Recherches sur les « Confessions » de saint Augustin [Second ed.]

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Recherches sur les « Confessions » de saint Augustin [Second ed.]

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II)(LR

School of Theology

Theology

Library

SCHOOL OF THEÉOLOGY AT CLAREMONT California

RECHERCHES SUR LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN

OUVRAGES

DU MÊME

AUTEUR

Les Lettres grecques en Occident, de Macrobe à Cassiodore. De Boccard, 1948, 1 vol. in-8°, XVI + 440 pages. L'« Entretien » de Pascal et Sacy, ses Vrin, 1960, 1 vol. in-80, 183 pages.

sources

et ses

2° éd., Paris,

énigmes.

Paris,

Les « Confessions » de Saint Augustin dans la tradition littéraire, antécédents et postérité. Paris, Études Augustiniennes, 746 pages, 62 planches.

1963, 1 vol. in-80,

Histoire littéraire des grandes invasions germaniques. mentée et illustrée, Paris, Études Augustiniennes,

3° édition aug1964, 1 vol. in

80, 436 pages, 71 planches, dont plusieurs doubles. Frontispice en couleurs. Vita Sancti Augustini imaginibus adornata. Manuscrit de Boston, Public Library, n° 1483,s. XV, inédit (En collaboration avec Jeanne CourCELLE). Paris, Études Augustiniennes, 1964, 1 vol. in-80, 256 pages, 108 planches. Frontispice en couleurs. Iconographie de saint Augustin. Les cycles du XIV® siècle (En collaboration avec Jeanne COURCELLE). Paris, Études Augustiniennes, 1965, 1 vol. in-80, 253 pages, 109 planches. Frontispice en couleurs. La « Consolation de Philosophie » dans la tradition littéraire. Antécédents

et postérité de Boèce. in-8°, 449 pages,

Paris,

Études

132 planches.

Augustiniennes,

Frontispice

1967,

en couleurs.

1 vol.

PIERRE

Profes

nn

DCE

ete de l’Ins de

u Collège dP Fra

RECHERCHES SUR LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN Nouvelle édition augmentée et illustrée

PARIS

ÉDITIONS

E. DE

BOCCARD

1, Rue de Médicis 1968

Theologu Library

SCHOOL OF THEOLOGY AT CLAREMONT California

À Monsieur JEAN BAVET,

en signe d'affectueuse gratitude.

TABLE DES SIGLES

C.S.E.T.

Corpus Scripiorum Ecclesiasticorum Latinorum.

M.G.H.

Monumenta

Germaniac

Historica.

PGA

MIGNE, Patrologiae cursus completus, series Graeca.

PL.

MIGNE,

P.W..

PAULY-WISSOWA (KROLL), Real-Encyclopadie der classischen Altertums-Wissenschalt.

R.E.A.

Revue des Études Anciennes.

FACE DNA de

Revue des Études Latines.

Patrologiae cursus completus, series Latina.

INTRODUCTION

Les biographes de saint Augustin ont eu longtemps coutume de décrire la première partie de sa vie en reproduisant le récit des Confessions ; ils ajoutaient quelques complément s

de détail issus des Dialogues de Cassiciacum. Harnack, le pre-

mier, crut remarquer en 1888 que, pour des motifs d’ordr e théologique, Augustin a schématisé le récit de son évolut ion et présenté sa conversion comme une rupture soudaine entre sa vie passée, aux couleurs très noires, et la vie de la Grâcet.

La même année, Boissier, par un article brillant de la Revuc

des Deux-Mondes,

posait le problème

dans les termes

mêmes

où la controverse allait se développer par la suite? : il souli-

gnaït la dualité qui apparaît entre le converti des Confessions,

Subitement foudroyé par la Grâce et saisi du remords de ses péchés passés, et l’Augustin des Dialogues, professeur épris de

culture

antique

et

de

discussions

métaphysiques,

aussi

paisibles que celles des Dialogues de Cicéron, comme si le christianisme n’était lui-même qu’une manière de philosopher : « Et puisque les deux personnages diffèrent entre eux, pouvons-nous

Savoir, du pénitent ou du philosophe, lequel est lc

véritable ? Peut-être convient-il de répondre qu'ils sont vrais tous les deux. Saint Augustin se trouvait à un de ces moments où, suivant le mot du poète, on sent plusieurs hommes en Sois. » La

solution

est élégante,

mais

ressemble

à une

échappa-

toire. Elle ne devait satisfaire ni les partisans du point de vue traditionnelé, ni les esprits critiques. Ceux-ci cherchent à ana-

(1) A. von Harxack, .lugustins Confessionen, Gicssen, 1888 (réièmprimé Jans ses Reden und Aufsätze, t. 1, Giessen, 1904, p. 51-79). (2) G. Bossier, La conversion de saint Augustin, dans Revue des Deus; Mondes, t. LXXXV, 1888, p. 43-69 (réimprimé dans La fin du paganisme, L. I, Paris, 1891, p. 339-379). (3) Zbid., p. 65. (4) Par exemple F. WôrtTer, Die Geistesentwickelung des hl. Augustinus bis zu seiner Taufe, Paderborn, 1892, et J. Marnix, S. Augustin à Cassiciacum, veille et lendemain de sa conversion, dans Annales de philosophie chrétienne, n.5.,t. XXXIX, 1898, p. 303-316, et XL, 1899, p. 110-128.

LES CONFESSIONS

8

DE SAINT

AUGUSTIN

et accordent lyser ce qui sépare les Confessions des Dialogues, fait qu'ils du ues, Dialog aux eure supéri une valeur historique que les e montr d Schmi . ments événe des ins sont contempora

mêmes motifs de démission allégués ne sont pas exactement les plus va dans les Dialogues et dans les Confessionst. Gourdon

rsion loin : « Le sincère récit qu'Augustin donne de sa conve sions Confes les est-il bien vrai ?2 » Il n’en croit rien. Ce que

386, présentent comme une conversion catholique opérée en anéo-pl le vers n’est en réalité, pense-t-il, qu'une évolution tonisme, et, par voie de conséquence, l'adoption d’un genre t de vie ascétique ; cinq ans plus tard seulement, au momen icathol au ti conver serait se où Augustin est fait prêtre, il cisme, en raison des devoirs de sa charge. Dans le même sens, Scheel, Becker, Thimme

insistent sur

le néo-platonisme d’Augustin et sur la lenteur de son évolu-

tion vers le christianisme : selon eux, Augustin ne cherche encore, à Cassiciacum, qu’à dépasser le scepticisme et à se tourner vers l'étude du monde intelligible ; sa retraite n'a pas eu pour but la préparation au baptême ; c’est seulement en Afrique qu’il découvrit et formula sa doctrine du péché et de la Grâces. Le plus gros effort critique fut tenté par M. Alfaric : après avoir montré comment Augustin avait été foncièrement manichéen, il estime que les Confessions sont tendancieuses en ce qui regarde les progrès intellectuels et les progrès moraux; Augustin,

dit-il, cherche

à se faire passer pour

chrétien

dès

avant la découverte du néo-platonisme et à présenter son évolution morale comme fluence

de l’ascétisme

une conversion de la volonté sous l'inchrétien ; c’est

renverser

l’ordre

des

faits : « Augustin a donc adopté le platonisme avant de don-

ner son adhésion au christianisme, et il ne s’est rallié au second

({) R. Scmmin, Zur Bekehrungsgeschichte Augustins, dans Zeitschrift für Theologie und Kirche, t. VI, 1897, p. 80-96. (2) L. Gourpon, Essai sur la conversion de saint Augustin, thèse, Cahors, 4900, p. 23. (3) O. Scase, Die Anschauung Augustins über Christi Person und Werk, Tübingen, 1901 ; H. Becker, Augustin, Studien zu seiner geistigen Entwickelung, Leipzig, 1908 ; W. Tuimme, Augustins geistige Entwicklung in den ersten Jahren nach seiner Bekehrung (386-391), dans Neue Studien zur Geschichte der Theologie und Kirche, t. III, 1908 ; Thimme a résumé lui-même les thèses de ce livre touffu en un article : Grundlinien der geistigen Entwicklung Augustins, dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, t. XXXI, 1910, p. 172-213.

INTRODUCTION

9

que parce qu'il l’a, après examen, jugé conforme au premier. Même dans la suite, il a tenu quelque temps à la doctrine de Plotin bien plus qu'au dogme catholiquet. » La conclusion de cette analyse minutieuse est péremptoire : « Moralement comme intellectuellement, c’est au néo-platonisme qu’il s’est

converti plutôt qu’à l’Évangile?. »

Cet ouvrage considérable a suscité de vives réactions. Parmi les comptes-rendus les plus significatifs, relevons ceux de Loisy

et de M. Gilson. Celui-ci fait remarquer que le plotinisme d’Augustin représente une formule fortement altérée dans le sens chrétien : « Le seul fait qu'Augustin ait admis, dès le début, la création et l'égalité des personnes divines suffirait à établir

qu'il fut immédiatement catholique et non plotiniens. » Loisy se montre encore plus réticent : « Le fait est pourtant qu'à cette date Augustin a reçu le baptême et qu’on le considère comme chrétien depuis ce temps-là... Les écrits de Cassiciacum et de la période néo-platonicienne ne représentent pas toute la vie intérieure d'Augustin et ils ne sont pas destinés à la représenter. Ils ne touchent qu’incidemment le fait de la conversion, et ils ne permettent pas de contrôler, supposé qu'un tel contrôle soit indispensable, le récit des Confessionsi. »

Plusieurs ouvrages parus vers cette date présentent de même une réaction sensible dans le sens conservateur. C’est le cas de la communication de Holl à l’Académie de Berlins. Le P. Boyer insiste aussi sur les influences chrétiennes subies par Augustin tout au long de son existence ; son néo-plato-

nisme serait toujours resté subordonné à son christianisme : « Il avait retrouvé la foi de Monique avant de lire Plotin6. » (1) P. Acraric, L'évolution intellectuelle de saint Augustin, thèse, Paris, 1918, p. 380-381. (2) Ibid., p. 399. (3) E. Gizson, compte-rendu d'’Alfaric, dans Revue philosophique, t. LXXXVIII, 1919, p. 503. (4) A. Lorsy, compte rendu d’Alfaric, dans Revue critique, t. LXXX VI, 1919, p. 146. (5) K. Hozr, Augustins innere Entwicklung, dans Abhandlungen der preussischen Akademie der Wissenschaften, philos.-histor. Klasse, 1923, p. 151 (réimprimé dans ses Gesammelle Aufsâtze zur Kirchengeschichte, t. III, Tübingen, 1928, p. 54-116 ; voir notamment, sur Alfaric, p. 54, n. 4° (6) Ch. Boyer, Christianisme et néo-platonisme dans la formation de saint Augustin, thèse, Paris, 1920, n. 68. Ses vues sont reprises par J.-M. Le Bron»,

Les conversions de saint Augustin, ment original sur ce point.

Paris, s. d. [1950], ouvrage

médiocre-

10

LES

CONFESSIONS

DE

SAINT

AUGUSTIN

Nôrregaard s'attache à discerner ce que l’on peut entrevoir, à travers les Dialogues, de la pensée chrétienne d’Augustin, et à travers les Confessions, de sa pensée néo-platonicienne; il conclut que, si la lecture des Néo-platoniciens fut capitale au point de vue théorique, la décision du jardin de Milan fut capitale aux points de vue psychologique, pratique et religieux; tout compte fait, « la perspective des Confessions est exacte »1.

Ces vues favorables aux Confessions n’ont pas empêché la tendance critique de s'affirmer encore. Wundt finit par décomposer la prétendue conversion d’Augustin en quatre moments distincts : outre la lecture de l’Hortensius, la lecture des Néoplatoniciens, la scène du jardin de Milan, une phase capitale serait le début de 391, date de l’ordination ; il y aurait opposition violente entre les écrits de 386 /390, fortement imprégnés de néo-platonisme, et les écrits des années postérieures, hostiles

à la philosophie et fondés principalement sur la doctrine paulinienne de la justification par la Grâcez. Cette thèse allait être attaquée aussitôt par Dôrries, à la suite d’une

étude

détaillée

sur

le De uera

religiones.

Enfin,

dans une dissertation de 1939, sœur Garvey, après avoir souligné l'opposition qui existe entre les doctrines fondamentales du néo-platonisme et du christianisme, n’hésite pas à assurer qu'Augustin a opté pour les secondess. L'on ne saurait considérer qu’un accord s’est fait avec le temps. M. Piganiol ne vient-il pas de dénoncer « la déformation rhétorique et l’insincérité » des Confessions ?5 M. Marrou, au contraire, ne met-il pas quiconque au défi de montrer com--

ment Augustin est passé du néo-platonisme à une foi catho-

lique de plus en plus rigide ?6 L'exposé très succinct qui pré(1) I NorrreGaarD, Augustins Bekehrung, Tübingen, 1923,p. 243. On trouvera des points de vue analogues chez P. DE LABRIOLLE, préface à son édition des Confessions, p. xn-xxrr. (2) M. Wunpr, Ein Wendepunkt in Augustins Entwicklung, dans Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft, t. XXI, 1922, p. 58-64.

(3) H. Doerries, Das Verhältnis des neuplatonischen und christlichen in Augustins De uera religiones ibid., t. XXIITI, 1924, p. 64-102. (4) Sister M.-P. Ganvey, Saint Augustine christian or neoplatonist ? Diss.,

Milwaukee, 1939.

(5) A. Picaxioz, L'Empire chrétien, Paris, 1947, p. 233. (6) H.-I. Manon, Saint Augustin et la fin de . culture antique, t. II, Paris, 1949, p. 629. L’argument me paraît un peu gros;sans doute, M. Alfaric n'a pas écrit le t. IT qu'il avait promis ;mais Wundt, par exemple, a prétendu décrire une telle évolution.

INTRODUCTION

11

cède permet seulement de dégager quelques grandes lignes. Deux familles d’esprits s'opposent au sujet des Confessions : d'une part, une tendance critique toujours plus hardie, d’autre part une tendance conservatrice, renaissante depuis 1920. Je n'ai point l'intention d'opter a priori pour l’une des deux attitudes, mais de faire quelques observations touchant la méthode. Les études ont été menées, d'ordinaire, selon une méthode d'histoire doctrinale, plutôt que selon une méthode d'analyse philologique des textes. Les traditionalistes ont insisté sur les éléments chrétiens, même à l’intérieur des Dialogues ; les critiques, sur les éléments néo-platoniciens, même à l'intérieur des Confessions. La controverse porte tantôt sur la priorité chronologique du christianisme ou du néo-platonisme dans l'esprit d'Augustin, tantôt sur leur importance

relative : faut-il voir, dans telle œuvre, « non point un néoplatonisme teinté de christianisme, mais au contraire un chris-

tianisme teinté de néo-platonisme ?2 » Le problème ainsi posé, il est fatal que la part d'appréciation subjective reste considérable dans la réponse que l’on fournits. À supposer même que les modernes fussent d'accord, le critère à quoi ils reconnaitraient le principal et l'accessoire serait-il forcément valable pour un homme de la fin du 1v® siècle ? Une autre cause de mésentente concerne la notion même de conversion : les uns sont tout disposés à admettre la possibilité d’un acte subit ; les autres ne voient qu'évolution lente

et progressive ; ainsi, la scène du jardin de Milan apparaît aux premiers plausible, aux seconds factice. Il s’agit encore de savoir, étant donné deux séries de documents qui ne se recouvrent pas entièrement : Dialogues et Confessions, quelle

série offre la, plus grande crédibilité : les uns optent a priori pour la série la plus proche des événements,

les Confessions,

les autres pour

genre plus sincère et plus intime.

Enfin et

(1) On trouverait un historique plus détaillé chez NoERREGAARD, op. cit., p. 1-19 ; H. Gros, La valeur documentaire des Confessions, chap. I ; U. Mawnucci, S. Agostino e la critica recente, dans Miscellanea Agostiniana, t. II, Rome, 1931, p. 23-48 ; GARvEY, op. cit., p. 1-40. (2) Gizson, compte-rendu d’Alfaric cité, p. 505. (3) Position analogue, mutatis mutandis, à ce qu'a été longtemps le problème rebattu de la connaissance du grec chez Augustin :le sait-il plus qu'il ne l’ignore, ou l’ignore-t-il plus qu'il ne le sait ? Chaque érudit propose le dosage qui lui convient, quantité de références pouvant être alléguées dans chaque sens.

L-

LES

12

CONFESSIONS

DE

SAINT

AUGUSTIN

surtout, le débat tient à ce que les deux partis considèrent comme

pôles distincts, d'une part la sagesse hellénique, néo-

platonicienne, d’autre part la sagesse évangélique judéo-chré-

tienne :on s'efforce, dès lors, de déterminer

à quel pôle se rat-

tache l’Augustin de 3861. Mais l'opposition entre hellénisme et christianisme n'est-elle pas surtout une vue des modernes ? A supposer que, dans le milieu où fréquentait Augustin à cette date, cette opposition ne fût pas ressentie, la discussion même ne perdrait-elle pas toute base ?

*

+

Le but de cette étude sur les Confessions est, non d'apporter une solution à la controverse semi-séculaire, mais de sortir des ornières tracées. Le plus urgent, semble-t-il, est de délimiter la part du théologique et la part du biographique dans les Confessions, de décrire le mécanisme du rappel des souvenirs, d'apprécier le degré de sens historique d’Augustin. Cela fait, l’on pourra élaborer un programme de recherches philologiques et d'histoire littéraire, appliqué à ce texte. Naturellement, le commentaire des Confessions ne sera pas continu

et, pour quantité d'épisodes sur lesquels nous disposons d’un document unique, la philologie ne peut guère fournir de lumière ; inversement,

quantité

de textes,

autres

que

ceux

des Dia-

logues ou des Confessions, sont à verser au débat. Les seuls points approfondis seront ceux pour lesquels un résultat neuf

et peu contestable semble pouvoir être révélé par la compa-

_raison des textes2. Il faut espérer, du moins, qu’une fois le problème transposé du plan doctrinal sur le plan philologique, les préjugés subjectifs de l’auteur n'auront plus autant de licence de s'exercer. (1) La dissertation de sœur Garvey est particulièrement naïve dans le dessin de ce schéma. (2) Je ne parlerai guère de la période académicienne, ni de l'influence de Monique ; ce n’est pas que j'en sous-estime l'importance. Mais on conviendra, par exemple, que le philologue n’a point d’instrument pour mesurer l'affection d’Augustin à l'égard de sa mère.

CHAPITRE

AUGUSTIN

LE SCHÉMA

PREMIER

BIOGRAPHE

THÉOLOGIQUE

DES CONFESSIONS

Si nous voulons nous faire une idée précise de la valeur histo-

rique des Confessions, comme document autobiographique, il convient d’abord d’analyser le sens que l’auteur attribue au titre. À première vue, ce sens paraît équivoque : les recherches récentes sur l’évolution sémantique du groupe : confiteri confessio, conjessor, ont dégagé trois emplois principaux à l'époque chrétienne : confession des péchés, confession de foi, confession de louanget. Le Thesaurus attribue ce triple sens au titre choisi par Augustin?. Tout récemment, le P. Verheïjen vient pourtant.de nier que les Confessions incluent une confession de fois. I1 sera peut-être utile d'interroger l’évêque d'Hippone lui-même sur ses intentions (P1. XV-XIX). im

(1) Cf. H. Janssen, Kultur und Sprache, Zur Geschichte der alten Kirche Spiegel der Sprachentwicklung von Tertullian bis Cyprian, Nimègue,

1938,

p. 150-161

et 177-185 ; Car.

Monrmann,

Die

altchristliche

Sonder-

sprache in den Sermones des hl. Augustin, 1, Nimègue, 1932, p. 123-124, et Quelques traits caractéristiques du latin des Chrétiens, dans Miscellanea G. Mercati, t. I, Vatican, 1946, p. 446-448 ; E. Wor, Zur Frage nach der Eigenart von Augustins Confessiones, dans Christentum und Wissenschaft, t. IV, 1927, p. 97-120. (2) Thesaurus latinae linguae, s. u. : confessio, p. 190, 60. (3) M. VERHEISEN, Eloquentia pedisequa, observations sur le style des Confessions de saint Augustin, Nimègue, 1949, p. 81.

14

I. AUGUSTIN BIOGRAPHE

de louange Ce livre de Confessions constitue un sacrifice demande. sa sur Dieut, qu'Augustin a fait vœu d'offrir à ge adreslouan de sions confes I1 s’agit donc, en principe, de sées à Dieus, tant sont nombreuses

les occasions

où Dieu a

les actes pris Augustin en pitiét. À strictement parler, ce sont d'euxnt, chante qui ustin d'Aug s de pitié commis à propo e exercé s’est divine corde miséri Cette mêmes, louange à Dieu5. aître reconn la coup, Du . péchés au in en arrachant August

. et la confesser revient, pour Augustin, à avouer ses péchés «

le, p. 92 :« Accipe sacri(1) Auœusrin, Confessions, V, 1,1, 1, éd. Labriol meae, quam formasti et linguae manu de mearum sionum ficium confes tibi (anima mea) miseraatur Confite excitasti, ut confiteatur nomini tuo.…. : « Sacrificem tibi sacrificium 475 p. 5, 1, 1, VIII, ; » te laudet ut tuas, tiones tum cogitationis et laudis » ; XI, 2, 3, 5, p. 297 : « Sacrificem tibi famula sacrificium confessionis linguae meae » ; XII, 24, 33, 8, p. 353 : « Voui tibi tibi uota mea»; cf. l’exin hislitteris et oro, ut ex misericordia tua reddam

cité ci-dessous, pression biblique hostia iubilationis dans le second texte ; cf. Enarr. IX, 1, 1, 3, p.208: « tibi sacrificabo hostiam laudis»

n. 7, et hostia est Deo » ; surin Ps. XCV, 8, P.L.,t. XXXVII, 1233 : « Confessio bor nomini tuo. » confite et tibi tout, Ps. LIII, 8 : « Voluntarie sacrificabo uoluisti, ut conprior Tu « : 296 p. 19, 4, 1, XI, Conf., n, Auausri (2) fiterer tibi. » laudem (3) Zbid., 1, 6,10,1,p.8:« Confiteor tibi, domine caeli et terrae, » mea. infantia et s primordii dicens tibi de tuas, qui(4) Ibid., I, 15, 28, 8, p. 90 : « in confitendo tibi miserationes 31, 4, p. 88 : « nee bus eruisti me ab omnibus uiis meis pessimis » ; IV, 16, crubesco, deus meus, confiteri tibi in me misericordias tuas et inuocare tuae. » te » ; IX, 12, 32, 14, p. 234 : « Ecce et hoc confiteor misericordiae me miseex ur confitent cui meus, deus « : 109 p. 15, 20, 10, V, Zbid., (5) miserationes rationes tuae » : VI, 7, 12, 29, p. 129 : « Taceat laudes tuas qui »; VIL,6, 8, tuas non considerat, quae tibi de medullis meis confitentur meae animae s uisceribu intimis de tibi hinc etiam tur 3, p. 153 : « Confitean au Psaume iniserationes tuae, deus meus ! » ; tous ces passages se réfèrent CVI, & : « Confiteantur Domino misericordiae eius. » (6) Cf. le premier texte cité ci-dessus, n. k. Deus (7) Aueusrin, Conf. I, 19, 30, 5, p. 95 : « Dico haec et confiteor tibi, honeste erat mihi tunc placere quibus eis, ab laudabar quibus meus, in bienuiuere » (à propos de l'écolier qu'il était, uniquement soucieux du dire) ; IV, 1, 1, 16, p. 66 : « Inrideant me arrogantes et nondum salubriter in prostrati et elisi a te, Deus meus, ego tamen confitear tibi dedecora mea laude tua. Sine me, obsecro,et da mihi circuire praesenti memoria praeteritos circuitus erroris mei et immolare tibi hostiam iubilationis (Ps. XLIX, 14). ...Sed inrideant nos fortes et potentes, nos autem infirmi et inopes confiteamur tibi » ; V,10,18, 12, p.107 :«Cumaliquid malifecissem, non confiLeri me fecisse, sed excusare me amabam » ; XI, 1, 1, 11, p. 296 : « ..confitendo tibi miserias nostras et misericordias tuas super nos. » Cf. Enarr. in Ps. XCIV, 4, P.L., t. XXXVI, 1219 : « Numquid autem et hoc non per-

LE SCHÉMA THÉOLOGIQUE DES CONFESSIONS

La pitié divine

est purement

gratuite

Le ton des Confessions, ainsi comprises,

et précède

15

l’aveui.

devrait être le ton

lyrique d'un perpétuel cantique d’actions de grâces. Or, il n'en est pas toujours ainsi. Une fois, Augustin se reprend parce qu'à propos de la mort d’un ami très cher, il a été amené à poser une foule de questions relatives à la douceur des larmes ; il coupe court à la digression : le moment n’est pas de faire. une enquête, mais de confesser Dieu?. 11 se reprochera aussi, dans les Réfractations, à propos de la page suivante, sur la force du lien d'amitié, d’avoir abandonné le ton grave de la confession pour le ton léger de la déclamation® : à la vérité, cet oubli est exceptionnel et de courte durée: Augustin est bientôt revenu au ton de l’aveu, en se reprochant d’avoir loué

l'orateur Hiérius, non pour la valeur interne de ses discours, mais pour faire comme tout le monde. D'autres passages, beaucoup plus nombreux, sont narratifs : Augustin qui avait déclaré, au début du livre I, s’adtesser à Dieu miséricordieux, non à l’homme railleur5, coupe brusquement le fil d’un passage de pure narration, au début du livre suivant, et s'interroge: «A qui fais-je ce récit ? Ce n’est pas à vous, mon Dieu, mais en m’adressant à vous, je m'adresse

au genre humain, celui auquel j'appartiens, si minime soit le nombre des personnes entre les mains de qui peuvent tomber ces pages. Et pourquoi ce récit ? C’est afin que quiconque le lira, et moi-même, mesurions les profondeurs de l’abîme tinet ad laudem Dei, quando confiteris peccata tua ? » ; CV, 2, ibid., 1406 : «Etiam cum sua quisque confitetur peccata, cum Dei laude confiteri debet.» (1) Zbid., III, 6, 11, 14, p. 53 : « Tibi enim confitcor, qui me miseratus es et nondum confitentem. » (2) Zbid., IV, 6, 11, 1, p. 73 : « Quid autem ista loquor ? Non enim tempus quaerendi nunc est, sed confitendi tibi » ; cf. déjà I, 6, 9, 18, p. 8 : « An irrides me ista quaerentem teque de hoc, quod noui, laudari a me iubes e1 confiteri me tibi ? » De même, dans le texte cité à la note précédente, le tibi confileor s'oppose à cum te... secundum sensum carnis quaererem ». (3) Aucusrin, Retract. II, 32, 2, dans C.S.E.L., t. XX XVI, p. 138, 8 : « In quarto libro, cum de amici morte animi mei miseriam confiterer dicens, quod anima nostra una quodam modo facta fuerat ex duabus : « et ideo, inquam, forte mori metuebam, ne totus ille moreretur, quem multum amaueram. » Quae mihi quasi declamatio leuis quam grauis confessio uidetur. » (4) Aucusrin,

Conf., IV, 14, 23, 4, p. 83 : « Et unde

scio et unde certus:

confiteor tibi quod illum in amore laudantium magis amaueram quam in rebus ipsis, de quibus laudabatur ? » Addendum, ci-dessous, p. 261. (5) Zbid., I, 6, 7, 3, p. 6 : « Misericordia tua est, non homo inrisor meus, cui loquor..…. »

2

16

I. AUGUSTIN

BIOGRAPHE

d’où nos cris doivent s'élever vers vous. » Augustin a donc conscience que son ouvrage n’est pas seulement une élévation vers Dieu, mais qu’il comporte des développements narratifs destinés au lecteur ; leur but n’est naturellement pas d’instruire Dieu sur les fautes commises’. Augustin pense que le lecteur, et toute l’humanité, pourront se reconnaître à travers lui. Il poursuivra ses Confessions en dépit des railleurs qui auraient grand tort de ne pas se croire pécheurs®;

il conjure son lecteur de ne pas raïller ses péchés, si lui-même n’en a point commis de semblabless. Mais lors même qu'Augustin commence un paragraphe narratif, il parle en présence de Dieu, qui l’écoutes. Car toute sa vie a dépendu de Dieu, qu'Augustin en eût ou non con_ science. Par exemple, la décision qu’il prit, encore manichéen, de quitter Carthage pour Rome, doit être attribuée à la miséricorde divine qui la lui a suggérée, et mérite donc d’être relatée eu confession?. C’est en enfer seulement que personne ne loue Dieus. Sa conversion est, par excellence, ce qui confesse la gloire de Dieu. Les Livres saints, et non Plotin, lui ont ensei(1) Zbid., II, 3, 5, 8, p. 33. (2) Zbid., V, 1, 1, 4, p. 92 : « Neque enim docet te quid in se agatur, qui tibi confitetur » ; XI, 1, 4, 3, p. 296 : « Cur ergo tibi tot rerum narrationes

digero ? Non utique ut per me noueris ea, sed affectum meum excito in te et eorum, qui haec legunt. » (3) Deuxième texte cité ci-dessus, p. 14,n.7; cf. X,43, 70,12, p. 293 : « Non calumnientur mihi superbi, quoniam cogito pretium meum et manduco et bibo et erogo et pauper cupio saturari. » (4) TZbid., II, 7, 15, 16, p. 40 : « Qui enim uocatus a te secutus est uocem tuam et uitauit ea quae me de me ipso recordantem et fatentem legit, non me derideat ab eo medico aegrum sanari, a quo sibi praestitum est, ut non aegrotaret, uel potius minus aegrotaret » ; V, 10, 20, 36, p. 110 :: « Nunc spiritales tui blande et amanter ridebunt me, si has confessiones meas legerint ; sed tamen talis eram » ; IX, 12, 33, 10, p. 235 : « Et nunc, domine, confiteor tibi in litteris. Legat qui uolet et interpretetur ut uolet, et si pec-. catum inuenerit, fleuisse me matrem exigua parte horae, ...non inrideat,. » (5) Ibid., V, 3, 3, 1, p. 94 : « Proloquar in conspectu Dei mei annumillum undetricesimum aetatis meae. » (6) Zbid., II, 3, 5, 13, p. 33 : « Et quid propius auribus tuis, si cor confitens et uita ex fide est ? » (7) Tbid., V, 8, 14, 4, p. 103 : « Et hoc unde mihi persuasum est, non praeteribo confiteri tibi, quoniam et in his altissimi tui recessus et praesentissima in nos misericordia tua cogitanda et praedicanda est. » (8) TZbid., VII, 3, 5, 26, p. 149 : « Sed non usque ad illum infernum subducebar erroris, ubi nemo tibi confitetur (Ps. VI, 6) .» (9) Zbid., VIII, 6, 13, 1, p. 186 : « de. saecularium negotiorum seruitute quemadmodum exemeris, narrabo et confitebor nomini tuo. »

LE SCHÉMA THÉOLOGIQUE DES CONFESSIONS gné les « larmes de confessiont

17

» ; car l’humble confession des

Chrétiens s’oppose à la présomption des Néo-platoniciens?. L'aveu n’est pas seulement personnel : au livre VIII, Augustin rapporte tout au long le récit de la conversion de Victorinus, parce qu’elle aussi confesse la louange de la Grâce divines: au livre suivant,

il mentionne

les dons

naturels

de son

fils

Adéodat et les confesse comme issus de Dieu ; les démons eux-mêmes, lorsque des possédés sont mis en présence de reliques de martyrs, sont

contraints

de confesser

la gloire de Dieuÿ ;

la terre et tout ce qu'elle contient la confessent aussi. La confession est donc, tantôt reconnaissance de l’action divine?, et tantôt action de grâcess. Une fois terminé le récit de sa vie passée, Augustin éprouve le besoin, au livre X, de revenir longuement sur la notion même

de confession et de systématiser sa pensée : il ne s’agit pas de dévoiler à Dieu des secrets qu’il ignorerait, mais de recon-

naître en soi-même la Grâce de Dieu pour s’humilier à son regard ; là est le fruit de la confession® : rapporter à soi tout le mal de sa conduite et se prendre en déplaisance, rapporter à Dieu tout le bien, du fond du cœur et non point seulement en paroles. Augustin déclare qu'il écrit ce livre X à la demande (1) Zbid., VII, 21, 27, 35, p. 172 : « Non habent illae paginae uultum pietatis huius, lacrimas confessionis, sacrificium tuum... » (2) Tbid., VII, 20, 26, 19, p. 170 : « In quos (Platonicorum libros) me propterea, priusquam scripturas tuas considerarem, credo uoluisti incurrere, ut... discernerem atque distinguerem, quid interesset inter praesumptionem et confessionem. » (3) Zbid., VIII, 2, 8,15, p. 178 : « Dequeillo mihi narrauit quod nonsilebo. Habet enim magnam laudem gratiae tuae confitendam tibi, quemezdmodum ille doctissimus senex... non erubuerit esse puer Christi tui. » (4) Tbid., IX, 6, 14, 10 et 15, p. 219 : « Munera tua tibi confiteor. » (5) Zbid., IX, 7, 16, 8, p. 221 : « Confessis eisdem daemonibus sanabantur.

»

(6) Zbid., (Deus) ; et (7) Texte (8) Zbid.,

X, 6, 9, 2, p. 246 : « Interrogaui terram, et dixit : Non sum quaecumque in eadem sunt idem confessa sunt. » cité ci-dessus, n. 3. IX, 8, 17, 11, p. 222 : « Accipe confessiones meas et gratiarum

actiones, deus meus.

»

(9) Zbid., X,2,2,1, p. 240 : « Et tibi quidem... quid occultum esset in me etiamsi nollem confiteri tibi ? Te enim mihi absconderem, non me tibi... Et quo fructu tibi confitear, dixi. » (10) Zbid., X, 2, 2, 12, p. 241 : « Cum enim malus sum, nihil est aliud confi-

teri tibi quam displicere mihi ; cum uero pius, nihil est aliud confitcri tibi quam hoc non tribuere mihi... Confessio itaque mea, deus meus, in conspectu tuo tibi tacite fit et non tacite. Tacet enim strepitu,clamat affectu. »

18

I, AUGUSTIN

BIOGRAPHE

d'autruit ; il ne peut prouver qu’il dit vrai, sinon à ceux qui, puisant la charité dans une communauté de foi, de ce fait lui accorderont

créancez.

Tout

l'ouvrage

est, du reste,

à l'usage

de lecteurs catholiquess, notamment à l’usage des « spirituels »4.

Quel avantage leur fournira cette lecture ? Les pécheurs trouveront dans l’aveu des fautes passées d’Augustin et de leur rachat par la conversion et le baptême, la force de ne pas

désespérer d'eux-mêmes ; les justes seront charmés d’ouïîr ce récit d’une guérison morales. Quantité de personnes désirent maintenant qu’il ajoute une suite, non plus sur son passé, mais sur son état moral présent : étrangers qui le connaissent par ouï-dire, correspondants, même les personnes de son entourage, tous ces catholiques réclament d’en savoir plus long sur son état intime, et ont foi en ses déclarationsé. Augustin consent à écrire cette suite, à se confesser tel qu’il est maintenant, non

seulement devant Dieu, mais devant ses frères dans la foi, pour les inciter à remercier Dieu de l'avoir rapproché de lui, et à prier pour son perfectionnement ultérieur. A partir du livre X, le sens même du mot confession va gauchir, ce qui permet à l’auteur d'ajouter des développements sans rapport avec le début : il va confesser sa science et son ignorance de la Loi divine, tout ce qu’il a trouvé dans les (1) Texte cité ci-dessous, p. 26. (2) Zbid., X, 3, 3, 13, p. 241: « Sed quia caritas omnia credit (1 Cor., XIII, 7), inter eos utique, quos conexos sibimet unum facit, ego quoque, domine, etiam sic confiteor, ut audiant homines, quibus demonstrare non possum an uera confitear ; sed credunt mihi, quorum mihi aures caritas

aperit. » (3) Zbid., IX, 13, 37, 5, p. 237 : « Inspira seruis tuis, fratribus meis, filiis tuis, dominis meis, quibus et corde et uoce et litteris seruio, ut quotquot haec legerint, meminerint ad altare tuum Monnicae. » (4) Textes ci-dessus, p. 16, n. 4. (5) Tbid., X, 3, 4, 1, p. 242. (6) Zbid., X, 3, &, 19, p. 242 : « Et multi hoc nosse cupiunt, qui me noucrunt et non me nouerunt, qui ex me uel de me aliquid audierunt .» (7) Ibid., X, 1, 1, 9, p. 240 : « Volo eam (ueritatem) facere in corde mec coram te in confessione, in stilo autem

meo

coram

multis

testibus » ; X,

k, 6, 2, p. 243 : « ...Confitear non tantum coram te secreta exultatione cum tremore et secreto maerore cum spe, sed etiam in auribus credentium filiorum hominum » ; X, 34, 51, 2, p. 278 ; X, 37, 62, 5, p. 287. (8) Zbid., X, 5, 7, 18, p. 245 : « Confitear ergo quid de me sciam, confitear et quid de me nesciam » ; XI, 2, 2, 7, p. 297 : « Et olim inardesco meditaii in lege tua et in ea tibi confiteri scientiam ct inperitiam meam, primordia inluminationis tuae et reliquias tenebrarum mearum, quousque deuoretur à fortitudine infirmitas. » L'expression ignorantiam confiteri se trouve oppo-

LE SCHÉMA THÉOLOGIQUE DES CONFESSIONS

19

Écriturest. Le sens d’'humble aveu subsiste parfois, par exemple lorsqu'Augustin confesse qu’il ignore ce qu'est le mécanisme psychologique des prédictions?, la nature du temps3, ce que signifie au juste Moïse par les premiers mots de la Genèscs. Mais confesser sa science, en matière d’exégèse ou de doc-

trine, revient à confesser sa foi : le sens habituel devient, sem-

ble-t-il, quoi qu’en dise le P. Verheijen5, confession de foi, alors que ce Sens apparaissait fort rarement dans les dix premiers livresé. Augustin confesse que le temps est mesurable? : il confesse

Dieu créateu18 ; il confesse l'éternité

du Verbes.

La

vraie doctrine est à la fois révélée par Dieu et à lui confessée10. Pratiquement, nous avons affaire à un commentaire du premier chapitre

de la Genèse;

qu'il va interpréter

Augustin

annonce,

un moment,

dans ses Confessions tous les livres mo-

sée à scientiam profiteri, chez Augustin, Epist. ad Hesychium CXCVII , 5,dans CS ET, t'LNIL/p235N2: s (1) Zbid., XI, 2, 3, 28, p. 298 : « Confitear tibi quidquid inuenero in libris tuis.. et considerem mirabilia de lege tua ab usque principio, in quo fecisti caelum et terram, usque ad regnum tecum perpetuum sanctae ciuitatis tuae.

»

(2) Tbid., XI, 18, 23, 18, p. 312. : « Utrum similis sit causa etiam prac-

dicendorum

futurorum, ut rerum, quae nondum

sunt, iam exsistentes prac-

sentiantur imagines, confiteor, Deus meus, nescio. » (3) Tbid., XI, 25, 32, 1, p. 319 : « Et confiteor tibi, domine, ignorare me adhuc quid sit tempus. » (4) Tbid., XII, 30, 41, 5, p. 361 : « Ac per hoc si quis quaerit ex me, quid horum Moyses, tuus ille famulus, senserit, non sunt hi sermones confessionum mearum, si tibi non confiteor : nescio » Augustin vient d'exposer plusieurs exégèses divergentes. (5) Cf. ci-dessus, p. 13. (6) Les seuls exemples que j'aie relevés sont :Conf., I, 11, 17, 15, p. 16 : « .…sacramentis salutaribus initiarer et abluerer, te, domine Jesu, confitens in remissionem peccatorum » ; VII, 4, 6, 3, p. 150 : «te, quidquid esses, este incorruptibilem

confitebar

», et VIII, 2, 4, 19, p. 179 (à propos

de Victc-

rinus) : « Timuitque negari a Christo coram angelis sanctis, si eum timerct coram hominibus confiteri. » (Cf. Luc, XII, 9.) On trouvait aussi, Conf., V, 7, 12, 16-24, p. 101, le sens d’aveu d’ignorance (inperitiae ; confiteri), mais appliqué

au

manichéen

Faustus

de Milève, et sans

valeur théologique.

(7) Zbid., XI, 26, 33, 1, p. 319 : « Nonne tibi confitetur anima mea confessione ueridica metiri me tempora ? » (8) Zbid., XII, 2, 2, 1, p. 330 : « Confitetur altitudini tuae humilitas linguae meae, quoniam tu fecisti caelum et terram. » (9) Zbid., XI, 7, 9, 8, p. 302 : « Hoc noui, deus meus, et gratias ago. Noui, confiteor tibi... » (10) Zbid., XII, 3, 3, 12, p. 331 : « Nonne tu, domine, docuisti hanc animam, quae tibi confitetur ?»

I. AUGUSTIN

20

BIOGRAPHE

saïques l: Bien plus, le commentaire prend une allure polémique : défendre la saine doctrine contre trois sortes de con-

tradicteurs? : « Vous, Ô notre Dieu, soyez arbitre entre mes confessions et les objections qu’ils élèvents. » Au livre XELÉ

la notion de confession de foi subsistet

: nous n'y trouvons

qu’une application de la méthode allégorique au récit de la Genèse et une réfutation de la conception manichéenne de

création. La prière finale est fort belle, mais ne constitue, à aucun

degré, une conclusion générale des Confessions. Le mot

même

n'apparaît

plus. .

Les emplois du que la composition chose de choquant seul mot du titre,

groupe confiteri suffiraient à nous avertir de l'ouvrage présente, à notre goût, quelque : si l’unité des Confessions repose sur ce cette unité est un peu factice, puisque le

mot ne fournit pas matière à la conclusion et n'est pas tou-

jours pris au même sens : à la confession-aveu des péchés et louange de Dieu

se substitue, dans les derniers livres, la con-

fession-aveu d’ignorance et prédication de foi. Tout au plus, la Confession indiquerait-elle une unité de ton. L'observateur

le plus superficiel ne peut manquer d'être frappé par une discordance : les trois derniers livres sont des développements

abstraits sur la doctrine, et non plus un récit biographique

comme étaient les dix premiers. Ceux-ci ne forment pas non plus un récit continu : entre le séjour à Ostie, nartré à la fin du

livre IX, et le livre X qui décrit l'état présent d’Augustin, s'étend un large hiatus d’une douzaine d'années. Faut-il dire qu'Augustin compose mal, comme toujours, ou au moins qu’il n’a pas eu, cette fois, une conception d'en-

(1) Texte cité ci-dessous, p. 24. (2\ Ibid., XII, 15, 19, 1, p. 341. (3) Zbid., XII, 16, 23, 29, p. 345. (4) Ibid., XIII, 12, 13, 1, p. 375 : « Procede in confessione, fides mea» ; XII, 32, 43, 20, p. 363 (cf. aussi p. 377, 6) : « fide confessionis » ; XIII 23, 36, 8, p. 394 : « Confiteor credere me, domine, non incassum te ita locutum » ; au contraire, sens d’aveu, XIII, 15, 17, 10, p. 379. (5) En ce sens, cf. J. PERRET, Introduction à sa trad. de la Cité de Dieu, t. IL, Paris, Garnier, s.d., et H.-I. Marrou, S. Augustin et la fin de la culture antique, Paris, 1949, p. 63-64, avec beaucoup de nuances (celui-ci se rétracte d’ailleurs sur ce point, p. 666, et déclare se rallier, pour la composition des Confessions, aux vues de VERHEIYEN, Eloquentia pedisequa, p. 46-50) ; J. FiNAERT, $. Augustin rhéteur, Paris, 1939, p. 67-78, est plus catégorique.

LE SCHÉMA THÉOLOGIQUE

DES CONFESSIONS

21

semble ? N'’a-t-il pu se laisser conduire au gré des desiderata

de son entourage ? Certains amis désirent le récit du passé

d'Augustin ; d’autres, sans lui laisser le temps de terminer, réclament une description de son état présent ; d’autres encore lui posent des questions sur le début de la Genèse. Augustin se serait

peu

empressé

artificiellement,

commun

de satisfaire

ces

chacun,

morceaux

et aurait

disparates

sous

réuni,

un

le titre

de Confessions.

I y a une part de vérité dans cette manière de voir. Les Confessions sont, en effet, si l’on veut, une œuvre de circonstancei ; ceux des modernes qui croient à leur unité ne s’accor-

dent même pas sur ce qui fait cette unité : pour l’un, ce serait la notion de sacrifice de louange, éparse à travers l'ouvrage: ;

pour tel autre, les trois parties correspondraient à la distinction entre passé, présent et avenirs. Sœur Wagner insiste sur le but d'’édificationé ; le P. Verheijen voit une démonstration de l’économie de la grâce : miséricorde divine au secours de la misère humaines. Que n’a-t-on pas écrit sur le plan des Confessions ? Ce serait pourtant une erreur de s’imaginer que l'ouvrage

ne procède d'aucune vue synthétique... Wundt a déjà remarqué avec raison que l’union entre les livres biographiques et les livres doctrinaux paraît s'expliquer en fonction de la manière dont Augustin conçoit la catéchèse6. Dans le De catechizandis (1) Cf. ci-dessous, p. 25-26. (2) J. Sriczmayr, Das Werk der augustinischen Konfessionen mit einem Opfergelübde besiegelt, dans Zeitschrift für Aszese und Mystik, t. V, 1930, p. 234-245, et Zum Aufbau der Confessiones des hl. Augustin, dans Scholastik, t. VII, 1932, p. 386-403. En dépit de son importance: (cf. cidessus, p. 14, et n. 1), ce concept de sacrifice ne me paraît qu'un aspect particulier du concept de confession, qui ne suffit même pas, je l’ai montré, à rendre compte de la composition de l'ouvrage. 3) P.-L. LanpsBerc, La conversion de s. Augustin, dans La vie spirituelle, t. XLVIII, 1936, suppl., p. (32), suivi par J.-M. Le Bon», Les conversions de s. Augustin, Paris, s.d. [1950], p. 17. Je vois mal comment les trois livres sur le début de la Genèse correspondent à la notion d’avenir ! (4) Cf. Sister M.-M. Wacner, Plan in the Confessions of st. Augustine, dans Philological Quarterly, 1944, p. 1-23. (5) VERHEIEN, Eloquentia pedisequa, p. 50. Cf. H.-I. Marrou, S. Augustin, t. I1, p. 666, n. 2. Je suis bien d’accord que cette idée est capitale dans les Confessions, mais je ne crois pas qu’elle explique suffisamment l'unité de composition littéraire. (6) M. Wunpr, Augustins Konfessionen, dans Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft, t. XXII, 1923, p. 185 et suiv. Le reste de l’article n’est pas également sûr.

22A

I. AUGUSTIN

BIOGRAPHE

rudibus, écrit seulement quelque cinq ans après les Confessions, Augustin expose que le catéchiste commence par deman-

der au sujet à instruire quel est son état d'esprit et quelles causes l’ont poussé à la religiont :

« Si par hasard l’autre répond qu’une admonition ou une terreur d’origine divine l'ont poussé à se faire chrétien, il nous ouvre accès au meilleur des exordes, sur tout le soin que Dieu prend de nous. Puis, à partir de ces sortes de miracles ou de songes, il faut l’orienter

vers la voie plus ferme et les oracles plus sûrs des Écritures, afin qu’il sache que Dieu, dans sa miséricorde, lui a adressé cette admonition en attendant qu'il adhère aux Livres saints ; il faut lui prouver que le Seigneur ne lui enverrait pas une admonition ou ne le pousserait pas à se faire chrétien, si la voie n’était déjà préparée dans les Écritures saintes, où il n’a pas à chercher des miracles visibles, mais à s’habituer à espérer les merveilles invisibles ; les Écritures lui offrent une admonition, non à l’état de sommeil, mais à l’état de veille. »

Aussitôt, le catéchiste entame son instruction, qui va du début de la Genèse, à travers l’un et l’autre Testaments, jus-

qu’à l’Église contemporaine ; il insiste, pour commencer, sur le verset de la Genèse : « Dieu a fait toutes choses très bonnes»? (Gen. I, 10). I1 y a lieu d'approfondir et de confirmer cette intéressante

suggestion de Wundt.

C’est bien un schéma de cette sorte

qu'Augustin a en tête lorsqu'il se met à rédiger les Confessions. De sa vie passée, il retient surtout les exhortations, terreurs,

consolations, directions, songes, oraclest, miracles, admonitions de toutes sortesf, qu'il n’a pas toujours interprétés sur le moment comme d’origine divine’, mais qui lui semblent maintenant avoir lentement préparé son adhésion à la foi (1) Aueusrin, De catechizandis rudibus, V, 9, P.L., t. XL, 316. (2) Zbid., VI,10, P.L., t. XL, 317. E. PETERsON, EIS 6E0X, Gôttingen, 1926, p. 203, n. 1, critique Wundt, parce que la confession du catéchumène s’adressait au prêtre, tandis qu'Augustin s'adresse à Dieu. Mais Augustin, dans les

Confessions, joue moins le rôle du catéchumène

que celui du catéchiste :

montrer, d’après l'exposé d’une vie, que Dieu prend toujours soin des hommes. (3) Texte cité ci-dessous, p. 23.

(4) Voir, par exemple, page 23,le texte du livre III, où le mot responsum a le sens d’oracle divin. (5) Par exemple ceux qui ont accompagné l’ « invention » des martyrs Gervais et Protais ; cf. ci-dessous, p. 140 et suiv(6) Par exemple, la lecture des livres néo-platoniciens est une admonition (Conf., VII, 20, 26, 2, p. 169), ainsi que le Tolle, lege (VIII, 12, 29, 9, p. 200). (7) Cela

va de soi pour

toutes

‘ant qu’il était manichéen ; même snstant.

les admonitions

qui sont survenues

pour le Tolle, lege, Augustin hésite

pen-

un

LE SCHÉMA THÉOLOGIQUE DES CONFESSIONS

23

chrétienne. Or, à plusieurs reprises, Augustin avertit le lecteur que, malgré tout, la partie biographique des Confessions est, à ses yeux, d'importance secondaire. Dès le livre III,au moment précis où il évoque les songes divinatoires de sa mère, il ajoute, s'adressant à Dieu : « Vous m'avez pourtant donné une autre réponse dont je me souviens. Car je passe sous silence bien des choses pour me hâter vers celles qui me pressent de vous rendre témoignaget. » On pourrait croire que, par ces mots, Augustin annonce seulement des manifestations divines ultérieures, par exemple les nombreuses admonitions de Milan. Mais voici qu’au livre IX, alors que le récit biographique touche à sa fin, à propos du séjour à Cassiciacum, Augustin reprend la même formule : « Quand aurai-je assez de temps pour rappeler tous vos grands bien-

faits à mon égard, surtout dans cette période ? Car j'ai hâte de passer à d’autres objets encore plus importants.

» Et un

peu plus loin : « Je laisse tomber bien des faits, car ma hâte

est grande. Recevez mes confessions et mes actions de grâces, mon Dieu, pour les faits innombrables que je taiss. » La clef de l’énigme nous est enfin fournie au début du livre XI, au

moment où Augustin renonce à terminer le récit de sa vie passée jusques et y compris sa prêtrise : « Ma plume suffira-telle jamais à énumérer en son langage toutes les exhortations qui me

sont venues

de vous, toutes les terreurs, les consola-

tions, les directions par lesquelles vous m'avez ameré à prêcher votre parole et à dispenser au peuple chrétien vctre sainte doctrine ? Supposé que je sois capable d'exposer ces bienfaits selon leur ordre (ex ordine), chaque goutte de temps me coûte trop cher. Voilà longtemps (olim), en effet, que je brüle de méditer sur votre Loi... Je ne veux pas laisser dissiper en d’autres soins mes rares heures libres#. » Telle est l'explication de cette grande hâte, mentionnée à plusieurs reprises au cours du récit biographique ; Augustin a conçu, dès le début, un immense plan d'ensemble : en guise d’exorde, le récit de tout son passé «ex ordine », jusqu’à l’époque (1) Aucusrin, Conf., III, 12, 21, 1, y. 62. (2) Texte cité ci-dessous, p. 25, n. 3, col. 1. (3) Aucusrin, Conf., IX, 8, 17, 11, p. 222 : « Multa praetereo quia multum festino. Accipe confessiones meas et gratiarum actiones, deus meus. de rebus innumerabilibus, etiam in silentio. Sed non praetcribo quidquid mihi anima parturit de illa famula tua... »

(4) Texte cité ci-dessous, p. 25, n. 3, col. 2.

I. AUGUSTIN

24

actuelle, en admonitions

BIOGRAPHE

vue de révéler son expérience personnelle des divines; puis l'exposé détaillé de la doctrine

début chrétienne, fondé sur toutes les Écritures, à partir du nel’enseig de de la Genèse : ce schéma pourrait bien dériver

ment de Marius Victorinust. Dès le livre III, Augustin avait

l'intention d’en finir vite avec sa biographie; mais il a été entraîné par son sujet ; il n’a su se retenir, à l’occasion du récit

biographique, trinau>2.

de glisser des digressions ou des exposés doc-

Tout à coup, il s’affole ; au livre IX, comme on le verra, le

récit biographique se précipite d’une façon vertigineuse vers son terme. Au contraire, au livre XI, Augustin veut s’attarder et s’attarde tout à loisir sur le premier verset de la Genèses.

Au début du livre XII, cette prolixité l’inquiète un peu, mais

seulement pour le lecteur : « Si maintenant ma voix, ma plume vous confessaient tous les éclaircissements que vous m'avez donnés sur cette question, lequel de mes lecteurs, pour me comprendre, tiendrait bon jusqu'au bout ?5 » Le développement repart de plus belle, à propos de la pluralité des sens de l'Écriture ;: au bout de trente nouvelles pages, Augustin, parvenu à la fin du livre XII, s’effraie sérieusement de l'ampleur de son dessein primitif, et abrège : « Voyez, Seigneur, que de choses j'ai écrites, oui, que de choses sur ce court passage! Avec cette méthode, comment mes forces, comment le temps dont je dispose, suffiront-ils à tous vos livres ? Permettez-moi

donc de resserrer davantage mes confessions à leur propos et de choisir un sens unique, dont vous m’aurez averti qu'il est vrai, certain et bon. » Pratiquement, le livre XIII ne devait

(1) M. Vicronrinus, In Epist. ad Ephes., 1, 18, P.L.,t. VIII 1248 B : « Sciamus igitur quasi duobus modis nos ad ueritatem et ad mysterium

plenissimum peruenire, uel dum ipsi intelligimus Deum et scientiam de

diuinis comprehendimus, uel dum reuelatio quaedam est, id est quasi extrinsecus admonitio, quae nobis ostendit Deum et omnia diuina. Est et quasi uero uicinum quidem apud quosdam praecipuum et magnum, reuelatione aliquid percipere. » (2) Voir ci-dessous, p. 27. (3) Ci-dessous, p. 203 et 212. (4) Aucusrin, Conf., XI, 2, 3, 18, p. 298 : « Largire inde spatium meditationibus nostris in abdita legis tuae. »

(5) Tbid., XII, 6, 6, 28, p. 333.

(6) Ibid., XII, 32, 43, 13, p. 363. Averti par cette expérience, Augustin dit dans le De catechizandis rudibus III, 5, P.L., t. XL, 313, après avoir énuméré les Livres saints : « Debemus... cuncta summatim generatimque

complecti, ita ut eligantur quaedam mirabiliora quae suauius audiuntur. »

LE SCHÉMA THÉOLOGIQUE

DES CONFESSIONS

25

pas dépasser le récit de la Création, et l'ouvrage allait être publié tel quel, dépourvu de conclusion d'ensemble. Il faut croire que les intimes auxquels Augustin communiqua l'ouvrage en cours de rédaction goûtèrent plus la partie biographique que la partie théoriquet. Ils demiandèrent à Augustin, à défaut d’un complément concernant ses années de prêtrise, d'exposer ce qu'étaient son état et ses tentations présentes. Williger a déjà montré que le livre X, où ce sujet est

traité, fut rédigé après coup et inséré artificiellement entre

les deux parties déjà constituées?. Il fait remarquer, en particulier, que le paragraphe du début du livre XI, où Augustin regrette de n'avoir pas le temps suffisant pour traiter des années de prêtrise, n’a plus aucun sens alors que le schéma chronologique continu a déjà été abandonné au livre X. La démonstration détaillée de Williger sur les sutures artificielles entre les livres IX-X et les livres X-XI me paraît toucher juste. Je me contenterai, pour l'instant, d'y ajouter un fait hors de doute, qui la confirme : la forme même relie, par delà le livre X, le paragraphe du livre XI, relatif à la prétérition du temps de prêtrise, au paragraphe du livre IX, relatif à la prétérition du séjour à Cassiciacum3 ; les deux morceaux sont

(1) Un autre motif est peut-être que certains lecteurs préférèrent le voir passer à l’exégèse littérale ; car Augustin entreprend en 401 le De genesi ad litteram, où l'onlit, II, 9, 22, P.L.,t. XX XIV, 271 = C.S.E.L.,t. XX VIII, 1, p. 47, 11 : « Sed illud quod de pelle dictum est, magis urget,ne non sphaerae, quod humanum est forte commentum, sed ipsi nostrae camerae aduersum sit. Quid autem hinc allegoriae senserim, Confessionum nostrarum liber tertius decimus habet ; siue igiturita, ut ibi posui, siue alio modo intel-

legendum sit caelum sicut pellis extentum, propter molestos et nimios exactores

expositionis ad litteram

hoc dico, quod, sicut arbitror, omnium

sen-

sibus patet » ; c’est une référence aux Confessions, XIII, 15, 16, 3, p. 378. (2) E. Wrzzicer, Der Aufbau der Konfessionen Augustins, dans Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft, t. XXVIII, 1929, p. 103-106. Sur la mise en circulation de copies privées, antérieurement à la publication, cf. G. Barpy, Copies et éditions au V® siècle, dans Revue des sciences religieuses, t. X XIII, 1949, p. 38-52 ; H.-I. Marrou, La technique de l’édition à l’époque patristique, dans Vigiliae christianae, t. III, 1949, p. 208224.

(3) Conf. IX, 4,7, 12, p. 214:

« Et quando mihi sufficiat tempus commemorandi omnia magna erga nos beneficia tua inillo tempore praesertim ad alia maiora properanti? Reuocat enim recordatio mea et

Conf. XI,2, 2,1, p. 297:

« Quando autem sufficio lingua calami enuntiare omnia hortamenta tua et omnes

terrores tuos et conso-

lationes et gubernationes, quibus me perduxisti praedicare uerbum et

BIOGRAPHE

I. AUGUSTIN

26

d'un même jet. D'autre part, Augustin souligne, par un jeu subtil de références, la symétrie entre le prologue de sa seconde

partie et celui de la premièret. Cette indiscrète

demande

des premiers lecteurs,

qui inter-

rompirent l'exposé doctrinal entamé par Augustin, et le firent revenir, bon gré, mal gré, à sa biographie personnelle, peut-

être par besoin d’une riposte aux calomnies lancées par les

Donatistes contre lui?, explique l'accès d'humeur qui éclate au début du livre X : « Mais qu’ai-je à faire avec les hommes ? Quel besoin qu’ils entendent mes confessions, comme si c'était eux qui allaient guérir toutes mes langueurs ? Race curieuse de la vie d’autrui, mais paresseuse à corriger la sienne ! Pourquoi veulent-ils entendre de moi ce que je suis, eux qui ne veulent pas entendre de vous ce qu'ils sont [3 » Comme les modernes, mais contre la pensée de l’auteur, les contemporains d'Augustin ont préféré la première partie de l'ouvrage à la dernière. * *

*

Pour qui s'efforce de reconstituer l’histoire de la jeunesse dulce mihi fit, domine, confiteri tibi, quibus internis me stimulis perdomueris et quemadmodum me compla-. naueris humiliatis montibus et collibus cogitationum mearum et tortuosa mea direxeris et aspera lenieris... » IX, 4, 12, 1, p. 218 : « Quando recordabor omnia dierum illorum feriatorum ? Sed nec oblitus sum nec silebo flagelli tui asperitatem et misericordiae tuae mirabilem celeritatem. »

sacramentum

tuum

dispensare

po-

pulo tuo ? Et si suficio haec enuntiare ex ordine, caro mihi ualent stillae temporum. Et olim inardesco meditari in lege tua... Et nolo in aliud horae diffluant.. » XII, 32, 43, 14, p. 363 :

« Quae

nostrae

uires, quae tem-

pora omnibus libris tuis modum sufficient ? »

ad istum

(1) Zbid., XI, 1,1, 3, p. 296 : « Cur ergo tibi tot rerum narrationes digero ? Non utique ut per me noueris ea, sed affectum meum excito in te et eorum, qui haec legunt, ut dicamus omnes : « Magnus dominus et laudabilis ualde, » Iam dixi et dicam : « amore amoris tui facio istuc. » Ces lignes contiennent le rappel de l’acclamation initiale du livre I : « Magnus es, domine, et laudabilis ualde », et une référence textuelle au prologue du livre p. 30. Sur l’acclamation initiale, cf. ci-dessous, p. 27, n. 8.

II, 1, 1, 3,

(2) Sur les circonstances de rédaction du livre X,spécialement les calomnies donatistes, voir ci-dessous, p. 245.

(3) Ibid., X, 3, 3, 1, p. 241.

LE SCHÉMA THÉOLOGIQUE

DES CONFESSIONS

27

d’Augustin, les livres X à XIII,à une référence prèsi,ne sont d'aucun intérêt. Même pour les neuf premiers livres, il est évident, après ce que j’ai dit de l'emploi du mot confession, que le dessein principal d'Augustin n’est pas historique, mais théologique. L'ensemble est un dialogue avec Dieu, et les louanges pieuses occupent une grande partie de ces livres? : les premiers mots : « Vous êtes grand, Seigneur. » sont, du reste, une formule caractéristique d’acclamations ; outre les prières pro-

prement

dites, on devra constamment

prendre garde que des

élans lyriques s’insèrent dans les morceaux narratifs. Le récit lui-même est théocentrique : démontrer l'intervention de Dieu à travers toutes les causes secondes qui ont déterminé le cheminement d’Augustiné. En outre, quantité de démonstrations doctrinales viennent

se greffer sur le récit et représentent seulement le système de

pensée d’Augustin évêque, au moment où il rédige ; la preuve en est que l'on retrouve souvent des développements parallèles dans ses œuvres dogmatiques, exégétiques ou polémiques. Par exemple, tout développement sur les péchés du bébé, dès le ventre de sa mère, puis au berceau, puis écolier, se relie au dogme du péché originelS. Le paragraphe sur les chagrins de l’enfant que l’on force à l'étude, se relie à l’idée que la vie humaine est une suite de tribulations, conséquences du péché

d'Adam.

Les récits sur Victorinus et la scène du jardin de

Milan sont l’occasion de vues théoriques, issues en droite ligne des Épftres pauliniennes, sur la conversion du pécheur’, sur (1) Cf. ci-dessous, p. 198, n. 2. (2) Cf. H. Boznmer, Die Lobpreisungen des Augustinus, dans Neue kirchliche Zeitschrift, t. XXVI, 1915, p. 419-438 et 487-512. (3) E. PETERsON, EIZ 8E0Z, Gôttingen, 1926, p. 202, la signale aussi en tête d’inscriptions d’Asie Mineure, qui ont le caractère de confessions ; elle

revient au début

de la seconde

partie des Confessions ; cf. ci-dessus, p. 26,

n°1.

(4) Cf. G. Kowazsxr, Est-ce qu'Augustin se confesse dans ses Confessions ? dans Eos, t. XXX, 1927, p. 379-400, et De eis quae in Augustini Confessionibus non sint confessoria, dans Collectanea theologica, Lwow, 1930, p. 399-413. (5) Aucusrix, Conf., I, 7, 11-12, p. 9-11 ; I, 19, 30, 23, p. 26 : « Istane est innocentia puerilis ? » ; cf. V, 9, 16,5, p. 105, sur le péché originel d'Adam,

ct De (6) rbid., 544. (7)

peccatorum merilis et remissione, I, 35, 66, dans C.S.E.L., t. LX, p. 66. Zbid., I, 9, 14, p. 13 et suiv ; sur les tribulations humaines en général, II, 2, 3, 12, p. 31 ; cf. Civ. Dei, XXI, 14, C.S.E.L., t. XL, 2, p. 543Aucusrix, Conf. VIII, 3, 6, p. 180 et suiv.

28

I. AUGUSTIN

BIOGRAPHE

les deux volontés et les défaillances qu'engendre cette dualitéi. Le récit de la période manichéenne amène plusieurs allu-

sions polémiques aux théories hérétiques sur Jésus et le Paraclet?, sur les Luminaires’, sur les cinq antres des Ténèbress, sur le meurtre des végétaux5. Les Manichéens seront pris directement à partie dans les derniers livresé. Nous trouvons encore de fréquentes références à la théorie néo-platonicienne du Beau’. Enfin, Augustin n’hésite pas à nous livrer, parfois sous forme de pure digression, ses vues actuelles sur le baptêmes,

le mariage?, l'amour et l’amitié10, les trois concupiscences!i, les larmes!?, l’autorité de la foits. Il s'étend sur la différence entre les turpitudes (fagitia) et les crimes (facinora)14 ;il s'attarde volontiers à l'analyse psychologique : la façon dont l'enfant apprend à parler5 ;le plaisir, plaisir du défenduté, plaisir que procure l'émotion douloureuse au théâtret?. Parmi les neuf livres autobiographiques, les premiers sont les plus riches en aperçus doctrinaux, peut-être parce qu'Augustin se presse davantage quand il en vient à la fin du séjour milanais, peut-être aussi parce que l’histoire de sa prime jeunesse est, par elle-même, moins riche d'incidents que l'histoire de sa conversion. On sera parfois autorisé à se demander (1) Zbid., VIII, 5, 11, p. 184 et suiv. ; VIII, 8, 20, p. 192 et suiv. (2) Zbid., III, 6, 10, &, p. 51. (3) Zbid., III, 6, 10, 25, p. 52. (4) Ibid., III, 6, 11, 6, p. 53. (5) Zbid., III, 10, 18, 4, p. 60. (6) Zbid., VIII, 10, 22, 4, p. 194 sur les deux âmes ; IX, 4, 11, 12, p. 218 ; XIII, 30, 45, p. 402. (7) Zbid., II, 5, 10, p. 36 ; II, 6, 12, 16, p. 38 ; III, 6, 10, 11, p. 52 ; IV, 40, 15, 5, p. 77 ; IV, 13, 20, p. 81. (8) Zbid., I, 11, 18, p. 16 : A-t-on le droit de différer le baptême ? IV, k, 8, p. 71 : Peut-on baptiser une personne à son insu ? (9) Zbid., II, 2, 3, 6, p. 31 : Sa fin est la procréation ; III, 7, 13, p. 55 : Justification de la polygamie des patriarches. (10) Thid IV M9 M2 D 760-1422 ph" 02; (11) Zbid., III, 8, 16, 10, p. 58. (12) Zbid., IV, 5, 10, p. 73. (13) Zbid., VI, 5, 7-8, p. 124-125. Augustin a fait paraître un De fide vers 400.

(14) Zbid., III, 8, 15-16, p. 57-58 ; IV, 15, 25, p. 84 ; cf.De doctrina christiana, III, 10,16, P.L., t. XXXIV, 72, et Thesaurus linguae latinae, s.u. : facinus, col. 82, 13. (15) Aucusrin, Conf., I, 8, 13, p. 11 et suiv. (16) Zbid., II, 4, 9, 16, p. 36 et suiv. (17) Tbid., Il, 2, 2-h, p. 46-48.

LA

VALEUR

HISTORIQUE

DES

CONFESSIONS

29

si les idées qui sont présentées comme celles d’Augu stin rhéteur ne sont pas, en réalité, celles de l'évêque d’Hipp onet.

10!

LA VALEUR

HISTORIQUE

DES

CONFESSIONS

Le schéma théologique n’est pourtant, dans les neuf premiers livres, qu’une interprétation de la réalité historique. Nous avons vu Augustin, à plusieurs reprises, prendre conscience de cette dualité de son ouvrage : l'élévation vers Dieu n'a lieu qu’à propos de faits narrés aux hommes. Or, nous pouvons déterminer qui désigne Augustin par les « spirituels » auxquels s'adresse la partie biographique de l'ouvrage. Au cours de l'été 3952, Alypius, évêque de Thagaste et ami

intime d’Augustin, avait écrit, sans le connaître, à Paulin, illustre « converti » à l’ascétisme, à l’occasion de son installation à Nole où il venait de fonder une communauté : dans

cette lettre, Alypius indiquait que, dès le temps où il recevait la catéchèse baptismale à Milan, il avait entendu vanter les mérites de Paulin ; il protestait de ses sentiments d'amitié chrétienne à son égard, lui adressait cinq livres d'Augustin contre

les

Manichéens®,

et

exprimait

le vœu

de

recevcir

un exemplaire de !’ « Histoire de tous les temps » d'Eusèbe de Césarée. A l’automne, Paulin répondit : il lui adressait la Chronique d'Eusèbe, mais priait Alypius, en échange, d'écrire toute la propre histoire de sa vie fomnem tuae sanctitatis historiam) et de la lui adresser. C’est bien une autobiographie complète (1) Cf. ci-dessous, p. 159 et 173, n. 1. (2) Je suis la chronologie proposée par P. FABre, Essai sur la chronologie de l'œuvre de saint Paulin de Nole, Paris, 1948, p. 14-18, (3) Ces cinq livres sont très probablement le De uera religione, le De Genesi contra Manichaeos libri II, le De moribus Ecclesiae catholicae et le De moribus Manichaeorum, réunis en un corpus ; cf. FABRE, op. cit., p. 15, n. 3. Je croirais qu’Alypius a adopté cette forme de « Pentateuque antimanichéen », comme l’appelle PauziN, Epist. ad Augustinum, IV, 2, dans C.S. E.L.,t. XXIX, p. 20, 9, pour faire pièce au Corpus d’Écritures manichéennes, dit des « cinq auteurs », en réalité cinq écrits de Mani ; cf. Aucusrin, Contra Felicem, I, 14, P.L., t. XLII, 529, et Azraric, op. cit., p. 79.

30

I.

AUGUSTIN

BIOGRAPHE

qu’il réclamet, quoiqu'il s'intéresse plus spécialement à l’histoire de sa vocation ascétique,de son baptême et de son ordination. Et, puisque Alypius a été initié à la foi à Milan, Ambroise n'a-t-il pas eu part au baptême et à l’ordination d’Alypius, comme il a eu une grosse influence sur la « conversion » de Paulin ? L/ascète de Nole désire, en effet, connaître complètement

Alypius (ut omni parte & nouerim}?. La réponse que fit Alypius à cette requête est perdue, mais nous savons ce que furent ses sentiments. Il voudrait pouvoir satisfaire Paulin ; une pudeur le retient : s’il écrit un tel ouvrage, de nombreux lecteurs ne l’accuseront-ils pas d’avoir parlé de soi pour se vanter ? Il transmet donc la requête à Augustin, l'homme au monde qui connaît le mieux son histoire, pour avoir partagé sa vie. Celui-ci accepte la tâche et décrit, selon le vœu de Paulin, «tout Alypius » (totum Alypium), en s'efforçant de montrer, à travers ses progrès spirituels, le bienfait constant de Dieu.

Il fait part à Paulin de la nouvelle (été 396), mais ne peut lui adresser

aussitôt

l’opuscule,

car

le courrier,

Romanien,

doit

partir immédiatement, sans attendre qu’il soit terminés ; dans (1) La locution empruntée à l’Enéide, VIII, 114 : « qui genus, unde sis domo » était la formule rituelle pour désigner une autobiographie ; cf. ProPERCE, Carm., I, 221 : « qualis et unde genus, quisint mihi, Tulle, Penates, quaeris pro nostra semper amicitia », et NiEDERMEIER, Untersuchungen über die antike poetische Autobiographie, Diss. Munich, 1919, p. 4 et suiv. (2) Pauzin DE Nozr, Epist. ad Alypium, III, 4, dans C.S.E.L., t.XXIX, p. 16, 7 : « Specialiter autem hoc a te peto, quoniam me inmerentem ...magno lui amore complesti, ut pro hac historia temporum referas mihi omnem Luae sanctitatis historiam, ut qui genus, unde sis domo (Aen. VIII, 114) tanto uocatus a domino, quibus cexordiis segregatus ab utero matris tuae (Gal. 1,15)ad matrem filiorum dei prole laetantem abiurata carnis et sanguinis stirpe transieris et in genus regale ac sacerdotale (1 Petr. II, 9) sis translatus edisseras. Quod enim indicasti iam de humilitatis nostrae nomine apud

Mediolanium te didicisse, cum illic initiareris, fateor curiosius me uelle condiscere, ut omni parte te nouerim, quo magis gratuler, si a suspiciendo mihi patre nostro Ambrosio uel ad fidem iuuitatus es uel ad sacerdotium consecratus, ut eundem ambo habere uideamur auctorem. Nam ego... Ambrosii semper et dilectione ad fidem innutritus sum et nunc in sacerdotii ordinatione confoueor, ut, etsi diuersis locis degam, ipsius presbyter uidear. » La citation de l’Épître de s. Pierre s'applique à la race des baptisés. (3) Auausrin, Epist. ad Paulinum, XXVII, 5, C.S.E.L., t. XXXIWV, 1, p. 101, 3 : « Itaque cum legisset (Alypius) petitionem tuam, qua desiderare te indicasti, ut historiam suam tibi scribat, et uolebat facere propter beniuolentiam tuam et nolebat propter uerecundiam suam. Quem cum uiderem inter amorem pudoremque fluctuantem, onus ab illo in umeros

LA VALEUR HISTORIQUE DES CONFESSIONS

31

la même lettre, Augustin remercie Paulin qui vient également de nouer d’affectueuses relations épistolaires avec lui : « Ta lettre t'offre à nous pour qu’on te connaisse, comme elle nous engage à te cherchert » ; de son côté, il est prêt à se livrer : « Je m'offre à toi tout entier. Garde-toi d'ajouter foi aux propos flatteurs que tiendra peut-être sur mon compte le por-

teur de cette lettre, car il est mon ami intime?. » Quelques mois plus tard, ayant reçu une autre lettre de Paulin, il montre

qu'il s'est enquis très soigneusement de lui auprès des messagers$ ; chacun des deux correspondants déplore qu’ils ne se soient jamais vus, car les devoirs de leur charge les empêchent de se rendre l’un auprès de l’autret ; chacun tient à se livrer à l’autre et désire connaître l’autre à fond. La suite de la correspondance est perdues ; mais la biographie d’Alypius a été remployée dans les Confessionss. I1 y a tout lieu de penser que Paulin, mis en goût par cet opuscule, a incité Augustin à narrer tout au long l’histoire de sa vie, de sa conversion et de son ordination, intimement liées à l’histoire d’Alypius. Lorsqu'Augustin mentionne les « spirituels » qui pourront sourire amicalement en apprenant les bizarres meos transtuli ; nam hoc mihi etiam per epistulam iussit. Cito ergo, si dominus adiuuerit, totum Alypium inseram praecordiis tuis ; nam hoc sum ego maxime ueritus, ne ille uereretur aperire omnia, quae in eum dominus contulit, ne alicui minus intelligenti — non enim abs te solo illa legerentur — non diuina munera concessa hominibus, sed se ipsum praedicare uideretur et tu, qui nosti, quo modo haec legas, propter aliorum cauendam infirmitatem fraternae notitiae debito fraudareris. Quod iam fecissem iamque illum legeres, nisi profectio fratris inprouisa repente placuisset, quem sic commendo cordi et linguae tuae, ut ita comiter ei te praebeas, quasi non

nunc

illum, sed mecum

ante didiceris.

»

(1) Zbid., XX VII, 2, p. 97, 8 : « Illae litterae cum te offerunt, ut uidearis, quantum nos excitant, ut quaeraris ! » (2) Zbid., XXVII, 3, p. 99, & : « Me tibi totum offero... Neque huic tamen

tam familiari amico meo

uelim credas, quae de me forte laudans dixe-

rit. » (3) AucusrTin, Epist. ad Paulinum, XXXI, 2, C.S.E.L., t. XXXIV, 2, p. 2, 21 : « studiosissime de uobis omnia percontando. » (4) Tbid., XXXI, 4, p. 4, 22. (5) À l'exception de deux courts billets d’Augustin qui s’étonne, en 398, de n’avoir plus rien reçu de Paulin depuis deux ans (Epist. XLII, XLV), en demande la cause, tout en renouvelant des protestations d’amitié fervente, etsuppose un accident survenu au courrier. Puis, lacune jusqu’à 405. (6) AuausrTin, Conf., VI, 7-10, 11-16, p. 128-134. Conformément à la formule ci-dessus, p. 30,n.1,cette biographie commence : «Alÿpius ex eodem quo ego eram, ortus municipio, parentibus primatibus municipalibus... »

3

32

1. AUGUSTIN

BIOGRAPHE

erreurs où il est tombé dans sa jeunesse, il songe sûrement à Paulin surtouti. Aïnsi, les Confessions n’ont pas seulement un but théologique ; la trame des neuf premiers livres est des-

tinée à faire connaître l’histoire réelle d’une vie ; la critique historique peut s'exercer utilement sur ces narrations, dans la mesure où elles reflètent les souvenirs d’Augustin. *

*

En effet, la souvenir d’un à la mémoire mier à établir

*

confession théologique est très souvent alliée au fait précis? ; le simple récit des faits rappelés est, à lui seul, confessions. Augustin est le preun départ entre ce qui est souvenir et ce qui ne

l’est pas. Le livre I, dans sa majeure partie, n’est pas établi

sur des souvenirs ; il s’agit de la petite enfance (infantia) ; le leitmotiv est : « Je ne me souviens pas. » Augustin prend soin de souligner qu’il ne se rappelle ni sa vie antérieure à sa venue sur terre#, ni sa vie dans le sein de sa mèref, ni le lait

qu'il but nouveau-néf,

ni ses premiers sourires?, ni ses pre-

(1) Texte cité ci-dessus, p.16, n. 4. On remarquera aussi qu'Augustin, dans son plan primitif, pensait narrer l’histoire de son ordination, comme Paulin l’espérait d’Alypius. (2) AucusTin, Conf., II, 7, 15, 17, p. 40 : « recordantem et fatentem » (texte cité ci-dessus, p.16,n. 4) ; III, 11, 20, 7, p. 61 :« Confiteor tibi, domine, recordationem meam » ; V, 9, 16, 23, p. 106 : « sicut iam recordatus atque confessus sum » ; VI, 6, 9, 5, p. 126 : « uoluisti, ut hoc recordarer et confi-

terer tibi » ; IX, 4, 7, 14, p. 214 : « Reuocat enim me recordatio mea, et dulce mihi fit, domine, confiteri tibi, quibus internis me stimulis perdomueris»; IX, 7, 16, 20, p. 221 : « Unde et quo duxisti recordationem meam, ut haec etiam confiterer tibi, quae magna oblitus praeterieram ? » (3) Zbid., VIII, 1, 1, 1, p. 175 : « Recorder in gratiarum actione tibi et confitear misericordias tuas ; ...quomodo dirupisti ea (uincula mea) narrabo » ; VIII, 6, 13, 3, p. 186 : « narrabo et confitebor nomini tuo » : XI, 1, 1, 18, p. 296 : « Ecce narraui tibi multa, quae potui et quae uolui, quoniam tu prior uoluisti, ut confiterer tibi. » (4) Zbid., I, 6, 7, 6, p. 6 : « Nescio, unde uenerim huc » ; I, 6, 9,15, p- 8 : « Nam

quis mihi dicat ista, non habeo, nec pater nec mater potuerunt

nec

aliorum experimentum nec memoria mea. » (5) Zbid., I, 6, 9, 12, p. 8 : « Nam et de illa mihi nonnihil indicatum est et praegnantes ipse uidi feminas. » (6) Tbid., I, 6, 7, 8, p. 7 : « Et susceperunt me consolationes miseratio-

num tuarum, sicut audiui a parentibus carnis meae, ex quo et in qua me formasti in tempore : non enim ego memini. Exceperunt ergo me consolationes lactis humani. » (7) Tbid., I, 6, 8, 2, p. 7 : « Hoc enim de me mihi indicatum est et credidi quoniam sic uidemus alios infantes : nam mea ista non memini. »

LA VALEUR HISTORIQUE DES CONFESSIONS

33

miers pleurst. Sur tous ces points, il est réduit à reconstituer

sa vie par conjecture, en contrôlant les racontars des témoins de son enfance par l'observation directe des bébés2. Cette

observation

lui révèle

que le bébé

est concupiscence

pures;

par exemple, les frères de lait se disputent, par jalousi e, le

sein de leur nourrices. Ainsi, la vie du bébé est à la fois péché

et ténèbres d’oublis. Augustin conjecture encore comment l'enfant acquiert l’usage de la parole ; maïs la vie de l’enfant en état de parler (Dueritia) a laissé quelques vestiges dans sa mémoires : à la vérité, il trace de la vie de l’écolier un tableau encore fort conventionnel, »

sans aucune

mention

de souvenir

particulier : il précise seu-

lement qu'il n’a jamais su dire pourquoi il haïssait l'étude du grec.

Le livre II se présente comme une méditation rétrospective sur les fautes d’adolescence dont il garde la mémoires. Sur cette époque, ses souvenirs sont lointains. Il a seulement retenu

ce que furent les conseils maternels à l’occasion de sa puberté,

et le peu de cas qu’il en fits. Il se rappelle

clairement

aussi

(1} Tbid., I, 6,8, 14, p. 8 : « Tales esse infantes didici, quos discere potui, et me talem fuisse magis mihi ipsi indicauerunt nescientes quam scientes nutritores mei. » (2) Outre les textes cités dans les notes précédentes, cf. ibid., I, 6, 10, 1, p. 8 : « .….laudem dicens tibi de primordiis et infantia mea, quae non memini, et dedisti ea homini ex aliis de se conicere et auctoritatibus etiam muliercularum multa de se credere. » (3) Zbid., I, 7, 11, 4, p. 9 : « Quis me commemorat peccatum infantiae meae ?.. An quilibet tantillus nunc paruulus, in quo uideo quod non memini de me? » (4) Zbid., I, 7, 11, 26, p. 10 : « Vidi ego et expertus sum zelantem paruulum... Quis hoc ignorat ? » (5) Tbid., I, 7, 12, 11, p. 11 : « Hanc ergo aetatem, qua me uixisse non memini, de qua aliis credidi et quam me egisse ex aliis infantibus conieci, quanquam ista multum fida coniectura sit, piget me adnumerare huic uitae meae quam uiuo in hoc saeculo. Quantum enim adtinet ad obliuionis meae

tenebras, par illi est, quam uixi in matris utero... Sed ecce omitto illud tempus : et quid mihi iam cum eo est, cuius nulla uestigia recolo ? » (6) Tbid., I, 8, 13, 5, p. 12 : « Et memini hoc, et unde loqui didiceram, post aduerti. » (7) Ibid., I, 13, 20, 1, p. 17 : « Qu d autem erat causae, cur Graecas litte-

ras oderam, quibus puerulus imbuebar, ne nunc quidem mihi satis exploratum

est.

»

(8) Zbid., II, 1, 1, 1, p. 30 : « Recordari uolo transactas foeditates meas…

recolens uias meas nequissimas in amaritudine recogitationis meae, » (9) Zbid., II, 3, 7, 6, p. 34 :« secreto memini ut monuerit cum sollicitudine

I. AUGUSTIN BIOGRAPHE

34

ce que fut son état d'esprit lors du vol de poires : parce qu'il avait ressenti une excitation spéciale à le commettre, ce souvenir est resté vivant en lui. Mais il est réduit à conjecturer les mobiles pour lesquels ses parents, chacun de son côté, se

souciaient plus de son éducation oratoire que de sa formation

morale?. Il ne sait plus au juste quel fut son état d'esprit au moment où sa mère lui conta le rêve au cours duquel elle l’a vu debout sur une règle de bois ; il doit, sur ce point, se référer à des déclarations antérieures qu'il a faitess. Il avoue avoir oublié beaucoup de faits de cette époque et en omettre volontairement beaucoup d’autres ; s’il se souvient très bien des

propos qu’un évêque tint alors à son sujet#, c'est parce que Monique les lui a souvent rapportés depuis. Au livre IV, Augustin cherche à se rappeler, comme

s'ils

étaient de fraîche date, tous les détours de ses erreurs passées,

au

sein

de la secte

manichéennef.

Nous

constaterons

qu’en fait, il reste fort imprécis sur sa propre activité parmi ses coreligionnaires ; il s’abstient volontairement de la décrire, alors qu’il relate dans d’autres ouvrages quantité de souvenirs personnels sur cette période. Il rappelle, en revanche, quelle fut sa violente réaction devant les offres intéressées d’un haruspice qui promettait de lui faire gagner le prix, par magie, dans ingenti, ne fornicarer maximeque ne adulterarem cuiusquam uxorem. Qui mihi monitus muliebres uidebantur, quibus obtemperare erubescerem » ; déjà le père d’'Horace, Sat., I, 4, 113, détournait son fils particulièrement de l’adultère. (1) Zbid., I, 7, 15, 1, p. 40 : « Quid retribuam domino, quod recolit haec memoria mea et anima mea non metuit inde ? » II, 8, 16, 5, p. 41 : « Et tamen solus id non fecissem — sic recordor animum tune meum — ...Ecce est coram

te, deus

meus,

uiua

recordatio

animae

meae.

»

(2) Zbid., IT, 3, 8, 20, p. 35 : « Ita enim conicio recolens, ut possum, mores parentum

meorum.

»

(3) Ibid., III, 11, 20, 7, p. 61 : « Confiteor tibi, domine, recordationem meam, quantum recolo, quod saepe non tacui, amplius me isto per matrem uigilantem responso tuo, quod tam uicina interpretationis falsitate turbata non est... etiam tum fuisse conmotum quam ipso somnio... » (4) Ibid., III, 12, 21, 1, p. 62 : « Et dedisti alterum responsum interim, quod recolo. Nam et multa praetereo, propter quod propero ad ea quae me magis urguent confiteri tibi, et multa non memini. » (5) Zbid., III, 12, 21, 28, p. 63 : « Quodilla ita se accepisse inter conloquia sua mecum saepe recordabatur, ac si de caelo sonuisset. » (6) Zbid., IV, 1, 1, 19, p. 66 : « Da mihi circuire praesenti memoria praeteritos circuitus erroris mei. » (7) Voir ci-dessous, p. 61 et suiv.

LA

un

concours

VALEUR

HISTORIQUE

DES

CONFESSIONS

dramatiquet ; il est sûr aussi

35

de l’état d'esprit

très spécial, fait à la fois du dégoût de vivre et de la crainte de mourir, qui fut le sien lors de la mort d’un grand ami de Jeunesse?, Maïs il ne saurait plus dire si son premier ouvrage : Du beau et du convenable, qu'il a égaré depuis longtemps, était en deux ou en trois livres ; il n’est pas non plus très sûr de l'impression que lui laissa sa première rencontre avec Faustus de Milèves. La mémoire est supposée jouer un grand rôle dans la conversion des hommes, que ce soit celle d’Alypius5 ou celle d’Augustin6. Celui-ci consacre, en effet, plusieurs livres au récit détaillé

de cette conversion, qui est à ses yeux le sommet de sa biographie. Pourtant, même dans les scènes les plus marquantes, beaucoup de détails lui échappent : il ne se rappelle plus pourquoi Nebridius

était absent lors de la visite de Pontitianus7,

ni les motifs de ses propres faits et gestes lors de la scène du

jardin de Milans, ni la réponse

qu'il fit à sa

mère, à Ostie?.

(1) Aucusrin, Conf., IV, 2, 3, 1, p. 67 : « Recolo etiam... mandasse mihi nescio quem haruspicem..., me autem foeda illa sacramenta detestatum et abominatum respondisse... » (2) Zbid., IV, 6, 11, 20, p. 74 : « Sic eram omnino, memini. Vide quia memini... » (3) Tbid., IV, 13, 20, 13, p. 81 : « Scripsi libros De pulchro et apto, puto, duos aut tres : ...nam excidit mihi. Non enim habemus eos, sed aberrauerunt a nobis nescio quomodo » ; cet oubli surprenant est peut-être affecté. (4) Texte cité ci-dessous, p. 45, n. 4. Addendum, ci-dessous, p. 261. (5) Zbid., VI, 9, 14, 1, p. 131

: « Verum

tamen

iam

hoc ad medicinam

futuram in eius memoria reponebatur. » (6) Zbid., VII, 20, 26, 19, p. 170 : « In quos (libros Platonicorum) me propterea, priusquam scripturas tuas considerarem, credo uoluisti incurrere,

ut inprimeretur

memoriae

meae,

quomodo

ex eis affectus

essem » ;

IX, 4, 9, 22, p. 216 : « Contremui quoniam talibus dicitur, qualem me fuisse reminiscebar.. Et insonui multa grauiter ac fortiter in dolore recordationis meae » ; IX, 12, 32, 7, p. 234 : « Rogabam te, ut poteram, quo sanares dolorem meum, nec facicbas, credo, conmendans memoriae meae uel hoc uno documento omnis consuetudinis uinculum etiam aduersus mentem. » Simplicien, pour convertir Augustin, fait aussi appel au souvenir, tbid., VIII, 2, 3, 14, p. 178 : « Victorinum ipsum recordatus est. » (7) Tbid., VIII, 6, 14, 1, p. 187 : « Non recolo causam, qua erat absens Nebridius. » (8) Zbid., VIII, 12, 28, 9, p. 199 : « Sic tunc eram et ille sensit : nescio quid

enim, puto, dixeram, in quo apparebat sonus uocis meae iam fletu grauidus, et sic surrexeram. Mansit ergo ille ubi sedebamus nimie stupens. Ego sub quadam fici arbore straui me nescio quomodo. » (9) Zbid., IX, 11, 27, 1, p. 230 : « Ad haec quid responderim, non satis recolo. »

36

I. AUGUSTIN BIOGRAPHE

Ii reconstitue certains détails par conjecture, par exemple le motif pour lequel Alypius ne l’a pas escorté sous le figuiert. Chose étonnante ! Augustin, lorsqu'il arrive au séjour à Cassiciacum, au lieu d’énumérer les bienfaits divins dont il fut comblé, use d’une formule de prétérition ; car il est pressé de passer à de plus grands sujets ; s’il dit quelques mots du travail intérieur qui s’effectuait alors en lui, c'est comme contraint, parce que sa mémoire le lui rappelle impérieusement : le seul événement précis qui soit mentionné est bien mince : ce mal de dents guéri subitement2. Augustin a-t-il craint que cette partie ne fit double emploi avec ses Dialogues ? Mais, précisément, il eût été facile, —

et utile à ses desseins,

si l’on songe aux griefs que la critique moderne devait lui adresser, — de présenter ici l'envers du décor que font connaître ces dialogues à la manière cicéronienne : non plus les discussions philosophiques pleines d’urbanité, mais les progrès intérieurs proprement religieux de chacun des interlocuteurs. Il se contente de quelques pages de commentaire antimani-

chéen sur le Psaume IV3. J'ai déjà expliqué les raisons véritables de cette hâtes ; il rapporte toutes sortes de souvenirs, pêle-mêle, comme ils lui viennent, sans souci de chronologie, souvent pour combler

une lacune trop sensible du récit antérieurs. Sans même s'appesantir sur le temps de son baptême et les mois de séjour milanais qui ont suivi, il passe à la scène capitale sur laquelle il va clôre les neuf livres autobiographiques : le récit de l’extase d’Ostie et de la mort

de sa mères.

Si, néanmoins,

il revient

longuement sur le passé de Monique, c’est, je crois, qu'il remploie, à peu près tel quel, un opuscule rédigé antérieurement sur la vie de sa mère?. (1) Comme l'indique le mot puto dans le texte cité ci-dessus, p. 35, n. 8. (2) Textes cités ci-dessus, p. 25, n. 3, col. 1. (3) Tbid., IX, 4, 8, 11, p. 214-218. (4) Ci-dessus, p. 23 et suiv. (5) Texte cité ci-dessous, p. 46. (6) Texte cité ci-dessus, 23, n. 3. Formule analogue à celle du livre III, citée ci-dessus, p. 34,n. 4. On retrouve le non praeteribo, ci-dessus, p.16,n.7 et une formule analogue, p. 34, n. 3.

(7) La notice sur Monique, Conf., IX, 8, 17, p. 222 et suiv., est tout à fait du même ordre que l’opuscule sur Alypius, inséré au livre VI (cf. cidessus, p. 31). En outre, le « quod saepe non tacui » dans le texte cité cidessus, p. 34, n. 3, et le début du passage de la Lettre à Januartus,cité ci-dessous, p- 88, semblent bien des références à cet opuscule sur Monique ; autre

LA VALEUR

HISTORIQUE

DES

CONFESSIONS

37

Il est curieux de constater qu’au terme de ces neuf livres de récit historique, fondés sur le souvenir, Augustin lui-même est très conscient de sa méthode et nous en fait part : « Je convoque toutes les images qu’il me plaît. Certaines se présentent aussitôt ; il en est d’autres qui se font désirer plus longtemps et qu'il faut comme arracher à de plus mystérieuses retraites ; d’autres encore qui se précipitent en masse, alors qu’on cherchait, qu’on voulait autre chose, et qui, bondissant au premier plan, semblent dire : « C'est nous peut-être... ? » Je les chasse, avec la main de l'esprit, du visage de mon souvenir, jusqu’à ce que celle que je désire sorte du nuage, et, du fond de sa cachette, s'offre à mes yeux. D’autres enfin, arrivent tout uniment, en séries bien ordonnées, à mesure que

je les appelle ; les premières cèdent la place aux suivantes, et, ce faisant, se rangent à l'écart pour reparaître à mon gré. C’est tout à fait ce qui se produit quand je raconte quelque chose de mémoirel. »

I1 définit ainsi, d’après sa propre expérience, le processus du rappel des souvenirs, sa recherche des souvenirs oubliés ou à demi-oubliés, son effort pour qu’ils reprennent le maximum de précision, le tri nécessaire entre les souvenirs qui affluent, parfois leur apparition en séries constituées, l’un appelant l’autre, selon un ordre inverse de l’ordre chronologique. *

*

*

I1 faut reconnaître à Augustin un souci de méthode et certaines qualités d’historien dans le classement et la présentation de ces souvenirs. I1 se méfie d’abord de l'expression qu’il leur prête. Les historiens anciens n'avaient point de scrupule à faire tenir aux personnages historiques des discours qui n'étaient, en réalité, que reconstitution conjecturale ou création artistique. Augustin, se plie à l'usage, mais non sans scrupule. Il prévient que les paroles qu'il rapporte comme prononcées par lui-même devant référence probable dans le texte cité ci-dessous, p. 40, n.1. Dans un ordre d'idées voisin, Augustin rédigera plus tard quantité d’autres opuscules à prétentions historiques, les libelli miraculorum ; cf. ci-dessous, p. 148. M.-M. BeYENKA, Consolation in Augustine, p. 37-40, soulignait déjà que les développements sur la mort de Monique reproduisent les topoi d’un panégyrique funèbre. (1) Aucusrin, Conf., X, 8, 12, 10, p. 248. (2) Un cas très net est mentionné ci-dessous, p. 46. Memini, recordor apparaissent aussi dans les textes autobiographiques d’Augustin, en dehors des Confessions ; cf. ci-dessous, p. 70,n.1 ;74,n.3;99,n2;105,n.3;212,n.6.

38

I. AUGUSTIN BIOGRAPHE

ses rue du ou

amis, lors de la rencontre d’un mendiant ivre dans une de Milan, sont approximativest. De même, dans la scène jardin, le discours qui reproduit son monologue intérieur? le discours adressé à Alypius3, — dans la scène d’Ostie,

les propos échangés avec

Monique#, — ne prétendent pas à

l'exactitude sténographique. I1 se garde encore de sa propre tendance à exprimer le passé comme s’il avait toujours été catholique. S’il rapproche l’exhortation de l’Hortensius à éviter les faux philosophes, d’une exhortation analogue de l'Épitre aux Colossiens, il prend soin d’ajouter qu’à l’époque où il lut l'ouvrage de Cicéron, il ignorait encore les lignes de saint Paul5. S'il définit l'Écriture comme impénétrable aux superbes, il rectifie : « Ce que je viens d’en dire n’a rien de commun avec le sentiment que j’éprouvai lors de cette première étude. Ce livre me parut indigne d'être comparé à la majesté d’un Cicéron6.» Lorsqu'Augustin déclare que certaines doctrines chrétiennes relatives au Verbe figurent chez Plotin, il précise que l'expression de ces doctrines est

pourtant différente dans les Écritures et dans les Ennéades1. D'une façon générale, il s'attache à distinguer le présent du passé, .et les différentes phases de son évolution. Un évêque que Monique avait prié de discuter avec Augustin pour le (1) Aueusrin,

Conf., VI, 6, 10, 16, p. 127 : « Dixi tunc multa in hac sen-

tentia caris meis. » (2) Zbid., VIX, 5, 7, 58, p. 152 : « Dicebam : « (discours au style direct)» Talia uolucbam pectore » ; VIII, 12, 28, 9, p. 199 : « Nescio quid enim, puto, dixeram ...Non quidem his uerbis, sed in hac sententia multa dixi tibi : « Et tu, domine, usquequo (Ps. VI, 4) ? » (3) Ibid., VIII, 8, 19, 10, p. 192 (après un discours au style direct) : « Dixi nescio qua ral, » (4) Zbid., IX, 10, 26, 4, p. 230 : « Dicebam talia, etsi non isto modo et his uerbis » ; sur le sens de cette phrase, cf. ci-dessous, p. 226 et n. 2. (5) Zbid., TI, k, 8, 17, p. 50 : « Et ego illo tempore, scis tu, lumen cordis mei, quoniam necdum mihi haec apostolica nota erant. » (6) Zbid., III, 5, 9, 6, p. 51 : « Non enim sicut modo loquor, ita sensi, cum adtendi ad illam scripturam, sed uisa est mihi indigna, quam Tullianae dignitati conpararem. » La rectification est surtout utile après le Ecce uideo qui précède et qui pourrait prêter à contre-sens. (7) Ibid., VII, 9, 13, 9, p. 158: « Et ibi legi non quidem his uerbis, sed hoc idem omnino multis et multiplicibus suaderi rationibus, quod in principio erat Verbum... Indagaui quippe in illis litteris uarie dictum et multis modis, quod sit Filius in forma Patris... » C’est la doctrine même de Simplicien,

tbid., VIII,

insinuari deum

2, 3, 10, p. 177

et eius Verbum.

»

: «in istis autem

omnibus

modis

LA

VALEUR

HISTORIQUE

DES

CONFESSIONS

30

détourner du manichéisme, refusa « avec une prudence que je n'ai comprise que plus tardt » » Par ces mots, Augustin laisse entendre que, sur le moment, il vit là une dérobade de l'évêque, inapte à la controverse avec l'habile rhéte ur qu'il était. Quand il évoque le dégoût de vivre où le laissa la perte d'un ami, mort sitôt baptisé, il juge cette amertume sacri lège, mais constate que pourtant il la ressentit2. S'il fait allusion au dogme de Ia Rédemption où à la doctrine selon laquelle le mal n’est pas une Substance, il souligne : «Tout cela, je ne le savais pas alors?». I] discerne les progrès de sa propre pensée au sujet des Académiciens : il s’est aperçu, à une certaine date, que la doctrine des Académiciens n’est pas celle qu'on leur prête communément. À telle date, Augustin redoutait de croir e le Christ incarné, parce que la chair est une souillure ; Conce ption ridicule,

“ et pourtant c'est comme cela que j'étaiss ».

Cet examen rapide révèle nettement l'état des souven irs d’Augustin au moment où il rédige et la valeur relative de ses diverses narrations. Toute la partie relative à l'infantia est dénuée de caractère historique ; les souvenirs les plus ancien s sont les plus imprécis, sauf pour quelques états psychologiqu es d'une grande intensité : sa joie de nuire lors du vol des poires, sa colère contre les propositions de l'haruspice, sa démoralisation lors de la mort du plus cher ami. Sur le séjour milanaïis, ses souvenirs se font d’une extrême précision, comme il est

naturel pour une phase capitale de sa vie : mais, même lorsqu'il décrit une scène avec tout le relief possible, il avoue loya-

lement que certains détails lui échappent. Il s'efforce à l’exactitude historique en se reprenant lorsqu'une de ses expressions représente sa pensée actuelle, et non la pensée d’autre-

(1) Zbid., III, 12, 21, 10, p. 62 : « Noluitille, prudenter sane, quantum sensi postea. » (2) Zbid., IV, 6, 11, 6, p. 73 : « Sie ego cram illo tempore. » (3) Zbid., IV, 13, 20, 1, p. 81 : « Haec tunc non noueram et amabam pulchra inferiora » ; IV, 15, 24, 26, p. 84 : « Non enim noueram nec didicerant nec ullam substantiam malum esse nec ipsam mentem nostram summum atque incommutabile bonum. » | (4) Loid., V, 10, 19, 5, p. 108 : « Ita enim et mihi liquido sensisse uidebantur, ut uulgo habentur, etism illorum intentionem nondum intelli genti »; V, 1%, 25, 10, p. 114

mantur, dubitans (5) Zbid., V, 19, p. 168 : « Ego uero meo, quantum de

: « Itaque Academicorum

more,

sicut existi-

de omnibus... » 20, 87, p. 110 : « Sed tamen talis era m) » ; VIL, 19, 25, 10 aliud putabam, tantumque sentiebam de domino Christu excellentis sapientiae uiro. »

I. AUGUSTIN BIOGRAPHE

40

fois. Nous avons bien affaire à une œuvre historique de valeui,

et non pas seulement au développement d’une thèse théologique.

III

DIRECTIONS

Des

recherches

DE RECHERCHES

complémentaires

et des contrôles

restent

possibles et nécessaires. Augustin lui-même nous avertit qu'il ne fournit pas un récit exhaustif de sa vie. D'une part, sa mémoire

est sujette à l'oubli ; d'autre part, certains souvenirs sont sans intérêt pour la fin qu’il se proposet. On peut discerner, dans le récit, des omissions involontaires, d’autres qui tiennent à la nécessité d'opérer un tri parmi les souvenirs, enfin des silences volontaires. Examinons, par exemple, quelles règles président à la désignation des personnages. Un grand nombre sont nommés, d’autres ne le sont pas ; l'absence de leur nom tient à des motifs variés.

Certains

personnages,

humbles

ou

puissants,

n'appa-

raissent dans les Confessions qu’à titre de comparses : Augustin a jugé inutile de nommer l’empereur en l'honneur duquel _il prononça un panégyrique à Milan?, l'aveugle qui fut guéri miraculeusement par les reliques des saints Gervais et Protais3, la vieille servante de Monique#. Il ne nomme même pas l'ami très cher dont la mort lui fut si pénibles ; ce personnage (1) Outre les textes cités ci-dessus, 16,n. 7 ; 34, n. 4,36, n. 6, cf. Aucus-

min, Conf., V, 9, 17, 19, p. 107 : « Absit, ut tu falleres eam (Monnicam) in illis uisionibus et responsis tuis, quae iam conmemoraui et quae non conmemoraui. » Il paraît probable que, dans un opuscule biographique spécial, Augustin s'était étendu plus longuement sur les visions de Monique ; cf. ci: dessus, p. 36, n. 7. ori laudem. » (2) Zbid., VI, 6, 9, 13, p. 126 : « Cum pararem recitare imperat Sur l'identification de cet empereur, cf. ci-dessous, p. 80-82. (3) Zbid., IX, 7, 16, 9, p. 221 : « quidam plures annos caecus ciuis ciuitatique notissimus » ; sur cet aveugle, cf. ci-dessous, p. 145 et 221. (4) Ibid., IX, 8, 17, 24, p. 222 : « famulae cuiusdam decrepitae ». (5) Zbid., IV, 4, 7,3, p. 71 : «amicum societate studiorum nimis carum » ; sur d’autres amis, également mauichéens, cf. ibid., IV, 8, 13, 13, p. 76. Pour leur identification, cf. ci-dessous, p. 69-70.

DIRECTIONS DE RECHERCHES

41

joue pourtant un certain rôle dans le récit, mais Augustin a sans doute jugé que le nom de ce jeune homme de Thagaste, mort à la fleur de l’âge, était sans intérêt pour les lecteurs et la postérité. Exceptionnellement, Je silence d'Augustin s'explique mal : il ne nomme pas, au livre IV, le vieux médecin sagace, au grand renom, qui chercha vainement, ainsi que Nebridi us, à le détromper d'ajouter foi aux horoscopes ; il donne tant de précisions laudatives sur ce grand homme, qu’on se demand e pourquoi

son nom

est absent ; de fait, trois livres plus loin,

Augustin revient sur cet épisode et se réfère au passage précité

en

nommant

Vindicianus,

comme

s'il avait

déjà fourni

son

nom quatre-vingts pages plus hauti. De même, au livre VII, Augustin ne dit pas le nom du traducteur des livres néo-platoniciens qu’il a lus en latin? ; mais au livre VIII, nous apprenons incidemment que ce traducteur est le grand Victorinuss. Une certaine part de fantaisie n’est donc pas exclue. On comprend mieux les cas où le motif du silence est la discrétion. Cette discrétion peut être apparente : par exemple

(1) Conf., IV, 3, 5-6, p. 69-70 : « Erat eo tempore uir sagax, medicinae artis peritissimus atque in ca nobilissimus... Numquid tamen ctiam per illum senem defuisti mihi? Benigne ac paterne monuit ut eos abicerem... Respondit ille, ut potuit, uim sorlis hoc facere ..Mirandum non esse dicebat, si ex anima humana superiore aliquo instinctu nesciente, quid in se ficret, non arte, sed sorte sonaret aliquid, quod interrogantis rebus factisque concinerct... Tunc autem nec ipse nec carissimus meus Nebridius, adulescens ualde bonus

et ualde castus,

inridens totum ïillud diuinationis genus, persuadere mihi potuerunt, ut haec abicerem. » Un autre « mot » de Vindicianus cellinum, CXXX VIII, 3, C.S.E.L., inédicales, cf. ScHanz, Rôm. Luüt., (2) Aucusrin, Conf., VII, 9, 13, BTE VITL22,53,25, p.1177:

Conf., VII, 6, 8, 10, p. 153 : « Obluctatus sum Vindiciano acuto senti et Nebridio adulescenti mirabilis animae, illi uehementer adfirmanti, huic cum dubitatione quidem aliqua, sed tamen crebro dicenti non esse illam artem futura praeuidendi, coniecturas autem hominum habere saepe uim sortis et multa dicendo dici pleraque uentura nescientibus eis qui dicerent. » De diuersis quaestionibus LXXXIII, qu. XLV, 2, P.L. t. XL, 20 (écrit entre 388 et 395) :

« Quod si non arte de codicibus exit saepe uersus futura praenuntians, quid mirum si ex animo loquenulis, non arte, sed sorte exit aliqua pracdictio futurorum ? » est cité par Aucusrin, Epist. ad Mart. XLIV, p. 128, 11 ; sur ses œuvres t. IV, 1, p. 184-185. 8, p. 158.

42

I. AUGUSTIN

BIOGRAPHE

quand Augustin fait mine de ne connaître ni Énéet, ni Cicéron?, ni Mani, ni l’haruspice magicien qui lui proposa ses officest, il sait parfaitement de qui il s’agit et se contente d’employer une formule-cliché, habituelle dans les milieux ascétiques, pour exprimer le plus profond dédain à l'égard de personnages profanes ou hérétiques, de gens sans aveu5. Mais sa discrétion est réelle, —- et du reste fort compréhensible, — lorsqu'il s’agit de ses maîtresses ou de sa fiancée. De même, s’il ne nomme pas l’évêque qui, malgré le désir de Monique, n’osa pas entreprendre une controverse avec le jeune Augustin manichéen, c’est sans doute pour ne pas exposer cette attitude à la critiques. De façon habituelle, Augustin évite de nommer les personnages auxquels il décoche quelque trait : ni le professeur de rhétorique qui admirait trop les Catégories d’Aristote?, ni le sénateur romain très influent qui fit pression sur Alypius en vue d'obtenir un passe-droit19, ni même « l'individu gonflé d’un monstrueux orgueil » auquel il doit le prêt des livres néo-platonicienst1. I1se contente d’allusions cinglantes à ses ennemis personnels, les chrétiens de sa connaissance

qui « tiennent

la vérité

même

pour

suspecte,

(1) Tbid., I, 13, 20, 14, p. 18 : « Aeneae nescio cuius » ; mais le contextr montre qu’il connaît bien l’Énéide! (2) Zbid., III, 4, 7, 4, p. 49 : « Perueneram in librum cuiusdam Ciceronis, cuius linguam fere omnes mirantur, pectus non ita»; mais V, 6, 11, 16, p. 100 1e Tullianas orationes » ; VIII, 7, 17, 6, p. 19 : « lecto Ciceronis Hortens1o. »

(3) Zbid., V, 5, 8, 1, p. 97 : « Manichaeum nescio quem » ; mais V, 3, 6, *, p. 96 : « Conferebam cum dictis Manichaei » ; V, 7, 12, 10, p. 101 : « Manichaei libris »; V, 7, 13, 2, p. 102 : « Manichaei litteras. » (4) Zbid., IV, 2, 3, 1, p. 67 : « Recolo... mandasse mihi nescio quem haruspicem... » (5) Sur « quidam Cicero », cf. ci-dessous, p. 57. Formule du même type dans Civ. Dei, XIV, 8, C.S.E.L., t. XL, 2, p. 18, 14 : « Nam et Alcibiadem ferunt (si me de nomine hominis memoria non fallit), cum sibi beatus uideretur, Socrate disputante et ei, quam miser esset, quoniam stultus esset, demonstrante, fleuisse. » (6) Aucusrin, Conf., IV, 2, 2, 11, p. 67 ; VI, 15, 25, 3 ct 11, p. 141. (7) Ibid., VI, 13, 23, 17, p. 140. (8) Lui-même avait raillé cette attitude, sur le moment, et Monique l’avail mal jugée, comme il ressort du texte cité ci-dessus, p. 39, n. 1. (9) Zbid., IV, 16, 28, 4, p. 86.

(10) Zbid., VI, 10, 16, 11, p. 134 : « quidam potentissimus senator ». (11) Zbid., VII, 9, 13, 6, p.158 : «per quendam hominem inmanissimo tyfo turgidum ». Au contraire, il nomme, V, 11, 21, 5, p. 110, « quidam Elpidius », polémiste catholique à Carthage ; VII, 6, 8, 24, p. 153, Firminus dont les propos contribuèrent à le détacher de l'astrologie.

DIRECTIONS

DE

RÉCHERCHÉES

43

si elle s'offre à eux en un langage paré et abondanti », la « langue

perfide » qui tenta de faire échouer les projets ascétiques qu’il venait de former

avec

Alypius?, tel « serviteur

de Dieu » qui

lui reproche d'avoir poursuivi son enseignement après la scène du jardins, ou encore d'avoir, trop charnel, pleuré sa mère à son lit de morts. On saisit toute la richesse d'intentions que recouvrent les silences volontaires d'Augustin. Autant de directions de recherches pour l'érudit moderne.

N'y a-t-il pas moyen

d'identifier

quelques-uns au moins de ces personnages ?5 La recherche n'est pas de pure curiosité : il est clair que l’on comprendrait mieux le sens des épisodes milanais si l'on pouvait identifier, par exemple, cet « individu » par lequel Augustin fut initié au néo-platonisme. *

*

*

Un autre champ de recherches est d'ordre chronologique. Bien entendu, Augustin reproduit en principe, pour décrire sa vie, la succession des âges6. I1 commence par la vie utérine ct la première enfance (primordia et infantia)T, qu’il fait finir au moment où le bébé exprime déjà ses sentiments par signess. Le passage à l'enfance proprement dite (Pueritia) est nettement exprimé, puis le passage à l'adolescence (adulescentia)19; HT 611020 p.099 (2) Tbid., IX, 2, 3, 7, p. 210 : « lingua subdola ». (3) Zbid., IX, 2, 4, 21, p. 211 : « Peccasse me in hoc quisquam seruorum fuorum,

fratrum

meorum,

dixeérit. »

(4) Zbid., IX. 12, 33, 10, p. 235 : « Legat qui uolet... et si peccatum inuenerit, fleuisse me

matrem

exigua

parte horae..., non

inrideàt...

Ego autem

iam'sanalo corde abillo uulnere, in quo poterat redargui carnalis affectus.…. » (5) On devra, en revanche, se garder des identifications fantaisistes : le praedicator que LaBrioLrE, Conf., I, 1, 1, 27, p. 8, n. 1, identifie avec saint Ambroise, désigne en réalité Jésus-Christ, auteur de la Révélation, même si praedicator se 1rouve aussi appliqué à Ambroise (ci-dessous, p. 91, n. 3) ; on trouvera ci-dessous, p. 205 etsuiv., une autre prétendue allusion à Ambroise.

(6) Cf. ci-dessus, p. 23, la locution ex ordine. CARE ENG TU Re 8 ki à (8) Lbid., I, 6, 10, 6, p. 9 : « signa, quibus sensa mea nota aliis faccrem iam in fine infantiac quacrebam. » de“ | LE (9) Zbid., I, 7, 12, 21, p. 11 : « Sed ecce omiLLo illud tempus : et quid mihi i:un cum

eo est, euius nulla uestigia recolo ? » ; 1, 8, 13, 454p: 11 : € Nonne

ab infantia non

hue pergens

farer, sed

iam

ueni in pueritiam...

puer loquens

(10) Ibid, 11, 1, 1, 9, p. 30.

eram,

»

Non enim

eram

infans, qui

44

I. AUGUSTIN

BIOGRAPHE

celle-ci commence par la pubertét, qu'Augustin fait coïincider avec la seizième année? ; en réalité, il lui arrive aussi d'appeler puer un garçon de seize ans3. Il mentionne encore sa dix-neuvième année, où il lut l’Hortensiusé, puis sa vingt-neuvième année, où il rencontra Faustus5. Le passage de l'adolescence à l’âge mûr (iwuentus) est de nouveau clairement exprimés ; il correspond sensiblement aux premières années de la trentaine?. Mais ce schéma chronologique n’est pas rectiligne : aussitôt après avoir mentionné qu'il avait vingt-six ou vingt-sept ans lorsqu'il écrivit le De pulchro et apto8, Augustin est revenu en arrière, à la vingtième année de son âge, où il lisait les Catégoriess. De même, quantité de faits sont rapportés, non selon leur ordre de succession réel, mais selon l’ordre inverse, corres-

pondant à celui du rappel des souvenirs, ou encore selon un ordre fantaisiste. Par exemple, Augustin rapporte au livre IV comment, à Thagaste, il a détourné vers le manichéisme un ancien condisciple qui, vu son âge adolescent,

n'était pas un

adepte bien sérieux du catholicismei®. Ce fait devrait, selon la chronologie, précéder le passage du livre III où l’évêque catholique refuse d'engager une controverse avec Augustin et le juge inapte à être enseigné : « Tant, disait-il, j'étais gonflé de présomption. en raison du trouble où, par des questions captieuses, j'avais déjà jeté pas mal de gens peu instruits!1. » (1) Zbid., II, 2, 2, 5, p. 30. (2) Zbid., II, 2, 4, 12, p. 32 ; II, 3, 6, 1, p. 33. (3) Jbid., IX, 6, 14, p. 219-220 : Adéodat est encore puer à quinze ou seize ans ; IX, 7, 15, 5, p. 220 : Valentinien IT est puer en 387, donc à seize ans. (4) Ibid., III, 4, 7, 15, p. 50. L’adolescence est qualifiée imbecilla aetas, II, 2, 2, 8, p. 31 et III, 4, 7, 1, p. 49. (5) Zbid., V, 3, 3, 1, p. 94. (6) Zbid., VII, 1, 1, 1, p. 145 : « Iam mortua erat adulescentia mea mala et nefanda, etibam in iuuentutem... » ; en juin 386, Augustin se déclare iuuenis ;texte cité ci-dessous, p. 143, n. 1. Surle compte des différents âges, cf. F. CavazzerA, Saint Jérôme, sa vie, son œuvre, t. II, Louvain, 1922, p. 3-8,et J. DE GneLLiNcCx, Juventus, gravitas, senectus, dans Studia mediaevalia R.-J. Martin O.P., Bruges, 1948, p. 39-44. (7) Douze ans après la dix-neuvième année, selon Conf., VIII, 7, 17, 5, p- 190 ; trente ans juste, selon VI, 11, 18, 6, p. 135. (8) Zbid., IV, 15, 27, 1, p. 85. (9) Ibid., IV, 16, 28, 1, p. 86. (10) Zbid., IV, 4, 7, 12, p. 71. (11) lbid., 111,12, 21, 11, p. 62.

DIRECTIONS

DE

RECHERCHES

45

La biographie d’Alypius est encore plus indép endante de la chronologie ; Augustin indique successivement qu'Alypius suivit ses cours à Thagaste et à Carthage, puis partit faire Son Droit à Rome ; mais il revient sans prévenir à la période antérieure, au temps où Alypius « poursuivait ses études à Carthage et suivait déjà mes leçons »t ; puis, toujours sans transition, le récit reprend au temps où Augustin rejoignit Alypiu s à Rome et l’entraîna à Milan. Ces lapsus s'expliquent sans doute parce qu'Augustin a désarticulé l’opuscule primitivement consacré au seul Alypius, en vue d'insérer cette biographie dans ses Confessions. Un autre anachronisme d’Augustin figure dans les réflexions intimes qu'il se prête rétrospectivement, au temps où il est en plein scepticisme à Milan : « Voici Faustus qui va venir et qui m'expliquera tout?. » Or, au livre précédent, Augustin déclarait que, plusieurs années auparavant, dès son premier entretien carthaginois avec Faustus de Milève, il avait « constaté son insuffisance dans les nombreuses questions dont il était tourmenté », et désespéré des docteurs manichéenss : il est vrai qu'il ne paraissait pas fort sûr de l'exactitude de son souvenirs. De même, lorsqu'Augustin conte son séjour à Rome, il se rappelle soudain le temps où il écoutait, à Carthage, le polémiste EÉlpidius disputer contre les Manichéenss ; lorsqu'il décrit ses réflexions milanaises sur le manichéisme, il saute brusquement plusieurs années en arrière, pour rappeler qu’à Carthage Nebridius avait opposé aux Manichéens une objection difficile à réfuteré. Les plus graves entorses à la chronologie apparaissent au livre IX. Augustin décrit comme l’un des bienfaits divins les plus évidents du temps où il était en vacances à Cassiciacum, la guérison d’un mal de dents. Aussitôt après, sans prévenir, il revient en arrière, au temps où il fit connaître sa décision de (1) Zbid., VI, 9, 14, 3, p. 131.

(2) Zbid., VI, 11, 18, 10, p. 135. Faut-il

en

conclure

que

Faustus

a

fait ou failli faire un voyage à Milan en 386 ? Je ne le pense pas. A. BrucxkNER, Faustus von Mileve, Bâle, 1901, a oublié de poser la question. (3) Ibid NV, 7, 43,2, p.102: (4) Tbid., V, 6, 11, 23, p. 101 : « Itane est, ut recolo, domine deus meus, arbiter conscientiae meae ? Coram te cor meum et recordatio mea. » (5) Zbid., V, 11, 21, 5, p. 110. (6) Zbid., VII, 2, 8, 4, p. 147. (7) Tbid., IX, 4, 12, 5, p. 218.

BIOGRAPHE

1. AUGUSTIN

46

retraite, à la fois par sa démission et par une lettre adressée à Ambroise!.

Il y a entre les deux événements

un intervalle

de près de six mois?. Aux pagessuivantes, après avoir mentionné la ferveur avec laquelle il chantait des hymnes, lorsqu'il fut rentré de Cassiciacum en vue du baptême, Augustin revient plus d’un an en arrières, pour conter dans quelles circonstances l'usage de chanter ces hymnes s'était introduit à Milan ; le rappel de ce souvenir amène, par manière de digression, le récit de l’ «invention » des corps des martyrs Gervais et Protais. Augustin s'étonne d’avoir omis cet épisode aux livres précédents, dans la suite chronologique des faits : « Grâces à vous,

Seigneur,

Dieu!

mon

D'où

donc,



donc

avez-vous

rappelé mes souvenirs, pour que je vous confesse aussi ces événements que, malgré leur importance, j'avais, par oubli, passés sous silence ?4 » Voilà une de ces séries de souvenirs, qui s'appellent l’un l’autre dans l’ordre inverse de la chronologie. Il arrive encore à Augustin de décrire en deux livres différents, à vingt pages d'intervalle, une même étape de sa pensée, comme si le récit n’avait pas avancéf. *

*

*

I1 y a donc, dans le récit des Confessions, des omissions invo” lontaires, des lacunes volontaires, et les faits ne sont pas tou-

jours rapportés par ordre de date. On notera aussi l'importance relative accordée au séjour milanais : plus de quatre livres (1) Zbid., IX, 5, 13, p. 218-219. (2) En effet, le mal de dents a eu lieu his diebus, selon les Soliloques, I, 12, 21, P.L.,t. XXXII, 880, qui datent environ de janvier 387 ; cf. ScHANz. Rôm:"Eut, t. "IN, 2; p.411. (3) Aucusrin, Conf., IX, 7, 15, 4, p. 220: « Nimirum annus erat aut non mullo

amplius,

cum...

»

(£ Ibid’, IX, 7, 16, 20, p. 221. (5) Voir ci-dessus, p. 37. (6) Zbid., V, 14, 25, 19, p. 114 : « Statui ergo tamdiu esse catechumenus in vatholica ecclesia mihi & parentibus commendata, donec aliquid certi eluceret, quo cursum diriserem » ; VI, 11, 18, 16, p. 136 : « Figam pedes in eo yradu, in quo puer & parentibus positus eram, donec inueniatur perspicua ueritas » ; cÎ. De utilitate credendi, VIT, 20, p. 25, 18 : « Decreueramque tamdiu esse calechumenus in Écclesia, cui traditus à parentibus eram, donec aui inuenirem, quod ueéllem, aut mihi persuaderem non esse quaerendum. » Augustin avait déjà, V, 7, 13, 13, p. 102, employé un tour analogue à propos du manichéisme : € contentus interim esse decreueram, nisi aliquid forte, quod magis eligendum esset, eluceret. »

DIRECTIONS

DE

RECHEÉRCHES

47

pour un séjour de moins de deux ans. Les paroles mêmes d’Augustin nous invitent à instituer une double enquête : d’abord, tenter de rétablir une chronologie aussi précise que possible, notamment pour le séjour milanais coupé en deux parties inégales par la retraite à Cassiciacum, et sur lequel notre information est très riche ; en outre, chercher dans toutes les œuvres

d'Augustin lui-même ou de ses contemporains, soit un contexte historique, soit des allusions directes à la même période : témoignages qu'il importe de confronter avec le récit des Confessions. Je ne sache pas qu’une telle enquête ait jamais été menée de façon méthodique. On a volontiers souligné l'opposition de ton entre les Confessions et les Dialogues. Mais il faudrait aussi examiner de près comment Augustin a lui-même, en vue de rédiger les Confessions, utilisé et mis en œuvre ses déclarations autobiographiques antérieures, non seulement celles des Dialogues, maïs celles des autres écritst. Il faut tenir compte encore du fait que, jusque dans sa vieillesse, Augustin est souvent revenu sur sa période manichéenne et sur ces années milanaises qui ont exercé une telle influence sur l’évolution de sa pensée et la conduite de sa vie. Les passages les plus tardifs ne sont pas automatiquement les moins véridiques, surtout lorsqu'il s’agit d’allusions faites par hasard, et non en vue d’une démonstration. Je me ferai une règle de rassembler ces passages, dont certains n'ont même pas été repérés, et de les citer souvent 2# extenso. Ils nous permettent de compléter le récit des Confessions, d'en apprécier la structure littéraire et le degré de véracité. Les recoupements à l’aide de textes offrent moins de chances d'erreur que la reconstitution subjective de l’évolution intellectuelle ou religieuse, telle que l'ont tentée, par exemple, sans aucun et le P. Boyer.

Je ne me passages

accord

entre eux, M. Alfaric

flatte d'ailleurs pas d'avoir

autobiographiques, car

il n'existe

découvert

tous les

aucun instrument

scientifique à cette fin. Du moins, le présent recueil apportera-t-il quelques lumières sur la vie d’Augustin ; il aidera (1) Ce Leipzig, (2) Les unes des rares ; le

point a déjà été noté par G. Miscn, Geschichte der Autobiographie, 1907, p. 434, n. 2, 3° éd., p. 673, n. 1. seuls Indices ayant une valeur scientifique, ceux de quelquesœuvres d'Augustin éditées dans le Corpus de Vienne, sont très plus précieux est celui des Lettres par Goldbacher

4

48

I. AUGUSTIN

BIOGRAPHE

peut-être d’autres à faire mieux, à élaborer la grande biographie scientifique de saint Augustin que Dôrries, dès 1929, appelait de ses vœux comme « l’une des tâches les plus importantes et les plus pressantes de l’histoire de l’église latinet », mais qui n'existe encore en aucune langue.

(1) H. Dæœnnies, Fünfzehn Jahre Augustin-Forschung, gische Rundschau, N. F, t. 1, 1929, p. 245.

dans

Theolo-

CHAPITRE

II

AUGUSTIN DÉTACHÉ DU CATHOLICISME

LA CONVERSION

A LA PHILOSOPHIE

Il est impossible de contrôler efficacement le récit du livre I des Confessions, relatif à l'enfance d'Augustin. Il a reçu l’instruction traditionnelle de l’écolie:1. I1 insiste surtout sur le fait qu'il eut grand’peine, dans sa petite erfance, à apprendre à lire, écrire, compter, puis à se mettre au grec, langue étrangère?. Comment ajouter plein crédit au ressentiment qu’il prétend garder des férules reçues à cette époque ?3 Cet usage, évidemment

désagréable

aux

enfantsé,

était alcrs tout

à fait

(1) Non sans de grandes difficultés d’argent ; cf. Manrrou, Histoire de l'éducation, p. 396. (2) Aueusrin, Conf., I, 13, 20, 1-7, p. 17. Sur sa connaissance du grec, ef. en dernier lieu Marrou, S. Augustin et la fin de la culture antique, p. 2837 ; B. Arraner, Augustinus und die griechische Sprache, dans Pisciculi, F.-J. Doelger dargeboten, Münster, 1939, p. 19-40, et mes Lettres grecques en Occident, p. 137-153. (3) Aucusrin, Conf., I, 9, 14, 8, p. 13 : « si segnis in discendo essem, uapulabam. » (&) Cf. Ausone, Protr. ad nepotem, v. 12 et suiv., dans M.G.H., Auct AN AL ON 25 D 37: Disce libens : tctrici nec praeceploris habenas detestere, nepos.. Tu quoque ne metuas, quamuis schola uerbere im 1to increpet et traculenta senex gerat ora magister, »

II. AUGUSTIN

50

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

normali. Comparer ces coups de règle aux chevalets, ongles de fer et autres instruments des tortures qu'endurent les martyrs, est visiblement une amplification?, calquée sur les développements de la diatribe stoïcienne, où sont comparés enfants et grandes personnes ;mais au lieu de conclure, comme Sénèque, que les affaires des grandes personnes n’ont pas plus d'importance que jeux d'enfants, Augustin a pour but de montrer que la vie, même celle des enfants, est une suite de tribulations: les jeux des enfants sont, du reste, aussi coupables que les occupations des grandes personnes#.

En réalité, Augustin ne cache pas qu'après ces débuts diff-

ciles, il a été un élève studieux et doué, tout au long de ses

classes, épris de Virgile, hostile aux chahuts5. Le témoignage (1) Cf. Maurou, Jlistoire de l'éducation, p. 367. (2) Aucusrix, Conf., 1, 9, 15, 5, p. 13 : 1, 14, 23, 25, p. 20; 1, 19, 30, 28. p. 26. Augustin ne se contente pas de dire qu'il faisait FR comparaison ‘ans

son

enfance.

(3) Avcusrix, Civ. Dei, XXI, 14, dans C.S.E.L., 1. XL, 2. p. 544, 5 : « Non enim parua poena est insipientia uel inperitia, quae usque adeo fugienda merito iudicatur, ut per poenas doloribus plenas puert cogantur quaeque artificia uel litteras discere ; ipsumque discere, ad quod poenis adiguntur,

tam

poenale

ipsas poenas,

est eis, ut nonnunquam

per quas

com-

pelluntur diseere, malint ferre, quam discere. » Tout le contexte, avec ses exempla, sent la diatribe stoïcienne. (4) Sénèque, De const. sap. XI], AUGUSTIN, Conf. "1..19: 30,23; p.26: 1, éd. Waltz, p. 51 : « Non ideo quicqnam inter illos puerosque interesse quis dixeril, quod illis talorum nucumue et aeris ninuti auaritia esl, his auri argentique et urbium, quod illi inter ipsos magistratus

gerunt

et

praetextam

fascesque imitautur, hi eadem in Campo Foroque et in Curia serio ludunt.. Ergo par pueris longiusque progressis, sed in alia maioraque

« Istane

est

innocentia

puerilis ?

.. Nam haece ipsa sunt, quae à pacdagogis et magistris, a nucibus et pilulis et passeribus, ad pracfectos et reges, aurum, pravdia, mancipia, haec ipsa omnino suceedentibus maioribus aetatibus transeunt,

sicuti ferulis matora supplicia succedant.

»

error est. »

P. pe LAgrioLLr, S. Augustin et Sénèque, dans Revue de philologie, t. LIV, 1928, p. 47-49, a déjà attiré l'attention sur ce parallèle. Sur les injures commises par le bébé qui frappe sa mère, ef. aussi SÉNÈQUE, thid., XI, 2, p. 50, uvec AUGusTIN, 1bid., 1,7, 41, 10, p. 10, ct De pec calorum meritis "7 remis sione, I, 35, 66, Br te XLIV, 148. Addendum, ci-dessous, p. 261. (5) Sur les euersores, comparés à des démons, cf. Aucusrix, De uera religione, XL, 75, P.L., Lu XXXIV, 156 (écrit dès 389-390),et Conf., TT, 3, 6, 11, p. 49; V, 8, 14, 27, p. 103. A la vérité, il semble

pourtant avoir goûté

les facéties d'étudiants signalées ci-dessous, p. 53, n.1. Sur l'amour d'Augustin

LA

CONVERSION

A

LA

PHILOSOPHIE

SI

de son condisciple Vincentius confirme le faitt. On ne saurait

donc dire, comme

fait Harnack?,

qu'Augustin a noirci unifor-

mément les années de sa vie antérieures au baptême. Les autres textes relatifs à l'enfance sont insignifiants : Augustin a appris à l'école la différence entre les temps, à propos des conjugaisonss ; il ignorait, à cetteépoque,la saveur desfraiseset descor-

nouillesé ; il coupait la queue aux lézardset la regardait setordres. En ce livre I des Confessions, Augustin s’attribue les principaux défauts propres à l'enfant : mensonge, amour du jeu jusqu'à la tricherie, goût des spectacles sans valeuré, menus larcins7.

Au livre suivant,

il revient

longuement

sur un épi-

sode précis des débuts de son adolescence : en compagnie de camarades de son âge, il a saccagé un poirier et jeté les fruits aux porcs. Le récit proprement dit tient en huit lignesê, suivies de sept pages de commentaires. Il n’y a pas lieu de douter du fait réel, dont

Augustin

assure

que le souvenir

est resté

vivant en lui. Il est pourtant probable que, si Augustin a pour l'étude, cf. notamment Conf., I, 13, 20, 3, p. 17 : I, 16, 26, 31, p. 23 : dans le même sens, il ne cache, IV, 2, 2, & et 14, IV, 2, 3,4, p. 67, ni sa conscience professionnelle à l’égard de ses élèves, ni sa fidélité à sa maîtresse. ni son horreur naturelle des pratiques magiques. Addendum, p. 261. (1) Aucusrin, Epist. ad Vincentium, XCIII, 13, 51, dans C.S.E.L., 1. XXXIV, p. 494, 12 : « Tu ipse in eiusdem epistolae tuae principio, cui nune respondeo, haec uerba posuisti : Cum optime, inquis, te nouerim longe adhuc a fide Christiana sepositum et studiis olim deditum litterarum quietis et honestatis fuisse cultorem... » (2) Cf. ci-dessus, p. 7. (3) Aucusrin,

Conf., XI, 17, 22, 3, p. 311 : « Quisnam

est, qui dicat mihi

non esse tria tempora, sicut pueri didicimus puerosque docuimus, praeteritum, praesens et futurum ? » (4) Aucusnin,

Epist. ad Nebridium,

VII, 3, 6, dans C.S.E.L., t. XXXIN

4, p. 17, 16 : « Ita nos pueri apud mediterraneos nati atque nutriti uel in paruo calice aqua uisa, iam imaginari maria poteramus, cum sapor fragorum

et cornorum,

mentem.

antequam

in Ît:lia

gustaremus,

nullo

modo

ueuiret

in

»

(5) Aucusrin, De quantitate animae, XXXI, 62, P.L., t. XXXII, 1069 : « ...recordarer quantum pueri mirari soleremus palpitantes lacertarum caudas amputatas a caetero corpore. » Addendum, ci-dessous, p. 262. (6) Auausrin, Contra Academicos, I, 1, 2, dans C.S.E.L., t. LXIII,

p. 4, 41 : « An uero si edentem te munera ursorum et numquam

ibi antea

uisa spectacula ciuibus nostris theatricus plausus semper prosperrimus accepisset... » suggère le genre de spectacles que Romanien, « patron » de Thagaste, pouvait offrir à ses concitoyens. Cf. Conf. I, 10, 16, 12, p. 15.

(7) Aucusrin, Conf., I, 19, 30, 11, p. 26. (8) Tbid., II, 4, 9, 10, p. 36. (9) Zbid., II, 9, 17, 14, p. 42.

52

II. AUGUSTIN

donné

un

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

à l'analyse

tel développement

de cette peccadille,

pour en faire ressortir la malice gratuite, c'est en conformité avec une tradition usuelle dans la littérature ascétique. Vischer a retrouvé une anecdote parallèle chez Macaire l’Égyptien : « Quand j'étais encore enfant, je gardais les vaches en compagnie d’autres enfants qui volaient des figues ; comme ils s'enfuyaient, il en tomba une, et je la mangeai ; chaque fois que je me rappelle la chose, je m’asseois pour pleurert. » Augustin s’est contenté

d’habiller l'épisode à la romaine,

en se décou-

vrant plus coupable que le pire scélérat : Catilina l? Ainsi, l'enfant de Thagaste nous échappe presque complètement. Nous sommes mieux renseignés sur l'adolescent de Carthage. Au livre III des Confessions, Augustin commence le récit de son séjour à Carthage par l'évocation de ses débauches et de son goût pour les spectacles ; mais s’il analyse brillamment l'essence du plaisir dramatique, il ne fournit aucun détail sur le genre de spectacles qui l’attiraient. Deux passages de la Cité de Dieu comblent en partie cette lacune : « Jadis, quand j'étais jeune homme,

j'allais assister, moi aussi, à

ces spectacles dérisoires et sacrilèges. Je regardais les possédés, j'écou-

tais les symphonistes ; je prenais un vif plaisir aux jeux répugnants donnés en l'honneur des dieux et déesses, de Caelestis vierge et mère des dieux, déesse du Bérécynthe. Au jour solennel de la purification de sa statue, en avant du brancard sur lequel elle était portée, les plus vils histrions chantaient des vers infâmes... Ces histrions auraient rougi de reproduire chez eux, devant leurs mères, en manière d’exercices préparatoires, ces paroles honteuses, ces gestes obscènes ; et cependant, ils les exhibaient en public, devant la Mère des dieux, en présence d’une multitude considérable, où les personnes des deux

sexes les regardaient et les écoutaient. cette foule avait pu s’empresser rer, humiliée de l’offense faite à qu'est-ce donc qu’un sacrilège ? donc qu’une souillure ? Et tout

Si, attirée par la curiosité,

ainsi, du moins aurait-elle dû se retisa pudeur. Si ce sont là rites sacrés, Si c’est là une purification, qu'est-ce cela s'appelait Les « Services » (Fer-

cula) comme si l’on eût célébré un

banquet destiné à rassasier de

mets de leur choix les démons immondes.

Qui ne sait, en effet, com-

bien ces esprits aiment les obscénités de ce genre ? »

(1) Macaire L'Écyprien, Epist.…., éd. H.-J. Floss, Bruxelles, 1850, p. 163, cité par E. Viscner, Eine anslôssige Stelle in Augustins Konfessionen, dans Harnackehrung, Leipzig, 1921, p. 183-194. (2) Aucusrin, Conf., II, 5, 11, 13, p. 37.

(3) Aucusrin, Civ. Dei, IT, 4, dans C.S.E.L., t. XL, 1, p. 63, 21 : « Venie-

bamus

etiam nos aliquando

legiorum ; spectabamus

adulescentes

arrepticios,

pissimis, qui dis deabusque

ad spectacula ludibriaque sacri-

audiebamus

exhibebantur,

synphoniacos,

oblectabamur,

ludis

tur-

Caelesti uirgini

LA

CONVERSION

A LA

PHILOSOPHIE

53

Augustin décrit là les fêtes en l'honneur de Caelestis, divinité tutélaire de Carthage, que les Africains, à l'époque tar-

dive, identifiaient avec la grande Cybèle. Ces fêtes, qui s’éten-

daient sur plusieurs jours, lui ont laissé un souvenir d'autant plus vif, qu'une extrême licence était permise aux étudiants, ces soirs-là : ils « singeaient » les possédés en une mimique bur-

lesque et amusaient la foule par leurs prédictions facétieusest. Le point culminant des cérémonies était la procession solennelle du 27 mars,

destinée à aller plonger dans une eau pure

l'idole de la déesse; quantité d’imagesdivinesl’escortaient, portées

sur des litières (fercula) ; Augustin se rappelle avoir vu défiler dans les rues de Carthage les « galles », ces prêtres eunuques,

aux cheveux moites, au visage fardé, aux membres amollis, à la démarche féminine?. En outre, avait lieu un banquet sacré :

et Berecynthiae matri omnium, ante cuius lecticam die sollemni lauationis eius talia per publicum cantitabantur a nequissimis scaenicis, qualia, non dico matrem deorum, sed matrem qualiumcumque senatorum uel quorumlibet honestorum uirorum, immo uero qualia nec matrem ipsorum scaeni-

corum deceret audire. Habet enim quiddam erga parentes humana uerecundia, quod nec ipsa nequitia possit auferre. Illam proinde turpitudinem obscenorum dictorum atque factorum scaenicos ipsos domi suae proludendi causa coram matribus suis agere puderet, quam per publicum agebant coram deum matre spectante atque audiente utriusque sexus frequentissima multitudine. Quae si inlecta curiositate adesse potuit circumfusa, saltem offensa castitate debuit abire confusa. Quae sunt sacrilegia, si'illa sunt sacra ? aut quae inquinatio, si illa lauatio ? Et haec fercula appellabantur, quasi celebraretur conuiuium, quo uelut suis epulis inmunda daemonia

pascerentur.

Quis enim non sentiat cuius modi spiritus talibus obsce-

nitatibus delectentur... ? » (1) Aucusrin, De Genesi ad litteram, XII, 22, 47, C.S.E.L., t. XXVIII, p. 413, 12 : « Item alius ante symphoniacum salbatat, ubi erant multa idola per quamdam paganorum solemnitatem, non aliquo spiritu arreptus,

sed imitatione ludicra arreptitios aemulatus, scientibus cicumstantibus et spectantibus. Moris enim erat, ut ante prandium peractis sacrificiis agitatisque fanaticis, si qui adolescentes post prandium uellent eo more ludere, nullus prohiberetur. Ille ergo inter saltandumi, facto sibi silentio iocabundus et ridente multitudine circumseptus, ea nocte quae impendebat, in ea silua quae iuxta erat, hominem a leone interemptum iri, ad cuius cadauer spectandum illucescente die confluxuram turbam et illius solemnitatis locum deserturam praedixit. Et factum est ; cum satis cunctis qui aderant in omnibus motibus claruisset, hoc eum ludendo et iocando nusquam perturbata

uel alienata mente dixisse ; ipso etiam tanto amplius mirante quod accidit, quanto magis nosset quo id animo atque ore protulerit. has (2) Aucusrin, Civ. Dei, VII, 26, p. 339, 7 : € ...qui usque in hesternum diem madidis capillis, facie dealbata, fluentibus membris, incessu femineo, per plateas uicosque Carthaginis etiam a propolis unde turpiter uiuerent

exigebant.

»

54

Il. AUGUSTIN

DÉTACHÉ DU CATHOLICISME

puis des jeux étaient donnés sur l'immense place dallée qui s'étendait en avant du sanctuairet ; au cours de ces jeux, les aventures de Cybèle et d’Attis étaient mimées de la façon la plus réaliste : l'amour sensuel de la déesse pour le jeune berger ; la résistance et la Passion d’Attis, qui s’émasculait dans un accès de délire sacré ; les lamentations de Cybèle à la recherche

du cadavre ; puis la Résurrection?. Le sens mystique de ces cérémonies, qui se déroulaient dans une atmosphère de carnaval, n’était plus guère perceptible à la foule, depuis des siècles ; les hommes,comme

Augustin,

savouraient surtout les situations scabreuses ; les femmes respectaient les rites sans les comprendre : « Devant le temple de Caelestis, où j’apercevais sa statue, la foule se pressait de toutes parts, et je me casais comme

je pouvais. Je sui-

vais avec la plus grande attention le déroulement des jeux, regardant tour à tour, d’une part le cortège de prostituées, d'autre part

la déesse-vierge. On l’adorait avec des prières, mais devant déroulaient des turpitudes. Pas un mime, pas une actrice ne devant nos regards la moindre retenue ; chacun s’acquittait ment de son office d’obscénité. On savait ce qui plaisait à la

elle se gardait pleinedéesse.

vierge ; et ces exhibitions permettaient aux femmes mariées de rentrer (1) Cf. Quopvurroeus, De promissionibus et praedictionibus Dei, III, 4, P.L., 1. LI, 835 (sous le nom de Prosper) : « Apud Africam Carthagiui Coelestis esse ferebant templum

nimis amplum,

bus uallatum. Cuius platea lithostrata et moenibus decorata prope in duobus batur. »

omnium

deorum

suorum

aedi-

pauimento ac pretiosis columnis fere millibus passuum protende-

(2) TeRTULLIEN, Ad nationes, 1,10, dans C.S.E.L., 1. XX, p. 80,3 :« Cyÿbela

pastorem castratum

suspirat fastidiosum Attin deum

non

crubescentibus

a Pessinunte »; ARNOBE,

uobis..….

Aduersus

Vidimus nationes,

saepe IV, 35,

dans C.S.E.L., t. IV, p.170, 7 : « Saltatur et Magna sacris compta cum infulis Mater et. in bubulci unius amplexum flagitiosa fingitur adpetitione gestire » ; cf. A. AuDoLLENT, Carthage romaine, Paris, 1901, p. 387 ; H. GraizLor, Les dieux Tout Puissants Cybèle et Attis et leur culte dans l'Afrique du Nord, dans Revue archéologique, série IV, t. TITI, 1904, 1, p. 322-353, et Le culte de Cybèle mère des dieux, à Rome et dans l'Empire romain, Paris, 1912, p. 529-530 ; F. Cumonr, Les religions orientales dans le paganisme romain, 4e éd., Paris, 1929, p. 43-68. AucusrTin,

Civ. Dei, IV, 1, p. 162, 12, précise

que ce qu'il dit de ces rites démoniaques repose en partie sur des souvenirs personnels et visuels : « Hacc non ex nostra coniectura probauimus, sed partim ex recenti memoria, quia el ipsi uidimus talia ac talibus numinibus exhiberi, partim ex lilteris corum... » I fait, soit un contresens, soit un jeu de mots, en appliquant le nom de la fête : Fercula, non aux litières sur lesquelles étaient portées les images divines, mais aux services du repas sacré : on notera que, dans les Conf., III, 6, 10,17, p. 52, Augustin qualifie par déri-

sion de fercula les enseignements dont les Manichéens le nourrirent.

LA

CONVERSION

A LA

PHILOSOPHIK

55

chez elles plus expertes. Les plus pudiques détournaient Jes yeux des postures lascives des comédiens ; mais de furtifs regards leur ensei-

gnaient les secrets du vice ; elles rougissaient devant les hommes de contempler franchement ces gestes impurs ; mais elles osaient

moins encore condamner, dans la chasteté de leur cœur, d'une divinité vénéréel. » On

saisit mieux,

étant

donné

le genre

les rites

de spectacles

dont

il s’agit, pourquoi Augustin lie, dans les Confessions, la mention des spectacles carthaginois à celle de ses folles amours? : en fonction d'Attis et de Cybèle, amants heureux, puis séparés, s'explique parfaitement le reproche qu'il s'adresse à lui-même d’avoir, au cours de ces exhibitions, partagé la joie des amants

qui jouissent l’un de l’autre, et leur tristesse lorsqu'ils sont perdus l’un pour l’autres. Quoiqu'il eût reçu le sel des catéchumènes dans sa petite enfance, et malgré les conseils de chasteté que sa mère lui avait prodigués à la puberté, Augustin, à cette date, n'avait donc aucun scrupule à se rendre à ces spectacles grivois, fortement entachés de paganisme et formellement déconseillés x

(1) Aucusrin, Civ. Dei, IT, 26, 2, p. 103, 25 : « Ante ipsum tamen delubrum (Caelestis), ubi simulacrum ïillud locatum conspiciebamus, uniuersi

undique confluentes et ubi quisque poterat stantes ludos qui agebantur intentissimi spectabamus, intuentes alternante conspectu hinc meretriciam pompam, illinc uirginem deam : illam suppliciter adorari, ante illam turpia celebrari ; non ibi pudibundos mimos, nullam uerecundiorem scaenicam uidimus ; cuncta obscenitatis inplebantur officia. Sciebatur uirginali numini quid placeret, et exhibebatur quod de templo domum matrona doctior reportaret. Nonnullae pudentiores auertebant faciem ab inpuris motibus scaenicorum et artem flagilii furtiua intentione discebant. Hominibus namque uerecundabantur, ne auderent inpudicos gestus ore libero cernere ; sed

multo

minus

audebant

sacra

eius,

quam

uenerabantur,

casto

corde

damnare. » La pompa meretricia est à expliquer en fonction du chorus meretricum mentionné ibid., VI, 7, p. 286, 28, sorte d’actrices. (2) Aucusrin, Conf., II, 1, 1, 23, p. 46 ; Enarr. in Ps. CXLVII, 7, P.L.. t. XXXVII, 1919 : « Aliquando nos quoque ibi scdimus et insaniuimus. » (3) Aucusrin, Conf., LI, 2, 3, 15, p. 47. Cette indication s’appliquerait

également à la représentation dramatique des amours d’Énée et de Didon ; Aucœusrin, Sermo CCXLI, 5, P.L.,'t. XX XVIII, 1136, mentionne l’adaptation au théâtre de scènes de l’Énéide : « Se& pauei nostis in libris, multi in theatris, quia Aencas descendit ad iuferes... »; sur les divers genres de jeux

et de spectacles à Carthage, cl. AuDOLLENT, Aucusrix,

Epist. ad Nectarium

XCT,

Carthage romaine, p. 682-687.

5, p. 430, 21, se plaint que

« agitur.

cantatur, saltatur [uppiter adulteria Lanta cominittens », par allusion au passage de TÉRENCE, Eunuque, v. 584-591, éd. Marouzeau, t. D p. 265, relatif aux amours de Jupiter et Danaé ; sur le même passage, cf. Conf., 1. 16, 26, 11, p. 22 ; Civ. Dei, 11, 7, p. 68, 19.

II, AUGUSTIN DÉTACHÉ DU CATHOLICISME

56 aux

chrétiens.

Peut-être

le fait d’avoir

été élevé

milieu

en

chrétien le détournait-il d'attribuer à ces représentations une signification religieuse et de chercher à se faire initier aux rites païens ; il pensait comme ses camarades qu'aux processions de Cybèle la foule était faite, non

de croyants,

mais de

badauds, susceptibles de déserter la cérémonie pour n'importe quel fait divers?. Il ne se souciait guère de l'interprétation philosophique que les prêtres païens proposaient des mythess ; tel prêtre de Cybèle osait, pour séduire les chrétiens, prétendre que les deux religions de salut n'étaient pas sans rapport entre elles : « Attis, assurait-il, était aussi un oint », c’est-à-dire un

Christ à sa manières. Augustin était, du reste, comme

nous l’apprend son condis-

ciple, tout aussi éloigné de la foi chrétiennes. S'il lui arrivait de se rendre à l’église catholique, c'était pour y concerter, en plein service divin, avec un cynisme tranquille, un rendezvous d'amours$. *

*

*

En dépit de ses fâcheuses fréquentations et d’un tel détachement moral et religieux, Augustin allait subitement, à l’âge (1) Voir, par exemple,les traités De spectaculis de Tertullien et du PseudoCyprien, éd. A. Boulanger, Paris, 1933. (2) Par exemple, si un homme était tué par un lion dans le bois voisin ; : texte cité ci-dessus, p. 53, n. 1. (3) Aucusrin, Epist. ad Nectarium, XCI, 5, dans C.S.E.L., t. XXXIV, 2, p. 430, 16: « Ita uero in templis populis congregatis recitari huiuscemodi salubres interpretationes heri et nudiustertius audiuimus. » Sur les interprétations de Varron et Porphyre relatives à Cybèle et Attis, cf. Civ. Dei, VII, 24-25, p. 335-338 (4) Aucusrin,

Tract.

in

Iohannem,

VII,

4, 6, P.L.,

t. XXXV,

1440

:

« Usque adeo ut ego nouerim aliquo tempore illius Pilcatisacerdotem solere dicere : Etipse Pileatus est Christianus » ; cf. GRAILLOT, op. cit., p. 543-544. (5) Texte

cité ci-dessus,

p. 51, n. 1.

(6) Aucusrin, Conf., III, 3, 5, 6, p. 48 : « Ausus sum etiam in celebritate sollemnitatum tuarum intra parietes ecclesiae tuae concupiscere et agere negotium procurandi fructus mortis » ;le contexte signifie,si je ne me trompe, non que cet épisode est survenu alors qu'Augustin était déjà manichéen, mais que sa chute dans le manichéisme a été la conséquence et le juste chàtiment de sa parfaite indifférence à l'égard du dieu des Catholiques. Sur l’importance

de la notion des parietes, cf. Conf., VIII, 2, 4, 11, p. 179, et

G. Barpy, Parietes faciunt christianos, dans Smaragdus, bulletin d'histoire et de littérature chrétienne annexé à la Revue du Moyen A ge latin, t. I, 3, juillet 1946, p. 1-11, auquel il faut ajouter ce texte et Epist. CLI, 3, dans C.S.E.L., t. XLIV, p. 384, 19. Voir ci-dessous mon Appendice V, p. 383-391.

LA

CONVERSION

A LA

PHILOSOPHIE

57

de dix-neuf ans, se convertir à la philosophie : « Selon le cycle

normal des études, écrit-il dans les Confessions, j'en étais arrivé

au livre d’un certain Cicéron dont presque tout le monde admire la langue, non le cœur. Pourtant, ce livre contient une exhortation à la philosophiet. » Selon Tescari, l'expression curieuse : « un certain Cicéron », signifie qu’à l'époque où Augustin lut l'Hortensius, il entendait parler de Cicéron pour la première fois?. C’est invraisemblable, si l’on songe à la place que tenait Cicéron dans l’enseignement rhétorique. L'expression employée n'est qu'une concession, faite par l’évêque d’Hippone, à la mode selon laquelle les chrétiens de l'époque affectent de mépriser la culture profane ; ce sont eux

qui considèrent

Cicéron

seulement comme un parleurs. Mais, cette concession faite, Augustin ajoute aussitôt sa pensée personnelle : ils ont tort de n’admirer en lui rien d'autre, car l’Hortensius est une exhortation à la vraie philosophies. Le dialogue, tel qu’on peut le reconstituer d’après les fragments conservés, commençait par une justification de différentes disciplines ; puis s’engageait une controverse entre Hortensius,

ennemi

de la philosophie,

à laquelle il reprochaït

sa méthode dialectique, son origine tardive et ses représentants indignes. Cicéron ripostait par une apologie de la vraie philosophie : elle seule conduit les hommes à la vie heureuse, qui est la fin de tous leurs efforts ; à cet effet, elle enseigne le (1) Aueusrin, Conf., III, 4, 7, 1, p. 49 : « ...discebam libros eloquentiae, et usitato iam discendi ordine perueneram in librum cuiusdam Ciceronis, cuius linguam fere omnes mirantur, pectus non ita. Sed liberille ipsius exhortationem continet ad philosophiam et uocatur Hortensius » ; cf. VI, 11, 18, 3, p.135 ; VIII, 7, 17, 6, p. 190 ; De beata uita, I, 4, dans C.S.E.L., t. LXIII, p- 91, 14: « In schola rhetoris librumillum Ciceronis, qui Hortensius uocatur, accepi. » (2) O. Tescari, Nota augustiniana, dans Convivium, 1933, p. 414-421. (3) Cf. Cie. Dei, II, 27, p. 104, 26 : « philosophaster Tullius » (tandis que l’auteur de l’Hortensius est appelé dans le Contra Academicos, I, 3, 7, p. 8, 22 et 26 : « Cicero noster. ») Pour d’autres expressions méprisantes, cf. cidessus, p. 42 et n.11, De doctr. christ., IV, 10, 24 ; IV, 12, 27,et H. HaAcENDAu&IL,

Methods of citation in postclassical Latin prose, dans Eranos, t. XLV, 1947, p. 1144928 ; sans doute, le quidam Elpidius, appliqué à un catholique, n'avait rien de méprisant, parce qu'il s'agissait d’un homme peu connu ; mais quidam, appliqué à un personnage aussi célèbre que Cicéron, ne peut avoir qu’un sens dépréciatif. , , (4) Je m’accorde, pour cette exégèse, avec M. Testard, Saint Augustin et Cicéron,

t. I, Paris,

1958,

p. 11-19.

58

II. AUGUSTIN DÉTACHÉ DU CATHOLICISME

mépris des bien sensuels et le culte des vertus ; cette vie heu-

reuse est la vie divine, qui contient toute sagesse. L'ouvrage se terminait sur un éloge de la philosophie et une invitation pressante à s'engager à son service. Dans

ment

les Confessions,

d’Hortensius

Augustin

relatif aux

met en relief le développe-

faux philosophes.

Mais l’in-

fluence qu’eut la pensée cicéronienne sur Augustin n’est pas seulement négative. Il assure, dans les Solloques, que la lecture de ce dialogue le détacha aussitôt de l’appétit des richesses, en lui enseignant, même si elles survenaient, à en user avec modération et à se contenter du nécessaires. Surtout, il a été conquis, en principe, à la vie contemplative ; plusieurs auteurs

modernes ont insisté, non sans raison, sur le fait que les Dialogues de Cassiciacum sont beaucoup plus imprégnés de l’Hortensius que des Ennéades de Plotiné ; jusque dans ses œuvres tardives, théologiques ou polémiques, Augustin, sans rien renier de son enthousiasme de jeunesse, a cité avec éloge de longs passages de l’Hortensiuss. La conversion à la philosophie était, chez les Anciens, une réalité dont nous n’avons guère idée de nos jours, capable de (1) Sur les fragments de l’Hortensius, cf. Cicéron,

Opera, éd. Müller,

t. IV, 3, Leipzig, Teubner, 1890, p. 312-327 ; O. Prasserc,De M.Tullii Ciceronis Hortensio dialogo, Diss. Berlin, Leipzig, 1892 ; M. Perers, Augustins erste Bekehrung, dans Harnackehrung, Leipzig, 1921, p. 195-211 ; J. Srroux, Augustinus und Ciceros Hortensius nach dem Zeugnis des Manichâers Secundinus, dans Festschrift R. Reitzenstein, Leipzig, 1931, p. 106118. (2) Aueusrin, Conf., III, 4, 8,7, p. 50 : « Prope omnes qui exillis et supra temporibus tales erant, notantur in eo libro et demonstrantur. » (3) Aucusrin, Solil., I, 10, 17, P.L., t. XXXII, 878 : « Prorsus mihi unus

Ciceronis liber facillime peisuasit, nullo modo appetendas esse diuitias, sed si prouenerint, sapientissime atque cautissime administrandas. » (4) Cf. Aucusrin, De beata uita, I, 4, C.S E.L., t. LXIII, p. 91, 13 ; LI, 11, p. 96, 28 ; IV, 26, p. 108, 24 ; R. Dienec, Ciceros Hortensius und s. Augus-

tins De beata uita, Vienne, 1914 ; W. NEUMANN, De Augustino ciceroniano, Diss. Kônigsberg, 1923 ; M. Zepr, Augustins Confessiones, Heidelberg, 1926, p. 23-28 ; A.-J. CLarsen, Augustinus en Cicero’s Hortensius, dans Miscellanea Augustiniana,

Rotterdam,

1930, p. 391-417 ; A. Dyrorr, Ueber Form

und Begriffsgehalt der augustinischen Schrift De ordine, dans Aurelius Augustinus, Festschrift der Gôrres Gesellschaft zum 1.500. Todestage des hl. Augustinus, éd. par M. Grabmann et J. Mausbach, Cologne, 1930, p. 15-62. Zepf ct

Dyroff

montrent

quelque

excès

en

ce

sens.

(5) Notamment, dans la Cité de Dieu, le De trinitate et le Contra lulianum.

LA

changer années

CONVERSION

A LA

PHILOSOPHIE

du tout au tout l'orientation après cette conversion

59

de la viet. Quelques

d'Augustin,

Alypius,

sous son

influence, allait évoluer dans le même sens : entrant au cours à l’improviste, il entendit Augustin, alors rhéteur à Carthage, lancer quelques traits contre les jeux du cirque qui étaient sa passion ; il se crut visé et, « par un énergique renoncement, épura son âme, rejetant loin de lui toutes les malpropretés du cirque, où il ne remit plus les pieds? ». Nous n'avons pas lieu de suspecter la véracité de ce récit, mais il ne paraît guère douteux non plus qu'Augustin n’ait « arrangé » l'épisode d’après l'exempluin célèbre de Polémon adolescent ; celui-ci, dans des circonstances analogues, fut converti à la philosophie par Xénocrate3. Augustin connaît bien cette anecdotes, qui figurait peut-être, précisément, dans l’Hortensiuss. A Cassiciacum, il met encore l'Hortensius entre les mains de Licentius et de Try-

getius, dans l'espoir de les conquérir à la philosophie. Il ne faudrait d’ailleurs pas, en fonction de l'opposition traditionnelle entre. culture oratoire et culture philosophique, imaginer cette conversion d’'Augustin comme un renoncement à la première. Car l’Hortensius lui est révélé par le programme même de ses classes de rhétoriques ; l’année suivante, son pro(1) CE. les chapitres consacrés à ce sujet par A.-D. Nock, Conversion, the old and the new: in religion from Alexander the Great to Augustine of Hippo, Oxford, 1933 ; G. Barpy, La conversion au christianisme durant les premiers siècles, Paris, 1949. (2) Aucusrin, Conf., VI, 7, 12, 34, p. 130. (3) Cf. DiocÈène LaËrce, Vitae, IV, 3, 16 : VaAzÈRE MaximE, VI, 9, ext. 1 ; AmBroisE, De Helia, XII, 45, dans C.S.E.L., t. XXXII, 2, p. 437, 19. On retrouve encore cette anecdote chez Plutarque, Lucien, Epictète. Origène,

Thémistius, Grillius,

etc.

(4) AucusrTix, Epist. ad Cirtenses, CXLIV, 2, dans C.S.E.L., t. XLIV, p. 263, 16 ; Contra Tulianum, 1, 4, 12, P.L., t. XLIV, 647 : « Sischolam Xenocratis sicut Polemo

ex antelucano

conuiuio intrasses... » LABRIOLLE,

p. 129, n. 1, à déjà noté l’analogir, mais n’en tire aucune (5) C. Harm, Ergänzung der ciceronischen Fragmente, richte der kônigl. bayer. Akad. der Wiss., philos.-philol. p. 38. PLASBERG, op. cit., p. 68-69, n'accepte pas cette (6) Avcusrix, Contra Acad., I, 1, 4, dans C.S.E.L., 1. *.… praesertim cum Hortensius liber Ciceronis iam eos conciliasse

philosophiae

uideretur

»:

{7) Sur cette opposition, cf., entre l'éducation dans l'Antiquité, Paris, 1948, +ée à la culture philosophique) ; ce même Augustin sur cette opposition. (8) Textes cités ci-dessus, p. 57. n.

Conf.,

conclusion. dans SitzungsbeKlasse, 1862, Il, hypothèse. LXTIT, p. 6, 14 : ex magna parte

III, 4, 7, p. 50, 26.

+

autres, H.-1. Marrou, Histoire de index, s.u. : oratoire (culiure, OopPoauteur a fondé le plan de son Saint {.

60

II, AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

fesseur de rhétorique fait le plus grand cas des Catégories d’Aristotet ; vers 380, Augustin dédie son premier essai philosophique à un rhéteur de Romez.

A l’époque où nous sommes,

la philo-

sophie est enseignée par le rhéteur et n’apparaît que comme le couronnement

de la culture oratoires. Cicéron lui-même,

dans

l’Hortensius, devait soutenir un point de vue analogue. Augustin continue donc de se destiner à la carrière de rhéteur tout en étant épris de philosophie. I1 faudra, plus tard, une profonde évolution de sa pensée pour que l'amour de la philosophie le conduise à démissionner de sa chaire de rhéteur.

II

LA CONVERSION

MANICHÉENNE

Converti à la philosophie spéculative, Augustin allait aussitôt chercher à définir l'être divin qui fait l’objet de la contemplation. Il se tourna vers les Écritures chrétiennes, fondement de la religion qui lui avait été inculquée dans son enfance.

Elles le déçurent par leur style, trop éloigné de l'idéal cicéro-

nien,

mais

aussi pour

le fond.

Le chapitre

des Confessions,

relatif à ce moment décisif de son évolution, est peu clair. Augustin reconnaît lui-même qu'il a du mal à se représenter l'idée qu'il se faisait alors des Écritures ; il déclare seulement : « Ma vue n’en pénétrait pas les profondeurs », mais n’explique guère comment l’orgueil l’a orienté vers le manichéisme ; bien plus, il semble se contredire : d’une part,il considère que l'Écri-

ture ne se découvre pas aux enfants (pueris) ; d'autre part, il assure que, s’il n’a pas compris les Écritures, c'est parce que l’orgueil le détournait d’être petit (paruulus). (1) Aucusrin, Conf., IV, 16, 28, 4, p. 86. (2) Tbid., IV, 14, 21, 2, p. 81, et IV, 14, 23, 1, p. 83. Ce fait a déjà été noté par Marrou, Saint Augustin, p. 163. (3) Aueusrin, Epist. ad Dioscorum CXVIII, 21, dans C.S.E.L., t. XXXIV, 2, p. 684, 23, parlant des Stoïciens et Épicuriens « quos iam certe nostra

aetate sic obmutuisse conspicimus, ut uix iam in scholis rhetorum commemoretur tantum, quae fuerint illorum sententiae »; cf. Hozr, Augustins innere Entwicklung, dans ses Gesammelte Aufsütze zur Kirchengeschichte, p. 54; Boëce, In Isag., C.S.E.L., t. XLVIII, p. 4, 12 : « Victorinus orator sui temporis ferme doctissimus. »

LA CONVERSION

MANICHÉENNE

Ce chapitre ne devient compréhensible,

6I

que s’il est mis en

parallèle avec un passage du sermon LI, qui fait allusion à la même époque de la vie d’Augustin ; à propos du voile de mystères que présentent les Écritures, plus spécialement à propos de l’objection à la foi que constitue, aux yeux de certains, la divergence entre les deux généalogies du Christ selon Mathieu

et selon Luc, Augustin y fait un retour sur sa chute dans le Manichéisme : Confessions, III, 5, 9, 1, p.51:

« Je résolus donc d’appliquer mon esprit à l'étude des Écrilures,

pour

voir

comment

elles

étaient. Ce que j'y vois, c’est une réalité impénétrable aux oygueil-

leux et qui ne se découvre pas non plus aux enfants, une entrée basse, mais qui s'élève à mesure qu’on

avance, un voile de mystères. J'eus-

se été bien incapable d’en franchir l’accès ou de courber la nuque pour me plier à cette progression. Ce que je viens d’en dire n’a rien de commun avec le sentiment que j'éprouvai lors de cette première

sermons LInliaris, XXXVIII, 336 :

P:L'Aet.

« Ce sont les voiles qui font l'honneur du mystère ; mais, seules, les personnes qui l’honorent voient

se lever ces voiles! Moi qui vous parle, j'ai été trompé autrefois, quand, encore dans l'enfance, j'ai voulu commencer par appliquer

aux divines Écritures la discus-

sion critique, plutôt que la recherche pieuse. Par mes mauvaises mœurs, je me fermais à moi-même la porte d’accès à mon Seigneur. J'aurais dû frapper pour qu'elle

me fût ouverte ; au lieu de cela, j'allais jusqu’à me la fermer. Dans mon orgueil, j'osais chercher ce

étude. L'Écriture me parut indigne d’être comparée à la majesté d’un Cicéron. Mon enflure n’était pas à sa mesure, ma vue n’en pénétrait point les profondeurs. Elle était faite, pourtant, pour croître en même temps que les petits ; mais je dédaignais d’être petit et, gonflé comme j'étais de vanité, je me croyais grand. C’est

quitté le nid et suis {ombé avant

ainsi que je {ombarï sur ces gens à l’orgueil délirant (les Manichéens). »

de miséricorde, pour éviter que je ne fusse piétiné par les passants

qu’à moins d’être humble nul ne peut trouver. Quelle chance est la

vôtre ! Vous vous instruisez en toute sécurité, vous tous qui êtes encore des petits dans le nid de la

foi et qui recevez la becquée spirituelle.

me

Moi,

croyant

dans

apte

ma

à

misère,

voler,

de voler ; mais le Seigneur,

j'ai plein

et que je ne mourusse, m'a reievé et replacé dans le nid. Ce qui m'avait

(1) Cf. Aucusrin,

tant

troublé,

Conf., I, 13, 22, 5, p. 19 : « Atenim

ucla

ce sont les

pendent limi-

nibus grammaticarum scholarum, sed non illa magis honorem secreti quam tegimentum erroris significant » ; sur le rideau de porte des salles de cours, cf. le texte cité ci-dessous, p. 84.

b2

IL. AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU

CATHOLICISME

difficultés que maintenant, en toute sécurité, je vous soumets et vous expliquel. »

Les deux textes s’éclairent l'un par l’autre : il n’y a pas contradiction,

dans le texte des Confessions, entre la mention

des enfants et celle des petits ; les enfants, dans la pensée d’Augustin, désignent ceux qui manquent de maturité mentale? ; les petits, ceux qui ont la foi au Christ et l'humilité du cœurs. (1) Conf., II, 5, 9, 4, p. 51 :

Sermo LI, 4,5, PL... XXXVII, 336 :

« [taque institui animum inten‘ere in Scripturas sanctas et uidere, quales essent. Et ecce uideo rem non vonpertam superbis neque nudatam pueris, sed incessu humilem, sucvessu excelsam et uelatam mysteriis, ct non era ego talis, utintrare in cam possem aut. inclinare ceruivem ad eius gressus. Non enim sicut modo loquor, ita sensi, eum adtendi ad illam scripturam, sed uisa est mihi indigna, quam Tullianae dignitati conpararem. Tumor enim meus refugiebat modum eius et acies mea non penetrabat interiora eius. Verum tamen illa eral. quae crescevet cum paruulis, sed ego dedignabar esse paruulus el turgidus fastu mihi grandis uidebar. Itaque 1ncidiin homines superbe delirantes...»

LV, 16, 31, 11, p. 88 : « Aut quid tantum oberat paruulis tuis longe tardius ingenium, cum : te longe non recederent, ut in nido ecclesiae tuae luli plumesce-

« Vela faciunt honorem secreti. sed honorantibus leuantur uela. Irridentes autem uela et a uelorum uicinitate pelluntur. Quia ergo transinus ad Christum, aufertur uelamen. (II Cor. III, 16). ….Loquor uobis aliquando deceptus, cum primo puer ad diuinas Scripturas ante uellem afferre acumen diseutiendi, quam pietatem quaerendi :egoipse contra me peruersis moribus claudebamianuam Domini mei:cum pulsare deberem, ut aperiretur, addebam, ut clauderetur. Superbus enim audebam quaerere, quod nisi humilis non potest inuenire. Quanto uos estis beatiores imodo ! quam securi discitis, quam tuli, quicumque adhuc paruuli estis in nido fidei, et spiritualem escam accipitis! Ego autem miser, cum me ad uolandum idoneuin putarem, reliqui nidum : et prius cecidi, quam uolarem. Sed Dominus miscricors me, a transeuntibus ne conculcarer et

morerer, leuauit et in nido reposuit. Hacc enim me perturbauerunt, quae modo uobis securus in nomine Dorent... » mini et propono et expono. » (2) On trouve ainsi le mot puer appliqué à Augustin adolescent et à ses

“mis dans les textes cités ci-dessous,

65, n. 5 et 66, n. 2.

(3) Selon la parole de Mat. XI, 25, trois fois citée dans les Confessions : « Reuclasti ea paruulis » ; ef. aussi Conf., LV, 15, 26, 15, p. 85 : « paruulis lidelibus tuis » ; VII, 10, 16, 23, p. 162 : « Cibus sum grandium ; cresce ei manducabis me »; XIII, 48, 23, 25, p.383 : « Animalis autemhomeo iamquam paruulus in Christo (1Cor.,I11,1-2)lactisque potator, donec roboretur ad solidum cibum. » Le « mihi grandior uidebar » du texte des Confessions correspond au « me ad uolandum idoneum putarem » du Ser-

LA CONVERSION

MANICHÉENNE

63

Le sermon LI nous fournit une précision capitale : la principale difficulté sur laquelle ait achoppé le jeune Augustin, lors de sa première lecture des Livres saints, c’est la discordance entre les deux généalogies du Christ. On conçoit dès lors que les Confessions poursuivent : « C’est ainsi que je tombai sur ces gens à l’orgueil délirant »; car la critique manichéenne s'attaquait spécialement aux allégations de Mathieu et de Luc, relatives à la naissance virginale du Christ ; ils arguaient

du silence de Marc et de Jean, pour conclure que ces deux Évan-

gélistes rejettent la naissance humaine de Jésus ; l’impossibilité de concilier les deux généalogies montre, selon eux, que les chapitres où elles se trouvent sont sans valeur; loin de s'être enfermé

dans la chair impure

eu qu'un corps apparent, comme raissent sous des traits humains. Il est remarquable

qu'Augustin,

d’une femme,

Jésus n’a

les anges lorsqu'ils appadans les Confessions, tout

en avouant avoir été manichéen pendant neuf ans?, ne nous apprend presque rien sur les faits de cette période ; sans doute a-t-il jugé inutile, étant donné son dessein général, de s’étendre longuement sur une époque où les admonitions du Dieu des catholiques se firent rares à son endroit ; il indique surtout quelles doctrines l’avaient conquis, et les présente comme un tissu d’absurdités ; il paraît même se contredire sur le degré de conviction qui fut le sien : « J'ai ajouté foi à ces absurdités, hélas ! hélas! » s’écrie-t-il au livre IIIS ; mais au livre VIII,

il assure qu’il ne s’est pas attaché avec certitude à cette super-

stitioné. M. Alfaric a bien montré qu'il existait, en dehors des Confessions, quantité de textes d'Augustin sur la controverse

entre catholiques et Manichéens,

mais il s’est placé, pour les

étudier, surtout du point de vue doctrinal, afin de déterminer

en quoi consistaient les théories manichéennes. Je ne crois pas

417, selon mon LI. Ce sermon a été prononcé peu après Noël, au plus tôt en s, Augustinu heiligen des Sermones der ie Chronolog Die A. Kunzezmawnn, é dans Miscellanea Agostiniana, t. IT, p. 427 et 472. (1) ALFARIC, L'évolution intellectuelle de saint Augustin, p. 199-203, fournit une excellente analyse de ces théories. 4, p.66. (2) Aucusrin, Conf., III, 11, 20,147»p. 62:1V; uae, uae ! » ; Contra credidi, autem Illa € 53: p. 11, 11, 6, III, Ibid., (3) a figmenta… Omniaill :« .195,9 XXV,1,p Epist. Fundam,3,dans C.S.E.L.;t. et instanter, quibus € temere credidi etFEEn à et quaesiui € uriose et attente audiui » potui, persua si et aduersus alios pertinaciter animoseque defendi. (4) Texte cité ci-dessous, p. 71,n. 5.

64

II. AUGUSTIN DÉTACHÉ DU CATHOLICISME

inutile de réunir, classer et analyser plus à fond ceux qui four-

des

nissent

strictement

renseignements

biographiquest.

Ils

sont surtout précieux sur le début et la fin de la période mani-

chéenne. Outre le sermon LI, dont j'ai déjà fait état, plusieurs textes précisent comment Augustin est devenu manichéen. Le De beata uita indique deux phases de son évolution : « D'une part, il ne manqua course,

d’autre

pas de nuées propres à brouiller ma

part j'ai longtemps

levé les yeux

sur les astres

glissent vers l'Océan, très propres, je l’avoue, à me conduire l'erreur.

Car d’une

part, un

scrupule

superstitieux

vraiment

qui

dans

enfantin

me terrifiait en me détournant de l’enquête même, d’autre part, une fois que j’eus redressé la tête, dispersé ce brouillard et me fus persuadé qu’il fallait ajouter foi à ceux qui enseignent plutôt qu’à ceux qui ordonnent, je tombai sur des gens à qui la lumière visible paraissait digne d’être honorée parmi les êtres vraiment divins?. »

Le De utilitate credendi précise en quoi consistait cette éerreur superstitieuse enfantine : « Tu sais, Honoratus, la seule cause pour laquelle je suis tombé sur ces gens là : selon leurs dires, laissant de côté l’autorité qui éerrifie, ils devaient amener leurs auditeurs à Dieu par la raison pure et simple, et les libérer de toute erreur. Quel motif me contraignait, pendant neuf ans environ, à m'’attacher à ces gens et à les ouïr avec attention, sinon qu’ils assuraient que j'étais ferrifié par un scrupule superstitieux ; l'on m'imposait, disaient-ils, de croire avant de raisonner,

mais

eux, au contraire, ne

poussaient

personne

que la vérité n’eût été, au préalable, mise en discussion ment établie ».

à la foi,

et claire-

(1) Le chapitre de l'ouvrage cité d’Alfaric, p. 89-93, intitulé « souvenirs personnels d’Augustin » ne contient rien de tel ; les p. 76-78 sont plus instructives. (2) Aucusrin, De beata uita, I, 4, dans C.S.E.L., t. LXIII, p. 91, 16 : « Sed neque mihi nebulae defuerunt, quibus confunderetur cursus meus, et diu, fateor, quibus in errorem ducerer, labentia in Oceanum astra suspexi. Nam et superstitio quaedam puerilis me ab ipsa inquisitione terrebat et, ubi factus erectior illam caliginem dispuli mihique persuasi docentibus potius quam iubentibus esse cedendum (credendum M), incidi in homines, quibus lux ista, quae oculis cernitur, inter summe diuina colenda uideretur. » Les métaphores s'expliquent par le contexte ; cf. mes Premières Confessions de saint Augustin, dans Revue des études latines, t. XXI-XXII,

1943-1944, p. 158-161. (3) Aucusrin, De utilitate credendi, I, 2, dans C.S.E.L., t. XXV, 1, p. 4, 10 : « Nosti enim, Honorate, non aliam ob causam nos in tales homines incidisse, nisi quod se dicebant terribili auctoritate separata mera et simplici ratione eos, qui se audire uellent, introducturos ad deum et errore

LA CONVERSION

MANICHÉENNE

65

11 faut croire que, dans l'entourage d'Augustin, certains catholiques s'étaient inquiétés de sa curiosité intellectuelle à l'égard des Livres saints qu’il venait d'ouvrir ; 1ls avaient jugé comme unirrespect à l'égard de l'autorité religieuse l'éveil de son esprit critique. Rien, dans les Confessions, ne fait allusion à cette contrainte que subit alors Augustin : on remarquera que, dans le De beata uita écrit en 386, Augustin se montre encore fâché d’avoir subi cette contrainte, et continue de par-

tager sur ce point l'opinion des Manichéensi. Ainsi, le motif fondamental pour lequel Augustin a embrassé le manichéisme, est son appétit rationaliste. Il a longuement écouté les Manichéens se gausser des erreurs des ignotants, et s'est convaincu par là de leur supériorité?, non seulement sur le problème des généalogies de Jésus, mais sur quantité d’au-

tres qu'ils lui proposaient : « Comme piqué par un aiguillon, je me rangeais à l'avis de ces ridicules imposteurs, quand ils me demandaient d’où vient le mal, si Dieu est borné aux limites d’une forme corporelle, s’il a des cheveux ou des ongles, s’il

faut tenir pour justes les patriarches polygames qui tuaient des hommes, qui sacrifiaient des animaux. Ces questions troublaient mon ignorances. » Il se sentait, en particulier, incapable

d'expliquer l’origine du mal, si l’on adoptait le système moniste des catholiques# ; comme il rapportait à l’évêque manichéen chargé de son instruction la thèse d’un catholique, selon lequel le mal n’est pas une substance, l’autre rétorqua par. un argu-

ment-massue, bien propre à frapper le jeune homme : « Je voudrais mettre un scorpion dans sa main et voir s’il ne la retirerait pas ; s’il la retire, il sera convaincu par le fait, non par mes discours, que le mal est une substances. » omni liberaturos. Quid enim me aliud cogebat, annos fere nouem... homines illos sequi ac diligenter audire, nisi quod nos superstitione terreri et fidem nobis ante rationem imperari dicerent, se autem nullum premere ad fidem,

nisi prius discussa et enodata ueritate ? » Voir ci-dessous l’Appendice IT. (1) Au

contraire,

dans

le

texte

ci-dessus,

il attribue

aux

seuls

Mani-

chéens cette pensée (dicerent). (2) Texte cité ci-dessous, p. 70, n. 1. (3) Aucusrin, Conf., III, 7, 12, 2, p. 54. (4) Aucusrin, De libero arbitrio, 1, 2, 4. P.L.,t. XXXII, 1224 : « Vnde male faciamus ? — Eam quaestionem moues, quae me admodum adulescentem uehementer exercuit et fatigatum in haereticos impulit atque deiecit. » (5) Cf. Aucusrin, De moribus Manichaeorum, VIII, 11, P.L., t. XXXII, 1349 : « …Soletis cum pueris pueriliter agere.. Nametiam de quodam dicente nullam substantiam malum esse, unus de primatibus huius haeresis, quem

66

II. AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

Augustin n’a pas pris soin d'examiner longuement les passages des Écritures incriminés par les Manichéens ; car leurs griefs s’accordaient trop bien avec les difficultés qui l'avaient choqué personnellement ; il ne lui est pas venu à l'esprit de prier le dieu des catholiques, car il avait depuis longtemps perdu toute piétét ; hostile à l'esprit d'autorité, il s’est gardé de consulter les commentaires des exégètes catholiques et ne s'est pas défié de soi ; il a jugé la foi catholique ridicule, les autorités qui l’imposaient stupides? ; en l’espace de quelques familiarius crebriusque audiebamus, dicebat :« Vellem scorpionem in manu

hominis ponere ac uidere utrum non subtraheret manum ; quod si faceret, non uerbis, sed reipsa conuinceretur aliquam substantiam malum esse, quandoquidem illud animal esse substantiam non negaret. » Et dicebat hoc non coram illo, sed cum

nos commoti

ad eum

referremus, quod ille dixisset :

respondebat ergo, ut dixi, pueriliter pueris. » Aueusrin, Conf., V, 11, 21, 10,.

p. 110, nous dit aussi, à propos du polémiste catholique Elpidius, que la réfutation des Manichéens n'était pas publique : « am enim Elpidii cuiusdam aduersus eosdem Manichaeos coram loquentis et disserentis sermones

etiam apud Carthaginem mouere me coeperant, cum talia de scripturis proferret, quibus resisti non facile posset. Et inbecilla mihi responsio uide-

batur istorum ; quam quidem non facile palam promebant, sed nobis secretius. » Peut-être le quidam en question dans le premier texte est-il Elpidius ; mais je ne pense pas, contrairement à Alfaric, op. cit., p. 254, n. 3,

que l'interlocuteur d’Augustin soit Faustus de Milève et que ces propos se placent dans la vingt-huitième année d’Augustin. Le pueris semble désigner un tout jeune homme inexpérimenté, comme ci-dessus, p. 62, n.1etci-dessous, p. 66, n. 2. L’argumentation relative aux mouches, rapportée Tract. in Jo. I, 1, 14, P.L., t. XXXV, 1386, est du même ordre que celle par le scorpion, et cette scène aussi paraît reposer sur un souvenir personnel.

(1) Auceusrin, De duabus animabus, VIII, 10, dans C.S.E.L., t. XXV, 4, p. 65, 14 : « Similia uel illis etiam dicerem uel mecum Possem

namque

Deum

omnibus,

ipse reputarem.

ut dicitur, uisceribus deprecans et Scrip-

turis, quantum licebat, intentus etiam tunc fortasse talia uel dicere uel, quod saluti sat erat, cogitare. » (2) Aucusrin, De utilitate credendi, VI, 13, p. 17, 15 : « Sed nihil est profecto temeritatis

plenius, quae

nobis

tunc

pueris inerat, quam

quorumque

librorum expositores deserere, qui eos se tenere ac discipulis tradere posse profitentur, et eorum sententiam requirere ab his, qui conditoribus illorum atque auctoribus acerbissimum, nescio qua cogente causa, bellum indixerunt » ; p. 19, 4 : « Sed scilicet intellegentissimi adulescentes et miri rationum exploratores non euolutis saltem illis litteris, non quaesitis magistris, non aliquantum nostra tarditate accusata, non denique uel mediocri corde concesso

eis, qui huius modi litteras

per totum

orbem

tam

longo tempore

legi, custodiri tractarique uoluerunt, nihil apud illos credendum

putaui-

mus, eorum qui istis inimici infestique sunt uoce commoti, apud quos falsa pollicitatione rationis inaudita milia fabularum credere et colere cogere-

mur. »

LA CONVERSION

MANICHÉENNE

jours, il s’est tout à fait détaché, dérèglement

non

67

plus seulement

moral, mais en esprit et consciemment,

par

de la foi

de son enfancet. A mesure qu'il était initié aux doctrines manichéennes, il y ajoutait foi, non sans quelque étonnement ou quelque secrète répugnance sur certains pointss. * *

*

Il se sentit bientôt retenu au sein de la secte par une intimité croissante et la bienveillance qu’on lui témoignait. Mais surtout, il se grisa des succès qu’au service de cette secte, il remporta très souvent lui-même contre des catholiques qui affrontaient imprudemment un si habile adversaire, déjà cultivé et brillant causeur.

Cette activité était à double face, comme

celle de ses instructeurs : attaque du système catholique, apologie du système manichéen. Augustin dépersa dans ces conférences contradictoires toute la fougue, l’audace, l’opiriâtreté de l'adolescent qu’il était encore. Avec une grande modestie, il eut tendance à attribuer ses succès, non à son talert ou à sa

sérieuse culture, mais aux maîtres qui lui avaient soufflé ses arguments, et à la valeur intiinsèque des doctrines marichéeunes ; il s’attacha de plus en plus à la secte, tout en gardant un certain quant à sois. (1) Aucusrin, De duabus animabus, I, 1, p. 51, 6 : « Multa enim erant, quae facere debui,ne tam facile ac diebus paucis religionis uerissimae semina mihi a pueritia salubriter insita errore uel fraude falsorumfallaciumue hominum effossa ex animo pellerentur. » (2) Aucusrin, Conf., III, 10, 18, 1, p. 60 : « Inridebamilles sanctos seruos et prophetas tuos..., sensim atque paulatim perductus ad eas nugas, ut crederem ficum plorare, cum decerpitur... » | (3) Zbid., III, 6, 10, 28, p. 52 : « Manducabam, non auide quidem, quia nec sapiebas in ore meo sicuti es » ; cf. déjà De beata uita, I, 4, p. 91, 22 : « Non adsentiebar, scd putabam eos magnum «liquid tegere illis inuolucris, quod

essent aliquando

aperturi »; cf. aussi les textes

cité ci-dessous, p. 71,

n. 3et 73, n. 5. AzrARIC, op. cit., p. 219, n. 3, juge ces assertions suspectes parce qu'Augustin « a intérêt à montrer qu’à aucun moment 1l n’a été satisfait par cette religion désormais abhorrée » ; il admet pourtant, p. 238, n. 4, que «ses difficultés de croire ont dû commencer à peu près en même temps que sa croyance même ». (4) Texte cité ci-dessus, p. 63, n. 3. (5) Aucusrin, De duabus animabus, IX, 11, dans C.S.E.L., t. XXV, 1, p. 65, 19 : « S:d me duo quaedam maxime, quae incautam illam aetatem facile capiunt, per admirabiles adtriuere circuitus : quorum est unum fami-

II. AUGUSTIN

68

DÉTACHÉ DU CATHOLICISME

Converti à Carthage dès sa dix-neuvième annéet, Augustin était déjà un manichéen convaincu lorsqu'il revint enseigner à Thagaste ; il encourut sans faiblir l'excommunication de sa mère, qui refusa pendant un temps de partager avec lui son toit et sa table? ; il s'installa donc avec sa maîtresse et son fils chez Romanien, l’ancien protecteur de ses études.

En l’espace de moins

d’un an, son prosélytisme

manichéen fit des ravages à Thagaste, à commencer par Romanien,

principal notable

de la villes, et par un

ancien

ami

d'enfance d'Augustins. Monique essaie de ménager une conférence entre Augustin et un évêque catholique de passage, avec l'espoir que son fils sera convaincu ; l'évêque, qui est pourtant un exégète, se dérobe : « Il répondit que j'étais encore é j'étais, disait-il, tout gonflé de pré;car inapte à être enseign somption à cause de ma récente accointance avec cette hérésie et du trouble où, par des questions captieuses, j'avais jeté pas mal de gens peu instruits, ainsi qu’elle venait de le lui apprendres. » Quel triomphe pour Augustin ! Quand son plus cher ami liaritas nescio quomodo repens quadam imagine bonitatis tamquam sinuosum aliquod uinculum multipliciter collo inuolutum, alterum, quod quaedam noxia uictoria paene mihi semper in disputationibus proueniebat disserenti cum inperitis, sed tamen fidem suam certatim, ut quisque posset, defendere molientibus christianis. Quo successu creberrimo gliscebat adulescentis animositas et inpetus suos in peruicaciae magnum malum inprudenter urgebat. Quod altercandi genus quia post eorum auditionem adgressus eram, quicquid in eo uel qualicumque ingenio uel aliis lectionibus poteram, solis illis libentissime tribuebam. Ita ex illorum sermonibus ardor in certamina, ex certaminum prouentu amor in illos cotidie nouabatur. Ex quo accidebat, ut quicquid dicerent, miris quibusdam modis, non quia sciebam, sed quia optabam uerum esse, pro uero adprobarem. Ita factum est, ut quamuis pedetemtim atque caute, tamen diu sequerer homines nitidam stipulam uiuenti animae praeferentes. » (1) Aucusrin, Conf., IV, 1, 1, 1, p. 66. (2) Ibid., III, 41, 19, 9, p. 61 : « ...eam consolatus es, ut uiuere meeum cederet et habere mecum eandem mensam in domo. Quod nolle coeperat auersans et detestans blasphemias erroris mei » ; sur ce genre d’excommunication, cf. F.-J. Dôrceer, Nonna, ein Kapitel über christliche Volksfrômmigkeit des IV. Jahrh., dans Antike und Christentum, t. V, 1936, p. 58. (3) Aucusrin, Contra Acad., II, 2, 8, p. 25, 9 : « Tu in nostro ipso municipio, fauore, familiaritate, communicatione domus tuae paene tecum clarum primatemque fecisti. »

(4) Ibid, I, 1, 3, p. 5, 20 : « Ipsa (philosophia) me penitus abilla supersti-

tione, in quam te mecum praecipitem dederam, liberauit. » (5) Aueusriw, Conf., IV, 4, 7, 12, p. 71. Le contexte indique qu’il mourut dans l’année.

(6) Zbid., III, 12, 21, 11, p. 62.

LA CONVERSION MANICHÉENNE

69

vient à mourir, il ne se console que par l'affection que lui portent ses amis manichéens de Carthaget. Malgré l’indulgence que sa mère et ses proches lui témoignent?, il s'enfuit de Thagaste sans avoir mis personne autre que Romanien dans la confidence de ses nouveaux projets : il gagne Carthage en vue de rejoindre ses amis et de poursuivre une brillante carrières. Nous connaissons quelques-uns de ces amis manichéens. Alypius a été influencé par Augustin lui-même, dont il suivit les cours, à Thagaste, puis à Carthage, malgré les réticences paternellest ; après des années de vie dissolue et de passion pour les jeux

du

cirque,

il se

convertit

successivement,

comme

avait fait Augustin, à la philosophie et au manichéisme : « Il recommença de fréquenter mes leçons et roula avec moi dans les filets de la superstition des Manichéens ; il aimait chez ceux-ci leur austérité de parade, qu’il tenait pour véritable et authentiques. » Un autre ami très cher d’Augustin, Nebridius, naturellement chaste de mœurs?, avait été attiré aussi par cette austérité; d’origine païenne, il n'avait eu aucune peine à admettre les vues manichéennes sur le Christs ; il allait,

par attachement pour Augustin, le suivre jusqu’à Milan®. D'autres étaient plus difficiles à rallier ; tel cet Honoratus, païen ennemi des Manichéens ; il répugna longtemps à aller les écouter;

quand

il s’y décida

sur l’exhortation

pressante

d’Augustin, il fut frappé surtout par la force dialectique dont les Manichéens faisaient preuve dans leurs controverses, ce. (1) Zbid., IV, 8, 13, 12, p. 76 : « Maxime quippe me reparabant atque recreabant aliorum amicorum solacia, cum quibus amabam quod pro te amabam, et hoc erat ingens fabula et longum mendacium. » (2) Aueusrin, Contra Epist. Fundam, 3, dans C.S.E.L., t. XXV, 1, p. 19%, 4% : « Nunc debeo... tanta patientia uobiscum agere... quanta mecum egerunt proximi mei, cum in uestro dogmate rabiosus et caecus errarem. » (3) Aucusrin, Conf., IV, 7, 12, 26, p. 75 : « Fugi de patria » ; Contra Acad., II, 2, 3, p. 25, 11 : « Tu Karthaginem inlustrioris professionis gratia remeantem, cum tibi et meorum nulli consilium meum spemque aperuissem, ...necessariis omnibus iter adminiculasti meum. » (4) Aucusrin, Conf., VI, 7, 11, 12, p. 128-130. (5) Cf. ci-dessus, p. 59. (6) Aucusrin, Conf., VI, 7, 12, 38, p. 130. (7) Tbid., IV, 3, 6, 4, p. 70. (8) Zbid., IX, 3, 6, 2, p. 212 : « Quamuis enim et ipse nondum christianus in illam foueam perniciosissimi erroris inciderat, ut ueritatis Fil tui carnem phantasma crederet... » Sur le sens de nondum christianus, cf. ci-dessous, p. 70, n. 1 et p.84, n. 2. (9) Zbid., VI, 10, 17, 4, p. 135.

70

II. AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

qui l’amena plus tard à accepter la partie constructive du systèmei. Parmi ces amis, certains étaient promis à une brillante carrière manichéenne ; tel ce Fortunat qui allait, en qualité de prêtre manichéen, propager la secte à Hipponet. *

*

*

Augustin a bientôt mené, ainsi que ses amis convertis, la vie d’ « Auditeur » ; il a pris part aux assemblées de prières manichéennes, face au soleils ; il y a entendu lire l'Épitre du fondemenis et d’autres textes de Mani ; il a rempli scrupuleu-

sement ses fonctions ; il s’est agenouillé, selon le rite, devant

les dignitaires de la hiérarchie, y compris les « Élus », pour recevoir d’eux l'imposition des mainsf ; à ceux-ci, il a apporté la nourriture requise7. Lui qui avait connu jusque-là tant d’amours variées, le voilà qui reste dès lors fidèle à une seule

maîtresse ; car il était de règle pour les Auditeurs qu'ils eussent (1) Aucusrin, De utilitate credendi, I, 2, dans C.S.E.L., t. XXV, 1, p. 5, 8 : « Tu nondum christianus, qui hortatu meo, cum eos uehementer execrareris, uix adductus es, ut audiendi tibi atque explorandi uiderentur, qua, quaeso, alia re delectatus es, recordare, obsecro te, nisi magna quadam praesumptione ac pollicitatione rationum ? Sed quia diu multumque de inperitorum erroribus latissime ac uehementissime disputabant, — quod cuiuis mediocriter erudito esse facillimum sero didici — si quid etiam suorum nobis inserebant, necessitate retinendum, cum alia non occurrerent in quibus adquiesceremus, arbitrabamur. » (2) Possinrus, Vita Augustini, 6, P.L., t. XXXII, 38 : « Fortunatus iam apud Carthaginem sanctum nouerat Augustinum in eodem secum errore constitutum. » Fortunat se mesura à Hippone avec son ancien coreligionnaire, devenu l’évêque catholique de l’endroit. Addendum, ci-dessous, p. 262. (3) Auausrin, Contra Fortunatum, 1, 1, dans C.S.E.L., t. XXV, 1, p. 84, 8 : « — Te medium fuisse nostrum scio, id est inter Manichaeos administrasse... — Interfui » ; I, 3, p. 85, 3 : « Ego tamen in oratione, in qua interfui, nihil turpe fieri uidi, sed solum contra fidem animaduerti, quam postea didici et probaui, quod contra solem facitis orationem. » (4) Aucusrin, Contra Epist. Fundam., 5, ibid., p. 197, 8 : « Ipsa enim nobisillo tempore miseris quando lecta est, inluminati dicebamur a uobis. » (5) Zbid., 6, p. 199, 25 : « Cur non uarie in aliüis epistolis apostolum Christi se nominat, in aliüis Paracleti ? Sed Christi semper audiui, quotienscumque audiui, Paracleti autem nec semel. » (6) Aucusrin, Epist. ad Deuterium, CCXXXVI, 2, dans C.S.E.L., t. LVII, p. 524, 14. (7) Aucusrin, Conf., IV, 1, 1, 11, p. 66 : « ...cum eis, qui appellarentur electi et sancti,afferremus escas, de quibus nobis in officina aqualiculi sui fabricarent angelos et deos, per quos liberaremur. Et sectabar ista atque facicbam cum amicis meis per me ac mecum deceptis. »

LA CONVERSION

MANICHÉENNE

DEà

une seule femmet. Bien plus, lui qui venait d’avoir un fils, il évite désormais tout rapport charnel pendant la période où la femme

peut

être fécondée? ; car

le manichéisme

interdit

la

procréation. Augustin considère même comme un idéal la continence totale requise des Éluss, et s’y efforces. Il est impossible de préciser la chronologie à l’intérieur de ces neuf annéesS. Du moins avons-nous plusieurs documents sur la manière dont Augustin s'est lentement dépris du manichéisme.

Il attendait

avec

ferveur la fête du Bêma,

anniver-

saire du meurtre de Mani, qui lui remplaçait Pâques ; mais il (1) Tbid., IV, .2,,2, 13, p. 67. (2) Tbid., IV, 2, 2, 17, p. 67, Augustin considère son concubinat comme « pactum libidinosi amoris, ubi proles etiam contra uotum nascitur, quamuisiam nata cogat se diligi» ; De moribus Man., XVIII, 65, P.L.,t. XXXII, 1373 : « Nos solebatis monere, ut, quantum fieri posset, obseruaremus tempus, quo ad conceptum mulier post genitalium uiscerum purgationem apla esset, coque tempore a coucubitu trmperaremus, ne carni anima implicaretur. » [l avait eu son fils Adéodat avant d’être manichéen, à l’âge de dix-huit ans ; il n'en a plus eu d’autre par la suite. (3) Conf., VIII, 7, 17, 12, p. 190 : « At ego adulescens miser ualde, miser in exordio ipsius adulescentiae, etiam petieram a te castitatem et dixrram

: « Da mihi castitatem et continentiam, sed noli modo. » Timebam

erim

ne me cito exaudires et cito sanares a morbo concupiscentiae, quem malcbam expleri quam exstingui. Et ieram per uias prauas superstitione sacrilega, non quidem certus in ea, sed quasi praeponens eam ceteris, quae nan pie quaerebam, sed inimice oppugnabam. » (4) Zbid., V, 7, 13, 9, p. 102 : « Conatus secta statueram... »

omnis meurs, quo proficere inilla

(5) Peut-on tirer des points de repère chronclogiques du fait que la répression antimanichéenne est allée s’aggravant (lois du 2 mars 372, 8 mai 381, 31 mars 382, Cod. Theod., XVI, 5, 3 et 7 et 9, éd. Mommsen, p. 855-858 ; cf. Rauschen, op. cit., p. 90 et 127) ? On penserait alors que les années où Augustin fait des conférences contradictoires contre les catholiques (textes cités ci-dessus, p. 63,n. 8 et 67 n. 5) sont antérieures à celles où les Manichéens ne ripostent aux catholiques que dans le privé (textes cités ci-dessus, p. 65, n. 5). Mais cette chronologie reste illusoire, car la loi de 372 interdisait déjà aux Manichéens les réunions publiques, et les lois suivantes ne font que la confirmer et l’aggraver parce que cette interdiction n'était pas respectée. Tout ce que l’on peut dire, c’est que les Manichéens de Rome se cachaient lors du séjour d’Augustin (texte cité ci-dessous, p. 78, n. 4),et que, dès les dernières années de son séjour à Carthage, si des réunions avaient lieu, néanmoins les chefs de la secte craignaient les dénonciations (ci-dessous, p. 74-75). (6) AucusrTin,

Contra

Epist.

Fundam.,

8, p. 203, 1 : « Hoc

enim

nobis

erat in illa bematis celebritate gratissimum, quod pro pascha frequentabatur, quoniam uehementius desiderabamus illum diem festum subtracto alio, qui solebat esse dulcissimus. »

II, AUGUSTIN DÉTACHÉ DU CATHOLICISME

72

ent en vint à se demander pourquoi les Manichéens ne donnai la de Bêma le aucun éclat à Pâques, alors qu'ils célébraient Les jeûnes. de et façon la plus solennelle, précédé de veilles

Élus qu’il consulta répondirent que la Passion du Christ était

fictive, puisqu'il n'avait que les apparences de la chairt. Cette réponse ne le satisfit point. * *

Nebridius,

de son

*

côté, qui aimait

traiter

les questions

à

fond?, découvrait une difficulté grave dans le dualisme manichéen et en faisait part à ses camarades Auditeurs : Pourquoi ce combat de Dieu avec la race des Ténèbres ?Dieu ne pouvaitil refuser le combat ? Dira-t-on que c’est, de sa part, une réac-

tion de défense ? Mais alors, Dieu serait corruptible. Dira-t-on qu’il ne risquait rien ? Dans ce cas, quelle raison de lutter ? Or, de cette lutte dépend, selon le système manichéen, la misère de l’homme, portion divine tombée dans la chair. Le De mori-

bus Manichacorum ajoute un détail à la scène carthaginoise narrée dans les Confessions : un Manichéen proposa une réponse à l’aporie : Dieu, disait-il, n’avait pas voulu se soustraire au mal, parce que, dans sa bonté de nature, il avait voulu mettre

de l’ordre dans la nation des Ténèbres. Mais cette réponse ne (1) Zbid., p. 202, 7 : « Cum saepe a uobis quaererem illo tempore, quo uos audiebam, quae causa esset, quod pascha domini plerumque nulla, interdum a paucis tepidissima celebritate frequentaretis nullis uigiliüis, nullo prolixiore ieiunio indicto auditoribus, nullo denique festiuiore adparatu, cum bema uestrum, id est diem, quo Manichaeus occisus est, quinque gradibus instructo tribunali et pretiosis linteis adornato atque in promptu posito et obiecto adorantibus magnis honoribus prosequamini, hoc ergo cum quaererem, respondebatur eius diem passionis celebrandum esse, qui uere passus esset, Christum autem... finxisse passionem ». Sur la fête du Bêma et son rapport avec l’Eucharistie, cf. C.R.C. ALLBERRY, Das manichäische Béma-Fest, dans Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft, t. XXXVII, 1938, p. 2-10 ; H.-Ch. Puecn, compte rendu de W. Henning, Ein manichäisches Bet- und Beichtbuch, dans Revue de l’histoire des religions,

t. CXX, 1939, p. 91-100.

(2) Aucusrin, Epist. ad Bonifacium, XCVIII, 8, dans C.S.E.L.,t. XXXIV, 2, p. 529, 12 : « ...recordatus sum Nebridium amicum meum, qui cum esset rerum obscurarum ad doctrinam pietatis maxime pertinentium diligentissimus et acerrimus inquisitor, ualde oderat de quaestione magna responsionem breuem ; et quisquis id poposcisset, aegerrime ferebat eumque, si eius persona pateretur, uultu indignabundus et uoce cohibebat, indignum putans, qui talia quaereret, cum de re tanta quam multa dici possent deberentque, nesciret ; sed ego tibi non similiter, ut solebatille, suscenseo. »

LA CONVERSION

MANICHÉENNE

73

contenta personne ; elle manquait à l’orthodoxie, car elle était cohtraire aux livres de Manit. Augustin devait, par la suite, considérer cette scène comme une admonition divine à son endroit? ; c’est sans doute la raison pour laquelle il y fait allu-

sion dans les Confessions. Après sa conversion catholique, il allait, de retour à Carthage, remployer l'argument de Nebridius pour ses controverses antimanichéennes et susciter au moins une nouvelle réponses. Pour l'instant, il continue, malgré cette difficulté et les doutes qu'émettait aussi Nebridius à l'égard des calculs astrologiques des Manichéensi,

n'est pas pour

de croire à leur système ; mais

lui un principe de conversion

ce système

totale. Loin de

progresser dans la secte en vue de devenir un Élu, il s’en tient

au grade d’Auditeur ; car il ne se sent nullement

disposé à

renoncer à sa carrière de rhéteur, ni à l’argent, ni même au ma-

Un passage

riage, en dépit de la doctrines.

des

Confessions

(1) Aucusrin, Conf., VII, 2, 3, 3, p. 147 ; cf. De moribus Man., XII, 25, P.L.,t.

XXXII,

1355

: « Hinc enim illud

exortum

est, quod etiam

cum

studiose uos audiremus, nos magnis premebat angustiis nec ullum exitum reperiebamus, quaerentes, quid factura erat Deo gens tenebrarum, si cum ea nollet cum tanta partis suae calamitate pugnare. Si enim non erat nocitura qui-scenti,

crud(liter

nobiscum

actum

querebamur,

qui ad istas aerumnas

missi sumus ; si autem nocilura erat, non esse illam naturam incorruptibilem, qualis natura Dei esse debcbat. In hac quaestione, non defuit qui diceret, non

Deum

malo

carere

uoluisse

aut ne sibi

noceretur

cauisse, sed

propter naturalem bonitatem suam inquietae peruersaeque naturae, ut ordinata esset, prodesse uoluisse. Non hoc sonant libri Manichaeï... » J’ai souligné les expressions qui se retrouvent dans le paragraphe des Confessions. Autres références, non autobiographiques, chez ALFARIC, op. cit., p. 249-250. (2) AucusrTin, Contra Fortunatum, II, 37, dans C.S.E.L., t. XX, 1, p- 112, 9 : « Et ego noui te non habere, quid dicas, et me, cum uos audirem,

in hac quaestione numquam inuenisse, quod dicerem, et inde fuisse admonitum diuinitus, ut illum errorem relinquerem et ad fidem catholicam me conuerterem uel potius reuocarem ipsius indulgentia, qui me huic fallaviae semper inhaerere non siuit. » (3) Aucusrin, De moribus Man., XII, 26, P.L., t. XXXII, 1356 : « Illud ucro nondum dictum erat, quod nuper apud Carthaginem audiui. Cum enim quidam, quem maxime illo errore cupio liberari, hac quaestione in casdem compingeretur angustias, ausus est dicere, scilicet regnum habuisse quosdam fines suos, qui possent inuadi a gente contraria. » (4) Textes cités ci-dessus, p. 41, n. 1 ; sur le lien étroit qui existait entre l’sstrologie

et la doctrine

de Mani,

cf. ALFARIC,

op. cil., p. 253.

(5) Aucusrin, De util. cred., I, 2, p. &, 25 : « Sed quae rursum ratio reuocabat, ne apud os penitus hacrerem, ut me in illo gradu, quem uocant Auditorum,

tenerem,

ut huius

mundi

spem

atque

negotia

non

dimitterem,

nisi

74

II. AUGUSTIN DÉTACHÉ DU CATHOLICISME

laisse entrevoir, par hasard, une cause plus intime : tenté tout

de suite par le vœu

de continence

totale qui était celui des

Élus,il n’a jamais eu la force de s’y résoudret. En ce sens, mais

en ce sens seulement, Augustin a le droit de dire qu'il ne s’est pas engagé à fond. D'autres difficultés graves provenaient de l'étude du texte sacré. Un polémiste catholique, Elpidius, s'était trouvé capable de donner la réplique aux Manichéens, à grand renfort de citations scripturaires?.

Dès lors, Augustin et Honoratus n'étaient

plus convaincus de la théorie manichéenne, selon laquelle des interpolations auraient été faites de l'Ancien Testament dans le Nouveau. *

*

*

Rendu soupçonneux, Augustin prêta l’éreille aux racontars qui couraient sur la conduite de certains Élus ; la rumeur publique les disait incapables de respecter le régime de vie si austère auquel ils s'étaient voués ; ils usaient de viande et de

vin, fréquentaient les thermes, les théâtres; Augustin luimême et ses amis en ont rencontré au théâtre, qui rougissuient d’être surpris en flagrant délit par leurs Auditeurs. Leurs mœurs surtout faisaient jaser : Augustin et ses amis ont croisé, sur une place très populeuse de Carthage, trois Élus qui, au sortir d’une réunion, suivaient

des femmes

de mœurs

légères,

sans respect humain de l’un à l'égard de l’autre, avec des hennissements

de concupiscence ; scandalisés,

ils ont

dénoncé

ces

quod ipsos quoque animaduertebam plus in refellendis aliis disertos et copiosos esse, quam in suis probandis firmos et certos manere ? »; 1,3, p. 6, 8 : « Vitae huius mundi eram inplicatus, tenebrosam spem gerens de pulchritudine uxoris, de pompa diuitiarum, de inanitate honorum ceterisque noxiis et perniciosis uoluptatibus. Haec enim omnia, quod te non latet, cum studiose illos audirem, cupere et sperare non desistebam. Neque hoc eorum doctrinae tribuo ; fateor enim et illos sedulo monere, ut ista caueantur. » Le mot diuiliae paraît excessif, si l’on se rappelle le texte cité ci-dessus, p. 58, n. 3; il faudrait alors admettre qu’à cette date, Augustin avait un peu perdu de vue les leçons de l'Hortensius. En revanche,le texte cité ci-dessus, p. 69, n. 3, confirme

le désir d’une

belle

carrière.

(1) Texte cité ci-dessus, p. 71, n. 3. (2) Aucusrin, Conf., V, 11, 21, 5, p. 110. (3) Aucusrin, De util. cred., III, 7, p. 9, 9 : « Quae uox mihi semper quidem, etiam cum eos audirem,inualidissima uisa est : nec mihi soli,sed etiam tibi — nam bene memini — et nobis omnibus, qui paulo maiorem diligentiam in iudicando habere conabamur, quam turba credentium. »

LA CONVERSION

MANICHÉENNE

75

Élus afin qu'ils fissent l'objet d’une excommunication ou au moins d’une réprimande ; ils ont de même transmis aux « Primats » la plainte d’une femme qui assurait, la nuit de la fête des

Veilles,

s'être trouvée

enfermée

dans

une chambre

avec

plusieurs compagnes ; des Élus étaient entrés, avaient éteint la lampe ; l’un avait enlacé cette femme

et l'aurait violée si

ses cris n'avaient jeté l'alarme. Les primats ne donnèrent aucune suite à ces réclamations ; ils craignaient que la secte, obligée à la clandestinité, ne fût trahie par les Élus coupables, si on les châtiait. D'autres scandales touchèrent Augustin d’encore plus près : certains Élus étaient accusés ou convaincus d’adultère avec des femmes d’Auditeurs ; or, deux d’entre eux, tous deux amis

d'Augustin,



libérale,

se lancèrent



l’un surtout

qui était pourvu

l’un

à l’autre

une

d’une culture

telle accusation

par jalousie mutuelle ; bien plus, un Élu aux exposés duquel Augustin fréquentait assidument, rue des marchands de figues, rendit grosse une vierge consacrée ; cette fois, on l’excommunia ; mais, faute de pouvoir intenter une action publique,

le frère de la fille séduite dut se contenter de le rouer de coups. * *

*

On le voit, Augustin est surtout choqué de ce que le caractère clandestin de la secte couvre toutes sortes de scandales. Il est d'autant plus gêné qu'il jouit maintenant de l'intimité de deux personnages officiels : l’illustre médecin Vindicianus, proconsul d'Afrique quelques années plus tôt?, et le à clarissime » Flaccianus, un helléniste qui accédera bientôt à ce poste de proconsuls. Tous deux s'efforcent de détourner Augustin de l'astrologie. Le premier, au nom de la science, nie que l'accomplissement de certaines prédictions soit imputable à (1) Tous ces faits sont rapportés, un peu pêle-mêle, dans le De moribus XIX,

Man.,

+

du

68 et suiv., P.L., t. XXXII,

1374 et suiv. On trouve une tra-

passage chez ALFARIC, op. cit., p. 311.

Een Es 371 tes ALFARIC,

Op. cit., p. 250, n. # ; entre 380 et 383, selon

t. I, Paris, 1901, p. 93PALLU DE Lessrar, Fastes des provinces africaines, l'avait 94. AucusrTin, Conf., IV, 3, 5, 2, p. 69, précise que ce proconsul

proclamé i-

duelque temps MENT

auparavant,

une

vainqueur dans

jJoûte

:

oratoire; À

ct st Fnr89s Ésstos Cod., Theod., I, 12, 4, où il faut lire avec De Rossi Seeck : Flecianus et non Flauianus ; cf. Parru p. 102-103. Addendum, ci-dessous, p. 262.

DE LESsERT,

op. cit,

76

II. AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

autre chose qu’au hasard ; le second

établit un

disinguo

:

selon lui, les charlatans ne peuvent faire de prédictions vraies que sous l'inspiration d’un démon malin: ; mais la Sibylle

Érythrée était inspirée de Dieu lorsqu'elle a prédit la venue du Christz. On reconnaît là le point de vue d’un catholique. Augustin résiste à leurs arguments3 ; en bon manichéen, il prie les savants de la secte de lui expliquer comment la cosmologie et l'astrologie manichéennes s'accordent avec les données de l'astronomie scientifiqueé ; si ceux-ci se dérobent, il compte

sur la venue

du fameux

évêque

de

Faustus de Milève, qui ne le satisfait pas davantage.

Rome,

Mais

cette déception reste très secrète ; en fait, Augustin garde avec Faustus des relations suivies, d'ordre surtout littéraires;

il accepte que les Manichéens, et sans doute Faustus lui-même, le recommandent en vue d’un poste à Rome’; arrivé là, tout en observant

curieusement,

comme

peut le faire un étranger,

les choses® et les gens d'Italie, il continue de vivre en milieu (1) Aucusrin, Contra Acad., I, 7, 21, dans C.S.E.L., t. LXIIT, p. 49, 6, à propos du devin Albicerius, qu'Augustin avait consulté pour retrouver une cuiller d’argent perdue. bp 297: (2) Aucusrin, Civ. Dei, XVIII, 23, 1, dans C.S.E.L., t. NL 12; cf. K. Prümm, Das Prophetenamt der Sibyllen in kirchlicher Literatur, dans Scholastik, t. IV, 1929, p. 67-76 ; A. Kurress, Die Sibylle und Augustins Gottesstaat, dans Theologische Quartalschrift, t. CXVII, 1936, p. 532542; B. AztANER, Augustinus und die neutestamentlichen Apokryphen, Sibyllinen und Sextussprüche, dans Analecta Bollandiana, t. LXVII, 1949, p. 245-247. Flaccianus citait Orac. Sib., VIII, 217-243. (3) Textes cités ci-dessus, p. 41, n. 1. AuGusrTin, Conf., IV, 3, 4, 2, p. 68, ne nomme pas Flaccianus, mais montre qu'il avait conscience de s'opposer à son point de vue : « Ideoqueillos planos, quos mathematicos uocant, plane consulere non desistebam, quod quasi nullum eis esset sacrificium et nullae preces ad aliquem spiritum ob diuinationem dirigerentur. Quod tamen christiana et uera pietas consequenter repellit et damnat. » Aussi, je crois opportun de placer l'entretien avec Flaccianus à cette époque, et non plus tard. Cf. mes Lettres grecques en Occident, p. 177. (4) Aucusrin, Conf., V, 5, 8, et suiv., p. 98-101. (5) Sur Faustus, cf. A. Bruckner, Faustus von Mileve, ein Beitrag zur des abendländischen Manichäismus, Bâle, 1901, et Alfaric, op. cit., Geschichte p. 83-85. (6) AucusrTin, Conf., V, 7, 13, 4, p. 102. (7) Ibid., V, 8, 14, 35, p. 103. (8) Texte cité ci-dessus, p. 51, n. 4 : découverte de la saveur des fraises et des cornouilles. (9) Sur la plèbe romaine des chômeurs perpétuels, nourris par l’annone, cf. AucusrTin, Contra Adimantum, XXIV,dans C.S.E.L., t. XXV, p. 182, 22 : « Nam si hocideo dictum est, ut non seruetur panis in crastinum, magis

LA CONVERSION

MANICHÉENNE

77

manichéen : il prend pension chez un Auditeur! ; il fréquen te

des Élus?, et

même,

comme

nous

l'apprend

le De

moribus,

au moins un évêque manichéen, qu’il juge peu cultivé, mais d'excellentes mœurss. Un scandale éclate : l’un des enfants élevés en vue de devenir Élus, et préposés à consommer les restes des aliments apportés aux Élus (car offrir ces restes à un profane serait sacrilège), est mort, dit-on, d'indigesticn. Augustin n’a garde, sur le moment, d'ajouter foi à cette rumeur#.

Il se laisse,

à nouveau,

recommander

par

des Mani-

chéens pour la chaire de rhétorique à Milans, où il consentira encore, — copef.

sans grande illusion, il est vrai, —

à tirer un horos-

Ainsi, lorsqu'il arrive à Milan, Augustin a perdu l'élan de ses premières années manichéennes et se sent incapable de

progrès ultérieurs? ; il est devenu tiède. Mais ses doutes, croit-il,

ne sont que provisoires8 ; il n’hésite pas, malgré le danger,

hoc implent uagi Romanorum, quos passiuos appellant, qui annona cotidiana satiato uentre, aut donant statim, quod restat, aut proiciunt.. » (1) Conf., V, 10, 18, 6, p. 107. (2) Zbid., V, 10, 18, 27, p. 108. (3) AucusrTin, De moribus Man., XX, 74, P.L., t. XXXII,

1376 : « Inter-

ea uester episcopus quidam, homo plane, ut ipse expertus sum, rusticanus atque impolitus, sed nescio quomodo ea ipsa duritia seuerior in custodiendis bonis moribus uidebatur.

» Cet évêque présidera, un ou deux ans plus tard,

le couvent manichéen fondé aux frais de l’Auditeur Constantius (ci-dessous, p. 179 et 228). (4) Zbid., XVI, 52, P.L., t. XXXII, 1367 : « Ilam uero distenti (Electi) ac prope crepantes, eos qui sub uestra disciplina sunt pueros ad deuoranda reliqua crudeli dominatione compellitis, ita ut cuidam sit Romae obiectum, quod miseros paruulos cogendo ad uescendum tali superstitione necauerit. Quod non crederem, nisi scirem quantum nefas esse arbitremini ue] aliis haec dare, qui Electi non sunt,uel certe proiicienda curare. » Si Augustin, dans ce violent pamphlet antimanichéen, se contente de donner le fait comme possible, et non prouvé, il a dû être encore plus défiant avant sa conversion catholique ; sur cette défiance lors de son second séjour romain, cf. ci-dessous, p. 229. (5) Aucusrin, Conf., V, 13, 23, 5, p. 112. (6) Zbid., VII, 6, 8, 30, p. 153 ; la place de l'épisode ct le fait qu'Augustin ignore tout de la famille de Firminus (ibid., VII, 6, 9, 7, p. 155) en faveur duquel] tive l’horoscope, suggèrent que celui-ci était milanais. Les réfl:xions d’Augustin sur la naissance de jumeaux, consécutives à son entretien avec Firminus (cbid., VII, 6, 9, 8, p. 155), rappellent de très près le sermon d’AmBROISE, Îlexam., IV, 14, dans C.S.E.L., t. XX XII, 1, p. 120, 21, qu'Augustin a pu entendre à cette date. Sur Firminus, cf. ci-dessous, p. 200, n.1, et

(7) Ibid., V, 7, 13, 9, p. 102 ; V, 10, 18, 28, p. 108. (8) Zbid., V, 7, 13, 12, p. 102

: « quasi melius

quicquam

62.

non

inueuivcns

78

II. AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

à rester l’intime de ces hommes contraints à la clandestinité, et n’a aucun zèle à aller se faire inscrire aïlleursi ; eux non

plus ne regardent nullement Augustin comme un apostat. Il est d'autant plus curieux de remarquer qu'Augustin a constamment

pendant

déclaré avoir été manichéen

neuf ans,

de la dix-neuvième à la vingt-huitième annéez. Puisque sa dix-neuvième année s'étend de novembre 373 à 374, et qu'il

est eucore

premier

à la fin de son

manichéen

séjour romain,

au cours de l’année scolaire 383-384, c'est au moins dix années pleines qu’il devrait compter. En faisant finir sa période manichéenne à la vingt-huitième année, il se considère comme détaché de cette foi dès avant son entrevue avec Faustus qui survint lors de sa vingt-neuvième années. Il tend donc à réduire le plus possible le laps de temps pendant lequel il fut disciple de Mani, lors même qu’il se reproche d’avoir été tel longtemps, trop longtempsé.

III

LES DÉBUTS D'AUGUSTIN

A MILAN

Augustin déclare dans les Confessions qu'il a été nommé à la chaire milanaise de rhétorique sur proposition du préfet de Rome

Symmaque ; il lui avait

été recommandé

par

des

amis manichéens et lui avait soumis un discours d’essai, que Symmaque avait appréciés. Que signifie une telle nomination eo, quo iam quoquo

modo

nisi aliquid forte, quod

inrueram,

magis

contentus

eligendum

interim esse decreueram,

esset, eluceret » ; V, 10, 18, 30,

. 1408 : « (quibus) contentus esse decreueram. » (1) Zbid., V, 10, 19, 14, p. 108 : « Familiaritas eorum — Roma occultabat — pigrius me facicbat aliud quaerere. » (2) Zbid., IV, 1, 1, 1, p. 66 : « Per idem

undeuicesimo anno aetatis meae

tempus

annorum

plures enim nouem,

ab

usque ad duodetricensimum, seducebamur

et seducebamus » ; cf. III, 44, 20, 17, p. 62 ; V, 6, 10, 1, p. 99, et dès 391 le

texte du De utilitate credendi cité ci-dessus, p. 64, n. 3. (3) Conf., V, 8, 3, 1, p. 94 : « Proloquar in conspectu Dei mei annumillum undetricesimum aetatis meae. [am uenerat Carthaginem quidam Manichaeorum episcopus, Faustus nomine... »

(4) Cf. le mot diu dans les textes cités ci-dessus, p. 64, n. 2 et 67, n.5. (5) Aucusrin,

Conf., V, 13, 23, 1, p. 112.

LES DÉBUTS

D'AUGUSTIN

A MILAN

79

à la date où elle se produisit : automne 384 ?1 C'est l’année où une réaction vient de se dessiner contre la politique catholique intransigeante de feu l’empereur Gratien. M. Palanque a déjà noté les symptômes de cette réaction, marquée, depuis le début de 384, par l'accession des chefs du parti païen aux leviers de commande de l’État?. Le plus éminent d’entre eux était ce SYymmaque, qui venait de se distinguer comme défenseur des cultes païens au cours de l'été 384, lors de la seconde affaire de l’autel de la Victoires. Son activité comme préfet de Rome fit aussi beaucoup jaser ; il appliqua avec rigueur l’édit de Valentinien qui visait les chrétiens trop pressés de piller les temples. On le dénonça bientôt à l’empereur pour avoir fait arrêter et torturer des clercs. Mais il put donner la preuve que cette dénonciation était calomnieuse, et conserva tout son crédit à la cour de Milané. Un édit du 28 décembre 384 interdit comme sacrilège de critiquer les fonctionnaires choisis par l’emperew15. Selon toute vraisemblance, Augustin a été recommandé par Symmaque, non seulement à cause de son talent oratoire, mais aussi parce qu'il n’était pasun adepte du catholicisme. Aux

jours mêmes

où était publié

cet édit, notre

rhéteur

milanais achevait le panégyrique de l’inspirateur de la politique impériale : le Franc Bauton, grand ami de Symmaquef. Dars le Contra litteras Petiliani,

précision

sur l'événement

écrit en 401, il donne toute

: le donatiste

Pétilien prétendait,

(1) Date unanimement acceptée. Symmaque n'était pas encore en fonctions comme praefectus ur bi le 11 juin 384 (cf. O. Sercx, Regesten der Kai-

ser und Päpste für die ahre 311 bis 476 n. Chr., Stuttgart, 1919, p. 264),

mais y était déjà le 9 novembre (cf. Cod. Theod., IV, 7, & et XI, 30, 44, et G. Rauscuen, Jahrbücher der christlichen Kirche unter dem Kaiser Theodosius dem Grossen, Fribourg en Br., 1897, p. 178). (2) J.-R. PALANQUE, S. Ambroise et l'empire romain, contribution à l’histoire des rapports de l’Église et de l'État à la fin du IV® siècle, Paris, 1933, . 130. * (3) Sur la date, cf. PALANQUE, op. cit., p. 510 ; on trouvera un exposé 1947, succinct de cette affaire chez A. Prcanior, L'empire chrétien, Paris,

p. 245-246. VI, (4) Srmmaque, Relatio, XXI, éd. Sceck, dans M.G.H., Auct. ant., t. s Untergang des Geschichte SEECK, ; 179 p. cit., op. , RAUSCHEN p. 295 ; cf. cit., p. 131. der antiken Welt, t. V, Berlin, 1913, p. 198-199 ; PALANQUE, op. N, op. cit. (5) Cod. Theod., 1, 6, 9 — Cod. lust., IX, 29, 2 ; cf. RAUSCHE p. 180, n. 1. et vante (6) Symmaqur, Epist., IV, 15, p. 102, 26, s'adresse à Bauton p. cxL. 1bid. cf. lettre, cette de date la sur ; lie les qui a l’amiciti

6

80

II. AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

en effet, qu'Augustin s'était embarqué pour l'Italie à la suite d’une sentence d’exil rendue en 386 par Messianus, proconsul à Carthage, contre les Manichéens ; Augustin rétorque qu'il avait quitté l'Afrique plusieurs années avant 386 ; pour fournir un alibi facile à contrôler, il évoque son panégyrique officiel du 1° janvier 385 : et le 1°r jan« Je suis arrivé à Milan avant le consulat de Bauton, Es vier, en l’honneur de son consulat, j’ai prononcé, à raison du métier de rhéteur que j'exerçais alors, le panégyrique de cet homme (eique consuli… laudem.….. recitauerim), en présence et sous les yeux d’une immense assemblée. S'il est nécessaire de prouver le fait aux sceptiques ou àa ceux qui croient le contraire, je pourrais produire des personnalités illustres dans le siècle, témoins très sûrs de toute cette

périodé de ma viel. » Augustin rappelle cet épisode pour réfuter les calomnies de Pétilien ; mais lorsqu'il a rédigé la partie biographique des Confessions, environ deux ans plus tôt, il n’en a pas soufflé mot. Certains ont cru, cependant, y trouver une discrète allu-

sion, lorsqu'il écrit que « comme il s’apprêtait à prononcer un panégyrique en l’honneur de l’empereur (recitare imperalori laudes) »?, il croisa dans une rue de Milan un mendiant ivre, et fut lui-même, à ce spectacle, dégrisé de son ivresse de gloire. Selon M. Marrou, « ces deux témoignages se complètent et ne se contredisent pas » ; il s'agirait d’un seul et même panégyrique « prononcé le re janvier 385, à l’occasion de l'accession de Bauton au consulat, en présence du jeune empereur Valentinien II »5. Je ne puis, pour ma part, accepter cette solution ; l’expression « alicui laudem (ou laudes) recitare » qu'emploie Augustin, signifie dans un cas comme dans l’autre : « prononcer un pané(1) Aucusrin, Contra litteras Petiliani, III, 25, 30, éd. Petschenig, dans C.S.E.L., t. LIL, p. 185, 19 (— P.L., t. XLIII, 362) : « ...cum ego Mediolanum ante Bautonem consulem uenerim eique consuli calendis Ianuariis laudem in tanto conuentu conspectuque hominum pro mea tunc rhetorica professione recitauerim... Quae si dubitantibus uel contra credentibus probare necesse esset, multos possem claros in saeculo uiros testes locupletissimos adhibere totius illius temporis uitae meae. » Sur la condamnation de Manichéens à l'exil, cf. Contra Faustum, V, 8, et P. MoncEAux, Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne, t. VI, Paris, 1922, p. 48. (2) Aucusrin, Conf., VI, 6, 9, 13, p. 126 : « cum pararem recitare imperatori laudes. » (3) H.-I. Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique, Paris, 1938, p. 88 et n. 5. C’est déjà l'avis de Seecx, Regesten, p. 266.

LES DÉBUTS

D’AUGUSTIN A MILAN

81

gyrique en l'honneur de quelqu'un », et non : « en présence de... ». À supposer donc qu'il s'agisse d’un seul panégyrique

prononcé en l'honneur de Bauton et en l'honneur de l'empereur,

il faudrait admettre que cet empereur serait, non point Valen-

tinien II, mais le collègue de Bauton au consulat, à savoir Arca-

diust. Le fait qu'Arcadius ne séjournait pas à Milan, mais à Constantinople, ne serait pas une objection décisive ; car il arrive qu'un panégyrique soit prononcé en l'honneur d’un absent?.

En revanche,

il serait sans

exemple,

à ma

connais-

sance, qu'un panégyrique officiel en l'honneur du consul occidental louât simultanément son collègue oriental. Nous voilà contraints de penser que le parégyrique en l’honneur de l’empereur, mentionné par les Confessions, est distinct du panégyrique en l'honneur de Bauton, mentionné par le Contra litteras Petiliani. Cet empereur

est, selon toute vraisemblance,

Valentinien II, dont la capitale est Milan. Dars le court laps de temps du séjour milanais d'Augustin, je ne vois qu’une (1) C'était le premier consulat d’Arcadius, qui avait été proclamé Auguste dès 383, à l’âge de six ans ; il ne pourrait s’agir d’Honorius, consul en 386, car celui-ci ne sera proclamé Auguste qu’en 393. Sur le mode de désignation des consuls pendant ces années, cf. J.-R. PALanquE, Collégialité et partages dans l'Empire romain aux IV® et V® siècles, dans R.E.A.,t.XLVI, 1944, p. 284-285.

(2) Cf. Nazarius, Panegyricus Constantino Augusto dictus (prononcé en 321 pour le 15€ anniversaire de règne de Constantin et pour le cinquième (quinquennalia) de. ses fils, seuls présents) III, éd. Bâhrens, p. 215, 1 : « Quis, oro, Constantine maxime (praesentem enim mihi adloqui uideor qui, etsi conspectu abes, reuelli tamen mentibus non potes)... » Je remercie mon collègue M. Glletier, éditeur des Panégyriques dans la collection Budé, de ce renseignement qu'il a bien voulu me fournir. (3) Voir, par exemple, le panégyrique (fiagmentaire, il est vrai) de Symmaque en l’honneur du troisième consulat de Velentinien Ier (cf. ci-dessous, p- 82, n.2) et les nombreux panégyÿriquts de Claudien en l’honneur de consuls ; sans doute, le consul oriental ne pouvait être mentionné dans les panégyriques de Claudien en l'honneur de Theodorus, de Stilichon, du sixième consulat d’'Honorius, puisque, en raison d’hostilité entre les deux cours, le collègue oriental ne fut pas reconnu en Occident ces années-là ; mais même dans le cas contraire, par exemple lors des troisième et quatrième consulats d'Honorius, le collègue oriental n'est pas mentionné par Claudien (si ce n’est, IV Cons. Hon., v. 179, Arcadius, mais à titre d’empereur-frère, non à titre de collègue au consulat). La raison de ce fait est sans doute que chaque empereur publie son consul sans attendre l’annonce cflicicile de l’autre désignation consulaire. Le panégyiique de Claudien sur Probinus et Olybrius loue les deux consuls, mais tous deux frères et tous deux occidentaux.

82

II, AUGUSTIN DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

occasion qui ait pu donner lieu à son panégyrique officiel de Valentinien II : les fêtes du dixième anniversaire de règne (decennalia), qui furent célébrées le 22 novembre 3851. Ces deux panégyriques d'Augustin sont perdus, mais nous pouvons imaginer le genre de ces discours d’après les fragments des panégyriques de Symmaque, prononcés en 369 et 370, l’un à l’occasion des fêtes du cinquième anniversaire de règne, l’autre en l'honneur du troisième consulat de Valentinien 1er2. Augustin, qui avait été nommé à Milan pour son aptitude à reproduire

la manière

de Symmaque,

devait,

dans

le style

contourné et fleuri qui était de règle, rappeler les campagnes merées par Bauton, maître de la milice, contre les Goths en Thessalie, puis dans les Balkans (378 et 380), surtout sa victoire toute récente sur les Juthunges qui menaçaient l'Italie par la Rhétie (384)4 ; il faisait peut-être aussi allusion au soutien que Bauton, six mois plus tôt, venait de prêter à Symmaque contre Ambroise dans la fameuse affaire de l'autel de la Victoires. L'autre discours devait, sous prétexte de magnifier la décade de règne de Valentinien II, empereur de quatorze ans, vanter la politique de la régente, sa mère, et de ses ministres.

Dans les Confessions, Augustin a préféré taire le premier épisode qu’il n'avait pourtant pas oublié ; il s'est gardé de relater qu’il avait donné de tels gages au parti de Bauton, païen comme Symmaque ; peut-être même le discours probatoire qui avait valu à Augustin l’appui de Symmaque, et qui constituait la condition de sa nomination par le gouvernement de Milan, était-il l’ébauche de ce panégyrique de Bautor.6. (1) Cf. Rauscnen, op. cit., p. 203 et n. 3 et &; SymmaqQue, Relatio, XIII, p. 290 ; Sec, éd. cit., p. cxx1, ct Zur Inschrift von Hissarlik, dans Hermes, t. XVIII, 1883, p. 153. On ne peut songer à la célébration du 3° consulat de Valentinien

II, le 4€f janvier 387 ; car, à cette date, Augustin, démission-

naire depuis plusieurs mois, vivait dans la retraite à Cassiciacum. Ajoutons que, lors de la célébration des decennalia à Milan, l’empereur était absent, puisqu'il séjournait provisoirement à Aquilée. (2) Symmaque, Paneg. TI et IT, éd. Sceck, dans M.G.H., p. 318 et suiv. CF. ScnaAnz, op. cüt., t. IV, 1, p. 112-113.

Auct. ant., t. VI,

(3) Sur ces campagnes, cf. Picanioz, L'empire chrétien, p. 212, 222: (4) Cf. Ammien MarcezziN, XVII, 6, 1 ; AMBROISE, Epist., XXIV, 8, A ; Rauscuen, op. cit., p. 172 ; E. STEiN, Geschichte P.L., t. XVI, 1038 t. J, Vienne, 1928, p. 311. Reiches, spätrômischen des (5) Cf. PaLANQuE, Saint Ambroise et l'Empire romain, p. 133 et n. 5. (6) Cf. ci-dessus, p. 78. Sur le pagarisme de Bauton, voirla démonstration de Sercx, éd. de Symmaque, p. 511-512, adoptée aussi par PALANQUE,

LES DÉBUTS

D'AUGUSTIN

A MILAN

53

Quant au second discours, il ne fait l'objet, dans les Confessions, que d’une brève allusion destinée à souligner le caractère mensonger de tels éloges, prodigués à l’empereur enfan:1: mais Augustin ne fournit pas même le nom de l’empereur en l'honneur duquel ce discours était prononcé : l’omission est d'autant plus notable, qu'il n’hésitera pas, au livre IX, à nommer Valentinien II et sa mère Justine, l’impératrice arienne,

pour flétrir leur politique.

En réalité, il n’a retenu l'épisode, dans le récit des Confes-

sions, que pour illustrer ce qu'était son état d'âme au début du séjour milanais. Le plan du livre VI, comme Labriolle ra bien noté dans son édition, est un plan logique en deux parties : I. La déroute des préjugés anticatholiques. II. Les perplexités d'ambition. Cette seconde partie s'ouvre sur les mots : « J'aspirais avidement aux honneurs, aux profits, au mariages. » L’allusion au panégyrique de l’empereur montre seulement combien Augustin, la première année de son séjour à Milan, était, comme nous dirions, « arriviste » ; il méditait, en son for intérieur, de

quitter l’enseignement pour la carrière des honneurs, à commencer

par le poste administratif

de praeses,

c’est-à-dire

de

gouverneur de province de dernière classe ; il cherchait, pour cette fin, à se concilier la faveur de personnages haut placéss. »

+ *

Au moment

même

où les ambitions

d’'Augustin sont allu-

mées, il a mauvaise conscience et se montre sensible au moindre op. cit., p.124

; RaAusCHEN, de son côté, op. cit., p. 204, n. 4, note que Zosime,

IV, 33, éd. Bekker, p. 211, 5, fait son d’un passage d’Ambroise, Epist., LVII, Bauton aurait été chrétien. (1) Aucusrin,

éloge. D’autres déduisent à tort 3, P.L., t. XVI, 1175 C, que

Conf., VI, 6,9, 14, p. 126 : «...laudes, quibus plura mentirer

et mentienti faueretur a scientibus. » (2) Zbid., IX, 7, 15, 5, p. 220 : « Tustina, Valentiniani regis pueri mater. » (3) Ibid., VI, 6, 9, 1, p. 126 : « Inhiabam honoribus, lucris, coniugio. » (4) Zbid., VI, 11, 19, 21, p. 137 : «ut nihil aliud multum festinemus, uel praesidatus dari potest » ; sur les praesides, cf. Picanior, L'empire chrétien, p. 319. LABRIOLLE, éd. cit., p. 137, n. 1, croit qu'Augustin songeait plu-

tôt à une présidence de tribunal. (5) Zbid., VI, 11, 18, 28, p. 136 et NME M2 1: 137, Augustin parle plusieurs fois de ces amici maiores sans les nommer, et précise que leur rendre visite pouvait être ulile à son avancement.

rus, sur lequel ef. ci-dessous, p. 153 et suiv.

L'un d’eux fut Mallius

Theodo-

84

II. AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

fait divers. Telle la rencontre d’un mendiant ivre, croisé dans

la rue comme Augustin gagnait le lieu où il devait prononcer le panégyrique de l’empereur. Il s'interroge aussitôt : la félicité qu’il se promet des applaudissements de la foule est-elle préférable à l’hilarité que ce misérable tient de la boisson ? « Souvent, conclut-il, dans des occasions semblables, je m'exa-

minais et je trouvais que cela allait mal pour moit. » L'un de ces faits divers analogues lui est revenu plus tard

en mémoire. Il rapporte, dans un sermon, qu'il a été vivement

rappé par le désintéressement de l’appariteur d'un de ses collègues grammairien? : « Je vais vous raconter ce que fut, au temps où j'étais établi à Milan, la conduite d’un individu très pauvre, si pauvre qu'il était appariteur d’un grammairien ; mais il était pleinement chrétien, quoique le grammairien fût païen ; l’homme préposé au rideau de portes valait mieux que l’homme installé dans la chaire. Il trouva un sachet plein de sous d’or (deux cents environ, si je ne m’abuse) ; soucieux de respecter la loi, il fit une déclaration publique ; car il savait qu’il devait

restituer, mais ignorait à qui ; sa déclaration disait : « Que celui qui

a perdu des sous d’or se rende à tel endroit et aille quérir un tel. »

L'autre, qui errait en rond dans les rues en gémissant,

vit et lut la

déclaration, vint trouver notre homme ; de peur qu’on ne réclamät le bien d’autrui, celui-ci exigea un signalement : le genre du sac, le sceau, le nombre de pièces. Comme l’autre avait répondu exactement à toutes les questions, notre homme restitua l’objet trouvé. L'autre, plein de joie, veut le récompenser et lui offre, à titre de grati-

fication, la dixième partie : vingt sous d’or ; notre homme refuse. Qu'il prenne au moins dix sous; nouveau refus. Qu'il accepte, de grâce, au moins cinq sous ; nouveau refus. Furieux, l’autre jette le sac en l'air : « Je n'ai rien perdu, dit-il ; si tu refuses de rien accepter, moi

non plus, je n’ai rien perdu... » Enfin, notre homme céda et accepta l'offre : mais, sans tarder, il distribua tout aux pauvres ; il ne ramena

pas un sou chez luit. »

Il faut que ce « potin » universitaire, ait fait une bien grosse impression sur Augustin, pour qu’il se le rappelle de façon précise après tant d'années. Je ne vois pas de raison d'en suspecter l'authenticité, malgré son caractère nettement apologétique (1) Zbid., VI, 6, 10, 16, p. 127 : « ...et saepe aduertebam in his, quomodo mihi esset, et inueniebam male mihi esse. » (2) Ce grammairien était païen ; il faut peut-être l'identifier avec le grammairien milanais Verecundus, dont Augustin fut l'ami et Nebridius l’adjoint. Celui-ci était alors « nondum christianus », dit AuGuSTIN, Conf. IX, 3,5,4, p. 211. Mais cf. Conf. VIII, 6, 13, 15, p. 186. (3) Sur ce rideau de porte, cf. le texte cité ci-dessus, p. 61, n. 1. (4) Aueusrin, Sermo CLXXVIII, 7, 8, P.L., t. XXXVIII, 964 (pro-

LES DÉBUTS

D'AUGUSTIN

A MILAN

85

et l'habileté de la mise en scènet. Nul doute qu’Augustin n'ait, dès lors, comparé son appétit de lucre au désintéressement de cet employé subalterne, comme il avait comparé l'ivresse que lui procuraient les applaudissements à l'ivresse du mendiant milanais. + *

*

La nomination d’Augustin, obtenue grâce à ses relations manichéennes et par la protection de Symmaque et de Bauton, ne fut sans doute pas du goût de tous, à Milan, et spécialement

du goût d'Ambroise, l'adversaire déclaré de leur politique. Peut-être pour apaiser ses préventions et se concilier les autorités de tous les partis, en tous cas pour se plier aux usages, Augustin lui fit une visite officielle à l’arrivée. Selon les Confessions,

l'influence

d’'Ambroise

sur

Augustin

remonterait

à

cette première visite. Ambroise l’aurait « accueilli comme un noncé après 396 ; cf. KunzeLzMann, art. cit., p. 491) : « Dicam quod fecerit pauperrimus homo, nobis apud Mediolanum constitutis ; tam pauper, ut proscholus esset grammatici : sed plane christianus, quamuisille esset paganus grammaticus ; melior ad uelum, quam in cathedra. Inuenit sacculum, nisi forte me numerus fallit, cum solidis ferme ducentis : memor legis proposuit pittacium publice. Reddendum enim sciebat ; sed cui redderet, ignorabat. Proposuit pittacium publice : « Qui solidos perdidit, ueniat ad locum illum, et quaerat hominem illum. » Ille qui plangens circumquaque uagabatur, inuento et lecto pittacio, uenit ad hominem. Et ne forte quaereret alienum, quaesiuit signa, interrogauit sacculi qualitatem, sigillum, solidorum etiam numerum. Et cum omnia ille fideliter respondisset, reddidit quod inuenerat. Ille autem repletus gaudio et quaerens uicem rependere, tanquam decimas obtulit solidos uiginti : qui noluit accipere. Obtulit uel decem : noluit accipere. Saltem rogauit uel quinque acciperet. Noluit ille. Stomachabundus

homo

proiecit saceulum

: « Nihil perdidi, ait ; si non

uis

aliquid a me accipere, nec ego aliquid perdidi. » Quale certamen, fratres mei, quale certamen ! qualis pugna, qualis conflictus ! Theatrum mundus, spectator Deus. Victus tandemille quod offerebatur accepit : continuo totum pauperibus erogauit, unum solidum in domo sua non dimisit. » (1) L’anecdote a pu être « arrangée » d’après l’exemplum de Cratès; cf. JérôME, Epist. ad Pammachium, LXVI, 83, éd. Hilberg, dans C.S.E.L., t. LIV, p. 657, 9 : « Non est satis.. proicere quod in momento et perdi et inueniri potest. Fecit hoc Crates Thebanus, fecit Antisthenes, fecerunt plurimi, quos uitiosissimos legimus »,et Contra Iouin. II, 9, P.L., t. XXIII, 312A : « Unde et Cratesille Thebanus, proiecto in mari non paruo auri pondere

: Abite, inquit, pessum,

mergar a uobis ». AUGUSTIN, P.L., t. XLV,

1362, montre

malae

cupiditates ; ego uos

Opus imperfectum

contra

quil a lu cette anecdote

mergam,

ne ipse

Zulianum,

IV, 43,

chez Cornélius

Népos.

Il n’était pas rare de comparer l’ascétisme chrétien à l’ascétisme cynique.

86

II. AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU CATHOLICISME

père » (suscepit me paterne) ; de ce jour, daterait l'amour qu’Augustin sentit naître à son égardi. I1 y a quelque schématisation tardive dans cette manière

de présenter les faits : Augustin veut marquer d'emblée que l'événement capital de son séjour à Milan reste à ses yeux la rencontre

d'Ambroise,

qui allait devenir

baptême? ; le contexte immédiat borné

son

montre

« père » dans le

qu'Ambroise

à accueillir avec des sentiments de charité

s’est

chrétienne

digne d’un évêque la venue d’Augustin dans soh diocèse (peregrinationem meam

satis

episcopaliter

dilexit)3 ; le reste

du

récit indique que, par la suite, Augustin assista dans la foule à des sermons d’'Ambroise, dont il n’appréciait d'abord que

les qualités oratoiresi.

La

première

visite

n’a

donc

été

rien de plus qu'un échange de politesses officielles, non le début d’un commerce personnel entre les deux hommes. En veut-on une confirmation ? Le second entretien d’Augustin

et d'Ambroise eut lieu au mcins six mois plus tard. Il note que sa mère est venue d'Afrique le rejoindre par une mer houleuses. Comme la navigation normale était fermée en Méditerranée du 11 novembre au 10 mars, et qu'elle n’était considérée comme sûre que du 27 mai au 14 septembref, Monique est pro(1) Aucusrix, Conf., V, 13, 23, 15, p. 112 : « Suscepit me paterneille homo dei et peregrinationem meam satis episcopaliter dilexit. Et eum

primo quidem

non tamquam

doctorem

amare

ueri..…, sed tamquam

coepi,

hominem

benignum in me. » (2) De là, l'emploi du mot paterne. Aucusrix, Conf., IX, 6, 14, 3, p. 219, appelle son baptême : « renasci » et ne manque jamais, dans les œuvres où il cite Ambroise, de le désigner comme son père. Je renchéris ici sur les assertions d’ALFARIC, Op. cit., p. 367, n. 3. Remarquons toutefois qu’en ce livre IX des Confessions, Augustin ne précise pas qu'Ambroise est celui qui l’a baptisé ; ce silence tient à l'extrême rapidité du récit ; cf. ci-dessous, p. 212. (3) L'éditeur

Raumer,

p. 119, n. 5, comprend

avec raison

: « An meiner

Uebersiedlung hatte er ein bischôfliches Wohlgefallen, als Seelsorger der Glieder seiner Gemeinde. » On notera l'opposition entre dilexit (sentiments chrétiens d’Ambroise) et amare (sentiments purement humains d’Augustin). Pour les sentiments chrétiens de Monique à l’égard d’Ambroise, AuGusTin, Conf., VI, 1, 1, 39, p. 118, dit aussi : « diligebat autem illum uirum. » AmBRoIsE, De Abraham, I, 5, 32, p. 527, 4, considère, en effct, d'après s. Paul

(1 Tim. III, 2 ; Tüt., 1, 7), que l’hospitalitas est le devoir «ut

praesto sit aduenientibus,

et occurrat

obuiam

propre à l’évêque,

et itinera

exploret ».

(4) Texte cité ci-dessous, p. 96, n. 3. (5) Zbid., VI, 1, 1, 11, p. 117. Il paraît probable qu'elle a voyagé en compagnie de Nebridius, car Augustin précise (VI, 10, 17, 4, p. 135) que la mère de Nebridius avait refusé au dernier moment d'accompagner celui-ci. (6) Vécèce,

Epitoma rei militaris,

IV, 39, éd.

C.

Lang, p. 157, 1. Cette

LES DÉBUTS bablement

arrivée

D'AUGUSTIN

à Milan,

A MILAN

au plus tôt, dans

S7 les premières

semaines de juin 385. Cette pieuse Africaine, tout imprégnée des usages liturgiques de son pays, allait éprouver quelque surprise dès qu'elle se heurterait à des coutumes étrangères. Les Confessions narrent que, selon l'usage africain du refrigerium, elle apporta aux tombeaux

des martyrs

une

corbeille

chargée

de bouillie,

de

pain et de vin, mais fut éconduite par le portier : car le règlement établi par Ambroise interdisait ces sortes d’cffrandesi. Un autre sujet d’étonnement, qui n’est pas mentionné dans les Confessions, nous est connu par deux lettres d'Augustin, l’une à Casulanus, l’autre à Januarius : Monique était habituée

à jeûner le samedi ; or, cet usage n'était pas admis dans l’Église de Milan. Que faire ? Devait-elle rester fidèle aux préceptes africains ou se plier à la coutume milanaise ? Ce scrupule devient si douloureux pour Monique, qu'Augustin s’afflige de son émoi. À cause de sa mère, bien que, pour lui-même, il n'ait aucun souci de tels prcblèmes, il consulte Ambroise à ce sujet.

règle n'allait d’ailleurs pas sans exceptions ; cf. E. DE Sainr-DENIs, Mare clausum, dans Revue des études latines, t. XXV (1947), p. 196-214. La traversée de Carthage à Narbonne demandait cinq jours ; cf. SuzPice-SÉVÈRE, Dialogi, I, 3, éd. H:lm, dans C.S.E.L., t. I, p. 154, 22, et D. Gorce, Les voyages, l'hospitalité et le port des lettres dans le monde chrétien des IVe et Ve siècles, Paris, 1925, p. 110. (4) Aucusrin, Conf., VI, 2, 2, 1, p. 118-119. Sur cette coutume dite du refrigerium (repas sur les tombeaux des saints), cf. en dernier lieu H. DELEHAYE, Sanctus, Bruxelles, 1927, p. 136-140 ; A.-M. Scaneiner, Refrigerium, Fribourg-en-Br., 1928 ;G. van Der LEEuw, Refrigerium, dans Mnemosyne, n. 8.,t. III, 3, 1935-36, p. 125-148 ; A. Parror, Le refrigerium dans l’au delà, Paris, 1937 ; J. QuasTEN,

« Vetus superstilio et noua

religio », the

problem of refrigerium in the ancient Church of North Africa, dans Harvard theological review, t. XXXIII, 1940, p. 253-266; H. Lecrerco, Dictionnaire d'archéologie chrétienne, s. u. refrigerium ; H.-I. Marrou, Survivances païennes dans les rites funéraires des donatistes, dans la Collection

Latomus, t. II, Hommages à J. Bidez et F. Cumont, Bruxelles, 1949, p. 193203 ; F. Cumonr, Lux perpetua, Paris, 1949, p. 435-436. AmBroïse blâme en effet cette coutume dans le De Helia et ieiunio, XVII, 62, éd. Schenkl, dans C.S.E.L., t. XX XII, 2, p. 448, 18 : «et haec uota ad deum peruenire iudicant, sicut illi qui celices ad sepulchra martyrum deferunt atque illic

in uesperam

bibunt : aliter se exaudiri posse non

credunt. »

II. AUGUSTIN

88

DÉTACHÉ

Les deux récits de l’entrevue détails près AUGUSTIN,

Lettre à Casulanus :

DU CATHOLICISME

sont identiques, à quelques AUGUSTIN,

Lettre à Januarius:

« Je crois que tu l’as déjà une « Je vais t'indiquer la réponse fois ouï dire, mais je rappelle enque me fit, comme je l’interrogeais sur ce point, le vénérable ‘ core aujourd’hui ce souvenir : ma mère, m’ayant rejoint à Milan, Ambroise, évêque de Milan, celui trouva que l'Église locale ne qui m'a baptisé. Car, au temps où jeûnait pas le samedi. Elle en fut ma mère résidait avec moi dans bouleversée et se mit à balancer cette ville, j'étais encore simple sur la conduite à tenir. Pour ma catéchumène et n'avais pas le moindre souci de ces problèmes ; part, à l’époque, je n'avais pas le moindre souci de tels problèmes, ma mère, elle, s’inquiétait de saMais, à cause d'elle, j'interrogeai voir si elle devait jeûner le samedi, sur ce point saint Ambroise, de selon l’usage de notre pays, ou déjeûner selon l'usage de l’Église bienheureuse mémoire. Il me répondit qu’il ne pouvait me donner de Milan. Pour la délivrer de ce d’autre enseignement que la prascrupule, j'interrogeai sur ce point tique qu’il observait lui-même; ledit homme de Dieu. « Quel enseicar s’il savait meilleure règle, il gnement, dit-il, puis-je donner, la suivrait de préférence. Je pensai j'obque pratique la que autre que, loin d’avoir donné aucun moserve ? » Je pensai que cette rétif rationnel, il avait voulu, en ponse ne signifiait que le précepte vertu de sa seule autorité, nous de déjeûner le samedi. enjoindre de ne pas jeûner le saMais en m'accompagnant, il medi. Mais en me raccompagnant, ajouta : « Quand je suis ici, je ne il me dit : « Quand je vais à Rome, jeûne pas ; quand je suis à Rome, je jeûne le samedi ; quand je suis je jeûne le samedi. A quelque ici, je ne jeûne pas. De même, toi Église que vous veniez, observez l'usage

de l'endroit,

si vous

ne

voulez ni vous scandaliser, ni être un sujet de scandale. » Je rapportai cette réponse à ma mère ; elle lui suffit, ; elle n’hésita pas à penser qu'il fallait obéir. Tel est l'usage qu’à mon tour, j'ai suivi. »

aussi, à quelque Église que tu viennes, observe l'usage de l’en-

droit, si tu ne veux être un sujet de scandale pour personne, ni que personne le soit pour toi. » Quand

j'eus rapporté cet avis à ma mère, elle s’y attacha volontiers. Pour moi, après mainte et mainte réflexion, j'ai toujours considéré cet avis comme si je l’avais reçu d’un

oracle céleste. »

On le voit, Augustin s'était bien gardé de préciser à Ambroise AuGusTin,

Epist. ad inquisitiones

(1) AucusrTin, Epist. ad Casulanum XXXVI, 14, 32, éd. Goldbacher, dans C.S.E.L., t. XXXIV, 2, p. 62, 2 (vers l’an 395) :

Ianuarii LIV, 2, 3, ibid., p. 160, 16 (en 400) :

« Indicabo tibi quid mihi de hoc requirenti responderit uenerandus

« Credo te aliquando audisse, 1a men etiam nunc commemoro : maler

LES DÉBUTS D'AUGUSTIN A MILAN

89

qu'il le consultait uniquement au sujet de Monique, mais que la question le laissait personnellement indifférent. Ambroise répond à la deuxième personne, comme si le consultant l'avait interrogé pour soi-même, ou pour sa mère et luit. A cette date, Augustin ne lui a donc pas encore révélé, au cours d’un entretien, quelle est sa position philosophique ou religieuse. Même si la recommandation donnée par Symmaque était suffisamment claire, Ambroise, de son côté, feint de tout ignorer et de tenir

Augustin pour un croyant. Cet épisode, qui date environ de juin 3852, se relie par la Ambrosius, a quo baptizatus sum, Mediolanensis episcopus. Nam cum in eadem ciuitate mater mea mecum esset, et nobis adhuc catechumenis parum ista curantibus illa sollicitudinem gereret, utrum secundum morem nostrae ciuitatis sibi esset sabbato ieiunandum, an Ecclesiae Mediolanensis more pranden-

mea Mediolanium me consecuta inuenit Ecclesiam sabbato non ieiunare. Coeperat perturbari et fluctuari quid ageret. Tunc ego talia non curabam, sed propter ipsam consului de hac re beatissimae memoriae uirum Ambrosium. Respondit nihil se docere me posse, nisi quod ipse faceret, quia,

dum,

cumque

ego putassem nulla reddita

ratione, uoluisse

auctoritate sola sua nos admonere, ne sabbato ieiu-

ut hac

eam

cunctatione

libe-

rarem, interrogaui hoc supra dictum hominem Dei. Atille : « Quid possum, inquit, hinc docere amplius, quam ipse facio ? ». Ubi ego putaueram nihil eum ista responsione praecepisse, nisi ut sabbato pranderemus ; hoc quippe ipsum facere sciebam ; sed ille secutus adiecit : « Quando hic sum, non ieiuno sabbato ; quando Romae

sum,

quamcumque

ieiuno

sabbato

: et ad

Ecclesiam uenerilis, in-

quit, eius morem

seruate, si pati scan-

dalum non uultis aut facere. » Hoc responsum rettuli ad matrem, eique

si melius nosset, id potius obseruaret,

naremus, subsecutus est et ait mihi : « Cum Romam uenio, teiuno sabbato ; cum hic sum, non ieiuno :sic etiam tu, ad quam forte Ecclesiam ueneris, eius morem serua, si cuiquam non uis esse scandalum nec quemquam tibi.

Hoc

cum

matri

renuntiassem,

libenter amplexa est. Ego uero de hac sententia etiam atque etiam cogitans ita semper habui, tanquam eam caelesti oraculo acceperim. »

suffecit, nec dubitauit esse oboedien-

dum : hoc etiam nos secuti sumus. » La phrase’: « Subsecutus est ct ait mihi » me donne à croire qu'il s’agit d’une audience véritable, à l'issue de laquelle Ambroise raccompagne Augustin (sens propre de subsequi : être sur les talons), et non pas que seulement de paroles échangées à l'issue d’un sermon, comme celles mentionnent Conf. VI, 2, 2, 40, p. 120. (1) On notera que, selon la Lettre à Casulanus, Ambroise aurait employé du sinla 22 personne du pluriel, selon la Lettre à Januarius, la 22 personne

gulier. année-là, le (2) Voici un complément de preuve : Pâques tombait, cette ne se serait 13 avril ; si Monique était arrivée au début d’avril, ce problème dans général étuit jeûne le aint, Samedi-S le car ; pas posé à elle aussitôt

90

II. AUGUSTIN DÉTACHÉ DU CATHOLICISME

chronologie au début du livre VI des Confessions, où est mentionnée l’arrivée de Monique; l'indication de la Lettre à Casula-

nus : « J'étais encore simple catéchumène », correspond exactement à celle qui clôt le livre V : « Je décidai de demeurer simple catéchumène... en attendant qu’une lumière certaine vint orienter ma course ». Augustin se souvient de ses réflexions intimes à la première réponse de l’évêque : « Je pensai que, loin d’avoir donné aucun mctif rationnel, il avait voulu, en vertu de sa seule autorité, nous enjoindre de ne pas

jeûner le samedi?. » C’est cet état d'esprit autoritaire qu’Au_gustin avait détesté de tout temps dans l’Église catholique ; c'est le grief manichéen qui l’avait détourné, dès sa jeunesse, de la foi de sa mères. Vers juin 385, nous apprenons donc que le premier réflexe d’Augustin devant la réponse d’'Ambroise est un réflexe hostile, un réflexe manichéen:il se cabre à l’idée que cet homme impose une règle, alors qu’on lui demande une raison. Suivre la coutume n’est pas une raison. La profonde sagesse de cet avis ne lui apparaîtra que beaucoup plus tard, après de longues réflexions. toutes les Églises ; cf. AUGUSTIN, Epist. ad Casulanum, XXXVI, 13, 31 ; ad Hieronymum, LXXXII, 2, 14. (1) Aucusrin, Conf., V, 14, 25, 19, p. 114; cf. VI, 11, 18, 16,p. 136 (renvoyant à I, 11, 17, 4, p. 15) :; De utilitate credendi, VIIT, 20, éd. FR dans C.S.E.L., t. XXV, p. 25, 18 : « Decreueramque PCR esse catechumenus in Boclestan » ; Retract., prôl., 3, éd. Knëll, dans C.S.E.L., t. XXXVI, p- 10, 1 : « Necilla sane praetereo, quae catechumenus iam, licet relicta

spe quam

terrenam

gerebam, sed adhuc

consuetudine scripsi. »

secularium litterarum inflatus

(2) Dans le passage de l’Epist. ad inquisitiones Ianuarii cité ci-dessus,

p. 88, n. 1 : « Respondit nihil se docere me posse, nisi quod ipse faceret.… cumque ego putassem, nulla reddita ratione, auctoritate sua sola nos uoluisse admonere.... »

(3) AuGusTin, De beata uita, I, 4, éd. Knôll, dans C.S.E.L., t. LXIII,

pot 208 Hihiqhe persuasi docentibus potius quam iubentibus esse credite (M) » ; De utilitate credendi, I, 2 et IX, 21, éd. cit., dans CASSEL t. XXV,p.4,10 et 26, 4 : « Nosti énrre Horrdtate) non aliam ob causam nos in tales bérmailés noise nisi quod se ARBRE terribili auctoritate separata, mera et simplici ratione eos, qui se audire de introducturos ad Deum... eoque catholicam maxime criminantur, quod illis, qui ad eam-: ueniunt,

praecipitur

sed docendi

fontem

ut

credant,

aperire

se

autem

non

iugum

gloriantur » ; Retract.,

credendi

imponere,

I, 13, 1, éd. cit., p. 65,:

1 : « (Honoratum)... deceptum a Manicheis adhuc eo errore noueram Écrl et inridere in catholicae fidei disciplina, quod iuberentur homines credere, non autem quid esset uerum certissima ratione docerentur ». Cf. mes Con-fessions. dans la tradition littéraire, p. 16-20, et ci-dessus, p. 66 ; ci-dessous, mon Appendice II, p. 272-275.

LES DÉBUIS

D'AUGUSTIN

A MILAN

OI

Il est curieux de constater que, dans les Confessions, Augus-

tin ne souffle mot de cette démarche auprès d'Ambroise, quoiqu'elle eût sans doute pour objet, non seulement le problème du jeûne du samedi, mais aussi celui des offrandes aux tombeaux des martyrst ; c'était, en somme, sinon une réclamation,

au moins une double demande de dérogation aux usages milanais en faveur de Monique. Pour expliquer la prohibition des offrandes et repas funéraires, Ambroise fit valoir à Augustin deux motifs : le danger d’intempérance et la ressemblance avec

le rite païen des Parentalia

familiaux ; en réalité, cette

ressemblance n'avait jamais choqué les anciennes générations chrétiennes ; les Parcntalia de coutume traditionneile,

ne subsistaient guère qu’à titre non de rite religieux. Ambroise

cherchait 1à surtout un prétexte pour justifier, aux yeux d’Augustin, l'interdiction

des repas,

même

tempérants?.

Dans

les

Confessions, Augustin présente les choses comme si Monique s'était pliée au règlement d'emblée, sur la simple injonction du portier, dès que celui-ci eut invoqué la défense épiscopales. En revanche, Augustin n’a pas caché, dans les Confessions, qu'il a rarement approché Ambroise, au cours de ces mois, et (1) J’en vois l'indice, outre la vraisemblance générale, dans le fait que la soumission de Monique est décrite par les mêmes termes, à propos de l'un et l’autre épisode ; dans les Conf., VI, 2, 2, & et 26, p. 118-119 : « oboedienter amplexza est » et « abstinuit sc libentissime » ; dans les passages des Lettres citées ci-dessus,

p. 88, n. 1 : « nec

dubitauit

esse

obediendum

» et

« libenter amplexa est. » (2) Quasren, art. cité, p. 259 ; sur les Parentalia familiaux, cf. F. Cumonr, Lux perpetua, p. 40, 83 et 435-436. (3) Aucusrin, Conf., VI, 2, 2, 3, p. 118 : « cum... ab ostiario prohiberetur, ubi hoc episcopum uetuisse cognouit, tam pie atque oboedienter amplexa est... » Pourtant, la fin du chapitre semble laisser entendre que le renoncement aux usages africains a été très dur pour Monique et qu’elle ne s’est soumise de bon gré qu'après avoir vérifié que telle étaitla volonté formelle d'Ambroise ; cf. Conf., VI, 2, 2, 21 et 31, p. 119 : « Itaque, ubi conperit a praeclaro praedicatore atque antistite pictatis praeccptum esse ista non fieri nec ab eis qui sobrie facerent, ne ulla occasio se ingurgitandi daretur ebriosis, et quia illa quosi parentalia superstitioni gentilium essent simillima, abstinuit se libentissime...

Sed

tamen

uidetur

mihi..

non

facile for-

tasse de hac amputanda consuetudine matrem meam fuisse cessuram, si ab alio prohiberetur, quem non sicut Ambrosium diligcbat. » Ces mots autorisent la reconstitution d’un véritable scénario : le portier écarte Monique (prohiberetur) ; étonnement et scandale de Monique ; démarche d’Augustin auprès d'Ambroise (cognouil; conperit) ; interdiction par Ambroise, avec motifs à l'appui ; souruission de Monique. Sur le problème des offrandes, Ambroise fournit deux motifs rationnels, tandis que, sur le problème du

92

II. AUGUSTIN

DÉTACHÉ

DU

CATHOLICISME

qu'il ne lui a révélé l’évolution de ses sentiments que beaucoup plus tard, par lettre, alors qu’il avait déjà fait retraite à Cassiciacum!i. I1 donne pour motif qu'Ambroise n'avait pas le temps de le recevoir longuement et de l’écouter2. Il est permis de penser qu’à la date où nous sommes, Augustin, de son côté, ne souhaitait pas encore avoir avec Ambroise une explication religieuse approfondie. Sinon, l’évêque catholique de Milan, si occupé fût-il, n’eût sans doute pas refusé au rhéteur officiel de sa ville quelques heures de conversation intime, comme l’évêque manichéen

Faustus, fort accaparé lui aussi, avait fini

par accorder à Augustin, alors rhéteur à Carthage, l'honneur d’une audience particulières. La réalité est que, lors de cet entretien avec Ambroise, Augustin, loin de se livrer à lui, a réagi tout naturellement en mani-

chéen devant ses préceptes. jeûne, il a pour principe qu’il faut respecter la coutume locale. L’humble soumission de Monique dut être appréciée par Ambroise comme le signe d’une piété exceptionnelle ; car, sans transition, Augustin signale que, par la suite, Ambroise le félicita souvent d’avoir une telle mère. Quant à Augustin, de retour en Afrique, il luttera pour l’abolition des banquets sur les memoriae, à l’imitation d’Ambroise ; cf. AuGusrTin, Epist. ad Aurelium, XXII, 4, dans C.S.E.L., t. XX XIV, 2, p. 57, 10 (écrite en 392) : « Cum uero et per It:liae maximam partem et in aliis omnibus aut prope omnibus transmarinis Ecclesiis, partim quia numquam facta sunt, partim quia uel orta uel inueterata sanctorum et uere de uita futura cogitantium episcoporum diligentia et animaduersione exstincta atque deleta sunt, ...dubitare quomodo possumus tantam morum labem uel proposito tam lato exemplo

emendare ? »; Epist. ad Alypium,

XXIX, 10, ibid., p. 120, 19 (écrite en

395) : « Deinde hortatus sum (Hipponenses), ut transmarinarum Ecclesiarum, in quibus partim ista recepta numquam sunt, partim iam per bonos rectores populo obtemperante correcta, imitatores esse uellemus. » (Cf.aussi Civ. Dei, VIII, 27). En ce qui concerne le jeûne du samedi, il préconise, comme Ambroise, que chacun suive la coutume locale, qui varie d’un évêché à l’autre. (1) Aucusrin, Conf., VI, 2, 2, 42, p. 120 : « nesciens, qualemilla filium, qui dubitabam deillis omnibus et inueniri posse uiam uitae minime putabam

» ; IX, 5, 13, 6, p. 219

: « et insinuaui

per litteras

antistiti tuo, uiro

sancto Ambrosio, pristinos errores meos et praesens uotum meum, ut moneret, quid mihi potissimum de libris tuis legendum esset. » (2) Tbid., VI, 3, 3, 14, p. 120 : « secludentibus me ab eius aure atque orc cateruis negotiosorum hominum, quorum infirmitatibus seruiebat ; VI, 3, 4,1, p.121: « sed certe mihi nulla dabatur copia sciscitandi quae cupiebam.…., nisi cum aliquid breuiter esset audiendum » ; VI, 11, 18, 18, p. 136 : « Quando quaeretur (ueritas) ? Non uacat Ambrosio. »

(3) Zbid., V, 6, 11, 6, p. 100.

CHAPITRE

AUX SERMONS

III

D'AMBROISE:

LA DÉCOUVERTE DU NÉO-PLATONISME CHRÉTIEN

LES SERMONS

SUR

L'HEXAMERON.

Faut-il mettre en doute l'étendue de l’irfluence d’Ambroise ? La prétendue « conversion » d’Augustin n'est-elle autre chose qu'une évolution purement philosophique, inspirée par des laïcs ? Telle est la thèse qu'a soutenue brillamment M. Alfaric, par la critique interne des Confessions. Augustin aurait surfait le rôle d'Ambroise : « Les rappcrts personnels qu'il a eus avec l'évêque de Milan ont été, en définitive, très Icin-

tains, et n’ont guère pu influer sur son évolution. Peut-être, d’ailleurs, s’il eût pu s’entretenir librement avec lui, eût-il éprouvé une certaine déceptionAmbroise, en effet, était un

conducteur d’âmes et non un philosophet. » Inversement, selon M. Aïfaric, Augustin

a réduit, dans les Confessions, l'influence

qu'exerça sur son développement intellectuel la lecture des livres néo-platoniciens : « D'après tout ce récit, il aurait donc été chrétien avant de devenir Platonicien. Bien plus, il n'aurait (1) Azraric, op. cit., p. 371-372.

94

III. LA DÉCOUVERTE DU NÉO-PLATONISME CHRÉTIEN

adhéré au Platonisme que parce qu'il l'aurait trouvé d'accord, dans l’ensemble, avec le Christiarisme.

I1 aurait même

estimé

sans tarder que les livres de Porphyre et de Plotin étaient bien inférieurs aux Écriturest. » M. Alfaric conclut : « Moralement comme intellectuellement, c’est au Néo-platonisme qu'il s'est converti plutôt qu’à l'Évangile?. » Sur plusieurs points, l'étude qui précède corrobore les remarques de M. Alfaric, et même renchérit sur elles. Nous avons vu qu’au 1°' janvier 385 Augustin n’hésitait pas, pour son avancement, à louer en public l’un des dirigeants de la politique à laquelle s'opposait Ambroise ; vers juin, il se montre rétif devant la réponse autoritaire que lui fournit Ambroise sur le problème du jeûne ; le 22 novembre, il se défend encore mal de goûter l'ivresse des applaudissements que lui vaut le panégyrique de Valentirien II. Les rapports personnels d'Augustin et d'Ambroise, au cours des années 385 et 386, se réduisent à quelques rencontres, et n’ont rien eu d’intimes ;Augustin n'a pas pu — ou plus probablement n’a pas voulu — lui révéler ses états d'âme. A supposer, donc, qu'Ambroise ait participé à la conversion d'Augustin, cette influence, en 385/386, ne s’est pas exercée par entretiens d'homme à homme ; elle n’a pu agir que d'une manière diffuse, par ses sermons du dimanche. D'autre part, il est exact, comme le dit M. Alfaric, que saint Ambroise ne passe pas pour un philosophe. M. Gilson, si souvent sévère pour les thèses de M. Alfaric, s'accorde avec lui sur ce point, et même est encore plus explicite : « Ambroise savait le grec ; il a longuement étudié Philon et Origène, dont les œuvres sont si riches en données philosophiques de toute nature; mais il ne s’est pas.… laissé entraîner au moindre approfondissement métaphysique du texte sacré. Ambrcise ne pensait aucun bien des philcscphes. La manière dont il en parle, dans son De fide (1,5 ; I, 13 : IV, 8) et dans son De incarnatione (IX, 89), annonce parfois les invectives d’un Pierre Damiani contre la dialectique. Ambroise est l’une des sources les plus sûres des « anti-dialecticiens » du xI® et du xII* siècle, (1) Zbid., p. 379. (2) Tbid., p. 399. (3) J. Davins, Sint Augustinus en sint Ambrosius, dons Miscellanea Augustiniana, Rotterdam, 1930, p. 242-255, pense que les Confessions exagèrent beaucoup l'intimité des rapports entre Ambroise et Augustin. Ceci est vrai, à mon avis, surtout pour la fin du livre V.

LES SERMONS

SUR

L’'HEXAMERON

95

et ce que l'on peut relever de notions philosophiques dans ses écrits y reste comme incrusté dans la formule du dogmet ». Là même où il suit Cicéron, dans le De officiis ministrorum, Ambroise montre sa prédilection pour les problèmes pratiques. Ses préférences,

conclut

M. Gilson, l'ont « détourné

de la métaphy-

sique vers la morale ». A la vérité, de tels jugements pourraient sembler hâtifs, puisque le De phlosophia d'Ambroise, à quelques fragments prèss, est perdu. Le peu que nous en dit saint Augustin concorde pourtant,

à première vue, avec l'opinion communément

admise sur l'hostilité d'Ambroise à l’égard des philosophes ; il y critiquait les théories platoniciennes de la métempsycose et de la création des corps par des dieux inférieurst ; il atta-

quait « les Néo-platoniciens qui prétendent que le Seigneur (Jésus-Christ) a tiré profit des livres de Platon »5. On croirait ainsi, à s’en tenir à ces observations, qu’Ambroise

avait peu de goût pour la réflexion spéculative, professait un profond mépris pour les philosophes en général, et considérait comme dangereuse, entre toutes, la seule école qui restât vivante au 1v® siècle : la néo-platonicienne. L'on ne s’est pas étonné, (1) E. Grzsow, La philosophie au Moyen âge, des origines patristiques à la fin du XIV® siècle, 2° édition. Paris, 1944, p. 112. Cet auteur a eu pourtant le grand mérite de discerner que les thèses d'Ambroise sur l’ « être » de Dieu étaient imprégnées de néo-platonisme ; cf. ci-dessous, p. 122. (On sait que M. Gilson a jugé sévèrement le livre de M. Arraric, dans Revue philosophique, t. LXXXVIII (1919), p. 503-505). (2) Tbid., p. 113. Points de vue analogues chez S. Vanni Rovicni, Le idee filosofiche di sant’ Ambrogio, dans Sant’ Ambrogio nel XVI centenario della nascità, Milan, 1940, p. 235-258 ; G.-M. CarnpanETo, Le opere oratorie di s. Ambrogio, dans Didaskaleion, pn. s., t. IX, 1930, p. 102 : « Saint Ambroise n’aimait pas s’entretenir de questions de philosophie spéculative » ; G. Barpy, L'entrée de la philosophie dans le dogme au IVe siècle, dans L'année théologique, t. IX (1948), p. 51 (à propos du De Spiritu sancto d’Ambroise) : « Tout révèle l'esprit d’un administrateur, et non celui d’un philosophe habitué aux spéculations métaphysiques ». (3) Réunis dans l’éd. Ballerini, t. IV, 905. (4) Auausrin, Contra Tulianum, II, 7, 19, P.L., 1. XLIV,

686

: « Audi

ergo quid dicat in libro De philosophia contra Platonem philosophum, qui hominum animas reuolui in bestias asseuerat et animarum tantummodo » deum opinatur auctorem, corpora autem diis minoribus facienda decernit. (5) Aucusrin, Epist. ad Paulinum Nolanum, XXXI, 8, dans C.S.E.L., Ambrosii LONDON IV 2 Up 08 2 écrite vers 396) : «Libros beatissimi papae credo

habere

sanctitatem

tuam ; eos

autem

multum

desidero,

quos

aduer-

Domisus nonnullos inperitissimos et superbissimos, qui de Platonis libris » scripsit. me copiosissi et sime diligentis num profecisse contendunt,

7

96

III. LA DÉCOUVERTE DU NÉO-PLATONISME CHRÉTIEN

dans ces conditionst, de voir le P. Henry, qui a si bien mis en

lumière l'influence de Plotin sur divers auteurs chrétiens des IVe et Ve siècles, ne déceler aucune

réminiscence

ou tendance

plotinienne chez Ambroise?. Puisque Ambroise n’est pas philcsophe, il devient même naturel de penser qu'il n’a joué, en dépit du témoignage répété d’Augustin, aucun rôle dans l’évclution philosophique du rhéteur milanais. Comment cet ennemi des Néo-platoniciens n’aurait-il pas, s’il avait exercé la moindre influence philosophique sur Augustin, cherché à le détourner du néo-platonisme, plutôt qu’à l’y convertir ? * *

*

I1 convient donc de contrôler soigneusement les renseignements que fournissent les Confessions sur les sermons prononcés par Ambroise en présence d’Augustin (PI. I). Avant la venue de Monique, Augustin déclare qu’il lui est arrivé d’aller écouter Ambroise, mais uniquement en amateur,

pour vérifier si sa réputation d'orateur était fondées. Il poussait alors l’éclectisme jusqu’à comparer, à part soi, le talent d’Ambroise avec

celui de l’évêque

manichéen

Faustus

de Milèves4

qu'il avait entendu prêcher à Carthageÿ. Depuis l’arrivée de Monique, Augustin a suivi régulièrement les sermons d'Ambroise, tous les dimanches, aux côtés de sa mère qui les écoutait avec ferveur6. De quels sermons s'agit-il ? Sur quelles matières ? Sont-ils conservés ? Autant de questions auxquelles il ne semble

pas qu’une réponse précise ait été fournie?. (1) Moi non plus, lorsque j’écrivais Les lettres grecques en Occident.

(2) Henry,

Plotin et l'Occident,

Louvain,

1934, index, s. u. Ambroise.

(3) Aucusrin, Conf., V, 13, 23, 20, p. 112 : « Et studiose audiebam disputantem in populo.…, quasi explorans eius facundiam, utrum conueniret famae suae an maior minorue proflueret, quam praedicabatur. » Le studiose ne prouve pas forcément qu'Augustin était assidü, comme traduit

Labriolle. (4) Tbid., ligne 26, Augustin jugeait les sermons d’Ambroise mais moins brillants que ceux de Faustus. (5) ATbid ERN,,3,,3 4h p.94: 5 (6) Zbid., VI, 3, 4, 7, p. 121

: «omni

die dominico.

plus savants,

»

(7) Je n'ai rien trouvé sur ce sujet dans les travaux suivants : P. AssLa8er, Die persünlichen Beziehungen der drei grossen Kirchenlehrer Ambrosius, Hieronymus

und Augustinus,

dans

Studien

und Mitteilungen

kirchengeschichtlichen Seminar der k. k. Univ. in Wien, 1908 ; A. Gemezzr, Sarl’ Ambrogio e sant’ Agostino, dans

aus

dem

t. IN, Vienne, Vita e pensiero,

LES SERMONS

SUR

L’'HEXAMERON

07

Au livre V des Confessions, Augustin déclare avoir été frappé

surtout par les explications symboliques de quelques sermons d'Ambroise, relatifs à des passages obscurs de l'Ancien l'estament ; il entrevit là peu à peu une réplique valable aux railleries des Manichéens1. I1 semble préciser que les paroles mêmes d'Ambroïise visaient directement les Manichéens’. Ceux-ci accusaient les Catholiques d’avoir une conception anthropomorphique de la divinité, parce qu’ils admettaient les passages de la Genèse sur l’homme jait à l'image de Dieu (Gen. I, 26 et IX, 6). Si l’homme était à l’image de Dieu, Dieu serait à l'image de l’homme et posséderait donc un corps humain ! Ambroise réfute ces calomnies par l'interprétation qu'il fournit du passage incriminé

; c’est l’âme humaine

seule, par sa

nature spirituelle, qui est l’image de Dieu3. Dans ces sermons sur l’Ancienne Loi et les Prophètes, Ambroise répétait volontiers la parole de saint Paul (21 Cor., III, 6) : « La lettre tue,

mais l'esprit vivifies. » tu. XXI (1930), p. 392-400 ; J, Davins, S. Augustinus en S. Ambrosius, dans Miscellanea Augustiniana, Rotterdam, 1930, p. 242-255. Le P. Boyer, op. cit., p. 52-55 et 114-119, s’est posé le problème, mais ne l’a guère résolu. (1) Aucusrin, Conf., V, 14, 24, 14, p. 113 : « ...maxime audito uno atque altero et saepius aenigmate soluto de scriptis ueteribus ubi, cum ad litteram acciperem, occidebar (cf. 11 Cor. III, 6). Spiritaliter itaque plerisque illorum librorum locis expositis, iam repreh-ndebam desperationem meam illam dumtaxat, qua credideram Legem et prophetas detestantibus atque irridentibus resisti non posse » ; cf. déjà De utilitate credendi, VIII, 20, p. 25,

45 : «et iam fere me commouerant nonnullae disputationes Mediolanensis episcopi, ut non sine spe aliqua de ipso Vetere Testamento multa quaerere cuperem, quae, ut scis, male nobis commendata execrabamur ». On remarquera, dans ces deux textes, les expressions : &« uno atque altero » et « nonnullae ». k L (2) Aucusrin, Conf., V, 14, 24, 22, p. 113 : « et ipsa (catholica) poterat habere doctos adsertores suos, qui copiose et non absurde obiecta refellerent.» (3) Zbid., VI, 8, 4, 11, p. 121 : « Vbi uero etiam conperi ad imaginem tuam hominem a te factum ab spiritalibus filiis tuis, quos de matre catholica per gratiam regenerasti, non sic intellegi, ut humani corporis forma determinatum crederent atque cogitarent, quamquam quomodo se haberet spi-

ritalis substantia, ne quidem tenuiter atque in acnigmate suspicabar, tamen vaudens

erubui

non

me

tot annos

catholicam

aduersus

fidem, sed

contra

défaeligin cogitationum figmenta latrasse » ; VI, 11, 18, 24, p. 136 : « Nefas habent .locti eius (catholicae fidei) eredere deum figura humani corporis

Lerminetum. » Cf. déjà De beata uita, 1, 4, p. 92,1 € Animaduerti enim €t sarpe in sacerdotis nostri ct aliquando in sermonibus tuis, cum de Deo cogitaretur,

nam

nihil

id est unum

omnino

in rebus

corporis

esse

proximum

cogitandum,

Deo.

neque

cum

de

(4) Conf., NI, 4, 6, 1, p. 123 : « Gaudebam etiam, quod

anima

,

»

Vetera

Scripta

;

08

III. LA DÉCOUVERTE

DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

Quels sermons d'Ambroise, prononcés entre 385 et 387, correspondent à ces indications ? Les travaux de Wilbrand et Palanque, relatifs à la chronologie ambrosienne, peuvent aider à les déterminert. Ambroise fait allus'on à la parole de saint Paul, une fois dans le Dc Tacob, qui est du début de 3862, une fois dans le De interpellatione Iob et Dauidi, et plusieurs fois dans l’Zn Lucam, qui sont de 3874. Dans l’Hexameron, Ambroise s'en prend nommément aux Manichéens5 ; il fournit un long Legis et prophetarum iam non illo oculo mihi legenda proponerentur, quo antea uidebantur absurda.. Et tanquam regulam diligentissime commendaret, saepe in popularibus sermonibus suis dicentem Ambrosium laetus audiebam : littera occidit, spiritus autem uiuificat. » (1) W. WiczsranD, Zur Chronologie einiger Schriften des hl. Ambrosius, dans Historisches Jahrbuch, t. XLI (1921), p. 1-19 ; PALANQUE, op. cül., Appendice III, dont les conclusions sont souvent reprises par F.-H. Duppen, Thelife and times of st. Ambrose, t. II, Oxford, 1935, p. 678-710. ALFARIC, op. cit.,p. 369,n.11,regrettait,en 1918,de ne pouvoir répondre à ces questions: « (Augustin) ne dit pas quels sont les livres de la Bible qu’expliquait devant lui l’évêque de Milan. D'autre part, la chronologie de l’œuvre ambroisienne (sic) est trop mal connue pour nous fournir aucun renseignement précis. » (2) Amsroise, De Ilacob, III, 13, éd. Schenkl, dans C.S.E.L., t. XXXIHI, 2, p. 40, 13 (à propos de Gen., XXVII, 40) : « seruit enim littera, libera est gratia ». PALANQUE,

op. cit., p. 444 et 515, a montré

que

ces

prédications

sont du début de 386. (3) Amgroise, De interpellatione Iob et Dauid, I, 5, 12, ibid., p. 217, 21 (à propos de Job IX, 5) : « Inueterauit littera.. ; euertit enim (Christus) et subruit intellectum secundum litteram et statuit intelligentiam spiritalem. Iutellectus ergo Legis ille carnalis euanuit : facta est spiritalis. » Ces homélies furent prononcées vers le 15 juin 387, selon PALANQUE, op. cit, 1p. 021: (4) Amsroise, In Lucam, III, 28 ; VI, 29 ; IX, 1 et 37, éd. Schenkl, dans C.S.E.L., t. XXXII, 4, p. 119, 3 ; 243, 21 ; 438, 8 ; 453, 2. La date de 387, préconisée par Wilbrand, paraît acceptable à PALANQUE, op. cit., p. 531, en ce qui concerne le livre III, quoiqu'il préfère 390. La référence à 11 Cor. III, 6, revient très fréquemment chez Ambroise, dans des ouvrages antérieurs à l’arrivée d’Augustin (De fide, III, 5, 37, P.L.,t. XVI, 597 À,et De spiritu sancto, II, 4, 30, P.L., t. XVI, 749 A), et dans ses commentaires sur les Psaumes, postérieurs au départ d’Augustin (Cf. C.S.E.L., t. LXII, p. 296, 26 ; 417, 1 ; 422, 7 ; LXIV, p. 134, 30 ; 301, 22 ; 308, 18) ; cf. aussi Epist. ad Irenaeum, LXXIV, 4, P.L., t. XVI, 1255 B ; l'interprétation littérale représente à ses yeux l'interprétation juive de la Loi, qui est périmée. (5) Amsroise, Hexameron, 111,7, 32, éd. Schenkl, dans C.S.E.L.,t. XXXII, 4, p. 80,16 = P.L.,t. XIV,169 A : «Manibussuis, ut legimus, teille formauit : et tu, Manichaee, alterum tibi asciscis auctorem. Pater Deus dicit ad Filium : Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram (Gen. I, 26); et tu, Photiniane, dicis quia in constitutione mundi adhuc non erat Christus.. » On trouvera d’autres références antimanichéennes d'Ambroise chez Azraric, Les Écritures manichéennes, leur constitution, leur histoire, Paris,

LES SERMONS

SUR

L’HEXAMERON

99

commentaire du verset de la Genèse (I, 26): «Faisons l'homme à noire image» ; ce verset ne signifie pas, assure-t-il, que Dieu ressemble à l'homme corporel, mais que l’homme ressemble à Dieu, incorporel et invisible ; le pluriel faciamus s'adresse, non aux anges, mais au Fils de Dieu, quoi qu’en pensent les Juifs, les Ariens et leurs semblablest : l’homme fait à l’image de Dieu est donc, par essence, non un corps fait de terre, dcué de

sens charnels, et soumis aux passions, mais une âme (anima) : car l'âme, par la force du vx (mentis uigore), est libre et franchit les distances ; nous avons beau nous trouver en Italie, nous voyons par la pensée les personnes de notre connais-

sance qui vivent au delà des mers, en Afrique par exemple? ; l’âme seule peut se joindre à Dieu, adhérer au Christ ; plus elle se sépare de la boue du corps et de la convoitise charnelle,

plus elle est libre dans ses recherches et conforme à Jésuss. Cette attention prêtée par Augustin aux sermers d’'Ambroise sur l’Hexameron me semble confirmée par un autre passage des Confessions. Lors même qu'Augustin concevait un Dieu qui ne serait susceptible ni de souillure, ni de chargement, déclare-t-ilé, il restait tourmenté

par le problème

de la cause

du mal : « Et je faisais effort pour bien comprendre la doctrine que j'entendais exposer sur le libre choix de nos volontés, cause 1918, p. 114, n. 3. Dans le De paradiso, VIII, 38, éd. Schenkl, dans C.S.E.L., t. XXXII, 1, p. 294,15 = P.L., t. XIV, 291 D (en 377), Ambroise attaque les hérétiques « qui Vetus non recipiunt Testamentum » ; cf. aussi In Ps., CXVIII, sermo V, 23, P.L., t. XV, 1258 D. (1) Ammroise, Hexam., VI, 7, 40, p. 231, 15 = P.L., t. XIV, 257 A et suiv. ALFARIC, L'évolution intellectuelle de saint Augustin, p. 368, n. 2, notait déjà ce rapprochement, mais croit l’Hexameron de l’an 389. (2) Zbid., VI, 8, 45, p. 236,2 — P.L.,t. XIV, 259 C : « Ecce nunc sumus in Italia. et illos uidemus qui degunt in Africa, si quos cognitos nobis ea terra susceperit. » On remarquera l'intérêt de l’allusion, si Ambroise sait qu’il a des Africains dans son auditoire. Dans le De quantitate animae, V, 8, P.L., t. XXXII, 1040, écrit à Rome à la fin de 387, Augustin remploie l'argument à l’usage d'Évodius : « Meministine tandem urbis Mediolanensis ? — Valde memini.. — Nunc ergo cum oculis non uideas, animo uides. » Sur la définition du voÿs, organe de ressemblance entre l’homme et Dieu, ef. Amsroise, Epist. ad Horontianum, XLII, 14-15, PL A XNE, 1133 C. (3) Tbid., VI, 8,46, p. 237, 12 = P.L.,t. XIV, 260B:« Melius enim quaerit ista, si sola sit, ahducens se a corporis cneno et a cupiditate carnali. » (4) Aueusrin, Conf., VII, 3, 4, 1, p. 148 : « quamuis incontaminabilem et inconuertibilem et nulla ex parte mutabilcm dicerem firmeque sentirem dominum

nostrum,

deum

uerum...

»

100

III. LA DÉCOUVERTE

DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

de nos fautes, sur l'équité de vos jugements, cause de nos souf-

francest. » M. Alfaric concède que «ce propos peut être d'Ambroise ». C’est en effet l’un des principes essentiels de la doctrine ambrosienne, comme l’a montré Huhn3. Des nombreuses références alléguées, l’une surtout me semble digne d’être x

retenue

: celle du commentaire

sur l’Hexameron ; car il s’agit

d’un développement expressément antimanichéent, prononcé pendant le séjour d'Augustin, et qui coïncide avec ses propres expressions : Augustin, après avoir oui ce sermon, découvrit, en’ s’examinant, la certitude intuitive que c'était lw1, et non

pas #n autre, qui était cause de vouloir ou #e vouloir pas le péché5. Le développement d'Ambroise s’opposait très exactement à l’une des croyances manichéennes d’ Augustin, qui consistaità s’excuser, en accusant une nature étrangère qui pèche à notre places. (1) Zbid., VII, 3, 5, 1, p. 149 : « Et intendebam, ut cernerem quod audiebam, liberum uoluntatis arbitrium causam esse, ut male faceremus, et rectum iudicium tuum, ut pateremur. » (2) Azraric, op. cit., p. 370, n. 5, renvoyantà In Lucam, VIII, 36, p. 408 4e (3) J. Huun, Ursprung und Wesen des Bôüsen und der Sünde nach der Lehre des Kirchenvaters Ambrosius, dans Forschungen zur christlichen Literaturund Dogmengeschichte, t. XVII, 5, Paderborn, 1933, p. 33-39.

(4) Amsroise, Hexam., I, 8, 30, p. 30, 3 : « Quomodo ei initium a domino damus ?.… hinc pestis illa Manicheorum funesta sanctorum mentibus temptauerunt inferre contagia.… Quid ergo dicunt quod Deus creauerit melum ? » D'après Ambroise, les Maniche 5 soutiennent que, selon les Catholiques, Dieu aurait créé le mal. (5) Zbid., 1, 8, 31, p. 31, 11 : « non igitur ab extraneis «st nobis, quam a nobis ipsis maius periculum » ; p. 32, 16 : « Quorum igitur nos sumus domini, horum principia extrinsecus non requiramus nec diriuemus in alios, sed agnoscamus va quae propria nostra sunt. Qued enim possumus non facere si nolimus, huius electionem meli nobis potius debemus, quem aliis escribere » ; cf. AucusrTin, Conf., VII, 3, 5, 7, p. 149 : « Subleuak:at enim me in lucem tuam,

quod tam

scicbam

me habere

uoluntatem,

quam

me uiuere.

Itsque,

cum aliquid uellem aut nollem, non alium quam me uelle ac nolle certissimus er:m et ibi esse causam peccati iam iamque arimeduertebam. » Ambroise parle aussi du libre-arbitre dans le De Iacob (février 386), I, 1, p.3, 10ct I, 10, p. 10, 9,et dans le De Isaac, 61, p. 686, 4. Tout cvei me peraît provenir de Plotin qui, tout en admettant la formule de Platon : « Nul n’est méchent volontsirement », maintient la responsabilité personnelle, Enn.1IlIlI, 2 10,8, éd. Bréhier, t. III, p. 38: « Toùro Oè oùx dvaupet T0 ab tobs tros rpétrovtas rap”

adt@v elva, 4 Bet adtoi

rotodot, da toto xai à Ü t oi amaptrévouotv' 7 oùD’ av

GÂwç fuaptov un adtoioi roubvres Ovtes. To DE rs avdyans où» ÉEwôev»; cf. aussi Enn., VI, 8, 6, 26,t. VI, 2. p. 140; Gréc. Nyss., P.G., t. XLV, 25 À. (6) AMBROISE,

Hexam.,

I, 8, 31, p. JA LR

Quid alienam

naturam

accer-

LES SERMONS

SUR

L'HEXAMERON

IOI

Les sermons sur l’Hexamcron, selon Wilbrand, datent de l'an 386 ou 3871. Selon M. Palanque, ils ont été prononcés

pendant la semaine sainte de l’an 3872. Il montre bien, en effet, que ces neuf sermons se répartissent sur six jours consécutifs, à raison d’un ou deux sermons par jour, et qu’ils ont été prononcés pendant la dernière semaine de Carêmes3. Je suis moins sûr des arguments apportés en faveur de l’an 387. « Quant à l’année, écrit M. Palanque#, nous pouvons affirmer que c’est après 386, puisqu'il est question du chant des hymnes et de la fin des persécutions. » Maïs l’allusion au chant des hymnes se conçoit fort bien si l’Hexameron a été prononcé au cours de la semaine sainte 386, puisque c’est en février qu’eut lieu le premier emploi des hymnes par Ambroise5 ; d'autre part, le passage où M. Palanque croit voir une allusion à la fin des persécutionsé ne concerne en rien la victoire remportée par Ambroise sur l’impératrice arienne Justine : c’est une vue théorique suggérée par un verset de la Genèse (I, 9 : congregetur aqua) :

l'Église catholique est le grand fleuve où doivent venir se fondre les Gentils et les hérétiques. Comment Ambroise pourrait-il prétendre, en 387, qu'il n’y a plus ni païens, ni hérétiques ? Pour leur datation, ni Wilbrand, ni Palanque n'ont tenu compte du témoignage d’Augustin. Ce témoignage permet de sis ad excusationem tuorum lapsuum ? quid naturam accusas, o homo ? ». Augustin paraît avoir en mémoire ce sermon, lorsqu'il décrit quel était son état d'esprit manichéen à Rome, Conf., V, 10, 18, 9, p. 107 : « Adhuc enim mihi uidebatur non esse nos, qui peccamus, sed nescio quam aliam in nobis peccare naturam... Excusare me amabam et accusare nescio quid aliud, quod mecum

esset et ego non essem »; cf. VIII, 10, 22, 19, p. 194 : « Ego

eram, qui uolebam, ego, qui nolebam.…. et ipsa dissipatio me inuito quidem fiebat,nectamen ostendebat naturam mentis alienae, sed poenam meae.» (4) WizBraAND, art. cité, p. 8-9. (2) PALANQUE, op. cit., p. 519. (3) Un indice dont il n’a pas tenu compte et qui devrait permettre de contrôler cette datation est le texte d'AmBroiïse, Hexam., VI, 8, 48, p. 239, 5 : « Vnde bene lectum est hodie : Vulpes foueas habent, et uolucres caeli nidos, » ubi requiescant ; Filius autem hominis non habet ubi caput suum reclinet. saint samedi le faisait-elle se 58) IX, Luc, — 20 VIII, (Mat., Cette lecture à Milan ? Les savants liturgistes que j'ai consultés n’ont melheureusement pu me renseigner sur ce point. (4) Tbid., p. 520. (5) Voir ci-dessous, p. 139. C : « Ex (6) Ausroise, Hexam., III, 1, 3, p. 60.17 = P.L., t. XIV, 156 » . catholicus populus omni igitur ualle congregatus est

102

III. LA DÉCOUVERTE

DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

décider entre 386 et 387. Il est invraisemblable, en effet, qu’Augustin ait attendu la semaine même de son baptême, en 387, pour renoncer aux griefs manichéens contre la conception catholique de la divinité et du libre arbitre. Nous pouvons donc retenir comme très probable que, le lundi saint 30 mars et le samedi saint 4 avril 3861, Augustin a été intimement touché par les sermons d'Ambroise relatifs au libre arbitre et à la nature incorporelle de Dieu. Ainsi,

l'influence

des

sermons

d’Ambroise

n’a

commencé

de devenir sensible qu’au bout de plus d’un an, lors de la semaine sainte

386.

Elle

reste

surtout

négative,

antimanichéenne

Augustin voit tomber les principaux obstacles que le manichéisme avait dressés en lui contre le catholicisme. Sur ces décombres, s’échafaude lentement une doctrine nouvelle, d’crdre

à la fois exégétique et philosophique. Du point de vue exégétique, Augustin se persuade que l’Ancien Testament présente moins d’obscurités et de difficultés, si l’on considère que le Nouveau en fournit la clé. Dans ce cas, il devrait être regardé comme un texte sacré, en dépit des Manichéens. Augustin n’est d’ailleurs pas encore convaincu sur le fond, c’est-à-dire sur l’unité de la Révélation : la doctrine

de Paul ne lui semble pas pouvoir s’accorder avec le témoignage

de la Loi et des Prophètess.

Au point de vue philosophique, Augustin s'oriente vers un système qui affirme la spiritualité de Dieu et de l’âme, et le libre arbitre humain. Mais il n’a encore, à cette date, aucune (1) La démonstration de PALANQUE, op. cit., p. 438 et 519, selon laquelle le livre I, 25-38 de l’Hexameron constitue le deuxième sermon, et le livre VI le neuvième sermon, prononcé le dernier jour de la semaine sainte, reste intacte, et entraîne cette conséquence pour 386. (2) On notera que,dans le texte d'Augustin cité ci-dessus, p. 97,n.1,la terminologie est ambrosienne comme l’idée ; cf. p. ex. AMBRoIïsE, De paradiso, IT, 7, p. 268,5, et In Ps. CXVIII,-Sermo VIII, 59. P.L., t. XV, 1320 A (en 389/390) : « Multa obscuritas est in scripturis propheticis, sed si manu quadam mentis tuae Scripturarum ianuam pulses, et ea quae sunt occulta diligenter examines, paulatim incipies rationem colligere dictorum, ...quia solus dominus Jesus in Euangelio suo prophetarum aenigmata et Legis mysteria reuelauit : solus clauim scientiae detulit. » (3) Cet accord ne lui sautera aux yeux qu'après la lecture des livres néoplatoniciens ; cf. Conf., VII, 21, 27, 1, p.170 : « Itaque auidissime arripui uenerabilem stilum spiritus tui et prae ceteris apostolum Paulum, et perierunt illae quaestiones, in quibus mihi aliquando uisus est aduersari sibi et non congruere testimonis Legis ct Prophetarum textus sermonis eius. »

LES SERMONS

SUR

L'HEXAMERON

103

lumière sur ce que peut être la notion de substance spirituelle. *

*

*

Il cherche pourtant, par observation personnelle, à se faire | quelque idée de la nature de l'âme. Il se préoccupe d’abord du |

problème des songes à valeur

divinatoire. À sa demande,

sa mère, soucieuse de le marier, prie la divinité de lui faire connaître,

au moyen

d’une

vision,

l'avenir

de son

fils : elle

est en proie à de nombreux cauchemars, mais assure à Augustin qu'à une saveur spéciale, impossible à expliquer avec des mots, elle se rend compte que ces songes ne sont pas une révélation divine, comme d’autres qu’elle a eus. Augustin s’intéresse vivement à la question et conduit une véritable enquête sur les faits relatifs aux songes. I1 n’en dit rien dans les Confessions, mais rappelle beaucoup plus tard, vers 421, l’un des cas observés à Milan :

« Quand j'étais à Milan, j'ai entendu rapporter le cas que voici : On réclamait à un homme le montant d’une dette, en produisant l'engagement qu'avait signé son père, de son vivant. La dette avait

été acquittée déjà par le père, à l'insu du fils. Notre homme s’attriste et s'étonne que son père, à sa mort, n’ait point mentionné de dette, alors qu’il avait fait un testament. Dans son angoisse, il vit son père lui apparaître en songe et lui indiquer où se trouvait la décharge qui

avait

annulé

repoussa

l’engagement.

l'accusation

Il découvrit

cette

calomnieuse, et même

pièce, la produisit,

récupéra

l'engagement

signé de la main de son père, que celui-ci n’avait pas récupéré lorsqu'il avait remboursé la somme. »

Augus!in a d’abord partagé l’opinion commune, selon laquelle l'âme du père, soucieuse de son fils, est venue le trouver dans

son sommeil pour le délivrer de ses soucis, en fournissant le renseignement qui lui manquait. Il ne devait changer d’avis qu'un peu plus tard, à son retour en Afrique ; il eut,en effet, la surprise d'apprendre que, tandis qu'il séjournait à Milan, sa propre image était apparue en songe à son ancien élève Eulogius, devenu rhéteur à Carthage ; celui-ci, qui préparait son cours du lendemain

sur

la Rhétorique

de

Cicéron3,

s'était

trouvé

(1) Ci. ci-dessus, p. 97, n. 3 : « quomodo se haberet spiritalis substantia, ne quidem tenuiter atque in aenigmate suspicabar. » (2) Aucusrin, Conf., VI, 13, 23, 7, p. 139 : « Cum sane et rogatu meo et desiderio suo forti clamore cordis abs te deprecaretur cotidie, ut ei per uisum ostenderes aliquid de futuro matrimonio meo, numquam uoluisti.. »

(3) Que sont ces libri rhetorici ? Sans doute le De inuentione.

III. LA DÉCOUVERTE DU NÉO-PLATONISME CHRÉTIEN

104

incapable d'expliquer un passage obscur, avait eu un som meil agité au cours duquel Augustin lui était apparu en songe et l'avait tiré d'embarras. Or, Augustin se rappelle très bien qu’à Milan,

à cette date, il ne se souciait nullement

d’'Eulo-

gius et n’a eu aucune idée de l'embarras où celui-ci se débattait. Les deux cas semblent apparentés ; Augustin en conclut alors qu’il n’y a pas non plus lieu de supposer, dans le cas précédent, que le père défunt se soit occupé de son fils. Du reste, Augustin lui-même, s’il en était ainsi, ne verrait-il pas en songe, chaque nuit, Monique, qui, de son vivant, l’a suivi partout? ? A Milan, Augustin s’entretint sans doute de ces questions avec son ami Nebridius : car, de retour en Afrique, ils allaient (1) Aucusrin, De cura pro mortuis gerenda, XI, 13, éd. Zycha, dans C.S.E.L., t. XLI, p. 641, 13 (= P.L., t. XL, 601) : « Sic autem infirmitas humana

sese

habet,

moriens

non

dixerit,

ut, cum

mortuum

in somnis

quisque

uiderit,

ipsius

animam se uidere arbitretur, cum autem uiuum similiter somniauerit, non eius animam neque corpus, sed hominis similitudinem sibi adparuisse non dubitet, quasi non possint et mortuorum hominum eodem modo nescientium non animae, sed similitudines adparere dormientibus. Pro certo, cum Mudiolani essemus, audiuimus quod cum debitum repeterctur a quodam defuncti patris cautione prolata, quod filio nesciente a patre iam fuerat persolutum, contristari homo grauissime coepit atque mirari, quod ei pattr quid deberet,

cum

fecisset etiam

testamentum.

Tunc

ei nimis anxio adparuit idem pater eius in somnie, et ubi esset recautum, quoilla cautio uacuata fuerat, indicauit. Quo inuento iuuenis atque monstrato non solum falsi debiti calumniam propulsauit, sed etiam patcrnum recepit chirographum, quod pater non receperat, quando est pecuria persoluta. Hic utique putatur anima hominis curam gessisse pro filio et ad eum

uenisse dormientem,

ut docens,

quod ignorabat, magna

molestia libe-

rarct. Sed eodem ipso ferme tempore, quo id audiuimus, id est nobis apud Mediolanum constitutis, Carthaginis rhetor Eulogius, qui mtus in eadem arte discipulus fuit, sicut mihi ipse, posteaquam in Africam remeavimus, retulit, cum rhetoricos Ciceronis libros discipulis suis traderet, recensers lectionem, quam postiidie fuerat traditurus, quendam Jocum offerdit obscurum, quo non intellecto uix potuit dormire sollicitus. Qua nocte somnianti ego illi quod non intellegebat exposui, immo non ego, sed imago mca nesciente me et tam longe trans mare aliquid aliud siue agente siue somniante et nihil deillius curis omnino curante. Quomodo fiant ista, nescio ; sed quomodolibet fiant, cur non eodem modo fieri credimus, ut in somnis quisque uideat mortuum, quomodo fit, ut uideat et uiuum ? ambobus utique nescientibus neque curantibus, quis uel ubi uel quando eorum imagines som-

animae F2) Ibid, XIII, 16, p. 647, 15 : « Si rebus uiuentium interessenint somnis ;

mortuorum, et ipsae nos, quando eas uidemus, adloquerentur quae terra ut de aliis taceam, me ipsum pia mater nulla nocte desereret, feliciore marique secuta est, ut mecum uiueret. Absit enim, ut facta sit uita filium tristem nec meum, cor angit aliquid quando ut, adeo, crudelis usque consoletur, quem dilexit unice, quem nunquam uoluit maestum uidere. »

LES SERMONS

SUR

L'HEXAMERON

105

poursuivre une correspondance sur les images des songes; Augustin termine cet échange de vues en déclarant qu'il y aurait encore beaucoup à dire sur le problème des songest. Il continua de collectionner des témoignages sur les songes pour Évodius, un autre de ses anciens compagnons milanais?. Dès le temps du séjour romain de 387-388, il rappelait à celui-ci une observation psycholegique qu'ils avaient faite à Milan 2: N'as-tu pas vu, à Milan, un adolescent d’un physique agréable, d’une politesse exquise, mais qui, sourd-muet, ne comprenait et ne

s'’exprimait que par gestes ? Il est bien connu.

»

Évodius répond qu’en effet il l’a bien connu ; Augustin évoque encore le cas d’un couple de paysans normaux, mais dont les nombreux enfants étaient sourds-muets. En réfléchissant sur ces cas, il s’est convaincu que l’âme se développe, non par voie de croissance, comme

prétendent certains, mais par art d’imi-

tations. On voit par ces exemples quel retentissement les sermons d'Ambroise relatifs à la nature spirituelle de l’âme eurent sur l'esprit d'Augustin. Enccre à peine initié à la doctrine, notre apprenti spiritualiste se livre sans grande méthode à desenquêtes personnelles et met à profit, par réflexion, les cas psychologiques que les hasards lui soumettent. Quelle est donc cette philosophie dcrt les sermcns d'Ambroise ont, les premiers, révélé l'existence au rhéteur milanais ? Et comment, en l'espace (1) Aucusrin, Epist. ad Nebridium, IX, 5, dans C.S.E.L., t. XXXIV, 1, p. 22, 12 : « Possunt latissime ista tractari et multis rerum testimoniis ad certiorem plenioremque perduci notitiam. Sed huic epistulae adiunge illam quam tibi nuper de imaginibus et de memoria misi » ; cf. Epist., VII et VIIL (2) Aucusrin, Epist. ad Euodium, CLIX, 3, éd. Goldbacher, dans C.S. E. L.,t. XLIV, p. 500,5 (= P.L.,t. XXXIII, 699), lui apprend en 413 qu'il a interrogé récemment un clerc de Carthage, Gennadius, ancien médecin à Rome, sur un songe que Gennadius a eu dans son adolescence. (3) Aucusrix, De quantitate animae, XVIII, 31, P.L., t. XXXII, 1052 : « Itane tu non uidisti Mediolani adolescentem honestissimi corporis et elealios gantissimae urbanitatis, mutum tamen atque ita surdum, ut neque ? nisi motu corporis intelligeret, neque ipse aliter, quae uellet, significaret de Hic enim est notissimus. Nam ego noui rusticeum quemdam loquentem, quatuor fere.. (non enim loquente uxore, filios omnes mares atque feminas quod loqui satis nunc commemini) mutos surdosque genuisse. Nam ex eo , colligebant oculis nisi signa nulla quod autem eo ex muti; non poterant, nescio istis de noui,et bene ego uero Illum etiam surdi intelligebantur. —

quibus credo tibi : sed quorsum ista ?.. » Addendum,

ci-dessous, p. 263.

106

III, LA DÉCOUVERTE

DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

de quatre mois, Augustin a-t-il pu se persuader que cette philosophie était véritable, et susceptible d’un accord avec le catholicisme ?

II

LES SERMONS DE ISAAC VEL ANIMA ET DE BONO MORTIS

\

La chose reste inintelligible, si l’onrefuse de voir en Ambroise

‘un philosophe. Mais je me suis convaincu, en lisant ses œuvres, qu’il a eu entre les mains plusieurs traités de Plotin, et sans doute aussi de Porphyre, et qu’il fait siennes plusieurs de leurs théories. A titre de fil directeur, il vaut la peine de se reporter

aux références platoniciennes indiquées dans le Corpus de Vienne. L'éditeur Schenkl pensait qu’Ambroïise avait lu Platon dans le textet. Depuis, Wilbrand a très bien montré que Piaton n’est pas la source directe ; il a conjecturé que l'intermédiaire était tel commentaire perdu d’Origènez. Il a peut-être raison pour certains passages, mais non pour tous. En effet, il n’a pas pris la peine, à titre de contre-épreuve, de confronter le texte

, d’Ambroise avec celui des Ennéades. Or, il existe des parallèles \ frappants, qui n’ont jamais été aperçus, notamment dans le De Isaac uel anima et le De bono mortns. Sur un point seulement, une parenté d'idées a été signalée par Huhn entre Ambroise et Plotin. I/un des thèmes fonda* mentaux du De Isaac est que le mal est une privation du bien ; cette idée se retrouve dans le traité de Plotin De l’origine des maux. Mais, loin de croire qu'Ambroise ait lu ce traité, Huhn voit là un lieu commun philosophique et suppose qu’Ambroise tient cette idée de quelque Père grec$. Il s’agit pourtant d’un parallèle textuel presque littéral : (1) Schenkl, dans C.S.E.L., t. XXXII, 1, p. xxxr-xxxur. (2) W. WizsranD, Ambrosius und Plato, dans Rômische

t. XXV, 1911, p. 42*-49*. (3) J. Huun, op. cit., p. 47 et n. 1.

Quartalschrift,

LES

PLOTIN,

SERMONS

Ennéades,

piétrshe

DE

I, 8,

ISAAC

14,

1,

« Discerner la nature du bien est donc nécessaire à qui veut apprendre à connaître ce qu'est le mal. Disons maintenant quelle est la

nature du bien, autant du moins qu'il est utile pour notre discussion actuelle. C’est la réalité à laquelle tous les êtres sont suspen-

dus, vers laquelle ils tendent tous, qui est leur principe et dont ils ont tous besoin. Mais lus, échappant à tout besoin et se suffisant à lui-même, est la mesure et la limite de toute chose ; de lui

viennent l'Intelligence et l'Être, l'Ame et la Vie, l’activité intellectuelle qu’il donne aux choses. » Comme

Plotin,

Ambroise

ET

DE

BONO

107

MORTIS

AMBROISE, De DA685 1

Isaac,

VII,

61,

« Qu'est-ce que la malice, sinon

le manque de bien ?.. Des biens sont donc issus les maux ; car les maux n'existent que s’il y a pri-

vation des biens. ...Le manque de bien est la racine de la malice et c'est par la définition du bien que l'on découvre ce qu'est le mal. Le Bien échappe à tout besoin, se suffit à lui-même, donne à toute chose

la mesure et la perfection, la fin aussi. En lui sont tous les êtres ; à lui tous les êtres sont suspendus. Telle est la nature du Bien, qui emplit l'intelligence. »

définit le mal par son

le Bien, qui est l’unique réalité. Tous

contraire,

deux caractérisent

le

Bien dans les mêmes termes.

Ce court parallèle pourrait paraître un hasard, s’il était un fait isclé. Mais les dernières pages du De Isaac d’Ambroise sont, sans doute possible, une paraphrase textuelle, souvent même une traduction littérale, des trois derniers chapitres du traité

de Plotin Sur le Beau. Que l’on en juge: PLOTIN, TOI

Enn.,

FE

6,

GT

49,

P.

:

AMBROISE, De Isaac, VIII, 78, éd. Schenkl, dans C.S.E.L., t. XXXII,

« La laideur,

pour l'âme,

de n'être ni propre,

c’est

ni pure, de

même que pour l'or, c'est d’être plein de terre : st l’on enlève cette terre, l'or reste, et il est beau. » 1, 6, 7,1, p. 103 : « Il faut donc remonter vers le Bien, vers lequel

tendent toutes les âmes. Si on l’a vu, on sait ce que je veux dire et en quel sens il est beau. Comme Bien, il est désiré et le désir tend

1, p. 696, 22 :

« Prenons donc des ailes aptes, comme les flammes, à monter vers les régions supérieures. Que chacun dépouille son âme des vêtements sales, et, comme on éprouve l'or par le feu, qu’il nettoie la boue de

son

âme.

Car

l'âme

se

purifie

comme le bel or. La vertu sans fard fait la beauté de l'âme, et la connaissance des réalités d’en haut est son ornement véritable,

(1) Pour les textes de Plotin, je suivrai la trad. Bréhier, sauf de minimes retouches. On trouvera tous les textes originaux, grecs et latins, mis en parallèle dans mon article Plotin et saint Ambroise, dans Revue de philologie, t. LXXVI, 1950, p. 31-45.



1]

FE

III, LA DÉCOUVERTE

108

DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

vers lui ; mais seuls l’obtiennent

en sorte qu'elle voie le Bien doni

ceux qui montent vers la région supérieure, se tournent vers lui et

de personne ; de qui elle reçoit la

se dépouillent des vêtements qu'ils ont revêtus dans leur descente, comme

ceux qui montent vers les

sanctuaires des temples doivent se purifier, quitter leurs anciens vêtements et y monter dévêtus, jusqu'à ce que, ayant abandonné dans cette montée tout ce qui était étranger

à Dieu,

on

voie seul à

seul, dans son isolement, sa simplicité et sa pureté, l'être dont tout dépend, vers qui tout regarde, par

qui est l'être, la vie et l'intelligence. Car il est cause de la vie, de l’intelligence et de l'être. Si on le voit, cet être, quel amour et quels désirs ressentira-t-on, en voulant s'unir

à lui ! Quel étonnement accompagné de quel plaisir ! Car celui qui ne

l'a pas encore

vu

peut tendre

vers lui comme vers un bien, mais à celui qui l’a vu il appartient de l'aimer pour sa beauté, d’en être

empli d’effroi et de plaisir, d’être en une stupeur bienfaisante, de l’aimer d’un véritable amour avec

tout dépend,

mais qui ne dépend

vie et l'intelligence. Car il est source de vie, ce souverain bien qui nous fait ressentir amour et désir. S'en

approcher et s'unir à lui est plarsir. Car celui qui ne l'a pas encore vu tend vers lui, mais celui qui l’a vu en est empli ; aussi se moque-t-1l

de tout le reste, mais goûte caresse et plaisir. Ce Bien fournit à toutes choses l'être ; il donne tout à autrui, en restant en lui-même, sans rien recevoir en lui d'autrui.

C’est lui dont le Prophète dit : « J'ai dit à mon seigneur ; tu es mon Dieu, tu n’as pas besoin de mes biens.» (Ps. XV, 2). C’est lui

seul qu’il a désiré voir, comme il dit ailleurs : « Je demande au Sei-

gneur une seule chose, je la désire ardemment : je voudrais habiter tous les jours de ma vie dans la maison du Seigneur, voir sa délec-

tation et contempler son sanctuaire. » (Ps. XX VI, 4).

des désirs ardents, de se moquer des autres amours et de mépriser les

prétendues beautés d’auparavant ; c'est ce qu'éprouvent tous ceux qui ont rencontré des formes divines ou démoniaques et n’admettent plus désormais la beauté des autres corps.

Que croyons-nous qu'ils éprouveraient, s’2/s voyaient le Beau en soi dans toutes sa pureté, non pas celui qui est chargé de chair et de

corps, mais

celui qui, pour être

tout à fait pur, est au-dessus de la terre et du ciel ? Toutes les autres beautés sont acquises, mélangées et non pas primitives; et elles viennent de lui. Si donc on le voyait, lui qui fournit la beauté

à toute chose, mais qui la donne en restant en lui-même sans vien recèvoir en lui, si l’on restait dans

Si donc on a mérité de voir cet être

absolument

pur

et incorporel,

qu'est-ce qui manquerait encore ? Saint Pierre a vu la gloire de la résurrection du Christ, et refusait de descendre de la montagne en disant : « Seigneur, il nous est bon d’être ici. » (Mat., XVII, 4). Combien plus incomparable est la gloire de la divinité et sa « lumière inaccessible » (71 Tim., VI, 16) ? Quand on l'a vue, que pouryait-on désirer d'autre ?, Ni royaumes, ni richesses, ni magistratures, ni gloi-

LES

SERMONS

DE

ISAAC

cette contemplation en jouissant de lui, quelle beauté manquerait encore ? Car c’est lui la véritable et première beauté qui embellit ses propres amants et les rend

dignes d’être aimés. Ici s'impose

ET

DE

BONO

MORTIS

109

re, ni pouvoir. Car jouir de ces privilègesne constitue pasle bonheur, mais jouir du Bien est bonheur, en sorte que, grâce au mépris de ces privilèges, on reste tourné vers

Zuwi. »

à l'âme la plus grande et la supré-

me lutte pour laquelle elle donne tout

son

effort,

afin de

ne

pas

être sans part à la meilleure des visions ; s2 elle

y arrive,

elle

est

heureuse grâce à cette vision de bonheur ; celui qui ne la rencontre pas est le vrai malheureux. Car celui

qui ne rencontre pas de belles couleurs ou de beaux corps n’est pas plus malheureux que celui qui n’a pas le pouvoir, les magistraitures ou la royauté ; le malheureux,

c'est celui qui ne rencontre pas le Beau, et lui seul ; pour l’obtenir, il faut laisser là les royaumes et la domination de la terre entière, de la mer et du ciel, si, grâce à l'abandon et au mépris de ces privilèges, on peut se tourner vers

lui pour le voir. »

On le voit, Ambroïse imprime au texte de Plotin la marque de son génie littéraire en traduisant souvent un terme grec par deux synonymes latins, ou inversement. Mais d’un bout à l’autre du chapitre, comme ce sera le cas pour les chapitres postérieurs, il suit, sans doute possible, le fil de la pensée plotinienne. Il s’est contenté de relier le développement sur la montée de l’Âme vers les régions supérieures, avec la métaphore, ellemême platonicienne, des aïles de l’âmet ; il a, d’autre part, relié ce début du chapitre 7 de Plotin avec le passage du chapitre 5, où la purification de l’âme était comparée à l'épreuve par laquelle l’or est débarrassé de sa gangue. On notera que l’allusion plotinienne à une expérience personnelle de l’extase a disparu chez Ambroise, ainsi que la proposition relative aux vêtements revêtus lors de notre descente dans le corps, et la (1) Sur cette métaphore, cf. A. D’ALËs, Les ailes de l’âme, dans Ephemerides theologicae Louanienses, t. X, 1933, p. 63-72 ; P. CourcEeLLe, Quelques

symboles funéraires du néo-platonisme latin, dans R.E.A., t. XLVI, p. 66-73.

1944,

III, LA DÉCOUVERTE

IIO

DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

comparaison avec les hommes qui montent vers les sanctuaires en vue

de l'initiation

aux

mystères.

Ambroise

conserve

très

fidèlement l’idée de l'ascension de l’âme, purifiée parce qu'elle a dépouillé ses vêtements, en vue de voir le Bien dont tout dépendi. Plotin faisait de cet Être suprême la cause de la vie, de l'intelligence et de l'être; Ambroise reproduit les trois termes, mais en réservant le troisième pour une phrase suivante. Il admet tout ce que dit Plotin sur les sentiments d'amour et de désir que cet Être inspire, avant qu'on ne l'ait vu, sur le plaisir que cause l’union avec lui?, en sorte que l'on méprise tout le restes. Mais il substitue à tous les termes plotiniens qui exprimaient l’effroi sacré ou la stupeur provoqués chez le myste par l’extase, la simple notion d’une présence intérieures. De même, Dieu n’est plus dit « cause de la vie » comme chez Plotin, mais «source de vie»comme dansles Psaumes(XXXV, 10).

Les bienfaits de cet Être et le désir de vision qu’il inspire sont illustrés, chez

Ambroise,

par

deux

références

bibliques,

aux Psaumes XV et XXVI. La phrase plotinienne relative à la Beauté première qui embellit ses propres amants est interprétée à la lumière de la doctrine de la Grâce et du libre arbitre, comme si cette vision pouvait être méritée (meruerit)5. Plotin indiquait que l’homme peut rester dans la jouissance de cette contemplation ; Ambroise illustre cette pensée par la parole de saint Pierre, lors de la Transfigurationf, et par celle de saint (1) Ambroise ajoute : « mais qui ne dépend de personne ». (2) Zvuyxepaohivar est dédoublé en appropinquare et misceri. (3) Là où Plotin redoublait l'expression : xatayeAäv xai... xatappovetv, Ambroise simplifie en despicit ; de même, à la fin du chapitre, xatakxuv.. xai ôrepudwv est simplifié en despiciens ;au contraire, Ambroise a rendu 5dovi par deux

verbes

: mulcetur et delectatur.

(4) Inest est substitué à O@déu6ovs riur\aoôat. Ambroise n’a pas rendu éxrhayein, ExrAftreoôar. (5) Cf. aussi AmBroise, De fuga saeculi, I, 1, dans C.S.E.L., t. XXXII, 2, p. 163, 13 : « .….ipsoque in tempore quo eleuare mentem paramus, insertis inanibus cogitationibus ad terrena plerumque deicimur. Quis autem tam beatus, qui in corde suo semper ascendat? Sed hoc sine auxilio divino qui fieri potest ? nullo profecto modo. » Texte cité par AuGusTin, Contra duas epist. Pelag., IV, 1 et De dono perseuerantiae, XIII, 33. (6) Même allusion à la scène de la Transfiguration et à la possibilité de la vision extatique, chez JÉRÔME, Epist. ad Rufinum, III, 4, 23, éd. Labourt, Paris, 1949, p. 13 (écrite en 375), à propos de son ami Bonose qui vit retiré dans une île : « (Bonosus) solus ibi... uidet gloriam Dei, quam etiam apostoli nisi in deserto non uiderant... Fortasse ad cxemplum Iohannis aliquid uidet, dum in insula commoratur.

»

LES SERMONS DE ISAAC ET DE BONO MORTIS

III

Paul sur la lumière inaccessible. I1 reprend textuellement le développement de Plotin sur la béatitude que procure cette vision, Cpposée au faux bonheur que procurent le pouvoir, les magistratures ou la royauté ; il s’est contenté d'ajouter à la liste des faux biens : les richesses et la gloire, mais conclut comme Plotin que, seul, le mépris des faux biens permet de se tourner vers le Bien.

| Le parallèle se poursuit tout au long du chapitre 8 de Plotin, relatif aux

moyens

PLOTIN

de parvenir à cette vision : AMBROISE

:

« Quel est donc ce mode

sion ? Quel

en

est

le

de vi-

moyen ?

Comment verra-t-on cette beauté immense qui reste, en quelque sorte, à l'intérieur des sanctuaires et qui ne s’avance pas au dehors pour

:

« Que celui, donc, qui voit cette image de beauté, entre dans son intimité, qu'il abandonne l'apparence corporelle. Car si l’on voit les corps, il ne faut pas regarder dans leur intimité, de peur d’être entraî-

se faire voir des profanes ? Que

né et englouti à la manière d'un

celui qui le peut aille donc et la suive dans son intimité; qu'il abandonne la vision des yeux et ne

homme qui plonge, et, après avoir blongé dans le profond courant, de ne pas reparaître.

se retourne pas vers l'éclat des corps qu’il admirait auparavant. Car si l’on voit les beautés 1nhérentes aux corps, il ne faut pas cou-

rir à elles, mais savoir qu’elles sont des images, des traces et des ombres ; et il faut s'enfuir vers cette beauté dont elles sont les images. Si l’on courait à elles pour les saisir comme si elles étaient réelles, on seraitcomme l'homméqui voulut

saisir sa belle image portée sur les eaux (ainsi qu’une fable, je crois, lefaitentendre) ; ayant plongé dans le profond courant, il disparut ; il

en est de même de celui qui s’attache à la beauté des corps et ne l’abandonne pas ; ce n’est pas son corps, mais son âme qui plongera dans les profondeurs

obscures

et

funestes à l'intelligence,il y vivra avec des ombres, aveugle séjournant dans le Hadès. Enfuyons-nous donc dans notre chère patrie, voilà le vrai conseil qu’on pourrait nous donner. Mais qu'est cette fuite ? Comment remonter ? Comme Ulysse, qui échappa,

Enfuyons-nous donc dans notre vraie patrie. Notre patrie et notre père, qui nous a créés, sont là-bas, « où se trouve la Jérusalem qui est mère de toutes les cités » (Ga-

8

I12

III, LA DÉCOUVERTE

DU NÉO-PLATONISME

dit-on, à Circé la magicienne et à Calypso, c'est-à-dire qui ne consentit pas à rester prèsd’elles, malgré les plaisirs des yeux et toutes les beautés sensibles qu’il y trouvait. Notre patrie est le lieu d’où nous venons, e{ notre père est là-

bas. Que sont donc ce voyage et cette fuite ? Ce n’est pas avec nos pieds qu’il faut l’accompblir; car nos pas, Ôù que ce soit, nous portent d'une terre à une autre ; 1l ne faui pas non plus préparer un attelage ni quelque navire, mais il faut

CHRÉTIEN

lat. IV,26). Mais qu'est cette fuite ?

Ce n'est pas avec nos pieds corporels qu’il faut l’accomplir. Car nos pas, où qu'ils courent, nous portent d'une terre à une autre. Ne fuyons pas non plus sur des navires, « des

chars ou des chevaux qui s'empétrent et qui tombent » (Ps. XX, 8-9), mais fuyons par l'âme, avec

nos yeux ou nos pieds 2ntérieurs ».

cesser de regarder, et, fermant les

yeux, échanger cette manière de voir pour une

autre, et réveiller

cette faculté que tout le monde possède, mais dont peu font usage. Que voit donc cet œil intérieur ? »

Ambroise a commencé par couper la nouvelle allusion plotinienne à l’idole des sanctuaires, qui n’apparaît pas aux profanes. Il met en garde, dans les mêmes termes que Piotin, contre la vision des beautés corpcrelles, qui, si l’on s’y attarde, empêche la vision intérieure et vous fait plonger et disparaître dans le gouffre. L'allusion transparente de Plotin à la fable de Narcisse est atténuée par Ambroise, mais il en conserve l’interprétation allégorique qui veit dans le gouffre en question le gouffre infernal ; il évite pourtant le mot Hadès. Les paragraphes relatifs à la fuite dans la patrie se répondent litiéralement, à quelques détails près : « Enfuyons-nous donc dans notre chère patrie, voilà le vrai conseil », disait Plotin ; Ambroise

a transposé : « Enfuyons-nous donc dans notre vraie patrici. » Il supprime ensuite la référence aux interprétations symboliques des épreuves d’Ulyssez. « Notre patrie est Le lieu d’où nous venons, et notre père est là-bas », écrivait Plotin ; Ambrcise

altère sciemment sa pensée : « Notre patrie et notre père, gui nous a créés, sont là-bas, où se trouve «la Jérusalem céleste qui est

notre mère commune (Galat. IV, 26) » ; il substitue

aïnsi l’idée

(1) À moins que uerissimam ne doive être corrigé en carissimam. (2) Il les connaît d’ailleurs bien et les emploie dans d’autres ouvrages ; sur Ulysse et les Sirènes, cf. les textes d’Ambroise cités dans mon article Quelques symboles funéraires, p. 76, n. 3 ; 90. n. 2 et 4.

LES SERMONS DE ISAAC ET DE BONO MORTIS de création

à l’idée de descente

113

des âmes, et cite saint Paul.

Quoiqu'il ait supprimé la mention des voyages d'Ulysse sur mer, il conserve néanmoins la mention du navire. L'attelage dont parlait Plotin a évoqué fort à propos pour Ambrcise les versets du Psalmiste sur les « chars et les chevaux... qui s’empêtrent et qui tombent ». Enfin, il ajoute audacieusement, pour la symétrie : « Fuyons par l’âme, avec nos yeux 0% 705 pieds intérieurs », et raye la phrase suivante de Plotin, relative au réveil de l’âme. Le chapitre 9 de Plotin a encore servi de canevas au sermon d’'Ambroise : PLOTIN

AMBROISE

:

« Dès son réveil, l'œil ne peut bien voir les objets brillants. Il faut accoutumer l'âme elle-même à voir

les

belles

occupations,

puis

les

belles œuvres, non pas celles que les arts exécutent, mais celles des

hommes de bien. Puis il faut voir l’âme de ceux qui accomplissent de belles œuvres. Comment peuton voir cette beauté de l’âme

:

« Il faut accoutumer nos yeux à voir ce qui est brillant et éclatant, à regarder le visage de la continence et de la tempérance, et toutes les vertus, en qui rien n’est superfiu,

sombre

ou

oblique.

garde soi-même

Qu'on

se

re-

el sa conscience.

bonne ? Reviens en toi-même et regarde : si tu ne vois pas encore la

b:a1té en toi, fais comme le sculpteur d’une statue

qui doit deve-

nir belle ; il eniève une partie, il gratte, il polit, il essuie, jusqu’à ce qu'il dégage de belleslignes dansle ma:bre

; comme

lui,

enlève

le

superflu, redresse ce qui est oblique

nettoie ce qui est sombre pour le rendre brillant, et ne cesse pas de

sculpter ta propre statue jusqu’à ce que l'éclat divin de la Vertu se (1) Ambroise ne rend pas ot606. (2) La référence au Psaume XX, 8-9, cité par Amsroise, Epist. ad Marcellinam XXII, 10, P.L.,t. XVI, 1022 C (appliquée à ses ennemis Ariens lors de la tanslation de Gervais et Protais),et Explanatio Psalmorum XII, dans C.S.E.L., t. LXIV, p. 69, 23 et 251, 6, sous la forme : « Hi in curribus et hiin cquis : nos autem in nomine Domini Dei nostri magnificabimur... ; ipsi obligati sunt et ceciderunt : nos uero surreximus et erecti sumus », ne figure pas dans l’édition Schenk] et m'a été signalée par mon élève M. l'abbé Testard ; elle explique qu'Ambroise ait substitué curribus aut equis à rruwv ÿynua. Aucusrin, Enarr. in Ps. CXLVI, 19, P.L., t. XXXVII, 1912, lit le même texte avec la variante : « illis obligati sunt pedes. »

II4

III, LA DÉCOUVERTE

DU

NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

manifeste, jusqu’à ce que {# voies la Tempérance siégeant sur un trône sacré. Es-tu devenu cela ? Est-ce que tu as avec toi-même un commerce pur, sans aucun obstacle à ton unification, sans que rien soit mélangé intérieurement avec toi-même ? Es-tu tout entier une lumière véritable, non pas une

lumière de dimension ou de forme mesurables, qui peut diminuer ou augmenter indéfiniment de grandeur, mais une lumière absolument sans mesure, parce qu'elle est supérieure à toute mesure et à toute quantité ? Te vois-tu dans cet état ?

Tu es alors devenu

une vision;

aie confiance en toi ; même en res-

tant ici, tu as monté ; et tu n’as plus besoin de guide ; fixe ton regard et vois. Car c'est le seul œil qui voit la grande beauté. Mais s’il vient à contempler avec les chassies du vice sans être nettoyé, ou s'il est maladif, 1l a trop peu d'énergie pour voir les objets très brillants et il me voit rien, même sion le met en présence

Qu'on nettoie cet œil de ses chassies. Car il faut que celui qui voit ne soit pas en désaccord avec l’objet vu, puisque « Dieu a voulu que nous soyons conformes à l’image

de s5n Fils » (Rom. VIII, 29). Ce

d’un objet qui peut être vu. Car 1!

bien nous est donc apparenté : «il n’est pas loin de chacun de nous,

faut que l’œil soit de même

en lui nous

race et

se rende semblable à l'objet vu pour s'appliquer à le contempler. Jamais un œil ne verrait le soleil sans être

devenu

semb'able

au

soleil,

ni une âme ne verrait le beau sans être belle. Que tout être devienne donc d’abord divin et beau, s’il veut contempler Dieu et le Beau. En

avons

la vie, l'être

et le mouvement ; car nous.sommes de sa vace (Act., X VII, 28) »,

comme l’Apôtre a établi que les Gentils le laissaient entendre. Le

remontant, il ira d’abord jusqu’à

Bien que nous cherchons est le « seul bien » ( Marc X, 18), et en effet, Dieu seul est bon. Tel est l'œil qui voit la grande et vraie beauté. Jamais un œil ne voit le

l'Intelhgence,

que, en

soleil sans être sain et vigoureux, #7

elle, toutes les idées sont belles ; et

une âme ne peut voir le Bien sans être bonne. Que tout être devienne donc d'abord bon, s'il veut con-

et il saura

il prononcera que c’est là la beauté. Ce qui est au delà de la beauté,

nous l’appelons la nature du Bien ;

et le Beau

est placé au-devant

d'elle. »

templer le Seigneur et le Bien. Rendons-nous semblables au Bien et agissons

selon

le Bien.

Le

Bien,

c'est ce qui est au-dessus de toute

opération, au-dessus de toute pensée et de toute intelligence. »

Comme

méthode

d’ascèse, Ambroise

et Plotin préconisent,

LES

SERMONS

DE

ISAAC

ET

DE

BONO

MORTIS

TES

dans les mêmes termes, que l’on s’accoutume au brillant de la visiont en observant la tempérance et une conduite vertueuse. Remarquons qu'Ambroise évite de personnifier la Tempérance, alors que Plotin la faisait siéger, comme une idole, sur un trône sacré? ; pour le même motif, il préfère parler des ver-

tus, plutôt que de la Vertu à l'éclat divin ; il atténue aussi, tout en conservant les trois épithètes, la comparaison plotinienne avec le sculpteur qui achève la statue en enlevant tout ce qui est rugueux, oblique ou sombre. Il reproduit fidèlement les phrases de Plotin sur la nécessité de regarder en soi-même, de puriñer l’œil des chassies, d'établir une harmonie entre le sujet qui voit et l’objet vu. Mais il a sauté le développement sur l’homme

devenu lumière ; il ne pense pas, comme

Plotin,

que l’homme doive prendre confiance en soi et n’ait plus bescin de guide. « Ii faut, disait Plotin, que l’œil soit de méme race

(ouyyevés) et se rende ce terme de parenté de textes chrétiens : précise que, par la

semblable à l’objet vu » ; Ambroise prend au sens le plus strict ; il l’illustre à l’aide d’abord, un verset de l’Épître aux Romains volonté de Dieu, nous sommes conformes

à l’image de son Fils ; puis le discours de saint Paul sur l’Aréo-

page suggère que Dieu nous est apparenté (cognatum)3, en citant la parole d’Aratos : « De sa race nous sommes » (ipsius enim et genus sumus). Le contexte de saint Paul : «il n’est pas loin de chacun de nous » confirme, pour Ambroise, la proposition de Plotin sur la présence du Bien qui peut être vu. « Jamais, continuait Plotin, un œil ne verrait le soleil sans être devenu semblable au soleil, ni une âme ne verrait le Beau

sans être belle ; que tout être devienne donc d’abord divin et beau, s’il veut contempler Dieu et le Beau » ; Ambroise a jugé l'expression excessive et prend soin denepasdiviniser l’homme:

« Jamais un œil ne voit le soleil sans être sain et VILOUrEUX, ni

une âme ne peut voir le Bien sans être bonne ; que tout être

devienne donc d’abord bon, s’il veut contemplerLe Seigneur et le Bien » : au lieu de parler d’un œil semblable au soleil, il

préfère dire : un œil sain et vigoureux, empruntant d'ailleurs ces épithètes au contexte de Plotin, qui juge inapte à la vision (A) Tà Xauxpé est rendu par dilucida et clara.

(2) Zwgposuvv est rendu par continentiae et temperantiae.

(3) Les manuscrits et éditions portent cogniium ; mais Je Me Cros autotextcs risé à corriger en cognatum, en raison du mot cognalionem dans les d’'Ambroise

cités ci-dessous,

p. 131, n.

2.

116

III. LA DÉCOUVERTE

DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

l'œil maladif et sans énergie ; Ambroise identifie le Bien avec le Seigneur Jésus-Christ ; et il ajoute : «rendons-nous semblables à ce Bien. » On l’aura remarqué, tout au long de ces pages, Ambroise substitue fréquemment la notion de Bien à celle de Beaut. Pour terminer, Plotin faisait du Beau, confondu avec

l'Intelligence, une hypostase inférieure au Bien. Ambroise reproduit cette phrase, maïs l'interprète en un sens psychologique, non en un sens métaphysique : « Le Bien, c'est ce qui

est au-dessus de foute opération, au-dessus de éoute pensée et

de toute intelligence»;il se garde d’ériger l’Intelligenceen hypostase, et entend seulement que l'intelligence humaine est ce qu’il y a de plus proche de la divinité. Il termine ensuite le sermcn,

indépendamment

du texte

de Plotin, en montrant

à

l’aide de citations de l'Écriture, notamment de l’Épttre aux Colossiens, que le Bien est source de toute vie, et que la mort,

1

délivrance du corps, nous procurera cette vision. Ce long parallèle nous enseigne qu'Ambroise a médité et s’est assimilé le traité de Plotin Su le Beau. Il le suit pas à pas, reproduit des phrases entières, fait profondément sienne la doctrine plotinienne de la vision de Dieu. Mais en même temps, il la filtre soigneusement ; alors que Plotin songeait constamment

aux

mystères

d’Isis?, Ambroise

élimine tout ce

qui a trait aux cultes païens (stupeur extatique du myste ; idole des sanctuaires invisible aux profanes) et toute allusion aux mythes helléniques (fable de Narcisse, épreuves d'Ulysse) ; il se défie même de l’allégorie, quand elle risque de diviniser une notion abstraite : la Tempérance, la Vertu. Il repousse encore les formules qui rappellent les doctrines platoniciennes de la préexistence, de la descente des âmes, de la réminiscence,

et substitue la notion de création. Il interprète dans le sens du don divin par la Grâce la phrase de Plotin sur la Beauté qui embellit ses propres amants. Il rejette les expressions relatives à la divinisation de l’âme humaine, et se garde de convier l'homme, comme faisait Plotin, à prendre confiance en ses propres forces et à se passer de guide. Il identifie constamment le Beau et le Bien, tandis que Plotin finissait par les distinguer ; il refuse de considérer l'intelligence comme une hypo(1) Il traduit indifféremment xa\6v et &yalév par pulchritudo, decus, pulchrum, bonum ; ce dernier terme est celui qu'il préfère. (2) Cf. F. Cumonr, Le culte égyptien et le mysticisme de Plotin, dans Monuments Piot, t. XXV, 1921-1922, p. 77-92.

LES

SERMONS

DE

ISAAC

ET

DE

BONO

MORTIS

117

stase divine. Surtout, il ne cesse de confronter la pensée plotinienne avec les Écritures. Ajoutons que ces pages de Plotin lui sont si familières et si chères, qu'il les utilise de nouveau, mais toujours sans nommer Plotin, dans une de ses lettres à Irénée, relative au Souverain Bient. Enfin, si nous comparons

l'usage qu’'Ambroise fait de ces pages avec celui qu’en faisait saint Basile, nous constatons que Basile n’est pas l’intermédiaire : Ambroise reste infiniment plus fidèle au texte de Plotin. *

*

*

Ce n’est pas tout. Les dernières phrases du De Isaac annoncent |

le De bono mortiss, qui, comme le précise expressément Ambroise, ! (1) Cf.,en particulier, avecles textes cités ci-dessus, p. 107-111, AmBRoISE, Epist. ad Irenaeum, XXIX, 8, P.L., t. XVI, 1059 A : « Vitae igitur fons est ex quo uiuendi substantia

illud bonum,

summum

ministratur omnibus

: ipse

autem in se habet uitam manentem. À nullo quasi inops accipit : largitur bona aliis, non aliunde indiget. Unde et ait ex persona hominis : « Quoniam ei bonorum meorum non indiges » (Ps. XV, 2). Quid ergo pulchrius quam uideappropinquare, ei adhaerere? Quae maior uoluptas est? Quod is qui aduerrit. quid potest aliud desiderüre ? quae regna ? quas potestates ? cum staimperii mutabiles quam sint, conditiones hic tat quam miserae etiam seruitia, cum tus, quam exigua uitae huius spatia, quanta in ipso imperio mundi foris ad aliorum, non ad suum uiuant arbitrium... Imaginem istam XXVI, &, Ps. de citations mêmes relinque » ; de plus, dans le contexte, le dépouilMat. XVII, 4, Act. XVII,28 ; mêmes développementssur la fuite, Sur le destinalement, le vol de l’âme, la purification de l’œil intérieur. Op. cit., taire et la date de cette lettre, cf. les conjectures de PALANQUE, et Irénée, Orontien : Ambroise saint de nts corresponda Deux et p. 546-547, lettre de l'été 393, y dans R.E.L., t. XI (1933), p. 153-163 : il croit cette voyant

une

allusion

de Valentinien,

à la mort

tandis

que les Mauristes

la

de Gratien. Il me paraît dataient de 387, y voyant une allusion à la mort téméraire

d'interpréter

avec

PALANQUE,

op. cit., p. 547, n. 862, le passage

aliorum, non ad suum sur les vicissitudes des empires (ci-dessus : « cum ad II et Eugène, Valentinien à historique allusion une uiuant imperium ») comme ent du lieu comjouets successifs d’Arbogast ; c'est en réalité le développem peut mun

suggéré par Pzorin,

Enn.,

I, 6, 7, 35, p. 104.

Tout ce que l’on

avec le De Isaac (notamdire, c’est qu'il résulte du parallèle de cette lettre cette lettre est postérieure que ») adhaerere ei are, appropinqu ei « du ment | au De !saac, et moins fidèle à Plotin.

de Plotin, Bruxelles, (2) Sur Basile et Plotin cf. P. Henry, Les états du texte du traité et 180, où l’on trouvera les derniers chapitres

1938, p. 175-176 de fide et le De Spiritu sancto Sur le Beau mis en parallèles avec l’Hom. XV

traité de 374 environ. de Basile. Henry date ce dernier non timeamus mortem... ergo « : 21 699, p. ment (3) Notam

»

\

4,

118

III. LA DÉCOUVERTE

"

DU NÉO-PLATONISME

lui fait suite. Or, la transition

même

CHRÉTIEN

de l’un à l’autre traité

correspond au passage du traité 6 au traité 7 de la première Ennéade. Le traité 7 est, lui aussi, source d’Ambroise : PLOTIN, Enn., I, 7, 2, 9, p. 109:

« L’être qui vit a pour bien la vie... Sz donc, pour nous, la vie, dans laquelle le mal se trouve mélangé, est un bien, comment la mort n'est-elle pas un mal?

AMBROISE,

De

bono

mortis,

I, 1,

b-704 31: « Du fait qu’au livre précédent j'ai composé un sermon sur l'âme,

je pense que la voie est plus aisée pour traiter du bien que constitue la mort.



Mais peut-être objectera-t-

on : qu'y a-t-il de plus contraire

que la vie et la mort ? Sz donc la vie est regardée comme un bien, comment mal ?.…..

la mort n'est-elle pas un

— Un mal pour qui ? Car le mal doit arriver à un être; mais Le mort n’est plus ou, s’il existe, 21 est

IV, 13, p. 714, 12. — Mais comment la mort est-elle un mal, soit

Drivé de vie et ressent moins de mal

soit privée de sentiment, soit que, comme dit l’Apôtre ; « le Christ

qu’une pierre.

que, comme disent les Gentils, elle:

soit un gain ; être avec lui est de

beaucoup préférable » (Philipp. I, 21 et 23)? Comment donc la mortestelle pour nous un mal, s’iln'y a plus après la mort de sentiment ? Car, là où il n’existe plus de sentiment, 1 n'y a pas ressentiment de l’atteinte subie, car ressentir est sentir. — Mais la vie et l'âme subsistent après la mort. La mort est donc un bien pour l'âme, d'autant qu'elle exerce davantage son activité propre sans le corps.

Ou s’il y a du sentiment après la mort,

la vie

subsiste

après

la

mort, et l'âme survit à la mort, elle

qui jouit du sentiment et qui s’acquitte des fonctions vitales. Mais comme la vie et l'âme subsistent après la mort, le Bien subsiste ; loin d’être perdu du fait dela mort, il est accru ; l’âme n’est plus ralentie par aucune entrave mortelle, mais exerce d'autanfi mieux son activité qu'elle exerce son activité Propre sans aucune union avec Le corps, qui, pour l'âme, est plus

pesant qu'utile.

(1) Conjecture personnelle ; Schenk] conjecturait : ea ; le meilleur manuscrit porte : aut. Le 6ow uä&Adov de Plotin exige pour équivalent latin eo magis.

LES

SERMONS

DE

ISAAC

Et si elle fait partie de l’âme universelle, quel mal y a-t-il pour elle quand elle existe en cette âme ? D'une manière générale,

les dieux possèdent le bien sans aucun mal, et il en est ainsi pour l'âme qui conserve

ET

DE

BONO

119

MORTIS

Quel mal y a-t-1l pour l'âme qui a conservé sa pureté et observé la

discipline des vertus ? Et si elle ne l'a pas conservée, ce n'est pas la mort qui est un mal pour elle, mais la vie.

sa pureté ; et si

elle ne la conserve pas, ce n’est pas la mort qui est un mal pour elle, mais la vie. Et, s'il y a des châtiments dans le

Hadès, la vie y est encore un mal pour elle, parce que sa vie n’est pas pure. D'ailleurs, si la vie est l'union de l'âme et du corps, et la

mort leur séparation,l'âmeest également apte à recevoir la vie et la mort.



est

Mais dans le cas où la vie

veriueuse,

comment

la

mort

n'est-elle pas un mal ? Dans ce cas, la vie est un bien ; mais elle est un bien non pas en tant qu'elle est l'union de l'âme et du corps, mais parce que, grâce à la vertu, elle se défend contre le mal, et la mort est davantage un bien. Ou bien il faut

dire que la vie dans le corps est en elle-même un mal; J’âme se trouve dans le bien par la vertu,

non pas en vivant comme un être composé, corps. »

mais en se séparant du

S'il y a jugement après la mort, il y a encore vie après la mort. La vie ici-bas n’est donc pas un bien ; ou si cette vie est un bien, ccmment, dansl’au delà, la mort n’estelle pas un bien, alors que dans l'au-delà ne subsiste aucune crainte d’un jugement terrifiant ? Mais si la vie même d'ici-bas est un bien,

par quelles qualités

est-elle

un

bien ? Par la vertu et les bonnes mœurs. Elle est donc un bien non bas en tant qu'elle est l'union de l'âme et du corps, mais parce que, grâce à la vertu, elle se défend contre

le mal qui lui est propre et acquiert le bien que constitue la mort.

Sila vie est un bien, quand

elle est le miroir de l’âme qui se sépare du corps, et si l'âme est un bien, quand elle se soulève et se

soustrait à la cohabitation avec le corps,

la mort est en tous cas un

bien, elle qui détache

et libère

l'âme de l’union avec cette chair. »

Le chapitre 3 de cet ouvrage de Plotin traite le sujet même de saint Ambroise : le bien que constitue la mort. Ce chapitre excessivement dense et difficile, du fait de l’entre-croisement des objections et des répliques, a été médité par Ambroise,

qui s'efforce de le rendre clair en le délayant un peu. On ne s'étonnera pas de l'intérêt spécial porté par Ambroise à ce

traité de l'extrême vieillesse de Plotin ; car il est, comme

dit

É. Bréhier, « un témoignage de l'importance croissante que prennent les questions morales dans les œuvres de sa dernière période

»1.

(1) BréuiER, éd. des Ennéades, t. I, p. 107.

III, LA DÉCOUVERTE

120

DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

{ Piotin et Ambroise supposent, pour commencer, la même objection, tirée de la dialectique des contraires : si la vie est un bien, comment

la mort n'est-elle pas un mal ? Plotin, en se

plaçant au point de vue épicurien, ripostait : « Un mal pour qui ? Car le mal doit arriver à un être; mais le mort n’est plus ou, s’il existe, il est privé de vie et ressent moins de mal qu'une pierre. » Ambroise conserve cette réplique, mais en attribuast aux Gentils la doctrine épicurienne ;il soutient d’ailleurs,

dans les termes mêmes de Plotin, la survie de l’âme, mais pré-

cise par la citation de l’Épêtre aux Philippiens qu’il la conçoit

\

comme la vie béatifique avec le Christ. Les additions d’Ambroise ne visent qu’à rendre plus claire l'expression trop concise de Plotin : tous deux s'accordent à dire que la mort est un bien pour l’âme, en ce qu’elle la délivre du corps et lui permet de mieux exercer son activité propre ; mais Ambroise supprime l’allusion plotinienne à l’Ame universelle et la comparaison avec les dieux. Tous deux poursuivent en disant : « La mort n’est pas un mal pour l’âme qui a conservé sa puretéi ; et si elle ne l’a pas conservée, ce n’est pas la mort qui est un mal

pour elle, mais la vie. » Après quelques lignes de développement, Ambrcise passe avec Plotin à l’idée des châtiments d'outretombe, tout en supprimant la mention du Hadès ; ces châti-

ments sont, en réalité, non le fait de la mort, maïs la punition d’une vie impure ; notre vie n’est un bien que si elle est ver-

tueuse ; au contraire, la mort est toujours un bien, puisqu'elle sépare et libère l’âme du corps. On voit ainsi que Plotin fournit à Ambroise la thèse: fondamentale et le canevas du De bono mortis ; Ambroise a peu de mal à christianiser, sur ce point, la pensée néo-platonicienne ; tous deux s'accordent sur le fond comme dans l'expression. *

*

*

Un peu plus loin, Ambroise compare le jardin du Cantique des cantiques à celui du mythe

Platon.

Cette comparaison

montré

Wilbrand, Origène

(1) Ambroise

a simplement

de Poros, dans le Banquet

n’était pas nouvelle ; comme

la faisait

déjà dans

de

l’a

son commen-

substitué l'interrogation rhétorique

: quid

igitur est mali. au tour positif de Plotin : xaxôv è oùdév, et les parfaits seruauerit,

seruauit

aux

présents

cuKoban, GuboL.

LES

SERMONS

DE

ISAAC

ET

DE

BONO

MORTIS

I21I

taire perdu sur la Genèsei. Mais il faut ajouter que les détails typiques fournis par Ambrcise ne peuvent provenir ni d’une lecture négligente du Banquet, comme pensait Schenkl?, ni d'Origènes. « Le jardin du Cantique des Cantiques, dit Ambroise, est l’origine du jardin que Platon a imaginé, qu'il a appelé quelque part jardin de Jupiter, ailleurs jardin de l’Intelligence ; car il a nommé

Jupiter une

fois : dieu, et une fois : intelligence de l’univers ; dans ce jardin, dit-il, est entrée l’âme, qu'il nomme Vénus, de sorte qu’elle se repût de l’abondance et des richesses du jardin. Là gisait, gorgé de boisson, Porus,

qui répandaïit le nectar. Platon a imaginé ce mythe d’après le livre des Cantiques, en ce que l’âme qui adhère à Dieu est entrée dans le ja-din de l'intelligence, où se trouvaient en abondance les diverses vertus et les fleurs d'éloquencet.. L'origine de ces convives du Banquet de Platon, de ce nectar composé de vin et de miel prophétiques, de cette vie perpétuelle dont Platon a dit que ses dieux faisaient festin, c’est que le Christ est vieÿ. »

Par cet étrange développement, Ambroise traduit, sans doute possible, en termes latins, l’exégèse originale que Plotin dans son traité De l'amour, avait proposée du Banquet. Selon Plotin, qui oppose son allégorie aux interprétations antérieures du mythes, Zeus est l’Intelligence universelle, Aphrodite l’Ame universelle : Poros est le Logos qui développe et transmet les raisons reçues de l’Intelligence. Ambroise emprunte à Plotin les références aux deux passages de Platon, où Zeus est appelé, tantôt dieu, tantôt Intelligence? ; il adopte, en les entendant en un sens chrétien, les vues de Plotin sur le rôle de Poros, (1) WizBrann, art. cité, p. B5*-46*. (2) ScmENKL, dans C.S.E.L., t. XXXII, (3) ORIGÈNE,

Contra Celsum,

1, p. xxxI.

IV, 39, P.G., t. XI, 1089



éd. Koetschau,

tout le passage du Bant. I, Leipzig, 1899, p. 311-312, cite textuellement proposée dans son comavait en il tation quet et nous indique quelle interpré ; Pénia représente paradis le est Zeus de jardin le : Genèse la sur e mentair af serpent. au butte en l’homme te le serpent ; Poros représen ta &y\aiopa de ue mécaniq ition (4) Flores sermonum paraît être une transpos d’Ambroise, p. 721contexte le et 85, p. 13, 9, 5, III, Enn. cf. ; tüv Adywy uirtutum traduit mieux 722 : on attendrait plutôt : rationum. Abundantia xaAGv. tüv s nhoëto 6 xaù æ ebroo s p. 720, 11 et 723, 9. ; (5) AMBROISE, De bono mortis, V, 19, ?

(6) Sur ces interprétations,

notamment

celle de Plutarque,

cf. L. Rosin,

1908, p. 123-127; BouiLLeET, La théorie platonicienne de l'amour, thèse, Paris, trad. des Ennéades, t. III, R, BRÉHIE ; 1 537-54 p. trad. des Ennéades, t. II, p. 72-13. Phèdre 246e et Philèbe (7) PLoTiN, Enn., 111, 5,8,4et suiv., p. 84, citant IX. et VIII chap. des le contexte 30d.

Voir tout

122

III, LA DÉCOUVERTE

DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

intermédiaire entre l’Intelligence et l’Ame, et sur la Vie perpétuelle dont les dieux font festin1. Au demeurant, il se garde

de rien dire d'Érôs. La seule inexactitude par rapport à Plotin,

c’est qu'Ambroise interprète avec quelque fantaisie la naissance de l’âme comme son entrée dans le jardin. Il obtient par là un parallèle plus net avec le Cantique?. Naturellement, selon la théorie habituelle d'Ambroiïise, ce mythe contient une part . de vérité parce qu’il dérive de la Révélation ; Platon, croit-il, a connu les Écritures. Voilà donc un fait nouveau que je tiens pour acquis: Ambroise, dans le De Isaac et le De bono mortis, se réfère textuellement à

quatre traités de Plotin (Enn., I, 6, 7, 8, et III, 5). Une enquête plus étendue ne ferait, je crois, que confirmer ce fait : les œuvres d'Ambroise, où reparaissent fréquemment les métaphores du vol de l’âme, du dépouillement de l'âme, du corps-tombeau, sont fortement imprégnées de néo-platonisme. Dès le De excessu Satyri (375) et le De uirginitate (377) se découvrent de longs

développements sur des sujets apparentés3 ; dans le livre III du

De fide (fin 380), M. Gilson lui-même a déjà reconnu que la notion ambrosienne de l'être divin, considéré comme «essence», est

de caractère

Ce fait nouveau

néo-platonicier.4.

modifie

données du problème, si souvent rebattu, de la conversion

les de

saint Augustin. Il convient de réexaminer ce problème en posant la question précise : Augustin, qui séjourne à Milan de 385 à 387, a-t-il entendu en sermons

la substance de certains

développements plotiniens d’'Ambroise ? A-t-il été orienté par lui vers le spiritualisme néo-platonicien ? *

É

*

*

La date du De Isaac et du De bono mortis est malheureuse-

ment difficile à établir avec certitude. L'opinion générale admet (1) Zbid., III, 5, 9, 37, p. 86 : « Zuwñs 0 paveions xai oÜons &ei Evtots oùatv éatiäobar oi eo kéÉgoOvTaæt, ds av v totaitn WaxagtÜtntt Ovreç». Sur cette « sobre ivresse », cf. ci-dessous, p. 252. (2) Peut-être aussi, dans son exemplaire, un copiste avait-il corrigé en mettant le participe au féminin pour le faire rapporter à ’Agpodirn, et non

à Àdyos ? (3) AmBroise, De excessu Satyri, II, 129, P.L., t. XVI, 1353A (avec allusion au vol d’Icare), et De uirginitate, XVIII, 115-116, P.L., t. XVI, 296A-B.

(4) Gizson, op. cit., p. 112. Pour la date, cf. PALANQUE. op. cit., p. 502503. Pour plus de détail sur le platonisme ambrosien et les « libri Platonicorum » lus par Augustin, cf. mes Confessions. dans la tradition littéraire, p. 27-31, et ci-dessous l'Appendice IV, p. 311-382.

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SERMONS

DE

ISAAC

ET

DE

BONO

MORTIS

123

avec les Mauristes que ces sermons furent prononcés vers 387-3891. Selon M. Palanque, le De Isaac serait un livre écrit, tandis que le De bono mortis serait formé de deux sermons? ; l’un et l’autre ouvrage dateraient de 3091. En réalité, les arguments fournis par M. Palanque en faveur de l’an 391 sont dénués de la moindre forces, et lui-même ne propose cette date qu'avec un point d'interrogation. Rien non plus ne permet d'affirmer que le De Isaac ne soit pas, comme sont d'habitude les traités exégétiques d’'Ambroise, la rédaction de sermons prononcés,

car Ambroise lui-même l'appelle : sermons£ ; l'absence de doxo-

logie à la fin du De Isaac s'explique suffisamment du fait que les deux traités ont été étroitement soudés, lors de la rédaction écrite, et forment un touts. Tout ce que l’on peut affirmer, après les travaux de Wilbrand, c’est que ces traités sont sensiblement contemporains, par la pensée, des traités de 386-388 : Hexameron, In Lucam, In Psalmum CXVIII, et que, dans la rédaction définitive, le De Isaac contient un renvoi à l’In Psal-

mum CXVIII ; mais, à part ce renvoi, qui présente tous les caractères d’une interpolation faite par Ambroise lui-même lors de l’éditior.6, les autres parallèles entre le De Isaac et l'In Psalmum CXVIII plaident en faveur de l’antériorité du De Isaact. (1) Cf. Scnenxz, dans C.S.E.L., t. XXXII, 1, p. XII, et WiLBRAND, art. cité, p. 12-13. (2) PALANQUE, op. cit., p. 441 (suivi par H.-F. Duppen, Saint Ambrose, 1. II, Oxford,

1935, p. 682).

(3) Ibid., p. 540 : « L'année 391 est une des plus vides, à notre connaissance, dans la vie d'Ambroise. Aussi y situerions-nous volontiers un certain nombre d'ouvrages dont la date ne peut être déterminée de façon certaine, mais qui sont à coup sûr de cette époque » (sic). (4) Texte cité ci-dessus, p. 118. Les têtes de paragraphes sont en tout sem: blables à celles du De bono mortis et conviennent aussi bien à un sermon ; decorem.…. tuae naturae et te igitur cognosce ; sis... « Intuere, o homo, qui ; ergo unde cognosce quia et istam ascendit... ; sumamus igitur has alas... non timeamus mortem... » p. 118. (5) Comme le prouve le début du De bono mortis, cité ci-dessus,

pretiosa (6) Ammnoise, De Isaac, IV, 17, p. 654, 17 : « Haec ergo equa poprad et referunt ecclesiam ad aliqui [Quod ueloces. est et currus Pharao

in pselmo CXVIIT lum ;sed de hoc mysterio alibi saepius diximus et maxime

;

similis aestihoc autem loco de anima dicendum suscepimus.] Huius equac comme considère je que ce crochets entre mis matur haec anima... » J'ai se réduit peut-être rajouté lors de la publication par écrit ; l'interpolation In ps. CXVIII seulement aux mots:«et maxime in psalmo CXVIIT». (Cf. 5.) 40, p. LXII, sermo II, 33, dans C.S.E.L., t. art. cité, p. 12 (7) En effet, ces parallèles, mis en lumière par WiLBRAND,

124

III, LA DÉCOUVERTE DU NÉO-PLATONISME CHRÉTIEN

— ) Je pense, pour ma part, que le De Isaac et le De bono mortis font partie des sermons prononcés en 386 et entendus par Augustin. En effet, Augustin a attaché un intérêt spécial aux passages précis de Plotin, qu'Ambroise avait utilisés dans ces sermons. Le fait mérite d’être examiné de près, car il ne saurait être l'effet d'un hasardi. Le passage d’Ambroise-Plotin développant l’idée que le Mal est une privation de Bien’, contient une théorie qui sera capitale dans la doctrine augustinienne. Selon M. Alfaric, « cette idée se présentait trop rarement dans la prédication d’Ambroise pour qu'Augustin ait bien pu la remarquer. En tout cas, il donne assez nettement à entendre qu'il ne l’a connue que par les « Platoniciens », plus précisément par Plotin (Conf., VII, 17-22) »3. Une telle affirmation est gratuite, sans doute, Augustin a médité ce sujet à loisir lorsqu'il se fut procuré le texte même de Plotin ; mais il y a été conduit, selon toute vraisem-

blance, par le sermon d’'Ambroise sur Isaac ; loin de l'avoir écouté d’une oreille distraite, il a noté pour la vie l’inté êt de ce passage

d’Ambroise,

et le cite textuellement,

comme

for-

damental, quelque quarante ans plus tard, dans sa controverse avec Julien d’Eclanes ; bien plus, en faisant cette citaticr, 1l portent sur Cant., VI, 11 : « posuit me currus Aminabad. » Or, tout le contexte du De Isaac explique en effet le Cantique, dans l’ordre des versets. Ce n’est pas le cas pour l’In Ps. CXVIII. (1) Un indice de nature tout différente va dans le même sens : quand Augustin se reproche sa froideur devant les miracles de juin, il s'inspire d’un passage du De Isaac (cf. ci-dessous, p. 150, n. 4), ce qui s'explique d’autant mieux s’il se souvient avoir entendu prononcer en sermons le De Isaac vers cette date. (2) Ci-dessus, p. 107. (3) ALFARIC, op. cit., p. 372, n. 1. (4) AucusrTiN, Contra Ilulianum Pelagianum, I, 9, 44, P.L., t. XLIV, 671 (écrit vers 421). : « Vnde ille doctor meus... Ambrosius, in eo libro quem De Isaac et anima scripsit : « Quid ergo est, inquit, malitia, nisi boni indigentia ? » Et iterum ait : « Ex bonis igitur mala orta sunt. Non enim sunt mala, nisi quae priuantur bonis : per mala tamen factum est ut bona emimerent. Ergo indigentia boni radix mélitiae est. » Vides quam uera cathulicae fidei ratione redarguat beatus Ambrosius Manichaeos ? Vides quemadmodum eos, quamuis in eadem disputatione non nominauerit, tamen ista sententiarum ueritate ac breuitate conuicerit ? Ecce cui homini Dei propter originale peccatum, quod catholicus catholice asseruit, obiicis nomine Manichaeorum instinctu meledici furoris opprobrium, qui contra suff agium, quod cis tu praestas, tam inuictum ad eos debellandos catholicis disputatoribus praebet auxilium. Ille quippe aduersus Manichaäeos clamat : « Ex bonis mala orta sunt » ; Opus imperfectum contra secundam luliani respon-

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se réfère à Ambroise en tant que son maître (doctor meus), et souligne que tout le développement est dirigé contre les Manichéens, quoiqu'Ambroise taise leur nom. C’est le signe qu'en entendant prononcer le passage plotinien du sermon d'Ambroise, Augustin y a découvert

une philosophie, nouvelle

pour lui, qui lui a paru susceptible de s'opposer victorieusement au manichéisme. Le passage d’'Ambroise-Plotin relatif au mythe de Porosi ne l’a pas moins frappé ; il a dû le relire attentivement, lorsqu'il eut entre les mains le texte des Ennéades ; car, dans une

lettre écrite de Cassiciacum vers janvier 387, il fait une nette allusion à l'interprétation néo-platonicienne de Porost. La longue paraphrase ambrosienne du traité Sur le Beau a, plus sûrement encore, influé sur Augustin, et l’a préparé à entendre en un sens chrétien les derniers chapitres de ce traité. Le P. Henry a, le premier, souligné que le converti de Cassiciacum avait médité sur ces chapitres de Plotir3. Il convient désormais d'ajouter qu'il les a lus, lorsqu'il eut les Ennéades entre les mains, à la lumière de la paraphrase d’Ambreise. Il lui emprunte diverses expressions caractéristiques, dès l’époque de son séjour à Cassiciacumé#. Le passage de Plotin sur la fuite sionem, IV, 109, P.L., t. XLV, 1405 (dans les dernières années d’Augustin) : « Manichaei dicunt... Ambrosius contradicit, et dicit : « Ex bonis mtla orta sunt ; non enim sunt mala, nisi quae priuantur bonis ; per mala tamen factum est ut bona eminerent : ergo indigentia boni radix malitiae est. » (1) Ci-dessus, p. 121. (2) Aucusrin, Epist. ad Nebridium, III, 2, P.L., t. XXXIIT. 64 — C.S. E.L., t. XXXIV, 1, p. 6, 21 (vers janvier 387, aussitôt après les Soliloques) :. « Merito philosophi in rebus intclligibilibus Diuitias ponunt, in sensibilibus Egestatem. Qaid enim aerumnosius quam minus atque minus semper posse fieri ? Quid ditius quam crescere quantum uelis, redire cum uelis, quousque uelis, et hoc multum amare qued minui non potest ? »; AMBROISE, OP. Cil., p. 720, 14 « abundantia et divitiis horti »; PLorin, Enn., III, 5, 9, 15, p. 85 : heèropia xai 6 rmAoûtos tüv xaküv, èv Expévoet #ôn xai ToÛTO « 6 Ilépos, éote r0 pee T@ véxrapr.…. Où dè èv at (— Aphrodite, interprétée comme l’Ame unie à l’Intelligence) Ayot révres ebnopia xai Iépos… VAN dè à levia », Ce rapprochement a déjà été signalé par BouiLier, trad. des Ennéades,

t. II, p. 541. (3) Henry, Pltin et l'Occident, p. 105-109. AucusrTin, Contra Acad., I, 8, 23» (4) Amsnroise (texte cité ci-dessus p. 21, 7 : p. 107-112) : « Sapiens.. beatus, cum ab omni« Exuat unusquisque animam suam corporis mentem, inuolucris bus s... sordidioribu inuolucris quantum potest, euoluit. »

126

III. LA DÉCOUVERTE DU NÉO-PLATONISME CHRÉTIEN

vers la patrie divine, qui n’a lieu ni avec les pieds, ni avec un attelage ou sur un navire, évoque, pour Augustin comme pour Ambroise,

l’idée du vol de l’âme sur les ailes de la charitét.

Dans les Confessions, Augustin remploie deux fois ce passage de Plotin, au livre I où il l’adapte à la parabole de l'enfant Cuf (summo bono) adpropinquare et misceri uoluptas est... Si quis igitur purum illud et incorporeum summum illud uidere meruerit, quid habeat aliud, quod desideret ? .… Hic est oculus qui magnum... et uerum decorem intuetur. Solem nisi sanus et uigens oculus non aspicit nec bonum potest uidere nisi anima bona.….. Hanc igitur uidens pulchram imaginem.. foris relinquat uultum corporiss Nam qui intuetur corpora non debet introrsum intueri, ne more mergentis in gurgile rapiatur atque absorbeatur et quasi in profundum demersus nusquam adpareat….

Ibid., II, 3, 7, p. 28, 14 : « Si ueram pulchritudinem, cuius falsae amator est, sanalis renudatisque paululum oculis possit intueri, quanta uoluptate philosophiae gremio se inuolueret ? »

Solil., I, 14, 25, P. L.,t. XXXII, 882 : « Solem autem nisi sanus uidere non potest. Et in eo saepe fallitur animus, ut sanum se putet et sese iactet. » Contra Acad., I, 1, 1, p. 4, 6 : « Excepit te circumfluentia diuitiarum, quae illam aetatem atque ani-

mum, quae pulchra et honesta uidebantur, auide sequentem inlecebrosis coeperat absorbere gurgitibus, nisi inde te fortunae illi flatus, qui putantur aduersi, eripuissent paene mergentem. » (Ci. De beata uita, I, 3

p. 91, 6 : « demergat ac sorbeat »; Ilic patria nobis et illic pater, a quo creati sumus. »

IV, 33, p. 114,13 : « demergi solet. ») De quantitate animae, 1, 2, P. L., t. XXXII, 1035 : « Propriam quamdam habitationem animae ac patriam Deum ipsum credo esse, 4 quo creala est. »

Rappelons que, dans la paraphrase ambrosienne, le mot sanus et la proposition a quo creati sumus étaient originaux par rapport à Plotin. (Cf. cidessus p. 114 et111.) Ambroise se révèle donc sûrement comme l'intermédiaire, entre Plotin et Augustin. (1) Amsrotrse, De Isaac, VIII, 77, p. 696, 18 : « ...cognoscamus quia alas habeat perfecta caritas.. Sumamus igitur has alas.. Fugiamus ergo in patriam.…. Sed quae est fuga ? Non utique pedum, qui sunt corporis ; isti enim, quocumque currunt, in terra currunt... Nec nauibus fugiamus, aut curribus aut equis, qui obligantur et cadunt » (contexte ci-dessus, p. 108112) ; Aucusrin, Enarr. in Ps., CXLIX, 5, P.L., t. XXXVII, 1952 (vers l’an 414) : « Qui ergo in hac uita gemunt et desiderant illam patriam, currant dilectione, non pedibus corporis ; non quaerant naues, sed pennas ; duas alas caritatis accipiant » ; pour d’autres textes, voir les notes ci-dessous et déjà Contra Acad., III, 2, 3, p. 47, 6 : « sine naui uel quolibet uehiculo », cité dans mon article Quelques symboles funéraires du néo-platonisme latin, le vol de Dédale., dans R.E.A., t. XLVI, 1944, p. 68-69.

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prodiguet, et au livre VIII où il l’applique à l'élan spirituel qui le souleva lors de la scène du jardin de Milan’. Or, Ambroise, nous l'avons vu, avait transformé la phrase de Plotin pour la

souder aux versets du Psaume leurs chars, et sur

au nom

XX

: « Ceux-ci comptent sur

leurs chevaux ; nous,

nous serons

magnifiés

du Seigneur notre Dieu ; eux, ils s'empêtrent et ils

tombent ; nous, nous nous relevons et nous tenons droits. » Au

lieu que Plotin Ambroise avait des chars ou des tin, à propos trois termes

parlait d'un attelage de chevaux ou d’un navire, dit : « Ne fuyons pas non plus sur des navires, chevaux, qui s'empêtrent et qui fombent. » Augusde l'enfant prodigue, reprend exactement les

d'Ambroise

: chevaux,

chars, naviresé.

Dans

le

passage relatif à la scène du jardin de Milan, il semble même faire allusion aux versets du Psaume cités par Ambroise, lors-

qu'il décrit les luttes de sa volonté, dont une partie se relève, tandis que l’autre fombeS. Augustin prend soin aussi, comme Ambroise, d'apporter une restriction à la phrase de Plotin : (1) Aucusrin, Conf. I, 18, 28, 15, p. 24 : « Non enim pedibus aut spatiis locorum itur abs te aut reditur ad te, aut uero filius ille tuus minor equos aut currus uel naues quaesiuit aut auolauit pinna uisibili aut moto poplite . iter egit, ut in longinqua regione uiuens prodige dissiparet quod dederas proficiscenti dulcis pater »; cf. B. BLuMENKRANz, La parabole de l'enfant prodigue chez s. Augustin et s. Césaire d'Arles, dans Vigiliae Christianae, ; t. II, 1948, p. 102-105. (2) Zbid., VIII, 8, 19, 31, p. 192 : « Et non

illuc ibatur nauibus aut qua-

drigis aut pedibus, quantum saltem de domo in eum locum ieram, ubi sedebamus. Nam non solum ire, uerum etiam peruenire illuc nihil erat aliud quam uelle ire, sed fortiter et integre, non semisauciam hac atque hac uergare et iactare uoluntatem parte adsurgente cum alia parte cadente luctantem. » Pourquoi, ci, Augustin substitue-t-il au char le quadrige ? Peutêtre songe-t-il au quadrige de l’apothéose païenne, tel qu'il est figuré sur le diptyque que E. WeicanD, Ein bisher verkanntes Diptychon Symmachorum, dans Jahrbuch des deutschen archäologischen Instituts, t. LIT, 1937, p. 121-138, démontre avoir été commandé par Symmaque en 386. Mais cf. Horace,

Epist.,

I, 11, 28.

(3) Ci-dessus, p. 112-113. (4) Chez Plotin, «irrwv Oxnua % te Oakértriov» ; chez Ambroise, nauibus aut curribus aut equis ; chez Augustin, equos auf currus uel naues. L’interproversion des termes, chez Ambroise, tient à ce que equis est suivi d’une prodigue, l'enfant de parabole la de l’occasion à position relative. Toujours oppose : Augustin, In Ps., CXVIII, Sermo, IX, 2, P.L., t. XXXVII, 1523, . surgentium em humilitat .. cadentium. « elationem 2 ; ces mots (5) Noter le adsurgente. cadente du texte cité ci-dessus, n. dans la cadunt (— Psaume du us surrexim t.. ceciderun au correspondent citation ambrosienne).

à

128

III, LA DÉCOUVERTE

DU

NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

seuls, les pieds corporels sont insuffisants pour nous transporter ; mais on peut concevoir,

comme

a osé l'écrire Ambroise,

des pieds tniérieursi. Dans

la Cité de Dieu,

Augustin

cite encore, textuellement

cette fois, le passage de Plotin, et sous le nom

de Plotin? ;

mais, par une rencontre significative, il saute, comme Ambroise

les lignes relatives aux épreuves d’Ulysses ; de plus, il termine abusivement cette citation comme si Plotin avait conclu le développement en disant que cette fuite consistait à « devenir semblable à Dieu » ; chez Plotin, ce précepte se trouve, en réa-

lité, non à cette place, mais trois pages plus haut# ; au contraire, chez Ambroise, la conclusion du développement est en effet : « Rendons-nous semblables au Bien5. » En outre, Ambroise, on l’a notéf, avait volontairement passé

sous silence la phrase orgueilleuse de Plotin : « Tu n'as plus besoin de guide ; fixe ton regard et vois. » De même, au livre VII des Confessions, dans une page qui suit de près le chapitre 9 du traité Sur le Beau, Augustin nous assure qu'il n’a pu voir en lui que parce que Dieu s’est fait son guide et son aide? ; la vision, pour lui ainsi que pour Ambroise, est conçuecomme une (1) Chez Plotin, « où root Set Ouavôoar » ; chez Ambroise, « non utique pedum, qui sunt corporis » ; chez Aucœusrin, Enarr. in Ps. CXLIX, 5 (cité ci-dessus, p. 126, n.1) : (non pedibus corporis» ; Conf., VIII, 8, 19 (cité ci-dessus, p. 127, n. 2) : « non. pedibus, quantum saltem de domo in eum locum ieram.. » Sur les pieds intérieurs, cf. ci-dessus, p. 112-113. (2) Aucusrin, Civ. Dei, IX, 17, éd. Hoffmann, p. 434, 20 : « Vbi estillud Plotini, ubi ait : « Fugiendum est igitur ad carissimam patriam et ibi pater, et ibi omnia. Quaeigitur, inquit,classis aut fuga ? Similem Deo fieri. » Il suit ici le texte même de Plotin, non celui d'Ambroise, qui lisait uerissimam au lieu de carissimam ; cf. ci-dessus, p. 112. Ce passage est reproduit, d’après Augustin, par GUILLAUME DE SainT-Tuierry, Rom., P.L., t. CLXXX, 560C, qui l’attribue à Platon. La Cité de Dieu, X,16, contient une citation des lignes précédentes de Plotin ; cf. Henry, Plotin et l'Occident, p. 105. (3) Henry, op. cit., p. 108, avait déjà souligné cette lacune volontaire chez Augustin. Sur la même lacune chez Ambroise, cf. ci-dessus, p. 112. (4) Pzorin, Enn., I, 6, 6, 18, p. 102 : « Ad xai Aéyetar 0p0Gs To ayabôv xa! xa)ôv thv Yuynv yiveodat épotw0vat eva 0e. » (5) Cf. ci-dessus, p. 114-116. (6) Cf ci-dessus, p. 114-115. Dendeis où Seuxvovroc (7) Chez Plotin, Oaponoas repi. aautüÿ... pmxétt :«intraui, 461 p. VI1,10,16,2, Conf., contraire, au Augustin, chez ; arevioas €» in intima mea duce te et potui, quoniam factus es adiutor meus (Ps. XXIX, 41) ; intraui et uidi.. » Cf. HENRY, op. cit., p. 114.

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Grâce divinet. Il paraphrase ensuite les lignesde Plotin, rela-

tives à la lumière non mesurable, qu’Ambroise avait négligées : mais il ajoute à Plotin que « c’est la charité qui connaît la lumière » ; quand Ambroise avait reproduit le passage de Plotin : « Quel amour et quel désir ressentira-t-on en voulant s'unir à lui ! », il avait déjà pris garde de substituer la charité chrétienne (caritas) à l’Érôs platonicien (tewraç, tputa)2. Après une allusion au traité de Plotin D'où vient Le mal :5, Augustin revient à la phrase d'Ambroise sur le Bien qui subsiste en lui-même, et l’éclaire à l’aide de la même citation du Psaume

XVS4. Enfin, j'ai déjà fait remarquer que, là où Plotin disait le Beau immédiatement supérieur à l’Intelligence, Ambroise corrigeait : « à foute intelligence », pour éviter d'’ériger l’Intelligence en hypostases ; Augustin, dans le récit de l’extase d’'Ostie (1) Sur Ambroise, cf. p. 108 et 110. (2) Textes cités ci-dessus, p. 108. Chez Plotin, =03]

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CHAPITRE

JUGEMENTS

SUR

JUGEMENTS

LES

VII

CONFESSIONS

DES CONTEMPORAINS

Quel effet produisirent les Confessions, du vivant même d'Augustin ? Il distingue, dans les Rétractañons, l'effet qu’elles ont eu sur lui-même et sur autrui : en ce qui le concerne, elles ont élevé, quand il les écrivait, et elles élèvent encore vers Dieu, quand il les lit, son cœur et son intelligence ; quant aux autres, à eux de décider ce qu’ils en pensent ; du moins, beau-

coup de ses frères en Jésus-Christ les ont-ils goûtées à la publication et continuent-ils de les apprécier!. Au comte Darius, un haut fonctionnaire, qui lui demande un exemplaire, Augustin répond : « Reçois mes Confessions, que tu as réclamées; dans ce livre regarde moi, afin de ne pas me louer au delà de ce que je vaux ; en ce livre, ne crois pas autrui sur mon compte, mais moi-même ; en ce livre, considère moi et vois ce que je fus, en moi-même, par moi-même... J'étais allé à ma perdition, mais le Dieu qui m'a formé, m'a réformé.

» Et il lui de-

mande de prier pour son perfectionnement. (1) Aucusrin, Retract., II, 32, dans C.S.E.L.,t. XXX VI, p. 137, 17 : « Confessionum mearum libri tredecim et de malis et de bonis meis Deum laudant iustum et bonum atque in eum excitant humanum intellectum et affectum. Interim, quod ad me adtinet, hoc in me egerunt, cum scriberentur, et agunt, cum leguntur. Quid de illis alii sentiant, ipsi uiderint; multis tamen fratribus eos multum placuisse et placere scio. » Voir aussi le texte cité ci-dessous, p. 246, n. 1. (2) Aucusrin, Epist. ad Darium, CCXXXI, 6, dans C.S.E.L., t. LVIT, p. 508, 26 (écrite en 429). Pour plus de détail sur les jugements des contemporains, cf. mes Confessions. dans la tradition littéraire, p. 201-234.

230

VIT. JUGEMENTS SUR LES CONFESSIONS

noblesse Ainsi, parmi les catholiques, même des laïcs de haute

in se sont enquis de l’ouvrage. Les « spirituels », auquels August fait il l'adressait spécialement, l'ont jugé avec faveurt. Mais une allusion attristée à l'attitude d’autres lecteurs. La conversion d'Augustin et le récit de cette conversion sont ne pouvaient être du goût de tout le monde. Nombreux démisla s maître les les remous que souleva chez les élèves et re, sion de la chaire milanaise ; les professeurs ne peuvent admett à vent perçoi qu'ils mépris lorsqu'ils lisent les Confessions, le ManiLes chère?. est leur qui l'égard de la forme de culture qu'ils chéens sont encore plus hostiles. Il était clair d'avance récit le était yeux, leurs à qui, supporteraient mal ce livre, dire, de e coutum t avaien Ils ie. complaisant d’une apostas abanl’a e lumièr La « : secte la t quand un disciple quittai e donné »: Augustin s'était déjà gaussé d’une telle formul uée appliq à son casÿ. La lecture des Confessions accrut leur rancune. L'auteur y avait signalé le caractère clandestin de la sectet et avait avoué, à plusieurs reprises, avoir aspiré à une brillante carrières. L/ «auditeur » romain Secundin, dans une lettre ouverte qu’il lui adresse vers l'an 405, n’hésite pas à l’accuser d'avoir et apostasié pour éviter le risque de poursuites judiciaires Augustin (1) On notera cependant que, d'après une lettre de Jérôme à l’exis(C.S.E.L., t. XXXIV, 2, p. 262, 4), saint Jérôme paraît encore ignorer il dit car ; lues pas a les ne cas tous en et /404, tence des Confessions en 403 in Psalmos. n’avoir lu d'Augustin que les Soliloques et des Commentarioli des ConfesCeci s’accorde avec la date tardive que j'attribue au livre X sions. me, (2) Aucusrin, Conf., I, 13, 22, 8, p. 19 : « Non clament aduersus cae grammati uenditores me aduersus clament non quos iam non timeo..., type uel emptores. » (Il propose, comme exemple de problème suscité par ce uenisse em Carthagin eliquando Aencan quod sit uerum Vtrum « : de culture remonte poeta dicit. » Ce problème fameux, posé par les détracteurs de Virgile, ; Conf. II, au traité d’Atcius Philologns : « An amauerit Didun Aentas)) » d’après la 6, 11, 2, p. 53, où cette culture est qualifiée « siliquae porcorum BLuMExparabole de l’enfant prodigue ; cf. ci-dessus, p. 127, n. 1, et B. profanes, sciences les et médiévale l’exégèse ; » porcorum KRANZ, « Siliquae dans Mélanges. Louis Halphen, p. 11-17. p. 6, (3) Aucusrin, De utilitate credendi, I, 3, dans C.S.E.L., t. XXV, 1, rerum umbris omnibus his ab cum lumine, desertum 14 : « Modo me dicere me auerterim..., hominis est, ut mitissime dicam, minus acute considerantis res. » (4) Aueusrin, Conf., V, 10,19, 14, p. 108 : « Plures enim eos Roma occultabat.» (5) Zbid., VI, 6, 9, 1, p. 126 : « Inhiabam honoribus. »

JUGEÉMENYS

DÉS

CONTEMPORAINS

257

s'assurer, en embrassant la religion d'État, de hautes fonctions

ecclésiastiquest. Secundin se réfère au récit de la conversion philosophique d'Augustin, et, comme il a de la culture, il sc plaît à l’accabler en évoquant l’Hortensius. Dans ses écrits, dit-il, Augustin, avec toute son éloquence, s’emporte contre la vérité manichéenne comme Hortensius s’emportait contre la vraie philosophie? ; il attaque Mani avec la même ardeur qu Hortensius employait contre la philosophie, comme si elle était Annibal ou Mithridate, l'ennemi numéro un des Re-

mainss. Pourquoi Augustin s’en prend-il, dans les Confessions, aux théories manichéennes concernant les deux grands Luminaires, soleil et lune, ces vaisseaux qui conduisent les âmes vers les régions habitées par le Pères ? Plût à Dieu qu’au sortir du manichéisme, Augustin fût devenu à jamais un « Académicien », au lieu d'adopter

finalement les fables judaïques du

(1) Secunpin, Epist. ad Augustinum, 2, dans C.S.E.L., 1. XX, 2, p. 895. & : « Muta, quaeso, sententiam ; depone Punicae gentis perfidiam et recessionem tuam ad ueritatem, quae per timorem facta est, conuerte, noli his mendaciis excusare » ; AUGUSTIN, Contra Secundinum, 1, ibid., p. 905, 21 : « Quamobrem etsi non bona de me suspicatus sis, quod cavnali timore alicuius incommoditatis, quae de ucstra societate mihi accidere poterat, haresim Manichacorum reliquerim, uel cupiditate honoris, quem in Catholica adeptus sum, tamen... hoc non criminandi causa, sed corrigendi studio scripsisse te existimo. » (2) Secunpin, Epist. ad Augustinum, 3, ibid., p. 895, 8 : « Legit enim aliquanta exile meum et qualccumque Romani hominis ingenium reuerendae tuae dignationis scripta, in quibus sic irasceris ueritali, ut philosophiac Iortensius » ; allusion aux Confessions, III, 6, 10, 7, p. 51 : « Et dicebant ueritas et ueritas, et multum eam dicebant mihi, ct nusquem erat in eis. > (3) SecunpDin, ibid., p. 895, 19 : « ...sub Manichaei nomine persequi te Hannibalem et Mithridatem » ; J. Srroux, Augustinus und Cicero's Hortensius nach dem Zeugnis des Manichâers Secundinus, dans Festschrift R. Reitzenstein, Leipzig, 1931, p. 110, a montré que ces mots se référaient à un fragment perdu de l’Hortensius, où Lucullus raillait Hortensius ; il pense, p. 117, que Secundin n’a pas lu l’Hortensius et le connaît uniquement par ce qu'Augustin en a dit, au temps de son adolescence, à ses amis manichéens. Ceci est hautement invraisemblable. En effet, Augustin ne cite nulle part ces fragments précis de l’Hortensius ; il assure, Retract., II, 46, dans C.S.E.L., t. XXXVI, p. 143, 6, n’avoir jamais rencontré Secundin ; celui-ci est bien réellement un habitant de Rome, car AuœusTiN, Contra Secundinum, 11, p- 923, 11, lui conseille, s’il veut lire son De libero arbitrio, de se rendre à Nole, où Paulin en possède un exemplaire. (4) Secunpin, op. cit., p. 896, 3 : «in mediuin solis ae lunae inuentus es accusator » ; allusion probable aux Confessions, III, 6, 10, 17, p. 52 : « Etillu erant fercula, in quibus mihi csurienti te inferebatur pro te sol ct luna. »

VII.

238

JUGEMENTS

LES

SUR

CONFESSIONS

catholicisme !1 Qui donc, sinon l'esprit du mal, a pu le chan-

ger ainsi tout d’un coup ?? Secundin lui-même a failli aposta-

sier, mais s’est ressaisi à tempsÿ. Il adjure Augustin de se ressaisir aussi : « Renonce à la gloire qui vient des hommes, si tu veux plaire au Christt. » Il s'efforce, pour obtenir ce retour au manichéisme, de réfuter l'argument de Nebridius, qu'Augustin avait relaté comme fondamental, dans ses Confessionss : « Si tu doutes du principe, s’il y a pour toi quelque du combat

obscurité sur le commencement

», ce mystère dua-

liste doit pouvoir être éclairci; Secundin s’y emploie de son mieuxé. Augustin, dans sa réponse, prit la peine de réfuter les arguments d'ordre philosophique ou scripturaire ; mais il ne vit rien à répondre aux arguments d'ordre personnel, qui mettaient en cause la probité de sa vie : « Tu incrimines le tréfond de mon

à tes yeux... ; je ne puis que

âme ; je ne puis l’exhiber

te dire de me croire sur parole ; si tu refuses, je ne sais plus que faire7. » L2

*

*%

L'attitude des Donatistes à l'égard des Confessions ne fut pas plus amicale ; l'ouvrage leur parut surtout une excellente machine de guerre, à utiliser selon leurs fins. Pétilien, évêque (1) Secunpin, op. cit., p. 896, 12 : « O utinam a Manichaeo recedens Aca-

demiam

petisses aut Romanorum

bella, qui omnia superarunt, interpre-

tatus fuisses ! » ; la première proposition fait allusion aux Confessions, V, 14, 25, 10, p. 114 : « Itaque Academicorum more inter omnia fluctuans Manichaeos quidem relinquendos esse decreui »; la seconde proposition se réfère probablement, comme l’a montré Stroux, à un fragment de l’Hortensius où Lucullus exhortait Cicéron à se tourner vers des travaux historiques. (2) SecunDin, op. cit., p. 897, 5.

(3) Zbid., 5, p. 898, 18 : « Nolo te a nostro grege diuelli, a quo etiam ego aberrans paene perieram, nisi cito me de iniqua communionis

Lura. » (4) Tbid., p. 899, 3.

tulissem na-

|

(5) Cf. ci-dessus, p. 72. (6) Secunpin, op. cit., 6, p. 899, 16 ; la contre-réfutation d’Augustin se trouve dans le Contra Secundinum, 20, p. 396-937. (7) Aucusrin, ibid., 1, p. 906, 7 : « Latebras animi mei arguis, quas utique promere ad oculos tuos et demonstrare non possum » ; 2, p. 907, 17 : « De animo meo nihil amplius possum dicere, nisi ut credas mihi ; quod si nolueris, non inuenio, quod faciam. »

JUGEMENTS

DES

CONTEMPORAINS

239

donatiste de Constantine, venait de soulever, de la part d'Augustin, un certain nombre d’objections qui forment aujourd’hui le livre I du Contra litteras Petiliani. En guise de réplique, il rédige une lettre ouverte à Augustin, en 401, et découvre dans les Confessions, auxquelles il se réfère une fois expressé-

ment,

quantité de traits personnels pour tirer sur l’adver-

saire. Ne trouve-t-on

pas là, sur les erreurs, les passions et les

vices d'Augustin, mille renseignements précieux pour qui veut salir sa vie passée ?1 Pétilien ne prend même pas la peine de les recenser un par un, mais se contente d’en interpréter quelques-uns et d'ajouter plusieurs griefs, par manière de calomnie2. Le récit de la période « académicienne » qu'avait traversée (1) Aucusrix, Contra litteras Petiliani, III, 10, 11, dans C.S.E.L., t. LIT, p- 172, 9-15. (2) Ibid., ligne 16 : « Quid ergo iam deillis praeteritis atque abolitis malis meis defendendis laborem, de quibus Petilianus multa quidem falsa dixit, sed plura uera non dixit ? ». Nous sommes réduits souvent à des conjectures sur le sens de ces calomnies

; l’une d’elles est rapportée,

III, 16, 19, p. 177,

9 : « Titulos epistularum mearum a se uel a suis sicut eis placuit inscriptos legat et tamquam me in eis comprehendisse se gestiat confitentem. Eulogias panis simpliciter et hilariter datas ridiculo nomine uenenosae turpitudinis ac furoris infamet et de uestro corde tam

male sentiat, ut amatoria

maleficia data mulieri, marito non solum conscio, uerum etiam fauente, credi sibi posse praesumat » ; je crois que cette calomnie se rapporte à la et correspondance entre Augustin et Paulin de Nole et sa femme ; Paulin correspondants leurs de l’égard à multiplier de coutume Therasia avaient les protestations d'amitié, et de leur adresser des « eulogies », accompagnées d’une formule d’aménité, p. ex. Epist. ad Augustinum, IV, 5, p. 24,5:« PaaccCinem unum, quem unanimitatis indicio misimus caritati tuae, rogamus leur renvoie piendo benedicas ». AUGUSTIN, qui n’adresse jamais d’eulogies, quem misimus, pourtant leur politesse, Epist. XXXI, 9, p. 8, 10 : « Panis, benignitatis. Custouberior benedictio fiet dilectione accipientis uestrae XI, 8), domini dilecdiat uos Dominus ab ista generatione in aeternum (Ps. et cette formule pain Ce suscription). la dans tissimi.… (formule remployée adressé à Thede dilectio constituent, selon Pétilien, l'amatorium maleficium à s’absteinvite les prétend-il, Psaume, du citation la ; mari rasia au su du d’être époux ces félicite Augustin 16, 6, nir d’engendrer, de même que, p. gage de communion dans d’eulogie, pain ce que Signe continence, la à voués de l’Eucharistie maniune même foi, est en réalité le pain souillé de sperme uenenosa tur pitudo La 242). p. chéenne (cf. ci-dessus, p. 228, et ci-dessous, Contra _litteras PetiAUGUSTIN, manichéisme. le donc ac furor désignerait avait déblatéré contre les liani, III, 40, 48, p. 201, 3, précise que Pétilien le monachisme en Afrique. En importé d’avoir grief fait avait lui et moines op. cit.,t. VI, P- 46, peut écrire revanche, je ne vois pas comment MoncEAUx, que

Pétilien

reproche

à Augustin,

une

fois évêque, d’avoir

conté dans les

ne dit rien de tel, que je sache. Confessions ses aventures galantes ; Pétilien

16

VII. JUGEMENTS SUR LES CONFESSIONS

240 Augustin,

lui permet

de désigner

son

adversaire

comme

un

nouveau Carnéade, un dialecticien trop subtil, qui glisse comme un serpent, qui se plaît à semer le doute, au besoin en altérant la propre pensée de Pétilient. Il l'accuse encore d'être resté un rhéteur2. Il s’en prend surtout à la période manichéenne. Remployant les griefs des Manichéens, il assure qu'Augustin n'a pas révélé le motif véritable de son départ pour Rome : loin d'y avoir été conduit par un dessein de Dieu, comme prétendent

les Confessionss, Augustin, a quitté l'Afrique à la suite

d'une sentence d'expulsion rendue en 386 par le proconsul Messianus, au cours du procès qu’il intenta aux Manichéens de Carthage : la preuve, c’est que le nom d’Augustin figure dans les procès-verbaux de l'affaire, prononcé par un des accusés qui citait le nom de son ami pour se défendres. Contrairement aux Manichéens qui tenaient Augustin pour

un apostat, Pétilien cherche, du reste, à le discréditer en montrant qu'il est toujours, en secret, resté manichéen. Il tire

argument du fait qu'Augustin, même depuis sa conversion et son retour d'Italie, est suspect de manichéisme dans certains cercles catholiques africains. Le primat catholique de Numidie, Mégalius, n'est-il pas allé jusqu’à adresser à Valérius, évêque d'Hippone, une lettre de blâme, quand celui-ci le pria de venir sacrer Augustin, qu’il désirait comme coadjuteur ?5 Sur la (1) Zbid., III, 21, 24, p. 181, 3 : « Dicit me Academici damnabile ingenium

habere Carneadis ; conatur etiam insinuare, quid Academici sentiant de falsitate uel fallacia sensus humani » ; cf. Conf., V, 14, 25, 6, p. 114 : « Verum tamen de ipso mundi huius corpore omnique natura, quam sensus carnis attingeret, multo probabiliora plerosque sensisse philosophos magis magisque considerans atque comparans iudicabam. Itaque Academicorum more, sicut existimantur, dubitans de omnibus atque inter omnia fluctuans Manichaeos quidem relinquendos esse decreui. » (2) Aucusrin, Conira litt. Petil., IT, 16, 19, p. 176, 29 : « Me propter rhetoricam Tertulli oratoris, a quo accusatus est Paulus, uocabulo denotet. »

(3) Avausrin, Conf., V, 8, 14, 5, p. 103. (4) Aucusrin, Contra litt. Petil., LIT, 16, 19, p. 177, 5 : « Ignotorum mihi et notorum gesta recitet damnatorum et, quod ibi amicus quondam meus magis ad defensionem suam me nominauit absentem, in calumniam praciudicati criminis nescio quo nouo et suo iure conuertat » ; III, 25, 30, p. 185, 14 : « Dicit Messiani proconsulis sententia me fuisse pereussum, ut ex Africa fugerem, ct propter hoc falsum,

fingentibus maliuole cumque dicere, sed (5) Zbid., III, 16, sit iratus ordinator

quod si non

ipse confinxit, certe maliuolis

credidit, quam multa alia falsa consequenter non utetiam scribere mira temeritate non timuit. » 19, p. 177, 15 : « Quod de me adhuc presbytero scripfuturus episcopatus mei, uelit ualere aduersus me. »

JUGEMENTS

DES

CONTEMPORAINS

241

déclaration d’une religieuse passée du catholicisme au manichéisme, Pétilien sait que les « Auditeurs» s'appellent aussi « Catéchumènes » ; il les croit donc destinés à recevoir un baptême

manichéent. I1 en profite pour imaginer tout un roman : puisque Augustin avoue, dans les Confessions, avoir été «auditeur », c'est donc qu'il a dû, par la suite, recevoir le baptême manichéen, de la main d’un sacrilège, alors qu’il prétend ne pas avoir dépassé le grade d’ « auditeur », par incapacité d’observer les préceptes requis des « Élus ». Pétilien confirme cette conjecture par l'attitude d’'Augustin dans la controverse qui les oppose actuellement. La discussion roule sur la question de savoir si l'efficacité du baptême dépend des mérites de celui qui confère le sacrement. Pétilien avait répondu à cette question par l’affirmative : « On doit considérer la conscience de celui qui donne le baptême, qui doit le donner saintement pour purifier celui qui le reçoit. En effet, celui qui, sciemment, reçoit la foi d’un perfide, reçoit de lui, non la foi, mais le péchés. » Or, Augustin, en citant cette

proposition pour la réfuter, a omis les mots saintement et sciemment. C’est un fait-exprès, selon Pétilien : « Tu as soustrait ces deux mots dans ton argumentation pour tranquilliser ta conscience ; car tu as ignoré l’état sacrilège de celui qui t’a souillé par un prétendu baptêmes... Tu aurais dû examiner le baptiseurë.

»

(1) Zbid., III, 17, 20, p. 177, 23 : « Pergat etiam sermonc multiloquo, sed plane uaniloquo, in ea, quae prorsus ignorat uel in quibus potius abutitur ignorantia plurimorum ex confessione cuiusdam feminae, quod catechumenam se dixerit Manichaeorum quae sanctimonialis in catholica fuerit, quod ei placet de illorum baptismo dicat et scribat, nesciens aut nescire se fingens non illic ita appellari catechumenos, tamquam eis baptismus quandoque debeatur, sed eos hoc uocari qui etiam auditores uocantur, quod uidelicet tamquam meliora et maiora praecepta obseruare non possunt, quae obseruantur ab eis, quos electorum nomine discernendos et honorandos putant »; les Auditeurs ne recevaient pas le baptême, à moins de passer dans la catégorie des Élus, selon AzLFARic, op. cit., p.145,n.# ; H.-Ch. Puscr, Le manichéisme, p. 87 et 181, n. 364, pense que le baptême, au moins sous forme de baptême d’eau, n'existait nullement chez les Manichéens. (2) Texte cité ci-dessus, p. 73, n. 5. e fo > , (3) Sur toute cette affaire, ef. Moxceaux, Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne, t. VI, p. 39. N(4) Aucusrix, Contra litt. Petil., LUI, 21, 28, p. 184, 10 : « Ideo me dicit subtractis illis duobus uerbis argumentatum, ut quasi conscientiae meue non obsit, quod inquinatoris, ut dicit, mei sacrilegam ignoraui conscienLiam,. » . . (5) Zbid., III, 27, 32, p. 187, 17 : « Et tu baptistam discutere et ab ev

VII.

242

JUGEMENTS

SUR

LES

CONFESSIONS

Pétilien va plus loin : à l’en croire, Augustin n'est pas seulement

même

un

baptisé

élevé

dans

manichéen,

c'est-à-dire

la hiérarchie

un

manichéenne

Élu, mais

s’est

jusqu'au

rang

de prêtre ; il induit ce fait de certaines paroles du livre IV des

Confessions! Quelles sont donc ces paroles ? Nul, que je sache, ne l’a dit. Il ne peut s'agir, je crois, que du début du livre IV. Augustin y mentionne qu'au temps où il était manichéen, il apportait aux Élus leur nourriture, à l’aide de quoi ceux-ci fabriquaient des anges et des dieux?. Cette pratique, à laquelle

il fait aussi allusion au livre III, a été entendue par Pétilien,

comme si les Élus recevaient l’Eucharistie du prêtre Augustin. Ce contresens s'explique en partie, si l’on songe que certains Manichéens

comparaient,

en effet, à l'Eucharistie

chré-

tienne cette œuvre purgatrice des éléments, opérée par leurs Élust : or, les Manichéens passaient pour communier sous l'espèce de pain enduit de sperme humains. On saisit combien le soupçon émis par Pétilien était infamant. Ses accusations étaient d'autant plus redoutables qu’elles paraissaient fondées sur des textes et présentaient un certain degré de vraisemblance

: des ecclésiastiques

africains jouaient,

en réalité,

discuti debuisti. » Mon interprétation des textes diffère totalement de celle de Monceaux, qui croit qu’il s’agit du baptême catholique, et non du baptême manichéen ; mais ceci l'amène à des contradictions ;il écrit, p. 40 : « L'accusateur (Pétilien) jouait de malheur ; lui-même ignorait évidemment qu’Augustin avait reçu le baptème à Milan des mains d’Ambroise » (de même, t. VII, p. 260 : « On allait jusqu’à soutenir qu'il était païen, n'ayant jamais reçu le baptême ») ; mais il avait pourtant reconnu, t. VI, p. 37, que Pétilien « avait lu les Confessions tout récemment ». Or, les Confessions mentionnent le baptême milanais. (1) Aucusrin, Contra litt. Petil., IX, 17, 20, p.178, 4 : « Me etiam presbyterum fuisse Manichaeorum uel falsus uel fallens mirabili temeritate contendat, uerba quarti libri Confessionum mearum, quae per se ipsa et de multis ante et postea dictis manifestissima sunt legentibus, sub quo ei uidetur intellectu proponat atque arguat » ; sur la hiérarchie manichéenne, cf. ALFAic, op. cit., p. 147, et Puecu, op. cit., p. 86. Les Mauristes lisent tertii au lieu de quarti. (2) Aueusrix, Conf., IV, 1, 1, 3, p. 66 : « Seducebamur et seducebamus falsi atque fallentes… cum eis, qui appellarentur electi et sancti afferremus escas, de quibus nobis in officina aqualiculi sui fabricarent angelos et deos, per quos liberaremur. » (3) Zbid., III, 10, 18, 6, p. 60 : « Quam tamen ficum si comedisset aliquis sanctus alieno sane, non suo scelere decerptam, misceret uisceribus et anhelaret de illa angelos, immo uero particulas Dei. » (4) Puecu, op. cüt., p. 182, n. 5. (5) Cf. ci-dessus, p. 228.

JUGEMENTS DES CONTEMPORAINS

243

double jeu, adeptes publiquement de la hiérarchie catholique et secrètement de la hiérarchie manichéennet. Augustin répliqua avec vigueur à ces attaques : il démontra que son départ pour Rome avait précédé, et non suivi, le pro-

cès des Manichéens africains, que le primat de Numidie avait rétracté ses soupçons injustifiés, que sa carrière manichéenne, telle que la reconstituait par conjecture Pétilien, était contraire aux faits : ce roman repose sur une ignorance totale des usages véritables de la secte. Cette riposte,

qui constitue

le livre III du Contra

litteras

Petiliani n'empêcha pas les rumeurs de courir. Primianus, évêque donatiste de Carthage, et les gens de son parti, avaient tout intérêt à les répandre, alors qu’un concile catholique se tenait dans la ville en 4032. A l'issue de ce concile, Augustin est invité par le clergé local à prononcer une série de sermons® et profite de la circonstance pour conclure en répondant à ses détracteurs personnels. Les Donatistes font état à la fois du passé manichéen qu'Augustin a avoué dans les Confessions, et du souvenir que ses mauvaises mœurs d’adolescent ont laissé à Carthages.

Le bruit court toujours, selon l’impu-

tation de Pétilien, qu'Augustin a reçu le baptême manichéen, et ce baptême seul5 : il n’a sûrement pas été baptisé chrétien (1) Par exemple, AuœusrTin, Epist. ad Deuterium, CCXXXVI, 1, dans C.S.E.L., t. LVII, p. 524, 3, nous renseigne sur Victorinus, sous-diacre de Mallia, qu’on découvrit être en secret Auditeur manichéen « in tam sacrilego errore sub nomine clerici latitabat » ; Léon £E Gran, Sermon XLII, 5, P.L., t. LIV, 279, dénonce des Manichéens qui cachent leur qualité et reçoivent

l’Eucharistie

chrétienne.

(2) Wunpr, Augustins Konfessionen, dans Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft, t. XXII, 1923, p. 174-176, place ce sermon en 401. Mais la date de 403 est défendue, victorieusement à mon avis, par MoncEAUXx, op. cit., t. VI, p. 134 ; M. Zepr, Zur Chronologie der antidonatistischen Schriften Augustins, dans Zeütschrift für die neutestamentliche Wissenschaft, 1. XXVIII, 1929, p. 46-61 ; E. Wizzicer, Der Aufbau der Konfessionen, ibid., p. 81. (3) Aucusrin, Enarr. in Ps. XX XVI, sermo II, 1, P.L., t. XXXVI, 363 : « De Psalmo isto loqui Charitati Vestrae et iussi sumus et obtemperare debuimus... Imperatum est nobis, ne uacaret hic erga uos lingua nostra. » (4) Zbid., sermo III, 19, P.L., t. XXXVI, 393-394 : « In errore peruerso desipientes et insanientes fuimus, non negamus.…. Quod tu uituperasti, ego damnaui..

Ista sunt

mala

practerita,

quae

nouerunt,

maxime

in ista ciui-

tate. Hic enim male uiximus, quod ego confiteor. »

(5) Ibid., 394 : « Dicunt enim : Et qui sunt, et unde sunt ? Malos hic

illos nouimus,

ubi baptizati

sunt ? » À mon

avis, Monceaux

n’a pas

non

plus compris le sens de cette interrogation ; il croit, p. 135-136, que Primia-

244

VII,

JUGEMENTS

SUR

LES

CONFESSIONS

des Conen Afrique; qui dit que le récit très rapide du livre IX fessions,

relatif

au

baptême

milanais,

soit exact ? Les

amis

que qui prétendent avoir été baptisés à Milan en même temps

lui, sont peut-être restés, eux

aussi, secrètement

manichéens

cathocomme lui. De tels propos troublent même Îles ouailles liques de Carthaget. Augustin cherche avant tout à leur montrer que ces argund ments ad hominem n'ont rien à voir avec le fond du différe répéter nt pourta doit Il tes. donatis et iques qui oppose cathol

qu'il y a été qu’il a fait voile vers l'Italie, qu'il y a séjourné,

r ; baptisé catholique ; quantité de témoins peuvent le certifie e l’Églis de mais il refuse de produire aux Donatistes un certificat elle?. avec de Milan, puisqu'ils ne sont pas en communion En ce qui concerne

sa vie passée, il est prêt à confirmer

les

concerne aveux déjà faits dans les Confessions ; mais en ce qui dénués sont tes donatis le présent, il proteste que les griefs , moment le pour hent reproc de tout fondement : « Ce qu’ils me reprodes sser m'adre à e matièr ils l’ignorent. Il y a bien encore ches. Matière qu’il leur importe beaucoup,

à eux, de connaître.

mes Je commets bien des péchés en pensée ; je lutte contre et gé prolon conflit d'un siège le suis je ; mauvais penchants me presque continuel avec les tentations où l’Ennemi veut d’être faire choir… Mais moi, il m'importe vraiment fort peu mots, ces jugé par un tribunal humain (I Cor., IV, 3). » Par question roule en nus et les siens reprochent à Augustin d’être païen ; la en Afrique, réalité, sur le lieu où Augustin a été baptisé ; s’il a été baptisé n. manichée baptême le reçu a c’est qu’il Ecclesia (1) Zbid. : « Non hic baptizati sumus, sed ubi baptizati sumus qui et norunt est nota uniuerso orbi terrarum. Et multi fratres nostri sunt, est ergo hoc nosse, quia baptizati sumus et nobiscum baptizati sunt. Facile si quis fratrum est inde sollicitus. » aliquando ; (2) Zbid. : « Si nos bene nouerunt, sciunt quia et nauigauimus et demonssumus uri satisfact autem Istis us.… sciunt quia et peregrinatisum ? Merito non traturi aliquid de testimonio Ecclesiae, cui non communicant mare non habent nos norunt trans mare baptizatos in Christo, quia et trans Christum. » Sunt quae (3) Ibid. : « Quod autem modo reprehendunt, non norunt. nouerint. haec ut illos ad est multum tamen sed : adhuc in me reprehendant suggestiones Multa ago in cogitationibus meis, pugnans aduersus malas m cum tenmeas, et habens conflictationem diuturnam et prope continua minimum est, ut a tationibus inimici subuertere me uolentis. …Mihi autem me ipsum uobis diiudicer aut ab humano die, ait Apostolus, sed neque ego Deus melius sed illi, quam noui me ego enim iudico (1 Cor., IV, 3). Melius Contra litt. Petil., quam ego » ; même argumentation et même référence dans

JUGEMENTS

DES

CONTEMPORAINS

AE

il indique le thème qu'il allait développer, pour la plus grande joie de ses lecteurs, dans le:livre X des Confessions; par une sorte de défià l'égard des Donatistes, il va s’y montrer, tel qu il est aujourd hui, « à ces gens à qui je ne puis prouver si je dis vrai » (PI. XXIV). Mais les Donatistes sont opiniâtres ; vers 405, le grammairien Cresconius,

venant

à la rescousse

de Pétilien,

allait de nou-

veau taxer Augustin de rhéteur? et utiliser contre lui la lettre de blâme de Mégalius, dont les Donatistes conservaient précieusement copie dans leurs archivess. De guerre lasse, Augustin refuse,

cette

fois, de revenir

sur

la controverse

person-

nelle : « Quand tu connaîtrais ma vie tout entière, on aurait tort d'ajouter foi à ceux qui sont mes ennemis. Pour le jugement que les hommes peuvent porter sur moi, je dispose d’une foule de témoins qui me connaissent ; quant au jugement de Dieu, ma conscience me suffit ; elle soutient sans trembler vos chefs d'accusation. » *

*

*

Le livre X des Confessions allait fournir à Augustin un dernier sujet d’amertume. Il y avait employé plusieurs fois la formule de prière à Dieu : « Accordez ce que vous commandez et commandez ce que vous voulez. » Ces paroles, rapportées à Rome, devant Pélage, par un des collègues africains III, 2, 3, p. 163, 7 : « Nihil eorum, quibus Petilianus tempus uitae meae, posteaquam in Christo baptizatus sum, criminatus est, mihi conscius sum; nec tamen in hoc iustificatus sum : qui autem diiudicat me Dominus est (I Cor., IV, 4)»; Conf., X, 4, 6, 19, p. 244 : « Indicabo ergo talibus, qualibus ie sed quis iam sim et quis adhuc sim ; sed neque ut seruiam, non quis … ego meipsum diiudico (I Cor. IV, 3). » Cf. déjà Wiruicer, art. cité, p. 105, nl (1) Aucusrin, Conf., X, 3, 3, 15, p. 241 : « Ego quoque, domine, etiam sic tibi confiteor, ut audiant homines, quibus demonstrare non possum an uera confitear ; sed credunt mihi, quorum mihi aures caritas aperit. » (2) Aucusrin, Contra Cresconium, I, 2, 3, dans C.S.E.L., t. LII, p. 326, 26 : « Cum me uideres a nonnullis putari ‘eloquentem, ut a me lectoris auditorisue studium deterreres, accusandam existimasti eloquentiam. » (3) Ibid., III, 80, 92, p. 495, 8 : « Sed epistulam, inquis, principis uestri, qua nescio quid de te scripsit, cum te ordinari nollet, tenent non pauci nostrorum » ; cf. IV, 64, 79, p. 578, 11. (4) Ibid. III, 80, 92, g- 495, 18. Conf., X, 29, 40, 2, p. 270; X, 31, 45, 31, p. 274 ; X, 37e (5) FR 60, 4, p. 285 : « Da quod Fa et nb quod uis. »

246

VII. JUGEMENTS

d'Augustin,

suscitèrent

tion ;: car

Pélage

SUR LES CONFESSIONS

de sa part une

violente

contradic-

une

faiblesse

d'adresser

considère

comme

à Dieu une telle prière de demandet. Dans le traité tardif De dono perseuerantiae, Augustin se réjouit pourtant d'avoir, dès avant la naissance du pélagianisme, soutenu la doctrine de la prédestination des saints et de la Grâce qui leur est accordée gratuitement, sans aucun mérite de leur part : il se réfère principalement à ses Confessions et invite ses correspondants Prosper et Hilarius à se rappeler ou à relire deux passages : s

alors que, manichéen, il se déchaînait contre la foi catholique,

Dieu, sensible aux prières et aux larmes de Monique, lui a octroyé que son fils ne périrait pas? ; plus tard, Dieu a octroyé

à ses propres prières la persévérance dans la fois. Par ces déclarations, Augustin insiste sur la portée théologique de son récit (1) Aucusrin, De dono perseuerantiae, XX, 53, P.L., t. XLV, 1026 (écrit vers 429) : « Quid autem meorum opusculorum frequentius et delectabilius innotescere potuit quam libri Confessionum mearum ? Cum et ipsos ediderim antequam Pelagiana haeresis extitisset, in eis certe dixi Deo nostro, et saepe dixi : « Da quod iubes et iube quod 'uis. » Quae mea uerba Pelagius Romae, cum a quodam fratre et coepiscopo meo fuissent eo praesente commemorata, ferre non potuit et contradicens aliquanto commotius, pene cum eo quiilla commemorauerat litigauit »; cf. G. DE PLinvaz, Pélage, Lausanne, 1943, p. 227. (2) Aucusrin, De dono perseuerantiae, loc. cit. : « Et in eisdem libris, quod de mea conuersione narraui Dee me conuertente ad eam fidem quam miserrima et furiosissima loquacitate uastabam, nonne ita narratum esse meministis, ut ostenderem me fidelibus et quotidianis matris meae lacrimis ne perirem fuisse concessum ? » ; allusion textuelle aux Confessions, III, 11, 19 et suiv., p. 60-63 : « Cum pro me fleret ad te mater mea, fidelis tua, ...cxaudisti eam nec despexisti lacrimas eius... (Monique voit en songe un jeune homme) ...Qui cum causas ab ea quaesisset maestitiac suae cotidianarumque lacrimarum .….atque illa respondisset perditionem meam se plangere... (Un évêque assure à Monique :) Fieri non potest, ut filius istarum lacrimarum pereat » ; VIII, 12, 30, 17, p. 201 : « tanto amplius sibi a te concessum de me uidebat, quam petere solebat miserabilibus flebilibusque gemitibus. » (3) AucusrTin, De dono perseuerantiae, loc. cit. : « De proficiente porro perseuerantia quemadmodum Deum rogauerim, et scitis et potestis recensere cum uultis. Omnia itaque Dei dona quae in eodem opcre siue optaui siue laudaui, quis non dicam negare, sed dubitare saltem audeat Deum daturum se esse praescisse, et quibus daturus fuerit, nunquam potuisse nescire ? Haec est praedestinatio manifesta et certa sanctorum, quam postea diligentius et operosius, cum iam contra Pelagianos disputaremus, defendere necessitas compulit. » Le début de ce passage paraît être un renvoi aux longues réflexions sur la persévérance qui se trouvent au livre VIII des Confessions, et qui reproduisent les prières d’Augustin, Conf., VIII, 6, 13, 6, p. 186 : « Cotidie suspirabam tibi, frequentabam ecclesiam tuam. »

COMMENT

JUGER

LES

et souligne qu’il s’opposait, par À son tour, le pélagien Julien sage des Confessions où Augustin pris sans maître les Catégoriesi, manière

de raïllerie,

CONFESSIONS

247

avance, aux vues de Pélage. d’Eclane, en souvenir du passe vantait d’avoir lu et comallait qualifier Augustin, par

d’ « Aristote

carthaginois

», et traiter

Monique de « biberonne », parce que les Confessions révèlent cette manie de son jeune âges. A en croire Julien, Augustin tient de

ses anciens maîtres manichéens la doctrine du « péché de nature», qui est une corruption du christianisme.

II COMMENT

Les

Confessions

jours aussi. Comme

JUGER

ont

LES CONFESSIONS

suscité

?

quantité de critiques, de nos

on l’a vuf, la tendance

des modernes

est,

non plus d'utiliser leur témoignage contre Augustin, mais de déprécier ce témoignage par rapport à celui des Dialogues. Si le présent ouvrage a quelque utilité, Ç'aura été de mettre en œuvre les textes autobiographiques autres que les Confessions et les Dialogues, et, par là, de bouleverser les données de cette controverse semi-séculaire. Ces textes, quelle que soit leur date, doivent en effet entrer en ligne de compte lorsque l’on veut combler les lacunes et mesurer le: degré de véracité des Confessions. L'ouvrage est, à l’origine, un récit historique : il s’agit, pour Augustin, de faire connaître sa vie à Paulin de Nole et aux autres « spirituels ». Ce récit historique est encadré dans un

schéma

théologique

plus vaste ; il ne constitue,

dans

la

pensée d’Augustin, qu’une sorte de prologue à un immense ensemble : Augustin eut beau sacrifier délibérément la fin de la biographie pour aborder plus vite les développements proprement théologiques ; il n'eut jamais le loisir de terminer (1) AucusrTin, Conf., IV, 16, 28, 2, p. 86. (2) Juzren, ap. AuGusrTin, Opus imperfectum in Iulianum, III, 199, P.L. t. XLV, 1333 : « Audiamus ergo quid parias, Aristoteles Poenorum. »

(3) Zbid., 1, 68, P.L., t. XLV, 1089 ; cf. Conf., IX, 8, 18, 31, p. 224:« meri-

bibulam. » (4) Voir ci-dessus, l’Introduction.

VIL. JUGEMENTS

243

SUR LES CONFESSIONS

cet ensemble. En fait, malgré l'insertion de nombreux développements d'ordre lyrique ou doctrinal, le récit biographique repose sur le souvenir d'événements réels. Il est assez probe

pour

les

que

souvenirs

anciens,

hormis

quelques

faits

saillants, apparaissent comme estompés dans la mémoire d'Augustin ; celui-ci s’est efforcé de distinguer chronologiqueinent ses mentalités successives ; il atteint l'exactitude historique, non par des précisions imaginaires, mais par l’aveu loyal des lacunes de sa mémoire, même lorsqu'il s'agit de scènes qu'il juge d’une importance capitale. I1 serait injuste de

que

croire

les omissions,

les

silences,

les erreurs d'Augustin ont pour but de déformer dans un sens donné, toujours le même, l'image de son évolution réellet. La confrontation des témoignages épars permet souvent de reconstituer la suite des faits, telle que doit l'enregistrer un historien qui ne fait intervenir ni la Providence, ni la Grâce, ni aucune autre vue théologique. La critique ainsi menée laisse subsister peu de chose de l'enfance d'Augustin. Sa personnalité ne commence d'apparaître qu'avec l'épisode du vol de poires. En revanche, deux textes de la Cité de Dieu éclairent le sens des développements du livre III des Confessions contre les spectacles. Les spectacles auxquels songe Augustin lorsqu'il écrit ces développements sont surtout la représentation mimée, extrêmement réaliste, des amours sensuelles de Cybèle et d’Attis ; car, au

temps de son adolescence, il a suivi ces scènes avec attention, curiosité, volupté. Il commença pourtant de se détacher de la vie sensuelle dès l’âge de dix-neuf ans, par la lecture de l’Hortensius. Ce dialogue ne lui inspira pas seulement un respect de principe pour la philosophie spéculative ; il fut l’origine d’une conversion de vie. En effet, les Soliloques rapportent à cette découverte de l’Hortensius

son renoncement

dra obtenir

d’un

à l'esprit de richesse ;

manichéen

par la suite, lorsqu'Augustin, intellectuel,

élève

ou

ou catholique, vouami,

une

conversion

du même type, il lui mettra l’Hortensius entre les. mains et jouera le rôle classique de Xénocrate conquérant Polémon à la sagesse. Au surplus, il ne s’agit nullement d'un abandon de la culture

l'époque



oratoire pour

nous

sommes,

la culture philosophique ; car,

l'opposition

traditionnelle

(1) Voir ci-dessus, p. 78, 82, 91, 173, 181, n. 1 et 4, 203, 216.

à

entre

COMMENT

JUGER

LES

CONTESSIONS

249 F4

les deux trpes de culture n’est plus ressentie à l’écolel. Un passage du Sermon LI permet de fixer comment s'établit la transition entre cette conversion philosophique et la conversion

manichéenne.

Augustin,

acquis à la vie de l'esprit,

a voulu apprécier par lui-même la valeur du témoignage chrétien. Dès qu'il eut ouvert les Évangiles, il s’est trouvé aux prises avec le problème de la double généalogie de Jésus. La seule explication qu’il entrevit fut celle que lui souffla quelque Manichéen : cette discordance entre les deux généalogies est le signe que les chapitres relatifs à la naissance virginale de Jésus sont interpolés ; le Christ est, non un homme de chair, mais un être angélique qui n’a du corps que les apparences. Désormais, la propagande manichéenne avait accès en lui. Si l’on classe selon l’ordre le plus vraisemblable les nombreux passages biographiques des traités antimanichéens d’Augustin, les progrès, puis le déclin du manichéisme dans son esprit apparaissent très nets, par recoupement avec les données des Confessions. Fâché que des autorités catholiques lui eussent

déconseillé l'étude des Écritures, il a d’abord reven-

diqué fièrement le droit de les lire et d’en faire lui-même la critique rationnelle ; les Manichéens ont satisfait son appétit rationaliste en lui signalant quantité d’autres passages choquants et en les éliminant par leur théorie des interpolations. Augustin, qui s'était détaché depuis longtemps du catholicisme par sensualité d’adolescent, s’en sépare maintenant par l'intelligence. I1 apprécie aussi l’amitié que lui témoignent les Manichéens ; il devient

vite,

non

seulement

un

adepte,

mais un militant fougueux, qui convertit plusieurs de ses proches, de ses amis, de ses disciples, qui soutient la secte en des conférences

contradictoires,

qui, pour

son

compte,

respecte

scrupuleusement les prohibitions que lui impose son grade d’ « Auditeur ». I1 faut donc dire qu'Augustin a été pleinement conquis, même si quelques difficultés intellectuelles subsistaient dans l'esprit du converti. La seule limite à son adhésion est qu’au bout de neuf anset plus, il n’a encore pu se résoudre à prononcer les vœux propres aux «Élus» ; il ne désire pas renoncer à sa carrière : il ne se sent pas la force d'observer une continence totale. A l'enthousiasme premier a donc succédé une période de stagna-

tion, une sorte de tiédeur. Les difficultés intellectuelles se font (1) Voir ci-dessus, p. 59.

VII,

250

JUGEMENTS

LES

SUR

CONFESSIONS

plus sérieuses, du fait que les chefs les mieux qualifiés de la secte se révèlent impuissants à les résoudre. Augustin se scandalise

de certaines

conséquences

l'Église manichéenne,

du caractère

obligée maintenant

clandestin

de

à plus de précau-

tions: il voudrait voir excommunier les Élus qui commettent des infractions à leur règle de vie, parfois de véritables attentats aux mœurs ; mais les chefs de la secte n’osent sévir par crainte de dénonciations. L'évolution

d'Augustin

reste

intérieure,

secrète ; à Rome,

il vit et agit toujours parmi les Manichéens ; il n’a qu'à se louer de leurs bons offices. Il garde une mentalité et des réflexes manichéens jusqu'à Milan, même une fois devenu sceptique, puis catholique ; au début de ce séjour, il imagine encore que Faustus de Milève pourrait venir lever ses doutes! ; lorsqu’Ambroise lui indique un précepte sur la question du jeûne, il réagit intimement dans un esprit de défiance contre l'autorité?; retiré à Cassiciacum,

il blâme

rétrospectivement,

dans le De

uita beata, les autorités catholiques qui interdisent la lecture des Livres saints. L'attitude d’'Augustin, durant sa première année d’enseignement

milanais, vaut qu’on s’y arrête. C’est le moment



il va passer du doute provisoire manichéen au doute provisoire catholique. En attendant, il est sceptique, désabusé, mais plus ambitieux que jamais. Puisqu’ il a abandonné le projet de devenir un jour un « Élu », le principal mobile qui l'anime est le souci d’une belle carrière dans le professorat ou, de préférence, dans l’administration. Il se réjouit d’être appelé par ses fonctions à prononcer,le 17 janvier 385,le panégyrique officiel de Bauton, et le 22 novembre, celui du jeune empereur Valentinien Il; il cherche à plaîre aux puissants du jour, sans

se soucier que leur politique soit hostile aux Manichéens ou aux Catholiques ; il projette un mariage utile. Il reste pourtant susceptible d’autocritique lorsqu'un fait-divers, l’hilarité d’un mendiant ivre, le désintéressement d’un appariteur misérable, l’incitent à faire un retour sur lui-mêmet. Certains passages des Confessions, mal interprétés, ont souvent fait croire qu'Augustin eut des relations personnelles (1) Voir ci-dessus, p. 45 et n. 2. (2) Voir ci-dessus, p. 90. (3) Voir ci-dessus, p. 65. (4) Voir ci-dessus, p. 84.

COMMEXT JUGER LES CONFESSIONS étroites avec

251

Ambroise ; en fait, au cours des deux premières

années du séjour milanais jusqu'au départ à Cassiciacum, leurs relations se réduisent à très peu de chose : une visite de politesse à l’arrivée, une démarche, non couronnée de succès, en faveur de Monique, quelques échanges de propos aimables, mais brefs et sans aucun caractère confidentiel. Encore le mouvement propre d'Augustin, au cours de la démarche relative à Monique, a-t-il été une réaction toute manichéenne. Il semble

avoir

pris soin, dans

ses Confessions,

de taire cet

épisode et, tout en s’accusant d’ambition, de glisser sur les gages qu'il a pu donner, dans ses panégyriques, à un gouvernement ennemi des Catholiques. *% *

Faut-il donc croire, comme

*

certains l'ont fait, que la pré-

tendue influence d'Ambroise sur Augustin, affirmée à plusieurs

reprises dans les Confessions, est une fraude pieuse ? La conclusion semble s'imposer si l’on tient Ambroise pour un ennemi des philosophes et si l’on constate qu'Augustin, au cours de l’année 386, s’engoue des Néo-platoniciens. Or, nous avons au contraire, au cours du présent travail, acquis la certitude fondée sur des parallèles textuels, que quelques sermons d'Ambroise ont réellement exercé une influence capitale sur la pensée d'Augustin, au moins à partir d'avril 386. D'une part, deux sermons de l’Hexameron, relatifs l'un au libre-arbitre, l’autre à la nature incorporelle de Dieu, parce qu'ils s’opposaient directement aux vues manichéennes qu'Augustin avait toujours admises, l’ont frappé au vif ; ils lui ont entr'ouvert un univers spiritualiste dont il n'avait aucune idée : il semble s'être livré, dès lors, à une enquête personnelle sur

l'âme

humaine,

s'intéressant

aux

songes,

observant

un

sourd-muet. D'autre part, les sermons De Isaac uel anima et De bono mortis utilisent des pages entières de Plotin ; la péroraison du premier commente, phrase à phrase, la finale magnifique du traité Sur le Beau; ces sermons présentent, dans un contexte testamentaire, revues et corrigées selon les dogmes catholiques, les doctrines fondamentales des Ennéades sur le souverain Bien, l’origine du mal, l'ascension

de l’âme vers

Dieu jusqu’à l’extase, la patrie céleste, la libération que procure la mort du corps, la vie perpétuelle des Bienheureux. La

VII.

252

JUGEMENTS

SUR

LÉS

CONFESSIONS

« sobre ivresse » qu’Ambroise, par ses sermons, dispensait à Augustin, est à la fois celle que procure l’Esprit-Saint et celle que produit le nectar cher aux Néo-platonicienst. Même si la démonstration par laquelle j'établis la date de ces sermons paraissait peu sûre, le seul fait qu'Ambroise ait pu professer publiquement des doctrines dont l’origine plotinienne était et reste immédiatement perceptible, éclairerait d'un jour nouveau le problème de la conversion d’Augustin.

Conversion au néo-platonisme ou conversion au christianisme ?

Conversion à un néo-platonisme teinté de christianisme ou conversion à un christianisme teinté de néo-platonisme ? « Comment expliquer l’interpénétration d'éléments chrétiens et néoplatoniciens, qui s’observe sans aucun doute lors de la conversion ? Nous ne pouvons, écrivait Janssen, qu’exprimer des hypothèses puisque nos sources sont muettes à ce sujet?. » Un examen approfondi des sources montre qu'elles ne sont pas vraiment

muettes ; la controverse

relative

à la conversion

perd son sens, dès l'instant qu’'Ambroise, évêque depuis douze ans, et non chrétien de fraîche date, n’hésite pas à préconiser

devant ses ouailles les thèses plotiniennes assimilées au dogme chrétien. Il est même permis de soupçonner qu'il faisait siennes certaines thèses porphyriennes ! Néo-platonisme et christianisme sont intimement liés, pour les têtes pensantes de l’Église milanaise, et non opposés comme ont

cru

les modernes.

Cette

formule

de synthèse,

élaborée

déjà, est celle à laquelle Augustin a donné son entière adhésion. L'origine de cette synthèse remarquable paraît bien

(1) Voir ci-dessus, p. 121 ; AmBroise, De Isaac, V, 59-60, p. 673, 18 ; De Juga saeculi, VIII, 51, p. 203, 23 (sur le cratère) ; Aucusrin, Conf., V, 13. 23, 9, p. 112, écrivait : « Et ueni Mediolanium ad Ambrosium episcopun, .….cuius tune eloquia strenue mivistrabant adipem frumenti tui et laelitiam olei et sobriam uini ebrielatem populo tuo. » Comme l’a noté IH. Lewy, Sobria ebrietas, p. 158, Augustin honore finement Ambroise en lui appliquant l’oxymoron qui lui est cher, d'après son hymne VIT, PAL EC EN 14141 : « Laeti bibamus sobriam Ebrietatem Spiritus » ; sur l'ivresse du nectar chez Plotin, cf. Lewy, op. cit., p. 103-105 ; Curuoxr, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, Paris, 1942, p. 311. Même interprétalion chrétienne des thèmes de la sobre ivresse, du cratère et du Banquet de la Sagesse, appliqués au Cantique des cantiques, chez Grégoire de Nysse : ut. J. Danrécou, Platonisme et théologie mystique, essai sur la doctrine spirituelle de s. Grégoire de Nysse, thèse, Paris, s.d. [1944], p. 292 et suiv. Addendum,

ci-dessous,

(2) K. Janssen,

teck, 1936, p. 72.

p. 266-267.

Die Enistehung der Gnadenlehre

Augustins,

Diss. Ros-

COMMENT

JUGER

LES CONFESSIONS

253

remonter à Marius Victorinus, dont Simplicien, catéchiste d'Ambroise, avait été le familier. Il est moins aisé de déterminer comment Augustin a fait des progrès dans la doctrine. Le fait sûr est qu’il n’a été conquis à la cause chrétienne ni par le courage politique d'Ambroise, ni par ses miracles de juin 386. Son évolution a dû être très rapide, affaire

de

quelques

mois ; l’ordre des faits paraît à

reconstituer comme suit, au prix d’un minimum de conjecture : Augustin, après avoir oui les sermons plotiniens d'Ambroise, a éprouvé une vive excitation intellectuelle ; il a voulu s'informer aux sources, s’est adressé, peut-être sur le conseil

d'Ambroiïise, au grand philosophe milanais Theodorus, à la fois plotinien et chrétien ; celui-ci lui a accordé plusieurs entretiens sur l’âme et lui a prêté les Z:bri Platonicorum : dès la lecture de quelques traités des Ennéades, Augustin, en proie à un « incroyable incendie », a cru pouvoir s'élever d'emblée jusqu’à l’extase ; cette tentative plusieurs fois répétée s’est soldée par un échec pénible. Dans un immense désarroi, Augustin s’est alors tourné vers Simplicien, l’ancien catéchiste d’Ambroise ; celui-ci a confronté systématiquement devant lui les Ennéades et le prologue johannique, en insistant sur l’apport propre du christianisme; il lui a conseillé la lecture des Épttres de Paul; cette lecture, pensait-il, expliquerait à Augustin le divorce qu’il observait entre ses appétits d’extase et son impuissance radicale à y parvenir. Ambroise,

Theodorus,

Simplicien,

ces

trois

hommes,

fort

différents l’un de l’autre, ont agi dans le même sens et d’un commun effort sur l’évolution d'Augustin. Cette évolution est à la fois philosophique et religieuse. Les sermons d'Ambroise lui ont fait découvrir l'existence d’un plotinisme chrétien dont le spiritualisme s'oppose aux croyances manichéennes, mais s'accorde avec la foi catholique. Le philosophe Theodorus l'a instruit plus profondément des doctrines néo-platoniciennes et lui a communiqué plusieurs traités de Plotin. Le prêtre Simplicien a achevé cette nouvelle formation intellectuelle, en filtrant les données du néo-platonisme à la lumière des lécritures.

En outre,

Theodorus,

par son

exemple,

a conduit

Augustin à désirer plus ardemment l’ofium que procure une retraite philosophique. Simplicien a hâté sa conversion morale, Jui a proposé Victorinus pour modèle, l’a incité à un acte d'adhésion à l’Église, et, par sa sainteté ascétique, l'a acheminé vers la décision de réformer sa conduite.

254

VII, JUGEMENTS SUR LES CONFESSIONS

On remarquera

que,

dans les Confessions,

Augustin,

par un dessein arrêté, soit pour la commodité

soit

de l'exposé,

au éclaire différemment ces diverses influences : il attribue intelsion seul Ambroise le mérite d’avoir préparé sa conver juslectuelle ; il réduit le plus possible l’action de Theodorus, l'inque cien, qu’à taire son nom ; il ne mentionne, de Simpli pas fluence morale, alors que l'influence intellectuelle ne fut prélignes es quelqu moins profonde, comme en témoignent in cieuses de la Cité de Dieu ; c'est lui qui a préservé August ité l'humil à s conqui l'a qui et de s’égarer vers le plotinisme pur du Christ incarné. Nous avons quelques indices de l'attention qu'Augustin prêta et du sens qu'il attacha à plusieurs versets de l'Épitre aux Romains, au cours de cette lecture. Pourquoi devait-il, à mi-chemin, prendre la décision de démissionner et de se retirer dans un loisir studieux ? Ce n’est que l'aboutissement d’une velléité ancienne, car il avait caressé déjà semblable projet avec le manichéen Romanien et d’autres amis; les milieux manichéens de Rome, à la même date, faisaient aboutir une telle entreprise. Depuis qu'il s'était épris des Néo-platoniciens, l’idée devait le hanter à nouveau d’imiter la Platono

polis de Plotin ou, plus près de lui, Theodorus qui s'était démis de ses charges pour mener une vie philosophique dans la campagne milanaise ; la violente crise d'asthme dont Augustin souffrait alors,le rendait, du reste, peu propre à l’enseignement. La scène du jardin de Milan n’a donc, sous le rapport de la démission, rien que de naturel ; la décision subite n’est au fond

que le dénouement d’une longue évolution. Le désir même de se vouer à la continence remontait au temps où Augustin, simple « auditeur » manichéen, s’efforçait vainement d’atteindre le degré de perfection des « élus ». Le déterminant ultime

est, selon les Confessions,

le récit de Pontitianus

qui

révèle l'existence des disciples de saint Antoine, voués à la continence et constitués en communautés chrétiennes. On comprend mieux que ce récit ait eu tant d’écho chez Augustin et Alypius, si les jeunes « convertis » de Trèves, qui ont brisé leur carrière pour

embrasser

la vie parfaite,

sont,

comme eux, des intellectuels pleins d’avenir ; il est au moins vraisemblable que ces deux jeunes gens doivent être identifiés avec Bonose et saint Jérôme, tous deux convertis à Trèves au contact d'Évagre d’Antioche, traducteur de la Wie de saint

COMMENT JUGER LES CONFESSIONS

255

Antoine. Jérôme, à l'époque où l’anecdote est contée, s'était acquis déjà une belle réputation par ses écrits. La scène du jardin contient-elle, comme

on l’a dit, soit un

miracle chrétien, soit du merveilleux païen ? Le figuier est un décor symbolique ; le Tolle, lege, pour qui sait lire Augustin, n’est que l'expression littéraire d’un fait intérieur. Augustin attribue ce cri aux enfants de Continence,

à toute cette jeu-

nesse qui habite la demeure divine pour s'être vouée dès l’adolescence à une pieuse retraite. Cette allégorie traduit seulement l'appel intime qu’entend Augustin, sous l'impression des récits de Pontitianus ; la scène du jardin de Milan ne fait du reste, que reproduire trait pour trait la scène du parc de Trèves. Voilà pourquoi, très naturellement, Augustin, dès qu’il reprend sa lecture de l'Épftre aux Romaïns, interrompue quelques heures par la visite inopinée de Pontitianus, s'applique le premier verset qui lui tombe sous les yeux, le médite inten-

sément', l'interprète dans le sens d’une invitation au renonce-

ment, et forme, ainsi qu’Alypius, la décision sur laquelle ils ne

reviendront plus.

Le séjour sions, parce au plus vite à des luttes

à Cassiciacum est à peine décrit dans les Confesqu'Augustin, parvenu au livre IX, veut en finir avec sa biographie ; il fait pourtant une allusion intérieures, sans rien préciser ; les Soliloques nous

révèlent la lutte contre les tentations charnelles, le De ordine

les difficultés intellectuelles. Le personnage auquel s’est âlors adressé Augustin, mais en vain, pour qu'il l’aide à résoudre ses angoisses relatives à la nature de l'âme, n'est sûrement pas Ambroise, comme on l’a répété, mais sans doute Theodorus. Pourquoi s'étonner que le récit de conversion, tel qu'il ressort des Confessions, soit si différent de l'impression que laissent

les Dialogues écrits à Cassiciacum ? A raisonner ainsi, il faudrait conclure, non seulement qu'Augustin n’est pas chrétien d'intention à cette date, mais pas davantage néo-platonicien ; le car les Dialogues sont essentiellement cicéroniens, pour rapides de que trouve n'y On forme’. la fond comme pour allusions à la pensée néo-platonicienne, comme à la religion genre chrétienne. L'audace était, au contraire, en dépit du (1) Cf. S. Supuaus, wissenschaft,

Laules und leises Beten, dans Archiv

t. IX, 1906, p. 190, n. 2 ; J. Bazocu,

t. XXIII, 1925, p. 345-348. (2) Voir ci-dessus, p. 58 et n. k.

für Religions-

Voces paginarum, ibid.,

47

256

VII. JUGEMENTS SUR LES CONFESSIONS

philosophique des dialogues cicéroniens, d'y glisser le nom du Christ. Augustin lui-même nous avertit qu'Alypius s'était d’abord scandalisé de l’y voir figurer et désirait que les passages où il apparaît fussent rayés des comptes rendus sténographiques : « Je revis ces jours-là par le souvenir, et il m'est doux, Seigneur, de confesser... comment vous avez assujetti Alypius, le frère de mon cœur, au nom de votre Fils unique, Notre

Seigneur et sauveur Jésus-Christ, ce nom que d’abord son dédain ne pouvait souffrir dans mes écrits. Il aimaït mieux y respirer l'odeur des cèdres de l’école, déjà brisés par le Seigneur, que celle des herbes salutaires de votre Église, qui protègent du venin des serpentsi. » Dans les Confessions, Augustin est encore beaucoup plus rapide sur son baptême et son second séjour à Milan et à Rome,

que sur le séjour à Cassiciacum. Il ne prend même pas la peine de préciser qu’il a été baptisé de la main d’Ambroise ; il ne dit rien de la catéchèse baptismale ; nous pouvons seulement,

par recoupements, soupçonner qu'il entendit alors des homélies d'Ambroise sur Isaïe et sur Luc, et qu'il fut initié aux dogmes du péché originel et de la rédemption. L'attitude d’Augustin à la veille du baptême n’est ni plus ni moins étonnante que celle de Cassiciacum. I1 n’a nul dédain pour la culture profane, car il élabore un grand ouvrage Sur les disciplines, en dépit du qu’en dira-t-on ; il rédige un traité

De l’immortalité

qui est beaucoup

plus nettement

plotinien que les Dialogues de Cassiciacum.

de l'âme

Maïs en même

temps, il fait, à la suite d’Alypius, des progrès dans la voie

de l’ascétisme chrétien ; tous deux se proposent pour modèle l’illustre « converti » Paulin, le futur saint de Nole. Cet exem-

plum renouvelle en eux l'influence qu'avait exercée, l’année (1) Aucusrin,

Conf., IX, 4, 7, 14, p. 214. Le nom

du Christ figure à plu-

sieurs reprises dans le De ordine ; cf. C.S.E.L., t. LXIII, Index nominum, s.u. Christus. Ce passage des Confessions me semble donner raison à R. Pur-

zippson, Sind die Dialoge

Augustins

historisch ? dans

Rheinisches Museum,

t. LXXX, 1931, p. 144-150, et B.-L. MEuLENBRoEK, The historical character of Augustine’s Cassiciacum dialogues, dans Mnemosyne, ser. III, t. XIII, 4947, p. 203-229, selon lesquels les Dialogues reposent sur un compte rendu sténographique, mais n’exclut pas l'hypothèse, soutenue par A. Gupe-

man, Sind die Dialoge Augustins historisch ? dans Silvae Monacenses, 1926, p. 16-27, selon laquelle il peut y avoir des passages remaniés. AUGUSTIN, Conf., VIII, 2, &, 17, p. 179, comparait aussi, par allusion au Ps. XXVIII, 5, les intellectuels

païens

amis

encore brisés par le Seigneur.

de

Victorinus,

aux

cèdres

du

Liban

non

COMMENT JUGER LES CONFESSIONS

257

précédente, celui des convertis de Trèves. Cet approfondissement

à la fois métaphysique

et religieux,

néo-platonicien

et

chrétien, qui se poursuivra encore au cours du second séjour romain, paraissait jusqu'à présent difficile à expliquert. Tout devient simple dès l'instant où nous savons qu'Augustin a été initié au néo-platonisme, au sein même de l’Église milanaise. Après le baptême, une certaine intimité semble s'être enfin créée, entre Ambroise

et Augustin

pendant

les derniers mois

du séjour milanais ; malgré le silence total des Confessions, nous disposons à ce sujet d’un faisceau de textes et d’indices ténus, mais concordants ; l’année passée à Rome ne fera oublier à Augustin ni les enseignements d'Amiroise, ni les usages milanais. L'expérience d’'Ostie nous révèle, enfin, le progrès accompli depuis le temps des tentatives d’'extases de 386. A la vérité, Augustin ne s’y montre pas moins plotinien que l’année précédente ; sa vision n'est pas moins fugace ; la seule diffé-

rence, mais elle est capitale, tient à ce que cette fugacité engendre l'espoir, et non plus le désarroi ; car Augustin, se fiant aux pro-

messes chrétiennes, possède maintenant l'espérance de la vision face à face, réservée aux baptisés. On voit comment il est possible, à l’aide de critères externes, de contrôler la véracité relative des Confessions et des Dialogues, mais aussi d'enrichir considérablement le récit biographique.

I1 convient, pour terminer, de noter combien ce récit des Confessions est probe, si on le compare

de l’hagiographie

aux procédés coutumiers

et de l’arétalogie contemporaines?.

Point

d'artifices, point de « miracles » tout faits dans la vie d'Augustin, malgré la rhétoriqueset la tendance romanesque qui est sen(1) M. Alfaric était réduit à tenir le baptême pour négligeable et se perdait en conjecture, op. cit., p. #11, sur le motif des progrès néo-platoniciens : « (Le De immortalitate) prouve, d'autre part, que le Néo-platonisme a exercé une influence de plus en plus grande sur l'esprit du nouveau converti. Peut-être celui-ci n’avait-il pu emporter les écrits de Plotin à Cassiciacum. En tout cas, il les a étudiés de plus près et il s’en est mieux approprié la

doctrine dans le second séjour qu'il a fait à Milan. »

(2) E.-Ch. Basur, Saint Martin de Tours, Paris, sd. p. 85, n. 3, peu tendre

pour les Pères de l'Église, oppose pourtant Augustin aux arétalogues : « S'il y a un homme de ce temps qui ait eu notre sens moderne de la véracité, j | c'est lui. » (3) Hanrnacx, Augustin, p. VIII, écritavecraison,à propos de la rhétorique des Confessions : « Elle est un art, tout comme la poésie ; bien plus, elle est elle-même une sorte de poésie, et dans l’Antiquité un sentiment vrai pouvait, sans se trahir, jouer de cet instrument-là ».

258

VII. JUGEMENTS

SUR LES CONFESSIONS

sible dans l'expression de la scène du jardin. L'évêque d'Hippone est pourtant convaincu et cherche à convaincre le lecteur que Dieu mène le jeu de bout en bout, avec sa Providence, avec sa Grâce ; les impies eux-mêmes sont ses instruments sans le savoir : les hasards apparents recouvrent ses intentions secrètes. Cette interprétation a parfois conduit Augustin à omettre de préciser, dans les Confessions,

par quelles voies humaines

les faits s’enchaînaient. Mais quantité d’autres textes autobiographiques comblent ces lacunes et enrichissent, si l’on confronte leurs témoignages, nos connaissances d'histoire littéraire touchant le rhéteur de Carthage et de Milan; ils ont permis, en particulier, de mieux faire saisir la continuité des faits, la transition entre conversion philosophique et con-

version manichéenne, le rapport intime entre conversion néoplatonicienne et conversion catholique.

APPENDICES

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APPENDICE

I

ADDENDA

P. 15, n. 4 : À propos du rhéteur Hiérius, L. HERRMANN, Hiérius et Domitius, dans Laitomus, t. XIII, 1954, p. 37-39, suggère de corriger le texte des Confessions, IV, 14, 27, 7, p. 82: « Siro docto » en « miro doctore ». Correction superflue et très fâcheuse,

à mon

sens.

P. 35, n. 3 : La formule des Confessions, IV, 13, 20, 16, p. 8x, relative au De pulchro et apio en deux ou trois livres : « Aberrauerunt a nobis nescio quomodo » reparaît sous la forme : « nescio quo modo aberrauit » chez AUGUSTIN, Epist. ad Euodium, CLIX,

1, C.S.E.L., t. XLIV,

p. 498, 8, à propos d’une

lettre d'Evodius qu'Augustin ne peut retrouver dans ses archives. Cf. B. ALTANER, Saint Augustine’s Preservation of his own Writings, dans Theological Studies, t. IX, 1948, p. 600603. P. 50, n. 4 : Comparer avec ces textes SÉNÈQUE, fragment 121,

ap. LACTANCE,

Jnsi. LMP

CISTE LE CRIE

EE DE T0)

4 : «Merito igitur etiam senum stultitiam Seneca deridet : ‘ Non, inquit, bis pueri sumus, ut uulgo dicitur, sed semper : uerum hoc interest, quod maiora nos ludimus ”. » P. 50, n. 5 : Sur les études virgiliennes et cicéroniennes d’Augustin et la place qu’y tenait la mnémotechnique, cf. AUGUSTIN,

De naiura et origine animae, IV, 7, 9, GS

DAat Lx

Eb83680,

7 : « Amicus

quidam meus jam inde ab adolescentia, Simpli-

cius nomine,

homo

excellentis mirabilisque memoriae,

cum

in-

terrogatus esset a nobis, quos uersus Virgilius in omnibus libris supra ultimos dixerit, continuo celeriter memoriterque respondit...

Prosa

etiam

de

quacumque

oratione

Ciceronis,

262

quam

ù

memoriae

APPENDICE

commendauerat,

I

id eum

facere uoluimus

;

quantum uoluimus, sursum uersus secutus est. Cum ammiraremur, testatus est Deum, nescisse se hoc posse ante illud experimentum. » P. 51, n. 5 : Autres souvenirs d’enfance rapportés par, AuGUSTIN, Enarr. in Ps. LxxVI, 20, 10, C.C., t. XXXIX, p. 1064 : « Solebamus pueri suspicari, cum audiremus tonitrua de caelo,

quasi uehicula de stabulo processisse : habent enim tonitrua quamdam concussionem similem uehiculis » ; De quantitate antmae,

XXI, .36, éd. Labriolle,

p. 300 : « Cum

ergo puer multo

amplius itineris conficiebam sine defectu, cum aucupandi studio in ambulando exercerer, quam adolescens cum me ad alia studia, quibus sedere magis cogebar, contulissem, si accedenti aetati et per hanc animae crescenti uires ampliores tribuendae sunt ? » P. 70, n. 2 : Un autre ami manichéen est ce Cornelius qui fut guéri provisoirement du vice charnel par le manichéisme, au dire d'AUGUSTIN, Epist. ad Cornelium, CCLIX, 3, p. 613, 3 : « Cum

esses non

dicam catechumenus,

sed in errore nobiscum

perniciosissimo constitutus iuuenis, iunioribus nobis, ab hoc te uitio temperantissima uoluntate correxeras. » P. 75, n. 3 : Une lettre, aujourd’hui perdue, d’Augustin à ce Flaccianus est mentionnée par Possipius, Indiculum, éd. A. Wilmart, dans Miscellanea Agostiniana, t. II, p. 185, 1. 49, et figure encore vers l’an 825 dans une bibliothèque (cf. G. BEcKER, Catalogi bibliothecarum antiqui, Bonn, 1885, p. 15, 5 : «ad Flactianum epistolam unam. »). B. SMALLEY, Flaccianus, De visionibus Sibyllae, dans Mélanges Etienne Gilson, Paris, 1959, p. 547-552, parle d’un apocryphe médiéval qui lui fut attribué. P. 77, n. 6 : La conjecture selon laquelle le Firminus des Confessions est bien un ami milanais d'Augustin devient encore plus vraisemblable du fait que, dans l’Indiculum de PosSIDIUS (éd. cit. p. 182), une Lettre aujourd'hui perdue d’Augustin à Firminus est mentionnée aussitôt après ses Leitres à

Nebridius (— Epist. III à XIV), à Hermogénien (— Epist. I) et à Zenobius (— Epist. II). Il s'agit d’un lot de lettres adressées aux amis du temps du séjour milanais.

ADDENDA

263

P. 103-105 : Cette enquête milanaise sur les songes paraît attestée encore par un texte beaucoup plus tardif, du livre XVIII de la Cité de Dieu. Nous apprenons que, lors de son séjour en Italie, Augustin a entendu un témoin sérieux, nommé Praestantius, parler de filles d’auberge qui, à l’aide de fromage empoisonné, métamorphosaient leurs clients en bêtes de somme. Augustin, pour son compte, voit là maléfices des démons, mais n’admet pourtant pas qu'ils puissent changer la nature humaine. Il suppose que ces filles, à l’aide de narcotiques, infligeaient à leurs patients des songes au cours desquels ils se voyaient ainsi métamorphosés. Un autre ami lui rapporte un autre songe, analogue à celui d’'Eulogius : un élève philosophe qui voit en songe son maître lui expliquer des passages obscurs de Platon. Ceci s'accorde bien avec ce que nous savons du cercle platonisant de Milan, fréquenté par Augustin (Cf. AuCRT

CaU

Den OCVIILS

IST

ICS E Lit,

XL

7 4D.2200;

24 — éd. Dombart-Combès, Paris, 1960, p. 538) : « Si enim dixerimus ea non esse credenda, non desunt etiam nunc qui eius modi quaedam uel certissima audisse uel etiam expertos se esse adseuerent.

Nam

et nos, cum

essemus in Italia, audie-

bamus talia de quadam regione illarum partium, ubi stabularias mulieres inbutas his malis artibus in caseo dare solere dicebant, quibus uellent seu possent uiatoribus, unde in iumenta

ilico uerterentur et necessaria quaeque portarent postque perfuncta opera iterum ad se redirent ; nec tamen in eis mentem fieri bestialem, sed rationalem humanamque seruari, sicut Apu-

leius in libris, quos ‘ Asini

aurei”

titulo inscripsit, sibi ipsi

accidisse, ut accepto ueneno humano animo permanente asinus fieret, aut indicauit aut finxit. Haec uel falsa sunt uel tam inusitata, ut merito non credantur. Firmissime tamen creden-

dum est omnipotentem Deum posse omnia facere, quae uoluetit, siue uindicando siue praestando, nec daemones aliquid operari secundum naturae suae potentiam (quia et ipsa angelica creatura est, licet proprio uitio sit maligna) nisi quod ille permiserit,

cuius

occulta

iudicia

sunt

multa,

iniusta

nulla.

Nec

sane daemones naturas creant, si aliquid tale faciunt, de qualibus ‘actis ista uertitur quaestio... Quae onera, si uera sunt corpora,

portantur

a

daemonibus,

ut

inltudatur

hominibus,

partim uera onerum corpora, partim iumentorum falsa cernentibus. Nam quidam nomine Praestantius patri suo contigisse indicabat, ut uenenum illud per caseum in domo sua sumeret

264

APPENDICE I

et iaceret in lecto suo quasi dormiens,

qui tamen

nullo modo

poterat excitari. Post aliquot autem dies eum uelut euigilasse dicebat et quasi somnia narrasse quae passus est, caballum se scilicet factum annonam inter alia iumenta baïulasse militibus, quae dicitur Retica, quoniam ad Retias deportatur. Quod ita, ut narrauit, factum fuisse conpertum

est ; quae ta-

men ei sua somnia uidebantur. Indicauit et alius se domi suae per noctem, antequam requiesceret, uidisse uenientem ad se philosophum quendam sibi notissimum sibique exposuisse nonnulla Platonica, quae antea rogatus exponere noluisset. Et cum ab eodem philosopho quaesitum fuisset, cur in domo eius fecerit, quod in domo sua petenti negauerat : ‘ Non feci, inquit, sed me fecisse somniaui ’. Ac per hoc alteri per imaginem phantasticam exhibitum est uigilanti quod alter uidit in somnis. Haec ad nos non quibuscumque, qualibus credere putaremus indignum, sed eis referentibus peruenerunt, quos nobis non existimaremus fuisse mentitos. Proinde quod homines dicuntur mandatumque est litteris ab diis uel potius daemonibus Arcadibus in lupos solere conuerti, et quod Carminibus Circe socios mutauit Ulixi (VIRGILE, Buc. VIII, 70),

secundum istum modum

mihi uidetur fieri potuisse, quem dixi,

si tamen factum est. » Tout ce développement

doit nous

broise aussi, dans le De excessu

rappeler que saint Am-

Satyri, traite

simultanément,

en évoquant des vers de Virgile sur Circé, le problème des métamorphoses et celui de la métensomatose (ci. mon Appendice IV, ci-dessous, p. 368-382) ; d'autre part, la thèse d’Augustin, niant que l'être métamorphosé perde sa nature humaine, est d’origine porphyrienne (cf. ‘H. DGRRIE, Kontroversen um die Seelenwanderung 1m khaiserzeitlichen Plaionismus, dans Hermes, t. LXXXV, 1957, p. 414-435 ; P. COURCELLE, La ‘ Consolation de Philosophie * dans la tradition littéraire. Antécédents et postérité de Boëèce, Paris, 1967, p. 194-196). P. 129, n. 2 : Sur le nouvel Erôs dont la flèche est la charité chrétienne, cf. AUGUSTIN,

Conf. IX, 2, 3, I, p. 210 : « Sa-

gittaueras tu cor nostrum caritate tua » ; F.-J. DOLGER, Christus als himmlischer Erôs und Seelenbräutigam bei Origenes, dans Antike und Christentum, t. VI, 1950, p. 272-275, renvoyant à plusieurs passages d'Origène, où le Christ fiancé des

ADDENDA

265

âmes est présenté comme un Erôs qui sème en esprit ; cf. aussi ARNOBE

LE JEUNE,

In Ps. xuiv, P.L., t. LIII, 388 A.

P. 140, n. 2 : Les saints Gervais et Protais ont guéri non seulement l’aveugle milanais de 387, mais d’autres par la suite, par exemple, au vie siècle, l’aveugle du « pagus Uxominsis » mentionné par FORTUNAT, Vita sancti Germani, LV (148), M.G.H., Auct. ant., t. IV, p. 23, 1 : « Item cum ad basilicam beatissimorum Geruasi et Protasi uigilaturus accederet, qui-

dam caecus institit misericordiam postolare. Cui uir Dei praecepit inter altare sanctorum reliquias ut iaceret. Quo peracto primo diluculo mox super oculos signum crucis intulit, lux effulsit. » Sur les développements de leur culte, voir mon article Fragments historiques de Paulin de Nole conservés par Grégoire de Tours, dans Mélanges L. Halphen, Paris, 10951, p. 148-153 ; J. DoIGNoN, Perspectives ambrosiennes. Saints Gervais et Protars gémies de Milan, dans Revue des études augustiniennes, t. II, 1056, p. 313-334 ; L. Dupraz, Les Passions de saint Maurice d'Agaune, Fribourg, 1961, p. 125-127 ; 135; 149-I51; 154, n. 4. P. 146, n. 5 : À l'égard des miracles, blâme encore ceux à la divinité, fût-ce

propos de la longue défiance d'Augustin à on notera que le rédacteur des Confessions qui demandent des signes ou des prodiges la pieuse Monique ; car c’est tenter Dieu :

cf. Conf. VI, 13, 23, 7, p. 139 : « Cum sane et rogatu meo et desiderio suo forti clamore

cordis abs te deprecaretur

cotidie,

ut ei per uisum ostenderes aliquid de futuro matrimonio meo, numquam uoluisti. Et uidebat quaedam uana et phantastica » ; X, 35, 55, 10, p. 282 : « Hinc etiam in ipsa religione Deus temptatur, cum signa et prodigia flagitantur non ad aliquam salutem, sed ad solam

experientiam

desiderata » ; X, 35, 56, 12,

p. 282 : « À te, Domine,quantis mecum suggestionum machinationibus agit inimicus, ut signum aliquod petam.» Et sa consultation des « sorts bibliques » lors de la scène du jardin? L'on peut penser soit que le signe est survenu sans qu'Augustin l’ait demandé comme signe, soit que les circonstances correspondent au cas prévu par le «ad aliquam salutem »; cf. son Epist.

ad Ianuarium,

LV,

20,

37,

CSL

RER XIV?

:2,

p. 212, 3 (écrite en l’an 400) : « Hi uero qui de paginis euangelicis sortes legunt, etsi optandum est, ut hoc potius faciant, quam ad daemonia consulenda concurrant, tamen etiam ista

266

APPENDICE

I

mihi displicet consuetudo, ad negotia saecularia et ad uitae huius uanitatem, propter aliam uitam loquentia oracula diuina uelle conuertere. » P. 173, n. 7. : Sur Augustin appelant Simplicien pater et non frater, ajouter AUGUSTIN, De diuersis quaestionibus ad Simplicianum, praef., éd. Bardy, Beckaert

et Boutet,

Paris, 1952,

p. 411 : « Gratissimam plane atque suauissimam interrogationum tuarum dignationem mihi, pater Simpliciane, misisti. » P. 174, n. 2 : La thèse ambrosienne de l’antériorité de la Révélation mosaïque par rapport à Pythagore et Platon, qui l’auraient connue, remonte jusqu’au Iv® siècle avant J.-C. et est souvent admise par les païens eux-mêmes ; cf. A.-J. FEsTUGIÈRE, La révélation d'Hermès Trismégiste, t. I, L'astrologie et les sciences occultes, Paris, 1944, p. 19-25. Le mot le plus célèbre est celui de Numénius qualifiant au 11e siècle Platon : « Moïse atticisant. » P.

être

182,

: Le

discours

du

converti

de

Trèves,

préférant

«amicus Dei» plutôt qu’ « amicus imperatoris », s'inspire

de l'attitude de nombreux martyrs; cf. KE. LE BLANT, Les Actes des martyrs, dans Mémoires de l'Académie des I nscriplions,

t. XXX, 2, 1883, p. 132-136. L’antithèse devint un « topos » hagiographique. PHILON, Quuest. in Exod., IV, 75, disait déjà que tous les sages sont pihor Geoÿ. P. 186, n. I : Autres hésitations sur la date de la traduction

de la Vita sancti Athanasii par Évagre : avant 368, selon P.G., t. XXVI, 826 ; vers 388, à Rome, dit sans aucun motif A.PUECH,

Histoire de la littérature grecque chréhenne, t. III, 1930, p. 110, suivi par W. SESTON, Le monastère d'Ain-Tamda et les origines de l'architecture monastique en Afrique du Nord, dans Mélanges de l'École française de Rome, t. LI, 1934, p. 16. La date la plus probable me paraît fournie par R. HEUSsI, Der Ursprung des Mônchtums, Tübingen, 1936, p. 81 et n. I : sûrement avant 373, date de la mort du destinataire Innocentius, et probablement avant 371 ; la mort d’Innocentius se date d’après JÉRÔME, Epist. ad Rufinum,

III, 3, éd. Labourt,

P. 252, n. 1 : Sur «sobria

t. I, p. 12, 25.

ebrietas » chez saint Ambroise,

cf. J. QUASTEN, ‘ Sobria ebrietas * in Ambrosius ‘ De sacramenhs”, dans Miscellanea liturgica in honorem L.C. Mohlberg, t. 1,

ADDENDA

267

Roma, 1948, p. 117-125 ; C. MOHRMANN, c.r. de M. SIMONETHII, Studi sull'innologia, dans Revue des études latines, t. XXX, 1952, p. 453. Chez PAULIN DE NoLE, cf. Carm. XXIV, 685, Cabot XX p220:: .…înebrietur sobriante

poculo

de fonte sancti Spiritus. XXVII,

105,p. 266 : ebria corda Deo. Quis me miseratus ab isto flumine potabit, quod sobriat ebrietate.

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APPENDICE

LES PREMIÈRES

II

CONFESSIONS

D’AUGUSTIN

La valeur autobiographique de «Confessions » littéraires risque toujours d’être mise en doute. L'auteur n’a-t-il pas déformé les faits, soit pour s’accuser, soit pour s’excuser ? N’at-il pas grossi une peccadille pour faire accepter des actes que l’opinion commune réprouve ? Que l’on songe aux Confessions de Jean-Jacques. Outre ces jugements de valeur, qui sont discutables, l’auteur, s’il raconte des faits déjà anciens de sa vie,

peut les avoir systématisés à la lumière de ce qu’il est devenu au moment

où il écrit ; chacun croit, en effet, à sa propre con-

tinuité et cherche à donner un sens à sa vie. Saint Augustin n’a pas échappé à ces reproches. Le récit de sa conversion est l’objet d’une controverse

déjà ancienne!.

Il aurait drama-

tisé après coup, dit-on, dans ses Confessions, le récit de son évolution philosophique pour la présenter comme un acheminement douloureux vers le Christ ; il aurait minimisé l’importance de sa crise sceptique, alors que le Contra Academicos révèle toute l'importance qu’il attachait, encore à Cassiciacum,

aux doctrines probabilistes ; il aurait antidaté sa conversion en prétendant que le néo-platonisme a servi seulement à faire accepter par sa raison la foi au Christ, héritée de sa petite enfance et jamais tout à fait oubliée. (1) Pour la bibliographie, tino e la critica recente,

et P. de Lagriozze,

dans

cf. U. Mannuccr, Miscellanea

édition des Confessions,

teur prend parti dans cette controverse,

La conversione

Agostiniana,

di s. Agos-

t. II, 1931,

p. 23-48,

p. xt11 et xxir, n. 1 ; l’au-

p. XII-XXII,

reproduisant son art. :

Dans quelle mesure les « Confessions » de saint Augustin sont-elles véridiques ? dans Revue des cours et conf., t. XXVI, p. 661-670. Ajouter W. TaimmE, Augustins Selbsibildnis in den Konfessionen, eine religionspsychologische Studie, Gütersloh, 1929, et U. Moricca, La conversione di s. Agostino, dans

Zl mondo

classico,

t. XI, 1941,

p. 232-253.

APPENDICE II

270

Il me paraît possible, par des rapprochements de textes systématiques, d'apporter quelques précisions au débat, où chacun risque de partir d’une idée préconçue. En eflet, deux pages des traités de jeunesse ont l'allure d’une confession avant la lettre!. L'une du De beata uita (386) va de la lecture de l’Hortensius à la démission du poste de rhéteur ; l’autre du De utilitate credendi (391/392) va de la conversion au manichéisme à la conversion au néo-platonisme. Nous disposons donc, pour certaines périodes, de deux récits, pour d’autres, de trois récits

parallèles qui permettent de retracer à grands traits les phases principales de l’évolution psychologique d’Augustin et de contrôler la valeur autobiographique des livres III à IX des Confessions. Il est facile, en effet, de glaner dans celles-ci les phrases qui correspondent exactement à celles des traités de jeunesse. Une phrase éclaire l’autre, ce qui évitera bien des erreurs d’interprétation. De plus, les additions ou suppressions en disent long sur les intentions diverses du philosophe catéchumène de Cassiciacum, du jeune prêtre de 391 et de l’évêque d'Hippone qui rédige les Confessions entre 398 et 400. Ces parallèles permettront d'apprécier à la fois sa méthode littéraire de développement et le degré de sa véracité. On ne saurait exclure a priori ni que les Confessions déforment les faits, ni que la confession la plus tardive puisse être aussi la plus complète et la plus sincère’, Enfin, on pourra, grâce à ces parallèles et par l’enchaînementmême des phrases, restituer la succession chronologique des étapes parcourues.

(1) Ceci est précisé dans les lignes qui introduisent la confession du De

utilitate credendi, VIII, 20, éd. Knôll, dans C. S. E. L., t. XXV, p. 24, 46 : «….edam tibi, ut possum, cuius modi uiam usus fuerim, cum eo animo

quaererem ueram religionem, quo nunc exposui esse quaerendam. » (2) Le P. Charles Boyer, Christianisme et néo-platonisme dans la forma-

tion de saint Augustin,

thèse,

des Confessions ; P. Arraric,

Paris, 1920, p. 11, postule

L'évolution

intellectuelle

l’absolue

sincérité

de saint Augustin,

thèse, Paris, 1918, p. v-vi, tend, au contraire, à sous-estimer le témoignage

des Confessions à cause

de leur date tardive.

LES PREMIÈRES De

beata

uita

I, 4,

271

D'AUGUSTIN

Knôll,

Conf. III, 4, 7, 13, éd. Labriolle, p-507

« Ego ab usque wndeuicensimo anno postquam in schola rhetoris librum illum Ciceronis qui Hor-

«Non enim ad acuendam linguam,... Cum agerem annum aeta-

PROMIS

lensius

uocatur,

éd.

CONFESSIONS

:

accepi,

tis undeuicensimum... librum illum…

referebam

1. 1, p. 40 : «Inter hos (euersores) ego inbecilla tunc aetate discebam libros eloquentiae, in qua eminere cupiebam fine damnabili et uentoso per gaudia uanitatis humanae, et usitato iam discendi or-

dine perueneram in Zibrum cuiusdam Ciceronis, cuius linguam fere omnes mirantur, pectus non ita. Sed /iber ille ipsius exhortationem continet ad philosophiam et wocatur Hortensius… Ille vero Liber mutauit affectum meum et ad te ipsum, domine, mutauit preces meas...

tanto

amore

Dhilosophiae succensus sum, ut statim ad eam me ferre meditarer ».

»

III, 4, 8, 3, p. 50 : « Apud te enim est sapientia. Amor autem sapientiae nomen graecum habet philosophiam quo me accendebant illae litterae.. Ipsam quaecumque esset sapientiam ut diligerem et quaererem et adsequerer et tenetem atque amplexarer fortiter, excitabar sermone illo et accendebar et ardebam. »

Le récit du De beata uita débute par l'épisode de la lecture de l’Hortensius. Ce seul fait indique quel est le but d’Augustin au moment où il écrit ce récit. La page se borne à conter l’évolution philosophique de l'auteur, depuis son éveil à la philosophie jusqu’au moment où il arrive au port de la sagessel ; ce point de vue s'explique, car la page fait partie du prologue qui dédie ce traité au philosophe Mallius Theodorus’. Pas un (1) Sur l’aspect formel de cette longue comparaison avec un navire qui entre au port, voir mon art. Quelques symboles funéraires du néo-platonisme latin, daus Revue des études anciennes, t. XLVI, 1944, p. 87-88. (2) La page est introduite, p. 91, 10, par les mots : (Quae cum accipe, mi Theodore — namque ad id, quod desidero, te unum

ita sint, intueor

teque aptissimum semper admiror — accipe, Inquam, et quod illorum trium genus hominum me tibi dederit et quo loco mihi esse uidear et abs te cuius modi auxilium expectem. »

APPENDICE II

272

stin, qui mot, donc, sur les dix-huit premières années d’'Augu sur les ni ions, Confess sont la matière des livres I et II des e. Moniqu mère sa de r impressions religieuses qu'il a pu recevoi à mot repris soit ne qui En revanche, il n’est pas un détail te conten se in August ions. mot ou développé dans les Confess auteur d'ajouter alors un souvenir précis : l’Hortensius était un Îles entre titre ce à tombé est du programme scolaire et lui sont qui valeur, de nts jugeme de té mains. Mais il porte quanti morale de l’évêque : dix-neuf ans est l’âge de la faiblesse vanité pure est uence l’éloq de l'étude ; (inbecilla tunc actale) Cicé; e) humana is uanitat gaudia per uentoso et (fine damnabili Augustin ron, maître d’éloquence, est méprisable (cuiusdam). l'amour présente maintenant son amour de la philosophie comme ophie du Dieu des chrétiens, à l’aide d’un syllogisme : la philos aimer donc ; est l'amour de la Sagesse ; or, la Sagesse est Dieu façon la philosophie est aimer Dieu. Enfin, il développe d’une sum sus Succen au : lyrique les sèches données du De beata uita

ardebam ; correspondent les trois verbes : excitabar, accendebar,

teneau ferre, les cinq verbes : diligerem, quaererem, adsequerer, mais doute, Sans ? ique rem, amplexarer. Amplification rhétor surtout confidence intime sur le feu intérieur et les mouvements qui portaient le jeune homme. *k

+

De

beata uita, p. 91,

16 :

« Sed neque mihi nebulae defuerunt, quibus confunderetutr

cursus

meus, et diu, fateor, quibus in eryorem duceret, labentia in Oceanum astra suspexi. Nam et superstitio quaedam puerilis me ab ipsa inquisitione éerrebat

*

De utilitate credendi I, 2, C.S.E.L., COVER

« Nosti

enim,

CIE ZE

HO

Honotate,

ES

non

aliam ob causam nos in tales homines incidisse, nisi quod se dice-

bant,

ferribili

auctoritate

sepa-

tata, mera et simplici ratione eos

qui se audire uellent introducturos ad Deum, et errore omni liberaturos. Quid enim me aliud cogebat, annos fere nouem... homines illos

sequi

ac

quod

nos

diligenter

audire,

superstitione

terreri,

nisi et

fidem nobis ante rationem imperari dicerent, se autem nullum premetre ad fidem, nisi prius discussa

(1) Même affectation de mépris à l'égard de Virgile, Conf. I, 13, 20, 1%, p. 18 : « Aeneae nescio cuius errores. » Cf. ci-dessus, p. 57.

LES PREMIÈRES

CONFESSIONS

et, ubi factus erectior illam cali-

ginem

dispuli

mihique

persuasi

docentibus potius quam iubentibus esse

credendum

(M;

cedendum

Knôll),

D’AUGUSTIN

273

et enodata ueritate? eoque Catholicam maxime criminantur, quod ïillis qui ad eam ueniunt

praecipitur ut credant, se autem non iugum cyedendi imponere, sed docendi fontem aperire gloriantur.» Retr. I, 13, 1, éd. Knôll, dans CS Late RXN TL DAC EE (éd GBardy, p.352): « (Honoratum)..

deceptum

a

Manichaeis adhuc eo eyrore noueram detineri et inridere in Catho-

licae

fidei

disciplina,

yentur homines

quid esset uerum tione

incidi lux

sta,

quae

in homines, oculis

quibus

cernitur,

in-

ter summe diuina colenda uideretur. Non adsentiebar, sed putabam eos magnum aliquid tegere illis inuolucris,

quod essent aliquando aperturi. »

quod

iwbe-

credere, non autem

docerentur.

certissima

ra-

»

Conf. IL, 6, 10, &, p. 51 : «Itaque incidi in homines superbe delirantes. Et apponebantur adhuc mihi in illis ferculis phantasmata splendida quibus iam melius erat amatre istum solem saltem istis oculis uerum quai illa falsa animo decepto per oculos. » N, 7, 12, 3, P. TO1

:

Desperare

coepi posse mihi eum illa, quae me mouebant, aperire atque dissoluere. »

La lecture de l’Hortensius n’a fait jaillir qu’une étincelle entre deux périodes d’obscurité chez Augustin : d’un côté, le temps de l'enfance, où un scrupule superstitieux le retenait de chercher méthodiquement la sagesse, comme un brouillard empêche le navigateur de trouver sa direction ; de l’autre, la période manichéenne, où il s’est consacré à l'étude des astres”. En quoi consiste cette terreur superstitieuse de l'enfant ? Le texte parallèle du De utilitate credendi montre qu'il s’agit d’une défiance imposée à l'égard de la philosophie. À mon avis, c'est sa mère Monique, en que l'entourage catholique d'Augustin particulier — s’inquiétait de la curiosité précoce de l'enfant? et lui reprochalt comme un irrespect à l'égard de l'autorité reli(1) Je comprends que, dans ce passage du De beata uita, le neque.. e 1 de la première phrase correspond au et. et de la seconde. (2) Voir ci-dessus, p. 65. cé:

274

APPENDICE II

gieuse l'éveil de son esprit critique’. Une telle manière de voir n’était pas rare alors dans les cercles chrétiens, spécialement dans les milieux ascétiques, où les esprits les plus cultivés, comme saint Jérôme, réprouvaient les philosophes « hellènes », tandis que ceux-ci, à la suite de Porphyre et de Julien, se faisaient les champions du paganisme mourant?. Rien, dans les Confessions, ne fait allusion à cette contrainte que subit alors Augustin. Sans doute a-t-il jugé inutile pour ses desseins apologétiques de révéler au grand public un tel état d'esprit, qu’il déplorait dans l’Église. Déjà, dans le De ublitate credendi, il attribuait aux Manichéens ce reproche adressé à la foi de son enfance (dicerent), sans oser désormais le formuler lui-même, comme il fait encore dans le De beata uita. Il redresse alors la tête (factus erectior). Cette audace dans la recherche scientifique, qui lui paraît légitime au moment où il écrit le De beata uita, est présentée dans les Confessions comme un manque d’humilité : il a refusé de baisser la tête (inclinare ceruicem) devant les mystères, alors inintelligibles pour lui, que lui offrit sa première lecture des Livres saints”. Cette décision de libre pensée le rend accessible à la propagande manichéenne, qui promet la science comme fondement de la foi et que le hasard d’une rencontre lui révèle (incidi )*. Mais, au lieu de calculs astronomiques expliquant l’économie V4

(1) P. Azraric, op. cit., p. 70 et n. 7, et le P. Boyer, op. cit., p. 34 et n. 3, sont au fond d’accord sur ce point, quoiqu'’ils s'expriment de façon opposée. Sur l'entourage d'Augustin enfant, cf. Conf. I, 11, 17, 22 : « Ita iam credebam et illa et omnis domus, nisi pater solus. » Il paraît résulter de Conf. III, 5, 9, 1, qu'Augustin ne lut pour la première fois les Livres saints qu'après avoir lu l’Hortensius. L'enseignement donné aux catéchumènes devait être très élémentaire et excluait apparemment la lecture in extenso des Livres sacrés, trop difficiles à saisir pour de jeunes intelligences. Sur l'indépendance d'esprit d'Augustin adolescent à l'égard des conseils de sa mère, cf. ses expressions : De util. cred. I, 2 : «aniles fabulae », et Conf. II, 3, 7, 9, p. 34 : « monitus muliebres. » (2) Voir, par exemple, mes Lettres grecques en Occident, 2° éd., Paris, 1948, p. 114. (3) Conf. III, 5, 9, 6. Du moins aurait-il pu s’éclairer en prenant conseil des exégètes ; c’est cette négligence qu’il paraît se reprocher, De duab. anim. 1, C.S.E.L., t. XXV, 1, p. 51, 6 : « Multa enim erant, quae facere debui, ne tam facile ac diebus paucis, religionis uerissimae semina mihi a pueritia salubriter insita, errore uel fraude falsorum fallaciumue hominum effossa ex animo pellerentur. » (4) Les textes parallèles ci-dessus montrent qu'il faut lire, en dépit de Knôll, credendum, et non cedendum.

LES PREMIÈRES

CONFESSIONS

D'AUGUSTIN

275

du monde, Augustin ne découvre chez les Manichéens que la théorie métaphysique des Luminaires : la lune et le soleil considérés dans leur mouvement apparent comme des vaisseaux qui conduisent au Père les âmes défuntes!. La curiosité scientifique qui l'avait conduit au manichéisme est déçue. Augustin se rend compte alors qu'il n’a fait que troquer une erreur contre une autre, une foi imposée contre une autre foi imposée ; les reproches que les Manichéens adressaient au catholicisme se retournent contre eux-mêmes : «Ibi autem credere iubebar!. » Le non adsentiebar du De beata uita confirme l’assertion des Confessions, selon laquelle Augustin n’a jamais donné une adhésion complète au manichéisme’. Pendant la longue période où il fut «auditeur », il s’est efforcé de justifier rationnellement les dogmes manichéens, persuadé que les difficultés rencontrées pouvaient être aplanies. Mais, le jour où il s’entretint avec le plus illustre théologien manichéen : Faustus de Milève, celui-ci se révéla impuissant à les résoudre. %

+ * De beata uita, p.91,

De util. cred. VIII, 20,

CON

ANPE

12,113,

247:

pP24/R181:

D'Or

« At ubi discussos eos euasi maxime #aiecto isto mari,

« Vt enim a uobis trans mare abscessi.. tationem mecum habui magnamque deli-

« Quae tamen "bi consideranda et discufienda protuli, modeste sane ïlle (Faus-

berationem jam in Italia constitutus,

tus) nec ausus est subire ipsam sarcinam.»

non utrum ”manerem in illa secta in quam me incidisse paenitebat, sed quonam mo-

do uerum inueniendum esset, in cuius (1) Sur cette théorie, cf. Arraric, op. cit., p. 109-111 et 111, n. 2: {2} "Conf. NV," 3, 6, 8, p.96. ne (3) Conf. VIII, 7, 17, 18, p. 190 : « Et ieram per uias prauas superstitione sacrilega non quidem certus in ea, sed quasi praeponens eam ceteris, » ALFARIC, op. cit., p. 219, et n. 3, juge cette assertion suspecte parce qu’Augustin « a intérêt à montrer qu’à aucun moment il n’a été satisfait par cette religion désormais abhorrée » ; il admet pourtant, p. 238, n. #, que « ses difficultés de croire ont dû commencer à peu près en même temps que sa croyance même »; ce qui paraît plus juste.

276

APPENDICE

II

amotetn suspiria mea

nulli melius quam tidiu gubernacula me mea repugnantia omnibus uentis in mediis fluctibus

Academici

tenuerunt,

bi nota sunt : saepe mihi uidebatur non posse inueniri magnique fluctus cogitationum mearuim in Academicorum suffragium ferebantur ; saepe rutsus intuens, quantum

poteram,

tem

humanam

uiuacem,

tam

men-

tam

saga-

cem, tam perspicacem, non putabam latere ueritatem, nisi quod in ea quaerendi modus lateret, eundemque ipsum mo-

dum ab aliqua diuina auctoritate mendum.

quaerere,

esse suRestabat

quaeñnatm

illa esset auctoritas, cum in tantis dissensionibus se quisque illam traditurum pol-

liceretur.

NV 14,25#10,D-H24; « Itaque Academicoyum morte, sicut exis-

timantur, dubitans de omnibus atque inter omunia fluciuans Ma-

nichaeos quidem relinquendos esse decreui, non arbitrans eo ipso tempore dubitationis meae »" ‘la secta tmihi permanendum esse, cui iam nonnullos philosophos praeponebam : quibus

tamen

philosophis,

quod sine salutari nomine Christi essent, curationem languoris animae meae cotmmittere omnino recusabam.

Occurrebat

igitur inexplicabilis silua, cui demum inseri multum pigebat ; atque inter haec sine

ulla requie cupiditate reperiendi ueri animus agitabatur. Dissuebam me tamen magis magisque ab istis, quos iam dese-

rere proposueram. Deinde ueni in has terras ; hic septentrionem

derem

cui

didici.

me

cfre-

Statui ergo tamdiu esse catechumenus! in catholica Ecclesia mihi a parentibus com-

le mot catechumenus désigne un (1) On notera que, dans ce parallèle, » temps nettement antérieur au séjour à Cassiciacum, contrairement là Retract., prol. 3, éd. G. Bardy, p. 268 : « Nec illa sane praetereo, quae catechumenus iam, licet relicta spe quam terrenam gerebam, sed adhuc saecularium litterarum inflatus consuetudine scripsi. »

LES PREMIÈRES

CONFESSIONS

D'AUGUSTIN mendata,

quid Restabat autem aliud nihil in tantis periculis, quam

ut diuinam prouidentiam lacrimosis et miserabilibus uocibus, ut opem mihi ferret deprecarer. Atque id Animaduetrti enim et saepe in sacerdotis nostri

sedulo

faciebam ; et

iam ere me commouerant mnonnullae disputationes Mediolanensis episcopi ut non sine spe aliqua de

ipso Vetere Testamento multa quaerere cuperem, quae, ut scis, male nobis commendata exsecrabamur.

donec

certi

quo rein.

277

cursum

Decreueramque esse in

cui traditus

catechuEcclesia,

a paren-

dirige-

»

NAS TD 20 « Nec iam ingemescebam orando, ut subuenires imihi, sed ad quaerendum intentus et ad disserendum inquietus erat animus imeus.…..

V2

»

28720 parrz:

« Et studiose

audie-

bam disputantem ïin populo…. et delectabar suauitate sermonis… » NÉE)

HAiSte

« et fidem catholicam... jam non impudenter asseri existimabam, maxime

tamdiu menus

ali-

eluceret,

audito

uno atque altero et saepius aenigmate de Scriptis Veferibus. Tam treprehendebam desperationem meam illam dumtaxat, qua credideram legem et prophetas detestantibus atque irridentibus resisti omnino no non posse. » NET TMTS T5 MD: 135 : « Figam pedes in eo gradu in quo puer a parentibus positus

aut

evam, donec inueniatur

inuenirem

quod

uel-

lem,

aut

mihi

per-

suaderem

non

esse

perspicua ueritas. Sed ubi quaeretur ? Quando quaeretur ? Non

tibus

eram,

quaerendum.

donec

uacat

Ambrosio,

non

uacat legere. Vbi ipsos codices quaerimus ? Vnde aut quando conparamus ? À qui-

bus sumimus ?.… Nefas habent docti eius

278

APPENDICE

et aliquando in sermonibus tuis, cum de Deo cogitaretur, nihil omunino coyporis esse cogitandum, neque cum de anima ; nam id est unum in rebus proximum Deo. »

I

Oportunissimum

ergo me ac ualde docilem tunc inuenire posset, qui posset do-

cere. »

(catholicae fidei) credere Deum figura humani coyporis terminatum. » VAE

PATENT D LZ2InE

« …Conperi ad imaginem tuam hominem a te factum ab spiri-

tualibus filiis tuis…. non sic intellegi, ut humani

corporis

for-

ma determinatum crederent atque cogitarenti. »

Augustin passe la Méditerranée et décide à Rome de quitter la secte manichéenne. Longtemps, dit-il dans le De beata uita, les Académiciens le retinrent dans le scepticisme, comme un navire ballotté en pleine mer. Ce témoignage, qui est le plus ancien, ne s'accorde pas exactement avec celui des deux récits plus tardifs que nous pouvons mettre en parallèle : le De uirlitate credendi indique, non une longue adhésion au scepticisme (diu), mais des alternatives de découragement et de retour à l'espoir de découvrir la vérité (saepe.. saepe) ; les Confessions assurent que, même au temps où Augustin préférait les Académiciens, leur doctrine ne lui procurait aucun repos. Je ne pense pas qu'ici le témoignage le plus ancien soit le plus exact : que l’on examine le texte du De beata wita : le diu appliqué à la période sceptique est un pendant rhétorique du diu appliqué à la période manichéenne. Nul ne saurait pourtant songer à une équivalence de temps réelle, car de toute façon la période sceptique, si longue qu’on la suppose, n’a pu durer neuf ans comme la période manichéenne ! Le balancement des deux diu s'explique par la comparaison du navire : «Est autem genus inter haec tertium eorum, qui uel in ipso adulescentiae limine uel am diu multumque zactahi…. errant diutius’.. » La même idée, celle des longs périls courus par le navigateur, est reprise presque dans les mêmes termes au paragraphe qui clôt la confession du De uthlitate credendi : « Hoc ergo modo et simili animae tuae cura si diu te quoque affec(1) C£. Conf. VII, 1, 1, 5, p. 145 : « Non te cogitabam, deus, in corporis humani, ex quo audire aliquid de sapientia coepi. » (2) De

beata uita, I, 1, 2, p. 90, 9.

figura

LES PREMIÈRES

CONFESSIONS

D'AUGUSTIN

279

tum uides et si am satis tibi tactatus uideris, finemque huiusmodi laboribus uis inponere, sequere uiam catholicae disciplinae quae ab ipso Christo per apostolos ad nos usque manauit!. » Le but est de montrer qu'après de si longues épreuves, on ne saurait se passer du repos de la certitude. Au contraire, le témoignage du De utilitate credendi et celui des Confessions se corroborent : la période du doute académicien achève de convaincre Augustin de l’imposture manichéenne, mais ne fait pas disparaître complètement sa confiance dans la perspicacité de la raison humaine à la recherche du vrai. Augustin, dépris du manichéisme, suspend son jugement dans une sorte de doute provisoire. C’est seulement, pense-t-il, une méthode pour conduire cette recherche {modus quaerendi) qui lui manque ; les conflits d'opinions des philosophes dogmatiques?, dont chacun prétend connaître le secret de la divinité, lui paraissent une forêt inextricable dans laquelle il renonce à s'engager ; seul un livre sacré peut apporter le remède au scepticisme, en imprimant à l'esprit le pli qui convient pour chercher Dieu. Le récit du De uthilitate ferait croire qu'Augustin, dans sa détresse, prie déjà la divinité encore inconnue. Ce témoignage est contredit par celui des Confessions qui est formel : « Je ne gémissais pas encore dans mes prières pour que vous vinssiez à mon secours. » Sans doute, les plus-que-parfaits : commouerant, decreueram indiquent qu'à partir du second resfabat le récit du De utilitate credendi suit un ordre inverse de l’ordre chronologique et que l'influence de saint Ambroise a précédé chez Augustin le retour à la prière. Mais ceci ne résout pas la contradiction, car le contexte des Confessions précise que, même après avoir écouté les sermons d’Ambroise, Augustin n’était encore pas en état d’implorer la Grâce divine. Le témoignage des Confessions s'avère ici le plus sûr. D'autre part, le récit des Confessions n’est pas non plus strictement chronologique. À deux reprises reparaît le para(1) De util. cred. I, 20, p. 25, 22. On notera la correspondance des termes « animae tuae cura» avec ceux du texte des Confessions cité ci-dessus : « curationem.…. animae meae. » (2) C’est à tort, à mon avis, qu'Arraric, op. cit., p. 362, traduit in tantis dissensionibus : « dans mon désarroi»; cf. Conf. VI, 5, 7, 26 : « pugnacitas calumniosarum quaestionum per tam multa quae legeram inter se confligentium philosophorum. »

280

APPENDICE

II

graphe concernant la décision de s’en tenir au catéchuménat de son

enfance! ; mais,

la seconde

forme

fois, c’est sous

de

prosopopée. En réalité, la place véritable de cette décision est bien à la fin du livre V, et non

au livre VI, ce qui concorde

néanmoins,

comme

avec ce que j'ai dit sur l’ordre chronologique à rebours dans le récit du De uthlitate credendi. Il était naturel qu'Augustin, ayant fait table rase de ses croyances manichéennes, mais incapable par nature de s’arrêter dans la recherche du vrai, retrouvât en lui le catéchumène qu'il était avant sa conversion au manichéisme et décidât de s’en tenir à cet état jusqu'à ce que la nécessité, soit d’un scepticisme définitif, soit d’une conversion catholique, fût devenue évidente à ses yeux. I1 indique dans les Confessions

dans

le De

utlitate,

que cette décision fut liée à l'influence de la prédication d'Ambroise, qui lui rendit l’espoir d’un retour à la certitude catholique en levant quelques-unes des difficultés rencontrées à la lecture de l’Ancien Testament. L'influence d’Ambroise ne doit d’ailleurs pas être exagérée. I1 s’agit, non d'entretiens particuliers d'homme à homme, comme pourrait le faire croire l'expression du De beala uita : « sacerdctis

nostri.….

sermonibus », mais

seulement

de ses ser-

mons publics du dimanche’. Augustin l’a-t-il écouté tous Îles dimanches, comme il assure dans les Confessions ? Le premier récit disait seulement : « souvent » ; le second semble indiquer qu’en tout cas quelques sermons seulement (nonnullae disputationes) avaient produit sur Augustin un effet de conviction, tandis que les autres ne l’intéressaient que sous le rapport du talent oratoire. A ce moment, le récit du De utilitate s’interrompt brusquement en indiquant qu'Augustin était apte à être enseigné (docilis), pour peu qu’il rencontrât un homme capable de l’'enseigner {qui posset docere). Ie texte correspondant des Confessions montre Augustin en quête d’un maître autre qu'Ambroise, qui ait le temps de s'occuper de lui {non uacat Ambrosio) ou au moins qui lui prête des livres {a quibus sumimus ?). Or le récit du De beata uita nous apprend en peu de mots plusieurs faits certains : Augustin a eu des entretiens sur la (1) Conf. V, 14, 25, 19, et VI, 11, 18, 15 ; textes cités ci-dessus, p. 276-277.

(2) Le mot sermonibus est donc pris ici en un sens très large, puisqu'il s'applique à la fois aux sermons d’Ambroise et aux entretiens philosophiques de Theodorus.

LES PREMIÈRES CONFESSIONS D'AUGUSTIN

281

nature de Dieu et de l’âme avec le philosophe Mallius Theodorus, ce doctus et chrishanus uir dont parlent les Rétractations! ;

ces entretiens furent peu nombreux (aliquando s'oppose à saepe), mais décisifs : ils confirmèrent à Augustin la nature incorporelle de Dieu, que les sermons d’'Ambroise lui avaient déjà suggérée, et l’instruisirent, en outre, sur la nature incorporelle de l’âme

humaine

et sa parenté

avec

Dieu ; bien plus, Au-

gustin apprit que Theodorus était un fervent admirateur Plotin et lut un petit nombre des traités de Plotin.

De

beata

uita,

p. 92,

4 :

Con

« Sed ne in philosophiae gremium celeriter aduolarem, fateor uxovris honorisque inlecebra detinebar, ut, cum

haec essem

NI"

«Inhiabam

6, 0/27,

D:

honoribus,

de

12061

lucris,

coniugio. »

consecu-

tus, tum demum me, quod paucis felicissimis licuit, totis uelis, om-

nibus remis in illum sinum raperem

ibique

conquiescerem.

Leciis autem

Plotini

paucissi-

mis Zibris, cuius te esse studiosissimum accepi, conlataque cum eis, quantum potui, etiam illorum auctoritate, qui divina mysteria tradiderunt,

omnes pere,

illas nisi me

num

uellem

sic exafsi, ut ancoras 7um-

nonnullorum

existimatio

homi-

commoueret.

»

VII, 9, 13,6, p.158 : «Procurasti mihi per quendam hominem inmanissimo tyfo turgidum quosdam Platonicorum /ibros ex Graeca lingua in Latinam uersos. Et ibi legi non quidem his uerbis, sed hoc idem omnino multis et multiplicibus suaderi rationibus, quod in principio erat Verbum.…. » VIII, 11, 25, 3, P. 197: «...uersans me

in uinculo

meo,

donec

abrum-

peretur totum. » ASC)

270),

JEY7 21 Multi

magni uiri et imitatione dignissimi sapientiae studio cum coniugibus

dediti fuerunt. »

Ces faits sont rapportés d’une façon très sèche et laconique, parce qu’ils sont bien connus de Theodorus, auquel s'adresse cette dédicace.

Mais les parallèles que j'ai établis permettent

de conjecturer d’une façon vraisemblable comment ils s’enchaînent : si Augustin est allé trouver Theodorus, c'est parce (4) Texte cité ci-dessous, p. 284, n. 3.

282

que

APPENDICE

démis

s'étant

celui-ci,

l’otium

philosophique

de toutes

depuis

lui consacrer

Ambroise,

I

ses fonctions,

383! et peut,

vit dans

contrairement

du temps ; si leurs entretiens

à

furent

peu nombreux, c’est sans doute parce que Theodorus habitait, non à Milan même, où Augustin était retenu par son activité professorale?, mais dans sa villa, en pleine campagne, à quelque distance

de

Milanÿ.

Au

cours

de

ces

entretiens,

Theodorus

instruit Augustin sur l’incorporéité de Dieu et de l’âme, lui dit sa fervente admiration pour Plotin“ et, pour compléter cet enseignement trop rapide, lui prête le texte de Plotin dans. la traduction De

ovdine p. 165,

de Victorinus.

II, 12

9,

26,

éd.

Knôll,

De ovydine I, 11, 31, P. 142, 29 :

:

bonorum

« Non ualde curo, inquam, su-

auctoritas imperitae multitudini uideatur esse salubrior, ratio uero

perborum imperitorumque iudicia.…

«Itaque

quanquam

aptior eruditis, tamen, quia nullus hominum nisi ex imperito peritus fit, nullus autem imperitus nouit qualem se debeat praebere docentibus et quali uita esse doctlis possit, euenit, ut omnibus bona magna et occulta discere cupien-

reperiuntur

tibus non aperiat nisi auctoritas

temnendi non sunt — aspersi sunt

ianuam quam quisque ingressus sine ulla dubitatione uitae optimae praecepta sectatur, per quae cum docilis factus fuerit, tum demum discet et quanta ratione praedita sint ea ipsa, quae secutus est ante rationem, et quid sit ipsa ratio, quam post auctoritatis cunabula

in quibus tamen

quorum

quia nonnulli

animi

con-

enim quibusdam condimentis humanitatis pictasque

et facile per autreas deianuas ad sacrosancta

philosophiae penetralia perducuntur — satis eis fecerunt et maiores nostri….

(1) Cf. P. W., s.u. Theodorus 70. (2) Aucusrin, Conf. VI, 11, 18, 26-30, précise qu'il lui restait peu de temps pour rendre visite à des amis haut placés, car il faisait cours tous les matins et consacrait la plupart de ses après-midi à préparer ces cours. (3) Cf. CLaupren, In laud. Theod., v. 174 : «…Agrestem dudum me, diua, reuerti Cogis et infectum longa rubigine ruris Ad tua signa reuocas. » (4) On pourrait conjecturer aussi, mais avec une moindre vraisemblance, que la personne (peut-être Ambroise lui-même ?) qui adressa Augustin à Theodorus, lui recommanda ce philosophe au titre d’admirateur de Plotin.

LES

PREMIÈRES

CONFESSIONS

283

D'AUGUSTIN

firmus et idoneus iam sequitur atque comprehendit.. Auctoritas autem

partim

diuina

est, partim

humana.. Humana uero auctoritas plerumque fallit, in eis tamen iure uidetur excellere qui, quantum imperitorum sensus capit, dant indicia doctrinarum suarum et non uiuunt aliter, quam uiuen-

dum esse praecipiunt. Quibus si aliqua etiam fortunae munera accesserint, quorum appareant magni contemtuque maiores,

usu dif-

ficillimum omnino est, ut eis quisque

uiuendi

praecepta

et his temporibus, ut omittam ceteros, uir et ingenio et eloquentia et ipsis insignibus munevibusque foritunae et, quod ante omuia est, mente praestantissimus THEODORUS,

quem bene ipsa nosti,

id agit, ut et nunc et apud postetros nullum genus hominum de litteris nostrorum temporum iure conqueratur. »

dantibus

credens recte uituperetur. » De

beata uila I, 5, p. 93, 7 :

« Eloquentia

tua

territus

non

sum ; quidquid enim amo, quam-

uis non adsequar, timere non possum ; fortunae uero sublimitatem multo minus ; apud te enim uere, quamuis sit magna, secunda est. »

Cette action capitale de Theodorus sur Augustin paraît confirmée par ce que celui-ci dit, dans le De ordine, de l'autorité humaine en matière de conversion. Si je ne me trompe, Augustin établit sa théorie de la conversion d’après son expérience personnelle : chez lui aussi, la foi a précédé la raison ; il a été de ces imperiti à la culture brillante ; il se qualifie lui-même

dans le De utilitate credendi

de docilis au moment où il cherche un maître. C’est le prestige humain de Theodorus, son talent, son éloquence, son rang social, tous ces munera fortunae et en même temps l'usage élevé qu’il en faisait (usu magni) qui ont attiré Augustin vers lui. Theodorus est l'autorité humaine qui lui a ouvert la porte (ianuam) sur une explication rationnelle de la foi chrétienne, à l’aide de la philosophie néo-platonicienne. Il est bien curieux que, tout en laissant soupçonner qu'Augustin a subi l'influence de plusieurs personnes (d’où les pluriels : docti, spirituales fil), les Confessions taisent le nom de Theodorus. Dira-t-on qu'Augustin fausse les faits pour rep. 277-278, (1) Conf. VI, 11, 18, 15, et VI, 3, 4, 11 ; textes cités ci-dessus,

284

APPENDICE

II

jeter sur Ambroise tout le mérite de sa conversion ? Non pas ; il précise qu'Ambroise n’a jamais eu le temps de le diriger. J'ai cru pouvoir expliquer par la date des Confessions ce silence à l'égard de Theodorus, qui n’est désigné que par la périphrase sévère : quendam hominem 1nmanissimo tyfo turgidum ; à cette date,

Theodorus

venait

d'abandonner

avec

éclat

sa

retraite

philosophique pour le consulat, à la grande joie des chefs du parti païen : Symmaque qui l’en félicite par lettres, Claudien qui célèbre l'événement dans un panégyrique en vers! ; bien plus, il était tout occupé à préparer, à l’occasion de son consulat, un programme de spectacles magnifiques’, qui n'était guère fait pour plaire à Augustin évêque. Dans ses Rétractahions, Augustin se repent d’avoir autrefois, dans le De beata uita, fait la part trop belle à l'influence de Theodorusÿ ; on conçoit qu’il l'ait réduite volontairement dans les Confessions.

(1) Peut-être un diptyque consulaire nous conserve-t-il aussi le souvenir de cette demi-apostasie ; cf. mes Lettres grecques en Occident, p. 122, n.9, et 127, où l’on trouvera une démonstration plus approfondie. Seul, Alfaric avait entrevu la possibilité d'identifier l’anonyme «enflé d’un orgueil tout à fait monstrueux » avec Theodorus, mais il repoussait par avance cette conjecture. « Ce détail, dit-il, p. 374, n. 3, a pour but de montrer que la conversion d’Augustin ne vient point de la sagesse humaine, mais simplement de la Grâce divine dont les insensés aux-mêmes servent souvent les desseins sans le vouloir. Il ne peut guère s'appliquer à Manlus Theodorus, à qui l’auteur du De uita beata écrit, en parlant de Plotin Lectis autem Plotini paucissimis libris, cuius te esse situdiosissimum accept. I1 doit se rapporter plutôt à quelque platonicien inconnu. » J’admets qu'Augustin veut ici montrer les insensés au service de Dieu, mais justement, vers l’an 398, il devait compter Theodorus au nombre de ces insensés. Les exemples suivants montrent que tyfo turgidus s'applique non pas à un païen, mais à un homme trop préoccupé de sa gloire, surtout de gloire littéraire (Conf. IIT, 3, 6, 6 : Tumebam tyfo; III, 5, 9, 12 : turgidus fastu ; IV, 16, 28, 5 : buccis tyfo crepantibus ; VI, 6, 10, 15 : quaerebam

tyfum). Ce qui convient très bien au consul Theodorus. (2) Courses

de

chevaux,

combats

d’athlètes,

chasses

aux

lions

et

aux

léopards, bouffons et mimes, musiciens (joueurs de flûte, de lyre, d'orgue hydraulique), équilibristes (jeux icariens), incendie fictif, naumachie ; ce programme détaillé nous est décrit par CLauDten, In laud. Theod., v. 285332. (3) Retract. T, 2, éd. G. Bardy, p. 282 : « Displicet autem illie, quod Malho Theodoro, ad quem librum ipsum scripsi, quamuis docto et christiano uiro, plus tribui quam deberem... »

LES PREMIÈRES

CONFESSIONS

D'AUGUSTIN

285

Les nombreux sermons d’Ambroise et les quelques entretiens avec Theodorus avaient seulement ébranlé Augustin ; il se sentait retenu par ses projets de vie conjugale et de carrière brillante, et même (les Confessions sont sur ce point plus sincères que le De beata uita et s'accordent avec le témoignage du Contra Academicos) par la nécessité de gagner sa vie (lucris)'. Mais la lecture et la méditation de Plotin l’enflammèrent?, au point qu’il voulut rompre avec son passé pour poursuivre la confrontation entre la philosophie néo-platonicienne et les données de la Révélation. Alfaric renverse les termes lorsqu'il assure découvrir dans le Contra Academicos qu'Augustin a «adopté le platonisme avant de donner son adhésion au christianisme, et il ne s’est rallié au second que parce qu’il l’a, après examen, jugé conforme au premier* ». Le Contra Academicos est pourtant

: l'autorité,

formel

chez

la raison;

précède

Augustin,

l'adhésion au Christ précède la découverte de la vraie philosophie ; la recherche rationnelle est destinée seulement à confirmer l'autorité, les Platoniciens à justifier en raison l’Écriture sainte : « Apud Platonicos me interim, quod sacris nostris non repugnet reperturum esse confidof. » (4) C£. Contra Acad. II, 2, 4, éd. Knëll, p. 26, 11 : Quand je te parlai de gaudio mes difficultés d'argent, dit-il à Romanien, (tam magno es elatus « tam

huius

sancto

uitae

inflammatus

ardore,

si tu ab illa-

ut te diceres,

« rum importunarum litium uinculis aliquo modo eximereris, omnia mea « uincula etiam patrimonii tui mecum participatione ruplurum. » On notera, à propos de Romanien, la reprise des mêmes termes qu'Augustin s’applique à lui-même dans le texte du De beata uita, cité ci-dessus, p. 281. Tant son ardeur était communicative ! (2) Exarsi, dit le De beata uita ; incredibile incendium,

(3) Azraric, (4) Contra

Acad.

TITI, 20, 43, p. 80, 10

: « Nulli

Acad.

dit le Contra

op. cit., p. 380. autem

dubium

est ge-

Mihi mino pondere nos impelli ad discendum : auctoritatis atque rationis. ; non ergo certum est nusquam prorsus à Christiana auctoritate discedere ndum enim reperio ualentiorem. Quod autem subtilissima ratione perseque est —

ita enim iam sum

affectus, ut quid sit uerum,

non

credendo

solum,

apud Plased etiam intellegendo apprehendere impatienter desiderem — esse conm reperturu repugnet non nostris tonicos me interim, quod sacris incroyable fido. » Alfaric fonde son opinion sur le texte qui explique l’ « Conincendie » provoqué chez Augustin par la lecture des néo-platoniciens, tra Acad.

II, 2, 5, p. 27, 5 et suiv.

: « Prorsus

totus

in me

cursim

redi-

, quae bam. Respexi tamen, confitebor, quasi de itinere in illam religionem ad se ipsa autem uerum ; inplicata medullitus et pueris nobis insita est apostolum nescientem rapiebat. Îtaque titubans properans haesitans arripio traduit : Paulum.… perlegi totum intentissime atque castissime, » Alfaric alors retournais me Je courant. en et moi « Je revenais tout entier vers

APPENDICE

286

II

Augustin se rend compte qu'il ne pourra acquérir l'ofium sans se démettre de ses fonctions et se retirer à la campagne comme dit-il,

avait fait Theodorus, et il aurait rompu ses amarres, «misi me nonnullorum hominum existimatio commouerel. »

de ses

élèves,

Ce membre de phrase du De beata uwita est volontairement peu clair. On pourrait croire qu'Augustin était retenu par un respect humain, par exemple vis-à-vis de Symmaque qui l'avait fait nommer à cette chaire de Milan, ou encore vis-à-vis des parents qu’il allait

abandonner

subitement!.

Mais,

ici

encore, les Confessions sont plus précises et plus sincères. Lors même que la générosité du riche Romanien l'aurait libéré du souci du gagne-pain et lui aurait permis de démissionner, ce qui le retient, c’est l'exemple de grands philosophes mariés; rien ne prouve encore à ses yeux que la continence soit nécessaire à l'étude de la sagesse, car Theodorus lui-même, philosophe chrétien, était marié. seulement, je l'avoue, comme en passant, vers cette religion catholique... » Je crois que cette traduction fausse le sens : Augustin veut dire, non qu'il a tardé à prêter attention à la religion catholique et qu’il ne s’y est pas arrêté, mais que la recherche intérieure l’a conduit à rencontrer sur son chemin la foi catholique qui préexistait en lui. Le sens de ces phrases s’éclaire si on les explique par les chap. 17 et 19 du livre VII des Confessions, encadrés par les phrases parallèles, Conf. VII, 10, 16, 1 : « Et inde admonitus redire ad memetipsum intraui in intima mea... et uidi... supra mentem

meam

lucem

incommutabilem...

», et VII,

21, 27, 1 : « ltaque auïdis-

sime arripui uenerabilem stilum spiritus tui et prae ceteris apostolum Paulum.. » Le chap. 17, si proche, dans les termes,

du récit de l’extase d’Ostie,

dépeint une extase plotinienne de l’âme qui descend en elle-même ; il correspond

au

« Prorsus

totus

in me

cursim

redibam » ; mais

Augustin,

déçu

de la fugacité de cette intuition religieuse, se tourne vers le christianisme (le chap. 19 correspondant au : « Respexi tamen, confitebor, quasi de itinere in illam religionem »), car il est persuadé de l’exceptionnelle autorité de magistère

du Christ, à cause

de sa naissance

miraculeuse,

et espère, par

une étude du dogme du Verbe fait chair, découvrir en lui le médiateur entre l'humain et le divin. L’assertion d’Alfaric était déjà contestée, pour d’autres raisons, par le compte rendu d’'E. Gilson, dans Revue philosophique, t. LXXXVIII, 1919, p. 503-505. (1) Texte cité ci-dessous, p. 288, n. 3. (2) Sur la carrière de son fils, auquel il dédia le De metris, voir P. W. s. u. Theodorus 71. Cf., outre le parallèle ci-dessus, p. 281 (où le contexte, I. 20 : « Suppetit amicorum maiorum copia », semble bien indiquer qu’il songe à tel philosophe de ses amis, de haute condition), Conf. VI, 12, 21,

9 : « Ego

autem resistebam illi (Alypio) exemplis eorum, qui coniugati coluissent sapientiam et promeruissent Deum et habuissent fideliter ac dilexissent amicos. »

LES PREMIÈRES

CONFESSIONS

+

Contra Acad.

éd. Knôll,

I, x, 3,

nisi

ut

inmo-

ranti mihi superfluis! tempestas, tatur

pectoris

dolor uentosam professionem abicere et in philosophiae gremium confugere coegisset. »

quae

aduersa,

pusuc-

LOST

DÉ2108

«Quid ergo restabat aliud,

moliebantur ista cantan-

nisi me

Conf

(cf. aussi p. 89, 26) :

huius tibi dona blandita sunt, quae me tem,

*

De beata uita, p.92, 12

p. 5, 15 :

« Multum, mihi crede, gratulaberis, quod paene nullis prosperitatibus, quibus tenentur incauti, mundi

ipsum cotidie

*

287

D’AUGUSTIN

UT ‘1

« Renuntiaui peractis uindemialibus

scholasticis

ut

suis Me-

diolanenses uenditorem uerborum alium

cufteret es EITAqUE tantum me arripuit pectoris dolor, ut ilius professionis onus

prouiderent,

sustinere

ualens,

spirandi ac dolore pec-

qua mihi uelificabam

toris non sufficerem. »

fortasse

non ad

quod et

tibi ego seruire delegissem et 27% professioni prae difficultate

Sirenas,

abicerem omnia et optatae tranquillitati uel quassatam nauem

fessamque rem.

perduce-

»

Après une longue crise, c’est par une tempête intérieure, accompagnée de larmes et de cris’, lors de la scène fameuse du jardin de Milan, qu'il se décide enfin, si l’on en croit le récit

très détaillé des Confessions, à abandonner tout projet de mariage ou de carrière. Le Contra Academicos et le De beata wita présentent pourtant la démission d’Augustin comme la conséquence d’un mal de poitrine ; c’est cette épreuve qui était comparée à une tempête dont le vent semble contraire au navigateur, lui arrache larmes et cris‘, mais le dirige providen(1) Cette

expression

annonce

AUGUSTIN,

Conf.NIIT

4117226

1;2p-21978;

« Retinebant nugae nugarum et uanitates uanitantium.. retardabant » lors de la scène du jardin. (2) Conf. VIII, 12, 28, 3, p. 199 : «….oborta est procella ingens ferens ingentem imbrem lacrimarum, et, ut totum effunderem cum uocibus suis, surrexi ab Alypio. » Cf. aussi De

beaita uita, p. 89, 26 et 90, 47e

(3) Conf. VIII, 12, 30, 19, p. 201: « Conuertisti enim me ad te, ut nec uxorem quaererem nec aliquam spem saeculi. » (4) Outre le texte cité ci-dessus du De beata uita, ci. les termes presque identiques, p. 89, 26 : « His profecto quid aliud optandum est quam quaedam... saeuiens omnino tempestas contrarieque flans uentus, qui eos ad certa et solida gaudia uel flentes gementesque perducat ? » ; p. 90, 17 : « Aduersa tempestas. »

288

APPENDICE

II

tiellement. Il est bien question de ce mal de poitrine dans les Confessions, mais seulement au livre IX (quoiqu'il se soit déclaré avant la scène du jardin)!, et comme d’un prétexte fourni aux parents d'élèves irrités du départ de leur « rhéteur ». Dira-t-on que les deux explications sont fausses et qu'Augustin n’a renoncé à sa carrière, bien à regret, que parce que sa maladie (asthme ou lésion tuberculeuse*) 1y contraignait ? Ce soupçon serait injurieux : il suffit de réfléchir qu'Augustin a vécu jusqu’à soixante-seize ans et a prononcé dans la suite des centaines de sermons. Sa voix et sa vie n'étaient donc pas si gravement atteintes qu'il ne pût espérer reprendre un jour son enseignement. Mais qu’il ait cru à l’époque, dans l'incertitude d’un prompt rétablissement, que cette maladie était un avertissement providentiel de ne plus nourrir les longs espoirs d’une carrière brillante et de projets matrimoniaux, c'est ce que paraissent révéler les dialogues de Cassiciacum. On conçoit que sa perspective soit toute différente, lorsqu'il écrit les Confessions. Sa maladie n’est alors qu'un souvenir vieux de plus de dix ans et s’est avérée sans gravité. Tandis qu’il se rappelle très bien le travail intérieur qui l’a amené à embrasser l’état ecclésiastique, il ne peut plus attacher la même importance de signe divin à cette maladie. I1 indique seulement qu'elle l'a démoralisé tant qu’il restait attaché à son professorat, mais qu'après sa décision de vie continente, elle lui inspira la joie d’avoir à sa disposition une excuse valable pour quitter sa chaire*. L'étude qui précède permet d'éclairer plusieurs points restés obscurs dans l’évolution psychologique d’Augustin, parce que (1) Ce point ressort du texte cité ci-dessous, n. 8. (2) Cf. Arraric, op. cit., p. 40 et 41, n. 2, qui conclut à une bronchite consécutive à une crise d’asthme et indique, n. 9, que rien ne donne la sensation d’une mort prochaine comme la difficulté de respirer dont souffrent les asthmatiques. (3) Conf. IX, 2, 4,1, p. 210 : «Quin etiam quod ipsa aestate litterario labori nimio pulmo meus cedere coeperat et difficulter trahere suspiria doloribusque pectoris testari se saucium uocemque clariorem productioremue recusare, primo perturbauerat me, quia magisterii illius sarcinam paene iam necessitate deponere cogebat aut, si curari et conualescere potuissem, certe intermittere. Sed ubi plena uoluntas uacandi et uidendi, quoniam tu es dominus (Ps. XLV, 11), oborta mihi est atque firmata — nosti, deus meus — etiam gaudere coepi, quod haec quoque suberat non mendax excusatio, quae offensionem hominum temperaret, qui propter liberos suos me liberum esse numquam uolebant. »

LES PREMIÈRES

CONFESSIONS

D’AUGUSTIN

289

les Confessions les laissent dans l’ombre!. Il ne s’agit de nier ni le caractère autobiographique des Confessions’, ni la sincérité des aveux qu'elles contiennent. Augustin y confesse ce qu'il n'avait pas voulu avouer devant Theodorus en 386 ou devant Honoratus en 391 : qu'il était encore incapable de prier après avoir entendu la prédication d’Ambroise ; qu’il était attaché à sa chaire de rhéteur par le besoin du gagne-pain ; qu'il ne se résolvait pas à la continence, dans la pensée que des hommes mariés avaient pu être de grands philosophes. Quand il s'adresse à Theodorus, il ne se pique pas d’exactitude ; ainsi lorsqu'il dit avoir été longtemps sceptique, c’est pure emphase rhétorique ; de plus, il ne se livre pas entièrement ; par pudeur, il glisse sur l'aspect intime et proprement religieux de son évolution, dont le point culminant fut la scène du jardin de Milan ; bien plus, il n’ose, devant ce Milanais, indiquer d’autre motif de sa démission que le motif officiel invoqué pour parer aux doléances des parents d'élèves milanais®.

Inversement,

lorsqu'il s'adresse

à Honoratus,

il tait le

côté humain de sa conversion, comme si elle était déjà achevée avant la lecture des néo-platoniciens ; car son but est de voir

Honoratus passer directement de l’autorité manichéenne à l’autorité catholique. Le texte des Confessions, lui, n’est certes pas dépourvu d’intentions littéraires.

Lorsque

Augustin parle de l’Hortensius,

il

affiche un dédain conventionnel de la rhétorique cicéronienne et décrit d’une façon lyrique le feu intérieur qui l’animait. De même, c’est en vue de l'effet dramatique qu'il réserve pour l'épisode du jardin le récit de la tempête qui l'agitait ; car c’est alors qu’elle atteint son paroxysme. Du moins n’hésitet-il pas à livrer au lecteur le plus intime de lui-même : ses débats d'homme aux prises avec Dieu. Nulle part on ne peut, en se fondant sur les aveux des trai(1) Ils ne sont pas traités R. Jouver, Saint Augustin G. Barpy, Saint Augustin, (2) Comme tend à faire dans

ses

dans les biographies habituelles, par ex. chez et le néo-platonisme chrétien, Paris, [1932], et Paris, [1940]. G. KowaLsxi, Est-ce qu'Augustin se confesse

« Confessions » ? dans

Eos,

quae in Augustini Confessionibus

t. XXX,

1927,

p. 379-400,

et De eis

non sint confessoria, dans Collect. theol.

tif Leopoli, 1930, p. 399-413 qui insiste sur leur caractère démonstra son ami (3) C’est seulement dans la préface du De ordine, adressée à fois alluZenobius (I, 2, 5, p. 124, 11), qu'Augustin fera pour la première sion au double motif de sa démission.

290

APPENDICÉ II

tés de jeunesse, taxer de mensonge les Confessions. Mais il est certain aussi qu'Augustin ne se juge pas tenu d’y révéler toute la vérité, lorsque tel détail de sa vie ne cadrerait pas avec ses desseins apologétiques : il n’explique pas pourquoi, dans sa jeunesse, il a abandonné le catholicisme, considéré comme

irra-

tionnel ; il ne dit pas qu’il s’est converti au manichéisme par haine de la méthode d’autorité et dans un esprit scientifique ; surtout, il ne nomme point le maître auquel il eut recours, à défaut de saint Ambroise, et qui lui prêta les livres platoniciens. À tel point que l'influence capitale qu'exerça sur la pensée d’Augustin, par ses paroles, par ses écrits!, par sa bibliothèque, ce Mallius Theodorus, platonicien chrétien, a passé inaperçue jusqu'à présent. Ainsi, les premières confessions d’Augustin, tout en faisant ressortir la très grande sincérité du récit des Confessions, en complètent utilement les lacunes volontaires et révèlent en particulier par quelle voie saint Augustin fut initié au néoplatonisme.

(1) Sur ces écrits et leur influence, cf. mes Lettres grecques en Occident, p. 122-125.

APPENDICE LES ‘ VOIX

” DANS

III

LES CONFESSIONS

Augustin, dans les Confessions, ne se borne pas à « crier vers Dieu », comme il dit ; il ne rapporte pas seulement, à plusieurs reprises, les propos d’interlocuteurs réels, comme

il est normal

dans un récit biographique ; il fait encore allusion à toutes sortes de «voix» entendues. Peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt de dénombrer ces voix et d’en préciser la nature. D'abord, les choses se font entendre. Elles louent le Seigneur sur terre et du haut du ciel!. Les êtres animés, non moins que les corps inanimés, font éclater cette louange? ; leur discours se présente comme la réponse que fournit aux questions d'Augustin chaque élément à tour de rôle : terre, mer, air, ciel et tout ce qu’ils contiennent ; puis, tous en chœur s’écrient d’une

voix puissante : c’est Dieu qui nous a faits. « C'était, poursuit Augustin, par mon attention même que je les interrogeais, et leur réponse, c'était leur beauté’. » (1) Aueusrin,

dum

Conf.

te ostendunt

VII,

de terra

13, 19, 14, éd. Labriolle,

dracones

p. 164

abyssi..

et omnes

Cum

: «.…laudan-

uero

etiam

de caelis te laudent, laudent te, deus noster, in excelsis omnes angeli tui, sol et luna... »: V, 1, 1, 4, p. 90 : «ossa mea... dicant : ‘ Domine, quis

similis tibi’ ?» (2) Tbid., V, 1,4, 11, p. 92: « Non cessat nec tacet laudes tuas uniuersa creatura tua nec spiritus omnis per os conuersum ad te nec animalia nec corporalia per os considerantium ea » ; le porte-paroles indiqué ici est l'être de raison. (3) Zbid., X, 6, 9, 2, p. 246: «€ Interrogaui terram et dixit: «Non sum», et quaecumque in eadem sunt idem confessa sunt… Et exclamauerunt uoce magna : « Ipse fecit nos ». Interrogatio mea intentio mea et responsio eorum id species eorum»; X, 6, 10, 10, p. 247 : « Nec uocem suam mutant, est speciem suam; hoc

mant

etiam

dicit natura

eorum » ; XI, 4, 6, 6, p. 300

(caelum et terra), quod se ipsa non

quia facta sumus ; non

ergo

eramus,

antequam

fecerint

essemus,

a nobis. ’ Et uox dicentium est ipsa euidentia. »

: « Cla-

: ‘ Ideo sumus

ut fieri possemus

APPENDICE III

292 En

dehors

des

les êtres s'adressent en

de Dieu,

louanges

plusieurs circonstances à Augustin, quelquefois par leur nombre inêmet. Les images des corps, celles des souvenirs, lui semblent douées de parole? ; leurs messages sont transmis à la mémoire d'Augustin par les divers sens, eux-mêmes doués de parole quand il les interroge ; c’est ainsi que les oreilles en arrivent à parler | Par une sorte de dédoublement de personnalité, le monologue intérieur est souvent décrit comme un dialogue. Augustin interroge son âme et en écoute la réponse, parfois en vain ; parfois, au contraire, sa conscience répond en lui rappelant les propos qu'elle lui entendait tenir précédemment’ ; cet échange de propos peut même devenir si violent qu'il est comparé, lors de la scène

du jardin

de

clameurs

aux

de Milan,

l'oragef. Ailleurs, Augustin exhorte son âme à parler à autrui’ ; ou encore il écoute ce que sa foi dit à son âme, comme s’il y avait trois personnages en présence. La parole est fréquemment attribuée à des abstractions. Augustin interroge «les mystérieuses pénalités qui pèsent sur (1) Ibid., IV, 4, 9, 6, p. 72 (à propos de la mort de son ami) : (Et oderam omnia, quod non haberent eum, nec mihi iam dicere poterant : « Ecce ueniet’»: XI, 18, 24, 11, p. 313 : « Loquatur mihi aliquod exemplum tanta rerum numerositas. » Un emploi encore plus hardi de loqui se trouve, VIII,

8, 19, 12, p. 192

: « Plus

loquebantur

animum

meum

frons,

genae,

oculi, color, modus uocis quam uerba, quae promebam » ; cf., dans le texte cité

ci-dessous,

p. 294,

n.

1 :

«membra.…

narrant

tibi delectationes. »

(2) Zbid., VII, 7, 11, 40, p. 157 : « Cogitanti autem imagines corporum ipsae opponebantur redeunti, quasi diceretur : ‘ Quo is, indigne et sordide ? ’»; X, 8, 12, 13, p. 248 : « Quaedam

cateruatim

se proruunt

et, dum aliud pe-

titur et quaeritur, prosiliunt in medium quasi dicentia : ‘ Ne forte nos sumus ? * Et abigo ea de manu cordis a facie recordationis meae. » (8) Zbid., X, 10, 17, 11 p. 9252 : « Aures

dicunt

: ‘ Si sonuerunt

(res),

a nobis indicatae sunt ” ;..dicit etiam sensus gustandi : ‘ Si sapor non est, nihil me interroges. ” » (4) Ibid., IV, &, 9, 9, p. 72: « Interrogabam animam meam, quare tristis esset et quare conturbaret me ualde, et nihil nouerat respondere mihi. ». (5) Zbid., VIII,

7, 18, 4, p. 191

(8) Zbid., XIII,

14, 15, 6, p. 377

: « Et uenerat

dies, quo...

increparet in

me conscientia mea : ‘ Vbi est lingua ? Nempe tu dicebas propter incertum uerum nolle te abicere sarcinam uanitatis. ? » (6) Zbid., VIII, 12, 28, 3, p. 199 : « Et ut totum (imbrem lacrimarum) effunderem cum uocibus suis... » (7) Ibid., IV, 12, 18, 7, p. 79, et IV, 12, 19, 25, p. 81, long discours au style direct, encadré par : « Dic eis. » tis es, anima mea ? ? »

: « Dicit ei fides mea...

: ‘ Quare

tris--

LES

( VOIX

le genre humain,

» DANS

LES

CONFESSIONS

293:

pour le cas où elles pourraient répondre’ ».

Le Mal, surtout, dispose de plusieurs voix : voix de l'opinion’, de l’erreur*, des ténèbres‘, de la routine humaine, qu’il s'agisse

des programmes de culture profane, comparés à un torrent qui parle en grondant, ou de l’accoutumance des liaisons charnelles$. L'erreur manichéenne est assimilée au personnage de. mentionnée

Folie, cette séductrice

qui

au livre des Proverbes,

dit aux passants : « Mangez donc sans hésitation de ces pains mystérieux, goûtez donc les délices d’une eau dérobée’ ». La voix de l’accoutumance charnelle est mise en rapport direct avec la prosopopée des Vanités, qui précède immédiatement

le « Tolle, lege », lors de la scène du jardin de Milan®. Les Vanités sont de vieilles maîtresses d’Augustin ; elles tentent, par

leur discours, de le retenir et d'éviter qu'il ne rompe avec elles. En regard, Continence apparaît comme une religieuse respec-table, mère spirituelle des nombreux fils et filles bienheureux que lui donne le Seigneur son époux ; « elle semblait dire avec une ironie encourageante : Quoi, ne pourras-tu ce qu'ont pu ces garçons, ces filles ?.. » Augustin prête à nouveau l'oreille 9, 21, 2, p. 193

(4) Zbid., VIII,

possint latebrae rum Adam. »

poenarum

: « Interrogem,

hominum

si forte mihi respondere.

filio--

contritiones

et tenebrosissimae

auribus nostris : ‘ Sine:(2) Zbid., I, 11, 18, 5, p. 16 : « Sonat undique in 21, 7, p. 18 : « Forni-15, [, ’»; est us baptizat enim nondum ; illum, faciat

canti sonabat undique : ‘ Euge, euge. ”» . (3) Ibid. Texte cité ci-dessous, p. 29%, n° &. (4) Ibid., XII, 10, 10, 1, p. 326 : « Non tenebrae meae (5) Ibid., I, 16, DD 16, 26, 26, 1, p. 22 : « Et tamen,

loquantur

mihi. ».

!»; Le NEC tibi, flumen moris humani 0 flamen tartareum, iactantur in te filii.

: ‘ Hinc uerba discunhominum.…., et saxa tua percutis et sonas dicens sententiisque explicantur, hinc adquiritur eloquentia rebus persuadendis » ? ia. necessar dis maxime udo. (6) Zbid.,

VIII,

uiolenta : ‘ Putasne

11,

26, 15, p. 198

: «cum

sine istis poteris ? ”».

(7) Ibid.,

LIL, 6, A1

(8) Zbid.,

VIIT,

TS

MD 0 EEE RC Offendi

mihi

diceret

illam mulierem

consuet

audacem,

ino--

super sellam in foribus et pem prudentiae, aenigma Salomonis, sedentem et aquam dulcem edite ter liben tos occul Panes :‘ dicentem seduxit. » me Quae ”. 13—17) IX, furtiuam bibite (Prou. 442

6

PE D

TO

TEE Retinebant

me

nugae

nugarum

et

et succutiebant uestem meam uanitates uanitantium, antiquae amicae meae, ? ” et ‘ À momento isto. nos sne Dimitti ‘ : carneam et submurmurabant * ..uelut a dorso mussitantes. » um aetern in ultra illud et hoc licebit tibi non (9) Tbid., VIII,

11, 27, 10, p. 198

: « …fecunda

mater

filiorum

gaudio--

me inrisione hortatoria, quasi di-rum de marito te, Domine. Et inridebat oc roA) istae quod isti, quod , poteris non ceret : « Tu

294

APPENDICE III

aux chuchotements des Vanités ; mais Continence réplique par un second discours au style direct. Il est spécifié que cette « controverse » ne fait que traduire de façon littéraire le débat intérieur d'Augustin!. Comme

on

voit,

ces

abstractions

conversent

toutes

avec

l’âme d’Augustin ou en expriment les délibérations. Il en est une qui joue un rôle plus considérable encore : Vérité ; car elle se confond avec la personne du Maître intérieur’. La Vérité a parlé à Augustin une fois qu’il eut renoncé aux billevesées manichéennes’. Jusqu’alors, sa mélodie intérieure ne pouvait être perçue de lui, malgré l'effort d'attention qu'il faisait lorsqu'il rédigeait le De pulchro et apto ; car la voix de l'erreur était plus fortet. Maintenant, Vérité lui dit qu'aucune sorte de corps n’est Dieu’. Cette Vérité qui parle au cœur de l’homme et dont Augustin confesse à son tour les enseignements à Dieu et aux hommesf, n’est autre que le Verbe fait chaïr ; il avertit

d’une

voix de tonnerre

de faire retour

vers

lui’ ; il proclame que le Verbe ne passe pas comme font les

(1) Zbid., VIII,

11, 27, 19, p. 198

: « Illarum

nugarum

murmura

adhuc

audiebam, et cunctabundus pendebam. Et rursus illa, quasi diceret : ‘ Obsurdesce aduersus inmunda illa membra tua super terram, ut mortificentur.

Narrant

tibi delectationes,

controuersia in corde meo (2) Sur la doctrine

sed

non

sicut

lex

Domini

nonnisi de me ipso aduersus

du Maître

intérieur,

cf., entre

me

autres,

Dei

tui.

* Ista

ipsum. » E.

Grrson,

In-

troduction à l'étude de saint Augustin, dans Études de philosophie médiévale, t. XI,

Paris,

1929,

p. 86 et suiv.

(3) AueusrTin, Conf. III, 6, 10, 34, p. 52 : « At illa nec similia erant ullo modo tibi (— Veritas), sicut nunc mihi locuta es. » (4) Zbid.,

IV, 15, 27, 2, p. 86 : « Illa uolumina

scripsi, uoluens apud me

corporalia figmenta obstrepentia cordis mei auribus, quas intendebam, dulcis Veritas, in interiorem melodiam tuam, cogitans de pulchro et apto et stare cupiens et audire te et gaudio gaudere propter uocem sponsi et non poteram, quia uocibus erroris mei rapiebar foras... »; cf. IVESS EL0 5 Rp-275 (5) Zbid., X, 6, 10, 16, p. 247 : « Veritas enim tuus caelum et terra neque omne corpus. ? »

dicit mihi : ‘ Non

est Deus

(6) Tbid., X, 2, 2, 19, p. 241 : « Neque enim dico recti aliquid hominibus, quod non a me tu prius audieris, aut etiam tu aliquid tale audis a me, quod non mihi tu prius dixeris » ; XII, 15, 22, 9, p. 343 : « Quid igitur

ex his, quae clamauit cor meum ad Deum meum, cum audiret interius uocem laudis eius, quid tandem falsum esse contenditis P » (7) Tbid., IV, 12, 19, 3, p. 80 : « Tonuit clamans, ut redeamus hinc ad eum in illud secretum unde processit. Cucurrit clamans dictis, factis, morte, uita, descensu, ascensu, clamans ut redeamus ad eum. »

LES (VOIX » DANS

LES CONFESSIONS

295

paroles humaines ou les êtres créés, parce qu'il est Véritél. A Milan, il a dialogué directement avec Augustin, lors de ses tentatives d’extases plotiniennes?. Au livre XIII, il répond encore à Augustin en l’assurant que l’Écriture est la traduction temporelle des Vérités éternelles®. Il est exceptionnel qu'Augustin cite un passage de l’Écriture comme la simple parole d’un homme quelconque ; s’il nomme l’auteur humain, par exemple l’apôtre Paul, c’est d'ordinaire au titre de porte-paroles de l'Esprit Saint ou de la divinité. Tout verset de l’Ancien et du Nouveau Testament est considéré

comme

une

woxf,

un

eloquium’,

un oraculum” prononcé

(1) Zbid., IV, 10, 15, 30, p. 78 : «In Verbo enim tuo, per quod creantur, ibi audiunt : ‘ Hinc et huc usque ’...‘ Numquid ego aliquo discedo ? ? ait Verbum Dei. Ibi fige mansionem tuam.…., anima mea, …Veritati conmenda quidquid tibi est a ueritate » ; I, 13, 22, 2, p. 18 : « Veritas tua dicat mihi : ‘ Non est ita ’»; cf. XII, 10, 10, 4, p. 336.

(2) Zbid., VII, 10, 16, 22, p. 162 : « Et inueni longe me esse a te in regione dissimilitudinis, fanquam audirem uocem tuam de excelso : ‘ Cibus sum grandium : cresce et manducabis me. Nec tu me in te mutabis sicut cibum carnis tuae, sed tu mutaberis in me ’… Et dixi : ‘ Numquid nihil est ueritas, quoniam neque per finita neque infinita spatia diffusa est ? ? Et clamasti de longinquo : ‘Immo uero ego sum qui sum’. Et audiui sicut auditur corde » ; X, 6, 8, 2, p. 245 : « Percussisti cor meum uerbo tuo et amaui te. » (3) Ibid, XIII, 29, 44, 5, p. 401 : « Et dixi : ‘ O Domine, nonne ista scriptura uera est, quoniam tu uerax et ueritas edidisti eam ?.. ” Ad haec tu. dicis uoce forti in aurem interiorem seruo perrumpens meam surditatem et clamans : ‘ O homo, nempe quod scriptura mea dicit, ego dico ”. Et tamen illa temporaliter dicit, uerbo autem meo tempus non accidit.. » Dieu parle aussi par ses seuls bienfaits,

postmodum (4) Zoid.,

quia

X, 29,

40,

potest

nemo

I, 6, 7, 22, p. 7 :«

Quod

animaduerti

te mihi per haec ipsa, quae tribuis intus et foris. »

clamante

3,

p.

esse

270

:

«Et

cum

continens

scirem,

nisi

Deus

ait

quidam,

det….

(Sap.

VIII, 21) » ; XII, 15, 20, 14, p. 342 : « Aït enim quidam seruus tuus : GAY (II Cor. V, 21)»; voir aussi le Deiinipso nossimusiustitia texte cité ci-dessus, p. 293, n. 7. (5) Zbid., III, 4, 8, 10, p. 50, citant Col. IT, 8, sous la rubrique : «Illa admonitio Spiritus tui per seruum tuum bonum et pium » ; XIII, 13, 14,

19, p. 376 : « Sed non iam in uoce sua ; in tua enim qui misisti Spiritum tuum

de excelsis

per

eum»;

cf. VII,

9, 15,

17,

p. AS

p. 183; XIII, 22, 32, 5, p. 390; etc. (6) Zbid., X, 31, 45, 1, p. 273, où quantité de citations

AIN

ENOPPAE

L scripturaires sont

introduites sous la forme : « Audio uocem iubentis Dei mei... Audiui aliam uocem

tuam.….

Audiui

et illam.. » ;: XII, 13, 16, 1, p. 339 : « Audio loquen-

tem scripturam tuam... » (7) Ibid, IX, 5, 13, 15, p. 219; X, 35, 54, 11, p. 280 ; XII, 14, 17, é 1 p.240: XII, 15, 17, 10, p. 379. (8) Ibid, VIII, 12, 29, 16, p. 200 (scène du jardin de Milan) ; XI, 9,

296

APPENDICE

III

par Dieu. Il semble que les paroles du Christ dans les Évangiles soient plus spécialement désignées comme procédant «ex ore Veritatis » ; une seule fois elles sont placées directement dans la bouche de Jésus’. On n’est pas peu surpris de voir, dans les Confessions, Augustin appliquer à un passage de Cicéron, le même procédé de citation d’un texte comme s’il était un cri à l'adresse. de l'oreille intérieure. Dieu parle non seulement par les livres sacrés, mais aussi par la bouche de personnes vivantes : il a parlé, par exemple, à Augustin à travers les avertissements que lui prodiguait sa mèret ou à travers les sermons d’'Ambroise. Au moins une fois, il y a un intermédiaire de plus : le jeune homme étincelant dont Monique raconte à son fils avoir entendu en songe une

admonitio,

un

7esponsum,

une

yeuelatio

d’origine

divine;

son discours annonçait qu'Augustin se rallierait un jour à la règle de foi de sa mère : «Là où tu es, toi, il sera, lui aussi. »

Augustin suppose encore que Moïse aurait pu apparaître en personne et dire : « Voici quelle a été ma pensée’. » Ainsi, dans les Confessions, les propos échangés entre humains

41, 22, p. 304 ; XII, 15, 22, 3, p. 343 ; voir aussi le texte n. 5.

cité ci-dessous,

(4) Zbid., NI, 10, 16, 32, p. 134; NIIL, 1, 2, 16, p. 176 ; IX, 13, 34, 11, PO ECM RS Rp 200: (2) Tbid., VII, 18, 24, 4, p. 167

centem

:

(3) Ibid.,

‘Ego sum

: «.….Christum

uia,ueritas

1, 16, 25, 9, p. 21

: « Quis

lesum...

et uita autem

uocantem

et di-

».

paenulatorum

magistrorum

audit aure sobria ex eodem puluere hominem clamantem et dicentem : ‘ Fingebat haec Homerus et humana ad Deos transferebat ; diuina mallem ad nos” (Cic., Tusc., I, 26) ». (4) Ibid., IT, 8, 7, 1, p. 84 : « Et cuius erant, nisi tua, uerba illa per matrem meam fidelem tuam, quae cantasti in aures meas. Te tacere putabam atque illam loqui, per quam mihi tu non tacebas. » (5) Tbid., VI, 3, 4, 2, p. 121 : « de tam sancto oraculo tuo, pectore illius. » (6) Zbid., III, 11, 19, 20, p. 61 : « ….admonuisse, ut adtenderet et uideret, ubi esset illa, ibi esse et me » ; III, 11, 20, 5, p. 61 : « Mihi dictum est... :

‘Vbi tu, ibi et ille’». Le mot responsum est appliqué au même épisode, IIT, 11, 20, 9, p. 62;

III, 12, 21, 1, p. 62.

12, 30, 22, p. 201. Un autre responsum pos réels d’un évêque,

De

même,

le mot

reuelatio,

VIII,

est fourni à Monique par les pro-

III, 12, 21, 1, p. 62 :

«Et

dedisti

alterum

respon-

sum interim, quod recolo.. Quod ita se accepisse inter conloquia sua mecum saepe recordabatur, ac si de caelo sonuisset. » (7) Ibid., XII, 25, 85, 14, p. 355 : «si ipse Moyses apparuisset nobis atque dixisset : ‘ Hoc cogitaui. ’ »

LES

(VOIX » DANS

LES CONFESSIONS

297

sont plutôt plus rares que ces « voix » de toute espèce’, qui s'expriment le plus souvent au style direct?. Il n'est pas toujours aisé de discerner celles qui ressortissent aux procédés de la métaphore ou de l’allégorie, destinés à rendre le style ou le récit plus dramatiques’, et celles auxquelles Augustin prête une valeur philosophique ou une réalité théologique, en tous cas

une

influence

certaine

sur sa conversion.

De

celles-ci,

le

récit de l’extase d’Ostie propose une double liste qui est comme une récapitulation : « Nous disions donc : Supposons un être en qui fassent silence

le tumulte de la chair, les images de la terre, des eaux, de l'air

et aussi les cieux : en qui l’Âme elle-même fasse silence et se dépasse en ne songeant plus à soi ; en qui fassent silence songes et révélations par images, toute langue, tout signe, tout ce qui ne naît que pour disparaître; oui, supposons le silence total de toutes ces choses (car à qui les écoute elles disent : ‘ Ce n’est pas nous qui nous sommes faites nous-mêmes, mais bien Celui qui demeure éternellement ”) ; qu'après ces mots elles se taisent parce qu’elles ont élevé notre oreille vers celui qui les a créées ; qu’alors celui-ci parle seul, non par elles, mais par lui-même ; que nous entendions sa parole non par la langue de d'un être de chair ni par la voix d’un ange ni par le fracas lui-même, que mais parabole, la nuée ni par l'énigme d'une lui que nous aimons, se fasse entendre sans leur intermédiaire..., : « Entre ne serait-ce pas alors la réalisation de cette parole ?*» Seigneur dans la joie de ton em, praeuenisti (1) Zbid., XIIT, 1, 1, 6, p. 366 : « Priusquam inuocar longinquo et de audirem ut uocibus, et institisti crebrescens multimodis Vo-

conuerterer

et uocantem

me

inuocarem

te » ; D'OR ATPRE LRO

1

» casti et clamasti et rupisti surditatem meam. en notes, il faut ajouter (2) Aux nombreux passages indiqués ci-dessus ées comme un discours présent sont qui raires scriptu ns citatio quantité de style

direct,

notamment

Conf.nl..5,:5,210,5p.26:

1: 49930;

au p. 97; VI, 7, 12, 23, p. 1295; 31, p. 26 ; IV, 3, 4, 11, p. 68; V, 5, 8, 3, VII, 21, 27, &4, p. 1725 160; p. 38, 14, 9, VII 142; VI, 16, 26, 32, p. IX, 1, 1, 6, p. 208; IX, ; 200 p. 14, VIII, 1, 2, 31, p. 177; VIII, 12, 29, 15, p. 300 ; XII, 27, 37, 5, 3, XI, ; 292 p. 70,4, X,043, 215; 209, 40p. 20, 26, 4, p. 386. 16, p. 357 ; XIII, 19, 25, 13, p. 385 : XIII, sur le style de saint Au(3) Sur ce point, cf. déjà C. I. Bazmus, Étude 1930, p. 247-250. Paris, Dieu, de Cité la et sions Confes gustin dans les sileat tumultus carcui Si x p.229 1, 25, , (4) Aueusrin, Conf. IX,,40 et poli et ipsa sileant et aeris, nis, sileant phantasiae terrae et aquarum somnia et imasileant ndo, cogita se non se at transe gibi anima sileat et de

Dieu

298

APPENDICE III

On retrouve dans ces deux séries toutes les catégories de ‘ voix ” que nous venons de déceler dans les Confessions : celle des choses, celle de leurs images, celle de l’âme qui réfléchit sur les données des sens, celle des vains songes, par exemple certains songes que Monique reconnaît ne pas être d’origine divinet. Dans la seconde série, voici les porte-paroles de Dieu. Le Verbe parle dans l'Évangile par la voix de la chair et par l'énigme des paraboles, c’est-à-dire par les discours de Jésus incarné’. La voix divine sort du haut de la nue, au sens propre lors du baptême de Jésus ou de la Transfiguration®, mais aussi,

par extension, dans toute parole de l’Écrituret. La voix d’ange ginariae reuelationes, omnis lingua et omne signum et quidquid transeundo fit si cui sileat omnino — quoniam si quis audiat, dicunt haec omnia : Non ipsa nos fecimus, sed fecit nos qui manet in aeternum — his dictis si iam taceant, quoniam erexerunt aurem in eum qui fecit ea, et loquatur ipse solus non per ea, sed per se ipsum, ut audiamus uerbum eius, non per linguam carnis neque per uocem angeli nec per sonitum nobis nec per aenigma similitudinis, sed ipsum quem in his amamus, ipsum sine his audiamus..., nonne hoc est: Intra in gaudium Domini tui?» Sur cette page et ses sources plotiniennes ou chrétiennes, cf. P. Henry, La vision d'Ostie, sa place dans la vie et l’œuvre de saint Augustin,

thèse,

Paris,

1938,

tion Labriolle,

notamment

l'équivalent

trouve

se

p. 15 et suiv.

Je retouche

en ce qui concerne

chez

PLoriN,

Ennéades,

fortement

le erexerunt V,

la traduc-

aurem,

1, 12, 15,

dont

éd. Bréhier,

p. 30 : « rüv &MAowv povüv émooräc To oùc Eyelper mpdc Td äueuvov. » Sur divers types de voix, cf. AucusriN, Epist. ad Paulinum et Therasiam LXXX,

3, dans

C.S.E.L.,

t. XXXIV,

2, p. 348, 22 : « Sed

plerumque

non

uoce de caelo, non per prophetam, non per reuelationem uel somnü uel excessus mentis, quae dicitur extasis, sed rebus ipsis accidentibus et ad aliud, quam statueramus, uocantibus cogimur agnoscere Dei uoluntatem aliam, quam erat nostra. » (1) Aueusrin, Conf. VI, 13, 23, 7, p. 139 : « Cum sane et rogatu meo et desiderio suo forti clamore cordis abs te deprecaretur cotidie, ut ei per uisum ostenderes aliquid de futuro matrimonio meo, nunquam uoluisti. Et uidebat quaedam uana et phantastica.… Dicebat enim discernere se nescio quo sapore, quem uerbis explicare non poterat, quid interesset inter reuelantem te et animam suam somniantem. » (2) Zbid., XT, 8, 10, 6, p. 303 : « Ipsum est Verbum

tuum,

quod et prin-

cipium est, quia et loquitur nobis. Sic in euangelio per carnem insonuit foris auribus hominum. » (3) Tbid., XI, 6, 8, 1, p. 301

: « Sed

quo

modo

dixisti

ait, et hoc

? Numquid

1illo

modo, quo facta est uox de nube dicens : ‘ Hic est filius meus dilectus’ (Mat. III, 17; XVIII, 5) ? » (4) Tbid., IT, 2, 3, 11, p. 31 (à propos de citations de la Zre Épître aux Corinthiens) : « Aut certe sonitum nubium tuarum uigilantius aduerterem... »; XIII, 15, 18, 25, p. 380 : « (Verbum autem tuum) … nune in

LES

(VOIX

» DANS

LES

CONFESSIONS

299

s'applique, en général, au fait que les anges louent le Seigneur dans le ciell, mais aussi à la révélation divine que Monique a reçue une fois en songe : car le jeune homme étincelant (iwwenem splendidum) qui lui a parlé? est évidemment un ange. %# *

*

Et le fameux ‘ Tolle, lege ” ? Selon que l’on adopte la leçon commune : ‘ de uicina domo ’, ou la leçon du seul manuscrit précarolingien,

le Sessorianus

: ‘ de diuina

domo',

l'on

sera

porté à considérer qu’il s’agit d’une voix extérieure, humaine, ou d’une voix intérieure, d’origine divine. La première hypothèse a d’ordinaire

été retenue ; j'ai, au contraire, soutenu

et

développé la seconde : selon moi, cette voix d’un puer ou d’une puella (quasi pueri an puellae, nescio) émane de l’un des puert et puellae, enfants de Continence mentionnés à la page précédente. En l'absence d’un stemma scientifique des deux cent soixante-deux manuscrits (au moins |) qui nous conservent les Confessions , comment opter entre l’une et l’autre leçon ? En faveur de mon hypothèse, j'ai indiqué ci-dessus diverses raisons sur lesquelles il est inutile de revenir’. La présente étude sur les ‘ voix’ nous aidera, je crois, à contrôler cette hypothèse et à la renforcer de plusieurs arguments nouveaux. Le fait que cette voix constitue un présage pourrait induire à penser qu'il s’agit d’une voix matérielle, d’un bruit venant de l'extérieur ; car c’est normalement,

aux yeux des Romains,

une parole réelle détournée de son sens propre, qui fournit un omen$. Les choses ne vont pas forcément ainsi dans les Conaenigmate ret»:

sur

nubium la uox

et per de nube,

speculum cf. aussi

caeli, DE

PauziN

num XCIV, 7, dans C.S.E.L., t. XXXIV, (1) Texte cité ci-dessus, p. 291, n. 1.

sicuti

non

Notre,

Epist.

est, appaad Augusti-

2, p. 505, 6.

(2) Aueusrin, Conf., III, 11, 19, 14, p. 61 ; cf. ci-dessus, p. 296. (3) C£., à propos de l’ange présent à la Résurrection de Jésus, Marc,

XVI, 5 : «iuuenem.…. coopertum stola candida. » (4) Cf., en dernier lieu, M. Skuretra, Frustula Augustiniana, dans Revue Bénédictine, t. LI, 1939, p. 70. J’ai contrôlé qu'aucun des trente-cinq manuscrits de Paris ne porte diuina, non plus que les deux manuscrits de Dijon et celui d'Angers. (5) Aueusrin, Conf. VIII, 12, 29, p. 199-200, et ci-dessus, p. 188-202. (6) Crcéron,

De diuinatione,

I, 46, 103-104,

éd. Müller,

Teubner,

p. 183,

15, exemples d’omina rendus par des puellae; ci. À. Boucné-LECLERCQ, Histoire de la divination dans l'Antiquité, t. IV, Paris, 1882, p. 136 ; E. Rress, dans P. W., s. u. : omen, p. 373-376.

300

APPENDICE III

_fessions ; car la ‘ voix ” entendue par Monique au sujet de la règle de foi et qui donnait un présage, survenait en songe et émanait d’un ange porteur d’une révélation divine . Le ‘ Tolle, lege” lui-même a peut-être été remployé par Marc le Diacre, dans sa Wie de Porphyre, évêque de Gaza, sous forme d’une révélation en songe destinée à provoquer une consultation des ‘ sorts ” biblique’. Examinons l'attitude d’Augustin à l'égard de la notion d’omen. I1 emploie le mot, il est vrai, dans le Contra Academicos rédigé à Cassiciacum, mais sur le mode plaisant et en un sens affaibli ; il l’évite dans les passages des Con_fessions où il est question de présages ; il se reprochera, dans A

,

les Rétractations,

d'en avoir autrefois usé.

Tout le livre VIII

(1) Ci-dessus, p. 296 et 299. (2) Marc re Dracre, Vie de Porphyre, éd. H. Grégoire et M.-A. Kugener, Paris, 1930, c. 45, L 12, p. 38 : « Porphyre répondit (à l’impératrice Eudoxie)

: ‘ Tout

ce que

tu as résolu,

tu l’as résolu

selon

Dieu.

En

effet,

pendant cette nuit, mon humilité eut une révélation : il me sembla que nous étions à Gaza, debout dans le temple des idoles qui est là-bas et qu’on nomme Marneion, et que Ta Piété me donnait l'Évangile en me disant : ‘ Prend, lis” (AdBe &v&yvwb). Et moi, déroulant le volume, je trouvai le passage où le Seigneur Christ dit à Pierre : ‘ Tu es Pierre et sur cette pierre... . Et toi, notre maîtresse, tu m'as répondu : ‘ La paix soit avec toi, sois fort et vaillant. * Là-dessus je me suis réveillé. Et cela me persuade que le Fils de Dieu secondera ton propos. » La dépendance de ce passage par rapport au « Tolle lege» d’Augustin, est indiquée, 1b1d., p. 119, en dépit des observations de J. Gerroken, Augustinus’ « Tolle, lege »— Erlebnis, dans Archie für Religionswissenschaft, t. XXXT, 1934, p. 1-13, qui a bien montré que ce genre de formule remonte à une haute antiquité. La dernière parole d'Eudoxie : « La paix soit avec toi, sois fort et vaillant » correspondrait à la «lux securitatis infusa cordi meo» d’Augustin. Marc le Diacre aurait soudé en un épisode unique la scène du « Tolle, lege » et celle du songe de Monique, comme l'y incitait la lecture de Conf., VIII, 42, 30, 21, p. 201, rappelant l’une à propos de l’autre. Ce serait le signe qu'à ses yeux ces deux scènes et les « voix » qu’elles comportent sont de même nature, En sens contraire, voir mes Confessions. dans la tradition littéraire, p. 155-163 et 202. (3) Auausrin, Contra Acad. II, 8, 21, dans C.S.E.L., t. LXIII, p. 38, 7 : «Tum ille : Vellem quidem, inquit, ut meae uires patiuntur, auxiliari aliquatenus partibus uestris, nisi mihi omen uestrum terrori esset. Sed hanc formidinem,

ni me

spes

fefellerit,

facile

fugem»;

Retract.

I, 1, 6, dans

C.S.E.L., t. XXXVI, p. 14, 7: « Item respondens ei, cum quo disputabatur: ‘ Hic plane, inquam, non erras ; quod ut tibi omen sit ad reliqua, libenter optauerim ” (— Contra Acad. I, 4, 11, p. 12, 12). Hoc licet non serio, sed ioco dictum sit, nollem tamen eo uerbo uti. Omen quippe me legisse non recolo siue in sacris Litteris nostris siue in sermone cuiusquam ecclesiastici

LES

€ VOIX

» DANS

LES

CONFESSIONS

3OI

des Confessions, où est décrite la lente évolution psychologique d'Augustin, montre suffisamment qu’il ne cherche pas à faire accroire au lecteur que sa décision de conversion a tenu au double hasard d’un présage ominal suivi d’un présage cléromantique!. Nous n'avons là qu’une clause de style, un embellissement littéraire, normal dans le genre biographique, et qui ne pouvait guère tromper les lecteurs du ve siècle. Bien plus, en prenant soin de préciser que le ‘ Tolle lege’ n’est pas le refrain d’un jeu d'enfants, Augustin signifie que ce n'est pas un omen ; car les paroles d’enfants dites par jeu étaient un mode de divination ominale caractérisé? Doit-on s'étonner de l'expression ‘ diuwina domo’ ? Mle Mohrmann la déclarait non-augustinienne ; mais je l'ai retrouvée dans le Sermon

CCCXXXVI,

6, 6, et Mgr Pellegrino

dans le

Sermon LXXXVI, 12 (P.L., t. XXXVIII, 529 et 1475). Au surplus, nous avons vu toute une série de passages des Confessions où une ‘ voix” provient des cieux, des hauteurs, de la nues. L'expression Dei domus où Domini domus où Domini Dei domus

se lit au moins dix fois, rien que dans les Psaumes,

et

ces expressions ou d’autres voisines reviennent des dizaines de l’un

fois dans

ou

l’autre

Testament{;

par suite, les exégètes

chrétiens les emploient très fréquemment. Dans les Confessions, où Augustin parle d'ordinaire à Dieu, il transforme tout naturellement Dei domus en domus tuaÿ. Diuina domus ne peut disputatoris, quamuis abominatio inde sit dicta, quae in diuinis Libris adsipro due reperitur » ; cf. pourtant III Reg. XX, 33 : « quod acceperunt uiri omine » (Vulgate). (1) Sur le lien intime entre clédonisme et cléromancie, cf. A. BoucxéLeczerco,

op. cit., t. I, Paris, 1879,

p. 195 ; DaremBEerG

et Saczio, Dict.

des Antiquités, s.u. : diuinatio, p. 302. Milan (Au(2) Cf. mes articles : L’oracle d'Apis et l'oracle du jardin de t. 139, gustin, Conf. VIII, 11, 29), dans Revue de l'histoire des religions, lege’, Tolle ‘ le sur Note ; suiv. et 222 p. les nt 1951, p. 216-231, notamme dans L'année théologique, n° 39, 1951, p. 253-260. (8) Textes

cités ci-dessus,

p. 291, n. 1; 295, n. 2 et 5 ; 296

n. 3 et 4. (4) Voir n'importe quelle Concordance, s.u. : domus, (5) Voir le Thesaurus, s.u. : domus Dei, col. 1970.

,n. 6 ; 298,

etc.

habitaculum,

exulabam a deliciis (6) Par exemple, Conf. II, 2, &, 10, p. 32 : «longe domus tuae, quam dilexi » decore « 176: p. 6, 2, 1, NIII, ; tunes domus

3, 6, 11, p. 181 : (cf. Ps. XXV, 8 et Conf. XIT, 15, 21, 9, p. 343) ; VIIL, cum legitur in domo « lacrimas excutit gaudium sollemnitatis domus tuae, Qui tua de minore

habitare

filio tuo... » (cf. Luc

facis unanimes

in domo»

XV

24)

EX

MENT

(cf. Ps. LXVIL

1, p.222:

7) 5 X1,141,

712; 12

APPENDICE

302

III

apparaître dans les C onfessions qu'exceptionnellement, du reste

domus

Dei,

ou

domus

Domim”,

ou

domus

comme nostraÿ;

uement chacune de ces expressions ne s’y rencontre pratiq figurer pas qu’une fois. Ajoutons que diuina domus ne semble chez rare ent dans les textes sacrés! et est, par suite, forcém ite d’insol rien n'a s les auteurs chrétienss. Mais l’épithète diuinu dans la langue d’Augustin, ni même

dans les Confessions$. Au-

pour gustin a pu préférer ici de diuina domo à de Dei domo Dieu’, de Cité la que l'euphonie’. La domus Dei n'est autre nt qu'Augustin qualifie fréquemment : diuina®. On voit comme existimem caelum p. 337 : « Nec inuenio quid libentius appellandum tionem tuam..., c a'e li Domino quam domum tuam contemplantem delecta um spirisanctor pacis ento stabilim unam ssime concordi mentem puram cf. XII, »; caelestia ista super bus tuum, ciuium ciuitatis tuae in caelesti 5.) XLI, (Ps. 338 p. 10, et 5 13, 11, est domus Dei non (1) AueusTIN, Conf. XII, 15, 19, 14, p. 341 : « Haec 15, p. 346; ces trois terrena »; cf. XII, 15, 22, 4, p. 343 ; XII, 17, 25,

passages sont étroitement associés. ibimus » (= Ps. (2) Zbid., XIII, 9, 10, 28, p. 373 : «In domum Domini CXXXI, 1). (3) Ibid., IV, 16, 31, 25, p. 89 : « Non ruit domus

nostra, aeternitas

tua. »

Concordance (4) Ma restriction tient à ce que l’on ne dispose pas d'une Vulgate. la à es antérieur latines bibliques ns traductio pour les reproduis ci(5) Il y en a quelques exemples dans le Thesaurus ; je les dessus,

p. 196, n. 1.

magnum et (6) AueusrTiN, Conf. IV, 16, 28, 6, p. 86 : «nescio quid X, 35, 54, diuinum » ; VII, 19, 25, 6, p. 168 : « pro nobis cura diuina » ; 41, p. 280 : « eloquio diuino » ; XIII, 25, 38, 30, p. 397

teriorum»;

cf. IX,

11, 28, 8, p. 231:

diuinorum », et le texte

cité ci-dessus,

« animus

: « diuinorum

humanus

minus

mys-

capax

p. 296, n. 3.

diuina (7) On trouve ainsi chez s. Cyprien : de diuina misericordia, de . Cf. auctoritate, de diuinae dispositionis ordinatione, de diuina dignatione des heiBriefe der Syntax zur Studien n, Monrman Car. et n Scarisne J. p. 90-91 ; ligen Cyprian, I, Latinitas christianorum primaeua, t. V, 1936, cf. Moxrsur la fréquence de l'adjectif diuinus chez Tertullien et Augustin, dans MéChrétiens, des latin le dans adnominal génitif le et man, L'adjectif u, Palanges de philologie, de littérature et d'histoire offerts à J. Marouzea ris, 1948, p. 437-443. XV, (8) Outre le texte cité ci-dessus, p. 301, n. 6, cf. Aueusrin, Civ. Dei, Dei dicatur siue 19, éd. Dombart-Kalb, p. 98, 20 : « Siue autem domus a Latini eloquii abhorret nec est, ipsum id Dei, ciuitas siue templum Dei

; II, 97) consuetudine. Imitatus namque est poeta ille (Virgile, Aen, I, 284 Hebraepopulus ingens tam Jacob domus dicitur quibus in sacras, Litteras orum. » (9) Par exemple, AUGUSTIN, Epist. ad Paulinum XCV, 8, dans C.S.E.L., LUXXXIV,

2, p..513,08

te Voces

corporales

non

latentes

animos

indica-

bunt, quia in illa societate diuina… erit consonans in Dei laude concordia

LES «VOIX » DANS LES CONFESSIONS

303

il transpose en un sens spirituel le présage d’enfants, qui était normalement proféré dans un sanctuaire. Notons dans quel contexte apparaît le ‘ Tolle, lege ”. La voix qui répète cette phrase impérative prend place entre la ‘ voix ? exhortative (hortatoria) de Continence? et le verset décisif de l'Épître aux Romains, ‘ oracle” qui interdit la vie charnelles. Le fait même que le ‘ Tolle, lege”’ soit un refrain sans fin, une ‘ scie” (cantu dicentis et crebro repetentis ; cantitare) ne plaide nullement en faveur de l'interprétation matérielle. Car nous ne connaissons aucun exemple de cette ‘ scie” dans la réalité romaine ; au

contraire,

les conseils

de chasteté

dont

Monique

rebattait vainement les oreilles d’Augustin, vers l’âge de la puberté, sont présentés par lui comme une ‘ scie” prononcée par Dieu même (cantasti) . Ajoutons que la wox qui répète ‘ Tolle, lege’ répond directement aux woces miserabiles que poussait Augustin, honteux de ne pas décider sur l'heure sa conversion à l’ascétisme : «Combien de temps, combien de temps sera-ce ‘ demain’ et encore ‘ demain ” ? Pourquoi pas tout à l’heure (modo) ? Pourquoi ne pas en finir, sur l’heure, avec ma honte ?5 » Or, quelques pages plus haut, à propos de non solum spiritu, uerum lusianum

etiam spiritali corpore expressa » ; Epist. ad Vo-

5, 20, C.S.E.L.,

CXXXVIL,

p. 125, 3 : «in ciuitate su-

t. XLIV,

perna atque diuina»; Epist. ad Marcellinum CXXXVIII, 3, 17, ibid., p. 144, 14 : « .…sempiterni cuiusdam populi caelestem diuinamque rempublicam,

cui nos

ciues

adsciscit

fides, spes,

caritas. »

(1) Voir la p. 230 de l’article cité ci-dessus, p. 301, n. 2. (2) Texte cité ci-dessus, p. 293, n. 9. (3) Aucusrin, Conf. VIII, 12, 29, 16, p. 200 : « tali oraculo » s’applique

aussi bien,

d’après

le contexte,

à Rom.

XIII,

13, qu'à Mat.

21. Le

XIX,

fait que la lecture de l’un et l’autre verset est présentée comme une consultation des sorts (cui forte superuenerat ; quo primum coniecti sunt oculi mei) accentue le caractère oraculaire de la réponse qu’ils apportent, quoique tout passage des Écritures soit considéré par Augustin comme un oracle cf. ci-dessus,

(4) Texte

p. 295, n. 8.

cité ci-dessus, p. 296, n. L,

(5) Aueusrin,

Conf.

VIII,

12, 28, 20, p. 199

: « Iactabam

uoces

mise-

rabiles : ‘ Quamdiu, quamdiu cras et cras ? Quare non modo ? Quare non hac hora finis turpitudinis meae ’ ? » Ce cras, cras évoque le croassement de corbeau

sonnel « Sunt

auquel fait allusion —

sans

coruina : ‘ Cras, cras … Quamdiu quia ignoras quod sit ultimum cras,

num

doute

en se rappelant

son

cas

per-

— Aucusrin, Enarr. in Ps. CII, 16, P.L., t. XXXVII, 1330 : enim qui praeparant conuersionem et differunt, et fit in ilis uox

peccator. » Sur Perse comme

cras, cras ? Obserua ultimum cras : sufliciat quod uixisti usque ad hodier-

source, cf. ci-dessus, p. 192, n. 3. Sur

304

APPENDICE III

la même délibération, nous avions un dialogue en sens inverse : à l’exhortation divine, exprimée par une parole de l’Écriture, Augustin répondait lâchement : ‘ Tout à l’heure ” (modo). On voit ainsi que le ‘ Tolle, lege” tient lieu d’une parole divine ; il conduit,

du reste, Augustin

à lire le verset de l’Épitre aux

Romains qui constituera l’exhortation suprême. Même s’il fallait maintenir la lecon : de wicina domo, cette ‘ maison voisine ” devrait, je crois, être interprétée comme

la demeure divine?. Le

‘ Tolle, lege *’ nous apparaît donc comme une réponse provisoire qui, tout en émanant de la demeure divine, est prononcée, non

les pronostics fournis par les croassements nat.,

V,

XVIII,

1085;

Virerce,

Georg.,

de corbeaux,

I, 382,

410,

423

;

cf. Lucrèce,

Pine,

Hist.

De Nat.

362.

(1) Aueusrin,

Conf.

VIII,

5, 12,

12,

p.

185

: « Non

enim

erat,

quod

tibi responderem dicenti mihi : ‘Surge qui dormis et exsurge a mortuis etinluminabit te Christus” (Eph. V, 14) .….nisi tantum

uerba

lenta

et somnolenta

: ‘ Modo,

ecce

modo,

sine

paululum ’;

sur d’autres cas de dialogues entre Augustin et Dieu, cf. le texte cité cidessus, p. 295, n. 2 (commenté ci-dessus, p. 194 et n. 2), et Conf. XIII, 31, 46, 13, p. 403 : « Quomodo

ergo scimus

et nos quae

a Deo

donata

sunt

nobis ? Respondetur mihi, quoniam quae per eïus spiritum scimus etiam sic nemo scit nisi spiritus Dei (J1 Cor. II, 11-12).» (2) On peut être tenté de voir dans le passage des Confessions : « Dicebam haec et flebam amarissima contritione cordis mei. Et ecce audio de uicina domo... » une allusion à Michée I, 11 (Vulgate) : « Planctum domus uicina (— Septante : « olxoc éyôuevos «drs ») accipiet ex uobis : quae stetit sibimet, quia infirmata est in bono quae habitat in amaritudinibus. » Augustin aurait interprété (à tort) la phrase très obscure de Michée comme si la demeure voisine était la demeure divine qui accueille ses plaintes dans son

amertume.

Dans

ce cas,

le diuina

du

Sessorianus

serait

la glose

d’un

lecteur du v® siècle expliquant uicina, glose qui, par la suite, se serait substituée dans le Sessorianus à uicina. Ce qui me retient d'adopter cette leçon est que je ne connais pas d'autre passage où Augustin cite cette parole de Michée. D'autre part, JÉRÔME, In Mich. I, 10 et suiv., P.L., t. XXV, 1162, interprète allégoriquement, non sans hésitation, la domus uicina comme domus uicina Ecclesiae, c’est-à-dire les hérétiques. Enfin, Augustin semble, d'ordinaire, considérer la domus Dei comme sise au loin (de longinquo

dans

les textes

cités ci-dessus,

p. 295, n. 2 ; 297 n. 1 et ci-

dessous, p. 306, n. 1}), et non au voisinage. Mais elle vient peut-être de se rapprocher au moment où la Grâce le frappe. Voir mes Confessions... dans la tradition littéraire, p. 167-168, et AuausrTin, Enarr. in Ps. XXXIV, sermo Il, 6, 17, C.C., t. XX XVIII, p. 316 : « Nonnumquam in uno homine utrumque contingit, ut aliquando propinquet et aliquando longe fiat : propinquat luce ueritatis, longe fit nubilo carnis. »

LES

(VOIX

» DANS

LES

CONFESSIONS

305

par Dieu lui-même, mais par un intermédiaire : « comme une voix de garçon ou de jeune fille, je ne sais. » Quelles voix, autres que celle de Dieu même, peuvent sortir de la domus Dei ? Nous avons déjà signalé qu’une voix d’ange parlait en songe à Monique. Augustin s'explique plus longuement au sujet de telles ‘ voix ” dans ses Enarrationes 1n Psalmos : de la domus Dei descend, selon lui, ‘ je ne sais quelle” mélodie, qui mérite le nom de ‘ voix”, car elle invite l'âme humaine à faire taire les bruits de la chair et du sang pour tendre l'oreille intérieure et parvenir elle-même jusqu'à cette domus,

par l’extase?.

Cette

‘ voix ” est, en particulier,

le fait

(1) Aucusrin, Conf. VIII, 12, 29, 3, p. 200 : « quasi pueri an puellae, nescio ». L'équivalent de cet intermédiaire, dans le texte parallèle de Marc le Diacre (ci-dessus, p. 300, n. 2), est le fantôme d’'Eudoxie. Rappelons-nous avoir

rencontré

p. 292, n. 2 ; 293, n. 9 ; 294, n. 1,295,

ci-dessus,

n.2, des

formules analogues du type : quasi diceret, tanquam audirem, à propos de « voix » non matérielles, provenant des images des corps ou des souvenirs, de Continence, de Dieu. (2) Aueusrin, Enarr.

in Ps.

XLI,

9, P.L.,

470

t. XXXVNI,

: « Tamen

dum miratur membra tabernaculi, ita perductus est ad domum Dei, quandam dulcedinem sequendo, interiorem nescio quam et occultam uoluptatem, tanquam de domo Dei sonaret suauiter aliquod organum.…. De illa aeterna et perpetua festiuitate sonat nescio quid canorum et dulce auribus cordis, sed si non perstrepat mundus.. Sequens quod sonabat, abstrahens se ab omni strepitu carnis et sanguinis, peruenit usque ad domum Dei. Etsi uteumque nebulis diffugatis (cf. Conf. VIII, 12, 29, 29, p. 200 : «tenebrae diffugerunt ») ambulando per desiderium ad hunc sonum peruenerimus interdum ut aliquid de illa domo Dei nitendo capiamus, onere tamen quo-

» ; dam infirmitatis nostrae ad consueta recidimus et ad solita ista dilabimur uocis illius, dulcedinem ….recordans « : 475 XVI, XX t. P.L., 17, XLI, Ps. in

XX, qua ductus sum per tabernaculum usque ad domum Dei » ; ef. Civ. Dei 17, éd. Kalb, Leipzig, 1929, p. 445, 14 : « An non est uox ciuis supernae «Factae sunt lacrimae meae panis die ac Hierusalem mais Hoffnocte (Ps. XLI, 4) ? » Dombart adopte aussi la leçon ciuis, la uox mann la leçon ciuitatis ; cf. sur la mélodie silencieuse que constitue génécadre Le 481. XXXVI, t. P.L., 7, XLII, Ps. Dei interna, Enarr. in que l’on reral de ces élévations des ÆEnarr. in Ps. XLI-XLITI est celui

Enarr. in Ps. CX VII, trouve pour l’extase d’Ostie, ci-dessus, p. 297 ; cf. Dode domo uos mus M 500: «Benedixi MAPRPIT EPSON

scilicet mamini. Credo quod ista uoz magnorum est ad pusillos, eorum mente possunt, uita hac in sicut Deum, apud Deum gnorum qui Verbum intromittis contingunt »; Conf. X, 40, 65, 27, p. 289 : « Et aliquando quam dulcedinem, me in affectum multum inusitatum introrsus ad nescio non erit. Sed ista uita quod erit, quid nescio quae si perficiatur in me, » Cf. II Cor., recido in haec aerumnosis ponderibus et resorbeor solitis. XII,

3 : « Siue in corpore

est in paradisum ».

siue

extra

corpus,

nescio,

seit, …

Deus

|

raptus

306

APPENDICE

III

des Élus — Apôtres où martyrs, par exemple — qui habitent la domus Dei et nous exhortent à suivre leurs traces, afin que nous l’habitions un jour à notre tour!. Munis d’un corps spirituel, les Bienheureux disposent, en effet, d’une voix corporelle par laquelle ils expriment les Écritures et les préceptes divins?. S'étonnera-t-on, dès lors, que les enfants de Continence, qua-

lifiés fi gaudiorum parce qu'ils jouissent de la béatitude célesteÿ, pressent Augustin, par le ‘ Tolle, lege’, de lire le verset d’'Écriture où il puisera la ferme décision de se vouer lui-même à la continence ? Pour qui connaît la doctrine et les modes d'expression d’'Augustin le doute n’est guère possible : le ‘ Tolle, lege” est une ‘ voix ” intérieure, l’appel des ‘ continents ” qui l’invitent, suivant leur exemple, à saisir la leçon d’ascétisme contenue dans le Nouveau Testament*. *

*

*

Nous avons mesuré l’extraordinaire imagination auditive, la puissance d’évocation et l’audace d’expression de saint Au(1) Aueusrin, Enarr. in Ps. CXXI, 2 (sur le verset 1), P.L., t. XXXVII, 1619 (sermon relatif à une fête de martyrs) : « In peregrinatione suspiramus. Inuenimus autem et socios in ista peregrinatione, qui iam inuenerunt istam ciuitatem et inuitant nos ut curramus ad illam... Curramus in domum Domini, iucundetur anima nostra in his qui ea nobis dicunt. Qui enim ea nobis dicunt, priores uiderunt ipsam patriam, de longinquo clamantes ad posteriores : « In domum Domini ibimus, ambulate, currite. Viderunt illam Apostoli et dixerunt nobis : Currite, ambulate, sequimini. In domum Domini ibimus. » Ce verset est cité dans le même sens, Conf. XIII, 9, 10, 28, p. 373. (2) Voir le premier texte cité ci-dessus, p. 302, n. 9 et AucusTin, Enarr. in Ps. CXXXVI, 6 (sur le verset 2), P.L., t. XXXVII, 1764 : « Habent organa sua ciues Jerusalem scripturas Dei, praecepta Dei, promissa Dei, meditationem quamdam futuri saeculi. » (8) Aueusrin, Conf. VIII, 11, 27, 10, p. 198 ; il est précisé, VIII, 6, 15, 15, p. 188, que les ascètes possèdent le royaume de Dieu ; cf. aussi VIII, 3, 6, 11, p. 181 : «lacrimas excutit gaudium XI, 2, 3, 25, p. 298 : « Ecce uox tua gaudium

dis

usque

ad regnum

41, 12, p. 337

sur

tecum

la béatitude

perpetuum

sollemnitatis domus tuae » ; meum... Audiam uocem lau-

sanctae

des habitants

ciuitatis

tuae»;

de la Cité de Dieu.

XII, Sur les

louanges de Dieu chantées par les Élus, cf. les textes rassemblés par M. PonTET, L'exégèse de s. Augustin prédicateur, Lyon, s. d., p. 550-552. (4) Notons que cette conclusion subsisterait même si l’on croyait devoir maintenir qu’un refrain réel est sorti d’une maison matérielle, attenant au jardin : Augustin aurait transformé un refrain quelconque en omen, en l’entendant sous la forme : « Tolle, lege », et en l’interprétant comme l’appel des « continents ».

307

LES CONFESSIONS

LES « VOIX » DANS

gustin : il prête des discours en style direct même aux oreilles, Continence !! C’est dans ce con-

ou à Dame

ou à un torrent,

texte que doit s’interpréter la scène du jardin de Milan. Selon le récit d'Augustin, c’est une scène hautement dramatique, toute en bruits ou en cris : murmures des Vanités, paroles de Continence, clameurs d'orage, cris pitoyables d'Augustin, refrain perpétuel du ‘ Tolle, lege”. Toutes ces * voix ’ sont des voix intérieures. Il s’agit matériellement d’une scène muette, d’une histoire sans paroles ; Alypius, assis à quelques pas d’Augustin, n’a pas perçu le moindre bruit, mais seulement ses propres ‘ voix”, dont il va faire part à Augustin comme celui-ci lui fait part des siennes”. Comment nous représenter la voix intérieure qu'Augustin entendit au jardin de Milan ? Sainte Thérèse d’Avila n’a pas hésité,

à interpréter

lut les Confessions,

lorsqu'elle

le Tolle,

lege comme une expérience mystique : elle l’entendit elle-même résonner comme un appel sensible’. Le parallèle suivant m'incline pourtant à croire que, chez Augustin, il s’agit plutôt d’une illumination d’ordre intellectuel : (1) C£. Ci-dessus, (2) Aueusrin,

p. 292-293.

Conf. VI

2 p 200

A280

…indicaui Alypio. At ille,

Cf. Enarr. quid in se ageretur — quod ego nesciebam — sic indicauit. » non tacet : in Ps LVIT, 2; 30) C.C., t XXXIX, p. 709 : « Vox ueritatis non

labiis

clamat,

sed

uociferatur

ex

corde » ; Tract.

in Ioh. LIV,

8, 21,

ntibus menC.C., t. XXXVI, p. 463 : « Non sic loquitur ueritas : intellege tibus intus loquitur, sine sono instruit. » chap. IX, éd. (3) Sarre TRÉRÈSE DE Jésus, Vie écrite par elle-même, complètes traduites,

des Œuvres

version,

à la voix

fit résonner

à mes

Paris, 1907, t. I, p. 131 : « Arrivée à sa con-

qu’il entendit oreilles,

dans

si vive

le jardin, le Seigneur, je crois, la

était

l'émotion

de mon

cœur

R. Jouy,

Notes

»; cf.

Bulletin Hispanique, A. Morez-Fario, Les lectures de sainte Thérèse, dans par À. Bonenfant gravées estampes des troisième La 45-49. p. 1908, t. X, cabinet des esParis, de nat. (Bibl. s Augustin en 1624 à l’usage des Pères sous le figuier, entendant tampes, Rd 67, petit in-f°) représente Augustin divine et entouré d'anle « Tolle, lege» porté par des rayons de la gloire sûrement pas le « Tolle, t prenaien ne ion gelots. Les auteurs de cette composit du jardin voisin d’Augustin, enfants des issue e matériell voix une pour » lege portée par des anges ou des mais pour une voix intérieure, d’origine divine, à une expérience mystique nt songeaie Élus ; il est difficile de préciser s’ils le du dossier iconogral’ensemb Pour uelle. intellect tion illumina ou à une de s. Augustin dans la * ons Confessi ‘ mes de phique, voir les planches tradition

littéraire,

et ci-dessous,

pl. III-IX.

Selon

sur la

, t. XXXV, 1966, p. 217conversion d'Augustin, dans L’Antiquité classique pas de la maison provient ne qui mais 291, il s’agit d’une voix d'ange, nt, surprena moins le pour paraît me qui Ce divine.

308

APPENDICE

III

Contra Academicos, ITR 2 SAC SE.L, COX ÉD 27 020:

ConfaNile:27, 2 éd. Labriolle, p. 170 :

« Prorsus totus in me cursim redibam. Res-

«

pexi tamen,

stilum Spiritus tui et prae ceteris apostolum

confite-

bor, quasi de itinere in illam religionem,

Jtaque

auidissime

arripui

uenerabilem

Paulum...

Inueni

quae puetis nobis insita est et medullitus

legeram, hac cum con-

inplicata

mendatione

; uerum

au-

quidquid illac uerum gratiae

Conf.

NIII,

11,

27,

13, p. 198 (scène du jardin) : « Ibi tot pueri et puellae. Et inridebat me (Continentia) inrisione hortatoria, quasi diceret : ‘ Tu non poteris, quod isti quod istae ? An uero

isti et istae in se ipsis possunt ac non in domino Deo suo ? ? Et

tem ipsa ad se nescientem rapiebat. Tfa-

tuae dici. Et aliud est de siluestri cacumine

que titubans, properans, haesitans, arripio apostolum Pauum : ‘ Neque enim

uidere patriam pacis ti. et aliud tenere ui-

tis et crebro repeten-

uere, inquamm, sit tan-

amilluc

tis quasi pueri an pu-

ta potuissent uixissent-

ra caelestis imperato-

ellae

que ita, ut eos uixisse

ris munitam.. Haec mihi inuiscerabantur miris modis, cum minimum apostolorum tuorum /egerem. »

lege; tolle, lege ”…… Tiaque concitus redii in eum locum, ubi se-

manifestum est, si eorum JLätterae atque tationes huic tanto bono aduersarentur ?. Perlegi totum intentissime atque castissime. Tunc uero quantulocumque iam /umine adsperso tanta

se mihi Philosophiae facies aperuit, ut non dicam tibi (— Romanien),

qui eius inco-

gnitae

fame

semper

atsisti, sed ipsi aduetsario tuo... eam demonstrare potuissem.

»

et iter ad eam noninuenire et frustra conaducentem cu-

ecce audio uocem de uicina (diuina S) domo cum cantu dicen-

debat

nescio

: , Tolle,

Alypius

: ibi

enim posueram codicem apostoli, cum inde surrexeram. Ayripui, aperui et legi in silentio capitulum, quo primum coniecti sunt oculi mei : ‘ Non in comisationibus…. non in cubilibus et impudicitiis. ; sed induite dominum Ie-

sum Christum et carnis prouidentiam ne feceritis in concupiscentiis (Rom. XIII, 13). ’ Nec ultra uolui legere nec opus erat. Statim quippe cum fine huiusce sententiae quasi /uce securitatis infusa cordi

meo omunes dubitationis tenebrae runt. »

diffuge-

LES

« VOIX » DANS

LES

309;

CONFESSIONS

On ne saurait contester que ces textes s’éclairent l’un l’autre et décrivent un même moment de la vie d’Augustin! : l'étape qui suit la découverte des livres néo-platoniciens. Les mots. fitubans, properans, haesitans paraissent correspondre, dans un raccourci

saisissant,

à la douloureuse

du Jardin

délibération

prosopopées antithétiques des Vanités qui le retardent, de Continence qui le presse, hésitation suprême”. Le monologue intérieur (inquam) du Contra Academicos, encadré entre itaque… arripio (— itaque… arripui ; toile. arripui) et perlegi (= legerem ; lege… legi) nous décèle, dépouillé de tout artifice de présentation littéraire, le cours des pensées d’Augustin lors de cette scène : ce qui le frappe à l'instant décisif, c'est l'existence

même de «continents » en Égypte et à Trèves, cette maîtrise

de soi dont ils jouissent, tandis que lui-même n'a jamais pu l’acquérir (neque enim uere isii tanta potuissent = tu non poteris quod ist. ; an uero isii in Se ipsis possunt)) ; cette si maîtrise, pense-t-il, n’est possible que si elle est une Grâce, doctrines les et (Litterae)* sacrés textes les par conséquent on (rationes) de ces « continents » ne sont pas en contradicti tanto: (huic ciens Néo-platoni des Bien le avec , avec Philosophie n bono) ; il ressent une telle découverte comme une illuminatio ci-dessus,

(1) J'ai déjà indiqué, comme

fait G. Misca,

Geschichte

p. 199, n. 1, qu'il n’y avait pas lieu,

der Autobiographie,

Bern,

t. I, 2, 3° éd.,

l’arripio du Contra Acade1950, p. 645, n. 2, contre Boissier, de rapporter VIII des Confessions : livre du celui qu’à plutôt micos au texte du livre VII de s. Paul, conÉpîtres des il s’agit en réalité d’une seule et même lecture au livre VIII. nt culmina point son à VII, livre au le sidérée dans son ensemb J.-J. O’MrarA,

traducteur

du Contra Academicos

dans la collection Ancient

noté que quelques-uns de ces Christian Writers (Westminster, 1950), n’a de la Fédération intercongrès premier du Actes les rapprochements ; dans nationale

des Associations

d’études

classiques,

307

p.

Paris,

1951,

des

enfants

et

312-

quae pueris nobis insita est » 313, il a tort de croire que le «religionem an puellae » de la scène pueri quasi « au du Contra Academicos correspond d'Augustin initié tout jeune au s’agit il cas, premier le dans : du jardin Continence. christianisme

par

Monique ; dans

le second,

Et pourquoi puellae ? Voir aussi mes raire, p. 196-197. (2) Noter

les termes

de la scène

Confessions.

de

dans la tradition

du jardin : haesitans

litié-

(VIII, 11, 25, 16,

n des Vanités) ; blandiens ut uentp. 197) ; retinebant.. retardabant (actio n de Continence et des conti(actio us concit te... proice rem. hortatoria… | nents) ; cunctabundus pendebam. , Écritures, voir par exemple sacrés textes — ae Litter de sens le (3) Sur ; p. 300, n. 3. Ce sens est très fréquent le texte d'Augustin cité ci-dessus, 234. p. 1949, d, Oxfor Latin, cf. À. Sourer, À Glossary of Later

310

APPENDICE

III

(lumine adsperso = luce …infusa) : accord de la raison et de la foi ; force que la foi fournit au philosophe. Ceci ne confirme-t-il pas nettement l'hypothèse que j'ai émise, selon laquelle le ‘ Tolle, lege ”, cri comme de garçon ou de fille, je ne sais (quasi pueri an puellae, nescio) traduit de façon dramatique l'appel intérieur que lui adressèrent les garçons et filles de Continence (pueri et puellae ; isti et istae) ? Historiquement, Augustin a saisi, sous leur impulsion, le sens profond du verset de l’Épître aux Romains : « Revêtez-vous de Notre Seigneur Jésus-Christ et ne contentez pas la chair dans ses convoitises » ; il a pris conscience que ce texte était le fondement de la vie ascétique, que la Grâce lui était, par là, promise comme aux saints, et lui permettrait de tenir lui-même un vœu de continence perpétuelle. Continence est la Philosophie des ascètes, qui sont les vrais chrétiens!.

(1) CE. A. M. Marinerey, ‘ Philosophia', étude d’un groupe de mots dans la littérature grecque, des Présocratiques au IV® siècle après JésusChrist, Paris, 1961, p. 257 et 284. Pour une démonstration plus détaillée, voir mon art. Le visage de Philosophie, dans Revue des études anciennes, t. LXX, 1968 (sous presse).

APPENDICE

ASPECTS

VARIÉS

IV

DU PLATONISME

AMBROSIEN

Plusieurs érudits contemporains, attentifs aux excès possibles de la Quellenforschung, souhaitent restreindre « l'application de la méthode des parallèles textuels à des textes de caractère technique »!, par exemple à telle définition logique d’'Ammonius traduite par Boèce?. La plus simple réponse à une telle vue de principe me paraît être de prouver le mouvement en marchant

: ainsi,

diverses

recherches

mettent

en

évidence

l'existence de parallèles prolongés entre saint Ambroise et tel écrivain antérieur grec ou romain, avec retour d'expressions littérales identiques, au point qu’il ne saurait être question, en de tels cas, de simples analogies doctrinales ; il s’agit de dépendance littéraire, de lecture de l'un par l’autre. La richesse d’information d'Ambroise éclate aux yeux, soit qu’il puise chez les commentateurs bibliques Philon et Origène, soit chez les philosophes. Parmi ceux-ci, Platon surtout l’intéresse. Le lit-il dans le texte ou à travers des intermédiaires ? Le suit-il comme ? un simple plagiaire, ou l’interprète-t-il de manière originale

(1) C. Momrmanx,

Problèmes philologiques et littéraires, dans

répétées, magister, t. III, Paris, 1954, p. 35 ; affirmations

Augustinus

notamment,

dans

, dans Convivium, ses Considerazioni sulle ‘ Confessioni’ di sant Agostino t. XXVII, 1959, p. 4-8. p. 45. Tendance (2) H.-I. Marrou, dans Augustinus magister, t. III, et limites de tés possibili , d'Ostie» L'extase zr, ManDou analogue chez A. 67-84. p. I, t. la méthode des parallèles textuels, ibid.,

APPENDICE

312

I. - AMBROISEÉ

LECTEUR

IV

DU « PHÈDRE » DE PLATON

A propos d’un passage du De Abraham! et du De Isaac, Schenkl assurait qu'Ambroise avait lu le Phèdre’. Wilbrand n’a eu aucune peine à montrer que ces passages substituaient. au bige platonicien un quadrige, de manière à interpréter les quatre animaux comme correspondant à une théorie des quatre mouvements de l'âme : Aoyioruxév, Ouunrixév, émbvumrexôv, Buopæruxév, et à la vision d'Ezéchiel (I, 10); il a indiqué aussi que la même interprétation se retrouvait chez Ambroise dans le De uirginitate (XVIII, 110 et suiv.). A cause du mot Stoparixév, il pense que la source est Origène, conformément à sa théorie générale selon laquelle toutes les allusions platoniciennes d’Ambroise ont pour source un intermédiaire unique : Origène. ES

(1) Amgrotise, De Abraham,

IT, 8, 54, C.S.E.L.,

t. ORPI

PE DAC DATE

« Vnde quidam ad libros philosophiae diriuarunt eo quod ipsum coelum uolucris simile sit. Denique Plato currum uolucrem dixit esse coelum ex eo quod propheta dixerat.. » (citation d'Ezéchiel, I, 21) ; cf. Praron, Phèdre, 246c : ‘O uèv Oh uéyas hyeudv ëv odpavé Zebc ÉAaivov Trnvèv pur La citation est très inexacte et fait dire à Platon ce qu’il n’a jamais dit. (2) Amsroise,

De

Isaac,

VIII,

65, p. 688

,1 : « Anima

ergo

currus,

qui

bonum rectorem sustinet. Si currus est anima, habet equos uel bonos uel malos. Interdum ipsi equi inter se dissident et aut iracundia protendit aut timor et se inuicem impediunt et cursum retardant. At uero boni equi euolant et a terris ad superiora se subrigunt animamque eleuant.. Itaque licet intellegibili spectaculo uidere unamquamque animam cum summo certamine ad coelum rapi»; VIII, 67, p. 690, 2 : « Hinc philosophi currilia. illa animarum in suis libris expressere certamina » ; In Lucam, VII, 139, CSE Lt XXXX ILE, pu 8343/0102 De Nabuthaie mXN MGEMCSSIENLE t. XXXII,

2, p. 507, 16 : « Si ergo

anima

currus

est... » Les

seuls

points

de contact sont avec PLaron, Phèdre, 246a : fvioyos….. &yalot. 246b : Tôv {rrov 6 uèv «dr xadéc te «al &yxOdc waxi Èx TouobTov, 6 Ô' £E Évævroy Te wa évavrioc. 247a : Béœr Te xat OtéÉodor évrdc oùpavod. 247b : &yhv Écyaroc. 2470 : Geurh vé&. 248b : ua, (3) C. Scxenxz, dans C.S.E.L., t. XXXII, 1, p. xxvrnr. (4) W. WicsranD, Ambrosius und Plato, dans Rômische Quartalschrift,. t. XXV, 1911, p. 46*-48*, Ajouter à sa démonstration JÉRÔME, In Matth., II, 13, 33, P.L., t. XXVI, 91 B, texte mis en parallèle avec son In Ezech., I, 1, P.L., t. XXV, 22A, dans mes Lettres grecques en Occident, p. 58,

n. 14. De plus, summo certamine rappellerait plutôt Prorin, Enn. I, 6, 7, 31, p. 103, déformant l’ «&yov Éoyaroc» du Phèdre 247 b en «&yàv uéyioroc xal Éoyaroc ». Cf. aussi M. Kzrein, Meletemaia Ambrosiana, Diss. Kônigsberg, 1927, p. 41. (5) WicsranD, art. cit, p. 49.

ASPECTS

VARIÉS DU PLATONISME AMBROSIEN

313

Je suis d'accord avec Wilbrand contre Schenkl pour dire qu’en ces passages précis rien ne prouve une lecture directe du Phèdre. Mais Wilbrand a commis une singulière omission en ne tenant aucun compte des chapitres antérieurs du De uirginitate. À propos du verset du Cantique des cantiques (VI, II) : « Posuit me currus Aminadab », Ambroise,

dans ces cha-

pitres, interprète ce char comme s’il s'agissait de l’âme humaine dont l’attelage doit être apaisé par le Verbe. En dépit de l'interprétation relative au Verbe incarné, le texte du Phèdre est nettement sous-jacent : il s’agit bien, cette fois, du bige du Phèdre, car le cheval mauvais appesantit son compagnon d’attelage, le cocher habile conduit ses chevaux vers la « Plaine de Vérité » et vers une crèche où il les repaît d’ambroisie, non de foin. (1) Il est notable que le nom d’'Origène apparaît dans le contexte du p. 608, 10 (cité ci-dessous, p. 347, n. 2). passage du De Abraham, entre le ciel et l'être aïlé (ci-dessus, volontaire confusion la Pourtant, p. 312, n. 1) paraît plutôt issue de Philon, car cf. Puicon, Quaesi. in Gen., III, 3, éd. de Leipzig,

1830, p. 7 : « Vt ait Socraticus

Plato, currum

uolu-

quippe crem esse conuenit caelo propter uelocissimam circumactionem, quod uel ipsos uolucres superet uelocitate in cursu suo. » Le mot roparixôv Cohnapparaît chez Pæiron, Quis rerum diuinarum heres sit, VII, 36, éd.

Wendland, t. III, p. 9, 17. du 29 juin (2) Sermon qui date, selon PALANQUE, Op. cit, p. 494-495, . Wilbrand de sauf près, ‘année une à admise, lement 377. Date habituel

(3) Praron,

Amsroise, De uirginitate, XV, 96, P.L., t. XVI, 290 D (304 D) :

Phèdre :

247 b : «‘O sic xdxncs Troc uetéyov, mt Tv yiv ÉéTov nai Baouvov ». 254 a : coxiprov Dé Bio pénp &yuara perar xai mévra rapéxwoY T® GUCUVYL. » 248 b : «rd dtov ».

&AnOetac…

Te-

247 e : (6 hvr6xoc Tpùc TNV pétyvnv Todc irrouc 5ThNoac, napééañev duépoolav Te xl Ër” at} VÉXTAP ÉTOÔTLOEV D. La «plaine de Vérité» du Phèdre 371c, éd. J. Souilhé, p. 148, P. Louis, p. 131 ; PrurarquE,

« Fremit enim equus malitiae seseque iactando currum laedit, grauat iugalem. Hunc bonus auriga demulcet et in campum ueritatis inmittit, fraudis declinat anfractum. Tutus ad superiora cursus est, periculosus ad inferiora descensus. Inde quasi emeriti qui bene portauerint iugum Verbi usque ad Domini praesepe ducuntur, in quo non fenum est esca. »

reparaît notamment

dans l’Axiochos

et chez Arsinos, Epitomé, XXVII, 3, éd. De defectu orac., XXII, 422b, éd. R. Fla-

celière, p. 157 (dans un contexte entièrement issu du Phèdre) ; HERMÈS Trism., Fragm. ex Siobaeo, éd. A.-J. Festugière, t. IV, p. 69, 5 ; PLorTin,

APPENDICE IV

314

Après un chapitre d’exégèse biblique, Ambroise revient explicitement aux textes profanes : il exhorte d’abord la religieuse à ne pas se fier à ses propres forces, mais, telle l’abeiïlle dont parle Virgile, à prendre son vol munie de lest! ; puis il passe sans transition au mythe du char ailé, tel qu’il se lit dans le Phèdre. Quand l’âme a mis fin aux agitations que lui imprimait son attelage, elle s’évade vers le « Lieu supracéleste »? où se trouvent Justice, Charité, Bonté, Sagesse.

In Enn., 1, 3, 4, 11, éd. E. Bréhier, p. 64; VI, 7, 13, 34, p. 84 ; Procrus, Portus, F. éd. 15-16, IV, Plat. Theol. ; 28 347, p. I, t. Diehl, Tim., éd. E. p. 201 et 204 ; In Parmen., éd. V. Cousin, Paris, 1864, p. 619, 9-12. (1) Amsnroise, De uirginit., XVII, 106, P.L., t. XVI, 293 B (307 B) : « Tuam metire uirtutem, gratiam Deo redde contemplationemque corporis uelut nauis saburram suscipe, ne te in tantis mundi fluctibus iactantiae alicuius aura cireumferat. Apis illa sapiens, cum aeris motus suspectos habet, lapillis saepe sublatis per inania se librat nubila (ci. VIRGILE, Georg., IV, 194-196), ne leue alarum remigium praecipitent flabra fluentorum...

uirgo, illius apiculae modo,

Et tu caue,

ne

alarum

tuarum

uolatum

aura mundi huius extollat»; cf. De uirginibus, I, 8, 40, P.L., t. XVI, 200 A (211 A) : « Digna enim uirginitas, quae apibus comparetur : sic laboriosa,

sic

pudica,

sic

Rore

continens.

pascitur

apis,

concubitus,

nescit

mella componit. Partus uirginis fetus est labiorum, expers amaritudinis, fertilis suauitatis. In commune labor, communis est fructus. Quam te uelim, filia, imitatricem esse huius apiculae, cui cibus flos est, ore soboles legitur, t. XXXII,

ore componitur (cf. Georg., IV, 198-201) » ; Exam., V, 67, C.S.E.L.,

1, p. 189, 16 et suiv. Comme on voit, Ambroise affectionne cette « similitude », non seulement à cause de sa valeur poétique, mais parce que, selon les naturalistes du temps, les abeilles passent pour vierges ; cf. J. Huxx, Das Geheimnis der Jungfrau-Muiter Maria nach dem Kirchenvater Ambrosius, Würzburg, 1954, p. 44, n. 38. (2) Amsroise,

De

uirginit.,

XVII,

107,

P.L.,

t. XVI,

293

C

(307

C) :

« Vbi cursus suos ab equorum perturbatione placidauerit, in illam aethereum purumque locum plausu spiritualium euecta pennarum, despicit omnia quae in hoc mundo sunt et aeternis intenta uirtutibus supra mundum labitur»:; cf. PLaTon, Phèdre, 247 c: « rdv SÈ bnepoupéaviov Témov» (l'attelage au cheval rétif se trouve en 246 b et 247 b). Aethereum purumque

rappelle

le

De

excessu

Satyri,

I,

73, 4, C.S.E.L.,

t.

LXXTIIT,

p. 247 : (iam puro aetherioque sensu nulla corporeae labis inpedimenta patiuntur (cf. Aen., VI, 746) ; despicit omnia évoque le De Isaac, VIII, 78, C.S.E.L., t. XXXII, 1, p. 697, 9 : « uniuersa despicit » qui, comme je l’ai montré (Plotin et saint Ambroise, p. 32 et ci-dessus, p. 108), traduit Prorin, Enn., 1, 6, 7, 18, p. 103 : « rüv mpoofev voubouévov wav xaæTappove À v. » (3) Amsrorse, De uirginit., XVII, 107, P.L., t. XVI, 293 D (307 D) : «Supra mundum enim iustitia est, supra mundum charitas, supra mundum castitas, supra mundum bonitas, supra mundum sapientia » ; cf. Phèdre, 247 d : « Siévoux… &ndonc buyñc…. vafopä pèv adrhv SixatoGUVNV, HxBopä S coppocbvnv, xa0op DÈ Emornunv…. al TEXMX DoadTog T& OVTA

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME Un nouveau

AMBROSIEN

chapitre illustre ce développement

références évangéliques.

315

à l’aide de

Puis Ambroise déclare, d’après Platon,

qu'il est malaisé de gagner ce lieu supracéleste!. Désormais, la transposition chrétienne confine à la traduction littérale de phrases entières’. Sans doute, Ambroise remanie librement l’ordre des phrases de Platon et l’utilise avec audace. Il supprime la mythologie de la page 246 e, cette évocation des dieux et démons qui habitent avec Zeus et lui font cortège. Toutefois, il préserve, en la transposant en style de Psaumes, l’idée dvroc….. » Le r&AAx boaxbtwc….

de Platon

rendait

aisée l’addition

de vertus

chrétiennes par Ambroise. Développement analogue dans le De Isaac, p. 698, 16 : « Adsuescamus oculos nostros uidere ea quae dilucida et clara sunt, spectare uultum continentiae et temperantiae omnesque uirtutes », où

la source

est

Prorin,

Enn.,

I, 6,

9, 2, p.

105

: « Eüiotéov

oùv tv

buyhv mp@Tov uÈv TX ak BAérewv Émrnôeduare…, Éwc &v ExAduÿn oo The perce à Osocudhc dyAxlx, Éwc àv 10nc owppoouvny ëv dyv® Bebdoav B&ôpw » De même, dans les lignes suivantes du De uirginitate, le « uolitet in uobis ales interior » est très proche du De Isaac, p. 696, 22 : « Sumamus igitur has alas » ; 698, 16 : « Fugiamus animo et oculis aut pedibus interioribus ». (1) Amsroise,

rie d’objections) humana

De uirginit., XVII,

: « Sed Deum

uirtute supra mundum

109, P.L., t. XVI,

imitari non possumus.. ascendere.

Bene

294 À (308 B) (sé-

Sed arduum

asseris » ; XVII,

putas

117, P.L.,

t. XVI, 296 C (310 C) : « Haud facilis uolatus omnibus : difficilis etiam discordantibus internis animalibus uitae cursus humanae est»; ci. Phèdre, 246 b: «yakerh 0h ai Sdoxodoc ÉË dvéyanc À repli NUS AVOYNOL » ; 247 b:4«r& DÈ &XAa umôoyuc…. Ilbvos Te xai &yov Écyaros Juxÿ tpéoxerTar ” (tandis que les dieux parviennent sans peine ëri r@ Toù oùpavob vote, expression équivalant au supra mundum). (2) Praron,

Phèdre

:

Amgroise,

De

uirginitate,

XVII,

109, P'L., t.XNI,"294"B"(308 246 d : Ilépurxev à rrepod Süvaurc To éuGpuôèc dyev ve, uerewpltouox ÿ To T&üv 0eüv yéVoc one HXEXOLVOVNXE DE TN UXAuorau Toy mept To o@uax Toù Oelov. To 5 Oeiov xxAôv, oopôv, 4yxBdv mal mav 6 ru rocobrov: « 246 e : Toùrouc Oh Tpéperal te xal abÜËETai ualor& ye Tùd Tic Vuxñc rrépoua… ‘O Èv dh uéyac ŸYEuv ëv odpavé Zebc, ÉAabvoYv TTnvdv doux, TP@TOS TOpEtETuL DLAXOGuv révra nai émuuekobuevoc. Té à Ermerar orpurià Oeûiv Te xai dau vov….. Méver yap ‘Eotix ëv 0e&v otx& un...

B)":

« Vnum igitur nos esse uult Dominus, ut supra mundum simus omnes,

ut una

sit castitas,

una

uo-

luntas, una bonitas, una gratia. His enim alitur et augetur animae uolatus. Ergo non pigrescamus, sed de terrenis

consurgamus ; ea

est

enim

natura pennarum, ut agitando se uirtutem capiant. Eo iuuatur uolatus,

quo

semper Domini

anima

Deum

delectatur,

sequatur

habitare

delectatione

desideret,

pascatur

quae

si

et in domo et

eius

ac

miraculis

uirtutum alatur coelestium

; foris re-

APPENDICE

316

IV

qu'il faut désirer habiter dans la demeure divine (Méver … ëv Beüv otxw devient : x domo Domini habitare), suivre la divinité suprême (T& 3 nero … "Eneru DE 6 del é0éhwv devient : si semper Deum sequatur) et prendre part au banquet céleste (mpès daira wai ëmi Üoivnv devient : pascatur ac … alatur). I’ « Envie sise en dehors du chœur des dieux » subsiste sous forme de l’ « Envie sise en dehors du chœur des anges ». De même subsiste telle quelle la phrase sur «ce qui nourrit et accroît le vol de l'âme ». Dira-t-on que ces pages du Phèdre sont extrêmement célèbres et que quantité d'auteurs latins y font allusion ? Mais ces allusions, comparées à notre page d’Ambroise, sont beaucoup plus vagues où fugaces ; elles touchent seulement la tripartition de l’âme!, ou les rapports du cocher et de l’attelage?, ou l'aptitude 247 a : IloXkai uëv oùv al uamépuur Oéur Te ka OuéÉodor Évrdc odpavoÿ,

dc Bev

ëmioroéperat,

yévos eddauL6VEV

mpdrrov

ÉxaoTo

ad

linquet inuidiam, quae extra chorum est angelorum, foris cupiditates corporis, quae

templum

hon debent. »

Dei maculare

rüv rù aôrod. “Émerar dÈ d del ëEX te xat Suvauevos. D Oévos YXp £Ee Oelov Yxopod loTrarat. “Orav SE Oh Todc dJaira xai ET Ootvnv lootwv, &xpav Er Thv ÜToupdvrov &pidx mopebovrar mpèc &VAVTES. Cf. Ameroise, Epist. ad Iren., XXIX, 17, P.L., t. XVI, 1058 C (1103 B) : « Et ideo terras fugito, in quibus inuidia est, ubi ambitio, ubi contentio. Boni ergo illius capacem se anima tua praebeat, ut renouatis alarum remigiis alta petere non reformidet, hanc habitationem relinquat. » De plus, le «foris relinquet… cupiditates corporis» est très proche de l'Epist. ad Iren., XXIX, 19, P.L., t. XVI, 1059 C (1104 B) : « Imaginem istam mundi foris relinque, foris malitiam », et du De Isaac, p. 698, 7 : « Ingrediatur intro, foris relinquat uultum corporis », qui transposent PLrorin, Enn., I, 6,8, 4, p. 104 : «ouverméoôo sic Tù Elo 6 Juvauevoc, ÉE wo xaTaktmov

div duudrov und” émiorpépov aôrdv els Tâc mpotépas dyhaiac cœudTav » (uultum correspondant à rpécwnov, I, 6, 9, 11, p. 105). (1) Textes de saint Jérôme indiqués ci-dessus, p. 312, n. 4.

(2) TERTULLIEN, De anima, LIII, 3, éd. Waszink, p. 71, 28 : «auriga corporis spiritus » ; Poramius DE Lissonne, De Lazaro, éd. Wilmart, dans

Journal of Theological Studies, t. XIX, 1918, p. 300, 47 (= P.L., t. VIII, 1413 A) : « Dissociato per diuortium mortis auriga, qui quatuor istis partibus loca dederat, ne quisquam mobilitatem sui uehementius tolleret, et dominante flagro diuisis in unum concordanti iunctura finibus agitabat » ; Pseuno-CyPrien, De bono pudicitiae, 14, C.S.E.L., t. III, 3, p. 25, 7 : « Coerceat animus stimulos carnis, refrenet impetum corporis.… Quasi legitimus ac perfectus auriga ultra conceptas corporis metas extollentes se carnis impetus caelestium praeceptorum habenis reflectat, ne ultra terminos suos

ASPECTS

VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

St7

de l’âme à voler!, quand elles n’ont pas pour but de combattre le caractère démoniaque de la théologie païenne’. Aucun de ces passages ne saurait être la source d’Ambroise. Et les Grecs ? Plotin, si j'en crois l'index de l’édition Bréhier,

utilise plus d’une fois ces pages, mais ne peut davantage être la source

cherchée.

D’après l'index de l’édition Cohn,

Philon,

que suit fréquemment Ambroise, utilise souvent ces pages, notamment en ce qui concerne l’attelage et son cocher* ; il cite même textuellement la phrase sur «l’Envie sise en dehors du chœur des dieux ». Mais les contextes montrent qu'il n’est currus iste corporis raptus in periculum suum secum et ipsum rapiat aurigam»; AMBROSIASTER, Quaestiones ueteris et noui Testamenti, quaestio, CVIIL, 1, C.S.E.L., t. L, p. 252, 2: « Animus quasi auriga » ; JÉRÔME, Aduersus louinianum, II, 10, P.L., t. XXIII, 312 C : « Sensus corporum quasi equi sunt, sine ratione currentes, anima uero in aurigae modum re-

tinet frena currentium. Et quo modo equi absque rectore praecipites ruunt, ita corpus sine ratione et imperio animae in suum fertur interitum » ; Favonrus EuLocius, In somn. Scip., éd. Holder, p. 14, 5 : « Nam sub pedibus summi Patris, qui dissaepit (hinc dicitur rnyæix) Stix posita per omnes circulos fluit, imponens singulis uelut in curru aurigam, id est uitae substantiam » ; AueusrTiN,

1, p. 30, 15 : «de

Epist. ad Nebridium,

XIII, 2, C.S.E.L., t. XXXIV,

animae scilicet ueluti quodam corpore uel quasi corpore

quod a nonnullis etiam dici uehieulum recordaris » ; De uera religione, XLV, 83, éd. Pegon, p. 82 = P.L., t. XXXIV, 160 : « Cum trahitur auriga et

suae temeritatis dat poenas, quidquid illud est, quo utebatur, accusat; sed... regat cautius obtemperantes et edomitas bestias, tunc sentiet quam bene currus et tota illa iunctio fabricata sit»; Sermo Denis, II, 4, dans Misc.

Agost., t. I, p. 15, 24 : « Corpus

uehiculum,

anima

utens

uehiculo,

corpus quasi uehiculum quod regatur, animus auriga uehiculi sui. » Ces derniers textes sont, du reste, postérieurs au De uirginitate d’Ambroise. (1) On trouvera les principales références dans mon article Quelques symboles funéraires du néo-platonisme latin : Le vol de Dédale…., dans Revue des études anciennes, t. XLVI, 1944, p. 65-73. (2) TERTULLIEN, Apologeticum, XXIV, 3, éd. Waltzing,

p. 61

: « Plato

et Touem magnum in caelo comitatum exercitu describit deorum pariter daemonum » (ce paragraphe du Phèdre 246 e, est tout entier cité en grec en latin par par Macrose, Sat., I, 23,5, éd. Willis, p. 123, 10, et partiellement enim Vesta Cazcrnius, In Tim, c. CXXII, éd. Waszink, p. 166, 13 : « Manet 30, éd. MarIII, nationes, Aduersus ARNOBE, ; ») sola domicilio in diuino solem esse dicchesi, p. 187, 22 : « Nam quid de ipso dicemus Ioue, quem

?» titauere sapientes, agitantem pinnatos currus turba consequente diuoruur

p. 109, 23 (3) Par exemple, PxiLon, De agricultura, XVI, 72-73, t. II, I, 22, 70, t. I, et suiv. : De uirtutibus, III, 13, t. V, p. 270, 1 ; Leg. alleg.,

p79 111 (4) Picon, libus

legibus,

Quod omnis probus liber sit, 13, t. IL, p. 4, 6; De speciaII, 8, 249,

t. V, p. 447,

Strom., V, 305, éd. Stählin, p. 345, 26.

6.

Cf.

CLÉMENT

D’ALEXANDRIE,

318

APPENDICE

IV

pas ici la source d'Ambroise. L’index de l’édition Stâhlin conduit à des résultats analogues en ce qui concerne Clément d'Alexandrie et celui de l'édition Mras en ce qui regarde la Préparation évangélique d'Eusèbe de Césarée!. Il en va de même pour les index d’Origène que contiennent les éditions des Grechischen Christlichen Schrifisteller:. Libre à qui veut de chercher pour intermédiaire un Père grec ou latin, ou encore d'imaginer une œuvre perdue de Philon ou de Porphyre. Je suis prêt à rendre les armes à qui découvrira l'intermédiaire en question ; et, puisque le point de départ du développement ambrosien est ce verset du Cantique des cantiques, j'incline moi-même à croire qu’il a peut-être utilisé, pour son interprétation, le commentaire perdu qu'Origène consacrait à ce verset®. Toutefois, les nombreuses phrases et expressions qui sont de traduction littérale indiquent, à mon sens, qu'Ambroise a eu en outre sous les yeux au moins un excerbtum du Phèdre relatif au mythe de l’âme, qui englobaït sûrement les p. 246-247 et s’étendait peut-être jusqu'à la p. 254%. Il me semble d’ailleurs qu'Ambroise nous avertit lui-même de sa source profane puisqu'il ajoute aussitôt : « Ac ne forte philosophica alicui aut poetica usurpasse uideamur, ut currus, equos, alas animae diceremus, quae ïilli magis assumpsere de nostris, domesticis nos usos subsidiis propheticae series lectionis ostendit, quae in hunc modum a sancto Ezechiele scripta (1) La ‘ Plaine de Vérité” cité par

Eusèse,

Praep.,

XV,

(Phèdre, 248 b) apparaît aussi chez Arricus, 13, 1, éd. Mras,

t. II, p. 376, 18.

(2) Les allusions au Phèdre sont particulièrement nombreuses dans le Contra Celsum ; celle qui touche du plus près à nos chapitres d’Ambroise paraît se trouver

au livre VII, 5, éd. Koetschau,

t. II, p.156,

25 : « ñ uèv

xaapà wa uh Bapouuéim nd Tüv Tic xaxlac uoM6B OV LeTÉwpOS pépeTut ëmi Toùc rérouc Tv xafaporépov xx œideplov cœoudrov, xaTanrobcx rà The Trayéx oœuarx mal TX v œdroic uidouara, À D pabxn…. » Voir l’aethereum purumque locum des textes cités ci-dessus, p. 314, n. 2. Au contraire, l’allusion au véhicule aiïlé de l’âme, De Nvysse, De uirginitate, 11, P.G., t. XLVI,

sans

aucun

uiuium

rapport avec Ambroise.

VIII,

2, P.G.,

t. XVIII,

140

qui se lit chez GrÉGorRE 365 B-C, est très vague et

Voir aussi Mérnope C-141

À =

D'Orymrr,

éd. Bonwetsch,

Con-

p. 81-82.

(3) Les traductions de Jérôme et Rufin ne nous en conservent qu’une partie minime. (4) Cette partie du Phèdre était particulièrement goûtée dans l’Antiquité. HERMIAS D'ALEXANDRIE, éd. P. Couvreur, Paris, 1901, y consacre 79 pages de commentaire. Cf. A. Brezmerer, Die neuplatonische Phaidrosinterpretation, ihr Werdegang und ihre Eigenart, Paderborn, 1930.

ASPECTS

VARIÉS

DU

PLATONISME

AMBROSIEN

319

est...! » Par cette phrase, il introduit un développement distinct, celui précisément dont nous a parlé Wilbrand, et qui touche à la vision d’Ézéchiel. I1 prend soin une seconde fois, quelques lignes plus loin, de distinguer ses deux sources?. Dans ces conditions il faut conclure, jusqu’à preuve du contraire, qu’Ambroise a lu directement ces pages de Platon et les a utilisées à sa manière,

tantôt

sous

forme

quasi littérale,

tantôt

avec

la plus

grande audace dans la transposition christianisante. II. - AMBROISE

LECTEUR

DU ‘ DE PLATONE * D'APULÉE

Il faut compter Apulée parmi les nombreux intermédiaires qui ont procuré à Ambroise sa large culture morale platonisante. Il existe, en effet, des parallèles continus entre le panégyrique funèbre de Satyrus par Ambroise et le livre II du manuel d’'Apulée, De Platone et eius dogmate. Je m’empresse de préciser, à l’usage du lecteur incrédule, que les parallèles ci-dessous

n’ont pas tous,

à mes

yeux,

valeur démonstrative.

Quatre seulement me paraissent de nature à devoir forcer l'adhésion (imprimés en petites capitales). Mais, si on les reconnaît valables, il devient naturel et légitime d’en inférer que les autres vont dans le même sens, même s'ils sont moins nets,

et qu'ils s'expliquent au mieux par les contextes apuléiens. L'attention s’est portée de longue date sur un passage du De excessu fratris, où Ambroise, sans nommer sa source, indique clairement qu’il cite un philosophe profane. Mais qui ? Les vieux éditeurs font valoir, sans référence précise, que Platon parle souvent du culte divin, notamment au livre IV des Lois. Ni Schenkl ni Albers ne savent répondre à la question, (1) Ameroise, De uirginitate, XVIII, 111, P.L., t. XVI, 294 D (309 A)(2) Ibid, XVIII, 113, P.L., t. XVI, 295 B (309 B) : « Hic quoque ani” mam describi accepimus, cuius quatuor animalia quatuor affectiones sunt» sed non ita ut illae quas supra descripsimus » (renvoi à XV, 94-95, P.L., t. XVI, 290 BC (304 BC). (3) Nanni

n.

et les Mauristes,

dans

P.L.,

t. XVI

(éd. de 1880),

col.

1360,

958. (4) K.

Scnenxz,

Zu

Ciceros

Consolatio,

dans

Wiener

Studien,

t. XVI,

1894, p. 40 et suiv. (5) B. Arsers, Ueber die erste Trauerrede des heiligen Ambrosius zum Tode seines Bruders Satyrus, dans Beitrâge zur Geschichte des christlichen Altertums und der byzantinischen Literatur, Festgabe A. Ehrhard, BonnLeipzig, 1922, p. 49.

IV

APPENDICE

320

et meilleur

et le P. Faller, le plus récent

éditeur

du traité,

dans le Corpus de Vienne, indique pour ce passage, à l’apparat des sources : « Ex gnomologio ?? » En fait, ce gnomologium,

si l’on m'en croit, est aisé à iden-

tifier. Il s’agit du traité où Apulée résume la doctrine de Platon comme

avait fait en grec, avant lui, Albinus, dont il four-

nit souvent une paraphrase quasi littérale, ici notamment”. L'on notera, chez Ambroise et Apulée, non seulement la correspondance précise et prolongée des épithètes servant à défide cette définition

Bien, mais l'inclusion

nir le Premier

dans

un schéma qui oppose aux devoirs envers la divinité les devoirs envers les proches. Ce schéma lui-même est englobé dans un schéma plus vaste touchant les vertus fondamentales : frudentia, fortitudo, pudicitia, iustitia. Apulée fournit à Ambroise l’ossature de toute la partie du panégyrique relative aux vertus de Satyrus

:

ALBINUS, Épito-

APULÉE,

De

Platone

et

XX VII, 1,

eius dogmate II, 2, 219,

éd. P. Louis, Rennes, 1945, DA20 5

éd. P. Thomas, p. 104, LA à



Ostendam,

To pévrou ñuétepov &yx06v… ëtiMero ëv Th éTLOTAUN Kai 0ew-

hoc

Plato

PRIMA

de

Non mediocris igitur prudentiae testimonium,

DEUM

quae ita a sapientibus definitur :

quae

senserit….

BONA

summum

ESSE

eEXCESSU AMBROISE, De fratris A,"42, an CS: JDAL AE LPOCNEE, LE 222

mentemque il-

(1) Amsroise, De excessu frairis, éd. O. Faller, dans C.S.E.L., t. LXXIII,

Vindobonae, 1955, p. 232. (2) Sur les parallèles avec Albinus, cf, Th. Sivxo, De Apulei et Albini doctrinae Platonicae adumbratione, dans Diss. phil. class. Acad. lit. Cracov., t. XLI, Krakow, 1905, critiqué (souvent à tort) par F. Bômer, Der lateinische Neuplatonismus und Neupythagoreismus und Claudianus Mamertus in Sprache und Philosophie, dans Klassisch-philologische Studien, t. VII, Leipzig, 1936, passim. Ma position dans ce conflit est exprimée dans Les Lettres

grecques

(3) On

en Occident,

trouve,

au

2€ éd., Paris,

contraire,

un

Lucam V, 76, C.S.E.L., t. XXXII,

schéma

1948,

p. 230-231.

tripartite

chez

AmBroise,

4, p. 212, 5 : « Ac saepe maximae

In

causae

amoris exsistunt. Equidem ut audire me memini, uel hoc solo pressum philosophiae supercilium putamus, quod in tres partes illa sibi uidetur diuisisse iustitiam,

unam

in

Deum,

reliquum humanum genus, soluantur. At uero dominus supergressus in eos quoque, De officiis II, 27, 127, P.L.,

quae

pietas

uocatur,

alteram

in parentes

uel

tertiam in mortuos, ut his exsequiarum iusta Iesus legis oraculum ac philosophiae fastigium qui laeserint, pietatis porrexit officium »; cf. t. XVI, 65 C (éd. de 1880).

ASPECTS pl To rpworou &YyYxod, bmp

Oeôv te xai vodv TV

TPÈTOY Tpo-

GaYyopeboar

&v

mg. Môvx dÈ Tv Ëv Auiv ÉqiXVEioËar œdTod Th ÔômotéTNnToc vobv xœi AGyov,

dd xai Tù uE-

Tepovy &yaxbdv XAXdV elvaœr Hal oeuvèv xai Betov xai ëpdOHLLOV xai oÙuUETpOov Hat dat uoviocs TpooxaAOÛLLEVOY.

VARIÉS

DU

PLATONISME

321

AMBROSIEN

lam, quatm voiv idem uocat ; secundum ea,, quae ex priorum fonte profluerent, esse animi uirtutes, prudentiam, iustitiam, pudicitiam, fortitudinem. Sed his omnibus praestare prudentiam… BONUM

VERUM

LUD,

PRIMUM

ET

DIVINUM

optimum

EST

IL-

et AMA-



ESSE

BONORUM PRIMUM DEUM scire et VE-

RUM ILLUD ATQUE DIVI-

BILE ET CONCUPISCENDUM, cuius PULCHRITUDINEM ationabiles adpe-

illam AMABILEM ET CON-

tunt

PULCHRITUDINEM

mentes

instinctae rem...

natura

ad eius ardoSecundum

commune omnibus num...

duce nec

multis est nec similiter bo-

Vnde natura

duce

cognatio quaedam est cum bonis ei animae pottioni,

quae

cum

ratione

consentit. Et illum quidem, qui natura inbutus est ad sequendum bonum,

non

modo

sibimet

ipsi natum putat, sed omnibus etiam hominibus, ..dehinc proximis et mox ceteris, qui familiati usu uel notitia iunguntur…

DS 227 D 100 6 Vnimodam uero esse wir-

tutem quod bonum suapte natura

adminiculo

non

indiget… Illam

uirtutem,

quae

ratione sit nixa et est spectatrix diiudicatrixque omnium rerum pyudentiam dicit atque sa-

pientiam. Quarum sapientiam uult uideri diuinarum humanarumque rerutn….

NUM pia mente uenerari, CUPISCENDAM

aeternae

uerita-

tis tota mentis caritate diligere, secundum autem in proximos a diuino illo atque caelesti mnaturae deriuate pietatem. Quod etiam mundi sapientes nostris hausere de legibus : neque enim deriuate ista in hominum disciplinas nisi de caelesti

illo

diuinae

legis fonte

potuissent. I, 46, I, p. 234 : Ergo ille qui natura duce diuini 7ationem opetis igneo mentis uigore perceperat, sciuit primo omnium seruatori suo gratiam esse referendam. eh nes à AU auxilia non desiderauit. Simul fortitudinem eius spectare licet, qui fatiscente remigio non quasi naufragus tabulam sumpserit, sed quasi fortis ex se ipso adminiculum suae uirtutis adsumpserit. I, 48, 6, p. 236 : Nihil

igitur ea prudentia pientius, quae diuina humana secernit…

saei

322

APPENDICE II, 6, 228, p. 109,

In ea

uero

parte,

IV 5 :

quae

iracundior habeatur, fortitudinis sedes esse... Tertia pars mentis est cupidinum et desideriorum,

cui

necessario

ab-

Fortitudinem

quoque

eius si quis plenius spectare

uolet,

consideret..

Qua uero prosecutione simplicitatem eius edisseramm ? ÆEa est enim

stinentia comes est, quam uult esse seruatricem conuenientiae

quaedam morum temperantia mentisque sobrie-

tas.

Quod pudico quo-

eorum, quae natura recta

dam

mentis

prauaque mine...

ciebat, cum quo castimo-

M6

sunt

in

ho-

228 D

FO08 10

253

ED LL,

40

Adulandi scientia est. H20 219 DE23 10. Hunc talem non solum inferre,

sed

ne

referre

quidem oportet iniuriam 114,

fa-

nia quoque corporis congruebat…

Virtutum perfectae quaedam... RS

pudore

225, p. 106, 20:

Illae uero VITIORUM DUCATRICES, IRACUNDIA EX LIBIDO, ratione sub iugum missa dominantur.

ST,

10 D25/7i- Pere

fectae uirtutis

effigie et

quodam innocentium morum speculo reluceret. Artem reppulit adulandi,

iniuriae

dolorem

clementer absorbuit quam inclementius uindicauit. 1, 54, 5, p. 238 : Ergo Si ‘ LIBIDO ATQUE IRACUNDIA reliquorum VITIORUM EDUCATRICES ? sunt, iure castitatem atque clementiam dixerim quasdam uirtutum parentes, quamquam pietas quoque omnium principatus bonorum, ita etiam

seminarium uirtutum est ceterarum. Nam de parsimonia quid loquar et quadam habendi castitate ? Is enim non quaetit aliena, qui sua seruat, nec inflatur inmodico, qui

TINTS 24130 IT0, OÙ Hunc talem Plato ‘ lucricupidinem ? atque ‘ACCIPITREM PECUNIAE ? NOMINAVIT,.

contentus est proprio. Nihil ergo aliud nisi proprium recuperare uoluit, magis ne fraudaretur, quam ut ditaretur. Nam eos, qui aliena quaererent,

recte

‘ ACCIPITRES

PECUNIAE NOMINABAT — quodsi t a-

ASPECTS

VARIÉS

DU

PLATONISME

AMBROSIEN

323

dix malorum auatitiaest (I Tim. VI, 10), utique uitia exuit,

qui pecuniam non requirit. AINE2

237, D'LA

Diuitias

et cetera

20:

...non

simpliciter bona nuncupanda sunt.… Pauperiem ceteraque existimari oportet.. Paupertas per se malum non est. 116,228,

pD#T08,222

Virtutes inter se conexas esse. arbitratur.

I, 56, 5, p. 239 : « Neque ut opulens exultauit in diuitiis neque ut pauper exiguum quod ha-

buit iudicauit. Superest, ut ad conclusionem cardinalium wiriutum etiam iustitiae partes in eo debeamus aduertere. Nam etsi cognatae sint

inter se concretaeque wir-

« Per has tres animae partes quartam wiriutem,

tutes, tamen singularum quaedam forma et expressio desideratur ma-

iustitiam,

aequaliter

ximeque

uidentem

se

LIN

N220 ND" I09

13"

di-

scientiam-

que causam esse dicit, ut unaquaeque portio fratione ac modo ad fun-

gendum munus oboediat. Hanc ïille heros modo iustitiam nominat, nunc uniuersae uirtutis nuncupatione conplectitur et item fidelitatis uocabulo nuncupat ; sed

a

quo

utilis,

cum

ei,

possidetur,

est

beniuolentia

est,

at cum foras spectat et est fida speculatrix utilitatis alienae iustitia nominatur. Est et illa iustitia,

quae

quartum

in

uulgata diuisione uirtutum locum possidet, quae cum religiositate, id est Go16TNTL, copulatur. Quarum religiositas deum honori ac sup-

pliciis diuinae rei man-

cipata est, illa uero hominum societatis et con-

cordiae remedium atque medicina

est.

Duabus

iustitiae.

Ea

enim sibi parcior, foris tota est, et quidquid habet, quadam inclementia sui, dum rapitur amore communi, transfundit in

proximos. Sed huius multiplex species, alia erga propinquos, alia erga uniuersos, alia erga Dei cultum uel adiumentum inopum. Itaque qualis in uniuersos fuerit [Satyrus], prouincialium, quibus praefuit, studia docent.. Inter fratres autem qualis fuerit licet omne hominum genus beniuolentia complecteretur, indiuisum patrimonium docet. »

324

APPENDICE IV autem aequalibus de causis utilitatem hominum iustitia regit, quarum est

prima

numerorum

seruantia..

ob-

et communi-

catio opum publicarum. »

Aucun des mots appliqués par Ambroise et Apulée au Premier Bien n’est rare ni technique ; d'autre part, le schéma des quatre vertus fondamentales apparaît chez toutes sortes d'auteurs,

comme

montrent

assez

les nombreuses

références

alléguées par le P. Faller ; il était même usuel dans les Panégyriques!. Si le lecteur n’était pas convaincu par le retour de lignes presque identiques et s’il doutait encore qu’Ambroise cite Apulée à propos du Premier Bien, la suite fournit peutêtre un critère. Ambroise, en effet, continue d'utiliser tantôt très librement, tantôt littéralement le manuel d’Apulée, tout

en l’appliquant aux faits et gestes de son frère Satyrus. exemple,

la fortitudo

de celui-ci

a consisté,

lors de son

Par nau-

frage, à chercher non une planche de sauvetage, mais selon le précepte d’Apulée, un ‘ adminiculum' en soi-même. Précepte d’allure stoïcienne, plus insolite encore dans cette oraison funèbre chrétienne que dans le résumé platonicien d’Apulée ! Puis Ambroise souligne — d’après Apulée, semble-t-il — le caractère de « vertu parfaite » de Satyrus?, notamment du fait de son refus de pratiquer l’art de l’adulation ou de venger l'injure subie. Dira-t-on que l’évêque pouvait bien louer de telles vertus sans qu’il fût besoin de recourir à Apulée ? Maïs voici qu’apparaît — encore en manière de citation — la phrase d’Apulée : «Vitiorum ducatrices iracundia et libido.» La référence d’Ambroise est littérale à ceci près que son texte porte (1) Cf. H. Hacenpant, Latin p. 379-380, On trouvera un bref La posizione filosofica di Apuleio, (2) L'expression d’Ambroise : reluceret », remonte

peut-être

Fathers and the Classics, Gôteborg, 1958, résumé du De Platone chez A. Berrozz, dans Sophia, t. XVII, 1949, p. 240-243. «..quodam ïinnocentium morum speculo:

elle-même

à APurée,

Apol.

XV,

4, éd. Val-

lette, p. 18 : « An non Socrates philosophus ultro etiam suasisse fertur discipulis suis, crebro ut semet in speculo contemplarentur, ut qui eorum foret pulchritudine sibi complacitus, impendio procuraret, ne dignitatem corporis malis moribus dedecoraret, qui uero minus se commendabilem forma putaret, sedulo operam daret ut uirtutis laude turpitudinem tegeret ? Adeo uiromnium sapientissimus speculo etiam ad disciplinam morum utebatur. » Cf. PrurTaArQUE,

Praec.

conj. 141

d.

ASPECTS

DU

VARIÉS

PLATONISME

325.

AMBROSIEN

educatrices ; peut-être l’hapax ducatrices était-il altéré en educatrices

dans son

exemplaire

c’est

d’Apulée ; selon Erdmann,

educa-

corrompu

la tradition manuscrite d'Apulée qui aurait

trices en ducatrices!. Mais ducator est un mot bien attesté dans.

la latinité tardive ; je croirais plus volontiers qu'Ambroise a opéré lui-même cette minime correction, pour une fin précise : opposer à iracundia et libido, mères des vices, castitas et clementia, mères des vertus. En effet, le doublet parens educatrixque est cicéronien ; la phrase d’Apulée semble avoit évoqué

pour Ambroise ce passage fameux des Lois de Cicéron’. Nouvel emprunt non moins précis à Apulée, neuf lignes plus. tranquille audace,

une

loin : celui-ci, avec

avait mis dans la

bouche de Platon deux expressions de Plaute : l’une, qui a fait

couler beaucoup d’encre, tirée du Trinummus!, l’autre d’un vers du Persa, mais sans souci de l’ordre des mots, du mètre.

: «accipiter pecuniae *».

grammaticale

ou de la construction

ion publique(1) O. Erpmaxx, Notes sur Apulée, dans Revue de l’Instruct Apuleianus, Index er, Orprarn W.A. cf. ; 382 en Belgique, t. LIII, 1910, p. Middletown, 1934, p. xLIv. (2) Cicéron, De legibus I, 24, 62, éd.

de

Plinval,

Paris, 1959,

p. 36 :

perspiciantur« Quae quom tot res tantaeque sint, quae inesse in homine sapientia. » xque educatri est parens earum nosse, uelint ipsi se qui ab iis commena prudenti sur se d'Ambroi he paragrap On notera que le début du se ipsum et, quemadçait, I, 45, 1, p. 234 : « Est ergo prudentis agnoscere uiuere » qui paraît modum a sapientibus definitum est, secundum naturam aussi une réminiscence

p. 121: de Cicéron, De finibus V, 9, 24, éd. Martha,

agnoscere et intelligere, « Omne animal. sensim incipit progredi seseque appetitum... Ita finis animi diximus, quem eum, quam ob causam habeat affectum, ut optime affci bonorum exsistit secundum naturam uiuere sic

» Cf. Amgroise, De Abraham, possit ad naturamque accommodatissime. (Sapiens).… nesciat nisi $e10 08, D II, 93, C.S.E.L., t. ONCE et ordine Dei lex est. » instituto cuius in uiuere, naturam cundum für-

(3) Cf. F. Sxurscn,

Grammatisch-lexikalische

Notizen,

dans

Archie

t. XII, 1902, p. 200; Th. SINKo, lateinische Lexikographie und Grammatik, 125-126. L’on ne saurait, à mon p. 1905, XIV, t. Ibid., -onis, Lucricupido, .

avis, soutenir Turpilucris

que Plaio

se lit encore

pour

chez

Pluutus

soit une

simple bévue

Aucœusrin, De opere monachorum,

de copiste

14 ; le mot

se lit chez Praron, Lois VI, latin est calqué sur le grec aioxpoxspônce qui se lit en Rep. IX, 581 a ôñc quoxep 754 e et Rep. III, 408 c, tandis que rque. l’Hippa de tre sous-ti le aussi C’est et suiv. (4) PrauTe,

Trinummus,

100,

éd.

Ernout,

t. VII,

p. 23

» « Turpilucricupidum te uocant ciues tui. d’injures de e (bordé 130 p. V, t. cit., éd. 409, Persa, (5) Praure, lus à Dordalus) : , « PrcuntAI ACCIPITER auide atque inuide » ... trahax rapax, procax,

Toxi-

326

APPENDICE

Ambroise, Platon',

pris d'émulation, telle quelle,

dans

IV

transfère la prétendue parole de la bouche

de Satyrus,

ce qui est

d’ailleurs, si l’on veut, moins audacieux puisque Satyrus parlait latin et vivait après Plaute. Dira-t-on que Satyrus avait lu Plaute ou qu’il employait volontiers une expression proverbiale issue de Plaute ? Mais non ! L'expression plautinienne n'a point passé en proverbe. Il s’agit forcément d’un emprunt hitéraire d'Ambroise à Apulée : Là où Plaute avait dit « pecuniai accipiter », Apulée substitue «accipitrem pecuniae nominauit [Plato]», que reproduit Ambroise sous la forme « accipitres pecuniae nominabat [Satyrus] ». La page 239 d'Ambroise paraît devoir beaucoup encore au manuel apuléien : cette idée d’une justice qui regarde «au dehors » l'intérêt d'autrui,

soit sous forme

de culte à la divi-

nité soit sous forme d’une mise en commun des opes en vue de subvenir aux inopes. De même, l’idée du lien qui unit les vertus entre elles paraît bien provenir ici du De Platone d’Apulées. À. Ernout traduit : « Vautour avide et envieux Goetz et Schôll (Teubner) ne met pas non plus et auide. (1) Quand Apulée attribue ces paroles à Platon, passages tels que Gorgias 481 a, éd. Bodin, p. mod » et surtout Phédon

de notre argent. » L’éd. de virgule entre accipiter il songe sans doute à des 159 : « Xpvolov hpraxdc

82 a, éd. Robin, p. 42 : « …

Todc

dé Ye

ddixlac

ve

xaù Tupavvidas al &prayàc mporeruunxétac sic Ta Tov Aüxwv re ka ipdxov xai

ixrivov

Yém» ; cf. Aucusrin,

De

Genesi

ad litteram, VII,

TO CES ELA

t. XXVIII, p. 209, 10. (2) Si j'en juge par A. Orro, Die Sprichsvôrter und sprichwôrtlichen Redensarten der Rômer, Leipzig, 1890, s. o. accipiter. Rien non plus dans les articles de compléments de A. Sonny et de C. Weyman, dans Archive für lateinische Lexikographie, t. VIII, 1893, p. 23-38 et 397-411 ; IX, 1896, p. 53-80 ; XIII, 1904, p. 253-270 et 379-496, ni chez M.C. Surpxen, À Collection of Latin Proverbs, Baltimore, 1902. (3) Ici, « cognatae sint inter se concretaeque uirtutes » : cf. APuLÉE, De Platone, p. 108, 22 : « Virtutes inter se conexas esse. arbitratur » ; ALBINus, Epitomé, XXIX, 4, p. 145, 2 : « ’Ayopiotor oÙv eioiv «ti doetai &AANAWV ai Tékeru ». Le passage est très proche d’'AmBroise, In Lucam, V, 63, C.S.E.L., t. XXXII, 4, p. 207, 7 : « Scimus uirtutes quattuor cardinales, temperantiam, iustitiam, prudentiam, fortitudinem. Qui suum donat non quaerit alienum nec dolum proximo struit : conexae igitur sibi sunt concatenataeque uirtutes. »; cf. De paradiso, III, 14, CS.E:L., t. XXXIT, 1, p. 273, 22 : « Quae sunt quattuor initia uirtutum, nisi unum prudentiae, aliud temperantiae, tertium fortitudinis ? Quae etiam sapientes istius mundi ex nostris adsumpta in suorum scripta librorum transtulerunt » : ITT, 22, p. 279, 11 : «ipsae sibi sunt conexae concretaeque uirtutes » ; De Isaac VIII, 66, p. 688, 4 ; De uirginitate XVIII, 113, P.L., t. XVI, 309 B ;

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

327

Ainsi, dans ce premier discours De excessu fratris, le développement d’Ambroise touchant les vertus de Satyrus (p. 232239) suppose qu'il songe continûment, quoique non servilement, à la première moitié du livre II De Platone (p. 104-123), consacré à la philosophie morale. Le lecteur pourra examiner à loisir comment Ambroise a su faire entrer dans le cadre platonicien préfabriqué les faits saillants de la vie réelle de Satyrus, comment aussi il ajoute ou superpose aux vertus profanes les vertus évangéliques qui les transcendent. Quant au second discours, relatif à Satyrus, son objet propre est d’opposer à la doctrine païenne de métempsychose le dogme de la résurrection de la chair, ce qui conduit Ambroise à chercher

des sources

d’information

nouvelles!.

Toutefois,

à deux

reprises, semble-t-il, il se réfère aux mêmes pages du De Platone. Le premier de ces développements est relatif à l'utilité de la mort, spécialement de la mort philosophique : APULÉE, De Platone, Di 20,,72.4

II, 18, 245,

S

Emori praestat.. Qui quanto plurium cupitor est, tanto egentior sibimet et propterea aliis uideri potest. Sperata atque exoptata uix pauca et cum maxima aeyumna proueniunt iisque flagrantiores cupidines furoresque succedunt nec futuris modo angitur

malis,

uerum

etiam

praeter-

itis transactisque torquetur. Quos omnes morte sola ab eiusmodi malis deduci posse manifestum est. Metam.

XI,

15,

1, éd. Robert-

son, pP. 151 « Multis et uariis exanclatis Zlaboribus magnisque tempestatibus et maximis acius procellis ad portum quietis et aram misericordiae tandem, Luci, uenis-

ti Curiositatis improsperae nistrum praemium reportasti. In Ps. CXVIII,

AMBROISE,

si-

34

Ideo

De

excessu fratris,

II,

7252k: mortem

non

esse

lugen-

dam... quia nos saeculi huius absoluat aerumnis, postremo quia somni specie, ubi ab istius mundi labore requietum sit, uigor nobis uiuacior refundatur.. (P. 261) Ergo si mors carnis et saeculi nos absoluit aerumnis, utique malum non est, quae libertatem restituit, excludit dolorem. His igitur nobis adoriendus disputandi locus, mottem malum non esse, quia sit aerumnarum omnium tmalorumque perfugium, fida statio, porius quietis. Nam quid in hac uita non experimur aduersi ? Quas non procellas tempestatesque perpetimur ? Quibus non exagitamur incommodis ? Cuius parcitur meritis ?

11, 11, C.E.S.L., t. XLII, 21, sans compter De officiis I,

24, 415 ; II, 9, 49. Mais je ne prétends nullement que ces passages remontent

tous à Apulée ! Cf. D. LôPre, Die Tugendlehre des heiligen Ambrosius, Sarnen, 1951, p. 129-130 et 148-150. (1) Voir ci-dessous, p. 368-382.

328

APPENDICE

De

Ptatone,

II, 20, 249, P. 123,

16 : Iam ille diem mortis suae propitius nec inuitus expectat, quod de animae inmorttalitate confidat. Nam winculis liberata corporeis

sapientis anima remigrat ad deos et pro merito uitae purius castiusque transactae

hoc ipso nisu deo-

IV

I, 73, 1, p. 247 : Quodsi in quiete: nocturna winculis adhuc corporeis

inhaerentes et quasi in carceraria religatae claustra membrorum possunt tamen animae altiora et discreta perspicere, quanto magis. spectant haec, cum ïiam puro aetherioque sensu nulla corporeae

labis inpedimenta patiuntur.

tum se condicioni conciliat.

TES 00 0p 20/RMPEtTANUS. ad illam redire patriam et naturalem domum. In hac enim terra aduenae sumus atque peregrini; remigrandum eo, unde descendi-

mus. IL, 21, p. 124, 12 : Philosophum

TS

FD

oportet, si nihil indigens erit et

morior’

omnium

lius quam

contumax

et superior iis,

quae homines acerba toleratu arbitrantur,

ut

sempet

nihil

sic agere,

STUDEAT

quam

animam

a

corporis consortio separare, et ideo

existimandam PHILOSOPHIAM ESSE MORTIS ADFECTUM consuetudinem-

que MORIENDI.

200

Got

Apostolus

idEre

dicit, me-

ïilli, qui meditationem

MORTIS PHILOSOPHIAM ESSE dixerunt (Phaed. 64 e ; 67 d). Illi enim

STUDIUM

praedicarunt, hic usum

ipsum mortis exercuit,

et illi qui-

dem propter se, Paulus autem ipse perfectus moriebatur non propter nostram infirmitatem. Quid autem est mortis meditatio nisi quaedam corporis et animae segregatio, quia mots ipsa non aliud quam corporis atque animae

secessio definitur… 40, 5, p. 270 : Sit quidam cottidianus in nobis usus ADFECTUSQUE MORIENDI et per illam, quam diximus, segregationem a corporis cupiditatibus se discat extrahere.

L'on notera comment Ambroise épouse les vues platoniciennes présentées par Apulée, comment aussi il enrichit, semble-t-il, les données du De Platone à l’aide de l’apostrophe initiale du célèbre sermon du prêtre d’Isis, au livre XI des Métamorphoses : ce sermon imprégné d’un profond sentiment religieux a servi à Ambroise pour peindre le « port du repos »! (1) L'expression revient chez AmBroise, De bono mortis IV, 15, C.S.E.L., t. XXXIT, 1, p. 716, 7 : « Mors... portus quidam est eorum qui magno uitae istius iactati salo fidae quietis stationem requirunt »; VIII, 31, p. 730, 22": « Tustis mors quietis est portus, nocentibus naufragium putatur » ; cf. VIII, 35, p. 734, 5 : « Nam si laudari ante gubernator non potest, quam in por-

ASPECTS

VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

329

au terme des épreuves (labores), des agitations, des orages et des tempêtes de la vie. Même si Apulée suit ici un chapitre des Tusculanes,

même

si Ambroise

connaît

lui-même

ce cha-

pitre des Tusculanes!, il n’en est pas moins probable, à mon avis, qu'il s'inspire de ce sermon des Métamorphoses*. tum nauem deduxerit, quomodo laudabis hominem, priusquam in stationem mortis successerit ? Et ipse sui est gubernator et ipse uitae huius iactatur

quamdiu

profundo

in

salo

tamdiu

isto

inter

naufragia » ; IX,

38,

p. 735, 18 : « Quis dubitet de bono mortis cum id quod inquietum, id quod erubescendum, id quod inimicum nobis sit, id quod procellosum et ad omnia uitia inlecebrosum est, conquiescat et iaceat et quasi fera in cauea claudatur sepulehri»; De ITacob I, 6, 24, C.S.E.L., t. XXII 2, "pr 10) 18 : « Adde quia nescit naufragia qui semper in portu tranquillitatis est. »

JEAN Carysosrome, Hom. in Matth. XXII, 3, P.G., t. LVII, 374, dit à propos des maux de cette vie : « Auuhv ebdrog 6 Oavaroc », et saint JÉRÔôÔME, Epist. XCVIII, 19, t. V, p. 60, 15, traduisant Théophile d’Alexan-

drie en 402, oppose l'expression portus quietis aux troubles causés par l'hé-

résie. Cf. J. Gerrcken, Stimmen der Griechen am Grabe, Leipzig, 1893, p. 48 ; C. Bonner, Desired haven, dans Harvard Theological Review, t. XXIV, 1941, p. 49-68. Voir aussi Éprcrète, Entretiens, IV, 10, 27, éd. Schenkl,

p. 439, 4, et Hermès, Tract. VII, 1, éd. Nock-Festugière, p. 81, 7. Le naufragium d'Ambroise est proche du vaudyrov que Protin, Enn. IV, 3, 17, 25, éd. Henry, t. II, p. 36, applique à la chute de l'âme dans le monde des ‘COTPS. (1) Cicéron, Tusc. I, 49, 118, éd. Fohlen-Humbert, p. 72 : « Emittique in nos e custodia et leuari uinclis arbitremur, ut. in aeternam et plane nostram domum remigremus… Horribilem illum diem alüis, nobis faustum nec putemus… Profecto fuit quaedam uis, quae generi consuleret humano aut

id gigneret

aleret,

quod

cum

exanclauisset

omnes

labores,

tum

incide-

et perret in mortis malum sempiternum ; portum potius paratum nobis croije ; Apulée chez retrouvent se soulignés mots Les » fugium putemus. dont il emploie rais qu'Ambroise se souvient aussi de ce texte de Cicéron, esse corporis le perfugium et le domum. Cf. Tusc. I, 44, 107 : « Portum » moriuum. putat et requiescere in sepulcro phoses et (2) I1 se peut même qu'il ait lu les autres livres des Métamor subi

leur

influence stylistique ; cf. AMBROISE,

De

excessu

fratris

I, 52, 3,

ora, cum uultu adp. 237 : «uelut quadam uirginali uerecundia suffusus n-Vallette, p. 2k : Robertso éd. 3, 23, 1, Metam. APULÉE, et », proderet fectum prorsus uerecunuirginali hac deque ne habitudi « De ista corporis speciosa dia generosa

stirpe proditum

et recte

conicerem » ; AmBroise,

De excessu

I,

constantem aequi 58, 6, p. 240 : «gratum piae necessitudinis arbitrum, (à propos de Cra171 p. 2, XXII, Florida iuris disceptatorem », et APULÉE, os disceptator et arbitès) : clitium omnium et iurgiorum inter propinqu : « neque enormis proceter»; Amgroise, Exameron VI, 9, 54, p. 246, 12 ritas… nec gracilitas tenuis », et Apuzée,

Metam.

II, 2, 9, p. 30 : « inenormis

nullement que de telles proceritas, suculenta gracilitas. » Mais je n’exclus ues du panégyrique ou rhétoriq recettes aux t rencontres tiennent seulemen de l’éxpouos.

330

APPENDICE IV

Quant au développement d’Ambroise touchant phie qui est une meditatio mortis, cette expression pas du De Platone, non plus que les définitions comme « segregatio » ou « secessio » de l’âme et du formules

issues du Phédon

sont rebattues,

la philosone provient de la mort corps”. Ces

se retrouvent

chez

Origène, Macrobe et cent autres. L'on notera en revanche qu'Ambroise semble bien ici viser le paragraphe apuléien et discerner ce qui, à ses yeux de chrétien, est insuffisant, ou au

contraire satisfaisant, dans ce paragraphe : le simple séudium est sans grande valeur, tandis que l’adfectus moriendi s'accorde avec l'exercice de «mort quotidienne» préconisé par saint Paul. La comparaison du texte profane et du texte sacré (1) Aputée, Fragm. 19 a, Oldfather, p. x1, dit : « Principium uitae obitus meditatio est » ; et Cicéron, Tusc. I, 30, 74, p. 46 : « Tota enim philosophorum uita, ut ait idem, commentatio mortis est. » (2) Cette définition reparaît chez Amsroise, De Cain I, 3, 8, C.S.E.L., t. XXXII, 1, p. 344, 2 : « Mors enim secessio quaedam est animae et corporis » ; II, 9, 35, p. 406, 26 : « Mors enim una est in secessione animae et corporis et in fine istius uitae » ; De bono mortis II, 3, p. 704, 14 : «Tertia mors. animae corporisque secessio » ; VIII, 31, p. 731, 11 : « Mors..

separatio animae et corporis » (cf. p. 733, 2 : « Mors enim, ut supra diximus, absolutio est et separatio animae et corporis ») ; De patriarchis IX, 39, C.S.E.L.,

t. XXXII,

2, p. 147,

9 : « De

hac

morte

quae

per animae

et corporis secessionem uenit... ». Cf. PLaron, Phédon, 64 c (rhv Tic duyñc &nd To oœouaroc drarkxyhv) ; 67 d (Abous nai Ywpioudc duyñs àrd cœouxroc) ; E. Benz, Der Todesproblem in der stoischen Philosophie, Stuttgart, 1929, p. 10 et 40 ; et H.-Ch.

Puecx

et P. HaDor,

L’Entretien d’Origène avec

Héraclide et le commentaire de saint Ambroise sur l'évangile de saint Luc, dans Vigiliae christianae, t. XIII, 1959, p. 216-220 et 225-228. La définition de la mort comme « finis istius uitae », qui semble remonter au Gorgias

516

a, reparaît

chez

Amgroise,

De

bono

mortis

VIII,

34, p. 733,

9 : « Pulchre autem Graeci finem mortem appellarunt ; televtnv enim mortem appellant, eo quod finis istius uitae sit. » Cf. ci-dessous, p. 351. (3) La pekérn Oavärou (PLraron, Phédon, 67 d-e; 80 e-81 a ; cf. 64 à) est rapprochée aussi de versets de saint Paul chez Clément d'Alexandrie, Strom. II, 20, 109, 1, éd. Mondésert, dans Sources chrétiennes, t. XXX VIII, p. 117; Grécorre DE Nvsse, De mortuis, P.G., t. XLVI, 521 C : « Aid

HAT TN TOÙ ueydiou œœovv Ilablou : ‘ux0” ‘uépav àrobvoxouev” (I Cor. XV, 31) … TÉ oùv Éevtôuelx mpdc Tov Odvarov, où dmedelyOn ueRëtn dimvexhc, al yuuvéotov À Où oxpxds oÙox Co »; CassioDoRE, Institutiones,

II,

5, éd.

Mynors,

p.

110,

18 : « Philosophia

est medita-

tio mortis : quod magis conuenit Christianis qui, saeculi ambitione calcata, conuersatione disciplinabili similitudine futurae patriae uiuunt, sicut dicit Apostolus : In carne enim ambulantes, non secundum carnem militamus (11 Cor. X, 3), et ahbi tionostraincaelis est (Phil. III, 20) ».

: Conuersa-

ASPECTS

VARIÉS

DU

PLATONISME

AMBROSIEN

331

allait être reprise par saint Jérôme qui semble bien avoir lu ce panégyrique de Satyrus et qui fait sienne l'attitude d’'Ambroise sur ce point. Un dernier parallèle entre Ambroise et le De Platone mérite peut-être aussi d’être retenu : APULÉE, De Platone, I, 9, 199, p. 97, 20 :

TLnr26;

Animam uero animantium oMmnium non esse corpoream nec sane perituram, cum corpore fue-

Quae ueritas, ut, quia ipsa se moucai et semper moueatur anima, inmortalis esse credatur ? Quod

rit absoluta,

nobis in corpore

tium

esse

omniumque

AMBROISE,

gignen-

seniorem ; atque

ideo

Bip:

De

excessu

fratris,

3207"

commune

cum

bestiis, ante corpus, quid geratur,

et imperitare et regere ea, quorum curam fuerit diligentiamque

incertum.

sortita, ipsamquz sempber et per se

moueri, agitatricem aliorum, quae natura

sui inmota sunt atque pi-

gra.

I1 s’agit cette fois non du livre II, mais du livre I De Platone. Le libellé d'Ambroise, pour cet argument issu du Phèdre, me paraît plus proche d’Apulée que de tout autre auteur latin, même de Claudianus Mamertus qui cite pourtant d’après Apulée ce passage d’un prétendu Ilepi œuouxÿs de Platon’. Mon (1) Jérôme Epist. ad Heliodorum LX, 14, éd. Labourt, t. IIT, p. 103, 16 (en 396, éloge funèbre de Nepotianus) : « Platonis sententia est omnem sapienti uitam meditationem esse mortis. Laudant hoc philosophi et in caelum

ferunt,

sed multo

fortius Apostolus

:

Cotidie,

inquit, mo rior

per uestram gloriam (1 Cor. XV, 31). Aliud est conari, aliud agere » ; Epist. ad Principiam CXXVII, 6, C.S.E.L., t. LVI, p. 150, 5 (en 412, éloge funèbre de Marcella) : « Annis igitur plurimis sic suam transegit aetatem, ut ante se uetulam cerneret, quam adulescentulam fuisse meminisset, laudans illud Platonicum, qui philosophiam meditationem mortis esse dixisset. Vnde et noster Apostolus : Cotidie morior per uestram salutem.…. Sic ergo, ut dicere coeperamus, aetatem duxit et uixit, ut semper se crederet esse morituram.

» Jérôme,

Ibid., LX, 7, p. 96, 4 : «nec

doleas quod talem amiseris, sed gaudeas quod talem habueris », paraît issu d'Amsroise, De excessu fratris I, 3, 2, p. 210 : « Laetandum enim magis est, quod talem fratrem habuerim, quam dolendum, quod fratrem amiserim. » (2) Praron, Phèdre 245 c, éd. Robin, p. 34 : « Yvuyh Tao dOdvaroc. Td yäo adroximrov [&euxivnrov Oxy?] &dvarov… Mévov 3h To aûrd xuvodv, te oùx éroheïrov éauré, obmore Anyer xivobpevov, dAAd xal rois ŒXAkotc ox xuveïrou rodro rnyh Hal dpxh kivhoewg. » — ALBINUS, Epitomé XXV, 4, éd. P. Louis, p. 121 : «T6 ye uhv œûroxivnrov épxixc &erxlvmrov, Tù OÈ

IV

APPENDICE

332 tout

en

hypothèse,

comme

de téméraire ; car,

n’a tien

cas,

Gossel l’a déjà prouvé, Ambroise, dans les chapitres de l’Exameron où il décrit le corps humain, suit littéralement et continûment les chapitres 13 à 16 de ce livre I De Platoneï. dOévmrov in : cel, VMS,

roioërov

Tusc.

Cicéron,

5p.026272—

I, 23,

53,

je p. 34 (reprenant sa propre citation du De republica VI, 25, 27, dont mets les variantes entre crochets) : « Quod semper mouetur aeternum est. Solum igitur quod se ipsum [sese] mouet, quia numquam deseritur a se, numquam ne moueri quidem desinit.. Cum pateat igitur aeternum id esse, quod se ipsum moueat [a se ipso moueatur|, quis est qui hanc naturam animis esse tributam neget ? » ; De senect. XXI, 78, éd. Wuilleumier, p. 179 : « Cumque semper agitetur animus nec principium motus habeat, quia se ipse moueat, ne finem quidem habiturum

esse

14,

V,

or.

Inst.

QuinTiLiEN,

» —

motus.

10

: « Anima

inmortalis

ex est : nam quidquid ex se ipso mouetur, inmortale est ; anima autem VII, Inst. Lacrance, — anima.» est igitur inmortalis ; se ipsa mouetur 8, 4, C.S.E.L., t. XIX, p. 609, 9 : « Immortale esse quicquid per se ipsum et sentit et semper

se ipsum semper habere : animum NNIL

65, p. 754, 6 : « Plato ait, quod per

mouetur » ; Epitomé,

mouetur nec principium motus habet, etiam finem non autem hominis per se semper moueri»; De opificio Dei 0

12 CSEL2,

Quidquid

XX NII, Jp. 65,19

uiget moueturque

per

se semper, nec uideri aut tangi potest, aeternum sit necesse est. » — CaLzcrus, In Timaeum 57, éd. Waszink, p. 104, 22 : « Solum ergo quod seipsum mouet, ut quod numquam motum suum deserat, numquam mouere se Epist.

Amgroise,

desinit. » —

ad Horontianum

XXXIV,

1, PÉTER

11419 C : « Vt illa patricia quaedam eorum prosapia Platonis disputat, quod ipsum se mouet et non mouetur ab alio, ipsa tibi anima uidetur. » — Craupranus

animae

statu

De

Mamerrus,

II, 7, C.S.E.L.,

t. XI,

20 :

p. 123,

« In Phaedro autem Platon de anima sic pronuntiat : ‘ Anima, inquit, inmortalis est, quae semper a se ipsa mouetur et alis causa motus est, corpus autem per se non mouetur » ; p. 124, 17 : « Idem Platon in libro, quem meot œuouxc scripsit : ‘ Anima, inquit, animantium omnium corporalis non est ipsaque se mouet aliorum quoque agitatrix quae naturaliter inmota sunt. » Voir aussi

les commentaires

de

Macro8r,

Somn.

Scip.

II, 13

et suiv.,

éd. Willis, p. 133-145, sur le passage du De re publica, et BômER, op cit., p. 34-69. Celui-ci nie que l'emprunt de Claudianus Mamertus à Apulée soit direct.

Au

contraire,

À.

Untersuchungen

EncerserecaT,

Mamertus,

des Claudianus

über

die

Sprache

dans Sitzungsberichte der philos.-histor. Classe der

kaiserl. Akad. der Wissenschaften, t. CX, Wien, 1886, p. 439, jugeait Craupranus Mamerrus, De statu animae, p. 67, 8-11 et 124, 17-20,

des emprunts 91, 20-92,

conscients à ApuLée, De Platone, éd. Thomas,

3, sans

compter

toutes

([Ambros.,

exaem.

sortes

d’analogies

que fait

p. 91, 6-9 et

de vocabulaire

et de

grammaire. Voir mes Lettres grecques en Occident, p. 230 et n. 4, expliquant par Arutée, De Platone, p. 86, 8 : «a naturali philosophia », le titre Ilep pLoUHŸG(1) W. Gosser, Quibus ex fontibus Ambrosius in describendo corpore humano

hauserit

VI,

54-74),

Diss.

Leipzig,

1908,

p. 30-

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME L'utilisation

du De

Platone

suffit,

AMBROSIEN

selon

moi,

333

à expliquer

— voire à excuser dans une certaine mesure — la bévue que Schenkl!, suivi par Lewy?, signalait dans un développement du De Noe, comme plus tard dans l’Exameron’, Ambroise suit l’exégèse philonienne selon laquelle l’arche de Noé représente le corps humain : en particulier, l'ouverture latérale de l'arche correspond à l’anus, placé par le démiurge de telle sorte que l’homme ne s’incommode pas lui-même à la vue de ses propres excrémentst. Philon justifiait cette exégèse par référence à une parole de Socrate,

que nous

lisons, en effet, dans les Mémo-

44. Les emprunts, quoique le plus souvent littéraux, ne sont pas du plagiat en ce sens qu'Ambroise compile Apulée avec Galien, sans compter plusieurs adjonctions issues de Cicéron et saint Basile. Scuenxz,

(1) K.

dans

C.S.E.L.,

(cf. p. 428, 13) :

1, p. xv

t. XXXII,

« Philonis uerbis Zwxp&rnc pnot deceptus ea Socratica in quodam Platonis libro proferre opinatus est. » (2) H. Lewvw, Neue Philontexte in der Ueberarbeitung des Ambrosius, dans Sitzungsberichte der Berliner Akademie, 1932, p. 67. (3) Le De Noe date de 378, selon la démonstration de J.-R. PALANQUE, Saint Ambroise et l'Empire romain, p. 578-579, et l'Exameron de 386 ou 387. (4) Prizon, Quaest. in Gen

il

A6

NI;

Leipzig, 1829 (d’après laà version arménienne) : « Non obscure ostenaedifidit humanum cium porta illa ex la-

tere,

quam

annotauit

decenter

‘ lateralem ”

uocans, per quam €excrementa stercoris foras expelluntur. Etenim optime,

ut SOcRATES

ait,

siue a Moyse edoctus siue ex rebus ipsis motus, decentiam perpendens nostri corporis creator a sensibus retrouertit exitum meatumque riiorum, ne in purgandis bilis foetoribus tetram uidentes faciem excrementorum taederet nos. »

Noe VIII Amgroi De se,

Exam.

24, p. 428, 9 : « Pulchre

autem

72,

9,

p.

ad-

didit : ‘Ostiumex £

transuerso

VI,

259, & :

a

«Ostium ex

facies $

transuerso,

Iin-

(Gen. VI, 16}, cies’ eam partem declarans corporis, per quam su-

ferioraautemarbicamerata cae tricamerata et

perflua ciborum egerere consueuimus,utquae putamus ignobiliora esse corpo-

facies (Gen. VI, 16). Hoc ergo significat Dominus, quod ostium ex posteriore sit parte, per quod egerantur ciborum superflua. Decore enim

ris,

his

honorem

abundantiorem circumdaret (cf. I Cor. XII, 22-23). Quod multo gratius expressit Scriptura quam SOCRATES IN LIBro PLaronis dixisse legitur. Nam cum istud in Moysi scriptis siue SOcRATES

SIVE

PLATO,

qui in Aegypto fuit, potuerit uel legere uel ab

creator noster ductus re-

liquiarum minis

curuamur, mus

a uultu

auertit,

ne,

hodum

inquinare-

aspectum. »

APPENDICE IV

334 yables de Xénophont.

au contraire, déclare que cette

Ambroise,

on parole «se lit dans le livre de Platon », sans aucune précisi béla de titre. Faut-il recourir comme Gossel, pour expliquer vue, à l'hypothèse d’un intermédiaire stoïcien perdu entre Xénophon et Ambroise ?? Je n’en crois rien. Ambroise, utilisant la description finaliste du corps humain que fournit le De Platone d'Apulée — et notamment le paragraphe sur l'intestin (qui est transcrit réellement du Timée)* — n'aura pas douté iis percipere rant,

qui lege-

decoro motus

in-

uento ostium sibi apertum putauit ut operatoris nostri consilium praedicaret, laudans eo quod id potissimum decoro conuenerit, ut duc-

tus quosdam atque exitus cuniculorum nostrorum

a tergo

auerte-

ret, ne in purgationibus uentris conspectus noster offenderetur.…. Ergo PLaATo quod potuit sermonis nitorem adhibuit, Apostolus autem, qui habebat Dei Spiritum, reuelauit mysterium. » (1) XénoPnon, Memorabilia I, 4, 6, éd. Hude, p. 32 : «….ëèmel

0 Tà éroyw-

pobvra Juoyepñ, &mrootpébar Tobé ToUTwv dxerodbc al dreveyxeiv à duvardv rpoowtéto &no Tov aiobmoewv. Tara otre mpovonrixée TETPAYULÉVE &TOoÙto peic nôrepa TÜXNC À YVOUNG Épya ÉOTIV ; — Où ua rov A Épn, 4 GxomouuÉvE TEVU ÉoLXE TATX GOPOD TLVOG Snurovpyoÿ al prhaolwou Teyvh-

LLŒTL >.

(2) Gossez, art. cité, p. 71-72. (3) APuzée,

références (4) Praton, mée

73

Ti-

a, éd.

Rivaud, 200 :

p.

«… etAEGYy Te mépuË Thv Tüv Évrép&Y YÉVEOLV, ÜTOG

UN TUÙ ÔLEXTE-

PÈOX À TPOP} THXÙ TAN Tpophe

De Plaitone

au Timée,

I, 13-17,

APpuLée, De Platone,

45/2213;

p. 97-102.

P. Thomas

L’éd.

fondées

sur lesquelles sont entièrement I,

Amgroise,

OT

Mp- 1000

« Ventrem hiris 1NTESTINORUM CIRCUMPLEXUM et NEXIBUS impeditum esse, ne ESCULENTA et potulenta sese penetrarent, sed ut retenta PAULISPER Uti-

De Noe

IX,

ut

insinuata

9,

72,

« INTESTINORUM uero CIRCUMPLEXI orbes et

a

sto-

imum,

sed

re-

dunt, ut non

instituit,

extenta

ad

VI,

408

sine aliquo licet nodo sibi tamen inuicem NEXI quid aliud nisi diuinam prospicientiam osten-

noster

non

macho

Exameron

D'2250

RES0 LON:

« INTESTINA sunt per quae descendunt ciborum superflua ; ita operator

fournit les

ces pages.

sint

ac

cito ESCA

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

335

que la citation philonienne d’une parole de Socrate sur l’heureuse place de l’anus provenait de la suite du même développement de Platon. Le principal résultat de la présente recherche est d’ajouter aux travaux déjà parus sur la survie d’Apuléel ce complément important : son De Platone est l’une des sources nombreuses qui ont fait connaître à saint Ambroise le platonisme. Celuiétépuc detoôar Td oœôuax &vayxdCot,

Hal

TAPÉXOUOX

&nAnotiav,

ÔLX

litatem sui ac censum animantibus exhibe-

flexa,

rent ; nam

Nam si extenderentur intestina hominis, quae suscipiunt et deducunt

EXHAUSTIS

YaoTpuapyiov

et labentibus usque,

inferuntur,

&uovoov rüv &Toœehot Td ‘YÉvos

MOMENTIS omnibus ADPETENDI CIBI necessitas immineret et ad hoc

Gerorétou TV rap” AUiv. »

unum occupari dies noctesque

dpuaboopov &VUTNHXOOV

xx TOÙ

NECESSE.

nobis ESSET

»

quo

cibum,

statim

Sur cette allégorèse de Philon cf. mes

Lettres

grecques

nos-

sine ulla

pertransiret mora et NECESSE ESSET iugiler esurire nos. Nunc autem in illa intestinorum reflexione ac sinuatione bipertita ac tripertita haeret ciBus et descendendo PAULATIM... differt edendi

endroit,

uitae

trae usus propagaretur.

APPETENTIAM,

pertranseat et statim ab stomacho decurrat ? Quod si fieret, tugis fa-

mis et continua uorandi libido hominibus gigneretur. Exinanitis enim uisceribus et EXHAUSTIS,

dum

nec subita effusio ac repentina euacuatio est nec inexplebilis ADPETENTIA est nec insaliabilis epulandi libido. Quid autem deformius quam semper uentri studere ? » et le jugement sévère d’Augustin en Occident,

MOMENTARIA

effusione uacuarentur, NECESSE ERAT inexplebilem aique insatiabilem ciB1 et potus generari cupiditatem.. Relicum autem uelut superfluum per intestina deducitur et perilludex transuerso ostium deriuatur. »

à son

p. 184, n. 3, et B. ALTANER,

Augustinus und Philo, dans Zeitschrift für katholische Theologie, t. LXV, 1941, p. 81-90, dont la démonstration relative à une lecture directe de Philon par Augustin ne m’a pas convaincu (je dis pourquoi dans l’article : Saint Augustin a-t-il lu Philon d'Alexandrie ? dans Revue des études anciennes, t. LXIII, 1961, p. 78-85). Le parallèle entre Apulée et l'Exameron d'Ambroise a déjà bien été noté par Gosser, op. cit., p. 39. Je suis d’accord avec lui pour penser, contre Schenkl, qu’en aucun passage une utilisation directe des Mémorables par Ambroise n’est démontrée. (1) C. Wevyman, Studien zu Apuleius und seinen Nachahmern, dans Sitzungsberichte der philos.-philol. und hist. Classe der Akad. der Wiss. zu München, 1893, 2, p. 321-892 ; F. Garscxa, Quaestionum Apuleianarum capita tria, dans Dissertationes philol. Vindob., t. VI, 1898, p. 156-158 ; E.H. Haïcur,

Apuleius and his Influence, New York, 1927. Les parallèles indiqués ne signifient souvent rien de plus qu'un vocabulaire analogue.

IV

APPENDICE

336

ci ne s’est pas intéressé seulement aux vues physiologiques, issues du Timée, qui expliquent le corps humain. Il a fait sienne profondément et il recommande une classification des biens issue du Phèdre, à commencer par la Beauté digne d'amour (250 d xdAoc.. épaoutérarov), qui est le premier Bien!. Il tire du livre d'Apulée un portrait de l’homme vertueux qui, au prix de retouches et d’ajoutes chrétiennes, peut s'appliquer à son propre frère le pieux Satyrus. Il admet enfin, non sans quelque hésitation, que la uehérn Oxvérovu du Phédon, si elle est amour,

peut s’accorder

avec

la mortification

quotidienne,

telle que la pratiquait saint Paul. Lorsqu'il prononce, au début de 375, ce De excessu Satyri, Ambroise n’est guère évêque que depuis un an, après une formation cléricale ultra-rapide par les soins de Simplicien, prêtre lui-même platonisant?. Agé de quelque trente-cinq ans, Ambroise apparaît encore fort proche des manuels où il a étudié la philosophie profane, et ne sait résister, on l'a vu, au plaisir de mettre dans la bouche de son frère le mot de Plaute qu'Apulée avait ingénieusement prêté à Platon. Il se fait pourtant un devoir de souligner constamment la supériorité des préceptes de l'Évangile. Mais il tient aussi sans aucun doute, contrairement à tant de ses collègues de cette époque, à ne pas répudier tout l'héritage hellénique. LECTEUR

III. — AMBROISE

DE

PLOTIN

ET DE

PORPHYRE

J'ai attiré l'attention, dès 1948, sur le fait que de longs parallèles textuels existent entre deux traités ambrosiens (De Isaac et De bono mortis) et les Ennéades’. Ces conclusions ont (1) L'influence de ces pages du Phèdre sur le conte de Cupidon et Psyché, dans les Métamorphoses, a bien été soulignée par R. Forster, Platons Phaidros und Apuleius, dans Philologus, t. LXXV, 1918, p. 134-155. (2) Selon la table chronologique de J.-R. ParanquEe, Saint Ambroise et l'Empire

romain,

Paris,

1933,

p. 577, la naissance

d’Ambroise

se place

en

339, son baptême le 24 novembre 373, son sacre épiscopal le 17 décembre 373, le De excessu Satyri en janvier ou février 375. Sur le néo-platonisme du prêtre

Simplicien,

cf. ci-dessus,

p. 137

et 168-174.

(3) P. Courcezze, Plotin et saint Ambroise, dans Revue de philologie, t. LXXVI, 1950, p. 29-56 (cf. ci-dessus, p. 106-138). Cette publication avait été précédée d’une communication orale à l'Association des études grecques, séance du 8 janvier 1948 (cf. Revue des études grecques, t. LXT, 2, 1948, p. XII-XIII).

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

337

été immédiatement entérinées par les savants éditeurs de Plotin! et dans l’article Plotinos du Pauly-Wissowa? ; elles ont aussi suscité des recherches ultérieures en plusieurs pays : successivement MM. Theïler* et Taormina', puis le R. P. Solignacÿ et mon auditeur de l’École des Hautes-Études, M. Hadotf, se sont appliqués à découvrir de nouveaux parallèles textuels entre Ambroise et Plotin. Leurs articles, spécialement les deux derniers qui ont une portée plus ample, ouvrent à leur tour la voie à des recherches nouvelles. Je voudrais indiquer pour commencer quelques-unes des réflexions que m'inspire la lecture de ces deux articles. Le P. Solignac a mis en relief le fait que le livre I De Tacob et wita beata d'Ambroise suit constamment le fil du traité plotinien [epi eddauuoviac. Or, je remarque qu’il arrive à Ambroise de se répéter soit au livre I”, soit du livre I au livre II. Par suite, (1) Prorin, Opera, éd. P. Henry et H.-R. Schwyzer, t. I, Paris-Bruxelles, 4951, p. 111 et suiv., et 331. (2) H.-R. Scwvzer, dans Realenzyklopädie der klassischen Altertumsœissenschaft,

(3) W. 1re éd.,

(4) L.

dans

1951,

t. XXI,

Tuercer,

587.

rendu

t. XXV,

Gnomon,

Taormina,

col.

compte

Sant’ Ambrogio

Recherches

des

1953,

p. 115

sur

les « Confessions:», è

et suiv.

e Plotino,

dans

Müiscellanea

di letteratura cristiana antica, t. IV, Catania, 1953, p. 41-85. (5) A. Sorienac, Nouveaux parallèles entre saint Ambroise

di studi

et Plotin

:

Le ‘ De Jacob et vita beata ? et le Ilspt eddouuovtac (Enn. I, 4), dans “Archives de philosophie, t. XX, 1956, p. 148-156. (6) P. Hanor, Platon et Plotin dans trois sermons de saint Ambroise, .dans Revue des études latines, t. XX XIV, 1956, p. 202-220. De plus; il rend compte, dans l'Annuaire de l'École pratique des Hautes Études, sciences religieuses,

1965-1966, p. 150-152, d’un cours consacré au De Isaac uel anima, où il Aufcombat la thèse de H. Dôrrie, Das fünffach gestufte Mysterium, Der

stieg der Seele bei Porphyrios und Ambrosius, dans Mullus, Festschrift Th. Klauser, Münster, 1964, p. 79-92, selon qui Ambroise plagie dans ce traité le Ilepi où yv@ôr oavrév perdu de Porphyre. (7) Pzorin,

Enn.,

I,

ne ART enco Len Henry, p. 85 : vuv

VA

« OùS” ëvroyaus ToiévaævTiærc ÈÀAXT-

rhosrareic

Tded-

Sarumoveiv … ‘AToBvynoxévrwv TE oixelœov xai plawv olde rdv Oévarov 6 Tu GTI... Tac Abrac où déÉerau. »

Amgroise,

De ITacob,

62/0 Et) (après citation de Rom., VIII, 18) : « Adde quia uita beata his aduersis saecularium molestiarum aut

passionum non

gis

corporalium

minuitur,

probatur.

sed ma-

Adde

Amgrotise, De Iacob,

LP 7 81

6p 02m

« Huius igitur propositi uir nec dispendiis minuitur nec aduersis frangitur nec repagulis inhibetur nec suorum amissionibus maestificatur.. »

IV

APPENDICE

338 le passage

de l’homme

du livre IT, relatif au chant intérieur

libéré du corps par la mort, comme un musicien sait se passer de sa cithare détruite, dérive aussi du Ilepi ebdamoviact. quod

uel

patrimonii

damna non sentit uel necessitudinum forti mente abscondit dis-

pendia, rem. » Le

P. Sozrenac,

art.

absorbet

dolo-

signalait le second

cit., p. 152,

mais celui-ci ne fait que reprendre le premier, avec Plotin, relatif à la vie bienheureuse. (1) Pcorin, Enn., I, &, 16, 20, éd. Bréhier, p. 85 — Henry, p. 9,8 : «'Qote adré Tà Épyx rà uv mods ebdæuoviav ouvrelvovra ÉoTat, TX À’ où To Téhouc pv Ha &wc oùx aùtroÿ AA roù mpocebeuyuévou, où ppovtiei xai dvébetou, £wc Suvarov, otov ei mouotxdc ÀAVP&G, oc olôv Te XPŸSOaœu ei DE un, &AANV &àAdéetor, h &phoer TG Abpac xpnoerc ai rod elc AUpav ÉvEepyEiv dpéberar &AAO Épyov veu Abou Éxwv xal XELULÉVNnv TANGÉLOV TeEptéberar &dwv veu dPYEVEv. »

Amgroise,

texte

d'Ambroise;

qui complète

le parallèle

Amgroise,

De Tacob,

De lacob,

18/39; MOSS IE NN: XXXII, 2, p. 30, 19 :

TN

« Quando non decorus qui ad illius decori et solius boni se con-

« Qui tam suauis ‘numeris septem uocum differentias oblocutus’ (cf. Aen., VI, 646) quam iste septemplici Spiritus sancti gratia resultauit ? Qui licet membra resolutus tamen adtollens se animo et erigens spiritu corporis sui tamquam cCitharae harmoniam dissoluta membrorum conpage destructam alta mente despi ciens non requi-

format

similitudinem,

qui etiamsi membris s0lutus

sit, tamen

mente

se erigat? Et tamquamille qui cithara canere solitus,

si

eam

dissi-

patam resolutis neruis et confractam uiderit et usum eius interruptum, abiciat eam atque eius numeros non requirat,seduoce ipse se mulceat, ita et iste citharam corporis sui otiosam tacere patietur, corde se oblectabit,

bonae

conscien-

tiae recordatione cebit,

diuinis

mul-

oraculis

MSI D

rebat,

sed

00

ELLE

otiosam

iacere humi patiebatur, ipse autem cantu se mulcebat interno et prophetico se modulamine delectabat dicens…. » (Citation

de Gen., XLIX,

et scriptis propheticis 8-9.) adleuabit, suaue illud et iocundum animo tenens, mente conplectens, cui nihil possit triste accidere. » Plotin dérive ici du Phédon 86 a, qu'Ambroise semble connaître aussi (decori et solius boni — néyxanbv T1 xal Oeïov ; dissipatam resolutis neruis et confractam xatéEn Tic Thv Abpav À diaréun al Giapphen rc xopÿdc), peut-être à travers Porphyre. Cf. aussi PLoriN, Enn. III,

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

339

A certains égards, ce second passage est même textuellement plus proche du grec : le despiciens d'Ambroise calque, le meptébera de Plotin et n'a pas d’équivalent au livre I du De Iacob. I1 paraît donc clair qu’Ambroise, loin de se copier servilement soi-même, possédait ces lignes par cœur ou s'y est référé les deux fois. Autre recherche de type voisin : le P. Solignac a bien montré que tel passage du livre I De Tacob, relatif à la vie heureuse, traduisait Plotin presque littéralement. Or, ce passage se retrouve,

aisément

reconnaissable,

dans le De officiist. À la

vérité, si l’on ne disposait que du De officüs, il serait à peu , près impossible de deviner que Plotin est la source. Toutefois nt exacteme plus nd correspo officiis De du ici aussi, le consistere que le est du De Tacob à ÜTrapËeEL. des maux Dans les trois textes suit aussitôt une énumération

p. 6, 11 et suiv. ; PsEuDoO6, 4, 43-51, paraphrasé par PORPHYRE, Sent. 18, (= C.C., t. XXIII, p. 55, 754A 1, XVI Amgroise, Sermo LXI, 3, P.L., t.

nobis faciant (martyres) sous le nom de Maxime de Turin) : « Notum... statum neruorum priorem in um dissipat corporis quemadmodum organum m iam silentem uisceru iam rursus coaptauerit resoluta compago, et harmon très proche Texte » erit. animau ficans uiui spirilus um in ueterem concent

Amgroise, In Luc, VI, 10, de notre second texte d'Ambroise. Cf. encore spiritus plectro interiorum pulsata ut am cithar tu et Sume « : 16 p. 235,

» corda uenarum boni operis sonum reddat, Iacob, De ise, Amgro (1) Pcorin, Enn., I, I, 7, 28, C.S.E.L., t. 4, 2, 21, éd. Bréhier, EXO 2 Ep 021210 p. 71 — Henry, p. 81 : « Où totvuv Totc hôouévorcrdedCnv dnépéer, &AAX T& yivooxerv Juvauévo, 6Tt NJovn Tù &yxBév. Atrrov Oh roded Cnvodx ñôovh Éorar, &AAX Tù xpi-

veuv Suvéuevov ôtt Dovh

xd &yalôv. Kai Tù LEv xpivov Béarrov à xarà r&Boc: ÀX6Yoc yep À vod: hovn ÔÈ roc. »

« Non enim frangitur sapiens doloribus corporis… quia non in delectatione corporis uitae beatitudo

est,

sed

in

conscientia pura ab omni labe peccati et in eius mente qui cognoscit quia quod bonum est, hoc

delectat,

quod autem indecorum, etiamsi suaue, non mulcet. Ergo causa bene uiuendi

non

delectatio

AmgRoise, De officiis,

II, 5, 19, P.L., t. XVI, 108 B (115 B) : « Quasi uero ego in corporis exsultatione dicamuitambeatam consistere,et

non

altitudine sapientiae, conscientiae, suauitate uirtutis sublimitate. Non enim in passione esse, sed uictorem esse passionis beatum est, nec frangi temporalis motu doloris. »

340

APPENDICE IV

qui assaillent le Saget. Celui-ci se conduit comme un athlète courageux devant les coups de Fortune. Le P. Solignac (p. 155) a retrouvé le parallèle dans le De Iacob, mais la comparaison plotinienne revient chez Ambroise encore au moins quatre fois en dehors du De Tacob : PLorIN,

Enn.

I, 4, 8, 24, éd.

Henry-Schwyzer,

méyav

ydo itwnxdc Jet, SAN otov à0nnThv TG TÜANG TANYAG AUUVOHE VO v.

p. 91 : Où

Giuxeiodou

AmBrolsEe, De Tacob, I, 8, 36, C.S.E.L., t. XXXTI,

Tac

2, p. 27,

20 : « Non iste in persecutione pauidus, non in tormentis mollior, ne torquentem exasperet, sed quasi athleta fortis qui repercutiat uerberantem si non caedis, certe sermonis flagello. » In PSICXNIIL 10,54, 2 CS EL L'LXIE D0224 24 20 2ste autem éamquam athleta fortis et patiens, qui exerceri et ungi animam suam tribulationibus nosset, non tristia dimouere, non

inpugnantia declinare desiderat..., sed maioris in tempore laboris sui aduersus temptationum procellas dari sibi uerbum consolationis exposcit, ut possit forii quae ingruunt mente tolerare, ne aliqua maestitiae perturbatione lassetur. » De

uirginitate

106, P.L.,

t. XVI,

307A

: « Paulus...

quasi

fortis athleta laetatur quod wulnere corporis emere didicerat animae sanitatem. » De oficiis, I, 237, P.L., t. XVI, 100B : « Dauid... tolerabat quasi athleta forts. » De interpellatione Tob et Dautd, 1128

CELL

LESX KT,

2, p. 234, 16 : « Audiebat haec sanctus Iob et quasi athleta fortis in stercore sedens, in tantis uibicibus et saeui doloribus uulneris…. » Les plus hauts personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament ont l'attitude digne du Sage plotinien devant l’adversité. corporalis, sed mentis prudentia est. MeIiorMeisit Menim prudentiauelratio arbitra passionisquampasSi0.» (1) Ce qui suit immédiatement, dans le passage du De officiis, est : « Pone accidere haec quae grauia ad uim doloris feruntur, caecitatem, exsilium, famem, stuprum filiae, amissionem liberorum », avec exemples scripturaires à l’appui.

ASPECTS

VARIÉS

DU

PLATONISME

AMBROSIEN

34X

A ce propos, il y a lieu de se demander, comme j'avais fait à propos du De Isaac et du De bono mortis, si le De Tacob n'a pas été entendu en sermons par Augustin à Milan. En eflet, comme prouve le P. Solignac, Ambroise y paraphrase notamment le paragraphe 7 du Ilepè eddœuoviac, relatif aux diverses sortes d’adversités que le Sage sait surmonter : captivité pour lui et les siens, absence de sépulture, ruine de sa cité!. Cette dernière phrase correspond, chez Plotin, à la phrase : C'Exrrooeic dE &opüv xai mokéws rod xaTacxaphv AYNCETAL ru siva uéyx ; » Or, ce passage précis hantait la mémoire d'Augustin, au point qu'il s’y réfère à plusieurs reprises, soit lors du sac de Rome par AlaricŸ, soit au moment où les Vandales assiègent Hipponet. Puisque le De Tacob, comme l'a montré M. Palanque’, est constitué de deux sermons prononcés (1) Amsroise, De Iacob, I, 7, 36, p. 26, 23 à 28, 7, développement qui se termine par : « Non in captiuitate ciuicae plebis abiectior » ; ci. "SOLIenac, art. cité, p. 154-155. Bréhier,

p.

I, 28, 14, éd. H. Schenkl,

Leipzig,

1916,

I, 4, 7, 20,

p. 88. La

Henry,

77 —

éd.

Enn.

(2) Prorin,

phrase de Plotin reproduit elle-même presque littéralement Éprcrère, Dissertationes,

p. 97, 20 : « Tiva



&vôpo-

HaiXé vec Tù Tnaxadra ; moképous ka otdoerc xal érwkeluc roXAGv rov xai xaruoxapècs mékeov ; ol tt MÉYX ÉXEL TUTO ; ».

eius (3) Aueusrin, Civ. Dei, II, 2, éd. Dombart, p. 55, 16 : « In ruina Misdans 133, I, Casin., Sermo ; » ceciderunt ligna…. et lapides (— Romae)

t. I, p. 405, 25 : « Doles quia ceciderunt ligna et la-

cellanea Agostiniana, quia

et

pides

mortui

sunt

morituri

? » ; cf. Sermo,

LXXXI,

9, P.L.

fit t. XXXVIII, 505 : « Non enim de lapidibus et lignis agitur.. Iniuria Tamen Romae quia dicitur : ‘ Cadit’, ….quia dicimus : ‘ Roma ruit ?… » et mundum fecit tibi Deus casurum : et ideo te condidit moriturum. Vita

(4) Possiprus,

Augustini,

XXVIII,

11, P.L.,

t. RON

TIRE

SEEde

cuiusdam Pellegrino, p. 154, 77 (cf. p. 226, n. 14) : « Et se inter mala pumagnum magnus erit Non : dicentis tur consolaba sapientis sententia indiqué déjà, tans quod cadunt ligna et lapides et moriuntur mortales. » J'ai dans Revue dans mon article Sur les dernières paroles de saint Augustin, d’Augustin phrase la que 205-206, p. 1944, des études anciennes, t. XLVI, àv correspondait chez Plotin à : « Aix Ti yäp rèc uèv ebruyiac, luxatobv abToù méewg «al dpyüv Sè LC ÉXTTOGE …, Gotv, où peydha NyEiTaL xai xaxdv LÉYæ xaracxaphv hyhoeTal ri elvar LÉYO ; Ei Dè Oh h ÉAwG

axôv,

YÉAOLOG

&v eln Toù

doyuatoc

yat oùx

&v

Érr

omovdaioc

GY. cln ÉdRa xatAtBovc xx vh Aix OaværovcOVNTÈVULÉYAXNYOUMEVO n consignée Saint Fulgence mourant se souvenait de la parole d’Augusti par

Possidius; il dit à ses médecins,

selon

FERRAND,

Vita

Fulgentit,

28,

poterunt ne homo: éd. Lapeyre, p. 137 : « Numquid balneae, inquit, facere mortalis expleto uitae suae tempore moriatur P» (5) J.-R.

PALANQUE,

p. 442 et 514-515.

Saint

Ambroise

et l'Empire

Avant l'excellente démonstration

romain,

Paris,

1933,

de Palanque, la date

342

APPENDICE IV

au début de l’année 386, c’est-à-dire juste au moment où Augustin s’imprégnait profondément de la parole d'Ambroise, il devient probable que son attention fut d’abord attirée par lui sur le Ilepi ebdæuuoviac, et plus spécialement sur cette page de Plotin. D'autre part, comme l’a bien vu le P. Solignac!, la longueur, la continuité et la littéralité des parallèles entre le De Tacob et le Ilepi ebdouuoviacs, renforcent les conclusions que j'avais tirées du long parallèle entre les traités ambrosiens De Isaac et De bono mortis et le Ilepè rod xaAod : il faut dire qu'Ambroise a connu plusieurs traités des Ennéades directement, et non pas seulement à travers un Père grec hypothétique utilisant une œuvre perdue de Porphyre. Les rapports toujours plus nombreux que l’on découvre et que l’on découvrira entre Ambroise et Plotin ne doivent d’ailleurs pas faire oublier qu'Ambroise a pu connaître, en outre, Platon

et le néo-platonisme

par d’autres voies, notam-

ment par Porphyre. Je l’ai toujours pensé’, mais les nouvelles recherches de M. Hadot sont très suggestives à cet égard. L'éditeur Schenkl fournissait diverses références au Phédon de Platon comme source du De bono morts. M. Hadot en découvre quantité d’autres’. Ici encore, ces découvertes sont riches de promesses. Par exemple, la comparaison des passions avec des clous apparaît non seulement dans le De bono mors, mais encore trois fois au moins chez Ambroise, et dès ses premières œuvresf. Le contexte ambrosien est nettement néohabituellement

retenue

était : vers 387. Cf. Ch. Boyer,

dans

Gregorianum,

t. XXXVIII, 1957, p. 137-138 qui ignore cette démonstration. (1) Sozrenac, art. cité, p. 156. (2) Conjecture

de

W.

Tueicer,

dans

Gnomon,

t. XXV,

1953,

p.

117.

Je l’ai déjà combattue dans l’article Litiges sur la lecture des ‘ libri Platonicorum' par saint Augustin, dans Augustiniana, t. IV, 1954, p. 225239, notamment p. 229. (3) Voir ci-dessus, p. 133-137. (4) C.S.E.L., t. XXXII, 1, p. xxxrt ; 731 ; 739 ; 747. Voir aussi J. Huuxn, De s. Ambrosii libro qui inscribitur ‘ De bono mortis , Münster, 1923 ; Des Kirchenvaters

Ambrosius

Schrift ‘ Der

Tod,

ein

Gut’,

Fulda,

1946.

(5) P. Hapor, art. cité, p. 219-220 (tableau général) et p. 213 (sur les clous). (6) Praron, Phédon, 83 c-d, éd. Robin, p. 45 (à propos des èxt6véau) : « Oùxobv ëv Tobrw To néôer uélorx xatTadeirar buyh Ürd owuorog ; — Ilôüc Ôn ; — ‘Or éxdorn ovn xai Abmn, borep fAov Éxouou, mpoondot adrhv mpèc To oœux xai Tpoormepov Hal Tout owuaroeudn OoËtbouoxv Tadra &An0 elvau, dmep dv al Td oùux pÿ. ». Amgroise, De uirginitate, XVI, 99, P.L., t. XVI, 291 C (305 C) (en 377,

ASPECTS

platonisant

VARIÉS

DU

: il parle non

PLATONISME

seulement

AMBROSIEN

de la montée

sous forme d’un vol vers la divinité, mais même

343

de l'âme

de sa descente,

ce qui est singulièrement plus audacieux du point de vue de la doctrine chrétienne. Or, Arnobe avait déjà fait allusion au même passage du Phédon sur les passions qui sont des clous pour l’âme, à l’occasion de sa polémique contre les « uiri noui » c’est-à-dire pratiquement, comme je l’ai montré!, contre le De regressu animae de Porphyre?. Cette remarque accroît la vraiselon PaLANQUE, p. 494-495) : « Omnia igitur habemus in Christo. Omnis anima accedat ad eum siue corporalibus aegra peccatis siue clauis quibusdam saecularis cupiditatis infixa. » ; In Lucam, IV, 65, C.S.E.L., t. XXXTI, 4, p. 172, 5 (en 382-383, selon PALANQUE, op. cit., p. 535) : Tune tribu-

los et spinas (cf. Gen., III, 18) animo caro, hoc est curarum morsus sollicitudinumque generat aestusque, quos sibi per concupiscentiam carnis animus ipse cireumdedit. Etenim quasi clauis quibusdam suffigitur anima corporis uoluptatibus et, cum semel adhaeserit cupiditatibus demersa terrenis, difficile in altum potest, unde descendit, sine Dei fauore reuolare. Actum enim suorum uincta laqueis et deliciarum saecularium inlecebris obnoxia iam tenetur » ;: De

bono mortis, V, 16, C.S.E.L.,

t. XXXII,

1, p. 718, 8 (en

386, selon ma démonstration ci-dessus, p. 123-124) : « Sic quoque et anima nostra caueat ad haec mundana descendere. Laqueu in auro, uiscum est in argento,

nexus

in praedio,

clauus

in amore….

Clauus

est libido,

clauus

tristitia, clauus iracundia, claui sunt omnes passiones, quae uelut ueru quodam animam nostram penetrant et infigunt corpori uisceribusque eius adnectunt » (Schenkl avait tort, comme montrent les autres textes, de corriger conjecturalement infigunt en se infigunt) ; In Ps. CXVIII, XV, 37, 2, C.S.E.L., t. LXII, p. 350, 6 (en 389-390, selon PALANQUE, op. cit., p. 524) : « Est quidam clauus spiritalis, qui patibulo dominicae crucis adfigat has carnes. » Comme on voit, par opposition aux clous que constituent les passions, selon Platon, Ambroise imagine les clous spirituels par lesquels le Chrétien crucifie sa chair à l’imitation du Christ ; cf. Pierre CHRYSOLOGUE, Sermo, LXXXIII, P.L., t. LIT, 484 A : « Tune tristitiae clauis affirae manus

eorum pedesque tenebantur. » (1) P. Courcezze, Les Sages de Porphyre dans Revue des études latines, t. XXXI,

Voir aussi mes articles La colle et le tonicienne et chrétienne (Phédon, 82 logie et d'histoire, t. XXXVI, 1958, l'âme’, dans Mélanges offerts à M 1963, p. 38-40 ; Grégoire de Nysse

et les ‘ uiri noui’

d’'Arnobe,

1953, p. 257-271, notamment p. 261.

clou de l’âme dans la tradition néo-plae; 83 d), dans Revue belge de philop. 72-95 ;: Variations sur le ‘ clou de Christine Mohrmann, Utrecht-Anvers, lecteur de Porphyre, dans Revue des

études grecques, t. LXXX, 1967, sous presse. (2) Arnoër, Aduersus nationes, II, 13, éd. Marchesi,

p. 81, 3 : « Audetis

ridere nos, quod animarum nostrarum prouideamus saluti, id est ipsi nobis ? Quid enim sumus homines nisi animae corporibus clausae ? Vos enim non omnes pro illarum geritis incolumitatibus curas ? Non quod uitiis omnibus et cupiditatibus abstinetis, metus ille uos habet, ne uelut trabalibus clauis adfixi corporibus haereatis ? » La référence au Phédon est indiquée, non

par le commentaire

de G.E.

Mac

Cracken,

mais par A.-J. FESTUGIÈRE,

344

APPENDICE IV

semblance de la suggestion de M. Hadot!, et montre qu'Ambroise se souvient peut-être ici du Phédon par l'intermédiaire du De regressu de Porphyre. Moins que jamais, après les deux articles du P. Solignac et de M. Hadot, je ne crois contradictoire de prétendre qu’Ambroise suit tantôt Plotin, tantôt Porphyre (ou encore parfois le texte du premier muni d’un commentaire du second). De

même,

la métaphore

des liens

d’or empruntée,

comme

montre M. Hadot (p. 207), par Ambroise à Plotin, reparaît aussi bien chez Porphyre et Augustin ; elle semble remonter à l’exégèse d’'Homère (Jliade, XV, 19-20) : PLOTIN,

Enn.,

I, 8, 15,

25, éd. Henry-Schwyzer,

p.

140 :

Iepuanphèv Secuots Tor xaxoïc, ola JeoudTai Tives You à. POoRPHYRE, Epist. ad Marcellam, 7, éd. Nauck?, p. 278, 4 : net nat Tüv meddv ai èv éx xpvood Papurérou dvros dix Thv ebnpémelav els x0ouov UGAAOV ouvreAciv xai péperv Tdv dec pov OÙ aÜTOv ÉVAYAYOY T& xoùpa TX À appoouvnv Toù Bépous &avenacOnrous yuvatxac. At dE ToÙ otÔnpou ouvEévau TOY auaxpTAUATOV AVÉYXAGAY Xai AvrNouoat LerTayivooxerv xai Cnreiv roù Bäpous àmaayhv roploxoar * Toù ypuocod dE di Tv Tépduiv ic AyavéxTNOLY OÙ TV TUYODOAVY TOAÂGKLS GUVTEAOVGNG TG AVOEUG. AMBROISE, De Isaac, VII, 61, C.S.E.L., t. XX XII, x, p. 686,

6 : « Aureis enim winculis soluta uirtutum praecipitio et labitur ad inferiora (anima). » ATGUSTIN

EnarraintPsaLXX

KI

prona

n CCM

fertur in

EXT

p. 1251 : « Quod uero adiungit : ‘ Et compeditos corde in sapientia ”, alii codices non habent ‘ compeditos ”, sed ‘ eruditos ;

…Sed cum illi erudiantur in sapientia, qui iniciunt, sicut scriptum est, ‘ pedem in compedes eius ” (Eccli VI, 25) — non utique pedem corporis, sed pedem cordis — et eius welut aureis uinculis illigati a uia Dei non exorbitant. » Arnobiana, dans Vigiliae christianae, t. VI, 1952, p. 226 (cf. aussi en faveur d’une source unique). Une idée connexe reparaît dans le 43 a, éd. Rivaud, p. 159: «eic Tadrdv Tà Axu6avéueva ovvexdAwv, &Avrtotg olc œÜrtoi ouvelyovto deouoic, &AAX O1 outxpOTNTE dopérois Yéupoié

ovvrhxovtec », traduit par Cicéron,

p. 228, 17 : « crebris quasi

18, éd. Villeneuve,

cuneolis

Tim., XIII, 47, éd. C.F.W.

inliquefactis. » Cf. Horace,

p. 47 (à propos de Fortuna) : «Te semper anteit serua Necessitas clauos trabalis et cuneos manu gestans

aenea

nec

seuerus

uncus abest liquidumque (1) P. Hapor, art. cité, p. 220.

plumbum. »

p. 212 T'imée, où Toic Tuxvoic Müller,

Odes,

I, 35,

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME AMBROSIEN IV. — AMBROISE

LECTEUR

345

DE MACROBE

Outre les néo-platoniciens grecs, je crois pouvoir montrer qu'Ambroise connaît aussi le néo-platonisme latin, ce qui n’a rien en soi de surprenant puisque Milan apparaît de plus en plus comme un foyer de platonisme à la fin du 1ve siècle! Il suffit pour s’en convaincre, de lire son développement sur l’harmonie des sphères (textes du tableau au verso). I1 me paraît clair, en effet, qu'Ambroise compile dans cette

page trois sources distinctes, que nous avons la chance de posséder

toutes

: Basile,

Cicéron

et Macrobe.

L/Hexaemeron

de

Basile lui fournit la trame habituelle de son propre Exameron (caractères grecs espacés). Mais l'exposé de Basile sur l'harmonie des sphères a évoqué pour Ambroise le passage correspondant du Songe de Scipion (italiques). Il a d'autre part sous les yeux Macrobe (petites capitales) : celui-ci seul rend compte de plusieurs expressions qui ne figurent ni chez Basile et son Eustathe?,

traducteur

ni chez

Cicéron

et son

commentateur

Favonius Eulogius’, ni chez les divers auteurs latins qui ont parlé de l’harmonie des sphèrest ou des cataractes du Nip. Ces trois «sources » : Basile, Cicéron, Macrobe, curieusement entre-

lacées, soutiennent à elles seules toute la page ambrosienne et (1) Cf. ci-dessus, p. 106-175 ; J.-H. Waszinx, éd. de Calcidius, LondresLeyde, 1962, p. xvi ; À. SoriGNAG, notes aux Confessions, t. IT, Paris, 1962, p. 529-536. (2) Eusrarme,

ner,

Hexaemeron,

p. 161-170,

cet Eustathe

(3) Favonius Leipzig,

1901,

l'harmonie

serait

un

Italien

Wissenschajt, écrivant

Eurocrus, Disputatio de Somnio p. Be te

Pre

895 A-B. Selon B. Arra-

dans P.G., t. XXX,

dans Zeitschrift für neutestamentliche Me 20

emploie

vers

t. XXXIX,

1940,

l’an 400.

Scipionis, éd. A. Holder, constamment,

des sphères, modulatio et non modulamen.

Au

à propos

de

contraire, modu-

131, 10. lamen reparaît chez Macrose, In somn. Scip., Il, 12, 3, p. 17 ; Asclé(4) Apurée, De mundo, XXIX, 355, éd. P. Thomas, p. 165, éd. J.H. Waspius, 38, éd. Nock, p. 349, 5; Carcrnrus, In Tim. XLV,

Ars gramm., éd. H. Keil, t. VI, p. 60, zink, p. 93, 16 ; Marius Vicrorinus,

dt, p. 17 .HE2e 5: Manrranus Capezra, De nuptiis, I, 27, éd. Eyssenhar C.S.E.L., Craupranus Mamerrus, De statu animae, I, 8, éd. Engelbrecht, 20 et suiv. Cf. 187, p. Friedlein, éd. musica, De Boëce, 6; 47, p. XI, t. p. 8-17. P. Dunem, Le système du monde, t. IT, Paris, 1914,

(5) Sénèque, Nat. quaest., IV, 2, 5; Epist., LVI, 2; Pre L'ANCIEN, ; AMMIEN Nat. hist, V, 54, et VI, 181, éd. Mayhofi, p. 383, 15 et 506, 13 S'ils emMarcezzin, Res gestae, XXII, 15, 9, éd. Gardthausen, p. 298, 3. ploient fragor, ce n’est pas en rapport avec conlisio.

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ASPECTS

VARIÉS

DU

PLATONISME

AMBROSIEN

347

ne permettent pas d'imaginer ici! une autre source encore qui serait l’'Hexaemeron perdu d’Origène?. Qu’'Ambroise utilise à la fois le Songe de Scipion et le Commentaire de Macrobe, voilà qui n’a rien de surprenant, puisque l’un et l’autre ouvrage sont constamment liés dans la tradition manuscrite. Le cas est le même que celui de Boèce utilisant simultanément l’un et l’autre, comme je l’ai montré depuis longtemps déjà. Le fait neuf et non dénué d'intérêt pour l'histoire littéraire, c’est de voir Ambroise lecteur de Macrobe.

D'abord parce que les dates de Macrobe étaient très incertaines ; nous voici sûrs désormais que le Commentaire sur le songe de Scipion est non pas du début du ve sièclet, mais antérieur à 386, date de l’Exameron d’Ambroiseÿ. D'autre part, il est curieux de voir Ambroise, que l’on savait déjà disciple de Simplicien (lui-même auditeur et ami de Marius Victorinus), en possession de l’œuvre toute récente du païen Macrobe. Tandis que Schedler faisait commencer au vie siècle le « Fortleben »

(1) Comme

proposait

4, p. x1v, et comme

timidement

assure,

Scnenxz,

dans

sans plus de preuve,

C.S.E.L.,

t. XXXII,

M. FuxrMANN,

Macrobius

und Ambrosius, dans Philologus, t. CVII, 1963, p. 306. M. Krein, Meletemata Ambrosiana, Diss. Kônigsberg, 1927, p. 80, conjecturait pour source le commentaire perdu d’Hippolyte sur la Genèse, sans preuve non plus. (2) Ambroise l’a d’ailleurs connu, puisqu'il le combat dans le De Abraham, II, 8, 54, p. 608, 4 : « Denique uocem alarum audisse se dicit propheta. Istae alae uirtutes sunt, quae maximo et duplici plausu prudentiae fortitudinis temperantiae iustitiae suauem decorem, uitae cantilenam resultant. Plato autem dulces quosdam sonitus siderum mutuauit sphaerae caelestis generari conuersione (cf. PLaron, Tim., 37 b-c, 40 a-b), famam magis et pompam quam ueritatem secutus. Nam licet Origenes quoque noster, hoc est ecclesiastico uir officio deditus, planetarum stellarum quandam inenarrabilem

motu

armoniam

esse

suauissimi

illius soni

etiam ipsum plurimum indulgere philosophorum scripta testantur. » (3) Les Lettres grecques en Occident, p. 282. (4) Cf. Scmanz,

Rôm.

Litt., t. IV, 2, p. 191

caelestis

adserat,

traditioni

; A. Cameron,

tamen

pleraque

elus

The Daie and

Identity of Macrobius, dans Journal of Roman Studies, t. LVI, 1966, p. 2538. Si, comme on pense d'ordinaire, il faut identifier notre Macrobe avec le haut fonctionnaire du même nom dont la carrière est connue de 399 à 429, il en résulterait que l’activité philosophique de Macrobe a précédé de plus de treize ans le début de cette carrière (cas un peu analogue à celui de Mallius Theodorus). (5) Selon Wilbrand et moi-même, ci-dessus, p. 101. Palanque a d’abord proposé 387, puis s’est rallié à mes vues, dans Revue d'histoire de l'Eglise de France,

t. XXXVIII,

1952,

p. 1384.

348

APPENDICE

de Macrobe!,

IV

son premier lecteur connu sera désormais son con-

temporain Ambroise. Il devient donc très probable que les néoplatoniciens réfutés par Ambroise dans son De phlosophia perdu? soient essentiellement Macrobe et les Romains de son entourage. Ces constatations incitent à des recherches ultérieures en vue de découvrir s’il n'existe pas d’autres parallèles entre Ambroise et Macrobe. Je ne puis indiquer ici que les premiers résultats de cette enquête. D'abord, il est vraisemblable que, 1à où Ambroise suit le Songe de Scipion, Il lit en même temps chaque fois le commentaire de Macrobe. C'est le cas, semblet-il, pour la conclusion du De Caïn et Abel sur l'incorruptibilité de l’Âmeÿ. De plus, comme

Schenkl l'avait déjà noté”, leurs

(1) M. Scaeprer, Die Philosophie des Macrobius und ihr Einfluss auf die Wissenschaft des Mittelalters, dans Beitrâge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, t. XIII, 1, 1916. Selon mon article La vision cosmique dans

de s. Benoît,

des études

Revue

augustiniennes,

117, Grégoire le Grand a lu le Commentaire

t. XIII,

1967,

p. 97-

de Macrobe.

(2) Cf. AueusrTi, Contra Tulianum, Il, 7, 19, P.L., t. XLIV, 686 ; Epist. ad Paulinum Nolanum XXXI, 8, C.S.E.L., t. XXXIV, 2, p. 8, 2 (textes

cités et commentés ci-dessus, p. 95). (8) Macrose, In Somn. Scip., I, 9, &, p. 40, 21 : « Absolutionem

cor-

poris perhorrescit et cum necesse est non nisi ‘ cum gemitu fugit indignata sub

umbras”’

1,10,

tem

(Aen.,

XII,

5, p. 42, 23:

interrogatione

de

mortalitate tractatur...

952). »

«In

hac

animae ‘ Immo

au-

imuero,

inquit, hi wiuunt, qui e corporum uinclis tamquam e carcere euolauerunt ” uestra uero quae dicitur esse uita mors est ” (Cic., Somn. Scip., IIT, 14). Si ad inferos meare mors est, et uita

esse cum superis, facile discernis quae mors animae, quae uita credenda sit, si constiterit qui locus habendus sit

Amgroise, De Caïn et Abel, II, 9, 36, p. 407, 8 : « Inseritur hoc loco

dogma de incorruptione animae, quod ipsa uera et beata uita sit, quam unusquisque bene conscius uiuit multo purius ac beatius, cum huius carnis anima nostra deposuerit inuolucrum et quodam carcere isto fuerit absoluta corporeo, in illum superiorem reuolans

locum,

unde

nostris

infusa

uisceribus conpassione corporis huius ingemuit, donec commissi gubernaculi munus impleret, ut carnis huius inrationabiles motus rationabili ductu regeret et coherceret. »

(Cf. De bono mortis, II, 5, p. 706, 8 : « Sunt enim uelut uincula quaedam corporis huius…. Denique in truditur, mori, cum ab hoc procul exitu ipso uidemus quemadmodum est, uita frui et uere superesse creanima decedentis soluat se uinculis datur. » carnis et ore emissa euolel tanquam I, 11,8, p. 47, 4 : «Elysios esse camcarcereo corporis huius exuta gurpos puris animis deputatos antiquigustio.) » tas nobis intellegendum reliquit. » La phrase d'Ambroise : « donec commissi gubernaculi munus impleret »

inferorum,

ut anima,

dum

correspond

à Cic., Somn.

ad hunc

Scip., III, 15, ap. Macros,

«ne munus adsignatum a Deo defugisse uideamini. » (4) Scnenxz, dans C.S.E.L., t. XXXII, 1, p. xxv.

I, 13, 5, p. 52, 10

:

349

AMBROSIEN

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

doxographies relatives à l’âme sont étonnamment proches entre elles!, plus proches assurément que de Cicéron’, Tertullien® ou Plotin: ; aucun auteur, chez Ambroise, qui ne soit men-

tionné déjà dans la liste de Macrobe ; je ne crois pas téméraire de dire qu'Ambroise, sur ce point aussi, dépend directement de Macrobe. Certaines des interprétations virgiliennes d’Ambroise, notamment en ce qui concerne le livre VI, relatif à l'au-delà, me semblent également empruntées à Macrobe’. Dans le même (1) Macros,

In

Somn.

Scip.,

I,

4%, 19, p. 58, 28 : « Non ab re est ut haec de anima disputatio in fine sententias omnium, qui de anima uidentur pronuntiasse, contineat. Plato dixit animam essentiam se mouentem….,

Aristoteles

èvre-

Philolaus et Réyerav, Pythagoras harmoniam.…., Hippocrates spiritum tenuem per corpus omne dispersum Anaximenes ignem, …Hipparchus aera, Empedocles et Critias sanguinem. »

Amgroïse, 478, 3 :

De Noe, XXV,

92, p.

«Moyses informauit nos atque instruxit de insufflatione animae, ut non laberemur opinionibus diuersis philosophorum ,qui sibi ipsi constare non possunt. Plerique enim uaria senserunt,

uti

Critias

et

eius

disci-

puli sanguinem esse animam dicentes.., Hippocrates autem, etsi Critiae non improbauit ingenium nec disputationem eius redarguit, tamen sententiae non adquieuit. Aristoteles endelechiam dixit, ignem alii uoluerunt. » De

Isaac,

Il, 3, 4, p. 644,

23

:

« Non ergo sanguis anima quia carnis est sanguis, neque armonia anima, quia et huiusmodi armonia carnis-est, neque aer anima quia aliud est flatilis spiritus, neque ignis anima neque entelechia anima, sed anima est uiuens quia factus est Adam in animam uiuentem. » clas, Je saisis mal l'opinion de J. Fonraiwrs Isidore de Séville et la culture sique….,

t. IT, p. 682, n. 3, selon

qui Ambroise,

contrairement

à Macrobe,

énumération. ne présente pas l’opinion de Critias au sein d’une abondante , In Somn., Voir aussi, sur l'âme œdroxivnrov selon Platon, Macrosr II, 13-16, et AMBROISE, Epist. ad 1074 B (1119 C); cf. H. Drers, 213, et ci-dessous, p. 394, n. 3. (2) CrcÉRoN, Tusculanes, I, 9, (8) Terruzzten, De anima, V,

(4) Porn, De

Horontianum, NXOSCIN AE INPI RTE Doxographi Graeci, Berlin, 1929, p. 212-

18 et suiv., éd. Fohlen-Humbert, 2, éd. Waszink, p. 6, 6.

p. 15.

Enn., IV, 7, 84, éd. Bréhier, p. 202 et suiv.

et suiv., et AMBROISE, (5) CE Macros, In Somn., I, 10, 9, p. 43, 16 731, 23 et suiv. Textes bono mortis, VIII, 33, C.S.E.L., t. XXXII, 1, p.

virgiliens, dans cités dans mon article Les Pères de l'Eglise devant les enfers Archives d'histoire doctrinale p. 27, n. 1, et Peu 11

et littéraire

du

Moyen

Age,

t. XXII,

1955,

350

APPENDICE

IV

développement de Macrobe, nous trouvons un long tableau des peines du Tartare, qui pourrait avoir inspiré une page du De bono

mortis

d'Ambroise

: tous

deux

suivent,

selon un

ordre

analogue, la description virgilienne qu'ils qualifient « fabuleuse »!, et tous deux modifient de façon identique une expression du poète. Dans un autre sermon, Ambroise songe sans doute au même chapitre de Macrobe, lorsqu'il fait une allusion expresse à l’interprétation étymologique que les philosophes païens proposent du mythe de Dis ; il y substitue ingénieusement

son interpré-

tation personnelle, à savoir que les richesses causent la mort. Le développement de Macrobe où figure ce paragraphe relatif à Dis paraît être à l’origine de la classification ambrosienne des différentes sortes de morts. Macrobe propose, à quelques pages d'intervalle, deux divisions qu’il attribue chacune à Platon et qui se complètent l’une l’autre. D'abord, au sens le plus usuel du terme, la mort est celle de l’être animé dont les deux

éléments,

âme et corps, se séparent ; au sens philosophique,

(1) Comparer Macrose,

p. 43, 20 fabulosa ; 28 Cocytum ; 31 poenarum;

32 uulturem ; k4, 1 uiscera ; 7 epulis ; 15 saxum ; 18 capitibus

imminere;

et Amgroise, p. 732, 5 poenas ; 5 Cocyt ; 7 uiscera ; 8 uultur ; 10 saxi desuper inminentis super capita ; 732, 11 epulas ; 12 fabularum. (2) Capitibus imminere (Macrobe) et inminentis super capita (Ambroise), alors qu’Aen., VI, 602-603, porte simplement : quos super... immunet. (3) Macrose, Somn., I, 11, 2-4, Amgroise, De Nabuthae, VI, 28, CESSE EC NTI M PERDRE p. 45, 16 : « Ignoratur a plurimis cur eundem mortis deum modo Ditem modo immitem uocemus, cum per alteram, id est animalis, mortem absolu animam et ad ueras naturae diuitias atque ad propriam libertatem remitti

faustum

nomen

per alteram

uero,

existimatur,

animam

indicio

quae de

uulgo

« Ipsum nomen considera. Ditem dicunt gentiles inferi praesulem, arbitrum mortis. Ditem appellant et diuitem, quod nisi mortem diues inferre non nouerit, cui regnum de mortuis, cui sedes inferna sint. »

sit,

uita

De

Isaac,

VIII,

79, p. 699,

22

« (Mors) requies est corporis, animae autem uel libertas uel absoluiio. »

inmortali-

tatis suae luce ad quasdam tenebras mortis impelli uocabuli testemur horrore... Certam mundi istius partem Ditis sedem ïd est inferos uocauerunt (Platonici). » La

source

lointaine

de Macrobe

paraît

être

PLaron,

Cratyle

403

e. Les

autres textes latins relatifs à cette étymologie de Dis (Cicéron, De natura deorum,

II, 26, 66 ; Quinrixren,

gnion (XXVII),

13, M.G.H.,

Inst.

or.,

I, 6, 34;

Ausone,

T'echnopae-

Auct. ant., t. V, p. 139, 16) sont beaucoup

plus éloignés d’Ambroise que n’est Macrobe.

:

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME AMBROSIEN

351

au contraire, la mort s'applique à la « mort de l’âme », c’està-dire à ce que le commun appelle la vie : sa descente et sa dispersion dans les membres corporelst. Un peu plus loin, Macrobe revient sur ce schéma et précise que la mort de l’être animé se subdivise elle-même en deux catégories : l’une est le fait de la nature, l’autre le fait des vertus ; cette mort acquise par vertu, tout autre que la mort « naturelle », est celle dont

Platon fait l’éloge dans le Phédon en déclarant que le sage s'exerce à mourir’. Ambroise, si je ne me trompe, a goûté ce schéma et cherché à la fois à confirmer, illustrer et transcender l'autorité de Pla-

ton au moyen de références scripturaires qu’il est allé puiser chez Origène, Entretien avec Hérachide&. Il distingue d’après celui-ci trois sortes de morts, qu’il présente selon le cas dans ordre

un

ou

(1) Macrose,

dans Somn.,

l’une

l’autre,

l’autre

bonne,

I, 10, 17 et suiv.,

mauvaise,

p. 45, 3 : « Quid

la

aliud intelle-

gendum est quam mori animam cum ad corporis inferna demergitur, uiuere autem cum ad supera post corpus euadit ? Dicendum est quid his postea ueri sollicitior inquisitor philosophiae cultus adiecerit. Nam et qui primum Pythagoram et qui postea Platonem secuti sunt, duas esse mortes, unam animae, animalis alteram prodiderunt, mori animal cum anima discedit e corpore, ipsam uero animam mori adserentes cum a simplici et indiuiduo fonte naturae in membra corporea dissipatur., Et quia una ex his manifesta et omnibus

nota

est, altera non

uitam esse credentibus, Ditem,

nisi a sapientibus

deprehensa,

ceteris eam

ideo hoc ignoratur a plurimis, cur eundem

modo

immitem

uocemus.…

deum

modo

Haec

sibi ergo contraria uidentur,

sed non

mortes,

quarum

mortis

»

(2) Jbid., I, 13, 5, p. 52, 10 : « Haec secta et praeceptio Platonis est, qui in Phaedone definit homini non esse sua sponte moriendum. Sed in eodem tamen dialogo idem dicit mortem philosophantibus adpetendam et ipsam philosophiam meditationem esse moriendi (Phédon, 64 a, 67 d-e; 80 e). ita est, Nam

Plato duas mortes

hominis nouit. Nec hoc nunc repeto, quod superius dictum est, duas esse mortes, unam animae, animalis alteram : sed ipsius quoque animalis, hoc est hominis,

duas

adserit

unam

natura,

uirtutes

alteram

praestant. Homo enim moritur cum anima corpus relinquit solutum lege in naturae (cf. Phédon, 64 c ; 67 d) : mori etiam dicitur cum anima adhuc et corpore constituta corporeas inlecebras philosophia docente contemnit hoc Et passiones. exuitur omnes reliquasque insidias dulces cupiditatum est quod superius ex secundo uirtutum ordine, quae solis philosophantibus aptae sunt, euenire signauimus » (cf. Phédon, 67 d-e; P. Henry, Plotin et l'Occident, p. 171). (3) Comme je l’ai fait remarquer dans Revue 1951, p. 173. Cette suggestion a été retenue et par H.-Ch. Purcm et P. Hapor, L'Entretien le commentaire de s. Ambroise sur l’évangile de tianae, t. XIII, 1959, p. 204-234.

des études anciennes, t. LITT, magnifiquement développée d’Origène avec Héraclide et s. Luc, dans Vigiliae chris-

352

APPENDICE

IV

troisième de caractère intermédiaire : celle-ci est la mort « naturelle », séparation de l’âme et du corps qui met un terme à notre vie d’ici-bas ; les deux autres sont la mort « pénale » ou « mort de l’âme » du fait du péché, et la mort « spirituelle »

ou « mystique » qui consiste, au contraire, à mourir au péché. Ambroise tient beaucoup à ce schéma et à cette doctrine, car il l’expose plus d’une fois!. Comme le parallèle avec Macrobe (1) De excessu fratris, IT, 35, p. 268, 1 : «‘ Cottidie

morior ’,

Apostolus dicit (1 Cor., XV,

31), melius

quam

ili, qui meditationem mortis philosophiam esse dixerunt (Phédon, 67 d-e) ; ill enim studium praedicarunt, hic usum ipsum mortis exercuit.. Quid autem est mortis meditatio nisi quaedam corporis et animae segregatio, quia mors ipsa non aliud quam corporis atque animae secessio definitur. Sed hoc secundum communem opinionem, secundum Scripturas autem triplicem mortem accipimus, unam cum morimur peccato, Deo uiuimus beata igitur mors, quae culpae refuga, Domino

dedita,a

mortali nos separat, inmortali nos consecrat. Alia mors est uitae huius excessus, qua mortuus est patriarcha Dauid, et sepulti sunt cum patribus suis, cum anima nexu corporis liberatur. Tertia mors est, de qua dictum est : ‘ Dimitte mortuos sepelire mortuos suos?

In Lucam, p. 297, 18

VII, 35,

« Quomodo autem mortui sepelire mortuos possunt (cf. Matth. VIII,

22),

nisi

gemi-

nam hic intellegas mortem, unam

teram etiam

qua Deo tus, tuus

naturae,

culpae mors

?

tertia,

al-

Est in

peccato morimur, uiuimus sicutChrisqui peccato morest : ‘ Quod enim

mortuus mortuus

est est

peccato semel,

quod autem uiuit uiuit Deo (Rom., VI, 10) :. Vna est igitur mors, qua copula corporis et animae separatur, non formidabilis non timenda, cum discessio quaedam nostri uideatur esse, non poena, non metuenda

fortibus,

de-

sideranda sapientibus, miseris expetenda, de qua dictum est : ‘ Quaerent homines mortem et non inuenient eam ? (Apoc., IX, 6). Est et alia, quae saecularium adferat interitum uoluptatum, in qua non natura, sed delicta moriuntur ; hanc mortem

subimus ‘ consepulti in baptismo et mortui cum Christo

De bono mortis, II, 3,

p. 704, 10 :

(Rom., VI,

« Sed mortis tria sunt genera. Una mors peccati, de qua scriptum : « Anima quae peccat ipsa morietur (Ezech., XVIII, 4). » Alia mors mystica, quando quis peccato moritur et Deo uiuit, de quo ait item Apostolus : ‘ Consepulti enim sumus cum illo per baptismum in mortem (Rom., VI, 4)’. Tertia mors, qua cursum uitae huius et munus explemus, id est animae corporisque secessio. Aduertimus igitur quod una mors sit mala, si propter peccata

moriamur,

alia

mors bona sit, qua is qui fuerit mortuus iustificatus

est a peccato,

tertia mors media sit...» De philosophia, ap. AuœusTiN, Contra lulianum, III, 6, 14, P.L., t. XLIV, 683 : « Beata

igitur mors quae nos peccato eripit ut reformet Deo mors mystica.

»

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME AMBROSIEN

353

n'est pas littéral, je n’oserais garantir qu'Ambroise, sur ce point, dépende de Macrobe ; toutefois, il paraît plus proche de lui que de Porphyre ou Proclus!. Il était assurément facile d'adapter ce schéma, comme fait Ambroise, à la doctrine chrétienne. Les quatre enquêtes qui précèdent font voir qu'il est relativement aisé de découvrir les sources d’Ambroise,

tant il tra-

vaille vite et les laisse transparaître à travers sa prose. Elles montrent aussi combien il est profondément imprégné de platonisme par les voies les plus diverses, lors même qu'il s’en défend.

La

recherche

doit s'orienter,

non

seulement

vers

les

exégètes bibliques Philon et Origène, comme on l’a fait jusqu'ici, mais aussi vers les textes profanes grecs et latins, anciens ou récents : Platon, Apulée, Plotin, Porphyre, Macrobe, sans que l’un exclue l’autre : car la culture d’Ambroise est vaste, ce

qui explique et excuse peut-être qu’elle ne soit pas vraiment digérée et intimement assimilée. Le rapport entre Ambroise et Macrobe est particulièrement suggestif, puisqu'il nous révèle un nouveau (Matth, morte

contact VIII,

non

direct,

22). Ea

solum

caro,

sed etiam anima moritur. ‘ Anima enim quae peccat ipsa morietur ? (Ezech., XVIII, 4). Moritur enim Domino, non naturae infirmitate, sed

culpae. Sed haec mors non perfunctio huius est uitae, sed lapsus erroris. Vna ergo est mors spiritalis, alia naturalis,

tertia

poenalis. quae

Sed

natura-

lis, eadem poenalis ; non enim pro poena Dominus, sed pro remedio dedit mortem. »

par action

et réaction,

entre l’hellé-

4) ? ab elementis huius mundi cum actus patimur prioris obliuia…. Est et tertia mors quando Christus, qui est uita nostra,

nescitur ; scire

autem Christum uita est sempiterna.. Dulcis illa uita est quae non habet

mortem;

haec

enim uita corporis habet mortem sorte naturae, quae plerumque etiam desideratur. Habet etiam ipsa anima plerumque mortem labe peccati. ‘ Anima enim quae peccat ipsa morietur” (Ezech., XVIII, 4).»

I, (1) Porruyre, Sententiae, 9, éd. Mommert, p. 2, 13 et ap. STOBÉE, 41 b, 49, 59, éd. Wachsmuth, t. I, p. 445, 7 et suiv. ; Procrus, In Tim., grecques en éd. Diehl, t. III, p. 219, 7 et suiv.; COURCELLE, Les Lettres 4933; Halle, Augustin, und Porphyrios Teirer, Occident, p. 27-28. W. comme p. 24, n. 1, et Gnomon, t. XXV, 1953, p. 115, admettait Porphyre

source

commune

à Macrobe

et Ambroise.

Hypothèse

défendable.

354

APPENDICE

à Milan,

chrétienne,

païen et la pensée

nisme

IV

en

386, c’est-

à-dire au lieu et à la date mêmes où saint Augustin découvrit le néo-platonisme.

V. — AMBROISE

AU PLATONISME

FACE

ANTICHRÉTIEN

Malgré ses emprunts nombreux et prolongés à Apulée, Plotin, Porphyre et Macrobe, Ambroise tait ses sources platoniciennes. Il ne mentionne les philosophes, à l'ordinaire, et ne nomme Platon lui-même que pour les montrer postérieurs et inférieurs à Moïse ou aux prophètes qu’ils auraient pillés!. Il n’hésite pas à tourner en dérision la doctrine des Idées’ ou telle preuve platonicienne de l’immortalité de l’âme*. Pour comprendre une attitude si choquante, songeons que bon nombre de Néo-platoniciens, depuis Porphyre jusqu’en cette fin du rve siècle — et à Milan même — luttaient contre le christianisme

de manière

directe,

diffuse

ou

occulte.

L'un

(1) Voir ci-dessus, p. 137 et 174. (2) Amsrorse,

De

fide, IV, 4, 46, 67, C.S.E.L.,

t. LXXVIII,

p.

173

:

« Nisi forte philosophicas tibi ideas Platonica illa disputatione praestituunt, quas ab ipsis tamen philosophis scimus inrisas. » (Cf. G. Mapec, c.r. de J. Pépin, Théologie cosmique et théologie chrétienne, dans Revue des études augustiniennes, t. XII, 1966, p. 283). (3) Amgroise, De excessu fratris, II, 126, 8, CSS.

« Quae ueritas ut, quia ipsa se moueat talis esse

credatur

? »; Epist.

LP

et semper moueatur

ad Horontianum,

XXXIV,

EXETE

p.320

anima,

immor-

1, P.L.,

t. XIV,

1119C : « Quaesisti a me, utrum anima coelestis esse uideatur substantiae ; non enim aut sanguinem aut ignem aut neruorum harmoniam animam putas, ut uulgus philosophorum interpretatur ; aut, ut illa patricia quaedam eorum proposapia Platonis disputat, quod ipsum se mouet et non mouetur

ab alio, ipsa tibi anima

uidetur ; uel certe,

ut Aristoteles

acri in-

genio quintum quoddam elementi genus induxit, probasti, id est ëvreléXEuXV, ex quo componeres et uelut fingeres animae substantiam » ; cf. Macrose,

In somn.

Scip., II, 3, 9, éd. Willis, p. 134, 17 : « His praemissis

iam quibus syllogismis de immortalitate animae diuersi sectatores Platonis ratiocinati sunt oportet aperiri... Secundus ita : ‘ Anima semper moueiur, quod autem semper mouetur immortale est ; igitur anima immortalis est. Sed harum omnium ratiocinationum apud eum potest postrema conclusio de animae immortalitate constare, qui primam propositionem, id est ex se moueri animam, non refellit ; hac enim in fide non recepta, debilia fiunt omnia quae sequuntur » (avec mention d’Aristote) ; p. 140, 17 : « Quisque magnorum uirorum qui se Platonicos esse gloriabantur » annonce l’expression prosapia Platonis d’Ambroise.

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

355

des témoins les plus sûrs à ce sujet est Ambroïse lui-mêmet!, I1 a connu directement ces aristocrates pour lesquels le conservatisme religieux s’alliait avec les traditions ancestrales et nationales ; il décrit leur psychologie. Sa controverse avec Symmaque, touchant l’autel de la Victoire, est trop connue A

pour

que j'y insiste longuement.

Symmaque,

dans sa Relato,

rappelait que chaque peuple, comme chaque individu, reçoit de l’Intelligence divine son génie protecteur, marqué par le destin ; il assurait que cette protection s'était manifestée tout au long de l’histoire nationale et qu'il ne fallait pas interrompre les cultes transmis de génération en génération. Il faisait dire à Rome elle-même, sous forme de prosopopée : « Empereurs (1) Cf. mes art. Propos antichrétiens rapportés par s. Augustin, dans Recherches augustiniennes, t. I, 1958, p. 149-186 ; Critiques exégétiques et arguments antichrétiens rapportés par Ambrosiaster, dans Vigiliae christianae, t. XIII, 1959, p. 133-169. Je n’ai rien trouvé sur ce sujet précis chez J. MEsor, Die Heidenbekehrung bei Ambrosius von Mailand (Neue Zeitschrift für (Schweiz), 7, Schôneck/Beckenried supplementum Missionswissenschaft, 4958, qui contient pourtant, p. 56-58, d'excellents développements sur les sermons d'Ambroise à l’usage des païens. (2) Amsroise, In Psalm. CXVIII, 16, 45, C.S.E.L., t. LXIT, p. 377, 5 : « Sunt

etiam

qui, dum

maiïorum

suorum

statum

secuntur,

ueluti

digna

conuersatione contenti nec errores quidem patrios existiment declinandos, ut fide mutandam perfidiam non arbitrentur, cum in melius mutare propositum non leuitas, sed uirtus, neque culpa, sed gratia sit. » (3) Symmaour, Relatio, c. 8, éd. Lavarenne (au tome III des Œuvres de Prudence), p. 109 : « Suus cuique mos, suus ritus est : uarios custodes urbibus eultus mens diuina distribuit ; ut animae nascentibus, ita populis fatales genii diuiduntur. Accedit utilitas, quae maxime homini deos adserit. Nam cum ratio omnis in operto sit, unde rectius quam de memoria atque documentis rerum secundarum cognitio uenit numinum ? Jam si longa aetas auctoritatem religionibus faciat, seruanda est tot saeculis fides et sequendi sunt nobis parentes, qui secuti sunt feliciter suos. » Sur la théorie hermétiste

et néo-platonicienne

Nock-Festugière,

du Génie,

t. II, p. 236, 13 ; Porpuyre,

cf. Hermetica

ap. Proczus,

II, 16, 14, éd.

In Timaeum,

des Places, 24 a, t. III, p. 152, 15 ; JAMBLIQUE, De mysteriis, V, 25, 236, éd. p. 3 ; Vessereau. éd. 15-18, I, suo, reditu De p. 180 ; Ruririus NAMATIANUS, Contra Manrranus CarezrA, De nuptiis, II, 152, p. 65, 12; Prupence,

est Symmachum, II, 71 et 370-487, p. 162 et 172, la repousse ; mais elle dogmatica, Poemata Nazianze, DE accueillie et christianisée par GréGorre LIX, VIIL, v, 25, P.G., t. XXX VII, 440, et Pseupo-Carysosrome, P.G., t. romain, paganisme du anges Les Cumonr, F. cf. Rome, à 756. Sur le génie 159-182 ; J. Dordans Revue de l’histoire des religions, t. LXXII, 1915, p. génies de Milan, Protais, et Gervais saints ambrosiennes, Perspectives anon,

CazLu, dans Revue des études augustiniennes, t. II, 1956, p. 313-334 ; J.P. Genio populi Romani, Paris, 1960, p. 105-112.

IV

APPENDICE

356

excellents entre tous, pères de la patrie, respectez ma vieillesse : ce sont mes rites pieux qui m'ont permis d'y parvenir. Laissezmoi pratiquer les cérémonies ancestrales, car je n'ai pas lieu de m'en repentir. Laissez-moi vivre selon ma coutume, car je suis libre. Cette religion a soumis l’univers à mes lois ; ces sacrifices ont repoussé Annibal de mes murailles, et les Sénons du Capitole. N’ai-je donc été sauvée que pour subir des reproches dans mon grand âge! ? » Symmaque préconise un syncrétisme selon lequel il existe toutes sortes de voies, toutes sortes de philosophies aidant à percer le mystère de la divinité ; il réclame de ce fait la tolérance?, mais concède implicitement que le christianisme puisse (1) Zbid., e. 9, p. 109 : « Optimi principum ; patres patriae, reueremini annos meos, in quos me pius ritus adduxit ! utar caerimoniis auitis, neque enim paenitet ! Viuam meo more, quia libera sum ! Hic cultus in leges meas orbem redegit, haec sacra Hannibalem a moenibus, a Capitolio Senonas reppulerunt. Ad hoc ergo seruata sum, ut longaeua reprehendar ? »; cf. AmBroise,

: « In prima

4, ibid., p. 119

XVIII,

Epist ad Valentinianum

pro-

positione, flebili Roma questu sermonis illacrimat, ueteres, ut ait, cultus ceremoniarum requirens. Haec sacra, inquit, Hannibalem a moenibus, a Capitolio Senonas reppulerunt. » (2) Symmaque,

bus pacem Eadem

Relatio,

rogamus.

spectamus

c. 10, p. 110

Aequum

: « Ergo

est, quidquid

astra, commune

caelum

düs

omnes

patrüs,

dis

colunt,

unum

est, idem nos mundus

quid interest, qua quisque prudentia uerum potest perueniri ad tam grande secretum»;

indigeti-

putari.

inuoluit

:

requirat ? Vno itinere non cf. Maxime DE Mapaurr,

Episi. ad Augustinum, 16, C.S.E.L., t. XXXIV, 1, p. 39, 18 : « Dii te seruent, per quos et eorum atque cunctorum mortalium communem patrem uniuersi mortales, quos terra sustinet, mille modis concordi discordia uene-

ramur et colimus»; LoncintEN, Epist. ad Augustinum, CCXXXIV, 2, C.S.E.L., t. LVII, p. 520, 10 : « Via est in Deum melior, qua purgati antiquorum sacrorum piis praeceptis expiationibusque purissimis et abstemis obseruationibus decocti anima et corpore constantes deproperant. » L'on ne semble pas avoir remarqué que la formule de Symmaque : « Vno itinere non potest perueniri... » est celle-même d’Auausrin, Solil. I, 13, 23, éd. Labriolle, p. 70 : « Sed non ad eam [ — sapientiam] una uia peruenitur», qu’il se reprocha ensuite comme porphyrienne, Retract. I, 4, 3, éd. Bardy, p. 290 : « Item quod dixi : ‘ Ad sapientiae coniunctionem non una uia perueniri” non bene sonat ; quasi alia uia sit praeter Christum qui dixit : ‘ Ego sum uia * (/oh. XIV, 6). Vitanda ergo erat haec offensio aurium religiosarum, quamuis alia sit illa uniuersalis uia, aliae autem uiae, de quibus

et in Psalmo

canimus : ‘ Vias

tuas,

Domine,

notas

fac mihi et semitas

tuas doce me” (Ps. XXIV, 4). Et in eo, quod ibi dictum est ‘ Penitus ista sensibilia fugienda * (Solil. I, 14, 24), cauendum fuit, ne putaremur Porphyrii falsi philosophi tenere sententiam, qua dixit omne corpus esse fugiendum ’.» Ces deux passages des Soliloques devaient remonter effectivement

à Porpayre,

De regressu,

éd. Bidez,

p. 42*

et suiv.

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

357

AMBROSIEN

être l’une de ces voies. Ambroise ne s’y trompe pas ; il reconnaît en réalité la doctrine porphyrienne, qui concède au Christ d’être un sage entre autres!, mais non un Dieu : car Dieu ne meurt pas, tandis que le Christ est mort crucifié?. Nous n'avons plus, malheureusement, le traité en plusieurs. livres où Ambroise opposait le « sacramentum regenerationis » à la philosophie platonicienne. Tout ce que nous en savons, c'est qu'il s’en prenait en réalité à des Néo-platoniciens qui présentaient l’enseignement du Christ comme une contrefaçon du platonismeÿ. Tout en se prétendant syncrétistes, ils repoussaient la divinité de Jésus et insistaient sur les deux dogmes. qui sont le moins aisément conciliables avec les dogmes chrétiens : en ce qui concerne la divinité, la polythéisme, conçu comme l'existence — au-dessous du Dieu suprême auteur des. le (1) Sur cette doctrine porphyrienne, mentionnée notamment dans ns De consensu euangelistarum d’'Augustin, cf. mes articles Propos antichrétie rapportés par s. Augustin,

dans Recherches

augustiniennes,

t. I, Paris, 1958,.

di storia p. 155-158, et Saint Augustin ‘ photinien * à Milan, dans Ricerche religiosa,

p. 63-71.

t. I, 1954,

Sur

les diverses

voies

envisagées,

cî. Por-

X, 32). pHvre, De regressu animae, éd. Bidez, p. 42* (— Augustin, Civ. Dei non (2) Amsroise, Epist. XVIII, 8-9, p. 191 : «‘ Vno, inquit, itinere id nos Dei potest perueniri ad tam grande secretum *. Quod uos ignoratis, sapienuoce cognouimus. Et quod uos suspicionibus quaeritis, nos ex ipsa uestra notia Dei et ueritate compertum habemus. Non congruunt igitur , nos ipsis biseum. Vos ‘ pacem dis” uestris ab imperatoribus obsecratis adouestrarum manuum Vos », rogamus imperatoribus a Christo ‘ pacem Deum putari. ratis opera, nos iniuriam ducimus omne quod fieri potest philosophi uestri Non uult se Deus in lapidibus coli. Denique etiam ipsi quia illum mortuum ista riserunt. Quod si uos ideo Christum Deum negatis, esse non

creditis

(nescitis enim quod mors

illa carnis fuerit, non diuinitatis,.

uobis imprudentius,. quae fecit ut credentium jam nemo moriatur), quid enim Deum liqui contumeliose colitis, et honorifice derogatis ; uestrum potuisse non mori Christum ! ia reuerent osa contumeli o gnum putatis; de ce texte, cf. P.L., creditis ; o honorifica peruicacia |»; sur les difficultés np 6121, 8nn0, mais le sens dcr, E, LAVARENN ; 23 n. 1015C, XVI, t.

s'éclaire mon

en fonction

de propos

art. cit., p. 156-157,

antichrétiens

rapportés

n. 40-46; cf. aussi Ameroise,

par Augustin ; cÎ.

In Ps. XLIIT,

72,

s gloria, ut si in mulC.S.E.L., t. LXIV, p. 313, 1 : « Est enim et confusioni crucem Christi et obiciant tibi illi et os tos gentiles incidas uel philosoph uerba referentem. » uerbis respondere non possis nec quisquam audiat salutaria (3) AuGusTIN,

Epist.

ad

Paulinum

Nolanum

XXXI,

8,

C.S.E.L.

beatissimi Ambrosii credo t. XXXIV, 2, p. 8, 2 (écrite vers 396) : « Libros desidero, quos aduersus nonmultum autem eos ; tuam atem sanctit habere Platonis libris Dominum: nullos inperitissimos et superbissimos, qui de ssime scripsit. » profecisse contendunt, diligentissime et copiosi

358 âmes

APPENDICE —

concerne

de dieux secondaires l’homme,

IV

auteurs

des corps ; en ce qui

la métempsychosel.

A défaut de ce De philosophia perdu, nous pouvons glaner à travers les traités conservés d’'Ambroise divers propos ayant trait à la polémique antichrétienne : objections faites soit directement par des païens plus ou moins imprégnés du Kara Xptoruxvüv de Porphyre?, soit par l'intermédiaire de Chrétiens sensibles à leurs arguments et en proie à des doutes. Beaucoup de critiques étaient d'ordre exégétique, sous forme d'attaques contre la Révélation judéo-chrétienne. Les récits de la Genèse donnaient matière aux dilemmes suivants : « Dieu savait-il ou ignorait-il qu'Adam transgresserait ses ordres ? Si l’on dit qu'il l’ignorait, une telle affirmation n’est pas conforme à la puissance divine. S'il le savait et a pourtant donné des ordres en sachant qu'ils seraient négligés, il n’est pas digne de la divinité de donner une injonction superflueÿ. » Cette objection, précise Ambroise, est le fait aussi bien des païens rationalistes que de certains hérétiques rebelles à l'Ancien Testament. D'autres s’en prenaient à l’histoire d'Abraham : « Comment nous proposes-tu Abraham comme modèle, lui qui a eu un fils de sa servante ? Comment

un tel héros, dont nous admi-

(1) Texte cité ci-dessous, p. 370, n. 1. (2) Il est sûr que des païens assistaient p. ex. Amgroise,

In. Ps.,

quis ex gentibus ueniens sermonem (3) Amsroise,

aux

sermons

XX XVI, 61, C.S.E.L., t. LXIV,

De paradiso

d'Ambroise ; cf, p. 118,

95 : « si

audiat nostrum. »

VIII, 38, C.S.E.L.,

t. XXXII,

1, p. 294, 9 :

« Tlterum quaestio : ‘ Sciebat praeuaricaturum Deus Adam mandata sua an nesciebat ? Si nesciebat, non est ista diuinae potestatis adsertio ; si autem sciebat et nihilominus sciens neglegenda mandauit, non est Dei aliquid superfluum praecipere. Superfluo autem praecepit primoplasto illi Adae quod eum nouerat minime seruaturum. Nihil autem Deus superfluo facit ; ergo non est scriptura ex Deo. ’ Hoc enim obiciunt qui uetus non recipiunt testamentum et has interserunt quaestiones.. Nam et ipse dominus Iesus elegit Iludam, quem proditorem sciebat. Quem si per inprudentiam electum putant, diuinae derogant potestati... Conticescant igitur repugnatores

isti ueteris

testamenti.

Sed

quoniam

etiam

gentilibus,

si forte

istud

obiecerint, respondendum uidetur, qui exemplum non accipiunt, rationem exigunt, accipiant etiam ipsi qua ratione Dei filius uel praeuaricaturo mandauerit uel elegerit proditurum... Nunc autem uterque redarguitur atque reconuincitur. » Avant de songer aux païens, Ambroise visait au premier chef APeire, Syllogismi, qu’il connaissait par le commentaire d’Origène sur la Genèse, selon Harnacx, Die gnostischen Quellen Hippolyts in seiner Hauptschrift gegen dic Häretiker, dans Texte und Untersuchungen, t. VI, 3, Leipzig, 1890, p. 116-120.

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

359

rons tant d'actions, a-t-il pu commettre cette faute ?.… Il conversait déjà avec Dieu, et il est entré chez la servante !! » La personne de David est attaquée aussi : N’est-il pas un meurtrier, un adultère ? « Quoi ? Les Chrétiens s’attachent à la pureté de conscience ; ils mettent en avant la foi, ils vénèrent la religion, ils enseignent la chasteté ; et leurs chefs ont commis des homicides et des adultères ! Ce David, de la race duquel, dites-vous, le Christ a choisi de naître, a célébré dans ses chants ses homicides et ses adultères. Tel maître, tels dis-

ciples? ». Comment Dieu aurait-il choisi un tel homme pour le faire roi et lui donner la victoire sur de nombreuses nations ». plus, le Nouveau

De

avec

utile

comme

Testament,

dit-on,

ne

: « Comment ? La circoncision

l'Ancien

dans

l'Ancien

Testament,

pas

s'accorde

est considérée

où Abraham,

le pre-

mier, recoit l’oracle divin commandant de la pratiquer. Et elle est répudiée comme inutile par le Nouveau Testament’. (1) Amsroise, De Abraham I, 4, 22, CS He COX XIE, (dl: pe 5107 (à propos de Gen. XVI) : « Sed fortasse dicat aliquis : ‘ Quomodo Abraham nobis imitandum proponis, cum de ancilla susceperit filium? Aut quid sibi hoc

uult

esse,

ut tantus

uir huic

errori fuerit

cuius

obnoxius,

tanta

opera miramur ?.. ? Mouere tamen aliquos potest quod iam cum Deo loquebatur et ad ancillam introiuit. Et tu peccasti, eum gentilis esses : habes excusationem...

Fecisti

gentilis

adulterium. » Ambroise

avoue,

11,

p. 517,

que «locum hunc.. plerique uadosum putant. » OR CXTE (2) Ammroise, Apologia prophetae Dauid T, 6, PIMOIS EL ; IT, 2, Goliath) de s’agit (il » occiderit unum quod Arguis « : 18 316, 2, p. 5, p. 361, 24 : « Gentili dico Iudaeo

dico, Christiano

dico. Et ideo mihi tri-

alius pertito distinguendus uidetur esse tractatus, unus aduersus gentiles, gentiles aduersus igitur Primus s. Christiano apud tertius aduersus Judaeos, Chrismihi sermo est, qui plerumque obiectare consuerunt : * Ecce quomodo uenerantur, Casm religione t, praeferun fidem , sequuntur iam innocent tiani fecisse produntitatem docent, quorum principes et homicidia et adulteria elegit, ipse et tur? Ipse Dauid, de cuius genere, ut dicitis, nasci Christus homicidia

sua

et adulteria

decantauit.

Quales

possunt

esse

discipuli,

quo-

rum tales magistri sunt ”. » regem fecerit uic(3) Tbid. II, 3, 20, p. 369, 3: « Miramini quod Dauid » gentiles. s aduersu Haec ?.. gentium toremque multarum (4) De Abraham,

I, 4, 29, p. 524,

3:

« Quo

loci plerosque

moueri

scio.

Si enim bona est circumcisio, hodieque teneri debuit ; si inutilis, man-

dari non debuit. Sed cum apostolus dixerit Paulus quia Abraham

Epist. ad Constantium

P.L., t. XVI, 1297C

LXXII,

1,

(éd. de 1880) :

«Non mediocris plerosque mouet quaestio, qua causa circumcisio et Veteris Testamenti auctoritate quasi utilis imperetur et Noui Testamenti magisterio quasi inutilis repudietur

360

APPENDICE

IV

Et pourquoi le signe de l'alliance divine est-il donné à propos d'un membre honteux ? Comment l’auteur de notre corps veut-il

que,

dès

notre

naissance,

son

œuvre

soit

circoncise,

blessée, ensanglantée ; que soit retranchée une partie que l’ordonnateur de toutes choses a jugé bon de faire en même temps que les autres membres ? Ou cette portion de notre corps est contre nature — et il ne fallait pas que tous les hommes aient cette portion contre nature — ou elle est conforme à la nature, et il ne convenait pas d’amputer ce qui était créé selon la perfection naturelle. » De plus, si Dieu se proposait d'appeler une foule d'hommes à pratiquer cette religion, il en eût attiré bien plus en n’en détournant pas bon nombre par le danger ou l’opprobre de la circoncision : aux yeux des païens, en effet, les circoncis sont objets de dérision. signum accepit circumeisionis (Rom. IV, 11), utique signum non ipsa res, sed alterius est rei, hoc est non ueritas, sed indicium ueritatis. »

(Act. XV, 10), cum praesertim Abraham primus oraculum circumcisionis celebrandae acceperit (Gen. XVII, 10).»

(1) Amgroise, Epist. ad Constantium 3, P.L., t. XVI, 1298A : « Cur uero signum Testamenti diuini in ea datur parte membrorum, quae uisu inhonestior aestimatur ? Aut qua gratia ipse operator corporis nostri in ipso nostrae generationis exordio circumcidi uoluit opus suum et uulnerari et cruentari, et abscidi partem quam uelut necessariam qui omnia disposuit ordinate cum caeteris membris faciendam putauit ? Aut enim praeter naturam est haec portio corporis nostri, et non oportuit habere omnes homines, quod esset praeter naturam ; aut secundum naturam est, et non decuit amputari, quod secundum naturae perfectionem creatum foret ; cum praesertim alieni a portione Domini Dei nostri id praecipue irridere soliti sint. Deinde cum propositum sit Deo, ut frequenter ipse testificatus est, plures ad sacrae obseruantiam prouocare religionis, quanto magis inuitarentur, si non aliqui circumcisionis ipsius aut periculo aut opprobrio reuocarentur.. Duplex est accusatio : una quae irrogatur a gentilibus, altera quae ab üis, qui de populo Dei sunt, aestimatur. Vehementior autem gentilium qui uiros circumcisione signatos etiam opprobrio et illusione dignos arbitrantur. Sed etiam ipsorum sapientissimi quique ita cireumcisionem approbant, ut electos suos erga cognoscenda et celebranda mysteria cireumeidendos putent... Haec aduersum eos dicta sint, qui nulla nobis unitate fidei sociantur. » A leur adresse Ambroise fait valoir que les prêtres d'Egypte et les Mages sont circoncis et que cette pratique est en usage chez les Éthiopiens, les Arabes et les Phéniciens. Ces arguments antichrétiens reparaissent aux chapitres 16, 18 et 27, où ils sont réfutés. La risposte d'Amboise s'inspire peut-être de BARNABÉ, Epist., IX, 6, éd. F.X. Funk, Opera Patrum apostolicorum, t. I, Tübingen, 1878, p. 29 (en traduction latine du 117€ s.) : « At inquies: Et uero ille populus in signum foederis circumeisus est. Verum et omnis

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISMÉ

AMBROSIEN

361

Un raisonnement analogue s’appliquait à souligner la discordance entre l'Ancien et le Nouveau Testament : «Alors que Dieu a donné la Loi à Moïse, pour quelle cause la plupart des préceptes de la Loi sont-ils aujourd'hui évacués par l’Évangile ? Comment y a-t-il un seul fondateur de l’un et l’autre Testament, alors que ce qui était licite dans la Loi n'est plus permis dans l'Evangile ? Telle la circoncision corporelle qui est un signe non rationnel. D'où vient cette opposition ? Être circoncis, qui était autrefois signe de piété, passe aujourd'hui pour impiété. L'observance de la Loi voulait que le sabbat fût férié : ramasser du bois méritait la mort. Aujourd’hui, transporter des charges, vaquer à ses affaires n’encourt aucun châtiment. La plupart des préceptes de la Loi chôment présentementi, » Et pourquoi, tandis que l'Ancien Testament prescrit ses d’être chaussé pour manger l'agneau, Jésus prescrit-il à ? disciples d’être déchaussés” Dans le même ordre d'idées, on observe ironiquement que longles justes antérieurs au Christ ont donc dû rester fort jour le vienne que e attendr à nse, récompe temps privés de du jugement. Ergo pertinent ill quoque Syrus et Arabs et omnes sacerdotes idolorum. cisionem usurpant. » ad Domini testamentum. Sed et Aegyptii circeum 1308C : (1) AMBROISE,

Epist.

ad Irenaeum

OC

26

JE

te MOMIE

Moysi dederit, quid causae « Sunt enim qui dicant : ‘ Cum legem Deus iam uacuata uidentur ? lium euange per quae sint, lege in e pleraqu ut est cum id quod licebat in nti, Testame r condito ue Et quomodo unus utriusq isio corporalis, quae circumc est ut : lege, per euangelium coeperit non licere spiritualis ueritas teneisionis circumc ut sit, data signo tune licet etiam ? Cur ista diuersitas aestimatur, retur, tamen qua ratione in ipso signo fuit impietas iudicetur? Deinde ut tune cireumeidi pietas crederetur, nunc ex lege, ita ut, si quis onus abatur obseru debere esse m sabbati diem feriatu XV, 35), nunc autem (Num. reus fieret aliquod lignorum portasset, mortis obeundis sine poena aduers negotii et is subeund s oneribu et diem ipsum sunt legis, quae praesenti tempore timus deputari. Et pleraque praecepta cessare uidentur. » XXXII, 4, p. 305, 16 : « Quod si (2) Amgroiïse, În Lucam VII, 57, t. i iubentur edere agnum (Exod. calciat to quem mouet, qua ratione in Aegyp calciamentis ad praedicandum diriXII, 41 et suiv.), apostoli autem sine » guntur (Luc X, 4; XXII, 35)... 46, GSEL (3) AMBROISE, De bono mortis X,

M XX XIEM

pee;

DE

animarum pro mptaria (Hesdras « Denique et scriptura habitacula illa querellae humanae, eo quod iusti ens occurr IV, 7, 3 ) nuncupauit, quae t ad iudicii diem per plurimum scilice qui praecesserunt uideantur usque ait coronae esse liter mirabi ri, frauda one erati remun temporis debita sibi

gimilem iudicii diem... »

362

APPENDICE

L'idée

d’un

Fils

de Dieu

IV

incarné!,

ou

encore

d’un

Dieu

nouveau-né, paraît inadmissible?. L/on raïlle le verset de saint Luc : « Jésus passait pour le fils de Joseph5. » L'on relève, dans sa généalogie selon saint Matthieu, plusieurs femmes de mauvaise viet. On souligne les discordances entre Synoptiques. Qui s’est plaint du parfum répandu sur les pieds du Christ, ses disciples ou un pharisien ?°. Le Christ a-t-il rencontré à Gérasa deux hommes ou un seul ?$ Discordances aussi entre les signes qui accompagnent la crucifixion”, entre les témoins et les circonstances de la Résurrectionÿ. On s'applique à discréditer Jésus lui-même et sonenseignement. Il a fait preuve d’imprévoyance, d’impuissance, en choisissant pour apôtre Judas, sans se douter que celui-ci allait le trahir’. Lorsqu'il promet aux Onze des demeures dans la maison de son Père, rien ne prouve qu'il songe à l’humanité

(1) Amsroise,

Apol. Dauid

II, 5, 30, p. 377, 16 : « Qui tamen

hoc

obi-

ciunt, quod Dei filius carnem suscipere non potuerit, si gentiles, quomodo, qui deos suos, quoniam homines fuisse negare non possunt, humana specie uisos esse testantur ? » (2) Amsroïse, In Lucam IT, 44, p. 66, 10 : « Istum igitur paruulum, quem tu quasi uilem, qui infidelis es, arbitraris, magi ex Oriente uenientes tam longo spatio sequebantur. » (3) Amsroise, In Lucam III, 2, p. 98 : « Neminem mouere debet quod ita scriptum est : ‘Qui putabatur esse filius Ioseph”’ (Luc III, 23). » (4) AmBroise, In Lucam III, 17, p. 110, 17 : « Plerique etiam mirantur,

cur

Thamar

mulieris

famosae,

ut

illis uidetur,

Matthaeus

conmemo-

rationem in dominica generatione contexendam putauerit, cur etiam Ruth, cur eius quoque mulieris, quae Uriae uxor fuit et occiso marito in Dauid nuptias conmigrauit, cum praesertim Sarrae et Rebeccae et Rachel, sanctarum feminarum, nusquam fecerit mentionem., » (5) Ibid. N1,118, p. 2236,01. (6) Tbid. VI, 44, p. 249, 10; cf. encore p. 295, 1 ; 349, 1 ; 499, 18 252, 6 : « Sed dicit aliqui : ‘ Cur hoc a Deo permittitur diabolo ? ’» (T)NTbIdeX, 129/p 504145, (8) Zbid. X, 147, p. 510, 24 : « Magna oritur hoc loco plerisque quaestio »; 511, 12 : « Quomodo ergo soluendum, nisi quattuor euangelistas de diuersis quattuor putes dixisse temporibus, ut et personas alias mulierum et alias conicias uisiones ?... Ne quem spinosae interpretationis in fine offendat asperitas. » (9) Texte cité ci-dessus, p. 358, n. 3. Sur le grief d’imperitia chez Au-

gustin,

p- 125,

cf. mon art. cit., p. 151, n. 9, et chez /n.71; et 149, n189.

Ambrosiaster,

mon

art. cit.,

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME AMBROSIEN

363

en général!. Défendre, comme ïl fait, de saluer personne en chemin est un précepte dur et orgueilleux, qui ne convient guère à un maître prétendu doux et humble : les païens, eux, n'hésitent pas à saluer les Chrétiens’. Quant aux Apôtres, ils sont encore plus durs lorsqu'ils interdisent aux enfants l'accès du maître. Toute la morale judéo-chrétienne est contestée. Ses préceptes sont choquants, par exemple : « Œil pour œil, dent pour dent » ou «Si ta main droite te scandalise, coupe-là{ ». Les doctrines à

du péché et du pardon sont insensées. D'abord, l’homme n’est

pas responsable de ses fautes ; ses décisions et ses actes sont excusables, car il agit sous l’empire de la nécessité : nul n'est méchant volontairement, pas même Caïn meurtrier’. Cette nécessité résulte

de notre

natiuitas,

c'est-à-dire

de notre thème

astrologique de génituref. Le pardon est inadmissible

: Dieu

(1) Amsroise, De bono mortis XII, 54, t. XXXII, 1, p. 749, 1: « Sed dicis quia solis discipulis loquebatur, quod ipsis solis spoponderit multas mansiones : igitur undecim tantum discipulis praeparabat. » (2) Ameroise, In Lucam VII, 62, p. 308, 12:«Etnem inem salutaueritisinuia (Luc X, 4). Fortasse quibusdam hoc durum et superbum nec mansueti et humilis domini praecepto conuenire uideatur, quod ille qui etiam accubitionis loco praecepit esse cedendum hoc loco mandet discipulis : Neminem salutaueritisin uia, cum iste conmunis sit usus gratiae. Sic inferiores superiorum sibi fauorem conciliare consuerunt, gentiles quoque cum Christianis habent huiusmodi officiorum conmercia (cf. Matth. V, 47). Quomodo Dominus hunc usum humanitatis auellit

? »

L

(3) Ibid. VIII, 60, p. 421, 6. si (4) Amsroise, De paradiso XII, 58, p. 318, 7 : « Sed etiam gentilis pro dentem oculo, pro Oculum : legit quis scripturas accipiat, rit te dente (Leuit. XXIV, 20), legit etiam : Si scandalizaue senintellegit non 30), V, (Matth. illam abscide tua, dextera » legisset. non si quam labitur peius arcana, sum, non aduertit diuini sermonis peccatum (5) Amsroise, De Caïn et Abel IT, 9, 27, p. 401, 22 : « Nam qui aut operis sui suum ad quandam referunt, ut gentiles adserunt, decreti causa peccati sit; necessitatem diuina arguere uidentur, quasi ipsorum uis Ea uero qui enim necessitate aliqua coactus occiderit quasi inuitus occidit. sunt nos praeter autem quae habent, non onem quae a nobis sunt excusati Ambrosiaster, excusabilia sunt.» Sur l'argument relatif au Destin, chez

cf. mon art. cit., p. 167. .,t.XXXII, (6) Amgrorse, De interpellatione Iob et Dauid, III, 5,12, C.S.E.L sibi criminum aucto2, p. 255, 13 : « Ponunt autem in caelum os suum qui Hi nec caelo nec territates natiuitatis putant quadam necessitate deferri. tur uitam hominis ris parcere solent, ut cursu quodam stellarum arbitren nt » ; De excessu relinquu moribus bonis nihil tiae, prouiden Nihil gubernari. caelique racursu solis De « : 296 p. LXXIII, fratris IT, 86, 1, C.S.E.L., t.

364

APPENDICE

IV

ne peut s’irriter, puis pardonner ; car la divinité est immuable!,

Au surplus, quel besoin de ce pardon : « Pourquoi me baptiser ? Je n’ai jamais commis un péché? » Les préceptes d’ascétisme sont particulièrement odieux à certains, et inouïs, disent-ils, au sein même de la tradition judéochrétienne : « Pourquoi nous interdis-tu, évêque, d’avoir des

boucles d’oreille et des bracelets, alors que Rébecca en reçut en don et que tu nous exhortes à imiter Rébecca ?° » Le jeûne est une novelleté. Faire l’aumône est contraire à la volonté divine : si Dieu a réduit un tel à l’indigence, c’est signe qu'il le maudit’. La virginité n’est nullement, comme s’imaginent tione philosophi disputant, et sunt qui putant his esse credendum, cum, quid loquantur, ignorent. Neque enim caelum ascenderunt, axen dimensi mundi oculis perscrutati sunt, quia nullus eorum cum Deo in principio fuit » ; In Ps. XXXVI,

in uerbis, motu

28, 2, C.S.E.L.,

ut sunt

siderum,

philosophi

de stella

t. LXIV,

p. 93, 16 : « Est quidam

istius mundi

[louis ac

Saturni.

de sacrilegiüis

diues

disputantes,

de generationibus

de

hominum,

de

simulacrorum cultu, de geometria et dialectica. Philosophi ergo in sermone diuites sunt, fidei inopes, ueritatis exsortes. Et sunt plerique simplices domini sacerdotes, in sermone pauperes, abstinentia et uirtute sublimes. Ii

multis

tunt

locuntur

perfidiam,

cotidie sacerdotes,

isti paucis

hic pauper

fidem

populos

credentium » ; I, 22, 8, p. 17, 8 : « Chaldaei

asserunt ; illi suos

adquirit

ecclesiae

sunt, qui siderum

amit-

numeroque cursus

uanae

studio superstitionis explorant et impiae serunt gentilitatis errores. » (1) Amgroiïse,

De

paenitentia

V, 21, 1, C.S.E.L.,

t. LXXIII,

p. 129



propos du Ps. LXXVI, 9-10) : « Sed aiunt ideo se ista adserere, ne mutabilem Deum facere uideantur, si his, quibus fuerit iratus, ignoscat. Quid ergo ? Repudiabimus diuina oracula et istorum opiniones sequemur ? » (2) Amgroiïse, De sacramentis III, 3, 13, ibid., p. 44 : « Sunt quidam — scio certe aliquem fuisse, qui diceret — cum illi diceremus : ‘ In hac aetate magis baptizari debes ’, dicebat ille : ‘ Quare baptizor ? Non habeo peccatum, numquid peccatum contraxi ? ’» ; cf. chez Augustin, mon art. cit., p. 171,

n. 111-113.

Sur l’attitude

de Marius

Victorinus,

cf. ci-dessous

mon Appendice V, p. 383-391. (3) Amgrorse, De Abraham IX, 89, p. 560, 5 : « Fortasse audientes haec, filiae,

quae

ad

gratiam

Domini

tenditis,

et uos

prouocemini,

ut

habeatis

inaures et uirias, et dicatis : ‘ Quomodo prohibes hoc, episcope, ut habeamus quod Rebecca accepit pro munere et hortaris ut similes simus Rebeccae ? ” Sed non has inaures Rebecca habebat et uirias, quae lites in ecclesia serere solent, quae labuntur frequenter. » (4) Amgroise, De Helia et ieiunio IV, 7, C.S.E.L., t. XX XII, 2, p. 415, 4 : «Itaque ne terrenum quis aut nouellum putet esse ieiunium, primus usus mundi a ieilunio coepit. » (5) Amgroiïse,

De

Nabuthae

NIII,

40,

ibid.,

p. 490,

8 : » Sed

fortasse

dicas quod uulgo soletis dicere : ‘ Non debemus donare si cui Deus ita maledixit, ut eum

egere

uellet ’ » ; cf. VI, 28, p. 482, 15 : « Ditem

tiles inferi praesulem,

arbitrum

dicunt

gen-

mortis ; ditem appellant et diuitem, quod

ASPECTS

VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

365

les Chrétiens, leur monopole : Vestales et prêtresses de Pallas valent bien les vierges chrétiennes ; qui plus est, leur virginité est consacrée au salut de l’État! La philosophie pythagoricienne du silence a formé aussi des vierges, et qui ont su taire héroïquement un secret’. Les vierges chrétiennes ne devraient être consacrées qu'à titre temporaire, comme c’est le cas des Vestales. Quant à la chasteté dans le mariage, elle est aunouerit,

diues inferre non

nisi mortem

cui regnum

parilis conuicia

solo tamen

naturae

a gentibus,

sed consecrata

uiolatur,

: « Hoc

203B-C

quod uirginitas affectatur

declinamus, incursatur

cui sedes

de mortuis,

inferna sint. » Chez Macrobe, cf. ci-dessus, p. 350, n. 3. (1) Amsroise, De uirginibus I, &, 14-15, P.L., t. XVI,

nescitur

a barbaris,

a reli-

quis. Quis mihi praetendit Vestae uirgines et Palladis sacerdotes ? Qualis ista est non morum pudicitia, sed annorum.» La comparaison entre les Vestales et les vierges chrétiennes est aussi le thème de la réponse d’Am-

Broise, Epist. XVIII, 11-12, p. 122, à SYMMAQUE, Relatio, 11, p. 110, qui faisait valoir, en faveur du maintien de l’immunité fiscale des Vestales,

leur « saluti publicae dicata uirginitas » ; cf. AuGusrin, Epist. ad Maximum Madaurensem

XVII,

4, C.S.E.L.,

1, p. 43, 9 : « Quod autem

t. XXXIV,

dicis eo nostris uestra sacra praeponi, quod uos publice colitis deos, nos autem secretioribus conuenticulis utimur, primo illud a te quaero, quo modo oblitus sis Liberum illum, quem paucorum sacratorum oculis committendum putatis. » (2) AmBroise,

De

I, 4, 17, P.L.,

uirginibus

t. XVI,

204B

: « Videamus

ne forte aliquam uel philosophiae praecepta formauerint, quae magisterium sibi omnium solet uindicare uirtutum. Pythagorea quaedam una ex uirgine nibus celebratur fabula, cum a tyranno cogeretur secretum prodere, linmorsu liceret, tormentis uel m. confessione quid in se ad extorquendam i guam abscidisse atque in tyranni faciem despuisse, ut qui interrogand forti tamen Eadem . interrogaret quam haberet non faciebat, finem non animo, sed tumenti utero exemplum taciturnitatis et proluuium castitatis, nostrae uicta est cupiditatibus, quae tormentis uinci nequiuit.… Quanto uirzines

fortiores,

quae

uincunt

etiam

quas

non

uident

potestates,

quibus

principe saecunon tantum de carne et sanguine, sed etiam de ipso mundi magnifiée noLaeena, de semble-t-il, s’agit, Il » ! est uictoria lique rectore

De gloria, fragm. tamment, par PLuTARQUE, De garrulitate, c. 8 ; CICÉRON, Inst, I, 20,3, C.S.E.L., 12 Müller, mais raillée comme meretrix par Lacrance, t. XXIV, p. 106,3. La t. XIX, p. 72, 13 et JÉRÔME, Chron., dans G.C.S.,

source directe d'Ambroise paraît bien être Athanase, comme Faller, éd. du De uirginibus,

dans Florilegium patristicum,

montre (contre

t. XX XI, 1933,

sur la virginité, p. 26, n. 2) Michel AUBINEAU, Les écrits de s. Athanase 166. La même dans Revue d’ascétique et de mystique, t. XXXT, 1955, p. philosophes des propos à courait héroïsme par coupée anecdote de langue Zénon

d’Élée, Anaxagore

ct Anaxarque

; cf. ma

‘ Consolation

de Philoso-

de l’éd. L. Bieler phie * dans la tradition littéraire, p. 349, n. 8, et la note 30. p. de Boëèce, C.C., t. XCIV, (3) Amgroise,

enim sumus

De

uirginitate, V, 24-26,

P.L., t. XVI,

286A

: « Accusati

‘ Viret, nisi fallor, accusatores nostri plerique de uobis sunt...

APPENDICE

366

IV

dessus des forces humaines ; c’est une chose insupportable, une

torturet. L'on se déchaîne contre les personnages en vue, tel Paulin de Nole, qui, non contents de renoncer à la vie conjugale, vendent leurs biens, prennent le froc, troquent leur rang

social contre la vie monastique : « Un homme d’une si grande famille, d’une telle noblesse, d’un tel caractère, doué de tant d’éloquence,

quitter le sénat, rompre l’ordre successoral ! C’est

un fait intolérable. » ? Ambroise précise ici que de tels propos n’émanent pas seulement de la foule, mais de hauts personnages devenus prêtres d’Isis® ou interprètes de ses mystères comme furent Plotin, Jamblique ou Marius Victorinus lui-même avant sa conversion chrétienne . L'on ajoute que beaucoup de conversions sont intéressées : certains feignent pour un temps d’être chrétiens afin d'obtenir soit une jeune fille de ses parents, soit une charge ; l’on ne recule pas alors devant les génuflexions destinées à abuser les

pouvoirs publics, et l’on revêt le christianisme comme un habit d'emprunt’.

ginitatem, inquit, doces et persuades plurimis. Initiatas, inquit, sacris mysteriis et consecratas integritati puellas nubere prohibes ’… An indignum uidetur, ut sacratae uirgines a sacrosanctis altaribus non abducantur ad nuptias ? » (1) Amgroisr, De Abraham

II, 4, 17, p. 576, 19 : « Nonne

dicit : ‘ Putaui

rem faciliorem castimoniam sequi : supra umeros meos, supra uires meas est. Rarus cui ista iungantur. Vale castitas, recede, recede de finibus sensuum meorum. Recurre cito eo unde uenisti. Non sustineo praesentiam tuam, adfligor grauibus quaestionibus, dum tenendam te arbitror, quam tenere non possum. » (2) Amsroise, Epist. ad Sabinum

LVIII, 3, P.L., t. XVI, 1229A

: « Haec

ubi audierint proceres uiri, quae loquentur ? ‘ Ex illa familia, illa prosapia, illa indole, tanta praeditum eloquentia migrasse a senatu, interceptam familiae nobis successionem *. Et cum ipsi capita et supercilia sua radant, si quando

ÎIsidis suscipiunt

sacra,

si forte

Christianus

sanctae religioni uestem mutauerit, indignum Augustin

mon

sacro-

art. cit., p. 171, n. 107-110.

(3) Voir le Carmen cultum

uir attentior

facinus appellant. » Cf. chez

conuersum,

ad quendam senatorem

v. 22 et suiv., C.S.E.L.,

ex uera religione ad idolorum t. XXTIT,

sa

p. 228, touchant

tête rasée de prêtre d’Isis (caluum) et ses prétentions philosophiques. (4) Cf. Porpuyre, Vita Plotini, X, 20, éd. Henry-Schwyzer, p. 16 ; JamBLIQUE, De mysteriis Aegyptiorum ; et sur Victorinus mes ‘ Confessions ”… dans la tradition littéraire, p. 82-88. (5) Amgroise,

In Ps.

CXVIII,

20, 48, C.S.E.L.,

t. LXII,

p. 468,

21

Quanti foris confessi sunt et intus negauerunt ! Namque uxoris ducendae gratia, quae gentili uiro a Christianis parentibus negabatur, simulata ad tempus fide plerique produntur quod foris confessi sunt intus negasse. Venit quis in ecclesiam, dum honorem affectat sub imperatoribus Christia-

:

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME AMBROSIEN

367

Du point de vue philosophique, les païens que réfute Ambroise tournent surtout leurs arguments contre les vues chrétiennes relatives à l’au-delà. La doctrine le plus attaquée est celle de la résurrection de la chair, scandale aux yeux des Athéniens dès le temps où saint Paul prêchait sur l’Aréopaget : « Comment les morts peuvent-ils ressusciter ? Avec quel corps reviennentils ? — La pourriture ne peut redevenir compacte, ni les membres dispersés se réunir, ni ce qui est consommé se restaurer. — Les hommes que la mer a engloutis, que les fauves ont déchirés,

que les bêtes ont dévorés,

ne peuvent être resti-

tués par la terre’. » Tout en s’accordant à nier la résurrection, qui est à leurs yeux

du domaine

de la poésie mythique,

ces

nis, simulata mente orationem deferre se fingit, inclinatur et solo sternitur qui genu mentis non flexerit » ; CXVIII, 3, 22, p. 53, 25 : « Inrepsit aegritudo ueteri fermento, eo quod non exuimus uel gentilem uel Iludaicam suffusionem, cum primum ueniremus ad ecclesiam... Superuestiuit ergo se aliquis, non expoliauit : serpit grauior aegritudo »; Epist. XVII, 7, éd. Lavarenne, p. 415 : « Ipsis gentilibus displicere consueuit praeuaricantis affectus ; libere enim debet defendere unusquisque fidele mentis suae et seruare propositum. » Chez Augustin, cf. mon art. cité, p. 172, n. 117 et suiv. (1) Amsroise, In Lucam, VI, 105, p. 279, 2 : « Qui enim tractat debet audientium considerare personas, ne prius inrideatur, quam audiatur. Quando enim Athenienses crederent quia Verbum caro factum est et de spiritu uirgo concepit, qui inridebant quia resurrectionem audierant mortuorum ? » (2) Zbid. VII, 129, p. 338, 15 : « Gentes huius mundi quaerunt, quomodo resurgant mortui et quali corpore ueniant»; De excessu frairis II, 54, 1, NE ER td p. 277 : « Quid dubitas de corpore corpus resurgere DOM « Sed

incredibile

« Sed

miraris

tibi uidetur,

quemadmodum

ut mortui

putrefacta

reuiuescant »;

solidentur,

II, 55, 1, p. 278

dispersa

sumpta reparentur » (cf. p. 314, 7) ; II, 58, 1, p. 280 : « Sequitur

gentiles plerumque

perturbat,

quomodo

coeant,

:

ab-

illud, quod

fieri possit, ut quod mare

absor-

buerit, ferae dilacerauerint, bestiae deuorauerint, terra restituat. » Cf. ATHÉNAGORE, De resurrectione, 4, P.G., t. VI, 982A et suiv. ; chez Ambriosaster cité, p. 163mon art. cité, p. 135, n. 15, 164, n. 163 ; chez Augustin mon art.

166. (3) Amsroise, De excessu fratris, II, 70, 1, p. 287 : « Quod si ueteres sapientes ‘satis hydri dentibus” (cf. Virc., Georg. II, 140-142) in regione Thebana

inhorruisse

armatorum

segetem

crediderunt,

cum

utique

alterius

naturae semina certum sit in naturam uerti alteram nequiuisse nec partum , ut suis discordem fuisse seminibus, ut ex serpente homines nascerentur e quaecumqu est, credendum utique magis quanto gigneretur, caro ex dentibus ossiseminata sint, in suam naturam resurgere, .…carnem de carne, os de ergo, bus, sanguinem de sanguine, umorem de umore reparari. Potestis ? adserere potestis m mutatione qui naturaë, gentiles, reformationem negare fabulis Potestis non credere oraculis, non euangelio, non prophetis, qui inanibus creditis ? ».

368

APPENDICE

IV

: les uns la

païens se divisent sur le sort de l’âme humaine croient

mortelle!,

cet anéantissement

redoutent

les autres

et

professent la métensomatose? : « Les âmes, disent-ils, sont communes aux hommes et aux bêtes ; la récompense suprême, pour les âmes des grands philosophes, est d’émigrer dans des abeilles ou des rossignols : elles qui nourrissaient le genre huDe excessu

(1) Amgroise,

: « Certe

fratris I, 71, 1, p. 245

si illi sibi ali-

qua solacia reppererunt, qui finem sensus defectumque naturae mortem arbitrati sunt, quanto magis nos, quibus meliora post mortem praemia bonorum factorum conscientia pollicetur ! Habent gentiles solacia sua, quia requiem

malorum

omnium

mortem

existimant,

et, ut uitae

carent,

fructu

ita etiam caruisse se putant omni sensu et dolore poenarum, quas in hac uita graues et adsiduas sustinemus. » (En fait, Cicéron, reproduit par Macro8E,

In Somn.

Scip. I, 4, 2, p. 478, 19, écrivait : « Sapientibus

conscien-

tia ipsa factorum egregiorum amplissimum uirtutis est praemium.» Ambroise l’oublie-t-il, ou prend-il Cicéron pour un chrétien avant la lettre ?) ; De obitu 45, 1, C.S.E.L.,

Valentiniani,

t. LXXIII,

p. 351

: « Quod

si gentes,

quae

spem resurrectionis non habent, hoc uno se consolantur, quo dicant, quod nullus post mortem sensus sit defunctorum ac per hoc nullus remaneat sensus doloris, quanto magis nos consolationem recipere debemus.. »; De bono

mortis

IV, 13, C.S.E.L.,

t. XXXII,

1, p. 714, 13 : « Quomodo

mors

mala si aut secundum gentiles sensu caret… Vbi enim nullus sensus, nullus utique iniuriae dolor, quia dolor sensus est » ; Epist. ad Ecclesiam Vercellensem LXIII,

17, P.L., t. XVI,

1245C

: « Denique

EÉpicurei dicunt asser-

tores uoluptatis, quia ‘ mors nihil ad nos ; quod enim dissoluitur, insensibile est; quod autem insensibile, nihil ad nos’. Quo demonstrant corpore se tantum, non mente uiuere, …nihil reliquiarum superesse animae, cum ipsum corpus non statim resoluatur. Prius ergo dissoluitur anima quam corpus. » (2) Amgroise, De excessu fratris Il, 50, 1, p. 275 : « Gentiles plerumque se consolantur uiri uel de communitate aerumnae uel de iure naturae uel de immortalitate

animae.

Quibus

utinam

sermo

constaret

ac non

miseram

animam in uaria portentorum ludibria formasque transfunderent ! Quid igitur facere nos oportet, quorum stipendium resurrectio est ? Cuius gratiam quoniam negare plerique non possunt, fidem abnuunt » ; IT 6541; p. 285 : «Illud mirum quod, cum resurrectionem non credant, tamen ne genus pereat humanum, clementi quadam benignitate prospiciunt et ideo transire ac demigrare in corpora dicunt animas, ne mundus intereat. Sed quid sit difficilius, ipsi adserant, transire animas an redire, sua repetere an noua quaerere ? »; Il, 131, 1, p. 323 : « Sed uidero quid uos de uobis, gentes, opinionis habeatis ; neque enim mirum debet uideri, quod creditis

uos in bestias posse mutari, qui bestias adoratis. Ego tamen malim de uestro merito

melius

iudicetis,

ut non

inter

coetus

ferarum,

sed inter

angelorum

consortia uos credatis futuros. » Le second texte d’Ambroise rappelle de près le De regressu animae de PorPnyre, ap. AuGusrin, Civ. Dei, X, 30 (à propos de métempsychose d'hommes en des corps d'animaux) : « Porphyrio tamen iure displicuit. In hominum sane non sua quae dimiserant, sed alia noua corpora redire humanas animas arbitratus est. »

369

AMBROSIEN

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

main de leur parole, le charment ensuite de la douceur de leur miel ou

de la suavité

de leur chant. »! L'épisode

Circé présente un sens philosophique que ses aptitudes requièrent”.

fameux

de

: chacun revêt l’animal

(1) Amsroise, De bono mortis X, 45, p. 741, 46 : « Sed Hesdrae usus sum scriptis, ut cognoscant gentiles ea quae in philosophiae libris mirantur transut lata de nostris. Atque utinam non superflua his et inutilia miscuissent, dicerent animas hominum pariter ac bestiarum esse communes earumque summum praemium, si magnorum philosophorum animae in apes aut luscinias demigrarent, ut qui ante hominum genus sermone pauissent postea mellis dulcedine aut cantus suauitate mulcerent. Satis fuerat dixisse illis quod liberatae animae de corporibus “Atônv peterent, id est locum qui non de uideretur, quem loeum latine infernum dicimus » ; sur cette étymologie Gord'et 81 et d 80 Phédon b, 404 Cratyle PLaron, à l'Hadès, qui remonte gias 493

b, cf. Prorin,

&Bou ylveoou, pius, 17, t. IL,

Enn.,

VI, 4, 16, 36, éd. Bréhier, p. 198, : « Tè Sè eis

ei uèv ëv To didei, éd.

Tù xowpls Aéyeror »; HERMES,

Nock-Festugière,

p.

317,

1 : « Ab

eo

itaque,

Asclequod

Latine Inuisu priuentur, graece ’AuÏnc, ab eo quod in imo sphaerae sint In Tim. Cazcinius, ; ose) métempsych la sur 12 c. cf. ; feri nuncupantur » hanc nostram CXXXIV, éd. Waszink, p. 175, 11 : « Non nulli regionem putant. » ‘AfSny merito, quod sit &e13ñc, hoc est obscura, cognominatam philosophi Quid « : 320 p. 1, 126, II, fratris (2) Amsroise, De excessu quam reipsi genus post mortem aliquod reppererunt, quo nos uti magis esse, non es inmortal animas dicunt qui quidem, illi Et ? t surgere delectabi Nam quae potest satis mulcere me possunt, cum pro parte me redimunt. occidat, quae esse gratia, ubi non totus euasi, quae uita, si in me opus Dei iustitia,

si naturae

finis mors

sit erranti

iustoue

communis,

quae

ueritas,

s esse credatur ut, ‘ quia ipsa se moueat ” et semper moueatur inmortali quid geratur, corpus, ante bestiis, cum commune corpore in — quod nobis ur ? (C£. Phaed. incertum — nec ex contrariis colligatur ueritas, sed destruat ubi ex hoc cor66 c). An uero illorum sententia placet, qui nostras animas, ium transire animant mque uariaru ferarum Ccorpora pore emigrauerint, in inlecebris conpoconmemorant ? At certe haec Circaeis medicamentorum solent, nec tam illos, sita esse ludibria poetarum ipsi philosophi disserere ista confinxerint, qui eorum, sensus quam qui perpessi ista simulentur, monstra uelut Circeo poculo ferunt in uaria bestiarum

conuersos.

Quid enim

ferarum potuisse mutam simile prodigii quam homines credere in habitus animam aduerhominis ricem tari ? Quanto maioris est prodigi gubernat que rationis ad capacem naturam suscipere m bestiaru generi sam humano efligies esse mutatas ? inrationabile animal posse transire quam corporis incantata carminibus Vos ipsi haec destruitis, qui docetis. Nam magicis haec poetae, reLudunt s. tradidisti genera onis conuersi portentosae huius haec arbitrans, uiuentibu de ficta putant prehendunt philosophi, et quae tur uera

de mortuis.

sumere,

cruore

Illi autem,

non

suam

probare fabu-

frementi

motu

leonis

qui ista finxerunt,

t, qui putant, quod illa lam, sed philosophorum errores inridere uoluerun uincere, patientiam adam anima, quae miti humilique proposito iracundi abstinere

consueuerat,

eadem

incensa

373, n. 1) effrena rabie sitire irae impatiens (cf. Aen. VII, 15 et ci-dessous, p. quae ‘ populorum ? fremitus illa, et expetere, possit ue caedemq em sanguin

370

APPENDICE IV

L'un des rares passages du De philosopha qui nous conservés, grâce à saint Augustin, concerne justement tempsychose. Ambroise y raillait Platon en ces termes m'étonne qu’un si grand philosophe, qui attribue à l’âme tude à recevoir l’immortalité,

soient la mé: « Je l’apti-

l’enferme dans des chouettes ou

des grenouilles, la revête aussi de la sauvagerie des fauves, alors que, dans le Timée, il la mentionne comme l’œuvre de Dieu, comme faite par Dieu parmi les êtres immortels, tandis que le corps, assure-t-il, ne paraît pas être l’œuvre du Dieu suprême, puisque, par nature, la chair de l’homme ne diffère pas d’un corps de bêtel. » uarios ‘ regali’ TiN, Enn.,

quodam

consilio temperabat

VI, &, 15, 23, à propos

et rationabili

de métensomatoses)

uoce

(cf. Pro-

‘ mulcebat



(Aen.

I, 148-153), eadem se inter deuia atque deserta ritu ‘ luporum ’ patiatur ‘ ululare * (Aen. VII, 18), aut quae iniusto sub onere gemens duros aratri labores questu miserabili mugiebat, eadem postea in figuram hominis conmutata ‘leui cornua quaerat in fronte ’ (Buc. VI, 48-51), uel illa, quam ‘ praepetes ” prius ‘ pennae * usque ad alta ‘ caeli per * sublime aeris ‘ alarum remigiis euehebant, eadem postea uolatus iam non suos requirat et se humani doleat corporis grauitate pigrescere (Aen. VI, 15-19). Hinc fortasse et illum Icarum perdidistis, quod persuasionibus uestris inductus adulescens prius auem se fuisse fortasse crediderat (cf. Ovine, Metam. VIII, 223). Hinc etiam senes plerique decepti sunt, ut graui inmorerentur dolori, cygneis male creduli fabulis, ‘ dum ’ putant modulis se mulcendo flebilibus albentem ‘ molli pluma ’ mutare canitiem (Aen. X, 189-192 ; Metam. II, 367). Haec quam incredibilia, quam deformia !… Quid uero praestantius, quam ut opus Dei iudices non perire et secundum imaginem et similitudinem Dei factos transferri non posse in effigies bestiarum, cum utique ad similitudinem Dei non corporis sit imago, sed ratio ? Nam quemadmodum

homo,

cui subiecta

sunt

animantium

genera

ceterarum,

in subiectum

sibi animal meliore sui parte demigret ? » Sur les interprétations néo-platonicienne et chrétienne du vol de Dédale ou d’Icare, cf. mes art. Quelques symboles funéraires du néo-platonisme latin, dans Revue des études anciennes, t. XLVI,

1944, p. 65-73 ; Les Pères de l’Église devant les Enfers virgiliens,

dans Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, t. XXII, 1955, p. 10-11. L'ironie à l'égard d’Icare : « Prius auem se fuisse fortasse crediderat » rappelle que Pythagore, lui aussi, fut oiseau au cours de ses réincarnations successives ; cf. ci-dessous, p. 378. (1) Amsrotise, De philosophia, ap. AuausrTiN, Contra lulianum Pelagianum II, 7, 19-20, P.L., t. XLIV, 686 : « An forte ipsum quoque Ambrosium

scisse

ac

docuisse

dubitabis

Deum

esse

hominum

conditorem,

et

animae et corporis ? Audi ergo quod dicat in libro ‘ De philosophia ’ contra Platonem philosophum, qui hominum animas reuolui in bestias asseuerat, et animarum

tantum

modo

Deum

opinatur

auctorem,

corpora

autem

diis minoribus facienda decernit. Ergo sanctus Ambrosius : ‘ Miror, inquit, tantum philosophum, quomodo animam, cui potestatem conferendae immortalitatis attribuit, in noctuis includat aut ranulis, feritate quoque in-

ASPECTS

VARIÉS

DU

PLATONISMEÉ

371

AMBROSIEN

L'on s'étonne que le nom d’Ambroise n’apparaisse jamais dans le travail de Stettner sur la métempsychose’. Les vue exprimées dans ces trois textes paraissent avoir une unité et dérivent probablement d’un commentaire sur Platon selon lequel les âmes philosophiques se muaient en rossignols et en abeilles, les autres en fauves, en chouettes,

en grenouilles.

Divers éléments de cette classification se retrouvent épars chez Platon : Dans le Phédon, les hommes qui ont pratiqué les vertus sociales et civiques de tempérance et de justice deviennent abeilles’. Au dixième livre de la République, Er le Pamphylien assure avoir vu l’âme de Thamyras choisir la vie d’un rossignol, celle d’Ajax la vie d’un lion. Les fauves reparaissent dans le Timée, comme point d’aboutissement de ceux qui n’usent en rien de la philosophie, mais sont tout en Ouu6c*. inter imduat bestiarum, cum in Timaeo eam Dei opus esse memorauerit, Dei asserit, summi opus uideri non autem corpus ; factam Deo a mortalia differt. Si ergo quia natura carnis humanae nihil a natura corporis bestialis quae Dei opere digna est quae Dei opus esse credatur, quomodo indigna est, uerum etiam uestiatur ? * Ecce non solum animam, quod et illi dicunt, Ambrodefendit esse opus Dei s corpus, quod illi negant, contra Platonico

sius. »

und Rômern, dans (1) W. Srerrner, Die Seelenwanderung bei Griechen t-Berlin, 1934. Tübinger Beitrâge zur Altertumsswissenschaft, Heft 22, Stuttgar mention de l'âne, (après 43 p. Robin, éd. a-b, 82 Phédon, (2) Praron, épn, xl robrov lol du loup, du faucon, du milan) : Oüxobv cdBausovéorator, V ApETNV ÉTUTEToMTUXN xal hv Snuoruw Thv où lôvres rémov v BéAruoro Hal elc ÉBouc Te xal #E vnv, Suxxuoob Ka TE vnv môevxérec, v Ôh xakoDOL cuppoob Ilÿ 5 obror eddauovéueétnc yeyovuiav &veu @tlocoplag Te al VOD 3 — TéALv &puxvetobar ToAMTLsturor ; — “On roûrous eix6c Sort elc Touobrov À uupuñxov.. opnxüv À ÈV xôv xal Huepov YÉvos, À mov LEALTT y, p. 122 : TOetv SE Tv (3) Prarow, République X, 620 a-b, éd. Chambr

buyxhv ÉAÉODat AÉOVTOG Oauvpou &n6voc ÉAouÉVNV... Eixoorhv 3 Axyoüoav ävBporov yevéodou, oav pebyou rhv Alavroc roù Telauoviou

Blov: elvar 8è ueumuémv The Tüv 6TAGV xploewc. d'Orphée en cygne, d’AgamemPuis sont mentionnées les métamorphoses Proczus, In rempublicam aussi non en aigle, de Thersite en singe. Cf. &nôbvec &rd Tüv Tai xal Küxvor : 25 312, p. II, t. 620 a, éd. Kroll, rüv hpœtxäv… Olov dnrd c Néovre Moboouc yeyévaoiv xatéxwv, detoi wat

&nd rhc ’Oppéoc Coñc xai The Gaubpou

mwa

révrwc.

Le rossignol Philomèle

patron de la musique,

Cohv évSerxvouevoc LOLOLHhV LLÉV

est encore

l'emblème

de

Pythagore,

; cf. ma sur une coupe de Horst, du xn siècle

Conso-

littéraire, Paris, 1967, p. 79. lation de Philosophie * dans la tradition p. 297 : « To Sad rébov ka On, Rivaud éd. (4) PLartow, Timée, 91 e, V puocopla undé &Bpobvrov LE pu@ôec yéyovev x TV undèv TROCXPHHLÉVE Tù unxére rois ëv Th xepaAñ XPNOX undév, nepl rdv obpavèv pÜGEWG rept guyñc hyeuéor Ereobat uépeorv. Cette oûœu, &AAQ voie mepl Ta oTnôn Te

372 Une chez

APPENDICE IV union Plotin

entre plusieurs de ces éléments : oiseaux

chanteurs,

s’observe

déjà

abeilles, bêtes féroces!.

Mais

Ambroise ne suit certainement pas ici Plotin. Car celui-ci admet encore la métensomatose proprement dite, et ne souffle mot des grenouilles et des chouettes. La source d’Ambroise fournissait, au contraire, une interprétation allégorique de l'épisode de Circé : les métamorphoses chantées par les poètes signifient seulement que l’âme, par sa conduite, se ravale au niveau de telle ou telle bête. Une telle interprétation du mythe de Circé, cherchant à faire accroire, en dépit de Plotin, que Platon n'avait jamais soutenu la réalité du passage de l’âme humaine dans des corps d'animaux, fut le fait de Porphyre : il maïntenait néanmoins la doctrine de la métempsychose et luttait contre le dogme chrétien de la résurrection de la chair’. Il fut suivi sur ce point par Jamblique qui, à ce que nous apprend Némésius, écrivit un livre intitulé : « Les métensomatoses n’ont pas lieu d'hommes en bêtes sans raison ni de bêtes sans raison en hommes,

mais de bêtes en bêtes et d'hommes en hommes’. Némésius adopte pour lui-même ce point de vue, qui prévalut chez la plupart des Néo-Platoniciens tardifs' et fut connu et admis phrase suit la mention des oiseaux et précède celle des reptiles, poissons, mollusques. (1) Prorin, Ennéades III, 4, 2, 17, éd. Henry-Schwyzer, t. I, p. 311 : “Oocor JE aiofnoer mévov Élnouv, Cüa dAN’ei uèv æœiofhoeic era Ouuod, Tà &yeux, xat h duapopt h ÉV TobTois Td didpopov Tv TouobTwv most. Todc

dÈ praouoboouc uév, xafæpiouc DE TX &AAX, eic TX DOrx a... ‘O Ô’rrov roAux

uetéyov moAruxdv

C&ov,

LÉAUTTE

À TX Tounxdræ. Cf. IV, 3, 12, 39.

(2) PorPayre, ap. Sro8ée, Ecloga, I, 49, 60, éd. Wachsmuth, Berlin, 1884, p. 445, 15 à 448, 3. Ce morceau est traduit en partie et commenté

par F. Burrière, Les mythes d’Homère et la pensée grecque, Paris, 1956, p. 506-520. Sur ce texte, cî. déjà F. Cumonrt, Lux perpetua, Paris, 1949, p. 203. Voir en outre les textes d’Augustin cités ci-dessous, p. 373, n. 1. (3) NémÉésrus

D’EmÈse,

De

natura

hominis,

2,

P.G.,

t.

XL,

584A

(= éd. Matthaei, p. 117) : l'éÿounrar yobv adté movéB162ov étiypæpov * Or oùx am’ &vbporov eic Cox &Aoya oùdè démo Cowv &A6Yov eic &vOpomouc ai UETEVOOUETOOELG Ylvovra, &AAX &md Coov eis Cox nai &rd dvôporowv eic &vôporovc. HErmEs, Tract. X, 19-20 et 22, éd. Nock-Festugière, p. 128; 3 et 124, 4. (4) Procrus, In Timaeum, éd. E. Diehl, t. IIT, p. 295, 30 ; In Rempublicam, éd. G. Kroll, t. II, p. 336, 28 ; Sazzusre LE PuirosoPpne, XX, 1; éd. G. Rochefort, p. 25; Hermias, In Phaedrum, éd. Couvreur, p. 170, 16 ; Orympiopore, In Phaedonem, éd. Norvin, p. 166, 24. Cf. E. Zerrer, Die Philosophie der Griechen, 5° éd., t. III, 2, 2, Leipzig, 1923, p. 712-716,

et mes Lettres grecques en Occident, de Macrobe 1948, p. 290.

à Cassiodore,

Paris, 2 éd.

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME des Latins aussi! : même (1) Outre

AMBROSIEN

373

des auteurs ecclésiastiques crurent

le texte de Calcidius cité ci-dessous, p. 376, n. 2, cf. Boëce, Phi-

losophiae consolatio,

IV, pr. 3, 15, 41, éd. Bieler, C.C., t. XCIV,

p. 71 : « Hoc

igitur modo quicquid a bono deficit esse desistit. Quo fit ut mali desinant esse quod fuerant. Sed fuisse homines adhuc ipsa humani corporis reliqua species ostentat ; quare uersi in malitiam humanam quoque amisere naturam. Sed cum ultra homines quemque prouehere sola probitas possit, necesse est ut quos ab humana condicione deiecit infra homines merito detrudat improbitas ; euenit igitur ut quem transformatum uitiüs uideas hominem aestimare non possis. Auaritia feruet alienarum opum uiolentus ereptor : lupi similem dixeris. Ferox atque inquies linguam litigiis exercet : cani comparabis. Insidiator occultus subripuisse fraudibus gaudet : uulpeculis exaequetur. /rae intemperans fremit : leonis animum gestare credatur (cf. cidessus, p. 369 n. 2). Pauidus ac fugax non metuenda formidat : ceruis similis habeatur. Segnis ac stupidus torpet : asinum uiuit. Leuis atque inconstans studia permutat : nihil auibus differt. Foedis immundisque libidinibus immergitur : sordidae suis uoluptate detinetur. Ita fit ut qui probitate deserta homo esse desierit, cum in diuinam condicionem transire non possit, uertatur in beluam. » Ce morceau, qui est suivi d’un poème illustrant l’épisode de Circé, s'oppose directement aux vues de CLauDiEen, In Rufinum, II, 482-489,

M.G.H.,

A.a., t. X, p. 52, qui admet

le passage

des âmes

hu-

maines dans des corps d'animaux. L'interprétation porphyrienne avait reçu la caution très nette de s. AuausrTin, (cf. PorPayre, De regressu, fragm. XI, 1, éd. J. Bidez, p. 38* — Civ. Dei, X, 30) : « Nam Platonem animas homi-

num post mortem reuolui usque ad corpora bestiarum scripsisse certissimum est. Hanc sententiam Porphyrii doctor tenuit et Plotinus. Porphyrio tamen iure displicuit.. Puduit scilicet illud credere, ne mater fortasse filium in mulam

reuoluta

Quanto,

uectaret.…

inquam,

honestius

creditur

reuerti

animas ad corpora propria quam reuerti totiens ad diuersa ! Verumtamen, ut dixi, ex magna parte correctus est in hac opinione Porphyrius, ut saltem in solos homines humanas animas praecipitari posse sentiret, belui-

nos

autem

carceres

euertere

minime

dubitaret » ; XI,

2 (= Civ. Dei

XII,

27) : « Cum suo Platone aliisque Platonicis sentit eos, qui inmoderate atque inhoneste uixerint, propter luendas poenas ad corpora redire mortalia, Plato quidem bestiarum, Porphyrius tantummodo ad hominum » ; XI, 5, p. 41* (= Civ. Dei XIII, 19) : « Vt Christo aduersaretur, resurrectionem incorruptibilium corporum negans, non solum sine terrenis, sed sine ullis omnino corporibus eas adseruit in sempiternum esse uicturas » ; XI, 3, p. 41* (= Civ. Dei XXII, 13) : « Vt fidem resurrectionis inludant. » Le passage ci-dessus d'Augustin, relatif à la mule, ne doit pas être un fragment de Porphyre comme a cru Binez, Vie de Porphyre, p. 38*, 16, mais ressortit sans doute à la même tradition satirique que TerruzLieN, Apologeticum, XL VIII, de 1, éd. Waltzing, p. 101 : « Si quis philosophus affirmet, ut ait Laberius sententia Pythagorae,

hominem

fieri ex mulo, colubram

ex muliere, … nonne

consensum mouebit et fidem infiget, ut etiam ab animalibus abstinendum propterea persuasum quis habeat, ne forte bubulam de aliquo proauo suo obsonet ? ». L'opposition entre métamorphose morale et métamorphose «Quid physique avait été exprimée déjà par Cicéron, De officiis III, 20, 82 : hominis an beluam in quis conuertat se enim interest utrum ex homine

374 trouver

APPENDICE IV dans

l’Écriture

figura inmanitatem Aevum,

t. XXV,

des

favorables

textes

à ces vues!.

gerat beluae ? ». Cf. L. ArFonst, Studi Boeziani, dans p. 143-146,

1951,

qui voit là la source du passage

de la

Consolation de Boèce. (1) OrreÈèNE, De principiis I, 18, 1, G.C.S., t. V, p. 104, 8 : ‘H duyñ &roppéouox Toù xaho al Tÿ) xaxix mpooxAvouévn xal ërl mAetov ëv rubrn yuwouévn, ei uh Ümootpépor, brd Tic dvolas éroxrnvoürau nai Ürd thc Trovnoluc dmobnprobrar… al aipeirar mods Tù &hoywoOivar nai Tov #yvSpov, iv’ obruwc etre, Biov nai réyx nur’ &Élav tic mi mAclov éronTocewc The xaxlac évôterau ox odde À Totobde dAéyou Céov.

&, 3, CXXIV, Ses vues sont résumées par JÉRÔME, Æpist. ad Auitum, C.S.E.L., t. LVI, p. 100, 19 : « Angelum siue animam siue daemonem, quos

unius adserit esse naturae, sed diuersarum uoluntatum, pro magnitudine neglegentiae et stultitiae iumentum posse fieri et pro dolore poenarum et ignis ardore magis eligere, ut brutum animal sit et in aquis habitet ac fluctibus, et corpus adsumere huius uel illius pecoris, ut nobis non solum quadrupedum, sed et piscium corpora sint timenda. Et ad extremum, ne teneretur Pythagorici dogmatis reus, qui adserit uereudÜüywotv, post tam nefandam disputationem, qua lectoris animum uulnerauit : ‘ Haec, inquit, iuxta nostram sententiam non sint dogmata, sed quaesita tantum atque proiecta, ne penitus intractata uiderentur, » La comparaison de l’homme avec le iumentum montre qu'Origène alléguait sans doute le Ps. XLVIIT, 13 et qu’il est directement visé par AuœusriN, De genesi ad litteram VIT, 9, C.S.E.L.,

t. XXVIII,

p. 208,

1 : « Deinde

cauendum

est, ne

quaedam

translatio animae fieri a pecore in hominem posse credatur — quod ueritati fideique catholicae omnino contrarium est — si concesserimus inrationalem

animam

ueluti

materiem

subiacere,

unde

rationalis

anima

fiat.

Sic

enim fiet, ut, si haec in melius commutata erit hominis, illa quoque in deterius commutata sit pecoris. De quo ludibrio quorundam philosophorum etiam eorum posteri erubuerunt nec eos hoc sensisse, sed non recte intellectos esse dixerunt. Et credo ita esse, uelut si quisquam etiam de scriptuHomoinhonorepositus ris nostris hoc sentiat, ubi dictum est : non intellexit : conparatus est pecoribusinsensatis et similis factus est eis… Neque enim non omnes haeretici scripturas catholicas legunt nec ob aliud sunt haeretici, nisi quod eas non bene intellegentes suas falsas opiniones contra earum ueritatem peruicaciter adserunt. Sed quoquo modo se habeat uel non habeat opinio philosophorum de reuolutionibus animarum, catholicae tamen fidei non conuenit credere animas pecorum in homines uel hominum in pecora transmigrare. Fieri sane homines uitae genere pecoribus similes et ipsae res humanae clamant et scriptura testatur. Vnde est illud, quod commemoraui : Homo non intellexit; est in honore positus conparatus iumentis ins ensatis et similis factus est eis (Ps. XLVIII, 13), sed in hac uita utique, non post mortem... Quid enim adferunt argumenti philosophi, qui putant hominum animas in pecora uel pecorum in homines post mortem posse transferri ? Hoc certe, quod morum similitudo ad id trahat, uelut auaros in formicas, rapaces in miluos, saeuos ac superbos in leones, sectatores inmundae uoluptatis in sues et si qua similia. Haec quippe adserunt nec adtendunt per hanc rationem nullo modo fieri posse, ut pecoris anima post mortem in hominem transferatur. Nullo modo enim

ASPECTS

VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

375

Mais Ambroise ne repousse pas seulement la métensomatose au sens des métamorphoses mythologiques en corps d'animaux. 1 nie l’idée même de métempsychose, c’est-à-dire le passage de l’âme humaine, après la mort, en un autre homme menant telle ou telle vie bestiale. Car l’âme humaine, créée à l’image de Dieu et destinée à régner sur les animaux, n’a aucune chance, en tant qu'elle est raisonnable, de se transformer en une nature animale. C’est en réalité la vue de Porphyre et des Néo-Platoniciens tardifs que paraît condamner ici saint Ambroise. Quelques remarques permettent de fournir au moins une orientation en ce qui concerne ses sources. Son

raisonnement

consiste,

en

effet,

à mettre

Platon

en

contradiction avec lui-même : d’une part, Platon professe que l’âme roule de corps en corps, y compris dans des corps de fauves, de grenouilles, de chouettes. D'autre part, Platon déclare, dans le Timée,

que l'âme est un être immortel, oeuvre

du Démiurge, tandis que les corps seraient l’oeuvre de dieux inférieurs.

Ces vues s'accordent mal entre elles, tant la valeur

attachée à l’âme est différente dans un cas et dans l’autre. Ambroise juge plus cohérent de repousser, sous quelque forme que ce soit, toute doctrine de métempsychose et d'affirmer que le corps est l’œuvre du Dieu suprême, au même titre que l'âme. La source d'Ambroise est sans doute quelque apologiste chrétien, car une suite de textes analogue : passage du Phédon sur la palingénésie, et ce passage du Timée, figurent chez Terporcus similior erit homini quam porco ; et cum mansuescunt leones, canibus uel etiam ouibus fiunt similiores quam hominibus. Cum igitur a pecorum moribus pecora non recedunt et quae aliquantulum ceteris dissimilia fiunt, similiora sunt tamen suo generi quam humano longeque plus ab hominibus quam a pecoribus differunt, nunquam erunt hominum animae istae, si ea, quae similiora sunt, trahunt.. Vnde procliuius et ipse crediderim, quod etiam eorum posteri sectatores, illos homines, qui haec primitus in suis libris posuerunt, in hac uita potius intellegi uoluisse quadam peruersitate morum ac turpitudine homines pecorum similes fieri ac sic quodam modo in pecora commutari, ut hoc dedecore obiecto eos a cupiditatum prauitate reuocarent. » La métensomatose est dénoncée aussi, chez les hérétiques,

un

par

collègue

hereseon liber CXXIV cit animas

d'Ambroise,

Ficasrrius

DE

BRrescraA,

Diuersarum

(96), C.C., t. IX, p. 287 : « Alia est heresis quae di-

uenenariorum,

sceleratorum

et homicidarum

et aliorum

talium

transire in daemonas ac pecudes et bestias et serpentes. Si quis autem hoc ita putauerit fieri, paganitatis et uanitatis filosoforum quam Christiain nitatis uidetur habere consortium... Animae itaque natura non uertitur naturam alteram, sed... non aliis morum causa nisi pecudibus cognoscitur comparanda,

non

natura,

sed

moribus,

ut scriptum

est. »

376

APPENDICE

IV

tullien!. Le même exposé du Timée donne occasion à Calcidius? et à saint Augustin® de traiter en général de la métempsychose. (1) TerruzzieN, De anima XXIII, 5, éd. Waszink. p. 31, 30 : « Doleo bona fide Platonem omnium haereticorum condimentarium fuisse. Illius est enim et in Phaedone, quod animae hinc euntes sint illuc, et inde huc (Phédon 70 c) ; item in Timaeo quod ‘ genimina Dei delegata sibi mortalium genitura accepto initio animae immortali mortale ei circumgelauerint corpus” (cf. Timée, 69 c : Kai Tüv uèv Oelov adrds yiyverar Onuroupyéc, rTov Oè OvnTrdv Thv Yéveorv Totc ÉaUTOÙ YevvAuaotv Onuovpyeiv npocérabev. Oi Sè puuobuevor raparaGévrec &pyhv buyñc &Oavarov To uer& Toùro OÜvnTdv oûuUaX aÜTŸ TEpPLETOPVEUG à). Le lieu de l'emprunt au Phédon est encore mieux précisé dans le De anima XXVIII,

1, p. 39, 25 : « Quis ille nunc

uetus

sermo

apud memoriam

Plato-

nis de animarum reciproco discursu ; quod hinc abeuntes sint illuc et rursus huc ueniant et dehinc ita habeat rursus ex mortuis effici uiuos ? (Phédon, 70 © : Ilakœrtdc uèv odv ÉoTr tic A6Yos où ueuvnuela, deeiolv évOévIe épirdpevar xet, xal m&Atv Ye dedpo àpixvobvrarxal yéyvovrauËèx T&vTelvewTruv). Pythagoricus, ut uolunt quidam, diuinum Albinus existimat, Mercurii forsitan Aegyptii. » ARNOBE, Aduersus

nationes,

II, 52, p. 126, 12, fait un reproche différent de celui de

Tertullien en ce qui regarde la création de l’homme par des dieux inférieurs, selon le Timée 41 c-d et 69 c : « Nonne fieri potis est, ut exorti homines ita sint nec ad deum primum natiuitatis eorum referatur auctoritas ? Quid enim putamus Platonem illum magnum pie sancteque sapientem, cum hominis fictionem deo remouit a maximo et ad minores nescio quos transtulit cumque eiusdem noluit sinceritatis esse mixturas bhumani animas generis, cuius animam fecerat uniuersitatis istius, quam quod hominis fabricam indignam esse rebatur deo nec rei flaccidae fictionem magnitudini eius et eminentiae conuenire ? » (2) Carciprus, In Timaeum (42 c), c. CXCVIII, éd. J.H. Waszink, p. 219, &k : « Sed Plato non putat rationabilem animam uultum atque os ratione carentis animalis induere, sed ad uitiorum reliquias accedente corpore incorporationem auctis animae uitüs efferari ex instituto uitae prioris, et iracundum quidem hominem eundemque fortem prouehi usque ad feritatem leonis, ferum uero et eundem rapacem ad proximam luporum naturae similitudinem peruenire, ceterorum item. Sed cum sit reditus animis ad fortunam priorem — hoc uero fieri non potest, nisi prius reditus factus. erit purus ad clemens et homine dignum institutum — rationabilis porro consilii correctio, quae paenitudo est, non proueniat in his quae sine ratione uiuunt, anima quondam hominis nequaquam transit ad bestias iuxta Platonem » ; CCI, p. 220, 18 : « Deinde iubet factis a se diis, id est stellis, fingere humana corpora (42 d) — animarum competentium receptacula... » (3) Auausrin, Civ. Dei XII, 27, 1, C.C., t. XLVIII, p. 383 : « Ita sane Plato minores et a summo Deo factos deos effectores esse uoluit animalium ceterorum, ut inmortalem partem ab ipso sumerent, ipsi uero mortalem attexerent (Timée 41 c; 42 d; cf. aussi Civ. Dei X, 31, 8; XII, 25, 7; XIII, 18, 45). Proinde animarum nostrarum eos creatores noluit esse, sed

corporum.

Vnde

quoniam

Porphyrius

propter

animae

purgationem

dicit

ASPECTS

VARIÉS

DU

PLATONISME

AMBROSIEN

77

D'autre part les deux exemples de la grenouille et de la chouette ne sont pas imaginaires, mais traditionnels, eux aussi. Sans

on

doute,

mention

je crois,

vainement,

chercherait

de

ces deux animaux chez Platon ou chez ses nombreux commentateurs païens. Du moins voit-on mentionné chez Alexandre d’Aphrodisias,

d’Aristote

commentateur

au Ir1* siècle, par ré-

férence à la doctrine de métempsychose, l'hypothèse selon Îaquelle la différence entre l’homme et la grenouille tiendrait au corps, non à l’âme!. Surtout, l’apologiste chrétien Énée de Gaza indique comme point d’aboutissement possible de la métensomatose — sur le même plan que fourmis et guêpes — la grenouille : c’est le corps réservé aux bavards comme fut Cléon’. Dans le contexte, Énée de Gaza mentionne deux types d'oiseaux : le rossignol, qui remonte directement à la République de Platon (6204), et le choucas (xoAouc)’. L'origine satirique du choix de cet oiseau n’est pas douteuse, si l’on se réfère au Coq de Lucien, traité dirigé directement contre la doctrine de A

corpus omne fugiendum simulque cum suo Platone alüisque Platonicis sentit eos, qui inmoderate atque inhoneste uixerint, propter luendas poenas ad corpora redire mortalia, Plato quidem etiam bestiarum, Porphyrius tantummodo

ad

hominum,

sequitur

eos,

ut

dicant

deos

istos,

quos

a nobis

fauolunt quasi parentes et conditores nostros coli, nihil esse aliud quam bros

compedum

carcerumue

nostrorum,

nec

sed

institutores,

inclusores

Aut adligatoresque nostros ergastulis aerumnosis et grauissimis uinculis. comminari, ergo desinant Platonici poenas animarum ex istis corporibus m, aut eos nobis deos colendos non praedicent, quorum in nobis operatione ut

quantum

possumus

fugiamus

et

euadamus,

hortantur.

»

dans C.A.G., (1) ALEXANDRE D'APHRODISIAS, De anima, éd. J. Bruns, re nûc oÙx GTOTOY Supplementum Aristotelicum, t. II, 4, p. 27, 21 : "Ex

Coœv Guxpéperv rù rov dvBporov Aéyeuw Tüv Barpdxov pal Tüv Tuyévrov Ouvauer, ana épyavux& Tivr oœpar ; OÙdév Te Droloer uh Th Th ur SOËX, el UN Top Tic Thc ÔTÉ Tivwy AEYoUÉVNe uereubuydoewc Me xal Tv ÊVEpYELDV Chov Tüv h bpyava Ta rapà SA Suvdueic, rie Vuyñc État duyñ, émpoyoic rois nâor év yep pèv aùrh ‘H adr@v Yiverau Siupopd. Aéyovouv. park DÈ Tac Tüv cœoudrov Dlapopoc éveoyhoe. Kéxeïvor Cf. Senvius,

In Aen.

VI, 724

:

«Non esse in animis

dissimilitudinem,

sed

161 c, 167 b) nomme in corporibus.. » PLaron, Phédon, 109 b (cf. Théétète matose. métenso la avec rapport sans mais grenouilles et fourmis, Paris, 1836, p. 15 (P.G., (2) Énée DE Gaza, Theophrastus, éd. Boissonade, %v (au Yap t LXXXV, 8974) : ‘O 8 5h Barpaxoc xoù KAéwv

H. Dôrn:e, Kontroversen um die Bodouv &uporepot). Sur ce passage, cf. smus, dans Hermes, t. LXXXV, Platoni itlichen kaiserze im ng vanderu Seelens

4957, p. 433, n. 2. épvéou (3) Ibid., p. 10, P.G., t. LXXXV, 888B : Aëbic SÈ eiç dépa DuénTn. eic bpheion, ANDY À S xoXo1d évn, -rariBeu

pÜolv e-

378

APPENDICE

métensomatose!. est la dernière

IV

Ce coq à voix humaine réincarnation

nous

de Pythagore,

apprend

qu'il

et décrit plaisam-

ment toute l’histoire posthume de ce philosophe : ses deux plus récentes réincarnations furent précisément en choucas et en grenouille’. Pourquoi ces deux animaux côte-à-côte, et précédant immédiatement la réincarnation en coq ? Parce qu'ils sont le type de bavards prétentieux ou médisants. Chez Lucien lui-même, un peu plus loin, grenouille et choucas reparaîssent ensemble, la première mise en rapport avec la profession de sycophante, le second avec celle de sophiste . Ce qu’il tend à démontrer, comme il en a prévenu lui-même le lecteur, c’est que la doctrine de métempsychose est un vain bavardage et que Pythagore eût mieux fait de pratiquer son propre précepte

du silence’.

Grégoire

de Nysse,

lui aussi,

déclare

que

(1) Je saisis mal comment M. Casrer, Lucien et la pensée religieuse de son temps, Paris, 1937, p. 292-293, peut écrire que Lucien ne fournit nulle part une critique directe de la réincarnation. Sur les sept réincarnations de Pythagore

en

animal,

cf. encore

sa

Vera

historia

21, éd.

Dindorf

(Di-

dot), p. 292. (2) Lucren, Somnium seu Gallus, 20, éd. cit., p. 500 : Eïrx Baotrebc, cira mévnc xal uet'ôAlyov outparnc, eltax nnoc xai xo%otdc xai Barpaxoc xai &Aa pupla…. Ta Teleuraix dÈ &Asxtpuov. (3) Pour le choucas,

cf. ARISTOPHANE,

Cavaliers,

v.

1020

: IToAdot

YRe

uicer ope xataxpoovor xoAotoz. Pour les grenouilles, cf. Ovipe, Metam. VI, 374 (à propos de bergers métamorphosés par Leto) : Sed nunc quoque turpes litibus exercent linguas pulsoque pudore, quamuis sint sub aqua, sub aqua maledicere tentant. Vox quoque iam rauca est inflataque colla tumescunt, ipsaque dilatant patulos conuicia rictus. Terga caput tangunt ; colla intercepta uidentur; spina uiret ; uenter, pars maxima corporis, albet, limosoque nouae saliunt in gurgite ranae, Servius,

In Georg. IIT, 431, éd. Thilo-Hagen,

loquacibus, GusTIN,

ideo quia ex hominibus

Enarr.

in Ps. LXXVII,

t. III, 1, p. 310, 9 : « ranis….

factae sunt, ut

dicit

27, 5, C.C., t. XXXIX,

Ouidius. p. 1087

» Au-

: « Rana

est loquacissima uanitas. » (4) Lucren, Gallus 26-27, p. 503 : “Inroc d à xdov À ixOdc À BétrowX0G Ôônôre Yévouo, mûc Épepec éxelmv Thv OuatouGnv ; — Maxpdv rodrov &vaxiveis Tov AdYoy xx où ToÙ mapÉvroc HatpoD' TANV TO Ye xEpéAKLOY,

oùdeis boTie oÙùx drpayuovéotepos Tüv Blov ÉdOËE por Ttod &vOpwmeiou 16-

vous

Tai

œpuorxaic

émôvuiacs

Irrov À ouxopévenv Bérpxxov

nai

ypelats

Évuueuetomuévoc:

À oopuorhv xoAotdv

tTelovnv

Ô

Ÿ dorouév xovorx

À xivadov &Aextouova À Box duelc évvoeire, oùx &v {Dot ëv éxelvorc. (5) Tbid., 4, p. 493 : 56 ‘fn or Termpnxévar Jox& mévu ëv oo &AAGTpuX To IIv0œYyépou. — Tà roîx ; — “Hy uèv ôT AdAoc el xai xpaxrixéc, 6 DE

ouwTav Èc mévre OAx Étn, our,

maphvet…

‘Oote

À Ébedoat

oo

dvéyxn

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME Pythagore

bavardait

comme

AMBROSIEN

les grenouilles

379

et les choucas,

lorsqu'il exposait ses vues sur la métensomatosel. Il me paraît très vraisemblable que notre passage du De phlosophia d'Ambroise s'explique en fonction de cette tradition satirique. S’étonnera-t-on de trouver chez lui, à côté de la grenouille, la noctua (au lieu de monedula) comme équivalent de xohotdc ? Je croirais que lui-même ou l’apologiste qu'il suit a eu recours à cette traduction approximative parce que le choucas, comme son nom l'indique, est une variété de « choue », c’est-à-dire de chouette’. Denys le Petit, pour sa part, a traduit xolot6c, approximativement aussi, en coruwusÿ. xal &Xw elvar À Ilu0æyépa ëvrr mapavevounxévaz…. En ce chapitre, Pythagore est qualifié sophiste. (1) Grécorre ve Nysse, De hominis opificio 28, P.G., t. XLIV, 232 A : Où... nocoBurépav rc Év oupxl Loc Thv molMrelav Tüv duyxüv SoyuariCovrec, où mor Soxoïor rüv ‘EAAmuxGv xaapeteuv Soyuérov, Tv rept The uerevoouarooewc adroic ueuvboloymuévov. Ei y&p Tic dpuôde éÉetdoete, npdc roro aura Täouv &véyanv Tùv A6Yov adrois ebphoer HATAGUPÔMLEVOV, 8v ouoi riwvx rüv map’ éxelvois oopüv elpnxévar, 6TL &vhp YÉyovEv Ô œÙTOG, Hal yuvauxde où permupiéouro, xal mer” ôpvéov dvértn xai Oduvos Ep, xal Trov évudpov Élaye Blov. OÙ méppo Tic dAnbelucs waT& YE TV Env xoloiv epôuevoc 6 mepli abrob Tara Aéyov. "Ovrwc Yàp Barpaxëv Ti vov } xonozdv pluaplac, À &oyiac ixfüwv À Spu@v dvarolnotac &Erx rà voudra Jéyuara, To piav duyhv Aéyeuv Dix rocobrwv EAeïv. Tic dÈ Torabrns éroniac arm éoriv à œitix, Tù rpoüpeorévar Tac duyàs otecûur. Av &xokobBov yäp À Goxh Tob rouobrou Séyuuros êrl Td mpooexéc TE Xal Tupaxeluevov Tdv A6yov mpodyouox, Expl ToUTOU TepaTeuvouévn Dééeotv. Ct. In Cant. hom. 4, P.G., t. XLIV, 833B (à propos de l’homme qui, comme le miroir, prend l'apparence de ce à quoi il ressemble) : Toërov rd aloyoc 3 éuowboeuc érouéooetu, BdTrpæxov Tiva ñ ppüvov À oxod6revSpuv.

CELSE,

ap.

ORIGÈNE,

Contra

IV, 52, éd.

Celsum,

Koetschau,

p.

395, 13 : Kai robrn yes odBèv Dioloer vuxrepidos À edAñc À Barp&yov À &vbporov cou. (2) Si cette conjecture paraissait irrecevable, il faudrait alors songer à un texte

comme

TErTuzzieN,

De anima,

XXXII,

5, éd. Waszink,

p. 45, 4,

où la chouette est mentionnée, dans un développement relatif à la métensomatose, pour son incapacité à voir la lumière du soleil (tandis que l’aigle (Rép. 620 b) peut la regarder fixement). Sur la métamorphose de Nyctiménè

éd. J.H. en chouette, cf. Ovine, Metam. II, 593 ; Hyain, Fabula CCIV, Thebaida IIT, Rose, Leiden, 1934, p. 142 ; LACTANTIUS Pracrous, In Statii

507, éd. R. Jahnke, graphi,

Brunswick,

Leipzig, 1898, p. 172, 20; À. WesTERMANN,

1843,

p. 348 ; Senvius,

In

Georg.

Mytho-

I, 403, p. 208, 26.

cacher Les ténèbres, selon les Mythographes, servent à Nyctiménè pour sa honte. 396 D : (3) Denys Le Perir, De creatione hominis ce. 29, P.L., t. LXVII, « Vere namque ranarum coruorumque garrulitatibus et irrationabilitate pisncium et arborum insensibilitate digna haec corum dogmata comproba huius tur, quae unam animam per tot res pertransire confirmant. Ineptiae

380

APPENDICE

IV

De toute facon, les contextes de Lucien, de Grégoire de Nysse et d'Ambroise nous montrent que de tels animaux sont choisis à titre de cas-limite,

destinés

à illustrer le caractère

ridicule

et « monstrueux » d’une telle doctrine. Ajoutons que le contexte immédiat du passage d'Énée de Gaza relatif à la grenouille exprime des vues très proches de celles qui paraissent être celles d’Ambroise : Il ne suffit pas, dit-il, de nier avec

Porphyre

ou

Jamblique

que l’homme

ne

peut se métamorphoser en milan (ixrivoc). Il faut dire en outre — comme font Syrianus et Proclus contre Porphyre et Jamblique — que l'âme rapace ne peut même pas devenir un homme à âme de milan’. Le but des deux apologistes chréhaec causa est, quod ante subsistere animas arbitrantur. Consequenter enim principium dogmatis eorum in anteriora tendens ac promouens, usque ad haec monstra delabitur. »

(1) Chez Lucren,

Gallus

2-4, p. 491-493

: —

Er

oo répac elvar

Soxet vo rouürov, ei ôuépovos buiv Elu ; — Ilüs Yap où Tépac ; … Tor’ ab uaxpà éxelvou TeparwBéoTecov, &Aextpudv pi\écopos. Chez Grégoire de Nysse, texte cité ci-dessus, p. 379, n. 1 : teparevouévn ; chez son trad. Denys le Petit: «monstra» (ci-dessus, p. 379, n. 3). Chez Ambroise, texte cité ci-dessus, p. 369"n. 2: «illos. in uaria bestiarum monstra conuersos. Quid enim tam simile prodigit quam homines credere in habitus ferarum potuisse mutari ? Quanto maioris est prodigii gubernatricem hominis animam aduersam humano generi bestiarum suscipere naturam... Portentosae huius conuersionis

genera

tradidistis. » Eusè8e,

Praep.

XIII,

16, éd. Mras,

t. IT,

p. 237, 1, rapporte à la zoolâtrie égyptienne le dossier platonicien touchant la métensomatose. AmBroisE (texte cité Énée DE Gaza 896C (2) Énée DE Gaza (théorie de Syrianus ci-dessus, p. 369, n. 2) : 893 A (théorie de Poret Proclus) : phyre) : ’Epvôpiüvrec Twvocs

Ovov

Tov ITAxxt

AUXOV

nat ixTivOV Hat HATAVOouvres cg &AÂN UÈV Aoyurnc Vuync n oùoix, &AAn d'&Xoyou…. OÙ yip Td Aoyuxdv Th duyn ouuGcônxdc de uerayopeiv, AN oùotac OLapooù Pebaioc iSpouuévrn:

Tv Toùdc GpTayv TaPEOKXEVAGUÉVAV Duyv oùx ei ixTivov ueTabdÀAovouv: &Aoyov Yo Eic &hoYOv Tv AOYLXNV ueTatiOecOaœr Où eic ixtiwoôn &vOporov ÉXTÉUTOLOLV* ÉTOTOV YXP et mAcoveËlac

œitix

Yt-

Hat OAwC GOUVATOY T d V Abyov ei &hoyiav

yvetau XéAœotG. AN rdv uèv ixtivoy Aéyovot Thv éœurod uynv Éyeuv

uetTatiOecBaœr.… oùx eic Ovov paoiv, &AX Ôàvod &vOpoTov évabrévœu T0V &vOporov 000’ clic Aéovta, GAN eic Àe-

Gponelav TauUTy GUvdEdEoÛœr, Hal Tapaéverv ka ovurérecüur. Kai obroc TAG TiuwpINXG Ô TpOTOc.

Thv &Aoyov, TV OË dv-

« Quid enim tam simile prodigii quam homines credere in habitus ferarum potuisse mutari ? Quanto maioris est prodigii gubernatricem hominis animam aduersam humano generi bestiarum suscipere naturam capacemque rationis ad inrationabile animal posse transire quam corporis efligies esse mutatas ? »

ASPECTS VARIÉS DU PLATONISME

AMBROSIEN

381

tiens est naturellement de prohiber — même si Syrianus et Proclus ne songent à rien de tel — toute forme possible de réincarnation autre que le retour de l’âme dans son propre

corps, lors de la Résurrection des morts. L'on observera que l'effort d’Ambroise est ici de montrer que l’âme humaine n’a rien de commun avec celles des bêtes!. Il s'oppose du tout au tout, sur ce point, à la démonstration d’Arnobe : Celui-ci retournait contre les Néo-platoniciens leur propre doctrine de métempsychose. Leur reprochant de vanter l’âme humaine comme proche de la divinité par son vois et son A6yoc, il ravalait l’homme au rang des autres animaux, comme fera plus tard, à sa suite, le Montaigne de l’Apologie soutient,

Ambroise

de Sebond?.

au contraire, la suprématie

de

l’homme sur les animaux et l’éminente dignité de l’âme humaine. Mais si leur but diffère, leurs procédés polémiques sont du même ordre. À en juger par le fragment conservé du De philosophia d'Ambroise, celui-ci n'hésite pas à remployer les vieilles armes fourbies par le sceptique Lucien contre le platonisme pythagorisant. Même ironie cinglante. Son but profond est pourtant tout différent de celui de Lucien. En poussant — Kouvétepov uÈèv Tù ovréôn ävôowrov. OÙù ebpnux, GAN ETu LLaŒXNOV dAAX ydo Tv how, HUTAYÉALOTOV. Thv TÜV couhTEY pLopphv uerauioyecbar. Sur l'affirmation de Porphyre, selon laquelle l’âme, rationnelle par nature, ne peut passer dans un corps d'animal, et les controverses qui suivirent, voir les excellentes pages de H. Dôürrie, Kontroversen um die Seelenwanim

derung

kaiserzeitlichen

p. 414-435 ; Porphyrios phien

zur

p. 147-151. Proclus,

klassischen

Platonismus,

‘ Symmikta

Aliertumswissenschaft,

Sur la métensomatose

voir

ci-dessous,

dans

Hermes,

comme

Heft

t. LXXXV,

Zetemata.

Zetemata*, dans

XX,

1957,

Monogra-

München,

« lieu de dissemblance

1959,

» selon

p. 430.

(1) Texte cité ci-dessus, p. 369, n. 1 : « Vtinam non superflua his et inutilia esse commiscuissent, ut dicerent animas hominum pariter ac bestiarum bestiis. » munes »; p. 369, n. 2 : « quod nobis in corpore commune cum (2) ArNo8r,

Aduersus

nationes II, 16, éd. Marches,

Torino, 1953, p. 85,

dicitur, 14 : « Quod si et illud est uerum, quod in mysteriis secretioribus sunt huin pecudes atque alias beluas ire animas improborum, postquam nos esse manis corporibus seiunctae, manifestius comprobatur uicinos et illis neque interuallis longioribus disparatos. Siquidem res eadem nobis — Sed uitalem agitare motum et dicimur animantia esse quam per est una, — rationales nos sumus et intelligentia uincimus genus omne mutorum. cuncti homines Crederem istud uerissime dici, si cum ratione et consilio II, Bordeaux t. Strowsky, éd. 12, IT, Essais e, uiuerent... » Cf. Monraicw 1909, p. 156 et suiv.

382

APPENDICE IV

les païens au scepticisme à l'égard du dogme de métempsychose, Ambroise les prépare en réalité à embrasser la foi chrétienne. On saisit combien son attitude à l’égard du platonisme est ondoyante. Malgré sa tendance à le rabaisser durement, pour des motifs tactiques, il en est lui-même imprégné profondément. Ne le voit-on pas aller parfois jusqu’à commenter le « Nunc dimittis » du vieillard Siméon à l’aide des préceptes du Phédon qui interdisent le suicidet ?

(1) Voir mon

art. La postérité chrétienne

Revue des études latines, t. XXXVI,

du ‘ Songe de Scipion ’, dans

1958, p. 224-228.

APPENDICE

L'OBJECTION

DE MARIUS

V

VICTORINUS

AU BAPTÊME

Selon le récit fameux des Confessions, le jeune Augustin fut vivement frappé par les propos du prêtre milanais Simplicien, touchant la conversion de Marius Victorinus.

Ce rhéteur-

philosophe de Rome s'était illustré depuis de longues années par la dialectique avec laquelle il défendait contre les chrétiens les mystères isiaques auxquels il était initié!. « À force de lire? » et de confronter la philosophie profane avec les Écritures chrétiennes, il finit par ne plus voir d'opposition entre christianisme et néo-platonisme et prit conscience qu'il était devenu chrétien. Son ami le prêtre Simplicien, auquel il avoue confidentiellement

la chose, lui rétorque

: « Je ne te compte-

rai pas parmi les chrétiens tant que je ne t'aurai pas vu à l’église du Christ. » Mais lui, réplique en raillant : « Ce sont donc les murailles (parietes) qui font les chrétiens ? » Et il répétait fréquemment cette raillerie relative aux muraïlles (parierum inrisio)*. Un jour, pourtant, il décide subitement d’aller à l’église et d'y recevoir la catéchèse baptismale . (1) AueusrTin,

Conf., VIII,

2, 3, 23, éd. Labriolle,

p. 178 : «.….usque

ad

illam aetatem uenerator idolorum sacrorumque sacrilegorum particeps, .…quae iste senex Victorinus tot annos ore terricrepo defensitauerat. » Le contexte, assez énigmatique vu la tradition manuscrite défectueuse, suggère, je crois, les mystères isiaques ; cf. mes ‘ Confessions” de saint Augustin dans

la tradition

littéraire,

Paris,

1963,

p. 69-88.

(2) Aueusrin, Conf., VIII, 2, 4, 19, p. 179 : « Legendo et inhiando hausit firmitatem. » Cf. mon ouvrage cité, p. 73. (3) Aueusrin,

Conf.,

VIII,

2, 4, 7, p. 179

: « Dicebat

Simpliciano

non

palam, sed secretius et familiarius : « Noueris iam me esse christianum ? » Et respondebat ille : « Non credam nec deputabo te inter christianos, nisi in ecclesia Christi uidero. » Ille autem inridebat dicens : « Ergo parietes faciunt

christianos

? » et hoc

saepe

dicebat,

iam

se

esse

christianum,

et

Simplicianus illud saepe respondebat et saepe ab illo parietum inrisio repetebatur. » (4) Ibid., VIII, 2, 4, 22, p. 179 : « Reusque sibi magni criminis adparuïit erubescendo de sacramentis humilitatis Verbi tui et non erubescendo de

384

APPENDICE

V

Que signifie au juste sa boutade ironique ? Selon M. Hadot, «elle révèle que Victorinus est attiré avant tout par l'aspect intellectuel du christianisme », c’est-à-dire vers la gnose du Christ et de Dieu. Mgr Pellegrino rapproche l'attitude de Victorinus de celle qu'Augustin décrit dans son Sermon XXXWVII : Tel homme déclare se contenter de rendre à Dieu un culte intérieur (in conscientia) et n’éprouver aucun besoin d'aller à l’église pour s'y mêler de façon visible à l’assemblée des chrétiens’. Gustave Bardy évoque plus précisément un texte de saint Jérôme,

de l’an 401. Celui-ci assure, tout comme

Victo-

rinus, que l’Église consiste non dans des parieles, mais dans la vraie foi ; il en conclut que les Ariens ont pu, quelques dizaines d'années plus tôt, s'emparer des églises sans pour autant constituer l’Église. Frappé par l’analogie entre ce texte et notre passage des Confessions. Bardy conclut : « On peut croire que saint Jérôme

a connu

le récit de la conversion

de Victorinus

et qu’il en a repris plus ou moins consciemment la remarque sur les muraillesf. » Je ne pense pas, pour ma part, qu'il y ait là rapport lfiéraire d'emprunt direct. Car ce rapprochement n’a rien de textuel en dehors du mot parietes. De plus Jérôme, dans une Lettre de 403-404, déclare n’avoir lu d’Augustin que les Soliloques et des Commentarii in Psalmos, comme s’il ignorait encore l'existence sacris sacrilegis superborum daemoniorum, quae imitator superbus acceperat, depuduit uanitati et erubuit ueritati subitoque et inopinatus ait Simpliciano, ut ipse narrabat : « Eamus in ecclesiam : christianus uolo fieri ».… Vbi autem imbutus est primis instructionis sacramentis, non multo post etiam nomen dedit, ut per baptismum regeneraretur. » (1) P. Hapor, éd. de Marius Victorinus, Traités théologiques sur la Trinité, t. I, dans Sources chrétiennes, t. LXVIIT, Paris, 1960, p. 16. (2) AueusriN, Sermo, XXXVII, 6, 160, C.C., t. XLI, p. 452 (en 397, selon l’éd. Lambot, p. 445 ; en 410, selon A. KunzezmanN, dans Misc. Agost.,

t. II, 1931, p. 444) : « Inuenis alium dicentem tibi : «Sufficit mihi in conscientia Deum colere, Deum adorare. Quid mihi opus est aut in ecclesiam ire aut uisibiliter misceri Christianis ? » Cf. M. Perrecrino, Le « Confessioni » di s. Agosüno, Roma, s.d., p. 113, n. 5. (3) Jérôme, Tractatus de psalmo CXXXIII, éd.

G. Morin,

dans Anecd.

Mareds., t. III, 1895, p. 254, 1 = C.C., t. LXXVIII, p. 285, 81 : « Ecclesia non in parietibus consistit, sed in dogmatum ueritate. Ecclesia bi est, ubi fides uera est. Ceterum ante annos quindecim et uiginti omnes parietes ecclesiarum haeretici possidebant. Ecclesia autem uera illa erat, ubi uera fides erat. » (4) G. Barny, Parietes faciunt christianos ? dans Smaragdus, t. I, 3, 1946,

col. 1-8.

L'OBJECTION DE MARIUS VICTORINUS AU BAPTÊME

385

des Confessions plusieurs années après leur publicationt. Enfin il serait un peu étrange que Jérôme fasse si grand cas de l’argument que Victorinus employait par ironie pour démontrer l’inutilité d’aller à l’église et de demander le baptême. Je voudrais montrer que la parenté entre ces deux textes tient seulement à ce qu'ils se rattachent l’un et l’autre à une tradition ancienne et répandue touchant les parietes. Cette tradition d’origine stoïcienne opposait le témoignage intime de la conscience à l'abri que peuvent fournir des parietes : L/homme heureux, dit Sénèque, est celui qui n’a pas besoin de se cacher derrière des parois (parietes) parce qu'il n’a pas à craindre les témoins de ses actes ; au contraire, l’homme à la conduite perverse se cache entre quatre murs pour éviter ’être vu ; il a pourtant toujours un témoin : sa propre conscience’. Comme nous en avertit un fragment conservé par Lactance, Sénèque développait cette pensée à la fin de ses Exhortationes, et précisait que ce témoin s’identifie avec le Dieu qui est en nous. Dans la paraphrase dont Lactance entoure ce passage il est dit que, si les parietes nous protègent (1) Jérôme, 99 —

LXXIT,

Epist. ad Augustinum, 3, 5, C:SE-LE,

t.

CV, 5, éd. Labourt,

XXXINV,

"2 p: 262;

1°:

t. V, p. 103 Hoc

dico, non

quod in operibus tuis quaedam reprehendenda iam censeam. Neque enim lectioni eorum umquam operam dedi nec horum exemplariorum apud nos copia est praeter Soliloquiorum tuorum libros et quosdam commentariolos in Psalmos. » Cf. mes ‘ Confessions’ de saint Augustin dans la tradition littératre, p. 202. (2) SÉnèque,

Epist. ad Lucilium,

XLIII,

3-5, éd. Précuac,

t. II, p. 6 :

« Tu nunc in prouincia, licet contemnas ipse te, magnus es. Quid agas, quemadmodum cenes, quemadmodum dormias, quaeritur, scitur : eo tibi diligentius uiuendum est. Tunc autem felicem esse te iudica, cum poteris in publico uiuere, cum te parietes tui tegent, non abscondent, quos plerumque

cireumdatos

nobis

iudicamus

non

ut tutius

uiuamus,

sed ut pecce-

mus occultius. Rem dicam, ex qua mores aestimes nostros : uix quemquam inuenies, qui possit aperto ostio uiuere. [anitores conscientia nostra, non superbia opposuit : sic uiuimus, ut deprehendi sit subito aspici. Quid autem prodest recondere se et oculos hominum auresque uitare ? Bona conscientia turbam aduocat, mala etiam in solitudine anxia atque sollicita est. Si honesta sunt quae facis, omnes sciant ; si turpia, quid refert neminem scire, cum tu scias ? O te miserum, si contemnis hunc testem ! »; cf. Amgroise, Epist. II ad Constantium, P.L., t. XVI, 919 C : « Abundat enim

sibi locuples testis conscientia » ; GuirraumE DE Saint-Tuierry, Epist. ad fratres de Monte Dei, 52, éd. Davy, dans Études de philosophie médiévale, t. XXIX, 1940, p. 101, 6 (remployant ce passage de Sénèque) : « Tegat te exterior

(cella), non abscondat ; non

ut pecces occultius, sed ut tutius uiuas. »

386

APPENDICEÉ V

des yeux

humains,

nos

viscères

mêmes

ne

nous

permettent

pas d'échapper à l’œil divini. Une idée stoïcienne apparentée opposait la religion intime à la religion extérieure, selon laquelle les dieux seraient contenus intra parietes dans leurs sanctuaires. Tacite, grand partisan de la sagesse des Barbares, loue les Germaïns de ne pas confiner leurs dieux dans des parieles, selon une conception anthropomorphique?. Idée zénonienne que reprennent à l’envi Sénèque et les chrétiens Minucius Félix et Pseudo-Cyprien’. Lactance (1) SÉNÈQUE, Exhortationes (fin), ap. Lacrance, Inst., VI, 24, 15, C.S.E.L., t. XIX, p. 574, 11 : « Nihil prodest inclusam esse conscientiam, patemus deo. » Nullus ergo mendacio, nullus dissimulationi locus est, quia parietibus oculi hominum

submouentur,

Dei autem

diuinitas nec uisceribus submoueri

potest, quominus totum hominem perspiciat et norit. Idem in eiusdem operis primo : « Quid agis, inquit, quid machinaris ? Quid abscondis ? « Custos te tuus sequitur. Alium tibi peregrinatio subduxit, alium mors, « alium ualitudo : haeret hic quo carere numquam potes. Quid locum abdi« tum legis et arbitros remoues ? Puta tibi contigisse ut oculos omnium « effugias, demens : quid tibi prodest non habere conscium habenti con« cientiam ? ». Ce second fragment de Sénèque a été sans doute remployé par Minucrus

Fezix,

Octauius,

XXXV,

6, éd. Beaujeu.

p. 61:

«Vos

enim

adulteria prohibetis et facitis, nos uxoribus nostris solummodo uiri nascimur. Vos scelera admissa punitis, apud nos et cogitare peccare est. Vos conscios timetis, nos etiam conscientiam solam, sine qua esse non possumus », et Auausrin,

Enarr.

in Ps., LXXIV,

9, 42, C.C., t. XXXIX,

p. 1031

: « Ibi

habes iudicem in secreto tuo. Volens facere aliquid mali, de publico recipis te in domum tuam, …remoues te in cubiculum ; times et in cubiculo aliunde conscium, secedis in cor tuum, ibi meditaris : ille corde tuo interior est.

Quocumque ergo fugeris, ibi est. Teipsum quo fugies ? Nonne quocumque fugeris, te sequeris ? ». Je signale ci-dessous, p. 400-401, d’autres parallèles entre ce texte d'Augustin et Sénèque. Le custos du texte ci-dessus de Sénèque est assimilé

au démon

de Socrate

par Lacrance,

Epit., XXIII,

2, p.

695,

25 : « Socrates habere se a prima pueritia custodem rectoremque uitae suae daemonem praedicabat, sine cuius nutu et imperio nihil agere posset. » (2) Tacire, Germania, IX, 3, éd. Perret, p. 75 : « Ceterum nec cohibere parietibus deos neque in ullam humani oris speciem adsimulare ex magnitudine caelestium arbitrantur ; lucos ac nemora consecrant deorumque nominibus appellant secretum illud quod sola reuerentia uident, » Cf. Ann. IV, 38, 2, éd. Goelzer,

p. 199.

(3) Zénon De Crrrium, ap. ÉprpHANE De CHyPre, De fide, IX, 40, G.C.S., t. XXXVII, p. 508, 16 : MA eiv Oeoïc oixodouetv ispt, &AN'Éyeuv Td Petov ëv uôvo T& vé, u&Xov JÈ Bedv Ayeïodar Tov vobv. SÉNÈQUE, Exhortationes (— fragm.

123), ap. Lacrance,

Inst, VI, 25, 3, C.S.E.L., t. XIX,

p. 577, 21 :

« Non templa illi congestis in altitudinem saxis exstruenda sunt : in suo cuique consecrandus est pectore » ; Minucrus Fezix, Octauius, XXXII, 1, éd. Beaujeu, Paris, 1964, p. 54-55 : « Templum quod ei extruam, cum totus hic mundus eius opere fabricatus eum capere non possit ? Et cum homo

L'OBJECTION DE MARIUS

VICTORINUS AU BAPTÈME

387

lui-même, dans ses Znstituhiones, allie les termes de Sénèque et ceux de Minucius : il reproche aux païens d’honorer les vertus non dans les cœurs, mais 2ntra parietes aut aediculas!. Il oppose au temple de Salomon, qui est fait de main d'homme et périssable, l'Église du Christ : elle est, dit-il, le vrai temple de Dieu,

qui ne consiste pas dans des parieles, mais est constitué par la foi des cœurs humains’. Dans son De mortibus persecutorum il loue Constance,

père de Constantin le Grand, d’avoir mitigé

la persécution en ne détruisant que les édifices du culte, qui sont des parietes, mais non les croyants eux-mêmes, qui sont le vrai temple de Dieu’. Lactance songe en ces textes à deux lätius

maneam,

Nonne

melius in nostra dedicandus

intra unam

aediculam uim tantae est mente,

maiestatis

in nostro

immo

includam

P

consecran-

dus est pectore ? », passage qui reparaît avec une variante importante chez Pseupo-CypriEex, Quod idola dii non sint, 9, C.S.E.L., t. TIL 1, p. 26, 11 : « Quod templum habere possit Deus, cuius templum totus est mundus ? Et cum homo latius maneam, intra unam aediculam uim tantae maïestatis includam ? In nostra dedicandus est mente, in nostro consecrandus est pectore. »

(1) Lacrance, Inst, I, 20, 18, C.S.E.L., t. XIX, p. 75, 1 : « Non enim per se sapiunt aut sentiunt (uirtutes) neque intra parietes aut aediculas luto factas, sed intra pectus collocandae sunt »; Epitome, XVI, 1, p. 687, 6 : « Sed et alios eius modi commenticios deos senatus instituit, Spem Fidem Concordiam Pacem Pudicitiam Pietatem, quae omnia cum in animis hominum esse uera deberent, intra parietes falsa posuerunt. » (2) Lacrance,

Inst.,

IV, 13, 26, p. 324, 6, à propos

du fils de David

:

« Domus quam aedificauit non est fidem consecuta sicut ecclesia, quae est uerum templum Dei, quod non in parietibus est, sed in corde ac fide hominum qui credunt in eum ac uocantur fideles. Illut uero Solomonium templum, quia manu factum est, manu cecidit » ; cf. I, 20, 22, p. 75, 17 (à propos

de Crcéron,

tianorum,

t. I, 1964,

De legibus,

II, 8, 19, éd. Prinvaz,

p. 49 : « In urbi-

bus delubra habento ») : « Quid igitur opus est, o uir sapientissime, superuacuis extructionibus loca occupare ?.. Firmius et incorruptius templum est pectus humanum : hoc potius ornetur, hoc ueris illis numinibus inpleatur » ; V, 8, 4, p. 421, 20 : « Cuius templum est non lapides aut lutum, sed homo ipse, qui figuram Dei gestat : quod templum non auri et gemmarum donis corruptibilibus, sed aeternis uirtutum muneribus ornatur. » Cf. H. Kocwm, Der Tempel Gottes bei Lactantius, dans Philologus, t. LXXVI, einer 1920, p. 235-238; H. FLasone, Similitudo templi, Zur Geschichte und Metapher, dans Deutsche Vierteljahrsschrift für Literaturwissenschaft Temgeistige Der Mess, M. ; 81-125 p. 1949, XXIII, t. e, Geistesgeschicht chrispel. Einige Ueberlegungen zu Klemens von Alexandrien, dans Vetera

(3) Lacrance,

dans

Sources

p. 83-89.

De mortibus perseculorum,

chrétiennes,

t. XXXIX,

XV,

7, 23, éd. J. Moreau,

p. 94 : « Nam

Constantius,

ne

dis-

parietes, qui sentire a maiorum praeceptis uideretur, conuenticula, id est quod est templum, Dei autem uerum est, restitui poterant, dirui passus

388

APPENDICE

V

versets de saint Paul, l’un du Discours sur l’Aréopage, issu de Zénon de Cittium : «Le dieu qui a fait le monde et tout ce

qu’il renferme n’habite point dans des temples faits de main

d'homme 1», l’autre de la première Épiître aux Corinthiens (III, 17) : «C'est vous qui êtes le saint temple de Dieu. » Saint Ambroise juge sans valeur les parieles matériels, en comparaison du temple que constitue l'âme du croyant’. Saint Jérôme, dans des passages autres que le texte cité par Bardy, oppose plus d’une fois l’église, en tant que parieles luxueusement décorés’, au temple véritable qui est l’âme du croyant. in hominibus, incolume seruauit. » Voir le commentaire t. XXXIX, 2, p. 290-291. (1) Sur les antécédents

stoïciens

de ce verset,

de Moreau, ibid.,

cf. E. pes

PLaces,

« Des

temples faits de main d'homme » (Actes des Apôtres XVII, 24), dans Biblica, t. XLII, 1961, p. 217-223, et mon article Un vers d'Epiménide dans le « Discours sur l’Aréopage », dans Revue des études grecques, t. LXXVI, 1963, p. 404-405. (2) Amgroiïse,

Exameron

I, 10, 38, CS.E.L.,

t. XXXII,

I, p. 40, 10 :

« Non dicamus : Tenebrae et parietes operiunt nos, et quis scit si uidebit Altissimus ? » ; De Cain et Abel I, 9, 38, p. 372, 9 (à propos de Matth. VI, 6) : « Intellege non cubiculum conclusum parietibus, quo tua membra claudantur, sed cubiculum quod in te est, in quo includuntur cogitationes tuae. Hoc orationis tuae cubiculum ubique tecum est et ubique secretum est, cuius arbiter nullus est nisi solus Deus »; Epist. ad Irenaeum XXX, 3, P.L., t. XVI, 1107 À : « Hanc enim Dominus quaerebat ab illis domum, ut semet ipsos aedificarent atque intra se Dei templum uiuis fidei lapidibus attollerent. Neque enim terrenorum parietum constructiones et siluestrium ligna culminum desiderabat, quae cum fuissent, manus dirueret hostilis, sed illud templum quaerebat, quod in hominum conderetur mentibus, quibus dicendum foret : Vos estis templum Dei (I Cor., IIT, 16).» (3) Jérôme,

Epist. ad Nepotianum,

LIT, 10, éd. LagourrT,

t. IT, p. 185,

12 (en 394) : « Multi aedificant parietes et columnas ecclesiae subtrahunt : marmora nitent, auro splendent lacunaria, gemmis altare distinguitur, et ministrorum Christi nulla electio est. » Le thème des parietes au luxe étincelant est d’origine stoïcienne; cf. SÉNÈQUE,

Epist., CXIV,

9, éd. Préchac,

p. 30 : « Impenditur cura.. ut parietes. marmoribus fulgeant » ; CXV, 9, p. 39 : « Miramur parietes tenui marmore inductos. » (4) Jérôme, Epist. ad Paulinum Nolanum, LVIIT, 7, éd. Labourt, t. IIT, p. 81, 22 (en 395) : « Verum Christi templum anima credentis est : illam exorna, illam uesti, illi offer donaria, in illa Christum suscipe. Quae utilitas parietes fulgere gemmis, et Christum in paupere fame mori ? Iam non sunt tua quae possides ; dispensatio tibi credita est. Ne inmoderato iudicio rem pauperum tribuas non pauperibus et secundum dictum prudentissimi uiri liberalitate liberalitas pereat (cf. Cicéron, De off., II, 52). Noli aspicere «ad phaleras » (Perse, ITI, 30) et « nomina uana Catonum » (LucaIN, I, 313). « Ego te, inquit, intus et in cute noui» (Perse, III, 30). Esse

L'OBJECTION DE MARIUS

VICTORINUS

AU BAPTÈME

389

Augustin lui-même mentionne souvent les parietes, en des. contextes qui peuvent éclairer en quelque chose son récit de la conversion de Victorinus. Il s’accuse comme d’un péché grave

d’avoir,

dans

sa jeunesse,

osé convoiter

des fruits

de

mort intra parietes d’une église, au moment où l’on y célébrait l’officet. Il ne suffit pas, en effet, d’entrer dans les parietes d’une église pour obtenir le salut’. I1 prend soin, dans ses Tractatus in Iohannem, de discerner l’église, en tant que parieles maté-

riels, et l’Église en tant qu'édifice moral.

Reprenant, semble-t-il, les termes mêmes de la Lettre de Jérôme à Paulin de Nole, il oppose dans un Sermon les luxueux parietes de marbre des basiliques de son temps à l’ornement spirituel que constituent les âmes des croyants’. Dans ses christianum grande est, non uideri. » On notera le contexte entièrement stoïcisant. Sur l’âme-temple qu’il faut orner plutôt que les parietes de l’église. et cf. Lactance (second texte cité ci-dessus, p. 387, n. 2), saint Cyprien à PauJérôme de Letire cette Sur 4). n. ci-dessous, cités (textes Augustin lin, cf. mon

article

latines, t. XXV,

Paulin

de Nole

et saint Jérôme,

(1) AuGusTin,

Conf;

(2) Aueusrin,

De

(8) Aueusrin,

Tract.

1IL,3,

: « Ausus

5, 6, p.48

tate sollemnitatum tuarum intra parietes ecclesiae agere negotium procurandi iructus mortis. » catechizandis

rudibus,

27, P.L.,

des études

dans

Revue

sum

etiam in celebri-

1947, p. 250-256.

tuae

concupiscere

t. XL, 348:

et

« Homines

intraautem peruersos, etiamsi intrent parieies ecclesiae, non eos arbitretis si se in mentur, separabu tempore suo quia : coelorum regnum turos in lius non commutauerint. » in Joh., II, 41, 11, C.C., t. OO

pi

E CNT

illa domus », non modo dicimus : « Mala est illa domus » aut : « Bona est in illa, quam diciin illa, quam dicimus malam, parietes accusamus. Aut mus

bonam,

parietes laudamus.

Sed

malam

domum

inhabitantes

malos » ;

parietes uestros, sed ad XLVII, 2, 4, p. 404 : « Per Christum intro, non ad corda uestra ». (4) AuGusTIN,

e en 418) : Sermo, XV, 1, 5, C.C., t. XLI, p. 193 (à Carthag

claritatis eius diligimus, si « Decorem domus Domini et locum tabernaculi et locus tabernaculi Domini domus decor ergo est Quid sumus. ipsi et nos m enim Apostolus dicit : Templu claritatis eius, nisi templum eius, de quo 17) ? Sicut ergo in fabricis maDei sanctum est quod uos estis (I Cor., III,

corporalis noster mulnufactis, cum eleganter et magnifice construuntur, corda fidelium, cari3), IT, Petr., ((7 uiui cetur conspectus, ita cum lapides clariDei et locus tabernaeuli tatis uinculo continentur, decor est domus non est dubium quia eccleDei, domus decorem diligit tatis eius. Qui enim

tectis, non in nitore marmosiam diligit, non in fabrefactis parietibus et s sanctis, Deum diligenfidelibu us hominib in sed aureis, is laqueari rum et tota mente sua, et proex et sua anima tota ex tibus ex toto corde suo et l’âme-temple et les entre ximum suum tamquam seipsum. » L'opposition D, Sententia, 18, BEernar saint chez e exprimé plus n’est parietes matériels

390

APPENDICE V

Enarrationes in Psalmos il compare les reproches que subit de la part de ses proches l’homme rentrant ad parieles suos, avec les reproches que lui adresse sa propre conscience : ceux-ci sont encore plus vifs, et impossibles à éluder!. Augustin précise encore que si, sur terre, les parietes des églises accueillent tout venant,

la Jérusalem

céleste, elle, n’admet

pas les méchants’.

Le vrai temple de Dieu n’a pas de parietes : ce n’est ni un local ni même, comme

croyaient les Stoïciens, le monde entier, mais

l’âme du juste’. Cette idée va de pair, chez Augustin,

avec

P.L., t. CLXXXIII, 751 C, qui commente ainsi le verset paulinien : « Templum Dei est claustrum religiosorum. Duo parietes claustri sunt, actiui et contemplatiui,

Maria

et Martha,

interior

et exterior. » Sur

les parietes

de

marbre et les plafonds dorés, cf. JÉRÔME, texte cité ci-dessus, p. 388, n. 3, et déjà Cyprien, Ad Donatum 15, C.S.E.L., t. III, 1, p. 15, 17 : « Nam cum Deo loquere, nunc Dominus tecum... Tam tibi auro distincta laquearia sordebunt, cum scieris te excolendum magis, te potius ornandum, domum tibi hanc esse potiorem quam Deus insedit templi uice, in qua Spiritus sanctus coepit habitare. » Sur l’âme, temple de Dieu qu'il faut orner, cf. PorPHYRE,

Ad

Marcellam,

11, éd. Nauck?,

p. 281, et 19, p.

287,

5 : Xoi dé,

bonep elpnrar, vec Èv Éoro To 0eoù 6 Ëv oo vobc * rapaoxesvæoréov aTov xal xoountéov eic xaxTadoyhv ToÙ Oeod émTnderov. (1) Auveusrin, Enarr. in Ps.,

XX XIII, sermo, II, 8, 15, C.C., t.

D

XX XVIII,

p. 287 : « Si ergo miseri sunt, qui cum redeunt ad parietes suos, timent ne aliquibus

suorum

perturbationibus

euertantur,

quanto

miseriores

sunt,

qui

ad conscientiam redire nolunt, ne ibi litibus peccatorum euertantur? »; In Ps., LVII, 2, 16, C.C., t. XXXIX, p. 709 : « Testis qui adest, non in cubiculo adest parietum, sed in cubilibus conscientiarum uestrarum. » Cf. In Ps., XLVI, 12, 20, p. 536 (à propos du centurion de l'Évangile) : « Trepidauit Christum mittere intra parietes suos, et iam intus erat in corde eius. » Cf. J. SrerzenBEerGERr, Conscientia bei Augustinus, Paderborn, 1959. (2) Aueusrin,

Enarr,

in Ps., XXV,

10, 8, C.C.,

t. XXXVIII,

p. 147

:

« Sed numquid, fratres mei, quomodo sunt parietes isti, sic erit Ierusalem caelestis ? Non quomodo reciperis cum malis intra parietes istos ecclesiae, ita recipieris cum

malis in sinu Abrahae » ; In Ps., CXXI,

«Sed quam dico Ierusalem ? Numquid corporeis parietibus erectam ? » (3) Aueusrin,

In Ps., XCII,

4, 50, p. 1804

istam, inquit, quam

6, 5, p. 1295

: « Vhbi habitat

uidetis Deus

:

stare nisi in

templo suo ? Quod est templum eius ? Parietibus instruitur ? Absit. Mundus iste est forte templum ipsius, quia ualde magnus est et digna res quae capiat Deum ? Nec capit eum, a quo factus est. Et ubi capitur ? In anima quieta, in anima iusta ; ipsa illum portat. » La phrase relative au monde comme demeure de Dieu combat directement la vue stoïcienne que conserve Pseudo-Cyprien, mais que corrigeait déjà Minucius Felix (textes cidessus, p. 386, n. 3). Lactance, qui cite le passage de Sénèque, le résume dans son Epitome, LIII, 2, p. 734, 7 : « Non indiget templo, cuius domicilium mundus est. » J'ai mis ces textes en parallèle dans mon article Virgile et l’immanence divine chez Minucius Felix, dans Mullus, Festschrift

L'OBJECTION DE MARIUS VICTORINUS AU BAPTÈME

39I

une autre idée stoïcienne qu’il exprime dans le De urbis excidio à l’occasion du sac de Rome par Alaric : il ne faut pas pleurer sur Rome en ruine, car la destruction de parietes n’est pas un mal : la cité survit dans ses habitants!. Plus tard Grégoire le Grand, pour montrer que le siège de Rome par le roi lombard Agilulf est encore plus funeste qu’autrefois celui d’Alaric, retourne la pensée d’Augustin : Non seulement Rome est vide d'habitants, mais même les parieles de ses édifices tombent sous les coups de l'ennemi’. Ce petit dossier touchant les parieles permet d'apprécier plus exactement,

semble-t-il, le sens de la boutade

de Victorinus à

Simplicien : « Ce sont donc les parietes qui font les chrétiens ? » Cette question ironique ne doit pas surprendre de la part d’un philosophe que ses lectures profanes et chrétiennes ont acheminé vers la foi. Dans la tradition stoïcienne reprise et adaptée à la fois par les Néo-platoniciens et par plusieurs auteurs chrétiens il trouvait de quoi se persuader que Dieu ne réside pas dans les parietes d’un sanctuaire, mais seulement dans l'âme humaine. Il pouvait de bonne foi se croire chrétien, alors qu'il était un déiste teinté de christianisme comme l’Octavius de Minucius Felix, et ne pas juger nécessaire d’aller à l’église. Nous ignorerons sans doute toujours comment Simplicien leva l’objection et pourquoi Victorinus se ravisa brusquement pour s'inscrire en vue du baptême. für Antike

Th. Klauser = Jahrbuch 1964, p. 34-36. (1) Aueusrin,

De

dies, t. LXXXIX,

ciuitatem

putatis,

fratres,

Denique

si diceret Deus

istum », nonne

meritum

VI, 10, éd. O’Reilly,

excidio,

urbis

Washington,

Ergänzungsband

und Christentum,

dans Patristic Stu-

1955, p. 66 (= P.L., t. XL,

in parietibus

Sodomitis magnum

et non

in ciuibus forsitan

721) : « An

deputandam

: « Fugite, quia incensurus eos habuisse

I,

sum

diceremus,

?

locum si fuge-

rent et flamma de caelo descendens moenia tantum parietesque uastaret ? » Cf. mon Histoire littéraire des grandes invasions germaniques, 3° éd., Paris, 1964, appendice II : « Le stoicisme chrétien devant le spectacle des ruines, p. 281,

n.

5, rapprochant

l'expression

d'AucusriN,

Sermo

Casin.,

I, 135,

dans Misc. Agost., t. I, p. 405 : « Doles quia ceciderunt ligna et lapides et

quia mortui sunt morituri » (issue de Pcorin, Enn., I, 4, 7, 21-23), de PurLON, Quod Deus sit immutabilis, 8, éd. Mosès, p. 66, selon lequel les sanc-

tuaires eux-mêmes ne sont que pierres et morceaux de bois (Aüov xat EvAwv dbôüyou The BAns merointat. (2) Grécoire LE GrRanD, Hom. in Ezechielem, II, 6, 22, P.L., t. LXXVI, 1010 : « Quid autem ista de hominibus dicimus, cum, ruinis crebrescenti-

bus, ipsa quoque destrui aedificia mines, etiam parieles cadunt. »

uidemus ?... Postquam

defecerunt

ho-

on

Prend

CPAS

ur

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APPENDICE

L'IMMANENCE

DANS

VI

LES « CONFESSIONS »

L'un des traits les plus caractéristiques des « Confessions » est la conception de Dieu intérieur au cœur de l’hommet. L'impie, dit Augustin, s’oublie lui-même? ; loin de se repentir de ses égarements, il les oublie comme un homme ivre ; il s'efforce de les oublier lors même que Dieu les lui montret ; or un tel oubli ne serait légitime que s’il était l’effet d’une « sobre ivresse » (1) Le mot « cœur»,

dans les pages qui suivent, ne

p. 72-73, les A. Maxsein, t. I, 1954, p. gustin, Paris,

pas

désigne

seule-

du cœur dans (Il note bien,

noms ment l’affectivité ; cf. A. GuizLaumonT, Les sens des 41-81 p. 1950, Paris, ines, Carmélita Etudes l'Antiquité, dans

; influences bibliques subies à cet égard par les Confessions) Philosophia cordis bei Augustinus, dans Augustinus Magister, Au357-371 ; E. DE LA Peza, El significado de ‘ cor’ en San 1962.

(2) AueusTiIN,

Confessiones,

I, 13, 22, 22, éd. Labriolle,

p. 19 : « Item,

do quisque obliuiscasi quaeram, quid horum maiore uitae huius incommo non uideat, quid resquis , figmenta illa poetica an scribere et legere tur, ponsurus

sit, qui non

: « Ego est penitus oblitus sui ? » ; VII, 1, 2, 1, p. 146

ipsi conspicuus.…. ». itaque incrassatus corde (Matth, XIII, 15) nec mihimet s) : « Gaudens Patriciu père son de propos (à 33 p. 7, 6, 3, IT, (3) Zbid., pro te amauit, tuam am creatur et est oblitus uinulentia in qua te iste mundus in ima uoluntatis suae»; I, de uino inuisibili peruersae atque inclinatae cuius errores oblitus erro13, 20, 14, p. 18 : « Tenere cogebar Aeneae nescio rum meorum. » Ponticianus. Tu autem, (£) Ibid., VIII, 7, 16, 1, p. 189 : « Narrabat haec auferens me a dorso ipsum, me ad me ebas retorqu Domine, inter uerba eius constituebas me et re, adtende meo, ubi me posueram, dum nollem me antefaciemmeam

(Ps. XLIX,

21), ut uiderem,

quam

turpis essem,

us. Et uidebam et horrequam distortus et sordidus, maculosus et ulceros a me auertere aspectum, conabar si Et erat. non m fugere me a quo et bam, bas mihi et impingeoppone rursus me tu et t, narraba narrabat ille quod atemmeamet quit mini bas me in oculos meos, ut inuenire odissem

(Ps., XXXV,

3). Noueram

eam,

sed

dissimulabam

et cohibe-

394

APPENDICE VI

procurée par le pardon de Dieu. Si l’impie se délaisse soi-même, c'est que sa curiosité et son admiration se portent vers les objets extérieurs? ; vers eux «il projette le tréfonds de lui-même » (intima sua )°. Cette forte expression, qui évoque pour Augustin la métaphore médicale de la tumeur, est une parole d’Écriture qu’il applique, comme montre un passage du De musica, à cette doctrine néo-platonicienne : il est impie de se chercher

bam

et obliuiscebar » ; V, 6, 11, 25, p. 101

: « Qui me

tune

agebas

abdito

secreto prouidentiae tuae et inhonestos errores meos iam conuertebas ante faciem meam (Ps. XLIX, 21), ut uiderem et odissem » (Cf. In Ps., XLIX, 28, 25, C.C., t. XXXVIII, p. 596 : «Constituam te ante faciem tuam. Quid enim uis latere teipsum ? In dorso tuo tibi es, non te uides ; facio ut te uideas ; quod post dorsum posuisti, ante faciem ponam. Videbis foeditatem tuam.…. Constitue te ante te»; Sermo, CXLIT,

3, 3, P.L.,

t. XXXVIII,

779

: « Quod

nolebat

anima

uidere,

po-

nitur ei ante oculos ; et quod post dorsum habere cupiebat, ad faciem illi admouetur. Vide te in te. Reuocatur ad se anima quae ibat a se... Oblita est

anima

se

ipsam,

sed

amando

mundum.

Obliuiscatur

se,

sed

amando

artificem mundi. Pulsa ergo et a se, quodam modo perdidit se nec facta sua nouit uidere. » Cf. H. Fucrer, Les images de la conversion dans les ‘ Confessions ” de s. Augustin, thèse de Paris, 1963 (dactylographiée). (1) Zbid.,

inebries

I, 5, 5, 1, p. 4 : « Quis dabit müihi, ut uenias

illud, ut obliuiscar mala

mea

et unum

bonum

in cor meum

meum

et

amplectar

te ? »; IX, 4, 11, 6, p. 217 : « In te requies obliuiscens laborum omnium. » (2) Tbid., X, 8, 15, 10, p. 251 : « Et eunt homines mirari alta montium

et ingentes fluctus maris et latissimos lapsus fluminum et Oceani ambitum et gyros siderum et relinquunt se ipsos. » (3) Ibid, VII, 16, 22, 8, p. 166 : « Et quaesiui, quid esset iniquitas, et non

inueni

substantiam,

sed a summa

substantia,

te Deo,

detortae

in in-

fima uoluntatis peruersitatem proicientis intima sua et tumescentis foras » III, 1, 1, 11, p. 45 : « Anima mea... ulcerosa proiciebat se foras, miserabiliter scalpi auida contactu sensibilium. » (4) Aucusrin, De musica, IV, 13, 40, éd. Finaert-Thonnard, p. 446 : «Non potuit autem melius demonstrari, quid sit superbia, quam in eo quod ibi dictum est : Quid superbit ‘terra et cinis’ quoniam in uita sua proiecitintima sua» (Eccli., X, 9-10). Cum enim anima per se ipsam nihil sit (non enim aliter esset commutabilis et pateretur defectum ab essentia), cum ergo ipsa per se nihil sit, quidquid autem illi esse est, a Deo sit, in ordine suo manens, ipsius Dei praesentia uegetatur in mente atque conscientia. Itaque hoc bonum habet intimum. Quare superbia intumescere, hoc ill est in extima progredi et, ut ita dicam, inanescere, quod est minus minusque esse. Progredi autem in extima, quid est aliud quam intima proiicere, id est longe a se facere Deum, non locorum spatio, sed mentis affectu ? »; cf. Conf., X, 6, 10, 19, p. 247 : « Iam tu melior es, tibi dico, anima, quoniam tu uegetas molem corporis tui. »

L'IMMANENCE

DANS

LES « CONFESSIONS »

305

au-dehors au lieu de se connaître, soi et son origine!. Au contraire, ajoute-t-il, l’homme qui fait retour sur soi en progressant — selon la dialectique néo-platonicienne des degrés — de l'extérieur vers sa propre intimité, avec la conviction que ce qui est intérieur est préférable’, celui-là prend conscience de son mauvais état de santé moral, découvre sa dissemblance de nature d’avec la divinité‘ et, du même coup, la présence de

Dieu au plus profond de ses #ntimaÿ. L'enseignement néo-platonicien du retour à soi par le « Connaïis-toi toi-même » concorde avec tel verset d’Isaïe : Si nous revenons à notre propre cœur, nous trouverons Dieu qui est au fondf. Mais si, faute de rentrer (1) Cf. Macros,

In somn.

Scip.,

I, 9, 3, p. 510,

ut diximus, una est agnitio sui, si originis natalisque respexerit ‘ nec se quaesierit extra” (Perse, Sat., (2) Aueusrin, Conf., VII, 17, 23, 23, p. 166 : corporibus ad sentientem per corpus animam atque uim,

cui sensus

corporis

« Et adhuc ascendebamus

exteriora

nuntiaret...

»;

6:

« Homini

autem,

principii exordia prima I, 6). » « Atque ita gradatim a inde ad eius interiorem IX,

10, 24, 8, p. PAS

interius cogitando et loquendo et mirando opera

tua et uenimus in mentes nostras et transcendimus eas.. » X, 6, 9, 18, p. 246 :

« Et direxi me ad me et dixi mihi : ‘ Tu quis es ? ” Et respondi : ‘ Homo” Et ecce corpus et anima in me mihi praesto sunt, unum exterius et alterum interius.… Sed melius quod interius. » (3) Ibid., VI, 6, 10, 16, p. 127 : « Saepe aduertebam in his quomodo mihi esset, et inueniebam male mihi esse. » Cf. aussi le « inuenirem iniquitatem meam

», ci-dessus,

p. 393, n. 4.

(4) Ibid., VII, 10, 16, 22, p. 162 : « Inueni longe me esse a te in regione Politique, dissimilitudinis. » C’est le +réroc ävououérnros de Praron,

273 d; Pronin, Enn., I, 8, 13, 16, p. 136 ; Procrus, In primum dem, 110e, éd. Westerink, p. 118. Voir ci-dessous, p. 405-440.

Alcibia-

(5) Ibid., VII, 10, 16, 1, p. 161 (à propos de sa lecture des libri Platonicorum) : « Inde admonitus redire ad memetipsum intraui in intima mea

VI, duce te»; IV, 8, 13, 9, p. 75 : « In intima dolor ille penetrauerat »; p. 325 : 17, 39, 29, XI, ; » mea intima rodebat cura Acrior « : 122 p. 4, &, 5,

«ln tempora dissilui. Tumultuosis uarietatibus dilaniantur cogitationes meae, intima uiscera animae meae. » Sur les uiscera animae, ci. encore Conf., V, 9, 17, 2, p. 106; VI, 6, 10, 18, p. 127; VIL 6, SA D 1158 NI0R21, IIT, 27, 56, p. 172 ; IX, 2, 8, 2, p. 210 ; et sur les medullae animae, Conf., AC IDE Are nain 16 VII, ; 129 p. 29, 12, 7, VI, 52; p. 14, 40, 6, Les medullitus). : 68 p. Jolivet, éd. 5, 2, II, 30, p. 213 (cf. Contra Acad., intima apparaissent dès l'Epist. ad Nebridium, X, 3, C.S.E.L., t. XXXIV, du philo4, p. 24, 26. Voir PorPayre, De abst. II, 52, p. 178, 10 (à propos sophe qui s’approche de Dieu) : ëv rois &Anbivoic adtod oTÀAGYyYXVvOLG idpura. ChristenJ. Haussieirer, Deus internus, dans Reallexikon für Antike und tum,

t. III, col. 834-838.

ex illo in illo (6) TZbid., IV, 12, 18, 7, p. 79: « Non enim fecit et abiit, sed errauit ab cor sed est, cordi Intimus ueritas. sapit ubi est, ubi sunt. Ecce et inhae8) XLVI, (Is, adcor res, eo. Redite, praeuaricato

396

APPENDICE VI a fortiori l'on ne peut

en soi, on ne se trouve pas soi-même,

trouver Dieu!. Car rien ne sert de chercher au-dehors de soi le Dieu du cœur. La présence divine immanente est décrite par Augustin de manières diverses. Tantôt il emploie le verbe adesse, à propos de Dieu qui châtie® ou qui s'apprête à vous tirer du péril* ou qui exauceÿ : son ubiquité ne signifie pas indifférence à l'égard A

rete illi, qui fecit uos. Abscessit enim et ecce hic est. Noluit nobiscum diu esse

et non

reliquit nos » ; In Ps., LVII,

1, 14, C.C., t. XXXIX,

p. 708

:

« Quasi forinsecus admota uoce Dei ad interiora sua homo compulsus est, dicente scriptura : In cogitationibus enim impiiinterrogatioerit (Sap., I, 9). Vbi interrogatio, ibi lex. Sed quia homines appetentes ea quae foris sunt, etiam a seipsis exsules facti sunt, data est etiam conscripta lex ; non quia in cordibus scripta non erat, sed quia tu fugitiuus eras cordis tui, ab illo qui ubique est comprehenderis, et ad teip.sum intro reuocaris. Propterea scripta lex quid clamat eis qui deseruerunt legem scriptam in cordibus suis ? Redite, praeuaricatores, ad cor »; In Ps., LXX, sermo I, 14, 33, p. 950 : « Redi ergo ad confessio-

nem

infirmitatis

cor;

non

tuae.….

committatur

Redi anima

ergo, tua.

redi,

praeuaricator,

Potentior

est

multum

ceui

ad

bellum

indixisti. Quanto grandiores lapides in caelum miseris, tanto te fortior œruina pressura est. Agnosce te. Deus est qui tibi displicet : erubesce ; tu tibi displice » ; In Ps., LXXVI, 15, &, p. 1061 : « Ego su m, inquit, uia,ueritasetuita (Joh, XIV, 6). Redite ergo, homines, ab affectionibus uestris. Quo itis ? Quo curritis ? Quo non solum a Deo, sed etiam a uobis curritis ? Redite, praeuaricatores, ad -spiritum uestrum)» ; Tract. in Ioh., XNIII, 10, 2, C.C., t.

« Redimus

forte ad nos, si non sumus

Redite,

praeuaricatores,

praeuaricatores ad

cor.

Quid

cor, scrutamini XX XVI, p. 186 :

quibus dictum est : itis a uobis

tis ex uobis ? Quid itis solitudinis uias ? Erratis uagando ; redite. Ad

Dominum.

Cito est : primo redi ad cor tuum,

et peri-

Quo ?

exsul a te uagaris foris;

teipsum non nosti et quaeris a quo factus es ! Redi, redi ad cor, tolle te a corpore.. Redi ad cor ; uide ibi quid sentias forte de Deo, quia ibi est imago Dei... Vide quemadmodum omnes corporis sensus cordi intro nuntient quid senserint foris ; uide quam multos ministros habeat unus interior imperator, et quid apud se etiam sine his ministris agat. » (1) Aueusrin,

et a me

Conf., V, 2, 2, 25, p. 93 : « Et tu eras ante me, ego autem

discesseram

nec me inueniebam

: quanto

minus

te!»

(2) Tbid., VI, 1, 1, 5, p. 117 : « Quaerebam te foris a me et non inueniebam

deum

cordis mei et

desperabam

de inuentione

ueri. »

(3) Zbid., II, 2, 4, 3, p. 32 : « Nam tu semper aderas misericorditer saeuiens. » (4) Zbid., VI, 16, 26, 2, p. 141 : « Aderat iam iamque dextera tua raptura me de caeno » ; VI, 9, 15, 1, p. 132 : « Statim enim, Domine, adfuisti

innocentiae » {lorqu'Alypius fut accusé injustement) ; IV, 3, 5, 6, p. 69 : -« Numquid tamen etiam per illum senem defuisti mihi ? » (5) Ibid, V, 9, 17, 17, p. 107 : « Aderas et exaudiebas (Monnicam) » ; VI, 5, 8, 25, p. 125 : « Cogitabam haec et aderas mihi, suspirabam et audiebas me » ; XI, 2, 3, 14, p. 297 : « Adtende animam meam et audi claman-

L'IMMANENCE DANS LES « CONFESSIONS »

397

des détresses humaines!. Tantôt Augustin emploie le participe : praesens ; dans ce cas, le mot

est souvent

doublé

de secretus

pour indiquer que cette présence est invisible’. Elle accompagne, pour ainsi dire, la personne humaine dans ses démarches, que l’homme soit pieux ou impie’. Augustin se repent d’avoir imaginé longtemps, sous l'influence manichéenne, cette immanence comme matérielle et spatialet. Au contraire, la Vérité qu'il cherchait avec Monique à Ostie touchant l'au-delà, est une présence personnelle. Omniprésence qui est au-delà du temps comme de l’espace, car elle s'applique aussi bien au passé et au futur qu'au présent temporelf. Si l’on ne ressent tem de profundo. Nam quo clamabimus ? »

nisi assint et in profundo aures tuae, quo ibimus,

(1) Zbid., I, 2, 2, 10, p. 3 : « Quid peto ut uenias in me,

qui non

essem,

nisi esses in me ? Non enim ego iam in inferis, et tamen etiam ibi es, Nam etsi descendero in infernum, ades (Ps., CXXXVIII, 8). Non ergo essem,

essem nisi esses in me. Ân potius non essem,

non omnino

Deus meus,

in quo omnia, omnia, per quem nisi essem in te, exquo omnia (Rom., XI, 36) ….Quo enim recedam extra caelum et terram, ut inde in me ueniat Deus meus, qui dixit : Caelum et terram ego impleo

(lerem.,

(2) Notamment

XXIII,

24)?»

de prières au vocatif, en forme d’oxy-

dans les formules

moron, ibid., I, 4, 4, 6, p. 5 : «secretissime et praesentissime » ; VI, 3, 4, 29, p. 122 : «altissime et proxime, secretissime et praesentissime » ; cf. V,

2, 2, 14, p. 93 : « Solus es praesens etiam his, qui longe fiunt a te... Disces-

seram

a me»;

V, 8, 14, 5, p. 103 : « altissimi tui recessus

et praesentissima

in nos misericordia tua » (cf. déjà De quantitate animae, XXXIV, 77, éd. Labriolle, p. 388 : « quo nihil sit secretius, nihil praesentius »). (3) Zbid., V, 9, 16, 17, p. 106 (à propos de Monique) : « Tu autem ubique

praesens ubi erat, exaudiebas eam, et ubi eram miserebaris me, ut recupe19, rarem salutem corporis adhuc insanus corde sacrilego » ; IX, 8, 18,

p. 224 : « Absente patre et matre et nutritoribus tu praesens, qui creasti, qui uocas, qui etiam per praepositos homines boni aliquid agis ad animarum

salutem.

» Cf.

Érrcrère,

Diss.

II, 8, 14,

Souilhé,

éd.

p.

30,231:

Aro roù Beoû rupévroc ÉcwÔEv al épopévros mévra xai ërmaxobovroc oùx aioyüvn Taüra évôvpotpevos xai TouGv, &valoônte Tic œôrod pÜoewc xat OeoyoAwTE. (4) Ibid,

VII,

(5) Zbid.,

IX,

1, 2, 18, p. 147

: « Sic tibi putabam

non

solum

caeli et

aeris et maris, sed etiam terrae corpus peruium et ex omnibus maximis » minimisque partibus penetrabile ad capiendam praesentiam tuam. 10, 23, 10, p. 228

: « Quaerebamus

inter

nos

apud

prae-

. » sentem ueritatem, quod tu es, qualis futura esset uita aeterna sanctorum celsipraeterita omnia praecedis Sed « : 307 (6) Ioid., XI, 13, 16, 2, p. sunt tudine praesentis aeternitatis et superas omnia futura, quia illa futura et, cum

uenerint,

praeterita

erunt » ; IX

4NMO

MB

MP 0217:

ec Orst uide-

, quoniam rent internum aeternum, quod ego, quia gustaueram, frendebam a te et diforis oculis in cor me ad afferrent si ostendere, poteram eis non

398

APPENDICE

VI

pas la présence divine, c’est surtout parce que l’on se préoccupe de l'extérieur, non

de l’intérieur!,

alors que Dieu est au

tréfonds du tréfonds de l’homme”. C’est Dieu même qui attire l’attention sur sa présence, tantôt comme un aliment dont on ressent la faim, tantôt comme une voix intérieure, tantôt de cerent : ‘ Quis ostendet nobis bona ” (Ps., IV, 15) ? ». Cf. Contra Faustum, XV, 11, C.S.E.L., t. XXV, p. 439, 14 : « aeterna et interna sapientia » ; Civ. Dei, XV, 22, C.S.E.L., t. XL, 2, p. 108, 21 : « Postposito Deo, aeterno interno sempiterno bono. » (1) Zbid., X, 27, 38, 2, p. 267 : « Et ecce

intus eras et ego foris, et ibi te

quaerebam et in ista formosa, quae fecisti, deformis inruebam. Mecum eras et tecum non eram. Ea me tenebant longe a te, quae si in te non essent, non

essent»;

VII,

7, 11, 24, p. 157

: «Lumen

oculorum

meo-

rum non erat mecum (Ps. XXXVII, 11). Intus enim erat, ego autem foris, nec in loco illud. » Ce dernier membre de phrase reparaît sous d’autres

formes

en X, 6, 8, 19, p. 245

: « quod non

capit locus » et X,

9,

16, 4, p. 251 : «quasi remota interiore loco, non loco. » C’est un procédé typiquement plotinien de corriger ou d’abolir la métaphore, sitôt proposée. Ci. E. Bréuien,

éd. cit, t. VI, 1, p. 162 ; 165 ; 168 ; 172

et passim ; Images

plotiniennes, images bergsoniennes dans Les études bergsoniennes, t. II, 1949, p. 119, 121; P. Ausin, L'image dans l’œuvre de Plotin, dans Recherches de science religieuse, t. XLI, 1953, p. 348-379. (2) Zbid., III, 6, 11, 17, p. 54 : « Tu autem eras interior intimo meo et superior summo meo. » (Cf. De uera religione, XX, 38, éd. Pegon, p. 72 : « summa et intima ueritas » ; Epist. ad Memorium CI, 3, C.S.E.L., t. XX XIV,

2, p. 541, 18 : « superna intima ueritatis » ; De Trinitate, VIII, 9, 13, éd. Agaësse, t. Il, p. 68 : «intus apud nos, uel potius supra nos in ipsa ueritate conspicimus » ; XII, 3, 3, p. 216 : « supernam et internam.. ueritatem ») ;

VIII, 3, 8, 16, p. 182 : «Quam excelsus es in excelsis et quam profundus in profundis.

Et nusquam

recedis » ; IX, 1, 1, 23, p. 209

: Eiciebas

enim

eas

(suauitates nugarum) a me, uera tu et summa suauitas, eiciebas et intrabas pro eis omni uoluptate dulcior, sed non carni et sanguini, omni luce clarior, sed omni secreto interior, omni honore sublimior, sed non sublimibus in se»; cf. In Ps. CXVIITI, « Tu interior intimis meis » ; De

sermo XXII, 6, 6, C.C., t. XL, Genesi ad litteram, VIII, 26,

p. 1740 : C.S.E.L.,

t. XX VIII, p. 265, 17-20 : « Ipse et interior omni re, quia in ipso sunt omnia, et exterior omni re, quia ipse est super omnia » ; De Trinitate, VIII, 7, 11, p. 60 : «Qui quaerunt Deum per istas Potestates, quae mundo praesunt uel partibus mundi, auferuntur ab eo longeque iactantur, non interuallis locorum,

sed diuersitate

affectuum

: exterius

enim

conantur

ire et énteriora

sua deserunt, quibus interior est Deus. » Les puissances qui sont présentes et président au cosmos matériel ne peuvent être la divinité véritable. (3) Aucusrin, Conf., 1, 13, 21, 4, p. 18 : « Lumen cordis mei et panis oris intus animae meae » ; III, 1, 4, 6, p. 45 : « Famis mihi erat intus ab interiore cibo, te ipso, Deus meus, et ea fame non esuriebam, sed eram sine

desiderio alimentorum incorruptibilium, non quia plenus eis eram, sed quo inanior,

fastidiosior, »

(4) Tbid., IV, 15, 27, 4, p. 86 : « Intendebam, dulcis ueritas, in interiorem

L'IMMANENCE

DANS LES « CONFESSIONS »

399

façon pressante comme un aïguillon! ; cette action intérieure est encore comparable à celle d’un professeur? ou d’un médecin°. Augustin exprime aussi cette immanence en répétant que Dieu ne part pas‘, ne nous quitte pas’. Quelles peuvent être les origines de cette conception ? Les références scripturaires sont fournies par Augustin lui-même dans une lettre-traitéf. Mais ne peut-on présumer les doctrines philosophiques qu'il regarde comme susceptibles de s’accorder avec les versets sacrés ? Les parallèles suivants me semblent révélateurs :

melodiam

tuam,

cogitans

de pulchro

et apto.»

Cette mélodie

est perçue

par l’ «oreille intérieure » (Jbid., XI, 6, 8, 11, p. 302 : « Auris interior po-

sita ad aeternum uerbum tuum » ; cf. XII, 11, 11, 1, p. 336 ; XII, 11, 12, AD STE UT MS. 18; 1;p. 0340: XIIT, 229,25" 212 p.201) (1) Zbid., VII, 8, 12, 4, p. 158 : « Et siimulis

internis agitabas me, ut in-

patiens essem, donec mihi per interiorem aspectum certus esses ; et residebat tumor meus ex occulta manu medicinae tuae » ; IX, 4, 7, 15, p. 214 : « Dulce

mihi

fit, Domine,

confiteri

tibi, quibus

mueris ». (2) Zbid., IX, 9, 21, 20, p. 227 : « Docente pectoris. »

internis

me

stimulis

perdo-

te magistro intimo in schola

(3) Zbid., X, 3, &, 1, p. 242 : « Tu, medice meus intime. » (4) Tbid., IV, 11, 16, 4, p. 78 : « Ecce illa discedunt, ut alia succedant...

‘ Numquid

ego aliquo discedo ? ? ait Verbum Dei » ; IV, 11, 17, 15, p. 79 :

« Deus noster...

non discedit quia nec succeditur

ei » ; IV, 12, 19, 11, p. 80 :

« (Christus) discessit ab oculis.. Abscessit enim et ecce hic est. Noluit nobisceum

diu

esse

et non

reliquit nos.

Illuc

enim

abscessit,

recessit, quia mundus per eum factus est ». (5) Ibid., V, 2, 2, 9, p. 93 : « Non deseris aliquid eorum, Non,

sicut

ipsi deseruerunt

creatorem

suum,

ita tu

unde

nunquam

quae fecisti.

deseruisii

creaturam

tuam » ; V, 7, 13, 19, p. 102 : « Prouidentiae tuae non deserebant animam meam » : VI, 5, 8, 27, p. 125 : « Ibam per uiam saeculi latam nec deserebas » ; VI, 12, 22, 29, p. 139 : « Tu, altissime, MSIE

D.

2490:

€ Nequaquam

non deserens humum

deserens

coepta

tua

nostram » ; X,

consumma

imperfecta

mea » ; XI, 2, 3, 27, p. 298 : « Ne dona tua deseras » ; XIII, 1, 1, 4, p. 366 : « Nunc inuocantem te ne deseras » ; XII, 12, 15, 11, p. 339 : « Hoc ut in-

forme esset, non reliquisti » ; XIII, 12, 13, 13, p. 375 : « Non reliquit miseriam nostram misericordia tua. » (6) Aueusrin, Epist. ad Dardanum de praesentia Dei, CLXXXVII, C.S.E.L. t. LVII, p. 92 et suiv., citant Hierem., XXIII, 24; Sap., I, 7 et VIII, 1 ; Ps. CXXXVIII, 7-8; cf. Epist. ad Dioscorum, CXVTII, 4, 23, C.S.E.L., XIV, EN CES ETES t. XXXIV, 2, p. 686, 10 ; ad Volusianum, CERNTI

p. 101, 9 ; ad Fortunatianum, CXLVIIL, 1, 1, p. 332, 13. Voir déjà ci-dessus, pA991dn

"te,

400

APPENDICE

VI

SÉNÈQUE, Epist. , XLI, 1, éd. Préchac, p. 167.

AUGUSTIN, In Ps., LIN 02720: Cr t. XXXIX, p. 1031 :

« Prope est a te deus, tecum est, intus est. Ita dico, Lucili : sacer intra nos spiritus sedet, malorum bonorumque obseruator et

« Iniquitatum tuarum iudex Deus est. Si Deus est, ubique praesens est. Quo te auferes ab oculis Dei ?

.….Noli

ergo

custos

Deum

in

: hic proui a

nobis tractatus

nos

longe sumus

a tel.»

cogitare

locis;

ïille

TITI, 6, 17,77, D: 542

ÉPICIÈTE, Diss., I, Souilhé,

(Zedc) érirponov ÉxtOT TAPÉCTNOEV TV Éxäotou daluova ua Tapéôwxev puAdocelv adrdv Ha Tobrov &xolunTov al dTapal6yLoTov….. “Qo0” érav xAclontTe TG Obpas xai oxôTos Évov TOLNOETE, LÉUVNOÏE unSérote AËYELV ÔTL 1LOVOL êoté. Où ydp èoTé, 4 6 Osdc Évov éorti xai 6 Üuétepos dalov &ortv

« Non enim longe est a nobis omnipotentia tua, etiam cum

tecum est talis qualis fueris. Quid est : talis qualis fueris ? Bonus si bonus fueris, et malus tibi uidebitur si malus fueris.

est, ia

et ipse tractai.)»

14, 12,16d. TD 7

Conf., II, 2, 3, 10,

Der

(2). Kai

Tic Tov-

Tous xpelx pards el Tù Bréreuv Ti moteire

;

Ibi habes iudicem in secreto tuo. Volens

facere aliquid mali, de publico

recipis

domum

tuam,

te in ubi ne-

mo inimicorum uideat ; de locis domus tuae promtis et in faciem constitutis remoues te in cubiculum, times et in cu-

biculo aliunde conscium, secedis in cor tuum, ibi meditaris : ille corde tuo inferior

« Tu autem eyas inteyior intimo meo et

est3.

superior suMmIMOo meo.»

(1) Cf. Conf., V, 2, 2, 14, p. 93 : « Solus es praesens etiam his, qui longe fiunt a te.

Discesseram

« Prope est Dominus (2) Cf. Aueusrin,

in deserto. num

a me»;

omnibus

Sermo

XXI,

2, P.L., t.

his qui obtriuerunt

XX XVIII,

143

:

cor (Ps. XXXIII, 19. »

In Ps., LIV, 9, 9, C.C., t. XXXIX,

p. 663 :«Mansi

In quo deserto ? Si forte in conscientia, quo nullus homi-

intrat, ubi nemo

tecum est, ubi tu et Deus es » ; SÉNÈQUE, Exhortationes,

ap. Lacr., Inst., VI, 24, 12, C.S.E.L., t. XIX, p. 573, 19 : « Nihil prodest inclusam esse conscientiam : patemus deo » (et le commentaire de Lactance : « Parietibus oculi hominum submouentur, Dei autem diuinitas nec uisceribus

submoueri

potest ») ; Epist.,

(3) Cf. J. SrerzenBerGer,

XLIIT,

3-4, éd. Préchac,

Conscientia bei Augustinus,

p. 6.

Paderborn,

1959.

L'IMMANENCE

DANS

IN

SÉNÈQUE, De trang. Gen DUR VIE MG nee

Waltzsp « Ut (III,

401

LES ( CONFESSIONS »

im2 23 Dit

roc Quocumque

ait Lucretius

“Hocoysé

sum quo fugies ? Nonne quocumque fugeris, te sequeris ?

quis.)-

que modo sem-per fugit, sed quid prodest si non effugit ?” Sequitur se ipse et urget grauissimus comes. »

SIMPLICIUS,

ergo

fugeris, ibi est. Teip-

1068-1069)

enchiridion,

sd (Didot)

ME aDTbDRer Paris, 1840,

fugeremi me

? Quo non

sequever ? »

IVe 0,247 14 p2776

In

Epicteti

« Quo enim cor meum fugeret a corde meo ? Quo a me ipso

brio? Oùre Ydo, AuapTavovroy hu@v. Ô Oedc àTootpéperar ñ dpyiCeTat h Xoplerau E nuov. Oüre, uerauekouévov AUOV, ATOS ÉTLOTPÉPETuL À TpOOELOL UV &yaBvvOetc. ?AvôpoTux YAo THÜTE HA TÔpPO TG XATX TÉVTA ULErafBrñrov 0eluc Lauxapr6mmnroc. AA ueis xaxuvOévrec à

Quando autem et teipso interior est, non est quo fugias a Deo irato nisi ad Deum placatum, prorsus non est quo fugias. Vis fugere ab ipso ?

«Te

nemo

amittit

nisi qui dimittit,

et

quia dimittit quo ît aut quo fugit nisi a te placido ad te i7atum



Fuge ad ipsum?. »

The els Td

Tapk PÜOLY ÉXTTOOEUG. xai &vouorwévres mp rhv Belav &yabérnra … TOGRUEV ÉMUTOUS Éxetôev, où Ouvéuevor LÈv oùdéroTe UYELV TV èri révra Oumxovoauy adTOÙ TPOVOLAV.. (1) CE. Conf. VIII,

7, 16, 7, p. 190 : « Quo a me

fugerem non

erat»;

V,

Ce passage 2, 2, 5, p. 93 : « Quo enim fugerunt, cum fugerent a facie tua ? » lit sous est influencé par le Psaume CXXXVIII, 7-8 versets qu'Augustin ? Si ascenla forme : « Quo ibo a spiritu tuo ? Et quo a facie tua fugiam

XXV, dero in caelum tu ibies ; si descendero in infernum ades ». Cf. Sermo 0x Fugit homo et secum trahit bellum suum ». LENDIES LC XESNIT #16 XXXVIII, p. 196 : (2) Cf. In Ps., XXX, enarr. 2, sermo I, 8, 14, C.C., t.

« Volo fugere. Quo fugio ?.. . Quocumque iero, sequor me. Quidquid enim habere nihil uis potes fugere, homo, praeter conscientiam tuam... Interius

402

APPENDICE VI

Augustin reproduit presque mot-à-mot les expressions de Sénèque : Dieu est près de toi, disait Sénèque ; comme nous le traitons il nous

traite. Dieu est non

loin de nous,

dit Au-

gustin, il te traite comme tu l’as traité. Ce dieu est cusios et obseruator selon Sénèque, émiroomos et œbhaËë selon Épictète, iudex selon Augustin. Celui-ci nous offre un petit récit à la manière d’Épictète, sur l’homme qui s’enferme au lieu le plus obscur de sa maison pour n'être pas vu, mais qui a pourtant un témoin de ses actes : car Dieu est à l’intérieur de sa conscience morale. Il continue en déclarant d’après Sénèque que l’homme ne peut chercher à se fuir sans s’escorter soi-même. Comme le commentateur d'Épictète il assure que la seule fuite possible mène de Dieu en colère à Dieu apaisé. Je ne prétends nullement qu'aucun de ces passages soit la source directe des passages correspondants d’Augustin. Mais l’origine stoïcienne de ce corps de doctrine ne paraît pas douteuse. Bien entendu, Augustin infléchit la doctrine en un sens chrétien : il se garde de mentionner notre démon personnel, comme faisait Épictète. D'autre part, le seul fait qu’il coïncide avec Simplicius, commentateur tardif et néo-platonisant d’Épictète, montre qu'il perçoit ce corps de doctrine sous une forme élaborée. Dans sa formule célèbre « interior intimo meo et superior summo meo », le terme de transcendance corrige ce que le terme d’immanence pouvait recéler de panthéisme matérialiste!. Ce faisant, il suit la ligne doctrinale, chère à Philon et Apulée, « qui cherche à concilier la transcendance du principe ES

potes, quo fugias a conscientia tua... Nam a te quo fugiam

?.… Si trasceris,

te ultorem inuenio ; si placatus es, adiutorem » : XCIV, 2, 21, C.C.,t. XXXIX,

p. 1331 : « Quo iturus est, quo fugiturus est ab illo irato, nisi ad ipsum placatum ?.… Non ergo loco quisque longe est a Deo, sed dissimilitudine » ; CXXX

VIII, 12, 13, C.C., t. XL,

p. 1998

: « Has, inquit,

alas, has pennas

si recipiam sic, possum fugere a facie tua ad faciem tuam, a facie trati ad faciem placati » ; CXLVI, 20, 17, C.C., t. XL, p. 2137 : « Quo iturus est ? Quid facturus ? Vis ab illo fugere ? Ad ipsum fuge. Vis fugere ab irato ? Fuge

ad placatum » ; Tract.

in Ioh. XLI,

4, 11, C.C., t. XXXVI,

p. 359 :

« Seruus hominis aliquando sui domini duris imperüs fatigatus, fugiendo requiescit ; seruus peccati quo fugit ? Secum se trahit quocumque fugerit. Non fugit seipsam mala conscientia, non est quo eat, sequitur se ; immo non recedit a se; peccatum enim quod facit, intus est. Mala seruitus ! » (1) Sur son détachement du panthéisme matérialiste, voir le texte cité ci-dessus,

p. 397,

n. 4 ; G. VerBEKE,

Augustin

et le stoicisme,

cherches Augustiniennes, t. I, Paris, 1958, p. 78 ; M. Tesrann, el Cicéron, t. I, p. 117.

dans

Re-

S. Augustin

L'IMMANENCE

DANS LES « CONFESSIONS »

403

avec son immanence dans la réalité sensible »!, mais va plus loin qu'eux sous l'influence du néo-platonisme. L'on sait que Plotin consacre un traité de sa sixième Ennéade à montrer que la «notion commune », d’origine stoïcienne, selon laquelle «un dieu est en chacun de nous », ne doit pas conduire à admettre le morcellement de l’Un. Lorsqu'Augustin ajoute au « Dieu est près de nous » de Sénèque : «même lorsque nous sommes éloignés de lui», il suit la conclusion de ce traité de Plotin

: «Partir,

ce n’est pas le quitter, car il est 1àÿ.» Por-

phyre commentait le passage plotinien en insistant surtout sur le point de vue diamétralement opposé : « Il est présent à celui qui lui est présent et absent pour celui qui s’est écarté de luif. » Voilà, semble-t-il, un cas de différence entre Porphyre et Plotin

où, contrairement à la théorie chère à M. Theïler, Augustin ne suit pas complètement Porphyre. La fuite à partir de Dieu irrité vers Dieu apaisé me paraît remonter aussi à une doctrine (1) E. BRéœIER, (2) Pzorin,

En

éd. des Ennéades, NL

05 LL

éd

t. VI, 1, p. 163. To

Ep: 199:

cit,

Év at

Tadrov

pu

ravrayod dux ÉAov elvau xowh pév Tic Évvot& not, ÉTAV TÉVTES HLVOUHLEVOL adropuéis Aéywor Tèv Èv ÉxdOTE UV Oedv Éva nai Tdv œTOv. (3) Tbid., VI, 5, 12, 26, p. 212 : Où’ HABev, va rap, &AAX où d&mÿ\0ec T&PEOTLV) re où népconw. Ei d &mñA0ec oùx &n” a«dToÿ (xdTd YÈp rapprocheD'autres &orodpnc. évavrix Tù ri rapov AR oùDE mor drAdec, par R.J. ments entre Augustin et Enn., VI, 5 viennent d'être signalés

dans Revue O’Connezz, Ennead VI, & and 5 in the Works. of st Augustine, 22-23 et 19, p. notamment 1-39, p. 1963, IX, t. des études augustiniennes,

God, a 30. En revanche, l’ouvrage de S. J. Grasowsxi, The Allpresent décevant. assez est 1954, , Saint-Louis Augustine, st. in Study : "Eotns (4) Porpuvre, Sententiae, XL, 4, éd. Mommert, p. 37, 5 Torxbrnv ëv adr® rapdv rapvrt… “Orav SE aps aôrév, éréornc xéxelvou. Té xùToÙ yèp &Elav elAnps, Tapetvar T& adTS rapévre xal dmeivar où Tape STI. ÔTe Exorévri… OÙùx MAlev lva map, &AN hueis &mh}0ouev Kai où TrhpeL Kai tt Oœuuaorév ; Adrds yép oot raphv oùx ris adroë. rpùc &AAX ÉTav Gmv, val Te nupéy 8 dv œôrèc Hal cavr® nalrep mapov répète phrase quatrième la que Brérn rapels ouvrdv Bhéreiv. On notera précédente. PORPHYRE, littéralement la première phrase de Plotin à la note Ad

Gaurum,

éd. K. Kalbfleisch,

dans Abhandlungen

1895, p. 50, 21, exprime à nouveau

der Berliner Akademie,

ce qui semble être sa

pensée

person-

Té TAvTAAOD Tu nelle :‘O yvods rdv Bedv Eye rdv Bedv rapbvra Hal 6 &yvoüv meo dans un intimo l'interior entendre bien Augustin semble

pévrr äreort. écrit, De Trinit. contexte plotinien et opposer Plotin à Porphyre, lorsqu'il , quae mundo Potestates istas per Deum quaerunt Qui « : VIII, 11, p. 60 ïiactantur, non longeque eo ab r praesunt uel partibus mundi, auferuntu interuallis

locorum

(cf. Prorin,

tate affectuum : exterius enim quibus interior est Deus. »

Enn.,

I, 6, 8, 22 : Où root)

conantur

ire

et

interiora

sed

sua

diuersi-

deserunt,

404

APPÉNDICE VI

néo-platonisante!, et cette fois sans doute porphyrienne comme a supposé M. Theïler?. Je ferai valoir comme argument principal que la formule, dans le De Trinitate et la Cité de Dieu, reparaît avec un contexte où Dieu est comparé au soleil : celuici est immuable quoiqu'il paraisse bénéfique à l’œil sain, irritant pour l'œil malade. Augustin me semble donc avoir connu la doctrine de l’immanence à travers la diatribe stoïcienne, mais l’avoir repensée successivement à la lumière de la pensée néo-platonicienne et chrétienne.

Lorsqu'il dit à Dieu, au livre X des Confessions

:

« Tant que j’accomplis loin de toi mon pélerinage, je suis plus présent à moi-même qu'à toi », il se sépare à la fois des Stoïciens et des Néo-platoniciens selon lesquels se connaître soi-même est connaître Dieu en soi. Augustin est convaincu que cette connaissance,

durant notre vie terrestre, a ses limites.

(1) Cf. EmPépocze,

ap. Prorin,

Enn.,

IV, 8, 5, 5, éd. Bréhier,

‘H ’Euredoxdéovs quyh md rod Oeod wat mAavn.

Cf.

p. 15. JamBzique,

Places,

(2) W. Tueicer,

De

mysteriis,

I, 13, éd. des

Porphyrios und Augustin,

V,

p. 222 :

1, 1, 1 et

suiv.,

p. 63.

Halle, 1933, p. 61.

(3) Aucusrin, De Trinitate, V, 16, 17, éd. Mellet-Camelot, p. 466 : « Sic etiam cum tratus malis dicitur et placidus bonis, ill mutantur, non ipse : sicut lux infirmis oculis aspera, firmis lenis est, ipsorum mutatione, non

sua » ; Cip. Dei, XXII, 2, 1, p. 530 : « Cum Deus mutare dicitur uoluntatem, ut quibus lenis erat uerbi gratia reddatur iratus, illi potius quam ipse mutantur..., sicut mutatur sol oculis sauciatis et asper quodam modo ex miti et ex delectabili molestus efficitur, cum ipse apud se ipsum maneat idem qui fuit. » (&) AueusriN, Conf., X, 5, 7, 10, p. 244 : « Quamdiu peregrinor abs te (cf. II Cor., V, 6), mihi sum praesentior quam tibi, et tamen te noui nullo modo posse uiolari. »

APPENDICE

VII

LA « RÉGION DE DISSEMBLANCE » DANS LA TRADITION NÉO-PLATONISANTE

Mon livre Les ‘ Confessions ” de saint Augustin dans la tradition littéraire, antécédents et postérité offre au lecteur un Répertoire des textes relatifs à la ‘ région de dissemblance”, de Platon à Gide! : Quatre-vingt-quinze textes, au total. D'autre (1) P. Courceize,

Les

‘ Confessions”

de s. Augustin

dans

la tradition

littéraire ; antécédents et postérité, Paris, 1963, p. 623-645. Dans son compte rendu de ce livre pour les Studi medievali, 3€ série, t. IV, 2, 1965, p. 656-

657, Mgr M. Pellegrino a exploré les références scripturaires des contextes de ces passages. Les principaux travaux antérieurs sur la «région de dissemblance sont : A.E. TavLor, Regio dissimilitudinis, dans Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, t. IX, 1934, p. 305-306 ; E. Gizson, La théologie mystique de s. Bernard, Paris, 1934, chap. 2 ; F, CHATILLON,. Regio dissimilitudinis, dans Mélanges F. Podechard, Lyon, 1945, p. 85-

102 ; La ‘ région de dissemblance ” signalée dans s. Athanase, dans Revue

du:

Moyen Age latin, t. IIT, 1947, p. 376; J.-M. Décuaner, Guillaume et Plotin, dans Revue du Moyen Age latin, t. Il, 1946, p. 249-247 ; É. Gizsow,

Regio dissimilitudinis, de Platon à s. Bernard de Clairvaux, dans Mediaeval.

Studies, t. IX, 1947, p. 108-130 ; Sur l'Office de s. Augustin, ibid, t. XIIT,. 1951, p. 233-234; M.-M. LEBRETON, André Gide et la ‘ regio dissimilitu-dinis ”, dans Revue du Moyen Age latin, t. IV, 1950, p. 66 ; J.-C. Diprer,.

Pour la fiche ‘ regio dissimilitudinis ”, dans Mélanges t. VIII, 1951, p. 205-210 ; J.-M.

DÉCHANET,

Aux

de science religieuse,

sources de la pensée philo-

sophique de s. Bernard, dans Analecta sacri ordinis Cisterciensis, t. IX, 1953, p. 69-72 ; D. van Den Evnpe, Literary Note on the Earliest Scholastic ‘ Commentarii

in Psalmos ’, dans

Franciscan

Studies,

t. XIV,

1954,

p. 121-154;

Complementary Note on the Early Scholastic * Commentarii in Psalmos ”, ibid., t. XVII, 1957, p. 149-172 ; G. Dumeicez, Dissemblance, dans Dictionnaire Rievaulx, de spiritualité, Paris, 1956, col. 1330-1346 ; A. Hazrrer, Aelred de dans BulParis, 1959 ; A. VErNET, Loisirs d’un chanoine de Soissons,

; letin de la Société nationale des Antiquaires de France, 1959, p. 108-111 J. CuarizLon, Les régions de la dissemblance et de la ressemblance selon Achard ;. de Saint-Victor, dans Recherches augustiniennes, t. II, 1962, p. 237-250

APPENDICE

406

VII

part, j'ai tenté de décrire dans le même livre quelle influence profonde exerça sur la postérité la page des C onfessions où Augustin reprend cette expression de Platon (Politique 273 d-e) : au

cours

de sa conversion

il découvrit

en

effet,

dit-il,

qu'il

dans cette « région de dissemblance »! (PI. III,

était lui-même fig. 2). Mon point de vue ici sera tout autre. Je voudrais d’abord ajouter un certain nombre de numéros à mon Répertoire. Car il est étrange que nul n’ait signalé cette expression chez Hildebert de Lavardin (1056-1133), alors qu'il est le plus ancien auteur du xrr® siècle, avec Vves de Chartres, à l’employer. Je l'ai retrouvée aussi en un passage de Pierre Lombard (11001164) qui n'avait jamais été remarqué, et chez Pierre de Blois (1135-1204). Pour la commodité du lecteur, il me paraît bon d'inclure ces textes — selon un ordre chronologique approximatif — parmi d’autres du xr1® ou du début du xrrre siècle, qui ont été découverts récemment et sont à ajouter de même au Répertoire général que j'avais constitué. Pour éviter toute ambiguité, les numéros de ces nouveaux textes seront en chiffres romains,

et non plus en chiffres arabes comme

dans le Réper-

toire. Cela fait, je scruterai ces textes nouveaux, puis ceux du Répertoire, non plus du point de vue des Confessions augustiniennes, mais du point de vue de leur saveur néo-platonisante, en tentant quelque conjecture sur les intermédiaires autres qu'Augustin par lesquels ces textes peuvent se rattacher à l'antiquité païenne.

É. pes PLaces, c. r. de Guillaume de Saint-Thierry, In Cant., éd. Déchanet, dans Biblica, t. XLIV, 1963, p. 116 ; J. Lecrerco, Gébouin de Troyes

et s. Bernard, dans Revue des sciences philosophiques et théologiques, t. XLI, 1957, p. 637 ; Nouveaux

témoins

de

la ‘regio

dissimilitudinis

’, dans

Stu-

dia Anselmiana, t. LIV, Roma, 1965, p. 137-145. Voir ci-dessus, p. 129, n. 3, et 167, et mes art. Tradition néo-platonicienne et traditions chrétiennes de la ‘région de dissemblance ’ (Platon, Politique, 273d), dans Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, t. XXIV, 1957, p. 5-33, et

Témoins nouveaux de la ‘ région de dissemblance , dans Bibliothèque de l’École des Chartes,

t. CXVIII,

1960,

p. 20-36.

(1) Aueusrin, Conf., VII, 10, 16, 22, éd. Labriolle, p. 162 : « Inueni longe me esse a te in regione dissimilitudinis » (— Répertoire, p. 624, n° 5) ; cf. CourceLzze, Les ‘ Confessions de s. Augustin dans la tradition littéraire, p. 278-284 et 724.

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE »

I. - TEXTES

RÉCEMMENT

407

DÉCOUVERITS

ùde HILDEBERT DE LAVARDIN, Epist. ad amicum VIII, P.L., t. CLXXI, 156C (vers l'an 1110) : « Animus... simul atque ad inferiora declinat bona, degenerat et incipit ex proprio defectu

seruire,

cuius

est ex

natura

dominari.

Graue

nimis

hanc

excutere seruitutem, quae uoluntate potius quam necessitate sustinetur. Imperiosus enim dominus est amor habendi, facilius animos expugnans, quam corpora Siculorum immanitas tyrannorum. Nemo est cui tam diu, tam deuote seruiatur. Quocunque iubet, suum ducit seruum. Non eripitur sibi fuga, non alicuius uiolentia potestatis. Vix enim de cupiditate triumphat, de quo semel cupiditas triumphauit. Cupiditas leges obliterat, ius omne persequitur, diuinas abradit sanctiones. Cupiditas in REGIONEM DISSIMILITUDINIS hominem abducit, oblitum quam cum Deco et ex Deo habet dignitatem. Denique, sicut ait Apotolus, radix malorum omnium est cupiditas (T

Tim.

Er SAINT

NI,

10). »

BERNARD

(ou son

école),

dans

Paris.,

B.N.,

lat. 6674,

fol. 13, et 14580, fol. 66, éd. H. Rochaïis, ZInédits bernardins dans le manuscrit Harvard 185, dans Séfudia Anselmiana, t. , Analecta monastica, t. VI, Roma, 1962, p. 138-141) : «Quis

dabait mihi petnasssicut Columbia EMMEUO labo et requiescam (Ps. LIV, 7) ? Hic uidetur esse uox peccatoris hominis, qui auolauit a Deo in REGIONE DISSI-

MILITUDINIS.

Hic est minor filius qui substantiam a patre da-

tam in aliena regione deuorauit (cf. Luc, XV, 11-13). Per peccatum enim deformata sunt bona naturalia in homine.… (A propos des Séraphins) Has igitur senas pennas, id est perfectiones uirtutum, quaerit iste qui auolauerat in REGIONE DISSIMILITUDINIS, ut possit ad Deum reuolare. P. 141. 34 (A propos du Ps. LXXXIII, 6) Per dietas uel descensiones, quas praemisimus, discessit a patre filius in relonginquam (Luc, XV, 13)... Quanto enim sunt gionem homini minus naturalia (bona temporalia), immo extranea, tanto miserabilius captiuant hominem in longinquam REGIO-

NEM DISSIMILITUDINIS. »

III. Ip., éd. H. M. Rochais, Une collection de textes divers de s. Bernard dans le manuscrit Tours 343, dans Recherches de théologie ancienne

et médiévale,

t. XXIX,

1962,

p. 109,

101

: Reuert-

(Cant. VI, 12), id est Sunamitis tere, reuertere, aliena anima quae abiit in REGIONEM DISSIMILITUDINIS, uel captiua sub peccato uel dissona contradictione uetitatis. »

ID., Sermo inter clericos, éd. J. Leclercq, Nouveaux témoins de la ‘ regio dissimilitudinis ”, appendice à l’article : Documents sur les ‘ fugitifs ’, dans Studia Anselmiana, t. LIV, Roma,

408

APPENDICE

VII

accipere sibi regnum et reuerti ») : « Sunt

suis ad negotiandum

fidelibus

quas

regiones,

igitur quinque

abiit in

12-13 : « Homo

1965, p. 140 (A propos de Luc, XIX, regionem longinquam

Dominus destinauit, quarum nomina sunt haec : REGIO DISSIMILITUDINIS, regio gehennalis, regio australis, regio expiationis, regio supercaelestis. REGIO DISSIMILITUDINIS est praesens uita, quam quidam nimium amantes, longe dissimiles Deo facti

sunt, et iumentis comparati descenderunt usque ad lacum mor-

tis (Ps. XX VII, 1). Vnde dicit propheta : ‘Homo, cum, in honore esset, non 1ateéllexit /Comparatus est iumentis Agsiplientibus et StimitisNiac tusestillis (Ps. XLVIII, 13)... Beluinum est ultra hominem uoluptatibus immergi » (Le texte de cette dernière phrase, dans le manuscrit de Harvard, éd. H.M. Rochais, dans Séudia Anselmiana,

t. L, 1962,

fra hominem . ID.,

Sermo,

p. 118,

uoluptatibus éd.

H.M.

17, est : « Beluinum

est et in-

immergi. »

Rochais

et Irène

Binont,

La

collection

de textes divers du manuscrit Lincoln 2071 et s. Bernard, dans Sacris erudiri, t. XV, 1964, p. 101, 136 (sur Luc, XX) : « Nos

itaque, qui de sorte Domini sumus, quae dicta sunt pensare et digna potissimum operatione prosequi debemus, ne de cetero in REGIONE DISSIMILITUDINIS porcos pascendo siliquis et nos ipsi pascamur. Iam enim sedemus ad cenam nuptiarum Agni (Apoc. XIX, 9), …iam occisus est nobis uitulus saginatus (Luc,

VI.

EN,

PIERRE

23).

DE

»

POITIERS,

Seymo,

inspiré

de saint

Bernard,

De

di-

uersis XLII, 2, dans le Paris., B.N., lat. 14593, d’après J. Leclercq, art. cité, p. 144) : « Audi quinque regiones, quas fidelibus suis Deus destinauit, quas perambulant ad negotiandum institores

tui,

Christe

Iesu,

ubi te querunt

dilecti

tui et inue-

niunt dilecti tui. REGIO DISSIMILITUDINIS, contemplationis, expiationis, gehennalis, supercaelestis. Aggredere ergo et ingredere prius RÉGIONEM

DISSIMILITUDINIS, ubi similitudinem Dei,

ad quam facti sumus, amisisse nos constat. Numquid non magna dissimilitudo hominem pro caelo, cenum pro patria, exilium pro paradiso, uallem incolere lacrimarum pro contubernio angelorum ? » VII.

ANONYME,

Sermon

sur

Luc,

XIX,

12

(dans

le Paris.,

B.N.,

lat. 3556, s. XIII, fol. 71 v°-72, d'après J. Leclercq, arf. cité, p. 144 : «Tertia dicitur (REGIO) longinqua DISSIMILITUDINE. Alia

brae, lus

est enim

regio uiuorum,

quia mors resurrexit,

ista umbrae

inferni uera quae

ueris

mors

miseriis

mortis,

est, de qua plena

est.

et bene

um-

ad uitam

nul-

Sed

uita

respectu illius plena est umbraticis miseriis. Vnde dissimilitudo, quia uita hec non est uita. » VIII.

haec

magna

est

PIERRE LOMBARD, Seymo in festo circumcisionis Domini (— Pseudo-Hildebert XII), P.L., t. CLXXI, 397A : « Secunda mots hic intelligitur, quae erit in inferno, cuius umbra sunt

LA (RÉGION

DE DISSEMBLANCE »

uitia et peccata. Regio ergo umbrae REGIO DISSIMILITUDINIS intelligitur. » IX.

ALAIN

DE LILLE,

verny,

Alain

mortis,

409 regnum

peccati,

Expositio prosae de angelis, éd. M. Th. d’AI-

de Lille,

textes

inédits,

avec

une

introduction

sur

sa vie et ses œuvres, dans Études de philosophie médiévale, t. LII, Paris, 1965, p. 215 : « Hic alludit euangelice parabole, ubi legitur pastorem, amissa una oue, reliquisse XCIX in deserto et abiisse ut quereret ouem que perierat, eamque portando in humeris reduxisse ad caulam (cf. Luc, XV, 4-5). Per centenarium, qui perfectus est ratione quadrature, perfectum nume-

rum celestium ciuium, qui diminitus est per ruinam angelorum intellige, postea quodammodo restitutus per hominis creationem, qui si non per peccatum decidisset, numerum diminutum integrasset angelorum ; sed per peccatum abiit in REGIONEM DISSIMILITUDINIS, cuius amissioni tanquam pastor ouicule cotm-

patiens

Filius

Dei,

sub

habitu

peregrinauit

humanitatis

mundum, relictis XCIX ouiculis in deserto, bus angelorum relictis in empireo celo. »

id est IX

in

otdini-

X. ID., Sermo de Trinitate, ibid., p. 256 : « Hii sunt tres panes,

quos proponere debemus amico redeunti de uia (Luc XI, 5), quia animo nostro ad nos redeunti quamdiu peregrinatus est in REGIONE DISSIMILITUDINIS in dissimilitudine criminis, debe-

mus fidem Trinitatis offerre et a celesti Patrefamilias poscere. »

XI.

PIERRE

DÉ BLoIs, Epist. ad Anselmam

P.L., t. CCVII, Andr.

114

: «am

480) et adhuc tamen

tentationis erumpens

sanctimonialem

XXXV,

‘in portu nauigas ? (TÉRENCE,

de TERRA DISSIMILITUDINIS

uentus

occulte tibi subsibilat. »

propter XII. HONORIUS III, Bulle du 3 juin 1218 : « Ne qui forsitan LITUDIDISSIMI in m, Jerusale in eundi facilem s habente qui, eos NIS REGIONEM, ipso. »

XIII. ANONYME,

prout supra diximus,

BÉNÉDICTIN DE DURHAM

abeunt,

scandalizantur

in

(s. XIV med.), Meditacio

of the Monk ad crucifixvum, ©. 4, éd. H. Farmer, The Meditations 1957, p. 161 : Roma, XLI, t. ana, Anselmi Studia dans of Farne, REGIONEM « Descendisti in Egiptum et diuinitas fuit tecum,

uidelicet DISSIMILITUDINIS,

terram miserie et tenebrarum

(10b

X, 22), et uisitasti infernum. »

De ces treize textes très récemment

découverts,

les n°5 XI-

Pierre de Blois XII, qui sont aussi des plus tardifs, textes de dissimilitudiet d’Honorius III, considèrent l'expression regio Pierre de Blois a nis comme un cliché. Il est curieux de voir issue de Télmettre en pendant à une expression proverbiale

410

APPENDICE VII

rence! ; s’il préfère dire «terra dissimilitudinis», c'est en fonction du contexte et parce que des hommes tels que Guillaume de Saint-Thierry et Isaac de l'Étoile emploient regio dissimihitudinis comme synonyme de ferra aliena (Ierem. XXII, 26)°. Parmi les autres textes, bon nombre lient la regio dissimilitudinis à la regio longinqua de la parabole de l'Enfant prodigue, ce qui apparaissait dès 1107, date de la Lettre d'Vves de Chartres

à Ursus’.

De même,

notre texte n° IX, où Alain

de Lille identifie la « région de dissemblance » à celle où s’est fourvoyée la brebis du Bon Pasteur, reprend une idée qui figurait déjà dans cette Lettre à Ursus et reparaît chez Jonas de Saint-Victort. On ne s’en étonnera pas, puisque ces deux paraboles ressortissent à un même chapitre de saint Luc. Une même exégèse de ce chapitre doit être la source commune. On remarquera surtout la teneur fortement platonisante de plusieurs contextes.

Dans nos textes anonymes

n°% VII et > € DUR

et chez Pierre Lombard (n° VIII), la région de dissemblance est identifiée à l’enfer$, tandis que saint Bernard (n° IV) l’identifie à la vie présente. Mais l’anonyme du texte n° VII précise qu'il fait cette identification parce que « uita hec non est uita». C’est la pensée même du Phédon, reprise dans le Songe de Scipion cité et commenté par Macrobe : «Hi uiuunt, qui e corporum uinclis tanquam e carcere euolauerunt, wesira uero, quae dicitur uita, mors

est? ». Le thème

même

du corps-

(1) Cette expression de Térence est traduite du grec : ’Ev AMuév mé, au sens de : «Je suis tranquille, en sécurité. » Elle est reprise sous forme proverbiale par plusieurs auteurs chrétiens : Sepurius, Epist. ad Macedonium, C.S.E.L., t. X, p. 173 : « Nune in portu iam nauigem»; Yves DE Cuartres, Epist. XIX, P.L., t. CLXII, 32D : « Vos igitur et caeteri serui

Dei qui uelut in datis »; cf. JEAN t. CXCIX, 2920, (2) Répertoire, (3) Répertoire, (4) Répertoire,

portu nauigatis, oportet ut nobis orationis manus... extenDE SarisBury, Epist. CCXLVII, CCLVI, CCXC, P.L., 2990, 333B. p. 626, n° 12 ; 636, n° 68 ; cf. p. 637, n° 70. p. 625, n° 7. Texte cité ci-dessous, p. 415. p. 635, n° 57.

(5) Luc, XV, 8-7 et 11-32. La parabole intermédiaire, relative à la drachme

perdue (Luc, XV, 8-10), apparaît aussi chez saint Bernard (Répertoire, p. 628, n° 18) en rapport avec la région de dissemblance. (6) Autres textes de Prerre LomBarDp, dans le Répertoire, p. 631-633, n° 43-53, (7) Cicéron, De republica, VI, 3, 14, éd. A. Ronconi Firenze, 1961, p. 49 ; Macrose, In somn. Scip., I, 10, 6 et suiv., éd. I. Willis, Leipzig, 1963,

p. 43, commente cette phrase en disant : « Qui per diuersas gentes auctores constituendis sacris caerimoniarum fuerunt, aliud esse inferos negauerunt

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE »

4II

prison se retrouve aussi dans nos textes II-III de saint Bernard, sous forme de la captivité qui empêche le vol de l’âme vers les régions supracélestes. Le texte le plus ancien, cette Lettre de Hildebert, de l’an 1110,

est aussi le plus imprégné de néo-platonisme. Il peint la chute de l’âme, oublieuse de son origine divine, et sa dégénérescence

(degenerat) ; il annonce la page fameuse du De natura corporis et animae de Guillaume de Saint-Thierry! sur le catabathmus de l’âme vers l’animalité, dont nous examinerons les sources

tout à l’heure à loisir. Dom beluinum de notre texte n° thème, que nous scruterons Ajoutons que, pour ce texte du manuscrit de Harvard : uoluptatibus immergi. » Car de son côté : « Cecideramus nobis infra nos », d’après le qu'est Vovtt..

Jean Leclercq a déjà noté que le IV de saint Bernard rappelle ce à propos d’une page de Proclus?. n° IV, la meilleure leçon est celle « Beluinum est et snfra hominem Guillaume de Saint-Thierry écrit a Deo in nos per peccatum et a passage de Plotin sur le bourbier \

le Tômos ävououdrnros ÉoTat meowv'. » Sous

: « ’Ard tic xaxiac xaTaBaLle revêtement chrétien, ces

quam ipsa corpora, quibus inclusae animae carcerem foedum tenebris, horridum sordibus et cruore patiuntur. » Voir mes art. La postérité chrétienne du ‘ Songe de Scipion ’, dans Revue des études latines, t. XXXVI, 1958, p. 205-213 ; Tradition platonicienne et traditions chrétiennes du corps-prison (Phédon, 62b ; Cratyle, 400c), dans Revue des études latines, t. XLIIT, 1965, p. 406-443. (1) Répertoire, p. 626, n° 11, texte de l’an 1129, encadré par degener anima et degenerat. Dans cette page de Guillaume, le « pene.. cum corpore moritur» reprend littéralement l'expression d'EusèBe GazLicanN, Sermo de sanctis Innocentibus, Patrol. Suppl., t. III, 2, col. 707, entourée d’un contexte néo-platonisant : « Animam ad imaginem et similitudinem Dei factam, corporis necesse est, quod nobis est commune cum beluis, dominari. Sed interdum pressa uis animae, quae igni similis, ad superna festinat; pondere corporis illigata pigrescit, ibique terrenis actibus implicata et concupiscentiarum turpium consensione deiecta perditur. Dominator in famulatum suae carnis, quam debuit dominari in uita, submittitur. Per hanc societatem

libidini,

ebrietati,

(2) Répertoire,

p. 624,

n°0 6;

ergo

ambitioni,

diuitiis, uoluptatibus aliisque

praetereuntibus et fugitiuis rebus subiecta consentit, relinquens auctorem ad cuius similitudinem se uigore et mobilitate sua excursu recursuque facili factam esse non ambigit. Hine etiam fit, ut anima peccatrix uitae paene cum corpore moriatur. » cf. J. Lecrerca,

Nouveaux

témoins

de la

‘ regio dissimilitudinis ?, p. 139 et n. 12, renvoyant à mon article Témoins nouveaux de la ‘ région de dissemblance ?, p. 25-36, notamment p. 30 et 33. (3) Répertoire, p. 627, n° 15. (4) Répertoire, p. 624, n° 3.

412

APPENDICE

VII

deux « spirituels » du xI1° siècle sont l’un et l’autre beaucoup plus proches du tuf grec néo-platonicien que du développement des Confessions augustiniennes sur la région de dissemblance!. D'une façon générale, plus on remonte le cours du xI1® siècle, plus on découvre, au-delà du « cliché » en vogue dans le vocabulaire des «spirituels » de l’époque, des vestiges de doctrine néo-platonicienne. C’est ce que montrent d’autres textes découverts récemment aussi, mais qui figurent déjà dans mon Répertoire. Le néo-platonisme est perceptible en l’un des deux textes où Aïlred de Rievaulx évoque la «région de dissemblance » (Répertoire, n°8 66-67) : Tractatus de Tesw puero duodenni I, 3, éd. A. Hoste, Paris, 1958,

Seymo de oneribus, 7, CXCV, 391 A-C :

PSE,

ME,

Sources chrétiennes, t. 60, p. 52-

SHC PE 852 À) :

« Ego,

ATRCI RCI NV,

ego prodigus ille filius,

qui accepi ad me substantiam meam, nolens custodire ad te fortitudinem meam, profectus sum in regionem longinquam

(Luc, XV,

13), REGIONEM

DISSIMILITUDINIS, comparatus iumentis insensatis et similis redditus ïil1isu(Ps. XL VITE 3) lb id'issipaui omunia mea uiuendo luxuriose et siccoepitesiere(Zuc, XN, 13-14) Infelix egestas, cui et panis defuit et porcorum cibus non

profuit ! Sequens quidem animalia immundissima erraui in solitudine. Confiteantur tibi, Domine, misericordiae tuae (Ps. CVI, 4), quia satiasti animam inanem, et anima esurientem satiasti bonis ; pane utique

illo,

qui

de

coelo

descendit

et, positus in praesepi, spiritalium factus est iumentorutm. »

(1) Répertoire, p. 624, n° 5.

«Sunt quippe regiones uicinae, sunt et longinquae.. Deinde in regionem longinquam profectusdiuertatmuilius adolescentior et ibi dissipauerat omnia sua uiuendo luxuriose (cf. Luc, XV, 13). Sed cum pater Deus intelligatur, quomodo ab ipso discedere uel ad ipsum redire potuit, qui ubique est ? Quaeregio l'ornotmoamlilMest extra quem nihil est ? Sed regio longinqua dissimilitudo est, sicut similitudo uicina… Virtus itaque

et uirtutis praemium beatitudo, REGIO SIMILITUDINIS est ; uitium et misetia, DISSIMITITUDINIS... Quotquot autem et uitia, tot et regiones, quae ad eam, in qua omunia uitia sunt, pertinent RE-

GIONEM DISSIMILITUDINIS. »

LA (RÉGION

DE DISSEMBLANCE »

413

Si l’on compare ces deux textes, rédigés à quelques années d'intervallet, il est notable que le premier conserve quelque chose du dogme platonicien de la chute de l’âme dans un corps ; le second, en revanche, est surtout une allégorèse topographique, sorte

de «carte»

morale,

comme

on

dressera

au xvII®

siècle

une «carte du Tendre ». Cette carte comporte une « région de ressemblance », emplacement des vertus qui procurent la beatitudo ; cette région elle-même est conçue par antithèse avec la «région de dissemblance » de Platon, imaginée ici comme un ensemble de « sous-régions », dont chacune correspond à l’un des vices qui engendrent la miseria. L'aspect schématique et pédagogique est très net, selon une tendance qui s’observe déjà dans tel sermon authentique de saint Bernard (Répertoire, n° 15) et chez Nicolas de Clairvaux ( n° 28), textes où figure aussi la «région de ressemblance ». L'on sait quels liens étroits unissaient ces trois Cisterciens. Dans une Lettre de l’an 1149, Wibald de Stavelot? rapporte au style direct ce que furent ses hésitations et sa prière à la divinité (ancipiti meditatione), tandis que se préparait son élection comme abbé de Corbie (Répertoire, n° 31) : « Fiat,

nostram tuam

Domine,

neque

uoluntas

amicorum

uoluntatem

tua ; iam

nostrorum

de caetero neque deliberationem

sequi consilium

et te, qui es uia, ueritas

et uita

statuimus ; sed (Zoh. XIV,

6), in

hoc praesenti negotio sectari desideramus, Sed qualiter tuam uoluntatem cognoscemus, qui praesens es maiestate, sed nos in REÉGIONE longinqua DISSIMILITUDINIS porcos pascentes a te recessimus (cf. Luc, XV, 13-15) ? Temerarium est, ut certam uoluntatem tuam super hoc per aliuerbo, quam nobis indicare digneris siue per angelum siue oraper siue uisionem per siue tuam quam subiectam tibi creaturam habitas, culum, expetere praesumamus. Per eos itaque, in quibus non scrutari tuae uoluntatis arcanum impium et praesumptuosum sequendam est ; atque ideo fratrum et filiorum nostrorum sententiam tenendum uoto tali tibi obligati arbitramur, ut quidquid ipsi dixerint, animae ipsi simus cum tradidisti, seruandas sit, quorum animas nobis

nostrae mali custodesÿ. »

Rievaulx, Pa(1) AméDée Harrrer, Un éducateur monastique. Aelred de puero duoIesu De le pour 7 1153-115 : dates comme ris, 1959, p. 18, retient denni et 1158-1163 pour les Sermones de oneribus. Epist. ad (2) La graphie par W est conforme à la volonté de l’auteur, C. 1256 X, CLXXXI Manegoldum 147, P.L., t. um 131, P.L., (3) Wisazn, Epist. ad Bernardum Hildesheimensem episcop A. t. CLXXXIX, 1225

414

APPENDICE VII

L'on voit ici le rôémos àvouorérntoc de Platon identifié à la regio longinqua de la parabole de l'Enfant prodique, au point de former une seule expression : «regio longinqua dissimilitudinis », plus explicite que le «longe me esse a te in regione dissimilitudinis » du livre VII des Confessions. Une tendance analogue s’observait en d’autres textes du Répertoire (nos 24, 42, 51, 53, 66, 68). Si Wibald songe à l'Enfant prodigue, ce n’est point par sentiment de ses fautes personnelles. Il regrette que, depuis la chute originelle, la condition humaine comporte l'ignorance des desseins de Dieu. Mais il se garde de vouloir présumer la volonté divine à son endroit et se plie par avance aux règles canoniques de l'élection. Gébouin

de Troyes,

préchantre

à partir de l’an 1120,

dans

un « Sermon sur les fins dernières » découvert par dom Jean Leclercq, applique aussi l’expression « région de dissemblance » à l'Enfant prodigue, c’est-à-dire à l’homme qui a oublié ses fins dernières (Répertoire, n° 30) : Fili,

rememorare

nouissima

tua, et in aeternum

non peccabis (Eccli VII, 40). Filius prodigus iam in REGIONEM DISSIMILITUDINIS ire proposuerat, et ex abundantia cordis loquens iam patri dixerat : Pater, da mihi portionemquaemihi contingit (Luc, XV, 12). Quia uero peccatum est a Deo Patre procul

elongare, Deus pater de salute peccatoris paterno affectu sollicitus ad filium ait : Memorare nouissima tua, et non peccabisin

aeternum

(Paris, Bibl.

nat., lat. 14937,

fol. 127 r°).

Dom Leclercq signale que Gébouin fait très souvent des emprunts à saint Bernard!. Ici, à mon avis, l'emprunt provient,

selon toute

apparence,

du texte

n° 25 du Répertoire,

où figure textuellement la phrase : «Filius prodigus iam in regionem dissimilitudinis ire coeperat. » Une Lettre d'Yves de Chartres contient une mise en oeuvre de la « région de dissemblance » dans un contexte intéressant ; le destinataire est Ours de Rouen, abbé de Jumièges depuis 1101°, et cette lettre daterait, selon Souchet, de 1107° (Répertoire, n° 7) : (1) J. Lecrerco,

Gébouin

de

Troyes

et saint

Bernard,

dans

Revue

des

sciences philosophiques et théologiques, t. XLI, 1957, p. 637. (2) Cette Lettre porte le n° CLXIII dans la trad. de L. Merzer, Lettres de saint Ives, Chartres, 1885, p. 291-292, le n° CLX dans P.L., t. CLXII, 165, où la suscription : « Odoni » est fautive. MerRLET, op. cit., p. 291, n. 1, conjecture que le défroqué dont il s’agit serait l’ancien abbé Tancard, expulsé de l’abbaye vers 1100. : (8) J.-B. Soucuer, In Ivonis epistolas novae observationes, dans P.L., t. CLXII, 472 C.

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE » Haec

ouis gregis uobis commissi

415

derelicto grege suo luporum mor-

sibus patens miserabiliter per huius mundi deserta uagatur, et multa ex eiusdem mundi conuersatione bella perpetitur, in tantum ut pene usque ad contemptum sui ordinis et monastici habitus uenire cogatur. Haec itaque iam panem desiderans filiorum, sicut uoto, sic uoce dicit : Vadam ad Patrem meum (Luc, XV, 18), sed clausa

se dicit inuenisse paterna uiscera, ut nec inter filios recipi possit nec inter

mercenarios.

Nouit

autem

fraternitas

pastoris nomen habet, imitando summum

uestra,

quia

quicunque

pastorem pastoris officium

implere debet, qui oues quaesiuit errantes, inuenit perditas, curauit languidas, sanauit morbidas ; laetatur de conuersis, qui dolere nos admonet de auersis. Non equidem ista dicendo uos docemus, sed commemorando per ipsa uiscera charitatis, quibus nos inuicem diligere debemus,

longinqua

uos

monemus

REGIONE

et rogamus,

ut hunc

DISSIMILITUDINIS

paterne

fratrem

reuertentem

suscipiatis

et cum

de

sa-

tisfactione, quae eius excessibus debetur, intra ouile a quo aberrauerat colligatis. Vale.

Comme on voit, la «longinqua regio dissimilitudinis » que nous avons ici pourrait être à l’origine des textes plus tardifs, mentionnés ci-dessus, où l'expression de Platon et celle de la parabole sont étroitement soudées. De plus, la parabole est ici transposée ingénieusement du Père éternel de l'Enfant prodigue au Père abbé du moine fugitif. La liaison avec la parabole de la brebis perdue, qui précède chez saint Luc (XV, 4-7), s’observe plus tard chez Jonas de Saint-Victor (Répertoire, n° 57) et chez Alain de Lille (texte cité ci-dessus, p. 409, n° IX). Bien entendu, chacun de ces auteurs a pu connaître le passage du Livre VII des Confessions relatif à la « région de dissemblance » ou l'Office augustinien qui reprenait ce passage. II. — PLOTIN,

ORIGÈNE

ET LA CHUTÉ

DE L’AME

Est-ce à dire que ce chapitre des Confessions soit l'unique intermédiaire par lequel le réxos &vouorérnroc fut transmis depuis l'Antiquité jusqu'au temps de saint Bernard ? Déjà MM.

F. Châtillon

et J.-M.

Déchanet

ont assuré

que non,

et

M. Gilson se gardait d'y contredirel. Je me permets de reprendre brièvement ceux de leurs rapprochements qui me semblent

valables, tout en ajoutant d’autres arguments en vue de serrer

de plus près le ou les intermédiaires qui nous échappent. (1) Grrson, Regio dissimilitudinis.…., p. 129.

416

APPENDICE

VII

L/on a remarqué de longue date qu'un texte unique de Guillaume de Saint-Thierry (Répertoire, n° 13) préserve le rémos &vouorérnros de Platon et de Plotin sous la forme locum dissimilitudinis, et non regionem. De plus, un autre texte du même Guillaume (n° 10) conserve la mise en scène de la page du Pohitique de Platon (n° 1). Tandis que la divinité considère (Videns.… Deus — 273 d : Oedc … Axa@op&v) le monde en proie aux bouleversements,

au trouble,

aux séismes, au désordre (omnia confusa, omnia turbata, nihil stare in loco suo, nihil procedere ordine suo = 273 a-b : Oopb6wv Te al Tapayñs ….xai Tov oeou&v…. àraëlac), elle décide d'intervenir pour l'empêcher de tomber dans la région de dissemblance (regionem dissimilitudinis — Tv rÿc ävouoiôrnros . TOTov)?. Mais le Politique n’est pas utilisé tel quel. Il y a chez Guillaume de Saint-Thierry un changement de perspective : le bouleversement en question n’est plus d'ordre cosmique, mais relatif seulement aux deux créatures, l’ange et l’homme, perverties pour avoir voulu s’égaler à la divinité : le médiateur qui intervient est le Fils de Dieu. Nous avons là une interprétation chrétienne du passage platonicien qui me semble rappeler plutôt le texte d’Athanase (n° 4) : la divinité qui a engendré le monde’ et qui porte secours à l'âme humaine (swbuwentendum est — xafiouc ënt tobc otaxac rc Vuyñc Bon0ei), est assimilée au Verbe incarné, médiateur entre l’homme et Dieu’. Ce passage de Guillaume me paraît donc dériver de quelque Père grec interprétant le Politique de la même manière qu’Athanasef. (1) Cæartizron, art. cité, p. 100 ; DÉcHanET, Guillaume et Plotin, p. 246, n. 10. (2) Cf. DÉcHAnET, Guillaume et Plotin, p. 246, n. 10. (3) l'euvhouc, substitué au xoouoac du Politique 273 e, peut rappeler

273 b : Snmiovpyod xai métpos (4) Phrase qu’'Athanase substitue à Politique 273 d : épedpoc adrod tT@v rnJaklov (cf. 272 e : mnôaAwY otaxoc). (5) Kvu6epvhoewc, appliqué au Christ, reprend xv6epvhrnc (Politique,

272 e ; 273 c). KivSvvebovrx rappelle xivBvvov (273 d). (6) Je ne vois aucun motif de penser, comme propose Th. Cameror (dans Sources chrétiennes, t. XVIII, p. 293, n. 2) qu'Athanase doive cette citation à Eusèbe ; car Eusèbe

entend

ce texte

de la fin du monde.

ARNo8E, Aduersus nationes II, 13, p. 80, 23, à la résurrection : « Quid in Politico (270 d cum mundus occeperit ab occiduis partibus qui orientis est solis, rursus erupturos homines

En revanche,

applique ces pages de Platon et suiv.) idem Plato ? Nonne exoriri et in cardinem uergere telluris e gremio scribit senes

LA (RÉGION

DE DISSEMBLANCE »

417

Le perisse évoque la mort de l’âme comme dans le texte de Plotin (n° 3 : ànxoûvnoxe). Or plusieurs de nos textes rappellent non plus la page de Platon ou l’exégèse qu’en fournit Athanase,

mais

celle de Plotin,

sans

que notre

chapitre

des

Confessions soit pour autant l'intermédiaire. C’est le cas d’abord du texte n° 11 de Guillaume de Saint-Thierry!. Ce développement conclusif du traité De natura corporis et animae prend pour point de départ un long morceau relatif aux divers gradus qui permettent à l’âme de monter jusqu'à son auteur. Guillaume extrayait ce morceau mot-à-mot du De quantitate animae &'Augustin?. Mais à la phrase finale d’Augustin : « Dixerunt haec, quantum dicenda esse iudicauerunt, magnae quaedam et incomparabiles animae, quas etiam uidisse ac uidere ista credimus », Guillaume substitue : « Solus intelligit qui fruitur » (724 D 8)°, remplaçant ainsi l’allusion augustinienne aux extases des Néo-platoniciens par les pages sur l'ascension et la canos decrepitos et cum anni coeperint accedere longiores per eosdem gradus quibus hodie crescitur ad incunabala infantiae desituros ? ». On voit que cette citation du Politique n’est pas aussi exceptionnelle que semblait

croire A.-J. Fesrucière, Arnobiana, dans Vigiliae Christianae, t. VI, 1952, p. 213. Prurarque, De animae procreatione in Timaeo, 7, éd. Dübner, p. 12492, 49, cite expressément la phrase du Politique sur le réxoc &vouot6rntos

(1) Cité ci-dessous p. 432, n. 3. Ce texte à déjà été bien commenté en fonction de Plotin par J. Décnaner, Guillaume et Plotin, p. 244, mais ses avec

rapprochements

Enn.

I, 2, 4, 19 et I, 2, 5, 7, me semblent peu sûrs.

PLraron,

Rép.

76, P.L., t. XXXII,

1076.

Le «in. exemplari summae iustitiae » me rappelle surtout IV, 443 © : «elc … TÜnov Tivd The DLXELOGUVNG ». (2) Aveusrin,

De quantitate animae,

XXXIII,

Aux sources du De natura corporis déjà indiquées par Déchanet, ajouter que le passage P.L., t. CLXXX, 715 C-716 B, suit presque constamment le prologue du livre VII de l'Histoire Naturelle de Pline l'Ancien. Étant un donné le caractère de ce traité de Guillaume, qui est essentiellement est recueil d’excerpta, je me suis demandé si cette page finale elle-même antique. Je bien une conclusion personnelle de Guillaume ou un excerpium : Cut crois après examen que c’est bien du Guillaume (voir notamment » anima humana in est uitium quod natura est illis in est, supra dictum des moins pas a n’en il Mais 6). D 714 et (726 À 9), qui renvoie à 711 D ei sources antiques. Par exemple le : «cum passiones ipsae non passiones XVIII, (Ps. casto timore nisi timet non dum sint, sed uirtutes, une para10), dum non dolet nisi quia difiertur a regno... » (725 A 7), paraît (Vulgate : castus dit est timor le où 9, XIV, Dei Civ. , d'Aueusrin phrase sanctus)

persuadé mon

et où le contexte

que

supposent

cite, comme

les développements aussi

une

source

Guillaume,

1 Cor., XV,

54. Je suis

antithétiques sur anabathmon.. catabath-

antique.

(3) L'expression évoque pour moi Porn, Enn. mc oùv eldev œdré, oldev à Réyw, 6TwG xXAËV ».

I, 6, 7, 2, p. 113 : « ET

418

APPENDICE

VII

descente de l’Ââme. Il oppose aux degrés qui permettent l’ascension de l’Ââme vers Dieu (anabathmon) ceux qui causent sa descente (catabathmon), où mieux son écroulement (rwinam) causé par dégénérescence {degener anima). Il compare à Caïn exilé, habitant dans la terre de Naïm (Gen. IV, 16), c’est-àdire de la commotio, l'âme exilée dans la région de dissemblance et en proie au tumulte intérieur (in seipsa tumultuatur). Ce tumulte rappelle seul le Oopb6wv Te xat Tapayñs du Poltique (273 a). La région de dissemblance est ici, comme chez Plotin, le point d’aboutissement de la descente de l’âme dans le mal (&vabaivovrr … xartabaivovrr — anabathmon.… catabathmon). Ici aussi, comme chez Plotin, l’âme qui dégénère devient vicieuse (efficitur…. efficitur…. efficitur — Yyivouévo viverou), descend au-dessous du vice (àmd Tic xaxiac xaraGœivovr. — descensum facit inferius) ; elle change de nature au point de perdre son nom (érépav pÜoiv Thv yxelpo AAÉaro — si tamen anima dicenda est) ; elle plonge dans la boue d'un

bourbier

(ds

eis

adrnv

ei

Bép6opoy

oxorevèv

Écrat

meowvl — sordescat…. se immergens) ; elle meurt pour aïnsi dire (œùmoËvnoxer oùv cs duyh dv Odvor — seipsam occidit et in se 1psa mortua est ; pene…. toto (tota ?) cum corpore moritur). Car l’âme plongée dans le corps est comme enfermée dans un tombeau (xai Ërr ëv Tà oœuarr BeGanrioUÉVNn —= sic uiuit quamdiu sepulcro includitur). Le mot tombeau ne se trouve pas chez Plotin, il est vrai, dans le contexte immédiat du passage sur la région de dissemblance, mais à plusieurs reprises dans son traité De la descente de l'âme dans le corps’. La comparaison du lieu de dissemblance avec la terre d’exil (1) Le B6p6opoc reparaît

en Enn.

I, 6, 5, 44, p. 101 : Ilnroùd

À

Bop6épov.

Cette métaphore remonte à la doctrine des Orphéotélestes, suivis par PLaTON, Phédon, 69 c. On la retrouve notamment chez saint Basize, Ad adolescentes,

7, P.G.,

t. XXXI,

584

B;

Grécorre

DE

Nvsse,

De uirginitate

XII, 2, 55, éd. Aubineau, p. 408 (en rapport avec la perte de l’image et la parabole de la drachme) et chez GuiLLAuME lui-même, Meditatiua oratio, 9, P.L.,

t. CLXXX,

233

D

: « Ad

imaginem

tuam

me

creasti..

Ego

de

paradiso fugi ; pro loco quem dederas cloacam inueni et in ea me obuolui. » (2) Prorin, Enn. IV, 8, 1, 31; IV, 8, 4, 4; IV, 8, 4, 28, éd. Bréhier, p. 217, 219, 221. La métaphore se trouve notamment chez Praron, Cratyle, 400 c, et Gorgias, 493 a; Puiron, Leg. alleg., I, 108, t. I, p. 89, 7 ; De special. leg. IV, 188, t. V, p. 252, 10 ; Macrose, Somn. Scip., I, 11,

3, p. 45, 25, et très souvent chez saint Ambroise. Voir mon art. Le corpstombeau, dans Revue des études anciennes, t. LXVIII, 1966, p. 101-122.

LA (RÉGION

DE DISSEMBLANCE »

419

de Caïn reparaît dans le texte n° 13 de Guillaume, ainsi que les notions de degré {gradu), de dégénérescence (degeneres ) et de chute jusqu’au-dessous du vice (md rc uaxiaxc xataBaivovrr … ot meowv — cecideramus a Deo in nos per peccatum et æ nobis infra nos). C'est, on s’en souvient le texte unique où rônos est traduit locus?. Enfin, dans le texte n° 12, la terre d’exil est transposée de Caïn à Adam. La notion plotinienne de descente de l’âme apparaît encore, fortement marquée à trois reprises, dans le texte n° 15 de Bernard (xaraëaivovr: repris par descendit… descensio… descendere), où le fAAdéaro de Plotin a peut-être pour équivalent ja conuersio qui provoque la mort de l’âme. La plongée dans la boue du bourbier figure dans les textes n°5 17 (fuece infectam) et 20 (de luto faecis ; cf. Ps. XXXIX, 3)°. Pour Hugues de Troisfontaines (n° 32) comme pour Plotin le bourbier où l’âme choit et s'enfonce du degré (gradu) où elle se trouvait, n’est autre que l'enfer (Sc … mecv … Bebarriouévn xaraSüvou … toùro êort ëv “Aou &A06vra émxaaradapÜeiv ; cf. : «ex tam alto gradu.… in profundum abyssi inferni cectdit Oretis ne demergatur in profundum. ») L'enfer apparaît aussi dans le texte n° 15 de Bernard suivi par le texte n° 28 de Nicolas de Clairvaux (infernum). Enfin l’idée plotinienne de la mort de l’Ââme est encore évoquée chez Godefroi de Saint-Victor (n° 62 perire possit — ànobvhoue). I1 est donc clair que bon nombre de nos textes sur regio

dissimilitudinis, non seulement ceux de Guillaume de SaintÎle Thierry, mais ceux de Bernard et de ses disciples, ont sous

revêtement chrétien une saveur néo-platonisante dont le cha-

deleine. (1) Cf. aussi le texte n° 29 : «degenerasse, » à propos de Marie-Ma 14-16, ni la VeIV, Gen. de propos à comme, 416; p. , ci-dessus Voir (2) Caïn par locus, mais tus Latina ni la Vulgate ne désignent la terre d’exil de NTOS. par terra, il est clair que ce locus traduit bien r6moc &VOLOLÔT somn. Scip. I, In , Macrose cf. ; n tonicie néo-pla terme un (3) Faex est um »; SERdiuinar rerum faex sicut 49, 15, p. 51, 4 : « Corpus enim hoc vius,

In Aen.

VIII,

601,

éd. Thilo-Hagen,

p. 282, 23 : «‘YAn

autem

est

aer, item aqua et terra faex omnium elementorum, id est ignis sordidior et aussi l'équivalent scripsordidior. » Les auteurs du xri° siècle affectionnent o luti», par ex. turaire fourni par LI Petr. IT, 22 : « Sus lota in uolutabr V, 1, P.L.,t. saint BernarpD, Sermo in uigilia natiuitatis Domini

CLXXXIII,

| 10580: p. 47, 30 : « Descen(4) Y comparer Macrose, In somn. Scip. L 12, 4, inferna delabitur, sic ordo sus uero ipsius, quo anima de caelo in huius uitae digeritur. »

420

APPENDICE VII

pitre des Confessions ne suffit pas à rendre compte. Il faut naturellement, avec F. Châtillon! et J. Déchanet? songer à Plotin pour source. Directe ou indirecte ? Dom Déchanet, pour sa part, déclare n'être «pas du tout certain » que Bernard ait lu Plotinÿ. Il suppose que la source directe de Bernard est Guillaume, et que Guillaume

suit, outre

Plotin,

Origène,

à cause

du terme

catabathmos et de la référence à la « terre de Naïd », interprété commotio®. M. Gilson a été ébranlé par ces suggestions. Tout en disjoignant le cas de Bernard, qu’il persiste à croire inspiré, directement ou non, par les Confessions, il admet que ce passage de Guillaume « semble bien avoir été écrit sous l'influence directe d’une source grecque. Origène est allégué dans ce passage, et cela seul suffit à nous rappeler opportunément que ce condisciple probable de Plotin peut avoir cité quelque part la formule des Ennéades où même celle de Platon lue dans le texte d’Eusèbe »°. À la vérité, ce n’est pas Guillaume, mais dom Déchanet qui allègue Origène. Encore le texte allégué ne conduit-il pas nécessairement à ce qu’on lui fait dire. Car Origène indique clairement, me semble-t-il, que l’interprétation Naïd — commotio ne lui est pas personnelle. Elle remonte en effet au moins à Philon qui traduit Naïd par o&Aoc’, et, de là, s’est généralisée chez les Pères les plus divers, grecs et latins®. D'autre part, la graphie Naïm pour Naïd chez Guillaume ou la confusion entre les deux noms propres ne peut guère nous éclairer, car (1) CarTizron, art. cité, p. 100-101. (2) J. Décxaner, Guillaume et Plotin, p. 242-248. (3) DÉcæaner, Aux sources de saint Bernard, p. 72, n. 5. (4) DÉcxaner, Aux sources de la spiritualité de Guillaume de Saint-Thierry, Bruges, 1940, p. 48, n. 1 ; Guillaume de Saint-Thierry, l'homme et son œuvre, Bruges, 1942, p. 207-208 ; Œuvres de Guillaume de Saint-Thierry, p. 145,

n. 89. (5) Gizson, art. cité, p. 128. (6) OrrGèNE-JÉRÔME,

Hom.

XXI

in Ileremiam,

P.G.,

t. XIII,

540 B :

« Naïd in Graeca lingua interpretatur commotio. » (7) Pæicon,

Cherubim,

IV, 12,

t. I, p. 172, 25 ; De posteritate Caïni, VII,

22, tull,p.15-18. (8) C. Srecrrren, Philo von Alexandreia als Ausleger des alten Testaments, Iena,

1875,

p. 251, 346, 367, 371, 394;

F. Wurz,

Onomastica

sacra,

t. I,

dans Texte und Untersuchungen, série III, t. XLI, Leipzig, 1914, p. 421. Cf. CLÉMENT D’ArexaANDRIE, Strom. Il, 11, 51. Les équivalents latins sont : motus, commotio, fluctuatio, instabilis.

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE »

42X

c’est une erreur répandue : Naïm se retrouve aussi bien chez. Ambroise! et Augustin? que chez Origène* ; manuscrits et éditeurs hésitent à ce sujet pour toutes sortes de textes’. Le second argument de dom Déchanet n’est pas plus sûr : il rapproche le catabathmos de Guillaume de la xaraboln que l’on rencontre dans un passage du De principiis, où Origène envisage la création sous forme d’une descente des êtres’. Mais. xaraBorh n’est pas cafabathmos. La descente de l’âme dans le corps se dit normalement xa@oÿos rc Quyñc. Le mot xaraBxOuéc, si j'en crois les dictionnaires de Robert Estienne, du Cange et Liddell-Scott, n’est attesté que comme nom propre d’une cataracte égyptienne. Convenons donc que dom Déchanet a indiqué seulement une possibilité : Il n’a pas entraîné l’acquiescement de F. Châtillon qui nie l'inspiration origéniste du morceau. Je serai

pourtant

conduit,

moi

vers

aussi,

mais

Origène,

pour d’autres raisons que voici. On ne semble pas avoir suffisamment mis en relief que cafabathmus, dans la page de Guillaume, est à coup sûr amené par l'anabathmus qui précède et auquel il fait antithèse. En effet, ses deux développements:

2, p. (1) Amsroise, De Helia et ieiunio XVI, 58, C.S.E.L., t. XXXII, Naïd terra in habitauit Dei u conspect e exiens Cain Denique « 446, 5 : PseupocÎ. »; onem commoti significat (Naim GH), quod interpretatione Jérôme,

Breuiarium

in Ps.

CVIII,

P.L.,

pretatur commotio. » (2) Aueusrin,

Contra

Faustum

XII,

t. XXVI,

13, C.S.E.L.,

1228

A : « Nod

t. XXV,

inter-

p. 342, 14 :

habitet in terra Naïm,. «…iam non inueniatur Caïn nec exeat a facie Dei nec » o. commoti id quod dicitur interpretari p. 258, 5 et suiv.,. (3) Chez Oricène, In Exod. XI, 5, G.C.S., t, XXIX, trouve Nain, Naïd et Naïm. (4) Jérôme, Epist. ad Damasum Naid, Naim B. on

XXI,

8, CS.E.L.,

t. MVP

En

a

R2E:

Koetschau, dans G.C.S.,. (5) OricÈNnE-Rurin, De principiis III, 5, #, éd. ionem mundi nouo quocondit sanctae t. XXII, p. 273, 18 : « Scripturae ñvy mundi, quod xarabol s dicente arunt nuncup nomine dam et proprio t ; xura6okñ dixerun mundi utionem constit atum latine satis inproprie transl (citations. iacere. m deorsu uero in Graeco magis deicere significat, id est omnium per XXIV,

21 ; Eph.

I, 4).

Ex

hoc

ergo

communiter

de Matth. superioribus ad inferiora uidehanc significantiam, id est per xarabonhv, a CS RIM Auitum CIN ad Epist. , JÉRÔME cf. »; o deducti i tur indicar . passage même le traduit qui ET MNENIMp:0107;:27, (6) CæarizLon, art. cité, p. 401.

422

APPENDICE VII

sur l'ascension de l’âme et sa descente vers la dissemblance se répondent l’un à l’autre comme autrefois déjà chez Proclus’. Or, ävaBafués existe, tant dans la tradition platonicienne que dans la tradition judéo-chrétienne. Dans un passage fameux du Banquet de Platon, l'Étrangère de Mantinée décrit ce qu’est l'initiation progressive à la Beauté ; cette initiation se produit si l’on use, pour ainsi dire, d’échelons (Gorep ër” àvabaduois xpwuevov)?, à savoir la beauté physique, la beauté morale, la beauté des connaissances, qui conduit enfin à la connaissance du Beau absolu. D'autre part, le mot àvabalués a été employé dans la Septante pour désigner les Psaumes des degrés. Par suite, il a même passé tel quel en latin sous la forme anabathmus, que nous trouvons chez Ambroise’ et Augustinf. (1) Proczus,

In primum

Alcibiadem,

33, 11, éd. L.G. Westerink, p. 15 :

« AË uèv oùv xéroyor T@ Éporr duyal… ouyyopetouoiv THIS TMEpt TV uiav rod mavrèc x&Ahouc rnyhv * ai dè ad rh éxeldev déoewc éromecodoat d1X moyxOnoëv Tpophv, pioiv D époxy Axyoboo xal Trois eidohots T@v XXE rpoomirrouoor Où Thv Tüv &Anivév éyvouxv, puaoppovobvrat uèv T& ÉvuAX Ha uepiord xd An xai Tabra ÉXTANTTOVTEL Td ÉœUTEV &yvoodoœ rébos 8 rerxovOxo1v, dpiloravrat SÈ Tob Oelou mavrèç xal eic td &beov ÜTOPÉPOVTEL HA GHOTEL-

Gonrep

rdv The Une, nul Joxobor uèv els Évoouv Thv mpèc Tù xaAdv onebdewv,

ai reléwc éporixal buyai, AavOdvouor JE Éaurac vtt pèv The Évooewc Ëni Tdv oucaoudv pepouevar Tic Coÿs xai rdv TŸc évOuOLÉTNTOS TOVTOV (Politique 273 d}), &vri SÈ roù &An0oïç nai Évrwc ëvroc xakoD rpèc Tù aloyoc adrd wat Thv Ouxhv éuopplav ovtevyvouevar » Proclus disait quelques lignes plus haut, en 32, 11, p. 14 : (Juyxai) … xatiaotv parlait, en 32, 16, du « Gvnré& Toto » ; cf. De

els Tv Tic YEvÉGEwG TOmov» et malorum subsistentia, 24, 12,

éd. H. Boese, p. 203 : « Descendens igitur inde ueniet quidem utique et ad continens uel portum. » (2) Praron, Banquet, 211 c, éd. Robin, p. 70 : Toro yäp Sn éort Tù d00@c ml à éporixd iévor à Ür’ &Aoù dyeodou, dpyxéuevov dd TévÈe Tüv arGv éxelvou Évexax Toù xaho, del Émaviévar onsp ër’ &vabafuoic (B. ëravaBaouois ceteri) xpouevov, &nd évès éni dbo xal dmd Bvoiv Énl Tavræ TX

ëri Tà xaAd ÉTTNIEUUUTE, ka

xad couara, Hal dd Tv xaAGV couéTov

&nd Tüv émrndevuérTov éri Tà and ualmuara, ot’ àv dnd Tüv Lafnuarov ën' éxetvo rd uéümua releurhon, 8 Éoruw oùx AAXoU À œôTob Éxelvou Tod xx05 udOnux, ua yv& a«brd Teleurüv 8 Éott xa%6v. ProriN, Enn. T, 6, 1, 20, p. 105, se réfère à ce passage, mais sous la forme : ëm6d0pa adré xpœuevor, que suit GRÉGoIRE

DE

Box ruwt To épouéve

Nysse, De uirginitate XI, 1, 24, p. 382 : ofov Ôro6&-

yphosTa,

et Contra Eunomium, XII, P.G.,

940 D : 6mo6d@pas mouobuevos. OLvmpronorE, In Phaedonem, 121, 18, parle des Ba@uot Ts &védov.

t. XLV

éd. Norvin, p.

(3) Ameroiïse, Epist. ad Irenaeum, XXVI, 10, P.L., r. XVI, 1088 C : « Nec otiose quindecim anabathmorum Psalmos Dauidicos legimus. » (4) Aueusrin,

« Nostis

quosdam

Enarr.

in Ps. XXXVIII,

Psalmos

Graeca lingua satis euidens

inscribi

2, 1, C.C., t.

canticum

XX XVIII, p. 402 :

graduum; et ibi quidem

est, quid dicat &va6aOuäv.

Anabathmi

in

enim

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE »

423

En dehors de notre chapitre des Confessions, l’on pourrait donc, pour nos textes du xrre siècle relatifs à la région de dis-

semblance, hésiter entre toutes sortes de sources grecques et latines. Pourquoi est-ce que je songe particulièrement à Origène ? Parce que Grégoire de Nysse indique, à plusieurs reprises, que des Bafluot conduisent indifféremment à monter ou à descendre ; certaines personnes qu’il combat appliquent ce mot, dit-il, à la montée

et à la descente des âmes! ; en fait

il désigne une fois explicitement Origène?. Nous pouvons vérifier qu'Origène interprétait en un sens platonicien et appliquait à la descente des âmes les Bauot de l'échelle vue en songe par Jacob. Le mot rwina, présenté par Guillaume comme plus gradus

sunt,

adscensio

sed

adscendentium,

et ista transilitio non

non

descendentium...

pedibus,

non

scalis, non

Est

autem

haec

pennis ; et tamen,

si interiorem hominem adtendas, et pedibus et scalis et pennis.. Intus autem et pedes et scalae et pennae affectus sunt bonae uoluntatis »; cf, In PITCRIR

US

CCR

M 7T0EMCASSIoDoORE,

In) PE NOX IX

APT,

t. LXX, 901 D. Ambroise, dans sa paraphrase plotinienne du De Isaac et anima, avait déjà osé parler de « pieds intérieurs»; cf. ci-dessus, p. 112, 128 et son De spiritu sancto, I, prol. 16. (1) Grécorre

C'Huovox

De Nysse, De anima et resurrectione, P.G., t. XLVI, 113 A :

Yyap Tüv

Joyuaritévrov) … dc Tù Tf pÜoer errèv ka

rourdra

edxivnrov, 6mep éoruwv à Vuyh, moûrov uèv EuBpiéc Te ua xurwpepèc Yivecbat

roîc dvôporivois couaor dix naxlas eivouxiléuevov * elrx Tic Aoyuxis Suvtuewc &nrooBeofelonc rois &Abyois éuBrorebeuv - éxeidev ÔÈ Hal TG TOLXUTNG rüv aiohoewv yépuroc dpapebelonc, rhv évaiobnrov Tairnv Conv Thv v puroîc ueralauGéveuw + md rovrou Jè néliv ik rov adrov dvrévar Babuév Ha npds oùpaviov x@pov éroxabioracba. Nu C. Gronau, De Basilio, Gregorio Nazianzeno Nyssenoque Platonis 1mitatoribus, Diss. Gôttingen, 1908, p. 40, n. 2, a déjà bien vu que ce passage se référait au Banquet 211 c ; cf. aussi Grec. Nyss., In cant., hom. 5, P.G.,

t. XLIV,

876 B (ëv

Baoüuov

&vabdoet)

; Vita

Moysis,

P.G.,

t.

XLIV,

Platonisme et théologie mystique, 401 B (BxôuiSoc), et J. Danrérou, p. 311-314. Voir encore P.G., t. XLIV, 456 B ; 465 BC; 482 GC, surtout 592: C:

(2) Grécoire De Nysse, De anima (fin), P.G., t. XLV, 221 À :« Todç

yao Baômodc Trüv duydv, al Tac dvabdoes, À ’Qpryévnc ciodyer, undèv ouvaSotouc raic Oeiaus L'oxpais undè rpoonxobous vois Tüv Xpuoriavéiv d06YLAGL, TAPAAELTTÉOV.

Ce passage D'ÉMÈSE,

De

est reproduit natura

textuellement

hominis,

33,

P.G.,

vers t. XL,

par

NemEsIUs

lan

400

608,

où est ajouté

après

&vabdoers : xal xaTaOdoEL. (3) Jérôme, Contra Iohannem Hierosolymitanum, 19, P.L., t. XXIII, 387 À : « Docet Origenes per scalam Iacob (cf. Gen. XXVIIT, 12) paulaet santim rationabiles creaturas ad ultimum gradum, id est ad carnem quis subito numero centenario de ut posse fieri nec : guinem descendere S0a7 ad unum numerum praecipitetur, nisi per singulos numeros, quasi per ad coelo de quot corpora, mutare tot et perueniat ultimum ad gradus, lae terram mutauerint mansiones.. Hoc quod uos miramini, olim in Platone

424

APPENDICE VII

exact encore que descensus pour rendre ce catabathmus,

appar-

tient lui-même au vocabulaire d’Origène et de ses traducteurs!. contempsimus ; » cf. ibid., 16, P.L., t. XXIII, 368 (384 B) — OrIGÈNE, De principiis, éd. Koetschau dans G.C.S., t. XXII, p. 64, 9 : « Cunctas rationabiles creaturas incorporales et inuisibiles, si neglegentiores fuerint, paulatim ad inferiora delabi et iuxta qualitates locorum, ad quae defluunt, adsumere sibi corpora, uerbi gratia primum aetherea, deinde aërea, cumque ad uiciniam terrae peruenerint, crassioribus corporibus circumdari, nouissime humanis carnibus alligari. » Un tel passage rappelle de près la descente des âmes, telle que la décrit le néo-platonicien païen Macros, In somn. Scip. I, 11, 11 et suiv., p. 47. Les Bafuot de l'échelle de Jacob se retrouvent, confrontés avec Platon, chez ORrIGÈNE, Contra Celsum, VI, 21, et munis d’une interprétation morale, chez Basize, Hom. in Ps. I, 4, P.G., t. XXIX, 217 C, et JÉRÔME, Epist. ad Eustochium, XXII, 4, 3, éd. Labourt, t. I,

p. 114, 15, Sur notre connaissance du De principiis, cf. G. Barpy, Recherches sur l’histoire du texte et des versions latines du ‘ De principiis * d’Origène, thèse

de Paris,

Lille, 1923.

(1) ORIGÈNE cité par ÉpIpnane DE Cnypre (dans la Correspondance de Jérôme), Epist. LI, &, éd. Labourt, p. 162 : « Adserit..… corpus hoc iuxta Graecos Séuac, id est uinculum, siue iuxta aliam proprietatem ‘ cadauer ” dici, quia anima de coelo ruerit.… Angelos uertit in animas et de sublimi fastigio dignitatis facit ad inferiora descendere... Quasi... tot in caelis ruinae sint, quot in terra natiuitates. Necesse est. ut Adam... non in phantasmate et post ruinam, ut uult Origenes, propter peccatum postea corpus acceperit. » ORIGÈNE cité par JÉRÔME, Epist. ad Auitum, CXXIV, 9, 8, C.S.E.L.,

conmigrarent beatitudine

t. LVI,

ruentesque

p. 108, 1 : « Antequam

ad terram

fruebantur » ; 108,

23

ab inuisibilibus

crassis

corporibus

: « Aliae

uirtutes

ad uisibilia

indigerent,

antiqua

de sublimioribus

cor-

ruunt, aliae paulatim labuntur in terras. » Cf. Jérôme, Epist. XCVI, 18, 5, éd. Labourt, t. V, p. 29, 24 (traduisant Théophile d'Alexandrie), où les «animarum de caelo ruinas » sont présentées comme l’hérésie d’Origène; In Matthaeum, VI, 10, P.L., t. XXVI, 44 B : « Erubescant ex hac sententia, qui cotidie in coelo ruinas fieri mentiuntur » ; In Teremiam XIX, 6, C.S.E.L., t. LIX, p. 234, 3 : « Giénrwotw, hoc est ruinam » ; Homilia de natiuitate Domini, éd. G. Morin, dans Anecdota Maredsolana, t. III, 2, p.

394, 25 : « Si cotidie in caelo ruinae fiunt, quomodo in coelo gloria est ? »: Bacararius,

De reparatione

Tacob, unde lapsus es dum tracta

est

lapsi, 16, P.L., t. XX,

uelis ascendere,

: et licet in ruina

tua

omnia

1054

B : « Scalam illam

adhuc posita nondumque

membra

colliseris,

tamen

sub-

iterum

conare ascendere : et donec uenias ad illum gradum unde cecidisti, fortiter te serua et custodi, quia licet lubricus sit omnis ascensus, tamen ille cito uergit ac deïicit in profundum » ; ZÉNON DE VÉroNr, Liber II, tract., XIII, 3 de somnio lacob, P.L., t. XI, 432 A : « Quod autem ait angelos adscen-

dentes et descendentes, aliqui putant adscendentes esse angelos lucis, descendentes uero angelos tenebrarum. Sed hoc satis absurdum esse et inconueniens, fratres carissimi, aduerto.. Manifestum est prophetiae more angelos

homines

iustos

et iniustos

generaliter

dictos »;

Aueusrin,

Civ. Dei

XI, 23, 8, C.C., t. XLVIII, p. 341 : « Animas dicunt, non quidem partes Dei, sed factas a Deo, peccasse a Conditore recedendo et diuersis progres-

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE »

425

Enfin, la mention du corps-tombeau comme terme de la descente des âmes peut fort bien avoir été transmise à Guillaume par Origène!. Malgré sa sévérité à l'endroit d’Origène, Grégoire de Nysse adopte pour son compte, mais en l’appliquant au péché, la métaphore de la chute dans le bourbier, accompagnée de la perte de l’image divine : à cette occasion, il évoque un lieu ‘ illimité” du mal, ce qui est le propre de la région de dissemblance, et les paraboles de la drachme perdue (comme fera plus tard saint Bernard, texte n° 18)? et de l'Enfant prodigue’. C’est donc surtout à Origène, un Origène probablement sibus pro diuersitate peccatorum a coelis usque ad terras diuersa corpora quasi uincula meruisse. Hinc Origenes iure culpatur. In libris enim quos appellat Ileot &pyüv, id est ‘ De principiis ”, hoc sensit, hoc scripsit ».. ; XI, 13 33, C.C., t. XLVIII, p. 334 : « post istorum (— angelorum) ruinam. » Sur la chute de l’âme selon Origène, cf. H. Rauner, Das Menschenbild des Origenes,

dans

Eranos-Jahrbuch,

t. XV,

1947,

p. 203-217.

(1) Eprpmane-Jérôme, Epist. LI, 4, p. 162, 4 : « Illud quoque quis Origene dicente patiatur, quod animae angeli fuerint in coelis et, postquam peccauerint in supernis, deiectas esse in istum mundum, et quasi in tumulos et sepulchra, sic in corpora ista relegatas, poenas antiquorum luere peccatorum » ; cf. Guizcaume De SainT-Taierry (texte n° 11) : «Sie uiuit quandiu sepulcro corporis includitur. » (2) Grécome De Nysse, De uirginitate XII, 2, 47, p. 404 : … ëx quxpäc dpopuñc els éreupov rie xaxkac ëv T& vpore xvbelonc xai Tù OeoetSèc éxeivo The Vuyc x4XROG Td xaTd uiunoiv Tob mpwrorurou Yevéuevov, ofév mic olBnpoc xareuerdvôn T& The naxlac L®, oùxéTL Tnumadra Th oixelac aûTé Hal xaTd pÜouv eixôvos Thv xépiv Btécwbev, dAAX mpès Tù aloyocs The AUXpTING uereuopphôn. “Obev « rù uéyæ %al Tiusov. roro » 6 Evpwroc, dc ÜTd TAG Toopñs

Gvoudoôn, Èxreodv

Tic oixelac GElac, ofov réoyovouv

uaroc éyaureveyOévres Bop66po

rec, &vertyvwotor

ai

rois

où &E èMoûN-

xal T& mnA® Tv opphv Éautäv éÉakelpav-

ouvnôeor

yivovrau, oûTo

HAxEÏVOS

ÈUTEGDV TO

Bop6épo rc duapriuc éréhece uèv Td elxdv elvar Tod &pOdprov Oeod, Thv . SE plaprhv xai rmaivmv cixôva Did The auaprias LETAUpÉGuTO. puis perdue, drachme la de parabole la de détaillée très exégèse une Suit Grégoire parle du lieu d’exil d'Adam et Eve après la chute, XII, 4, 21, p. 420 : Kai oÿrwc sic Tù voc&ÿes robro xai émirovov xoptov &ToLuxOoL TÉUnovrau



‘Aonep

où Tüv oixelowv &roËevoÉVTES,

éreuddv

Emo TpÉpooUw

60ev

mpolévres Opuhoav, rp@rov Éxeivov xuTahEITOUOL rdv TOmov, & Teheuraiov GUVÉTUYOV. Les mots &merpov, xwpiov, Témov, dans un tel contexte, me semle rùv tñc blent indiquer que Grégoire de Nysse a en tête ou lit dans sa source

que n’a pas observé &vVoLoLÉTATOS ÉTELPOV rérovdu Politique 273 d, ce Prorin, Enn. I, H. Merxi, ‘Ouoiooic Oct, Fribourg, 1952, p. 115 (cf.

CA) 8, 3, 31, p. 124 : Act oùv elval tt xal &TELPOV 00 add Ho dveiBeov UGLV). adrd al Ta EAXX TA mpéofev, à Thv ToÙ x&Xx OÙ ExapaxThpute P.G., t. XLIV, (3) Grécoire De Nysse, De oratione Dominica oratio 5, XAPAXTHIPOS…. Oeiou où _ A0UMN h xai c dpaviouè eixôvoc rs + °O : 4181 C &VEXOENGLG, x tal à Tic Jpaxuñc drohex Hal h TA rpaméCns Toù ITurpès route Bu Te 6ox h mods Tov BvouÈn Tüv xoipov Blov oixelwoic … wa

426

APPENDICE

VII

connu et décanté à travers Grégoire de Nysse, mais contaminé par lui avec Plotin, que doivent faire songer nos textes du xrIe siècle!. Ajoutons que, dès cette époque, c’est-à-dire à un moment où il était sans doute plus aisé qu'aujourd'hui d'apprécier les sources d’un Guillaume ou d’un Bernard parce que moins de textes étaient perdus, Bérenger de Poitiers dénonce la saveur origénienne du Sermon X XVII sur le Cantique des Cantiques, où Bernard mentionne la région de dissemblance (texte n° 16). I1 l’accuse de prendre à son compte la théorie origéniste de l’origine céleste des âmes’. Cette accusation est sans doute rs l'oxps Hal Tv Aoyioudv ideiv Éor nAnuuelquara, Tlis àv éExptôunGŒLTO ; La parabole de l'Enfant prodigue était longuement commentée en fonction de la perte et de la récupération de l’image, tbid., dans l’Oratio 2, P.G., t. XLIV, 1145-1146. (1) On

notera

que,

dès

383,

JÉRÔME,

Epist.

ad Damasum

XXI,

8, éd.

Labourt, t. I, p. 90, 18, commente la parabole de l'Enfant prodigue à l’aide de Gen. IV, 14-16 : « Recessit ergo iunior filius cum uniuersa substantia sua a patre et peregre profectus est. Et Cain egressus a facie Domini habitauit in terra Naïd, quod interpretatur ‘ fluctuatio . Quicumque a Deo recedit,

statim

exégèse

pourrait

lage ?), Epist.

saeculi

fluctibus

remonter

XXXV,

quatitur,

à Origène.

3, P.L.,

t. XXX,

et mouentur

Cf. aussi 257

pedes eius. » Cette

Pseupo-JÉRôME

C : » Sunt

itaque

(— Péqui dicun-

de duobus filiis istis, seniorem angelos esse et archangelos uel omnem coeli militiam. Minorem uero ponunt hominem, qui in longinqua peregrinatione abierit, quando ad terram de coelis et paradiso cecidit » (avec mention de la drachme perdue (258 B) et citation de Gen. IV, 16 (259 D). (2) BérenGer, Apologeticus contra Bernardum, P.L., t. CLXXVIII, 1863 À : « Errasti uere, dum

originem animarum

de coelo

asseruisti

esse » ;

1866 C : « Tempestiuum est illud capitulum in eodem libro uisitare, in quo animorum originem de coelis fabularis esse. Vbi sic recolo te locutum : , Merito dixit Apostolus : Nostra conuersatio est in coelis (Philipp. III, 20). Haec uerba tua subtiliter explorata Christianae mentis palato haeresim sapiunt. Si enim idcirco animae originem de coelis astruis, quia quandoque beata futura est in coelis, eadem ratione corporis origo erit in coelis, quia quandoque beatum futurum est in coelis. Sed ad hoc intimandum talia uerba se non accommodant. Aut si ideo animae originem coelestem

ascribis,

quia olim

orta, id est facta, sit in coelis,

quod

quidem

uerborum talium resultat intentio, prauitatem Origenis incurris, qui in libris Periarchon Pythagoreum Platonicumque dogma secutus, originariam in coelo sedem animabus disponit. At quoniam de anima mentio se ingessit, non absurdum

est commemorare

quae altercationis uarietas

occupauerit

de animarum origine. Aïunt philosophi, quibus et tu ex parte maxima acquiescis, animas scilicet olim ab initio factas conditasque in thesauris Dei : indeque ob antiquum uitae contagium in corporum ergastulum lapsas, rursusque, si corpus iuste gubernauerint, ad antiquae honestatis uultum meri-

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE »

427

excessive et malveiïllante!, mais se fonde pourtant sur un fait exact : en ce sermon, Bernard commet de grandes audaces d'expression, entraîné, semble-t-il, par sa source, apparemment Origène, dont on a montré récemment quelle fut la fortune en ces milieux?. L/accusation de Bérenger surprendra d'autant moins si l’on se rappelle que, devant ses propres moines qui grommelaient, Bernard fut un jour contraint de s’excuser d’avoir repris à son compte une exégèse d’Origène. Au terme de cette investigation, retenons comme certain que les Confessions n’ont pas seules fait le succès de la formule « région de dissemblance ». Mais gardons-nous aussi d’une vue trop synthétique des choses, comme si un intermédiaire unique : Plotin ou Origène, reliait sur ce point le xrre siècle à l'Antiquité. Nos textes sont nombreux, supposent plusieurs exégèses distinctes. Si bon nombre s'expliquent suffisamment par les Confessions, d’autres doivent être issus de plusieurs Pères grecs qui se lisaient encore en traduction latine du xrIe siècle. L'un d'eux appliquait le passage du Politique au Médiateur entre Dieu et l'humanité, à la manière d'Athanase sans cependant que notre texte d’Athanase soit la source. D’autres christianisaient Plotin. Je croirais que l’un d’eux (peut-être Grégoire torium uehiculo redituras ferunt.. Tu itaque a doctrinae salutaris tramite deuius in philosophorum scopulos ruis. Et dum dignitatem animae iactitas, originem ei sideream flore ieiuni eloquiü nundinaris. » Bérenger vise avec précision

BErnarD,

In

Cantica,

sermo

8, P.L.,

XXVII,

t. CLXXXIIT,

917 C : « Ego puto omnem animam talem non modo coelestem esse propter originem, sed coelum ipsum posse non immerito appellari propter imitacum tionem. Et tunc liquido ostendit quia uere origo ipsius de coelis est, coelum conuersatio eius in coelis est (Philipp. IIT, 20). Est ergo sancta aliqua tutes. »

anima,

habens

solem

intellectum,

lunam

fidem,

astra

uir-

n. 288. (1) Cf. J. Masrtron, S. Bernardi opera, t. I, p. 1363 et p. cx1v, Moyen âge la(2) Cf. G. Barpy, S. Bernard et Origène ? dans Revue du Origène d’après un tin, t. 1, 1945, p. 420-421 ; J. LecrEerceQ, S. Bernard et manuscrit

de Madrid,

dans

Revue

Bénédictine,

t. LIX,

1949,

p. 183-195;

p. 425-439 ; NouOrigène au XII® siècle, dans Irénikon, t. XXIV, 1951, l Studies, t. XV, veaux témoins sur Origène au XII® siècle, dans Mediaeva Paris, 1957, p. 931953, p. 104-106 ; L'amour des Lettres et le désir de Dieu, Analecia sacri ordinis 96 ; J. DanréLou, S. Bernard et les Pères grecs, dans Cisterciensis, t. IX, 1953, p. 46-56.

(3) Bervarp, Sermo XXXIV t CLXXXIII, 631 A. (4) Voir ci-dessus, p. 416.

de uerbis Origenis

in Leuit. X, 9, P.L.,

425

APPENDICE VII

de Nysse lui-même! ?) mentionnait dans son exégèse les vues de Plotin et d'Origène sur la descente des âmes, et assimilait les échelons du Banquet (211 c) à ceux des Psaumes des degrés -ou de l’échelle de Jacob”.

:

III. - LE «LIEU DE DISSEMBLANCE » CHEZ PROCLUS CIRCÉ ET LES MÉTENSOMATOSES

Même si tel de nos textes médiévaux nous fait remonter jusqu'aux toutes premières années du xI1° siècle, il reste étrange que l'expression platonicienne ait été appelée subitement à un tel succès, alors que l’on n’a pu la déceler encore chez aucun exégète carolingien. Comment combler l’abîme de sept siècles qui sépare Yves de Chartres d'Augustin ? Faut-il chaque fois recourir à de l’Origène perdu pour rendre compte des pages de Guillaume de Saint-Thierry qui ne dépendent pas des Confessions, puisqu'il traduit +émos ävououérnros par « locus dissimilitudinis » (et non 7egio) (n° 13), et décrit en termes nettement néo-platonisants la chute de l’âme dans la région de dissemblance (n° 11) ? Et les pages néo-platonisantes de et de tant d’autres ! Voici, à défaut de mieux,

saint Bernard

quelques directions de recherches, quelques passerelles possibles, et surtout un texte important en ce qu’il permet de réduire d’un siècle ce large hiatus. Toujours en remontant dans le temps, il faut signaler d’abord l'importance de la notion de dissemblance, à la fin du vie siècle, -chez Grégoire le Grand : à ses yeux, le propre de Dieu, par opposition aux êtres créés, est justement la « non-dissemblance (1) Sur l'importance de la notion d’image de Dieu chez Origène et Grégoire, cf. H. Crouzez, La théologie de l’image de Dieu chez Origène, thèse -de Strasbourg, Paris, 1956 ; J. T. Mucxce, The Doctrine of Si. Gregory of Nyssa

on Man

as the Image

of God, dans

Mediaeval

Studies,

t. VII, 1945,

p- 55-84 ; R. Levs, L'image de Dieu chez saint Grégoire de Nysse, Bruxelles, 1951 ; H. Merkr,

‘Ouolwou

Oc&,

Fribourg,

1952 ; Ta.

Cameror,

La

théo-

logie de l’image de Dieu, dans Revue des sciences philosophiques et théologiques, t. XL, 1956, p. 433-471. J. Décnaner, Aux Sources de la spiritualité de Guillaume de Saint-Thierry, a déjà montré que Guillaume de Saint-Thierry utilise souvent Grégoire de Nysse. (2) Les deux passages ont été liés dans l’exégèse, par ex. par AUGUSTIN, Ænarr. un Ps CXIX, 23, CCC EX ELITE

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE »

429

avec soi-même »!, privilège auquel la Divinité appelle ses Élus à participer’. Quoique rien, dans les contextes, ne rappelle le rômos &vououérntos en tant que eu, cette problématique évoque le sens primitif que Platon lui-même donnait à la dissemblance. Dans la Syrie du début du vie siècle, le Pseudo-Denys insiste sur le fait que la béatitude consiste pour Dieu à être pur de toute dissemblance, transparence qui correspond à la métaphore de la «lumière éternelle »# ; en rapport avec Dieu, les « saintes Dominations », essences aux propriétés déiformantes, s'opposent par leur tendance ascensionnelle aux « Dissimilitudes tyranniques » qui entraînent vers le basÿ. C’est un fait bien connu que Pseudo-Denys est intimement nourri de Proclus. Le texte de Proclus que M. de Gandillac, annotateur de la récente édition du De coelesti merarcha, allègue à l'occasion de ce passagef, est précisément celui que j'avais déjà mis en rapport — dans mon article précédent sur la « région de dissemblance » — avec la page la plus étonnante de Guillaume de Saint-Thierry (n° 11). Dans le Commentaire sur le premier Alcibiade de Proclus et dans le De natura corporis et animae de Guillaume figure le même diptyque : ascension de l’âme par degrés, suivie de sa descente vers la dissemblance, (1) GRéGoiRE

LE GRAND,

In Ezechielem,

II, 5, 10, P.L., t. LXX VI, 990 C:

« Est enim uere.summus et nunquam sibi dissimilis » ; 991 À : « Vna eademque ui naturae singularis sibi semper indissimilis dissimilia disponit,. » (2) GrÉGoIRE LE GRAND, Moralia in 10b,

XX NI, 44, 79-80, P.L., t. LXX VI,

395 D et 396 À : « Nulla eos tune mutabilitas dissipat, quia scilicet eorum cogitatio sibimet semper indissimilis perseuerat. » (3) Cf. Maurice NÉDONCELLE, Altérité, altération et aliénation dans la philosophie de Plotin, dans Mélanges Merlier, t. II, Athènes, 1956, p. 173183, et notamment p. 178, n. 4. et

(4) Pseupo-Denys, De coelesti hierarchia Gandillac, dans Sources chrétiennes, t.

III, 2, 32, éd. Roques, Heil FT Or LVDIT 4953, p.00

oc, uaxapuérns sc ëv &vôporoc eireiv duvyhs uév éoruw dréonc dvosotéTnt G... rAhonc SÈ porès &idiov, Tekelt xai &vevIens ATAONS TEAELOÔTNATO (5) Zbid., VIII, 1, 19, p. 120 : Tüv pèv oùv dyLoV HVPLOTATEY Thv ÉKpAVdmomebias Üpéropuxhy évouaotav oluar Snhobv &Joukwrév ru nai néonc oùdevl TpÉTE cewc ékevbépay évayoyhv odDeuut TÉV TUpXVVLXÉV &vouororntov xaBéXov

xaraxAvouévnv…

Passages

traduits

par Jean

Scot, P.L., t. CXXII,

avec la regio 1045 B 10 et 1053 D 1 ; le second était déjà mis en rapport gratia ChrisDe , Augustinus JANSÉNIUS, par s Confession des dinis dissimititu 93). n° texte ti, VII, 12 (Répertoire, (6) Zbid., p. 120, n. 2. la «région de (7) Tradition néo-platonicienne ei traditions chrétiennes de dissemblance », p. 18, n. 3.

APPENDICE VII

430

avec référence au Politique 273 d. Toutefois, ce rapprochement n’était pas pleinement satisfaisant pour le problème de transmission

qui nous

occupe ; Car, en ce passage,

Proclus

cite le

Politique 273 d selon la leçon constante chez les commentateurs grecs du ve au xrre siècle! : dvouotétntos rovrov, et non réroy qui est la leçon des manuscrits de Platon, préservée encore dans les citations de Plotin et d'Eusèbe. Or, j'ai découvert qu'il suffit de poursuivre courageusement la lecture du commentaire de Proclus pour voir celui-ci revenir — quatre-vingt-quatre pages plus loin — au même passage du Politique, mais cette fois sous la forme +6xov et non rôvrov (n° 6). Si personne ne s’en est avisé plus tôt, c'est qu'aucun éditeur n’a songé à fournir ladite référence : Kai etror àv xal mods Tüc Touxrac buydc, oluar &ppov xpuTrhs xa

Tèv

Vüvra, ëv Toic évühoic &ÜAwG xai Èv Trois Gvnroic

obre

&APAVTOG * Oadué p” Éyer nés où 7 mb Trade pipuax” É0E\ On (04. X, 326). *Ovroc yhp Éouxev ÿ Afôn xai h Ad «ai n &yvoux papuaxel mvt xaraonmbon Ts Yuyäc ni rdv TŸs d&vouortérnTroc rérov (Politic. 273 d). Ti oùv Oauudbeic ei root pèv Abxou kart

Thv Conv,

noAoi

DÈ obec, moAoi

dÈ AO

Tt TOY KAOYUOV

elSoc npo8eëamuévor, Kipxns 6vroc xaraywyiou tob mepl Yñv Ténov nai r& môpurr Tüv roMGv duydv dMoxoOUÉVOY ÔLX TNY AUET; ’Exeïvo

pov émbvuiav

Baiuacov,

el Tivec

évrad0a

dpdpuaxTor

xai &Perxror wat ‘Epuaixot Thv pooiv eioiv, eic A6YoV xai ÉrtoTh-

unv LeTabRivovTEc. "Qonep YRo où Jet Oaupalerv ei ëv T& Taprapeow

duyds nolatouévas iDomey (TrobTov ydp fv 6 Éxet Troc), oÙTo xal el dv TN yevéoer ai noAai mafaivovrar xal elouv ävouc ai duoBeic: Torxiras yap émaurei buyac h yévecic. "Qonep oÙv ëv té oùpav& näoat dyafoedetc, dc ëv T& Taprapo rüoat uoyÜnpal, (1) Cf. J. Pépin, À propos du symbolisme de la mer chez Platon et dans le néo-platonisme, dans Congrès de Tours et Poitiers de l'Association Guillaume Budé (1953), Paris, 1954, p. 257-259. Je remarque, toutefois, que la leçon rémov figure dans l’interligne de l'excellent manuscrit B de Mrcnez D'ÉPHÈSE, In Ethica Nicomachea IX, 4, dans C.A.G., t. XX, p. 480,15: To y&p un

xara phoiv Cüv, GAAX duétpois Tébeot xaTravrhodmevor xal Btalw6duEevov ‘eic rdv TG dvouotéTNToGs TÉVTOV dmopéperat nai Tpôrov Tu elc &towtav wai To uh bv. Le manuscrit B étant du xrv® siècle, je n’oserais assurer que la variante rérov remonte à un manuscrit antique ; elle peut être la conjecture

Pépin,

ajouter

lit aussi rovrov.

d’un

Proczus,

érudit tardif, lecteur du Politique.

Aux

Theol. Platon., VI, 4, éd. Turolla,

relevés

de J,

p. 525, où se

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE » oÙtwc Èv TN Yevécer oroudataul.

rAclouc

pèv ai uoyOnpat,

431 ÉAdocouc DE ai

À propos du vers de l'Odyssée où Circé dit à Ulysse : « Quel grand miracle ! Quoi! sans être ensorcelé tu m'as bu cette drogue? ! », Proclus, qui tient Circé pour l’une des puissances présidant à la génération*, développe une exégèse d’origine probablement porphyriennet : selon cette exégèse, le philtre de Circé désigne l'oubli, l'erreur et l'ignorance qui entraînent les âmes à choir ici-bas, c’est-à-dire vers le «lieu de dissemblance » (ri rdv ts &vouorornros Toônov). La Yévecic est cause que la

plupart des humains mènent sur terre une vie passionnelle, une vie de bêtes dépourvues de raison, par exemple une vie de loups ou de porcs ; car l’ici-bas est une sorte de Tartare. L'étonnant est qu'un petit nombre de sages échappent, par la philosophie, à ces conséquences normales de la génération. (1) Proczus,

In primum

Alcibiadem

110 e, éd. L.G. Westerink,

Amster-

dam, 1954, p. 118 (Creuzer, 257, 6). A.-J. Frienz, Die Homer-Interpretation des

Neuplatonikers

Proklos,

Diss.

Würzburg,

1936,

semble

muet

sur

son

exégèse relative à Circé. (2) Trad. V. Bérard, t. Il, p. 69. (3) Procrus,

S’ eic vob

In Cratylum

Tic yevéoewc

387

e, éd.

mpoorérac

Pasquali,

Beobc,

p. 22, 7: …meparouuévnv

Gv éoriv xai à map” ‘Oupo

Kioun rôüouv Üpalvoucax Thv Èv té rerpaorolye Cohv al Gux Tai Duc évapuéviov rotobox rdv br ceknvnv Témov. ’Ev Traurauc obv Tai bpavrixaic vai h Kioxn Ômd Tv Oeo6Yov rapañauGéverar, xpuoñ pévrou, xaÜGTEp paolv, évôetxvbuevor Thv voepav adTic at &ypavrov oùolav xai ühov xai AUUYh rod Thv yéveouv al Tù Épyov aûric dtaxpiverv al ÉGT&TA TV HLVOULÉVEOV xai yopltev xurk Thv ÉtepornTa Tv Belav. (4) Ce vers X, 326 de l'Odyssée est commenté par PORPHYRE, Quaestiones Homericae ad Odysseam pertinentes, éd. H. Schrader, Leipzig, 1890, p. 100, 16 à 101, 11, selon lequel le philtre désigne l’&ppocüvn (p. 101, 8). Outre cet écrit de jeunesse surtout philologique, comme dit J. Bipez, Vie de Porphyre,

Gand,

1913,

p.

32-33,

Porphyre

écrivit

au

encore,

témoignage

de Surpas, un Ilept rñc “Ouhpou puocopiac. Sronée, Eclogae I, 41, 60, éd.

Wachsmuth,

t. I, Berlin, 1884, p. 445-448,

nous

conserve

du

Ilepi

ZruYyés

de Porphyre un long fragment (traduit et commenté par F. Burrière, Les mythes d'Homère et la pensée grecque, Paris, 1956, p. 506-515) qui ressortit à une exégèse détaillée de l’épisode de Circé. Comme pense BurFIÈRE,

op. cit., p. 916, il est vraisemblable que, pour son exégèse par l’éppoobvn, Porphyre dépend de Pseuno-PLruraArque, De uila et poesi Homeri, 126, éd.

Duebner (Didot), p. 134 : Kai rd ueraëdAeuwv DÈ robe étuipoucs Toù ’OBvo6vo v àvüpocéwc eic obauc xai rouadra Co, roro aivirrerar ôti Tüv pp roy ai Quyai ueraXiérrovotv els elèn coudrov Onprobgv, urecoboa elc rhv To ravrdc ÉyxVXALOV Tepipopdv, v Kioxnv TpooaYopEUEL. Comparer avec notre

passage

de

Proclus,

Simpzicrus,

În

categorias,

prol.,

dans

C.A.G.,

APPENDICE VII

432

L'analogie de l’ici-bas, en tant que « lieu de dissemblance »,

avec le bourbier du Tartare, figurait déjà chez Plotin (n° 3),

et j'ai noté déjà que nombre de textes du xT1° siècle conservaient des traces non équivoques de cette doctrine!. Mais voici que tels d’entre eux s'expliquent de façon encore beaucoup plus précise en fonction de notre texte de Proclus qui met le «lieu de dissemblance » en rapport avec les métamorphoses animales opérées par Circé. Remarquons en effet que, selon Proclus, le sens profond de l'épisode homérique est la doctrine de métensomatose, telle que l’entendaient les Néo-platoniciens tardifs? ; à ses yeux, la chute dans le «lieu de dissemblance » va de pair avec la chute de l’homme dans l’animalité. Or, cette doctrine est aisément reconnaissable dans nos textes

du xrre siècle, à ceci près qu’elle est exprimée à l’aide de verES

sets de Psaumes,

chrétien.

sorte de revêtement

Pour Guillaume de Saint-Thierry (n° 11), tomber dans la « région de dissemblance » est devenir «tel que le cheval et le mulet dépourvus d'intelligence ». Pour saint Bernard (n° 15 t. VIII, p. 5, 15:.. où radrèv neuoéuelx roic äveu Toù “Epuxixob pwAvoc rap Tv Kipenv loüou na Belyouévous Ünd Tüv map” Éxaotoic Tuavos AEYOUÈVEY

;

(1) Ci-dessus, p. 418-419. (2) Cf. H. Dorrrie, Kontroversen chen Platonismus,

dans Hermes,

um die Seelenswanderung im kaiserzeitli-

t. LXXXV,

1957, p. 414-435 ; ma

‘ Conso-

dans la tradition littéraire, p. 191-196, et ci-dessus lation de Philosophie’ p. 370-382. Depuis Porphyre, l’on n’admet plus que l’âme rationnelle puisse aller animer un corps de bête ; mais l’on ne renonce pas

à l’idée de métempsychose

pour

autant

ou de palingénésie.

(3) GUILLAUME DE Sainr-Tarerry, De natura corporis et animae Il, fin (vers l’an 1129), P.L., t. CLXXX, 725 B : «At contra infelix et degener

anima, si tamen anima dicenda est quae se ipsam occidit et in seipsa mortua est, catabathmon,

id est descensum,

facit inferius, imo non

descensum,

sed ruinam, ut quae in sordibus est sordescat adhuc (cf. Apoc. XXIIT, 11) : agitque et patitur omnia per contrarium, alienata a uita Dei (cf. Eph. IV, 18). Nam ad imaginem et uisionem Dei creata, ubi incipere debuit Deum sapere, ibi incipit desipere ; egressaque a facie Domini sicut Caïn (cf. Gen. IV, 16) habitat in REGIONE DISSIMILITUDINIS, in terra Naïm, id est commotionis.

Extorris

a uirtute

uitiis subigitur ; alienata

a pace

filiorum

Dei in

seipsa tumultuatur : artem naturalem in nequitiam corrumpens et astutiam, malitiosa efficitur ; animalitatis uel sensuum illecebris turpiter se immergens luxuriatur efficiturque sicutequuset mulus, quibus non est intellectus (cf. Ps. XXXI, 9). per omnia bestiae uel pecudi similis, nisi quod, ut supradictum est, in illis est natura quod uitium est in humana anima. Sie uiuit quandiu sepulcro corporis includitur. At

LA (RÉGION

433

DE DISSEMBLANCE »

et ci-dessus, p. 408, texte n° IV), Nicolas de Clairvaux (n° 28), Aired de Rievaulx (n° 66), c’est perdre une nature d'ange pour devenir « semblable et comparable à une bête de somme sans raison », Bellua, précise une fois saint Bernard?. Tels sont les équivalents chrétiens de l'&léyæv eldoçs dans le texte de Proclus. Bien entendu, selon l’optique chrétienne, cette chute est non ubi inde auulsa fuerit, pene sicut in brutis animalibus, quibus se sentit similem, toto [tota ?] eum corpore moritur... Heu quam melius ii fuerat si, sicut anima

pecoris,

tota

cum

moreretur,

corpore

puni-

ne in aeternum

retur ! Hanc autem beatae animae et miserae dissimilitudinem sola facit amoris dissimilitudo. In altera quippe amor naturalis dignitatis tenorem, in altera uero degenerat in pecudalem carnis animalitatem. » On notera que le puniretur rappelle aussi le xolxCouévac de Proclus. Sur l’animalitas, cf. Azcner

DE

CLarRvAux,

De spiritu et anima, 38, P.L., t. XL,

808:

« Sensualitas siue animalitas animae est inferior uis eius, quae secum trahens sensualitatem carnis uelut famulam et obedientem, sensus et imaginationes facit easque in arca memoriae reponit.» Et déjà CLAUDIANUS Mamerrus, De statu animae, I, 24, p. 85, 15. I, (1) S. BernarnD, De diuersis sermo XLII, 2, P.L., t. CLXXXII

661 D :

« Prima regio est REGIO DISSIMILITUDINIS. Nobilis illa creatura in regione honore similitudinis fabricata, quia ad imaginem Dei facta, cum in ne ad dissimilitudi de et 13) XLVIII, (Ps. xit intelle non esset, ad insimilitudinem descendit. Magna prorsus dissimilitudo, de paradiso fernum,

de

angelo

ad

iumentu

m,

de

Deo

ad

diabolum

! »;

Nicoras

3, P.L., pe Crarrvaux, Sermo in festo s. Nicolai Myrensis episcopi, DISSIMILITU" t. CLXXXIV, 1057 A : « Aggredere et ingredere REGIONEM quia regionem pinis, uidelicet mundum istum... Prorsus dissimilitudinis nos constat. amisisse sumus, facti Dei inem similitudinis, ubi ad similitud de angelo ad Numquid non magna dissimilitudo de paradiso ad infernum,

DE RiIEvaUIx, texte de Deo ad diabolum ? »: ArcreD iumentum, Ps. XL VIII, 13. Voir du textuelle citation cité ci-dessus, p. #12, col. a, avec canticorum sermo XX VIT, cantica In BERNARD, sarnT de 16 n° texte le aussi 5%A eur Quod euiden6, éd. J. Leclercq, p. 184 — PAL AACLXAXTIIT291

in REGIONE DISSIMILItius caelestis insigne originis, quam ingenitam, et in terra et ab exsule uitae caelibis gloriam inem, similitud rupinis, retinere ? » La métamorangelum uiuere bestiali paene usurpari, in corpore denique l’âme figurait aussi dans le de chute la par iumentum en d’angelus phose ad Auitum d’Origène, au témoignage de JÉRÔME, Epist. Ilepi &py®v siue animam siue daemoCXXIV, 64: 8,4C48.E;L.;t.) LIVI, 19 : « Angelum m uoluntatum, pro diuersaru sed naturae, esse adserit unius nem, quos

posse fieri et pro magnitudine neglegentiae et stultitiae iumentum animal sit et in poenarum et ignis ardore magis eligere, ut brutum pecoris.. » illius uel huius adsumere corpus et habitet ac fluctibus, ni bête ange ni « l’homme sur cédents des développements de Pascal SO p. 140, fragm. minor, icg Brunschv (2) Cf. ci-dessus, p. 411.

dolore aquis Anté» (éd.

434

APPENDICE VII

le retour à la génération, maïs la conséquence du péché originel. L'homme qui tombe dans la malitia, disait déjà saint Ambroise, perd l’image divine qui le rendait comparable aux anges, et se métamorphose en cheval, mulet, vipère ou renard. Les mêmes versets sont commentés dans le même sens par saint Augustin, dans ses Enarrationes in Psalmos’ ou la (1) Amgnroïse, In Ps. CXVIII, 10, 11, 2, C.S.E.L., t. LXII, p. 210, 6 (après citation textuelle du Ps. XXXI, 9) : « Deus enim non punit similitudinem suam, sed eum punit, qui ad similitudinem Dei factus hoc quod accepit seruare non potuit. Punitur ergo illud quod ad similitudinem Dei esse desistit, hoc est peccatum tuum.., ut per malitiam quod eras esse desineres et fieres mulus ex homine.…. Condemnaris autem in eo quod ipse mutatus es, ut fieres ex homine serpens, mulus, equus, uulpecula»;

Exam.

VI, 3, 10, C.S.E.L.,

t. XXXII,

1, p. 210,

15

« Cur intellectum tibi adimis, quem tibi creator adtribuit ? Cur te iumentiscomparas (cf. Ps. XLVIII, 13), a quibus te uoluit Deus segregare dicens : Nolite fierisicut equus et mulus, in quibus non est intellectus (Ps. XXXI, 9) ? » ; Explanatio Ps. XLVIII, 20, 1, C.S.E.L., t. LXIV, p. 373, 20 (après citation du Ps. XLVIII, 13) : «Non intellexit homo, cumin honore esset — est autem honor, quod ad imaginem Dei factus est, factus est rationis capax



comparatus

estiumentis

quae

sensum

non

ha-

bent; qui autem intellexit angelis comparatur. Et ideo hic bonorum claritate magnificus est, ille sicut equus adhinniens aestimatur conluuione uiuendi. » (2) AueusrTiN,

Enarr.

in Ps.

LXX,

sermo

II, 7, 49, C.C.,

t. XXXIX,

p. 967 : « Volui esse peruerse similis tibi, et factus sum similis pecori. Sub tua dominatione, sub tuo praecepto uere similis eram, sed homoin honore positus non intellexit; comparatus est iumentis insensatis, et similis factus est illis (Ps XLVIII, 13). lam de similitudine iumentorum clama sero, et die : Deus, quis similistibi?»; In Ps. LIV, 3, 44, ibid., p. 657 : «Nam in multis rebus a bestiis superamur ; ubi autem homo ad imaginem Dei factum se nouit,

ibi aliquid in se agnoscit amplius esse quam datum est pecoribus. Consideratis uero omnibus rebus quas habet homo, inuenit se eo proprie discretum a pecore, quod ipse habeat intellectum. Vnde quosdam contemnentes in se quod proprium et praecipuum a conditore acceperunt, increpat ipse conditor dicens : Nolite fieri sicut equus et mulus, quibus non est intellectus (Ps. XXXI, 9). Et alio loco dicit : Homo inhonorepositus. In quo honoore, nisi quia factus ad imaginem Dei ? Ergo, in honore positus non intellexit, ait; comparatusestiumentisinsensatis,etsimilisfactusest illis

(Ps. XLVIIT, 13 et 21). Agnoscamus ergo honorem nostrum, et intellegamus. Si intellegimus, uidemus non esse istam regionem gaudendi, sed gemendi, non iam exsultandi, sed adhuc plangendi. » (Dans les Conf. X, 7, 11, 6-16,

p. 248,

et XIII,

23, 33, 7, p. 391, les mêmes

gués pour montrer, dans un contexte porte sur les bêtes par le voÿc.)

néo-platonisant,

versets

sont

allé-

que l’homme l’em-

435

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE »

Cité de Dieu. Mais il n’omet pas non plus de les citer, dans le De Genesi ad litteram, à propos de certains philosophes paiens qui professent la métensomatose* ; en précisant que ces philo(à propos

p. 241

Civ. Dei VIII, 23, 68, C.C., t. XLVII,

(1) Aucusrin,

p. 387 : « Deus uoluit

; XIII, 3, 30, C.C., t. XLVIIT,

des écrits hermétiques)

esse tamquam primordia catulorum, quorum parentes in bestialem uitam mortemque deiecerat ; sieut enim scriptum est : Homo in honore cum esset, non intellexit; comparatus est pecoribus non XII,

eis»;

est

factus

similis

et

intellegentibus

24, 42,

dep. 847 : « Ex quo enim homo in honore positus, posteaquam penitamen eo in non ; generat similiter liquit, comparatus est pecoribus, est ad imatus extincta est quaedam uelut scintilla rationis, in qua factus irrationnel caractère le et l’âme de rationnelle l’étincelle Sur ginem Dei. » de la génération,

t. NECXNVe

P.L.,

6,

VIII,

in epist. Ioh.

cf. Tract

20397

quo« Multi cum per cupiditates detererent in se imaginem Dei et ipsam clamat, extingueren morum peruersitate ae dammodo flammam intelligenti mulus ”.… bat illis Scriptura : ‘Nolite fieri sicut equus et quia non

» ; Sermo

mentem

ferae rationalem

habent

I, 8, dans

Frangipane

domare non uult, Miscell. Agost., t. I, p. 176, 8 : « Appetitum carnis in se et generare etiam concumbere Etenim communis. e pecoribusqu nobis est qui est... Quod

pecorum

te, neglexeris, pecus,

non

te in te, et imaginem

si contempseris

uictus

bestiarum,

cupiditate

quasi conuersus

in naturam

tanquam

pecoris,

Dei, in qua fecit

homine

amisso

sed in hominis

forma

eris ha-

: * Nolite esse sicut bens similitudinem pecoris, qui non audis dicentem 9). Si pecus esse XXXI, (Ps. * intellectum habentes non mulus et equus » time. pecus sicut mori non times, saltem (2) Aueusrin,

De

Genesi

p. 78, 10 : « Post peccatum

ad

litteram

III, 12, C.S.E.L.,

conparatus eïs»,;.

iotsimilistactusest

est

t. XXVIII,

pecoribus

1,

insen-

VI, 12, p. 186, 10 : « Sed hoc

satis m suam fecit propter excellit in homine, quia Deus hominem ad imagine pecoribus : unde praestat qua tualem, intellec mentem dedit hoc, quod ei non intellexerit, si positus, honore quo In iam superiore loco disseruimus. s est, conparabitur : praelatu quibus s, pecoribu ipsis eisdem agat, ut bene lexit; conparatus Homo in honore positus non intel eis. et similis factus,est est pecoribus insensatis Nam

et pecora

Deus

ad imaginem

fecit, sed non

suam ) ; surtout

VII,

9,

m translatio animae fieri a p. 208, 1 : « Deinde cauendum est, ne quaeda quod ueritati fideique catholicae pecore in hominem posse credatur — inrationalem animam ueluti erimus concess si — est omnino contrarium fiet, ut, si haec materiem

subiacere,

unde

rationalis

anima

fiat.

non

recte

Sic enim

in deterius commutata sit in melius commutata erit hominis illa quoque etiam eorum posteri phorum philoso dam quorun pecoris. De quo ludibrio . erubuerunt

nec

eos

hoc

sensisse,

sed

intellectos

esse

dixerunt

de scripturis nostris hoc sentiat, Et credo ita esse, uelut si quisquam etiam usnon intellexit; posit e honor ubi dictum est : Homoin satis et similis facinsen ibus pecor est ratus conpa item legitur : Ne tradidetus est eis (Ps. XLVIII, 13), aut ubi 19). tibi (Ps. LXXIII, m confitente ris bestiis animam

436

APPENDICE

VII

sophes rougissent de leurs maîtres et interprètent leur pensée de manière

édulcorée,

comme

si ces maîtres

avaient professé,

non le passage matériel dans des corps de bêtes, mais l’avilissement de l’âme sombrant dans l’animalité, Augustin désigne clairement Porphyre! ; bien plus, en présentant l’homme tombé dans l’animalité comme un habitant de la regio gemendi?, il reproduit, consciemment ou non, l’exégèse porphyrienne selon laquelle l’île de Circé se nomme Aiain, c’est-à-dire l’île des sanglots, parce que les palingénésies successives s’opèrent dans les gémissements de l’âme effrayée chaque fois de son nouveau séjour. On remarquera qu’au x1I° siècle Isaac de l'Étoile (n° 68) Neque enim non omnes haeretici scripturas catholicas legunt nec ob aliud sunt haeretici, nisi quod eas non bene intellegentes suas falsas opiniones contra earum ueritatem peruicaciter adserunt. Sed quoquo modo se habeat uel non habeat opinio philosophorum de reuolutionibus animarum, catholicae tamen fidei non conuenit credere animas pecorum in homines aut hominum in pecora transmigrare. Fieri sane homines uitae genere pecoribus similes et ipsae res humanae clamant et scriptura testatur. Vnde est illud, quod commemoraui :Homoin honore positus nonintellexit: conparatusestiumentisinsensatisetsimilis factus est eis, sed in hac uita utique, non post mortem. » Le développement se poursuit contre l’idée de palingénésie ; les métamorphoses mythiques d’animal en homme sont présentées comme duperies des démons. (1) Dans le dernier texte cité, la phrase : « De quo ludibrio quorundam philosophorum etiam eorum posteri erubuerunt » s’éclaire par Civ. Dei, X, 26, 1, C.C., t. XLVII,

p. 300

: « Amicis

suis theurgis

erubescebat

Porphy-

rius »; X, 30, 5, p. 307 (à propos de la métensomatose proprement dite, selon Platon et Plotin) : « Porphyrio tamen iure displicuit.. Puduit scilicet illud credere, ne mater fortasse fililum in mulam reuoluta uectaret » : XIII, 19, 39, C.C., t. XLVIII, p. 402 : « De quo Platonico dogmate iam in libris superioribus diximus Christiano tempori erubuisse Porphyrium » ; Sermo

CCXLI,

7, 7, P.L.,

t. XXXVIII,

1137

: « Magnus

eorum

philoso-

phus posterius Porphyrius, fidei Christianae acerrimus inimicus, qui iam Christianis temporibus fuit, sed tamen ab ipsis deliramentis erubescendo, a Christianis ex aliqua parte correptus, dixit, scripsit : ‘ Corpus est omne fugiendum ?. » Doctrine qui s'oppose, dit Augustin, à cette autre : «animas amore corporum redire ad corpora. » (2) Voir le dernier texte cité ci-dessus, p. 434, n. 2. (3) Porpayre,

ap.

Stobée,

Ecl.

I, 49, 60, éd. Wachsmuth,

t. I, Berlin,

1884, p. 446, 14 : Aiain dÈ vhooc h dexouém Tdv &mofvioxovra oïpx X@pa ToÙ nepiéyovroc, elc }v Éurecobout mpérov ai duyal rAavüvrar

wa x

Éevoradodor ai 8Aopbpovrau

par

Pseupo-PLrurarque,

De

Cf.

déjà

l’exégèse

uita et poesi Homeri,

126,

voisine éd.

fournie

Dübner,

p. 134

Tabrnv dÈ &md Toù œidbewv xat dSUpeoar Todc &vôporous ért roic Bavérouc AÉXANXEV, Ô dE Éuppov dvhp, œûrèc à ’Odvocebc, oùx Émale Thv rouxbrnv ueTaboAñv, mapa Toù ‘Epuob, toutéort To A6Yyou, Tù &mafèc AxBov.

LA (RÉGION

DE DISSEMBLANCE »

437

considère toujours la « région de dissemblance » comme un lieu de pleurs, alors que rien de tel n’est directement suggéré par le texte de la parabole de l'Enfant prodigue!. Porphyre, poursuivant l’exégèse de l'épisode homérique, déclarait qu'Hermès et son u&Av sont la Raison ou le Verbe (A6yoc) qui fournit l’antidote de la drogue de Circé? ; cette exégèse aussi fut connue des Latins*, au moins jusqu’au temps des auteurs chrétiens du Haut Moyen Age : selon Hilaire d'Arles, le Verbe du Christ, par la bouche

du missionnaire

Honorat,

transformait,

au re-

bours du poison de Circé, les brutes barbares en hommes dignes de ce nom,

c’est-à-dire en chrétiens

ascètesf.

(1) Isaac DE L'Éroire, Sermo II, P.L., t. CXCIV, 1695 C : « Aliud tu, aliud tui, aliud circa te. Circa te mundus, tui corpus, tu ad imaginem et similitudinem Dei factus intus.… Foris pecus es ad imaginem mundi, unde

et minor mundus dicitur homo ; intus homo ad imaginem Dei, unde potes deificari. Itaque in semetipso homo reuersus, sicut iunior ille prodigus filius, ubi se inuenit, nisi in regione longinqua, in REGIONE DISSIMILITUDINIS, in terra aliena, ubi sedeat et fleat, dum recordetur Patris et patriae ? Si porcos pascit et esurit, nonne lugendi materiam in se reperit ? » (2) PorPavyre,

loc. cit., p. 447, 25

à yxpuoépparic ‘Epuñs

: Oüros

(Od.

X,

227) &An0@c 6 A6YOG Évruyydvov xai Beuxvbov évapyéc Tù xwA6V, À TAVTXruouw eloyer xal dréyer rod xuxedvoc, À moboav év dvbporive Bio xai YOec. Suapurdrrer mAEioroy xpOvov, &G dvuoTÉv TL. Voir aussi le texte du Pseupo-PLUTARQUE,

ci-dessus,

p.

436, n. 3, et P. Bovancé,

Leucas,

dans:

Revue archéologique, t. XXX, 2, 1929, p. 213 ; H. RaAuNeERr, Mythes grecs et mystère chrétien, Paris, 1954, p. 196 et suiv. ; J. Carcopino, De Pythagore aux Apôtres, Paris, 1956, p. 180 et suiv., 206 et suiv. ; F. Burrière, op. cit., p. 292 et 512-515. (3) Lacranrius

Pracipus,

In Statii Thebaida,

IV, 555, éd. Jahnke, Leip-

zig, p. 233, 4 (après citation d’Aen. VII, 19) : « Equidem cum sit naturae ratio fingendo corpora facere homines, qui fuerant beluae, resoluta ferae !) figura humanos uultus effingunt.. Haec igitur Circe in insula Maeonia (sic delatos

ad se in feras mutabat » ; cf. Boëce,

Cons.

ph., IV, carm. SELS

C.C., t. XCIV, p. 72. La déformation du nom de l’île Aixin en Maeonia l’aps'explique peut-être du fait qu'Homère est « Meonem senem », comme pelle FULGENCE, Mitologiae, éd. Helm, p. 10, 9. (4) HiraïREe D’ARLES, Sermo de uita Honorati,

XVII,

13, éd. S. Caval-

? Quotiens lin, Lund, 1952, p. 61 : « Quam ille barbariem non mitigauit interdnm de inmanibus beluis quam mites fecit columbas ? Quam amaros lucem, mores Christi dulcedine aspersit ?.… Nam uelut educti in nouam Pulsa ntur. detestaba carcerem errorum um insidenti antiquum illum diu et per exhortationes ipsius uaria pestis animorum : amaritudo, asperitas t redelectaba et obtulerat, Christus quam libertati, dabant locum rabies et admiquies post longam et grauem Pharaoniam seruitutem. Stupenda rabilis

permutatio

: non

Circeo,

ut aiunt,

poculo

ex

hominibus

feras,

sed

Honorato ex feris homines Christi uerbum tamquam dulcissimum poculum credidit et tanministrante faciebat. Omnium enim ille passiones suas

438

APPENDICE

VII

Un rapport est donc indéniable entre les spirituels du xI1° siècle parlant de la région de dissemblance, et notre texte porphyrien de Proclus. Ce fait est de conséquence, car les traductions latines de Proclus par Guillaume de Moerbeke ne sont pas antérieures à la fin du xrr1e siècle. Quel fut donc l'intermédiaire ? Peut-être la version antique d’un texte néo-platonicien, et l’on pourrait songer alors à des excerpla de Porphyre traduits par Marius Victorinus. Plus probablement, à mon avis, quelque adaptation par un Père grec ou latin ; car, comme je l’ai souligné plus haut, le cafabathmos qui, selon Guillaume de Saïint-Thierry, mène à la région de dissemblance, est imaginé par antithèse avec les anabathmi des Psaumes des degrés!. En fait d’adaptateur grec, l’on doit songer non plus à Origène, mais à saint Grégoire de Nysse, qui établit un rapport étroit entre la perte, pour l’homme, de sa condition angélique et son mode de yévecis analogue à celui des bêtes irrationnelles, avec citation du verset de Psaume XI,VIII, 13°. quam suas fleuit ; profectus laboresque omnium suos conputauit ; sciens gaudere cum gaudentibus, flere cum flentibus (Rom. XII, 15) simul et uitia et uirtutes omnium in meriti sui cumulum transferebat. » On notera aussi le caractère platonisant de cette « prison » des erreurs et des passions. Comme on voit, une analogie entre le Logos d’Hermès et celui du Prologue johannique fut admise, non seulement dans les milieux hérétiques, comme l’a bien souligné J. Carcopino, mais dans la grande Église. (1) Voir ci-dessus, p. 421-422. (2) Outre les motifs et les textes indiqués, ibid., p. 19 et 21, il faut signaler le parallèle textuel que voici (beaucoup plus précis que les rapprochements proposés par J. DÉcmaner, Aux sources de la spiritualité de Guillaume

de Saint-Thierry,

Bruges,

1940, p. 53, entre

Guillaume

de Saint-

Thierry (P.L., t. CLXXX, 714 D) et Jean Scot (P.L., t. CXXII, 875 A) ; c’est le texte même de Grégoire que suit Guillaume : GrÉéGoiRe DE Nvsse, oxevñs &vôporou, ©. t. XLIV,

Ileoi xata17 (P.G.,

189 D 3, trad. par JEAN

GUILLAUME

DE

874 D-

SainT-Turerry,

natura corporis et animae, t. CLXXX, 714 D :

De

P.L.,

Scor, P.L., t. CXXII, 798 D ; cf. Bamberg., patrol. 78) : «Pro cudalem

angelica magnificentia peet irrationalem

ex

se inui-

cem successionis modum humanitati inserens. Hinc mihi uidetur etiam magnus Dauid dolens hominis miseriam, talibus uerbis planxisse naturam, quia homo in honore dum esse,

« … Et uere passiones, quibus homo factus ad imaginem Dei, ad imaginem pecudum se patitur humiliari. Vere passiones, quia contra naturam sunt.

Hinc

Dauid

: ‘ Homo,

inquit,

cum in honore esset, non intellexit : comparatus est iumentis insipientibus

LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE »

439

En fait d'adaptation latine, on pourrait songer au De philosophia perdu de saint Ambroise. Car il y luttait contre les Néoplatoniciens ; il est le premier à latiniser anabathmus! ; il combat longuement, à propos du mythe de Circé, les doctrines de métamorphose et de métensomatose ??. Tout ce qui est sûr, c'est que cette adaptation laissait aisément reconnaître et a préservé pour la pensée médiévale d'Occident l’exégèse néoplatonicienne de la région de dissemblance. Richard de SaintVictor, qui emploie aussi l'expression (Répertoire, texte n° 58), fait une

allusion très nette,

traité, à

dans la suite du même

l’ascension et à la chute de l’âme*. Ailleurs, à propos du verset de Psaume

morphose animales.

13, il emploie le mot même

XLVIII,

(éransfigurauit

se)

appliqué

non intellexit (Ps. XLVIII, 13). ‘ Honorem ‘ dicens aequalem angelis reuerentiam. , Propterea, inquit, comparatus est iumentis insipientibus ’. Vere enim pecorinus factus est, qui animalem hanc generationem accepit propter ad materiale inclinationem (Six Thv mpds To DA&OES po-

rh). »

de méta-

à la métensomatose

et similis factus est illis ” (Ps. XL VIII 13). Nam, sicut dictum est, quae in bestiis

sunt

natura,

in

hominibus

sunt uitia.. Haec autem omnia malignae operationes degenerantis animi sunt…

tum

Et haec

constitutionem runt,

omnia,

sicut dic-

est, ex pecudali generatione in hominis

cointraue-

»

En 232 A-C, Grégoire de Nysse cite à nouveau ce verset, dans un développement qu'il réfère explicitement à la métempsychose des Grecs. Voir encore les intéressants commentaires appliqués à ce verset par JEAN Scor, De diuisione

P.L., t. CXXII,

naturae,

la ruina

(développement sur CEXXX, 725 B).

575 B, 805 A, 813 À, 817 B, 874 C

de l’âme,

comme

(1) Amgroise, EÉpist. ad Irenaeum NNNIMO (2) Amsroise, De excessu fratris, T1, 127-131, 321. Cf. ci-dessus, p. 369, n. 2.

(3) Ricmarp

chez GuizraAuME, P.L., t. RTOSSAC: CERN PL C.S.E.L,, t. LXXIIL p.

DE Sanr-Vicror, De exterminatione mali et promotione boni,

P.L., t. CXCVI, 1113 B « Felices quibus uertitur in scalam quod aliis solet esse in ruinam ; felices quibus exteriorum scientia fit scala ascensionis, non

ruina deiectionis » ; sur scala /ruina correspondant à anabathmus [catabathmus, cf. ci-dessus, p. 423. On notera que, dans mes textes du Répertoire, n°® 57-58,

c’est-à-dire

une

Lettre de Jonas

de Saint-Victor

et le De extermi-

» natione de Richard de Saint-Victor, l'expression «regio dissimilitudinis est dirigée chaque fois contre l’abbé Ervise, célèbre par ses fredaines. (4) Ricnarp

DE

SainT-Vicror,

De

Emmanuele

II, 19, P.L.,

t. CXCVI,

632 B : c Homo non intellexit, ideoque despexit. Despecta uero iumenti. » atque reiecta similitudine Dei, transfigurauit se ad similitudinem

440

APPENDICE VII

Si nous additionnons les quatre-vingt-quinze textes du Réperloire et les treize textes

de la liste ci-dessus!, nous obtenons

un total de cent huit textes émanant d'au moins cinquantesix auteurs différents. Encore avons-nous considéré comme un seul texte telle page où l'expression «regio dissimilitudinis » reparaît plusieurs fois à peu de distance. Il est notable que la grande majorité de ces textes datent du x11® siècle, même si l'expression survécut au moins jusqu'au xvire. Mais six textes seulement sont antiques. Un trou béant subsiste entre le texte antique le plus tardif, qui est de Proclus, et les textes médiévaux les plus anciens : ceux d’Vves de Chartres, Hildebert de Lavardin, Hugues Farsit, qui datent du début du xtr° siècle. Même si, dans le cours de ce siècle, l'expression a tendu à de-

venir une sorte de «cliché» du vocabulaire de la spiritualité chrétienne, plusieurs textes, en particulier ceux de Guillaume de Saint-Thierry, restent intimement marqués de néo-platonisme. Exista-t-il des traductions antiques de traités de Porphyre ou Proclus touchant la chute de l’Ââme et la métensomatose ? Tant que l’époque carolingienne ne nous aura rien révélé de plus précis, les intermédiaires les plus probables, en dehors de la page des Confessions, m'ont paru être Origène, Grégoire de Nysse et le De phlosophia d’Ambroise.

(A) P. 407-409.

APPENDICE

VIII

LE THÈME DU REGRET : « TARD JE T’AI AIMÉE, BEAUTÉ » (Augustin, Conf., X, 27, 38)

Sero est un des mots que les Latins ont le plus volontiers chargés d’affectivité. Le regret du retard devint vite un thème, dont on peut saisir à travers cent textes profanes, puis chrétiens, les nombreux

motifs

et les modes

d'expression

variés,

jusqu’à ce que saint Augustin, dans ses Confessions, l'ait renouvelé d’après les Grecs et formulé en termes inoubliables. I. —- REGRETS

PROFANES

Dès l’origine de la tragédie, une pièce intitulée « Le cheval de Troie » (que l’on attribue tantôtà Livius Andronicus, tantôt à Naevius) résumait en une sorte de mot de la fin le destin ; mélancolique d’Ilion, sous la forme : « Sero sapiunt Phryges de ion Obstinat » s. Phrygien aux la sagesse vient trop tard par l’homme qui court à sa perte, comme firent les Troyens Hélène. belle la refus de restituer e Plaute paraît se plaire à reprendre l'expression par manièr voyons de parodie, pour peindre la sottise humaine’. Nous t. I, Leipzig, 1897, (1) O. RIBBECK, Tragicorum Romanorum fragmenta, us, p. 449, n. 3. ci-desso cf. ; fabulae m poetaru rum Incerto les p. 271, parmi chez SALLUSTE, , militaire ophe catastr de Mélancolie analogue, à propos 304 : « Mea dicta sero probat. » Epist. Mithridatis, 13, éd. Ernout, p. Ernout, t. IV, p. 199 : (2) PrAUTE, Miles gloriosus, v. 403, éd.

Ne tu hercle sero, opinor, e. Si ad erum haec res prius tdeuenerit+, peribis pulchr scis. Resipi

Cf. Aulularia,

v. 249, t. L, p. 162%;

Idem,

quando

occasio illaec periit, post sero cupit.

442

APPENDICE VIII

aussi tel personnage des Adelphes de Térence regretter d’avoir été prévenu trop tard pour être de quelque secours!, tel autre, dans l’Heautontimoroumenos, mettre en garde contre les conséquences d’une décision prise un instant trop tard?. Cicéron

remploie

deux

fois, tant dans

une

Lettre que

dans

un plaidoyer, le fragment tragique touchant la tardive sagesse des Phrygiens’. Sur le plan de l’action judiciaire ou politique, il note combien les regrets ou les concessions de tel personnage sont tardifst. Il reproche à Pompée d’avoir fait le jeu de César et de s’en être rendu compte trop tard’. Il veut éviter, personnellement, le reproche d’avoir tardé à châtier Catilinaf ou à agir contre Antoine, tout en ajoutant qu’il n’est jamais trop tard pour défendre la liberté’. Il décrit la douleur des Captiui, v. 870, t. II, p. 137 : …

Trinummus, (1) Térence,

Abi,

stultu’s,

sero post | tempus

uenis.

v. 416, t. VII, p. 40 : « sero atque stulte. » Adelphes,

v.

272, éd. Marouzeau,

t. III, p. 124

:

Hoc mihi dolet, nos paene sero scisse et paene in eum locum redisse ut, si omnes cuperent, tibi nihil possent auxiliarier. (2) Térencr, Heautontim., v. 344 t. II, p. 40 : « Age modo : hodie sero ac nequiquam uoles. » (3) Cicéron, Fam. VII, 16, 1 (= Epist. ad Trebatium CLV, éd. Constans, t. III, p. 118) : « In ‘ Equo Troiano ’ scis esse in extremo : ‘ Sero sapiunt ’. Tu tamen, mi uetule, non sero»

(cf. la note de l’éd. Constans, p. 257,

et Fesrus, p. 343 M (460 Lindsay) : « ‘ Sero sapiunt Phryges * prouerbium est natum a Troianis qui decimo denique anno uelle coeperant Helenam quaeque cum ea erant rapta, reddere Achiuis »; A. Orro, Die Sprichwôrter und sprichswôrtlichen Redensartem der Rômer, Leipzig, 1890, s. u. : Phryx, p. 208) ; Pro C. Rabirio Postumo IX, 24, éd. A. Boulanger, p. 33 : « Non

tam semper stulti quam sero sapientis est, cum stultitia sua impeditus sit, quoquo modo possit se expedire. » (4) Cicéron, Pro Quinctio XXV, 79, éd. La Ville de Mirmont, p. 41 (à propos de Quinctius expulsé de ses pâturages) : « Quo die ? Possumus hoc quoque ex te audire ? Quid taces ? Dic, inquam, diem. Pudet dicere. Intellego : uerum et sero et nequiquam pudet. » (5) Cicéron,

Philippiques

II, 10, 24, éd. P. Wuilleumier,

p. 101 : « Atque

idem ego, cum iam opes omnis et suas et populi Romani Pompeius ad Caesarem detulisset seroque ea sentire coepisset, quae ego multo ante prouideram.. » (6) Cicéron, Catilinaires I, 2, 5, éd. Bornecque, p. 8 : « Si te iam, Catilina, comprehendi, si interfici iussero, credo, erit uerendum mihi, ne non

hoc potius omnes boni serius a me, quam quisquam crudelius factum esse dicat. » (7) Crcéron, Philippiques V, 11, 30, p. 34 : « Quo die primum conuocati sumus, cum designati consules non adessent, ieci sententia mea, maximo uestro

consensu,

fundamenta

rei publicae, serius omnino, quam decuit — nec enim

LÉ REGRET

: (TARD

JE T'AI AIMÉE, BEAUTÉ »

443

soldats qui reconnurent, mais trop tard, en la personne de leur chef

Antoine,

un

être

infâmel,

Lui-même

exprime,

dans

le

Brutus, sa douleur d’être né si tard qu'il voit la République tomber dans les ténèbres où elle gît présentement”. Sur le plan philosophique, Cicéron décrit dans le De finibus le regret qui étreint les êtres passionnés lorsqu'ils s’aperçoicent — mais trop tard — qu'ils ont peiné pour de faux biens*. L'homme ne saisit jamais que sur le tard — et encore rarement et incomplètement — ce que sont la vertu et le bonheur : observation déjà faite par Platon‘. La philosophie platonicienne est aussi à l’origine du développement des Tusculanes sur l'entrave que le corps constitue pour l'âme : même déliée par la mort, l’Ââme est retardée dans sa course si l’on n’a pas pris soin de s'exercer par la philosophie. Sur le plan littéraire, Cicéron n’ignore pas combien les Latins ont tardé à s’instruire près des Grecs. Il prête à deux reprises A

ante potui»; cf. VI, 7, 19, p. 63 : «Venit tempus, Quirites, serius omnino quam dignum populo Romano fuit, sed tamen ita maturum, ut diflerri iam hora non possit » ; X, 9, 19, p. 147 : « Tota Italia desiderio libertatis exarsit, seruire

diutius non potest ciuitas ; serius populo Romano arma dedimus, quam ab eo flagitati sumus. » (1) Zbid., II, 25, 61, p. 121:

tam sero se quam

nequam

(2) Cicéron, Brutus, paulo serius, tamquam

ciantur,

atque

non indoluerit

secutus esset cognoscere. »

XCVI, 330, éd. Martha, p. 123 : « Doleo me in uitam in uiam, ingressum, priusquam confectum iter sit,

De finibus,

sero sentiunt

cum

uestitum

« Quis enim miles fuit, qui

hominum

in hanc rei publicae noctem (3) Cicéron,

hunc

incidisse. » I, 18, 60, éd. Martha,

p. 40 : « Maximeque

se aut pecuniae

frustra

studuisse

cru-

aut imperiis

aut opibus aut gloriae. » Cf., en revanche, CIcéÉroN, Acad., fragm. 4, éd. Mül-

ler, p. 86, 22 (ap. Nonrus, p. 69, 6) : « Cicero Academicorum libro IT : ‘ Qui enim

serius

mendati

honores

multitudini

adamauerunt,

uix

admittuntur

ad eos

nec

satis

com-

possunt esse ?. » finibus,

(4) Cicéron,

De

(5) Cicéron,

Tusculanes

V, 21,

58, p. 145

: « Virtutis

enim beataeque

uitae, quae duo maxime expetenda sunt, serius lumen apparet, multo etiam serius, ut plane qualia sint intellegantur. Praeclare enim Plato : ‘ Beatum, cui etiam in senectute contigerit, ut sapientiam uerasque opiniones assequi possit ” (Lois, IT, 653 a).» I, 31, 75, éd. Fohlen,

p. 47 : « Secernere

autem

a corpore animum, nec quicquam aliud, est mori discere. Quare hoc commentemur, mihi erede, disiungamusque nos a corporibus, id est consuescasimile, et cum mus mori. Hoc, et dum erimus in terris, erit ill caelesti uitae Nam illuc ex bis uinclis amissi feremur, minus tardabitur cursus animorum.

qui in compedibus ingrediuntur,

corporis semper fuerunt, etiam cum soluti sunt, tardius

ut üi, qui ferro

uincti

multos

annos

fuerunt » ; cf. PLATON,

p. 451, Resp. 515 c (mythe de la caverne), et le texte de Macrobe, ci-dessous, as Al

AAA

APPENDICE

VII

dans son dialogue De oratore, le regret de

à l’orateur Antoine,

ne s'être pas mis au grec aussi tôt que Crassus et de posséder, par suite, une culture moins approfondiel. Dans les Tusculanes Cicéron exprime en son nom personnel l’idée du retard des Latins à connaître les poètes grecs’. Des regrets analogues sur le retard en matière de culture, soit du point de vue individuel, soit du point de vue national, seront exprimés par ValèreMaxime’,

Quintilien{,

Suétone’,

se

L'on

Aulu-Gellef.

console

d’ailleurs en ajoutant parfois ce correctif : mieux vaut tard que jamais. Parmi les poètes, Horace, dans ses Odes nationales, regrette les délais que trament les Barbares à l'encontre de la suprématie romaine”. Le vieux Tityre des Bucoliques exprime sa longue attente de l’affranchissement qui tardait, tandis que le vieil Évandre

de l’Énéide,

au moment

où son

fils court

a mort glorieuse des champs de bataïlle, le salue comme

(1) Crcéron, De oratore I, 18, 82, éd. Courbaud, met,

qui sero ac leuiter Graecas

p. 33 : « Namque

à

sa

ego-

litteras attigissem.. » ; Il, 89, 36%, p. 158 :

« Quae ego sero, quae cursim arripui, quae subsiciuis operis, ut aiunt, iste (Crassus) a puero, summo studio, summis doctoribus. » (2) Cicéron,

Tusculanes

I, 1, 3, p. 5 : « Serius nos poeticam accepimus..

Sero igitur a nostris poetae uel cogniti uel recepti. » (3) VazÈRE-Maxime,

piuit : quam

VIII,

7, 1 : « Cato...

sero, inde aestimemus,

Graecis

litteris

erudiri

concu-

quod etiam Latinas paene iam senex

didicit » ; VIII, 7, extr. 8 : « Socratem

etiam constat

aetate prouectum

fidi-

bus tractandis operam dare coepisse, satius iudicantem eius artis usum sero quam nunquam percipere. » (4) Quinriten, Inst. or. I, 1, 19 : « Idem etiam de sequentibus annis praeceptum sit, ne, quod cuique discendum est, sero discere incipiat » ; IT, 17, 22 (à propos de Démade, ancien rameur, et d’Eschine, ancien ‘ hyporites *) : « Neque orator esse, qui non didicit, potest ;et hos sero potius quam nunquam didicisse quis dixerit. » (5) Suérone, De grammaticis et rhetoribus 25, éd. Reifterscheïid, p. 119, 9 : « Rhetorica quoque apud nos perinde atque grammatica sero recepta est. » (6) Auru-Gezze,

Noct. Att., XV,

30, 1 : « Qui ab alio genere

uitae

detriti

iam et retorridi ad litterarum disciplinas serius adeunt, forte iidem sunt garruli natura. » (7) Horace,

Carm.

III, 8, 22, éd. Villeneuve,

p. 115

: « Cantaber

domitus catena. » (8) Vireice, Buc. I, 26: (Meliboeus) Et quae tanta fuit Romam tibi causa uidendi ? (Tityrus) Libertas quae sera tamen respexit inertem; candidior postquam tondenti barba cadebat, respexit tamen, et longo post tempore uenit.

sera

LE REGRET

: (TARD

JE T'AI AIMÉE, BEAUTÉ »

445

«tardive joie »!. Virgile aime décrire l’impatience du chef dont les troupes s’attardent par nonchalance?. Au livre VI, il révèle par la bouche d’Anchise, en termes platoniciens, que le corps ralentit l'âme. Il précise qu’une peine spéciale est réservée dans l'au-delà aux hommes qui ont retardé au maximum l’expiation de leurs crimes. Turnus, maudit par Latinus, apprend que, pour prix de ses forfaits, un jour ses prières seront trop tardives”. Les Élégiaques préfèrent broder sur le retard en amour. À tel de ses confrères qui, par mépris de l’amour, écrit des épopées, Properce prédit que plus l'amour tarde, plus il commet de ravagesf. Lui-même, délaissé par sa maîtresse, avise ses amis qu’il est trop tard pour qu’on le guérisse de son mal’.

(1) Vireize,

Aen. VIII, 581, éd. Durand-Bellessort, p. 68 : Dum te, care puer, mea sola et sera uoluptas, complexu teneo….

(2) Ibid. II, 373, p. 50 : Festinate, uiri. Nam quae tam sera moratur segnities ? (3) Tbid. VI, 720 et 731, p. 191 : . iterumque ad tarda reuerti corpora... quantum non noxia corpora fardant. (4) Ibid. VI, 566, p. 185 : Gnosius haec Rhadamantus habet durissima regna castigatque auditque dolos subigitque fateri quae quis apud superos furto laetatus inani distulit in seram commissa piacula mortem. (5) Ibid, VII, 595, p. 33 : Ipsi has sacrilego pendetis sanguine poenas, o miseri.

Te, Turne,

nefas,

te triste manebit

supplicium uotisque deos uenerabere

seris.

IV, 122-144, cf. J. MarouSur serus, hantise verbale dans ia Géorgique 1946, p. 266. Paris, éd., 2° latine, stylistique de Traité zeau, D. Paganelli, p. 14 : (6) PROPERCE, Elegiae I, 7, 20 et 26, éd.



Nec tibi subiciet carmina serus Amor.

sosssossssee

Saepe uenit magno faenore tardus Amor. (7) Ibid. I, 1, 24, p. 7 : Et uos qui sero lapsum reuocatis, amici, quaerite non sani pectoris auxilia.

446

APPENDICE

VIII

Même le jour où il apprend son retour en faveur, le remède n’opère pas, assure-t-il, car sa cendre est déjà refroidie!. Ovide évoque volontiers l'attente de l’amante qui ne peut se croire abandonnée,

lors même

que l’aimé tarde au rendez-

vous? ou s’attarde auprès d’une autreÿ. Il peint encore Didon qui cherche à retenir Énée près d’elle en retardant son départ. La comparaison du bateau qui part vers la haute mer fait sentir la mélancolie de l’arrachement irréparable’. Plus d’une fois sont évoquées dans ses vers les larmes de repentirf et le remords tardif de l’amant qui, après s’être montré cruel, se prend en haine d'autant plus que le mal commis est sans remède’. Ovide développe après Properce le thème des ravages de l’amour

(1) Zbid. II, 14, 15, p. 53 : Atque utinam non tam sero mihi nota fuisset condicio ! Cineri nunc medicina datur. (2) Ovine, Ars amandi III, 675, éd. Bornecque, p. 84 : Spectet amabilius iuuenem et suspiret ab imo femina, tam sero cur ueniatque roget. (3) Ovinr, Heroïdes IT, 101, p. 10 (Phyllis Demophoonti) : Et tamen exspecto. Redeas modo serus amanti ut tua sit solo tempore lapsa fides. Cf. II, 9 : « Tarde,

quae

credita

laedunt,

(4) Ibid. VII, 173, p. 45 (Dido Aeneae)

credimus. »

:

Tempus ut obseruem, manda mihi, serius ibis, nec te, si cupies, ipsa manere sinam. (5) Ovipe,

Amores

II, 11, 23, p. 57 :

Sero respicitur tellus, ubi fune soluto currit in inmensum panda carina salum. (6) Ovipe, Tristes III, 1, 7, éd. Ripert, p. 80 : Id quoque, quod uiridi quondam male lusit in aeuo heu nimium sero damnat et odit opus. Ibid. IV, 9, 1, p. 158 : Si licet, et pateris, nomen facinusque tacebo et tua Lethaeis acta dabuntur aquis nostraque uincetur lacrymis clementia seris : Fac modo te damnes.. Pontiques

II, 6, 7, p. 288 : Vera facis, sed sera,

meae

conuicia

culpae

:

aspera confesso uerba remitte reo. (7) Ovine, Metam. II, 612, éd. Lafaye, p. 57 (mythe de Coronis) Paenitet heu sero poenae crudelis amantem, seque, quod audierit, quod sic exarserit, odit.

LE REGRET

: (TARD

JE T'AI AIMÉEÉ, BEAUTÉ »

447

tardifl et la nécessité de combattre la passion avant que le mail ne se soit insinué?. Ses brillantes formules survivront au moins jusque chez saint Bernard, qui les applique à toute espèce de fléau exigeant un prompt remède. Le thème du retard est repris fréquemment chez les poètes néo-classiques

du 1er siècle.

Silius Italicus,

dans

ses Punica,

mentionne le regret tardif d’une erreur ou d’une faute, qui vous pousse parfois à gémir’. Stace nous présente avec mélancolie Phébus qui se souvient trop tard de son amourf. Ou en(1) Ovipe, Heroïdes IV, 19, p. 19 (lettre de Phèdre à Hippolyte) Venit amor grauius quo serius. Urimur intus, urimur et caecum pectora uulnus habent. (2) Ovine,

Remedia

amoris

I, 88, éd. Bornecque,

:

p. 14 :

Quale id sit, quod amas, celeri circumspice mente et tua laesuro subtrahe colla iugo. Principiis obsta. Sero medicina paratur, cum mala per longas conualuere moras. Sed propera nec te uenturas differ in horas. Qui non est hodie, cras minus aptus erit. Verba dat omnis amor, reperitque alimenta morando as (Si) uetus in capto pectore sedit amor... maius opus superest ; sed non quia serior aegro aduocor ille mihi destituendus est. (3) Sarvr

Bernarp,

Epist.

ad

Innocentium

pontificem

CXCI,

2, PL,

t. CLXXXII, 358 A (en 1140, pour l’inviter à sévir contre Abélard) : « Quia ergo homo ille multitudinem trahit post se, et populum qui sibi credat, habet,

necesse

medicina

est ut huic

contagio

mala

paratur / cum

celeri remedio

per longas

Joslenum episcopum Suessionensem

occurratis

conualuere

CCCXLII,

: ‘ Sero enim

moras ’ »; Epist. ad

3, P.L., t. CLXXXII,

547 B :

« Extinguatur ignis antequam conualescat incendium : ‘ Sero enim medicina paratur | cum mala per longas conualuere moras ”. » (4) Srzrus Irazicus, Punica II, 141, éd. Bauer, p. 3 (à propos de Mopsus) : « Poenitet heu sero dulcis liquisse penatis» ; XIII, 603, p. 71 (à propos des rois jugés par Pluton) : « Stant uincti seroque piget sub iudice culpae»; XVI, 417, p. 151 : Hunc

quoque

cunctantem

et sero

moderamina

discentem rapido praeteruolat incitus axe. (5) Ibid. XV, 66, p. 110 (Volupté parle) : .… quis luce suprema dimisisse meas sero non ingemit horas ? XV, 709, p. 133 : Occubuit clipei transfixo proditus aere et sero ingemuit stabulis exire paternis. (6) Srace,

Thébaïde

I, 596, éd. Klotz,

p. 31 :

Sero memor thalami maestae Phoebe, paras.

solacia morti,

equorum

448

APPENDICE

VIIL

core, il évoque un recours trop tardif à la bonne foi où à quelque remèdel, Tandis que les Stoïciens, et aussi Plutarque dans son De sera numinis uindicta, tendaient à justifier la Providence de ses lenteurs, Stace déplore le retard des dieux à accorder leur protection ou à exercer leur vengeance”. Le philosophe Sénèque, lui, ne peut aborder le thème du retard qu’en accord avec les principes de la morale stoïcienne. L'expérience morale consiste, selon lui, à reconnaître — fûtce tardivement — ses propres égarements, et à les épargner à autrui en le prémunissant contre les biens de fortuneÿ. Celui qui, dans sa présomption, aura négligé de s'exercer à dompter ses passions par l'exercice de la philosophie se verra contraint, au jour de l'épreuve engendrée par quelque mal accidentel, de faire un tardif aveu d’impuissancet. Les efforts non méthodiques sont agitation pure et n’aboutissent qu’à faire prendre ES

enfin conscience, non sans amertume,

de leur stérilité’. Tandis

(1) Zbid. II, 387, p. 58 : Sedet omne paratus in facimus queriturque fidem tam sero reposci. X, 588, p. 386

: « Sera ista fides, iam

uincere

(2) Srace,

»

mauult.

Silves, NV, 1, 16, éd. Frère, p. 174: Sera quidem tanto struitur medicina

dolori.

Thébaide V, 359, p. 175 : Nec ratis illa salo, sed diuum sera per aequor iustitia et poenae scelerum aduentare uidentur.

V, 688, p. 190 : Sed uidet haec, uidet ille deum sera quidem, manet ira tamen.

regnator,

et ausis

X, 235, p. 369 : Vnde haec tam sera repente numina ? (3) SÉNÈQUE,

Epist. ad Lucilium VIII, 3, éd. Préchac,

t. I, p. 23 : « Rec-

tum iter quod sero cognoui et lassus errando, aliis monstro. Clamo : ‘ Vitate quae uulgo placent, quae casus adtribuit : ad omne fortuitum bonum suspiciosi pauidique subsistite.. ? » (4) Ibid. LXXXII, 7, t. III, p. 103 : « Haec quidam putant ipsos etiam sine philosophia repressisse. Sed cum securos aliquis casus expertus est, exprimitur sera confessio. Magna uerba excidunt, cum tortor poposcit manum, cum mors propius accessit.…., ‘ Nunc animis opus, Aenea, nunc pectore firmo * (Aen. VI, 261). Faciet autem illud firmum adsidua meditatio. » (5) Sénèque,

De tranquillitate

animi

XII,

1, éd. Waltz,

p. 96 : « Proxi-

mum ab his erit ne aut in superuacuis aut ex superuacuo laboremus, id est ne quae aut non possumus consequi concupiscamus aut adepti uanitatem cupiditatum nostrarum sero post multum sudorem intellegamus, id est ne

449

LE REGRET : (TARD JE T'AI AIMÉE, BEAUTÉ »

que le Sage organise sa vie en un ensemble harmonieux, l’homme accaparé et dispersé en mille occupations s’aperçoit trop tard, à l'instant suprême, qu'il a oublié de vivrel. Sénèque peint encore l’homme qui ne vient au sentiment du devoir qu'une fois le crime commis, et par repentir’. Il exprime magnifiquement toute la tristesse d’Andromaque par les vers où elle assure qu’à ses yeux il est maintenant trop tard pour désapprendre la crainte. Les déclamateurs de l’époque impériale traitent volontiers du regret qu'inspirent des retards, soit dans les prières, l’attestent

soit dans l’apitoiement, soit dans les éloges, comme

Sénèque

Pline

Juvénalf,

Pseudo-Quintilien’,

le Rhéteur,

aut labor irritus sit sine effectu aut effectus labore indignus. Fere his tristitia sequitur, si aut non successit aut successus pudet. » (1) SÉNÈQUE,

De

breuitate

uitae XV,

5, éd. Bourgery,

ergo multum patet uita.… Transit tempus prendit. Instat ? hoc utitur. Venturum uitam facit omnium temporum in unum sollicitissima aetas est, qui praeteritorum gunt, de futuro timent : cum ad extrema tam

diu se, dum

querebatur

p. 70 : « Sapientis

nihil agunt, occupatos fuisse » ; VI, 2, p. 54: « Sero itaque

De

seditiosus

Troyennes,

632,

poenitentiam

pius;

éd. L. Herrmann,

et foro grauis. »

p. 21 : « Ingratus

beneficiis V, 16, 1, éd. Préchac,

Coriolanus, sero et post sceleris medio parricidio posuit. » (3) SÉnèque,

enim

aliquod ? hos recordatione comest? hoc praecipit. Longam illi collatio. Illorum breuissima ac obliuiscuntur, praesentia negleuenerunt, Sero intellegunt miseri

nullas sibi ferias contigisse a puero

(2) SÉnèquE,

le

posuit

arma,

est

sed in

p. 84 :

Solitus ex longo est metus. Dediscit anima sero quod didicit diu. (4) SÉnèque

Le

PÈRE,

Controverses

I, 4, 2, éd. Bornecque,

p. 15 : « Fa-

tendum est crimen meum : tardius miseritus sum. Îtaque do poenas : egeo » ; 1, 3, 7, p. 52 (Marullus) : « Mirandum est si oppressa est uirgo sine gratia ? Cuius enim genibus submisit manus ? Quem deprecata est, quae tarde rogauit etiam deos ? »; II, 3, 21, p. 162 (thème du séducteur qui peut fléchir le père de la fille séduite, mais non son propre père) : « (Pompeius Silo) Nota erat, inquit, duritia patris mei ; itaque amici suaserunt ad raptae patrem 22270: iremus, ne noceret apud illum tarde meum exorari patrem » ; 13 quidam patrem, raptae exoratum cito uideri 163 : « Quidam uoluerunt tarde. Cestius hune colorem non probabat et hac sententia usus est, cum argueret : dum uult uideri rogatum diu raptae patrem, efficit ut uideatur suum diu non rogasse ; malo autem uideri huius patrem tarde exorari quam tarde rogari. » (5) Pseupo-QuiNTILIEN,

Declamatio

253,

éd.

Ritter,

p. 36,

29

: « Iam

t tam si exercitus hostium intra fines nostros fuerit,.… quam sero paenitebi uelle, mori me miraretur «Non : 10 318, p. 335, ; » ? e peperciss uni caro si quis uidisset fugientem : quam tarde feci ! » (6) Juvénar, Satire I, 168, éd. Labriolle, p. 12 : Inde irae et lacrimae. Tecum ergo prius uoluta

450

APPENDICE VIII

Jeune!. Apulée sut tirer de ce thème des effets particulièrement émouvants sur les lèvres de Psyché, lorsqu’elle-même et ses infortunés parents se rendent compte — mais trop tard — de la jalousie de Vénus qui poursuit sa perte’. Plus loin, Cupidon prédit à Psyché quel repentir tardif châtiera sa désobéissance ; mais, cette fois, le rhéteur Apulée ne sait se retenir de

la paronomase dernes*.

sero /seriae, qui gâte tout à nos yeux de mo-

II. - REMORDS

CHRÉTIENS

Apulée est contemporain de Tertullien. Nous retrouvons d’abord, à l’époque patristique, la tradition platonicienne qu'attestaient déjà les T'usculanes : le corps peut être une entrave, même après la mort, pour l’âme qui s’y est trop attachée®. Le païen Macrobe conclut son Commentaire sur le « Songe de Scipion » en insistant longuement, d’après le mythe d’Er, sur le retard causé par l'absence de purification : l’Ââme éprise

haec animo poenitet. Cf. Scholia

in Tuuenalem

tarde poenitet indixisse

ante tubas

: galeatum sero duelli

T, 169, éd. Wessner,

bellum,

cum

iam pugna

p. 17,

13

commissa

: « Metaphora

:

sit. » Cf. aussi

Anthologia Latina, n° 409, 16, éd. Riese, t. I, p. 266 : « T'ardius

doles. »

ista

(1) Puine LE Jeune, Panésyrique de Trajan XXI, 1, éd. Durry, p. 113 (à propos du titre pater patriae) : « Quam longa nobis cum modestia tua pugna, quam farde uicimus ! » (2) APuzée,

Métamorphoses

IV, 34, 4, éd. Robertson-Vallette, t. II, roule

« Haec erunt uobis egregiae formonsitatis meae praeclara praemia. Inuidiae nefariae letali plaga percussi sero sentitis. Cum gentes et populi celebrarent nos diuinis honoribus, cum nouam me Venerem ore consono nuncuparent, tunc dolere, tunc flere, tunc me iam quasi peremptam lugere debuistis. Ilam sentio, iam uideo solo me nomine Veneris perisse. » (3) Zbid. V, 6, 3, p. 45 : « Tantum memineris meae seriae monitionis, cum

coeperis sero poenitere » ; cf. I, 12, 8, p. 13 : « Faxo

statim, ut. sermonis mei fuisse merito 29, 1, p. 84 :

eum

sero,

immo

instantis curiositatis paeniteat » ; II, 27, 1, p. 52 : « inprouidi sero reminiscor dignumque me pluribus etiam uerberibus consentio. » Le jeu de mots serus-serius se retrouve en III, « Sed mihi sero quidem serio tamen subuenit ad auxilium de-

currere » ; Florides XVII, 19, éd. Vallette, p. 160 : « Hoc meum tibus orfiti carmen est, serum quidem fortasse, sed serium. »

(4) Texte cité ci-dessus, p. 448, n. 5.

de uirtu-

: (TARD

LE REGRET

451

JE T’AI AIMÉE, BEAUTÉ »

du corps, qui est pour elle le Tartare, y adhère au lieu de regagner sa patrie céleste!. En langage chrétien, le sero fut transposé tout naturellement au drame de la damnation des méchants, anges où hommes. Selon Paula et Eustochium, les démons que l’exorciste expulse des possédés, au Saint-Sépulcre, déplorent, mais trop tard, d’avoir fait crucifier le Christ. «Trop tard», voilà d'après Commodien le sentiment qu’expriment les pleurs et grincements de dents du Tartare, qu’il identifie avec la géhenne de la tradition judaïques. Aux yeux de certains exégètes origénistes le feu de l'Enfer ne signifie rien autre que le caractère cuisant de ces regrets stériles. Dieu, en effet, comme nous l’apprend (1) Macros,

In

somn.

Scip. II, 17, 13, éd. Willis, p. 153, 3 : « Sed quia

inter leges quoque illa imperfecta dicitur, in qua nulla deuiantibus poena sancitur, ideo in conelusione operis poenam sancit extra haec praecepta uiuentibus, quem locum Er ille Platonicus copiosius executus est saecula infinita dinumerans, quibus nocentum animae in easdem poenas saepe reuolutae sero de Tartaris permittuntur emergere et ad naturae suae principia, enim quod est caelum, tandem impetrata purgatione remeare. Necesse est tamquam omnem animam ad originis suae sedem reuerti, sed quae corpus , quae peregrinae incolunt cito post corpus uelut ad patriam reuertuntur uiolentius illis ab quanto inhaerent, uero corporum illecebris ut suis sedibus separantur, tanto ad supera serius reuertuntur. » (2) Paura et Eusrocmium, Epist. ad Marcellam

XLVI,

8, éd. Labourt,

qui, quotienst. II, p. 109, 5 : « Credamus saltim diabolo et angelis eius in conspectu quasi tur, expellun us corporib obsessis de illud ante cumque crucifixisse dolent sero et rugiunt scunt, tribunalis Christi stantes contreme quem timeant. » (3) CommoptEN,

Instructiones

I, 29, 14, C.C., t. CXXVIII,

p. 25 :

Lex docet ipsius, sed quia uagari tu quaeris, omnia

discredis,

et inde in Tartara

ibis :

mox animam reddis, duceris quo te paenitet esse. At luitur ibi poena spiritalis aeterna; lugia sunt semper, nec permoreris in illa, mans. omnipotentem Deum iam tunc ibi sero procla sero gementes » ; 1027; ntes plange pariter mant Concla « : 37 p. 6, 43, I, v. 74, p. 76 : «Saxei sic homines 14, p. 23 : « Sero senties illum » ; Carm. Apol., « Perdit et quod uixit, et in : 1014 mollescunt sero gehennae » ; 784, p. » t. declama sero poena (à pro(4) CÉ. AuGUSTIN,

Cie tDer Don

CONTE.

XLVIII,

p. 774, 19

horum, igne m scilicet atque pos d’Isaie LXVI, 24) : « Vtrumque autem ad corporis pertinere, dicunt non poenas, animi ad uermem, qui uolunt poenitentes eos qui fuerint tuose infruc etiam uri dolore animi sero atque incongrue

pro isto dolore urente non a regno Dei separati, et ideo ignem type néo-platonisant ; cf. MaAcCroëE, de e Exégès » poni potuisse contendunt. one Phlege-

25 : « Pari interpretati In somn. Scip. I, 10, 11, éd. Willis, p. 43, nt. » putaru tatum cupidi et irarum thontem ardores

452

APPENDICE

VIII

Lactance, diffère sa vengeance jusqu'à ce que les coupables aient montré qu'ils étaient à jamais incapables de s’amendert. On reconnaît ici, sous le revêtement chrétien, l'argumentation stoïcienne qui visait à justifier la Providence divine de ses longs délais?. Dans un ordre d’idées voisin, les auteurs chrétiens mention-

nent cette problématique pénitence,

de confession,

du retard à propos des notions de de conversion.

Dès le rr1® siècle, un

traité pseudo-cyprianique Contre les Juifs déplorait le retard des Juifs à comprendre le sens de l’Alliance nouvelleÿ. Rufin évoque, d’après Origène, les hommes qui laissent imprudemment passer le temps de faire pénitencef. Ce thème est développé avec grande éloquence par l’auteur du De malis doctoribus’, qui vise les tenants d’une doctrine de la ‘ foi sans les œuvres ”, et qui n’est sans doute autre que Pélage en per(1) Lacrance,

Inst. I, 1, 15, C.S.E.L., t. XIX, p. 4 (leçon de RSg) : « Nam

malis qui adhuc aduersus iustos in aliüis terrarum partibus saeuiunt, quanto serius, tanto uehementius idem omnipotens mercedem sceleris exsoluet » ; De

ira Dei

XX,

13, C.S.E.L.,

t.

XXVII,

p. 121,

9 : « Sed

cum

maxima

et utilissima sit Dei patientia, tamen quamuis sero noxios punit nec patitur longius procedere, cum eos inemendabiles peruiderit »; De mortibuspersecutorum

I, 5, p. 172,

13

: « Qui

iustos

excarnificauerunt,

caelestibus

plagis et cruciatibus meritis nocentes animas profuderunt. Sero id quidem, sed grauiter ac digne. Distulerat enim poenas eorum Deus, ut ederet in eos. magna et mirabilia exempla. » Sur les délais de la vengeance divine, cf. J. Moreau, Commentaire du ‘ De mortibus persecutorum * , t. Il, p. 192, n. 24 (notamment Praron, Lois 899 d et 905 b). (2) Voir ci-dessus, p. 448. (3) Pseupo-CyPrIEeN, Aduersus Tudaeos 8, C.S.E.L., t. III, 3, p. 142, 5 : « Ergo si fas est, capite mentem bonam, uel sero uel tarde intelligite testamentum nouum. » (4) Rurin, traducteur d'ORIGÈNE, In Epist. ad Romanos VIII, 3, P.G., t. XIV, 1164 c : « Citius inuocent sapientiam nec morentur neque differant,

ne forte cum statutum tempus excesserit, in quo poenitendi facultas est, tarde post haec inuocent, ubi poenitentiae locus non est. » (5) Epistola de malis doctoribus et operibus fidei et de iudicio futuro XXTIIT, 2, éd. C.-P. Caspari, Briefe, Abhandlungen und Predigten, Christiania, 1890, p. 111 : « Quibus uocibus quibusque lacrimis caelesti regno cum suis dicemus uale ! Tarde iam paenitebit sanam recusasse doctrinam et salubria audire ueritatis monita noluisse ; tarde iam persuasio illa, quaenunc pluribus placet, displicebit ; tarde dolebit abiectos et pauperes fuisse contemptos, et humanis magis consensum praebuisse sermonibus quam diuinis ; tarde illius doctrinae,

cuius

quondam

acerbitas

abhorrebat,

agnos-

cetur utilitas ; farde spes illa, quae inludit nunc plerosque, deflebitur ; sero pigebit humanis inhiasse opibus et temporalibus quam aeternis honoribus uti maluisse. Ali interitus sui causam intellectui proprio, ali extraneis-

453

JE T’AI AIMÉE, BEAUTÉ »

: (TARD

LE REGRET

sonne!, Mais le même thème se découvre tout aussi bien dans les sermons de son adversaire saint Augustin’. Ambroise,

lui, s’en prend

à ceux

d'attendre,

qui, à force

ne se convertissent pas, même sur le tard*, tant les passions. constituent pour eux une entravet : l’on dirait, d’après le récit de la Genèse, que Dieu lui-même a hésité à munir d'un corps terreux l'âme créée à son image’. Ambroise exhorte ses auditeurs à quitter, füt-ce tardivement, l'esclavage du péché, à en faire au moins l’aveu, même s’il eût été préférable de ne pas le commettre plutôt que de s’en repentir’. Idée analogue à celle qu'avait jadis exprimée Sénèque*. x

magisteriis inputabunt. Sed nihil iam poenitentiae dolor proderit,-ubi poenitendi tempus efiluxerit. » vie (1) Selon la démonstration de G. pe Prinvar, Pélage, ses écrits, sa toutiennent D’autres 33-85. p. notamment 1943, et sa réforme, Lausanne,

jours pour Fastidius. (2) Aueusrin,

« Tunc

eum

in Iob 36, C.S.E.L.,

Adnotationes

non uiuificabit,

quaerit cum

p. 633 : « Tunc uero

in Ps. LI, 13, 40, C.C., t. XXXIX,

lacrymis » ; Enarr.

p. 587, 25 :

t. XXVIII,

quando serae paenitentiae locum

damnacum uenerit iudicii tempus, correctionis locus non erit, sed tantum tionis ; et erit ibi paenitentia,

tuosa ? Non

sed infructuosa,

sit sera : hodie te corrige. »

(3) Amsroise,

Exameron

IV, 09 9 CSL.

quia sera.

Vis ut sit fruc-

L'XXXIIL

1, -P. 137, 13.:

22) im « Illa [luna] congemiscit et conparturit (Rom. VIII, tuam redempIlla er. frequent s gratulari et s intellegi non tu e, sua mutation e seruitio liberetionem frequenter expectat, ut a communi totius creatura entum. Tuaeimpedim adfers libertati illius et oni redempti tuae et tu tur, sero conuerte-nec et is expectar tu dum quod est, e ergo, non suae stultitia ris, adhuc

et illa mutatur. »

1,.p.

L)

HdlisDE us nie Supaetiauss ee

1

Ke

INRA + HET MEST, *

AUGUSTIN

OFFRE

AU

CHRIST

SES

« CONFESSIONS

Miniature, Munich, lat. 22221, fol. 1 r°, s. XII.

».

XVI qu4 force morimeuebd.ne ocifle morereé qué mubom

amaucri ue rhàfidxlamanolanf qu grauf éfeffiowudes, quéuf uccunq; cébaca fre ecinepria .m 0 qd'addraié. force.

€ c'iludmtibro do deco qd’du firmaiai facoii-mé fphalef adf fuproref.&corporalf imferoref.#frof idea dicoiié.

À d'aurcé

sn abdrro Éualde-hocof ficmopre Confeffionum

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LE JEUNE AUGUSTIN Miniature,

ET AUGUSTIN

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À

AUX

ÉVÊQUE ADRESSENT AU CHRIST LEUR CONFESSION.

Cambridge, Corpus Christi College, 253, fol. x r°, s. XI/XII.

XVII

LE JEUNE

AUG USTIN

ET SAINT

AUGUSTIN

Miniature,

Douai,

ADRESSENT

AU

CHRIST

280, fol. x r°, 8. XII ex.

LEUR

C ONFESSION.

XVIII

1

AUGUSTIN

Miniature,

2

AUGUSTIN

ADRESSE

Vatican,

PROPOSE

Miniature, Zwettl,

AU

A

DIEU

SA

CONFESSION.

lat. 462, fol. 1 r°, s. XV.

LECTEUR

SES

« CONFESSIONS

».

Stiftsbibliothek, 89, fol. 2 r°, s. XII ex. Inédite.

XIX

casses

VIN

x

PEnf Bsve cn el RTTIN

1 AUGUSTIN SA

ADRESSE

A LA TRINITÉ

CONFESSION.

Cambridge, Fitzwilliam Museum,

171, fol. 1 r°, en 1490.

3 LE « SERO TE AMAVI» D'AUGUSTIN. Th. Maillot, fresque, Amiens,

2 AUGUSTIN

ftiiam Confitebor Mrertat me +inju LMarictte Saulp.

LB.Comeile inv.

MRCEAM Domino

SA

ADRESSE

cathédrale.

A DIEU

CONFESSION.

J. Mariette, gravure, Paris, en 1686.

Inédite.

XX

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44

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Al.

4.

IV. TABLE LEXICOGRAPHIQUE

&Abyuwy eldoc 430, 433. &VOHLOLÉTNTOS TÉVTOV 430. &vouot6TNTOS TÉTOV 430-432. AVOLLOLOTNTOV TUPAVVIXÉV 429 NL. 5. ÀTELPOY TÔTOV 425 HN. 2. &ppooûn 431 11. 4.

X&AROG 461. HAXAOV IO8, IIO-III, II3-II6, 458-463, 472-475, 478.

120,

xaTaGoÂN 421. HOÂOL6G 377-379.

A6yoc 437, 458.

Baôuot 423. B6p6opos 418, 425.

u&v 437.

YÉVEOU 431, 438.

voÏs 99, 155.

déUXc 424 N. I.

raides &p06por 200 1. 5.

Guérrootv 424 1. I. o&A0€ 420. érirpoxov Oxiuova 402. puAeiv 461. ÜAXË Oaluoy 402.

ixtivos 380.

x&8o80oc buy

xwpLov 425 n. 2.

421.

aberrauerunt libri 261. abominatio 300 #1. 3. accipiter pecuniae 322,

agentes

325-

326.

adesse deum 396 n. 5. adminiculum 321, 324. admounitio 22-24, 165, 196, 296. adulescens 33, 43, 184 n. 2, 503 143. aerumnae 327.

in tebus

183, 187 1H. 2. ager 502 1. 5. agnitio sui 395. alae animae 107, n.

181,

109,

182

126,

n.

2,

315

2, 317-318.

amici maiores 83 11. 5. amicus Augusti 182, 187 266.

amicus

Dei 266.

n. 6,

RECHERCHES

596

SUR

et obseruator

402.

438-

439.

daemones 50 n. 5, 52, I40, 142, 144, 140-I47. decennalia 82. degener anima 411 n. 1, 418-

angelus 307 n. 3. apis 314 1. I. arca Noe 333. arripio 169, 199 n. I, 308.

fortis

CONFESSIONS

custos

amoris uulnus 461-463. anabathmus 418, 421-422,

athleta

LES

419.

340.

aurea uincula 344. autiga animi 316 n. 2, 317.

descensus animae 424. dicebam talia 226 n. 2. difficilis cursus 315 #1. 1.

bellua,

diligere 86. disceptator et arbiter 329 n. 2.

bema

-inum

408, 411, 433.

71-72.

bonorum primum esse Deum

321.

dissensiones 279 n. 2. dissimilitudinis locus 416,

428-

439. campus

uetitatis

313

11.

3, 318

dissimilitudinis regio 129 n. 3, 167, 380 n. 2, 395 n. 4, 405-

canto, -ito 303. carcer cotpus 328, 348 n. 3, 410-

440, 485-486, pl. III, fig. 2. dissimilitudinis terra 410.

TNT AII. caritas 120. catabathmus 411, 421, 424, catechizo 21, 211-216. cecideramus infra nos 411. ceciderunt ligna et lapides

an

438.

341,

Sn

certamine sumimoO 312 n. 2-4. circumcisio inutilis 359 n. 4. cithara corporis 338 n. 1. clauus cupiditatis 342 n. 6, 470. cognatio 115 h. 3, I3I 11. 2.

concupiscendam S21e

pulchritudinem

conexae uirtutes 326 n. 3. confiteri 13-20. conscientia factorum praemium 368 n. !. conscientiam habere, non conscium 386 2. 1. conscientia testis 385 n. 2. continentes 306 n. 4. continentia 192, 194-196, 255;

207:

uolucrem

audio

egerere n°4.

194

n.

!.

superflua

eloquium

ciborum

333

295.

episcopaliter dilexit 86. equus malitiae

313 n. 3, 318.

ergastulum corpus 426 n. 2. erubuerunt

posteri

436 n.

1.

eucharistia Manichaeorum 1, 239 0. 2, 242: euersores 50 H. 5. laboribus

327,

72 n. 329

n.

t; excommunicatio 68. extasis 36, 108-III, I13-I16,

coruus 379. cras 192 HN. 3, 303 NH. 5. n, 2.

ecce

exanclatis

controuetsia 192. contubernales 183. cor uanum 480.

currum

Ditem diuitem 350 n. 3. diuinitus 196. docilis 278, 280, 282. doctor meus 125. domus Dei 195-196, 301-302, 306. domus diuina 195, 299, 301-302. domus Domini 301-302, 306 n. 1, 316. domus uicina 299, 304 n. 2. ducatrices 322, 325. duce te 128 n. 7.

312

155,

n.

1, 317

150,

222-226,

fig. 1.

167,

253,

169

257,

n.

129,

3, 212,

pl. XIV,

TABLE facinora

LEXICOGRAPHIQUE

28.

faex corpus

410.

fercula 52-54. feretrum 140. feriae uindemiales 201 n. 4, 202. ferulae 49-50. fici atbor 193, 200, 255, 482, 500, pl. VIII, fig. 2. flagitia 28. flagrare 152 n. 2. flores sermonum 121 n. 4.

fluctus 276. fugere a deo irato ad placatum 40I, 404 1. 3. fugere a se ipso 401. fugere ad patriam 111-112, 126128. fugiendum corpus 133 n. 1. gradum reuocare 134 n1. 4. gradus animae 417. gratia Dei IIO, 116, 129, 136, 152, 154, 203, 246, 258. grauitas 232 n. t. historia hortus hortus 127, ictus

20. 181-182, 197. Mediolani 1o-I11, 175-202, 255.

166

ieiunium

91,

cibus 398 n. melodia 398 stimulis 309 Deus 395 n.

3. n. 4. 2. t. 5, 397 n. 6.

intestinorum circumplexum ns intima sua proicere 394.

334

intima superna 398 n. 2. intimo interior 398 n. 2,

402, intra

400,

403 n. 4. aediculam

386

n.

3,

387

fr. inuidia

extra

chorum

315

n.

134248,

2,

RUE isti et istae 195, 308-310. itinere (quasi de) 168, 285 n. 4. itinere uno non perueniri 356

0. 2, 357 1. 2, 459 1. 5. iubere, .…docere 90 n. 3. iudex 503 1. 2. iumentis comparatus homo

h. I, 412, 433-435, iuuenem iuuentus

374

438 n."2.

splendidum 44.

299.

laudem recitare 80-81. legere 155, 197. lecticae 140. 27,

35,

n. 4, 223.

87-88,

interior interior internis internus

597

231.

imago Dei anima 428 n. 1. imbrem lacrimarum 4809.

imperiti 282-283. incendium incredibile 158-159, 176 n. I, 285 11. 2. incidi 153 n. 1, 274-275. inde erant illi libri 132 1. 2. indissimilis 429 n. 1-2. inenormis proceritas 329 n1. 2. infantia 32, 39, 43. infirmus 165-167, 160. intellegentia 09, II4, II6, I21-

122, 125 11, 2, 120; 135/U155;, 193 n. 2. 223 1. 7, 224. intellegibili spectaculo 312 n. 2. interior auris 398 n. 4.

libelli miraculorum

36 n. 7, 148.

libri quidam pleni 158. Litterae 309 n. 3. lucricupido 325 n. 3. Luminaria

magnus

28,

237.

es, Domine

509,

512,

maiota

261.

malum

priuatio

26 n. I, 27,

pl. XVI-XVIII. boni

107,

124.

manus Dei 510 n. 2. martyres 87, o1, 140, 142-149, Mattarii 228 n. 2. medullae animae 395 9. 5. meretricia pompa 55 n. I. metempsychosis, metensomatosis

264, 368-382,

430-439.

militare 187 n. 2, 220. miracula I40-I41I, 143-145,

153, 190, 253,257, libelli miraculorum.

265,

147-

Cf.

598

REÉCHERCHES

miserere

mei

SUR

5II.

adfectus

HR

,

naufragium mots 328 n. I. nauigas in pottu 409, 410 fn. nescio quis, quid, quomodo 38, 305 1. 2. noctua 370 fn. I, 370. non atte, sed sorte 41. non deserit Deus 399 n. 5. non pedibus corporis 126 n. 128217 nondum Christianus 69 n.

oblitus

193, 214,

pectoris dolor 287. pedes interiores I1I3,

mouetri semper anima 331, 354, h. 3. munera 230, 283. mysteria 108, 110, II6, 129 n. 2 166, 177.

7OMLET RO 4ET

27, I00,

215

n. 3, 247.

mottis meditatio philosophia 328,

I. 35,

128,

422

n. 4. pennae uirtutum 407. peregrinatio animae 480-481.

phantasmata philosophia

1371,

166, 59-60,

157-158;

223. 116,

132-133,

171*172,0175-

177, 310.

philosophiae amor 271. Platonicorum libri 122 n. 4, 158 1H. I, 395 nn. 5, 467 11. 2. portus quietis 327, 328 n. ï, 320. praedicator 43 n. 5. praesens Deus 397. praesentior mihi quam tibi 404

n. 4. 1, 8,

REZ

nouem annos Manichaeus noui 150 f. I. nuces 50 1. 4. nugae 480.

N202 ET.

peccatum

328, 330.

330, 336.

CONFESSIONS

pastores duo 521, pl. XXIV. pater 86, 173, 266. paucissimi libri 158 n. 3, 159

modo 303-304. modulaminis sonum 346. modus quaerendi 2709. monedula 370. moriuntur mottales 341. mots II6, II8-I120, 352.

mortis

LES

78.

praesepe Domini praeses 83. pratum

502

1.

313

n.

3.

5.

primitiae spiritus 224. primordia 43. prope est deus 400, 403. prosapia 354 n. 3, 366, n. 2.

puer 33, 43-44, 49-51, 60-62, 65 16

sui 393.

ometl 300. opiniones omnium philosophorum

NON

2

0104

TOONNT,

200 NH. 5, 215 H. I, 299, 305, 309 HAT

158 1. 5. oraculum 295-296. otator 60 n. 3.

quaesiuimus inter nos 209 n. 4. quidam 42 1. 11, 57, 65 n. 5, 277. quidam secundum eos 131-132.

panegyrica

rana, -ula, 370 n. 1, 378-370. rationes 65-66, 88, 90, 145. tecordari 32-37, 45 11. 4. ad cor redite, praeuaricatores, 395 1. 6, 481.

79-84.

paracletus 28. parens educatrixque parentalia

91,

325.

230.

parietes faciunt Christianos n. 6, 383-391. patietes tegent, 385 11. 2.

paruulus

60-62.

passiui 76 n. 0.

non

56

abscondent

refrigerium

87, 230.

Cf.

paren-

talia.

regio gemendi 436. regio longinqua 410, 414. Hdissimilitudinis regio.

Cf.

TABLE LEXICOGRAPHIQUE regressus

animae

599

sortilegium

134.

191.

relinquunt se ipsos 394 n. 2.

spectacula 52-56.

remigrare

speculum morum 324 n. 2. spititales 18, 29, 31. studiose 96 n. 3. supercaelestis regio 314 n. 2, 408. supetstitio 64 n. 2, 272. surditatem rupisti 457, 464, 466467.

328-320.

responsum

296.

reuelatio 296. reuerberati 166 n. 6, 167 n. 3.

ruina animae 423, 424 HN. I, 439 1. tTus 282 n. 2, 502 11. 5. sabutra 314 #1. ï. sagitta amoris 462 n. I, 470.

suspirare

secessio 330 1. 2.

tamdiu catechumenus 46 n. 6. te Deum 506. tecum deus talis qualis fueris 400. tempestas 188-189, 287 n. 4, 327. templum mundus 387-388, 491 n. 2.

secretus Deus 397. secundum naturam

uiuere

325

HN 2 sepulcrum corpus 418, 425. sequi se 401. sera numinis uindicta 448, 452. serius homo 450. sermones 280 n. 2. sero medicina paratut 447 f. I-

2: sero

sapiunt

Phryges

441,

442

RE sero te amaui, pulchritudo 441478, 513, pl. XIX, fig. 3. sero

te

cognoui

467,

470

n.

474, 476 n. 2, 477, 513.

252,

266-267.

tenebrarum

regnum

28,

terra aliena 410. tolle, lege 22 n. 6-7, 255, 293, 299-310,

72.

188-201, 486-502,

pl. III-IX. transfigurauit se 439. tumultuari in se 418. tyfo turgidum 284.

I,

sic affectus 169 n. 3, 188 n. 2. siliquae porcorum 236 n. 2. siluescere 481. Siro docto 261. sobria ebrietas 121, 220107, sofistae 454-455. solebamus 170, 171 1. I. soliloquia animae 469. solitudo 192 n. !ï. somnia 103-105, 145, 147, 263. sortes 265.

223-224.

uale, castitas 366 n. 1. uelum 61 n. 1, 62 n. 1, 84 n. 4. üinculis corporeis 328. proderet uirginali uerecundia

220082; uirtus perfecta 322. uita Alypii 30-31, 45. — Augustitini 31. — Monnicae 36 n. 7. 120-122. uita beatorum uoces 291-310. uox de nube 298 n. 3. uox Veritatis 206.

uultus corporis 315 n. 2.

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414 Fermi,

4

4 L

|

V. TABLE CHRONOLOGIQUE DES SÉJOURS MILANAIS D'AUGUSTIN

N.-B. — Le présent tableau vise seulement à présenter la suite des événements, telle qu’elle est restituée dans cet ouvrage, tantôt avec certitude, tantôt par conjecture. ANNÉE

Vers octobre ........

NEEDS I

re res

385

Panégyrique de Bauton......... Faits divers : le mendiant ivre ;

Pobietetrouvé..…........... Arrivée de Monique ........... Consultation

22 novembre........ .

cos.

d’'Ambroise

sur

79 84 87

le

jeûne du samedi et les offrandes funéraires. ...-....:-.-". 87-88 Panégyrique de Valentinien II 82 (decennalia)................. ANNÉE

Février.

79 85

Arrivée à Milan............ Visite officielle à A brosest ANNÉE

Ter janvier.........ee

384

386

Projet de retraite avec Romanien et annonce des scandales survenus à Rome au monastère manichéen de Constantius.....178-179 Ambroise assiégé dans la basilique 139 5 -scecs.ee Portietihé

602

RECHERCHES

SUR LES CONFESSIONS

Lundi saint 30 mars.

Sermon

d'Ambroïise sur le libre

Samedi saint 4 avril.

Sermon d’'Ambroise sur la nature spirituelle de l’âme (Hexam. VI) RS Le AAA 99-102 Remarques psychologiques sur les songes ; sur les sourds-muets. 103-105 Sermons plotiniens d’Ambroise De Isaac uel anima et De bono MODELS De rs ee Re Re 106-138

arbitre (Hexam., I, 25-38). ...00-102

Invention et translation des mar-

tyrs Gervais et Protais....... 139-152 Visites à Theodorus, lecture de

Versuiletss.:..0.7 Début d’août......... Vers le 23 août ..... Vers le 15 octobre ….

quelques traités de Plotin et vaines tentatives d’extases. 153-167 Visites à Simplicien et début de

la lecture des Épîtres de saint

PAU TER PARA 168-177 Visite de Pontitianus et scène du MT eRE A oc CC 178-201 Début des vacances de vendanges et départ à Cassiciacum...... 202 Démission officielle ........... 202 ANNÉE

387

Avant le 15 mars...

Retour de Cassiciacum ; inscription sur le registre des Compe-

Mars-avril ...........

Sermons d'Ambroise I et IV sur DUC re eme sserese tee 213-215

TONLES

Samedi saint 24 avril.

RS LR ST

Ne

212

Rédaction du De immortalitate animae et début de la rédaction du De disciplinis........210et 216 Baptême d’Augustin........... 217 Exécution de l’eunuque CalliDONS ee Re DR 219

VI. TABLE DES MONUMENTIS

FIGURÉS

‘Ale

Fig.

Admont, Stiftsbibliothek, 21 (125), fol. 1 v°, miA

nee no aeehen

Amiens,

Cathédrale,

as

Avranches,

fresque D de

Bibliothèque

Tvrpaniniithre,

par

Th.

te latte

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Maillot,

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municipale,

90,

à

XXI

te) -NII Em esse

Baumburg, Stiftskirche, fresque par F.-A. SchefAT em ec Berlin, Kupferstichkabinett, 78A 19a, cap. XXV CE XAX, VOIS T'AS ne es sp cs ecses Cambrai, Bibliothèque municipale, 559, fol. 57 NU Me De en LL M en ess Cambridge, Corpus Christi College, 253, fol. x r°, fanatute SON RIT MERE Rome. Cambridge, Fitzwilliam Museum, 171, fol. I r°,

imia Lure

PER LADA

XVI

sueur

in

mme

meme

cesres

Cividale, Museo archeologico, CXXXVII, p. 315, ne àsos à+ INMMATUTE, VETS L'AR T2I7 ses

Douai,

XXIV

peinture sur bois, vers l'an

Carlisle, Cathédrale,

DO

XIX

fol.

Bibliothèque

municipale,

XII

263, fol. 2 r°,

ne rmoss ter en RE Douai, Bibliothèque municipale, 280, fol. r r°, «nome ses 2. Din ltenn ALL EX.

Douai, Bibliothèque municipale, 280, fol. 4I vw, OURe ON CN. Of ANS

CITE

RE

ee

XXII XVII XII

Ealing (Angleterre), St-Augustine’s Priory, toile anonyme,

s. XVII

......................

Florence, Basilica San Lorenzo, 132 r°, miniature,

s. XV

cod. I, 208, fol. ................

III

RECHERCHES

604

SUR LES CONFESSIONS

Londres, British Museum, Add. 15 246, fol. 29 r°, PE RP E CHERS miniature, s XVI. 2e on 18, fol. 6 vo, quaterni 109, Luxembourg, B. N., in rm 0... IX ts. dessin, I r°, fol. 221, 22 Zaf. , bliothek Staatsbi Munich, ee r ne M0 KILL s. e, miniatur

Neustift, peinture sur bois, vers l’an 1465 ..... Paris,

B. N.,

lat.

2079,

fol.

I

v°,

III XIV XV II

miniature,

XX

Paris, collection F. Rey, toile par Philippe de Champaigne, s. XVII .................... Paris, gravure par F. de Poilly, en 1649 ...... Paris, gravure par J. Mariette, en 1686 ....... Paris, gravure par Cl. Mellan, en 1690 ........ Paris, gravure par S. Thomassin, en 1702 ..... Paris, Mazarine, lat. 618, fol. I r°, miniature,

H

s.

::. een SAS dE 00e med ...... 29 416 par n° dessin Louvre, du Paris, Musée cads -iinE "9 XVIIS .sBrun, CheLe

Vatican, lat. 462, fol. 1 r°, miniature, s. XV... Vendôme, Bibliothèque municipale, 34, fol. 1 r° et go v°, miniatures, s. XII ............ 1009, fol. 1z r°, Nationalbibliotehk, Vienne, nr end 0-4 mimature ss eXIb.

Vienne, Nationalbibliothek, 1923, fol. 386 oi tuinatite den) 1459" ,2ee- uns

VI VII XIX VIIL VIII

r°, er

Zwettl, Stiftsbibliothek, 89, fol. 2 r°, miniature, ete tentent en ce en SANTÉ ER

XXII

XVIII XXIII XI

I-2

VII. TABLE

DES PLANCHES

I ZI AUGUSTIN

ÉCOUTE

2 AUGUSTIN

ENTEND

LA

D'AMBROISE.

PRÉDICATION

SIMPLICIEN

CONTER

LA CONVER-

SION DE Marrus VicrorINUs. Miniatures de l’Historia Augustini, cap. XXV et XXX., ms. de Berlin cabinet des Inédites.

Il

78A

estampes,

19a,

vers

l’an

1435.

AUGUSTIN COMMENTE A ALYPIUS LE RÉCIT DE PONTICIANUS SUR LÉS ERMITES. Peinture sur bois,

Neustift, vers l’an 1465. III 1 LA RÉVÉLATION « TOLLE, LEGE ». Miniature, Londres B. M., Add. 15 246, fol. 29 r°, s. XVI. 2 AUGUSTIN DANS LA (RÉGION DE DISSEMBLANCE ». Miniature, Florence, Basilica San Lorenzo, Cod et 208, fol. 132 r°, s. XV.

IV

La RÉVÉLATION « ToLLE, LEGE ». Ch. Le Brun, dessin Paris, musée

V

VI VII

LA

du Louvre,

RÉVÉLATION «TOLLE, LEGE». Toile anonyme, Ealing, St.-Augustine’s Priory, s. XVII.

LA RÉVÉLATION « TOLLE, LEGE ». Philippe de Champaigne, toile, collection F. Rey, s. XVII.

LA RÉVÉLATION

vure d’après 1649.

« TOLLE,

Philippe

VIII 1 LA RÉVÉLATION « ToLLE Paris, 1690. 2 S. Thomassin, IX

n° 29 416.

LA

gravure,

Inédite.

LEGE ». F. de Poilly, gra-

de

Champaigne,

Paris,

LEGE ». Cl. Mellan, gravure, Paris,

1702.

RÉVÉLATION «TOLLE, LEGE ». fresque, Baumburg, Stiftskirehe,

F.-A. Scheffler, en 1757.

RECHERCHES

606

X

SUR LES CONFESSIONS

Miniature, CASSICIACUM. AUGUSTIN DIALOGUE A Tty00s; fol. Admont, Stiftsbibliothek, 21 (125), XII.

XI XII

XIII XIV

Miniature, A (CASSICIACUM. DIALOGUE AUGUSTIN r°, s. XII. x fol. 1000, , iothek albibl Nation Vienne, BAPIÈME

1 LE

D'AUGUSTIN.

Douai,

Miniature,

280,

fol. 41 vo, s. XII ex. 2 Miniature, Cividale, Museo archeologico, CXXXVII, p. 315, vers l'an 1217. LE BAPIÈME

D'AUGUSTIN.

Peinture

sur bois, Car-

lisle, cathédrale, vers l’an 1490. Inédite.

1 L'EXTASE

D'OsTiE.

Miniature,

Vienne,

Nationalbi-

bliothek, 1923, fol. 386 r°, en 1453.

2 AUGUSTIN MOINE. Dessin, Luxembourg, B. N., 109, quaternion 18, fol. 6 vo, s. IX. Inédit. XV

XVI

AUGUSTIN OFFRE AU CHRIST SES « CONFESSIONS ». Miniature, Munich, lat. 22 221, fol. 1 1°, s. XII.

LE

JEUNE

AUGUSTIN

ture, Cambridge, 110,5. XI/XII. XVII

ET

ÂAUGUSTIN

ADRESSENT AU CHRIST LEUR CONFESSION.

ÉVÊQUE Minia-

Corpus Christi College, 253, fol.

LE JEUNE AUGUSTIN ET SAINT AUGUSTIN ADRÉSSENT AU CHRIST LEUR CONFESSION. Miniature, Douai, 280, fol. 1 10, s. XII ex.

XVIII

1 AUGUSTIN ADRESSE A DIEU SA CONFESSION. Miniature, Vatican, lat. 462, fol. 1 r°, s. XV. 2 AUGUSTIN PROPOSE AUX LECTEURS SES «CONFESs1ONS ». Miniature, Zwettl, Stiftsbibliothek, 89, fol. 2 r°, s. XII ex. Inédite.

XIX

I AUGUSTIN ADRESSE A LA TRINITÉ SA CONFESSION. Miniature, Cambridge, Fitzwilliam Museum, 171, 101.PI T0 Me: 1400. 2 AUGUSTIN ADRESSE A DIEU SA CONFESSION. J. Mariette, gravure,

Paris, en 1686.

3 LE «SERO TE AMAVI» D'AUGUSTIN. Th. fresque, Amiens, cathédrale. Inédite.

Maillot,

TABLE DES PLANCHES XX

AUGUSTIN

LUTTE

CONTRE

LE

607 MANICHÉEN

FAUSTUS

DE MIièvE. Miniature, Paris, B. N., lat. 2070, fol. T vo. s XI

XXI

ex.

AUGUSTIN LUTTE

CONTRE

niature, Avranches,

XXII

AUGUSTIN

LUTTE

FAUSTUS DE MILÈVE. Mi-

90, fol. z v®, s. XII in.

CONTRE

FAUSTUS

DE

1 Miniature, Paris, Mazarine, lat. 618. fol. XII med. 2 Miniature, Douai, 263, fol. 2 r°, s. XII.

XXIII

MILÈVE. I

r0, s.

1 AUGUSTIN LUTTE CONTRE FAUSTUS DE MILÈVE. A AUGUSTIN.

RÉPLIQUE

2 FAUSTUS

Miniatures,

Ven-

dôme, 34, fol. I r° et 90 vo, s. XII XXIV

FACE

AUGUSTIN

Miniature,

PROVENANCE

DES

AU

FAUX

PASTEUR

DONATISTE.

Cambrai, 550, fol. 57 v°, s. XII in.

DOCUMENTS

PHOTOGRAPHIQUES

Bibliothèque Nationale, Paris : PL VIIL, fig. 1 - PL X - PI XII, fig. 1-PL XVII- PL XIX, fig. 2- PL XX -PL XXI - PI. PL XXIV. XXIfis 2 Pl XXII, fig. 12 Musées

Nationaux,

Paris : PL IV.

.

British Museum, Londres : PI. III, fig. 1. Lala Aufsberg, Sonthofen im Allgau : PI. IX. Oesterreichische Nationalbibliotek, Wien : PL XI - PL XIV, fig. I PL XVIII, fig. 2. Logan, Birmingham : PL V. Collège de France, Paris : PL I, fig. 1-2 - PI. VII - PI. VIIL, fig. 2. F. Rey, Paris : PI VI. W. Harrasser, Neustift : PI. II. Pineider, Florence : PI III, fig. 2.

Museo archeologico, Cividale : PL. XII, fig. 2. National Buildings Record, Londres : PL. XIII. Bibliothèque Nationale, Luxembourg : PL. XIV, fo,2, Bayerische Staatsbibliothek, Munich, : PL XV: Corpus Christi College, Cambridge : PiRvTr Bibliothèque Vaticane, Rome : PI XVIIT, fig. I. Fitzwilliam Museum, Cambridge : PL XIX, fig. I. J. Pascal Vochelle, Amiens : PI XIX, fig. 3. CN.R.S/, Paris : PL XXIT, fig. I.

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VIII. TABLE DES MATIÈRES

PDA

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CICERS

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ed

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PSN

Un

INTRODUCTION

Un demi-siècle de controverses autour des Confessions et des Dialogues (p. 7-12). — Utilité d’une nouvelle méthode de recherches (p. 12). Chapitre premier. AUGUSTIN BIOGRAPHE ............... I Le schéma théologique des Confessions ........... Sens divers du mot confession (p. 13-20). — Unité de conception et étapes de composition (p. 20-26). — Vues doctrinales (p. 26-20). La valeur mistorique des Confessions ...............

13 13

29

Occasion de la biographie et but du biographe : faire connaître son histoire à Paulin de Nole et aux « spirituels » (p. 29-32). — Analyse des souvenirs par Augustin (p. 32-37). Ses qualités d’historien

(p. 37-40). III. Lireclions de TECRETCRES 3

sos sm

emma ee ce see ee

Omissions involontaires et silences volontaires: les personnages non nommés (p. 40-43). — Entorses à la chronologie (p. 43-46). — Richesse des textes autobiographiques, en dehors des Confessions et des Dialogues (p. 46-48)

40

RECHERCHES

610

SUR

CONFESSIONS

LES

Chapitre II. AUGUSTIN DÉTACHÉ DU CATHOLICISME. + eo e

49

............... _.

49

L La conversion à la philosophe

Médiocrité de nos renseignements sur l’enfant de Thagaste (p. 49-52). — L'adolescent de Carthage aux spectacles d'amour (p. 52-56). — La lecture de l’'Hortensius et l'exemplum de Polémon ; étendue et limites de la conversion philosophique (p. 56-60). IL. La conversion manichéenne

..................e :

60

L'occasion de cette conversion : le problème des deux généalogies de Jésus (p. 60-64). — L'instruction manichéenne d'Augustin (p. 64-67). — Augustin devenu apôtre de Mani auprès de ses élèves et de ses amis (p. 67-70). — Sa vie d’« auditeur » (p. 70-72). — Apories intellectuelles et difficultés morales (p. 72-74). — Effets fâcheux de la clandestinité (p. 74-75). — De Carthage à Rome (p. 75-

78).

III. Les débuts d’'Augustin à Milan

Se

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ls

©

+

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eue

re ele

78

Sens de la nomination d’'Augustin ; ses deux panégyriques officiels de 385 (p. 78-83). — $a sensibilité aux faits divers (p. 83-85). — L'arrivée de Monique (p. 83-87). — La double demande de dérogation adressée à Ambroise, et le réflexe manichéen d'Augustin devant ses préceptes (p. 88-02). Chapitre III. AUX SERMONS D'AMBROISE : LA DÉCOUVERTE DU NÉO-PLATONISME

CHRÉTIEN

ee

5

91

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«+ ee

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prete

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I. Les sermons sur l’a Hexameron »

Arguments opposés à l'influence d'Ambroise sur Augustin (p. 93-06). — Les sermons de l’'Hexameron sur le libre-arbitre et la nature incorporelle de Dieu ont intimement touché Augustin (p. 96-103). __ Son enquête personnelle sur l’âme (p. 103-106).

93 93

TABLE

IL. Les sermons MOTS DRE

DES MATIÈRES

« De Isaac uel anima » et « De bono RO nI NL Cu loc ane vie its moe

6Ir.

106 |

Le De Isaac et les traités plotiniens De l’origine des maux (p. 106-107) et Sur le Beau (p. 107-117). — Le De bono mortis et les traités plotiniens Du premier Bien (p. 117-120) et De l'amour (p. 120-122). _— Date de ces sermons et leur influence sur Augustin (p. 122-132). — Ambroise et Porphyre (p. 133-136). — Augustin et la révélation d’un christianisme plotinien (p. 136-138).

Chapitre IV. LES PROGRÈS DANS LA DOCTRINE........ L L'« invention » et la translation des martyrs Gervais RS URSS TP DNS. SPEARS MES

139 139

Le témoignage des Confessions (p. 139-141). —Les autres témoignages d’Augustin et leur évolution L'indifférence — (p. 141-148). chronologique 386 (p. 148juin de miracles des lors in d'August

153). Le Mallius

Theodorus maître d'Augustin ..........

153

Ambroise intermédiaire entre Augustin et Theodorus (p. 153-155). — Œuvres et genre de vie de Theodorus

(p. 155-156).

Tr: Les vaines tentatives d’extases plotiniennes........ Nature de l’«incendie » d’Augustin (p. 157-159). __ Récits et phases des expériences milanaises (p. 159-165). — Leur otigine plotinienne et leur résultat décevant (p. 165-167). LV.

Simplicien et la confrontation des « Ennéades » avec le Prologue johannique ........................ Le témoignage des Confessions sur l'influence morale de Simplicien (p. 168-170). — Le témoignage de la Cité de Dieu sur Son influence intellectuelle (p. 170-174).

157

168

612

RÉCHERCHES

SUR

LES

Chapitre V. LA SCÈNE DU JARDIN

CONFESSIONS

DE MILAN

ET SES 175

I. La lecture de l’« Épiître aux Romaïns » et l’«exemplum »

proposé par Pontitianus : la «conversion » de Jérôme et Bonose à Trèves.......................

175.

Les premiers enseignements fournis par l'Épître de saint Paul (p. 175-178). — Origines du désir de retraite ascétique (178-181). — Les « convertis » de Trèves ne sont-ils pas Jérôme et Bonose (p. 181187) ? II. Le « Tolle, lege » ; fiction hitéraire et réahté........

188.

Allusions à la scène du jardin, en dehors des Confessions (p. 188-190). — Les diverses interprétations du « Tolle, lege» (p. 190-192). — Augustin sous le figuier et le cri des enfants de Continence (p. 193-106). — La scène du jardin, doublet de la scène de Trèves (p. 197-202). III. Quelques difficultés d’Augustin à Cassiciacum.….... Difficultés

charnelles

et difficultés

intellectuelles

(p. 202-208). — Vain appel à Theodorus 210).

Chapitre VI. LE BAPTÈME ET SES SUITES

202:

(p. 208-

...........

I. Augustin et Ambroise avant et après le baptëme

2II 21IX

Le sujet de la catéchèse baptismale par Ambroise (p. 211-216). — Culture et ascétisme (p. 216-217). —_ J/intimité relative d’Augustin et d’Ambroise après le baptême (p. 217-221). II. La vision d'Ostie et les expériences de Milan.....

Caractère plotinien de la vision d’Ostie (p. 222224). — D'où vient que cette expérience est réussite (p. 224-226).

222:

TABLE DES MATIÈRES

613

III. Le second séjour romain ....................,..

227

Lutte contre les Manichéens de Rome (p. 227-220). — La divergence entre usages romains et milanais

(p. 230-232). — Étude des établissements ascé-

tiques (p. 232-233). Chapitre VII. JUGEMENTS SUR LES CONFESSIONS .....

235,

L Jugements des contemporains ...................

235

Les Manichéens (p. 235-238). — Les trois assauts donatistes (p. 238-245). — Les Pélagiens (p. 245-

247). II. Comment juger les Confessions ? ...............

247

L'évolution d’Augustin hors du catholicisme (p. 247-251). — Le néo-platonisme chrétien à Milan (p. 251-255). — Solution de plusieurs difficultés

(p. 255-258).

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259-522 261-267

II. Les premières confessions d’'Augustin ........

269-290

III. Les «voix » dans les Confessions.............

201-310

IV. Aspects variés du platonisme

311-382

ambrosien ......

1. Ambroise lecteur du « Phèdre » de Platon. 2. Ambroise lecteur du « De Platone » d'Apulée: 08 MIE. EI. SO SHBEERS 3. Ambroise lecteur de Plotin et de Porphyre. 4. Ambroise lecteur de Macrobe ........ ++. 5. Ambroise face au platonisme antichrétien.

319-336 336-344 345-354 354-382

Victorinus au baptême .

383-391

V. L'objection de Marius

VI. L'immanence dans les « Confessions ».........

312-319

393-404

614

RECHERCHES

SUR LES CONFESSIONS

VII. La «région de dissemblance » dans la tradition néo-platonisante ...................... 1. Textes

récemment

découverts......... +

2. Plotin, Origène et la chute de l’âme..... 3. Le «lieu de dissemblance » chez Proclus : Circé et les métensomatoses...........

VIII. Le thème du regret : « Tard je t'ai aimée, Beauté » (Augustin,

Conf. X, 27, BON" 2 NUM

405-440 407-415 415-428 428-440

441-478 441-450

1. Regrets profanes ...................... : 2. Remords chrétiens ..............%.+.0. : 3. Le « Sero te amaui » à travers les siècles .

464-478

IX Sonnets de Pétrarque et « Confessions » augusFLMIENNES cu. 1e: Emenrpol e