Physique et mécanique de l'endommagement 9782759802562

Une approche très complète des phénomènes et des mécanismes de l'endommagement dans le cadre de la métallurgie phys

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Physique et mécanique de l'endommagement
 9782759802562

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Physique et Mécanique de l'Endommagement publié sous la direction de Frank MONTHEILLET et François MOUSSY

Groupe de Réflexion Endommagement RCP Endommagement GRECO Grandes Déformations

- 1986

-

Avenue du Hoggar, Zone Industrielle de Courtabœuf, B.P. 112, F-91944 Les Ulis Cedex, France

Physique et mécanique de l’endommagement

Ce livre est un ouvrage collectif. I1 résulte cle la collaboratioii de cliercheurs provenant d’liorizoiis divers; universitaires et industriels, mécaniciens et métallurgistes, ineinl>res du Groupe de Réflexion Endommagement et pour la plupart du GRECO Grandes Déforinatioiis et Endommagenieiit. Les différents cliapit,res ont été rédigés par B. Baudelet (chapitre I), F. Moussy (chapitre II), J . P. Cordebois et J . Lemaître (chapitre III), F. Montlieillet et P. Gilorinini (chapitre IV), J. M . Jalinier (chapitre V), F. Mudry et F. Moussy (chapitre VI). L’homogéiiéisatioii e t la coordiiiation des textes, aiiisi que la préparation matérielle du maiiuscrit oiit été assurées par F. Moiitlieillet et F. Moussy.

Avant-propos

J’ai un réel plaisir à préfacer un livre aussi opportun et novateur! Un plaisir, car depuis des années la France est comme une seconde patrie pour m a famille et moi-iiiènie, et car J’ai la plus haute estime pour mes amis et collègues français ainsi que pour la Science Française; U n livre opportun, car il s’inscrit dans l’effort général consacré dans le monde entier à l’amélioration de la qualité et des propriétés d’emploi des pièces métalliques; Un livre novateur, car il propose une vision d’ensemble qui se fonde comme il se doit sur un juste équilibre eutre les sœurs ennemies que sont la métallurgie physique et la mécanique des milieux continus. J e vois le développement de l’eiidoiiiiiiageinent comme l’histoire de deux personnages qui ne peuvent cohabit,er tout en étant inséparables, en I’occurrence l’inclusion et la cavité. La première est dure et plutôt masculine, la seconde est douce et plus féminine. L’inclusion, au caractère renfermé, ne fait pas parler d’elle tant qu’on la laisse tranquille. Contrainte par le changement et sous la poussée des événements, elle finit par céder et enfante son alter ego la cavité, au caractère plus expansif. Mais voici que la jeune cavité grandit e t commence à penser mener sa propre vie. Le jour vient finalement où elle n’a plus besoin de sa mère l’inclusion. Elle ressent peu à peu une attirance grandissante envers ses semblables et brùle de quitter son foyer pour aller vivre en conmiunauté. Hélas, ces nouvelles liaisons finissent par se dégrader et la rupture est inévitable, dénouement dramatique digne des tragédies de l’antique Hellas. Et nous ne soinines même pas certains de connaître le coupable! Les différentes ét,apes de la vie de nos deux personnages, depuis l’amorçage, puis la croissance, la coalescence et enfin la rupture, sont clairement décrites da.ns ce livre. Lors de la lecture des différents chapitres, j’ai été frappé par l’esprit, de synt,lii.se dont font preuve les auteurs, rassemblant et décrivant en un volume lcs coiit8rihiit8ioiis d’un grand nombre de chercheurs venant de plusieurs horizons t,aiit, scientifiques que géographiques. Lorsque l’on y ajoute la rigueur et la. logique que l’on est en droit d’attendre du pays de Descartes, cela donne u n lisre estrêmemeiit inst,riictif et de lecture agréable, plaisir que j’iiivite iiiaiiit,eiiaiit,le lect,eur à partager. Le 15 janvier 1986.

J . J . Jonas,

Université hIcGill, hloiitréal, Québec, Canada.

Remerciements

Ce livre est issu d’un travail de recherches effectué dans le cadre du Groupe de Réflexion “Endoiiiiiiageiiieiit” de la Commission d’Emboutissage (Société Française de RIétallurgie). A ce titre les auteurs remercient Monsieur G. Pomey, Directeur Délégué à I’IRSID, d’une part pour avoir été l’instigateur de ce Groupe de Réfiesion, d’autre part pour le soutien constant qu’il leur a apporté tout au long de la réalisation de cet ouvrage. Les auteurs remercient également Messieurs S.Blouet, hl. Eiitriiiger, D. Rault et D. Rouby pour leur contribution à la rédactiou de certains chapitres. Ce livre a bénéficié d’acquis du GRECO “Grandes Déformations et Endoiniiiageiiieiit” et du GIS “Mise en Forme” . Enfin les auteurs tiennent à exprimer leur reconnaissance à Madame E. Bresson pour la qualité de la frappe du texte ainsi que pour la constance de son humeur (boiine en l’occurrtmce), ceci malgré les multiples modifications inhérentes, certes, aux inévitables homogéiiéisatioiis et corrections apportées par les relecteurs.

Not at ions

u dista.nce moyenne entre inclusions voisines

yh4,

b vecteur de Burgers D endominagement D tenseur d’endommagement (ordre 4) ù densité E module d’Young E module d’Young du matériau endommagé Ep iiiodiile d’Young plastique équivalent E,. énergie de rupture f v fraction volumique de cavités m coefficient de sensibilité à la vitesse n coefficient d’écrouissage P poids p pression hydrostatique (= -cm) R rayon d’une inclusion ou d’une cavité sphérique OU cylindrique Ra rayon de la zone d’accommodation S tenseur dévkteur des contraintes S section nominale; surface d’une inclusion S section réelle t épaisseur d’une inclusion aplatie u champ de vit,esse V volume w énergie par unité de volume w d énergie de décoliésion par unité de surface 2 réduction d’a.ire à la rupture Q. rapport des Contraintes principales en contraintes planes (Q.= a?/m) y cisaillement ~ I R . I yp énergies de surface: inclusion, matrice, interface inclusionma.trice, pa.roi de dislocations 6 déforiiia.bilit,é relative iiiclusion/matrice déformation ;lastique c e t onseur de déforma.tioii élastique gp ou E

déforiiiation plast,iqiie

8 5, ou C déformation plastique équivalente

-

cp ou

E

vitesse de déformation plastique équivalente

ip tenseur de vitesse de déformation plastique E déformation équivalente de la matrice “à l’infini’’

21 déformation, vitesse EM, E M déformation, vitesse ËI,

de déformation dans l’inclusion

de déformation dans la matrice E I , E ~ déformations suivant les axes 1 et 2 ËR déformation plastique équivalente à la rupture E , déformation de la cavité X rapport de forme d’une inclusion Alp coefficients de Lamé v coefficient de Poisson; déformation relative inciusion/matrice (v = E 1 / Ë W ) p masse volumique; paramètre caractérisant un chemin de déformation ( p = i 2 / & 1 ) p d densité de dislocations p~ nombre d’inclusions par unité de volume C plasticité relative d’une inclusion a ou a0 contrainte d’écoulement a, limite d’élasticité initiale en traction uniaxiale Au variable d’écrouissage isotrope O, contraintmed’écoulement de la matrice à l’infini a; contrainte de rupture de l’inclusion rn Contrainte normale à l’interface iiiclusion/niatrice 8 contrainte effective (Kaclianov) e tenseur des contraintes O tenseur des contraintes effectives ü coztrainte équivalente (von hlises) u, coyfrainte moyenne (a, = 1/3Tra) T ciscion d’écoulement 1 tenseur unité (ordre 2) M tenseur unité (ordre 4).

Table des Matières

PHYSIQUE ET M É C A N I Q U E DE L’ENDOMMAGEMENT

1

AVANT-PROPOS

3

REMERCIEMENTS

5

NOTATIONS

7

I

INTRODUCTION:

DOMMAGES ET I N T É R Ê T S

II

M É T H O D E S D’OBSERVATION L’ENDOMMAGEMENT

13

ET DE MESURE DE 19

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Méthodes de mesure de l’eiidomiiiageinent. . . . . . . . . . . . . III. Mesures directes de l’eiidommagement: observation. . . . . . . . 111.1. Observation d’éprouvettes préalablement polies puis ,, déforiiiees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.2. Observation d’éprouvettes préalablement déformées puis polies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.3. Exaiiieii des faciès de rupture. . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.4. Microscopie Elect,ronique en Transmission (MET). . . . . . 111.5. Coiiclusioiis sur les niétliodes directes de description et, de mesu r e de 1’eii domina geiiieiit . . . . . . . . . . . . . . . , . IV. Mesures iiidirect,es de I’eiidoiiiiiiagemeiit: mesure d’uai paramètre physique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV.l. Mesure de deiisit,é. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV.2. Variation d u module d’Young et du coefficient de Poisson (cf. 1II.II.lb). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV.3. Emissioii acoustique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . JV.4. Méthodes électriques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IV.5. Mesure par absorption d’hydrogène. . . . . . . . . . . . . . . 11V.S. Mesure directe de variation de volume par jauges de déformat ion. . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I. II.

,

rainte (Lemaître et Chaboclie, 1978). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 111.2. Modèle tridiineiisioniiei isotrope en déformation (Lemaître, 1984) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 IV . Modélisations a.iiisotropes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 IV.l. Eiicloiiiiiiageiiierit anisotrope eii cliargemeiit ra.dia1 (Hayhurst et Leckic, 1973; Martin et Leckie, 1972; Rabotiiov, 1971; Goel, 1975) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 IV.2. Approche tlieriiiotlyiiaillique (Clia.boclie, 1979) . . . . . . . . 109 IV.3. Approche énergétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 V . Exemple d’application des t.liéories de I’endommagenient ductile au formage des iiiataiis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 V . l . Cas des hajets de déforinatioii radiaux . . . . . . . . . . . . 117 V.2. Cas des t r a j e k de cliargenieiit quelconques . . . . . . . . . . 117

IV AMORÇAGE DE L‘ENDOMMAGEMENT Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Où et quand a p p r a î t l’eiidoiiima.geineiit? . . . . . 11.1. Les siles d’amorçage . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2. L’instant. d’amorça.ge. . . . . . . . . . . . . . . . III . Différentes formes cle l’amorçage . . . . . . . . . . . 111.1. Les mécanismes éléineiit.aires de l’amorçage . . 111.2. Amorçage sur les sulfures de inanganèse . . . . 111.3. Amorçage s u r les nodules de plomb . . . . . . . IV . Modélisat.ion de l’amorçage . . . . . . . . . . . . . . . I. II .

121

. . . . . .

. . . . . . 121 . . . . . . . 122 . . . . . . 122 . . . . . . 144 . . . . . . . 145 . . . . . . . 146 . . . . . . . . 153 . . . . . . . . 160 . . . . . . . 161

TABLE DES MATIÈRES

11

IV.l. Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 IV.2. Crit.ères utilisant la mécanique des milieux continus . . . . . 165 IV.3. Critères utilisant la métallurgie physique . . . . . . . . . . . 173 IV.4. Discussion: domaine de validité des critères . . . . . . . . . . 176 177 V . Prévision de l’amorçage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V

CROISSANCE DE L’ENDOMMAGEMENT

183

I.

Problèmes physiques de la. croissance de l’endoinmagemeilt . . . . 183 1.1. Cavité libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 1.2. Cavité avec pa.rticule. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 1.3. Fragmentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 1.4. Problèmes mixtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 1.5. Morphologie des cavit.és. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 II . Mesures expériment.ales de la croissance de l’endommagement . . 188 11.1. Méthodes de mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 11.2. Influence di1 inat.ériaii . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 11.3. Influence du t.rajet. de cliargement.. . . . . . . . . . . . . . . 189 11.4. Influence d’une pression hydrostatique surimposée . . . . . . 189 11.5. Influence dii mécanisme d’eiidomniaGeinent. . . . . . . . . . 190 11.6. Iiiflueiice de la. direction de sollicitatiion . . . . . . . . . . . . 190 III . Modèles et lois de croissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 111.1. Lois pliéiioméiiologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 111.2. hlodélisat.ions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 111.3. Synthèse des modèles présentés . . . . . . . . . . . . . . . . .211 ~

VI OBSERVATIONS ET MODÉLISATIDN N A L D E LA R U P T U R E D U C T I L E

DU STADE FI213

Observations expérimentales . . . . . . . I . . . . . . . . . . . . . 214 1.1. Caractérisliqiies de la. rupture duct& . . . . . . . . . . . . . 214 1.2. Evolut.ion des grandeurs macroscopiques juste avant la rupture: un pliénoniéne catastrophique . . . . . . . . . . . . . . 215 1.3. Description macroscopique de la rupture . . . . . . . . . . . . 216 Analyses iiiicrograpliiques . . . . . . , . . . . . . . . . . . . . 219 1.4. 1.5. Analyse des surfaces de riipt.ure. . . . . . . . . . . . . . . . 220 II . Prévision de la rupture ductile . Modélisation . . . . . . . . . . . . 222 11.1. Critères de rupture ne faisant pas intervenir l’endommagement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223 11.2. Crit.ères de rupture faisa.nt intervebiir l’endommagement sous une forme simplifiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225 11.3. Critères de rupture faisant intervenir explicitement l’eiidominageiiieiit du iiiat,éria.u. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 11.4. Analyse statist.ique du problème . * . 1 . . . . . . . . . . . . . 229 III . Plasticité des milieus poreux et modélisation de la rupture ductile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230 I.

~

1

12

Physique e i mécanique de l’endommagement 111.1. Nature du problème posé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230 111.2. Approches existantes, développées sur des matériaux non métalliques et inétalliques frittés . . . . . . . . . . . . . . . . 231 111.3. Approches relatives aux métaux et alliages sans (ou à très faible) porosité initiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 111.4. Une nouvelle analyse du phénomène de rupture . . . . . . . . 241

B I B L I O G R A P H I E ................................................. INDEX ..............................................................

245

253

CHAPITRE I

Introduction: dommages et intérêts

L’histoire de l’endommagement a commence par la fin.. ., clest-à-dire par l’étude de la rupture de matériaux. En fait, le concept d’endoinniageineiit est né dans deux familles: vers 1956 chez des physiciecs métallurgistes frariqais de l’Institut de Recherche de la Sidérurgie (1.R S.I.D.), Cli. Crussard, G. Henry, J . Plateau, afin d’interpréter certains faciès de rupture qu’ils étaient les premiers à observer; vers 1958 chez des mécaniciens russes, L. RI. Kaclianov principalement, et aussi Y. N . Rabotnov, afin de prévoir le temps au bout duquel se rompt un matériau sous fluage. Malgré la quasi-simultanéité de ces événenieiits , chaque faniille mena ses recherches dans l’ignorance des travaux développés par l’autre. En ce temps pas très lointain, la distance qui séparait les physiciens et les mécaniciens était bien plus grande que celle qui sépare Paris de R.loscou! La métallurgie physique et la mécanique n’étaient pas encore des sœurs ennernzes, elles s’igiioraient! Un des premiers intérêts de ce livre est de réunir parmi les vdteurs, des scientifiques de la seconde génération, issus de chacune cies deux familles de pensée. Mais ne brûlons pas les étapes! En peu d’années, de 1956 à 1958, l’équipe de I’IRSID fit un nombre impressionnant de découvertes: - des cavités ou des microfissures se forment dans des matériaux au niveau des inclusions ou des précipités au cours de la déformatioan 2lastique. En fait, de telles cavités avaient déjà été mises er, évidence en 1955 par J . D. Lubahn sur une coupe transversale réalisée au voisinage de la rupture e t observée au microscope métallograpliique; - cet endommagement, terine non utilisé par les auteurs, peut apparaître dès les premiers stades de la déformation plastique; - ces cavités ou niicrofissures sont amorcées, soit par des décohésions au niveau des interfaces mat rice-inclusion, soit par fragmentation des inclusions ou des précip:tés; - ces cavités croissent au cours de la déformation plastique et leurs formes dépendent du mode de sollicitation mécanique; - leur coalescence conduit à la rupture à faciès ductile, même si la déformation plastique préalable est faible; - les faciès des ruptures ductiles et fragiles obtenus après déformation plastique ainsi que les faciès de rupture par fatigue, furent étudiés en détail

14

Physique et mécanique de l’endommagement

e t comparés. La niicrofractograpliie était née, le terme ayant été proposé pour la première fois par Cli. Crussard dès 195G; - les preniières études d’émissions acoustiques au cours d’essais mécaniques (durant la formation des bandes de Piobert Lüders, pendant le développement du phénomène Portevin-Chatelier, au moment de la rupture fragile ou ductile), en collaboration avec J . B. Lean, furent publiées et présent,ées aux Journées d’Automne de la Société Française de Rlétallurgie en 1958. Le président de la session fit la reinarque suivante: “Il me semble importmaritde souligner qu’une méthode nouvelle, utilisant les ondes sonores comnie moyen de détection, a été utilisée. Certes, l’interpréta.tion des résulta.ts est délica.te...” Nihil nom’ sub sole! Toutes ces découvertes ont, été établies par un grand nombre d’observations car il falla.it déjouer les accusations de fausses images (artefacts). Ces accusations firent couler beaucoup d’encre. .. des industries réputées pouvaientelles produire des aciers s’endommageant? Toute cette aventure scientifique a débuté, lorsque cette équipe de l’IRSID a réussi, en 1956, à. niet,tre au point une nouvelle teclinique de répliques capables de reproduire les faciès tourmentés des ruptures à faciès ductile et fragile e t pouvant être obscrvées a.u microscope électronique par transmission, un 50 kV! Depuis 1950, beaucoup de clierclieurs avaient tenté en vain cette observation. En ce temps, le microscope électronique à balayage n’existait pratiquement pas et le inicroscope électroiiique à transmission était, ut,ilisé pour des observations de surface reproduites sur des répliques. Cette teclinique avait permis en 1952 à. D. ~~uliliiiaiiii-wilsdorf d’observer des lignes de glissement stir une siirface polie avant, déllorinatioii plastique, 11.M . Fislier en 1953 avait pu ext,ra.ire par rEplique des précipités qu’il avait identifiés par diffraction électronique. On ne savait pas faire de laines minces. les premières datent, d’ailleurs, de cette époque: R. Castaing observa en 1950 pour la. première fois des zones de Guinier-Prcstoii dans un alliage RI-Cu; P. lTirscli, R. Horne, RI. Wlielaii (1956) ets les iiieiiies associés I? W. Bollinaiin (1957) virent les premières lignes de dislocaiioiis et. leur inouveineiit, qu’ils enregishk-ent grâce à une caméra placée sur le inicroscope électronique. Une pause rehtive suivit cett,e période dense en évitiiemeiits scientifiques. Dès la fin des années GO et au cours des aiiiiées 70, c’est surtout hors de France que des pliysiciens et, des méca.iîiciens développèrent des modèles pour interpréter l’amorçage des cavit,és. (li. rTLînalra, 1970; R4. F. Ashby, 1966; A. S. Argon, 1975; Ç. II. Goods et, L. RI. Brown, 1979) et leur croissance (F. A. RiIcCliiitocl . (IV.34)

+

IV.4.

DISCUSSION: DOMAINE

DE VALIDITÉ DES CRITÈRES

Pour qu’une cavité apparaisse il est nécessaire que l’énergie dissipée soit au moins égale à l’énergie de surface créée, mais l’expérience montre que cela n’est que rarement une condition suffisante. C’est pourquoi certains auteurs ont proposé à la fois des critères énergétiques et des critères de contrainte critique, considérant alors que l’amorçage de l’endommagement se produit quand les deux conditions sont remplies. Le critère de Tanaka et al., par exemple, peut servir à délimiter les conditions dans lesquelles il est suffisant d’utiliser tel ou tel type de critère: il apparaît ainsi un rayon critique R, de l’inclusion en dessous duquel un critère énergétique est suffisant et au-dessus duquel c’est un critère de contrainte critique qui l’est:

(IV.35) pour une inclusion sphérique indéformable dans une matrice en traction uniaxiale. En prenant y / E de l’ordre de 10-l’S.I. et U, / E de l’ordre de 0 , l on obtient R, 125 A comme l’indiquent Tanaka e t al. d’une part, e t Argon et al. d’autre part. I1 apparaît toutefois que cette valeur est sous-estimée si l’on remarque (Tab. IV.3) que .,/E est plutôt de l’ordre de 0,8 % ce qui conduit à R, = 2pm.

177

Amorçage de l’endommagement

D’autres facteurs influent sur la valeur de R, : la valeur de Y / E peut être notablement altérée par des éléments d’addition (Fischmeister et al., 1972); la forme de l’inclusion et la pression hydrostatique modifient également les critères. Pour des inclusions de très faibles dimensions ( R < 5 A) le critère énergétique de Tanaka et al. prévoit aussi que l’amorçage de l’endommagement est peu probable vu le niveau de déformation plastique nécessaire. Les dimensions des iiiclusions s’étendant sur une très large gamme (de la centaine d’Angstroms à la dizaine de micromètres), on se trouve de part et d’autre de la limite de validité de la mécanique des milieux continus et de la métallurgie physique. Si c’est usuellement autour de 1 p m que l’on situe cette limite, certains auteurs ont utilisé des critères d’amorçage de l’endommagement établis dans le cadre de la mécanique des milieux continus à une échelle inférieure (Tab. IV.3). Tableau IV.3.

-

Valeurs de la contminte de décohésion à l’interface. relevées dans la bibliographie.

Auteurs Beremin (1981) Argon et Im (1975)

Leroy e t ai.(i98i) Hur et al. (19S3)

-

I

Matrice

Iinclusion

A 508 Acier 1045 Cu Acier VM - 300 Acier 1045 Fe 30 CD4

MnS Fe3 C CuCr Tic Fe3 C C MnS

D (4 17 x 10 x 3 O, 44 O, 89 573 O, 64 35 2 4 x 5 ~ 3

L’ensemble de ces considérations conduit à définir quel type de critère est adapté à chaque dimension d’inclusion comme indiqué sur la figure IV.38. On remarque que pour des tailles d’inclusions très courantes (de 0’1 à 1 pm) les quatre types de critères définis ci-dessus sont applicables. I1 importe donc maintenant d’en discuter les prévisions respectives.

V.

PRÉVISION DE L’AMORÇAGE.

La principale différence entre les critères d’amorçage discutés ci-dessus porte sur l’influence de la taille de l’inclusion (Fig. IV.39). Si les critères indépendants de la taille de l’inclusion sont assez regroupés après la correction proposée plus haut pour le critère d’Argon, l’effet de taille prévu par les autres est très important mais s’atténue pour le critère de Tanaka et ai. quand l’inclusion est Suffisamment grosse. Le critère de Goods et Brown, par contre, se particularise tout à fait avec un écart grandissant par rapport aux autres critères quand la taille de l’inclusion augmente. On pourrait penser que de telles disparités seraient clairement sanctionnées par les faits expérimentaux

178

Physique e t mécanique d e l’endommagement

100

A

0.1

pm

1

pm

10

pm

D c

-

METALLURGIE PHYSIQUE IMP)

-

MECANIQUE DES MILIEUX CONTINUS IMMC)

_-

-

--

CONDITION ENERGZTIQUE IC-)

_________---

xp+îE 1 I

MP+CE

ElP+CC

Fig. IV.38.

-

--

CONDITION EN CONTRAINTE CRITIQUE (CC)

-- -

--- -

MP+ CE

.IMCACE

MP+CC

MMc+cc

.XMC+CC

MMC+ C E

I

MMc+cc

Limites de validité des différentes approches en fonction de la taille des inclusions.

I

OJ 0.01

0.1

1

10

D

(pm)

Fig. IV.39. - Déformation de la matrice au moment de l’amorçage, comparaison des différents modèles en fonction de la taille de l’inclusion dans des conditions identiques: inclusion sphérique indéformable et isolée, y / E = 10-llS.I., U: / E = O, 8 %, b = 2 , 5 A, E , = O , 002, n = O , 25. (1) modèle de Tanaka et al.; ( 2 ) modèle d’Argon ( A = 1); (3) modèle d’Argon ( A = 1,49); (4) modèle d’Argon ( 2 R plus petit et plus grand que 200 A); ( 5 ) modèle de Goods et Brown; (6) modèle de Beremin.

Amorçage de l’endommagement

179

mais il n’en est rien: la question de savoir si l’effet de taille existe dans un sens (Palmer et Smith, 1968)’ dans un autre (Goods et Brown, 1979) ou si la taille n’a pas d’influence (Argon el al., 1975) est toujours controversée (Rosenfield, 1968). Ceci est, entre autres raisons, dû aux difficultés d’observation e t aux variations locales de teneur inclusionnaire. Deux des critères cités prennent en compte l’influence de la teneur inclusionnaire dont on sait que l’augmentation favorise l’amorçage de l’endommagement. On peut estimer, à partir des calculs de mécanique des milieux continus, que la région perturbée par la présence d’une inclusion a des dimensions de l’ordre de cinq fois celles de celle-ci; il conviendrait donc de prendre en compte les interactions entre inclusions et par suite l’influence de la teneur inclusionnaire à partir d’une teneur volumique de l’ordre de 1 % . Le critère d’Argon et al. prend explicitement en compte l’interaction entre inclusions alors que celui de Goods et Brown fait intervenir seulement l’effet des inclusions sur la rhéologie du matériau global. La sensibilité de l’amorçage vis-à-vis de la teneur inclusionnaire est toutefois du même ordre. Par exemple dans le cas d’une matrice en traction uniaxiale contenant 5 % d’inclusions sphériques indéformables, le premier critère prévoit que l’amorçage se produit pour une déformation de l’ordre de 66 % de celle correspondant à une teneur inclusionnaire très faible alors que le second prévoit 71 % . I1 faut noter qu’Argon et al. utilisent en pratique l’influence de la teneur inclusionnaire sous une forme statistique, afin de prendre en compte les variations locales. On sait que les incliisions allongées ont un effet néfaste sur l’amorçage de l’endominageinent, ce qui justifie par exemple les traitements de globulisation des sulfures. Ceci est pris en compte sous la forme d’un facteur de concentration de contrainte dans les critères de Tanaka et ai., de Gilormini et Montlieillet, d’Argon et de Beremin. Ces deux derniers peuvent être comparés (Fig. IV.40) dans le cas d’une inclusion indéformable très allongée dans le sens

O+ O

I

2

6

4

8

l

10

h Fig. IV.40. - Diminution de la contrainte d’écoulement dans la matrice au moment de l’amorçage due à l’effet de forme de l’inclusion (en traction uniaxiale). (--) critère d’Argon; (- - -) critère de Beremin.

180

Physaque et mécanique de l’endommagement

de la traction uniaxiale subie par la matrice. Quand le rapport d’allongement de l’inclusion croît, la contrainte d’écoulement atteinte dans la matrice au moment de l’amorpge décroît fortement. On constate également une bonne cohérence entre les deux critères en rappelant toutefois qu’Argon recommande de prendre des valeurs intermédiaires entre celles de la courbe indiquée et 1. La triaxialité des contraintes facilite l’amorçage de l’endommagement en accentuant les tractions dans l’inclusion et à l’interface, ce dont rendent compte tous les critères où elles intervient. La figure IV.41 présente une comparaison des critères d’Argon et al. et de Goods e t Brown pour des conditions identiques.

Fig. IV.41. - Influence de la pression hydrostatique sur la déformation de la matrice nécessaire à l’amorsage. Inclusions sphériques indéformables, = 1 400MPa’ cy = 350MPa, = O, 094, TI = O , 25, traction uniaxiable, b = 2,5& R = O, 22 ,urn. (1) critère d’Argon e l al. (A = 1) ; (2) critère d’Argon et al. ( A = 1’49) ; (3) critère d’Argon e l al. (2R plus petit e t plus grand que 200 A); (4) critère d’Argon el al. ( y = 12’5 %) ; (5) critère de Goods et Brown (y = O) ; (6) critère de Goods et Brown (y = 1 2 , 5 %) .

L’ensemble des courbes montre une très forte influence de la pression hydrostatique ainsi qu’une très grande dispersion pour les faibles valeurs. C’est habituellement ce type de courbe qui est utilisé pour déterminer la valeur de ,:~t il est donc normal que chaque auteur obtienne un bon accord avec le critère qu’il propose dans la mesure où lea incertitudes sont grandes d’une part et où la gamme de pression hydrostatique explorée est limitée d’autre part.

Amorçage de l’endommagement

181

I1 semble donc que chacun des critères d’amorçage décrits ci-dessus permette de traduire au moins une partie de la réalité expérimentale, malgré les différences de conception et de prévisione, ce qui traduit sans doute la variété des couples inclusion-matrice rencontrés dans la pratique. L’avenir permettra peut être de préciser le champ d’application de chacun des critères par accumulation de résultats expérimentaux; il devrait également permettre l’élaboration de nouveaux critères d’amorçage de l’endommagement fondés sur des modélisations plus fines et prenant en compte certains phénomènes négligés jusqu’ici tels que par exemple, la déformation plastique de l’inclusion ou le calcul des hétérogénéités de contraintes dans celle-ci.

CHAPITRE V

Croissance de l’endommagement

La croissance de l’endommagement au cours de la déformation plastique peut être étudiée soit d’un point de vue global, par la mesure d’un effet de l’endommagement, par exemple la mesure du module d’Young, soit d’un point de vue local par l’étude de la croissance d’une cavité. Ces deux approches sont présentées et comparées dans le présent chapitre. D’un point de vue physique, la croissance de l’endommagement résulte de la combinaison de deux mécanismes concomitants: l’augmentation du nombre des cavités par germination au cours de la déformation et l’augmentation de la taille de ces cavités. La contribution relative de chacun de ces mécanismes peut varier de O à 1 et tous les cas sont envisageables e t observables dans les matériaux iiidust riels. Les sections V.l et V.2 sont consacrées aux observations et à la mesure de la croissance des cavités. Les principaux modèles de croissance seront ensuite présentés dans la section V.3.

I.

PROBLÈMES PHYSIQUES

DE LA CROISSANCE D E L’ENDOM-

MAGEMENT. Coinine on l’a vu précédemment (cf. IV.III.1)’ les cavités se forment généralement autour des particules que constituent les précipités ou les inclusions présent,s dans les matériaux industriels. Ces particules peuvent ou non jouer un rôle dans la croissance des cavités suivant le mécanisme d’endommagement et le type de chargement ou mode de déformation subi par le matériau. 1.1.

CAVITÉLIBRE.

Ce cas, le plus simple, est celui où la particule à l’origine de l’endommagement ne joue aucun rôle dans la croissance. Ceci est observé lorsqu’après décohésion autour d’une particule la cavité tend à augmenter s a dimension radiale dans chaque direction. La figure V . l montre une telle cavité observée après une déformation équibiaxiale caractérisée par €1 = ~2 = O, 3. I1 est important de vérifier que dans la direction normale au plan d’observation ( ~ 1 &, a ) la particule est bien isolée au sein de la cavité. Dans ce cas la présence de la particule peut être négligée.

Physique et mécanique d e l’endommagement

184

Fig. V.l. - Cavité observée après une déformation équibiaxiale (c1 = ~2 = O, 3 ) . Cas de croissance indépendante de la particule (Thèse Barlat, INPG, 1984).

1.2.

CAVITÉAVEC

PARTICULE.

Au contraire du cas précédent, lorsque la cavité a tendance à se contracter dans une direction, la particule constitue un obstacle à cette contraction e t va engendrer une contrainte supplémentaire par rapport au cas de la cavité libre. La figure V.2 présente un tel cas dans un cuivre déformé en traction uniaxiale où l’on observe clairement que la cavité, contrainte dans son évolution par la particule, est de largeur plus grande que si elle était libre. La croissance de ce type de cavité est plus difficile à étudier à cause de la perturbation du champ de contrainte induite par la particule et ce problème n’est pas théoriquemeni résolu. 1.3.

FRAGMENTATION.

Les deux cas présentés ci-dessus correspondent à une décohésion autour de la particule (cf. 1V.III.lb). Dans le cas où l’endommagement se produit par fragmentation de l’inclusion (cf. 1V.III.la)’ la cavité se trouve limitée par deux parties de particule généralement dures placées elles-mêmes dans une matrice ductile. Le problème posé est très différent des prédédents, d’autant plus que, tant que la fissure reste étroite, la croissance ne se produit que par écartement des lèvres de la fissure c’est-à-dire de manière unidirectionnelle. Aux forts taux de déformation, les coalescences entre proches fissures peuvent provoquer d’autres types de croissance. Les figures V.3a-c présentent des cavités de ce type pour différents matériaux e t à différents stades de leur

Croissance de l’endommagement

185

Fig. V.2. - Cavité observée après une déformation en traction uniaxiale suivant T. Cas de croissance perturbée par la particule (Schmitt el al., J. M a t e r . sei., 1981).

croissance. Le problème théorique de la croissance de telles cavités n’est pas résolu. Seules des lois phénoménologiques ont été proposées.

1.4. PROBLÈMES MIXTES. Sont qualifiés de problèmes mixtes, les cas où les particules sont suffisamment complexes pour donner lieu à la fois à fragmentation et à décohésion partielle pour un même site d’endommagement. La figure V.4 présente une telle situation et la complexité du problème est évidente. De tels cas industriellement assez courants ne sont quasiment pas abordés sur le plan de la modélisation. Les problèmes mixtes ne sont pas à confondre avec les problèmes d’endommagement multiple dans lesquels plusieurs classes distinctes de particules donnent lieu séparément à fragmentation ou décohésion. Ces derniers problèmes sont bien sûr plus simples à étudier n’étant qu’une combinaison des cas élémentaires précédents, à condition qu’il n’y ait pas interaction entre les différents types de cavités.

1.5. MORPHOLOGIE DES

CAVITÉS.

La morphologie des cavités dépend, pour un mécanisme d’endommagement et un matériau donnés, du trajet de chargement suivi. La figure V.5 présente, pour un cuivre industriel, les cavités observables après déformation en traction uniaxiale (Fig. V.5a) et expansion équibiaxiale (Fig. V.5b). La morphologie des cavités est très différente: elles apparaissent allongées dans un cas et équiaxes dans l’autre sur ces micrographies prises dans le plan des plus grandes contraintes principales. I1 apparaît donc que la croissance des

186

Physique et mécanique d e l’endommagement

Fig. V.3. - Observations de l’endommagement par fragmentation développé en traction uniasiale sur un acier inoxydable austénitique (Thèse Barlat,

INPG).

Croissance d e l’end ommag em ent

187

Fig. V.4. - Double mécanisme de fragmentation et décohésion sur une particule de MnS dans un acier doux sollicité en traction uniaxiale (Moussy, 1977).

Fig. V.5. - Cavités observées dans un cuivre industriel après une déformation en traction uniaxiale suivant la direction de laminage RD (a) et en expansion équibiêuiale (b) (Schmitt et al., J. Mater. Sci., 1981).

cavités dépend non seulement du taux de déformation, mais aussi du chemin de déformation suivi. En toute rigueur, la croissance d’une cavité doit être décrite à partir d’une fonction du tenseur des contraintes ou des déformations locales. Ce formalisme complet impose une forme généralement trop lourde

Physique et mécanique de l’endommagement

188

et l’endommagement est caractérisé le plus souvent par une grandeur scalaire représentant le volume des cavités ou par un vecteur dont les trois composantes sont par exemple les dimensions des trois axes d’un ellipsoïde modélisant la cavité, ou encore une mesure des effets de l’endommagement suivant trois directions.

II.

MESURESEXPÉRIMENTALES DE

LA CROISSANCE DE L’EN-

DO M M AG EM EN T .

11.1.

MÉTHODESDE

MESURE.

Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour caractériser la croissance de l’endommagement. Des mesures effectuées à l’aide de trois techniques seront présentées: - une mesure locale par observations en microscopie électronique quantitative, - deux mesures globales par détermination du changement de densité et du changement des paramètres d’élasticité. Ces méthodes ont été décrites précédemment (cf. 11) et seuls les résultats intéressant la croissance sont présentés ici. I1 est toutefois à noter que les différentes techniques seront utilisées pour identifier des paramères spécifiques. Ainsi les mesures métallographiques sont particulièrement adaptées à la détermination des mécanismes physiques à l’origine de l’endommagement et à la détermination de la morphologie des cavités. Une plus grande précision sur la fraction volumique des cavités est obtenue par mesure de densité. Les effets sur le comportement macroscopique du matériau peuvent être déterminés par mesure des constantes élastiques. L’association de ces techniques constitue un outil puissant pour l’identification des lois de croissance. 11.2.

INFLUENCE DU MATÉRIAU.

L’influence du matériau est principalement contenue dans la teneur hclusionnaire. En effet, c’est par des nombres de sites d’endommagement différents que les matériaux se différencient, plus que par des rhéologies différentes de la matrice susceptibles de contrôler la croissance des cavités. La figure V.6 illustre ce phénomène pour deux types de cuivre, l’un désoxydé, l’autre industriel pour lesquels les teneurs en oxyde de cuivre formant les particules à l’origine de l’endommagement sont différentes. La croissance de l’endommagement est beaucoup moins importante pour le cuivre désoxydé que pour le cuivre industriel. Au contraire, pour un acier et un cuivre présentant des teneurs inclusionnaires voisines, le taux d’endommagement observé est approximativement le même pour une même déformation plastique. L’effet de la rhéologie de la matrice, pour le seul cas des matériaux écrouissables et dans le domaine des vitesses de sollicitation courantes, est d’un ordre de grandeur inférieur à l’effet de la teneur inclusionnaire.

189

Croissance de l’endommagement

--p=1

- -p =-OS\ c u/c

.----p

1

.‘

=1 .----O =-O 5

2

- striction

,

Ii.I

b

. a a

?

8

, 8

8

, , , , 8 ,

I

,

.#

.

,,

.‘

Fig. V.6. - Croissance de l’endommagement déterminée par mesure des variations de densité pour un cuivre désoxydé (Cu/cl) et un cuivre industriel (Cu/al) déformés en traction uniaxiale ( p = -0’5) ou en expansion équibiaxiale ( p = 1) (Schmitt et al., 1981).

11.3.

INFLUENCE DU TRAJET D E CHARGEMENT.

Nous avons présenté précédemment différentes morphologies de cavités après une expansion équibiaxiale et une traction uniaxiale (Fig. V.5a et b). Les mesures de densité confirment la différence d’évolution de l’endommagement pour ces deux chemins (Fig. V.6). La croissance de l’endommagement en déformation équibiaxiale est plus rapide qu’en déformation uniaxiale. Ce résultat relatif à l’endommagement par décohésion est assez général et a été observé sur différents types d’aciers. 11.4.

INFLUENCED’UNE

PRESSION HYDROSTATIQUE SURIMPOSÉE.

La figure V.7 (Pugh, 1964) présente l’influence d’une pression de confinement sur le développement de l’endommagement au cours d’une traction uniaxiale. Pour des pressions de confinement de l’ordre de la limite d’écoulement du matériau un effet sensible est observé. Ce résultat a été également rapporté pour le cas du filage en faisant varier l’angle de filière (Floreen et Hayden, 1970). Le fait qu’une pression de confinement diminue le taux d’endommagement créé, est à rapprocher de l’influence du chemin de déformation. En effet, la traction uniaxiale développe une pression hydrostatique négative de valeur absolue plus faible que l’expansion équibiaxiale.

Physique e t mécanique de l’endommagement

190

s 100 Y

20

O

Pression hydrostatique (MPa) Fig. V.7. - Influence de la pression hydrostatique sur la ductilité du cuivre et de l’aluminium (Pugh, 1964). La superposition d’une pression positive vient s’opposer à l’effet dépressif nah r e l des chemins de déformation étudiés. I1 est raisonnable de penser que si la pression de confinement est suffisamment élevée, aucune croissance de l’endommagement ne peut être observée, mais il ne suffit pas que la pression hydrostatique dans le matériau soit positive pour prévenir toute croissance, car la compression axiale par exemple développe de l’endommagement, à cause de contraintes localement dépressives induites par les inclusions. 11.5.

INFLUENCED U MÉCANISME D’ENDOMMAGEMENT,

Comme nous l’avons décrit en V.1, les cas d’une fissuration ou d’une décohésion de la particule sont très différents. Cette observation physique se traduit en effet dans les lois de croissance. Les effets, en particulier du chemin de déformation, présentés précédemment sont valables pour le cas de la décohésion et la figure V.8 présente cet effet dans le cas d’un endommagement par fragmentation. Il n’est alors observé qu’une faible influence du chemin de déformation si l’on porte la variation relative de densité ( - A d / d ) en fonction de la plus grande déformation principale, qui se trouve être celle d’extension de la fissure. Cette différence de comportement entre les deux principaux types de mécanismes impose des lois de croissance différentes. 11.6.

INFLUENCE DE LA DIRECTION

DE

SOLLICITATION.

L’influence de la direction de sollicitation permet d’aborder le caractère anisotrope de l’endommagement. Cette anisotropie de croissance est due principalement ri. la morphologie des inclusions à l’origine de l’endommagement, beaucoup plus qu’à l’anisotropie de comportement de la matrice. La figure V.9 prélsente la différence de croissance de l’endommagement (mesurée par évolution des constantes d’élasticité) lors de tractions uniaxiales dans deux

Croissance de l’endommagement

191

Fig. V.8. - Evolution des variations relatives de densité avec la déformation en traction uniaxiale ( p = -0,5) et en expansion équibiaxiale ( p = 1 ) . Endommagement par fragment atmionde l’alliage d’aluminium 3003 (Thèse Schmitt, INPG, 1981).

Fig. V.9. - Croissance de l’endommagement d’une tôle d’acier en traction uniaxiale en sens long et sens travers mesurée par évolution des constantes élastiques (Gattoufi, 1984).

directions perpendiculaires. Des mesures de densité montrent de la même manière un endoinnmgemeiit développé dans le sens travers plus important que dans le sens de laminage sur une tôle mince déformée eri traction uniaxiale. Ce résultat confirmé par une ductilité moindre dans le sens travers, impose à l’endommagement d’être représenté au moins par un vecteur ou un tenseur diagonal à trois composantes.

Physique et mécanique d e l’endommagement

192

III.

MODÈLESET

LOIS DE CROISSANCE.

Les lois de croissance seront présentées en deux parties: pliénoménologiques et les tentatives de modélisation.

111.1.

les lois

LOIS PHÉNOMÉNOLOGIQUES.

Ces lois, issues des résultats expérimentaux, peuvent être obtenues à partir d’observations au niveau macroscopique ou au niveau microscopique. (a) Niveau nzacroscopique

Les lois de croissance proviennent des mesures de variation des constantes d’élasticité: module d’Young et coefficient de Poisson au cours d’un essai de traction unizxiale ou module transversal de Coulomb au cours d’un essai de torsion. Comme on l’a présenté en 111.1.3, plusieurs équivalences entre le matériau endommagé et un matériau de référence peuvent être posées: équivalence en déformation, en contrainte, en énergie, etc. Dans le modèle isotrope tridimensionnel (Dufailly, 1980) une loi a été proposée pour la variable endommagement définie comme

D = 1- Ë / E sous la forme (cf. 111.111.1 et Lemaître et Chaboche, 1985)

I>=

[-s

U*

a* - (TD S(1-D)

où UD est la contrainte d’amorçage; S et so des coefficients caractéristiques du matériau; a* est une contrainte équivalente définie par: O*

= (3c0,

+ (1 - c) a)

où am est la contrainte moyenne (a, = 1/3 Tr c) et ü la contrainte équivalente de von Mises; c est un coefficient variant entre O et 1 et mesurant l’influence de la contrainte moyenne. a* est nulle si la quantité entre crochets ( ) est négative et égale à cette quantité si elle est positive. L’identification des paramètres s’effectue en général sur deux domaines distincts (Fig. V.10).

Croissance de 1’end o m m age m en t

Fig. V.10.

193

- Loi de croissance de l’endonmagement.

Le tableau ci-dessous donne les valeurs des paramètres de la loi de croissance identifiée (Nouailhas, 1980). Tableau V . l . - (Cf. Fig. V.10)

UD

(MPa)

AUG T4 307

CS

(MPa)

554

Matériau

domaine

Cu/al 207

xc 38

308

701

(2) 2,7

(1) 0,85

(2)

SO

(1) 1

S (MPa)

532

325

303

293 (2)

1,65

(1) 0,33

192

100

52

1,7

I1 est à noter que les efforts actuels portant sur ce type de loi sont orientés vers une identification de lois tridimensionnelles anisotropes .(Nouailhas, 1980).

( b ) Niveau microscopique Au niveau microscopique, les lois de croissance phénoménologiques sont établies & partir des mesures effectuées en métallographie quantitative. Ainsi, pour le cas de l’endommagement par fragmentation qui est difficilement modélisable, ce type de loi a-t-il néanmoins permis de progresser. Des mesures de l’écartement de la fissure en fonction de la déformation plastique au cours d’un essai de traction uniaxiale et d’expansion équibiaxiale ont donné une représentation unique lorsque le paramètre mesurant la déformation plastique est la déformation dans la direction d’extension de la fissure (Fig. V.8). Une forme exponentielle a été proposée sous la forme (Schmitt et Jalinier,

1982): e = eoexplsl où e désigne la largeur de la fissure (eo à l’instant initial) et €1 la déformation

plastique dans la direction normale à la fissure.

Physique et mécanique de l’endommagement

194

Compte tenu du fait que la fissure ne croît que de manière unidirectionnelle, cette relation conduit à:

où f v désigne la fraction volumique de cavités de valeur initiale f v , . Pour le cas de l’alliage d’aluminium 3003, le coefficient [ a été trouvé égal à 3,6. D’une manière plus générale sa valeur doit être comprise entre 2 et 4 pour les fissures de faible largeur. Pour le cas de l’endommagement par décohésion, nous nous attacherons plus à décrire les modèles de croissance que les différentes approches phénoménologiques.

111.2. MODÉLISATIONS. Les modélisations présentées ci-dessous s’entendent au niveau local: il s’agit essentiellement de modèles de croissance d’une cavité située dans une matrice déformée plastiquement. Deux types de modélisations sont à effectuer: - la modélisation de la forme de la cavité - la modélisation du comportement de la matrice. (a)

Modélisation d e la forme d e la cavité

Comme il a été montré, dans le cas réel les cavités ont des formes très complexes et contiennent partiellement ou totalement une particule. Les modèles développés font tous abstraction de la particule pourtant très importante pour certains modes de déformation. Les formes retenues pour la cavité sont par ordre de complexité croissante: - le cas bidimensionnel d’une cavité circulaire ou tridimensionnel d’une cavité cylindrique, - le cas tridimensionnel d’une cavité axisymétrique, - le cas tridimensionnel d’une cavité ellipsoïdale qui n’est pas encore traité de manière satisfaisante.

(b) Modélisation de la matrice La matrice est toujours modélisée par un milieu continu, bien qu’à l’échelle des cavités l’orientation des grains voisins soit susceptible de jouer un role important. Les lois de croissance, locales pour l’endommagement puisqu’à I’éclielle de la cavité, ne sont pas locales à l’échelle du comportement de la matrice. Quatre principaux types de comportement ont été généralement retenus: - matrice plastique non écrouissable (parfaitement plastique) - matrice newtonienne

Croissance de l’endommagement

195

- matrice visqueuse non linéaire - matrice plastique écrouissable.

Ces deux derniers cas sont de loin les plus compliqués puisqu’ils font appel à un comportement non linéaire. (c) Principaux modèles de croissance

Les principaux modèles existants, qui se distinguent par leur large utilisation, sont présentés séparément dans la suite, puis comparés. O

Modèle de McClintock (1968)

Dans ce travail l’auteur s’est principalement intéressé aux problèmes de rupture ductile et dans cet objectif a élaboré un modèle général de croissance de cavités elliptiques dans une matrice plastique écrouissable. La modélisation retenue consiste en trois groupes de cavités initialement cylindriques orthogonales. Le matériau est supposé n’être soumis qu’à des états de contraintes dont les axes principaux sont confondus avec les axes des cavités; ceci implique que l’on peut ne pas utiliser les doubles indices. Dans un premier temps, le matériau est supposé non écrouissable et les cavités cylindriques de section circulaire. On peut écrire l’équation d’équilibre du,. or - ~g - O -+--

dr r et la répartition des déformations tirée d’un champ de déplacement radial da, = - ( R 2 / r 2 (dE8R )

+

+ da,/2)

- da,/2

dag = ( R 2 / r 2 )(d&gR d ~ , / 2 )- d ~ , / 2

où R est le rayon de la cavité, r la distance au centre de la cavité, dE, la déformation homogène suivant l’axe du cylindre et deeR la déformation circoiiférentielle sur la surface de la cavité. I1 est alors possible d’obtenir la vitesse de croissance de la cavité sous la forme dln (R/Ro)= J3darmsinh [ J 3 u r m /

+ darm

(arm - ~ z m ) ]

P.1)

où da,,, u,, e t uzm désignent les déformations et contraintes à grande distance de la cavité e t & le rayon initial de celle-ci. L’équation (V.1) a été obtenue dans le cas d’un matériau de von Mises. Dans le cas d’un matériau de Tresca l’équation (V.1) devient: - si da, > O dln (RI&) = -dErmeXP [-2~Pm/ (up03 - u,,)] dErm - si da, < O dln (R/Ro)= -dErooexp [ + 2 ~ r m /(urm - ~ z m ) ] derm Des comparaisons avec l’expérience montrent en général une sousestimation de la croissance des cavités par ce modèle (Perra et Finnie, 1977). Pour le cas d’une cavité cylindrique de section elliptique le problème est plus complexe. En effet, si le comportement de la matrice est supposé plas-

+ +

196

Physique et mécanique d e l’endommagement

tique non écrouissable, Drucker (1954) a établi que les changements de forme, en déformation plane, de la cavité cylindrique s’obtiennent par concentration des déformations dans des plans de cisaillement s’étendant jusqu’à la surface libre. L’écrouissage aurait pour effet de donner une certaine largeur à ces bandes de cisaillement et donc à répartir un peu mieux les déformations. Une condition aux limites pourrait être rajoutée au problème de Drucker en imposant que le champ de déformation redevienne homogène à l’infini, mais aucune solution n’est connue à ce problème. Une autre approche consiste à supposer que la matrice a un .comportement newtonien. L’inconvénient majeur de cette modélisation est que la contrainte d’écoulement dépend de la vitesse de déformation e t non de l’histoire des déformations; son avantage majeur est qu’une solution exacte pour le champ de déplacement a été établie par Berg (1962). Le calcul de la croissance d’une cavité cylindrique de section elliptique située dans une matrice newtonienne a donc été effectué. La croissance de la cavité de petit axe u e t grand axe b est étudiée au travers de l’évolution de son rayon moyen R e t de son excentricité rn : R =(a+b)/2 m =(u-b)/(a+b). Les équations suivantes sont obtenues:

où ua e t g b désignent les contraintes normales suivant le petit et le grand axe de la cavité, et EF, les déformations correspondantes, et ifm et Cm la contrainte et la déformation équivalentes (von Mises), toutes ces grandeurs étant définies à grande distance de la cavité. Dans le cas des cavités de section circulaire soumises à un champ radial, l’équation (V.2) devient:

In (RI&) = 3 ~ r m a r m / ( a r m- u z m )

+ &roo-

(V.4)

On notera que l’équation (V.1) donne la solution du même problème dans le cas d’une matrice parfaitement plastique. La démarche de McClintock (1968) consiste à transposer au cas parfaitement plastique les changements permettant de passer, dans le cas newtonien, de la cavité circulaire (équation V.4) à la cavité elliptique (V.2). Ainsi, - pour le premier terme: crm est remplacé par E m / 2 armest remplacé par ( a , ut,)/2 arm- uzm est remplacé par am. - pour le second terme: E , . ~est remplacé par ( E a E a ) /2.

+

+

Croissance de l’endommagement

197

En effectuant les mêmes modifications dans l’équation (V.1) e t en faisant intervenir l’exposant d’écrouissage n comme coefficient d’interpolation entre les deux cas extrêmes de l’écrouissage linéaire (analogue au comportement newtonien) et du comportement parfaitement plastique, on obtient:

Quant au changement d’excentricité, on suppose que le changement effectué pour le premier terme de R s’applique à nouveau, ce qui conduit à:

Les équations (V.5) et (V.6) ainsi obtenues constituent les équations de McClintock pour la croissance d’une cavité cylindrique à section elliptique en milieu écrouissable. Des comparaisons avec l’expérience donnant dans plusieurs cas un bon accord avec l’expérience sont présentées par McClintock (1968a) et sont reproduites sur la figure V . l l . Les expériences ont été menées avec de la plasticine présentant un coefficient d’écrouissage de 0,35 et contenant des billes de polystyrène. Un bon accord est observé entre les prédictions du modèle de croissance et les mesures expérimentales pour le cas d’une sollicitation équibiaxiale (ua = cb) (Fig. V . l l a , b , e). L’accord, moins bon dans le cas de la déformation plane (Fig. V . l l c , f ) devient très discutable dans le cas de la traction uniaxiale (Fig. V . l l d , g). O

Modèle de Rice et Tracev fl969)

Prése nt at ion g éa éra le: Ce modèle a pour but de prévoir la croissance d’une cavité sphérique dans une matrice plastique soumise à l’infini à: - des vitesses de déformation iF - un déviateur des contraintes Szy - une pression hydrostatique superposée p . La contrainte appliquée est donc donnée par gCO aj

= SP13P - 6 . .



6ii

=1

6ij (avec i

# j) = O

I1 s’agit de déterminer un champ de vitesse satisfaisant les conditions aux limites (à l’infini) e t la condition d’incompressibilité de la matrice, soit:

198

Physique et mécanique de l'endommagement I

O

Q

C I RCLJLAIRE

O, 5

E 1.0

0.5

"O

1,O

d

E

Fig. V . l l . - Variations avec la déformation équivalente du rayon R (a, b, c, d) e t de l'excentricité m (e, f, g) de cavités situées dans une matrice de plasticine écrouissable. (a, b, e) traction équibiaxiale; (c, f) traction plane; (d, g) traction uniaxiale (McClintock, 19GSa).

et

C&ii= o. i

Les auteurs établissent un principe variationnel qui indique que tout cliainp de vitesse incompressible donnera à la fonction Q (u) une valeur plus élevée que le champ réel u * . La fonction Q (u) est définie par:

où V est le volume infini entourant la cavité e t S la surface de la paroi de la cavité de normale n dirigée vers le matériau. Le principe variatioiinel s'écrit:

199

Croissance de l'endommagement Le champ de vitesse s'écrit sous la forme générale: ui = k Z X j Q i U (1) i + q2u12)+ . . . + q u!")

+

n ,

où chaque ut') est un champ de vitesse vérifiant l'incompressibilité et qui tend vers zéro à l'infini pour vérifier les conditions aux limites. I1 faut alors chercher une forme de ui qui minimise la fonction Q (u) , Applications: Cavité mhériaue dans une matrice rivide Darfait ement Dlastiaue soumise à un chamr, de traction uiiiaxiaie: Le champ de vitesse est séparé en trois termes: - le champ à l'infini, - un terme révélateur du changement de volume uf sans variation de forme, - un terme révélateur du Changement de forme sans variation de volume U f; soit U, = D UD, EUE. (V.7) Le terme de Changement de volume est pris simplement sous la forme

+

i 7 ~+j

en utilisant la condition initiale à la surface de la cavité. Le terme de Changement de forme sans changement de volume est le champ de déplacement, par ailleurs mathématiquement établi, permettant de passer d'une sphère à un ellipsoïde:

avec

= 5&,R3F 1(r)sin2pcoscp. La fonction F

(Y)

est à définir et doit vérifier la condition

F ( R )= 1. Différentes formes de cette fonction ont été testées:

F2

( r )= 2 - ( R / T ) ~

F3 ( r ) = 4 - 3 ( R / T ) ~

+

F4

( r ) = 7 - 9 ( R / r ) 3 (R/r)2

F5

(r) = 3 ( 1

F6

(Y)

- 2 (R / T ) ~

= - [13 ( R / r )+ ~ ( R / T ) ~ '.] 9

Physique et mécanique de l’endommagement

200

Fi et F3 sont des solutions trouvées pour une inclusion dans une matrice newtonienne; F2rF4>Fs et FG sont choisies arbitrairement pour évaluer l’incidence de la forme donnée à F ( r ) sur le résultat. Ces différentes formes sont utilisées pour déterminer les valeurs des coefficients D e t E qui minimisent la fonction Q (u) . Les résultats trouvés sont voisins pour les formes 3’1 à F4, les formes F5 à F6 conduisant à des résultats absurdes (par exemple fermeture du vide dans la direction d’extension). La figure V.12 présente les variations du paramètre de Changement de forme 1 E avec le facteur de dilatation volumique D.

+

1 ’

+

Fig. V.12. - Evolution du facteur 1 E caractéristique du changement de forme de la cavité en fonction du facteur de dilatation volumique D,calculée en prenant la moyenne des champs de vitesse déduits de Fi (v) à F4 ( r ) (Rice e t Tracey, 1969).

Chamn de contmintes à haute triaxialité: cas où le changement de forme est néelieeable (E = O ) : Le champ de vitesse s’écrit alors: 8

- ‘03 - ~ i xj j

+ DU^D

où le champ uf a été défini ci-dessus. On cherche D qui minimise Q (u) , ce qui donne: pour

cm 2 0,87 603

où cm et ü désignent respectivement la contrainte moyenne et la contrainte d’écoulement équivalente du matériau à grande distance de la cavité,

20 1

Croissance de l’endommagement

et

tr

avec la convention: 2 ;2 2 &FI. C (v) est défini par une intégrale mais avec une approximation meilleure que O,2 % , cette fonction peut s’écrire sous la forme:

C ( u ) = O, 279 + O , 004u. Dans le cas de fortes triaxialités négatives, une étude analogue conduit

à:

D = -C(-v)exp

(--2 ) .

La solution générale pour tous les cas de charge est choisie comme la somme des deux solutions correspondant aux fortes pressions surimposées positives ou négatives. De ce qui précède, on déduit la forme finale de D :

):;2(- +

D = 0,558sinh

0,008ucosh

Cas où le changement de forme n’est as négligeable: Les calculs précédents ne sont valides que lorsque la triaxialité des contraintes est élevée. Dans ce cas, par analogie avec la traction simple, la valeur de E est beaucoup plus faible que celle de D. Les essais courants effectués sur les tôles minces développent une triaxialité variant de

66 pour la traction équibiaxiale ( p = 1) u E / ü , = O, 34 pour la traction uniaxiale ( p = -O, 5) u$/ü, = O pour le cisaillement pur (urn = O, p = -1) um/üm = O,

à

et

= & 2 / t 1 , caractérise le chemin de déformation suivi. Cette triaxialité est donc toujours faible et en particulier inférieure à 0,87; il convient donc de prendre en compte le terme de changement de forme de la cavité qui peut être prépondérant devant le terme de changement de volume. Par analogie avec la traction simple et avec le cas où la matrice est élastique (par ailleurs résolu), on pose alors:

où p

R/Ri = Ci?

+DE,

où C = 1+ E .

(V.9)

Les valeurs de D et E peuvent être identifiées sur le cas de la traction pour lequel on trouve pour les valeurs courantes de la triaxialité:

D E 1 pour D z O, 5 pour

u,/6= Um/ü

1

= O, 5.

202

Physique et mécanique d e l’endommagement

+

Les valeurs de 1 E correspondantes (Fig. V.12) sont de l’ordre de 1,5 à

2.

+

Les auteurs proposent de choisir C = 1 E = 513. Les valeurs précédentes correspondent à la croissance d’une cavité sphérique dans un milieu non écrouissable. Le cas de l’écrouissage est considéré sous la forme extrême d’un écrouissage linéaire (n = 1 ) ’ le coefficient D est alors trouvé égal à:

D=-

3a:

(V.10)

4am

a, étant la contrainte d’écoulement équivalente du matériau à l’instant actuel. Le facteur D apparaît donc plus faible dans le cas de l’écrouissage linéaire que dans le cas parfaitement plastique. Linéarisation du modèle en contraintes Dianes (Jalinier et Schmitt, 1982): Une forme très simple peut être donnée au modèle dans le cas de contraintes planes. Le résultat général est donné par l’ensemble d’équations suivant:

où : = O,

si

12

si

n = 1,

D = O, 558sinh

(-)

3a: 2a,

+ O, 008vcosh

(2)

(V.8)

D = 3am/43,

avec

et

1,55 C

5 2.

Dans le cas d’un chargement radial, en introduisant le rapport des contraint es principales

a = a? / a ï on peut écrire:

Croissance de l’endommagement

203

La relation (V.8) prend alors la forme 1

l+&

qui ne dépend que du trajet de chargement suivi. En notant que:

la relation générale (V.9) peut se mettre sous la forme:

(V.11) ou encore: E: = .$‘Ai ( p ) où E: représente la déformation de la cavité dans la direction i, E? désigne la déformation imposée à l’infini dans la direction i, Ai ( p ) est une constante pour chaque chemin de déformation. Les coefficients Ai ( p ) peuvent se mettre, avec une très bonne approximation, sous la forme suivante:

ce qui donne:

c+

Ai Az

= 0,64(1+ p) =C+0,64(1+p)/p

A3

=C-O,M

I1 est remarquable de constater que le coefficient A3 est constant quel que soit le chemin de déformation suivi et que de plus, pour la valeur recommandée de C = 1,66 il est très voisin de 1. Dans la plupart des cas nous pourrons donc faire l’approximation: E;

!x E

T.

La représentation à l’aide des coefficients Ai fait apparaître une discontinuité dans la définition du terme A2 en déformation plane ( p = O ) . Aussi la représentation suivante est-elle introduite pour pallier ce phénomène:

(V.12) où

E?

est la plus grande déformation principale imposée à l’infini.

Les coefficients Bi découlent très simplement des coefficients Ai e t l’on obtient :

Bi = C & ? / ~ ï + 0 , 6 4 ( l + p )

Physique et mécanique d e l’endommagement

204 soit :

Bi = C + O , 6 4 ( 1 + p ) Bz B3

=C

+

+

O, 64 (1 p ) =-(C-O,64)(1+p)

Cette fornie linéaire approche la forme complète avec une approximation inférieure à 5 % pour le domaine -0’5 5 p 5 1; l’erreur maximale commise peut atteincire 10 % dans le domaine -1 5 p 5 -0’5. Ces équations de croissance de la cavité permettent de vérifier que la dilatation volumique ne dépend pas du coefficient C,ce qui est évident par définition puisque C est relié au terme de changement de forme sans changement de volume. En effet:

d’où

&\;+&;+E:

=1,92(1+p)~y.

On vérifie de plus que lors d’une déformation en cisaillement ( p = -1) il n’y a pas accroissement de volume de la cavité ce qui est normal d’après le modèle général car dans cette déformation c,” = O e t v = O. La forme linéaire introduite ci-dessus présente l’avantage très intéressant de pouvoir être introduite facilement dans les calculs analytiques. Nous utiliserons donc le modèle de croissance sous la forme:

avec les valeurs précédemment calculées pour les Bi ou sous la forme

avec ce qui donne en particulier pour la croissance volumique de la cavité E”

= CE: = - 1 , 9 2 ~ 3

(V.13)

et permet d’obtenir une loi de croissance unique ne dépendant pas du chemin de déformation mais seulement de la déformation ET. Modèle de Budianskv et al. J1982): Dans ce modèle, la matrice a un comportement visqueux, la cavité et le chargement sont supposés axisymétriques comme le montre la figure V. 13 dont les notations seront utilisées dans la présentation suivante. Le comportement de la matrice est régi par l’équation:

avec

205

Croissance de l’endommagement

Fig. V.13. - Schéma de la cavité axisymétrique étudiée par Budiansky et al. (Mechanics of Solids, Pergamon Press, 1982).

où U O ,€ 0 e t m sont des coefficients constmts identifiés par exemple en traction uniaxiale, cas dans lequel on obtient simplement:

6 = €0 (u/uo)l’m Le coefficient q est analogue à un paramètre de viscosité e t un comportement newtonien correspond à m = 1 alors qu’un comportement rigide parfaitement plastique est obtenu pour m = O.

Cas d’une matrice de COmnortement newtonien: L’originalité du modèle réside dans ce cas dans la formulation générale utilisée. La vitesse de croissance i, de la cavité peut être reliée aux contraintes appliquées par

ug = Q,jk&,

soit

u, = Qi,

où Q est le tenseur croissance de l’endommagement. Le comportement de la matrice aurait pu de même être écrit sous la forme:

UT =

LijkIZg

soit

u = LE,.

Les deux tenseurs de comportement Q et .L peuvent être reliés par:

soit

Q=L-LS

Physique et mécanique d e l’endommagement

206

où S désigne le tenseur d’Eshelby (Budiansky e t al., 1982). Ce tenseur relie la déformation d’une inclusion contrainte par la matrice environnante ( E ~ à) la déformation qu’elle subirait en l’absence de la matrice ( E T ) :

Le tenseur S a été complètement calculé par Eslielby (1957). Les termes intéressants dans ce calcul axisymétrique sont donnés par:

8~ ( 1 - V ) 5’3333 = 3a21aa

+ ( 1- 2

~Ia)

8~ ( 1 - V ) s3311 = 3b2Iab - ( I - 2V) I a 8~ ( 1 - V ) si133 = 3a21ab - ( 1 - 2Y) It, 8 ~ ( 1 - ~ ) S 1 1 1=13 b 2 1 b b + ( l - 2 V ) I b 8 ~ ( 1 - ~ ) S 1 1 2=23 b 2 1 b c - ( 1 - 2 V ) I b où v est le coefficient de Poisson de la matrice. Dans ces relations,

Pour un matéria,u incompressible v = 1 / 2 . En reportant la valeur de S dans l’expression déterminant la croissance de la cavité, on obtient: U

7- =

a

+

+

X2 [(6 - 5p CX) S 2 (CX - 2 p ) TI Ga [2X2 /3 ( 1 - A’)]

+

et

où S et T sont les contraintes exercées à l’infini suivant l’axe de révolution de la cavité et dans le plan perpendiculaire à cet axe, respectivement (Fig. V . 1 3 ) et où

p = Ib /2T a = X2 ( 3 p - 2 ) /

(A2

- 1) .

Croissance de l’endommagement

207

Pour être comparées aux modèles précédemment présentés, ces expressions doivent être exprimées en termes de changement de volume et d’excentricité sous la forme:

if

qv= .

A2

+

s+

[ ( 2 a - 3p) 2aq 2 a [2X2 p (1 - XZ)]

+

(V.14)

3X3 [ ( 2 - p) s - 2 p q X3 [ ( 2 - Pl s - 2PTI ou encore dA 2 a ( S - T ) [2X2 p(1- A’)] = 2 a [ 2 P + p (1 - P)] dFm

+



(V.15) Dans le cas particulier d’une cavité initialement sphérique,

X = l

2 3

p=-

d‘où

et

2 a=5’

On obtient alors:

v

3 = -600 v 4 m . 5 qX = -6, G où 6, = S - T est un scalaire représentatif de l’amplitude du déviateur des contraintes, et urn désigne la contrainte moyenne, soit ici UR = ( 2 T + S ) / 3 . Ce résultat peut aussi s’écrire en fonction de la vitesse de déformation suivant l’axe de révolution de la cavité sous la forme: 7-

3S+2T. _V -- -V

4 s - T

96: &Co 4 600

= --

5. x = -&m. ’

2

Ce modèle peut donc être utilisé pour prévoir la croissance asymptotique d’une cavité initialement sphérique placée dans une matrice visqueuse linéaire et soumise à différentes sollicitations axisymétriques. Les résultats obtenus sont résumés sur la figure V.14. La cinétique d’évolution de la cavité est présentée sur la figure V.15 pour différents cas de chargement. Les calculs précédents peuvent aussi être appliqués au cas d’une cavité initialement cylindrique sollicitée de façon axisymétrique et l’équation (V.1) de McClintock (1968) et alors retrouvée dans le cas d’une matrice de comportement rigide parfaitement plastique.

Cas d’une niatzice de comnortement visqueux non linéaire: Le problème plus géiiéral de la croissa,nce d’une cavité sphérique située dans une matrice a été abordé par les mêmes auteurs dans le cas axisymétrique. Le champ de vitesse autour de la cavité doit obéir au principe de Hill (19G5), qui consiste % minimiser la fonction @ définie par:

Physique e t mécanique de l’endommagement

208

VALEURS ASYMPTOTIQUES V/Vo X=o/b o/oo Wb,

1,264 Q

Q

0

Fig. V.14.

-

Q

-

- -

-

FORMES ASYMPT.

0

AIGUILLE

O

AIGUILLES

0,7942

CYLINDRE

03

CYLINDRES

O

AIGUILLES

Géométries asymptotiques de cavités initialement sphériques (Budiansky et al., 1982).

où S est la surface extérieure entourant le volume V de matière autour de la cavité et

On notera que ce principe variationnel généralise celui utilisé par Rice et Tracey. Dans le cas général, seule une solution numérique peut être obtenue, fondée sur une méthode de Rayleigh-Ritz. La figure V.16 présente les résultats de croissance volumique d’une cavité en présence d’une faible ou forte triaxialité. La figure V.17 présente l’évolution de sa forme. Dans le cas des fortes triaxialités, le fait de négliger le changement de forme de la cavité permet un calcul analytique qui conduit à I’équation:

--

-

+ (1 - m ) (1 + O, 418m + a0,014m)

>I

(V.16)

209

Croissance de l’endommagement

(cl

(LdL)_

(LIL,),

Fig. V.15. - Variations de volume d’une cavité. (a) Croissance: évolution d’une forme de sphère à une forme d’ellipsoïde allongé ( S > O, S > 4T) ; (b) Croissance: évolution d’une forme de sphère à une forme d’ellipsoïde aplati (T > O, O < S / T < 1); (c) Décroissance: évolution d’une forme de sphère à une fissure ( S < O, S < T ) ;(d) Décroissance: évolution d’une forme de sphère à une forme d’ellipsoïde allongé (T < O, S > T ) ;(Budiansky e t al., Mechanics of Solids, Pergamon Press, 1982); [cf. p. suivante].

210

Physique et mécanique d e l'endommagement

Fig. V.lG. - Vitesse de croissance volumique d'une cavité sphérique située dans une matrice de comportement visqueux non linéaire pour une trimialité faible (a) ou élevée (b) (Budiansky et al., Mechanics of Solids, Pergamon Press, 1982).

-1 /

4

Fig. V.17. -- Rapport de forme de la cavité aux grandes déformations ( E , -+CO) en fonction du rapport SIT (Budiansky et al., Mechanics of Solids, Pergamon Press, 1982).

Croassan ce de 1 ’end o m m a g em e n t avec

211

a=sgn(aE/a,)

Pour m = O, on retrouve l’équation (V.8) de Rice et Tracey (1969).

111.3. SYNTHÈSE DES MODÈLES PRÉSENTÉS Comme le montre la présentation de ces modèles, aucun d’entre eux ne décrit d’une façon générale la croissance d’une cavité, même modélisée par un ellipsoïde quelconque, dans une matrice écrouissable et soumise à un état de contrainte complexe. Les modèles présentés sont complémentaires et apportent chacun une réponse partielle au problème. Le modèle de Budiansky, Hutcliinson et Slutsky est relativement général, il englobe pour certains cas les deux autres modèles présentés, mais présente l’inconvénient important de ne prendre en considération que des formes de cavités et surtout des chargements axisymétriques. Le modèle de Rice e t Tracey permet de résoudre analytiquement tous les cas de chargement mais seulement pour une cavité sphérique; par ailleurs il n’est pas tenu compte de l’écrouissage et le modèle est développé dans une approximation de forte triaxialité des contraintes. Le modèle de McClintock tient compte des propriétés d’écrouissage de la matrice; il est valable pour tous les cas de chargement mais ne résout que le problème bidimensionnel d’une cavité cylindrique. Pour un domaine de contraintes appliquées courant, allant par exemple de la traction uniaxiale à l’expansion équibiaxiale, il est intéressant de comparer les facteurs de croissance volumique de la cavité définis par:

i v

a, = --

- v Eco

(repères a: pour la traction uniaxiale, et a E, pour l’expansion équibiaxiale). Le tableau V.2 présente les valeurs obtenues: Tableau V.2.

I

Modèle

I

T a”

E

a”

(*) donnés pour une déformation de Ë = O, 2. Des déterminations expérimentales de la variation relative de densité d’un échantillon déformé de Ë = O, 2 donnent:

Physique et mécanique d e l'endommagement

212

- en traction uniaxiale: -Ad / d = O, 5 x - en déformation équibiaxiale: -Aà / d = 1 , 2 x

La détermination du facteur de croissance a , associé, nécessite la connaissance de la fraction volumique initiale de cavités. Sa détermination par microscopie quantitative donne:

f," = 1 , 7 x

f,"

4 4

1,7x 1 0 - ~ 1,29 2,67

f5 x

2,s x 1 0 - ~

O, 98 2,lO

1, 1 x 1 0 - ~ 1,87 3,69

Nous pourrions conclure que le modèle de Rice et Tracey, prenant en compte des facteurs de croissance calculés par Budiansky, Hutchinson e t Slutsky pour les faibles triaxialités et intégrant l'écrouissage à la manière de McClintock pourrait être, dans l'état actuel de nos connaissances, un bon compromis.

CHAPITRE VI

Observations et modélisation du stade final de la rupture ductile

La lecture des chapitres précédents montre que, contrairement au cas du clivage par exemple, la rupture ductile intervient à la suite d’un phénomène d’endommagement continu. Des cavités apparaissent dans la matière (cf. chap. IV) puis croissent (cf. chap. V). Dans une dernière étape, la rupture se produit par un phénomène qui porte le nom de coalescence des cavités. Ce phénomène fait l’objet de ce chapitre. Celui-ci commence par la description des observations expérimentales puis se poursuit par la présentation de leur exploitation en vue de modéliser ou tout au moins, de prévoir la rupture par des critères appropriés. La description qui suit du phénomène de coalescence des cavités se veut générale. Cependant la plupart des études entreprises s’intéressent à un domaine limité des états mécaniques possibles. Cette remarque s’appliquerait bien à l’ensemble de ce livre mais elle prend un relief plus particulier dans ce chapitre. En effet, l’étude de la rupture est en général abordée de façon un peu différente par les auteurs qui s’intéressent à l’emboutissage des tôles minces, à la propagation de la déchirure ductile, à la rupture en cisaillement pur ou à la compression de cylindres. En théorie, dans tous les cas, le processus physique menant à la rupture est à peu près le même. Néanmoins, i’histoire mécanique est très différente, aussi les critères élaborés varient-ils selon les cas. Que ce soit dans la première partie traitant de la description des phénomènes ou dans la seconde où les critères de rupture sont examinés, il sera nécessaire de faire des distinctions suivant le mode de sollicit at ion mécanique. Etant donné le caractère partiel et spécifique de tous ces critères de rupture, des approches plus générales se sont récemment développées; elles reposent essentiellement sur la plasticité des milieux poreux dont certains éléments sont présentés dans la troisième partie de ce chapitre. Le but n’est pas ici de décrire le comportement local d’une ou de quelques cavités et de la matrice environnante, le problème étant en général complexe et ne pouvant être décrit que pour des chemins de déformation ou de contrainte particuliers. Ces approches considèrent un matériau poreux macroscopique et on cherche à définir dans ce pseudo-continuum matrice-microcavités, l’influence de la porosité sur les propriétés macroscopiques. La troisième partie de ce chapitre ne présentera essentiellement que les applications de la plasticité des milieux poreux comme approche pour prévoir la rupture.

214

I.

Physique et mécanique d e l’endommagement

OBSERVATIONS EXPÉRIMENTALES.

De très nombreuses expériences de rupture ductile ont été réalisées sous lcs niodes de sollicitation les plus divers. Cependant, les essais permettant de se faire une idée plus précise de ce qui se passe au cours du phénomène de rupture sont moins nombreux car plus délicats. I1 n’est pourtant pas inutile de tirer de la masse des essais disponibles un certain nombre de points caractéristiques de la rupture ductile. Nous analyserons ensuite les données macroscopiques et microscopiques sur ce stade ultime de l’endommagement ductile. 1.1.

CARACT~RISTIQUES DE L A RUPTURE

DUCTILE.

Ce mode de rupture est commun à un grand nombre de matériaux. Le mode d’endommagement correspondant a été décrit en détail au cours des chapitres précédenh. Seules certaines caractéristiques sont rappelées ci-dessous.

( a ) Influence très importante de la teneur inchsionnaire. Cas des inclusions sphériques Ce point n’a pas besoin d’être longuement évoqué tant il est évident. Nous rappellerons simplement la corrélation bien connue entre ductilité en traction simple et teneur inclusionnaire (Edelson et Baldwin, 1962). Assez curieusement, le nombre d’inclusions semble, à teneur égale, avoir peu d’effet. Toutefois, dans la pratique, beaucoup de matériaux ont deux populations d’inclusions. Les unes, relativement grosses proviennent du processus d’élaboration (oxydes, sulfures de manganèse, etc.), les autres beaucoup plus fines, sont présentes à dessein dans la matrice pour la durcir. Ce seront, par exemple, les petits carbures disséminés dans un acier ferritique ou les précipités qui apparaissent dans certains alliages à durcissement structural tels que les alliages d’aluminium, les aciers maraging, certains alliages à base de nickel ou les aciers à dispersoïdes. I1 semble que la ductilité soit plutôt liée à la teneur en inclusions de la première famille. Néanmoins, pour une même fraction volumique de ces inclusions, des ductilités différentes peuvent être obtenues en changeant la structure de la matrice par un traitement thermique par exemple.

( b ) Influence très zmporianie d e la forme des parîicules et du sens d e prélèvement. Cas des parlzcules non sphérzques Beaucoup de matériaux sont isotropes, du point de vue de leurs caractéristiques mécaniques (module d’Young, limite d’élasticité, contrainte d’écoulement, etc.) mais présentent une anisotropie marquée des déformations à rupture. Dans le cas de tôles d’aciers laininés par exemple, la ductilité en traction perpendiculairement au plan de la tôle est bien plus faible qu’en traction parallèlement au plan de la tôle. Des études métallurgiques ont relié

Observations et modélisation du stade final d e la rupture ductile

215

la surface projetée des inclusions sur le futur plan de rupture, à la ductilité en sens travers court (Bernard et al., 1977).

(c) Influence importante de la triaxaalité des contraintes Depuis les travaux de Bridgman (1952), il est bien connu que la superposition d’une pression hydrostatique (ou contrainte hydrostatique) élevée augmente considérablement la ductilité des matériaux. Inversement, en raison du caractère triaxial des contraintes, la ductilité d’une éprouvette entaillée est très inférieure à celle d’un barreau lisse. En conséquence, la déformation, seule, ne peut être un critère de rupture suffisant.

( d ) Influence du trajet de chargement Ce point est particulièrement bien mis en évidence dans le câs des courbes limites de formage. En effet, le lieu de rupture dépend du trajet de chargement choisi. La coiinaissance des contraintes et des déformations au moment de la rupture ne permet pas, à elle seule, de prédire la rupture. Toute l’histoire mécanique intervient. L’ensemble de ces remarques ne constitue pas une définition de la rupture ductile. I1 est cependant important de les souligner avant d’aborder l’étude proprement dite de la rupture ductile. 1.2.

EVOLUTION DES GRANDEURS MACROSCOPIQUES JUSTE AVANT LA RUPTURE: U N PHÉNOAIÈNECATASTROPHIQUE.

La rupture d’une pièce correspond bien sûr à la séparation en deux parties. Cette définition est différente de celle de ruine d’une structure. En effet, si la ruine peut être liée à la rupture, elle peut aussi intervenir avant ou, au contraire, ne pas intervenir après une rupture. Ainsi, le flambage d’une structure constitue un mode de ruine mais n’entraîne pas forcément une rupture. De même, la rupture d’une pièce n’entraînera pas nécessairement la ruine d’une structure hyperstatique. L’analyse de l’évolution des grandeurs macroscopiques juste avant la rupture permet d’estimer le stade final de l’endommagement (cf. chap. III). D’une manière générale, que la mesure soit faite par l’intermédiaire des p r e priétés élastiques, de la densité, ou par mesure directe des cavités, une variation très rapide de l’endomniagement est observée juste avant rupture. Ceci souligne le caractère très instable du phénomène malgré l’évolution continue de l’endomniagement dans le matériau. Ainsi, dans une éprouvette de traction, le début de la rupture correspond à une brusque variation de la pente de la courbe ( P , @ )où P est la charge et @ le diamètre minimum mesuré en continu à l’aide d’un capteur. La valeur moyenne de la contrainte dans la section minimale 4 P / x Q 2 passe alors par un maximum. I1 est très difficile de décharger l’éprouvette après ce point sans la rompre car le phénomène devient extrêmement rapide; cette opération est

216

Physique et mécanique d e l’endommagement

néanmoins possible dans certains cas. Les phénomènes physiques conduisant à la rupture peuvent ainsi être analysés par métallographie. 1.3.

DESCRIPTION MACROSCOPIQUE

DE LA

RUPTURE.

L’examen des surfaces polies ainsi que l’inspection visuelle des surfaces de rupture montrent que la rupture prend une forme un peu différente suivant le mode de sollicitation considéré. Ainsi, une éprouvette de traction simple déchargée juste avant rupture présente, dans la plupart des cas, dans s a section minimale située au milieu de la zone strictionnée, une fissure lenticulaire perpendiculaire à la direction de traction, tandis que des zones très déformées inclinées à 45’ par rapport à l’axe de traction s’étendent du contour de la fissure centrale vers les bords libres de l’éprouvette (Fig. VI.1). Dans certains matériaux, la fissure centrale est pratiquement inexistante et la rupture peut se produire entièrement par un phénomène macroscopique de cisaillement. Le processus est le même dans le cas d’une éprouvette entaillée, la fissure centrale occupant, en général, une fraction plus importante de la surface de rupture. A la limite, le stade final de la rupture ductile d’une éprouvette fissurée correspond à la propagation, sous chargement monotone, d’une fissure initiale (Fig. VI.lb). Lorsque certaines conditions de chargement e t de résistance à la déchirure ductile sont réunies, la propagation de la fissure peut devenir instable tout en conservant un caractère ductile. La surface de rupture est macroscopiquement normale à l’effort de traction. Néanmoins, même dans ce cas, des zones très déformées aboutissant à un bord libre peuvent apparaître si le front de fissure coupe une surface libre, notamment si la structure est peu épaisse. A l’inverse, dans le cas de l’emboutissage d’une tôle mince, la rupture se produit plutôt par création d’une zone de cisaillement intense dans la striction de la tôle, bien que le cas de fissures puisse être aussi rencontré (Fig. VI.2) de même que pour un essai de torsion pure. Dans le cas particulier de l’essai de compression simple, des fissures orientées à 45’ ou O’ par rapport à l’axe de compression suivant l’état de contraintes, sont créées sur la partie bombée du cylindre et conduisent à la rupture de l’échantillon (Fig. VI.3). Dans chaque cas, le faciès de rupture est de type ductile et on note la présence de lèvres ductiles correspondant à la rupture des zones très déformées; une partie de la surface est normale à l’effort de traction maximale et présente un aspect mgueuz, tandis que, près des bords, les lèvres ductiles suivent les plans de cission maximale. Le faciès y est macroscopiquement un peu moins rugueux et souvent de couleur légèrement plus claire. Les figures VI.l, 2 e t 3 présentent quatre macrographies de rupture ainsi que les faciès de rupture correspondants. D’après ce qui précède, il semblerait que deux modes de rupture coexistent dans des proportions variables: l’un, normal à l’effort, l’autre correspondant ii la création d’une zone de concentration de la déformation en Cisaillement. Le premier type pourrait s’appeler: déchirure ductile (tearing mode) tandis que l’autre serait nommé formation de lèvres ductiles (shearing mode). Cependant au niveau microscopique, la différence entre ces deux modes est moins accentuée.

Observaiions et mqdélisation du stade final d e la rupture ductile

217

Fig. V I . l . - Rupture dans une éprouvette de traction entaillée. (a) Section polie juste avant rupture; (b) Représentation schématique du mode de rupture; (c) Surface de rupture.

218

Physique et mécanique de l’endommagement

(c) Fig. VI.2. - Rupture d’une tôle mince (French et Weinrich, Metallurgical Transactions, 1977 et 1979). (a) et (b) Exemples de coupes polies obtenues avant rupture; (a) cuivre, (b) acier doux; (c) surface de rupture d’un acier doux.

Observations et modélisation du stade final d e la rupture ductile

219

--t--

I

I

l I

Fig. VI.3. - Rupture d’un cylindre en compression (Moussy et Roesch, 1982). (a) et (b) Aspect de la surface avant rupture (axe de compression horizontal); (c) Surface de rupture; (d) Représentation schématique de l’essai de compression.

1.4.

ANALYSES MICROGRAPHIQUES.

I1 est intéressant de préciser ce qu’on appelle rupture ductile. S’agitil de la séparation des deux parties d’un échantillon ou de la création, par mécanisme ductile, d’une fissure ou d’une bande de déformation intense? D’un point de vue pratique, la première définition s’impose. Cependant du point de vue théorique, la seconde permet une meilleure compréhension des phénomènes. L’analyse micrographique d’échantillons déchargés juste avant rupture n’est pas chose facile car le phénomène se produit très rapidement. Cependant, les observations disponibles permettent une description du phénomène. A l’origine de la rupture ductile ou de la formation des lèvres

Physique et mécanique de l’endommagement

220

ductiles, se situe un phénomène physique pratiquement identique. Une bande où la déformation est très intense relie deux cavités entre elles (Fig. VI.4). Ces deux cavités se mettent à croître de façon exagérée dans la direction de la bande. Cette croissance est très rapide et les cavités sont vite reliées par une fissure. Dans beaucoup de cas, les bandes apparaissent entre de grosses cavités créées à partir d’inclusions non métalliques: oxydes ou sulfures de manganèse par exemple dans le cas des aciers. Les fins précipités de la matrice, tels que les carbures ou d’autres particules durcissantes présentes dans la bande donnent alors, eux auesi, naissance à des microcavités qui transforment la bande en fissure. I1 est également possible que certaines de ces microcavités existent déjà autour des grosses cavités et qu’elles provoquent la formation de la bande. Suivant les conditions mécaniques et métallurgiques, une bande de déformation localisée peut s’étendre à l’ensemble du matériau, ou bien en progressant de cavité en cavité, une fissure se propagera en zigzag tout en restant macroscopiquement normale à l’effort de traction. L’ensemble du phénomène porte le nom de coalescence des cavités. Les raisons profondes qui font que la rupture finale présente plus ou moins de lèvres ductiles ne sont, à l’heure actuelle, pas très bien connues. C’est pourquoi, nous nous limiterons essentiellement au début du phénomène de coalescence.

Fig. VI.4. - Coalescence de cavités. Axe de traction vertical (sens travers-court).

1.5. ANALYSE DES

SURFACES DE RUPTURE.

L’analyse des surfaces de rupture au microscope électronique à balayage ou au microscope électronique en transmission en utilisant la technique des répliques confirme ce point de vue. L’ensemble de la surface est recouvert

Observations et modélisation du stade jînal d e la rupture ductile

22 1

de cupules. Chaque cupule correspond, en principe, à une inclusion. En prenant des précautions, il est possible de trouver des inclusions dans chacune des cupules sur l’une ou l’autre des surfaces de rupture. Dans beaucoup de cas, deux populations de cupules sont visibles: d’une part, de grosses cupules correspondant aux grosses inclusions non métalliques; d’autre part, des cupules plus petites dues à une seconde population plus fine. La mesure du diamètre moyen des cupules comparé à celui des inclusions donne une idée d u taux de croissance des cavités à rupture. Ce taux varie suivant les conditions mécaniques: il grandit lorsque la triaxialité des contraintes s’accroît (Lautridou, 1980). Une méthode permettant d’observer l’état d’avancement de la rupture ductile dans les matériaux ferritiques consiste à provoquer la rupture à la température de l’azote liquide du métal préalablement déformé et endommagé. La surface de rupture montre alors des cupules au milieu du clivage. Juste avant rupture, celles-ci sont, en moyenne, plus petites que celles observées sur la surface de rupture finale. I1 est également possible d’estimer la croissance moyenne des cavités juste avant rupture à partir des formules approchées de croissance des trous développées au chapitre V.Les taux de croissance ainsi que les fractions volumiques calculées sont relativement faibles. Là encore, les valeurs obtenues dépendent des conditions mécaniques, bien qu’assez faiblement. Notons toutefois que ces estimations doivent utiliser les contraintes et déformations calculées. Ceci nécessite une analyse mécanique précise. A partir de cet ensemble d’observations, une image de la rupture ductile se dessine. Celle-ci est d’abord obtenue par un phénomène local de coalescence des cavités qui peut se produire pour une fraction volumique de cavités relativement faible. Les conditions mécaniques ont une certaine influence sur le déclenchement et l’orientation du processus. Lorsque la coalescence se produit sur une échelle suffisante, les événements se précipitent, les cavités croissent rapidement, la déformation se localise, ies particules de seconde phase éventuellement présentes dans la matrice donnent lieu à un endommagement important. Tout ceci mène à la rupture finale de la pièce considérée. La coalescence des cavités est un phénomène encore mal connu. Des résultats qualitativement différents sont obtenus suivant les conditions mécaniques extérieures. C’est pourquoi, les critères de rupture développés varient suivant les modes de sollicitation. Dans ce paragraphe consacré aux faciès de rupture ductile, il faut mentionner que leur observation à fort graiidissement (microscopie électronique à balayage ou en transmission sur répliques) est le seul moyen de déterminer de facon certaine la nature ductile ou fragile de la rupture. En effet, dans certains cas, la courbe de traction peut se limiter à une portion de la droite élastique, la rupture survenant lors de la montée élastique c’est-à-dire sans allongement plastique macroscopique apparent. L’examen de la rupture révèle cependant un faciès entièrement ductile constitué de cupules amorcées sur des inclusions et ne présentant ni clivage ni rupture intergranulaire. C’est le cas des ruptures par traction effectuées perpendiculairement au plan d’une tôle forte très riche en inclusions déformables à chaud.

222

II.

Physique et mécanique d e l’endommagement

PRÉVIÇION DE LA RUPTURE DUCTILE. MODÉLIÇATION.

Beaucoup de critères ont été proposés pour prédire la rupture en général et la rupture ductile en particulier. La majorité d’entre eux ont été déduits de travaux expérimentaux et ont un champ d’utilisation limité. Beaucoup sont spécifiques d’un type de sollicitation (fissure, formage des tôles, traction, etc.) et n’ont pas l’ambition de constituer une description des phénomènes physiques conduisant à la rupture. Puisque ce livre traite essentiellement d’endommagement, l’analyse qui suit concernera plus particulièrement les critères fondés sur des équations d’évolution de l’endommagement en séparant, de plus, les théories où l’endommagement est incorporé dans les lois de comportement du matériau. En fait le phénomène de rupture n’apparaît pas dans les équations classiques de la mécanique. Celles-ci décrivent bien: - la compatibilité, l’incompressibilité et l’équilibre, - l’écoulement du métal ou relation entre l’évolution des contraintes et des déformations, loi de normalité par exemple, - l’écrouissage ou évolution des propriétés du métal au cours de la déformation, par exemple: @ = f ( E ) . Cependant, toutes ces lois n’ont pas de fin; aucune ne contient l’information qui permet de prévoir la rupture. L’instabilité ou localisation de la déformation peut être abordée mais la séparation en deux parties d’une éprouvette ou la naissance d’une fissure sont imprévisibles. Afin de résoudre partiellement ce problème, différentes tentatives ont été réalisées. On peut distinguer quatre classes d’approches différentes. (i) Critères de rupture ductile ne faisant pas intervenir l’endommagement. I1 s’agit essentiellement d’approches macroscopiques traduites sous forme de courbes limites oc d’approches globales. (ii) Critères de rupture ductile faisant intervenir l’endommagement sous une forme simplifiée. L’influence des grandeurs mécaniques est introduite de façon intuitive à partir des observations expérimentales présentées en V.I. Les bases physiques quantitatives n’existent pas. (iii) Critères de rupture ductile faisant intervenir explicitement l’endommagement du matériau par le biais de considérations géométriques ou mécaniques concernant les microcavités et la matrice environnante. Des bases physiques existent. (iv) Approche globale par la plasticité des milieux poreux couplée à un critère de rupture, d’instabilité locale ou plus exactement, de ruine de la matière par effondrement ou évanouissement des propriétés mécaniques. Un sens physique précis est alors présent. Dans le paragraphe VI.11, seules les approches (i), (ii) et (iii) seront présentées; l’approche (iv) relative à la plasticité des milieux poreux formant à elle seule un tout homogène et très général sera présentée dans le dernier paragraphe VI.111.

Observations et modélisation du stade final d e la rupture ductile

11.1.

CRITÈRES DE

223

RUPTURE N E FAISANT PAS INTERVENIR L’ENDOMMAGE-

MENT.

Devant la complexité du problème, description microscopique du comportement des cavités et de leur interaction ou description macroscopique à l’aide de nouvelles lois mécaniques intégrant la porosité, les industriels et certains mécaniciens ont cherché à caractériser les déformations e t contraintes limites à rupture à l’aide de courbes. Ces approches sont purement macroscopiques et descriptives. Elles ne peuvent intégrer précisément l’effet de la microstructure et des mécanismes d’endommagement. Néanmoins elles sont simples et ont déjà rendu de grands services, en emboutissage par exemple. En contrepartie, leur simplicité implique que ces notions ne sont valables que pour des évolutions de contraintes et de déformations bien particulières, parfois fort éloignées de celles rencontrées industriellement en mise e n forme. Le cas de la résistance à la fissuration présenté ici est, dans l’esprit, différent des deux premiers. Une grandeur mécanique globale e t unique caractérise cette résistance. (a)

Courbe intrinsèque

On peut imaginer des critères de rupture sous forme de courbes enveloppe dérivant Q’une analyse semblable à celle développée par Mohr-Caquot. Le cercle de Mohr des contraintes doit devenir tangent à une courbe intrinsèque pour que la rupture se produise. Une rupture ductile de distinguera d’une rupture fragile par une pente plus faible de la courbe intrinsèque au point de contact cercle de Rfohr-courbe intrinsèque (Fig. VI.5).

cercle de Mohr

\

courbede

on



Fig. VI.5. - Courbe intrinsèque de Mohr-Caquot. Le critère prédit une forte dépendance en fonction du taux de triaKialité. Par contre, il semble indépendant du chemin parcouru. De plus, l’enveloppe est très difficile à obtenir expérimentalement. L’intérêt pour ce genre de critère

224

Physique et mécanique de l’endommagement

est cependant, toujours actuel. Par ailleurs, seules les contraintes interviennent. Or, en rupture ductile, les contraintes varient peu pour un incrément de déformation donné en raison du coefficient d’écrouissage faible dans la plupart des matériaux plastiques. 11 a donc été tenté d’écrire un critère exprimé en déformation car la précision est supérieure.

( b ) Courbe lamiie d e f o r m a g e à rupture Dans le cas du formage des tôles ainsi que dans la déformation de cylindres, on utilise souvent une courbe limite de formage à la rupture (Goodwin, 1968; Grumbach et Sanz, 1972; Jalinier, 1981). Il s’agit dans le premier cas d’une sollicitation définie par deux déformations dans le plan. Dans le second cas, la rupture se produit à la surface bombée des cylindres comprimés. I1 s’agit donc toujours d’un problème en contraintes planes qui peut être défini localement par deux déformations ( E I ,E Z ) dans un plan, ~1 étant la plus grande déformation principale sur la surface libre e t E Z la plus petite déformation principale sur cette même surface (Fig. VI.6). L a courbe de rupture est caractéristique d’un matériau et est définie dans le plan ( E ~ ~, 2 , )il faut souligner les grandes difficultés rencontrées pour mesurer des déformations à rupture dans une zone à déformation très localisée ou non plane. En principe, la rupture est obtenue lorsque le chemin de déformation suivi atteint la Y = 1.54 nzo.222

Q3-

QZ0.1. €2

Observations et modélisation du stade final d e la rupture ductile

225

courbe limite à rupture. Les courbes sont établies pour des chemins linéaires de déformation ( ~ 1= Ilsz) et perdent d’ailleurs beaucoup de leur signification quand les axes principaux de déformation subissent des rotations, l’espace des déformations n’étant alors plus défini. De plus, de nombreuses études ont montré que la rupture dépendait du chemin suivi. Ce type de courbe permet essentiellement une représentation pratique d’essais de formage à froid et peut être utilisée pour prédire la rupture au cours d’essais semblables, essai de compression de lopins cylindriques par exemple. (e)

Critère en pointe de fissure

Dans le cas très particulier de la propagation d’une fissure par déchirure ductile du matériau, des critères de rupture spécifiques se sont développés. Des calculs d’élasticité non linéaire permettent de dégager la notion d’intégrale J . Celle-ci caractérise le champ de contrainte et de déformation à la pointe d’une fissure sollicitée en déformation plane et en mode I (Hutchinson, 1968; Rice et Rosengreen, 1968). Par analogie avec K I , en mécanique linéaire de la rupture, on définit J I , comme la valeur de J à l’amorçage de la déchirure ductile. La croissance ultérieure de la fissure, sous chargement monotone, est, en principe, donnée par une courbe intrinsèque reliant la valeur de J à l’avancée Au de la fissure (Fig. VI.7). Ce critère est d’un grand intérêt pratique. Il suppose cependant que les paramètres mécaniques près de la pointe de fissure ne dépendent du chargement extérieur qu’à travers J. Ceci impose des conditions sur la géométrie du problème qui peuvent ne pas être respectées. J

JI,

période de formation de la zone étirée

Fig. VI.7. 11.2.

- Courbe

(J,Aa) de résistance à la fissuration ductile stable.

C R I T È R E S D E RUPTURE FAISANT INTERVENIR L’ENDOMMAGEMENT

sous

U N E FORME SIMPLIFIÉE.

Ces critères ne reposent pas toujours sur une analyse quantitative de la réalité physique mais tiennent compte qualitativement des constatations

Physique et mécanique d e l’endommagement

226

expérimentales exposées en V.I. Ils sont formulés de façon à donner une grande influence aux grandeurs mécaniques les plus déterminantes pour la rupture: déformation, contraintes dépressives, triaxialité des contraintes par exemple. Comme il a été mentionné dans ce chapitre, les mécanismes de déformation et de rupture ductile sont qualitativement semblables, qu’il s’agisse d’une rupture: 0 apparaissant sur une surface libre (compression de cylindre); 0 d’un produit mince (tôle en emboutissage); 0 accompagnée d’une propagation de fissure. La principale différence est d’ordre mécanique; elle est due essentiellement à la triaxialité des contraintes souvent définie par le rapport om/O.. Les critères présentés ci-dessous sont donc suivant leur conception plutôt applicables: 0 soit à la mise en forme: faible triaxialité 0 soit en pointe de fissure: forte triaxialité. Certains critères sont fondés sur l’hypothèse d’une fraction volumique critique de cavités. En d’autres termes, ces critères tentent de modéliser grossièrement la croissance de la fraction volumique de cavités et la limitent à une valeur critique. Nous excluons de ce paragraphe les modèles fondés de façon précise sur une modélisation de la croissance de trous. Ceux-ci seront étudiés plus précisément au paragraphe suivant. D’une manière générale, tous ces critères auront la forme:

JO”

f(a,E)dÈ=

CY,

(VI.1)

ce qui peut s’interpréter comme une équation d’évolution de l’endommagedC ment D avec dD = f (6, È) - où ÈR est la déformation équivalente de von ff,

Mises à la rupture, a, est une constante du matériau. f (a,E ) est une fonction des contraintes et de la déformation qui dépend du modèle. En général, f ne dépend que d’un invariant des contraintes. Sous cette forme, les critères rassemblent bien les trois avantages de s’exprimer en terme de déformation, de tenir compte de l’effet de triaxialité des contraintes et de dépendre du chemin de déformation suivi. (a)

Criière d e Latham et Cockcroft (1968)

I1 s’écrit: max(q,O)dE=

CY,

(VI.2)

où o I est la plus grande contrainte principale; si elle est négative l’intégrande est nulle. ayant Ce critère ne fait intervenir qu’un seul paramètre ajustable a,, la dimension d’une énergie par unité de volume. I1 donne des résultats raisonnables dans le cas du formage et de la compression de cylindres. Par contre,

Observations et modélisation du stade j h a l d e la rupture ductile

227

il n’est pas utilisé pour des problèmes où la triaxialité des contraintes peut être élevée. Plusieurs variantes de ce critère ont été proposées, par exemple:

1‘”

max (q/ü, O ) dË = pc

(VI.3)

où pc et un paramètre ajustable, dans ce cas sans dimension.

( b ) Critère d’Oyane (1972) Deux variantes ont été proposées pour ce critère (Oyane, 1972; Sekiguchi et al., 1973): (VI.4)

(1)

et

+: O .

ÉCodÉ= bo

(VI.4’)

où ao, bo et cg sont des constantes caractéristiques du matériau. Ces équations sont toutes deux fondées sur des modèles microscopiques. Elles fon; intervenir deux ou trois constantes du matériau. Elles donnent donc souvent des résultats plus précis. Cependant, de même que précédemment, elles s’appliquent surtout à des cas où la triaxialité est relativement faible. ( c ) Critère d e Norris (1978) Ce critère a été développé à partir d’essais sur éprouvettes de traction entaillées et sur structures fissurées. I1 s’applique donc plutôt aux fortes triaxialités. I1 s’écrit:

(VI.5)

( d ) Critère d e ductilité fonction du taux de triaxcialité (Hancock et Mackenzie, 1976) I1 s’agit de déterminer, à, partir d’essais sur des éprouvettes entaillées, une courbe de ductilité en fonction du taux de triaxialité des contraintes. On considère cette courbe comme une caractéristique du matériau. Le critère s’écrit: CR = f (urn/@> (VI.6) si a,/ü, le coefficient de triaxialité des contraintes est constant, CR dc OU

si um/ü, n’est pas constant

’,

JI

f(U**/U>

=

(VI.6‘)

‘Cette dernière équation n’est pas explicitement écrite par les auteurs mais elle découle logiquement de leurs considérations théoriques.

Physique et mécanique de l’endommagement

228

Ce critère est d’une forme suffisamment générale pour pouvoir être employé dans un très grand nombre de cas. La difficulté réside dans la détermination expérimentale de la fonction f (a,/i?) . Remarque relative aux critères de rupture ductile faisant intervenir l’endommagement sous forme simplifiée: les critères de Oyane (1972) et de Hancock e t Mackenzie (1976) sont des critères de porosité critique; en particulier le critère de Oyane sera évoqué à nouveau en VI.111,car il résulte de l’application de la plasticité des milieux poreux. 11.3.

CRITÈRES DE

RUPTURE FAISANT INTERVENIR EXPLICITEMENT L’EN-

DOMMAGEMENT D U MATÉRIAU.

Au chapitre V,nous avons analysé les différents modèles de croissance. Ceux-ci sont utilisés dans les critères suivants. Tout le problème réside dans la limitation physique de cette croissance. La modélisation de la rupture revient alors à écrire une condition faisant intervenir la géométrie des cavités ainsi que, éventuellement, les conditions mécaniques.

(a) Critères fondés sur la géométrie des cavités Les premiers modèles proposés supposent que les cavités croissent jusqu’à se toucher. Ainsi McClintock (1968) donne une formulation de la déformation à rupture eii fonction de la fraction volumique initiale de cavités et de la triaxialité des contraintes: &R =

( 1 - n) ln (Q/2r!3 sinh I(1- n) (a:

+

6%)

/ (2@,/J3)

1

(VI.7)

où n est le coefficient d’écrouissage, 1; et r i désignent le grand axe et le petit axe de l’inclusion elliptique et : a e t ag sont les contraintes principales dans le plan e t ,e la contrainte d’écoulement de la matrice à l’infini. Une variante de ce modèle suppose que les cavités croissent jusqu’à ce que leur plus grande dimension soit égale à leur écartement. Ainsi, Rice et Johnson (1970) ont cherché à prédire l’ouverture critique d’une fissure. De même, Iricibar et al. (1980) ont analysé la rupture d’aciers doux. Toutes ces approches consistent à écrire une condition géométrique pour la coalescence des cavités. Celle-ci est indépendante des conditions mécaniques à l’instant de la rupture. Dans le cadre d’une croissance de cavité isotrope (cas des fortes triaxialités), cela revient à supposer un taux de croissance critique des cavités. Celui-ci est lié aux paramètres de la distribution inclusionnaire. Ce concept d’un taux de croissance critique ou d’une fraction volumique critique a été suggéré par de nombreuses études. Les modèles précédents nécessitent des fractions volumiques de cavités relativement importantes au moment de la rupture (de l’ordre de 50 % ). Des considérations statistiques sur lesquelles nous reviendrons, conduisent à penser que cette valeur n’est atteinte que très localement et que la fraction

Observations et modélisation du stade final d e la rupture ductile

229

volumique moyenne de cavités au moment de la rupture est environ dix fois plus faible. Les estimations expérimentales des fractions volumiques moyennes à rupture donnent, dans certains cas, des résultats conformes à cette prédiction. Cependant, dans de nombreux cas, les chiffres sont beaucoup plus faibles (entre 0 , l % et 1 % ). Ceci est surtout rencontré dans les cas où il existe une deuxième population de toutes petites particules de seconde phase durcissant la matrice. Dans ce cas, Beremin (1980) a suggéré que le taux de croissance des cavités au moment de la rupture est une constante du matériau indépendante des conditions mécaniques. Ce critère, dans le cas des triaxialités élevées, conduit à des prédictions raisonnables.

(b) Cn’tères faisant intenienar les conditions mécaniques D’autres modèles tentent de déterminer les conditions entraînant la coalescence à partir de considérations mécaniques. Ce phénomène est attribué à un mécanisme de striction interne des pédoncules situés entre les trous. Cette approche a le mérite d’attirer l’attention sur l’importance du coefficient d’écrouissage de la matrice. I1 est en effet bien connu qu’un taux d’écrouissage faible s’accompagne généralement d’une faible ductilité. Le modèle de Thomason (1968), par exemple, relie par un calcul de borne supérieure, le taux de croissance critique de cavités supposées prismatiques de section droite carrée aux conditions mécaniques extérieures. En traction uniaxiale, il permet d’évaluer la ductilité ËR en fonction de la fraction volumique de vides et du rapport a/b où a est la taille des trous carrés et b est la distance entre trous: (VI.8)

11.4.

ANALYSE STATISTIQUE

D U PROBLÈME.

Les inclusions, donc les cavités, ne sont pas disposées suivant un maillage régulier comme beaucoup de théories le supposent. L a rupture interviendra là où, localement, la fraction volumique de cavités est la plus importante. De plus, une coalescence locale de cavités n’entraîne pas forcément la rupture de l’ensemble puisque les polissages révèlent des cas isolés sans séparation globale (Fig. VI.4). Dès le début de ce chapitre, nous avons souligné la très forte corrélation observée entre la ductilité d’un matériau et s a teneur en inclusions. Or, par simple effet statistique, on peut obtenir des fractions volumiques locales beaucoup plus élevées que la fraction volumique moyenne. Une analyse simplifiée due à McClintock (1968) permet d’évaluer cet effet. Supposons dans un matériau Nv inclusions par unité de volume, chaque inclusion ayant 1 rigoureusement la même taille e t la même forme. Dans un volume Vo = -,

NV

il y a en moyenne une inclusion. Supposons, par ailleurs, que la statistique de

Physique et mécanique de l’endommagement

230

répartition des inclusions soit décrite par une loi de Poisson. La probabilité de trouver n inclusions dans un volume Vo est P ( n )= l/en! Dans un volume V ,

v vo

nous aurons - (ou N,V) volumes Vo. La probabilité que7 dans au moins un petit volume, il y ait n inclusions est donnée par (en supposant V/Vo > 1) :

P ( n ) = 1 -exp

(Y) --

(VI.9)

Pour des valeurs raisonnables de N , (1 O00 inclusions/mm3) et de V (1 O00 m1n3), la valeur moyenne de cette fonction est d’environ 10. Dans un cube de 10 min de côté, il existe au moins un endroit où la fraction volumique locale est dix fois supérieure à la fraction volumique moyenne. Quel que soit le critère choisi pour rendre compte de la coalescence des cavités, il est indispensable de tenir compte de la statistique de répartition des inclusions si l’on désire prédire les grandeurs macroscopiques de ductilité ou de fraction volumique moyenne à rupture.

III.

PLASTICITÉ DES

MILIEUX POREUX ET MODÉLISATIONDE LA RUPTURE DUCTILE.

Nota: Etant donné le degré d’avancement des modèles théoriques actuels, l’essentiel de ce chapitre est relatif à un endommagement isotrope. De plus, il ne constitue qu’une introduction à la plasticité des milieux poreux e t non un exposé détaillé. 111.1.

NATURED U PROBLÈME POSÉ.

La plupart des lois de la mécanique relatives au comportement des matériaux ont pour cadre la mécanique des milieux continus. Or, comme cela a été longuement présenté dans ce livre, la continuité cesse dès le début de la déformation. Bien que la porosité développée soit en général très faible, elle a dans certaines circonstances une influence très importante sur le comportement des métaux; le phénomène de rupture qui nous intéresse ici en est un exemple important. I1 est donc dans certains cas nécessaire de tenir compte de cette faible porosité. Deux approches sont possibles: description, modélisation des phénomènes microstructuraux, puis déduction des propriétés macroscopiques d’une part, approche globale purement macroscopique d’autre part. Nous présenterons succinctement le cadre de ces deux approches. [ a ) Modéliscition d e s phénomènes microstructuraux et prévision des prop riét és m a cro s cop i qu es

Cette approche est en principe la plus rigoureuse. Néanmoins elle nécessite un effort de modélisation très important. I1 est en effet nécessaire:

Observations et modélisation du stade final d e la rupture ductile

23 1

- de connaître la morphologie et la répartition des microcavités;

de rnodéliser l’influence d’une cavité sur le comportement local du matériau. A cette échelle, les observations expérimentales indiquent que l’emploi du formalisme des grandes déformations est indispensable. En réalité, seules des géométries simples de microcavités peuvent être étudiées: sphères, ellipsoïdes, prismes à section circulaire, elliptique, carrée ou rectangulaire. I1 faut également connaître les lois de comportement locales en grandes déformations; - de modéliser l’interaction en volume de deux microcavités voisines, au cours de leur développement; - de tenir compte des aspects statistiques e t en particulier de l’hétérogénéité de répartition des microcavités; - de définir un critère de rupture: grandeur physique critique (contrainte critique, déformation critique ...) ou valeur critique d’une intégrale de fonction (fonction endommagement...). Cette valeur critique doit-elle être atteinte de faCon ponctuelle ou sur un élément de volume? -

(b) Approche globale macroscopique Le cadre est celui de la mécanique des milieux continus. Le volume élémentaire est fonction de la nature physique de l’endommagement. On se place dans le cadre d’une généralisation de la théorie de la plasticité actuelle mais en levant l’hypothèse d’incompressibilité. Toutes les grandeurs mécaniques intervenant sont macroscopiques: scalaires, vecteurs ou tenseurs; c’est le cas en particulier pour l’endommagement. Les problèmes que l’on tente de résoudre par cette approche sont les suivants: - L’écrouissa.ge ou durcissement des métaux est-il modifié par introduction d’un endominagemelit? Dans quel domaine de déformation? - Les lois d’écouleinent de type Lévy-Mises ou loi de normalité sont-elles valables? Peut-on toujours parler de plasticité associée et confondre surface de charge et potentiel plastique? - Peut-on prévoir, ce qui est le but recherché ici, la rupture des matériaux pour des sollicitations très diverses? Afin de tenter de répondre aux questions posées par ces deux types d’approche, nous présenterons ci-dessous quelques acquis actuels. 111.2.

APPROCHES EXISTANTES, DÉVELOPPÉES SUR DES MATÉRIAUX NON MÉTALLIQUES ET MÉTALLIQUES FRITTÉS.

Avant de développer une plasticité des milieux poreux décrivant le comportement des métaux et alliages élaborés par voie classique (coulée en lingots, coulée continue), le besoin s’en était déjà fait sentir pour d’autres matériaux pour lesquels on savait de façon expérimentale évidente qu’ils contenaient une porosité importante et variable au cours de la déformation. L’approche développée originellement se situe dans le cadre de la mécanique des milieux

Physique et mécanique de l’endommagement

232

continus: la trace du tenseur des vitesses de déformation n’est plus nulle et la partie déviatorique du tenseur des contraintes n’est plus la seule à intervenir; la partie sphérique joue un rôle non négligeable non seulement sur l’écoulement mais surtout sur la rupture de ces matériaux.

( a ) Sols et bétons Drucker et Prager (1952) ont émis l’hypothèse que la surface de charge des sols avait une équation de la forme: all

+ 12 = c

(VI. 1O)

dans laquelle II et 1 2 sont respectivement les premier et deuxième invariants du tenseur des contraintes et a et c des constantes propres au matériau. Récemment, Chandler (1985) en généralisant le critère de Mohr-Coulomb a proposé une surface de charge d’équation: 7-

F ( a m )- c = O

(VI.11)

dans laquelle T est la cission maximale, u, est la contrainte moyenne et c est la cohésion du matériau. I1 développe un modèle pour matériau à friction interne, compressible et propose des équations compatibles avec les résultats connus pour les sables et les argiles. Resende et Martin (1983) ont construit un modèle continu d’endommagement progressif pour matériaux granulaires: roches et bétons. Dans ce modèle, on utlise le fait que les surfaces de charge sont fermées vers les valeurs positives de om. Ce cadre général permet d’intégrer des approches plus spécifiques connues, en particulier celle de Dougill (1976) relative à une théorie progressive de la rupture. Ces quelques exemples relatifs à des matériaux non métalliques montrent que le problème de la détermination des surfaces de charge de matériaux poreux n’est pas nouveau. Certaines hypothèses classiquement admises sont à rejeter pour les fortes porosités, il est nécessaire de tenir compte de: - la perte de la normalité et développement de plasticité non associée - la non coïncidence des axes principaux des tenseurs des contraintes et des taux de déformation.

( b ) Matériaux métalliques frittés (Bompard, 1986) La plasticité des milieux poreux appliquée aux matériaux métalliques l’a été tout d’abord s w les matériaux à f o r t e porosité, c’est-à-dire les matériaux frittés. Le but premier de cette approche n’était pas de prévoir la rupture des alliages frittés mais plus simplement la densification lors des opérations de frittage. Les différentes théories, qu’elles soient purement mécaniques ou microstructurales s’intéressent à plusieurs aspects du problème: - prévision de la surface de charge, - loi d’écoulement,

Observations et modélisation d u stade f i n a l de la rupture ductile

233

- prévision de la densification,

- prévision de la rupture. 0 Dans un cadre purement mécanique, Kubik et Mielniczuk (1985) considèrent que la surface de charge est une fonction scalaire des tenseurs des contraintes u et de la s t m c l u r e poreuse P . Le tenseur P caractérise l’aspect géométrique de la porosité; il est symétrique du second ordre e t est appelé tenseur de perméabilité structurale. u et P sont donc deux tenseurs symétriques du second ordre et l’équation de la surface de charge est de la for me : F(Ip)= O (VI. 12)

dans laquelle les I p forment le système irréductible des invariants indépendants des tenseurs u et P. Une procédure expérimentale permettant de déterminer les coefficients liés au matériau est indiquée. Les résultats expérimentaux établis par Mielniczuk (1983) montrent que la loi de normalité demeure valable quand la porosité est inférieure à 8-10 % . Compte tenu de ces hypothèses, cette théorie permet de modéliser la forme des surfaces de charge déterminées expérimentalement (Fig. VI.8). Sur cette figure, l’influence de la porosité et du mode de sollicitation sur la contrainte d’écoulement sont nettement mis en évidence.

Fig. VI.8. - Surfaces de charge d’un acier doux fritté présentant différentes porosités initiales (Kubik e t Mielniczuk, 1985).

0 Des théories de la plasticité des milieux poreux se sont développées sans faire intervenir un formalisme issu de l’analyse tensorielle. On peut citer: Kuhn e t Downey (1971) et Oyane et al. (1972, 1978). L’approche de Oyane et al. tepose sur une plasticité des milieux poreux dans laquelle la trace du tenseur des vitesses de déformation n’est pas nulle:

Ciii # o. i

(VI. 13)

Physique et mécan.ique de l’endommagement

234

Les équations de l’écoulement sont du type Levy-Mises modifiées. Dans le repère principal des contraintes (et des déformations), elles ont la forme suivante: (VI.14)

i=1,2,3

j#i

k#i

j # k

et:

i., = .il + &2 + 23 = & ($+ao)

-If2

y désigne ici la densité relative: 7

(VI. 15)

= d/do et f est une fonction de y déterminée

expériment aleinent: (VI.16) est une constante. En posant comme critère de rupture une valeur critique de E., on obtient le critère de rupture présenté au paragraphe VI.II.2.b:

a0

(VI. 17) ou

(VI. 18) ao, bo, CO étant des constantes liées au matériau.

La surface de charge utilisée est de la forme:

S et n sont des constantes. Des essais réalisés par Tabata et Masaki (1977) ont conduit à proposer un critère légèrement différent: (VI.20) pi porosité initiale.

A , B et

c constantes. Ces quelques exemples relatifs au développement de la plasticité des milieux poreux pour des matériaux métalliques frittés montrent que l’on peut en déduire moyennant la conservation de la normalité et l’utilisation d’une surface de charge dépendant de urn,des critères de rupture appropriés qui ne font pas intervenir le caractère microstructural de l’endommagement et de la rupture. II est à noter que les porosités sont plus importantes dans ces matériaux frittés que celles développées au cours de la déformation dans les alliages métalliques élaborés par voie plus classique (coulée lingot ou coulée continue suivie de corroyage à chaud).

Observations et modélisation du stade final d e la rupture ductile

235

111.3. APPROCHES RELATIVES

AUX MÉTAUX E T ALLIAGES SANS (OU À TRÈS FAIBLE) POROSITÉ INITIALE.

Les différents types d’approche possible étant présentés, ainsi que des exemples d’applications à des matériaux à très forte porosité - sols e t matériaux métalliques frittés - ce paragraphe est relatif à l’application de la plasticité des milieux poreux aux alliages s’endommageant au cours d’une déformation plastique à froid. La porosité est dans ce cas extrêmement faible, à lo-’. Les questions que l’on peut se poser sont les suivantes: de -

-

pour de si faibles porosités, une plasticité des milieux poreux est-elle nécessaire? Permet-elle de prévoir en particulier la rupture des alliages métalliques?

Trois types d’approches ont été développés: - modélisation par la méthode des éléments finis (MEF) de la croissance de cavités situées dans une matrice incompressible. Prévision de la loi de comportement macroscopique; - approche globale avec introduction de la porosité et de urndans l’équation de la surface de charge (et du potentiel plastique); - approche mixte consistant à modéliser la croissance de cavités dans une matrice poreuse. Avant de présenter quelques-uns de ces développements, il faut .rappeler que dans les aciers, la coliésion matrice-inclusion est faible, que ces inclusions ne sont pas réparties de façon aléatoire et que de nouvelles méthodes expérimentales comme le polissage par bombardement ionique ont mis en évidence un endommagement à l’échelle submicroscopique se développant autour des cavités plus importantes amorcées sur les inclusions de taille supérieure à un micromètre. (a) Modélisation par M E F de la croissance d e microcavités dans une matrice incompressible

Needleman (1972) et Tvergaard (1981) ont développé de telles approches. Les calculs doivent être effectués en grande déformation. I1 est possible de déterminer la loi de comportement pour des géométries de cavités relativement simples et périodiques définies dans la figure VI.9. La figure VI.10 montre l’influence de l’espacement relatif des cavités normalisé par leur rayon: &/Bo = 1 e t &/A0 = O - O , 175 - O, 25 - O, 375 ce qui correspond à des porosités de O - O, 024 - O , 049 - O, l l . Ces approches permettent de prédire l’apparition de la bifurcation associée au développement d’une bande de cisaillement. Les courbes obtenues passent par un maximum et l’instant de la bifurcation est indiqué par une flèche. L’un des avantages de cette approche par MEF est de pouvoir intégrer l’effet des concentrations locales de contraintes et de déformations locales autour de deux cavités voisines quand leurs développements interagissent.

Physique et mécanique d e l’endommagement

236

o l o l o

Fig. VI.9. - Arrangement périodique double de cavités cylindriques à section droite circulaire (Tvergaard, International Journal of Fracture, 1981).

I1 y a un bon accord avec les résultats obtenus par l’application d’approches globales de plasticité des milieux poreux présentées ci-dessous. ( b ) Approches globales utilisant une surface d e charge ou un potentiel plastique dépendant de la porosité initiale et de a, Berg (1969) propose de fermer la surface de charge vers les urnpositifs en introduisant la forme:

sij

est le déviateur des conlrainles

om est la contrainte moyenne la valeur à I’amoreage de la cavitation (ami> O) a,, est la valeur limite de la contrainte moyenne pour laquelle le métal subirait une dilatation pure sans écrouissage. Malgré cette approche macroscopique, Berg introduit la notion de bandes de cisaillement qui sont des zones d’instabilité locale associées à une décroissance de la contrainte équivalente apparente (définie sur un élément de volume comportant matrice et microcavités). Gurson (1977) partant d’un modèle microstructural, établit pour différentes géométries de microcavités la forme des potentiels plastiques; dans ces modèles, la matrice est rigide - parfaitement plastique. Ces potentiels sont de la forme: (VI.22) F ( a i j , cû 7 f v ) = 0 ami est

a0 contrainte d’écoulement de la matrice entre les cavités, mique de cavités.

fv

fraction volu-

Observations et modélisation du stade final d e la rupture ductile

237

3.0 I

% '2 . 5

I/O.25

0'

0.02

0.ÔC

Ob

O.&

0.06

C 2

"dBO Fig. VI.10. - Contrainte nominale de traction en fonction de la déformation moyenne (Tvergaard, 1981). Dans le cas de cavités sphériques, il montre que: (VI.23) Pour fv = O, cette équation se réduit au critère de von Mises. Ce critère est représenté schématiquement sur la figure VI.ll. Le cylindre de Von Mises est fermé vers les fortes contraintes moyennes. Lorsque \ \

\ \

Cri tere de Mises

\

Fig. V I . l l . - Représentation schématique du critère de plasticité dans un matériau poreux.

Physique et mécanique de l’endommagement

238

la déformation croît, la représentation conventionnelle de l’écrouissage augmente le rayon du cylindre (écrouissage isotrope) mais la croissance des cavités diminue son étendue vers les fortes tensions hydrostatiques. Richmond et Spitzig (1980) ont généralisé le critère de von Mises. Leur approche repose sur une expérimentation précise et les conclusions auxquelles aboutissent ces auteurs ont un domaine d’application très général. Les essais portent sur différents aciers et polymères. La surface de charge est écrite sous la forme: f(ui)= F ( I l , I 2 , 1 3 ) (VI.24) dans laquelle pour des raisons de commodité, les trois invariants sont, dans le repère principal:

+ a2 + a3 12 = [- (

11, 12,13

Il = 6 1

2

avec

ui

‘2 +u2‘2

+a31 2 ) ]

1’2

composantes du tenseur des contraintes

u: composantes du déviateur des contraintes.

Etant donnée la non coïncidence des lois d’écrouissage en traction e t en compression (Strain Differential Effect), un invariant impair 11 ou 13 doit intervenir. En effectuant des essais de traction et de compression sous pression d’huile variable, et en posant simplement:

F = I2

+ a l l + b13 = c

(VI.25)

il est possible de déterminer a , b et c La connaissance de F et l’application de la loi de normalité permettent de calculer la variation de volume en fonction de la déformation. Cette valeur calculée est comparée à des mesures de variation de volume par pesée hydrostatique de grande précision (Fig. VI.12). La valeur calculée est 15 fois supérieure à celle mesurée. Les conclusions importantes que l’on peut déduire de ces essais sont: - le coefficient b de I3 est négligeable; F peut se mettre sous la forme: 12

+ a11 = c

Cette équation est analogue à celle proposée pour les sols; - la règle de normalité ne semble pas vérifiée. Ce point est capital; -

la relation (IV.2G) peut se mettre sous la forme: 12

= c ( 1 - a11)

a constante liée au matériau c coefficient dépendant de l’histoire des contraintes

(VI .26)

Observations e t modélisation d u stade f i n a l de la rupture ductile

-

1

I

-

I

variations possibles dans le: mesures individuelles

004310 ~

239

4330

o.compression etradion

/ d apres la règle de Pormolite

déformation plastique vraie

Fig. VI.12. - Varia.tions de volunie calculées et mesurées en fonction de la déformation plastique (Riclimond et Spitzig, 1980). En posant comme critère de rupture par ruine des propriétés plastiques, I2 = O, on obtient: 1 6R = (VI.27) 3a o~ contrainte de rupture. Les valeurs calculées sont en bon accord avec l’expérience. Cette approche développée par Richmond et Spitzig et qui s’appuie sur l’analyse de résultats expérimentaux, permet de généraliser le critère de von Mises et de trouver un cadre théorique commun applicable à des matériaux très divers (sols, aciers, polymères). Un critère général de rupture est établi. Rousselier (1981) développe une théorie dans le cadre d’une approche thermodynamique des matériaux standards généralisés; l’endommagement, au même titre que l’écrouissage, est une variable interne. Le potentiel retenu est de la forme: F = + A B D exp (VI.28)

(Ji)’’’

+

(2)

D et

61 étant des constantes. La figure VI.13 montre une application de ce modèle au calcul des courbes contrainte-déformation et densité-déformation pour différentes triaxialités caractérisées par le facteur k . k est défini par: 6 2 2 = 633 = k a l i k constant < 1 et 6 1 2 = 6 2 3 = 6 3 1 = O. Ces courbes indiquent une décroissance de la contrainte, l’instabilité étant atteinte quand: U E p < o. (VI.29)

Cette instabilité ne correspond pas à une densité critique constante; celle-ci dépend de la triaXialité des contraintes (Fig. VI.14). Cette conclusion en accord avec des résultats expérimentaux (Beremin, 1979) semble contradictoire avec la définition physique du critère de rupture de Oyane (1978). Ce point sera évoqué car il est nécessaire de préciser la notion de ruptupe.

Physique et mécanique d e l'endommagement

240

f , = O , k=O

-,échelle

2

---!L

échelle 1

O

échelle 2 -

1

2

3

L

5

Fig. VI.13. - Evolution de la contrainte et de la densité en fonction de la déformation (Rousselier, 1981).

0.98

C = 1.5

D = 0.49

022 = 035 = h O l 1 [ 0.97 CO

W

E

I

I

2

a loas m

3

Fig. VI.14. - Densité critique à l'instabilité du matériau en fonction de la triaxialité (Rousselier, Colloque North Holland, 1981).

Observations et modélisation du stade final d e la rupture ductile

24 1

(c) Approche mixte pour la modélisation d e la croissance de cavités dans une matrice poreuse Les approches décrites dans les paragraphes a et b intkgrent la porosité soit à une échelle locale (cas a), soit de faGon globale (cas b). Mais comme on l’a déjà mentionné, dans les aciers cette porosité est souvent à deux échelles; ce phénomène est m i s en évidence en particulier par l’examen des faciès de rupture sur lesquels deux populations de cupules de tailles différentes sont visibles. Afin de modéliser le comportement d’un tel matériau, Tvergaard (1982) propose une approche mixte qui utilise simultanément les modèles présentés dans les deux paragraphes précédents a et b. Le matériau est initialement perforé (cavités de taille relativement importante simulant les inclusions); la modélisation de la croissance de ces cavités et de la déformation de la matrice située entre ces cavités s’effectue dans le cadre de la méthode des éléments finis (V1.111.3a); mais cette matrice obéit à la plasticité des milieux poreux (V1.111.3b) afin d’intégrer l’effet de la porosité plus fine due par exemple aux carbures ou aux précipités. Pour cette matrice, Tvergaard utilise un potentiel de type Gurson généralisé:

3 : contrainte équivalente macroscopique (matrice

+ cavités);

CTM : contrainte

équivalente microscopique (matrice entre les cavités); q l , 4 2 , 93 constantes. Les résultats les plus satisfaisants sont obtenus pour:

Dans l’équation on retrouve: 91 41

= 92 = 43 = 1 = 43 = O

potentiel de Gurson potentiel de Von Mises.

Les courbes contrainte-déformation calculées présentent un maximum. Les porosités atteintes dans la matrice dans le ligament situé entre deux grosses cavités atteignent 0,î à 0,2. Un exemple est présenté sur la figure VI.15. La rupture du ligament résulte d’un couplage entre la porosité locale atteinte et l’étendue de la zone sur laquelle elle est atteinte. L’influence de la triaxialité sur la déformation critique (éventuellement de rupture) calculée est présentée sur la figure VI.16. L’allure hyperbolique mesurée et calculée par d’autres approches est nettement visible. 111.4.

UNE NOUVELLE

ANALYSE DU PHÉNOMÈNE DE RUPTURE.

A l’origine, la modélisation de la rupture s’est appuyée sur une définition physique issue d’observations expérimentales. La. plupart de ces définitions

Physique et mécanique d e l’endommagement

242

O.25 0.30

f

.as

Fig. VI.15. - Exemple de porosité calculée au voisinage d’une cavité E = 6’55% (Tvergaard, J. Mech. Phys. Solids, 1982).

f < 0.1 sur 3 5 % du ligament o f