Recherches phénoménologiques (l, II, III). Fondation pour la phénoménologie transcendantale [I, II, III]
 ISBN 2-87060-004-6

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AUX M~MES ÉDITIONS MARC RICHIR, Le rien et son apparence. Fondements pour la phénoménologie (Fichte: Doctrine de la science 1794/5) (1979). LAMBROS COULOUBARITSIS, L'avènement de la science physique. Essai sur la Physique d'Aristote (1980). ROBERT LEGROS, Le jeune Hegel et la naissance de la pensée romantique (1980). En appendice: HEGEL, Le Eragment de Tübingen.

A paraître ANNE-MARIE DILLENS, A la naissance du discours ontologique. Étude de la notion d'en soi chez Aristote. JACQUES TAMINIAUX, Métaphysique et dialectique.

MARC RICHIR

RECHERCHES PHÉNOMÉNOLOGIQUES (l, II, III) FONDATION POUR LA PHÉNOMÉNOLOGIE TRANSCENDANTALE

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Publié avec l'aide du Ministère de la Communauté. française de Belgique

Distribution: Éditions OUSIA, Société coopérative Avenue Maurice, 23 B - 1050 Bruxelles (Belgique) Tél. (02) 64701 84 Librairie Philosophique J. VRIN 6, Place de la Sorbonne F - 75005 Paris (France) Librairie de l'Horloge 31, Place de l'Horloge F - 84200 Carpentras (France) Tél. 90{63 1832 Dokumente-Verlag Postfach 1340 Postrasse 14 D - 7600 Offenburg (R.F.A.) . Tél. 781/39142

© Éditions OUSIA, 1981 Imprimé en Grèce par K. MIHALAS S.A. Dépôt légal 2. 954{81/1 ISBN 2 - 87060 - 004 - 6

" ... Je me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions· de mes songes" . Descartes

"Toute proposition universelle, indéterminée a quelque chose de musical. Elle éveille des imaginations philosophiques - sans aucun mouvement de pensée déterminé. " qui vise à exprimer une quelconque idée philosophique individuelle". Novalis

"La musique est trop en deçà du monde et du désignable pour .figurer autre chose que des éPures de [' 2tre, son flux et son reflux, sa croissance, ses éclatements, ses tourbillons". Merleau - Ponty

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DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE HUSSERL AU PROBLÈME DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE TRANSCENDANTALE § 1. Husserl Rétrospectivement, après tous les développement qu'on lui connaît, c'est une sorte de paradoxe que la phénoménologie de Husserl ne soit pas partie de la question du phénomène en tant que tel, mais de la question du fondement (ou de la clarification) de l'arithmétique et de la logique, et que, pour le jeune Husserl, la réponse à cette question soit passée, tout d'abord, par des études psychologiques, donc que ce soit dans ce sillage-là qu'est né, ou qu'a été rencontré le problème du phénomène et de la phénoménologie. De cette naissance ou de cette rencontre, nous allons tenter de retracer brièvement la genèse essentielle, avec les horizons problématiques qu'elle nous paraît impliquer, de manière à nous amener à pied d'œuvre pour ce qui s'indique, à nos yeux, comme la possibilité d'une fondation nouvelle de la phénoménologie transcendantale. Sans entrer dans l'extrême complexité du contexte historique en lequel s'inscrivent les premières œuvres du fondateur de la phénoménologie - ce n'est pas là notre objet - , on s'aperçoit d'emblée, à leur lecture, que la question du fondement de l'arithmétique ou de la logique y est la question du fondement vivant: contrairement à celle de Frege, qui, à la même époque, recherchait une logique pure de la pensée, devant s'exprimer dans une sorte de symbolique pure - une

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"idéo-graphie" - , la tentative de Husserl était de retrouver, dans le "vécu" ou l' "acte" logico-mathématique de penser, l'origine pure, transparente et vivante donnant leur sens aux opérations et aux objets logico-mathématiques - et cette tendance, q ui ne se démentira jamais, jusque dans la Formale und Transzendentale Logik, fait que l'œuvre logique de Husserl restera toujours à contre-courant de la profonde révolution qu'a subi, au XXe siècle, la pensée logico~mathématique. Dès la PhilosoPhie de l'arithmétique, la question du fondement est en effet question de l'origine du sens, et il est significatif qu'elle doive trouver sa réponse dans la vie de la subjectivité opérante et agissante, c'est-à-dire dans ce qui anime de l'intérieur la pensée logico-mathématique : Husserl ne cessera jamais de voir dans le symbolisme ou le formalisme, dans l'idéographie et ses procédures de calcul, une sorte de pure technique conduisant la pensée à quelque chose comme une extranéation, une aliénation opacifiante dans la fixité inerte du signe écrit - où la pensée risque toujours de s'exercer sans penser, c'est-à-dire de s'en remettre à la normativité positive de règles que son inertie empêche d'interroger en elles-mêmes et pour elles-mêmes. Ainsi dégagée de ce que peut avoir d'obnubilant sa formulation historique concrète, la question initiale du jeune Husserl est de retrouver dans l'intériorité vivante de la subjectivité, dans l'immanence propre à la vie de la psyché, ce qui est à même de rendre clair, évident, le sens qui est censé soustendre les opérations de la pensée logico-mathématique, et surtout soutenir en leur consistance propre, en leur transcendance, les objets logico-mathématiques que ces opérations "manipulent". Bien plus, dans la mesure même où, pour Husserl, les opérations ne sont jamais que secondaires, auxiliaires, ou simplement "techniques", donc dans la mesure même où elles sont toujours secrètement guidées par le sens de la pensée et de ses objets, la question du fondement est, de manière primordiale, la question des

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rapports entre l'intériorité vivante de la subjectivité, donatrice de sens, et l'objectivité, externe par rapport à cette intériorité, et où se dépose le sens, du moins implicitement: ce qui est à même de rendre ce sens clair, évident, c'est la saisie de la donation de sens à sa racine, c'est-à-dire l'analyse de ce qui, dans la subjectivité immanente, est, par cette donation même, constitutif de l'objectivité logico-mathématique. Ce rapport constitutif de la subjectivité à l'objectivité, c'est, o~"Îe sa~, ce que Husserl nomme l'intentionnalité. " Ainsi que l'explique rétrospectivement Husserl en 1925, dans une des premières leçons du cours intitulé Phanomenologische PSychologie \ "il s'agissait, dans les recherches particulières du second tome (sc. des Recherches logiques), d'un renvoi de l'intuition aux vécus logiques q~i se jouent en nous lorsque nous pensons, mais qu'ensuite nous ne voyons pas, que nous ' ne tenons pas sous le regard de notre attention lorsque notre activité mentale s'effectue de façon naturelle et originelle. La question était de :-aisir cette vie mentale au jeu caché grâce à une r4flexion ultérieure, de la fixer dans des concepts descriptifs fidèles; c'était aussi de résoudrc le nouveau problème ainsi posé, c'est-à-dire de rendre compréhensible la manière dont s'effectue, dans la production de ce vécu logique interne, la structuration de toutes ces réalités mentales qui se manifestent, sous de multiples formes, dans la pensée judicative-énonciatrice, à titre de concepts, de jugements, d'inférences, etc., et qui trouvent dans les concepts de base et dans les principes fondamentaux de la logique leur expression générale, leur empreinte spirituelle universellement objective" 2. Mais de la sorte, ce qui est mis directement en évidence, c'est la corrélation qui s'établit "entre les objets idéaux de la sphère purement logique et le vivre psychique subjectif en tant que faire formateur" 3. Autrement rlit: "A l'a priori de la pure logique et de la pure mathématique· elles-mêmes, à ce

1, E. HUSSERL, Phiinomenologische PS)1chologie, Vorlesungen Sommersemester 1925, hrsg . . von W. BrEMEL, M. Nijhoff, La Haye, 1962, § 3 (Aufgabe und Bedeutung der Logischen U7ztersuchungen) , pp. 20 - 46, et Beilage IV, intitulé Die radicale Logik als Wissenschaftslehre, pp. 364 • 376. 2. Ibid, p . 21. Nous soulignons. 3. Ibid., p. 26.

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domaine de vérités inconditionnellement nécessaires et universelles correspond defaçoll corrélative un a priori de caractère psychique, et pa: conséquent un domaine de vérités inconditionnellement nécessaires et universelles qui se rapporte au vécu mathématique, à la penséE mathématique, à la synthèse mathématique, etc., et cela en tant que vie psychique variée d'un sujet en général"