Portrait de Salazar

Excerpt of the book titled: OLIVEIRA SALAZAR. (António de) PRINCIPES D’ACTION. Précédes de Réflexions en marge e la révo

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Portuguese Pages [10] Year 1956

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Portrait de Salazar

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LE PRÉSIDENT SALAZAR Le Président Sala{ar a la réputation bien établie d' un homme taciturne. Quand il se décide à parler, e'est pour dire vraiment quelque cbose : ses paroles sont alors le fruit de la méditation et de l'expérience, et elles pesent leur poids de silence. Un tel exemple me rend circonspect. L' homme qui, depuis un quart de siecle et dans une des conjonctures les plus difficiles de l'Histoire, a su incarner le destin de la noble nation portugaise n'a que f aire de louanges préfabriquées et passe-partout. Un hommage, pour n'être pas déplacé, doit avoir ici la nudité et la rigueur d'un témoignage. /e connais l'auvre de Sala{ar et j'ai vu l'homme. Et, de tous les noms qui se présentent à mon esprit quand je songe à lui, celui de sage premi spontanément la premiere place. Un sage, ce n'est pas seulement un théoricien ou un technicien, e'est un homme qui, selon le mot admirable de Platon, s' ouvre à la vérité de toute son âme, pour qui les idées sont un aliment de la vie intérieure et un príncipe d' action, et dont l'esprit, nourri des sues complémentaires de la réftexion et de l'expérience, se Place pour ainsi dire au confiuent de l'idéal et du réel. Pour faire un , tbéoricien ou un technicien valable, il suffit d' un cerveau bien organisé, mais le sage a besoin d' être un homme complet. Salaiar est un homme et - chose rare et précieuse entre toutes parmi les êtres marqués par une destinée éclatante - il est resté un bom.me. Une des cboses les plus cruelles que m' ait enseigné l'explrience de 239

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l' bumanité, e' est l'infuence nocive ~t proprement, déshumanisante du pouvoir et de la g!oire su~ ceux qut _en so~t les elus - ?u plutôt les victimes. Suivant l expression populatre, « tls ne se connaissent plus, . ils confondent le personnage et la personne, l'élévation sociale et z~ grandeur intérieure. C'est comme un empoisonnement dont les grands symptômes sont l' enff,ure du moi et l' atrophie de l' âme. - Rien de pareil che{ Salatar; on ne se beurte pas à son moí, mais, à travers le voile de pudeur dont il recouvre ses sentiments, on devine souvent son âme, et le pouvoir pour lui n'est pas un poison, mais un fardeau. j'ai. rarement rencontré un être qui, précisément parce qu'il est resté luimême, soit aussi peu « plein de lui-même >. Le premier principe de la sagesse socratique (nosce teipsum) impregne la vie intérieure de cet homme silencieux et recueilli. Pour en avoir la preuve, il suffit de voir avec quelle lucidité, quelle bonhomie, quel détachement et parfois quelle discrete ironie il parle de sa propre personne et justifie son auvre devant ses adversaires. On écrirait un aâmirable cbapitre de psychologie sur e Salatar, témoin et juge de lui-même ». ll a la légitime fierté de l'auvre accomplie, mais il en avoue modestement les imperfections, et il se garde surtout de tomber dans l'erreur criminelle des dictateurs qui, se croyant nicessaires, oublient si facilement qu'ils ne sont pas éternels. La ferveur qui l'entoure le réchauffe et l' encourage, mais ne le grise pas. A tel point qu'il réagit lui-même contre le mythe du chef unique et infaillible : « f e suis sans doute sensible à l' appui qui m'est donné. Mais je dois rappeler que j'ai toujours lutté - même contre la tenda-nce dominante du moment - pour que nous ne cédions pas à la tentation d'incarner dans un homme l' avenir d' une ceuvre qui, par s01z ampleur, le dépasse. Je ne suis qu'un anneau qui ne veut point se laisser tordre ou briser, un simple anneau d'une chaine qui s'unira à un autre pour le service de la Nation ... > Un autre jour, il dira : « Nous autres Portugais, nous avons tous à peu pres la même stature. > . ll a aussi conscience du terrible danger d'anesthésie morale que fait ~e ser sur les cbefs l'babitude du pouvoir. Loin de se croire i11/aillible, al avoue ses limites et manifeste ses scrupules : « M on settl regret est de_nt pas avoir appris davantage afin de moins me tromper >, déclaret-il à l'Université de Coimbre. Et dans un discours à l'Armée: « En

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'niral l' babitude du pouvoir éniousse un peu la sensibilité. Le che~in pa;couru éloi~ne et est~mpe le point _de dépa~t. Le co~tact av~c les • alités, les intérets, les f aiblesses humaines, enleve certains esp01,rs et rt:ble l'esprit de désillusions, quand il nele décourage pas. Cela arrive ~odes bommes forts et pleins_d' expér~ence par su_ite d~ l' us~re ~u~ la ie produit. Nul ne peut avotr la certttude de ne 7amats avotr f aillt ou ~Jdé. Jl y a quelques instants, en entendant critiquer fort justement des faits qui révelent des ~acun~s à" com~l~r ou d~~ a_bus à r~~~imer ou ~ P"nir, je me demandais mot-meme st 7e ne metais pas de7a con/orme à de pareils égarements, erreurs ou abus, en les considérant comme iné1Jitables et irrépressibles ... > Ces belles paroles rendent un son qui ne trompe pas. L'empereur Marc Aurele se donnait pour regle de vie « d'aller d'une aftaire d'Etat à une autre sans perdre de vue le Dieu intérieur ». Sans vouloir empiéter sur un secret qui n'appartient pas aux hommes, je crois qu'on peut appliquer la même formule à Salaiar, le silencieux et le solitaire. Tout, dans sa vie privée et publique, révele un homme qui, en dépit de tous les obstacles intérieurs et extérieurs, a su conserver son âme vierge et éveillée et la préserver des deux grands dangers qu' entraine l'exercice du pouvoir : la corruption de l' orgueil et la sclérose de l' habitude. Cette sagesse, fondée sur une ela ire connaissance de soi, se prolonge ·chei Salazar en claire vision des choses. Elle est à la base d' un réalisme politique tres spécial> auquel on pourrait sans doute trouver certains anticédents dans l' histoire, mais qui, par sa pondération, sa finesse d'équilibre et surtout par l'esprit qui l'anime, se distingue de tout ce qui l'a précédé. ~n gros, les hommes politiques se divisent en deux grandes catégorzes : les théoriciens et les techniciens ou, si l'on pré/ere, les idéalistes et les matérialistes. Les premiers considerent l' bom me comme un esprit ~r tt les seconds comme une vulgaire mécanique d'intérêts et de pas~1?7's. Lts pseudo-prophetes des démocraties décadentes et les chefs des ~atures marxistes représentent aujourd' hui ces deu~ tendances oppolesquelles d'ailleurs se mêlent hypocritement l'une à l'autre dans · Cntret : chacun sait, par exemple, quels sordides intérêts se dissi-

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mulent sous l' idéalisme démagogique et quels appels retentissants à l' idéal et à l' bérotsme lancent ebaque jour les apôtres du matérialisme dialectique. Mais - cbose tres significative et qu'on n'a peut-être pas assei remarquée - les théoriciens et les techniciens de la politique, si opposés que soient leurs principes, se rejoignent pourtant sur une base commune : la foi au progres illimité de l' humanité et la conviction naive que la simple réforme des institutions doit suffire à éliminer de la vie sociale l'imperfection et le mal, c'est-à-dire à changer la nature même de l'homme. l'idéalisme de 1789 et le matérialisme marxiste de notre époque concordent parfaitement sur ce point. Un optimisme aussi déplacé s'explique d' ailleurs tres bien par la conception de l' homme qui est au point de départ de ces utopies. Il est ici-bas deux choses qui sont extrêmement f aciles à manier et avee lesquelles toutes les combinaisons, toutes les transformations sont possibles : la pensée désincarnée (l'esprit est prompt... ) et la matiere inanimée (les progres fabuleux de la technique sont là pour en témoigner). Si donc l'on réduit l'homme à•l'une de ces deux choses, aucun espoir, fut-ce le plus- insensé, n'est interdit et les plus étranges chimeres peuvent devenir réalité. M alheureusement ces idéologues imbus du pire esprit d' abstraction oublient qu'au confiuent de l' esprit trop prompt et de la matiere trop docile, il y a l' homme, composé mystérieux de l'un et de l'autre, trop matériel pour suivre l'esprit dans son vol et trop spirituel pour épouser la servilité de la matiere. Cet homme - l'homme réel et alttérieur à tous les découpages de l' abstraction - est l' objet de la science politique, et c'est sur lui que se penche la sagesse de Salaiar. e Dans ce monde ou tout se modifie, dit-il, ce qui change le moins, e'est l' homme lui-même. C'est le premier principe d' une saine politique : ne pas vouloir à tout prix adapter l' homm·e aux changements qui bouleversent le monde, mais essayer d' adapter ces changements à la nature éternelle de l' bomme. > Attentive à l'homme total, la politique de Salazar n'est ni idéaliste ni ma.térialiste : elle est réaliste au sens le plus vaste et le plus élevé du mot. Salaiar croit à l' idéal, à la liberté, à l' amour, à toutes les valeurs spirituelles, mais, convaincu comme Ricbelieu que les nations, à la

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àitflrente des individ':'s, font ~r salut exclusivement dans ce monde, . .,,. sur l'incarnatton effecttve plus que sur la proclamation verbale ,1vei~ 1· . le , d ces valeurs. Car, en _po ttiq~e, s resultats comptent plus que les ~tionS, et le chef doit savo~r ca~culer la ~uantité d'idéal que peut f)f>Orttr le réel et la dose de liberte compattble avec la sauvegarde de :~orité et le maintien de l' ordre. Et que, dans ce domaine, la plus t,elle réussite soit encore une cote assei mal taillée entre des exigences . ,ompli~ntaires en droit, mais souvent opposées en fait, c'est la rançon ,h l'infirmité bumaine qui pese plus lourdement encore sur la vie des citis que sur celle des individus. e Gardons-nous d' ébranler les colonnes du T emple, disait C hateaubrúmd: on peut abattre sur soi. l'avenir. > S'il me fallait condenser dans une formule l'attitude sociale et politique de Salaiar, je dirais : conserver pour renover. Sauver le passé, non pas comme une piece de musée ou un monument funéraire, mais comme la matrice vivante du futur.

On a reproché à Sala-rar d' être pessimiste en face des grands courants d'idées et de maurs qui, aujourd'hui, accélerent et modifient le cours dt l'Histt>ire. Nous avons vu pourquoi il ne pouvait pas être optimiste à la maniere de ceux qui traitent l' bomme comme un ange ou une machine. Ce qu'on nomme son pessimisme, je l'appellerais plutôt prudntce, lucidité, sens du possible. Il ne re/use pas le changement, il ne P,étend pas que l'évolution de son pays s'arrête à sa personne et à son ftvre. ll craint seulement de lâcher la proie pour l' ombre et redoute de ~yer trop cher des transforntations dont la valeur reste encore à dé~rer .: « L'bumanité finit toujours par trouver sa voie. Là n'est ~ , k P,obleme. Il consiste à ce qu'elle la trouve nette de ruines et tÜJtree des souffrances sans nombre et sans égales qui sont le prix par élevf _de certains tournants de l' Histoire. > tique°"'. evite, cette rançon trop certaine de biens encore probléniatra s, il l~u~ r~corder l'avenir au passé et ne pas introduire dans la l ht~totre ces solutions de continuité qui sont la nigation rive > d' Ia_vie. e Le mal qu'on fait est lourd plus que k bien qu'on H"go ~sa~, da~s un éclair de bon sens, le vieux démocrate Victor revolutwnnaires impatients pour qui rénover consiste d' abord

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à détruire. C'est dans le même sens que Salazar répcmdit à certains de ses adversaires politiques qui avaient osé dire, lors de la campagne électorale de 1949 : détruire ce qui existe; pour le reste, on verra apres : e M ots effrayants à entendre : détruire, le reste... Mais le reste est tout : e'est la vie, la santé, le travail des Portugais; e' est la sécurité des familles et des foyers; e' est le progres du pays ... e' est l' aspiration à la culture et au bien-être, e' est l' ordre public et la ;ustice dans les rapports sociaux. Le reste? Mais le reste, c'est les intérêts, les problemes et la vie de la nation, e' est son âme, son genre de civilisation et de culture, son bistoire et son rayonnement dans le monde ... son prestige, sa dignité ... > Salazar, réformateur des institutions, respecte comme ses a'ieux paysans la lenteur et la continuité de la vie (natura non facit saltus ... ) ; il ne prétend pas, à la maniere d'un Dieu créateur et tout-puissant, repartir de z:éro ni féconder le néant : il essaye patiemment de greff er ce qui doit être sur ce qui est déià. ll ne suffit pas, pour déclencher son action, qu'une réforme lui semble soubaitable : il travaille d'abord à la rendre possible. Et sa sagesse n'ignore pas que cette marge de possibilités, plus ou moins vaste selon l' état des esprits et la con;oncture bistorique, n'est ;amais illimitée. « La politique est un domaine dont l' absolu, e'est-à-dire l' illimité, est exclu partout. > Ceux qui nient les limites du pouvoir bumain et veulent réali ser l' absolu n' aboutissent qu'à la destruction du relati!. Le mot de H olderiin : « La société devient un enfer dans la mesure ou l' on veut en faire un paradis », a reçu, depuis l' époque ou il fut prononcé, les confi,rmations les plus douloureusement éclatantes. Salazar ne veut pas faire du Portugal un paradis : son ambition se limite à rendre babitable le coin de terre dont le destin lui a confié la garde . . ll ne. se paye ;amais de fausse monnaie, et toutes les formes d'in~ation lu.i font borreur - à commencer par l'infl,ation verbale. Il sait trop ~u~ ce qui se cacbe derriere le « rideau de fumée > déployé par certains intellectuels révolutionnaires et ;usqu'à quel point suivant le mot ~e l' Ecriture, le mensonge le plus doux à la boucbe e;t amer aux entr~tlles. Les promesses creu.ses, les plans cbimériques, l' appel aux passions les plus troubles - tout l' arsenal des bateleurs et des illusion-

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. é nt à son contact. ll lui suffit de nistes de la démagogie retourne au n ª d p uple dont la tactique, deux mots pour liquider ces corrupteurs. u ,.e . e> 1 dit-il « consiste à nier l'évidence et à exiger impossib~ · , rtés les Fdce à ses adversaires, Salazar refute les rêves par e_s rea ' ' . l mots par les faits. Peu lui importe qu'u:ne valeur bumaine 0 ~ .sfc:~ ~ soit proclamée en paroles sonores ou coucbf~ dans un texte legts ª t/Á ce qui l'intéresse, c'est la façon dont elle s incarne da~s. les ~urs. ceux qui, juste apres !a ~n d~ la seco~d~ guerr~ mond~ale, lut ~epr~; cbaient, dans l'eupborie victorieuse des tdees « deniocratiques >, d avoi_ restreint les libertés du peuple portugais, il répondit par cette admirable leçon de vrai réalisme politique : e L'expérience que nous avons acquise nous a appris qu'en matiere des libertés publiques, s'il Y a quelque intérêt à savoir dans quelle mesure elles sont reconnues, leur garantie effectroe importe bien davantage. Autant dire que ces libertés n'intéressent que pour autant qu'elles puissent être exercées, et non dans la mesure ou elles sont promulguées ... Si l' on considere le probleme sous ce jour, qui est son jour véritable, deux conclusions s'imposent: l'une, de l'ordre des faits, est qu'en Portugal on jouit de nos jours de plus de liberté que jadis; l'autre, sur le plan des principes, que le degré des libertés publiques réelles dépend de la capacité des citoyens et non d'une concession magnanime de l'Etat. ~ e Vous les connaitret à leurs fruits > : cette vérité évangélique

s'appli~~ peut-être e~core _P~us aux r!gi~s ~o~itiques (dont les fruits sont visibles et se cueillent tct-bas) qu aux tndtvtdus dont les intentions secretes n'apparaitront que dans la vie éternelle. ll suf fit de mettre en balance deux quarts de siec~ d~ z:hist~ir~ ~ortugaise, celui que domine la figure de Salaiar et celut qut la precede, pour distinguer le plat b ,d . d h . eau. e arge u gra_in es ~ o~es de celut qu'emplit la paille des mots. Salara~ son~~ motns. à definir et à proclamer les libertés du peuple portugais qu a conduire ce peuple au degré de maturité qui rend f , . . . . . ,, sans péril l' .' usage de la l t'bert,e. Les démagogues qui exaltent, lecvnu. l'b et, sans culti.ver le_ terrain humain ou elle germe ressemblent à c:l '. ert~ voulant mstruire un ignorant, lui ferait cadeau d' . . ui qui, sans songer à lui apprendre d' abord à zire · une btbliotbeque ...

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Ce souci du bi.en réel de l' bomme réel est au centre de la politique de Salatar et lui assigne une place unique parmi les hommes d' Etat. Ce qui le préoccupe avant tout, ce sont les valeurs de l' esprit et de l'âme, et tout le pbénomene social élémentaire et spontané que l'autorité de r Etat peut aider ou contrarier, mais jamais suppléer. Et ce qui l'angoisse, e'est le déclin de ces mêmes valeurs éternelles : cette érosion de la nature bumaine, cet effritement des maurs et des traditions qui transforme les individus en atomes anonymes et interchangeables. Nul n'est plus bostile au mythe de l' Etat totalitaire que ce prétendu dictateur. I l ne conçoit l' Etat qu'en fonction de l' homme à sauver et à épanouir; les institutions et les lois ne l'intéressent que comme gardiennes des maurs et des âmes. Ce n'est pas lui qui confondra le fieuve et la digue, la plante, et son tuteur! Et cependant, objectera-t-on, Salarar exerce sur son pays une autorité rigoureuse et l' Etat portugais est un Etat f ort qui contrôle de tres pres les diverses activités de la nation. Sans doute, mais à titre de remtde ou de régime plutôt que d' aliment proprement dit. Le renforcement de l' autorité de l' Etat, opéré par Salarar, ne correspond pas à son idéal politique, mais aux dures nécessités imposées par le malbeur des temps. C'est un fait d'expérience que les hommes actuels, de plus en plus arracbés à leurs cadres naturels, dépendent, dans cette mesure même, de superstructures inspirées ou imposées par le pouvoir central : u,u plante a d' autant plus besoin d' un tuteur que ses racines sont plus fragiles. « La constitution de la famille, constate Salazar, l'organisation religieuse, l' économie privée, l' association spontanée et volontaire pour des fins culturelles, morales, sportives ... tout semble osciller au souf fle salutaire ou maléfique du Pouvoir et en dépend effectivement. > C'est le paradoxe de nutre époque que le pouvoir central ait san_s cesse besoin de ranimer et de contrôler des organismes sociaux q~i, norm~lement; devraient lui servir de contrepoids et de frein. Ce n~st certa~nement pas un bien dont on doive se réjouir, mais c'est un fatt dont tl est nécessaire de tenir compte. ~lus enc°:~ : si l' Etat moderne doit être fort pour soutenir les aspiratwns f 0sit ives de l' homme, il doit l' être également pour neutralis,r ou corriger ses tendance , tives. • Car les etres ,. . · s nega déracinés que nous

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~o~~s sont plus facilen,,ent qu'autrefois la proie de leurs démons

interieurs et des mille infl,uences nocives qui les agitent du dehors . Salaiar sent parfaitement le nouveau devoir que ce danger impose à l' Etat : « Les désirs immodérés, le mirage du bonheur par la richesse, l'aspiration au nouveau et à l'inconnu, la soif de ;ouissance, l'ambition de l'inaccessible, l'instabilité des idées et des sentiments, tout cela caractérise une époque maladive et entraine des dif ficultés contre lesquelles il con.vient d' être prémuni. > - Dans la confusion actuelle des idées et des sentiments, ce dont le peuple a envie coincide moins que jamais avec ce dont le peuple a besoin, et c'est souvent malgré eux qu'il faut sauver les hommes. Le tuteur ne supplée pas seulement à la fragilité des racines, il protege aussi l'arbre contre les rafales du vent ... ll faut d'ailleurs une forte dose d'ignorance ou de mauvaise foi pour oser contester, au nom d'une liberté chimérique, une autorité aussi paternelle que celle de Salaiar. Le Portugal était-il donc si libre au temps de la République de 191 o - et n'a-t-il pas connu pendant quinie ans les pires tyrannies, celles qui entravent le bien et déchainent le mal: dictature pourrie des partis politiques et dictature sanglante des révolutions ! Et n'est-il pas plaisant de voir maintenant les loups privés de leur proie reprocher au berger ses abus de pouvoir? Platon, dans sa hiérarchie des types humains, place au premier rang l' homme politique, serviteur de la Cité, et au dernier le démagogue ou fl,atteur du peuple. Si les mots de politique et de politicien ont pris aujourd' hui un sens péjoratif, e' est sans doute parce que la plupart de ceux qui exercent ou recherchent le pouvoir inclinent vers le second type plutôt que vers le premier. Salaiar, sauveur et gardien d'un peuple, restitue à la fonction politique sa pureté originelle. Depuis vingt-cinq ans, sa vie n'a été qu'un sacrifice ininterrompu de sa personne à son auvre, et cette auvre ellemême n'est dans son esprit qu'un moyen ordonné à une fin plus pro/onde : le salut de valeurs matérielles et spirituelles qui dépassent la politique, mais qui en dépendent, et dont l' ensemble constitue l' âme d'une nation, milieu ou baignent et se développent les âmes des individus jusqu'à ce qu'elles émergent dans l'éternité. A l'beure ou, dans

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D'ACT,ION

tant de pays, le f ossé entre le pouvoir politique et les vraies réalités nationales se creuse toujours davantage, la personne et l'