Plasmas créés par laser: GÉNÉRALITÉS ET APPLICATIONS CHOISIES 9782759825899

Parallèlement au développement des lasers de puissance, la physique des plasmas créés par laser n’a cessé de progresser

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Plasmas créés par laser: GÉNÉRALITÉS ET APPLICATIONS CHOISIES
 9782759825899

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Patrick Mora

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Dans la même collection Comprenons-nous vraiment la mécanique quantique ? 2e édition Franck Laloë Mécanique Quantique - Tomes 1, 2 et 3 - Nouvelle édition Claude Cohen-Tannoudji, Bernard Diu et Franck Laloë La théorie statistique des champs François David Physique quantique, information et calcul Pascal Degiovanni, Natacha Portier, Clément Cabart, Alexandre Feller et Benjamin Roussel Le temps dans la géolocalisation par satellites Pierre Spagnou et Sébastien Trilles Retrouvez tous nos ouvrages et nos collections sur http://laboutique.edpsciences.fr Illustration de couverture : Infographie de fusion, CEA. Les faisceaux laser sont dirigés, au travers de deux trous, vers la paroi interne d’une cavité ; le rayonnement X émis par ces parois implose ensuite la bille remplie de deutériumtritium placée au centre de la cavité. Imprimé en France c 2021, EDP Sciences, 17, avenue du Hoggar, BP 112, Parc d’activités de

Courtabœuf, 91944 Les Ulis Cedex A et CNRS Éditions, 15, rue Malebranche, 75005 Paris. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’éditeur. S’adresser au : Centre français d’exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris. Tél. : 01 43 26 95 35. EDP Sciences ISBN (papier) : 978-2-7598-2477-9, ISBN (ebook) : 978-2-7598-2589-9 CNRS Éditions ISBN (papier) : 978-2-271-13779-1, ISBN (ebook) : 978-2-271-13781-4

Avant-propos Ce livre s’adresse aux étudiants de master, aux doctorants ou aux chercheurs s’intéressant aux plasmas créés par laser et à leurs applications. C’est un domaine qui s’est développé depuis une cinquantaine d’années environ, au départ dans le contexte de la fusion thermonucléaire contrôlée par confinement inertiel. Le laser constituait en effet une source d’énergie de premier choix pour porter le combustible composé d’isotopes de l’hydrogène aux conditions de densité et de température permettant le déclenchement de réactions de fusion. La physique du domaine est apparue progressivement plus riche et plus complexe que ses promoteurs ne l’avaient imaginé, tandis que d’autres applications que la fusion par confinement inertiel sont apparues. C’est particulièrement le cas dans le contexte des impulsions laser ultra-courtes et ultra-intenses, fruits du concept d’amplification par dérive de fréquence mis en œuvre par G. Mourou et D. Strickland. On peut citer comme exemple l’accélération laser de particules dans les plasmas. Alors que des milliers de chercheurs sont actifs sur ces sujets à travers le monde, dont plusieurs centaines en France, autour du Laser Mégajoule de la région de Bordeaux ou des grandes installations laser du plateau de Saclay, il existe très peu d’ouvrages en présentant les notions les plus essentielles. On peut citer The physics of laser plasma interactions de W. Kruer, paru en 1988, et La fusion thermonucléaire inertielle par laser, ouvrage collectif en plusieurs volumes édité par R. Dautray et J. P. Watteau, paru en 1993. Depuis bientôt trente ans donc, aucun livre n’est venu répondre au besoin souvent exprimé d’un ouvrage de référence qui puisse servir aussi bien à l’étudiant qui aborde le sujet en master qu’au chercheur confirmé qui veut rafraîchir ses connaissances. Le présent travail essaye, au moins partiellement, de combler cette lacune. Il a été constitué à partir de polycopiés correspondant à des cours donnés dans différents cadres depuis une quarantaine d’années, qu’il s’agisse d’enseignements de master, d’enseignements donnés à l’École polytechnique, ou encore dans diverses Écoles d’été. L’ouvrage comporte trois parties. L’objectif est tout d’abord, dans une première partie, de rappeler les notions de base de physique des plasmas nécessaires dans le contexte. Ainsi, on présente les paramètres caractéristiques des plasmas chauds (longueurs, fréquences, etc.), puis les principaux outils d’étude des plasmas (fonctions de distribution et équations cinétiques, grandeurs hydrodynamiques et équations fluides). Les ondes

IV

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

électrostatiques et électromagnétiques en plasma non magnétisé et non collisionnel sont ensuite étudiées, ainsi que l’amortissement des premières par interaction onde-particule (effet Landau). Suit une présentation succincte de quelques instabilités comme l’instabilité à deux faisceaux ou l’instabilité faisceau-plasma. Quelques résultats sur le transport électronique dans les plasmas non magnétisés sont établis, en régime linéaire, d’une part, et en régime non linéaire et non local, d’autre part, ce dernier point constituant déjà une petite incursion dans le domaine spécifique de l’interaction entre un laser à haute intensité et un plasma. La deuxième partie se focalise davantage sur la physique de l’interaction laser-plasma, avec d’abord une présentation de l’hydrodynamique des plasmas créés par laser et de leur expansion dans le vide. C’est bien l’absorption de l’énergie des ondes électromagnétiques par le plasma qui déclenche sa mise en mouvement, et l’exposé se poursuit par un approfondissement sur les mécanismes d’absorption, incluant en particulier l’absorption collisionnelle et l’absorption résonnante. Puis sont abordés divers aspects non linéaires liés à la haute intensité de l’onde laser, comme la force pondéromotrice ou les instabilités paramétriques dues aux ondes de grande amplitude. Au-delà encore, on aborde le domaine relativiste, quand la vitesse des électrons dans le champ électromagnétique devient comparable à la vitesse de la lumière, un domaine rendu accessible par le développement des lasers ultra-courts et ultra-intenses. Cette partie s’achève avec la présentation du concept d’accélération laser de particules (essentiellement d’électrons) dans les plasmas. La fusion thermonucléaire contrôlée par confinement inertiel est l’une des applications principales de l’interaction laser-plasma, et la troisième et dernière partie est consacrée à sa présentation : après les rappels nécessaires sur la fusion thermonucléaire contrôlée et sur les critères de fonctionnement d’un réacteur à fusion, on présente les principes du confinement inertiel, en détaillant en particulier la notion d’allumage thermonucléaire. Les chocs jouent un rôle important dans le schéma du confinement inertiel, et c’est ici l’occasion de présenter les principales notions correspondantes, comme les relations d’Hugoniot. La voie de la fusion par confinement inertiel est semée d’embûches, parmi lesquelles on retrouve le transport thermique électronique non local ou les instabilités paramétriques déjà évoquées dans les parties précédentes, mais aussi les instabilités hydrodynamiques (du type Rayleigh-Taylor), qu’on aborde ici. Enfin, le dernier chapitre porte sur l’hydrodynamique radiative, quand le rayonnement devient suffisamment important pour peser sur l’impulsion et l’énergie du système. Dans le choix des sujets traités dans cet ouvrage, il y a une part d’arbitraire, mais les restrictions qui ont été faites permettent de lui garder une taille raisonnable. Par exemple, les aspects liés à une éventuelle magnétisation du plasma ne seront pratiquement pas abordés. Le sujet est traité de façon relativement abondante dans d’autres ouvrages, par exemple ceux dévolus à la fusion thermonucléaire contrôlée par confinement magnétique. Autre « oubli » : la physique atomique des plasmas chauds. Le parti pris est ici d’ignorer

Avant-propos

V

les détails de la structure atomique des ions constituant le plasma, ce qui reste raisonnable tant qu’on a affaire à des ions de faible numéro atomique. Enfin, l’objectif étant de présenter ici les concepts théoriques des plasmas créés par laser, les aspects proprement expérimentaux seront largement négligés. Quant à la bibliographie, elle est volontairement réduite, l’objectif n’étant pas de fournir une liste exhaustive et parfois difficilement exploitable de tous les articles parus sur le sujet. L’auteur prie les lecteurs ainsi que les collègues éventuellement froissés de bien vouloir l’excuser de toutes ces imperfections. Il espère qu’ils pourront malgré tout tirer bénéfice de la lecture de cet ouvrage. Il me faut ici citer les établissements dans lesquels j’ai effectué mes recherches, le CNRS, le CEA, et l’École polytechnique, remercier les collègues qui, à un moment ou un autre, m’ont apporté leur concours, Jean-Claude Adam, François Amiranoff, Tom Antonsen, Patrick Audebert, Sophie Baton, Mourad Bendib, Benoît Canaud, Piero Chessa, Arnaud Couairon, Sylvie Depierreux, Julien Fuchs, Thomas Grismayer, Sophie Guérin, Anne Héron, Stefan Hüller, Sylvie Jacquemot, Christine Labaune, Guy Laval, Jean-François Luciani, Victor Malka, Denis Pesme, Brice Quesnel, Caterina Riconda, Andrei Solodov et Jean Virmont, et rendre hommage à ceux d’entre eux qui ont disparu, Édouard Fabre, Leonid Gorbunov et René Pellat. Enfin, je veux remercier Francine Mora-Lebrun pour une relecture très attentive du manuscrit. Patrick Mora Centre de physique théorique Centre national de la recherche scientifique École polytechnique, Institut polytechnique de Paris

Table des matières Avant-propos

III

1 Introduction 1.1 Qu’est-ce qu’un plasma? . . . . . . . . . . . . . 1.2 Équilibre d’ionisation et loi de Saha . . . . . . 1.3 Température de Fermi . . . . . . . . . . . . . . 1.4 Paramètre de couplage . . . . . . . . . . . . . . 1.5 Fréquences plasmas électroniques et ioniques . 1.6 Longueur de Debye et effet d’écran . . . . . . . 1.7 Collisions coulombiennes . . . . . . . . . . . . . 1.8 Libre parcours moyen collisionnel . . . . . . . . 1.9 Fréquences cyclotroniques et rayons de Larmor

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3 3 4 6 7 8 10 12 15 16

2 Description cinétique et description fluide 2.1 Description cinétique . . . . . . . . . . . . . 2.2 Équation de Vlasov . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Effet des corrélations . . . . . . . . . . . . . 2.4 Grandeurs hydrodynamiques . . . . . . . . 2.5 Équations hydrodynamiques . . . . . . . . . 2.6 Équations pour le fluide global . . . . . . . 2.7 Fermeture des équations fluides . . . . . . .

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3 Ondes dans les plasmas non magnétisés 3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Équations de propagation pour E and B . . . . . . . . 3.3 Réponse diélectrique d’un plasma froid non collisionnel 3.4 Ondes électromagnétiques . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5 Ondes plasmas électroniques . . . . . . . . . . . . . . . 3.6 Ondes acoustiques ioniques . . . . . . . . . . . . . . . 3.7 Ondes électrostatiques : approche utilisant . . . . . . l’équation de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.8 Théorie cinétique et contour de Landau . . . . . . . . 3.9 Théorie cinétique des ondes plasmas électroniques . . . 3.10 Théorie cinétique des ondes acoustiques ioniques . . . 3.11 Interaction onde-particule et piégeage . . . . . . . . . 3.12 Ondes acoustiques électroniques . . . . . . . . . . . . . 3.13 Ondes plasmas électroniques de grande amplitude . . et limite de déferlement . . . . . . . . . . . . . . . . .

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33 33 34 35 36 39 42 45 45 48 50 51 54 56

VIII

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

4 Instabilités 4.1 Instabilité à deux faisceaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Instabilité faisceau-plasma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 Instabilité faisceau chaud-plasma . . . . . . . . . . . . . . . . .

63 63 66 69

5 Transport thermique électronique 5.1 Théorie linéaire ; loi de Spitzer-Härm . . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Validité de la théorie linéaire ; flux limite . . . . . . . . . . . . 5.3 Théorie non locale du transport . . . . . . . . . . . . . . . . . .

71 71 74 76

6 Hydrodynamique des plasmas créés par laser 6.1 Structure d’un écoulement créé l’interaction laser-cible solide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2 L’écoulement isotherme auto-semblable . . . . . . . . . 6.3 Structure de la zone de conduction . . . . . . . . . . .

81 . . . .

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7 Absorption des ondes électromagnétiques 7.1 Réponse diélectrique d’un plasma faiblement collisionnel . . 7.2 Absorption collisionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3 Propagation en plasma inhomogène : l’approximation BKW 7.4 Solution d’Airy au voisinage de la densité critique . . . . . 7.5 Absorption dans un gradient de densité . . . . . . . . . . . 7.6 Couplage absorption-hydrodynamique-transport . . . . . . . 7.7 Incidence oblique et absorption résonnante . . . . . . . . . .

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91 . 91 . 94 . 95 . 98 . 100 . 101 . 103

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109 109 110 112 114 116 120 123 123 125

8 Interaction laser-plasma en régime non linéaire 8.1 Pression de rayonnement . . . . . . . . . . . . . . 8.2 Force pondéromotrice: approche particulaire . . . 8.3 Force pondéromotrice : approche fluide . . . . . . 8.4 Couplage d’ondes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.5 Diffusion Raman stimulée . . . . . . . . . . . . . 8.6 Diffusion Brillouin stimulée . . . . . . . . . . . . 8.7 Instabilité deux-plasmons . . . . . . . . . . . . . 8.8 Filamentation et autofocalisation . . . . . . . . . 8.9 Remarques finales . . . . . . . . . . . . . . . . .

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9 Effets relativistes dans le régime ultra-intense 127 9.1 Mouvement d’un électron libre dans une onde ultra-intense . . 127 9.2 Indice de réfraction en régime relativiste et transparence induite 131 9.3 Autofocalisation relativiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 9.4 Force pondéromotrice relativiste . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 9.5 Instabilités électroniques en régime relativiste . . . . . . . . . . 137 9.6 Création d’électrons relativistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

IX

Table des matières 10 Accélération d’électrons 10.1 Accélération dans le vide . . . . . . . . . . . 10.2 Sillage relativiste dans un plasma peu dense 10.3 Régime de sillage linéaire . . . . . . . . . . 10.4 Cas d’une impulsion gaussienne . . . . . . . 10.5 Traitement de la dépendance radiale . . . . 10.6 Mouvement d’un électron en géométrie 1D . 10.7 Mouvement dans une onde sinusoïdale . . . 10.8 Accélération d’une particule ultrarelativiste 10.9 Régime de sillage non linéaire 1D . . . . . . 10.10 Régimes non-linéaires 3D . . . . . . . . . . 10.11 Discussion finale . . . . . . . . . . . . . . .

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141 141 142 144 147 148 148 151 152 153 159 160

11 Fusion thermonucléaire 11.1 Réactions de fusion . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 Section efficace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.3 Forme de la section efficace σ(E) . . . . . . . . . 11.4 Facteur de Gamow . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.5 Facteur nucléaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.6 Taux thermonucléaire . . . . . . . . . . . . . . . 11.7 Comparaison des différentes réactions . . . . . . 11.8 Critères de fonctionnement d’un réacteur à fusion 11.9 Critère sur nτ T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.10 Les deux voies de la fusion . . . . . . . . . . . .

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163 163 165 165 166 167 167 170 171 174 174

12 Confinement inertiel 12.1 Le paramètre de confinement ρR . . . . . . . . 12.2 Fraction brûlée et gain . . . . . . . . . . . . . . 12.3 Nécessité d’une compression . . . . . . . . . . . 12.4 Allumage par point chaud . . . . . . . . . . . . 12.5 Nouvelle évaluation de l’énergie du combustible 12.6 La phase d’implosion . . . . . . . . . . . . . . . 12.7 L’effet fusée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12.8 Autres approches . . . . . . . . . . . . . . . . .

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177 177 179 181 182 185 186 188 189

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191 191 193 194 197 198

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13 Notions sur les chocs 13.1 Choc dû à un piston de vitesse uniforme rentrant 13.2 Relations et courbes d’Hugoniot . . . . . . . . . . 13.3 Ondes de choc de faible intensité . . . . . . . . . 13.4 Forme des équations dans le référentiel du choc . 13.5 Cas du gaz parfait . . . . . . . . . . . . . . . . .

dans . . . . . . . . . . . .

un gaz . . . . . . . . . . . . . . . .

X

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

14 Instabilités hydrodynamiques 14.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14.2 Instabilité de Rayleigh-Taylor : l’analogie mécanique . . . . . 14.3 Instabilité de Rayleigh-Taylor : cas de fluides incompressibles 14.4 Instabilité de Rayleigh-Taylor en FCI . . . . . . . . . . . . . . 14.5 Instabilités de Richtmyer-Meshkov et de Kelvin-Helmoltz . .

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201 201 202 203 206 207

15 Hydrodynamique radiative 15.1 Description particulaire du rayonnement . 15.2 Rayonnement d’équilibre . . . . . . . . . . 15.3 Équation de transfert radiatif . . . . . . . 15.4 Équations de l’hydrodynamique radiative 15.5 Chocs radiatifs . . . . . . . . . . . . . . .

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209 209 211 212 214 215

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Bibliographie

217

Index

221

Chapitre 1 Introduction Dans ce chapitre, on se pose d’abord la question des domaines de densité et de température qui correspondent à l’état « plasma ». Puis, on présente les principales fréquences et longueurs caractéristiques qui interviennent en physique des plasmas.

1.1

Qu’est-ce qu’un plasma ?

Un plasma peut être défini comme tout système physique contenant des particules chargées, électrons libres et ions, en proportion suffisante pour que le comportement du système présente un caractère collectif dû aux interactions électromagnétiques [1, 2, 3]. Le comportement collectif du plasma peut être associé au fait qu’une particule donnée est en interaction avec l’ensemble des autres particules (et pas seulement avec les particules les plus proches comme dans le cas d’un gaz ou d’un liquide). Ce comportement est essentiellement dû au caractère longue portée des forces d’interaction coulombiennes. Soit V (r) le potentiel coulombien entre deux particules de charges q1 et q2 : q1 q2 , 4πǫ0 r

V (r) =

(1.1)

où r est la distance entre les deux particules. Calculons l’énergie d’interaction dW d’un électron particulier avec les électrons situés à la distance r, à dr près : dWee ≃

e 2 ne r dr, ǫ0

(1.2)

où ne est la densité électronique (nombre d’électrons par unité de volume), supposée homogène. On constate que cette quantité diverge quand r tend vers l’infini, et qu’a fortiori l’énergie d’interaction d’un électron avec l’ensemble des autres électrons diverge. C’est l’une des manifestations du caractère longue portée des forces d’interaction. Si cependant on tient compte également de l’énergie d’interaction de l’électron considéré avec les ions, le terme correspondant dWei compense exactement dWee si la neutralité électrique est vérifiée, 3

4

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

c’est-à-dire si ne = Zni , où Z est la charge électrique de chaque ion et ni la densité ionique. En revanche, à tout écart à la neutralité électrique correspond une énergie électrostatique qui croît rapidement avec la taille de la zone concernée. En règle générale, un plasma est quasi neutre à l’échelle macroscopique, c’est-à-dire qu’il y a approximativement autant de charges positives que de charges négatives, tandis que la quasi-neutralité peut éventuellement être violée à courte échelle. Le terme plasma recouvre en fait des systèmes physiques très variés, suivant la densité de particules et la température. Le type de physique mis en jeu dépend évidemment du type de plasma étudié. Disons simplement que jusque vers les années 1950 l’étude des plasmas de laboratoire était limitée à celle des décharges dans les gaz. On avait alors affaire à des plasmas partiellement ionisés, où une proportion importante des atomes ou molécules constituant le gaz restaient à l’état de particules neutres. De nombreuses contributions à la compréhension des phénomènes de base de la physique des plasmas venaient également des astrophysiciens et des géophysiciens. L’essor de la physique des plasmas actuelle date plutôt des années 1950 et du développement des recherches sur la fusion thermonucléaire contrôlée. Les plasmas mis en jeu sont en général complètement ionisés, au sens où pratiquement tous les atomes ont perdu au moins un électron, éventuellement plusieurs (on parle alors d’ions multichargés).

1.2

Équilibre d’ionisation et loi de Saha

Si on chauffe suffisamment un gaz moléculaire, les chocs entre les molécules vont conduire à une dissociation des molécules, et de gaz moléculaire on va passer à un gaz atomique. Si on chauffe davantage encore le gaz, les atomes vont progressivement s’ioniser donnant naissance à des électrons libres et à des ions positifs. Dans cette situation, on veut connaître le taux d’ionisation. Considérons donc un système simplifié où des atomes neutres, des atomes ionisés une fois et des électrons sont en équilibre suivant la réaction : A ↔ A+ + e− .

(1.3)

On montre, à l’aide des outils habituels de physique statistique, que, à l’équilibre thermodynamique à la température T , on a (loi de Saha) :   ne ni ge gi (2πme kB T )3/2 Ui = exp − , n0 g0 h3 kB T

(1.4)

où n0 est la densité d’atomes neutres, g0 , gi et ge sont les poids statistiques de l’atome neutre, de l’atome ionisé et de l’électron (ge = 2), me la masse de l’électron, kB la constante de Boltzmann, h la constante de Planck, et Ui l’énergie d’ionisation à partir du niveau d’énergie fondamental de l’atome A.

5

Introduction

Pour les plasmas où des ions multichargés peuvent apparaître et coexister avec des états de charge différents, l’analyse de chaque équilibre du type : Aj+ ↔ A(j+1)+ + e−

(1.5)

donne lieu à une loi de Saha où ne nj+1 /nj est une fonction de la température analogue à celle apparaissant à droite de l’équation (1.4) (ici nj est la densité des ions de charge j). Notons que la loi (1.4) indique que le taux d’ionisation τ = ni /(ni + n0 ) croît avec la température T , mais décroît avec la densité totale ni + n0 . Le comportement en densité est peut-être moins intuitif que le comportement en température, mais se retrouve quand on analyse l’ionisation par collision entre deux atomes neutres et le processus inverse correspondant, c’est-à-dire la recombinaison par collision triple atome-ion-électron. L’accroissement de la densité augmente certes la fréquence des collisions ionisantes, processus à deux corps, mais plus encore la fréquence des recombinaisons, processus à trois corps, déplaçant ainsi l’équilibre (1.3) vers la gauche. Ces deux processus ne sont pas les seuls mis en jeu, mais, grâce au principe du bilan détaillé (chaque processus est équilibré par le processus inverse qui lui est propre), ils permettent de prédire l’équilibre atteint en les considérant de façon isolée des autres. L’ionisation peut également être due à une collision d’un atome avec un ion ou un électron libre, ou bien encore avec un photon (photoionisation), et la recombinaison à des collisions à trois corps n’impliquant que des particules chargées, ou bien à des collisions électron-ion avec émission d’un photon (recombinaison radiative). Dans le cas de l’hydrogène, l’énergie d’ionisation est donnée par Ui ≈ 1 4 2 m e e /(4πǫ0 ~) ≈ 13.6 eV. À noter toutefois que l’environnement de chaque 2 atome est perturbé par les particules voisines, électrons, ions et autres atomes, particulièrement quand la densité est élevée. Un des effets de ces perturbations est de modifier le spectre des niveaux d’énergie excités de l’atome, en abaissant l’énergie d’ionisation et en faisant disparaître les niveaux les plus excités de nombre quantique principal n supérieur à une certaine valeur critique nmax . 1 Pour l’atome neutre, en tenant compte du niveau fondamental n = 1 et des niveaux excités n > 2, la quantité g0 correspond à une fonction de partition donnée par : ( g0 ≈ 4 1 +

nX max n=2

   ) 1 U i n2 exp − 1 − 2 , n kB T

(1.6)

la somme étant limitée à n 6 nmax du fait de l’environnement. En général, les états excités restent faiblement peuplés et on se contente du terme corres1. D’une part, les particules chargées du voisinage écrantent partiellement le potentiel du noyau central, comme on le verra plus loin. D’autre part, dans un potentiel coulombien, l’extension spatiale des états de nombre quantique principal n varie comme n2 . Quand cette extension excède la distance interatomique, on ne peut plus considérer l’atome comme isolé.

6

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

pondant au fondamental, n = 1, ce qui donne g0 ≈ 4. Par ailleurs, le poids statistique du proton est gi = 2, et donc gi /g0 ≈ 1/2. 2 La figure 1.1 montre, dans le plan (n, T ), la courbe correspondant à un taux d’ionisation de 50 %, pour les densités inférieures à 1029 m−3 , pour l’hydrogène. Au-delà de 1029 m−3 , en effet, les protons sont trop proches les uns des autres pour que les états liés puissent être bien identifiés.

Fig. 1.1 – Équilibre d’ionisation pour l’hydrogène et température de Fermi. On a tracé dans le plan densité-température à la fois la courbe correspondant à un taux d’ionisation de 50 % (τ = 0.5), pour les densités inférieures à 1029 m−3 , et la courbe correspondant à la température de Fermi (T = TF ) pour les densités supérieures à 1029 m−3 . On a également représenté en pointillés les droites correspondant aux paramètres de couplage Γ = 10−3 , 10−2 , et 0.1.

1.3

Température de Fermi

À forte densité, quand la distance entre les atomes ou les ions est comparable ou a fortiori plus petite que deux fois le rayon de Bohr a0 = 4πǫ0 ~2 /me e2 ≈ 0.53 × 10−10 m−3 , l’orbitale atomique ne dispose plus du volume suffisant pour pouvoir se déployer, les électrons des couches extérieures se délocalisent et la loi de Saha perd sa validité. La question pertinente devient celle de la dégénérescence des électrons. Si on considère ces électrons comme libres, la dégénérescence est déterminée par le rapport de la température T à la température de Fermi TF donnée par : TF =

1 8

 2/3 3 h2 n2/3 . π kB me e

(1.7)

2. Si on oublie le spin du proton, aussi bien pour les protons appartenant aux atomes que pour les protons à l’état d’ions, alors g0 ≈ 2 et gi = 1, et le rapport gi /g0 reste égal à 1/2.

7

Introduction Numériquement, on a 3 :  TF (eV) ≃ 36.5

ne (m−3 ) 1030

2/3 (1.8)

.

Si T ≫ TF les électrons sont classiques, tandis que si T . TF les effets de dégénérescence des électrons doivent être pris en compte. Ainsi, à faible densité, les effets quantiques se traduisent par la recombinaison des électrons et des ions, tandis qu’à forte densité, ils se traduisent par le phénomène de dégénérescence quantique. Dans l’essentiel de cet ouvrage, on supposera que les effets quantiques ne sont pas dominants 4 , c’est-à-dire qu’on se placera dans l’hypothèse d’un plasma fortement ionisé et classique, le point représentatif se situant au-dessus des courbes en trait plein représentées sur la figure 1.1.

1.4

Paramètre de couplage

La force de Coulomb intervient dans la détermination du rayon de Bohr, mais pas dans celle de la température de Fermi, dont le calcul suppose les électrons libres. En fait, les électrons ne sont pas totalement libres, ils interagissent entre eux et avec les ions, et il est instructif d’introduire un paramètre qui mesure l’intensité de ce couplage électrostatique. Les solides, les liquides et les gaz neutres se distinguent par la valeur respective de l’énergie potentielle d’interaction moyenne par particule, V , et de l’énergie cinétique moyenne par particule, K = 3kB T /2. Le gaz dilué correspond à V ≪ K (V /K = 0 pour un gaz parfait) tandis que le liquide et le solide correspondent à V & K. De la même façon, dans le cas d’un plasma complètement ionisé auquel on se restreint dans ce paragraphe, on distingue les plasmas cinétiques pour lesquels V ≪ K et les plasmas corrélés pour lesquels V & K. Pour estimer l’énergie potentielle d’interaction moyenne par particule, on considère une particule et son plus proche voisin, situé en moyenne à une distance de l’ordre de a = n−1/3 . Ainsi, entre un électron et son plus proche voisin de même nature, on définit : Ve (ae ) = −1/3

où ae = ne

e2 , 4πǫ0 ae

(1.9)

, et le paramètre de couplage : 1/3

Γee =

Ve (ae ) e2 e 2 ne = = . kB T 4πǫ0 ae kB T 4πǫ0 kB T

(1.10)

3. Par convention, quand, comme ici, une température T est exprimée en unité d’énergie, il faut comprendre que c’est en fait le produit kB T qui est donné. Ainsi, une température de 1 eV correspond en réalité à 1.16 × 104 K. 4. Même sans être dominants, les effets quantiques peuvent toutefois jouer un rôle, par exemple dans les collisions à faible angle de déviation.

8

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Numériquement, on peut écrire (1.10) sous la forme suivante :  Γee ≃ 14.4

ne (m−3 ) 1030

1/3

1 . T (eV)

(1.11)

De même, entre un ion et son plus proche voisin de même nature : Vi (ai ) = −1/3

où ai = ni

Z 2 e2 , 4πǫ0 ai

(1.12)

= Z 1/3 ae , et : Γii =

Vi (ai ) Z 2 e2 = = Z 5/3 Γee . kB T 4πǫ0 ai kB T

(1.13)

Ainsi, le domaine des plasmas cinétiques ou faiblement couplés correspond à Γ ≪ 1 et le domaine des plasmas fortement couplés ou corrélés à Γ & 1. Sur la figure 1.1, on a également représenté les droites correspondant aux paramètres de couplage Γ = 10−3 , 10−2 , et 0.1, toujours pour le cas d’un plasma d’hydrogène. La zone correspondant aux plasmas classiques et corrélés est à peu près inexistante, mais elle a plus d’ampleur pour des plasmas constitués d’ions plus lourds et multichargés, pour lesquels Γii peut plus facilement prendre des valeurs significatives. Notons que, dans cet ouvrage, on s’intéressera principalement aux plasmas faiblement corrélés.

1.5

Fréquences plasmas électroniques et ioniques

La fréquence plasma électronique 5 joue un rôle essentiel dans les perturbations de nature électrostatique aussi bien que dans les perturbations de nature électromagnétique, en particulier dans le calcul de l’indice de réfraction d’un plasma. Une façon simple de trouver son expression consiste à considérer un plasma mono-dimensionnel initialement homogène et neutre, de densité électronique ne0 et de densité ionique ni , avec ne0 = Zni , et à le perturber de façon à ce que, à un instant t0 donné, les électrons initialement situés dans une certaine zone a priori limitée du plasma se trouvent déplacés d’une quantité variable dans l’espace, tandis que les ions restent à leur position initiale. Pour chaque électron, on désigne par x0 sa position d’origine, c’est-à-dire avant la perturbation, et par ξ(x0 , t) son déplacement pour t ≥ t0 . À cet instant t, l’électron en question se trouve donc à la position x0 + ξ(x0 , t). Le champ électrique qui 5. Nous nous conformerons à l’habitude générale qui consiste à utiliser le terme de fréquence même si la plupart du temps on a en réalité affaire à une pulsation, égale à 2π fois la « vraie » fréquence. Notons toutefois que l’unité utilisée dans les expressions numériques (s−1 plutôt que hertz) permet en général de lever l’éventuelle ambiguïté.

9

Introduction

résulte de cette séparation de charges tend à ramener les électrons vers leur position d’équilibre. Par ailleurs, l’inertie des ions est telle que leur mouvement peut être négligé, au moins en première approximation. Pour un électron donné, donc pour une valeur donnée de x0 , on intègre à l’instant t l’équation de Poisson entre −∞ et x = x0 + ξ(x0 , t). On obtient : Z e x E(x, t) = (Zni − ne ) dx, (1.14) ǫ0 −∞ soit, en décomposant en trois termes : Z x0  Z x Z x e E(x, t) = Zni dx + Zni dx − ne dx . ǫ0 x0 −∞ −∞

(1.15)

On remarque alors que les électrons qui se trouvent à gauche de la position x à l’instant t se trouvaient tous à gauche de la position x0 dans la situation d’origine, à condition de supposer que les tranches d’électrons restent constamment ordonnées, c’est-à-dire que ∂x/∂x0 > 0 à tout instant 6 . On a donc, du fait de la conservation de la charge électronique : Z x Z x0 ne dx = ne0 dx, (1.16) −∞

−∞

si bien que le premier et le troisième termes de l’équation (1.15) s’annihilent, tandis que le deuxième terme donne finalement : E(x, t) =

Zni e ne0 e (x − x0 ) = ξ. ǫ0 ǫ0

(1.17)

L’équation du mouvement de l’électron originaire de x0 et situé à la position x à l’instant t s’écrit alors : d2 ξ e 2 =− E = −ωpe ξ, 2 dt me

(1.18)

où ωpe est donc la fréquence d’oscillation naturelle des électrons, appelée fréquence plasma électronique et définie par : 2 ωpe =

ne0 e2 . me ǫ 0

(1.19)

L’équation (1.18) est celle d’un oscillateur harmonique de fréquence ωpe . La prise en compte du mouvement des ions est possible. Elle conduit à une correction de la fréquence d’ordre Zme /mi . Dans ce modèle élémentaire, on a négligé la dispersion des vitesses des électrons — leur agitation thermique ne doit pas être trop importante. On verra plus loin que la prise en compte de cette agitation thermique peut conduire à une augmentation de la fréquence 6. Si les électrons ont une vitesse nulle à l’instant t0 , et si la condition ∂x/∂x0 > 0 est vérifiée à cet instant-là, alors elle l’est à tout instant.

10

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

des oscillations et à des phénomènes d’amortissement. On a également négligé les forces de frottement des électrons sur les ions, qui conduiraient eux aussi à un amortissement de l’onde. Cet amortissement reste faible dans les plasmas faiblement corrélés, comme on le vérifiera plus loin, au paragraphe 1.8. Numériquement, on a : −3 ωpe (s−1 ) = 56.4 n1/2 ). e (m

(1.20)

Ainsi, pour ne = 1027 m−3 , valeur caractéristique des conditions de l’interaction laser-plasma, on a ωpe = 1.78 × 1015 s−1 . On verra plus loin que la fréquence plasma électronique joue également un rôle important dans la détermination de la susceptibilité diélectrique d’un plasma et dans le calcul de son indice de réfraction. On définit de même la fréquence plasma ionique ωpi par : 2 ωpi =

ni Z 2 e 2 Zme 2 2 = ω ≪ ωpe . mi ǫ 0 mi pe

(1.21)

La fréquence plasma ionique ne joue cependant pas un rôle équivalent à celui joué par la fréquence plasma électronique, dans la mesure où il y a peu de situations où l’on peut considérer le mouvement des ions indépendamment de celui des électrons.

1.6

Longueur de Debye et effet d’écran

La longueur de Debye joue également un rôle primordial en physique des plasmas, où elle intervient dans différentes situations liées à des phénomènes de séparation de charges électriques. On va d’abord l’introduire simplement comme le produit d’une vitesse par un temps. Pour cela, on commence par définir la « température » Tj de l’espèce j (l’indice j peut se rapporter aux électrons ou aux ions de telle ou telle espèce). Cette grandeur est définie à partir de l’énergie cinétique moyenne Ej des particules de l’espèce j par la relation Ej = 32 kB Tj (ici on se place bien sûr dans un espace à 3 dimensions) 7 . On définit ensuite la vitesse thermique des particules de l’espèce j 8 :  1/2 kB Tj vtj = . (1.22) mj La longueur de Debye est la distance parcourue par un électron de vitesse vte −1 pendant le temps t = ωpe , soit :  1/2 vte ǫ0 kB Te λD = = , (1.23) ωpe ne e 2 7. Dans le cas où le système est à l’équilibre thermodynamique à la température T , les différentes quantités Tj ainsi définies coïncident avec T . 8. Certains auteurs ont une définition de la vitesse thermique différant par une constante numérique.

11

Introduction ou encore, numériquement : λD (m) = 7.43 × 103 Te1/2 ( eV) n−1/2 (m−3 ). e

(1.24)

Ainsi, pour Te = 1 keV et ne = 1027 m−3 , on a λD = 7.43 × 10−3 µm. La longueur de Debye est la distance caractéristique d’écrantage des phénomènes électrostatiques dans les plasmas. Pour illustrer cette affirmation, on considère le modèle suivant : soit une charge électrique q située à l’origine des coordonnées, dans un plasma où les ions constituent un fond continu homogène, tandis que les électrons sont en équilibre de Boltzmann avec le potentiel électrostatique φ. L’équation de Poisson prend alors la forme :    1 eφ ∆φ = − qδ(r) + ni0 Ze − ne0 e exp . (1.25) ǫ0 kB Te Pour des particules interagissant faiblement (c’est-à-dire dans un plasma faiblement corrélé pour lequel Γ ≪ 1), on peut développer le terme exponentiel à l’ordre 1 en puissance du petit paramètre eφ/kB Te :   eφ eφ exp ≈ 1+ . (1.26) kB Te kB Te En utilisant, d’autre part, l’hypothèse de neutralité électrique globale, ne0 = Zni0 , on obtient : q φ ∆φ − 2 = − δ(r), (1.27) λD ǫ0 dont la solution 9 est :

  q r φ= exp − . 4πǫ0 r λD

(1.28)

Ce résultat montre que la charge est écrantée sur une distance λD (voir la figure 1.2) 10 . Pour des distances petites devant la longueur de Debye, le potentiel est celui d’une charge nue, tandis que pour r & λD la décroissance exponentielle domine le comportement de φ. L’effet d’écran est dû au fait que le « fluide » électronique réagit à la présence de la charge q. Si q > 0 les électrons sont attirés par la charge et leur contribution au potentiel vient s’opposer à celui de la charge nue : le potentiel de l’ion est écranté par la déformation du nuage électronique qu’il induit. L’excès d’électrons au voisinage de l’ion considéré correspond à une densité :   eφ(r) δne (r) ≃ ne0 . (1.29) kB Te R 9. Dans l’espace de Fourier, où φ(k) = φ(r) exp(− i k · r) dr, l’équation (1.27) devient (k 2 + 1/λ2D ) φ(k) = q/ǫ0 . La transformée de Fourier inverse permet de trouver le résultat (1.28). 10. Dans √ le cas où les ions participent à l’écrantage, la longueur d’écran est réduite par le facteur 1 + Z, à condition de supposer une température égale entre électrons et ions. Les ions ne peuvent toutefois participer à l’écrantage que si l’échelle de temps mise en jeu leur permet de se mettre en équilibre thermodynamique avec le potentiel.

12

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 1.2 – Potentiel coulombien nu φ0 ∝ 1/r et potentiel écranté φ = φ0 exp(−r/λD ) en fonction du paramètre r/λD .

On vérifie bien entendu que : Z ∞ e δne (r) 4πr2 dr = q,

(1.30)

0

ce qui signifie que la charge totale correspondant à cet excès d’électrons compense exactement la charge q. Notons ici que le développement du terme exp(eφ/kB Te ) que nous avons utilisé pour passer de (1.25) à (1.27) n’a de sens que si l’argument de l’exponentielle est petit devant 1 quand r est de l’ordre de λD . 11 Pour une charge q correspondant à un ion de charge Ze, la condition peut s’écrire (à un facteur Z/4π près) : ne λ3D ≫ 1. (1.31) Notons enfin que la condition (1.31) caractérise les plasmas faiblement corrélés, au même titre que la condition équivalente Γee ≪ 1, puisque : Γee

1.7

1 = 4π



1 ne λ3D

2/3 .

(1.32)

Collisions coulombiennes

Dans un plasma faiblement corrélé, les collisions sont peu fréquentes. Elles jouent cependant un rôle essentiel dans des phénomènes comme l’absorption du rayonnement laser dans le régime non relativiste ou le transport thermique électronique. 11. Pour r → 0 la divergence de exp(eφ/kB Te ) est très rapide et il est nécessaire d’invoquer les effets quantiques pour justifier le fait que le nombre d’électrons au voisinage immédiat de la charge q ne diverge pas.

13

Introduction

Fig. 1.3 – Schéma illustrant la notion de section efficace différentielle σ(θ), quotient de la surface élémentaire 2πp dp par l’angle solide dΩ. Rappelons tout d’abord certains des résultats classiques concernant la diffusion d’électrons de vitesse initiale v par un ion de charge Ze. Comme mi ≫ me on peut pour chaque collision assimiler la position du centre de masse à celle de l’ion. Soit p le paramètre d’impact d’un électron et θ l’angle de déviation. On a : cot(θ/2) = p/p0 , (1.33) où p0 est le paramètre d’impact correspondant à une déviation θ égale à π/2, donné par : Ze2 . (1.34) p0 = 4πǫ0 me v 2 La section efficace différentielle de collision élastique σ(θ) s’obtient en considérant les électrons diffusés dans un angle solide dΩ = 2π sin θ dθ et provenant d’une couronne élémentaire de surface 2πp dp (voir figure 1.3), avec, par définition : 2πp dp p dp σ(θ) = = . (1.35) dΩ sin θ dθ Pour les collisions électron-ion, on aboutit à la formule de Rutherford : σ(θ) =

p20 . 4 sin4 (θ/2)

(1.36)

La section efficace totale s’obtient en sommant toutes les couronnes élémentaires 2πp dp donnant lieu à une diffusion, soit : Z ∞ Z π σ = 2π p dp = σ(θ) dΩ. (1.37) 0

0

La borne d’intégration supérieure sur le paramètre d’impact p étant infinie, cette intégrale diverge. Ce comportement traduit la portée infinie du potentiel d’interaction 12 . La section efficace de transfert de quantité de mouvement joue un rôle plus important. Pour chaque diffusion suivant un angle θ, l’électron échange 12. En physique classique, la section efficace totale ne converge que si le potentiel a une portée strictement finie, comme c’est le cas pour des sphères dures.

14

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

de l’impulsion avec l’ion. Dans la direction perpendiculaire à la vitesse initiale v, le transfert d’impulsion est proportionnel à sin θ, mais il est équi-réparti suivant l’angle azimutal φ et se moyenne donc à zéro quand on considère un grand nombre de collisions. Dans la direction longitudinale, en revanche, l’électron perd une fraction (1 − cos θ) de son impulsion au profit de l’ion, et cette quantité correspond toujours à une diminution de l’impulsion longitudinale de l’électron, et partant à un recul de l’ion. Si on fait le bilan de l’impulsion encaissée par l’ion par unité de temps, on trouve qu’elle est égale au produit du flux d’impulsion des électrons par une surface donnée par : Z ∞ Z π σ1 (v) = 2π (1 − cos θ) p dp = (1 − cos θ) σ(θ) dΩ (1.38) 0 0 Z π d(sin θ/2) . (1.39) = 4πp20 sin θ/2 0 Cette intégrale diverge du fait de la contribution des petits angles, c’est-à-dire des grands paramètres d’impact. Mais, comme on va le voir, la prise en compte de l’écrantage du potentiel coulombien supprime cette divergence. Comparons d’abord p0 à λD . Pour évaluer p0 , on suppose que la vitesse v de l’électron est égale à la vitesse thermique (kB Te /me )1/2 . On a alors : p0 Z 1 = . λD 4π ne λ3D

(1.40)

Pour les plasmas faiblement corrélés qui nous intéressent, ce rapport est très petit devant 1. L’écrantage n’affecte donc que les collisions à grand paramètre d’impact et faible déviation. On montre alors 13 que la prise en compte de l’écrantage est équivalente au fait d’introduire une borne inférieure θmin dans l’intégrale (1.39), correspondant au paramètre d’impact pmax ≈ 0.68 λD , d’où : Z π σ1 (v) = σ(θ) (1 − cos θ) dΩ ≈ 4πp20 ln Λ, (1.41) θmin

où Λ ≈ 2/θmin ≈ pmax /p0 . On appelle logarithme coulombien la quantité ln Λ. Plus ce logarithme est élevé, plus il traduit la prépondérance des collisions à faible angle de déviation par rapport aux collisions à grand angle dans le processus de diffusion. Le calcul que l’on vient de faire est purement classique. Cependant, quand la longueur de de Broglie de l’électron λdB = ~/me v est comparable ou plus grande que le paramètre p0 , la nature quantique de l’électron joue un rôle, et l’étude quantique de la collision [4] permet de montrer que le paramètre d’impact p0 doit être remplacé par : q pmin ≈ p20 + (0.56λdB )2 (1.42) 13. Pour les petites déviations dans un potentiel écranté vérifiant λD ≫ p0 , l’angle de déviation est donné par θ/2 ≈ (p0 /λD )K1 (p/λRD ), où K √1 est la fonction de Bessel modifiée du premier ordre, donnée par K1 (x) = x 1∞ e−xt t2 − 1 dt. Avec cette expression, l’intégrale (1.38) converge.

Introduction

15

dans l’expression de Λ, soit Λ ≈ pmax /pmin . Pour évaluer l’importance de la correction quantique, comparons p0 à λdB en supposant là encore que la vitesse v de l’électron est égale à la vitesse thermique (kB Te /me )1/2 . On a alors :  1/2 p0 2UZ = , (1.43) λdB kB Te où UZ = Z 2 Ui représente l’énergie d’ionisation d’un ion hydrogénoïde 14 de charge centrale Ze, Ui correspondant ici à celle de l’hydrogène. Ainsi, pour des températures dans la gamme de la centaine d’eV ou du keV, les effets quantiques interviennent clairement dans le calcul du logarithme coulombien, quand bien même la température Te est supérieure à la température de Fermi TF . Dans cette section, on a fait l’hypothèse d’un potentiel coulombien écranté. Mais le projectile (ici l’électron) peut lui-même perturber la population électronique qui contribue à cet écrantage et le modifier de façon dynamique. La prise en compte de ces aspects dynamiques peut conduire à une correction de l’argument du logarithme coulombien. C’est également le cas quand le plasma est soumis à un champ électrique oscillant, par exemple quand il est traversé par une onde électromagnétique.

1.8

Libre parcours moyen collisionnel

À partir de la section efficace σ1 (v), on peut définir les notions de libre parcours moyen et de fréquence de collision. À chaque électron, on attache une surface perpendiculaire à sa vitesse et dont l’aire est égale à la section efficace calculée précédemment. Au cours du mouvement de l’électron sur une distance λ, cette surface engendre un volume σ1 (v)λ. Le libre parcours moyen est la longueur λ(v) pour laquelle ce volume contient en moyenne un ion, donc telle que ni σ1 (v)λ(v) = 1, soit : 1 λ(v) = . (1.44) ni σ1 (v) On peut interpréter cette longueur comme étant la distance moyenne parcourue par un électron avant d’avoir perdu sa direction initiale du fait des collisions avec les ions. Comme les collisions à faible déviation sont dominantes dans ce processus d’échange d’impulsion, il faut imaginer la trajectoire de la majorité des électrons comme résultant d’une succession de faibles déviations d’azimuts aléatoires mais conduisant finalement à une désorientation totale. Au libre parcours moyen λ(v), on associe le temps de collision électronion τei (v), qui est le temps mis par l’électron pour parcourir cette distance, τei (v) = λ(v)/v, soit : 1 , (1.45) τei (v) = ni σ1 (v)v 14. Un ion hydrogénoïde correspond à un atome ayant perdu tous ses électrons sauf un.

16

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

et on associe de même la fréquence de collision électron-ion νei (v) = 1/τei (v), soit : νei (v) = ni σ1 (v) v 2 4

=

4πni Z e ln Λ . (4πǫ0 )2 m2e v 3

(1.46) (1.47)

Pour une fonction de distribution électronique caractérisée par une température Te , on définit la fréquence de collision électron-ion thermique par 15 : 1 νei = 3

 1/2 2 νei (vte ). π

(1.48)

Comparons la fréquence de collision électron-ion et la fréquence plasma électronique :  1/2 νei 1 2 Z ln Λ = . (1.49) ωpe 3 π 4π ne λ3D Les plasmas faiblement corrélés pour lesquels ne λ3D ≫ 1 sont donc faiblement collisionnels, c’est-à-dire tels que : νei ≪ ωpe .

(1.50)

Nous avions anticipé cette propriété au paragraphe 1.5 sur les oscillations plasmas électroniques. Finalement, on vérifie dans les plasmas faiblement corrélés les inégalités suivantes : sup(p0 , λdB ) ≪ ae ≪ λD ≪ λei , (1.51) où λei est le libre parcours moyen collisionnel, λei = vte /νei .

1.9

Fréquences cyclotroniques et rayons de Larmor

Présents par construction ou auto-générés dans le plasma, des champs magnétiques d’amplitude suffisante peuvent affecter le mouvement des particules en incurvant leur trajectoire. Considérons donc un champ magnétique uniforme B. L’équation du mouvement d’une particule de charge q et de masse m dans ce seul champ s’écrit : dv q = v × B, dt m

(1.52)

15. La fréquence de collision électron-ion thermique νei est égale à la quantité 2 moyennée sur une fonction de distribution maxwellienne, en négligeant la νei (v)v2 /3vte variation du logarithme coulombien avec la vitesse.

17

Introduction

soit en isolant le mouvement perpendiculaire au champ magnétique (le mouvement parallèle au champ magnétique n’est pas affecté par celui-ci) : dv⊥ = v⊥ × ω c , dt

(1.53)

où ωc = qB/m. La fréquence ωc = |q|B/m est la fréquence cyclotronique qui caractérise le mouvement de giration de la particule dans le plan perpendiculaire au champ magnétique, suivant un cercle de rayon : rL =

mv⊥ , |q|B

(1.54)

2 appelé rayon de Larmor. Notons qu’à énergie cinétique E⊥ = 21 mv⊥ fixée, le 1/2 rayon de Larmor varie comme m /|q|, et que donc le rayon de Larmor des ions est en général beaucoup plus grand que celui des électrons. Quand le champ magnétique s’accompagne d’un gradient (de potentiel ou de champ), on assiste en général à une dérive des particules dans une direction perpendiculaire à la fois au champ magnétique et au gradient considéré. Le cas le plus simple correspond à la dérive en présence d’un champ électrique E perpendiculaire au champ magnétique B. L’équation du mouvement non relativiste d’une particule en présence des champs E et B supposés uniformes s’écrit : q dv = (E + v × B). (1.55) dt m Posons u = v − vd , où vd est supposé vérifier la condition :

E + vd × B = 0.

(1.56)

On est alors ramené au calcul précédent, avec : du q = u × B, dt m

(1.57)

permettant de décrire un mouvement cyclotronique dans le plan perpendiculaire au champ magnétique. La condition (1.56) correspond à une transformation de Lorentz destinée à se ramener dans un référentiel où le champ électrique s’annule. Ceci n’est possible que si E < cB. On obtient, en se plaçant dans le plan perpendiculaire au champ magnétique : vd =

E×B . B2

(1.58)

Cette vitesse de dérive ne dépend donc ni de la masse, ni de la charge de la particule considérée. Des effets de dérive apparaissent également quand les particules sont soumises à un champ magnétique non uniforme, que ce soit en amplitude (dérive de gradient) ou en direction (dérive de courbure) ou les deux à la fois. La

18

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

vitesse de dérive correspondante dépend alors de la masse et de la charge de la particule considérée. Dans les plasmas plongés dans un champ magnétique présentant une géométrie toroïdale, comme le champ magnétique de l’environnement terrestre ou celui des machines à confinement magnétique [5], les trajectoires des particules chargées sont souvent des combinaisons de dérives, gouvernées par des invariants adiabatiques, dont l’étude ne sera pas abordée ici.

Chapitre 2 Description cinétique et description fluide Il existe plusieurs niveaux de description dans les plasmas, comme dans les gaz. Dans le niveau le plus simple, on se place dans l’espace habituel à trois dimensions et on manipule des grandeurs macroscopiques comme la densité, la vitesse, la pression ou la température. Au niveau au-dessus, on se place dans un espace à six dimensions, en incluant l’espace des vitesses et on manipule des fonctions de distribution à une particule. Enfin, au niveau supérieur, il est possible de définir des fonctions de distribution à n particules, avec n ≥ 2, évoluant dans des espaces à 6n dimensions. A priori, la précision, mais aussi la complexité, croissent avec le niveau de description. Les descriptions de bas niveau se déduisent des descriptions plus élaborées par des réductions du nombre de dimensions à l’aide d’intégrales sur les dimensions supérieures. Il serait donc logique de commencer dans un espace à 6N dimensions avec une fonction de distribution à N particules, où N correspond au nombre total de particules du système, et de dérouler la méthode des réductions conduisant progressivement à des descriptions dans des espaces de dimensions inférieures. On peut montrer que dans l’équation d’évolution d’une fonction de distribution à n < N particules apparaît un terme mettant en jeu des fonctions de distribution à n + 1 particules, ce terme étant a priori d’ordre supérieur en puissance du paramètre 1/ne λ3D supposé petit. La hiérarchie d’équations cinétiques obtenues porte le nom de hiérarchie BBGKY (Bogolyubov, Born, Green, Kirkwood, Yvon). Mais la procédure est lourde et finalement peu efficace. Dans la présentation que l’on fait ici, on court-circuite ces étapes, pour démarrer au niveau intermédiaire, c’est-à-dire dans l’espace à six dimensions. Cette approche est bien adaptée aux plasmas faiblement corrélés auxquels on s’intéresse.

20

2.1

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Description cinétique

Le système de N particules chargées est en principe complètement décrit à un instant t par la donnée des positions ri et des vitesses vi de l’ensemble des particules (i = 1, N ), tandis que son évolution dans les champs E(r, t) et B(r, t) s’obtient par la résolution des équations du mouvement de chaque particule, supposée ici non relativiste : dri = vi , dt dvi qi = a(ri , vi , t) = [E(ri , t) + vi × B(ri , t)] , dt mi

(2.1) (2.2)

où a(ri , vi , t) représente l’accélération de la particule considérée, et où les champs E(r, t) et B(r, t) satisfont les équations de Maxwell, dans lesquelles chaque particule contribue aux termes sources par sa charge et sa contribution au courant électrique. En général, le système est macroscopique et on n’a qu’une connaissance incomplète du système, qu’on est amené à décrire à l’aide des outils de la physique statistique. Ainsi, chaque espèce de particules est décrite par sa fonction de distribution à une particule fj (r, v, t) qui correspond au nombre moyen de particules de l’espèce j (au sens statistique d’une moyenne sur un grand nombre de réalisations du système physique considéré) dans un volume unité de l’espace des phases (r, v) 1 .

2.2

Équation de Vlasov

L’évolution de la fonction de distribution fj est gouvernée par une équation cinétique. Pour l’établir, commençons par définir les champs moyens. À chaque réalisation du système physique considéré correspondent des champs E(r, t) et B(r, t) spécifiques. Il est cependant possible de définir la moyenne statistique de ces champs, qui sont solutions des équations de Maxwell moyennées sur les différentes réalisations, c’est-à-dire : (2.3)

∇ · B = 0, ∂B ∇×E=− , ∂t ρ ∇·E= , ǫ0   ∂E ∇ × B = µ0 j + ǫ0 , ∂t

(loi de Faraday)

(2.4)

(équation de Poisson)

(2.5)

(loi d’Ampère)

(2.6)

1. On commet ici un abus de language : en toute rigueur, on ne devrait appeler « espace des phases » que l’espace (r, p), où r et p sont conjugués R vis-à-vis des équations de Hamilton. Notons par ailleurs la normalisation de fj . On a fj drdv = Nj , où Nj est le nombre total de particules de l’espèce j.

Description cinétique et description fluide où ρ et j sont les densités moyennes de charge et de courant : X Z ρ(r, t) = qj fj (r, v, t) dv, X

(2.7)

Z

j

j(r, t) =

21

qj

v fj (r, v, t) dv,

(2.8)

j

la somme portant sur toutes les espèces de particules (électrons et ions). Supposons maintenant que l’on peut négliger la différence entre les champs moyens et les champs propres à chaque réalisation 2. Alors l’évolution de la fonction de distribution se calcule comme dans le cas où on aurait affaire à des champs E(r, t) et B(r, t) imposés de l’extérieur. Considérons donc un volume donné V de l’espace des phases, et calculons l’évolution temporelle du nombre moyen de particules de l’espèce j contenues dans cet espace : Z Z d ∂fj fj dr dv = dr dv. (2.9) dt V V ∂t Cette variation temporelle correspond également au bilan du nombre de particules entrant et sortant du volume considéré, c’est-à-dire au flux du courant fj V au travers de la surface S délimitant le volume V . Ici V est le vecteur de l’espace des phases dont les six composantes correspondent aux 3 composantes de la vitesse v et aux 3 composantes de l’accélération a. Si n est le vecteur unitaire perpendiculaire à la surface S et orienté vers l’extérieur du volume, on a donc aussi : Z Z d fj dr dv = − fj V · n dS. (2.10) dt V S On transforme alors l’intégrale sur la surface fermée S en une intégrale sur le volume V à l’aide du théorème de Green-Ostrogradski : Z Z fj V · n dS = ∇ · (fj V) dr dv, (2.11) S

V

où l’opérateur ∇· désigne la divergence généralisée à l’espace à 6 dimensions considéré ici. Le volume V étant arbitraire, la comparaison de (2.9) et de (2.11) conduit à : ∂fj + ∇ · (fj V) = 0. (2.12) ∂t Il s’agit simplement de l’équation de continuité dans l’espace des phases, qu’on peut réécrire, en explicitant séparément les 3 composantes spatiales et les 3 composantes de vitesse : ∂fj ∂ ∂ + · (vfj ) + · (afj ) = 0. ∂t ∂r ∂v

(2.13)

2. C’est en faisant cette approximation qu’on court-circuite toute l’information qui aurait pu venir des fonctions de distribution à deux particules et au-delà.

22

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Comme r et v sont des variables indépendantes et que (∂/∂v) · a = 0 3 , on peut encore écrire cette équation sous la forme 4 : ∂fj ∂fj ∂fj +v· +a· = 0, ∂t ∂r ∂v

(2.14)

c’est-à-dire, en explicitant a : ∂fj ∂fj qj ∂fj +v· + = 0. (E + v × B) · ∂t ∂r mj ∂v

(2.15)

L’approximation qui consiste à négliger la différence entre les champs moyens et les champs de chaque réalisation (« champs microscopiques ») est l’approximation de Vlasov, et le système d’équations (2.3)–(2.8) et (2.15) auquel elle conduit porte le nom de système d’équations de Vlasov-Maxwell. La différence entre champs moyens et champs microscopiques n’est importante que dans les situations où deux particules sont très proches, en interaction binaire. Dans les plasmas chauds où ce type d’interaction est faible, il apparaît effectivement légitime de négliger cette différence pour décrire la dynamique des particules. Notons que l’équation de Vlasov traduit aussi le fait que la valeur de la fonction de distribution se conserve le long de la trajectoire de chaque particule. Considérons en effet une particule spécifique de l’espèce j soumise aux champs moyens. La particule suit une trajectoire [ r(t), v(t) ] dans l’espace des phases. On s’intéresse à la valeur que prend la fonction de distribution à tout instant, là où se trouve la particule, c’est-à-dire à la fonction f (t) = fj [r(t), v(t), t]. On peut alors écrire : df d ∂fj dr ∂fj dv ∂fj = fj [r(t), v(t), t] = + · + · = 0, dt dt ∂t dt ∂r dt ∂v

(2.16)

compte tenu du fait que r(t) et v(t) satisfont les équations du mouvement 5 écrites avec les champs moyens et du fait que fj satisfait l’équation (2.15). Autre conséquence de l’équation de Vlasov : la conservation des volumes de l’espace des phases lors du mouvement. Considérons en effet un volume élémentaire de l’espace des phases à un instant donné et soit f la valeur de la fonction de distribution d’une espèce de particules dans ce volume élémentaire. On « matérialise » le domaine ainsi défini, intérieur et frontière, par un ensemble de particules de l’espèce considérée, et on fait évoluer l’ensemble dans le temps. Les particules emmènent le domaine avec elles, la frontière se déformant progressivement. Mais, lors de l’évolution, deux quantités sont 3. L’accélération a dépend de la vitesse du fait du terme en v×B, mais on vérifie aisément que (∂/∂v) · (v × B) = 0. 4. Alors que la forme (2.13) est valable dans le cas général et ne traduit que la conservation du nombre total de particules dans l’espace des phases, l’équation (2.14) n’est valable qu’à la condition (∂/∂v) · a = 0. Cela exclut par exemple les accélérations incluant des termes de friction, comme a = −νv, qui vérifie (∂/∂v) · a = −3ν. 5. On parle pour df /dt de dérivée « en suivant le mouvement », ici le mouvement dans l’espace des phases.

Description cinétique et description fluide

23

conservées : le nombre de particules du domaine, et la fonction de distribution f . Le volume, qui est le rapport des deux, est donc également conservé. Cette propriété est valable pour un volume élémentaire, mais elle reste vraie pour tout volume (voir l’exemple de la figure 2.1), qu’on peut toujours décomposer en une somme de volumes élémentaires qui se conservent tous individuellement, même si la fonction de distribution varie au sein de l’ensemble du volume 6 .

Fig. 2.1 – Conservation des volumes dans l’espace des phases. Ici on considère un espace des phases de dimension 2 et l’évolution d’une surface initialement rectangulaire sous l’effet d’une accélération uniforme. On a matérialisé les trajectoires de deux sommets opposés du rectangle initial.

2.3

Effet des corrélations

Pour tenir compte des fluctuations d’une réalisation à l’autre, on peut formellement procéder de la manière suivante. Tout d’abord, pour chaque réalisation supposée parfaitement définie, on considère les fonctions de distribution « exactes », appelées fonctions de distribution de Klimontovitch : X fjexacte (r, v, t) = δ[r − ri (t)] δ[v − vi (t)], (2.17) i

où la somme porte sur toutes les particules de l’espèce considérée. On peut décomposer fjexacte en une partie moyenne fj et une fluctuation associée à la réalisation considérée f˜j , soit : fjexacte = fj + f˜j .

(2.18)

À chaque réalisation correspondent des sources ρ(r, t) et j(r, t) différentes et donc des champs électriques et magnétiques différents. En procédant pour les 6. Les deux propriétés que l’on vient d’énoncer, c’est-à-dire la conservation de f le long des trajectoires et la conservation des volumes de l’espace des phases, sont des conséquences de la condition (∂/∂v) · a = 0. Pour une accélération incluant un terme de friction, comme a = −νv, on assisterait à une contraction des volumes de l’espace des phases et à une amplification de la fonction de distribution.

24

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

champs, et pour le terme d’accélération correspondant à la réalisation considérée, à la même décomposition que pour fjexacte , on écrit : ˜ Eexact = E + E, ˜ Bexact = B + B, exact

a

˜, =a+a

(2.19) (2.20) (2.21)

où E et B correspondent aux champs moyens et a à l’accélération correspondante. L’équation d’évolution de fjexacte peut alors s’écrire : ∂fjexacte ∂fjexacte ∂fjexacte +v· + aexact · = 0. ∂t ∂r ∂v La moyenne de cette équation sur les différentes réalisations donne :   ∂fj ∂fj ∂fj qj ∂fj +v· + (E + v × B) · = , ∂t ∂r mj ∂v ∂t coll avec :



∂fj ∂t

 =− coll

 ˜ qj  ˜ ˜ · ∂ fj i, h E+v×B mj ∂v

(2.22)

(2.23)

(2.24)

où le signe h. . .i correspond à la moyenne. La difficulté est évidemment reportée dans le calcul du membre de droite de l’équation (2.23), qu’on appelle terme de collision, puisqu’il représente l’effet des corrélations entre les particules. Si on ignore les corrélations à trois particules et au-delà, et qu’on admet que les corrélations à deux particules s’évaluent à partir des fonctions de distribution à une particule, on peut mettre le terme collisionnel sous la forme :   X ∂fj = Cij (fi , fj ), (2.25) ∂t coll i où la somme est faite sur toutes les espèces i de particules, y compris sur l’espèce j (cas i = j). L’opérateur Cij , qui a en général une forme intégrodifférentielle, est l’opérateur de collision entre les particules de l’espèce i et les particules de l’espèce j. Il est souvent remplacé par une expression simplifiée. Celle-ci doit cependant être compatible avec certaines relations de conservation (au minimum la conservation du nombre de particules, si possible celle de l’impulsion et de l’énergie). L’approximation la plus grossière du terme de collision, souvent utilisée, consiste à écrire le membre de droite de (2.25) sous la forme d’un opérateur de relaxation :   ∂fj 1 = − (fj − fj0 ) , (2.26) ∂t coll τj où τj est le temps de relaxation, en général fonction de la vitesse v, et fj0 la fonction de distribution vers laquelle fj relaxe.

Description cinétique et description fluide

25

En général, on se contente de la description de Vlasov-Maxwell pour traiter les phénomènes où les collisions jouent un rôle négligeable, comme les oscillations plasmas électroniques, ou la propagation des ondes électromagnétiques en plasma peu dense. Au contraire, il est nécessaire de tenir compte du terme collisionnel dans les phénomènes de transport ou dans les phénomènes dissipatifs comme l’absorption d’un rayonnement électromagnétique par un plasma de densité suffisante, quand la dissipation est d’origine collisionnelle.

2.4

Grandeurs hydrodynamiques

La description cinétique du plasma s’avère relativement riche, puisqu’elle donne accès à la structure du système à la fois dans l’espace réel et dans l’espace des vitesses, c’est-à-dire dans un espace à 6 dimensions. Cependant, on peut souvent se contenter d’un niveau de description moindre, correspondant à une description fluide. Les descriptions fluides (dites également hydrodynamiques) mettent en jeu un nombre restreint de grandeurs fluides, définies dans l’espace réel, et dont l’évolution spatio-temporelle est donnée par les équations fluides. D’ailleurs, les diagnostics effectués sur les plasmas donnent en général accès aux grandeurs fluides, plutôt que directement aux fonctions de distribution. Chaque grandeur fluide correspond à une intégrale sur la vitesse de la fonction de distribution d’une espèce de particules, multipliée par une fonction appropriée de la vitesse. La première de ces quantités est la densité de particules de l’espèce j au point r et à l’instant t : Z nj (r, t) = fj (r, v, t)dv. (2.27) La vitesse moyenne vj (r, t), également appelée la vitesse fluide, est la moyenne pondérée de la vitesse, définie par : Z nj vj (r, t) = v fj (r, v, t)dv. (2.28) À la vitesse moyenne sont associés le flux de particules de l’espèce considérée, nj vj , et la densité de courant, qj nj vj . On définit ensuite le tenseur de pression 7 : Z Pj (r, t) = mj [v − vj (r, t)] [v − vj (r, t)] fj (r, v, t) dv, (2.29) qui est donc une mesure en r et t de la dispersion de vitesse autour de la vitesse moyenne vj (r, t). Le caractère tensoriel de Pj est une conséquence des anisotropies de la fonction de distribution. À noter que ce tenseur est symétrique et qu’il est donc toujours possible de trouver localement un référentiel où il est diagonal. 7. Le tenseur T = uv, où u et v sont des vecteurs, est le tenseur d’ordre deux dont les composantes Tij sont les produits ui vj .

26

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies On peut définir la pression scalaire Pj à partir de la trace du tenseur Pj : Z 1 1 (2.30) Pj = Trace (Pj ) = mj (v − vj )2 fj dv, 3 3

et réécrire Pj sous la forme : (2.31)

Pj = Pj I − τ j ,

où I est le tenseur identité et τ j est le tenseur des contraintes visqueuses. Dans le cas d’un système à l’équilibre thermodynamique à la température T , la fonction de distribution fj est donnée par une maxwellienne 8 : 3/2    mj mj v 2 fj (v) = nj exp − . (2.32) 2πkB T 2kB T Le tenseur de pression est alors Pj = Pj I, avec Pj = nj kB T . On retombe bien dans ce cas sur la définition habituelle de la pression dans un gaz parfait. On peut également définir un tenseur de température à partir du tenseur de pression, en écrivant : Tj = Pj /nj kB , (2.33) et définir la « température » scalaire Tj par : Tj =

1 Pj Trace (Tj ) = · 3 nj kB

(2.34)

Il est ensuite possible de définir des tenseurs d’ordre supérieur, raffinant ainsi la description fluide du plasma. En fait la description fluide serait équivalente à la description cinétique si on considérait une infinité de grandeurs fluides. Dans la pratique, on se limite aux grandeurs définies ci-dessus, éventuellement complétées par le vecteur flux de chaleur, défini par : Z 1 qj (r, t) = mj (v − vj )2 (v − vj ) fj (r, v, t)dv. (2.35) 2 Pour traiter les problèmes d’hydrodynamique liés aux mouvements d’ensemble du plasma, il peut être commode de le considérer comme un fluide unique. La densité de masse, la densité de charge, la vitesse moyenne et le courant électrique sont alors donnés par les expressions suivantes : X X ρm (r, t) = n j mj , ρ(r, t) = nj qj , j

j

1 X v(r, t) = nj mj vj , ρm j

X

j(r, t) =

nj qj vj .

j

(2.36) 8. Si on ne s’intéresse qu’à la distribution des vitesses suivant une direction particulière, par exemple suivant x, on a :  1/2   Z mj mj vx2 fj (vx ) = fj (v) dvy dvz = nj exp − . 2πkB T 2kB T

Description cinétique et description fluide

27

Le tenseur de pression est calculé à partir de l’écart à la vitesse moyenne v(r, t) et non pas à partir de l’écart à la vitesse moyenne de chaque espèce de particules, c’est-à-dire que : Z X P = PI − τ = mj [v − v(r, t)] [v − v(r, t)] fj (r, v, t) dv. (2.37) j

De même, le flux de chaleur est défini par : Z 1X 2 q(r, t) = mj [v − v(r, t)] [v − v(r, t)] fj (r, v, t) dv. 2 j

2.5

(2.38)

Équations hydrodynamiques

Les grandeurs fluides sont obtenues à partir d’intégrales sur la vitesse de la fonction de distribution d’une espèce de particules, multipliée par une fonction appropriée de la vitesse. On obtient de la même façon les équations fluides (ou hydrodynamiques) à partir des équations cinétiques. Ainsi, en intégrant simplement chaque terme de (2.23) sur la vitesse, on obtient l’équation de conservation du nombre de particules de l’espèce j, ou équation de continuité : ∂nj + ∇ · (nj vj ) = 0. ∂t

(2.39)

Pour établir ce résultat, on a fait l’hypothèse que le terme de collision ne pouvait pas être responsable de l’apparition de nouvelles particules, ce qui exclut ici les collisions ionisantes ou donnant lieu à recombinaison, c’est-à-dire que :  Z  ∂fj dv = 0. (2.40) ∂t coll En multipliant par la charge qj l’équation (2.39) et en sommant sur les différentes espèces de particules, on obtient l’équation de conservation de la charge électrique : ∂ρ + ∇ · j = 0. (2.41) ∂t En présence d’ionisation ou de recombinaison, l’équation d’évolution de la densité de particules de l’espèce j s’écrit : ∂nj + ∇ · (nj vj ) = Sj , ∂t où le terme source Sj tient compte de ces sources (positives ou négatives) de particules. Mais les processus d’ionisation et de recombinaison vérifient la conservation de la charge électrique totale (on crée P ou annihile autant de charges positives que de charges négatives), soit j qj Sj = 0, si bien que l’équation (2.41) reste vérifiée.

28

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Établissons maintenant l’équation de conservation de l’impulsion, ou équation du mouvement. En multipliant (2.23) par v avant d’intégrer sur la vitesse, on obtient, pour l’espèce j : ∂ nj vj nj qj 1 1 + ∇ · (nj vj vj ) = (E + vj × B) − ∇ · Pj + Rj , ∂t mj mj mj où :

Z  R j = mj

∂fj ∂t

(2.42)

 v dv,

(2.43)

coll

et où le terme de pression peut encore s’écrire : ∇ · Pj = ∇Pj − ∇ · τ j .

(2.44)

En développant le terme de gauche de l’équation (2.42), en utilisant en particulier la relation 9 : ∇ · (nj vj vj ) = vj (∇ · nj vj ) + (nj vj · ∇) vj ,

(2.45)

en utilisant l’équation de continuité (2.39) pour simplifier le résultat obtenu, et enfin en divisant (2.42) par nj , on obtient encore : ∂vj qj 1 1 + (vj · ∇)vj = (E + vj × B) − ∇ · Pj + Rj . ∂t mj n j mj mj n j

(2.46)

Dans le membre de droite, on reconnaît la force électromagnétique, la force de pression et le terme de friction entre espèces différentes. La conservation globale de l’impulsion lors des collisions entre les différentes espèces de particules se traduit par la condition : X Rj = 0. (2.47) j

Dans les cas les plus simples, une approximation grossière du terme de collision consiste à écrire : Rj ≈ −νj mj nj (vj − vj0 ) , (2.48) où la fréquence de collision νj correspond à une moyenne appropriée de l’inverse du temps de relaxation τj et vj0 à une vitesse moyenne vers laquelle vj tend à relaxer. De même que l’équation d’évolution de la vitesse moyenne implique la divergence du tenseur de pression, de même l’équation d’évolution du tenseur de pression implique la divergence d’un tenseur d’ordre supérieur, et ainsi de suite. On obtient ainsi une hiérarchie infinie d’équations fluides dont l’ensemble peut être rendu équivalent à l’équation cinétique de départ. En pratique, on tronque la hiérarchie des équations fluides en faisant une hypothèse dite de fermeture sur le terme d’ordre le plus élevé apparaissant dans les équations P 9. La divergence d’un tenseur T d’ordre deux est un vecteur u de composantes ui = j ∂Tij /∂xj .

Description cinétique et description fluide

29

fluides qu’on a décidé de garder. On présentera un peu plus loin les hypothèses de fermeture les plus couramment utilisées. On va maintenant compléter les équations fluides associées à la conservation du nombre de particules et à la conservation de l’impulsion, écrites précédemment, par celles associées à la conservation de l’énergie. Il existe plusieurs formes équivalentes de l’équation de conservation de l’énergie. La forme de base est obtenue en multipliant chaque terme de l’équation cinétique (2.23) par 12 mj v 2 et en intégrant sur la vitesse. On obtient alors :      1 1 ∂ 3 3 nj kB Tj + nj mj vj2 + ∇ · nj kB Tj + nj mj vj2 vj + Pj · vj ∂t 2 2 2 2 = −∇ · qj + nj qj vj · E + vj · Rj + Qj , (2.49) où Qj est la quantité de chaleur cédée aux particules de l’espèce considérée du fait des collisions avec les autres espèces de particules :   Z 1 ∂fj 2 Qj = mj (v − vj ) dv, (2.50) 2 ∂t coll et où on peut écrire : Pj · vj = Pj vj − τ j · vj .

(2.51)

La conservation globale de l’énergie lors des collisions entre les différentes espèces de particules se traduit par la condition : X (vj · Rj + Qj ) = 0. (2.52) j

En utilisant l’équation de continuité, on peut réécrire l’équation pour l’énergie sous la forme :    ∂ 3 1 nj + vj · ∇ kB Tj + mj vj2 + ∇ · (Pj · vj ) ∂t 2 2 = −∇ · qj + nj qj vj · E + vj · Rj + Qj . (2.53) Il est possible d’obtenir des équations séparées pour l’énergie cinétique et pour l’énergie thermique. En effet, en multipliant l’équation du mouvement par nj vj , on obtient, pour l’énergie cinétique :   ∂ 1 nj + vj · ∇ mj vj2 + vj · (∇ · Pj ) = nj qj vj · E + vj · Rj . (2.54) ∂t 2 En soustrayant cette équation à la précédente, on obtient, pour l’énergie thermique :   ∂ 3 nj + vj · ∇ kB Tj + Pj : (∇vj ) = −∇ · qj + Qj . (2.55) ∂t 2

30

2.6

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Équations pour le fluide global

Si on considère le plasma globalement, les équations de continuité mouvement s’écrivent : ∂ρm + ∇ · (ρm v) = 0, ∂t et : ∂ (ρm v) + ∇ · (ρm vv) = −∇ · P + ρ E + j × B, ∂t ou :   ∂v + (v · ∇)v = −∇ · P + ρ E + j × B. ρm ∂t

et du (2.56) (2.57) (2.58)

À noter qu’aucun terme collisionnel n’apparaît dans ces P équations de continuité et du mouvement, ce qui correspond à la condition j Rj = 0 discutée précédemment. Si maintenant on désigne par e(r, t) l’énergie interne spécifique, avec : Z 1X 2 ρm e(r, t) = mj [v − v(r, t)] fj (r, v, t) dv, (2.59) 2 j en calquant la démarche suivie pour une espèce de particule j, on peut écrire les équations pour l’énergie sous les formes suivantes :        ∂ 1 1 ρm e + v 2 + ∇ · ρm e + v 2 v + P · v = −∇ · q + j · E, (2.60) ∂t 2 2 et :

 ρm

  ∂ 1 + v · ∇ e + v 2 + ∇ · (P · v) = −∇ · q + j · E, ∂t 2

pour l’énergie totale, et :   ∂ 1 ρm + v · ∇ v 2 + v · (∇ · P) = v · F, ∂t 2 pour l’énergie cinétique, et enfin :   ∂ ρm + v · ∇ e + P : (∇v) = −∇ · q + j · E − v · F, ∂t

(2.61)

(2.62)

(2.63)

pour l’énergie thermique. Dans ces équations, la quantité F représente la force électromagnétique par unité de volume : F = ρE + j × B.

(2.64)

À noterPqu’on a tenu compte du fait que les collisions conservaient l’énergie totale, j (vj · Rj + Qj ) = 0.

Description cinétique et description fluide

31

Les équations de Maxwell permettent d’éliminer ρ et j au profit des champs électromagnétiques, si bien que, après quelques manipulations algébriques, les équations de conservation de l’impulsion et de l’énergie peuvent être mises sous la forme suivante :   S ∂ ρm v + 2 + ∇ · (ρm vv + P + T) = 0, (2.65) ∂t c et :

        ∂ 1 2 1 2 ρm e + v + U + ∇ · ρm e + v v + P · v + q + S = 0, (2.66) ∂t 2 2

où U , S et T sont respectivement la densité d’énergie du rayonnement, le flux d’énergie du rayonnement (c’est-à-dire le vecteur de Poynting), et le tenseur de densité de flux d’impulsion (ou tenseur de Maxwell) : U=

ǫ0 E 2 B2 + , 2 2µ0

(2.67)

E×B , µ0

(2.68)

  1 BB . I − ǫ0 EE + µ0

(2.69)

S= et :

 T=

2.7

ǫ0 E 2 B2 + 2 2µ0



Fermeture des équations fluides

On peut continuer à établir des équations fluides pour des quantités, en général des tenseurs d’ordre supérieur, construites avec des produits tensoriels de la vitesse moyennés sur la fonction de distribution des vitesses. Mais la hiérarchie d’équations fluides ainsi obtenues devient vite complexe et inutilisable. En outre, pour un problème donné, il peut être suffisant de n’utiliser que les premières de ces équations fluides, en remplaçant les plus complexes d’entre elles par ce qu’on appelle une hypothèse de fermeture, qui correspond à une approximation à justifier au cas par cas. Les hypothèses de fermeture les plus souvent utilisées sont : – l’hypothèse « plasma froid », Pj = 0 ; – le plasma isotherme, Pj = nj kB Tj I avec Tj = cste ; γ – l’hypothèse adiabatique, qj = 0 ou Pj ∝ nj j , ou plutôt ∇ · Pj = γj kB Tj ∇nj (le coefficient γj restant à préciser) ; – la loi de Fourier, qj = −κ∇Tj . Ces hypothèses se justifient éventuellement a posteriori par une analyse cinétique du problème. Il faut noter que ces hypothèses peuvent être différentes pour les électrons et les ions, et dépendent des échelles caractéristiques de temps mises en jeu, et donc du problème étudié.

Chapitre 3 Ondes dans les plasmas non magnétisés Dans ce chapitre, on se limite aux ondes dans les plasmas homogènes, non magnétisés et non collisionnels. On utilise la description fluide présentée précédemment, ainsi que la description cinétique pour traiter les effets que l’approche fluide ne peut pas décrire.

3.1

Introduction

On peut distinguer deux types d’ondes, les ondes électromagnétiques possédant à la fois un champ électrique et un champ magnétique, et les ondes purement électrostatiques. Les premières ne s’accompagnent pas de séparation de charges électriques, et peuvent se propager aussi bien dans le plasma que dans le vide, tandis que les secondes sont précisément des ondes de séparation de charges, qui ne peuvent donc se propager que dans un plasma. Comme les équations de Maxwell qui gouvernent ces ondes sont des équations linéaires en champ électrique E et champ magnétique B, où les termes sources sont la densité de charge ρ et le courant électrique j, on obtient un problème linéaire dès lors que ces quantités ρ et j sont elles-mêmes des fonctions linéaires de E. Dans la majeure partie de ce chapitre, on se placera dans cette hypothèse. Dans cette situation, les différentes composantes de Fourier du champ électrique se comportent indépendamment les unes des autres, si bien qu’on peut les étudier séparément. Pour chaque composante de Fourier, le champ électrique a un comportement ondulatoire de la forme : E(r, t) = Re[E exp i(k · r − ωt)],

(3.1)

où k est le vecteur d’onde et ω la fréquence. La géométrie des vecteurs k et E détermine la polarisation de l’onde (électromagnétique quand ils sont perpendiculaires, électrostatique quand ils sont parallèles), tandis que ω et k sont reliés par une relation, dite relation de dispersion, qui permet de déterminer les propriétés de propagation de l’onde.

34

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

On va d’abord établir les équations de propagation des champs E et B, avant de rentrer dans l’étude détaillée de chaque type d’onde.

3.2

Équations de propagation pour E and B

Pour obtenir les équations de propagation des ondes, on reprend l’équation de Faraday : ∂B , (3.2) ∇×E = − ∂t et la loi d’Ampère :   ∂E . (3.3) ∇ × B = µ0 j + ǫ0 ∂t En prenant le rotationnel de la première et en utilisant la seconde pour éliminer le champ magnétique, on obtient : ∇×∇×E+

1 ∂2E ∂j = −µ0 . c2 ∂t2 ∂t

(3.4)

Considérons un plasma stationnaire et une onde dont le champ électrique oscille à la fréquence ω, avec 1 : E(r, t) = Re[E(r) exp(−iωt)].

(3.5)

Pour une onde de faible amplitude, la réponse du plasma est linéaire et le courant électrique créé dans le plasma suit la même dépendance temporelle que le champ électrique, soit : j(r, t) = Re[j(r) exp(−iωt)].

(3.6)

La théorie de la réponse linéaire relie la densité de courant dans le plasma j(r) au champ électrique E(r), avec, par définition de la susceptibilité diélectrique χ(ω) : j(r) = −iωǫ0 χ(ω)E(r). (3.7) Notons ici que la susceptibilité diélectrique χ(ω) est une quantité scalaire si on se restreint à un plasma froid non magnétisé 2 . On définit de même la fonction diélectrique : ǫ(ω) = 1 + χ(ω). (3.8) Alors, en utilisant l’égalité : ∇ × ∇ × E = ∇(∇ · E) − ∆E,

(3.9)

on trouve que l’équation (3.4) prend la forme : ∆E − ∇(∇ · E) +

ω2 ǫ(ω)E = 0. c2

(3.10)

1. À ce stade, il n’est pas nécessaire de préciser la forme de la dépendance spatiale. 2. En milieu anisotrope, comme en présence d’un champ magnétique baignant le plasma, la susceptibilité diélectrique a une forme tensorielle.

35

Ondes dans les plasmas non magnétisés

En prenant maintenant le rotationnel de l’équation d’Ampère (3.3) et en utilisant la loi de Faraday (3.2) pour éliminer cette fois le champ électrique, ainsi que l’équation ∇·B = 0, on obtient pour le champ magnétique l’équation suivante : 1 ω2 ∆B + ∇ǫ × ∇ × B + 2 ǫ(ω)B = 0. (3.11) ǫ c

3.3

Réponse diélectrique d’un plasma froid non collisionnel

Le cas le plus simple correspond à l’approximation d’un plasma froid 3 non collisionnel (pour lequel on peut négliger les termes de pression et les termes collisionnels) et non magnétisé. On récrit d’abord l’équation du mouvement (2.46) des particules de l’espèce j dans le cadre de cette approximation : ∂vj qj + (vj · ∇)vj = (E + vj × B). ∂t mj

(3.12)

Il s’agit de calculer la contribution au courant électrique de ces particules, soit : jj (r, t) = nj (r, t)qj vj (r, t). (3.13) Dans un développement limité en puissance du champ électrique, les termes (vj · ∇)vj et vj × B sont d’ordre deux, si bien que, dans le cadre de la théorie de la réponse linéaire, l’équation du mouvement se simplifie et il reste : ∂vj qj = E. ∂t mj

(3.14)

Pour un champ électrique de la forme (3.5), la recherche d’une solution de la forme : vj (r, t) = Re[vj (r) exp(−iωt)], (3.15) conduit à : vj (r) = i

qj E(r) . mj ω

(3.16)

Quant au courant jj (r, t), on peut écrire, à l’ordre considéré : jj (r, t) = nj0 qj vj (r, t),

(3.17)

où nj0 est la densité non perturbée des particules de l’espèce j. Le courant jj (r, t) étant supposé de la forme (3.6), la susceptibilité diélectrique χj de ces particules est reliée à la densité de courant correspondante par : jj (r) = nj0 qj vj (r) = i

nj0 qj2 E(r) = − iωǫ0 χj (ω)E(r), mj ω

(3.18)

3. L’expression « plasma froid » ne fait pas référence ici à une température basse, mais plutôt au fait que la vitesse thermique des particules peut être négligée par rapport à la vitesse de phase qui caractérise l’onde étudiée.

36

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

avec : χj (ω) = −

2 nj0 qj2 ωpj = − , mj ǫ 0 ω 2 ω2

(3.19)

où l’on retrouve la fréquence plasma électronique ωpe et la fréquence plasma ionique ωpi définies au paragraphe 1.5. Comme ωpi ≪ ωpe , la réponse diélectrique totale du plasma est essentiellement due aux électrons, avec χ = χe + χi ≃ χe , soit : 2 2 2 ωpe + ωpi ωpe χ=− ≃ − . (3.20) ω2 ω2 Finalement, on écrit, pour la fonction diélectrique du plasma froid : ǫ(ω) = 1 + χ ≃ 1 −

3.4

2 ωpe . ω2

(3.21)

Ondes électromagnétiques

On se concentre maintenant sur les ondes électromagnétiques. En plasma homogène, celles-ci correspondent à ∇ · E = 0 (pas de séparation de charges), si bien que l’équation de propagation (3.10) devient simplement 4 : ∆E +

ω2 ǫ(ω)E = 0. c2

(3.22)

On va préciser la dépendance spatiale. On s’intéresse aux modes de Fourier pris individuellement, c’est-à-dire qu’on cherche des solutions de la forme : E(r) = E exp(ik · r).

(3.23)

La condition ∇ · E = 0 se traduit ici par la condition k · E = 0, c’est-àdire que k et E sont perpendiculaires entre eux, et B est dans la troisième direction, comme représenté sur la figure 3.1. Ainsi, l’équation (3.22) conduit à la relation : ω2 k 2 = 2 ǫ(ω), (3.24) c soit : ω k = N (ω), (3.25) c où N (ω) est l’indice optique du plasma, déduit de la réponse diélectrique (3.21) établie précédemment : r 2 p ωpe N (ω) = ǫ(ω) = 1 − 2 . (3.26) ω La relation (3.24) peut encore s’écrire : 2 ω 2 = ωpe + k 2 c2 .

(3.27)

4. Dans un plasma homogène, on a ∇ǫ = 0, et l’équation (3.11) pour le champ magnétique B devient identique à celle pour le champ électrique E.

Ondes dans les plasmas non magnétisés

37

Cette équation constitue la relation de dispersion des ondes électromagnétiques dans un plasma. La courbe donnant ω en fonction du nombre d’onde k est représentée sur la figure 3.2.

Fig. 3.1 – Géométrie des vecteurs k, E et B pour un mode électromagnétique.

Fig. 3.2 – Relation de dispersion des ondes électromagnétiques. En pointillés, la relation de dispersion dans le vide, ω = kc.

Le nombre d’onde k est réel positif si, et seulement si, ǫ(ω) > 0, ce qui implique ω > ωpe , c’est-à-dire ne < nc (ω), où nc (ω) est la densité critique associée à la fréquence ω, me ǫ 0 ω 2 nc (ω) = . (3.28) e2 Il peut être utile d’exprimer la densité critique en fonction de la longueur d’onde du rayonnement électromagnétique dans le vide, λ = 2πc/ω, soit : nc =

4π 2 me , µ0 e2 λ2

(3.29)

ou encore, numériquement : nc (m−3 ) ≈ 1.1 × 1027 λ−2 µ , où λµ est la longueur d’onde exprimée en microns.

(3.30)

38

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Notons encore que la fonction diélectrique peut également être exprimée en fonction du rapport ne /nc : ne ǫ(ω) = 1 − . (3.31) nc À partir de la relation de dispersion (3.27), on calcule la vitesse de phase de l’onde : !−1/2 2 ωpe ω , (3.32) vφ = = c 1 − 2 k ω et la vitesse de groupe (vitesse de propagation de l’énergie) : !1/2 2 ωpe ∂ω vg = =c 1− 2 . ∂k ω

(3.33)

On vérifie bien que la vitesse de groupe vg reste inférieure à la vitesse de la lumière c. La vitesse de phase vφ , quant à elle, est supérieure à la vitesse de la lumière, et on a vg vφ = c2 . Ainsi, une onde électromagnétique de fréquence ω ne peut se propager dans un plasma que si la densité électronique de celui-ci est inférieure à la densité critique nc (ω). Dans le cas contraire, le nombre d’onde k devient imaginaire pur, ce qui correspond à une onde évanescente, c’est-à-dire que k = iκ, le champ électrique étant de la forme E(r) = E exp(−κ · r), avec : κ=

1/2 1 2 ωpe − ω 2 . c

(3.34)

À la limite basse fréquence, ω ≪ ωpe , et on a κ ≃ ωpe /c. On appelle alors longueur de peau ou épaisseur de peau la distance sur laquelle le champ électrique est divisé par un facteur e, soit : c lpeau = . (3.35) ωpe Pour terminer ce paragraphe, on peut remarquer qu’il est possible de s’affranchir de l’hypothèse « plasma froid » dans le cas des ondes électromagnétiques. Écrivons tout d’abord la divergence du tenseur de pression dans le cadre de l’approximation adiabatique, analogue à l’approximation usuelle P ∝ n γ , qui prend ici la forme : ∇ · Pj = γj kB Tj0 ∇nj1 ,

(3.36)

où Tj0 et nj1 représentent respectivement la température non perturbée et la perturbation de densité des particules de l’espèce j. Pour une onde électromagnétique en plasma homogène, la relation ∇ · E = 0 implique ∇ · vj = 0, puisque vj est proportionnel à E, et donc nj1 = 0 d’après l’équation de continuité (2.39) linéarisée, qui s’écrit : ∂nj1 = −nj0 ∇ · vj . ∂t

(3.37)

Ondes dans les plasmas non magnétisés

39

L’onde électromagnétique se propage sans perturbation de la densité des différentes espèces de particules (on a affaire à des plans de charges, perpendiculaires au vecteur d’onde, oscillant parallèlement à eux-mêmes), si bien que le terme supplémentaire dû à la pression, apparaissant dans l’équation du mouvement (2.46) de chaque espèce j, s’annule. Ainsi, pour les ondes électromagnétiques, la dispersion des vitesses des particules ne modifie pas le résultat de la théorie utilisant l’approximation « plasma froid » 5 .

3.5

Ondes plasmas électroniques

Les ondes électrostatiques correspondent à ∇ × E = 0. L’équation (3.10) devient alors simplement : ǫ(ω) = 0, (3.38) ce qui, dans le cadre de l’approximation « plasma froid » non collisionnel du paragraphe 3.3, donne : q 2 + ω2 ≈ ω , ω = ωpe (3.39) pe pi résultat déjà obtenu au paragraphe 1.5 dans un plasma monodimensionnel. Ainsi, dans un plasma froid, les ondes plasmas électroniques ont une fréquence bien définie. Considérons un mode de Fourier, de vecteur d’onde k. La géométrie est maintenant telle que k × E = 0, c’est-à-dire que les deux vecteurs k et E sont parallèles (figure 3.3). La vitesse de phase de l’onde est donnée par vφ = ωpe /k, et peut a priori prendre des valeurs arbitraires, tandis que la vitesse de groupe ∂ω/∂k est nulle, ce qui signifie que ces ondes ne se propagent pas. Mais, au contraire des ondes électromagnétiques, les ondes électrostatiques correspondent à des ondes de densité de charges. On a là affaire à des plans de charges, toujours perpendiculaires au vecteur d’onde, mais qui maintenant oscillent parallèlement au vecteur d’onde, comme un accordéon. Reprenons l’équation du mouvement (2.46), écrite pour une onde électrostatique dans un plasma non collisionnel, donc sans les termes v × B et Rj , mais gardons maintenant le terme de pression, soit : ∂vj qj 1 + (vj · ∇)vj = E− ∇ · Pj . ∂t mj n j mj

(3.40)

À nouveau, on se place dans le cadre d’un calcul linéaire et on utilise la relation (3.36), dont on discutera plus loin la validité pour les ondes électrostatiques, pour écrire : ∂vj qj 2 1 = E − γj vtj ∇nj1 . ∂t mj nj0 5. Cette conclusion est cependant limitée aux températures non relativistes.

(3.41)

40

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 3.3 – Géométrie des vecteurs k et E pour un mode électrostatique. On dérive cette équation par rapport au temps et on utilise l’équation de continuité (3.37) pour éliminer la perturbation de densité au profit de la divergence de la vitesse. On obtient : ∂ 2 vj qj ∂E 2 = + γj vtj ∇(∇ · vj ). ∂t2 mj ∂t

(3.42)

Pour un champ électrique de la forme (3.1) et pour un mode électrostatique pour lequel k, E et vj sont colinéaires, on déduit facilement de l’équation (3.42) la relation entre amplitudes complexes : vj =

mj

(ω 2

i qj ω 2 ) E, − γj k 2 vtj

(3.43)

et la susceptibilité diélectrique longitudinale des particules de l’espèce j : χjk (ω, k) = −

2 ωpj 2 . ω 2 − γj k 2 vtj

(3.44)

Pour les modes plasmas électroniques, la contribution des ions peut être négligée et la relation de dispersion devient : ǫk (ω, k) ≃ 1 + χek (ω, k) = 1 −

2 ωpe 2 = 0, ω 2 − γe k 2 vte

(3.45)

soit : 2 2 ω 2 = ωpe + γe k 2 vte .

(3.46)

Reste à discuter la validité de la relation (3.36) et à préciser la valeur du coefficient γe . Ceci ne sera réellement possible qu’à la lumière de la théorie cinétique des ondes électrostatiques exposée plus loin. Cependant, on peut anticiper en affirmant que, en ce qui concerne les modes plasmas électroniques, quand la relation (3.36) est valide, alors les électrons suivent une loi adiabatique avec γe = 3, correspondant à la prise en compte du seul degré de liberté associé à la direction du vecteur d’onde k et du champ électrique E. Précisons cet argument. Il est à mettre en relation avec le caractère anisotrope des perturbations des tenseurs de température et de pression. On se place dans un référentiel où l’une des trois directions coïncide avec le vecteur k. Dans ce référentiel, les perturbations des tenseurs sont diagonales. Par exemple, pour le tenseur de température perturbé des particules de l’espèce j, on distinguera la composante Tj1k et les deux composantes Tj1⊥ .

Ondes dans les plasmas non magnétisés

41

Le plasma étant non collisionnel, seules les vitesses suivant k sont affectées par l’onde. Dans les deux directions perpendiculaires, la dispersion des vitesses reste inchangée, et les composantes correspondantes de la perturbation du tenseur de température sont nulles, soit Tj1⊥ = 0. En revanche, dans la direction parallèle à k, la perturbation Tj1k est proportionnelle à la perturbation de densité. Si la perturbation est adiabatique, alors l’analyse monodimensionnelle donne Tj1k = 2 Tj0 nj1 /nj0 . La perturbation du tenseur de pression est donnée par : Pj1 = nj0 kB Tj1 + nj1 kB Tj0 I,

(3.47)

ce qui donne pour les différentes composantes, dans le cas adiabatique, Pj1⊥ = nj1 kB Tj0 et Pj1k = 3 nj1 kB Tj0 . 6 Or c’est la composante Pj1k qui intervient dans le calcul de ∇ · Pj , ce qui explique, dans le cas adiabatique, la relation ∇ · Pj = 3kB Tj0 ∇nj1 . Finalement, on arrive à la relation de dispersion suivante, pour les ondes plasmas électroniques : 2 2 ω 2 = ωpe + 3k 2 vte .

(3.48)

Quant à la condition de validité de l’hypothèse adiabatique pour les ondes électrostatiques, c’est-à-dire de la relation (3.36), on verra que la théorie cinétique montre qu’elle correspond approximativement à : kλD . 0.3 − 0.4.

(3.49)

Ainsi, la fréquence des ondes plasmas électroniques n’excède que de peu la fréquence plasma électronique. La figure 3.4 représente la relation de dispersion en tenant compte de cette limitation. La vitesse de phase vaut : vφ =

ω ωpe vte ≃ = . k k kλD

(3.50)

La condition de validité de l’hypothèse adiabatique (3.49) s’écrit aussi vφ & 3 vte , c’est-à-dire que la vitesse de phase de l’onde doit rester plus grande que la vitesse de la plupart des particules. La vitesse de groupe est maintenant différente de 0 : vg = 3

2 kvte ≃ 3 (kλD )vte . ω

(3.51)

Cette vitesse est plus petite que la vitesse thermique des électrons, mais peut devenir comparable. 6. On vérifie que l’hypothèse adiabatique conduit à Tj1 = 31 Trace(Tj1 ) = 23 nj1 Tj0 /nj0 , et à Pj1 = 13 Trace (Pj1 ) = 53 nj1 kB Tj0 , ces deux relations correspondant à celles vérifiées dans un gaz parfait monoatomique.

42

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 3.4 – Relation de dispersion des ondes plasmas électroniques. La validité du calcul est cependant limitée à kλD . 0.3 − 0.4, ce que traduit la partie de la courbe tracée en pointillés.

3.6

Ondes acoustiques ioniques

Pour calculer la relation de dispersion des ondes plasmas électroniques, on a négligé la contribution ionique à la susceptibilité diélectrique. Incluons maintenant à la fois la contribution électronique et la contribution ionique dans la fonction diélectrique, toutes deux déduites de l’expression (3.44) (on suppose ici une seule espèce d’ions) : ǫk (ω, k) = 1 + χek + χik = 1 −

ω2

2 2 ωpi ωpe − 2 2 2 . 2 − γe k vte ω − γi k 2 vti

(3.52)

Du fait de la prise en compte des termes de pression, l’équation ǫk (ω, k) = 0 est maintenant du quatrième ordre en ω, plus précisément du second ordre en ω 2 . Outre la racine (en ω 2 ) correspondant aux ondes plasmas électroniques, que l’on vient d’étudier, l’équation possède une deuxième racine qui appartient au domaine des basses fréquences, ω ≪ kvte , pour lequel on peut approximer (3.52) par : 2 2 ωpi ωpe ǫk (ω, k) ≃ 1 + − (3.53) 2 2 = 0, γe k 2 vte ω 2 − γi k 2 vti soit : ω2 =

2 2 γe k 2 vte ωpi 2 2 2 + γi k vti . 2 ωpe + γe k 2 vte

(3.54)

Cette racine correspond aux modes acoustiques ioniques, également appelés modes sonores du plasma. La condition ω ≪ kvte signifie également que la vitesse de phase de l’onde est petite devant la vitesse thermique des électrons, et, dans cette situation, les électrons ont tout le temps de se mettre en équilibre de Boltzmann avec le potentiel électrostatique de l’onde. Ceci correspond

43

Ondes dans les plasmas non magnétisés

à l’hypothèse isotherme γe = 1. Le tenseur de pression électronique reste diagonal, avec Pe1 = ne1 kB Te0 . En revanche, et là on anticipe sur le résultat final et sur le résultat de la théorie cinétique du paragraphe 3.10, la vitesse de phase de l’onde acoustique ionique doit rester grande devant la vitesse thermique des ions, vφ ≫ vti , situation dans laquelle les ions ont un comportement adiabatique caractéristique d’un système à une dimension (comme pour les ondes plasmas électroniques, le mouvement dans les deux directions transverses au vecteur d’onde n’est pas affecté), ce qui justifie la valeur γi = 3. En d’autres termes, pour les ondes acoustiques ioniques, les électrons ont un comportement isotherme, tandis que les ions ont un comportement adiabatique. La solution (3.54) s’écrit alors : k 2 c2s 2 ω2 = + 3 k 2 vti , (3.55) 1 + k 2 λ2D où cs est la vitesse acoustique ionique définie par :  cs = ωpi λD =

ZkB Te mi

1/2

 =

ZTe Ti

1/2 vti .

(3.56)

La vitesse cs joue le rôle d’une vitesse sonore. À noter qu’elle est définie à partir de la pression électronique et de la masse ionique. Une première simplification consiste à négliger le second terme du membre de droite de l’équation (3.55), ce qui est autorisé par l’hypothèse vφ ≫ vti faite plus haut. Ceci implique : ZTe ≫ Ti . (3.57) La relation de dispersion se simplifie alors : ω2 =

k 2 c2s , 1 + k 2 λ2D

(3.58)

ce qui, compte tenu de la définition de cs , implique ω < ωpi . La figure 3.5 représente la relation de dispersion des ondes acoustiques ioniques dans la limite ZTe ≫ Ti . Les vitesses de phase et de groupe s’obtiennent facilement à partir de l’équation (3.58), soit : vφ =

cs , (1 + k 2 λ2D )1/2

(3.59)

vg =

cs . (1 + k 2 λ2D )3/2

(3.60)

et :

Les ondes acoustiques ioniques correspondent à des oscillations simultanées des deux espèces constituant le plasma, électrons et ions. À partir de

44

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

l’équation de Poisson et des équations concernant les électrons, on montre que les perturbations de densité vérifient : Zni1 = (1 + k 2 λ2D )ne1 .

(3.61)

La figure 3.6 fournit une illustration de ce résultat pour kλD = 0.5.

Fig. 3.5 – Relation de dispersion des ondes acoustiques ioniques pour ZTe ≫ Ti .

Fig. 3.6 – Comparaison des modulations de la densité ionique et de la densité électronique pour une onde acoustique ionique correspondant à kλD = 0.5.

Une simplification supplémentaire peut être faite pour les perturbations de grande longueur d’onde, kλD ≪ 1, pour lesquelles les oscillations conservent la quasi-neutralité, c’est-à-dire ne1 ≈ Zni1 . Les équations (3.58)–(3.60) deviennent alors simplement : ω = kcs , (3.62) et : vφ = vg = cs .

(3.63)

Ondes dans les plasmas non magnétisés

3.7

45

Ondes électrostatiques : approche utilisant l’équation de Poisson

Une approche un peu plus directe des ondes électrostatiques consiste à utiliser l’équation de Poisson au lieu de la loi d’Ampère [ces deux équations étant reliées par la relation de conservation de la charge (2.41)]. Considérons en effet un plasma homogène et, pour chaque espèce de particules, l’équation de continuité et l’équation du mouvement linéarisées, soit : ∂nj1 = − nj0 ∇ · vj , ∂t

(3.64)

∂vj qj 2 1 = E − γj vtj ∇nj1 . ∂t mj nj0

(3.65)

En dérivant par rapport au temps la première de ces deux équations et en y reportant la seconde, on obtient : ∂ 2 nj1 qj 2 = − nj0 ∇ · E − γj vtj ∆nj1 . ∂t2 mj

(3.66)

L’équation de Poisson linéarisée s’écrit : ∇·E=

1 X 1 X ρj = nj1 qj . ǫ0 j ǫ0 j

(3.67)

Pour un champ électrique de la forme (3.1) et des perturbations nj1 de même forme, on obtient, en combinant les équations (3.66) et (3.67) et en supposant ∇ · E 6= 0, la condition : 1=

2 2 ωpi ωpe + 2 2 , ω 2 − γe k 2 vte ω 2 − γi k 2 vti

(3.68)

qui reproduit la condition ǫk (ω, k) = 0 écrite plus haut [voir l’expression (3.52)] et décrivant l’ensemble des ondes électrostatiques (ici encore on a supposé une seule espèce d’ions).

3.8

Théorie cinétique et contour de Landau

Pour établir les résultats précédents, on a adopté une approche fluide et on a dû utiliser des hypothèses de fermeture, du type adiabatique ou isotherme, qui nécessitent davantage de justifications. Ces justifications vont nous être apportées par une approche cinétique, qui va en outre nous permettre de mettre en évidence un phénomène, difficilement prédictible à partir d’une approche fluide, même en utilisant davantage d’équations de la hiérarchie des équations fluides, qui est un phénomène d’amortissement non collisionnel, originellement prédit par Landau [6].

46

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

On revient tout d’abord à l’équation de Vlasov pour les particules de l’espèce j : ∂fj qj ∂fj ∂fj +v· + = 0. (3.69) (E + v × B) · ∂t ∂r mj ∂v Soit fj0 (v) la fonction de distribution à l’équilibre et fj1 (r, v, t) la perturbation associée à l’onde considérée, c’est-à-dire : fj (r, v, t) = fj0 (v) + fj1 (r, v, t).

(3.70)

La linéarisation de l’équation de Vlasov donne : ∂fj1 ∂fj1 qj ∂fj0 +v· =− E· . ∂t ∂r mj ∂v

(3.71)

Pour un champ électrique de la forme (3.1), on cherche la perturbation fj1 sous la forme : fj1 (r, v, t) = Re[fj1 (v) exp i(k · r − ωt)],

(3.72)

ce qui donne : fj1 (v) =

qj E · (∂fj0 /∂v) . mj i(ω − k · v)

(3.73)

La susceptibilité diélectrique des particules de l’espèce j se déduit du calcul R de jj = qj vfj1 dv. On obtient : χjk (ω, k) =

qj2 mj kǫ0

Z

∂fj0 /∂vx dv, ω − kvx

(3.74)

où k et E sont supposés dirigés suivant x. On définit maintenant la fonction de distribution réduite à la direction considérée : Z Fj0 (vx ) = fj0 (v)dvy dvz . (3.75) On peut alors effectuer les intégrations en vy et vz dans (3.74), ce qui donne : qj2 χjk (ω, k) = mj kǫ0

Z

∂Fj0 /∂vx dvx . ω − kvx

(3.76)

Pour ω et k réel, on rencontre un problème dans l’évaluation de l’intégrale du fait de l’existence du pôle correspondant à vx = ω/k. La façon correcte de traiter le problème est en fait d’abandonner la recherche d’un mode propre correspondant aux formes (3.1) et (3.72), et de reposer le problème en termes de conditions initiales [fj1 (r, v, t) et E(r, t) donnés à t = 0]. En pratique, on cherche une solution correspondant à un champ électrique de la forme : E(r, t) = Re[E(t) exp ik · r],

(3.77)

47

Ondes dans les plasmas non magnétisés avec : fj1 (r, v, t) = Re[fj1 (v, t) exp ik · r],

(3.78)

et on utilise une transformation de Laplace afin de résoudre pour t > 0. Landau a montré que le comportement asymptotique (pour t → ∞) de la perturbation est alors déterminé par les zéros de la fonction ǫk (ω, k) dans laquelle les intégrales du type (3.76) sont évaluées à l’aide du contour de Landau, qui passe sous le pôle ω/k, même quand ce pôle est situé sous l’axe réel [cas Im(ω) < 0] (voir la figure 3.7). Pour ω = ωr et k réels, on obtient en particulier :   Z qj2 ∂Fj0 /∂vx π ∂Fj0  ωr  P.P. dvx − i , (3.79) χjk (ωr , k) = mj kǫ0 ωr − kvx k ∂vx k

Fig. 3.7 – Contour de Landau dans le plan v pour Im(ω) < 0. où P.P. désigne la partie principale de l’intégrale 7 . Ainsi, les solutions de ǫk (ω, k) = 0 pour k réel ne peuvent correspondre à ω réel si ∂Fj0 /∂vx 6= 0 pour vx = ω/k. La solution ω a nécessairement une partie imaginaire Im(ω) 6= 0. Le cas Im(ω) < 0 correspond à un champ électrique s’amortissant tandis que le cas Im(ω) > 0 correspond à une amplification temporelle. On peut vérifier que la condition vx (∂Fj0 /∂vx ) < 0 assure la stabilité du plasma vis-à-vis des perturbations électrostatiques. Mathématiquement, l’amortissement (ou l’amplification) de l’onde prédit par Landau est dû au pôle situé en vx = ω/k. Physiquement, il est dû aux particules dont la vitesse est égale à la vitesse de phase de l’onde. Pour ces particules, le champ électrique de l’onde apparaît constant dans le temps et elles peuvent être efficacement accélérées ou décélérées. Il en résulte un transfert d’énergie entre l’onde et les particules dont le bilan se traduit par l’amortissement (ou l’amplification) de l’onde. Le gain global d’énergie des particules dépend de la différence entre le nombre de particules qui vont légèrement moins vite que la vitesse de phase et le nombre de particules qui vont légèrement plus vite que la vitesse de phase, soit de la quantité ∂Fj0 /∂vx . 7. Pour une fonction h(v) de la forme h(v) = g(v)/(v − v0 ), où g(v) est une fonction régulière, on a : Z v0 −ǫ  Z Z ∞ P.P. h(v)dv = lim h(v)dv + h(v)dv . ǫ→0

−∞

v0 +ǫ

48

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

On va maintenant préciser ce qu’il en est pour les deux types d’ondes électrostatiques qu’on a étudiées, les ondes plasmas électroniques et les ondes acoustiques ioniques. Puis, on reviendra sur la notion d’interaction ondeparticule.

3.9

Théorie cinétique des ondes plasmas électroniques

Pour les ondes plasmas électroniques, on ne prend en compte que la susceptibilité diélectrique des électrons χek (ω, k). On note la fréquence ω sous la forme ω = ωr + iωi . On se place ensuite dans la limite faiblement amortie (ou faiblement instable) vérifiant |ωi | ≪ ωpe , de façon à pouvoir développer : χek (ω, k) ≃ χek (ωr , k) + iωi

∂χek (ωr , k). ∂ω

(3.80)

Le premier terme s’exprime à partir de (3.79) et peut se mettre sous la forme χek (ωr , k) = χr (ωr , k) + iχi (ωr , k), en remarquant que la partie principale de l’intégrale est réelle pour ωr réel. À l’ordre le plus bas, l’équation ǫk (ω, k) = 0 se décompose ainsi en deux équations correspondant respectivement aux parties réelle et imaginaire : 1 + χr (ωr , k) = 0, (3.81) et : χi (ωr , k) + ωi

∂χr (ωr , k) = 0. ∂ω

(3.82)

La première de ces deux équations va nous permettre de calculer ωr . On écrit pour cela : e2 χr (ωr , k) = P.P. me kǫ0



e2 me kǫ0

Z

Z

∂Fe0 /∂vx dvx ωr − kvx

∂Fe0 1 ∂vx ωr

(3.83)

  kvx k2 v2 k3 v3 1+ + 2x + 3x + · · · dvx , (3.84) ωr ωr ωr

où on a développé l’expression 1/(ωr − kvx ) dans la limite des grandes vitesses de phase, kvx /ωr < 1. L’intégration par parties donne (on suppose que Fe0 ne transporte pas de courant électrique) 8 : χr (ωr , k) ≃ −

2 ωpe ωr2

 1+3

 2 k 2 vte + . . . . ωr2

(3.85)

8. Dans le cas où Fe0 (vx ) correspond à une distribution des vitesses maxwellienne, on obtient un développement en puissance de (kvte /ωr )2 .

49

Ondes dans les plasmas non magnétisés

À l’ordre considéré, les équations (3.81) et (3.85) permettent de retrouver pour ωr la relation de dispersion obtenue par l’approche fluide : 2 2 ωr2 ≃ ωpe + 3 k 2 vte .

(3.86)

Notons que le facteur adiabatique γe = 3 sort ici naturellement du calcul, ce qui justifie a posteriori l’hypothèse faite dans l’approche fluide. L’équation (3.82) donne alors la valeur du taux d’amortissement (ou d’instabilité) : χi (ωr , k) ωi = − , (3.87) ∂χr /∂ω (ωr , k) soit :

3 π ωpe ωi = 2 ne0 k 2



∂Fe0 ∂vx

 .

(3.88)

vx =ωr /k

Ainsi, pour une fonction de distribution maxwellienne, les ondes plasmas électroniques sont amorties avec un taux donné par :    π 1/2 ω 1 3 pe ωi = − exp − − . (3.89) 8 (kλD )3 2 k 2 λ2D 2 Cet amortissement porte le nom d’amortissement Landau. La courbe correspondante est représentée sur la figure 3.8.

Fig. 3.8 – Taux d’amortissement Landau en fonction du nombre d’onde k pour les ondes plasmas électroniques, d’après la formule (3.89).

On considère en général que le taux d’amortissement reste petit devant la partie réelle de la fréquence tant que kλD . 0.3, et devient important au delà. Notons que, de toute façon, le calcul précédent a supposé la vitesse de phase grande devant la vitesse de la plupart des électrons, soit ωr /k ≫ vte , ce qui correspond aussi à la condition kλD ≪ 1.

50

3.10

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Théorie cinétique des ondes acoustiques ioniques

Pour les ondes acoustiques ioniques, les susceptibilités diélectriques des électrons et des ions doivent être prises en compte. Pour les ions, le calcul se fait dans la même limite que celle qui vient d’être utilisée pour calculer la contribution des électrons dans le cas des ondes plasmas électroniques, c’est-à-dire dans la limite ωr /k ≫ vti , avec en particulier :  2  2 ωpi k 2 vti χi,r (ωr , k) ≃ − 2 1 + 3 + . . . . (3.90) ωr ωr2 Pour les électrons, au contraire, on se place dans la limite des basses fréquences, ωr /k ≪ vte , et : Z ∂Fe0 /∂vx e2 P.P. dvx (3.91) χe,r (ωr , k) = me kǫ0 ωr − kvx

≃−

e2 me kǫ0

Z

∂Fe0 1 dvx , ∂vx kvx

(3.92)

soit, pour une fonction de distribution électronique maxwellienne : χe,r (ωr , k) =

2 ωpe 2 . k 2 vte

(3.93)

On trouve bien là le facteur γe = 1 présupposé lors de l’approche fluide. Pour des ondes faiblement amorties, la partie réelle de la relation ǫk (ω, k) = 0 permet bien, en utilisant (3.90) et (3.93), de retrouver pour la partie réelle de la fréquence le résultat de l’approche fluide : ωr2 =

k 2 c2s 2 + 3 k 2 vti . 1 + k 2 λ2D

(3.94)

Notons que la condition ωr /k ≫ vti implique cs ≫ vti , c’est-à-dire ZTe ≫ Ti . Quant au taux d’amortissement (ou d’instabilité), il résulte de la contribution des ions et des électrons, avec, dans le cas d’un plasma maxwellien :  π 1/2  ω 3 r ωi = − ωr 8 kvti ( "  2 #  1/2  3/2 ) 1 ωr Zme Ti × exp − + . 2 kvti mi ZTe (3.95) Le premier terme correspond à l’amortissement ionique et le second à l’amortissement électronique. En général, c’est l’amortissement ionique qui domine,

Ondes dans les plasmas non magnétisés

51

mais l’amortissement électronique peut l’emporter si Z et Te /Ti sont assez grands. Par exemple, pour des ions complètement ionisés vérifiant la propriété A/Z = 2, où A est le nombre de masse de l’ion, et pour kλD petit devant 1, l’amortissement électronique l’emporte si ZTe /Ti & 13.

3.11

Interaction onde-particule et piégeage

Dans cette section, on va étudier le problème de l’interaction entre une onde électrostatique et une particule chargée dans le cas simplifié où l’amplitude de l’onde électrostatique est finie (c’est-à-dire pas nécessairement arbitrairement petite comme dans une théorie linéaire), et maintenue constante dans l’espace et le temps. Soit donc une onde électrostatique dont le champ électrique est dirigé suivant l’axe x et a la forme : E(x, t) = E0 sin(kx − ωt).

(3.96)

Le caractère sinusoïdal de la dépendance en espace et en temps n’est pas essentiel, quoiqu’il simplifie un peu l’écriture de certaines équations. Les calculs qui vont être développés ici peuvent être généralisés sans difficulté au cas d’un champ électrique possédant des harmoniques, pourvu que le potentiel Φ(x, t) soit une fonction périodique de la phase kx − ωt. Bien que l’analyse des phénomènes de piégeage puisse s’appliquer aussi bien aux ions qu’aux électrons, suivant le type d’ondes, on va, pour fixer les idées, s’intéresser aux électrons. L’équation du mouvement d’un électron, me dv/dt = −eE, s’écrit plus simplement dans le référentiel associé à la vitesse de phase de l’onde, vφ = ω/k. On pose donc : X = x − vφ t, dX = v − vφ . V = dt

(3.97) (3.98)

On a alors :

d2 X dΦ = −eE0 sin kX = e , dt2 dX où le potentiel électrostatique Φ devient indépendant du temps : me

Φ(X) =

E0 cos kX. k

(3.99)

(3.100)

On retrouve là exactement le problème du pendule non linéaire, où X joue le rôle de variable angulaire. On peut déterminer l’invariant du mouvement correspondant à la conservation de l’énergie dans le référentiel considéré, en multipliant l’équation (3.99) par dX/dt et en intégrant, soit : me 2



dX dt

2 −

eE0 cos kX = C. k

(3.101)

52

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

La constante C dépend des conditions initiales et caractérise la trajectoire dans l’espace des phases X, V . Suivant la valeur de C, on peut avoir deux types de trajectoires, séparées par une trajectoire limite appelée séparatrice. Quelques trajectoires correspondant à différentes valeurs de la constante d’intégration C sont représentées sur la figure 3.9.

Fig. 3.9 – Trajectoires de particules dans un champ sinusoïdal E(X) = E0 sin kX. On distingue les trajectoires fermées (particules piégées) et les trajectoires ouvertes (particules circulantes). La séparatrice constitue la frontière entre les deux types de trajectoires. La constante C doit être plus grande que −eE0 /k pour que la trajectoire soit réelle. Pour −eE0 /k < C < eE0 /k, la trajectoire est fermée, la vitesse V changeant de signe aux points où C + (eE0 /k) cos kX s’annule. On parle alors de particule piégée, la particule restant constamment au voisinage du même minimum du potentiel. Si C reste voisin de la borne inférieure −eE0 /k, la trajectoire reste confinée à |kX| petit, et on peut faire le développement limité : 1 cos kX ≃ 1 − k 2 X 2 , (3.102) 2 et réécrire l’invariant sous la forme :  2 eE0 k 2 eE0 me dX + X = C′ = C + . (3.103) 2 dt 2 k Cette formule est celle d’un oscillateur harmonique de fréquence ωb , donnée par : eE0 k ωb2 = , (3.104) me et appelée fréquence de piégeage. La particule fait alors de petites oscillations dans le fond du puits de potentiel associé à l’onde. Notons que la période des oscillations, donnée par 2π/ωb dans la limite des petites oscillations, augmente avec l’amplitude de celles-ci, pour tendre vers l’infini à la limite C → eE0 /k.

53

Ondes dans les plasmas non magnétisés

Quand C > eE0 /k, la vitesse V ne peut s’annuler, et la particule est circulante, sa vitesse oscillant toutefois en valeur absolue entre une valeur minimale correspondant aux sommets de la courbe de potentiel et une valeur maximale correspondant aux fonds des puits. Les particules circulantes peuvent se déplacer vers la gauche ou vers la droite dans le référentiel de l’onde, suivant qu’elles vont plus lentement ou plus vite que la vitesse de phase dans le référentiel de départ. La séparatrice correspond à C = eE0 /k et représente les trajectoires limites de particules qui passent d’un sommet du potentiel au sommet voisin sans jamais pouvoir le franchir. Elle correspond à l’équation : 1/2  2eE0 V =± (1 + cos kX) me k 1/2    kX eE0 =±2 cos . me k 2 (3.105) En X = 0 la vitesse atteinte vaut : Vmax = 2



eE0 me k

1/2 .

(3.106)

Les points de la séparatrice correspondant à kX = (2n + 1)π, avec n entier, portent le nom de points X. Dans la section 3.8, on a mis en relation le phénomène d’amortissement Landau avec l’interaction onde-particule au voisinage de la vitesse de phase de l’onde. Il est instructif à ce stade de discuter la relation entre amortissement Landau et piégeage. On est pour cela amené à comparer le taux d’amortissement prédit par Landau, noté ici γL , et la fréquence de piégeage ωb , calculée avec la valeur instantanée de l’amplitude du champ électrique de l’onde que l’on considère. Seule √ la deuxième quantité dépend de l’amplitude de l’onde (elle varie comme E0 ). Pour les ondes de faible amplitude, on a γL ≫ ωb , si bien que l’onde s’amortit avant que les particules de vitesse proche de la vitesse de phase de l’onde n’aient eu le temps d’amorcer de façon significative un mouvement de rotation dans l’espace des phases autour desRpuits de potentiel associés à l’onde, t ce qui se traduit mathématiquement par 0 ωb (t′ )dt′ ≪ 1. L’amortissement prévient le piégeage en annihilant l’onde de façon prématurée. Au contraire, pour les ondes d’amplitude suffisante, vérifiant ωb ≫ γL , le piégeage redistribue les particules dans l’espace des phases avant que l’amortissement n’ait eu le temps d’agir, en modifiant la pente de la fonction de distribution au voisinage de la vitesse de phase de l’onde. Au bout d’une demi-période π/ωb , les particules piégées qui avaient initialement une vitesse inférieure à la vitesse de phase se retrouvent pour l’essentiel avec une vitesse supérieure à la vitesse de phase, et réciproquement, si bien que la pente de ∂Fe0 /∂v s’inverse. Du fait des échanges d’énergie entre onde et particules, l’amplitude de

54

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

l’onde, même si elle amorce initialement une décroissance, se met à osciller à une fréquence de l’ordre de ωb . Ainsi, piégeage et amortissement Landau semblent antinomiques. On peut toutefois les relier de façon très approximative quand ωb & γL . Reprenons en effet les résultats obtenus dans cette section avec une onde d’amplitude constante, et évaluons l’ordre de grandeur des échanges d’énergie entre l’onde et les particules en revenant dans le référentiel de départ, et en ne raisonnant que sur les particules piégées. On désigne par ∆v = Vmax l’ordre de grandeur caractéristique de la variation de vitesse d’une particule piégée pendant une demi-période d’oscillation, c’est-à-dire pendant le temps π/ωp . Pendant cette demi-période, on considère, comme on vient de le dire, que les particules piégées de vitesse initiale respective V < 0 et V > 0 échangent leur position dans l’espace des phases, les premières gagnant donc l’énergie ∆E = me vφ ∆v, les secondes perdant cette même énergie. Les premières étaient en nombre Fe0 (vφ − ∆v)∆v, les secondes en nombre Fe0 (vφ + ∆v)∆v, par unité de longueur, ce qui donne un transfert d’énergie de l’onde vers les particules : ∆W ∝ −me vφ

∂Fe0 ∆v 3 . ∂v

(3.107)

En divisant par la demi-période, qu’on peut encore écrire 2π/k∆v, et par la densité d’énergie purement électrique 41 ǫ0 E02 , on arrive à un taux de transfert donné par :   3 ωpe ∂Fe0 . (3.108) γ∝− ne0 k 2 ∂v vφ Au facteur numérique près, on retrouve par ce raisonnement le taux correspondant à l’amortissement Landau (3.88).

3.12

Ondes acoustiques électroniques

On a décrit dans les paragraphes précédents le rôle de l’amortissement Landau dans l’évolution des ondes plasmas électroniques et ioniques. Il existe cependant des situations assez particulières où des modes électrostatiques peuvent exister sans être amortis. C’est le cas quand les fonctions de distribution des particules normalement responsables de l’amortissement sont plates dans le voisinage immédiat de la vitesse de phase v = ω/k. Cette situation peut par exemple se produire quand les fonctions de distribution ont été localement aplanies par un forçage extérieur préalable correspondant à la bonne fréquence et au bon nombre d’onde, et opérant un brassage des particules piégées dans la zone voisine de la vitesse de phase. Le mode propre qui peut alors apparaître (ou plutôt subsister) peut être d’amplitude arbitrairement petite, pourvu que les fonctions de distribution soient plates dans un voisinage suffisant de la vitesse de phase (mais qui lui aussi peut être arbitrairement étroit) [7, 8]. En un certain sens, ces modes sont des modes non linéaires dont l’amplitude peut être arbitrairement petite.

55

Ondes dans les plasmas non magnétisés

Fig. 3.10 – Relation de dispersion des ondes plasmas électroniques et des ondes acoustiques électroniques dans le cas où la dérivée de la fonction de distribution est localement plate pour v = ω/k. Les courbes en pointillés correspondent aux expressions analytiques valables pour kλD petit.

On s’intéresse plus particulièrement au cas des modes purement électroniques. Dans la limite considérée, la réponse du plasma peut se calculer avec une théorie linéaire, la susceptibilité électronique se réduisant à la partie principale de l’intégrale :

χek (ω, k) =

e2 P.P. me kǫ0

Z

∂Fe0 /∂vx dvx . ω − kvx

(3.109)

2 La contribution ionique χik = −ωpi /ω 2 restant négligeable dans ce contexte, l’équation de dispersion 1 + χek (ω, k) = 0 peut se résoudre numériquement. Le résultat est reporté sur la figure 3.10. On observe qu’il n’y a de solutions que pour des nombres d’onde inférieurs à 0.53 λ−1 D et pour des vitesses de phase supérieures à environ 1.31 vte . Pour kλD petit, on peut distinguer deux branches. La branche haute fréquence correspond aux ondes plasmas électroniques habituelles, avec :

2 2 ω 2 ≃ ωpe + 3 k 2 vte .

(3.110)

La branche basse fréquence est qualifiée de branche acoustique électronique, du fait de la proportionnalité entre ω et k pour kλD petit. On montre que l’on a en effet dans cette limite [9] :  ω ≃ 1.31 kvte 1 + k 2 λ2D .

(3.111)

56

3.13

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Ondes plasmas électroniques de grande amplitude et limite de déferlement

Dans ce paragraphe, on examine le cas d’ondes plasmas électroniques de grande amplitude dans un plasma froid homogène. On se place dans la limite non relativiste, vφ ≪ c, où vφ est la vitesse de phase de l’onde considérée. Les ions sont supposés fixes, et formant un fond continu de densité de charge n0 e. Un résultat remarquable de ce paragraphe, en fait déjà obtenu dans le paragraphe 1.5, est que la fréquence d’oscillation d’un électron donné autour de sa position d’équilibre reste égale à la fréquence plasma électronique ωpe [10], tant que la limite de déferlement n’est pas atteinte. Considérons en effet des oscillations suivant la direction x, et écrivons les équations fluides pour les électrons : ∂ne ve ∂ne + = 0, ∂t ∂x ∂ve ∂ve e + ve =− E, ∂t ∂x me

(3.112) (3.113)

ainsi que les lois de Poisson et d’Ampère : ∂E e = (n0 − ne ), ∂x ǫ0 ∂E e = ne ve . ∂t ǫ0

(3.114) (3.115)

On opère alors une transformation pour passer des variables eulériennes (x, t) aux variables lagrangiennes (x0 , τ ), où τ = t et : x(x0 , τ ) = x0 + ξ(x0 , τ ),

(3.116)

où ξ(x0 , τ ) est le déplacement de l’élément de fluide situé à la position x0 en l’absence de l’onde, avec donc : ve =

∂ξ . ∂τ

Les dérivées spatiales et temporelles se transforment suivant :   ∂ ∂ξ ∂ = 1+ , ∂x0 ∂x0 ∂x et :

(3.117)

(3.118)

∂ ∂ ∂ = + ve . (3.119) ∂τ ∂t ∂x L’équation de continuité (3.112) multipliée par le facteur (1 + ∂ξ/∂x0 ) se réarrange en :    ∂ ∂ξ 1+ ne = 0, (3.120) ∂τ ∂x0

57

Ondes dans les plasmas non magnétisés tandis que l’équation du mouvement (3.113) s’écrit simplement : e ∂ve =− E. ∂τ me

(3.121)

Enfin, une combinaison des lois de Poisson et d’Ampère donne : e ∂E = n0 ve . ∂τ ǫ0

(3.122)

En combinant les équations (3.121) et (3.122), on obtient : ∂ 2 ve 2 = −ωpe ve . ∂τ 2

(3.123)

Des équations similaires sont obtenues pour ξ et E. Ainsi, ξ(x0 , τ ), ve (x0 , τ ) et E(x0 , τ ) oscillent à la fréquence plasma électronique ωpe comme dans la théorie linéaire. L’amplitude de ces oscillations ne peut cependant pas être arbitrairement large, car la densité électronique, qui se déduit de l’équation (3.120) : ne =

n0 1+

∂ξ ∂x0

,

(3.124)

doit rester définie et positive, ce qui implique : ∂ξ > −1, ∂x0

(3.125)

c’est-à-dire ∂x/∂x0 > 0. Cette condition traduit le fait que les particules doivent rester ordonnées comme elles l’étaient en l’absence de l’onde : elles ne peuvent pas se dépasser au cours du mouvement. Quand un tel dépassement se produit, on parle de déferlement. Le calcul précédent devient alors invalide, car il n’y a plus de correspondance bi-univoque entre les variables eulériennes et les variables lagrangiennes. Physiquement, cela correspond à une violation de l’hypothèse de plasma froid, puisque des éléments fluides originaires de positions initiales différentes et animés de vitesses différentes se retrouvent à la même position. Considérons par exemple une onde progressive de la forme : ξ(x0 , τ ) = ξ0 sin(kX0 ),

(3.126)

ve (x0 , τ ) = −ωpe ξ0 cos(kX0 ),

(3.127)

E(x0 , τ ) = et : ne (x0 , τ ) =

2 me ωpe

ξ0 sin(kX0 ),

(3.128)

n0 , 1 + kξ0 cos(kX0 )

(3.129)

e

où on a posé kX0 = kx0 − ωpe τ , et où on a supposé kξ0 < 1 pour satisfaire la condition (3.125). La dépendance en temps du champ électrique est bien

58

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

harmonique dans les variables (x0 , τ ), mais ne le reste pas quand on revient aux variables (x, t), où elle devient fortement anharmonique quand kξ0 tend vers 1. Le potentiel électrostatique peut se calculer en remarquant que :   ∂Φ ∂ξ E, (3.130) =− 1+ ∂x0 ∂x0 puis en intégrant en x0 l’expression obtenue. On obtient, à une constante d’intégration près :   2 me ωpe 1 Φ(x0 , τ ) = ξ0 cos(kX0 ) 1 + kξ0 cos(kX0 ) . (3.131) ek 2 À noter que le potentiel est minimum pour cos(kX0 ) = −1. La figure 3.11 représente la densité électronique en fonction de la phase kX = kx − ωpe t pour kξ0 = 0.6. On remarque sur l’expression (3.129) que, toujours en supposant kξ0 < 1, la valeur minimale de la densité reste toujours supérieure à 0.5, tandis que sa valeur maximale peut être arbitrairement grande.

Fig. 3.11 – Densité en fonction de kX = kx−ωpe t pour une onde progressive donnée par les équations (3.126)–(3.129) pour kξ0 = 0.6.

La figure 3.12 représente la vitesse électronique en fonction de la phase. Il est également intéressant de représenter en pointillés sur cette figure la position de la séparatrice, dont l’expression s’obtient en écrivant que la vitesse d’une particule de la séparatrice est égale à la vitesse de phase ωpe /k là où le potentiel est minimum, soit : 1/2 i ωpe h vsep (x0 , τ ) = 1 ± kξ0 {1 + cos (kX0 )} {2 − kξ0 [1 − cos (kX0 )]} . k (3.132)

59

Ondes dans les plasmas non magnétisés

Fig. 3.12 – Vitesse électronique en fonction de kX = kx − ωpe t pour une onde progressive donnée par les équations (3.126)–(3.129) pour kξ0 = 0.6. La courbe en pointillés correspond à la position de la séparatrice.

Plus kξ0 est proche de 1, plus la vitesse électronique se rapproche de la partie basse de la séparatrice. La limite de déferlement correspond à kξ0 = 1 et la densité électronique devient alors infinie pour cos(kx0 − ωpe τ ) = −1. Pour ces points, on a : ve = ωpe ξ0 =

ωpe , k

(3.133)

ce qui correspond à des particules qui ont atteint exactement la vitesse de phase vφ de l’onde. À la limite de déferlement, l’amplitude maximale de l’onde vaut : 2 ξ0 me ωpe me ωpe vφ = . (3.134) Emax = e e On note par ailleurs que, à la limite du déferlement, la vitesse électronique coïncide en tout point avec la partie basse de la séparatrice. Pour kξ0 > 1, la transformation des variables eulériennes aux variables lagrangiennes n’est pas bi-univoque pour certaines valeurs de x, comme on peut le voir sur la figure 3.13 pour kξ0 = 2.5. L’hypothèse de plasma froid est alors violée (en certains points la fonction de distribution des vitesses est multivaluée), le champ électrique E n’est plus donné par l’équation (3.128), et, en supposant que la courbe kξ0 = 2.5 de la figure 3.13 corresponde à la condition initiale à t = 0, l’évolution ultérieure de ξ(x0 , τ ) et ve (x0 , τ ) ne correspondrait pas aux équations (3.126–3.127). Une température électronique finie favorise l’apparition du déferlement, en permettant aux particules les plus rapides d’atteindre plus facilement la vitesse de phase. La description de ce comportement n’est simple que dans le cas où la fonction de distribution électronique est du type water-bag [11], c’est-à-dire

60

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 3.13 – Position X en fonction de la position non perturbée X0 pour une onde progressive donnée par l’équation (3.126) pour kξ0 = 0.6 (en dessous de la limite de déferlement), kξ0 = 1 (limite de déferlement), et kξ0 = 2.5 (au-dessus de la limite de déferlement).

a la forme d’une fonction créneau, soit, en l’absence d’onde : fe0 (v) =f0 si |v| < v0 , =0 si |v| > v0 ,

(3.135)

avec f0 = n0 /2v0 . En présence de l’onde de grande amplitude, la fonction de distribution reste égale à f0 entre les limites v± (x, t), la densité électronique étant simplement proportionnelle à (v+ − v− ) et la vitesse moyenne à (v+ + v− )/2. La figure 3.14 montre, pour une onde progressive correspondant à δ = 0.4 et à v+,max = 0.7vφ , la position des frontières v− (x, t) et v+ (x, t), ainsi que la vitesse moyenne (en tirets), et la séparatrice (en pointillés). Ici, on a défini le paramètre δ par la relation : 1/4 1/2 2 δ = (v0 /vφ ) = 3vte /vφ2 . (3.136) Notons ici que, contrairement au cas du plasma froid, la fréquence des oscillations, qui est déjà une fonction de la température dans le régime linéaire, 2 avec ω 2 = ωpe /(1 − δ 4 ), 9 devient également une fonction de l’amplitude dans le régime non linéaire. Le déferlement se produit quand la vitesse v+ coïncide avec la partie basse de la séparatrice, les particules correspondantes atteignant alors la vitesse de phase vφ . L’amplitude du champ électrique correspondant au déferlement 2 + 3k 2 v 2 , qui est donc ici la relation 9. Cette formule coïncide avec la formule ω 2 = ωpe te de dispersion exacte. Cette particularité est liée au fait que les fonctions de distribution de type water-bag correspondent à un flux de chaleur nul et à un comportement parfaitement adiabatique.

Ondes dans les plasmas non magnétisés

61

vaut :

i1/2 me ωpe vφ h 3 (1 − δ) (1 + δ/3) . (3.137) e L’amplitude maximale est représentée sur la figure 3.15 en fonction du paramètre δ. Emax =

Fig. 3.14 – Vitesses v− (x, t) et v+ (x, t) en fonction de ωpe (x/vφ − t) pour une onde progressive se propageant dans un plasma chaud du type water-bag, correspondant à δ = 0.4 et à v+,max = 0.7vφ . La courbe en tirets correspond à la vitesse moyenne, et la courbe en pointillés correspond à la position de la séparatrice.

Fig. 3.15 – Amplitude de déferlement en fonction du paramètre de température 2 δ = 3vte /vφ2

1/4

pour un modèle water-bag.

Chapitre 4 Instabilités Les plasmas naturels ou de laboratoire sont rarement en équilibre thermodynamique, et cette situation peut conduire au développement d’instabilités, le système cherchant par ce biais une voie de retour à l’équilibre. Dans ce chapitre, on étudie quelques-unes des instabilités les plus typiques, qu’on est susceptible de rencontrer dans divers types de plasmas.

4.1

Instabilité à deux faisceaux

L’instabilité à deux faisceaux est un exemple classique d’instabilité microscopique, c’est-à-dire mettant en jeu la structure dans l’espace des vitesses de la fonction de distribution des particules. Cette instabilité est un cas particulier du cas multi-faisceaux, qu’on présente préalablement. On considère donc tout d’abord n faisceaux de particules de densité nj (pour j = 1 à n) et de vitesse vj suivant un axe privilégié x. Soient qj et mj les charges et masses respectives de ces particules (elles peuvent être identiques ou différentes d’un faisceau à l’autre). Les faisceaux interagissent via le champ électrique et l’équation de Poisson s’écrit : ∂E 1 X = nj qj . ∂x ǫ0 j

(4.1)

Par ailleurs, chaque faisceau peut être traité par son propre système d’équations fluides : ∂nj ∂ + (nj vj ) = 0, (4.2) ∂t ∂x ∂vj ∂vj qj + vj = E. ∂t ∂x mj

(4.3)

Si nj0 et vj0 définissentP les quantités non perturbées, homogènes et indépendantes du temps, avec j nj0 qj = 0 pour assurer la neutralité électrique, et nj1 (x, t) et vj1 (x, t) les quantités correspondantes associées à une perturbation

64

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

de faible amplitude, le système d’équations linéarisées s’écrit : 1 X ∂E = nj1 qj , ∂x ǫ0 j

(4.4)

avec, pour chaque faisceau d’indice j : ∂nj1 ∂nj1 ∂vj1 + vj0 = −nj0 , ∂t ∂x ∂x

(4.5)

qj ∂vj1 ∂vj1 + vj0 = E. ∂t ∂x mj

(4.6)

Si on cherche une solution où le champ électrique est de la forme : E(x, t) = Re[E exp i(kx − ωt)],

(4.7)

de même que les perturbations de densité et de vitesse : nj1 (x, t) = Re[nj1 exp i(kx − ωt)],

(4.8)

vj1 (x, t) = Re[vj1 exp i(kx − ωt)],

(4.9)

on obtient, à partir de (4.5) et de (4.6) : nj1 = nj0 vj1 =

kvj1 , ω − kvj0

qj E , imj (ω − kvj0 )

(4.10) (4.11)

et, en reportant dans l’équation de Poisson linéarisée (4.4), la relation de dispersion : 2 X ωpj ǫk (ω, k) = 1 − = 0, (4.12) (ω − kvj0 )2 j où ωpj est la fréquence plasma associée au faisceau considéré, soit : 2 ωpj =

nj0 qj2 . mj ǫ 0

(4.13)

Notons ici que le passage à la limite continue, c’est-à-dire à la limite d’un nombre infini de faisceaux, la densité totale restant finie, permet de retrouver, après quelques manipulations algébriques, les résultats de la théorie cinétique présentée au chapitre 3 1 . Restreignons maintenant la discussion à un système de deux faisceaux électroniques de vitesses respectives v0 et −v0 , et de densités égales toutes 1. On retrouve également le problème posé par la possibilité qu’un faisceau particulier vérifie la condition ω − kvj0 = 0, ce qui correspond au pôle de Landau.

65

Instabilités

Fig. 4.1 – Taux de croissance de l’instabilité à deux faisceaux en fonction du nombre d’onde de la perturbation.

deux à 12 ne0 . Les ions sont supposés ici former un fond continu au repos, de densité ni0 vérifiant ne0 = Zni0 . La relation de dispersion devient :  2  ωpe 1 1 ǫk (ω, k) ≃ 1 − + = 0, (4.14) 2 (ω − kv0 )2 (ω + kv0 )2 où on a donc négligé la contribution ionique, moyennant l’hypothèse |ω| ≫ ωpi , et où ωpe désigne la fréquence plasma électronique associée à ne0 . L’équation (4.14) peut encore se mettre sous la forme : 2  2 ω 2 − k 2 v02 = ωpe ω 2 + k 2 v02 . (4.15) Si on pose : K=

kv0 , ωpe

l’équation devient : Ω2 − K 2 et la solution s’écrit : Ω2 =

2

Ω=

ω , ωpe

= Ω2 + K 2 ,

 p 1 1 + 2K 2 ± 1 + 8K 2 . 2

(4.16) (4.17)

(4.18)

L’une des racines est négative si K 2 < 1, soit |kv0 | < ωpe . Il existe alors une solution instable de taux de croissance : i1/2 ωpe hp ωi = Im ω = √ 1 + 8K 2 − 1 + 2K 2 . (4.19) 2 Le maximum du taux de croissance correspond à K 2 = 3/8, c’est-à-dire à :  1/2 3 ωpe , (4.20) kopt = 8 v0

66

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

et vaut : ωi,max =

 1/2 1 ωpe . 8

(4.21)

Le taux de croissance en fonction du nombre d’onde est représenté sur la figure 4.1.

4.2

Instabilité faisceau-plasma

On étudie ici une variante de l’instabilité à deux faisceaux : la situation d’équilibre correspond à deux faisceaux électroniques dissymétriques, l’un, de densité ne0 et de vitesse nulle, et l’autre, de densité nb et de vitesse v0 . On suppose que le faisceau de vitesse v0 est minoritaire en densité par rapport au reste du plasma, c’est-à-dire que nb ≪ ne0 . Comme dans le paragraphe précédent, les ions sont supposés au repos et la géométrie est purement mono-dimensionnelle. La relation de dispersion (4.12) prend la forme : ǫk (ω, k) = 1 −

2 ωpe ωb2 − = 0, ω2 (ω − kv0 )2

(4.22)

où ωpe et ωb sont les fréquences plasmas électroniques associées respectivement aux densités ne0 et nb . On repasse dans les variables sans dimension K et Ω définies en (4.16) et on pose : α=

nb ≪ 1, ne0

(4.23)

si bien que la relation de dispersion s’écrit : ǫk (ω, k) = 1 −

1 α − = 0. 2 Ω (Ω − K)2

(4.24)

La relation de dispersion (4.24) est du 4e degré en Ω et admet, suivant la valeur de K, 2 ou 4 racines réelles. Dans le premier cas, les deux autres racines sont complexes conjuguées. La figure 4.2 représente la fonction ǫk (Ω) pour α = 1/200 et K = 1, valeur pour laquelle la fonction a deux racines réelles et deux racines complexes conjuguées. Cette situation se présente quand le maximum intermédiaire de la fonction ǫk (Ω), pour Ω réel, est négatif, ce qui correspond aux conditions simultanées dǫk (Ω)/dΩ = 0 et ǫk (Ω) < 0. La première condition conduit à : Ω = K/(1 + α1/3 ).

(4.25)

Une fois ce résultat reporté dans la seconde condition, celle-ci donne :  3/2 K < 1 + α1/3 ,

(4.26)

67

Instabilités

Fig. 4.2 – Valeur de la fonction ǫk (Ω, K) pour K = 1 et α = 1/200. Pour cette valeur du nombre d’onde K, la fonction a deux racines réelles et deux racines complexes conjuguées.

Fig. 4.3 – Taux de croissance de l’instabilité faisceau-plasma en fonction du nombre d’onde de la perturbation pour α = 1/2000.

ce qui constitue le critère d’instabilité. La figure 4.3 représente le taux de croissance de l’instabilité faisceau-plasma en fonction du nombre d’onde de la perturbation pour α = 1/2000. Le taux de croissance maximum de l’instabilité correspond à une situation où le faisceau excite des oscillations proches des oscillations plasmas électroniques, avec ω proche de ωpe . On pose donc : Ω = 1 + ξ,

(4.27)

avec ξ ≪ 1, et on développe Ω−2 en puissance du petit paramètre ξ, ce qui permet de ramener la relation de dispersion d’une équation du 4e degré en Ω

68

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

à une équation du 3e degré en ξ : α . (4.28) 2 Pour trouver le taux de croissance maximum quand K varie, on différencie tout d’abord cette équation, ce qui donne, en simplifiant par (ξ + 1 − K) : ξ(ξ + 1 − K)2 =

(3 ξ + 1 − K) dξ − 2 ξ dK = 0.

(4.29)

Le taux de croissance est maximum quand dξ est réel, et donc dK/dξ réel, ce qui entraîne (1 − K)/ξ réel. Comme ξ est complexe, ceci n’est possible que si K = 1. L’équation (4.28) se simplifie alors en : α ξ3 = . (4.30) 2 En choisissant parmi les 3 solutions possibles celle qui correspond à une instabilité, c’est-à-dire dont la partie imaginaire est positive, on arrive à :    α 1/3 2iπ ξ= exp , (4.31) 2 3 soit, en revenant aux grandeurs dimensionnées et en séparant partie réelle et partie imaginaire de la fréquence : "  1/3 # nb 1 Re ω = ωpe 1 − , (4.32) 2 2ne0 et

√  1/3 nb 3 Im ω = ωpe , 2 2ne0

(4.33)

pour k = ωpe /v0 . On note alors que la vitesse de phase de la perturbation, Re(ω)/k, est un peu inférieure à la vitesse v0 du faisceau. Les calculs que nous venons de présenter se transposent au cas d’un plasma où les ions et les électrons dérivent les uns par rapport aux autres. Soit v0 la vitesse de dérive des ions par rapport aux électrons. On néglige ici la vitesse thermique des deux espèces de particules, si bien que la relation de dispersion des perturbations longitudinales s’écrit : ǫk (ω, k) = 1 −

2 2 ωpi ωpe − = 0. 2 ω (ω − kv0 )2

(4.34)

Ainsi, les résultats précédents se transposent à condition de poser : α=

Zme . mi

(4.35)

Par exemple, le taux de croissance maximum de l’instabilité s’écrit dans ce cas : √  1/3 3 Zme Im ω = ωpe . (4.36) 2 2mi

69

Instabilités

4.3

Instabilité faisceau chaud-plasma

Le résultat qui précède suppose que le faisceau a une largeur arbitrairement petite. Plus précisément, il reste valide tant que la largeur caractéristique en vitesse du faisceau, δv, reste petite devant la quantité Im(ω)/k, soit : δv ≪ v0



nb ne0

1/3 (4.37)

.

Dans la limite opposée, on parle de faisceau chaud, et le taux d’instabilité s’obtient par le même type de calcul cinétique que celui utilisé au paragraphe 3.9, qui traitait des ondes plasmas électroniques. On reprend en particulier l’équation (3.88) sous la forme : 3 π ωpe ωi = 2 ne0 k 2



∂Fb ∂v

 ,

(4.38)

v=ωr /k

où Fb est la fonction de distribution des vitesses du faisceau. Pour un faisceau gaussien de la forme :   1 nb (v − v0 )2 Fb (v) = √ exp − , (4.39) 2 δv 2 2π δv vérifiant v0 ≫ δv, le taux de croissance est maximum pour la vitesse de phase : ωr = v0 − δv, k

(4.40)

et prend la valeur : Im ω =

 π 1/2 n  v 2 0 b ωpe . 8e ne0 δv

(4.41)

Chapitre 5 Transport thermique électronique dans les plasmas créés par laser Le transport de l’énergie joue un rôle essentiel dans les plasmas créés par laser. Ce transport peut se faire par le rayonnement ou par les particules. Dans ce chapitre, on s’intéresse au deuxième mode de transport. On se restreint au cas d’un plasma non magnétisé, c’est-à-dire où la fréquence cyclotronique des électrons est bien inférieure à leur fréquence de collision. On étudie tout d’abord le régime linéaire, où le flux de chaleur est proportionnel au gradient de température local, et le régime non linéaire et non local qui apparaît quand les échelles de longueur caractéristiques du profil de température deviennent plus petites que le libre parcours moyen des électrons responsables du transport de l’énergie.

5.1

Théorie linéaire ; loi de Spitzer-Härm

Tout d’abord, la faible inertie des électrons et la grande mobilité qui les caractérise les rendent responsables principaux du transport thermique, et, dans la suite, on ne considérera que leur contribution. Il est indispensable de prendre en compte les collisions pour l’évaluation des phénomènes de transport dont l’échelle de temps caractéristique est en général bien plus grande que les temps de collision caractéristiques. Une théorie rigoureuse nécessiterait l’utilisation d’équations cinétiques dont l’établissement et la description dépassent un peu le cadre présent. On utilisera donc une version phénoménologique approchée de l’équation cinétique, utilisant l’approximation du temps de relaxation, soit pour la fonction de distribution électronique notée ici simplement f : ∂f ∂f e ∂f 1 +v· − E· =− (f − f0 ) , ∂t ∂r me ∂v τ (v)

(5.1)

où le taux de relaxation est simplement donné par : τ (v) = 1/νei (v),

(5.2)

72

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

où νei (v) est la fréquence de collision donnée par la formule : 4πni Z 2 e4 ln Λ , (4πǫ0 )2 m2e v 3

νei (v) =

(5.3)

où ln Λ est le logarithme coulombien, et où f0 (r, v, t) correspond à une fonction de distribution maxwellienne locale caractérisée par une densité ne (r), une température Te (r), et éventuellement une vitesse d’entraînement v(r) liée à l’hydrodynamique globale du plasma, vitesse que l’on négligera dans cette présentation (de l’ordre de la vitesse acoustique ionique, elle est beaucoup plus petite que la vitesse thermique électronique). Dans l’équation (5.1), on n’a pas tenu compte du terme dû au champ magnétique, qui est supposé ici négligeable 1 . L’hypothèse de base de la théorie linéaire du transport est que les paramètres de la fonction de distribution f0 varient lentement dans l’espace, c’est-àdire lentement à l’échelle des libres parcours moyens collisionnels, λ(v) = vτ (v), des particules responsables des phénomènes de transport. On peut dans l’étude du transport thermique définir un petit paramètre : ǫ = λ(vte )/Lt ,

(5.4)

où Lt = Te /|∇Te |. À l’ordre le plus bas en puissance de ǫ, f = f0 et le flux de chaleur est nul. À l’ordre suivant, on écrit f = f0 + f1 avec :   ∂f0 e ∂f0 f1 (v) = −τ (v) v · − E· . ∂r me ∂v

(5.5)

À noter qu’on n’a pas gardé le terme ∂f0 /∂t dans le membre de droite de (5.5), ce terme étant d’ordre 2 en ǫ, puisque lié à la divergence du flux de chaleur. En explicitant les différents termes de (5.5), on obtient :  f1 (v) = −τ (v)

me v 2 3 − 2kB Te 2



 ∇Te ∇ne eE + + · v f0 . Te ne kB Te

(5.6)

On calcule alors simultanément le courant électrique et le flux de chaleur : Z j = −e

v f1 dv, Z 1 q = me v 2 v f1 dv. 2

(5.7) (5.8)

1. Le champ magnétique ne joue un rôle important que si la fréquence cyclotronique électronique est de l’ordre de la fréquence de collision thermique νei (vte ). Il rend alors le transport anisotrope en introduisant un flux de chaleur perpendiculaire à la fois au gradient de température et à lui-même.

Transport thermique électronique dans les plasmas créés par laser

73

Pour effectuer les intégrales, on utilise la dépendance en vitesse du taux de relaxation τ (v) = τte (v/vte )3 , ce qui donne :  1/2   ne τte e2 5 kB kB Te 2 ∇Te + E + ∇ne , π me 2 e ene  1/2    2 2 ne τte kB Te 7 e kB Te q = −64 ∇Te + E+ ∇ne . π me 2 kB ene j = 16

(5.9) (5.10)

Dans le problème du transport thermique, le courant électrique doit s’annuler pour éviter toute accumulation de charges, et le champ électrique s’ajuste donc en conséquence, soit :   kB Te 5 kB E=− ∇Te + ∇ne , (5.11) 2 e ene et le flux de chaleur devient :

avec :

q = −κ0 ∇Te ,

(5.12)

 1/2 2 2 ne τte kB Te κ0 = 64 . π me

(5.13)

Si on compare les expressions (5.10) et (5.13), on constate que le champ électrique a réduit d’un facteur 7/2 le flux de chaleur par rapport à ce qu’il aurait été en l’absence de champ (pour un gradient de densité nul). Le résultat précédent est basé sur une version phénoménologique de l’équation cinétique, mais s’avère exact à la limite Z grand. Pour Z quelconque, la prise en compte des collisions électron-électron conduit à une réduction de la conductivité thermique [12]. Le flux de chaleur s’écrit alors : qSH = −κ ∇Te ,

(5.14)

κ = R(Z) κ0 ,

(5.15)

avec : où le facteur de réduction R(Z) peut être approximé par : R(Z) ≃

Z + 0.25 . Z + 4.26

(5.16)

La conductivité thermique résultante porte le nom de conductivité de SpitzerHärm 2 . Le facteur R(Z) est représenté sur la figure 5.1. Avant d’aller plus loin, il est utile de décrire l’effet respectif des collisions électron-ion et électron-électron vis-à-vis de la population électronique. Les 2. L’expression (5.16) qui est donnée ici résulte d’une approximation par moindres carrés de ln R, à partir des données numériques fournies par Spitzer et Härm [12] pour Z = 1, 4, et 16.

74

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies 1 0.8 0.6

R(Z) 0.4 0.2 0

0

5

10

15

20

Z Fig. 5.1 – Facteur de réduction de la conductivité thermique électronique liée à la prise en compte des collisions électron-électron.

collisions électron-ion ont pour effet dominant d’isotropiser la fonction de distribution électronique, et ainsi de freiner le transport. En revanche, lors de telles collisions, l’électron n’échange pratiquement pas d’énergie avec l’ion cible. Pour une anisotropie du type donné par l’équation (5.5), l’opérateur de collision phénoménologique utilisé dans l’équation cinétique (5.1) donne le même résultat que l’opérateur exact. Quant aux collisions électron-électron, outre un effet d’isotropisation complémentaire, qui conduit à remplacer Z par Z + 1 dans l’expression du taux de relaxation des anisotropies, elles sont essentiellement responsables d’une redistribution de l’énergie dans la population électronique, et tendent à reconstituer une maxwellienne. Notons ici que le temps caractéristique de maxwelliannisation est Z + 1 fois plus grand que le temps caractéristique d’isotropisation.

5.2

Validité de la théorie linéaire ; flux limite

La théorie du transport linéaire est basée sur un développement en puissance du petit paramètre ǫ = λ(vte )/Lt de la fonction de distribution f (v) autour de la fonction d’ordre le plus bas f0 , supposée maxwellienne. À l’évidence, cette procédure devient incorrecte quand ǫ devient suffisamment grand pour que f1 (v) dépasse f0 . L’examen de l’équation (5.5) montre que ceci est en fait toujours le cas pour des valeurs suffisamment grandes de v. Cependant, on peut considérer que cela n’invalide pas le résultat du calcul de la conductivité thermique, tant que ces vitesses ne contribuent pas de façon significative au flux de chaleur. Pour quantifier Rce raisonnement, considérons le flux de chaleur différentiel q(v) défini par qx = q(v)dv, après prise en compte de la condition jx = 0 (pour fixer les idées, le gradient de température est supposé ici dirigé suivant l’axe x). On a :

Transport thermique électronique dans les plasmas créés par laser

75

Fig. 5.2 – Flux de chaleur différentiel q(v) normalisé à sa valeur maximale, prise en v/vte ≃ 3.71.

 q(v) ∝

 me v 2 − 4 v 9 f0 (v). 2kB Te

(5.17)

Les puissances élevées de la vitesse qui apparaissent dans cette expression sont dues en particulier au comportement en v 3 du temps de collision τ (v), et donc en v 4 du libre parcours moyen collisionnel λ(v). La fonction q(v) est représentée sur la figure 5.2. Le maximum de la fonction q(v) correspond à v ≃ 3.71 vte [13]. Si on reporte cette valeur dans le calcul de f1 (v), on obtient pour cette valeur particulière de la vitesse : f1 ≃ 5 × 102

λ(vte) vx f0 . Lt v

(5.18)

Ainsi, la théorie linéaire devient insuffisante dès que λ(vte )/Lt atteint 2 × 10−3 , ce qui peut paraître très faible. Mais il faut garder en mémoire que le libre parcours moyen collisionnel varie comme v 4 , et que donc les électrons responsables du transport thermique ont en fait un libre parcours moyen collisionnel beaucoup plus grand que λ(vte ). Par exemple, on a λ(3.7 vte ) ≃ 2 × 102 λ(vte ). On note aussi que, pour 5 × 102 λ(vte )/Lt = 1 (valeur pour laquelle f1 atteint f0 pour v ≃ 3.7 vte ), le flux linéaire vaut : 3 . |q| ≃ 0.1 ne me vte

(5.19)

Cette valeur nous donne une première estimation des effets de saturation du flux thermique électronique dans les gradients raides rencontrés dans les expériences d’interaction laser-plasma. L’expression (5.19) correspond à une forme de ce qu’on appelle communément le flux limite, tandis que l’expression 3 ne me vte correspond au flux libre (c’est à peu près le flux correspondant à une demi-maxwellienne). Historiquement, on s’est assez vite aperçu en analysant

76

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

les résultats d’expériences que le flux de chaleur semblait être limité à une valeur analogue à celle donnée par l’expression (5.19), sans que la cause de cette limitation soit initialement élucidée. Il était simplement d’usage de définir un facteur de flux limite f (en général de l’ordre de 0.1 à 0.3) et de décréter 3 que le flux de chaleur ne pouvait dépasser f ne me vte . Il y a en fait une deuxième raison de remettre en cause la validité du calcul linéaire, liée au caractère maxwellien de la fonction de distribution d’ordre le plus bas, f0 . Ce caractère maxwellien est assuré par les collisions électronélectron. Or le temps caractéristique associé à ces collisions est plus grand que le temps de relaxation de l’anisotropie responsable du transport dans le rapport Z + 1. La distance moyenne parcourue par un électron de vitesse v avant d’être sensiblement √ affecté par les collisions sur les autres électrons est donc de l’ordre de λee (v) = Z + 1 λ(v), compte tenu du caractère de marche aléatoire de l’électron sous l’effet des collisions avec les ions. Le caractère maxwellien de la fonction f0 ne peut être assuré que si cette distance moyenne est petite devant l’échelle du gradient de température, pour les électrons qui contribuent majoritairement au flux de chaleur, ce qui impose finalement : (Z + 1)1/2 λ(vte )/Lt < 2 × 10−3 .

5.3

(5.20)

Théorie non locale du transport

On a vu dans la section précédente que le flux de chaleur se trouvait naturellement limité à une fraction du flux libre en cas de fort gradient. Cet aspect non linéaire s’accompagne d’un effet non local, précisément dû au fait que les électrons principalement responsables du transport parcourent une distance moyenne λee (v) avant de perdre une fraction significative de leur énergie. Les électrons responsables du transport ayant une vitesse de l’ordre de 3 à 4 vte , tout accident dans le profil de température électronique se fait nécessairement sentir jusqu’à une distance de l’ordre de 2 × 102 λee (vte ). Par l’analyse de la structure des équations cinétiques et des résultats de leur résolution numérique [14], il a été montré que, au moins dans les problèmes monodimensionnels où les grandeurs hydrodynamiques ne dépendent que d’un axe x, le flux de chaleur pouvait être décrit de façon assez précise dans le régime non linéaire et non local par une formule de la forme [15, 16] : Z (5.21) qe (x) = qSH (x′ )w(x, x′ )dx′ , où qSH = −κ dT /dx est le flux de Spitzer-Härm et w(x, x′ ) un noyau non local dont différentes expressions ont été proposées, comme [16] :   1 X w(x, x′ ) = exp − , (5.22) 2λ(x′ ) λ(x′ )

Transport thermique électronique dans les plasmas créés par laser

77

Fig. 5.3 – Noyau de délocalisation pour le transport non local. où :

Z ′ 1 x ′′ ′′ n (x X= )dx , e ne (x′ ) x

(5.23)

et où λ(x′ ) est la portée effective des électrons issus d’une zone de température Te (x′ ), donnée par : √ λ(x′ ) ≃ 30 Z + 1 λte (x′ ). (5.24) Ce noyau de délocalisation est représenté sur la figure 5.3. Dans cette formulation non locale, le flux de chaleur à une position x dépend du profil de température de la région entourant x sur une distance de l’ordre de 2λ. Le fait que cette distance soit grande devant le libre parcours moyen λte est à nouveau relié au fait que les électrons responsables du flux de chaleur ont √ quelques vitesses thermiques, et le facteur Z + 1 est lié au fait qu’ils font en moyenne Z + 1 collisions avec diffusion angulaire avant de perdre leur énergie par collisions sur les électrons. On note que le caractère non local apparaît dès lors que les échelles caractéristiques des fluctuations de température deviennent petites devant la portée effective λ des électrons responsables du transport, même si ces fluctuations sont de faible amplitude. Ainsi, si la température est de la forme : T (x) = T0 + T1 cos kx, avec T1 ≪ T0 , le flux de chaleur prévu par la formule non locale (5.21)–(5.22) est de la forme : q(x) = κ(k)kT1 sin kx, où la conductivité thermique apparaît comme une fonction du nombre d’onde k donnée par : κ κ(k) = , (5.25) 1 + k 2 λ2

78

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies √ la portée effective λ ≃ 30 Z + 1 λte étant ici indépendante de x. Ainsi, ce sont les perturbations liées aux courtes longueurs d’onde qui correspondent à un flux de chaleur réduit par rapport à la prédiction de Spitzer et Härm. À l’inverse, quand λ(x′ ) est petit devant les échelles caractéristiques de longueur du profil de température électronique, le noyau w(x, x′ ) se comporte comme une fonction δ(x − x′ ), et la formule non locale (5.21) se ramène à la loi de Spitzer-Härm.

Chapitre 6 Hydrodynamique des plasmas créés par laser Après une présentation rapide d’un écoulement créé par l’interaction d’un laser intense avec une cible solide, on détaille l’écoulement dans le vide de la zone de densité inférieure à la densité critique associée au laser, puis la structure de la zone comprise entre la densité critique et la partie restée massive de la cible, zone où la conduction thermique joue un rôle dominant.

6.1

Structure d’un écoulement créé par l’interaction laser-cible solide

On se place dans le contexte de l’attaque d’une cible solide par un laser intense. Le laser utilisé peut par exemple être un laser à verre dopé au Néodyme, de longueur d’onde λ = 1.06 µm, éventuellement doublé ou triplé en fréquence par des cristaux non linéaires (soit λ = 0.53 µm ou λ = 0.35 µm). La propagation de la lumière laser dans le plasma créé en périphérie de la cible est gouvernée par l’indice de réfraction dont la partie réelle peut s’écrire :  1/2 ne Nr ≃ 1 − , (6.1) nc où la densité critique nc vaut 1027 m−3 pour un laser de longueur d’onde λ = 1.06 µm, ce qui est sensiblement inférieur à la densité d’une cible solide. L’impact du laser sur une cible initialement solide et l’absorption d’une fraction de son énergie créent donc un écoulement hydrodynamique qui relie la zone dense interne à la zone extérieure où se propage le laser. Cet écoulement a la structure représentée sur la figure 6.1. La zone la plus extérieure est également appelée zone d’interaction (c’est là que le laser interagit avec la cible) ou couronne (par analogie avec la couronne solaire). On verra au chapitre 7 que l’absorption du rayonnement laser peut être due aux phénomènes dissipatifs dans le plasma (absorption collisionnelle). Mais elle peut également être due à des couplages linéaires ou non linéaires de

82

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 6.1 – Schéma de la densité ρ et de la température T en fonction du rayon d’une cible solide irradiée par un laser arrivant de la droite. Le laser pénètre jusqu’à la densité critique en déposant une fraction de son énergie. L’énergie absorbée est transportée vers l’intérieur par conduction thermique. Le front d’ablation sépare la zone en détente (vers la droite) de la zone sous choc en mouvement vers la gauche. Le front de choc se propage dans le solide non encore perturbé. l’onde laser avec des modes d’excitation du plasma. L’énergie absorbée chauffe le plasma et peut porter les couches externes à des températures de l’ordre de quelques keV quand l’intensité laser (de longueur d’onde 0.35 µm) est de l’ordre de 1015 W/cm2 , tandis que la pression au niveau du front d’ablation peut s’approcher de la centaine de mégabars (1 bar=105 Pa). Notons que le taux d’absorption collisionnelle est proportionnel à la fréquence de collision électron-ion νei . On peut montrer que cette quantité varie avec la densité et la température comme ne /T 3/2 . Ainsi, plus le plasma est chaud, plus νei est faible, et plus il devient difficile de continuer à chauffer le plasma.

6.2

L’écoulement isotherme auto-semblable

Dans ce paragraphe, on s’intéresse plus particulièrement à la détente dans le vide du plasma, à partir de la densité critique. Dans cette zone, la température des électrons est à peu près constante (on la supposera donc ici indépendante du temps et de l’espace), tandis que la température des ions peut, au moins en première approximation, être négligée. Alors la zone de détente considérée s’apparente à la détente d’un plasma isotherme semi-infini, qui est décrite par un modèle auto-semblable élémentaire [17, 18]. Précisons les conditions initiales du modèle : à l’instant t = 0, les ions, supposés froids, occupent le demi-espace x < 0, avec une densité ni = ni0 pour x < 0 et ni = 0 pour x > 0, tandis que les électrons de densité ne (x) et de

Hydrodynamique des plasmas créés par laser

83

température Te sont en équilibre de Boltzmann avec le potentiel électrostatique Φ(x), soit : ne = ne0 exp(eΦ/kB Te ), (6.2) où ne0 est la densité électronique dans le plasma non perturbé (c’est-à-dire pour x = −∞, où on a supposé que le potentiel s’annule), avec ne0 = Zni0 , où Z est le nombre de charges par ion. Le potentiel Φ satisfait l’équation de Poisson : ǫ0 ∂ 2 Φ/∂x2 = e(ne − Zni ). (6.3) La densité électronique décroît brutalement au bord du plasma sur une distance caractéristique de l’ordre de la longueur de Debye, définie ici dans le plasma non perturbé, λD0 = (ǫ0 kB Te /ne0 e2 )1/2 . Le champ électrique E = −∂Φ/∂x déclenche l’expansion des ions, suivant les équations : ∂ni ∂ni ∂vi + vi = −ni , (6.4) ∂t ∂x ∂x ∂vi Ze ∂Φ ∂vi + vi =− , (6.5) ∂t ∂x mi ∂x où vi est la vitesse d’expansion des ions. Dans la limite quasi neutre, on a ne ≃ Zni , et l’équation du mouvement devient : ∂vi ∂vi 1 ∂ni + vi = −c2s , ∂t ∂x ni ∂x

(6.6)

où cs est la vitesse acoustique ionique, cs = (ZkB Te /mi )1/2 . La condition initiale ne comporte plus dans cette limite quasi neutre d’échelle caractéristique de longueur ni de temps. En revanche apparaît une échelle caractéristique de vitesse avec cs . On est ainsi conduit à chercher une solution dite « auto-semblable » où les grandeurs physiques ne dépendent de l’espace et du temps qu’au travers de la variable d’auto-similarité ξ = x/t, homogène à une vitesse. Ainsi, en notant que : ∂ 1 d = , ∂x t dξ

∂ ξ d =− , ∂t t dξ

(6.7)

les équations de continuité (6.4) et du mouvement (6.6) deviennent : (vi − ξ)

dni dvi = −ni , dξ dξ

(6.8)

dvi 1 dni = −c2s , (6.9) dξ ni dξ dont la solution non homogène (c’est-à-dire telle que dni /dξ 6= 0) vérifie vi −ξ = ±cs . Parmi les deux possibilités de signe, seule la solution vi −ξ = cs correspond à notre condition initiale 1 , et on a donc (pour x + cs t > 0) : (vi − ξ)

vi = ξ + cs ,

(6.10)

1. L’autre solution correspond à un plasma occupant à t = 0 le demi-espace x > 0 et se détendant vers les x < 0.

84

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies   ξ (6.11) ni = ni0 exp − +1 , cs

tandis que le champ électrique vaut : Ess =

kB Te E0 = , ecs t ωpi t

(6.12)

1/2

où on a posé E0 = (ne0 kB Te /ǫ0 ) . Ce champ est celui d’un condensateur, où la plaque positive, située à la position où l’onde de raréfaction prend naissance, x = −cs t, a une densité surfacique de charges σ = ǫ0 Ess , tandis que la plaque négative, qui porte une charge opposée, est rejetée au bord du plasma. On remarque que, en tout point de l’écoulement, la vitesse de celui-ci est sonique par rapport au référentiel attaché à la densité de ce point. Considérons en effet un observateur O situé à une position xO (t) et supposons que l’observateur se déplace de telle façon que la densité au point où il se trouve ne varie pas dans le temps. D’après (6.11), le paramètre ξO associé à cet observateur doit donc être constant, ce qui fixe xO (t) = ξO t, c’est-à-dire que le référentiel attaché à l’observateur se déplace par rapport au référentiel fixe avec la vitesse vO = dxO /dt = ξO . Dans ce référentiel, la vitesse du fluide est bien V = vi − vO = cs , d’après (6.10). Pour prétendre que le modèle décrit correctement la détente dans le vide à partir de la densité critique, il faut donc justifier le fait que la propriété que l’on vient de présenter est bien valable à la densité critique, point de raccord entre la zone de conduction et la zone de détente, c’est-à-dire que l’écoulement est effectivement sonique au travers de la densité critique. On vérifiera en fait, dans la section suivante, en analysant la zone de conduction en amont du point critique, que cette propriété est bien vérifiée au point de raccord. Par ailleurs, il est possible de montrer qu’en tout point de l’écoulement existe nécessairement un flux de chaleur dirigé vers l’aval et égal à ni mi c3s , alors même qu’il n’existe pas de gradient de température. Ce flux de chaleur est d’origine purement non collisionnelle. On peut le relier à la variation temporelle du potentiel électrostatique vu par les électrons lors de leur passage dans la couronne. Revenons sur les effets de séparation de charges. En fait, on ne peut totalement les ignorer. D’une part, ils sont dominants pendant la phase initiale de l’expansion, ωpi t . 1, et, d’autre part, ils permettent de calculer la structure des deux couches de densité de charges σ et −σ, et la position exacte de la couche négative [18]. Celle-ci est approximativement située là où la longueur de Debye locale prédite par le modèle auto-semblable :  λD = λD0

ne0 ne

1/2

   1 x = λD0 exp 1+ , 2 cs t

(6.13)

égale la longueur de gradient de densité cs t. En ce point, la solution autosemblable prédit une vitesse vi,f ront = 2cs ln(ωpi t), ce qui correspond à un

Hydrodynamique des plasmas créés par laser

85

Fig. 6.2 – Densité ionique multipliée par Z (marquée par une discontinuité en x/cs t ≃ 5.6) et densité électronique en fonction du paramètre d’auto-similarité ξ = x/t, au temps ωpi t = 50. La courbe en pointillés correspond à la solution autosemblable.

champ au bord du plasma égal à deux fois le champ auto-semblable : Ef ront ≃ 2Ess = 2E0 /ωpi t.

(6.14)

Le résultat de la résolution du système (6.4)–(6.5) couplé à l’équation de Poisson (6.3) et à l’équation de Boltzmann (6.2) est illustré sur la figure 6.2, où sont représentées les densités ionique et électronique pour ωpi t = 50. La courbe en pointillés correspond à la solution auto-semblable. La densité de charges et le champ électrique sont tracés sur la figure 6.3 au même instant. On remarque que la plaque négative située au bord du plasma est en fait constituée de deux couches, situées de part et d’autre du front ionique, et de densités surfaciques de charges respectives σ et −2σ. Le pic du champ électrique à la position du front ionique vérifie : Ef ront ≃

2E0 , 2 t2 )1/2 (2e + ωpi

(6.15)

qui a bien le comportement prédit par l’équation (6.14) pour ωpi t ≫ 1 (ici, e dénote le nombre de Neper, e = 2.71828 . . .). La vitesse du front ionique est alors donnée par :   p vf ront ≃ 2cs ln τ + τ 2 + 1 , (6.16) √ où τ = ωpi t/ 2e, ce qui permet de prédire l’énergie maximale des ions accélérés dans la détente : h  i2 p Emax ≃ 2ZkB Te ln τ + τ 2 + 1 . (6.17)

86

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 6.3 – La figure du haut représente la densité de charges au temps ωpi t = 50. La figure du bas représente le champ électrique correspondant. La courbe en pointillés correspond au champ électrique de la solution auto-semblable.

6.3

Structure de la zone de conduction

On s’intéresse maintenant à la zone de conduction, entre le front d’ablation et la densité critique. Pour des impulsions suffisamment longues, la zone de conduction tend vers une structure stationnaire que nous allons décrire. Considérons les équations de conservation générales de l’hydrodynamique, écrites ici pour des mouvements unidimensionnels et sans les termes liés au tenseur des contraintes visqueuses, que l’on peut négliger ici : ∂ρ ∂ + (ρv) = 0, (6.18) ∂t ∂x ∂ ∂ ∂P (ρv) + (ρv 2 ) = − , (6.19) ∂t ∂x ∂x       ∂ 1 ∂ 1 P ∂ ρ e + v2 + ρv e + v 2 + = − q. (6.20) ∂t 2 ∂x 2 ρ ∂x Dans ces équations, ρ est la densité de masse du fluide, v sa vitesse, P la pression, e l’énergie interne spécifique, et q le flux de chaleur.

Hydrodynamique des plasmas créés par laser

87

Dans le référentiel de la structure, il reste, en régime stationnaire : ρv = cste ,

(6.21)

ρv 2 + P = cste ,   1 2 P + q = cste . ρv e + v + 2 ρ

(6.22) (6.23)

On désigne par cT la vitesse du son isotherme définie par c2T = P/ρ = kB T /m, avec e = c2T /(γ − 1) = 3 c2T /2 pour γ = 5/3. Ici m est la masse moyenne des particules du plasma, T la température du plasma (supposée identique pour les électrons et pour les ions). Par ailleurs, on suppose que l’écoulement devient sonique à la densité critique (condition nécessaire pour le raccorder à l’écoulement auto-semblable en aval de celle-ci). Alors les équations (6.21) et (6.22) s’écrivent : ρv = ρc cT c , (6.24) ρ(v 2 + c2T ) = 2ρc c2T c ,

(6.25)

où l’indice c fait référence à la densité critique. La solution subsonique, qui correspond à une densité décroissante du front d’ablation au point critique, est : q v = cT c − c2T c − c2T . (6.26) Comme on l’a vu dans le chapitre sur le transport thermique électronique, le flux de chaleur est lié linéairement au gradient de température via l’expression : q = −˜ κT 5/2

∂T , ∂x

(6.27)

où on a explicité le comportement en température du coefficient de conductivité thermique, κ = κ ˜ T 5/2 . Au front d’ablation, la vitesse v, la température T et le flux de chaleur q tendent vers 0, si bien que le membre de droite de l’équation (6.23) s’annule, et que celle-ci peut se réécrire :  2  √ 5 1 7/2 5/2 ∂θ 3 κ ˜ Tc θ = ρ c cT c θ+ 1− 1−θ , (6.28) ∂x 2 2 où on a posé θ = T /Tc . L’intégration se fait numériquement. Une solution approchée peut toutefois facilement être obtenue en négligeant le terme d’énergie cinétique devant l’enthalpie dans l’équation (6.23), l’erreur restant alors partout inférieure à 20 %, soit : κ ˜Tc7/2 θ5/2

∂θ 5 ≈ ρc c3T c θ, ∂x 2

(6.29)

dont la solution est : 7/2

x − xablation ≈

4 κ ˜ Tc 4 κ ˜ Tc 5/2 θ5/2 = T . 3 25 ρc cT c 25 ρc c3T c

(6.30)

88

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 6.4 – Densité et température dans la zone de conduction. L’abscisse X correspond à x − xablation et est normalisée à la largeur δ obtenue dans le cadre de l’approximation consistant à négliger le terme d’énergie cinétique devant l’enthalpie dans l’équation (6.23). La courbe en pointillés correspond précisément à la température obtenue dans le cadre de cette solution approchée.

Fig. 6.5 – Vitesse fluide, normalisée à la vitesse du son isotherme mesurée à la densité critique, dans la zone de conduction.

À noter que la largeur de la zone de conduction est alors : 7/2

δ = xc − xablation ≈

˜ Tc 4 κ ˜ m3/2 Tc2 4 κ = . 25 ρc c3T c 25 ρc k 3/2

(6.31)

B

L’intégration exacte montre que ce résultat doit être multiplié par un facteur 0.93, comme représenté sur les figures 6.4 et 6.5. Le calcul prévoit que la densité diverge au front d’ablation. En réalité, la densité maximum atteinte est celle du solide comprimé par l’onde de choc qui progresse en avant de la zone de conduction, et reste donc finie, quoique

Hydrodynamique des plasmas créés par laser

89

plusieurs ordres de grandeur au-dessus de la densité critique. Toujours au front d’ablation, on remarque que l’équation (6.25) peut se lire Pablation = 2Pc : la pression d’ablation est le double de la pression atteinte à la densité critique. À noter par ailleurs que le flux de chaleur à la densité critique vaut : qc = −3ρc c3T c .

(6.32)

Le signe négatif indique que le flux de chaleur est dirigé vers l’intérieur de la cible. Pour alimenter ce flux de chaleur et alimenter en énergie la détente isotherme en aval, il faut supposer qu’un flux d’énergie égal à 4ρc c3T c est en fait déposé au voisinage de la densité critique par absorption d’une fraction du rayonnement laser. Le facteur 4 (et non pas 3) provient du fait qu’un flux de chaleur qc+ = ρc c3T c est nécessaire en aval immédiat de la densité critique pour alimenter en énergie la zone en écoulement isotherme auto-semblable, comme on peut s’en convaincre en intégrant l’équation (6.20) entre la densité critique et l’infini. En toute rigueur, ce dernier résultat suppose qu’on ne distingue pas les facteurs Z + 1 et Z qui apparaissent respectivement dans les définitions des vitesses du son isotherme de la zone de conduction, où les électrons et les ions sont à la même température, et de la zone en détente auto-semblable, où, rappelons-le, les ions sont supposés froids. En réalité bien sûr, les ions ne se refroidissent pas instantanément quand ils franchissent la densité critique : leur refroidissement (lié à l’expansion et à la nature non collisionnelle de celle-ci) est progressif et demande une analyse plus poussée [19].

Chapitre 7 Absorption des ondes électromagnétiques Dans ce chapitre, on étudie l’absorption collisionnelle des ondes électromagnétiques en milieu homogène ou inhomogène. Dans un plasma dissipatif les collisions peuvent en effet efficacement transférer l’énergie des ondes, qu’elles soient électrostatiques ou électromagnétiques, vers les particules. L’absorption collisionnelle est également appelée bremsstrahlung inverse par référence à l’image quantique où un photon est absorbé par un électron lorsque celuici passe au voisinage d’un ion, ce qui est le processus inverse de l’émission libre-libre ou bremsstrahlung. On traite également du phénomène d’absorption résonnante, qui subsiste à la limite non collisionnelle dans certaines conditions d’incidence d’une onde électromagnétique sur un plasma inhomogène.

7.1

Réponse diélectrique d’un plasma faiblement collisionnel

On revient sur le calcul de la réponse diélectrique d’un plasma. On restreint la discussion aux ondes électromagnétiques, ce qui permet de ne traiter que la réponse électronique, et d’oublier les effets thermiques dans les équations fluides. En revanche, on garde le terme collisionnel, ce qui donne, pour l’équation du mouvement des électrons : ∂ve e + (ve · ∇)ve = − (E + ve × B) − νei (ve − vi ) , ∂t me

(7.1)

où la fréquence de collision électron-ion νei est donnée par la formule : νei =

1 3

 1/2 2 4πni Z 2 e4 ln Λ 3 , π (4πǫ0 )2 m2e vte

(7.2)

où ln Λ est le logarithme coulombien et vte la vitesse thermique électronique, vte = (kB Te /me )1/2 .

92

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies En linéarisant dans le référentiel où vi = 0, on obtient : e ∂ve =− E − νei ve . ∂t me

(7.3)

La réponse à un champ électrique E(r, t) = Re[E(r) exp(−iωt)] est ve (r, t) = Re[ve (r) exp(−iωt)] avec : ve (r) =

eE(r) . ime (ω + iνei )

(7.4)

2 ωpe . ω(ω + iνei )

(7.5)

La susceptibilité électronique vaut : χe (ω) = −

Finalement, on obtient la fonction diélectrique : ǫ(ω) = 1 −

2 2  ωpe ωpe νei  =1− 2 1−i . 2 ω(ω + iνei ) ω + νei ω

(7.6)

La relation de dispersion des ondes électromagnétiques, que l’on peut toujours écrire : k2 =

ω2 ǫ(ω), c2

(7.7)

k=

ω N (ω), c

(7.8)

ou encore :

p où N (ω) = ǫ(ω) est l’indice optique, implique que, pour ω réel, le nombre d’onde k possède nécessairement une partie imaginaire dès lors que l’on prend en compte un taux de collision νei fini. Partie réelle et partie imaginaire de k sont reliées par les équations : ω2 Re ǫ, c2 2 ω 2 Re(k) Im(k) = 2 Im ǫ. c

(Re k)2 − (Im k)2 =

(7.9) (7.10)

Typiquement, la densité électronique dans la partie de la couronne dans laquelle se propage l’impulsion laser est de l’ordre de 1027 m−3 et la température de l’ordre de 1 keV. Pour ces paramètres, les atomes sont au moins une fois ionisés, et Γee ≃ 1.4 × 10−3 . Ceci correspond au domaine des plasmas cinétiques, faiblement collisionnels, c’est-à-dire où la fréquence de collision est beaucoup plus petite que la fréquence plasma électronique, si bien qu’on peut

Absorption des ondes électromagnétiques

93

Fig. 7.1 – Coefficient d’absorption Im k (normalisé à νc /c, où νc est la fréquence de collision calculée à la densité critique) en fonction de la densité électronique. On a supposé ici que νei = νc ne /nc .

faire l’approximation 1 | Im k | ≪ | Re k |, ce qui donne : !1/2 2 ωpe 1− 2 , ω !−1/2 2 2 ωpe 1 νei ωpe Im k ≃ 1− 2 2 c ω2 ω  −1/2 1 νei ne ne = 1− . 2 c nc nc ω√ ω Re k ≃ Re ǫ ≃ c c

(7.11)

(7.12)

Si on admet en outre que la fréquence de collision est proportionnelle à la densité électronique, νei = νc ne /nc , alors Im k vaut :

Im k ≃

1 νc 2 c



ne nc

2  −1/2 ne 1− . nc

(7.13)

Le coefficient d’absorption Im k (normalisé à νc /c, où νc est la fréquence de collision calculée à la densité critique) est représenté sur la figure 7.1 en fonction de la densité électronique. On remarque sur cette figure que le coefficient d’absorption est d’autant plus important qu’on se rapproche de la densité critique, pour laquelle l’expression (7.12) diverge. 1. Cette approximation est cependant invalide au voisinage immédiat de la densité critique, pour laquelle Re ǫ s’annule.

94

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

7.2

Absorption collisionnelle

La partie imaginaire de k correspond à l’atténuation spatiale de l’onde, avec : |E| ∝ exp [−Im(k)x] ,

(7.14)

hE2 i ∝ exp [−2 Im(k)x] ,

(7.15)

et : pour une onde se propageant vers les x > 0. Dans la dernière expression, le signe h· · · i correspond à une moyenne sur la période de l’onde électromagnétique. Ainsi, la longueur d’absorption de l’onde, c’est-à-dire la longueur au bout de laquelle l’intensité de l’onde a été réduite par le facteur 1/e, est donnée par :  2  1/2 c nc ne Labs = 1− . (7.16) νc ne nc Cette atténuation spatiale se retrouve également en calculant la puissance dissipée par unité de volume dans le plasma par effet Joule : Pa = hj · Ei =

1 Re(j∗ · E), 2

(7.17)

où j∗ désigne le complexe conjugué de j, et où on rappelle que j = −iωǫ0 χe E. Ainsi, on obtient : Pa =

1 ωǫ0 Im(χe )|E|2 = ωǫ0 Im(χe )hE 2 i. 2

(7.18)

Utilisant alors (7.5), on trouve : Pa = νei

2 2 ωpe ωpe 2 2 ǫ hE i ≃ ν ei 2 ǫ0 hE i. 2 0 ω 2 + νei ω

(7.19)

Le vecteur de Poynting moyenné est donné par : hSi =

1 hE × Bi, µ0

(7.20)

ou, en utilisant la loi de Faraday (2.4) et en désignant par n le vecteur unitaire dans la direction de k : hSi =

Re(k)c2 ǫ0 hE 2 in. ω

(7.21)

On vérifie alors aisément l’équation de conservation de l’énergie à partir de (7.10), (7.15), (7.18), et (7.21) : ∇ · hSi = −Pa .

(7.22)

Absorption des ondes électromagnétiques

7.3

95

Propagation en plasma inhomogène : l’approximation BKW

On considère maintenant une onde électromagnétique de fréquence ω se propageant dans un plasma inhomogène. Soit x la direction du gradient de densité. Supposons dans un premier temps que l’onde se propage précisément suivant cette direction x. L’onde électromagnétique satisfait la relation : ∇ · E = 0,

(7.23)

et l’équation d’onde s’écrit, en tenant compte explicitement de la dépendance de la fonction diélectrique ǫ en fonction de x : ∆E +

ω2 ǫ(x, ω)E = 0, c2

avec : ǫ(x, ω) = 1 −

2 ωpe (x) . ω[ω + iνei (x)]

(7.24)

(7.25)

L’équation pour le champ magnétique ne peut pas en milieu inhomogène être ramenée à une équation simple analogue à celle satisfaite par le champ électrique, et il est en général plus simple de résoudre l’équation (7.24), et éventuellement de calculer le champ magnétique, une fois le champ électrique connu, à partir de la loi de Faraday. On définit donc le nombre d’onde local k(x) par : k(x) = où N (x) =

ω N (x), c

(7.26)

p ǫ(x, ω) est l’indice optique local. On récrit (7.24) sous la forme : d2 E + k 2 (x)E = 0. dx2

(7.27)

On définit de même la longueur d’onde locale divisée par 2π : ¯ (x) = λ

1 . |k(x)|

(7.28)

On suppose que la longueur d’onde locale λ ¯ (x) est beaucoup plus petite que l’échelle caractéristique de longueur associée à la variation de k, plus précisément que : 2 d λ dλ ¯ λ ¯ (7.29) ¯ dx2 ≪ dx ≪ 1. En milieu homogène, la solution peut s’écrire :   ω E(x) = E0 exp ± i N x . c

(7.30)

96

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Le produit N x correspond au chemin optique entre 0 et x et le déphasage spatial correspondant est simplement le produit kx = k0 N x, où k0 = ω/c est le nombre d’onde dans le vide. En milieu inhomogène, on s’attend à ce que les chemins optiques associés à chaque tranche élémentaire dx s’additionnent et que la solution soit de la forme :   Z ω x N (x′ )dx′ , (7.31) E(x) = E0 exp ± i c x0 où E0 est le champ à une position particulière x0 , et où le signe ± correspond au fait que l’onde peut se propager dans un sens ou dans l’autre. Pour une onde stationnaire, il faut évidemment ajouter les contributions des ondes se propageant dans les deux sens. On peut cependant se rendre compte, en calculant le champ magnétique grâce à l’expression (7.31) et à l’équation de Faraday, puis le vecteur de Poynting, que l’expression (7.31) ne conserve pas le flux d’énergie pour une onde se propageant dans un sens ou dans l’autre. Il nous faut donc résoudre l’équation de propagation de façon plus précise. Guidé par l’expression (7.31), on cherche la solution sous la forme :   Z ω x ′ ′ E(x) = E0 (x) exp ± i N (x )dx , (7.32) c x0 où l’amplitude complexe E0 (x) est maintenant une fonction de x. En reportant la forme (7.32) dans l’équation (7.27) on obtient une équation différentielle du second ordre pour E0 (x) :   d2 E0 (x) ω dE0 (x) dN (x) ± i 2N (x) + E (x) = 0. (7.33) 0 dx2 c dx dx La condition de variation « lente » de la densité ne (x) et donc de l’indice optique local N (x) implique que E0 (x) et ses dérivées varient elles-mêmes lentement, ce qui permet de négliger la dérivée seconde d2 E0 (x)/dx2 dans l’équation obtenue précédemment [ce qui constitue l’approximation BKW 2 , pour Brillouin, Kramers, et Wentzel, valable si la condition (7.29) est vérifiée]. En résolvant alors l’équation approchée ainsi obtenue, on aboutit à : E0 E0 (x) = p . N (x)

(7.34)

Dans ces expressions, le choix de la borne d’intégration x0 se fait en relation avec la détermination de E0 . Le facteur N (x)−1/2 dans le membre de droite de l’équation (7.34), aussi appelé préfacteur, correspond à une amplification dans le plasma de l’amplitude du champ électrique due à la combinaison du ralentissement de la vitesse de groupe, par comparaison avec la propagation dans le vide, et de la conservation du flux d’énergie. Dans un plasma sous-dense 2. On parle aussi d’approximation WKB, en particulier dans le monde anglo-saxon.

Absorption des ondes électromagnétiques

97

Fig. 7.2 – Solution BKW pour la propagation d’une onde p électromagnétique dans

une rampe de densité linéaire ne = nc x/L, avec k(x) = k0 1 − x/L, pour k0 L = 100. Le nombre d’onde k0 correspond à la propagation dans le vide, k0 = ω/c . La courbe correspond en fait à une onde stationnaire, car l’onde réfléchie à la densité critique a été prise en compte ici, dans l’hypothèse d’un plasma non collisionnel. Le champ électrique est normalisé au champ incident en x = 0, et est représenté au moment où l’onde incidente et l’onde réfléchie interfèrent de façon constructive.

(ne < nc ) non collisionnel, où Im[k(x)] = 0, on a simplement vg |E(x)|2 = cste , soit : !−1/2 2 ωpe (x) 1 2 ∝ 1− . (7.35) |E(x)| ∝ N (x) ω2 Dans le cas général, on peut écrire, pour une onde se propageant vers la droite :  Z x  1 ′ ′ |E(x)| ∝ exp −2 Im [k(x )] dx . |N (x)| x0 2

(7.36)

Le facteur exponentiel apparaissant dans le membre de droite de (7.36) correspond à l’atténuation de l’onde due à l’absorption collisionnelle. Entre deux points x1 et x2 le taux de transmission est donné par :  Z x2  T = exp −2 Im [k(x)] dx x ( Z 1  −1/2 ) x2 νei (x) ne (x) ne (x) ≃ exp − 1− dx , c nc nc x1 et le taux d’absorption par A = 1 − T .

(7.37)

98

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Dans le cas de la superposition d’une onde incidente et d’une onde réfléchie, la solution peut être mise sous la forme : Z x   Z x  E+ E− ′ ′ ′ ′ E(x) = exp i k(x )dx + exp −i k(x )dx , (7.38) N (x)1/2 N (x)1/2 x0 x0 avec E− = E+ exp iφ, où φ est le déphasage (éventuellement complexe en cas d’absorption) au point x0 entre l’onde incidente et l’onde réfléchie. En l’absence d’absorption, le déphasage φ est réel et on peut écrire : Z x  2 E+ eiφ/2 φ ′ ′ cos k(x )dx − . (7.39) E(x) = 2 N (x)1/2 x0 Un exemple de solution BKW est donné sur la figure 7.2 dans le cas d’un profil de densité linéaire ne = nc x/L, en l’absence d’absorption, avec prise en compte de l’onde réfléchie.

7.4

Solution d’Airy au voisinage de la densité critique

Comme indiqué dans le paragraphe précédent, l’approximation BKW n’est valable que si la séparation d’échelle d’espace correspondant à la condition (7.29) est réalisée. Cette condition ne peut pas être vérifiée au voisinage de la densité critique où la partie réelle de la fonction diélectrique ǫ(x) s’annule et où la longueur d’onde locale devient infinie. Le point où ǫ(x) s’annule est appelé point tournant. Cependant, si la densité électronique varie linéairement au voisinage du point tournant, avec : x ne ≃ nc , (7.40) L l’équation d’onde prend localement la forme d’une équation du type Airy : d2 E − ηE = 0, dη 2 où :



ω2 η= 2 c (1 + iνc /ω)L

1/3 h  νc  i x− 1+i L . ω

(7.41)

(7.42)

La solution peut s’écrire : E = E0 Ai(η),

(7.43)

où Ai(η) est la fonction d’Airy, solution de la version scalaire de (7.41), et est donnée pour η réel par :  3  Z 1 ∞ t Ai(η) = cos + ηt dt. (7.44) π 0 3

Absorption des ondes électromagnétiques

99

Fig. 7.3 – La fonction d’Airy pour η réel. Les comportements asymptotiques pour |η| ≫ 1 et η < 0 [équation (7.45)] ou η > 0 [équation (7.46)], qui correspondent aussi à l’approximation BKW, sont représentés en pointillés : on peut remarquer qu’ils ne s’écartent sensiblement de la fonction d’Airy que dans le voisinage immédiat du point η = 0.

La fonction d’Airy est représentée sur la figure 7.3 pour η réel. Asymptotiquement (pour η < 0 et |η| ≫ 1), la fonction d’Airy se comporte comme :   1 2 3/2 π Ai(η) ≃ 1/2 1/4 cos ζ − , (7.45) 3 4 π ζ où on a posé ζ = −η, et où on a utilisé un développement valide pour | arg ζ| < 2 3 π. Ce résultat peut se voir comme la combinaison de deux solutions BKW de l’équation (7.41), l’une correspondant à une onde se propageant vers la droite (l’onde incidente), et l’autre correspondant à une onde se propageant vers la gauche (l’onde réfléchie). De l’autre côté du point η = 0, le comportement asymptotique pour η > 0 et |η| ≫ 1 est donné par :   1 2 3/2 exp − η Ai(η) ≃ . (7.46) 3 2π 1/2 η 1/4 Les expressions asymptotiques de la fonction d’Airy sont également tracées sur la figure 7.3, de part et d’autre du point η = 0. On peut constater en comparant la fonction et ses expressions asymptotiques, qui correspondent également aux expressions prévues par l’approximation BKW, leur très grande proximité, si on exclut le voisinage immédiat de η = 0. Revenons à la zone sous-dense du profil, à une distance suffisante du point tournant. Reprenons donc l’expression BKW (7.38) tenant compte à la fois de l’onde incidente et de l’onde réfléchie. Si la borne x0 des intégrales apparaissant dans (7.38) est choisie au point tournant :  νc  xtp = 1 + i L, (7.47) ω

100

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

l’identification entre l’expression (7.38) et la solution (7.43) dans laquelle on utilise la forme asymptotique (7.45) impose d’une part : (7.48)

E− = −iE+ , et d’autre part : √ E0 ≃ 2 π



ωL c

1/6  π exp −i E+ . 4

(7.49)

La première équation signifie que la réflexion à la densité critique est responsable d’un déphasage de −π/2 (il en a été tenu compte au moment de tracer la figure 7.2). La deuxième équation (écrite dans la limite νc /ω ≪ 1) permet de relier le champ incident Einc au champ maximum Emax au voisinage de la densité critique. Dans le cas purement non collisionnel, |E+ | = Einc , et on a : √ Emax ≃ 0.536 × 2 π Einc



ωL c

1/6

 ≃ 1.9

ωL c

1/6 .

(7.50)

On remarquera le facteur d’amplification (ωL/c)1/6 du champ électrique au voisinage de la densité critique. À l’inverse, le champ magnétique, qui se calcule à partir du champ électrique grâce à l’équation de Faraday, est réduit par le facteur (ωL/c)−1/6 . À noter que le raccord entre fonction d’Airy et solution BKW n’est possible que si l’approximation linéaire (7.40) est encore valide là où ce raccord est opéré, ce qui implique de toute façon la condition de validité : ωL ≫ 1. c

7.5

(7.51)

Absorption dans un gradient de densité

Les formules (7.38) et (7.48) peuvent être utilisées pour calculer le coefficient d’absorption :  Z xtp  A = 1 − exp −4 Im [k(x)] dx −∞ " Z  −1/2 # xtp νei (x) ne (x) ne (x) ≃ 1 − exp −2 1− dx , (7.52) c nc nc −∞ en tenant bien compte du trajet aller et retour de la lumière dans le gradient de densité. Pour un profil exponentiel de la forme 3 : x , (7.53) ne = nc exp L 3. L’expansion libre d’un plasma isotherme dans le vide conduit à un tel profil exponentiel avec L = cs t, où t est la durée d’expansion considérée.

Absorption des ondes électromagnétiques

101

Fig. 7.4 – Coefficient d’absorption en fonction du paramètre νc L/c. et une fréquence de collision variant linéairement avec la densité (cette hypothèse correspond à une couronne isotherme), on obtient :   8 νc L A = 1 − exp − . 3 c

(7.54)

La courbe correspondante est représentée sur la figure 7.4. On peut noter que dans le calcul de l’intégrale apparaissant dans (7.52), 50 % de l’intégrale provient de la zone comprise entre 0.88nc et nc , ce qui signifie que dans le cas d’une absorption faible (νc L/c . 1), 50 % de l’absorption a lieu au voisinage immédiat de la densité critique. En revanche, dans le cas d’une absorption quasi totale (νc L/c ≫ 1), l’énergie est absorbée à des densités sensiblement plus faibles que la densité critique, du fait de la forte atténuation de l’onde dans la couronne [20].

7.6

Couplage absorption-hydrodynamique -transport

Les quantités νc et L et donc le coefficient d’absorption A sont fonctions de la nature de la cible, de l’intensité laser, de la durée d’impulsion, et de la longueur d’onde du laser. En particulier le coefficient d’absorption collisionnel décroît quand l’intensité augmente, et est plus grand à courte longueur d’onde [20, 21]. Un modèle simple [20] permet de comprendre le comportement de l’absorption en fonction de l’intensité I et de la longueur d’onde λ. On considère d’abord le taux d’absorption donné par (7.54), où l’on remarque que νc L varie 3/2 comme 1/λ2 T , compte tenu de la dépendance en ni /Te de la fréquence de collision, et si l’on admet que L est proportionnel à la vitesse du son cs . Ici Te

102

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 7.5 – Coefficient d’absorption en fonction du produit Iλ5 déduit du modèle de couplage absorption-hydrodynamique-transport.

est la température électronique de la couronne. D’où : Te ∝

1 . λ2 ln[1/(1 − A)]

(7.55)

Ensuite, on écrit que l’énergie absorbée est proportionnelle au produit de la densité critique par le cube de la vitesse thermique électronique, c’est-à-dire 3/2 à Te /λ2 . C’est le flux d’énergie nécessaire pour entretenir un écoulement à la vitesse du son au travers de la densité critique. On a donc : 3/2

AI ∝

Te , λ2

(7.56)

où I est l’intensité laser incidente. Finalement, en éliminant la température Te entre les deux équations (7.55) et (7.56), on obtient : Iλ5 ∝

1 , A{ln[1/(1 − A)]}3/2

(7.57)

qu’on peut également mettre sous la forme : (  2/3 ) (Iλ5 )∗ A = 1 − exp − , AIλ5

(7.58)

où (Iλ5 )∗ dépend des autres paramètres du modèle. La courbe d’absorption correspondante est représentée sur la figure 7.5. On remarque la forte dépendance de l’absorption par rapport à la longueur d’onde.

Absorption des ondes électromagnétiques

7.7

103

Incidence oblique et absorption résonnante

On suppose maintenant que l’onde électromagnétique arrive en incidence oblique sur le gradient de densité [22]. Soit x la direction du gradient de densité. Supposons que l’onde se propage dans le plan xy. On note θ l’angle d’incidence entre le vecteur d’onde dans le vide k0 et l’axe des x. On peut distinguer deux polarisations possibles : – la polarisation s, pour laquelle le champ électrique est suivant z et donc perpendiculaire au gradient de densité ; – la polarisation p, pour laquelle le champ électrique est dans le plan xy et a donc une composante parallèle au gradient de densité, tandis que le champ magnétique est suivant z. Pour la polarisation s, la condition ∇ · E = 0 reste vérifiée et le champ électrique Ez satisfait l’équation de propagation : ∆Ez +

ω2 ǫ(x)Ez = 0. c2

(7.59)

Pour un angle d’incidence θ, le champ électrique a une dépendance en y donnée par le facteur exp(ik0 y sin θ) et l’équation de propagation devient :  d2 Ez ω2  + ǫ(x) − sin2 θ Ez = 0. 2 2 dx c

(7.60)

La méthode de résolution suit celle utilisée dans les paragraphes précédents, dans le cas de l’incidence normale, la fonction ǫ(x) étant ici remplacée par ǫ(x) − sin2 θ. Le point tournant correspond maintenant à ǫ(x) = sin2 θ, et l’onde ne peut donc se propager au-delà de la densité nc cos2 θ. Pour un profil de densité exponentiel et une fréquence de collision variant linéairement avec la densité, on trouve le coefficient d’absorption suivant :   8 νc L cos3 θ A = 1 − exp − . (7.61) 3 c Pour la polarisation p la condition ∇ · E = 0 n’est pas satisfaite dans le plasma, si bien que l’onde ne peut rester purement électromagnétique, puisqu’une séparation de charges apparaît, conformément à l’équation de Poisson. De fait, au voisinage de la densité critique, l’onde acquiert un comportement électrostatique marqué, au point qu’on parle parfois de conversion linéaire de l’onde électromagnétique en onde électrostatique. Ce comportement électrostatique peut donner lieu à un amortissement Landau significatif de l’onde, amortissement qui s’ajoute à l’amortissement collisionnel. Comme le champ électrique a deux composantes Ex et Ey tandis que le champ magnétique n’a qu’une seule composante Bz , il est plus simple ici de résoudre l’équation de propagation du champ magnétique et éventuellement de calculer le champ électrique à l’aide de la loi d’Ampère. Pour un angle d’incidence θ, le champ magnétique a une dépendance en y donnée par le

104

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

facteur exp(ik0 y sin θ) et l’équation de propagation s’écrit :  1 dǫ(x) dBz ω2  d2 Bz − + ǫ(x) − sin2 θ Bz = 0. 2 2 dx ǫ(x) dx dx c

(7.62)

En toute rigueur, pour écrire cette équation, on a dû négliger les effets thermiques qui différencient la fonction diélectrique électrostatique ǫk de la fonction diélectrique utilisée pour des ondes électromagnétiques, et correspondant en fait à un plasma froid. En d’autres termes, le seul mécanisme d’absorption traité dans l’équation (7.62) est l’absorption collisionnelle. Il faut noter à cet égard qu’il est nécessaire de supposer un taux de collision non nul au voisinage de la densité critique pour éviter que l’équation (7.62) n’y présente une singularité du fait du terme 1/ǫ(x). Le résultat remarquable ici est que la solution de l’équation (7.62) correspond à un taux d’absorption qui ne s’annule pas quand la fréquence de collision tend vers zéro. Ce taux d’absorption dépend de l’angle d’incidence et correspond au phénomène d’absorption résonnante. L’origine de l’absorption résonnante est liée à la divergence du champ électrique à la densité critique quand νc → 0. En effet, la loi d’Ampère donne : c sin θ Bz , ǫ c2 dBz Ey = −i . ωǫ dx

Ex = −

(7.63) (7.64)

Au point où ǫ s’annule, le champ magnétique prend une valeur finie Bz0 , tandis que sa dérivée suivant x s’annule. Il s’ensuit que Ex a un caractère résonnant, c’est-à-dire qu’il diverge comme Ed /ǫ, où la quantité : Ed = −c sin θ Bz0

(7.65)

est appelée champ de pompe. Les modules du champ magnétique et du champ électrique, normalisés au champ incident, sont représentés sur la figure 7.6, pour un profil de densité donné par ne = (x/L)nc , avec L = 20c/ω, un angle 1/3 d’incidence de 15 degrés, correspondant à τ = (ωL/c) sin θ = 0.7, et une fréquence de collision arbitrairement petite. Ainsi, l’onde électromagnétique incidente excite de façon résonnante une perturbation du type plasma électronique à la densité critique. Un taux de collision non nul limite la divergence. Calculons donc l’énergie absorbée par unité de volume dans le voisinage immédiat de la densité critique : Pres (x) ≃ νc ǫ0 hE 2 i,

(7.66)

où nous avons utilisé (7.19) avec νei ≃ νc et ω ≃ ωpe . En utilisant (7.63) ainsi que la définition de Ed , on obtient : 1 νc ǫ0 |Ed |2 2 2 |ǫ| 1 νc = ǫ0 |Ed |2 , 2 (1 − x/L)2 + (νc /ω)2

Pres (x) ≃

(7.67)

Absorption des ondes électromagnétiques

105

Fig. 7.6 – Modules du champ magnétique et du champ électrique, normalisés au champ incident, pour un profil de densité donné par ne = (x/L)nc , avec L = 20c/ω, un angle d’incidence de 15 degrés, correspondant à τ = (ωL/c)1/3 sin θ = 0.7, et une fréquence de collision arbitrairement petite. On remarque la divergence du champ électrique à la résonance x = L, où ǫ s’annule.

où L est l’échelle du gradient de densité électronique calculé à la densité critique. Si maintenant on intègre cette quantité dans un voisinage de la densité critique, on obtient le flux total absorbé par unité de surface par ce mécanisme d’absorption résonnante : Z Pres (x) dx =

π ǫ0 ωL|Ed |2 , 2

(7.68)

résultat devenant indépendant de νc quand νc → 0. La dépendance en angle est entièrement contenue dans le champ de pompe Ed . Pour les angles d’incidence suffisamment petits, Bz0 peut être approximé par le résultat correspondant à l’incidence normale, et Ed varie alors linéairement avec θ. Au contraire, pour les angles d’incidence suffisamment grands Bz0 ne représente qu’une petite fraction du champ dans le vide, du fait du caractère évanescent de la propagation entre le point tournant classique, où ǫ(x) = sin2 θ, et la densité critique. Le facteur f de décroissance correspondant (effet tunnel) peut être estimé pour un profil de densité localement linéaire,

106

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 7.7 – Champ de pompe normalisé Φ en fonction du paramètre τ = (ωL/c)1/3 sin θ.

ne = (x/L)nc , grâce à une approximation BKW : " Z #   L 1/2 ω 2 2 ωL 3 f = exp − sin θ − ǫ(x) dx = exp − sin θ . (7.69) 3 c L cos2 θ c Ce facteur f décroît rapidement avec l’angle d’incidence dès que :  1/3 ωL τ= sin θ & 1, c

(7.70)

si bien que Ed décroît rapidement dès que la condition (7.70) est réalisée. Dans le cas d’un profil linéaire, l’équation de propagation (7.62) peut se mettre sous la forme :  d2 Bz 1 dBz − − η + τ 2 Bz = 0, dη 2 η dη où :

 η=

ω2 c2 L

(7.71)

1/3 (x − L) ,

(7.72)

et où on a pris la limite νei (x) → 0. Le raccord avec l’équation de propagation dans le vide se fait en η0 = −(ωL/c)2/3 . La résolution numérique de l’équation de propagation (7.71) montre que Ed est maximum pour τ ≃ 0.7. Cette valeur de τ correspond à de faibles angles d’incidence si (ωL/c) ≫ 1, c’est-à-dire si l’échelle de longueur du gradient de densité est grande devant la longueur d’onde dans le vide. La figure 7.7 représente le champ de pompe normalisé, défini par : r 2πωL Ed Φ(τ ) = , (7.73) c cos θ Einc

Absorption des ondes électromagnétiques

107

en fonction de τ . On peut remarquer, en la calculant numériquement, que cette fonction est effectivement quasiment indépendante du paramètre ωL/c, dès que celui-ci dépasse 1, c’est-à-dire quasiment indépendante de la position du point de raccord η0 . À noter ici que le maximum de la fonction Φ(τ ) est pratiquement égal à 1. Le taux d’absorption résonnante A peut être simplement exprimé par la relation : 1 (7.74) A = Φ2 . 2 Il atteint donc environ 50 % pour τ ≃ 0.7. Pour finir ce paragraphe, on peut noter que le résultat que nous venons de présenter sur l’absorption reste valable dans le cas d’un plasma strictement non collisionnel, pourvu que les effets thermiques et en particulier l’amortissement Landau soient pris en compte. Mathématiquement, la fonction ǫ devient dans ce cas un opérateur, dont l’expression se simplifie dans l’espace de Fourier, dans lequel l’amortissement Landau peut être exprimé sous une forme simple [23]. Physiquement, les oscillations plasmas électroniques sont convectées par les effets thermiques depuis la densité critique vers les zones de plus basse densité, où elles sont absorbées par effet Landau quand leur nombre d’onde électrostatique local devient de l’ordre de 0.3 λ−1 D . Quand l’intensité de l’onde est suffisamment importante, les effets non linéaires prennent le pas sur les effets linéaires : les oscillations plasmas électroniques excitées à la densité critique déferlent avant que l’effet Landau classique n’ait pu absorber l’énergie, avec production abondante d’électrons énergétiques [24].

Chapitre 8 Interaction laser-plasma en régime non linéaire L’interaction laser-matière met en jeu des ondes électromagnétiques qui peuvent être de haute intensité. De même, les ondes excitées dans le plasma peuvent elles aussi atteindre des intensités élevées. Les effets non linéaires dus à ces hautes intensités jouent un rôle essentiel dans beaucoup d’expériences. Le but du présent chapitre est de donner quelques notions de base sur ces effets non linéaires.

8.1

Pression de rayonnement

Adoptons dans un premier temps une description particulaire de la lumière. On rappelle que dans le vide chaque photon possède une énergie ~ω et une impulsion ~k = (~ω/c)n, où k est le vecteur d’onde et n le vecteur unitaire associé. Si N photons par unité de temps et de surface viennent se réfléchir sur un miroir parfait, il y a transfert d’impulsion entre le rayonnement et le miroir, avec une pression exercée sur le miroir donnée par : P =2

N ~ω . c

(8.1)

Le facteur 2 vient du fait que chaque photon réfléchi repart avec une impulsion −~k (voir figure 8.1). La quantité I = N ~ω représente l’intensité du rayonnement (définie ici comme le flux d’énergie de rayonnement par unité de surface), et donc : I P =2 . (8.2) c Si R est le taux de réflexion du miroir, la formule devient : I P = (1 + R) . c

(8.3)

Dans le cas où le miroir est constitué par un plasma, cette pression ou plus exactement la force exercée par le rayonnement se répartit tout au long du

110

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 8.1 – Schéma correspondant à la réflexion de chaque photon sur un miroir. Le photon arrive avec une impulsion ~k et repart avec une impulsion −~k, ayant ainsi cédé 2 fois son impulsion initiale au miroir.

gradient de densité parcouru par la lumière. On qualifie cette force de force pondéromotrice, et la détermination de sa répartition spatiale fait l’objet des paragraphes qui suivent.

8.2

Force pondéromotrice : approche particulaire

On considère une onde de haute fréquence se propageant dans un plasma. Ce peut être une onde électromagnétique ou une onde plasma électronique. Nous nous intéressons ici à la force non linéaire exercée par cette onde sur les particules du plasma. Celui-ci est supposé non collisionnel. Soit donc un électron dont on suit le mouvement dans le champ électromagnétique. Pour simplifier la présentation, on considère le seul champ électromagnétique haute fréquence, caractérisé par les champs E1 (r, t) et B1 (r, t). On suppose également l’électron au repos en l’absence de l’onde. Son équation du mouvement s’écrit alors : me

dv = −e [E1 (r, t) + v × B1 (r, t)] . dt

(8.4)

On cherche la trajectoire sous la forme d’un développement en puissance du champ électrique. À l’ordre 1 on a simplement : me

dv1 = −eE1 (r0 , t), dt

(8.5)

où r0 est la position non perturbée de l’électron. Pour une onde de fréquence ω le déplacement vaut : e r1 = E1 (r0 , t). (8.6) me ω 2 À l’ordre 2 on obtient : me

dv2 = −e [(r1 · ∇)E1 (r0 , t) + v1 × B1 (r0 , t)] . dt

(8.7)

Interaction laser-plasma en régime non-linéaire

111

Le premier terme prend en compte l’excursion de l’électron dans le champ de l’onde, tandis que le second terme correspond à la partie magnétique de la force de Lorentz. On a donc :   Z t e2 dv2 ∂E1 ′ =− (E1 · ∇)E1 − × ∇ × E1 dt . (8.8) me dt me ω 2 ∂t Si on s’intéresse à la force moyenne exercée sur l’électron, il vient : hme

e2 dv2 i=− h(E1 · ∇)E1 + E1 × ∇ × E1 i dt me ω 2 1 e2 =− ∇hE12 i. 2 me ω 2 (8.9)

Notons que le même calcul effectué pour un ion fait ressortir une force beaucoup plus petite (dans le rapport des masses), que l’on peut négliger. La densité de force par unité de volume s’obtient en multipliant la force exercée sur un électron par la densité électronique ne : hFi = −

1 ne e 2 ∇hE12 i, 2 me ω 2

(8.10)

résultat qu’on peut aussi mettre sous la forme : 2 ǫ0 ωpe ∇hE12 i 2 ω2 ǫ0 = − (1 − ǫ)∇hE12 i, 2

hFi = −

(8.11)

où ǫ est la fonction diélectrique du plasma. Une autre expression équivalente, permettant de faire le lien avec le tenseur de Maxwell T :     ǫ0 E12 B2 1 T= + 1 I − ǫ0 E1 E1 + B1 B1 , (8.12) 2 2µ0 µ0 et avec le tenseur de pression de radiation PR : PR =T − ǫ0 (ǫ − 1)E1 E1   ǫ0 2 1 2 1 E1 + B1 I − ǫ0 ǫE1 E1 − B1 B1 , = 2 2µ0 µ0

(8.13)

peut être obtenue en manipulant l’équation (8.11) et les équations de Maxwell. On obtient ainsi : hFi = −∇ · hPR i. (8.14) Plutôt que de démontrer ce résultat dans le cas général — c’est assez laborieux —, et pour faire le lien avec le paragraphe introductif, démontrons-le

112

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

dans le cas d’une onde électromagnétique monochromatique en incidence normale sur un plasma non collisionnel. Soit x la direction de propagation. On pose naturellement E1 (x, t) = Re[E1 (x) exp(−iωt)]. L’équation d’onde (3.22) s’écrit : d2 E1 ω2 + 2 ǫ E1 = 0. (8.15) 2 dx c On fait le produit scalaire par 2dE1 /dx pour obtenir :  2 ω2 d d dE1 + 2 ǫ E12 = 0. (8.16) dx dx c dx L’équation de Faraday nous permet par ailleurs d’écrire :  2 dE1 h i = ω 2 hB12 i. dx

(8.17)

L’équation (8.16) peut alors s’écrire, après moyenne sur la haute fréquence et division par ω 2 : d 1 d hB 2 i + 2 ǫ hE12 i = 0. (8.18) dx 1 c dx On peut enfin utiliser cette relation pour transformer l’équation (8.11) en :   d ǫ0 2 1 2 hFi = − hE i + hB i . (8.19) dx 2 1 2µ0 1 On vérifie aisément, en intégrant cette expression depuis le vide jusqu’à l’intérieur du plasma, que la force totale exercée par unité de surface de la cible s’identifie bien à 2I/c, où I est l’intensité de l’onde incidente.

8.3

Force pondéromotrice : approche fluide

On adopte ici le point de vue du fluide électronique. Pour être un peu plus général que dans le paragraphe précédent, on inclut dans la discussion la force de pression électronique et la force électrique due à une éventuelle séparation de charges. L’équation du mouvement pour le fluide électronique s’écrit :   1 ∂ve me + (ve · ∇)ve = −e(E + ve × B) − ∇ · Pe . (8.20) ∂t ne Rappelons tout d’abord l’équation permettant de calculer la réponse linéaire en l’absence du terme de pression : me

∂ve1 = −eE1 , ∂t

(8.21)

où E1 est le champ haute fréquence. Si on prend le rotationnel de cette équation, on obtient : ∂ ∂B1 me ∇ × ve1 = e , (8.22) ∂t ∂t

Interaction laser-plasma en régime non-linéaire

113

qui peut être intégré en remarquant que ve1 = 0 en l’absence du champ haute fréquence, soit : me ∇ × ve1 = eB1 .

(8.23)

Intéressons nous maintenant à la force non linéaire exercée par l’onde sur les électrons. On définit ue = ve − ve1 , qui représente la vitesse électronique après soustraction de la composante linéaire, et on récrit (8.20) :  me

 ∂ue 1 + (ue · ∇)ue = − eE2 − ∇ · Pe ∂t ne − [me (ve1 · ∇)ve1 + eve1 × B1 ] ,

(8.24)

où E2 = E − E1 est le champ résiduel, et où on a supposé que le seul champ magnétique à prendre en considération était le champ B1 de l’onde. Enfin, on a négligé les termes (ue · ∇)ve1 , (ve1 · ∇)ue et ue × B1 , qui sont d’ordre supérieur. Les derniers termes dans le membre de droite de l’équation (8.24) correspondent à la force non linéaire : fnl = − [me (ve1 · ∇)ve1 + me ve1 × ∇ × ve1 ] 1 2 = − me ∇ve1 , 2 (8.25) où on a utilisé la relation (8.23). Cette force correspond à la force pondéromotrice 1 . Pour une onde monochromatique de fréquence ω, la force pondéromotrice moyennée sur la haute fréquence peut également s’exprimer à partir du champ électrique : 1 e2 2 hfnl i = − me ∇hve1 i=− ∇hE12 i. 2 2me ω 2

(8.26)

On retrouve là le résultat de l’approche particulaire du paragraphe précédent. La force pondéromotrice peut aussi s’exprimer sous la forme du gradient 2 , et conduit à des perturbations d’un potentiel pondéromoteur Φnl = 12 me ve1 de nature électrostatique dans le plasma. Elle tend en particulier à expulser les électrons des régions où l’onde haute fréquence a une intensité élevée. Notons que les ions sont sensibles à la force pondéromotrice de façon indirecte, dans la mesure où, sur les échelles de temps hydrodynamiques, la force pondéromotrice exercée sur les électrons conduit à une séparation de charges partielle ou totale, à laquelle est associé un champ électrique, qui, lui, s’exerce aussi bien sur les électrons que sur les ions. 1. Certains auteurs réservent toutefois le terme de force pondéromotrice à la partie basse fréquence de la force non linéaire (8.25).

114

8.4

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Couplage d’ondes

Si maintenant on considère deux ondes de haute fréquence se propageant dans le plasma, avec un champ électrique haute fréquence total donné par 2 : E(r, t) = Re [E1 exp i(k1 · r − ω1 t) + E2 exp i(k2 · r − ω2 t)] .

(8.27)

La force pondéromotrice correspondante s’écrit : 1 fnl = − me ∇(v12 + v22 + 2 v1 · v2 ), 2

(8.28)

où v1 et v2 sont les réponses linéaires aux deux composantes du champ électrique (8.27). La force non linéaire contient des termes oscillant aux fréquences 2ω1 , 2ω2 , et ω1 ± ω2 . Les vecteurs d’onde correspondants sont 2k1 , 2k2 , et k1 ± k2 . Le couplage d’ondes proprement dit correspond au dernier terme du membre de droite de l’équation (8.28). Il peut s’écrire plus explicitement en utilisant le développement : v1 · v2 =

1 Re {v1 · v2 exp i [(k1 + k2 ) · r − (ω1 + ω2 )t] 2 + v1 · v2∗ exp i [(k1 − k2 ) · r − (ω1 − ω2 )t]} .

(8.29)

Cette force peut exciter des oscillations aux fréquences et vecteurs d’onde : ω = ω1 ± ω2 , k = k1 ± k2 .

(8.30)

Si le couple (ω, k) satisfait la relation de dispersion de modes électrostatiques dans le plasma (ondes acoustiques ioniques ou ondes plasmas électroniques), cette excitation peut être résonnante et conduire à un transfert d’énergie significatif des ondes 1 et 2 vers l’onde considérée. Comme indiqué précédemment, cette onde est nécessairement de nature électrostatique. Notons aussi que ce couplage n’est possible que si v1 · v2 ou v1 · v2∗ sont différents de 0, ce qui exclut les cas où les polarisations des deux ondes sont perpendiculaires l’une à l’autre. Nous venons de voir que deux ondes de haute fréquence peuvent se coupler via la force pondéromotrice pour exciter des perturbations électrostatiques. Ce n’est pas le seul mécanisme non linéaire susceptible de coupler des ondes dans les plasmas. Le courant électronique lui-même, je = −ene ve , peut contenir des contributions non linéaires quand au moins une onde électrostatique de fréquence ω1 et de vecteur d’onde k1 est présente dans le plasma. En présence d’une seconde onde de fréquence ω2 et de vecteur d’onde k2 apparaît un courant électrique nonlinéaire aux fréquences et vecteurs d’onde également donnés par les relations (8.30). Ce courant non linéaire peut exciter des perturbations 2. Notation : dans cette section, les indices 1 et 2 se rapportent aux deux ondes considérées, et non pas à un ordre 1 et un ordre 2, comme dans la section précédente.

Interaction laser-plasma en régime non-linéaire

115

électrostatiques via l’équation de conservation de la charge (2.41), ou des perturbations électromagnétiques via la loi d’Ampère. Ici encore l’excitation peut prendre un caractère résonnant et le transfert d’énergie correspondant peut être efficace si (ω, k) satisfait la relation de dispersion appropriée. Un exemple important du type de couplage que nous venons de voir est la diffusion Thomson d’une onde électromagnétique par des perturbations de la densité électronique associées à des ondes plasmas électroniques ou des ondes acoustiques ioniques. Le produit du couplage correspond à des modes électromagnétiques qui peuvent s’échapper du plasma et être détectés, donnant ainsi de précieuses informations sur les propriétés du plasma, comme la densité ou la température des différentes espèces, les conditions (8.30) permettant la détermination des fréquences et des vecteurs d’onde des perturbations du plasma à partir de la géométrie de l’onde incidente et des ondes diffusées, et de leur spectre. Les couplages non linéaires peuvent donner lieu à des instabilités dans le cas où une onde de grande amplitude se propage dans le plasma. La situation générique est la suivante : une onde de grande amplitude, caractérisée par (ω0 , k0 ), se couple à une onde de faible amplitude (qui à l’origine peut simplement provenir du bruit thermodynamique), caractérisée par (ω1 , k1 ), pour alimenter une deuxième onde de faible amplitude, caractérisée par (ω2 , k2 ), avec : ω0 = ω1 + ω2 , k0 = k1 + k2 .

(8.31)

En retour la deuxième onde (ω2 , k2 ) se couple à son tour avec l’onde de grande amplitude pour renforcer l’onde (ω1 , k1 ). Moyennant certaines conditions (en général au-dessus d’une intensité seuil pour l’onde de grande amplitude, déterminée par les amortissements respectifs des ondes 1 et 2), cette rétroaction est instable, et conduit à la croissance exponentielle des deux ondes 1 et 2 (qualifiées d’ondes filles) au détriment de l’énergie de l’onde 0 (qualifiée d’onde mère ou d’onde de pompe). L’amplitude des ondes filles croît jusqu’à ce que des mécanismes de saturation limitent leur amplitude. La perte d’énergie de l’onde mère peut bien sûr constituer un tel mécanisme. Mais les ondes filles, une fois qu’elles ont atteint une amplitude suffisante, peuvent elles-mêmes être instables et engendrer de nouvelles ondes, et ainsi de suite, suivant un processus en cascade. La diffusion Raman stimulée et la diffusion Brillouin stimulée sont deux exemples de telles instabilités. Dans les deux cas, l’onde mère et l’une des ondes filles sont des ondes électromagnétiques, tandis que la deuxième onde fille est soit une onde plasma électronique (cas de la diffusion Raman), soit une onde acoustique ionique (cas de la diffusion Brillouin stimulée).

116

8.5

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Diffusion Raman stimulée

Dans le cas de la diffusion Raman stimulée, l’onde électromagnétique de grande amplitude de paramètres (ω0 , k0 ) est instable vis-à-vis de l’excitation d’une onde électromagnétique diffusée et d’une onde plasma électronique, de paramètres respectifs (ω1 , k1 ) et (ω2 , k2 ). L’équation (8.31) permet de déterminer le domaine de densité où une telle instabilité peut se produire. Comme ω1 et ω2 satisfont les relations de dispersion respectivement des ondes électromagnétiques et des ondes électrostatiques, on a : ω1 , ω2 > ωpe , (8.32) et donc ω0 = ω1 + ω2 > 2ωpe . Ainsi, l’instabilité ne peut se produire que pour des densités inférieures à 14 nc . Étudions cette instabilité dans le régime le plus simple. On désigne par ne0 la densité électronique d’ordre zéro du plasma dans lequel se propage l’onde électromagnétique de grande amplitude. On peut caractériser cette onde par la vitesse d’oscillation des électrons dans son champ électrique : v0 (r, t) = Re [v0 exp i(k0 · r − ω0 t)] .

(8.33)

De même, on caractérise l’onde diffusée par la réponse électronique : v1 (r, t) = Re [v1 exp i(k1 · r − ω1 t)] .

(8.34)

L’onde plasma électronique est décrite par la perturbation de densité associée : ne (r, t) = Re [ne exp i(k · r − ωt)] ,

(8.35)

où on a omis l’indice 2 pour alléger la notation. Comme on s’intéresse à une évolution potentiellement instable, les quantités ω1 et ω peuvent comporter une partie imaginaire différente de zéro. Dans cette hypothèse, les conditions de couplage deviennent : ω0 = ω1 + ω ∗ , k0 = k1 + k.

(8.36)

La configuration des vecteurs d’onde est représentée sur la figure 8.2. L’équation de propagation de l’onde plasma électronique incluant le terme de force pondéromotrice dû au couplage des deux ondes électromagnétiques s’obtient de la façon suivante : l’équation de continuité linéarisée et l’équation de Poisson ne diffèrent pas de la théorie habituelle des ondes plasmas électroniques, soit respectivement : ∂ne = − ne0 ∇ · ve , ∂t et : ∇·E =−

e ne , ǫ0

(8.37) (8.38)

Interaction laser-plasma en régime non-linéaire

117

Fig. 8.2 – Géométrie de l’instabilité Raman à 3 ondes. Le vecteur d’onde k0 correspond au mode électromagnétique instable, k1 au mode diffusé suivant l’angle θ, et k au mode plasma électronique. Les cas extrêmes, θ = 0 et θ = π, correspondent respectivement à la diffusion vers l’avant et à la diffusion vers l’arrière ou rétrodiffusion. où E et ve désignent ici le champ électrique de l’onde plasma électronique et la perturbation de vitesse électronique associée. L’équation du mouvement, linéarisée par rapport à l’amplitude de l’onde plasma, mais prenant en compte la force pondéromotrice, s’écrit : ∂ve e v2 =− E − 3 te ∇ne − ∇(v0 · v1 ). ∂t me ne0

(8.39)

On a ici utilisé l’hypothèse adiabatique usuelle pour exprimer la divergence du tenseur de pression en fonction du gradient de densité. On dérive alors (8.37) par rapport au temps et on utilise les deux autres équations pour arriver à :  2  ∂ 2 2 + ωpe − 3 vte ∆ ne (r, t) = ne0 ∆(v0 · v1 ). (8.40) ∂t2 On s’intéresse maintenant à l’équation de propagation de l’onde électromagnétique diffusée. Si E1 et B1 sont les champs électrique et magnétique de l’onde diffusée, l’équation du mouvement linéarisée et l’équation de Faraday s’écrivent toujours : e ∂v1 =− E1 , (8.41) ∂t me et :

∂B1 , ∂t

(8.42)

me ∇ × v1 = eB1 .

(8.43)

∇ × E1 = − avec donc :

Le couplage apparaît dans l’équation d’Ampère, où le courant non linéaire jnl = −ene v0 s’ajoute au terme habituel, soit : ∇ × B1 =

1 ∂E1 − µ0 ene0 v1 − µ0 ene v0 . c2 ∂t

(8.44)

118

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

En multipliant cette équation par ec2 /me et en utilisant les précédentes, on aboutit à l’équation d’onde écrite pour la vitesse v1 :  2  ∂ 2 2 2 ne + ωpe − c ∆ v1 (r, t) = −ωpe v0 . (8.45) ∂t2 ne0 En utilisant alors les formes (8.33)–(8.35) et les conditions (8.36), les équations (8.40) et (8.45) donnent le système d’équations couplées : 1 ne0 k 2 v0 · v1∗ , 2 1 2 ne ∗ D(ω − ω0 , k − k0 )v1∗ = ωpe v , 2 ne0 0 Dp (ω, k)ne =

(8.46) (8.47)

où Dp (ω, k) et D(ω, k) sont donnés par : 2 2 Dp (ω, k) = ω 2 − ωpe − 3k 2 vte ,

(8.48)

2 D(ω, k) = ω 2 − ωpe − k 2 c2 .

(8.49)

Pour arriver à ce résultat, on n’a gardé dans les membres de droite des équations du système (8.46)–(8.47) que les termes résonnants. La résolution de ce système d’équations conduit alors à la relation de dispersion non linéaire de l’instabilité : 1 2 2 Dp (ω, k) D(ω − ω0 , k − k0 ) = ωpe k |v0 |2 . (8.50) 4 Dans la limite |v0 | → 0, les deux ondes filles se découplent, et la relation (8.50) correspond simplement au produit des relations de dispersion de chacune des deux ondes. Pour une valeur finie de |v0 |, on cherche une solution proche des modes normaux du plasma, c’est-à-dire vérifiant : ω = ωk + δω,

(8.51)

Dp (ωk , k) = 0,

(8.52)

D(ωk − ω0 , k − k0 ) = 0.

(8.53)

avec |δω| ≪ ωk et :

En développant Dp et D au premier ordre en δω, on obtient : Dp (ω, k) ≈ 2 ωk δω,

(8.54)

D(ω − ω0 , k − k0 ) ≈ −2 (ω0 − ωk ) δω.

(8.55)

Alors l’équation (8.50) donne : δω 2 = −

2 2 ωpe k |v0 |2 , 16 ωk (ω0 − ωk )

(8.56)

119

Interaction laser-plasma en régime non-linéaire

qui a une racine instable δω = iγ0 , où γ0 est donc le taux de croissance de l’instabilité : " #1/2 2 ωpe 1 . (8.57) γ0 = k|v0 | 4 ωk (ω0 − ωk ) Le taux de croissance γ0 est une fonction croissante de k, lequel dépend de la géométrie respective des vecteurs k0 et k1 , l’ensemble étant contraint par les conditions (8.52) et (8.53), par la condition D(ω0 , k0 ) = 0, et par la relation k0 = k1 + k. Le taux de croissance est maximum pour la rétrodiffusion, pour laquelle k est évidemment le plus grand. Un certain nombre d’approximations ont été faites dans cette approche simplifiée. Tout d’abord, on a négligé les termes non résonnants, qui peuvent toutefois réduire le taux d’instabilité dans certains cas limites, comme celui d’un plasma de faible densité et de la diffusion Raman vers l’avant, pour lequel il faut tenir compte, outre de la composante électromagnétique diffusée habituelle, qualifiée de composante Stokes, de la composante électromagnétique anti-Stokes dont la fréquence et le vecteur d’onde sont donnés par : ω1′ = ω0 + ω, k′1 = k0 + k.

(8.58)

On a aussi supposé |δω| ≪ ωk , ce qui devient incorrect à suffisamment haute intensité, dans le régime « fortement couplé » où |δω| & ωk , particulièrement important dans les plasmas de faible densité [25, 26, 27]. On a aussi négligé les effets relativistes, mais on reviendra sur cet aspect dans le chapitre suivant. Un effet important qui peut aisément être incorporé dans le modèle est l’amortissement des ondes filles, qui conduit à un seuil en intensité pour l’instabilité et à une réduction de son taux de croissance. La prise en compte des amortissements modifie les expressions des fonctions Dp (ω, k) et D(ω, k) qui deviennent respectivement : 2 2 Dp (ω, k) = ω(ω + iνp ) − ωpe − 3k 2 vte , 2

2 2

D(ω, k) = (ω − k c )(1 + iνei /ω) −

2 ωpe ,

(8.59) (8.60)

où νp = νei + 2γL , en incluant l’amortissement Landau (de taux γL ) de l’onde plasma électronique. Le taux de croissance γ de l’instabilité est réduit par les amortissements et maintenant donné par : (γ + γp )(γ + γ1 ) = γ02 ,

(8.61)

où γ0 est le taux de croissance calculé sans amortissement et donné par 2 /(ω0 − ωk )2 . l’équation (8.57), et où γp = 21 νp et γ1 = 12 νei ωpe L’équation (8.61) permet de calculer le seuil de l’instabilité, qui correspond à: γ02 = γp γ1 . (8.62)

120

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

L’amortissement des ondes filles n’est pas le seul effet susceptible de déterminer le seuil de l’instabilité. En plasma inhomogène, celui-ci est conditionné par le gradient de densité électronique. En effet, les vecteurs d’onde deviennent des fonctions de l’espace, si bien que l’accord de phase k0 = k1 + k ne peut plus être réalisé que localement.

8.6

Diffusion Brillouin stimulée

Dans le cas de la diffusion Brillouin stimulée, l’onde électromagnétique de grande amplitude de paramètres (ω0 , k0 ) est instable vis-à-vis de l’excitation d’une onde électromagnétique diffusée et d’une onde acoustique ionique, de paramètres respectifs (ω1 , k1 ) et (ω2 , k2 ). Le mécanisme est le même que celui de l’instabilité Raman, à la différence près que la perturbation de densité électronique est ici due à l’existence de l’onde acoustique ionique et non plus à celle d’une onde plasma électronique. Les conditions de couplage sont ici encore : ω0 k0

= ω1 + ω ∗ , = k1 + k.

(8.63)

Comme précédemment, on a omis l’indice 2 pour alléger la notation et on a autorisé ω1 et ω à avoir une partie imaginaire différente de zéro. Comme ω est une basse fréquence (|ω| < ωpi ), les fréquences des deux ondes électromagnétiques diffèrent peu : |ω1 | ≈ ω0 . (8.64) Ainsi, l’instabilité peut se produire à toute densité, avec pour seule restriction ne < nc . Comme les fréquences des deux ondes électromagnétiques satisfont la relation de dispersion (3.27), on a : |k1 | ≈ |k0 |,

(8.65)

ce qui signifie que k0 et k1 forment un triangle isocèle (voir la figure 8.3) et que : |k| ≈ 2|k0 | sin(θ/2), (8.66) où θ est l’angle entre l’onde diffusée et l’onde incidente. Pour l’étude de l’instabilité, comme pour le Raman, on se limite au régime le plus simple. On reprend les mêmes notations que celles utilisées dans le cas de l’instabilité Raman. Simplement la perturbation de densité ne (r, t) est maintenant associée à l’onde acoustique ionique. Établissons d’abord l’équation pour la perturbation ionique. L’équation de continuité linéarisée et l’équation du mouvement des ions s’écrivent respectivement : ∂ni = − ni0 ∇ · vi , (8.67) ∂t et : ∂vi Ze = E, (8.68) ∂t mi

121

Interaction laser-plasma en régime non-linéaire

Fig. 8.3 – Géométrie de l’instabilité Brillouin à 3 ondes. où ni (r, t) et vi (r, t) désignent la perturbation de densité ionique et la perturbation de vitesse associée. Par ailleurs, les électrons sont en quasi équilibre, avec : e v2 ∂ve =− E − te ∇ne − ∇(v0 · v1 ) ≈ 0. (8.69) ∂t me ne0 Comme kλD est de l’ordre de vte /c et donc a priori petit devant 1, la perturbation de densité ionique est telle que ne (r, t) ≈ Zni (r, t). On multiplie alors l’équation (8.67) par Z, on la dérive par rapport au temps et on utilise les deux autres équations pour arriver à :  2  ∂ Zme 2 − c ne0 ∆(v0 · v1 ). (8.70) ∆ ne (r, t) = s ∂t2 mi L’équation de propagation de l’onde électromagnétique diffusée est la même que dans le cas de l’instabilité Raman, soit l’équation (8.45). D’où le système d’équations couplées : Ds (ω, k)ne =

1 Zme ne0 k 2 v0 · v1∗ , 2 mi

(8.71)

et (à nouveau) : D(ω − ω0 , k − k0 )v1∗ =

1 2 ne ∗ ω v , 2 pe ne0 0

(8.72)

où Ds (ω, k) et D(ω, k) sont donnés par : Ds (ω, k) = ω 2 − k 2 c2s , 2

D(ω, k) = ω −

2 ωpe

2 2

−k c .

(8.73) (8.74)

Ici encore, on n’a gardé dans les membres de droite des équations du système (8.71)–(8.72) que les termes résonnants. La résolution de ce système d’équations conduit alors à la relation de dispersion non linéaire de l’instabilité : 1 2 2 Ds (ω, k) D(ω − ω0 , k − k0 ) = ωpi k |v0 |2 . (8.75) 4

122

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Pour |v0 | pas trop grand, on cherche une solution proche des modes normaux du plasma, c’est-à-dire vérifiant : ω = ωk + δω,

(8.76)

Ds (ωk , k) = 0, soit ωk = kcs ,

(8.77)

D(ωk − ω0 , k − k0 ) = 0.

(8.78)

avec |δω| ≪ ωk et :

En développant Ds et D au premier ordre en δω, on obtient : Ds (ω, k) ≈ 2 ωk δω, D(ω − ω0 , k − k0 ) ≈ −2 (ω0 − ωk ) δω ≈ −2 ω0 δω.

(8.79) (8.80)

Alors l’équation (8.75) donne : 2 ωpi k|v0 |2 , 16 cs ω0

δω 2 = −

(8.81)

qui correspond à un taux de croissance γ0 donné par : " #1/2 2 ωpi 1 γ0 = k|v0 | . 4 k cs ω 0

(8.82)

Pour un champ de pompe suffisamment intense, la condition |δω| ≪ ωk peut ne plus être vérifiée. En champ fort, quand ωk ≪ |δω|, on écrit simplement : Ds (ω, k) ≈ δω 2 , d’où : δω 3 = −

2 2 ωpi k |v0 |2 . 8 ω0

(8.83)

(8.84)

La racine instable correspond à : δω =

2 2 ωpi k |v0 |2 8ω0

!1/3

√ ! 3 1 +i . 2 2

(8.85)

Ainsi, dans ce régime de champ fort, la perturbation électrostatique correspond à un mode forcé et sa fréquence est entièrement déterminée par l’amplitude de l’onde laser, sans lien avec la fréquence naturelle de l’onde acoustique ionique correspondant au même nombre d’onde. Notons également que, en champ faible comme en champ fort, le taux de croissance maximum, comme pour l’instabilité Raman, correspond à la rétrodiffusion.

Interaction laser-plasma en régime non-linéaire

123

Pour déterminer les seuils liés aux amortissements, on réintroduit les amortissements dans les fonctions D(ω, k) [équation (8.60)] et Ds (ω, k) : Ds (ω, k) = ω(ω + iνs ) − k 2 c2s ,

(8.86)

où νs inclut les différentes sources d’amortissement de l’onde acoustique ionique. Le seuil est alors donné par : γ02 = γs γ1 ,

(8.87)

2 avec γs = 12 νs et γ1 = 12 νei ωpe /ω02 . Ici encore, l’inhomogénéité du plasma est également un facteur jouant sur la détermination du seuil de l’instabilité. Outre le gradient de densité, le gradient de vitesse joue un rôle important, du fait de l’effet Doppler différentiel qu’il induit.

8.7

Instabilité deux-plasmons

Dans le cas de l’instabilité deux-plasmons, l’onde électromagnétique excite deux ondes plasmas électroniques. Comme dans l’instabilité Raman, seuls les électrons interviennent dans la dynamique de l’instabilité. Comme les fréquences des deux ondes plasmas électroniques sont proches de la fréquence plasma ωpe , on doit avoir : ω0 ≈ 2ωpe ,

(8.88)

si bien que l’instabilité ne peut se développer qu’au voisinage ou juste en dessous d’une densité égale au quart de la densité critique, ne ≈ nc /4. Pour de grandes valeurs du nombre d’onde des ondes filles, on peut montrer que le taux de croissance de l’instabilité est maximum pour des ondes plasmas se propageant à 45 degrés à la fois du vecteur d’onde et du champ électrique de l’onde incidente.

8.8

Filamentation et autofocalisation

L’instabilité de filamentation correspond à la diffusion de l’onde électromagnétique sur une modulation de densité purement croissante et de vecteur d’onde perpendiculaire au vecteur d’onde k0 . Cette instabilité s’apparente à l’instabilité Brillouin dans la mesure où elle fait également intervenir la dynamique ionique, et où elle peut être décrite par la même relation de dispersion, à condition d’inclure les contributions non résonnantes. Une interprétation simple peut en être donnée, où l’amplitude de l’onde électromagnétique, modulée dans la direction transverse, crée une modulation de densité via la force pondéromotrice, qui, à son tour, en diffusant l’onde électromagnétique, tend à en augmenter la modulation. Cette instabilité disparaît pour les modulations

124

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 8.4 – Courbe caractéristique de taux de croissance de l’instabilité de filamentation en fonction du nombre d’onde k.

de courte longueur d’onde, car la diffraction naturelle de l’onde électromagnétique, qui empêche une trop forte concentration de l’onde, l’emporte sur le mécanisme non linéaire de l’instabilité. Pour les intensités modérées, le taux de croissance a la forme : "  2  4 #1/2 k k γ(k) = γmax 2 − , kopt kopt

(8.89)

où γmax est le maximum du taux de croissance, et kopt le nombre d’onde correspondant :  2 2 ωpe 1 |v0 | , 8 vte ω0 1 |v0 | ωpe = . 2 vte c

γmax = kopt

(8.90) (8.91)

La figure 8.4 donne l’allure caractéristique de la courbe représentant le taux de croissance en fonction du nombre d’onde. Le mécanisme d’autofocalisation de la lumière est un phénomène qui a la même origine physique que l’instabilité de filamentation : un faisceau dont la taille transverse w est de l’ordre ou plus grande que l’inverse du nombre d’onde optimal kopt donné par l’équation (8.91) tend à se concentrer davantage, les effets non linéaires l’emportant sur les effets naturels de diffraction. Il existe −1 en fait une taille critique wmin ∝ kopt au-delà de laquelle l’autofocalisation 2 se produit, qui correspond à une puissance critique Pc ∝ wmin |v0 |2 , dont on vérifie qu’elle est bien indépendante de |v0 |.

Interaction laser-plasma en régime non-linéaire

8.9

125

Remarques finales

Les instabilités paramétriques constituent un domaine très riche de l’étude de l’interaction laser-plasma [27]. Il existe en effet un très grand nombre de situations physiques différentes, suivant la nature de l’onde instable, son amplitude, la géométrie des vecteurs d’onde respectifs de l’onde et des produits de l’instabilité, la densité électronique et son gradient, la vitesse du plasma et son gradient, etc. Dans une expérience, la zone d’interaction est par nature limitée dans l’espace, et la prise en compte des conditions aux limites est essentielle. Il est en particulier important de déterminer si l’instabilité étudiée est de nature absolue ou convective, c’est-à-dire si elle tend à croître sur place ou en se déplaçant. Dans le premier cas, en un point donné, la perturbation croît exponentiellement, tandis que dans le second cas la perturbation disparaît localement quand t → ∞, mais croît exponentiellement pour des points en mouvement et accompagnant l’instabilité dans son déplacement [28]. Les instabilités paramétriques jouent un rôle important, car elles peuvent efficacement diffuser la lumière et l’empêcher d’atteindre les zones que l’on souhaite irradier et où l’on souhaite que l’énergie soit absorbée. En outre, une partie de l’énergie est transférée par ces instabilités à des ondes plasmas électroniques et des ondes acoustiques ioniques, qui, par interaction ondeparticules, transfèrent à leur tour cette énergie à des particules qui peuvent être très énergétiques, et s’avérer néfastes pour les applications envisagées. C’est par exemple le cas en ce qui concerne la fusion thermonucléaire contrôlée par confinement inertiel.

Chapitre 9 Effets relativistes dans le régime ultra-intense Du fait du développement rapide des lasers ultra-intenses [29, 30, 31, 32], on atteint maintenant facilement en laboratoire le régime relativiste de l’interaction laser-plasma, avec des intensités allant jusqu’à 1022 Wcm−2 . Ce type de régime présente un intérêt particulier dans différents contextes, comme celui de l’allumage rapide de cibles thermonucléaires [33], celui de l’accélération laser de particules, électrons [34], protons [18], et autres, ou encore celui de la production de rayonnements X ultra-brefs. Dans ce chapitre, on discute quelques aspects de l’interaction en régime relativiste.

9.1

Mouvement d’un électron libre dans une onde ultra-intense

On considère un électron libre, initialement au repos, placé dans le champ d’une onde plane électromagnétique se propageant dans le vide. L’équation du mouvement relativiste de l’électron s’écrit : dp = −e(E + v × B), dt où p = me γv, et où γ est le facteur relativiste de l’électron : s 1 p2 γ= p = 1 + 2 2. me c 1 − v 2 /c2

(9.1)

(9.2)

Les champs électrique et magnétique s’expriment à l’aide du potentiel vecteur A(r, t) : ∂A , ∂t B = ∇ × A. E=−

(9.3) (9.4)

128

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

L’équation du mouvement peut alors s’écrire sous la forme : d (p − eA) = −e(∇A) · v, dt

(9.5)

qu’on aurait aussi pu obtenir directement à partir des équations de Lagrange. Par ailleurs, l’équation pour l’énergie s’écrit : d ∂A γme c2 = ev · . dt ∂t

(9.6)

Soit x la direction de propagation de l’onde. A est dirigé dans le plan perpendiculaire yz. On considère d’abord la partie transverse de l’équation (9.5), qui donne : p⊥ = eA, (9.7) et : v⊥ =

eA . me γ

(9.8)

En insérant ce résultat dans la partie longitudinale de l’équation (9.5) et dans l’équation (9.6), on obtient : dpx e2 ∂A2 =− , dt 2me γ ∂x d e2 ∂A2 γme c2 = , dt 2me γ ∂t et :

d e2 (γme c2 − px c) = dt 2me γ



∂ ∂ +c ∂t ∂x

(9.9) (9.10)  A2 .

(9.11)

Pour une onde électromagnétique se propageant dans le vide vers les x croissants, le potentiel vecteur A n’est fonction que de τ = t − x/c et le membre de droite de (9.11) s’annule. Pour un électron initialement au repos, on a donc : γme c2 − px c = me c2 , (9.12) ou : γ =1+

px . me c

(9.13)

En combinant ce résultat avec l’expression de γ donnée dans l’équation (9.2), on obtient finalement :  2 px 1 p⊥ = , (9.14) me c 2 me c et donc : 1 γ =1+ 2



eA me c

2 .

(9.15)

Effets relativistes dans le régime ultra-intense

129

Fig. 9.1 – Angle fait par le vecteur vitesse avec l’axe de propagation de l’onde en fonction du facteur relativiste.

On peut faire les remarques suivantes : – dans le régime relativiste, le mouvement n’est pas perpendiculaire au vecteur d’onde, et la vitesse possède une composante parallèle à l’axe de propagation. L’angle fait par le vecteur vitesse avec l’axe des x est simplement donné par (voir la figure 9.1) :  1/2 2 tan θ = . (9.16) γ−1 Dans le régime ultra-relativiste, eA ≫ me c, la vitesse électronique est essentiellement dirigée suivant l’axe de propagation ; – l’électron est poussé en avant par l’impulsion électromagnétique. Cependant, après le passage de l’onde, l’électron se retrouve au repos s’il l’était initialement. Il a simplement été déplacé d’une distance finie suivant x. Considérons d’abord le cas d’une onde polarisée linéairement avec : eA = a cos(ωτ )ey . me c

(9.17)

L’amplitude normalisée a est reliée à l’intensité I et à la longueur d’onde λ par la formule : a = 0.855 I18 λ1/2 (9.18) µ , où I18 représente l’intensité normalisée à 1018 W/cm2 et λµ la longueur d’onde exprimée en microns. La trajectoire se calcule exactement [35] :

kx =

ky = a sin(ωτ ),

(9.19)

a2 [2ωτ + sin(2ωτ )] , 8

(9.20)

130

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 9.2 – Trajectoire électronique dans le champ d’une onde électromagnétique polarisée linéairement et d’amplitude arbitraire. a est l’amplitude normalisée de l’onde, et k = ω/c le nombre d’onde.

où k = ω/c est le nombre d’onde. La figure 9.2 montre la trajectoire électronique normalisée. Cette trajectoire correspond à une dérive suivant x avec une vitesse moyenne : a2 /4 vdrif t = c. (9.21) 1 + a2 /4 Dans le référentiel en mouvement avec la vitesse de dérive vdrif t , l’électron a une trajectoire fermée en forme de 8, avec : a k′ y′ = p sin(ω ′ τ ′ ), 1 + a2 /2 et : k ′ x′ =

a2 sin(2ω ′ τ ′ ), 8(1 + a2 /2)

(9.22)

(9.23)

où les quantités marquées du signe ′ correspondent au référentiel en mouvement. En particulier, l’effet Doppler sur la fréquence est donné par : ω ω′ = p . (9.24) 1 + a2 /2 La trajectoire correspondante est représentée sur la figure 9.3, où on a défini p a1 = a/ 1 + a2 /2. Considérons maintenant le cas d’une onde de polarisation circulaire, avec : eA = a [cos(ωτ )ey + sin(ωτ )ez ] . me c

(9.25)

La relation entre l’amplitude normalisée a et l’intensité I et la longueur d’onde λ est ici donnée par la formule : a = 0.605 I18 λ1/2 µ .

(9.26)

131

Effets relativistes dans le régime ultra-intense

Fig. 9.3 – Trajectoire électronique dans le champ d’une onde électromagnétique d’amplitude arbitraire, polarisée linéairement, représentée dans le référentiel en mouvement p avec la vitesse moyenne de l’électron. La quantité a1 est définie par a1 = a/ 1 + a2 /2, où a est l’amplitude normalisée de l’onde (a n’est pas modifié par la transformation de référentiel a = a′ ), et k′ = ω ′ /c est le nombre d’onde dans le référentiel en mouvement.

Le calcul de la trajectoire donne : ky = a sin(ωτ ),

kz = −a cos(ωτ ),

et : vdrif t =

a2 /2 c, 1 + a2 /2

kx =

a2 ωτ, 2

(9.27)

(9.28)

avec γ = 1+a2 /2. Dans le référentiel en √ mouvement l’électron a une trajectoire circulaire avec v′ ⊥ = eA/me γ ′ et γ ′ = 1 + a2 . Les résultats qui précèdent sont uniquement valides pour une onde plane. Pour un faisceau de taille finie, des corrections sont à prendre en compte, pouvant conduire à une dérive latérale des particules [36].

9.2

Indice de réfraction en régime relativiste et transparence induite

Les calculs du paragraphe précédent étaient limités au cas d’une onde plane se propageant dans le vide. Dans un plasma suffisamment dense, outre le fait que la vitesse de phase de l’onde électromagnétique n’est plus égale à c, le mouvement longitudinal des électrons se traduit par l’apparition d’un champ électrique suivant x, les ions restant approximativement immobiles, ce qui rend le calcul des trajectoires électroniques plus complexe.

132

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Le comportement du plasma vis-à-vis de la propagation des ondes électromagnétiques ne se ramène plus au calcul de la réponse linéaire tel qu’il a été fait dans les chapitres précédents. En outre, la réponse non linéaire du plasma est fonction de la polarisation de l’onde électromagnétique. En fait, il n’existe de solution simple que dans le cas d’une onde de polarisation circulaire, à condition de supposer que le mouvement longitudinal des électrons a été neutralisé de façon adiabatique par un champ électrique longitudinal. Cette hypothèse est en soi assez discutable, mais nous nous y tiendrons, pour expliciter la notion d’indice relativiste. On cherche donc la solution stationnaire pour la propagation d’une onde plane de polarisation circulaire, sans mouvement longitudinal. Nous allons établir l’équation de propagation pour le potentiel vecteur A(r, t). Soit d’autre part Φ(r, t) le potentiel scalaire. Dans la jauge de Coulomb, ∇ · A = 0, les lois d’Ampère et de Poisson donnent : ∆A −

1 ∂2A = −µ0 j⊥ , c2 ∂t2 ρ ∆Φ = − , ǫ0

(9.29) (9.30)

où j⊥ correspond à la partie transverse du courant électrique (c’est-à-dire perpendiculaire à la direction de propagation). Par ailleurs, l’équation du mouvement des électrons s’écrit ici : d (p − eA) = e[∇Φ − (∇A) · v]. dt

(9.31)

Dans la direction perpendiculaire, nous avons simplement : p⊥ = eA,

(9.32)

pour un plasma froid au repos en l’absence de l’onde, et l’équation (9.29) devient :  2  2 ωpe ∂ 1 ∂2 − A = A, (9.33) ∂x2 c2 ∂t2 γc2 où on a supposé que la propagation se faisait suivant l’axe x, et où γ est le facteur de Lorentz des électrons :  1/2 p2 e2 A2 γ = 1 + 2x 2 + 2 2 . (9.34) me c me c Dans la direction longitudinale, on a : dpx ∂Φ e2 ∂A2 =e − . dt ∂x 2me γ ∂x

(9.35)

On cherche une solution de la forme : A(r, t) = Re[ep A0 exp i(kx − ωt)],

(9.36)

Effets relativistes dans le régime ultra-intense

133

où ep caractérise la polarisation de l’onde : ep = ey ± iez .

(9.37)

Pour ce type de solution, A2 est constant dans le temps et dans l’espace et Φ = 0, si bien que px et γ sont aussi constants. Alors, l’équation d’onde (9.33) nous permet d’obtenir la relation de dispersion des ondes de polarisation circulaire : 2 ωpe ω2 = + k 2 c2 , (9.38) γ avec :  1/2 e2 A2 , (9.39) γ = 1+ 2 2 me c dans le cas où le mouvement suivant x a été neutralisé. La relation de dispersion (9.38) correspond à la fonction diélectrique pour un plasma froid : ǫ(ω) = 1 −

2 ωpe . γω 2

(9.40)

Le nombre d’onde est réel pour ǫ(ω) > 0, ce qui implique maintenant ω > √ ωpe / γ, ou ne < γnc . Le régime : nc < ne < γnc

(9.41)

est tel que l’onde électromagnétique se propage dans le régime relativiste, alors qu’elle n’aurait pas pu le faire dans la limite non relativiste. C’est ce qu’on appelle la transparence induite par effet relativiste [37, 38]. Les simulations numériques [38] montrent cependant que ce régime de propagation s’accompagne de fortes instabilités et d’un fort chauffage de la composante électronique, au détriment de l’énergie de l’onde.

9.3

Autofocalisation relativiste

L’autofocalisation d’un faisceau optique est un phénomène dans lequel un faisceau électromagnétique produit son propre guide d’onde et peut ainsi se propager sans s’étaler radialement. Ceci se produit dans les matériaux dans lesquels l’indice de réfraction croît avec l’intensité du champ. Le canal dans lequel se propage l’onde se comporte alors comme une lentille dont le pouvoir focalisant peut équilibrer la tendance naturelle à la diffraction. C’est en particulier le cas quand les effets relativistes sont pris en compte dans le calcul de la réponse diélectrique du plasma. Si on s’intéresse à une impulsion laser intense de fréquence ω se propageant dans un plasma peu dense (ωpe ≪ ω) avec une tache focale grande devant la longueur d’onde, on peut montrer [39] que la fonction diélectrique s’écrit : ǫ(ω) = 1 −

2 hωpe i , hγi ω 2

(9.42)

134

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

où le signe h· · · i correspond à la moyenne sur la période de l’onde électromagnétique. Si l’impulsion moyenne des électrons hpi peut être négligée, le facteur relativiste moyen est donné par : hγi =

 1/2 e2 hA2 i 1+ . m2e c2

(9.43)

À noter que ces résultats s’appliquent aussi bien à une onde de polarisation circulaire qu’à une onde de polarisation linéaire. L’équation d’onde pour la composante haute fréquence du potentiel vecteur s’écrit alors : ∆A +

ω2 ǫ(ω)A = 0. c2

(9.44)

On s’intéresse à la propagation suivant l’axe x d’un faisceau à symétrie cylindrique, avec A de la forme : A(r, t) = Re[ep A(r) exp i(kx − ωt)],

(9.45)

où ep caractérise la√polarisation √ de l’onde, ep = ey ± iez pour une polarisation circulaire et ep = 2 ey ou 2 ez pour une polarisation linéaire suivant y ou z, et où r correspond à la direction radiale, r = (y 2 + z 2 )1/2 . À noter que la condition de jauge ∇ · A = 0 impose l’existence d’un champ longitudinal Ax , qui est cependant d’ordre supérieur dans l’hypothèse faite d’une tache focale grande devant la longueur d’onde. Un choix approprié de l’origine du temps (ou de l’espace) permet d’avoir A(r) réel, tandis que la normalisation choisie est telle que, quelle que soit la polarisation : 

e2 A2 hγi = 1 + 2 2 me c

1/2 .

L’équation d’onde devient :    2  1 d dA ω r + 2 ǫ(ω) − k 2 A = 0. r dr dr c

(9.46)

(9.47)

À ce stade, on introduit deux hypothèses supplémentaires : – la densité électronique est supposée ne pas être perturbée par le champ laser. Celui-ci n’agit donc qu’au travers de la modification du facteur relativiste hγi ; – l’intensité reste faiblement relativiste, de telle sorte que l’on peut faire le développement limité : 1 e2 A2 ≃1− . (9.48) hγi 2 m2e c2 L’équation (9.47) prend alors la forme : 1 d r dr

  2 2 ωpe e 3 dA r − κ2 A + A = 0, 2 dr 2me c4

(9.49)

135

Effets relativistes dans le régime ultra-intense

Fig. 9.4 – Distribution radiale du potentiel vecteur normalisé pour une onde autofocalisée. En pointillé on a représenté la courbe gaussienne correspondant à la même puissance et au même rayon quadratique moyen.

où : κ2 = k 2 +

2 ωpe ω2 − . c2 c2

(9.50)

On pose alors ρ = κr et : 1 ωpe eA(r) , a(ρ) = √ 2 κc me c

(9.51)

pour obtenir l’équation normalisée :   1 d da ρ − a + a3 = 0. ρ dρ dρ

(9.52)

La solution de base de cette équation [40] est représentée sur la figure 9.4. La puissance normalisée est donnée par : Z ∞ p = 2π a2 (ρ) ρ dρ, (9.53) 0

et le rayon quadratique moyen par :  ρ=

2π p

Z

1/2

∞ 2

3

a (ρ) ρ dρ

.

(9.54)

0

Les valeurs numériques sont respectivement p = 11.7 et ρ = 1.09. Sur la figure 9.4, on a également représenté en pointillé la courbe gaussienne correspondant à la même puissance et au même rayon quadratique moyen. On constate que la courbe correspondant à une onde autofocalisée a un maximum plus prononcé et des « ailes » plus étendues.

136

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Si on revient aux quantités physiques, on trouve que le champ électrique, à un déphasage de π/2 près, est donné par E(r) = ωA(r), et que la puissance du faisceau autofocalisé est donnée par : Z ∞ P = 2πǫ0 c E 2 (r) r dr =2

0 2 5 ǫ 0 me c e2

= 23.4



ǫ0 m2e c e2

ω ωpe  5

2

Z



a2 (ρ) ρ dρ

× 2π

ω ωpe

0

2 ,

soit :

(9.55)



2 ω . (9.56) ωpe Cette valeur est la puissance critique associée au phénomène d’autofocalisation relativiste. Quelques remarques finales : – le résultat obtenu est indépendant de κ : il existe une infinité de solutions autosemblables correspondant aux valeurs possibles de κ ; – le développement (9.48) n’est possible que dans la limite faiblement relativiste eA/me c ≪ 1, ce qui suppose, compte tenu de la solution trouvée pour a et de la relation (9.51), que κ ≪ ωpe /c. Alors la tache focale a une dimension grande devant l’épaisseur de peau c/ωpe tandis que ω 2 diffère très peu de 2 ωpe + k 2 c2 ; – il est possible de s’affranchir de la limite faiblement relativiste, mais il devient alors nécessaire de tenir compte du creusement de densité électronique sous l’effet de la force pondéromotrice radiale exercée sur les électrons par le faisceau laser. On montre [41] que ce creusement se traduit par une expulsion totale des électrons en r = 0 dès que la puissance dépasse la puissance critique de 9 %. Au-delà encore, on est en régime de cavitation, où la taille du canal vidé d’électrons augmente avec la puissance du faisceau ; – le régime autofocalisé s’accompagne de fortes instabilités liées à la dynamique électronique [26, 39, 42, 43, 44]. Seul le régime où la cavitation se produit semble pouvoir être observé expérimentalement de façon probante [45, 46, 47]. P (W) = 16.2 × 109

9.4

Force pondéromotrice relativiste

Dans le chapitre 8, on a étudié la force pondéromotrice dans le régime non relativiste. Exprimée en fonction du potentiel vecteur, elle s’écrit : fnl = −

e2 ∇A2 , 2me

(9.57)

et la force moyenne sur le temps s’exprime de même : hfnl i = −

e2 ∇hA2 i. 2me

(9.58)

Effets relativistes dans le régime ultra-intense

137

Dans le paragraphe 9.2, on a vu, dans l’équation (9.35), que, dans le cas monodimensionnel et pour un plasma froid (pas de mouvement perpendiculaire autre que celui imprimé par l’onde), la force pondéromotrice relativiste prend la forme : e2 ∂A2 . (9.59) fnl = − 2γme ∂x La généralisation de ce résultat à 3 dimensions peut se faire dans certaines conditions (plasma peu dense, particules de vitesse pas trop proche de la vitesse de l’onde [36, 39]). La force non linéaire moyenne s’écrit alors : hfnl i = −

e2 ∇hA2 i, 2hγime

(9.60)

où le facteur relativiste moyen inclut l’effet de l’oscillation à la fréquence de l’onde et un terme dû à l’impulsion moyenne de la particule :  1/2 hpi2 e2 hA2 i hγi = 1 + 2 2 + . (9.61) me c m2e c2 Une autre forme équivalente de l’expression de la force pondéromotrice peut être obtenue en définissant une masse électronique effective [48] :  1/2 e2 hA2 i meff = me 1 + , m2e c2 et le facteur de Lorentz correspondant : 1/2  hpi2 . γeff = 1 + 2 2 meff c

(9.62)

(9.63)

La force non linéaire s’écrit alors : hfnl i = −

e2 ∇hA2 i. 2γeff meff

(9.64)

Pour terminer, notons que cette force peut encore s’écrire sous la forme compacte : hfnl i = −me c2 ∇hγi, (9.65) où l’opérateur ∇ n’agit que sur le terme hA2 i.

9.5

Instabilités électroniques en régime relativiste

On a vu au chapitre 8 qu’une onde électromagnétique de grande amplitude est instable vis-à-vis d’un certain nombre de perturbations. Dans ce paragraphe, on étend la discussion des instabilités au régime relativiste. Ce chapitre concerne les impulsions ultra-intenses, qui sont aussi en général ultra-courtes,

138

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

et, dans ce qui suit, on se contentera de discuter les instabilités liées à la dynamique électronique, en négligeant les aspects liés à la dynamique ionique. Une première difficulté apparaît quand on veut définir la solution d’ordre zéro, dont on veut étudier la stabilité. On a établi au paragraphe 9.2 la solution d’ordre zéro pour une onde de polarisation circulaire. Pour une onde de polarisation linéaire, un résultat analogue est plus difficile à établir car l’onde ne peut rester purement électromagnétique dans le plasma, du fait de la force v × B qui induit un mouvement longitudinal à la fréquence double de celle de l’onde originale. Bien que la solution du problème d’ordre zéro existe, sa stabilité reste à étudier, et on restreindra ici la discussion à celle de la stabilité de la solution d’ordre zéro obtenue au paragraphe 9.2 pour une onde de polarisation circulaire. On définit d’abord l’amplitude normalisée du potentiel vecteur, a = eA/me c, le facteur relativiste valant alors : γ = (1 + a2 )1/2 .

(9.66)

La stabilité de la solution exposée au paragraphe 9.2 vis-à-vis de perturbations monodimensionnelles a été étudiée dans les références [49, 50, 51] et l’extension à des perturbations multi-dimensionnelles dans les références [52, 53, 54]. Sans entrer dans les détails, on peut donner les résultats suivants : – il existe une grande variété de régimes d’instabilités, en fonction de l’amplitude de l’onde, de la densité du plasma, et de l’angle entre le vecteur d’onde de l’onde principale et les vecteurs d’onde des perturbations produites par l’instabilité. Par exemple, les instabilités Raman et deux-plasmons sont clairement séparées à basse intensité, tandis que le régime haute intensité révèle une image beaucoup plus complexe. En particulier, les ondes peuvent être fortement instables pour des densités supérieures au quart de la densité critique, et même dans le régime de transparence induite ; – pour une densité donnée, le taux d’instabilité finit par décroître quand l’amplitude de l’onde croît au-dessus d’une certaine valeur. Par exemple, le taux d’instabilité de la rétrodiffusion Raman dans le régime relativiste est donné par (voir la figure 9.5) : √ a2/3 3 2 1/3 (ωp ω) γ= ; (9.67) 2 (1 + a2 )1/2 – une forte émission d’harmoniques accompagne le développement de l’instabilité dans le régime relativiste ; – le taux de croissance maximum de l’instabilité peut atteindre 0.52 ω à haute intensité (a ≫ 1) et haute densité (ne ≃ 0.57 γnc) ; – des simulations numériques décrivant les aspects cinétiques du plasma ont montré que la phase non linéaire des instabilités conduit à un fort chauffage de la population électronique [50, 54]. La branche d’instabilité correspondant à la filamentation relativiste présente un intérêt particulier : la dépendance de l’indice de réfraction du plasma en fonction de l’amplitude de l’onde dans le régime relativiste est telle que

Effets relativistes dans le régime ultra-intense

139

Fig. 9.5 – Taux de croissance de l’instabilité Raman vers l’arrière en fonction de l’amplitude normalisée a de l’onde électromagnétique.

toute modulation transverse de cette amplitude a tendance à s’amplifier, ce qui conduit naturellement à une filamentation. La force pondéromotrice relativiste renforce cette instabilité, en chassant les électrons des zones où l’amplitude est la plus élevée, amplifiant ainsi la modulation de l’indice de réfraction. La filamentation relativiste est à rapprocher du phénomène d’auto-focalisation relativiste vu au paragraphe 9.3.

9.6

Création d’électrons relativistes

Le transfert d’énergie des ondes électromagnétiques ou électrostatiques aux particules du plasma ne conduit pas en général à des fonctions de distribution maxwelliennes. Par exemple, l’absorption collisionnelle (bremsstrahlung inverse) produit une fonction de distribution de la forme [55] :  n v fe ∝ exp − n , (9.68) v0 où 2 < n < 5 et où v0 est une fonction croissante du temps. Une telle distribution, appelée super-gaussienne, est relativement pauvre en particules de haute énergie. Au contraire, le chauffage non collisionnel dû à l’amortissement Landau d’une onde plasma électronique renforce la partie haute énergie de la fonction de distribution en créant une « queue » suprathermique. Pour des ondes plasmas de grande amplitude, les phénomènes de piégeage de particules et de déferlement de l’onde conduisent à un transfert d’énergie efficace de l’onde aux particules. Dans le régime relativiste, les phénomènes d’absorption non collisionnels qui mettent en jeu les ondes électrostatiques produites dans le plasma, mais aussi plus directement les ondes électromagnétiques, conduisent à des électrons relativistes dans la gamme du MeV et au-delà.

Chapitre 10 Accélération d’électrons L’accélération laser d’électrons est une application de l’interaction laser plasma qui a pris une ampleur de plus en plus importante au cours des quarante dernières années, au fur et à mesure que les progrès expérimentaux ont démontré la validité des concepts théoriques énoncés initialement [34, 56].

10.1

Accélération dans le vide

La première question qu’on peut se poser est la suivante : peut-on accélérer directement les électrons dans le vide par interaction entre une impulsion laser et un électron ? Pour une onde plane, le champ électrique de l’onde électromagnétique est obtenu en écrivant l’intensité (c’est-à-dire ici le module du vecteur de Poynting moyenné dans le temps) sous la forme : I = |hSi| =

1 |hE × Bi| = ǫ0 chE 2 i, µ0

(10.1)

où le signe h· · · i correspond à une moyenne sur la période de l’onde électromagnétique. Pour une onde de polarisation circulaire, on a simplement I = ǫ0 cE 2 et :  1/2 I E= , (10.2) ǫ0 c soit numériquement : " E(TV/m) = 1.94

2

I(W/cm ) 1018

#1/2 .

(10.3)

Ainsi, on atteint 2 TV/m pour une intensité de 1018 W/cm2 , ce qui est bien au-dessus des champs électriques des accélérateurs classiques, qui sont plutôt de l’ordre de quelques dizaines de MV/m — et limités par les problèmes de claquage. Mais, au contraire des champs accélérateurs classiques, ces champs sont transverses. Il est difficile de tirer parti de ces champs pour accélérer durablement les électrons. Dans une onde plane le mouvement de l’électron,

142

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

qui se calcule exactement, comme on l’a vu au chapitre 9, est tel que, après le passage de l’impulsion électromagnétique, l’électron se retrouve avec précisément la même vitesse qu’avant son passage. Ce n’est plus vrai dans le cas où l’onde électromagnétique a une dimension transverse finie, car l’électron a tendance à être chassé radialement par la force non linéaire associée à l’onde électromagnétique [36]. Il est cependant difficile de lui communiquer une énergie importante par ce mécanisme.

10.2

Sillage relativiste dans un plasma peu dense

Dans un plasma, la situation est différente, car les effets non linéaires liés à l’onde électromagnétique — la force pondéromotrice — y déclenchent une dynamique électronique qui, dans le sillage, après le passage de l’impulsion laser, est purement longitudinale, du moins pour le cas où l’onde électromagnétique est plane. Donnons une image simple du mécanisme de création de l’onde de sillage : la force pondéromotrice due au front de montée de l’impulsion électromagnétique pousse les électrons du plasma vers l’avant, tandis que les ions restent quasiment immobiles. Cette poussée initiale crée une séparation de charges et initie un mouvement d’oscillation des électrons. Un peu plus tard, la force pondéromotrice due à la partie arrière de l’impulsion va au contraire pousser les électrons vers l’arrière. Si les deux poussées sont séparées approximativement par une demi-période π/ωpe , où ωpe est la fréquence plasma électronique, la deuxième poussée va amplifier le mouvement naturel de retour des électrons initialement poussés vers l’avant. Et dans le sillage, les oscillations plasma électroniques vont se perpétuer. L’analogie mécanique, c’est le pendule (ou la balançoire) auquel on donne deux impulsions en sens opposés séparées par une demi-période. Le sillage est donc constitué d’une onde plasma électronique dont la vitesse de phase vp est simplement la vitesse de propagation de l’impulsion laser, c’està-dire la vitesse de groupe des ondes électromagnétiques :

vp =

2 ωpe 1− 2 ω

!1/2 (10.4)

c,

où ω est la fréquence de l’impulsion laser (on suppose ici que l’onde laser a une intensité modérée, et que la vitesse d’oscillation des électrons dans cette onde est non relativiste). On définit aussi la vitesse de phase normalisée : vp βp = = c

2 ωpe 1− 2 ω

!1/2 ,

(10.5)

143

Accélération d’électrons et le facteur relativiste correspondant : 1 ω γp = q = = ωpe 1 − βp2



nc ne0

1/2 ,

(10.6)

où nc est la densité critique associée à la fréquence ω, nc = me ǫ0 ω 2 /e2 , et ne0 la densité électronique. Si ne0 ≪ nc , on a γp ≫ 1 et βp proche de 1. On parle alors d’onde relativiste. On suppose maintenant l’onde plasma électronique sinusoïdale, de nombre d’onde kp , de longueur d’onde λp = 2π/kp , avec : vp =

ωpe = βp c. kp

(10.7)

L’équation de Poisson s’écrit, pour une onde monodimensionnelle : ∂E ρ e = = − ne1 , ∂x ǫ0 ǫ0

(10.8)

où ne1 est la perturbation de densité électronique et où on a supposé que les ondes se propageaient suivant l’axe des x. Elle permet de relier le module du champ électrique au module de la perturbation de densité : kp E =

e ne1 ǫ0

(10.9)

(ici E et ne1 désignent les modules des grandeurs physiques correspondantes), soit : e ne1 E= ne1 = βp E0 , (10.10) ǫ0 kp ne0 où : E0 =

me ωpe c = e



ne0 me c2 ǫ0

1/2 .

(10.11)

Pour βp proche de 1, on peut se contenter de : E ≈ E0

ne1 , ne0

(10.12)

soit, numériquement : 

ne0 (cm−3 ) E(TV/m) ≈ 0.3 1019

1/2

ne1 . ne0

(10.13)

Ainsi, on atteint 0.1 TV/m pour ne0 = 1019 cm−3 et ne1 /ne0 = 1/3. Le plasma convertit donc partiellement une onde électromagnétique transverse en une onde électrostatique longitudinale. Voyons plus précisément comment s’opère cette conversion.

144

10.3

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Régime de sillage linéaire

On s’intéresse tout d’abord au régime où la perturbation de densité subsistant dans le plasma après le passage de l’impulsion laser peut être traitée dans le régime linéaire, non relativiste 1 . Les électrons du plasma sont mis en mouvement par la force pondéromotrice de l’impulsion laser, et leur mouvement se perpétue sous forme d’onde plasma électronique dans le sillage [57]. Dans cette section et les deux suivantes, au contraire de la précédente, on tient compte de la dépendance radiale des ondes impliquées. Après moyenne sur la fréquence de l’impulsion laser, les équations qui décrivent le mouvement moyen des électrons s’écrivent 2 : ∂ ne + ∇ · ne ve = 0, (10.14) ∂t e ∂ ve + (ve · ∇) ve = − E − c2 ∇ < γ >, ∂t me e ∆Φ = −∇ · E = (ne − ne0 ), ǫ0

(10.15) (10.16)

soit l’équation de continuité, l’équation du mouvement, et l’équation de Poisson. Le champ E désigne ici le champ électrique du sillage, à distinguer du champ électrique de l’impulsion laser, Elaser . Il n’y a pas de terme en ve × B à l’ordre considéré (régime linéaire). Par ailleurs, on néglige la pression électronique, ce qui suppose que la température initiale des électrons est bien inférieure à me c2 = 511 keV, et que le sillage ne donne pas lieu à des phénomènes de déferlement qui pourraient conduire à des dispersions des vitesses importantes. Enfin < γ > est le facteur relativiste des électrons du plasma, moyenné sur une période laser, dans le champ de l’impulsion laser, soit : 1/2 < γ > = 1+ < a2 > 1 ≈ 1 + < a2 >, 2

(10.17) (10.18)

où a est le potentiel vecteur normalisé : a=

eAlaser . me c

(10.19)

En fonction du champ laser Elaser , supposé de fréquence ω, on a : < a2 > =

2 2 < vosc > e2 < Elaser > = . c2 m2e ω 2 c2

(10.20)

1. Le caractère linéaire fait ici référence à la perturbation de densité, étant entendu que la source de cette perturbation provient elle-même d’une réponse non linéaire au champ électromagnétique de l’impulsion laser. 2. À ce mouvement moyen s’ajoute, dans le cas d’une onde électromagnétique polarisée linéairement, une oscillation à la fréquence double du laser, qui ne contribue pas au sillage et qu’on n’étudie donc pas ici.

145

Accélération d’électrons Ainsi, on peut écrire : ∇ < γ >≈

1 2 ∇ < vosc >, 2 c2

(10.21)

où vosc est la vitesse d’oscillation de l’électron dans le champ électrique de l’onde laser. La linéarisation du système d’équations par rapport à l’amplitude de la perturbation électrostatique conduit à : ∂ ne1 + ne0 ∇ · ve = 0, ∂t

(10.22)

∂ ve e < a2 > =− , (10.23) E − c2 ∇ ∂t me 2 e ∆Φ = −∇ · E = ne1 , (10.24) ǫ0 où ne1 est la perturbation de densité électronique. En dérivant la première de ces équations par rapport au temps et en utilisant la deuxième, on obtient : ∂ve ne0 e < a2 > ∂ 2 ne1 = −ne0 ∇ · = ∇ · E + ne0 c2 ∆ , 2 ∂t ∂t me 2

(10.25)

soit, en utilisant finalement l’équation de Poisson : ∂ 2 ne1 < a2 > 2 + ωpe ne1 = ne0 c2 ∆ . 2 ∂t 2

(10.26)

Comme ne1 = ǫ0 ∆Φ/e, on peut intégrer deux fois cette équation pour obtenir (en supposant Φ = 0 avant le passage de l’impulsion laser) :

soit :

∂2 Φ ne0 ec2 < a2 > 2 + ω Φ = , pe ∂t2 ǫ0 2

(10.27)

∂2 Φ 2 2 + ωpe Φ = ωpe Φnl , ∂t2

(10.28)

où on a posé :

m e c2 < a2 > . (10.29) e 2 Une fois l’équation pour Φ résolue, on déduit aisément ne1 = ǫ0 ∆Φ/e et E = −∇Φ. On suppose maintenant Φnl (r, t) séparable en produit d’une fonction de (t− x/vp ), où vp est tout à la fois la vitesse de groupe de l’onde électromagnétique et la vitesse de phase du sillage électrostatique, et d’une fonction de r⊥ , où x représente la direction de propagation de l’onde et r⊥ les deux directions transverses, avec donc : Φnl =

Φnl (r, t) = Φ0 (t − x/vp ) f0 (r⊥ ).

(10.30)

Ainsi, Φ0 (t − x/vp ) correspond à la dépendance temporelle — et longitudinale — de l’impulsion électromagnétique et f0 (r⊥ ) à sa dépendance radiale.

146

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

On néglige donc la déformation longitudinale de l’impulsion laser lors de sa propagation suivant x. De même, on néglige la diffraction de l’impulsion à l’échelle du sillage. La réponse électrostatique correspond à un potentiel Φ(r, t) qui a une forme analogue à Φnl (r, t), soit 3 : Φ(r, t) = Φ(t − x/vp ) f0 (r⊥ ).

(10.31)

Cette forme est une conséquence du fait qu’on s’intéresse uniquement à la réponse de Φ(r, t) à Φnl (r, t), c’est-à-dire que l’on tient compte du fait que Φ(r, t) est nul avant le passage de l’onde électromagnétique. En particulier, comme l’équation (10.28) ne fait pas intervenir la dimension radiale, les dépendances radiales de Φ(r, t) et de Φnl (r, t) ne peuvent être qu’identiques. Suivant (x, t) on a : ∂2 Φ 2 2 + ωpe Φ = ωpe Φ0 . ∂t2

(10.32)

τ = t − x/vp ,

(10.33)

Pour résoudre, on pose : de telle sorte que l’équation pour Φ devient : d2 Φ 2 2 Φ = ωpe Φ0 . + ωpe dτ 2 La résolution 4 donne :

Z

(10.34)

τ

Φ0 (τ ′ ) sin ωpe (τ − τ ′ ) d ωpe τ ′ ,

Φ(τ ) =

(10.35)

−∞

la constante d’intégration ayant été choisie de telle sorte que la fonction Φ(τ ) soit nulle avant le passage de l’onde (c’est-à-dire pour τ = −∞). Après passage de l’impulsion laser, dans le sillage donc, il reste un mouvement d’oscillation harmonique avec : Z ∞ Φ(τ ) = Φ0 (τ ′ ) sin ωpe (τ − τ ′ ) d ωpe τ ′ , (10.36) −∞

la fonction Φ0 (τ ) étant supposée s’annuler pour τ ′ > τ , ce qui permet d’étendre la borne supérieure de l’intégrale à ∞. Si en outre la fonction Φ0 (τ ) est une fonction paire, ou plus généralement que : Z ∞ Φ0 (τ ′ ) sin ωpe τ ′ d ωpe τ ′ = 0, (10.37) ′

−∞

alors il reste :

Z



Φ0 (τ ′ ) cos ωpe τ ′ d ωpe τ ′ .

Φ(τ ) = sin ωpe τ

(10.38)

−∞

3. Par commodité on note également Φ(t − x/vp ) la fonction qui correspond à la dépendance longitudinale de Φ(r, t). 4. On utilise par exemple la méthode dite de variation des constantes, en cherchant Φ(τ ) = A(τ ) sin ωpe τ + B(τ ) cos ωpe τ , avec (dA/dτ ) sin ωpe τ + (dB/dτ ) cos ωpe τ = 0.

147

Accélération d’électrons

10.4

Cas d’une impulsion gaussienne

On suppose que la partie temporelle du potentiel non linéaire Φnl correspond à une gaussienne, soit :  (10.39) Φ0 (τ ) = Φ0,max exp −τ 2 /τ02 . Alors, dans le sillage (τ suffisamment grand devant τ0 ) : Z ∞  Φ(τ ) = Φ0,max sin ωpe τ exp −τ ′2 /τ02 cos ωpe τ ′ d ωpe τ ′ −∞

= Φmax sin ωpe τ avec : Φmax =

 √ 2 2 π ωpe τ0 exp −ωpe τ0 /4 Φ0,max .

(10.40) (10.41)

Pour Φ0,max fixé et√τ0 variable, la réponse est maximum pour dΦmax /dτ0 = 0, soit pour ωpe τ0 = 2. On a alors : p Φmax = 2π/e Φ0,max ≈ 1.52 Φ0,max . (10.42) La largeur à mi-hauteur de la source excitatrice correspondante est : √ −1 −1 tf whm = 2 2 ln 2 ωpe ≈ 2.35 ωpe . (10.43) Pour une densité électronique ne = 1019 cm−3 , on trouve une durée optimale de 13.2 fs. Les fonctions Φ0 et Φ, normalisées par Φ0,max , sont représentées sur la figure 10.1 en fonction de kp x − ωpe t (c’est-à-dire de ωpe τ au signe près) pour √ une source gaussienne vérifiant ωpe τ0 = 2.

Fig. 10.1 √– Sillage linéaire d’une impulsion gaussienne vérifiant la condition optimale

ωpe τ0 = 2. L’excitation, c’est-à-dire la fonction Φ0 , est représentée par un pointillé, et la réponse, c’est-à-dire la fonction Φ, en trait plein. La source excitatrice se déplace de gauche à droite.

148

10.5

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Traitement de la dépendance radiale

Si la dépendance radiale est également gaussienne :  f0 (r⊥ ) = exp −2 r2 /w02 ,

(10.44)

où r est le module de r⊥ , alors, dans le sillage, la réponse s’écrit finalement :  Φ(r, t) = Φmax exp −2 r2 /w02 sin(ωpe t − kp x). (10.45) On en déduit alors le champ électrique, dont les composantes radiales et longitudinales sont :  4r Φmax exp −2 r2 /w02 sin(ωpe t − kp x), 2 w0

(10.46)

 Ex = kp Φmax exp −2 r2 /w02 cos(ωpe t − kp x).

(10.47)

Er =

Pour un rayon r de l’ordre de w0 , on a, en ordre de grandeur : Er = 4 = 2 λp . Ex kp w0 π w0

(10.48)

Ainsi, le sillage n’est principalement longitudinal que moyennant la condition w0 ≫ λp . On note aussi que le champ électrique n’est à la fois accélérateur (Ex < 0) et focalisant (Er > 0) que pour un quart du sillage, c’est-à-dire pour (à 2π près) : π < ωpe t − kp x < π. (10.49) 2 Quant à la perturbation de densité électronique, elle est donnée par : ne1 =

   ǫ0 kp2 8 2 r2 ǫ0 ∆Φ = − 1+ 2 2 1− 2 Φ(r, t), e e kp w0 w0

(10.50)

expression qui permet de généraliser au cas d’une impulsion à géométrie cylindrique les résultats de la section 10.2.

10.6

Mouvement d’un électron en géométrie 1D

On s’intéresse maintenant au mouvement d’un électron quelconque (issu du plasma traversé ou injecté de l’extérieur). On retourne à la géométrie monodimensionnelle, ce qui revient, si l’on fait référence aux sections précédentes, à se placer sur l’axe r = 0, à supposer kp w0 ≫ 1, et à omettre dans les différentes expressions la dépendance en r⊥ . En revanche, au contraire de la section 10.3, on ne suppose pas nécessairement que l’on est dans le régime non relativiste. De toute façon, la vitesse de l’électron peut, à l’instar de la vitesse de phase de l’onde électrostatique, être voisine de la vitesse de la lumière.

149

Accélération d’électrons

On suppose que l’électron est soumis à la fois au champ électromagnétique de l’impulsion laser, caractérisé par le potentiel vecteur normalisé a, dirigé dans la direction perpendiculaire à la direction de propagation x, et au champ électrostatique dirigé suivant x et que l’on note E(x, t), avec : E(x, t) = −

∂Φ(x, t) , ∂x

(10.51)

où Φ(x, t) est le potentiel électrostatique. Dans la direction perpendiculaire, on a simplement p⊥ = eA (on suppose le mouvement transverse uniquement dû à l’impulsion laser), tandis que dans la direction longitudinale l’équation du mouvement de l’électron s’écrit : dp ∂Φ me c2 ∂a2 =e − , dt ∂x 2γ ∂x

(10.52)

où p est l’impulsion longitudinale de l’électron. On désigne par v sa vitesse suivant x et par γ son facteur relativiste, avec : p = me γv = me γβc, β = v/c, 1/2  1/2  p2 1 + a2 2 γ = 1+ 2 2 +a . = me c 1 − β2

(10.53)

À partir de l’équation (10.53) donnant γ, on trouve la variation d’énergie de l’électron sous la forme : m e c2

dγ dp me c2 da2 =v + . dt dt 2γ dt

(10.54)

Par dérivée droite da2 /dt on entend ici dérivée « en suivant le mouvement » de la particule, soit : da2 ∂a2 ∂a2 = +v . (10.55) dt ∂t ∂x On suppose alors que la fonction a2 et par conséquent également le potentiel Φ ne dépendent de x et de t qu’au travers de la combinaison x−vp t (l’impulsion laser se propageant sans se déformer à la vitesse vp ). 5 Alors pour les grandeurs a2 et Φ, on a : d ∂ = (v − vp ) . (10.56) dt ∂x 5. Pour simplifier la présentation, on suppose l’onde laser de polarisation circulaire, de façon à ne pas avoir à faire de distinction entre la valeur instantanée de a2 et sa valeur moyennée sur la haute fréquence. Les résultats qui suivent restent valables pour une polarisation linéaire à condition de rajouter au mouvement longitudinal de l’électron une oscillation à la fréquence double de la fréquence laser qu’il perçoit, oscillation qui n’apparaît que dans la zone où se trouve le laser et qui ne laisse pas de trace dans le sillage.

150

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

On peut alors combiner les équations (10.52) et (10.54) pour arriver à l’équation :  d me c2 γ − vp p − eΦ = 0. (10.57) dt En intégrant, on obtient, après division par me c2 : γ (1 − βp β) = φ + C,

(10.58)

où on a posé :

eΦ , (10.59) m e c2 et où la constante d’intégration C caractérise la trajectoire. C’est en fait l’équation de conservation de l’énergie (divisée par γp me c2 ) telle qu’on peut l’obtenir directement dans le référentiel en mouvement avec l’onde à la vitesse vp , soit : φ=

γ ′ = φ′ + C ′ ,

(10.60)

où le signe ′ fait référence au référentiel en mouvement. Pour passer d’un référentiel à l’autre, on utilise une transformation de Lorentz 6 , soit : x′ = γp (x − vp t) , γ ′ = γγp (1 − ββp ), γ ′ β ′ = γγp (β − βp ), φ′ = γp φ, a′ = a,

(10.61)

C ′ = γp C.

(10.62)

avec en outre :

En utilisant une transformation de Lorentz inverse pour revenir dans le référentiel initial, on a : γ = γ ′ γp (1 + β ′ βp ), γβ = γ ′ γp (β ′ + βp ), (10.63) p ′ avec γ ′ β ′ = ± γ ′ 2 − 1 − a2 suivant que l’électron se déplace vers la droite (signe +) ou vers la gauche (signe −) dans le référentiel en mouvement. Les relations (10.60) et (10.63) permettent de tracer la trajectoire de l’électron connaissant a2 et φ. Si on se place dans le sillage (où a2 =0 et où il ne subsiste que φ), on distingue deux types de trajectoires : celles qui restent piégées dans des puits 6. On peut coupler cette transformation de Lorentz à une transformation de jauge pour supprimer la composante longitudinale A′x du potentiel vecteur.

151

Accélération d’électrons

de potentiel, et celles qui circulent continûment de gauche à droite ou de droite à gauche (dans le référentiel en mouvement), la frontière entre les deux types de trajectoires étant constituée par la séparatrice, dont l’équation s’obtient en imposant dans (10.60) γ ′ = 1 au point où φ prend sa valeur minimum, ′ φ = φmin , ce qui correspond à Csep = 1 − φ′min avec φ′min = γp φmin . Au moment où elle passe par le point où φ est au contraire maximal, φ = φmax (avec φ′max = γp φmax ), une particule située sur la séparatrice a une énergie γ ′ = 1 + φ′max − φ′min = 1 + γp δφ, où δφ = φmax − φmin . Ainsi, les énergies minimales et maximales de piégeage dans le référentiel du laboratoire sont données par :   q 2 γ± = γp 1 + γp δφ ± βp (1 + γp δφ) − 1 . (10.64)

10.7

Mouvement dans une onde sinusoïdale

Plusieurs trajectoires correspondant au régime linéaire et à la zone du sillage sont représentées sur la figure 10.2 pour un potentiel normalisé sinusoïdal de la forme 7 : (10.65) φ(x, t) = φmax cos(kp x − ωpe t), où φmax est relié au module de la perturbation de densité électronique par : φmax = βp2

ne1 . ne0

(10.66)

On peut encore écrire : φ′ (x′ ) = φ′max cos(kp′ x′ ), où : φ′max = γp φmax = γp βp2

ne1 ne0

(10.67)

(10.68)

et kp′ = kp /γp . On note par ailleurs qu’ici φmin = −φmax . On distingue sur la figure 10.2 les particules circulantes, les particules piégées, et la séparatrice, dont l’équation s’obtient en imposant dans (10.60) γ ′ = 1 ′ pour cos(kp′ x′ ) = −1, ce qui correspond à Csep = 1 − φ′min = 1 + φ′max . Toujours pour une particule située sur la séparatrice, et maintenant pour cos(kp′ x′ ) = +1, on trouve γ ′ = 1 + φ′max − φ′min = 1 + 2φ′max , ce qui donne les énergies minimales et maximales de piégeage dans le référentiel du laboratoire :   q γ± = γp 1 + 2γp φmax ± βp (1 + 2γp φmax )2 − 1 . (10.69)

7. À noter que, par commodité pour le tracé des trajectoires, ce potentiel est déphasé de π/2 par rapport à celui calculé dans la section 10.4.

152

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 10.2 – Trajectoires de particules dans un potentiel électrostatique sinusoïdal φ(x, t) = φmax cos(kp x − ωpe t) avec φmax = 0.05 et γp = 10. Les différentes trajectoires correspondent à des valeurs de la constante C ′ étagées régulièrement entre 1 − φ′max et 1 + 2.5φ′max . On distingue les trajectoires fermées (particules piégées, pour C ′ < 1 + φ′max ) et les trajectoires ouvertes (particules circulantes, pour C ′ > 1 + φ′max ). La séparatrice constitue la frontière entre les deux types de trajectoires.

10.8

Accélération d’une particule ultrarelativiste

Pour une particule ultrarelativiste (γ ≫ γp ), on peut assimiler β à 1 et simplifier (10.58), qui devient : (1 − βp ) γ = φ + C.

(10.70)

Le gain d’énergie maximal est donné par : δγ =

δφ . 1 − βp

(10.71)

Si la vitesse de phase de l’onde plasma est proche de la vitesse de la lumière, c’est-à-dire βp proche de 1, avec βp ≈ 1 − 1/2γp2, alors : δγ ≈ 2 γp2 δφ.

(10.72)

Dans le cas d’une onde sinusoïdale correspondant au potentiel (10.65), on a δφ = 2φmax quand on passe de cos(kp′ x′ ) = −1 à cos(kp′ x′ ) = +1 et : δγ ≈ 4 γp2 φmax ≈ 4 γp2

ne1 . ne0

(10.73)

On peut retrouver ce résultat en calculant l’accélération de la particule sur une demi-alternance du champ électrique. À l’instant initial, t = 0, plaçons

153

Accélération d’électrons

un électron ultrarelativiste en X = x = −λp /2, où il voit un champ électrique nul (ici λp est la longueur d’onde du champ électrostatique, λp = 2π/kp ). L’électron va rattraper l’onde et, au moins au début, voir un champ accélérateur. On le suit jusqu’au temps tacc pour lequel il voit à nouveau un champ nul, juste avant qu’il ne se mette à décélérer. Sa position est alors x = −λp /2 + ctacc = vp tacc , et l’électron a donc parcouru la distance : Lacc = ctacc =

λp , 2 (1 − βp )

(10.74)

soit, pour βp proche de 1 : Lacc ≈ γp2 λp .

(10.75)

Le gain en énergie s’obtient en calculant le travail de la force électrique : Z tacc e δγ = − Ex [x(t), t] cdt, (10.76) m e c2 0 avec : et :

x(t) = −λp /2 + ct,

(10.77)

eEx = kp φmax sin(kp x − ωpe t), m e c2

(10.78)

ce qui donne : δγ =

2φmax ≈ 4γp2 φmax . 1 − βp

(10.79)

Ainsi, dans le cas d’une onde électrostatique produite dans le sillage d’une impulsion laser se propageant dans un plasma peu dense (γp ≫ 1), et pour une amplitude d’onde électrostatique donnée (c’est-à-dire pour ne1 /ne0 √ donné), le champ accélérateur croît avec la densité électronique comme ne0 3/2 [Eq. (10.12)], tandis que la longueur d’accélération décroît comme 1/ne0 , si bien que le gain d’énergie décroît comme 1/ne0 .

10.9

Régime de sillage non linéaire 1D

La section 10.3 supposait le régime non relativiste, avec : < γ > −1 ≈

2 < vosc > 1 = < a2 > ≪ 1, 2 c2 2

(10.80)

le sillage lui-même étant non relativiste, avec ne1 ≪ ne0 , soit Ex ≪ E0 . Plaçons-nous maintenant dans le régime monodimensionnel où a2 peut prendre des valeurs de l’ordre ou plus grandes que 1. Notons tout d’abord que les résultats de la section 10.6 sont valides dans ce régime. Il reste simplement à déterminer le potentiel Φ qui intervient dans les différentes expressions. Le potentiel Φ est déterminé par la réponse du plasma à la force pondéromotrice. On suppose les ions immobiles (du fait de leur inertie leur réponse peut

154

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

être négligée en première approximation) et les électrons froids et initialement au repos. L’équation du mouvement du fluide électronique s’écrit : ∂pe ∂Φ me c2 ∂a2 dpe ∂pe = + ve =e − , dt ∂t ∂x ∂x 2γe ∂x

(10.81)

où ve est la vitesse du fluide électronique suivant x, pe est l’impulsion correspondante, et γe le facteur relativiste, avec : pe = me γe ve = me γe βe c, βe = ve /c,  1/2  1/2 p2e 1 + a2 2 = . γe = 1 + 2 2 + a me c 1 − βe2

(10.82)

La section 10.6 traitait le mouvement d’un électron quelconque, et ses résultats s’appliquent en particulier aux électrons du plasma, auxquels correspond une valeur particulière Ce = 1 de la constante d’intégration apparaissant dans l’équation (10.58). En particulier : (10.83)

γe (1 − βp βe ) = 1 + φ, et :

 γe′ =

1 + a2 1 − βe′ 2

1/2 = γp (1 + φ).

(10.84)

De cette équation, on déduit :  βe′ = − 1 −

1 + a2 2 γp (1 + φ)2

1/2 ,

(10.85)

le signe − correspondant au fait que le plasma se déplace de la droite vers la gauche dans le référentiel en mouvement. La vitesse βe s’obtient par transformation de Lorentz : βp + βe′ βe = . (10.86) 1 + βp βe′ Par ailleurs, l’équation de continuité s’écrit : ∂ne ∂ne ve + = 0. ∂t ∂x

(10.87)

On utilise à nouveau la variable τ = t − x/vp pour réécrire l’équation de continuité sous la forme :    d ve 1− ne = 0, (10.88) dτ vp qui s’intègre en : ne = ne0

βp , βp − βe

(10.89)

155

Accélération d’électrons

Fig. 10.3 – Sillage non linéaire d’une impulsion gaussienne correspondant aux paramètres suivants : a2max = 4, γp = 10, et ωpe τ0 ≈ 1.2. Sur le premier panneau l’excitation, c’est-à-dire la fonction φ0 = a2 /2, est représentée par un pointillé, et la réponse, c’est-à-dire la fonction φ, en trait plein. La source excitatrice se déplace de gauche à droite. Les autres panneaux représentent la densité électronique, l’impulsion et le champ électrique.

soit, en utilisant (10.86) : ne − ne0 =

− γp2

  βp 1 + ′ ne0 . βe

(10.90)

C’est cette quantité qui intervient dans l’équation de Poisson, qui s’écrit, compte tenu du résultat (10.85) : (  ) −1/2 d2 φ 1 + a2 2 2 2 = ωpe βp γp βp 1 − 2 −1 . (10.91) dτ 2 γp (1 + φ)2 Dans la limite où a2 et φ sont petits devant 1, on retrouve l’équation (10.34) du cas linéaire.

156

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 10.4 – Trajectoires dans le potentiel non linéaire correspondant aux paramètres de la figure 10.3. Par commodité, pour pouvoir utiliser une échelle logarithmique, c’est en fait la quantité βγ + 2 qui est représentée. La courbe en pointillés correspond au lieu des points où β ′ s’annule.

La figure 10.3 montre le résultat de l’intégration numérique de l’équation (10.91) dans le régime non linéaire, pour :  a2 (τ ) = a2max exp −τ 2 /τ02 , (10.92) avec a2max = 4, γp = 10, et ωpe τ0 ≈ 1.2. Par rapport au cas linéaire étudié précédemment, on peut noter l’augmentation de la période (un effet purement relativiste, le terme dve /dt étant divisé par γe3 par rapport au cas classique dans la zone de sillage où a2 peut être négligé) et l’alternance de pics, où la densité peut être arbitrairement élevée, quand βe est voisin de βp , et de plateaux de densité, où elle ne peut toutefois descendre en dessous de ne0 /2, la vitesse βe ne pouvant par symétrie être plus petite que −βp . On note aussi le comportement en dents de scie du champ électrique. La figure 10.4 montre quelques trajectoires correspondant aux mêmes paramètres. La trajectoire inférieure correspond aux électrons du plasma, initialement au repos. Elle s’identifie à la troisième courbe de la figure 10.3. La courbe la plus épaisse correspond à la séparatrice générale, celle qui perdure dans le sillage. On constate qu’elle est en fait ouverte en avant de l’impulsion laser. Certains électrons, dont la vitesse initiale est très légèrement inférieure à la vitesse vp , sont simplement poussés vers l’avant par l’impulsion laser, sans véritablement rentrer dans la structure. Ils sont séparés des autres électrons d’énergie initiale inférieure par une trajectoire limite, qui elle aussi a le statut de séparatrice, également représentée. Le dernier ensemble de trajectoires représentées correspond à des électrons piégés. Enfin, la courbe en pointillés correspond au lieu des points où β ′ s’annule.

157

Accélération d’électrons

Dans le sillage (où a2 s’annule), l’équation (10.91) possède une intégrale première [58] obtenue en multipliant à gauche et à droite par dφ/dτ et en intégrant, ce qui donne :  2 n  o 1/2 1 dφ 2 2 2 = ωpe βp γp βp (1 + φ)2 − 1/γp2 − φ + cste . (10.93) 2 dτ La constante est telle que le membre de droite s’annule quand φ passe par un extremum. Le membre de droite de cette équation peut être réexprimé à partir de la relation (10.83). On obtient alors :  2 1 dφ 2 2 = ωpe βp (γmax − γe ), (10.94) 2 dτ où on a utilisé le fait que γe prend sa valeur maximum γmax quand φ passe par un extremum. On peut également obtenir cette intégrale première par une méthode plus directe et peut-être plus parlante. Reprenons en effet les équations du fluide électronique dans le sillage : ∂pe ∂pe + ve = −eE, ∂t ∂x

(10.95)

∂ne ∂ne ve + = 0, (10.96) ∂t ∂x et rajoutons l’équation d’Ampère pour la composante longitudinale : ǫ0

∂E − ene ve = 0. ∂t

(10.97)

Si on multiplie (10.97) par E et (10.95) par ne ve et qu’on combine l’ensemble, on obtient une équation de conservation de l’énergie sous la forme : ǫ0  ∂  ∂ ne γe me c2 + E 2 + ne ve γe me c2 = 0. (10.98) ∂t 2 ∂x Les grandeurs ne dépendant que de τ = t − x/vp , cette équation se simplifie    en : d ve ǫ0 2 2 1− ne γe me c + E = 0. (10.99) dτ vp 2 L’intégration donne, en utilisant (10.89) : ne0 γe me c2 +

ǫ0 2 ǫ0 2 E = ne0 γmax me c2 = ne0 me c2 + Emax , 2 2

(10.100)

où on a exprimé la constante d’intégration de deux façons différentes, correspondant aux extremums de γe ou de E, avec : p Emax = E0 2(γmax − 1). (10.101) On vérifie aisément que les relations (10.94) et (10.100) sont équivalentes.

158

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 10.5 – Valeur maximale du champ électrique dans le sillage d’une impulsion gaussienne, en fonction de la durée d’impulsion, pour γp = 10. La courbe a correspond au régime linéaire, la courbe b à a2max = 4 et la courbe c à a2max = 16. Les normalisations sont discutées dans le texte.

La figure 10.5 représente le champ Emax en fonction de la durée d’impulsion, dans le cas linéaire, d’une part (courbe a), et dans le cas non linéaire d’autre part, pour a2max = 4 (courbe b) et a2max = 16 (courbe c). La durée d’impulsion est normalisée à la durée d’impulsion optimale pour le cas linéaire, √ qui est ωpe τ0 = 2, tandis que le champ Emax est normalisé à : r a2 π p max Enorm = E0 . (10.102) 2e βe 1 + a2max p Dans cette expression, on a fait apparaître le facteur 1 + a2max qui correspond au facteur de réduction que l’on obtient dans le cas d’une impulsion carrée (de durée optimale) dans la limite γp → ∞. On remarque que l’optimum se déplace vers les durées d’impulsion plus courtes 8 , mais que globalement la fonction s’élargit et qu’ainsi l’efficacité de l’excitation du sillage est moins sensible à l’ajustement de la durée d’impulsion que dans le cas linéaire. La quantité γe prend sa valeur maximum γmax là où E s’annule, c’est-àdire là où φ possède un extremum φm (c’est-à-dire φmin ou φmax ). On a donc, en utilisant (10.83) : p 2 φm = γmax − 1 ± βp γmax −1   p 1 2 = ǫmax ± βp ǫmax 4 + ǫ2max , (10.103) 2 où ǫmax = Emax /E0 . À noter que ve ne peut dépasser vp (les grandeurs fluides deviendraient multivaluées en certains points, ce qui correspondrait à un déferlement). Par 8. Pour une impulsion carrée, l’optimum se déplace au contraire vers les durées d’impulsion plus longues.

Accélération d’électrons

159

voie de conséquence γmax ne peut dépasser γp , et Emax ne peut dépasser la limite : q Elimite = E0 2(γp − 1). (10.104) Or cette valeur peut être atteinte si a2max dépasse une certaine valeur, qui, puisque Emax est voisin de Enorm quand la durée d’impulsion est optimisée, est approximativement donnée par la résolution de l’équation Enorm = Elimite . Par exemple, pour γp = 10, la résolution numérique montre que a2max ne doit pas dépasser une valeur un peu supérieure à 33.

10.10

Régimes non linéaires 3D

Dans le régime non linéaire où les effets relativistes deviennent importants, de nouveaux comportements apparaissent quand on tient compte de la dépendance radiale de l’onde laser : le sillage n’est plus purement électrostatique — un champ magnétique le compose aussi —, des déferlements peuvent se produire dans le sillage (non seulement longitudinaux mais aussi radiaux), etc. Un régime de cavitation complète (également appelé régime de la bulle) dans le sillage immédiat de l’impulsion laser peut se produire, régime où les électrons sont chassés latéralement par la force pondéromotrice de l’impulsion — les ions restant quasiment au repos —, avant de revenir au voisinage de

Fig. 10.6 – Régime de la bulle : la densité électronique est représentée en niveaux de gris (l’échelle est toutefois saturée à 2.5 fois la densité initiale). L’impulsion laser correspond aux paramètres suivants : a2max = 12.5, ωpe τ0 = 6/π, et kp w0 = 2.5, et le calcul présenté ici correspond à la limite γp → ∞. L’axe longitudinal s’étend de kp x − ωpe t = −7 à +3, et l’axe transverse s’étend de kp r = −5.5 à +5.5 après symétrisation.

160

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

l’axe laser, après avoir contourné la bulle [39]. Un exemple de formation d’une telle bulle est représenté sur la figure 10.6 pour une impulsion de la forme :  a2 (τ, r⊥ ) = a2max exp −2 r2 /w02 cos2 (τ /τ0 ) , (10.105) limitée à une seule alternance, c’est-à-dire à |τ | en fonction de la température et comparer différents couples de réactifs (voir figure 11.5). On peut constater sur la figure 11.5 que la réaction DT a un taux de réaction sensiblement plus élevé que les autres réactions dans la gamme de température 1–100 keV. Le taux de réaction pour la réaction DT, de l’ordre de 10−16 cm3 s−1 pour kB T = 10 keV, frôle 10−15 cm3 s−1 pour kB T = 60 keV, température pour laquelle il est maximum. Il n’existe pas de formule analytique

Fig. 11.5 – Taux de réaction pour différents couples.

171

Fusion thermonucléaire

simple donnant le taux de réaction en fonction de la température dans une large gamme de températures. Toutefois, on verra plus loin que la connaissance de ce taux pour des températures de 4 à 20 keV suffit généralement. Dans cette gamme de températures, le taux pour la réaction DT peut être approximé par :   < σv > (cm3 s−1 ) ≈ 5.47 × 10−21 T 6.14 exp −0.793 (ln T )2 , (11.41) où la température T est exprimée en keV. Cette approximation revient à assimiler localement la courbe correspondante de la figure 11.5 à une branche de parabole.

11.8

Critères de fonctionnement d’un réacteur à fusion

On en vient maintenant aux critères de fonctionnement d’un réacteur à fusion. Il en existe différentes formes, plus ou moins pertinentes suivant les cas. La première personne à avoir établi un critère de ce type est John Lawson en 1957. Son nom est souvent associé à ces critères, même s’il ne s’agit pas toujours de la forme originale. On convient d’abord de désigner par τ le temps caractéristique de confinement de l’énergie dans le réacteur considéré. On compare alors l’énergie thermique des particules par unité de volume : Eth = 3 nkB T,

(11.42)

où on a tenu compte à la fois de l’énergie des ions et de celle des électrons (ne = n, où ne est le nombre d’électrons par unité de volume et n = nD + nT ), et l’énergie de fusion produite pendant le temps τ dans le même volume unité : Ef usion = Pf usion τ =

1 2 n < σv > Qτ. 4

(11.43)

Ici on a supposé un mélange équimolaire (nD = nT = 12 n), et Q = 17.59 MeV désigne l’énergie libérée par chaque réaction de fusion. Notons qu’on a négligé dans (11.43) l’appauvrissement du combustible du fait des réactions de fusion elles-mêmes. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement. Le critère le plus élémentaire consiste à demander que l’énergie de fusion produite dépasse l’énergie thermique initiale, soit Ef usion > Eth , ce qui se ramène à : 12 kB T nτ > . (11.44) < σv > Q Le membre de droite de (11.44), que l’on désigne par nτcritique , est une fonction de la température qui est minimum pour T ≃ 25 keV, et qui prend alors la valeur : nτcrit, min ≃ 3 × 1019 m−3 s. (11.45)

172

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 11.6 – Breakeven et critère de Lawson pour la réaction DT. La condition nτ > nτcritique correspond au « breakeven » (seuil de rentabilité). Le critère de Lawson correspond à : η(Ef usion + Eth ) > Eth ,

(11.46)

où Ef usion + Eth représente l’énergie totale disponible après les réactions de fusion et η est un rendement de conversion. Le choix η = 13 fait par Lawson conduit à : 24 kB T nτ > , (11.47) < σv > Q soit deux fois la condition de breakeven. La figure 11.6 montre le breakeven et le critère de Lawson, pour la réaction DT, en fonction de la température. Diverses variantes du critère peuvent être obtenues : – en tenant compte de rendements de différentes natures ; – en distinguant dans l’énergie de fusion la part emportée par les particules alpha, 15 Q par réaction, et la part emportée par les neutrons, 45 Q ; – en tenant compte de sources auxiliaires d’énergie ; – en explicitant les pertes par rayonnement du plasma. Considérons par exemple la situation d’équilibre décrite par l’équation suivante : Eth 1 Pf usion + Pext = . (11.48) 5 τ Cette équation traduit l’équilibre du plasma d’un réacteur à confinement magnétique sous l’effet du chauffage par les particules alpha (chargées, elles restent confinées dans le réacteur, tandis que les neutrons, insensibles au champ magnétique, s’échappent), du chauffage par une source extérieure fournissant une puissance Pext et des pertes caractérisées par le temps τ . L’efficacité de la machine est caractérisée par un facteur q, défini comme le rapport entre

173

Fusion thermonucléaire l’énergie de fusion produite et l’énergie fournie par la source extérieure : q=

Pf usion . Pext

(11.49)

L’équilibre ainsi défini correspond à : nτ = 

1 5

12 kB T  . + < σv > Q

(11.50)

1 q

Une attention particulière doit être portée aux pertes par rayonnement. Elles sont principalement dues au rayonnement de freinage des électrons dans le champ coulombien des ions, de charge Z (pour le deutérium et le tritium, Z = 1, mais on donne ici la formule générale pour pouvoir apprécier le rôle néfaste d’éventuelles impuretés de Z élevé). La puissance rayonnée par unité de volume vaut : Pray = Cr Z 3 n2 (kB T )1/2 , (11.51) avec Cr ≃ 3.34 × 10−21 keV1/2 m3 s−1 , quand kB T est exprimé en keV, Pray en keV m−3 s−1 , et n en m−3 . Ce résultat s’applique dans le cas de plasmas « optiquement minces », c’est-à-dire tels que les photons émis ne sont pas réabsorbés avant de s’échapper du plasma, comme dans le cas des réacteurs à confinement magnétique. La prise en compte du rayonnement impose une limite supérieure au temps de confinement. En effet, si le rayonnement était la seule source de pertes, on aurait (toujours pour un plasma optiquement mince) un temps caractéristique de pertes donné par : 3(kB T )1/2 nτray = . (11.52) Cr Z 3 En prenant en compte les autres sources de pertes, on a nécessairement τ < τray . En raisonnant sur les taux de pertes, et en séparant la partie due au rayonnement et la partie due aux autres sources de pertes, c’est-à-dire en écrivant : 1 1 1 = + ′, (11.53) τ τray τ on peut mettre la condition d’équilibre sous la forme : nτ ′ = 

1 5

+

1 q



12 kB T < σv > Q − 4 Cr Z 3 (kB T )1/2

.

(11.54)

La valeur correspondant à q = ∞ est représentée sur la figure 11.7, ainsi que deux des critères vus précédemment. La valeur q = ∞ correspond au critère d’ignition (c’est-à-dire d’allumage), le réacteur fonctionnant sans apport extérieur (Pext = 0). Notons que l’ignition implique une température minimale : Tmin ≃ 4.3 keV,

(11.55)

174

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 11.7 – Breakeven, critère de Lawson et ignition. puisqu’on doit avoir (pour Z = 1) : < σv > > 20 Cr

(kB T )1/2 , Q

(11.56)

soit : < σv > > 3.8 × 10−24 (kB T )1/2 , 3 −1

où kB T est exprimé en keV et σv en m s

11.9

(11.57)

.

Critère sur nτ T

Les physiciens du confinement magnétique utilisent maintenant des critères sur le produit nτ T , en fait équivalents aux critères précédents. Ainsi, le dernier critère vu devient : nτ ′ kB T = 

1 5

+

1 q



12 (kB T )2 < σv > Q − 4 Cr Z 3 (kB T )1/2

,

(11.58)

le membre de droite pouvant être approximé pour Z = 1 et q = ∞ par 3.3 × 1021 m−3 s keV dans une assez large gamme de températures (10 < kB T < 20 keV).

11.10

Les deux voies de la fusion

Dans tout ce qui précède on a évoqué des conditions de plasmas qui correspondent à des températures très élevées, de l’ordre de la centaine de millions de kelvins. À ces températures, aucun récipient matériel ne peut contenir le plasma, et se pose donc le problème de son confinement.

Fusion thermonucléaire

175

Il existe principalement deux voies pour réaliser ce confinement. La première voie, dénommée confinement magnétique, fait appel au champ magnétique, et tire parti du fait que les noyaux de deutérium et de tritium sont des particules chargées dont les trajectoires peuvent être contrôlées par des champs magnétiques appropriés. La configuration la plus prisée est celle des « tokamaks », qui présente une géométrie toroïdale. Actuellement, la machine la plus performante de ce type reste le JET (Joint European Torus), machine européenne installée en Angleterre près d’Oxford. Le grand projet international ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), en construction à Cadarache en France, se situe dans la continuité des machines précédentes. Les plasmas de fusion par confinement magnétique sont peu denses (de l’ordre de 1020 m−3 ), mais occupent un volume important (840 m3 pour ITER), et le temps de confinement (temps caractéristique lié au taux de perte d’énergie) est de l’ordre de la seconde (même si la durée des décharges peut être beaucoup plus longue). La deuxième voie porte le nom de confinement inertiel, mais en réalité cette voie se passe de confinement : on compte sur l’inertie du combustible pour lui laisser un temps suffisant pour brûler avant sa dislocation. Le combustible est initialement froid et contenu dans une bille de taille millimétrique. Il est alors à la fois chauffé et comprimé pour des raisons que l’on verra plus loin, avant le déclenchement des réactions de fusion et la dislocation de l’ensemble. Les densités atteintes au moment du déclenchement des réactions de fusion sont de l’ordre de 1031 m−3 , tandis que le temps de dislocation du combustible est de l’ordre de la dizaine de picosecondes. Pour chauffer et comprimer la bille de combustible, on doit faire appel à une source d’énergie très puissante, et capable d’être focalisée sur une faible surface. Actuellement, les lasers de puissance sont les plus à même de remplir ce cahier des charges. Deux grands projets sont en cours d’exploitation, le projet américain NIF (National Ignition Facility) situé à Livermore, en Californie, et le projet français Mégajoule (LMJ), situé à proximité de Bordeaux. Si la cible est millimétrique, l’installation totale, hall laser compris, dépasse les 300 mètres dans sa plus grande dimension.

Chapitre 12 Confinement inertiel Le confinement inertiel correspond à la deuxième voie pour la fusion thermonucléaire contrôlée [61]. Chronologiquement, elle est apparue au grand jour en 1972, une quinzaine d’années après la voie par confinement magnétique. En réalité, le terme de confinement est ici abusif dans la mesure où précisément il n’y a pas de confinement du combustible : c’est son inertie qui fixe la durée de son expansion et en pratique la durée de la phase de fusion. On sait que le combustible doit être porté à une température thermonucléaire, de l’ordre de 5 à 10 keV. On verra qu’il doit également être comprimé. Une source extérieure doit donc fournir l’énergie correspondante. Il peut s’agir de lasers impulsionnels de haute intensité ou de faisceaux de particules (en général des ions).

12.1

Le paramètre de confinement ρR

On considère donc tout d’abord une sphère de rayon R0 contenant le combustible, porté à très haute température. Sous l’effet de sa pression, la sphère se détend dans le vide environnant. La détente se fait par l’intermédiaire d’une onde de raréfaction qui part du bord de la sphère et qui se propage vers le centre de la cible à la vitesse du son cs , en suivant l’équation : (12.1)

R(t) = R0 − cs t,

où cs = (γP/ρ)1/2 , ρ étant ici la densité volumique du combustible. Pour un gaz parfait monoatomique γ = 5/3, tandis que : P kB T =2 , ρ mf

(12.2)

où mf = 2.5 mp (moyenne entre la masse du deutérium et la masse du tritium), et où le facteur 2 provient de la prise en compte de la pression des électrons libres. Numériquement, on a : 1/2

cs (m/s) ≈ 3.6 × 105 TkeV .

(12.3)

178

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Le temps de [dé-]confinement est le temps que met l’onde de raréfaction pour parvenir au centre de la bille, soit : τconf = R0 /cs .

(12.4)

Pour estimer Nf usion , nombre total de réactions de fusion qui ont lieu au sein de la bille de combustible, on va faire un certain nombre d’hypothèses et d’approximations : – on considère un mélange équimolaire DT (nD0 = nT 0 = n0 /2) ; – on suppose que seule la région centrale de la bille, celle qui n’a pas encore été atteinte par l’onde de raréfaction, est le siège de réactions de fusion. On considère en effet que les régions qui se détendent ne contribuent pas, du fait de la chute rapide de la densité et de la température au-delà du rayon R(t) ; – on néglige la variation temporelle de température qui pourrait résulter des réactions de fusion ; – on néglige l’appauvrissement du combustible. On peut alors écrire : dNf usion 1 = n20 < σv > V (t), dt 4 où V (t) est le volume du cœur siège des réactions de fusion : 3  t , V (t) = V0 1 − τconf

(12.5)

(12.6)

V0 étant le volume initial. L’intégration sur le temps (de 0 à τconf ) conduit à : Nf usion =

1 2 n < σv > V0 τconf , 16 0

(12.7)

et l’énergie de fusion produite par unité de volume vaut alors : Ef usion =

1 2 n < σv > Q τconf . 16 0

(12.8)

La comparaison avec la formule générale (11.43) montre que le temps effectif de réaction est en fait τconf /4 (temps au bout duquel on peut vérifier que 58 % de la bille s’est détendue dans le vide). Le critère Ef usion > Eth devient ici : n0 τconf >

48 kB T < σv > Q

(12.9)

soit, compte tenu de la proportionnalité entre τconf et le rayon initial R0 : ρR0 > ρR0, critique ,

(12.10)

où la quantité ρR0, critique est donnée par : ρR0, critique =

48 mf cs kB T . < σv > Q

(12.11)

179

Confinement inertiel

Pour kB T = 25 keV, on a < σv > ≈ 6 × 10−16 cm3 /s, cs ≈ 1.8 × 108 cm/s, et : ρR0, critique ≈ 0.1 g/cm2 .

(12.12)

Comme on l’a vu au chapitre 11, l’approche de Lawson amène un facteur 2 supplémentaire et conduit donc au critère : 2

ρR0 > 0.2 g/cm .

12.2

(12.13)

Fraction brûlée et gain

Dans l’établissement de ces critères, on ne s’est pas préoccupé de l’appauvrissement du combustible. Comme on va le voir, la fraction brûlée est faible quand on est au voisinage de nτcritique , mais elle peut devenir significative quand on dépasse largement ce temps critique. Estimons en effet la fraction brûlée en fonction du temps écoulé, dans un modèle simplifié homogène que l’on poussera jusqu’au temps effectif de réaction τconf /4. L’appauvrissement du combustible est alors décrit par l’équation : dnD dnT = = −nD nT < σv >= −n2D < σv >, dt dt dont la solution est :

(12.14)

n0 , (12.15) 2 + n0 < σv > t est la densité initiale de noyaux. D’où la fraction

nD =

où n0 = nD0 + nT 0 = 2nD0 brûlée : nD n0 < σv > t f =1− = . (12.16) nD0 2 + n0 < σv > t Ainsi, la moitié du combustible serait brûlée au bout du temps de fusion : τf us =

2 , n0 < σv >

(12.17)

et on peut réécrire (12.16) sous la forme : f=

t . τf us + t

(12.18)

Si on reprend le premier critère que nous avions établi (Ef usion > Eth ), en nous plaçant à la valeur critique t = τcritique avec : n0 τcritique =

12 kB T , < σv > Q

(12.19)

on voit que la fraction brûlée au bout du temps τcritique est égale à : fc =

τcritique τcritique kB T ≃ =6 ≪ 1. τf us + τcritique τf us Q

(12.20)

180

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 12.1 – Valeur du paramètre (ρR0 )∗ , correspondant à la formule (12.25), en fonction de la température, pour la réaction DT.

À kB T = 25 keV, cette fraction brûlée vaut 6 × 25/(17.59 × 103 ) ≈ 8.5 × 10−3 . Le gain G est défini comme le rapport : G=

Q Ef usion =f . Eth 6 kB T

(12.21)

Il vaut 1 pour t = τcritique . Au bout d’un temps infini f∞ = 1, ce qui correspond au gain maximum donné par : Gmax =

Q , 6 kB T

(12.22)

soit environ Gmax = 120 pour kB T = 25 keV. Si maintenant on considère la fraction brûlée au bout du temps effectif de réaction τconf /4, on trouve : f=

τconf /4 . τf us + τconf /4

(12.23)

On peut mettre cette équation sous la forme : f=

ρR0 , (ρR0 )∗ + ρR0

(12.24)

8 m f cs , < σv >

(12.25)

où (voir figure 12.1) : (ρR0 )∗ = soit : (ρR0 )∗ = Gmax ρR0, critique .

(12.26)

181

Confinement inertiel Pour kB T = 25 keV, on a : (ρR0 )∗ ≈ 10 g/cm2 .

(12.27)

Diverses approximations ont été faites dans l’établissement des équations (12.24) et (12.25), mais des calculs numériques plus précis [61] conduisent à un résultat proche de (12.24), avec une valeur caractéristique un peu plus petite du paramètre (ρR0 )∗ , c’est-à-dire : 2

(ρR0 )∗ ≈ 7 g/cm ,

(12.28)

pour des températures initiales de l’ordre 10 keV et au-delà. Ainsi, pour brûler 30 % du combustible, il faut réaliser ρR0 ≈ 3 g/cm2 .

12.3

Nécessité d’une compression

Pour déterminer les paramètres géométriques de la bille de combustible, on va se fixer deux critères : − on veut un taux de combustion de 30 %, ce qui, d’après (12.24) et (12.28), 2 correspond comme on l’a vu à ρR0 ≈ 3 g/cm ; − on veut limiter l’énergie dégagée à 100 MJ (ce qui correspond à environ 25 kg d’explosif chimique : au-delà, on craint les effets mécaniques liés à l’explosion). Ceci limite la masse de la bille à 1 mg, puisque l’énergie de fusion dégagée par gramme brûlé vaut : Ef usion =

(17.6 × 106 ) × (1.6 × 10−19 ) = 3.37 × 1011 J. 5 × (1.67 × 10−24 )

(12.29)

Or, on peut écrire la masse M de la bille sous la forme : 3

M=

4π 3 4π (ρR0 ) ρR0 = . 3 3 ρ2

(12.30)

La densité du combustible qui résulte de ces conditions est donnée par : "

3

4π (ρR0 ) ρ= 3 M 3

#1/2 ,

(12.31)

2

soit ρ ≈ 336 g/cm pour ρR0 = 3 g/cm et M = 1 mg, soit un peu plus de deux fois la densité qui règne au centre du soleil, qui est d’environ 150 g/cm3. Si on compare en revanche avec la densité du DT solide (soit 0.225 g/cm3), on se rend compte qu’il faut comprimer jusqu’à 1500 fois le DT solide pour parvenir aux conditions recherchées. On en déduit le rayon R0 : R0 =

ρR0 ≈ 89 µm, ρ

(12.32)

182

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

et le temps effectif de réaction : τconf =

R0 ≈ 50 ps. cs

(12.33)

3 De façon générale, la relation M ρ2 = 4π 3 (ρR0 ) montre que, à ρR0 donné, plus on souhaite une masse de combustible faible, plus la densité doit être élevée. Estimons maintenant l’énergie qu’il faut apporter au combustible pour le porter à la température de fonctionnement. Pour les paramètres considérés (T = 25 keV, Ef usion = 100 MJ, f = 0.3), le gain G vaut environ 35, et l’énergie thermique à fournir au combustible vaut :

Eth =

Ef usion ≈ 2.9 MJ. G

(12.34)

Encore s’agit-il seulement de l’énergie à fournir au combustible. Compte tenu des rendements de conversion entre l’énergie source (laser ou autre) et l’énergie finalement transmise au combustible, on se rend compte qu’il faut disposer « à la prise » d’une énergie bien supérieure encore, et absolument irréaliste. La situation serait donc particulièrement compromise sans le concept d’allumage par point chaud, que nous allons aborder maintenant.

12.4

Allumage par point chaud

On peut réduire considérablement l’apport initial d’énergie en utilisant le concept de « point chaud » et l’énergie des particules alpha produites par les réactions de fusion. L’idée est la suivante : au lieu de porter tout le combustible à la température thermonucléaire à l’aide d’une source d’énergie extérieure, on se contente de n’y porter qu’une faible partie, constituée par un point chaud, au cœur de la cible. Le reste du combustible est, dans la mesure du possible, maintenu à relativement basse température jusqu’au moment de l’allumage. On utilise alors l’énergie des particules alpha produites par les réactions de fusion dans ce point chaud pour chauffer les couches voisines. Une onde de combustion thermonucléaire divergente peut alors envahir toute la cible. Pour que cela soit possible, il faut que les particules alpha d’énergie 3.56 MeV déposent leur énergie au voisinage de l’endroit où elles sont apparues. Dans la gamme de températures et de densités correspondant au cœur de la bille, leur distance d’arrêt λα (distance au bout de laquelle elles ont cédé leur énergie par collisions coulombiennes aux particules chargées du plasma ambiant de température T et de densité ρ) est donnée par : λα (cm) ≈ 2.15 × 10−2

T 1.06 (keV) ρ 0.92 (g/cm3 )

.

(12.35)

183

Confinement inertiel

Ainsi, λα varie presque comme 1/ρ. Par la suite, on se contentera de l’approximation suivante, valable pour ρ voisin de 50 g/cm3 : λα (cm) ≈ 2.94 × 10−2

T 1.06 (keV) 3

ρ(g/cm )

.

(12.36)

3

Pour T = 7 keV et ρ = 50 g/cm on trouve par exemple : 2

ρλα ≈ 0.23 g/cm .

(12.37)

Par comparaison, le libre parcours moyen des neutrons est sensiblement plus élevé, si bien que les neutrons ne déposent qu’une faible fraction de leur énergie dans le combustible. En pratique, la taille du point chaud est déterminée par plusieurs phénomènes physiques : la puissance dégagée par les réactions de fusion et le ralentissement des particules alpha produites qu’on vient d’évoquer, mais aussi la puissance dissipée sous forme de rayonnement ou par conduction thermique. On peut préciser les choses en analysant la condition pour que le point chaud se maintienne en température de façon autonome. Cette condition peut s’écrire, en raisonnant sur l’unité de volume au sein du point chaud : Pα fα ≥ Pray + Pcond ,

(12.38)

où Pα est la puissance dégagée par les réactions de fusion se retrouvant sous forme d’énergie cinétique des particules alpha, fα est la fraction d’énergie des alphas qui se redépose dans le point chaud, Pray est la puissance rayonnée, et Pcond la puissance perdue par conduction thermique. La puissance Pα ≈ Pf usion /5 s’obtient à partir de la formule (11.43) et de l’approximation (11.41). On peut la mettre sous la forme : Pα = Aα (Tcœur ) ρ2cœur ,

(12.39)

où Tcœur et ρcœur sont la densité et la température du cœur. Dans le système où on utilise comme unités le watt, le gramme et le centimètre, on a Aα (T ) ≈ 8.13 × 1033 < σv > (T ). La fraction d’énergie des alphas redéposée localement ne dépend que du rapport entre le rayon du cœur, que l’on note Rcœur , et la distance d’arrêt λα , rapport que l’on note τα = Rcœur /λα . Par exemple, pour τα > 1/2, on peut approximer fα par : fα ≈ 1 −

1 1 + . 4 τα 160 τα3

(12.40)

À noter que, si on admet l’approximation (12.36), le paramètre τα et donc fα ne dépendent que de la température du cœur et du produit ρcœur Rcœur . La puissance rayonnée a été donnée par la formule (11.51). On peut également la mettre sous la forme : Pray = Aray (Tcœur ) ρ2cœur , (12.41) √ où Aray (T ) ≈ 3.07 × 1016 T , la température étant exprimée en keV.

184

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 12.2 – Courbe limite pour le maintien en température du point chaud. La courbe a correspond à l’approximation fα = 1, tandis que la courbe b prend en compte le fait qu’une fraction (1 − fα ) de l’énergie des particules alpha s’échappe du point chaud. À gauche de la courbe en pointillés les pertes par rayonnement dominent, tandis qu’à droite ce sont les pertes par conduction thermique qui dominent.

Enfin, pour exprimer la puissance perdue par conduction thermique, on utilise le fait que le flux de chaleur qui s’échappe de la surface du point chaud s’exprime sous la forme q = −κ ∇T , où le coefficient de conductivité thermique κ est indépendant, en première approximation, de la densité (la densité n’intervient que dans l’argument du logarithmique coulombien) et varie comme T 5/2 . L’évaluation du gradient de température au bord du cœur chaud est délicate. Pour simplifier le modèle, on suppose simplement que le module de ∇T est de l’ordre de Tcœur/Rcœur , avec un facteur numérique qu’on prendra ici égal à 1. Pour exprimer Pcond , il faut se ramener à l’unité de volume. Le rapport surface/volume du point chaud étant donné par 3/Rcœur, on trouve alors : 2 , (12.42) Pcond ≈ 3κTcœur/Rcœur expression qu’on met sous la forme : 2 , Pcond = Bcond (Tcœur )/Rcœur

(12.43)

où Bcond (T ) ≈ 6.27 × 1012 T 7/2 . La condition (12.38) prend alors la forme :  ρcœur Rcœur ≥

Bcond Aα fα − Aray

1/2 ,

(12.44)

où les termes apparaissant à droite ne sont fonctions que de la température Tcœur à l’exception du terme fα qui dépend aussi du produit ρcœur Rcœur . La figure 12.2 représente la courbe limite pour le maintien en température du point chaud dans le plan Tcœur , ρcœur Rcœur . La courbe a correspond

185

Confinement inertiel

à l’approximation fα = 1, tandis que la courbe b prend en compte le fait qu’une fraction (1 − fα ) de l’énergie des particules alpha s’échappe du point chaud. Ainsi, pour Tcœur = 7 keV, valeur pour laquelle le produit ρcœur Rcœur 2 est approximativement minimum (et de l’ordre de 0.2 g/cm ), on a fα ≈ 0.7, c’est-à-dire que 70 % de l’énergie des particules alpha est redéposée dans le point chaud. Á noter qu’on retrouve sur cette figure la température minimale de fonctionnement, Tmin ≃ 4.3 keV, déjà rencontrée au chapitre 11 [équation (11.55)]. La courbe en pointillés sépare le plan en deux régions, la région à gauche des pointillés où les pertes par rayonnement dominent et la région à droite où ce sont les pertes par conduction thermique qui dominent, que la condition de maintien en température du point chaud soit réalisée ou pas. Cette courbe a pour équation : 1/2  Bcond . (12.45) ρcœur Rcœur = Aray

12.5

Nouvelle évaluation de l’énergie du combustible

Le concept de point chaud peut faire gagner plusieurs ordres de grandeur sur l’énergie initiale à fournir. Évaluons à nouveau l’énergie qu’il faut fournir au combustible pour l’amener à la condition obtenue dans la section précédente. Elle se décompose en deux termes, l’énergie à fournir au point chaud luimême, et l’énergie à fournir au reste du combustible, porté à une température plus basse. Pour le point chaud, on retient les conditions Tcœur = 7 keV et 2 ρcœur Rcœur = 0.2 g/cm . On note par ailleurs ρfroid la densité de la partie froide du combustible et par Rfroid le rayon total de la partie combustible de la cible. Si on suppose que le combustible est approximativement isobare au moment de l’allumage, le cœur chaud doit avoir une densité inférieure au reste du combustible, de façon à ce qu’il y ait équilibre des pressions entre les deux parties de la bille. Le gain en énergie dépend du rapport ρfroid /ρcœur . L’illustration numérique qui suit correspond au rapport ρfroid /ρcœur = 15, considéré comme typique. On suppose : 2 ρcœur Rcœur = 0.2 g/cm , (12.46) ainsi que :

2

ρfroid × (Rfroid − Rcœur ) = 2.8 g/cm ,

(12.47)

de façon à conserver la condition : Z

Rfroid

ρ dr = 3 g/cm2 .

(12.48)

0

Par ailleurs, on raisonne ici à masse totale de combustible constante, fixée à 1 mg.

186

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

La résolution du système d’équations obtenues conduit alors à Rcœur ≈ 3 3 36 µm, ρcœur ≈ 56 g/cm , Rfroid ≈ 69 µm et ρfroid ≈ 840 g/cm (soit environ 3750 fois la densité du DT solide), tandis que la masse du point chaud vaut :  3  2 0.2 336 mcœur (mg) ≈ 1 × × (12.49) 3 56 ≈ 10.6 × 10−3 ,

(12.50)

et l’énergie nécessaire pour le chauffer : 7 × 10.6 × 10−3 MJ 25 ≈ 8.5 kJ.

(12.51)

Ecœur ≈ 2.9 ×

(12.52)

Le bilan énergétique doit également tenir compte de l’énergie nécessaire pour comprimer et éventuellement chauffer légèrement le reste du combustible. Comme il y a égalité des pressions entre le cœur et le reste du combustible, il y a également égalité des densités d’énergie, et l’énergie totale à fournir est simplement dans le rapport des volumes :  3 69 Ecombustible ≈ 8.5 × kJ (12.53) 36 ≈ 60 kJ.

(12.54)

Ainsi, Efroid =51.5 kJ est fourni au reste du combustible. On peut comparer cette quantité à l’énergie interne des électrons dégénérés (à température nulle), soit : 2/3

3

Efroid-dégénéré(kJ) ≈ 0.32 × Mfroid (mg) × ρfroid (g/cm ) ≈ 28.5.

(12.55) (12.56)

Le paramètre α = Efroid /Efroid-dégénéré, ici égal à environ 1.8 et toujours nécessairement supérieur à 1, traduit le caractère plus ou moins isentropique de la compression de la partie froide de la bille de combustible. On voit que le concept de point chaud fait gagner un à deux ordres de grandeur sur l’énergie initiale à investir dans le combustible. Les estimations qui ont été faites dans cette section correspondent à une situation isobare (c’est-à-dire où il y a égalité des pressions du point chaud et du reste du combustible). On pourrait de même se placer dans un régime isochore (égalité des densités, avec une pression du point chaud supérieure à celle du reste du combustible). Les chiffres finaux seraient un peu différents, mais pas la constatation portant sur l’intérêt du point chaud.

12.6

La phase d’implosion

Préalablement à l’allumage, la compression du combustible doit être obtenue par implosion d’une cible de taille millimétrique en forme de coquille (voir

Confinement inertiel

187

Fig. 12.3 – Schéma d’une cible en forme de coquille remplie de DT gazeux. Une couche de DT solide tapisse l’intérieur de la coquille, dont la partie extérieure, qui sera ablatée, peut être constituée de plastique. Les schémas a, b, et c correspondent respectivement à la cible dans son état initial, pendant la phase d’implosion, et à la fin de l’implosion, au moment de l’allumage. Les proportions ne sont pas respectées. Par exemple, le rayon de la cible initial est de l’ordre du millimètre, tandis que celui de la bille de combustible lors de l’allumage est inférieur à la centaine de microns.

figure 12.3a), contenant le combustible sous forme à la fois solide (sur la paroi interne de la coquille) et gazeuse (dans le volume central englobé par la coquille). Pour arriver à une bille de combustible de 70 µm comprimée à 3750 fois la densité du DT solide, englobant le point chaud central, comme celle que nous avons décrite dans la section précédente, il faut par exemple partir d’une coquille d’environ 1 à 2 mm de rayon. La compression est due à une pression exercée à la périphérie de la coquille. C’est en portant les couches externes de la coquille à très haute température qu’on peut voir s’exercer cette pression. Pour ce faire, on doit fournir une énergie importante dans un temps correspondant au temps d’implosion (typiquement de l’ordre de une à deux dizaines de nanosecondes). Trois sources d’énergie peuvent être utilisées : – un rayonnement laser intense ; – des particules énergétiques (a priori des ions) ; – un rayonnement X intense. Dans le dernier cas, le rayonnement X intense peut lui-même avoir été produit par l’interaction de l’une des deux premières sources avec un convertisseur (on parle alors d’attaque indirecte). Précisons la séquence : – l’énergie est absorbée par les couches extérieures ; – celles-ci sont portées à très haute température et très haute pression ; – elles se détendent dans le vide en exerçant une pression sur les couches plus internes ; – ces couches intermédiaires se mettent elles-mêmes en mouvement dans le sens centripète (effet fusée) : c’est l’implosion. La frontière entre les couches en détente vers le vide et les couches en mouvement centripète est le front d’ablation. Ce front d’ablation progresse lui-même vers l’intérieur de la cible,

188

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

c’est-à-dire qu’une même couche peut successivement être accélérée vers l’intérieur puis rattrapée par le front d’ablation et rejoindre la détente. Enfin, les couches en mouvement centripète sont précédées par un choc qui les sépare de la partie non perturbée de la cible, et qui progresse également vers le centre de la cible (voir la figure 6.1) ; – une fois que ce choc a débouché dans la partie gazeuse de la cible, toute la partie de la coquille qui n’a pas été rattrapée par le front d’ablation se trouve en mouvement centripète (voir figure 12.3b). Le mécanisme est entretenu tant que de l’énergie continue à être absorbée en périphérie et l’implosion s’accélère d’autant plus que la puissance laser croît dans le temps ; – la partie implosée de la coquille atteint au final une vitesse de l’ordre de 300 à 400 km/s avant que son énergie cinétique ne se transforme en bonne partie en énergie thermique au moment de la stagnation, quand se produit l’allumage thermonucléaire. Le rapport d’aspect R0 /∆R0 , où R0 est le rayon initial et ∆R0 l’épaisseur initiale de la coquille, est typiquement de l’ordre de 10. L’augmenter permettrait en théorie d’obtenir un meilleur rendement, mais mettrait en péril la stabilité et la symétrie de l’implosion. Pour que le DT soit sous forme liquide ou solide, déposé sur la face interne de la coquille, sa température initiale doit être très basse, inférieure à 20 K, d’où la nécessité d’utiliser la cryogénie pour préparer ces cibles.

12.7

L’effet fusée

On décrit ici succinctement la phase d’accélération centripète de la coquille contenant le combustible DT. Les couches extérieures de la coquille se détendent dans le vide environnant tandis que les couches internes sont accélérées en sens inverse. On parle d’effet fusée par analogie avec l’accélération d’une fusée due à l’éjection des gaz de combustion. Pour se ramener au fonctionnement d’une fusée, on doit faire un certain nombre de simplifications : − on néglige la pression interne de la cavité englobée par la coquille ; − on suppose que les couches internes sont accélérées de façon uniforme (c’està-dire qu’on suppose que le choc a traversé dans un temps très court toute la coquille et que la mise en vitesse des couches internes est uniforme) ; − on se place en géométrie plane ; − on suppose que le plasma ablaté se trouve propulsé dans le vide à une vitesse v0 par rapport au reste de la cible. On désigne donc par M0 la masse initiale de la fusée, par M (t) sa masse instantanée, et par m ˙ le taux de perte de masse [soit M (t) = M0 −mt, ˙ si l’intant t = 0 correspond à la mise en route de l’éjection de matière]. L’équation de conservation de l’impulsion nous permet d’écrire pour la variation de la vitesse v de la fusée : dv = mv ˙ 0, (12.57) M (t) dt

189

Confinement inertiel

Fig. 12.4 – Rendement η de la fusée en fonction de la fraction de masse restante. soit :

dv m ˙ = v0 , dt M0 − mt ˙

dont la solution est :

 v(t) = v0 ln

 M0 . M (t)

(12.58)

(12.59)

Le rendement énergétique η est donné par : η=

1 2 2 M (t)v (t) 1 2 [M0

− M (t)]v02

=

µ (ln µ)2 , 1−µ

(12.60)

où µ = M (t)/M0 correspond à la fraction de masse restante. Le rendement η est maximum et vaut environ 0.65 pour µ ≃ 0.2, c’est-à-dire quand 80 % de la masse a été éjectée (voir la figure 12.4). Ce rendement peut être amélioré si la vitesse d’éjection est une fonction croissante du temps. Ce qui suppose, pour en revenir à notre problème d’implosion, que la puissance absorbée par les couches extérieures de la cible doit être une fonction croissante du temps. Le caractère sphérique de l’implosion et la nécessité de lutter contre la résistance croissante de la pression interne de la cible renforcent l’intérêt d’une augmentation progressive de la puissance à fournir, l’essentiel de l’énergie étant délivré en fin d’impulsion.

12.8

Autres approches

Plutôt que d’attaquer directement la cible de combustible avec les faisceaux laser, on peut choisir de convertir ce rayonnement en un rayonnement secondaire dans le domaine des rayons X. L’idée est de fabriquer une enceinte remplie de rayonnement proche de celui d’un corps noir (de température de l’ordre de

190

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 12.5 – Schéma d’attaque indirecte. La cible est constituée d’un cylindre creux. L’intérieur du cylindre est tapissé d’un matériau lourd, comme l’or, et la coquille à imploser (en pointillés sur la figure) est placée au centre du cylindre. Les faisceaux laser (de l’ordre de 200) entrent par les ouvertures latérales, les parois intérieures absorbent l’énergie laser et la convertissent en rayons X qui baignent l’enceinte et viennent attaquer la coquille centrale.

300 eV). C’est ce rayonnement X qui attaque alors la cible de combustible et déclenche l’ablation de ses couches extérieures et l’implosion des couches internes (voir figure 12.5) : c’est le concept d’attaque indirecte. Une autre variante du concept de fusion par confinement inertiel consiste à déclencher l’allumage thermonucléaire par un deuxième faisceau laser, de durée très courte (de l’ordre de la dizaine de picosecondes), censé apporter son énergie au cœur du combustible, au moment où la compression de la cible est maximale. L’énergie ainsi déposée sert d’allumette à l’ensemble de la cible, en créant le point chaud nécessaire au déclenchement des réactions de fusion. On parle alors d’allumage rapide. Comme il s’agit de fournir une énergie de l’ordre de 100 kJ en un temps limité à environ 10 ps, on doit disposer de lasers de puissance très importante, de l’ordre de la dizaine de petawatts (1 PW=1015 W). Ce type de performance est rendu possible par les développements récents de la conception et de la technologie des lasers de puissance. Enfin, une approche récente consiste à déclencher l’allumage par un choc supplémentaire dû à l’utilisation d’une impulsion laser présentant un pic de puissance marqué en fin d’impulsion.

Chapitre 13 Notions sur les chocs Les chocs jouent un rôle important dans la mise en mouvement de la matière du fait de l’absorption du rayonnement laser par une cible solide. On donne dans ce chapitre quelques notions élémentaires sur les chocs.

13.1

Choc dû à un piston de vitesse uniforme rentrant dans un gaz

On considère un piston délimitant à l’instant t = 0 le demi-espace x > 0 occupé par un gaz au repos, de densité uniforme ρ0 et de pression P0 . On suppose que pour t > 0 le piston avance à une vitesse constante u, créant alors dans le gaz une zone de densité ρ1 , également en mouvement à la vitesse u, séparée de la zone non perturbée par une discontinuité (un choc) progressant à la vitesse D > u (voir la figure 13.1). La solution est ainsi constituée de deux régions où la densité, la pression et la vitesse sont constantes. Il est possible de déterminer les caractéristiques du choc à partir des bilans de masse, d’impulsion et d’énergie. Tout d’abord, la conservation de la masse impose : ρ1 (D − u)t = ρ0 Dt, (13.1) soit, en divisant par le temps : ρ1 (D − u) = ρ0 D.

(13.2)

On raisonne ensuite sur l’impulsion de la région mise en mouvement par la différence entre la pression P0 dans le milieu au repos et la pression P1 exercée par le piston, qui est aussi la pression de la région 1 : P1 − P0 = ρ1 (D − u)u = ρ0 Du

(13.3)

(ici encore on a divisé par le temps). Finalement, l’énergie gagnée par la région 1 est due au travail de la force de pression, soit :   1 2 (13.4) ρ0 D e1 + u − e0 = P1 u, 2

192

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 13.1 – Densité et vitesse du gaz au temps t > 0. Le piston était initialement à la position x = 0. Il se déplace vers la droite à la vitesse u.

où e0 et e1 correspondent à l’énergie interne spécifique dans les régions 0 et 1. Cette dernière relation peut encore se mettre sous la forme : 1 h1 = h0 + Du − u2 , 2

(13.5)

où h = e + P/ρ est l’enthalpie spécifique. Il est commode de faire apparaître les volumes spécifiques V0 = 1/ρ0 et V1 = 1/ρ1 . On peut alors réécrire les équations de conservation sous la forme : V0 (D − u) = V1 D,

(13.6)

(P1 − P0 )V0 = Du,   1 2 D e1 + u − e0 = P1 V0 u, 2

(13.7)

1 h1 = h0 + Du − u2 . 2 La première équation peut encore s’écrire : (V0 − V1 )D = V0 u,

(13.8) (13.9)

(13.10)

et la seconde : (P1 − P0 )V0 = Du =

V0 V0 − V1 2 u2 = D . V0 − V1 V0

(13.11)

Notons que le saut de vitesse dans le choc est donné par : u2 = (P1 − P0 )(V0 − V1 ),

(13.12)

tandis que le flux de matière traversant le choc est donné par : j 2 = (ρ0 D)2 =

D2 P1 − P0 = . V02 V0 − V1

(13.13)

193

Notions sur les chocs

13.2

Relations et courbes d’Hugoniot

On peut utiliser l’équation (13.11) pour éliminer u et D dans (13.8) et obtenir : e1 − e0 = P1 V0

1 u − u2 D 2

= P1 (V0 − V1 ) − =

1 (P1 − P0 )(V0 − V1 ) 2

1 (P1 + P0 )(V0 − V1 ), 2

(13.14)

et de même, à partir de (13.9) : h1 − h0 = Du −

1 2 u 2

= (P1 − P0 )V0 − =

1 (P1 − P0 )(V0 − V1 ) 2

1 (P1 − P0 )(V0 + V1 ). 2

(13.15)

Ces relations, donnant le saut d’énergie spécifique ou le saut d’enthalpie spécifique au travers du choc, portent le nom de relations d’Hugoniot (ou de Rankine-Hugoniot). Elles permettent, connaissant l’état initial (V0 , P0 ), de tracer la courbe donnant le lieu des états finaux (V1 , P1 ) a priori accessibles, e et h étant considérés comme fonctions de V et P . Une telle courbe porte le nom de courbe d’Hugoniot, ou encore d’adiabatique de choc (voir la figure 13.2). On peut noter que le point (V0 , P0 ) appartient lui-même à la courbe. La courbe d’Hugoniot H0 issue de (V0 , P0 ) est unique, mais un même point peut, mathématiquement, appartenir à une infinité de courbes d’Hugoniot issues de différents points. Considérons en effet un point quelconque (V1 , P1 ) de la courbe d’Hugoniot H0 issue de (V0 , P0 ). On peut, à partir de ce nouveau point, tracer l’Hugoniot H1 qui en est issue, c’est-à-dire l’ensemble des points (V2 , P2 ) vérifiant : 1 h2 − h1 = (P2 − P1 )(V1 + V2 ). (13.16) 2 On vérifie aisément que le point (V0 , P0 ) appartient lui-même à cette courbe d’Hugoniot H1 . Cependant, les courbes H0 et H1 ne sont pas confondues, elles ne se coupent en fait qu’aux deux points (V0 , P0 ) et (V1 , P1 ) qu’elles ont en commun. Cette construction pouvant être faite pour tout point (V1 , P1 ) de H0 , on voit que (V0 , P0 ) appartient à une infinité de courbes d’Hugoniot analogues à H1 . Mais attention, tous les points situés sur une courbe d’Hugoniot ne sont pas nécessairement accessibles physiquement. Il nous reste en effet à considérer le comportement de l’entropie. Au passage du choc, l’entropie spécifique ne peut que croître, c’est-à-dire qu’on doit avoir : s1 > s0 .

(13.17)

194

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 13.2 – Courbe d’Hugoniot H0 issue d’un point (V0 , P0 ), et courbe d’Hugoniot H1 issue d’un point (V1 , P1 ) appartenant à H0 . Dans un cas comme dans l’autre, on a représenté tous les points qui satisfont aux relations d’Hugoniot, sans se poser la question de leur accessibilité du point de vue physique. En fait, lors d’un choc, la condition de croissance de l’entropie impose que, pour une courbe d’Hugoniot donnée, seuls les points situés à gauche du point dont elle est issue sont physiquement accessibles.

Cette condition impose en fait un sens de variation des autres grandeurs thermodynamiques ρ, P (ou V, P ). Pour un fluide « normal » vérifiant 1 :  2  ∂ V > 0, (13.18) ∂P 2 s on doit nécessairement avoir : V1 < V0 ,

(13.19)

P1 > P0 ,

(13.20)

c’est-à-dire que le choc ne peut correspondre qu’à une compression du fluide considéré. Sur la figure 13.2, on peut passer du point 0 au point 1 en décrivant la courbe H0 de la droite vers la gauche, mais le retour via H1 , de la gauche vers la droite, est physiquement impossible. On va se contenter de démontrer cette propriété pour les chocs de faible intensité.

13.3

Ondes de choc de faible intensité

Soit donc une onde de choc de faible intensité, avec |P1 −P0 | ≪ P0 . On va écrire le développement limité de (h1 − h0 ) de deux façons différentes. Tout d’abord h peut être considérée comme une fonction de s et de P , sa différentielle 1. Pour un gaz parfait, on a (∂ 2 V /∂P 2 )s = (γ + 1)V /(γP )2 .

195

Notions sur les chocs s’écrivant : dh = T ds + V dP, soit :



∂h ∂s



 = T,

P

∂h ∂P

(13.21)

 = V.

(13.22)

s

Développons donc h au voisinage du point (V0 , P0 ) d’entropie s0 . On peut écrire :     ∂h ∂h h1 − h0 ≃ (s1 − s0 ) + (P1 − P0 ) ∂s P ∂P s     1 ∂3h 1 ∂2h 2 (P − P ) + (P1 − P0 )3 , + 1 0 2 ∂P 2 s 6 ∂P 3 s (13.23) où on a anticipé sur le résultat final montrant que les termes en (s1 − s0 )2 et en (s1 − s0 )(P1 − P0 ) sont d’ordres supérieurs. En utilisant (13.22), on obtient : h1 − h0 ≃ T0 (s1 − s0 ) + V0 (P1 − P0 )     1 ∂V 1 ∂2V + (P1 − P0 )2 + (P1 − P0 )3 . 2 ∂P s 6 ∂P 2 s (13.24) Par ailleurs, on développe V1 dans le même esprit :     ∂V 1 ∂2V V1 ≃ V0 + (P1 − P0 ) + (P1 − P0 )2 , ∂P s 2 ∂P 2 s

(13.25)

en négligeant ici le terme en (s1 − s0 ). On peut en effet montrer a posteriori qu’il donne une contribution d’ordre supérieur. On reporte alors dans la relation d’Hugoniot, ce qui donne : 1 (P1 − P0 )(V0 + V1 ) 2     1 ∂V 1 ∂2V ≃ V0 (P1 − P0 ) + (P1 − P0 )2 + (P1 − P0 )3 . 2 ∂P s 4 ∂P 2 s

h1 − h0 =

(13.26) Si maintenant on identifie les deux expressions (13.24) et (13.26) obtenues pour (h1 − h0 ), on obtient, à l’ordre considéré :  2  1 ∂ V s1 − s0 ≃ (P1 − P0 )3 . (13.27) 12T0 ∂P 2 s Cette expression montre que le saut d’entropie n’apparaît qu’à l’ordre 3 en puissance de (P1 − P0 ) et que donc la courbe d’Hugoniot est très proche

196

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 13.3 – Les courbes en trait plein sont les courbes d’Hugoniot déjà représentées sur la figure 13.2. Les courbes en pointillés sont les courbes adiabatiques issues de (V0 , P0 ) et (V1 , P1 ). La courbe S0 correspond à s = s0 et la courbe S1 correspond à s = s1 .

de l’adiabatique au voisinage du point (V0 , P0 ). On constate également que la condition  s1 > s0 impose P1 > P0 pour les fluides normaux vérifiant ∂ 2 V /∂P 2 s > 0, ce qui signifie que seule la partie gauche de la courbe d’Hugoniot associée à l’état initial (V0 , P0 ) correspond aux états réellement accessibles par le choc. Sur la figure 13.3 on a indiqué, outre les courbes d’Hugoniot H0 et H1 (en trait plein), les courbes adiabatiques s = s0 et s = s1 (en pointillés). On remarque que : j2 =

P1 − P0 >− V0 − V1

soit :

 D =j 2

2

V02

>

−V02

∂P ∂V



∂P ∂V





 =

s,0

(13.28)

, s,0

∂P ∂ρ

 = c20 ,

(13.29)

s,0

où c0 est la vitesse du son du côté non perturbé : le choc avance donc dans le milieu non perturbé à une vitesse supérieure à la vitesse du son. Au point (V1 , P1 ), l’Hugoniot H1 et l’adiabatique s = s1 sont tangentes, et on remarque que :   P1 − P0 ∂P 2 j = ρ1 , alors ω 2 < 0 et il existe une racine instable : θ = θ0 exp(γt),

Fig. 14.2 – Instabilité de Rayleigh-Taylor.

(14.6)

203

Instabilités hydrodynamiques

Fig. 14.3 – Analogie mécanique pour l’instabilité de Rayleigh-Taylor. On suppose M1 ∝ ρ1 et M2 ∝ ρ2 . avec :

 γ=

ρ2 − ρ1 kg ρ2 + ρ1

1/2 .

(14.7)

Ce résultat coïncide avec celui qu’on obtient dans l’étude de l’instabilité de Rayleigh-Taylor proprement dite, comme on va le voir maintenant.

14.3

Instabilité de Rayleigh-Taylor : cas de fluides incompressibles

On traite ici le cas de deux fluides non visqueux incompressibles, satisfaisant donc ρ = constante, soit ∇ · v = 0, soumis à la gravité. L’équation du mouvement de chaque fluide a la forme :   ∂v dv =ρ + (v · ∇)v = −∇P + ρ g, (14.8) ρ dt ∂t où ρ est la densité du fluide considéré et g le champ de pesanteur. Soit z l’axe parallèle à g. On suppose g orienté vers le bas, avec g = −gez . Si on s’intéresse à des perturbations de faible amplitude (petite devant la longueur d’onde de ces perturbations), on peut négliger dans cette équation le terme convectif (v · ∇)v et écrire : ρ

∂v = −∇P + ρ g. ∂t

(14.9)

À l’ordre zéro (en puissance de l’amplitude de la perturbation), on a la solution d’équilibre : ∇P0 = ρ g, où P0 (z) est la pression d’équilibre. À l’ordre 1, on a simplement : ρ

∂v = −∇P1 , ∂t

(14.10)

204

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

où P1 (r, t) est la perturbation de pression. L’hypothèse d’incompressibilité ∇ · v = 0 impose : ΔP1 = 0. (14.11) On s’intéresse aux perturbations ayant un comportement sinusoïdal le long de la surface de séparation des deux fluides, avec :   ˜ P1 (r⊥ , z, t) = Re P(z) exp(ik · r⊥ − iωt) , (14.12) où r⊥ correspond aux composantes x et y du vecteur r, et k est le vecteur d’onde (dans le plan x, y) de la perturbation. L’équation ΔP1 = 0 impose donc : d2 ˜ ˜ P = k 2 P, (14.13) dz 2 dont la solution générale est de la forme Aekz + Be−kz . Cependant, si on impose que la perturbation ne diverge pas quand on s’éloigne de l’interface, il ne reste que la solution en ekz pour z < 0 (dans le fluide inférieur) et e−kz pour z > 0 (dans le fluide supérieur). Soit maintenant r0 la position d’équilibre d’un élément fluide donné. Du fait de la perturbation, cet élément fluide se retrouve en r = r0 + ξ, où ξ est le déplacement. La vitesse fluide est reliée au déplacement par la relation : v=

dξ , dt

(14.14)

ce qui à l’ordre 1 se réduit à : ∂ξ , (14.15) ∂t si bien que l’équation du mouvement peut encore s’écrire, à l’ordre considéré : v=

ρ

∂2ξ = −∇P1 . ∂t2

(14.16)

Le déplacement ξ ayant le même comportement temporel que la perturbation de pression P1 , on en déduit : ρω 2 ξ = ∇P1 ,

(14.17)

et, en particulier, pour le déplacement vertical noté simplement ξ : ρ1 ω 2 ξ 2

ρ2 ω ξ

(1)

=

kP1

=

(2) −kP1

pour z < 0, pour z > 0,

(14.18) (14.19)

où on a distingué par un indice supérieur entre parenthèses les perturbations de pression dans les milieux 1 et 2. Pour terminer l’analyse, il nous faut trouver les conditions devant être réalisées à l’interface entre les deux fluides. La première condition concerne la

205

Instabilités hydrodynamiques

partie verticale ξ du déplacement qui doit être la même de part et d’autre de l’interface, pour z = 0, soit : (1)

ξ=

(2)

k P1 k P =− 2 1 . ω 2 ρ1 ω ρ2

(14.20)

Notons que, en ce qui concerne la partie transverse, aucune contrainte ne doit être satisfaite, les fluides pouvant glisser l’un par rapport à l’autre. La deuxième condition à réaliser est plus délicate à écrire, car elle fait appel à la distinction entre perturbation eulérienne et perturbation lagrangienne de la pression. La perturbation eulérienne P1 correspond à la perturbation de la pression au point considéré, perçue par un observateur immobile. La perturbation lagrangienne, que l’on note ici P1,L , correspond à la variation de pression vue par un observateur se déplaçant avec le fluide, et donc déplacé de la quantité ξ par rapport à sa position d’équilibre, avec, en ne conservant que les termes d’ordre 1 : P1,L

= P1 + ξ · ∇P0 = P1 + ρ ξ · g

(14.21)

= P1 − ρ ξg.

(14.22)

On peut aussi voir cette équation comme résultant de la linéarisation puis de l’intégration dans le temps de l’équation reliant la dérivée eulérienne de la pression (dérivée sur place) à la dérivée lagrangienne (dérivée en suivant le mouvement) : ∂P dP = + v · ∇P. (14.23) dt ∂t Lors du déplacement de l’interface, la pression reste équilibrée de part et d’autre de l’interface, et on doit donc écrire l’égalité des perturbations lagrangiennes à l’interface, soit : (1)

P1

(2)

− ρ1 ξg = P1

− ρ2 ξg.

(14.24)

Cette équation peut également s’appréhender graphiquement en décomposant, sur la figure 14.4, les deux chemins conduisant de l’interface au repos à l’interface perturbée, en se plaçant soit du côté du fluide inférieur, soit du côté du fluide supérieur. En utilisant les équations (14.20) et (14.24), on obtient : ω2 ω2 ρ1 ξ − ρ1 ξg = − ρ2 ξ − ρ2 ξg, k k

(14.25)

d’où la relation de dispersion : ω2 =

ρ1 − ρ2 kg. ρ1 + ρ2

(14.26)

Dans le cas d’un fluide léger supportant un fluide lourd (ρ2 > ρ1 ), les fréquences ω satisfaisant la relation de dispersion (14.26) sont imaginaires

206

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 14.4 – Schéma représentant la pression à l’équilibre P0 et la pression perturbée P0 +P1 en fonction de z. Le déplacement ξ est supposé ici positif et tel que kξ  1, si bien qu’on ne perçoit pas la décroissance exponentielle des perturbations de pression de part et d’autre de l’interface. Le point A correspond à l’interface non perturbée et le point B à l’interface perturbée. Les deux parcours fléchés menant de A à B illustrent les deux membres de l’équation (14.24). Pour tracer la figure, on a supposé (2) (1) ρ2 /ρ1 =2 et donc P1 /P1 = −2 d’après (14.20). pures, et l’une des deux racines correspond à une instabilité en eγt , de taux de croissance : 1/2  ρ2 − ρ1 kg . (14.27) γ= ρ2 + ρ1 On note que le taux de croissance tend vers l’infini quand le nombre d’onde tend vers l’infini, c’est-à-dire dans la limite des longueurs d’onde tendant vers 0. En fait, pour les très courtes longueurs d’onde, la prise en compte de la tension de surface et de la viscosité conduit à une réduction du taux de croissance de l’instabilité. D’autre part, quand l’amplitude de la perturbation devient comparable à la longueur d’onde λ, l’instabilité rentre dans le régime non linéaire pour lequel la perturbation de la surface de séparation des deux fluides devient fortement asymétrique, avec formation de pointes de fluide lourd tombant dans le fluide léger, et de bulles de fluide léger remontant dans le fluide lourd.

14.4

Instabilité de Rayleigh-Taylor en FCI

En fusion par confinement inertiel, l’instabilité de Rayleigh-Taylor est modifiée par plusieurs effets : – les fluides ne sont pas incompressibles et précisément la détente des couches externes joue un rôle important dans le processus d’accélération de la partie interne de la coquille ;

207

Instabilités hydrodynamiques

– la conduction thermique et surtout l’ablation elle-même ont tendance à ralentir l’instabilité. La théorie et les simulations numériques montrent que le taux de croissance de l’instabilité peut être approximé par :  γ=

ka 1 + kL

1/2 − βkva ,

(14.28)

où a est l’accélération de la coquille, L l’échelle caractéristique du profil de densité au niveau du front d’ablation, va la vitesse d’ablation, c’est-à-dire la vitesse de pénétration du front d’ablation dans la matière dense, et β un coefficient numérique (de l’ordre de 1 à 3).

14.5

Instabilités de Richtmyer-Meshkov et de Kelvin-Helmoltz

Pour compléter ce chapitre, signalons l’existence de deux autres instabilités qui peuvent jouer un rôle important dans le contexte de la fusion par confinement inertiel : – l’instabilité de Richtmyer-Meshkov se produit quand une onde de choc traverse une interface entre deux fluides différents. Toute perturbation de l’interface est alors amplifiée, et peut devenir un germe nocif pour l’instabilité de Rayleigh-Taylor étudiée précédemment ; – l’instabilité de Kelvin-Helmoltz apparaît quand deux fluides glissent l’un par rapport à l’autre (figure 14.5). Le cas de l’excitation de vagues par le vent à la surface de l’eau en est l’exemple le plus familier. Cette instabilité joue un rôle dans les phases non linéaires de l’instabilité de Rayleigh-Taylor, au cours de laquelle les fluides se mettent à glisser l’un par rapport à l’autre.

Fig. 14.5 – Schéma de l’instabilité de Kelvin-Helmoltz, où deux fluides glissent l’un par rapport à l’autre.

Chapitre 15 Hydrodynamique radiative Dans les milieux à très haute température, le rayonnement ne peut plus être négligé [62]. Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer que l’énergie thermique d’un gaz parfait varie comme la température, tandis que l’énergie du rayonnement varie comme la puissance quatrième de la température. De plus, l’énergie thermique se transporte à la vitesse du fluide, tandis que l’énergie radiative se transporte à la vitesse de la lumière, ce qui renforce le rôle du rayonnement du point de vue des flux d’énergie. Dans ce chapitre, on fait une présentation corpusculaire du rayonnement, qui vient en complément de la description en termes de champs électromagnétiques utilisée jusqu’à présent, et on donne quelques rudiments sur le transport radiatif et l’hydrodynamique radiative.

15.1

Description particulaire du rayonnement

Soit fν (r, Ω, t) la fonction de distribution des photons de fréquence ν. La quantité fν dν dr dΩ représente le nombre de photons de fréquence comprise entre ν et ν + dν, contenus dans l’élément de volume dr autour de la position r, et se dirigeant dans l’angle solide dΩ autour de la direction Ω (Ω étant un vecteur unitaire), à l’instant t. L’intensité spectrale de rayonnement Iν (également appelée intensité spécifique) est définie par la relation : Iν (r, Ω, t) = hνcfν (r, Ω, t).

(15.1)

L’intensité spectrale Iν correspond à la quantité d’énergie radiative, par unité de fréquence et d’angle solide, qui passe par unité de temps au travers d’une surface unité placée perpendiculairement à Ω. On définit également la densité d’énergie spectrale de rayonnement :   1 (15.2) Iν (r, Ω, t) dΩ, Uν (r, t) = hν fν (r, Ω, t) dΩ = c l’intégrale étant prise sur la sphère unité. Soit maintenant une surface unité orientée par le vecteur unitaire n normal à sa surface (figure 15.1). La quantité

210

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

Fig. 15.1 – La surface est orientée par le vecteur unitaire n normal à sa surface, tandis que le vecteur Ω correspond à la direction de propagation des photons considérés. d’énergie radiative qui passe au travers de cette surface par unité de fréquence et d’angle solide et de temps est donnée par Iν (r, Ω, t) n · Ω. Si on intègre sur toutes les directions, on obtient la quantité :  Iν (r, Ω, t) n · Ω dΩ.

(15.3)

Cette expression est de la forme Sν (r, t) · n, où Sν (r, t) est le flux d’énergie spectral :  (15.4) Sν (r, t) = Iν (r, Ω, t) Ω dΩ. Enfin, le tenseur densité de flux d’impulsion spectral est donné par : Tν (r, t) =

1 c

 Iν (r, Ω, t) Ω Ω dΩ.

(15.5)

En intégrant sur la fréquence on obtient l’intensité :  I(r, Ω, t) = la densité d’énergie :

Iν (r, Ω, t) dν,

(15.6)

Uν (r, t) dν,

(15.7)

Sν (r, t) dν,

(15.8)

 U (r, t) =

le flux d’énergie :

 S(r, t) =

et le tenseur densité de flux d’impulsion :  T(r, t) =

Tν (r, t) dν.

(15.9)

211

Hydrodynamique radiative

15.2

Rayonnement d’équilibre

À l’équilibre thermodynamique à la température T , l’intensité spectrale est indépendante de la direction et est donnée par : Iν,P = Bν =

1 2hν 3 , c2 ehν/kB T − 1

(15.10)

et la densité d’énergie spectrale par : Uν,P =

1 4π 8πhν 3 Bν = . c c3 ehν/kB T − 1

(15.11)

Du fait de l’isotropie du rayonnement, le flux d’énergie spectral s’annule. Le tenseur densité de flux d’impulsion spectral est proportionnel au tenseur identité, puisque : Uν,P 4π Bν I= I = Pν I. (15.12) Tν,P = 3 c 3 Dans toutes ces expressions, l’indice P se rapporte à Planck qui, le premier, donna l’expression de Uν,P . Revenons sur le flux d’énergie spectral. Il correspond à la quantité d’énergie radiative qui passe au travers d’une surface unité, de part et d’autre de cette surface. Ces deux flux se compensent exactement à l’équilibre thermodynamique, comme on l’a dit. Mais on peut s’intéresser au flux qui traverse cette surface en ne venant que d’un seul côté, c’est-à-dire à la quantité :  cUν,P Bν n · Ω dΩ = πBν = . (15.13) Sν,P = 4 n·Ω>0 En intégrant sur la fréquence les différentes grandeurs spectrales, on obtient : σT 4 , (15.14) IP = π UP =

4σT 4 = aT 4 c TP = 

SP =

(loi de Stefan),

1 UP I, 3

Sν,P dν =

cUP = σT 4 , 4

(15.15) (15.16) (15.17)

où σ est la constante de Stefan : σ=

4 ac 2 π 5 kB . = 3 2 15 h c 4

(15.18)

212

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

15.3

Équation de transfert radiatif

Si on néglige les phénomènes de diffusion et de réfraction de la lumière, et si on ne conserve dans l’interaction matière-rayonnement que les phénomènes d’absorption et d’émission, on peut écrire l’équation de transfert du rayonnement sous la forme   1 ∂Iν c2 s + Ω · ∇Iν = jν 1 + Iν − κν Iν , (15.19) c ∂t 2hν 3 où jνs représente l’émission spontanée, le produit (c2 /2hν 3 )jνs Iν représente l’émission induite, et κν correspond au coefficient d’absorption. Les coefficients jνs et κν dépendent des populations des niveaux atomiques et de la densité. Si la matière est à l’équilibre thermodynamique local, c’est-à-dire si les degrés d’occupation des niveaux atomiques correspondent à une statistique de Boltzmann caractérisée par une température T (r, t), alors jνs et κν ne sont fonctions que de la température T et de la densité. L’équation de transfert de rayonnement réécrite dans ce cas reste bien entendu valable si le rayonnement lui-même est à l’équilibre thermodynamique à la température T supposée uniforme, ce qui implique :   c2 s Bν = κν Bν , (15.20) jν 1 + 2hν 3 soit :

2hν 3 −hν/kB T e κν . (15.21) c2 On peut finalement réécrire l’équation de transfert de rayonnement correspondant à l’équilibre thermodynamique local sous la forme : jνs =

 1 ∂Iν + Ω · ∇Iν = κν (Bν − Iν ), c ∂t

(15.22)



où κν est le coefficient d’absorption corrigé pour prendre en compte l’émission induite :    (15.23) κν = κν 1 − e−hν/kB T , 

tandis que κν Bν = jνs représente l’émission spontanée. Si on intègre l’équation de transfert sur toutes les directions, on obtient l’équation :  ∂Uν + ∇ · Sν = cκν (Uν,P − Uν ). (15.24) ∂t De même, si on multiplie l’équation de transfert par Ω et qu’on intègre sur toutes les directions, on obtient :  1 ∂Sν + c ∇ · Tν = −κν Sν . c ∂t

(15.25)

213

Hydrodynamique radiative En régime quasi stationnaire, ces équations deviennent : 

∇ · Sν = cκν (Uν,P − Uν ), 

c ∇ · Tν = −κν Sν .

(15.26) (15.27)

Chacun des membres de l’équation (15.26), intégrée sur la fréquence, donne l’énergie perdue par unité de volume et de temps par le fluide au profit du rayonnement :    (15.28) Q = cκν (Uν,P − Uν ) dν = ∇ · Sν dν = ∇ · S. Quant à l’équation (15.27), on peut en déduire une relation entre Sν et ∇Uν dans le cadre de l’approximation de la diffusion. Pour cela, il faut supposer que le rayonnement n’est que faiblement anisotrope, avec :  1 4π I¯ν I, (15.29) Ω Ω dΩ = Tν  I¯ν c 3 c où :

1 I¯ν = 4π

 Iν (Ω) dΩ =

soit : Tν 

1 Uν I, 3

et :

Sν = −

(15.30)

(15.31)

1 ∇Uν , 3

(15.32)

c ∇Uν . 3κν

(15.33)

∇ · Tν  et donc :

1 cUν , 4π

Si, de plus, on suppose que le rayonnement est proche de l’équilibre thermodynamique à la température T , alors : Uν  Uν,P , et : Sν  −

c ∇Uν,P , 3κν

et le flux total est donné par :  c 1 c 1 S− ∇Uν,P dν  − ∇UP , 3 κν 3 κR

(15.34) (15.35)

(15.36)

où κR correspond à la moyenne dite de Rosseland du coefficient d’absorption :  1 dBν dν 1 κ dT =  νdBν . (15.37) κR dT dν

214

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

L’approximation (15.34) conduit au flux de chaleur radiatif : S−

16 σ 3 16 c 1 ∇UP = − T ∇T = − σlR T 3 ∇T, 3 κR 3 κR 3

(15.38)

où lR = 1/κR est le libre parcours moyen radiatif de Rosseland, à distinguer du libre parcours moyen radiatif de Planck, utile pour le calcul de l’émission d’un milieu optiquement mince, de dimensions petites devant le libre parcours moyen radiatif. Ainsi, la moyenne de Planck du coefficient d’absorption est donnée par :   κ Bν dν , (15.39) κP lanck =  ν Bν dν et le libre parcours moyen de Planck vaut lP lanck = 1/κP lanck .

15.4

Équations de l’hydrodynamique radiative

Les équations hydrodynamiques généralisées pour prendre en compte le rayonnement s’écrivent : ∂ (ρv + G) + ∇ · (ρvv + P I − τ + T) = 0, ∂t et :

(15.40)

      ∂ P 1 1 ρ e + v 2 + U + ∇ · ρv e + v 2 + − τ · v + q + S = 0. ∂t 2 2 ρ (15.41)

Dans l’équation (15.40), le terme G = S/c2 représente l’impulsion du rayonnement, et est souvent négligé. Si on néglige les phénomènes de transport purement matériels, c’est-à-dire le tenseur des contraintes visqueuses τ et le flux de chaleur q, il reste : ∂ (ρv + G) + ∇ · (ρvv + P I + T) = 0, ∂t et :

      ∂ P 1 1 ρ e + v 2 + U + ∇ · ρv e + v 2 + + S = 0. ∂t 2 2 ρ

(15.42)

(15.43)

Il est en général commode de réécrire les équations de l’hydrodynamique radiative à l’aide des quantités caractérisant le rayonnement dans le référentiel du fluide et non pas dans le référentiel « du laboratoire ». C’est en effet dans le référentiel du fluide que le rayonnement est susceptible d’être à l’équilibre thermodynamique, ou bien que l’on peut utiliser l’approximation de la diffusion. On utilise alors la transformation suivante, correcte à l’ordre 1 en v/c : 

U U ,

(15.44)

215

Hydrodynamique radiative 





S  S + vU + v · T , 

TT.

(15.45) (15.46)

D’où les équations (où on a négligé G) :    ∂ ρv + ∇ · ρvv + P I + T = 0, ∂t

(15.47)

et :

          ∂ 1 2 P 1 2 ρ e + v + U + ∇ · ρv e + v + + S + vU + v · T = 0 ∂t 2 2 ρ (15.48)

Notons que si le rayonnement n’est pas trop intense, il peut suffire de ne  garder que le terme de flux radiatif S  S , soit : ∂ ρv + ∇ · (ρvv + P I) = 0, ∂t et :

      ∂ P 1 1 + ∇ · ρv e + v 2 + ρ e + v2 +S =0 ∂t 2 2 ρ

(15.49)

(15.50)

Ces deux équations correspondent à une situation où le rayonnement est suffisamment important pour qu’il soit nécessaire de tenir compte du flux radiatif (les photons transportent l’énergie à la vitesse c, beaucoup plus efficacement que les particules matérielles), mais pas encore suffisamment important pour qu’il soit nécessaire de tenir compte de l’énergie et de la pression de rayonnement.

15.5

Chocs radiatifs

La structure d’un choc, voire ses caractéristiques, peuvent être modifiées par le rayonnement. Dans ce paragraphe, on ne donnera que des idées très générales sur les chocs radiatifs. Tout d’abord, on considère la situation intermédiaire où le rayonnement n’intervient que via le flux radiatif, en comparant le choc « classique » (c’est-à-dire sans rayonnement) au choc radiatif. Dans le référentiel du choc, les équations s’écrivent :

e+

ρv = ρ0 v0 ,

(15.51)

P + ρv 2 = ρ0 v02 ,

(15.52)

P 1 S 1 + v2 + = v02 . ρ 2 ρ0 v0 2

(15.53)

Dans ces équations, on a négligé l’énergie spécifique et la pression du côté froid, et tenu compte du fait que le flux radiatif était nul à l’infini, en particulier du

216

Plasmas créés par laser : généralités et applications choisies

côté froid. Bien entendu S tend également vers 0 du côté chaud et comprimé, suffisamment loin du choc, si bien que les paramètres finaux ρ1 , P1 et v1 restent donnés par les équations : (15.54) ρ1 v1 = ρ0 v0 , P1 + ρ1 v12 = ρ0 v02 , e1 +

P1 1 1 + v12 = v02 , ρ1 2 2

(15.55) (15.56)

comme dans le choc classique. Le flux radiatif S ne fait que déterminer la structure du choc, sur une échelle de l’ordre du libre parcours moyen radiatif. Pour les chocs ultra-forts, quand la densité d’énergie et la pression du rayonnement deviennent comparables ou plus grandes que la densité d’énergie et la pression de la matière, l’ensemble du choc s’en trouve modifié. Ainsi, à très haute température, on pourra négliger la densité d’énergie et la pression de la matière et traiter le choc à l’aide des équations (écrites dans le référentiel du choc) : (15.57) ρv = cste , P  + ρv 2 = cste ,

(15.58)

1 2 1  S v + (U + P  ) + = cste , 2 ρ ρv

(15.59)

où l’on a supposé le rayonnement faiblement anisotrope avec : 

T  P  I, P =

1  U, 3

(15.60) (15.61)

4σT 4 . (15.62) c Notons par exemple que le système fluide + rayonnement se comporte alors comme un gaz parfait avec : U =

γ=

U + P 4 = . U 3

(15.63)

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Index A Absorption (mod`ele d’), 101 Absorption collisionnelle, 91, 94 Absorption dans un gradient de densit´e, 100 Absorption r´esonnante, 103 Acc´el´eration d’´electrons, 141 Acc´el´eration d’ions, 82 Acc´el´eration d’une particule ultrarelativiste, 152 Acc´el´eration dans le vide, 141 Adiabatique (approximation), 31, 38 Allumage, 173, 182 Allumage par choc, 190 Allumage rapide, 190 Amp`ere (´equation d’), 20 Attaque indirecte, 190 Autofocalisation, 123 Autofocalisation relativiste, 133

B BBGKY (hi´erarchie), 19 BKW (approximation), 95 Breakeven, 172 Bremsstrahlung inverse, 91 Brillouin (instabilit´e), 120

C Cavitation, 159 Champs moyens, 20 Chocs, 191 Chocs radiatifs, 215 Coefficient d’absorption, 93

Collisions coulombiennes, 12 Compression, 181 Confinement inertiel, 177 Continuit´e (´equation de), 27 Couplage d’ondes, 114

D De Broglie (longueur de), 14 Debye (longueur de), 10 D´eferlement, 56 D´eferlement en plasma chaud, 59 Densit´e critique, 37

E ´ Ecoulement cr´e´e par laser, 81 ´ Ecoulement isotherme auto-semblable, 82 Effet d’´ecran, 10 Effet fus´ee, 188 Effet tunnel, 166 Effets relativistes, 127 ´ Electron en champ ultra-intense, 127 ´ Energie (conservation de), 29 ´ Epaisseur de peau, 38 ´ Equation cin´etique, 20 ´ Equations de propagation, 34 ´ Equations hydrodynamiques, 27 ´ Equilibre d’ionisation, 4 Espace des phases, 20

F Facteur nucl´eaire, 167 Faraday (´equation de), 20

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Plasmas cr´e´es par laser : g´en´eralit´es et applications choisies

Fermeture des ´equations fluides, 31 Fermi (temp´erature de), 6 Filamentation, 123 Flux limite, 74 Fonction de distribution, 20 Fonction di´electrique, 34 Font d’ablation, 201 Force pond´eromotrice, 110, 112 Force pond´eromotrice relativiste, 136 Fraction brˆ ul´ee, 179 Fr´equence cyclotronique, 16 Fr´equence de collision, 15 Fr´equence de pi´egeage, 52 Fr´equence plasma ´electronique, 8 Fr´equence plasma ionique, 10 Front d’ablation, 187 Fusion thermonucl´eaire, 163

K

G

Maxwell (´equations de), 20 Maxwell (tenseur de), 31, 111 Maxwellienne (fonction de distribution), 26 Mouvement (´equation du), 28

Gain, 179 Gamow (facteur de), 166 Gamow (pic de), 170 Grandeurs hydrodynamiques, 25

H Hugoniot (courbes d’), 193 Hugoniot (relations d’), 193 Hydrodynamique radiative, 209

I Ignition, 173 Implosion, 186, 201 Incidence oblique, 103 Indice en r´egime relativiste, 131 Indice optique du plasma, 36 Instabilit´e `a deux faisceaux, 63 Instabilit´e deux-plasmons, 123 Instabilit´e faisceau chaud-plasma, 69 Instabilit´e faisceau-plasma, 66 Instabilit´es en r´egime relativiste, 137 Interaction onde-particule, 51 ITER, 175

Kelvin-Helmoltz (instabilit´e de), 207 Klimontovitch (fonction de distribution de), 23

L Landau (amortissement), 47, 49, 50 Landau (contour de), 45 Larmor (rayon de), 16 Lawson (crit`ere de), 172 Libre parcours moyen, 15 LMJ, 175 Logarithme coulombien, 14

M

N NIF, 175

O Ondes acoustiques ´electroniques, 54 Ondes acoustiques ioniques, 42 Ondes de choc, 191 Ondes de choc de faible intensit´e, 194 Ondes ´electromagn´etiques, 36 Ondes plasmas de grande amplitude, 56 Ondes plasmas ´electroniques, 39 Op´erateur de relaxation, 24

P Param`etre de confinement, 177 Param`etre de couplage, 7

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Index Particule circulante, 53 Particule pi´eg´ee, 52 Pi´egeage, 51 Planck (formule de), 211 Planck (libre parcours moyen radiatif de), 214 Plasma faiblement collisionnel, 91 Plasma froid (approximation), 31, 35 Plasmas cin´etiques, 8 Plasmas corr´el´es, 8 Point chaud, 182 Poisson (´equation de), 20, 45 Polaire de choc, 199 Pression de radiation (tenseur de), 111 Pression de rayonnement, 109

R Raman (instabilit´e), 116 Rayleigh-Taylor (instabilit´e de), 201 R´egime de la bulle, 159 R´egime ultra-intense, 127 R´eponse di´electrique, 35 Richtmyer-Meshkov (instabilit´e de), 207 Rosseland (moyenne de), 213 Rutherford (formule de), 13

Sillage non lin´eaire 3D, 159 Sillage relativiste, 142 Solution d’Airy, 98 Spitzer-H¨arm (conductivit´e de), 71 Stefan (loi de), 211 Susceptibilit´e di´electrique, 34

T Taux thermonucl´eaire, 167 Th´eorie cin´etique, 45 Th´eorie non locale du transport, 76 Thomson (diffusion), 115 Tokamak, 175 Transfert radiatif, 212 Transparence induite, 131 Transport thermique ´electronique, 71

V Vitesse acoustique ionique, 43 Vitesse de groupe, 38, 39, 41 Vitesse de phase, 38, 39, 41 Vitesse thermique, 10 Vlasov (´equation de), 20 Vlasov-Maxwell (´equations de), 22

S

W

Saha (loi de), 4 Section efficace de collision, 13 Section efficace de fusion, 165 S´eparation de charges, 84 S´eparatrice, 52, 151, 156 Sillage non lin´eaire, 153

WKB (approximation), 96

Z Zone de conduction, 86