendant les troubles de sa minorité sont morts, Turenne à son service en 1675, Condé en 1687 dans sa splendide demeure de Chantilly. Les autres n’ont jamais connu que l’échange entre grâce royale et obéissance. En même temps, cette lettre contient toutes les preuves des difficultés que rencontrent les rois à maintenir leur contrôle sur les opérations guerrières. « Vous voyez les choses de près… » : Charles IX ne disait rien d’autre au duc de Nevers. Dans ces conditions insurmontables, le rapport de Chamlay avec sa précision que nous dirions obsessionnelle, et qui n’était que zélée, donne au roi le prétexte pour continuer d’intervenir dans le déroulement de la campagne sans pouvoir vraiment la diriger. Une fois la grande démonstration accomplie, la Rhénanie a cessé de représenter un enjeu. Après la reprise de Mayence (13 septembre 1689) et de Bonn (10 octobre suivant), les troupes impériales n’avancent plus guère. En sens inverse, en dehors d’une tentative sur Mayence imposée en 1690 au maréchal de Lorge qui a remplacé Duras et qui échoue, le Dauphin revenu

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en Rhénanie demande en vain l’autorisation de chercher la bataille. Les destructions rendent la vie difficile aux armées en présence, même si le réseau des magasins de l’intérieur du royaume permet un meilleur ravitaillement des soldats du roi de France. Deux zones ont au contraire pris de l’importance. La première est centrée sur la Manche. Pour Louis XIV, soutenir Jacques II relève d’une double obligation : une obligation dynastique — le roi en fuite est le fils d’une sœur de Louis XIII —, une obligation politico-religieuse — un roi catholique légitime par droit de naissance alors que son rival, Guillaume, protestant, a été désigné par le Parlement d’Angleterre. En outre, soutenir Jacques II peut donner lieu à une opération militaire intéressante — entraîner l’usurpateur dans une guerre en Irlande, pays catholique et mal soumis, exigera beaucoup de soldats et le détournera d’opérations sur le continent à partir des Provinces-Unies dont il reste stadhouder. Husson de Bonrepaus tente de jouer auprès du roi le même rôle que Chamlay, mais dans le domaine maritime : découvert par Colbert, légué à son fils, il a la confiance du roi quoiqu’il soit meilleur administrateur que marin. Des beaux vaisseaux de ligne construits avec soin et entêtement par Colbert, le roi ne connaît que la nécessité d’entretenir une flotte de guerre permanente à l’instar de celle dont l’Angleterre s’est pourvue depuis le début du siècle.38 S’il en a aperçu la magnificence à Dunkerque lors d’un bref voyage en 1680, s’il en a mémorisé les noms flamboyants — le « Soleil royal », le « Triomphant », l’« Admirable » —, il ne connaît rien de la fragilité de ces grandes structures de bois, de cordes et de toile, ni des menaces de malnutrition et de maladies qui pèsent sur les hommes

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après quelques semaines de navigation. Il ignore le caractère hasardeux des trajets, la difficulté des manœuvres en mer. À quoi s’ajoutent les inconvénients de la grandeur du royaume. Les seuls ports capables d’accueillir de véritables flottes de guerre se trouvent l’un à Brest, l’autre à Toulon : ce sont les sièges des vice-amirautés du Ponant et du Levant, mais ils sont à plus de deux mois de navigation l’un de l’autre et respectivement de 6 à 8 jours au moins de délai de Versailles. Au printemps 1689, les bateaux du roi servent à transporter Jacques II et l’armée destinée à l’accompagner ; un accrochage a lieu au sud-ouest de l’Irlande. L’année suivante, tandis que les troupes de Jacques II affrontent celles de Guillaume en Irlande, le vice-amiral de Tourville reçoit l’ordre de tenir la Manche et de chercher l’affrontement.39 Avec 77 vaisseaux, 4 600 canons et 28 000 hommes, il parvient le 10 juillet à attaquer une flotte anglo-hollandaise inférieure d’un tiers environ au large d’Eastbourne (Bévéziers) : il en détruit une partie, mais ne poursuit pas l’autre. Contrairement aux instructions qu’il a reçues, il ne croit pas possible de remonter jusqu’à la mer du Nord et d’attaquer Londres. Deux jours plus tard, Guillaume III remporte une écrasante victoire en Irlande ; Jacques II, ce qui reste de Français et 15 000 Irlandais doivent être ramenés à Brest. Les objectifs maritimes de la campagne de 1691 restent les mêmes, mais Tourville préfère se maintenir à proximité de Brest tout en surveillant l’entrée de la Manche : gênante pour la flotte anglaise qui comptait attaquer les côtes bretonnes, cette conduite prudente déplaît. L’année 1692 devait voir des offensives dans toutes les directions : l’assaut du sud de l’Angleterre et de

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Londres coïncidait avec l’avancée dans les Flandres. Louis XIV, entouré des princes et des officiers généraux, consacre la journée du 20 mai à passer en revue les 120 000 hommes qui doivent l’accompagner dans sa campagne. Au même moment, Jacques II et l’infanterie — 15 000 hommes, attendent à la pointe du Cotentin la flotte qui doit les transporter ; 5 000 cavaliers sont stationnés entre Le Havre et Honfleur. Les seize vaisseaux qui devaient quitter Toulon le 21 mars ont été contraints par le mauvais temps d’attendre le 8 avril, treize sont partis de Rochefort le 27 du même mois ; avec deux semaines de retard sur les ordres du roi, Tourville sort de Brest le 12 mai, il n’emmène que quarante-quatre navires, vingt restant au port faute d’équipages. Immobilisé à l’entrée de la Manche par des vents contraires, il est rejoint par cinq des navires venant de Rochefort. Ses instructions, datées du 26 mars, portaient en priorité la protection de la « descente » en Angleterre : En cas qu’il les [les ennemis] rencontre à La Hougue, Sa Majesté veut qu’il les combatte en quelque nombre qu’ils soient jusque dans leurs ports ; s’il les bat, après avoir envoyé au Hâvre un détachement de l’armée pour prendre les bâtiments de charge, il les mènera ensuite au lieu où se devra faire la descente ; et s’il y a quelque désavantage, Sa Majesté s’en remet à lui de sauver l’armée le mieux qu’il pourra.40

Des instructions complémentaires, mises au point par Bonrepaus sous l’autorité de Jacques II, approuvées par Louis XIV alors devant Namur, ne purent être transmises à Tourville ; de toute façon, elles ne prévoyaient pas l’arrivée en vue de La Hougue d’une flotte de quatre-vingt-dix-huit vaisseaux, une partie

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anglaise, assemblée en hâte par la reine Mary, épouse de Guillaume III, rejointe par la flotte hollandaise qui se trouvait à la hauteur de Dunkerque. Enfin parvenu à La Hougue le 29 mai, Tourville engagea le combat qui s’étendit en plusieurs épisodes du matin jusqu’à la nuit ; il réussit à sauver les deux tiers des navires, le reste fut pourchassé et détruit.41 Il n’était plus question de débarquement, ni de tenir la Manche, mais le roi accueillit la défaite et Tourville très gracieusement. Il comptait sur d’autres victoires dans les Flandres. Au 28 juin 1695, Dangeau note : Le roi, après son souper, appela Chamlay ; il fut quelque temps avec lui, et nous dit à son coucher : « Nous venons de raisonner sur ce que les ennemis peuvent faire ; nous n’avons plus besoin de carte dès qu’il s’agit de raisonnements sur Mons, Namur ou Charleroi ; ce sont des pays de notre connaissance que nous avons examinés. Je doute que les ennemis osent entreprendre ces sièges, et même il y a apparence que M. le prince d’Orange voulût que M. de Bavière tentât rien de considérable sans lui. »42

Les Flandres, partie méridionale des Pays-Bas espagnols : terrain d’affrontement des princes depuis le Moyen Âge, plat pays que l’œil peut aisément déchiffrer et mémoriser, contrairement aux zones montagneuses difficilement descriptibles de Savoie, du Piémont et du comté de Nice ou encore de Catalogne. La richesse de ses cultures, l’abondance de ses villes en font le lieu où le roi peut mener la guerre qu’il préfère parce que les opérations en sont lentes, maîtrisables, prévisibles : la guerre de siège. Appuyé à la chaîne des forteresses que Vauban a eu les moyens de faire édifier dans les provinces fron-

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tières pour rendre toute invasion impossible et fournir une partie du ravitaillement, le roi choisit ses objectifs en essayant de reconstituer les calculs symétriques de ses adversaires, ainsi que leurs rivalités inévitables. Une fois assuré des entrées dans le pays par les prises de Mons (1691) et de Namur (1692) qu’il s’est donné le plaisir et la gloire de diriger luimême, le roi ne cherche pas une conquête lourde et encombrante. Luxembourg a été autorisé à utiliser ses talents pour protéger les sièges ou pour contenir les tentatives adverses : il remporte une victoire par an, bat Guillaume III à Steinkerke en août 1692 et à Neerwinden le 29 juillet 1693 où, contrairement aux recommandations du roi d’éviter les combats d’infanterie, il lance les fantassins avec les nouvelles baïonnettes au bout des fusils. Mais il n’est pas autorisé à poursuivre son avancée. À partir de l’été 1693, Louis XIV ne quitte plus sa position centrale de maître de la guerre. Qu’il soit alors obligé de donner davantage de latitude à ses chefs d’armée ou de marine tient à l’extension des zones de combat, à leur éloignement, à la complication de leur situation et de leur relief. Ce qui change en effet, ce ne sont pas les principes ni les instruments de la conduite de la guerre, et à peine les hommes, car le système, bien rodé, s’impose aux ministres comme aux officiers généraux qui se succèdent à mesure des morts. Au contraire, les forces que le roi de France doit affronter sont nouvelles. Il est vrai que l’Empereur n’a pu prendre la tête de la coalition des princes, c’est « M. de Bavière » qui se bat en Flandres en 1695 : profitant de la guerre à l’ouest, les Ottomans ont contre-attaqué en Hongrie, les meilleures troupes et le meilleur chef, Eugène de Savoie, doivent continuer de les combattre. La

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nouveauté que Louis XIV a du mal à admettre est double : d’un côté, l’affermissement d’un roi désigné par ses sujets, « M. le prince d’Orange », de l’autre, plus grave, l’union de fait des deux premières puissances maritimes, fortes de leurs flottes de guerre et de leurs flottes commerciales. Il pense avoir les moyens de les affaiblir sur le continent : cependant, deux mois après le beau raisonnement de juin 1695 fondé sur la familiarité du terrain, Guillaume III reprend Namur. Surtout, après La Hougue, Louis XIV a été obligé d’abandonner la Manche, d’abandonner l’espoir des grandes batailles navales au profit d’attaques surprises des convois commerciaux par sa propre flotte, puis par des navires marchands armés en course grâce au financement royal, mais libres de choisir leurs proies. En 1693, au moment où la maîtrise de la guerre tend à échapper au roi, celui-ci essaie de rétablir sa position par les voies diplomatiques. Il profite de l’accession au pontificat d’Innocent XII pour obtenir la reconnaissance de ses droits sur les revenus de tous les évêchés vacants en échange du retrait de l’enseignement des principes de l’Église de France dans les universités.43 Par l’intermédiaire de la Suède, il présente un plan de paix qui tente de dissocier les Provinces-Unies de Guillaume III et qui est refusé. Deux ans plus tard, il prend directement contact avec les Provinces-Unies, prêt à reconnaître Guillaume III dans l’espoir de voir succéder le fils de Jacques II à l’usurpateur sans enfant. Ce sont les opérations incontrôlables de Catinat dans les Alpes qui obtiennent un premier résultat : en juin 1696, VictorAmédée de Savoie revient à l’alliance française, en septembre, les troupes conjointes envahissent le Milanais ; en octobre, Espagnols et Impériaux signent

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un cessez-le-feu. Louis XIV peut alors relancer les négociations. Tandis qu’elles passent d’une phase officieuse (février 1697) à une ouverture officielle au château de Ryswick, proche de La Haye et propriété de la famille d’Orange (mai), le roi de France coordonne une dernière campagne très réussie en Flandres comme en Catalogne. Pressé par la disparition attendue des Habsbourg de Madrid44, Louis XIV préfère alors accepter des concessions territoriales périphériques : la Lorraine est rendue à son duc, les villes fortes d’au-delà du Rhin et d’au-delà des Alpes abandonnées, les réclamations sur le Palatinat confiées à l’arbitrage d’un tribunal (Traité de Riswyck). Pour la première fois de son règne, il ne voit pas dans la guerre l’instrument de sa grandeur personnelle et dynastique, mais en quelque sorte la contrepartie, le fardeau : en vain propose-t‑il à George III, au duc de Bavière, à l’Empereur, un partage de l’empire espagnol. Avant de mourir le 1er novembre 1700, Charles II lègue toutes les possessions des couronnes d’Espagne à l’un des petits-fils du roi de France. Cependant, aussi bien le rôle joué par les puissances maritimes unies dans la personne de Guillaume III que l’énorme empire espagnol d’outre-mer dessinent en pointillé l’ambivalence des guerres qui se succèdent ensuite pendant les deux premiers tiers du XVIIIe siècle : un affrontement continental qui se perpétue et garde au roi la majeure partie de son contrôle sur la guerre, doublé d’affrontements multiples et dispersés à la surface du globe. Jusqu’au moment où — guerre d’Amérique — il n’y a presque plus de contrepartie européenne aux opérations outre-mer.

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LE DÉBAT DE LA GUERRE ET DE LA POLITIQUE PENDANT LA GUERRE DE SUCCESSION D’AUTRICHE (1744-1748)

Au printemps 1744, Louis XV avait officiellement repris le fil de la lutte contre ce qui restait de Habsbourg en Europe et répondait aux obligations nouvelles créées par la reconnaissance de l’héritage espagnol au petit-fils de Louis XIV, obtenue au bout de quatorze années de guerre (Traités d’Utrecht, 1713, et de Rastadt, 1714). Mais rien n’obligeait le roi à mener lui-même campagne quatre années de suite : de mai à novembre 1744, de mai à septembre 1745, de mai à juin 1746, de mai à septembre 1747. George II avait quitté le continent après Dettingen, laissant le duc de Cumberland qui n’était pas l’héritier de la couronne d’Angleterre. Si Frédéric II continuait de diriger ses troupes, c’est qu’il avait hérité d’un petit État disparate dont l’armée constituait le principal instrument de cohésion. Quant à Marie-Thérèse, elle avait donné le haut commandement à son beau-frère, Charles de Lorraine, déjà nommé gouverneur général des Pays-Bas. La succession de ces mois de mai où le roi quitte la cour pour les zones d’opérations reproduit la conduite de Louis XIV pendant les quatre premières années de la guerre de Hollande45 avec le raffinement supplémentaire que les ordres d’accomplir des prières publiques pour demander à Dieu de « bénir les armes du roi » atteignent maintenant toutes les paroisses du royaume. Aussitôt que les hasards de la guerre le permettent, d’autres ordres suivent de célébrer les victoires par un Te Deum.

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Jamais ces célébrations n’ont été aussi nombreuses : vingt-neuf en quatre campagnes.46 Si bien qu’après tout, il n’y a peut-être pas de contresens dans la nouvelle lecture du centre du plafond de la galerie des Glaces : alors que le royaume connaît un grand calme intérieur depuis une dizaine d’années, « gouverner par soi-même », ne serait-ce pas commencer par faire la guerre en personne ? En Italie, le roi de France soutient le roi d’Espagne qui voudrait le Milanais pour son fils cadet, don Felippe. Il suffit alors de donner des instructions annuelles au commandant en chef chargé de mener les troupes françaises qui ne sont qu’auxiliaires et d’approuver a posteriori ce qu’il aura pu faire dans cette situation tellement difficile qu’elle aboutit aux incursions du roi de Piémont-Sardaigne en Provence (1746).47 Dans l’Empire, la situation est trop confuse pour y hasarder le roi. Les Pays-Bas, détenus par la maison d’Autriche depuis les traités de 1714, s’imposent comme l’inévitable terrain des entreprises royales. À condition qu’elles soient soutenues par un grand homme de guerre, nommé maréchal pour la manière dont il a su sauver ce qui restait des troupes du roi après Dettingen : Maurice de Saxe. Après la défaite, lorsque le roi avait commencé à préparer la future campagne avec Noailles, il avait montré de grandes réticences à son égard : Je veux [bien] que le comte de Saxe soit le meilleur officier pour commander que nous ayons, mais lui confierons-nous la garde, seul, d’une province qu’on veut nous enlever, à quelque prix que ce soit, qu’il y a peu de temps qui est démembrée de l’Empire, lui qui est huguenot, qui veut être souverain, qui dit toujours

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Roi de France que si on le contrarie, qu’il passera à un autre service ? Est-ce là du zèle pour la France ? Et pour lui, qui n’a rien à perdre, en ce pays, qu’une maîtresse, ce dont il retrouvera toujours, de l’humeur changeante et insouciante qu’il est ; de plus, frère d’un roi qui va peut-être se déclarer contre nous.48

Fils naturel d’Auguste II, donc demi-frère d’Auguste III, électeur de Saxe et roi de Pologne, Maurice de Saxe avait échoué à se faire reconnaître la possession du duché de Courlande ; passé au service du roi de France depuis 1734, il avait montré ses talents dans la campagne de Bohême. Louis XV refusait de lui donner la responsabilité de défendre l’Alsace, mais il reconnaissait lui-même ne pas disposer de bons officiers généraux et accepta d’envoyer Saxe dans les Pays-Bas sous l’autorité statutaire du maréchal de Noailles, plus ancien dans le titre. Les quatre campagnes se passent dans un dialogue entre le roi et le maréchal, soit par l’intermédiaire de Noailles, soit par celui du comte d’Argenson, secrétaire d’État à la Guerre. Les plans de début et de fin de campagne sont l’objet de nombreux échanges de correspondance ; le détail des opérations de siège aussi — contrôle strict du dessin des tranchées, de l’emplacement des batteries ; le tout facilité par l’abondance des cartes exactes produites et conservées par le Dépôt général des Cartes et Plans institué en 1720. Fin juin, début juillet 1746, alors que le roi a quitté les Flandres, le ministre est chargé de suivre les mouvements que le maréchal entreprend autour du siège de Mons et dont il doit rendre compte au fur et à mesure. Il apparaît alors que le roi s’oppose à une manœuvre qui pourrait être interprétée par les adversaires comme un mouvement de retraite, donc un

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signe de faiblesse. Saxe proteste : « Il n’y a que des raisons politiques qui puisse (sic) autoriser une conduite différente. Je ne rentrerai pas dans la discussion de savoir auquel on doit donner la préférence, mais je pense que la première je veux dire la politique est infructueuse si elle n’est soutenue par une bonne conduite à la guerre. »49 D’Argenson réaffirme la confiance du roi et ajoute : « Quant aux raisons politiques dont vous parlez qui contredisent quelques fois les règles militaires, nous ne nous sommes point heureusement trouvés jusqu’ici dans ce cas. »50 La dénégation courtoise tente d’effacer ce qui n’a cessé de se produire depuis la première campagne. Le savoir militaire du roi repose sur les semaines d’apprentissage qu’il a suivies quand il avait treize ans ; au même âge, le bâtard de l’électeur de Saxe se trouvait dans les Flandres parmi les troupes de son père qui participait à la coalition contre Louis XIV. À mesure de sa carrière, il a été amené à penser la guerre : par opposition à la statique guerre de siège, le maréchal se sent à l’aise dans la guerre de mouvement et de subsistances qui doit pousser l’ennemi vers des zones où le ravitaillement est difficile tout en évitant les affrontements et les pertes qu’ils entraînent. Un an après cet échange avec d’Argenson, Saxe insiste dans un mémoire : « Les circonstances se sentent mieux qu’elles ne s’expliquent, et si la guerre tient de l’inspiration, il ne faut pas troubler le devin. »51 Se réfugier dans l’impossibilité de décrire le sensible et l’imprévisible est une manière de répondre aux injonctions de ce que lui-même, d’Argenson, et Noailles d’ailleurs, appellent la politique. La politique tient d’abord à la personne du roi, parti à la guerre pour y trouver la gloire, mais qui doit

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s’assurer de la survie de la maison de France. Survie fragile après tout : il refuse la présence du Dauphin à ses côtés pendant la première campagne parce que l’héritier de la couronne n’est pas encore marié ; au mois d’août, alors que lui-même a quitté les Flandres pour l’Alsace menacée d’invasion par l’armée de Marie-Thérèse, il doit s’arrêter à Metz pendant près d’un mois, atteint d’une maladie telle que sa mort a paru proche. Face au vide soudain du centre de décision, les chefs d’armée craignent de prendre des initiatives : d’Argenson, le ministre, n’a d’autre moyen que de tenter de reconstituer la pensée royale. Il écrit à Noailles : « Le Roi n’étant pas en mesure que je puisse lui parler d’affaires, je ne puis que raisonner avec vous sur ce qu’il m’a dit de ses intentions la dernière fois que j’ai eu l’honneur de travailler avec lui »52, soit au moins une dizaine de jours plus tôt. Il se trouve qu’à ce moment, l’offensive de Frédéric II en Bohême a allégé la pression autrichienne sur l’Alsace. Pourvu d’une épouse en février 1745, le Dauphin est autorisé à prendre part à la seconde campagne. Ainsi le père et le fils peuvent-ils, dans une réplique plus que parfaite de George II et du duc de Cumberland, contribuer ensemble à la revanche de Fontenoy sur Dettigen le 11 mai 1745. L’année suivante, le Dauphin reste auprès de son épouse qui prépare ses couches, et le roi quitte la zone de guerre fin juin pour y assister. La mort de la Dauphine, les tractations pour trouver une seconde épouse immobilisent le roi qui prend le contrôle épistolaire de la fin de la campagne. Le maréchal de Saxe est évidemment embarrassé de la présence du roi. Il dit aussi bien qu’elle vaut 50 000 combattants de plus par le courage et la discipline qu’elle ne peut manquer d’inspirer aux officiers et aux soldats, que l’inverse : ne pas hasarder la per-

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sonne royale sans l’accompagner d’« une armée formidable »53. Il est gêné par l’intervention de certains des ministres et surtout par celle de la Maison militaire du roi, connue pour son indiscipline chevaleresque d’un autre âge. Au long des campagnes, il doit fournir au roi des « occasions », c’est‑à-dire des batailles victorieuses : à Fontenoy, vers lequel Louis XV, venant de Versailles, s’est hâté, le maréchal est étonné et reconnaissant de l’immobilité royale qui ne compromet pas les ordres qu’il est amené à donner pour diriger une force de 60 000 hommes qui en affronte 40 000 ; de Laaffelt, il s’aperçoit le lendemain matin que le combat a été donné « assez inutilement » puisque le gros des troupes anglo-hollandaises a pu rejoindre Maastricht.54 Dans les deux cas, il a préparé le combat, prévenu le roi et temporisé avec les ennemis en attendant l’arrivée du souverain. Dans la mise au point des plans de campagne, le roi conforte sa supériorité, lui seul peut apprécier la situation dans laquelle les opérations vont s’inscrire : c’est la revanche indiscutable de la politique. Le choix des Flandres55 ne tient pas simplement à la familiarité du terrain : le roi retrouve, suivant le schéma louisquatorzien, la nécessité de soutenir les entreprises du prétendant Stuart, Charles-Edward56, que ses navires échouent à conduire en Angleterre au printemps 1744, mais qui passe en Écosse l’année suivante et tente un soulèvement. À la fin de 1745, Louis XV fait réunir une armée que le duc de Richelieu doit mener en renfort. Cette menace oblige George II à retirer des troupes des Pays-Bas jusqu’au moment, avril 1746, où Charles-Edward est totalement défait. La mort de l’empereur éphémère, Charles de Bavière, en janvier 1745 a laissé le roi de France sans candidat et la guerre sans objet apparent. Mais François de

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Lorraine, époux de Marie-Thérèse, est élu empereur le 13 octobre suivant et fin décembre, Marie-Thérèse parvient à nouer une alliance avec Frédéric II et Auguste III de Saxe. Ne pouvant attaquer au-delà du Rhin, Louis XV a toutes les raisons de multiplier les opérations dans l’ensemble des Pays-Bas autrichiens : imposant à Saxe en plein hiver le siège de Bruxelles, capitale réputée imprenable par son étendue, ou de villes qui ont perdu de l’importance, — Mons, « remplissage d’un temps mort »57, dit le prince de Conti qui en a reçu la direction en juin 1746 lors du retour du roi à Versailles. À mesure que les Pays-Bas autrichiens sont conquis, se pose la question de l’entrée dans les Provinces-Unies. Le maréchal veut exploiter ses victoires en attaquant Maastricht, place refuge. Depuis janvier 1747, il est chargé d’honneurs : son demifrère, l’électeur de Saxe, a quitté l’alliance autrichienne et donné une de ses filles en mariage au Dauphin ; lui-même a reçu le titre jadis porté par Turenne et Villars de maréchal général des camps et armées du roi. Mais ses propositions sur Maastricht paraissent dangereuses au roi qui tient compte de la situation de la république fédérale : l’accession de la dynastie des Hanovre au trône d’Angleterre en 1714 a distendu les liens entre les deux pays, une attaque directe risque de relancer les luttes intérieures et de provoquer un sursaut défensif puissant. En même temps, le roi a besoin de victoires en attendant que les arrangements diplomatiques soient pris et consolidés. Après Laaffelt, il s’installe à Tongeren avec une partie de l’armée, bloquant une éventuelle avancée des adversaires à partir de Maastricht ; de là, il surveille le siège de Bergen-op-Zoom dont Saxe ne voulait pas parce que la ville était à l’écart des voies de

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circulation. Les opérations, confiées au comte de Lowendal, durent plus de deux mois (5 juillet-16 septembre 1747), nécessitent un échange de près de deux cents lettres, provoquent des pertes très importantes et finissent par un pillage qui paraît anachronique dans cette guerre si maîtrisée. Saxe obtient l’autorisation d’attaquer Maastricht en avril 1748 pour peser sur les négociations qui ont commencé à Aix-la-Chapelle. Louis XV y impose ce qu’il appelle « une paix de roi » et non de « marchand »58. Il honore l’alliance dynastique conclue avec l’Espagne : don Felippe obtient les duchés de Parme et de Plaisance. Il fait évacuer tous les territoires conquis. Il pense avoir obtenu de la guerre tout ce qu’elle pouvait donner et cherche de nouvelles combinaisons diplomatiques qui pourraient affaiblir la puissance anglaise.

DES GUERRES HORS DE PORTÉE

De Fontainebleau, le 18 octobre 1776, Louis XVI écrit à Vergennes, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, en qui il a toute confiance : Je suis absolument de votre avis sur l’avantage que les Anglais viennent de remporter à Long Island ; je vois qu’ils auront des quartiers d’hiver et qu’ils ne seront pas tentés d’en chercher d’ailleurs ; l’avantage n’est pas considérable en lui-même, et cela ne servira qu’à les engager un peu plus dans la guerre, et plus ils feront la guerre, plus ils se détruiront eux-mêmes. Quand même ils viendraient à bout de reprendre, ils n’en seraient que plus affaiblis, trouvant les colonies

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Roi de France ruinées et ayant usé leurs forces contre elles. Un autre bien qui résultera de l’avantage qu’ils viennent d’avoir, est que cela donnera de la consistance au ministère actuel dont nous avons lieu d’être contents, non seulement par l’amitié qu’il nous témoigne, mais aussi par l’acharnement et l’entêtement qu’il met à cette guerre qui, de façon ou d’autre ne peut que leur être nuisible. Toutes ces raisons combinées ensemble font que je crois que nous n’aurons pas la guerre, du moins de quelque temps. Mais cela n’empêchera pas, comme vous l’observez fort bien, qu’on continue les travaux de la marine ; quand ils ne serviraient qu’à la remonter réellement et à donner une idée de nos forces qu’on n’avait pas, cela serait un très grand bien.59

Six semaines auparavant, la marine anglaise a fait débarquer 15 000 hommes à Long Island. Nul doute que Louis XVI ne puisse situer ce lieu dans ce qu’il persiste à nommer « les colonies » malgré la Déclaration d’indépendance du 4 juillet. Curieux du monde extérieur, amateur de cartes et de géographie, il se fait aussi apporter les gazettes anglaises. Le ton tranquille, l’habileté à raisonner dénotent la bonne éducation de ce souverain de vingt-deux ans, entraîné à s’approprier les éléments d’information militaire et les suggestions politiques des conseillers qu’il s’est choisis. Il suit Vergennes dans sa volonté d’affaiblir la puissance anglaise, non tant par désir de revanche sur les échecs de la guerre de Sept ans — il ne se sent pas comptable des erreurs de son grand-père —, mais pour redonner à son royaume la première place en Europe comme au temps de Louis XIV. Depuis plus d’un an, la révolte des Treize colonies américaines a pris l’allure d’une guerre dans laquelle le roi voit avec plaisir l’Angleterre, et son premier ministre, Lord North, s’enfoncer. S’il espère le maintien de

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North à la tête du gouvernement, c’est qu’il ne doute pas que sa chute entraînerait un durcissement de l’attitude anglaise, une déclaration de guerre. Pour le moment, le ministre anglais demande la cessation du commerce à destination de l’Amérique et feint d’ignorer qu’il s’agit d’une aide tolérée, sinon encouragée par le roi de France. De guerre, Louis XVI ne veut pas tant que le pacte de famille qui lie en principe les Bourbons de France et d’Espagne ne reprend pas la forme d’une alliance militaire. Le prix que Charles III en demande est l’appui français dans un conflit qui l’oppose au Portugal sur les limites de leurs empires coloniaux en Amérique du Sud. Ce que le roi, plus haut dans cette lettre, appelle « faire comme le singe, faire cuire les marrons et ne pas mettre le doigt au feu ». De fait, Charles III n’a aucune raison d’interrompre son projet de conquête des terres situées à l’est du Rio de la Plata : 9 000 soldats doivent y partir, protégés par trente et un navires de guerre. Cette dépendance vis‑à-vis du roi d’Espagne est révélatrice de l’isolement diplomatique du roi de France. Depuis la fin du XVIIe siècle, les seuls alliés potentiels, et en grande partie fictifs, que constituaient l’Empire ottoman et le royaume de Pologne n’ont cessé de reculer au profit des Habsbourg de Vienne, de l’empire russe et du royaume de Prusse. Même avec les mariages des frères du roi, le royaume de Piémont-Sardaigne reste toujours incertain. Contre cet isolement, Louis XV avait accepté l’alliance autrichienne (Traité de Versailles, 1756). Fin décembre 1777, les prétentions de Joseph II sur la Bavière après la mort sans héritier direct de l’électeur pouvaient offrir à Louis XVI l’occasion d’une guerre continentale traditionnelle, mais avec

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cette difficulté d’avoir à prendre parti pour ou contre un allié qui, en outre, était son beau-frère. Louis XIV avait refusé de se sentir lié par des considérations dynastiques. Au même moment, arrivait la nouvelle de la victoire de Saratoga remportée par les Insurgés deux mois plus tôt : elle pouvait favoriser une paix de compromis avec l’Angleterre. Le roi paraît avoir été sensible aux inquiétudes de Vergennes : pour le ministre, l’Angleterre, une fois débarrassée du poids de la lutte en Amérique, se retournerait contre la France. Comme le roi l’avait ordonné, la flotte avait été remise en état sous la surveillance de Sartine : d’une trentaine de vaisseaux de ligne en 1774, elle était passée à 53 tandis que le budget avait plus que doublé, de 27,9 millions de livres à 59. Maurepas, Sartine et Vergennes avec lesquels Louis XVI travaillait savaient qu’il faudrait encore trouver des fonds, mais pensaient qu’il serait plus facile de le faire en temps de guerre. Necker, nommé directeur du Trésor depuis le 22 octobre 1776, ne les détrompait pas. Après un dernier courrier à Charles III le 8 janvier 1778, le roi décide de passer un traité défensif avec les Insurgés : il le signe le 6 février, le Congrès qui siège en permanence à Philadelphie le ratifie et le publie début mai. Les incidents entre navires français et anglais se multiplient : l’accrochage de la frégate La Belle Poule par l’Aréthuse qui croisait au large de la Bretagne est connu à Versailles le 20 juin et permet à Louis XVI d’ordonner le 28 « des représailles contre l’Angleterre ». Avec cet euphémisme qui fait l’économie d’une déclaration en forme, le roi entre dans la guerre maritime.60 La flotte française est alors considérée comme la meilleure d’Europe : les vaisseaux de ligne ont perdu la lourdeur à manœuvrer des navires colbertiens, ils

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commencent à recevoir les nouveaux canons dessinés par l’ingénieur Gribeauval ; leur nombre continue d’augmenter — 66 en 1779 ; les officiers sont renouvelés. Cependant la guerre maritime ne peut rien apporter au roi. Tout échappe à son contrôle. Le temps appartient encore davantage au déroulement des saisons : non seulement à cause des périodes de tempêtes et du changement d’orientation des vents dominants, mais aussi à cause du mouvement des flottes commerciales qui s’y adaptent et ne doivent pas être gênées par les opérations de guerre. Quant à l’espace, dilaté aux côtes de quatre continents, il rend indicatifs les ordres contenus dans les plans qui inaugurent chaque campagne au printemps, aléatoire la réception des nouvelles de leur accomplissement et impossibles les ordres qui devraient être envoyés en retour. Les ordres de célébrer des Te Deum se raréfient, un en 1779, un en 1781 ; ils rassemblent différents faits d’armes égrénés sur des mois et dispersés dans des lieux éloignés les uns des autres. Le roi peut difficilement s’enorgueillir des victoires si lointaines, il peut certes remercier la bienveillance divine mais la gloire en revient à ses officiers sur place. Dans les zones les plus proches, l’espace est plus resserré, les opérations plus risquées. Tandis qu’une escadre a quitté Toulon pour l’Amérique dès avril 1778, les côtes bretonnes sont surveillées par les Anglais qui immobilisent une deuxième escadre à la sortie de Brest (Bataille d’Ouessant, 28 juillet). Tout repose ensuite sur l’aide espagnole qui se fait attendre jusqu’en avril de l’année suivante, 1779 : fort de ses succès — la paix, très avantageuse, avec le Portugal a été signée en octobre 1777, Charles III exige une invasion de l’Angleterre et de l’Irlande. Une répétition des tentatives des règnes précédents,

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au point que Louis XVI croit bon de confier les troupes de débarquement au maréchal de Broglie en activité pendant la guerre de Sept Ans ; elles stationnent en Bretagne en attendant les bateaux de transport. La jonction des flottes espagnole et française est retardée par des vents contraires, des épidémies se déclarent sur les vaisseaux du roi qui sont obligés de rentrer à Brest en septembre. Ensuite de quoi Charles III impose le soutien à la reconquête de Gibraltar, détenu par les Anglais depuis 1714, et de Minorque, depuis 1763. L’île est conquise en février 1782 après un blocus de huit mois, mais Gibraltar résiste à deux sièges terrestres complétés par des attaques maritimes (1779, 1782) ; Louis XVI a voulu honorer la seconde tentative de la présence d’un prince du sang, Louis Henri de Bourbon, et de son propre frère, le comte d’Artois. Après Saratoga, le gouvernement anglais, avec l’appui de George III, n’a pas choisi la voie de la négociation. Il garde une base à Newport et renonce à soumettre le nord des Treize colonies, trop vaste et trop peu peuplé ; il oriente ses forces vers le sud et surtout vers les Antilles pour couper le ravitaillement des Insurgés et se préparer à la guerre avec la France et l’Espagne. Il compte alors 40 000 combattants en Amérique ; la flotte atteint les 90 navires de guerre, plus lourdement armés que leurs adversaires, mais avec les mêmes difficultés à trouver des marins. Aussi bien les escadres anglaises que françaises et espagnoles se révèlent incapables de prendre autre chose que des comptoirs de traite sur les côtes occidentales de l’Afrique et de petites îles antillaises.61 Les grandes possessions — la Jamaïque anglaise, l’île espagnole de Cuba, la Martinique et Saint-Domingue françaises — servent de base d’opérations ; une partie

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des vaisseaux de ligne escorte les convois commerciaux. Parti en février 1779 pour une nouvelle campagne, le comte d’Estaing refuse d’obéir aux ordres qu’il reçoit à la Martinique en juillet : il se porte au secours des Insurgés menacés en Géorgie. Le siège de Savannah échoue, mais oblige les Anglais à faire venir de nouveaux renforts du nord en abandonnant Newport. Cette année-là, les dépenses de la marine du roi de France montent à 155 millions de livres. Chiffre jamais atteint, et pour très peu de résultats. Cependant, la défense du commerce des matériaux nécessaires à la construction et à l’entretien des vaisseaux rassemble tous les états d’Europe du Nord en une ligue des neutres proposée par Catherine II ; le Portugal et l’Autriche s’y joignent. Cette union provoque l’affrontement direct de l’Angleterre et des Provinces-Unies à partir de décembre 1780, ce qui immobilise une partie de la flotte anglaise en mer du Nord et étend le conflit aux possessions hollandaises dans les Antilles et en Afrique du Sud. C’est au tour de l’Angleterre de se trouver isolée. Louis XVI et Maurepas font prendre des contacts avec le gouvernement anglais en vue d’une trêve mais avec Vergennes, le roi décide de l’envoi d’un véritable corps expéditionnaire aux Insurgés : 5 500 hommes débarquent en juillet 1780 à Rhode Island sous le commandement du comte de Rochambeau et s’installent à Newport ; en avril, 3 200 hommes étaient arrivés à la Martinique. De son côté, le roi d’Espagne a fait rassembler 11 000 hommes à La Havane avec la volonté d’attaquer la Jamaïque et de reprendre la Floride perdue en 1763 : seuls l’intéressent les territoires détenus par les Anglais ; par crainte de la contagion dans son propre empire, il refuse une alliance avec les Insurgés. En octobre, Louis XVI

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réorganise son Conseil restreint, il y accentue le poids des militaires, remplaçant Sartine par le maréchal de Castries, nommant le comte de Ségur à la Guerre. Il maintient Necker qu’il pense toujours capable de trouver de l’argent. Malgré ces efforts, le roi ne bénéficie pas de la relance des opérations au printemps suivant. Retenu par le scandale de la publication du Compte rendu au roi de Necker en février, il ne peut assister au grand déploiement de la flotte lorsqu’elle quitte Brest le 22 mars 1781 : Castries, lui, est présent. Sous la direction du comte de Grasse, une vingtaine de vaisseaux de combat et 3 200 hommes dans les bateaux de transport partent vers les Antilles ; une centaine de bateaux de commerce profitent de leur protection. Parallèlement, le bailli de Suffren emmène six vaisseaux de guerre et un millier d’hommes au secours éventuel du Cap hollandais et sûrement de ce qui reste de forces françaises dans l’océan Indien où les Anglais se sont emparés des comptoirs de la Compagnie française des Indes Orientales dès qu’ils ont appris l’ouverture du conflit.62 Castries comme Vergennes défendent la liberté d’action des commandants sur place et insistent pour renforcer l’aide aux Insurgés au détriment d’opérations conjointes en Floride réclamées par Charles III malgré les ressources qu’il peut directement tirer du Mexique : Rochambeau reçoit l’ordre de rejoindre l’armée des Insurgés dirigée par Washington. Arrivé au large des petites Antilles fin avril, de Grasse chasse l’escadre anglaise qui menaçait la Martinique, prend Tobago (2 juin) et remonte sur Saint-Domingue. De là, il établit le contact avec Rochambeau : il faut une dizaine de jours de navigation. Après avoir contracté en son nom un emprunt

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de 500 000 piastres pour payer les soldats de Rochambeau, de Grasse embarque les sept régiments prévus pour la Jamaïque et fait route vers la baie de la Chesapeake où, sous la protection de quelques vaisseaux espagnols, il fait refluer la flotte anglaise venue l’attaquer. Prévenus, l’armée des Insurgés et le corps expéditionnaire du roi de France traversent la Virginie et parviennent à bloquer l’armée anglaise dans Yorktown : le 19 octobre, après trois semaines de siège, le général Cornwallis se rend avec près de 8 000 soldats. L’armistice signé ensuite pour les opérations terrestres laisse la flotte anglaise libre de ses mouvements : de Grasse qui a reçu l’ordre de prendre la Jamaïque au printemps suivant n’échappe pas à l’escadre anglaise qui le bat et le fait prisonnier le 12 avril 1782 (Bataille des Saintes). L’année 1782 est celle de l’épuisement : la défaite des Saintes, connue en août, est suivie de l’échec devant Gibraltar en septembre. Les nouvelles des aventures de Suffren dans l’océan Indien arrivent trop tard pour renverser la situation. De toute façon, du côté anglais, la défaite en Amérique a provoqué des bouleversements politiques : si le Parlement se porte garant des emprunts du gouvernement, en retour, il est en droit d’imposer au roi le remplacement de North par des ministres moins complaisants (mars 1782). Le 30 novembre, l’Angleterre et les États-Unis parviennent à la paix. Le 20 janvier suivant, les pourparlers commencent à Versailles : le 3 septembre 1783, les traités sont signés. Au sortir de la guerre la plus dispendieuse de l’histoire de la monarchie, le roi de France a maintenu la position définie par son grand ancêtre dans la deuxième moitié de son règne et respectée par Louis XV au moins autant qu’il a pu. Pas de

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nouvelles acquisitions, exception faite de Tobago, mais l’affirmation de la grandeur : une souveraineté totale sur le territoire du royaume avec la fin de la présence du commissaire anglais installé à Dunkerque depuis 1713 pour interdire les travaux de fortification, l’affaiblissement d’un adversaire de longue date, la satisfaction des alliés aussi bien américains qu’espagnols. La question est ensuite de savoir si cette grandeur peut se maintenir sans recours à la guerre, moyen désormais difficile à utiliser puisque le conflit terminé en 1783 a laissé 389 millions de dettes, mais qui n’est pas exclu : pour remédier au manque d’un port militaire en eau profonde si visible depuis un siècle, l’aménagement de Cherbourg, commencé en 1779, est poursuivi après la paix ; entre le 21 et le 26 juin 1786, Louis XVI est allé lui-même visiter le chantier, seul voyage qu’il ait jamais entrepris. Pas plus que sous les règnes précédents, les occasions de prendre part aux conflits européens ne manquent. L’intervention en Amérique avait évité au roi de France un choix éprouvant dans l’affaire de la Bavière : avec l’aide prudente de l’impératrice MarieThérèse, un compromis avait été trouvé dont il s’était porté garant (Paix de Teschen, mai 1779). Cependant, un an après les traités de Versailles, il se trouve devant un nouveau choix : libéré de l’influence modératrice de sa mère63, Joseph II agresse les ProvincesUnies qui ont joué un grand rôle dans la guerre d’Amérique ; il exige la réouverture des bouches de l’Escaut fermées à la navigation depuis deux siècles. Louis XVI intervient en médiateur, accepte même de payer à Joseph II quatre millions de livres de dédommagement pour deux navires détruits par les Hollandais (Traité de Fontainebleau, novembre 1785).64

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Cependant, l’alliance avec les Provinces-Unies est fragilisée par les luttes qui y opposent les partisans d’une république fédérale et ceux d’un régime semimonarchique dirigé par le stadhouder : Guillaume V d’Orange bénéficie de l’appui de George III, son cousin, et de Frédéric-Guillaume II, son beau-frère, qui vient de succéder à Frédéric II. En septembre 1787, le roi de Prusse fait envahir la Hollande. À ce moment, Louis XVI est occupé à essayer d’imposer aux parlements la subvention territoriale refusée par l’Assemblée des Notables : il ne peut mobiliser les 30 000 hommes dont il a menacé la Prusse. George III propose ses bons offices : le roi de France est tenu à l’écart des alliances conclues d’octobre 1787 à août 1788 entre les Provinces-Unies, la Prusse et l’Angleterre. À cette humiliation, s’ajoute l’impuissance à protéger l’Empire ottoman des nouvelles attaques russes et autrichiennes.65 Rien ne vient desserrer l’engrenage des dettes accumulées à l’occasion des guerres. À la fin du XVIIIe siècle, la volonté de conserver la grandeur de la Couronne de France reçue en héritage se retourne contre son détenteur.

Épilogue UNE RENCONTRE SINGULIÈRE : 14 JUILLET 1790

Le 14 juillet 1790, pour la première fois de l’histoire de la monarchie, le roi se trouve en présence d’une foule massive venue de tout le royaume : 50 000 provinciaux, peut-être 300 000 Parisiens, rassemblés sur le vaste espace du Champ de Mars à la limite sudouest de Paris. Ils sont tous réunis pour procéder à un échange de serments dont la teneur a été présentée au roi, acceptée par lui : l’un sur l’union — la Confédération — de tous les Français composant la nation, l’autre sur la fidélité au texte en cours de rédaction et qui va régir les nouveaux rapports politiques — la Constitution.1 Ces notions n’appartiennent pas à la tradition dont Louis XVI est l’héritier ou du moins pas dans leur actuelle acception et il est difficile de reconstituer le regard que le roi peut porter sur cette rencontre. Le précédent auquel il pourrait penser peut être recherché du côté de son sacre où il a prononcé trois serments : protéger l’Église, faire régner la justice, maintenir l’intégrité du royaume. C’est sans doute ce qu’il a voulu signifier en arrivant au Champ de Mars dans le carrosse utilisé quinze ans plus tôt et en ayant revêtu un magnifique habit de soie lilas tout brodé

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d’argent. À ceci près qu’à Reims, les seuls assistants appartenaient à la haute noblesse et au clergé et que depuis l’accession des Bourbons, leurs exclamations — « Fiat ! Fiat ! » [Ainsi soit-il !], n’étaient plus tenues pour une forme de consentement. L’autre référence pourrait se trouver dans les entrées que les rois, ses prédécesseurs, ont effectuées dans les villes jusqu’en 1660 au moins.2 Un pacte, obéissance contre confirmation des privilèges, était accompli en plusieurs étapes : l’accueil du souverain par la municipalité hors les murs, la progression d’un cortège dans la ville selon un parcours enrichi de décorations. La structure hiérarchisée du cortège reproduisait l’organisation des ordres et des pouvoirs jusqu’au segment final où le roi avançait, protégé par un dais3, entouré de ses grands officiers, de ses proches et suivi de ses gardes. L’office religieux célébré dans l’église principale achevait de solenniser la rencontre. Malgré le recul de cette pratique au profit de formes plus discrètes de négociation entre les notables urbains et les hommes du roi, officiers ou commissaires, le souvenir s’en était maintenu : chaque ville traversée en 1786, lors du bref voyage de Louis XVI à Cherbourg, avait proposé d’organiser une entrée en forme. Il n’était plus question de pacte, mais d’une manière honorable d’accueillir le seul souverain enfin sorti de Versailles et de ses annexes depuis plus d’un siècle. Dans cette journée du 14 juillet 1790, les éléments d’une entrée existent, mais dispersés, disjoints. Le roi est arrivé, de son côté, dans son carrosse, venant de Saint-Cloud où il a réussi à s’installer pour l’été : il est accompagné de son épouse, de ses enfants et de sa Maison, une soixantaine de courtisans. À l’opposé, dans l’est de Paris, un cortège s’est formé à partir de 6 heures du matin près de la porte Saint-

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Martin ; il a marché par la porte Saint-Denis, la rue de la Ferronnerie, rejoint la rue Saint-Honoré, la place Louis XV. Sa structure n’est pas hiérarchique. Comment le pourrait-elle ? Entre le 4 et le 26 août 1789, les privilèges honorifiques et les ordres ont été abolis, l’égalité des droits proclamée comme principe fondamental. La composition du cortège montre les éléments des nouvelles forces politiques dans leur ordre de constitution : en tête, les hommes qui ont pris les armes à Paris, ont emporté la forteresse de la Bastille voici juste un an et se sont constitués en Garde nationale ; puis tous ceux qui ont alors participé à l’institution d’une nouvelle municipalité, électeurs, députés des soixante districts qui forment la Commune de Paris avec Bailly, le maire ; ensuite, les représentants des Gardes nationales des quatrevingt-trois nouvelles circonscriptions administratives du royaume, les départements ; enfin, très surveillés, les délégués des troupes de ligne et de la Maison militaire du roi ; un groupe de Gardes nationaux parisiens ferme la marche. La Commune a offert à toutes les délégations départementales un bâton muni d’une pique, orné d’un flot de rubans tricolores ; il porte le nom de leur circonscription d’origine et les mots d’ordre de ce jour : « Constitution », « Confédération nationale », avec la date. Parvenu place Louis XV, le cortège s’ouvre pour faire haie aux quelque mille membres de l’Assemblée constituante qui viennent se placer en tête : majeure partie des délégués aux États généraux convoqués en mai 1789, ils se sont arrogé le droit de représenter la nation et de rédiger le texte fondateur d’un nouveau régime. Tous empruntent un pont de bateaux au pied de la colline de Chaillot et entrent sur le Champ de Mars vers midi. L’espace de l’ancienne plaine de Grenelle a été

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Roi de France

transformé en un vaste cirque oblong à la romaine : dans les tribunes des grands côtés, les Parisiens sont venus s’installer pendant la nuit au hasard de leur arrivée, dans un désordre qui se veut démonstratif de l’égalité des droits. Comme dans les anciennes entrées, les décorations des constructions éphémères expriment les intentions du commanditaire, ici la municipalité. Du côté de la Seine, un arc de triomphe à trois arches porte des inscriptions qui promettent l’achèvement de la Constitution, la protection du faible, l’universalisation des Droits de l’homme et donnent une définition ambivalente de la puissance royale : « Le roi d’un peuple libre est seul un roi puissant ». Au milieu du cirque, un autel a été dressé, orné lui aussi : des proclamations complémentaires sur l’égalité devant la loi, sur les principes de la future Constitution et le texte du serment qui va être prêté par les délégués. Adossé à l’École militaire, un amphithéâtre avec, en sa partie inférieure, un dais surmonté d’un drapeau blanc sous lequel le roi s’est installé. Il n’y est pas seul : à sa droite, côté honorifique, se tient le président de l’Assemblée — Charles-François de Bonnay, élu de la défunte noblesse du Nivernais —, président transitoire, puisque dans un souci d’égalité politique, il a été décidé d’une présidence tournante de deux semaines. Tous deux siègent sur des fauteuils semblables, couverts de velours bleu azur fleurdelisé, la parure immémoriale des rois de France. La famille royale se réduit à la reine et aux enfants, installés à proximité : les frères sont absents, le deuxième, comte d’Artois, s’est réfugié dès juillet 1789 auprès de son beau-père à Turin ; le premier, comte de Provence, refuse de figurer comme simple citoyen. L’Assemblée vient en effet de décider la suppression des titres et

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des armoiries. Quant aux courtisans, on ne sait où ils ont pu trouver place. Le roi n’est entouré que des membres de l’Assemblée nationale constituante. Telle est la disposition décrite dans un décret pris par l’Assemblée et sur lequel Louis XVI a apposé sa signature. De même qu’il a accepté la composition du cortège, le déroulement de la cérémonie et le texte de son propre serment. Contrairement aux anciennes entrées dont l’organisation reposait sur un échange oral et officieux entre le roi et les autorités municipales, toujours susceptible de changements de dernière minute, toutes les dispositions ont été publiées d’avance. Après que l’évêque d’Autun, Talleyrand-Périgord, ancien député du clergé, membre de l’Assemblée, a célébré la messe avec l’assistance des soixante aumôniers de la Garde nationale parisienne, après que La Fayette, au nom de toutes les Gardes nationales de France, a prêté serment au pied de l’autel, et de même, le président au nom de l’Assemblée, c’est le tour du roi. Il ne quitte pas son fauteuil et prononce : Moi, roi des Français, je jure à la nation d’employer tout le pouvoir qui m’a été délégué par la loi constitutionnelle de l’état, à maintenir la constitution décrétée par l’assemblée nationale, et acceptée par moi, et de faire exécuter les lois.4

Un lambeau subsiste du débat ancien sur la puissance des lois fondamentales que les Bourbons ont constamment rejetée, aidés par une heureuse suite de successions directes depuis l’avènement d’Henri IV. Le reste a de quoi faire horreur à un roi de France : en devenant roi des Français, il n’a plus en dessous de lui des sujets, mais en face, des citoyens unis dans une

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nation. Non plus l’ensemble des natifs du royaume soumis à son autorité et qui n’ont aucune existence en dehors de lui, mais des personnes possédant ensemble la souveraineté, exerçant un pouvoir sur le roi lui-même, portant les armes qu’ils se sont données en vertu de leur droit à l’insurrection. Non plus une délégation du pouvoir par Dieu auquel il faudra un jour rendre compte, mais une fonction d’exécuteur des lois dont lui, ancienne source de justice, n’est plus le créateur. Plus rien de l’héritage d’une lignée de rois à transmettre au Dauphin qu’il s’empresse d’aller embrasser une fois le serment terminé. Tel est le résultat d’une année de destruction où, à chaque fois qu’il a pensé recourir à la force pour endiguer le mouvement — début juillet 1789, début octobre de la même année —, le roi s’est trouvé pris de court et dépassé par une force supérieure qu’il voit maintenant devant lui : des citoyens en armes venus d’un royaume qu’il ne reconnaît pas, au nom desquels La Fayette, l’improbable héros de la guerre d’Amérique, a prononcé le serment de « rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi ». Ordre des mots détestable, que reproduit la cohue des députés autour de celui qui n’est plus souverain. Le 7 octobre 1789, à peine arrivé à Paris sous l’escorte des Parisiennes et des Gardes nationaux, il avait écrit au roi d’Espagne : Je me dois à moi-même, je dois à mes enfants, je dois à ma famille et à toute ma maison de ne pouvoir laisser avilir la dignité royale qu’une longue suite de siècles a confirmé dans ma dynastie […] J’ai choisi Votre Majesté, comme chef de la seconde branche, pour déposer en vos mains la protestation solennelle que j’élève contre tous les actes contraires à l’autorité

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royale qui m’ont été arrachés par la force depuis le 15 juillet de cette année…5

L’adversité l’attachait encore davantage aux principes, et particulièrement à la hiérarchie à l’intérieur de la maison des Bourbons. La protestation devait faire le tour des cours. Les autres souverains pouvaient au moins en conclure que le roi de France ne pouvait plus prétendre à la première place en Europe. Le 14 juillet 1790 cependant, Louis XVI n’est pas sans défense. Peu de jours auparavant, La Fayette était allé présenter les compliments des Gardes nationaux au roi et ce dernier avait répondu. Avec une grande intelligence politique, il avait insisté sur la responsabilité des Gardes nationaux dans le respect de l’ordre et des lois. C’était mettre l’accent sur les multiples mouvements qui secouaient le royaume, attaquant les seigneurs, certes, mais aussi les propriétés des roturiers dans les campagnes et dans les villes. Le roi n’ignorait pas que les Gardes nationaux s’étaient aussi constitués contre eux. Redites à vos concitoyens que j’aurais voulu leur parler à tous comme je vous parle ici ; redites leur que leur roi est leur père, leur frère, leur ami ; qu’il ne peut être heureux que de leur bonheur, grand que de leur gloire, puissant que de leur liberté, riche que de leur prospérité, souffrant que de leurs maux. Faites surtout entendre les paroles ou plutôt les sentiments de mon cœur dans les humbles chaumières et dans les réduits les plus infortunés. Dites-leur que si je ne puis me transporter avec vous dans leurs asiles, je veux y être par mon affection et par les lois protectrices du faible, veiller pour eux.6

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Louis XVI retrouvait le langage de l’amour utilisé pour dire la compassion des rois quant aux effets douloureux de leurs décisions. Aux pires moments de la guerre de Succession d’Espagne, Louis XIV s’était senti obligé de publier les raisons qui lui avaient fait refuser les conditions de paix proposées par ses ennemis. Il avait alors exprimé des sentiments : « Quoique ma tendresse pour mes peuples ne soit pas moins vive que celle que j’ai pour mes propres enfants, quoique je partage tous les maux que la guerre fait souffrir à des sujets aussi fidèles… »7 En 1709, l’objet de l’amour royal était à la fois inférieur et global, « des sujets », « des peuples » qui appartenaient au roi ; ils n’étaient autorisés à connaître les intentions et les sentiments du souverain que dans la mesure où ils allaient obéir à l’ordre qu’ils avaient reçu en même temps que l’information : prier pour obtenir « les bénédictions divines sur [ses] armes ». En 1790, parmi les citoyens qui, ensemble, l’avaient dépossédé de la souveraineté, Louis XVI choisissait les plus pauvres. Un sentiment chrétien — la charité, autre nom de l’amour —, qu’il ressentait le besoin de manifester alors que l’Église de France avait été dépossédée de ses biens en novembre 1789, qu’elle devait se plier au nouveau découpage du territoire — 83 diocèses au lieu de 114 — et accepter le nouveau mode de désignation de tous ceux qui exerçaient une fonction publique : l’élection par des citoyens remplaçait la grâce royale. La Constitution civile du clergé avait été adoptée par l’Assemblée le 12 juillet : elle allait être présentée au roi pour ratification. Or, ces « infortunés » qui ont pris leur part dans le travail de destruction des privilèges ont été exclus de toute responsabilité politique, citoyens sans droit

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de vote depuis l’établissement du suffrage censitaire, très tôt, le 20 octobre 1789. Un Comité, mis en place par l’Assemblée en janvier 1790, a dénombré deux millions de mendiants. En se proposant comme l’interprète des « humbles » et des « faibles », le roi avait montré les clivages qui traversaient la nation souveraine. Il n’ignorait pas que si la Commune de Paris avait proposé pour la prestation des serments la date anniversaire de la prise de la Bastille, elle était loin de faire l’unanimité quant aux liens entre les deux 14 juillet : la force populaire, démocratique de celui de 1789 faisait peur à bien des citoyens.8 De même, Louis XVI connaissait-il les divisions de l’Assemblée dont certains membres lui avaient proposé leurs services : La Fayette avait promis d’user de son influence pour conserver un pouvoir exécutif fort dans le texte de la Constitution, il a échoué. Mirabeau avait été reçu par le roi et son épouse le 3 juillet à Saint-Cloud. Terminant son adresse à La Fayette, le roi avait ajouté : « … dites enfin aux différentes provinces de mon royaume, que plutôt (sic) les circonstances me permettront d’accomplir le vœu que j’ai formé de les visiter avec ma famille, plutôt (sic) mon cœur sera content. »9 Ainsi, au moment unique où le pays allait se présenter devant lui, Louis XVI avait enfin émis le vœu, contraire à plus d’un siècle de pratique, d’un grand voyage familial à travers ce qu’il continuait de nommer les « provinces de mon royaume ». Sans doute refusait‑il de voir dans les Gardes nationaux des départements autre chose qu’une minorité de sujets rebelles. Mais parmi eux, les Tourangeaux lui avaient remis un anneau d’Henri IV pieusement conservé.10 S’il pouvait échapper à la méfiance des autorités

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Roi de France

parisiennes qui surveillaient tous ses mouvements, il retrouverait peut-être, dans les profondeurs d’un royaume qu’il espérait immuable, la révérence et l’obéissance dues à un roi de France.

APPENDICES

Chronologie de douze rois de France Repères chronologiques

30/06/1470 27/06/1462

12/09/1494 31/03/1519 19/01/1544 27/06/1550 19/09/1551 13/12/1553

27/09/1601 05/09/1638 15/02/1710 23/08/1754

François Ier Henri II François II Charles IX Henri III Henri IV

Louis XIII Louis XIV Louis XV Louis XVI

Naissance

Charles VIII Louis XII

Noms

14/05/1610 14/05/1643 01/09/1715 10/05/1774

01/01/1515 31/03/1547 10/07/1559 05/12/1560 30/05/1574 02/08/1589

30/08/1483 07/04/1498

Accession

17/10/1610 07/06/1654 25/10/1722 11/06/1775

25/01/1515 26/07/1547 18/09/1559 15/05/1561 13/02/1575 27/02/1594

30/05/1484 27/05/1498

Sacre 6/12/1491 1er : 08/09/1476 2e : 08/01/1499 18/05/1514 28/10/1533 24/04/1558 26/11/1570 15/02/1575 1er : 18/08/1572 2e : 17/12/1600 28/11/1615 09/06/1660 05/09/1725 16/05/1770

Mariage

14/05/1643 01/09/1715 10/05/1774 21/01/1793

31/03/1547 10/07/1559 05/12/1560 30/05/1574 02/08/1589 14/05/1610

07/04/1498 01/01/1515

Mort

Généalogies

roi de Navarre

Charles le Mauvais

ép. Philippe d’Évreux

Jeanne de Navarre

Louis X

Édouard III d’Angleterre

Isabelle

Anne de Beaujeu

3 filles

Philippe V

Henri III

Charles IX

François II

Louis XII

Charles d’Orléans

Claude de France

Charles VIII

Louis XI

Charles VII

François d’Anjou

Henri II

François Ier

Charles d’Angoulême

Jean d’Angoulême

Jean duc de Berry

Louis 1er duc d’Anjou

Louis XIII

Henri IV

Antoine de Bourbon

duc de Bourgogne

Charles de Bourbon

Cardinal de Bourbon

Robert de Clermont

Philippe le Hardi

Philippe d’Évreux

Louis d’Évreux

Charles VI Louis d’Orléans

Charles V

Jean II

Philippe VI

ép. Louis XII

Jeanne de France

Catherine

2 filles

Charles IV

Charles de Valois

in J. Barbey, Être roi. Le roi et son gouvernement en France de Clovis à Louis XVI, Fayard, 1992.

Jean I

er

Philippe IV

Philippe III

Louis IX (Saint-Louis)

Les successions royales de 1316, 1328, 1498, 1515, 1589 et la loi « Salique »

Louis XIII ép. Anne d’Autriche

Henri IV ép. Marguerite de Valois ép. Marie de Médicis

Antoine de Bourbon ép. Jeanne d’Albret

Anne-Marie-Louise d’Orléans duchesse de Montpensier

Élisabeth ép. Philippe IV roi d’Espagne

Élisabeth ép. Joseph duc de Guise

Louis de Bourbon comte de Soissons

Françoise ép. Charles-Emmanuel duc de Savoie Charles II roi d’Angleterre

Louis de la Roche-sur-Yon

Henriette d’Angleterre

Henriette-Marie ép. Charles Ier roi d’Angleterre

lignée des Montpensier Charles de Bourbon comte de Soissons

Gaston duc d’Orléans ép. Marie, duchesse de Montpensier ép. Marguerite de Lorraine

Louis prince de Condé

Christine ou Chrétienne ép. Victor-Amédée duc de Savoie

Charles cardinal de Vendôme puis cardinal de Bourbon

Marguerite-Louise ép. Côme III grand-duc de Toscane

Lignée des Condé

Henri Ier prince de Condé

Charles cardinal de Bourbon « Charles X »

Charles de Bourbon-Vendôme

François de Bourbon-Vendôme

Jean II de Bourbon-Vendôme

Robert de Clermont 9e fils de Saint-Louis

Louis IX, Saint-Louis

Les Bourbons

Louis XVI duc de Berry roi de France

Louis de France ép. Marie-Josèphe de Saxe

Anne d’Orléans ép. Victor-Amédée II duc de Savoie

ép. Henriette d’Angleterre

Victoire

Sophie

Charles comte d’Artois

Louise

Charles duc de Berry ép. Marie-Louise-Élisabeth ép. Marie-Louise d’Orléans

Louis comte de Provence

Adélaïde

Philippe duc d’Anjou Philippe V d’Espagne ép. Marie-Louise de Savoie

Marie-Louise d’Orléans ép. Charles II roi d’Espagne

in Lucien Bély, La société des princes. XVIe-XVIIIe siècle, Fayard, 1999.

Louis-Joseph-Xavier duc de Bourgogne mort en 1761

Élisabeth Henriette Madame Infante

Louis XV ép. Marie Leszczynska

Louis de France duc de Bourgogne ép. Marie-Adélaïde de Savoie

Louis de France ép. Marie-Anne de Bavière

Louis XIV ép. Marie-Thérèse d’Espagne

Louis-Philippe duc d’Orléans

Louis-Philippe duc d’Orléans

Louis duc d’Orléans ép. AugusteMarie-Jeanne de Bade

Philippe duc d’Orléans

Philippe duc d’Orléans ép. ÉlisabethCharlotte de Bavière

Cartes

L’agrandissement du royaume de France 1600-1661

Philippeville Pays de Sierck Gravelines 1659-1815 1661 1659 Terres de Barbençon Calais l’abbaye de 1678-1815 Mariembourg 1659-1815 Gorze 1661

Arras 1659 Thionville Sedan 1659 1642 Le Quesnoy Montmédy Avesnes Verdun Metz Paris Toul Sélestat Colmar

Hesdin 1659

Artois 1659

Mulhouse

Bresse 1601

Route de Phalsbourg 1661 Landau

Haguenau Strasbourg

Alsace 1648 (droits,villes, seigneuries)

Bugey Pays de Gex

Bourg Lyon

Genève

Valromey 1601 Belley Pignerol 1631-1696

Orange Avignon

100 km

Toulouse Pau

Principaux traités

Béarn 1620

Cerdagne 1659-1660

Roussillon Marseille 1659 Perpignan

Llivia

1601 - Lyon 1648 - Münster 1659 - Pyrénées

France Ville ou territoire acquis

Ville ou enclave étrangère 1659 Date d’acquisition au moment décisif Les acquisitions définitives sont indiquées en caractères romains et les acquisitions provisoires en italiques.

in Daniel Wordman, Frontières de France. De l’espace au territoire (XVIe-XIXe siècle), Gallimard, 1998.

1661-1713

Dunkerque 1662

Bergues Ypres Courtrai Audenarde Tournai Ath Charleroi

Luxembourg 1684-1697 Sarrelouis 1680-1815 Sarrebruck 1680-1697 Landau

St-Omer Aire Lille 1668 Valenciennes 1678 Cambrai Maubeuge Longwy 1683

Strasbourg 1681

Paris

Franche-Comté 1678

Kehl

Montbéliard 1676-1697 Besançon Genève

Lyon

100 km

Orange 1713 Avignon Toulouse Marseille

Pignerol 1696 (à la Savoie)

Barcelonnette 1713

Principaux traités 1668 - Aix-la-Chapelle 1678 - Nimègue 1697 - Ryswick 1713 - Utrecht

France Ville ou territoire acquis Ville ou enclave étrangère

Llivia

1713 Date d’acquisition au moment décisif Les acquisitions définitives sont indiquées en caractères romains et les acquisitions provisoires en italiques.

Ville acquise en 1668 et cédée à partir de la paix de Nimègue

1713-1789

Lille

Barbençon Philippeville Mariembourg

Landau Lorraine 1735-1738, 1766 Metz Bar-le-Duc Strasbourg Paris Barrois Nancy 1735-1738, 1766 Mulhouse Montbéliard Besançon Principauté de Dombes 1762 Trévoux

Bâle Principauté épiscopale de Bâle

Genève Lyon

Orange Avignon

100 km

Pau

Toulouse Marseille Perpignan Llivia

Principaux traités

Corse 1768

1738 - Vienne

France Ville ou territoire acquis

Ville ou enclave étrangère 1762 Date d’acquisition au moment décisif Les acquisitions définitives sont indiquées en caractères romains et les acquisitions provisoires en italiques.

Sources et bibliographie

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486

Roi de France

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Sources et bibliographie

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Notes

Abréviations : A.E. : Archives du Ministère des Affaires étrangères A.G. : Archives de la Guerre A.N. : Archives Nationales

INTRODUCTION NAISSANCE D’UN DAUPHIN

1. A.N., L 498, no 295 bis ou Lb 35 776. Le premier-né mâle est doté de la province du Dauphiné qui lui donne ses titre et appellation, que complète le prénom reçu lors de son baptême. 2. Elle est morte le 2 avril 1578. 3. Cité par Jean-Pierre BABELON, Henri IV, Paris, Fayard, 1982, p. 858-859. 4. Mémoires de Philippe Hurault, abbé de Pontlevoy, évesque de Chartres, Collection complète des mémoires relatifs à l’Histoire de France, Paris, Foucault, 1823, t. XXXVI, p. 490. 5. Louise BOURSIER, Récit véritable de la naissance de Messeigneurs et dames les enfans de France, suivi de Comment et en quel temps la reyne accoucha de monsieur le Dauphin à présent Louis XIII, édition critique par François ROUGET et Colette H. WINN, Genève, Droz, 2000, p. 73. Née Bourgeois, cette sagefemme a préféré porter le nom de son époux, médecin célèbre et qui avait travaillé avec Ambroise Paré.

502

Roi de France

6. Ibid., p. 80. 7. Théodore et Denis GODEFROY , Le Cérémonial françois, Paris, Sébastien Cramoisy, 2 vol., 1649, t. I, p. 163-164. 8. Louise BOURSIER, op. cit., p. 82.

PREMIÈRE PARTIE L’IMPRÉVISIBLE ACCESSION À LA COURONNE I LE PRINCIPE SUCCESSORAL

1. Yvonne LABANDE-MAILFERT, Charles VIII. Le vouloir et la destinée, p. 47-48. 2. La cité des Rèmes, peuple gaulois. 3. Telle est la représentation choisie ici à la place de la colombe du Saint-Esprit. 4. Les « écrouelles » sont des ganglions tuberculeux. Voir Marc BLOCH, Les Rois thaumaturges. 5. Ralph E. GIESEY, Le Rôle méconnu de la loi salique. La succession royale (XIVe-XVIe siècles), p. 125. 6. Outre Ralph Giesey, déjà cité, Jean BARBEY, Être roi. Le roi et son gouvernement en France de Clovis à Louis XVI ; Colette BEAUNE , Naissance de la nation France, Paris, Gallimard, coll. Folio Histoire no 56, 1985 ; Fanny COSANDEY, La Reine de France. Symboles et pouvoirs. 7. Citations traduites du texte latin publié dans Recueil général des anciennes lois françaises…, par MM. JOURDAN, DECRUSY, ISAMBERT, Paris, Plon, 28 vol., 1821-1833, t. 5, p. 415-423. 8. Ibid., t. 6, p. 153-156. 9. Il existe deux versions du texte latin. Voir Colette BEAUNE, op. cit., p. 264. Ici, la version citée par Jean BARBEY, op.cit., p. 47. 10. Ibid. 11. Recueil général des anciennes lois françaises, t. 5, p. 418 : il s’agit de la Genèse, 27, 27-28. 12. La « maison de France » est une expression diplomatique qui recouvre la succession des maisons – au sens strict – détentrices de la couronne de France, différentes branches des Valois, puis les Bourbons. Avec une majuscule – la « Maison du roi » –,

Notes des pages 15 à 50

503

ce terme désigne l’ensemble des personnes attachées à son service quotidien. 13. Yvonne LABANDE-MAILFERT, op.cit., p. 30-31. 14. Michel NASSIET, Parenté, noblesse et états dynastiques (XVeXVIe siècles). 15. D’autres royaumes en Europe ont eu des rois saints : l’Angleterre avec Édouard le Confesseur, la Hongrie avec Wenceslas et le Portugal avec Sébastien. 16. Fanny C OSANDEY , « Préséances et sang royal : le rite comme construction d’un mythe identitaire », p. 19-26. 17. Ses deux frères, Charles, duc de Mayenne, Louis, cardinal de Guise, ses cousins germains, Charles, duc d’Aumale et Charles, duc d’Elbeuf, ainsi que le cardinal Charles de Bourbon qui est aussi un cousin par l’intermédiaire de leur grand-mère, Antoinette de Bourbon. 18. Lettres patentes du 26 août 1588, citées par Ralph E. Giesey, op. cit., p. 225. 19. Cité par Joël CORNETTE, Chronique de la France moderne. De la Ligue à la Fronde, Paris, Sedes, 1995, p. 30. 20. Cité par Herbert H. R OWEN, « “L’État, c’est à moi”. Louis XIV and the State », note 10, p. 87. 21. Cité dans Elizabeth W. MARVICK, Louis XIII. The Making of a King, p. 47. 22. Cité par Fanny COSANDEY, « Ordonner à la Cour. Entre promotion du sang et célébration de la personne royale » p. 221244. 23. Cité par Joël CORNETTE, Chronique du règne de Louis XIV, p. 537. 24. Recueil général des anciennes lois françaises, t. 21, p. 146. 25. Pascale MORMICHE, Devenir Prince. L’école du pouvoir en France, citant les mémoires de Mme de Créqui, p. 105. 26. Yvonne LABANDE-MAILFERT, op. cit., p. 35. 27. Fanny COSANDEY et Robert DESCIMON, L’Absolutisme en France. Histoire et Historiographie, « Première partie. L’absolutisme : le travail théorique de la monarchie sur elle-même », p. 23-105. 28. Yvonne LABANDE-MAILFERT, op. cit., p. 35. 29. Il n’est pas exclu que le régent Philippe d’Orléans ait voulu sous-entendre par là que la renonciation des Bourbons d’Espagne au trône de France imposée par les autres

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monarchies était nulle : il était en train de négocier des alliances matrimoniales entre les deux branches. 30. Robert DESCIMON, « L’union au domaine royal et le principe d’inaliénabilité. La construction d’une loi fondamentale aux XVIe et XVIIe siècles », p. 79-90. 31. LOUIS XIV, sous le titre de « Réflexions sur le métier de roi, 1679 », in Mémoires, édition de Jean L ONGNON , Paris, J. Tallandier, 1978, p. 247. 32. C’est le sens de la démonstration de Herbert H. ROWEN, op. cit. 33. Cité dans Joël CORNETTE, op. cit., p. 74.

II LES OBLIGATIONS DE L’HÉRITAGE : LES ALLIANCES MATRIMONIALES

1. Michel ANTOINE, Louis XV, où se trouvent les détails de la prise de décision. 2. L’expression relève du langage diplomatique, mais l’Espagne est alors une monarchie qui associe plusieurs royaumes. 3. Cité dans Michel Antoine, op. cit., p. 153. 4. Lucien BÉLY utilise l’image de l’écheveau, La Société des princes, p. 15. Ouvrage fondamental pour toutes ces questions. 5. Michel NASSIET, Parenté, noblesse et états dynastiques. Du même auteur, « Les reines héritières : d’Anne de Bretagne à Marie Stuart », in Isabelle POUTRIN et Marie-Karine SCHAUB (dir.), Femmes et pouvoir politique. Les princesses d’Europe, XVeXVIIIe siècle, p. 134-145 ; Francis RAPP, Maximilien d’Autriche. Souverain du Saint Empire Romain Germanique, bâtisseur de la maison d’Autriche (1459-1519), Paris, Tallandier, 2007. 6. Le duc légitime de Lorraine, l’empereur Frédéric III, les Confédérés suisses et quelques puissantes villes libres d’Alsace. 7. Ils prennent pour preuve le blason des ducs : au lieu d’être brisé comme celui des princes apanagés, il est écartelé ; les quatre quartiers qui divisent le champ de l’écu exposent l’origine maternelle de ce bien. 8. Michel NASSIET, Parenté, noblesse et états dynastiques ; Michel NASSIET et Dominique LE PAGE, La Réunion de la

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Bretagne à la France, Morlaix, Skol Vreizh, 2003 ; Didier LE FUR, Anne de Bretagne. Miroir d’une reine, historiographie d’un mythe ; Georges MINOIS, Anne de Bretagne. 9. Jusqu’à Maximilien, les souverains du Saint Empire sont d’abord élus et couronnés rois des Romains, éventuellement du vivant de leur prédécesseur ; à la mort de ce dernier, ils prennent le titre d’empereur et vont en principe à Rome recevoir du pape la couronne impériale. 10. Sa sœur, Isabeau, meurt l’année suivante. 11. Cité dans Yvonne LABANDE-MAILFERT, op.cit., p. 132. 12. D’après Froissart, c’est un examen couramment imposé aux filles de la haute noblesse pour apprécier leur capacité à produire des enfants. Voir Pierre DARMON , Le Tribunal de l’impuissance. Virilité et défaillances conjugales dans l’Ancienne France, Paris, Le Seuil, coll. Points Histoire no 84, p. 161. 13. Cité par Didier LE FUR, op. cit., p. 18. 14. C’est la première de la série des reines couronnées à Saint-Denis jusqu’à Marie de Médicis en 1610. 15. De fait, son père, Frédéric III, est le dernier empereur à avoir réussi son voyage à Rome et obtenu son couronnement par le pape à Rome en 1452. 16. Georges MINOIS, op. cit., p. 499 : il faut apprécier le jeu de mots en gardant à l’oreille les sonorités alors semblables du prénom et de l’adjectif et en se rappelant que ce genre d’accord sonore, une consonnance, est tenu pour un signe du bien-fondé d’une affirmation. 17. Elle ne se sent pas tenue, non plus, par un devoir de protection vis‑à-vis de sa sœur, Renée, née en 1510. Les termes du contrat de Nantes n’étaient en effet pas clairs pour le cas où il y aurait deux filles. À l’occasion de son mariage avec Hercule d’Este, duc de Ferrare, en 1528, Renée de France déclare abandonner ses droits éventuels. Revenue en France en 1560 lors de son veuvage, elle tenta de revenir en arrière. Voir Caroline ZUM KOLK, « Les difficultés des mariages internationaux : Renée de France et Hercule d’Este », in Isabelle POUTRIN et Marie-Karine SCHAUB (dir.), Femmes et pouvoir politique. Les princesses d’Europe, XVe-XVIIIe siècle, p. 102-119. 18. Testament cité par Henri PIGAILLEM, Claude de France : première épouse de François Ier, Paris, Pygmalion, coll. Histoire des reines de France, 2006, p. 205. 19. 1497 : double mariage de Philippe et Marguerite, enfants

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de Maximilien, avec Juan et Juana, enfants de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille ; 1515 : double mariage des petitsenfants, Ferdinand et Marie, avec la fille et le fils du roi de Bohême et de Hongrie. Il ne s’agit sans doute pas d’une stratégie clairement dessinée : Maximilien n’a pas renoncé facilement à son épouse bretonne ni à ses projets d’alliance avec les Valois. 20. Outre Lucien B ELY déjà cité, Thierry WANEGFFELEN , Catherine de Médicis. Le pouvoir au féminin ; et surtout Fanny COSANDEY, « Quelques réflexions sur les transmissions royales maternelles : la succession de Catherine de Médicis », p. 62-71. 21. Jusqu’en 1532, où le duché est créé, le statut des Médicis est incertain, mais non leur prestige. 22. L’usage a fait de Catherine la nièce de Clément VII, « nièce » étant ici l’équivalent de « protégée » au nom des liens de parenté : en réalité, elle est la petite-fille de son cousin germain. 23. Du moins le roi s’en est-il vanté auprès d’un noble écossais. 24. L’usage la désigne comme Louise de Lorraine. 25. Fille de Claude, la deuxième de ses filles. 26. Elizabeth Wirth MARVICK, Louis XIII. The Making of a King, p. 25. 27. Jean-François DUBOST, Marie de Médicis, la reine dévoilée, p. 395-409. 28. À Lucien BÉLY, déjà cité, il faut ajouter Alain HUGON, « Mariages d’État et sentiments familiaux chez les Habsbourg d’Espagne », in Femmes et pouvoir politique, op. cit., p. 81-101, et le travail nouveau et convaincant de Daniel SÉRÉ, La Paix des Pyrénées. Vingt-quatre ans de négociations entre la France et l’Espagne (1635-1659). 29. Cité par Lucien BÉLY, in La Société des Princes, op. cit., p. 261. 30. Les traités de Westphalie qui mettent fin aux guerres dans l’Empire ont renforcé l’autonomie des princes : les tractations qui précèdent l’élection impériale sont d’autant plus importantes. 31. Dans une lettre à la supérieure du couvent d’Agreda, du 9 juillet 1659, in Daniel SÉRÉ, op. cit., p. 319. 32. C’est au vu des archives espagnoles qui lui permettent l’établissement d’une chronologie fine que Daniel SÉRÉ met en doute la « comédie de Lyon » où le projet savoyard est tradi-

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tionnellement présenté comme un piège tendu par Mazarin à Philippe IV (chapitre VI, « L’initiative espagnole »). 33. Dépréciés par rapport à la dot de 1615 payée en réaux d’argent, in Daniel S ÉRÉ , ibid., p. 488. D’après cet auteur, Mazarin comptait que la dot serait payée et prévoyait son emploi immédiat. 34. Cité par Daniel SÉRÉ, ibid., p. 486. 35. Ibid., p 493. 36. Hubert DELPONT, Parade pour une infante. Le périple nuptial de Louis XIV à travers le Midi de la France (1659-1660), Narosse, Éditions d’Albret, 2007 37. C’est l’interprétation donnée par Alain HUGON dans l’article cité ci-dessus. 38. Lettre du 20 septembre 1671 à Grémonville son envoyé à Vienne, cité par Philippe ROMAIN, « Le travail des hommes de la paix au XVIIe siècle : le cas des relations entre Louis XIV et Léopold Ier de 1668 à 1673 », Histoire, Économie, Société, 1986, no 2, p. 173-186, Le duché de Lorraine a été une nouvelle fois occupé pendant la guerre de Dévolution (1667-1668). 39. Son frère aîné, Philippe Prosper, est mort l’année de sa naissance. 40. Fille de Philippe d’Orléans et d’Henriette d’Angleterre. 41. En 1642, Louis XIII avait pardonné et reconnu la validité du mariage. 42. C’est la célèbre princesse Palatine. 43. La reine Marie Leszczynska est morte en 1768. 44. La politique de revirements constants a en effet valu au duc de Savoie une île en Méditerranée et surtout une couronne royale entre 1713 et 1718.

III LES OBLIGATIONS DE L’HÉRITAGE : LA REPRODUCTION

1. Lettre du 8 décembre 1491, citée par Georges MINOIS, Anne de Bretagne, p. 304-305. 2. Jean GAUDEMET, Le Mariage en Occident. Les mœurs et le droit, Paris, Cerf, 1987. 3. Jean GAUDEMET, ibid., p. 354.

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4. J’ai décidé, arbitrairement peut-être, de ne pas retenir ici le mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois parce qu’en 1572, Navarre n’est que le troisième successible. Son mariage n’est alors que celui d’un prince du sang. Si l’on voulait en tenir compte, il faudrait le classer dans le deuxième groupe où les obstacles politiques retardent l’âge au mariage : en août 1572, Marguerite et lui ont dix-neuf ans. 5. Lettre du 27 octobre 1473, citée par Didier LE FUR, Louis XII. Un autre César, Paris, Perrin, 2001, coll. Tempus no 334, p. 44. 6. Cité par Bernard QUILLIET, Louis XII. Père du peuple, p. 445. 7. Dans les années 1586-1587, Henri III écrit à Catherine de Médicis à propos de Marguerite : « Je voudrais qu’elle fût mise en un lieu où il pût la voir pour essayer d’en tirer des enfants et néanmoins fût assuré qu’elle ne se pourrait gouverner autrement que sagement. » Quelle qu’ait été la conduite de sa sœur, il insiste sur le fait qu’elle reste fille de France : « Cela rendra toujours sa condition et celle de ses enfants plus favorable en ce royaume », cité par Jacqueline BOUCHER, Louise de Lorraine et Marguerite de France. Deux épouses et reines à la fin du XVIe siècle, p. 299. 8. Michel COMBET, Éléonore d’Autriche, seconde épouse de François Ier, Paris, Pygmalion, 2008. 9. Mémoires de Madame de Motteville, Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’Histoire de France, Paris, BNF / Gallica, 4e série, 1838, t. X, p. 496. 10. La princesse Palatine et Mme de Caylus, nièce de Mme de Maintenon. 11. Mercure françois, t. V, 1619, p. 85. 12. Cité par Évelyne LEVER, Marie-Antoinette, Paris, Fayard, 1991, p. 213-214. 13. Jacques GÉLIS, L’arbre et le fruit. La naissance dans l’Occident moderne (XVIe-XIXe siècle), Paris, Fayard, 1984. 14. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que le cycle de l’ovulation soit mis en évidence. 15. Cité par Georges MINOIS, op. cit., p. 311. 16. Cathy MCCLIVE, « The Hidden Truths of the Belly : the Uncertainties of Pregnancy in Early Modern Europe », Society for the Social History of Medecine, vol. 15, no 2, 2002, p. 209-227. 17. Jacqueline BOUCHER, op.cit., p. 120-150. 18. Lettre du 29 novembre 1602 à la municipalité de Troyes,

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in Théodore et Denis GODEFROY, Le Cérémonial françois, t. I, p. 184-185. 19. Anne-Marie LECOQ, François Ier imaginaire, p. 435-438 ; Marie-Ange BOITEL-SOURIAC, « François de Paule, intercesseur de la prospérité du couple royal (fin XVe-début du XVIe siècle », Colloque « François de Paule et les Minimes à Tours et en France (XVe- XVIIIe siècle) », organisé par l’université FrançoisRabelais de Tours du 20 au 21 septembre 2007, et présidé par André Vauchez. 20. Louis XI a créé l’ordre de Saint-Michel en 1469. Voir Colette BEAUNE, op. cit., p. 196-198 ; Anne-Marie LECOQ montre que cette cordelière est aussi bretonne et savoyarde, op. cit., p. 44. 21. Isabelle BRIAN, « Le roi pèlerin. Pélerinages royaux dans la France moderne », in Philippe BOUTRY, Pierre-Antoine FABRE, Dominique JULIA (dir.), Rendre ses vœux, Paris, Éditions de l’EHESS, 2000, p. 363-378. 22. Thierry WANEGFFELEN, Catherine de Médicis. Le pouvoir au féminin, p. 114. 23. Jacqueline BOUCHER, op.cit ; Pierre CHEVALLIER, Henri III, et l’article d’Isabelle BRIAN cité ci-dessus. Henri III lui-même n’était pas stérile : en 1585, une dame de la noblesse du Berry lui donne une fille. 24. Bruno MAËS, Le Roi, la Vierge et la Nation. Pélerinage et identité nationale entre guerre de Cent Ans et Révolution. Préface de Nicole LEMAÎTRE, Publisud, coll. La France au fil des siècles, 2003. 25. Cité par Pierre CHEVALLIER, Louis XIII, p. 558 ; dates des fausses couches : 1622, 1624, 1626, 1629, p. 50, in Jean-François DUBOST, « Mise en perspective et bilan politique du règne (16151666) », Chantal GRELL (dir.), Anne d’Autriche, Infante d’Espagne et reine de France, p. 41-110. 26. On cite malheureusement sans précisions chronologiques : dans le nord du royaume, Notre-Dame de Liesse, de Chartres, du Puy en Anjou, de Boulogne, de Ferrières en Gâtinais ; dans le centre, Notre-Dame de Vaudouan, de Fourvières, de Thiézac ; dans le sud, Notre-Dame de SaintMichel de Frigolet, de Cotignac, de Gignac en Languedoc. 27. René LAURENTIN, Le Vœu de Louis XIII : passé ou avenir de la France. Préface de Pierre CHAUNU, François-Xavier de Guibert, 2004, p. 124.

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28. Cité sans référence dans René LAURENTIN, ibid. 29. Jean MEYER, La Naissance de Louis XIV. 1638, Paris, Complexe, coll. La Mémoire des siècles, no 214, 1989, p. 59-60. 30. Mémoires de Nicolas Goulas, gentilhomme ordinaire de la Chambre du duc d’Orléans, publiés pour la première fois d’après le manuscrit original de la Bibliothèque Nationale pour la Société de l’Histoire de France par Charles CONSTANT, Paris, Renouard, 1879, t. 52, p. 326, note 1. 31. Comme on a pu voir dans l’introduction, les récits de la naissance de Louis XIII font état de reliques de la sainte détenues par l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés ; l’opuscule consacré à la fondation de la reine Marie-Thérèse fait état d’autres reliques, celles de l’abbaye de Saint-Léger près de Soissons et des Feuillants de Paris : La Vie de Sainte Marguerite, vierge et martyre, Paris, Pierre de Bresche, 1672, BNF, J-22636. 32. Louise BOURSIER, op. cit., p. 73. 33. Henri PIGAILLEM, op. cit., p. 160. 34. Citée par Jean-Louis FLANDRIN, Le Sexe et l’Occident : évolutions des attitudes et des comportements, Paris, Le Seuil, 1981, p. 247. 35. Sigismund PELLER, « Births and deaths among Europe’s ruling families since 1500 », David V. G LASS et David E. C. EVERSLEY (dir.), Population in History, Essays in historical demography, Londres, 1965, p. 87-100. Exemples d’études par familles dans la paysannerie, in Jacques DUPÂQUIER (dir.), Histoire de la population française. De la Renaissance à 1789, Paris, Presses universitaires de France, 1988, p. 221 et suivantes. 36. C’est du moins ce que Marguerite a prétendu dans le mémoire qu’elle a rédigé en avril 1574 au nom de son époux (Mémoire justificatif pour Henri de Bourbon, roi de Navarre), alors accusé de comploter contre Charles IX : « Et que si ma femme était accouchée d’un fils, que le Roy avancerait ma mort », in François G UESSARD (dir.), Mémoires et Lettres de Marguerite de Valois, Paris, J. Renouard, 1842, p. 189. 37. Georges MINOIS, op.cit., p. 507.

Notes des pages 119 à 140

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IV LE MORT SAISIT LE VIF

1. Lettre du Roi, écrite à Monseigneur l’Archevêque Duc de Reims, Premier Pair de France, pour faire faire des prières publiques dans toutes les Églises de son diocèse pour le repos de l’Ame du feu Roy, Reims, B. Multeau, 1715, BNF, Imp., LB374455. 2. Colbert de Torcy, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, petit-neveu du « grand » Colbert. 3. Michèle FOGEL, Les Cérémonies de l’information dans la France du XVIe au milieu du XVIIIe siècle. Jusqu’au début du XVIIe siècle, la forme dominante de célébration est l’ensemble procession urbaine-messe, ensuite le chant du Te Deum et quelques prières pour le roi sont exécutées à l’intérieur des églises ; au début du XVIIIe siècle, les paroisses rurales participent aussi aux célébrations. 4. Le catalogue des Actes royaux de la Bibliothèque Nationale signale la déclaration royale du 4 août 1589, la lettre royale du 14 mai 1610 et celle du 14 mai 1643. Michel CASSAN, La grande peur de 1610. Les Français et l’assassinat d’Henri IV, Seyssel, Champ Vallon, coll. Époques, 2010. 5. Stanis PEREZ, La Mort des rois. Documents sur les derniers jours des souverains français et espagnols, de Charles Quint à Louis XV, p. 7-100. 6. Madeleine FOISIL, L’Enfant Louis XIII. L’éducation d’un roi (1601-1617), p. 182. 7. Nicolas LE ROUX, Un régicide au nom de Dieu. L’assassinat d’Henri III, 1er août 1589. 8. Déclaration du roi sur la Tresve accordée au roi de Navarre…, 26 avril 1589, BNF, Imp., F 46889 (5) 9. Roger DOUCET, « La mort de François Ier », Revue Historique, 1913, no 113, p. 309-316. Témoignage de Pierre du Chastel, évêque de Macon ; Charles PAILLARD : « Dépêche de Jean de Saint-Mauris, ambassadeur de Charles Quint (20 avril 1547) », publiée dans son article sur « La mort de François Ier et les premiers temps du règne de Henri II », Revue Historique, Tome 5, 1877, p. 400-403. 10. Françoise H ILDESHEIMER, La Double mort du roi Louis XIII ; « Mémoire fidèle des choses qui se sont passées à la

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mort de Louis XIII… par Dubois, valet de chambre du roi », Alain BOUREAU, Le simple corps du roi. L’impossible sacralité des souverains français, XVe-XVIIIe siècle, p. 135-151. 11. Stanis PEREZ déjà cité, et Javier VARELA, La Muerte del Rey. El ceremonial funerario de la monarquía española, Madrid, Turner, 1990. Peut-on ajouter qu’il meurt neuf mois après CinqMars, le jeune favori qu’il a dû faire exécuter pour trahison en septembre 1642 ? 12. Cité dans La Mort des rois, p. 229-230 : il s’agit du « Journal des frères Anthoine, attachés au service de la chasse royale », que Stanis PEREZ a choisi de préférence aux autres récits de cette mort qui étaient destinés à la publication. 13. Cité par Ralph E. GIESEY, Le Roi ne meurt jamais. Les obsèques royales dans la France de la Renaissance. Cet ouvrage reste essentiel tant pour la description des cérémonies funèbres que pour l’analyse de leurs liens avec la transmission du pouvoir. 14. Ralph E. GIESEY parle d’un « interrègne cérémoniel » dans « Modèles de pouvoir dans les rites royaux en France », p. 584. 15. Dans leur désir de créer un état indépendant, les ducs de Bourgogne ont fait une nécropole de la chartreuse de Champmol édifiée par Philippe le Hardi en 1383. 16. Mort en 1066, canonisé en 1161. 17. Colette BEAUNE, op. cit. 18. Elizabeth A. R. BROWN, « The ceremonial of royal succession in Capetian France : the double funeral of Louis X », The Monarchy of Capetian Family and Royal Ceremonial, Variorum, Aldershot, VII, 1991, p. 270-273. 19. La rupture avec Rome a donné à Henry VIII l’occasion de dissoudre tous les établissements religieux et de saisir leurs terres, mais ses successeurs ont compris toute l’importance que l’abbaye de Westminster revêtait pour la royauté anglaise. 20. L’Église demandait un délai de viduité d’un an qui n’était généralement pas respecté. 21. Alexandre BANDE, Le Cœur du roi. Les Capétiens et les sépultures multiples, XIIIe-XVe siècles, Paris, Tallandier, 2009 ; Jean NAGLE, La Civilisation du cœur. Histoire du sentiment politique en France du XIIe au XIXe siècle, Paris, Fayard, coll. Nouvelles études historiques, 1998. 22. L’ensemble des objets symboliques liés au pouvoir royal sera étudié avec le sacre, partie II, chap. I. Pour les funérailles,

Notes des pages 140 à 155

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il s’agit de copies en cuivre ou en argent doré fabriquées sous l’autorité de l’abbaye et qui prennent ensuite place dans son trésor. 23. Elizabeth A. R. BROWN, « Refreshment of the Dead. Post mortem Meals, Anne de Bretagne, Jean Lemaire de Belges, and the Influence of Antiquity on Royal Ceremonial », p. 113-130. 24. La proclamation de la mort peut être faite par des officiers de la Maison du roi, Grand Chambellan ou Grand Écuyer, ou de la Couronne, Amiral ; le cri d’avènement l’est par un héraut d’armes. Des détails sur les lieux des cris in Jean NAGLE, op. cit., p. 180. 25. Depuis 1142, la chancellerie inscrit le jour du décès du prédécesseur comme le premier du nouveau règne. À la mort de saint Louis (1270), les barons avaient accepté que son fils Philippe règne sans attendre son retour en France et son couronnement. 26. Roger DOUCET, Les Institutions de la France au XVIe siècle, Paris, A. et J. Picard, 1948, et Jean NAGLE, Le Droit de marc d’or des offices. Tarifs de 1583, 1704, 1748. Reconnaissance, fidélité, noblesse. Préface de Daniel ROCHE Genève, Droz, coll. Travaux d’histoire éthico-politique no 52, 1992, indiquent les principes de ces confirmations, mais il serait intéressant de faire une étude détaillée du contenu des lettres. 27. Robert J. KNECHT, The French Renaissance court (14831589), p. 39. 28. « La présence des Rois doit être accompagnée de joie et de contentement ; raison pour laquelle ils n’ont accoutumé se trouver aux obsèques de leurs prédécesseurs, n’étant convenable à leurs sacrées personnes s’entremettre de mortuaires », in Ralph E. GIESEY, Le roi ne meurt jamais, p. 85. Cette phrase souvent reprise ne doit pas faire illusion : elle n’énonce pas une règle, ce n’est qu’un détour rhétorique employé en 1594, année du sacre et de la reddition de Paris, par le procureur général Jacques de La Guesle pour présenter au nom de la reine Louise la demande d’une enquête au Parlement sur l’assassinat de son époux, Henri III. 29. Pierre BONIN : « Régences et lois fondamentales », p. 77135. Il insiste sur le moment 1560-1563. 30. Histoire des Conseils du roi depuis les origines de la monarchie jusqu’à nos jours par M. de Vidaillan,, Paris, Amyot, 2 vol., 1856, t. II, p. 44-46.

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31. Marie-Thérèse DE MARTEL, Catalogue des actes de François II (1559-1560), Paris, Éditions du C.N.R.S., 2 vol., 1991, t. II, p. 809. 32. Cité par Sarah HANLEY, Le Lit de justice des rois de France. L’idéologie constitutionnelle dans la légende, le rituel et le discours, p. 172. 33. Michel DE L’H OSPITAL , Discours pour la majorité de Charles IX, et trois autres discours. Présentation de Robert DESCIMON, Paris, Imprimerie nationale, coll. Acteurs de l’histoire, 1993, p. 99. 34. Voir l’analyse de Sarah HANLEY, op.cit., chapitre VII. Pour une vue plus globale, le grand article de Ralph E. GIESEY : « The Juristic Basis of Dynastic Right to the French Throne » et la présentation problématique du « travail théorique de la monarchie sur elle-même », première partie de L’Absolutisme en France, Histoire et historiographie, par Fanny COSANDEY et Robert DESCIMON. 35. Jennifer WOODWARD, The Theatre of Death. The Ritual Management of Royal Funerals in Renaissance England (15701625) : Appendix II : « The Funeral Rites of Charles IX of France ». La première lettre d’Henri III, donnant la régence temporaire à sa mère, est datée du 25 juin à Cracovie. 36. Nicolas LE ROUX, op. cit., p. 294. 37. Michel CASSAN, op. cit. 38. La référence est évidemment Sarah HANLEY, op. cit. 39. Joseph-François MICHAUD , Jean-Joseph-François POUJOULAT (dir.), « Relation faite par maître Jacques Gillot, conseiller d’Église à la Grand’Chambre du Parlement de Paris, de ce qui se passa audit Parlement séant aux Augustins, touchant la régence de la reine Marie de Médicis, mère du roi Louis XIII, le 14 et 15 mai 1610, » Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’Histoire de France depuis le XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, Paris, 1838, t. XI, p. 483-484. 40. Récit de Nicolas RIGAULT, proche du président JacquesAuguste de Thou et continuateur de son Histoire Universelle, cité par Ralph E. GIESEY, Le Roi ne meurt jamais, p. 191. 41. « Lettre du roi au Parlement de Paris, incontinent après la mort du Roy François I », BNF., Mss., Fr. 3092, fol. 66. Quant au sentiment du roi lui-même, on verra dans la partie II, chapitre 4 qu’il ne voyait dans le Parlement qu’un instrument nécessaire à la publication de certaines de ses décisions.

Notes des pages 155 à 168

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42. Cette citation, ainsi que les deux suivantes, in Sarah HANLEY, Le Lit de justice des rois de France, p. 156. 43. Jean BODIN, Les Six livres de la République. Texte de 1576 revu par Christiane FRÉMONT, Marie-Dominique COUZINET et Henri ROCHAIS, Paris, Fayard, coll. Corpus des œuvres de philosophie en langue française, 1986, I, 8, p. 179. La République, traduction directe de la res publica latine, est à mi-chemin entre le « bien commun » médiéval et l’État moderne. 44. Jacques KRYNEN, L’État de Justice. France, XIIIe-XXe siècle. Tome I : L’Idéologie de la magistrature ancienne, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires, 2009. 45. Jennifer WOODWARD, The Theatre of Death. Appendix I, p. 212. C’est pourquoi, sans suivre Ralph E. Giesey et nombre d’historiens, je n’ai pas utilisé le couple « corps mortel/corps immortel ». Je m’en suis tenue à l’opposition faite par Ernst KANTOROWICZ entre le continent où « la théorie des “Deux Corps du Roi” [est] pratiquement absente » et l’Angleterre où « le caractère concret et clairement visible du “corps politique” est lié à l’existence d’un Parlement unique et représentatif et aux relations que le roi entretient nécessairement avec lui, in Les Deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, p. 322-323. Quant aux relations entretenues par le roi de France avec le Royaume dans un « corps mystique et politique », on les trouvera au chapitre 4 de la partie II. 46. Outre Sarah HANLEY, Françoise HILDESHEIMER, La Double mort du roi Louis XIII. 47. BNF, Imp., Lb 36-3349 : Lettre du Roy envoyée à Messieurs les Prévots et échevins de sa bonne ville de Paris sur la mort et trépas du roi Louis XIII, Paris, P. Rocolet, 1643. 48. Alain GUÉRY, « Principe monarchique ou roi très chrétien », Revue de synthèse, 112/3-4, 1991, p. 443-454 ; Françoise HILDESHEIMER, La Double mort du roi Louis XIII, op. cit. 49. Cité dans Jean-Marie LE GALL, Le Mythe de Saint-Denis entre Renaissance et Révolution, p. 390. Une grande partie des éléments qui vont suivre sont tirés de cet ouvrage. 50. Michèle FOGEL, Les Cérémonies de l’information, Annexe II, p. 444-445.

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DEUXIÈME PARTIE L’ÉLÉVATION ET LA DISTANCE INTRODUCTION DESCRIPTION D’UN ROI

1. Paix de Crépy-en-Valois, 18 septembre 1544. 2. Relations des ambassadeurs vénitiens sur les affaires de France au XVI e siècle, recueillies et traduites par M. Nicolò TOMMASEO, Paris, 2 vol., 1838, t. I, p. 278-281. Traduction revue par Corine MAITTE et Pietro LOPS. 3. Primi VISCONTI, Mémoires sur la cour de Louis XIV (16731681). Introduction et notes de Jean-François SOLNON, Paris, Perrin, coll. L’Histoire en mémoires, 1988, p. 12. 4. Voir la Galerie de portraits en début d’ouvrage : Portrait de François Ier, d’après Joos Van Cleve (vers 1485-1540/1541), Fontainebleau. 5. Marc BLOCH voyait dans le passage de l’indicatif – « Dieu te guérit » – au subjonctif – « Dieu te guérisse » – un indice du développement du scepticisme au XVIIIe siècle, in Les Rois thaumaturges, p. 399. Mais ici, il s’agit du témoignage d’un étranger au royaume.

V VERS REIMS : DES PARCOURS DISSEMBLABLES

1. Isabelle FLANDROIS, L’Institution du Prince au début du siècle, Paris, Presses universitaires de France, coll. Histoires, 1992. 2. Bernard QUILLIET, Louis XII, père du peuple ; Jean JACQUART, François Ier ; Jean-Pierre BABELON, Henri IV. 3. Par commodité, j’emploie les prénoms et les titres sous lesquels ils ont été le plus actif, mais le premier, né Édouard Alexandre, duc d’Angoulême, devient duc d’Orléans en 1560, Henri en 1564, duc d’Anjou en 1566, Henri III en 1574 ; le second est né Hercule François, duc d’Alençon et reçoit le duché d’Anjou en 1576. XVIIe

Notes des pages 175 à 193

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4. Théodore de Bèze, réfugié à Genève, a succédé à Calvin à la direction de la cité et du mouvement réformé. 5. Pauline MATARASSO, Queen’s Mate. Three Women of Power in France on the Eve of the Renaissance ; Anne-Marie LECOQ, François Ier imaginaire. 6. Louis est le fils de Charles d’Orléans, frère aîné de Jean, père de Charles d’Angoulême. 7. Anne-Marie LECOQ, op. cit., chap. I, « Le prince à la salamandre », p. 35-52. La médaille y est reproduite p. 39. 8. « Je me nourris au bon feu, j’éteins le mauvais, 1504 », ibid., p. 40. 9. François d’Orléans-Longueville, comte de Dunois (14471491) est le fils du célèbre Dunois, demi-frère illégitime de Charles d’Orléans. 10. Georges d’Amboise (1460-1510) a reçu son premier évêché à quatorze ans. 11. « François le plus grand chef des Français », dux a le double sens de chef militaire et de duc, in Anne-Marie LECOQ, op. cit., p. 118. 12. « LUDOVICA FRANCISCI ET MARGARITAE PRAECLARA PARENS » : « Louise, illustre mère de François et de Marguerite », Ibid., p. 118 et p. 122. 13. Ibid., p. 130. 14. Pour Béarn. 15. Cité in Jean-Pierre BABELON, op. cit., p. 119-120 : Ronsard, « Éclogue I », in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2 vol., 1950, t. I, p. 917-947. 16. Le dernier est resté à Vincennes. 17. Du 25 mars 1569, in Lettres de Henri III roi de France, recueillies par Pierre CHAMPION et publiées par Michel FRANÇOIS, Paris, Klincksieck, 1959, t. I, p. 95. Il se peut que l’ordre d’exécution soit venu de Charles IX lui-même, voir Jean-François LABOURDETTE, Charles IX et la puissance espagnole. Diplomatie et guerres civiles (1563-1574). 18. Guillaume d’Orange dirige la révolte des Pays-Bas. 19. Fils de Louis, mort à Jarnac, il est né en 1552. 20. Philippe DE MORNAY, « Lettre de Messieurs Duplessis, de Clervant et de Chassincourt au roi de Navarre, dressée et écrite par ledit sieur Duplessis, Paris, 14 avril 1584 », in Mémoires et correspondance. Pour servir à l’histoire de la réformation et des guerres civiles et religieuses en France… depuis l’an 1571

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jusqu’en 1623, publiés par Armand-Désiré DE LA FONTENELLE DE VAUDORÉ et Pierre-René AUGUIS, Genève, Slatkine, 12 vol., 1969, t. II, p. 577. 21. Hugues DAUSSY, Les Huguenots et le roi. Le combat politique de Philippe Duplessis-Mornay (1572-1600). 22. Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne (15551623), père du « Grand Turenne ». 23. Hugues DAUSSY, op. cit., p. 435. 24. La fille née du premier mariage du Dauphin est morte au bout de deux ans. 25. Pascale MORMICHE, Devenir prince. L’école du pouvoir en France (XVIIe-XVIIIe siècle). 26. À moins qu’il ne s’agisse d’un effet grossissant du document unique qu’est le « Journal » du médecin Héroard. Il est difficile de savoir comment l’interpréter. Madeleine Foisil le suit avec confiance, Elizabeth Marvick le scrute avec une attention psychanalytique. Madeleine FOISIL, L’Enfant Louis XIII. L’éducation d’un roi (1601-1617) ; Elizabeth W. MARVICK, Louis XIII. The Making of a King. 27. Rédigé entre 1465 et 1495, l’Amadis de Gaule connaît diverses éditions dont une à Séville en 1526. En 1540, sa première traduction française est dédiée à Charles, troisième fils de François Ier. 28. Cité par Ivan CLOULAS, Henri II, p. 92. Voir aussi Didier LE FUR, Henri II. 29. Marie-Ange B OITEL-SOURIAC, « Quand vertu vient de l’étude des bonnes lettres. L’éducation humaniste des Enfants de France de François Ier aux derniers Valois », Revue Historique, 1/2008, (no 645), p. 32-59. Les cadets et les filles paraissent bénéficier davantage de ces brillants enseignements. 30. Jean-Christian PETITFILS, Louis XVI ; Pascale MORMICHE, op. cit. ; Ran HALÉVI, « Le testament de la royauté », in Le Savoir du Prince du Moyen Âge aux Lumières, p. 311-361. 31. À Miromesnil, qui a été son avocat au procès, in Ran HALÉVI, ibid., p. 330. 32. Michel DE L’HOSPITAL, op. cit., p. 103. 33. Ibid., p. 105. 34. Philippe d’Orléans a eu l’habileté de faire la démonstration que le gouvernement par Conseil réclamé par l’aristocratie n’était pas viable.

Notes des pages 193 à 212

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35. Jean-François DUBOST, Marie de Médicis. La reine dévoilée, p. 507. 36. L’anecdote est rapportée par Mme de Motteville sans autre précision, citée par Joël C ORNETTE , Chronique de la France moderne, tome II, De la Ligue à la Fronde, Paris, Sedes, coll. Regards sur l’histoire. Histoire moderne, 1995, p. 403. 37. Nicolas LE ROUX, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois, p. 88. 38. Lettres de Henri III roi de France, t. I, p. 87. Jean-François Labourdette met en évidence une attitude beaucoup plus active du roi, in Charles IX et la puissance espagnole. Diplomatie et guerres civiles (1563-1574) ; voir ci-dessous partie III, chapitre II. 39. On comprend que son cousin Bourbon-Navarre n’ait eu aucune chance d’obtenir sa compassion pour les quelques huguenots survivants. 40. Livret d’entrée : http//architectura.cesr.univ-tours.fr/ traite/Textes/INHA-8R548.pdf. Un mauvais sonnet de Ronsard commentant la décoration s’y trouve. 41. En plus de Pascale MORMICHE déjà citée, voir Joël CORNETTE, « Le savoir des enfants du roi sous la monarchie absolue », p. 111-145. 42. Deuxième codicille du testament, août 1715, cité par Michel ANTOINE, Louis XV, p. 82. 43. LOUIS XIV, sous le titre de « Réflexions sur le métier de roi, 1679 », in Mémoires, édition de Jean L ONGNON , Paris, J. Tallandier, 1979, p. 11. 44. Richard A. JACKSON, Vive le roi ! A History of the French Coronation from Charles V to Charles X ; Jacques L E GOFF, « Reims, ville du sacre », in Les Lieux de mémoire, sous la direction de Pierre NORA, tome II, La Nation, Paris, Gallimard, 1986, p. 89-188 ; mise au point très riche dans Gérard SABATIER et Sylvène ÉDOUARD, Les Monarchies de France et d’Espagne (15561715). Rituels et pratiques, Paris, A. Colin, Coll. U. Histoire, 2001, p. 10-23. 45. En février 1484, les États généraux accordent un don de 300 000 livres tournois pour le sacre de Charles VIII ; voir Alain GUÉRY, « Le roi dépensier. Le don, la contrainte et l’origine du système financier de la monarchie française d’Ancien Régime », p. 1256 ; en 1774, Turgot estime à sept millions de livres les frais d’un sacre à Reims, in Jacques LE GOFF, op. cit., p. 162. 46. Marc BLOCH, Les Rois thaumaturges.

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47. Danielle GABORIT-CHOPIN, Regalia. Les instruments du sacre des rois de France, les honneurs de Charlemagne, Paris, Éditions de la RMN, coll. Monographies des musées de France, 1987. 48. Jean-Marie L E GALL , Le Mythe de saint Denis entre Renaissance et Révolution, p. 353. L’huile sainte a été prise d’une ampoule conservée à l’abbaye de Marmoutiers, près de Tours. 49. Des douze pairs présents aux sacres au XIIIe siècle, subsistent les six ecclésiastiques : évêques de Langres, Beauvais, Châlons, Laon, Noyon, archevêque de Reims. Des six laïcs dont les fiefs ont été rattachés au domaine royal, il subsiste les titres, duc de Bourgogne, de Guyenne, de Normandie, comte de Champagne, de Flandres, et de Toulouse, dont les rôles dans le sacre sont donnés à des pairs de création plus récente, aux princes du sang après l’édit de décembre 1576, voire à un frère du roi. 50. En cas de nécessité, l’évêque de Soissons le remplace. 51. Marina VALENSISE, « Le sacre du roi : stratégie symbolique et doctrine politique de la monarchie française », p. 565. 52. Robert DESCIMON, « Les fonctions de la métaphore du mariage politique du roi et de la république dans la France moderne », p. 1127-1148. 53. Sauf s’il est encore trop jeune pour avoir été confirmé ; Louis XIII a reçu la confirmation au moment du sacre.

VI DE LA MAGNIFICENCE À LA REPRÉSENTATION : PARURES ET DIVERTISSEMENTS

1. Mercure françois, 1612, à partir de la p. 501. 2. À Madrid, il n’y a pas de célébration car la reine vient de mourir. 3. Jacques KRYNEN, Idéal du Prince et pouvoir royal en France à la fin du Moyen Âge (1380-1440) ; Paul VEYNE, Le Pain et le cirque. Sociologie historique d’un pluralisme politique, Paris, Le Seuil, coll. Univers historique, 1976, p. 15-103 : ces pages donnent un aperçu commode des questions de consommation ostentatoire.

Notes des pages 213 à 230

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4. Claire R. SHERMAN, Imaging Aristotle. Verbal and Visual Representation in Fourteenth-Century France, University of California Press, 1995, particulièrement le chapitre 8 ; la traduction d’Oresme date de 1364 et porte le nom d’Éthiques d’Aristote. 5. Christine DE PISAN, Livre des faits et bonnes mœurs du sage roi Charles V, offert au duc de Berry en 1405, cité par Jacques KRYNEN, op. cit., p. 130. 6. Bernard GUENÉE et Françoise LEHOUX, Les Entrées royales françaises. De 1328 à 1515, Paris, Éditions du C.N.R.S., coll. Sources d’histoire médiévale no 5, 1968. 7. Jacques KRYNEN, op. cit., p. 135. Ce texte date de 1409. 8. Monique CHATENET, Pierre-Gilles GIRAULT, Fastes de cour. Les enjeux d’un voyage princier à Blois en 1501. Préface de Colette BEAUNE, Presses universitaires de Rennes, 2010. 9. Robert J. KNECHT, The French Renaissance Court (14831589) ; Sydney ANGLO, « Le Camp du drap d’or et les entrevues de Henri VIII et de Charles Quint », in Fêtes et cérémonies au temps de Charles Quint, études réunies et présentées par Jean JACQUOT, Paris, Éditions du C.N.R.S., coll. Le Chœur des muses, 1975, p. 113-134 ; Paul KAST, « Remarques sur la chapelle et les musiciens de la chapelle de François Ier au Camp du drap d’or », ibid., p. 135-159. 10. La vallée appartenait au territoire de Calais, mais pour des raisons de cérémonial, il était plus important de trouver un lieu exactement équidistant des résidences des deux rois. 11. « Qu’il vive dans l’éternité », devise proche de l’acclamation du sacre. 12. Vingt-trois ans plus tard, 124 000 livres étaient encore dues aux fournisseurs des tissus d’or et d’argent. 13. Jean BOUTIER, Alain DEWERPE, Daniel NORDMAN, Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), p. 310-311. 14. Michèle F OGEL, « Modèle d’État et modèle social de dépense : les lois somptuaires en France de 1485 à 1660 », in Jean-Philippe GENET et Michel LE MENÉ (dir.), Genèse de l’État moderne. Prélèvement et redistribution, Éditions du C.N.R.S., Paris, 1987, p. 227-235. 15. Ibid., p. 229-230. 16. Voir la Galerie de portraits en début d’ouvrage. 17. Contrairement aux vêtements des rois d’Angleterre par exemple. Isabelle PARESYS, « Vêtir les souverains français à la

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Renaissance : les garde-robes d’Henri II et de Catherine de Médicis en 1556 et 1557 ». Isabelle Paresys édite un journal électronique : Apparence(s). 18. Isabelle Paresys indique la présence de quelques robes dans le vestiaire d’Henri II. Glossaire des tissus et des vêtements in Paraître et se vêtir au XVIe siècle. 19. Monique CHATENET, Pierre-Gilles GIRAULT, Fastes de cour. Les enjeux d’un voyage princier à Blois en 1501, p. 35. 20. Michel PASTOUREAU, Noir. Histoire d’une couleur, Paris, Le Seuil, 2008. 21. Pierre CHAMPION, La Jeunesse de Henri III, Paris, Grasset, 2 vol., 1941-1942, t. II, p. 176. 22. Bernard MOREL, Les Joyaux de la couronne de France. 23. Jean-François DUBOST, Marie de Médicis. La reine dévoilée, p. 192. 24. Margaret M. M CGOWAN, Dance in the Renaissance. European Fashion, French Obsession ; Monique CHATENET, La Cour de France au XVIe siècle. Vie sociale et architecture. 25. Marcantonio Bendito à la duchesse de Mantoue, in Monique CHATENET, ibid., p. 223-224. 26. Aux ouvrages précédents, il faut ajouter Eugénia ROUCHER, « Entre le bel estre et le paroistre : la danse au temps de Louis XIII », p. 79-114 ; Anne SURGERS, « “Les cadences et bransles des Cieux”. Spectacles, fêtes et cérémonies à l’époque de Louis XIII », p. 115-156. 27. Lettre d’Henri IV à Loménie, 8 avril 1607, citée par Lucien CLARE, La Quintaine, la course de bague et le jeu des têtes. Étude historique et ethno-linguistique d’une famille de jeux équestres, Paris, Éditions du C.N.R.S., coll. Le Chœur des muses, 1983, p. 213-214. 28. Stéphane CASTELLUCCIO, Les Carrousels en France du XVIe au XVIIIe siècle. 29. Le mot « quadrille » est alors féminin. 30. LOUIS XIV, sous le titre de « Réflexions sur le métier de roi, 1679 », in Mémoires, édition de Jean L ONGNON , Paris, J. Tallandier, 1978, p. 105. 31. Ibid., p. 104. 32. Ibid., p. 105. 33. Le français rend difficilement la concision et l’euphonie du latin ; l’Académie des inscriptions commente : « Le génie du

Notes des pages 230 à 249

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roi suffirait à gouverner ensemble la France et plusieurs Royaumes. » 34. Brantôme, cité par Stéphane CASTELLUCCIO, ibid., p. 15. 35. Cité par Alain G UÉRY, « Le roi dépensier. Le don, la contrainte et l’origine du système financier de la monarchie française d’Ancien Régime », p. 1263. 36. Stéphane CASTELLUCCIO, op. cit., p. 22. 37. Les avis sont partagés sur la participation du roi à la première représentation des Amants magnifiques, mais s’accordent sur son absence à la deuxième. 38. Description très précise dans Joël CORNETTE, Chronique du règne de Louis XIV, p. 119-122. Sur l’ensemble des spectacles, voir Philippe BEAUSSANT, « L’influence personnelle de Louis XIV du ballet à la tragédie », Regards sur la musique… au temps de Louis XIV, Textes réunis par Jean DURON, p. 79-90. 39. Parmi de nombreux ouvrages : Michel FOUCAULT, Les Mots et les Choses ; Peter BURKE, Louis XIV. Les stratégies de la gloire, Paris, Le Seuil, 1995. 40. Nicolas DE LA MARE, Traité de la Police, où l’on trouvera l’histoire de son établissement, les fonctions et les prérogatives de ses magistrats, toutes les loix et tous les règlemens qui la concernent… Paris, J. et P. Cot, puis M. Brunet, puis J.-F. Hérissant, 4 vol., 1705-1738, t. I, p. 381. 41. Hervé PINOTEAU, « Le roi et la reine de France en majesté », in Fastes de cour et cérémonies royales. Le costume de cour en Europe (1650-1800), p. 110-121. 42. Édit de novembre 1660, voir Michèle FOGEL, op. cit., p. 234. L’édit de mars 1583, qui associait pour la première fois ces deux termes, entendait conserver à la noblesse le privilège de la somptuosité. 43. Joël CORNETTE, « Le savoir des enfants du roi sous la monarchie absolue », p. 112. 44. Marquis de Dangeau cité sans autre précision par JulesÉtienne QUICHERAT, Histoire du costume en France depuis les temps les plus reculés jusqu’à la fin du XVIII e siècle, Paris, Hachette et Cie, 1875, p. 526. 45. Corinne THÉPAUT-CABASSET, « Le service de la garde-robe et sa réorganisation sous Louis XIV », Fastes de cour et cérémonies royales. Le costume de cour en Europe (1650-1800), p. 28-33. 46. On trouve la préfiguration de cet « habit à la française » dans le portrait de Charles Ier d’Angleterre par Van Dyck, mais

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Pascale Gorguet Ballesteros y voit plutôt l’influence de son fils Charles II : « Caractériser le costume de cour : propositions », ibid., p. 54-69. 47. Bernard MOREL, op. cit., p. 166-72. 48. Danièle VÉRON-DENISE, « La Broderie des costumes de cour de Louis XIV à Louis XVI », Fastes de cour et cérémonies royales. Le costume de cour en Europe (1650-1800), p. 90-97. 49. Jean-François DUBOST, « Le corps de la reine, objet politique : Marie de Médicis », p. 235-266. Dans les mêmes années, Rubens a exécuté un autre portrait plus conformiste, en pendant de celui de la reine mère : Barbara GAEHTGENS, « Les portraits d’Anne d’Autriche. L’image royale au service de la politique », in Chantal GRELL (dir.), Anne d’Autriche. Infante d’Espagne et reine de France, p. 209-239, figures 5 et 6, p. 222-223. 50. Mémoires du duc de Luynes, citées par Bernard HOURS, Louis XV et sa cour. Le roi, l’étiquette et le courtisan. Essai historique, p. 179. 51. Fanny COSANDEY, « Souveraine et sujette, droits et privilèges », p. 114-125, « L’effacement d’un modèle », p. 361-383, in La Reine de France. Symboles et pouvoirs. XVe-XVIIIe siècle. 52. Pascale GORGUET-BALLESTEROS, op. cit., p. 62. 53. Cité sans référence, Évelyne LEVER, Marie-Antoinette, Paris, Fayard, 1991, p. 320 ; Michelle S APORI , Rose Bertin, ministre des modes de Marie-Antoinette, Paris, Éditions de l’Institut français de la mode, Éditions du Regard, 2003. La « gaule » était une chemise de mousseline serrée à la taille qu’affectionnaient les dames créoles de Saint-Domingue ; voir Olivier BLANC, Portraits de femmes. Artistes et modèles à l’époque de Marie-Antoinette, Paris, Éditions Didier Carpentier, coll. Patrimoine, 2006, p. 151-155.

VII DE LA MAGNIFICENCE À LA REPRÉSENTATION : EXPOSITION, RETRAIT, FAMILIARITÉ

1. Lettres de Catherine de Médicis, édition d’Hector DE FERRIÈRE et Gustave B AGUENAULT DE PUCHESSE , Paris, Imprimerie nationale, collection de documents inédits sur l’histoire de France, 11 vol., 1880-1943, t. II, p. 91. Les éditeurs LA

Notes des pages 249 à 262

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la présentent comme une lettre adressée à Charles IX. Monique Chatenet résume les arguments en faveur d’Henri III au détriment de Charles IX et propose la date de 1576, à la fin de la guerre des Malcontents, La Cour de France au XVIe siècle. Vie sociale et architecture, note 34, p. 344. 2. Jean-François SOLNON, La Cour de France, Paris, Fayard, coll. Nouvelles études historiques, 1987 ; Librairie générale française, coll. Le livre de poche, no 439, 1996, p. 358. À l’origine de toutes les études sur le cérémonial quotidien, voir Norbert ELIAS, La Société de Cour ; Monique CHATENET, op. cit. ; Robert J. KNECHT, The French Renaissance Court (1483-1589). 3. Tel est l’axe majeur de l’étude de Jeroen DUINDAM, Vienna and Versailles. The Courts of Europe’s Dynastic Rivals (15501780). 4. Jean BOUTIER, Alain DEWERPE, Daniel NORDMAN, Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566). 5. Peut-être 15 000 pendant ce voyage, ibid., p. 110-111. 6. Claude D’ANTHENAISE, « La chasse, le plaisir et la gloire », De l’Italie à Chambord. François Ier et la chevauchée des princes français, publié sous la direction de Catherine ARMINJON et Denis LAVALLE, avec la participation de Monique CHATENET et Claude D ’A NTHENAISE , et sous le patronage scientifique de Philippe CONTAMINE, coédition Fondation de la Chasse et de la Nature, Paris – Domaine national du château de Chambord – Somogy Éditions d’Art, 2004, p. 95-107. 7. Nicolas LE ROUX, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois, tableau p. 722. 8. Sylvie BÉGUIN, « François Ier, Jupiter et quelques belles bellifontaines », Royaume de Fémynie. Pouvoirs, contraintes, espaces de liberté des femmes de la Renaissance à la Fronde, sous la direction de Kathleen WILSON-CHEVALIER et Éliane VIENNOT, avec la collaboration de Michel MELOT et Céleste SCHENCK, Paris, Champion, 1999, coll. Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance no 16, p. 163-202. 9. Cité entre autres par Monique CHATENET, op. cit., p. 110. 10. À Fontainebleau et à Blois, 100 m2, à Chambord et VillersCotterêts, 250 m2. 11. En plus de Monique CHATENET, op. cit., Gérard SABATIER, « Les lieux de pouvoir et résidences royales, XVe-XVIIIe siècle », p. 43-83, et « Le palais d’État en Europe, de la Renaissance au

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Grand Siècle », in Palais et pouvoir de Constantinople à Versailles, p. 81-107. 12. Jacques PAVIOT, « Les honneurs de la cour d’Éléonore de Poitiers », in Geneviève et Philippe CONTAMINE (dir.), Autour de Marguerite d’Écosse, reines, princesses et dames du XVe siècle, Actes du colloque de Thouars (23 et 24 mai 1997), Paris, Champion, coll. Études d’histoire médiévale no 4, 1999, p. 163-179. 13. Vienne devient capitale des états des Habsbourg d’Autriche en 1533. 14. Cité dans Théodore et Denis GODEFROY, Le Cérémonial françois, 1649, 2 vol., t. I, introduction non paginée. 15. Ce sont les rentes de l’Hôtel de ville. 16. Pierre QUONIAM, Laurent GUINAMARD, Le Palais du Louvre, Paris, Nathan, 1988. 17. Ensuiyvent les règlements faits par le Roy le premier janvier mil cinq cent quatre-vingt-cinq lesquels il est résolu de garder, et veut désormais être observés de chacun, in L. CIMBER et F. DANJOU (dir.), Archives curieuses de l’histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XVIII, Paris, 1836, 1ère série, t. 10, p. 301-358 ; Monique CHATENET, « Henri III et l’ordre de la cour. Évolution de l’étiquette à travers les règlements généraux de 1578 et 1585 », in Robert SAUZET (dir.), Henri III et son temps, Actes du colloque international du Centre de la Renaissance de Tours, octobre 1989, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, coll. De Pétrarque à Descartes, 1992, p. 133139. 18. Lettres de provision du 2 janvier 1585, citées dans Théodore et Denis GODEFROY, op. cit. 19. Toutes les expressions entre guillemets sont tirées des Règlements…, op. cit. 20. Jean DU TILLET, Recueil des Roys de France, première édition, Paris, J. du Puys, 1586-1588. 21. Fanny COSANDEY, « Entrer dans le rang », in Les Jeux de l’échange : entrées solennelles et divertissements du XV e au XVIIe siècle. 22. Lettre du 28 septembre 1665 in Lettres, instructions et mémoires de Colbert, publiées par Pierre CLÉMENT, Paris, 18611873, t. 5, p. 268-270. 23. Ibid., p. 269. 24. Pierre VERLET, Le Château de Versailles ; Association pour le développement de la recherche sur l’organisation spatiale et

Notes des pages 262 à 281

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Unité pédagogique d’architecture de Versailles, Versailles. Lecture d’une ville, sous la direction de Jean CASTEX, Patrick CÉLESTE , Philippe PANERAI , Paris, Éditions du Moniteur, coll. Architecture. Études, 1980. 25. Lettres, op. cit., p. 270. 26. Publications du juré-crieur en août 1659 et mars 1660, in Michèle FOGEL, Les Cérémonies de l’information dans la France du XVIe au milieu du XVIIIe siècle, p. 92 et 93. 27. Croquis du premier étage en 1674 et vers 1693, in Pierre VERLET, op. cit., p. 74 et 208. À propos des logements de Mme de Maintenon, Hélène HIMMELFARB donne une analyse dynamique des appartements du roi : « Les logements versaillais de Mme de Maintenon. Essai d’interprétation », in Autour de la marquise de Maintenon, actes des Journées de Niort, 23-25 mai 1994, réunis par Alain NIDERST, Niort, Albineana-Cahiers d’Aubigné, 10-11, 1999, p. 305-335. 28. Puissante analyse des programmes iconographiques dans Gérard SABATIER, Versailles ou la Figure du roi ; bonnes reproductions et synthèse très claire dans Joël CORNETTE, Louis XIV, Paris, Éditions du Chêne, 2007, p. 148-155. 29. D’après un Mémoire de 1699 : la Maison civile du roi comprend plus de 2 120 officiers domestiques, la Maison militaire 1 524 officiers et gardes servant au château, les Maisons de Monsieur et de Madame comprennent 1 589 personnes. Le personnel gouvernemental s’élève à 700 personnes, in Jeroen DUINDAM, Vienna and Versailles. The Courts of Europe’s Dynastic Rivals (1550-1780), p. 60. 30. LOUIS XIV, sous le titre de « Réflexions sur le métier de roi, 1679 », in Mémoires, édition de Jean L ONGNON , Paris, J. Tallandier, 1978, p. 75-76. 31. Édouard POMMIER, « Versailles, l’image d’un souverain », in Les Lieux de mémoire, sous la direction de Pierre Nora, Paris, Gallimard, 1986, tome II, p. 192-234. 32. 18 septembre 1680, in Mme DE SÉVIGNÉ, Correspondance, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1978, t. 3, p. 16-17. Chamarande est un des premiers valets. 33. Jeroen DUINDAM, op. cit., p. 227. 34. Utilisé de 1671 à 1680 pour abriter les amours du roi et de Mme de Montespan, il est transformé en logement pour la marquise lorsqu’elle perd sa position auprès du roi.

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Roi de France

35. Par exemple, Ivan CLOULAS, Diane de Poitiers, Paris, Fayard, 1997. 36. Kathleen WILSON-CHEVALIER, « Femme, cour, pouvoir : la chambre de la duchesse d’Étampes à Fontainebleau », in Le Royaume de Fémynie, p. 203-236. 37. Cédric MICHON, « Conseil, conseillers et prise de décision sous François Ier », La Prise de décision en France (1525-1559). Recherches sur la réalité du pouvoir royal ou princier à la Renaissance, p. 15-35. 38. De Fontainebleau, le 12 septembre 1594, in Lettres d’amour et écrits politiques, avec quelques lettres reçues par le roi, choix et présentation par Jean-Pierre BABELON, Paris, Fayard, 1988, p. 210. 39. Mémoires, op. cit., p. 225. 40. Alain NIDERST : « Madame de Maintenon et la guerre de succession d’Espagne », Autour de la marquise de Maintenon, p. 269-279. 41. À l’exception des nains et des fous qui vivent à la cour jusqu’au début du XVIIe siècle et à qui toute ambition est par nature interdite. Les travaux manquent sur ces sujets. 42. Voire, pour Montmorency, dans le lit du roi, ce dont apparemment seuls les envoyés italiens se scandalisent. 43. Nicolas LE ROUX, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois. 44. Rappellons que François d’Alençon reçoit le duché d’Anjou en 1576. 45. Sharon KETTERING, Power and Reputation at the Court of Louis XIII. The Career of Charles d’Albert, duc de Luynes (15781621). 46. Sur les Miron, voir Claire CHATELAIN, Chronique d’une ascension sociale. Exercice de la parenté chez de grands officiers (XVIe- XVIIe siècle), Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, coll. En temps & lieux, 2008 ; Stanis PEREZ, La Santé de Louis XIV. Une biohistoire du Roi Soleil. 47. Mathieu DA VINHA, Les Valets de chambre de Louis XIV, Paris, Perrin, coll. Pour l’histoire, 2004, p. 219. 48. Emmanuel DE CROŸ-SOLRE, Journal de cour. Édition préparée par Laurent SORTAIS, Clermont-Ferrand, Éditions Paleo, coll. Sources de l’histoire de France, 6 vol., 2004-2006, t. V (1774-1777), p. 129. 49. Ibid., t. VI, p. 100.

Notes des pages 282 à 298

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50. Je dois ces indications aux recherches de Romain Weber. 51. Canon XI du concile de 692, in Alain BOUREAU, L’Aigle. Chronique politique d’un emblème, Paris, Éditions du Cerf, 1985, p. 27. On trouvera dans le chapitre suivant, la formule « représenter l’image de » associée soit au roi, Charles V au Parlement, soit à Dieu, Henri III aux États généraux de 1588. 52. Jacques KRYNEN, L’Idéologie de la magistrature ancienne. Tome I de L’État de justice (France, XIIIe-XXe siècle), Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires, 2009, chap. III et IX. 53. Discours de la Flagellation, 3 mars 1766, in Michel ANTOINE, Louis XV, p. 852. 54. Bernard HOURS, Louis XV et sa Cour ; William R. NEWTON, L’Espace du roi. 55. Thomas E. KAISER, « Madame de Pompadour and the theater of power », French Historical Studies, Tempe, Arizona State University, vol. 19, no 2, 1996, p. 1025-1044. 56. Emmanuel DE CROŸ-SOLRE, op. cit., t. IV, p. 81-82. 57. François BARRIÈRE et Albin DE BERVILLE (dir.), Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, reine de France et de Navarre, suivis de souvenirs et anecdotes historiques sur les règnes de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI, par Madame Campan, Paris, Baudouin, 3 vol., 1823, t. 1, p. 97-98. 58. Correspondance avec Mercy-Argenteau, citée par Pascale MORMICHE, Devenir prince. L’école du pouvoir en France (XVIIeXVIIIe siècle), p. 107. 59. Joël FÉLIX, Louis XVI et Marie-Antoinette. Un couple en politique, p. 296-410.

VIII LE ROI GOUVERNE PAR LUI-MÊME

1. Analyse par Nicolas M ILOVANOVIC sur : http://www. galeriedesglaces-versailles.fr/. Aucune précision n’est malheureusement donnée quant à l’installation de la dernière formule qui doit coïncider avec les restaurations effectuées entre 1752 et 1768. 2. Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 94. 3. À propos de l’impôt, Alain Guéry synthétise très clairement la réflexion historique sur le don à partir de l’essai de

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Marcel Mauss. Voir Alain GUÉRY, « Le roi dépensier. Le don, la contrainte et l’origine du système financier de la monarchie française sous l’Ancien Régime ». 4. Les nominations aux offices permanents de finances et de justice sont faites par des lettres de provision, enregistrées et publiées dans les différents tribunaux ; les nominations aux charges révocables sont faites par des lettres de commission non enregistrées ; les dons et les grâces peuvent être faits par simples lettres cachetées, dites closes ou missives, voire par des bons à valoir sur le Trésor, les comptants du roi. 5. António Manuel HESPANHA, « Paradigmes de légitimations, actes de gouvernement, traitement administratif et agents de l’administration », in Figures de l’administrateur. Institutions, réseaux, pouvoirs en Espagne, en France et au Portugal (XVIeXIXe siècle), publiées sous la direction de Robert DESCIMON, JeanFrédéric SCHAUB et Bernard VINCENT, Paris, École des hautes études en sciences sociales, coll. Recherches d’histoire et de sciences sociales, no 73, 1997, p. 19-28 ; Philippe HAMON, « En guise de conclusion », La Prise de décision en France (15251559), p. 179-190. 6. Robert DESCIMON, « La vénalité des offices comme dette publique sous l’Ancien Régime français. Le bien commun au pays des intérêts privés », in La Dette publique dans l’histoire, p. 177-242, note 22, p. 181. L’ensemble de ce texte est fondamental pour tout ce qui suit. 7. Fanny COSANDEY et Robert DESCIMON, L’Absolutisme en France. Histoire et Historiographie, p. 110. 8. Jean NAGLE, Le Droit de marc d’or des offices. Tarifs de 1583, 1704, 1748. Reconnaissance, fidélité, noblesse. 9. Pour la Maison du roi, voir Christophe BLANQUIE, « Dans la main du Grand Maître. Les offices de la Maison du roi (16431720) », Histoire & mesure, t. XII, no 3/4, 1998, p. 243-288 ; sur la vénalité des charges militaires, voir Hervé DRÉVILLON, L’Impôt du sang, Le métier des armes sous Louis XIV, Paris, Tallandier, 2005, chap. V. 10. Michel P ERONNET, Les Évêques de l’Ancienne France, Paris, Librairie H. Champion, 2 vol., 1977 ; Joseph BERGIN, The Making of the French Episcopate (1569-1661), New Haven, Londres, Yale University Press, 1996 ; du même auteur : Crown, Church and Episcopate under Louis XIV, New Haven, Yale University Press, 2004. Les papes ont accepté de soumettre les

Notes des pages 298 à 308

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territoires conquis au régime du Concordat, soit 129 diocèses, 1 092 abbayes et 552 prieurés dans les années 1780. 11. LOUIS XIV, sous le titre de « Réflexions sur le métier de roi, 1679 », in Mémoires, édition de Jean L ONGNON , Paris, J. Tallandier, 1978, p. 109. 12. Cédric MICHON, « Conseil, conseillers et prise de décision sous François Ier », La Prise de décision en France (1525-1559). Recherches sur la réalité du pouvoir royal ou princier à la Renaissance, p. 15-34 ; François NAWROKI, « Le conseiller favori, objet de la décision royale », ibid., p. 35-52 ; Les Conseillers de François Ier, sous la direction de Cédric MICHON, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. Histoire. L’univers de la cour, 2011. 13. Michael HARSGOR, Recherches sur le personnel du Conseil du roi sous Charles VIII et Louis XII, Lille, Atelier de reproduction des thèses, université de Lille III, 1980 ; Arlette JOUANNA, La France du XVIe siècle (1483-1598), Paris, Presses universitaires de France, coll. Premier cycle, 1996, chap. 8 et 9. 14. Parlements de Paris, Toulouse, Grenoble, Bordeaux, Dijon, Rouen (1499), Aix (1501). 15. Jacques KRYNEN, « Le droit : une exception aux savoirs du prince », in Le Savoir du prince. Du Moyen Âge aux Lumières, p. 51-79. 16. Le nom de Lit de justice donné à ces visites royales paraît courant avant 1527. Voir Elizabeth A. R. BROWN and Richard C. FAMILIETTI, The Lit de justice. Semantics, Ceremonial, and the Parlement of Paris (1300-1600), discutant les travaux de Sarah HANLEY, Le Lit de justice des rois de France. L’idéologie constitutionnelle dans la légende, le rituel et le discours. 17. Ibid., p. 22. On notera que le roi ne parle que de l’image de son pouvoir et non de l’exercice du pouvoir. 18. Jusqu’au XVIe siècle au moins, le « lit » désigne plutôt les éléments faits de textiles, le cadre rigide porte le nom de « couche » ou de « châlis ». 19. Cité par Marie HOULLEMARE, « Relations formelles, relations informelles entre le roi et le Parlement de Paris sous François Ier et Henri II », in La Prise de décision en France (15251559), p. 96. 20. Il est mort en menant les troupes de Charles Quint à l’assaut de Rome le 27 juin 1527. 21. Toutes les citations viennent de la transcription de Robert

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Roi de France

J. KNECHT, « Francis I and the “Lit de justice” : A “legend” defended », French History, vol. 7, 1993, p. 53-83. 22. Littéralement : « Le Prince est délié des lois ». La préposition ab(solutus) est implicite, le français a retenu « absolu ». 23. Sont présents : trois princes du sang, le roi de Navarre, le duc de Vendôme, le comte de Saint-Pol, tous pourvus de gouvernements provinciaux, Anne de Montmorency, Grand maître, le chancelier Duprat, Louis de Brézé, archevêque de Bourges, et Florimond Robertet, responsable des finances. 24. Théodore et Denis GODEFROY, Le Cérémonial françois, t. II, p. 481 : registres du Parlement. 25. Ibid., p. 483. 26. Cité par Arlette JOUANNA, op. cit., p. 146. 27. 2. Samuel, 19, 13 ; Évangile de Jean, 15, 13. 28. Théodore et Denis GODEFROY, Le Cérémonial françois, op. cit., p. 493. 29. Le plus clair sur toutes ces questions est Robert DESCIMON, « Les fonctions de la métaphore du mariage politique du roi et de la république dans la France moderne », p. 1127-1147. 30. Théodore et Denis GODEFROY, Le Cérémonial françois, p. 495. 31. Dès le sacre de Henri II, la remise de l’anneau au roi est interprétée en ce sens. Voir Robert DESCIMON, cité plus haut. 32. Lettre du 15 mars 1549 citée par Cédric MICHON dans son introduction des conseillers de François Ier, p. 32. Les titres donnés au Conseil restent très variables avant le XVIIe siècle. 33. On peut laisser à part les formations où le roi ne fait que de rares apparitions et qui sont sous l’autorité du chancelier : Grand Conseil, Conseil privé pour le contentieux, Conseil des finances. 34. Jean-Louis BOURGEON, Charles IX devant la SaintBarthélemy, Genève, Droz, coll. Travaux d’histoire éthicopolitique no 55, 1995, p. 104. Pour l’enchaînement qui aboutit au massacre, Arlette JOUANNA, La Saint-Barthélemy. Les mystères d’un crime d’État (24 août 1572). 35. Jean-Marie CONSTANT, Les Guise, Paris, Hachette, 1984 ; Nicolas LE ROUX, Un régicide au nom de Dieu. L’assassinat d’Henri III. 1er août 1589. 36. Toutes les citations prises de Harangue faite par le Roy Henry Troisieme, de France et de Polongne [sic], à l’ouverture de l’assemblée des Trois Estats, en sa ville de Blois, le seiziesme jour

Notes des pages 308 à 325

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d’Octobre, 1588, Lyon, 1588, sur Gallica ; variantes dans Georges PICOT, Histoire des États généraux considérés au point de vue de leur influence sur le gouvernement de la France de 1355 à 1614, Paris, Hachette, 5 vol., 1888, t. III, p. 373-385. 37. Fanny COSANDEY et Robert DESCIMON, « La dévolution statutaire, loi fondamentale des lois fondamentales », L’Absolutisme en France. Histoire et Historiographie, p. 55-62, citation p. 56. La notion de loi fondamentale apparaît autour des années 1570-1580. 38. Une phrase désignait les Guise comme responsables des troubles. Georges Picot précise qu’ils en ont obtenu la suppression dans les exemplaires imprimés du discours, op. cit., p. 383. 39. Nicolas LE ROUX, op. cit., p. 209. 40. Ibid. D’après Nicolas LE ROUX, c’est Catherine de Médicis qui commence à donner à « nécessité » un sens politique. 41. Jean-François DUBOST, Marie de Médicis, la reine dévoilée, chap. 33 à 35 ; Jérôme JANCZUKIEWICK, « La prise du pouvoir par Louis XIV : la construction du mythe », XVIIe siècle, Presses universitaires de France, 2005, no 227, p. 243-264. 42. LOUIS XIV, sous le titre de « Réflexions sur le métier de roi, 1679 », in Mémoires, édition de Jean L ONGNON , Paris, J. Tallandier, 1978, p. 14. 43. Jean-François DUBOST, « Anne d’Autriche, reine de France : mise en perspective et bilan politique du règne (16151666) », p. 41-109. 44. Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’état du cardinal de Richelieu, recueillis et publiés par M. Denis-LouisMartial AVENEL, Paris, Imprimerie Impériale puis Nationale, collection de documents inédits sur l’histoire de France, 8 vol., 1853-1877, t. IV, p. 11-13. 45. Mémoires de Louis XIV, p. 14-15. 46. Cité dans Joël CORNETTE, Chronique de la France moderne. De la Ligue à la Fronde, Paris, Sedes, coll. Regards sur l’histoire. Histoire moderne, 1995, p. 74. 47. Cité dans Alain GUÉRY et Robert DESCIMON, « Un État des Temps modernes ? », Histoire de la France, sous la direction d’André BURGUIÈRE et Jacques REVEL, Paris, Le Seuil, 1989-90, t. II, L’État et les pouvoirs, dirigé par Jacques LE GOFF, p. 296. Nation a encore pendant cette période le sens d’ensemble des « natifs » d’un territoire. 48. Ibid., p. 18-19.

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49. Thierry SARMANT et Matthieu STOLL, Régner et gouverner. Louis XIV et ses ministres, Paris, Perrin, coll. Pour l’histoire, 2010. 50. John C. RULE, « Louis XIV et le “Conseil d’En-Haut” », in Royal and Republican Sovereignty in Early Modern Europe, sous la direction de Robert ORESKO, G. C. GIBBS et H. M. SCOTT, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 216-241. 51. Stanis PEREZ, La Santé de Louis XIV. Une biohistoire du Roi Soleil. Le chapitre II, « Les fatigues du pouvoir », s’arrête à 1687. 52. Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, éd. de Camille ROUSSET, Paris, Dupont, 2 vol., 1865, t. I, lettre du 26 novembre 1742, p. 10-11. 53. Joël FÉLIX, Louis XVI et Marie-Antoinette. Un couple en politique, p. 101 ; John HARDMAN , The Silent King, Londres, Arnold, coll. Reputations, 2000. 54. Louis XIV, Mémoires, op.cit., Annexe, p. 256. 55. Cité par Joël FÉLIX, op. cit., p. 276. 56. Louis XVI and the comte de Vergennes : correspondence (1774-1787) ; Munro PRICE, Preserving the Monarchy. The Comte de Vergennes (1774-1787). 57. Dale Kenneth VAN KLEY, Les Origines religieuses de la Révolution française (1560-1791), Paris, Le Seuil, coll. L’Univers historique, 2002. 58. Jacques KRYNEN, L’Idéologie de la magistrature ancienne. Tome I de L’État de justice (France, XIIIe-XXe siècle), Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires, 2009, chap. IX. 59. Le 3 mars 1766 était le lundi de Pâques, jour de la Flagellation, in Michel ANTOINE, Louis XV, p. 851-853. Michel Antoine ne présente pas cette séance comme un lit de justice : le roi siège sans apparât et aucune décision législative n’est prise. 60. Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, lettre du 13 juillet 1743, p. 608. 61. Ibid., lettre du 6 août, p. 608, note 40. 62. Capitation (à partir de 1695), dixième (1710-1717, 17331736, 1741-1749), vingtième (1749, doublé en 1756, triplé de 1760 à 1763 et de 1782 à 1786). 63. Procès-Verbal de l’Assemblée des Notables, tenue à Versailles en l’année MDCCXXXVII, Paris, Imprimerie Royale, BNF, 4° Lc 29 19.

Notes des pages 325 à 343

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64. Thomas E. KAISER, « From Fiscal Crisis to Revolution. The Court and French Foreign Policy », From Deficit to Deluge, The Origins of French Revolution, p. 138-164. 65. Thomas E. KAISER, « Scandal in the Royal Nursery : Marie-Antoinette and the Gouvernante des Enfants de France », p. 403-420.

TROISIÈME PARTIE EXERCICES DU POUVOIR : LE ROI ET LA GUERRE INTRODUCTION UN MÉTIER DE ROI

1. Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. 1, p. 172-173. 2. D’après les dispositions de Charles VI, Marie-Thérèse recevait les terres patrimoniales des Hasbourg de Vienne et la couronne héréditaire de Bohême ; elle devait être élue reine de Hongrie ; son époux, François de Lorraine, devait être élu empereur du Saint Empire Romain Germanique. 3. Joseph Ier, frère aîné de Charles, empereur de 1705 à 1711. 4. En Angleterre, le roi ne peut déclarer ni financer une guerre sans l’accord du Parlement. 5. Lucien BÉLY, La Société des princes. XVIe-XVIIIe siècle. 6. « Ordonnance du roi portant déclaration de guerre contre le roi d’Angleterre », 15 mars 1744, BNF, F 4725 (55) ; « Ordonnance du roi portant déclaration de guerre contre la reine de Hongrie », 26 avril 1744, ibid., F 4725 (60). 7. Hélène MICHAUD, « Les institutions militaires des guerres d’Italie aux guerres de religion », p. 29-43. Attachée à la Maison du roi, la charge de connétable comportait la direction des armées en l’absence du roi ; donnée à vie, elle était toujours considérée comme dangereuse et pouvait être laissée vacante ; dans tous les cas, le connétable n’avait pas de pouvoir sur la nomination des officiers généraux. 8. Correspondance, p. 173. Ypres a été prise en 1678, Mons en 1691 et Namur en 1692 et 1695. 9. Ibid.

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10. Noailles a reçu le 6 août la lettre du 24 juillet : soit treize jours pour environ 533 km dans des conditions matérielles qui ne varient pratiquement pas pendant des siècles. 11. Du camp de Spire, le 6 août 1743, Correspondance, p. 181 et 182. 12. Claude C. STURGILL, « L’éducation militaire de Louis XV », Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, 1972, no 633 et 634. 13. On peut lire avec plaisir ce passage de Pierre GOUBERT : « C’est dans l’exaltation de la guerre, la chevauchée épique, le choc des fers, l’odeur de la poudre, tous prometteurs de lauriers, que s’accomplit la plus vieille, la plus chargée, l’essentielle peutêtre des fonctions monarchiques. », L’Ancien Régime, tome II, Les Pouvoirs, Paris, Armand Colin, coll. U., série Histoire moderne, 1973, p. 114 ; Joël CORNETTE, Le Roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle. 14. John A. LYNN, Giant of the Grand Siècle. The French Army (1610-1715), donne un tableau des années de guerre de 1495 à 1780, p. 16 : sur un total de 285 années, on compte 162 années de guerres extérieures et 58 de guerres intérieures.

IX UNE GUERRE DE MAGNIFICENCE : L’ENTREPRISE DE NAPLES (1494-1495)

1. Philippe DE COMMYNES, Mémoires sur les règnes de Louis XI et Charles VIII, Livre VIII, chap. VI , in Jean-AlexandreC. BUCHON, Choix de chroniques et mémoires de l’histoire de France, Paris, Au bureau du Panthéon littéraire, 1854, p. 231. 2. Ibid. 3. Psaume 144. 4. Charles VIII quitte Grenoble le 29 août 1494 et entre à Naples le 22 février 1495. Yvonne L ABANDE -MAILFERT, Charles VIII. Le vouloir et la destinée, Paris, Fayard, 1986 ; Bernard CHEVALIER, Guillaume Briçonnet (v. 1445-1514). Un cardinal-ministre au début de la Renaissance. Marchand, financier, homme d’État et prince de l’Église, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005 ; Joël BLANCHARD, Philippe de Commynes, Paris, Fayard, 2006.

Notes des pages 343 à 357

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5. Jean FAVIER, Le Roi René, Paris, Fayard, 2008. Jeanne II était la dernière héritière de la maison fondée par Charles d’Anjou, frère de saint Louis et qui avait reçu le royaume de Naples du pape Urbain IV en 1265. Elle avait désigné René d’Anjou comme son héritier en 1435. La Provence, terre d’Empire, pouvait être héritée et léguée par des femmes, contrairement à l’Anjou, terre du royaume, soumise à la loi salique, et qui devait donc faire retour à la Couronne à chaque absence d’héritier mâle direct. 6. Cité par Yvonne LABANDE-MAILFERT, op. cit., p. 313. 7. Yvonne LABANDE-MAILFERT, « Charles VIII et François de Paule. Les grandes questions du règne », in S. Francesco di Paola. Chiesa e società del suo tempo. Atti del convegno internazionale di studio, Paola, 20-24 maggio 1983, Rome, Curia Generalizia dell’Ordine dei Minimi, 1984, p. 209-237. 8. Porteur de l’étendard, originellement chef des armées pontificales. 9. Emportée dans les coffres royaux pendant l’expédition, la lettre fait partie des prises effectuées par les soldats vénitiens lors de la bataille de Fornoue. 10. De 1482 à 1484, Venise et Rome se trouvent seules face aux alliés du duché de Ferrare. Milan, Florence, Mantoue, Bologne, Urbino, Naples bénéficient, en outre, de l’appui de l’empereur. 11. Autre nom du Péloponnèse, soumis aux Ottomans depuis les années 1460. 12. Le Débat des hérauts d’armes de France et d’Angleterre, édition commencée par Léopold PANNIER et achevée par M. Paul MEYER, Paris, Firmin Didot, coll. Société des anciens textes français, 1877, p. 12, signalé par Bernard CHEVALIER, op. cit., p. 186. 13. Charles VII et Louis XI avaient laissé faire l’usurpation des Sforza au détriment des Visconti. 14. Lettres de Charles VIII, roi de France. Publiées d’après les originaux pour la Société de l’Histoire de France par Paul PÉLICIER et Bernard DE MANDROT, Paris, Renouard et H. Laurens, 5 vol., 1898-1905, tome IV, p. 12-13. Autre exemplaire signalé dans les archives municipales de Lyon. 15. Créées par l’ordonnance de 1445, ces compagnies permanentes regroupent un nombre variables d’unités combattantes, les lances. Une lance est composée d’un homme d’armes,

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cavalier en armure complète, combattant avec épée et lance, recruté dans la noblesse ; il est accompagné de deux archers à cheval et de trois aides. Le nombre des aides a été réduit au début du règne de Charles VIII. 16. À Carlo di Barbiano, le 6 mars 1494, cité par Michael MALLETT, « Italian involvment in the French invasion », in David ABULAFIA (dir.), The French Descent into Renaissance Italy, 14941495. Antecedents and Effects, Variorum, 1995, p. 151-163. 17. Cette liste date de début novembre 1494, in Marino SANUDO, La Spedizione di Carlo VIII in Italia raccontata da Marin Sanudo e publicata par cura di Rinaldo Fulin, Venise, tip. di M. Visentini, 1873-1882, p. 102-103. 18. Pour les différentes catégories de combattants, Philippe CONTAMINE, Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge, p. 279319 ; Daniel ROCHE, « Pour un art de la cavalerie, XVe-XXe siècle », in Le Cheval et la guerre. Du XVe au XXe siècle, p. 13-41. Pour les différentes formes de guerre, Philippe CONTAMINE, La Guerre au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 6e édition, coll. Nouvelle Clio, 2003, 3 e partie, chap. VII ; Jean-Michel SALLMANN, « Le cheval, la pique et le canon : le rôle tactique de la cavalerie du XIVe au XVIIe siècle », in Le Cheval et la guerre. Du XVe au XXe siècle, p. 253-267. Très bien illustré, mais avec des erreurs factuelles : Thomas F. ARNOLD, Atlas des guerres de la Renaissance, XVe- XVIe siècles, Paris, Éditions Autrement, coll. Atlas des guerres, 2002. 19. Bernard CHEVALIER, op. cit., p. 186. 20. Mario SANUDO, op. cit., p. 103-104. Les listes, non exhaustives, leur attribuent le titre de « capitaines et grands maîtres » sans préciser les commandements effectifs sauf pour les éléments stables de la Maison du roi. 21. Philippe CONTAMINE, op. cit., p. 378. 22. Le Débat des hérauts d’armes de France et d’Angleterre, p. 50. 23. Bernard CHEVALIER, « Le financement de la première guerre d’Italie », L’Impôt au Moyen Âge : l’impôt public et le prélèvement seigneurial, fin XIIe-début XVIe siècle. Colloque tenu à Bercy les 14, 15 et 16 juin 2000 organisé par le Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, sous la direction scientifique de Philippe CONTAMINE, Jean KERHERVÉ et Albert RIGAUDIÈRE, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris, coll. Histoire économique et financière

Notes des pages 357 à 366

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de la France, série Animation de la recherche, 3 vol., 2002, t. I, p. 41-66. Les chiffres des combattants ne doivent pas faire illusion, ils sont approximatifs et manquent de cohérence d’une phase de l’expédition à l’autre. 24. Détails et longues citations dans L’Expédition de Charles VIII en Italie : histoire diplomatique et militaire par Henri-François DELABORDE, Paris, Firmin Didot, 1888. 25. Lettres de Charles VIII, roi de France, t. IV, p. 73-74, à ses envoyés auprès de Ludovic Sforza. 26. Voyage à Rome. 27. Cecil H. CLOUGH, « The Romagna campaign of 1494 : a significant military encounter », in The French Descent into Renaissance Italy, 1494-1495, p. 191-215. 28. Nièce de Ludovic, Catherine Sforza est régente d’Imola et de Forli : Mordano fait partie de ses possessions. 29. Lettres de Charles VIII, roi de France, t. III, p. 381-384. Sans doute saisi dans le pillage à Fornoue, ce document figure dans un registre des archives San-Marco à Venise à la suite d’une lettre au pape envoyée en août 1488 par ses représentants à la cour de France. Un estradiot s’était débarrassé à Parme d’une charrette contenant des papiers du roi, in HenriFrançois DELABORDE, Un épisode des rapports d’Alexandre VI avec Charles VIII. La bulle pontificale trouvée sur le champ de bataille de Fornoue, Paris, Bibliothèque de l’École des Chartes, t. XLVII, 1886, p. 512-520. 30. En réponse à l’augmentation de la puissance de feu, le dessin des fortifications est passé du haut mur rectiligne ponctué de tours aux fortifications basses, protégées par un large fossé et l’indentation des bastions dotés d’artillerie. Simon PEPPER, « Castle and canons in the Naples campaign of 14941495 », in The French Descent into Renaissance Italy, 1494-1495, p. 263-294. 31. Lettres de Charles VIII, roi de France à l’évêque de Troyes, 29 octobre 1494, t. IV, p. 103-107. 32. Ils sont estimés à 20 000 lorsque Charles VIII essaie de s’en débarrasser au sortir de Rome. 33. Pour mesurer le poids de l’armée, il faut songer à la population des villes traversées : Pise a environ 10 000 habitants, Sienne, 18 000, Lucques : 20 000, Rome : 25 000, Florence : 60 000. En revanche, Naples dépasse les 200 000.

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34. Dans l’été 1494, della Rovere avait finalement choisi de s’allier avec le roi de France. 35. La mort du prince à Naples le 25 février est tenue secrète. 36. Lettres de Charles VIII, roi de France, t. IV, p. 168-174. 37. Ibid., p. 173. Il est difficile d’expliquer le silence de ces lettres sur le rôle décisif de Louis de La Trémoille dans la prise de Monte San Giovanni. 38. Yvonne L ABANDE -M AILFERT, « L’épée flamboyante de Charles VIII », Bulletin monumental, Paris, Société française d’archéologie, 1950, t. 108, p. 91-101. 39. Ont envoyé des messages : Venise, le pape, Florence, Ludovic Sforza, la Savoie, Ferrare, Maximilien, Henry VII d’Angleterre, Bajazet et le soudan d’Égypte. 40. Lettres de Charles VIII, roi de France, à Pierre de Bourbon, Naples, le 8 mai 1495, t. IV, p. 204. 41. Des femmes avaient été enlevées après la reddition de Gaëte. 42. David NICOLLE, France’s Bloody Fighting Retreat. 43. Pour 40 000 ducats ; le contrat – condotta – a été signé en mars 1495. 44. Une version imprimée en 1487 sous le titre Le Triomphe des Neuf preux, avait été dédiée au roi, Le Débat des hérauts d’armes de France et d’Angleterre, note p. 128-129. 45. D’après Yvonne LABANDE-MAILFERT, op. cit., p. 347, le roi aurait ensuite harangué les hommes d’armes les plus proches de lui en leur rappelant qu’ils étaient dans la main de Dieu : « Si son plaisir est encore, je vous ramènerai en France à l’honneur de nous et de notre royaume ». De son côté, Francesco de Gonzague en aurait fait autant, suivant un modèle plus décidément antique. Mais aucune des récits immédiats n’en fait état et Henri-François Delaborde n’y croyait pas. 46. Yvonne LABANDE-MAILFERT, op. cit., p. 347. 47. Dominique FRATANI, « Les chevaux des Gonzague à la bataille de Fornoue », in Le Cheval et la guerre. Du XVe au XXe siècle, p. 45-53. 48. L’adjectif « français » est un raccourci qui ne doit pas faire oublier l’importance des non-régnicoles parmi les troupes du roi de France. 49. Frère aîné de Galeazzo de Sanseverino, le gendre de Ludovic Sforza.

Notes des pages 367 à 392

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50. Lettres de Charles VIII, roi de France, d’Asti, le 18 juillet 1495, t. 4, p. 229-30 : « grande extraction de bagues, joyaux, or, argent, draps d’or et de soie… » Ce qui arrive à Venise est évalué à 180 000 ducats. 51. Philippe DE COMMYNES, Mémoires sur les règnes de Louis XI et Charles VIII, p. 232. Les bourdonnasses sont des lances très bien décorées, mais plus fragiles que les lances françaises. 52. Ibid., p. 234. Yvonne Labande-Mailfert évalue à un quart d’heure le temps de l’affrontement et à trois quarts d’heure celui de la « chasse » ; David Nicolle étend les combats jusqu’à la fin de l’après-midi, ce qui paraît plus vraisemblable compte tenu de la quantité des combattants et de leurs difficultés à se mouvoir sur la rive étroite, gorgée d’eau ou caillouteuse. 53. Chiffres évidemment très variables : David Nicolle, op. cit., p. 73-74 : 1 000 morts côté français, 2 000 du côté de la ligue. 54. Lettres de Charles VIII, roi de France, t. IV, p. 290-291. 55. Lettres de Charles VIII, roi de France, t. IV, p. 236. 56. Lettres de Charles VIII, roi de France, lettres de 24 juillet et 17 août 1495, t. IV, p. 232 et 259-260. 57. Robert DE LA MARK, Histoire des choses mémorables advenue du règne de Louis XII et de François Ier en France, Italie, Allemagne, et ès Pays-Bas, depuis 1499 jusques en l’an 1521, mise par escript par Robert de La Mark, Seigneur de Fleurange et de Sedan, Marechal de France, Paris, Guyot frères, Nouvelle collection des Mémoires pour servir à l’Histoire de France, 1851. 58. Michèle F OGEL, « Modèle d’État et modèle social de dépense : les lois somptuaires en France de 1485 à 1660 », Genèse de l’État moderne. Prélèvement et redistribution, p. 227235.

X LE ROI DANS LES GUERRES COMMUNES (1562-1629) : UNE HISTOIRE À ÉCRIRE

1. Arlette JOUANNA, La France du XVIe siècle (1483-1598), p. 400. 2. Mack P. HOLT, The French Wars of Religion, 1562-1629 ; Robert J. KNECHT, The French Civil Wars (1562-1598) ; Nicolas LE ROUX, Les Guerres de Religion (1559-1629).

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3. Le Débat des hérauts d’armes de France et d’Angleterre, p. 12. 4. James B. WOOD, The King’s Army, Warfare, Soldiers and Society during the Wars of Religion in France (1562-1576), p. 3. 5. Jean-François LABOURDETTE, dans Charles IX et la puissance espagnole. Diplomatie et guerres civiles (1563-1574), utilise la richesse de ces documents dont la plupart ne sont pas destinés à la publication et montre un souverain actif aussi bien dans la diplomatie que dans la guerre, loin du chasseur forcené habituel. 6. Jean-François LABOURDETTE, ibid., lettre du 4 février 1567, p. 96. 7. Première guerre : avril 1562-mars 1563 (Édit d’Amboise) ; deuxième guerre : septembre 1567-mars 1568 (Édit de Longjumeau) ; troisième guerre : août 1568-août 1570 (Édit de Saint-Germain) ; quatrième guerre : août 1572-juillet 1573 (Édit de Boulogne) ; cinquième guerre, dite des Malcontents : février 1574-mai 1576 (Édit de Beaulieu) ; sixième guerre : janvier-septembre 1577 (Édit de Poitiers) ; huitième guerre : mars 1585-avril 1598 (Édit de Nantes). 8. Lettres de Henri III roi de France. 9. Édit de Fontainebleau, 1er juin 1540, Édit de Châteaubriant, 27 juin 1551, Édit de Compiègne, 24 juillet 1557 : de 1547 à 1550, le Parlement de Paris prononce 61 bannissements et 39 condamnations à mort. Dans les années 1550, près de 6 000 sujets du roi de France s’installent à Genève. 10. Le chantier a été abandonné après la mort du roi. 11. L’alliance comprenait le pape, Philippe II et Venise. Six mois après Lépante, l’ambassadeur français à Istanbul a pu voir une flotte de 200 galées complètement reconstituée, in Jean-François LABOURDETTE, op. cit., p. 296. 12. Ibid., p. 233. 13. Lettre à La Mothe-Fénelon, 22 septembre 1572, ibid., p. 675. Le Parlement de Paris avait d’ailleurs condamné à mort par contumace Coligny et deux autres chefs protestants pendant la troisième guerre ; la paix leur avait apporté le pardon royal. 14. Sébastien est mort en août 1578 dans une expédition au Maroc. Catherine de Médicis fait valoir les droits qu’elle tient de sa mère, Madeleine de La Tour d’Auvergne, descendante de l’épouse d’Alphonse III, roi du Portugal mort en 1279. Après avoir réclamé la couronne, elle soutient don Antonio, déclaré

Notes des pages 393 à 406

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roi par le Conseil de Régence en juin 1580 et chassé par l’intervention espagnole en août. 15. Lettre des environs du 15 juin 1580, in Lettres de Henri III roi de France, t. V, p. 46. 16. À la fin de la cinquième guerre, François avait reçu l’apanage d’Anjou. 17. Lettre de la mi-septembre, Bourbon-Lancy, op. cit., p. 340. 18. Mark GREENGRASS, Governing Passions. Peace and Reform in the French Kingdom, 1576-1585. 19. Depuis 1579, les provinces du sud des anciens Pays-Bas restées sous domination espagnole ont constitué l’Union d’Arras et gardent le nom originel, celles du Nord signent l’Union d’Utrecht et prennent ensuite le nom de Provinces-Unies. 20. Ces chiffres des armées royales, fournis par le Contrôleur général des finances à l’Assemblée des notables de 1626 (Mercure françois, t. 12, p. 809) sont très supérieurs à ceux habituellement retenus par les historiens. D’après Mark GREENGRASS, les protestants avaient obtenu 50 places fortes et 230 lieux de sûreté ; Janine GARRISSON montre la répartition de 77 places de sûreté en arc dans le Centre-Ouest, le Sud-Ouest, le Languedoc et le Dauphiné, in L’Édit de Nantes. Chronique d’une paix attendue, Paris, Fayard, 1998, p. 297-304, carte p. 373. 21. Mark GREENGRASS, op. cit., p. 374. 22. Robert R EEVES HARDING , The Provincial Governors of Reformation France. Anatomy of a Power Elite (1542-1635), Ann Arbor (Mich.), University Microfilms, 1979 ; Nicolas LE ROUX, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois. 23. Lettre du 17 décembre 1567, in Jean-François LABOURDETTE, op. cit., p. 137. 24. Louis de Nassau et le prince des Deux-Ponts ; tel est du moins l’avis de Jean-François LABOURDETTE, ibid., p. 164. 25. James B. WOOD, op.cit., p. 76. 26. Howell A. LLOYD, The Rouen Campaign (1590-1592). Politics, Warfare and the Early-Modern State. 27. Denise TURREL, Le Blanc de France. La construction des signes identitaires pendant les guerres de Religion (1562-1629), Genève, Droz, coll. Travaux d’Humanisme et Renaissance no 396, 2005. 28. Robert J. KNECHT, op. cit., p. 271.

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29. Le livre de Léonard DAUPHANT, Le Royaume des quatre rivières. L’espace politique français (1380-1515). Préface d’Élisabeth CROUZET-PAVAN, Seyssel, Champ Vallon, coll. Époques, 2012, constitue une remarquable base de réflexion sur ces questions. 30. A.N., K 113, pièce 4. Lettre patente du 6 mai 1622, enregistré au parlement de Bordeaux le 10 mai. 31. Capables de dessiner des plans et de construire les fortifications, les ingénieurs du roi peuvent aussi dresser des cartes. La lettre de commission porte le prénom de Pierre et un Pierre Siette est signalé par Anne BLANCHARD, Les Ingénieurs du « Roy » de Louis XIV à Louis XVI. Étude du corps des fortifications, Montpellier, Université Paul-Valéry, coll. du Centre d’histoire militaire et d’études de défense nationale de Montpellier no 9, 1979, p. 455, mais la BNF conserve un Portrait au vrai de la ville de Cleyrac [Clairac] et du paysage qui est à l’entour, et aussi la représentation des batteries qui s’y font, Paris, Chez Melchior Tavernier, 1621, signé par René Siette qui est vraisemblablement le bénéficiaire de la commande royale. 32. A.E., Mémoires et documents, France, 776, p. 20-22. 33. Sur la commande à Nicolas de Nicolay, voir Jean BOUTIER, Alain DEWERPE, Daniel NORDMAN, Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), p. 48-54. 34. David BUISSERET, « Henri IV et l’art militaire », Avènement d’Henri IV, Quatrième centenaire, Colloque III, Pau-Nérac, p. 333-352, reproduction p. 346. 35. L’Assemblée des notables tenue à Paris ès années 1626 et 1627, par Paul ARDIER, d’après le P. LELONG, Paris, Cardin Besongne, 1652, p. 29. 36. Yves-Marie BERCÉ donne une liste des démantèlements dans le Sud-Ouest de 1610 à 1640 dans Histoire des croquants. Étude des soulèvements populaires au XVIIe siècle dans le SudOuest de la France, Genève, Droz, coll. Mémoires et documents publiés par la Société de l’École des Chartes no 22, 2 vol., 1974, t. I, p. 47-51.

Notes des pages 406 à 416

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XI LA TOUTE-PUISSANCE ET SES LIMITES

1. Commentaires de Blaise de Montluc, Collection complète des mémoires relatifs à l’Histoire de France, Paris, Foucault, 3 vol., 1821-1822, t. II, p. 11. Les sources ne précisent pas où se trouvait le roi à ce moment. 2. Ibid., p. 2. 3. A.G., M.R. 206, no 4, « Relation anonyme de la bataille de Lawfeld », 2 juillet 1747. 4. Jacques Bénigne BOSSUET, Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte, 1re proposition, IVe article du Livre V. 5. Électorats du Palatinat, de Mayence, de Trêves et de Cologne, margraviats de Bade-Durlach et de Baden-Baden, duché de Wurtemberg, nombreuses villes et seigneuries rattachées directement à l’Empire, indépendantes de fait. Voir Charles BOUTANT, L’Europe au grand tournant des années 1680. La succession palatine, Paris, Sedes, coll. Travaux du Centre de recherche sur les civilisations de l’Europe moderne, 1985. 6. Élisabeth-Charlotte, la « Palatine », était la sœur de Charles, dernier représentant de la branche aînée des électeurs palatins, les Simmern. L’électorat ne reconnaissait que la succession masculine. Au nom de Madame et malgré la clause de renonciation contenue dans son contrat de mariage, Louis XIV réclamait des fiefs qui avaient été apportés par des épouses. 7. Innocent XI ne tient pas à favoriser un roi qui réaffirme les libertés de l’Église de France et lui dispute les revenus de tous les évêchés vacants du royaume : affaire de la régale (16821693). 8. LOUIS XIV, sous le titre de « Réflexions sur le métier de roi, 1679 », in Mémoires, édition de Jean LONGNON, Paris, J. Tallandier, 1978, p. 44. 9. Ibid., p. 42. 10. À sa formation, la ligue d’Augsbourg comprend l’empereur, des princes allemands, dont l’électeur de Bavière, la Suède. 11. Journal du marquis de Dangeau, publié en entier pour la première fois par MM. SOULIÉ, DUSSIEUX, DE CHENNEVIÈRES, MANTZ, DE MONTAIGLON, avec les additions inédites du duc DE SAINT-SIMON publiées par M. FEUILLET DE CONCHES, Paris, Firmin Didot, 19 vol., 1854-1860, t. 2, p. 22-23.

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12. Sur une bande d’environ 250 km de long, sur 50 à plus de 100 de large. 13. John A. LYNN, Giant of the Grand Siècle, The French Army (1610-1715) ; Hervé DRÉVILLON, L’Impôt du sang. Le métier des armes sous Louis XIV. Cependant, en plus des 29 754 Suisses, Victor B ELHOMME, dans L’Armée française en 1690, Paris, Baudoin, 1895, dénombre 10 000 Allemands, 6 200 Italiens, 5 000 Irlandais. 14. Consommation estimée à 40 000 rations par jour pour les assiégeants de Philippsbourg. Les soldats paient le pain sur leur solde. Toutes les précisions de ces débuts de campagne se trouvent dans la correspondance de Louvois, A.G., A1 823-825. 15. A.G., A1 825, no 2. 16. Michèle FOGEL, « L’amour de la guerre ou la confiscation. Lettres sur la “désolation” du Palatinat (septembre 1688août 1689) », Nouvelle revue de psychanalyse, no 33, L’Amour de la haine, 1986, p. 263-274 ; « La désolation du Palatinat ou les aléas de la violence réglée (septembre 1688-juin 1689) », Guerre et répression. La Vendée et le monde, textes réunis par JeanClément MARTIN, Nantes, Ouest-Éditions, 1993, p. 111-118. 17. Travaux nouveaux et denses de Jean-Philippe CÉNAT, Le Roi stratège. Louis XIV et la direction de la guerre (1661-1715), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. Histoire, 2010 ; Chamlay. Le stratège secret de Louis XIV, Paris, Belin, coll. Portraits, 2011. 18. Mémoire des raisons qui ont obligé le Roy à reprendre les Armes, et qui doivent persuader toute la Chrétienté des sincères intentions de Sa Majesté, pour l’affermissement de la tranquillité publique, 24 septembre 1688, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1688, BNF, Lb37 3923. 19. A.G., A1 824, pièce 97. 20. Michèle FOGEL, « L’amour de la guerre ou la confiscation. Lettres sur la “désolation” du Palatinat (septembre 1688août 1689) », p. 264. 21. A.G., A1 825, pièce 23, du 4 octobre 1688. 22. Sur la rive droite du Rhin, acquise en 1678 en compensation de Philippsbourg. 23. A.G., A1 824, pièce 117, du 6 octobre 1688. 24. A.G., A1 826, pièce 13, non datée. 25. Les dépenses militaires de 1691 sont évaluées à 99,5 mil-

Notes des pages 416 à 431

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lions de livres, celles de 1692 à 108, in John A. LYNN, op. cit., p. 78. 26. Lettre déjà citée du 4 octobre 1688. 27. En 1691, à propos des contributions levées d’une façon moins systématique en Piémont, il écrit à Catinat : « Il est terrible de brûler des villages pour forcer les peuples à payer la contribution, mais puisque, ni la menace, ni la douceur, ne peut les obliger à payer, il est nécessaire de continuer d’user de rigueur », in John A. LYNN, op. cit., p. 204. 28. A1 824, pièce 119, Louvois au maréchal de Boufflers. 29. A.G., A1 824, pièce 248. 30. Lettre à Louvois du 27 octobre : cette lettre sert toujours de référence, mais à la mi-août Vauban avait été prié de faire un rapport sur les techniques de destruction. 31. Pour Kreutznach dont « Sa Majesté ne veut pas qu’il reste un bâtiment », La Goupillière, intendant, répond le 28 février 1689 à un ordre de Louvois daté du 16, A.G., A1 874. Les travaux sont terminés le 15 avril. 32. A.G. 872, pièce 37, du 13 mars 1689. 33. John A. LYNN, op. cit., indique 380 000 / 255 000 hommes pendant la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714) pour une population d’environ 21,5 millions d’habitants. La proportion est légèrement inférieure dans les autres grands états sauf en Suède. 34. Innocent XII en octobre 1691. 35. Journal du marquis de Dangeau, t. IV, p. 15. 36. Plus de 350 mémoires entre 1690 et 1709 : Jean-Philippe CÉNAT, Le Roi stratège. Louis XIV et la direction de la guerre (1661-1715), p. 182-184. 37. Lettre du 10 août 1691, ibid., p. 185-186. 38. Daniel DESSERT, La Royale. Vaisseaux et marins du Roi Soleil, Paris, Fayard, coll. Nouvelles études historiques, 1996. 39. Pour des raisons de préséance et d’autorité, l’Amiral ne peut être qu’un membre de la famille royale ; Tourville est viceamiral du Ponant, le comte d’Estrées du Levant. 40. Georges TOUDOUZE, La Bataille de la Hougue. 29 mai 1692, édition présentée et commentée par Roger LEPELLEY, Cherbourg-Octeville, Isoète impr., 2003, p. 28. On ne devrait pas exagérer les illusions de Louis XIV sur sa capacité à diriger les mouvements de la Marine : son autorité est inhérente à la fonction royale et se retrouve en Angleterre où les décisions

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d’ensemble sont prises par le roi avec son Inner Cabinet (Conseil privé). 41. Les pertes anglo-hollandaises se montaient à 5 000 hommes hors de combat, les françaises à 1 700 : rapportées au nombre de combattants – plus de 64 000 contre 20 900 –, elles sont sensiblement égales. 42. Cité par Jean-Philippe CÉNAT, Le Roi stratège. Louis XIV et la direction de la guerre (1661-1715), p. 191. 43. Déclaration des Quatre articles adoptée par l’Assemblée du clergé en mars 1682. 44. Le mariage de Charles II avec Anne-Marie de Neubourg en 1689 est resté aussi stérile que le premier avec Marie-Louise d’Orléans. 45. On a vu que lors de la guerre de la ligue d’Augsbourg, Louis XIV attend la quatrième campagne (1691) et ne se déplace plus après 1693. 46. Michèle FOGEL, Les Cérémonies de l’information dans la France du XVIe au milieu du XVIIIe siècle. Entre 1695 et 1710, l’Église finit par consentir à servir de relais à l’ordre royal de célébration à condition qu’il soit accompagné d’un mandement épiscopal. 47. Des ces retournements successifs, le duché de Savoie a gagné des terres et le titre de royaume de Piémont-Sardaigne. 48. Lettre du 1er août 1743, in Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. 1, p. 178. 49. A.G., A1 3138, no 154, à d’Argenson, lettre du 30 juin 1746. 50. Ibid., no 161, le 3 juillet 1746. 51. Ibid., A1 3210, no 177, mémoire du 17 août 1747. 52. Ibid., A1 3041, no 72, lettre du 17 août 1744. 53. Ibid., A1 3090, no 126, à d’Argenson, lettre du 15 avril 1746. 54. Ibid., A1 3210, no 3, au Roi, lettre de juillet 1747. 55. Le terme de Flandres, originellement lié au comté, finit par désigner l’ensemble des Pays-Bas, à l’instar de la Hollande pour les Provinces-Unies. 56. Petit-fils de Jacques II. 57. Ibid., A1 3139, no 5, lettre de juillet 1746. 58. Jean-Pierre BOIS, De la paix des rois à l’ordre des empereurs (1714-1815), Paris, Le Seuil, coll. Points Histoire no 320, 2003, p. 166-68. 59. Louis XVI and the comte de Vergennes : correspondence (1774-1787), p. 236-238.

Notes des pages 431 à 462

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60. Jonathan R. DULL, The French Navy and American Independance. A Study of Arms and Diplomacy (1774-1787). 61. Les Anglais prennent Sainte-Lucie (1778), Saint-Eustache (1781), les Franco-Espagnols la Dominique et la Grenade (1779), Tobago (1781). 62. Il faut au minimum six mois pour que des nouvelles de l’Inde arrivent en Europe. 63. Marie-Thérèse est morte en 1780. 64. Petite somme : le château de Saint-Cloud est acheté pour 15 millions au même moment. 65. Thomas E. KAISER, « From Fiscal Crisis to Revolution. The Court and French Foreign Policy », p. 138-164.

ÉPILOGUE UNE RENCONTRE SINGULIÈRE : 14 JUILLET 1790

1. Tout ce qui suit d’après un recueil de pièces la plupart officielles : Confédération nationale, ou Récit exact & circonstancié de tout ce qui s’est passé à Paris, le 14 juillet 1790, à la fédération, Paris, Jean-Baptiste Garnéry, L’an second de la liberté (1790) ; Joël FÉLIX, Louis XVI et Marie-Antoinette. Un couple en politique. 2. Jusqu’à la dernière minute, Louis XIV a hésité à accorder une entrée à la ville de Paris au moment où il arrive avec sa nouvelle épouse : il voyait plutôt une « cavalcade ». À chacun de ses départs à la guerre jusqu’en 1674, les villes situées sur son trajet lui offrent souvent des entrées qui tiennent plus des hommages que du renouvellement d’un pacte. L’ouvrage le plus récent sur les entrées est celui de Marie-France WAGNER, Louise FRAPPIER, Claire LATRAVERSE, Les Jeux de l’échange, entrées solennelles et divertissements du XVe au XVIIe siècle. 3. Comme dans les processions du Saint-Sacrement. 4. Confédération nationale, ou Récit exact & circonstancié de tout ce qui s’est passé à Paris, le 14 juillet 1790, p. 149. 5. Lettre citée dans Jean-Christian PETITFILS , Louis XVI, p. 734-735. Il s’agit de Charles IV devenu roi d’Espagne en 1788. 6. Confédération nationale, ou Récit exact & circonstancié de tout ce qui s’est passé à Paris, le 14 juillet 1790, p. 103. 7. Lettre du 12 juin 1709, rédigée sans doute par Torcy, mais

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agréée par le roi, in Joël CORNETTE, Chronique du règne de Louis XIV, p. 505. 8. Mona OZOUF, La Fête révolutionnaire (1789-1799), p. 44-74. 9. Confédération nationale, p. 104. 10. Ibid., p. 92.

Index des noms*

* (Établi par Thomas Pogu.)

Abraham (personnage biblique) : 86. ADÉLAÏDE DE FRANCE (fille de Louis XV, dite Madame Adélaïde ; 1732-1800) : 95. AGNÈS (sainte) : 189. ALBE, Fernand Alvare de Tolède, duc d’ (1507-1582) : 393. ALBERT D’AUTRICHE (1559-1621) : 11. ALBON DE SAINT-ANDRÉ, Jacques (vers 1505-1562) : 285. ALBRET, famille : 53, 183. ALBRET, Gabriel d’ (mort en 1504) : 359, 369. ALBRET, Guillaume : 362. ALBRET, Henri, voir HENRI II DE NAVARRE. ALBRET, Jean III de Navarre, duc d’ (1469-1516) : 66. ALBRET, Jeanne d’ (fille de Margueritte de Navarre, mère d’Henri IV ; 1528-1572) : 34-35, 53, 183, 191-192, 306. ALENÇON, Charles II, comte d’ (1297-1346) : 32. ALENÇON, Charles IV de Valois, duc d’ (1489-1525) : 33. ALENÇON, maison d’ : 32-33. ALEXANDRE LE GRAND (roi de Macédoine ; 356 av. J-C. – 323 av. J.-C.) : 283. ALEXANDRE VI (Rodrigo Borgia, pape ; 1431-1503) : 101, 354, 363-364, 367-368, 370, 372. ALPHONSE II DE NAPLES (fils de Ferdinand Ier ; 1448-1495) : 361, 363, 368. ALPHONSE III DE PORTUGAL (1210-1279) : 542. AMBOISE, Georges d’ (cardinal ; 1460-1510) : 186, 258, 385, 517. AMYOT, Jacques (1513-1593) : 192, 200, 513.

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Roi de France

ANGOULÊME, Charles d’Orléans, comte d’ (père de François Ier ; 1459-1496) : 63, 183-184, 517. ANGOULÊME, François d’, voir FRANÇOIS Ier DE FRANCE. ANGOULÊME, Jean d’Orléans, comte d’ (1400-1467) : 32, 185. ANGOULÊME, maison d’ : 32, 113, 128. ANJOU, François de France, duc d’ (François d’Alençon, fils d’Henri II ; 1555-1584) : 10, 36, 77, 101, 117, 137, 182, 190, 192-193, 196, 286, 394, 396-398, 516, 528, 543. ANJOU, Louis Ier de Naples, duc d’ (1339-1384) : 32. ANJOU, maison d’ : 32-33, 355. ANJOU, René, duc d’ (1409-1480) : 349, 353, 356, 361, 537. ANNE D’AUTRICHE (épouse de Philippe II d’Espagne ; 1549-1580) : 78. ANNE D’AUTRICHE (fille de Philippe III d’Espagne, épouse de Louis XIII ; 1601-1666) : 81-84, 86, 89, 99, 103-107, 110, 118121, 129, 141, 165-169, 196-197, 203-204, 209, 235, 251, 319, 321, 345, 408. ANNE DE BRETAGNE (épouse de Charles VIII puis de Louis XII ; 1477-1514) : 51, 65-71, 80, 96-97, 100-102, 108-111, 113-114, 123, 128, 130-131, 138, 145, 153, 182, 186-188, 223, 225, 231232, 234, 261, 352, 365, 386. ANNE DE FRANCE (Anne de Beaujeu ; fille de Louis XI ; 14611522) : 33, 65-66, 136, 149, 186-187, 305, 353, 381. ANNEBAULT, Claude, amiral d’ (vers 1495-1552) : 179, 304-305, 412. ANNE-MARIE (sœur calvairienne) : 119. ANTOINE Ier DE PORTUGAL (1531-1595) : 542. ARAGON, Alphonse V d’ (1394-1458) : 349. ARAGON, Catherine d’ (épouse d’Henri VIII ; 1485-1536) : 227. ARAGON, Jean d’ (fils de Ferdinand II d’Aragon ; 1478-1497) : 506. ARGENSON, Marc-Pierre de Voyer de Paulmy, comte d’ (16961764) : 413, 438-440. ARISTOTE (384 av. J.-C. – 322 av. J.-C.) : 181, 220-221, 247. ARNOUX, Jean (père jésuite, confesseur de Louis XIII ; 15761636) : 106. ARTOIS, comte d’, voir CHARLES X DE FRANCE. AUGUSTE II DE POLOGNE (Frédéric-Auguste Ier de Saxe ; 16701733) : 60-61, 438-439. AUGUSTE III DE POLOGNE (électeur de Saxe ; 1696-1763) : 94, 438, 442.

Index des noms

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AUGUSTIN D’HIPPONE (saint ; 354-430) : 341. AUMALE, Charles Ier de Lorraine, duc d’ (1555-1631) : 503. AUVERGNE, Charles d’Angoulême, comte d’ (Grand Prieur de France ; 1573-1650) : 42, 79. BAILLY, Jean Sylvain (1736-1793) : 457. BAJAZET II (sultan ottoman ; 1447-1512) : 351, 367, 540. BALSAC, Robert de (vers 1440-1503) : 384. BAR, Henri II de Lorraine, duc de (1563-1624) : 44. BARBEZIEUX, Louis-François-Marie Le Tellier, marquis de (fils de Louvois ; 1668-1701) : 426-427. BARBIANO, Carlo di (ambassadeur de Milan) : 357. BARRY, Jeanne Bécu, comtesse du (1743-1793) : 293, 328. BASCHI, Perron de (mort en 1501) : 353-354. BASSOMPIERRE, François de (maréchal ; 1579-1646) : 241. BAVIÈRE, Anne de (épouse de Henri-Jules de Bourbon-Condé ; 1648-1723) : 92. BAVIÈRE, Charles-Albert de, voir CHARLES VII DU SAINT EMPIRE. BAVIÈRE, Édouard de Wittelsbach-Simmern, prince-électeur de (1625-1663) : 92. BAVIÈRE, Élisabeth-Charlotte de (dite la princesse Palatine, épouse de Philippe d’Orléans ; 1652-1722) : 92, 277, 414-415, 508, 545. BAVIÈRE, Marie-Anne-Victoire de (épouse du Grand Dauphin, Louis de France ; 1660-1690) : 92, 100, 111, 126-127, 281. BAVIÈRE, Maximilien-Emmanuel, duc de (1662-1726) : 432-433, 435. BEAUJEU, Anne de, voir ANNE DE FRANCE. BEAUJEU, Pierre de (Pierre II de Bourbon, comte de Clermont ; 1438-1503) : 33, 67, 136, 186-187, 305, 353, 355, 359, 365, 368, 371-373, 375, 381-382, 540. BEAUJOYEUX, Balthazard de (vers 1535-vers 1587) : 239. BEAUVILLIERS, Paul, duc de (1648-1714) : 327. BENOÎT XIII (Pedro de Luna, pape ; 1649-1730) : 59. BENTIVOGLIO, Guido (cardinal ; 1577-1644) : 106. BERNAGE, Louis (aumônier de Louis XIII) : 119. BERRY, Charles de France, duc de (fils du Grand Dauphin ; 1686-1714) : 34, 41, 45, 127. BERTIN, Marie-Jeanne Bertin, dite Rose (marchande de modes ; 1747-1813) : 253. BÉRULLE, Pierre de (cardinal ; 1575-1629) : 320.

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Roi de France

BESSAY, Antoine de (bailli de Dijon) : 358. BÈZE, Théodore de (théologien protestant ; 1519-1605) : 183, 517. BLAISE (saint) : 137. BLANCHE DE FRANCE (fille de Philippe V ; 1313-1358) : 24, 145. BODIN, Jean (juriste ; 1529-1596) : 161, 164. BONNAY, Charles-François, marquis de (1750-1825) : 458. BONREPAUS, François d’Husson, marquis de (vers 1654-1719) : 429, 431. BORGIA, Juan de (cardinal ; 1446-1503) : 363. BOSSUET, Jacques-Bénigne (1627-1704) : 180, 201, 413. BOUCHAGE, Imbert de Batarnay, seigneur de (chambellan de François Ier ; 1438-1523) : 124. BOUFFLERS, Louis François, duc de (maréchal ; 1644-1711) : 420. BOUILLON, Godefroy de (vers 1058-1100) : 240. BOURBON, Antoine de, voir VENDÔME, Antoine de Bourbon, duc de. BOURBON, Catherine de (sœur d’Henri IV ; 1559-1604) : 14, 44, 53-54. BOURBON, Charles Ier de (1401-1456) : 32. BOURBON, Charles Ier de (archevêque de Rouen ; 1523-1590) : 139, 503. BOURBON, Charles III, duc de (connétable ; 1490-1527) : 33-34, 52, 75, 308, 310. BOURBON, Françoise-Marie de (fille légitimée de Louis XIV ; 1677-1749) : 44, 58. BOURBON, Jean II de (connétable ; 1426-1488) : 305. BOURBON, Louis de (fils légitimé de Louis XIV ; 1667-1783) : 44. BOURBON, Louis-César de (fils légitimé de Louis XIV ; 16721683) : 44. BOURBON, Louise-Françoise de (fille légitimée de Louis XIV ; 1673-1743) : 44. BOURBON, Louise-Marie-Anne de (fille légitimée de Louis XIV ; 1674-1681) : 44. BOURBON, Marie-Anne de (fille légitimée de Louis XIV ; 16661739) : 44. BOURBON, Marie-Antoinette de (fille de Philippe V d’Espagne ; 1729-1785) : 93. BOURBON, Mathieu, dit le Grand Bâtard de (mort en 1505) : 380, 385. BOURBON, Pierre de, voir BEAUJEU, Pierre de.

Index des noms

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BOURBON, Suzanne de (fille d’Anne de France ; 1491-1521) : 33, 52. BOURBON-CONDÉ, Louise-Bénédicte de (petite-fille du Grand Condé ; 1676-1753) : 44. BOURBON-CONDÉ, Louis VI Henri de (1756-1830) : 448. BOURBON-MONTPENSIER, maison de, voir MONTPENSIER, maison de. BOURBONS, maison des : 32-35, 39-40, 59, 80, 92, 94-95, 141, 169, 182, 186, 192, 203, 207, 209, 247, 296, 301, 305, 334, 339, 345, 359, 445, 456, 459, 461, 502-503. BOURBON-VENDÔME, Antoinette de (1494-1583) : 35, 503. BOURBON-VENDÔME, Louis de (cardinal ; 1493-1557) : 311. BOURBON-VENDÔME, maison de, voir VENDÔME, maison de. BOURBON-VENDÔME, Marguerite de (épouse de François Ier de Nevers ; 1516-1559) : 235. BOURGOGNE, Béatrice de (épouse de Robert de Clermont ; 12571310) : 32. BOURGOGNE, duchesse de, voir SAVOIE, Marie-Adélaïde, princesse de. BOURGOGNE, Jeanne de (1293-1349) : 64. BOURGOGNE, Louis de France, duc de (duc de Bourgogne, fils du Grand Dauphin ; 1682-1712) : 92, 98-99, 111, 180, 249, 327. BOURGOGNE, maison de : 32, 63-64. BOURGOGNE, Marie de (fille de Charles le Téméraire ; 14571482) : 33, 63-65. BOURSIER, Louise Bourgeois, dite la (sage-femme ; 1563-1636) : 13-15, 110, 501. BOUVARD, Charles (médecin de Louis XIII ; 1572-1658) : 119. BRANTÔME, Pierre de Bourdeille, dit (vers 1540-1614) : 240, 244. BRESSE, Philippe de, voir SAVOIE, Philippe II de. BRÉZÉ, Louis de (1463-1531) : 532. BRIÇONNET, Guillaume (cardinal ; 1445-1514) : 353, 355, 360361, 368, 375, 384-385. BRIÇONNET, Robert (évêque ; 1450-1497) : 355. BRISSAC, Charles Ier de Cossé, comte de (1505-1563) : 238. BROGLIE, Victor-François de (maréchal ; 1718-1804) : 448. BUCKINGHAM, George Villiers, duc de (1592-1628) : 118. BUEIL, Jacqueline de (maîtresse d’Henri IV ; 1588-1651) : 43. CAIAZZO, Gianfrancesco Sanseverino, comte de (mort en 1502) : 378.

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CALONNE, Charles Alexandre de (1734-1802) : 334. CALVIN, Jean (1509-1564) : 517. CAPET, Hugues (vers 940-996) : 23, 31, 215. CAPÉTIENS, maison des : 37. CARON, Antoine (1521-1599) : 238. CASTRIES, Charles Eugène Gabriel de La Croix de (maréchal ; 1727-1801) : 450. CATHERINE II DE RUSSIE (1729-1796) : 449. CATO, Angelo (médecin de Louis XI) : 347. CAUSSIN, Nicolas (confesseur de Louis XIII) : 119. CAVALLI, Marino (ambassadeur) : 175-179, 238, 304-305. CAYLUS, Marthe-Marguerite Le Valois de Villette de Mursay, marquise de (1672-1729) : 508. CHAMARANDE, Pierre Mérault, sieur de (secrétaire de Louis XIV) : 280, 527. CHAMILLART, Michel (1652-1721) : 326. CHAMLAY, Jules Louis Bolé, marquis de (1650-1719) : 417, 419421, 423, 427-429, 432. CHAMPAIGNE, Philippe de : 121, 230. CHAPELLE-MARTEAU, Michel (président du Tiers état aux États généraux de Blois ; mort vers 1603) : 318. CHARLEMAGNE, Charles Ier le Grand, dit (742-814) : 26, 37, 150, 213, 215-217, 247, 351, 363. CHARLES D’AUTRICHE (don Carlos ; 1545-1568) : 77. CHARLES Ier D’ANGLETERRE (1600-1649) : 91, 523. CHARLES Ier DE SICILE (Charles d’Anjou, frère de saint Louis ; 1226-1285) : 537. CHARLES II D’ANGLETERRE (1630-1685) : 91, 524. CHARLES II D’ESPAGNE (1661-1700) : 435. CHARLES II DU PALATINAT (1651-1685) : 545. CHARLES III D’ESPAGNE (1716-1788) : 445-450. CHARLES IV DE FRANCE (fils de Philippe le Bel ; 1294-1328) : 24, 224. CHARLES IV D’ESPAGNE (1748-1819) : 460, 549. CHARLES IX DE FRANCE (fils d’Henri II ; 1550-1574) : 9-10, 34, 36, 42, 52, 75, 77-79, 100, 105, 111, 125, 129, 137, 145, 147, 154155, 157, 159, 163, 180, 182, 189-192, 196, 200, 202-207, 211, 213, 228, 239, 257, 264-265, 314, 393-397, 401, 403, 409, 428, 510, 517, 525. CHARLES LE TÉMÉRAIRE, Charles de Valois-Bourgogne, dit (14331477) : 33, 63.

Index des noms

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CHARLES QUINT, Charles de Habsbourg, dit (1500-1558) : 33, 42, 52, 70, 72-74, 76, 100, 103, 156, 175, 182, 186, 198-200, 223, 228, 261-263, 283, 308, 310, 387, 389, 412, 531. CHARLES V DE FRANCE (1338-1380) : 24, 32, 153, 213, 215, 220, 224, 262, 264, 307, 529. CHARLES VI DE FRANCE (1358-1422) : 25, 32, 49, 145-146, 222, 339-340, 535. CHARLES VI DU SAINT EMPIRE (1685-1740) : 61, 340, 535. CHARLES VII DE FRANCE (1403-1461) : 25-27, 29, 49, 146, 260, 310, 399, 537. CHARLES VII DU SAINT EMPIRE (Charles-Albert de Bavière ; 16971745) : 340, 441. CHARLES VIII DE FRANCE (Charles de Valois ; 1470-1498) : 21, 2829, 34, 47, 63, 65-68, 96-97, 100, 102, 111-113, 123, 129-130, 136, 144-148, 152, 182, 186-188, 195, 198, 210-212, 231, 256257, 259-260, 297, 305-307, 347-359, 361-369, 371-387, 389391, 519, 536, 538-539. CHARLES X DE FRANCE (comte d’Artois ; 1757-1836) : 46, 95, 107, 127, 196, 448, 458. CHARLES XII DE SUÈDE (1682-1718) : 60. CHARLES-ORLAND DE FRANCE (fils de Charles VIII ; 1492-1495) : 102, 113, 187-188, 382, 387. CHARTRES, Louis-Philippe d’Orléans, duc de (petit-fils du régent Philippe d’Orléans ; 1725-1785) : 46. CHÂTEAUROUX, Marie-Anne de Mailly-Nesle, duchesse de (17171744) : 292. CHOISEUL, Étienne-François, comte de (1719-1785) : 94, 293, 329. CHRISTINE DE FRANCE (fille d’Henri IV ; 1606-1663) : 44, 85, 107. CHRISTINE DE SUÈDE (1626-1689) : 41, 88. CHRYSOSTOME (supérieur des Pères Augustins de Paris) : 120. CINQ-MARS, Henri Coiffier de Ruzé d’Effiat, marquis de (16201642) : 288, 512. CLAUDE (saint) : 114, 137. CLAUDE DE FRANCE (fille de Louis XII ; épouse de François Ier ; 1499-1524) : 52, 69-71, 100, 103, 109, 111, 113-114, 123-124, 127, 138, 186, 188, 196, 223, 225, 227, 231-232. CLAUDE DE FRANCE (fille d’Henri II et Catherine de Médicis ; 1547-1575) : 77-78, 506. CLÉMENT, Jacques (moine, assassin d’Henri III ; 1567-1589) : 139.

560

Roi de France

CLÉMENT VII (Jules de Médicis, pape ; 1478-1534) : 73-74, 223, 228, 506. CLÉMENT VIII (Ippolito Aldobrandini, pape ; 1536-1605) : 81. CLÉMENT XI (Gianfrancesco Albani, pape ; 1649-1721) : 330. CLERMONT, Robert de (vers 1256-1317) : 32, 38. CLÈVES, Marie de (mère de Louis XII ; 1426-1487) : 182, 188189. CLOTILDE DE FRANCE (épouse de Charles-Emmanuel IV de Sardaigne ; 1759-1802) : 95. CLOVIS Ier (vers 466-511) : 21, 23, 26, 169, 212. COIGNY, François de Franquetot, comte de (1670-1759) : 413. COLBERT DE CROISSY, Charles (1625-1696) : 326. COLBERT DE TORCY, Jean-Baptiste (1665-1746) : 133, 326, 511, 549. COLBERT, Jean-Baptiste (1619-1683) : 244, 271-273, 275, 326, 332, 426, 429, 511. COLBERT, Marie Charron, épouse (1630-1687) : 271. COLIGNY, Gaspard de (vers 1470-1522) : 191-192, 194, 207, 396, 542. COLIGNY, Gaspard II de (1519-1572) : 397. COLOMA, Pedro (1587-1656) : 86-87. COLONNA, famille : 364, 367. COMMYNES, Philippe de (1447-1511) : 347-349, 355, 372, 375, 379-380, 385, 389. CONCINI, Concino (maréchal, 1575-1617) : 106, 204, 209, 240, 287, 319-320. CONDÉ, Henri Ier de Bourbon, prince de (fils de Louis Ier de Bourbon-Condé ; 1552-1588) : 192-193. CONDÉ, Henri II de Bourbon, prince de (1588-1646) : 40, 83, 141, 159, 166. CONDÉ, Henri-Jules de Bourbon, prince de (fils du Grand Condé ; 1643-1709) : 92. CONDÉ, Louis Ier de Bourbon, prince de (1530-1569) : 35-36, 154-155, 191-192, 206, 264, 321, 323, 517. CONDÉ, Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand (duc d’Enghien ; 1621-1686) : 41, 44, 84, 86, 88, 92, 243, 428. CONDÉ, Louis III de Bourbon, prince de (petit-fils du Grand Condé ; 1668-1710) : 44. CONDÉ, Louis IV Henri de Bourbon, prince de (1692-1740) : 5960. CONDÉ, maison de : 35, 40.

Index des noms

561

Connétable, voir BOURBON, Charles III, duc de. CONTARINI, Alvise (doge de Venise ; 1601-1684) : 117. CONTARINI, Zaccaria (ambassadeur vénitien ; 1452-1513) : 109, 195. CONTI, Armand de Bourbon, prince de (1629-1666) : 40, 44. CONTI, François de Bourbon, prince de (1558-1614) : 11, 14, 36, 39-40. CONTI, Louis-Armand Ier de Bourbon, prince de (1661-1685) : 44. CONTI, Louis-Armand II de Bourbon, prince de (1695-1727) : 142. CONTI, Louise-Marguerite de Lorraine, princesse de (15881631) : 111. CONTI, Louis-François de Bourbon, prince de (1717-1776) : 442. CONTI, maison des : 40. CORNEILLE, Pierre (1606-1684) : 246. CORNWALLIS, Charles (1738-1805) : 451. CRÉMILLES (maréchal des logis) : 413. CRÈVECŒUR, maréchal de, voir ESQUERDES, Philippe de Crèvecœur d’. CROŸ-SOLRE, Emmanuel, duc de (1718-1784) : 289, 291, 293, 329. CUMBERLAND, William Augustus, duc de (fils de George II ; 17211765) : 344, 436, 440. DAMMARTIN, Antoine de Chabannes, comte de (1408-1488) : 101. DANGEAU, Philippe de Courcillon, marquis de (1638-1720) : 248249, 427, 432. David (roi biblique) : 311, 349. DELL’ABATE, frères : 237. DELLA ROVERE, cardinal, voir JULES II (pape). DELLA ROVERE, famille : 74, 367. DENYS L’ARÉOPAGITE (personnage biblique) : 144. DESMOULINS DE ROCHEFORT, François (aumônier de François Ier ; meurt en 1526) : 184, 189. DIANE DE POITIERS (1500-1566) : 105, 196, 232, 240, 258, 283. DJEM (frère de Bajazet II ; 1459-1495) : 351, 368. DON FELIPPE (fils de Philippe V d’Espagne), voir PARME, Philippe Ier de. DORSET, Thomas Grey, marquis de (1477-1530) : 226. DREUX-BRÉZÉ, Henri-Évrard, marquis de (1762-1829) : 294.

562

Roi de France

DUNOIS, François Ier d’Orléans-Longueville, comte de (14471491) : 186, 517. DUNOIS, Jean de (1402-1468) : 517. DUPRAT, Antoine (chancelier ; 1463-1535) : 532. DURAS, Jacques-Henri de Durfort, duc de (maréchal, 16251704) : 418-419, 423, 428. DURFORT, Emmanuel-Félicité de (1715-1789) : 94. ÉDOUARD II D’ANGLETERRE (1284-1327) : 24. ÉDOUARD III D’ANGLETERRE (1312-1377) : 24. ÉDOUARD LE CONFESSEUR (roi d’Angleterre ; vers 1004-1066) : 144, 503. ELBEUF, Charles Ier de Lorraine, duc d’ (1556-1605) : 503. ELBEUF, Charles II de Lorraine, duc d’ (1596-1657) : 44. ÉLISABETH D’AUTRICHE (fille de Maximilien II, épouse de Charles IX ; 1554-1592) : 10, 78, 100, 110-111, 137, 206, 233235, 251. ÉLISABETH DE FRANCE (fille d’Henri II, épouse de Philippe II d’Espagne ; 1545-1568) : 38, 77, 81, 183, 191, 206, 223. ÉLISABETH DE FRANCE (fille d’Henri IV, épouse de Philippe IV d’Espagne ; 1602-1644) : 44, 81-84, 112. ÉLISABETH DE FRANCE (sœur de Louis XVI, dite Madame Élisabeth ; 1764-1794) : 95. ÉLISABETH Ire D’ANGLETERRE (1533-1603) : 11, 77, 165, 206, 266, 316, 396, 398, 405. Énée (fondateur mythique de Rome) : 22. ENGHIEN, duc d’, voir CONDÉ, Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand. ENGHIEN, François de Bourbon, comte d’ (1519-1546) : 412. ÉPERNON, Jean Louis de Nogaret de La Valette, duc d’ (15541642) : 267-268, 286-287. ESQUERDES, Philippe de Crèvecœur d’ (maréchal ; 1418-1494) : 355, 360. ESSARTS, Charlotte des (maîtresse d’Henri IV ; 1580-1651) : 43. ESSEX, Robert Devereux, comte d’ (1565-1601) : 405. ESTAING, Charles Henri, comte d’ (1729-1794) : 449. ESTE, Anne d’ (duchesse de Nemours ; 1531-1607) : 14, 35. ESTE, Hercule II d’ (duc de Ferrare ; 1508-1559) : 505. ESTRÉES, Gabrielle d’ (vers 1593-1599) : 11, 14, 42-43, 102, 105, 196, 284. ESTRÉES, Victor-Marie d’ (1660-1737) : 547.

Index des noms

563

ÉTAMPES, Anne de Pisseleu, duchesse d’ (maîtresse de François Ier ; vers 1508-vers 1575) : 153, 236, 258, 283. FARNÈSE, Alexandre (1545-1592) : 405. FARNÈSE, Élisabeth (épouse de Philippe V d’Espagne ; 16921766) : 93. FERDINAND D’AUTRICHE (gouverneur des Pays-Bas espagnols, cardinal ; 1609-1641) : 118. FERDINAND Ier DE NAPLES (Ferrante d’Aragon ; 1423-1494) : 113, 349-351, 355, 361, 383. FERDINAND Ier DU SAINT EMPIRE (frère de Charles Quint ; 15031564) : 156, 263, 506. FERDINAND II D’ARAGON (époux d’Isabelle Ire de Castille ; 14521516) : 66, 69-70, 76, 80, 182, 352, 354, 371, 506. FERDINAND II DE NAPLES (fils d’Alphonse II ; 1469-1496) : 364, 367-369, 383. FERDINAND III DU SAINT EMPIRE (1608-1657) : 85. FERDINAND IV DU SAINT EMPIRE (1633-1654) : 84-85. FERRAND D’ARAGON, voir FERDINAND Ier DE NAPLES. FERRANDINO, voir FERDINAND II DE NAPLES. FIACRE (frère augustin) : 120-121. FIACRE (saint) : 118. FLEURY, André Hercule, cardinal de (1653-1743) : 210, 328-329, 333, 339, 343. FOIX, Jean de (1450-1500) : 359, 376. FOIX, Marguerite de (épouse de François II de Bretagne ; vers 1458-1486) : 66. FOUQUET, Nicolas (1615-1680) : 271-272, 325-326. FOURQUEVAUX (ambassadeur de Charles IX auprès de Philippe II) : 393. Francion (personnage mythique) : 22. FRANÇOIS D’ASSISE (saint ; vers 1181-1226) : 113. FRANÇOIS DE PAULE (saint ; 1416-1507) : 112-115, 136, 183, 350, 352. FRANÇOIS Ier DE FRANCE (François d’Angoulême ; 1494-1547) : 17, 33-35, 52, 70-75, 100, 103, 105, 109, 111, 114-115, 124, 128, 131, 138, 140, 145-146, 148, 150, 153-154, 163, 175-179, 181186, 188-189, 195-200, 208, 210, 223, 225, 227-228, 232-234, 236, 238, 244, 256-264, 281, 283, 285, 299-302, 304-310, 314, 387-391, 412. FRANÇOIS Ier DU SAINT EMPIRE (1708-1765) : 442, 535.

564

Roi de France

FRANÇOIS II DE BRETAGNE (1433-1488) : 65-66, 352. FRANÇOIS II DE FRANCE (fils d’Henri II ; 1544-1560) : 34-36, 7577, 98, 109, 111, 124, 129, 137, 140, 145, 148, 154-155, 196, 200, 203, 211. FRANÇOIS II GONZAGUE (marquis de Mantoue ; 1466-1519) : 375, 377-381, 383, 385, 540. FRANÇOIS III DE BRETAGNE (Dauphin de France, fils de François Ier ; 1518-1536) : 17, 72, 75, 123-124, 196, 198-199. FRANÇOISE-JOSÈPHE DE BRAGANCE (Infante de Portugal ; 16991736) : 60. FRÉDÉGAIRE (auteur du Liber Historiae Francorum) : 27. FRÉDÉRIC II DE PRUSSE (1712-1786) : 94, 340, 344, 436, 440, 442, 453. FRÉDÉRIC III DU SAINT EMPIRE (1415-1493) : 64, 68, 363, 504-505. FRÉDÉRIC-GUILLAUME Ier DE PRUSSE (1688-1740) : 60. FRÉDÉRIC-GUILLAUME II DE PRUSSE (1744-1797) : 453. FREDERICO (oncle d’Alphonse II de Naples) : 361. FREGOSO, Cesare (vers 1500-1541) : 236, 238. FREGOSO, Paolo (vers 1428-1498) : 373. FROISSART, Jean (vers 1337-vers 1404) : 505. GALIGAÏ, Leonora Dori, dite (femme d’honneur de Marie de Médicis ; 1571-1617) : 125. GEORGE Ier DE GRANDE-BRETAGNE (1660-1727) : 60. GEORGE II DE GRANDE-BRETAGNE (1683-1760) : 94, 340, 344, 436, 440. GEORGE III DU ROYAUME-UNI (1738-1820) : 330, 435, 448, 453. GIÉ, Pierre de Rohan, maréchal de (1451-1513) : 109, 184, 355, 358, 368, 374, 376, 378, 380, 385. GONDI, Pierre de (évêque de Paris ; 1533-1616) : 163. GONZAGUE, Alda de : 358. GONZAGUE, Francesco de, voir FRANÇOIS II GONZAGUE. GONZAGUE, Rodolfo (oncle de François II Gonzague ; 14511495) : 377, 379-380. GOUFFIER DE BOISY, Artus (1474-1519) : 184, 305. GOUFFIER DE BOISY, Guillaume (vers 1482-1525) : 305, 318. GRAMONT, Roger de (1444-1519) : 359. Grand Dauphin, voir LOUIS DE FRANCE (1661-...). Grande Dauphine, voir BAVIÈRE, Marie-Anne-Victoire de. GRASSE, François Joseph Paul, comte de (1722-1788) : 450-451. GRAVILLE, Louis Malet de (amiral ; 1438-1516) : 355, 368.

Index des noms

565

GRÉMONVILLE, chevalier (conseiller de Louis XIV) : 90, 507. GRIBEAUVAL, Jean-Baptiste Vaquette de (1715-1789) : 447. GUÉMÉNÉ, Victoire Armande Josèphe de Rohan, dite Madame de (1743-1807) : 335. GUERCHEVILLE, Antoinette de Pons, marquise de (vers 15601632) : 14, 125. GUICHE, Diane d’Andoins, dite la belle Corisande, comtesse de (maîtresse d’Henri IV ; 1554-1621) : 194. GUILLARD, Charles (1457-1537) : 308-309, 317-318. GUISE, Charles de Lorraine, duc de (1571-1640) : 38, 241. GUISE, Claude de Lorraine, duc de (1496-1550) : 35. GUISE, François Ier de Lorraine, duc de (1520-1563) : 35, 76, 241, 265. GUISE, Henri Ier de Lorraine, duc de (dit le Balafré, 1549-1588) : 37-38, 117, 190, 265, 318, 402-404. GUISE, Louis d’Armagnac, comte de (1472-1503) : 359, 368. GUISE, Louis II de Lorraine, cardinal de (1555-1588) : 37, 503. GUISE, maison de : 35, 37, 43, 117, 139, 154, 203, 265, 283, 286287, 302, 314, 394, 398, 404, 533. GUISE, Marie de (1515-1560) : 76. HABSBOURG, Éléonore de (sœur de Charles Quint, épouse de François Ier ; 1498-1558) : 100, 103, 111, 128, 199, 233, 235, 283. HABSBOURG, maisons de : 38, 42, 69-70, 72, 78, 80-81, 83, 90, 92, 94, 118, 149, 188, 232, 263, 281, 305, 321, 323, 387, 399, 411, 415, 435-436, 445, 526, 535. HANOVRE, dynastie des : 442. HARO, don Luis de (1598-1661) : 86-88. HAUTEFORT, Marie de (1616-1691) : 119. Hector (personnage mythologique) : 22. HENRI II DE FRANCE (duc d’Orléans, fils de François Ier ; 15191559) : 11, 34-36, 71, 73-77, 98, 102, 105, 108, 111, 115, 129, 134, 140, 145-147, 153-154, 163, 186, 196, 198-200, 210-211, 215, 217, 232, 236, 238, 240-241, 254, 256-260, 262-265, 283, 285, 290, 313, 389, 532. HENRI II DE NAVARRE (Henri d’Albret, grand-père d’Henri IV ; 1503-1555) : 182-183, 236. HENRI III DE FRANCE (Édouard Alexandre de France, duc d’Anjou ; 1551-1589) : 10, 34, 36-38, 42, 53, 61, 75, 77-79, 100-101, 103, 111, 115-117, 135, 137, 139, 155, 158, 182,

566

Roi de France

190-193, 195-196, 205-207, 211, 223, 233-234, 237-238, 245, 247, 255, 264-270, 274, 278-279, 286-287, 290, 314-318, 322, 326, 394, 397-398, 400, 402-405, 409, 508-509, 513-514, 516, 525, 529. HENRI IV DE FRANCE (Henri III de Bourbon, roi de Navarre ; 1553-1610) : 9-15, 17, 36, 38-40, 42-44, 53-56, 61, 79-82, 101102, 105, 111-112, 123, 125, 128-129, 135, 137, 139, 147, 157159, 161, 166, 169, 181-183, 186, 189-197, 207, 211, 213, 215, 217, 233, 235, 238-239, 273, 281, 283-284, 302, 315, 323-324, 344-345, 399, 402-406, 409, 459, 463, 508, 519. HENRI V D’ANGLETERRE (1387-1422) : 26, 145-146. HENRI VI D’ANGLETERRE (1421-1471) : 146. HENRI VII D’ANGLETERRE (1457-1509) : 66, 352, 540. HENRI VIII D’ANGLETERRE (1491-1547) : 71, 146-147, 199, 223, 225-228, 257, 264, 512. HENRIETTE D’ANGLETERRE (épouse de Philippe d’Orléans ; 16441670) : 91, 321, 507. HENRIETTE MARIE DE FRANCE (épouse de Charles Ier d’Angleterre ; 1609-1669) : 91, 118. HÉROARD, Jean (médecin ; 1551-1628) : 14-15, 106, 111, 137, 518. HINCMAR (archevêque de Reims ; mort en 882) : 212. HOMÈRE : 308. HURAULT DE CHEVERNY, Philippe (1528-1599) : 12. INNOCENT IV (Sinibaldo de Fieschi, pape ; vers 1180-1254) : 351. INNOCENT VIII (Giovani Battista Cibo, pape ; 1432-1492) : 68. INNOCENT XI (Benedetto Odescalchi, pape ; 1611-1689) : 414, 545. INNOCENT XII (Antonio Pignatelli, pape ; 1615-1700) : 434, 547. Isaac (personnage biblique) : 27, 86. ISABEAU DE BAVIÈRE (1371-1435) : 25, 292. ISABEAU DE BRETAGNE (1478-1490) : 65, 505. ISABELLE DE FRANCE (fille de Philippe V ; 1312-1348) : 24. ISABELLE D’ESPAGNE (Isabelle Claire Eugénie de Habsbourg ; 1566-1633) : 11, 38, 81. ISABELLE Ire DE CASTILLE (épouse de Ferdinand II d’Aragon ; 1451-1504) : 69, 80, 352, 506.

Index des noms

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Jacob (personnage biblique) : 27. JACQUES II D’ANGLETERRE (1633-1701) : 415, 425-426, 429-431, 434, 548. JACQUES V D’ÉCOSSE (1512-1542) : 35, 76. JEAN Ier DE BOURGOGNE, dit Jean sans Peur (1371-1419) : 25, 232. JEAN Ier DE FRANCE (fils de Louis X ; 1316-1316) : 23. JEAN II DE FRANCE (1319-1364) : 32. JEANNE DE FRANCE (fille de Philippe V ; 1308-1347) : 24. JEANNE DE FRANCE (fille de Louis XI, épouse de Louis XII ; 14641505) : 32-33, 64, 68, 100-101, 182, 184, 186-187. JEANNE II DE NAPLES (1373-1435) : 537. JEANNE II DE NAVARRE (1311-1349) : 23-24. JEANNE Ire DE CASTILLE (épouse de Philippe Ier de Castille ; 14791555) : 69, 223-225, 231, 506. JÉSUS-CHRIST : 9, 98, 119, 121, 142, 189, 212, 222, 290, 311, 349. JOSEPH Ier DU SAINT EMPIRE (1678-1711) : 340, 535. JOSEPH II DU SAINT EMPIRE (1741-1790) : 107, 129, 445, 452. Josué (personnage biblique) : 410. JOUANNA, Arlette : 392. JOYEUSE, Anne, duc de (1560-1587) : 238, 245, 267-268, 286-287, 302, 402-403. JUAN D’AUTRICHE (fils illégitime de Charles Quint ; vers 15461578) : 42. JULES CÉSAR (100 av. J.-C. – 44 av. J.-C.) : 22, 308. JULES II (Giuliano della Rovere, pape ; 1443-1513) : 367, 540. LA CHÂTRE, Claude de (mort en 1499) : 377. LA FAYETTE, Gilbert du Motier, marquis de (1757-1834) : 459461, 463. LA FAYETTE, Louise-Angélique Motier de (favorite de Louis XIII ; 1618-1655) : 119. LA GOUPILLIÈRE, Antoine Bergeron de (1643-1720) : 420, 547. LA GRANGE, Jacques de (intendant d’Alsace) : 420, 423. LA GUESLE, Jacques de (1557-1612) : 513. LA MARCHE, Jacques Ier de Bourbon, comte de (1321-1362) : 32, 38. LA MARCHE, Jean Ier de Bourbon, comte de (1344-1393) : 32. LA MARE, Nicolas de (1639-1723) : 246. LA MARK, Robert III de (1491-1536) : 388. LANCASTER, maison de : 34. LA NOUE, François de (1531-1591) : 194, 240.

568

Roi de France

LA PALICE, Jacques II de Chabannes de (1470-1525) : 359. LA ROCHE-SUR-YON, Louis de Bourbon-Vendôme, prince de (1473-1520) : 34. LASSONNE, Joseph Marie François de (médecin de Louis XVI ; 1717-1788) : 108. LA TOUR D’AUVERGNE, Anne de (1495-1524) : 73, 75. LA TOUR D’AUVERGNE, Madeleine de (épouse de Laurent II de Médicis ; 1498-1519) : 73, 75, 542. LA TOUR D’AUVERGNE, maison de : 73, 79. LA TRÉMOILLE, Louis II de (1460-1525) : 358, 377, 380, 385, 540. LA VALLIÈRE, Louise de La Baume Le Blanc, duchesse de (maîtresse de Louis XIV ; 1644-1710) : 44, 284. LA VAUGUYON, Antoine de Quelen, duc de (1706-1772) : 201. LA VIGNE, André de (vers 1470-1526) : 365. LE BRUN, Charles (peintre ; 1619-1690) : 274. LEMAIRE DE BELGES, Jean (1473-1524) : 149. LEMAÎTRE, Jean (président du Parlement de Paris ; mort en 1596) : 39, 45-46, 49. LE NÔTRE, André (paysagiste ; 1613-1700) : 272, 274-275. LÉON X (Jean de Médicis, pape ; 1475-1521) : 72-74, 115, 301. LÉOPOLD Ier DU SAINT EMPIRE (1640-1705) : 85, 90, 92, 414-415, 418-419, 422, 425, 433, 435. LE PELETIER, Claude (1631-1711) : 326. LESCOT, Pierre (architecte ; 1515-1578) : 264. LESCOT, Richard (historiographe) : 26-27. LESDIGUIÈRES, François de Bonne, duc de (maréchal ; 15431626) : 233, 408. LESZCZYNSKA, Marie (épouse de Louis XV ; 1703-1768) : 58, 6061, 99, 111, 126-127, 129, 251-252, 289, 507. LESZCZYNSKI, Stanislas, voir STANISLAS Ier. LE TELLIER, Michel (1603-1685) : 326, 426. LE VAU, Louis (architecte ; 1612-1679) : 272-274. L’HOSPITAL, Michel de (vers 1506-1573) : 155-157, 161, 164, 202203, 208, 314. LIANCOURT, Roger du Plessis, duc de (1609-1674) : 238-239. LIGNY, Antoine de Luxembourg, comte de (mort en 1519) : 353. LIONNE, Hugues de (1611-1671) : 85-87, 326. LOREDANO, Antonio (envoyé vénitien) : 350. LORGE, Guy Aldonce II de Durfort, duc de (maréchal ; 16301702) : 428. LORRAINE, Charles-Alexandre de (1712-1780) : 436.

Index des noms

569

LORRAINE, Charles III, duc de (1543-1608) : 77, 399. LORRAINE, Charles IV, duc de (1604-1675) : 91. LORRAINE, Christine de (épouse de Ferdinand Ier de Médicis ; 1565-1637) : 79-80. LORRAINE, Jean III, cardinal de (1498-1550) : 236, 305. LORRAINE, Léopold Ier, duc de (1679-1729) : 60, 92. LORRAINE, Marguerite de (épouse de Gaston de France ; 16151672) : 91-92. LORRAINE, René II de (petit-fils de René d’Anjou ; 1451-1508) : 356, 386. LORRAINE-VAUDÉMONT, Louise de (épouse d’Henri III ; 15531601) : 37, 61, 78-79, 100, 103, 110-111, 115-117, 230, 238239, 506, 513. LOUIS DE FRANCE (frère de Philippe le Bel ; 1276-1319) : 24. LOUIS DE FRANCE, dit le Grand Dauphin (fils aîné de Louis XIV ; 1661-1711) : 41, 44, 92-93, 99-100, 105, 111, 180, 278, 284, 327, 415, 418-419, 428. LOUIS DE FRANCE (duc de Bourgogne, frère aîné de Louis XVI ; 1751-1761) : 195-196, 200. LOUIS Ier D’ESPAGNE (1707-1724) : 59, 61. LOUIS IX DE FRANCE, dit Saint Louis (1214-1270) : 10-11, 23, 3133, 38, 40, 136, 141, 166, 176, 207-208, 213, 220, 392, 513, 537. LOUIS X DE FRANCE (fils de Philippe le Bel ; 1289-1316) : 23, 145. LOUIS XI DE FRANCE (fils de Charles VII ; 1423-1483) : 22, 29-30, 32-33, 47-48, 54-55, 63-65, 101, 113-114, 136, 146, 169, 182, 186-187, 195, 211, 259, 297, 304, 312, 346-347, 349-350, 353, 359-360, 414, 509, 537. LOUIS XII DE FRANCE (Louis d’Orléans ; 1462-1515) : 33-35, 51, 64, 66-71, 100-103, 105, 109, 111-112, 114, 123, 130, 138, 145-148, 152-154, 181-182, 184-189, 210, 217, 223-225, 231232, 236, 256-258, 260, 264, 297-299, 305, 307, 311, 348, 354355, 359, 361-362, 364, 371-372, 374-375, 381, 383, 385-387, 390, 409, 517. LOUIS XIII DE FRANCE (1601-1643) : 14, 17, 40-41, 43-44, 54, 8083, 91, 98, 105-107, 112, 117-119, 121, 125, 129, 135, 137, 140-141, 159-160, 165-170, 196-197, 202-204, 207-209, 211, 230, 235-236, 238, 240, 247-248, 272-273, 275, 281, 287-288, 319-322, 392, 399, 407-411, 429, 507, 510, 520. LOUIS XIV DE FRANCE (1638-1715) : 40-41, 44-45, 53, 55, 58, 8493, 98-100, 103-105, 111, 117, 121-122, 125-126, 129-130,

570

Roi de France

132-133, 141-143, 165-167, 169-170, 176, 180, 197, 201-205, 207-209, 211, 217, 229, 235, 242-249, 252, 254, 270-281, 283285, 288-291, 296-297, 302-303, 319, 321, 323-328, 330, 332333, 344-346, 414-415, 417-422, 424-429, 431-436, 439, 444, 446, 462, 545, 547-549. LOUIS XV DE FRANCE (1710-1774) : 29, 40-41, 45-46, 58-61, 9395, 98-99, 111, 122, 133, 137, 142, 169-170, 195-197, 201-204, 207-211, 218, 247, 250, 252, 291-293, 303, 328-329, 331-333, 339-345, 413, 436-443, 445, 451. LOUIS XVI DE FRANCE (Louis-Auguste, duc de Berry ; 17541793) : 29, 31, 46, 94-95, 98, 105-108, 111, 126, 134, 138, 170, 195-196, 200-201, 211, 215, 218, 247, 250, 289-290, 293-295, 328-335, 443-450, 452-453, 455-456, 459-463. LOUIS XVII (Louis-Charles de France ; 1785-1795) : 46. LOUIS XVIII DE FRANCE (Louis-Stanislas-Xavier, comte de Provence ; 1755-1824) : 46, 95, 196, 458. LOUISE-ÉLISABETH DE FRANCE (fille de Louis XV, dite Madame Première ; 1727-1759) : 93. LOUIS-FERDINAND DE FRANCE (fils aîné de Louis XV, père de Louis XVI ; 1729-1765) : 46, 93, 98-100, 105, 111, 129, 169, 182, 195-196, 201, 251, 292, 413, 440, 442. LOUIS-JOSEPH DE FRANCE (fils de Louis XVI ; 1781-1789) : 46, 130. LOUVOIS, François Michel Le Tellier de (1641-1691) : 275, 326, 417-423, 425-427, 546-547. LOWENDAL, Woldemar de (1700-1755) : 443. LULLY, Jean-Baptiste (Giovanni Battista Lulli ; 1632-1687) : 246. LUXEMBOURG, François-Henri de Montmorency, duc de (maréchal ; 1628-1695) : 427-428, 433. LUXEMBOURG-SAINT-POL, Louis de (1418-1475) : 353, 359. LUYNES, Charles d’Albert, duc de (favori de Louis XIII ; 15781621) : 107, 238, 240, 287, 291, 408. LUYNES, Charles-Philippe d’Albert, duc de (1695-1758) : 245, 252. MADELEINE DE FRANCE (fille de François Ier ; 1520-1537) : 196. MAINE, Louis-Auguste de Bourbon, duc du (fils légitimé de Louis XIV ; 1670-1736) : 42, 44-45. MAINTENON, Françoise d’Aubigné, marquise de (1635-1719) : 142, 276, 280-281, 285, 327-328, 508. MALHERBE, François de (vers 1555-1628) : 239. MANCINI, Marie (1639-1715) : 105, 208.

Index des noms

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MANSART, François (architecte ; 1598-1666) : 274. MANTOUE, Frédéric II Gonzague, duc de (1500-1540) : 52. MANTOUE, Lucrezia Gonzaga, duchesse de (1522-1576) : 236, 238. MARCOUL (saint ; 490-558) : 217. MARGUERITE D’ANTIOCHE (sainte ; morte vers 305) : 13. MARGUERITE D’AUTRICHE (fille de Maximilien Ier du Saint Empire ; 1480-1530) : 64-68, 149, 505. MARGUERITE DE FRANCE (fille de Philippe V ; 1309-1382) : 24. MARGUERITE DE FRANCE (fille de François Ier ; 1523-1574) : 77, 140, 196. MARGUERITE DE NAVARRE (Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier ; 1492-1549) : 114, 306. MARGUERITE (sainte) : 122. MARIE (Sainte Vierge) : 47, 116, 119-121, 137, 381. MARIE D’ANGLETERRE (Mary Tudor, épouse de Louis XII ; 14961533) : 71, 101, 109, 111, 138, 182. MARIE DE HONGRIE (1505-1558) : 506. MARIE Ire D’ANGLETERREE (Mary Tudor, fille d’Henri VIII ; 15161558) : 76, 199. MARIE Ire D’ÉCOSSE (Mary Stuart ; 1542-1587) : 35, 75-76, 99, 103, 109, 111, 196, 200, 235. MARIE II D’ANGLETERRE (épouse de Guillaume III d’OrangeNassau ; 1662-1694) : 432. MARIE-ANNE D’AUTRICHE (épouse de Philippe IV d’Espagne ; 1635-1696) : 84-85. MARIE-ANNE-VICTOIRE D’ESPAGNE (fiancée à Louis XV ; 17181781) : 58-59, 61, 93. MARIE-ANTOINETTE D’AUTRICHE (épouse de Louis XVI ; 17551793) : 94, 99, 106-108, 111, 126-127, 129-130, 171, 201, 252, 293-295, 334-335, 463. MARIE-ÉLISABETH DE FRANCE (fille de Charles IX ; 1572-1578) : 9, 124. MARIE-THÉRÈSE D’AUTRICHE (épouse de François Ier du Saint Empire, mère de Marie-Antoinette ; 1717-1780) : 94, 127, 281, 294, 339-341, 436, 440, 442, 452, 535, 549. MARIE-THÉRÈSE D’AUTRICHE (épouse de Louis XIV ; 1638-1683) : 44, 84-90, 100, 103-104, 111, 121-122, 125, 129-130, 208, 229, 251, 275, 277, 281, 319, 321, 510. MARIE-THÉRÈSE RAPHAËLLE D’ESPAGNE (épouse de LouisFerdinand de France ; 1726-1746) : 93, 99, 105, 111, 128, 440.

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Roi de France

MARILLAC, Louis de (1572-1632) : 321. MARILLAC, Michel de (1560-1632) : 320-321. MATTHIAS Ier DU SAINT EMPIRE (1557-1619) : 219. MAUPEOU, René Nicolas (1714-1792) : 331. MAUREPAS, Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de (1701-1781) : 328-331, 335, 446, 449. MAXIMILIEN Ier DU SAINT EMPIRE (Maximilien de Habsbourg ; 1459-1519) : 33, 64-70, 72, 97, 149, 223, 352, 354-355, 363, 367, 371-372, 383, 385, 387, 390, 395, 398, 505-506, 540. MAXIMILIEN II DU SAINT EMPIRE (1527-1576) : 78, 234, 266. MAYENNE, Charles II de Lorraine, duc de (1554-1611) : 38-39, 49, 265, 321, 345, 404, 503. MAYENNE, Henri de Lorraine, duc de (1578-1621) : 82. MAZARIN, Jules (Giulio Mazarini, cardinal ; 1602-1661) : 84, 86, 88, 204, 208-209, 242-243, 252, 271, 319, 321, 326, 345, 507. MÉDICIS, Alexandre de (1510-1537) : 74. MÉDICIS, Catherine de (épouse d’Henri II, mère de Charles IX ; 1519-1589) : 11, 36, 54, 72-76, 78-80, 99, 109, 111, 115, 124, 129, 137, 155, 180, 186, 190, 192, 196, 199, 203-204, 206-207, 213, 228, 231, 233-235, 238, 244, 254, 257, 261-262, 264, 268, 282, 286, 297-299, 313, 326, 393, 396-397, 409, 506, 508, 533, 542. MÉDICIS, famille : 72-74, 79-80, 506. MÉDICIS, Ferdinand Ier de (Grand-duc de Toscane ; 1549-1609) : 11-12, 61, 80, 405. MÉDICIS, Julien de (1478-1516) : 73. MÉDICIS, Laurent Ier de (Laurent le Magnifique ; 1449-1492) : 351. MÉDICIS, Laurent II de (1492-1519) : 73. MÉDICIS, Marie de (épouse d’Henri IV ; 1575-1642) : 9, 11-16, 4344, 61, 80, 82-83, 102, 105-106, 108, 110-112, 123, 125, 129, 158-161, 163-164, 169, 196, 203-204, 209, 233, 239-241, 251, 287, 320-322, 505. MÉDICIS, Pierre II de (1472-1503) : 348, 354-355, 361, 363, 366. MERCŒUR, Françoise de Lorraine, duchesse de (1592-1669) : 43. MERCŒUR, Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de (15581602) : 43. MERCY-ARGENTEAU, Florimond de (ambassadeur autrichien ; 1727-1794) : 108. Minerve (divinité) : 297. MIRABEAU, Honoré-Gabriel Riqueti, comte de (1749-1791) : 463.

Index des noms

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MIROMESNIL, Armand Thomas Hue, marquis de (1723-1796) : 331, 334, 518. MIRON, Charles (évêque d’Angers ; 1569-1628) : 163. MOLIÈRE, Jean-Baptiste Poquelin, dit (1622-1673) : 245. Monsieur (frère de Louis XIV), voir ORLÉANS, Philippe de France, duc d’. MONTAIGNE, Michel de (1533-1592) : 403. MONTCLAR, Joseph de (1625-1690) : 422, 424. MONTESPAN, Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, marquise de (maîtresse de Louis XIV ; 1640-1707) : 44, 284, 527. MONTFORT, maison de : 63, 65. MONTGLAT, Françoise de Longuejoue, baronne de (gouvernante de Louis XIII ; morte en 1633) : 14, 125. MONTGOMMERY, Gabriel Ier de Lorges, comte de (1530-1574) : 241. MONTLUC, Blaise de (vers 1501-1577) : 191, 412. MONTMORENCY, Anne de (connétable ; 1493-1567) : 199, 236, 258, 264, 283, 285, 305, 528, 532. MONTMORENCY, famille de : 283. MONTPENSIER, Gilbert de (1443-1496) : 359, 364-366, 369, 372, 383, 391. MONTPENSIER, Henri de Bourbon-Vendôme, duc de (15731608) : 14, 37. MONTPENSIER, Louise de Bourbon, duchesse de (épouse de Louis de La Roche-sur-Yon ; 1482-1561) : 34. MONTPENSIER, Louise-Élisabeth d’Orléans, dite Mademoiselle de (épouse de Louis Ier d’Espagne ; 1709-1742) : 59, 61, 122. MONTPENSIER, Louis Ier de Bourbon, duc de (mort vers 1486) : 32. MONTPENSIER, Louis III de Bourbon-Vendôme, duc de (15131582) : 35. MONTPENSIER, maison des : 32-34, 40, 320. MORNAY, Philippe Duplessis, seigneur de (1549-1623) : 193-195, 517. MORVILLE, Charles Jean Baptiste de Fleuriau, comte de (16861732) : 59. MOTTEVILLE, Françoise Bertaud, dite Madame de (1615-1689) : 104, 519. MYOLANS, Jacques de (mort en 1496) : 373-374.

574

Roi de France

NARYCHKINA, Natalia (mère de Pierre Ier de Russie ; 1651-1694) : 60. NASSAU, Louis de (1538-1574) : 192, 396, 543. NECKER, Jacques (1732-1804) : 333, 446, 450. NEMOURS, Charles-Amédée de Savoie, duc de (1624-1652) : 238. NEMOURS, Charles-Emmanuel de Savoie, duc de (1567-1595) : 404. NEMOURS, Jacques de Savoie, duc de (1531-1585) : 35, 241. NEUBOURG, Marie-Anne de (épouse de Charles II d’Espagne ; 1667-1740) : 548. NEUBOURG, Philippe-Guillaume de, voir WITTELSBACH-NEUBOURG, Philippe-Guillaume de. NEVERS, Charles Ier de Mantoue, duc de (1580-1637) : 54, 241, 435. NEVERS, Engelbert de Clèves, comte de (1462-1506) : 359-360, 368, 376, 381, 384. NEVERS, François Ier de Clèves, duc de (1516-1562) : 35, 235. NEVERS, Guillaume de Clèves, duc de (époux de Jeanne d’Albret ; 1516-1592) : 306, 428. NEVERS, Louis IV de Gonzague, duc de (1539-1595) : 52, 402. NOAILLES, Adrien Maurice, duc de (maréchal ; 1678-1766) : 328329, 332, 339-340, 342-345, 437-440, 536. NOAILLES, Anne Claude Louise d’Arpajon, comtesse de (17291794) : 294. NORBERT DE XANTEN (saint ; vers 1080-1134) : 118. NORTH, Frederick (1732-1792) : 444-445, 451. NOSTRADAMUS, Michel de Nostredame, dit (1503-1566) : 206. O, François, marquis d’ (favori d’Henri III ; 1535-1594) : 318. ODET DE FOIX (1485-1528) : 189. ORANGE, famille d’ : 435. ORANGE, Jean IV de Chalon-Arlay, prince d’ (1443-1502) : 69, 96, 355, 358. ORANGE-NASSAU, Guillaume Ier d’ (1533-1584) : 192, 396, 517. ORANGE-NASSAU, Guillaume III d’ (1650-1702) : 415, 425, 427, 429-430, 432-435. ORANGE-NASSAU, Guillaume V d’ (1748-1806) : 453. ORBAY, François II d’ (architecte ; 1634-1697) : 274. ORESME, Nicolas (vers 1321-1382) : 220, 521. ORLÉANS, Anne-Marie d’ (fille de Philippe d’Orléans ; 16691728) : 92.

Index des noms

575

ORLÉANS, Charles Ier d’ (père de Louis XII ; 1394-1465) : 32, 34, 185, 517. ORLÉANS, Charles II d’ (fils de François Ier ; 1522-1545) : 115, 196, 199-200, 236, 518. ORLÉANS, Élisabeth-Charlotte d’ (fille de Philippe d’Orléans ; 1676-1744) : 92. ORLÉANS, Françoise-Madeleine d’ (fille de Gaston d’Orléans ; 1648-1664) : 92. ORLÉANS, Gaston de France, duc d’ (frère de Louis XIII ; 16081660) : 41, 91-92, 118, 125, 141, 166, 320-321. ORLÉANS, Henri d’, voir HENRI II DE FRANCE. ORLÉANS, Jean (1400-1467) : 34, 517. ORLÉANS, Louis d’, voir LOUIS XII DE FRANCE. ORLÉANS, Louis Ier, duc d’ (fils du régent Philippe d’Orléans ; 1703-1752) : 46, 58. ORLÉANS, Louis-Philippe d’ (Philippe-Égalité ; 1747-1793) : 46. ORLÉANS, maison d’ : 32, 34, 41, 59, 75, 184. ORLÉANS, Marguerite-Louise d’ (fille de Gaston d’Orléans ; 16451721) : 92. ORLÉANS, Marie-Louise d’ (épouse de Charles II d’Espagne ; 1662-1689) : 90, 548. ORLÉANS, Monsieur d’ (frère de Louis XIII ; 1607-1611) : 159. ORLÉANS, Philippe de France, duc d’ (frère de Louis XIV, dit Monsieur ; 1640-1701) : 41, 44, 91-92, 104, 122, 166, 277, 414, 507. ORLÉANS, Philippe, duc d’ (Régent ; 1674-1723) : 41, 44-46, 5859, 61, 133, 142, 170, 203, 208, 211, 250, 503, 518. ORSINI, famille : 367. PALÉOLOGUE, André (1453-1502) : 351, 362. PARÉ, Ambroise (vers 1510-1590) : 501. PARME, Philippe Ier de (fils de Philippe V d’Espagne ; 17201765) : 93, 437, 443. PASTRANA, duc de (ambassadeur espagnol) : 82. PAUL DE TARSE (saint) : 144. PAUL III (Alexandre Farnèse, pape ; 1468-1534) : 74. PAUL IV (Gian Pietro Carafa, pape ; 1476-1559) : 156. PAUL V (Camille Borghèse, pape ; 1550-1621) : 40, 106. PENTHIÈVRE, maison de : 65. Pharamond (roi mythique des Francs) : 21-22, 27-28. PHILIPPE Ier DE CASTILLE (Philippe de Habsbourg, fils de

576

Roi de France

Maximilien Ier du Saint Empire ; 1478-1506) : 64, 69-70, 223225, 505. PHILIPPE II DE FRANCE (Philippe-Auguste ; 1165-1223) : 264. PHILIPPE II D’ESPAGNE (fils de Charles Quint ; 1527-1598) : 37-38, 49, 76-78, 81, 156, 169, 183, 206, 223, 228, 263, 266, 281, 389, 393, 395-398, 400, 405, 542. PHILIPPE III DE BOURGOGNE (Philippe le Bon ; 1396-1467) : 232. PHILIPPE III DE NAVARRE (comte d’Évreux ; 1306-1343) : 24. PHILIPPE III D’ESPAGNE (1578-1621) : 81-82, 90, 106, 169. PHILIPPE IV D’ESPAGNE (1605-1665) : 41, 81-90, 118, 122, 169, 229, 321, 507. PHILIPPE V DE FRANCE (fils de Philippe le Bel ; 1293-1322) : 2324, 145. PHILIPPE V D’ESPAGNE (fils du Grand Dauphin ; 1683-1746) : 41, 59, 61, 93, 328, 330, 437. PHILIPPE VI DE FRANCE (Philippe de Valois ; 1293-1350) : 24, 32, 34, 64. PHILIPPE LE BEL, Philippe IV de France, dit (1268-1314) : 23-24, 145. PHILIPPE LE HARDI, Philippe II de Bourgogne, dit (1342-1404) : 32, 512. PHILIPPE PROSPER D’AUTRICHE (fils de Philippe IV d’Espagne ; 1657-1661) : 87, 507. PIE V (Antonio Michele Ghislieri, pape ; 1504-1572) : 77, 206. PIENNES, Louis d’Hallwin, sieur de : 358. PIERRE (apôtre, pape, saint) : 144. PIERRE Ier DE RUSSIE (tsar ; 1672-1725) : 60. PIMENTEL, Dominique (archevêque de Séville, ambassadeur de Philippe IV d’Espagne) : 86. PISAN, Christine de (1364-1430) : 220-221, 263. PLUTARQUE (vers 46-vers 125) : 192, 200. PLUVINEL, Antoine de (1552-1620) : 241. POLIGNAC, Gabrielle de Polastron, duchesse de (1749-1793) : 335. POLIGNAC, Jeanne de (maîtresse de Charles d’Angoulême) : 183. POMPADOUR, Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de (17211764) : 292-293. PONTCHARTRAIN, Jérôme Phélypeaux, comte de (1674-1747) : 326. PONTCHARTRAIN, Louis II Phélypeaux, comte de (1643-1727) : 326, 328, 426.

Index des noms

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POT DE RHODES, Guillaume (mort en 1603) : 265. POT, Philippe (juriste ; 1428-1493) : 157. PRIMATICE, Francesco Primaticcio, dit le (1504-1570) : 237-238, 283. PRIMI VISCONTI, Jean-Baptiste (1648-1713) : 176. QUINAULT, Philippe (1635-1688) : 246. RABEL, Daniel (1578-1637) : 238. RAVAILLAC, François (assassin d’Henri IV ; 1577-1610) : 137. REMI DE REIMS (saint ; mort en 533) : 212. Remus (fondateur mythique de Rome) : 21. Renaud (in Délivrance de Renaud) : 240. RENÉ, roi, voir ANJOU, René, duc d’. RENÉE DE FRANCE (fille de Louis XII ; 1510-1574) : 35, 505. RICHELIEU, Armand Jean du Plessis, cardinal-duc de (15851642) : 83, 118-119, 204, 248, 288, 320-323, 325, 441. RIEUX, Jean de (maréchal ; 1447-1518) : 358, 368, 370. ROBERTET, Florimond (1458-1527) : 532. ROCHAMBEAU, Jean-Baptiste-Dontien de Vimeur, comte de (1725-1807) : 449-451. RODOLPHE II DU SAINT EMPIRE (1552-1612) : 78, 219. ROHAN-GUÉMÉNÉ, Armand Jules de (archevêque de Reims ; 1695-1762) : 133. Romulus (fondateur mythique de Rome) : 21. RONSARD, Pierre de (1524-1585) : 180, 189, 517, 519. RUBENS, Pierre Paul (1577-1640) : 524. SAINT LOUIS, voir LOUIS IX DE FRANCE. SAINT-AIGNAN, François Honorat de Beauvilliers, duc de (16071687) : 245. SALMON, Pierre Le Fruitier, dit Pierre (secrétaire de Charles VI) : 222. Samuel (personnage biblique) : 217. SANSEVERINO, Antonello (prince de Salerne, Grand Amiral ; 1458-1499) : 364, 370. SANSEVERINO, Galeazzo da (mort en 1525) : 362, 540. SARDAIGNE, Charles-Emmanuel III Savoie, prince de Piémont et roi de (1701-1773) : 437. SARTINE, Antoine de (1729-1801) : 446, 450.

578

Roi de France

Saül (roi biblique) : 217. SAVOIE, Charles Ier, duc de (1468-1490) : 347-348. SAVOIE, Charles-Emmanuel Ier, duc de (1562-1630) : 81, 399. SAVOIE, Charles-Emmanuel II, duc de (1634-1675) : 92. SAVOIE, Charles-Emmanuel IV de (roi de Sardaigne ; 17511819) : 95. Savoie (cheval de Charles VIII) : 376. SAVOIE, Emmanuel-Philibert, duc de (1528-1580) : 77, 223. SAVOIE, Louise de (mère de François Ier ; 1476-1531) : 33, 52, 113, 124, 131, 183-184, 189, 196, 304-305, 308, 384. SAVOIE, maison de : 92, 362. SAVOIE, Marguerite-Yolande de (fiancée à Louis XIV ; 16351663) : 85. SAVOIE, Marie-Adélaïde, princesse de (fille de Victor-Amédée II de Savoie ; 1685-1712) : 92, 99, 111, 126, 128. SAVOIE, Marie-Joséphine de (comtesse de Provence, épouse de Louis XVIII ; 1753-1810) : 95, 293. SAVOIE, Marie-Louise-Gabrielle de (épouse de Philippe V d’Espagne ; 1688-1714) : 93. SAVOIE, Marie-Thérèse de (épouse de Charles X ; 1756-1805) : 95. SAVOIE, Philiberte de (1498-1524) : 73. SAVOIE, Philippe II de (Philippe de Bresse, grand-père de François Ier ; 1438-1497) : 185, 359, 374, 383. SAVOIE, René de (oncle de François Ier ; 1473-1525) : 305. SAVOIE, Victor-Amédée Ier, duc de (1587-1637) : 81, 86. SAVOIE, Victor-Amédée II, duc de (1666-1732) : 92-93, 99, 434. SAVOIE, Victor-Amédée III, duc de (roi de Sardaigne ; 17261796) : 95. SAVOIE-CARIGNAN, Eugène, prince de (1663-1736) : 433. SAVONAROLE, Hiéronyme (frère dominicain ; 1452-1498) : 348349, 366, 374. SAXE, Marie-Josèphe de (épouse de Louis-Ferdinand de France ; 1731-1767) : 94, 100, 105, 111, 122, 129, 201, 442. SAXE, Maurice, maréchal de (1696-1750) : 93, 413, 437-443. SÉBASTIEN Ier DE PORTUGAL (1554-1578) : 397, 503, 542. SÉGUR, Louis-Philippe, comte de (1753-1830) : 450. SEIGNELAY, Jean-Baptiste Colbert, marquis de (fils de Colbert ; 1651-1690) : 326, 426. SELVE, Jean de (1475-1529) : 311-312.

Index des noms

579

SÉVIGNÉ, Marie de Rabutin-Chantal, marquise de (1626-1696) : 280. SFORZA, Ascanio (cardinal ; 1455-1505) : 354. SFORZA, Blanche-Marie (Bianca Maria Sforza ; 1472-1510) : 68, 363. SFORZA, Catherine (1463-1509) : 364, 539. SFORZA, famille : 537. SFORZA, François II (Francesco II Sforza ; 1495-1535) : 74. SFORZA, Jean Galéas (neveu de Ludovic Sforza ; 1469-1494) : 354. SFORZA, Ludovic (1452-1508) : 187, 354, 360, 362-364, 367, 371373, 377, 383, 385-386, 539-540. SIETTE, René (cartographe) : 408-410, 544. SIMMERN, famille : 545. SIXTE IV (Francesco della Rovere, pape ; 1414-1484) : 113, 350. SIXTE V (Felice Peretti, pape ; 1520-1590) : 11. SOISSONS, Charles de Bourbon, comte de (1566-1612) : 11, 14, 36, 40, 159, 161. SOISSONS, Louis de Bourbon, prince de (1604-1641) : 40, 161. SOISSONS, maison de : 40. SOPHIE DE FRANCE (fille de Louis XV, dite Madame Sophie ; 1734-1782) : 95. SOURDIS, François d’Escoubleau, cardinal de (1574-1628) : 197. SOUVRÉ, Gilles, marquis de Courtenvaux (vers 1540-1626) : 207. STANISLAS Ier (Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine, roi de Pologne ; 1677-1766) : 58, 60-61. STARHEMBERG, Ernst-Rüdiger von (1638-1701) : 419. STUART, Catherine (née en 1519) : 73. STUART, Charles Édouard (prétendant au trône d’Angleterre ; 1720-1788) : 441. STUART D’AUBIGNY, Bérault (vers 1450-1508) : 357, 364, 369, 383. STUART, Jean (John Stuart, duc d’Albany ; vers 1481-1536) : 73, 75. SUFFREN, Pierre André, dit le bailli de (1729-1788) : 450-451. SULLY, Maximilien de Béthune, duc de (1559-1641) : 406. TALLEYRAND-PÉRIGORD, Charles-Maurice de (1754-1838) : 459. TAVANNES, Gaspard de Saulx, maréchal de (1509-1573) : 396. TERREVERMEILLE, Jean de (juriste ; né vers 1370) : 49. THÉNAUD, Jean (moine ; 1480-1546) : 184. THÉRÈSE D’AVILA (sainte) : 121.

580

Roi de France

THOMAS D’AQUIN (saint ; vers 1224-1274) : 220, 341. TILLET, Jean du (greffier du Parlement de Paris ; mort en 1570) : 147, 165, 215, 263, 266. TOMMASEO, Niccolò (envoyé vénitien) : 244. TOSCANE, Côme Ier de Médicis, Grand-duc de (1519-1574) : 396. TOSCANE, Côme III de Médicis, Grand-duc de (1642-1723) : 92. TOUCHET, Marie (maîtresse de Charles IX ; 1540-1638) : 42, 105. TOULOUSE, Louis-Alexandre de Bourbon, comte de (fils légitimé de Louis XIV ; 1678-1737) : 42, 44-45. TOURNON, François, cardinal de (1489-1562) : 179, 304-305. TOURVILLE, Anne Hilarion de Costentin, comte de (amiral ; 1642-1701) : 430-432, 547. TRIVULZIO, Gian Giacomo (1440-1518) : 380, 386. TUDOR, maison des : 34, 226. TURENNE, Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de (16111675) : 84, 428, 442, 518. TURENNE, Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de (duc de Bouillon ; 1555-1623) : 195, 518. TURGOT, Anne Robert Jacques (1727-1781) : 215, 331-332, 519. URBAIN IV (Jacques Pantaléon, pape ; vers 1195-1264) : 350, 537. URFÉ, Pierre II d’ (vers 1430-1508) : 361. VALOIS, Catherine de (épouse de Henri V d’Angleterre ; 14011437) : 26. VALOIS, maison de : 10, 31-32, 34, 37-38, 40, 77, 79, 110, 117, 128, 232, 282, 288, 290, 334, 386, 502, 506. VALOIS, Marguerite de (fille d’Henri II, épouse d’Henri IV ; 15531615) : 10-11, 36, 42-43, 54, 78-81, 101-102, 111, 128, 186, 190, 192, 194, 196, 508, 510. VALOIS-ANGOULÊME, maison de, voir ANGOULÊME, maison d’. VAN DYCK, Antoine (peintre ; 1599-1641) : 523. VAN LOO, Charles André (1705-1765) : 252. VAUBAN, Sébastien Le Prestre, marquis de (1633-1707) : 418, 424, 432, 547. VAUDÉMONT, Nicolas de Lorraine, duc de Mercœur et comte de (1524-1577) : 78. VENDÔME, Alexandre, chevalier de (fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées ; 1598-1629) : 11, 43. VENDÔME, Antoine de Bourbon, duc de (roi de Navarre, père d’Henri IV ; 1518-1562) : 34-36, 43, 182-183, 190, 402.

Index des noms

581

VENDÔME, Catherine-Henriette de Bourbon, dite Mademoiselle de (fille illégitime d’Henri IV ; 1596-1773) : 43-44, 107. VENDÔME, César, duc de (fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées ; 1594-1665) : 11, 13, 42-44. VENDÔME, Charles Ier de Bourbon, cardinal de (Charles X ; 15231590) : 35, 37-38. VENDÔME, Charles II de Bourbon, cardinal de (1562-1594) : 36. VENDÔME, Charles IV de Bourbon, duc de (1489-1537) : 311. VENDÔME, François de : 359. VENDÔME, Jean VIII de Bourbon, comte de (1428-1477) : 33. VENDÔME, maison de : 32-34, 39, 43, 45, 73, 79. VENTADOUR, Charlotte de La Mothe-Houdancourt, duchesse de (gouvernante de Louis XV ; 1654-1744) : 142-143. VERGENNES, Charles Gravier, comte de (1719-1787) : 330, 334335, 443-444, 446, 449-450. VERNEUIL, Catherine Henriette de Balzac d’Entragues, marquise de (favorite d’Henri IV ; 1579-1633) : 43, 105, 196-197. VESC, Étienne de (1447-1501) : 353, 355, 370. VICTOIRE DE FRANCE (fille de Louis XV, dite Madame Victoire ; 1733-1799) : 95. VIGÉE-LEBRUN, Élisabeth (peintre ; 1755-1842) : 253. VILLARS, Claude Louis Hector, maréchal de (1653-1734) : 58, 442. VILLEROY, François de Neufville, maréchal de (précepteur de Louis XV ; 1644-1730) : 142, 170, 208, 291. VILLEROY, Nicolas IV de Neufville, marquis de (1542-1617) : 207, 318, 397. VILLEROY, Nicolas V de Neufville, duc de (1598-1685) : 207. VISCONTI, famille : 185, 537. VISCONTI, Valentina (1368-1408) : 69, 185, 354, 387. WENCESLAS Ier DE BOHÊME (saint ; vers 907-vers 930) : 503. WITTELSBACH-NEUBOURG, Philippe-Guillaume de (1615-1690) : 414. WOLSEY, Thomas (cardinal ; vers 1475-1530) : 228. WOOD, James B. : 393. YORK, maison des : 34.

G ALERIE DE PORTRAITS . Les rois de France et leurs épouses de Charles VIII à Louis XVI I NTRODUCTION . Naissance d’un Dauphin

9

PREMIÈRE PARTIE

L’IMPRÉVISIBLE ACCESSION À LA COURONNE

C HAPITRE

PREMIER .

Le principe successoral

L’invention de la loi originelle La maison de France et ses lignages Le sang des Bourbons Un héritage ? Royaume, couronne, domaine, État

C HAPITRE II. Les obligations de l’héritage : les alliances matrimoniales La difficile capture des héritières La fille toute nue Alliées, otages : les Infantes d’Espagne Liens du sang et intérêt politique

21 23 29 39 47

58 62 72 80 89

584

Roi de France

C HAPITRE III. Les obligations de l’héritage : la reproduction L’entrée au lit nuptial Grossesses incertaines Il a plu à Dieu… Les naissances et les morts

C HAPITRE IV. Le mort saisit le vif Passages Le temps suspendu : les funérailles royales de Charles VIII à Charles IX (1498-1574) La disparition du « quasi-interrègne » (1560-1610) Disputes autour de l’effigie Le vivant, les morts et Dieu

96 98 108 112 123 132 136 143 152 162 165

DEUXIÈME PARTIE

L’ÉLÉVATION ET LA DISTANCE

I NTRODUCTION . Description d’un roi

175

C HAPITRE V. Vers Reims : des parcours dissemblables

180

Cousins Fils de France Les rois enfants L’unification cérémonielle : le sacre

C HAPITRE VI. De la magnificence à la représentation : parures et divertissements Magnificences rivales Parures I : l’éclat Somptuosités éphémères : les divertissements « Ce qui se consume en dépenses qui peuvent passer pour superflues… »

181 195 202 210

219 223 229 235 242

Table Parures II : rois et reines

C HAPITRE VII. De la magnificence à la représentation : exposition, retrait, familiarité Mobilités Construction et cérémonialisation de la distance Unité de lieu, unité d’action : Louis XIV à Versailles Du retrait et de la familiarité La représentation : suite et fin

C HAPITRE VIII. Le roi gouverne par lui-même La poche du roi Louis XII Vouloir, pouvoir : le roi et ses conseillers jusqu’aux États généraux de 1588 Le choix du roi : novembre 1630, mars 1661 Le roi et ses ministres : l’exemple du grand roi

585 247

254 256 262 270 280 289 296 297 304 319 324

TROISIÈME PARTIE

EXERCICES DU POUVOIR : LE ROI ET LA GUERRE

I NTRODUCTION . Un métier de roi

339

C HAPITRE IX. Une guerre de magnificence : l’entreprise de Naples (1494-1495)

347

La reconquête d’un bien usurpé La volonté du roi « Quand princes vont en ost conquérir en lointain et étrange pays… » Le voyage « Passer outre » « Je ne suis pas ici pour mon plaisir… » D’une guerre l’autre

349 353 357 360 371 382 386

586

Roi de France

C HAPITRE X. Le roi dans les guerres communes (1562-1629) : une histoire à écrire La dépossession du droit de guerre La dépossession du droit de lever et de conduire des armées Un mode de connaissance du royaume

C HAPITRE XI. La toute-puissance et ses limites Voir, saisir, détruire : la Rhénanie moyenne de l’automne 1688 à l’été 1689 La direction des opérations Le débat de la guerre et de la politique pendant la guerre de succession d’Autriche (17441748) Des guerres hors de portée

ÉPILOGUE. Une rencontre singulière : 14 juillet 1790

392 393 399 406 412 414 425

436 443

455

APPENDICES

Chronologie de douze rois de France Généalogies Cartes de l'agrandissement du royaume de France Sources et bibliographie Notes Index des noms

467 471 477 483 499 551

DU MÊME AUTEUR L E S I È C L E D E S L U M I È R E S , sous la direction d’Albert Soboul, Presses universitaires de France, coll. Peuples et civilisations, 1977. LES CÉRÉMONIES DE L’INFORMATION DANS LA FRANCE DU XVIe AU MILIEU DU XVIIIe SIÈCLE, Fayard, 1989. L’ÉTAT DANS LA FRANCE MODERNE. DE LA FIN D U X V e A U M I L I E U D U X V I I I e S I È C L E , Hachette, 1992. MARIE DE GOURNAY. ITINÉRAIRES D’UNE FEMME S A V A N T E , Fayard, 2004.

Roi de France Michèle Fogel

Cette édition électronique du livre Roi de France de Michèle Fogel a été réalisée le 8 décembre 2014 par les Éditions Gallimard. Elle repose sur l’édition papier du même ouvrage, (ISBN : 9782070356461 – Numéro d’édition : 157394). Code Sodis : N69789 – ISBN : 9782072587238. Numéro d’édition : 278732.