Petites Histoires des Grandes Musiques de Films
 9781728908182

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Petites Histoires des Grandes Musiques de Films

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Bruno Communal

Petites Histoires des Grandes Musiques de Films

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Photographies de l’auteur

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Copyright © 2018 Bruno Communal Photographies : Copyright © Bruno Communal Tous droits réservés. ISBN : 9781728908182 6

À mes parents, et à ma famille au grand complet.

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SOMMAIRE

Générique ! ............................................12 Petites Histoires de A à Z ...……………. 17 Index des Compositeurs ……............... 251 Index des Titres de Films cités ….......... 257 Sources et Bibliographie ………………. 269 Remerciements ………………………… 295

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Un rituel centenaire : l’enregistrement et la synchronisation de la musique avec le film. Jean-Claude Petit dirige l’Orchestre National de France à la Maison de la Radio (Le Hussard sur le Toit, 1995).

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GÉNÉRIQUE ! La musique de film est née avec le XXe siècle. En 1908, le compositeur Camille Saint-Saëns écrit la première partition originale pour le cinéma – L’Assassinat du Duc de Guise, une pièce filmée de la Comédie-Française – sans imaginer qu’il amorce une union séculaire entre deux arts désormais complémentaires. D’un côté, émerge une industrie innovante qui se dote sous peu de moyens financiers considérables. De l’autre, bouillonne un panel de musiciens en quête d’aventures inédites, voire de revenus substantiels. Car le compositeur du nouveau siècle se heurte régulièrement à la précarité de son statut ; à l’exception de quelques chanceux, l’œuvre concertante ne nourrit pas son homme. Dans l’Hexagone, Arthur Honegger encourage ses collègues, dont Maurice Jaubert et Miklós Rózsa, à envisager le Septième art comme un authentique terrain d’expérimentation, mais aussi comme une alternative au mécénat public ou privé : « Un compositeur de musique symphonique, quelle que soit sa réputation, ne peut vivre que s’il accepte une situation à côté. Ceux qui ne sont ni directeurs de conservatoire, ni professeurs, ni journalistes, ni chefs d’orchestre au théâtre ou à la radio n’ont qu’un seul et unique débouché : le cinéma. »1 De ce fait, des noms prestigieux tels Darius Milhaud ou Francis Poulenc embrassent la pellicule avec plus ou moins de ferveur, tandis que d’autres, Georges Auric en tête, délaissent leur écriture concertante au profit d’un engagement heureux pour l’écran. Quelques décennies après ce mariage arrangé, la Seconde Guerre mondiale oblige nombre d’artistes européens à trouver refuge à Hollywood. La capitale de l’industrie cinématographique garantit à tout-va protection et traitements confortables, sous réserve d’une certaine productivité. Sur place, Alfred Newman, Hugo Friedhofer, Max Steiner, Bernard Herrmann, Dimitri Tiomkin, et bien d’autres sont rejoints par les immigrés Franz Waxman, Miklós Rózsa, et surtout Erich Wolfgang Korngold, élève de Mahler et initiateur d’un esthétisme symphonique fondamental au sein de la communauté hollywoodienne. En toute logique, les protagonistes du médium naissant s’inspirent des écoles nationales du XIXe siècle. On extrapole par conséquent la musique à programme des maîtres romantiques et postromantiques, afin de suivre au plus près les sentiments exprimés à l’écran. Si le modèle wagnérien ou l’usage du leitmotiv s’impose dans les productions américaines, l’influence de Claude Debussy et Maurice Ravel pénètre bientôt le cinéma international. Au Japon, Fumio Hayasaka calque le motif de Rashomon sur l’imparable Boléro. Outre-Atlantique, la nouvelle garde pioche chez Béla Bartók, Igor Stravinsky, instaure le sérialisme sur les drames en technicolor… Cependant, ces impérieuses références n’entament en rien la créativité des musiciens confrontés à l’image, leur argument premier se situant ailleurs, dans un geste identitaire dominé par le charbon ardent des scores* du XXe siècle : la mélodie. Au-delà des modes, des genres, des cultures, elle figure la grande préoccupation des créateurs et des producteurs. Car un air marquant est non seulement la garantie d’une personnalisation de l’œuvre filmique, mais constitue par la même un merveilleux objet publicitaire. En plus des enjeux artistiques, « Hollywood comprend très vite l’intérêt de publier des 78 tours des bandes origi-

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nales, écrit l’historien Stéphane Lerouge, à la fois comme support promotionnel au film et débouché commercial supplémentaire. Rapidement, plusieurs studios créent leur propre label discographique (MGM, Disney, Columbia, United Artists), afin de garder le contrôle sur l’exploitation musicale de leurs productions. »2 Ainsi, de façon indirecte, le film se propage hors de la salle de spectacle, s’affiche en magasin, se collectionne. Le marché du disque, poussé par l’industrie du Septième art, est promptement inondé de scores à succès qui côtoient les pop-stars dans les charts internationaux. Maurice Jarre témoigne : « Lorsque l’album du Docteur Jivago est sorti aux États-Unis, il est monté en flèche sur Billboard pour se retrouver à la première place devant les Beatles ! Pour moi, c’était bien plus gratifiant qu’un Oscar ! »3 Le cinéma fait donc vendre des disques et inversement. L’échange de bons procédés s’amplifie dans les années soixante avec les parutions en vinyle de Quatre Garçons dans le Vent ou Le Lauréat, véritables mètre-étalons de la B.O. à succès. On notera toutefois que ce plébiscite concerne plus rarement les scores instrumentaux qui s’éternisent volontiers dans les bacs des disquaires. Il faudra d’ailleurs attendre les thèmes sifflés d’un Ennio Morricone, les fameux réenregistrements RCA dirigés par Charles Gerhardt ou les quatre millions d’exemplaires vendus du double 33 tours de La Guerre des Étoiles pour sortir les partitions orchestrales de leur confidentialité. Dans l’Hexagone, en parallèle de ces faits d’armes, quelques précieux défenseurs tels Alain Lacombe, Claude Rocle, François Porcile, Bertrand Borie, s’activent à mettre en avant le talent des compositeurs pour l’image et encouragent l’édition discographique. À partir des années 90, la musique de film s’affiche sur des fanzines, des revues professionnelles. On organise des concerts, des festivals – plutôt rares jusqu’alors – puis l’offre discographique s’élargit. Les studios Warner, Universal, Paramount, et divers ayants droit autorisent la publication de trésors enfermés dans leurs archives depuis les enregistrements. L’historien Stéphane Lerouge déploie ainsi une collection d’albums d’une richesse inédite en France. À l’étranger, même engouement avec les sorties régulières des labels Varèse Sarabande, Intrada, Film Score Monthly, Quartet, GDM... L’âge d’or de la B.O. arrive enfin au grand dam de collectionneurs quelque peu fatigués d’avoir attendu si longtemps la sortie d’un disque de Georges van Parys, la partition rejetée de 2001, l’Odyssée de l’Espace, l’intégrale de Ben-Hur, etc. Du côté de la profession, ces redécouvertes tardives permettent à des maestros vétérans de trouver de jeunes collaborateurs, à l’exemple d’Éric Demarsan ou Philippe Sarde, et influencent au passage une nouvelle génération d’artistes. La nostalgie s’invite dans la bande-son d’un cinéma mondial qui, faute d’audace, se tourne vers son passé. Cependant, au gré des œuvres produites, plusieurs questions (re) surgissent et non des moindres : comment concilier les recettes musicales du Septième art d’antan avec le réalisme croissant des longs-métrages contemporains ? La musique n’est-elle pas l’ennemie du cinéma-vérité ? Quelle est la place du composi-

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teur face à l’image désacralisée ? Celle d’un véritable créateur ? Celle d’un technicien au service des ambiances à pourvoir ? Et plus généralement, doit-on faire table rase des références culturelles du XXe siècle pour avancer vers de nouveaux horizons ? Devant ces interrogations, un vieux postulat littéraire frappe à la porte des futurs prétendants : on n’écrit pas de livres sans en avoir lu ! Autrement dit, quelles que soient les directions à prendre, la nécessité de visiter, voire d’assimiler les œuvres d’hier apparaît fondamentale pour les apprentis sorciers de demain. À ce titre, nos rencontres régulières avec les étudiants en audiovisuel ont pleinement encouragé l’écriture de cette anthologie. Depuis la révolution numérique, l’accès instantané au patrimoine a transformé durablement le rapport à la culture. L’immédiateté propre aux réseaux mondiaux de communications représente une avancée indéniable sur le terrain de l’apprentissage. Mais devant la somme des contenus mis à disposition, quid des choix à opérer ? Comment discerner la portée artistique ou socioculturelle d’une référence sans se perdre au détour d’un extrait vidéo, d’un téléchargement ou d’un avis dithyrambique ? Le lecteur trouvera dans cet ouvrage 357 bandes originales qui ont participé à l’histoire du cinéma et de la télévision de 1930 à 2000. La sélection non exhaustive opérée parmi des milliers de titres découle bien entendu de plusieurs critères et d’une question centrale : qu’est-ce qu’une bonne ou grande musique de film ? Si, devant la variété des styles et des genres, il apparaît difficile de répondre avec certitude, on peut toutefois considérer qu’une réussite notable en la matière relève d’un dialogue ouvert entre deux auteurs aux intérêts divergents : un réalisateur aux prises avec la dimension collective de son art qui rêve d’une paternité totale, et un musicien qui, tout en servant la cause commune, souhaite exister audelà du contexte cinématographique. Au mieux, dans la mêlée, le premier laisse au second le soin d’interpréter en toute liberté « son » œuvre filmique. Au pire, le metteur en scène ferme le dialogue et prescrit la voie esthétique ou quantitative à suivre. À l’aune des nombreux témoignages cités en aval, il semblerait que les bons scores issus de mésententes avérées soient assez rares et confirment qu’un climat de confiance réciproque est garant d’un certain accomplissement. De manière éclatante, le XXe siècle aura été le pourvoyeur de formidables duos interactifs, jugez plutôt : Bernard Herrmann et Orson Welles ou Alfred Hitchcock, Georges Delerue et François Truffaut, Jerry Goldsmith et Franklin Schaffner, Michel Legrand et Jacques Demy, John Williams et Steven Spielberg, Alex North et John Huston, Maurice Jarre et David Lean ou Peter Weir, Nino Rota et Federico Fellini, Francis Lai et Claude Lelouch, Philippe Sarde et Claude Sautet, Ennio Morricone et Sergio Leone… pour ne citer qu’un petit florilège de fameuses alliances. En les écoutant au plus près, on remarque que ces associations mettent en évidence un processus partagé par la majorité des convives : la mise à mal progressive, mais non définitive, de la tapisserie sonore des premiers feux de l’image en mouvement. Car pour la plupart des cinéastes modernes, l’enjeu est de rompre avec les techniques du Mickeymousing, de lutter contre le pléonasme ou le déjà entendu, bref, d’ouvrir le champ des possibles. Le fait est qu’une collaboration totale avec le dernier intervenant du film peut également prendre des allures

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de lâcher-prise, « le compositeur se place dès lors dans une perspective délibérément contraire à toute idée de commentaire et d’illustration, remarque François Porcile. La musique ne soutient pas l’image, elle lui ajoute du sens, la propre lecture du musicien. »4 En conséquence, la bande originale influe sur la perception du film auprès du public ; elle prolonge, transforme, les intentions originelles des auteurs du projet cinématographique. À partir de ce constat, nous avons pris soin de retenir les B.O. les plus emblématiques de cette tendance marquée. Des scores aux identités bien trempées, distingués par les pairs de la discipline, et reconnus des médias spécialisés. Parmi tous les grands classiques évoqués, nous avons aussi veillé à glisser quantité de travaux moins célébrés, mais dont la portée, le charme ou l’aspect précurseur se sont confirmés avec les ans. En outre, le choix limité des titres retenus émane d’un second parti pris raisonné : l’exclusion du cinéma asiatique et de la comédie musicale – deux entités nécessitant, selon nous, de copieuses explorations individuelles. Sur le plan formel, le classement par ordre alphabétique a été retenu afin de faciliter la consultation des titres présentés. Pour chaque film, le lecteur trouvera les informations additionnelles suivantes : le titre original, le réalisateur, le producteur, le distributeur, le compositeur, et l’année de sortie en salle. Enfin, sur le plan rédactionnel, la priorité a été donnée aux témoignages des artistes mentionnés dont certaines paroles, issues d’interviews, d’articles ou de biographies en langues étrangères, ont été traduites pour la première fois en français.

*score (partition ou bande musicale) : mot d’origine anglaise, très largement utilisé par les professionnels et les mélomanes francophones. ____________________________________________________________________________________________

1. Les Conflits de la Musique Française, 1940-1965 – François Porcile, éd. Fayard, 2001. 2. Musique et Cinéma, Le Mariage du Siècle ? – N.T. Binh, éd. Acte Sud / Cité de la Musique, 2013. 3. Main Title / Musique à l’Écran n°2, décembre 1992. 4. Analyse faisant suite à un témoignage de Maurice Jarre (Les Conflits de la Musique Française).

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Petites Histoires de A à Z

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ADIEU À VENISE Anonimo Veneziano Réalisé par Enrico Maria Salerno - Production : Turi Vasile (Ultra film / MGM) Musique de Stelvio Cipriani - 1970 Éternel second couteau de la musique de film italienne, Stelvio Cipriani débute sa carrière comme pianiste de variété, puis découvre le cinéma via de nouveaux engagements : « Lorsque j’ai signé avec l’orchestre Unione Musicisti Di Roma, raconte le maestro, j’ai commencé à jouer dans des sessions d’enregistrement… À cette époque, je travaillais dans des studios liés à la musique de film. J’ai joué sur plusieurs bandes originales de Nino Rota pour Fellini et je fus témoin de leurs échanges en la matière ; idem avec le tandem Giovanni Fusco / Antonioni. De ce fait, quand ce fut mon tour de composer, je savais de quoi il retournait… » La mélodie au piano d’Adieu à Venise fait vite le tour du monde et proclame la verve sentimentale de son auteur. « Toutefois, ce n’est pas moi mais Arnaldo Graziosi qui interpréta le thème principal. C’est un grand pianiste et une personne merveilleuse. Quand il fut accusé d’avoir tué sa femme, la télévision italienne me demanda mon avis. Je leur fis alors entendre le disque d’Adieu à Venise en m’exclaamant : "Voilà Arnaldo Graziosi !" Il est très sensible et d’une rare courtoisie. C’est un ami précieux et bien qu’il ait passé très injustement quinze ans en prison, je n’ai jamais douté de son innocence. » Outre ses ritournelles aux frontières de la variété, Stelvio Cipriani signera des scores remarquables pour quelques longsmétrages oubliés (Les Émotions d’un Jeune Voyeur, Blondy, entre autres). Anonimo Veneziano : éd. Digitmovies (cd). L'AFFAIRE THOMAS CROWN The Thomas Crown Affair Réalisé par Norman Jewison - Production : Hal Ashby, Norman Jewison, Walter Mirisch (United Artists) Musique de Michel Legrand - 1968 La genèse musicale de L'Affaire Thomas Crown est à l'image de Michel Legrand : imprévisible, virtuose, hors norme. Le musicien s'installe à Los Angeles en 1967 avec l'intention d'échapper au ronronnement avéré d'un certain cinéma français. Passé quelques premières productions mineures, il se retrouve plongé au cœur de la machine hollywoodienne grâce à Henry Mancini* qui le recommande au réalisateur. Pour l’artiste français, l'aventure commence par une longue projection : « C'est un coup de massue : le bout à bout dure cinq heures, se souvient Legrand. Tout de suite, Norman et Hal essayent de me rassurer : "Ne t'inquiète pas ! Il nous reste encore deux mois. Dès demain, on commence vraiment le montage, bien que l'on ne sache pas exactement par où l'entamer..." À cet aveu, je réalise que le nœud de l'intrigue, c'est-à-dire les cambriolages de Thomas Crown, occupe uniquement vingt minutes du film. Et que tout le reste est lié indirectement à l'intrigue et peut avoir une durée variable (...) Brusquement, j'ai un flash. Sans vraiment réfléchir, je lance à Norman et Hal : "Prenez six semaines de vacances avant d'entamer le montage ! Pendant ce temps-là sans jamais revoir une seule image, je vous écris une heure et demie de musique..." » Un pari fou, quasi improbable dans un tel contexte. Pourtant, Legrand rafle la mise avec une partition

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jazz / baroque vissée à l'esprit du film. Tout chauvinisme mis à part, The windmills of your mind** serait-elle la plus belle chanson d'amour de l'histoire du cinéma ? The Thomas Crown Affair : éd. Quartet (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1969. Oscar de la meilleure chanson originale 1969. *Indisponible pour écrire le score, mais fair-play ! **La chanson du film sera adaptée en français par Eddy Marnay sous le titre : "Les Moulins de Mon Cœur". L'AFRICAIN Réalisé par Philippe de Broca - Production : Claude Berry, Pierre Grunstein (Amlf) Musique de Georges Delerue - 1983 Sans crier gare, le départ de Georges Delerue pour Hollywood met fin au duo flamboyant qu'il forme avec Philippe de Broca. « Entre Georges et moi, il n'y a pas eu de rupture, avoue le metteur en scène, simplement un éloignement progressif. J'habitais Paris, lui Los Angeles... On avait chacun nos vies, séparées par quelques milliers de kilomètres. On s'est toutefois retrouvé sur deux films, L'Africain et Chouans ! Pour le premier Georges était revenu en France : on a donc renoué avec nos vieilles habitudes. Car mon bonheur c'était d'aller chez lui, près du lac d’Enghien, l'écouter me proposer des thèmes... Là, je lui avais dit : "Je voudrais une ouverture qui coule comme un grand fleuve africain, vaste, boueux, irrémédiable…" Il s’est mis à son clavier et, déjà, je visualisais sa musique. » Cette proximité de Broca ne la retrouvera pas sur Chouans !, pourtant formidable partition, et se tournera ensuite vers d'autres musiciens. L'Africain apparaît du coup comme la somme d'une collaboration. Une bande originale qui résume trente ans de cinéma échevelé où l'aventure rime avec la comédie, l'amour avec la mélancolie. L'émouvant Face to face qui ouvre l'album en chanson, demeure l'un des plus beaux thèmes composés par Delerue pour le cinéaste. L'Africain : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). AGNÈS DE DIEU Agnes of God Réalisé par Norman Jewison - Production : Norman Jewison (Columbia Pictures) Musique de Georges Delerue - 1985 « Je ne me décrirais pas comme quelqu’un de religieux, déclare Delerue dans les années quatre-vingt, ceci dit, même avant d’écrire pour le cinéma, pas mal de gens trouvaient que ma musique avait un côté mystique. Je ne peux pas vraiment me l’expliquer… Cela provient peut-être d’une partie de ma personnalité qui m’est inconnue. » À l’aune de cette spiritualité présente dans grand nombre de ses partitions, Norman Jewison choisit Delerue en l’incitant à écrire pour la voix : « Je l’ai encouragé à composer des morceaux pour chœurs que nous pourrions mélanger à l’orchestre ou utiliser a cappella. Georges pensait aussi que suite au miracle, la partition devait gagner en lyrisme… Sans sa musique, mon film serait demeuré trop théâtral. Delerue l’a rendu très réel, l’a humanisé. Il soutenait les scènes en

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douceur plutôt que d’y entrer par effraction. Son travail est d’une grande délicatesse d’une grande sensibilité au jeu des comédiennes, à la lumière, au mouvement de caméra… J’ai le sentiment que, pour écrire et diriger cette œuvre, Georges Delerue a trouvé au fond de lui-même une profonde inspiration religieuse. » Agnes of God : éd. Varèse Sarabande (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1986. L’AIGLE DES MERS The Sea Hawk Réalisé par Michael Curtiz - Production : Hal B. Wallis (Warner Bros.) Musique d’Erich Wolfgang Korngold - 1940 La dernière contribution d’E.W. Korngold au film d’aventure hollywoodien – ou swashbuckler – relève de l’exploit : 115 minutes de musique particulièrement complexe (bande-annonce incluse !), composées et enregistrées en moins sept semaines. « Lorsque nous avons ouvert nos partitions, nous avons été éberlués, se souvient Eleanor Aller, premier violon du Warner Bros. Orchestra. La page était noircie de notes… Pour nous tous, L’Aigle des Mers fut vraiment quelque chose de différent. Cela équivalait au Don Juan de Richard Strauss ! C’était vraiment très difficile, chaque instrument était traité comme un virtuose. » Par la même, la mouvance de cette partition unique dessine un esthétisme qui influence toute une communauté : « À l’époque, Korngold était le meilleur compositeur de musique de film, remarque André Previn. Et nombre de ses confrères se mirent à le copier. C’est ainsi que le son qu’il avait créé devint une espèce de synonyme d’Hollywood, et que rapidement ce terme fut utilisé pour dénigrer sa musique. En vérité, ce n’est pas Korngold qui sonnait façon Hollywood, mais une grande partie de la musique de film qui commençait à sonner comme du Korngold. » De Max Steiner à John Williams, en passant par David Raksin, la plupart des grands symphonistes du cinéma américain ont subi l’influence des vingt bandes originales écrites par le musicien autrichien. The Sea Hawk : éd. Varèse Sarabande et Naxos (réenregistrements, cd). AIRPORT Airport Réalisé par George Seaton - Production : Ross Hunter (Universal Pictures) Musique d’Alfred Newman - 1970 Figure paternaliste du système musical hollywoodien, Alfred Newman ne cessera de clamer haut et fort la passion de son métier. Il ne composera du reste que pour le cinéma en prenant soin d'éviter tout systématisme. L'énergie contenue dans cette ultime B.O. laisse pantois. Airport s'ouvre sur un générique endiablé aux allures de mambo symphonique, enchaine avec des romances jazzy (Love theme, Inez' theme), une marche pleine d'humour (Ada Quonsett, stowaway), pour atterrir dans une extrême tension orchestrale (Emergency landing). À l'orée d'une décennie mouvementée, tout est déjà là pour définir un genre en pleine explosion : le filmcatastrophe. John Williams s'en souviendra pour ses futurs travaux (La Tour Infernale, Tremblement de Terre), idem pour John Cacavas (747 en péril, Les

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Naufragés du 747) et accessoirement Lalo Schifrin (Airport 80 : Concorde). Atteint d'un emphysème pulmonaire, Alfred Newman ne pourra pas diriger l'album du film, confié à Ken Darby et Stanley Wilson. Il décèdera un mois avant son soixante-dixième anniversaire. Airport : éd. Decca / MCA (réenregistrement d’époque, lp, cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1971. ALAMO The Alamo Réalisé par John Wayne - Production : John Wayne (United Artists) Musique de Dimitri Tiomkin - 1960 Le 5 octobre 1959, Dimitri Tiomkin rejoint le tournage d’Alamo avec deux chansons sous le bras (Here’s to the ladies /Tennessee babe), afin de superviser leurs interprétations sur le plateau. John Wayne souhaite donner à son premier film une imposante dimension musicale, et permettre à Frankie Avalon ou Ken Curtis de chanter lors des séquences festives. Il demande également à Tiomkin de réutiliser El Deguello (composé pour Rio Bravo) comme thème d’ouverture. Quelques mois après cette immersion sur le plateau, le musicien livre une partition mammouth estimée à 2h20 qui, malgré sa magnificence, ne sauvera pas le film de son échec commercial. « Pour apprécier l’effet d’une musique sur un film et estimer ce qu’elle lui apporte, déclare Tiomkin, il faudrait le visionner avant et après l’ajout du score. Non seulement tous les effets dramatiques sont rehaussés, mais, dans la plupart des cas, les visages, les voix et même les personnalités des acteurs sont altérés par la musique… Je suis toujours malheureux quand un réalisateur insiste pour avoir de la musique tout au long du film. Il y a des scènes où elle est dispensable, et lorsqu’il insiste pour en rajouter, cela m’afflige. J’en tremble même, me demandant si je dois assister à la projection au milieu des spectateurs qui ont mal aux oreilles. Qu’arriverait-il s’ils me reconnaissaient ? » Malgré ses angoisses de créateur, Tiomkin sera le grand vainqueur de la bataille d’Alamo avec ce classique du western moult fois réédité en vinyle* et cd. The Alamo : éd. Sony (cd) et Tadlow (réenregistrement complet, cd). *À l’origine, la compagnie Columbia Records avait prévu un double 33 tours, mais devant les mauvais résultats des projections tests, l’album définitif ne comportera qu’un seul disque. Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1961. ALEXANDRE LE BIENHEUREUX Réalisé par Yves Robert - Production : Danièle Delorme, Yves Robert (Warner Bros.) Musique de Vladimir Cosma - 1968 À quelques semaines de son grand départ pour l'Amérique, Michel Legrand reçoit un coup de fil d'Yves Robert. Le cinéaste envisage de lui confier la musique de son nouveau film. Hélas, le planning est trop serré et Legrand décline l'offre. Témoin de la conversation, son arrangeur Vladimir Cosma tente sa chance : « J’ai timidement osé dire : "Michel, je suis disponible pendant trois mois avant de vous

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rejoindre en Amérique, ne pourriez-vous pas essayer de le rappeler ? Ce serait une belle chance pour moi de composer la musique d'un film..." Après deux secondes de réflexion et sans me dire un mot, il appelle Yves Robert sur le tournage du film en question. "Allo Yves ! Je vais te faire un grand cadeau…" » Ainsi naissent l'une des plus longues collaborations du cinéma français et le premier succès d'un compositeur incontournable. Cosma aborde Alexandre le Bienheureux avec l'idée de symboliser les personnages par des instruments solistes. Le musicien choisit la cithare pour accompagner les frasques de Philippe Noiret et l'ocarina basse pour celles de son petit chien. Ce principe dérivé de Prokofiev se poursuivra au fil de nombreux films, dont ceux de Pierre Richard. Mention spéciale pour la splendide chanson Le ciel, la terre et l'eau interprétée par Isabelle Aubret. Une B.O. empreinte de poésie. Alexandre le Bienheureux : éd. Larghetto music (cd). ALEXANDRE NEVSKI Александр Невский Réalisé par Sergueï M. Eisenstein - Production et distribution : Mosfilm Musique de Sergueï Prokofiev - 1938 L’œuvre concertante et cinématographique de Prokofiev constitue un repère musical qui traverse les générations. De John Williams à James Horner ou Hans Zimmer*, la grande majorité des compositeurs confrontés à l’imagerie spectaculaire du Septième art lui sont redevables. L’un de ses apports les plus discrets dans l’art de la bande musicale intervient de manière prophétique. Plongé dans le film d’époque, Prokofiev déroge aux règles des partitions historiques et choisit l’anachronisme : « L’action située au XIIIe siècle, est bâtie sur deux éléments opposés : d’un côté les Russes et de l’autre les croisés teutons. La tentation naturelle était d’employer de la musique de l’époque, mais l’étude des chants catholiques a montré que, durant sept siècles, ils s’étaient tellement éloignés de nous, et que leur contenu émotif nous était devenu si étranger, qu’ils ne suffisaient plus à satisfaire l’imagination du spectateur. Voilà pourquoi il était beaucoup plus intéressant de les interpréter non pas comme ils l’avaient été à l’époque de la bataille sur la glace, mais ainsi que nous les ressentons actuellement. » Une conception validée et saluée par Sergueï Eisenstein : « Prokofiev sait si joliment rendre en musique le temps jadis, sans recherche d’archaïsme, sans pastiche, en recourant à ce qu’il y a de plus extrême, de plus risqué, de plus abrupt dans la musique ultra moderne. » Cet acte salutaire participera à l’évolution de la musique à l’écran. Alexander Nevski : éd. RCA / BMG (dirigé par Yuri Temirkanov, cd). *On retrouve l’influence de Prokofiev dans des B.O. telles que la trilogie Star Wars, Superman le film (cf. Pierre et le loup), Willow (cf. Roméo et Juliette), Gladiator (cf. Lieutenant Kijé)… ALIEN, LE HUITIÈME PASSAGER Alien Réalisé par Ridley Scott - Production : Gordon Carroll, David Giler, Walter Hill (20th Century Fox) Musique de Jerry Goldsmith - 1979

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La postproduction d’Alien amorce son ultime chapitre à la fin de l’année 1978. Sur les recommandations de Lionel Newman*, chef du département musique de la Fox, Jerry Goldsmith est convié au visionnage d’un montage non définitif de 127 minutes : « J’étais tout seul dans la salle de projection et complètement terrifié. J’avais beau me répéter : "ce n’est qu’un film, ce n’est qu’un film…", j’étais terrifié au plus haut point… Ce qui était plutôt bon signe, car cela allait m’aider à écrire la partition. » Peu enclins au dialogue, Ridley Scott et son monteur Terry Rawlings préparent un programme de musiques temporaires, afin de guider le travail de Goldsmith. « En plaçant sur plusieurs séquences des extraits orchestraux de mon travail sur Freud (1962), ils pensaient me faire plaisir, poursuit le musicien, mais en fait j’ai détesté. J’aurais préféré qu’ils utilisent des morceaux de quelqu’un d’autre. » Le compositeur passe outre ces indications et crée une grande symphonie spatiale mi-romantique, mi-avant-gardiste, trouée de sonorités traditionnelles (didgeridoo, conque indienne, serpent médiéval). « J’ai proposé d’écrire une ouverture très romantique, très lyrique, afin que les premiers chocs émergent du déroulement de l’intrigue. Une manière de dire : "Ne dévoilez pas tout dès le générique !" Mais cela ne s’est pas très bien passé. Ridley et moi étions en désaccord à ce sujet. » Finalement, Goldsmith sera contraint de réécrire une partie du score et le réalisateur conservera les extraits de Freud dans la bande-son du film. Alien : éd. Intrada (cd). *Également chef d’orchestre de la B.O. et d’autres musiques de Goldsmith nécessitant un important travail de mixage en cabine. ALPHAVILLE Réalisé par Jean-Luc Godard - Production : André Michelin (Athos Films) Musique de Paul Misraki - 1965 Les réalisateurs de la Nouvelle Vague n’attirent guère les icônes de l’arrière-garde musicale dans leur création. « Les temps changent, remarque l’historien Stéphane Lerouge, une profonde mutation s’instaure, y compris pour des musiciens comme Georges Auric, Joseph Kosma ou Georges van Parys : associés au cinéma "d’avant" et sévèrement négligés par les jeunes metteurs en scène ; l’époque sonne leur chant du cygne. De cette génération, Paul Misraki sera le seul compositeur à franchir le barrage de la Nouvelle Vague. » Et l’épreuve du feu se révèle fructueuse pour l’auteur de Comme tout le monde. Après Claude Chabrol, Jean-Luc Godard le choisit pour une B.O. dramatique écrite au premier degré. « J’ai composé Alphaville sans voir une seule image du film, note Misraki, uniquement sur lecture du scénario. Dès cette étape, j’ai compris l’importance du cadre, une ville froide, inhumaine, détraquée… D’où cette partition plutôt effrayante : je me souviens d’une valse tellement triste qu’elle en devient tragique. Le mixage du film fut assez drôle (…) Godard avait poussé la musique si fort qu’on ne comprenait plus le dialogue ! » On peut regretter que le cinéaste ait morcelé le splendide générique du film, dont la verve rappelait celle de Miklós Rózsa pour Le Monde, La Chair et Le Diable. Alphaville : éd. Pomme music / Sony (cd).

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AMICALEMENT VÔTRE The Persuaders Série britannique produite par Robert S. Baker (ITC) Thème musical de John Barry - 1971 L’instrumentiste globe-trotter John Leach* fournit à John Barry de quoi étancher sa soif de sonorités nouvelles. « Pour le générique d’Amicalement Vôtre, je voulais un son étrange, raconte le compositeur. Je me suis donc rendu chez Leach, qui habitait à Fulham dans une maison pleine d’instruments bizarres. On pouvait à peine entrer ! Il me présenta un kantele, une vieille cithare de Finlande, qu’il m’encouragea à utiliser pour doubler le son du cymbalum. Ce n’était pas un instrument chromatique, il avait une échelle musicale particulière que j’aimais beaucoup. J’ai donc écrit le thème en fonction de ses possibilités. » Afin de compléter ces sonorités traditionnelles, Barry inscrit Amicalement Vôtre dans la modernité à l’aide d’un synthétiseur Moog et d’une section rythmique. « J’ai enregistré le morceau au studio de George Martin** à Oxford Circus. Il était avec nous dans la pièce et nous a fait une ou deux suggestions concernant la balance et quelques gadgets. Là-bas, il était comme un gamin devant un château de sable. Nous avons utilisé beaucoup de réverbération et d’effets de studio. » John Barry s’étonnera toujours de la popularité de son thème : « C’est surprenant car il est en 3/4 de temps, alors que tout le rock n’roll est en 4/4. Je suppose que les gens apprécient son entrainante ligne de basse et la simplicité de la mélodie. » The Persuaders : éd. Columbia (cd). *Spécialiste britannique du cymbalum, interprète de nombreuses B.O. (La Fille de Ryan, Gandhi, etc.) **Producteur des Beatles. ANGÉLIQUE, MARQUISE DES ANGES Réalisé par Bernard Borderie - Production : Francis Cosne (SN Prodis) Musique de Michel Magne - 1964 Michel Magne arrive dans le cinéma des années soixante tel un boulet de canon. Manipulant tous les genres musicaux avec la même vélocité (jazz, classique, variété, musique contemporaine...), il devient vite le compositeur à la mode au sein des productions grand public. Le cycle des Angélique représente assurément la quintessence de sa capacité à capter le cœur des spectateurs. Construit autour d'un grand thème romantique, son score lorgne volontiers le Classicisme hollywoodien et ses élans emphatiques. Au fur et à mesure des intrigues, Magne multiplie ses variations, ses ambiances (parfois exotiques), sans jamais trop s'éloigner de son intention mélodique. « Ma musique du sirop ? Disons que le sirop que je compose je l'aime bien, je ne cracherais pas dessus, déclarait-il en 1977. D'abord, le public me le rend bien et ce ne sont pas des mélodies que je refuse, au contraire, je les aime bien. C'est très difficile de faire une mélodie, c'est souvent plus difficile que de faire une musique contemporaine... Mon souci est de plaire à un grand nombre. Plaire à deux mille personnes ne m'intéresse pas. » Plusieurs fois rééditées ou réutilisées (spectacles, remake), la musique d'Angélique, Marquise des Anges continue de séduire toutes les générations.

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Angélique, Marquise des Anges : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). ANTENNE 2, DÉBUT ET FIN DE PROGRAMME (Emmanuel) Génériques mis en image par Jean-Michel Folon. Musique de Michel Colombier - 1975 Bien disparu le temps où la télévision avait une fin. Nos petites lucarnes ne reverront sans doute jamais les dessins de Folon prendre vie sur la musique de Michel Colombier, auteur méconnu de ces apartés poétiques. « Je me suis fait à l’habitude de rester dans l’ombre, avoue le compositeur, le manque de notoriété ne m’a jamais frustré. Le générique de fin de programme d’Antenne 2 ou celui de Salut les copains, personne n’a jamais su que c’était de moi. J’ai été le nègre de Michel Magne à mes débuts, j’ai grandi comme ça. Mon père avait des principes très stricts, il était très pur. Il disait que l’artiste est au service de l’Art et non l’inverse. » Malgré cette relative discrétion, le compositeur participe à l’esthétisme musical des années 70 ; il écrit le thème Emmanuel en hommage à son jeune fils disparu (l’album Wings - 1971), signe plusieurs B.O. notables (Un Flic, L’Héritier…), puis s’envole pour l’Amérique. « J’ai su me plier aux contraintes d’Hollywood, faire le caméléon, me comporter parfois comme une éponge. C’est pour ça que ça a marché très vite et très bien. » En 1982, Michel Colombier reviendra en France pour écrire la partition-fleuve du drame musical Une Chambre en Ville de Jacques Demy. Wings : éd. A&M (cd). ANTOINE ET CLÉOPÂTRE Antony and Cleopatra Réalisé par Charlton Heston - Production : Peter Snell (The Rank Organisation, Warner Bros.) Musique de John Scott - 1972 Monteur son, puis image, de quelques classiques du cinéma britannique, Eric Boyd-Perkins conserve un souvenir superlatif du score d’Antoine et Cléopâtre : « Je me rappelle vivement John Scott dirigeant sa partition magique à la tête du London Philharmonic Orchestra au grand complet… L’orchestre tout entier se levant et applaudissant après la première prise du générique est quelque chose dont je n’avais jamais été témoin auparavant, et auquel je n’ai jamais assisté depuis. » Le chef-d’œuvre de John Scott a de quoi surprendre en effet ; à l’heure où le péplum n’est plus – l’échec du film sera sans appel – le compositeur ravive la flamme des grands maîtres d’antan. « Certaines parties de la partition ont été écrites à la bougie durant les pannes d’électricité londoniennes de mars 1972, précise Scott. J’étais très nerveux en composant la bande originale d’Antoine et Cléopâtre. Peter Snell, le producteur, avait rejeté un premier score qui n’avait pas donné satisfaction. Il s’agissait d’un film très long, avec beaucoup de musiques différentes, et j’avais très peu de temps, environ un mois. C’était aussi la première fois que je travaillais avec un orchestre de cette taille et des chœurs. Je m’estime

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chanceux de m’en être si bien tiré. Après cette expérience, j’étais beaucoup plus confiant. » Antony and Cleopatra : éd. Polydor (lp) et JOS (réenregistrement, cd). APOCALYPSE NOW Apocalypse Now Réalisé par Francis Ford Coppola - Production : Francis Ford Coppola (United Artists) Musique de Carmine Coppola et Francis Coppola - 1979 Réduire la bande originale d'Apocalypse Now à The end (The Doors) ou La chevauchée des Walkyries (Richard Wagner) est omettre l'excellence du travail des Coppola et du sound designer Walter Murch. La musique électronique d'Isao Tomita, très à la mode en 1978, influence le concept sonore originel du film*. Le réalisateur demande tout d’abord à Carmine Coppola de composer une partition de forme classique, orchestrée pour divers pupitres, qu'il fait ensuite interpréter sur une batterie de synthétiseurs et de percussions. Puis, l'avènement du son Dolby Stéréo offrant désormais de nouvelles possibilités en matière de mixage, Francis Coppola ajoute une dimension inédite au travail de son père : « Comme je souhaitais démontrer la puissance discrète du son quadriphonique, j’ai invité quelques amis parmi lesquels Walter Murch et Georges Lucas. J’ai éteint les lumières et ils se sont assis dans le noir en écoutant les effets de spatialisation et la vitalité de l’expérience quadriphonique. C’était les débuts du Dolby Split – Surround (le format 5.1) qui fut développé par Walter Murch et utilisé pour la première fois dans Apocalypse Now… » Outre l'aspect novateur du processus, on est surtout frappé aujourd'hui par l'indémodable musicalité de cette B.O. dans laquelle le bruit devient musique et vice-versa. Apocalypse Now : éd. Elektra (2lp et 2cd avec effets sonores et dialogues - score, lp, cd - 1979). Apocalypse Now Redux : éd. Nonesuch (score version longue, cd - 2001). *David Shire composera également une première B.O. rejetée qui laissera des traces notables dans le travail des Coppola. L’ARME FATALE Lethal Weapon Réalisé par Richard Donner - Production : Richard Donner, Joel Silver (Warner Bros.) Musique de Michael Kamen, Eric Clapton et David Sanborn - 1987 Un travail d’équipe sans frontière. Durant la postproduction de L’Arme Fatale, le chef monteur Stuart Baird propose à Richard Donner de donner à son film une couleur particulière. « Il avait utilisé comme musique temporaire Edge of darkness, précise Michael Kamen, un morceau que j’avais écrit avec Clapton pour un téléfilm anglais. Cela plaisait beaucoup au réalisateur qui aimait le son de la guitare avec l’orchestre. Richard Donner voulait savoir si Eric Clapton souhaitait faire la musique avec moi. On m’a donc fait parvenir le script que j’ai trouvé trop violent… Mais Eric m’a appelé en me disant : "Écoute, j’aimerai bien faire ça, car j’adore Mel Gibson." » À la vision du film terminé, Kamen est séduit par l’hu-

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Michael Kamen (1948-2003)

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mour et l’osmose du duo de comédiens : « Il y a un dialogue constant entre Mel et Danny Glover, très énergique, très drôle. J’ai aimé immédiatement et donc j’ai signé. Là-dessus, le monteur me dit : "J’ai la guitare pour le personnage de Mel, mais je voudrais un saxo pour celui de Danny." J’aimais cette idée de contraste et nous avons choisi le meilleur saxophoniste : David Sanborn. » Situés à différents endroits du globe, les trois musiciens enregistreront séparément chacune leur partie (l’orchestre à Los Angeles, la guitare à Londres, le saxo à La Barbade) pour un mixage final détonant ! Lethal Weapon : éd. La-La Land (cd). L’ARMÉE DES OMBRES Réalisé par Jean-Pierre Melville - Production : Jacques Dorfmann (Valoria Films) Musique d’Éric Demarsan - 1969 Jean-Pierre Melville remarque Éric Demarsan lors de l’enregistrement du Samouraï au studio Davout, en 1967. Le jeune musicien dirige la partition de François de Roubaix et suscite l’intérêt du cinéaste. Deux ans plus tard, il est appelé pour composer le score de L’Armée des Ombres avec un minimum d’indications : « Melville m’a donné très peu de directives, je lui ai apporté la musique thème par thème, sans avoir vu la moindre image. Pour le thème de Gerbier (Lino Ventura), il m’a juste demandé d’écrire quelque chose de grave, ample, dépouillé, mais néanmoins lyrique. Quant à l’ambiance du film, il m’a dit qu’il ne s’agissait pas d’un film de guerre avec des combats, mais d’un film sur la résistance, sur des hommes discrets… pour lui, c’était un film discret et la musique ne devait pas être emphatique. » Satisfait des compositions originales du musicien, Melville lui demande toutefois de s’inspirer du Spirituals for orchestra de Morton Gould pour la séquence de la prison. « Comme il avait tourné puis monté la scène en rythme avec cette musique, il m’a incité à écrire quelque chose de ressemblant, mais j’étais convaincu qu’il ne conserverait pas mon morceau. Et c’est ce qui s’est passé… La musique de Gould a un tel souffle, une telle vie par elle-même, que c’était impossible à refaire. » Souvent crédité à Demarsan, le Spirituals for orchestra réapparaîtra à la télévision sur le générique de l’émission Les dossiers de l’écran. L’Armée des Ombres : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). L’ARNAQUE The Sting Réalisé par George Roy Hill - Production : Tony Bill, Julia Philips et Michael Philips (Universal Pictures) Musique de Scott Joplin, adaptée par Marvin Hamlisch - 1973 Durant l’automne 1972, George Roy Hill découvre les compositions de Scott Joplin par l’intermédiaire de son fils ainé, grand amateur de l’artiste autodidacte. Il échafaude alors l’accompagnement musical de L’Arnaque. « Bien que les ragtimes aient été écrits avant l’époque du film, vers le début du XXe siècle, remarque le cinéaste, je gardais en tête la connexion entre l’humour merveilleux, la grande spiritualité de ces "rags", et l’esprit que j’envisageais de donner à notre histoire. J’élaborai donc le montage de diverses séquences afin de pouvoir utiliser les mor-

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ceaux de Joplin. Dans un élan d’enthousiasme, je décidai de créer seul la B.O. en interprétant moi-même au piano tous les "rags". Ce que je fis pour le premier bout à bout des rushs. Mais en écoutant le résultat, le sentiment général des studios Universal fut que j’avais pris une sage décision en abandonnant ma carrière de pianiste au profit de celle de metteur en scène. Ils m’encourageaient d’ailleurs à persévérer dans cette voie… C’est ainsi que je fis appel à Marvin Hamlisch. » Épaté par la qualité du film, le musicien adapte sans difficulté les titres choisis, dont le fameux The entertainer : « Je n’ai pas mis plus de six ou sept jours pour mettre en forme l’intégralité du score. Tous les morceaux correspondaient parfaitement aux images, un peu comme si Joplin les avait écrits pour le film. Par ailleurs, je crois que sa musique a vraiment allégé la dureté latente de L’Arnaque. » The Sting : éd. MCA (cd). Oscar de la meilleure adaptation musicale 1974. ASCENSEUR POUR L’ÉCHAFAUD Réalisé par Louis Malle - Production : Jean Thuiller (Lux Compagnie Cinématographique de France) Musique de Miles Davis - 1958 Louis Malle termine à la hâte le montage de son second long-métrage afin de concourir au prestigieux prix Louis-Delluc 1957. Dans le même temps, il imagine un dispositif inédit : proposer au trompettiste Miles Davis, en concert à Paris, d’improviser une session sur les images de son film. Boris Vian lui permet de rencontrer le jazzman qui accepte, à condition de pouvoir préparer thèmes et grilles d’accords en amont de l’enregistrement. Le 4 décembre 1957 à dix heures du soir, la B.O. d’Ascenseur pour l’Échafaud prend forme au studio du Poste Parisien. « On s’est mis au travail très lentement, raconte Louis Malle, comme le font les musiciens de jazz… Je passais les séquences sur lesquelles on voulait mettre de la musique, et il commençait à répéter avec ses musiciens… On est resté là jusqu’à huit heures du matin. En une nuit, on a tout enregistré, et, en cela, je pense que la musique d’Ascenseur est unique. C’est l’une des rares musiques de film qui ait été entièrement improvisée. » Au total, 18 minutes de session figureront dans le polar en noir et blanc, avec l’impact que l’on sait. « Le film en était métamorphosé… il a soudain semblé décoller », constatera Louis Malle lors du mixage. Ascenseur pour l’Échafaud : éd. Universal Jazz (cd). L’ATALANTE Réalisé par Jean Vigo - Production : Jacques-Louis Nounez (Gaumont) Musique de Maurice Jaubert - 1934 Considéré comme l’un des pères fondateurs de la musique de film, Maurice Jaubert s’oppose très tôt aux diverses tendances héritées du muet (le 100% musique ou Mickeymousing*) et envisage des alternatives originales à la tradition symphonique. Sa rencontre avec Jean Vigo entérine une collaboration tendue vers l’expérimentation, l’échange : « Jaubert a assez de talent, constate le réalisateur de Zéro de Conduite, pour permettre qu’à l’occasion les hurlements des gosses cou-

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vrent sa musique. » En prise avec les intentions du musicien, L’Atalante deviendra l’emblème d’un cinéma poétique bercé d’idées nouvelles : « Au début du film, remarque François Porcile, le cortège nuptial s’arrête devant la péniche où les mariés embarquent. Le moteur mis en route, le bateau glisse doucement le long de la berge où la noce reste immobile, pétrifiée. Jaubert installe, presque imperceptiblement, la présence musicale en lui faisant épouser le rythme du moteur. Au bruit réel de la machine se superposent batterie, alto et violoncelle, qui, se détachant progressivement, vont permettre la naissance du thème d’amour au saxophone solo. » Avec cette séquence représentative, « Jaubert définit la place de la musique dans le film, son rôle de passage. "C’est précisément le rôle du musicien de film, disait-il, de sentir le moment précis où l’image abandonne sa réalité profonde et sollicite le prolongement poétique de sa musique." » Maurice Jaubert, L’Atalante et autres musiques de films : éd. Milan (réenregistrement, cd). *L'oreille doit entendre ce que l'œil voit. AU SERVICE SECRET DE SA MAJESTÉ On her Majesty’s Secret Service Réalisé par Peter Hunt - Production : Albert R. Broccoli, Harry Saltzman (United Artists) Musique de John Barry - 1969 George Lazenby n’est pas la seule nouveauté de ce James Bond intermédiaire. Cas unique depuis Docteur No : aucune chanson n’illustre le traditionnel générique animé par Maurice Binder. En lieu et place, John Barry introduit un thème sombre, irrésistible – cuivres et synthétiseurs saillants – comme une marche vers la tragédie nuptiale qui clôt le film. Le compositeur transgresse la franchise pour mieux mettre en exergue We have all the time in the world, la grande ritournelle romantique située plus en aval. « J’ai suggéré à Cubby Broccoli et Harry Saltzman que Louis Armstrong serait idéal pour chanter notre chanson, révèle Barry. De façon tragique, il allait s’agir de son dernier enregistrement. Louis était la personne la plus adorable qui soit, mais, comme il était resté alité pendant plus d’un an, il n’avait presque plus de force. Il ne pouvait même plus jouer de sa trompette. Il rassembla cependant assez d’énergie pour interpréter notre chanson. À la fin de l’enregistrement, à New York, il est venu me voir et m’a dit : "Merci pour ce boulot". » Si le titre ne rencontra pas le succès attendu (sauf en Italie), il n’en demeure pas moins, à l’instar de la B.O. tout entière, un repère incontournable dans l’univers de 007. On her Majesty’s Secret Service : éd. EMI (cd). AUTANT EN EMPORTE LE VENT Gone with the Wind Réalisé par Victor Fleming - Production : David O. Selznick (United Artists) Musique de Max Steiner - 1939 Les impérieux mémos de David O. Selznick ouvrent certains pans sur la fabrication musicale d’Autant en Emporte le Vent. Comme le précise Alain Lacombe, ces notes font office « d’ordres et d’indications précisées d’une manière sommaire,

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et déterminent la théorie cinématographique du Seigneur et Maître. » Ils peuvent être contradictoires mais influent sur tous les ateliers de création. Concernant la bande originale, le premier d’entre eux arrive en avril 1937 : « Je crois que celui qui composera la musique du film devrait être prévenu dès à présent, écrit Selznick, afin qu’il puisse étudier la musique d’époque et préparer son travail… Mon premier choix est Max Steiner, et je suis certain qu’il donnerait n’importe quoi pour le faire. » Le musicien viennois accepte effectivement la tâche mais apprend bientôt qu’il n’a que trois mois pour illustrer les 3h40 de projection. Un véritable marathon placé sous la haute autorité d’un producteur qui définit chaque inflexion musicale : « Pour le grand plan général où Scarlett recherche le docteur Meade parmi les victimes, utilisez un medley pathétique de vieilles chansons du Sud que vous dramatiserez. Cela donnera l’impression d’un Sud saigné à mort, tout comme les soldats morts ou blessés… Surtout pas de musique originale. » Steiner doit ainsi jongler avec les nombreux morceaux folkloriques réclamés par Selznick (une quinzaine) et ses propres compositions. Durant le processus, certaines mélodies originales s’imposent sans réserve : « Je suis dingue des thèmes de Mammy, Mélanie et Tara… (15 novembre 1939) », mais le Classicisme hollywoodien en marche suscite aussi des réprimandes : « Arrêtez d’écrire de la musique qui nous raconte la même chose que les dialogues. Utilisez-la pour ce qu’elle est censée apporter à la scène, c’est-à-dire un climat. Arrêtez de faire du Mickeymousing, sauf lorsque l’on vous le demande (1er décembre 1939). » À coups de nuits sans sommeil, de piqures de vitamines et avec l’aide d’une batterie d’orchestrateurs, Steiner terminera son chef-d’œuvre dans les temps, sous l’œil ému de l’auteure Margaret Mitchell : « Je n’ai jamais pu entendre la musique d’Autant en Emporte le Vent sans ressentir à nouveau les émotions vécues lors de la première du film à Atlanta… S’il m’est difficile de les décrire avec justesse, je peux cependant affirmer que je ne doutais pas un instant de la grandeur du spectacle que j’allais découvrir. » Gone with the Wind : éd. Rhino Movie Music (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1940. AVALON Avalon Réalisé par Barry Levinson - Production : Mark Johnson, Barry Levinson (TriStar) Musique de Randy Newman - 1990 Héritier d'une fratrie hollywoodienne très influente*, Randy Newman s'est imposé dans la vie musicale américaine en creusant un sillon aux multiples couleurs. George Gershwin, le jazz de La Nouvelle-Orléans (où il est né), le cinéma, constituent ses influences directes. Auteur / interprète de chansons à succès, il se dirige vers le cinéma à partir de 1980 avec Ragtime, dans lequel il recrée les harmonies des années dix. Après plusieurs albums solos, il revient aux longs-métrages en composant Avalon, son score le plus personnel à ce jour. « Randy est arrivé très rapidement sur le film, précise Barry Levinson. Bien sûr, j’avais déjà travaillé avec lui sur Le Meilleur, mais je pensais qu’il serait également parfait pour cette histoire. Comme le piano était un élément central de la maison familiale – il arrive au foyer par la rue, durant un gros orage, et permet ainsi au grand-père d’en jouer

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régulièrement – j’ai pensé "piano". Et quand j’écrivais le script, c’est Randy Newman qui me venait à l’esprit. » Valse boston, rag, séquence de cirque (clin d'œil à Nino Rota), le musicien alterne les figures sans jamais perdre le fil de son inspiration. Il retrouvera cette authenticité un an plus tard avec L'Éveil, mélo médical transcendé par la patte du compositeur. Quelles que soient leur forme, ses mélodies cinématographiques renvoient souvent à ses meilleures chansons, telle I think it's going to rain today écrite en 1968. « Faire des musiques de films m'a permis d'améliorer l'écriture de mes chansons », déclare-t-il en 2002. Et inversement, car avec Randy, la pluie n'est jamais très loin. Avalon : éd. Reprise / Warner (cd). *Ses trois oncles sont : Alfred Newman, Emil Newman et Lionel Newman. Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1991. L’AVENTURE DE MADAME MUIR The Ghost and Mrs. Muir Réalisé par Joseph L. Mankiewicz - Production : Fred Kohlmar (20th Century Fox) Musique de Bernard Herrmann - 1946 Qualifiée de score à la "Max Steiner" par son auteur, L’Aventure de Mme Muir est l’une des rares B.O. de Bernard Herrmann où le leitmotiv prévaut. « Il considérait cette musique comme son meilleur travail pour l’écran, remarque Steven C. Smith. Une partition poétique, unique et hautement personnelle. L’essence de son idéologie romantique y est contenue – sa fascination pour la mort, l’extase romantique et la beauté du sentiment de solitude. Elle rappelle un peu des œuvres du passé : les marines impressionnistes de La mer de Debussy ou Peter Grimes de Britten (…) L’Aventure de Mme Muir est non seulement devenu le film préféré du compositeur, mais également le compagnon de son opéra Les hauts de Hurlevent. Dans ses deux créations, on retrouve ces héroïnes autonomes pour lesquelles Herrmann avait de l’empathie, des femmes mues par une puissante volonté ; leur contexte est également similaire, ces histoires se déroulent dans l’Angleterre du passé où les turbulences des décors naturels – la mer et la lande – se reflètent dans les protagonistes. Enfin, on y trouve la promesse d’une purification spirituelle après les déceptions de la vie. Dans l’esprit d’Herrmann, ces deux œuvres sont unies l’une à l’autre… » En outre, le compositeur réutilisa plusieurs motifs de son opéra dans la musique du film de Mankiewicz, comme le révélera en 1975, le splendide réenregistrement dirigé par Elmer Bernstein. The Ghost and Mrs Muir : éd. Varèse Sarabande (cd) et Film Score Monthly (réenregistrement, cd). LES AVENTURES DE PINOCCHIO Le Avventure di Pinocchio Réalisé par Luigi Comencini - Production : Attilio Monge (RAI / ORTF / Nef Diffusion) Musique de Fiorenzo Carpi - 1972 Le cinéma est un champ d’activité secondaire pour Fiorenzo Carpi. Cofondateur du Piccolo Teatro de Milan, l’artiste se révèle avant tout un homme des arts scé-

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niques. « Mes créations théâtrales sont tenues par les notes de Carpi, avoue le grand metteur Giorgio Strehler. Très souvent sa musique a apporté, lors des prémices ou durant le travail, la "clarification" intérieure dont j’avais besoin, "l’éclairage" d’un tout que je ne saisissais pas. » Cette pratique du spectacle vivant (et son économie implicite) transparaît dans la plupart de ses bandes originales. Les équations instrumentales du musicien y sont souvent modestes, les mélodies franches, directes, populaires. Comme le souligne Alain Lacombe, « Carpi est sans doute le compositeur italien de cinéma dont le projet est le plus clair. » Sur Les Aventures de Pinocchio, son premier mérite est de ramener l’enveloppe musicale du conte dans sa Toscane natale, loin des couleurs américaines de Disney. Le score de Carpi s’accorde avec l’imagerie d’une Italie rurale, emprunte sa théâtralité (La tempesta da Pinocchio) à l’opéra du XIXe siècle, mais surtout se place en permanence à hauteur de l’enfance : l’une des grandes préoccupations du cinéma de Comencini. Cela explique sans doute le succès international de cette série et de sa B.O. constamment rééditée. Le Avventure di Pinocchio : éd. Digitmovies (cd). LES AVENTURES DE ROBIN DES BOIS The Adventures of Robin Hood Réalisé par Michael Curtiz - Production : Jack L. Warner, Hal B. Wallis, Henry Blanke (Warner Bros.) Musique d’Erich Wolfgang Korngold - 1938 L’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler entraine E.W. Korngold vers de nouveaux horizons professionnels. Contraint d’abandonner son domicile viennois occupé par la Gestapo, le compositeur sauve sa famille du nazisme en s’installant de manière permanente à Hollywood. Il accepte malgré lui un Robin des Bois qu’il juge dans un premier temps très éloigné de ses préoccupations : « Ce n’est pas un film pour moi, confie-t-il avant l’invasion de l’Autriche à Hal Wallis. Je suis un musicien du cœur, de la passion et de la psychologie. Je ne suis pas l’illustrateur musical d’un film constitué à 90% d’action. » Mais l’Occupation bouleverse la situation politique et Korngold revient non sans mal sur sa décision. « Je n’oublierai jamais, évoque son fils George*, ses protestations angoissées, ses "Je ne peux pas le faire", que j’entendais au milieu de la nuit à travers le mur de ma chambre. Il souffrait tout en produisant l’une de ses plus belles partitions (…) Par manque de temps, il décida d’utiliser le thème héroïque d’une de ses pièces de concert comme motif pour Robin des Bois. Ainsi la première scène de bataille au château de Nottingham est inspirée de cette ouverture musicale (Sursum corda, op.13, 1920). Mais à l’inverse, mon père réutilisa parfois ses thèmes de films dans des pièces concertantes. » The Adventures of Robin Hood : éd. Varèse Sarabande et Naxos (réenregistrements, cd). *George Korngold produisit un grand nombre de réenregistrements de musiques de films, dont la série Classic Film Scores chez RCA. Oscar de la meilleure musique originale 1939.

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LES AVENTURIERS Réalisé par Robert Enrico - Production : Gérard Beytout, René Pignières (SNC) Musique de François de Roubaix - 1967 Le triomphe du film d’aventure à la française. Entamée deux ans plus tôt avec Les Grandes Gueules, l'association Robert Enrico / François de Roubaix trouve ici sa pleine vitesse de croisière. Les Aventuriers, film d'extérieur en Cinémascope, est avant tout une odyssée sur l'amitié, une fable intime à trois voix : le trio Delon / Ventura / Shimkus. Le musicien perçoit immédiatement la volonté d'Enrico d'explorer l'intériorité des personnages. Il compose un générique complexe scindé en deux mélodies qui s'alternent : le piano amorce le mouvement, l'action, puis fait place au beau thème sifflé de Laetitia. Le tout interprété par une petite formation instrumentale. Car François de Roubaix n'est pas l'homme du grand orchestre symphonique. Sa force, il la puise dans la mélodie, la modulation : « François avait une façon particulière de moduler, de passer sans transition d'une tonalité à une autre pour ensuite retomber sur ses pieds, confie l'arrangeur Bernard Gérard. Avec Les Aventuriers, il commençait à s'affranchir et à prendre en main l'orchestration. Je l'ai beaucoup poussé dans ce sens, car finalement, je ne faisais que reprendre ses idées sans rien ajouter. » L’un des temps forts du film sera l'enterrement sous-marin vocalisé par l'incomparable Christiane Legrand. La séquence évoque Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, l'orgue du Capitaine Nemo... Un pied dans l’océan, l'autre dans l'onirisme, voilà bien un monde parfait pour l'immense François de Roubaix. Les Aventuriers / Le Samouraï : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE Raiders of the Lost Ark Réalisé par Steven Spielberg - Production : Frank Marshall (Paramount Pictures) Musique de John Williams - 1981 En plein travail sur la partition des Aventuriers de l’Arche Perdue, John Williams hésite entre deux thèmes pour personnaliser le héros du film de Steven Spielberg. « Pourquoi ne pas assembler les deux mélodies ? », interroge le cinéaste. Williams acquiesce après une longue gestation : « Un morceau tel que celui-ci est d’une simplicité trompeuse, révèle le maestro, il s’agit de trouver les notes justes qui identifieront, par l’intermédiaire d’un leitmotiv adéquat, le personnage d’Indiana Jones. Je me souviens avoir travaillé des jours et des jours sur ce thème, en changeant telle note, en modifiant ci, en inversant ça, en essayant d’obtenir quelque chose qui me semblait bien approprié. Je ne peux pas parler au nom de mes collègues, mais pour moi, des choses qui apparaissent très simples ne le sont pas du tout. Elles sont simples après les avoir trouvées. » L’autre morceau de bravoure sera la poursuite des camions dans le désert. Un mouvement symphonique de huit minutes envisagé comme une chorégraphie. « Sur ces séquences, et particulièrement avec Steven, je raisonne toujours en termes de ballet. Je la regarde comme un numéro dansé, avec un début, un milieu et une fin, j’essaye de calculer une série de tempos… La musique peut sembler grave, mais elle ne l’est pas vrai-

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ment. C’est plus conçu de manière théâtrale, toujours avec l’espoir d’y voir poindre un aspect amusant, voire cabotin. » Raiders of the Lost Ark : éd. Concord (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1982. L’AVVENTURA L’Avventura Réalisé par Michelangelo Antonioni - Production : Amato Pennasilico (Cino del Duca) Musique de Giovanni Fusco - 1960 « Dans la vie, les hommes peuvent en général se trouver dans des "situations musicales" beaucoup plus rarement que dans les films. » Cette petite phrase d’Antonioni donne un indice tangible sur son rapport avec la musique à l’écran. Durant le tournage de L’Avventura, le cinéaste fait enregistrer les bruits du vent et de la mer afin d’illustrer de manière naturaliste son odyssée insulaire. Une décision esthétique qui influe sur les choix instrumentaux de Giovanni Fusco : une petite formation comprenant clarinette, flûte, violoncelle et cuivres. « La première règle pour un musicien qui entend collaborer avec Antonioni est d’oublier qu’il est musicien, confie le compositeur. Il déteste la musique et ne peut s’en passer… La répugnance qu’il éprouve à son égard est le fruit d’une longue méditation… Il est nécessaire que la musique d'un film soit très incisive et mesurée. Une expérience assez longue me permet d'affirmer que les résultats les plus efficaces peuvent être obtenus avec les orchestres les moins importants. Pour ma part, en particulier lorsque je rencontre un réalisateur de l'envergure d'Antonioni, j'élimine l'orchestre tout à fait. » À l’exemple de son célèbre Bolereo avventura, la force de Fusco sera de parvenir à exister au sein d’un espace musical très restreint. L’Avventura : éd. Quartet (cd). BARRY LYNDON Barry Lyndon Réalisé par Stanley Kubrick - Production : Stanley Kubrick (Warner Bros.) Musiques classiques et traditionnelles adaptées par Leonard Rosenman - 1975 Stanley Kubrick n'a jamais caché sa préférence pour l'usage de musiques préexistantes dans ses longs-métrages. Cette autonomie relative ne lui évite cependant pas certains dilemmes concernant les morceaux choisis. Pour Barry Lyndon, le cinéaste butte sur la scène de séduction entre Ryan O' Neal et Marisa Berenson : « J'avais d'abord voulu m'en tenir exclusivement à la musique du XVIIIe quoi qu'il n'y ait aucune règle en ce domaine (...) Malheureusement, on n'y trouve nulle passion, rien qui, même lointainement, puisse évoquer un thème d'amour ; il n'y a rien dans la musique du XVIIIe qui ait le sentiment tragique du Trio de Schubert. J'ai donc fini par tricher de quelques années en choisissant un morceau écrit en 1814. Sans être absolument romantique, il a pourtant quelque chose d'un romanesque tragique. » Le grand thème du film est également l'objet d'un compromis : « En fait, quand j'ai entendu jouer cette sarabande à la guitare, c'était ce qui se rapprochait le plus d'Ennio Morricone ! Sans jurer avec le reste de l'histoire. On l'a, en fait, très simplement orchestrée et elle n'évoque pas d'époque particulière. »

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Les arrangements de cette B.O. agencée sans transition – Haendel, Mozart, Bach, face aux Chieftains – vaudront au compositeur Leonard Rosenman son premier Oscar. Barry Lyndon : éd. Warner Bros. WEA (cd). Oscar de la meilleure adaptation musicale 1976. LA BATAILLE D’ALGER La Battaglia di Algeri Réalisé par Gillo Pontecorvo - Production : Antonio Musu, Yacef Saadi (Magna) Musique d’Ennio Morricone et Gillo Pontecorvo - 1966 « L’un des grands regrets de ma vie est de ne pas être devenu compositeur, confie Gillo Pontecorvo en 2004. La partie de mon travail que je préfère est lorsque j’arrive à la fin du montage. Je m’enferme avec ma Moviola et je regarde à nouveau le film en sifflant les thèmes musicaux que je souhaiterais utiliser. C’est vraiment le moment où je commence à aimer le film... Sur La Bataille d’Alger, j’avais besoin d’un vrai compositeur et j’en ai trouvé un qui avait une très forte personnalité. » Tout juste sorti de ses premiers westerns à succès, Ennio Morricone trouve ainsi un nouveau cinéaste fidèle, doublé d’un musicien actif. « À cette époque, j’étais plutôt fier, raconte le maestro, et je ne voulais pas que le réalisateur ait le contrôle de la musique. Cela dit, Gillo comprenait, de manière intuitive, le type de musique dont le film avait besoin. » Les deux artistes construisent donc à quatre mains cette B.O. moderne et évocatrice, sans pour autant baisser leur garde respective. « En général, il y a de la tension entre nous, précise Pontecorvo, car lorsque je propose un motif et qu’Ennio ne l’aime pas, je sais qu’il n’acceptera pas de l’inclure dans le score, et vice-versa ! Nous nous bagarrons jusqu’à trouver un thème que nous aimons tous les deux. » Morricone composera seul leur second film Queimada, une œuvre forte pour orchestre, chœur, et percussions ethniques. La Battaglia di Algeri : éd. Quartet (cd). BATMAN Batman Réalisé par Tim Burton - Production : Peter Guber, Jon Peters (Warner Bros.) Musique de Danny Elfman - 1989 C’est en parcourant les imposants décors de Gotham City que Danny Elfman imagine les premières mesures du score de Batman. Mais le compositeur est inquiet, il s’agit de son premier blockbuster et la production est hésitante. « Sur un tel projet, pas mal de monde avait son mot à dire sur la musique, se souvient Elfman. Ils souhaitaient que je collabore et coécrive la partition avec Prince. J’ai refusé tout net. Ce fut la décision la plus difficile de ma carrière. Potentiellement, je n’ai jamais été aussi près de passer à côté de la plus grande opportunité de ma vie. » Une maquette du thème principal est présentée au producteur qui s’enthousiasme spontanément : « Jon Peters a bondi de sa chaise en mimant la direction de l’orchestre. Après des mois de scepticisme, j’étais enfin parvenu à le convaincre. Dès cet instant, Peters est devenu l’un de mes principaux alliés. » Par ailleurs, le musicien puise son inspiration symphonique chez ses idoles. « J’ai été beaucoup influencé par des compositeurs comme Korngold, Tiomkin, Steiner et

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je pense qu’eux-mêmes ont fortement été influencés par Wagner. Je le suis donc aussi mais de manière indirecte. La plupart de mes influences sont de factures classiques, mais elles ont d’abord été filtrées par d’autres compositeurs avant moi. » Batman : éd. La-La Land (cd). BEAU-PÈRE Réalisé par Bertrand Blier - Production : Alain Sarde (Parafrance Films) Musique de Philippe Sarde - 1981 Les compositions pour piano de Philippe Sarde incarnent l’une de ses grandes marques de fabrique. Mille Milliards de Dollars, Chère Inconnue, Qui c’est ce Garçon ?, Les Mois d’Avril sont Meurtriers… des B.O. élégantes, parfois discrètes, toujours justes. Lors de l’écriture de Beau-Père, Bertrand Blier songe à des plages musicales s’inspirant de Bud Powell ; une manière de prolonger la patine jazzy de ses précédents films. « Pour l’enregistrement, se souvient le cinéaste, Sarde a réuni des solistes épatants : Maurice Vander, Eddy Louiss et Stéphane Grappelli, mon compositeur des Valseuses. Le son du violon de Stéphane était magnifique notamment pour les scènes d’amour. J’adore la légèreté, la finesse de ce merveilleux sirop. Ce que font les Américains avec soixante-dix cordes, nous en France on l’obtient avec un seul bonhomme, le meilleur violoniste jazz du monde. Et le résultat est incomparable ! Le jour où j’ai vu débouler en studio le batteur américain Kenny Clarke, avec son matos, je me suis souvenu avec émotion des heures passées à écouter ses disques. » Couvert par le monologue de Patrick Dewaere, le thème principal est un véritable concentré de mélancolie. Beau-Père : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN Much Ado about Nothing Réalisé par Kenneth Branagh - Production : Kenneth Branagh, Stephen Evans, David Parfitt (The Samuel Goldwyn Company) Musique de Patrick Doyle - 1993 « J’ai écrit nombre des thèmes principaux de Beaucoup de Bruit pour Rien bien en amont de mon travail de composition sur le film, révèle Patrick Doyle. J’étais sur le tournage en Toscane (comme acteur, NDLR)*, et cela a rendu le processus vraiment intime et aisé… En conséquence, Kenneth Branagh et moi, nous nous sommes mis d’accord pour considérer l’atmosphère de ces lieux merveilleux comme un élément crucial pour créer l’ambiance voulue. » Passée la mise au point de chansons interprétées sur le plateau, Doyle retourne en Angleterre pour achever une partition dont l’ouverture devient la pièce maîtresse : « Elle est composée d’un petit morceau avec juste quelques instruments et des cordes, puis il y a un montage de quatre minutes où intervient un orchestre énorme, constamment massif… Quand j’ai visionné les images, je me suis dit : "Oh là, je vais devoir écrire la musique !" C’est purement orchestral et assez inhabituel. » La direction du score est confiée à l’Anglais David Snell, mais instinctivement Patrick Doyle se saisit du bâton. « Le chef d’orchestre n’était pas à fond "dedans", donc j’ai diri-

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38Le compositeur écossais Patrick Doyle.

gé les parties avec le plus grand nombre de musiciens. D’ailleurs, ils ont applaudi et dit : "Bravo ! Enfin !" J’en avais mal au bras tellement j’en faisais trop. » Le duo Branagh / Doyle dans toute sa splendeur shakespearienne. Much Ado about Nothing : éd. Epic Soundtrax (cd). *À ses débuts, Doyle partage son temps entre l’art dramatique et la composition. LA BELLE ET LA BÊTE Réalisé par Jean Cocteau - Production : André Paulvé (DisCina) Musique de Georges Auric - 1946 Membre de l’incontournable Groupe des Six, Georges Auric gagne la confiance de Jean Cocteau dès leur première collaboration sur Le Sang d’un Poète (1930). Le cinéaste considère la musique comme un élément moteur de ses films*, mais laisse le soin à son compositeur d’en saisir l’essence de manière impressionniste. Le synchronisme parfait est abandonné au profit des atmosphères, des ambiances, quitte à bouleverser la propre vision du cinéaste. « Voici le jour de la Musique, écrit Cocteau dans son journal de La Belle et la Bête. J’ai refusé d’entendre ce que Georges Auric composait. J’en veux recevoir le choc sans préparatifs. Une longue habitude de travailler ensemble m’oblige à lui faire une confiance absolue. Nous enregistrons de neuf heures du matin à cinq heures dans la Maison de la Chimie. Cette opération est la plus émouvante de toutes. Je le répète, ce n’est que sur l’élément musical que le film peut prendre le large… Et voici l’image et voici le prodige de ce synchronisme qui n’en est pas un puisque Georges Auric l’évite, à ma demande, et qu’il ne doit se produire que par la grâce de Dieu. Cet univers nouveau me trouble, me dérange, me captive. Je m’étais fait une musique sans m’en rendre compte et les ondes de l’orchestre la contredisent. Peu à peu Auric triomphe de ma gêne absurde. Ma musique cède la place à la sienne. Cette musique épouse le film, l’imprègne, l’exalte, l’achève. » Une partition "repère" où l’on reconnaîtra l’influence conjointe de Maurice Ravel et Claude Debussy. La Belle et la Bête : éd. Naxos Film Music Classics (réenregistrement, cd). *Selon Bernard Herrmann : « Je crois que Cocteau disait qu’une bonne musique de film pouvait donner l’impression de ne plus savoir si c’était la musique qui poussait le film en avant ou si c’était le film qui entrainait la musique. » LA BELLE ET LE CAVALIER More than a Miracle Réalisé par Francesco Rosi - Production : Carlo Ponti (MGM) Musique de Piero Piccioni - 1967 Avec Kenner et Le Phare du Bout du Monde, La Belle et le Cavalier est l’un des rares films américano-italiens auxquels participe Piero Piccioni. Le musicien autodidacte entame sa carrière dans l’Italie post-mussolinienne via un fameux big band, puis travaille pour la plupart des grands noms du cinéma transalpin. Francesco Rosi sera son collaborateur privilégié avec treize films en commun, dont cette production de la MGM. Comme le montrent ses compositions Easy listening variées, Piccioni a le sens de la mélodie populaire mais s’avère tout aussi doué dans le registre néoromantique en technicolor. « Sa musique pour ce film est

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glorieuse, commente John Bender* – un chef-d’œuvre de cinématique et de manipulation des spectateurs – le thème associé à Rodrigo (Omar Sharif) est l’un des pinacles de sa filmographie. Il est non seulement puissant sur le plan mélodique, mais son arrangement dense et chargé d’émotions sous-entendues est aussi très complexe. Ce motif lui a demandé beaucoup d’attention… Plus que toute autre chose, le score du film apporte chaleur et intégrité à la narration. » Par la même, Francesco Rosi témoigne : « Retrouver Piero dans le studio d’enregistrement était un plaisir et une satisfaction finale que je me réservais pour chaque film. Passer avec lui de la langue des images à celle de la musique était un moment privilégié et magique… » More than a Miracle : éd. Film Score Monthly (cd). *Journaliste américain spécialiste du cinéma européen et italien de genre. BEN-HUR Ben-Hur Réalisé par William Wyler - Production : Sam Zimbalist (MGM) Musique de Miklós Rózsa - 1959 La longue gestation de Ben-Hur autorise Miklós Rózsa à travailler près d’un an et demi sur sa partition. Durant l’été 1958, il profite d’un séjour en Italie pour assister au tournage et régler les différents ballets africains du film. Le musicien connaît le perfectionnisme de William Wyler, mais n’imagine pas influer sur sa mise en scène. Pourtant, lors de la séquence de l’arrestation de Ben-Hur par Messala (Stephen Boyd), le réalisateur se tourne vers Rózsa avec une question inattendue : « Pourriez-vous exprimer musicalement ce qui se passe dans la tête d’un homme qui est prêt à sacrifier son meilleur ami et sa famille sur l’autel de son ambition personnelle ?" Je lui ai répondu par l’affirmative, se souvient le compositeur. Puis, durant la pause-déjeuner, il m’annonça qu’il allait retourner la scène afin de donner plus importance à son interprétation musicale. Le soir même, je reçus un appel du directeur de production qui m’informa que ma présence ce jour-là sur le plateau avait couté 10 000 dollars. Donc, si je repointais une fois de plus le bout de mon nez, ils me renverraient dare-dare à Rapallo, mon lieu de villégiature. » De retour à Hollywood en janvier 1959, Miklós Rózsa compose la B.O. en parallèle d’un montage titanesque de neuf mois (supervisé par Margaret Booth), et inscrit son nom dans la légende du péplum. « J’ai remporté mon troisième Oscar pour cette partition et c’est celui que je chéris le plus, écrira le musicien dans son autobiographie. La musique de Ben-Hur est très proche de mon cœur. » Ben-Hur : éd. MGM / Rhino et Film Score Monthly (intégrale des enregistrements de l’époque, cd). Oscar de la meilleure musique de film 1960. BLADE RUNNER Blade Runner Réalisé par Ridley Scott - Production : Michael Deeley (Warner Bros.) Musique de Vangelis - 1982 Les compositions électroniques et instrumentales de Vangelis intègrent l’univers de Blade Runner avec une indéniable théâtralité : « Durant le tournage, Ridley

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Scott faisait quelque chose que je n’avais jamais vécu, se souvient le comédien Edward James Olmos. Il avait disposé d’énormes enceintes tout en haut des décors, si bien que lorsqu’il amorçait une séquence et commençait à percevoir la réalité du moment, il jouait la musique du film. Vangelis lui avait déjà donné des morceaux temporaires et il mettait ça à fond dans la rue. Résultat, nous travaillions dans un environnement complet, continu, de son et d’effets spéciaux… Le décor était vivant. » Pour le cinéaste, la fusion entre le score et la réalisation de Blade Runner s’amplifie encore davantage lors de mémorables sessions nocturnes : « Travailler sur la bande-son avec Vangelis fut l’une des grandes expériences de ma carrière. Chaque soir, je le retrouvais seul dans son studio de Marble Arch. Il y avait parfois un assistant, mais guère plus. Quand j’arrivais, il me disait : "Viens, écoute ça et regarde", tout en jouant lui-même le score. J’observais cette superbe musique évoluer ainsi que sa grande maîtrise artistique face à l’écran. C’était un vrai fan de cinéma, il regardait chaque cadrage en disant : "Regarde l’acteur, ce clignement, je peux partir de là." Vangelis avait cette proximité avec l’image… Le résultat final a été bien au-delà de mes attentes. Sa musique souligne le film en lui donnant une cadence sombre et magnifique. » Blade Runner : éd. Universal (cd). BLOW OUT Blow Out Réalisé par Brian De Palma - Production : George Litto (Filmways Pictures) Musique de Pino Donaggio - 1981 « Lors de mes premières collaborations avec Brian De Palma, raconte Pino Donaggio, il est arrivé qu’il m’applaudisse en découvrant ma musique sur ses images… Sur Pulsions, où il m’avait laissé carte blanche, je me souviens qu’après l’enregistrement de la scène du musée, il m’a dit : "Bravo Pino, c’est très beau." » Cette entente magistrale entre les deux artistes culmine avec Blow Out, une troisième collaboration placée sous le signe de la multiplication des points de vue et des instrumentations. « Dans la scène de l’accident, quand on voit la voiture coulée, j’ai opté pour l’alternance de deux thèmes. Le premier quand John Travolta est dans l’eau, le second, plus optimiste, quand il refait surface avec des explosions musicales. De même pour la scène de la parade, on a opté avec Brian pour une alternance de thèmes : on a l’orchestre et la musique jouée lors de la parade… Elle change quand John roule à vive allure dans la ville. À ce moment-là, l’orchestre cède la place à une musique pop qu’on retrouve dans d’autres scènes du film. On avait préalablement étudié toutes les scènes où il fallait ou non un orchestre, ainsi que tous les sons qu’il rajouterait par la suite… Comme le disait Gene Kelly, il faut laisser de la place aux effets sonores ainsi qu’à la musique, et savoir travailler en équipe. Bien sûr, l’ultime créateur est Brian De Palma et c’est lui qui gère tout ça au moment du mixage. » Blow Out : éd. Intrada (cd). BLUE VELVET Blue Velvet Réalisé par David Lynch - Production : Fred C. Caruso (De Laurentiis Entertainment Group - DEG)

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Musique d’Angelo Badalamenti - 1986 Durant le tournage de Blue Velvet, David Lynch est dans l'impasse : Isabella Rossellini doit interpréter une chanson en direct sur le plateau, mais l'actrice ne parvient pas à trouver la bonne tonalité. Le producteur Fred Caruso propose alors les services d'un ami musicien inconnu du cinéaste: « Angelo est arrivé assez vite, se souvient Lynch, mais je ne l'ai pas rencontré tout de suite. Isabella habitait un petit hôtel avec un piano dans le hall. Ainsi vers dix heures du matin, Angelo est venu rencontrer Isabella et ils se sont mis à travailler. Vers midi, on tournait dans le Jardin de Beaumont (...) Angelo me dit alors : "Ce matin, on a fait une cassette avec Isabella ; la voici, écoutez-la !" J'ai mis un casque et j'ai écouté Angelo accompagnant Isabella au piano. Quand j'ai retiré le casque, je lui ai dit: "Angelo, on pourrait mettre ça dans le film. C'est tellement beau ! C'est fantastique !" Angelo avait réussi du premier coup. » Par la suite, Lynch invite Badalamenti à écrire une chanson originale (avec Julee Cruise) et le reste de la B.O. « Au départ, raconte le musicien, il voulait utiliser une des symphonies de Chostakovitch, et il m'a proposé d'écrire quelque chose dans son style. Je lui ai répondu que je pouvais lui fournir un peu de pseudo Chostakovitch et un peu de Badalamenti... Ce fut le début de notre collaboration et de notre amitié. » Construite autour de chansons anciennes, la bande-son du film inaugure une nouvelle direction dans l'univers de Lynch. Blue Velvet : éd. Varèse Sarabande (cd). LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND The Good, the Bad and the Ugly Réalisé par Sergio Leone - Production : Alberto Grimaldi (Produzioni Europee Associati - PEA) Musique d’Ennio Morricone - 1966 L’ultime chapitre de la trilogie des dollars installe définitivement Ennio Morricone comme scénariste musical de Sergio Leone. « Pour la première fois, la partition fut écrite avant le film, raconte le cinéaste. La musique avait une importance permanente dans Le Bon, la Brute et le Truand. Elle pouvait être l’élément même de l’action. C’est le cas de la séquence du camp de concentration. Un orchestre de prisonniers doit jouer pour couvrir les cris de torturés (…) Parfois, j’envoyais la musique sur le plateau. Cela donnait l’atmosphère de la scène. Le jeu des comédiens en était influencé. Clint Eastwood appréciait beaucoup cette méthode. » En misant sur une utilisation inattendue de la voix, Morricone explose par la même les codes instrumentaux de l’Ouest américain. « Tous les films ne se prêtent pas à ces sophistications vocales, précise le compositeur. Mais dans les westerns de Leone, j’ai beaucoup travaillé sur les phonèmes. Dans ce film en particulier, j’ai fait imiter à la voix humaine des bruits d’animaux, de coyote. Récupérer avec la voix humaine des bruits de la vie, des sons d’animaux ou d’instruments de musique m’a toujours intéressé. » Un coup d’éclat légendaire. The Good, the Bad and the Ugly : éd. Capitol (cd).

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BOOM Boom Réalisé par Joseph Losey - Production : John Heyman, Norman Priggen (Universal Pictures) Musique de John Barry - 1968 Trois compositeurs se succèdent sur cette production anglo-américaine conçue pour le couple Taylor / Burton. Michel Legrand témoigne : « Joseph Losey était un metteur en scène magnifique, mais il ne travaillait que dans le conflit… Il m’a invité sur le plateau de Boom en me disant : "Viens assister au tournage en Sardaigne, il faut que tu sentes le parfum du film" (…) Un après-midi, il réalisait une scène avec Liz Taylor qui lui demanda : "Jo, comment veux-tu que je joue ?", Losey lui répondit : "De toute façon, toi, ou tu murmures ou tu cries, alors fais ce que tu as envie !" C’était toujours comme ça… » Legrand laisse finalement sa place au jazzman Johnny Dankworth*, lui-même remercié après ses sessions au profit de John Barry. « Il compléta la partition originale en trois semaines, enregistrement inclus, raconte le trio Leonard / Walker / Bramley dans leur livre The man with the midas touch. Selon Barry, le scénario "ressemblait plus à un cauchemar qu’à autre chose" et en dépit de ses efforts, le film fut très mal reçu. Le studio Universal sortit malgré tout la B.O. en 33 tours qui devint l’un des albums les plus recherchés par les collectionneurs. » John Barry usera en effet de tout son talent pour faire de Boom une fantastique expérience mélodique et instrumentale (magique cymbalum !). Boom : éd. MCA (lp) et Harkitt (copie correcte de 33 tours, cd). *La chanson Hideway composée par Dankworth sera cependant conservée dans la bande-son finale. BORSALINO Réalisé par Jacques Deray - Production : Alain Delon, Henri Michaud (Les Films Paramount) Musique de Claude Bolling - 1970 Marseille, les années 30, la pègre : le décor est planté ! Encore faut-il trouver le compagnon musical des aventures de Siffredi et Capella, alias Alain Delon et Jean-Paul Belmondo. Curieux des talents de Claude Bolling, Jacques Deray l’encourage à lui envoyer quelques travaux divers. « Avec un ami éditeur, on avait eu l’idée de faire un disque de piano bastringue, confie le compositeur, un truc rigolo, pour la variété… Les bandes de l’album étaient parmi les extraits que j’avais proposés à Deray et lorsqu’il m’a recontacté, il m’a dit : "Ce qui me plaît pour le film, c’est cet enregistrement de piano mécanique" – "Très bien, donc je vais vous faire quelque chose dans le même genre", il m’a alors répondu : "Non, non, pas quelque chose dans le même genre, c’est ce morceau que je veux !" – "Écoutez c’est impossible, il appartient à l’éditeur et le disque va sortir la semaine prochaine…" Mais il n’y a rien eu à faire, Alain Delon et Deray ont voulu que ce soit le thème de Borsalino. » Claude Bolling enregistra de nouvelles compositions pour étoffer sa bande originale, dont la chanson Prends-moi matelot, interprétée par Odette Piquet. L’un des grands succès de la musique de film française.

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Borsalino : éd. Frémeaux et Associés (cd). BOULEVARD DU CRÉPUSCULE Sunset Boulevard Réalisé par Billy Wilder - Production : Charles Brackett (Paramount Pictures) Musique de Franz Waxman - 1950 « Bien que ma mère fût présentée à mon père par Billy Wilder, et qu’ils étaient très proches, remarque John Waxman, c’est Hal Wallis* qui le proposa à la Paramount pour la musique de Boulevard du Crépuscule… Mon père a d’abord regardé le film tout seul et ce fut pour lui une étape cruciale. Il put ainsi songer à la texture de l’œuvre, au type d’orchestration, et à l’ambiance globale de sa partition. Il vit ensuite le film en compagnie de Billy Wilder, afin de partager quelques idées et déterminer ses interventions. » Après discussion avec le cinéaste, Franz Waxman élabore sa partition autour de trois motifs principaux : un thème de poursuite, un be-bop pour William Holden, et un tango torturé. « Ce dernier découle d’une scène où Gloria Swanson fait référence aux premiers temps d’Hollywood, précise Waxman, l’époque du tango de Rudolph Valentino. C’est l’atmosphère dans laquelle son personnage continue de vivre en 1950. J’ai pris cette petite caractérisation comme inspiration pour le thème de Norma. » La musique originale satisfait tant Billy Wilder qu’il renonce au morceau préexistant envisagé pour le final : « Sur le tournage, lorsque Swanson descend les escaliers et sombre dans la folie, nous utilisions la Dance des sept voiles de Richard Strauss. En discutant du score avec Waxman, je lui ai dit : "Donne-moi quelque chose d’aussi bon ou de meilleur !" Ça ne l’a pas du tout ébranlé. Il s’en est acquitté avec noblesse. C’était un pro et fier de l’être. » Sunset Boulevard : éd. Counterpoint (cd) et Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). *Producteur semi-indépendant, affilié à la Warner Bros. où il travailla avec Franz Waxman. Oscar de la meilleure musique de film 1951. BOULEVARD DU RHUM Réalisé par Robert Enrico - Production : Alain Poiré (Gaumont) Musique de François de Roubaix - 1971 Musicien multi-instrumentiste, François de Roubaix conçoit et enregistre la grande majorité de ses compositions dans son appartement parisien. « Les grands compositeurs de musique de film travaillent de façon traditionnelle, remarque-t-il en 1975, Sarde, Legrand, Magne, Lai, Bolling, écrivent leur musique puis la font jouer par des musiciens de studios. Ceux qui travaillent seuls comme moi, ce sont les gens de la variété et de la chanson. C'est de là que viennent les innovations techniques... Ce n'est ni la musique contemporaine, ni la musique de film qui ont créé les guitares électriques, les pianos électriques, les synthétiseurs. » Avant même les premières prises de vue de Boulevard du Rhum, de Roubaix offre ainsi à Robert Enrico un thème fait main qui deviendra la chanson de l’héroïne (Brigitte Bardot). « J’adore la version du générique de début, remarque le réalisateur.

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Ventura échoué sur la plage au milieu des bouteilles, avec le thème au banjo soutenu par les chœurs. Car François cherchait toujours un instrument qui soit l’emblème du film, qui lui donne une coloration spécifique. Dans Boulevard du Rhum, c’est donc le banjo. » Sur la séquence de la bataille navale, le musicien dérogera tout de même à ses habitudes avec l’emploi d’un orchestre élargi, malicieusement mixé à divers effets sonores (sirènes, mitraillettes, explosions). Boulevard du Rhum : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). BRAINSTORM Brainstorm Réalisé par Douglas Trumbull - Production : Douglas Trumbull (MGM / UA) Musique de James Horner - 1983 L'efficience de James Horner jaillit dans cette partition aux moult influences. Du Spem in alium de Thomas Tallis, au Requiem de Ligeti, en passant par la Première symphonie de Rachmaninov, sans oublier La truite de Schubert (jouée à l'image par Natalie Wood), le musicien parvient à réunir un improbable ensemble de références au sein d’un même score original. « Bien qu'elle sonne atonale, précise Horner, une bonne partie de la partition est en fait une combinaison de différents types de musiques. Je les ai toutes écrites dans des styles différents en les jouant simultanément. Cela donne cet effet bizarre. Vous entendez un accord, puis vous ne l'entendez plus. Vous entendez un faible grognement, un rugissement, puis l'on passe à un autre accord. C'est difficile à décrire, mais c'est ce que j'ai essayé de faire, de donner le sentiment d'un retour en arrière. » Lors de l'enregistrement de l'album, quelques problèmes surgissent : « Certains patriarches du London Symphony Orchestra refusaient de suivre mes remarques. Je ne supporte pas l'indiscipline et j'ai dû hurler pour que l'on me respecte... J'ai lancé de mon pupitre "Seriez-vous aussi indisciplinés avec John Williams ou serait-ce mon jeune âge qui vous gêne ?" Le soir même tout le LSO se levait suite à l'exécution du morceau Lilian's heart attack. » James Horner avait tout juste 30 ans. Brainstorm : éd. Varèse Sarabande (cd). LE BRASIER Réalisé par Éric Barbier - Production : Jacques Fiorentino (Warner Bros.) Musique de Frédéric Talgorn - 1991 La carrière cinématographique de Frédéric Talgorn débute en Amérique où il s’installe en 1987. Il compose ses premières B.O. pour des séries B fantastiques ou d’action (Docteur Jekyll et Mr Hyde, Robojox, Delta Force 2), avant de rejoindre un cinéma français plus ambitieux. Le Brasier est une énorme production de 100 millions de francs qui nécessite une partition aux résonances hollywoodiennes. « À ce moment-là, j'étais aux États-Unis, se souvient le musicien. C'était mon deuxième film français, et le dernier d'ailleurs avant de retrouver Chantal Lauby pour Laisse tes Mains sur mes Hanches, une dizaine d'années plus tard. Le Brasier fut une expérience très touchante avec le réalisateur Éric Barbier… J'ai écrit la partition dans un hôtel à Paris, le Regina, je me souviens m'être un peu

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Le grand studio anglais Abbey Road. Créé en 1931, ce lieu mythique accueillit notamment Sir Edw ard Elgar, les Beatles, Pink Floyd, Sir Neville Marriner, et les compositeurs de cinéma John Barry, Vladimir Cosma, James Horner, Philippe Sarde47 , John W illiams, Gabriel Yared…

"battu" avec le réalisateur : il ne voulait pas trop d'émotion dans l'histoire d'amour entre les personnages, tandis que moi je voulais en mettre un peu plus. J'ai donc refait certains morceaux. Mais c'était vraiment un film magnifique, c'est dommage qu'il n'ait pas marché." Avec 40 000 entrées sur Paris, Le Brasier tombe aux oubliettes en quelques semaines. Seule survivra la partition éloquente de Talgorn, croisement réussi entre l’héritage de Georges Delerue et celui de John Williams. Le Brasier : éd. Alhambra (cd). BRAVEHEART Braveheart Réalisé par Mel Gibson - Production : Bruce Davey, Mel Gibson, Alan Ladd Jr. (Paramount Pictures) Musique de James Horner - 1995 « J’ai toujours été proche de la musique celtique, confie James Horner. Musicalement, c’est un monde dans lequel j’aime travailler, la couleur du langage, les instruments que je choisis, les mélodies… Dans Braveheart, la cornemuse irlandaise (uilleann pipe) s’oppose à la grande cornemuse écossaise. Ce sont des subtilités perdues pour beaucoup de gens. Tout est affaire de couleurs et c’est ce qui fait naître l’émotion. » Réalisateur passionné, Mel Gibson ne plébiscite pas son compositeur par hasard. Leur premier film en commun (L’Homme sans Visage) lui révèle un précieux allié qu’il convie au casting de ses films. Durant la postproduction de Braveheart, le maestro adoucit la destinée violente de William Wallace et bouleverse l’auditoire. « Sur la scène finale d’éventrement, précise Horner, ils avaient d’abord essayé différents types de musiques mais la séquence repoussait les spectateurs lors des projections préventives. Mel essaya de refaire le montage. Je lui dis : "Laisse-moi traiter ça de façon différente, comme une berceuse." Le chœur émerge dans la partition et soudain le caractère du final change. Cela devient pensif… Au lieu de rejeter la scène, le public pleurait. Mel pleurait. C’est si formidable lorsqu’un cinéaste autant impliqué dans sa création est capable de prendre de la distance, et de regarder son film avec un autre état d’esprit. » Braveheart : éd. London et La-La Land (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film 1996. BRAZIL Brazil Réalisé par Terry Gilliam - Production : Arnon Milchan (Universal Pictures) Musique de Michael Kamen - 1985 Précieux conseiller artistique de Terry Gilliam, le percussionniste Ray Cooper remarque Michael Kamen au détour d’un enregistrement. « Il avait entendu la bande-son originale de Dead Zone, se souvient le cinéaste. Il m’a dit : "Écoute ça, c’est vraiment excellent, ce n’est pas de la musique de film habituelle. Elle est extraordinaire et couvre vraiment l’intégralité du spectre sonore, du plus haut au plus bas. On ressent à la fois le danger, la mélancolie. Il faut que l’on rencontre ce gars." Notre premier contact a été très bon et je l’ai choisi pour écrire le score… Au départ, Michael était réticent à l’idée d’utiliser la chanson d’Ary Barroso, mais je lui ai dit : "C’est la règle à respecter. Cette mélodie brésilienne doit être centrale,

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pour le reste, fais ce que tu veux." » Kamen confectionne alors un mélange de diverses influences allant d’Une vie de héros de Richard Strauss au Typewriter de Leroy Anderson (orchestre et machine à écrire). Un melting-pot construit quasiment en temps réel, à même les séquences. « Nous diffusions le film sur un moniteur, Michael avait un enregistreur et jouait sur les images tel un pianiste de l’époque du muet. En parallèle, je le dirigeais en lui donnant des indications du genre : "Non, plus doucement ici – par contre là, plus fort LA LA DA DAAM ! (…) Et quand on écoutait le résultat, c’était très bon. » Brazil : éd. Milan (cd). BREEZY Breezy Réalisé par Clint Eastwood - Production : Robert Daley (Universal Pictures) Musique de Michel Legrand - 1973 L’année de son premier Oscar à Hollywood (1969), Michel Legrand est victime d’une grave dépression. Il quitte définitivement la cité qui, selon lui, « avale et broie les compositeurs », sans pour autant renoncer au cinéma d’outre-Atlantique. « Mon idée est simple : continuer à écrire pour des films américains, note le musicien, mais en me déplaçant ponctuellement… Ce fonctionnement me convient parfaitement d’autant que j’ai pris le pli d’écrire en avion. Il me faut simplement trois places pour éparpiller mes partitions. » La B.O. pop et romantique de Breezy se situe dans le feu de cette nouvelle méthode de travail. Legrand visionne le film à Hollywood et enregistre le score en France, avec les compliments de Clint Eastwood : « Ce film avait besoin d’une musique aussi simple et débordante d’amour que le script, remarque le cinéaste. Michel sait que les émotions intenses n’ont pas à s’imposer à l’aide d’un marteau de forgeron. Elles peuvent vous effleurer telle une brise. Cette sagacité, peut-être instinctive chez lui, est présente dans toute sa musique. La question suivante était : notre histoire allait-elle l’émouvoir autant que nous l’espérions ? Ses larmes à l’issue de la projection nous donnèrent la réponse. Je crois que Michel a distillé toutes ses émotions dans sa musique. » Breezy : éd. MCA (lp) et Universal Music France / Écoutez le Cinéma (extraits, cd). LES BRIGADES DU TIGRE Série réalisée par Victor Vicas - Production : Etienne Laroche, Serge LeBeau, Robert Velin (Antenne 2) Musique de Claude Bolling - 1974 "Incognito, vos flics maintenant sont devenus des cerveaux...", quatre décennies plus tard, La complainte des apaches chantée par Philippe Clay est toujours aussi présente dans la mémoire collective. Écrit par Claude Desailly, la série réinvente les Brigades mobiles de Clemenceau en liant des personnages hauts en couleur (Blériot, la bande à Bonnot...), des faits sociétaux (le vote des femmes) à des intrigues policières rondement menées par le réalisateur Victor Vicas. Côté musique, Claude Bolling est retenu en raison du succès de son score rétro pour le film Borsalino. Les moyens sont limités, mais Vicas souhaite une partition spécifique pour

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Compositeur de renommée mondiale, Claude Bolling est également un pianiste de jazz virtuose (ici en répétition, lors d’un concert avec son big band).

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chaque épisode, enrichie à l'occasion de chansons originales telles La pension des dames du Plantin ou L'Italienne. Mélodiste orfèvre, le musicien imprime sa marque sur toutes les intrigues : « Je me souviens avoir utilisé des petites formations à instruments variés : flûte, clarinette, basson ou saxophone, trompette, trombones, deux cordes, parfois un quatuor... Grâce à une bonne prise de son, au studio Philips rue des Dames ou à la Comédie des Champs-Élysées, j'ai réussi à donner l'impression de densité quand l'action le réclamait. C'est souvent dans la contrainte que l'on réussit. » Le thème musical de Bolling passera du petit au grand écran avec la version cinéma de 2005. Les Brigades du Tigre : éd. Frémeaux et Associés (cd). BRISBY ET LE SECRET DE N.I.M.H. The Secret of N.I.M.H. Réalisé par Don Bluth - Production : Don Bluth, Gary Goldman, John Pomeroy (United Artists) Musique de Jerry Goldsmith - 1982 Le compositeur d'Alien chez Disney ou presque ! Évadés du géant de l'animation, Don Bluth, John Pomeroy et Gary Goldman frappent un grand coup sur la table avec ce conte champêtre inattendu. Un pari fou pour l’United Artists qui, en l’absence du grand Walt durant l’été 1982, tente l’impossible face à E.T. L’Extraterrestre. Contre toute attente, l'équipe choisit un musicien vierge d’expérience en la matière. « J’ai été très flatté de la réaction de John Pomeroy à la fin de la première session d’enregistrement, raconte Jerry Goldsmith. Il est venu vers moi très enthousiaste, en me disant que ma musique faisait date dans l’histoire de l’animation et qu’aucun autre dessin animé n’avait été mis en musique de cette façon. Pour ma part, mes intentions ont été claires dès le début de la production. Je n’ai jamais envisagé de faire un score à la Disney, où tout serait parfaitement synchronisé avec l’action. J’ai souhaité composer une musique comme je l’aurais fait pour un "vrai" film, en estimant que cela permettrait de renforcer la continuité et d'accroître la sensation de réalisme. Bien sûr, quelques scènes de comédies étaient davantage dans l’esprit Mickey Mouse, mais je les aurais composées de la même manière sur un long-métrage réel. Tout cela a été très amusant à écrire. » Une partition merveilleuse dans tous les sens du terme. The Secret of N.I.M.H. : éd. Varèse Sarabande (lp, cd) et Intrada (médiocre transfert de bandes dbx, cd). BULLITT Bullitt Réalisé par Peter Yates - Production : Philip D’Atoni (Warner Bros.) Musique de Lalo Schifrin - 1968 « Steve McQueen est venu me rendre visite, raconte Lalo Schifrin. Il ne s’occupait pas des choses d’ordre artistique. Mais il était l’un des producteurs. Il m’a juste dit : "Bullitt est un gars très simple." Et je lui ai répondu : "Oui, et je vais écrire un score très simple." Je lui ai également précisé que la musique serait basée sur le blues. Et je n’ai pas menti. La texture du thème est complexe mais totalement blues... J’avais en tête la guitare, la flûte alto, quelque chose de simple. Je voulais

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éviter les clichés du saxophone, un instrument souvent associé à ce type de thrillers. » À l’issue du tournage, le compositeur argentin rencontre Peter Yates et lui annonce son intention de ne pas mettre en musique la poursuite centrale du film : « Selon moi, c’était inutile car il y allait avoir beaucoup d’effets sonores, des bruits concrets comme ceux de la Mustang et de la Dodge. J’ai écrit la musique de la filature dans un tempo lent favorisant l’expression du suspense. La tension monte, monte… Quand Steve McQueen enclenche la vitesse, après s’être retrouvé derrière la voiture qui le filait, la poursuite commence. C’est là que j’ai choisi d’interrompre la musique. » Une pierre angulaire des années soixante. Bullitt : éd. Film Score Monthly (cd). BUNNY LAKE A DISPARU Bunny Lake is Missing Réalisé par Otto Preminger - Production : Otto Preminger (Columbia Pictures) Musique de Paul Glass - 1965 Compositeur américain naturalisé suisse, Paul Glass est invité par Otto Preminger à suivre au quotidien le tournage de Bunny Lake a disparu. Une pratique habituelle pour le cinéaste, voire sine qua non*. « À Londres, durant plus de quatre mois, précise Michael Barclay (Decca records), Glass travaillait presque 24 heures sur 24, plusieurs fois par semaine, en prenant soin de noter toutes ses idées, avant qu’elles ne lui échappent. Selon lui, ses échanges journaliers avec Preminger se sont révélés inestimables pour l’écriture de la B.O. » Les nombreux fauxsemblants de ce thriller psychologique autorisent le compositeur à multiplier les approches ; passée la longue ouverture mélodique – une séquence de 7 minutes – le score glisse perceptiblement vers le sérialisme. « La musique de Bunny Lake couvre un large éventail de catégories, remarque Glass, mais elle s’attache toujours à suivre le point de vue de la mère dont l’enfant a disparu. De manière subjective, nous restons toujours au plus près de ses sentiments, comme si nous en faisions l’expérience, y compris lorsque la jeune femme n’apparaît pas à l’image. » Dans un style très personnel, le musicien réussit une partition psychotique pleine d’humanité, entrecoupée de quelques chansons pop rock du groupe anglais The Zombies. Bunny Lake is Missing : éd. Intrada (cd). *Dans un livre sur James Bernard (Composer to Count Dracula, éd. McFarland & Co Inc, 2005), le musicien Philip Martell raconte son expérience avec le cinéaste. Sur Sainte Jeanne, comme il refusait d’assister au tournage, Preminger lui lança : « Soit vous faites ce que je veux, soit vous êtes viré du film ». Martell quitta le plateau… C’ÉTAIT DEMAIN Time after Time Réalisé par Nicholas Meyer - Production : Herb Jaffe (Warner Bros.) Musique de Miklós Rózsa - 1979 À la fin des années soixante-dix, la résurgence des partitions symphoniques dans le cinéma de genre amène Miklós Rózsa à sortir de sa semi-retraite. Il rencontre une nouvelle génération de cinéastes admiratifs de l’âge d’or d’Hollywood.

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« Même si la musique de film n’était pas soudainement devenue en vogue*, précise Nicholas Meyer, j’aurais tué pour voir le score de C’Était Demain, mon premier film, composé par Miklós Rózsa. » En outre, l’objet du scénario conforte le réalisateur dans son choix : « Je voulais que la musique reflète la sensibilité – ou tout du moins l’époque – de son protagoniste : un homme du XIXe siècle. En conséquence, j’envisageai une bande originale symphonique plutôt que pop. Ainsi, lorsque la musique pop surgirait dans le film, à l’instar de toutes les choses de ce bon vieux XXe siècle dans lequel Wells débarque, elle serait perçue comme étrangère et relevant davantage de la science-fiction. Bref, comme une manifestation de la différence entre l’époque victorienne de Wells et la nôtre. » Entrecoupé d’une inoubliable valse du temps (The time machine waltz), C’Était Demain retrouve toute l’énergie des grandes heures du maestro. Time after Time : éd. Film Score Monthly (cd) et Entr’act / Southern Cross (réenregistrement anglais de 1979, cd). *En français dans le texte. CAMILLE CLAUDEL Réalisé par Bruno Nuytten - Production : Bernard Artigues (Gaumont) Musique de Gabriel Yared - 1988 Benjamin Britten et Anton Bruckner sont les choix musicaux préalables de Bruno Nuytten durant le montage de Camille Claudel. Faute de droits d’auteurs accessibles, Gabriel Yared entre en lice alors qu’il débute sa carrière aux États-Unis : « J’étais à Los Angeles, en 1987, pour enregistrer la musique de mon premier film américain Retour à la Vie de Glenn Gordon Caron, lorsque je reçus un appel de l’actrice Isabelle Adjani et du réalisateur me proposant de composer la partition… J’avais sept à huit semaines pour écrire et orchestrer 90 minutes de musique. J’ai tout de suite accepté. J’ai visionné un montage de quatre heures et me suis immédiatement mis au travail. Vu le peu de temps dont je disposais, je décidai alors de composer trois thèmes, de les explorer et de les développer sous la forme de trois suites orchestrales pour grand orchestre à cordes, sextuor et quatuor à cordes, harpes et percussions. Le choix de ne pas utiliser de bois, ni de cuivres était délibéré : seules les cordes pouvaient exprimer les nuances et la complexité de cette passion, amoureuse et créatrice, entre deux artistes hors du commun. » Influencé par Mahler, Schönberg (La nuit transfigurée) et Richard Strauss, le travail achevé de Yared sera dirigé de main de maître par le chef Harry Rabinowitz. Camille Claudel : éd. Virgin et Cinéfonia (cd). Nominée au César de la meilleure musique originale 1989. LA CANONNIÈRE DU YANG-TSÉ The Sand Pebbles Réalisé par Robert Wise - Production : Robert Wise (20th Century Fox) Musique de Jerry Goldsmith - 1966 Après l'échec relatif de Cléopâtre, La Canonnière du Yang-Tsé se doit de renflouer les caisses de la Twentieth Century Fox. Robert Wise engage Alex North pour écrire la partition et rassurer le studio déficitaire, mais le vétéran décline

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l'offre en raison d’importants problèmes de santé. Il lui recommande alors un jeune musicien éclectique, dont la renommée commence à poindre : « J'ai reçu un coup de fil à 17h, se souvient Goldsmith, je me suis rendu au studio à 20h pour voir le film cette nuit-là. C'était vraiment le premier grand film que je faisais. Bob Wise était un peu nerveux que je compose la musique. C'était un vrai blockbuster pour l'époque et il était très controversé. Le film était clairement antimilitariste alors que nous étions engagés au Vietnam. » Wise sera vite rassuré. Dès le générique, le talent de Goldsmith explose ; sa science innée de l’intimisme, savamment mêlée à la fresque militaire, introduit l’idéologie avérée d’un récit sans héros, ni fanfare. Maîtrise des rythmes – on sent l'influence de Ravel, de la musique espagnole – multiplicité des sonorités traditionnelles (angklung, gamelan, crotales, cymbalum...), densité des cordes (intense séquence du supplice de Po-Han), thème d'amour inspiré : pas de doute, un formidable musicien de cinéma est né ! The Sand Pebbles : éd. Intrada (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1967. LES CANONS DE NAVARONE The Guns of Navarone Réalisé par Jack Lee Thompson - Production : Carl Foreman (Columbia Pictures) Musique de Dimitri Tiomkin - 1961 L’art de la guerre selon Dimitri Tiomkin ou comment contourner la martialité via l’usage du folklore. Carl Foreman rencontre le musicien ukrainien durant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’ils travaillent tous deux au département cinéma des armées. Leur admiration mutuelle scelle une amitié responsable de quelques grands classiques, dont ces Canons de Navarone inspirés de la bataille de Leros. Tiomkin reçoit 50 000 dollars* des mains de Foreman pour écrire sa partition et, bien qu’il s’en défende, s’active à rejoindre l’emphase du récit : « Le problème avec ce film, précise-t-il à l’époque, était de composer une musique qui ne diminue pas le réalisme et l’aspect tragique de cette aventure légendaire. » Selon ses habitudes, il opte pour la forme symphonique, ici augmentée de plusieurs pupitres, pimentée de quelques instrumentations traditionnelles. Faute de bouzoukis disponibles, Tiomkin colore ses thèmes principaux de mandoline, de guitare (The legend of Navarone / Yassou) et s’éloigne un tant soit peu des marches militaires à la sauce hollywoodienne. Il enregistre la B.O. en Angleterre sous l’œil amical du producteur : « Dimitri est un inlassable perfectionniste qui épuise ses musiciens pour obtenir l’effet qu’il désire… À Londres, durant l’enregistrement, je l’ai vu pousser à bout le London Sinfonia au point que je pensais une grève inévitable. Mais lorsque tout fut terminé, ils le prièrent de diriger l’orchestre pour un concert. Un hommage plutôt rare. » The Guns of Navarone : éd. Sony (cd) et Tadlow (réenregistrement, cd). *Un record salarial dans les années soixante. Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1962. LES CAPRICES D'UN FLEUVE Réalisé par Bernard Giraudeau - Production : Jean-François Lepetit (Pyramide Distribution)

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Musique de René-Marc Bini - 1996 Les années 90 sont fécondes pour Bernard Giraudeau qui signe plusieurs fictions et documentaires aux allures vagabondes. Film d'époque, récit d'aventures, réflexion humaniste sur la colonisation, Les Caprices d'un Fleuve est film métis dans tous les sens du terme. « J'ai voulu, précise le cinéaste, conter le destin exceptionnel d'un homme exilé par le roi vers un comptoir d'Afrique de l'Ouest, peu avant la Révolution française... Comment découvre-t-il le peuple noir ? Mais plus important que tout, qui est Amélie Maimouna Ba l'esclave peule ? Confronté aux doutes, à la contradiction, il s'initie à la sensualité, au métissage. Il va vivre l'Afrique comme peu de blancs l'ont vécue à cette époque. » Réné-Marc Bini intervient très tôt dans le projet : « Les principaux thèmes furent conçus avant le tournage, raconte le musicien, lors des repérages, de nos recherches patientes, de nos rencontres... Des instruments baroques, des instruments symphoniques et des instruments africains : voilà les ingrédients. » Sans oublier la voix, celle de Cathy Renoir en particulier, composante lumineuse d'une B.O. située à la croisée de Vivaldi (Nisi Dominus pour l’inspiration) et des traditions musicales du continent noir. Les Caprices d'un Fleuve : éd. France 2 Music / Polygram (cd). CAPRICORN ONE Capricorn One Réalisé par Peter Hyams - Production : Paul N. Lazarus III (Warner Bros.) Musique de Jerry Goldsmith - 1978 « Sur Capricorn One, je souhaitais surprendre le public, avoue Peter Hyams. Lorsque la musique arrive, elle se déploie avec tous les instruments de l’orchestre. Le tempo du générique est en 3/4 et 5/8, ce qui est suffisant pour donner une double hernie à n’importe qui ! » Derrière cet ultime thriller paranoïaque des années soixante-dix, le cinéaste dissimule un film d’action auquel répond impeccablement Jerry Goldsmith. Le score de Capricorn One progresse au fil de climats mêlés : des plages tendues, voire désespérées (les cordes en avant), bousculées par de rutilantes échappées cuivrées, le tout enrichi d’électronique. Selon le réalisateur, « le plus gros souci concernant les scores de cette époque, c’est que vous ne pouviez pas entendre le rendu global des morceaux avant l’enregistrement final. On découvrait toutes les parties mêlant orchestre, synthétiseur et voix, le jour J, dans le studio. Ceci dit, lorsque Jerry me jouait les thèmes pour la première fois, j’étais toujours estomaqué. Ils étaient merveilleux. » Peter Hyams collaborera à nouveau avec Goldsmith sur Outland, belle réussite de la science-fiction inspirée par le western Le Train Sifflera Trois Fois. Capricorn One : éd. Intrada (cd) et Perseverance (album d’époque réenregistré à Londres, cd). CARRIE AU BAL DU DIABLE Carrie Réalisé par Brian De Palma - Production : Paul Monash (United Artists) Musique de Pino Donaggio - 1976

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En 1975, Brian De Palma perd son partenaire musical idéal. Bernard Herrmann décède à l'issue d'une longue maladie, après deux remarquables partitions pour le jeune cinéaste (Sœurs de Sang, Obsession). Ce dernier se met en quête d'un compositeur proche de sa sensibilité et repère Pino Donaggio, un musicien vénitien issu de la variété. « Brian est tombé amoureux de ma musique pour le film Ne Vous retournez Pas ! de Nicolas Roeg, raconte Donaggio, car il trouvait qu’elle ressemblait à celle d’Herrmann… Et que nous utilisions les instruments à cordes de façon similaire. » Carrie révèle cette parenté dès le générique : un long ralenti sans dialogue qui, selon les souhaits du producteur, devait être couvert par une chanson. « Je me souviens m'être rendu à une projection très remonté, raconte De Palma. Je leur ai dit : "Vous ne pouvez pas faire ça, c'est une erreur… ça va gâcher tout le début du film. Je ne vais pas mettre une chanson sur le générique alors que j'ai ce merveilleux morceau composé par Pino Donaggio." J'ai finalement obtenu que la chanson soit déplacée et on l’entend maintenant dans la scène du bal. » Le film fera un triomphe au box-office et scellera la collaboration entre les deux artistes. Carrie : éd. Kritzerland (cd). CASINO ROYALE Casino Royale Réalisé par Ken Hughes, John Huston, Joseph McGrath, Robert Parrish, Richard Talmadge - Production : Charles K. Feldman, Jerry Bresler (Columbia Pictures) Musique de Burt Bacharach - 1967 « Travailler sur un film nécessite un investissement considérable. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas beaucoup travaillé pour le cinéma, remarque Burt Bacharach. Il faut que quelque chose m’accroche vraiment dans le projet. » Après plusieurs disques à succès et son mariage avec l’actrice Angie Dickinson, l’auteur de What the world needs now is love entame une carrière de musicien de cinéma via quelques comédies, dont ce pastiche de James Bond. Les cinq cinéastes de Casino Royale ne s’impliquent guère dans la bande-son et laissent Bacharach seul face au film. « J’ai écrit le thème The look of love en travaillant sur une Moviola. Il y avait une bobine consacrée à Ursula Andress qui me fascinait. Elle était si magnifique, si séduisante que je n’arrêtais pas de visionner ses images en boucles. Tout ce que j’avais à faire était de traduire cela en musique… Pour ma part, c’est souvent ma seule façon de faire : regarder le film encore et encore… Au départ, ce ne devait être qu’un morceau instrumental. Je suis vraiment partie du personnage d’Ursula et ce qu’on entend correspond à ce que je voyais. Cela a donné une section rythmique, un saxophone et une sorte d’ersatz de guitare brésilienne. » Après une remarque judicieuse d’un des réalisateurs, The look of love deviendra une chanson culte interprétée par Dusty Springfield, et l’album un pressage audiophile de référence. Casino Royale : éd. Quartet (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure chanson originale 1968. LE CAUCHEMAR DE DRACULA The Horror of Dracula Réalisé par Terence Fisher - Production : Anthony Hinds

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(J. Arthur Rank Film Distributors) Musique de James Bernard – 1958 Le thème principal du Cauchemar de Dracula naît d’une idée singulière : « Le climat musical lié à ce mythe était quelque chose de nouveau pour moi, raconte James Bernard. Avec mon ami scénariste Paul Dehn, nous avions l’habitude de discuter de nos projets respectifs et lorsque que je lui ai parlé de ce Dracula des productions Hammer, il m’a fait remarquer que le nom Dracula devait sans doute suggérer musicalement quelque chose. C’est ainsi que ce thème m’est venu. Lorsque vous l’écoutez, vous pouvez entendre "DRAC – U – LA" ! » Pour James Bernard, cette partition symphonique revêt une dimension libératoire ; son entrée dans les productions Hammer n’étant pas exsangue de restrictions instrumentales. « Sur les trois premiers films, je ne pouvais utiliser qu’une section de percussions et des cordes. Je pense qu’avant de me lâcher avec un orchestre complet, le directeur musical voulait voir comment je me débrouillais avec un tel effectif. » À partir de 1957 (Frankenstein s’est échappé), Bernard dispose donc de nouveaux moyens et collabore régulièrement, mais à distance, avec le réalisateur vedette du genre Terence Fisher. « Il ne venait jamais aux enregistrements des scores. Terence disait toujours que la musique n’était pas son domaine et qu’il était très content de mon travail. » The Horror of Dracula : éd. Silva America (réenregistrement, cd). LE CERCLE ROUGE Réalisé par Jean-Pierre Melville - Production : Robert Dorfmann (Les Films Corona) Musique d’Éric Demarsan - 1970 La dernière collaboration d’Éric Demarsan avec Jean-Pierre Melville se noue par défaut. Le compositeur accepte de composer la B.O. du Cercle Rouge après le rejet d’un premier score de Michel Legrand. « Je n’ai pas écouté la musique de Michel, précise Demarsan, et Melville n’en a pas fait état. D’ailleurs, il ne m’a même pas dit que c’était Michel Legrand. Je l’ai appris deux ou trois jours après… Je suis parti dans une direction pas totalement opposée à la sienne car ma musique était aussi un peu jazzifiante, mais sur le plan instrumental c’était complètement différent. Pour ce film, Melville m’a fait visionner plusieurs fois Le Coup de l’Escalier (musique de John Lewis), car il souhaitait que j’aille dans cette direction musicale. J’ai donc employé un quartet dans l’esprit du Modern Jazz Quartet de l’époque… En fait, il s’agissait d’un quintette car j’y ai ajouté une guitare électrique. J’ai également mis des cordes, par moments des cuivres, des bois, et surtout un piano qui faisait partie de ce quintette et qui est omniprésent dans le film. » Reconnaissant du travail accompli, le cinéaste remercie Demarsan à sa façon : « À la fin du mixage, Melville s’est tourné vers moi : "Vous savez Éric, j’ai pris une décision : cette fois vous serez au générique du début." De sa part, c’était une récompense, un honneur insigne… Mon exploit n’était pas mince : j’étais (et je suis toujours) le seul compositeur à avoir travaillé avec lui à deux reprises. » Le Cercle Rouge : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd).

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Éric Demarsan

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LA CHAIR ET LE SANG Flesh + Blood Réalisé par Paul Verhoeven - Production : Gijs Versluys (Orion Pictures) Musique de Basil Poledouris - 1985 « Je suis un grand fan de Miklós Rózsa, avoue Basil Poledouris. Je crois qu'il a influencé mes attitudes musicales, ma façon de composer. La période historique de ses films est semblable à celle de Conan et La Chair et le Sang. En plus, je pense que la grande force de Rózsa provient de la façon dont il s'inspire des mélodies folkloriques, et pour moi la musique traditionnelle est une grande source d'idées mélodiques. » La parenté avec le compositeur d'Ivanhoé frappe immédiatement l'auditeur de cette bande originale. À la tête du London Symphony Orchestra, Poledouris parvient à retrouver la puissance des partitions du maître hongrois en imposant une patte désormais reconnaissable. Mais à l'inverse de Conan, le film de Paul Verhoeven investit une période historique déterminée : « La Chair et le Sang se situe au début du XVIe siècle ; c'est très proche de la Renaissance. Je pense que j'ai fait appel à un certain style de musique provenant de cette époque, mais je ne l'ai pas trouvé assez dramatique pour répondre au besoin d'une musique de film. Donc, je me suis principalement inspiré de chants grégoriens en essayant d'insuffler un côté "cape et d'épée". Car c'est aussi un film d'aventure et je devais tenir compte de cet aspect. » Flesh + Blood : éd. La-La Land (cd). CHAIR POUR FRANKENSTEIN Flesh for Frankenstein Réalisé par Paul Morrissey - Production : Andrew Braunsberg (Bryanston Distributing) Musique de Claudio Gizzi - 1974 Coproduits en Italie par Andy Warhol, Chair pour Frankenstein et Du Sang pour Dracula sont deux curiosités quasi improvisées par Paul Morrissey : « Le premier film fut filmé au Studio Cinecittà en trois semaines et demie, raconte le cinéaste, et terminé un jour à midi, juste à temps pour la pause déjeuner. Durant cette pause, les trois acteurs principaux changèrent de costume, se firent couper les cheveux et l’après-midi nous commençâmes le tournage de Dracula (…) Je me suis engagé sur ces deux films sans l’ombre d’un script, avec juste quelques pages esquissant l’histoire ». Pour ses premières et uniques musiques à l’écran*, Claudio Gizzy écrit deux partitions en opposition avec les tendances psychédéliques du moment : « Ce fut pour moi une très bonne expérience, Paul m’a laissé toute liberté en faisant confiance à mes intuitions, remarque le musicien. Il savait aussi que j’avais travaillé avec Visconti… J’ai pu réaliser toutes mes idées musicales dans le style (orchestral) que j’avais choisi initialement. Lorsque je lui ai joué le thème de Frankenstein au piano, il a été impressionné. Quant à celui de Dracula, il est né spontanément sur les magnifiques images du générique. La tristesse, le calme et l’élégance d’Udo Kier face à son miroir m’ont frappé. Cela a vraiment guidé mon travail. » Et Morrissey de conclure : « Ces beaux scores, tous deux conçus de manière élaborée, sont apparus comme le contrepoint à l’absurdité de ces objets cinématographiques… »

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Il Mostro e' in Tavola... Barone Frankenstein / Dracula cerca Sangue di Vergine... e mori' di Sete : éd. Digitmovies (cd). *Claudio Gizzi fera carrière dans l’Easy listening sous le pseudonyme de JeanPierre Posit ! CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR The Avengers Série créée par Sidney Newman, Leonard White, John Bryce, Julian Wintle, Albert Fennell, Brian Clemens (ITV) Musique de Laurie Johnson - 1964 La quatrième saison de Chapeau Melon et Bottes de Cuir convie Laurie Johnson à succéder au jazzman Johnny Dankworth*. Désormais, la série bénéficie d’un générique spécialement mis en scène et en musique. « Lorsque je suis arrivé sur la série en 1965, raconte Johnson, les épisodes étaient filmés pour la première fois sur pellicule. Avant cela, ils tournaient sur bandes vidéo… Chaque film était traité de façon individuelle. Les scores étaient écrits comme s’il s’agissait de longsmétrages. Bien sûr, on réutilisait parfois des musiques, mais la grande majorité des 85 épisodes a été composée spécifiquement. » Rompu à toutes les exigences du cinéma (des centaines de B.O.), le musicien est rapidement victime de son succès. « Au départ, notre calendrier de travail était très "civilisé", puis lorsque la série a décollé aux États-Unis sur le réseau ABC, tout s’est accéléré. Il m’arrivait parfois de visionner un montage le lundi et d’enregistrer le score le lundi suivant, en sachant que sa durée pouvait atteindre 35 minutes. De plus, l’instrumentation variait en fonction de chaque épisode, elle pouvait passer de 12 à 27 musiciens. » Laurie Johnson composera l’intégralité de la deuxième série (The New Avengers), ainsi qu’un nouveau thème parfaitement raccord avec le précédent générique. The Avengers : éd. Starlog / Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). *Auteur des musiques des trois premières saisons. CHARADE Charade Réalisé par Stanley Donen - Production : Stanley Donen (Universal Pictures) Musique de Henry Mancini - 1963 Situé quelque part entre James Bond et Alfred Hitchcock, Charade se révèle une étape importante dans la carrière de Henry Mancini. Le casting est prestigieux, Audrey Hepburn au sommet de sa gloire, et le tournage en Europe a des conséquences directes sur la musique. « Stanley voulait que j’écrive la musique en Angleterre, se souvient Mancini, je me suis donc rendu à Londres, ne sachant pas à quoi m’attendre. Pour moi, cela représentait un enjeu important. J’avais bien eu quelques succès, mais j’étais plutôt en début de carrière. Je n’avais que 39 ans. Je me suis installé dans une belle suite du Mayfair Hotel, à deux pas de Berkeley Square où j’avais loué un piano, et je me suis mis au travail… La partition achevée, nous avons été au studio pour l’enregistrer. Mes inquiétudes sur les orchestres britanniques s’estompèrent immédiatement. Je fus même très impressionné par la qualité des musiciens… » Le thème principal mêlant cymbalum, guitare électrique, rythmes Tamouré, allié au générique de Maurice Binder, fait éclater le

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talent du musicien. Car Mancini n’est pas uniquement l’homme des comédies légères ; la musique dramatique de Charade nourrit les scènes de suspense avec une réelle maîtrise des effets. Il est fort probable qu’Hitchcock s’en soit souvenu pour Frenzy* – le réalisateur lui proposera de composer la B.O. de son avantdernier film tourné en Grande-Bretagne. Charade : éd. RCA et Intrada (cd). *Jugé trop macabre (!?), le score de Mancini sera finalement rejeté par le maître du suspense, au profit d’une partition de Ron Goodwin. Nominée à l’Oscar de la meilleure chanson originale 1964. LES CHARIOTS DE FEU Chariots of Fire Réalisé par Hugh Hudson - Production : David Puttnam (Warner Bros.) Musique de Vangelis - 1981 Les documentaires animaliers de Frédéric Rossif (L’Apocalypse des Animaux, Opéra Sauvage) délivrent une nouvelle identité au Grec Vangelis Papathanassíou. Quelques années après la séparation des Aphrodite’s Child, il se découvre musicien pour l’image : « C’était totalement différent de tout ce que j’avais fait avant, avoue le compositeur, comme de s’évader du monde du show-business… Cette collaboration avec Rossif a pris des proportions que je n’imaginais pas. » Le succès de ces premières B.O. traverse La Manche et Hugh Hudson imagine Vangelis sur les olympiades de 1924. « Afin de donner un sentiment de modernité aux Chariots de Feu, remarque le cinéaste, je pensais qu’il était nécessaire d’avoir une partition anachronique. C’était risqué, mais nous avons préféré aller dans cette direction plutôt que de choisir une musique symphonique traditionnelle. » Ne sachant pas transcrire les notes, Vangelis conçoit son travail spontanément, en réaction directe avec les images. « À l’aide d’une technique particulière et sans recours à l’informatique, précise le musicien, j’ai inventé un système qui me permet de produire le son final d’une composition symphonique. Je considère ce processus de création comme la plus grande réussite de ma vie. » Le thème d’ouverture des Chariots de Feu faillit cependant ne jamais exister : « Ils avaient choisi un morceau tiré d’un de mes précédents albums*. Ils souhaitaient le conserver et ce n’est que le tout dernier jour qu’ils m’ont laissé essayer autre chose. » Ouf ! Chariots of Fire : éd. Universal (cd). *Il s’agissait de L’Enfant (Opéra Sauvage) Oscar de la meilleure musique originale 1982. LE CHEVALIER DES SABLES The Sandpiper Réalisé par Vincente Minnelli - Production : Martin Ransohoff (MGM) Musique de Johnny Mandel - 1965 À la demande du couple vedette Richard Burton / Elizabeth Taylor, et après l'abandon du projet par William Wyler, Vincente Minnelli prend en charge la mise en scène du Chevalier des Sables. Si l'argument du scénario paraît un peu faible (calqué sur Miss Thompson de Somerset Maugham), l'inventivité du cinéaste

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combinée à la maestria du chef opérateur Milton Krasner assure au film une jolie photogénie. La suavité du score de Johnny Mandel fait le reste, en gravant dans les annales The shadow of your smile, un standard créé dans l'insomnie : « Pendant je ne sais pas combien de temps, j'ai écrit çà et là en déchirant tout sans résultat, se souvient Mandel. À la fin, j'étais au bord du désespoir et je me suis dit : "Au diable cette musique !", je suis sorti pour aller voir un film. Je ne me souviens plus ce que c'était, mais ça n'avait aucun rapport avec l'histoire du Chevalier des Sables. Cela m'a permis d'oublier mes soucis de composition. J'ai fini la nuit dans un coffee shop et d'un seul coup la mélodie est sortie, "boom !", en un seul bloc. » Un coup de génie interprété par l'élite des studios de L.A., dont Bud Shank, Plas Johnson (saxos), Artie Kane (piano), Jack Sheldon et Uan Rasey (trompettes). The Sandpiper : éd. Film Score Monthly (cd). Oscar de la meilleure chanson originale 1966. LES CHIENS DE PAILLE Straw Dogs Réalisé par Sam Peckinpah - Production : Daniel Melnick (Cinerama Releasing Corporation) Musique de Jerry Fielding - 1971 Face à la montée en violence des Chiens de Paille, Jerry Fielding s’interroge : comment intervenir dès le générique sans révéler l’hypertension à venir ? « Le film commence comme une carte postale, vous ne pouvez deviner ce qui va se passer, remarque le compositeur. Et la musique ne doit en aucun cas vous donner d’indice… Il se trouve que le générique a été conçu tardivement, l’intégralité du score était déjà écrite (dans l’esprit de L’Histoire du soldat de Stravinsky, un choix approuvé par Sam Peckinpah, NDLR). Le matin du départ pour l’enregistrement à Londres, j’ai commencé à paniquer, je me demandais : "Que vais-je faire ? Puis soudain, en un éclair, une idée m’a traversé l’esprit, un genre de fanfare, comme une annonce théâtrale du genre : "Votre attention s’il vous plaît ! Vous allez assister à une pièce de théâtre sérieuse mais pas mortelle !" Cette fanfare ne révèle en rien le contenu du drame. Elle ouvre le champ des possibles et se termine par un fondu. Ce ne sont que des cuivres, il y a peu d’émotion, rien de sirupeux. C’est une petite fanfare de 40 secondes qui se termine en imitant la sonorité d’un vrai clocher anglais. » Pour la longue scène de viol, Fielding composera l’un des plus troublants mouvements symphoniques de sa carrière. Une suite orchestrale de huit minutes (The infamous appasionata) construite autour d’une manipulation très personnelle de la vitesse d’enregistrement*. Straw Dogs : éd. Intrada (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1972. *Notamment celle des trombones enregistrés à demi-vitesse, puis mixés avec l’orchestre à vitesse normale. CHINATOWN Chinatown Réalisé par Roman Polanski - Production : Robert Evans (Paramount Pictures) Musique de Jerry Goldsmith - 1974

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En 1969, la disparition tragique du jazzman Krzysztof Komeda laisse Roman Polanski comme orphelin. Les deux compatriotes polonais partageaient leur filmographie depuis Deux Hommes et une Armoire, premier court-métrage du réalisateur. Durant le tournage de Chinatown, Polanski invite le musicien Philip Lambro sur le plateau pour qu'il s'imprègne du sujet. Le cinéaste apprécie ses travaux concertants et souhaite lui confier la partition du film. Lambro accepte puis entame une composition mêlant fausse musique de source et plages orchestrales avant-gardistes. La B.O. semble collée au plus près des enjeux de l'intrigue, mais les projections tests s'avèrent catastrophiques et Lambro est remercié. Le producteur Robert Evans engage alors Jerry Goldsmith pour sauver son film d'un désastre annoncé. « Quand je vis le film pour la première fois, raconte ce dernier, j’ai toute de suite eu un flash concernant la structure orchestrale que je désirais. Musicalement je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire, mais j’avais un son à l’esprit et je souhaitais utiliser des cordes, quatre pianos, deux harpes, deux percussionnistes et une trompette solo*. » Neuf jours plus tard, Evans exulte. Si l'ambiguïté et la noirceur sont là, Goldsmith mise tout sur un thème d'amour solaire qui inonde le film d'une patine romanesque inattendue. Considérée comme l'une des meilleures B.O. jamais composées, Chinatown représente aussi l'emprise d'un musicien sur une œuvre filmique, sa participation directe à l'intronisation d'un classique. Chinatown : éd. Intrada (cd). *le trompettiste Uan Rasey Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1975. LE CHOIX DES ARMES Réalisé par Alain Corneau - Production : Alain Sarde (Parafrance Films) Musique de Philippe Sarde - 1981 Premier film français mixé en Dolby Stéréo, Le Choix des Armes permet à notre cinéma hexagonal de franchir un cap. Dorénavant, la perception de la bande musicale n'est plus tributaire des ambiances, des dialogues et autres éléments sonores. Philippe Sarde trouve là matière à quelques innovations : « Quand Alain Corneau m’a dit : "Je me pose la question d’utiliser soit deux contrebasses, soit un orchestre symphonique", je lui ai répondu : "On prend les deux !" Simplement les contrebasses (Ron Carter et Buster Williams) seront en haut et joueront les parties mélodiques, et l’orchestre sera en dessous. » Avant le début du tournage, une suite instrumentale est enregistrée aux studios Abbey Road afin d’être utilisée sur le plateau. « C'était de l'inédit pur, se souvient Alain Corneau, avec atterrissage sur une planète inconnue. On se disait aussi : sans analyser ce qui se passe, le spectateur moyen va ressentir musicalement quelque chose de bizarre, de décalé. Car on prenait en otage des instruments, on les dérivait de leur fonction habituelle. Et là, il se produit un phénomène dramatique… très fort, si bien manipulé. » Sarde adoucit le parti pris formel à l'aide d'une longue mélodie lyrique et d’un mixage idéalement équilibré. La mise en avant du score lors de la séquence irlandaise servira admirablement l'intention du compositeur. Fort Saganne, la B.O. suivante, sera plus classique (en partie inspirée par la Symphonie pour orgue de Saint-

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64 Hubert Bougis (orchestrateur) et Philippe Sarde aux studios Abbey Road de Londres. Music Box, Pour Sacha, La Fille de d’Artagnan, Alice et Martin, sont quelques fleurons de leur belle collaboration.

Saëns), mais tout autant réussie. Le Choix des Armes / Fort Saganne : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LES CHOSES DE LA VIE Réalisé par Claude Sautet - Production : Jean Bolvary, Raymond Danon, Roland Girard (Compagnie Française de Distribution Cinématographique - CFDC) Musique de Philippe Sarde - 1970 À 18 ans, Philippe Sarde entame son parcours au cinéma par la réalisation de courts-métrages en 35mm. Ses talents musicaux remarqués l’amènent très vite à privilégier la composition pour l’image. Il rencontre son mentor Claude Sautet durant la dernière étape de son quatrième film, et saisit immédiatement les préoccupations du cinéaste. « Quand j’ai visionné la première fois Les Choses de la Vie, raconte Sarde, j’ai parlé de tout mais l’accident ne m’intéressait pas vraiment. Ça me semblait idiot de dire à Claude : "L’accident est formidablement filmé." Cela aurait été ridicule. Je lui ai dit : "Ce que Romy Schneider est bien !" Et là, il avait les larmes aux yeux. En fait, je pense que beaucoup de gens lui ont parlé de l’accident, oubliant pour lui l’essentiel : Romy. Parce que le film, comme beaucoup des films de Claude, tient essentiellement par le personnage qu’il est et qu’il projette, en l’occurrence sur Romy Schneider ou Michel Piccoli. Tous deux ont été les grands "transferts" de Claude sur un acteur ou une actrice. » Icône mélodique de leur collaboration, La chanson d’Hélène est aussi celle d’un certain cinéma français des années soixante-dix. Le Cinéma de Claude Sautet : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LES CHUCHOTEURS The Whisperers Réalisé par Bryan Forbes - Production : Michael S. Laughlin, Ronald Shedlo (United Artists) Musique de John Barry - 1967 « La musique de cithare écrite par Anton Karas pour Le Troisième Homme de Carol Reed est l’une des meilleures partitions que j'ai jamais entendues. » À l'évidence, cet aveu du réalisateur Bryan Forbes met en lumière son goût pour une forme de minimalisme musical. Le score discret des Chuchoteurs rejoint en tout point l'idée de dépouillement : un instrument traditionnel prédominant – ici, le cymbalum remplace la cithare – au service d'un climat sonore intimiste. Selon le cinéaste, John Barry est intervenu sur le film en amont de la postproduction : « Nous avions décidé que John écrirait sa musique en même temps que le tournage. Cela signifiait qu'à l'instant où je terminerais le film, John finirait d'écrire sa partition complète. Il lut le script en même temps que les acteurs. À intervalles réguliers, il consulta les premières séquences montées et passa beaucoup de temps sur le plateau des studios à observer notre travail. De cette façon, il prit part à la production dès le tout début. Nous enregistrâmes sa partition en un seul bloc et non pas par petits morceaux pour coller aux images. J'ai toujours voulu qu'il

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puisse s'exprimer en musique sans entrave, comme je pouvais le faire moi-même avec le film. » Méconnus du grand public, leurs cinq longs-métrages en commun sont à redécouvrir. The Whisperers : éd. Ryko et Kritzerland (cd). LA CHUTE DE L’EMPIRE ROMAIN The Fall of the Roman Empire Réalisé par Anthony Mann - Production : Samuel Bronston (Paramount Pictures) Musique de Dimitri Tiomkin - 1964 Deux ans après son beau travail sur Les 55 Jours de Pékin, Dimitri Tiomkin retrouve le producteur Samuel Bronston pour cette ultime pierre à l’édifice du péplum babylonien. La Chute de l’Empire Romain est tout à la fois sa dernière B.O. fleuve (2h30), un adieu au genre, mais aussi la fin d’une certaine expressivité musicale. Car Tiomkin n’est l’homme d’aucune Nouvelle Vague en marche, il intervient en imposant une stylisation dénuée de réalisme. Sa grande préoccupation est de créer un continuum soudé à l’argument narratif. « Après avoir vu et étudié le film, témoigne le compositeur, puis discuté avec Bronston et Anthony Mann, on m’a donné la liberté complète de choisir ma propre interprétation… Afin d’être honnête et pour trouver l’inspiration, j’ai écarté toute idée de donner à La Chute de l’Empire Romain une musique de style quasi documentaire. Mon seul projet était de réagir spontanément à la dramaturgie du film que je découvrais et appréciais graduellement. Les personnages me sont apparus étonnamment vivants, proches de moi, et donc les mélodies ont commencé à poindre. Au début, j’eus l’étrange désir de développer ces thèmes de manière plus complexe et intéressante, mais les scènes déjà montées imposèrent leur loi et devinrent sources d’inspiration. Je pense avoir été influencé non seulement par les séquences qui nécessitaient mon intervention, mais aussi par celles qui n’avaient pas de musique – comme la mort de Marc Aurèle, joué par l’incomparable Alec Guinness – car pour moi, il y avait de la musique dans sa voix. » The Fall of the Roman Empire : éd. La-La Land (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1965. LE CID El Cid Réalisé par Anthony Mann - Production : Samuel Bronston (Allied Artists) Musique de Miklós Rózsa - 1961 À la suite d’un accord passé avec la MGM, le producteur indépendant Samuel Bronston débauche Miklós Rózsa des Révoltés du Bounty (le scénario est jugé sans profondeur par ce dernier) pour l’inviter en Espagne sur sa nouvelle grosse production. Le Cid intéresse d’autant plus le compositeur qu’il va lui permettre d’étudier sur place la musique médiévale espagnole, en compagnie du spécialiste Ramon Menendez Pidal. « Comme toujours, précise Rózsa, j’ai essayé d’absorber toute cette matière brute authentique et de la transposer dans mon propre langage musical. L’Espagne elle-même a influencé la partition, comme Quo Vadis et BenHur ont été influencés par Rome. Je n’aurais pas pu écrire une telle musique dans un autre endroit… Je considère Le Cid comme ma dernière grande partition pour

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l’écran, et, à l’exception de Providence, comme mon dernier film important. Bien que j’aie toujours fait de mon mieux avec les films suivants, peu d’entre eux avaient une véritable stature. À ce titre, j’envisage 1961 comme le sommet et le tournant de ma carrière cinématographique. » Idem pour le réalisateur Martin Scorsese, grand fan du film, qui rajoute : « C’est l’un des meilleurs scores jamais écrits pour le cinéma. On peut réécouter à foison cette musique aussi bien seule que sur les images majestueuses d’Anthony Mann. » El Cid : éd. Film Score Monthly (Miklós Rózsa Treasury box, cd) et Tadlow (réenregistrement complet, cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film 1962. LE CINÉMA DE MINUIT Musique de Francis Lai - 1976 Rendons ici hommage à l'un des plus anciens génériques de la télévision française. Créé en 1976 par l'historien du cinéma Patrick Brion, Le Cinéma de Minuit s'ouvre depuis plus de 40 ans sur l'indémodable jingle de Francis Lai. Si le musicien a peu travaillé pour le petit écran, sa participation à l'identité sonore de la troisième chaine laisse une belle empreinte dans la mémoire collective. « Je pense que la longévité de ce générique, commente Francis Lai, vient surtout de sa forme. Le thème est joué par un violoncelle et une guitare classique, ce qui le rend intemporel. Et puis, il y a aussi ce côté un peu grave du Cinéma de Minuit, d'autant qu'à l'origine, il s'agissait du générique cinéma de la chaine (arrangé différemment). La création de tous ces jingles a été pour moi une grande aventure. On m'a d'abord proposé le générique d'ouverture de chaine sans me dire qu'il y avait d'autres compositeurs sur le coup. Je l'ai appris plus tard. J'ai donc fait deux ou trois thèmes et j'ai donné mes maquettes. Un jour, on m'appelle en me disant : "J'ai une mauvaise nouvelle pour vous, votre générique a été retenu (!?) – oui, mais vous allez devoir faire tous les génériques de la chaine !" J'ai donc écrit une dizaine de génériques pour les actualités, les enfants, etc. Cela m'a pris pas mal de temps, car il fallait être efficace en 30 secondes ! Jean Musy était à mes côtés comme arrangeur, on a passé quelques nuits sur ces jingles. » Francis Lai / Cinéma : éd. Play Time (cd). CINÉMA PARADISO Nuovo Cinema Paradiso Réalisé par Giuseppe Tornatore - Production : Franco Cristaldi, Giovanna Romagnoli (Cristaldifilm / Miramax) Musique d’Ennio Morricone et Andrea Morricone (thème d’amour) - 1988 Ennio Morricone serait-il la chance du cinéaste Giuseppe Tornatore ? Héritier d’un Septième art italien moribond, ce dernier met en scène Cinéma Paradiso en plein sacre télévisuel de Berlusconi. La plupart des grands maîtres de Cinecittà se sont tus, et le jeune réalisateur choisit la nostalgie comme second acte d’une carrière en dents de scie. Les mélodies de Morricone, généreuses, imparables, répondent à l’appel et façonnent le paradis de Tornatore : « C’est l’un des grands miracles de ma vie professionnelle, confie-t-il. Ennio n’est pas seulement un grand

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musicien, mais c’est aussi l’une des personnalités les plus faciles à vivre. Il ne travaille pas avec vous comme un artiste capricieux, mais plutôt comme un charpentier. Si je lui demande : "Ennio, j’ai besoin d’une table à six pieds", il me dira : "Bien sûr" et j’obtiendrai la plus magnifique et parfaite table à six pieds de la planète. Avec tout le respect que je lui dois, si je lui dis : "Ennio, bien que j’ai conscience du travail qu’ils vous ont demandé, je n’aime pas vraiment les morceaux que vous avez écrits ici", il les mettra de côté et me dira : « Très bien, recommençons ! » Quand vous travaillez avec Morricone, vous pouvez lui faire absolument confiance. Il vous donne tout son talent. Il est très accessible, c’est un vrai collaborateur. Cinéma Paradiso ne serait pas le même film sans la musique d’Ennio. » Nuovo Cinema Paradiso : éd. GDM (cd). LA CITÉ DE LA VIOLENCE Citta’ Violenta Réalisé par Sergio Sollima - Production : Arrigo Colombo, Giorgio Papi (Universal Film / International Coproductions) Musique d’Ennio Morricone - 1970 À défaut d’être virtuose, le film de Sergio Sollima ne ment pas sur la marchandise. La Cité de la Violence est un "Bronson" pur jus additionnant faits d’armes, poursuites de voitures et romance machiste. La mise en scène est peu inspirée mais Morricone rehausse le goût du polar bis comme personne. Le thème central, avec ses guitares électriques distordues, est un concentré d’urbanité sauce seventies : l’époque furibarde du Casse et de Peur sur la ville. Lors du mixage, Sollima rejette l’ouverture musicale prévue au profit d’un silence pré-générique. Du coup, l’arrivée brutale du score de Morricone claque comme une ode hargneuse à un cinéma de série qu’il défend sans rougir. « En travaillant pour le cinéma populaire, j’ai accepté d’être populaire, précise le maestro. Dans le cinéma d’auteur, j’ai tout mis en œuvre pour que le film devienne plus accessible au grand public… Je considère comme une banalité de chercher à simplifier le discours du cinéma intellectuel, de rester à l’écoute du public, et d’élever artistiquement le cinéma populaire. Autrement, ça voudrait dire que je me contente de composer de la musique banale pour le cinéma commercial et une musique très difficile, filtrée, pour le cinéma d’auteur. Le fait d’avoir réussi cet équilibre, ça fait partie de mon travail et de ma mission. » Citta’ Violenta : éd. GDM (cd). CITIZEN KANE Citizen Kane Réalisé par Orson Welles - Production : Orson Welles (RKO) Musique de Bernard Herrmann - 1941 L’expérience conjointe d’Orson Welles et de son compositeur à la radio américaine pourvoit aux particularismes musicaux de Citizen Kane. Comme le remarque Herrmann : « Dans les dramatiques radiophoniques, on se doit d’établir un pont entre chaque scène par l’intermédiaire d’un dispositif sonore. De ce fait, cinq secondes de musiques peuvent devenir un instrument vital pour informer

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l’auditeur que l’on passe à une autre séquence. Dans ce film, où les contrastes photographiques sont souvent marqués et soudains, j’ai senti qu’un bref motif, même de deux ou trois accords, pourrait accroître l’effet de manière incommensurable. » Tel un puzzle, Bernard Herrmann compose une partition bigarrée, dominée par de courts leitmotive, et dont la forme rompt avec le style viennois en vigueur depuis les années 30. La structure instrumentale de l’orchestre est également modifiée par le maestro : « Puisqu’une musique de film est écrite dans l’optique d’une seule interprétation en studio, je ne pourrai jamais voir de logique dans la règle qui promulgue l’emploi d’une formation symphonique standard. Comme je l’ai fait tout au long de ma carrière, une partition pour l’écran peut être composée pour différents groupes d’instruments, avec à la clef de fantastiques combinaisons. » Ainsi, douze flûtes (quatre altos, quatre basses), une contrebasse, un ensemble de clarinettes, tubas, trombones, percussions, et un vibraphone interprèteront l’énigmatique première scène de Citizen Kane. Citizen Kane : éd. Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1942. LE CLAN DES SICILIENS Réalisé par Henri Verneuil - Production : Henri Verneuil, Jacques-Éric Strauss (20th Century Fox) Musique d’Ennio Morricone - 1969 Le Clan des Siciliens marque la deuxième collaboration entre Morricone et Henri Verneuil, mais la première dans l’Hexagone après La Bataille de San Sebastian. Une guimbarde, un thème sifflé, de la guitare : la B.O. impose en quelques mesures l’univers musical du western italien sur les silhouettes citadines du trio Gabin / Ventura / Delon. Des sonorités iconoclastes soutenues par un cinéaste conquis. « Morricone est arrivé au Studio de Billancourt avec cinq thèmes déjà enregistrés sur une cassette, se souvient Verneuil. Car souvent, lorsqu’il terminait un film, il profitait de l’orchestre pour enregistrer des morceaux pour le film suivant. Ils étaient tous très beaux, et thème après thème, j’ai commencé à en éliminer un, puis deux, puis trois… Il me restait deux thèmes, mais là je n’arrivais plus à me décider. Je les ai joués tout l’après-midi sans pouvoir choisir. Morricone qui attendait toujours me dit alors : "Tu aimes les deux, n’est-ce pas ? Et bien je vais les mélanger pour créer un seul thème." Le résultat est ce qu’on entend dans le film et c’est superbe. » Quelques années plus tard, le maestro avouera un hommage caché à J. S. Bach. « J’ai élaboré ce thème en superposant une première mélodie inspirée d'un de ses préludes pour orgue, et une seconde que je me suis amusé à composer à partir des lettres B, A, C, H, qui, en allemand, correspondant à nos si, la, do, si. C'est un remerciement à un compositeur que j'aime beaucoup. » Le Clan des Siciliens : éd. Cam / Sugar (cd). CLÉOPÂTRE Cleopatra Réalisé par Joseph Mankiewicz - Production : Walter Wanger (20th Century Fox) Musique d’Alex North - 1963

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« Il y a là assez de musique pour une symphonie de Bruckner ! », remarque l’ami David Raksin devant le copieux score de Cléopâtre. Et quelle symphonie ! Dans une veine tout aussi moderne que Spartacus, Alex North réitère l’exploit d’extraire le péplum de ses gongs et sauve le film d’une débandade annoncée. Joseph Mankiewicz reconnaît d’ailleurs sans détour l’importance de son travail : « Si l’assassinat de César fonctionne à l’écran, c’est en grande partie grâce à la vivacité et l’intelligence de la collaboration de monsieur North. En utilisant les trois thèmes fondamentaux de César, Cléopâtre et César-Cléopâtre, il clôture la scène de façon aussi terrifiante et funeste que la mort de César lui-même… En outre, je pense ne jamais avoir écrit et mis en scène un épisode aussi dramatique que la fin d’Antoine, qui fut autant enrichi et soutenu par une contribution musicale. À l’instant où les trompettes bouchées crient l’ultime souhait d’Antoine de gagner une mort honorable, elles hurlent une angoisse impossible à écrire, et qui, selon moi, ne peut être exprimée par aucun acteur. » La grande entrée de Cléopâtre dans Rome amènera également le compositeur à se surpasser. « L’ambition n’est pas une chose aisée à exprimer musicalement, remarque North. Pour cette séquence, je voulais un thème non romantique qui exprime la progression. J’ai employé des cuivres, des bois, des percussions, mais aucun instrument à cordes. » Cléopâtre sera la première B.O. hollywoodienne à utiliser l’énorme saxophone contrebasse. Cleopatra : éd. Varèse Sarabande (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1964. LES COMPLICES DE LA DERNIÈRE CHANCE The Last Run Réalisé par Richard Fleischer - Production : Carter DeHaven (MGM) Musique de Jerry Goldsmith - 1971 « Si l’on remarque quelque chose de stimulant et d’agité chez Jerry Goldsmith au début des années soixante-dix, remarque Lukas Kendall, cela pourrait bien venir du changement radical de grammaire musicale à Hollywood. L’émergence de la contre-culture, l’effondrement du système des studios et la retraite, voire la disparition de toute une génération de compositeurs, ont abouti à l’apparition d’un style de bandes originales inenvisageables quelques années plus tôt. Intervenant de façon éparse, cette nouvelle voix, résolument moderne dans sa couleur pop et ses dissonances orchestrales, était du moins adaptée aux préoccupations de Goldsmith. » Les Complices de la Dernière Chance illustre bien ce courant également influencé par la B.O. romantico-baroque de Love Story, l’immense succès de Francis Lai. On y retrouve la même mélancolie, le même clavecin "bachien", agrémentés ici du cymbalum, fidèle représentant de la vieille Europe* à Hollywood. Mais au cœur de ces arrangements typés, sucrés diront certains, Jerry Goldsmith contre-attaque et perce la partition de trouées avant-gardistes (La Planète des Singes n’est pas loin) qui figurent autant la violence désespérée du film, que les exigences progressistes du compositeur. Difficile de trouver meilleure représentation d’une époque… The Last Run : éd. Film Score Monthly (cd). *Le film se situe en Espagne.

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CONAN LE BARBARE Conan The Barbarian Réalisé par John Milius - Production : Raffaella De Laurentiis, Buzz Feitshans (Universal Pictures) Musique de Basil Poledouris - 1982 Crom, le dieu des Cimmériens, a certainement dû se pencher sur le berceau de cette B.O. tant elle apparaît fidèle à l'univers de Robert E. Howard. Plus sérieusement, Basil Poledouris emprunte ici un chemin peu fréquenté depuis la disparition des compositeurs de l'âge d'or. Partition pour chœur et grand orchestre, Conan Le Barbare relie la musique médiévale (Las cantigas de Santa Maria) aux canons musicaux d'Hollywood avec la fougue du débutant. « C'était la troisième musique de film que j'écrivais pour mon ami John Milius, se souvient Poledouris. Il avait beaucoup d'idée et cela m'a aidé. J'étais terrifié, les chants étaient en latin, on allait à Rome pour l'enregistrer... Et John voulait utiliser Carmina Burana. À l'époque, il était en tournage en Espagne, il m'appelait sans cesse pour écouter le thème principal. Comme Excalibur* venait de sortir, j'ai attiré son attention sur ce film et il m'a alors demandé d'écrire quelque chose de ressemblant. J'ai repris la structure de base, c'est un rythme en six mesures qui se répètent, sur lequel j'ai ajouté ma propre mélodie. » Malgré le mixage mono du film, le thème Riders of Doom deviendra vite incontournable pour tous les amateurs d'Heroic fantasy, et l'intégralité du score un standard pour les béophiles. « Les producteurs n'ont pas voulu payer les 30 000 dollars supplémentaires pour mixer la bande-son en stéréo ! John Milius et moi nous nous sommes battus contre ça. C'était fou ! » Conan The Barbarian : éd. Milan et Intrada (enregistrements stéréo !). *Carmina Burana de Carl Orff et des extraits de Wagner figurent dans la bande originale d'Excalibur. LA CONQUÊTE DE L’OUEST How the West was won Réalisé par John Ford, Henry Hathaway, George Marshall, Richard Thorpe Production : Bernard Smith (MGM) Musique d’Alfred Newman, en association avec Ken Darby – 1962 Avec raison, le producteur discographique et spécialiste Didier C. Deutsch pointe une injustice : « Alfred Newman fut l’un des musiciens les plus sous-estimés parmi les grands compositeurs hollywoodiens. Il n’a jamais atteint la popularité vertigineuse de ses pairs, tels Erich W. Korngold, Max Steiner, Miklós Rózsa ou Dimitri Tiomkin. Pourtant, les cinéphiles du monde entier connaissent la fanfare de la Twentieth Century Fox, l’une de ses créations le plus populaires… » De même que le thème principal de La Conquête de L’Ouest, véritable icône du western* américain. 18 mois de travail et 125 heures d’enregistrement seront nécessaires pour mettre en boîte cette somme de la tradition musicale d’outre-Atlantique. De la chanson traditionnelle Greensleeves à Shenandoah, Alfred Newman trouve dans le folklore matière à imprégner sa partition d’authenticité, sans perdre de vue qu’il s’agit là d’un spectacle en Cinérama**. Un travail de synthèse d’autant plus complexe que le film multiplie à foison les récits et leurs contextes géographiques. « L’objectif principal d’Al Newman était d’élargir la scène, de la rendre plus ré-

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elle, souligne son associé Ken Darby (chef des chœurs). La musique venait s’ajouter aux images avec l’intention de ne pas détourner les spectateurs de l’histoire et des personnages… » Une forme d’humilité représentative d’un compositeur à la ligne mélodique claire, aussi doué pour l’introspection que le grand spectacle. How the West was won : éd. Rhino (cd). *En guise d’hommage, Alan Silvestri reprendra la musique d’Alfred Newman sur la séquence d’ouverture du film À la Poursuite du Diamant Vert (Robert Zemeckis, 1984). **Ancêtre de l’IMAX, multipliant le format standard 35mm par trois. Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1964. LES CONTREBANDIERS DE MOONFLEET Moonfleet Réalisé par Fritz Lang - Production : John Houseman (MGM) Musique de Miklós Rózsa - 1955 Non contents de révéler le panel des talents en présence, les glorieux génériques d’antan embrasaient bien souvent l’imagination des spectateurs, voire celle de compositeurs en quête d’inspiration. « Les personnages de Moonfleet me faisaient énormément penser aux aquarelles de Rowlandson que ma femme collectionnait, remarque Rózsa, mais l’histoire était tiède et inconséquente. Malgré cela, je me suis débrouillé pour tirer parti du générique (sur fond de ressac, NDLR) avec une marine musicale assez mouvementée. » Une manière humble d’évoquer l’une des plus belles ouvertures de sa carrière, comme le détaille son dernier assistant Christopher Palmer* : « La base mélodique de ce prélude possède la saveur d’une robuste ballade folklorique, mais ici le vrai protagoniste est le tumultueux fracas des violons et des bois qui s’associe, telle une déferlante figurative, aux glissandos à effet de vagues des harpes et du piano. La musique est si vive – comme en témoigne l’aspect très pictural des notes sur la partition – qu’elle rend complètement superflu l’ajout ultérieur des bruits de l’océan dans la bande-son. » Moonfleet : éd. Film Score Monthly (cd). *Arrangeur et orchestrateur de renom qui accompagna des compositeurs tels Bernard Herrmann ou Maurice Jarre, et contribua à de remarquables réenregistrements dans les années soixante-dix et quatre-vingt. LE CONVOI DE LA PEUR Sorcerer Réalisé par William Friedkin - Production : William Friedkin (Universal / Paramount) Musique de Tangerine Dream - 1978 « Quand Bud Smith et moi avons commencé à monter Le Convoi de La Peur, le résultat était plutôt prometteur, confie William Friedkin. Tous les problèmes rencontrés sur le tournage se sont évanouis dans la salle de montage, et nous avions assez de plans pour accélérer ou ralentir le rythme des scènes à notre guise. » Un optimisme consolidé par l’apport musical du groupe allemand Tangerine Dream, découvert lors d’un concert situé au cœur de la Forêt-Noire : « Ils étaient à

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l’avant-garde des sons de synthétiseurs électroniques qui commençaient à pénétrer la musique commerciale. Le concert avait débuté à minuit et ils avaient joué de longs morceaux, rythmés et sensuels… J’étais comme hypnotisé. Par la suite, j’ai fait leur connaissance et je leur ai dit que j’aimerais leur faire parvenir le script de mon prochain film. Lorsque le scénario de Wally fut prêt, je l’ai envoyé par la poste à Edgar Froese, leur leader, et je lui ai expliqué comment je voyais le film (…) Des mois plus tard, alors que je me trouvais dans la jungle d’Oaxaca, une cassette audio de deux heures me parvint d’Allemagne. Ce fut pour nous une source d’inspiration : en sélectionnant des passages au hasard, la musique nous a servi de base pour monter le film. » Sans permettre aux musiciens de voir une seule image du Convoi de la Peur, Friedkin créera toute la bande originale à partir de cette unique cassette. Sorcerer : éd. MCA (cd) et Eastgate Music (réenregistrement, cd). COSMOS : 1999 Space : 1999 Série créée par Gerry Anderson et Sylvia Anderson (ITC) Musique de Barry Gray - 1975 « Ce que je préfère plus que tout, c’est composer et orchestrer pour de grands orchestres symphoniques, avoue Barry Gray. Ceci dit, à plusieurs reprises dans ma carrière, j’ai dû emprunter les chemins de la musique électronique… Mais j’ai bien peur que ce type de sonorité convienne surtout à des séquences situées dans l’espace, dans des laboratoires, ou sur des scènes bizarres ou astrales. » Qu’il en soit ainsi ! Pour sa seizième collaboration avec Gerry Anderson, le compositeur convie une dernière fois les synthétiseurs dans son univers orchestral. Si le générique introduit chaque épisode par un montage d’images ultra-serrées (rythmé par la guitare électrique de Vic Elmes*), les dialogues de la série abondent et restreignent le travail de Barry Gray : « Mes interventions dans Cosmos : 1999 étaient très très minces. En raison du budget alloué aux sessions d’enregistrement, on enregistrait seulement le nombre de morceaux requis par l’union des musiciens. En conséquence, le monteur Alan Willis avait l’habitude de piocher dans ce que nous avions déjà fait pour couvrir les différents épisodes. Et lorsqu’il était à court de scores, il était autorisé à utiliser d’autres musiques que j’avais écrites pour Gerry Anderson. C’est pourquoi on retrouve divers extraits des Sentinelles de l’Air ou Joe 90 dans Cosmos : 1999. » Ultime opus de Barry Gray, l’album 33 tours de l’époque reprendra l’essentiel de ses compositions originales. Space : 1999 : éd. RCA (lp). *Coauteur du thème de la première saison. LE CRÉPUSCULE DES AIGLES The Blue Max Réalisé par John Guillermin - Production : Christian Ferry (20th Century Fox) Musique de Jerry Goldsmith - 1965 Talent précoce de la télévision américaine, Jerry Goldsmith fait ses classes sur plusieurs séries de la chaine CBS au côté de Bernard Herrmann et Franz Waxman. Cette expérience formatrice le pousse rapidement vers des productions de

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grande envergure, dont plusieurs films de guerre (Première Victoire, L’Express du Colonel Von Ryan, Moritury). La B.O. du Crépuscule des Aigles est d'abord confiée au musicien anglais Ron Goodwin, grand spécialiste du genre. Débordé, ce dernier renonce et la production retient in fine Jerry Goldsmith, qui fait face à des musiques temporaires intimidantes de Richard Wagner et Richard Strauss. « Je dois reconnaître que cela fonctionnait plutôt bien, se souvient le compositeur en 1979, aussi ma première réaction a été de laisser tomber. Je leur ai dit : pourquoi ne demandez-vous pas à un arrangeur d'adapter ces musiques sur le film ? » La Fox insiste et donne tous les moyens à Goldsmith pour œuvrer. Il écrit alors une vaste partition symphonique interprétée par 100 musiciens et une machine à vent, dans laquelle l'héroïsme croise le fer avec la dissonance. « Je crois que John Guillermin n'aime pas trop ces dissonances, déclare-t-il durant les sessions, mais bon Dieu ! il s’agit de scènes de guerre, et elles nous montrent que tout cela est horrible ! Je ne peux pas écrire de la musique noble sur de telles images... » Un des chefs-d’œuvre du musicien. The Blue Max : éd. La-La Land (cd). UN CRIME DANS LA TÊTE The Manchurian Candidate Réalisé par John Frankenheimer - Production : John Frankenheimer, George Axelrod (United artists) Musique de David Amram - 1962 En marge de la routine des grands studios, les compositions de David Amram accostent le cinéma américain sans l’ombre d’une concession : « Lorsque le complexe industriel contrôlait ce que le monde écoutait, remarque l’artiste, la musique au cinéma se devait de sonner comme de la musique de film… Et lorsque les longs-métrages sur lesquels j’ai eu la chance de travailler étaient proposés aux maisons de disques, les rares qui acceptaient à contrecœur de les enregistrer indiquaient qu’il n’y avait aucun marché pour ce que je faisais. Car pour eux, ça ne sonnait pas comme de la musique de film… Que ce soit au théâtre ou au cinéma, mon objectif n’était pas d’être enregistré, et dans toutes mes bandes originales, je n’ai jamais été contraint d’écrire une chanson à succès pour aider le film à se vendre*. » Le score inaccoutumé d’Un Crime dans la Tête profile le pic de cette approche, par ailleurs soutenue par un réalisateur aventurier : « Quand je suis arrivé à L.A. pour commencer à travailler, Frankenheimer m’a dit : "David, garde bien en tête qu’il ne s’agit pas d’un film de guerre chinois. M. Sinatra et moi t’avons choisi, car nous ne voulions pas d’une équipe d’arrangeurs ressassant toujours le même air. Je ne suis pas sûr de ce que je fais au jour le jour, et je ne suis pas musicien, mais cette histoire est incroyable et tu pourras musicalement nous venir en aide." » Une partition déviante portée par un thème principal de haute volée. The Manchurian Candidate : éd. Varèse Sarabande et Moochin’ About (cd). *David Amram signera toutefois quelques standards, dont la mélodie du film La Fièvre dans le Sang d’Elia Kazan.

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LE CRIME DE L’ORIENT-EXPRESS Murder on the Orient-Express Réalisé par Sidney Lumet - Production : John Brabourne, Richard B. Goodwin (Paramount / EMI) Musique de Richard Rodney Bennett - 1974 Auteur de plusieurs longs-métrages sans musique (dont l’intense La Colline des Hommes Perdus), Sidney Lumet change son fusil d’épaule avec cette luxueuse adaptation d’Agatha Christie. « Parmi toutes les nominations aux Oscars qu’ont reçues mes films dans diverses catégories, remarque le cinéaste, seule cette partition de Richard Rodney Bennett a été citée. Cela dit, il s’agit de mon unique réalisation où je souhaitais que la musique fasse des étincelles. » Carmen Cavallaro, Eddy Duchin et les thés dansants des années 30, sont les références sélectionnées par Lumet pour la bande-son. Mais lors de sa rencontre avec Rodney Bennett, ce dernier lui propose de faire table rase. « En fait, je ne crois pas en ce genre de montage musical, précise le musicien. J’avais été recommandé par Stephen Sondheim, et Sidney m’a en quelque sorte testé. Il m’a montré les rushs et m’a demandé : "Qu’en pensez-vous ?" Dans pareil cas, ça passe ou ça casse. Vous dites deux mots et vous pouvez être balayé. J’ai alors dit : "Eh bien, le générique doit être théâtral. Ce n’est pas une ouverture de thriller, c’est un rideau de scène qui se lève, cela tient de la farce, c’est drôle, excitant !" Tout est parti de là. » La valse du départ de l’Orient-Express plaira tant au cinéaste, qu’il fera supprimer les divers bruits de la locomotive afin de laisser le champ libre à son compositeur. Murder on the Orient-Express : éd. Quartet (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1975. CROIX DE FER Cross of Iron Réalisé par Sam Peckinpah - Production : Wolf C. Hartwig, Pat Duggan (AVCO Embassy Pictures) Musique d’Ernest Gold - 1976 Au cœur des années 70, Sam Peckinpah file à grands pas vers l'autodestruction. Il rejette coup sur coup deux grosses productions (King Kong, Superman le Film) pour réaliser un film de guerre tapissé par ses obsessions. Trahison, refus de l'autorité, anarchisme... Croix de Fer visite tragiquement des sentiments reliés à la vie personnelle d'un cinéaste en proie à la drogue et l'alcool. La production angloallemande impose un musicien d'origine européenne pour écrire la bande originale. Ernest Gold prend donc la place du comparse Jerry Fielding avec une partition d'une étonnante noblesse. En contrepoint de l'extrême violence des images, le compositeur s'attache à dépeindre le caractère intérieur des personnages – à tendance pacifique pour le héros Steiner / James Coburn – et l'humanité résiduelle des combats. Il s'agit là du score le plus élégiaque composé pour le réalisateur. Entre deux accords pastoraux, Gold fait toutefois surgir le malaise avec quelques dissonances (Memories and hallucinations) et l'emploi d'une comptine germanique qu'il juxtapose adroitement aux marches militaires. La séquence d'ouverture consacrée aux jeunesses hitlériennes doit beaucoup à son intervention. Cross of Iron : éd. Kritzerland (cd).

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CYRANO DE BERGERAC Réalisé par Jean-Paul Rappeneau - Production : René Cleitman, Michel Seydoux, André Szöts (UGC) Musique de Jean-Claude Petit - 1990 « J’ai abandonné presque violemment le milieu de la variété française, confie Jean-Claude Petit. D’ailleurs, j’en ai un peu bavé… Il est vrai que je gagnais une fortune avec mes arrangements musicaux pour un peu tout le monde. Mais, en 1981, j’ai rompu brusquement car je n’avais plus rien à faire dans ce métier. » Quelques films plus tard, le compositeur se retrouve au générique de l’événement cinématographique de 1990. Le grand retour d’un cinéaste rare et exigeant : « Avec Jean-Paul Rappeneau, on a longuement discuté. Il était très méfiant. De plus, j’ai trouvé le thème très tardivement. J’avais déjà enregistré des musiques pour divers playbacks obligatoires sur le tournage… Et puis, j’ai eu cette idée du générique que j’ai joué à Jean-Paul et René Cleitman. Ils l’ont tout de suite beaucoup aimé, mais il y avait une telle différence entre le thème au piano et sa version orchestrale, que lorsque Jean-Paul est arrivé aux séances d’enregistrement, il ne l’a pas reconnu. Il était un peu contracté, puis au fur et à mesure un sourire est apparu sur son visage. Lors de la scène de la mort de Cyrano, il s’est mis à pleurer et là j’ai su que c’était gagné. Le rapport avec un cinéaste n’est jamais facile et parfois cela se déroule un peu de manière conflictuelle. Georges Delerue me disait : "Je suis toujours terrorisé au moment de jouer le thème au piano pour le metteur en scène", et bien moi aussi… » Cyrano de Bergerac : éd. Trema (cd) et Universal (Le Cinema de Jean-Claude Petit, extraits, cd). César de la meilleure musique de film originale 1991. DADDY NOSTALGIE Réalisé par Bertrand Tavernier - Production : Adolphe Viezzy (UGC) Musique d’Antoine Duhamel - 1990 Un cas d'école. Bertrand Tavernier pense d'abord à Philippe Sarde pour la B.O. de ce film très personnel, puis se ravise : « Un soir Bertrand m'appelle, raconte Antoine Duhamel, il me dit qu'il vient de terminer un long-métrage avec comme sujet la mort du père. Sarde l'emmerde, du coup il souhaiterait me confier la musique. Seulement voilà, toutes les sessions et les musiciens, une petite formation jazz, sont déjà réservés. J'ai donc quinze jours pour écrire la partition avec ces contraintes instrumentales... Le soir même j'ai écrit un thème, le meilleur du film, sans avoir vu une seule image. Après bien sûr, j'ai vu le montage final et composé le reste de la musique en suivant les références de la musique temporaire. Mais c'était un peu comme de rentrer dans des chaussons. » Difficile d'imaginer une pire situation pour un compositeur de cinéma. Pourtant Duhamel parvient à signer un score remarquable, situé quelque part entre le jazz et la musique baroque. Tout est beau dans cette bande originale magnifiée par ses interprètes : Ron Carter, Philip Catherine, Louis Sclavis, et Jimmy Rowles, le célèbre pianiste de Henry Mancini.

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Chronomètre en main, Jean-Claude Petit dirige l’enregistrement du Hussard sur le Toit.

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Daddy Nostalgie : éd. Sony BMG (cd). DAISY CLOVER Inside Daisy Clover Réalisé par Robert Mulligan - Production : Alan J. Pakula (Warner Bros.) Musique d’André Previn - 1965 Avec ses échappées dédiées à la comédie musicale, l’ultime partition hollywoodienne d’André Previn prend des allures de rétrospective. Le jeune surdoué arrive à la MGM en pleine adolescence pour embrasser une carrière exceptionnelle : « André n’avait pas tout à fait seize ans et il pouvait seulement venir travailler chez nous après trois heures de l’après-midi, témoigne Johnny Green*. Il était fantastique. Après trois ans de travail en tant qu’arrangeur, nous lui avons confié une première partition à écrire. » Un départ sur les chapeaux de roue qui converge rapidement vers la direction musicale des productions d’Arthur Freed, le pape de la comédie musicale à Hollywood. Beau Fixe sur New York, Gigi, l’Étranger au Paradis, La Belle de Moscou, sont quelques-uns des triomphes du musicien, entrecoupés de superbes partitions dramatiques. Daisy Clover lui permet de réaliser une brillante synthèse de ses talents, en composant une pantomime nostalgique des grandes heures de l’âge d’or. « L’un des pièges périphériques du travail de musicien de cinéma, déclare Previn à l’époque, c’est la répétition des visionnages d’un film nécessaires à l’écriture de son score. Très peu de longs-métrages résistent à une douzaine de projections successives. Daisy Clover fut une heureuse exception. À chaque fois, je l’aimais de plus en plus. Ce fut un acte d’amour pour tous ceux qui participèrent à sa création, et je fus heureux d’en faire partie. » Inside Daisy Clover : éd. Film Score Monthly (cd). *Compositeur, arrangeur, chef d’orchestre et directeur musical de la MGM de 1949 à 1959. DANS LA CHALEUR DE LA NUIT In the Heat of the Night Réalisé par Norman Jewison - Production : Walter Mirisch (United Artists) Musique de Quincy Jones - 1965 « Norman Jewison souhaitait que je compose la musique du film, et que Ray Charles écrive les paroles et chante la chanson-titre, raconte Quincy Jones. Mais des soucis d’emploi du temps ne permettaient pas à Ray de se charger des paroles, donc j’ai fait appel à Alan et Marilyn Bergman qui habitaient en bas de ma rue. » Ainsi débute l’aventure de cette fameuse B.O. rhythm and blues, la première à fondre l’identité musicale du sud des États-Unis dans le langage symphonique du cinéma. Sûr de lui, Quincy Jones conçoit une peinture sonore riche en nuances et en confrontations : « Nous avons utilisé beaucoup de couleurs intéressantes. Il s’agissait du sud profond, donc nous avions pas mal de guitare, de blues du delta… J’ai écrit pour les cordes comme pour les saxophones, avec beaucoup de nuances funky du sud – ce qui est très difficile à jouer, particulièrement pour des violonistes classiques. J’avais fait beaucoup d’expérimentations à New York sur les annotations, tout ça était donc rodé : les indications de doigté, les portamentos (glissements sur le manche), bref, toutes les nuances ; ainsi les cordes pouvaient

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sonner comme un saxophone… Et pour donner un côté dépouillé, aride, j’ai utilisé un cymbalum qui exprime assez bien la solitude. À l’image de l’inspecteur Virgil Tibbs, il reflète le fait d’être loin de chez soi, d’être hors de son élément. » In the Heat of the Night : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (The Cinema of Quincy Jones, cd). DAR L’INVINCIBLE The Beastmaster Réalisé par Don Coscarelli - Production : Paul Pepperman (MGM) Musique de Lee Holdridge - 1983 Les Mercenaires de l’Espace, Galactica, Starfighter... Les B.O. réussies aux couleurs du Space opera ne manquent pas. Plus rares en revanche sont celles qui puisent leur inspiration dans l’Heroic fantasy. Sur les conseils du label Varèse Sarabande, Don Coscarelli choisit un symphoniste remarqué pour composer cette série B, produite en parallèle de Conan le Barbare. « C’est grâce à mon concerto pour violon que l’on m’a demandé de composer la musique de Dar L’Invincible, s’étonne Lee Holdridge. Le réalisateur était littéralement tombé amoureux de cette pièce orchestrale, et voulait retrouver pour son film ce type de musique. Honnêtement, je n’avais pas pensé que mon concerto pourrait illustrer un longmétrage de ce genre. En fait, je crois qu’il a apprécié le caractère majestueux qui s’en dégage. » L’engouement de Coscarelli réjouit le maestro, mais le délai de composition est problématique. « Ce fut une épreuve car je devais écrire 80 minutes de score en seulement deux semaines et demie… Bien que normalement je travaille seul, je savais que sur cette production j’aurais besoin d’aide sur l’orchestration afin de réussir l’impossible. Je fus donc aidé par les brillants Greig McRitchie et Alf Clausen… Aussitôt le score achevé, je pris l’avion et terminai moi-même l’orchestration dans ma chambre d’hôtel à Rome*, un jour avant ma première session d’enregistrement. » Avec Splash et Old Gringo, l’une des trois meilleures musiques de Lee Holdridge pour le cinéma. The Beastmaster : éd. Quartet (cd). *Le score fut enregistré par les mêmes musiciens que la B.O. iconique de Conan le Barbare. DARK CRYSTAL The Dark Crystal Réalisé par Jim Henson, Frank Oz - Production : Jim Henson, Gary Kurtz (Universal Pictures) Musique de Trevor Jones - 1982 L’impressionnante inventivité visuelle de Dark Crystal détermine le premier aiguillage de sa bande originale : « Initialement, nous sommes partis sur l’idée d’une partition aussi innovante que les images, raconte Trevor Jones. Nous avons envisagé d’utiliser des sons tels quels pour les fusionner dans un univers sonore fantastique. Qu’ils proviennent d’instruments acoustiques, électroniques ou fabriqués spécialement importait peu. Mais lorsque Gary Kurtz est arrivé sur le projet, il a été décidé qu’en raison des particularités du film – tourné avec des marionnettes, sans vrais acteurs à l’écran – de ses images différentes, si l’on écrivait une musique

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non conventionnelle, on risquait de perdre les spectateurs en route. » Jones corrige donc la trajectoire et compose une copieuse partition symphonique, dans laquelle il fusionne des synthétiseurs Fairlight, de l’orgue, ou du folklore. « Pour la séquence du petit peuple Polding, Jim Henson m’a dit : "Je veux une musique festive !" Je ne savais même pas à quoi ressemblaient ces personnages, puisque la musique devait être enregistrée avant le tournage. J’ai alors produit une bande démo dans un petit studio, malheureusement avec deux musiciens. Puis, j’ai joué la cassette en lui demandant : "Suis-je dans la bonne direction ?" – "C’est exactement ça, j’adore !" Pour le film, je fus donc contraint d’utiliser cette démo qui laisse un peu à désirer sur le plan technique. Mais lorsqu'une idée est bonne, Jim le sait immédiatement, il saute dessus et me dit : "Ne change pas une note !" » The Dark Crystal : éd. La-La Land (cd). DEAD ZONE The Dead Zone Réalisé par David Cronenberg - Production : Debra Hill, Dino De Laurentiis (Paramount Pictures) Musique de Michael Kamen - 1983 Dans sa première partie de carrière, Michael Kamen est surtout réputé pour ses arrangements instrumentaux (l’album The Wall* notamment). En plein travail avec les Pink Floyd sur le sol anglais, il reçoit un appel d’Hollywood : Dino De Laurentiis souhaite lui confier la B.O. de Dead Zone, sa dernière production adaptée de Stephen King. Malgré les souhaits de David Cronenberg, le compositeur Howard Shore a été écarté du projet en raison de sa proximité avec le cinéaste. De Laurentiis veut du sang neuf mais les délais sont courts. « J’ai écrit cette musique très rapidement, raconte Michael Kamen, c’était l’un de mes premiers efforts. Je l’ai composée de la façon dont je préfère travailler, c’est-à-dire sans pression. Personne ne m’a appelé pendant ce temps. J’ai rencontré David Cronenberg à Los Angeles très brièvement, et puis je suis revenu à Londres. J’ai toujours aimé la musique angoissante et je l’ai écrite en dix jours, juste en m’asseyant à mon piano et en écrivant, écrivant… c’est l’une des façons les plus satisfaisantes, chez moi, d’utiliser mon cerveau pour écrire la B.O. d’un film hollywoodien. » Interprété par le National Philharmonic Orchestra, ce score dramatique étonne par sa maturité et la justesse de ses effets contenus. Une vraie révélation. The Dead Zone : éd. Milan (cd). *Il dirigera également la version live à Berlin, le 21 juillet 1990. LA DENTELLIÈRE Réalisé par Claude Goretta - Production : Daniel Toscan du Plantier (Gaumont) Musique de Pierre Jansen - 1977 Comme le remarquent Alain Lacombe et Claude Rocle en 1978, Pierre Jansen n'est pas un compositeur à thème. Son association précoce avec Claude Chabrol l'autorise à développer une écriture aux tendances contemporaines affirmées. Il opère en précieux gardien d'une chapelle musicale peu fréquentée par le cinéma

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français des années 70. Préoccupé par le romantisme latent de son sujet, le cinéaste suisse Claude Goretta envisage la B.O. de La Dentellière exsangue de tout sentimentalisme. Il oriente Jansen vers les derniers feux de la Première école viennoise. « Claude Goretta arriva avec un enregistrement de Schubert, se souvient le compositeur. Je lui ai demandé ce que je pouvais faire de mieux que Schubert et j'ai eu un mal de chien à faire cette musique parce que je n'avais pas de direction précise... Il trouvait que la musique était trop envahissante mais il n'expliquait jamais pourquoi. Il a même fallu refaire des enregistrements et au final, à force de tout supprimer, il ne restait presque plus rien. » Ciselé pour une petite formation instrumentale, son score évoque parfois la beauté impressionniste de L’Aventure de Madame Muir de Bernard Herrmann. La Dentellière : éd. Disques Cinémusique (cd). LES DENTS DE LA MER Jaws Réalisé par Steven Spielberg - Production : David Brown, Richard D. Zanuck (Universal Pictures) Musique de John Williams - 1975 « Quand j'ai montré Les Dents de la Mer à John pour la première fois, raconte Steven Spielberg, je me souviens qu'il m'a dit : "C'est comme un film de pirates ! Je pense qu'il nous faut de la musique de pirate, car il y a dans tout ça quelque chose de primitif – mais c'est aussi un peu fou et divertissant." » Si le thème saccadé du requin identifie instantanément la bande originale de John Williams, ces propos enthousiastes pointent l'importance des autres séquences de la partition. « Mon morceau préféré a toujours été la scène de poursuite avec les barils, avoue le musicien, lorsque le requin approche du bateau et que nos trois héros pensent l'avoir capturé. La musique accélère et devient très excitante, héroïque. Et puis soudain, au moment où le requin domine la situation et qu'il parvient finalement à s'échapper, la musique se dégonfle et se termine par une chanson de marin intitulée Spanish ladies. La partition illustre et ponctue musicalement toute cette esquisse dramatique (...) Ce film fut assurément un point de repère dans ma carrière. À l'époque, j'avais déjà remporté l'Oscar pour les arrangements et la direction orchestrale d'Un Violon sur le Toit. Mais Les Dents de la Mer fut le premier Oscar que je reçu pour ma propre musique, ce fut donc un moment significatif pour moi. » Jaws : éd. MCA (cd) et Intrada (bandes remastérisées, cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1976. LE DERNIER TRAIN DU KATANGA Dark of the Sun Réalisé par Jack Cardiff - Production : George Englund (MGM) Musique de Jacques Loussier - 1968 En 1959, l'Angevin Jacques Loussier crée le trio Play Bach et élabore une relecture jazz de la musique baroque qui fait le tour du monde des mélomanes (six millions d'albums vendus). Lors d'un concert en Angleterre, le musicien rencontre Jack Cardiff, un grand admirateur de sa discographie. Ce dernier vient tout juste

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de terminer un film d'aventure pour la MGM et lui propose d'en composer la musique. « À l'époque, la première version du Dernier Train du Katanga que j'ai vue était excessivement violente, se souvient Loussier. La production a coupé de nombreuses séquences qui, je pense, auraient accentué son impact auprès du public. Je suis sorti de la projection de l'intégrale vraiment très impressionné, c'était très fort. Mais, ils ont préféré supprimer les passages les plus durs. » Malgré ces coupes sombres, le compositeur écrit une partition tendue à l'extrême, construite autour de rythmes syncopés, de contretemps, avec une inoubliable mélodie en mode mineur. « Dès le départ, j'ai eu envie d'écrire une marche comme thème principal, dans laquelle la puissance et la violence seraient presque contenues, mais aussi présentes comme des éléments sous-jacents de la musique... Les morceaux que j'ai écrits n'ont pas nécessairement été placés sur les scènes prévues, mais la musique n'en a pas trop souffert. Elle reflète ma première vision du film et conserve quelque part l'esprit du montage d'origine. » Dark of the Sun : éd. Film Score Monthly (cd). LA DÉROBADE Réalisé par Daniel Duval - Production : Gérard Lorin, Benjamin Simon (S.N. Prodis) Musique de Vladimir Cosma - 1979 Daniel Duval dirige et interprète cette adaptation-choc du roman de Jeanne Cordelier. Durant la réalisation, il songe à son ami Maurice Vander pour écrire la musique du film. La production rechigne et l'oriente vers un artiste plus connu du grand public. « La Dérobade, se souvient Vladimir Cosma, fut en quelque sorte l'aboutissement de toute une série de films différents, dont ceux d'Yves Boisset et André Cayatte, qui m'éloignaient de l'étiquette "musicien de comédie". Daniel Duval était un jeune acteur et metteur en scène autour duquel planait une légende assez sulfureuse. On le disait violent, ancien détenu... Pour moi, il était surtout le scénariste et le réalisateur d'un premier film très personnel que j'avais beaucoup aimé, Le Voyage d'Amélie. » L'entente entre les deux hommes est immédiate et permet à Cosma de créer en toute liberté une B.O. attachante, écrite selon un mode de composition roumain issu du Banat*. Le thème principal, interprété par un lyricon**, un ensemble de violoncelles et quelques cloches, apportera au film une remarquable identité. La Dérobade, Vladimir Cosma - 40 Bandes originales pour 40 films : éd. Larghetto music (cd). *Région de l'ouest de la Roumanie dont la capitale est Timişoara. **Instrument à vent électronique proche du saxophone soprano. Nominée au César de la meilleure musique de film originale 1980. LES DÉSAXÉS The Misfits Réalisé par John Huston - Production : Frank E. Taylor (United Artists) Musique d’Alex North - 1961 Pour Alex North, l’année triomphale de Spartacus s’accompagne d’une précieuse

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rencontre ; l’écrivain et scénariste Arthur Miller lui présente John Huston avec l’idée d’enclencher une collaboration entre les deux artistes*. « Dès que j’ai rencontré John, je l’ai apprécié, révèle le compositeur. Il m’a invité sur le plateau du film où j’ai eu le loisir de nouer une relation amicale avec Marilyn Monroe… Il savait ce qu’il voulait sur le plan filmique et musical. Nous avons discuté du score et je suis rentré à la maison. Quand nous nous sommes revus, le film était dans sa phase finale, et John fut très spécifique sur les endroits où placer la musique. » Afin de pouvoir concourir aux Oscars, la United Artists presse North de terminer rapidement son travail mais Huston s’interpose. « John savait ce que signifiait composer de la musique. Ainsi, j’ai obtenu plusieurs semaines supplémentaires pour écrire le score. Il me dit qu’il avait une confiance infinie dans mon jugement. » Dix ans après Un Tramway Nommé Désir, North s’empare à nouveau de l’inconscient des personnages à l’écran et rejoint les cimes de sa première bande originale. « Les Désaxés possède une qualité onirique faite de mouvements et structures spasmodiques qui touchent les faiblesses de la nature humaine, remarque le musicien. Cela couvre toute la gamme des émotions : de la tendresse à la frustration, en passant par la cruauté. La musique se devait de compenser le pointillisme de Miller afin de lier ensemble ces petits traits… » Un extraordinaire ballet de sentiments. The Misfits : éd. MGM Ryko et Varèse Sarabande (cd). *Alex North et John Huston collaboreront sur cinq films, dont le dernier du cinéaste : Les Gens de Dublin (1987). LES DEUX ANGLAISES ET LE CONTINENT Réalisé par François Truffaut - Production : François Truffaut, Marcel Berbert (Valoria Films) Musique de Georges Delerue - 1971 François Truffaut a toujours entretenu une relation passionnée avec la musique de film. Dès son passage derrière la caméra, il a conscience de sa nécessité dans les voies narratives qu'il emprunte – moins expérimentales que celles de Jean-Luc Godard – tout en observant ses liens inévitables avec un cinéma traditionnel qu'il a longuement critiqué. À la fin des années soixante, le compositeur Antoine Duhamel tente de l'orienter vers un langage plus atypique : des mélodies moins distinctes, moins sentimentales (La Sirène du Mississippi - 1969), une main tendue vers Stravinsky (Domicile Conjugal - 1970), mais rien n'y fait. En 1971, le réalisateur revient au galop vers Georges Delerue avec ce film littéraire, presque suranné. Musicalement, Les Deux Anglaises et le Continent est un sommet de romantisme qui symbolise à merveille la collaboration entre les deux hommes. Delerue apporte une flamme mélodique dans un cinéma en costume parfois distant, et relie par la même Truffaut à ses spectateurs. « En fait, je crois qu'un film ne doit pas innover sur tous les plans à la fois, il faut peut-être qu'il y ait dans un film quelque chose qui le rattache au cinéma classique », affirmait le cinéaste en 1962. Jules et Jim / Les Deux Anglaises et le Continent : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd).

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2001, L’ODYSSÉE DE L’ESPACE 2001 : A Space Odyssey Réalisé par Stanley Kubrick - Production : Stanley Kubrick (MGM) Sélections classiques (Strauss, Ligeti, Khatchatourian…) / Musique rejetée d’Alex North - 1968 « Je voulais que le film soit une expérience intensément subjective, révèle Stanley Kubrick, quelque chose qui touche de l’intérieur, comme la musique. » L’histoire épique de la B.O. de 2001 est étayée par de précieux témoignages. Selon Andrew Birkin, la plupart des choix originels du réalisateur seraient plus ou moins dus au hasard : « On passait des heures dans la salle de projection à regarder les rushs des séquences dans l’espace. C’était très ennuyeux (…) Dans la cabine de projection, il y avait une pile de vieux disques classiques qu’on mettait lors des avantpremières. Le projectionniste les envoyait dans la sono… Vers le quatrième jour, on regardait le plan d’un astronef et un vieux disque rayé du Beau Danube bleu se fit entendre. Un peu plus tard, Stanley dit : "Ce serait une folie ou une idée de génie de mettre cette musique dans le film ?" » Quelles que soient les circonstances de ces trouvailles, le réalisateur rejette rapidement l’idée d’une musique originale ; il imagine utiliser des extraits de Mahler, Mendelssohn, puis expérimente de nouvelles sélections. De son côté, la MGM exige une partition officielle et incite Kubrick à collaborer avec Alex North, son compositeur de Spartacus. Kubrick obtempère mais émet des réserves durant l’enregistrement : « Lors de la séquence d’ouverture, se souvient l’orchestrateur Harry Brant, le cinéaste écouta attentivement et déclara : "C’est un merveilleux morceau de musique, vraiment très beau, mais il ne convient pas à mon film". » Au total, North enregistre 40 minutes de score reléguées aux oubliettes par la production. Sans aucun préavis, il découvre le rejet de son travail à l’occasion d’une projection new-yorkaise. « Ce fut le plus gros choc de ma vie professionnelle, avoue le musicien dans les années 70. Mais je suis très heureux de l’avoir fait car j’ai la partition. Et en ce qui me concerne, j’ai écrit pour ce film des choses très nouvelles. Dans la plupart des cas, un réalisateur, qui utilise des morceaux préenregistrés lors d’une projection préventive, est si attaché à ces musiques temporaires, qu’il ne peut s’habituer à un nouveau score. » 2001 : A Space Odyssey : éd. Sony (cd) et Intrada (musique originale d’Alex North, cd). LE DIABLE AU CORPS Réalisé par Claude Autant-Lara - Production : Paul Graetz (Universal Films) Musique de René Cloërec - 1947 Claude Autant-Lara sollicite pour la première fois René Cloërec en 1942. « Connaissant mes premiers succès dans la variété avec Piaf, se souvient le compositeur, il me demanda une chanson pour son film Douce. Il accepta celle que je lui présentai et me proposa de composer la musique du film dans son intégralité. » S’en suivra une fidèle collaboration s’étalant sur plus de vingt ans. « Elle fut excellente, enrichissante et pleine d’enseignement pour moi. Car Autant-Lara était sensible à l’apport de ma musique sur ses images. Sans être musicien, il savait utiliser intelligemment ce que je lui composais. En plus, il avait l’habitude de planifier long-

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temps à l’avance ses différents projets. Du coup, j’étais impliqué très tôt dans l’élaboration artistique des films et cela stimulait sans aucun doute ma créativité musicale. » Parmi leurs dix-huit films en commun, Le Diable au Corps exprime finement cette connivence au long cours. Les interventions de Cloërec sont ponctuelles, significatives, et la musique diégétique d’une grande subtilité, à l’exemple de la séquence du dernier dîner des amoureux Micheline Presle et Gérard Philippe. Un talent remarquable longtemps présent sur grand écran grâce à son jingle pour Jean Mineur Publicité, aujourd’hui Mediavision. Le Diable au Corps, Les Plus Belles Musiques de Films de René Cloërec : éd. Play Time (cd). DIAMANTS SUR CANAPÉ Breakfast at Tiffany's Réalisé par Blake Edwards - Production : Martin Jurow, Richard Shepherd (Paramount Pictures) Musique de Henry Mancini - 1961 Moon river ou la chanson (presque) plus célèbre que le film de Blake Edwards ! Afin d’être raccord avec le contexte du scénario, les producteurs Martin Jurow et Richard Shepherd envisagent d’engager un musicien de Broadway pour écrire la ritournelle centrale de Diamants sur Canapé. Henry Mancini monte alors au créneau, car selon lui, la chanson doit être le cœur de sa partition. Après un mois de travail, il propose une démo qui met tous les décisionnaires d’accord. Tous, sauf un : « La projection test s’était très bien passée », raconte Mancini dans ses mémoires. Mais lors d’une réunion de travail avec l’ensemble de l’équipe, Martin Rackin, l’un des pontes de la Paramount, réagit violemment. « La première chose que nous a dit Marty fut : "Bon, il va falloir virer cette putain de chanson". À cet instant, je regardai Blake. Je vis son visage. Le sang lui monta à la tête comme un thermomètre sur une flamme. On eût dit qu’il allait s’embraser. Audrey (Hepburn) bougea de son fauteuil, elle semblait sur le point de se lever et dire quelque chose. Tous firent mouvement autour de Marty comme s’ils avaient l’intention de le lyncher. La chanson resta dans le film. » Breakfast at Tiffany’s : éd. Intrada (cd) et Sony (réenregistrement d’époque, cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1962. Oscar de la meilleure chanson originale 1962. LES DIX COMMANDEMENTS The Ten Commandments Réalisé par Cecil B. DeMille - Production : Cecil B. DeMille (Paramount Pictures) Musique d’Elmer Bernstein - 1956 Durant le montage des Dix Commandements, le désistement malheureux de Victor Young* astreint Cecil B. DeMille à dénicher un nouveau compositeur. Il auditionne Elmer Bernstein en prenant soin d’explorer ses dernières bandes originales. « Il m’a appelé de son bureau en me précisant qu’il avait écouté, la nuit dernière, mon score d’orientation jazz pour L’Homme au Bras d’Or, raconte le musicien. J’avais très peur de recueillir son opinion sur la chose… Finalement, il me dit :

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"C’est très bien, mais surtout n’écrivez rien de tel sur mon film !" » Face au vétéran, le jeune musicien use de sa formation classique et applique les préceptes du romantisme allemand : « DeMille était wagnérien et croyait fermement au leitmotiv. Il pensait que chaque personnage devait avoir un thème propre qui le suivait à l’écran. C’était ma mission… Pour la scène de l’Exode, j’avais écrit un hymne quasi hébraïque qui illustrait le lent mouvement des troupes. DeMille l’écouta avec les images et me dit qu’il ne l’aimait pas. "Qu’est-ce qui ne va pas ?", lui demandai-je. Il me reprocha sa lenteur. "Mais je ne fais que traduire ce que l’on voit sur l’écran ! Ces milliers de personnes qui progressent pas à pas…" – "C’est bien le problème, c’est trop lent" – "Mais cela ne va pas paraître bizarre si j’écris quelque chose de plus rapide ?" – "Faites-moi confiance, ça marchera", conclut-il. Et il avait raison, j’ai appris là une grande leçon. On peut rendre quelque chose plus énergique qu’il ne l’est en réalité. Travailler avec Cecil B. DeMille fut l’un des épisodes les plus exaltants de mon parcours à Hollywood. » The Ten Commandments : éd. MCA et Intrada (cd). *Le musicien tombe gravement malade durant la postproduction du film. LE DOCTEUR JIVAGO Doctor Zhivago Réalisé par David Lean - Production : Carlo Ponti (MGM) Musique de Maurice Jarre - 1965 « Lorsque nous avons commencé à travailler sur la musique du Docteur Jivago, David Lean tournait, se souvient Maurice Jarre. Il avait reconstitué la ville de Moscou dans les environs de Madrid et m’avait demandé d’assister au tournage. Il avait trouvé une vieille chanson russe et voulait l’utiliser pour le thème de Lara. Au bout de deux mois, des responsables de la MGM sont venus nous dire qu’ils ne parvenaient pas à trouver les auteurs de cette chanson. Il n’était plus possible de l’utiliser. » Sollicité par la production, Jarre se met donc au travail et soumet un premier thème de substitution au cinéaste : « En l’écoutant, David me dit : "Je crois que tu peux faire mieux." Désappointé, je retravaille et lui joue un nouveau thème ; "C’est trop triste !", me dit-il. Je lui en propose alors un troisième ; "C’est trop rapide…" Finalement, il me conseille de prendre un week-end à la montagne, avec ma petite amie, et rajoute : "Ne pense pas au film, mais simplement à un thème d’amour, pas un thème russe." Le lundi matin, dans l’heure qui a suivi mon réveil, j’ai bouclé mon thème. En fait, plus j’essayais d’imiter la chanson russe, plus j’allais contre la conception du thème de Lara. J’ai compensé le fait que ma mélodie n’avait rien de russe grâce à l’orchestration, en utilisant un ensemble de vingt-quatre balalaïkas et des Ondes Martenot. » La genèse d’un succès planétaire. Doctor Zhivago : éd. Sony (cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1966. LA DOLCE VITA La Dolce Vita Réalisé par Federico Fellini - Production : Giuseppe Amato, Angelo Rizzoli (Cineriz) Musique de Nino Rota - 1960

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87 Maurice Jarre à Paris pour l’anniversaire de la Libération, le 21 août 1994.

« Je peux dire que Fellini n’est jamais allé ni à un opéra, ni à un concert, révèle Nino Rota, et qu’il n’aime pas écouter de musique, qu’elle l’agace même, parce qu’il y est très sensible et qu’il ne veut pas se laisser emporter… » Voilà bien le paradoxe d’un réalisateur qui n’imagine pas un film sans musique. Succès critique international, La Dolce Vita baptise l’irrévérence d’un duo qui brise toutes les barrières musicales. Désormais, la bande-son peut s’appréhender tel un pot-pourri de genres où se mêlent compositions orchestrales (souvent des motifs courts), standards de jazz, fanfares de cirque, et chansons populaires. Les éléments peuvent s’enchainer, se chevaucher, en passant parfois d’un film à l’autre. Ainsi, Rota évoque "La Douceur de Vivre"* (le thème Via veneto i nobili) dans les variations de sa musique pour Roma, sous l’œil plus ou moins complice du cinéaste. « Il arrive de temps en temps à Fellini, quand il est à la recherche de quelque chose, de se souvenir de mes pièces, il les réécoute et me dit : "Celle-ci irait bien." (…) Il est convaincu que je suis trop distrait pour comprendre quoi que ce soit à ce que je vois dans ses films. Il va même jusqu’à penser qu’à ce moment-là, je crois voir un passage d’un autre film ! Alors il me dit : "Attention, Nino, ce n’est pas La Dolce Vita…" C’est pourquoi il m’arrive de mettre certains éléments dans un film simplement parce qu’ils lui plaisent. » La Dolce Vita : éd. Sugar / Cam et Quartet (cd). *Titre français inusité de La Dolce Vita qui figurait sur la première affiche française de 1960. LA DONNA INVISIBILE Réalisé par Paolo Spinola - Production : Silvio Clementelli (Euro International Film) Musique d’Ennio Morricone - 1969 Parmi tous les maîtres occasionnels de l’Easy listening, Ennio Morricone est sans nul doute l’un des grands champions du siècle passé. Entre 1965 et 1980, le maestro écrit quantité de B.O. pour un Septième art italien avide d'expérimentations sucrées. De la Bossa Nova au jazz, de la pop à la variété, l'éclectisme du musicien nourrit l'univers sonore d'un large panel de films désormais oubliés. C'est le cas de cette "femme invisible" porté par la voix érotique de la diva Edda Dell'Orso. Selon Morricone lui-même, qu'importe le projet, il « donne toujours tout – une créativité totale. » L'écoute de ce score moult fois réédité démontre clairement l’exigence du maestro. Et chacune de ses interventions dans le cinéma romantico-psychédélique pourrait figurer dans le présent ouvrage, tant elles frappent à l'unisson le cœur de l'amateur éclairé. Impossible bien évidemment d'en dresser la liste complète, mais citons quand même d'autres joyaux du genre : Disons, un Soir à Dîner, L'Assoluto Naturale, Veruschka ou encore Maddalena, dans lequel Belmondo et Lautner puiseront le single Chi mai pour la B.O. du Professionnel. La Donna Invisibile : éd. Verita Note Japan et GDM (cd). DRACULA Bram Stoker’s Dracula Réalisé par Francis Ford Coppola - Production : Francis Ford Coppola, Fred Fuchs, Charles Mulvehill (Columbia Pictures)

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Musique de Wojciech Kilar - 1992 « Avant de découvrir la version de Coppola, je n’avais vu qu’un seul Dracula, révèle Wojciech Kilar. C’était en 1959 ou 60, lorsque je faisais mes études à Paris chez Nadia Boulanger. Le Cauchemar de Dracula (musique de James Bernard) m’a fait terriblement peur, j’avais 26 ans. » Quelques décennies plus tard, le réalisateur du Parrain propose à l’artiste polonais de revisiter ses frayeurs de jeunesse. Il le rencontre à Paris en l’invitant à écrire une partition éloignée des codes musicaux américains. « Coppola m’a choisi car il voulait un compositeur symphonique, mais pas hollywoodien. Il aimait les sonorités de mes pièces orchestrales… Nous avons parlé de musique en général, de Ravel en particulier. Il m’a dit : "Faites ce que vous voulez !" J’ai écrit la musique en Pologne, chez moi en toute tranquillité. Nous l’avons enregistrée à Los Angeles avec 100 musiciens, 50 vocalistes et le studio ouvert pour deux semaines. Là-bas, je suis tombé malade quelques jours après mon arrivée. Je vis en Pologne, je suis âgé, malade : tout jouait contre moi ! À la question "Comment peut-on écrire de la musique de film ?" Je réponds désormais qu’il faut trois choses : habiter en Pologne, être vieux et malade. » Le succès de Dracula permettra à Kilar de travailler tardivement sur plusieurs productions anglo-saxonnes. Bram Stoker’s Dracula : éd. Columbia (cd) et La-La Land (musique intégrale, cd). DU SANG POUR DRACULA Blood for Dracula Réalisé par Paul Morrissey - Production : Andrew Braunsberg (Bryanston Distributing) Musique de Claudio Gizzi - 1974 (voir : Chair pour Frankenstein) DU SILENCE ET DES OMBRES To kill a Mockingbird Réalisé par Robert Mulligan - Production : Alan J. Pakula (Universal Pictures) Musique d’Elmer Bernstein - 1962 Vers la fin des années 50, le partenariat créatif entre Robert Mulligan et Alan J. Pakula s’enrichit d’un talent prometteur : « J’ai rencontré Alan juste après Les Dix Commandements, se souvient Elmer Bernstein. Il était un peu l’homme à tout faire chez Paramount. Nous sommes devenus amis et je lui ai dit : "un jour, quand tu feras un film, j’en écrirai la musique !" Par la suite, il s’est allié avec Robert Mulligan et nous avons fait notre premier film ensemble (Prisonnier de la Peur). Nous passions beaucoup de temps à parler du caractère de la musique, mais tous deux n’interféraient jamais sur ce que je devais écrire… Pour Du Silence et des Ombres, il m’a fallu presque six semaines avant de pouvoir écrire une note. Je ne parvenais pas à saisir le vrai sujet du film... Certaines choses étaient évidentes : le film parlait du racisme, de la Dépression, du Sud. Mais dès l’instant où vous évoquez le Sud, vous êtes pieds et poings liés avec la région. Vous voulez des banjos et du blues ? Je souhaitais éviter d’évoquer cet aspect géographique de l’histoire. C’est alors que j’ai pris conscience que le film parlait de tous ces sujets au travers les yeux des enfants. Ce fut la clef du score : leurs tâtonnements lors-

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qu’ils essayent de jouer quelque chose au piano avec un doigt. Ensuite sont venus les effets de cloches, de boîtes à musique et les harpes. » La première grande partition intimiste du cinéma américain d’après-guerre. To kill a Mockingbird : éd. Intrada (cd) et Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1963. DUNE Dune Réalisé par David Lynch - Production : Raffaella De Laurentiis (Universal Pictures) Musique de Toto - 1984 Soucieux de redéfinir l’univers symphonique du Space opera, David Lynch rencontre le leader du groupe Toto durant le tournage de Dune. « David Paich est venu au Mexique et nous avons discuté, raconte le cinéaste. Lorsque vous parlez avec les gens, vous commencez déjà à percevoir des choses. Chez David, j’ai senti toute la musique qu’il voulait créer, et elle ne ressemblait pas à celle de Toto. Je pense qu’il possède un talent musical extraordinaire qui n’est pas exploité. Beaucoup de musiciens sont comme ça, ils se cantonnent à un style mais à l’intérieur d’eux beaucoup de choses ne demandent qu’à sortir. » De formation classique, Paich motive sa troupe afin de créer un score navigant au-delà des frontières du rock : « Ce fut un vrai grand challenge pour le groupe ! Nous voulions vraiment écrire la partition du film, et pas seulement des chansons qu’ils auraient placées à des endroits choisis. Nous avons regardé toutes les séquences puis enregistré une bonne heure et demie de musique. Certaines parties ont été orchestrées (pour le Vienna Symphony Orchestra, NDLR), mais beaucoup de morceaux ont été joués par le groupe, enregistrés en vingt-quatre pistes et mixés avec l’orchestre. Nous avons uni nos efforts et, au bout du compte, nous avons obtenu le résultat que nous souhaitions. » Du générique à la Bernard Herrmann au joli thème d’amour, en passant par le rock FM des vers géants, le travail de Toto demeure le point d’orgue de Dune. Dune : éd. Polydor (cd). E.T. L’EXTRA-TERRESTRE E.T. The Extra-Terrestrial Réalisé par Steven Spielberg - Production : Steven Spielberg, Kathleen Kennedy, Melissa Mathison (Universal Pictures) Musique de John Williams - 1982 Selon John Williams : « Le Tempo est la première chose dont le compositeur doit tenir compte. » Une règle savamment éprouvée lors du dernier quart d’heure d’E.T. dans lequel s’enchainent des changements de rythme notables, dont plusieurs poursuites, un envol, et une scène d’adieux. « J’ai écrit la musique de manière mathématique afin que toutes ces séquences soient correctement configurées et qu’elles puissent toutes fonctionner… Mais durant l’enregistrement, je ne parvenais jamais à obtenir une interprétation qui me semblait juste musicalement et émotionnellement. Je ne cessais de recommencer les prises lorsque j’ai finalement

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dit à Steven : "Je ne pense pas que je vais y arriver, peut-être devrais-je essayer autre chose ?" Il m’a alors répondu : "Pourquoi ne pas mettre le film de côté ? Ne le regarde pas. Oublie le film et dirige l’orchestre de la même manière que tu le ferais lors d’un concert. De cette façon, l’interprétation ne sera plus inhibée par des mesures ou des considérations mathématiques." C’est ce que je fis et nous fûmes tous d’accord pour dire que la musique était bien meilleure. Par la suite, Steven remonta légèrement la dernière partie du film, afin de coller à l’interprétation musicale que je trouvais la plus réussie sur le plan émotionnel. » Un tour de force inspiré par les couleurs orchestrales de la symphonie n°2 d’Howard Hanson. E.T. The Extra-Terrestrial : éd. La-La Land (cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1983. EDWARD AUX MAINS D’ARGENT Edward Scissorhands Réalisé par Tim Burton - Production : Tim Burton, Denise Di Novi (20th Century Fox) Musique de Danny Elfman - 1990 Changement de programme. Après la frénésie et l’action (Batman, Cabal et autres Darkman), Danny Elfman se retrouve aux antipodes de ses premiers succès : « Edward aux Mains d’Argent était volontairement traité à l’ancienne. Un gentil conte de fées pour lequel j’ai composé aussi gentiment. La musique était très simple mais aussi très romantique, chargée en émotion… Je n’ai pas cherché à faire du religieux, mais je pense que l’aspect éthéré du genre conte de fées peut prendre des teintes quasi religieuses. Cela remonte sans doute à mes premières amours pour la musique de ballet... La première fois que j’ai fait écouter le score du film à Tim Burton, j’étais très nerveux. Le film comporte deux thèmes principaux au lieu d’un seul comme il est coutume de pratiquer. L’un des deux a une résonnance très "Europe de l’Est", dans le genre hongrois. Je craignais qu’il ne me rétorque que son personnage n’avait rien à voir avec cette partie du monde, comme d’autres réalisateurs l’auraient souligné. Mais Tim n’a pas réagi ainsi. Il avait compris que la musique faisait référence à un monde intérieur. Un monde qui ne connaît ni frontière, ni limite. Tim réagit davantage avec ses tripes et ma musique l’avait touché au point sensible. » Le meilleur d’un duo toujours en phase. Edward Scissorhands : éd. MCA et Intrada (cd). ELEPHANT MAN The Elephant Man Réalisé par David Lynch - Production : Jonathan Sanger, Mel Brooks (Paramount Pictures) Musique de John Morris - 1980 Fidèle collaborateur de Mel Brooks, le musicien John Morris rejoint en toute amitié l'équipe d'Elephant Man, première production dramatique de la Brooksfilms. David Lynch l'invite à écouter les sonorités du Polyphon, une énorme boîte à musique allemande très en vogue à la fin du XIXe siècle. Autour de cette couleur

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instrumentale particulière, Morris écrit une belle partition élégiaque à tendance victorienne, ponctuée de musiques de cirque. L’osmose avec les images de Freddie Francis est totale, mais la séquence de fin fait toutefois l'objet d'une divergence : « Je voulais utiliser l'Adagio pour cordes de Samuel Barber, confie David Lynch, et John Morris avait été engagé pour faire toute la musique. Il avait fait du bon boulot, mais je voulais absolument avoir ce morceau de musique... J'ai donc été forcé de faire une projection où Mel avait invité un tas de relations et où j'ai dû projeter les deux versions, l'une avec l'Adagio et l'autre avec la musique de John Morris (...) Après, il y eut un long silence, et je croyais que tout le monde allait voter. Mais après ce silence, Mel s'est tourné vers John Morris et lui a dit très gentiment : "John, il faut que je te dise que j'aime l'Adagio. Ça marche mieux avec le film." Et John a dit : "Bon!" Mais ce n'était pas moi qui avais gagné. C'est le film qui avait gagné. » Les deux versions seront présentes sur l'album du film. Une œuvre marquante. The Elephant Man : éd. Milan (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1981. L’ÉGYPTIEN The Egyptian Réalisé par Michael Curtiz - Production : Darryl F. Zanuck (20th Century Fox) Musique d’Alfred Newman et Bernard Herrmann - 1954 Le succès de La Tunique, premier film en Cinémascope de l’histoire, autorise Darryl F. Zanuck à entreprendre un second péplum pharaonique. L’Égyptien est une production de cinq millions de dollars rivée aux valeurs esthétiques du studio, combinant son stéréophonique et nouveau format étendard. À la suite de plusieurs révisions du montage, Alfred Newman revoit à la baisse son délai de composition désormais réduit à peau de chagrin : cinq semaines pour cent minutes de score à pourvoir. C’est sans compter l’aide d’un précieux collègue. « J’ai proposé à Alfred que nous collaborions, se souvient Bernard Herrmann. Fort heureusement, le film avait trois histoires distinctes. Je lui ai offert de prendre en charge une portion – l’épisode consacré à la cruelle séductrice Nefer-Nefer – et qu’il écrive les deux autres. Nous nous faisions régulièrement parvenir ce que nous composions afin d’accorder nos différents styles… Personne ne sait quoi que ce soit sur la musique de cette époque. Nous avons donc dû inventer et je suis très fier du résultat. Si les Égyptiens ont eu de la musique, je pense que notre partition pourrait bien lui ressembler. Cette pensée n’a rien d’intellectuel, elle est d’ordre purement émotionnel. J’y crois si fortement que, d’une certaine façon, il ne peut en être autrement. Alfred partageait également ce point de vue. » Une conviction qui inscrit le travail des deux maîtres parmi les B.O. légendaires de l’âge d’or. The Egyptian : éd. La-La Land (cd). ENQUÊTE SUR UN CITOYEN AU-DESSUS DE TOUT SOUPÇON Indagine su un Cittadino al di sopra di ogni Sospetto Réalisé par Elio Petri - Production : Marina Cicogna, Daniele Senatore (Euro International Film) Musique d’Ennio Morricone - 1970

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La confiance renouvelée d’Elio Petri envers Ennio Morricone s’enclenche par un avertissement : « Ce fut inoubliable, raconte le maestro, Petri m’a dit : "Mon cher Morricone, j’ai réalisé plusieurs films et pour chacun d’eux j’ai changé de compositeur… C’est donc votre premier et dernier film avec moi." Et ensuite, il n’y a eu personne d’autre que moi, il m’a toujours rappelé*. » Second volet de leur collaboration, Enquête… est composé par Morricone avant même sa réalisation. « J’ai lu le scénario et je m’en suis fait une idée. J’ai compris que je devais produire une musique grotesque. Il fallait que ce soit en quelque sorte très populaire, dans le sens "très accessible". J’ai donc écrit une musique pour instruments pauvres, des instruments que les gens dénigrent ou connaissent mal. Mais je n’ai pas mis d’accordéon. J’ai d’abord pensé à l’instrumentation, puis à la partition. Il y avait une mandoline, un piano-forte, une guimbarde, un orchestre ordinaire et un synthétiseur. Sur la seconde partie du thème, j’ai demandé au très talentueux claviériste de reproduire comme un bruit de bouche. Il m’a trouvé ce petit bruit, évidemment mêlé aux autres instruments. C’était une idée assez originale. Petri m’a permis d’écrire la musique dans une liberté totale… Il m’a dit qu’il était content du résultat. À l’époque, il traversait une crise ; avec ce film il avait pris des risques. D’ailleurs, il s’est réfugié en France à sa sortie, par peur des représailles. » Indagine su un Cittadino al di sopra di ogni Sospetto : éd. Cinevox (cd). *De 1969 à 1979, Petri et Morricone feront sept films ensemble. LES ENSORCELÉS The Bad and the Beautiful Réalisé par Vincente Minnelli - Production : John Houseman (MGM) Musique de David Raksin - 1952 "Un chant de sirène", tel est le souhait énigmatique de John Houseman concernant le thème principal des Ensorcelés. « En conséquence, s’amuse David Raksin, je suis progressivement passé de l’état de compositeur à celui d’Ulysse solidement attaché au mât de son yacht. Je dérivai au large des îles Catalina en tentant de retranscrire sur quelques parchemins d’indescriptibles roulades vocales… Oh là, du calme Homer ! En fait, je suis rentré chez moi et j’ai travaillé encore et encore. » À l’issue du week-end, le musicien présente son générique à ses collègues André Previn et Jeff Alexander, tous les deux guères emballés par sa version au piano. « Comme ils étaient de superbes pianistes, ils ne pouvaient comprendre la difficulté de n’avoir que dix doigts. À la fin du morceau, André me fit l’honneur d’être franc et s’exclama : "C’est l’heure du déjeuner !" (…) Quelques semaines plus tard, il passa me voir durant l’enregistrement orchestral, et cette fois il fut dithyrambique à propos de ma mélodie. Je n’étais pas pour autant rassuré : "Allons André, toi et Jeff fûtes les premiers à entendre ce thème, et il ne vous a fait aucune impression – Et bien, me répondit-il, de la façon dont tu l’as joué, qui aurait pu deviner ?" » Plusieurs écoutes seront également nécessaires pour convaincre Minnelli et Houseman des formidables qualités du score. « J’ai ainsi dû faire face à une évidence, conclut David Raksin : aucune de mes musiques ne devrait être jouée une première fois... » The Bad and the Beautiful : éd. Rhino (cd) et RCA (réenregistrement, cd).

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L’ÉQUIPE COUSTEAU EN AMAZONIE Cousteau Amazon Série documentaire produite par Jacques-Yves Cousteau, Mose Richards, John Soh (WTBS) Musique de John Scott - 1983 « Je l’ai dit bien des fois et ne cesse de l’affirmer, confie John Scott. Jacques Cousteau fut responsable d’un développement majeur dans ma musique et dans mon assurance à composer. » Les deux hommes se rencontrent par l’intermédiaire de John Soh, chef monteur de la série, puis très vite, le musicien sympathise avec le commandant qui lui offre l’écrin du Royal Philharmonic Orchestra pour enregistrer ses partitions. « Cousteau me disait toujours : "Je ne veux pas de la musique pour documentaires, et je pense que tu peux l’écrire." Il m’a donc poussé à écrire une musique toujours meilleure. Jacques me disait : "Allez John, compose quelque chose de spécial. Quels instruments voudrais-tu ?" Il était musicien, il jouait de l’accordéon et rêvait de composer un jour la musique d’un de ses épisodes, ce en quoi je l’ai toujours encouragé. Malheureusement, il n’en a jamais eu l’occasion… Quand je lui rendais visite dans sa salle de montage située avenue Wagram, il avait un pied-à-terre juste au-dessus. Nous nous y retrouvions et nous parlions musique. Il me passait les derniers CD qu’il avait découverts et disait : "John, que penses-tu de cette approche pour le prochain documentaire ?" Nous étions très proches. » Un score symphonique, pop et folklorique, à la mesure d’une aventure humaine exceptionnelle. Cousteau Amazon : éd. JOS (cd). L’ÉTAU Topaz Réalisé par Alfred Hitchcock - Production : Alfred Hitchcock, Herbert Coleman (Universal Pictures) Musique de Maurice Jarre - 1969 L’Étau place Maurice Jarre dans une situation délicate : il s’engage pour la première fois dans le film d’espionnage et Hitchcock, qui vient de rompre avec son mentor musical, s’avère évasif sur le score à écrire. « J’étais inquiet, voire impressionné à l’idée de travailler avec un tel monstre sacré, avoue le compositeur. L’empreinte de Bernard Herrmann était tellement forte que je me demandais si j’allais être capable de prendre la relève. Hitchcock s’est avéré adorable, très attachant mais peu disposé à parler musique : "Cher monsieur Jarre, je vous ai choisi, vous avez ma confiance, faites au mieux ! – Oui, mais je préférerais que nous soyons d’accord, j’ai peut-être des idées qui ne fonctionneront pas ! – Aucune importance, dans ce cas, on coupera la musique !" » Seul devant sa copie, le compositeur s’active à écrire un score aux couleurs européennes (cithare, accordéon…) qui s’ouvre, selon les souhaits du cinéaste, par une marche militaire. Durant l’enregistrement, les deux hommes se font face le temps du générique : « Grand sourire d’Hitchcock, se souvient jarre. "Très bien c’est exactement ça…" J’attaque le deuxième morceau, je me retourne : Hitch avait disparu ! Sa présence n’a pas excédé dix minutes… À l’arrivée la musique lui a plu. Il l’a intégralement conservée au montage. » En 1973, l’artiste français retrouvera l’espionnage inter-

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national avec Le Piège de John Huston, une B.O. entêtante louée par un réalisateur plus attentif : « Merci Maurice. Au moins, il y aura un truc de réussi dans ce film », dira le vieux lion à l’issue des sessions. Topaz : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). UN ÉTÉ 42 Summer of 42' Réalisé par Robert Mulligan - Production : Richard A. Roth (Warner Bros.) Musique de Michel Legrand - 1971 De toutes les B.O. américaines de Michel Legrand, Un Été 42 est peut-être la plus brève de sa carrière. Parsemées sur les images nostalgiques de Robert Mulligan, les splendides variations du thème pour saxophone et cordes naissent d'une inspiration fulgurante : « J'ai écrit la partition d'Un Été 42 en quelques heures, se souvient le musicien. La Warner m'a appelé d'urgence, je suis arrivé à Los Angeles un vendredi. Le film m'a bouleversé : à la fin de la projection, je suis resté plusieurs minutes sans pouvoir parler… Robert Mulligan, le metteur en scène m'a ramené à la réalité : "Nous mixons jeudi prochain, ta musique doit être prête mercredi. Tu as cinq jours!" Rien n'a été plus simple ! Un Été 42 m'avait transmis une formidable émotion que j'ai aussitôt couchée sur mes portées. Ma plume glissait sur le papier... Quand on est pressé, tout vient très vite, on est encore sous l'effet immédiat du film. À l'inverse, lorsqu'on a du temps, on réfléchit, on cérébralise, on trouve ses premières idées trop évidentes, trop instinctives. On essaye de les améliorer et finalement, on les déforme. Au bout du compte, on se noie dans son propre bain. Pour ma part, quand je n'ai pas le temps de chercher, je trouve ! » Summer of 42' : éd. Warner (cd) et Intrada (intégrale, cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1972. L'ÉTOFFE DES HÉROS The Right Stuff Réalisé par Philip Kaufman - Production : Robert Chartoff, Irwin Winkler (Warner Bros.) Musique de Bill Conti - 1983 À la veille d'un départ en vacances, Bill Conti se voit parachuter sur une épopée américaine de 3h10 : « Mes bagages étaient fin prêts quand le téléphone sonna, se souvient le musicien. C'était Al Bart, mon agent, qui me dit : "Tu dois aller à San Francisco, ils viennent tout juste de rejeter le score de L'Étoffe des Héros "... À cette époque, je n'avais pas de question à me poser, il me fallait travailler. » Conti accepte la tâche avec un délai de quatre semaines pour écrire et enregistrer toute la musique. Mais la principale difficulté pour le compositeur est de faire face à un réalisateur qui ne veut pas de lui. Contrairement aux producteurs Robert Chartoff et Irwin Winkler (Rocky), Philip Kaufman souhaite un score pianissimo et se méfie de tout compositeur susceptible d'écrire une grande partition. « Ma première obligation est envers le réalisateur, remarque Conti. Je suis là pour écrire ce qu'il ou elle souhaite entendre sur son film... Mais là, il avait eu sa chance avec la première musique et ça n'avait pas fonctionné. » Kaufman revoit donc ses ambitions en suggérant un papier calque de la nouvelle musique temporaire tirée des Planètes

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96 Michel Legrand lors de la soirée hommage à Georges Delerue, le 12 novembre 1994 au Puy du Fou.

de Holst et The White Dawn, une B.O. de Henry Mancini. « Il me disait : "Vous pouvez faire plus ressemblant", ce à quoi je répondais: "Si je fais encore plus proche, je veux un désaveu !" » À la limite du plagiat (Holst et Mancini seront cités au générique), le score de L'Étoffe des Héros demeure un brillant travail de synthèse, fidèle aux préoccupations esthétiques de son auteur. The Right Stuff : éd. Varèse Sarabande (bande originale et réenregistrement, cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1984. EXODUS Exodus Réalisé par Otto Preminger - Production : Otto Preminger (United Artists) Musique d’Ernest Gold - 1960 Dans les années soixante, le travail avec Otto Preminger n'est pas toujours un long fleuve tranquille pour les divers musiciens qui le côtoient. D'humeur changeante, il sélectionne le plus souvent des compositeurs en devenir, par définition faciles à modeler. Exodus sera une expérience marquante à plus d'un titre pour Ernest Gold. « Durant la première prise de l'enregistrement à Londres, se souvient sa femme Marni Nixon, Otto hurla dans le micro de la cabine en direction d'Ernest et de l'orchestre : "Vat you do to my picture ? Shtop this at once !"* » Approuvée au piano, la version symphonique de la musique ne plaît plus au cinéaste. Que faire ? Comment corriger le tir ? En quelques chuchotements à ses musiciens, Gold trouve la solution. Il leur demande en toute discrétion plus de douceur, de progression dans l'interprétation. Bingo ! « My god that boy is a Tchenius, an Absolute Tchneeeeeeenius », s'exclame Preminger en se ruant sur le musicien pour l'embrasser. « La suite des sessions se déroula très bien et pour le reste, c'est de l'histoire. » Une belle histoire en l'occurrence, puisque la B.O. d'Exodus fera le tour du monde des compilations du genre, et deviendra l'emblème imparable du compositeur. Exodus : éd. RCA (cd) et Tadlow Music (réenregistrement, cd). *Preminger (avec l'accent) : « Qu'est que fou faîtes à mon film ? Arrêtez ça tout de suite » et « Mon dieu ce garçon est un Tchénie, un Tchéééénie Absolu ! » Oscar de la meilleure musique de film originale 1961. FAHRENHEIT 451 Fahrenheit 451 Réalisé par François Truffaut - Production : Lewis M. Allen (Universal Pictures) Musique de Bernard Herrmann - 1966 La création du score de Fahrenheit 451 s’amorce par une discussion entre deux artistes réfractaires. « Quand Truffaut m’a proposé de faire la musique du film, raconte Bernard Herrmann, je lui ai demandé : "Pourquoi voulez-vous que je vous écrive la partition de Fahrenheit ? Vous êtes un grand ami de Boulez, Stockhausen et Messiaen, et c’est un film qui se déroule dans le futur. Ce sont tous des compositeurs avant-gardistes, pourquoi ne demanderiez-vous pas à l’un d’entre eux ?" "Oh non, non," me rétorqua-t-il, "Ils me donneraient la musique du XXe siècle, mais vous, vous me donnerez celle du XXIe !" » À partir de cette idée, le compositeur soumet à Truffaut une vision toute personnelle du futur : « J’ai senti que la

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musique du siècle prochain impliquerait une grande simplicité lyrique (…) Donc je lui précisai : "Si je fais votre film, c’est le type de partition que je veux écrire – des cordes, des harpes et quelques percussions. Je ne suis nullement intéressé par toutes ces âneries que l’on présente comme étant la musique du futur. Je pense au contraire que c’est la musique du passé." » Ray Bradbury sera le premier spectateur émerveillé par le travail de Bernard Herrmann. « À chaque fois que j’entends la séquence finale que composa Benny, je fonds en larme », déclarait l’écrivain. Fahrenheit 451 : éd. Varèse Sarabande et Tribute Film Classics (réenregistrements, cd). LES FÉLINS Joyhouse / The Love Cage Réalisé par René Clément - Production : Jacques Bar (MGM) Musique de Lalo Schifrin - 1964 L’unique collaboration de Lalo Schifrin avec un réalisateur français débute aux États-Unis. « À cette époque, j’avais beaucoup de succès comme musicien de jazz, raconte le maestro argentin. J’étais en contrat chez le label discographique Verve qui appartenait à la MGM. Ils avaient confiance en moi et m’ont fait signer un contrat pour deux films, dont Les Félins… J’avais déjà rencontré René Clément à New York. Il ne parlait pas beaucoup anglais. Je crois que le fait que je sois francophone l’a sûrement influencé dans son choix. J’ai beaucoup appris avec lui. Nous travaillions à son domicile parisien, l’appartement était très grand. Il y avait des bancs de montage avec des Moviolas*. Clément parlait beaucoup de la philosophie du cinéma et de façon très inhabituelle. Je n’ai jamais plus rencontré cela et je le regrette d’ailleurs. Il parlait très poétiquement alors que les metteurs en scène anglo-saxons vous disent : "ça doit être comme ceci ou comme cela", lui il avait une approche très poétique. » Le cinéaste donnera au jeune Schifrin toute la liberté nécessaire à ses désirs de jazz et de modernité orchestrale (l’influence d’Olivier Messiaen). En prime, ce dernier créera un standard : The cat, une version du générique customisée par l’organiste Jimmy Smith. Les Félins : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). *Visionneuses pour film 35mm. UNE FEMME CHERCHE SON DESTIN Now, Voyager Réalisé par Irving Rapper - Production : Hal B. Wallis (Warner Bros.) Musique de Max Steiner - 1942 Il faut redécouvrir ce somptueux mélo à tendance psychanalytique pour se convaincre des biens faits de Max Steiner. D'un romanesque inouï, le film d'Irving Rapper devance les leçons freudiennes de La Maison du Docteur Edwardes (1945), et génère des torrents d'émotion digne d'un Douglas Sirk à son zénith (période 1954 / 1959). Steiner saisit très vite les enjeux de l'histoire. Il introduit dès le générique un thème sentimental puissant qui accompagnera Bette Davis, vieille fille névrosée, vers son émancipation amoureuse. L'emphase est ici d'autant plus efficace qu'elle s'avère ponctuelle, fulgurante et comme rivée au jeu de l'actrice. « Ma théorie, affirmait Steiner, est que la musique doit être ressentie plutôt qu'en-

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tendue. On a souvent dit que les bonnes musiques de films sont celles que l'on ne remarque pas. Cela m'interroge toujours : comment une chose peut-elle être bonne si personne ne la remarque ? » Avec la même science de l'intervention mélodique, le musicien fera des miracles sur quantité de films intimistes, dont Le Rebelle en 1949. Now, Voyager / The Classic Film Scores of Max Steiner : éd. RCA (réenregistrement, cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1943. Repris dans la chanson "It Can't Be Wrong", le thème d’Une Femme Cherche son Destin sera un des hits de l'été 1942. LA FILLE DE RYAN Ryan’s Daughter Réalisé par David Lean - Production : Anthony Havelock-Allan (MGM) Musique de Maurice Jarre - 1970 En dépit des critiques assassines à sa sortie, La Fille de Ryan occupe une place de choix dans la filmographie commune de David Lean et Maurice Jarre. Le compositeur l’entrevoit même comme l’un de ses scores préférés ; un parfait exemple de ses connexions avec l’écriture visuelle du maître anglais. « Dans ses scripts, David notait précisément le moment où la musique commence en crescendo puis disparaît en diminuendo, révèle Jarre. Il me disait toujours : il faut que le public ne perçoive jamais le début de la séquence et la fin… je faisais donc attention d’aller toujours dans le même sens que lui. » Dès son générique, La Fille de Ryan met en évidence cette attention première : « Sur l’ouverture du film, lorsque j’ai entendu le vent qui soufflait, je me suis dit qu’il serait intéressant que ce vent devienne musique… Idem pour la scène d’amour dans les bois, mais cette fois, le vent devient sensuel. Je me suis donc arrangé pour que l’orchestration exprime cette sensualité. Avec David, il y avait toujours des moments où la musique devenait importante sans souligner ce qui se passait à l’écran. » De surcroît, comme le réalisateur lui interdit l’usage d’une instrumentation irlandaise traditionnelle, Jarre emprunte une autre voie : « J’ai pensé que la sonorité générale du score pourrait être caractérisée par la harpe, mais pas de façon solitaire, isolée, plutôt comme une grande harpe. J’en ai donc inclus huit dans l’orchestre. » Ryan’s Daughter : éd. MGM (lp) et Chapter 3 / EMI (cd). LA FIÈVRE AU CORPS Body Heat Réalisé par Lawrence Kasdan - Production : Fred T. Gallo (Warner Bros.) Musique de John Barry - 1981 « John Barry a su capturer le rythme physique de mon personnage. Il l'a renforcé à un niveau tel qu'il est devenu un thème dominant. Aujourd'hui, il est difficile de dire quel a été l'élément premier : la fièvre et le rythme créés par Kasdan, ou la musique. Pour moi, ils sont inséparables », dixit Kathleen Turner, alias Matty, la sculpturale femme fatale de La Fièvre au Corps. Envisagé comme un écho sensuel aux films noirs des années 40, le thriller de Lawrence Kasdan permet à John Barry de briller à nouveau dans un jazz orchestral qu'il connaît bien (les James

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Bond, The Knack, Petulia, etc.). En outre, dans les années 80, cet ancien élève de Bill Russo développe un traitement particulier des cordes – basé sur la répétition de motifs – qui imprègne de nostalgie ses partitions pour l'écran. « J'ai juste songé à tous ces films d'Humphrey Bogart, précise le musicien, ces merveilleux films réalisés dans les années 30 et 40. Le thème principal est une ballade jazz. J'ai eu la bonne fortune d'être entouré d'interprètes qui comprennent ce langage. Ils se sont vraiment investis dans le morceau, cela m'a facilité la vie. » Un quartet de pointures nommées Ronny Lang (le saxo de Peter Gunn et Taxi Driver), Mike Lang (incontournable pianiste d'Hollywood), Chuck Dominaco (basse) et John Guerin (batterie). Body Heat : éd. Film Score Monthly (mixage d’origine, cd) et Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). FIRELIGHT, LE LIEN SECRET Firelight Réalisé par William Nicholson - Production : Brian Eastman (Miramax) Musique de Christopher Gunning - 1998 Dans la grande majorité des cas, l’expression du mélodrame cinématographique s’appuie sur les effluves de la bande musicale. Mais encore faut-il, à l’instar de William Nicholson, doser et prévoir les interventions du compositeur pour ne pas noyer le film dans l’emphase : « Quand j’ai conçu Firelight, je savais que la musique serait la clef de son efficacité, précise le cinéaste. Firelight est presque opératique dans ses thèmes – passion, perte, désir, réunion. Nombre de moments clefs du film sont non verbaux et, par instants, la musique soutient des émotions qui vont d’intenses désirs sexuels à l’amour d’une mère pour son enfant. Pour moi, la réplique centrale du scénario est dite par l’héroïne : "Je n’aurais jamais imaginé que le désir puisse être si puissant." C’est ce que la musique devait exprimer et parfois elle-même créer. » Compositeur d’envergure, Christopher Gunning répond superbement aux sentiments des personnages avec cette dernière grande B.O. romantique du XXe siècle. « C’est l’une de mes musiques les plus demandées et l’une de mes favorites, confie le maestro. Il y a beaucoup d’amour et de désirs réprimés dans le film. Mais parce que des sentiments intenses de claustrophobie s’y manifestent, j’ai essayé de créer le maximum d’effets avec un minimum de notes. » Firelight : éd. Silva Screen (cd). FLASH GORDON Flash Gordon Réalisé par Mike Hodges - Production : Dino De Laurentiis (Universal Pictures) Musique de Queen et Howard Blake - 1980 Si l’univers du rock et celui de la musique de film ont peu de choses en commun, leur fusion donne parfois quelques savoureuses réussites. Chargé d’imaginer la bande-son globale de Flash Gordon, le groupe Queen concrétise son premier round au cinéma sous la tutelle d’Howard Blake : « Je suis arrivé sur le projet durant une situation de crise. Le musicien choisi par Queen n’avait pu écrire qu’une minute de score*… Le temps alloué à la composition s’est alors réduit à dix jours,

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et durant les quatre derniers jours d’enregistrement, je n’ai pas dormi. Cependant, ma relation avec Queen a toujours été chaleureuse. Ils sont tous venus aux sessions orchestrales et semblaient fascinés. Je me souviens de Freddy Mercury chantant leur mélodie de Ride to Arboria avec sa haute voix de fausset. Je lui ai montré comment je pouvais la développer dans la section orchestrale mixée sur le film, et il semblait très heureux. Durant l’écriture du score, j’avais les cassettes de Brian May avec ses idées de morceaux à la guitare. À l’enregistrement, j’écoutais au casque ses solos en dirigeant l’orchestre afin de tout synchroniser. Quelques mois plus tard, il est venu chez moi et nous avons écouté ensemble l’album terminé. » Après Flash Gordon, les Queen brilleront à nouveau sur la B.O. de Highlander (avec Michael Kamen) et Freddy Mercury sur celle de Metropolis (version 1986). Flash Gordon : éd. EMI (cd) et HBCD (score, cd). *Il s’agissait de l’arrangeur et compositeur Paul Buckmaster. LES FLEURS DU SOLEIL Sunflower Réalisé par Vittorio De Sica - Production : Carlo Ponti, Arthur Cohn (Euro International Film) Musique de Henry Mancini - 1970 Peut-on refuser un film de Vittorio De Sica ? Grand admirateur du cinéaste, Henry Mancini ne se pose pas la question : « Non seulement il figure parmi les vrais grands réalisateurs, mais en plus il n’y a aucun acteur que j’apprécie autant voir au cinéma. Pour moi, il est la quintessence de l’Italien, et je voulais apprendre à mieux le connaître. » Le compositeur s’envole avec impatience pour Rome, sans se douter qu’il va débarquer au cœur d’un conflit entre De Sica et son producteur Carlo Ponti. Calibré pour Sophia Loren, Les Fleurs du Soleil ne satisfait nullement le cinéaste qui tente par tous les moyens de se réapproprier son film. « De Sica se moquait de Ponti et réciproquement, se souvient Mancini. Quoi que l’un dise, l’autre le ridiculisait dans son dos avec cet incroyable vocabulaire d’insultes gestuelles qu’utilisent les Italiens. C’était hilarant mais je devais me contrôler. » En outre, le manque de discipline des musiciens romains durant l’enregistrement surprend le maestro : « Si l’un d’eux avait une envie pressante, il se levait et quittait la salle – même en plein enregistrement – et vous restiez là sur le podium, avec l’un de vos musiciens en moins. La seule chose à faire étant d’attendre qu’il revienne. » Malgré ces difficultés, la belle partition du film sera l’un des grands succès de l’année 1970. Sunflower : éd. Quartet (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1971. LE FLINGUEUR The Mechanic Réalisé par Michael Winner - Production : Robert Chartoff, Irwin Winkler (United Artists) Musique de Jerry Fielding - 1972 La longue introduction du Flingueur – treize minutes sans dialogues – traduit d’emblée la confiance de Michael Winner en son musicien régulier. Via une écri-

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ture résolument non mélodique, Jerry Fielding saisit le cœur de l’exposé filmique en le mariant à ses préoccupations formelles : « La chose que j’apprécie le plus sur une telle séquence, c’est que rien n’est dit. Tout est affaire de transmission sensorielle. Étant donné qu’il s’agit d’une expérience liée à notre société contemporaine (un tueur à gages préparant méticuleusement un assassinat), la musique est constituée d’une série d’effets orchestraux, de couleurs, de dissonances extrêmes qui, je pense, correspondent au monde d’aujourd’hui… Maintenant, pour une oreille non entrainée cela peut ressembler à du bruit, mais je peux vous assurer que cela a été conçu avec une telle attention, une telle méticulosité, que ces treize minutes m’ont demandé environ cinq semaines de travail. De toutes les choses que j’ai faites jusqu’ici, c’est vraiment ma partition préférée. Je sais que vous n’allez pas sortir du cinéma en la sifflant, ça c’est certain, mais c’est la chose la plus difficile que j’ai composée... » L’humanité contenue dans les recherches harmoniques de Jerry Fielding apportera un supplément d’âme à nombre de thrillers. The Mechanic : éd. La-La Land (cd). LA FOLLE DE CHAILLOT The Madwoman of Chaillot Réalisé par Bryan Forbes - Production : Ely A. Landau (Warner Bros.) Musique de Michael J. Lewis - 1969 Une question bien placée décide de la carrière de Michael J. Lewis : « J’avais fait un spectacle à Londres avec Bryan Forbes et Richard Attenborough, le show s’intitulait "Please Sir"… Quelques années plus tard, Bryan me demanda : "Mis à part écrire des comédies musicales, quel est ton rêve ?" Je lui répondis que je voulais composer pour le cinéma. Il me dit alors : "Si un jour une occasion se présente et que je peux t’aider, je le ferai." En 1968, il me rappela lorsque John Barry, trop occupé sur Le Lion en Hiver, ne pouvait faire La Folle de Chaillot. Je lui dis "oui" et ce fut le début d’une nouvelle vie. » Le film se tourne en France (aux Studios de la Victorine) et Lewis doit travailler sur place afin d’écrire un thème correspondant aux prises de vue. « Durant une pause déjeuner, ils sont tous venus me rendre visite, raconte le musicien. Il y avait autour de moi les producteurs et toute la distribution en costume. J’ai joué mon morceau jusqu’au bout… Il y eut le traditionnel silence où chacun se regarde en se demandant qui va réagir le premier, puis Bryan se retourna en lançant : "Je pense que c’est parfait !" Cela déclencha l’approbation générale et signa mon intégration officielle dans la troupe. En fait, comme il y a trois thèmes dans le film, je suis resté sur place durant un mois et ce fut assez tumultueux ! » L’une des rares B.O. de Lewis couchées sur disque*. The Madwoman of Chaillot : éd. Warner Bros. (lp). *Deux albums vinyles en 20 ans de carrière. LA FORÊT D'ÉMERAUDE The Emerald Forest Réalisé par John Boorman - Production : John Boorman, Michael Dryhurst (Embassy Pictures) Musique de Junior Homrich avec Brian Gascoigne - 1985 Une petite révolution dans l'univers de John Boorman. Là où le réalisateur a pour

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Spécialiste des claviers numériques, Brian Gascoigne a travaillé pour Basil Poledouris, Jerry Goldsmith ou John Williams. Il est également l’auteur du score de Phase IV (Saul Bass, 1975) et des compositions électroniques de La Forêt d’Émeraude.

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habitude de privilégier l'usage de musiques préexistantes dans l’élaboration de ses bandes-son, La Forêt d'Émeraude emprunte le chemin opposé. « Junior Homrich fut avec nous durant tout le tournage du film, note le réalisateur. Avec son sac d'instruments sur le dos, il apporta ses sonorités au cœur de la jungle. Il répondait aux appels des oiseaux et des insectes, et leurs sons devinrent les siens. Après le tournage, sa musique hantait toujours mes pensées et je décidai de lui proposer d'écrire la musique du film. Nous avons passé de merveilleuses semaines dans un studio à Londres afin qu’il enregistre, instrument après instrument, le score complexe et rythmé du film. » Boorman laisse une totale liberté à l’artiste brésilien pour mettre en forme la bande-son et l'encourage volontiers à improviser sur les images. Percussions, voix, claviers électroniques (le synthésiste Brian Gascoigne), corps humain – Homrich est un instrument vivant – tout est bon pour coller aux élans panthéistes de La Forêt d'Émeraude. « La musique est un élément fondamental des peuples qui vivent dans les jungles brésiliennes, remarque ce dernier. Elle est aussi naturelle que manger ou se baigner dans la rivière. Pour eux, chanter et danser sont essentiels et correspondent à leurs idées de l’harmonie et du bienêtre. » Unique en son genre, ouvrant certaines perspectives, cette B.O. n'aura hélas guère d'héritières. James Horner s’en rapprochera un tant soit peu avec son beau score pour le film Quand la Rivière devient Noire. The Emerald Forest : éd. Varèse Sarabande (cd). FRANKENSTEIN JUNIOR Young Frankenstein Réalisé par Mel Brooks - Production : Michael Gruskoff (20th Century Fox) Musique de John Morris - 1974 Tous deux new-yorkais, Mel Brooks et John Morris se rencontrent à Broadway dans les années cinquante. Ils participent au sauvetage de Shinbone Alley, un spectacle à la dérive, puis arrive l’aventure des Producteurs : « Un jour Mel m’appelle, raconte Morris, et me dit : "Je viens d’écrire une chanson pour le film que je prépare, elle s’appelle Un printemps pour Hitler, et je voudrais que vous fassiez les arrangements." J’ai alors répondu : "Un printemps pour Hitler ? Ok, je vais le faire pour vous, mais soit cela va devenir un classique du répertoire, soit nous allons être exilés du pays !" » L’anecdote est le point de départ d’une association qui culmine avec Frankenstein Junior, chef-d’œuvre d’humour non privé d’émotions. « Pour ce film, Mel me demanda d’écrire la plus belle berceuse d’Europe de l’Est possible. Ce thème allait devenir en quelque sorte le cœur du monstre, son enfance. J’ai compris ce qu’il souhaitait car Mel cherche toujours à atteindre le cœur émotionnel des choses. Ce n’est pas qu’il rejetait l’idée d’une partition aux allures effrayantes mais, pour lui, Frankenstein Junior était un film différent, davantage tourné vers l’émotion. En conséquence, la musique se devait d’être honnête. » Le contrepoint idéal aux pantomimes hilarantes de Gene Wilder et Peter Boyle. Young Frankenstein : éd. On Way / MCA (cd). LA FUREUR DE VIVRE Rebel without a Cause Réalisé par Nicholas Ray - Production : David Weisbart (Warner Bros.) Musique de Leonard Rosenman - 1955

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« J’ai rencontré Jimmy Dean en 1953, lorsqu’un ami commun, le poètedramaturge Howard Sacler, nous a présentés, se souvient Leonard Rosenman. Jimmy voulait étudier le piano avec moi et est devenu l’un de mes élèves. Je sentais qu’il était doué et sensible, mais dans la pratique, il n’avait ni patience, ni rigueur… Il a emménagé dans notre chambrée et nous sommes devenus de très chers amis. » Grâce à cette proximité, le compositeur signe deux partitions importantes des années cinquante. La première pour À L’Est d’Éden d’Elia Kazan, où il écrit la musique directement sur le tournage – en la jouant parfois au piano avant une scène (!) – et la deuxième à la demande de Nicholas Ray. « La Fureur de Vivre n’était pas un film indépendant, note le compositeur. C’était une production Warner Bros. qui devait avoir de la musique du début à la fin… Beaucoup de gens trouvent qu’elle sonne comme West Side Story de Leonard Bernstein. C’est intéressant, car la comédie musicale est sortie trois ans plus tard ! Je me souviens que j’avais l’habitude d’aller chez Lenny avec Aaron Copland qui s’exclamait en entrant : "Eh bien ! Il écoute encore La Fureur !" Je ne sous-entends pas que Lenny m’ait volé quoi que ce soit, mais ça l’a beaucoup inspiré. Comme pas mal de monde à Hollywood d’ailleurs, dont probablement Bernard Herrmann. Une fois, Benny m’a demandé de le coacher. C’était à l’époque où il écrivait de la musique concertante. » On en retrouvera quelques échos dans le score de Pas de Printemps pour Marnie (1964). A tribute to James Dean - Rebel Without a Cause / East of Eden / Giant : éd. Sony music (cd). FURIE The Fury Réalisé par Brian De Palma - Production : Frank Yablans (20th Century Fox) Musique de John Williams - 1978 Le grand hommage de John Williams au regretté Bernard Herrmann. Composé entre quelques superproductions à succès, Furie s’inscrit dans l’agenda du musicien grâce à son proche réseau : « Brian De Palma était un bon ami de Steven Spielberg, précise Williams. Un jour, il entra dans mon bureau de la Twentieth Century Fox et me lança : "Écoutez, nous sommes en train de faire un film intitulé Furie et malheureusement notre pauvre Benny n’est plus là. Amy Irving (la petite amie de Spielberg) tient le rôle principal. Voudriez-vous écrire la partition ?" Je lui répondis très naturellement : "Avec grand plaisir !"… J’admirais beaucoup Obsession et le score écrit par Herrmann. Je pensais également que Brian avait utilisé sa musique mieux que quiconque depuis bien des années. » Dès la sortie du film, les critiques remarquent la puissante partition de John Williams et l’identifient comme le maillon unitaire d’une œuvre filmique quelque peu décousue. La célèbre Pauline Kael parle d’une "B.O. appropriée et délicate, comme aucun film d’horreur n’en a jamais eu." Et rajoute, "Williams donne le ton dès le générique : c’est à la fois hors du commun, séduisant et effrayant." Durant son séjour en Angleterre pour Superman, le compositeur réenregistrera sa partition avec le London Symphony Orchestra et produira l’un des plus beaux albums de sa discographie. The Fury : éd. La-La Land (cd).

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GOOD MORNING, BABYLONIA Good Morning, Babylonia Réalisé par Paolo et Vittorio Taviani - Production : Giuliani G. De Negri (Framax Film S.A. / Surf Films Distribucion) Musique de Nicola Piovani - 1987 L’une des partitions les plus riches en mélodies de Nicola Piovani puise tout autant son inspiration dans la dramaturgie imagée de Good Morning, Babylonia – une vision des premiers feux d’Hollywood via le regard d’émigrés italiens – que dans sa passion pour le Septième art : « Quand j’écris une musique pour le cinéma, avoue le maestro, je suis bien sûr musicien mais avant tout cinéaste. C’est-àdire un homme qui travaille avec la musique dans le film, tout comme le décorateur, le monteur ou le photographe. Selon moi, un musicien doit essayer d’entrer dans "la botiga" (lieu de l’artisanat où travaillent les menuisiers, les électriciens, les peintres...). La poétique de cette "botiga", c’est celle du metteur en scène. C’est pourquoi il faut oublier sa propre poétique. Pour cela, il y a les concerts ou d’autres occasions. Il faut essayer avec la musique de donner l’émotion, comprendre l’esprit et la direction que le metteur en scène et les autres techniciens du film essayent de rejoindre. C’est la méthode fondamentale que j’adopte quand je travaille pour le cinéma. J’apprécie beaucoup la musique, mais j’aime énormément le cinéma. » Après Kaos et Good Morning, Babylonia, les frères Taviani confiront la majorité de leurs longs-métrages aux bons soins de Nicola Piovani. Good Morning Babylonia : éd. Milan et Emergency Music (cd). GORKY PARK Gorky Park Réalisé par Michael Apted - Production : Gene Kirkwood, Howard W. Koch (Orion Pictures) Musique de James Horner - 1983 Lors d'un entretien en 1992, Philippe Sarde nous avouait son vif intérêt pour le travail de James Horner sur Gorky Park. Rien de surprenant à cela si l'on considère les points communs qu'ils partagent : un goût prononcé pour les mélanges instrumentaux, la musique traditionnelle, et une culture tous azimuts du répertoire classique. Pour le film de Michael Apted, Horner choisit le contraste des sonorités. Balalaïka, mandoline, cymbalum, oud, font face à l'électronique (EVI*, Blaster Beam**, batterie) au sein d'une rutilante formation symphonique. « Quand je compose pour un film, précise le musicien, je suis plus intéressé par les couleurs orchestrales que par la mélodie elle-même... Je suis un coloriste. Je cherche des projets qui se prêtent à des orchestrations intéressantes, uniques. » Au même titre que Sarde, les talents de mélodiste de James Horner constituent aussi les clefs de son succès. Le thème lié au personnage d'Irina est intrinsèquement l'élément fédérateur d'un score qui renouvelle l'univers musical du polar urbain ; une démarche entamée chez Walter Hill (48 heures) et poursuivie avec quelques ersatz (48 heures de plus, Double Détente, Commando...). En guise de clin d'œil, on notera un piano-bar interprété par Horner (Stockholm salted peanuts), que n'aurait sans doute pas renié le Sarde de Beau-père. Gorky Park : éd. Kritzerland (mixage d’origine) et Intrada (musique intégrale

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remixée, cd). *Instrument à vent électronique inventé et interprété par Nyle Steiner, déjà utilisé dans la bande-son du film Apocalypse Now, puis dans Witness. **Long instrument électronique en métal créé dans les années soixante-dix par John Lazelle et développé au cinéma par le synthésiste Graig Huxley (dans les B.O. de Star Trek, Le Trou Noir, Meteor, 2010). LE GRAND BLEU Réalisé par Luc Besson - Production : Patrice Ledoux (Gaumont) Musique d’Éric Serra - 1988 « Le premier contact que j’ai eu avec Le Grand Bleu fut un documentaire sur Jacques Mayol et son record d’apnée, raconte Éric Serra. Luc me l’a montré en me disant : "Regarde cette cassette, car nous allons faire un film sur ce sujet…" Je me souviens avoir été totalement bouleversé par la dimension sportive et spirituelle de l’exploit. D’ailleurs, j’ai ensuite suivi moi-même un entrainement en apnée pour connaître cette sensation à la fois zen et un peu angoissante… Je pense que la musique que j’ai écrite provient des émotions fortes que j’ai ressenties lors de ces plongées. » Fasciné par les grands scores du cinéma américain, Besson désire donner au Grand Bleu une large dimension orchestrale. « Luc souhaitait faire comme Spielberg, Lucas et tous les films que l’on adorait à l’époque. Il voulait une grande musique symphonique… Évidemment, cela m’a un peu terrorisé car je n’avais encore jamais écrit ça de ma vie. Du coup, je me suis plongé dans la musique symphonique en écoutant trois heures par jour, au casque, Daphnis et Chloé de Ravel, Petrushka de Stravinsky, Musique pour cordes, percussion et célesta de Béla Bartók et Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy… Puis, au dernier moment, Luc m’a dit : "Finalement j’ai réfléchi, ce type de musique ce n’est pas notre culture. On va faire quelque chose plus proche de ce qu’on écoute (pop, jazz-rock, etc.)." Mon immersion dans la musique classique a cependant complètement changé ma façon d’écrire. » Le Grand Bleu : éd. Wagram Music (cd). César de la meilleure musique originale 1989. LE GRAND BLOND AVEC UNE CHAUSSURE NOIRE Réalisé par Yves Robert - Production : Alain Poiré, Yves Robert (Gaumont) Musique de Vladimir Cosma - 1972 Le grand blond… ou l'espion qui venait du froid ! C'est à partir de cette vision toute personnelle du personnage campé par Pierre Richard, que Vladimir Cosma envisage la musique de son troisième film pour Yves Robert. Roumain d'origine, il souhaite utiliser la flûte de Pan et le cymbalum en opposition à la griffe "James Bond" attendue dans la B.O. Le réalisateur accepte volontiers l'idée, mais se heurte à la critique violente de son scénariste : « Quand la lumière de la projection de travail s'est rallumée, se souvient Cosma, Francis Veber s'est levé en disant : "Mais qu'est-ce qu'elle vient faire là cette musique ? Pourquoi une musique folklorique ? Non seulement ça dérange les dialogues, mais surtout ça tue le comique du

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film ! » Aussitôt dit, l'argument instaure le doute, perturbe le producteur Alain Poiré et l’équipe Gaumont, mais Yves Robert soutient son compositeur : « Puisque tu y crois, nous garderons cette musique ! » Interprété par le flûtiste Gheorghe Zamfir (futur soliste d’Il Était une Fois en Amérique de Morricone) et le cymbaliste Paul Stinga, le score du Grand Blond participa activement à la bonne fortune du film en faisant le tour des radios. Quant à Francis Veber, il engagera Cosma pour son premier long-métrage, quatre ans plus tard… Le Grand Blond avec une Chaussure Noire : éd. Larghetto music (cd). LA GRANDE ÉVASION The Great Escape Réalisé par John Sturges - Production : John Sturges (United Artists) Musique d’Elmer Bernstein - 1963 « Le thème musical de La Grande Évasion évoque l’indomptabilité, il représente un état d’esprit et concerne le personnage interprété par Steve McQueen », dixit Elmer Bernstein, le nouveau lieutenant de John Sturges depuis Les Sept Mercenaires. « Ma collaboration avec lui fut pour moi très importante, remarque le compositeur, car il aimait la musique. Je pense que John aurait été très heureux d’élaguer tous les dialogues de ses films. Il avait une merveilleuse façon de travailler… Sur La Grande Évasion, il ne souhaitait pas que je lise le script. Il m’invita dans son bureau et me raconta lui-même toute l’histoire. C’était un grand conteur et lorsque l’on sortait de la pièce, on savait exactement quoi faire. John aimait ce qu’il faisait et vous accordait vraiment sa confiance. La plupart du temps, il ne venait même pas aux sessions d’enregistrement. » Après son travail sur le film, Bernstein se consacre à l’album du score, réenregistré pour l’occasion avec un effectif réduit*. « Les musiques de films n’ont pas toutes un intérêt en disque… Dans bien des cas, si l’on souhaite la publier, on réorganise la partition afin qu’elle puisse exister par elle-même. Je l’ai fait avec beaucoup de mes compositions, mais généralement elles se doivent de mieux fonctionner avec les images. Cela dit, je suis peut-être le musicien de cinéma le plus enregistré de la période… » En Angleterre, le succès sera tel que le générique de La Grande Évasion deviendra l’hymne des supporters de l’équipe nationale de football ! The Great Escape : éd. Intrada (cd). *Pratique courante à l’époque, visant également à diminuer les taxes de réutilisation (re-use fees) qui doublaient les salaires des musiciens pour une parution en 33t. LES GRANDS ESPACES The Big Country Réalisé par William Wyler - Production : William Wyler, Gregory Peck (United Artists) Musique de Jerome Moross - 1958 Natif de Chicago, Jerome Moross arrive en 1936 à Hollywood où il revêt malgré lui l’habit d’orchestrateur-arrangeur pour quelques grands noms de l’âge d’or (dont Franz Waxman et Aaron Copland). « Mon père n’est parvenu à composer son premier score qu’en 1948 pour Close Up, raconte sa fille Susanna. La décennie suivante lui donna l’occasion de travailler sur quelques longs-métrages, mais

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Les Grands Espaces fut son film le plus important. Il était enchanté d’y participer et a toujours pensé que ce western n’avait pas reçu le soutien critique qu’il méritait. » La partition est tout de même sélectionnée pour les Oscars, mais le compositeur perd la statuette face à son rival Dimitri Tiomkin. « J’ai inventé l’archétype du thème de western, remarque Moross, cependant, à l’époque, je n’ai pas anticipé la portée de mon travail. Une chose est sûre : je trouvais l’approche des autres musiciens en la matière inappropriée et je ne souhaitais pas composer Les Grands Espaces en suivant la mode de l’époque. La musique "western" des autres compositeurs américains était en fait issue des steppes de Russie ou des plaines de Hongrie. Comme dans Alamo, où Tiomkin utilisa une chanson traditionnelle russe ! Je n’en revenais pas. J’ai donc écrit ce que je pensais être la musique de l’Ouest. » The Big Country : éd. La-La Land (cd) et Silva Screen (réenregistrement, cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1959. GREMLINS Gremlins Réalisé par Joe Dante - Production : Michael Finnell (Warner Bros.) Musique de Jerry Goldsmith - 1984 Joe Dante ne tarit pas d’éloges sur sa collaboration avec Jerry Goldsmith : « J’aurais vraiment souhaité l’avoir à mes côtés sur tous mes films. C’était l’une des relations artistiques que je chérissais le plus dans ma carrière. » La réciprocité est de mise pour le musicien qui, à partir de leur rencontre, s’engage dans un processus créatif fait d’humour noir et d’espièglerie : « J’ai eu l’idée de bâtir la musique de Gremlins en opposition avec leur nature véritable, souligne Goldsmith, une espèce de ragtime à la sonorité ethnique. D’où cette scène bizarre où les Gremlins tuent deux personnes avec un bulldozer, alors que ce thème un peu grotesque joue en fond sonore. Ça donne une tournure d’esprit nouvelle au film… Si je l'avais écrit de manière très dramatique cela aurait jeté une lumière différente sur la scène. Là, elle n’est pas si horrible qu’en réalité. C’est un bon exemple de la puissance de la musique au cinéma. Joe Dante et Steven Spielberg sont venus chez moi et je leur ai joué ce thème. Joe a adoré dès le début mais Spielberg était soucieux… ça voulait dire : "Qu’est-ce que tu essayes de faire avec ça ?" Finalement, il s’est exclamé : "Écoutez les gars, faites ce que vous voulez !" » Gremlins : éd. Retrograde (cd). GREYSTOKE, LA LÉGENDE DE TARZAN Greystoke, The Legend of Tarzan, Lord of the Apes Réalisé par Hugh Hudson - Production : Hugh Hudson, Stanley S. Canter (Warner Bros.) Musique de John Scott - 1984 Après l’instrumentation électronique des Chariots de Feu, Hugh Hudson tire la carte du tout orchestral dans l’espoir de transcender son Tarzan nouvelle génération. Un premier compositeur est engagé sans succès*, puis le Royal Philharmonic Orchestra enregistre une sélection de musiques classiques qui ne convainc guère la production. « C’était un film extrêmement difficile à mettre en musique,

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se souvient John Scott. Le manager de l’orchestre a suggéré mon nom à Hudson qui lui-même m’a recommandé à Warner Bros. J’avais entretenu de plaisantes relations avec le RPO grâce à mes musiques pour Jacques Cousteau (…) La première moitié de Greystoke ne comprenait aucun dialogue intelligible. Hudson m’a informé qu’il souhaitait un score opératique à la Tristan et Isolde de Richard Wagner. La Warner, pour sa part, voulait Superman dans la jungle, soit l’exact opposé de la volonté du cinéaste. J’ai choisi de considérer Hugh Hudson comme le patron... Par exemple, j’avais écrit un morceau pour la scène où Tarzan devient roi des singes : tout l’orchestre applaudit, mais il me le fit réécrire de façon plus primitive et menaçante. Il fut très heureux de la nouvelle version et les producteurs exécutifs très déçus. » John Scott réutilisera le Royal Philharmonic sur de nombreuses B.O. dont l’élégante Partie de Chasse d’Alan Bridges. Greystoke, The Legend of Tarzan, Lord of the Apes : éd. La-La Land (cd). *On parle de John Corigliano que Hudson retrouvera sur Révolution (1985). LE GUÉPARD Il Gattopardo Réalisé par Luchino Visconti - Production : Goffredo Lombardo (Titanus) Musique de Nino Rota - 1963 « Visconti et moi, nous étions déjà amis avant de travailler ensemble, précise Nino Rota. Nous avions des amis communs, il est milanais comme moi et nous nous rencontrions. Mais lui n’est jamais descendu de son Olympe, il ne s’intéressait presque qu’à la musique allemande. » Malgré ce goût prononcé pour le répertoire classique, le cinéaste commande une partition originale à son compositeur des Nuits Blanches*. « "Pour Le Guépard, m’a-t-il dit, je ne veux pas une musique de commentaire, je veux une symphonie de toi qui s’intitule Il Gattopardo." Visconti voulait faire de moi un compositeur classique dont on utilise une musique déjà existante. Alors tout en jouant, tout en lui faisant écouter différents thèmes, j’ai joué le thème d’une symphonie que j’avais faite en 1944-1945 (Sinfonia sopra una canzone d’amore, créée en 1972). Une symphonie comme ça, romantique. De fait, j’étais si peu convaincu sur le plan du style que je ne l’avais même pas orchestrée… Je lui en ai joué le thème et lui, tout de suite : "Voilà le thème du Guépard". » On notera qu’en 1947, Rota puisera déjà dans les ébauches de sa Symphonie sur une chanson d’amour pour écrire la B.O. d’un drame anglais : La Montagne de Verre. Il Gattopardo : éd. Sugar / Cam (cd) et Quartet (musique intégrale, cd). *Première collaboration créditée entre Nino Rota et Luchino Visconti, mais en amont, le maestro arrangea la symphonie n°7 de Bruckner pour le film Senso. LA GUERRE DES ÉTOILES Star Wars Réalisé par George Lucas - Production : Gary Kurtz (20th Century Fox) Musique de John Williams - 1977 Hiver 1977. Le premier montage de La Guerre des Étoiles laisse les responsables de la Twentieth Century Fox dubitatifs. Quelle musique pour soutenir ce Space opera novateur ? Conscient des particularismes visuels de son projet, George Lu-

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cas adopte une dichotomie esthétique : il rejette l'emploi de musiques électroniques ou concrètes – présentes dans les productions SF de l'époque, tels Le Mystère Andromède ou Génération Proteus – pour se tourner vers le romantisme symphonique du XIXe et début XXe siècle. On prépare un programme de musiques classiques façon Stanley Kubrick, puis, sur les recommandations enthousiastes de Steven Spielberg, Lucas rencontre le symphoniste John Williams. Sans tarder, ce dernier corrige la volonté compilatoire du cinéaste : « Je pense que cette technique ne permet pas de prendre un motif mélodique d'une œuvre, de le développer et de le lier à un personnage tout au long du film. Par exemple, si vous utilisez un extrait de The Planets de Gustav Holst au début du film, il ne fonctionnera pas forcément au milieu ou à la fin. » Williams convainc Georges Lucas de la nécessité d'une musique originale, et compose dans la foulée une partition-fleuve caractéristique de l'âge d'or hollywoodien (1930 - 1950). En tendant l'oreille, on reconnaît à l'évidence les influences du maestro : Korngold, Stravinsky, Prokofiev, Wagner et Holst. Mais le compositeur remporte le challenge avec une utilisation efficace de mélodies originales. La musique symphonique renaît ainsi à l'écran avec le soutien du public et de la profession. Le plus incroyable, c'est le brio avec lequel John Williams parvient à élargir son drapé dans l'opus suivant. L'Empire contre-attaque l'autorise à multiplier les leitmotive sans renoncer à l'expérimentation : « Beaucoup de séquences ont nécessité une instrumentation spéciale. Par exemple, pour la bataille des neiges, l'orchestration est inhabituelle. En complément de l'orchestre traditionnel, nous avons rajouté cinq piccolos, une batterie de huit percussions, deux grands pianos, trois harpes, afin d'accentuer le caractère mécanique et brutal de la scène. » Sommet musical de la trilogie, l'Empire contreattaque sera essentiellement identifié par le fameux thème de Darth Vader, véritable maillon fort du mythe Star Wars. Il réapparaîtra dans un Retour du Jedi opératique mais peut-être moins éclatant. Star Wars / The Empire strikes Back / Return of the Jedi : éd. Fox / RSO (lp) et Sony music (cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1978. LA GUERRE DU FEU Réalisé par Jean-Jacques Annaud - Production : Denis Héroux, John Kemeny (AMLF) Musique de Philippe Sarde - 1981 « Cher Philippe, j'ai tourné un film absolument incompréhensible sans apport musical. Mes images sont en attente de musique. En deux mots : au secours ! » Cet appel épistolaire de Jean-Jacques Annaud n'effraie guère Philippe Sarde. À l'époque, le compositeur est au sommet de sa renommée et présent sur la plupart des grandes productions françaises. Il rencontre le réalisateur à Toronto, en pleine postproduction sonore. La musique temporaire est un mélange bigarré de Penderecki, Rautavaara, accolé à diverses sélections ethniques. Sarde prend note et conçoit alors un schéma démesuré. Une partition croisant toutes ces influences interprétée par la crème des musiciens anglais : le London Symphony orchestra, les cuivres du London Philharmonic, Syrinx (flûte de Pan), Michel Sanvoisin (flûte

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112 Philippe Sarde à son domicile parisien durant la composition de la B.O. du film Max et Jérémie (Claire Devers, 1992).

contrebasse), et un gigantesque ensemble de percussion. « Pour le score de La Guerre du Feu, je ne voulais surtout pas de sonorités synthétiques, précise Sarde, au contraire, je souhaitais une grande variété de sons authentiques, du fer, du bois... J'ai pensé aux Percussions de Strasbourg. Ils ont débarqué à Londres avec 9 tonnes de matériel. » Une vague symphonique sans précédent dans la production hexagonale. La Guerre du Feu : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Nominée au César de la meilleure musique originale 1982. HATARI ! Hatari ! Réalisé par Howard Hawks - Production : Howard Hawks (Paramount Pictures) Musique de Henry Mancini - 1962 Howard Hawks produit et réalise Hatari ! avec une certitude : la B.O. devra refléter l’expérience africaine du tournage. Autant dire une musique exsangue des canons symphoniques hollywoodiens. Ferme dans ses intentions, le cinéaste vire illico Dimitri Tiomkin* du safari pour donner sa chance au jeune Henry Mancini. Hawks apprécie les sonorités modernes de sa série Peter Gunn et souhaite tirer un trait sur l’ancienne garde. « Peu de temps après avoir entamé ma composition, se souvient le musicien, Howard m’appela pour me dire qu’il avait rapporté beaucoup d’instruments d’Afrique. Il me demanda si je voulais les voir. Pardi ! Bien sûr que je voulais ! Je me rendis chez lui. Il me sortit alors une énorme boîte qu’il ouvrit devant moi, c’était un véritable coffre aux trésors rempli d’authentiques instruments africains… J’étais émerveillé et décidai immédiatement de les utiliser dans la musique. » Le résultat est à la hauteur des espoirs du réalisateur. Un improbable mélange entre l’Afrique noire et le swing des années soixante, un pied de nez génial au Classicisme hollywoodien. En outre, Mancini sauvera la fameuse séquence des bébés éléphants de la corbeille. La folle poursuite réintégrera le montage final grâce à son légendaire boogie-woogie en huit croches par mesure (Baby elephant walk). Hatari : éd. RCA, Sony music, et Intrada (cd). *Son compositeur de Rio Bravo désirait écrire une partition traditionnelle pour grand orchestre. HEUREUX QUI COMME ULYSSE Réalisé par Henri Colpi - Production : Jacques Bar (Prodis) Musique de Georges Delerue - 1970 Le dernier film de Fernandel fait se rencontrer Delerue et Brassens, deux artistes fidèles au même homme : Henri Colpi. En 1961, le réalisateur confie à son musicien de cinéma la tâche d’éclaircir le crépusculaire Une si Longue Absence avec ses Trois petites notes de musiques (chantée par Cora Vaucaire), le succès est immédiat. Huit ans plus tard, Colpi désire à nouveau une ritournelle pour soutenir Heureux Qui comme Ulysse. Il en écrit les paroles, Delerue, la musique, et propose à Georges Brassens de l’interpréter. « Il a avalé sans discuter toutes les couleuvres, raconte le cinéaste : chanter pour un film dont il n’avait pas le temps ma-

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tériel de voir la moindre image, chanter une musique d’un autre que lui, chanter des paroles qui n’étaient ni de lui, ni d’un auteur reconnu ; chanter, de surcroît, accompagné par tout un orchestre… Avec Brassens, le problème se pose autrement : il fait confiance un point c’est tout… Il connaissait un peu la musique qu’on lui avait donnée dans les coulisses de Bobino. Elle lui plaisait d’ailleurs… Il s’était engagé sur le principe, d’accord. Mais que ferait-il devant une éventuelle indigence du texte ? Brassens ne fit rien, sinon confiance. Il lut. Il dit : "Pas mal." Moi : "Ouf !" » L’autre pilier musical du film sera le largo pour cordes et guitare, qui soutient l’agonie du cheval Ulysse sous le soleil de Camargue. Heureux qui Comme Ulysse : éd. Mercury (chanson, cd) et Universal music France / Écoutez le cinéma (musique originale, cd). HIROSHIMA MON AMOUR Réalisé par Alain Resnais - Production : Anatole Dauman, Samy Halfon (Cocinor) Musique de Giovanni Fusco et Georges Delerue - 1958 Admiratif du travail de Giovanni Fusco sur Le Cri, Alain Resnais hésite malgré tout à solliciter le compositeur italien : « Je luttais contre l'idée de prendre Fusco pour la musique de mon film, il me semblait que je voulais "faire comme" Antonioni et que c'était malhonnête. Cependant, après avoir épuisé toutes les autres solutions, j'ai vu que celle-là seule me restait ouverte. » La temporalité multiple de l’histoire amène le cinéaste à considérer sa partition originale comme un précieux allié. Selon Resnais, elle est capable « de clarifier la construction du film », voire d’éclairer le public. « Dans Hiroshima mon Amour, tout à coup on voit des scènes qui sont des moments du passé d’Emmanuelle Riva et des moments du présent. La musique va préciser les choses pour que le spectateur ne soit pas perdu. » En outre, il définit son long-métrage tel un quatuor, avec « thèmes et variations à partir du premier mouvement, d’où les répétitions, les retours... » Un point de vue formel qui rejoint les préoccupations de Fusco. Ce dernier compose une partition poétique pour nonette (piccolo, flûte, clarinette, cor, piano, guitare, alto, violoncelle et contrebasse), en parfaite adéquation avec la structure avant-gardiste du récit. Pour sa part, Georges Delerue limitera son travail à une musique de source (La valse du café-fleuve), petite touche sentimentale dans une œuvre filmique d'une rare densité émotionnelle. Alain Resnais, un Portrait Musical : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). HOLOCAUSTE Holocaust Série réalisée par Marvin J. Chomsky - Production : Robert Berger (NBC) Musique de Morton Gould - 1978 Lauréat du prix Pulitzer, Morton Gould est l’auteur d’un riche corpus de compositions concertantes, dont le fameux Spirituals for string choir and orchestra*. Son travail poignant sur la mini-série Holocauste clôture une filmographie éparse mais toujours valorisée : « Je ne sais pourquoi il existe une séparation entre les compo-

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siteurs qui travaillent pour le cinéma et ceux qui n’y interviennent pas, s’interroget-il. Le fait est qu’une expression créatrice existe quel que soit le domaine où elle s’est forgée, que ce soit pour un film, une salle de concert ou une pièce abstraite. D’ailleurs, on observe que de grands compositeurs européens tels Prokofiev, Chostakovitch, Auric ou Walton, ont écrit pour des films sans s’en soucier. En Amérique, cela ne s’est pas vraiment passé de cette façon. » Selon les souhaits du producteur exécutif Herbert Brodkin, la partition fournie d’Holocauste sera en partie supprimée du montage final, mais Morton Gould reprendra la main sur son œuvre grâce à l’album du film : « J’ai pour l’occasion extrait des morceaux originaux du score afin de les réarranger sous forme de suites orchestrales… Certains compositeurs pensent toujours que l’on ne devrait pas toucher à leur musique. Je n’ai jamais eu ce sentiment. » Holocaust : éd. Notefornote (réenregistrement de 1978 avec le National Philharmonic Orchestra, cd). *Cette composition sera reprise par Jean-Pierre Melville dans L’Armée des Ombres. L'HOMME AU BRAS D'OR The Man with the Golden Arm Réalisé par Otto Preminger - Production : Otto Preminger (United Artists) Musique d’Elmer Bernstein - 1955 À 33 ans, Elmer Bernstein est engagé sur L'Homme au Bras d'Or grâce à Igor Preminger, agent artistique et frère du cinéaste. Ce dernier le remarque à la MGM pour sa B.O. du film Le Masque Arraché. Le contrat signé, Bernstein s'interroge sur l'opportunité d'utiliser le jazz comme élément moteur de sa partition : « Ce qui m'ennuyait le plus à propos du jazz dans les musiques de films, et d'ailleurs me posa un vrai cas de conscience au moment de l'écriture de L'Homme au Bras d'Or, c'est que cette musique est toujours utilisée pour évoquer des ambiances et des milieux négatifs : les gens de la nuit, les boîtes... Mais la différence était dans le scénario, qui racontait l'histoire de ce personnage qui veut devenir un batteur de jazz. Cela justifiait l'utilisation du jazz en évitant les clichés. » Le musicien interpelle alors Otto Preminger : « "Vous savez, j'ai une idée sur la façon dont je veux faire ce film et j'ai pensé qu'il valait mieux vous en parler avant que vous ne me jetiez dehors." Je l'ai entendu me répondre : "Eh bien ! De quoi s'agit-il ?" Et moi : "Pensez-y comme à une musique destinée à un orchestre de jazz plutôt qu'à un orchestre symphonique." Et c'est alors qu'Otto m'a dit quelque chose que vous n'entendrez jamais plus de nos jours : "Mais je crois vous avoir engagé pour faire du neuf. Si vous croyez que c'est ce qui convient, alors faites-le !" » L'Homme au Bras d'Or fera de nombreux émules et permettra à Bernstein de rentrer définitivement dans la cour des grands. The Man with the Golden Arm : éd. MCA (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1956. L’HOMME DE LA LOI Lawman Réalisé par Michael Winner - Production : Michael Winner (United Artists) Musique de Jerry Fielding - 1971

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Les années soixante font office de purgatoire pour Jerry Fielding. Victime du maccarthysme durant une décennie, il trouve une place de choix parmi ses pairs grâce à l’impact de La Horde Sauvage sur le western hollywoodien. « Soudainement, alors que Jerry avait été sans travail pendant si longtemps, confie sa veuve Camille, il y avait toutes ces offres qu’on lui proposait. Il ne pouvait pas refuser, donc il composait encore et encore… » Cette nouvelle phase créatrice transpire volontiers dans le score énergique de L’Homme de la Loi, l’un des plus accessibles de l’artiste. « La musique n’est jamais vraiment atonale, note Nick Redman, les thèmes sont clairement dessinés et évoqués tout au long du score (…) Par ailleurs, le compositeur trouva une âme sœur en la personne de Dick Lewzey, l’ingénieur des studios anglais CTS. Il aménagea un univers sonique hermétiquement fermé et relié à la vision du Far West de Fielding. La partition est un peu décalée, une certaine étrangeté pervertit l’atmosphère, et ce malgré la présence d’éléments familiers. La B.O. de L’Homme de la Loi refuse d’être Coplandesque*, ou d’emprunter les conventions musicales du western. Au lieu de ça, elle joue avec ses codes, les retourne, les bouleverse. » À force de travail et d’efforts inconsidérés, Jerry Fielding décèdera d’un arrêt cardiaque en 1980, à l’âge de 57 ans. Lawman : éd. Intrada (cd). *Aaron Copland, souvent considéré comme le père de la musique américaine. UN HOMME ET UNE FEMME Réalisé par Claude Lelouch - Production : Claude Lelouch (United Artists) Musique de Francis Lai - 1966 Corrigeons ici une erreur communément rependue : la chanson Un homme et une femme n'a jamais fait "Chabadabada..." (extension d'un rythme jazz utilisé dans le be-bop, le Chabada) mais "Dabadabada, Dabadabada..." Cela dit, cette fausse onomatopée faillit rester dans les cartons : « J'ai fait écouter une douzaine de thèmes à Claude Lelouch, raconte Francis Lai, il les trouvait tous sympas, mais pas assez représentatifs du fil rouge de l'histoire. Il était sur le pas de la porte quand je lui ai dit : "Attendez Claude, j'ai un dernier thème à vous faire écouter, mais il n'est pas complètement terminé. Je l’ai écrit pour la séquence qui se déroule à Pigalle avec Jean-Louis Trintignant." Car il m’avait raconté tout le film en long et en large. Il revient donc et je lui joue Dabadabada… Et là, il me fait rejouer la mélodie une dizaine de fois puis s'exclame : "C'est ça le thème du film." On a ensuite enregistré la musique définitive avant le tournage du film. Cette formule de travail, nous l'avons conservée jusqu'à aujourd'hui. » Pierre Barouh et Nicole Croisille seront les deux autres acteurs de ce légendaire succès discographique. L'un ouvrira une porte sur la musique brésilienne - magnifique Samba Saravah écrite et accompagnée par Baden Powell - l'autre deviendra la seule chanteuse française acceptée par les grands jazzmen américains de l'époque. Un Homme et une Femme : éd. Lucky Planets italia et Omagatoki japan (cd). L’HOMME ORCHESTRE Réalisé par Serge Korber - Production : Roger Debelmas, Robert Sussfeld

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Francis Lai dans son home studio parisien.

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(Gaumont) Musique de François de Roubaix - 1970 La dimension musicale "à l’américaine" de L’Homme Orchestre rencontre un désir inassouvi de François de Roubaix : « La chanson c’est un domaine où les impératifs commerciaux de la mode, ou de la rentabilité, sont trop cruciaux, me semble-t-il, pour qu’on n’en devienne pas vite esclave. C’est un climat qui, à mon sens, est plus loin de la création artistique que ne l’est la musique de film. Écrire des chansons pour un film, c’est déjà différent : le rêve de tout compositeur est évidemment la comédie musicale. L’Homme Orchestre était pour moi une tentative dans ce sens. Mais des raisons diverses ont fait qu’il s’agit d’une comédie avec beaucoup de musique plutôt qu’une comédie musicale. » Pour Serge Korber, le travail avec de Roubaix est source d’étonnements, de surprises formelles et mélodiques : « Devant sa musique, on se demandait toujours : "Mais d’où vient ce son ? Et ça, c’est quoi comme instrument ?" C’est l’un des rares films où il a écrit pour des formations orchestrales élargies. Comme dans le générique de début : des cordes qui tricotent avec en soliste une trompette véloce à la précision diabolique. En réalité, un trombone enregistré à demi-vitesse… Sur le tempo normal, c’est injouable à la trompette. Voilà François : de la technique pour obtenir un résultat inattendu mais jamais gratuit. » L’Homme Orchestre : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). UN HOMME PARMI LES LOUPS Never cry Wolf Réalisé par Carroll Ballard - Production : Lewis M. Allen, Jack Couffer, Joseph Strick (Buena Vista) Musique de Mark Isham - 1983 Trompettiste et synthésiste remarqué du label Windham Hill Records, Mark Isham compose sa première bande originale pour cette adaptation Disney du roman de Farley Mowat. « Il y avait deux autres musiciens sur le film avant moi, note l’artiste. Le principal (Bob Hughes) était présent sur le tournage, et il avait accumulé une multitude de musiques inuites auxquelles je suis vraiment redevable. En outre, il avait fait des recherches sur les différentes gammes de hurlements des loups. » Afin de répondre aux demandes spécifiques de Carroll Ballard, Isham décide de prendre en compte ces éléments antérieurs. « Dans le film, il y a de vrais loups, mais ce sont des loups d’Hollywood qui vivent à Malibu… Carroll était préoccupé par le fait de leur donner une dimension suffisamment féroce à l’écran. Comme ils sont filmés entre eux, il est difficile d’évaluer leur taille réelle. Ils ressemblent souvent à des chiens. Carroll insistait beaucoup sur ce point, il me disait : "Tu dois rendre tout ça plus rude, plus sauvage. La musique doit les grandir. Donne-leur un thème qui, de manière obsédante, va faire ressentir leur nature redoutable. » Le compositeur choisit une instrumentation électronique associée à de grandes flûtes chinoises et des percussions. « Un Homme parmi les Loups contient vraiment de la musique concrète avec beaucoup d’improvisation. Je ne saurais absolument pas comment transcrire tout ça sur une partition. » Un prélude décisif à son parcours cinématographique.

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Never cry Wolf : éd. Windham Hill (cd). L’HOMME QUI VOULUT ÊTRE ROI The Man Who would be King Réalisé par John Huston - Production : John Foreman (Allied Artists Pictures) Musique de Maurice Jarre - 1975 « Ce film est l’accomplissement de vingt années de fascination pour le classique de Kipling, déclare John Huston en 1975, l’une des plus grandes aventures épiques jamais écrites. » Devant cet enjeu créatif, le cinéaste s’entoure d’une équipe d’artistes dévoués, dont les Français Alexandre Trauner (décorateur) et Maurice Jarre. La conviction première de Huston est d’éviter tout déferlement musical : « Il ne souhaitait pas une grande partition épique, révèle le compositeur. Il avait l’idée de sonorités venues d’ailleurs et me précisa que n’importe quel type d’instrument ethnique serait bienvenu dans la musique. » Jarre décide d’associer plusieurs instrumentistes indiens au National Philharmonic de Londres : « Lorsque les musiciens de l’orchestre arrivèrent, ils virent les six artistes indiens qui avaient spécialement demandé de s’assoir sur un podium recouvert d’un drap blanc. De l’encens brulait tout autour d’eux. Je me souviendrai toujours du regard de certains musiciens classiques, ils se disaient : "Mon dieu, ce type est fou ! On va passer deux semaines dans ce studio et il va nous faire jouer ensemble…" Nous avons fait une répétition avec l’orchestre et une avec les musiciens indiens, puis je les ai fait enregistrer tous ensemble en une seule prise et c’était parfait. L’ensemble classique était si stupéfait que les autres puissent jouer avec eux de façon parfaite, et sans click-track*, qu’ils leur firent une standing ovation. Ce fut très touchant. » Selon Huston, « la musique de L’Homme Qui voulut être Roi nous emporte dans les contrées lointaines de notre imagination… » The Man Who would be King : éd. Kritzerland (cd). *Repères métronomiques diffusés dans les casques des musiciens de l’orchestre. LA HORDE SAUVAGE The Wild Bunch Réalisé par Sam Peckinpah - Production : Phil Feldman (Warner Bros. / Seven Arts) Musique de Jerry Fielding - 1969 « Je voulais le Mexique - Et qu'ai-je obtenu ? Vienne ! » Telle est la première réaction de Sam Peckinpah à l'écoute du score symphonique composé par Jerry Fielding pour La Horde Sauvage. Quelques mois plus tôt, le cinéaste rejette l'idée d'engager Lalo Schifrin pour la B.O. du film (une suggestion du producteur Phil Feldman). Peckinpah désire un score dépouillé qu'il souhaite confier à son ami Fielding. « La musique devra être éparse, précise le réalisateur dans un mémo. Elle devra être du même type que la musique de source, pas forcément aussi cacophonique mais de la même origine ethnique, notamment pour la musique mexicaine... Il y aura peu d'instruments, juste une guitare, à l'occasion d'autres cordes, peu de cuivres et très rarement des percussions... » Phil Feldman accepte les directives de Peckinpah et Jerry Fielding entame sa composition non sans une certaine réserve : « Sam aurait voulu faire ça de manière très authentique, avec

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deux joueurs de guitares Mexicains. Mais on ne peut pas vraiment procéder de cette façon. Vous savez le réalisme au cinéma n'est pas vraiment du réalisme. Vous ne pouvez pas répandre du crottin de cheval dans la salle pour que les spectateurs sentent les chevaux. » La dispute entre les deux hommes sera d'une rare violence. Mais devant les arguments du compositeur, Peckinpah cédera du terrain sans totalement renoncer aux éléments folkloriques. Aujourd'hui, s'il apparaît difficile d'imaginer le film sans le tissu orchestral de Jerry Fielding, on notera la force tangible des séquences baignées de musiques traditionnelles. The Wild Bunch : éd. Film Score Monthly (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1970. HUIT ET DEMI Otto e Mezzo Réalisé par Federico Fellini - Production : Angelo Rizzoli (Cineriz) Musique de Nino Rota - 1963 Fait singulier : La passerella di Otto e Mezzo, éternelle cocarde musicale de l’univers fellinien, doit sa présence dans Huit et Demi à un projet de bande-annonce revu et corrigé. Durant la phase finale du montage, le cinéaste supprime une dernière séquence pourtant décrite par Tullio Rezich comme très réussie : « Rentrant à Rome en train, Guido (Mastroianni) et sa femme sont au wagon-restaurant : soudain, levant la tête, le héros découvre qu’aux tables sont installés tous les personnages de sa vie (et du film) qui lui sourient avec bienveillance ou de façon ambiguë. Federico a ensuite l’idée de tourner un court-métrage de quatre minutes autour de la base de lancement de la fusée, sur la plage d’Ostie, qui servira de bandeannonce : une farandole de tous les personnages filmée avec huit caméras. En projection, la scène est si amusante et animée qu’on décide d’en faire la fin du film. La scène du wagon-restaurant est mise de côté, et il est recommandé d’en prendre soin car elle est magnifique* (…) La farandole a été tournée avec en fond sonore L’Entrée des gladiateurs de Fučík, puis Nino Rota a composé la fameuse petite marche... » Thème ostentatoire du score, La passerella affirme la volonté du cinéaste d’accorder à la musique une place prépondérante. « Pour Fellini, le cinéma doit être explicitement du spectacle, remarque Rota, avec tous les éléments qui le rendent tel. Comment, dès lors, penser que la musique puisse jouer un rôle mineur ou secondaire ? » Otto e Mezzo : éd. Sugar / Cam (cd). *Selon Tullio Rezich, ami et biographe de Fellini, le négatif de la séquence aurait été perdu. LES HUIT VISIONS* Visions of Eight Réalisé par Miloš Forman, Kon Ichikawa, Claude Lelouch, Yuri Ozerov, Arthur Penn, Michael Pfleghar, John Schlesinger, Mai Zetterling - Production : David L. Wolper, Stan Margulies (Cinema 5 Distributing) Musique de Henry Mancini - 1972 Visions of Eight est un documentaire qui fait date. Sous l’impulsion du producteur David L. Wolper, huit réalisateurs internationaux filment les Jeux olym-

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piques de 1972 en vue d’un long-métrage cinéma. « Chacun d’entre eux a pioché un sujet et imposé sa vision, précise Henry Mancini. Par exemple, le Français Claude Lelouch a choisi les perdants comme thématique, John Schlesinger a consacré son segment au saut en longueur, le Russe Juri Ozerov a filmé l’ouverture, le Tchèque Miloš Forman a filmé le décathlon (etc.) » Afin de déterminer les séquences musicales, le compositeur migre dans le complexe parisien de Lelouch, un vaste ensemble de salles mises à disposition pour les projections et le montage des rushs. « J’ai joué quelques thèmes pour Lelouch et Schlesinger. Ce dernier me donna du fil à retordre car il avait utilisé de la musique temporaire sur la grande course finale. Prendre des pièces de musiques préexistantes comme bande-son provisoire est une pratique assez courante. Il avait choisi Le Lieutenant Kijé de Prokofiev. Cela m’a un peu intimidé… Certaines parties furent composées dans un style classique légitime, mais d’autres rejoignaient un idiome populaire avec des inflexions rock et jazz. » Une ode éclectique à la grande compétition sportive. Visions of Eight : éd. RCA / Sony music (cd). *Titre francophone suisse. HURLEMENTS The Howling Réalisé par Joe Dante - Production : Jack Conrad, Michael Finnell (AVCO Embassy Pictures) Musique de Pino Donaggio - 1981 Après le confortable succès de Piranhas (ersatz des Dents de la Mer, produit par Roger Corman), le réalisateur Joe Dante prolonge pour le meilleur son travail avec Pino Donaggio. Hurlements est un projet plus personnel qui s’inscrit toutefois dans la même logique de production. « Le budget serré du film* signifiait que nous devions enregistrer la musique dans un vieil endroit perdu, se souvient le compositeur, quelque part dans les plaines brumeuses autour de Milan, plutôt que sous le soleil de Los Angeles au sein d’un grand studio. En plus de ça, nous – moi et mon chef d’orchestre Natale Massara – devions également tenir les rôles de pianistes, programmateurs des synthés, vocalistes et concierges occasionnels des lieux… Et puis, comme nous ne pouvions pas avoir un orchestre symphonique au complet, j’écrivais les parties pour cordes séparément, puis les cuivres, puis les bois, afin de les entremêler ensemble par la suite. Si aujourd’hui une telle stratégie paraît banale, c’était certainement très futuriste à l’époque. » En 1985, Joe Dante rencontre son compatriote Jerry Goldsmith et stoppe net la belle association : « Mais j’ai continué de suivre la carrière de Pino, remarque le cinéaste, et j’ai acheté tous ses disques. Je suis extrêmement reconnaissant de sa contribution à mes films et je pense que s’ils fonctionnent, c’est en grande partie grâce à lui. » The Howling : éd. La-La Land (cd). *Environ 1 million de dollars. IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L'OUEST Once upon a Time in the West Réalisé par Sergio Leone - Production : Fulvio Morsella (Euro International Film / Paramount) Musique d’Ennio Morricone - 1968

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« Durant mes jeunes années, je me souviens avoir été très stimulé par l'ouverture du Freischütz de Carl Maria Von Weber. Je l'avais entièrement retranscrite en l'écoutant à la radio. Qui sait, peut-être que ces thèmes champêtres de chasse m'ont aidé à écrire pour le western. Il est vrai que cette musique a quelques liens avec celle que j'ai composée pour les grands extérieurs chers à Sergio Leone. » Ainsi, Morricone aurait puisé son inspiration, sa modernité dans un opéra préwagnérien. Certes sur un plan formel, les points communs sont là : orchestration pastorale (bois et vents mis en avant), nombreuses parties vocales (chœurs mixtes associés à la soprano Edda Dell'Orso)... Mais que dire de la guitare électrique saturée ? De l'harmonica étranglé ? Bref de ces sonorités contemporaines utilisées non comme des accessoires de mode, mais comme de puissants vecteurs dramatiques. Car c'est un fait, la personnalité de Morricone s'exprime autant dans ses recherches acoustiques que par son génie mélodique. Une combinaison magique qui éclate dans cette B.O. située à l'avant-garde des pratiques musicales du cinéma moderne. Avait-on déjà entendu dans l'Ouest hollywoodien un orchestre de chambre interpréter un thème d'amour (In una stanza con poca luce) ? C'era una Volta il West - Nuovo Edizione rimasterizzata : éd. GDM (cd). IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE Once upon a Time in America Réalisé par Sergio Leone - Production : Arnon Milchan (The Ladd Company / Warner Bros.) Musique d’Ennio Morricone - 1984 Comme à l’accoutumée, Sergio Leone prépare son ultime rendez-vous avec Morricone plusieurs mois avant le tournage. « Nous sommes partis d’une chanson de l’époque Amapola, précise le cinéaste. Et j’ai voulu ajouter des airs bien précis : God bless America, Night and day et Summertime (…) J’ai aussi ajouté quelque chose d’aujourd’hui : Yesterday. Pour pouvoir toucher des points essentiels : la nostalgie d’un monde, la lucidité que cette nostalgie est dans ma tête, et peut-être pas dans la réalité… » La partition originale s’élabore quant à elle en parallèle de la réalisation. « J’ai demandé à Ennio de créer dix, quinze, ou vingt thèmes avant d’en choisir un. Car celui que j’ai retenu est le thème qui me donnait la sensation la plus primaire concernant l’intensité d’une partie du film ou d’un moment particulier. Le premier test musical, je le fais sur moi-même. Je programme la musique avant les prises de vue, ainsi je peux l’utiliser durant le tournage (diffusée sur haut-parleurs). Pour moi, la musique fait partie des dialogues et bien souvent elle est plus importante. Elle devient une expression en elle-même. » Grisé par son travail, Morricone reconnaît sans fausse modestie l’impact de sa partition : « Cette B.O. mon chef-d’œuvre ? J’accepte cette éventualité, même si je suis très fier de mes autres collaborations avec Leone… La musique d’Il Était une Fois en Amérique est plus clairement une musique qui se suffit à elle-même, que l’on peut écouter seul. En ce sens, elle se rapproche d’un opéra, d’une certaine manière. » Once upon a Time in America : éd. Restless / Rykodisc (cd). IL ÉTAIT UNE FOIS LA RÉVOLUTION Giu’ la Testa / Duck, You Sucker Réalisé par Sergio Leone - Production : Fulvio Morsella

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(Euro International Film / United Artists) Musique d’Ennio Morricone - 1971 « La Révolution n’est pas mon film préféré, avoue Sergio Leone, mais c’est celui qui m’est le plus cher, comme l’est un enfant mal formé. J’ai beaucoup souffert avec lui. » Ces propos illustrent le caractère chaotique d’une production italoaméricaine mise à mal par le studio United Artists. Initialement confié à l’Américain Peter Bogdanovich (viré pour incompétence par Leone), le film se retrouve contre toute attente entre les mains expertes du producteur réalisateur italien. Morricone est bien sûr de l’aventure avec un score qui prolonge les expérimentations vocales du Bon, La Brute et le Truand. À ce titre, les éructations de La marche des mendiants volent presque la vedette à la sublime élégie irlandaise Messico e Irlanda absente de certains montages. « Dans la version italienne, témoigne le compositeur, Sergio a coupé tous les flashbacks sur l’Irlande, au grand regret de ceux qui avaient vu la scène. En fait c’est arrivé un peu par hasard. Mon beau-frère s’est levé pendant une projection juste avant ce flashback, et Sergio qui observait les spectateurs l’a remarqué. Il a coupé la scène sans rien dire à personne. » Selon Leone, la France sera le seul pays à bénéficier de la version intégrale à sa sortie. Giu’ la Testa : éd. Cinevox (cd). L'ÎLE DES ADIEUX Islands in the Stream Réalisé par Franklin J. Schaffner - Production : Peter Bart, Max Palevsky (Paramount Pictures) Musique de Jerry Goldsmith - 1977 « Lorsque l’on me demande : "Quelle est votre partition préférée ?", je réponds invariablement L’Île des Adieux de Franklin Schaffner, avoue Jerry Goldsmith. Le plus souvent, ma réponse engendre une réaction positive ou un regard perplexe. Cela ne fait aucune différence pour moi, car sans aucun doute, la musique de ce film est l’une des meilleures que j’ai écrites. » Ce jugement n’étonne guère l’auditeur attentif. De l’ouverture pour cor d’harmonie, guitare et orchestre, au pianissimo final, L’Île des Adieux exprime toute l’étendue du talent de Goldsmith. Elle s’affirme comme le jalon central d’un cheminement créatif où l’émotion prime : « Chaque jour de mon travail sur le score, je m’asseyais devant la Moviola*, je faisais défiler une séquence et je me mettais à pleurer. Je pense qu’il s’agit du meilleur film de Frank, et je préfère d'ailleurs George C. Scott dans ce rôle à son interprétation de Patton. » En 1986, pour la première fois de sa carrière, le compositeur revisite sa partition lors d’un réenregistrement en présence du réalisateur. « La session faisait suite à notre travail sur Cœur de Lion, raconte le maestro. Nous étions tous terriblement fatigués, mais lorsque les instruments à vent commencèrent à jouer le thème de Thomas Hudson, nous trouvâmes une nouvelle énergie. C’était comme de rendre visite à un vieil ami perdu de vue depuis longtemps. » Islands in the Stream : éd. Film Score Monthly (cd) et Intrada (réenregistrement, cd).

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Jerry Goldsmith (1929-2004) dirigeant une session d’enregistrement au studio 1 d’Abbey Road. Il est considéré à juste titre comme l’un des meilleurs compositeurs américains de sa génération.

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*Visionneuse pour film 35mm. L'ÎLE DES AMOURS INTERDITES L’Isola di Arturo Réalisé par Damiano Damiani - Production : Carlo Ponti, Goffredo Lombardo (Titanus) Musique de Carlo Rustichelli - 1962 L’épure musicale de ce film post-néoréaliste serait-elle le propre d’un certain cinéma italien – ou européen ? À l’écoute de l’Île des Amours Interdites, impossible en effet de ne pas songer aux travaux similaires composés par Nino Rota, Ennio Morricone, Nicola Piovani et bien d’autres maestros transalpins. Une guitare solo, une trompette, un clavecin, quelques cordes suffisent à Rustichelli pour imposer ses mélodies sur les images de Damiano Diamiani. En suivant l’ordonnance du cinéaste, il accentue les ombres œdipiennes des personnages et s’affirme comme le co-créateur des climats scénarisés… Mais lequel des deux suit l’autre ? « Le réalisateur et le compositeur tentent tous les deux d’atteindre le même but, remarque Rustichelli, et de trouver la meilleure solution. Avec des cinéastes moins modestes, cette collaboration peut naturellement s’avérer plus difficile. D’après mon expérience, même si les cinéastes écoutent mes suggestions, je m’arrange pour donner l’illusion qu’il s’agit de leurs propres choix musicaux. Alors qu’en fait, j’ignore leurs goûts et leur propose ma propre version… En Italie, le compositeur ne reçoit que des pressions indirectes du réalisateur ou du producteur. Ils vous suggèrent d’écrire une musique plus accessible ou plus symphonique, ou qui puisse avoir une valeur esthétique, ce genre de choses. Malheureux sont les musiciens qui les écoutent, car finalement, y compris dans les meilleurs cas, ce sont ces décideurs qui finissent par écrire la musique originale. » L’Isola di Arturo : éd. Quartet (cd). L'ÎLE MYSTÉRIEUSE Réalisé par Juan Antonio Bardem, Henri Colpi - Production : Jacques Bar, Pierre Saint-Blancat, Eduardo Manzanos (ORTF) Musique de Gianni Ferrio - 1973 De la comédie au western, en passant par l’inévitable giallo, Gianni Ferrio a couvert tous les genres du cinéma italien populaire. Hélas, la relative banalité de sa filmographie ne lui a guère permis de briller dans la mémoire collective. En France, la chanson Paroles, paroles interprétée par le duo Dalida / Alain Delon et la série L’Île Mystérieuse demeurent ses deux succès notables. Coproduite par Jacques Bar et l’Espagnol Eduardo Manzanos, cette dernière a fait l’objet de deux versions distinctes : un long-métrage distribué en salle, puis un feuilleton réalisé par Juan Antonio Bardem et complété par Henri Colpi. Aucun téléspectateur n’a oublié la chanson L’Île bleue qui ouvrait chaque épisode avec suavité. Mais au-delà de cette mélodie, Ferrio a construit un score d’un exotisme raffiné dans lequel l’orchestre sait s’effacer au profit des différents solistes. L’usage du sitar, de la flûte, de la guitare ou de la voix (Edda Dell’Orso / I Cantori Moderni di Allessandroni) apporte ici une sensation de dépouillement fidèle aux ambiances in-

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sulaires de Jules Verne. The Mysterious Island of Captain Nemo : éd. Quartet (cd). L'IMPASSE Carlito's Way Réalisé par Brian De Palma - Production : Martin Bregman, Michael Bregman, Willi Bär (Universal Pictures) Musique de Patrick Doyle - 1993 L'Écossais Patrick Doyle intervient sur l'Impasse par l'intermédiaire d'un cinéaste français. « Mon ami Régis Wargnier lui avait demandé d'écrire la musique d'Indochine qui m'avait beaucoup impressionné, raconte Brian De Palma, bien plus que celles des films de Kenneth Branagh qu'il a également composées (...) Ennio Morricone était mon premier choix avant que Régis ne me parle de Patrick Doyle. J'ai travaillé très dur avec Patrick et à l'arrivée je dois dire qu'il a fait un boulot superbe. Pour le générique de début, il est parti sur une idée très mahlérienne. C'était très beau, et ce qu'il a fait sur la poursuite dans le métro est extraordinaire ! » La construction virtuose du quart d'heure final fascine d'autant plus Doyle qu'il mesure vite l'importance de sa participation : « La séquence la plus difficile du film fut de loin cette longue poursuite, précise le musicien, laquelle représente un vrai cadeau pour tout compositeur. Dès son premier visionnage, j'ai su qu'elle deviendrait un grand classique de l'histoire du cinéma. » Comme la majorité des musiciens qui succéderont à Bernard Herrmann et Pino Donaggio au côté du réalisateur, Doyle saura en outre respecter une certaine filiation esthétique dans l'usage des cordes. Carlito's Way : éd. Varèse Sarabande (cd). LES INCORRUPTIBLES The Untouchables Réalisé par Brian De Palma - Production : Art Linson (Paramount Pictures) Musique d’Ennio Morricone - 1987 Les incursions renouvelées d’Ennio Morricone dans le polar européen (Enquête sur un Citoyen Au-dessus de Tout Soupçon, Le Clan des Siciliens…) trouvent ici leur correspondance américaine : prohibition, mafia, et flics incorruptibles réunis au sein d’une même théâtralité. Brian De Palma convoque un musicien rodé au genre et conscient de participer à une mythologie en marche. « J’ai tout de suite ressenti la dimension majeure du projet, remarque Morricone. Grâce à ses interprétations formidables et ses merveilleuses séquences de suspense, comme la scène tournée à la gare de Grand Central, le film deviendrait une légende cinématographique. J’ai écrit les thèmes à New York en contact permanent avec le réalisateur… Quand je suis retourné en Italie, De Palma m’a demandé de composer un thème supplémentaire, Le triomphe de la police. Cela s’est révélé une tâche ardue : j’ai écrit neuf versions du morceau avant qu’il soit satisfait. Il a d’ailleurs choisi celle que j’aimais le moins. C’était un thème assez simple avec une orchestration joyeuse et triomphante. Comme j’étais trop impliqué émotionnellement dans le travail, je ne pourrais dire s’il a pris la mauvaise décision ou s’il est parvenu à discerner quelque chose qui m’aurait échappé. » De Palma retrouvera Morri-

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cone pour deux autres partitions exemplaires : Outrages et Mission to Mars. The Untouchables : éd. La-La Land (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1988. L’INSPECTEUR HARRY Dirty Harry Réalisé par Don Siegel - Production : Don Siegel (Warner Bros.) Musique de Lalo Schifrin - 1971 À la différence de Frank Bullitt et Walt Coogan (Un Shérif à New York, 1968), l’inspecteur Callahan débarque sur les écrans sans motif musical ostensible. La logique de Schifrin est ici tout hitchcockienne, ou comment prendre soin du méchant, alias Scorpio, le cœur psychotique de L’Inspecteur Harry. « Pendant le minutage, j’ai fait part à Don Siegel de mon intention, précise le musicien : "Je crois que je vais utiliser une voix féminine, avec une mélodie cauchemardesque. Quelque chose qui vous poursuit et qui ne vous laisse pas de répit." Il n’a pas été convaincu tout de suite : "Pourquoi une voix ? Il y aura des instruments électroniques, Emil Richards* avec un archet..." Je lui ai répondu : "C’est à cause de toi. C’est toi qui as établi le fait que Scorpio était fou… C’est un tueur en série, je suis sûr qu’il entend des voix." Une fois la musique mise en place Don a beaucoup aimé. » Par la même, Schifrin esquisse l’humeur du héros avec un leitmotiv désenchanté à souhait. « En contrepoint du thème du méchant, j’ai créé un thème qui revient finalement dans tous les autres films de la série. Un thème désabusé (joué au synthétiseur Rhodes), à l’image de Callahan qui n’aime pas ce qu’il fait : plonger ses mains dans les égouts de la société. » Dirty Harry : éd. Aleph (cd). *Percussionniste renommé à Hollywood, il a travaillé sur plus d’une centaine de B.O. dont La Planète des Singes de Jerry Goldsmith. INTUITIONS The Gift Réalisé par Sam Raimi - Production : James Jacks, Gary Lucchesi, Tom Rosenberg (Paramount Classics) Musique de Christopher Young - 2000 « De manière générale, je n’aime pas trop les films violents, avoue Christopher Young. J’apprécie davantage les films sombres, psychologiques, ou les histoires de maisons hantées, de fantômes… On me catalogue facilement comme un compositeur de musique de films d’horreur. J’ai pourtant fait beaucoup d’autres genres : des drames, des films d’action, de la science-fiction et même des films romantiques… » Témoin cet excellent score pour le thriller psychologicofantastique de Sam Raimi, un cinéaste des plus concernés par le travail du musicien : « J’étais assis au côté de Chris durant tout le processus du montage d’Intuitions, témoigne le réalisateur. De cette façon, pendant et après le visionnage des séquences, je lui précisais quelles étaient vraiment mes intentions sur ce film, que ressentait le personnage, si cela était perceptible ou pas, et comment Chris pouvait m’aider à clarifier les choses. J’ai vraiment essayé de le faire rentrer dans la tête de Cate Blanchett, car le film tout entier est centré autour de son inter-

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Le compositeur argentin Lalo Schifrin au club de jazz La Villa, à Paris. 128

prétation. » Si l’aisance de Young à créer des climats angoissants atteint son paroxysme sur les scènes de voyances subjectives, on est surtout saisi par la beauté du thème d’ouverture, magnifiquement développé lors du dénouement (She was a friend to me). The Gift : éd. Will Records (cd). L'IRLANDAIS A Prayer for the Dying Réalisé par Mike Hodges - Production : Peter Snell, Samuel Goldwyn Jr. (The Samuel Goldwyn Company) Musique de Bill Conti - 1987 Au terme de sa réalisation sur le territoire britannique, L’Irlandais est repris en main in extremis par son distributeur américain. Samuel Goldwyn remonte le film et rejette la première partition de John Scott, jugée trop distante. « Sam trouvait que L’Irlandais avait l’aspect d’un long-métrage local, remarque le producteur Peter Snell, sa position était : "Vous l’avez conçu, mais moi je dois le vendre." Et pour cela, il pensait avoir besoin d’une musique plus "commerciale", attendu que John avait écrit une B.O. reliée aux problèmes irlandais. » Déjà compositeur de divers thrillers (dont l’excellent score de La Formule), Bill Conti se retrouve au pupitre avec la volonté d’aller dans une autre direction. « La plupart du temps, quand un producteur n’aime pas une partition, précise le musicien, ce n’est pas qu’elle soit mauvaise, mais c’est qu’elle ne correspond pas à ce qu’il recherche… En acceptant L’Irlandais, je savais que Samuel voulait que l’on ressente de l’émotion pour Martin, alias Mickey Rourke. J’ai donc opté pour cette alternative de manière radicale… La chose la plus importante étant pour moi de créer une musique vraiment triste et spirituelle. » Une décision à l’encontre des intentions du réalisateur Mike Hodges, mais paradoxalement respectueuse de l’humanité des personnages. A Prayer for the Dying : éd. Quartet (cd). JAMES BOND CONTRE DR. NO Dr. No Réalisé par Terence Young - Production : Albert R. Broccoli, Harry Saltzman (United Artists) Musique de Monty Norman et John Barry - 1963 Le score en devenir de James Bond contre Dr. No ne satisfait guère Albert R. Broccoli. Le producteur espérait un motif musical susceptible d’identifier son nouveau héros, mais Monty Norman piétine. « C’est ainsi que John Barry est entré dans nos vies, révèle Terence Young. Bien que la partition d’origine fût correcte, nous n’avions rien de très excitant pour le thème principal. Quelqu’un des éditions Chappell* nous avait recommandé d’écouter son travail. Il avait un petit groupe nommé The John Barry seven. Il a donc débarqué et écrit le thème. » En fait, le jeune compositeur se réapproprie une proposition mélodique laissée en jachère par Norman : « Ils voulaient quelque chose de rapide, révèle Barry. J’ai travaillé sur le projet tout le week-end et nous avons enregistré le morceau le mercredi suivant… Toute l’ouverture repose sur ce que j’avais appris auprès de Bill Russo : les

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cuivres à la Stan Kenton. L’élément rythmique, fondamental dans le jazz, est subordonné à la puissante masse sonore des vents ; des trombones très ouverts et sonnant bas et des trompettes étroites pour créer ce son explosif, puis le riff de guitare qui bascule vers un truc qui swingue et qui n’est pas sans rappeler les rythmes be-bop de Dizzy Gillespie. Une vraie "compil" de trucs puisés ici et là. Les producteurs de United Artists étaient enchantés et voulaient que je compose pour le reste de la série. » Bons Baisers de Russie et Goldfinger entérineront les liens du sang entre Barry et 007. Dr. No : éd. EMI (cd). *D’origine anglaise, l’une des plus anciennes maisons d’éditions américaines (dorénavant Warner / Chappell Music). JANE EYRE Jane Eyre Réalisé par Delbert Mann - Production : Frederick H. Brogger, James Franciscus (British Lion Film Corporation) Musique de John Williams - 1970 À l'orée de ses succès planétaires, John Williams affirme son talent de mélodiste et d'arrangeur sur un certain nombre de productions secondaires. Le téléfilm Jane Eyre est le deuxième opus du tandem Frederick Brogger / Delbert Mann qui bénéficiera en Europe d'une sortie en salle. Williams est engagé durant un long séjour à Londres où il termine son travail sur les arrangements de la comédie musicale Un Violon sur le Toit. Sensible aux paysages anglais, le compositeur en profite pour se rendre sur le tournage (dans le Yorkshire) afin de s'imprégner des lieux. Cette proximité géographique comptera beaucoup dans la réussite du score, de même que ses affinités musicales : « J'aime beaucoup la musique anglaise, avoue Williams. J'éprouve un sentiment très atavique envers elle, et je pense avoir diffusé cet amour dans la partition... Je suppose que la vraie musique est à l'image du thème traditionnel Greensleeves*. Cela représente l'esprit de la musique. Des phrases musicales de ce type semblent provenir des entrailles de la Terre. » Enregistré en quatre jours dans les studios d'Anvil, Jane Eyre demeure l'un des joyaux méconnus du maestro. « Si l'on peut considérer comme étant de bon goût le fait d'avouer que son cœur transparaît dans sa propre musique, alors je peux dire qu'une partie de mon cœur réside dans cette partition. » Jane Eyre : éd. La-La Land (cd). *Musique d'origine britannique, reprise notamment dans la B.O. de La Conquête de L'Ouest. JO Réalisé par Jean Girault - Production : Leo L. Fuchs (MGM) Musique de Raymond Lefèvre - 1971 L'aura des comédies françaises à l’ancienne doit certainement beaucoup aux talentueux musiciens chargés de leur décorum musical. Parmi les plus présents, Raymond Lefèvre fait figure d'artisan discret mais indispensable. Le Gendarme de Saint-Tropez, Les Grandes Vacances, La Soupe aux Choux : qui n'a jamais

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sifflé l'un des airs composés par le chef d'orchestre du Palmarès des Chansons ! Inspiré d'une pièce à succès mise en image par George Marshall aux États-Unis, Jo extirpe Louis de Funès de la série des Gendarmes avec des visées clairement internationales. « J’ai un peu travaillé à l’américaine en m’inspirant de leurs compositions sur quelques séries télévisées, précise Lefèvre. La MGM finançait le film et je me suis dit : "Je ne vais quand même pas livrer de la musiquette aux Américains, d’autant plus qu’ils sont les patrons du film !" J’ai donc composé un thème de suspense pour grand orchestre sur une rythmique jazzy… On peut dire que Jo est un film à faux suspense, une sorte de Hitchcock du pauvre ! (Rires) Cela dit, j’ai toujours respecté le travail et les volontés de Jean Girault. Et lui, de son côté, me laissait toujours faire ce que je voulais. Il n’avait pas d’avis sur la musique de ses films, et j’avais donc une totale liberté. » En dépit d’une mise en scène anodine, le score de Raymond Lefèvre permettra à Jo de conserver son standing dans la filmographie de Louis de Funès. Louis de Funès - musiques de films 1963-1982 : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). JOHNNY GUITARE Johnny Guitar Réalisé par Nicholas Ray - Production : Nicholas Ray (Republic Pictures) Musique de Victor Young / Paroles de Peggy Lee - 1954 Sous son allure trapue de mauvais garçon, Victor Young n’en est pas moins l’un des plus subtils musiciens de l’âge d’or d’Hollywood. Il rencontre Peggy Lee sur une modeste production Paramount : Les Anneaux d’Or, avec Marlene Dietrich et Ray Milland (1947). La chanteuse américaine y interprète Golden earrings composée par Young qui participe également à ses premiers succès discographiques. Quelques albums plus tard, les artistes se retrouvent au générique du chef-d’œuvre de Nicholas Ray pour signer l’ode aux amours de Vienna, la tenancière armée. Johnny Guitare, c’est la silhouette androgyne de Joan Crawford, les images en technicolor de Harry Stradling, mais c’est aussi le romantisme lancinant de Victor Young porté par la voix suave de Peggy Lee. Une alchimie qui saisit dès les premiers couplets : "Play the guitar, play it again, my Johnny / Maybe you're cold, but you're so warm inside / I was always a fool for my Johnny / For the one they call Johnny Guitar…" Selon Alain Lacombe : « Cette B.O. fut pour la critique l’occasion de retrouver Victor Young. D’évoquer ses débuts à Broadway, les activités de son orchestre avec Don Ameche et Al Johnson. La mélodie de ce western aura rappelé qu’il était aussi responsable d’une vingtaine de chansons devenues des standards. Parmi celles-ci : Stella by starlight, Blue star, When I fall in love, love letters… » Johnny Guitar : éd. Varèse Sarabande et Soundtrack Factory (cd). JONATHAN LIVINGSTON LE GOÉLAND Jonathan Livingston Seagull Réalisé par Hall Bartlett - Production : Hall Bartlett (Paramount Pictures) Musique de Neil Diamond et Lee Holdridge - 1973 Le million de dollars que reçoit Neil Diamond pour son premier album chez Columbia Records* ne modifie en rien son intention immédiate. L’artiste souhaite

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écrire la B.O. d’un film sans acteurs, peuplé de goélands ! Un défi audacieux mis en forme par un jeune arrangeur haïtien : « J’ai toujours été intéressé par les films, mais je ne savais pas comment entrer dans ce milieu, confie Lee Holdridge. La rencontre avec Neil m’a permis de venir travailler à Los Angeles… Jonathan Livingston était un film inhabituel dans son propos, mais aussi dans le fait qu’on demandait à une star de la pop d’écrire les chansons. Pour moi le challenge a vraiment été de développer un score qui allait avec ces chansons. Si vous les écoutez bien, elles tiennent en huit mesures. Il me fallait donc les développer afin de créer de longues séquences. Nous avons enregistré Neil Diamond chantant avec très peu d’instruments, principalement des percussions, puis j’ai ensuite mixé pardessus mon score orchestral, en faisant ressurgir de temps en temps les rythmes originaux. C’était avant l’arrivée des synthétiseurs et je me souviens avoir fait jouer les démos avec deux pianos, en faisant dérouler les images… L’album du film s’est très bien vendu et j’ai eu beaucoup d’appels après cela, mais pour des raisons contractuelles, je n’ai pas eu les crédits que j’aurais dû recevoir. Néanmoins, Los Angeles est une petite ville où les gens de cinéma se connaissent, et cela a grandement contribué à ma réputation. » Jonathan Livingston Seagull : éd. Sony et Capitol (cd). *En 1973, Neil Diamond change de maison de disques avec ce contrat record. Malgré un concept risqué, l’album de Jonathan Livingston le Goéland se vendra à plus de 2 millions d’exemplaires aux États-Unis. LE JOUR DU DAUPHIN The Day of the Dolphin Réalisé par Mike Nichols - Production : Robert E. Relyea (AVCO Embassy Pictures) Musique de Georges Delerue - 1973 Quelques mois après le succès critique de La Nuit Américaine aux États-Unis, Georges Delerue enregistre à Paris l’un de ses premiers grands films hollywoodiens. Par-delà sa dimension politique (l’influence du Watergate), Le Jour du Dauphin se regarde telle une histoire d’amour entre l’homme et l’animal doué de raison*. « Je l’ai envisagé ainsi dès le départ, remarque le musicien. J’ai beaucoup aimé le film, et comme il s’agissait d’une production américaine, j’ai eu la chance de travailler avec un grand orchestre. » Répondant à la dimension spectaculaire du projet, Delerue conserve sa pleine identité de musicien français avec un score néo-baroque (cordes, bois, trompette) dans la lignée de sa précédente B.O. pour François Truffaut. Le point de vue du dauphin est ici mis en avant par l’usage des Ondes Martenot, mélangées à la Bronté, un étrange instrument conçu par le percussionniste Vincent Geminiani. Des choix personnels partagés avec le réalisateur, et ce, malgré la barrière de la langue. « Bien que Georges et Mike Nichols ne pouvaient se parler dans leur langue respective, remarque Colette Delerue, je crois qu’il y avait quelque chose de magique entre eux… Avec quelques mots ils parvenaient à se comprendre. C’est comme si Georges avait une antenne qui captait les sentiments que Mike souhaitait exprimer dans Le Jour du Dauphin. » The Day of the Dolphin : éd. Percepto (cd). *Titre du roman français de Robert Merle à l’origine du film.

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Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1973. LE JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA The Day the Earth stood still Réalisé par Robert Wise - Production : Julian Blaustein (20th Century Fox) Musique de Bernard Herrmann - 1951 Deux Thérémines*, quatre pianos, quatre harpes, plusieurs dizaines de cuivres, une batterie de percussions, un violon électrique, une contrebasse électrique, et une bouteille d’eau chaude rajoutée "au cas où" par Alfred Newman, constituent l’essentiel de la formation instrumentale du Jour où la Terre s’arrêta. Pour sa première B.O. composée à Hollywood, Bernard Herrmann transforme ses sessions d’enregistrement en un curieux puzzle acoustique. Les responsables de la Fox s’interrogent, ainsi que le réalisateur. « Je n’ai jamais très bien compris de quoi parlait Bernie à propos de ses orchestrations, se souvient Robert Wise. Mais lorsque nous sommes entrés dans le studio et qu’il a commencé à enregistrer les différents morceaux, je fus ravi. Le score allait bien au-delà de ce que j’avais pu imaginer. » Si la même année, Dimitri Tiomkin mêle également le Thérémine à sa complexe partition symphonique de La Chose d’un Autre Monde, Herrmann crée son score avec une économie de moyens qui le place à l’avant-garde des tendances électroniques du cinéma de genre. The Day the Earth stood still : éd. Kritzerland (cd) et Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). *L’un des premiers instruments de musique électronique (1919), inventé par le Russe Lev Sergueïevitch Termen, dit Léon Thérémine. JOURNAL INTIME Caro Diario Réalisé par Nanni Moretti - Production : Nella Banfi, Angelo Barbagallo, Nanni Moretti (Lucky Red / Bac Films) Musique de Nicola Piovani - 1993 « J’ai eu beaucoup de chance avec Piovani, avoue Nanni Moretti. Sur Journal Intime, j’ai fait appel à un autre musicien, et nous avons travaillé ensemble. Il s’agit de Wim Mertens… Nous ne nous comprenions pas. Il enregistrait sa musique en Belgique, je l’y rejoignais. J’en connaissais les thèmes pour les avoir approuvés, mais je ne supportais pas les arrangements, l’orchestration, rien n’allait… Je suis donc retourné voir Piovani en me faisant tout petit. Il m’a fait écouter plusieurs thèmes, peu après, nous en avons choisi quelques-uns. Certains étaient magnifiques. » Face à l’œuvre de Moretti, le premier challenge du compositeur est de se faire une place parmi les chansons déjà présentes dans le montage final. « Les bandes-son des films de Moretti sont constituées en grande partie de musiques préexistantes au film, remarque Piovani. Des chansons célèbres en Italie, que l’on appelait autrefois, d’un terme aristocratique, "chansonnettes"... En ce qui concerne le reste, c’est-à-dire le commentaire musical à proprement parler, le compositeur à qui l’on demande de travailler dans ses films doit tenir compte de la délicatesse d’un style qui supporterait mal le recours à de grands orchestres, à des interventions intensément incisives, à des sons à forte visibilité : la partition doit

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s’exprimer sur la pointe des pieds, en apportant un soutien feutré. En d’autres termes, on se situe à l’opposé de l’œuvre de Fellini. » L’affirmation discrète d’un grand talent mélodique. Caro Diario : éd. Milan et Virgin (cd). LE JUGE ET L'ASSASSIN Réalisé par Bertrand Tavernier - Production : Raymond Danon (Fox - Lira) Musique de Philippe Sarde - 1976 Par l'intermédiaire d'une cinéphilie commune, Philippe Sarde et Bertrand Tavernier amorcent en 1973 une relation artistique placée sous le signe de l'échange tous azimuts. Le Juge et l'Assassin, leur second film en commun, atteste l'acuité d’une collaboration ouverte. Le réalisateur s'adjoint les talents de Jean-Roger Caussimon comme acteur, chanteur, parolier et encourage Sarde à écrire des ritournelles façon "communards" de 1870. Ainsi naîtront La commune est en lutte, La complainte de Bouvier l'éventreur et Sigismond le Strasbourgeois, trois belles chansons narratives rattachées à l’action du film. Pour le score dramatique, Philippe Sarde associe l'accordéon diatonique à une composition orchestrale légèrement dissonante. Selon Tavernier, il s'agit « d'une exploration de l'âme secrète du film... aucun thème ne personnalise chaque protagoniste, aucun thème n'illustre leur opposition. Le propos musical se situe à un autre niveau, il fait d'abord passer la notion de voyage, de régions que l'on traverse, d'errance géographique et mentale. » Malgré quelques infidélités passagères (avec Antoine Duhamel notamment), le réalisateur reviendra toujours vers Sarde, observateur attentif du projet cinématographique dans son ensemble. Le Juge et l’Assassin, Le Cinéma de Bertrand Tavernier : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). César de la meilleure musique originale 1977 (ex æquo avec sa B.O. de Barocco) JULES ET JIM Réalisé par François Truffaut - Production : François Truffaut (Cinédis) Musique de Georges Delerue - 1962 La formidable popularité du Tourbillon écrit par Serge Rezvani masque très souvent la portée des interventions de Georges Delerue dans Jules et Jim. Variée, changeante, sa partition originale s’attache davantage à souligner les climats, les humeurs, qu’à établir un commentaire musical synchrone. « J’ai préféré aller vers une distanciation par rapport à l’image, précise le compositeur. Mais j’ai essayé aussi de ne pas être systématique, ni de m’enfermer dans des dogmes et des contraintes. C’est très intéressant de ne pas imposer sa musique. Il ne faut jamais paraphraser le film, tout en restant soit même. » De son côté, Truffaut mesure la difficulté de satisfaire la dichotomie du sujet : « Georges s’est donné beaucoup de mal puisque c’était un film sur le temps qui passe, sur la nature. Ça nous amène au thème des vacances, car les thèmes principaux de Jules et Jim étaient les moments gais et les moments tristes. On avait décidé entre nous que tous les moments gais seraient le thème "vacances", et les moments tristes le thème "brouil-

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Une étape cruciale dans la création d’une musique de film : le dialogue entre le cinéaste et son compositeur. Bertrand Tavernier et Philippe Sarde (haut), Jean-Claude Petit et Jean-Paul Rappeneau (bas). 135

lard". Je crois que ce thème "vacances" a été vraiment réussi, puisqu’il exprime une espèce de joie de vivre : on sent la nature, on sent le soleil, on sent que c’est vaste. Je le trouve lyrique. » Jules et Jim / Les Deux Anglaises et le Continent : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LE KID DE CINCINNATI The Cincinnati Kid Réalisé par Norman Jewison - Production : Martin Ransohoff (MGM) Musique de Lalo Schifrin - 1965 Pour son premier grand film hollywoodien*, l’Argentin Lalo Schifrin doit surmonter deux défis majeurs : composer un score d’inspiration "Nouvelle-Orléans" qui satisfasse Norman Jewison et son producteur Martin Ransohoff – tous deux en grand conflit – puis convaincre Ray Charles de chanter le thème du film. « J’ai finalement écrit deux partitions, avoue le compositeur, l’une pour Jewison, l’autre pour Ransohoff. Vous savez quoi ? J’ai fait six versions de la fin du film, six ! Je ne voulais pas avoir de problème. Et je n’ai pas assisté au mixage, je savais qu’ils allaient se disputer. » Quant à la chanson, Schifrin obtient in extremis la participation du crooner américain : « C’est une entrevue dans les bureaux de Ray Charles Productions qui m’a permis d’arriver à mes fins. Me voilà devant lui. J’ai un accent assez marqué même en anglais. Il croyait que j’étais Européen et m’a demandé qui avait écrit la musique du film. "Moi". Je sentais son regard derrière les lunettes noires. "Et les arrangements ?" – "Moi." J’avais le sentiment que j’étais en train de perdre la partie, alors je lui ai lancé : "Ray, vous vous souvenez de moi ? J’ai été le pianiste de Dizzy Gillespie. Un jour, vous êtes venus au Summit, sur Sunset Boulevard." Il s’est aussitôt détendu, m’a donné l’accolade et a accepté de chanter pour le film. » The Cincinnati Kid : éd. Film Score Monthly (intégrale, cd), Universal music France / Écoutez le cinéma (The Sound of Lalo Schifrin, album d'époque, cd) et Aleph (réenregistrement, cd). *À la Poursuite du Rhinocéros Blanc (Rhino !) et Les Tueurs de San Francisco (Once a Thief), deux productions secondaires de la MGM, ouvriront la carrière cinématographique de Schifrin. KING KONG King Kong Réalisé par Merian C. Cooper, Ernest B. Schoedsack - Production : Merian C. Cooper, Ernest B. Schoedsack, David O. Selznick (RKO) Musique de Max Steiner - 1933 « La technique développée par Max Steiner pour King Kong est basiquement la même que celle que nous utilisons aujourd'hui. Kong fut un modèle de partition pour l'image et si je fais ce que je fais en matière de musique de film, c'est grâce à ce score. » Ces mots de Jerry Goldsmith confirment la formidable portée des travaux de Steiner à Hollywood. Dès 1932, le père du Mickeymousing symphonique (l'oreille doit entendre ce que l'œil voit) promulgue une nouvelle méthode de composition faisant la part belle aux leitmotive*. Par l'intermédiaire de petits

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thèmes affiliés aux personnages, aux situations, voire aux lieux, le musicien conçoit une trame musicale en prise directe avec l'image. Une approche héritée de l'opéra wagnérien qui lui permet, au sein d'une même séquence, d'exprimer une grande variété de sentiments. Sur King Kong, Steiner parvient ainsi à fusionner dans son score la monstruosité de la bête et son amour pour Ann Darow. Qui plus est, la sympathie, la tristesse, ressenties par les spectateurs pour le singe géant doivent beaucoup au talent du maestro viennois. Anecdote révélatrice de la transition du cinéma muet au parlant : B.B. Kahane, le président de la RKO, refusa de payer les sessions d'orchestre pour Kong en incitant Steiner à réutiliser ses vieilles bandes musicales. « Que voulez-vous que j'utilise pour un tel film, lui rétorqua le compositeur, Les Quatre Filles du Docteur March ? » Finalement, c'est le réalisateur producteur Merian C. Cooper qui paya les 50 000 dollars nécessaires à l'enregistrement du score. King Kong : éd. Sony Music (cd), Naxos, Marco Polo, Southern Cross Audiophile (réenregistrements, cd). *Mot allemand (pluriel) qui désigne un motif musical conducteur ou thème clef. KING KONG King Kong Réalisé par John Guillermin - Production : Dino De Laurentiis (Paramount Pictures) Musique de John Barry - 1976 « Je souhaitais que les spectateurs aient le sentiment de regarder une histoire d’amour… Pour la musique nous avions tous à l’esprit la même personne, et c’était John Barry », dixit Dino De Laurentiis, producteur du premier remake de King Kong. Par-delà les aspects romantiques de l’histoire (les séquences Maybe my luck has changed / Arrival on the island, entre autres), le compositeur anglais concentre son feu sur le caractère gigantal et exotique du mythe, déjà présent dans le score fondateur de Max Steiner. Un travail exemplaire rendu complexe en raison d’une concurrence active : « À l’époque, Universal travaillait sur son propre remake*, se souvient Barry. Cela mettait la pression à Dino et à chacun d’entre nous. En ce qui concerne le tournage, Dino choisit de tourner le film de manière chronologique, dans l’ordre complet des séquences, ce qui est une façon très onéreuse de faire un film, surtout avec un singe automate géant… Nous avons mis en musique les trois premières bobines, puis nous avons attendu quatre semaines. Les éléments arrivaient des bancs de montage et je composais. J’ai travaillé à ce rythme pendant environ huit mois, en composant le score pendant qu’ils tournaient. Jusqu’à ce que la scène finale arrive et que j’en écrive la musique, personne n’avait encore vu le film dans son intégralité. » Du grand art. King Kong, The Deluxe Edition : éd. Film Score Monthly (cd). *Le remake 1976 des studios Universal sera abandonné. Il se concrétisera finalement en 2005. KLUTE Klute Réalisé par Alan J. Pakula - Production : Alan J. Pakula (Warner Bros.) Musique de Michael Small - 1971

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Bien que la carrière de Michael Small s'étale sur plusieurs décennies, il demeure avant tout le patron musical du thriller paranoïaque des années 70. Avec Klute, son premier grand film, Small mise d'entrée sur un concept hors-norme : un orchestre de chambre, des sonorités traditionnelles (dont le cymbalum), un ensemble pop et une voix de femme – la choriste Sally Stevens. Le résultat transcende tellement l'image qu'il fait vite école dans la communauté musicale d'Hollywood. Quelques mois plus tard, Lalo Schifrin invite Stevens à vocaliser sur L'Inspecteur Harry et valide par la même le coup de génie de son jeune confrère. Groovy au possible (Love theme), angoissante (Main title), la B.O. de Klute fusionne jazz, rock et folklore avec un rare culot. Inoubliable est la séquence du vieux client platonique de Bree, alias Jane Fonda, où Small appose une longue et émouvante valse en mode mineur comme musique de source (Goldfarb's record). Deux autres scores suivront avec une forme plus symphonique : À Cause d'un Assassinat, et Marathon Man, véritable sommet de dissonance ponctuée de mélancolie (End credits). Klute / All The President's Men (David Shire) : éd. Film Score Monthly (cd). KOYAANISQATSI Koyaanisqatsi Réalisé par Godfrey Reggio - Production : Godfrey Reggio (Island Alive / New Cinema) Musique de Philip Glass - 1983 Venu au Septième art "par la porte du fond", comme il aime le préciser, Philip Glass entame ses compositions cinématographiques après un brillant parcours de musicien minimaliste. Son travail dans les diverses disciplines de l'art vivant (opéra, théâtre, ballet...) est à l'origine de sa rencontre avec le cinéaste expérimental Godfrey Reggio. « Ces domaines ont en commun de faire la synthèse du mouvement, du texte, de l'image et de la musique, confie Glass. C'est pourquoi quand Godfrey Reggio m'a demandé de travailler avec lui, ce n'était pas pour moi un nouveau domaine mais plutôt une forme différente... Par convention, les décisions artistiques sont du domaine privé du seul réalisateur. Ce ne fut pas le cas entre Reggio et moi : nous travaillions sur un plan d'égalité absolue. Le processus établi entre nous repose sur le fait que si Godfrey avait les images, j'avais la musique. Nous avions besoin l'un de l'autre. Parfois, la musique prévalait ou arrivait en premier et en d'autres occasions, c'était Godfrey qui arrivait avec une ligne de conduite à respecter. Cette méthode nous a permis de travailler en duo sur Koyaanisqatsi, même si Godfrey était en Californie afin de faire bénéficier son film des technologies les plus modernes. » Premier acte d'une trilogie singulière (voir aussi Powaqqatsi et Naqoyqatsi), cette œuvre hypnotique introduit sur grand écran tous les talents de Philip Glass. Koyaanisqatsi : éd. Orange Mountain Music (cd). LAURA Laura Réalisé par Otto Preminger - Production : Otto Preminger (20th Century Fox) Musique de David Raksin - 1944

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Il y a un avant et un après Laura pour David Raksin. À ses débuts, le compositeur se rode sur des polars bis de la Fox, supervisés par le patron Alfred Newman. Devant ses talents manifestes, ce dernier lui propose le film dont personne ne veut : « Les autres musiciens, dont Bernard Herrmann, avaient d’autres travaux importants à faire, se souvient Raksin. De plus, le projet avait de mauvais échos… Lors de notre première réunion, Otto Preminger m’annonça son intention d’utiliser Sophisticated lady de Duke Ellington. J’argumentais que ce thème, malgré ses qualités, n’était pas un bon choix pour le film : il était trop connu pour ne pas susciter chez le public des réactions étrangères au récit. Je pensais également que le titre de cette chanson avait été inconsciemment assimilé par le réalisateur à l’héroïne. Preminger, énervé, me répliqua : "Cette fille est une trainée !" Puis, se retournant vers Al Newman, "Où as-tu déniché ce type ?" » Après quelques palabres, le cinéaste accepte toutefois de laisser une chance au jeune effronté. « Tout le week-end, j’ai lutté pour trouver une idée car j’avais la tête ailleurs, poursuit Raksin. Le dimanche soir, alors que mes chances disparaissaient, j’ai ouvert la lettre de rupture de ma femme qui était dans ma poche depuis le samedi. En la lisant au piano, j’ai écrit la première phrase du thème de Laura. Quelle que soit la signification de cette mélodie, c’était moi à ce moment-là, et ça l’est probablement toujours. » Laura : éd. Kritzerland (cd) et RCA (réenregistrement, cd). LAWRENCE D’ARABIE Lawrence of Arabia Réalisé par David Lean - Production : Sam Spiegel (Columbia Pictures) Musique de Maurice Jarre - 1962 La partition intimiste des Dimanches de la Ville d’Avray incite Sam Spiegel à recruter le Lyonnais Maurice Jarre. « Il avait trouvé mon travail intéressant, raconte le musicien. Sam me dit : "Je produis le plus grand film de tous les temps, et j’ai besoin de trois compositeurs : Aram Khatchatourian pour la musique arabe et Benjamin Britten pour la musique anglaise." Aussitôt, je lui ai demandé ce qui me restait ! Il m’a répondu "Maurice, tu feras la musique dramatique et les arrangements." J’étais tout de même content de travailler avec deux compositeurs que j’admirais… » Quelques semaines plus tard, après l’abandon de l’illustre duo et le rejet d’un nouvel invité (Richard Rodgers !), Jarre rencontre David Lean : « J’ai commencé à jouer au piano ce qui est devenu le thème de Lawrence d’Arabie. Et là, je m’en souviendrais toujours, David Lean est venu derrière moi, a posé sa main sur mon épaule et a dit : "Ce jeune homme semble mieux connaître ce que j’attends d’une musique." Spiegel a conclu en disant "Maurice tu as six semaines pour écrire toute la partition, c’est une tâche de surhomme." Par la suite, j’ai eu des problèmes car Spiegel avait promis au copiste, qui faisait aussi une partie de l’orchestration, qu’il aurait de la musique originale à écrire. Par conséquent, il n’aurait pas à le payer comme copiste ! (…) Finalement, j’ai dit à cette personne* : "Si je dois mourir sur cette partition, tant pis. J’ai accepté ce travail, je le ferai jusqu’au bout." » Lawrence of Arabia : éd. Varèse Sarabande, Cinephile / Castle (cd) et Tadlow (réenregistrement, cd).

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*Gerard Schurmann, finalement crédité comme orchestrateur. Oscar de la meilleure musique de film originale 1963. LA LEÇON DE PIANO The Piano Réalisé par Jane Campion - Production : Jan Chapman (Miramax) Musique de Michael Nyman - 1993 Par impératif artistique, Jane Campion détermine la bande originale de La Leçon de Piano en amont de son processus filmique. Le refus d'utiliser un assemblage d'extraits du répertoire classique l'oriente vers un musicien au parcours hybride. « Je voulais une identité musicale pour le film, précise la réalisatrice, et non un pastiche de compositeurs du XIXe siècle. Il me fallait une voix personnelle, des compositions musicales qu'Ada aurait pu écrire. Michael Nyman a décidé de se servir d'airs écossais, de morceaux qu'Ada aurait pu entendre chez elle et qui s'accordent à sa personnalité... Michael n'est pas un simple compositeur de musique de film, c'est un musicien à part entière. Il a sa propre intégrité. » Par ailleurs, le travail de Nyman s'enrichit du réel talent pianistique de l'actrice Holly Hunter, inoubliable Ada. « Je l'ai rencontrée à New York, se souvient le musicien, où nous sommes allés à la salle Steinway pour qu'elle puisse y jouer les morceaux qui la concernaient. C'est vraiment une bonne pianiste et cela m'a vivement encouragé. J'avais eu peur à un moment que la musique ne soit limitée par sa technique de jeu. » En 2004, Nyman affirmera même : « Avec gratitude, j'avoue que mes propres interprétations de la musique ont été influencées par les siennes. » The Piano : éd. EMI (cd). LEGEND Legend Réalisé par Ridley Scott - Production : Arnon Milchan (Universal Pictures / 20th Century Fox) Musique de Jerry Goldsmith - 1985 « Legend n’est pas un film du futur ou du passé, remarque Ridley Scott. Ce n’est même pas une histoire d’aujourd’hui. Le conflit entre les ténèbres et la lumière nous accompagne depuis la création… Et il en sera toujours ainsi. » Réalisée sous l’influence des arts scéniques – le film multiplie danses et parties chantées – cette féerie tournée en studio scelle la réconciliation inespérée entre deux vétérans d’Alien. « J’ai accepté de faire Legend en raison du beau script de William Hjortsberg, révèle Jerry Goldsmith. J’ai dit à Ridley Scott que mon travail sur Alien avait été l’une des pires expériences de ma carrière*. Il m’a alors demandé : "Mais quel était le problème ?" – "Ridley, tu ne communiques pas ! J’ai travaillé sur le film durant quatre mois et l’on ne s’est parlé que trois fois"… Du coup, sur Legend on a communiqué comme des fous. Cela n’a pas empêché ma partition de finir au panier. » Afin de séduire un public plus jeune, Universal astreint effectivement Scott à revoir sa B.O. pour le territoire américain. Le groupe allemand Tangerine Dream est engagé, mais en Europe le distributeur tient bon : la Twentieth Century Fox conserve le travail de Goldsmith, vibrant hommage à Ravel, Debussy, et publie le score chez un label anglais. « J’ai passé six mois sur

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ce film et je crois que c’est l’une des meilleures choses que j’ai faites », confiera le musicien. Legend : éd. Silva Screen (cd). *Ridley Scott n’utilisera qu’une partie de la musique originale d’Alien (voir p. 22). LIFEFORCE Lifeforce Réalisé par Tobe Hooper - Production : Yoram Globus, Menahem Golan (The Cannon Group) Musique de Henry Mancini - 1985 Un remarquable retour aux sources. En 1952, Henry Mancini est engagé par Joseph Gershenson au studio Universal pour mettre en musique une série de films d’horreur et de science-fiction, dont L’Étrange Créature du Lac Noir. Un apprentissage de six années qui permet au jeune talent de se faire les dents sur de modestes formations. « Chez Universal, nous n’avions que trente-cinq musiciens dans l’orchestre, se souvient Mancini. Quand vous partez d’un tel effectif pour atteindre, sur Lifeforce, les cent exécutants du London Symphony Orchestra, cela fait une belle différence ! » 32 ans après les débuts du maestro dans le genre, Tobe Hooper rappelle le créateur de La Panthère Rose en l’invitant sur le plus gros budget de la firme Cannon. Tronqué, remonté, le film fera un flop sur le territoire américain, mais donnera l’occasion à Mancini de créer une partition symphonique de premier ordre : « Je ne souhaitais pas utiliser d’électronique. Il y en avait un peu pour quelques effets très spéciaux, mais pas énormément. Je voulais juste écrire ça de manière orchestrale, sans marcher sur les pas de Jerry Goldsmith, John Williams ou les autres gens qui avaient fait ce type de film avant. J’étais tout à fait conscient de ne pas aller dans leur direction. » Lifeforce : éd. Varèse Sarabande (cd) et BSX (score complet, cd). LE LIMIER Sleuth Réalisé par Joseph L. Mankiewicz - Production : Morton Gottlieb (20th Century Fox) Musique de John Addison - 1972 Si John Addison remporta l'Oscar pour sa sympathique musique du film Tom Jones, on peut toutefois lui préférer ce fameux score de Sleuth ("détective" en français). Sur le plan musical, Joseph L. Mankiewicz a toujours soigné la bandeson de ses films : Alfred Newman, Bernard Herrmann, Alex North, se sont succédé au pupitre avec le même brio. Le Limier s'ouvre visuellement sur la maquette d'un théâtre en carton, présageant le jeu de masques à venir. Addison emboîte le pas avec une partition où l'espièglerie explose dès le générique (Overture). Qui des deux protagonistes aura le dessus ? Michael Caine ? Laurence Olivier ? Le musicien encourage volontiers la mascarade en soulignant les coups bas au clavecin, instrument typique du cinéma des années 70. À l'époque, John Addison déclarait : « Je n'ai pas disposé d'un orchestre aussi grand que je le souhaitais. J'ai donc volontairement réduit l'utilisation des cordes, des cuivres et ainsi de suite, pour donner le sentiment d'un orchestre de fosse. Au théâtre, vous n'avez jamais autant de

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gens dans l'orchestre que vous le souhaitez. » De cette contrainte, le musicien britannique tira le meilleur profit. Sleuth : éd. Intrada (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1973. LE LION EN HIVER The Lion in Winter Réalisé par Anthony Harvey - Production : Martin Poll (AVCO Embassy Pictures) Musique de John Barry - 1968 En totale rupture avec son image de compositeur jazzy (James Bond, The Knack, Petulia), John Barry surprend son auditoire avec cette première partition pour chœurs et grand orchestre. Selon lui, il ne s'agit pourtant là que du prolongement logique de sa formation musicale. Dans les années 50, le jeune musicien se passionne pour la musique chorale en suivant des cours auprès du spécialiste anglais Francis Jackson ; il espère pouvoir développer ce type de composition dès qu'il en aura l'occasion. Malgré les réserves du producteur sur l'usage de voix dans la musique du film, le contexte médiéval de l'histoire incite Barry à franchir le pas. Durant l'enregistrement avec l'Accademia Monterverdiana, tout le monde s'incline devant l'aspect grandiose et novateur du score. « Vous le croirez ou pas, précise le musicien, mais j'ai utilisé des synthétiseurs dans Le Lion en Hiver. Ils sont présents sur le thème principal, associés aux timbales, et dans la scène où Anthony Hopkins s'apprête à massacrer ses ennemis. Ils marquent le tempo du chant latin. L'utilisation du synthétiseur fondu dans l'orchestre accentue la rythmique en la précisant. J'adore l'utiliser de cette façon. » Un troublant voyage musical dans les méandres du Moyen Âge. The Lion in Winter : éd. Sony (cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1969. LE LION ET LE VENT The Wind and the Lion Réalisé par John Milius - Production : Herb Jaffe (MGM) Musique de Jerry Goldsmith - 1975 « C'est moi qui ai choisi Jerry Goldsmith, précise John Milius dans le commentaire du DVD américain. Au début, je ne savais pas si Jerry voudrait faire le film. Il était méfiant mais il a accepté, et je pense qu'il a vraiment été heureux de travailler sur le film. C'est vraiment une partition formidable... » Premiers pas du réalisateur de Conan dans le cinéma d'aventure, Le Lion et le Vent représente également pour Goldsmith une contrée inexplorée : « Ce fut ma première grosse musique épique, se souvient le compositeur – tous ces personnages qui chargeaient à cheval dans le désert avec sabres et couteaux... C'était amusant. J'aime être impliqué dans la musique ethnique... J'ai fait beaucoup de recherches sur la musique marocaine. Il n'y a pas beaucoup d'informations à son sujet. La majeure partie est écrite en français ou en espagnol, du fait que le Maroc était essentiellement espagnol. La musique que l'on nomme mauresque ou flamenco s'inspire de la musique provenant de cette partie du monde et bien sûr Espagnols et Français

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ont longtemps été présents au Maroc. J'ai donc glané beaucoup d'informations sur les instruments et sur ce style de musique puis, en la développant, je l'ai adaptée à ma façon de penser, à mes propres lignes mélodiques. » Une B.O. nomade illuminée par un thème d'amour mémorable. The Wind and the Lion : éd. Intrada (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1976. LA LOI DU MILIEU Get Carter Réalisé par Mike Hodges - Production : Michael Klinger (MGM) Musique de Roy Budd - 1971 « Je trouve à peine croyable, s’étonne Mike Hodges, que nous ayons bouclé le script de La Loi du Milieu, engagé les acteurs, trouvé les lieux de tournage, choisi l’équipe technique, filmé et monté l’intégralité du projet en 32 semaines (dont 40 jours de tournage !). Aujourd’hui, ce serait inconcevable. » Cette modestie des moyens mis en œuvre trouve son ultime chainon en la personne de Roy Budd. Le compositeur ne dispose que de 450 livres sterling pour écrire et enregistrer sa deuxième bande originale. « Après mon travail avec Michael Caine, continue Hodges, ma rencontre avec Roy Budd fut l’autre jalon essentiel dans la création du film. Je l’avais vu jouer du piano jazz à plusieurs reprises, mais je ne l’avais jamais imaginé musicien de cinéma. C’est le producteur Michael Klinger qui en a eu l’idée… Curieusement, lorsque nous avons enregistré les morceaux, Roy ne s’est pas rendu compte qu’avec sa musique enchâssée dans le générique, il avait écrit le plus beau et le plus simple des thèmes qui soit. C’est exactement ce que je voulais, et nous l’avons enregistré avec un seul instrument (Roy au clavecin) pour tous les moments importants du film. » Le thème de La Loi du milieu, également interprété par Geoff Cline* (basse) et Chris Careen* (batterie et tablas) fera l’objet d’un scopitone et sera repris dans le remake de Stephen T. Kay, en 2000. Get Carter : éd. Silva Screen (cd). *Membres du trio jazz de Roy Budd. LOLA Réalisé par Jacques Demy - Production : Georges de Beauregard, Carlo Ponti (Unidex) Musique de Michel Legrand – 1961 Les contraintes budgétaires de Lola imposent un tournage sans prise de son* et transforment sa bande originale en challenge. Au début du film, Anouk Aimée doit interpréter face caméra une chanson déjà mise en mots par Agnès Varda, mais la mélodie reste à écrire. Jacques Demy raconte son premier choix : « J’avais entendu une musique de Quincy Jones qui m’avait beaucoup plus. Il était à Paris avec un orchestre de 40 musiciens à l’Olympia. Je lui ai dit : "Je tourne un film à Nantes et j’ai besoin d’une chanson d’abord." Il n’avait pas fait de musique de film à l’époque, c’était en 1960 et, merveille, Quincy vient à Nantes, voit tous les décors et me dit : "C’est très bien la semaine prochaine vous avez votre chanson." Et je n’en ai jamais plus entendu parler. » Déçu, le cinéaste tourne la séquence

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sans musique puis propose la B.O. à un jeune maestro. « Je trouvais la méthode intrigante, se souvient Michel Legrand. Je me disais : "voilà des gens bizarres qui font un jour l’image, le lendemain le son !" Le film était fort, poétique… On s’est mis alors à travailler ensemble. Le plus dur a été évidemment la chanson qui relevait de l’impossible ! Je l’ai composée à la Moritone**, en collant aux mouvements des lèvres d’Anouk Aimée. À l’enregistrement Jacqueline Danno a doublé Anouk. On a passé une journée entière… juste pour une minute trente de musique. » La naissance d’une collaboration aux mille couleurs. Lola, édition complète Jacques Demy - Michel Legrand : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). *Le film sera entièrement postsynchronisé à Paris. **Table de montage et visionneuse française. LORD JIM Lord Jim Réalisé par Richard Brooks - Production : Richard Brooks (Columbia Pictures) Musique de Bronislau Kaper - 1965 L’un des derniers efforts de Bronislau Kaper pour le cinéma américain. Durant la préproduction, le compositeur se rend au Cambodge afin d’étudier l’environnement musical des protagonistes. Il auditionne des groupes traditionnels, rencontre des musiciens, mais ne parvient pas à saisir les différents modes employés par les instrumentistes. « De retour aux États-Unis, raconte Kaper, j’ai rencontré Martin Hood, le chef de la musique ethnique à UCLA*. Là-bas, j’ai cru rêver ! Ils avaient tous les instruments que je voulais et une quarantaine de personnes qui savaient en jouer… Je suis pour ainsi dire retourné à l’école. J’ai pris des leçons d’orchestration pour gamelan et je leur ai écrit deux morceaux : un rapide et un autre plus lent. Ils ne purent jouer le morceau rapide car j’avais fait une erreur. Sur l’un des instruments, je pensais qu’il y avait deux marteaux, alors qu’il en avait qu’un… donc, j’ai tout réécrit et j’ai surtout appris ! Le score symphonique fut pour sa part enregistré à Londres avec un orchestre magnifique. J’ai beaucoup aimé travailler sur Lord Jim. » Après ce film, Kaper abandonnera rapidement les studios. « Vous savez, 28 ans à la MGM, c’est très très long… Il y a l’histoire de ce gars qui avait passé 40 ans chez Warner Bros. Un jour, il a annoncé à sa femme : "Ils m’ont viré !", et elle lui répondit : "j’ai toujours su que ce n’était pas un emploi stable". » Lord Jim : éd. Film Score Monthly (cd). *Université de Californie, Los Angeles. LOVE STORY Love Story Réalisé par Arthur Hiller - Production : Howard G. Minsky (Paramount Pictures) Musique de Francis Lai - 1970 Le succès international d’Un Homme et une Femme va identifier Francis Lai comme le musicien providentiel des histoires d’amour. Afin de ne pas s’enfermer dans un genre, le compositeur niçois refuse par trois fois la proposition de Robert Evans de venir travailler sur Love Story à la Paramount. C’est sans compter sur

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l’intervention d’un précieux ami français : « Devant mon refus de venir à Los Angeles, raconte Francis Lai, car j’avais une peur bleue de l’avion, Alain Delon a organisé une projection du film, chez lui à Paris, en compagnie de Bob Evans. En sortant, j’étais tellement ému que dès que je suis rentré chez moi, je me suis mis devant mes claviers et les premières notes sont venues assez facilement… Comme le film tombait pile durant mes vacances avec ma famille, et que je ne souhaitais pas les sacrifier – j’étais vraiment inconscient à l’époque (rires), ils ont été jusqu’à m’équiper d’une Moviola chez moi, à Nice, pour que je puisse travailler dans les meilleures conditions. Bob Evans et Ali MacGraw sont venus s’installer au Cap d’Antibes, et toutes les semaines ils venaient écouter mon travail. Quand Bob Evans a entendu le thème, il m’a dit : "Je pense que vous allez quand même venir à Hollywood au mois de mars… pour les Oscars." Il avait pressenti que la musique serait nominée. » Love Story : éd. MCA (cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1971. LUKE LA MAIN FROIDE Cool Hand Luke Réalisé par Stuart Rosenberg - Production : Gordon Carroll (Warner Bros. / Seven Arts) Musique de Lalo Schifrin - 1967 « Avec Stuart Rosenberg, je me suis lié d’amitié, avoue Lalo Schifrin. Nos chemins se sont croisés dès 1966 avec un épisode "A Small Rebellion" qu’il a tourné pour la série Bob Hope présents The Chrysler Theatre … Travailler avec lui ou Don Siegel c’est comme être dans un orchestre de jazz ou de chambre : l’échange, le respect règnent. » Luke la Main Froide, leur premier film en commun, inaugure la plus longue collaboration du musicien avec un cinéaste (six longs-métrages). Schifrin est invité sur le tournage et imagine une formation bluegrass* doublée d’un orchestre symphonique. « Stuart savait précisément ce qu’il voulait. Il a très bien compris mes quelques idées qui étaient un peu révolutionnaires pour l’époque. Dans le film, il y a un moment où après que Paul Newman se soit échappé de prison, ses camarades de détention lui manquent. J’ai eu alors l’idée d’un écho de banjo. Mais les producteurs ont trouvé cela trop bizarre, et c’est finalement Stuart Rosenberg qui a insisté pour conserver ce traitement dramatique. » Le thème romantique de Luke, repris sous forme de chanson (Down here on the ground), rapportera au musicien argentin davantage de royalties que Mission : Impossible. Cool Hand Luke : éd. Aleph (cd). *Ensemble instrumental généralement constitué d’une guitare, de deux banjos et de deux mandolines. Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1968. MACADAM COWBOY Midnight Cowboy Réalisé par John Schlesinger - Production : Jerome Hellman (United Artists) Musique de John Barry et chansons diverses - 1969

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Les tentatives de Bob Dylan et d’Harry Nilsson* pour supplanter le titre Everybody’s talkin’ (du même Nilsson) ne figureront jamais au générique de Macadam Cowboy. Après avoir sollicité les deux artistes en vue d’une création originale, John Schlesinger revient vers la chanson qu’il avait découverte deux ans auparavant. « Cela fonctionnait si bien sur les images, constate John Barry. Everybody’s talkin’ créait un mouvement merveilleux. Jon Voight pousse la porte du restaurant et sort au moment où la guitare fait son entrée… Nilsson est venu en studio pour la réenregistrer afin de synchroniser les séquences où elle apparaissait. Toutes les autres chansons ont été écrites spécialement pour le film. » En plus de cet assemblage pop, Barry compose un score original personnalisé par l’harmonica : « Pour le thème principal, je voulais quelque chose de très simple, le genre de morceau que n’importe quel Texan est capable de jouer… Ici, la contre-mélodie est bien plus importante que la mélodie elle-même en ce sens qu’elle ne va nulle part, elle se contente de se répéter à l’infini. L’expression musicale de ce que l’on ressent quand on marche dans les rues de New York et que l’on croise ces sans-abris qui ont l’air d’errer sans but. C’est de ce sentiment que s’inspire le motif du personnage de Jon Voight. » Midnight Cowboy : éd. EMI (cd). *Sa chanson I Guess The Lord Must Be In New York City, sortie quelques mois plus tard et qui deviendra également un tube, aurait été écrite pour le film de John Schlesinger. MAD MAX Mad Max Réalisé par George Miller - Production : Byron Kennedy (Roadshow Film Distributors) Musique de Brian May - 1979 À la recherche d’un compositeur pour leur modeste production australienne de 650 000 dollars, George Miller et Byron Kennedy rêvent d’un score symphonique hollywoodien. Ils imaginent Bernard Herrmann à la baguette lorsqu’il découvre, chez Richard Franklin, le travail de leur compatriote Brian May*: « Un soir, ils étaient tous les deux restés dîner chez Richard, raconte le musicien, quand il leur a joué un extrait de mon score pour Patrick (…) "C’est vraiment formidable, s’est exclamé George Miller, mais je ne peux pas mettre ce morceau d’Herrmann sur mon film !" – "Tu fais erreur, lui a répondu Richard Franklin, cela a été écrit ici, en Australie par Brian May." » Le tandem Kennedy / Miller prend alors rendezvous avec le maestro qui tombe de sa chaise en découvrant 10 minutes du film : « Je ne pouvais pas croire qu’il avait été réalisé sur notre territoire... Avec le peu de budgets dont nous disposions, nous avons décidé d’aller de l’avant, en passant beaucoup de temps sur le film. Mad Max est un score sous tension permanente, très énergique, rajoute May, et comme l’histoire verse plutôt dans l’action, la violence, ils souhaitaient une musique non mélodique. De ce fait, elle est très découpée, pleine de ruptures. George Miller voulait que je contrarie le public en le mettant mal à l’aise. » Brian May composera la B.O. de Mad Max 2, Le Défi dans une optique davantage tonale. Mad Max : éd. Varèse Sarabande (cd).

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*à ne pas confondre avec le guitariste du groupe Queen. MAD MAX : AU-DELÀ DU DÔME DU TONNERRE Mad Max beyond Thunderdome Réalisé par George Miller et George Ogilvie - Production : George Miller (Warner Bros.) Musique de Maurice Jarre - 1985 La spectaculaire partition de Maurice Jarre pour Mad Max 3 permet d'aborder un sujet attristant dans le monde de la musique de film : la disparition fréquente des masters. Le film est relativement récent et pourtant sa bande originale faillit bel et bien disparaître, comme en témoigne James Fitzpatrick, producteur chez Tadlow records : « Quelques années après l'enregistrement, j'ai appris que le studio CTS fermait. J'ai reçu un coup de fil de Maurice me demandant si je pouvais me rendre à Wembley pour voir si quelques-unes de ses bandes originales étaient toujours làbas. Il était préoccupé par leur possible destruction lors de la fermeture du studio. Heureusement, l'ingénieur du son Dick Lewzey avait pris soin d'archiver les masters les plus importants, dont La Promise, La Route des Indes et Mad Max 3. » Ce type de sauvetage demeure hélas trop rare en Angleterre. La fermeture des Studios Olympic et Anvil a vu quantité de B.O. passées aux oubliettes. Sans compter qu'aux États-Unis, la politique de conservation des enregistrements est longtemps demeurée aléatoire ; certains studios n'hésitant pas à réutiliser des bandes en les effaçant par économie ! Bref, la mission des historiens et des éditeurs de scores n'est pas simple. À l'extrême, elle consiste parfois à reconstruire d'oreille les partitions pour les exhumer (cf. les collections RCA / Gerhardt et Tadlow). La musique épique de Mad Max 3 fut donc sauvée des limbes in extremis. Par ailleurs, on constate aussi son caractère testamentaire. Après ce film, Maurice Jarre ne retrouvera plus jamais les sables du désert qui firent sa notoriété. Mad Max beyond Thunderdome : éd. Tadlow (cd). MADAME DE... Réalisé par Max Ophüls - Production : Ralph Baum (Gaumont) Musique de Georges van Parys - 1953 « Chanson de film... Le terme peut sembler péjoratif à certains. Je ne crois pas pour ma part qu'il y ait une distinction à faire entre la grande et la petite musique. » Franc défenseur de la mélodie au cinéma, Georges van Parys a signé quelques-unes des plus belles ritournelles du Septième art. La complainte de la butte, Un jour tu verras, La complainte des infidèles, et bien d'autres, ont souvent dépassé en notoriété les films où elles figuraient. On aurait tort cependant d'enfermer ce musicien très productif – plus de 300 bandes originales – dans la sphère de la variété à succès. Toujours soucieux de l'adéquation entre la musique et la narration filmique, van Parys s’est glissé avec beaucoup d’adresse dans l'univers de cinéastes très exigeants (René Clair, Max Ophüls, Jacques Becker). Pour preuve, la magnifique ouverture de Madame de... dans laquelle Danielle Darrieux fredonne le thème principal en survolant ses bijoux. La musique, comme attentive aux inter-

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rogations du personnage, agrémente les mouvements d'appareil d'Ophüls sans jamais se mettre en avant. Acclamons ce formidable musicien dont les B.O. sont malheureusement peu représentées sur support discographique. Madame de… / Le Cinéma de Georges van Parys : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LA MAISON DU DOCTEUR EDWARDES Spellbound Réalisé par Alfred Hitchcock - Production : David O. Selznick (United Artists) Musique de Miklós Rózsa - 1945 Intéressé par le travail de Rózsa sur le film Assurance sur la Mort, Hitchcock recommande à son producteur David O. Selznick de l’engager pour La Maison du Docteur Edwardes. « Je ne les ai rencontrés que deux fois, se souvient le musicien. Lors de notre premier rendez-vous, Hitchcock et Selznick me dirent qu’ils souhaitaient un grand thème d’amour et un son étrange pour la paranoïa. Je composai donc un love theme et leur précisai que je voulais utiliser le Thérémine*. "Qu’est-ce que c’est que ça ? Ça se mange ?" – "Non, on en joue." – "Et comment ça sonne ?" Bref, ils ne furent pas impressionnés. Selznick, qui était très généreux, me dit alors : "Pourquoi ne pas écrire et enregistrer une scène afin que l’on puisse l’écouter ? Si cela nous plaît, c’est bon. Sinon, vous changez la musique." Je fis donc une séquence de trois minutes trente (la scène du rasoir) avec un grand orchestre, et quelque temps après, j’appris qu’ils voulaient du Thérémine partout y compris dans le générique… Durant la cérémonie des Oscars, je reçus la statuette et ensuite un très joli télégramme de M. Selznick, puis un autre de M. Hitchcock. Bien plus tard, j’appris que ce dernier n’avait pas du tout aimé ma musique, car il la trouvait trop éloignée de ses intentions ! » Le thème principal sera l’un des grands succès populaires de Miklós Rózsa. Spellbound : éd. Intrada (réenregistrement complet, cd). *L’un des premiers instruments de musique électronique (1919), inventé par le Russe Lev Sergueïevitch Termen, dit Léon Thérémine. Bernard Herrmann en fera également bon usage dans Le Jour où la Terre s’arrêta. Oscar de la meilleure musique de film 1946. LE MAÎTRE DU MONDE Master of the World Réalisé par William Witney - Production : James H. Nicholson (American International Pictures) Musique de Les Baxter - 1961 Jusque dans les années 80, le cinéma bis se constitue une famille de musiciens attachants, rompus à tous les exploits. Parmi eux, Les Baxter fait figure de héros oublié. Du péplum fauché (La Terreur des Barbares) au film gothique (La Chute de la Maison Usher), le musicien fait les grandes heures musicales de la firme AIP, l’équivalent américain des productions Hammer*. « À Hollywood, on ne m’offrait que des petits films, confie Baxter, j’étais plus respecté en Europe ou en Amérique du Sud qu’ici, mais je ne pouvais faire que des séries B aux budgets très très réduits… Officiellement, sur un film comme Le Maître du Monde, j’avais

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quatre semaines pour composer le score, cependant, au train où allaient les choses chez AIP, le délai était réduit de moitié. Après le processus du montage, je commençais immédiatement à écrire car je ne savais jamais combien de temps il me restait pour terminer. À l’enregistrement, on disposait réellement de quatre ou six heures, mais l’orchestre (comprenant plusieurs membres du Los Angeles Philharmonic) jouait toujours magnifiquement. Les musiciens m’appréciaient et répondaient très bien à ma musique. Je pratiquais aussi l’humour, cela permettait de travailler dans une ambiance agréable. » Mouvementé à souhait, le score du Maître du Monde n’a rien à envier à certaines productions de la MGM. Master of the World : éd. Intrada (cd). *Société de production anglaise spécialisée dans le cinéma fantastique. LA MALÉDICTION The Omen Réalisé par Richard Donner - Production : Harvey Bernhard (20th Century Fox) Musique de Jerry Goldsmith - 1976 « Je pense que la musique de Jerry Goldsmith pour La Malédiction a autant contribué au succès du film que les effets visuels, remarque Richard Donner. Quand il m’a dit : "J’entends des chœurs sur cette histoire et j’aimerais utiliser des chants grégoriens", j’ai pensé : "Ok, il faut que j’entende ça !" Le jour de l’enregistrement, il a amené une chorale et on a projeté une séquence du film. Jerry a commencé à diriger l’orchestre, puis le chœur a chanté d’une voix gutturale : "Antéchrist, Antéchrist, Ave Satani". Soudain, un frisson m’a traversé tout le corps et mes cheveux se sont dressés sur ma tête ! » Lors de la sortie du film, la réaction des spectateurs est identique à celle du cinéaste. L’effroi que suscite La Malédiction doit beaucoup à la méchante messe noire composée par Goldsmith. Son hymne à Satan détourne l’aspect liturgique de la musique chorale au profit d’une représentation quasi subliminale du malin ; tout au long de l’histoire, et contrairement à L’Exorciste, seule la bande sonore pourvoit à sa représentation sensorielle. Quant au grand thème sentimental (The new ambassador), il soutient la tragédie en marche : « Je trouvais qu’il y avait vraiment une grande histoire d’amour entre Gregory Peck et Lee Remick, souligne Goldsmith, et puis ils aimaient leur enfant. L’ambassadeur perd sa femme qu’il aime tant, ensuite son fils… Ce rapport très intense entre les personnages rend l’horreur encore plus terrifiante. » The Omen Trilogy : éd. Varèse Sarabande (cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1977. (L’hymne Ave Satani fut nominé à l’Oscar de la meilleure chanson !) MANNIX Mannix Série créée par Bruce Geller, Richard Levinson, William Link - Production : Bruce Geller (CBS) Musique de Lalo Schifrin - 1967 Bruce Geller produit Mannix avec l’ambition de créer un détective moderne, le premier du genre à user de la technologie informatique. Après la mise sous tension de Mission : Impossible, Lalo Schifrin est cette fois-ci chargé d’humaniser le

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personnage : « Bruce m’a demandé d’écrire ce que j’appelle une valse jazz. Il ne s’est pas étendu sur le sujet, il m’a juste demandé ça car il avait entendu à la radio un morceau de jazz syncopé qui ressemblait à une valse. Voici donc comment m’est venue l’idée de ce thème en 3/4. » Outre le générique, Schifrin participe aux scores du feuilleton mais le rythme s’accélère. « Sur la série précédente, je disposais de six jours pour chaque épisode. Cela s’est compliqué quand j’ai commencé à faire Mannix. Je n’avais plus que six jours pour faire les deux ! À l’époque, il y avait un arrangement avec le syndicat des musiciens. Sur treize épisodes nous pouvions enregistrer sept musiques et créer les six restantes par des montages. Il y avait dans l’équipe de très bons monteurs qui avaient le goût de mon style. Ils n’avaient pas le temps de me consulter, mais nous étions tous sur la même longueur d’onde. » Un préambule à Bullitt où l’on croise l’influence de la musique latine américaine. Mannix : éd. Warner (cd) / Aleph (réenregistrement, cd). MARCO POLO Marco Polo Réalisé par Giuliano Montaldo - Production : Franco Cristaldi, Vincenzo Labella, John A. Martinelli, Renato M. Pachetti (RAI) Musique d’Ennio Morricone - 1982 Devant l’ambition internationale de cette mini-série italienne, Ennio Morricone cherche et trouve des solutions musicales. L’équation globale du projet – ou comment raccorder la Venise du XIIIe siècle à l’empire de Kubilaï Khan, en atténuant l’aspect hétéroclite du casting – l’amène à construire un pont entre deux cultures. Sa composition privilégie une couleur florentine, sans perdre de vue la destination finale : l’Asie, représentée par quelques emprunts à la gamme pentatonique. Le beau générique interprété par l’altiste Dino Asciolla introduit, pour sa part, la dimension religieuse du périple : « Ce morceau est ré mineur, précise Morricone, mais sur sa partie centrale, où il y a comme une explosion d’intensité, j’ai dirigé une expérience. Il y a des modulations sur des tonalités très éloignées puis le retour au ré mineur initial. Mais sur ces modulations éloignées, je n’ai pas utilisé la dominante (le 5e degré d’une gamme tonale). Je les ai écrites en utilisant la cadence plagale (dite "Cadence Amen", NDLR)*. Elle était très utilisée à l’époque où vivait Marco Polo, il m’a donc semblé opportun de travailler avec cette cadence sur la partition. Personne n’a remarqué cette solution, mais j’étais intéressé par son application au sein de la composition. » Un détail qui révèle l’exigence d’un musicien toujours heureux d’apporter une enluminure savante à ses travaux grands publics. Marco Polo : éd. Rai Trade (cd). *Très employée dans les polyphonies ecclésiastiques. MARQUIS Réalisé par Henri Xhonneux - Production : Claudie Ossard, Eric Van Beuren (Bac Films) Musique de Reinhardt Wagner - 1989

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La jeunesse musicale de Reinhardt Wagner conjugue des études approfondies au Conservatoire National supérieur de Paris et une passion dévorante pour le cinéma des années cinquante, soixante et soixante-dix. Après quelques expériences au théâtre, il compose la B.O. remarquée de La Crime (Philippe Labro), puis rencontre le créateur de Marquis : « C’est Claudie Ossard qui a pensé à moi pour ce projet de Roland Topor, se souvient l’artiste. À la suite d’un dîner mémorable, Roland et moi sommes devenus amis. C’était vraiment un créateur génial et très intelligent, à la Jean Cocteau, on passait des nuits à discuter peinture, littérature, musique… Sur le générique de Marquis, comme il souhaitait une musique un peu étrange, je lui ai proposé une composition pour voix interprétée par le contreténor Dominique Visse et sa femme Agnès Mellon. Durant l’enregistrement, Topor a tout de suite trouvé formidable ce thème d’ouverture à la croisée de l’écriture et l’improvisation vocale. Comme beaucoup de gens, il adorait cette musique et nous avons continué à travailler ensemble sur nombre de chansons et spectacles. » Au-delà de son contexte originel, le thème de Marquis fera également le tour du globe sous une forme inattendue. « Un jour, Diana Doherty, la soliste hautboïste de l’Orchestre Symphonique de Sydney, m’a demandé de développer ma composition pour hautbois et orchestre à cordes. J’ai donc créé une suite de plusieurs minutes qu’elle a enregistrée sur l’un de ses albums… Depuis la musique de Marquis se joue partout dans le monde ! » Marquis : éd. Milan et Music Box (cd). MEMPHIS BELLE Memphis Belle Réalisé par Michael Caton-Jones - Production : David Puttnam, Catherine Wyler (Warner Bros.) Musique de George Fenton - 1990 La mixité des premiers travaux de George Fenton pour le cinéma (Gandhi, Cry Freedom, Les Liaisons Dangereuses) s’élabore via un usage fréquent de musiques préexistantes, populaires ou classiques. « Ce sont surtout des coïncidences, remarque le compositeur, mais je n’ai pas d’objection à en inclure. Parfois, vous pouvez faire un film et constater la présence de chansons ou d’airs dans le "temp track"* en vous disant que vous pouvez faire mieux. Mais, si dès le début, la production souhaite utiliser un air quelconque, alors pourquoi pas ? (…) Sur Memphis Belle, mon idée de départ vient de la chanson Danny boy. Elle était déjà dans le film et du coup j’ai écouté beaucoup de versions de ce standard. Cela m’a influencé pour une partie du score, The landing en particulier. En préparant ce film de guerre et d’aviation, j’ai surtout écouté beaucoup de musiques classiques et je pense avoir trouvé une sorte de langage uniforme pour traduire ce que j’avais ressenti. Il y avait une certaine innocence parmi ces héros, mais pas de cynisme. Ils étaient très jeunes et croyaient en ce qu’ils faisaient. Il se dégage de cette époque un certain romantisme naïf, une excitation pour les choses simples, un peu comme un enfant avec un jouet. Bien qu’ils fussent dans un contexte difficile, je ne pense pas qu’ils ressentaient de l’amertume. C’est tout cela qui m’a conduit à écrire cette musique. » Une partition habitée par l’esprit héroïque des grandes

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George Fenton. Durant plusieurs décennies, il a poursuivi une collaboration discrète mais remarquable avec le cinéaste Ken Loach.

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B.O. du genre (L’Odyssée de Charles Lindbergh, Le Crépuscule des Aigles, etc.). Memphis Belle : éd. Varèse Sarabande (cd). *Musique temporaire mise pour choisir une orientation ou guider le travail du compositeur. LE MÉPRIS Réalisé par Jean-Luc Godard - Production : Georges de Beauregard, Carlo Ponti (Cocinor) Musique de Georges Delerue - 1963 « Nouvelle Vague, nouvelles musiques ? » s’interroge Frédéric Gimello-Mesplomb dans sa biographie de Georges Delerue. Devant le classicisme du Mépris, la question mérite en effet d’être posée. Godard rencontre son musicien en plein montage et sans idée particulière. Delerue suggère des cordes romantiques, un rien de Brahms, le cinéaste acquiesce. « Nous avons déterminé les endroits où placer la musique, raconte le compositeur, ce qui faisait quinze minutes environ. Après l’enregistrement, je n’ai plus entendu parler de rien… Et puis j’ai été invité pour visionner le film en avant-première. Sur le moment, j’ai trouvé cela incroyable : il avait mis ma musique partout, et j’avais peur qu’on m’accuse d’en avoir trop fait. Il était tombé amoureux d’un ou deux thèmes, et cela couvrait maintenant 35-40 minutes du film. Ça ne faisait pas répétitif. Ça donnait une espèce d’ambiance, on avait l’impression que le film était, non pas envahi, mais entouré de musique. Je me souviens que j’ai ressenti ça très fortement. En fait, il aimait beaucoup ma musique, mais il ne me l’a jamais vraiment dit… » L’œuvre repère d’un musicien chéri. Le Mépris : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LE MESSAGER The Go-Between Réalisé par Joseph Losey - Production : John Heyman, Norman Priggen (Columbia Pictures) Musique de Michel Legrand - 1971 La banqueroute de sa deuxième collaboration avec Michel Legrand (Boom, 1968) n’interdit pas Joseph Losey de convoquer à nouveau son musicien d’Eva. Le cinéaste l’invite à une projection du Messager, suivie d’un dîner à son domicile. « Durant la soirée, raconte Legrand, il me passe un disque et me dit : "Michel, voilà ce je veux comme musique dans mon film !" Il s’agissait d’un morceau pour saxo ténor et cordes digne d’une maison de passe ! Je lui ai dit : "Jo, ce n’est pas possible, ça ne correspond pas du tout à ton film" – "Pourtant, c’est ça que je veux…" – "Dans ce cas, je m’en vais ! Car je ne sais pas ce que je vais écrire, mais ça ne sera certainement pas ce genre de musique. Alors prend quelqu’un d’autre." » Losey accepte de reconsidérer son point de vue, mais réfute le score de Legrand lors de l’enregistrement : la partition aux couleurs baroques (pour clavier et orchestre) lui apparaît sans lien avec l’époque 1900 du sujet. Le réalisateur est persuadé que son musicien fait fausse route... Après plusieurs mois sans nouvelle,

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Michel Legrand s’interroge sur le destin de son travail, puis reçoit un télégramme de deux cents lignes. « Le film avait reçu la Palme d’Or à Cannes, et Losey m’écrivait : "Michel, c’est toi qui avais raison. La musique est formidable. J’ai mis un temps fou à m’y habituer mais maintenant je trouve cela magnifique…" J’avais l’estomac à l’envers, il s’est remis à l’endroit et l'on a continué à travailler ensemble… » The Go-Between / Michel Legrand Anthology : éd. Universal (cd). Le thème du film en version pop sera utilisé comme générique de l’émission Faites entrer l’accusé (France 2). MÉTAL HURLANT Heavy Metal Réalisé par Gerald Potterton - Production : Ivan Reitman (Columbia Pictures) Musique d’Elmer Bernstein - 1981 Bien connues des musiciens français (Honegger, Messiaen, notamment), les Ondes Martenot apparaissent dans les travaux d’Elmer Bernstein à la suite d’un séminaire britannique : « C’était à l’école de musique Britain Pears à Aldeburgh, raconte le compositeur. J’étais devant une classe en compagnie de Richard Rodney Bennett, et il n’arrêtait pas de parler de cet instrument, les Ondes. Je me suis alors tourné vers mon orchestrateur Christopher Palmer en lui demandant : "Mais de quoi parle-t-il ?" Christopher m’expliqua le principe de l’instrument et, comme à l’époque nous travaillions sur le dessin animé Métal Hurlant*, il ajouta que les Ondes Martenot trouveraient vraiment leur place dans le film. Par la suite, nous avons invité Jeanne Loriod, la fameuse interprète française, à venir en Angleterre. Lorsqu’elle a joué sur l’instrument pour la première fois, sa sonorité était si étonnante que mes cheveux se sont dressés sur ma tête ! Je me suis exclamé : "Whoua ! Cela va vraiment nous être utile !" Et je suis tombé amoureux des Ondes. » Métal Hurlant permet également à Bernstein d’inclure un morceau rejeté de son score pour Saturn 3. « Le thème de Tarna fut en réalité écrit quelques mois plus tôt dans un contexte assez différent… Mais l’idée d’une flambée d’extase dans l’espace en faisait bien partie. C’est pourquoi les qualités ultras humaines des Ondes Martenot me semblaient tombées du ciel. » Une symphonie fantastique interprétée par les 96 membres du Royal Philharmonic orchestra et le chœur London Voices. Heavy Metal : éd. Film Score Monthly (cd). *Adapté d’un concept de bandes dessinées françaises créées en 1974 par Jean "Moebius" Giraud et Philippe Druillet. MIDNIGHT EXPRESS Midnight Express Réalisé par Alan Parker - Production : David Puttnam, Alan Marshall (Columbia Pictures / Casablanca Film Works) Musique de Giorgio Moroder - 1978 Au cours de l’année 1977, Neil Bogart, le créateur du label disco Casablanca records, s’engage dans la production cinématographique avec une idée en tête : relier les stars de sa maison de disque aux bandes originales de ses films. Donna

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Summer interprète le thème composé par John Barry sur Les Grands Fonds, et Giorgio Moroder est présenté au réalisateur de Midnight Express. « À l’époque, je n’imaginais pas travailler pour le cinéma, raconte le musicien, d’autant que sur le plan musical, Hollywood était un milieu assez fermé et réservé aux compositeurs classiques comme John Williams. Neil Bogart et Peter Guber ont fait écouter à Alan Parker la chanson I feel love, que j’avais écrite pour Donna, et il a immédiatement aimé le rythme du morceau. Il m’a demandé d’écrire quelque chose de similaire pour la séquence de poursuite (Chase). Je n’avais aucune expérience en matière de musique de film mais composer un thème comme celui-ci, c’était assez simple pour moi. J’ai donc commencé la B.O. en collant au plus près du tempo de la scène. Pour le reste du score, il m’a suggéré quelques climats puis m’a dit : "faites ce que vous voulez !" À partir de là, j’ai utilisé le synthétiseur comme un piano en m’amusant à modifier les sonorités électroniques… Nous avons mixé l’intégralité du score sur le film en une seule journée. » Le premier grand succès de la musique électronique à Hollywood. Midnight Express : éd. Casablanca (cd). Oscar de la meilleure musique de film originale 1979. 1900 Novecento Réalisé par Bernardo Bertolucci - Production : Alberto Grimaldi (20th Century Fox Italia) Musique d’Ennio Morricone - 1976 La première intention de Bernardo Bertolucci pour la B.O. de 1900 est de faire appel à Georges Delerue, son compositeur du Conformiste. « Malgré le succès de ce film, nous n’avons pas eu, Georges et moi, l’occasion de collaborer à nouveau ensemble. Pourtant l’envie ne m’en a pas manqué. Six ans plus tard, j’ai songé à lui confier la partition de 1900. Nous nous sommes parlé, le projet l’enthousiasmait, notamment dans sa dimension fresque sociale et politique… Puis très honnêtement, j’ai fait marche arrière. Ma réflexion a été la suivante : "Pour un sujet tellement italien, mieux vaut un compositeur né en Italie, connaissant par cœur la musique populaire de l’Émilie." D’une certaine façon, le compositeur de 1900 devait être autant italien que celui du Conformiste avait été français. Ce qui m’a donné l’occasion de renouer avec Morricone, complice de mes premières années… » Plus de dix ans après Prima della Rivoluzione, le maestro signe le diamant rouge de sa filmographie "engagée". Une musique riche en leitmotive, partiellement inspirée de ses cinq variations sur un thème de Frescobaldi (1956), et ancrée dans le sol italien au même titre que ses travaux pour Elio Petri ou les frères Taviani. Novecento : éd. GDM (cd). MIRACLE EN ALABAMA The Miracle Worker Réalisé par Arthur Penn - Production : Fred Coe (United Artists) Musique de Laurence Rosenthal - 1962 L'histoire vraie d'Helen Keller a traversé la culture américaine du XX e siècle avec

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une intarissable charge émotionnelle. Adapté dans la plupart des médiums (radio, théâtre, cinéma, télévision), Miracle en Alabama révèle au début des années soixante une pléiade d'artistes prometteurs dont Laurence Rosenthal, un jeune musicien particulièrement touché par la version écrite pour le grand écran : « La première fois que j'ai vu un montage bout à bout du film, il avoisinait les quatre heures. Et il semblait parfait. Un poème lyrique qui avançait de beauté en beauté, à son rythme, dans un superbe noir et blanc incandescent créé par Ernie Caparros. Bien sûr, il fallait le monter, mais ses "Divines longueurs" – pour emprunter l'expression de Schumann décrivant la musique de Schubert – exprimaient l'histoire d'Helen et d'Annie avec des nuances si poignantes, qu'avant la fin de la projection, j'avais déjà le thème principal complet en tête, avec ses clarinettes errantes et nostalgiques en tierces. » Cette inspiration viscérale saisit le spectateur dès le générique, transcendant de poésie. Un score d'exception à ranger sur la même étagère que la B.O. Du Silence et des Ombres d'Elmer Bernstein. The Miracle Worker : éd. Intrada et Kritzerland (cd). MISSION The Mission Réalisé par Roland Joffé - Production : David Puttnam, Fernando Ghia (Warner Bros.) Musique d’Ennio Morricone - 1986 Durant les années 80, Ennio Morricone décide de suspendre ses travaux cinématographiques afin de se consacrer à sa musique de concert. Cette décision d'ordre artistique est également motivée par quelques considérations financières. En fait, le marché américain s'offre le maestro italien pour quelques dollars de moins : « J'ai arrêté de travailler pour Hollywood à cause de mon cachet, précise le musicien. Sans doute par timidité, je ne parle jamais d'argent, mais j'étais moins payé que les pires compositeurs américains. J'ai donc tout stoppé. Après le succès de Mission, mes appointements ont augmenté et aujourd'hui je suis payé le maximum. » En 1985, le producteur Fernando Ghia convainc Morricone de voir le long-métrage de Roland Joffé sans engagement préalable. Impressionné par la dimension spirituelle de l'œuvre, le compositeur revient vers son cœur de métier et embrasse le film avec appétence. Il construit une partition polyrythmique autour de trois thèmes principaux qui se combinent et s'alternent selon la progression narrative. « La présence des cordes et du hautbois du père Gabriel représente l'expérience de la Renaissance et les progrès de la musique instrumentale, explique Morricone. Le film évolue ensuite avec d'autres formes musicales issues de la réforme de l'Église lors du Concile de Trente, puis se termine avec la musique indienne. » Un mariage absolu du fond et de la forme magnifié par des interprètes au diapason (The London Philharmonic Orchestra / le groupe Incantation). The Mission : éd. Virgin (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1987. MISSION : IMPOSSIBLE Mission : Impossible Série créée par Bruce Geller - Production : Bruce Geller, Joseph Gantman (Paramount Television)

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160 Le Maestro Ennio Morricone lors d’un mémorable concert au Palais des Congrès de Paris.

Musique de Lalo Schifrin - 1966 L’étape parisienne de Lalo Schifrin (1954) se révèle déterminante pour affirmer son identité de jazzman et compléter sa formation classique. Dans la capitale, il joue avec Eddy Warner, compose pour Eddy Barclay, Stéphane Grappelli et suit les cours d’Olivier Messiaen. De quoi nourrir ses futures B.O. dont Mission : Impossible. « Messiaen a élaboré une théorie sur les gammes, qu’il a appelée "mode de transposition de gammes limitées", précise Schifrin. En fait plusieurs musiciens comme Bartók ont utilisé cela. Messiaen a eu le mérite de les formaliser. Dans la musique de film, on peut appliquer ces gammes qui donnent un langage ni tonal, ni atonal à la fois. C’est un langage de transition… Dans Mission : Impossible, il y avait deux thèmes principaux : le thème générique qui est devenu célèbre, mais que je n’utilisais pas pour les scènes de suspense, et un thème presque paramilitaire, The plot. Et bien c’est une gamme de Messiaen ! Toutes les notes appartiennent à une gamme qu’il a élaborée ou du moins formalisée. » On notera que chacune des adaptations cinématographiques de la série conservera les thèmes composés par Schifrin. Mission : Impossible : éd. La-La Land (cd) et Universal music France / Écoutez le cinéma (The Sound of Lalo Schifrin, réenregistrements d'époque, cd). MISSOURI BREAKS The Missouri Breaks Réalisé par Arthur Penn - Production : Elliott Kastner, Edward M. Sherman (United Artists) Musique de John Williams - 1976 Interlude discret à son parcours étoilé, Missouri Breaks apparaît comme l’un des scores les plus économes de John Williams. « J’ai écrit cette musique pour six musiciens, précise le maestro. Arthur Penn est principalement un metteur en scène de théâtre et je pense qu’il n’est pas très à son aise avec des partitions opulentes. Il souhaitait quelque chose de spartiate, personnel, il ne voulait pas de grandes sonorités orchestrales à la Copland ou dans le style du film Les Grands Espaces*. J’ai donc essayé de répondre à sa demande avec un petit ensemble (guitares, harmonica basse, clavecin électrique, batterie…). » De quoi contraster avec les envolées symphoniques des Reivers ou des Cowboys, les deux précédents travaux de Williams reliés au western américain. Tout comme chez Robert Altman, les options du compositeur révèlent le rapport particulier qu’entretient Arthur Penn avec le médium : « Pour moi, la musique ne doit être qu’un soutien, remarque le cinéaste. Chez certains réalisateurs, elle est au centre de leurs visions, mais ce n’est pas mon cas. La musique n’est pas primordiale. L’action est primordiale. » John Williams poursuivra son illustration de l’Amérique rurale avec La Rivière, puis Rosewood, deux autres perles construites autour d’une instrumentation plus orchestrale. The Missouri Breaks : éd. Kritzerland (cd). *John Williams participa comme pianiste à l’enregistrement de la B.O. de Jerome Moross.

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LES MOISSONS DU CIEL Days of Heaven Réalisé par Terrence Malick - Production : Bert Schneider, Harold Schneider (Paramount Pictures) Musique d’Ennio Morricone - 1978 Les dix-huit mois de postproduction des Moissons du ciel autorisent Terrence Malick et son monteur Billy Weber à expérimenter plusieurs options musicales. Des extraits de 1900 (Novecento) composés par Ennio Morricone sont placés sur le premier bout à bout du film, suivis du Carnaval des animaux (Aquarium) de Camille Saint-Saëns. Lorsque le cinéaste se résout à commander une musique originale, il choisit in fine les talents du maestro italien. « Terrence s’envola pour l’Europe car à l’époque Morricone refusait de prendre l’avion pour les États-Unis, raconte Weber. Il lui apporta donc le film complet et Morricone écrivit et enregistra l’intégralité du score là-bas. » Durant le montage, Malick souhaite tester toutes les alternatives musicales sur l’image ; les multiples variations du matériel thématique de Morricone satisfont logiquement à ses exigences. Cela dit, le compositeur s’inquiète pour un passage en particulier. « Il y a un seul morceau dans le film qui est à la place où il était prévu initialement, note Weber, c’est le grand incendie. Pour cette longue pièce orchestrale, Morricone a dit à Terry : "Vous pouvez disposer la musique comme bon vous semble, mais je vous demande de m’accorder une faveur : celle de ne pas bouger la piste intitulée The fire que j’ai écrite pour cette séquence. Pour les autres morceaux, placez-les où vous voulez…" » Devant les qualités et la beauté du travail de Morricone, le réalisateur validera sa requête. Days of Heaven : éd. Film Score Monthly. Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1979. MON NOM EST PERSONNE Il Mio nome E’ Nessuno Réalisé par Tonino Valerii - Production : Fulvio Morsella, Sergio Leone (Titanus) Musique d’Ennio Morricone - 1973 Le plus grand succès associé à Sergio Leone est aussi le crépuscule d’un genre qui s’achève avec les années soixante-dix. « Mon Nom est Personne est la synthèse de deux styles de westerns, remarque son réalisateur Tonino Valerii, le western italien et le western américain… Il fallait faire contraster un personnage de John Ford (Henry Fonda) avec Trinita (Terence Hill). Après cela, et après la scène de la Horde sauvage et des Walkyries, il n’y avait plus guère de perspectives. C’était la fin du western italien. Nous avions conscience du fait que quelque chose se terminait. Le temps des contes de fées était fini. » Si Valerii réalise la majorité des prises de vue, Leone dirige de facto la globalité du projet. « J’ai bien sûr discuté avec Valerii, précise Ennio Morricone, mais aussi avec Sergio, qui en qualité de producteur s’intéressait à tous les aspects du film. C’était indispensable car il était devenu un réalisateur très en vue, et pas seulement un réalisateur de westerns. Il a insisté pour être présent à toutes nos discussions et il a supervisé tout ce que nous faisions. » Entre mythe et parodie, la musique de Morricone résume avec génie la dualité du Horse opera à l’italienne. Il Mio nome E’ Nessuno : éd. Edel (cd).

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MONTPARNASSE 19 ou LES AMANTS DE MONTPARNASSE Réalisé par Jacques Becker - Production : Sandro Pallavicini (Cocinor) Musique de Paul Misraki - 1958 Dans les années 30, l’élégance musicale de Paul Misraki se distingue avec des tubes populaires tels Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ou Tiens, tiens, tiens. Son succès chez Ray Ventura* l’amène bientôt à glisser vers le cinéma international, au Brésil, en Argentine, puis à Hollywood**. Misraki est un musicien sous influence (le jazz, les folklores, l’écriture orchestrale à l’américaine) qui sait s’adapter à toutes les cultures. Lors de la préparation de Montparnasse 19, Jacques Becker lui impose une restriction mélodique de taille : « Il m’a déclaré avec fermeté : "Pour traduire l’obsession éthylique de Modigliani tu dois m’écrire une partition intégralement basée sur quatre notes répétées. À toi de jouer !" Quelle gageure ! (…) Après quelques heures d’incertitude, j’ai fini par trouver une combinaison immuable et simple à retenir : do, si, mi, la. Et je me suis dit : "Gardons ces quatre notes, mais changeons en permanence ce qu’il y a derrière elles !" Et, à l’arrivée, sous do, si, mi, la, on trouve des dispositions harmoniques et contrapuntiques sans cesse en mouvement. Objectivement, Montparnasse 19 demeure la partition qui m’a demandé le plus d’efforts… C’est aussi celle pour laquelle j’ai peut-être le plus d’affection. » Montparnasse 19 : éd. Pomme music / Sony (cd). *Célèbre chef d’orchestre d’avant-guerre, Ray Ventura et ses Collégiens. **Il compose pour Ginger Rogers la B.O. d’Un Cœur à prendre (Heartbeat, Sam Wood, 1946). LA MORT AUX TROUSSES North by Northwest Réalisé par Alfred Hitchcock - Production : Alfred Hitchcock (MGM) Musique de Bernard Herrmann - 1959 La contribution première de Bernard Herrmann à La Mort aux Trousses n’est pas d’ordre musical. « Ce fut Benny qui, en tant qu’ami et connaissance, me dit un jour : "Je vais tâcher de te faire rencontrer Hitch. Je pense que vous vous entendrez très bien tous les deux ", raconte le scénariste Ernest Lehman. Peu de temps après, je fus invité à déjeuner en compagnie de Benny dans le bureau de Hitchcock à la Paramount, et effectivement nous nous entendîmes très bien. Dans l’année qui suivit, Hitch demanda à la MGM, chez qui j’étais sous contrat, de m’attribuer son prochain projet… De cette façon, j’écrivis le scénario de La Mort aux Trousses. » Pour la bande-son, le studio envisage un générique à la George Gershwin, voire une chanson de Sammy Cahn. Mais Herrmann s’oriente vers une tout autre direction avec, comme il le précise, "un fandango orchestral kaléidoscopique conçu pour donner le coup d’envoi à l’excitante course poursuite qui va suivre." Ce parti pris aux rythmes sud-américains (en 3/4 et 6/8) et l’aspect non conventionnel du score marqueront au fer rouge les annales, tout en laissant deviner la personnalité du compositeur. « Benny était très sympathique, très irascible, extrêmement iconoclaste et n’avait que faire des façons de faire hollywoodiennes. Il aimait froisser les esprits, parler d’une voix ronchonne et paraître provocateur.

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Je suppose qu’il apparaissait comme un matou peu apprécié mais bourré de talent », conclut Lehman. North by Northwest : éd. Intrada (cd) et Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). NEW YORK 1997 Escape from New York Réalisé par John Carpenter - Production : Debra Hill (AVCO Embassy Pictures) Musique de John Carpenter en association avec Alan Howarth - 1981 Convaincu par les créations sonores d’Alan Howarth sur le premier Star Trek, le monteur Todd Ramsey l’invite à rencontrer John Carpenter. « Todd m’a présenté à John en l’informant que j’étais musicien mais également sound designer, raconte Howarth. John est venu chez moi vérifier ce que je faisais, puis m’a lancé : "Ok, faisons le score !" Cela voulait dire qu’il allait composer New York 1997 dans mon home studio… rien que ça ! Nous avions à notre disposition des synthétiseurs de la toute dernière génération. Tout a été enregistré de façon analogique. Comme c’était avant la synchronisation avec bande vidéo, j’enregistrais une piste avec les dialogues de la scène, puis nous l’utilisions comme repère temporel pour le morceau à écrire. Comparé aux standards d’aujourd’hui, le processus apparaît primitif, mais il s’agissait de créer de la musique de film et John me disait : "Il n’y a qu’une seule règle à suivre : n’en suivre aucune." » La B.O. à quatre mains combine avec goût l’influence des précurseurs Tangerine Dream et quelques mesures de musique française. « À vrai dire, il y a une composition de Debussy dans le score New York 1997, précise John Carpenter. Elle est créditée au générique de fin, mais certains ont pensé que je l’avais plagiée. Cela aurait été un crime contre l’humanité ! C’est Todd Ramsey qui a proposé La cathédrale engloutie comme musique temporaire et cela fonctionnait très bien. » Escape from New York : éd. Varèse Sarabande (mixage original, cd) et Silva Screen (score complet remixé, cd). NORMA RAE Norma Rae Réalisé par Martin Ritt - Production : Tamara Asseyev, Alexandra Rose (20th Century Fox) Musique de David Shire - 1979 Martin Ritt n’a jamais joué la carte de l’opulence musicale. Soucieux de préserver l’aspect naturaliste de Norma Rae, le réalisateur laisse une place de choix à David Shire pour le générique (la chanson It goes like it goes), mais rejette la quasi-totalité du score. « Nous avions délimité sans problème les emplacements de la musique dans le film, se souvient le compositeur. Ensuite, j’ai enregistré les différents morceaux et durant le mixage, Marty a réduit le score jusqu’à ce qu’il n’en subsiste presque plus rien. Bien que je sois souvent en accord avec les cinéastes sur la musique redondante, je me rappelle avoir essayé de le convaincre de garder un ou deux morceaux que je pensais appropriés. Mais ils ont été supprimés. » Une petite histoire qui se termine par l’Oscar de la meilleure chanson pour le touchant prologue interprétée par Jennifer Warnes. « It goes like it goes a été conçue pour faire pleinement partie de la structure dramatique du film. C’était son rôle… Je ne peux

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être qu’éternellement reconnaissant à Marty d’avoir gardé la chanson et jeté le score, plutôt que l’inverse », conclut David Shire. Norma Rae : éd. Varèse Sarabande (cd). Oscar de la meilleure chanson originale 1980. NOS PLUS BELLES ANNÉES The Way We were Réalisé par Sydney Pollack - Production : Ray Stark (Columbia Pictures) Musique de Marvin Hamlisch - 1973 Le montage d’origine de Nos Plus Belles Années (158 minutes) laisse le compositeur Marvin Hamlisch dubitatif : « Je savais qu’il s’agissait d’une belle histoire d’amour mais, à l’époque, le film contenait vraiment beaucoup de séquences politiques. Sur le plan intellectuel c’était très intéressant, mais cela me semblait faire un peu diversion. Quand vous avez une telle alchimie entre deux comédiens à l’écran, vous n’avez pas forcément besoin de ce type d’éléments pour comprendre leur histoire. » Sydney Pollack perçoit de concert les problèmes narratifs et revoit sa copie avant la sortie en salle : « Ce que j’ai coupé n’avait rien de dramatique, relève le cinéaste. C’était un cours sur le maccarthysme. Un cours parfait pour un film éducatif mais non pour une production de cinq millions de dollars. » Bienheureux de ces changements, Hamlisch entame sa composition par la chansontitre. « C’était presque un film du genre Ying et Yang. Il possédait une dualité que j’ai essayé d’exprimer dans le score. D’une part, je voulais écrire quelque chose qui soit édifiant et positif, d’autre part, il y avait une douce amertume dans la romance. C’est pour cela, je pense, que malgré le mode majeur de la mélodie, la chanson est assez triste. » Immense succès discographique, The way we were deviendra l’un des grands standards de Barbra Streisand. The Way We were : éd. Columbia / Sony (cd). Oscars de la meilleure musique et de la meilleure chanson originale 1974. LES NOUVELLES AVENTURES DE VIDOCQ Série réalisée par Marcel Bluwal - Production : Étienne Laroche (ORTF) Musique de Jacques Loussier - 1971 Parmi tous les succès télévisuels de Jacques Loussier (dont Thierry La Fronde, Rocambole, Lagardère...), le générique des Nouvelles Aventures de Vidocq s'affirme comme le plus proche de son identité instrumentale. Composé pour un trio d'interprètes, son thème générique renvoie implicitement aux fameux albums Play Bach qui firent sa notoriété. « Pour Vidocq, se souvient le musicien, l'idée était d'utiliser un clavecin mais en le faisant jouer dans un style moderne. Autrement dit, je voulais sortir cet instrument des traditionnels pastiches de Lully dans lesquels on l'emploie à la TV ou au cinéma. Avec la basse et la batterie, le clavecin a apporté une couleur percutante et grinçante aux aventures de Vidocq. À la demande de Marcel Bluwal, j'ai également fait alterner le côté agressif avec un motif de valse, symbolisant l'aspect sentimental de la série. » Loussier maintiendra cette inventivité tout au long de ses travaux pour l'image. Les Plus Belles Musiques de Jacques Loussier : éd. Playtime (cd).

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Le compositeur et pianiste angevin Jacques Loussier.

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LA NUIT AMÉRICAINE Réalisé par François Truffaut - Production : Marcel Berbert (Warner-Columbia Film) Musique de Georges Delerue - 1973 La Nuit Américaine apparaît dans la vie de tout cinéphile comme un rêve entoilé. Plongée impudique dans les coulisses du Septième art, l’œuvre de Truffaut parcourt les principaux ateliers de la création cinématographique avec un irrésistible sens du partage. Georges Delerue ouvre le film en voix off (les répétitions du score, sans image, piste son optique apparente) et porte à bout de bras la scène centrale dite "du Grand choral". « Elle était nécessaire au milieu pour faire passer le temps entre le milieu et la fin du film, remarque le cinéaste. Cette séquence de montage n’était possible que parce que je savais que j’aurais la collaboration de Georges Delerue. Vous avez vu l’importance de la musique dans cette scène… » Pour le compositeur, l’emphase s’impose : « Mon problème c’était le thème général, le Grand choral… François avait fait sentir la magie du cinéma et je devinais son amour pour cet art. Il fallait bien un thème musical réellement important. Subitement l'idée est venue : le grandiose, l'intemporel, le style du Grand choral ! À la façon dont aurait écrit Bach à la gloire de Dieu, ici il fallait écrire à la gloire du cinéma ! » L’hymne d’une collaboration pudique. La Nuit Américaine / Le Cinéma de François Truffaut : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LA NUIT DES MASQUES Halloween Réalisé par John Carpenter - Production : Debra Hill (Compass International Pictures) Musique de John Carpenter - 1978 La première préoccupation musicale de John Carpenter sur La Nuit des Masques est d’ordre pratique : « J’étais le compositeur le plus rapide et le moins cher que je pouvais trouver, remarque le cinéaste en 1983. Mes influences majeures étaient Bernard Herrmann et Ennio Morricone (avec lequel j’allais travailler sur The Thing). La capacité d’Herrmann à créer une partition imposante, puissante, avec des moyens orchestraux limités, en utilisant le son basique d’un instrument particulier, était impressionnante (…) Le thème principal d’Halloween fut le premier à être enregistré. Son rythme était inspiré par un exercice que mon père m’avait appris au bongo en 1961, le battement en 5/4. Les thèmes associés à Laurie et au docteur Loomis semblent aujourd’hui les plus "Herrmannien". Pour finir vinrent les jingles qui soulignaient les surprises visuelles. Désormais appelés "cattle prod." (électrochocs), ce sont des sons percussifs placés à des moments opportuns pour faire sursauter les spectateurs. Aujourd’hui, j’ai honte d’avouer en avoir enregistré plutôt pas mal pour ce film. Au total, les sessions pour la musique ont duré deux semaines car c’est tout ce que le budget nous autorisait. » Entièrement interprétée et programmée sur synthétiseurs, la musique électronique de La Nuit des Masques participera à la reconnaissance mondiale du cinéaste. Halloween : éd. Varèse Sarabande (cd).

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LA NUIT DU CHASSEUR The Night of the Hunter Réalisé par Charles Laughton - Production : Paul Gregory (United Artists) Musique de Walter Schumann - 1955 Unique long-métrage du comédien Charles Laughton, La Nuit du Chasseur révèle un talentueux musicien à la filmographie sans envergure (Abbott et Costello, la série Dragnet). Le cinéaste s’associe à Walter Schumann après plusieurs travaux communs au théâtre, en considérant sa participation comme essentielle au projet. « Durant nos discussions préliminaires, raconte le compositeur, Laughton et moi étions d’accord pour considérer qu’étant donné l’omniprésence du mélodrame dans l’intrigue, les images – signées par le chef opérateur Stanley Cortez – et la musique seraient utilisées pour capturer les qualités lyriques du roman de Davis Grubb… Nous décidâmes ensemble des scènes dans lesquelles elle serait de première importance. "Dans ces scènes, tu es la main droite et je suis la main gauche", me disait Charles Laughton. En conséquence, lorsqu’il filmait, il laissait tourner la caméra au-delà des prises à réaliser. Cette flexibilité et le fait de ne pas être tenu par des timings précis représentent bien entendu un rêve pour tout compositeur. De plus, durant le tournage, j’étais présent sur les scènes où la musique allait intervenir. » Chose rare au cinéma, Cortez rejoint également ces attentions : « Bien avant que la partition soit écrite, j’avais quelques idées sur ce qu’elle allait être. Et donc, en amont, je réglais la lumière en essayant d’imaginer ce que ferait musicalement Schumann sur le film… » Les séquences (en)chantées sur la rivière bénéficieront merveilleusement de cette harmonie collégiale. Une œuvre phare du cinéma américain d’après-guerre. The Night of the Hunter, narrated by Charles Laughton : éd. RCA Victor (cd). LES NUITS ROUGES DE HARLEM Shaft Réalisé par Gordon Parks - Production : Joel Freeman (MGM) Musique d’Isaac Hayes - 1971 Au printemps 1971, Isaac Hayes débarque dans les locaux MGM de Culver City afin d’écrire sa première musique de film. Une expérience précédée de plusieurs albums à succès et d’une audition approuvée par Gordon Parks, lui-même compositeur de son premier long-métrage (Les Sentiers de la Violence). « Je n’ai jamais travaillé auparavant dans le cadre d’un studio de cinéma, avoue Hayes à l’époque. Mon groupe* et moi sommes tous très excités… Je vais essayer de relier les spectateurs à ce qui se passe sur l’écran. Les gens aiment ressentir les choses. Ils aiment sentir les blessures, les joies, les différentes émotions et tout cela dépend de moi. Je travaille actuellement sur le thème de Shaft qui possèdera une solide pulsation rythmique, un soupçon d’intrigue, et une abondance de soul. » Complété par un orchestre de 27 musiciens, le groupe initial est aussi rehaussé par la prestation des Bar-Kays, fidèles artistes du label Stax. Pour Jesse Kaye, producteur chez MGM records, le déroulé des sessions est exemplaire : « De manière surprenante, Isaac a assimilé très rapidement les techniques liées au cinéma et il s’est mis au travail. Il avait un bureau chez nous, avec des machines à écrire (!), un piano et, sans dépasser le temps alloué, il a terminé la partition puis l’a enregistrée

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en deux jours et demi. » Un an plus tard, Hayes sera le premier musicien afroaméricain à recevoir un Oscar dans sa catégorie. *The Movement. Shaft : éd. Film Score Monthly (cd) et Universal (réenregistrement d’époque réalisé à Memphis, cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1972. Oscar de la meilleure chanson originale 1972 OBSESSION Obsession Réalisé par Brian De Palma - Production : Harry N. Blum, George Litto (Columbia Pictures) Musique de Bernard Herrmann - 1976 La dernière grande partition symphonique de Bernard Herrmann. Malade, affaibli, le musicien reçoit Obsession tel un coup de foudre. « Je me souviendrai toujours de la première fois où il a vu le film sans musique, raconte De Palma. À la fin de la projection, il était au bord des larmes, il m'a dit "Brian, c'est un merveilleux film... je le sais car je peux entendre la musique". Il voulait dire par là qu’il pouvait l’entendre dans sa tête, au fur et à mesure qu’il découvrait les images. Il a composé sa partition en un temps record et le résultat a dépassé toutes mes espérances. » La pleine adhésion d'Herrmann au thriller n'empêche pas quelques soucis dus à son état de santé. Lors de l'enregistrement de la scène du bateau à aubes, le musicien fait face à ses limites : « Benny dirigeait l'orchestre lui-même mais il n'allait pas assez vite, témoigne De Palma, ce qui explique pourquoi à certains moments la musique n'est pas tout à fait synchrone avec l'action... le fait est qu'il ne pouvait plus diriger, il n'était plus en assez bonne santé pour ça. Laurie Johnson* a donc pris le relais... » La merveilleuse valse finale recollera les morceaux en sublimant les retrouvailles des personnages. Un baroud d'honneur rarement égalé dans l’histoire de la musique de film. Obsession : éd. Music Box (cd). *Compositeur de musiques pour la télévision et le cinéma, ami anglais de Bernard Herrmann. Nominée à l’Oscar de la meilleure musique de film originale 1977. L’ODYSSÉE DE CHARLES LINDBERGH The Spirit of St Louis Réalisé par Billy Wilder - Production : Leland Hayward (Warner Bros.) Musique de Franz Waxman – 1957 Dans le sillage du pionner Arthur Honegger (Mermoz, 1943), Franz Waxman intervient sur L'Odyssée de Charles Lindbergh après un premier concept avorté : « Réalisant que la musique aurait à jouer un rôle important dans un film se déroulant dans un cockpit, raconte Royal S. Brown, la Warner Bros. essaya, sans y parvenir, d’acquérir les droits d’une cantate de 1929, Lindbergh’s flight, écrite par Paul Hindemith et Bertolt Brecht. » À défaut de score préexistant, Billy Wilder reprend le manche à balai et choisit son compatriote Waxman pour faire décoller le Spirit of St Louis. L’enregistrement de la partition se déroule début octobre 1956,

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Une pratique assez courante jusque dans les années 90 : l’enregistrement d’un score dans une église à Londres. La musique d’Obsession fut dirigée par Bernard Herrmann à St Giles Church, Cripplegate. Les B.O. de Greystoke (Hugh Hudson, 1984), Supergirl (Jeannot Szwarc, 1984) et Looking for Richard (Al Pacino, 1996 - photo) furent quant à elles enregistrées à All Saints Church, Tooting.

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mais le montage du film est contesté par le studio : « Le compositeur accompagna Wilder à Paris pour travailler sur Ariane, son nouveau projet. Presque aussitôt, ils eurent des discussions transatlantiques à propos de changements opérés sur le film et des coupes demandées par le producteur Leland Hayward. En raison d’une projection préventive décevante à San Francisco, le grand patron Jack Warner insista pour que ces modifications soient faites au plus vite. Comme Waxman n’était pas sur le sol américain, il n’était pas en position de se charger des réécritures de la musique. Ce fut donc Ray Heindorf, le directeur musical de la Warner, et son collègue Roy Webb qui s’en chargèrent. » Malgré ces remaniements, la B.O. de Waxman brillera de mille feux et donnera quelques idées formelles à Jerry Goldsmith (cf. Alien, The landing) et John Williams (cf. La Tour Infernale, The helicopter explosion). The Spirit of St Louis : éd. Varèse Sarabande (cd). ORFEU NEGRO Réalisé par Marcel Camus - Production : Sacha Gordine (Lux Films) Musique d’Antônio Carlos Jobim et Luiz Bonfá - 1959 Le grand jazzman Dizzy Gillespie l’avoue volontiers : « J’ai découvert la samba avec la bande originale d’Orfeu Negro. Lorsque les musiciens ont commencé à jouer, je me souviens avoir pensé : mais ce sont mes frères là-bas ? Quand je suis arrivé au Brésil, je me suis rendu compte que c’étaient vraiment des frères et qu’il existait une vraie relation entre nos musiques. » Durant le Festival de Cannes 1959*, le film de Marcel Camus révèle une samba brésilienne jusqu’alors peu connue du grand public. Les deux titres phares de la B.O., A Felicidade de Jobim et Manhã de carnaval de Bonfá, ont été commandés tout spécialement par le réalisateur français, très impliqué dans leurs enregistrements et la sélection des interprètes locaux. Le succès aidant, Orfeu Negro permettra à Tom Jobim de devenir l’un des grands représentants de la Bossa Nova aux États-Unis, côtoyant le Carnegie Hall, Stan Getz et Frank Sinatra. « Nous avons fait toutes ces chansons pour qu’elles soient chantées ici, dans mon quartier, remarque l’artiste brésilien. Jamais nous n’avons imaginé qu’elles se propageraient dans le monde entier… Comme le dit Caetano Veloso, la Bossa Nova (croisement de la samba et du jazz) est une musique positive qui vous emmène au bord de la mer, à la plage, pour faire l’amour, se marier et être heureux. » Orfeu Negro : éd. Universal (cd). *Le film y sera présenté en portugais sans sous-titres, et remportera la Palme d’Or, devant Les 400 Coups de Truffaut et Hiroshima Mon Amour de Resnais. OUT OF AFRICA Out of Africa Réalisé par Sydney Pollack - Production : Sydney Pollack (Universal Pictures) Musique de John Barry - 1985 "Souvenirs d'Afrique", le sous-titre français d'Out of Africa, trouve une certaine correspondance dans l'intention première de Sydney Pollack : « La Ferme Africaine* n'est pas un livre dont vous pouvez faire un film. De grands cinéastes s'y

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sont frottés de nombreuses fois : Welles, David Lean, Nicolas Roeg. Et l'une des raisons pour lesquelles c'était si difficile est qu'il n'y a pas de véritable narration dans La Ferme Africaine*. C'est un souvenir, un sentiment... de la musique. Je voyais le livre comme la musique du film. » Le réalisateur envisage successivement Dave Grusin, puis John Williams pour écrire le score. Tous les deux indisponibles, il se tourne alors vers John Barry. « Il avait lu le script, raconte Pollack, et j'ai été impressionné de ce qu'il avait à en dire… Il a suggéré que j'écoute sa musique de La Vallée Perdue. Et l'extrait que j'en ai écouté est devenu le morceau sur lequel nous avons monté le vol en avion au-dessus de l'Afrique... Quand John Barry est venu voir le film pour la première fois, il a entendu deux heures de sa musique à lui ! Qui venait d'autres films. Et le pauvre homme, il s'en va écrire. Je trouve qu'il a fait du très beau travail. J'aime la partition du film. Beaucoup. Elle est peut-être sentimentale, mais je pense qu'elle fonctionnait très bien pour le film. » L'un des nombreux triomphes du musicien. Out of Africa : éd. MCA (cd). *Titre français du roman de Karen Blixen (équivalent du titre original danois) dont s'inspire le film. Oscar de la meilleure musique de film originale 1986. LE PACHA Réalisé par Georges Lautner - Production : Alain Poiré (Gaumont) Musique de Serge Gainsbourg - 1968 « Le concept du Pacha était de plonger Jean Gabin dans un univers qui n’était pas le sien, remarque Georges Lautner. C’est vrai pour la lumière, les décors, la musique... » Ainsi, le déserteur de Quai des Brumes accepte de renouveler son univers esthétique et, par la même, recommande Serge Gainsbourg au cinéaste. « À l’époque, le duo Gaumont / Gainsbourg c’était assez osé, commente ce dernier. J’étais d’ailleurs étonné qu’Alain Poiré, mon producteur, accepte d’utiliser la chanson Requiem pour un con. Je me souviens que sur les affiches on mentionnait Requiem pour un c, car on n’osait pas dire le mot en question... J’ai vraiment rencontré Gainsbourg durant le tournage de la séquence où il chante dans le studio. Je crois d’ailleurs que nous sommes un peu à l’origine de sa silhouette type, avec le mégot à la main. Après nous avons fait la promotion du film ensemble, et j’ai découvert un bonhomme fantastique. » Michel Colombier est l’autre talent de la B.O., un homme de l’ombre qui crée les percutants arrangements du score et accompagne Gainsbourg cinq années durant : « Serge ébauchait le dessin, traçait les lignes, dressait les perspectives ; puis j’arrivais pour y ajouter les couleurs. Nous nous stimulions l’un et l’autre pour donner naissance à une œuvre commune. » Avec la même évidence, Gainsbourg retrouvera Gabin sur La Horse, série noire mâtinée de western. Le Pacha : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). PACIFIC 231 Réalisé par Jean Mitry - Production : André Tadié (Tadié-Cinéma) Musique d’Arthur Honegger - 1923 / 1949

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Inspiré de son travail sur La Roue d’Abel Gance, Pacific 231 est en premier lieu un mouvement symphonique conçu sans image par Arthur Honegger : « J’ai toujours aimé passionnément les locomotives. Pour moi, ce sont des êtres vivants… Ce que j’ai cherché dans "Pacific", ce n’est pas l’imitation des bruits de la locomotive, mais la traduction d’une impression visuelle et d’une jouissance physique par une construction musicale. Elle part de la contemplation objective : la tranquille respiration de la machine au repos, l’effort du démarrage, puis l’accroissement progressif de la vitesse, pour aboutir à l’état lyrique, au pathétique du train de 300 tonnes, lancé en pleine nuit à 120 à l’heure. Comme "sujet", j’ai choisi la locomotive type "Pacific", symbole 231, pour trains lourds de grande vitesse. » En 1949, le cinéaste expérimental Jean Mitry propose à Honegger d’associer son opus* à un court-métrage choc (la course d’une locomotive), et révèle l’aspect précurseur de l’œuvre dans le domaine de la musique d’action. « La grande réussite de Pacific 231, c’est surtout de susciter un très fort sentiment d’accélération, remarque Éric Thouvenel, et même d’emballement, par l’utilisation conjointe de la musique et du montage. Au point culminant du morceau d’Honegger, une alternance de pistons, de bielles et de rails en gros plans ou très gros plans conduit à une sorte de "surchauffe" visuelle du cadre qui, accompagnée parfois de points de synchronisation avec la musique, produit une impression de très grande vitesse… » Pacific 231 : éd. EMI (dirigé par Jean Martinon, cd). *Honegger adaptera et dirigera lui-même sa composition pour le film. LA PANTHÈRE ROSE The Pink Panther Réalisé par Blake Edwards - Production : Martin Jurow (United Artists) Musique de Henry Mancini - 1963 Le formidable succès de la série Peter Gunn et de son thème musical (10 semaines au sommet des charts Billboard) va propulser le tandem Blake Edwards/Henry Mancini dans les hautes sphères d'Hollywood. Avec plus d'un million d'exemplaires de la B.O. vendus aux États-Unis, son compositeur devient l'indispensable partenaire du nouveau roi de la comédie américaine. Le premier apport de Mancini au genre est un refus mesuré du Mickeymousing. Il contourne la surenchère musicale en saupoudrant les bandes-son d'un jazz raffiné, mélodique, où l'humour pointe sans excès. Pour La Panthère Rose, le musicien s'inspire en premier lieu du personnage campé par David Niven. Il écrit un irrésistible thème pour saxophone ténor (le soliste Plas Johnson) auquel répond un générique animé qui deviendra une série télé à succès. Difficile de ne pas succomber au charme entrainant de la chanson It had better be tonight, l'autre point fort du merveilleux album classé 8e au hit-parade 1964. Maître absolu de l'Easy listenning, "Hank" Mancini renouvelle sans cesse ses interventions, comme l'illustre son score de La Party, autre comédie d’Edwards sublimée par les combos de l'artiste. « Mon utilisation du jazz – le fait d'incorporer divers idiomes populaires dans le courant de la musique de film – si l’on peut considérer ça comme une contribution au genre, alors c'est la mienne », dira l’artiste. The Pink Panther : éd. Buddah Records et Sony. Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1965.

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PAPILLON Papillon Réalisé par Franklin J. Schaffner - Production : Robert Dorfmann, Franklin J. Schaffner, Emanuel L. Wolf (Allied Artists Pictures) Musique de Jerry Goldsmith - 1973 « Franklin souhaitait donner une couleur française à la musique de Papillon, se souvient Jerry Goldsmith. Je n’étais pas tout à fait d’accord avec lui, mais il m’a quand même persuadé d’aller dans cette direction. En fin de compte, c’est lui qui avait raison… J’aime d’ailleurs beaucoup la mélodie du film. » Outre sa magistrale valse pour accordéon et orchestre, le score de Papillon apparaît effectivement comme la création la plus « européenne » de Goldsmith. Une B.O. qui affiche aussi bien son admiration pour Maurice Ravel (la séquence Gift from the Sea, en particulier) que pour Igor Stravinsky ou Arnold Schönberg. Parvenu à pleine maturité, le musicien s’interpose dans l’histoire d’Henri Charrière comme un second narrateur. Il crée une odyssée intense qui survit au-delà du récit cinématographique, à l’instar de l’accablant générique final illustrant les images des ruines de Cayenne – une initiative personnelle proposée à Schaffner*. « Jerry est un artiste qui répond à toutes les exigences en matière de composition pour le cinéma, confirme ce dernier. Les musiques qu’il compose s’intègrent parfaitement à l’œuvre cinématographique, et constituent par elles-mêmes de véritables entités musicales. » Après Papillon, Jerry Goldsmith écrira trois autres scores remarquables pour le cinéaste : L’île des Adieux, Ces Garçons Qui venaient du Brésil et Cœur de Lion. Papillon : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). *Un concept probablement dérivé de son expérience sur Première Victoire d’Otto Preminger : un grand score orchestral où l’unique générique était placé à la fin du film. Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1974. PARIS BRULE-T-IL ? Is Paris burning ? Réalisé par René Clément - Production : Paul Graetz (Paramount Pictures) Musique de Maurice Jarre - 1966 Installé à Hollywood depuis presque deux ans, Maurice Jarre jette un dernier regard vers la France avec cette imposante partition à la Chostakovitch. Douze pianos et un orchestre de cent deux musiciens sont retenus par le compositeur pour incarner le « son » de l’Occupation allemande. « Je ne souhaitais pas dépeindre les nazis avec une musique martiale conventionnelle, débordante de cuivres et de percussions, remarque Jarre. Avec les pianos (six grands, six droits), j’obtenais un « son à l’intérieur d’un son », un battement confiné et contrôlé de bruit de pas dont je me souvenais lorsque j’étais enfant. Une sonorité dérangeante, mais aussi étrange et mystérieuse. » De l’autre côté de la barrière, les combattants français ne sont pas en reste : « Le public devait ressentir que le thème de la Résistance était là en permanence et de manière souterraine. J’ai donc opté pour un seul rythme, très simple, interprété par des caisses claires. En entendant ce thème deux ou trois fois, le public comprenait l’omniprésence de la Résistance. » Quant à la valse qui clô-

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ture le film, Jarre l’envisage comme une « petite mélodie tendre », un ultime hommage à la ville blessée. « Avant la Libération, tout était contre Paris. C’était comme un viol. Paris avait des allures de femme seule et abandonnée. » En souvenir de cette bande originale, Maurice Jarre sera convié à écrire une pièce symphonique* lors des cérémonies officielles du 25 août 1994. Is Paris Burning ? : éd. DRG (cd) et Tadlow (réenregistrement, cd). *Libération, J’écris ton nom (14 min). LE PARRAIN The Godfather Réalisé par Francis Ford Coppola - Production : Albert S. Ruddy (Paramount Pictures) Musique de Nino Rota - 1972 La réutilisation d’un motif composé ultérieurement ou issu d’une œuvre personnelle concertante est un fait courant chez les musiciens de cinéma. Les contraintes de temps, la pression des producteurs amènent parfois le compositeur à insérer une mélodie préconçue dans la B.O. à produire. Nino Rota n’échappe pas à cette pratique lors de son travail sur Le Parrain. « Les gens de la Paramount me tannaient pour avoir des motifs qui puissent constituer une chanson, révèle le maestro fin 1972. J’en ai mis trois qui ressortent bien, et c’était une erreur parce que s’ils voulaient créer un effet, il fallait qu’ils n’en mettent qu’un, et ce sur le plan strictement commercial. Pour bien faire de la musique de film, il faut du talent musical chez le compositeur et du talent musical chez le réalisateur. Sinon c’est difficile (…) Quand j’ai écrit le score du Parrain, les Américains voulaient que je leur envoie… C’était hors de question. » Loin des studios, Rota reprend en toute légitimité la mélodie rythmée du film Fortunella* et la transforme en un thème d’amour validé par Francis Coppola. Dénoncé à l’occasion des Oscars 1973, le compositeur se voit retirer sa nomination pour auto-plagiat. Mais le succès aidant, l’injustice est réparée deux plus tard lorsqu’il reçoit la statuette méritée du meilleur score original (Le Parrain II, en collaboration avec Carmine Coppola). The Godfather : éd. MCA (cd). *Coréalisé par Federico Fellini et produit par Dino de Laurentiis en 1957. Ce dernier figurera parmi les dénonciateurs de 1972 et tentera, en vain, de toucher des royalties sur une partition qu’il n’aurait pas payée à Rota ! LA PARTY The Party Réalisé par Blake Edwards - Production : Blake Edwards (United Artists) Musique de Henry Mancini - 1968 La critique française n’est pas tendre avec La Party lors de sa sortie parisienne. Claude-Jean Philippe parle d’un "film à la dérive" (Télérama, 31/08/1969), Louis Chauvet n’y voit que "d’insipides tartes à la crème" (Le Figaro, 22/08/1969), Odile Grand juge que "L'intrigue est frêle et guère destinée à révolutionner l'art dramatique." (L’Aurore, 17/08/1969). Bref, peu de journalistes considèrent le film comme le point culminant d’un tandem désormais sacré. D’un trio pourraiton rajouter, car les comédies de Blake Edwards et Peter Sellers n’auraient proba-

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blement pas la même saveur sans l’indispensable Henry Mancini. Dans ses mémoires, le musicien regrette que cette Party soit passée quasi inaperçue : « C’est un film intéressant, notamment par le fait qu’il s’inscrit dans un corpus particulier de l’œuvre d’Edwards, une série de films satiriques sur l’industrie du cinéma hollywoodien… Blake continuera d’exposer les failles et les folies d’Hollywood jusqu’à S.O.B., que la plupart des gens considèrent comme sa plus grande réussite de l’époque. Cependant, bien que La Party n’ait pas remporté un franc succès, il mérite toujours d’être vu. » Et écouté ! la B.O. est un délice pour soirées cocktails, éclairée par la chanson oriflamme Nothing to lose (éphémère Claudine Longet). The Party : éd. RCA et Sony (cd). LE PASSAGER DE LA PLUIE Réalisé par René Clément - Production : Serge Silberman (Compagnie Commerciale Française Cinématographique) Musique de Francis Lai - 1970 « À l'époque avec Claude Lelouch, nous faisions tous les ans un film ensemble, se souvient Francis Lai. C'était un mariage qui tournait bien, et chaque fois qu'un autre metteur en scène du calibre de René Clément me sollicitait, c'était toujours totalement inattendu. J'étais bien sûr très flatté, mais aussi très angoissé... J'avais beaucoup de respect pour ses films et les grands compositeurs avec lesquels il avait travaillé. Très simplement, il m'a dit: "Francis, il faut que je vous raconte mon film !" Il est donc venu chez moi et nous avons passé une soirée extraordinaire. À mon sens, René Clément avait le pouvoir de conditionner l'esprit musical qu'il souhaitait entendre dans son film. » D'une grande variété instrumentale, la partition du Passager de la Pluie est particulièrement représentative de l'identité mélodique de Francis Lai. La chanson-titre* – interprétée par Séverine, future lauréate de l'Eurovision en 1971 – laissera une empreinte indélébile dans la carrière du musicien, de même que le thème lié à Charles Bronson, alias Dobbs. « Ma collaboration avec Clément a vraiment bien fonctionné, nous avons fait trois films ensemble dont son tout dernier (La Baby-Sitter), en 1975 », conclut Lai. Le Passager de la Pluie : éd. Disques Dreyfus (cd). *Disque d'or au Japon, avec plus d'un million d'exemplaires vendus. PATTON Patton Réalisé par Franklin J. Schaffner - Production : Frank McCarthy (20th Century Fox) Musique de Jerry Goldsmith - 1970 « Patton était un personnage compliqué, remarque Jerry Goldsmith… Et le film, si on l’examine avec attention, est antimilitariste. Son personnage renfermait plusieurs strates. Un guerrier en premier, un homme religieux aussi, qui croyait à la réincarnation… Un homme très cultivé en fait. Musicalement, je voulais incarner tout cela en un seul mouvement contrapuntique, à l’image de son personnage. » Par l’entremise d’une partition brève (trente minutes sur trois heures de projection), le compositeur renonce aux facilités illustratives du genre et joue sur le con-

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Le studio Hit Factory (ex CBS) de Whitfield Street à Londres. Aujourd’hui fermé, il fut très utilisé dans années 80 et 90 pour des enregistrements de bandes originales, telles Legend (Ridley Scott, 1985), Link (Richard Franklin, 1986), Total Recall (Paul Verhoeven, 1990), Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992), Tombstone (George Cosmatos, 1994), Evita (Alan Parker, 1996)…

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traste mesuré des motifs. « J’ai écrit un hymne religieux, une marche militaire – ça c’était facile – et une fanfare qui est un écho du passé. Il fallait que ces thèmes fonctionnent ensemble ou se tiennent séparément sous diverses apparences. C’était quelque chose dont je n’avais jamais discuté avec le metteur en scène, je l’ai fait tout simplement et il a été très content du résultat. » La même année, Goldsmith retourne sous les drapeaux avec Tora ! Tora ! Tora !, spectaculaire récit de Pearl Harbor, et entérine le minimalisme de son approche : « Le compositeur doit réaliser que son travail n’est pas de dominer. Il est là pour apporter un élément supplémentaire pour la compréhension de ce qui va être dit ou fait. Il doit être à l’affût de ces instants particuliers dans le film, où seule la musique est capable d’exprimer ce qui doit être dit. Si cela est bien fait, la scène en sera rehaussée. » Patton : éd. Intrada (cd) et Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1971. PEAU D’ÂNE Réalisé par Jacques Demy - Production : Mag Bodard (Cinema International Corporation) Musique de Michel Legrand - 1970 L’échec américain de Model Shop* ramène Jacques Demy vers la France où il embrasse une histoire à la mesure de ses aspirations. « Avec Peau d’Âne, Demy retrouve Demy, observe Michel Legrand. Le conte de Perrault semble avoir été écrit à son intention : un sujet cruel et œdipien habillé de couleurs roses et bleues. Musicalement, ma première réaction est d’aller vers des styles très variés, volontairement en contraste. "Démarre sur une fugue, me confie Jacques, mais ajoute ensuite de la guitare électrique et des rythmes modernes." Pour faire naître la féerie, il faut une partition oscillant entre le baroque, le jazz et la pop. Comme le film lui-même : un télescopage singulier entre l’univers du conte de fées, celui de Cocteau et les couleurs du pop art, découvertes par Jacques en Californie… Sur le moment, je n’imagine pas l’importance que prendra Peau d’Âne dans l’imaginaire collectif. Et notamment la Recette pour un cake d’amour, qui continue de marquer au fer rouge le cortex de nouvelles générations de petites filles. » Le film réunira dans l’Hexagone plus de 2 millions de spectateurs, soit le plus grand succès du cinéaste. Peau d’Âne : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (intégrale Legrand/ Demy, cd) et Playtime (cd). *mis en musique par le groupe californien Spirit PEUR SUR LA VILLE Réalisé par Henry Verneuil - Production : Jean-Paul Belmondo (AMLF) Musique d’Ennio Morricone - 1975 Supérieur au film Le Casse* dans son écriture et son traitement, Peur sur la Ville peut se voir comme l’équivalent français des polars paranoïaques américains de l’époque, l’humour en plus. Les dialogues de Francis Veber et Jean Laborde font

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mouche, le montage est serré, mais l’ensemble laisse peu de place aux interventions de Morricone. « À l’issue de la première projection du film, se souvient Henri Verneuil, Ennio m’a déclaré : "Je me demande vraiment où intervenir." Car les séquences d’action étaient réalisées de telle façon qu’elles ne nécessitaient pas d’apport musical. L’agencement des bruits et des voix était suffisant. C’est là que l’on distingue le grand compositeur, celui qui sait trouver des solutions intelligentes, qui sait apporter au film une dimension supplémentaire. En définitive, Morricone a écrit un thème trouble un peu dissonant, avec sifflet et piano dans le grave, qui amène au film un plus d’inquiétude et de malaise. Sur le générique de début, j’aime beaucoup la façon dont ce thème se marie aux images d’un Paris nocturne, en pleine évolution urbaine, avec la froideur des tours de La Défense. Grâce à la musique une menace plane, on ignore d’où elle va surgir... » Peur sur la Ville : éd. GDM et Music Box (cd). *Par ailleurs, le thème du Casse (également composé par E. Morricone) remportera un grand succès, et sera enregistré par Astrud Gilberto et Mireille Mathieu. PIERROT LE FOU Réalisé par Jean-Luc Godard - Production : Georges de Beauregard (Société Nouvelle de Cinématographie) Musique d’Antoine Duhamel - 1965 À l'exemple de La Fille du 14 juillet (2013), Pierrot le Fou continue de faire des émules dans la production française. Il faut dire que ce trublion de la Nouvelle Vague a tout pour plaire aux jeunes créateurs : une écriture ludique, un montage audiovisuel anticonformiste, des références à la bande dessinée... Selon Antoine Duhamel, Godard a en outre libéré les codes musicaux à l'écran : « Avant de travailler avec lui, j'avais déjà observé la façon remarquable dont il utilisait la musique, sa science de la rupture, des silences. Sur Pierrot Le Fou, Godard m'a dit : "faites la musique, je la placerai où je veux". Il se trouve qu'il l'a placée là où je la rêvais, notamment sur la traversée de la Durance. Quant à la séquence de la station-service, il a morcelé ma composition avec beaucoup de précision. Si vous écoutez bien, il la coupe toujours au bon endroit... C'est le seul réalisateur avec lequel j'ai travaillé qui a compris ce qu'est une phrase musicale. » Probablement séduit par la résonance du score de Delerue sur Le Mépris, Jean-Luc Godard oriente Duhamel vers les compositions romantiques de Robert Schumann. Le musicien relève brillamment le défi en ajoutant quelques pointes de Schönberg dans son beau thème pour Ferdinand / Belmondo, un soupçon de Bartók pour la fuite du héros (Pierrot), et trois chansons interprétées par Anna Karina, dont la truculente Mic et Mac qui sera rejetée par Godard. Pierrot le Fou / Week-end : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LA PISCINE Réalisé par Jacques Deray - Production : Gérard Beytout (Société Nouvelle de Cinématographie) Musique de Michel Legrand - 1968

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Antoine Duhamel (1925-2014) à son domicile de Valmondois dans les années 90.

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Avant sa rencontre avec Claude Bolling (neuf films en commun), Jacques Deray trouve un véritable tremplin musical en la personne de Michel Legrand : « Comme j’aime beaucoup les stars, confie le réalisateur, mon chemin m’a porté très vite vers lui, et lorsque vous parlez de Legrand à un producteur, il est rarement contre ! » À l’époque, le compositeur prend ses marques à Hollywood mais revient spécialement à Paris pour l’enregistrement. La partition est audacieuse : un thème voluptueux, quelques dissonances, deux voix, un chœur et trois solistes jazz. « Pendant l’enregistrement, Jacques Deray a perdu pied, raconte Legrand. Ce qu’il entendait l’effrayait, pas les thèmes en eux-mêmes mais leur traitement. Sa question récurrente était : "Pourquoi ces voix, d’où viennent-elles ?" J’essayais de le raisonner, de lui expliquer qu’une musique posée à postériori sur des images n’est pas réaliste : "Quand Jeanne Moreau déambule dans Ascenseur pour l’Échafaud, tu entends la trompette de Miles Davis sans la voir escorter Jeanne." Rien n’y a fait. Jacques trouvait cette orientation musicale trop radicale, trop extrême… C’était un homme placide, sûrement pudique, que je n’ai jamais vu extérioriser une émotion. Et moi, en réagissant à ses images, j’étais allé trop loin, trop haut. » Un Peu de Soleil dans l’Eau Froide* pourrait-on dire… Deray conservera les voix du générique, mais exigera de Legrand qu’il allège ses orchestrations au profit d’une plus grande rationalité. La Piscine : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). *Titre de leur collaboration suivante, adapté de Françoise Sagan. UNE PLACE AU SOLEIL A Place in the Sun Réalisé par George Stevens - Production : George Stevens (Paramount Pictures) Musique de Franz Waxman - 1951 Les cinéphiles français ont tous en mémoire le générique de l’émission des années 80, Cinéma Cinémas : quelques icônes du Septième art peintes sur une fresque morcelée, et la musique ardente d’Une Place au Soleil. Dès sa création, ce grand thème de Franz Waxman suscite l’intérêt de George Stevens mais, durant le montage, le réalisateur émet des réserves sur le reste du score. « Sur l’une des séquences, la musique lui apparaissait trop subtile, raconte Gergely Hubai, il souhaitait quelque chose de plus dramatique. Le premier compositeur auquel l’on demanda de réécrire ce passage fut Daniele Amfitheatrof. Il composa un nouveau morceau puis intervint bientôt sur d’autres scènes. À la fin du processus, plus d’un tiers du score était remanié par Amfitheatrof et Victor Young, le chef du département musique à la Paramount. Si certaines anecdotes prétendent que Young refusa de trahir un autre compositeur, le détail des partitions révèle qu’ils écrivirent tous les deux une douzaine de morceaux. » Ces coupes sombres n’entameront pas l’aura du travail de Waxman, alors au sommet de son art. « Toute la musique d’Une Place au soleil est sublime, remarque Bruce Kimmel*. Il n’y a pas grandchose à dire de plus car il suffit de l’écouter pour en avoir la preuve. Elle est telle que la musique de film devrait être : jamais indigeste ou redondante… Mais créée pour souligner les images, les personnages et le drame à l’écran. » A Place in the Sun : éd. Kritzerland (cd) et RCA (suite réenregistrée, cd). *Acteur, réalisateur, compositeur, producteur et créateur des éditions Kritzerland.

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Oscar de la meilleure musique originale 1952. LA PLANÈTE DES SINGES Planet of the Apes Réalisé par Franklin J. Schaffner - Production : Arthur P. Jacobs (20th Century Fox) Musique de Jerry Goldsmith - 1968 Cinquante ans après sa sortie en salle, La Planète des Singes de Schaffner continue d’inspirer suites et remakes au succès tenace. Jerry Goldsmith nourrit le mythe à la racine en discernant la dualité du projet. « Le sujet du film était primitif, remarque le compositeur, c’était aussi une fiction et cela se passait dans le futur. Autant de raisons qui justifient que je fasse exactement ce que je voulais. J’ai donc opté pour une musique sérielle. Entre le début des années soixante et jusqu’au milieu des années soixante-dix, on pouvait encore faire ce que l’on voulait. À l’époque, j’avais un bureau à la Fox. J’écrivais sur place et je pouvais immédiatement disposer de musiciens. Tous savaient que j’étais toujours en quête de nouveaux trucs alors ils venaient souvent avec le dernier gadget sorti. Je me souviens d’un joueur de flûte de l’orchestre, Abe Most, qui était arrivé avec une flûte basse et un démultiplicateur de sons. Vous jouiez une note, et c’était deux notes qui sortaient. On pouvait créer des intervalles et répéter des notes. Cela donnait une touche presque naïve au morceau. Ce qui est par ailleurs fort intéressant avec La Planète des Singes est que je me suis retrouvé à la jouer en concert sans aucun effet sonore. Et bien, même jouée par un orchestre traditionnel, elle rend finalement bien. » Tous les successeurs de Goldsmith marcheront sur ses pas novateurs. Planet of the Apes : éd. Varèse Sarabande (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1969. PLAYTIME Réalisé par Jacques Tati - Production : Bernard Maurice (Prodis) Musique de Francis Lemarque - 1967 Plus qu’aucun autre cinéaste français, Jacques Tati attribue une fonction prépondérante à l’architecture sonore du film. « Il avait rarement recours au son direct, observe François Porcile, composant ses bandes sonores en postsynchronisation, accordant chaque élément, vocal, musical ou "bruitique", une texture particulière, une place, un rôle, un sens. Bref, une identité. » D’où son exigence dans le choix des compositeurs associés à ses créations acoustiques. Georges Delerue enregistre quelques maquettes pour Playtime mais Tati rechigne. Sur les conseils d’une journaliste, il propose la B.O. à Francis Lemarque qui, à l’occasion d’une projection privée, saisit tous les enjeux esthétiques de l’œuvre : « J’ai trouvé le résultat très beau mais trop cérébral pour un film humoristique. De plus, à mon avis, le format 70 mm lui donnait des dimensions écrasantes (…) En même temps, je sentais naître dans ma tête un thème* beaucoup plus généreux, plus ample que celui que je lui avais proposé avant d’avoir vu le film. Dix jours plus tard, je lui demandais de venir à la maison écouter la nouvelle musique que j’avais composée. Il est arrivé avec sa femme. Ce fut une soirée formidable, ils étaient heureux tous les

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deux, ma musique leur plaisait beaucoup. Je l’ai jouée, rejouée, du mieux que je pouvais, en valse, en tango, en fox-trot, des dizaines de fois. À partir de cette soirée, j’ai été accepté comme le compositeur de Playtime. » Lemarque sera le premier musicien de Tati à bénéficier d’un mixage cinéma en stéréo multipiste. Playtime / Le Cinéma de Francis Lemarque : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). *Lemarque adaptera la mélodie entrainante de Playtime en chanson (L’Opéra des jours heureux). LES PLUS BELLES ANNÉES DE NOTRE VIE The Best Years of our Lives Réalisé par William Wyler - Production : Samuel Goldwyn (RKO Pictures) Musique de Hugo Friedhofer - 1946 Sur les recommandations d’Alfred Newman, l’ami et orchestrateur Friedhofer s’impose aux forceps sur cette fresque humaniste initiée de A à Z par Samuel Goldwyn. William Wyler désire une partition moderne aux couleurs de l’Americana, mais doute des compétences du musicien face à l’ampleur de la tâche. Un comble quand on connaît l’étendue de ses talents d’arrangeur pour Max Steiner, E.W. Korngold, et son associé Newman : « Il y avait une vraie symbiose entre Friedhofer et Newman, révèle William H. Rosar. En fait, leur collaboration s’étend sur près de 35 ans jusqu’à la mort de Newman en 1970. Sur une bonne douzaine de films, Friedhofer a écrit des morceaux pour Newman et réciproquement.* » Après plusieurs sessions d’enregistrement, Wyler baisse sa garde et reconnaît qu’il a trouvé le compositeur de son film. Toute la subtilité d’Hugo Friedhofer jaillit dans ces Plus Belles Années enrobées de nuances : « Je suis convaincu, affirme ce dernier, que la musique idéale pour un long-métrage est celle qui, tout en conservant son intégrité, parvient à fusionner avec tous les éléments filmiques impliqués ; parfois comme une trame, parfois tel un tissu conjonctif, voire occasionnellement comme l’acteur principal du drame. Le compositeur doit envisager l’élément visuel comme un cantus firmus** accompagné de deux contrepoints : les dialogues et les effets sonores. Il est de son ressort d’inventer un troisième contrepoint qui viendra compléter la texture déjà existante. » Appliqué au film de Wyler, ce point de vue frisera la perfection et autorisera Friedhofer à quitter l’ombre pour la lumière. The Best Years of our Lives : éd. Label X (réenregistrement, cd). *Exemple notoire : le thème du Signe de Zorro (1940) fut composé par Friedhofer et la majorité du score par Alfred Newman. **Présent dans la musique médiévale, le cantus firmus est une longue mélodie servant de base à une polyphonie. Oscar de la meilleure musique originale 1947. POLTERGEIST Poltergeist Réalisé par Tobe Hooper - Production : Steven Spielberg, Frank Marshall (MGM) Musique de Jerry Goldsmith - 1982 Filmé par Tobe Hooper, Poltergeist se révèle l’œuvre indirecte du producteur Ste-

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Avant de travailler pour John Williams ou Jerry Goldsmith, Bruce Botnick enregistra et mixa des titres pour Neil Young, The Beach Boys, et tous les albums du groupe The Doors. C’est notamment lui qui créa l’effet d’orage sur la chanson "Riders on the Storm" (L.A. Woman, 1971).

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ven Spielberg, principal scénariste du film. « Je n’ai travaillé qu’avec lui, affirme Jerry Goldsmith. Steven m’a contacté cinq mois avant la mise en marche de la production… Il était depuis longtemps l’un de mes admirateurs. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois et je lui ai dit que j’étais intéressé par le scénario. Il est très éloquent en matière de musique et l’on pouvait discuter des heures sur les différentes approches. Nous souhaitions un thème enfantin pour Carol Ann et Steven songeait à quelque chose de quasi religieux pour les séquences du placard. Tout ce que j’ai écrit ne l’a pas été de ma seule initiative. Ce fut un effort commun. Nous avons tous les deux travaillé sur la musique. » Interprété par le clinquant Los Angeles Philharmonic Orchestra (non crédité), le score bénéficie des bons soins de Bruce Botnick, fidèle ingénieur du son de Goldsmith : « L'interprétation dans le studio historique de la MGM fut vraiment spectaculaire. Le troisième jour de l’enregistrement, John Williams, qui passait par là, est resté presque toute la journée assister aux sessions. Il a été très impressionné par les sonorités que nous avions su tirer de l’orchestre durant le processus. Cela l’a convaincu, lui et Spielberg, d’enregistrer E.T. L’Extra-Terrestre dans ce même studio. » Poltergeist : éd. Film Score Monthly (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1983. LE PONT DE LA RIVIÈRE KWAÏ The Bridge on the River Kwai Réalisé par David Lean - Production : Sam Spiegel (Columbia Pictures) Musique de Malcom Arnold - 1957 Si les qualités propres du score de Malcom Arnold pour Le Pont de la Rivière Kwaï justifient son Oscar à Hollywood, La marche du Colonel Bogey (Kenneth Alford) a assuré son incroyable renommée. Un choix thématique ouvertement assumé par le compositeur : « Durant les deux Guerres mondiales, les marches militaires chantées étaient invariablement peuplées de gros mots. C’est l’une des raisons pour lesquelles je l’ai utilisée dans le film, histoire de faire un pied de nez aux Japonais. Il semblerait que les premières mesures de la mélodie – en particulier le passage en tierce mineure descendante – soient venues au Major F. J. Ricketts (Kenneth Alford était son nom de plume) alors qu’il jouait au golf. Il siffla l’intervalle pour capter l’attention d’un ami golfeur, puis eut l’idée de l’utiliser dans une marche. C’est d’ailleurs son compagnon de jeu qui lui suggéra d’utiliser le terme de golf "bogey" pour le titre du morceau. Sur ce thème, j’ai écrit une mélodie en contre-chant (The river Kwai march) qui est devenue une chanson à succès en France*, où elle a été reprise sans utiliser la composition d’Alford… Le reste de la partition a été composé rapidement. J’ai écrit les 45 minutes de score en dix jours, et sans m’arrêter, j’ai composé la musique d’un autre film durant tout un week-end ! » En 1965, Malcom Arnold revisitera le genre avec la vigoureuse B.O. des Héros de Télémark. The Bridge on the River Kwai : éd. Sony et Varèse Sarabande (cd). *Hello, le soleil brille! Interprétée par Annie Cordy. À l’écoute de la chanson, on reconnaît toutefois le thème d’Alford. Oscar de la meilleure musique originale 1958.

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UN PONT TROP LOIN A Bridge too Far Réalisé par Richard Attenborough - Production : Joseph E. Levine, Richard P. Levine (United Artists) Musique de John Addison - 1977 C'est un ami de trente ans que plébiscite Richard Attenborough pour écrire la B.O. de sa troisième réalisation. Selon le cinéaste, Addison se révèle un choix providentiel : « Alors qu’il était jeune commandant de blindé, John débarqua en Normandie juste après le Jour J. Il avança vers Caen où son unité fut anéantie. Bien que blessé, il se débrouilla pour extraire un coéquipier de son char d’assaut Sherman en flamme, mais il ne put secourir le pilote et le radio. Dans un certain sens, la musique d'Un Pont Trop Loin est son requiem pour les camarades tombés à ses côtés. Il était d'autant bien placé pour écrire le score qu'il participa ensuite, durant l'hiver 44, à l'opération alliée « Market Garden » dont s'inspire le film. » Spectaculaire, mais d'une martialité contenue, la partition de l’ancien combattant britannique fait devoir de mémoire en se tournant vers la mélancolie (A dutch rhapsody) et le souvenir de la Libération (Overture /A bridge too far march). Quelques mois avant sa disparition, John Addison commentait : « En ce qui concerne les autres films de guerres et la façon dont ils peuvent influencer notre travail, qui sait ce qui nous influence ou pas ? Si dans le monde du cinéma on est relativement conscient de ce que l'on fait, je pense que la plupart d'entre nous espèrent apporter quelque chose de personnel aux divers genres que nous abordons. » Mission accomplie. A Bridge too Far : éd. Ryko et Kritzerland (cd). LA PORTE DU PARADIS Heaven’s Gate Réalisé par Michael Cimino - Production : Joann Carelli (United Artists) Musique de David Mansfield - 1980 La période la plus créative de Michael Cimino s’accompagne musicalement d’une certaine retenue. À peine dix minutes de score suffisent pour envelopper les trois heures de Voyage au Bout de L’Enfer (en incluant le standard Cavatina*), et quelques mélodies traditionnelles font office de bande originale sur La Porte du Paradis : « Au départ, John Williams avait donné son accord pour écrire la partition, révèle David Mansfield, mais comme cette année-là on lui avait offert la direction du Boston Pops, il avait abandonné certains travaux cinématographiques. L’ayant perdu, ils se sont tournés vers tous les grands noms. J’avais fait les arrangements des airs folkloriques européens chantés lors de diverses scènes du film… Sans rien savoir de leur origine, Cimino a commencé à les monter sur les images. Cela a produit un déclic, il était très emballé, puis a lancé : "D’où que cela provienne, pouvez-vous m’en donner d’autre ?" Et là, à son grand déplaisir, il a non seulement découvert que le gamin qui jouait du violon sur le tournage avait fait la musique, mais aussi qu’elle fonctionnait beaucoup mieux que les morceaux orchestraux choisis comme B.O. temporaire. À partir de ce moment-là tout a changé, et petit à petit, j’ai fini par faire le score. » Un splendide coup d’essai suivi de trois belles partitions pour Cimino : L’Année du Dragon, Le Sicilien, et La

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Maison des Otages. Heaven’s Gate : éd. Ryko / MGM (cd). *À la demande du cinéaste, Stanley Myers réarrangera son propre thème tiré du film Qui veut la Fin... (The Walking Stick, 1970), désormais un grand classique de la guitare. PORTRAIT DE FEMME The Portrait of a Lady Réalisé par Jane Campion - Production : Steve Golin, Monty Montgomery (Gramercy Pictures) Musique de Wojciech Kilar - 1996 À la suite du désistement de Michael Nyman, Jane Campion trouve son compositeur idéal pour Portrait de Femme en écoutant la B.O. de Dracula, version Francis Coppola. « J'en ai aimé le romantisme sans aucune sentimentalité, le sens du mystère et la profondeur, note la réalisatrice. » Peu à l'aise avec les exigences du cinéma anglo-saxon, le polonais Wojciech Kilar hésite cependant à s'investir dans un nouveau projet étranger. « Il n'avait plus envie d'écrire de la musique pour le cinéma, poursuit Campion, mais voulait bien reconsidérer sa position. Il est venu en Australie, a aimé le film en y trouvant un romantisme proche de lui, mais il refusait néanmoins de travailler pour nous. Il se sentait bloqué, et, comme c'est un vrai artiste, il n'y avait pas moyen de le faire changer d'avis. Une semaine plus tard, il m'a envoyé un fax, me disant qu'il croyait avoir trouvé des solutions aux différents problèmes que nous avions évoqués ensemble. Ensuite, je suis allée en Pologne, et j'ai été éblouie par son travail et la manière dont il avait compris le film. » Riche en thèmes et variations, Portrait de Femme est une partition qui bouleverse. The Portrait of a Lady : éd. London (cd). LE PRÊTEUR SUR GAGES The Pawnbroker Réalisé par Sidney Lumet - Production : Philip Langner, Roger H. Lewis (Allied Artists Pictures) Musique de Quincy Jones - 1964 Les études musicales de Quincy Jones au collège Berklee de Boston cristallisent un désir latent : composer pour le cinéma. Dans les années 50, il gagne Paris pour parfaire son éducation auprès des maîtres Nadia Boulanger et Olivier Messiaen, puis revient aux États-Unis avec l’intention d’accéder au Septième art. « À l’époque, les noirs ne pouvaient pas écrire pour un orchestre à cordes, remarque Jones. On ne nous aurait pas permis de le faire, seule la composition pour big bands était possible. J’ai donc dû patienter pendant quinze ans. » Sidney Lumet lui ouvre la grande porte avec une œuvre forte et ambitieuse. « Malgré ma grande motivation pour écrire le score du film, quand j’ai découvert Le Prêteur sur Gages, j’ai dit : "il n’y a pas besoin de musique", c’était si puissant ! » Lumet insiste et convoque tous les talents de l’artiste. « Je connaissais les travaux jazz de Quincy, mais quand j’ai appris qu’il avait eu une formation classique avec Nadia Boulanger, j’ai su qu’il était l’homme de la situation, affirme le cinéaste. Il

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s’agissait, dans la musique, d’opposer le nouveau monde à l’ancien. Le premier serait représenté par le jazz et le deuxième par les cordes. Nous avons travaillé de manière quasi mathématique afin que le jazz d’Harlem devienne petit à petit l’élément dominant. Il émerge ainsi triomphalement à la fin du film, lorsque le prêteur sur gages s’ouvre à la vie, après la mort du garçon. » The Pawnbroker : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (The Cinema of Quincy Jones, cd). LE PROFESSIONNEL Réalisé par Georges Lautner - Production : Alain Belmondo, Jean-Paul Belmondo (Gaumont) Musique d’Ennio Morricone - 1981 Sous l'impulsion de Jean-Paul Belmondo, fâché avec Philippe Sarde à la suite de son refus d’écrire du disco sur Le Guignolo, Morricone collabore pour la première fois avec Georges Lautner. « Un ami de Belmondo m'a donné un lot de 45 tours à écouter, se souvient le réalisateur, dont Chi mai de Morricone, tiré du longmétrage italien Maddalena. Ce morceau m'a vraiment emballé, je l'ai utilisé sur le tournage et durant le montage. Je suis ensuite parti à Rome pour enregistrer la musique du film. Et là, je suis tombé sur un fou bien différent de Sarde. Autant Philippe a une folie romantique, autant celle de Morricone est plutôt mathématique. Il enregistrait chaque pupitre séparément ! Il avait tout dans la tête mais on s'emmerdait carrément durant l'enregistrement. Au retour, j'ai monté le film avec cette musique originale, mais tout le monde préférait le thème de Chi mai. Je l'ai donc conservé en utilisant qu'une partie de la partition enregistrée à Rome. » Si aujourd'hui ce choix monothématique semble lutter contre le parcours vindicatif de Joss, alias Belmondo, il paraît difficile d'oublier le succès remporté par le 45 tours du Professionnel, élu Disque d'or à sa sortie. En guise de réparation, l'album du film permettra au public de découvrir toutes les musiques originales, dont Le retour, un beau thème en mineur évincé de la bande-son. Le Professionnel : éd. Music Box (cd). Nominée au César de la meilleure musique originale 1982. LES PROFESSIONNELS The Professionals Réalisé par Richard Brooks - Production : Richard Brooks (Columbia Pictures) Musique de Maurice Jarre - 1966 Ce que le western américain doit musicalement à la vieille Europe n’a rien d’anecdotique. Dès l’apparition du genre, Max Steiner (Autrichien), Dimitri Tiomkin (Ukrainien), voire Franz Waxman (Allemand) soumettent leur vision du Far West à Hollywood, et participe à son rayonnement mondial. Le Français Maurice Jarre rejoint la grande chevauchée à la demande de Richard Brooks : « Quelques mois après mon Oscar pour Docteur Jivago, quand la Columbia m’a contacté pour Les Professionnels, je suis littéralement tombé de ma chaise, raconte le compositeur. Je me considérais comme trop français pour investir un genre aussi typiquement américain. Pourquoi Richard Brooks n’avait-il pas plutôt

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pensé à Elmer Bernstein. Pour moi, réussir cette partition équivalait à un certificat d’intégration à Hollywood… D’autres westerns ont suivi, avec Henry Hathaway ou John Huston. Mais curieusement, je n’ai jamais voulu prendre en compte les codes musicaux du genre. Mon écriture a d’abord été influencée par l’esprit de chaque sujet, son traitement, la psychologie et la trajectoire des personnages, l’esthétique du metteur en scène. Aucune de ces partitions ne se rattache aux canons musicaux du western classique, disons à la Dimitri Tiomkin. » Effectivement, Maurice Jarre se saisit d’autres folklores pour tracer une route toute personnelle (Pancho Villa, El Condor, Juge et Hors-la-loi…), parsemée de réussites aussi notables que les B.O. affiliées de Jerry Goldsmith et Ennio Morricone. The Professionals : éd. Colgems (lp) et Silva Screen (copie médiocre de 33t, cd). LA PROMISE The Bride Réalisé par Franc Roddam - Production : Victor Drai (Columbia Pictures) Musique de Maurice Jarre - 1985 Il est intéressant de constater combien le travail d'un compositeur se retrouve parfois en lutte contre un film maladroit. Situé quelque part entre Pinocchio et Frankenstein, La Promise s'amorce comme une relecture inattendue du roman de Mary Shelley. Son récit scindé en deux parties parallèles (l'émancipation du monstre / l'éducation d'Eva – la deuxième créature), sa distribution à la mode (le chanteur Sting, Jennifer Beals), et de superbes prises de vue en France, ne parviennent cependant pas à sauver le film du flop intégral. La musique survit du naufrage grâce au label Varèse Sarabande, éditeur attentif des causes perdues. Maurice Jarre paye ici son hommage à Miklós Rózsa avec un score somptueux digne du Madame Bovary de Vincente Minnelli. Morcelé par le montage final, la B.O. composée par le musicien lyonnais trouve de fait un bien meilleur écrin dans la flamboyante édition vinyle orchestrée par Christopher Palmer. Ce grand spécialiste des partitions de l'âge d'or colore le geste symphonique de Jarre sans jamais trahir son style si reconnaissable. À l’écoute du score, on savoure autant l'utilisation remarquable des Ondes Martenot que la brillance du Royal Philharmonic Orchestra. The Bride : éd. Varèse Sarabande (cd). PROVIDENCE Réalisé par Alain Resnais - Production : Yves Gasser, Klaus Ellwig, Yves Peyrot (G.E.F.) Musique de Miklós Rózsa - 1977 « Il m’a semblé que Clive (l’écrivain malade de Providence), étant donné son âge et sa psychologie, remarque Alain Resnais, était sensible à une musique tonale et traditionnelle, mais cependant étrange. En tout cas que l’imaginaire de mon héros ne s’accordait pas à une musique qui soit dodécaphonique ou sérielle. Je choisis toujours la musique en fonction de mon personnage principal… Miklós Rózsa, que j’admire depuis plus de vingt ans est un compositeur épique qui a orchestré Le Cid, Quo Vadis, Ben-Hur, mais aussi des films plus psychologiques, plus ro-

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mantiques, comme Madame Bovary. Il me fallait aussi un musicien qui soit fidèle au côté anglo-saxon, et qui soit associé à l’idée de Clive grand voyageur. » Pour cette réalisation française inattendue, Rózsa, lui-même globe-trotter, s’immerge dans le Paris de ses jeunes années avec une partition qu’il considère comme son "anti Ben-Hur". « Le score de Providence, précise-t-il, comprend une petite pièce pour piano et cordes appelée Valse crépusculaire*. Elle sonne pour moi comme une réminiscence nostalgique de ma jeunesse dans la Ville lumière*. Ce morceau m’est venu la première fois en marchant dans les rues étroites de Montparnasse, À la recherche du temps perdu*. » Providence : éd. Digitmovies (cd). *En français dans le texte. César de la meilleure musique originale 1978. PSYCHOSE Psycho Réalisé par Alfred Hitchcock - Production : Alfred Hitchcock (Paramount Pictures) Musique de Bernard Herrmann - 1960 La relative déception du "maître du suspense" devant le montage final de Psychose n’inquiète guère Bernard Herrmann. « Hitchcock sentit que le film ne fonctionnait pas, se souvient le compositeur. Il voulut le remonter afin de ramener sa durée à une heure pour la télévision et ainsi s’en débarrasser. J’avais une petite idée de ce que l’on pouvait en faire, aussi je lui proposai : "Pourquoi ne partiriezvous pas pendant vos vacances de Noël ? De cette façon, lorsque vous reviendrez, nous enregistrerons la musique et vous me direz ce que vous en pensez." – "Bon, me répondit-il, faites ce que vous voulez, mais s’il vous plaît n’écrivez rien pour le meurtre dans la douche. Il doit demeurer sans musique." » Herrmann ignore la dernière recommandation et embraye sur un score monochromatique pour cordes, en partie inspiré de sa Sinfonietta composée en 1935. À son retour, Hitchcock approuve l’intégralité de la partition, douche incluse. « Nous avons mixé la scène du meurtre sans aucun effet musical et lui avons montré, poursuit Herrmann. Ensuite, je lui ai dit : "J’ai vraiment écrit quelque chose pour cette séquence… Essayons ma version." Nous lui avons donc joué avec ma musique. "Bien sûr, c’est ce mixage que nous utiliserons", me dit-il – "Mais vous ne souhaitiez pas de musique !" – "Suggestion impropre mon garçon, suggestion impropre", répondit Hitchcock. » Psychose sera un grand succès et le cinéaste reconnaîtra la B.O comme « responsable à 33% de l’effet du film sur le public. » Psycho : éd. Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). QBVII QBVII Réalisé par Tom Gries - Production : Douglas S. Cramer (ABC) Musique de Jerry Goldsmith - 1974 En 1969, Jerry Goldsmith compose la musique du western Les 100 Fusils, son premier film avec Tom Gries, puis celles de deux autres longs-métrages (L’Évadé, Le Solitaire de Fort Humboldt) et de la mini-série QBVII. Leur collaboration est

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typée, remarquable, mais dans les faits n’a rien d’effectif : « Je ne l’ai jamais rencontré, avoue Goldsmith. J’ai travaillé sur ces films avec les producteurs. Pour des Européens cela peut paraître étonnant, cependant à cette époque, c’était une façon de faire très courante à Hollywood. » Malgré l’absence de dialogue avec le réalisateur, le score de cette adaptation de Leon Uris (Exodus) est mené à bien avec l’exigence d’une création concertante : « Si l’on s’en tient uniquement à la musique, je trouve intéressant que QBVII et Masada soient les deux choses majeures que j’ai écrites. On y trouve des éléments profondément reliés aux gènes de la culture juive… Comme je suis moi-même juif, je possède une affinité pour composer ce type de musique. Cela peut sembler pompeux et arrogant, mais je pense vraiment que seuls des juifs peuvent exprimer ce type de sentiment. » Œuvre à la fois intime et grandiose, QBVII culmine avec un chant aux allures d’oratorio. « J’ai utilisé le texte du kaddish intitulé Prière des Juifs endeuillés pour écrire ce thème. Les mots y sont parlés et chantés de manière abstraite, mais aussi concrète lors du final… Pour moi ce drame est plus qu’un divertissement, c’est un plaidoyer humaniste pour l’amour et la tolérance envers son prochain », conclut Goldsmith. QBVII : éd. Intrada (cd) et Prometheus (réenregistrement, cd). LE QUAI DES BRUMES Réalisé par Marcel Carné - Production : Gregor Rabinovitch (Les Films Osso) Musique de Maurice Jaubert - 1938 Marcel Carné recrute Jaubert pour Le Quai des Brumes après avoir été conquis par son travail sur Drôle de Drame. Les deux artistes enchainent des échecs notables, mais le cinéaste fait fi de toute considération commerciale : « Sa musique – qui s’adressait aux seuls mélomanes – se vendait mal et ne l’enrichissait guère… Ainsi ne fus-je qu’à demi surpris, écrit Carné, lorsqu’un jour où il était arrivé plus tôt qu’à l’ordinaire (au montage), il me confia : "Si par malheur votre film n’a pas de succès monsieur Carné, je crois que je serai contraint d’abandonner ce métier." D’ordinaire, un musicien qui parle de sa profession emploie le mot "art". Jaubert, lui, avec sa simplicité habituelle, avait préféré parler de son "métier". Mais une sorte de frémissement dans la voix, une chaleur intérieure, même réfrénée, laissait deviner que ces deux syllabes résumaient sa vie, qu’elles étaient sa raison d’être. Une forme de snobisme prétendait que la meilleure musique de film est celle que l’on n’entend pas. La musique de Jaubert, elle, on l’entendait ! Elle était belle : grave, prenante, nostalgique et variée. » Le succès du film maintiendra le compositeur dans son "métier" jusqu’à sa disparition précoce en 1940, où il tombera pour la France à l’âge de 40 ans. Son influence sur la future garde des musiciens français (Georges Delerue ou Maurice Jarre, notamment) est particulièrement évidente dans Le Quai des Brumes, grande partition aux résonnances populaires. Les Enfants du Paradis / Le Quai des Brumes : éd. Milan (réenregistrement, cd). QUAND LES AIGLES ATTAQUENT Where Eagles dare Réalisé par Brian G. Hutton - Production : Elliott Kastner (MGM) Musique de Ron Goodwin - 1968

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Après Mission 633 et Opération Crossbow, l’Anglais Ron Goodwin gagne son étiquette de spécialiste du film de guerre avec ce troisième opus militaire en Cinémascope. Le scénario, volontiers sinueux, implique ici un traitement musical dénué de marches héroïques : « Le concept de personnages se suivant et s’esquivant les uns les autres m’a donné l’idée d’écrire un genre de fugue, révèle le musicien. Brian G. Hutton souhaitait de la musique sur le générique, mais il voulait aussi entendre le moteur de l’avion approchant dans le lointain. C’est pourquoi j’ai choisi d’amorcer le thème avec juste des battements de caisses claires. Ils commencent doucement, puis augmentent et deviennent de plus en plus forts. On pouvait ainsi entendre le bruit de l’avion avant que l’orchestre fasse son entrée… Par la suite, j’ai utilisé ce motif de diverses façons, en l’adaptant aux séquences de suspense et de poursuite qui s’enchainaient tout au long du film. » Goodwin refuse cependant d’illustrer la scène de l’évasion vers l’aérodrome. « J’avais décidé qu’elle n’avait pas besoin de musique et donc je n’avais rien enregistré. Mais les producteurs américains en ont décidé autrement, et comme il ne pouvait louer à nouveau l’orchestre, ils ont monté le thème principal en boucle sur cette poursuite. Cela a détruit la structure de la partition. » Malgré ce grain de sable, la notoriété de son travail demeure intacte. Where Eagles dare : éd. Film Score Monthly (cd). LES QUATRE CAVALIERS DE L’APOCALYPSE The Four Horsemen of the Apocalypse Réalisé par Vincente Minnelli - Production : Julian Blaustein (MGM) Musique d’André Previn - 1962 Un casting imposé (Glenn Ford, Ingrid Thulin) et plusieurs remaniements scénaristiques entravent considérablement le travail de Vincente Minnelli sur cette grosse production de la MGM. Le réalisateur tente en vain de souligner les carences de l’entreprise auprès de ses producteurs, puis se résigne à boucler le longmétrage en quelque cinq heures de bobines ! André Previn entame la composition du score sur un montage de trois heures et six minutes, ramené à 152 minutes par Margaret Booth, l’incontournable chef monteuse du studio. Ces difficultés n’atténuent en rien l’inspiration personnelle du musicien : « En créant une série foudroyante de suites symphoniques pour accompagner l’action du film, remarque George Feltenstein*, c’est comme si la passion de Previn pour les Quatre Cavaliers puisait sa source dans son enfance. À l’âge de huit ans, il fut contraint, avec sa famille, d’abandonner sa maison à Berlin et tous les biens, afin d’échapper à la persécution des nazis. Sous couvert de "prétendues" vacances à Paris, la famille Previn savait qu’elle ne retournerait jamais chez elle. Ils bataillèrent un temps à Paris pour trouver les fonds nécessaires à leur départ pour l’Amérique. » Curieusement ignorée par la cérémonie des Oscars de 1963, sa partition fera grand bruit auprès des mélomanes cinéphiles déjà impressionnés par sa B.O. d’Elmer Gantry, Le Charlatant (1960). The Four Horsemen of the Apocalypse : éd. Ryko Handmade (cd). *Producteur et archiviste pour Warner Bros. et MGM.

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LA QUATRIÈME DIMENSION Twilight Zone, the Movie Réalisé par Joe Dante, George Miller, John Landis, Steven Spielberg - Production : John Landis, Steven Spielberg (Warner Bros.) Musique de Jerry Goldsmith - 1983 À l’échelle du cinéma américain, la série télévisée La Quatrième Dimension est l’école de tous les talents : Robert Redford, Richard Donner, Charles Bronson, Ron Howard… nombre d’artistes font leur classe sous l’égide du créateur Rod Serling. Parmi eux, Jerry Goldsmith construit les fondations de ses futurs travaux pour le grand écran. Il diversifie les sujets (drame, western, science-fiction…), les orchestrations, et se prépare à expérimenter de nouveaux instruments. Vingt ans plus tard, l’adaptation cinéma de l’émission CBS lui donne l’opportunité de relier ses aspirations passées à son présent créatif. « J’ai toujours souhaité traiter l’instrumentation électronique comme une partie normale de l’orchestre, précise Goldsmith, et par la même, l’enregistrer de façon acoustique en la connectant à des amplis à lampe… Le score de La Quatrième Dimension (riche en sons synthétiques) a été fait de cette façon. Quand je dirige, je veux être capable de gérer moi-même l’équilibre entre les différents pupitres, plutôt que de laisser la balance à l’ingénieur du son. Bien sûr, on peut obtenir de très bons résultats en branchant les synthés directement sur la table de mixage. Mais pour moi, ils ne sonnent vraiment pas comme une partie de l’orchestre enregistré dans le studio… » L’équation parfaite entre une certaine économie de moyen et la meilleure flamme symphonique du compositeur. Twilight Zone, the Movie : éd. Film Score Monthly (cd). QUELQUE PART DANS LE TEMPS Somewhere in Time Réalisé par Jeannot Szwarc - Production : Stephen Deutsch (Universal Pictures) Musique de John Barry - 1980 « Un jour, se souvient Richard Kraft*, j’ai demandé à Jerry Goldsmith : s’il était réalisateur, quel compositeur (à part lui-même) choisirait-il pour écrire la bande originale de son film ? Sans hésitation, il me répondit: "John Barry… Personne n’accroche un film avec thème mieux que Barry." » Et ce ne sont pas les milliers de fans de Quelque Part dans le Temps qui contrediront cet autre grand mélodiste du cinéma. Interprété de la façon la plus romantique qui soit par le pianiste Roger Williams, le thème Somewhere in time est l’exemple même de la mélodie qui survit au contenant : « J’ai reçu plus de lettres pour Quelque Part dans le Temps que pour aucune autre de mes musiques, révèle John Barry. Les gens me disent : "Je me suis marié dessus… J’ai donné naissance avec… Mon père est mort avec…" C’est étonnant. » Le budget initial du film ne permettant pas d’inclure le salaire du compositeur, Barry accepte d’attendre la sortie en salle pour percevoir ses honoraires. Une vraie chance pour Jeannot Szwarc : « C’était incroyable. Tout était parfait : la longueur, le tempo, les sentiments exprimés… La musique correspondait superbement aux images. Nous avions notre thème et John se préparait à écrire l’une des plus belles partitions que je n’avais jamais entendues. » Six ans plus tard, Barry retrouvera les paradoxes du temps avec Peggy Sue s’est mariée

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de Francis Coppola. Somewhere in Time : éd. MCA (cd) *Richard Kraft est l’un des principaux agents artistiques de compositeurs à Hollywood. QUO VADIS Quo Vadis Réalisé par Mervyn LeRoy - Production : Sam Zimbalist (MGM) Musique de Miklós Rózsa - 1951 Au début des années cinquante, rien ne prédestine Miklós Rózsa à devenir le chantre du péplum hollywoodien. Le musicien est surtout renommé pour ses remarquables B.O. de films noirs (dont Assurance sur la Mort, Les Tueurs, le Poison…) et quelques thrillers psychologiques. À la demande insistante de L.K. Sydney, le directeur général de la MGM qui le préfère à William Walton, Rózsa est engagé dans la plus grosse production de sa jeune carrière (sept millions de dollars). Il entreprend alors un important travail de recherche sur l’époque à illustrer. « Dans ce film, remarque le compositeur, j’ai utilisé d’authentiques mélodies de la Grèce antique. On n’avait jamais entendu cette musique auparavant. Les musicologues la connaissaient peut-être, mais on ne l’avait jamais publiée ; pourtant la musique était là ! Ainsi, le grand hymne à la fin de Quo Vadis, c’est un hymne à Apollon qui date de 2500 ans. Et ce que chante Peter Ustinov pendant que Rome brule, c’est une ancienne mélodie grecque, l’Hymne à Seikilos. Personne n’a cru bon de relever cela et dire qu’on entendait enfin cette musique. Sans doute parce qu’on l’entendait dans un film américain. » Malgré cette relative indifférence, la partition biblique de Quo Vadis fait entrer Rózsa dans l’arène : « À ma grande joie, je suis apparemment devenu un spécialiste des films historiques. Que ces derniers soient bons ou mauvais, le sujet était toujours intéressant et valait la peine qu’on s’y attarde. » Quo Vadis : éd. Film Score Monthly (Miklós Rózsa Treasury Box, cd) et Prometheus (réenregistrement complet, cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1952. RAMBO First Blood Réalisé par Ted Kotcheff - Production : Buzz Feitshans (Orion / Carolco) Musique de Jerry Goldsmith - 1982 À quelques années d’un apogée socioculturel équivalent à Rocky, le béret vert John Rambo revêt ostensiblement toutes les apparences d'une victime. Les premiers plans de son retour au pays suggèrent assez bien l'errance du héros déchu. Un soldat d'élite auquel on refuse désormais l'uniforme, perdu dans une Amérique rurale voisine du Voyage au Bout de l'Enfer de Michael Cimino. La musique de Jerry Goldsmith alterne deux points de vue marqués : l'introspection du personnage (un thème pour trompette solo, cordes, guitare) et l'extériorité du contexte via l'action (orchestration symphonique, dominance des percussions). Une démarche initiée lors de son travail sur Patton et affermie dans sa passionnante B.O. de Papillon – on se souvient du contraste entre l'accordéon solo "intérieur" et le

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195 Jerry Goldsmith, partition en main.

foisonnement instrumental déployé sur les séquences d'évasion. Cette dualité formelle dans la composition fera école au sein des futures générations de musiciens confrontés au même schéma narratif. Une écoute attentive du travail de James Newton Howard pour Le Fugitif (dix ans plus tard) le confirme avec éloquence : le score de Rambo demeure un modèle du genre. First Blood : éd. Intrada (cd). LES RATS DE CAVE The Subterraneans Réalisé par Ranald MacDougall - Production : Arthur Freed (MGM) Musique d’André Previn - 1960 André Previn découvre les nouvelles formes du jazz américain durant son service militaire. En parallèle de ses devoirs au sein du Sixth Army Band, le jeune prodige fréquente les clubs de San Francisco où explosent Dizzy Gillespie, Charlie Parker et autres Bud Powell. « Ce que j’y ai entendu m’a tout d’abord effrayé, raconte Previn, et j’ai arrêté de jouer du piano jusqu’à ce que je puisse commencer à assimiler tous ces nouveaux sons remarquables. D’ailleurs, 1952 fut pour moi une année particulière, elle a changé ma vision du jazz pour toujours… » Huit ans plus tard, le compositeur recrute les grands instrumentistes de la côte ouest pour l’une des dernières productions MGM d’Arthur Freed. La B.O. des Rats de Cave dessine un portrait musical à deux faces de la beat generation de Jack Kerouac. « L’originalité du travail réside dans sa bâtardise, note Alain Lacombe. Sans aucune réserve, une double partition se déroule. Les solistes de jazz (Gerry Mulligan, Shelly Manne, Red Mitchell, Art Pepper et André Previn lui-même) et l’orchestre participent séparément à la même démarche. Chacune des masses sonores est indépendante pour provoquer une étrange impression ; au fur et à mesure que les caractères des personnages s’effilochent et que les clichés s’accumulent. Les fragments écrits par André Previn pour jazzmen et orchestre deviennent la voix principale du film. » Deux sur la Balançoire, le mélo urbain de Robert Wise, sera l’autre belle réussite jazzy du musicien. The Subterraneans : éd. Film Score Monthly (cd). RE-ANIMATOR Re-Animator Réalisé par Stuart Gordon - Production : Brian Yuzna (Empire Pictures) Musique de Richard Band - 1985 Spécialiste de la série B et du film sans argent (ou low budget movie), Richard Band sait maintenir un niveau de qualité certain dans des productions souvent oubliables. Re-Animator est l’exception jouissive qui confirme la règle. « Le film m’est apparu si unique, si gore, et si bizarre, que je ne pouvais vraiment pas adopter une approche sérieuse, remarque le compositeur. Par conséquent, j’ai décidé d’y mettre beaucoup d’humour et de tenter également des choses farfelues, en usant de rythmes étranges et de beaucoup d’électronique. Bref, d’aller vers quelque chose que je décrirais comme allant au-delà du bon goût musical. » Les clins d’œil abondent tout au long du score, avec un emprunt mémorable à Bernard Herrmann : « Dans le film, le personnage d’Herbert West apparaît tel un

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maniaque psychotique avec derrière lui cette force motrice. Quand j’ai vu ça, j’ai pensé que la force motrice contenue dans le générique de Psychose lui conviendrait parfaitement. Je m’en suis donc servi en modifiant le thème, mais en conservant une sensibilité Herrmannesque. J’ai aussi inclus mon propre motif dans la musique… Évidemment, je ne voulais laisser planer aucun doute dans les esprits, il s’agissait bien d’une imitation de Bernard Herrmann. » Drôle et saignant comme il se doit ! Re-Animator : éd. Intrada (cd). REBECCA Rebecca Réalisé par Alfred Hitchcock - Production : David O. Selznick (United artists) Musique de Franz Waxman - 1940 L’année 1939 est notablement chargée pour David O. Selznick. Pas moins de trois projets sont en production sous sa houlette, dont ce premier film américain d’Alfred Hitchcock. Angoissé à l’idée de ne pouvoir sortir Rebecca avant le Nouvel An, il prie Franz Waxman d’entamer au plus vite sa composition, sans attendre l’ultime mise en forme du film. « L’idée que la musique ne puisse être écrite avant la toute fin du montage est selon moi un non-sens, écrit Selznick dans un mémo. Cela équivaut à affirmer que la musique d’un opéra ne peut être composée avant que son livret soit totalement terminé. » Des tensions entre Hitchcock et son producteur ralentissent toutefois le processus, et Waxman dispose bientôt d’une copie presque complète du long-métrage. Devant la complexité de l’intrigue, il désigne la défunte Rebecca comme le pivot d’une partition à deux voix : « J’ai assemblé un orchestre traditionnel pour accompagner les personnages vivants qui apparaissent à l’écran. Cependant, pour caractériser la morte, j’ai réuni un groupe d’instruments mécaniques individuels – un orchestre fantôme, pour ainsi dire – constitué de trois instruments : un orgue électrique et deux Novachords*… De cette façon, lorsque l’histoire sollicitait la présence spirituelle et ombrageante de Rebecca, il y avait en réalité deux orchestres qui jouaient en même temps. » Selon Robert Townson, le producteur du très beau réenregistrement de 2002, « la musique de Waxman représente l’un des plus extraordinaires et accomplis corpus de compositions écrites pour le cinéma. » Rebecca : éd. Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). *Premier synthétiseur polyphonique inventé par l’Américain Laurens Hammond. Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1941. LE RENARD The Fox Réalisé par Mark Rydell - Production : Raymond Stross (Claridge Pictures) Musique de Lalo Schifrin - 1968 Identifié à la fin des années soixante comme le musicien de l’action et du thriller, Lalo Schifrin s’offre de nouvelles perspectives en participant au premier film de Mark Rydell. « Le Renard est l’adaptation d’un court roman de D.H. Lawrence publié dans les années vingt, précise le compositeur, c’est un film osé pour l’époque, une histoire de lesbiennes. Le producteur voulait un grand orchestre

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symphonique pour compenser la simplicité des décors et le nombre réduit d’acteurs. J’ai dit à Rydell que ce serait une erreur. J’ai plutôt proposé une musique de chambre. C’était un peu surréaliste : je commence avec une flûte très froide, a cappella. Avec un quatuor à cordes, un quintette de bois, une harpe, deux percussions discrètes et un piano. L’ensemble crée un lyrisme étrange. Avec cette petite formation, je pouvais au moins faire passer de la tension ; c’était dans la façon d’écrire, dans les notes. Koechlin* a dit : "Le secret d’une bonne orchestration, ce n’est pas seulement la couleur orchestrale ; il faut écrire les notes" (…) Je voulais une musique dépouillée pour Le Renard, rendre palpable la tension sans l’appui d’un grand nombre d’instruments. » En France, l’arrangement du générique par Pierre Bachelet fera les beaux jours publicitaires des collants Dim. The Fox : éd. Warner (cd) et Aleph (réenregistrement, cd). *Charles Koechlin (1867-1950), compositeur français, théoricien, et orchestrateur notamment pour Fauré et Debussy. Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1969. RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE Close Encounters of the Third Kind Réalisé par Steven Spielberg - Production : Julia Philips, Michael Philips (Columbia Pictures) Musique de John Williams - 1977 Le signal extra-terrestre de Rencontres du Troisième Type appelle le talent de John Williams durant l’écriture du scénario : « À l’époque, je travaillais sur La Guerre des Étoiles, raconte le musicien. Il m’arrivait de dîner avec Steven qui me parlait de ses scripts en cours. Lors d’une de ces soirées, il me dit : "Je travaille sur ce scénario et il me faut une mélodie de cinq notes, un petit motif musical. Je sais que tu es occupé avec George Lucas sur cet autre film, mais nous devons enregistrer ce thème afin que je puisse l’utiliser sur le plateau… Il ne s’agit pas d’une mélodie, ni même d’une phrase. Ce sont juste des intervalles musicaux sans rythme particulier." Il fut bien sûr difficile de donner un sens musical à ce signal. Je me souviens en avoir écrit 250 ou 300 différents… » Spielberg et Williams finissent par s’accorder sur une combinaison gagnante (Sol, La, Fa, Fa, Do), qui deviendra le cœur d’une B.O. tournée vers les cieux. « Le score de Rencontres est une grande symphonie, c’est presque un opéra, affirme le cinéaste. Un merveilleux opéra émotionnel avec un petit extrait de la chanson When you wish upon a star* dissimulée dans la scène finale (The visitors). C’est une musique magnifique et l’une de mes préférées parmi toutes celles que John a composées. » Close Encounters of the Third Kind : éd. Arista et La-La land (cd) *Tirée du dessin animé Pinocchio de Walt Disney (musique de Leigh Harline). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1978. LE RETOUR DE MARTIN GUERRE Réalisé par Daniel Vigne - Production : Daniel Vigne (Compagnie Commerciale Française Cinématographique) Musique de Michel Portal - 1982

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Multi-instrumentiste de renom, Michel Portal rencontre le cinéma via la grande diversité de ses pratiques : « Le fait de jouer dans plusieurs domaines musicaux m’a sans doute aidé à aller vers la musique de film. En plus, je disais souvent à mon entourage que j’aimais jouer sur des tableaux, des vues diverses, improviser sur une image, et petit à petit cela s’est su… » Le Retour de Martin Guerre arrive dans la carrière du musicien en parallèle de nouveaux desseins. Portal souhaite structurer davantage ses compositions, il fait appel à ses amis du groupe New Phonic Art afin d’enrichir son écriture instrumentale. « À cette époque, j’ai compris que tous ces musiciens pouvaient transformer une esquisse en quelque chose de beaucoup plus intéressant. La musique de ce film a été faite avec des rythmes africains, des cloches… J’ai proposé à Jean Pierre Drouet qu’il utilise une panoplie de grosses percussions, et j’ai dit à Vinko Globokar que j’envisageai le Moyen Âge de manière fictive, avec un énorme trombone. Quant à la chanteuse qui interprète le générique (Danse paysanne), je lui ai demandé d’exprimer des sons de quelqu’un en partance pour le bûcher. Pour moi, dès le début, il fallait exprimer cette violence, celle du destin de Martin Guerre. » Dans les années 90, le musicien fera une utilisation tout aussi personnelle de l’électronique sur le film La Machine. Le Retour de Martin Guerre : éd. RCA, DRG (lp) et Frémeaux (extraits, cd). César de la meilleure musique originale 1983. RETOUR VERS LE FUTUR Back to the Future Réalisé par Robert Zemeckis - Production : Neil Canton, Bob Gale (Universal Pictures) Musique d’Alan Silvestri - 1985 Formé à la télévision (la série CHiPS), Alan Silvestri est poussé à élargir ses orchestrations lors de son passage chez les productions Spielberg. « Je n’arrêtais pas de dire à Al que tout ce que je voulais c’était une musique énorme, se souvient Robert Zemeckis. Vous faites un film et lorsque vous n’avez pas de grands plans spectaculaires en Cinémascope, vous devenez un peu paranoïaque. Alan et moi, nous sortions tout juste d’À la Poursuite du Diamant Vert avec ses scènes dans la jungle, ses chutes d’eau… Donc je lui ai dit : "Agrandis-moi tout ça, ouvre le film au maximum." » Silvestri met les bouchées doubles avec une partition symphonique pour 98 musiciens : « c’est une B.O. à l’ancienne très excitante à écrire et à entendre dans le studio… On m’a dit que c’était l’orchestre le plus important jamais assemblé à Universal Pictures. » Malgré cette ferveur, Spielberg reste inquiet devant l’inexpérience du compositeur. Lors d’une projection test, mixée incognito avec des morceaux déjà enregistrés, il s’exclame : « Ah ! Voilà comment la musique originale devrait sonner ! », et Zemeckis de lui répondre : « Mais Steven, c’est LA musique du film ! » Alan Silvestri poursuivra son parcours avec d’autres scores musclés et fort réussis, tels Predator, Abyss ou Judge Dredd. Back to the Future : éd. Intrada (cd) LES RÉVOLTÉS DU BOUNTY Mutiny on the Bounty Réalisé par Lewis Milestone - Production : Aaron Rosenberg (MGM)

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Musique de Bronislau Kaper - 1962 « Le remake de "Mutiny on the Bounty", écrit Alain Lacombe en 1983, coïncidait surtout avec un type de cinéma suranné, ne correspondant plus aux impératifs d’une autre modernité naissante. Bronislau Kaper mit en musique un film qui, avant même sa sortie, était déjà de plain-pied avec la nostalgie qu’il sécrétait impitoyablement… Le score était une sorte d’adieu à la musique à programme, aux élans symphoniques. » Une fin de règne qui s’accompagne d’une production chaotique s’étalant sur près de trois ans, avec un budget de vingt-sept millions de dollars. Lorsque Miklós Rózsa, trop occupé sur Le Cid, refuse de composer le score, la MGM se tourne vers l’autre grand pilier musical du studio. Le délai est confortable pour Kaper : douze mois de contrat, prolongés de soixante jours, avec un salaire de 1200 dollars par semaine. De quoi venir à bout des multiples variations du montage. Car le musicien n’écrit pas un, mais trois scores pour ce même film. Un processus de réécriture épaulé par le directeur musical du studio Robert Armbruster et l’orchestrateur Robert Franklyn. L’autre mission de Kaper consiste à enregistrer les éléments folkloriques de la B.O. à Tahiti, sur les lieux mêmes du tournage. Une tâche aisée pour ce grand voyageur qui s’en inspirera pour écrire Follow me, le thème d’amour des Révoltés du Bounty. Mutiny on the Bounty : éd. Film Score Monthly (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1963. RÉVOLUTION Revolution Réalisé par Hugh Hudson - Production : Irwin Winkler (Warner Bros.) Musique de John Corigliano - 1985 La postproduction de Révolution prend des allures salvatrices pour Hugh Hudson. Durant le processus de réalisation, le réalisateur perd une partie de ses choix scénaristiques (dont la mort présupposée de Daisy, alias Nastassja Kinski), l’option d’une diégèse sans dialogue, mais conserve dans ses rangs le lauréat du prix Pulitzer John Corigliano. La musique apparaît comme l’ultime garant d’une intégrité artistique bousculée par les studios Warner Bros./Goldcrest. L’explosion du budget global et diverses pressions concernant la date de sortie limitent toutefois la marge de manœuvre des artistes lors du mixage final. Parmi les scènes sauvées des eaux, la première grande bataille (8 minutes) transcende son sujet : « Alors que les combats deviennent de plus en plus frénétiques, précise le compositeur, j’ai décidé d’écrire un War lament, une lente élégie introspective qui couvre la scène tout entière en augmentant son intensité, mais sans répondre à l’accélération du tempo visuel de la bataille. La musique est à la fois un contrepoint à l’image et un commentaire sur la tragédie de la guerre. Quelques années plus tard, j’ai écrit ma première symphonie dédiée à mes amis morts du sida. Le premier mouvement sous-titré : "Of rage and remembrance"* s’inspire, dans sa partie lente, de cette séquence musicale tirée du film… » C’est dire la tenue exceptionnelle de la B.O. de Corigliano, interprétée par le flûtiste James Galway et le National Philharmonic Orchestra. Revolution : éd. Varèse Sarabande (cd).

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Harry Rabinowitz (1916-2016) aux studios Abbey Road de Londres. Compositeur et chef d’orchestre, il a dirigé de nombreuses B.O. internationales, dont celle du film Révolution pour John Corigliano. 201

*De colère et de souvenirs. LE RIDEAU DÉCHIRÉ Torn Curtain Réalisé par Alfred Hitchcock - Production : Alfred Hitchcock (Universal Pictures) Musique de Bernard Herrmann (rejetée) et John Addison (définitive) - 1966 Pas de printemps pour Marnie place Alfred Hitchcock dans une position délicate vis-à-vis des studios Universal. L’échec commercial du film est en partie imputé à la musique de Bernard Herrmann, soutenue par le cinéaste contre l’avis général. Désormais, la variété voire le rock (la vague des Beatles et leur film Quatre Garçons dans le Vent) s’invite dans les bandes originales pour soutenir l’impact des productions au box-office. La pression monte et Hitchcock, inquiet de perdre ses privilèges, envoie une note d’intention à Herrmann au sujet du Rideau Déchiré. Il lui indique qu’il souhaite une musique dans l’air du temps, « en phase avec les exigences du public d’aujourd’hui. » Le compositeur fait la sourde oreille et écrit un score parmi les plus bizarres de sa carrière. Douze flûtes, qu’il qualifie luimême de "terrifiantes", seize cors, neuf trombones, deux tubas, deux groupes de timbales, huit violoncelles, huit contrebasses, quelques violons et altos, font ainsi face à Hitchcock lors de l’enregistrement : « Lorsque j’ai entendu le générique, j’ai dit à Herrmann : "Terminé ! Fini ! Voici votre argent, désolé et au revoir..." » Le musicien tente en vain d’argumenter : « Hitch pensait qu’il avait droit à un grand succès pop. Je lui ai dit : écoutez, vous ne pouvez pas vous débarrasser de votre ombre. Vous ne faites pas de films pop. Qu’attendez-vous de moi ? Je n’écris pas de musique pop ! » La rupture est irrémédiable. Hitchcock renvoie son précieux collaborateur en tirant un trait définitif sur leur décade prodigieuse, soit sept longs-métrages d’exception. Paradoxalement, l’Anglais John Addison composera un nouveau score sans une once de musique pop*, et la B.O. rejetée de Bernard Herrmann sera en partie réutilisée dans le remake des Nerfs à Vif de Martin Scorsese**. Torn Curtain : éd. Varèse Sarabande (Addison, cd) et Film Score Monthly (Herrmann, réenregistrement, coffret Elmer Bernstein’s film music collection, cd). *Hitchcock commandera également une chanson non utilisée au tandem Jay Livingston / Ray Evans. **Elmer Bernstein utilisera quelques morceaux pour compléter son réarrangement du score de Cape Fear, réalisé en 1961 par Jack Lee Thompson, et déjà mis en musique par Herrmann. RIO CONCHOS Rio Conchos Réalisé par Gordon Douglas - Production : David Weisbart (20th Century Fox) Musique de Jerry Goldsmith - 1964 Le premier coup d'éclat de Jerry Goldsmith a lieu sur un western iconoclaste écrit par Dalton Trumbo : Seuls sont les Indomptés (1962). Avec cette partition, le jeune compositeur se fait non seulement remarquer des studios – il est parrainé sur le film par Alfred Newman – mais s’engage dans un genre qui participera à son jubilé. Sept Secondes en Enfer, Bandolero, Les 100 Fusils, Deux Hommes dans

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l’Ouest… des westerns secondaires très souvent tirés vers le haut par leur B.O. madrée. Réalisé par le sous-estimé Gordon Douglas, Rio Conchos se distingue très nettement du tout-venant. Dans une veine rebelle qui préfigure la décennie à venir, le scénario met en avant une galerie d'antihéros en opposition avec la tendance hollywoodienne du moment, façon John Wayne contre les méchants (voir Les Comancheros, au sujet très proche). Goldsmith répond avec inventivité à ce parti pris en quittant les sentiers tracés par son ainé Aaron Copland. Le musicien retient plutôt Stravinsky, Bartók, pour les climats orchestraux, et flirte ouvertement avec la musique traditionnelle à l'aide d'une batterie d'instruments sudaméricains (marimbas, maracas, vihuelas). Mine de rien, l'audace rythmique et visuelle de cet immense western pourrait bien être à l'origine des futurs exploits italiens en la matière. Rio Conchos : éd. La-La Land (cd) et Intrada (réenregistrement complet, cd). ROBIN DES BOIS, PRINCE DES VOLEURS Robin Hood, Prince of Thieves Réalisé par Kevin Reynolds - Production : Pen Densham, Richard Barton Lewis, John Watson (Warner Bros.) Musique de Michael Kamen - 1991 « Robin des Bois ne m’a été montré que 10 jours avant qu’il soit achevé, raconte Michael Kamen, j’avais travaillé plusieurs mois sur des thèmes, dont certains avaient été composés il y a 20 ans. Car c’est un de mes héros favoris. D’ailleurs, j’ai écrit la mélodie de la chanson chantée par Brian Adams au début des années soixante-dix (Everything I do, I do it for you). » Concernant la partition, le musicien propose de rompre avec la vision symphonique du personnage, héritée de la première version d’Erich W. Korngold. « Mon souhait initial était de faire un score avec de la musique du XIIe siècle, donc pour très peu d’instruments… J’ai donc travaillé à cela avec de la musique ancienne, mais les producteurs ont détesté. Ils voulaient un orchestre énorme, genre vingt cors d'harmonie. Alors, je leur ai donné ce qu’ils voulaient. J’ai travaillé avec l’orchestre le plus important que je n’ai jamais eu : cent-quinze musiciens. La musique était sans fin. Le film dure 2h15 et le score 2h11 ! Je pense que j’ai enregistré 2h30 de musique, car il y a toujours des petits morceaux que l’on n’utilise pas… » Un vigoureux hommage à l’âge d’or. Robin Hood, Prince of Thieves : éd. Morgan Creek Music et Intrada (édition intégrale, cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure chanson originale 1992. ROBOCOP Robocop Réalisé par Paul Verhoeven - Production : Arne Schmidt (Orion Pictures) Musique de Basil Poledouris - 1987 Selon le synthésiste anglais Brian Gascoigne*, Basil Poledouris est avec Jerry Goldsmith l'un des principaux maîtres du mariage musique électronique / orchestre symphonique. La B.O. imposante de Robocop ne saurait le contredire. Après La Chair et le Sang, le musicien retrouve le cinéaste Paul Verhoeven pour un film futuriste dans lequel les sonorités artificielles se trouvent justifiées par un

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204 Issu d’un ensemble rock-classique, Michael Kamen aimait renouer avec sa passion de jeunesse lors de grands concerts avec Eric Clapton, Roger Waters, ou le groupe Metallica.

héros mi-homme, mi-machine. Étant entendu que l'orchestre se charge de souligner la partie humaine de Robocop, le compositeur choisit toutefois de donner une dimension émotionnelle à l'instrumentation numérique : « Je souhaitais que l'interprétation sur les synthétiseurs s'effectue en direct, précise Poledouris. Je crois en la magie de l'instant et il n'y a rien de tel que toute cette adrénaline qui émerge des musiciens quand ils travaillent ensemble. Je préfère nettement avoir une interprétation moins juste sur le plan technique, que moins juste sur le plan émotionnel. Je privilégie toujours l'émotion. » Dans le remake du film (2014), le musicien brésilien Pedro Bromfman citera le thème original dans sa partition. Preuve de la pertinence du score de Basil Poledouris. Robocop : éd. Intrada et Milan (cd). *Compositeur et interprète clavier de nombreuses bandes originales, au sein des grands orchestres britanniques. ROCKY Rocky Réalisé par John G. Avildsen - Production : Robert Chartoff, Irwin Winkler (United Artists) Musique de Bill Conti - 1976 Émigré en Europe, le jeune Bill Conti travaille comme "nègre" et arrangeur pour divers compositeurs italiens avant d’inscrire son nom sur quelques génériques. De retour à Los Angeles en 1973, il compose le score d’Harry et Tonto au côté du monteur Richard Halsey, futur collaborateur de John G. Avildsen. « Rocky avait d’abord été offert à quelqu’un d’autre, raconte Bill Conti. Mais c’était un petit film et il a refusé. Donc John et Richard se sont dit : "Pourquoi ne pas demander à Bill ?" Le budget total de la musique était de 25 000 dollars et comprenait tout : les bandes magnétiques, les musiciens, l’ingénieur du son… Finalement, je me suis débrouillé avec 15 000 dollars, car l’intégralité de la B.O. a été enregistrée en trois heures. J’ai appelé ma femme à son bureau de KHJ TV en lui demandant : "as-tu des collègues qui savent chanter ?" – "oui, je crois, m’a-t-elle répondu" – "Ok, super, ramène-les au studio !" En fait, dans la chanson Gonna fly now qu’on entend à l’écran, c’est ma femme qui chante et les gens de KHJ. C’était vraiment un petit budget, nous n’avions même pas la possibilité de projeter le film durant l’enregistrement du score… » Non publiée à la sortie du film, la B.O. explosera chez les disquaires plusieurs semaines après le succès inespéré de Rocky au boxoffice américain. Rocky : éd. EMI (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure chanson originale 1977. LE ROI ET L’OISEAU Réalisé par Paul Grimault - Production : Paul Grimault (Gaumont) Musique de Wojciech Kilar - 1980 Après ses collaborations régulières avec Jean Wiener et Joseph Kosma, le cinéaste Paul Grimault explore les pays de l’Est pour trouver son nouveau mentor musical. Il visionne La Terre de la Grande Promesse (Andrzej Wajda) et découvre le tra-

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vail de Wojciech Kilar. « C’était incroyable, se souvient le compositeur, car Paul et sa femme nous ont invités à Paris, moi et mon épouse. Nous avons dîné ensemble et en sortant, Paul a dit : "Je suis absolument tranquille." Cela n’arrive que rarement… D’autant que je n’avais jamais rien écrit pour le dessin animé. Le Roi et l’Oiseau fut pour moi à la fois un film et un concert, car l’on parle peu dans la bande-son et l’on entend bien la musique. » La confiance entre les deux artistes est si étendue que Kilar part seul enregistrer le score original en Pologne : « Paul a intégralement découvert ma partition à Paris, une fois celle-ci mise en boîte avec l’Orchestre National de la Radio Polonaise. Pour l’unique fois de ma carrière, j’ai travaillé avec un metteur en scène dont la philosophie était la suivante : "Je connais mon compositeur humainement et artistiquement... ça me suffit pour le laisser complètement libre." » Par la même, trois chansons de Prévert et Kosma figureront dans la B.O. avec l’aval du maestro. « Ce fut peut-être la plus agréable aventure artistique et humaine de ma vie », conclut Kilar. Le Roi et l’Oiseau : éd. Playtime (cd). ROMA Fellini Roma Réalisé par Federico Fellini - Production : Turi Vasile (Ital-noleggio cinematografico) Musique de Nino Rota - 1972 La mise en situation répétée de populations tapageuses, au théâtre, au restaurant, dans une maison close, fait de Roma le long-métrage le plus bruyant de Fellini. Mais ce foisonnement sonore n’efface en rien la participation essentielle de Nino Rota à l’identité de l’œuvre. Élément central du score, l’Aria di Roma introduit dès le générique la fascination du cinéaste pour les fondations antiques de sa cité natale. La mélodie est brève, l’instrumentation dépouillée (flûte, piano, guitare), mais son impact sur la mémoire du spectateur est suffisamment tenace pour qu’elle puisse s’éclipser lors des moments clefs du film – à l’exemple de la séquence des fresques ancestrales du métro – comme si l’écho de la musique se propageait dans les rares silences de la bande-son. Avant de quitter le navire, le maestro composera trois autres partitions pour Fellini, dont Répétition d’Orchestre, hommage mutuel aux "hommes-instruments". « Nino Rota entrait si pleinement dans les ambiances, les personnages, les couleurs de mes films, remarque Fellini à la mort du musicien, qu’il les imprégnait totalement de sa musique… Il arrivait à la fin, quand le stress pour les prises de vue, le montage, le doublage, était à son maximum. Mais aussitôt qu’il était là, le stress disparaissait et tout devenait une fête. Le film entrait dans une phase joyeuse, sereine, fantastique, dans une atmosphère qui lui conférait une nouvelle vie. » Roma / Satyricon : éd. Quartet (cd). ROSEBUD Rosebud Réalisé par Otto Preminger - Production : Otto Preminger (United Artists) Musique de Laurent Petitgirard - 1975 Les abondantes activités de Laurent Petitgirard dans le milieu classique* font par-

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fois oublier ses talents de musicien pour l’image. En visite à Paris, Otto Preminger ne s’y trompe pas lorsqu’il l’engage en amont de son avant-dernière production. « Mon travail sur ce film a été assez curieux, raconte le compositeur. Preminger souhaitait que je le suive pendant tout le tournage, j’étais donc payé à la semaine durant toute la réalisation… Ensuite, nous avons enregistré la musique à Londres au grand studio CTS. Lorsque l’on est parti sur le thème du générique, il a écouté une minute, m’a dit : "Fine !" (Très bien !), puis il est parti et je ne l’ai plus revu durant les enregistrements. Malheureusement le film était somptueusement raté, Preminger le savait mais il a fait plusieurs choses formidables pour moi, comme de me présenter au président de la United Artists en lui disant : "J’ai fait un mauvais film, mais ce jeune homme a fait une musique formidable !" Il m’a aussi proposé de m’aider à m’installer aux États-Unis, mais là j’ai refusé. J’ai fait un choix de vie car je ne souhaitais pas devenir un compositeur exclusif de musiques de films. » Outre cette grande partition pour piano et orchestre, Petitgirard est l’auteur d’innombrables B.O., dont l’excellent score d’Asphalte et celui de la série Maigret. Rosebud : éd. Milan (réenregistrement intitulé : The Rosebud Suite, cd). *Il est notamment directeur musical de l’Orchestre Colonne, directeur artistique des soirées classiques de Ramatuelle, président du conseil d’administration de la Sacem… ROSEMARY’S BABY Rosemary’s Baby Réalisé par Roman Polanski - Production : William Castle (Paramount Pictures) Musique de Krzysztof Komeda - 1968 Né Trzciński, Krzysztof Komeda prend son pseudonyme durant les années cinquante afin de mener à bien sa carrière de jazzman "underground". Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le régime polonais en place rejette le jazz qu’il considère comme un produit de "l’impérialisme putride" (expression de Boleslaw Bierut, Premier ministre). Roman Polanski se lie d’amitié avec le pianiste lors de concerts donnés sous le manteau, puis l’invite à composer les B.O. de ses courts et longs-métrages. Le Couteau dans l’Eau, Cul-de-Sac, ou Le Bal des Vampires, révèlent un musicien inventif qui travaille au plus près de l’image. « Je considère la musique de film uniquement lorsqu’elle est reliée au film pour lequel elle a été composée, remarque Komeda. À mon sens, personne ne peut évaluer une partition sans tenir compte de son utilité sur les images. » Il compose plusieurs berceuses pour Rosemary’s Baby mais n’en retient qu’une seule, interprétée par l’actrice Mia Farrow. « Je fus surpris et enchanté de découvrir que Mia s’en tirait à merveille, s’étonne Polanski, et il n’y a pas d’erreur possible sur l’identité de la voix qui accompagne le générique. Ce n’était pas la première fois qu’un de mes films tirait une dimension supplémentaire de la musique si merveilleusement pleine d’imagination de mon ami Komeda. » En pleine gloire américaine, le compositeur décèdera quelques mois après l’enregistrement, à la suite d’une chute enivrée sur les hauteurs d’Hollywood. Rosemary’s Baby : éd. La-La Land (cd).

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LA ROUTE DES INDES A Passage to India Réalisé par David Lean - Production : John Brabourne, Richard B. Goodwin (Columbia Pictures) Musique de Maurice Jarre - 1984 Les retrouvailles tardives de David Lean (76 ans) et Maurice Jarre se placent sous le signe d’une certaine réserve. « Le cinéaste semblait très nerveux en ce qui concerne l’utilisation de la musique dans La Route des Indes, témoigne James Fitzpatrick*. Il était toujours conscient des critiques qu’il avait reçues pour La Fille de Ryan, concernant la surutilisation manifeste de la musique. » À l’écoute du réalisateur, Maurice Jarre compose une partition brève de vingt minutes pour 2h44 de projection, concentrée sur quelques épisodes forts de l’histoire. « Il y a notamment la scène où Adela arrive dans ce jardin rempli de statues érotiques, évoque le compositeur. Elle est seule, il n’y a pas de son, pas de dialogue. Pendant cinq ou six minutes, la musique doit exprimer ce qui se passe à l’intérieur de cette jeune fille, qui a été élevée à la victorienne, de manière très stricte. David me disait : "Tu dois trouver quelque chose de très sensuel… il faut que la musique vienne de là ! (Sous la ceinture.)" » En outre, l’épisode érotique se clôt par une attaque de singes inattendue. « C’était comme un viol psychique, et David me précisa : "Je voulais avoir mille singes, mais la production ne m’en a donné que quatre ou cinq. Avec ta musique, il faut que tu me donnes les singes manquants…" J’ai donc travaillé avec des percussions, des sonorités électroniques, etc. Et lors de l’enregistrement, David s’est exclamé : "Maurice, tu m’as sauvé la situation !" » A Passage to India : éd. Quartet (cd). *Producteur discographique présent lors de l’enregistrement. Oscar de la meilleure musique originale 1985. SACCO ET VANZETTI Sacco e Vanzetti Réalisé par Giuliano Montaldo - Production : Arrigo Colombo, Giorgio Papi (Ital-Noleggio Cinematografico) Musique d’Ennio Morricone - 1971 Aussi adéquate qu’elle puisse paraître, la collaboration de Joan Baez aux chansons de Sacco et Vanzetti ne fut pas chose aisée. « Giuliano Montaldo a eu l’idée de cette trouvaille fondamentale pour le film, raconte Ennio Morricone. Naturellement, au moment d’enregistrer la musique, j’ai dû m’adapter car je n’avais pas la voix de Baez. Ce n’est pas simple avec cette artiste… Je me souviens être allé jusqu’à Saint-Tropez où je l’ai trouvée à la piscine de l’hôtel, avec son fils. Il fallait absolument que je prenne sa tonalité, car je n’allais pas écrire un morceau sans connaître son intervalle vocal. J’ai donc noté la note la plus basse et la note la plus haute, puis j’ai écrit l’orchestration, mais elle n’a pas assisté à l’enregistrement de l’accompagnement. Contrairement à Here’s to you, La ballade de Sacco et Vanzetti, conçue en trois parties, était très compliquée car j’ai exploité son intervalle au maximum et au-delà. Elle chantait en général avec aisance, mais certaines notes plus aiguës devaient être chantées en voix de tête. Cela a été assez fastidieux. »

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Malgré leurs efforts, c’est la chanson finale Here’s to you qui restera dans les mémoires. « Joan commence seule puis, peu à peu, c’est comme-ci elle avançait dans la rue et que la foule venait la rejoindre. Petit à petit, les gens l’accompagnent et chantent avec elle jusqu’à ce que sa voix soit totalement recouverte par les chœurs… Je cherchais le moyen d’illustrer la mobilisation générale contre l’exécution des deux Italiens », conclut Morricone. Sacco e Vanzetti : éd. GDM (cd). SALVADOR Salvador Réalisé par Oliver Stone - Production : Gerald Green, Oliver Stone (Hemdale Film Corporation) Musique de Georges Delerue - 1986 Francophile de longue date, Oliver Stone désire donner à Salvador certaines caractéristiques de la Nouvelle Vague : le sens de l’urgence, l’immédiateté, et le reflet du vécu. « J’ai pensé que Georges, en travaillant sur ce film, remarque le cinéaste, pourrait revenir d’une certaine manière à ses racines de la Nouvelle Vague. Les premières notes de Salvador vous interpellent comme les gros titres de l’actualité ; ça s’apparente à la musique de Bernard Herrmann pour Psychose, quand elle capte votre attention, elle vous saisit et ne vous lâche plus. Et pourtant c’était un homme si doux… Voir autant de violence dans la musique de Georges, c’est intéressant, mais c’est aussi paradoxal… » La progression dramatique de l’histoire, inspirée par la vie du photojournaliste Richard Boyle, appelle également un lyrisme mélodique déchirant. « Au début du film, le personnage interprété par James Wood, se moque en fait de tout, il est assez égoïste, poursuit Stone. Et voici qu’à la fin, il ne reste plus du tout indifférent. Il se sent impliqué, concerné. Son cœur est brisé non seulement par la perte d’une femme mais aussi par les événements… La fin de Salvador est ample, entrainante, elle vous brise le cœur. C’est exactement le genre de climat que Georges excelle à recréer, car Georges est un humaniste, et ça Truffaut le savait, et parce qu’il est aussi de culture française. C’est le plus épique des musiciens français, parce qu’il parle directement au cœur. » Salvador : éd. Varèse Sarabande et Prometheus (cd). SANGLANTES CONFESSIONS True Confessions Réalisé par Ulu Grosbard - Production : Robert Chartoff, Irwin Winkler (United Artists) Musique de Georges Delerue - 1981 Les raisons du départ de Georges Delerue pour Hollywood se révèlent essentiellement d’ordre économique. « Un jour, j’en ai eu marre, gronde le musicien, car j’avais dû discuter pendant plusieurs semaines avec une productrice pour obtenir cinq musiciens de plus ! Quand on a travaillé pendant plus de 30 ans dans le métier sans dépasser les budgets, c’est dur d’en arriver là ! Et je me suis dit : "le premier contrat qu’on m’offre aux États-Unis, j’y vais malgré l’avion" (…) On m’a proposé Sanglantes Confessions* avec Robert De Niro et Robert Duvall et je suis

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parti. » Film noir préfigurant l’univers de James Ellroy, le long-métrage d’Ulu Grosbard conduit Delerue à écrire de longues suites pour chœur et orchestre, en usant du contrepoint. « Il y a une séquence assez horrible où l’on découvre, dans un champ, une jeune femme coupée en deux, littéralement tronçonnée… Au lieu d’une musique très violente, nous avons choisi avec Ulu, et nous en avons beaucoup parlé, de l’illustrer avec quelque chose d’extrêmement éthéré, comme un quatuor à cordes, qui va vers une très grande douceur. » L’aspect liturgique du score, émaillé de motifs traditionnels (Carrick Fergus), préludera à un autre sommet de sa carrière américaine : Agnès de Dieu, le thriller psychologique du Canadien Norman Jewison. True Confessions : éd. Varèse Sarabande (cd). *Le premier choix des producteurs était Bill Conti, devenu indisponible à la suite de retards dans la production. SCARFACE Scarface Réalisé par Brian De Palma - Production : Martin Bregman (Universal Pictures) Musique de Giorgio Moroder - 1983 Très logiquement, Brian De Palma envisage la bande-son de Scarface comme le miroir musical des personnages écrits par Oliver Stone. « J’ai tout de suite pensé à Moroder, précise le réalisateur. Il était très à la mode dans les années soixantedix… Le disco, avec son rythme répétitif, sa vulgarité, son côté bruyant, me paraissait convenir tout à fait au personnage de Tony Montana. C’est la musique qu’il écouterait lui-même ! Tony vibre littéralement au son du disco, qui devient de plus en plus répétitif, de plus en plus intense au fur et à mesure que Tony s’enfonce dans la folie. Moroder a essentiellement composé deux thèmes pour le film : celui de Gina et Elvira, qui évoque la femme idéale selon Tony, et le thème de Tony Montana, rythmé comme une marche funèbre, avec ses accents répétitifs. Cette musique est très différente de mes précédentes, pas de violon, aucun romantisme… » Les années 2000 verront la culture Hip-hop se réapproprier l’univers de Scarface au grand plaisir des studios Universal. « Ils ont voulu ressortir le film avec un score rap, dénonce De Palma, mais je ne leur ai pas permis. Ils n’étaient pas très contents car ils pensaient faire beaucoup d’argent, mais je leur ai dit : "le score de Moroder ne bougera pas." » Scarface : éd. MCA (cd). LE SECRET DE LA PYRAMIDE Young Sherlock Holmes Réalisé par Barry Levinson - Production : Mark Johnson, Henry Winkler (Paramount Pictures) Musique de Bruce Broughton - 1985 « J’ai reçu le script du Secret de la Pyramide avant d’enregistrer Silverado* et honnêtement je ne sais pas pourquoi, s’étonne Bruce Broughton. Peut-être s’agissait-il d’un pressentiment positif de mon agent Mike Gorfaine ! » Issu de la télévision, le compositeur de Dallas se retrouve ainsi catapulté dans les productions Amblin / Spielberg des années 80, sans passer par la case série B. Une pro-

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motion légitimée par son assurance à suivre les pas de John Williams ou Jerry Goldsmith. « Vous savez, remarque-t-il, John Williams sonne aussi comme beaucoup de gens ! Plus sérieusement, je pense que la musique de film s’appuie en grande partie sur les associations musicales. À partir de là, quel compositeur américain de films ne sonne pas comme Korngold ou les maîtres classiques ? Et puis, de plus en plus, on demande au compositeur de suivre les musiques temporaires. » Le Secret de la Pyramide ne déroge pas à cette tendance avec l’emploi de Carmina Burana** sur les séquences de la secte secrète. « J’ai moi-même fait le "temp track" pour ce film, et je dois dire que pour cette scène c’était le morceau parfait. Barry Levinson en était fou, dès lors il a fallu que je compose quelque chose de ressemblant. Le plus drôle c’est que nous avons tout redoublé : le chant que l’on entend dans le film n’est absolument pas celui que les acteurs chantaient sur le plateau. » Une B.O. symphonique dans la lignée fraternelle d’Indiana Jones… Young Sherlock Holmes : éd. Intrada (cd). *Partition hommage aux grandes musiques du western. **Célèbre cantate de Carl Orff. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX The Lord of the Rings Réalisé par Ralph Bakshi - Production : Saul Zaentz (United Artists) Musique de Leonard Rosenman - 1978 Le succès planétaire des films de Peter Jackson et Howard Shore (trois Oscars pour la musique) ne saurait faire oublier la richesse de cette B.O. fleuve composée par Leonard Rosenman. Interprétée par plus de 100 musiciens, la partition multiplie thèmes, chants et climats avec une subtilité quelque peu mise à mal par Ralph Bakshi : « Le script était merveilleux, se souvient le musicien. Il était simple mais a abouti à un film très déroutant, et ce, non en raison des intrigues secondaires, mais parce que le réalisateur Ralph Bakshi n’avait aucun sens de la narration. Tout ce qui l’intéressait c’était la violence… Le mixage du score fut horrible. Nous nous disputions tellement tous les deux que je suis finalement parti en lui disant : "Après tout, fais ce que tu veux, c’est ton trou du cul de film !" Tout le monde s’est plaint de la façon trop appuyée dont le son a été mixé. J’ai dit que je trouvais ça affreux et que cela ne m’intéressait plus. Quoi que j’aie pu écrire de bon sur cette partition, il gâchait tout. J’étais tellement désespéré de ma relation avec Ralph Bakshi et de ces changements permanents, que je n’ai pas pris le temps d’écouter le résultat. » Lors d’une interview au Los Angeles Time, le cinéaste ira même jusqu’à reprocher à Rosenman l’échec commercial de son film ! The Lord of the Rings : éd. Fantasy et Intrada (cd). LES SEPT MERCENAIRES The Magnificent Seven Réalisé par John Sturges - Production : John Sturges (United Artists) Musique d’Elmer Bernstein - 1960 Difficile de passer à côté de cette icône du western américain. Se réclamant de l'ancienne garde, le réalisateur John Sturges recommande à ses compositeurs une présence généreuse de la musique à l'écran. Elmer Bernstein saisit la balle au bond

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avec un score sous influence : « La musique des Sept Mercenaires a largement bénéficié du fait que je voulais composer un thème proprement américain depuis des années, se remémore le maestro en 2000. C'était un domaine que je connaissais parfaitement, en partie à cause de ma passion pour la musique folk américaine, mais aussi grâce à Aaron Copland. Il a réinventé la musique américaine : un nouveau style, un nouveau son, qui m'ont toujours séduit... J'avais à l'esprit tout ce que j'avais accumulé depuis des années et que je pouvais enfin laisser s'épanouir sur la partition. Je pense que cela se ressent dans le dynamisme et l'intensité du rythme de cette musique. J'ai appuyé sur les thèmes folks en utilisant de nombreux instruments à percussion typiquement mexicains et des guitares. » Un classique instantané qui mettra presque quarante ans à voir le jour sur un support discographique officiel – en mono, faute de bandes magnétiques retrouvées. The Magnificent Seven : éd. Rykodisc et Varèse Sarabande (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1961. LE SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD The Seventh Voyage of Sinbad Réalisé par Nathan Juran - Production : Charles H. Schneer (Columbia Pictures) Musique de Bernard Herrmann - 1958 Le mariage entre l’univers fantastique de Ray Harryhausen et la musique de Bernard Herrmann est à l’initiative du producteur Charles Schneer : « Amateur des programmes radiophoniques que le maestro dirigeait à CBS, je me suis promis qu’un jour, si je produisais un film, je ferais appel à lui. » Herrmann visionne le film dans les studios Columbia mais refuse la proposition : « Ce n’est pas pour moi, lance-t-il à Harryhausen et Schneer. C’est quelque chose que je n’ai jamais fait, je ne veux pas le faire. » Après six mois de négociations, le musicien revient sur sa décision et compose un score à la Rimski-Korsakov célébré pour son fameux concert de castagnettes (le duel avec les squelettes). « J’ai travaillé avec un orchestre de taille conventionnelle, note Herrmann, complété par un grand ensemble de percussions… En caractérisant les différentes créatures à l’aide d’une combinaison d’instruments inhabituels, et en composant des motifs pour les séquences et personnages principaux, je pense être parvenu à envelopper tout le film dans un voile d’innocence mystique. » Suivront : Voyage au Centre de la Terre, Les Voyages de Gulliver, L’Île Mystérieuse et Jason et les Argonautes, quatre autres trésors musicaux du cinéma fantastique. The Seventh Voyage of Sinbad : éd. Prometheus (cd) et Varèse Sarabande (réenregistrement, cd). LE SILENCE DES AGNEAUX The Silence of the Lambs Réalisé par Jonathan Demme - Production : Ronald M. Bozman, Edward Saxon, Kenneth Utt (Orion Pictures) Musique de Howard Shore - 1991 L'une des B.O. choc de l'année 1991. Howard Shore rejoint ici la dimension viscérale d’un Psychose, avec une partition brillamment dominée par le pupitre des cordes ; comme souvent chez le duo Hitchcock / Herrmann, le score du Silence

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des Agneaux s'attache à relier les personnages à leur destin. La scène d'ouverture, ô combien physique, anticipe la terrible confrontation entre l'agent Starling et Hannibal Lecter : « La musique devait se concentrer sur le personnage de Jodie Foster, explique Shore (...) Dans la scène où Clarisse est en train de courir, la musique semble exprimer ce qu'est sa relation avec Lecter. Une relation particulièrement tendue et chargée émotionnellement. Il fallait insister sur cet aspect. En fait, on la suit à travers tout le film en se laissant porter par la musique. » De façon quasi subliminale, le compositeur incorpore également dans son travail quelques chants de baleine. « L'ordinateur joue ces sons en même temps que l'orchestre. Si l'orchestration prend soudain de l'ampleur, l'ordinateur peut suivre même s'il le fait de manière un peu décalée, car les notes produisent parfois un son que l'on ne peut entendre qu'après un certain laps de temps. C'est un processus un peu hasardeux qui peut parfois générer des choses que l'on ne maîtrise pas, tout en restant cohérent. » The silence of the Lambs : éd. MCA et Quartet (cd). UN SINGE EN HIVER Réalisé par Henri Verneuil - Production : Jacques Bar (Comacico) Musique de Michel Magne - 1962 Une formidable convergence de talents : Jean Gabin, Jean-Paul Belmondo, Antoine Blondin, Michel Audiard, Henri Verneuil et... Michel Magne. Avec ce film, le compositeur entre de pleins pieds dans un cinéma populaire français qu'il ne quittera plus. Sensible aux univers fantasques de tous poils, il saisit immédiatement les paysages intérieurs des personnages, leurs grandeurs, leurs failles. Des contrées mélancoliques où l'ivresse débouche sur la poésie du verbe. Malgré le Cinémascope et l’aspect spectaculaire de certaines séquences, les interventions de la musique sont assez brèves. Du coup, le long générique autorise Michel Magne à développer sa mélodie sur presque trois minutes sans dialogue. Une chance pour le jeune musicien d'exprimer sa verve un peu folle : des cordes "classiques", de l'harmonica, des sonorités chinoises. Il aura également le mot de la fin avec la scène des adieux, scellée par le retour d'un thème principal en parfait accord avec l'intertitre "Et le vieil homme entra dans un long hiver..." Un an plus tard, les gangsters mutiques de Mélodie en Sous-Sol lui offriront un second final remarqué lors de la fameuse piscine à dollars du Palm Beach (variation étirée de son Hymne à l'argent). Une complicité créative hélas sans lendemain puisque Verneuil ne retravaillera jamais plus avec Magne. Un singe en Hiver / Mélodie en Sous-Sol : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LA SOIF DU MAL Touch of Evil Réalisé par Orson Welles - Production : Albert Zugsmith (Universal Pictures) Musique de Henry Mancini - 1958 Dans un élan de modernité propre à son génie, Orson Welles imagine la bandeson de La Soif du Mal dénuée d’effets mélodramatiques. Il envoie un long mémo

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215 Le compositeur canadien Howard Shore.

au département musique d’Universal où Mancini est alors sous contrat. « Welles avait une perception de tous les éléments constituants du film, y compris la musique, se souvient le compositeur. Il connaissait et comprenait vraiment le sujet. Et comme il faisait un film farouchement réaliste, il envisageait que la musique soit elle-même enracinée dans cette réalité. Cela signifiait que tout devait venir de l’histoire à proprement dit. Il s’agirait donc de musiques de source. » Pour ce faire, Mancini convainc son patron Joe Gershenson d’augmenter l’effectif de l’orchestre maison. Le batteur Shelly Manne (un futur habitué), le percussionniste Jack Costanza et un rutilant ensemble de cuivres se retrouvent ainsi conviés à la création d’un score copieusement ignoré par le cinéaste. « Je ne pense pas qu’Orson Welles n’ait jamais entendu la musique que j’ai écrite. Il n’est pas venu aux sessions d’enregistrement, et on m’a dit qu’il avait même refusé de voir le film, tant sa colère était grande envers ce qu’en avait fait le studio. » Le montage restauré imposera en fin de compte les choix sonores et narratifs du metteur en scène, sans faire oublier les efforts de Mancini. Touch of Evil : éd. El records et Varèse Sarabande (cd). SOLEIL VERT Soylent Green Réalisé par Richard Fleischer - Production : Walter Seltzer, Russell Thacher (MGM) Musique de Fred Myrow - 1973 Richard Fleischer entame la réalisation de Soleil Vert, modeste production de la MGM, avec l'idée de miser au maximum sur l'expérimentation. On se souvient des images filtrées jaune-vert à la prise de vue et des femmes "mobiliers". Concernant la bande-son, il opte pour un tissu musical aussi rare que novateur. « Je connaissais Fred Myrow depuis son enfance, précise le cinéaste. Je suivais sa carrière de près en assistant à ses concerts. J'admirais beaucoup son approche de la musique moderne et je l'ai encouragé à expérimenter de nouvelles choses, à aller vers une musique différente. Après quelques essais, on a décidé de lui confier le score. De plus, à cette époque, mon fils Mark travaillait avec lui, donc le fait de proposer la musique à Fred permettait également à mon fils de travailler. » De formation classique (il fut élève de Darius Milhaud), Myrow s'intéresse de près au rock et suggère à Fleischer de fondre un ensemble de synthétiseurs dans la masse instrumentale. En rupture totale avec le Classicisme hollywoodien, ce score atmosphérique amorcera un virage esthétique considérable : une porte ouverte sur un futur cinéma voué à l'électronique, voire au New Age. Dans une finalité plus effrayante, ses créations électro-acoustiques pour Phantasm, coécrites avec Malcom Seagrave, seront également l’une des grandes curiosités de 1979. Soylent Green / Demon Seed (Jerry Fielding) : éd. Film Score Monthly (cd). SPARTACUS Spartacus Réalisé par Stanley Kubrick - Production : Edward Lewis (Universal Pictures) Musique d’Alex North - 1960 À l’issue d’une décennie prometteuse (1950 – 1960), Alex North met en musique

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ce magnum opus des studios Universal dans les meilleures conditions : « La plupart des compositeurs ont un contrat de dix semaines pour délivrer une partition. Trois semaines sont consacrées à la composition, puis sept semaines à l’orchestration et aux éventuels changements. Kirk Douglas m’a donné treize mois, un record, je pense. J’ai regardé le film complet dix-huit fois. » L’absence de représentations divines propres au genre incite North à s’écarter des sentiers battus. « Ce que j’ai essayé de faire sur ce film, poursuit le musicien, c’est de capturer l’atmosphère de la Rome préchrétienne en utilisant des techniques musicales contemporaines. Cela peut paraître extravagant, mais il y a une bonne raison à cela. La lutte pour la liberté et la dignité humaine, qui est la thématique première de Spartacus, est pertinente dans le monde d’aujourd’hui… Je me suis efforcé d’exprimer une certaine barbarie dans les timbres, à l’exemple de la froideur et de l’inhumanité du général Crassus. Aucun violon n’apparaît avant la treizième bobine, lorsque l’histoire d’amour entre Spartacus et Varinia éclot*. Il y a un thème simple et universel pour les esclaves, un thème de libération après leur évasion, et de la musique d’époque typique quand l’armée d’esclaves s’entraine et se prépare à combattre. À cette occasion, une mesure bizarre en 5/8 apparaît au sein d’un style grec ancien jamais écrit de manière contemporaine. » Une œuvre de référence célébrée par toute la profession. Spartacus : éd. MCA (cd) et Varèse Sarabande (bande originale intégrale, cd). *Le magnifique thème d’amour du film sera enregistré par de nombreux artistes, dont le jazzman Yusef Lateef. Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1961. STAR TREK, LE FILM Star Trek, the Motion Picture Réalisé par Robert Wise - Production : Gene Roddenberry (Paramount Pictures) Musique de Jerry Goldsmith - 1979 Quelques mois après son score pour le film spacio-horrifique Alien, Jerry Goldsmith embarque sur la version cinéma de Star Trek avec l’assurance d’un vétéran. Robert Wise lui laisse les coudées franches, mais les deux hommes n’ignorent pas la tendance générale de cette fin soixante-dix. « Je crois que lorsque nous avons commencé à parler de la musique avec Bob, se souvient le compositeur en 2001, il n’a pas dit : "Je veux quelque chose du genre de La Guerre des Étoiles ou un score dans cette idée". Mais à l’époque, c’était dans l’air du temps et cela avait beaucoup de succès... C’était donc logique. Par la suite, j’ai considéré tous les Star Trek que j’ai faits, sous un angle plus romantique qu’avant-gardiste – ces scores sont en totale opposition avec mon approche de La Planète des Singes. » Toujours à la recherche de nouvelles sonorités, et dans le but de caractériser l’entité extra-terrestre V’Ger, Goldsmith propose d’employer un instrument hybride : le Blaster Beam. « C’est une longue pièce d’aluminium avec des cordes en métal disposées tout du long et reliées à des amplificateurs. On en joue en le frappant avec une sorte d’obus d’artillerie… Cela produit un son incroyable et très musical. » Outre son percutant thème principal, la B.O. de Star Trek, c’est aussi cette stupéfiante confrontation entre le Beam et un orchestre de 98 exécutants. Star Trek, the Motion Picture : éd. La-La Land (cd).

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Deux artisans de l’esthétisme musical hollywoodien : l’ingénieur du son Bruce Botnick et l’orchestrateur Alexander Courage (1919-2008). Outre ses arrangements pour Jerry Goldsmith, John Williams, et quantité de comédies musicales, Courage est renommé pour son thème de la série télé Star Trek, et la musique du chef-d’œuvre d’André De Toth, La Chevauchée des Bannis (1959).

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Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1980. STAR TREK 2, LA COLÈRE DE KHAN Star Trek 2, the Wrath of Khan Réalisé par Nicholas Meyer - Production : Robert Sallin (Paramount Pictures) Musique de James Horner - 1982 Les restrictions budgétaires opérées sur ce nouveau volet de Star Trek éloignent Jerry Goldsmith de La Colère de Khan. « En 1979, le coût du premier film s’est emballé pour finalement atteindre 45 millions de dollars, précise Nicholas Meyer. Pour Star Trek 2, je crois que notre budget était 11,5 millions. Cela ne nous permettait pas de nous offrir Goldsmith, donc la chasse fut ouverte pour trouver un successeur qui nous en donne pour notre argent. » Parmi toutes les bandes démos mises à sa disposition, le cinéaste s’arrête sur les travaux de James Horner, un jeune talent issu de la série B. « Je crois qu’ils ont apprécié ma versatilité, note le musicien. Ils ne voulaient pas un score à la John Williams, mais quelque chose de plus moderne. Nicholas Meyer souhaitait une musique très maritime qui donne à l’espace un aspect océanique. J’ai essayé d’aller dans ce sens, sans être toutefois trop littéral. » L’autre nouveauté, c’est la création d’un thème spécifique pour le personnage de Spock : « Je voulais davantage mettre son humanité en avant que son côté alien. Grâce à ce motif, il acquiert une certaine chaleur et apparaît comme un être à dimensions multiples, plutôt qu’une simple collection de tics. » La B.O. marquera tant les esprits que le compositeur reviendra en force sur le troisième long-métrage, Star Trek 3, À la Recherche de Spock. Star Trek 2, the Wrath of Khan : éd. Retrograde (cd). LA STRADA La Strada Réalisé par Federico Fellini - Production : Dino De Laurentiis, Carlo Ponti (Dino De Laurentiis Distribuzione) Musique de Nino Rota - 1954 Durant son tournage en extérieur, La Strada requiert l’utilisation précoce de musique afin de guider l’interprétation des artistes à l’écran. « Fellini s’est servi d’un disque, précise Nino Rota, il s’agissait d’un rythme né d’une variation, d’ailleurs faussée, pas même originale, de La folia de Corelli, sonate opus 5. Il a tourné sur ce rythme pour certains mouvements du violon et des pistons de la trompette. Et moi, j’ai fait le motif que l’on connaît parce que j’étais convaincu que ce dont il s’était servi n’allait pas. » Cette troisième collaboration de Federico Fellini avec le maestro milanais débouche sur leur premier grand succès musical. Gelsomina, Zampano, le cirque Colombaioni et leurs thèmes deviennent si populaires qu’en 1966, Nino Rota présente à la Scala de Milan un ballet en douze tableaux, puis une suite symphonique, inspirés du score de La Strada. « Ce qui fait la différence entre Rota et d’autres compositeurs de musique de film, remarque le pianiste Benedetto Lupo*, c’est la capacité d’être en symbiose totale avec Fellini (ou Visconti…) sans pour autant cesser d’être lui-même. Combien de fois a-t-on entendu le terme "petite marche fellinienne" ? Bien sûr que c’est la musique de Rota qui confère à la marche son côté "fellinien" et pourtant on pense d’abord à Fellini... Pour

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moi, le miracle c’est cette "fusion sans la confusion". » La Strada : éd. Sugar / Cam (cd) *Ancien élève du conservatoire de Bari, dirigé à l’époque par Nino Rota. SUEURS FROIDES Vertigo Réalisé par Alfred Hitchcock - Production : Alfred Hitchcock (Paramount Pictures) Musique de Bernard Herrmann - 1958 « À propos de Sueurs Froides, je trouve qu’il y a dans ce film deux grandes erreurs, remarque Bernard Herrmann. Ce n’est pas à James Stewart – dont je doute qu’il puisse se laisser emporter de cette manière par une femme, quelle qu’elle soit – que le rôle aurait dû être confié, mais plutôt à quelqu’un comme Charles Boyer. Et l’action n’aurait pas dû être située à San Francisco, mais dans un climat chaud et pesant, à La Nouvelle-Orléans, comme dans la première version du scénario. Quand je travaille sur un film qui ne me plaît pas, je reviens toujours à l’original. » Malgré ce point de vue tranché, le musicien suit au plus près les recommandations d’Hitchcock qui cartographie la bande-son du film à l’aide de nombreux mémos. Sur une des séquences clefs, le cinéaste précise : « Lorsque Judy émerge et que nous rentrons dans la scène d’amour, tous les bruits de la rue devront disparaître par l’intermédiaire d’un fondu sonore, car ici M. Herrmann devrait avoir quelque chose à dire. » Et d’ajouter à l’adresse du compositeur, qu’en lieu et place des dialogues : « il n’y aura que la caméra et vous. » Hélas, une grève des musiciens américains empêchera Bernard Herrmann de diriger lui-même son chef-d’œuvre aux États-Unis. L’enregistrement sera réalisé à Vienne sous la direction attentive de l’Écossais Muir Mathieson. Vertigo : éd. Varèse Sarabande (original et réenregistrement, cd). SUPERMAN LE FILM Superman, the Movie Réalisé par Richard Donner - Production : Pierre Spengler, Alexander et Ilya Salkind (Warner Bros.) Musique de John Williams - 1978 Korngold, Prokofiev, Copland... Le compositeur de Star Wars n'a jamais caché ses influences de symphoniste. Un an après le triomphe du Space opera de George Lucas, elles ressurgissent dans la partition héroïque de Superman. À l'origine prévue pour Jerry Goldsmith, cette production faste des Salkind souhaite rebondir sur le spectaculaire renouveau opéré par John Williams. « Il n'y avait aucun calcul de ma part concernant ce retour de la musique symphonique au cinéma, précise le musicien. Ce fut plutôt le résultat naturel de bonnes opportunités, conjuguées aux nouvelles propositions qui venaient à moi. » En corrélation avec la popularité du personnage, Williams privilégie la lisibilité, il compose une partition où l'émotion prédomine grâce à l'usage de mélodies identifiables, expansives. Aux accords majestueux des premières séquences – Ilya Salkind vise Ainsi parlait Zarathoustra de Strauss – répondent l'Americana (Jonathan's death / leaving home), la romance (glorieux Love theme) et bien sûr l'héroïsme, avec le thème iconique de l’homme

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Maurice Murphy (1935-2010), le trompettiste soliste du London Symphony Orchestra (durant une pause). Ses interprétations ont magnifié de nombreuses musiques composées par Philippe Sarde, Trevor Jones ou John Williams, dont Star Wars et Superman.

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volant. « Pour moi, l'une des choses les plus excitantes dans la composition pour l’image est l'opportunité que nous avons d'écrire un thème original pour un personnage qui, dans le cas de Superman, est parmi nous depuis des décennies sans jamais avoir été identifié musicalement. Et en ce qui me concerne c'est une chose difficile à faire, car l'identification musicale se doit d'être accessible et très directe », conclut Williams. Superman the Movie : éd. Rhino et Film Score Monthly (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1979. SUR LES QUAIS On the Waterfront Réalisé par Elia Kazan - Production : Sam Spiegel (Columbia Pictures) Musique de Leonard Bernstein - 1954 Rejeté par la plupart des grands studios, le script de Sur les Quais est sauvé des eaux grâce à l’intervention de Sam Spiegel, producteur indépendant lié à la Columbia Pictures. Ce dernier persuade Leonard Bernstein d’écrire sa première bande originale en lui soumettant un montage provisoire du film. « Dès cette première projection, j’ai entendu la musique : pour moi c’était suffisant, remarque le maestro. L’atmosphère du film et les talents engagés étaient exactement les composants avec lesquels j’aime travailler… Sur une Moviola, j’ai fait défiler la pellicule d’avant en arrière en mesurant les séquences en pieds puis, à l’aide d’une formule mathématique, j’ai converti ces pieds en secondes. J’étais si impliqué dans chaque détail de la partition, qu’elle m’apparaissait peut-être comme la partie la plus cruciale du film. Je devais cependant garder à l’esprit qu’elle était sans doute la moins importante : car un dialogue couvert par la musique est un dialogue perdu, et par conséquent une perte pour le film. Alors qu’une mesure de musique occultée par quelques répliques, n’est qu’une mesure perdue… » La partition fin prête, Bernstein laisse le pupitre au chef du département musical de la Columbia. « Je n’ai pas dirigé le score moi-même en raison des nombreuses difficultés mécaniques. Morris Stoloff a fait un bien meilleur travail que tout ce que j’aurais pu accomplir, et quel orchestre ! » L’unique création du grand artiste pour le cinéma. On the Waterfront : éd. Intrada (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1955. TARAS BULBA Taras Bulba Réalisé par Jack Lee Thompson - Production : Harold Hecht (United Artists) Musique de Franz Waxman - 1962 Avant-dernière partition de Franz Waxman pour le grand écran, Taras Bulba prend des allures d'apothéose. « La partition d'une vie » s'exclamera son collègue et ami Bernard Herrmann lors de sa parution. Il est vrai que la maîtrise du musicien pour son art explose quasiment dans chaque séquence. Du générique plein d'énergie aux accords pastoraux de la chanson The wishing star, le maestro inonde le film d'une force évocatrice bien supérieure aux enjeux à l’écran. En amont de sa composition, Waxman profite d'une tournée de concerts en URSS pour étudier in

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situ la musique folklorique ukrainienne. Une initiative inspirée qui portera ses fruits au-delà du contexte cinématographique*. L'album du film, réorchestré pour un effectif réduit (une pratique courante à l'époque), met en évidence le caractère ciselé de la partition ainsi que son immédiateté. « La musique de film se doit d'être directe et franche, remarque Franz Waxman. L'impact émotionnel doit venir d'un seul coup. Ce n'est pas comme la musique de concert, pleine de secrets que l'on découvre en la fréquentant longuement, au travers d'écoutes répétées. Au cinéma, elle doit faire valoir ses arguments dans l'instant et avec efficacité… Composer la musique de Taras Bulba fut une tâche particulièrement difficile. Non seulement du point de vue de la composition, mais aussi en ce qui concerne l'orchestration et l'invention rythmique. Un tel sujet a exigé la sapidité de l'esprit fier et indomptable des Cosaques ukrainiens du XVIe siècle, combinée à la palette harmonique et rythmique de la musique contemporaine. » Taras Bulba : éd. Kritzerland (cd) et Tadlow (réenregistrement complet, cd). *Le compositeur tirera du score une suite symphonique régulièrement jouée en concert. Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1963. TAXI DRIVER Taxi Driver Réalisé par Martin Scorsese - Production : Julia Philips, Michael Philips (Columbia Pictures) Musique de Bernard Herrmann - 1976 « Je me souviens de la première fois où j’ai appelé Bernard Herrmann d’Amsterdam pour lui parler du film, raconte Martin Scorsese. Il m’a d’abord dit que c’était impossible, qu’il était trop occupé. Il m’a ensuite demandé le titre. Je lui ai donné et il m’a aussitôt répondu : "Oh non, je ne fais pas de films sur les chauffeurs de Taxi." » Le cinéaste persiste au téléphone, puis envoie le script à Herrmann qui accepte en lui avouant : « J’ai aimé la façon dont Travis (De Niro) verse du Brandy aux pêches sur ses cornflakes. Je ferais pareil. » Quelques mois plus tard, le compositeur, très affaibli, entame l’écriture du score en compagnie de l’orchestrateur Christopher Palmer. « Pour la scène entre Harvey Keitel et Jodie Foster, précise Steven C. Smith, Herrmann lui a demandé d’adapter un de ses morceaux préexistants, car ses compétences en jazz étaient limitées. » Palmer prend donc les premières mesures d’une chanson de la comédie musicale The king of Schnorrers* en la complétant à sa guise. Le thème réécrit enchante tant le maestro fatigué qu’il le transforme en motif principal de la partition. Fin décembre 1975, Scorsese assiste alors aux derniers efforts du musicien : « Il a terminé d’enregistrer les toutes dernières notes du score le 23. Il est rentré à son hôtel, a dîné avec sa femme, et il est mort dans son sommeil cette nuit-là… Ma collaboration avec Herrmann fut purement et simplement l’une des plus importantes de ma carrière de réalisateur. » Taxi Driver : éd. Arista (cd) *Composée par Bernard Herrmann au début des années 1970. Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1977.

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UN TAXI MAUVE Réalisé par Yves Boisset - Production : Catherine Winter (Parafrance Films) Musique de Philippe Sarde - 1977 L'utilisation de la musique traditionnelle au cinéma véhicule souvent les clichés. Loin de la carte postale, Philippe Sarde sait marier habilement les instrumentations folkloriques à des ensembles orchestraux de tailles diverses. Pour Le Juge Fayard dit "Le Shérif", sa première collaboration avec Boisset, il réunit une petite formation rythmique autour d'une bombarde solo en total contrepoint avec l'identité "polar politique" du film. La musique vise admirablement le contexte provincial, souligne la violence latente de l'histoire. Un plus tard, Un Taxi Mauve emprunte une tout autre direction : « Depuis des années, raconte le réalisateur, je rêvais en silence d'un film romanesque et lyrique. Dans la vie, à certains moments, on a envie de parler de société, à d'autres de parler d'amour. À cet égard, le magnifique roman de Michel Déon était un prétexte idéal. » Sarde reçoit le désir de Boisset à bras ouvert et écrit des petites suites pastorales pour grand orchestre, associé au célèbre groupe irlandais The Chieftains. La combinaison fera entendre l'un des plus beaux métissages du compositeur. Le Juge Fayard / Un Taxi Mauve : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). LE TEMPS DE L'INNOCENCE The Age of Innocence Réalisé par Martin Scorsese - Production : Barbara De Fina (Columbia Pictures) Musique d’Elmer Bernstein - 1993 Martin Scorsese affirme que la musique a été l'élément moteur de sa carrière de cinéaste. Il la considère comme l'un des outils premiers du montage et plébiscite les multiples dimensions de son apport dramaturgique. Fresque au parfum Viscontien, Le Temps de l'Innocence est l'exemple parfait d'un dialogue fécond entre réalisateur et musicien. Elmer Bernstein commence son travail sur le film en parallèle de la postproduction. « Avec Scorsese, nous travaillons très étroitement, confie le compositeur. Il ne dit pas nécessairement ce qu'il faut faire. Il parle très bien des atmosphères. Pour Le Temps de l'Innocence, nous sommes tombés d'accord sur une illustration musicale qui soit proche de l'époque évoquée. Il fallait ensuite choisir des références musicales de l'époque. Qui étaient les grands compositeurs ? Tchaïkovski, mais aussi Brahms. Nous avons finalement retenu Brahms. À partir de ce style, j'ai écrit des thèmes qu'un orchestre enregistrait. Martin écoutait puis faisait ses choix. Ce type de collaboration est très utile. Mais il faut un metteur en scène qui connaisse la musique, autrement mieux vaut ne pas lui en parler du tout. » Oscillant entre intériorité et extériorité, la partition de Bernstein s'inscrit parmi ses grandes réussites. The Age of Innocence : éd. Epic soundtrax (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1994. LES TEMPS MODERNES Modern Times Réalisé par Charles Chaplin - Production : Charles Chaplin (United Artists)

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Musique de Charles Chaplin et David Raksin (arrangements et orchestrations) 1936 Un souvenir lyrique de Wagner aurait-il convaincu Charlie Chaplin des bienfaits de la musique à l’écran ? « L’opéra (Tannhäuser) était en allemand et je n’en compris pas un mot, raconte l’artiste, pas plus que je connaissais l’histoire. Mais lorsqu’on emporta la reine morte aux accents du chœur des pèlerins, je pleurais toutes les larmes de mon corps. J’avais l’impression que cela résumait toutes les peines de ma vie (…) Je sortis de là les jambes molles et dans tous mes états. » Quelques années après cette émotion, Chaplin se heurte à l’avènement d’une révolution technique : le son synchronisé à l’image. Le mélomane vient alors en aide au cinéaste. « Je ne me servirai pas de la parole dans mon nouveau film. Pour moi ce serait fatal… Mais je me servirai de l’accompagnement musical synchronisé et enregistré. C’est là une tout autre affaire et d’une importance et d’un intérêt inestimables pour nous. » Cette décision transforme Charlot en compositeur autodidacte. Soucieux de maîtriser l’ensemble du processus de création, il rassemble une équipe d’arrangeurs au service de ses inventions mélodiques. « On travaillait tous ensemble dans une des salles de projection du studio, se souvient David Raksin. Chaplin me chantait ses motifs, une idée de phrase musicale, et, au piano, je les développais jusqu’à ce qu’il soit satisfait. Puis je faisais l’ébauche de ce premier travail sur trois, quatre portées, et si cela lui convenait, nous en réalisions l’orchestration complète. Cela fut un travail de longue haleine car l’intégralité des Temps Modernes était en musique. » Si le rayonnement des B.O. de Chaplin est difficilement mesurable, on en trouvera assurément des traces dans l’univers de Federico Fellini* et Nino Rota. Modern Times : éd. CPO (réenregistrement, cd). *Dans Fellini par Fellini (éd. Flammarion), on découvre que le cinéaste italien utilise des musiques de Chaplin sur ses tournages. Par ailleurs, La pause déjeuner des Temps Modernes préfigure certaines B.O. de Nino Rota. UN THÉ AU SAHARA The Sheltering Sky Réalisé par Bernardo Bertolucci - Production : Jeremy Thomas (Warner Bros.) Musique de Ryuichi Sakamoto - 1990 « Dès que j'ai su que Bernardo se préparait à monter Un Thé au Sahara, je me suis plongé dans le roman, se souvient Ryuichi Sakamoto. L'histoire m'a tout de suite fasciné. Six mois avant la fin du tournage, j'ai obtenu la commande définitive de la bande originale du film. » Trois ans après Le Dernier Empereur, il retrouve ainsi Bertolucci pour l'adaptation d'un roman devenu une icône de la "Beat generation". Le réalisateur, épuisé par son périple en Afrique du Nord, est indécis sur la direction à prendre concernant la musique. Il propose à l’artiste de laisser s'exprimer "son côté japonais". « Il m'a fallu trois ou quatre jours avant de trouver la première idée pour le thème principal, avoue Sakamoto. J'avais essayé tout ce qui me tombait sous la main. J'ai eu beaucoup de mal à trouver le ton juste, la bonne clef. Le film s'ouvre sur une bande de jazz des années 20... Enfin au moment opportun, on voit le chapeau blanc et on entend très discrètement le thème

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musical. La mélodie est simple mais elle mélange les émotions et les époques ; ainsi que les lieux et les cultures. Il y a aussi une touche magique car le couple connaît déjà son avenir. Ils ont quitté New York pour l'Afrique sans but précis, sans espoir de retour. » Peut-être la plus belle partition du maestro nippon. The Sheltering Sky : éd. Virgin (cd). THELMA ET LOUISE Thelma and Louise Réalisé par Ridley Scott - Production : Ridley Scott, Mimi Polk Gitlin (MGM) Musique de Hans Zimmer - 1991 Après un parcours discret dans le cinéma européen (au côté de Stanley Myers), Hans Zimmer s’installe à Hollywood et transforme les pratiques en vigueur. « Lorsque j’ai fait Black Rain, je pensais vraiment avoir réalisé quelque chose de cool en réinventant le son des films d’action, avoue le musicien. Mais quelques mois après ce score, d’autres films ont chipé ces sonorités faites de percussions et de samplings. Si je les réutilisais, j’allais donc forcément être accusé de sonner comme tout le monde. Il me fallait réinventer de nouvelles choses… Pour U.S.S. Alabama, je me suis dit : "Ok, cool, j’utilise un chœur sur une scène d’action, personne ne va faire ça !" Et là, tout le monde s’y est mis. Au départ, cela m’a découragé, mais maintenant je pense vraiment que c’est devenu une motivation. » Thelma et Louise cimente cette volonté de renouveler les schémas au profit du contenu filmique. « Comme je suis un collaborateur opiniâtre, je compose toujours en adoptant un point de vue. Mais il n’est pas toujours celui du réalisateur. Je dirais que j’essaye de servir le film au même titre que lui… Sur Thelma et Louise, Ridley a conservé tout ce que j’ai écrit. Il a tellement aimé le thème principal Thunderbird, qu’il a créé spécialement un générique de début pour le mettre en exergue. À l’origine les titres et crédits ne devaient apparaître qu’à la fin, mais il voulait entendre ce morceau plus d’une fois. » Une B.O. galvanisée par la guitare électrique de Peter Haycock. Thelma and Louise : éd. NoteForNote music (score, cd) et MCA (thème et chansons, cd). THIBAUD OU LES CROISADES Série réalisée par Joseph Drimal et Henri Colpi - Production : France Bennys, Henri Colpi (ORTF) Musique de Georges Delerue - 1968 L’imposante filmographie télévisuelle de Georges Delerue révèle l’investissement sans frontière d’un musicien pourtant très demandé au cinéma. Si Thibaud ou les Croisades apparaît comme un ersatz de Thierry La Fronde, le compositeur lui confère un traitement musical digne d’un long-métrage : multiplicité des thèmes, orchestre symphonique, exotisme inspiré, bref du vrai Cinémascope pour petit écran. « Il n’y a pas beaucoup de différences entre les deux formats, remarque Delerue. Mais le problème n’est pas le même. Au cinéma, on fait un produit qui peut déboucher par exemple sur l’exploitation d’un disque. À la télévision, lorsqu’on fait une dramatique, une émission, on essaye de la faire du mieux possible,

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Hans Zimmer au studio Snake Ranch de Londres, durant la composition de sa musique pour Beyond Rangoon de John Boorman.

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mais on peut se livrer à des recherches beaucoup plus grandes qu’au cinéma… » L’intrigue de Thibaud se situant au Moyen Âge, le maestro prend soin d’atténuer les anachronismes propres à la musique de film : « Je préfère composer quelque chose qui ne soit pas en porte-à-faux avec l’Histoire. Ce n’est pas une position intellectuelle, c’est juste une gêne instinctive. Placer un accord contemporain dans une partition destinée à un film historique, cela me donnerait l’impression que l’on a glissé deux phrases d’argot entre deux alexandrins. » Thibaud ou les Croisades : éd. Music Box (cd). THE THING The Thing Réalisé par John Carpenter - Production : Lawrence Turman, David Foster, Stuart Cohen (Universal Pictures) Musique d’Ennio Morricone - 1982 « Dans un monde parfait, remarque le producteur Stuart Cohen, avec du temps et des ressources illimitées, je pense que John Carpenter aurait préféré composer luimême la musique de The Thing. Mais les réalités du travail à fournir sur le film, combinées à la nécessité d’une approche plus large de la partition, et ce à plusieurs niveaux, nous ont conduits à choisir d’autres options. Nous avons d’abord offert le film à Jerry Goldsmith qui était indisponible car occupé sur Poltergeist et La Quatrième Dimension, puis songé à Alex North, John Corigliano… Mais à cet instant, j’ai senti que le seul compositeur auquel John serait prêt à confier son film, en dehors de lui-même, serait Ennio Morricone. » Le contrat signé (40 000 dollars d’honoraires pour un score mi-orchestral, mi-électronique), Carpenter s’interroge sur la barrière de la langue : le maestro italien saisira-t-il pleinement ses intentions esthétiques ? Quelques semaines après une entrevue de deux jours à Rome, le compositeur débarque à Los Angeles avec une bande démo. « Lorsque pour la première fois, nous écoutâmes le désormais emblématique thème du battement de cœur chez Universal Pictures, poursuit Cohen, je regardai John : son visage exprima successivement le soulagement et l’étonnement… Il semblait que Morricone l’avait parfaitement compris. » The Thing : éd. Varèse Sarabande (cd). TITANIC Titanic Réalisé par James Cameron - Production : James Cameron, Jon Landau (Paramount Pictures / 20th Century Fox) Musique de James Horner - 1997 Sans surprise, l’extraordinaire machinerie de Titanic témoigne des obsessions d’un cinéaste brut de décoffrage. « Au début du projet, raconte James Horner, un générique de début était prévu, et Jim Cameron voulait utiliser Mars tiré des Planètes de Gustav Holst. Cela lui ressemble tellement de faire une chose pareille, d’envisager de la musique pour durs à cuire… Je n’ai pas utilisé Holst, mais j’ai composé un air un peu mécanique et militaire… Tout le monde était satisfait sauf moi, parce que c’est la première chose que je lui avais dite quand on s’était rencontré : "J’ignore tes sentiments concernant la musique du film, mais pour le gé-

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nérique, j’imagine quelque chose de très mélancolique, triste et élégiaque" (…) Quelques mois plus tard, il m’a invité chez lui pour me montrer quelque chose : il avait assemblé une nouvelle ouverture à partir de plusieurs morceaux que j’avais composés pour d’autres parties du film. Le tout sur fond d’images sépia du navire. Il m’a demandé si cela me plaisait, "C’est exactement ça, lui ai-je répondu, ce dont on avait parlé cinq mois plus tôt ! C’est tout à fait l’atmosphère qui convient au début du film." Nous avons travaillé ensemble, j’ai écrit un morceau, et nous sommes arrivés à la musique qui convenait au Titanic. Mais en fait, le plus important fut que James Cameron en était venu à accepter la vraie nature du film, et à faire passer au second plan le côté film d’action à la Terminator. » Le plus grand succès discographique d’une musique orchestrale au cinéma, avec 26 millions d’albums vendus. Titanic : éd. Sony et La-La land (musique intégrale, cd). Oscars de la meilleure musique originale et de la meilleure chanson 1998. TOUCHEZ PAS AU GRISBI Réalisé par Jacques Becker - Production : Robert Dorfmann (Les Films Corona) Musique de Jean Wiener - 1954 Né en 1896, Jean Wiener traverse le premier siècle de cinéma avec une productivité exceptionnelle. Il passe indifféremment de cinéastes "pro-musique" (Duvivier, L’Herbier) à quelques "anti" notoires (Bresson, Rivette), avec le sentiment de participer à une aventure collective. « Écrire pour le cinéma, c’est être au milieu des autres », déclare-t-il en 1981. Le succès de Touchez pas au Grisbi arrive à miparcours de sa carrière, par l’intermédiaire d’une répétition mélodique : « Pour ce film, j’avais d’abord imaginé deux thèmes, raconte Wiener. Le premier était celui de l’amitié entre les deux truands Max et Riton, et le second était pour ce fameux disque qu’écoute Jean Gabin en disant : "Foutez-moi la paix pour le moment, je mets mon air !" J’avais donc trouvé un thème pour l’amitié à la vie, à la mort, qui me plaisait beaucoup et pour lequel j’avais écrit une assez grosse partition. Ensuite, j’ai été très fâché quand on a enregistré et surtout mixé la musique, car Jacques Becker avait mis presque toute cette partition au panier au profit de cet air. Il avait voulu le mettre un peu partout… Je pense qu’il n’était pas vilain, qu’on se rappelait les premières mesures très facilement, mais je crois que le succès est venu du timbre que j’ai choisi et du petit instrument (l’harmonica) encore très peu pratiqué à ce moment-là. C’est ma vraie bonne idée, elle correspondait vraiment à ce qu’il fallait pour Jean Gabin. » Touchez pas au Grisbi : éd. Playtime (extraits, cd). LE TOUR DU MONDE EN 80 JOURS Around the World in 80 Days Réalisé par Michael Anderson - Production : Michael Todd (United Artists) Musique de Victor Young - 1956 Le dernier voyage (en ballon) de Victor Young illustre bien l’étendue de son talent : un score gonflé de mélodies, parfumé d’exotisme et toujours en mouvement. Depuis ses débuts, le musicien manie comme personne les instrumentations tradi-

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tionnelles ou ethniques. Selon Jerry McCulley*, il serait le créateur des gimmicks caractérisant les Indiens dans le western américain ! Rien d’étonnant à cela quand on écoute son travail précurseur sur La Main Gauche du Seigneur**(1955), ou sur cet épatant Tour du Monde en 80 jours, opus final d’une carrière passionnée. « Quand on lui demandait pourquoi il était devenu compositeur de films, raconte Tony Thomas, Young secouait la tête : "En effet, pourquoi ? Pourquoi un musicien expérimenté se laisserait-il embarquer dans une profession qui demande l’exactitude d’un Einstein, la diplomatie de Churchill et la patience d’un martyre ? Et bien pour tout vous dire, je n’imagine aucun autre médium musical qui propose autant de défis, génère autant d’excitation et demande autant de créativité dans l’écriture de partitions." » Bon vivant, l’homme mange la vie par les deux bouts et travaille nuit et jour, jusqu’à l’excès. « Victor avait un défaut : il en faisait toujours trop, remarque l’orchestrateur Leo Shuken. Il faisait huit ou neuf films par an pour Paramount… Mais il pouvait également en faire deux pour Republic, un pour Columbia, tout en travaillant avec nous sur un autre score. » À l’issue d’une année marathon, Young meurt à 56 ans d’une attaque cérébrale après plus de trois cents musiques composées en l’espace de vingt ans. Around the World in 80 Days : éd. Hit Parade (cd). *Auteur de nombreuses notes pour Varèse Sarabande, Atlantic et Rhino Records. **Qui annonce, par exemple, les ambiances asiatiques de La Canonnière du Yang-Tsé (Jerry Goldsmith). Oscar de la meilleure musique originale 1957 à titre posthume. LA TOUR INFERNALE The Towering Inferno Réalisé par John Guillermin - Production : Irwin Allen (20th Century Fox / Warner Bros.) Musique de John Williams - 1974 1974 est l’année "catastrophe" pour John Williams qui signe coup sur coup deux partitions majeures du genre : Tremblement de Terre des studios Universal et La Tour Infernale. Cette dernière s’ouvre sur le plus long générique de l’époque, un survol en hélicoptère de San Francisco imaginé sans musique par Irwin Allen. « En dépit de ses intentions, je suis parvenu à le convaincre de baisser au maximum les sons environnants et le bruit du rotor, révèle John Williams, de cette façon la musique avait le champ libre… Si l’on s’en tient purement à l’écriture thématique, cette première séquence est le meilleur morceau que j’ai écrit pour le film. » Son plaisir à illustrer les superproductions transpire également dans les scènes dramatiques (Trapped lovers), les duos romantiques au parfum Easy listening (Something for Susan) et le grand suspense final (Planting the charges). L’album de la B.O. deviendra l’un de ses "musts" pré-Star Wars et la ritournelle We may never love like this again*, un tube aux États-Unis. « Le patron de la Fox souhaitait que John Williams conçoive la chanson, raconte Joel Hirschhorn, mais je fis tout de même une démo de ma composition que j’apportai au bureau d’Irwin Allen. En l’écoutant, il n’était pas très sûr… Il se tourna alors vers sa secrétaire qui leva le pouce sans hésiter. Si elle ne l’avait pas aimée, il est probable que je n’aurais jamais reçu l’Oscar. »

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The Towering Inferno : éd. Film Score Monthly (cd). *Écrite par le duo Al Kasha et Joel Hirschhorn, déjà auteurs de The morning after dans L’Aventure du Poséidon (Ronald Neame, 1973 - Bande originale de John Williams). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1975. Oscar de la meilleure chanson originale 1975. UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR A Streetcar named Desire Réalisé par Elia Kazan - Production : Charles K. Feldman (Warner Bros.) Musique d’Alex North - 1951 Alex North débute sa carrière cinématographique avec ce score légendaire conçu en parallèle du Classicisme hollywoodien. Pour la première fois dans un longmétrage, le jazz prend place au sein d'une large composition orchestrale. Sa fonction n'est plus décorative (comme musique diégétique) mais bel et bien dramatisante ; il répond ici à l'intériorité des protagonistes. « J'ai essayé de simuler le jazz, précise North, de saisir son essence rythmique et harmonique afin de l'appliquer à la dramaturgie. J'ai essayé de transmettre les aspects internes plutôt qu'externes du film. J'entends par là que la musique était constamment reliée aux personnages, rarement à l'action. Il s'agissait pour ainsi dire d'exposés mentaux : Stanley contre Blanche, Mitch contre Blanche, Stanley contre Stella, plutôt que des thèmes spécifiques à chaque personnage. » Abondamment dialogué, Un Tramway Nommé Désir n’offre guère la possibilité au compositeur d'exister entre les échanges ; il met en place un canevas musical qui évolue au diapason des sentiments exprimés à l'écran. « Je crois fermement à la notion de tension et de relâchement appliquée à la musique absolue dans la musique fonctionnelle. Ainsi, vous pouvez placer des cordes stridentes sur une mélodie innocente, cela va certainement permettre de ponctuer une réponse émotionnelle ; ou encore entremêler des cuivres et une ligne mélodique pour illustrer la nature ambivalente du comportement humain. » Les fondations d'un courant essentiel de la musique de film. A Streetcar named Desire : éd. DRG (cd) et Varèse Sarabande (réenregistrement par Jerry Goldsmith, cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1952. 37°2 LE MATIN Réalisé par Jean-Jacques Beinex - Production : Jean-Jacques Beinex, Claudie Ossard (Gaumont) Musique de Gabriel Yared - 1986 Depuis sa toute première expérience cinématographique avec Jean-Luc Godard (Sauve Qui peut la Vie, 1980), Gabriel Yared souhaite être intégré au plus tôt dans le processus filmique. Il en va ainsi avec Jean-Jacques Beineix sur 37°2 le Matin, l’adaptation pour le grand écran du roman de Philippe Djian. « J'ai annoté le scénario de mentions musicales, se souvient Yared, et j'ai commencé à pianoter sur mon synthétiseur DX7, réfléchissant à différents thèmes. Puis, Jean-Jacques est venu au studio accompagné des acteurs. Nous voulions créer un morceau à

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L’ingénieur du son britannique Mike Ross-Trevor. Hormis ses enregistrements de musique pop et classique, on lui doit de spectaculaires prises de son pour Bruce Broughton, Jerry Goldsmith, et la recréation de la B.O. d’Un Tramway nommé Désir d’Alex North.

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quatre mains pour Béatrice Dalle et Jean-Hugues Anglade. Beatrice nous a avoué qu'elle ne savait jouer que d'un seul doigt tandis que Jean-Hugues était pour sa part capable de jouer du Debussy (Doctor gradus ad parnassum). J'ai donc travaillé sur une synthèse de leurs capacités réciproques et la scène du duo est devenue l'un des temps forts du film. Encore une fois, cela n'a été possible que parce que j'ai pu rencontrer les personnes impliquées et en tirer les enseignements. » Composé pour une petite instrumentation (saxo, guitare, synthé, percussion, accordéon), 37°2 sera le passeport de Yared pour le cinéma international. 37°2 Le Matin : éd. Virgin (cd). Nominée au César de la meilleure musique originale 1987. TROIS COULEURS : BLEU, BLANC, ROUGE Trilogie réalisée par Krzysztof Kieślowski - Production : Marin Karmitz (MK2 Diffusion) Musique de Zbigniew Preisner - 1993, 1994 L’amitié féconde entre Zbigniew Preisner et Krzysztof Kieślowski parachève l’un des grands pôles créatifs du cinéma européen des années 80/90. Leur œuvre commune se construit sur une attente artistique dénouée d’égocentrisme, au service du film à penser. « Kieślowski et moi nous avons tout de suite mis en place une méthode de travail inhabituelle, remarque Preisner. Nous sommes d’abord devenus amis ! Puis, il s’est mis à considérer la musique non plus comme un complément aux images, mais comme une partie intégrante du concept initial. » De son côté, le cinéaste confirme les pleins pouvoirs du maestro : « Je ne m’y connais absolument pas en musique. Je suis capable de la sentir, mais je ne suis pas un spécialiste. Zbigniew Preisner est un homme avec qui je peux collaborer. Souvent je veux de la musique là où lui la trouve absurde. Inversement, je n’imagine pas certaines scènes avec de la musique alors que lui insiste pour les mettre en musique. Je me conforme à ses idées. » Sur les ultimes longs-métrages du réalisateur, Preisner choisit de traiter chaque "couleur" indépendamment les unes des autres : « Dans Bleu, la musique a été à 90% composée et enregistrée avant le film. Kieślowski l’avait parfaitement décrite dans le scénario… il aimait qu’elle reste simple, même si elle devait être jouée par un grand orchestre. C’est la raison pour laquelle, très souvent, je compose à l’unisson mais dans des rapports d’octave très espacés. Cela donne l’impression, mais l’impression seulement, que la musique est monumentale… Dans Blanc la musique a une fonction ironique. Quand le héros finit par revenir à Varsovie en se faisant projeter dans une décharge, il explore visuellement ce qui l’entoure et s’exclame : "Je suis enfin rentré !" La musique est alors très inspirée de Chopin, une véritable icône culturelle polonaise : il s’agit d’une référence pleine d’ironie… Dans Rouge, le thème principal, "Boléro", avait été composé avant le début du tournage. Nous voulions insister sur le phénomène de la récurrence de certaines situations ou certains événements dans nos vies... Le boléro est censé incarner le désir de lutter et d’en savoir plus, l’envie de vivre et l’imprévisibilité de la tournure que prennent parfois des événements. » Un cycle de B.O. incandescentes. Trois Couleurs : Bleu, Blanc, Rouge : éd. Because Music / MK2

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Nominée au César de la meilleure musique originale 1994 (Bleu). César de la meilleure musique originale 1995 (Rouge). LES 3 JOURS DU CONDOR 3 Days of the Condor Réalisé par Sydney Pollack - Production : Stanley Schneider, Dino De Laurentiis (Paramount Pictures) Musique de Dave Grusin - 1975 En pleine préparation du thriller journalistique Les Hommes du Président, Robert Redford met une option sur un autre projet à suspense : "Les 6 jours du Condor", inspiré d'un livre pas encore publié de James Grady. Le producteur Dino De Laurentiis envisage de confier la mise en scène à Peter Yates (Bullitt), mais l'arrivée de la star change la donne. Redford soumet la révision du script à Sydney Pollack et insiste pour qu'il en assure la réalisation. Rebaptisé Les 3 Jours du Condor, le film permet au cinéaste de retrouver Dave Grusin, son talentueux compositeur de Yakuza. À l'image de leur première collaboration – un mélange d'instrumentation japonaise et hollywoodienne – la B.O. du Condor est un exemple de versatilité. Le musicien y alterne séquences rhythm and blues du meilleur goût, plages orchestrales inquiètes, sans omettre l'élément fétiche du film d'espionnage : le cymbalum. « Interprété par Emil Richards (le percussionniste de La Planète des Singes), c’est l'un des instruments leaders du score, précise Grusin. Il prend ses racines dans l'Europe de l'Est et autres régions exotiques. Quelque part, il suggère l'aspect "intrigue internationale" dans un sens impressionniste très relâché. » Une musique addictive verrouillée à son époque. 3 Days of the Condor : éd. Film Score Monthly (cd). LE TROISIÈME HOMME The Third Man Réalisé par Carol Reed - Production : Carol Reed (British Lion Film Corporation / Selznick Releasing Organization) Musique d’Anton Karas - 1949 « Je n’ai pas connu Vienne avant la guerre, avec sa musique de Strauss et son charme facile. » La fameuse introduction du Troisième Homme annoncerait-elle la rupture ponctuelle de Carol Reed avec l’héritage musical viennois ? Malgré l’ombre de David O. Selznick (coproducteur), le réalisateur anglais s’interroge sur une possible alternative au Classicisme hollywoodien. Lors du tournage, il rencontre par hasard Anton Karas, un cithariste qui gagne sa vie en jouant dans un restaurant. « Je me demandais si nous pouvions utiliser un seul instrument tout au long du film, se souvient Reed. Un soir, j’ai emmené Karas à mon hôtel où il a joué pendant vingt minutes. J’ai ensuite apporté l’enregistrement de ce petit récital au studio pour vérifier si la musique n’allait pas contre le dialogue… Dans l’ensemble, cela fonctionnait bien. Karas est alors venu à Londres… Une nuit, il m’a fait écouter un nouvel air qu’il avait créé. C’était le futur thème du Troisième Homme ! Je lui ai demandé : "Pourquoi ne me l’avez-vous pas joué avant ?", "Je ne l’ai pas joué depuis quinze ans", m’a-t-il répondu, "Car lorsque vous jouez dans un café, personne ne s’arrête pour vous écouter et ce morceau monopolise beau-

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coup de doigts. Je préfère donc jouer Wien, Wien, le genre de chose que l’on peut jouer tout en mangeant des saucisses !" » Le succès mondial du thème d’Harry Lime permettra à Anton Karas d’acheter son propre restaurant. The Third Man : éd. Milan (cd) et Silva America (réenregistrement, cd). TRON Tron Réalisé par Steven Lisberger - Production : Donald Kushner (Buena Vista Distribution Company) Musique de Wendy Carlos - 1982 Près d’un an avant les ultimes finitions de Tron, Michael Fremer saisit tous les enjeux de sa bande sonore : « J’ai immédiatement su que le film se devait d’avoir une B.O. fantastique afin qu’il puisse se vendre, remarque le superviseur musical. J’avais le choix entre trois possibilités : produire une bande-son médiocre, dépasser mon budget tel un dingue jusqu’à ce que Disney me vire, ou enfin, si je le pouvais, utiliser les nouvelles technologies. » Fremer contacte alors Wendy Carlos, experte en musique électronique et collaboratrice de Stanley Kubrick. « J’étais plutôt enthousiaste à l’idée de travailler sur un projet qui allait nécessiter l’emploi conjugué d’un orchestre et de synthétiseurs, confie Carlos. Aussi, lorsqu’ils m’ont dit qu’ils souhaitaient juste me confier les parties électroniques et demander à quelqu’un d’autre d’écrire les parties symphoniques, je leur ai dit : "Ne vous donnez pas cette peine, si vous le souhaitez, je peux me charger de l’intégralité du score…" Mon objectif était de réaliser une musique s’appuyant lourdement sur l’électronique par endroits, et privilégiant l’orchestre à d’autres endroits. Le tout avec l’intention globale d’atténuer la démarcation entre les deux approches… Ainsi, de même que le public ne pourrait distinguer les images réelles des images de synthèse, il ne pourrait discerner les vrais instruments des synthétiseurs employés en parallèle. » Interprétée par le London Philharmonic Orchestra et l’orgue du Royal Albert Hall, la musique de Tron présage les futurs efforts de Hans Zimmer dans la production hollywoodienne. Tron : éd. Disney (cd). LA TUNIQUE The Robe Réalisé par Henry Koster - Production : Frank Ross (20th Century Fox) Musique d’Alfred Newman - 1953 L’introduction du format Cinémascope dans le cinéma américain s’assortit d’une autre innovation : le son stéréophonique quatre canaux. Alfred Newman est le premier bénéficiaire de ce système qu’il s’approprie à la barbe des techniciens. « Nous évoluions dans des territoires inexplorés, raconte Ken Darby, l’associé du compositeur. Chaque enregistrement était une expérience. Des experts vinrent de New York, Paris et Londres avec toutes sortes de micros directionnels et toutes sortes d’idées pour les installer. Sur La Tunique, l’esprit analytique d’Alfred avait prévu quelques-unes des difficultés rencontrées. Il persuada les experts – après qu’ils eurent entrepris de longs tests non concluants – de lui permettre d’abandonner les micros directionnels au profit de micros non directionnels (dis-

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posés à sa façon, NDLR)… En écoutant le résultat, ils admirent la supériorité de son concept. » Sur le plan musical, La Tunique s’impose comme une partition clef et l’occasion d’affirmer un style unique. « Le score de mon père est vraiment grand et riche, remarque David Newman, mais il a également les qualités d’une musique de chambre intime et personnelle. Alfred Newman n’avait pas peur de faire petit. En fait, il était tout autant adepte des petits gestes que des grands. Sa musique est aussi caractérisée par l’entrelacement des mélodies et des contremélodies, par sa base homophonique, par la richesse des cordes, le vibrato, le portamento, et par-dessus tout, le style rubato* – il n’y a presque aucune barre de mesure dans la musique ! » The Robe : éd. La-La Land (cd). *Variation du tempo affectant la mélodie. Le rubato est souvent laissé aux bons soins de l’interprète ou du chef d’orchestre. TWIN PEAKS Twin Peaks Série réalisée par David Lynch - Production : Harley Peyton (ABC) Musique d’Angelo Badalamenti - 1990 Ovni télévisuel sans antécédent, Twin Peaks sacralise en quelques épisodes l’univers nébuleux de deux artistes désormais inséparables. Selon Angelo Badalamenti, les thèmes musicaux de la série naissent dans la plus grande proximité créative : « Un jour, David est venu à mon petit bureau en face de Carnegie Hall et m’a lancé : "J’ai cette idée pour un feuilleton télé, Northwest Passage*"… Il était assis à côté de moi au clavier et me dit : "Je n’ai encore rien filmé, mais c’est comme si tu te trouvais dans des bois très sombres, avec un hibou en arrière-plan et des nuages masquant la lune. Le vent souffle très doucement dans les sycomores…" J’ai commencé à pianoter les premiers accords du thème d’amour, car c’était le son qui provenait de cette obscurité, puis il ajouta : "Une fille magnifique sort des bois et s’avance vers la caméra…" J’ai continué à jouer les notes qu’il m’inspirait. "Elle se rapproche, on atteint un point culminant, et …" La musique suivait toujours l’histoire... "Et à partir de là, on la laisse repartir dans les bois obscurs." Toutes les notes étaient sorties ! David était stupéfait, et moi aussi ! Il avait la chair de poule et les larmes aux yeux. "Je vois clairement Twin Peaks, je le tiens !", me dit-il. Sur ce, je conclus : "Je vais rentrer chez moi pour travailler ce thème." – "Travailler ce thème ? Ne change pas une note !" Bien sûr, je l’ai couché tel quel sur la partition ! » Twin Peaks : éd. Warner (cd). *titre premier du projet. UNDER FIRE Under Fire Réalisé par Roger Spottiswoode - Production : Jonathan T. Taplin (Orion Pictures) Musique de Jerry Goldsmith - 1983 Pour Jerry Goldsmith, les années 80 représentent une forme d'apogée artistique. D'une part, il sort d'une décennie couronnée de reconnaissances (dont l'Oscar de

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Jerry Goldsmith en 1996. 237

la meilleure partition originale), d'autre part, il amorce une série de B.O. pour diverses productions à succès de Steven Spielberg. Le revers de la médaille est un certain enfermement dans le blockbuster fantastique. Or, le musicien a bien d'autres cordes à son arc, comme le confirme Roger Spottiswoode : « Sur Under Fire, j’ai senti que Jerry Goldsmith serait capable d’illuminer toute la complexité des choix moraux auxquels font face les personnages, tout en nous emportant musicalement au centre d’une révolution… De façon magistrale, il a choisi des flûtes de Pan comme cœur instrumental de la partition. Leurs sonorités peuvent être à la fois intimes, personnelles, mais aussi fortes et vigoureuses. En optant pour un instrument qui n’est pas typique du Nicaragua mais présent dans diverses cultures agraires d’Amérique Centrale et du Sud, il donne à la révolution une voix qui parle avec authenticité de ses origines rurales. Comme la musique elle-même, cela crée inévitablement un écho avec les pays alentours. » La guitare de Pat Metheny sera l’autre invité d’honneur de ce score remarquablement enregistré. À noter la réutilisation proéminente du générique de fin Nicaragua dans Django Unchained de Quentin Tarantino. Under Fire : éd. Film Score Monthly (cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1984. LES UNS ET LES AUTRES Réalisé par Claude Lelouch - Production : Claude Lelouch (Parafrance Films) Musique de Francis Lai et Michel Legrand - 1981 Fruit d'une collaboration inhabituelle, la B.O. des Uns et les Autres réunit deux grands noms de la musique de film afin d'illustrer les divers pôles du récit. Claude Lelouch, tel un chef d'orchestre, répartit précisément les tâches de ses compositeurs : « Nous nous sommes retrouvés tous les trois dans mon studio, se souvient Francis Lai, et les choses ont été clairement définies dès le départ. Claude nous a dit : "Michel, tu vas faire toute la partie américaine de l'histoire, et toi Francis, toute la partie européenne." Nous avons ensuite beaucoup discuté du film et sommes partis tous les deux écrire nos séquences respectives... À l'époque, je connaissais à peine Michel Legrand et pour tout vous dire, il me glaçait. Ce personnage était trop imposant pour moi, j'étais tellement admiratif de son travail. Je me souviens avoir acheté le disque des Parapluies de Cherbourg le jour de son avantpremière et l'avoir écouté toute la nuit... Lorsque Lelouch a choisi de nous rapprocher, j'étais énormément flatté qu'il travaille avec moi. » En plus de sa partie, Michel Legrand orchestrera l'intégralité du score couvrant les trois heures de projection, puis la série télé en version longue. Un festival de mélodies couronné par un énorme succès discographique (2 millions d'albums vendus). Les Uns et les Autres : éd. Édition 23 (cd). Nominée au César de la meilleure musique originale 1982. LES VESTIGES DU JOUR Remains of the Day Réalisé par James Ivory - Production : John Calley, Ismail Merchant, Mike Nichols (Columbia Pictures) Musique de Richard Robbins - 1993

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Le labeur quotidien du petit personnel des Vestiges du Jour trouve un écho gracieux dans la musique de Richard Robbins : « La répétition des tâches peut suggérer la monotonie, remarque le musicien, ou évoquer un état méditatif profond, pouvant entrainer une certaine conscience de soi et la clarté de pensée… La partition du film essaye d’évoquer, entre autres choses, la puissance, le confort – et les conséquences du repli sur soi – que les devoirs répétés peuvent apporter aux personnages. » Il en résulte un score dont les accents minimalistes suivent à l’unisson le rythme des images élégantes de James Ivory. « Il m’arrive de regarder certaines séquences 25 ou 30 fois, révèle Robbins. De manière générale, je me sens très proche des mouvements des personnages dans une scène et je m’attache de plus en plus à ces derniers. Cela peut faire naître des sentiments que personne d’autre n’avait prévus ou envisagés. Quand ce moment-là arrive, je sais que la partie la plus difficile de mon travail est terminée, car je ressens pleinement le personnage. Cela peut arriver d’un seul coup, et c’est alors pour moi un grand soulagement… Dans Les Vestiges du Jour, cela s’est produit lorsque, pour la première fois, j’ai vu la séquence dans laquelle Emma Thompson marche dans le couloir vers la caméra. Ce simple plan a déterminé les sentiments contenus dans la musique. » Remains of the Days : éd. Angel (cd) Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1994. LA VIE DE CHÂTEAU Réalisé par Jean-Paul Rappeneau - Production : Nicole Stéphane (UGC) Musique de Michel Legrand - 1966 On peut considérer La Vie de Château comme la comédie matrice du cinéma de Jean-Paul Rappeneau. Tourné en noir et blanc pour raison budgétaire, le film bénéficie d'une éclatante lumière signée Pierre Lhomme et d'un scénario brillamment dialogué. Le premier bout à bout des rushs déçoit pourtant la production. Manquant d'élan, de rythme, le film piétine. Sur les conseils de son entourage, Rappeneau décide avec son monteur Pierre Gillette de couper les silences entre les répliques. Soudain, tout repart, fonctionne, décolle... à tel point que le metteur en scène en oublie la musique. Louis Malle le rappelle à l'ordre en lui conseillant Michel Legrand : « Il te faut un musicien qui a le sens du rythme et il n'y en a qu'un, c'est Legrand ! Demande-lui, on ne sait jamais... » La rencontre est décisive pour le réalisateur. Ce dernier découvre le pouvoir d'une belle partition sur ses images et s'étonne des capacités du compositeur à se glisser entre les dialogues, à insuffler romantisme, espièglerie, sans nuire au style narratif. La musique sera l'un des beaux atouts de La Vie de Château et incitera Jean-Paul Rappeneau à adopter Legrand pour ses prochaines comédies : Les Mariés de l'An Deux et Le Sauvage, deux autres fleurons de leurs filmographies. Michel Legrand - Anthologie : Les Moulins de son Cœur : éd. Decca / Universal music France (cd). LA VIE EST BELLE La Vita è Bella Réalisé par Roberto Benigni - Production : Gianluigi Braschi, Elda Ferri (Cecchi Gori Distribuzione / Miramax)

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Musique de Nicola Piovani - 1997 « Selon moi, le cinéma est avant tout affaire de rencontres, d’échange d’idées et de partage d’émotions, affirme Nicola Piovani. Le scénariste Vincenzo Cerami, Roberto Begnini, et moi étions tous les trois très émus par l’histoire de La Vie est Belle. En ce qui me concerne, l’idée fondamentale pour le score était de faire une musique unique adaptée aux différentes parties du récit. La musique devait aider à faire comprendre qu’il s’agissait bien d’un seul et même film. Autrement dit, que ce n’était pas le film qui changeait de tonalité mais son histoire. Au départ, le personnage de Guido souhaite avoir une vie normale, ouvrir une librairie, faire l’amour, avoir un bébé… Puis, d’un seul coup, il est victime de la plus grande tragédie du siècle passé. En tant que compositeur, tous mes efforts se sont concentrés sur un objectif : parvenir à ce que tout le matériel musical présent dans la première partie soit le même dans la deuxième et le final, mais de façon "déguisée"… De surcroît, je pense qu’une bonne musique de film ne doit pas être trop frontale, elle doit se fondre avec les personnages et la narration, de façon à ce que les spectateurs, lorsqu’ils l’entendent sans les images, pensent tout de suite au film. C’est le cas avec Nino Rota et Fellini : lorsqu’on écoute Huit et Demi, on pense immédiatement au cirque, aux plages, à Mastroianni. » Idem pour le thème principal de La Vie est Belle, adapté en chanson et devenu indissociable de la fable tragi-comique de Benigni. La Vita è Bella : éd. Virgin (cd). Oscar de la meilleure musique originale 1999. LA VIE TUMULTUEUSE DE LADY CAROLINE LAMB Lady Caroline Lamb Réalisé par Robert Bolt - Production : Fernando Ghia (MGM – EMI / United Artists) Musique de Richard Rodney Bennett - 1972 En adaptant pour le grand écran la vie effectivement tumultueuse de Lady Caroline Lamb (maîtresse du poète Lord Byron), le dramaturge Robert Bolt n’a qu’une idée en tête : soumettre son scénario clef en main à David Lean. Mais son ami cinéaste refuse et Bolt s’empare de la réalisation sans expérience notable. Au bout de compte, le film est un échec massif tout juste sauvé des limbes par sa bande originale. « Au premier abord, j’avais songé à un thème d’inspiration classique pour William et un romantique pour Caroline, note à l’époque Robert Bolt. Mais Richard Rodney Bennett m’a fait remarquer que ce serait comme de déchirer le film de part en part au lieu de l’unifier. Il me dit également qu’il était lui-même romantique et que seules son éducation musicale et sa formation étaient classiques. » Le compositeur impose donc sa sensibilité au projet tout en mesurant l’impact de ses choix. « Je me souviens que je souhaitais donner une certaine acidité à la séquence de la lune de miel. Car tout le monde savait dès le départ qu’elle menait au désastre, et c’est ce que je voulais dire avec la musique. Mais cela rendait la scène trop déprimante. Je l’ai donc réécrite entre deux sessions d’enregistrement en la faisant sonner plus belle et dorée qu’à l’origine. » Par ail-

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leurs, Rodney Bennett tirera de sa partition une magnifique élégie pour alto et orchestre incluse dans l’album du film. Lady Caroline Lamb : éd. EMI / Singular soundtrack (cd). LE VIEUX FUSIL Réalisé par Robert Enrico - Production : Pierre Caro (Artistes Associés) Musique de François de Roubaix - 1975 Après une infidélité passagère sur Le Secret (musique d’Ennio Morricone), Robert Enrico retrouve le compositeur de ses grands succès. À l’époque, François de Roubaix est un peu délaissé par le cinéma, il travaille pour le petit écran sur de nombreux programmes. Le Vieux Fusil est une œuvre forte, importante, qui sort le musicien de ses travaux télévisuels. Le générique introduit intrinsèquement deux pianos nostalgiques liés aux personnages principaux. Comme le remarque l’ingénieur du son Jean-Pierre Pellissier, « Le piano Noiret a un son traditionnel, en revanche, le piano Schneider, qui répond en écho, possède un timbre étrange, plus féminin, un peu grêle. En réalité, c’est un Steinway enregistré à demi-vitesse ! Une fois remis dans le bon tempo, le timbre se métamorphose. Ce type de trucage faisait toute l’originalité de la musique de François. Il était toujours à l’avantgarde de la combinazione sonore. » Pour les séquences les plus sombres du film, l’usage de l’électronique nourrit l’effroi du spectateur. De Roubaix recrée le bruit des lance-flammes et imprime le massacre de la famille Dandieu dans la mémoire du cinéma français*. Cette collaboration fraternelle avec Enrico sera malheureusement la dernière. Le jeune musicien décèdera quelques mois après la sortie du film, lors d’un tragique accident de plongée sous-marine. Le Vieux Fusil : éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). *Le Vieux Fusil a reçu le César des Césars en 1985. Premier César de la meilleure musique originale 1976, décerné à titre posthume. LES VISITEURS DU SOIR Réalisé par Marcel Carné - Production : André Paulvé (DisCina) Musique de Maurice Thiriet et Joseph Kosma - 1942 Deux superbes musiciens collaborent à la bande originale des Visiteurs du Soir ; Joseph Kosma écrit deux chansons dans la clandestinité* et Maurice Thiriet compose la partition orchestrale du film. Comme le souligne le musicologue Jean Roy : « Par la noblesse de ses thèmes, par la tristesse pénétrante de ses complaintes, par l’étrangeté de ses enchantements, cette musique apparaissait comme la résonance intérieure des images poétiques du film… » À la Libération, Marcel Carné décide de créditer le travail de Kosma dans le générique, mais ce dernier veut plus. Il exige la pleine paternité de l’œuvre musicale au détriment de Thiriet. « À l’entendre, lui seul était l’auteur de la musique des Visiteurs, raconte le cinéaste. Sans nier qu’il fut celui des deux ballades, on ne pouvait oublier que Thiriet avait composé et surtout orchestré – ce que n’avait pas fait Kosma – toute la musique du film, et qu’en outre on lui devait la troisième complainte : Tristes enfants perdus. S’obstinant, Kosma demanda l’arbitrage de la Sacem. Je compris

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alors qu’il s’agissait peut-être davantage d’une question d’intérêt que de vanité blessée… La séance d’arbitrage fut assez pénible. Chacune des deux parties avait naturellement apporté son travail personnel. Comme le jury trouvait celui de Kosma nettement inférieur en quantité à celui fourni par Thiriet, le premier avait jeté rageusement sur la table les deux partitions des chansons qu’il avait composées, et s’était écrié avec colère : "Alors, vous trouvez que ça, ce n’est rien !" Finalement, passant outre, le jury avait donné raison à Thiriet. » Le Film Français - Les Visiteurs du Soir : éd. EMI (suite symphonique, cd). *Sous l’occupation, Kosma est interdit de travailler et est assigné à résidence dans les Alpes Maritimes. VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU One Flew over the Cuckoo’s Nest Réalisé par Miloš Forman - Production : Michael Douglas, Saul Zaentz (United Artists) Musique de Jack Nitzsche - 1975 Longtemps resté dans l’ombre de Phil Spector, des Rolling Stones ou de Neil Young, l’arrangeur Jack Nitzsche devient compositeur pour l’image lors de ce premier travail avec Michael Douglas*. Le producteur suit les recommandations de son ami Art Garfunkel et découvre un musicien aux choix instrumentaux iconoclastes : « Je n’oublierai jamais ma visite au studio d’enregistrement Fantasy à Berkeley en Californie, se souvient Douglas. Lorsque je suis arrivé sur le parking, je vis un très vieux camion des années quarante duquel sortit un grand gaillard. Il se saisit d’une grande scie à main pour gros troncs d’arbre et me demanda : "Vous pouvez me dire où je peux trouver Jack Naïtch’ ?" – "Vous voulez dire Jack Nitzsche (prononcé Nitchi) ? Et bien je crois qu’il doit être à l’intérieur", ai-je répondu… Quand je suis entré dans le studio, j’ai alors vu Jack avec un ensemble de verre d’eau de différentes tailles ; il passait son doigt sur les bords pour créer des sonorités particulières. Ensuite, le fermier s’est installé avec sa scie et a commencé à jouer le thème du film. À ce moment-là, j’ai pensé : "Il est possible qu’on file vers la catastrophe, je suis tombé chez les fous !" Bien sûr, par la suite, je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’une des meilleures musiques que je n’avais jamais entendues dans un film. » One Flew over the Cuckoo’s Nest : éd. Fantasy (cd) *Jack Nitzsche retravaillera avec Douglas sur plusieurs productions dont Starman de John Carpenter. Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1976. LE VOLEUR DE BAGDAD The Thief of Bagdad Réalisé par Ludwig Berger, Michael Powell, Tim Whelan - Production : Alexander Korda (United Artists) Musique de Miklós Rózsa - 1940 L’ultime partition de Miklós Rózsa sur le sol anglais contient déjà toute la majesté de ses futurs travaux à Hollywood. Inspiré par Les mille et une nuits, Le Voleur de Bagdad est une fantaisie cinématographique initiée par les frères Korda (Alex-

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ander et Zoltan) et confiée au réalisateur allemand Ludwig Berger. « Ce dernier voulait Oscar Straus pour écrire la partition du film, se souvient Rózsa. Non seulement Alexander Korda m’avait promis le job, mais il m’avait sous contrat pour le faire. Il souhaitait vraiment que ce soit moi et non pas Straus qui écrive le score. » Berger insiste et réclame à son producteur l’auteur viennois de Rêve de valse. Lorsque les premiers feux de la B.O. "d’opérette" parviennent aux oreilles du directeur musical Muir Mathieson, celui-ci explose de rage. Embarrassé, Korda demande alors son avis à Miklós Rózsa qui réagit avec franchise : « Je lui ai dit que la musique serait plutôt charmante pour une revue viennoise de 1900, mais qu’elle était complètement inappropriée pour un conte oriental. Korda me dit alors d’écrire la musique que je pensais la plus adaptée au Voleur de Bagdad, et de le tenir au courant quand elle serait terminée. » En plaçant malicieusement le piano de Rózsa à côté du bureau de Berger, Korda parviendra à le convaincre du bien-fondé de son protégé. Oscar Straus (70 ans) sera remercié et le jeune Miklós (32 ans) terminera son score enchanteur en Amérique, à l’orée de la Seconde Guerre mondiale. The Thief of Bagdad : éd. Prometheus (réenregistrement complet, cd). Nominée à l’Oscar de la meilleure musique originale 1941. LE VOLEUR QUI VIENT DÎNER The Thief Who came to Dinner Réalisé par Bud Yorkin - Production : Norman Lear, Bud Yorkin (Warner Bros.) Musique de Henry Mancini - 1973 Henry Mancini entame les années 70 sans la complicité du réalisateur Blake Edwards. En raison d’importants problèmes de production, les deux hommes se brouillent provisoirement sur le film Darling Lili. Cette parenthèse n’empêche pas le compositeur d’enchainer une multitude de projets cinématographiques et télévisuels, dont ce film taillé pour Ryan O’Neal. L’importance de la partition est bien sûr relative, mais elle démontre néanmoins la grande adaptabilité de Mancini aux diverses tendances à la mode. À quelques virages des Nuits Rouges de Harlem ou de L’Inspecteur Harry, la B.O. est orchestrée pour une petite formation caractéristique de l’époque, comprenant quatre instruments à vent (flûtes, saxophones), quatre claviers (clavinet, orgue Yamaha, Fender Rhodes, synthétiseur ARP), un ensemble de cuivre (quatre bugles, quatre trompettes barytons, trois trombones, un tuba), des percussions (batterie, bongos, congas, timbales, vibraphone) et une section de cordes (seize violons, six altos, six violoncelles). Le tout au service de remarquables séquences à suspense (The really big heist) ou mélodiques (Theme / Laura’s theme). Au-delà du film, un vrai plaisir discographique. The Thief Who came to Dinner : éd. Film Score Monthly (cd). VOYAGE À DEUX Two for the Road Réalisé par Stanley Donen - Production : Stanley Donen (20th Century Fox) Musique de Henry Mancini - 1967 Pour la première fois de sa carrière, Henry Mancini compose la musique d’un film à la demande expresse de sa star Audrey Hepburn. Voyage à Deux est une cu-

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rieuse comédie romantique de Stanley Donen (Chantons sous la Pluie), qui inspire au compositeur l’un de ses thèmes préférés. Pour l’interpréter, il fait appel à une légende : « Je voulais quelque chose de touchant, raconte Mancini. J’ai toujours été fan du violoniste français Stéphane Grappelli… Nous l’avons donc contacté et nous avons arrangé pour lui un enregistrement à Londres. L’orchestre était au complet. Une porte s’est ouverte au fond du studio. C’était l’hiver et Stéphane est entré vêtu d’un manteau et d’un chapeau, avec son violon sous le bras. Les musiciens étaient face à la porte. Quand ils l’ont reconnu, tous les violonistes ont commencé à frapper leur instrument avec l’archet en signe d’accolade à un grand artiste. Comme bien souvent, j’ai réenregistré la partition à Los Angeles en vue de l’album. Je pense que je n’aurais probablement pas dû faire ça, mais à l’époque, j’étais comme piégé par la monstruosité de ma méthode de travail. Ce qui est vraiment triste, c’est que je n’ai pas eu Stéphane pour ce nouvel enregistrement. Mais il est tout de même le violoniste que l’on entend dans le film. » Two for the Road : éd. RCA (cd) et Kritzerland (score avec Grappelli, cd). LE VOYAGE EN BALLON Réalisé par Albert Lamorisse - Production : Albert Lamorisse (Cinédis) Musique de Jean Prodromidès - 1960 Jean Prodromidès ne s’apparente guère à l’archétype du musicien de cinéma. Après quelques musiques de films, il est le témoin et le compositeur de la première dramatique télévisée diffusée en stéréophonie (Les Perses - 1961). L’oratorio écrit à cette occasion lui révèle une passion pour l’art lyrique qu’il déploie au travers de plusieurs opéras. « Je ne conçois pas que l’on puisse écrire un opéra sans avoir souvent été au cinéma », déclare-t-il en 2004. Prodromidès envisage ses bandes originales dans leur globalité, fidèle aux tendances impressionnistes de l’école française. « J'ai toujours essayé de trouver l'essence d'un film, son sens profond, et non le sens du détail, de trouver le dénominateur commun à une scène. J'ai toujours trouvé qu'une musique de film s'imposait par le timbre… Sur Le Voyage en Ballon, qui est un survol de toute la France avec une trame narrative extrêmement ténue, avec très peu de dialogue, où il s'agit d'écrire une heure et demie de musique : il faut l'élément unitaire thématique ; il faut les variations, et ça amène vraiment merveilleusement à l'opéra. » Créée pour un grand orchestre (quatre-vingts musiciens, douze guitaristes, trente choristes), cette partition originale s’écoute tel un poème symphonique libéré des codes de la musique purement illustrative. Dans un registre opposé, Prodromidès signera un score atonal de premier ordre sur le film Danton d’Andrzej Wajda (1983). Le Voyage en Ballon : éd. Disques Cinémusique (cd). LE VOYAGE FANTASTIQUE Fantastic Voyage Réalisé par Richard Fleischer - Production : Saul David (20th Century Fox) Musique de Leonard Rosenman - 1966 En 1955, Leonard Rosenman s’impose en précurseur de la musique dodécaphonique au cinéma. Sa partition pour le film La Toile d’Araignée (Vincente Minnel-

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li) est la première à rompre avec la suprématie de l’approche mélodique initiée par Max Steiner. « À l’époque, André Previn me glissa : "Ils vont probablement rejeter ton score", se souvient Rosenman, ce à quoi je répondis : "Je te parie que non, car il n’y a aucun cadre de référence en la matière, ce score est entièrement atonal." » Cette première victoire contre la tradition néoromantique hollywoodienne encourage le musicien à persévérer. Dix ans plus tard, il propose derechef une nouvelle rupture : « Le Voyage Fantastique est l’un de mes travaux les plus intéressants. J’ai utilisé la technique dite klangfarben*. C’était non seulement avant-gardiste sur le plan musical, mais également sur le plan dramatique. Par ailleurs, les personnages du film entament leur voyage dans le corps humain à partir de la cinquième bobine (38 minutes). Avant cette séquence, je ne voulais pas qu’il y ait de musique. Tout le monde s’est exclamé : "Mais comment va-t-on faire alors ?", je leur ai dit "Vous n’avez qu’à utiliser des effets sonores, mais pas de musique !" Ils ont tenté le coup et ont adoré le résultat. » Fantastic Voyage : éd. La-La Land (cd). *de l’allemand klangfarbenmelodie, qui signifie "jeu de mélodie et de timbre" ou comment les différents pupitres de l’orchestre contribuent à l'élaboration d'une mélodie globale et générale. Technique utilisée notamment par Arnold Schönberg, qui fut l’un des professeurs de Leonard Rosenman. WITNESS Witness Réalisé par Peter Weir - Production : Edward S. Feldman (Paramount Pictures) Musique de Maurice Jarre - 1985 Rares sont les musiciens qui ont su renouveler à ce point leur approche esthétique. Dans les années 80, Maurice Jarre rompt avec l'instrumentation traditionnelle pour explorer de nouveaux horizons : « Indépendamment du penchant de Peter Weir pour le tout électronique, j'avais aussi décidé que ce type de musique conviendrait mieux qu'un orchestre. Tout d'abord, je pensais que la musique de Witness ne devait laisser transparaître aucun sentiment et demeurer presque froide, détachée. Ensuite, les amish sont contre les instruments de musique car ils pensent qu'ils sont l'œuvre du diable. Cependant la musique électronique peut procurer un son presque acoustique, léger. » Outre les passages obligés – scènes d'action, de suspense, scènes d'amour – Peter Weir offre à Jarre deux grandes séquences non dialoguées pour s'approprier la bande-son du film : le générique et la construction de la grange. Si la première rejoint la quasi-atonalité de l'Année de Tous les Dangers, la seconde en revanche (Building the barn) présente un long mouvement mélodique dominé par l'EVI, un instrument à vent électronique inventé et interprété par Nyle Steiner*. Œuvre maîtresse de Jarre, Witness atteste discrètement tout l'intérêt des nouvelles technologies dans la musique de film. « Un score électronique est légitime quand il conserve sa spécificité, souligne Jarre. Le plus souvent quand il cherche à imiter l'orchestre, ou réduire le budget du film, le résultat est décevant. » Witness : éd. Varèse Sarabande (cd). Nominée à l'Oscar de la meilleure musique originale 1986. *Déjà présent dans la bande-son du film Apocalypse Now.

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246 Maurice Jarre (1924-2009).

WOLFEN Wolfen Réalisé par Michael Wadleigh - Production : Rupert Hitzig (Orion Pictures / Warner Bros.) Musique de James Horner - 1981 Les aléas des productions de Roger Corman (Les Monstres de la Mer, Les Mercenaires de l’Espace) préparent James Horner à son premier engagement d’envergure. Wolfen est un blockbuster de 22 millions de dollars, mais le musicien n’a que douze jours pour écrire quarante minutes de score. Une situation à l’initiative des films Orion qui font table rase durant la postproduction. « Ils ont viré Michael Wadleigh, le réalisateur d’origine, puis fait le grand ménage pour repartir à zéro, se souvient Graig Safan, le compositeur du score initial*. » Horner prend donc le train en marche et concentre ses efforts sur les visions subjectives de la créature : « Pour le Wolfen, j’ai voulu créer un environnement sonore étranger sans utiliser beaucoup d’effets. D’ailleurs, j’ai collaboré étroitement avec le responsable des effets sonores afin de ne pas piétiner son travail. Le score devait être très primitif et apparaître comme le moteur de l’action, avec l’espoir de créer quelque chose d’inédit. Je pense y être assez bien arrivé. Sur les séquences de type "visions de la bête", je savais que tout était très stylisé, très subjectif, et j’ai donc créé un rythme entrainant fondamentalement rattaché au Wolfen. Ces séquences musicales n’ont rien de mélodique, il y a bien un motif à la trompette qui revient sans cesse, mais je voulais surtout que l’on éprouve une sensation de mouvement, de progression… » Sur la scène finale, James Horner renouera avec une certaine tonalité en affirmant ses talents de mélodiste. Wolfen : éd. Intrada (cd). *Safan enregistra une partition beaucoup plus atonale, rejetée en raison de diverses modifications du montage. YENTL Yentl Réalisé par Barbra Streisand - Production : Rusty Lemorande, Barbra Streisand (MGM / UA Entertainment Company) Musique de Michel Legrand - Paroles d’Alan et Marilyn Bergman - 1983 Le fidèle compagnonnage des Bergman et de Michel Legrand culmine avec ce conte spirituel à la frontière de la comédie musicale. Plusieurs années avant le tournage de Yentl, Barbra Streisand et ses paroliers imaginent une partition enracinée sur le vieux continent. « Lorsque le moment fut venu de discuter du compositeur, raconte Marilyn Bergman, sachant qu’avec Barbra, qui était la personne clef du projet, nous ne souhaitions pas d’un score ethnique spécifique, nous avons réalisé que la musique idéale devait être romantique et européenne. À partir de là, la prochaine étape relevait de l’évidence… D’une part, la musique de Michel est très lyrique et vocale, et d’autre part, il sait écrire des mélodies qui utilisent vraiment la gamme et les points forts de Barbra. » Cette union sacrée accouchera de neuf chansons et d’un score magistral, non sans quelques anicroches : « Durant l’enregistrement du morceau A piece of sky, se souvient Legrand, Barbra vient vers moi et me dit : "Je souhaiterais la chanter un demi-ton plus bas", ce qui est impos-

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sible à transposer pour les musiciens… Comme je ne savais comment leur demander, j’ai dit à l’orchestre (quatre pianos et soixante-douze exécutants) : "Ok, mesdames et messieurs, nous allons la refaire, mais jouez-la de la même façon. C’était très bien, magnifique… Donc, OK, allons-y, ça roule, jouez le morceau à l’identique avec juste une petite différence, un demi-ton en dessous ! Trois, quatre…" » Yentl : éd. Columbia (cd). LES YEUX SANS VISAGE Réalisé par Georges Franju - Production : Jules Borkon (Lux Compagnie Cinématographique de France) Musique de Maurice Jarre - 1960 Le quatrième court-métrage de Georges Franju permet de découvrir "un nouveau Bartók"* : « Maurice Jarre avait écrit une musique sur un poème d’Apollinaire, La maison des morts, raconte le cinéaste, et il me fit entendre le disque. La tonalité de cette composition à la fois insolite et rigoureuse, c’était ce que je cherchais pour mon Hôtel des Invalides… Jarre écrivit la musique de mon film. Ce fut son entrée dans le cinéma. » Très vite, le musicien perçoit le caractère iconoclaste de Franju. Il lui offre des partitions débridées, expérimentales, mais toujours poétiques. « La Tête contre les Murs (leur premier long-métrage en commun) était extérieur, remarque Jarre, mais pour Les Yeux sans visage, le spectateur devait ressentir quelque chose qui vient de l’intérieur. Franju était ouvert à toutes sortes de folies musicales et il était ravi quand je trouvais des sons bizarres. » Une démarche enrichie par l’usage de mélodies très personnelles. « La jeune fille défigurée des Yeux sans Visage est un être blessé et terrifiant. Mais, à l’arrivée du thème romantique, elle prend une humanité, une beauté inattendue. La musique fait comprendre que le véritable monstre, ce n’est pas elle mais son père, Pierre Brasseur. Franju partageait ce point avec David Lean : il savait remarquablement utiliser la musique comme un prolongement poétique de l’image. » Les Yeux sans Visage : éd. Play Time (extraits, cd). *Selon l’expression du cinéaste, citée par François Porcile (Les Conflits de la Musique Française, éd. Fayard). Z Réalisé par Costa-Gavras - Production : Jacques Perrin, Ahmed Rachedi (Valoria Films) Musique de Míkis Theodorákis - 1969 Le milieu cinématographique remarque l’artiste grec Míkis Theodorákis dès les premiers feux de sa renommée nationale. En 1957, Michael Powell et Emeric Pressburger l’engagent pour écrire le score d’Intelligence Service, puis il travaille avec Jules Dassin, Anatole Litvak, Michael Cacoyannis. Zorba le Grec et sa danse du Sirtaki lui assurent alors une célébrité durable. Victime de la dictature des colonels (1967-1974), Theodorákis compose la musique de Z dans la clandestinité en laissant à Bernard Gérard le soin de diriger l’enregistrement à Paris. Si la

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B.O. du film de Costa-Gavras n’a rien de pamphlétaire, elle reflète cependant l’amour du musicien pour la forme traditionnelle et la liberté de création. « Theodorákis utilisait rarement des orchestrations rigides, note Vangelis Fampas*. Le son qu’il obtenait était souvent le produit de choix instrumentaux. Sa musique populaire possède un caractère profondément ancré dans l’improvisation. Elle semble inviter l’auditeur à une approche sentimentale. Le caractère non prémédité de ses travaux devient un choix essentiel en termes de composition. De même, le manque de raffinement des enregistrements suscite une réception intuitive de la musique. Pour le spectateur, cela défie une approche analytique. Les œuvres de Theodorákis invitent chacun à se laisser capturer et mener par l’environnement émotionnel qu’il crée. » En guise d’hommage, deux chansons interprétées secrètement en Grèce par le compositeur figureront sur l’album du film. Z : éd. CBS (lp) et DRG (cd). *Auteur du roman Z. ZOMBIE Dawn of the Dead Réalisé par George A. Romero - Production : Richard P. Rubinstein (United Film Distribution Company) Musique de Goblin - 1978 Influencé par le rock progressif de King Crimson, Genesis ou Deep Purple, le groupe Goblin se forme en 1975 pour écrire la B.O. des Frissons de l’Angoisse, le cinquième long-métrage de Dario Argento. Cette expérience couronnée de succès – plus d’un million d’exemplaires vendus – débouche sur plusieurs albums solos et deux autres projets avec le cinéaste italien, dont Zombie, une production italoaméricaine sortie aux États-Unis sans musique originale. « Dario nous a appelés en nous disant : "J’ai ce film de George Romero… Je voudrais le distribuer, mais sa musique n’est pas très bonne." Romero avait utilisé des morceaux assez ennuyeux issus d’une banque musicale, explique Claudio Simonetti*. Donc, Argento nous a proposé d’écrire un score original tout en raccourcissant lui-même le film de 20 ou 30 minutes. Sur Zombie, nous avons davantage travaillé comme un groupe. La musique était jouée en live dans le studio et nous n’avons pas beaucoup multiplié les pistes. Il y avait juste un orgue, un synthé Moog, de la guitare, de la basse, de la batterie… C’est une musique complètement différente de Suspiria qui avait une ambiance gothique, voire classique. Zombie est un score rock, joué de façon rock dans le style des années 70 que nous aimons. Personnellement, je n’ai jamais rencontré Romero mais je sais qu’il a aimé notre musique. D’ailleurs, il a fait redistribuer le film en Amérique avec notre bande originale. Je me souviens des posters de 1978 indiquant : Music by The Goblins ! » Dawn of the Dead : éd. Cinevox, Varèse Sarabande et Bella Casa (cd). *Leader du groupe et compositeur principal. Zombie sera le dernier film du quintette d’origine (Simonetti, Morante, Pignatelli, Marangolo, Guarini) avant sa séparation.

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Votre serviteur (plus jeune) et le Maestro Michael Kamen à son domicile londonien.

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Index des Compositeurs

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ADDISON, John 142, 186, 202 AMRAM, David 74 ARNOLD, Malcom 185 AURIC, Georges 12, 23, 39 BADALAMENTI, Angelo 42, 236 BACHARACH, Burt 56 BAND, Richard 196 BARRY, John 24, 30, 43, 47, 65, 99, 102, 129, 137, 143, 147, 148, 158, 171, 193 BAXTER, Les 150 BERNARD, James 52, 57 BERNSTEIN, Elmer 85, 89, 108, 115, 117, 159, 189, 202, 211, 224 BERNSTEIN, Leonard 105, 222 BINI, René-Marc 55 BLAKE, Howard 100 BOLLING, Claude 43, 44, 49, 50, 181 BONFÁ, Luiz 171 BROUGHTON, Bruce 210, 232 BUDD, Roy 144 CARLOS, Wendy 235 CARPENTER, John 164, 227, 228, 242 CARPI, Fiorenzo 32, 33 CHAPLIN, Charles 224, 225 CIPRIANI, Stelvio 18 CLAPTON, Eric 26, 204 CLOËREC, René 85 COLOMBIER, Michel 25, 172 CONTI, Bill 95, 129, 205 COPPOLA, Carmine 26, 175, 194 COPPOLA, Francis 26, 88, 175, 187, 194 CORIGLIANO, John 110, 200, 228 COSMA, Vladimir 21, 47, 82, 107 DAVIS, Miles 181, 29 DELERUE, Georges 14, 19, 48, 76, 83, 113, 114, 132, 134, 156, 158, 167, 179, 182, 191, 209, 226

DEMARSAN, Éric 13, 28, 57, 58 DE ROUBAIX, François 28, 34, 44, 118, 241 DIAMOND, Neil 131 DONAGGIO, Pino 41, 55, 121, 126 DOYLE, Patrick 37, 126, 38 DUHAMEL, Antoine 76, 83, 179, 180 ELFMAN, Danny 36, 91 FENTON, George 154, 155 FERRIO, Gianni 125 FIELDING, Jerry 62, 75, 101, 115, 11, 216 FRIEDHOFER, Hugo 12, 183

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FUSCO, Giovanni 18, 35, 114 GAINSBOURG, Serge 172 GASCOIGNE, Brian 102, 103, 203 GIZZI, Claudio 59, 89 GLASS, Paul 52 GLASS, Philip 138 GOBLIN 249 GOLD, Ernest 75, 97 GOLDSMITH, Jerry 14, 22, 51, 53, 55, 62, 70, 73, 103, 109, 121, 123, 124, 127, 136, 140, 143, 151, 171, 174, 176, 182, 184, 185, 189, 190, 193, 195, 202, 203, 211, 217, 218, 219, 230, 231, 232, 236, 238, 298 GOODWIN, Ron 61, 74, 191 GOULD, Morton 28, 114 GRAY, Barry 73 GRUSIN, Dave 172, 234 GUNNING, Christopher 100

HAMLISCH, Marvin 28, 165 HAYES, Isaac 168 HERRMANN, Bernard 12, 14, 32, 39, 56, 68, 72, 73, 81, 90, 92, 94, 97, 105, 126, 133, 139, 142, 148, 150, 163, 167, 169, 190, 196, 197, 202, 209, 212, 220, 222, 223

HOLDRIDGE, Lee 79, 31 HOMRICH, Junior 102 HONEGGER, Arthur 12, 157, 169, 172 HORNER, James 22, 45, 48, 47, 104, 106, 219, 228, 247 HOWARTH, Alan 164 ISHAM, Mark 118 JANSEN, Pierre 80 JARRE, Maurice 13, 14, 15, 72, 86, 87, 94, 99, 119, 139, 149, 174, 188, 189, 191, 208, 245, 248

JAUBERT, Maurice 12, 29, 191 JOBIM, Antônio Carlos 171 JOHNSON, Laurie 60, 169 JONES, Quincy 78, 144, 187 JONES, Trevor 79, 221 JOPLIN, Scott 28 KAMEN, Michael 26, 27, 48, 80, 101, 203, 204, 250 KAPER, Bronislau 146, 200 KARAS, Anton 65, 234 KILAR, Wojciech 89, 187, 205 KOMEDA, Krzysztof 63, 207 KORNGOLD, Erich Wolfgang 12, 20, 33, 36, 71, 111, 183, 203, 211, 247 KOSMA, Joseph 23, 205, 241 LAI, Francis 14, 67, 70, 116, 117, 146, 176, 238 LEFÈVRE, Raymond 130

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LEGRAND, Michel 14, 18, 21, 43, 44, 49, 57, 95, 96, 144, 145, 156, 178, 179, 238, 239, 247

LEMARQUE, Francis 182 LEWIS, Michael, J. 102 LOUSSIER, Jacques 81, 165, 166 MAGNE, Michel 24, 25, 44, 213 MANCINI, Henry 18, 85, 60, 76, 97, 101, 113, 120, 142, 173, 175, 213, 243 MANDEL, Johnny 61 MANSFIELD, David 186 MAY, Brian 148 MAY, Brian (2) 101 MISRAKI, Paul 23, 163 MORODER, Giorgio 101, 157, 210 MOROSS, Jerome 108 MORRICONE, Ennio 13, 14, 35, 36, 42, 67, 68, 69, 88, 92, 108, 121, 122, 123, 125, 126, 153, 158, 159, 160, 162, 167, 178, 188, 189, 208, 228, 241

MORRIS, John 91, 104 MYROW, Fred 216 NEWMAN, Alfred 12, 20, 32, 71, 92, 133, 139, 142, 183, 202, 235 NEWMAN, Randy 31 NITZSCHE, Jack 242 NORMAN, Monty 129 NORTH, Alex 14, 53, 69, 82, 84, 142, 216, 228, 231, 232 NYMAN, Michael 140, 141 PETIT, Jean-Claude 10, 76, 77, 135 PETITGIRARD, Laurent 206 PICCIONI, Piero 39 PIOVANI, Nicola 106, 125, 133, 240 POLEDOURIS, Basil 59, 71, 103, 203 PONTECORVO, Gillo 36 PORTAL, Michel 198 PREISNER, Zbigniew 233 PREVIN, André 20, 78, 93, 192, 196, 245 PRODROMIDÈS, Jean 244 PROKOFIEV, Sergueï 22, 100, 111, 115, 121, 220 QUEEN 100, 149 RAKSIN, David 20, 70, 93, 138, 225 ROBBINS, Richard 238 RODNEY BENNETT, Richard 75, 157, 240 ROTA, Nino 14, 18, 32, 86, 110, 120, 125, 175, 206, 219, 225, 240 ROSENMAN, Leonard 35, 104, 211, 244 ROSENTHAL, Laurence 158 RÓZSA, Miklós 12, 23, 40, 52, 59, 66, 71, 72, 150, 189,194, 200, 242 RUSTICHELLI, Carlo 125

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SAKAMOTO, Ryuichi 225 SANBORN, David 26 SARDE, Philippe 13, 14, 37, 44, 63, 64, 65, 106, 111, 112, 134, 135, 188, 221, 224 SCHIFRIN, Lalo 21, 51, 98, 119, 127, 128, 136, 138, 147, 151, 152, 161, 197 SCHUMANN, Walter 168 SCOTT, John 25, 94, 109, 129 SERRA, Eric 107 SHIRE, David 26, 164 SHORE, Howard 80, 211, 212, 215 SILVESTRI, Alan 72, 199 SMALL, Michael 137 STEINER, Max 12, 20, 30, 32, 36, 71, 98, 136, 137, 183, 188, 245 TALGORN, Frédéric 45 TANGERINE DREAM 72 THEODORÁKIS, Míkis 248 THIRIET, Maurice 241 TIOMKIN, Dimitri 12, 21, 36, 54, 66, 71, 109, 113, 133, 188, 189 TOTO 90 VAN PARYS, Georges 13, 23, 149 VANGELIS 40, 61 WAGNER, Reinhardt 153 WAXMAN, Franz 12, 44, 73, 108, 169, 181, 188, 197, 222 WIENER, Jean 205, 229 WILLIAMS, John 14, 20, 22, 34, 45, 47, 48, 81, 90, 103, 105, 110, 130, 142, 158, 161, 171, 172, 184, 185, 186, 198, 211, 218, 219, 220, 230

YARED, Gabriel 53, 231 YOUNG, Christopher 127 YOUNG, Victor 85, 131, 181, 229 ZIMMER, Hans 22, 226, 235, 227

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Index des Films cités

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À Cause d'un Assassinat, Alan J. Pakula 138 À l’Est d’Éden, Elia Kazan 105 À la Poursuite du Diamant Vert, Robert Zemeckis 72, 199 Abyss, James Cameron 199 Adieu à Venise, Enrico Maria Salerno 18 Affaire Thomas Crown (l'), Norman Jewison 18 Africain (l'), Philippe de Broca 19 Agnès de Dieu, Norman Jewison 19 Aigle des Mers (l’), Michael Curtiz 20 Airport, George Seaton 20 Airport 80 : Concorde, David Lowell Rich 21 Alamo, John Wayne, John Ford (non crédité) 21, 109 Alexandre le Bienheureux, Yves Robert 21 Alexandre Nevski, Sergueï Eisenstein 22 Alien, Ridley Scott 22,51,140,171,217 Alphaville, Jean-Luc Godard 23 Amicalement Vôtre, Robert S. Baker (producteur) 24 Angélique, Marquise des Anges, Bernard Borderie 24 Anneaux d’Or (les), Mitchell Leisen 131 Année du Dragon (l’), Michael Cimino 186 Année de Tous les Dangers (l'), Peter Weir 245 Antenne 2, Début et Fin de Programme, Jean-Michel Folon 25 Antoine et Cléopâtre, Charlton Heston 25 Apocalypse des Animaux (l’), Frédéric Rossif 61 Apocalypse Now, Francis Ford Coppola 26 Ariane, Billy Wilder 171 Arme Fatale (l’), Richard Donner 26 Armée des Ombres (l’), Jean-Pierre Melville 28,115 Arnaque (l’), George Roy Hill 28 Ascenseur pour l’Échafaud, Louis Malle 29,181 Asphalte, Denis Amar 207 Assurance sur la Mort, Billy Wilder 150 Atalante (l’), Jean Vigo 29 Au Service Secret de sa Majesté, Peter Hunt 30 Autant en Emporte le Vent, Victor Fleming 30 Avalon, Barry Levinson 31 Aventure de Madame Muir (l’), Joseph L. Mankiewicz 32, 81 Aventures de Pinocchio (les), Luigi Comencini 32 Aventures de Robin des Bois (les), Michael Curtiz 33 Aventuriers (les), Robert Enrico 34 Aventuriers de l’Arche Perdue (les), Steven Spielberg 34 Avventura (l’), Michelangelo Antonioni 35 Baby-Sitter (la), René Clément 176 Bal des Vampires (le), Roman Polanski 207 Bandolero, Andrew V. McLaglen 202 Barocco, André Téchiné 134 Barry Lyndon, Stanley Kubrick 35 Bataille d’Alger (la), Gillo Pontecorvo 36 Bataille de San Sebastian (la), Henri Verneuil 69 Batman, Tim Burton 36 Beau Fixe sur New York, Stanley Donen, Gene Kelly 78 Beau-père, Bertrand Blier 37, 106 Beaucoup de Bruit pour Rien, Kenneth Branagh 37 Belle de Moscou (la), Rouben Mamoulian 78 Belle et la Bête (la), Jean Cocteau 39 Belle et le Cavalier (la), Francesco Rosi 39 Ben-Hur, William Wyler 40, 66, 190 Black Rain, Ridley Scott 226 Blade Runner, Ridley Scott 40 Blondy, Sergio Gobbi 18

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Blow Out, Brian De Palma 41 Blue Velvet, David Lynch 41 Bons Baisers de Russie, Terence Young 130 Bon, la Brute et le Truand (le), Sergio Leone 42 Boom, Joseph Losey 43, 156 Borsalino, Jacques Deray 43, 49 Boulevard du Crépuscule, Billy Wilder 44 Boulevard du Rhum, Robert Enrico 44 Brainstorm, Douglas Trumbull 45 Brasier (le), Eric Barbier 48 Braveheart, Mel Gibson 48 Brazil, Terry Gilliam 48 Breezy, Clint Eastwood 49 Brigades du Tigre (les), Victor Vicas 49 Brisby et le Secret de NIMH, Don Bluth 51 Bullitt, Peter Yates 51, 153, 234 Bunny Lake a disparu, Otto Preminger 52 C’Était Demain, Nicholas Meyer 52 Cabal, Clive Barker 91 Camille Claudel, Bruno Nuytten 53 Canonnière du Yang-Tsé (la), Robert Wise 53, 230 Canons de Navarone (les), Jack Lee Thompson 54 Caprices d'un Fleuve (les), Bernard Giraudeau 54 Capricorn One, Peter Hyams 55 Carrie, au Bal du Diable, Brian De Palma 55 Casino Royale, V. Guest, K. Hughes, J. Huston, J. McGrath, R. Parrish 56 Casse (le), Henri Verneuil 178 Cauchemar de Dracula (le), Terence Fisher 56, 89 100 Fusils (les), Tom Gries 190 Cercle Rouge (le), Jean-Pierre Melville 57 Chair et le Sang (la), Paul Verhoeven 59 Chair pour Frankenstein, Paul Morissey 59 Chambre en Ville (une), Jacques Demy 25 Chantons sous la Pluie, Stanley Donen 244 Chapeau Melon et Bottes de Cuir, S. Newman, L. White, B. Clemens, A. Fennell 60 Charade, Stanley Donen 60 Chariots de Feu (les), Hugh Hudson 61, 109 Chère Inconnue, Moshe Mizrahi 37 Chevalier des Sables (le), Vincente Minnelli 61 Chiens de Paille (les), Sam Peckinpah 62 Chinatown, Roman Polanski 63 Choix des Armes (le), Alain Corneau 63 Chose Venue d’un Autre Monde (la), Christian Nyby, Howard Hawks 133 Choses de la Vie (les), Claude Sautet 65 Chouans !, Philippe de Broca 19 Chuchoteurs (les), Bryan Forbes 65 Chute de l’Empire Romain (la), Anthony Mann 66 Chute de la Maison Usher (la), Roger Corman 150 Cid (le), Anthony Mann 66, 89, 200 Cinéma de Minuit (le), Patrick Brion, Gérard Marinelli (générique) 67 Cinéma Paradiso, Giuseppe Tornatore 67 55 Jours de Pékin (les), Nicholas Ray 66 Cité de la Violence (la), Sergio Sollima 68 Citizen Kane, Orson Welles 68 Clan des Siciliens (le), Henri Verneuil 69 Cléopâtre, Joseph L. Mankiewicz 69 Close Up, Jack Donohue 108 Cœur de Lion, Franklin J. Schaffner 123, 174 Colline des Hommes Perdus (la), Sidney Lumet 75 Comancheros (les), Michael Curtiz, John Wayne 203

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Commando, Mark L. Lester 106 Complices de la Dernière Chance (les), Richard Fleischer 70 Conan le Barbare, John Milius 59, 71, 79,1 43 Conformiste (le), Bernardo Bertolucci 158 Conquête de l’Ouest (la), Henry Hathaway, John Ford, George Marshall 71, 130 Contrebandiers de Moonfleet (les), Fritz Lang 72 Convoi de la Peur (le), William Friedkin 72 Cosmos : 1999, Gerry Anderson (producteur) 73 Coup de l’Escalier (le), Robert Wise 57 Couteau dans l’Eau (le), Roman Polanski 207 Cowboys (les), Mark Rydell 161 Crépuscule des Aigles (le), John Guillermin 73 Cri (le), Michelangelo Antonioni 114 Crime dans la Tête (un), John Frankenheimer 74 Crime de l’Orient-Express (le), Sidney Lumet 75 Croix de Fer, Sam Peckinpah 75 Cry Freedom, Richard Attenborough 154 Cul-de-sac, Roman Polanski 207 Cyrano de Bergerac, Jean-Paul Rappeneau 76 Daddy Nostalgie, Bertrand Tavernier 76 Daisy Clover, Robert Mulligan 78 Dallas, Leonard Katzman (producteur) 210 Dans la Chaleur de la Nuit, Norman Jewison 78 Danton, Andrzej Wajda 244 Dar L’Invincible, Don Coscarelli 79 Dark Crystal, Jim Henson, Frank Oz 79 Darkman, Sam Raimi 91 Dead Zone, David Cronenberg 48, 80 Delta Force 2, Aaron Norris 45 Dentellière (la), Claude Goretta 80 Dents de la Mer (les), Steven Spielberg 81, 121 Dernier Empereur (le), Bernardo Bertolucci 225 Dernier Train du Katanga (le), Jack Cardiff 81 Dérobade (la), Daniel Duval 82 Désaxés (les), John Huston 82 Deux Anglaises et le Continent (les), François Truffaut 83 Deux Hommes dans l’Ouest, Blake Edwards 202 2001, L’Odyssée de l’Espace, Stanley Kubrick 13, 84 Deux sur la Balançoire, Robert Wise 196 Diable au Corps (le), Claude Autant-Lara 84 Diamants sur Canapé, Blake Edwards 85 Dimanches de la Ville d’Avray (les), Serge Bourguignon 139 Disons, un Soir à Dîner, Giuseppe Patroni Griffi 88 Dix Commandements (les), Cecil B. DeMille 85, 89 Django Unchained, Quentin Tarantino 238 Docteur Jekyll et M. Hyde, 1989, Gérard Kikoïne 45 Docteur Jivago (le), David Lean 14, 86, 188 Dolce Vita (la), Federico Fellini 86 Domicile Conjugal, François Truffaut 83 Donna Invisible (la), Paolo Spinola 88 Double Détente, Walter Hill 106 Douce, Claude Autant-Lara 84 Dracula, Francis Ford Coppola 88, 187 Drôle de Drame, Marcel Carné 191 Du Sang pour Dracula, Paul Morissey (Voir : Chair pour Frankenstein) 89 Du Silence et des Ombres, Robert Mulligan 89, 159 Dune, David Lynch 90 E.T. L’Extra-Terrestre, Steven Spielberg 90, 185 Edward aux Mains d’Argent, Tim Burton 91

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El Condor, John Guillermin 189 Elephant Man, David Lynch 91 Elmer Gantry, le Charlatant, Richard Brooks 192 Égyptien (l’), Michael Curtiz 92 Émotions d’un Jeune Voyeur (les), Andrea Bianchi 18 Empire contre-attaque (l'), Irvin Kershner 111 Enquête sur un Citoyen Au-dessus de Tout Soupçon, Elio Petri 92 Ensorcelés (les), Vincente Minnelli 93 Équipe Cousteau en Amazonie (l’), Jean-Michel Cousteau, Mose Richards 94 Étau (l'), Alfred Hitchcock 94 Été 42 (un), Robert Mulligan 95 Étoffe des Héros (l'), Philip Kaufman 95 Étrange Créature du Lac Noir (l’), Jack Arnold 142 Étranger au Paradis (l'), Vincente Minnelli, Stanley Donen 78 Eva, Joseph Losey 156 Évadé (l'), Tom Gries 190 Éveil (l'), Penny Marshall 32 Excalibur, John Boorman 71 Exodus, Otto Preminger 97, 191 Exorciste (l’), William Friedkin 151 Express du Colonel Von Ryan (l’), Mark Robson 74 Fahrenheit 451, François Truffaut 97 Félins (les), René Clément 98 Femme Cherche son Destin (une), Irving Rapper 98 Fille de Ryan (la), David Lean 99 Fille du 14 Juillet (la), Antonin Peretjatko 179 Fièvre au Corps (la), Lawrence Kasdan 99 Fièvre dans le sang (la), Elia Kazan 74 Firelight, le lien secret, William Nicholson 100 Flash Gordon, Mike Hodges 100 Fleurs du Soleil (les), Vittorio De Sica 101 Flic (un), Jean-Pierre Melville 25 Flingueur (le), Michael Winner 101 Folle de Chaillot (la), Bryan Forbes 102 Forêt d'Émeraude (la), John Boorman 102, 103 Formule (la), John G. Avildsen 129 Fort Saganne, Alain Corneau 63 Fortunella, Federico Fellini 175 Frankenstein Junior, Mel Brooks 104 Frankenstein s’est échappé, Terence Fisher 57 Frenzy, Alfred Hitchcock 61 Freud, Passions Secrètes, John Huston 23 Frissons de l’Angoisse (les), Dario Argento 249 Fugitif (le), Andrew Davis 196 Fureur de Vivre (la), Nicholas Ray 104 Furie, Brian De Palma 105 Galactica, la Bataille de l’Espace, Richard A. Colla 79 Gandhi, Richard Attenborough 154 Garçons Qui venaient du Brésil (ces), Franklin J. Schaffner 174 Gendarme de Saint-Tropez (le), Jean Girault 130 Génération Proteus, Donald Cammell 111 Gigi, Vincente Minnelli 78 Goldfinger, Guy Hamilton 130 Good Morning, Babylonia, Paolo et Vittorio Taviani 106 Gorky Park, Michael Apted 106 Grand Bleu (le), Luc Besson 107 Grand Blond avec la Chaussure Noire (le), Yves Robert 107 Grande Évasion (la), John Sturges 108 Grandes Gueules (les), Robert Enrico 34 Grandes Vacances (les), Jean Girault 130

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Grands Espaces (les), William Wyler 108, 161 Grands Fonds (les), Peter Yates 158 Gremlins, Joe Dante 109 Greystoke, La Légende de Tarzan, Seigneur des Singes, Hugh Hudson 109 Guépard (le), Luchino Visconti 110 Guerre des Étoiles (la), George Lucas 14, 110, 198, 217 Guerre du Feu (la), Jean-Jacques Annaud 111 Guignolo (le), Georges Lautner 188 Harry et Tonto, Paul Mazursky 205 Hatari !, Howard Hawks 113 Héritier (l’), Philippe Labro 25 Héros de Télémark (les), Anthony Mann 185 Heureux Qui comme Ulysse, Henri Colpi 113 Highlander, Russell Mulcahy 101 Hiroshima mon Amour, Alain Resnais 114, 171 Holocauste, Marvin Chomsky 114 Homme au Bras d'Or (l'), Otto Preminger 85, 115 Homme de la Loi (l'), Michael Winner 115 Homme et une Femme (un), Claude Lelouch 116, 146 Homme Orchestre (l'), Serge Korber 118 Homme Parmi les Loups (un), Carroll Ballard 118 Homme Qui voulut Être Roi (l'), John Huston 119 Homme sans Visage (l’), Mel Gibson 48 Hommes du Président (les), Alan J. Pakula 234 Horde Sauvage (la), Sam Peckinpah 119 Horse (la), Pierre Granier-Deferre 172 Hôtel des Invalides, Georges Franju 248 Huit et Demi, Federico Fellini 120 Huit Visions (les), Titre francophone suisse, David L. Wolper (producteur) 120 Hurlements, Joe Dante 121 Il Était une Fois dans L'Ouest, Sergio Leone 121 Il Était une Fois en Amérique, Sergio Leone 108, 122 Il Était une Fois la Révolution, Sergio Leone 122 Île des Adieux (l’), Franklin J. Schaffner 123 Île des Amours interdites (l’), Damiano Damiani 125 Île Mystérieuse (l’), 1961, Cy Endfield 212 Île Mystérieuse (l’), 1973, Juan Antonio Bardem, Henri Colpi 125 Impasse (l'), Brian De Palma 126 Incorruptibles (les), Brian De Palma 126 Indochine, Régis Wargnier 126 Inspecteur Harry (l'), Don Siegel 127, 138, 243 Intelligence Service, Michael Powell, Emeric Pressburger 248 Intuitions, Sam Raimi 127 Irlandais (l'), Mike Hodges 129 Ivanhoé, Richard Thorpe 59 James Bond 007 contre Dr. No, Terence Young 129 Jane Eyre, 1970, Delbert Mann 130 Jason et les Argonautes, Don Chaffey 212 Jo, Jean Girault 130 Joe 90, Gerry Anderson (producteur) 73 Johnny Guitare, Nicholas Ray 131 Jonathan Livingston le Goéland, Hall Bartlett 131 Jour du Dauphin (le), Mike Nichols 132 Jour où la Terre s’arrêta (le), Robert Wise 133, 150 Journal Intime, Nanni Moretti 133 Judge Dredd, Danny Cannon 199 Juge et l'Assassin (le), Bertrand Tavernier 134 Juge et Hors-la-loi, John Huston 189

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Juge Fayard dit "Le Shérif" (le), Yves Boisset 224 Jules et Jim, François Truffaut 134 Kaos, Paolo et Vittorio Taviani 106 Kenner, Steve Sekely 39 Kid de Cincinnati (le), Norman Jewison. 136 King Kong, 1933, Merian C. Cooper, Ernest B. Schoedsack 136 King Kong, 1976, John Guillermin 137 Klute, Alan J. Pakula 137 Knack (le), Richard Lester 100, 143 Koyaanisqatsi, Godfrey Reggio 138 Lagardère, Jean-Pierre Decourt 165 Laisse tes Mains sur mes Hanches, Chantal Lauby 45 Laura, Otto Preminger 138 Lawrence d’Arabie, David Lean 139 Leçon de Piano (la), Jane Campion 140 Legend, Ridley Scott 140 Liaisons dangereuses (les), Stephen Frears 154 Lifeforce, Tobe Hooper 142 Limier (le), Joseph L. Mankiewicz 142 Lion en Hiver (le), Anthony Harvey 102, 143 Lion et le Vent (le), John Milius 143 Loi du Milieu (la), Mike Hodges 144 Lola, Jacques Demy 144 Lord Jim, Richard Brooks 146 Love Story, Arthur Hiller 146, 70 Luke la Main Froide, Stuart Rosenberg 147 Macadam Cowboy, John Schlesinger 147 Machine (la), François Dupeyron 199 Madame Bovary, Vincente Minnelli 189, 190 Mad Max, George Miller 148 Mad Max 2, Le Défi, George Miller 148 Mad Max au-delà du Dôme du Tonnerre, George Miller, George Ogilvie 149 Madame de..., Max Ophüls 149 Maddalena, Jerzy Kawalerowicz 88, 188 Maigret, E. Vercel, R. Nador, S. Hawes, P. Berthet et Caroline Lassa (producteurs) 207 Main gauche du Seigneur (la), Edward Dmytryk 230 Maison des Otages (la), Michael Cimino 187 Maison du Docteur Edwardes (la), Alfred Hitchcock 150 Maître du Monde (le), William Witney 150 Malédiction (la), Richard Donner 151 Mannix, Bruce Geller (producteur) 151 Marathon Man, John Schlesinger 138 Marco Polo, Giuliano Montaldo 153 Mariés de l'An Deux (les), Jean-Paul Rappeneau 239 Marquis, Henry Xhonneux 153 Masada, Boris Sagal 191 Masque Arraché (le), David Miller 115 Meilleur (le), Barry Levinson 31 Mélodie en Sous-Sol, Henri Verneuil 213 Memphis Belle, Michael Caton-Jones 154 Mépris (le), Jean-Luc Godard 154, 179 Mercenaires de l’Espace (les), Jimmy T. Murakami 79 Mermoz, Louis Cuny 169 Messager (le), Joseph Losey 156 Métal Hurlant, Gerald Potterton, Ivan Reitman 157 Metropolis, Fritz Lang 101 Midnight Express, Alan Parker 157 Mille Milliards de Dollars, Henri Verneuil 37 1900, Bernardo Bertolucci 158

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Miracle en Alabama, Arthur Penn 158 Mission, Roland Joffé 159 Mission 633, Walter Grauman 192 Mission : Impossible, Bruce Geller (producteur) 147, 151, 159 Mission to Mars, Brian De Palma 127 Missouri Breaks, Arthur Penn 161 Model Shop, Jacques Demy 178 Mois d’Avril sont Meurtriers (les), Laurent Heynemann 37 Moissons du Ciel (les), Terrence Malick 162 Mon Nom est Personne, Tonino Valerii 162 Monde, la Chair et le Diable (le), Ranald MacDougall 23 Monstres de la Mer (les), Barbara Peeters, Jimmy T. Murakami 247 Montagne de Verre, Henry Cass 110 Montparnasse 19 ou Les Amants de Montparnasse, Jacques Becker 163 Morituri, Bernhard Wicki 74 Mort aux Trousses (la), Alfred Hitchcock 163 Mystère Andromède (le), Robert Wise 111 Naqoyqatsi, Godfrey Reggio 138 Naufragés du 747 (les), Jack Smight 21 Ne Vous retournez Pas !, Nicolas Roeg 56 Nerfs à Vif (les), 1991, Martin Scorsese 202 New York 1997, John Carpenter 164 Norma Rae, Martin Ritt 164 Nos plus Belles Années, Sydney Pollack 165 Nouvelles Aventures de Vidocq (les), Marcel Bluwal 165 Nuit Américaine (la), François Truffaut 167 Nuit des Masques (la), John Carpenter 167 Nuit du Chasseur (la), Charles Laughton 168 Nuits Rouges de Harlem (les), Gordon Parks 168, 143 Obsession, Brian De Palma 56, 105, 169, 170 Odyssée de Charles Lindbergh (l’), Billy Wilder 169 Old Gringo, Luis Puenzo 79 Opéra Sauvage, Frédéric Rossif 61 Opération Crossbow, Michael Anderson 192 Orfeu Negro, Marcel Camus 171 Out of Africa, Sydney Pollack 171 Outland, Peter Hyams 55 Outrages, Brian De Palma 127 Pacha (le), Georges Lautner 172 Pacific 231, Jean Mitry 172 Pancho Villa, Buzz Kulik 189 Panthère Rose (la), Blake Edwards 142, 173 Papillon, Franklin J. Schaffner 174, 194 Parapluies de Cherbourg (les), Jacques Demy 238 Paris Brule-t-il ?, René Clément 174 Parrain (le), Francis Ford Coppola 89, 175 Parrain, 2ème Partie (le), Francis Ford Coppola 175 Partie de Chasse (la), Alan Bridges 110 Party (la), Blake Edwards 175 Pas de Printemps pour Marnie, Alfred Hitchcock 105, 202 Passager de la Pluie (le), René Clément 176 Patrick, Richard Franklin 148 Patton, Franklin J. Schaffner 123, 176, 194 Peau d’Âne, Jacques Demy 178 Peggy Sue s’est mariée, Francis Coppola 193 Peter Gunn, Blake Edwards 100, 113, 173 Petulia, Richard Lester 100, 143 Peur sur la Ville, Henri Verneuil 68, 178 Phantasm, Don Coscarelli 216

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Phare du Bout du Monde (le), Kevin Billington 39 Piège (le), John Huston 95 Pierrot le Fou, Jean-Luc Godard 179 Piranhas, Joe Dante 121 Piscine (la), Jacques Deray 179 Place au Soleil (une), George Stevens 181 Planète des Singes (la), Franklin J. Schaffner 70, 127, 182, 217, 234 Playtime, Jacques Tati 182 Plus Belles Années de notre Vie (les), William Wyler 183 Poison (le), Billy Wilder 194 Poltergeist, Tobe Hooper 183, 228 Pont de la Rivère Kwaï (le), David Lean 186 Pont Trop Loin (un), Richard Attenborough 186 Porte du Paradis (la), Michael Cimino 186 Portrait de Femme, Jane Campion 187 Powaqqatsi, Godfrey Reggio 138 Predator, John McTiernan 199 Première Victoire, Otto Preminger 74, 174 Prêteur sur Gages (le), Sidney Lumet 187 Prisonnier de la Peur, Robert Mulligan 89 Producteurs (les), Mel Brooks 104 Professionnel (le), Georges Lautner 88, 188 Professionnels (les), Richard Brooks 188 Promise (la), Franc Roddam 189 Providence, Alain Resnais 189 Psychose, Alfred Hitchcock 190, 197, 212 Pulsions, Brian De Palma 41 QBVII, Tom Gries 190 Quai des Brumes (le), Marcel Carné 191 Quand la Rivière devient Noire, Christopher Cain 104 Quand Les Aigles Attaquent, Brian G. Hutton 191 48 Heures, Walter Hill 106 48 Heures de Plus, Walter Hill 106 Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (les), Vincente Minnelli 192 Quatre Filles du Docteur March (les), 1933, George Cukor 137 Quatre Garçons dans le Vent, Richard Lester 13, 202 Quatrième Dimension (la), John Landis, Steven Spielberg, Joe Dante, George Miller 193, 228 Queimada, Gillo Pontecorvo 36 Quelque Part dans le temps, Jeannot Szwarc 193 Qui c’est ce Garçon ?, Nadine Trintignant 37 Quo Vadis, Mervyn LeRoy 66, 189, 194 Ragtime, Miloš Forman 31 Rambo, Ted Kotcheff 194 Rats de Cave (les), Ranald MacDougall 196 Re-Animator, Stuart Gordon 196 Rebecca, Alfred Hitchcock 197 Rebelle (le), King Vidor 99 Reivers, Mark Rydell 161 Renard (le), Mark Rydell 197 Rencontres du Troisième Type, Steven Spielberg 198 Répétition d’Orchestre, Federico Fellini 206 Retour à la Vie, Glenn Gordon Caron 53 Retour de Martin Guerre (le), Daniel Vigne 198 Retour du Jedi (le), Richard Marquand 111 Retour vers le Futur, Robert Zemeckis 199 Révoltés du Bounty (les), 1962, Lewis Milestone, Marlon Brando 66, 199 Révolution, Hugh Hudson 200 Rideau Déchiré (le), Alfred Hitchcock 202 Rio Bravo, Howard Hawks 21, 113

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Rio Conchos, Gordon Douglas 202 Rivière (la), Mark Rydell 161 Robin des Bois, Prince des Voleurs, Kevin Reynolds 203 Robocop, Paul Verhoeven 203 Robojox, Stuart Gordon 45 Rocambole, Jean-Pierre Decourt 165 Rocky, John G. Avildsen 95, 194, 205 Roi et l’Oiseau (le), Paul Grimault 205 Roma, Federico Fellini 206 Rosebud, Otto Preminger 206 Rosemary’s Baby, Roman Polanski 207 Rosewood, John Singleton 161 Roue (la), Abel Gance 173 Route des Indes (la), David Lean 149, 208 S.O.B., Blake Edwards 176 Sacco et Vanzetti, Giuliano Montaldo 208 Salvador, Oliver Stone 209 Samouraï (le), Jean-Pierre Melville 28 Sang d’un Poète (le), Jean Cocteau 39 Sanglantes Confessions, Ulu Grosbard 209 Saturn 3, Stanley Donen 157 Sauvage (le), Jean-Paul Rappeneau 239 Sauve Qui Peut la Vie, Jean-Luc Godard 231 Scarface, Brian De Palma 210 Secret (le), Robert Enrico 241 Secret de la Pyramide (le), Barry Levinson 210 Seigneur des Anneaux (le),1978, Ralph Bakshi 211 Senso, Luchino Visconti 110 Sentiers de la Violence (les), Gordon Parks 168 Sentinelles de l’Air (les), Gerry Anderson (producteur) 73 747 en péril, Jack Smight 20 Sept Mercenaires (les), John Sturges 108, 211 Sept Secondes en Enfer, John Sturges 202 Septième Voyage de Sinbad (le), Nathan Juran 212 Seuls sont les indomptés, David Miller 202 Shérif à New York (un), Don Siegel 127 Sicilien (le), Michael Cimino 186 Silence des Agneaux (le), Jonathan Demme 212 Silverado, Lawrence Kasdan 210 Singe en Hiver (un), Henri Verneuil 213 Sirène du Mississippi (la), François Truffaut 83 Sœurs de Sang, Brian De Palma 56 Soif du Mal (la), Orson Welles 213 Soleil Vert, Richard Fleischer 216 Solitaire de Fort Humboldt (le), Tom Gries 190 Soupe aux Choux (la), Jean Girault 130 Spartacus, Stanley Kubrick 70, 82, 84, 216 Splash, Ron Howard 79 Star Trek, le Film, Robert Wise 107, 164, 217 Star Trek 2, la Colère de Khan, Nicholas Meyer 219 Star Trek 3, À la Recherche de Spock, Leonard Nimoy 219 Starfighter, Nick Castle 79 Strada (la), Federico Fellini 219 Sueurs Froides, Alfred Hitchcock 220 Superman le Film, Richard Donner 105, 220 Sur les Quais, Elia Kazan 222 Suspiria, Dario Argento 249 Taras Bulba, Jack Lee Thompson 222 Taxi Driver, Martin Scorsese 100, 223 Taxi Mauve (un), Yves Boisset 224

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Temps de l'Innocence (le), Martin Scorsese 224 Temps Modernes (les), Charles Chaplin 224 Terminator, James Cameron 229 Terre de la Grande Promesse (la), Andrzej Wajda 205 Terreur des Barbares (la), Carlo Campogalliani 150 Tête contre les Murs, Georges Franju 248 Thé au Sahara (un), Bernardo Bertolucci 225 Thelma et Louise, Ridley Scott 226 Thibaud ou les Croisades, France Bennys, Henri Colpi, Joseph Drimal 226 Thierry la Fronde, Robert Guez, Pierre Goutas 165, 226 Thing (the), John Carpenter 228 Titanic, James Cameron 228 Toile d’Araignée (la), Vincente Minnelli 244 Tom Jones, Tony Richardson 142 Tora ! Tora ! Tora !, Richard Fleischer, Kinji Fukasaku, Toshio Masuda 178 Touchez pas au Grisbi, Jacques Becker 229 Tour du Monde en 80 jours (le), Michael Anderson, Mike Todd 229 Tour Infernale (la), John Guillermin, Irwin Allen 20, 171, 230 Train sifflera Trois Fois (le), Fred Zinnemann 55 Tramway Nommé Désir (un), Elia Kazan 83, 231, 232 Tremblement de Terre, Mark Robson 20, 230 37°2 Le Matin, Jean-Jacques Beineix 231 Trois Couleurs : Bleu, Blanc, Rouge, Krzysztof Kieślowski 233 3 Jours du Condor (les), Sydney Pollack 234 Troisième Homme (le), Carol Reed 65, 234 Tron, Steven Lisberger 235 Tueurs (les), Robert Siodmak 194 Tunique (la), Henry Koster 235 Twin Peaks, David Lynch 236 U.S.S. Alabama, Tony Scott 226 Un Peu de Soleil dans l’Eau Froide, Jacques Deray 181 Under Fire, Roger Spottiswoode 236 Une Si Longue Absence, Henri Colpi 113 Uns et les Autres (les), Claude Lelouch 238 Vallée Perdue (la), James Clavell 172 Valseuses (les), Bertrand Blier 37 Vestiges du Jour (les), James Ivory 238 Vie de Château (la), Jean-Paul Rappeneau 239 Vie est Belle (la), Roberto Benigni 239 Vie Tumultueuse de Lady Caroline Lamb (la), Robert Bolt 240 Vieux Fusil (le), Robert Enrico 241 Violon sur le toit (un), Norman Jewison 81, 130 Visiteurs du Soir (les), Marcel Carné 241 Vol au-dessus d’un Nid de Coucou, Miloš Forman 242 Voleur de Bagdad (le), Ludwig Berger, Michael Powell, Tim Whelan 242 Voleur Qui vient Dîner (le), Bud Yorkin 243 Voyage à Deux, Stanley Donen 243 Voyage au Bout de L’Enfer, Michael Cimino 186, 194 Voyage au Centre de la Terre, Henry Levin 212 Voyage d'Amélie (le), Daniel Duval 82 Voyages de Gulliver (les), Jack Sher 212 Voyage en Ballon (le), Albert Lamorisse 244 Voyage Fantastique (le), Richard Fleischer 244 West Side Story, Robert Wise, Jerome Robbins 105 Witness, Peter Weir 107, 245 Wolfen, Michael Wadleigh 247 Yakuza, Sydney Pollack 234 Yentl, Barbra Streisand 247

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Yeux sans Visages (les), Georges Franju 248 Z, Costa-Gavras 248 Zéro de Conduite, Jean Vigo 29 Zombie, George A. Romero 249 Zorba le Grec, Michael Cacoyannis 248

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Sources et Bibliographie

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A Adieu à Venise (1970) Colt 38 Special Squad, Bonus : Interview avec Stelvio Cipriani – Salvatore Alongi, Michele De Angelis et Joyce Chen, éd. No Shame Films DVD, 2006. Propos recueillis par John Mansell pour Movie Music International, Worldpress.com, 2013. L’Affaire Thomas Crown (1968) Rien n'est grave dans les aigus – Michel Legrand / Stéphane Lerouge, éd. Cherche Midi, 2013. L’Africain (1983) Le Cinéma de Philippe de Broca, vol. 2 – Propos recueillis par Stéphane Lerouge, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Agnès de Dieu (1985) Propos cités par Jerry McCulley dans les notes de l’album True Confessions, éd. Varèse Sarabande (cd). Le Cinéma de Georges Delerue, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). L’Aigle des Mers (1940) The Sea Hawk, The Complete Score – Notes du réenregistrement, Brendan G. Carrol, éd. Naxos (cd). Previn Conducts Korngold – Notes d’André Previn, éd. Deutsche Grammophon (cd). Alamo (1960) Not Thinkin’… Just Rememberin’ : The Making of John Wayne’s Alamo – John Farkis, éd. BearManor Media, 2015. Alexandre le Bienheureux (1968) Comme au Cinéma – Vladimir Cosma / Vincent Perrot, éd. Hors Collection, 2009. Alexandre Nevski (1938) Propos de Prokofiev et Eisenstein tirés respectivement de Prokofiev – Claude Samuel, éd. du Seuil, 1960) et Réflexions d’un cinéaste – S. Eisenstein, éd. de Moscou, 1958, cités par François Porcile dans son ouvrage : La Musique à l’Écran, éd. du Cerf, 1969. Alien (1979) Propos de Jerry Goldsmith tirés de la première parution intégrale du score, éd. Intrada (cd). Alphaville (1965) Musiques originales de Paul Misraki volume 2 – Propos recueillis par Stéphane Lerouge, éd. Larghetto Music (cd). Amicalement Vôtre (1971) Extrait d’une interview de 1993, citée par Jon Burlingame dans un article de The Film Music Society, et d’un entretien par James Delingpole pour le Daily Telegraph, 1998 (in "John Barry, The Man with the Midas Touch" – Leonard / Walker / Bramley, éd. Redcliff press, 2008). Angélique, Marquise des Anges (1964) Émission : Michel Magne, France Régions 3 Marseille, archives INA. Antenne 2, Début et Fin de Programme (1975) Propos recueillis par Christophe Conte pour Les Inrockuptibles, juillet 2001. Antoine et Cléopâtre (1972) Propos tirés des notes du réenregistrement de 1992, éd. JOS (cd) et d’interviews de John Scott par

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Sergio Gorjón & Asier G. Senarriaga pour BSOspirit, et Joaquim Ramentol pour Score Magazine, mars 2006. Apocalypse Now (1979) Propos de Francis Coppola tirés des notes de l’album Apocalypse Now Redux, éd. Nonesuch (cd). L’Arme Fatale (1987) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1993 – Musique à L’Écran / Main Title n°6. L’Armée des Ombres (1969) Propos recueillis par l’auteur le 30 janvier 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). L’Arnaque (1973) Propos de George Roy Hill tirés des notes de l’album d’époque, éd. MCA (lp). Propos de Marvin Hamlisch recueillis par Britt Bickel, CBS local Media, The Wave, 2011. Ascenseur pour l’Échafaud (1958) Louis Malle, le Rebelle Solitaire Pierre Billard, éd. Plon, 2003. L’Atalante (1934) Les Musiciens du Cinéma Français – Alain Lacombe / François Porcile, éd. Bordas, 1995. Au Service Secret de sa Majesté (1969) John Barry, The Man with the Midas Touch – Leonard / Walker / Bramley, éd. Redcliff press, 2008. Autant en Emporte le Vent (1939) Hollywood Rhapsody – Alain Lacombe, éd. Jobert Transatlantiques, 1983. Propos rapportés par Rudy Behlmer, auteur de nombreux ouvrages sur David O. Selznick dont Memo from David O. Selznick, et tirés la première édition intégrale du score, éd. Rhino (cd). Avalon (1990) Propos de Barry Levinson recueillis par Tim Greiving en 2015 pour Projector and Orchestra.com. L’Aventure de Madame Muir (1946) A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Les Aventures de Pinocchio (1972) Strehler Dirige – Giancarlo Stampalia, éd. Marsilio, 1997. Les Aventures de Robin des Bois (1938) Erich Wolfgang Korngold and The Adventures of Robin Hood, notes du réenregistrement, George Korngold, éd. Varèse Sarabande (lp). Les Aventuriers (1967) Propos recueillis par Yves Taillandier pour Soundtrack Magazine, mars 1998. Les Aventuriers de l’Arche Perdue (1981) Propos recueillis par Lukas Kendall en 1995 pour la première parution augmentée du score, éd. DCC Compact Classics (cd). L’Avventura (1960) Antonioni – Aldo Tassone, éd. Flammarion, 1995. La Musique du Film – Alain Lacombe / Claude Rocle, éd. Francis Van de Velde, 1979.

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B Barry Lyndon (1975) Kubrick – Michel Ciment, éd. Calmann-Lévy, 2011. La Bataille d’Alger (1966) Marxist Poetry – The Making of The Battle of Algiers, éd. Criterion, 2004 (dvd). Batman (1989) Propos recueillis par Kara Warner pour MTV, octobre 2010. Propos recueillis par Phil de Semlyen pour Empire Magazine. Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. Beau-père (1981) Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la première parution intégrale du score, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Beaucoup de Bruit pour Rien (1993) D’après des propos recueillis par Sergio Benítez pour BSO Spirit et les notes du compositeur pour l’album original, éd. Epic Soundtrax (cd). Propos recueillis par Bruno Talouarn pour Main Title / Musique à l’Écran n°4, juin 1993. La Belle et la Bête (1946) La Belle et la Bête, Journal d’un Film – Jean Cocteau, éd. Du Rocher, 2003. La Musique du Film – Alain Lacombe / Claude Rocle, éd. Francis Van de Velde, 1979. La Belle et le Cavalier (1967) Propos tirés de l’essai The World Music of Piero Piccioni de John Bender, figurant dans la première parution intégrale du score, éd. Film Score Monthly (cd). Extrait d’un témoignage de Francesco Rosi, archives du site Piero Piccioni.com. Ben-Hur (1959) Double Life – Miklós Rózsa, éd. The Baton Press, 1982. Blade Runner (1982) Dangerous Days : Making Blade Runner, éd. Warner Bros., 2007 (dvd), et propos tirés de l’album commémoratif de 2007, éd. Universal (cd). Blow Out (1981) Multipistes, entretien avec Pino Donaggio par Giancarlo Grande, éd. Carlotta Films (dvd). Blue Velvet (1986) Propos recueillis par Nicolas Saada pour Les Cahiers du Cinéma n°540, 1999. David Lynch, entretiens avec Chris Rodley, éd. Cahiers du Cinéma, 2004. Le Bon, la Brute et le Truand (1966) Conversation avec Sergio Leone – Noël Simsolo, éd. Stock Cinéma, 1987. Les Inrockuptibles – Propos recueillis par Olivier Père, juillet 2001. Boom (1968) Propos de Michel Legrand tirés de l’émission de Thierry Jousse, Cinéma Song – 24 octobre 2013 (France Musique). John Barry, The Man with the Midas Touch – Leonard / Walker / Bramley, éd. Redcliff press, 2008.

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Borsalino (1970) Propos de Claude Bolling tirés de l’émission de Benoît Duteurtre, Étonnez-moi Benoît (archives France Musique). Boulevard du Crépuscule (1950) Close up on Sunset Boulevard – Sam Staggs, éd. St. Martin’s Press, 2002. Franz Waxman and the Music of Sunset Boulevard, éd. Paramount DVD, 2003. Wilder on Waxman, note de l’album Spirit of St Louis, éd. Varèse Sarabande (cd). Boulevard du Rhum (1971) Propos recueillis par Jacques Guiod pour la revue Écran, n°39. Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la première parution intégrale du score, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Brainstorm (1983) Propos recueillis par Steven Simak pour Cinemascore, 1985. Propos recueillis par Didier Leprêtre et Steve Olson pour Dreams to Dreams n°18, 2000. Le Brasier (1991) Propos recueillis par Sylvain Rivaud pour Cinézik.fr. Braveheart (1995) Propos recueillis par Tommy Pearson pour son émission Saturday Night at the Movies, Classic FM, 2012. Propos recueillis par Ian Freer pour le magazine Empire, avril 2015. Brazil (1985) Propos tirés d’une interview audio figurant sur la seconde édition Milan Silver Screen de la B.O. (cd). Breezy (1973) Rien n'est grave dans les aigus – Michel Legrand / Stéphane Lerouge, éd. Cherche Midi, 2013. Propos tirés des notes de l’album du film, éd. MCA (lp). Les Brigades du Tigre (1974) Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la première parution intégrale du score, éd. Frémeaux et Associés (cd). Brisby et le Secret de N.I.M.H. (1982) Propos recueillis par Randall D. Larson pour CinemaScore n°11 / 12, hiver 1983. Bullitt (1968) Propos recueillis par Nicolas Saada pour la parution française du score, éd. Warner Bros. (cd). Lalo Schifrin, Entretiens – Georges Michel, éd. Rouge Profond, 2005. Bunny Lake a disparu (1965) Propos tirés des notes de l’album d’époque, éd. RCA (lp). C C’Était Demain (1979) Propos de Nicholas Meyer tirés des notes de l’album original de 1979 et de la B.O. intégrale parue en 2008, éd. FSM (cd). Camille Claudel (1988) Propos tirés du livret de Gabriel Yared Film Music Vol. 2, éd. Cinéfonia, 2004 (cd).

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La Canonnière du Yang-Tsé (1966) Propos recueillis par la Télévision Canadienne (archive en ligne). Les Canons de Navarone (1961) D’après Tiomkin by Foreman, notes de l’album d’époque, éd. Columbia (lp). Les Caprices d’un Fleuve (1996) Les Caprices d'un fleuve – Bernard Giraudeau, Éd. Mille et Une Nuits, 1996. Propos tirés des notes de l’album du film, éd. France 2 Music / Polygram (cd). Capricorne One (1978) Propos tirés du commentaire de l’édition DVD américaine Artisan, 2008. Propos recueillis par Jeff Bond et Lukas Kendall pour la parution de la B.O. intégrale du film Outland, éd. FSM (cd). Carrie au Bal du Diable (1976) Multipistes, entretien avec Pino Donaggio par Giancarlo Grande, éd. Carlotta Films. Brian De Palma – Samuel Blumenfeld / Laurent Vachaud, éd. Calmann-Lévy, 2001 (dvd). Casino Royale (1967) Propos recueillis par Mark Horowitz pour The Library of Congress, Washington DC, 2012. Propos recueillis par Marc Myers pour JazzWax, décembre 2011. Le Cauchemar de Dracula (1958) Propos recueillis par James Abbott, publiés en avril 1996 et archivés sur son blog, The Jade Sphinx. Propos recueillis par John Mansell pour Soundtrack Magazine No.58, 1996. Le Cercle Rouge (1970) Propos recueillis par l’auteur le 30 janvier 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la première parution intégrale du score, éd. Universal (cd). La Chair et le Sang (1985) Propos recueillis par Randall D. Larson et David Kraft, le 19 mai 1985 et figurant dans l’édition intégrale La-La Land (cd). Chair pour Frankenstein (1974) Tirés des notes du réalisateur pour les premières éditions Varèse Sarabande, mai 1982 (lp). Propos recueillis par Chris Alexander pour le magazine Fangoria n°302, avril 2011. Chapeau Melon et Bottes de Cuir (1964) Propos recueillis par John Mansell pour Soundtrack Magazine No.56, 1995. Charade (1963) Did They Mention the Music ? – Henry Mancini / Gene Lees, éd. Cooper Square Press, 2001. Les Chariots de Feu (1981) Propos recueillis par Jean-Michel Reusser, L’Autre Monde, 1980. Propos recueillis par Simon Round, The Jewish Chronicle, novembre 2011. Propos recueillis par Norman Lebrecht pour Sinfini Music.com, 2015 Propos recueillis par Mark Lawson pour Front Row, BBC Radio 4, janvier 2008. Le Chevalier des Sables (1965) Propos recueillis par Gene Lees, Jazzletter, août 1996.

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Les Chiens de Paille (1971) A Conversation with Jerry Fielding by David Raksin – Soundtrack Magazine n°23, 1980. Chinatown (1974) Propos rapportés par Kevin Mulhall pour la première parution numérique du score, éd. Varèse Sarabande (cd). Le Choix des Armes (1981) Propos recueillis par l'auteur et Bruno Talouarn, Musique à L’Écran / Main Title n°2, décembre 1992. Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la première parution numérique du score, éd. Universal (cd). Les Choses de la Vie (1970) Sautet par Sautet – N.T. Binh / Dominique Rabourdin, éd. De la Martinière, 2005. Les Chuchoteurs (1967) Cinémaction n°62, janvier 1992. Extraits des notes de Bryan Forbes pour l'album du film, éd. United Artists (lp). La Chute de l’Empire Romain (1964) Propos tirés de "A letter to listeners by D. Tiomkin" et Tiomkin : the man and his music, éd. NFT dossier n°1, 1986. Le Cid (1961) Double Life – Miklós Rózsa, éd. The Baton Press, 1982. Propos de Martin Scorsese tirés des notes du réenregistrement complet paru en 2008, éd. Tadlow (cd). Le Cinéma de Minuit (1976) Propos recueillis par l’auteur en février 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). Cinéma Paradiso (1988) Propos recueillis par Alex Simon, The Hollywood Reporter.com / Huffington Post Intertainment, 11 octobre 2014. La Cité de la Violence (1970) Propos recueillis par Olivier Père pour Les Inrockuptibles, juillet 2001. Citizen Kane (1941) A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Le Clan des Siciliens (1969) Maestro Morricone, il était une fois en France – Documentaire de Vincent Perrot, 2012. Propos recueillis par Géraldine Liperoti pour L’Express, mars 1999. Cléopâtre (1963) Alex North, Film Composer – Sanya Shoilevska Henderson, éd. McFarland & Company, 2003. Les Complices de la Dernière Chance (1971) Caught in the Crosscurrent – Essai de Lukas Kendall figurant dans l’édition FSM du score (cd). Conan le Barbare (1982) Propos recueillis par Bruno Talouarn pour la revue Main Title / Musique à l'Écran n°13, juillet 1996.

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La Conquête de l’Ouest (1962) Propos figurant dans la première parution intégrale du score, éd. Rhino (cd). Les Contrebandiers de Moonfleet (1955) Double Life – Miklós Rózsa, éd. The Baton Press, 1982. Miklós Rózsa conducting The Royal Philharmonic Orchestra, notes de l’album, éd. Polydor (lp). Le Convoi de la Peur (1978) Friedkin Connection – William Friedkin, éd. Édition de la Martinière, 2014. Cosmos : 1999 (1975) Propos recueillis par Randall D. Larson pour Soundtrack Magazine No.47, 1993. Le Crépuscule des Aigles (1965) Propos recueillis par Lionel Godfrey pour UK Films and Filming magazine, 1965. Un Crime dans la Tête (1962) Propos tirés de l’anthologie David Amram’s Classic American Film Scores, éd. Moochin’ About (cd). Le Crime de l’Orient-Express (1974) Making Movies – Sidney Lumet, éd. Vintage, 1995. Propos recueillis par John Caps pour Soundtrack Magazine No.7 & 8, 1976. Cyrano de Bergerac (1990) Propos recueillis par l’auteur et Gildas Le Pollès, Main Title / Musique à L’Écran n° 3, mars 1993. D Daddy Nostalgie (1990) Propos recueillis par l’auteur en janvier 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). Daisy Clover (1965) Hollywood Rapsody – Alain Lacombe, éd. Jobert Transatlantiques, 1983. Propos d’André Previn tirés de l’album d’époque, éd. Warner (lp). Dans la Chaleur de la Nuit (1965) Propos recueillis par Doug Adams en 1997, figurant dans la première parution numérique du score, éd. Ryko MGM (cd). Dar l’Invicible (1983) Propos recueillis par Bruno Talouarn, Main Title / Musique à L’Écran n° 16, juillet 1997. Propos de Lee Holdridge figurant sur l’album d’époque, éd. Varèse Sarabande (lp). Dark Crystal (1982) Propos recueillis par Randall D. Larson, CinemaScore n°15, 1986 / 1987. Dead Zone (1983) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1993, Main Title / Musique à l’Écran n°6. La Dentellière (1977) B.O.F – Vincent Perrot, éd. Dreamland éditeur, 2002. Les Dents de la Mer (1975) Propos recueillis par Laurent Bouzereau pour la première parution intégrale du score, éd. Decca (cd).

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Le Dernier Train du Katanga (1968) Propos recueillis par l’auteur en avril 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). Propos recueillis par Didier C. Deutsch pour la parution intégrale du score, éd. FSM (cd). La Dérobade (1979) Comme au Cinéma – Vladimir Cosma / Vincent Perrot, éd. Hors Collection, 2009. Les Désaxés (1961) A Life – Elia Kazan, éd. Alfred A. Knopf, 1988. Alex North, Film Composer – Sanya Shoilevska Henderson, éd. McFarland & Company, 2003. Les Deux Anglaises et le Continent (1971) Les Cahiers du Cinéma n°138, 1962 – cité par Frédéric Gimello-Mesplomb. 2001, l’Odyssée de l’Espace (1968) Stanley Kubrick : a biography – John Baxter, éd. Da Capo Press, 1997. Propos rapportés par Jon Burlingame dans la première parution du score original, éd. Intrada (cd). Le Diable au Corps (1947) Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour l’anthologie René Cloërec, éd. Play Time (cd). Diamants sur Canapé (1961) Did They Mention the Music ? – Henry Mancini / Gene Lees, éd. Cooper Square Press, 2001. Les Dix Commandements (1956) Propos recueillis par Cynthia Millar pour The Guardian, 9 octobre 2002. Le Docteur Jivago (1965) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1994, Main Title / Musique à l’Écran n°10. La Dolce Vita (1960) Musica e Cinema nella cultura del Novocento – Sergio Miceli, éd. Bulzoni, 2010, cité dans Musique et Cinéma, Le Mariage du Siècle ? – N.T. Binh, éd. Acte Sud / Cité de la Musique, 2013. La Donna Invisibile (1969) Propos recueillis par The Independant, Londres, 2003. Dracula (1992) Propos recueillis par Bruno Talouarn pour la revue Main Title / Musique à l’Écran n°5, septembre 1993. Du Silence et des Ombres (1962) Propos recueillis par Cynthia Millar pour The Guardian, 9 octobre 2002. Dune (1984) Propos de David Lynch tirés d’une interview de 1984, archives Gaumont-Pathé, éd. GCTHV (dvd). Propos de David Paich tirés de Toto Encyclopedia, Toto99.com, site officiel du groupe Toto. E E.T. l’Extra-terrestre (1982) Propos recueillis par Laurent Bouzereau pour l’album anniversaire de la bande originale, éd. MCA (cd). Edward aux Mains d’Argent (1990) Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000.

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Elephant Man (1980) David Lynch, entretiens avec Chris Rodley, éd. Les Cahiers du Cinéma, 2004. L’Égyptien (1954) A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Enquête sur un Citoyen Au-dessus de Tout Soupçon (1970) Ennio Morricone, La Musique au Corps, éd. Carlotta DVD, 2010. Les Ensorcelés (1952) D’après les notes de David Raksin : Remembers The Bad and the Beautiful, réenregistrement RCA, 1976 (lp). L’Équipe Cousteau en Amazonie (1983) Propos recueillis par Joaquim Ramentol pour Score Magazine, mars 2006. Propos recueillis par Olivier Soudé pour Underscore.fr, novembre 1999. L’Étau (1969) Propos tirés de l’anthologie Le Cinéma de Maurice Jarre, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Un Été 42 (1971) Propos tirés de l’anthologie : Le Cinéma de Michel Legrand, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). L’Étoffe des Héros (1983) Propos de Bill Conti recueillis par Julie Kirgo pour la première parution de la bande originale, éd. Varèse Sarabande (cd). Exodus (1960) Propos tirés de la préface de Marni Nixon pour la première mondiale de l'intégrale du score, éd. Tadlow (cd). F Fahrenheit 451 (1966) A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Les Félins (1964) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1994 – Main Title / Musique à l’Écran n°9. La Fille de Ryan (1970) Lean by Jarre (concert + entretien par Christian Lauliac), éd. Milan, 2003 (cd, dvd). Propos de Maurice Jarre tirés du documentaire de Pascale Cuenot, In the Track of Maurice Jarre, Prelight Films, 2013. La Fièvre au Corps (1981) Propos de Kathleen Turner et John Barry cités dans la première parution intégrale du score, éd. FSM (cd). Firelight, le Lien Secret (1998) Propos tirés des notes de l’album original de 1998, éd. Silva Screen (cd). Propos tirés des notes de The Film and TV Music of Christopher Gunning, éd. Chandos, 2010 (cd).

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Flash Gordon (1980) Propos publiés par Highbridge Music, Ltd – Howard Blake official Website. Les Fleurs du Soleil (1970) Did They Mention the Music ? – Henry Mancini / Gene Lees, éd. Cooper Square Press, 2001. Le Flingueur (1972) A Conversation with Jerry Fielding by David Raksin – Soundtrack Magazine n°23, 1980. La Folle de Chaillot (1969) Propos recueillis par Rudy Koppler pour Soundtrack Magazine Vol.17 / No.65 / 66, 1998. La Forêt d’Émeraude (1985) Propos de John Boorman tirés des notes de l’album du film, éd. Varèse Sarabande (cd). Propos de Junior Homrich figurant sur l’album Alma del Sur, éd. Narada (cd). Frankenstein Junior (1974) D’après les notes de l’album Mel Brooks’ High Anxiety, éd. Elektra (lp). Propos de John Morris recueillis par Jeffrey K. Howard pour Film Score Monthly, Lost Issue Wednesday, 1997. La Fureur de Vivre (1955) Propos recueillis par Wolfgang Breyer pour Soundtrack Magazine Vol.15 / No.55 / 1995. Propos recueillis par Royal S. Brown et Wolfgang Breyer pour Soundtrack Magazine Vol.15 / No.55 / 1995. Furie (1978) Propos de John Williams recueillis par Derek Elley pour le British Film Magazine, n°286 et 287, août et juillet 1978. Article de Pauline Kael issu de The New Yorker, 20 mars 1978. G Good Morning, Babylonia (1987) Propos recueillis par Didier Leprêtre pour la revue "Dreams to Dream…s" n°11, automne 1998. Gorky Park (1983) Propos recueillis par le Los Angeles Times et cités dans la parution intégrale du score, éd. Intrada (cd). Le Grand Bleu (1988) Propos recueillis par Benoit Basirico pour Cinézik.fr et la Sacem, mai 2013. Le Grand Blond avec une Chaussure Noire (1972) Comme au Cinéma – Vladimir Cosma / Vincent Perrot, éd. Hors Collection, 2009. La Grande Évasion (1963) Propos recueillis par Cynthia Millar pour The Guardian, 9 octobre 2002. Propos recueillis par John Steinblatt pour ASCAP Playback, juillet-août 2001. Les Grands Espaces (1958) Propos cités par James Fitzpatrick, figurant dans le réenregistrement du score, éd. Silva Screen (cd). Gremlins (1984) Propos recueillis par Jeff Bond et Mike Matessino pour la parution intégrale du score, éd. Retrograde (cd).

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Propos recueillis par Christian Lauliac pour Positif n°502, septembre 2002. Greystoke, la Légende de Tarzan (1984) Propos tirés d’une interview de John Scott par Sergio Gorjón & Asier G. Senarriaga pour le site BSOspirit. Le Guépard (1963) Musica e Cinema nella cultura del Novocento – Sergio Miceli, éd. Bulzoni, 2010 – Entretien cité dans Musique et Cinéma, Le Mariage du Siècle ? – N.T. Binh, éd. Acte Sud / Cité de la Musique, 2013. La Guerre des Étoiles (1977) Propos de John Williams tirés de l’anthologie The Star Wars Trilogy, éd. Fox music (cd). Entretien de John Williams par Alan Arnold, tiré de l'album du film l’Empire Contre-Attaque, éd. RSO (lp). La Guerre du Feu (1981) Propos recueillis par l'auteur et Bruno Talouarn, Musique à L’Écran / Main Title n°1, septembre 1992. H Hatari ! (1962) Did They Mention the Music ? – Henry Mancini / Gene Lees, éd. Cooper Square Press, 2001. Heureux Qui comme Ulysse (1970) Témoignage tiré de : Georges Brassens, Le Temps ne fait rien à l’Affaire – Anthologie, éd. Mercury, 2011 (cd). Hiroshima mon Amour (1958) Les Musiques du Cinéma Français –- Alain Lacombe / François Porcil, éd. Bordas, 1995. Holocauste (1978) The Art of Writing Music – John Cacavas, éd. Alfred Music, 1993, et propos tirés des notes de l’album original RCA (lp). L’Homme au Bras d’Or (1955) Propos recueillis par Nicolas Saada pour Les Cahiers du Cinéma, Musiques au Cinéma, 1995. Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. L’Homme de la Loi (1971) Propos recueillis par Nick Redman, auteur du documentaire : Main Title 1M1, Jerry Fielding, Sam Peckinpah and The Getaway, éd. FSM (cd, dvd). Un Homme et une Femme (1966) Propos recueillis par l’auteur en février 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). L’Homme Orchestre (1970) François de Roubaix, Charmeur d’Émotions – Gilles Loison, éd. Chapitre Douze, 2006. Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la parution intégrale du score, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Un Homme parmi les Loups (1983) Propos recueillis par Robert Hershon pour Cinemascore n°15, 1986 / 87.

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L’Homme Qui Voulut Être Roi (1975) Propos recueillis par Steven C. Smith et figurant dans l’édition Kritzerland de 2010 (cd). La Horde Sauvage (1969) Peckinpah : A Portrait in Montage – Garner Simmons, éd. Limelight, 1998. Huit et Demi (1963) Fellini – Tullio Rezich, éd. Gallimard, 2007. Musica e Cinema nella cultura del Novocento – Sergio Miceli, éd. Bulzoni, 2010 – Entretien cité dans Musique et Cinéma, Le Mariage du Siècle ? – N.T. Binh, éd. Acte Sud / Cité de la Musique, 2013. Les Huit Visions (1972) Did They Mention the Music ? – Henry Mancini / Gene Lees, éd. Cooper Square Press, 2001. Hurlements (1981) Propos recueillis par Messrob Torikian et Dan Goldwasser pour la parution intégrale du score, éd. La-La Land (cd). I Il Était une Fois dans l’Ouest (1968) Ennio Morricone – Documentaire de la BBC, 1995. Il Était une Fois en Amérique (1984) Conversation avec Sergio Leone – Noël Simsolo, éd. Stock Cinéma, 1987. Propos de Sergio Leone recueillis par la revue américaine Film Comment. Propos recueillis par Olivier Père pour Les Inrockuptibles, juillet 2001. Il Était une Fois la Révolution (1971) Conversation avec Sergio Leone – Noël Simsolo, éd. Stock Cinéma, 1987. Il Était une Fois en Italie – Christopher Frayling, éd. Éditions de la Martinière, 2005. L’Île des Adieux (1977) Propos de Jerry Goldsmith tirés des notes du réenregistrement de 1986, éd. Intrada (cd). Franklin J. Schaffner – Erwin Kim, éd. Scarecrow Press, 1985. L’Île des Amours Interdites (1962) Propos recueillis par Enzo Cocumarolo pour Soundtrack Magazine, n°10, 1977. L’Impasse (1993) Brian De Palma – Samuel Blumenfeld / Laurent Vachaud, éd. Calmann-Lévy 2001. Propos de Patrick Doyle tirés des notes de l'album du film, éd. Varèse Sarabande (cd). Les Incorruptibles (1987) Ennio Morricone, Cinema e Oltre – Gabriel Lucci, Ennio Morricone, éd. Electa, 2007. L’Inspecteur Harry (1971) Lalo Schifrin, Entretiens – Georges Michel, éd. Rouge Profond, 2005. Intuitions (2000) Propos recueillis en 2006 par Quentin Billard et Sylvain Rivaud pour Cinézik.fr. On the Track – Fred Karlin, éd. Routledge, 2004. L’Irlandais (1987) Propos recueillis par Daniel Schweiger pour la parution intégrale du score, éd. Quartet (cd).

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J James Bond contre Dr. No (1963) John Barry, The Man with the Midas Touch – Leonard / Walker / Bramley, éd. Redcliff press, 2008. Les Compositeurs de Musique – Mark Russell /James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. Jane Eyre (1970) Propos de John Williams recueillis par Derek Elley pour le British Film Magazine, n°286 et 287, août et juillet 1978. Propos recueillis par Tony Thomas, cités par Jeff Eldridge dans la parution remastérisée du score, éd. La-La Land (cd). Jo (1971) Propos recueillis par Michael Ponchon, le 27 novembre 2001 à Paris, publiés sur le site Underscore.fr. Johnny Guitare (1954) Hollywood Rapsody – Alain Lacombe, éd. Jobert Transatlantiques, 1983. Jonathan Livingston le Goéland (1973) Propos recueillis par Bruno Talouarn pour Main Title / Musique à L’Écran n° 16, juillet 1997. Le Jour du Dauphin (1973) Propos recueillis et rapportés par Daniel Schweiger pour la parution intégrale du score, éd. Percepto. Le Jour où la Terre s’arrêta (1951) A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Journal Intime (1993) Nanni Moretti, Entretiens – Carlo Chatrian / Eugenio Renzi, éd. Cahiers du Cinéma, 2008. Jules et Jim (1962) Magazine Studio n°2, avril 1987. Georges Delerue, Une Vie – Frédéric Gimello-Mesplomb, éd. Jean Curutchet, 1998. Le Juge et l’Assassin (1976) Propos recueillis par Stéphane Lerouge figurant dans l’anthologie Le Cinéma de Bertrand Tavernier, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). K Le Kid de Cincinnati (1965) Lalo Schifrin, Entretiens – Georges Michel, éd. Rouge Profond, 2005. King Kong (1976) John Barry, The Man with the Midas Touch – Leonard / Walker / Bramley, éd. Redcliff press, 2008. Koyaanisqatsi (1983) Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000.

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L Laura (1944) Propos tirés des notes rétrospectives de David Raksin pour le réenregistrement RCA et d’une interview du compositeur (par Elmer Bernstein et Frédéric Gimello-Mesplomb), Main Title / Musique à l’Écran n°7, mars 1994. Lawrence d’Arabie (1962) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1994, Main Title / Musique à l’Écran n°10. La leçon de Piano (1993) Jane Campion par Jane Campion – Michel Ciment, éd. Les Cahiers du Cinéma, 2014. Legend (1985) Propos recueillis par Jonathan Benair pour CinemaScore n°15, été 1987. Lifeforce (1985) Propos recueillis par Randall Larson en 1986, cités dans la parution intégrale du score, éd. BSX (cd). Le Lion en Hiver (1968) John Barry, The Man with the Midas Touch – Leonard / Walker / Bramley, éd. Redcliff press, 2008. Le Lion et le Vent (1975) Propos recueillis par la Radio Télévision Belge en 1986, cités dans la parution intégrale du score, éd. Intrada (cd). La Loi du Milieu (1971) Propos de Mike Hodges recueillis pour la première parution intégrale du score, éd. Cinephile (cd). Lola (1961) Propos recueillis par Alain Lacombe pour la revue Écran n°39, 1975. Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour l’anthologie Jacques Demy – Michel Legrand, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Lord Jim (1965) Propos recueillis par William F. Krasnoborski pour Soundtrack Magazine n°2 et 3, 1975. Love Story (1970) Propos recueillis par l'auteur en février 2006 et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). Luke la Main Froide (1967) Lalo Schifrin, Entretiens – Georges Michel, éd. Rouge Profond, 2005. Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1994, Main Title / Musique à l’Écran n°9. M Macadam Cowboy (1969) John Barry, The Man with the Midas Touch – Leonard / Walker / Bramley, éd. Redcliff press, 2008. Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. Mad Max (1979) Propos recueillis par Graeme Flanagan pour CinemaScore n°11 / 12, hiver 1983.

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Mad Max au-delà du Dôme du Tonnerre (1985) Propos tirés de la première parution intégrale du score, éd. Tadlow (cd). Madame de… (1953) Extrait d'une conférence de Georges van Parys, le 18 mars 1955. La Maison du Docteur Edwardes (1945) Propos recueillis par David et Richard Kraft pour Soundtrack Magazine, vol. 1, n°4, 1982. Le Maître du Monde (1961) Propos recueillis par David Kraft and Ronald Bohn pour Soundtrack Magazine n°26, 1981. La Malédiction (1976) Propos tirés de 666 Revealed, le making of de La Malédiction, éd. Fox vidéo. Mannix (1967) Propos recueillis par Nicolas Saada pour le réenregistrement du score en 1999, éd. Warner Music France (cd). Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1994, Main Title / Musique à l’Écran n°9. Marco Polo (1982) Composing for the Cinema : The Theory and Praxis of Music in Film – Ennio Morricone / Sergio Miceli, éd. Scarecrow press, 2013. Marquis (1989) Propos recueillis par l’auteur, le 3 mai 2016. Memphis Belle (1990) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1994, Main Title / Musique à l’Écran n°7. Le Mépris (1963) Entretien à France Culture, le 2 juillet 1991, cité par Frédéric Gimello-Mesplomb. Le Messager (1971) Propos recueillis par Thierry Jousse pour son émission Cinéma Song (archives France Musique). Métal Hurlant (1981) Propos recueillis par Dan Goldwasser pour Soundtrack.Net, 26 juillet 2000. Extraits des notes de l’album Elmer Bernstein by Elmer Bernstein, éd. Denon (cd). Midnight Express (1978) Propos recueillis par Pete Tong (IMS Engage 2014) / Malcom Gerrie (Sky Arts Talks music) et tirés d’une interview figurant sur l’album de Daft Punk : Random Access Memories, éd. Columbia (cd). 1900, Novecento (1976) Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour l’anthologie Le Cinéma de Georges Delerue, éd. Universal (cd). Miracle en Alabama (1962) Extrait du commentaire de Laurence Rosenthal pour la première parution intégrale du score, éd. Intrada (cd). Mission (1986) Ennio Morricone – Documentaire de la BBC, David Thompson, 1995. Propos recueillis par Edward Pentin pour le National Catholic Register, septembre 2009.

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Mission : Impossible (1966) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1994, Main Title / Musique à l’Écran n°9. Missoury Breaks (1976) Propos recueillis par Derek Elley pour le British Film Magazine, n°286 et 287, août et juillet 1978. Arthur Penn : Interviews – Michael Chaiken et Paul Cronin, éd. University Press of Mississippi, 2008. Les Moissons du Ciel (1978) Propos recueillis par Jeff Bond et Lukas Kendall pour la première parution intégrale du score, éd. FSM (cd). Mon Nom est Personne (1973) Il Était une Fois en Italie – Christopher Frayling, éd. Éditions de la Martinière, 2005. Montparnasse 19 (1958) Propos recueillis par Stéphane Lerouge, tirés de l’anthologie Paul Misraki volume 4, éd. Larghetto Music (cd). La Mort aux Trousses (1959) A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. N New York 1997 (1981) Propos tirés de l’édition remixée du score, parue en lp chez Death Waltz Records. Propos recueillis par Joseph Burnett, The Quietus, 24 juin 2012. Norma Rae (1979) Propos recueillis par Julie Kirgo pour la première parution du score, éd. Varèse Sarabande (cd). Nos plus Belles Années (1973) Propos recueillis par Enrique Cerna pour KCTS 9, 2009. Revue Positif, n°178. Propos recueillis par Pat Cerasaro, Broadway World.com, 2010. Les Nouvelles Aventures de Vidocq (1971) Propos recueillis par Stéphane Lerouge, tirés de : Les Plus Belles Musiques de Jacques Loussier, éd. Playtime (cd). La Nuit Américaine (1973) Entretien avec Laurent Boer, 3 juin 1991, cité par Frédéric Gimello-Mesplomb. Georges Delerue, Une Vie – Frédéric Gimello-Mesplomb, éd. Jean Curutchet, 1998. La Nuit des Masques (1978) Propos tirés des notes de la première parution du score, éd. Varèse Sarabande (lp). La Nuit du Chasseur (1955) Heaven and Hell to Play with, The Filming of The Night of the Hunter – Preston Neal Jones, éd. Limelight, 2002. Les Nuits Rouges de Harlem (1971) Propos cités par Lukas Kendall dans l’album Shaft Anthology, éd. Film Score Monthly (cd).

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O Obsession (1976) Brian De Palma – Samuel Blumenfeld / Laurent Vachaud, éd. Calmann-Lévy 2001. L’Odyssée de Charles Lindbergh (1957) Notes de Royal S. Brown tirées de la première parution numérique du score, éd. Varèse Sarabande (cd). Orfeu Negro (1959) Propos cités par Anaïs Fléchet, docteur ès lettres, spécialiste de la musique brésilienne et auteur de Villa-Lobos à Paris : un écho musical du Brésil, éd. L’Harmattan, 2004. Out of Africa (1985) Sydney Pollack – Michèle Leon, éd. Pygmalion Gérard Watelet, 1991. P Le Pacha (1968) Propos recueillis par Stéphane Lerouge, Le Cinéma de Serge Gainsbourg, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Propos de Georges Lautner recueillis par l'auteur en 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). Pacific 231 (1923 / 1949) Revue Dissonances n°4, avril 1924 / Honegger – Pierre Meylan, éd. L’Âge d’Homme, 1982. Le Court-métrage français de 1945 à 1968 – Dominique Bluher et François Thomas (dir.), éd. Presses Universitaires de Rennes, 2005. La Panthère Rose (1963) Propos cités par Michael Hill pour l’édition Buddah Records, (cd). Papillon (1973) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en mai 1996 pour la revue Main Title / Musique à l’Écran. Propos tirés des notes de l’album du film, éd. EMI (lp). Paris Brule-t-il ? (1966) Propos de Maurice Jarre extraits des notes de l’album du film, éd. Columbia (lp). Le Parrain (1972) Musica e Cinema nella cultura del Novocento – Sergio Miceli, éd. Bulzoni, 2010 – Entretien cité dans Musique et Cinéma, Le Mariage du Siècle ? – N.T. Binh, éd. Acte Sud / Cité de la Musique, 2013. La Party (1968) Did They Mention the Music ? – Henry Mancini / Gene Lees, éd. Cooper Square Press, 2001. Le Passager de la Pluie (1970) Propos de Francis Lai recueillis par l'auteur en février 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). Patton (1970) Propos recueillis par Christian Lauliac pour Positif n°502, septembre 2002. Propos cités par Julie Kirgo pour la parution intégrale du score, éd. Intrada (cd).

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Peau d’Âne (1970) Rien n'est grave dans les aigus – Michel Legrand / Stéphane Lerouge, éd. Cherche Midi. Peur sur la Ville (1975) Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour l’album Belmondo Morricone Verneuil, éd. Play Time (cd). Pierrot le Fou (1965) Propos recueillis par l'auteur en janvier 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). La Piscine (1968) B.O.F – Vincent Perrot, éd. Dreamland éditeur, 2002. Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la parution intégrale du score, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Une Place au Soleil (1951) Torn Music, Rejected Film Scores – Gergely Hubai, éd. Silman-James Press, 2012. La Planète des Singes (1968) Les Compositeurs de Musique – Mark Russell /James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. Playtime (1967) Propos de François Porcile tirés de Tati Sonorama!, éd. Naïve (cd). J’ai la Mémoire qui Chante – Francis Lemarque, éd. Presse de la Cité, 1992. Les Plus Belles Années de notre Vie (1946) Propos extraits des notes de l’album The Bravados, éd. FSM (cd). Propos recueillis par Page Cook et figurant dans la première parution du score, éd. Entr’act (lp). Poltergeist (1982) Propos recueillis par Randall D. Larson pour CinemaScore n°11 / 12, hiver 1983. Propos de Bruce Botnick figurant dans la parution intégrale du score, éd. FSM (cd). Le Pont de la Rivière Kwaï (1957) Propos recueillis par Kevin Thompson pour The British Association of Symphonic Bands & Wind Ensembles Journal, Automne 1984. Un Pont trop Loin (1977) Propos tirés des notes figurant sur l'album du film, éd. United Artists (lp). La Porte du Paradis (1980) Propos recueillis par Bruce Lawton figurant dans la parution intégrale du score, éd. Ryko (cd). Portrait de Femme (1996) Jane Campion par Jane Campion – Michel Ciment, éd. Les Cahiers du Cinéma, 2014. Le Prêteur sur Gages (1964) Propos recueillis par Paul de Barros pour la première parution numérique du score, éd. Verve (cd). Le Professionnel (1981) Propos de Georges Lautner recueillis par l'auteur en 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). Les Professionnels (1966) Propos tirés des notes de l’album Villa Rides / El Condor, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd).

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Providence (1977) Alain Resnais, Arpenteur de l’Imaginaire – Robert Benayoun, éd. Stock, 1980. Double Life – Miklós Rózsa, éd. The Baton Press, 1982. Psychose (1960) A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Q QB VII (1974) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en mai 1996 pour la revue Main Title / Musique à l’Écran. Propos recueillis par Carvin Knowles pour The Jewish Journal, 10 décembre 1998. Propos tirés des notes de l’album d’époque, éd. ABC (lp). Le Quai des Brumes (1938) La Vie à Belle Dents – Marcel Carné, éd. Belfond, 1989. Quand les Aigles attaquent (1968) Movie Collector magazine, Vol.2, n°1, 1994. Propos recueillis par Christopher Ritchie pour Soundtrack Magazine No.30, 1989. Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (1962) Propos figurant dans la première parution intégrale du score, éd. Ryko Handmade (cd). La Quatrième Dimension (1983) Propos recueillis par Tom Darter pour Keyboard Magazine, avril 1985. Quelque Part dans le Temps (1980) Propos de Richard Kraft recueillis sur le site officiel de Kraft-Engel Management. Propos recueillis par Daniel Schweiger pour Soundtrack Magazine No.65, 1998. John Barry, The Man with the Midas Touch – Leonard / Walker / Bramley, éd. Redcliff press, 2008. Quo Vadis (1951) 24 images, revue québécoise n°12, Avril 1982. Double Life – Miklós Rózsa, éd. The Baton Press, 1982. R Les Rats de Cave (1960) No minor Chords : My days in Hollywood – André Previn, éd. Bantam Books, 1991. Hollywood Rapsody – Alain Lacombe, éd. Jobert Transatlantiques, 1983. Re-Animator (1985) Propos recueillis par Randall D. Larson, pour la revue CinemaScore n°15, 1986 / 1987. Rebecca (1940) The Scoring of Rebecca, Christopher Husted, figurant dans le réenregistrement du score, éd. Varèse Sarabande (cd). Le Renard (1968) Lalo Schifrin, Entretiens – Georges Michel, éd. Rouge Profond, 2005.

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Rencontres du Troisième Type (1977) Propos recueillis par Laurent Bouzereau pour le making of du film et la parution intégrale du score, éd. Arista (cd). Le Retour de Martin Guerre (1982) Propos de Michel Portal tirés de l’émission de Thierry Jousse, Cinéma Song, 24 avril 2014 (France Musique). Retour vers le Futur (1985) Propos rapportés par Mike Matessino pour la parution intégrale du score, éd. Intrada (cd). Les Révoltés du Bounty (1962) Hollywood Rapsody – Alain Lacombe, éd. Jobert Transatlantiques, 1983. Révolution (1985) Propos tirés de l’album tardif du film (2009), éd. Varèse Sarabande (cd). Le Rideau Déchiré (1966) A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Propos recueillis par Royal S. Brown, publiés dans Les Cahiers du Cinéma, Musiques au Cinéma, 1995. Robin des Bois, Prince des Voleurs (1991) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1993 pour la revue Main Title / Musique à l’Écran n°6. Robocop (1987) Propos recueillis par Paul Andrew MacLean et Darren Cavanagh, 1991, tirés de la première parution intégrale du score, éd. Intrada (cd). Rocky (1976) Propos recueillis par Jon Burlingame pour Archive of American Television, 2010. Le Roi et l’Oiseau (1980) Propos recueillis par Bruno Talouarn pour la revue Main Title / Musique à l’Écran, n°5, septembre 1993. Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la première parution intégrale du score, éd. Play Time (cd). Roma (1972) Propos tirés du journal Il Messagerro, 15 avril 1979. Rosebud (1975) Propos recueillis par l’auteur à Paris, le 31 janvier 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM). Rosemary’s Baby (1968) Roman par Polanski – Roman Polanski, éd. Robert Laffont, 1984. La Route des Indes (1984) Propos recueillis par l’auteur et Bruno Talouarn en 1994 pour la revue Main Title / Musique à l’Écran, n°10. Lean by Jarre (entretien par Christian Lauliac), éd. Milan, 2003 (dvd).

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S Sacco et Vanzetti (1971) Sacco et Vanzetti en La Mineur, éd. Carlotta DVD, 2010. Salvador (1986) Georges Delerue, Une Vie – Frédéric Gimello-Mesplomb, éd. Jean Curutchet, 1998. Sanglantes Confessions (1981) Georges Delerue, Une Vie – Frédéric Gimello-Mesplomb, éd. Jean Curutchet, 1998. Propos recueillis par Jeannot Boever, La Cinémathèque de Luxembourg, mai 1980. Scarface (1983) Brian De Palma – Samuel Blumenfeld / Laurent Vachaud, éd. Calmann-Lévy 2001. Propos recueillis par Sven Schumann and Johannes Bonke, The Talks, février 2013. Le Secret de la Pyramide (1985) Propos recueillis par Douglass Fake pour la parution intégrale du score, éd. Intrada (cd). Propos recueillis par Bruno Talouarn pour la revue Main Title / Musique à l'Écran n°13, juillet 1996. Le Seigneur des Anneaux (1978) Magazine Starlog, Composer of the Fantastic – David Hirsch, novembre1991. Les Sept Mercenaires (1960) Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. Le Septième Voyage de Sinbad (1958) A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Le Silence des Agneaux (1991) Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. La Soif du Mal (1958) Did They Mention the Music ? – Henry Mancini / Gene Lees, éd. Cooper Square Press, 2001. Soleil Vert (1973) Propos rapportés par Lukas Kendall et Jeff Bond pour la première parution du score, éd. Film Score Monthly (cd). Spartacus (1960) Propos tirés des notes de la première parution du score en 1960, éd. Decca (lp). Star Trek, le Film (1979) Propos tirés de The Musical Voyage of Star Trek – Jeff Bond / Mike Matessino, figurant dans la première parution intégrale du score, éd. La-La Land (cd). Star Trek 2, la Colère de Khan (1982) Propos recueillis par Jeff Bond, Lukas Kendall et Alexander Kaplan pour la première parution intégrale du score, éd. Film Score Monthly (cd). Propos recueillis par Randall D. Larson pour Cinemascore n°10, 1982 et 11 / 12, 1983. La Strada (1954) Musica e Cinema nella cultura del Novocento – Sergio Miceli, éd. Bulzoni, 2010.

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Entretien cité dans Musique et Cinéma, Le Mariage du Siècle ? – N.T. Binh, éd. Acte Sud / Cité de la Musique, 2013. Nino Rota, La Strada / Il Gattopardo / Concerto Soirée, éd. Harmonia Mundi, 2005 (livre cd). Sueurs Froides (1958) Propos recueillis par Royal S. Brown, publiés dans Les Cahiers du Cinéma, Musiques au Cinéma, 1995. A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Superman le Film (1978) Superman : The music (1978-1988), notes de la parution intégrale du score, éd. Film Score Monthly (cd). Sur les Quais (1954) Propos tirés de deux articles du New York Times (30 mai 1954) et du Los Angeles Times, rapportés par Frank K. DeWald pour la première parution du score, éd. Intrada (cd). T Taras Bulba (1962) Propos recueillis par Lawrence Morton pour la Radio Canadienne CBC (1950), et tirés des notes de l’album d’époque, éd. United Artists (lp). Taxi Driver (1976) Propos de Martin Scorsese tirés des parutions intégrales du score, éd. Arista (cd) et Waxwork (lp). A Heart at Fire’s Center, The Life and Music of Bernard Herrmann – Steven C. Smith, éd. University of California Press, 1991. Un Taxi Mauve (1977) Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la première parution numérique du score, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma. Le Temps de l’Innocence (1993) Propos recueillis par Nicolas Saada pour Les Cahiers du Cinéma, Musiques au Cinéma, 1995. Les Temps Modernes (1936) Histoire de ma vie – Charlie Chaplin, éd. Robert Laffont, 2002. Charlie Chaplin aujourd’hui – Joël Magny, éd. Les Cahiers du Cinéma, 2003. Propos recueillis par Stéphane Chanudaud pour la revue Positif n°502, septembre 2002. Un Thé au Sahara (1990) Un thé au Sahara (le livre du film) – Livio Negri, éd. Denoël, 1990. Thelma et Louise (1991) Propos recueillis par Dan Goldwasser, Soundtrack.Net, novembre 2006. Propos recueillis par Edwin Black, Film Score Monthly, mars et septembre 1998. Thibaud ou les Croisades (1968) Propos tirés d’un entretien avec Alain Boer, février 1980. Propos recueillis par Bertrand Borie et Philippe Carcassonne pour la revue Le Cinématographe, n°62. The Thing (1982) The Original Fan blog, a producer's guide to the evolution and production of John Carpenter's The Thing - Stuart Cohen, 2013.

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Titanic (1997) Propos recueillis par Didier Leprêtre pour Dreams to Dreams n°10, 1998. Touchez pas au Grisbi (1954) Les Musiciens du Cinéma Français – Alain Lacombe / François Porcile, éd. Bordas, 1995. Propos de Jean Wiener tirés d’un entretien réalisé par Solange Peter (Hommage à Jean Gabin, Archive INA, 1978) et d’un article de Philippe Carcassonne et Renaud Bezombes pour la revue Le Cinématographe, n°62, novembre 1980. Le Tour du Monde en 80 Jours (1956) Propos tirés des premières parutions des scores complets de The Left Hand of God, éd. Varèse Sarabande (cd) et Around the World in 80 days, éd. Hit Parade (cd). La Tour Infernale (1974) Propos rapportés par Jeff Eldridge pour la première parution du score complet, éd. FSM (cd). Propos recueillis par Arjen van der Lely pour le site web : The Towering Inferno.info. Un Tramway nommé Désir (1951) Propos rapportés par Kevin Mulhall et tirés de 632 Elysian Fields, figurant dans l’album du réenregistrement complet, éd. Varèse Sarabande (cd). 37,2 Le Matin (1986) Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. Trois Couleurs : Bleu, Blanc, Rouge (1993, 1994) Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. Le Cinéma et Moi – Krzysztof Kieślowski, éd. Noir sur Blanc, 2006. Les 3 Jours du Condor (1975) Propos tirés des notes de l’album Cinemagic, Dave Grusin, éd. GRP (cd). Le Troisième Homme (1949) Encountering Directors – Charles Thomas Samuels, éd. Putnam, 1972. Tron (1982) Propos recueillis par Robert Moog, Keyboard, novembre 1982. Propos recueillis par Randall D. Larson, Cinemascore n°11 / 12, 1983. La Tunique (1953) Propos rapportés et recueillis par Julie Kirgo pour la seconde parution du score complet, éd. La-La Land (cd). Twin Peaks (1990) Propos recueillis par Yelena Deyneko pour le magazine Spirit and Flesh, 2014. U Under Fire (1983) Propos tirés des notes de l’album original, éd. Warner Bros. (lp). Les Uns et les Autres (1981) Propos recueillis par l'auteur en février 2006, et diffusés dans l’émission B.O. Connexion (Jet FM).

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V Les Vestiges du Jour (1993) Propos tirés des notes de Richard Robbins figurant dans l’album original de 1993, éd. Angel (cd). Propos recueillis par Chris Terrio pour merchantivory.com, 2000. La Vie de Château (1966) Propos tirés du documentaire "Tout est une question de rythme" de Jérôme Wybon, éd. TF1 Video. La Vie est Belle (1997) Propos recueillis par Hugues Dayez pour La Radio-Télévision belge (archives RTBF Auvio), le 10 septembre 2014. La Vie Tumultueuse de Lady Caroline Lamb (1972) Propos tirés des notes de l’album original, éd. EMI (lp). Propos recueillis par John Caps pour Soundtrack Magazine No.7 & 8, 1976. Le Vieux Fusil (1975) Propos recueillis par Stéphane Lerouge pour la première parution intégrale du score, éd. Universal music France / Écoutez le cinéma (cd). Les Visiteurs du Soir (1942) La Vie à Belle Dents – Marcel Carné, éd. Belfond, 1989. Vol Au-dessus d’un Nid de Coucou (1975) Propos tirés des commentaires de Michael Douglas pour le DVD du film, éd. Warner Bros., 2002. Le Voleur de Bagdad (1940) Double Life – Miklós Rózsa, éd. The Baton Press, 1982. Voyage à Deux (1967) Did They Mention the Music ? – Henry Mancini / Gene Lees, éd. Cooper Square Press, 2001. Le Voyage en Ballon (1960) Propos recueillis par Bruno Serrou pour l’Ina et Benoit Basirico pour le site Cinézik.fr. Le Voyage Fantastique (1966) Propos recueillis par Daniel Mangodt, Soundtrack Magazine Vol.15 / No.56 / 1995. W Witness (1985) Les Compositeurs de Musique – Mark Russell / James Young, éd. La Compagnie du Livre, 2000. Propos recueillis par l'auteur, le 28 août 1994 à Paris. Wolfen (1981) Propos recueillis par Randall D. Larson pour Cinemascore n°11 / 12, 1983. Y Yentl (1983) Propos recueillis par David Jacobs pour l’émission de la BBC Radio 2 : The Michel Legrand Story du 2 mai 2003. Les Yeux sans Visage (1960) Georges Franju, Impressions et aveux – Marie-Magdeleine Brumagne, éd. L'Âge d'Homme, 1990.

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Propos de Maurice Jarre tirés du documentaire de Pascale Cuenot, In the Track of Maurice Jarre, Prelight Films (dvd). Propos tirés de l’anthologie Le Cinéma de Maurice Jarre, éd. Universal (cd). Z Z (1969) Propos tirés des notes de l’anthologie Míkis Theodorákis on the Screen, éd. DRG (cd). Zombie (1978) Propos recueillis par Daragh Markham pour The Carouser.com, août 2014.

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REMERCIEMENTS Un grand merci à André Charbonneau, Ivan et Franck Hoedts, Frédéric Oudot pour leur précieuse amitié et leurs encouragements. Merci à Nicolas Menuet pour son expertise et son suivi en informatique. Merci également à : Michel Alliot, Caroline Amouraben, Jean-Julien Arfouilloux, Audrey Bardin, Christian Battaglia, Mathieu Béatrix, Camille Beaujeault, Émilie Besnier, Vincent Boileau, Ronan Bouyer, Martine Casano, Adam Charbonneau, Albert Choisnet, Thierry et Brigitte Communal, Fabrice Dandot, Anne-Sophie Del Pino, Katell et Gwenaël Dupont, Philippe Fares, Patrick Ferey, Alain et Véronique Fernand, Bruno Galeron, Isabelle Heral, la famille Hoedts : Anne-Sophie, Bernard, Chantale, et Maud. Emmanuel Jan, Françoise Jan, Céline Jardet, Jean-Baptiste Jaunatre (alias JiBé), Philippe Lanoë, Pauline Le Floch, Rachel Lepeltier, Gildas et Nathalie Le Pollès, Laurence Martin, Yoann Méhat, Cécile Menanteau (librairie Les Bien-aimés), Frédéric Michaud, Dany Morel, Josseline Moulin, Bruno et Sophie Plouzen, Estelle Prusker, Virginie Roth, Sophie Ricordeau (librairie L’Atalante), Nathalie Ritouet, Delphine Saurier, Maxime et Solen Sautejeau, Romy Sauvage, Mathieu Scavennec, Géraldine Schiano de Colella (librairie Les Bien-aimés), Bruno Talouarn, Christophe Thoby, Nicolas Tual (éminent grammairien), Éric Warin, et toute l’équipe du Ciné Cité Atlantis. Enfin, merci à Stéphane Lerouge, Bernard Wadbled pour leurs divers contacts, et à tous les talentueux compositeurs qui ont répondu à mes questions au fil des ans.

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L’ingénieur du son John Timperley, Bertrand Tavernier, Philippe Sarde et Harry Rabinowitz 297 contrôlent le mixage et la synchronisation d’une séquence musicale du film La Fille de d’Artagnan.

Dialogue ouvert entre Jerry Goldsmith et Sidney Sax, le leader du National Philharmonic Orchestra.

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