Principe de conscience nouvelle présentation des momen
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Karl Leonhard REINHOLD Traduction inédite de l'allemand, notes et présentation de Jean-François Goubet

Nouvelle présentation des Moments principaux de la Philosophie élémentaire

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TRADUIRE LA PHILOSOPHIE

Karl Leonhard REINHOLD

LE PRINCIPE DE CONSCIENCE (Nouvelle présentation des MOlnents principaux de la Philosophie élétnentaire)

Traduction inédite de l'allemand, notes et présentation de

Jean-François (Joubet

Préface de Myriam Bienenstock

© L'Harmattan, 1999 ISBN: 2-7384-7564-7

L'Harmattan 5-7, rue de l'l~colc Polytcchniquc 75005 Paris - FRANCE

L'Harmattan Ine 55, rue Saint-Jal:qucs Montréal (Qc) - CANADAH2Y 1KI)

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Collection Traduire la philosophie dirigée par Patrick Thierry La traduction philosophique connaît ses routes toutes tracées, jalonnées par des auteurs « classiques» otTerts le plus souvent dans les quatre langues - grec, latin, allemand, anglais - qui conservent un accès permanent à la dignité philosophique. Sans méconnaître ses résultats, ni oublier ces langues, il s'agit ici d'autre chose: - ne plus se contenter d'auteurs reconnus ou de leurs seuls textes considérés habituellement comme importants, mais ouvrir également l'espace de la traduction à d'autres textes et d'autres langues. - affirmer une politique de traduction qui propose des points de vue inédits et fasse réapparaître les contemporanéités et les filiations, les relations complexes qui s'établissent entre textes derrière le récit mythique de la tradition.

Sommaire

Préface

Présentation 1. Le principe de conscience 2. Le texte de la Nouvelle Présentation 3. Un kantien sans esprit et sans imagination? 4. Le fait de la représentation et la teneur du premier principe 5. Remarques de traduction 6. Remerciements

l 14 21 33 45 46

Déjà parus FRANCESCO GUICCIARDINI, traduction et présentation de Lucie de Los Santos, Considérations il propos des Discours de Machiavel. Sur la première décade de Tite-LIVE. MARC BALLANFAT (traduction inédite du sanscrit, notes ct commentaire par), Les matérialistes dans l'Inde ancienne.

Traduction

NOUVELLE PRESENTATION DES MOMENTS PRINCIPAUX DE LA PHILOSOPHIE ELEMENTAIRE KARL LEONHARD REINHOLD, 1790

49

Notes

III

Glossaire

127

Index nominum

133

Bibliographie sélective

137

A paraître FABIENNE BRUGÈRE (traduction et présentation de), Essai sur la liberté de l'esprit et de l'humeur (1709) de Shafestbury.

Préface

Fonder la connaissance. Mettre en évidence les conditions de possibilité de la connaissance. Comprendre comment il se fait que notre esprit puisse se représenter correctement la nature, se faire une image exacte du monde extérieur. Elaborer, en d'autres termes, une 1héorie de la connaissance - une épistémologie: telle fut la façon dont, longtemps, un grand nombre de philosophes comprirent leur lâche. Telle est aussi la démarche philosophique avec laquelle, ;lUjourd'hui, beaucoup d'entre eux veulent rompre: la connaissance Ile saurait être « fondée» ; et il serait bien superfl u de s'interroger sur les conditions de possibilité d'une représentation correcte du monde, car notre esprit n'aurait rien d'un miroir - d'un miroir réfléchissant, mais parfois aussi déformant, plein d'images variées. Représenter le monde ; se faire une image, dans notre esprit, de ce monde: ce ne seraient là, en fin de compte, que des métaphores. La philosophie serait encombrée d'images, de métaphores, dont il serait impératif de nous débarrasser.

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Dans la réalisation de cette tâche, toute « thérapeutique », le philosophe américain Richard Rorty, cherchant à identifier les véritables inventeurs de l'épistémologie comme «théorie de la connaissance» (Erkenntnislehre, Erkenntnistheorie), remonte non pas à Descartes, ou à Locke, mais plutôt à Kant - et, plus précisément, à la première génération de disciples, d'admirateurs de l Kant. Et il semble bien en effet que ce fut l'un des disciples et admirateurs de Kant - non pas tant, d'ailleurs, Ernst Reinhold (17931855) le fils, qui semble avoir été le premier à utiliser couramment le tenne de «théorie de la connaissance »2, que déjà Karl Leonhard Reinhold (1757-1823) le père qui, en une longue série d'ouvrages, très lus à l'époque, popularisa non pas seulement les ouvrages de Kant, et Kant lui-même, mais également la thèse selon laquelle la philosophie consisterait en une recherche du «fondement» de la connaissance ; ou encore, en une «théorie de la faculté humaine de représentation ».

l'olllmunément le porteur de ces représentations - la « conscience» IOlla un rôle décisif dans la constitution d'un idéalisme dont le projet \l'Illble, par bien des aspects, plus proche de certaines philosophies mtemporaines du langage - de celle du « second» Wittgenstein, en particulier - que d'une théorie classique de la connaissance, ou d'une Il:cherche de « fondements »6.

Qu'est-ce donc, pourtant, qu'une «représentation»? Se réclamant de Dewey, de Wittgenste::l, et même de Heidegger, Rorty critique la tentative de fonder toute une philosophie, ou une théorie de la connaissance, sur la notion de représentation. Le lecteur français, plus familier des textes de Heidegger que de ceux de Dewey, ou même, d'ailleurs, de Wittgenstein, identifiera sans peine, dans ce livre venu d'outre-Atlantique, la critique faite par Heidegger de la notion de Vorstellung: une notion si connue en sa version allemande, qu'il n'est presque plus besoin de traduire en français. Représenter, disait Heidegger, c'est «faire venir devant soi », « rapporter à soi », et « ré-fléchir dans ce rapport à soi» ce qu'on a opposé à soi. Mais c'est aussi, pour l'homme, se mettre soi-même en scène _ comme dans une représentation théâtrale. Invoquant ainsi la «force originelle» de ce vieux mot de représentation, Heidegger rattachait aux théories et philosophies modernes qui s'en réclament certaines des plus grandes aberrations de l'histoire moderne: non pas seulement le « subjectivisme », mais aussi une volonté de conquête du monde, par la science et la technique.~

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La critique faite par Hegel de la Vorstellung reinholdienne 1\' avait pas non plus été la première: on sait, et Jean-François Goubet IL' rappelle fort bien dans son introduction érudite, tout ce que la philosophie de Fichte doit à la confrontation aux idées de Reinhold, précisément sur la question de savoir si l'on peut comprendre le ,( Je », le «sujet» ou la «subjectivité », par le moyen de modèles issus de la « représentation ». C'est dans la rupture radicale avec ces Illodèles, non pas dans leur sillage, que se constitue la philosophie de 7 l'ïchte, comme philosophie pratique . Et la question, posée aujourd'hui bien au-delà des cercles spécialisés dans l'étude de la philosophie de Fichte, devient d'autant plus essentielle: quel fut donc Reinhold, cet ennemi - ce « spectre» auquel s'attaquent, depuis maintenant plus de deux cents ans, tant de philosophes illustres?

Cette critique radicale de la Vorstellung, et des théories qui se réclament de la «représentation» comme d'un fondement, Sur sa théorie, de plus en plus étudiée aujourd'hui, les avis s'inscrit dans une longue lignée de véhémentes protestations, souvent divergent. Comme le rappelle Jean-François Goubet, certains vont elles aussi très radicales, et toutes dirigées, nommément ou non, même jusqu'à voir dans son analyse descriptive du «fait de directement ou au contraire très indirectement, contre Reinhold et ses conscience» une forme de pensée déjà toute phénoménologique ... idées. Reinhold lui-même, certes, tomba assez vite dans l'oubli: longtemps, les spécialistes de Fichte, ou de l'évolution de ce que l'on ()uelle que soit l'interprétation que l'on adoptera sur cet auteur, il est dénommait alors «idéalisme allemand », furent les seuls à l'Il tout cas certain que, si l'on veut se dégager de métaphores aussi mentionner son nom, comme en passant. Et ce n'est bien évidemment tenaces que celle de la «représentation », il n'est pas de meilleur pas Reinhold, que Heidegger prend pour cible. Il vise des auteurs moyen que d'examiner directement les thèses incriminées, leur bien plus connus: Hegel, par exemple, qu'il considère - à tort - Ilature précise, leur intérêt - et leur validité. Dans cette perspective, le comme l'un des plus illustres représentants de cette philosophie de la texte traduit ci-dessous par Jean-François Goubet est fort bien représentation, dénommée aussi «philosophie de la conscience », choisi; non pas seulement parce qu'il compte parmi ceux des écrits dont il conviendrait de se détacher..:~ Car Hegel lui-même, rappelons- de Reinhold qui furent le plus recensés, critiqués ou réfutés, mais le, avait déjà critiqué, très explicitement, la théorie de la aussi, et surtout, parce qu'il porte sur le centre, le noyau même de « conscience », prise comme «faculté de représentation» ; une 1 l'ette conception de la conscience, ou de la représentation, dont théorie qu'il avait rapportée non pas seulement à Reinhold, mais à " Reinhold tenait tant à faire un système. Le langage, le vocabulaire, Kant lui-mêmes. Et l'on ne saurait trop souligner que la critique faite surprendront sans doute beaucoup moins le lecteur, que ne semble par Hegel de la «représentation» et de la façon dont on conçoit s'y attendre notre traducteur: c'est un langage commun aujourd'hui :1

en philosophie, que celui dans lequel les termes de « représentation », mais aussi d'« intuition », voire « intellectuelle» - de « conscience », mais aussi de « sujet» et d'« objet », et même d'« en soi », rythment l'argumentation. Mais le texte, si bien traduit, et si lisse, appelle à la réflexion - et à la critique. Le sens des termes les plus communs commence à faire problème, et doit être précisé, ou clarifié - comme Reinhold lui-même, d'ailleurs, entend le faire. Et il n'est pas de meilleure «thérapie» - si du moins nous voulons nous dégager des images, et des métaphores, qui encombrent aujourd'hui encore notre littérature philosophique.

Nouvelle Présentation des Moments principaux de la Philosophie élémentaire

Myriam Bienenstock

(Beitriige zur Berichtigung bisheriger Mi{3verstiindnisse der Philosophen, Iéna, Mauke, 1790, pp. 165-254)

) Richard Rorty, Philosophy alld the Mirrar of Nature, Princeton, Princeton University Press, 1979, trad. fr. par Thierry Marchaissc. L 'hol/une spéculaire, Paris, Seuil. 1990. Cf. ici plus particulièrement le chapitre III. 2 Cf. Ernst Reinhold, Grundzüge eines Systems der Erkenllfnislehre und Denklehre, Schleswig, 1822 : Theorie des mens ch lichen Erkenntnisvermogens und Metaphysik, Gotha/Erfurt, 1832 u. 1835. Cf. surtout l'article d'Alwin Diemer intitulé « Erkelllltnistheorie, Erkenfllnislehre, Erke1lllfniskrifik» dans le Historisches Worterbuch der Philosophie, éd. par 1. Ritter, vol. 2, Darmstadt, WBG, 1972, 683. On notera cependant aussi le projet de constitution dès 1794 par Carl Christian Erhard Schmid, un professeur d'Iéna, disciple de Karl Leonhard Reinhold et opposant de Fichte, d'une « pure théorie de la science ». Cf. sur ce point Max Wundt, Die Philosophie an der Universitiif Jena in ihrem geschichtlichen Verlwife dargestellt, Jena, 1932, 182ss. 3 M. Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, traduit de l'allemand par Wolfgang Brokmeier, Paris, Gallimard, 1980. Cf. tout particulièrement « L'époque des "conceptions du monde" », pp. 99-146, ici p. 119ss. 4 Cf. encore, dans Chemins qui ne mènent Ilulle part, l'essai sur Hegel et son concept de l'expérience, 147-252, ici partie. p. 163s., 178s., 182 ... 5 Cf. par ex. G. W.F. Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé, vol. 1: Science de la Logique, § 415, trad. Bernard Bourgeois, Paris, Vrin, 1970, p. 222 sq. 6 Cr. par ex. l'interprétation que donne, de ce projet, Charles Taylor, dans son Hegel: (Cambridge, University Press, 1975). Cf. aussi, sur cette interprétation et sur Hegel, 1 notre article « Qll'est-ce qu'être idéaliste en politique? La réponse de Hegel », in Revue de svnthèsc, 4e série, na l, 1995,5-25. 7 Cf. les t;-avaux mentionnés ci-dessous par Jean-François Goubet - et même déjà il l'article ancien, mais important, de Dieter Henrich inlitulé «La découverte de Fichte », in Revue de métaphysique et de morale, 1967, 154-169. :1

Présentation, traduction et annexes

Présentation

1. Le principe de conscience

«Dans la conscience, la représentation est distinguée du et de l'objet, ainsi que rapportée à l'un et à l'autre, par le s/~iet », c'est là l'énoncé du célèbre principe de conscience rl'inholdien. Enoncé dense, qui scelle l'union de la conscience et de la représentation, l'intime liaison d'un sujet à un objet à lui opposé, 1iaison possible grâce à l'ouverture de la conscience sur quelque chose qu'elle vise. Par cette proposition fondamentale, c'est toute la philosophie moderne, centrée sur la conscience depuis Descartes, que Reinhold a voulu ramasser. C'est grâce à elle qu'il a entrepris de clarifier les débats contemporains sur l'origine des représentations et qu'il a caractérisé les différents partis en présence; c'est encore grâce ;'1 elle qu'il s'est intelTogé sur les caractéristiques intrinsèques des représentations survenant dans la conscience, qu'il a établi le fonctionnement de la conscience lors de la constitution de son objet. .\'{~iet

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En d'autres termes, à la question de la provenance de nos iJées, Reinhold a adjoint celle de savoir en quoi consistent justenlent 110S idées, plaçant ainsi le débat dans le champ de l'immanence de la conscience, en mettant hors circuit, comme le fera plus tard la phénoménologie, la réalité du monde extérieur. Le principe de conscience se situe ainsi d'emblée non seulement au cœur de la philosophie reinholdienne, en sa qualité de proposition première, mais il occupe encore une place centrale dans l'histoire de la philosophie, car c'est autour de lui que s'articulent les interrogations fondamentales de la modernité. Qu'elles soient relatives à la naissance de nos idées ou à leur structure, à la provenance de nos représentations ou à la forme que celles-ci adoptent en l'esprit, les questions soulevées par Reinhold investissent le champ transcendantal afin d'en révéler le sujet primordial: la conscience. C'est donc tout naturellement avec ce domaine que nous débuterons le propos, en nous intéressant aux idées-forces du Viennois. 1

~ 1.1. La conscience, thème principal de la philosophie moderne «Que la philosophie continentale ait pOltrSUlvl son développement, après les débuts systématiques de Descartes, qui renfermaient une toute nouvelle dinzension pour la pensée, et les systèmes d'un Spinoza, d'un Leibniz ou d'un Wolff, jusqu'aux prestations systématiques les plus hautes, celles de Fichte et de Hegel, on le doit sans aUClln doute en grande partie aux travaux reinholdiens dans cette direction» 1 : voilà comment R. Lauth, W. H. Schrader et K. Hiller ont désigné la position de Reinhold dans le champ de la philosophie moderne et sa participation à l'élaboration de ses questionnements fondamentaux. Avant de nous pencher plus avant sur la notion de système, induite par la position d'un principe présidant à une diversité de propositions, portons notre attention sur l'aspect thématique de la philosophie de notre auteur.

\tours premIeres œuvres à l'examen de la philosophie élémentaire 3 , Illontrant par là le grand crédit qui lui était fait, crédit à notre sens 11kinement justifié. Mais justement, où la philosophie élémentaire a-t-elle placé k débat pour concentrer sur elle l'attention de l'actualité? Pas ailleurs qu~

La philosophie élémentaire est une pensée-charnière puisqu'elle est à la fois une œuvre récapitulative de ce qui fut en même temps qu'une contribution aux débats contemporains; eHe veut en outre énoncer distinctement les nœuds conceptuels et placer le débat à un niveau dont on ne puisse déchoir sans du même coup renoncer à la philosophie et à ses exigences. C'est ainsi que la pensée reinholdienne se fait l'écho des querelles entre partisans de Leibniz et de Locke, non pour restituer historiquement les opinions divergentes, mais pour montrer les erreurs commises jusqu'ici par tous les sectateurs de l'un et de l'autre, touchant la nature des représentations. La pensée kantienne, dont Reinhold se réclame à l'époque, est exposée à nouveaux frais, afin de s'imposer dans sa vérité aux 2 préjugés ayant eu cours . Il est d'ailleurs capital de remarquer que bon nombre d'écrivains philosophiques en discussion avec le kantisme feront de Reinhold et de sa philosophie élémentaire leurs interlocuteurs, et que donc sa nouvelle élaboration du kantisme ne sera pas seulement saluée comme un exercice de style, mais bien comme le lieu dont doit partir tout progrès de la philosophie ou toute réfutation possible. Les auteurs de la «grande décennie» qui en découdront directement avec Reinhold sont légion, et ils comptent parmi les plus significatifs du temps: Maïmon, Enésidème-Schulze, Beck, et surtout Fichte et Schelling, qui ont consacré certaines de

Kant ne l'avait fait, et Descartes avant lui: sur la conscience. Reinhold s'inscrit dans la révolution transcendantale amorcée par le IlIaître de Konigsberg, qui consiste à considérer les choses, non pas \ 'Il soi, mais en tant qu'objets d'une expérience possible, en tant qu'elles se rapportent au sujet et à ses formes d'appréhension, la Il'IlContre du sujet et des objets ayant lieu en la conscience. Le terme de philosophie élémentaire n'est d'ailleurs pas anodin, puisque l'exposé reinholdien est essentiellement un réaménagement de la première partie de la Critique de la Raison pure, traitant de la possibilité des jugements synthétiques a priori, de la réunion du divers de l'expérience par les formes de l'esprit humain en d'autres 4 tt.:rrnes . La question reinholdienne est certes légèrement différente, puisqu'elle ne part pas d'une possibilité mais d'un fait, celui de la 5 l'onscience . Nous avons une conscience, et en celle-ci se produisent dt.:s modifications, se succèdent les représentations. On reconnaît néanmoins dans ce fait de conscience reinholdien les éléments que Kant avait mis au jour lorsqu'il traitait des représentations dans la première Critique : un sujet, dépositaire des formes, un objet, tributaire d'un contenu divers, et l'unité de l'aperception, le fameux «je pense » qui doit pouvoir accompagner toutes mes représentations, et qui est de ce fait le troisième terme inévitable de toute modification de la conscience. Nous verrons au cours de cette introduction que Reinhold, même s'il est d'une grande fidélité à la lettre et au contenu de la doctrine kantienne, a opéré de profonds changements dans l'agencement des facultés et dans le déploiement de la déduction des catégories; pour l'instant, contentons-nous de souligner la similarité d'orientation entre Kant et Reinhold. Ce Jernier n'entend plus exposer une métaphysique des choses en soi, mais bien exposer, en accord avec l'idée fondamentale de la Critique, le procès de la connaissance, le fonctionnement synthétique de l'esprit dans son appréhension du di vers de l'expérience. L'accent se porte sur la conscience, comme lieu d'avènement des représentations,

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..--comme contact d'une unité subjective opérante et d'une multiplicité objecti ve passive, inacti ve, et ce par essence. Ainsi, la pensée reinholdienne s'inscrit dans la tradition kantienne, ou plus généralement dans la philosophie du sujet, mais pour autant elle refuse d'être une philosophie à côté d'autres philosophies, elle se donne comme la « philosopnie sans épithète », sans qualificatif qui la particulariserait et laisserait à entendre qu'elle est une doctrine à côté d'autres doctrines. Reinhold entend montrer que la révolution kantienne bien comprise coupe court à toute controverse. Il ne s'agissait gue de l'exposer convenablement, ce dont le philosophe viennois se targue, pour que tous les suffrages du public éclairé s'y rallient. Justement, la philosophie sans qualificatif, le vrai tel qu'en lui-même, prend appui sur le terme central de «simple représentation », de représentation pure et simple, sans qu'on aille chercher autre chose que ce que l'on doit y penser immédiatement. Il importe de dégager ce terme central de la philosophie de la conscience des préjugés partisans qui le recouvrent, il faut dégager un accès direct à la représentation qui se présente immédiatement, avec toute son évidence, dans la conscience. Ces traits généraux de l'entreprise reinholdienne, tout comme sa volonté explicite de faire de la philosophie une science rigoureuse, ou encore la corrélation établie entre la conscience et quelque chose dont on a conscience, ne peuvent que rappeler la phénoménologie husserlienne 6 au lecteur contemporain . Pourtant, comme nous le verrons, le « retour aux choses mêmes» ne constitue que le point de départ de l'entreprise reinholdienne, et non son mot d'ordre programmatique. Reinhold n'entend pas procéder à une description des essences et des faits tels qu'ils se présentent en chair et en os, pour l'intuition originaire, en renonçant à l'attitude naturelle qui croit en la réalité d'un monde transcendant à la conscience, et donc en opérant une réflexion strictement immanente sur les faits de conscience. S'il revendique la réflexion, le retour sur soi de la conscience comme méthode d'investigation philosophique, c'est pour procéder à une enquête sur la subjectivité ([ priori, en tant qu'elle est la condition de possibilité de toute représentation à même de se produire effectivement; de plus, même si le point de départ est effectivement la conscience, on quitte bientôt cette conscience pour procéder à 4

l'examen de la faculté de représentation, antérieure aux faits de l()l1science à titre de fondement, ainsi que pour avaliser l'existence d'une réalité extérieure à la conscience, d'une chose en soi, puisqu'il ja ut bien attribuer à cette inconnue l'existence de la diversité IIréductible inhérente aux représentations sensibles, aux intuitions (·1I1piriques. Le philosophe est le fils de son temps, et Reinhold reste dTectivement fidèle à bon nombre de présupposés philosophiques du ll1e \ VlIf allemand : l'existence d'un esprit dépositaire de facultés IlIlmuables, garant de l'universel et du nécessaire qui se rencontrent dans l'expérience; l'idée cartésienne de mathesis universalis reprise l'I amplifiée par le plus connu des représentants de la Sl11ulphilosophie, Christian Wolff, 1.2. La conscience au fondement du système

il

A Descartes, la philosophie moderne ne doit pas seulement \()n orientation subjective, elle est en outre redevable de l'idée d'une j()ndation de l'ensemble de la philosophie à partir d'une base solide et l'vidente. La conscience ne se présente pas uniquement comme unité 1 hématique à déployer, mais elle le fait également à titre de londement, d'assise stable sur laquelle bâtir. Cependant, si ces traits ,~-:énéraux caractérisent l'entreprise reinholdienne, la figure toute particulière que celle-ci présente se ressent de la reprise allemande du ('artésianisme, dans ce qu'il est convenu d'appeler l'école leibnizianowolffienne. Il ne s'agit que d'ouvrir la Logique allemande de ('hristian Wolff pour être frappé des similitudes quant à la l"()J1ception du premier principe ou à celle des relations entretenues l'ntre sujet et prédicables. Comme pour tout le XVlIIeme siècle de langue allemande, les Méditations sur la Connaissance, la Vérité et Il's Idées de Leibniz et leur reprise par Wolff constituent une référence de premier plan pour notre auteur7 . Même si aucune r0férence explicite n'est faite, on ne peut que reconnaître les multiples points de convergence sur les questions logiques et ,~noséologiques. Que l'on prête ainsi attention aux différences établies entre représentations claire et distincte, à la continuité existant entre représentations obscure et claire. puis distincte, et on rdrouvera l'empreinte de }'« une des gloires de la nation allemande », comme Schelling désignera Leibniz dans ses leçons de 5

Munich 8 . Notons par ailleurs qu'il ne faut pas exclusivement annexer Reinhold à la tradition universitaire germanique. C'est un lecteur assidu, et aussi un grand connaisseur des auteurs anglais et écossais de son siècle. Ses contributions ont toujours en exergue des passages de Locke ou Shaftesbury. Et comme certains de ses commentateurs l'ont fait remarquer, sa démarche n'est pas sans rappeler le même 9 Locke ou Reid . Toute l'extension philosophique, tant le domaine théorique, qui concerne la connaissance, la conformité des représentations à ce qui est, que le domaine pratique, qui relève de l'action, de la conformité de ce qui est à ce qui doit être, a à être organisée par un premier principe, une proposition fondamentale qui exprime le genre suprême, le prédicat le plus général qui puisse être attribué aux concepts mis à jour par la réflexion 10. Ce réquisit méthodique, Reinhold le trouve satisfait par son principe de conscience, qui exprime le concept le plus haut, la représentation, dont les autres concepts philosophiques sont des espèces (ainsi l'Idée, le concept, l'intuition sensible sont des représentations). Du point de vue formel, Reinhold reprend une exigence déjà formulée par Wolffll : la philosophie doit être une science, et pour être une science, et non une rhapsodie, il faut que soit présent un premier principe qui exprime le genre ultime et auquel soient subordonnées les autres propositions présentes dans la philosophie. En d'autres termes, il faut que la philosophie se fasse système. Reinhold ne s'est pas contenté d'appeler de ses vœux la systématicité en matière de philosophie, il a encore, dans sa philosophie élémentaire, fourni une présentation effective de la science. Nous venons de présenter la représentation comme le concept générique ultime, pourtant notre auteur ne cesse, et ce dès les premiers passages de la NOllvelle Présentation, d'affirmer que dans le principe de conscience, la représentation n'apparaît pas encore comme genre l2 . Donnons donc quelques éclaircissements sur ce point: le premier principe livre le concept le plus simple qui soit, celui qui contient le moins de marques, le plus indéterminé; en tant que simple, il n'est évidemment pas composé, mais ce sont les espèces de ce concept, contenues en lui et disposées sous lui, qui le 6

Pensée en elle-même, au début de la science, alors qu'elle vient 'liste d'être extraite de la conscience, la représentation est simple, ',;II1S parties, sans sous-ensembles; en elle ne se laissent donc pas pl'l1ser les caractéristiques de ses espèces, ce qui est propre à la 1 ('présentation sensible, intellective ou raisonnable. Ce n'est que plus I;lrd, alors qu'on voudra découvrir les principes seconds, propres à ('!Jaque espèce de représentation, qu'on pourra bien parler de genre et d'espèces, les deux notions étant corrélatives. En fait, ce que l'auteur IIOUS dit, c'est qu'il faut distinguer ce qu'il y a dans la représentation, l'l: qu'on pense immédiatement et avec évidence dans cette notion, ;lhstraction faite de tout contexte partisan et de la science à venir, et de l'autre côté ce qu'il y a sous la représentation, non plus la compréhension mais l'extension, ce qui vient remplir la notion et lui donner un contenu. Comment passe-t-on de la proposition londamentale aux autres propositions? Justement, Reinhold est clair ct conséquent en la matière : cela se fait aussi grâce à la conscience, dans de nouvelles visées évidentes des formes mises à contribution dans chaque espèce de représentation effective. On obtient donc l"galement des principes, des propositions indémontrables puisque l:videntes, mais ce ne sont pas des principes premiers puisqu'ils se laissent dériver de la proposition de conscience, et que les concepts qu'ils expriment ont tous pour prédicat le genre ultime de représentation. Ainsi, avec le premier principe, la science entière n'est pas encore donnée, car comment pourrait-on à bon droit aller du plus général au plus particulier, du plus simple au plus composé, sans introduire aucun élément nouveau? Il n'est que l'assise de la science qui soit donnée, la proposition dont toute autre se laisse dériver, et sous laquelle toute autre vient se ranger. Ce processus de spécification doit se poursuivre jusqu'à exhaustion; la science se propose comme but la perfection logique, le déploiement intégral et bien ordonné de l'encore enveloppé, du contenu encore latent dont on l1'a pas exhibé toute la richesse. Sur tous ces points, le professeur Reinhold montre qu'il connaît précisément et qu'il a fait sien le discours de la Schulphilosophie. Po.ur autant, comme nous allons le voir maintenant, cet acquiescement aux exigences méthodiques met en relief, sur leur propre terrain, l'erreur des dogmatiques dans la détermination de leur prétendu premier principe. ',( Hlt.

7

On connaît en effet quel rôle était dévolu au principe de I.l' passage par Reinhold de la simple représentation à la faculté de Il'présentation, son fondelnent, permet de rendre compte du principe contradiction dans l'école wolffienne, puisqu'il jouait le rôle de 1 Il- contradiction dans ses usages légitimes, simplement logique et premier principe tant en logique qu'en métaphysique 13. Rien ne peut Il ;lIlscendantal, tout comme du principe de raison, puisqu'il livre le être et en même temps ne pas être : logiquement, cela signifie qu'un 1(Illdement général d'où s'enlèvent toutes les raisons singulières. caractère répugne à un concept si le caractère contradictoire lui convient ~ ontologiquement, cela veut dire que quelque chose est (en La Méthodologie de la Critique de la Raison pure contenait tant que possible), tant que sa notion n'enveloppe pas quelque l'Ile aussi des considérations architectoniques. Et effectivement, ce contradiction qui lui refuse l'existence. Le genre suprême exprimé 'I"e dit Kant du Schulbegriff de système s'adapte fort bien à la par le premier principe était ainsi l'être, identifié au possible, et la 16 4 philosophie élémentaire • Reinhold a également en vue la finalité du philosophie la science du possible1 . On sait quel sort fut réservé par \ystème, puisque ce qu'il importe de fournir, il n'a de cesse de le Kant à cet argument, et comment ce dernier a distingué la simple !t'péter, ce sont les fondements de nos droits et de nos devoirs. possibilité logique, ou absence de contradiction, avec la possibilité l'ourtant, il faut avouer que la rigueur des démonstrations l'emporte transcendantale, ou fait de pouvoir être objet d'expérience (l'existence \ur la considération de ce qui est à fonder, et qu'il est vrai que se constate). Reinhold ne se contente pas de rappeler l'ambiguïté des lü~inhold se propose davantage une aetiologia rationis humanae termes employés dans l'usage ontologique du principe de qu'une teleologia rationis humanae, qu'il est davantage préoccupé par contradiction, partant son inanité en l'espèce, il montre en outre que l'assise et la démonstration de ses résultats, par la rigueur méthodique le principe de contradiction est en fait un principe dérivé, en 1'( l'honnêteté scientifique, que par le travail propre à la Critique, qui appuyant une nouvelle fois sa démonstration sur le criticisme kantien. part de l'existence des sciences mathématique et physique, et qui Des marques contradictoires ne peuvent être attribuées au même IL~ste avant tout préoccupée par l'application effective des concepts substrat dans l'usage de la faculté de représentation; ce que la faculté purs à l'expérience (véritable pierre de touche du discours de représentation constitue, par le truchement de son activité (en philosophique). Cette tendance, on la retrouvera dans la déduction liaison avec sa réceptivité), c'est nécessairement un objet exempt de 15 des catégories, où ce n'est plus, comme dans la déduction contradiction . Remarquons en outre que l'auteur ne s'arrête pas là 1ranscendantale, l'application des catégories à l'expérience qui se dans sa réfutation du dogmatisme wolffien, puisqu'il montre que le r~vélera un critère pertinent, mais leur exhibition a priori, sans égard second grand principe leibnizien, que Wolff avait en vain essayé de ;\ l'expérience, opérée par le seul examen de la faculté de déduire du principe de contradiction, se laisse lui aussi dériver de la représentation dans toute sa pureté. Si d'un point de vue thématique, faculté de représentation. Expliquons-nous : cet autre principe, le Reinhold est fort près de Kant, d'un point de vue méthodique, il en principe de raison (ou principe de fondement) pour lequel rien n'est l·st fort éloigné, puisqu'il ne tient aucun compte des mises en garde sans raison pourquoi il est ainsi et non autrement, se retrouve dans le kantiennes concernant la validité de l'idéal systématique hérité des passage de la potentialité pure, a priori, à l'effectivité, c'est-à-dire 17 mathématiques en philosophie . Il est vrai que celui-ci affirme ne quand une représentation, de simple présence en creux, en arrièrefond de la conscience, non encore actualisée par l'occasion propice, plus être dans la critique de la Raison, dans la découverte de ce qui lui est propre, mais dans l'exhibition synthétique, la présentation vient à affleurer à la conscience, à être un fait de conscience. On remarquera l'insistance déployée dès le §. VII. de la Nouvelle dogmatique des résultats dégagés par la Critique. C'est certainement Présentation à présenter la faculté de représentation comme le Kant qui a le mieux défini cette prise de position par rapport à lui en fondement (Grund) de l'effectivité de la représentation, ce qui la qualifiant d'« hypercritique» 18. Reinhold, en systématisant la contient la raison pour laquelle une représentation est avérée dans la : position kantienne, allait établir un point sur lequel ses successeurs conscience, attestée, et non pas absente de la conscience, inexistante. immédiats n'allaient plus revenir, celui de la philosophie comme 8

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science; ce faisant, il allait en faire apparaître les lignes de rupture (ou la forcer quelque peu, selon qu'on crie au génie ou à la trahison), et la proximité avec Kant était telle qu'à travers son épigone ingénieux, c'était le criticisme lui-même qui se verrait touché par les reproches et les réfutations.

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1.3. La réception du principe de conscience et sa mise en question Parmi les grands lecteurs de Reinhold dans la dernière décennie du siècle, on trouve surtout Fichte, qui devait lui succéder en 1794 à Iéna, en qualité de professeur de philosophie, et également Schelling. Il n'est pas question pour l'instant de dénombrer les textes où ces deux auteurs font une mention explicite des textes reinholdiens, puisque ce sera l'objet de la prochaine partie de notre introduction, mais il s'agit ici de mettre au jour les enjeux déterminants que les débuts de l'idéalisme ont trouvés chez notre auteur. Notons que Fichte entretiendra une relation plus personnelle à son prédécesseur, et qu'en fait les influences entre les deux auteurs l9 ont été réciproques, l'un commentant les travaux de l'autre . Quoi qu'il en soit, les relations entre Reinhold, Fichte et Schelling se sont détériorées au tournant du siècle, suite aux multiples revirements de position du premier, et il serait fâcheux de ne considérer que les eme textes du début du xrx siècle, marqués par la polémique voire 20 l'invective , pour se faire une idée exacte de l'apport du Viennois à la pensée des auteurs allemands.

Vous avez », écrit Fichte à Reinhold au début de 1795, «à l'instar de Kant, apporté quelque chose d'éternel il ['humanité. Lui, le fait qu'on doive commencer par une recherche sur le sujet. VallS, que la recherche soit guidée par un principe unique »21. On ne saurait parler en meilleurs termes de la dette intellectuelle que Fichte se sait avoir souscrite auprès de ces deux héros de la pensée moderne. Pourtant, cet éloge occulte les réticences que Fichte n'a pas tardé à éprouver à l'égard de Reinhold, après que la lecture du sceptique 22 Schulze-Enésidème avait ébranlé ses convictions , pour lui rendre douteuse la philosophie élémentaire qu'il avait tenue pour vraie auparavant. Ces réticences ressortissent de deux ordres, l'une portant sur la trop grande importance accordée au théorique, l'autre sur la «

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Illl;lhode philosophique, qui se doit d'être constructive et génétique à Il;lrl ir d'un acte, et non d'un fait, et qui ne peut se satisfaire de I\'xhibition d'un tableau logique, d'une discussion des espèces de la 1 ('présentation, le tout étant présidé par le même fait. Le premier 1 ('proche vient de ce que Fichte s'appuie sur l'ensemble des trois ( ',;tiques pour à nouveau philosopher par sa propre énergie là où le Il'xte de rétërence reinholdien est et demeure la première Critique 23 . Il en ressort une affirmation du primat pratique de la Raison, ;tlTirmation qui ne veut pas rester lettre morte mais qui veut se 1 r;lduire effectivement dans l'énoncé principal de la philosophie. « Je ',lIis Moi », c'est là un acte de la liberté, antérieur à la représentation ('1 rendant raison de ce qui survient dans la conscience, à partir duquel Fichte veut embrasser les deux mondes, théorique et pratique, pour ne plus laisser ces domaines simplement coordonnés, comme il 24 ('II avait fait le reproche à Kant . Le second reproche porte sur l';lbsence de démarche génétique chez Reinhold, ce qui fait que sa philosophie en reste à des faits de conscience et qu'elle ne quitte I;llllais l'attitude naturelle pour rendre compte, par d'autres voies, de l'attitude naturelle. Le premier principe fichtéen est en tant que tel :lI1térieur à la conscience, et les deux autres principes qui le flanquent »ont là justement pour faire naître la détermination, quelque chose qui ressortisse de la conscience ; en d'autres termes, les trois principes de la Doctrine de la Science permettent le passage de l'infini au fini, de l'indéterminé au particulier, ils discourent de la conscience et de ses représentations (ainsi que de ses efforts, puisque la représentation s'inscrit avant tout dans le théorique) en se plaçant :Ivant la conscience. C'est peut-être d'ailleurs à cette infinité du Moi que Reinhold ne s'est jamais résolu; ce qui J'aurait fait finalement se départir de la Doctrine de la Science, après qu'il en avait été pour un 25 lemps le porte-parole . Fichte, en procédant pour la première fois à lin dédoublement des séries de déterminations, l'une étant celle des raits de conscience, celle de ce qui est pour la conscience elle-même, l'autre étant celle de l'activité rendant compte de ces faits, celle de ce qui est pour le philosophe, exprima un réquisit méthodique que ce qu'il est convenu d'appeler l'idéalisme allemand maintiendra après luj26. En ce sens, on peut fort bien dire que le fichtéanisme est une 27 critique de la représentation , une critique de la conception selon laquelle toute l'affaire du philosophe se passe entre un sujet fini et un

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ob-jet, quelque chose lui faisant face, puisque justement cette pensée consiste à montrer l'élément absolu qui sert de cadre où s'inscrit la relation entre deux termes finis.

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Reinhold que l'idéalisme schellingien conquiert ses prenuers ld Lats.

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Le jeune Schelling avait consacré un travail à la philosophie 28 de Reinhold, aujourd'hui malheureusement perdu . Quoi qu'il en soit, son premier écrit programmatique, De la forme de la Philosophie en général, se ressent expressément de l'influence de la philosophie élémentaire, et ce jusqu'au projet de déduction des catégories selon 29 un schéma unique, qui n'est pas sans rappeler le Versuch de 1789 . Cependant, même si œuvre reinholdienne a continué d'agir au-delà d'elle-même dans ceBe de Schelling, dans une sorte de maturation continuée, il n'en demeure pas moins que des critiques concernant la facticité du premier principe ou la conception mécanique de l'activité 3o de l'esprit ne tardèrent pas à survenir . Deux exemples suffiront à appuyer le propos. Très tôt, Schelling s'en est pris au premier principe reinholdien comme à quelque chose d'empirique, ce qui ne peut que surprendre à première vue quand on connaît l'insistance avec laquelle Reinhold a affirmé son universalité et son appartenance à la conscience, sans rapport avec une quelconque expérience. Mais comme le souligne fort justement X. Tilliette, empirique s'oppose chez Schelling à intellectuel, comme le trouvé, le donné, à quelque l chose de produit, de construie . Ce que le jeune Schelling dénonce, c'est en fait encore une fois l'absence de démarche génétique chez Reinhold, l'absence de toute construction dans l'intuition, qui livrerait le passage de l'infini au fini, qui donnerait au regard philosophique la naissance des déterminations. C'est fort de la découverte génétique fichtéenne que Schelling critique le point de vue reinholdien. D'un autre côté, même si c'est apparemment sous couvert de fichtéanisme qu'il s'exprime, c'est bien sa contribution propre au débat philosophique que le lecteur moderne ne tarde pas à reconnaître. Ainsi, les Traités visant à expliciter l'Idéalisme de la Doctrine de la Science entendent-ils dépasser le paradigme mécanique pour caractériser l'activité de l'Esprit ~ ainsi, la notion de système reprend-elle le caractère finalisé que l'Idée qui y préside lui 32 imprime . Les idées exposées reprennent le vocabulaire reinholdien, pour en montrer l'irrecevabilité. Ici, c'est aussi dans une explication

Si pour l'instant nous n'avons eu en vue que les grandes ('l'eptions de la dernière décennie du XVIIl eme siècle, il nous faut ()Ilvenir que le début du siècle suivant a vu, lui aussi, une discussion (1\, première importance avec la philosophie élémentaire, grâce à I\'xposé tardif que l'auteur en avait fait lui-même dans de nouvelles ( 'ontributions, alors qu'il en était venu à trouver sa position d'alors, et 11\(~me la Doctrine de la Science à laquelle il s'était rallié, comme Ilisatisfaisantes et historiquement dépassées. Nous voulons bien sûr 33 p;lrler de Hegel , pour lequel Iéna et les années 1800 marquent l'avènement de la pensée spéculative. Dès la Differenzschr~ft, la liaison que voit Hegel entre philosophies de la réflexion et thème de 34 Id représentation a en point de mire Reinhold . En effet, l'opposition de la conscience à son objet, donné comme absolument distinct de l'l~tte conscience - l'élément de la représentation - ou la méthode philosophique visant à épurer les représentations de leur scorie Illatérielle, individuelle, pour appréhender l'a priori immuable, la 1()rme persistante - la philosophie de la réflexion - sont des thèmes à (l'livre dans la philosophie élémentaire, au point près, bien sûr, qu'ils Il'ont pas la connotation négative que leur attribue le jeune Hegel. La philosophie élémentaire, tout comme la Doctrine de la Science d'ailleurs, apparaît comme une absolutisation du sujet, et donc comme une fracture absolue entre le sujet et l'objectivité en général, comme une doctrine formelle, vide, incapable de se donner d'ellemême un contenu, et devant en conséquence prendre la richesse de la singularité du dehors. La critique hégélienne est à ce point radicale qu'elle ne se contente pas de refuser l'orientation subjective de la philosophie, mais qu'elle met en question la position nécessaire d'un premier principe, tout en maintenant, et avec force, l'exigence de scientificité, de systématicité. On ne peut commencer la philosophie par des définitions, par une suite d'énoncés : voilà le coup d'arrêt donné à l'idéal mathématique dont Reinhold et Fichte, à la suite de Wolff, s'étaient fait les porteurs. Assurément, Reinhold aurait trouvé cette critique biaisée, puisqu'il certifie que son principe de conscience, en tant que proposition primitive, n'est pas une définition, puisque définir, c'est rapporter une expression inconnue à

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des termes déjà connus, et que rien n'est connu avant le principe de conscience. Les premiers termes et les premiers principes sont donc indéfinissables, comme Pascal l'avait déjà fort justement remarqué dès l'abord de son De l'Esprit géométrique. Il n'en demeure pas' moins que c'est l'idéal systématique hérité des mathématiques que, 35 dès la Préface à la Phénoménologie , Hegel refuse à la philosophie, après Kant. Et c'est ce même texte qui dissocie point de vue de la conscience, rapport et distinction d'un sujet et d'un objet, et savoir en soi ou pour nous, regard du philosophe qui sait cette opposition surmontable, et qui conduit la conscience jusqu'à l'élément de l'opposition surmontée, là où toute figuration s'avorte, dans le Savoir Absolu 36 . «Hegel qui devient Hegel »37, c'est un penseur qui refuse la réflexion d'entendement pour déployer le concept, la pensée spéculative, et qui développe l'Absolu jusqu'au point où il devient patent que le sujet est objet, et l'objet sujet ; la spéculation, en refusant d'être une philosophie de la conscience, c'est-à-dire aussi une philosophie procédant du principe de conscience, surmonte l'élément de la représentation, l'opposition de la conscience à l'objectivité. La philosophie élémentaire trouve dans le hégélianisme l'exposition de sa réfutation la plus complète. Le reproche d'empiricité adressé au premier principe s'est transformé en une fin de non-recevoir à l'égard de toute Grundsatzphilosophie, de toute spéculation procédant d'une proposition fondamentale. Le principe de conscience se révèle incapable de livrer un véritable sujet-objet, un élément un, il affirme un dualisme forme/matière, conscience/chose en soi, qui scelle une s opposition insurmontable entre sujet et objee . Sous un angle méthodique, le principe de conscience est incapable de fonder l'édifice systématique auquel il devait présider. Et Hegel d'ironiser sur les prétentions architectoniques reinholdiennes, en qualifiant le principe de conscience (Satz des Bewuf3tseills) de sable mouvant en guise de toute fondation (Sand des Begründens)39.

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dll criticisme dans les Lettres sur le Kantisme • Après avoir présenté Il' kantisme dans ses visées ultimes, Reinhold avait en 1789 entrepris dl' le fonder par le haut, de l'exposer sous forme systématique, afin d\'1\ révéler et d'en faire triompher la certitude. L'Essai d'une /lOI/velle Théorie de la Faculté humaine de Représentation, après un 1 1 lUIt aperçu historique des raisons pour lesquelles le maître de Klinigsberg n'avait pas encore pu faire l'unanimité parmi le public 41 ',;1 vant , avait livré une théorie fondamentale de la faculté de 1 ('présentation, puis les théories particulières de la sensibilité, de I\'ntendement et de la Raison, avant de se conclure sur un bref traité Ill' philosophie pratique. Dès l'année suivante, Reinhold avait ('J1(repris de fournir dans un recueil, les Contributions visant cl 1(·('tUïer les Malentendus ayant eu Cours jusqu'ici entre les l'lrilosophes, la continuation de ses interrogations touchant le 1 ()ndement du savoir philosophique, réservant pour un second tome 4 q' qui était afférent à la religion, au droit et à la morale :!. C'est Illstement des premières Beitrage qu'est issue la Nouvelle l 'résentation. 2.1. Pourquoi un nouvel exposé?

A la fin de sa vie, Reinhold déclarera encore ne rien vouloir 43 LlIlt qu'apprendre à philosopher . Toutes les corrections sur des points de doctrine, toutes les retouches qui confinent parfois à de la Illinutie, ainsi que tous les retournements doctrinaux dont sa carrière 44 philosophique a été peuplée s'expliquent en grande partie par l'amour sincère porté par cet homme à la vérité, par son désir Incessant de découvrir puis de donner à lire et à entendre les acquis de la science philosophique, qu'il n'appelait pas seulement de ses vœux, mais à laquelle il entendait bien apporter sa contribution. Il se donnait lui-même pour un Selbstdenker, quelqu'un qui pense par luimême; il se refusait assurément à faire allégeance à des doctrines apprises par cœur, et entendait en conséquence s'appliquer à mettre 2. Le texte de la Nouvelle Présentation des Moments principaux de i davantage ses lumières que sa mémoire au service de la philosophie, la Philosophie élémentaire die-même tendue vers le but ultime de l'humanité, la détermination des droits et des devoirs en cette vie comme dans la vie à venir, objet Le texte que nous avons choisi de présenter au public de' de notre espérance. Reinhold n'hésita jamais à remettre cent fois sur langue française n'émane pas d'un inconnu. Dès 1787, on a su gré à li le métier son ouvrage, à examiner les résultats tenus pour acquis, et Reinhold de son talent d'exposition, révélé lors de la popularisation·. 14

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la philosophie lui semblait tellement liée à la conduite de la vie que la mise à l'épreuve des théorèmes coïncidait avec un examen de conscience. La philosophie élémentaire est une entreprise de rectification, de correction des erreurs, d'où qu'elles émanent. Si nous poussions le trait, nous dirions qu'elle est même une œuvre de réforme, d'acquiescement continué au vrai tant qu'il est tenu pour tel, et de conversion sitôt qu'il a cessé de l'être. Ainsi, même s'il y a bien sûr des points doctrinaux précis sur lesquels Reinhold s'est cru obligé de préciser ou d'infléchir sa position, la Nouvelle Présentation signale un des traits déterminants de l'homme qui l'a écrite, la volonté de faire advenir quelque résultat qui échappât au doute là où il n'est . de douter45 . pas permis

III.· ,r

• ' ' .. . . . . . .

11Ilisqu'il indiquait comment le discours philosophique devait se I,·,'.ilimer, ce qui le fondait à prononcer ses arrêts. Sans intuition "'lcliectuelIe, les formes de l'esprit humain perdent leur caractère de ,I, )lIllé, de fait évident, et on peut les taxer de construction Idlliosophique, de simple hypothèse. Nous reviendrons plus loin sur ,,' rameux syntagme, banni par Kant puis requalifié pour désigner 111111 autre chose, et qui devait occuper dans les années qui suivirent 1111t' place prédominante. Ailleurs encore, Reinhold, sur les remarques 51 .1'1111 étudiant , corrige une démonstration viciée, mais non le Il·sultat. La philosophie élémentaire est l'œuvre d'un professeur et .1'1111 écrivain en contact avec le public savant de son temps. C'est .llItant de manière interne que consécutivement à des débats, où l'on .1'111 parfois la susceptibilité de son auteur, qu'elle devait évoluer, et IllIalement succomber aux raisons fichtéennes.

Reinhold s'explique dans le même recueil sur les raisons qui l'ont amené à amender certains passages. On trouve ainsi en fin de 46 volume, dans les Erorterungen , puis dans les controverses qui l'ont opposé à ses recenseurs (un ami de la philosophie critique, Heydenreich, et un adversaire acharné, Flatt)47, mention des pierres d'achoppement. Il aurait porté la notion de représentation à la généralité en s'appuyant sur ses espèces particulières, l'Idée, le concept, l'intuition et la sensation; sa prétendue méthode synthétique ne ferait donc que dissimuler le progrès réel de l'esprit philosophant 48 lors de l'acquisition de son fonds . Et Reinhold de répondre, à l'intéressé comme dans sa Nouvelle Présentation, que la notion de représentation immédiatement issue du principe de conscience est simple, qu'elle n'est pas encore pensée comme genre, mais obtenue par réflexion sur la pure conscience, et non par abstraction-induction 49 à partir de contenus de conscience singuliers . Ici, il ne s'agit que d'un supplément d'information à qui voudra l'entendre. Mais là, c'est d'un véritable aménagement qu'il s'agit, quand Reinhold corrige l'affirmation selon laquelle la faculté de représentation est elle-même irreprésentable et lui substitue une forme particulière de 50 représentabilité, grâce à l'intuition intellectuelle . L'auteur s'était rendu compte d'une inconséquence de sa doctrine, car comment pouvait-il maintenir en même temps l'idée que l'instance de légitimation philosophique était la conscience, lieu de la représentation, et parler à bon droit d'une faculté qui échapperait à toute représentation ? Reinhold accomplit ici un progrès décisif,

On éprouvera certainement d'ailleurs, à l'instar des l'ontemporains, certaines difficultés à la lecture du texte. Reinhold se

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La Nouvelle Présentation rompt avec la précédente par son I,'centrement exclusif sur le noyau de la doctrine 52 , la détermination l,' ce qui est propre à la faculté de représentation, ainsi que par la Idlls grande concision des explications jointes aux théorèmes. Le pll~mier point s'explique aisément: l'assise fondamentale vient-elle à ',l' révéler labile, c'est tout l'édifice philosophique qui vacille et IIlanque s'écrouler. Depuis Descartes, on connaît le soin qu'il faut .Il'corder à la fondation d'un édifice doctrinal, le paradigme .llchitectonique étant là pour affirmer la solidité, due aux fondations (·t aux jointures, que la science réclame pour elle-même. Le reste ',lIivra. Le second ne laisse pas de procurer à la philosophie l'ILSmentaire une aridité indéniable, qui montre les conquêtes de la philosophie pour ce qu'elles sont, des raisonnements par concepts, II1Ie démarche pure, sans que Je penseur soit distrait un seul instant de "a tâche par l'expérience. Evidemment, le fait que ce soit une reprise ,k considérations antérieures permet de moins s'expliquer et de Icnvoyer le lecteur à ce qui a été dit par ailleurs. Néanmoins, les d~tracteurs de Reinhold ne s'y sont pas trompés quand c'est justement ,dte version qu'ils ont attaquée, prenant appui sur le caractère ramassé de la Contribution pour asseoir efficacement leurs reproches. 1

sert de concepts opératoires qui n'appartiennent pas au bagage commun du monde philosophique; un Enésidème, pour ne citer que lui 5:\ n'entendra rien aux expressions de rapporter, distinguer ou ressortir qu'il utilise. Il ne donne quasiment jamais d'exemples, 54 manque dont un Maïmon se plaindra , ce qui fait qu'on en reste à un jeu analytique de propositions, d'énoncés substituables, dont il est difficile de se sortir. En outre, la composition du texte ajoute à la difficulté: après avoir exposé la faculté de représentation, Reinhold revient à la conscience (thème inaugural), à la représentation effective, puis il aborde le thème de la connaissance, et enfin une courte présentation des facultés et de leur genèse l'une par rapport à l'autre, sans qu'une introduction nous prévienne de son intention. L'absence de métatexte, de commentaire sur ce qui se fait pendant qu'il se fait, est patente; l'auteur ne précise pas où il va, il demeure " au niveau de l'explicitation, et ne se laisse que très peu distraire de sa voie 55 . Deux exceptions notables: les quelques passages polémiques, où le style se fait plus ample, et où le vocabulaire d'école fait jour à une qualité d'expression à laquelle le même Maïmon rend hommage; les parenthèses éparses, où Reinhold nous rappelle que la philosophie élémentaire doit devenir «l'assise fondamentale d'une nouvelle Ph1'Z OSop l' ue» 56 .

2.2. Portée historique de la Nouvelle Présentation

Ilt'nte-sixième d'entre eux, avec en outre de nombreux excursus (hantant la louange du scepticisme humien. Salomon Maïmon s'est IIlléressé de près à ce texte Jui aussi, et s'il ne le ménage pas dans sa ( 1 HTespondance, il entreprend de rectifier certaines attaques qui lui Illrent adressées dans les Lettres de Philalèthe à Enésidème, en '.('n·ant de près à son tour la Jettre de la Nouvelle Présentation 59 . La philosophie élémentaire et les débats qu'elle cristallisa s'avérèrent Ikcisifs pour Fichte, à une époque où il n'en allait pas moins pour lui que de (' acquisition de son propre système. S'il fit de l'Enésidème de 60 ~chulze une recension demeurée célèbre , dans laquelle il défendait ('l'l'tes localement Reinhold, mais qui livrait au grand jour des divergences patentes, sa reprise de la philosophie élémentaire, «la II/lime en main », ne s'en tint pas là. Sa correspondance, ainsi que des ll'lIVreS posthumes rédigées au tournant de 1793 et 1794, les 61 lI1éditations personnelles et la Philosophie pratique , montrent elles .Illssi certains linéaments de sa pensée à venir, une Doctrine de la 62 ,~cience « in statu nascendi », comme J'a fort bien dit R. Lauth . Le débat ne devait pourtant pas s'arrêter là. On voit encore Ernst Platner, le professeur de Reinhold à Leipzig, réagir dans une nouvelle 1I10uture de ses Aphorismes aux critiques qui lui avaient été faites par la philosophie élémentaire 63 . En outre, le kantien orthodoxe Beek fI'entend-il pas encore en découdre avec cette même pensée dans son j',ïnzig mogZicher Standpunkt64 , qui, comme le nom l'indique, redresse les errances reinholdiennes pour donner la droite ligne à adopter dans l'interprétation du criticisme. Simple question d'érudition dira-t-on, pourtant ces noms sont familiers au connaisseur de Fichte, qui se rappelle l'avoir vu utiliser les Aphorismes comme base de ses cours de métaphysique à Iéna, ou se situer par rapport à Beck dans les L'élèbres Introductions à la Doctrine de la Science de 179765 . Pour compléter le tableau, n'oublions pas les wolffiens du Philosophisches Magazin puis du Philosophisches Archiv, qui s'en sont pris en Reinhold au porte-parole de la philosophie nouveIle 66 , pour un temps encore le kantisme.

. C'est donc ce texte de la Nouvelle Présentation, fort co~~~s et préparatoire, (il se présente avant tout, ainsi que nous avons deJa e~ l'occasion de le mentionner, comme une théorie fondan:entale, et faIt deux fois référence à ce qui reste à fonder effectivement, une doctrine du droit et de la religion, auquel l'auteur consacrera le second tome de ses Contributions en 1794) qu~ fut,Aa ci,ble ~~ ~ombre i de recensions, de commentaires et de réfutations . L E}~esule.me d~1 5R Schulze paru en 1792 dans l'anonymat , se veut une refutatlon a , . ~d }'. d ~'l de hoc du maître de Iéna, puisque tout en lUI conce a~t 1 ea scientificité et le piètre état de la philosophie à l'époque, Il entrepre~d de montrer les indéterminations de Reinhold quant au :ocab~l~ue Nous n'avons traité ici que des échos directs de notre seul parfois employé, et l'inaptitude de la proposition de conSCIence a etre texte, mais force est de constater que la philosophie élémentaire a réellement le premier principe pour lequel elle se do~ne. ~a perpétué son influence au travers d'autres textes. Nous pensons au réfutation suit l'ordre des paragraphes, mais ne court que Jusqu au célèbre Sur le Fondement du Savoir philosophique (disponible en 1

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langue française grâce aux bons soins de P.-X. Chenet), que Fichte a 11111 venus se joindre de nouveaux travaux, dont certains en français. 74 salué comme« le chef-d'œuvre parmi les chefs-d'œuvre »67, et dont la /\111/1 ,et ses Epigones de C. Piché consacre un excellent article à la propre contribution, Sur le concept de la Philosophie68 , est un large l' Il'~ltOn du principe au fondement du système, question traitée commentaire. Pour ce qui est des considérations méthodiques, les 1IIIncmment par Kant et Reinhold; X. Til1iette accorde à ce dernier premières interrogations schellingiennes sont également tributaires 1111 chapitre de son ouvrage sur L'Intuition intellectuelle de Kant cl de la livraison reinholdienne. Nous pensons en outre aux propres "()~el~5,. ~ontrant son rôle de première importance dans la reprises par Reinhold de la philosophie élémentaire, en 1797, alors It'qll~ltfication de ce vocable. En allemand, A. v. Schonborn a76 édité qu'il s'était publiquement rallié au fichtéanisme, puis à partir de 1800, "" Aar! Leonhard Reinhold, eille alllwtierte Bibliographie , qui alors qu'il avait embrassé la cause du réalisme logique de Bardili. Les 1 '"IL' une mme pour le chercheur. Le Suisse Martin Bondeli a 6 IIlsacré un ouvrage au problème du commencement chez Reinhold, Traités visant à expliciter l'Idéalisme de la Doctrine de la Science de Schelling sont ainsi alimentés par l'Auswahl vermischte ,!lors que les Konstellationen de Dieter Henrich ont mis à jour des 77 Schr~ften, et le tableau de la situation philosophique de l'époque "~l'Il~ents ~ouveaux de l'évolution de Reinhold à partir de 1792 . Le dressé par l'auteur doit beaucoup au matériau reinholdien. Plus tard, ( (lreen KIm a soutenu en 1994 une thèse mettant en valeur la 78 les Contributions visant cl présenter une Vue d'Ensemble aisée de la t ("lsta~ce des préoccupations reinholdiennes jusqu'en 1789 . On Philosophie au Début du XIXt:lI1e Siècle, dont un court extrait es 1\( lUtTaIt poursuivre à l'envi cette liste, en renvoyant aux passages accessible au lecteur francophone 70, ont remis d'actualité la querell ,( lI~sacrés aux relations entre le Viennois et ses contemporains dans entre Schulze, Maïn10n et l'auteur lui-même, et ce sont Fichte Illamts ouvrages. Nous nous contenterons d'indiquer en notes les Schelling et Hegel qui ont pu y trouver matière à controverse. Bien ,~.lurces qui nous ont permis d'asseoir tel ou tel développement. sûr, dans ces années, ce sont surtout la prétendue identification pa \Ignalons tout de même l'essentiel, à savoir que les travaux les plus Reinhold des systèmes de Fichte et de Schelling, ses récrimination ,,)(~dernes contrebalancent les opinions anciennes selon lesquelles contre l'intuition intellectuelle et son affirmation du réalisme contr I~èmhol.d aurait psychologisé le kantisme, l'aurait dévoyé en réalisme l'idéalisme qui alimentent les débats 7t . Cependant Fichte, pour n dogmatIque, ou aurait été un phénoménologue génial qui s'ignore un parler que de lui, ne verra-t-il pas dans l'adhésion au bardilisme u Il'mps: avant de déchoir presque aussitôt dans une banale doctrine des emc retour aux positions déjà présentes dans la philosophie éléme?taire . I;lcu~tes, comme le XVlII siècle allemand en a tant vues 79. Nous Le spectre de cette pensée, qui allait marquer le XV Il ICmc siècl ('sSateI~o~ls pour notre part de faire justice à notre auteur, en finissant, était à nouveau suscité. Reinhold ne fut pas quet;lra~terIsa~t tout d'abord l'originalité de sa démarche, puis en l'annonciateur de la lumière fichtéenne prête à entrer dans le monde, lrocedant a l'examen minutieux des concepts introduits dans la il allait être aussi le compagnon de route et le censeur de l'idéalism Vouvell.e Présentation, le but recherché étant de le laver du soupçon commençant. Se livrer à son étude, c'est refaire. avec l'époqu, I()~matl~ue, ~t de le dis.t~ncier d'une interprétation par trop l'expérience de la pensée, et comprendre le surgIssement et 1 lhel:omenologique. Plus pOSItIvement, il en va de la singularité et de formulation des problèmes qu'elle s'est posés. \;~ rIchesse de sa pensée, qui a pu nourrir tant d'interprétations Illverses, et que nous voulons servir. t

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Si l'on regarde maintenant l'état de la littérature secondaire, on ne peut que se réjouir du regain d'intérêt suscité par notre auteu~. Un kantien sans esprit et sans imagination? ces dix dernières années. Aux grands classiques que sont Le Prohlème de la Connaiss~nce d~ns la Ph~losophie. et. la Sci~nce de~s Si nous avons parl~ de /l'~mportance historique de Reinhold, Temps modernes, le Pizzlosophœ {lUS emem Pnnzlp et louvrag ous ne nous sommes pas rIsque a en exagérer l'oriainalité. Pourtant d' ;\ 1frcd Klemmt72, pour ne rien di re des œuvres du début du siècle73, our ce qui relève justement de l'esprit et de bl'imagi nation,

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philosophie élémentaire montre des traits tranchés et pleinement assumés: si son auteur ne s'autorise pas de l'esprit de la philosophie kantienne pour en donner une vue d'ensemble, élaguant ici, martelan là une idée-force, ce n'est pas pour en répéter la lettre, mais pou entreprendre un travail de précision et de distinction sur la langu philosophique ~ et si le thème de l'imagination est évacué, c'est parc que le schématisme l'est aussi et que vont être réorganisées le relations entre facultés, avec la réintroduction à ce dessein d l'intuition intellectuelle,

3.1. Réformer la langue philosophique afin de dépasser le désaccords historiques .

Fichte se réclamait de l'esprit du criticisme pour po~vOlr . veau philosopher, non plus sur les prétendues choses en LSOI'. mai nou . 80 sur la genèse de ce qui survient dans notre conSCience '. e Jeun Schelling n'a pas de mots assez durs pour les Bllchstab:J.lphtlosop/~el à qui est refusée l'intuition vivante du tout, le v~ntable organ. philosophique'l Le recours à un esprit (?eist) du ~a~tlsme va de ~a ici avec la conception d'une instance creatnce, generant les dl:el se déterminations: on s'autorise d'une compréhension globale et vivant pour suivre le progrès de l'esp~.it à œuvre,. acco~pagn~~ 1 surgissement des catégories ou des hguratI~ns sensibles Olches~le pa l'activité. La pensée propre est rendue feconde par sa, repnse d k, t'sme et c'est cette fécondité qui s'exprime, se manIfeste, dan an 1 , ' " , l'exercice effectif de la philosophIe, Cette pnse de pOSitIon ,P rapport au kantisme permet à ces deux pens~~rs d'~vacuer ce qUI e.

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1IIIIlcipe de conscience, de procéder à une division non moins exacte représentation, en n'omettant aucun ,1I;lctère essentiel, ni en adjoignant quelque marque superflue. l '( lricntation transcendantale va l'amble ici avec une insistance sur le l, 1,!lique : en philosophie, la connaissance du genre précède celle des '''.pèces ; un concept est une somme de marques qui l'individualisent ,'1 le démarquent des autres; la perfection logique consiste en la division bien menée, et à terme, du principe premier (ici pensé 1 1 l/llme exprimant le genre ultime) ... Une réforme de la langue à "Illployer pour traiter de la conscience et de la représentation est d'IIlC posée comme une tâche indispensable. C'est la polysémie d\'xpressions comme celle d'objet, tirant à la fois sur Je représenté et 1.1 chose en soi, qui est responsable de la confusion philosophique, et dl' l'indécidabilité factuelle de certaines questions d'importance. l '!'lIser justement requiert une langue purifiée. Même à traiter de la " , , (('presentatIOn, et a se mouvOIr dans l'élément de l'opposition IIlsllrmontabl~ entre. la conscience et la chose en soi, Reinhold ne l'ose pas n~~ll1s qu'Il faut parier à proprement dire en matière de , "nccpl. C~'I!lque d? la langue, effort s,ur elle et représentation ne sont l';IS des themes Irreconciliables. La reflexlOn sur la langue est ainsi 1111 aspect fort de sa pensée. Il faut réformer le langage philosophique, (1011 point. pour ,produ~re une logique formelle, ou une 1'()rnzula~plulo.\~OI~hle, maIS pour permettre l'avènement d'un \ Ilcabulalre precIS et adéquat, déployant la réalité de l'appareil ILll1scendantal ou l'existence indubitable de la représentation en " ~n Il.'spnt , , /, cil! concept de faculté de

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fait pourtant partie prenante, à sa:oir la posl/tIOn, d une ~hose en so , Comme le titre ge~eral de l'ouvrage le rappelle déjà, l'affaire On sait en effet avec quelle force Ils se sont eleves contIe ce monstr dll phIlo.sophe est de cornger les malentendus ayant existé jusqu'ici P 1