Phonologie du grec attique 9783110813883, 9789027923257

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Phonologie du grec attique
 9783110813883, 9789027923257

Table of contents :
AVANT-PROPOS
TABLE DES MATIÈRES
ABREVIATIONS
0. INTRODUCTION
1. LES ALLOPHONES
2. LES INVARIANTES
3. LE SYSTÈME PHONOLOGIQUE
4. LA SYLLABE ET LE MOT
5. L'ACCENTUATION
INDEX ANALYTIQUE

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JANUA LINGUARUM STUDIA MEMORIAE N I C O L A I VAN W I J K D E D I C A T A edenda curat C. H. VAN SCHOONEVELD Indiana University

Series Practica, 164

PHONOLOGIE DU

GREC ATTIQUE par

LIANA INSTITUT

LUPAÇ

DE L I N G U I S T I Q U E BUCAREST

1972

MOUTON THE

HAGUE · PARIS

© 1972 Cet ouvrage parait par les soins des Éditions de l'Académie de la République Socialiste de Roumanie et Mouton & Co. Ν.V., Publishers

Les droits de reproduction du présent ouvrage appartiennent à EDITURA ACADE MIEI REPUBLICII SOCIALISTE ROMÂNIA Bucureçti, str. Gutenberg 3 bis

PRINTED IN ROMANIA

AVANT-PROPO S

L'idée d'élaborer une description phonologique du grec ancien nous a préoccupé depuis 1963. Une première version de ce travail, fondée surtout sur l'étude des textes appartenant aux poètes tragiques et à Aristophane, a été publiée dans la revue « Studii Olasice » (Études classiques) et dans d'autres recueils : Le système vocalique du dialecte attique, StCl 6,1964, p. 87—102; Une classification fonctionnelle des phonèmes vocaliques du dialecte attique, StOl 7, 1965, p. 131—136; Les phonèmes consonantiques du dialecte attique, StOl 8, 1966, p. 7—15 ; La valeur phonologique deVesprit rude et des occlusives aspirées attiques, « Studien zur Geschichte und Philosophie des Altertums », Budapest, 1968, p. 396—399 ; Le système consonantique du dialecte attique, « Studia Mycenaea. Proceedings of the Mycenaean Symposium. Brno, April 1966 », Edited by A. Bartonëk, Brno, 1968, p. 87—93 ; La structure de la syllabe dans le dialecte attique, «Acta Conventus X I „Eirene" », Varsovie, 1971, p. 591 — 596; Les signes démarcatifs du dialecte attique, « Actes du X e Congrès International des Linguistes, Bucarest 28 août — 2 septembre 1967 », IV, Bucarest, 1970, p. 45—48 ; L'interprétation phonologique de Vaccentuation attique, StCl 9, 1967, p. 7 —18. Ces travaux sont le résultat des recherches effectuées à la section des langues classiques de l'Institut de Linguistique de Bucarest. Peu à peu, nos vues sur ce sujet se sont approfondies et nous avons décidé de reprendre l'analyse en ajoutant les documents épigraphiques à notre corpus. L'élargissement du corpus nous a suggéré de discuter plusieurs problèmes d'ordre philologique, l'interprétation des graphies, la concurrence des variantes, etc., et de décrire de manière exhaustive la distribution de chaque son. C'est à ces questions que nous avons consacré les deux premiers chapitres, entièrement nouveaux, de ce livre. Les autres chapitres, de 2 à 5, reprennent la matière de nos études antérieures. Us ne les reproduisent pas pour autant, car l'argumentation a subi d'importantes retouches et la rédaction en a été complètement modifiée et, nous l'espérons, améliorée. Bien que le chapitre 5 ait emprunté quelques passages à la version de « Studii Clasice », c'est en somme un ouvrage nouveau que nous offrons aujourd'hui au lecteur.

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos Abréviations

5 9

0. Introduction 0.1. 0.2. 0.3. 0.4.

11

Le corpus La transcription phonétique Les variantes La description phonologique

1. Les allophones

11 16 36 54 *

57

1.1. Les allophones consonantiques 1.2. Les allophones vocaliques

58 73

2. Les invariantes

105

2.1. Les phonèmes consonantiques 2.2. Les phonèmes vocaliques

105 120

3. Le système phonologique

133

3.1. Le système consonantique 3.2. Le système vocalique

133 '

141

4. La syllabe et le mot

153

4.1. La syllabe

153

4.2. Le mot

162

5. L'accentuation

169

Index analytique

185

ABREVIATIONS

Pour les noms des auteurs grecs, de leurs œuvres et des recueils de textes, on a utilisé les abréviations du Greek-English Lexicon de Liddell — Scott — Jones (LSJ). Pour les revues, on a utilisé les abréviations de VAnnée Philologique (on notera cependant que StCl = Studii Clasice) et de la Bibliographie Linguistique. Pour les travaux de linguistique et de philologie qui reviennent souvent dans cette étude, on donne ici une liste : Allen, Vox Graeca =W.S. Allen, Vox Graeca. A guide lo the pronunciation of classical Greek, Cambridge University Press, 1968. Bally, Manuel = Ch. Bally, Manuel d'accentuation grecque, Berne, Francke, 1945. Bartonëk, Development = A. Bartonëk, Development of the Long-Vowel System in Ancient Greek Dialects, Praha, 1966. Bartonëk, Vyvoj = A. Bartonëk, Vyvoj konsonantického systému ν feckych dialeklech, Praha, 1961 (avec résumé anglais). Blaß, Aussprache = F. Blaß, Über die Aussprache des Griechischen3, Berlin, 1888. Brandenstein, Gr. Sprachwiss. = W. Brandenstein, Griechische Sprachwissenschaft I, Sammlung Göschen, 117, Berlin, 1954. Chantraine, Formation = P. Chantraine, La formation des noms en grec ancien, Paris, 1933. Garde, L'accent = P. Garde, L'accent, Paris, Presses Universitaires de France, 1968. Hermann, Silbenbildung = E. Hermann, Silbenbildung im Griechischen und in anderen indogermanischen Sprachen, Göttingen, 1923. Hockett, Manual = C.F. Hockett, A Manual of Phonology, Baltimore, 1955. Jakobson, Selected Writings = R. Jakobson, Selected Writings, I, Phonological studies, The Hague, Mouton, 1962. Koster, Traité = W.J.W. Koster, Traité de métrique grecque suivi d'un Précis de métrique latine, 2 e éd., Leyde, 1953. Kühner — Blaß, Gramm. = R. Kühner—F. Blaß, Ausführliche Grammatik der griechischen Sprache, I 3 , Hannover, 1890. Kurylowicz, Accentuation = J . Kuryiowicz, L'accentuation des langues indo-européennes, 2 e éd., Wroclaw — Kraków, 1958. Kurylowicz, Esquisses = J . Kuryiowicz, Esquisses linguistiques, Wroclaw — Kraków, 1960. Kurylowicz. Idg. Gramm. = J . Kurylowicz, Indogermanische Grammatik, II. Akzent. Ablaut, Heidelberg, Winter, 1968. Lejeune, Traité — M. Lejeune, Traité de phonétique grecque, 2 e éd., Paris, Klincksieck, 1955. Maas, Greek Metre = P. Maas, Greek Metre, transi, by H. Lloyd-Jones, Oxford, Clarendon Press, 1962.

10

ABRÉVIATIONS

Martinet, Lingu. sgnchr. = A. Martinet, La linguistique synchronique. Études et recherches, Paris, Presses Universitaires de France, 1965. Martinet, Phonologie = A. Martinet, Phonologie du mot en danois, BSL 38,2, n° 113, p. 169 — 266, 1937. Meillet, Aperçu = A. Meillet, Aperçu d'une histoire de la langue grecque, 5 e éd., Paris, Hachette, 1935. Meisterhans — Schwyzer, Gramm. = Κ. Meisterhans, Grammatik der attischen Inschriften, 3. Aufl. bes. von E. Schwyzer, Berlin, 1900. La seconde édition ( = Meisterhans, Gramm.) a ' paru en 1888. Schwyzer, Gr. Gramm. = E. Schwyzer, Griechische Grammatik I, München, 1939. Sturtevant, Pronunciation = E.H. Sturtevant, The Pronunciation of Greek and Latin, Second edition, Chicago, Argonaut Inc. Publishers, 1969 (unchanged reprint of the edition Philadelphia 1940). Troubetzkoy, Principes = Ν. S. Troubetzkoy, Principes de phonologie, traduits par J. Cantineau, Paris, Klincksieck, 1957. Vendryes, Traité = J. Vendryes, Traité d'accentuation grecque, Paris, Klincksieck, 1938.

0. INTRODUCTION

0.1. LE CORPUS

0.1.0. Cette étude porte sur un nombre fini de textes, écrits en dialecte attique, pendant le Ve siècle. Il s'agit notamment des tragédies complètes d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide, des onze comédies d'Aristophane — bien que les deux dernières appartiennent, en fait, au début du IV e siècle — et des inscriptions réunies dans le premier volume des Inscriptiones Graecae (IG I 2 ). Nous avons exclu de notre corpus les fragments delà poésie tragique ou comique et les inscriptions qui ne figurent pas dans le recueil mentionné. L'interprétation de ces documents, parfois douteuse, souvent malaisée aurait entraîné des recherches spéciales dans des publications d'un accès difficile. D'autre part, il n'est pas probable que l'addition de ces textes eût modifié d'une manière sensible les données fournies par l'examen d'un corpus aussi vaste que le nôtre. Ce corpus comprend des textes littéraires appartenant à deux genres différents et des documents épigraphiques d'ampleur et de caractère variés : décrets, inventaires, dédicaces, inscriptions funéraires, etc. L'image qu'il offre à l'analyse linguistique est celle d'une langue de culture, riche d'influences et d'emprunts divers, ouverte aux innovations comme aux tendances archaïsantes, mettant à profit la tradition littéraire de la Grèce entière et l'esprit inventif d'Athènes. Chercher à réduire les différences de détail qui séparent non seulement la tragédie de la comédie ou des i ascriptions, mais encore tel vers tragique de tel autre, serait méconnaître la véritable nature des phénomènes étudiés. Sans doute les inscriptions nous laissent-elles entrevoir l'existence d'un parler attique vulgaire, peu perméable à l'action des autres dialectes, qui pousse l'intolérance jusqu'à « atticiser » (le mot, connu depuis Eupolis, s'oppose à « helléniser » chez Posidippe) les noms des héros d'Homère : Όλυττεύς, Καττάνδρα, etc. Ce n'est pas ce parler qui fait l'objet de notre analyse, mais la langue, moins unitaire, mais autrement riche, de la totalité des textes attiques du Ve siècle. La description du système phonologique de cette langue nous permettra peut-être de mieux comprendre sa flexibilité et sa rigueur.

12

INTKODUCTION

0.1.1. Le corpus que nous analysons n'est pas strictement homogène. Tantôt c'est la forme de certains mots qui est flottante, tantôt ce sont des mots d'origine étrangère qui voisinent avec les termes proprement attiques. Avant d'aborder l'étude des textes qui forment notre corpus, il importe de résoudre le problème posé par leur manque d'unité. Prenons d'abord les cas extrêmes. La présence de plusieurs étrangers parmi les personnages d'Aristophane, un Mégarien, des Laconiens, un archer scythe, etc., nous vaut quelques pastiches qu'il serait absurde d'inclure dans notre analyse. D'autre part, chercher à dépister tous les vocables que l'attique n'a pas pris directement au grec commun pour les bannir ensuite serait mutiler les textes au lieu de les décrire. Outre les mots d'emprunt, dont nous n'entendons pas priver notre analyse, il y a deux autres catégories de termes qu'on ne saurait admettre ou rejeter sans examen préalable : les interjections et les noms propres. La lecture des textes nous a persuadé qu'en attique les interjections ne se soumettent pas aux modèles ordinaires qui régissent la forme des mots. Leur structure phonique comporte des groupements de phonèmes inconnus par ailleurs. C'est ce qui nous a déterminé de les ignorer. La situation des noms propres est différente. S'il est vrai que la plupart de ceux qu'on lit dans notre corpus ne sont pas d'origine attique et conservent un aspect somme toute rébarbatif, il n'en est pas moins certain que plusieurs sont d'un usage courant. Il ne nous a pas semblé naturel d'appliquer le même traitement aux noms, souvent étranges, des populaces tributaires d'Athènes et aux noms familiers des divinités attiques ou des héros de la tragédie. En voulant établir une distinction à l'intérieur du groupe peu unitaire que forment les noms propres, nous nous sommes servi d'un critère qui repose sur l'étendue de leur emploi. Nous avons inclus dans notre corpus seuls les noms propres connus par au moins deux textes indépendants Par deux textes indépendants nous entendons deux drames différents, fussent-ils du même auteur, ou un drame et un document épigraphique. La monotonie de ces derniers documents est telle que la répétition d'un nom sur deux ou plusieurs inscriptions ne semble pas significative. 0.1.2. A l'intérieur du corpus il n'est pas rare de constater que la forme de tel mot est flottante. On y lit, en effet, πράττω et πράσσω, θ-αρρώ et θ-αρσώ, Άθ-ηνα, 'AS-ηνάα, 'Αθηναία et même Άθηναίη ou Άθήνη2, λαός et λεώς, φάος et φώς, οργή et οργά, etc., etc. 1 II nous a semblé légitime, cependant, de citer des noms propres et des interjections, dont nous ne ferons plus état, au cours des chapitres suivants, toutes les fois qu'il s'agissait d'expliquer l'existence d'un flottement phonique ou l'incertitude d'une graphie. a Cf. IG Ia 355 a 1 ; 579, 2 ; 395, 1 ; 732, 1 ; Ar. Eq. 763 anap., IG I 2 510 ; voir aussi Meisterhans — Schwyzer, Gramm., p. 32.

LE CORPUS

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Le choix des variantes est tantôt libre, tantôt déterminé par des considérations diverses. Certaines formes sont utilisées selon les nécessités du vers, d'autres selon le caractère du texte : tragédie, comédie ou inscription, dialogue ou morceau lyrique. Le détail des faits sera examiné plus loin (voir § 0.3.) ; pour le moment il importe de trouver une règle qui nous permette de les interpréter d'une façon cohérente. En principe nous considérons les variantes comme autant de formes indépendantes. C'est dire que notre analyse compte pour deux mots distincts λαός et λεώς, φάος et φώς, 'Αθηναία et Άθ·ηνα. Par contre, nous exclurons de notre corpus les variantes attestées uniquement dans les passages lyriques du drame. Ces morceaux, on le sait, imitent le dorien de la grande poésie chorale. A ce point de vue on peut les comparer avec les discours tenus par les étrangers dans les comédies d'Aristophane. L'importance des chœurs pour l'économie du drame nous empêche cependant de les ignorer entièrement. E n éliminant de notre analyse les formes lyriques qui font double emploi avec celles qu'on lit dans les trimètres, nous pensons rendre justice aux faits sans dépasser les limites imposées par notre conception de la langue littéraire d'Athènes. Il ne faut pas exagérer d'ailleurs la portée des différences d'ordre phonique qui séparent, à l'intérieur du drame, les dialogues des passages lyriques. A quelques exceptions près, ces différences sont limitées au vocalisme. Le trait le plus frappant en ce domaine, c'est la présence de l'a dorien dans les chœurs. Cette particularité affecte sans doute la fréquence des voyelles [â] et [ç]. Elle ne modifie pas nécessairement leur distribution. Dans la flexion nominale, par exemple, l'a dorien peut remplacer le η et même le ω attique à tous les cas du singulier et au génitif pluriel des thèmes qui suivent la première déclinaison : οργά S. Ani. 875 lyr., λέσχας A. Eu. 366 lyr., δύα Α. Ρ ers. 1010 lyr., μολπάν S. Ph. 213 lyr., Νυμφαν S. 01 1107 lyr., etc. Ces formes sont étrangères au dialecte attique, mais ce n'est pas leur phonétisme qui les trahit comme telles, car il est naturel pour l'attique d'employer un â à l'accusatif pluriel ou au duel des thèmes en -a : όργάς E. Sel. 1642, λέσχας Ε. ΙΑ 1001, μολπάς E. ßupp. 773, νύμφα Ε. Μ. 1033, etc. Il est vrai qu'on ne rencontre pas d'accusatif *δύας à côté de δύα, mais une forme verbale comme έγγυα (Ar. Pl. 1202) prouve que la finale -υα est parfaitement admissible en attique. Sans doute les faits ne sont-ils pas toujours aussi simples. Des formes comme δάφνας E. Ion 145 lyr., Δίρκας E. Hipp. 556 lyr., 8ρφνα E. IT 152 lyr., etc. comportent les séquences [pcnâ rkâ rpcnâ] inconnues par ailleurs dans notre corpus. Accepter d'y inclure ces formes serait modifier la liste des contextes qui permettent l'apparition de [â] (voir § 1.2.2). L'exemple des mots lyriques à ä dorien est instructif, car il nous donne le moyen de mesurer

14

INTRODUCTION

l'ampleur des différences qui séparent les chœurs des dialogues. Ce qu'il semble indiquer, c'est que ces différences sont moins grandes qu'on ne serait tenté de le croire. La tolérance du drame pour les dorismes s'explique peut-être par la similarité profonde existant entre les formes doriennes et les formes attiques. 0.1.3. Au cours des paragraphes précédents, notre attention s'est portée sur les catégories de faits dont nous n'entendons pas rendre compte dans cette étude. A ces exceptions près, nous nous proposons d'analyser toutes les formes attestées dans notre corpus et ces formes seules. Certes, il ne serait pas difficile de multiplier le nombre des formes effectivement présentes dans les textes étudiés en complétant les paradigmes de certains mots. Prenons quelques exemples. Le présent d'un yerbe qui signifie « saisir » n'est utilisé qu'à la III e personne du singulier : μάρπτει E. Hipp. 1188. Il suffirait de restituer les formes μάρπτω, μάρπτομεν, μάρπτετε, μάρπτουσι ou μάρπτητε afin de pouvoir affirmer que le groupe [rpt] est suivi par les voyelles [y o e ö ç]. De même, la présence des formes δάφνη, θαλφθη Ar. Eq. 210, θελχθ^ς Ε. ΙΑ 142 lyr. permet de supposer l'existence d'un accusatif pluriel δάφνας, comme celle des participes θ-αλφθείς ou θελχθείς. En procédant ainsi nous serions en mesure d'inclure les séquences [pcn lpt c lkt c ] parmi les groupes de consonnes qui précèdent les voyelles [à] ou [ç]. Néanmoins cette manière d'agir ne nous paraît pas recommandable. Notre corpus est à la fois vaste et varié. Les formes qui n'y figurent pas doivent être extrêmement rares, sinon inexistantes. Il n'est pas toujours possible de faire le départ entre ce qui n'est pas attesté et ce qui n'est pas admissible. Afin d'éviter toute décision arbitraire en ce domaine, nous avons résolu de limiter notre analyse aux seules formes qui apparaissent réellement dans le corpus étudié. 0.1.4. Cette description repose sur la connaissance du sens et de la forme des mots qui composent le corpus. C'est dire qu'elle implique une analyse préalable qui aurait segmenté les textes en un nombre fini d'unités significatives admettant une certaine transcription phonétique. Les éditions que nous avons utilisées comportent effectivement une telle segmentation. L'habitude de séparer régulièrement les mots dans l'écriture ne remonte qu'au VII 6 siècle de notre ère. C'est cette division, d'origine byzantine, qui est respectée dans toutes les éditions modernes. Contrairement à l'usage de certains documents épigraphiques 3, la norme byzantine sépare les enclitiques et les proclitiques, mais compte pour des 3

Voir, par exemple, Lejeune, Traité, p. 241.

LE C O R P U S

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mots uniques les verbes composés. Elle traite donc de façon différente la séquence préposition + nom et la séquence préverbe + verbe. Ces vers tirés des Héraelides pourraient servir d'exemple : Έγώ Sè σύν φεύγουσι συμφεύγω τέκνοις | και σύν κακώς πράσσουσι συμπράσσω κακώς (E. Heracl. 26-27). Le problème de la définition et des limites du mot attique sera examiné plus loin (voir § 4.2. et 5.1). Pour le moment il est nécessaire de décider seulement s'il est légitime de fonder notre analyse sur la division traditionnelle en mots. Les objections qu'elle pourrait soulever visent le traitement des formes atones et plus spécialement la distinction entre préposition et préverbe. Une lecture, même sommaire, des textes constituant le corpus prouve que cette distinction repose sur un fondement réel : la préposition peut être séparée de son régime par un ou plusieurs mots tandis que le préverbe est soudé à la racine verbale qui le suit 4. C'est ce qui oppose σύν κακώς πράσσουσι à συμπράσσω κακώς dans le vers çité plus haut 5. Sans vouloir approfondir maintenant une question qu'il convient de traiter plus amplement ailleurs, nous pensons que l'indépendance relative dont jouissent les formes atones justifie la manière dont on sépare graphiquement les mots dans un texte attique. A notre avis, la segmentation traditionnelle en mots peut être utilisée comme point de départ d'une analyse phonologique. Cette décision est lourde de conséquences qu'il importe de préciser. Il en résulte que les mots composés, dont la structure morphologique est plus ou moins claire, selon les cas, doivent faire l'objet de cette analyse au même titre que les mots simples. Les phénomènes servant à caractériser la rencontre des termes à l'intérieur d'un composé appartiennent à la description phonologique et ne sauraient être négligés. Par ailleurs nous avons décidé de restituer leur forme originelle aux mots qui doivent au rythme du discours une fusion simplement accidentelle. Bien que fréquentes, les formes amalgamées par le truchement de l'élision ou de la erase ne relèvent pas directement de notre analyse puisqu'elles ne sont pas des mots au sens que nous donnons provisoirement à ce terme. Il est vrai que la erase amène la soudure totale des mots qu'elle unit (et l'orthographe traditionnelle n'est pas sans indiquer ce fait), mais l'instabilité des formes qui en résultent nous interdit de les 4

Sur le critère de la séparabilité voir A. Martinet, Le mot, Diogène 51, juill.-sept. 1965, p. 4 3 - 4 5 . 6 Des exemples comme σύν 8è γηράναι θέλω A. Ch. 908, έκ δ'άράς κακάς ήρατο S. Ant. 427 — 428, έπΐ δ'ίθυσα μητέρα E. Or. 562, άπδ γάρ μ'όλεϊς Ar. Au. 1506 semblent contredire ces affirmations. En fait, la tmèse est exceptionnelle dans la tragédie comme dans la comédie (on en relève en tout une quinzaine d'exemples dans les trimètres). Elle peut être négligée sans risque de fausser l'analyse du corpus.

10

INTRODUCTION

assimiler aux mots composés. L'unité des formes dues à la erase ou à l'élision dépend du débit de la parole, car il est permis de croire qu'un ralentissement de ce débit entraîne normalement leur dissolution. Par contre, l'unité des mots composés est permanente. C'est en nous fondant sur ce contraste que nous avons résolu de nous éloigner des indices fournis par la norme orthographique pour refuser aux formes à erase le statut de mots uniques. Un raisonnement similaire nous a conduit à négliger les mots prononcés avec synizèse, θεός, πόλεως, μη ού, etc. En règle générale, les unités que nous soumettons à l'analyse sont des mots isolés qui échappent de ce fait à l'influence d'autres mots.

0.2. LA TRANSCRIPTION PHONETIQUE

0.2.0. Le corpus que nous étudions est un ensemble de textes conservés par écrit. Toute description phonologique de ces textes suppose la connaissance de la valeur phonétique de chaque signe servant à les noter. La prononciation du dialecte attique à l'époque qui nous intéresse est en lignes générales connue L'abondance des documents épigraphiques et littéraires, de même que le témoignage des grammairiens anciens 7, permettent aux spécialistes de se la représenter d'une façon assez nette. Leurs recherches en ce domaine ont fait l'objet de plusieurs livres auxquels nous nous permettons de renvoyer le lecteur 8. Sans reprendre le détail de l'argumentation, nous avons cru nécessaire de préciser la manière dont nous interprétons certaines graphies peu claires 9. 0.2.1. Avant l'adoption de l'alphabet milésien, les inscriptions attiques notent par φσ et χσ, moins souvent par πσ et κσ, les groupes de consonnes résultant de la rencontre d'une occlusive labiale ou vélaire avec [s]. L'hésitation marquée dans la représentation graphique de ces β Naturellement, ceci n'est vrai que pour la transcription des signes servant à noter les consonnes et les voyelles. Nous ne prétendons pas connaître d'une manière satisfaisante la structure rythmique et accentuelle de la phrase attique. 7 Sur la valeur des témoignages de ce genre voir F. de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1922, p. 4 4 - 5 4 . 8 Voir notamment Blaß, Aussprache ; Meisterhans — Schwyzer, Gramm. ; Schwyzer, Gr. Gramm. ; Sturtevant, Pronunciation ; Allen, Vox Graeca, et surtout Lejeune, Traité. 9 Dans cet ouvrage, la transcription des formes épigraphiques suit la norme des IG I2. Il va de soi que les documents originaux ne comportent ni espaces blancs entre les mots, ni accents, ni esprits. Sur ces documents, l'élément consonantique qui apparaît à l'initiale des mots comme άρμός, έτερος, ύπό, etc. est tantôt noté, tantôt omis. Sa présence sera symbolisée par un h-, son absence par l'esprit rude.

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LA TRANSCRIPTION PHONÉTIQUE

groupes — on utilise tour à tour les séquences φσ, χσ et πσ, κσ et les signes uniques ψ, ξ — nous invite à voir dans leurs premiers éléments des occlusives d'une nature particulière. Il s'agit évidemment de sourdes, mais non d'aspirées, puisqu'il n ' y a pas de dissimilation dans les formes θρέψω, θρίξ, έξω, etc. E n suivant M. Lejeune 1 0 , nous considérons que ces occlusives, qui ne se confondent ni avec [p], [k], ni avec [pc], [k c ], sont des sourdes douces [p], [Ê]. La même valeur sera attribuée aux signes φ et χ dans les séquences φθ et χθ·. I l est peu probable en effet que ces groupes aient jamais comporté dans la prononciation deux aspirations [p c t c ] et [k c t c ] u . 0.2.2. Les inscriptions archaïques emploient encore, quoique d'une façon peu régulière, le signe ?, différent de K, pour noter l'occlusive vélaire sourde devant une voyelle postérieure [o] ou [ç]. Même aux VII e et VI e s. av.n.è. cette graphie est rare (au V e s. elle disparaît définitivement). De plus, la moitié des exemples enregistrés dans I G I 2 est fournie par la répétition d'une seule formule : γλαυ