n°155 à n°177 (23 numéros) La Quinzaine littéraire (année 1973)

La Quinzaine littéraire est un bimensuel fondé en 1966 par Maurice Nadeau et François Erval, qui publie essentiellement

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French Pages 880 Year 1973

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n°155 à n°177 (23 numéros) 
La Quinzaine littéraire (année 1973)

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uinzaine littéraire du 1^' au 15 janv. 1973

Entretien avec Angus Wilson sur Dickens

Le désir homosexuel

Le populisme russe

Pro,'Perty of Iloo Luth.•Q

L ibrary

Table des ouvrages recensés en 1972

^ / -

3 LE LIVRE DE LA

/O par Marielle Gros

A qui afipariient Paris ?

Claude Bourdet

cl Jacinto Rodrigues *• Angus Vk ilson parle

UUINZAINt

5 ENTRETIEN

Propos recueillis par Diane Fernandez et

de Dickens

Patrick Reumaux

7 LITTERATURE ETRANGERE 9 ECRIVAINS FRANÇAIS 10 11 12

Denis Roche

par Serge Fauchereau

Le mécrit Trois pourrissements poétiques

par Jacques Roubaud

Danièle Collobert

Dire I

Sylvie Korcaz

Ma jolie Palestine

Georges Madarasz

Michigan transit

Henri Mansar

Témoignages sur Nicolas N.

par Viviane Forrester

Anne-Marie Hueber

La séduction inachevée

par Jacques-Pierre Amette

Poésie croate d'aujourd'hui

par Serge Fauchereau

13 POESIE

14 ESSAIS 15

par Jacques Michaut

Dostoïevski vii'ant

- 11

par Claude Bonnefoy par Maurice Chavardès

André Frénaud

Poème inédit

Robert Marteau

Sibylles

Guy Hocquenghem

Le désir homosexuel

par Antoine Orezza

La destinée féminine dans

par Hubert Juin

Pierre Fauchery

par Jacques Sojcher

le roman européen du XVIIP siècle Dans les galeries

par Jean-Louis Pradel

Emmanuel Levina^

Humanisme de l autre homme

par Roger Laporte

Franco Venturi

Les intellectuels, le peuple

par Alain Besançon

17 ARTS

18 PHILOSOPHIE 19 HISTOIRE

et la révolution Jean Doresse

21

La vie quotidienne des Ethiopiens

par Joël Schmidt

chrétiens aux XVIP et XV 11 P siècles Marianne Debouzy

22

Le capitalisme

par Marc Ferro

« sauvage »

aux Etats-Unis

23 THEATRE

Claude Julien

Le suicide des démocraties

Roger Vitrac

Victor ou les enfants au pouvoir

Bertolt Brecht

Antigone

Paol Keineg

Le printemps des Bonnets Rouges par Louis Seguin

Beau Masque

24 CINEMA 25 BIBLIOGRAPHIE

par Gilles Sandier

par Olivier de Magny par Jean Schuster

TFIFVISION

27

-

Table des auteurs et des ouvrages recensés dans l’année 1972

Direction : Maurice Nadeau. Comité de rédaction :

La Quinzaine littèrftir*

Georges Balandier, Bernard Gazes, François Châtelet, Françoise Choay, Roger Dadoun, Serge Fauchereau, Dominique Fernandez, Marc Ferro, Gilles Lapouge, Olivier de Magny, José Pierre, Gilbert Walusinski,

Abonnements : Deux ans : 120 F, numéros.

quarante-six

Un an ; 70 F, 23 numéros. Six mois : 40 F, douze numéros. Etudiants : réduction de 20 %. Etranger :

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D. R.

P.

5 Barrigue

P.

6 D.R.

P.

7 D.R.

P.

9 Le Seuil

P. 11 Calmann-Lévy P. 12 Le Seuil

P. 17 Galerie Louise Lévis

Règlement par mandat, bancaire, chèque postal : C.C.P. Paris 15 551-53.

43, rue du Temple, Paris (4*).

3

P. 16 D.R.

Anne Sarraute.

Rédaction, administration :

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Un an : 85 F, par avion : 155 F Six mois : 55 F. Pour tout changement d’adresse : envoyer 3 timbres à 0,40 F.

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Directeur de la publication : Maurice Nadeau. Impression G.I.P.A.V.-Roto 2001 Printed in France.

La Quinzaine Littéraire

LE LIVRE DE LA QUINZAINE

Parîs I sous tutelle Claude Bourdet A qui appartient Paris ?

Le Seuil éd., 350 p.

Douze années de résistance pourrait être le titre du livre que Claude Bourdet consacre à son expérience de l’assemblée municipale parisienne (de 1959 à 1971). Certes, Bourdet y dénonce et y démontre, dossiers en main, les mécanismes par lesquels € on » s’approprie la ville, et quelles en sont les conséquences. Avant d’aborder cet aspect du livre, il nous semble néanmoins intéressant d’en souligner un autre, peut-être plus théorique, mais qui donne toute son origi¬ nalité à cet ouvrage et qui est lié aux positions politiques assumées par l’auteiu", au combat qu’il a choisi de mener. Ce combat tout d’abord il ne l’a pas engagé indi¬ viduellement. C’est en tant que membre d’un appareil politique de gauche — certains diront même d’extrême gauche —j le P.S.U., que Claude Bourdet a été élu en 1959 comme représentant du treizième arrondissement au 4ù>nseil municipal de Paris. Ainsi, en se lançant dans cette aventure, l’auteur ‘ acceptait d’af¬ fronter toutes les difficultés d’une lutte quotidienne, concrète, mais souvent .ingrate et que les tenants d’un radicalisme « pur et dur » jugeront — facilement —- équi¬ voque. Pourtant, la perspective stratégique dans laquelle il s’y engage fait qu’elle n’a pas moins de portée que celle qu’il mena de 1942 à 1944 en tant que responsahle du réseau de « Noyau¬ tage des Administrations Publi¬ ques > dans la Résistance. Deux arguments justifieront ime attitude dont l’empirisme refuse d’abandonner à l’ennemi aucune position, permettant de se faire entendre et de récupérer ce que l’on peut appeler-avec les théoriciens de la socio-analyse — la plus-value d’un pouvoir institutionneL

du 1er ou 15 janvier 1973

Le premier de ces arguments ■— «jui, au moment où des forces de gauche en France ont quelque raisons d’espérer prendre le pouvoir par la voie électorale, prend un relief particulier — est la nécessité de faire front à un pouvoir centralisé et centralisa¬ teur, étouffant toute possibilité de démocratie locale. Refus non pas circonstanciel, mais de principe. C’est le refus aussi bien de la

toute-puissance des monopoles capitalistes et de l’Etat qui les sert, que du pouvoir de la bu¬ reaucratie dirigeante d’un régime « socialiste ». Il est la marque d’un réel attachement à une dé¬ mocratie de base et par la base. Et c’est ce premier argument qui donne un sens profond au plai¬ doyer de l’auteur contre le sys¬ tème « anormal et néfaste » de la tutelle, qui fait que Paris, de¬

Nouvelle préfecture de la Seine-St-Denis.

puis des siècles, se voit privé même du régime municipal com¬ mun aux autres villes de France, et administré directement par le pouvoir central : toute la pre¬ mière partie du livre est consa¬ crée à un historique de ce sys¬ tème propre à notre capitale et qui a pris racine il y a « quinze siècles ». Les révoltes ou révolu¬ tions que la ville a connues n’ont jamais pu le briser totalement. Les répressions qui les ont suivies l’ont toujours renforcé.

« Le statut exorbitant infligé à Paris est dû avant tout à la crainte ou au moins à la méfiance que les rois, les empereurs et la bourgeoisie ont eue de la popula¬ tion parisienne. » Or, au service des rois, des empereurs et de la bourgeoisie, ce système de tutelle — et de manière plus générale toute la structure centralisée du pouvoir en France — va à l’en¬ contre des intérêts des classes populaires, rend impossible toute véritable démoeratie. Celle-ci, pour l’auteur, doit rapprocher « le plus possible toute décision de son objet, de ses exécutants et des citoyens qui en supportent les conséquences », quel que soit par ailleurs le régime économi¬ que et soeial de la société. Le deuxième argument qui jus¬ tifie la présence de cet homme de gauche dans l’assemblée pari¬ sienne, c’est la possibilité qu’il acquiert ainsi de connaître les problèmes qui se posent dans la cité, les affaires qui se trament en sous-main, et surtout de les faire connaître aux principaux in¬ téressés, en particulier aux repré¬ sentants des elasses défavorisées. Le livre de Bourdet est le meil¬ leur témoignage de cet effort et les données qui y figurent sont en effet d’autant plus crédibles qu’elles sont présentées par une personne qui n’est pas extérieure aux structures institutionnelles. Le choix d’un certain radicalisme qui mène à une marginalisation ne l’aurait pas rendu possible de la même façon.

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plan

lliéori Les « Dessins pédagogiques » de Malevitch, qui ont servi à l’illustration de son livre « le Monde Inobjectif » paru en 1927 dans la série des Ma¬ nuels du Bauhaus, se divisent en deux parties : une histoire des formes, de l’impressionnisme au cubisme, et l’exposé des principes du Supréma¬ tisme. La plus fameuse leçon de l’au¬ teur du « Carré blanc sur fond blanc ».

du 1er au 15 janvier 1973

Sans délaisser pour autant le travail des Malassis, Cueco, comme ses camarades, poursuit, parallèlement à l’œuvre collective de la Coopérative dont on connaît les claires intentions politiques, son œuvre personnelle, son itinéraire individuel. Œuvres récentes, elles sont solides, elles s’imposent au regard. Travaillant, selon son habi¬ tude, à partir de documents trouvés au hasard des magazines ou des cartes postales, Cueco produit des images où, accessoirement, nous pour¬ rons retrouver la Fontaine de Trévi ou le Parc Monceau, devenant les té¬ moins arbitraires d'un monde de chiens. De toile en toile, ils revien¬ nent individuellement, collectivement, calmes ou furieux, tels des substituts d’humains. Le chien, palliant les infir¬ mités humaines, consolant les veuves, ou aboyant à tout rompre lorsque vous passez en catimini, ce chien flasque et fort, franc et fidèle à son maître, fourbe et imprévisible avec les autres, ce chien, lieu de contradiction, est le principal protagoniste de ces toiles. Ainsi cette Fontaine de Trévi désertée.

noire et grise, n*attire plus que les chiens, qui, eux-mêmes, y perdront leurs couleurs pour se pétrifier au bord de ses vasques. L’arbitraire des lieux, des couleurs et des formes manifeste la distance que le peintre installe entre lui et la toile, entre la toile et la réalité. Les feuillages intervenant comme des parasites, pour ne plus laisser que la trace d’un chien bondissant, pris, pour un instant au piège de la toile, si concrète qu'elle est peinte jusque sur ses bords, se ferme sur elle-même, sur le geste du peintre.

Science-fiction (Galerie du Triangle) Un monde fantastique devenu quo¬ tidien par ses supports : couverture du « Fleuve Noir », journaux, bandes dessinées, illustrations de magazines, publicités. Les nombreuses œuvres exposées, sur l’initiatjve de Gayout, nous plongent dans un univers oni¬ rique où la violence et l’érotisme don¬ nent lieu à toutes les métamorphoses, cet univers même dont Eric Losfeld s’était fait, en France l’initiateur, en publiant « Barbarella » ou • Pravda la survireuse ».

Picasso (Galerie Louise Leiris) Les cent soixante-douze dessins que Picasso exécuta au fond de sa retrai¬ te, aussi discrète que riche d’une acti¬ vité proprement démoniaque, sont pré¬ cisément datés du 21 novembre 1971 au 18 août 1972. En noir ou en cou¬ leurs, au crayon, au lavis, à l’encre, ces dessins se ruent sur le specta¬ teur : les jeunes femmes, allègrement impudiques, jambes en l’air, s’offrent aux regards de leurs amants princiers et vieillissants : parfois, portant ellesmêmes les atteintes de l’âge, enta¬ chées et ridicules, elles deviennent pathétiques, semblent venir de quel¬ ques nouveaux « Caprices » ; caprices d’un peintre qui, le 25 octobre dernier, eut 91 ans et qui apparaît, de place en place, dans des autoportraits sans tendresse qui ne sont que regards et tourments. Un peintre qui se complaît à dater avec une précision méticu¬ leuse l'œuvre de chacun de ses jours, véritable journal qui, pour l'année écoulée, s’empanache d'un 2 à la boucle ornée d'une gracieuse spirale.

Dominique Sarraute (Prises de vue : Michael Romann) (L’Action théâtrale galerie, direction Simone Benmussa, 22, rue de Condé) Exposition aux multiples facettes : toiles, photographies, projections de diapositives, mais aussi une palette qui va du sobre affrontement du noir et du blanc aux ors et argents et aux souffles colorés les plus lyriques. Cette large gamme est animée par la confrontation des éléments de la tech¬ nologie la plus sophistiquée aux élé¬ ments naturels ou picturaux les plus primaires, animée aussi par le jeu d’idéogrammes hiératiques et des for¬ mes vivantes du « designer » ou du modéliste. Finalement, le travail de l’artiste chante des matières dont la plus solide origine est minérale. Ces pistons ou ces poutrelles mé¬ talliques sont réduits par un savant travail photographique à une mysté¬ rieuse calligraphie où les formes deviennent forces. Ces robes merveil¬ leuses faites d’un tissu qui emprunte ses impressions à l’ordre minéral ou mathématique sont le résultat de montages photographiques qui per¬ mettent à la silhouette du modèle de s'inscrire dans un détail de roches ou de graphes impénétrables. Travail sen¬ sible qui, d'émulsion en émulsion, joue de secrètes émergences, pour récon¬ cilier les antagonismes en leur offrant des surfaces qui les transfigurent, dans d’irradiantes lumières. A l’heure de la fission de l’atome, le champ pictural explose à son tour. Jean-Louis Pradel

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PHILOSOPHIE

Qui est autrui ? Emmanuel Lévinas Humanisme de Vautre homme « Fata Morgana » éd. (1), 110 p.

Une nouvelle fois Emmanuel Lé¬ vinas pose la question qui traverse et porte toute son œuvre : com¬ ment « entrer en relation avec l’in¬ saisissable, tout en lui garantissant son statut d’insaisissable » ? Ce très ancien problème, que l’on ap¬ pelait il n’y a pas si longtemps « Immanence et TranscenJu ; chargée Jusqu’à la gueule de dynamite — de poésie —. l’œu¬ vre, à travers le regard d’un enfant, fait craquer dans un bruit de révo¬ lution tout le vieil ordre de la mo¬ rale et de la société bourgeoises, de cette petite bourgeoisie qui se préparait pour la boucherie de 1418 vivant, comme dit Vitrac, « dans un monde puant et revanchard qui n’osait pas encore digérer sa dé¬ faite ». Dans aucune autre pièce le surréalisme n’a si fortement témoigné de son pouvoir révolu¬ tionnaire. On le sait : le soir de ses neuf ans. le 12 septembre 1909 Victor Paumelle. 1 m 80 « terriblement Intelligent ». a dé¬ cidé de connaître ; il en mourra, à 11 h 30 entraînant dans l’héca¬ tombe le guignol familial. Mais entre-temps, dans les trois heures de cette soirée d’anniversaire, quelle hécatombe opérée aussi dans les masques et les impostu¬ res. quelle allégresse dans la fé¬ rocité, quel pouvoir de destruction dans la poésie comique. Le regard de cet enfant (prodige, monstre) révèle le monstre dans le réel ; saisie à travers cet œil innocent et sauvage, la réalité bourgeoise livre sa trogne : bouffonnerie, car¬

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du 1er au 15 janvier 1923

naval. mensonge, pharisaîsme, tra¬ gédie dérisoire ; le regard de Vic¬ tor installe le monde bourgeois sur un théâtre qui en crache sou¬ dain la vérité brutale, comme dans la scène des comédiens d’« Ham¬ iet » (cette pièce à quoi Vitrac ne peut pas ne pas avoir pensé), jouée ici par deux enfants. Tout un mon¬ de d’horreur niaise — honorabilité, adultère, ligne bleue des Vosges —, tout un monde de tares, de bêtise, de conformisme lâche —, tout le monde de Labiche et de Feydeau, pris cette fois de délire, est con¬ duit. dans la folie bouffonne, jus¬ qu’à sa destruction : tout démé¬ nage. tout se désagrège, jusqu’au salon qui se déglingue (du moins dans cette mise en scène ; on se croirait dans < La noce des petits bourgeois, » de Brecht), comme se déglinguent aussi le langage, la mo¬ rale. et la France qui se prépare pour l’hécatombe. Cette mise en scène de Jean Bouchaud pour la Comédie de Caen est probablement exemplaire. On a rarement vu (en France) un tra¬ vail théâtral serrer une œuvre d’aussi près, avec une rigueur aus¬ si stricte, et une sensibilité aussi juste. Dans ce parti pris de décor et de mise en scène apparemment réalistes, l’insolite mine tout, fait son travail de sape ; l’insidieuse destruction se loge dans chaque geste, chaque parole, chaque re¬ gard des personnages à chaque instant, jusqu’à l’apocalypse grandguignolesque de la fin. Philippe Noël (Victor), dès le début, avec ses yeux bleus et ses boucles noires d’enfant génial mais d’en¬ fant triste, est de connivence avec la mort (et il a l’élégance qu’elle confère) avant même d’aller s’as¬ seoir, câlin, sur les genoux d’Ida Mortemart, cette mort pétomane, douce et superbe, qui passe dans la soirée comme l’Ange du Juge¬ ment. mais sans autre trompette que son infirmité. Pierre Santini (le père) joue avec une intelli¬ gence superbe l'apoplectique rete¬ nue des imbéciles autoritaires, Jacques Rispal qui joue le vrai cocu faux fou (on peut être vrai fou ?) qui a Bazaine pour fantasme, est prodigieux. Pas un comédien, pas une comédienne qui n’ait une miraculeuse justesse dans l’inso¬ lite et l’horreur comique. Ce spec¬ tacle au vitriol est une fête de l’intelligence dans son droit fil ré¬ volutionnaire.

On n’en pourrait dire autant de r « Antigone » de Brecht jouée à rOdéon par les Comédiens-Fran¬ çais. On ferait silence sur ce spec¬ tacle nul si cette nullité n’avait signification et si le monopole, que J.-P. Michel semble s’être acquis sur rOdéon pour des expériences d'un académisme navrant, ne deve¬ nait abusif. Jusqu’ici la ComédieFrançaise avait reculé devant Brecht, en tout cas s’était abste¬ nue d'y toucher. Même si cela condamne une institution théâtrale à ce point inapte à user d’un lan¬ gage dramatique contemporain, c’était un parti sage. La concep»tion que la Comédie-Française se fait de son rôle, de sa fonction, de la Culture. — conception « conservatrice » dans tous les sens — est. malgré qu’elle en ait. une conception ■ politique ». et cette conception est rigoureu¬ sement antinomique par rapport à l’usage, politique lui aussi, que Brecht nous propose du théâtre. Cet usage du théâtre à d’autres fins que celles d’un humanisme du divertissement, son insertion dans la Cité et dans l’Histoire, la Co¬ médie-Française n’y croit pas, elle le refuse, elle en a horreur. Or, cette allergie, elle ne peut pas la dissimuler, même quand elle abor¬ de Brecht par le biais prudent de Sophocle (et la tragédie grecque, c’est son « job » !), même quand elle choisit une adaptation où Brecht se contente de raconter le vieux mythe en homme qui vient, en 1947, de traverser l’ère nazie. Proférant ce texte, les ComédiensFrançais paraissent animaux exo¬ tiques des cacatoès dans la cage aux moineaux, aussi déplacés, aussi dérisoires ; ils débitent une langue étrangère qui devient à travers leur bouche, leur emphase, leur pathos déclamatoire, une platitude étale. Ils récitent, pour des gens assis dans des fauteuils, une fable qu’ils ont apprise par cœur, comme dans les matinées La Fontaine. Ils tournicotent dans l’aire de jeu sans raison, comme dans une salle des pas perdus, ils déclament comme sur « Cyrano de Bergerac ». Aucune des interroga¬ tions de Brecht, aucune des ques¬ tions qu’il veut nous amener à nous poser, visiblement ne les concerne. La chose se joue, ou plutôt se récite, dans des « images de destruction » d’un éclectisme rassurant, qui va de la ruine dori¬ que au champignon d’Hiroshima

en passant par Berlin 44 et l’image d’un mort traîné par deux soldats. Humanisme, toujours prêt ; analyse politique, connais pas. C'est la réflexion politique qui devrait, en revanche, gouverner le spectacle joué à la Cartoucherie par le « Théâtre de la Tempête » qu’anime Jean-Marie Serreau, « Le Printemps des Bonnets Rouges », du poète breton Paol Keineg. En fait, ce qui apparaît le plus évidem¬ ment, c’est le plaisir que prend (et que nous communique) Ser¬ reau. sorcier de l’espace théâtral, à manier la mécanique scénique. C’est un fort beau travail théâtral sur un canevas rhétorique, qui ac¬ corde peu de place à l’analyse po¬ litique. Paol Keineg. le poète d’une Bretagne aujourd’hui en révolte, le poète de ■ Chroniques et croquis des villages verrouillés », a com¬ posé une vingtaine de tableaux sur la révolte des paysans bretons, en 1675, contre l’oppression de Louis XIV, et la sauvage répression qui suivit. Révolte contre l’Etat — l’Etat français —, affrontement avec une bourgeoisie traître comme tou¬ jours, le peuple breton soumis à la double dictature terroriste de Dieu et du Roi, tous ces thèmes fournissent matière à images mo¬ biles dont Serreau joue en maître. L’aire de jeu est un long passage étroit sur lequel vient glisser, comnf>e sur un rail, un chariot qui porte des tableaux vivants (Louis XIV et sa Cour dans le style de Goya, la soumission de Bécassine, dans le style pompier, etc.) ; aux deux ex¬ trémités de ce passage, dans une lumière onirique, juchés sur des estrades, des pantins apparaissent et se répondent (le roi, un juge, Colbert...). Toute une geste épique s’anime, usant aussi, à l’occasion, des enluminures folkloriques. Mais on en reste à l’imagerie. Le spec¬ tacle est constitué d’une belle construction d’images scéniques, prenant malheureusement appui sur les images rhétoriques d’un texte trop fleuri, d’une poésie un peu bavarde, et qui sonne faux. Les images scéniques défilent com¬ me dans un film, mais le récit qu’on nous fait, le discours qu’on nous tient, est conventionnel, un peu simpliste, et maladroit. Dommage : les intentions sont généreuses, et c’est un beau travail. Gilles Sandier

23

CINEMA

Une naïve trahison Bernard Paul Beau Masque Si « Beau Masque », le film, se mesure à « Beau Masque », le livre, ce n'est pas là l'effet d'une soumis¬ sion aux fétiches de 1' « adapta¬ tion », mais parce que le premier tire sa substance du second, par¬ ce qu'ils élaborent un procès de prestige où se croisent les simili¬ tudes et les différences. Un dépla¬ cement de vingt années permet les unes et les autres. Lorsqu'on lui en demande explication, le respon¬ sable s'embarrasse. Il revendique et élude. Il était, assure-t-il, néces¬ saire d'adapter les péripéties de l'écrit à l'actualité de lutte des clas¬ ses, question d'efficacité, mais il soutient aussitôt que, à l'inverse, tout effort de reconstitution, d'ar¬ chéologie, serait démesuré au re¬ gard d'un résultat modeste. La cir¬ constance est donc semblable mais distincte, nouvelle mais superposa¬ ble. Aussi est-il tout à fait inutile de prononcer le réquisitoire d'une trahison qui avoue si naïvement son naturel et son innocence. Il suf¬ fit d'en repérer 1^ légalité, autre¬ ment dit : d'inscrire la contradiction qu'elle évite.

Un point critique « Beau Masque », le livre, est construit sur une fausse distancia¬ tion. Divers artifices, qui vont de l'emploi d'un imparfait ou d'un pas¬ sé simple « objectifs » à la repro¬ duction d'un journal et d'une cor¬ respondance où s'affirme, dans l'intemporalité du document, le pré¬ sent du témoin et des participants, multiplient les effets de recul. Or, l'espace ainsi libéré n'est pas épi¬ que mais nostalgique. Roger Vail¬ land avait adhéré au Parti Commu¬ niste Français en 1952, au cours d'une période difficile. La lutte était dure et la répression féroce ; c'était l'année de Ridgway et des arrestations. Le Parti, isolé, s'était replié sur lui-même. Une note cé¬ lèbre de Maurice Thorez était re¬ produite et commentée par Fran¬ çois Billoux ; le Secrétaire général y prenait ses distances avec le

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neutralisme, les classes moyennes et l'efficacité parlementaire. L'expé¬ rience Pinay enfin préludait à une politique d'« expansion » qui, re¬ layée par l'action de certains syn¬ dicats non cégétistes, provoquait quelque incertitude dans la classe ouvrière. Au contraire, l'année sui¬ vante, en dépit d'une répression toujours violente, les grandes grè¬ ves unitaires de l'été vont établir un nouveau courant, mais ce cou¬ rant {et aussi la mort de Staline et la fin de la guerre en Corée) correspond moins à ce que le voca¬ bulaire « optimiste » de la bourgeoi¬ sie appelle une « détente » qu'à la détermination de l'un de ces points critiques où le présent bascule vers le passé. Le roman de Vailland est publié, au début de 1954, sur le bord de la faille, mais il en récuse l'insistance ; il se détourne et se fige. La classe dirigeante y propose, sous une velléité d'exorcisme, les fan¬ tasmes de cette régression. Son « aristocratie » veut fasciner jusque dans la transparence immobile de ses « vices ». Face à elle, symétri¬ que (et non pas antagoniste), la classe ouvrière offre la rigueur de son équilibre (et non pas son orga¬ nisation). Pierrette Amable, qui préserve une harmonie entre les scrupules opportunistes de Mignot le fonctionnaire et les pulsions aventuristes de l'ancien FTP Vizille, est un parfait modèle thorézien. Mais cette perspective si bien ac¬ cordée dirige ses lignes de fuite vers l'arrière. Le personnage à de¬ mi mythique, sorte de Marty local, de r « ouvrier Cuvrot » qui incarne la continuité prolétarienne achève le tableau en y tenant le rôle du point focal. La grève de la FETA et la manifestation finale puisent leurs forces dans le souvenir des maquis de l'Ain et aussi, moins consciem¬ ment, dans la mémoire proche des années 47 et 48. Or l'histoire se dé¬ truit au fil de cette rétrospective ; elle s'y écrit en retrait. L'adaptation retranche encore. Certaines ablations sont secondai¬ res : elles se justifient par le re¬ port du poids de la fiction vers la classe ouvrière, quitte à négliger un peu le détail des conflits capi¬ talistes. Certaines sont plaisantes : le livre se terminait par l'annonce

de la reprise des relations commer¬ ciales avec la Chine, fournisseur en soie grège des filatures, et Pierrette présentait cette restaura¬ tion, qui parachevait le succès de la grève, comme une victoire du camp de la Paix. Certaines souli¬ gnent une esquisse de mutation narrative ; l'effacement de 1' « ou¬ vrier Cuvrot » insiste sur le dépla¬ cement chronologique et aussi sur un souci de rompre avec la raideur grammaticale du roman, de resti¬ tuer au film la « vie » et le « mou¬ vement » du présent et de l'indica¬ tif. D'autres modifications consti¬ tuent une véritable révision, non par rapport au livre lui-même mais à la politique qui en est le référent. Bernard Paul s'efforce de ne pas fétichiser le passé pour mieux en rejeter le plus encombrant. L'annu¬ lation soigneuse de toute allusion à la Chine populaire n'est, à la li¬ mite, qu'une dérobade divertissan¬ te. mais il est plus inquiétant que, chez Beau Masque, l'ouvrier immi¬ gré soit réduit à un pur fortuit. Vaillant racontait comment, avant de ramasser le lait dans les fermes, il avait, sur un chantier, réussi à regrouper pour un même combat travailleurs algériens et italiens. Bien loin d'excuser l'omission, la transposition temporelle aurait dû permettre une plus grande insistan¬ ce. L'absence d'un personnage se¬ condaire important, la déléguée de FO. adversaire et alliée de Pierret¬ te, n'est pas moins grave. Elle ef¬ face les contradictions syndicales. La CGT demeure seule sur une scène qu'elle occupe sans péril. Cette réduction a un mobile pré¬ cis, textuel. Le « Beau Masque » de Bernard Paul, c'est aussi l'anti« Coup pour coup ». Les élagages et les changements n'ont pas seule¬ ment pour fonction d'assurer l'ajus¬ tement de la fiction à l’heure du monopole et à la perspective élec¬ torale, mais aussi d’éliminer un obstacle « gauchiste ». Or, les con¬ tradictions ne sont jamais atta¬ quées de face, mais aplanies sous la résolution esthétique. La figura¬ tion élimine immigrés, droitiers et gauchistes au seul profit de l’assomption d'une CGT hyper-organi¬

satrice, voire dispensatrice de la conscience de classe, et destinée, surtout, à rejeter dans l’oubli les atermoiements que désapprouvait le film de Karmitz. De même la lut¬ te contre les cadences, dominante dans « Coup pour coup » et qui ap¬ paraissait au moins épisodiquement dans le roman, est à peu près com¬ plètement gommée au bénéfice de la seule lutte contre les licencie¬ ments. Ainsi, au lieu d'apporter une critique politique du sponta¬ néisme, le cinéma' de Bernard Paul se satisfait-il d'en proposer l’image inversée. L'aplatissement des contradic¬ tions va de pair avec la promotion du vraisemblable. La platitude idéa¬ liste d’un certain cinéma français reparaît. Coupés de l’histoire, iso¬ lés dans un temps uni et sur une scène neutre, les héros se replient dans leurs coquilles psychologi¬ ques. On pourrait s'étonner que. tant qu'à réduire, Bernard Paul n’ait pas complètement supprimé la part attribuée aux vedettes de la classe dominante. Ce serait mé¬ connaître que sa présence est, si modeste soit-elle, une garantie du sens. Ses sujets reflètent, renver¬ sent et justifient l’autre versant, ouvrier, du récit. L’antagonisme dis¬ paraît aussi au niveau de l’esthéti¬ que. On reconnaîtra là ce postulat que le co-scénariste, et assistant, du film, Jean-Patrick Lebel, définit comme « la nécessité de l’engrena¬ ge idéologique », l'obligation de vi¬ ser « au niveau » du public choisi, de lui apporter sa propre « média¬ tion esthétique (plaisir émotion) ». Fâcheusement la théorie de « Ciné¬ ma et idéologie » se voit ici détrui¬ te par la pratique ; c’est bien moins le prolétariat que la critique la plus bourgeoise qui a « reconnu » en Do¬ minique Labourier le « visage hu¬ main » de l’ouvrière et salué avec satisfaction la présence pure, sen¬ sible, intime, rassurante enfin, d'une très commune • histoire d’amour ». Louis Seguin

r.a Ouinzainc Littérain;

ROMANS ET RECITS FRANÇAIS

Jacques Brenner Plaidoyer pour les chiens . Coll. Idée fixe » Julliard, 138 p., 15 F Tout en apprenant à aimer son chien, Jac¬ ques Brenner s'interroge sur les raisons d'aimer ies hommes. Georges Perec Les revenentes • Coli. idée fixe » Julliard 127 p. 15 F Où ia deuxième des six voyelles fait la loi du récit : Perec l'y aide d'un coup de pouce, pour nous amuser... un peu.

ROMANS ET RECITS ETRANGERS

POESIE Maurice Rollinat Œuvres Tome II : Les Névroses Lettres modernes Minard 432 p. 66 F Barbey d'Aurevilly, Ver¬ laine et Léon Bloy ont salué ce poète postbaudelairien dont au¬ jourd'hui les grimaces nous amusent plus que ne nous touche l'inspi¬ ration. Saint-John Perse Œuvre • Bibliothèque de la Pléiade » Gallimard 1392 p. 68 F Aux œuvres de ce grand poète s'ajoute une cor¬ respondance (500 p.) très diverse quant à ses destinataires, et surpre¬ nante par l'impression qu'elle donne d'avoir été écrite en vue d'une pu¬ blication dans la Biblio¬ thèque de la Pléiade.

PHILOSOPHIE. J.R.R. Tolkien Le seigneur des anneaux Tome I La fraternité des anneaux Christian Bourgois 496 p. 45.90 F Le livre de Tolkien, au¬ jourd'hui classique dans le monde anglo-saxon, est ; un conte enfantin pour les adultes : une Saga englobant un uni¬ vers complet ; et, dit-il, un essai d'esthétique linguistique.

Ernst Cassirer La Philosophie des formes symboliques traduit de l'allemand par O. Hansen-Love et J. Lacoste Tome I Le langage Minuit 360 p. 35 F Tome II La pensée mythique Minuit 348 p. 35 F Tome III La phénoménologie de la connaissance Minuit 640 p. 65 F

« La philosophie des for¬ mes symDoliques • est une tentative pour fon¬ der une philosophie de la culture qui englobe non seulement la pen¬ sée théorique et l’acti¬ vité artistique, mais la pratique humaine en gé¬ néral, aussi bien l'usage de l'outil et les troubles du langage que les cé¬ rémonies religieuses et l'organisation de la cité. Paru à Hambourg entre 1923 et 1929. Hegel Science de la logique Premier tome. Premier livre L’être traduction, présentation, notes par P.J. Labarrière et G. Jarczyk « Bibliothèque philosophique » Aubier Montaigne 407 p. 55 F

HISTOIRE Philippe Erlanger La Reine Margot Académique Perrin 432 p. 33,60 F Un portrait historique et psychologique de la première femme d'Hen¬ ri IV : mais il fallait l'exposer au Salon de 1910. François Lebrun (sous la direction de) Histoire des pays de Loire Privât 460 p. Histoire depuis l'époque gallo-romaine, aperçus

archéologiques, évolu¬ tion de la vie des arts et des lettres dans les provinces de l'Orléanais, de la Touraine, de l'An¬ jou et du Maine. Bonne iconographie. François RibadeauDumas La destinée secrète de La Fayette Laffont 461 p. 32 F Cet ouvrage éclaire en particulier la carrière maçonnique de La Fayette et sa fréquen¬ tation des sociétés se¬ crètes pré-révolution¬ naires.

ESSAIS René Berger La mutation des signes « Coll. Médiation » Denoël Gonthier 416 p. 250 ill. 120 F La presse, la radio, le cinéma, la publicité, la télévision, l'automobile, l'avion, la mode et le tourisme nous soumet¬ tent à un bombardement de messages qui fait éclater les cultures tra¬ ditionnelles. Dr Jacques Chazaud Psychanalyse et créativité culturelle Privât 152 p. 19 F La psychanalyse a-t-elle pour seule tâche la le¬ vée des blocages qui pèsent sur la conduite d’un sujet, ou peut-elle l'assister dans l’accom¬ plissement de ses orien¬ tations personnelles ? Gérard Durozoi

Artaud « Coll. Thèmes et textes » Larousse 231 p. 8 F Artaud présenté aux élè¬ ves des classes termi¬ nales et aux autres étu¬ diants : une honnête réduction, s'il fallait absolument mettre ce tigre dans le moteur universitaire... Roger Guichemerre La Comédie avant Molière 1640-1660 Armand Collin 415 p.69 F Un moment de l’histoire et de la mécanique lit¬ téraire du rire ; une thèse sur le théâtre co¬ mique en France, au temps de Mazarin. Catherine Lamour et Michel R. Lambert! Les grandes manœuvres de l’opium Seuil 286 p. 25 F La géographie, l'écono¬ mie, ia politique et ia pratique du trafic de l’opium dans les pays producteurs, aujourd'hui. Robert Lattès Pour une autre croissance Seuil 154 p. 16 F L'auteur, mathématicien et physicien, membre du club de Rome, tout en rappelant en quoi consis¬ te pratiquement « maî¬ triser la croissance » (de l'espèce humaine), cherche les éléments d'une morale de la croissance.

Edward Lucie-Smith L’érotisme dans l'art occidental traduit de l'anglais par A. Clerval Hachette 287 p. 273 ill. 46 F Une iconographie de l'érotisme, principale¬ ment dans la peinture depuis le Moyen Age jusqu’au Pop'art, faite avec goût et Intelli¬ gence. Jean-Baptiste Say Traité d'économie politique « Coll. Perspective de l'Economlque » Calmann-Lévy 632 p. 35 F Ce protestant français contemporain de Malthus, de Ricardo et de Sismondi, compte parmi les fondateurs de la science économique et des théories du capita¬ lisme libéral. Maurice Toesca Vigny ou la passion de l'honneur Hachette 520 p. 45 F Etait-il nécessaire de couler une fois encore Vigny, dont on ne s'oc¬ cupe pas si souvent, dans le bronze du cli¬ ché ? Calder Autobiographie Traduction de Jean Davidson 16 pl. en coul., nombreuses ill. et documents en noir Maeght éd. 212 p.

La Quinzaine recommande

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Jean Carrière Hervé Bazin Françoise Giroud Alexandre Soljénitsyne Christopher Franck Maurice Clavel Patrick Modiano Roger Grenier Bertrand Blier Olivier Todd

L'épervîer de Maheux (Pauvert) Cri de la chouette (Grasset) Si je mens (Stock) Août 14 (Le Seuil)

1 1

La nuit américaine (Le Seuil)

1

Le tiers des étoiles (Grasset) Boulevards de ceinture (Gallimard) Ciné-Roman (Gallimard) Les valseuses (Laffont) L’année du crabe (Laffont)

6

1 2 1

4 7

3 2

LIHERATURE Cholem Aleichem Hector Bianciotti Jakob Lenz Leonardo Sciascia Josef Skvorecky

ESSAIS Jean Markale Henri Matisse Jaurès Medvedev Nicolas Ruwet

iste établie d'après les renseignements donnés par les libraires suivants : lijon. l’Université. - Grenoble. Arthaud. - Issoudun Cherri^. - Lille. ‘Furet du Nord — Montpellier, Sauramps. — Nantes, Coiffard. Nice, Paroles Aliscns, Fontalna. U Huna. JoH,. "''“"“a -1"as «ail. — Rannas, les Nourritures «trestres. — Royaa Mageiiau . S asourg. Les Facultés. — Toulon. Bonnaud. — Vichy. Royale.

Marc Soriano Sun Tzu

Le tailleur ensorcelé Un grand auteur yiddish Le moment qui s’achève Voir « La Oumuine » n° 153 Théâtre L’auteur du « Précepteur » Le contexte Voir « La Quinzaine » n° 154 Le Lionceau

Albin Michel

La femme celte Ecrits et propos sur l'art Le secret de la correspondance est garanti par la loi La censure postale en U.R.S.S. Langage, poésie, musique Dix essais de sémiotique Le dossier Charles Perrault Un homme double L'art de la guerre L’inspirateur de Mao, il y a quelques siècles.

Payot Hermann Julliard

Denoël LN L’Arche Denoël LN Gallimard

Seuil Hachette littérature Flammarion

25 du 1er au 15 janvier 1973

TELEVISION

Jean Schuster

Cocktail Peu familier du cinéma under¬ ground, « Clarisse ». de Jim Mac Bride, m'a donné envie d’en connaî¬ tre davantage. Non que la pauvreté des moyens me paraisse condition de réussite ; je n’aime rien tant, au cinéma, que le luxe, le fastueux, la recherche : je ne déteste rien tant que ces metteurs en scène qui cultivent l’ascèse pour préserver la pureté d’un prétendu message. Mais Bride a quelque chose à mon¬ ter, sa maîtresse en l’occurrence, il tient à la montrer toute nue, mora¬ lement parlant, et ça vaut la peine. Parce que Clarisse se promène royaiement dans la vie en ignorant sans aucune ostentation le tricot compliqué des bonnes et mauvai¬ ses mœurs. Et qu’il suffit de bra¬ quer pendant une heure sa caméra sur elle et de lui laisser raconter son histoire pour avoir une image

★ J’ignore si l’expression « vide ton sac » a. en anglais, le même sens figuré qu’en français, mais le film commence par cette injonction du réalisateur. Clarisse, très sage¬ ment, sort un à un tous les objets du sac et chacun d’eux dévoile une partie d’elle-même. Pendant une heure, donc, Clarisse m’a par¬ lé d’elle : je n’étais pas assis de¬ vant la télévision, ni dans un ciné¬ ma, mais dans un quelconque bis¬ trot de banlieue, auprès d’une fille abordée par hasard et par ennui, à l’écoute d’un récit qui coulait de source et dont la brûlure intérieu¬ re était pudiquement dissimulée par la modestie des péripéties. Et si ces lignes tombent sous les yeux de M. Mac Bride, ce qui m’étonne¬ rait, qu'il tâche de comprendre que c est là le plus fort compliment qu’un critique puisse adresser à un artiste.

★ Une évocation des dernières an¬ nées de Maupassant, confiée à M. Lanoux. on pouvait s’attendre au pire. Certes, M. Lanoux aime et connaît son sujet, mais lorsqu’il touche à quelque chose, c’est la chevelure des anges peignée au râteau. Cette fois pourtant, le papa du commandant Watrin a mis des gants beurre frais et le résultat est honorable. Mais quelle bizarre idée, ce procès de François Tassait, le fidèle valet de chambre! M. Lanoux lui reproche d’avoir empêché le suicide de son maître. Voilà qui té¬ moigne d’une éthique très origi¬

nale ou d’une propension à s’exhiber dans un manteau de casuiste.

★ Ou débat qui a succédé à la pro¬ jection du film « Bas les Masques » de Richard Brooks, sur les difficul¬ tés de soustraire la presse à l’inti¬ midation du gouvernement, des puissances d’argent et autres oli¬ garchies, je retiendrai les presta¬ tions de M. Bleustein - Blanchet, preux chevalier de la cause publi¬ citaire. où tout le monde il est d’une honnêteté de rosière, et de Mme Madeleine Jacob ; cette vieil¬ le dame qui. voici peu, défendait chaleureusement, sur ce même écran, la peine de mort (1). protes¬ ta contre ses confrères qui font trop de tapage autour de l’avorte¬ ment et du procès de Bobigny. Où croyez-vous que travaille Mme Ja¬ cob ? A « l’Aurore », au « Figaro », à « Minute » ? Non. A « l’Humanité Dimanche ».

★ Le niveau des dramatiques bais¬ se de semaine en semaine. Same¬ di 2 décembre, on pouvait traver¬ ser à pied sec la rivière qui sé¬ pare les studios de réalisation du bureau de M. Conte. C’était « l’Image » de feue Marcelle Maurette, sorte de « Sunset Boule¬ vard » du pauvre, mis en trémo¬ los par Jeannette Hubert et jouée par Alice Sapritch. qui passe pour un tempérament et qui arrivera peut-être à la cheville de Moreno dans une trentaine d’année.

★ « Je voudrais vraiment qu’on fi¬ nisse une bonne fois par compren¬ dre ce qu’il y a derrière ma pein¬ ture (car c’est ce qui m’intéresse exclusivement et justement cela seul ! la « question de forme » n’a jamais joué pour moi qu’un rôle subordonné, — voir le Blau Reiter. » Ainsi s’exprimait Kandinsky en 1925. Les auteurs de « Kandin¬ sky ou la nécessité intérieure » s en seraient voulu de tenir compte d’un propos aussi clair. Bien au contraire, en dépit d’un titre choi¬ si comme par antiphrase, ils nous ont gratifié d’un narcotique dépiautage de la seule théorie du Bauhaus, allant jusqu’à jouer avec des cercles, des triangles et des car¬ rés découpés dans du carton pour nous expliquer professoralement les . secrets - de Kandinsky. Il

n’était guère étonnant, dès lors, d’entendre M. Jean Dewasne pro¬ clamer que la « nécessité inté¬ rieure » établie par l’auteur de « Du spirituel dans l’art » comme l’unique moteur de la création ar¬ tistique, était une notion dépassée. Qui, en effet, a eu le léger mal¬ heur d’apercevoir une toile de M. Dewasne est bien convaincu qu’il ne saurait s’agir, avec lui, d’autre nécessité que de capter, à droite et à gauche, quelques recet¬ tes de cuisine picturale.

★ La poésie, à la Télévision, a tous les malheurs d’une fille des bois qui débarquerait à la gare SaintLazare sur le coup de six heures du soir : ensevelie sous le brou¬ haha, piétinée par toutes les semelles des pas perdus, elle n’émerge d’un vrac d’onomatopées sonores et visuelles que pour sti¬ puler son renoncement. Jusqu’a¬ lors, les « plain-chants » de Mme Hélène Martin n’illustraient que trop bien cette manière exténuée d’en traiter comme d’un passetemps pour retraités i.Tipubères. Un rythme gnangnan, des images pêchées dans la première corbeille à papiers venue et des acteurs strictement incapables de dire un vers. Avec Philippe Soupault, tout change. Je suis d’autant plus à l’aise pour l’affirmer que mon ad¬ miration, pour le poète comme pour l'homme, est des plus mo¬ dérées. Le poète est charmant, comme on dit, et sans plus ; l’homme ressemble à une lame Gillette. L’autre soir, pourtant, il est arr^é en simple équipage ly¬ rique, au train qu’il fallait pour nous faire les honneurs de ce rendez-vous des cochers, qu’il édi¬ fia voici un demi-siècle, et où l’apé¬ ritif est orangé. Hélène Martin, qui continue à ne pas savoir inter¬ préter un poème, est à créditer d’une mise en scène où, pour une fois, il y avait de la rigueur dans le débraillé et. surtout, du choix d’un jeune couple, David et Domini¬ que : c était merveille de les voir et de les entendre ; là, les mots ne se glissent pas dans le moule pré¬ fabriqué de la voix mais chacun poursuit l’autre en une course aventureuse dont le sens dernier est d’être toujours dérouté.

Conte, Baudrier et autres contre¬ maîtres de rU.D.R. doivent se mordre furieusement les doigts d’avoir invité Krivine à l’émission « A armes égales ». Ils s’atten¬ daient probablement à un cours de marxisme-léninisme assorti d’une lamentation sur la condition ou¬ vrière. A se rappeler les interven¬ tions de Krivine lors de la cam¬ pagne présidentielle, à suivre l’évolution de son parti, à méditer sur sa récente proclamation « Nous sommes des révolution¬ naires, non des révoltés » (comme si un révolutionnaire sans révolte était autre chose qu’un bureau¬ crate), tout laissait à craindre un duel de lieux communs dogmati¬ ques. Or. Krivine a pris tout le monde à contre-pied. Agressif à haute dose, théoricien juste ce qu’il faut, discourtois comme il convient, l’humour virulent de son film et l'acuité de ses propos nous rajeunissaient de quatre ans. Je pensais à cette mémorable table ronde du 16 ou 17 mai 1968 où Cohn-Bendit, Geismar et Sauvageot laissèrent, comme trois pièces de bœuf oubliées à l’étal de la bou¬ cherie d’une ville fantôme, trois ahuris, journalistes de la presse aux ordres, qui cherchaient à com¬ prendre, qui ne comprenaient pas. qui n ont toujours pas compris et qui ne Comprendront jamais. ^ Le vrai problème était posé d’entrée de jeu : une fois tous les 3 ou 4 ans, l’O.R.T.F. donne la pa¬ role à un véritable opposant. Le reste du temps, l’opinion publique est entièrement conditionnée par le pouvoir et. à un moindre degré, par l’opposition respectueuse. A ce compte, que signifient les sonda¬ ges et les élections ? Krivine était bien décidé à profiter à fond des deux heures qui lui étaient accor¬ dées. Réussite totale. M. Stasi, son adversaire, lui a très bien servi de faire-valoir. Pour ma part, si M. Conte voulait nous faire ca¬ deau d’une émission comme celleci tous les mois, je suis prêt à des bassesses, comme de me ren¬ dre aux cocktails où il lui arrive de m’inviter avec mes confrères. Au fait, que n’a-t-on organisé, le lendemain de ce « A armes éga¬ les ». un sondage pour savoir si les téléspectateurs désiraient re¬ voir Alain Krivine sur le petit écran ? Jean Schuster

26 I.a Quinzaine Littéraire

Table des auteurs et des ouvrages recensés dans l’année 1972 Qes noms des auteurs dont il a été parlé sont indiqués en ^ras)

John Duboqchet : Personne ne connaît Julien,’par Lionel Mirisch. N° 151. I”

novembre 1972.

Inédits La parole à Charles Fourier, par Emile Lehouck. N" 149. 1" octobre 1972. Deleuze parle de Guattari. N° 149. 1" octobre 1972. Comment parler de Gautier aujourd'hui? par Serge Fauchereau. N“ 151. 1" novembre 1972. Genet et Strindberg, par Guy Vogelweith. N" 149. 1" octobre 1972. Mon testament, par Nadejda Mandelstam. N° 142. 1" juin 1972. Ma méthode, par Claude Ollier. N° 150. 15 ocotbre 1972. Ecoute, petite homme, par Wilhelm Rekh. N“ 152. 15 novembre 1972. La vérité du roman, par Marthe Robert. N° 148. 15 septembre 1972. Deux lettres, par Victor Segalen. N° 134. 1" février 1972. Soljénitsyne remercie l'Académie suédoise. N° 148. 15 septembre 1972.

Jacques Durandeaux : Qu'elle, par Anne Fabre-Luce. N° 143. 15 juin 1972. Marguerite Duras: L'amour, par Anne Fabre-Luce. N° 134. 1” février 1972. Yvonne Escoula : La peau de la mer, par Guy Rohou. N° 142. 1" juin 1972. Mouloud Feraoun : L'anniversaire, par Maurice Chavardès. N° 143. 15 juin 1972. Paul Fournel : L'équilatère, par Anne Fabre-Luce. N° 141. 15 mai 1972. Jean Frémon : L’origine des légendes, par Paul Otchakovsky-Laurens. N° 154.

15 décembre 1972. Max Gallo : Le cortège des vainqueurs, par Jean Gaugeard. N° 150. 15 octobre

1972. Bruno Gay-Lussac : Dialogue avec une ombre, par Gilles Lapouge. N° 144. 1"

juillet 1972. Jean Giono: Œuvres romanesques I, par Christiane Baroche. N° 134. I*’ février

1972. Jean Giono: Les récits de la demi-brigade, par Christiane Baroche. N“ 139. 15

avri 1972. Jacques Godbout : D'amour P.Q., par Serge Fauchereau. N” 154. 15 décembre

Romans français

1972.

Robert André: Le séducteur, par Viviane Forrester. N° 149. T' octobre 1972. Philippe d’André: Les clefs, par Christiane Baroche. N’ 150. 15 octobre 1972. Colette Audry : L’autre planète, par Jean Gaugeard. N* 153. 1” décembre 1972. Nicole Avril : L'été de la Saint-Valentin, Les gens de Misar, par Christiane Baroche. N" 149. 1" octobre 1972. François-Marie Bannier : La tête la première, par Anne Fabre-Luce. N° 152. 15 novembre 1972. Henry Bauchau : Le régiment noir, par Paul Otchakovsky-Laurens. N° 146. 1” août 1972. Hervé Bazin : Le cri de la chouette, par Christiane Baroche. N° 150. 15 octobre 1972. Simone de Beauvoir: Tout compte fait, par Christian Baroche. N“ 148. 15 septembre 1972, Jean-Luc Benoziglio : Quelqu'un Bis est mort, par Anne Fabre-Luce. N" 151. 1"' novembre 1972. Georges Bernanos: Correspondance inédite, par Anne Fabre-Luce. N° 134. 1" février 1972. Georges Bernanos: Essais et écrits de combat, par Maurice Chavardès. N° 137. 15 mars 1972. Michel Bernard : Jean Sans Terre, par Alain Clerval. N° 137. 15 mars 1972. Celia Bertin: Je t'appellerai Amérique, par Alain Clerval. N” 137. 15 mars 1972. Jacques Blot : Les processions intérieures, par Jacques Pierre Amette. N” 139. 15 avril 1972. Alphonse Boudard : L'hôpital, une hostobiographie, par Christiane Baroche. N” 140. 1” mai 1972. Pierre Boudot : Les sept danses du Tétras, par Alain Clerval. N° 142. 1" juin 1972. Pierre Boudot: Le mal de minuit, par Claude Bonnefoy. N“ 150. 15 octobre 1972. Pierre Boulle : Les oreilles de jungle, par Christiane Baroche. N“ 141. 15 mai 1972. Philippe Boyer: Non lieu, par Anne Fabre-Luce. N“ 140. 1" mai 1972. Yves Buin : IIO"" rue à l'est, par Paul Otchakovsky-Laurens. N’ 137. 15 mars 1972. Louis Calaferte: Limitrophe, par Michel Bourgeois. N" 144. 1" juillet 1972. Jean Carrière: L’épervier de Maheux, par Christiane Baroche. N” 147. 1" septembre 1972. Jean Cayrol : Histoire d'un désert, par Paul Emond. N“ 134. 1" février 1972. Alain Chany : L'ordre de dispersion, par Anne Fabre-Luce. N” 150. 15 octobre 1972. Andrée Chedid : La cité fertile, par Michel Bourgeois. N" 150. 15 ocotbre 1972. Hélène Cixous : Neutre, par Anne Fabre-Luce. N° 140. 1” mai 1972. Georges Conchon : L’amour en face, par Michèle Albrand. N“ 150. ,15 octobre 1972 ^ Claude Courchay ; La vie finira bien par commencer, par Pierre Ferran. N" 146. 1* août 1972. Patrice Cournot: Le bonheur des autres, par Gilles Lapouge. N° 146. 1" août 1972 «r Charlotte Crozet ; Marianne ou les autres, par Vivianne Forrester. N“ 151. 1 Claude'^Delarue : Les collines d’agile, par Lionel Mirisch. N" J*' Claude Delmas: Le jeune homme immobile, par Jean Gaugeard. N

151. 1

AndiT'Dhote?:^L^hônorable Monsieur Jacques, par Christiane Baroche. N” 136. I” mers 1972.

Patrick Grainville : La toison, par Paul Otchakovsky-Laurens. N” 149. 1" octobre 1972. Roger Grenier ; Une maison pièce des Fêtes, par Paul Otchakovsky-Laurens. N” 137. 15 mars 1972. Roger Grenier; Ciné-Roman, par Christiane Baroche. N° 149. 1*’ octobre 1972. Georges Haldas : Chute de l’étoile absinthe, par Georges Piroué. N" 143. 15 juin 1972. Michel Huriet: La fiancée du roi, par Alain Clerval. N“ 138. 1" avril 1972. Edmond Jabès ; Aely, par Joseph Guglielmi. N” 134. 1" février 1972. Anne Roland Jacquet: Aria de capo, A cappella, par Anne Fabre-Luce. N" 138.

I" avril 1972. André Kédros : Le soleil cuivre, par Jacques Lacarrière. N° 145. 15 juillet 1972. Pierre Kyria : La mort blanche, par Hector Bianciotti. N° 154. 15 décembre

1972. Lia Lacombe: Bergamote, l’idiote, par Jean Gaugeard. N” 143. 15 juin 1972. Théo Lésoualc’h: Phosphènes, par Claude Bonnefoy. N” 148. 15 septembre 1972. Georges Londeix : Football, par Claude Bonnefoy. N° 149. 1” octobre 1972. Claude Louis-Combet ; Tsé-tsé, par Daniel Oster. N” 154. 15 décembre 1972. Arnold Mandel : Le périple, par Olivier de Magny. N° 154. 15 décembre 1972. Pierre Marsay : Les départs immobiles, par Alain Clerval. N° 147. 1” septembre

1972. Robert Merle: Malevil, par Lionel Mirisch. N° 142. 1*’ juin 1972. Patrick Modiano: Les boulevards de ceinture, par Christiane Baroche. N” 151.

V novembre 1972.

_

Irène Monési : Vie d’une bête, par Alain Clerval. N° 146. 1*’ août 1972. Maurice Mourier : Le miroir mité, par Michel Bourgeois. N” 152. 15 novembre 1972 Yves Navarre: Evolène, par Christiane Baroche. N" 147. 1" septembre 1972. Claude Ollier: La vie sur Epsilon, par Hector Bianciotti. N” 150. 15 octobre 1972. Antoine Orezza : Le grand amour, par Paul Hordequin. N” 142. 1" juin J972 Jean Pelegri : Le cheval dans la ville, par Jacques Pierre Amette. N° 140. 1*^ msi 1972 Georges Piroué : La vie supposée de Théodore Nèfle, par Claude Mettra. N” 153. 1*’ décembre 1972. Vincent Placoly : La vie et la mort de Marcel Gonstran, par A|ain Clerval. N 132. I” janvier 1972. , . , . 4.r René Pons : La baleine blanche, par Paul Otchakovsky-Laurens. N 144. 1 juillet 1972. , . „ Alain Rais: Le machiniste têtu, par Claude Bonnefoy. N° 137. 15 mars 1972. Jules Ravelon: La chevelure de Bérénice, par Christiane Baroche. N° 145. 15 juillet 1972. Christiane Rochefort : Archaos ou le jardin étincelant, par Viviane Forrester. N° 152. 15 novembre 1972. Guy Rohou : La rade foraine, par Alain Clerval. N° 139. 15 avril 1972. Guy Rohou : Le chat perché, par Pierre-François Piétri. N” 153. 1" décembre 1972. Gilles Rosset : Franchir la Bidassoa, par Christian Giudicelli. N° 152. 15 novem¬ bre 1972. Claude Roy: Nous, propos recueillis par Gilles Lapouge. N” 143. 15 juin 1972. Nathalie Sarraute : Vous les entendez, par Maurice Nadeau. N° 135. 15 février 1972.

27 du 1er au 15 janvier 1973

Nathalie Sarraute ; Vous les entendez, par André Dalmas. N' 135. 15 février 1972. Marcel Schneider: Le lieutenant perdu, par Gilles Lapouge. N" 151. 1" novembre 1972. Claude Schnerb : Je pense, par Jean Gaugeard. N° 146. 1" août 1972. Jean-Jacques SchuI : Rose poussière, par Raymond Jean. N” 143. 15 juin 1972. André Schwartz-Bart : La mulâtresse solitude, par Christiane Baroche. N” 138. 1" avril 1972. Simone Schwartz-Bart : Pluie et vent sur Télumée Miracle, par Guy Rohou. N° 151. 1" novembre 1972. Olivier Todd: L’année du crabe, par Olivier de Magny. N° 151. 1" novembre 1972. Frédérick Tristan: Le singe égal du Ciel, par Anne Villelaur, N' 153. 1*' décembre 1972. Roger Vrigny : La vie brève, par Alain Clerval. N“ 141. 15 mai 1972. Georges Walter: Des vols de Vanessa, par Christiane Baroche. N“ 154. 15 décembre 1972. Elle Wiesel : Célébration hassidique, par Rachel Ertel. N" 137. 15 mars 1972.

Littérature étrangère Nanni Balestrini : Tristan, par Paul Otchakovsky-Laurens. N" 147. 1" septembre 1972. Jürgen Becker : Champs, par Claude Bonnefoy. N“ 135. 15 février 1972. Ulrich Becher : La chasse à la marmotte, par Claude Bonnefoy. 1" septembre 1972. Quentin Bell : Virginia Woolf, a biography, par Diane Fernandez. N" 153. 1*’ décembre 1972. Saul Bellow : La planète de M. Sammier, par Hector Bianciotti. N" 154. 15 décembre 1972. José Bergamin : Le cou brûlan, par Jean Bécarud. N° 146. 1" août 1972. Hector Bianciotti : Ce moment qui s’achève, par Viviane Forrester. N“ 153. 1" décembre 1972. Jorge Luis Borges: Préface au « Rapport de Broglie ». N° 139. 15 avril 1972. Les Bronte : Ecrits de jeunesse, Emily Bronte : Wuthering Heights, par Jacques Josselin. N° 145. 15 juillet 1972. Cecil Brown : La vie et les amours de M. Jiveass le Nègre, par Jean Wagner. N® 147. V septembre 1972. Dino Buzzati : Les nuits difficiles, par Georges Piroué. N° 154. 15 décembre 1972. Elias Canetti : L’autre procès, par Dominique Fernandez. N" 142. 1" juin 1972. Julio Cortazar : «62». par Laure Bataillon. N° 132. V janvier 1972. George Crowther : Stérilisé pour votre sécurité, par Viviane Forrester. N° 136. I"' mars 1972. Stig Dagerman : L’île des condamnés, par Christiane Baroche. N® 144. 1" juillet 1972. J.P. Donleavy : Un honime singulier, par Paül Otchakovsky-Laurens. N® 133. 15 janvier 1972. José Donoso : L’obscène oiseau de nuit, propos recueillis par Hector Bianciotti et Severo Sarduy. N® 136. 1" mars 1972. William Eastlake : Portrait d’un artiste avec Vingt-six chevaux, par Jean Wagner. N® 139. 15 avril 1972. Shusaku Endo : Silence, par Claude Bonnefoy. N® 149. 1" octobre 1972. Andréas Fangias : La grille, par Jacques Lacarrière. N® 132. 1" janvier 1972. Jiri Fried : Hobby, par Claude Bonnefoy. N® 139. 15 avril 1972. Julian Gloag : Maundy, par Paul Otchakovsky-Laurens. N® 132. 1"" janvier 1972. Une conférence de Günter Grass, par Raymond Barthe. N® 133. 15 janvier 1972. Vassili Grossman : Tout passe, par Alain Besançon. N® 140. 1®’ mai 1972. Peter Handke : L'angoisse du gardien de but au moment du penalty, par Claude Bonnefoy. N® 149. V octobre 1972. Peter Hârtiing : La fête de famille, par Claude Bonnefoy. N® 135. 15 février 1972. John Hawkes : The blood oranges, par Thomas Mac Guane. N" 140. 1” mai 1972. John Hawkes : Le cannibale, par Viviane Forrester. N® 143. 15 juin 1972. Hermann Hesse : Diverses œuvres, par Diane Fernandez. N® 136. 1" mars 1972. William Humphrey : D’un temps et d’un lieu, par Viviane Forrester. N® 139. 15 avril 1972. Henry James : La maison natale, par Diane Fernandez. N® 146. 1*® août 1972. Franz Kafka : Lettres à Felice, par Dominique Fernandez. N® 142. 1" juin 1972. Jack Kerouac : Visions de Gérard, par Viviane Forrester. N® 142. 1" juin 1972. Tadeusz Konwicki : L’ascension, par Marcel Péju. N” 136. 1" mars 1972. Miroslav Krieza : Mars dieu croate, par Claude Bonneroy. N® 133. 15 janvier 1972. Lenau : Faust, par Georges-Arthur Goldschmidt. N® 141. 15 mai 1972. Léonid Leondv : Le voleur, par Georges Nivat. N® 134. 1" février 1972. Osman Lins : Retable de sainte Joana Carolina, par Hector Bianciotti. N® 132. 1*' janvier 1972. Malcolm Lowry : En route vers l’île de Gabriola, par Viviane Forrester N® 145 15 juillet 1972. Bernard Malamud : Portraits de Fidelman, par Irène Bail. Nw 134. 1" février 1972. Mary Mc Carthy : Les oiseaux d’Amérique, par Viviane Forrester. N® 146. 1" août 1972. Jchn McGahern : Lignes de fond, par Serge Fauchereau. N® 134. 1" février 1972. Nadjda Mandelstam : Contre tout espoir, par Georges Nivat N® 137 15 mars 1972. Yukio Mishima : Confession d’un masque, par Claude Bonnefoy. N® 137. 15 mars Mohammed Mrabet : L’amour pour quelques cheveux, par Viviane Forrester N» 138. 1" avril 1972. fris Murdoch : Le rêve de Bruno, par Christiane Baroche. N® 133. 15 janvier 1972 Vladimir Nabokov : Roi. dame, valet, par Viviane Forrester. N® 136. 1" mars 1972

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Boulât Okoudjava : Pauvre Avrossimov, par Yolande Caron. N" 145. 15 juillet

1972. Juan Carlos Onetti : La vie brève, par Maryvonne Lapouge. N® 132. 1" janvier 1972. Cesare Pavese : Nuit de fête, par Jean-Noêl Schifano. N” 148. 15 septembre 1972. Octavio Paz : Le labyrinthe de la solitude, par Viviane Forrester. N® 148. 15 septembre 1972. Octavio Paz : Le labyrinthe de la solitude, le Singe grammairien, par Viviane Forrester. N" 148. 15 septembre 1972. Manuel Puig : Le plus beau tango du monde, par Albert Bensoussan. N® 142. 1" juin 1972. Eça de Oueiros : Les Maia, par Alvaro Manuel Machado. N® 143. 15 juin 1972. Joseph Roth : Le prophète muet, par Claude Bonnefoy. N" 146. 1" août 1972. Severo Sarduy: Cobra, par Hector Bianciotti. N® 149. 15 avril 1972. Leonardo Sciascia : Le contexte, par Hector Bianciotti. N® 154. 15 décembre 1972. Alexandre Soljénitsyne; Août 14, par Maurice Nadeau. N® 148. 15 septembre 1972. Dumitriu Tsepeneag ; Exercices d’attente, par Claude Bonnefoy. N" 141. 15 mai 1972. Stratis Tsirkas ; Cités à la dérive, par Jacques Lacarrière. N” 132. 1" janvier 1972. Ludvik Vaculik : La hache, par Claude Bonnefoy. N® 139. 15 avril 1972. Elio Vittorini : Les villes du monde, par Jean-Noël Schifano. N" 145. 15 juillet 1972. Viva : Superstar underground, par Jean Gaugeard. N® 147. 1" septembre 1972. John Wain : Un ciel sous l’autre ciel, par Viviane Forrester. N® 140. 1" mai 1972. Martin Walser ; Fiction, par Claude Bonnefoy. N” 140. 1" mai 1972. Tennessee Williams: Théâtre III et IV, par Jean Wagner. N® 139. 15 avril 1972. Jeanne Fayard : Tennessee Williams, par Jean Wagner. N® 139. 15 avril 1972. S.l. Witkiewicz : L’adieu à l’automne. Alan van Crugten : S.l. Witkiewicz aux sources d’un théâtre nouveau, par José Pierre. N” 144. 1*' juillet 1972. Christa Wolf : Christa T, par Claude Bonnefoy. N® 142. M" juin 1972. Piotr Yakir ; Une enfance russe, par Victor Fay. N® 154. 15 décembre 1972.

Lettres de l’étranger Qui a tué Feltrinelli ? N® 142. 1" juin 1972. La poésie française à Edimbourg, par Jean-Pierre Attal. N® 148. 15 septembre 1972.

Poésie Yves Bonnefoy: L’Arrière-pays, par Maurice Nadeau. N® 141. 15 mai 1972. André du Bouchet : Qui n’est pas tourné vers nous, par Pierre Chappuis. N® 139. 15 avril 1972. Michel Butor: Travaux d’approche, par Xavier Delcourt. N® 143. 15 juin 1972. Claude Michel Cluny : La mort sur l’épaule, par Hector Bianciotti. N® 143. 15 juin 1972. Arthur Cravan : J’étais cigare (Maintenant), par Serge Fauchereau. N® 135. 15 février 1972. Pierre Délia Faille : Requiem pour un ordinateur. L’homme glacial, A l’est des Pharisiens, par Serge Fauchereau. N® 144. 1" juillet 1972. Christian Dietrich Grabbe : Plaisanterie, satire, ironie, par Serge Fauchereau. N® 135. 15 février 1972. Franz Hellens, par Guy de Bosschère. N® 135. 15 février 1972. Philippe Jacottet : La semaison, par Pierre Chappuis. N® 134. 1" février 1972. Guy Lévis Mano : Loger la source, par Serge Fauchereau. N® 132. 1*" janvier 1972. Georges Limbour : La noble fleur de feu. N® 140. I" mai 1972. Lycophron : Alexandra, par Jean Frémon. N® 132. 1" janvier 1972. Malherbe : Œuvres, par Jean-Pierre Attal. N® 136. 1" mars 1972. Ossip Mandelstam : Le bruit du temps, La rage littéraire, par Georges Nivat. N® 138. 1" avril 1972. Tsabel Meyrelles : Anthologie de la poésie portugaise, par Alvaro Manuel Machado. N® 133. 15 janvier 1972. Henri Meschonnic : Dédicaces proverbes, par Pierre Pachet. N® 138. 1*' avril 1972. André Lebois : Fabuleux Nerval. Gérard Schaeffer : Le voyage en Orient de Nerval. Jacques Géninasca : Analyse structurale des chimères, par Bernard Noël. N® 142. I*' juin 1972. Bernard Noël : Le château de Cène, Le lieu des signes. Souvenirs du pâle, par Paul Otchakovsky-Laurens. N® 132. 1*' janvier 1972. Bernard Noël ; La peau et les mots, par Jean Frémon. N® 144. 1" juillet 1972. Poètes canadiens, par Serge Fauchereau. N® 143. 15 juin 1972. Ezra Pound, par Serge Fauchereau. N® 152.- 15 novembre 1972. Rainer Maria Rilke ; Œuvres 2 Poésie, par Mireille Gansel. N® 149. 1" octobre 1972. Yannis Ritsos : Pierres, répétitions, barreaux, par Jacques Lacarrière. N® 132. I*' janvier 1972. Hélène Sevestre : Poèmes sauvages, par Hector Bianciotti. N® 142. I" juin 1972. Pierre Torreiiles : Le désert croît, par Jean Frémon. N® 141. 15 mai 1972. Jean Tortel : Limites du regard, par Joseph Guglielmi. N" 140. 1* mai 1972. Georg TrakI : Œuvres compiètes, par Jacques Sojcher. N® 145. 15 juillet 1972. Georg TrakI : Œuvres complètes. Jean-Michel Palmier : Situation de Georg TrakI, par Jacques Sojcher et Henri Meschonnic. N" 145. 15 juillet 1972. Tristan Tzara; Trois poèmes inédits (1912-1915). Traduits par Serge Fauchereau. N® 141. 15 mai 1972. Pierre Unik : Chant d’exil, par Serge Fauchereau. N® 152. 15 novembre 1972. Fernand Verhesen : Franchir la nuit, par Guy de Bosschère. N® 152. 15 novem¬ bre 1972. Claude Vigée : Le soleil sous la mqr, par Jean-Yves Lartichaux. N® 141. 15 mai 1972.

La Quinzaine Littéraire

Histoire littéraire Pierre Barbéris : Balzac et le mal du siècle, par Louis Forestier. N° 154. 15 dé¬ cembre 1972. L’insolite Defontenay, par J.J. Marchand. N° 138. 1" avril 1972. Serge Fauchereau ; Théophile Gautier, par Hubert Juin. N" 154. 15 décembre 1972, A la recherche d’Hervey de Saint Saint-Denys, par B.A. Schwartz. N° 145. 15 juillet 1972. Retour à Maupassant, par Louis Forestier. N® 138. 1" avril 1972. Nouveau roman hier, et aujourd'hui, par Anne Fabre-Luce. N“ 154. 15 décembre 1972. Sur une phrase de Rimbaud, par Pascal Pia. N° 152. 15 novembre 1972. Romantisme de Lamartine, par Hubert Juin. N° 152. 15 novembre 1972.

Entretiens Noam Chomsky. Propos recueillis par Herman Parret. N° 153. 1*'^ décembre 1972. Deleuze et Guattari s'expliquent. N° 143. 15 juin 1972. Avec Jacques Derrida, par Lucette Finas. N° 152. 15 novembre 1972. Avec Pierre Gascar. Propos recueillis par Claude Mettra. N“ 152. 15 novembre 1972. Entretien avec Paul Goma. Propos recueillis par Claude Bonnefoy. N° 154. 15 décembre 1972. Osman Lins. Propos recueillis par P.-O. Seirra. N“ 147. 1« septembre 1972. Maurice Roche (Circus). Propos recueillis par Anne Fabre-Luce. N“ 139. 15 avril 1972. Leonardo Sciascia. (l’Evêque, le vice-roi et les pois chiches). Propos recueillis par Jean-Noël Schifano. N” 137. 15 mars 1972. Avec Philippe Sollers. Propos recueillis par Denis Roche. N° 144. 1®'’ juillet 1972. Strindberg vous parle. N” 132. I^r janvier 1972. Gilbert Toulouse. Propos recueillis par Adélaïde Blasquez. N“ 138. I®*^ avril 1972. Stratis Tsirkas. (Cités à la dérive). Propos recueillis par Claude Bonnefoy. N° 136. 1«'‘ mars 1972.

Mémoires Raymond Abellio : Ma dernière mémoire, par Marc Hanrez. N“ 140. 1“ mai 1972 Francis Jammes : Mémoires, par Michel Décaudin. N® 140. I^-^ mai 1972. André Thirion : Révolutionnaires sans révolution, par Maurice Nadeau. N 135. 15 février 1972.

Essais John Brown : Panorama de la littérature contemporaire aux Etats-Unis, par Serge Fauchereau. N® 136. I*"^ mars 1972. ... Richard Caroll : Les bandits, par Gilles Lapouge. N® 135. 15 février 1972. Annie Claude Dobbs : Dramaturgie et liturgie dans I œuvre de Gracq, par Anne Fabre-Luce. N° 144. I**’ juillet 1972. Charles Dobzynski : Miroir d'un peuple, par Rachel Ertel. N® 133. 15 janvier 1972. JearbMarie Domenach : Emmanuel Mounier, par Maurice Chavardès. N® 139. Umberto Eco : La structure absente, par Jacqueline Risset. N® 146. 1®*^ août 1972 Christian Enzensberger : Essai de quelque envergure sur la crasse, par Xavier Delcourt. N® 135. 15 février 1972. . Jean-Pierre Faye : Iskra, par Anne Fabre-Luce. N 143. 15 juin 1972. Dominique Fernandez : L'arbre jusqu'aux racines, par Paul Otchakovsky-Laurens. Mo *138 1^** avril 1972. _ Lucette Finas : La crue, par Jean-Noël Vuarnet. N° 150- 15 octobre 1972 Xavière Gauthier : Surréalisme et sexualité, par Gilles Lapouge. N 136. 1 mars

1972

Gérard Genette : Figures III, par Roland Barthes. N® 150. 15 octobre 1972. Hubert Juin : Ecrivains de l'avant-siècle, par Serge Fauchereau. N 144. 1 juilArthlfr^ Ko^estler :

L’étreinte du crapaud, par Christiane Baroche. N®

137.

Oto Bihaiji-Merin : Les Maîtres de l’art naïf, par Jean Selz. N” 150. 15 c^ctobre 1972. G.P. Broutin et divers : Lettrisme et hypergraphie. Jean-Marc Poinsot : Mail art... Udo Kultermann : Hyperréalisme, par José Pierre. N® 148. 15 septembre 1972. Manuel Castells : La question urbaine, par Marielle Gros et Antonio Rodrigues. N® 149. 1«r octobre 1972. Le stade et l’ordinateur, par Marcel Jean. N® 134. I*'’ février 1972. Hubert Damisch : Théorie du nuage, par Jean-Louis Schefer. N® 148. 15 sep¬ tembre 1972. Dictionnaire des œuvres érotiques, par Claude Fournet. N® 132. I*'' janvier 1972. Claude Esteban : Chillida. José Pierre : La sculpture de Cardenas, par Jean Selz. N® 138. 1^'^ avril 1972. Entretien avec Folon : Propos recueillis par Françoise Choay. N® 132. 1>, et l’on y verrait plus jus¬ tement la manifestation de ce qui, peut-être, a permis à Michaux d’échapper à cette hautaine rési¬ gnation observable chez d’autres, à cette poésie oraculaire qui est devenue, par son retrait même, mais bien malgré elle, une sorte de spécialisation. Connaissance et impossibilité de connaître, savoir et ignorance comme ombre même du savoir, clarté de l’exposition et fuite irré¬ ductible : nul ouvrage ne s’offre, avec plus d’exigence et d’honnê¬ teté que ceux de Michaux, à ces difficiles oscillations. Claude Mouchard

La Quinzaine Littéraire

sait, une plioto est peut-être une fixation dangereuse de soi devant l’antre. L’on risque d’y être pris pour cible. Mieux vaut ne pas offrir de jjrise. Tous les refus de {)articiper, chez Michaux, trahis¬ sent le même état de profonde méfiance. En fin de compte pourtant, ]>eut-être vaut-il mieux ne pas bouger, ne pas se découvrir. « Soyons prudent, dit le poète. Tenons-nous coi. » Et si, d’un côté, il y a un Michaux voyageur, fuyant les lieux où il se trouve, partant pour brouiller les ])istes, il y a, d’autre part, un Michaux terré chez soi, qui considère tous les endroits environnants du même œil plein de circonspection. « Les pays, on ne saurait assez s’en méfier. » Se méfier des lieux où l’on se rend. Se méfier aussi du lieu où l’on est. Se méfier de tout et de tous. Il y a chez Michaux une volonté continuellement réaffir¬ mée de ne pas participer, de ne pas accepter de vivre au milieu des autres, de ne pas accepter le monde et de ne pas y bâtir sa maison. N’importe où il est, il adopte immédiatement une posi¬ tion de défense. Le geste essentiel est celui du refus. Un refus si net qu’il équivaut à un rejet. Je re¬ pousse les avances du dehors, quelles qu’elles soient, parce que le dehors est mon ennemi et qu’il menace toujours le dedans. De toutes les attitudes prises par Michaux pour se soustraire à la nocivité universelle, il n’en est pas de plus grave. L’être menacé se ramasse sur lui-même, il se donne le plus petit volume possi¬ ble, afin d’offrir le moins de surface aux coups. Déjà, cela se voit dans l’espèce d’occlusion ou d’oblitération de soi par laquelle l’esprit, chez Michaux, tend à se dérober à ce qui le tourmente. Oublier l’exis¬ tence du mal, clore sa pensée à ce qui pourrait l’assombrir, inter¬ dire à ses sens d’enregistrer un spectacle insoutenable, telle est la démarche adoptée par Michaux pour abolir, ne serait-ce que par un simple acte de dénégation, la présence de ce qui le fait souffrir. LTn exemple : il souffre d’un mal d’oreilles. « Je me. concentre, dit-il, j’efface la souffrance de Voûte. » Cette suppression par une omission volontaire, c’est ce que souvent Michaux voudrait faire pour la création tout entière. Car elle est insupporta¬ ble comme un mal d’oreilles. Michaux rêve de passer sur le monde « la grande éponge ». Mais plus radical encore que l’oubli, même volontaire, est le ramassement sur soi. Ici le refus

du 16 au 31 janvier 1973

devient véritablement tangible. C’est du concentré ! Nombreux sont les textes où Michaux expri¬ me ce refus explicite {)ar le sym¬ bole de la boule : Je suis parfois si profondément engagé en moi-même en une boule unique et dense que, assis sur une chaise, à pas deux mètres de la lampe posée sur ma table de travail, c’est à grandpeine et après un long temps que, les yeux cependant grands ou¬ verts, j’arrive à lancer jusqu’à elle un regard. Une émotion étrange me saisit à ce témoi¬ gnage du cercle qui m’isole. Il me semble qu’un obus ou la foudre même n’arriverait pas à m’atteindre, tant j’ai de matelas de toutes parts appliqués sur moi. Parlant de lui-même à la troi¬ sième personne, il emploie le même métaphore : Jusqu’au seuil de l’adolescence il for¬ mait une boule her¬ métique et suffisante, un univers dense et personnel et trouble où n’entrait rien, ni parents, ni affections, ni aucun objet... (Il) s’en tenait à son mi¬ nimum. La concentration devient donc une minimisation, une réduction au moindre volume. Il faut « ra¬ masser en soi », dit un des per¬ sonnages de Michavix, « quelque chose de si petit que, même mort, on le tienne encore ». Dieu luimême est une boule. S’imaginant, après sa mort, non

dispersé dans l’univers, mais au contraire contracté snr lui-même, survivant en dépit de la mort et du monde grâce à cette réimpli¬ cation posthume, Michaux se dé¬ crit de la façon suivante :

Mais mieux vaut encore — c’est plus j)rudent — se donner une dureté en j)rofondeur : « Je de¬ viens dur comme du béton. Je m’oppose à toute intrusion. Je me fais bloc. »

Je fus transporté après ma mort... dans l’immensité du vide éthérique. Loin de me laisser abattre par cette immense ouver¬ ture en tous sens à perte de vue, en ciel étoilé, je me rassem¬ blai et rassemblai tout ce que j’avais été et ce que j’avais été sur le point d’être, et enfin tout ce que, au calen¬ drier secret de moimême, je m’étais pro¬ posé de devenir, et ser¬ rant le tout, mes qua¬ lités aussi, enfin mes vices, dernier rempart, je m’en fis carapace.

Le durcissement de soi est donc essentiellement un acte de résis¬ tance. Mais il est tout passif. Par delà cette pétrification défensive, il reste encore à Michaux d’au¬ tres ressources non utilisées jus¬ qu'alors. Tel est le dernier point — et le plus surj)renant — que nous ayons à considérer. Jusqu’à présent Michaux nous est constam¬ ment apparu comme victime de sa ])ropre faiblesse. S’il est éter¬ nellement brutalisé, c’est que sa débilité native attire sur lui l’hos¬ tilité générale. Michaux n’oppose alors à la méchanceté du monde externe que l’endurance, la pa¬ tience, la résignation, vertus pra¬ tiquées par les faibles. Or, voici que se révèle en lui, à de cer¬ tains moments exceptionnels, avec une soudaineté et une bargne dé¬ concertantes, une puissance de réaction positive qui, chez lui, est la ressource suprême, la force de contre-attaque toujours obscu¬ rément tapie au fond de la nature des faibles.

On le voit, à l’espace ouvert définitivement hostile, Michaux oppose l’espace fermé, interne, son espace à lui. A la différence du premier, l’espace fermé offrira la protection d’une matière non perméable. Nous nous trouvons ici en présence d’une conception de la réalité aussi éloignée que possible de celle décrite quelques pages plus haut. Dans les exem¬ ples cités jusqu’ici, Michaux ten¬ tait d’échapper à la vindicte de la matière adverse par la docile plasticité de sa substance à lui. Ici, il veut s’y dérober par une matérialisation contraire, celle réalisée par le durcissement pro¬ tecteur. Menacé iusque dans ses retranchements, Michaux se veut dur. Cette dureté peut être toute externe, sorte de croûte à l’abri de laquelle l’être, intérieurement, préserve en quelque sorte son élasticité initiale. Tel est l’appareil défensif du crabe ou du crustacé.

Henri Michaux : Peinture à l’encre de Chine, 1969

Cette force se manifeste en premier lieu sous l’aspect de la haine. Michaux est le souffredouleur qui se retourne contre ses persécuteurs, le mouton qui devient enragé, le hérisson dar¬ dant soudain ses picots. Par intermittence, mais violemment, des tendances colériques se font jour chez Michaux : « J’ai besoin de haine et d’envie... J’écris... à la suite d’une colère... J’eus Vins¬ piration de diriger ma fureur. » Haine contestataire qui, à son apogée, devient universelle. Elle vise la totalité ambiante, c’est-àdire non pas seulement la civili¬ sation, mais le destin : Une force extraordi¬ naire s’est levée en moi... la haine contre la destinée. Or, la haine n’est pas un senti¬ ment passif. Pourvu qu’elle s’allie à la force et qu’elle trouve devant elle un point de mire, elle se projette à l’extérieur. A l’attaque réjjond la contre-attaque. Les rôles sont renversés : « Je fonce à mon tour... Je contre, je contre. » Il n’est plus question de se rouler en boule, de se réduire à un minimum. Michaux porte la guerre au-delà de ses frontières, déploie ses forces, jette dans l’es¬ pace périphérique sa présence et son action. A l’opposé du rétré¬ cissement de l’être perçu dans sa faiblesse et opprimé par Te8{)ace ambiant, on trouve cbez Michaux

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un gonflement volontaire de l’être, sorte de grossissement de soi comparable à la fameuse trans¬ formation de la grenouille en bœuf. Cela peut se faire sous remj)ire de la colère comme sous l’influence de l’amour : « L'amour, c'est une occupation de l'espace », écrit Micbaux. Cela peut avoir lieu encore sous l’ac¬ tion de la souffrance, puissance multipliante et diffusive, qui sem¬ ble donner à la conscience une étrange ubiquité : A force de souffrir je perdis les limites de mon corps et me démesurai irrésistible¬ ment. Mais de toutes les expansions la plus évidente, surtout quand elle est hyperactivée par les exci¬ tants, c’est celle de la vie et de l’esprit. Toute une série de textes chez Michaux se rapportent à cette prodigieuse dilatation de la pensée : La nuit passée, j'ai pris de l'éther. Quelle projection ! Et quelle grandeur !

L'éther arrive à toute vitesse. En même temps qu'il apjyroche, il grandit et démesure son homme qui est moi, et dans F Espace le prolonge et le pro¬ longe sans avarice, sans comparaison au¬ cune. Il reçoit un alluvionnement constant, énorme, inconnu, en tous sens, dont il n'au¬ rait jamais eu l'idée, d'une ampleur qui le dépasse, (Tune impor¬ tance qui le soulève, que rien ne pourrait exprimer, d'une déme¬ sure inouïe... Expan¬ sion en éventail, non pas en éventail, en sphère qui se dilate, qui plus se dilate, qui se dilate au maximum, et pourtant, après, ça se dilate encore et il doit toujours davan¬ tage se magnifier, se donner une plénitude

plus grande, s'offrir au soc indivisible qui la¬ boure son être en vue d'une nouvelle, d'une nouvelle immensément grande ouverture. Ici, l’étendue qui se trouve pro¬ gressivement occupée par la pen¬ sée dilatée, semble ne plus rien avoir de commun avec l’espace hostile envahissant, décrit au début. L’ouverture n’est plus une dangereuse exposition aux coups de l’ennemi, c’est un lieu d’accueil où la pensée se diffuse librement. Jadis refoulé sur lui-même par l’espace, le poète retourne son rôle, part à la conquête de cet espace, en fait la propriété de son moi amplifié. « Depuis plus de dix ans, je fais surtout de l'occu¬ pation progressive », note Mi¬ chaux. Il poursuit une aventure qui, dit-il, « l'immensifie ». Et encore, dans un de ses derniers livres : « Je devenais capable de ressentir de plus en plus d'es¬ pace... » Ressentir de plus en plus d’es¬ pace ! Sans doute cette diffusion de l’esprit réalisée à une échelle

vertigineuse, peut se faire dans la tension, dans l’angoisse, dans la souffrance, dans l’impossibilité pour l’esprit d’assimiler tant de grandeur. Et alors, comme avant, comme toujours, l’espace devient le lieu de la dispersion, de l’écar¬ tèlement de soi dans tout le champ de l’étendue. Mais il arrive aussi à Michaux d’éprouver l’es- . i pace sous une forme directement . contraire. 11 n’est plus alors le “ lieu de la désunion, mais celui de j l’unité et de la totalité — unité C et totalité dans lesquelles, avecM un frisson de bonheur, la pensée* se fond et se perd, consciente de I ne plus faire qu’un avec cette ■ réalité universelle : « Etat sans H alternance comme sans mélange, 9! où la conscience, dit Michaux, dans une totalité inouïe, règne i sans antagonisme aucun. » f Ainsi aboutit étrangement à une réconciliation finale avec l’espace cette pensée qui semblait ne de¬ voir jamais cesser d’expérimenter sur elle-même l’antagonisme du monde spatial. Georges Poulet

Henri Michaux

Le vertige des possibles La fascination et le malaise qui s’attachent à la lecture du « Voyage en grande Garabagne », composé en 1936, tiennent peutêtre au fait qu’il demeure impos¬ sible pour le lecteur de situer le lieu d’où jaillit la parole de Mi¬ chaux. Contrairement à certaines œuvres qui révèlent leur lieu d’an¬ crage — pour négatif que soit ce dernier — par une sorte de foyer obscur, mais pourtant privilégié (je pense au vide événementiel des romans de Robbe-Grillet, par exemple) le texte de Michaux sem¬ ble s’énoncer depuis un lieu non pas nul, mais constamment annu¬ lable à travers ses divers mouve¬ ments. D’une manière tout à fait remarquable il résiste à l’interpré¬ tation, s’obstine dans le pur para¬ doxe de l’être et ou du non-être. Dérouté non par son « inquié¬ tante étrangeté », mais plutôt par son « inquiétant naturel », il est aisé pour le lecteur ou le critique de voir dans les mœurs des Emanglons et des autres groupes qui peuplent la grande Garabagne une version moderne des « Lettres per¬ sanes ». Les rites cruels des Macs

8

ne sont-ils pas la pointe extrême de notre éthique coupable ? Leur cruauté paraît facilement identifia¬ ble en termes de pur excès par rapport à la nôtre. Mais que dire alors de leur horreur des fenêtres ou de leur dilection pour la pêche nocturne ? Faut-il recourir à l’inter¬ prétation psychanalytique et y voir un effet du désir de protection de la part de l’écrivain ?... Rien n’est moins sûr. Sans doute serait-il pré¬ férable de laisser le texte renvoyer à sa propre clôture et de recon¬ naître que les dispositions menta¬ les des habitants de cet « ailleurs » soulignent l’existence d’un code inhérent au procès même de l’écri¬ ture chez Michaux. Grâce à une technique constante de déphasages, de gauchisse¬ ments et de décalages — si sen¬ sibles d’ailleurs dans le person¬ nage de Plume, par exemple — Michaux élabore comme à dis¬ tance, avec une énonciation gla¬ cée, des structures transparentes, des arborescences qu’on dirait cristallines comme des stalactites ; elles en ont le tranchant froid, na¬ turel et la fragilité perfide... En

effet, ces « architectures » de peu¬ plades aux jeux cruels (et Boris Vian se souviendra certes de leur inconscience) subissent parfois comme le fait la glace les affres d’un brusque dégel intérieur : « Ce qu’ils sentent est un effritement général du monde sans limites, et non de leur simple personne ou de leur passé, et contre quoi rien, rien ne se peut faire » (p. 37). Les pleurs collectifs qui ont lieu « dans la paix » sont la marque même de l’effondrement de la notion de su¬ jet. Ce qui se joue dans cette désintégration naturelle des struc¬ tures est intimement associé à l’angoissante disparition du prin¬ cipe d’individuation. Michaux indi¬ que assez tout au long de son livre que les êtres n’existent qu’en tant que groupes. Le vertige du général saisit tous les énoncés et il s’aug¬ mente du vertige des possibles. Après nous avoir fait nous recon¬ naître « en pire » dans les mœurs des Epalus ou des Omobuls l’au¬ teur nous amène insensiblement à accepter véritablement « n'importe quoi », qu’il s’agisse de la descrip¬ tion de nouveaux groupes ou de

leurs comportements. Ce passage au facultatif se marque de manière très précise au plan des mots mêmes qui sont utilisés. On parle d’hommes qui se droguent avec de la « douille », qui finissent en « narcindons » ; qui sont « lichinés « ou « bohanés ». Mais être « gobasse » ou « ocrabotte » lors¬ qu’on est « déjà » un Orbu ou un Nijidu ne saurait avoir d’impor¬ tance, car, par définition, tout énoncé est devenu acceptable pour la simple raison qu’il n’y a aucun argument à lui opposer. Le travail qui se fait au niveau du texte de Michaux accomplit donc une véritable « déroute du sens » par la création parfaite¬ ment arbitraire de nouveaux si¬ gnifiants dont les signifiés viennent en quelque sorte s’enchâsser dans un « routage » préalable, mais hautement fallacieux, et in¬ variablement déçu. Le très court passage qui concerne le bonheur — notion à laquelle on ne s’attend plus guère en ce point du texte — est égale¬ ment caractéristique du principe

La Quinzaine Littéraire



d’annulation qui fonctionne à tous les niveaux du récit. Les quatre mois passés à Kadnir ne laissent à peu près aucun souvenir précis au narrateur. Une certaine langueur y sévit, les femmes « vont aux sens, à cette couche molle qu’on a au fond de soi, indéterminée, et qui attend cette musique pour se

mettre en mouvement ». A peine si j’en garde un souvenir précis... De Kadnir, il reste « que c’était là (le) bonheur. Sans haut ni bas, le bonheur. C’était à Kadnir... (p. 77). Il est difficile de ne pas penser au souhait fondamental qui habite notre inconscient et qui est préci¬ sément celui de l’absence d’ampli¬

tude, de changement ou d’événe¬ ment. C’est peut-être cette conscience de la vanité de tout désir qui rend possible le jeu infini des alter¬ nances, les algorithmes sur les valeurs, la jonglerie froide et obs¬ tinée avec nos données « huma¬ nistes ». De cet « ailleurs » d’où

elle nous parvient, la parole de Michaux, déjà déprise de tout illu¬ soire engagement, insaisissable parce qu’elle a dépassé tout véri¬ table objet, peut jouer avec ellemême, et faire semblant pour nous de se prendre à ses propres mi¬ roirs. Anne Fabre-Luce

Henri Michaux

René Micha

Loin, loin maintenant est l’Un... « Le voyageur était émerveillé... L’observa¬ teur incorruptible as¬ sistait. » Henri Michaux, Hermès. (HiverPrintemps 1964.) Henri Michaux n’existe que dans la contradiction — ou plu¬ tôt dans le dédouhlement. Car il arrive que la contradiction puisse se réduire, mais le dédouhlement est irréductible, il constitue l’œuvre. J’observe, par exemple, que Michaux a longtemps refusé qu’on le photographie (il n’a rendu les armes qu’à la fin, lassé par le sans-gêne des journaux et la perspective de trente-six procès). H voulait que son visage fût inconnu. Cependant il n’a cessé de « se parcourir » de « s’oc¬ cuper progressivement » ; donc de parler de lui ; non point sans doute des yeux, du nez, des che¬ veux qui sont « comme des se¬ melles », mais de ce qui importe davantage, qu’il nomme un « cer¬ tain fantôme intérieur », « l’être fluidique » (1). C’est qu’un tel être est toujours un autre, montre les traits, les couleurs du double. Michaux ne fait pas son portrait ni celui d’un modèle quelconque ; il s’efforce de peindre « l’homme en dehors de lui », de peindre son « espace » ou encore les « efflu¬ ves » qui circulent entre les personnes. J’observe, d’autre part, que Henri Michaux n’a jamais cru que l’art fût lié à la vérité — sauf à évoquer ce lien dans l’ins¬ tant où il le dénouait. Il dit bien, ici et là, que le paralysé « le casse-tête d’être véritable », de rendre à chacun son dû : c’est pour se féliciter bientôt que, les cailloux et les humains ne sa¬

du 16 au 31 janvier 1973

chant rien de son effort, il peut agir à sa guise. En revanche, il affirme tranquillement : « J’écris afin que ce qui était vrai ne soit plus vrai. » Il y aurait donc quel¬ que part une vérité : qui pourrait être la vérité du monde, ce qui

la rendrait suspecte, ou une vérité perçue intuitivement, mais que l’écriture (ou la peinture) ne saurait exprimer : chose curieuse, Michaux ne s’en plaint guère. Son premier mouvement, dit-il, est pour inventer. « A peine est-ce

Un poème inédit d’Henri Michaux DESSINS D’ENFANTS, ESSAIS D’ENFANTS (Première enfance) Informe, mal informé encore sans bras ou sans attaches les bras Sortis du cou de n’importe o(j de la tête, de la poitrine de bout en bout traversant l’enveloppe de l’être pour s’étendre, se détendre, s’étirer mains au loin, doigts raides, doigts à la limite de soi Surface sans masse un simple fil entoure le vide le corps sans corps Comme les arbres sont proches des hommes ! A peu de chose près comme tout est homme... Un sac, une tige, un boudin, c’est tout, c’est assez voilà un homme, par deux trous dans le haut regardant Grand : un père moins grand, une mère ni seins, ni sensualité des contours pas le moment Age du peu du pauvrement muni Hier encore riche d’infinitude le nouveau venu aujourd’hui regarde interdit... ou ravi le terrain coloré où, en pièces, il débouche.

sorti, voilà que je me mets de tous côtés à lui présenter des barreaux de réalité et, ce nouvel ensemble obtenu, à lui en pré¬ senter de nouveaux encore plus réels, et ainsi, de compromis en compromis j’arrive, eh bien j’ar¬ rive à ce que j’écris, qui est de rinvefition saisie à la gorge et à qui on n’a pas donné la belle existence qui lui semblait pro¬ mise. C’est pourtant dans cette honnêteté tardive mais rigoureuse et par degrés, et puis plus rigou¬ reuse encore mais toujours plus tardive, que je trouve une des joies et un des supplices d’écrire. » Ailleurs il précise : « Prison montrée n’est plus une prison. » Ainsi l’art possède-t-il sa propre vérité, qui l’emporte évidemment sur l’expérience naïve (dont elle exige souvent le sacrifice). Ces vues seraient peu origina¬ les si elles ne témoignaient d’une division à l’intérieur de Michaux même. H y a le Michaux qui voyage, qui rêve, qui se voue à la mescaline ; le Michaux qui écrit et qui peint. L’un regarde l’autre, ils ne se séparent point. L’écrivain est « l’homme qui reste joint à son trouble ». Certains textes pourraient donner à croire qu’aux yeux de Michaux l’agissant ou le rêvant a plus de prix que l’écrivant ou le peignant. Il y est question d’un « décollement du moi », mais très vite Michaux se déclare heureux d’envoyer prome¬ ner cette merveilleuse mécanique, de liquider ces fidèles organes -—• « assommant ce qu’ils sont fidè¬ les ! ». Du reste, d’autres textes, plus nombreux, et l’eneemble de l’œuvre privilégient sans faute l’écrivain, le peintre. Deux traits paraissent remar¬ quables : le contact persistant entre le moi et le double ; les cloisons dressées, facilement ou difficilement, entre les différentes

9

parties du moi et rendre le stylo ou le pinceau ou la parole et de se refuser tout tra¬ vail de banderille ». Retenons les mots : sur le moment. Ils confir¬ ment la tentation à laquelle Mi¬ chaux cède depuis toujours : de Michaux en 1927 ibois gravé de G. Aubert)

1 0

nourrir, expérience après expé¬ rience, l’autre de lui-même : le geôlier, le bourreau, le maître du faire et du loisir. Sa science est une science-sur-soi. Henri Michaux est divisé de bien des façons. Le partage (le lien) n’est pas seulement entre la vie et l’œuvre ; entre le vertige et le fléau ; entre la liberté et la contrainte. Il est dans l’œuvre : (|ui ne connaît point de repos, qui va d’un pôle à un autre. Fable, puis vérité — ou l’inverse ; chose nue, puis glose, puis mélange de nudité et de regard, bientôt orne¬ ment, ornement qui étouffe ; être éloquent et non éloquent ; figure, puis chiffre ou emblème, et de nouveau figure ; poésie, prose, poésie-prose, volapük ; mémoire et, tout au long, cicatri¬ sation, lente ou soudaine, des blessures qu’elle suscite ; infini à partir de la table rase : « j’at¬ tends encore ce que va me propo¬ ser

la journée,

je

ne

rejette

ni

pigeon, ni haie, ni cheval, ni cail¬ lou, ni fillette, je ne dis ni oui non », Michaux raconte ses rêves en 1925 et de nouveau en 1969 — cette fois il les explique (sur le ton de la figue et du rai¬ sin). Il invente ses premiers alphabets : en 1925 ou en 1927 ; quarante ans plus tard, il en in¬ vente d’autres : où l’acrylique ai¬ ni

guise l’encre de Chine comme une seiche ; dans l’intervalle, entre ces signes abstraits-concrets, cycladiques, il j)eint des visages, des foules, des batailles, des nuées, d’autres taches. A divers moments de l’existence, il force son âme et son corps, c’est la même déchi¬ rure : Hermès, la drogue sans fin ; il gravit les pentes du Mont Analogue, il ne néglige aucun trou, aucune stèle, ce sont les degrés d’une même connaissance. Il sait que les monstres n’entrent qu’à demi dans un tableau : qu’une « fâcheuse harmonie » abolit la démesure — et déjà le mouvement. Mais il va son chemin. ...Chemin toujours entravé. Au début, les entraves peuvent pas¬ ser pour esthétiques : le vrai n’étant appelé beau ou, plus sim¬ plement, n’étant reçu qu’au prix de grandes précautions. Rappe¬ lons-nous les barreaux patiemment unis pour enfermer l’invention, mais aussi pour la donner à voir : sauvagerie qui persiste, à peine assagie. Mais, à mesure que Mi¬ chaux découvre le côté « instru¬ mental de l’esprit, son travail d’ou¬ vrier, l’ayant conu prêt à tomber en panne » — qu’il s’agisse des rêves ou des hallucinations pro¬ voquées — le besoin de toucher bord et même, plus souvent, de garder pied se fait sentir avec

Les ouvrages d’Henri Michaux Qui je fus. Ecuador, journal de voyage. Mes propriétés. Un certain Plume. Un barbare en Asie. La Nuit remue. Voyage en grande Garabagne. Entre centre et absence. Plume précédé de Lointain intérieur. Peintures (7 poèmes et 16 ill. de l’auteur). Au pays de la Magie. L’Espace du dedans (pages choisies). Liberté d’action (repris dans 16 au 31 janvier 1973

conscient ; la règle fondamentale, l’auto-analyse, l’introspeetion non solitaire avec le grand référent du psychanalyste « supposé sa¬ voir » sont autant de données qui tronquent l’expérience fantas¬ tique, organisent l’imaginaire pour l’inscrire dans l’ordre sym¬ bolique. Le fantasme est une re¬ présentation figurée, des person¬ nages s’y rencontrent, une his¬ toire, un drame s’y constituent et s’y déroulent, et le sens finit par lier les assoeiations les plus disso¬ ciées. Henri Miehaux cherche la véritable « sehize », pour lui la psychanalyse apparaît comme une expérience « littéraire », au-delà de laquelle il veut se mouvoir : « Là je pouvais voir clairement que ce n’est qu’en littérature que les images se confirment et que la métaphore grandit, s’amplifie, se détaille, se poursuit. Ici des images continuées, jamais je n’en vis, seulement des discontinuées. Il y avait un seul instant, paral¬ lélisme, métaphore, rapproche¬ ment, puis l’écart s’agrandissait vite et follement vite à partir du point de tangences. C’est la dissociation qui est la règle. La spontanéité, ce sont les rebonds, les ricochets, le retour à l’imparallélisme et à la divergence. C’est seulement par volonté, par désir de continuer son plaisir grâce à un esprit de suite {qui est une volonté de suite) qu’en littérature une image demeure parallèle à une autre et est suivie de plusieurs qui vont dans le même sens. » {Connaissance par les gouffres.) La littérature n’est donc point son fait, mais l’instrument de son aventure. « La drogue c’est le che¬ min qui ne s’arrête pas », mais pour y avaneer ou, plus modeste¬ ment, pour s’y maintenir, il faut les mots, l’écriture, la pensée, quelque savoir aussi précaire que fulgurant. Le rêveur peut être « actant » de son rêve, il en est toujours le speetateur sidéré ou ravi ; il peut même quelquefois l’orienter, l’arrêter ou, si cela lui convient, le reprendre. Et si, le lendemain, son cauchemar lui a laissé une impression désagréable, il peut en interpréter le contenu manifeste. Les mots, l’éeriture, la pensée ne sont jamais complète¬

ment externes à l’expérienee hal¬ lucinatoire, ils en font partie inté¬ grante, la suivent, la poursuivent, la reconduisent ou la dissocient ; fragiles ou tout-puissants, écla¬ tants, fulgurants, effacés, impos¬ sibles à saisir, ils accompagnent, parallèles ondulants, vacillants comme les figures qu’ils transcri¬ vent, ils épousent, convergent, divergent, sont pris, se repren¬ nent, sont saisis, sidérés, puis tentent de « saisir leur saisir ». Même si à la fin du délire ils finissent par l’emporter, par « construire » et organiser quel¬ que sens et quelque ordre, ils ne permettent aucune interpréta¬ tion extemporanée. « A me re¬ lire, je remarque combien j’ai

montré ou tenté de montrer l'in¬ telligible. Ce faisant j’induisais en erreur. Recevant au cours des expérien¬ ces tumultueuses, recevant par pa¬ quets, par cascades dévalantes, de l’impossible à comprendre, j’aurai je suppose à relever le défi et à trouver quand même Vintelligence en ces états inondés d’absurde et d’insaisissable. Je m’acharnais sous la pluie battante des insani¬ tés et dans des glissements conti¬ nuels à vouloir me retenir à tout ce qu’il était possible de saisir, fût-ce très mal et très fragmentairement. Je m’accrochais. Trop, j’ai dépassé le but. » {Connais¬ sance par les gouffres). L’univers « révélé » par la dro-

pue est sans « appiri » et sans « limites ». I.a maîtrise en est impossible, vitesse, préeipitation, atomisation, mnltiplieités mettent b’s limites «lu moi et du corps en position précaire de bascule ou de culbute. I/aventure d’Henri Michaux se déroule entre l’infiniment petit qui se meut, se dé¬ roule à des vitesses inouïes, et rinfininient grand qui dé])loie ses espaces sans horizons. Le psychia¬ tre classifie, le psychanalyste in¬ terprète, l’un et l’autre créent un système pseudo-scientifique qui est aussi une incantation magique et conjuratoire. Théoriquement, Henri Michaux récuse les sécuri¬ tés des appuis ou des intelligen¬ ces : « Danger surtout de l’excès de maîtrise, de la trop grande utilisation du pouvoir directeur de la pensée qui fait la bêtise particulière des « grands cerveaux studieux » qui ne connaissent plus que le penser dirigé (volontaire, objectif, calculateur! et le savoir, négligeant de laisser l’intelligence en liberté et de rester en contact avec l’inconscient, l’inconnu, le

mystère. » Cet univers inintelligi¬ ble peut être parfois opaque, op¬ pressant. comprimant, le j)lus sou¬ vent il est transj)arent, transcendafit. L’essence elle-même s’y trouve transfigurée, en même temps ent fiés

dans

une

thématique

par une lihido sèche,

«

les

organes du corps (sont) les mieux unis en duels de sahre » ( « l’Ave¬ nir ») ; le cœur, distrihuteur cen¬ tral

de jus, se fait

«

crayeux »

(« la Ralentie »), le miel « pier¬ reux

» («

l’Avenir »)

:

«

l’eau

savonnée », substance superlative de douceur, de souplesse, se mue «en cristaux tranchants, en dures aiguilles » (« Vision ») sang

lui-même,

chaux dit : tres, me

de

jus

; et du

vital,

Mi¬

« Il m’emplit de vi¬

granits,

déchire

»



de

tessons.

Mon

Il

sang

»).

Et avec « trente-quatre lances en¬ chevêtrées », il crée un être : un Meidosem ( « Portrait des Meidosems

»).

Comme

le

mathémati¬

Le Grand Jamais

La roue cesse de tourner Tourne encore Rires perpétuels des faiseuses de [pluie Le noir centrifuge éclate sur le papier Telle l’ombre venue de la forêt L’image peureuse amorce un pas [dans la clairière Signe visible de la grenouille Dans le vide vécu L’écorce fond l’après-midi L’aile du voyageur vogue à la dérive Voilà l’eau de l’aquarelle L’itinéraire du rêve dirigé au crayon Labyrinthes de marbre Silhouettes instables Plages de silence flottantes comme [une chandelle Celui qui voit éclaire Paris 1971

cien, le poète passe à la limite :

Joyce Mansour

un fantasme d’eau sèche produit les

« eaux vides » de

Urdes » ; gie

»,

Michaux,

«

j’ai

Une

bonne

traîne

«

d’amour heur ! («

libido

sa

»

;

deux « contre », se poursuit avec

«

sants. «

Que

«

et

que de

Michaux !

»)

(le)

«

:

épui¬

»,

et

contre

Qu’est-ce

; ça

cliquète

incessants,

de

»

sèche,

claque,

chocs

mal¬

Michaux

illuminés

libido

quand

dans

Malheur,

des

grince, crisse, heurts,

en¬

« Mouvements » {Face aux ver¬ rous) , qui commence si bien par

proclame

de

«

cactus

»,

«

homme-bouc

»,

« homme à crêtes », « eric », etc., le

«

que

»

est

au

cœur

d’une

ligne qui exalte la langue :

« la

sienne, au moins, que, sinon soi, qui la parlera ? »...

»

« Parallèlement à eette opéra¬

qu’une

tion » — d’éclatement, d’assèche¬

« queue de ruisseau », « Au pays

ment,

de la magie », sinon d’abord ce

me forme un noyau » (« Au pays

ruisseau textuel du

de

que l’on entend

«

que

» —

par exemple se

d'élancement —

la

magie

») ;

«

l’hom¬

trente-quatre

lances qui se disperseraient, quelle

saccader dans « Un homme pru¬

perte

dent

protoplasmique élémentaire, eUes

que

»

:

ses

«

...qu’il

nerfs

fumait

trop,

avaient besoin

de

se

affreuse !

Alors,

recroquevillent,

sur

POUR 2 FRANCS toute la poésie chaque mois

elles-mêmes

:

réflexe

se

nouent

c’est

noyau,

comme dirait Michaux. Son écri¬ ture

protoplasmique,

cellulaire

(si manifeste dans les inscriptions vibratiles

de

contracte toute

ses

en

une

dessins)

nodosités,

gamme

se

décline

hargneuse

de

« N » : « il y a haine en moi », dit-il dans

« Je suis gong » ;

il

voit d’abord le « nu » dans « la Cordillera

de los Andes

nu noir du mauvais » ;

»,

« le

« Chaî¬

nes enchaînées » se resserre pro¬ gressivement, à travers la ne »

BON pour un numéro gratuit

chère

à

« rui¬

Michaux,

puis

« hune », jusqu’à la lettre finale unique

:

« Une » ; à ces lettres

finales, précisément, où la tradi¬ tion inscrit les dénouements, Miehaux

opère

ses

nouenients

:

« Repos dans le malheur » finit

Nom_ Prénom

sur « Je m’abandonne », « Mon

Adresse

illumine ». CLOWN, écrit en ca¬

Ville Code Postal

librairie Saint-Germain-des-Prés 184, Boulevard Saint-Germain 75006 Paris Tél. 548-77-91

1 6

«

la

place

particuliè¬

de

Michaux

Vincennes,

à

a

Brohier,

dans

l’université

montré

de

l’étonnant

rement engorgée », l’économie du

parallélisme,

jusque

peu de Michaux — homme peu

mes

concrets,

public

situations, les états, les images et



assume

d’un

nihilisme

nul)

:

(la

la

fonction

force

d’être

détails

j)aysages

chez

plé¬

descriptions

thores et les trop-pleins, assèche¬

trationnaire

ment

lamov

creusement des

viscosités

libidos

sous

les

poisseuses,

de noyautage,

des

et

dans

d’infi¬

entre

Michaux

et

les les

de l’univers concen¬ chez

Rousset,

d’autres.

espèee

d’une

œuvre

de contraction en

appel

d’air.

sentimentales,

par

Cha-

Historicité

le

vide,

Et comme

par

engorge¬

noyaux autonomes, des individus

ment,

noyés dans les délires de la pro¬

tion

duction,

politiques et règle de l’existence

les

marées

d’objets,

encombrement,

sont

devenus

dilapida¬

valeurs

socio-

d’images, de messages — aiguilles

quotidienne,

pointées

ment » de Miehaux et sa « pru¬

vers

les

enflures

bour¬

geoises. Et dans le même temps,

dence

le peu réfléchit (sur) le pendant,

instruments

le

nelle

symétrique

osseux

de

cette

enflure : la soeiété coneentrationearcérale,

d’Auschwitz

ou

gnent la souffrance, l’éclatement.

mielleuse jouissance

»



M.

tèmes

» et :

le

serrée de

«

désencombre¬

s’offrent

comme

d’autonomie

person¬

subversion

fonction

des

discrète,

sys¬ insi¬

dieuse, du théra-peii-texte de Mi¬ chaux

Roger Dadoun

repos, que... que... que... ». Dans

la

l’Epoque

avec

fluente

temps

de Kolyma ou d’ailleurs, où ré¬

vu

l’eau qui se retient de couler ».

ces

publique-eerveau est...

naire,

« la Race

« Aux pays de la ma¬

écrit

En

de

sang » se termine avec

«

phonématique

cette

confrontation

ment

et

clame «

du

dans

force

les

d’être

mescaline,

complète de

nouement, nul

».

de

André Pieyre de Mandiargues

Icahicn envor/ et l'endroit bimestriels publiés par Charles Autrand

pro¬

grincements

ersatz

de

l’éclate¬ et

C’est en 1928 ou 29 que j’achetai « Qui je fus », attiré par les mots du titre ou par le portrait, car je n’avais jamais entendu parler de

Michaux, et la révélation de l’écri¬ vain contemporain que je préfère date de là. Révélation, oui, la for¬ mule un peu lourde, pour une fois convient, et sur les 636 (106 X 6) exemplaires du tirage, beaucoup durent obtenir un pareil effet, s’il me semble que la véritable nais¬ sance d’Henry Michaux, sa divul¬ gation, se confond en quelque sorte avec l’apparition du petit livre dont je parle, qui contient déjà une part essentielle de lui-même. Michaux, si sévère pour ses premières œuvres, n’a-t-il pas repris en des éditions postérieures un bon nombre des textes de « Qui je fus » ? Et le passé du titre, quarante-cinq ans plus tard, ne pourrait-il être changé en un présent superbe ? Particulièrement actuels sont les poèmes de « Qui je fus », aussi originaux et aussi neufs qu’en 1927, aussi virulents et aussi explosifs, aussi blessants pour les têtes mol¬ les. Que l’un d’eux ait été l’objet des sarcasmes du curieux Michel de Saint-Pierre, voilà qui a dû amuser Michaux, comme j’en ai été réjoui moi-même. J’ai lu ces poèmes, je crois, un plus grand nombre de fois qu’aucun autre ouvrage de poésie moderne ; je ne sais pas de lecture qui soit aussi salubre ou aussi exemplaire. Mieux vaut que je ne commence pas à citer, car je ne finirais pas. Il y a quelque chose d’irrespectueux dans la citation fragmentaire. Et je respecte « Qui je fus » autant que je l’aime.

Il les

pitales par Michaux, est une fi¬ gure

«Qui je fus», ce joli petit in-12 assez carré, couleur de terre de Sienne claire, publié en 1927 dans la collection « Une œuvre, un portrait », mes rapports avec lui ne sont pas communs. Je ne suis pas honteux d’avouer que je l’aime, mais me croira-t-on si j’ajoute qu’il me joue des tours ? La vérité, pourtant, est qu’il est le livre le plus étrange¬ ment animé de ma bibliothèque, disparaissant pour me désespérer, pour me faire croire qu’il a été volé, puis reparaissant à l’improviste sur la table où j’écris et où je ne puis ne pas me rappeler l’avoir posé à moins d’être totalement fou, où par personne d’autre que moi il ne pourrait avoir été posé. Le portrait gravé sur bois par Aubert, qui l’orne, n’est pas très beau, mais il est plus vivant qu’aucune photographie que je sache et il est doué d’une présence qui fascine et que l’on supporte à peine. Cette bouche de Michaux, ces yeux de Michaux qui regardent un peu à gauche de vous qui regardez, au bout d’une minute ou deux vous ne pouvez plus vous en libérer ; vous avez honte d’exis¬ ter devant cet homme farouche, obscur et tendre qui est Michaux à vingt-huit ans, Henry (avec un y) Michaux, comme il est imprimé sur la page de titre, à droite du visage qui semble mécontent de vous avoir fait prisonnier...

Même

la la

N» 7

NOVEMBRE-DECEMBRE 1972

carburant.

La Quinzaine Littéraire

ARTS

José Pierre

L’année 1913 Vannée 1913 : les formes esthétiques de l'œuvre d'art à la veille de la Première Guerre mondiale

nie),

l’architecture

Guerry, ture (R.

M.

(J.

(L.

Guenoun),

Laude),

Passeron),

les

Brion-

la

sculp¬

la

peinture

arts

mineurs

clore,

après le recueil

des plan¬

dienne »

nologie de l’année 1913.

cielle.

Si

la

majeure

partie

de

ces

sous la direction

(F. Popper), la musique (M. Guio-

diverses

de Liliane Brion-Guerry

niar,

d’un

coll. d’Esthétique

la poésie (R. Bellour), le roman

certaines autres laissent à désirer.

Klincksieck éd.,

(M. Zéraffa), le théâtre (P. Cha-

Mais

2 vol., 1291 p., 56 pl.

bert,

meilleures à mon sens sont celles

D.

C.

Jameux,

Démangé,

sky-Marcadé, A. blet), Comme l’art était moderne, en 1913 !

On serait tenté d’affirmer

(et sans doute ne se tromperait-on pas tellement)

que presque tout

ce qui nous a été proposé au cours des six décennies suivantes avait été avancé, de quelque manière, au

cours

de

cette

année

faste.

Telle était déjà la conclusion qui paraissait se dégager,

quant aux

seuls

de

arts

plastiques,

l’expo¬

sition organisée sur ce thème il y a vingt ans par le musée Guggenheim

de

New York

et

à

la¬

quelle il est dommage que Liliane Brion-Guerry ne fasse pas allusion dans son avant-propos au colossal ouvrage réalisé sous sa direction. La lecture, même partielle, de ces

deux

volumes

apportera

à

pareille conviction des arguments nombreux nants.

autant

Et je

qu’impression¬

dirai tout

que cette entreprise, connaissance

il

d’équivalent

dans

de

suite

dont

à ma

n’existe

point

l’édition

fran¬

çaise. doit être saluée avant toute chose pour l’ampleur de son pro])os comme pour le sérieux et la jjrofondeur des analyses. Et que les réserves ou y en

les critiques, s’il

a, viennent

après. Mais la

couverture (puisque c’est ce que l’on

voit

en

absolument

premier

lieu)

indéfendable

est

:

une

une

qua¬

jaquette, par pitié ! Ils

sont



presque

rantaine, pour la plupart univer¬ sitaires. français ou étrangers, qui se distribuent sous la houlette de Liliane

Brion-Guerry

le

paysage

culturel à la veille de la Première Guerre mondiale et ses moutons diversement enrubannés. Le pre¬ mier volume, ges) ,

imposant

embrasse

l’esthétique frenne),

les

(E.

1950

pa¬

la

meau),

Vassutin-

(G.

cinéma

(R.

D.

second,

(441

de

c’est

Mikel

la

plus loi

demeure

qu’honorable, du

Dufrenne

genre. sur

l’esthé¬

tique, de Liliane Brion-Guerry sur l’architecture, de Jean Laude sur

Scria-

la sculpture, de Michel Guiomar

plus

sur la musique, de Raymond Bel¬

les

lour sur la poésie, de Michel Zé¬

étudie

revues de l’époque, sans négliger

raffa

sur le

le Japon et le mouvement esthé¬

celle

de

tique en Belgique, en Espagne, en

peinture est d’une rare platitude,

Roumanie,

celle

en

Suède,

pour

se

de

roman.

René

Par

Passeron

Marina

contre, sur

Scriabine

de

la

brouillonne

Quant

au

vie et

quoti¬ superfi¬

travail

de

Bel¬

lour sur le cinéma, ce n’est qu’une longue

chronologie

vrage

qui

déjà en

était

en

droit

dans

un

regorge

d’espérer

ou¬ :

on

autre

Les

Bellour)

d’allure

pages),

Ba-

contributions

niveau

Prudhom-

quotidienne (M.

Le

modeste

V.

Hurard),

ViUiers,

danse

le

et la vie bine).

E.

« l’esthétique

ches, sur une très copieuse chro¬

la sur

BIENNALE A IBIZA Au Museo de Arte Contemporaneo d’Ibiza, s’est ouverte, le 25 novem¬ bre, la V' Biennale internationale, réservée à des artistes de moins de trente-cinq ans. Elle durera jusqu’au 25 janvier. C’est la plus discrète, on pourrait dire la plus secrète, des biennales. Ce n’est pourtant pas la moins intéressante. Il est même rare que tant d’œuvres réunies — près de 250 — forment un ensemble d’une telle qualité. Quelques-unes sont venues de loin, de la République chinoise et du Bangla Desh. Vingtdeux pays y ont participé. Les noms que je pourrais citer parmi les meil¬ leurs exposants, nul à Paris ne les connaît : le Hollandais Paul Besart, l’Américain Erwich, les Espagnols Grifall, Novellan, Horacio Silva, Andres Barajas, etc. Leurs œuvres con¬ tiennent, cependant, beaucoup mieux que des promesses. La participation française, dont j’assumais les fonctions de commis¬ saire, présentait trois peintres aux recherches très dissemblables et dont la personnalité est demeurée insoumise aux grands courants con¬ nus et étiquetés. Ce sont Laurent Hours, Alain Le Yaouanc et Alain Tirouflet. L’intérêt d'une telle biennale peut s’exprimer par une constatation ré¬ confortante. Elle montre qu’en de¬ hors des modes fugitives et des su¬ renchères idéologiques, des artistes qui appartiennent tous à la même génération ont trouvé, loin les uns des autres, à Munich, à Santiago, à Pékin, à Bogota, à New York, à Paris, à Londres, à Rome, à Tokyo, un chemin qui n’est pas celui de la facilité, ni celui de l’ingéniosité dé¬ guisée en maladresse, et sur lequel il semble possible que la peinture puisse trouver sa meilleure orien¬ tation. Ibiza, petite « capitale » momen¬ tanée des arts, c’est là un fait cu¬ rieux, qui méritait d’être signalé.

successivement Souriau,

sciences

(J.

du 16 au 31 janvier 1973

M.

Du-

Jean Selz

Guiller-

1 7

chose ! hiite

Au

hasard e dont la petitesse et l’obligation d’accorder le texte à l’illustration ont déterminé les particularités du style. Il s’agit ici d’un accord pure¬ ment graphique, du moins dans beaucoup de cas, car le souci de composer une jolie vignette et le soin apporté à son exécution l’em¬ portaient souvent, jadis, sur la nécessité de créer une image « parlante ». (Heureux temps oxi Ton ignorait l’horrible mot de

La Quinzaine Littéraire

rentohilité /)

John Tophan, mar¬

niante, qu’il s’agisse des éventails

tion précieuse sur une forme arti

chand de dentelles et de soieries,

souvent de décor à un petit por¬

de Mary Sansom ou des culottes

sanale de

création gra])hi(pie,

qui avait un magasin à Londres en

trait de saint ou à une scène reli¬

de John Currie. Leur figuration,

trop souvent méconnue des cal)i-

1765, présentait sur ses étiquettes,

gieuse. Mais des sujets j)rofanes et

au XVIIP siècle, au centre d’un

nets

sa

des paysages s’y rencontriuit aussi,

gravés au hurin dans un cadre de

écusson

une

fon et ion même, était vouée à la

à l’exemple (h* ceux cpie osa

rocailles

allure prestigieuse à une époque

disparition. On rêverait d’une pin-

le ( xcnevois Jean lluher. « prince

coté, Adam et Eve sous l’arhre ha¬

et

cette

des (léHoupeurs et silhouettiste de

bité

gracieusement

par le

serpent.

tarabis¬

A la même

ornementé,

dans un

j)renait

pays où l’on

respec¬

la

d’estanq)es

magique

et

avec

qui.

par

laquelle

on

tait grandement les armoiries. Les

pourrait fouiller dans les boîtes à

Volta ire ».

époque, Riehard King, autre mar¬

petits portraits

ordures des derniers siècles !

Ital ie, en Allemagne, en Chim' et

chand

pro¬

bouquets lithographiés exerçaient

ses

leur séduction à l’époque roman¬

de leur fragilité, étaient les cani-

en Angleterre, le plaisir d'en dé¬

rap¬

tique sur les bouteilles de liqueur,

vets. Le mot canivet, dès le XVP

couvrir un (les ])lus jolis dans le

les flacons

londonien,

mener plats

une en

faisait

autruche

étain.

port entre le

se

parmi

Parfois,

produit

le

et

l’image

de femme et

en

* « temps du sérieux » commence. Rationalisation, sérieux, voilà les deux termes les plus caractérisques du nouveau régime. C’est alors que se dévoile au grand jour sa nature profonde. D’abord, l’Etat omniprésent, encerclant, étouf¬ fant, le citoyen. Ensuite le retour « aux sources », la religion. Enfin un dirigisme forcené, non seule¬ ment dans les domaines politique et économique, mais aussi en ma¬ tière culturelle, sociale. Cette foisci, il n’y a pas fausse donne : la

27 du 1" au 15 février 1973

révolution

a

hel

et

bien

été

confiS(juée.

Telle est, en substance, la thèse défendue par Maschino et M’rabel, avec l)eaucoup d'aisance, de mordant et parfois d’humour, ce qui rend bien agréable la lecture de l'ouvrage. Cependant, il y a des excès qui réduisent souvent la crédibilité

des analyses. Sur ces excès, on peut passer, après tout : on a tou¬ jours raison de « gueuler » très fort même au risque d’incommo¬ der les voisins lorsque la liberté de « gueuler » vous est retirée. C’est humain, donc compréhensi¬ ble. Ce qui l’est infiniment moins, ce sont certains « oublis » volon¬ taires ou non. Je n’en citerai

qu'un. Les auteurs ont raison de dénoncer l’arabisation à outrance. Mais pourquoi ne signalent-ils pas que la conséquence la plus désas¬ treuse — et évidente pourtant — de l’arabisation est l’asphyxie à terme de la culture berbère? Deux à trois millions de leurs conci¬ toyens sont menacés dans leur âme, et Maschino et M’rabet —

marxistes convaincus — l'ignorent, ou feignent de l’ignorer? Alors? L’Algérie des désillu¬ sions est pour bientôt. Le livre de Maschino et M’rabet y aura sans doute contribué. A. Hamdani

Politique

Jaurès Medvedev Le secret de la correspondance

Victor Fay

est garanti par la loi

Julliard éd., 278 p.

Jaurès Medvedev, biochimiste et généticien de réputation mon¬ diale, est entré en conflit avec les autorités soviétiques, en publiant à l’étranger une critique acerbe des théories de Trofime Lyssenko sur la transmission des caractères acquis. Il a affirmé qu’en persé¬ cutant les tenants de l’école morganienne et mendélienne, Lys¬ senko, soutenu par Staline et Khrouchtchev, a retardé de quel¬ que trente ans le progrès de la génétique en U.R.S.S. Ce faisant, il s’est attiré l’hostilité des mi¬ lieux qui détenaient et détiennent encore, en partie, le monopole de la recherche biologique. Entretenant une correspondance étendue avec des savants occiden¬ taux à partir de 1960, Medvedev s’est aperçu que certaines de ses lettres ne parvenaient pas à leurs destinataires. Il a employé plu¬ sieurs procédés pour y remédier : en envoyant ses lettres de diffé¬ rents bureaux de poste, avec ou sans recommandation, par avion ou par train et bateau, en les adressant à différentes personnes, en utilisant différentes sortes de papier à lettres et d’enveloppes, en camouflant son écriture, en indiquant soit l’adresse de son Institut, soit son adresse person¬ nelle, en s’abstenant d’indiquer celle de l’expéditeur. Il s’est convaincu, à la suite de ces expériences, que sa correspon¬ dance était contrôlée et, dans cer¬ tains cas, confisquée, que les let¬ tres d’autres savants soviétiques subissaient le même sort, que les réponses des savants étrangers lui étaient délivrées avec plusieurs jours de retard et disparaissaient parfois en cours de route, que les revues scientifiques étrangères, notamment la revue britannique .« Nature », n’arrivaient pas régu¬ lièrement. En voulant consulter dans les bibliothèques publiques

28

Le cabinet noir des exemplaires qu’il n’avait pas reçus, il a constaté que ces numé¬ ros y manquaient également et qu’on ne pouvait se les procurer que dans les services de documen¬ tation de certains Instituts et seu¬ lement en obtenant une autorisa¬ tion spéciale. Sous prétexte d’économie, les revues scientifiques étrangères étaient mises à la disposition du public en photocopies, d’où ont été éliminés au préalable les arti¬ cles jugés inopportuns. Pour se rendre compte de l’importance des obstacles entravant les échanges scientifiques avec l’étranger, Med¬ vedev a entrepris un dépouil¬ lement minutieux des lettres, prospectus, et articles qui ne par¬ venaient pas à leurs destinataires. Il a recherché ensuite à quelle étape de leur acheminement ces documents disparaissaient et a constaté que cela se passait tou¬ jours en U.R.S.S. Ses réclamations sont restées le plus souvent sans effet. Renvoyé d’un service à un autre, n’arrivant à obtenir ni la restitution des lettres perdues, ni l’indemnité prévue par les règle¬ ments postaux, il s’est attaché à découvrir le service où s’exerçait la censure secrète de la corres¬ pondance. Cette censure est en effet inter¬ dite en U.R.S.S., le secret de la correspondance étant garanti par la loi, alors qu’il existe une cen¬ sure officielle de toutes les publi¬ cations, exercée par le Glavlit. En Russie tsariste, la violation de ce secret était d’une pratique courante : les cabinets noirs, tra¬ vaillant sous la surveillance de la gendarmerie impériale, contrô¬ laient systématiquement les lettres des gens inscrits sur les listes de suspects et les lettres qui leur étaient destinées. Bien que l’uti¬ lisation de cette correspondance

en vue des poursuites judiciaires ne fût pas admise, on s’en servait souvent pour prendre contre les adversaires de l’ancien régime des sanctions administratives, y com¬ pris la déportation. Les cabinets noirs ont disparu après la Révolution d’Octobre. Le contrôle de la correspondance n’a été rétabli qu’épisodiquement au cours de la guerre civile et de l’intervention étrangère. C’est bien plus tard, en période de la ter¬ reur de masse, après l’assassinat de Kirov, que le contrôle de la correspondance s’est généralisé en U.R.S.S. et que la police de sécurité, sans jamais le reconnaî¬ tre, a créé vers 1934 un service

permanent de la censure postale. Medvedev a situé l’endroit où aboutissait à Moscou la corres¬ pondance avec l’étranger, aussi bien au départ qu’à l’arrivée. En étendant ses investigations, il a repéré l’existence des services ré¬ gionaux chargés du contrôle de la correspondance tant extérieure qu’intérieure. Etant donné le vo¬ lume énorme de la circulation postale en U.R.S.S. et son accrois¬ sement considérable avec les pays étrangers, un contrôle généralisé aurait entraîné l’engorgement to¬ tal des services de distribution. Le contrôle devait donc être limité à certaines personnes et à certaines publications.

La légalité, violée par ceux qui sont chargés de la faire respecter Grâce à une série de tests, il est parvenu à prouver que, malgré les dénégations des services pos¬ taux officiels, les lettres et revues disparaissaient en U.R.S.S., que les employés des Postes n’y étaient pour rien et qu’ils ignoraient, sauf au niveau le plus élevé, l’existence de la censure ainsi que l’endroit et le moment où la cor¬ respondance était soustraite à leur circuit de distribution. L’insistance de Medvedev à exiger soit la livraison des lettres « égarées », soit l’indemnité due en cas de leur disparition, a exaspéré à tel point les dirigeants postaux qu’ils ont refusé de se prêter à des recherches et de ré¬ pondre à ses réclamations. L’in¬ tervention auprès des ministères des Postes et des Finances est restée sans résultat. Quant aux tribunaux, auxquels il a eu re¬ cours en désespoir de cause, ils l’ont débouté, en l’empêchant, en

violation de la loi, de prouver le bien-fondé de ses demandes. Il ne faut pas croire pour autant que Jaurès Medvedev est un contestataire professionnel, hostile par principe aux institu¬ tions soviétiques. Il n’en est rien ! C’est un patriote, respectueux de la légalité, qui admet, en cas de danger et à titre exceptionnel, l’introduction de la censure, y compris de la censure postale. Ce qu’il n’accepte pas, c’est que cette légalité soit impunément violée par ceux qui sont chargés de la faire respecter, qu’une large com¬ plicité couvre ces violations et qu’un citoyen soit désarmé face à l’appareil d’Etat qui n’a de comptes à rendre qu’à sa j)ropre hiérarchie. Peut-on d’ailleurs parler, en présence de cette complicité, des violations de la légalité ? Ne serait-il pas plus exact de dire qu’il existe en U.R.S.S. deux léga-

La Quinzaine Littéraire

lités : l’une officielle, inscrite dans les textes publics et qui n’est pas respectée ; l’autre réelle, fi¬ gurant dans les instructions, cir¬ culaires et consignes secrètes, bien connue des administrations et appliquée avec rigueur. C’est ainsi que la liberté d’expression et de manifestation est reconnue par la Constitution, mais la moin¬ dre tentative de parler ou de manifester contre les autorités est qualifiée d’activité antisoviétique et sévèrement punie. De même, le critère de compé¬ tence scientifique est déclaré le seul valable pour les nominations à des postes d’enseignement et de recherche, mais, en fait, le moin¬ dre écart de la « ligne » entraîne pour un savant la perte de travail même au détriment de l’enseigne¬ ment ou de la recherche en cours. Tel fut le cas de l’auteur, dont le laboratoire a été liquidé et lui-même licencié à la suite de ses démêlés avec les services de la censure postale. Il a même été interné pour un temps dans un hôpital psychiatrique, d’où il a

été arraché par la j)rotestation des écrivains et savants soviéti¬ ques et étrangers. Maigre tous ces obstacles, il a pénétré dans le saint des saints du cabinet noir. Il est arrivé par surprise à joindre au téléphone l’un des responsables de ce ser¬ vice qui n’a pas d’existence légale en U.H.S.S. Il a même eu Tanière satisfaction d’apprendre, de son interlocuteur anonyme, après avoir décliné son identité, que son nom était bien connu dans ce service. « Votre nom, camarade Medvedev, a-t-il entendu dire, figure sur nos listes. Tout ce qui arrive pour vous est trié immé¬ diatement et envoyé à destination. Aucune perte n’est possible, nous pouvons vous l’affirmer » (p. 272). En dépit de ces affirmations, il a constaté que la durée moyen¬ ne d’acheminemeut des lettres qui lui sont adressées par avion des Etats-Unis est passée de sept jours en 1968 à onze jours en 1970. « Voilà le prix qu’il faut payer pour avoir l’honneur insi¬ gne de figurer sur leurs listes »,

ajoute-t-il, non sans amertume, dans la conclusion de son livre. Un tel état de choses est-il justi¬ fié cinquante-cinq ans après la Révolution d’Octobre ? N’est-il pas préjudiciable en premier lieu aux progrès de la science sovié¬ tique ? Les marxistes ont toujours été résolument hostiles à la censure. Le jeune Marx en a dénoncé non seulement les abus et les méfaits, mais aussi le principe, dans un article publié en 1843 sous le titre « Remarques sur la régle¬ mentation récente de la censure prussienne ». La censure, écrit-il, fait tomber l’écrivain « sous le coup du terrorisme le plus ef¬ frayant, la juridiction de la suspicion ». Elle prend ])our critère « non pas les actes mê¬ mes, mais l’intention de celui (jui fait l’acte... C’est pour ce que je pense que je suis puni ». Et Marx ajoute en terminant son article : « Pour guérir radicalement la censure,

il

faudrait

la

suppri¬

mer » (1).

Près

de

cinquante

ans

plus

tard, le vieil lùigels écrit à Kautsky, le 23 février 1891 « L’o|iiriion hautement exprimée dans le groupe parlementaire [social-démocrate. V.F.] (ju’une cetisure ect

créateur

c'est

concrètes

du

langage,

: la

des lois sou.s-jacentes

qui conduit à postider des « structures innées », universel¬ les, j>ermettant l’apjirentissage des langues (lois formelles imlépendantes de leur le caractère grammaire.

« fonction »), et

inconscient

de

Mitsou

la

Ronat

intellec¬

siècle

ces

la

ne

fondamentaux

ques¬

du

de

tandis

servent

déguisés

enfants

pour connaître leur langue, avant s’en

acharnés, pas,

phénomènes

critiquée

encore par les partisans de l’an¬

»), »

ne manque

d’être

cien humanisme ou les empiristes

des

usage

d’ailleurs,

étape

perpétuelle

eux-mêmes,

leurs

(1)

Voir

en

particulier

:

Ri¬

collègues ou leurs élèves, si cela

chard S. Kayne, French Syntax :

s’avère

The

Transformational

M.I.T.

Presse,

je

nécessaire.

ferai

l’explication Ruwet

Par

quelques des

exemple,

réserves

donnée

par

« irrégularités

sur N. syn¬

(2)

à

Cycle,

paraître.

Introduction

maire générative,

à

la

Plon,

gram¬

1967.

simple

« Le roi voulut voir ce chef-d’œu¬

taxiques » en termes de contrain¬

dans ce cas. Avec elle, les inves¬

vre avant même qu’il fût achevé »

tes sur la perception des phrases,

Sens dans le Langage Naturel »,

(Voltaire),

car

Hypothèses,

tigations passé

relativement

la

»

français

règles bon

des



gram¬

natifs

appartenant

à

précédent aucun

Enfin,

«

régentent

fran¬

maternelle

aux

de

superficiels

Méthodologie

«

contrairement grammaires

de en

linguis¬

De

principes

à

travail

pas,

niveau

les

elle

le

cette théorie — qui

« existence »

résultats.

quation du modèle, et exigent sa

(c’est-à-dire

décrits

est obtenu

ces

modification ;

dans cette

les

qui

une

tenir compte

le ])remicr livre (4)

l’inadé¬

doivent

querelle

sans

«piand

souvent

Par ailleurs, les règles proposées

théorie

française

le succès

montrent

(hypothèse avait

gue

faits

de Chomsky

sont

sienne

thèse heuristique est justifiée par

«

Tous

fait

tre les solutions alternatives. Ces

locuteurs

sion

a

mar«pie

de

des

strictement

Chomsky

tique joue dans cette dialectique.

sa

le

Noam

il

l’idée selon laquelle une « hypo¬

maire

prouvant

pourra |)his travailler sur la lan¬

car

décisive de la recherche ; on

de décider en¬

[1955]). N. Ruwet prend le parti

la structure a une

«le vue » change l’objet.

un

Chomsky

fondant

çaise,

pour conclure que certainement ce livre est un « succès » pour

comportant

prédicat

en

pro¬

identique

représentation

sitions

confon¬

déjà) à la compétence des locu¬ teurs. Une fois de plus le « point

sur le

langage

justement

description, stade

le

stade

pour

plus

ont de

atteindre

ambitieux

de

dé¬

que

« Une

branche

rien

ne

prouve

que

le

lan¬

la

comme

le

seule main » (Ruwet), ou même

que la vue. On peut trouver des

«

explications

l’expli¬

ça,

ça

se

casse

d’une

C’était un homme que j’avais

cation. Chaque analyse doit être

confiance

justifiée, « démontrée », et cohé¬

café),

rente avec l’ensemble dvi système

phrases appartiennent (encore ou

en

dans

lui la

»

(patron

mesure

de



ces

gage

obéisse

aux

mêmes

syntaxiques

règles strictes

pour ces irrégularités. l’activité

Dans

linguistique

fran¬

«

La

coll.

ghers-Laffont. (4)

Forme

et

Change,

le Se-

1972.

Maurice Gross, dans Gram¬

maire

Transformationnelle

Français.

Néanmoins, ce recueil fera date dans

(3)

rousse,

Syntaxe du

1968,

travaille

perspective un

peu

du

verbe, La¬ dans

une

différente.

Langages

Nicolas

Langage musical langage poétique

Ruwet

Langage, musique, poésie Coll.

Poétique.

Le Seuil éd., 247 p.

L’aptitude rendre

du structuralisme à

compte

de

systèmes

(et

pas seulement de systèmes linguis¬ tiques)

est

à

l’origine

de

son

succès en sciences humaines. Il est maintenant

à

peu

près

admis

qu’il n’est guère de ces systèmes qui ne se laissent décrire par une méthode structuraliste ; principes n’ont

que

pénétré

dans certains pas,

bien

et si les

celle-ci

propose

qu’avec

timidité

domaines,

souvent,

inadéquats,

mais

heurtaient

à

ce

qu’ils

parce

des

n’est

étaient

qu’ils

habitudes

se de

pensée où la tradition avait son poids. C’est

le

titre

Langage,

musique,

poésie. Du structuralisme, on peut faire une utilisation strictement acarlémique en posant, sur un plan gé¬ néral,

que

les

concepts

velle

en

parce

que celle-ci,

cette

tradition

que

consacrés

à

la

musique,

parus ces treize dernières années,

peut-être

du moins en

l’Institut de Musicologie de Paris avait pour nom « Certificat d’His-

ferme¬

toire de la Musique »). Le résul¬

ment démarquée de l’Histoire de la musique (il y a quelques années

tat de cette confusion, et d’ailleurs l’évidente prédilection accordée

encore,

aux études historiques, fait qu’on

Europe,

ne

le

s’est

jamais

certificat

délivré

par

élaborés

pour une science (ici la linguis¬ tique)

et

les

résultats

qu’on

en

tire peuvent être transposés direc¬ tement à une autre (la musicolo¬

La danseuse dizu

gie) . Pour Ruwet, ce chemin n’est pas le bon

:

« Dès quune disci¬

pline comme la

linguistique

dé¬

passe le stade des généralités, il y a de fortes chances pour que les résultats atteints soient si spécifi¬ cation en dehors de son domaine propre. » En l’occurrence, ce qu’il

\cisunari Kawabata

importe de découvrir, c’est la spé¬ cificité des systèmes musicaux.

dans des revues souvent difficiles d’accès, et fort heureusement ras¬

Considérer

la

musique

un

livre qui vient de sortir au Seuil

est une optique relativement nou¬

par

chapitres

dans

Prix Nobel

sous

l’angle de son (ou ses) système (s)

semblés

musicologie,

ques 'quils n’aient aucune appli¬ bien

met en cause N. Ruwet dans cinq articles

sous

U

û.

>1LBIN MICHEL

9 du 16 au 28 février 1973

i JEAN-LOUIS BRAU

a longtenip.s négligé de voir dans

mettre

la mu.sique un système qui

structures

peut

évidence propres

certaines

au

langage

et doit être analysé en tant que

j)oéti(jue.

tel.

méthode, la linguisticjue, dit l’au¬

On

notera

au

passage

rethnoinusicologie cologie toire coup

des

(i.e.

musiques

était

la

pour

musi¬

dont

inaccessible)

fait

que Lhis-

a

beau¬

renverser

la

va¬

teur,

Pour ce (jui est st explicable, mais elle ne justifie nullement l’erreur fonda¬ mentale à partir de quoi il est bâti, comme un faux utilisé dans un procès. Tout d’abord, sa pierre angu¬ laire, présente dans son titre, n’est jamais éclairée quant à sa provenance. Mais attention ; il

Hannah Arendt

faut revenir ici à l’ouvrage origi¬ nal en anglais. Il s’intitule, non pas « Système totalitaire » (c’est le titre qui a été choisi par les traducteurs français), mais « The Origins of Totalitarianism ». Les « origines du totalitarisme » — pourquoi pas ? Mais on s’atten¬ drait du moins à voir l’auteur dé¬ clarer d’où lui vient ce concept ou, tout au moins, ce mot. On garde longtemps l’espoir de voir expliqué le choix d’un tel voca¬ ble : a-t-il été forgé par l’auteur ? Est-il emprunté par l’auteur à ceux-là mêmes dont elle analyse les pratiques ? Serait-ce le sobri¬ quet par lequel ces derniers ont été désignés par leurs adversai¬ res ? Toutes questions que je me posais en lisant ce livre, quatre ans après sa parution — au début de l’année 1955. Et c’est très exac¬ tement en raison du silence de ce livre sur la question qui lui est nécessairement sous-jacente, que je me suis trouvé amené à mon tour à tenter l’exploration (en taisaht le nom de Arendt). Mais peu im|K)rte cet aspect biographi¬ que. Il reste que ce livre ne se demande jamais de « quoi » il parle, et quel est ce nom étrange accolé par lui à cette chose mons¬ trueuse. De ce fait même, comme bien d’autres, de Cari Friedrich à Nicos Poulantzas, il s’égare tout à la fois dans le nom et dans la chose. Le résultat de cet « égarement » initial, on le trouve dans les deux

affirmations suivantes, parallèles et semblables, à propos du fas¬ cisme italien : « Ce qui prouve que la dicta¬ ture fasciste n’est pas totalitaire, c’est que les condamnations poli¬ tiques y furent très peu nombreu¬ ses... » (H. Arendt, «Le système totalitaire »). « Je laisse cependant de côté le problème de l’Etat fasciste, phé¬ nomène bien complexe qui ne peut, on s'en doute, être dilué dans la nomenclature générale du totalitarisme... » (N. Poulantzas, « L’ainsi nommé phénomène tota¬ litaire ») Il faut donc admirer ici le « ce qui prouve » ou le « on s’en doute »... Car, en fait, le premier et le seul Etat qui se soit luimême désigné comme « Etat tota¬ litaire », c'est précisément FEtat fasciste mussolinien. Et cela, à partir du discours au théâtre Augusteo prononcé par Mussolini le 22 juin 1925 afin de couvrir un crime de sa police parallèle : l’assassinat du député socialiste Matteotti. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, un juriste à gages de Mussolini écrira en toutes lettres : « C’est le mérite du Fascisme que d’avoir... défini |>our la première fois le concept totalitaire de l’Etat » (1). Le même Costamagna annonçait au Congrès italo-allemand de Vienne, sur les thèmes « Race et Droit », que « l’Etat totalitaire est l’Etat par excel-

27 du 16 au 31 mars 1973

NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE ROMANTIQUE

La ‘LXouvelle Bibliothèque Romantique ”, alors que notre goût est en pleine mutation, se propose de réparer les oublis d’un autre âge. Elle est constituée sous le contrôle scientifique de la Société des Etudes Romantiques, qui publie, par ailleurs, deux fois l'an, la revue ROMASTISME. Elle contient non seulement de œuvres littéraires, mais des correspondances, des recueils d’articles ou de préfaces, des inventaires, des documents de toute sorte, susceptibles de favoriser et d’éclairer toute une nouvelle Renaissance, qui fait apparaître le XIX'^ siècle comme notre Grand Siècle.

déjà parus :

a. Bertrand gaspard de la nuit h. Berlioz correspondance générale, tome I

Stendhal

d’un nouveau complot contre les industriels e. quinet histoire de mes idées ch. fourier le nouveau monde industriel _et sociétaire_ lamennais paroles d’un croyant à paraître :

g. sand les sept cordes de la lyre

FLAMMARION 28

lence, l’Etat vrai » — lo Stato totalitario è lo Stato per eccelenza, il vero Stato ». Mais de ces données, pourtant lourdes de graves enjeux, la tradi¬ tion de la « political science » américaine ou de la politologie allemande n’a cure. Sans prendre garde à l’appartenance historique du terme « totalitaire » et à la fonction qu’il a effectivement rem¬ plie dans le discours fasciste, au moment où celui-ci cherche à con¬ quérir sa crédibilité, elle recueil¬ le le terme dans la poubelle des idées reçues et en use arbitraire¬ ment, pour désigner ce que bon lui semble et apprécier qui « mé¬ rite » ce qualificatif singulier. A sa suite, avec une égale naïveté, viendra le «marxiste» Poulantzas, qui prendra pour argent comptant cette élaboration, en ajoutant sim¬ plement ses propres échelles à celles de ces prétendues « théories du totalitarisme ». Chacun y al¬ lant de ses petites appréciations — mais à vrai dire et pour parler net, elles ne nous apprennent en rien la façon dont l’histoire effec¬ tive s’est produite à travers l’arti¬ culation des classes et des grou¬ pes qui passe par cette guerre des énoncés et des formulations.

La fonction du discours Or, c’est cela seul qui compte : non pas de savoir ce que H. Arendt, C. Friedrich ou N. Poulantzas ont décidé d’appeler ou non « totalitaire » — mais la fonction du discours qui inclut ce terme et ses voisins linguistiques, la façon dont ces énoncés sont articulés à la lutte entre les clas¬ ses et dont ils ont tramé celle-ci. Mais cette trame à la fois évidente et cachée n’est même pas soup¬ çonnée par nos auteurs. Hannah remarque ingénument que Musso¬ lini « aimait tant l’expression d’Etat totalitaire »... Elle oublie de dire qu’il l’a forgée... Et elle ose écrire que le « système tota¬ litaire » réalise, chez Hitler com¬ me chez Staline, la « société sans classes » ! Pour une société domi¬ née par Thyssen et par Krupp la glose est curieuse. Quant à Pou¬ lantzas, chez qui le culte du mot « lutte-des-classes » est poussé à tel point qu’il mesure par sa fré¬ quence à la page le degré d’obser¬ vance à la vraie foi (et qui n’hé¬ site pas, dans sa passion, à forger de fausses citations s’il le faut) — il ne lui vient pas davantage à l’idée de chercher quel rôle central les énoncés de Mussolini et de Gentile sur le Stato totali¬ tario ont rempli, dans la stratégie des discours et des récits, à l’inté¬ rieur de la guerre de classe qu’ils ont menée {>our écraser le mouve¬ ment ouvrier italien. Et surtout :

de quelle façon ils contribuent à préparer racceptabilité de la pa¬ role et de l’action hitlériennes. Car e’est là l’enjeu fondamen¬ tal. que le livre de H. Arendt contribue fâcheusement à mas¬ quer. Affirmer avec elle (juc le fascisme « n’est pas totalitaire » parce que ses tribunaux spéciaux n’ont prononcé que sej)t morts, est un enfantillage. Autant dire qu’Athènes n’était pas une démo¬ cratie parce que Socrate a bu la ciguë : le mot, le concept et la pratique (injparfaite) de la « democratia » n’y ont pas moins leur lieu de naissance — et l’Apologie de Socrate ap{)artient malgré elle à sa fondation. A l’inverse, une seule mort, celle de Matteotti, ra¬ contée et justifiée à travers l’apo¬ logie de « l’Etat totalitaire », pré¬ pare et rend possibles les deux millions de morts d’Auschwitz, les six millions de juifs assassinés. Il y a plus de morts sur la route un dimanche de Pentecôte que par l’action des bourreaux fascistes ! Mais les gestes de ces derniers appartiennent à un discours qui va tramer l’action de tout le deu¬ xième quart du xx' siècle. Une des très rares propositions « théori¬ ques » de Joseph Staline qui mé¬ ritent d’être gardées en mémoire est celle-ci : le langage, contraire¬ ment à ce qu’ont pu croire les conceptions mécanistes du marxis¬ me, n’est pas une superstructure, mais il est directement lié à l’ac¬ tivité productive de l’homme... (2) Et nous voilà conduits au point névralgique : Staline et le « tota¬ litarisme ». Disons tout de suite qu’auprès des immenses massacres ordonnés par Staline dans les niasses pay¬ sannes et ouvrières, à l’intérieur du parti communiste et de l’Ar¬ mée rouge, et officiellement ré¬ vélés par les documents officiels de sa propre administration, la ré¬ pression du fascisme italien peut paraître dérisoire : 7 condamnés à mort. 2.57 condamnés à dix ans de prison ou plus. Mais la ques¬ tion véritable n’est pas le compte brut des morts, car à cet égard les anciennes famines de la Chine ou les inondations du fleuve Jaune seraient plus « totalitaires » que le stalinisme. Ce qui importe c’est la trame et la chaîne qui condui¬ sent aux assassinats de masse par Hitler — et ce qui, d’autre jiart. conduit aux raz de marée meurtriers de la Grande Purge. Or, le fascisme italien appartient aux enchaînements qui ont rendu possible la monstruosité nazie. Tandis que le cauchemar décrit par le Premier Cercle ou line journée d'Ivan Denissovitch, ou simplement par les procès-verbaux officiels du procès de Boukharine. relève d’un tout autre engrenage.

La Quinzaine Littéraire

et ce n’est pas en ramalgamant au nazisme qu’on expliquera com¬ ment son a{)pareil répressif a pu naître de son contraire : le mou¬ vement libérateur de la Révolu¬ tion d’Octobre. Fascisme et na¬ zisme se donnent explicitement pour des contre-mouvements ve¬ nant nier et effacer le sillage de la Révolution russe, et leurs objec¬ tifs avoués sont le renforcement écifique. structures

les

de

modes

son

L’interprétation du

de

espace

texte se fait

des alors

en dehors de toute considération portant sur la subjectivité qui a

PRÉSENTÉ PAR MAURICE NADEAU

roman comme forme et la struc¬

la marchandise et de la « réifica¬

deuxième groupe.

UANNEE LITTERAIRE 1972.CHOIX DAR'ÜCLES PUBLIES PAR:

démonstration

d’une

interpréta¬

tion sociologique. Le Projet pour une Révolution à New York sem¬ ble présenter des possibilités aussi riches.

Serait-ce

parce

que,

contrairement à ce que leur titre peut

laisser

supposer,

le

HENRY JAMES HERMANN HESSE GEORG TRAKL FRANZ KAFKA OSSIP MANDELSTAM MALCOLM LOWRY CESARE PAVESE ELIO VITTORINI NATHALIE SARRAUTE CLAUDE OLLIER MAURICE ROCHE PHILIPPE SOLLERS A, SOLJENITSYNE STIC DAGERMAN JOHN HAWKES OSMAN LINS JOSÉ DONOSO JULIO CORTAZAR SEVERO SARDUY

MANUEL PUIG PETER HARTLING ULRICH BECHER LEONARDO SCIASOIA YVES BONNEFOY EDMOND JABÈS ANDRÉ THIRION OLAUDE ROY ALEXANDRE KOJÈVE JAOOUES DERRIDA DELEUZE-GUATTARI WILHELM REICH NOAM CHOMSKY ROMAN JAKOBSON PIERRE OHAUNU KARL MARX TREVOR ■ ROPER ROY MEDVEDEV VL. BOUKOVSKY

Voir page 37

Projet

7 du ]*' au 15 avril 1973

I MARTHE ROBERT

Roman des origines et origines du roman

f)our

une

Révolution

(le compte moins en termes de ou

de

est

en

fin

« récupérable »

« vision globale »

« réalisme »

que

ne

l’est

d’une

lecture

gique ? que

purement

sociolo¬

Mais la cohérence exige

ces

soient

grilles

sujiplémentaires

soumises

à

une

structure

la Jalousie en dépit de son titre

explicative

« psycbologisant ? »

englobe : celle-ci peut se résumer

C’est

sans

à

une

lutte

doute le cas. La deuxième question soulevée

tude »

par ce livre est

« mari »

importante

:

particulièrement

nous

disions

plus

sociologique

et

entre

la

la

qui

les

« hlanchi-

« négritude ».

représente

le

Le

« vieux

à la lecture politique

sance européenne, Franck appar¬

de du

roman

qui fait de la Jalousie un produit

tient

à

du désenchantement colonial des

celle

des

Français

dans

les

années

cin¬

quante, mettant en scène la me¬

la

génération

coopérants

crates heureux qui

suivante,



techno¬

prendront la

relève. Quant à A., l’auteur pense

nace grandissante que représentent

cpie

les Noirs pour les colons, s’ajou¬

celui d’une fascination angoissée.

tent une lecture psychanalytique

L’érotisme dont elle semble char¬

que

gée n’est pas, comme le voudrait

l’auteur

première, tation

et

veut

intégrer

aussi

une

« textuelle »

à

la

son

psychanalytique

tionnelle,

le

c’est

sociale

élargissement du champ interpré¬

sexualité

tatif

celui

de

Noirs

l’analyse

tonymique. Faut-il voir dans cet désir

aux

propose

pour le texte une orientation mé¬

le

rapport

interpré¬

qui

déborder

les

cadres peut-être trop contraignants

celui

fait de

qui

toute à

poids

de

la

tradi¬ classe

travers

la

l’Histoire,

défaite

“Roman des origines et ori¬ gines du roman” est un essai qu’il convient de lire et de relire ; il soulève nombre de questions fondamentales concernant le genre romanes¬ que lui-même et propose des analyses (de Cervantès, Defoe, Balzac, Flaubert ) d’une subtilité et d’une intel¬ ligence rares. L’élégance du style de Marthe Robert et l’étendue de sa culture font, en outre, de la lecture de son livre un plaisir constant. ROLAND JACCARD (Le Monde)

Lorsque une

cain »,

imminente

du pouvoir colonial capitaliste.

du

présenté

interprétant

Chun-tu Hsuëh

en

«

sociétés

vient

uniquement

de

afri¬

l’aliénation de l’homme en régime

abyme »

capitaliste, ou en socialisme bu¬

« roman

reaucratique.

du roman, indique que la victoire

pas

des Noirs se lit dans les phrases :

débarrasser une fois pour toutes

« La voir se rendre... là dans sa

des

chambre... le noir y chante », nous

m’entourent, mais au contraire de

pour

Aussi

moi

éléments

s’agit-il

d’essayer

de

me

mythologiques

les

sur eux le pouvoir de ma liberté

diable »

des de

Blancs

la

par

chambre

l’occu¬

au lieu

c’est-à-dire

qui

ter avec lui pation

parler,

ne

avons quelque réticence à consta¬ « la défaite irrémé¬

d’exercer

de les subir comme des

« refuge

pièges, (1) au fonctionnement fixé

L’explication de type

à l’avance et fatal ». (Intervention

« collectif » est ici difficilement

au Colloque de Cerisy, « Le Choix

défendable

des générateurs »).

suprême ».

réflexions de

A.

à

quand

on songe

frondeuses propos

des

aux

et répétées Noirs

dans

le roman.

sont là le

que

la

propose

Jacques

Leenhardt implique l’insertion de

Nous ne croyons pas — et les autres

L’interprétation de la Jalousie telle

romans

de

Robbe-Grillet

pour le prouver — que

processus

d’érotisation

fonc¬

ce

roman

dans

l’histoire

Quatrième

République,

la

de

Or,

période

la

de

la

pendant

décolonisation.

Rohhe-Grillet

écrivait

« Temps et Description »

tasme collectif » d’un groupe social

même, il était absurde de croire

menacé (pii chercherait à pallier

que, dans la Jalousie... existait un

de

la

catastrophe.

ordre

des

événements,

:

dans

tionne dans le texte comme « fan¬

angoisse

« De

clair

et

Nous pencherions plutôt pour la

univo(jue, et qui n’était pas celui

« couleur noire » « choisie au sein

des phrases du livre... Le récit était

de quelques objets mythologiques

au

contemporains » comme le disait

que tout essai de reconstituer une

Rohhe-Grillet à propos de la cou¬

chronologie extérieure aboutissait

leur

contraire

fait

de

telle

façon

On

tôt ou tard à une série de contra¬

passerait ainsi tout naturellement

dictions, donc à une impasse... Il

rouge

dans

le

Projet.

du « noir » que produit la lampe

n’existait pour moi

aucun ordre

en s’éteignant, à la couleur iden¬

possible

de

tique de la chevelure de A. qu’elle

livre. Celui-ci n’était pas une nar¬

peigne apporte

longuement, le

café

«

au

hoy

qui

noir

».

Car,

ration

en

dehors

emmêlée

Archives Ides Sciences Sociales Dirigée par Jean Baechler

comme la lecture des personnages

son

Un essai de Marthe Robert qui fera date dans l’histoire de la critique. Et que chacun peut lire... DOMINIQUE FERNANDEZ (L’Express)

l’auteur,

séquence

3 bis. Quai aux Fleurs 75004 Paris Tél. 03314 BO - 325 27 68

individu,

une

ressent

le

de

d’un

Adresser les travaux à : Monsieur le Directeur Général de la Pensée Universelle. Collection "L'œil Parle"

est

L’explication de type « collectif » Un ouvrage fondamental ; une “histoire intérieure” du roman. MAURICE NADEAU ( Quinzaine Littéraire )

Nouveaux talents pour le lancement de sa collection

"L'ŒIL PARLE"

périalisme blanc en Afrique. Face à cet aspect déclinant de la puis¬

l’analyse

Recherche

D'ALBUMS PHOTOS

Jacques

que

LA PENSÉE UNIVERSELLE Editeur

colon » angoissé par la fin de l’im¬

Leenhardt était nuancée : en effet,

haut

PHOTOGRAPHES

d’une

celui

du

anecdote

LES DIRIfiEANTS DE LA CHINE REVOLUTIONNAIRE 1850-1972

© Jean Meyer

LA REVOLUTION MEXICA NE © Anthony Storr

1 NST NCT DED iSTRUCTION © Henry V. Dicks

LES MEURTRES COLLECTIFS Analyse psychosociologique de criminels S.S.

© Henri Desroche

SOCIOLOGIE DE L’ESPERANCE

simple extérieure à lui, mais, ici

comme le remarque Rohhe-Grillet

encore,

le

déroulement

même

« Je ne suis pas de ceux qui croient

d'une histoire qui n’avait dautre

que la sécrtHion du mythe par les

réalité que celle du récit (1), dé-

CALMANN-LEVY

La Quinzaine Littéraire

roulement qui ne s’opérait nulle part ailleurs que dans la tête du narrateur invisible, c’est-à-dire de l’écrivain, du lecteur » (Pour Un Nouveau Roman p. 167). Si « l’œuvre n’est pas un témoi¬ gnage sur une réalité extérieure » mais « est à elle-même sa

propre réalité », et si le temps s’y trouve comme « coupé de sa temporalité », on mesurera pleine¬ ment l’importance du défi qu’une lecture politique située histori¬ quement peut présenter. Pour nous la position résolument atemporelle de Robbe-Grillet nous

paraît indéfendable au même titre que la lecture purement histo¬ rique ou sociologique. L’intérêt très vif que suscitera ce travail sera de poser à nouveau le pro¬ blème jusqu’à ce jour non résolu des rapports actifs ou passifs qui se jouent entre l’écrivain, le texte

et la société dans laquelle il pro¬ duit. Anne Fabre-Luce

1. C’est nous qui soulignons.

Essais

Marc Soriano Dossier Charles Perrault Hachette/Littérature

éd., 438 p.

Dans la magistrale étude qu’il consacrait en 1968 aux Contes de Perrault (1), Marc Soriano ana¬ lysait de façon si neuve la vie et l’œuvre de Charles Perrault qu’il semble difficile qu’un même sujet ait pu fournir matière originale au volumineux Dossier Charles Perrault qu’il nous propose au¬ jourd’hui. Si l’ouvrage comporte, de fait, d’inévitahles redites, elles sont exploitées et rassemblées dans une perspective centrée principale¬ ment sur le personnage de Per¬ rault. On ne saurait, en effet, réduire Perrault aux seuls Contes, et cet auteur, un des plus carac¬ téristiques et des plus féconds du XVIP siècle, reste pratiquement inconnu et en partie inédit. « Ce siècle de Louis XIV qui fonde notre culture est un mythe » : c’est au renversement de ce my¬ the que Soriano nous invite, à travers la personne de Charles Perrault et l’investigation systé¬ matique de son œuvre et de sa vie. Après la Fronde, « F autorité royale est reütaurée mais vit dans la hantise de nouveaux désor¬ dres » ; empêtré dans ses contra¬ dictions, le pouvoir improvise au jour le jour sa politique. Colbert apparaît comme le grand organi¬ sateur de l’absolutisme royal, no¬ tamment dans le domaine cultu¬ rel : Il fait de l’Académie fran¬ çaise un bastion gouvernemental, « l’instrument de la reprise en main des intellectuels ». Dans cette perspective, l’équilibre et la stabilité tant vantés du'siècle ap¬ paraissent plutôt comme une carapace masquant sa fragilité interne, et Soriano reprend, pour définir cette société de la seconde moitié du XVII* siècle, le concept de « société malade » proposé par Georges Devereux dans ses Essais d’Ethnopsychiatrie géné¬ rale (2). Comment se situe Perrault dans

Une névrose au XVII® siècle cette société ? Charles, le cadet de cinq frères d’une famille « de bourgeois aisés », « profondément liés à l’ordre et aux pouvoirs éta¬ blis », s’engage sans réserve dans ce qu’cn appelle une brillante car¬ rière ; savoureuse formule de Soriano : Perrault « manie avec frénésie la brosse à reluire ». Se détachant d’im Fouquet en perte de vitesse, il se rallie à Colbert, dont il va être, pendant vingt ans, l’homme à tout faire, « toujours à la disposition de son patron ». « Demandez la première place qui vaquera ! », lui ordonne un jour Colbert ; en plaçant son homme à l’Académie, Colbert est assuré de garder sous son contrôle les intellectuels, et Perrault as¬ sume avec bonne grâce ce rôle presque policier. La fameuse « querelle des An¬ ciens et des Modernes », qui ali¬ mente si noblement les manuels scolaires, est présentée par Soria¬ no sous un jour bien différent : lieu des haines personnelles, des rancœurs, des jalousies, où tous les coups bas sont permis ; Per¬ rault ne se prive pas d’utiliser sa position clé pour frapper ses adversaires et, de leur côté. Ra¬ cine et Boileau feront tout pour hâter sa chute. Arriviste, opportuniste, figure de mandarin-chien de garde, tout Perrault est-il là ? Sous la re¬ cherche d’un équilibre et d’une réussite sociale, Soriano décèle un être profondément meurtri, qui se sent contesté à la racine même de son existence, et dont l’an¬ goisse se manifeste continuelle¬ ment, presque à son insu, dans sa vie comme dans ses œuvres, leur donnant parfois « ce frémisse¬ ment qui nous touche encore ». A une époque qui ne s’intéresse guère à l’enfant et encore moins au nourrisson, où la mortalité infantile atteint 60 %, Perrault est l’homme qui, âgé de soixantedix ans, ouvre le récit de ses Mé¬

moires par ces mots : « Je suis (...) né jumeau. Celui qui vint au monde quelques heures avant moi fut nommé François et mourut six mois après. » A partir de cette phrase révé¬ latrice, et utilisant les recherches portant sur les jumeaux, en parti¬ culier les travaux de R. Zazzo (3), Soriano tente de définir ime « équation personnelle » de Per¬ rault. Abordons ce problème sous l’angle de l’humour, en citant Soriano, qui cite Zazzo, qui cite Twain disant : « Nous étions jumeaux. Lorsque nous étions bé¬ bés, l’un de nous deux se noya. Je n’ai jamais su si c’était lui ou si c’était moi. » La relation-gémel¬ laire est faite à la fois de « chaude intimité » et d’âpre rivalité. Mort, et donc échappant à tout affron¬ tement possible, le jumeau dis¬ paru persiste comme perte radi¬ cale chez le survivant. Pour Per¬ rault, qui n’a été accepté par ses parents que « comme élément partiel d’un ensemble qui n’existe pas », le drame de la gémellité Comment on imaginait les jujpeaux parfaits en 1668

rompue se rejoue sans cesse. A la recherche de son double, Perrault se fera le spécialiste du travail en collaboration, tout en cherchant obsessionnellement à situer les mérites de chacun et à s’attribuer l’essentiel d’une réali¬ sation commune. C’est là l’origine des cent onze querelles de pater¬ nité que dénombre patiemment Soriano. D’autre part, les meil¬ leures œuvres de Perrault sont celles qui ont été réalisées dans un esprit de compétition ou susci¬ tées par quelque polémique. La structure gémellaire se retrouve partout dans son œuvre, suscitant toute une gamme de confusions fondamentales concernant le sexe, le masculin/féminin, le singulier/ pluriel, etc. C’est cette incertitude, que Perrault projette sur Boileau sous la forme d’une injure de castration (rumeur relevée par So¬ riano dans un pamphlet de B. Poi¬ rot-Delpech : « Boileau, vers dix ans, un dindon lui a boulotté la quéquette » (4), figurée sur le frontispice de l’édition originale des Contes : la main de la conteu¬ se représente, pense Soriano dans une interprétation qu’il qualifie lui-même d’ « ahurissante », la tête au bec menaçant d’une oie prête à châtrer Boileau. En suggérant l’idée d’une con¬ ception « névrotique » de l’his¬ toire et de la littérature, c’est toute la reconstitution, effectuée avec érudition par Soriano, de ce qu’on pourrait appeler une « né¬ vrose au XVII* siècle », qm se présente comme surprenante à beaucoup d’égards — et pourtant convaincante. Catherine Turlan 1. Les Contes de Perrault — Gallimard 1968. 2. N.R.F., Gallimard 1971. 3. Les Jumeaux, le couple et la personne, P.U.F. 1960. 4. Finie la comédie, N.R.F., Gallimard 1969.

9 du 1*' au 15 avril 1973

ECRIVAINS ETRANGERS

Katherine Mansfield

L’Œuvre romanesque

Gertrude Stein

Autobiographie d'Alice

Donald Sutherland

Gertrude Stein

par Claude-Henri Rocquet

Journal Toklas

par Jean-Louis Curtis

Katherine Mansfield L'Œuvre

romanesque

Trad. de l’anglais par J.-G. Delaniain,

Marthe

Duproix,

M.-T.

Guéritte. M. Fagiies, Charles Mauron et André Bay Stock éd., 730 p.

Journal (édition complète)

Trad. de l’anglais par M. Duproix, Anne Marcel et André Bay Stock éd., 464 p.

Après rŒuvre romanesque, voi¬ ci l’édition complète (1) du Jour¬ nal de Katherine Mansfield. « Où en sommes-nous, après cin¬ quante ans, avec cette jeune morte ? » questionne Marcel Arland. Sa réponse : « Il ne me semble pas que nos écrivains nou¬ veaux songent beaucoup à elle »... La situation de Katherine Mansfield est singulière. Son œu¬ vre suscite des admirateurs ex¬ trêmes. Je songe à Raymond Guérin, par qui je l’entendis nom¬ mer pour la première fois, il y a près de vingt ans, et avec quelle tendresse ! Il ne plaçait, je crois, nul écrivain plus haut qu’elle. Pourtant, seul la Garden-Party est publié chez nous en édition de poche. Hier encore, la traduc¬ tion du Journal était très incom¬ plète. Et. sauf erreur, aucune étu¬ de critique n’est consacrée à son œuvre. Katherine Mansfield, à côté de Colette ou de Virginia Voolf, fait figure de sœur ca¬ dette, un peu délaissée. Les images qu’on se fait de sa vie expliquent un peu, sans doute, notre négligence. Cette naissance exotique : en NouvelleZélande. Les méandres de ses amours. Un premier mariage, à Londres, « pour voir », avec un professeur de chant : elle le quitte le lendemain. Son mariage heureux-malheureux avec John

1 0

Le paradis perdu de Katherine Mansfield Middleton Murry, homme de let¬ tres. Sa brève passion pour Fran¬ cis Carco (mais on oublie son amitié pour D. H. Lawrence, dont elle dit : « Je ressemble à Law¬ rence plus qu’à personne d’au¬ tre »). Son charme, sa grâce, sa gracilité, son teint mat, ses yeux très noirs. La tuberculose pulmonaire. Les séjours qu’elle fait, malade, souffrante, sur la Côte d’Azur, en Italie, en Suisse ; et parfois elle retourne à Lon¬ dres. La mort de son frère bienaimé, tué pendant la guerre. Sa vaillance, son courage, son hu¬ mour contre la douleur et la mort. Son application et sa pa¬ resse d’écolière. Ses derniers mots, écrits au plus noir de la détresse : Tout est bien. Sa mort, à Fontainebleau, dans l’ombre du mage Gurdjieff, dont elle atten¬ dait moins la santé que le salut. Sa mort, à trente-quatre ans. Une épitaphe de Shakespeare. Tout cela compose un personnage ro¬ mantique, celui d’une poétesse anglaise de l’autre siècle ; char¬ mant, pathétique, mineur.

prime le ravissement », dit Mau¬ rois. Et Jaloux (préface à la Garden-party, le Livre de Po¬ che) : « On ne pense pas devant ces tendres et délicates merveilles à faire œuvre de critique, à louer ici pour blâmer là. On les ché¬ rit

avec

son

cœur

et

non

avec

» — L’enfant-poète, la femme-enfant !... Ces suavités sont indigence d’esprit, et, pour tout dire, mauvaise foi manda¬ rine et masculine. Refus courtois, refus galant de prendre au sé¬ rieux l’écrivain Mansfield. son

esprit.

Comment lire aujourd’hui Ka¬ therine Mansfield ? Et par quel chemin accéder au cœur de cette œuvre et de cette vie ? Quel fil saisir ? Celui du désir de vérité qui la tourmente et l’anime des premiers jours au dernier, que tous ses lecteurs connaissent, et qu’elle-même, tant de fois, redit.

pour se blâmer, pour s’exhorter à vouloir « la limpidité du cris¬ tal ». Ce désir de vérité, pour¬ tant, n’est pas simple. Il se com¬ pose d’un désir d’authenticité de la vie personnelle. D’un désir de probité dans le métier d’écrire. D’un désir d’unir la vie et l’œu¬ vre. Mais je crois que son foyer, c’est l’angoisse de sauver le monde, ce monde indissoluble¬ ment délectable et voué à la des¬ truction. Ici me semblent capita¬ les ces lignes qu’elle écrit à son frère mort : « Je dirai tout, même comment, à la maison du numéro

75,

le

panier

à

linge

grinçait. Mais il faudra tout dire avec une

un

sentiment

splendeur,

un

du

mystère,

rayonnement

de soleil disparu, parce que toi, mon tu

petit

t'es

soleil

couché,

qui tu

es

Véclairais, descendu

par-delà la lisière éblouissante du

Mais l’œuvre ? La façon dont un Edmond Jaloux, un Maurois, un Arland même, l’ont préfacée favorise le malentendu. On célè¬ bre son « impressionnisme », — son « impressionnisme féminin ». (Et quelles tristes sornettes, chez Maurois, que ce couplet sur « l’univers de femme », « la na¬ ture de femme », etc.) On parle, mille fois, de grâce, de frémis¬ sement, de sensibilité, d’impalpa¬ ble. De poésie. On fait de son œuvre — de son œuvre — une sorte de miracle ingénu ; et, de ce miracle, on se sent incapable de rien dire : « Devant Tart le plus grand, le silence seul ex¬

La Quinzaine Littéraire

monde. Maintenant, il faut que, moi, je remplisse mon rôle {J. 22/1/1916). » — Eterniser la mortelle merveille de vivre, ces instants d’extase devant ce qui est ! Conjurer par l’image, par l’écriture, la disparition de ce qui fut un jour, un instant, vérita¬ blement. et presque indicible¬ ment, présent ! C’est pour cela qu’il faut que l’écriture, qui peut

tout sauver, soit parfaitement fidèle et juste, véridique. Mais comment atteindre cette pureté nécessaire de l’art sans se purifier soi-même, sans brûler tout ce qui fait obstacle à la transparence ? Aux dernières pages du Journal, Katherine Mansfield, eberebant à dire ce qu’elle désire devenir, ne trouve que ces mots : une enfant du soleil.

L’ARCHIPEL Collection dirigée par Pierre Kyria

Vient de paraître

BLAISE CENDRARS poète du cosmos par Jacqueline Chadourne 272 pages

Quand le monde, soudain, se désenchante

Le thème essentiel de l’œuvre, ç’est celui du paradis perdu. Pa¬ radis qui n’est pas seulement l’en¬ fance, la maison d’enfance, mais l’existence même, l’être même, qui s’anéantit. A partir de ce point, tout s’ordonne. Les por¬ traits d’arbres, d’arbres magiques, si nombreux. La figure serpentine et démoniaque du couple Kember, dans Sur la baie. La Tenta¬ tion de Béryl Fairfield. La place initiale de ce récit dans le livre, l’ouverture même du récit : l’au¬ be, le berger, les moutons, la mer, la nature. Cette montée, dans Jour férié (l’une des plus belles pages de K. M.), cette ascension de toute une foule terrestre, co¬ casse, transfigurée, -— « Et la foule monte, monte la colline, les mains pleines de petits gou¬ pillons, de diablotins, de roses, de plumes. Les gens grimpent, grimpent, se précipitent dans la lumière et la chaleur, avec des appels, des rires, des cris per¬ çants, comme s’ils étaient pous¬ sés par quelque chose bien loin derrière eux, happés par le so¬ leil, bien loin devant — attirés dans r universelle, T éclatante, splendeur... vers quoi ? » Revers de ce paradis perdu : les grisailles, les enfers quoti¬ diens, la douleur de vivre et de mourir. La mort. Elle hante Sur la baie : c’est la grand-mère de la petite Kézia songeant à son fils mort ; c’est Kézia voulant faire promettre à sa grand-mère de ne jamais mourir, découvrant pour la première fois que tout le monde meurt, qu’elle mourra, et l’oubliant aussitôt, comme nous tous. C’est, dans Prélude, devant les enfants qui ne s’attendent à rien de tel, devant Kézia, un ca¬ nard qu’on décapite : — « Remettez-lui sa tête, remettez-lui sa tête ! » gémissait-elle. « La mort d’un jeune ouvrier, dans la Garden-party : tout avait commencé par les préparatifs d’une fête juvénile, dans un jardin... » La mort d’un canari. D’une mouche. Mais il n’est pas de mort qui

nous soit étrangère : toute mort est nôtre, toute mort est la mienne.) La mort, la vraie, et cette autre, quand le monde, soudain, se désenchante : Miss Brill, vieille fille, goûtait un par¬ fait bonheur dans un jardin pu¬ blic, écoutant la musique ; et voici qu’elle se voit telle que les autres la voient... La sympathie, la pitié de Ka¬ therine Mansfield pour tout être vivant, pour tout être mortel, n’est pas seulement un sentiment — comment dire ? physique et métaphysique. Et il y a chez elle, implicite mais rigoureuse, la peinture des aliénations, des op¬ pressions sociales : oppression des enfants par les adultes, des filles et des fils par les pères, des femmes par les hommes, des pauvres par les riches, des do¬ mestiques par leurs maîtres. Et parfois, ces deux malheurs hu¬ mains, celui d’être vieillissant et mortel, celui d’être la chose d’au¬ trui, s’entrecroisent, se confon¬ dent. La vieille « Maman Par¬ ker » fait le ménage du Monsieurauteur, elle vient de perdre son petit-fils, elle n’a même pas un endroit où pleurer sans qu’on la voie. Laura, dans la GardenParty, découvre en même temps la mort et la misère. A propos de détails qu’elle ju¬ geait inutiles dans la Cerisaie, Katherine Mansfield note dans son Journal (18/10/1920) : « Tou¬ te Vaube est dans une chandelle que. l’on éteint. » Cela vaut pour son art. Et pour sa pensée. Claude-Henri Rocquet

24 F

Cendrars plus grand que sa légende

Vient de paraître

PARIS DES SURREALISTES par Marie-Claire Banequart 232 pages, illustrations

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La ville et ses mythologies, sous le regard surréaliste

la réédition attendue d’un classique de la critique moderne

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précédemment paru

par Hubert Juin 312 pages

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d’Alphonse Allais à Renée Vivien, de Rémy de Gourmont à Saint-Pol Roux : une “belle époque’’ de nos lettres. innumiiff 1 ■«»*"*Mour les cher¬ cheurs, la conditions même de leur accès au domaine qu’ils ont choisi, et, par rapport à lui, les obscurités et les incertitudes du savoir scientifique doivent valoir comme des énigmes qui attendent leurs solutions, et non comme des objections. Ainsi, comme les sa¬ vants du XVIIP siècle échouaient à appliquer les lois de Newton aux mouvements de la Lune, « certains (Centre eux suggérèrent de remplacer la loi du carré in¬ verse par une loi qui s'en écar¬ tait pour de petites distances. Mais c'eût été modifier le para¬ digme, définir une nouvelle énig¬ me et non résoudre Vancienne. En Voccurrence, les savants s'en tinrent à leurs règles jusqu'à ce que, en 1750, F un d'entre eux découvrît la façon de les appli¬ quer avec succès. »

Dans les périodes de crise Voici qu’en revanche, dans les périodes de crise, les patientes énigmes, qui se laissaient jus¬ qu’alors intégrer au programme des futures applications et spéci¬ fications du paradigme, se font objections radicales et arguments polémiques. Par exemple : « Co¬ pernic a vu des preuves contrai¬ res dans ce que la plupart des autres successeurs de Ptolémée avait tenu pour des énigmes. » Ou encore : « Einstein a consi¬ déré comme des preuves contrai¬ res ce que Lorentz, Fitzgerald et d'autres avaient considéré comme des énigmes dans la mise au point des lois de Newton et de Max¬ well. » Comment un tel renver¬ sement — quasi perceptif, comme le montre Kuhn — est-il possi¬ ble ? Ce point reste assez mys¬ térieux. Une certitude, cepen¬ dant : un paradigme ne peut être rejeté qu’au profit d’un autre pa¬ radigme qui déjà se propose. Re¬ noncer à tout paradigme, ce se¬ rait révolte ou désespoir, ce serait sortir de la science... Cette description double an¬ nule, si on l’admet, certains des problèmes traditionnels de l’épis¬ témologie française. Nous avons l’habitude, par exemple, de poser presque rituellement la question : la science est-elle cumulative ? — pour y répondre, invariablement,

25 du U’ ou 15 avril 1973

par la négative. Bachelard, contre la représentation mécanique de l'accumulation des connaissances, nous a enseigné la mobilité essen¬ tielle de l’esprit scientifique ; il en a même fait, non sans enthou¬ siasme, le modèle de certaines vertus, et le thème d’une exhor¬ tation pédagogique. Plus froidement. Kuhn montre qu’il y a bien tout un aspect cumulatif du travail scientifique : la science normale a pour tâche de vérifier progressivement et sys¬ tématiquement le paradigme qu’elle a admis, et il n’y a là nulle raison de s’indigner contre une quelconque inertie. Mais, en période de révolution, la rupture n’en est que plus radicale : Kuhn montre lumineusement que les modifications ne sauraient alors être ponctuelles, et qu’elles tou¬ chent tous les concepts du do¬ maine considéré. Encore une fois, il n’est pas question, pour Kuhn, de prendre parti pour l’un ou l’autre de ces

aspects, car l’efficacité même de la science est le fruit de cette dua¬ lité de son fonctionnement. Mais surtout, la description de Kuhn semble renoncer à une certaine exaltation purement philosophi¬ que de la science. C’est peut-être là le sens de ses débats avec ce qu’il appelle le premier néo-posi¬ tivisme. Pas plus qu’ailleurs, il n’y a dans la science selon Kuhn de clarté définitive, d’acquisition pour toujours, de communication garantie. De part et d’autre d’une révo¬ lution scientifique, les savants semblent ne plus travailler dans le même monde. La théorie new¬ tonienne n’est nullement une vé¬ rité irréductible qu’il faudrait bien trouver moyen d’inclure, comme un cas particulier et moyennant certaines approxima¬ tions, au sein de la théorie d’Ein¬ stein, considérée simplement com¬ me plus générale. Newton est aussi radicalement séparé d’Ein¬ stein qu’Aristote l’est de Newton.

Mais surtout, au moment même d’une révolution, les savants qui se sont rangés sous des paradig¬ mes différents se trouvent dans l’impossibilité, parfois dramati¬ que, de communiquer. Nulle tra¬ duction d’un type de discours dans l’autre n’est possible, et les tenants de l’ancienne théorie sont positivement sourds à ceux de la nouvelle, et réciproquement. L’ho¬ mogénéité, la transparence, que l’on attribue souvent au monde des savants est une illusion engen¬ drée par l’enseignement ou la vul¬ garisation. Etudiant ces affrontements en¬ tre paradigmes, décrivant le jeu des ralliements et des résistances, des partis minoritaires et majori¬ taires, Kuhn tire un des meilleurs partis possible des méthodes so¬ ciologiques, en les appliquant au fonctionnement interne de la pro¬ duction scientifique. Il montre, en tout cas, qu’il est des moments, dans les sciences, où il faut parier. Car si le travail scientifique a

deux visages et comporte, en alter¬ nance, deux exigences — celle du maintien et de l’exploitation mi¬ nutieuse d’un paradigme, et celle du saut —, il fait, corrélativement, courir deux risques au savant : celui de manquer le moment du saut vers un nouveau paradigme, et celui de sauter prématurément, ou vers le néant. Et ce double ris¬ que est le prix même de la fécon¬ dité de la science. Freud, on le sait, faisait des révolutions scientifiques de Co¬ pernic, de Darwin, et de la révo¬ lution psychanalytique, trois « hu¬ miliations » infligées au narcis¬ sisme de l’humanité. Toutes pro¬ portions gardées, l’œuvre de Kuhn pourrait être, pour un certain type de confiance que l’humanité fait à la science, l’occasion d’une blessure narcissique nouvelle. Car voici que, hors de la science aussi, et en toute rigueur scientifique, l’on peut, par l’effet d’un pari sans issue, choir. Claude Mouchard

ARCHEOLOGIE

La plus ancienne civilisation Geoffroy Bibby Dilmoun, la découverte de la plus ancienne civilisation Calmann-Lévy éd., 384 p.

G. Bibby a appartenu aux mis¬ sions danoises qui fouillèrent, pendant quinze ans, plusieurs mois chaque fois, l’île de Faïlaka (au nord du golfe Persique), celle de Bahreïn et la péninsule arabi¬ que proche. Les résultats furent importants ; ils ne furent pas révolutionnaires. Heureusement, l’édition française, marquant en cela un progrès notable, a atténué le ton emphatique qui était déli¬ bérément celui de l’édition de langue anglaise et l’excellente tra¬ duction a masqué considérable¬ ment, grâce à un français ner¬ veux et ramassé, la fâcheuse impression de remplissage que donnent, beaucoup moins ici, les vingt premières pages. G. Bibby a, en somme, hésité entre un récit de voyage, informé

26

et pittoresque, et un exposé, à l’usage du grand public, des ré¬ sultats historiques obtenus, sans éviter le déséquilibre en faveur du premier projet. Mais n’est pas Layard, lord of Niniveh, qui veut et il manque, de toute façon, le parfum vieillot que seuls un siècle et plus de distance donnent à ce genre d’ouvrage. Ne boudons tou¬ tefois pas notre plaisir : l’auteur raconte avec bonheur la vie quo¬ tidienne sur un chantier et l’on aimerait inviter ceux qu’attire l’archéologie du Proche-Orient à le lire de près : ils y verront, discrètement évoqué mais pré¬ sent, combien d’énergie passe à organiser, combien peu reste pour le travail archéologique, combien celui-ci est ingrat et harassant. G. Bibby aime à en expliquer les techniques et il le fait d’autant plus pédagogiquement qu’en quel¬ que sorte il décrit sa propre for¬ mation. Lorsque la première expédition danoise débarqua à Bahreïn, en 1953, l’île appartenait déjà, si l’on

peut dire, aux assyriologues et son identification avec Dilmoun était admise depuis 1880. Des fouilles intermittentes avaient eu lieu jus¬ qu’après la Seconde Guerre mon¬ diale. On avait même écrit l’his¬ toire de ses rapports avec la vallée des deux fleuves, entre 2300 et 550 avant notre ère, grâce à des textes trouvés en Mé¬ sopotamie. Restait à interroger Bahreïn et à retrouver et rassem¬ bler les données indigènes. Les efforts prolongés que ra¬ conte G. Bibby tout au long per¬ mettent de tracer l’évolution ma¬ térielle de Dilmoun et de donner une vue continue et cohérente de son archéologie, qu’il a pu rat¬ tacher à la Mésopotamie et éten¬ dre, partiellement, à la péninsule arabique occidentale. L’exposé flotte un peu lorsqu’il s’aventure dans le monde babylonien : cette inexpérience et le désir, à la fois légitime et intéressé, de magnifier les découvertes, poussent l’auteur à voir dans Dilmoun un des prin¬ cipaux foyers de culture du Pro¬

che-Orient ancien, rival de Sumer ou de l’Egypte ; cela ne paraît pas être le cas. L’intérêt de la civilisation de l’antique Bahreïn, je le verrais plutôt non dans son originalité mais au contraire dans sa « bâtardise » : non pas phare mais reflet.

Une civilisation périphérique Nous connaissions, ou plutôt nous soupçonnions, l’existence de ces cultures périphériques, par exemple dans les hautes vallées du Zagros, à l’est de la Mésopo¬ tamie, mais, sauf exception, nous les ignorions archéologiquement parlant. Grâce à G. Bibby et à ses collègues, nous pouvons désor¬ mais étudier l’acculturation d’une ère géographique précise, pendant deux bons millénaires. Ce sera la tâche des spécialistes, au vu des résultats définitifs, d’apprécier dans le détail comment la civili¬ sation mésopotamienne a été re-

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çue et absorbée par l’ouest du golfe Persique, quels gauchisse¬ ments et adaptations elle a subis. Mais déjà, textes et monuments permettent d’en saisir les grandes lignes, La Babylonie du Sud, malgré l’impression que donnent les atlas, est une barrière, dans l’An¬ tiquité. faite de vastes cannaies, à j>eu près impénétrables. Dans ce monde amphibie, se réfugient et, quelquefois, s’organisent hors-laloi et proscrits. Si, au nord, le pouvoir est fort et actif, il prend alors en main ce « pays de la mer » ; il s’y fraye un passage : la route du golfe est ouverte et le reste tant que rien ne vient frap¬ per l’Etat qui en assure la sécu¬ rité. On ne s’étonnera pas que

les périodes où Dilmoun sort de son engourdissement correspon¬ dent, dans l’histoire mésopotamienne, à des gouvernements sta¬ bles. Le parallélisme est trop exact pour être un hasard. Alors s’installent dans les îles, Faïlaka et Bahreïn, des fonctionnaires et des marchands mésopotamiens. Ils importent leur langue et leur écri¬ ture. Ils dominent, politiquement et économiquement, les villages. Les paysans trouvent en eux des protecteurs contre les nomades de la steppe et ils accueillent, du même pas, la culture babylo¬ nienne, écrivent en cunéiforme et adoptent, pour leur panthéon, des noms sumériens. Mais Dilmoun, à la différence des Hittites ou des Perses, n’a pas pu ou pas voulu

saisir sa chance : elle l’eut au tournant du troisième et du deuxième millénaire quand elle servit d'emporium à l’Inde, fai¬ sant transiter les pierres semiprécieuses, les ivoires et les bois, vendant le cuivre de l’Arabie. Après lüOO, la vallée de l’Indus interrompt ses envois. Dilmoun ne peut plus guère espérer quitter la tutelle des empires. Il est difficile de ne pas par¬ tager la sympathie manifeste que G. Bibby porte à Bahreïn mais on ne saurait le suivre quand il insiste fortement sur le rôle qu’elle aurait aussi joué dans la mythologie mésopotamienne. Dil¬ moun est bien, en effet, le paradis sumérien mais qu’a à faire cette île mythique avec le port de

transbordement du golfe Persi¬ que ? 11 n’apparaît nulle part que les Mésopotamiens les aient con¬ fondues. Dilmoun a plus reçu qu’elle n’a donné. Elle fut le relais modeste et efficace de Sumer jusque vers le centre de la péninsule arabique. Mais c’est peut-être par cette impuissance à être autre chose qu’un lieu d’échanges excentrique qu’elle mé¬ rite d’avoir donné son nom a>i paradis pour ceux qui vivaient, en Mésopotamie, le choc des puissances.

Jean Maitron

Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français Histoire du Premier Mai Pouget, les matins noirs du syndicalisme La révolution mexicaine

par Gilbert Walusinski

Maurice Dommanget Christian de Goustine Jean Meyer

Daniel Arnaud

par Henri Favre

Militants ouvriers Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, troisième période : de la Commune à la Première Guerre mondiale 1871-1914, tome X (A à Bou), sous la direc¬ tion de Jean Maitron Les Editions Ouvrières, 352 p. Maurice Dommanget Histoire du Premier Mai Editions de la Tête de Feuilles, collection « Archives et Docu¬ ments », 496 p. Christian de Goustine Pouget, les matins noirs du syn¬ dicalisme. Editions de la Tête de Feuilles, 248 p.

Le Congrès ouvrier de la rue d’Arras (1876)

Déjà, en 1947, Pierre Monatte écrivait : « Pauvre premier mai ! Qu'est-il devenu ? Qu’est-ce qu'on en a fait ? Au point qu'on peut se demander s'il rime en¬ core à quelque chose. » (Dans « la Révolution Prolétarienne » de mai 1947). Aujourd’hui, de¬ mandez autour de vous ce qu’on en pense. .4utre expérience : questionnez vos amis sur ce qu’ils savent de Pouget, d’Allemane, pour ne citer que des noms connus. Il faut reconnaître que les hommes passent et leurs idée.s aussi. De là le prix des travaux historiques qui empêchent que meure tout à fait la flamme qui anime certains. Sur ma table, trois livres récents, chacun à sa façon, redonnent vie à des mili¬ tants ouvriers. Le tome X du Dictionnaire biotrraphique du mouvement ouvrier français, de Jean Maitron, ouvre

27 dit 1'" au 15 avril 1973

la troisième |)ério(le de cette œuvre monumentale. Il s’ouvre sur des listes très complètes des participants aux congrès syndi¬ caux ou politiques qui témoignent de l’activité des militants à cette époque. Ce qu’on retrouve ensuite dans les notices biographiques toujours rédigées avec le même soin que dans les tomes précé¬ dents. Mais les temps ont ehangé, les préoccupations aussi. S’il y a des survivants de la Commune et de la déportation (Allemagne, justement), il y a surtout la foule obscure des organisateurs des syn¬ dicats avec leurs espoirs et leurs luttes (ce n’était pas impunément qu’on organisait les ouvriers du textile à Reims, par exemple), celle des soeialistes des diverses tendances à la recherche de leur unité, Jean Allemane, Charles Andler... On est un peu étonné de trou¬ ver la première partie de la bio¬ graphie d’Alain dans ce diction¬ naire sur le mouvement ouvrier (la seconde partie de la biogra¬ phie sera donnée dans les tomes de la période 1914-1939 qui sont déjà en bonne voie d’élaboration). C’est que Maitron a préféré dé¬ border un peu son domaine plu¬ tôt que de laisser échapper des militants auprès desquels le mou¬ vement ouvrier a trouvé soutien ou idées ; et il y a eu des con¬ tacts plus pernicieux que celui d’Alain. On trouve aussi un écho des luttes féministes ; Hubertine

Auclert, l’une des sept femmes qui participèrent au congrès ou¬ vrier de Marseille en 1879, y représentait « le Droit des Femmes » et l’association « Les travailleurs de Belleville » ; elle prit la parole : « Esclave délé¬ guée de neuf millions éTesclaves, venue faire entendre les réclama¬ tions de la moitié déshéritée du genre humain, (je déclare) quune République qui maintiendra les femmes dans une condition d’in¬ fériorité ne pourra pas faire des hommes égaux. » Relevons aussi la notice sur les Bonneff et demandons ce qu’at¬ tendent les collections de poche pour reprendre leurs œuvres. Ce précieux dictionnaire bio¬ graphique a comporté trois tomes sur la période allant de la Ré¬ volution à la Première Interna¬ tionale, six tomes pour cette Pre¬ mière Internationale et la Com¬ mune. Il faut en attendre plus de six pour la période allant jus¬ qu’à 1914 et certainement au moins autant pour l’entre-deuxguerres. Œuvre monumentale par conséquent, œuvre collective aussi mais qui doit son organisation, sa vie, à la persévérance et à l’es¬ prit de méthode de Jean Maitron, Que l’historien de l’anarchie soit un tel organisateur, cela devrait faire réfléchir... L'Histoire du Premier Mai, par Maurice Dommanget, avait paru, il V a vingt ans, aux éditions Sudel du Syndicat des Instituteurs ;

le volume était épuisé depuis longtemps. L’excellente réédition d’aujourd’hui est mise à jour et complétée d’un très utile index des noms. Dommanget constate qu’en 1973 « la journée symbo¬ lique a gagné droit de cité sur toute la planète en revêtant des aspects insoupçonnés. ■» Cela ne contredit pas la remarque désa¬ busée de Monatte : oui, on chôme partout (ou presque) le premier mai, mais qui pense aux martyrs de Chicago ou même, plus près de nous, à Paul Delesalle, à Rou¬ get et à leur célèbre formule « A partir du premier mai 1906, les travailleurs ne feront plus quehuit heures », ou encore au fa¬ meux numéro spécial de VlJnion des Métaux réalisé par Meerheim et Rosmer pour le premier mai 1915 ? Dommanget reconnaît que si le premier mai est désormais noyé dans d’affligeantes mascarades (ni plus ni moins affligeantes, remarquez-le, que celles du quatorze juillet des républicains et celles du noël des chrétiens), il refuse d’en désespérer : « Il saura, ditil, se dépasser en se renouvelant. » On veut bien, mais ça ne paraît pas en prendre le chemin. Question d’hommes sachant animer la flamme ouvrière comme sut le faire Pouget, pendant un temps, avec son Père Peinard dont le premier numéro paraît en 1889. Venu de l’anarchisme, Pouget évolue vers le syndica¬

lisme révolutionnaire et c’est en qualité de secrétaire général ad¬ joint de la C.G.T., le secrétaire gé¬ néral étant Griffuelhes, qu’il s’oc¬ cupera du premier mai. Sous le titre Pouget, les matins noirs du syndicalisme, le livre de Chris¬ tian de Goustine nous donne une étude surtout fondée sur l’œuvre journalistique, considérable, de Pouget. Celui-ci avait {>ourtant amassé de riches archives, qui ont été malheureusement détruites. Ce livre représente une thèse de doctorat soutenue en 1961. Sous sa forme actuelle il intéressera un grand nombre de lecteurs, qui apprécieront un choix de textes extraits pour la plupart du Père Peinard : contre les « philo¬ sophes et chieurs d’encre », « les capitales et les négriers », sur « le palais d’injustice » ou « sus aux ratichons ». De Goustine n’a pas étudié la collaboration de Pouget à FHumanité, de 1914 à 1918. Evidem¬ ment, cela ne pouvait pas être la meilleure période du Père Pei¬ nard. Je remarque d’ailleurs que dans son nouveau livre sur les Gauches en France, 1789-1972, Georges Lefranc est aussi très dis¬ cret sur cette période pourtant révélatrice des caractères. Dom¬ mage, car même si la période est à l’union, celle-ci n’a son prix que dans la vérité et il ne faut pas, même pieusement (? !), gom¬ mer les ombres. Gilbert Wainsinshi

Histoire

jean Meyer La Révolution mexicaine Coll. « Archives des Sciences Sociales » Calmann-Lévy éd., 325 p.

Que n’a-t-on pas dit de la révo¬ lution mexicaine ! Considérée tantôt comme un soulèvement agraire, tantôt comme un mouve¬ ment d’essence petite-bourgeoise, elle est aussi une de ces formes dramatiques que prend la relève des générations en Amérique la¬ tine. Annonciatrice de la révolu¬ tion chinoise pour certains, de la révolution russe pour d’autres, elle préfigure surtout les effon¬ drements que connaît aujourd’hui le Tiers Monde. En 1910, une concomitance de crises internes et externes abat le pouvoir sénescent de Porfirio Diaz. Les factions politiques qui harcelaient le régime sans le contester vraiment ne parvien¬ nent pas à capter l’héritage de la

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Le phénomène révolutionnaire au Mexique longue dictature modernisatrice. Une société à l’intérieur de la¬ quelle s’opèrent des changements profonds fait brutalement voler en éclats les cadres désuets qui la compriment. Les convulsions fré¬ nétiques dont elle est saisie tout à coup précipitent le pays entier dans le chaos d’une fête san¬ glante. Grands propriétaires mar¬ ginalisés, paysans spoliés, ouvriers exploités, artisans ruinés, chô¬ meurs — bref, toutes les victimes de la prospérité porfirienne — font et défont des armées qui tour à tour se coalisent et se massa¬ crent sans s’encombrer de justi¬ fications idéologiques, sous la conduite de jeunes chefs impro¬ visés dont les noms sont Zapata, Carranza, Villa, Obregon... C’est

le temps des troubles, le règne des seigneurs de la guerre, le triomphe de la violence à l’état pur. C’est la révolution mexicaine. Puis, vers 1920, les convulsions s’apaisent. Les combats cessent, surtout faute de combattants. Tout au moins ils tendent à se circonscrire au clan de ces sei¬ gneurs de la guerre qui canalisent à leur profit les derniers soubre¬ sauts d’un pays exsangue, sous l’œil proconsulaire de l’ambassa¬ deur des Etats-Unis. Sortis de la boutique, de l’échoppe ou du rancho, venus d’un nord encore pionnier, les nouveaux maîtres du Mexique apparaissent moins com¬ me l’expression des classes moyen¬ nes que comme leur manifestation anticipée. Sans assise sociale, sans

autre projet politique que celui de se perpétuer au pouvoir, ils sont amenés à composer avec l’oligarchie et à reconduire ainsi l’ancien régime dans ses aspects essentiels, sous le couvert d’une mythologie révolutionnaire qui leur tient lieu d’idéologie. L’Etat, doté de moyens de coer¬ cition modernes, place progressi¬ vement la société dans de nou¬ veaux carcans. Le parti constitué sur un modèle corporatiste étouffe peu à peu toute vie politique, tandis que des technocrates, des¬ cendants directs des cientificos porfiriens, gèrent une économie dont les orientations ne sont pas mises en cause. De sorte que si le Mexique s’enrichit entre 1910 et 1940, les disparités régio-

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nales ne cessent de s’accuser, les inégalités sociales de se creuser malgré la réforme agraire, la dé¬ pendance envers l’étranger de s’aggraver malgré les nationali¬ sations.

Viva Modem {gravure de Posada)

Alors, pourquoi la révolution mexicaine ? L’ouvrage de Jean Meyer apporte maints éléments de réponse à la question que sa lecture provoque. Il décrit la pé¬ riode dans tout son foisonnement événementiel, en s’apuyant no¬ tamment sur des témoignages que l’auteur a recueillis au magnéto¬ phone, et sur des documents iné¬ dits qu’il est allé puiser dans les archives présidentielles à Mexico, comme dans les dossiers du Dé¬ partement d’Etat et de l’Intelli-

gence Militaire à Washington. L’analyse s’unit intimement au récit pour cerner le phénomène révolutionnaire dans sa nature autant que dans ses manifesta¬ tions. Quoique prudemment ame¬ nées, les conclusions viennent bousculer bien des idées reçues, des vérités officielles, des mythes entretenus à des fins plus ou moins innocentes. Fermement « institutionnali¬ sée » aujourd’hui, la révolution mexicaine peut se livrer sans crainte à l’historien. Elle s’est livrée à un historien de talent. Henri Favre

Aller à la connaissance comme on va à la guerre Carlos Castaneda. Voir Coll. « Témoins » Trad. de l’anglais par Marcel Kahn. Gallimard éd., 272 p.

Dans une précédente livraison de « La Quinzaine littéraire » (n° 152, du 16 au 30 novembre 1972), nous avons eu l’occasion de présenter le premier ouvrage de Carlos Castaneda, FHerbe du diable et la petite fumée (Le Soleil noir éd.). Il s’agissait du récit des expériences d’un jeune ethno¬ logue américain qui s’initiait à la magie des hallucinogènes, guidé par un sorcier yaqui des confins américano-mexicains, don Juan. Ce livre nous révélait à la fois un animisme d’une vigueur excep¬ tionnelle, un champ fascinant d’épreuves chamelles et spiri¬ tuelles proche du mysticisme, marqué par des « états de réalité non ordinaires » induits par les drogues, et enfin le heurt et l’écart de deux civilisations, la « primi¬ tive » prenant cette fois le pas sur la nôtre, la rationnelle ou rai¬ sonnable. Submergé par la crainte, Carlos Castaneda avait cessé de voir don Juan. La curiosité le fit revenir.

Voir prend, chronologiquement, la suite de l’Herbe du diable et la petite fumée. C’est le récit de la reprise de l’initiation. Mais, entre la thèse présentée devant l’université de Californie qu’avait été son premier livre, et celui-ci, il est arrivé autre chose à Carlos Castaneda, le succès de librairie dans son monde, dans le nôtre. Aussi les deux ouvrages diffèrentils beaucoup par le ton et l’inten¬ tion, même s’il paraît difficile de lire le second en ignorant le pre¬ mier. Voir se veut un reportage et non plus une étude. La lecture en est donc aisée, mais l’intensité dramatique moyenne.

De retour auprès de don Juan, Carlos Castaneda ne se replonge pas abruptement dans l’expéri¬ mentation des hallucinogènes. Il semble plus soucieux de tenter de définir, d’après les propos de son initiateur, les caractéristiques des facultés mentales que celui-ci a pu acquérir. Il semble que don Juan soit capable de « voir » le monde et les hommes qui l’en¬ tourent, à l’opposé de Castaneda qui ne sait encore que regarder. Voir peut être défini d’une fa¬ çon concrète. Ainsi les êtres hu¬ mains seraient-ils comme des œufs lumineux, capables de pro¬ jeter cette énergie interne sous

forme de tentacules préhensiles au-delà des limites de leurs corps, pour peu qu’ils aient été initiés, comme le sorcier don Genaro, qui se livre devant Castaneda à des prouesses corporelles étonnantes. Mais « voir » n’a pas seulement à faire avec les yeux. Il s’agit bien d’une perception seconde globale de la nature, de chaque élément, de chaque être qui la compose, des dangers qu’elle re¬ cèle, des secours qu’elle peut ap¬ porter. « Voir » ne se distingue donc pas seulement de regarder sur le plan sensoriel, mais dans la nature du lien que constitue la perception. Regarder, c’est s’op-

29 du 1" au 15 avril 1973

poser, donc rester - étranger. « Voir », c’est franchir cette op|>osition et par conséquent parti¬ ciper à la réalité. « Voir » ne passe pas nécessai¬ rement par la consommation d’hallucinogènes, et ceux-ci tien¬ dront une place beaucoup plus modeste dans le second livre de Castaneda que dans le premier. Au détriment, peut-être, d’une certaine richesse dans le récit des expériences. En fait, dans toute une pre¬ mière partie, l’auteur nous expose comment il a cherché à compren¬ dre (fâcheuse habitude dont il doit et ne peut se débarrasser, selon don Juan) ce qu’était « voir », et essayé d’y parvenir à l’occasion de séances de sorcel¬ lerie dans lesquelles il n’était pas directement impliqué. Pendant cette période, don Juan développe les grands traits d’une philosophie qui mérite quelque attention. « Une fois que Fhomme apprend à « voir », dit don Juan, il se découvre seul dans le monde avec rien cTautre que la folie. » Par folie, il faut entendre, semble-t-il, une absence totale de hiérarchie de valeurs dans les actes et les événements. Rien n’a d’importance, ni le bien ni le mal, ni la vie ni la mort, ni l’amour ni la haine. « Tes actes..., dit encore don Juan à son élève, te semblent importants parce que tu as « appris » à penser qu’ils sont importants... Nous apprenons à penser à propos de tout... Mais lorsqu’un homme apprend à

« voir », il se rend compte qu’il ne peut plus penser aux choses qu’il regarde, et s’il ne peut plus penser à ce qu’il regarde, tout devient sans importance. » Le sorcier n’échappe pas luimême à ce monde qui est folie. Et l’attitude morale que propose don Juan se résume en deux thèmes : user de folie contrôlée, c’est-à-dire faire comme si... ( « mes actes sont sincères, mais ils ne sont que les actes d’un acteur », assure don Juan) et aller à la connaissance comme on va à la guerre, avec peur, avec respect, pleinement lucide du fait qu’on va à la guerre, et avec une séré¬ nité absolue. Plus tard, don Juan illustre concrètement ce point de vue, à l’occasion d’un souvenir d’enfance de Carlos Castaneda qui ne man¬ quera sans doute pas de retenir l’attention des psychanalystes. Il avait à l’école rurale un petit camarade qui l’aimait et dont il avait fait son souffre-douleur. Un jour, une farce méchante tourna mal : il lui cassa le bras. « Pen¬ dant des années, j’avais gagné, j’avais dominé mes ennemis... A cet instant-là je quittai le terrain de combat... Je pris la résolution de ne jamais plus gagner », conte Castaneda. Et don Juan de lui rétorquer : « Maintenant tu dois changer ta promesse... Il n’y a rien que tu puisses faire pour la vie de ce petit garçon ». « L’esprit d’un guerrier, insis¬ tera plus tard don Juan, n’est pas poussé à l’indulgence et à la

complainte, pas plus qu’il n’est dirigé vers vaincre ou perdre. L’esprit du guerrier est destiné uniquement au combat, et chaque combat est pour le guerrier sa dernière bataille terrestre. Par conséquent, pour lui, Fissue n’a pa^ (Fimportance. » A travers les siècles et l’immen¬ sité de l’océan Pacifique, n’est-ce pas le même langage que nous entendons Krishna tenir à Arjuna dans la Bhagavad-Gita, notam¬ ment en son deuxième chapitre ? Cette philosophie de don Juan et sa convergence avec celle de l’Inde ancienne est un aspect qui m’a tant frappé dans ce livre que je néglige peut-être ici d’évoquer les tentatives de Carlos Castaneda pour « voir », avec l’aide de la « petite fumée » chargée de psilocybine, tentatives encore inépuisées. Qu’importe ! Ce qui me paraissait occuper la première place dans le précédent récit de Carlos Castaneda, ses expériences, me semble ici un peu secondaire. Puis-je espérer en savoir plus sur la philosophie yaqui dans le troi¬ sième livre, encore inconnu en France, du même auteur, sur la suite de ses relations avec le même sorcier ? Je disais plus haut que Carlos Castaneda avait connu la gloire en librairie. Plus de 500 000 exemplaires aux U.S.A. Une cou¬ verture et une enquête de « Time ». Chez nous, deux ar¬ ticles dans « le Monde » du 8 mars 1973, qui ouvrent une polé¬ mique. L’un de Jacques Masui,

enthousiaste devant le maintien de la tradition magique et la critique de la connaissance objec¬ tive. L’autre, de Raphaël Sorin, qui voit en Carlos Castaneda un esprit déréglé par sa tentative de plongée dans un monde radi¬ calement aliéné pour lui, et ma¬ nipulé par le sorcier qui prétend l’enseigner. Le succès ne laisse sans doute pas intact ce qu’il touche, et la lecture des livres de Carlos Cas¬ taneda en pâtira. Que cet ethno¬ logue soit naïf, on peut lui en faire gloire ou le condamner. Qu’il ne nous offre que des mots chargés de scrupules d’Occidental, alors qu’il est question d’expé¬ riences hors de notre pensée ap¬ prise, et qu’il dit fondamentales, soit. On peut faire le même cons¬ tat pour Daumal et pour d’autres. Pour moi, j’ai lu Voir autre¬ ment, et bien différemment de FHerbe du diable et la petite fu¬ mée. J’ai été moins préoccupé de magie, d’expériences halluci¬ natoires et d’expérimentateur. Ce que m’a apporté cet ouvrage, c’est un aperçu, encore ô combien frag¬ mentaire, sur une philosophie et une morale qui ne sont certes pas celles qui ont cours dans cette partie du monde qui est la nôtre, mais qui, rapprochées de celles de l’Inde antique, lancent un pont à travers les âges et les distances et marquent la constance d’une pensée qui n’a cessé de côtoyer la nôtre sans rencontre décisive. Claude Ernoult

Economie politique

La démarche freudienne pour rétude d’une entreprise Elliot Jaques /ntervention

et

changement

dans Fentreprise Intr. de J. Dubost, trad. française de C. Lingagne Dunod éd., 302 p. / Dans cet ouvrage, un psycho¬ sociologue britannique, encore peu connu en France (1), décrit, de manière très fouillée, les inter¬ ventions qu’il effectua à partir de 1948 auprès d’une entreprise de construction mécanique d’outre-Manche, la Glacier Métal Company. Ce genre d’enquête est devenu maintenant pratique cou¬ rante, mais le cas qui nous est présenté sort de l’ordinaire à cause des traits théoriques et méthodologiques qui le caracté¬ risent.

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L’auteur a, en effet, ime forma¬ tion de psychanalyste, et il a cherché à transposer aux rela¬ tions collectives internes d’une firme la démarche freudienne conçue pour une relation entre deux individus. D’où une voie d’approche qui envisage toute l’entreprise, mais rien qu’elle. Toute l’entreprise, c’est-à-dire que le travail de consultation devra s’effectuer de manière aussi large que possible et veiller à ne pas se limiter à certains parte¬ naires privilégiés. Rien que l’en¬ treprise, car il n’est pas question de resituer celle-ci dans un ensemble économique et social plus large. Ce parti pris « indivi¬ dualiste » (je dirais plutôt micro¬ sociologique) est incontestable¬ ment une source d’enrichissement conceptuel, en ce qui concerne

par exemple l’articulation entre niveau psychique et niveau insti¬ tutionnel, et il incite, en outre, à s’attaquer à des problèmes concrets au lieu de disserter indé¬ finiment sur des abstractions. Mais, en même temps, il prête le flanc à une critique analogue à celle qui a été adressée en éco¬ nomie à la sous-optimisation, et qui revient en gros à dire : vous améliorez peut-être les choses dans un segment de la réalité so¬ ciale, mais c’est en les empirant à l’écheUe globale. La difficulté est réelle, mais peut-on pour autant conclure avec J. Dubost, au terme de son excellente introduction, que pour Jaques, « le mode de structura¬ tion du travail humain » est un « invariant »? La leçon que l’on pourrait en tirer me paraît plu¬

tôt que tous les paramètres per¬ tinents — niveaux de rémunéra¬ tion, de responsabilité et de compétence — doivent être envi¬ sagés simultanément, mais que les deux derniers, les plus liés à l’environnement « sociétal » de la firme, sont aussi les plus difficiles à faire varier, tout au moins dans le court terme. N’estce donc pas finalement dans l’ap¬ préciation des délais nécessaires à un changement social délibéré que résident en grande partie les divergences ? Bernard Cazes

1. Bien que plusieurs de ses ouvrages aient été déjà traduits aux Editions Hommes et Tech¬ niques.

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BIBLIOGRAPHIE

Livres publiés du 5 au 20 mars Mohammed Dib Le Maître de chasse Seuil, 207, p., 21 F En Algérie, aujourd’hui, dans une région sans eau, l’affrontement entre technocrates et tenants de la foi, ou de la magie.

ROMANS ET RECITS FRANÇAIS Bruno Barth Les Dos ronds ou le Retour en esclavage Gallimard, 257 p., 27 F Histoire au jour le jour d'une grève tradition¬ nelle que les plus jeu¬ nes ouvriers changent, un mois durant, en oc¬ cupation d’usine.

Georgette Elgey La Fenêtre ouverte Fayard, 219 p., 20 F L’historienne de ia IV' République se rappelle son enfance, sous l’Oc¬ cupation, et en écrit un récit.

Hélène Cixous Tombe Seuil, 174 p., 25 F Une histoire d’amour à trois, en comptant la Mort, où « le sperme fait encre »...

Joseph Majault Virginie ou ie Premier matin du monde Laffont, 240 p., 24 F Le portrait d’une petite fille, et un fait divers développé à la manière d’un conte.

Bernard Dary Les Beaux bars Fayard, 230 p., 20 F Un soiffard et ses es¬ cales favorites.

Jean-Marie Paupert Mère angoisse Grasset, 254 p., 24 F Dans la première moitié de notre siècie, un mon¬ de déjà éloigné de pe¬ tites gens en proie au péché et au souci du pain. Irène Stecyk Une petite femme aux yeux bieus Fayard, 242 p., 22 F C’est la Brinvilliers empoisonneuse de son mari et de ses frères, elle fut non seulement un monstre mais encore une victime.

ROMANS ET RECITS ETRANGERS Ernst Augustin Mamma trad. de l’allemand par M. F. Letenoux

Gallimard, 360 p., 35 F Une triple fugue haute¬ ment cocasse, mettant en scène la carrière aventureuse et concur¬ rente de trois frères. Carlo Cassola Anna de Volterra trad. de l’italien par Ph. Jaccottet Seuil, 320 p., 27 F Quelles sont les forces, quelles sont les causes qui constituent la « fa¬ talité » de la vie d’une femme ? James Park Sloan Camarade V trad. de l’américain pai H. Francès Denoël, 199 p., 25 F Le camarade V est-il un ouvrier schizophrène, ou un grand mathématicien détenu pour raisons pO' litiques dans un asile psychiatrique ?

Véniamine Kavérine Devant le miroir trad. du russe par I. Sokologorski Coll. « Pavillons » Laffont, 409 p., 30 F Entre 1910 et 1932, l’his¬ toire d’amour de deux êtres que le destin sé¬ pare : une jeune femme peintre et un mathémati¬ cien. Publié en 1971.

trad. de l’américain pat J. du Mourier Seuil, 507 p., 39 F Un psychiatre honorable et new-yorkais confie à la décision d’une paire de dés ses moindres faits et gestes.

Vladimir Maximov Les Sept Jours trad. du russe par N. Nidermiller Grasset, 423 p., 33,65 F A travers le destin de trois frères, une vaste fresque de l’existence et de la société en Union soviétique dans les cin¬ quante dernières an¬ nées, par un romanciei né en 1932.

louli Daniel Poèmes de prison éd. bilingue, trad. du russe par Ed. Scherrer Gallimard, 80 p., 15 F Ces poèmes poignants furent écrits par I. Da¬ niel durant les quatre mois de détention qui précédèrent son fameux procès.

POESIE

Luke Rhinehart L’Homme-dé

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Françoise Giroud

Anne Prédaille (Flammarion) Grandeur et tentations de la médecine (Buchet-Chastel) L’épervier de Maheux (Pauvert) Jeu du souterrain (Grasset) Les vingt ans du roi (Laffont) Le souffle de la guerre (Laffont) Ma moitié d’orange (Julliard) Ça suffit (Grasset) Les écuries de l’occident (La Table ronde) Si je mens... (Stock)

Pier Paolo Pasolini Poésies 1953-1964 éd. bilingue.

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Giuseppe UngarettiVie d’un homme ESSAIS Jean Beaufret Jacques Bouveresse

Dialogue avec Heidegger I. Philosophie grecque Wittgenstein, la rime et la raison

S. Freud-A. Zweig Correspondance 1927-1939 Liste établie d’après les renseignements donnés par les libraires suivants . Biarritz, La Presse. — Brest, La Cité. — Chartres, Légué. — Dijon, L’Univer¬ sité. — Grenoble, Artaud. — Issoudun, Cherrier. — Lille, Le Furet du Nord. — Lyon, La Proue. — Montpellier, Sauramps. — Nantes, Coiffard. — Nice, Rud n. — Orléans, Jeanne d’Arc. — Paris, Les Aliscans, Aude, Fontaine, Hune, Julien Cornic, Marceau, Paris, Présence du temps. Variétés, Weil. Poitiers, L’Université. — Rennes, Les Nourritures terrestres. — Royan, Magel¬ lan. — Strasbourg, Les Facultés. — Toulon. Bonnaud. — Vichy, Royale.

James Joyce

Correspondance II

Thomas S. Kuhn

La révolution copernicienne

Henri Meschonnic Pour la poétique II et III Gilles Lapouge

Utopie et civilisations

Paul Valéry

Cahiers I

Pléiade

31 du 1"^ au 15 avril 1973

frad. de l'italien par J. Guidi Gallimard, 290 p., 28 F Cinéaste et romancier, Pasolini est aussi un lyrique abondant, et gé¬ néreusement « enga¬ gé ». Dominique Rouche Hiulques Copules Coll. « Le Chemin » Gallimard, 220 p., 23 F « Qu’en est-il, au de¬ meurant, du Cela-dit ? » La lecture de ce recueil ne rassurera pas forcé¬ ment ceux que trouble cette interrogation. Jude Stéfan Idylle suivi de Cippes Coll. « Le Chemin » Gallimard, 139 p., 20 F Des poèmes agréable¬ ment ciselés dans une ingénuité précieuse et volontiers grivoise.

LITTERATURE CRITIQUE LITTERAIRE Jacques Aubert Introduction à l’esthétique de James Joyce « Etudes anglaises » Didier, 200 p., 35 F Une tentative pour situer Joyce dans notre culture et son histoire. Joseph Delteil Alphabet Grasset, 131 p., 15 F Maximes, aphorismes et notes brèves « pour mettre en appétit ». Huguette Laurent! Paul Valéry et le théâtre « Bibliothèque des idées » Gallimard, 539 p., 58 F Le théoricien et l’auteur dramatique chez Valéry. Georges Matoré et Irène Mecz Musique et structure romanesque dans ia Recherche du temps perdu Klincksieck, 355 p., 44 F Le thème de la musique dans « la Recherche », et la construction musi¬ cale du chef-d’œuvre de Proust. André! Siniavski Plaidoyer pour ia iiberté de l’imagination Hachette, 251 p., 29 F Un recueil d’études de critique littéraire (sur Akhmatova, Pasternak,

32

levtouchenko, etc.) qu’il faut aussi savoir lire dans le dangereux contexte politique où elles parurent. Philippe Sollers H Coll. « Tel quel » Seuil, 180 p., 20 F On n’a pas encore suf¬ fisamment étudié les re¬ lations du Texte et de la machine à écrire. Paul Valéry Cahiers tome I « Bibliothèque de la Pléiade » Gallimard, 1 544 p., 85 F Tome I de cette pre¬ mière édition publique, établie et annotée par Judith Robinson.

MEMOIRES JOURNAUX INTIMES Jean Cavalier Mémoire sur la guerre des camisards Coll. « Le Regard de l’histoire » Payot, 262 p., 36,40 F Les Mémoires du chef des camisards sont un document humain et historique de grande va¬ leur. Comtesse Jean de Pange 1900 s’éloigne Grasset, 272 p., 24 F Des souvenirs, intimes ou publics, de l’aprèsguerre (14-18) par l’au¬ teur de « Comment j’ai vu 1900 ». Maria Van Rysselberghe Les Cahiers de la Petite Dame 1918-1929 N" 4 des Cahiers André Gide Gallimard, 461 p., 42 F Une substantielle partie de ce qui concerne Gide dans le journal réguliè¬ rement tenu par sa plus intime amie. Document captivant..

PHILOSOPHIE Marc Beigbeder Contradiction et nouvel entendement Bordas, 582 p., 60 F L’auteur élabore ici une logique « à trois orien¬ tations » où la logique de l’identité devient un cas particulier et limite.

Bernard Carnois La Cohérence de la doctrine kantienne de la liberté Seuil, 220 p., 29 F Un état dressé des dif¬ férentes significations de l’idée de liberté chez Kant.

Noam Chomsky Problèmes du savoir et de la liberté trad. de l’américain par M. Laroche et M. de Beauregard Hachette, 160 p., 24 F Un ensemble de confé¬ rences consacrées à la pensée de Bertrand Russell. Roman Jakobson Questions de poétique Coll. « Poétique » Seuil, 508 p., 45 F Réunion, sous la direc¬ tion de T. Todorov, des textes essentiels consa¬ crés par Jakobson à la théorie de la littérature ainsi qu’à celle des autres arts, de 1919 à 1972. Alexandre Kojève Essai d’une histoire raisonnée de la philosophie païenne tome III « Bibliothèque des idées » Gallimard, 532 p., 57 F Dernier volume de cette œuvre considérable : « la Philosophie hellé¬ nistique », « les Néo¬ platoniciens ».

ESSAIS Alain Jaubert et J.-M. Lévy-Leblond (Auto) Critique de la science Coll. « Science ouverte » Seuil, 384 p., 29 F Choix et « montage » d’un grand nombre de textes extraits de revues et de publications fran¬ çaises ou étrangères, d’où se dégagent les aspects spécifiques à la science, de la crise sociale générale. Gilles Lapouge Utopie et civilisations Weber, 256 p. L'utopie est un ordre, non une anarchie ; une logique, non une figure poétique ; un système clos, non une évasion.

PSYCHANALYSE, ETHNOLOGIE Mary Barnes et Joseph Berke Mary Barnes, un voyage à travers la folie Seuil, 399 p., 39 F Mary Barnes, considérée généralement comme schizophrène, a vécu cinq années dans la communauté antipsy¬ chiatrique créée par R.D. Laing à Londres, jusqu’au début de sa guérison. Edmund Bergler Les parents ne sont pas responsables des névroses de leurs enfants Payot, 256 p., 39,40 F Exposition et étude des raisons pour lesquelles, selon l’auteur, parents et éducateurs contrôlent moins l’avenir de l’en¬ fant qu’on ne le sup¬ pose généralement. Henri Dontenville Mythologie française Coll. « Regard de l'histoire » Payot, 272 p., 36,40 F Réédition de cet ouvra¬ ge classique qui dégage dans notre tradition fol¬ klorique les résidus de mythes celtes et ger¬ mains. A. de Mijolla et S.A. Shentoub Pour une psychanalyse de l’alcoolisme Payot, 424 p., 50,75 F La psychanalyse des al¬ cooliques est-elle, com¬ me on l’a pensé jusqu’à présent, impossible ? Theodor Reik Le besoin d’avouer. Psychanalyse du crime et du châtiment Payot, 408 p., 56,75 F Une somme de la psy¬ chologie du crime et du criminel.

Salomon Resnik Personne et psychose Payot, 228 p., 36,40 F A travers sa recherche sur les moyens d’ex¬ pression de l’incons¬ cient, l’auteur s’applique à découvrir « une sé¬ mantique du corps ».

POLITIQUE HISTOIRE ECONOMIE George Bruce L’Insurrection de Varsovie Coll. « Ce jour-là » Laffont, 310 p., 29 F Le 1'”' août 1944, Var¬ sovie, soumise depuis cinq ans aux violences des S.S., se soulève. Herbert Marcuse Contre-révolution et révolte Coll. « Combats » trad. de l’anglais par D. Coste Seuil, 167 p., 18 F Face au capitalisme qui s’emploie à institution¬ naliser la contre-révolu¬ tion, la naissance d’une « nouvelle sensibilité ré¬ volutionnaire ». Charles Rihs La Commune de Paris 1871 Seuil, 382 p., 39 F Réédition substantielle¬ ment remise à jour de l’ouvrage paru en 1955. Jean-Michel Treille L’Economie mondiale de l’ordinateur Seuil, 201 p., 39 F L’expansion de l’infor¬ matique : son histoire, et ses conséquences. Cheng Ying-Hsiang Idylle sino-cubaine, brouille sino-soviétique «Travaux et recherches de science politique » Armand Colin, 311 p., 85 F.

BEAUX-ARTS Robert L. Delevoy Jean Brusselmans Ed. Laconti, Bruxelles 446 p. Le catalogue raisonné (par G. Brys-Schatan) de l’œuvre de ce peintre belge (1884-1953) dont cette étude montre l’im¬ portance et qu’elle ré¬ vélera en France. Jean Dubuffet L’Homme du commun à l’ouvrage Coll. « Idées » Gallimard, 448 p. Réunion des textes, dont quelques-uns inédits, d’un peintre dont les observations, les idées et l’écriture sont d’un véritable écrivain. Jacques Lassaigne (sous la direction de) La Grande Histoire de la peinture tomes I, II, Il et IV Skira, chaque vol. 96 p. Ces quatre premiers vo¬ lumes vont de 1280 à 1520. Nombreuses plan¬ ches en couleur et en noir. Jorj Morin Naissance de la peinture Grasset, 64 p, 12 F Une suite de réflexions exprimées en courtes notes qui répondent à la question : qu’est-ce que peindre ? Jean Paris Miroirs, Sommeil, Soleil, Espaces Edition Galilée, 194 p. Quatre études intelli¬ gentes et sensibles de critique d’art sur Rem¬ brandt, Vermeer, Van Gogh et Cézanne.

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Tarif : 11 f la ligne de 35 signes. Nos abonnés bénéficient d’une an¬ nonce gratuite de 4 lignes. Ordres aux bureaux du journal : Seuls les ordres passés par écrit sont acceptés Etudiants : réduction 30®/o Une édition de la correspondance et une biographie de Maurice Baring sont en préparation. Comme cet écrivain anglais a vécu en France et avait beaucoup d’amis français, il est probable que de nombreuses

lettres et autres documents inédits le concernant existent en France. C’est avec une vive gratitude que seront accueillis tous les renseigne¬ ments adressés à Julian Jeffs, Church Farm House, East lisley, Near Newbury, Berkshire, England.

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Louis Seguin

La pratique de l’utopie Jacques Doillon L’An 01

Claude Faraido Themroc L’Utopie appartient à l’ordre du récit Dans le livre de Thomas More déjà, le narrateur demande au « très sage Raphaël Hytholdée » de lui décrire 1’ « Ile » en un « tableau complet ». Ce style indirect est une dialectique de l’exigence et du dépaysement. L’écrivain, le « je » et le témoin déchiffrent et arpentent la dis¬ tance indéfinie qui les sépare d’un territoire situé, à la lettre, « nulle part ». L’intervalle et l’interpellation parlent aussi bien d’un réel intolérable que d’un rêve compensatoire.

La diaphore, la régression L’Utopie se décide dans l’arbi¬ traire. Elle est construite, quelle que puisse être la subtilité ulté¬ rieure de son développement, autour d’une idée simple et abrupte. « L’An 01 » de Gébé et Doillon raconte une manière de complot serein : il s’agit, à heure dite, de tout arrêter ou, mieux encore, de faire le pas de côté, d’articuler le refus qui désagré¬ gera le système. Rien ne pourra s’opposer à ce renoncement puisque, ainsi qu’il est dit à un moment, s’il est possible d’arrêter un mouvement, il est inconce¬ vable d’arrêter un arrêt. Cette tactique fondée sur la différence ténue de la diaphore est, on le voit, d’une rhétorique prudente. La construction est aussi sage. « L’An 01 » s’interdit toute bru¬ talité, fût-elle d’écriture. Il suffit de dire non, de ne pas répondre, voire de répondre autrement, de négliger les ordres, de démonter les voitures et de laisser les por¬ tes ouvertes, pour que l’armée s’anéantisse, que le ciel rede¬ vienne clair, que les légumes poussent sur les trottoirs et que le crime, faute de mobiles, dis¬ paraisse. Claude Faraido édifie, lui aussi, « Themroc » sur une hypothèse élémentaire. Il prend à contrepied les tristes vaudevilles de

style Pirés (« Elle court, elle court, la banlieue ») pour imposer un scandale régressif II s’adonne à un rousseauisme dément. Il amplifie le thème du bon sauvage et de son innocence jusqu’à le faire basculer sur lui-même. Son héros perce sa caverne, aban¬ donne le langage articulé, bafoue l’exogamie et réinvente le can¬ nibalisme. Il éventre les murs, s’exprime par grognements, cou¬ che avec sa jeune sœur et traque les policiers pour les dévorer. Et

puis « Themroc » renouvelle le consensus que suggéraient Gébé et Doillon. A leur vague conni¬ vence il substitue la contagion et dicte qu’à l’intérieur de sa propre logique la légalité utopique doit imposer le modèle de sa violence. Les voisins seront donc, ou non, gagnés par la fièvre et les péri¬ péties décrivent aussi bien l’échec du malheureux qui, au rebours de Piccoli, ne peut séduire le maçon que la société a envoyé pour reboucher sa caverne, que la furie

Rencontre à St-Raphaël Cela s’est produit, je crois, le soir du dixième jour de ces rencontres. L’un des « débatteurs » s’écria : Il faut créer une nouvelle phénoméno¬ logie de la perception « écranique » ! Malgré la lassitude rétinienne géné¬ rale, des œillades ironiques s’échan¬ gèrent. Nous en étions au soixan¬ tième long métrage, après avoir vi¬ sionné des kilomètres de pellicule suisse, polonaise, française, hon¬ groise, québécoise, italienne et japo¬ naise. Ce dernier sursaut eut raison de nos mémoires... Mais je serai « écranique », et en avant pour la libido rétinienne japonaise ! A travers une sorte de caricature d’un nouveau consensus social cher à Mendel, « l’Empereur à la sauce tomate », de Terruyama, montre une société inversée. Des enfants en uni¬ forme et fusil coursent des adultes apeurés, des corps impubères se mêlent au son de la « Mer cal¬ mée » dans des orgies de tableau sûr. Une défroque sanguine de père ricoche sur les cailloutis tirée par un attelage de bambins. La longue séquence d’un gosse étreignant phy¬ siquement sa mère présumée, sculp¬ turale Japonaise de trente ans — taille immense, à l’échelle du petit corps —, fit s’écrier l’assistance : « Quelle psyché cet enfant, rendezvous compte, au tournage ! » Un sou¬ lagement général salua le gosse cambré, tambourinant des mains chaque sein de sa maman, clignant des yeux en nous contemplant de l’écran ! Ces Japonais... Nous en suffoquions encore, lors¬ que Ferrara et les frères Taviani mêlèrent une Mafia sous flashes avec la mélancolie XIX' O’un pré¬ curseur du socialisme marxiste. En cours de montage sous les aus¬

pices d’Arcandi, plus connu pour le «Tango», « Sasso in Bocca » il sortira sous le titre accrocheur de « Dossiers secrets de la Mafia ». Mené tambour battant par Ferrara, c’est un littéral bombardement de séquences flashes. Parmi ces éclairs : l’assassinat par un médecin d’un jeune berger devenu compromettant. Reconstitué à la perfection, acteur sosie, noms propres cités (le méde¬ cin exerce encore en Italie). Une pierre se fige dans la bouche d’un Noir américain sur la dernière image de ces « Dossiers ». Le film devient une sorte d’œil à facettes géant, cra¬ chant la pourriture de cette MafiaMéduse à la mode, ici renouvelée. Visible dans quelques jours, « Saint Michel avait un coq », des Taviani, laisse longuement mourir un anar¬ chiste condamné à la prison perpé¬ tuelle, dans l’Italie de 1880. Ballet atrocement lent de l’histoire. Conteurs doués, les Taviani politi¬ sent la mélancolie. Guilio, décalé politico-temporel, finira par se don¬ ner la mort. Je ne sais quel accueil recevra du public ce méditatif sur le destin. Les organisateurs avait bien fait les choses. Ils avaient invité Mar¬ guerite Duras, Dubois et Nestor Almendros qui présentait une rétros¬ pective des films d’Eric Rohmer. Passé I’ « a priori » « joujou docile et charmant », Marie Dubois fait montre d’un mordant inattendu. Déjà concrétisé dans « Bof », de Faraido, et « les Arpenteurs », souhaitons que cela continue. Nestor Almendros est la sensibilité même. Directeur de la photographie de Rohmer depuis « la Collectionneuse », son empreinte est visible. Eric Dumont

du maniaque qui cesse de lustrer sa voiture et la défonce. L’exem¬ ple ne persuade pas, il en¬ flamme : « Themroc » est à l’ex¬ trême du spontanéisme.

L’utopie n’a pas d’histoire L’étrangeté même de l’Utopie est scandaleuse. Rien d’étonnant si l’anthropophagie et l’inceste la hantent ; ils délimitent son extériorité radicale, son repli dans les dehors du temps et de l’es¬ pace. Marcel Detienne rappelle comment, dans la Cité grecque, « le cannibalisme est clairement dénoncé comme une forme de la bestialité que la cité rejette sans ambiguïté et qu’elle situe « aux confins de son histoire », dans un âge antérieur de l’humanité, « aux limites de son espace, parmi les peuples qui composent le peuple des barbares » (1). Le cinéma n’est pas moins expli¬ cite : le goût de la chair humaine est une folie des terres inconnues (« Northwest Passage », de King Vidor) ou une faim immonde de l’au-delà (« the Night of the living dead », de George A. Romero). Americ Vespuce assurait avoir ouï dire qu’au Brésil un peuple d’ « épicuriens » ne connaissait ni le vêtement ni la propreté ni les contraintes sexuelles et prati¬ quait l’anthropophagie. Freud con¬ cluait que « la situation pour l’in¬ ceste est exactement pareille à celle du cannibalisme ». La fiction de « Themroc » recueille ces dé¬ bordements de « situation », cette paragéographie et cette préhis¬ toire. « L’An 01 » est, lui, de tradition proudhonienne. Il exploite l’héri¬ tage insistant de l’anarcho-syndi¬ calisme. Son arrêt, son pas de côté, évoque sous une forme atténuée la grève générale « révo¬ lutionnaire », cette « absurdité » (Engels), fort populaire en France depuis que Bakounine en a lié le concept au principe de l’auto¬ gestion. Gébé et Doillon en revien¬ nent à ce socialisme « utopique » qui est « l’expression de la vé¬ rité, de la raison et de la justice absolue » et qu’il suffit de « décou¬ vrir » « pour qu’il conquière le monde par la vertu de sa propre force » (2), bref, hors de la science et de l’histoire, à la pure contin-

33 du 1" au 15 avril 1973

gence. Le vague même de leur décision première, qui diffuse comme par miracle, rappelle la « minorité agissant au sein des masses » que Jules Maîtron avait reprise à Blanqui. Ni chez Gébé et Doillon, ni chez Faraido, il n’est question de la lutte des classes.

La violence, le plaisir L’erreur, justement, ne consis¬ terait-elle pas à vouloir lier de force l’Utopie de ces projets à une politique qui, Barthes l’a montré (3), ne lui est pas superposable ? Son modèle ne re¬ lève ni de l’exemple ni de la pra¬ tique, mais de la fiction et de sa vérité interne. Gébé, Doillon et Faraido ne composent pas un for¬ mulaire activiste mais, à l’écart du

Désir politique, un texte de Plai¬ sir (Barthes, encore, évidemment). « Themroc » n’invite pas à con¬ sommer du CRS, à baiser sa sœur ou à enfiler les maçons ; il n’en appelle pas aux subversions fein¬ tes de la contre-culture et de la contre-morale ; il cherche et frôle cette limite narrative où le Plaisir devient indicible et renonce au profit de la Jouissance. L’analogie avec la Cité s’impose encore. « Themroc » rénove les cultes orgiaques où les initiés consom¬ maient de la viande humaine et où le profane n’entendait, dans la nuit, que leurs « hululements ». Le plaisir de « Themroc », c’est la violence même de son écriture, et, aussi, la frontière de cette vio¬ lence, l’au-delà de son au-delà. L’échec de 1’ « An 01 », en re¬ vanche, ne vient pas de la décep¬

tion de voir opposer une Utopie douce à cette Utopie dure, mais d’un relâchement général qui fait manquer un plaisir auquel on ne peut plus que substituer hâtive¬ ment l’indulgence et la sympa¬ thie. L’antithèse du chaos ram¬ pant n'est pas cette gentillesse molle, aussi « tolérable » finale¬ ment qu’est « tolérable » l'escla¬ vage quotidien qu’elle veut dénon¬ cer. Ce sont les chiffres et les débats de l’Harmonie. Au canni¬ balisme se heurtent les controver¬ ses polies des « gastrosophes ». L’inceste ne se perd plus dans les « passions » et les « contrepassions » mais se soumet à la mathématique qui en fait une combinaison possible parmi d’au¬ tres : « Un amalgame des deux cardinales majeures, des deux affections d’amour et de familis-

me. » Or, tandis que Fourier fixe le « Pivot » de « la sagesse gas¬ tronomique en majeur » et de « l’amour en mineur », Gébé et Doillon n’apportent au débat que leurs légumes, leurs nouilles et leur hygiène champêtre. L’Utopie, parce qu’elle autorise tout contre l’inadmissible, n’admet, précisé¬ ment, ni la pauvreté de l’écriture ni le puritanisme de la pensée. Louis Seguin

1. Marcel Detienne. « Entre Bêtes et Dieux », dans « la Nouvelle Revue de psychanalyse », n" 6. C’est moi qui souligne. 2. « Anti-Dühring ». 3. « Fourier, Sade, Loyola », entre autres.

THEATRE

Gilles Sandler

Kant et le jeune homme Jean Andureau Le jeune homme

Th. des Amandiers, Nanterre « Il était une fois un grand esprit qui allait mourir, et un jeune homme inquiet qui voulait sa¬ voir. » C’est le dernier jour — ou un des derniers jours — de Kant, d’Emmanuel Kant, ce Faust de la morale qui nous gouverne encore. Sa maison, à Koenigsberg, est à la fois sa maison, une ville déserte à demi engloutie, une scène de théâtre, et l’univers. On est entre un déluge et une éclipse totale du soleil. Des villes entiè¬ res ont disparu. Un jeune homme paraît. Un étrange combat com¬ mence. Kant aura connu lui aussi son combat avec l’Ange. Sur ce thème superbe, Jean Audureau, de qui nous connais¬ sions déjà « A Memphis il y a un homme d’une force prodi¬ gieuse », (une pièce fort belle jouée par Bourseiller en 1966), a écrit une des plus grandes œuvres de théâtre, un des plus beaux textes lyriques que nous ayons lus depuis longtemps, depuis le temps, peut-être, où nous décou¬ vrions Jean Vauthier(l). Une œu¬ vre ésotérique, difficile, un peu touffue, d’un lyrisme plus contenu, plus austère que celui de Vauthier, une œuvre qui sollicite ma¬ gnifiquement — soyons kantien —

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à la fois l’entendement et l’ima¬ gination. Il est dommage que Pierre Débauché nous l’ait pré¬ sentée avec des moyens insuffi¬ sants, dans une mise en scène qui ne rend pas compte parfai¬ tement de l’œuvre, et qui ne nous aide guère à nous diriger dans son labyrinthe. Encore a-t-il eu le courage, que d’autres n’ont pas eu, de la monter.

Un enchevêtrement complexe La pièce se déroule comme un combat, ou plutôt comme un enchevêtrement complexe de jou¬ tes, de jeux et de défis. Kant, dans son fauteuil, dort. Il rêve. « Il rêve qu’il danse. » Kant a-t-il jamais dansé ? O miracle de Dionysos. En tout cas, Dionysos habite ce lieu où Kant com¬ mence sa mort. Autour de Kant qui dort, une jeune faune érotique s’ébat, s’ébroue : jeux d’enfants impudiques. La gouvernante. Ma¬ man Zêta, qui aime l’ordre, a beau dire à ses filles « Je cal¬ merai le grand feu que vous avez au cul », ces deux filles, Maïa et Al-Sûfi, et Cristal leur amie, et Mathias leur jeune cousin, rem¬ plissent l’espace de leur virevolte érotique : ce sont partout corps

qui s’agrippent, s’esquivent, s’en¬ jambent, corps d’animaux rapi¬ des et souples se renvoyant de l’un à l’autre comme la balle au jeu de paume, partout les cris aigus des filles chatouillées... Au milieu de ce cirque éroti¬ que, comme deux éléphants va¬ guement inquiétants, deux valets étranges, comme sortis de Strindberg, veillant sur le sommeil de Kant, qui se jalousent et qui se battent à qui des deux en con¬ naît le plus long sur les rêves du Maître ; l’un d’eux, avec sa canne, et dans des gestes de démiurge, inscrit des figures sur le sol, donnant ainsi à la mai¬ son, et à la ville, des formes qui changent avec la marche du soleil, et le cours de la repré¬ sentation. Dans cette lumière d’arche de Noé, où sont les autres hommes ? Le monde vit-il encore ? Et no¬ tre monde, à nous, existe-t-il en¬ core, s’il faut, pour être, avoir une raison d’être ? On attend. « C’est le jour où le jour ne s’accomplit plus..., car enfin la naissance de ce jour est diffi¬ cile. » Il demeure quelque signe d’un monde qui a dû être, ou qui est à trouver : une fourrure, figure vivante d’animaux morts, est posee là, dans les rues de la ville, insolite et posant ques¬ tion comme le gilet du grand Meaulnes, après la Fête étrange.

Et voici que Kant se réveille. Et voici qu’il marche, tout étonné de marcher. « Oui, ma chère, dit-il à Maman Zêta, j’ai parcouru les quatre horizons, tout bonne¬ ment... Nous avons fait la vie. Madame, une sacrée vie. »

Paraît le jeune homme Paraît alors, d’abord sous la forme d’un enfant, puis d’un jeune homme, le jeune homme. Le dou¬ ble, toujours ; le double du Maî¬ tre, sans doute, ce double qui surgit d’ordinaire quand la fin se prépare, comme le signe dernier d’une vie qui s’échappe. Joueur, vaurien, menteur peut-être, as¬ soiffé d’être et de connaître, c’est à la fois Rimbaud et Tho¬ mas l’imposteur. Il « rêve de prendre une planète à bras-lecorps... ; mon péché ? vagabon¬ der sur le demi-grand cercle tracé à la surface de la Terre ; mon ambition ? briser le Méri¬ dien ». Tout plein de ce Maître, il est venu vers lui : « Autour de chacune de vos phrases je cons¬ truis des spectacles inouïs. » Et il interroge, il interroge, et il pro¬ voque. « Parlez-moi de l’imagi¬ naire... Est-ce que le tragique de l’existence humaine est vraiment insurmontable ? » Et ce Maître — sagesse disqualifiée, inanité

T.a (Quinzaine Littéraire

du vieux savoir — n’a qu’une piteuse réponse « Mon pauvre enfant, ne te considère pas comme un être qui contient tout l’univers. » Et si c’était ça, vivre : vouloir contenir en soi l’univers ? Et si ce vieux Maître sans ré¬ ponse à qui Nathanaël propose aujourd’hui de faire connaître « le vent violent de la Perse, et le brûlant simoun », et si ce vieux spectre, donc, avait passé à côté de la vie, à côté de sa vie ? Il a pourtant fixé les lois de notre morale, de cette morale dont on sait ce que la bourgeoi¬ sie a fait. Et le jeune homme, justement, articule ; « Quel est ce mot qui sans cesse tombe comme un couperet de la bou¬ che des hommes... Ce mot glacé : la morale ? » Et si cette jeunesse qui s’est levée en mai 68 (la pièce a été écrite en 1969) avait eu raison ? Et si c’était elle qui nous présentait la clé de la vie ? Et l’avons-nous seulement écou¬ tée ? Et si ce monde est mort, ou crève, à qui la faute ? Pas à elle, en tout cas. Elle venait

mettre. Dieu merci, « le désor¬ dre ». Comme le jeune homme. Et Maman Zêta n’aime pas cela. Nos « chiens de garde » non plus, à férule comme à matra¬ que. Ce jeune homme, c’était peut-être Paul Nizan, revenu d’Aden Arabie, ou s’apprêtant à y partir. Car ils prolifèrent, ces chiens de garde, peuplant les écoles et les universités, elle pullule, cette vermine, sur le grand corps d’Emmanuel Kant. Et pourtant, dans la parole de ce maître qui ne cessait d’ad¬ mirer « la voûte étoilée au-dessus de sa tête », il y avait sans doute un ferment de vie, un levain de subversion. Et c’est sans doute pour cela que le jeune homme est venu vers lui, dans une quête dernière, pour une ultime ren¬ contre. Mais ce vieil homme se tait, il sourit seulement, il n’a rien à dire ; il est déjà mort, si c’est être mort qu’être déjà entre les mains, et dans les livres, de ceux qui vont se servir de vous pour toutes leurs basses beso¬ gnes, et répression comprise, la

morale servant de masque. Il a un ultime sursaut, ce vieux sage un peu dérisoire et touchant. Ce jeune homme, il l’aime, il veut le retenir, comme sa vie perdue, comme la vraie vie absente. « Non, non, j’ai découvert d’au¬ tres lois. » Mais c’est trop tard. Le jeune homme, dans d’ultimes noces avec la Terre, a beau l’étreindre, cette Terre, de tout son corps étendu, se donner, s’identifier à elle, puis la mau¬ dire : elle est muette ; le silence est partout, venant de la Terre comme des bouches augustes. Et pendant ce temps, dans la ville, le jeune Mathias, qui a pris la folie pour route, de ses deux mains, lentement, est en train d’étrangler un enfant. Quand le langage échoue, ou ment, place est à la violence. Voilà ce que j’ai, pour ma part, entendu dans cette œuvre admi¬ rable. On peut y entendre d’au¬ tres choses sans doute. Malheu¬ reusement, la représentation du théâtre des Amandiers ne nous donne pas grand-chose à enten¬

dre. Il lui manque ce qui fait l’essentiel de la pièce : magie, sensualité, cérémonial. Pierre Débauché est un Kant que rien n’habite, ni l’inquiétude ni l’hu¬ mour, cette forme sereine du désespoir. Toute la magie de l’œuvre devait naître d’une céré¬ monieuse précision. Des acteurs chinois s’en seraient peut-être tirés. Les acteurs de Pierre Dé¬ bauché n’étaient pas de taille ; peut-on leur en tenir rigueur, tant l’œuvre est difficile ? L’ambition était glorieuse. On peut regretter que Roger Blin, à qui Jean Audureau destinait la pièce, n’ait pas eu la possibilité de la monter — à Paris les choses vont ainsi : peut-être qu’entre les mains de Blin, l’œuvre aurait trouvé son vrai sens et qu’une vérité se se¬ rait imposée : c’est que, dans cette œuvre, et l’auteur même ne l’eût-il pas voulu. Mai 68 a peut-être trouvé son Claudel. Gilles Sandler Gallimard. Collection « Le Manteau d'Arlequin ».

MUSIQUE

Nouvelles musiques Nouvelles revues Une revue consacrée à la musi¬ que contemporaine (1) publie son dixième numéro, deux groupes de musique contemporaine, le GERM (2) et le GMEB (3) ont lancé en 1972 leurs publications respectives. Germinal et Faire : jtbénomène assez remarquable dans un pays comme la France, réputé peu intéressé par la mu¬ sique. Jusqu’à présent la musique contemporaine s’était contentée d’exposer épisodiquement ses pro¬ blèmes dans les revues musicales traditionnelles ou dans des publi¬ cations intéressées d’une façon plus générale aux questions esthé¬ tiques : la Revue Musicale (4) a édité des textes importants de lannis Xenakis (Musiques Formel¬ les) , a rassemblé des études de et sur Claude Ballif, et à plusieurs reprises a donné la parole à Pierre Schaeffer et au Groupe de Recherches Musicales de PORTE, Preuves (5) a publié une impor¬ tante enquête sur « la Musique Sérielle aujourd’hui » réalisée par André Boucourechliev, un texte aussi essentiel que « Pour

une périodicité généralisée » d’Henri Pousseur, La Pensée (6) des études de Daniel Charles sur John Cage, et la Revue (TEsthé¬ tique (7) s’est penchée sur les nouvelles musiques dans un nu¬ méro spécial. Depuis quelque temps, chez les musiciens et le public, le besoin d’une documentation plus large et d’une ouverture des horizons (li¬ mités par la routine de vedettariat — quand ce n’est pas de nationa¬ L’AJAC (Association des jeunes artistes chorégraphes, fondée en 1970) a donné son spectacle annuel au Théâtre de la Musique. Le groupe de recherche de l’Opéra (Claude Ariel, Pierre du Villard, Peter Heubi, Serge Keuten et Ricardo Nunez) a présenté cinq créations avec le concours des artistes du balllet de l’Opéra. Serge Keuten est le chorégraphe de « Voyelles », ballet pour deux personnages. Le poème d’Arthur Rim¬ baud n’en est pas seulement le prétexte. Il est à la fois dansé et parlé par Claude de Vulpian et Patrick Marty. La musique — magis¬ tralement interprétée par Guy Ci-

lisme — des festivals officiels) s’est fait sentir et explique que dès sa parution à l’automne 1970 Musique en Jeu (1) ait obtenu un succès appréciable, que d’autres revues, telles que VH 101 (8), consacrent à la musique vivante des numéros spéciaux (VH 101 n® 4 présentait des interviews de Feldman, Cage, Stockhausen, La Monte Young, des travaux de Mauricio Kagel, des partitions de Jagodic, Bosseur, Mariétan ; le priani, Marc Chantereau et Gérard Perotin — est une improvisation à la percussion. Sur cet amalgame de mots et de sons, Serge Keuten a créé une chorégraphie qui évite le piège de la « littérature dansée ». Une bonne chorégraphie pousse les danseurs au dépassement Claude de Vulpian et Patrick Marty ont maîtrisé la difficulté de parler en dansant ou de danser en parlant, « collant » à leur corps les inten¬ tions chorégraphiques. Serge Keuten réalise l’unité des différents élé¬ ments : mouvements, sons, lumières (réglées par Jean-Paul Veuille). J. T.-M.

n® 9 comprend un ensemble d’une trentaine de pages sur le GERM), ou comme Les Lettres Nouvel¬ les (9) des articles assez fré¬ quents, et qu’un groupe comme le GERM prenne le risque de pu¬ blier à compte d’auteur sa propre revue. Musique en Jeu (1), qu’anime depuis le début Dominique Janieux, a rempli une première attente du publie : celle d’une information plus large sur toutes les nouvelles musiques. Ses pre¬ miers numéros ont publié des textes importants de compositeurs jusqu’alors méconnus — sinon volontairement tenus à l’écart — en France, tels que Earle Brown. Dieter Schnebel, Morton Feldman et Henri Pousseur. La revue a également présenté sous forme de « dossiers » des documentations très fournies sur divers composi¬ teurs : Mauricio Kagel (n® 7), Pierre Boulez (n® 1), la collabo¬ ration de Michel Butor avec Henri Pousseur (n® 4), Michel Decoust (n® 10) ; elle a rassemblé des textes concernant Stravinsky (n® 4).

35 (lu 1" au 15 avril 1973

Th. W. Adorno (n° T), les mu¬ siques électro-acoustiques (n® 8), l’improvisation fn" 6), l’interprète (n" 3), Musique et Psychanalyse (n® 9), Musique et Sémiologie (n° 5). Ont aussi paru assez régu¬ lièrement des articles qui, comme ceux de Th.W. Adorno, H.K. Metzger et Daniel Charles, mon¬ trent ce que peut être une véri¬ table réflexion esthétique sur la musique et mettent à sa vraie place — c’est-à-dire au rehut — la critique traditionnelle, et mal¬ heureusement encore habituelle, qui se limite à prononcer en vertu d’on ne sait quel droit des juge¬ ments négatifs ou élogieux sur les œuvres et les interprétations. S’il est intéressant et commode de trouver dans un seul numéro une information assez complète sur un sujet, la formule comporte le ris¬ que de voir les « grands thèmes » abordés occuper la plus grande place et ne laisser aux questions que fait surgir l’actualité que trop peu d’espace.

Il se produit sans cesse des évé¬ nements en musique et Musique en Jeu a tendance à en accueillir trop tard les échos. Une revue disposant de tels moyens est d’abord un instrument de commu¬ nication. de confrontation, entre les musiciens eux-mêmes, entre les musiciens et le public : Musique en Jeu est tentée de délaisser ce rôle pour édifier de grands ensembles sur l’électro¬ acoustique ou Musique et Psy¬ chanalyse, ne consacrant à l’in¬ formation sur ce que font aujourd’hui les compositeurs ou aux diverses questions soulevées par la pratique et la politique musicale que les seules « chroni¬ ques » (brèves notes sur les festivals, les livres concernant la musique, les disques...) et « po¬ sitions » (rubrique créée précisé¬ ment pour accueillir les articles étrangers aux « grands thèmes » du numéro, ou les réactions aux précédentes publications). C’est aussi un souci de docu-

mentation qui anime les rédac¬ teurs de Faire i3) : la première livraison présente divers studios de musique électro-acoustique (CEM de Bilthoven, ARTE II de Buenos Aires, studios de Bratis¬ lava, Liège, Turin, Utrecht et Vienne) et offre des notices assez détaillées, rédigées par les com¬ positeurs eux-mêmes, concernant des pièces élaborées récemment dans les studios du GMEB par des compositeurs du groupe (F. Bar¬ rière, Pierre Boeswillwald et Alain Savouret) aussi bien que par des musiciens venus travailler à Bourges (L.M. Serra, J. Arriagada, F.B. Mâche). On y trouve également une récapitulation des activités du groupe, l’annonce de ses prochaines manifestations et une description du matériel élec¬ tro-acoustique dont il dispose. « Notre prochaine revue se¬ ra principalement consacrée au GMEB et à ses activités », nous promet-on. Les perspectives de Germinal

Richard Strauss Elektra Opéra du Rhin

Hommmannsthal, qui lisait le grec ancien aisément, fait vivre dans une lumière brutale, chauffée à blanc, la Grèce des Atrides. La fureur d’être, l’amour frustré, inassouvi, la fascina¬ tion de la vengeance, idée fixe d’« Elektra », cherchent aveuglément leur issue. Lorsque Oreste apparaît, après une lente préparation à l’or¬ chestre (paliers descendants, de plus en plus sombres), la nuit se déchire, une fatale douceur glisse dans la mu¬ sique, le chant. La délivrance éclate, précise, dans le cri d’agonie de Clytemnestre derrière les portes du pa¬ lais... Seule, encore, dans la cour, alors qu’elle a elle-même fait entrer Egisthe (dont le chant au bord du grotesque noir rappelle celui d’Hérode dans « Salomé ») afin qu’il meure lui aussi de la main d’Oreste, Elektra danse une danse de folie, comme dansait « Salomé », une ombre double. Son¬ nant à tous les horizons, devant le ciel d’orage, l’amour d’Elektra pour son père, puis pour son frère, blessé, se change en ce mouvement de va¬ gue qui vient battre les murs. De la polytonalité la plus com¬ plexe jusqu’à l'atonalité, Strauss (qui mit deux ans à composer « Elektra ») excelle dans l’art d’ouvrir soudain des brèches de clarté. Berg plus tard dans « Wozzeck » soulignera ainsi le carac¬ tère visionnaire de son personnage. Dans ce « crescendo » tragique, une « tension » constante et retenue nous emprisonne. Cette tension, Alain Lombard la pos¬ sède, sans doute parce qu’il aime profondément l’œuvre. Peut-être aussi parce que sa vigueur dépouillée, sa capacité de distanciation lui facilitent l’expression d’« Elektra ». Dès la pre¬ mière attaque de l’orchestre, au pa¬ roxysme, mais un paroxysme serré (on ne trouvera pas un instant d’em¬ phase dans l’acte entier), on sait qu’il maîtrisera jusqu’au bout cette force. Ainsi chaque timbre (et quelle riches¬ se sonore à l’orchestre dans l’écriture

de Strauss) sera-t-il chargé d’une me¬ nace précise. L’Orchestre philharmo¬ nique est très bon (la fosse du théâtre l’est moins et étouffe un peu les sons), et il semble avoir encore progressé. Les six percussionistes de Strasbourg ont rejoint leur « famille ». Ceux qui participent à « Elektra » ont une pré¬ sence éclatante. Les cuivres et les bois sonnent rond et clair. Dans une mise en scène, sans gran¬ de originalité mais servant bien la musique, de Regina Resnik, des décors de pierre brune et de nuit signés Arbit Blatas, la tragique « Elektra » nous hante. Elektra c’est Klara Barlow, qui chante « Fidelio » au Met. à New York. Elle est merveilleuse. Sa voix riche, étendue, âpre, est colorée, capable de tout exprimer. Elle joue avec chaleur, accentuant un peu l’ex¬ pressionnisme des gestes. Regina Res¬ nik est Clytemnestre. Sa première ap¬ parition, en rouge, martelant le sol de son sceptre, est inoubliable. Elle est de la race des monstres sacrés, des forces du théâtre : actrice autant que chanteuse. La voix est superbe. Soprano, puis mezzo-soprano, elle a chanté, dans tous les grands opéras du monde. Verdi, Strauss, Wagner, les timbres rauques, la chaleur Insi¬ nuante, la frayeur, le mensonge, le rire mêlé de sanglots, elle dit tout... Judith de Paul est une Chrysothémis émouvante, et sa voix est subtile. Ju¬ lian Patrick est un bon Oreste. Albert Lance dans Egisthe est bien aussi. Le public applaudit longtemps et crie son enthousiasme. L’Opéra du Rhin a réussi. Un public connaisseur à Strasbourg aime la musique. « Elek¬ tra » est une joie. On souhaite que d’autres théâtres en France accueil¬ lent cette production. Alain Lombard, en mai, à Strasbourg, dirigera la « Damnation de Faust ».

D'un seul trait de violence, Alain Lombard mène cet acte tragique vers sa fatale délivrance. De couleur sombre, martelée, cra¬ vachée, crispée, la musique dans son ascension douloureuse semble tenue comme une force indomptable, au bord d’une fuite sans retour. Energie, rébellion de chaque instant, revire¬ ments agressifs, contiennent une pas¬ sion intense où la ténèbre et la lu¬ mière se confondent. « Opéra noir », « Elektra » fut créée en janvier 1909. L’Opéra du Rhin au¬ jourd’hui la révèle avec éclat. Le jeu¬ ne chef Alain Lombard, qui dirige au Metropolitan et à Miami et a accepté la direction de l’orchestre philharmo¬ nique de Strasbourg, a obtenu beau¬ coup de répétitions, réuni autour de lui des chanteurs et des chanteuses capables d’exalter l’une des œuvres les plus saisissantes de Richard Strauss. Strauss écrit : « La musique a quel¬ que chose â dire ». Ici elle le crie. Chaque interprète et le chef expri¬ ment d’elle — comme on fait sour¬ dre l’eau de la terre — l’amour, la haine, la violence, l’horreur. Ils jail¬ lissent des dissonances irritées, des lignes qui s’écartent (prodigieux che¬ mins, descentes abyssales vers les registres ultra-graves des cuivres et des contrebasses, tandis que des no¬ tes claires, vrillantes, montent en sens inverse, lignes écartelées et cepen¬ dant indéchirables), ils rôdent entre les parois épaisses, les grappes d’ac¬ cords granités, durcis. La passion et la peur d’un seul bloc. « Elektra » représente l’extrême li¬ mite de l’harmonie et de la capacité d’audition des oreilles d’aujourd'hui » (Strauss 1908).

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Martine Cadieu

(2) sont assez différentes : ne dis¬ posant pas de moyens comparables à ceux de Musique en Jeu (éditée par les Editions du Seuil) et ne bénéficiant pas du soutien d’une Maison de la Culture, la revue est de dimensions plus restreintes (une quarantaine de pages envi¬ ron) : elle n’est pas une revue sur la musique, mais d’abord une part du travail du GERM, groupe qui expérimente depuis plusieurs années de nouveaux modes de communication sonore, en parti¬ culier à partir des « musiques indéterminées » (c’est-à-dire dont on ne peut pas savoir ce qu’elles seront avant de les jouer, la parti¬ tion n’étant pas la reproduction graphique approximative des sons à jouer, mais un stimulant, gra¬ phique ou verbal par exemple, pour les interprètes). Le sens de telles musiques est, entre autres, de pouvoir être exécutées par des musiciens disposant de moyens musicaux très variables : pour que des amateurs, d’autres grou¬ pes d’interprètes, ou même des non-musiciens puissent tenter de réaliser ces « propositions », pour qu’éventuellement des professeurs de musique puissent les utiliser avec leurs élèves dans une intro¬ duction à la pratique musicale (comme certains le font aux Con¬ servatoires de Pantin et de Garges-lè.s-Gonesse), il était nécessaire de leur assurer la diffusion que les éditeurs de musique leur refu¬ sent ; c’est en partie le rôle de la revue.

A partir d’une expérience musicaie Germinal a publié dans son pre¬ mier numéro des partitions ver¬ bales ou graphiques de Jean-Yves Bosseur, Philippe Drogoz, Claude Grémion, Pierre Mariétan et Louis Roquin ; le second numéro est consacré à un recueil de proposi¬ tions du SCRATCH ORCHES¬ TRA de Londres, un groupe com¬ prenant entre autres Cornélius Cardew, Frédéric Rzewski, John Tilbury, Michael Chant, Alvin Curran, Howard Skempton et Christopher Hobbs, et qui déve¬ loppe depuis 1969 un travail en profondeur visant, comme celui du GERM, à modifier les rapports compositeur / interprète / public. Les textes théoriques que publie aussi Germinal se veulent tous écrits à partir d’une expérience musicale et permettant une meil¬ leure approche des musiques sans vouloir se substituer à elles. Les trois publications ont en commun de vouloir — et de pou¬ voir — être lues aussi bien par

La Quinzaine Littéraire

des non-musiciens intéressés par révolution actuelle de la musique que par des musiciens — profes¬ sionnels ou non. Tandis que Mu¬ sique en Jeu et Faire proposent essentiellement des informations et des réflexions sur des musiques déjà réalisées, ou sur des problé¬ matiques plus générales, Germinal offre également des musiques à réaliser, par les lecteurs éven¬ tuellement. Philippe Torrens

1. Musique en Jeu : Editions du Seuil, 27, rue Jacob, 7.5006 Paris, tél. : 326-84-60. 2. Groupe d’Etude et de Réali¬ sations Musicales iGERM), publie la revue Germinul, 40 p., 6 F, 149-151, rue de Rome, 75017 Pa¬ ris, tél. : 924-87-53. 3. Groupe de Musique Expéri¬ mentale de Bourges (GMEB), pu¬ blie Faire, 70 p., 5 F, Maison de la Culture, Esplanade Marceau, 18021 Bourges.

L'ANNEE LITTERAIRE 1972.CHOIX D'ARTCLES PUBLIES PAR

4. La Revue Musicale, Editions Richard Masse, 7, place Saint-Sulpice, 75006 Paris, tél. : DAN. 28-36. 5. Preuves, revue trimestrielle, 13, rue Saint-Georges, 75009 Paris, numéros 177 à 182, 12 F. 6. La Pensée, n” 135, octobre 1967, Daniel Charles : « Ouver¬ ture et Indétermination ». 168, rue du Temple, 75003 Paris.

3-1-, 1968, 16. rue Cbaptal, 75009 Paris. 8. VH 101, revue trimestrielle n" 4, 14 F ; n" 9, 16 F ; 27, rue Mayet, 75006 Paris. 9. Les Lettres Nouvelles, Mer¬ cure de France, 26, rue de Condé, 75006 Paris.

7. La Revue d’Esthétique, n“’ 2-

Une innovation de la Quinzaine « L’Année Littéraire » rassemble les articles les plus marquants publiés en 1972 par la Quinzaine Littéraire. 86 livres, qui porteront témoignage de la production de cette année, sont analysés dans ce choix. Maurice Nadeau en profite pour dégager les lignes de force de ce panorama critique. Les principaux collaborateurs de la Quin¬ zaine présentent leurs opinions sur les faits, les livres et les hom¬ mes qui ont émergé en 1972. Une bibliographie rassemble tous les livres qui ont été recom¬ mandés par la Quinzaine Littéraire au cours de l’année. La table des matières exhaustive du bi-mensuel est également reproduite. « L’Année Littéraire » sera mise en vente prochainement au prix de 10 F dans tous les kiosques et chez les libraires. Prix spécial : 5 F pour nos abonnés et pour les lecteurs de « la Quinzaine » qui souscriront immédiatement au moyen du bon ci-dessous : BQN POUR UNE REDUCTION DE 5 F SUR L’ACHAT DE « L’ANNEE LITTERAIRE» : Je vous adresse ci-joint mon règlement de 5 F. M. par chèque bancaire □ Adresse par chèque postal □ Valable jusqu’au 20 AVRIL 1973.

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37 du 1*’^ au 15 avril 1973

Les abonnés de « la Quinzaine littéraire » bénéficient des avantages de l’Association Alpha sur simple présentation de la bande du dernier numéro reçu.

Carré Thorigny théâtre Silva Montfort LE CARRE THORIGNY présente PHEDRE, d’après Euri¬ pide et Racine, mise en scène Denis Llorca, avec Silvia Montfort et Jean-Claude Drouot. — Tous les soirs à 20 h sauf dimanche et lundi, matinée dimanche à 15 h. — Prix Alpha : 15F - 11F par groupes de vingt per¬ sonnes. — Phèdre : un travail théâtral à partir de l’Hippolyte d’Euripide et de la Phèdre de Racine. La tragédie grecque et la tragédie classique articulées. PORTRAIT DE MOLIERE, film de Jean-Louis Barrault, avec la Compagnie Renaud-Barrault. — Tous les jours de 14 h à 18 h sauf dimanche et lundi. — MOLIERE ET LA MEDECINE DE SON TEMPS, exposition d’objets et documents rares. — Tous les jours de 11 h à 22 h sauf lundi. — Prix Alpha : film et exposition ; 4 F.

théâtres nationaux THEATRE NATIONAL DE L’OPERA. — Abonnement série A : vendredi 11 mai 4 19 h 30 LE NOZZE DE FIGARO. — Lundi 25 juin à 19 h 30 LA SYLPHIDE. — Prix Alpha (pour les deux spectacles) : 62 F. Abonnement série B : lundi 14 mai à 19 h 30 : LA SYL¬ PHIDE. — Jeudi 7 juin à 19 h 30 : IL TROVATORE. — Prix Alpha (pour les deux spectacles) ; 72 F. Abonnement série C ; Lundi 28 mai à 19 h 30 HOMMA¬ GES A VARESE. .— Mercredi 13 juin à 19 h 30 IL TRO¬ VATORE. — Prix Alpha (pour les deux spectacles) : 72 F. LE NOZZE DE FIGARO : Wolfgang Amadeus Mozart. direction musicale : Georg Solti - mise en scène : Giorgio Strehler - décors et costumes : Ezio Frigerio - avec ; Jeanne Berbié, Teresa Berganza, Mirella Freni, Danièle Perriers, Margaret Price, Tom Krause, Jacques Loreau, Kurt Moll, Paul Schoeffler, Michel Seneghal, José Van Dam - direction : Charles Mackerras. IL TROVATORE : Giuseppe Verdi. - direction musicale : Riccardo Muti. - Mise en scène : Tito Capiobanco. Décors : David Mitchell. - Costumes : José Varona. Avec : Mignon Dunn, Orianna Santunione, Jocelyne Taillon, Piero Cappuccilli, Jean Dupouy, Gilbert Py, Roger Soyer. - Direction : Julius Rudel. LA SYLPHIDE ; Ballet. - Adaptation et chorégraphie ; Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni. - Musique de Schneitzoeffer. - Décors de Marie-Claire Musson d’après Ciceri. - Interprètes (14 mai) ; Noella Pontois, Cyril Atanassof (27 juin), distribution non connue. HOMMAGES des musiques Butler, Janine cale ; Marius Daydé.

A VARESE ; Créations chorégraphiques sur d’Edgar Varèse par : Félix Blaska, John Charrat, Roland Petit. - Direction musi¬ Constant. - Décors et costumes ; Bernard

THEATRE NATIONAL DE L’ODEON : LA SOIF ET LA FAIM. - Jeudi 12 avril à 20 h 30. - Prix Alpha : 16 F. THEATRE DE LA VILLE: — L’ILE POURPRE: mer¬ credi 11, vendredi 13 avril à 20 h 30. — FESTIVAL DE L’INDE ; vendredi 20, mercredi 25, samedi 28 avril à 20 h 30. - Prix Alpha: 13 F 50. — BALLETS:

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Chorégraphie de Peter Van Dick - musique de : Emma¬ nuel Chabrier, Franz Schubert, Rolf Liebermann, Camille Saint-Saëns - avec la participation de grands solistes et le Ballet de Wallonie - vendredi 6, jeudi 12 avril à 18 h 30 - prix normal: 8 F. TEP (Théâtre de l’Est Parisien) : FRANK V (Comédie d'une banque privée) - de Friedrich Dürrenmatt - lyrics de Jean-Roger Caussimon - direction musicale d’Oswald d’Andréa - scénographie et costumes de William Underdown - mise en scène de Guy Rétoré et Georges Verler, jeudi 26, vendredi 27 avril à 20 h 30. - Prix Alpha :11F.

nouveaux spectacles THEATRE 347 : LA DEMANDE D’EMPLOI de Michel Vinaver par la compagnie J.-P. Dougnac - tous les soirs à 20 h 30, sauf lundi - prix Alpha : 16 F. € Fage, un cadre supérieur, un fonceur faisant corps avec son entreprise - Sa fille, qui rue dans les brancards - Sa femme, la quille du bateau. Et puis... l’accident. Avec le chômage, rien ne change et pourtant tout se met à basculer. Petites annonces - interview - épluchage d’une vie - obsession de l’avenir, de l’âge. Le système éjecte un des siens, qui avait contribué à la construire... » THEATRE DES NOUVEAUTES: DEDE - comédie mu¬ sicale de Willemetz et Christiné avec Antoine - mise en scène de Jean Le Poulain - les 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13 avril à 20 h 30 - le 8 avril à 15 h - prix Alpha: 20 F. THEATRE DE LA MUSIQUE GAITE-LYRIQUE : PHI PHI - la première opérette des années folles - musique : Henri Christiné - Livret : Albert Willemetz et Fabien Sollar. - Mise en scène : Louis Ducreux. - Chorégraphie : Joseph Lazzini. - Décors : Denis Martin. - Chef d’or¬ chestre : Richard Blareau. - Concert Pasdeloup - avec Hélia T’Hezan, Fanny Gravières, Danyelle Chlostawa, Jean Giraudeau, Jean-Christophe Benoît, Francis Roussef - tous les soirs à 20 h 30, sauf lundi (à partir du 7 avril) prix Alpha : 26 F. THEATRE MONTPARNASSE TERRIBLES de Noël Coward André Puget - mise en scène décors et costumes de René Darrieux, Jean-Claude Pascal, Nathanson - les 12, 14, 16, 19 prix Alpha : 21 F.

G. BATY : LES AMANTS - adaptation de Claudede Raymond Gerôme Gruau - avec : Danielle Jacques Harden, Agathe et 20 avril à 20 h 30 -

THEATRE HEBERTOT : A QUOI ON JOUE - un sepctacle de Pierre Etaix - avec Pierre Etaix, Annie Fratellini, Christian Marin, John Preston et Roger Trapp. Tous les soirs à 21 h sauf mardi - prix Alpha : 20 F. « Il s’agit d’une synthèse entre le cirque et le théâtre, où la musique, la comédie, le mime, les images, se mêlent pour nous doimer une vision de la confusion du monde contemporain à travers le regard poétique, sarcastique et tendre de Pierre Etaix. »

concerts SALLE DES THERMES DU MUSEE DE CLUNY : POLYTOPE DE CLUNY - actions de lumières et de son (rayons laser, flashes électroniques, musique élçctroacoustique) de lannis Xenakis - tous les jours sauf mardi à 18 h 30, 19 h 30, 20 h 30, 21 h 30 - prix Alpha: 8 F. SALLE PLEYEL: ORCHESTRE NATIONAL - direc¬ tion Jean Martinon. - J.-S. Bach : La Passion selon saint Jean - prix Alpha : 21 F.

CONCERT ALPHA AU TEX-POP : (Le Palace, 8, fau¬ bourg Montmartre), par l’Ensemble Musique Vivante. BERIO (Laborintus 2) - BOULEZ (Domaines) - GLOBOKAR (Fluide). - Mardi 3 avril à 20 h 30. - Prix Alpha :14 F. A propos de ce concert, se reporter aux notes de Diego Masson, « Quinzaine Littéraire » du H'' mars, programme Alpha page 39. Autres concerts : HAYDN Symphonie no 31 - ALSINA Schichten - ELOY Equivalences MOZART concerto pour piano K 271 - mercredi 4 avril. - BLACK ARTISTS GROUP PORTAL UNIT - jeudi 5, vendredi 6 avril. - MOZART, Sérénade K 388 - HAYDN, Symphonie n“ 31 - MOZART, concerto pour piano K 271 - SCHUBERT, quintette à cordes op. 163 - prix Alpha : 14 F.

SALLE ROSSINI : MAX REGER. - Un portrait musi¬ cal présenté par Paul-Guilbert Langevin avec le concours de Richard Laugs, pianiste, et de l’ensemble Da Caméra de Mannheim - jeudi 5 avril à 20 h 45 - prix Alpha :11F.

THEATRE GERARD PHILIPE DE SAINT-DENIS : LES TROYENNES d’après Euripide - tragédie musi¬ cale de Joanna Bruzdowicz - adaptation, montage et régie de Jacques Luccioni - direction musicale assurée par Pierre-Michel Le Comte. - Création mondiale par le Centre Lyrique Populaire de France. - Samedi 7, vendredi 13, samedi 14 avril à 20 h 30 - dimanche 8 avril à 15 h - prix Alpha :11F.

THEATRE DES CHAMPS-ELYSEES - ORCHESTRE DE PARIS : le soir à 20 h 30. - Abonnement série n“ 1 : leudi 3 mai - Direction : Gilbert Amy. - Soliste : Christoph Eschenbach - Debussy (Nocturnes). - Mozart (concerto pour piano K 468). - Henze (6' symphonie - l" audition à Paris). - Lundi 18 juin - Direction : Daniel Baremboim. - Soliste: Jacqueline Dupré - Webern (Pièces pour orches¬ tre, Opus 10). - Schumann (concerto pour violoncelle). Jeudi 28 juin - Direction : Seiji Ozawa. - Soliste : Mont¬ serrat Caballe. - Mozart (Symphonie « Linz . K 425). Haendel (Deux airs de Jules-César). - R. Strauss (Salomé « Danse des sept voiles »). - Prix Alpha : 39 F. Abonnement série n» 2 : Lundi 14 mai - Direction : Roberto Benzi. - Soliste : Henryk Szeryng - Henry Barraud (3 études pour orchestre). - Sibelius (concerto pour violon). - Roger Ducasse (Nocturne de printemps). - Roussel (Bacchus et Ariane). - Mercredi 23 mai - Direction : CarloMaria Giulini. - Soliste : Rafael Orozco - Prokofiev ( 2® concerto pour piano). - Brahms (1” symphonie). Mercredi 6 juin - Direction : Georg Solti. - Soliste : Jane Berbié - Haydn (symphonie no 22). - Ravel (Shéhérazade). - Strawinsky (Sacre du printemps). - Prix Alpha : 39 F.

danse music-liall - variétés THEATRE DES CHAMPS-ELYSEES : LE BALLET NATIONAL DES PHILIPPINES BAYANIHAN - 50 danseurs, chanteurs, musiciens - un spectacle exotique, souriant, vivant, fascinant - jeudi 12 avril à 21 h prix Alpha :16 F (pour autres dates, voir permanences).

PALAIS DE LA MUTUALITE: SPECTACLE MOULOUDJI : Ballades et complaintes syndicalistes, avec Mouloudji et ses amis : Francesca Solleville, Louis Navarre, les Octaves, Evelyne Gellert. - Les 4 et 5 avril à 21 h. - Prix Alpha : 15 F (voir page Alpha dans « Contact » de mars 1973).

Alpha n° 66

OLYMPIA: MICHEL POLNAREFF - jusqu’au 15 avril, le soir à 21 h 30, sauf samedi et lundi - matinée le dimanche à 15 h - prix Alpha : 20 F. BOBINO: MIKIS THEODORAKIS - lundi 9, mardi 17, jeudi 19 avril à 20 h 30 - prix Alpha : 21 F.

CARTOUCHERIE DE VINCENNES - THEATRE DU SOLEIL. — « 1789 » en alternance avec « 1793 ».

RIVE GAUCHE: LE TOURNIQUET. — Sauf mardi. — Prix Alpha : 18 F 50.

— A 20 h 30 sauf dimanche soir, lundi et mardi. — Matinées samedi et dimanche à Ifi h. — Prix Alpha • 12 F.

SAINT-GEORGES: LE GRAND STANDING. dimanches à 18 h 30. — Prix Alpha: 24 F.

COMEDIE CAUMARTIN: BOEING-BOEING. — Sauf jeudi, samedi. — Prix Alpha : 19 F. COMEDIE DES CHAMPS-ELYSEES: LE DIRECTEUR DE L’OPERA. — Sauf samedi, dimanche et lundi. — Matinée le dimanche à 15 h. — Prix Alpha: 23 F.

cafés-théâtres CLUB INTERNATIONAL HOCSE, 20, passage Dau phine. - Mardi 3 avril à 20 h ; vernissage de l’exposition de photos du Larzac, rencontre-débat avec Jean Sandy à propos de son livre « Plaidoyer pour un génocide », entrée libre ix)ur Alpha. - Tous les mercredis, reprise du café-théâtre anglais (programme synopsis obligatoire : 8 F.). - Folk-music, vendredis 6 et 13 avril à 20 h 30 entrée libre pour Alpha. L’ARLEQUIN-PARNASSE, 79, rue Daguerre. - NEWS FROM FREIDA - tous les soirs à 20 h, sauf dimanche et lundi - prix Alpha: 13 F (boisson non alcoolisée comprise). CAFE-THEATRE DE L’ODEON, 3, rue Monsieur-lePrince, 326.43.98, M» Odéon. - A 20 h : comi-drame de J. Guerra, mise en scène de l’auteur : t La piano-femme » (surréalisme cubain). - A 21 h 30 : spectacle Gomez Arcos, adaptation française de R. Salik, mise en scène de Antonio Duque : « Et si on aboyait » et « Pré-papa ». - Prix Alpha pour chaque spectacle : 13 F (restaurant ouvert toute

la nuit - prix

du repas :

19

F

CYRANO THEATRE, 76, rue de la Roquette : LA CRU¬ CHE CASSEE. — Tous les soirs à 20 h, sauf lundi et mardi. — L’ASSAUT. — Tous les soirs à 22 h, sauf lundi et mardi. — Prix Alpha : 16 F. DAUNOU : AURELIA. — Les dimanches, lundis, mardis, mercredis à 20 h 30. — Prix Alpha : 21 F. DIX HEURES: EN CE TEMPS-LA, LES GENS MOU¬ RAIENT, de Patrick Font et Philippe Val. — Tous les soirs à 20 h, sauf lundi. — Prix Alpha: 10 F. — IL ETAIT UNE FOIS LES ELECTIONS, spectacle de chan¬ sonniers avec Pierre Destailles, Robert Rocca, Maurice Horgues. — Tous les soirs à 22 h, sauf samedi. — Prix Alpha :19 F. EDOUARD VII: LE MARCHAND Saul lundi. — Prix Alpha : 17 F. FONTAINE: SCANDALE credi. — Prix Alpha : 26 F.

A

DE

CHINON.

VENISE.



Sauf



mer¬



Les

THEATRE CENSIER : TCHEKHOV - TOLSTOÏ OU LA BELLE EPOQUE - les vendredis, samedis et lundis à 20 h 30. — Les dimanches à 17 h. — Prix Alpha: 13 F. THEATRE MECANIQUE, 25, avenue Rapp, Paris-7*' : LES SEPT MANIERES DE TRAVERSER LA RIVIERE, de Lodevijk de Boer. — Prix Alphaa : 16 F. THEATRE MODERNE: LA REINE DE CESAREE. — Sauf samedi et mercredi. — Prix Alpha : 21 F. THEATRE DES DEUX PORTES: MAX RONGIER jeudi 5 avril à 20 h 30. — FREE DANCE SONG (spec¬ tacle musical) les 4, 5, 6, 7 avril à 20 h 30 - le 8 avril â 17 h. — COMPAGNIE ALBERTE RAYNAUD (danse) les 11, 13, 14 avril à 20 h 30 - le 15 avril à 17 h Prix Alpha : 9 F. THEATRE DE PARIS: HONNI SOIT QUI MAL Y PENSE. — Sauf lundi, samedi. — Prix Alpha : 23 F. VARIETES: LES QUATRE VERITES. et samedi. — Prix Alpha : 23 F.



Sauf

lundi

THEATRE DES AMANDIERS, A NANTERRE : LE JEUNE HOMME, de Jean Audureau. — Mise en scène de Pierre Débauché — Scénographie de Jacques Le Marquer. Les 3, 4, 5, 6, 7 et 8 avril à 20 h 30. — Prix Alpha :11F.

GAITE MONTPARNASSE: UN PAPE A NEW YORK. — Sauf lundi et samedi. — Prix Alpha : 26 F.

CHATELET : GIPSY. — Les lundis, mercredis, dimanches à 20 h 30. — Prix Alpha : 28 F.

GLOBE M.C.D.V., 28, rue des Ecoles : SALOME. — Le soir à 20 h sauf mardi. — LOLA TANGO. — Le soir à 22 h 30 sauf mardi. — Prix Alpha pour chaque spectacle :21F.

MOGADOR : HELLO DOLLY. — Sauf samedi, diman¬ che matinée, lundi. — Prix Alpha : 28 F.

50).

LE FANAL. - Café-Théâtre des Halles, 85-87, rue SaintHonoré : L’ORCHESTRE, de Jean Anouilh. - Mise en scène de Andréas Voutsinas. - Musique de Van Parys. Dans ses caves médiévales. - A 21 h les lundis et mercredis. - Prix Alpha : 14 F (boisson non alcoolisée

CASINO DE PARIS: ZIZI JE T’AIME. — Les mardis et dimanches à 20 h 30. — Prix Alpha : 33 F.

GRAMONT : UN YAOURT POUR DEUX. — sauf lundi, samedi. — Prix Alpha : 26 F.

comprise). LE PETIT CASINO, 17, rue Chapon, Paris-3L - 21 h 30 : L’ENCOMBRANT CONCOMBRE, micrologues de Robert Pinget. - Mise en scène de Louis Thierry, avec Guyette Lyr, Hubert Godon, Jean-Yves Gauduchon. - 22 h 30 : OH CEDAR ! de Guyette Lyr. - Sauf dimanche et lundi.

-

Spectacle

consommation ;

22

F.

-

spectacle

repas : 33 F.

GYMNASE: LE CANARD A L’ORANGE. — Mardis 3 et 10, mercredi 11 avril à 20 h 30. — Prix Alpha : 20 F. HEBERTOT : A QUOI ON JOUE, de Pierre Etaix - avec Pierre Etaix et Annie Fratellini. — Sauf mardi. — Prix Alpha : 20 F. KALEIDOSCOPE: LE CREPUSCULE DE L’ORCHI¬ DEE, de Pinoch et Matho. — Tous les soirs à 20 h 30 sauf dimanche et lundi. — Prix Alpha : 13 F. LE LUCERNAIRE: UN LEGER ACCIDENT - IN MEMORIAM (à 20 h) - LE MORT (à 22 h) - LE MIROIR D’ALICE (à 24 h) sauf lundi. — Prix Alpha

spectacles en cours

pour chaque spectacle :11F. MARIGNY:

ANTOINE : LE NOIR TE VA SI BIEN. — Les mardis, mercredis, jeudis, dimanches à 20 h 30. — Prix Alpha : 26 F.

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• fnac-etoüe 26. avenue de Wagram association culturelle des adhérents de la fnac

• fnac-chàtelet 6. bd de Sébastopol

association culturelle des adhérents de la fnac créée en 1965. présidents fondateurs : trésorier fondateur : andré tondeur, animateur fondateur : raymonde chavagnac.

39 1" programme d’avril 1973

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L'EROTISME DANS L'ART OCCIDENTAL L ’érotisme occupe dans 1 ’art occidental une part aussi importante et révélatrice que dans celui de l’Orient. En dépister la présence dans les œuvres européen¬ nes - de la préhistoire à Picasso - comme le fait ici Edward Lucie-Smith, c’est exprimer une part profonde de notre civilisation, de ses délices et de

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uinzaine du 16 au 30 avril 1973

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SOMMAIRE

3 CORRESPONDANCES

James Joyce

Giacomo Joyce Lettres II

par Jean-Jacques Mayoux

5

l'homas Mann

Lettres ( 1948-1955» L'artiste et la société

|)ar Georges Piroué

7

Jules Vallès

Correspondance avec Séverine

par Madeleine Rebérioux

8 ECRIVAINS ETRANGERS 9

IX olf Biermann

I.a harpe de barbelés

par Georges-Arthur Goldscbmidt

Vassilis Vassilikos

Le fusil-harpon et autres nouvelles

par Jean Gaugeard

11

J.-P. Donleavy

Les béatitudes bestiales de Balthazar B.

par Viviane Forrester

13

Manuel Scorza

Roulement de tambours pour Rancas

par Rafael Conte

14

James Purdy

Ce que raconta Jeremy

par Christian Giudicelli

15 ECRIVAINS FRANÇAIS 17

Henri Thomas

Sainte-J eunesse

par Georges Auclair

Françoise Mallet-Joris

Le jeu du souterrain

par Michel Bourgeois

18 POESIE

Verlaine

Œuvres en prose complètes

par Michel Décaudin

19 ARTS 20

Garde

Soutine m'adopte

21 22

Musée Rodin

24 PSYCHANALYSE

Dans les galeries

par Jean-Louis Pradel et Régine Cathelin

Sculptures de peintres

par Jean Selz

La relation photographique

par José Pierre

Ernest Jones

Le cauchemar

par Armelle Héliot

25 UTOPIE

Gilles Lapouge Pierre Versins

Utopie et civilisations Encyclopédie de Vutopie et de la science-fiction

par Michel Tournier par Bernard Cazes

26

Paul Meier

La pensée utopique de William Morris

par Gilles Lapouge

28 MEDECINE

Jean Bernard

Grandeurs et tentations de la médecine

par Christiane Baroche

29 ANTHROPOLOGIE 31

Dee Brown

Enterre mon cœur

par Jacques Meunier

Anne Lombard

Mouvement hippie cuix Etats-Unis L'analyse politique contemporaine

par Henri Ehnu

Robert Dabi

33 BONNES FEUILLES 34 CINEMA

Luchino Visconti

36 BIBLIOGRAPHIE 38

Main basse sur le pouvoir

par Ralph Nader

Le crépuscule des Dieux

par Louis Seguin par Olivier de Magny

Programmes spectacles Alpha Direction : Maurice Nadeau.

La Quinzaine

par Pierre Avril

Comité de rédaction : Georges Balandier, Bernard Gazes, François Châtelet, Françoise Choay, Roger Dadoun, Serge Fauchereau, Dominique Fernandez, Marc Ferro, Gilles Lapouge, Olivier de Magny, José Pierre, Gilbert Walusinski. Secrétariat de la rédaction et documentation : Anne Sarraute. Administration : Louis Aldebert. Rédaction, administration : 43, rue du Temple, Paris (4*). Téléphone : 887-48-58.

Publicité : au journal. Expositions, galeries : Mlle Brunswig. Wag. 79-29. A bonnements : Deux ans : 130 F, quarante-six numéros. Un an : 80 F, vingt-trois numéros. Six mois : 50 F, douze numéros. Etudiants : réduction de 20 %. Etranger : Deux ans: 160 F, par avion: 260 F Un an : 100 F, par avion 155 F Six mois : 60 F. Prix du n° au Canada : 75 cents. Pour tout changement adresse : envoyer 3 timbres à 0,50 F avec la dernière bande reçue. Règlement par mandat, chèque bancaire, chèque postal : C.C.P. Paris 15 551-53. Directeur de la publication : Maurice Nadeau. I.E.I., 92120 Montrouge Printed in France.

Crédits photographiques P.

3 D.R.

P.

5 Barrigue

P.

7 Editeurs Français Réunis

P. 11 Gallimard, Jerry Bauer Denoël éd. P. 13 Grasset éd. P. 15 Gallimard éd. Denoël éd. P. 18 D.R. P. 19 D.R. D.R. P. 21 D.R. P. 22 D.R. P. 24 D.R. P. 27 D.R. P. 28 Buchet-Chastel P. 29 Stock éd. P. 33 Edition spéciale

James Joyce

Giacomo Joyce Lettres II

par Jean-Jacques Mavoux

Thomas Mann

Lettres (1948-1955)

par Georges Piroué

L'artiste et la société Jules Vallès James Joyce Giacomo Joyce

Correspondance avec Séverine

par Madeleine Réhérioux

Jean-Jacques Mayoux K

Roman-poème trad. de l’anglais par André Du Bouchet Gallimard éd., 64 p. James Joyce Lettres II Gallimard éd., 568 p.

Un autoportrait de l’homme, une révélation de l’artiste, voilà de quoi réjouir les joyciens dte chez nous. Et, si curieux qu’on soit de l’homme, c’est l’artiste, finalement méconnu à force d’être adulé, vers qui se portera l’attention. L’étrange carnet dit Giacomo Joyce est devenu grâce à André Du Bouchet un admira¬ ble texte français. L’Introduction de Richard Ellmann — treize pages contre seize de texte — est d’une telle précision et d’une telle sensibilité d’analyse critique qu’on est tenté d’y renvoyer. Mais cet opuscule est si riche de sens qu’il y en a pour tout le monde. Si Joyce n’a guère écrit que de lui-même, de sa famille ou de sa viUe, il n’a peut-être jamais serré d’aussi près qu’ici une réa¬ lité tellement à fleur de peau, de sa propre peau, mais il vau¬ drait peut-être mieux dire à fleur de tête, de sa propre tête. L’aven¬ ture est dès longtemps connue et c’est bien d’un amour de tête en effet qu’il s’agit. Joyce — pourquoi autrement serait-on pro¬ fesseur, surtout chez Berlitz — tombait volontiers amoureux de ses élèves. Amalia Popper, fille d’un Leopoldo, juif de Trieste, le fascina plusieurs années du¬ rant sans qu’il ait beaucoup cher¬ ché, semble-t-il, à vaincre la froi¬ deur ou la réserve qu’il évoque ; aussi bien, pour un homme qui depuis dix ans en regardait vivre un autre nommé également James Joyce et se contentait d’observer les phénomènes avec le seul pro¬ pos de les représenter, tel n’était pas son propos. « Qui ?» — tel est le pre¬ mier mot du carnet et il me

Joyce tel qu’en son temps paraît en être une clé. Non point la clé du personnage, qui n’im¬ porte pas, mais la clé d’une mé¬ thode que l’on voit surgir sem¬ blable en ces années-là des pages du Portrait de F Artiste. Joyce provoque en lui-même le déclen¬ chement d’une vision. Le « Qui ? » la convoque sur un écran blanc. Voici : elle est là. Une suite d’instants peuvent dès lors, appuyés sur cette présence, reve¬ nir à la mémoire. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu actualité pour qu’il y ait représentation : il y a une mémoire de l’imagi¬ naire. Le jeu est de ne pas les distinguer : le jeu de Joyce, mais il ne tient qu’au lecteur de le suivre. Il n’a pas plus que nous agrafé dans le dos, en « réalité », cette robe qui lui a révélé, le temps d’une fesse nue, le secret de ce corps fluet de jeune fille : rêve éveillé qui culmine dans une possession complète et triom¬ phante : Tâme de l’imaginatif jouit plus puissamment que le corps des sots auxquels désor¬ mais il la laisse. Ellmann attire l’attention sur la structuration physique de l’aventure, au terme de laquelle Giacomo se trouve généralement au-dessous d’Amalia ou derrière elle, sauf dans le cas où, confir¬ mation ironique, il regarde du haut du poulailler du théâtre sa chevelure. Une rancœur s’installe en lui avec la frustration, malgré les compensations imaginatives : « Mes mots dans son esprit froi¬ des pierres polies qui s’enfoncent dans un marais. » Voilà pour elle; et pour lui, « écris-le, bon sang, écris-le ! de quoi d autre es-tu capable ? » La Juive

était

pour

James

Joyce ce qu’était dans le même temps pour Lawrence la femme du Nord : l’incarnation du mythe de l’Etrangère. Il me paraît hors de doute que la chute, vers les quatorze ans, d’un pieux adoles¬ cent catholique dans le péché de chair — voir le Portrait — a fixé une fois pour toutes une image : les rues duhlinoises dans lesquelles Stephen poursuit sa quête parmi les prostituées pren¬ nent une tonalité orientale. Le mystère de la race juive devenu celui de la femme juive permet on ne sait quel passage des lita¬ nies de la Vierge au Cantique des Cantiques ou à Salomé. Une sensualité venue du fond des âges émane de cette chair dorée « arrondie et mûrie ». Bloom ou Giacomo, le portrait érotique de soi est toujours le même. Un voyeur-fétichiste dé¬ taille avec avidité une jupe qui se soulève, un ourlet de combi¬ naison, un bas, une haute botte James Joyce

avec la longue languette sous le laçage, éprouvant comme une lan¬ gue la chaleur de la chair. Joyce ne pouvait guère songer à publier ce carnet. Il n’eût pas été Joyce s’il avait accepté d’en laisser per¬ dre les bons endroits ; on les retrouve donc, à peu près tels quels, dans Ulysse. Pour les Lettres, il faut d’abord souhaiter que le plus tôt possible ce deuxième volume soit refondu avec le premier, publié en 1961 dans la même collection : com¬ prenant des lettres datées de 1902 à 1915, il couvre, avec peu d’omis¬ sions sauf celles qu’a imposées à Ellmann un sens toujours vi¬ vace, semble-t-il, des convenances, la période de Dubliners et du Portrait, restée presque creuse. En relisant après celui-ci le vo¬ lume de jadis, j’ai eu le senti¬ ment que Joyce avait assez bien mûri. Le prodigieux égocentrisme, de lettre en lettre, et la noria substituée à toute échelle de va¬ leurs qui devait déverser dans un moi insatiable toute la substance du monde, se retrouvaient là, bien sûr, mais avec de la gen¬ tillesse, des sourires, de l’humour. Le nouveau recueil est fascinant, même s’il fait exclamer à chaque page : « L’insupportable person¬ nage » ! « Il prend régulièrement de rhuile de foie de morue. » Cette première lettre, non de Joyce bien sûr mais sur Joyce âgé de huit ans, est sans doute la seule du recueil dont on puisse dire qu’elle soit tout à fait natureUe, authentique, où les sentiments n’aient pas subi avant d’être mis par écrit, en cours de conscience, une manipulation variable mais toujours sensible : voilà ce que

3 du 16 au 30 avril 1973

je veux que vous pensiez, que vous éprouviez, que vous compre¬ niez sur moi — vous seuil e) ca¬ pable de me comprendre, de sai¬ sir l’étendue de ma détresse ou la force de mon mépris. Ri¬ chard Ellemann consacre près de cinquante pages d’introduction à l’élucidation psychologique de cette correspondance. Lors de sa parution en anglais, en 1966, il y avait bien seize ans qu’il avait épousé la matière joycienne. A lire la magistrale biographie pu¬ bliée en 1959, on se disait que pour ce qui était de l’homme il était à bout de patience. Mais non : il retrouve ici son indul¬ gence pour son rusé client. S’il fallait donner un titre à tout cela je proposerais le Men¬ diant ingrat. L’histoire de son enfance humiliée et offensée n’est plus à faire ; après quoi on n’en fera jamais assez pour lui. On est surpris de tout ce que Yeats, George Russell, lady Gregory, Symons font pour cet écrivain de vingt ans, cet inconnu qui les écrase de son arrogance et qui leur enseigne par le fait que le vrai mérite est de ne pas escompter de reconnaissance. Mais il sait si bien ce qu’il veut et ce qu’il vaut sur le plan de la création littéraire : on pour¬ rait presque dire qu’il n’était sain d’esprit que sur celui-là. Pour le reste, il y a d’abord les extraordinaires lettres de Paris (1902-1903). Bien qu’il ne s’intéresse qu’à la littérature, il fera un bout d’études médicales, comme son père. A Dublin c’est difficile et coûteux, il les fera donc à Paris, où c’est impossible, mais où on trouve Aristote dans les bibliothèques, comme à Du¬ blin d’ailleurs. Laissant une fa¬ mille virtuellement indigente et une mère malade, il n’écrit guère que pour dire depuis combien d’heures il n’a rien mangé. Ja¬ mais on n’a poussé si loin l’art de s’apitoyer sur soi-même. On respire lorsque, anticipant de trois mois sur l’agonie de la mère, le père le rappelle à Dublin. Après cela, on suivra avec peutêtre une joie méchante l’épisode de la conquête de Nora, qui s’éclaire si on en rapproche les amours orgueilleusement solitai¬ res du Portrait. Il ne peut être que Pygmalion : pour se fier à une femme, il faut qu’il l’invente; à partir d’une petite bonne d’hô¬ tel presque analphabète et sans esprit il inventera donc une par¬ tenaire équivoque, érotico-romantique, qui se prêtera docilement à tous ses jeux. Couchant avec son gant il commencera genti¬ ment sa carrière de fétichiste. Il bâtit leur roman à lui tout seul.

4

Joyce vient de rencontrer sa future femme, Nora Barnacle, quelques mois avant cette lettre. Il a vingtdeux ans. En 1902, il avait fait un bref séjour à Paris et commencé, l’année suivante, « Gens de Dublin ». Pour l’heure, il travaille à une esquisse biographique, « Stephen le Héros ». On retrouve dans cet ouvrage, et dans « Dedalus » qui lui fera suite, les préoccupa¬ tions dont il fait part à Nora. A Nora Barnacle, 29 août 1904. Ma chère Nora. Je viens de finir mon souper de minuit sans appé¬ tit. Au milieu du repas, je me suis aperçu que je mangeais avec mes doigts ! J'ai eu des nausées comme hier soir. Je suis très angoissé. Excuse cette hor¬ rible plume et ce vilain papier. Peut-être mes propos t’ont-ils peinée hier au soir, mais n'est-ce pas mieux que tu saches ce que je pense de la plupart des cho¬ ses ? Mon esprit rejette tout l’appareil social actuel et le chris¬ tianisme : le foyer, les vertus admises, les classes sociales et les doctrines religieuses. Com¬ ment pourrais-je aimer l’idée de foyer. Le mien a été petit-bour¬ geois, ruiné par des habitudes dépensières dont j’ai hérité. Ma mère a été tuée lentement, je crois, par les mauvais traitements que lui infligeait mon père, par des années d’épreuves et par ma conduite ouvertement cynique. Lorsque j’ai contemplé son vi¬ sage dans son cercueil — un visage gris, ravagé par le can¬ cer — j’ai compris que je regar¬ dais le visage d’une victime et maudit le système qui l’avait réduite à l’être. Nous étions dixsept dans la famille. Mes frères et sœurs ne sont rien pour moi. Seul, un de mes frères est capa¬ ble de me comprendre. Il y a six ans j’ai quitté l’Eglise catholique que je hais du fond du cœur. J’ai jugé impossible d’y demeurer à cause des impulsions de ma nature. Etant étudiant, j’ai lutté secrète¬ ment contre elle et refusé d’ac-

il lui fabrique des souvenirs, il lui propose un code avancé de conduite. Elle n’en peut mais. Il poursuit son soliloque avec ce gentil mannequin — « ne vois-tu pas la simplicité qui se trouve sous tous les déguisements ? ». Quand ils sont passés en Italie, le tête-à-tête devient écrasant et les lettres de 1906 prévoient la rupture. Son maître Ibsen ne lui avait-il pas donné l’exemple ? Oui, mais Harriet, femme délais¬ sée de son maître Shelley, avait plongé dans la Serpentine. Trop romantique. Et puis son frère Stanislas était venu le rejoindre.

cepter les situations qu’elle m’of¬ frait. En agissant ainsi je me suis condamné à la mendicité mais j'ai gardé ma fierté. Maintenant je lui fais ouvertement la guerre par mes écrits, mes paroles et mes actes. Je ne peux faire par¬ tie de la société que comme vagabond. J’ai commencé trois fois mes études de médecine, une fois le droit, une fois la mu¬ sique. La semaine dernière je me proposais de partir comme acteur ambulant. Je n’ai pu mettre assez d’énergie dans ce projet parce que tu me tirais par la manche. Les difficultés actuelles de mon existence sont incroya¬ bles, mais je les méprise. Après t’avoir quittée, hier soir, j’ai erré en direction de Grafton Street où j’ai fumé longtemps, appuyé à un réverbère. La rue était pleine d’une vie dans laquelle j’ai déversé une partie de ma jeunesse. Je me suis rappelé, deboùt contre mon réverbère, cer¬ taines phrases que j’ai écrites il y a quelques années pendant mon séjour à Paris ; les voici : « Elles passent par deux ou trois au milieu de la vie du boulevard, en flânant dans un endroit illu¬ miné pour elles. Elles vont chez le pâtissier, papotent, écrasent de petites miettes de gâteaux, ou s’assoient silencieuses, aux tables proches de la porte du café, ou descendent de voiture avec un frou-frou agité de vête¬ ments doux comme la voix de l’adultère. Elles passent dans une traînée de parfum. Sans le par¬ fum, leurs corps ont une chaude odeur moite. » Pendant que je me répétais cela, je savais que cette vie m’attendait encore si je le vou-

et le sauver du tête-à-tête. Un nouveau dialogue épistolaire al¬ lait s’instaurer entre James parti pour Rome — nouvelle idée de carrière — pour être employé de banque, et Stanislas resté à Trieste. Le refrain cette fois n’est pas « je n’ai rien mangé », mais « nous avons dévoré tout un pou¬ let rôti et une pleine assiettée de jambon », « je ne m’explique pas comment nous consommons tellement mais c’est un fait ». C’est Stanislas qui a la bonne place : il n’a pas à sauver les apparences. Il faut qu’il mange plus qu’il ne semble faire, quant

lais. Peut-être ne pourrait-elle plus m’enivrer comme autrefois mais elle était toujours là et mainte¬ nant que je suis plus sage, que je me contrôle mieux, elle était sans danger. Elie ne me pose¬ rait plus de questions, n’attendrait rien de moi que quelques instants de mon existence, laisserait le reste libre tout en me promet¬ tant en retour du plaisir. J’ai réfléchi à tout cela et l’ai rejeté sans regret. Ce m’était inutile ; cette vie-là ne pouvait me donner ce que je désirais. Tu as mal compris, je crois, certains passages d’une lettre que je t’ai écrite et j’ai remarqué une certaine réserve dans ton attitude, comme si le souvenir de cette nuit-là t’inquiétait. Moi, cependant, je le considère comme une sorte de sacrement et son rappel me remplit d’une joie émer¬ veillée. Tu ne comprendras peutêtre pas immédiatement pourquoi je t’honore à ce point à cause de cela, car tu ne connais pas beaucoup mes pensées. Mais, en même temps, ce sacrement me laisse une impression finale de tristesse et de dégradation — tris¬ tesse parce que j’ai vu en toi une tendresse extraordinaire et mélancolique qui avait choisi ce sacrement comme compromis, et dégradation parce que j’ai com¬ pris qu’à tes yeux, j’étais infé¬ rieur à certaine convention de notre société actuelle. Je t’ai parlé ironiquement ce soir, mais je faisais allusion au monde, pas à toi. Je suis hostile aux êtres roturiers et serviles, mais pas à toi. Ne vois-tu pas la simplicité qui se trouve sous tous mes déguisements ? Nous portons tous des masques. Cer¬ taines gens qui sont au courant de notre intimité m’insultent sou¬ vent à ton sujet. Je les écoute avec calme, je dédaigne de leur répondre, mais leurs moindres paroles font culbuter mon cœur comme un oiseau dans la tem¬ pête. (...)

à lui ; et qu’il s’habille, fût-ce sans souci des apparences. Qu’il emprunte l’argent qu’il faut pour tout et tous : « Il faut que tu m’envoies de l’argent par retour du courrier car je ne puis m’en procurer. » Il s’étonne que Sta¬ nislas songe à retourner à Dublin. En 1909, se placent les deux voyages à Dublin, le second lié à l’intervention d’une nouvelle carrière et à l’installation d’un cinéma à Dublin. Son amour ra¬ fraîchi par la distance, il se sent d’humeur jalouse et un de ses camarades de 1904 lui laisse en¬ tendre qu’il n’était pas seul à

La Quinzaine Littéraire

jouir des faveurs de Nora. C’est une frénésie d’imaginations lu¬ briques et désespérées (1). Quand il est rassuré sur 1904 il remonte jusqu’à l’enfance de Nora : qui lorgnait - elle alors ? Mais ce n’est plus qu’un jeu et, se repais¬ sant des images de ce corps, il veut l’avantager, gonfler un peu ses petits seins, d’où l’envoi de colis de coques de cacao. Et puis il se regarde être Bloom, il vou¬ drait rentrer tout entier dans son ventre, il ne lui veut que des dessous noirs, il en faudrait un grand assortiment, qu’elle doit

garder « secret, secret » ; une culotte avec trois ou quatre vo¬ lants l’un sur l’autre aux genoux et aux cuisses avec de gros nœuds pourpres. Puis, quelque peu censurées, ce sont des lettres destinées à pro¬ voquer à distance chez l’un et l’autre partenaire le plus grand émoi sexuel. Il veut qu’elle le punisse, qu’elle le fouette : « Je voudrais que tu sois forte, que tu aies une grosse poitrine fière et pleine et de longues cuisses grasses. » Un étrange mimétisme place

souvent devant la présence du fils l’image du père, superpose Dublin à Trieste, donne à la vie de Joyce les traits d’une parodie grotesque et inéluctable, d’un exercice préalable à la grande parodie que sera l’œuvre. Une lettre du père à James, annon¬ çant que cette fois c’est l’inani¬ tion, pourra alterner avec une lettre de James demandant à Sta¬ nislas de quoi empêcher qu’on ne vienne reprendre le piano. Le parallélisme de conduite entre John et James fait penser aux actes des jumeaux séparés. James

n’en peut plus. 11 abandonne à son cadet ingrat ce Trieste qu’il a découvert j>our lui. John s’en va, il laisse Dublin à ses ingrates filles. L’œuvre fait sentir qu’il y avait dans la vie moquerie de soi-même. Jean-Jacques Mayoux

(l) Par inversion cela donnera dans la pièce. Exiles, la liberté de le tromper accordée dédai¬ gneusement par Richard à Bertha, non sans injection sournoise d’une dose de surmoi.

Correspondances Thomas Mann. Lettres (1948-1955) trad. de l’allemand par Louise Servicen. Gallimard éd., 656 p. Thomas Mann. L’Artiste et la société trad. de l’allemand par Louise Serv'icen. Grasset éd., 334 p. En 1901, les Buddenbrook rem¬ portent un surprenant succès d’es¬ time et de librairie qui élève d’emblée le jeune Thomas Mann au premier rang des écrivains allemands. Puisant dans ses sou¬ venirs, il avait cru, du moins l’affirme-t-il, se livrer à une amu¬ sante fantaisie en composant cette saga familiale, tout comme Selma Lagerlof lui a raconté un jour avoir écrit la Légende de Costa Berling « pour ses petits-neveux et nièces ». Et voilà que soudain il se découvre devenu quelqu’un, à l’origine d’une œuvre qui ne cessera jamais d’exploiter le thème de l’élu, en connivence avec Dieu lorsqu’il s’agit de Joseph, en état de complicité avec le diable lors¬ que Faust paraît à son tour sur la scène. Pratiquant le désembourgeoisement au sein d’un décor bourgeois qu’il s’imagine long¬ temps immuable, Thomas Mann se sait destiné à vivre la comédie ambiguë, comique et inquiétante, de la condition d’artiste. Il le fait avec un curieux mélange de pathétisme et de distanciation — Brecht n’en a pas le monopole. C’est l’époque où Wagner et Nietzsche sont ses maîtres. Viennent la guerre et la défaite. L’Allemagne impériale s’écroule. Les délices de la décadence sont remplacées par les prodromes de l’aberration nazie. Thomas Mann est toujours le même mais, par la modification de ' son environ¬ nement, il se révèle que le rôle de l’écrivain est beaucoup moins gratuit, apolitique, qu’on ne pou¬

L’artiste comme héritier vait le prétendre sous Guillau¬ me II. L’art a le devoir de veiller sur sa propre dignité. Il ne fait qu’un avec la morale, écrit Tho¬ mas Mann à propos de Pablo Casais. Il n’est pas possible, à certaines époques et dans cer¬ taines circonstances, que la gra¬ vité ne l’emporte pas sur l’enjoue¬ ment, déclare-t-il aussi à propos de la résistance à l’antisémitisme. Et il apparaît encore que l’artiste n’est pas seulement l’héritier de son propre talent mais le dépo¬ sitaire de tout un héritage éthicoculturel, le messager représentatif de son pays, du génie de sa race.

En 1933, la rupture a lieu, Thomas Mann vit en France, puis en Suisse, quitte l’Europe pour l’Amérique, s’installe sur la côte de Californie où il passe les an¬ nées de la seconde guerre mon¬ diale, revient enfin à Zurich où il meurt en 1955, n’ayant consenti à faire que de courtes incur¬ sions en Allemagne (de l’Est et de l’Ouest). Désormais dans un

monde à la fois apocalyptique et figé, il mènera la vie d’un errant, il aura le statut et la réputation d’un perpétuel banni. En appa¬ rence, il semble avoir opté pour la philosophie des Lumières, il s’est fait « l’orateur ambulant de la démocratie ». Aujourd’hui en¬ core certains de ses compatriotes ne le lui ont pas pardonné, Ernst Jünger par exemple qui, derniè-

Thomas Mann, par Barrigue

Ainsi Thomas Mann s’essaye, dans les années de l’entre-deuxguerres, au métier de négociateur pour une meilleure compréhen¬ sion mutuelle entre les élites na¬ tionales. Le récit d’un séjour à Paris, en 1926, évoque fidèlement le grotesque et l’attendrissement de semblables activités où parmi le frou-frou des robes et le pétil¬ lant du champagne on s’efforce de marier ensemble, avec la bé¬ nédiction de Charles Dubos, Kultur et Civilisation. Ces agapes étaient dérisoires comme le sont restées les nôtres et, bien que Thomas Mann ait eu le goût des cérémonies officielles, ces ridi¬ cules ne lui échappent pas : il se prête sans se donner. Ce qui n’empêche pas qu’il exécute de cette façon une conversion, com¬ me si, à l’imitation de Tourgue¬ niev qu’il aime tant, il s était dé¬ tourné de l’Europe centrale pour se tourner vers l’Occident. Du même coup, les premiers signes se manifestaient de son divorce avec l’Allemagne.

5 du 16 au 30 avril 1973

renient dans le Moitde, l’accusait de n’avoir obéi qu’à ses pantoufles en prenant le chemin de l’exil, tandis que lui — loué soit Dieu, enfin un bon Allemand type dont les Français, paraît-il. n’arrivent pas à se rassasier ! — n’a jamais pris conseil que de sa casquette plate d’officier, de ses bottes et autres buffleteries bardant sa dé¬ liquescence. En réalité Thomas Mann sera toujours demeuré, malgré son mariage avec une .luive, malgré sa haine de l’hitlé¬ risme. son peu de sympathie pour l’Allemagne d’Adenauer, sa ré¬ serve à l’égard du communisme, un Allemand en terre étrangère, un fils, un défenseur, un commen¬ tateur de la germanité, un exclu « pensif pour la patrie », selon le mot de Victor Hugo. Telle est la biographie que les quatre volumes de correspondance choisie parus chez Gallimard — le dernier tout récemment — et le recueil d’essais et textes de circonstances publié chez Grasset — rArtiste et la société — nous retracent. A savoir le destin d’un homme que le talent a rendu célèbre et qui, n’ayant voulu ni être un simulacre vide offert à l’admiration des foules ni un ico¬ noclaste de lui-même, s’est appli¬ qué sa vie durant à habiter et à animer son « grand format », présent partout où on le récla¬ mait et autant que possible cohé¬ rent — tout autre chose que cette

armure-armoire à drogues de Jünger. Mais ee sens de la res¬ ponsabilité acquis peu à peu avec l’âge et en réaction contre les horreurs de l’hitlérisme est aussi ce qui a provoqué en lui un dé¬ chirement dont les contemporains se sont peut-être moins douté que nous qui l’observons avec recul. Thomas Mann aura dû sacrifier son esthétisme romantique et nor¬ dique à un humanisme de colo¬ ration rationnelle, son goût des forces obscures anarchisantes aux exigences d’un intellectualisme conservateur, sa conception lu¬ dique de l’art — divertissement en hommage à Dieu ou seule forme viable du dérèglement — à l’angoisse que son génie litté¬ raire même lui inspirait, tout comme Tchékhov sur lequel il écrit dans les derniers jours de sa vie. Et pourtant, malgré ce drame imposé par l’histoire, Thomas Mann sera demeuré un éerivain démonique, typiquement germa¬ nique, dont les œuvres sont tou¬ jours en quelque manière d’édu¬ cation et dont l’occidentalisation n’est jamais que le reflet de la sagesse chèrement acquise de cet autre Allemand qu’est Goethe. Jamais non plus il n’aura pu se prendre totalement au sérieux, une certaine cordialité diminuant les tensions, un certain « persi¬ flage de soi » lié de près à une « parodie de la tradition » ap¬

SUD N° 9

LE NOUVEAU COMMERCE

C’est un sentiment d’étrangeté qui saisit à la lecture du numéro de la revue « Sud » consacré à Ferdinand Alquié, et qu’inaugure un texte sien : « Le dialogue ». Etrange en effet que la philosophie soit encore aussi cela. Etrange cet attentif lecteur de Descartes fasciné par le surréalisme. Curieux cet esprit qui n’ignore rien de ce qui fait la « modernité » (Freud, Marx, Hegel), qui n’ignore pas comment, par ce savoir, le phi¬ losophique peut être renversé, et qui, cependant, n’en poursuit pas moins, n’en perpétue que plus, le ravivant sans relâche, ce discours lisse et sans butées, ce « rationalisme méta¬ physique » qui « dépayse pour mieux enraciner », et que font vibrer les notions corrélatives de Transcen¬ dance et de séparation.

Signalons, avant d’y revenir à loisir, le Cahier 24-25 du « Nouveau Commerce » (publié par André Dalmas et Marcelle Fonfreide). Comme à l’accoutumée, auteurs modernes voisinent avec auteurs anciens (mé¬ connus, trop peu connus ou dont les ouvrages sont à peu près introu¬ vables). Dans ce Cahier, parmi les premiers : Kenneth White, qui nous donne le fragment d’un « itinéraire mental » qui doit le conduire par des chemins hasardeux à la ren¬ contre de la réalité ; de notre ami Pierre Pachet un « discours » aux tons variés sur « la médiocrité » ; un récit de Noël Devaulx ; une sa¬ vante étude de Jacqueline Chénieux sur Marcel Duchamp ; un poème d’Irène Schaveizon. Parmi les au¬ teurs célèbres mais peu lus, le « Nouveau Commerce » donne des extraits de l’œuvre abondante de Raymond Luile (1235-1316), riche de plus de deux cents titres : un récit de sa vie (« Vita »), des épisodes de « Blanquerna » (un des grands romans de la littérature romane), enfin des extraits du « Traité sur la manière de conver¬ tir les Infidèles ».

« Ce que montre l’histoire de la philosophie, c’est que la philosophie n’a pas d’histoire », note N. Grimaldi. Comment, à se laisser con¬ vaincre, ne pas l’admettre ? Phi¬ losophe « écarté », Ferdinand Alquié reste à lire, peut-être dans ses « marges » où l’on peut — qui l’ignore ? — écrire encore.

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portant à ses vues les plus vastes la dansante désinvolture de la plaisanterie olympienne. « L’hu¬ moriste déambule dans l’infini » a dit Schnitzler à propos de la Montagne magique. Cette formule plaisait à Thomas Mann. Ne l’applique-t-il pas à Kafka en l’appelant « humoriste reli¬ gieux » ? Les papiers intimes de Thomas Mann ont ceci de particulier qu’ils révèlent l’homme public qu’il a été jusqu’au fond de sa conscience, alors qu’aussi objec¬ tives qu’elles soient, ses œuvres feraient plutôt figure de confes¬ sions déguisées. Ce mélange est peut-être ce que notre esprit clas¬ sificateur a le plus de peine à saisir : cette absence de distinc¬ tion entre vie sociale et vie pri¬ vée — l’une ne servant pas, comme chez nous, de paravent à l’autre — ce haussement de l’exis¬ tence domestique au niveau du devoir sacré. Simultanément le père aussi bien que l’écrivain ne s’appartiennent pas tout en s’ap¬ partenant, à la fois sous le re¬ gard d’autrui et enfermés en euxmêmes : décoratifs, un peu pé¬ dants, froids avec une pointe d’insensibilité méchante, et cha¬ leureux, prompts à la rhétorique expansive du discours de fête et tout à coup riant aux larmes dans le cerele de famille, on ne sait vraiment trop pourquoi — de même le Français ne saura ja¬

mais ce qu’il entre de concentra¬ tion morale dans la façon dont l’Allemand écoute la musique. Car ce qui fait rire et pourquoi l’on pleure est le mystère des mystères entre les nations. Ainsi donc, énigmatique, équivoque dans sa componction transparente et sincère, l’auto-portrait ajoute l’omhre de l’incompréhensible à ce qu’il pourrait y avoir de trop sommairement éloquent dans les actes de la biogra|)hie : l’épais¬ seur du psychisme étranger. J’ajouterai que le dernier tome de la correspondance peut aussi être lu comme l’émouvant docu¬ ment d’une fin de vie têtue. Tout s’abolit au-dedans et au-dehors : maladies, opérations chirurgicales, mort de deux frères, suicide du fils, disparition des amis. Tout se raréfie : le pressentiment s’ins¬ talle que le Docteur Faustus sera le vrai dernier livre et, en effet, FElu, le Mirage sont de plaisantes distractions, Félix Krull reste inachevé... Le génie tarit comme toutes les autres sèves. Pauvre survie que eelle dont on jouit dans la mémoire du lecteur, si elle n’est plus créative. Georges Piroué.

Paraît en même temps le nouveau bulletin des « Amis du Nouveau Commerce » où Marcelle Fonfreide attire l’attention sur Marcel Schwob.

vastes qu’Hampton baud).

L’ENVERS ET L’ENDROIT

ESPRIT

Dans le n” 9 de ses cahiers, Charles Aubrand établit un parallèle entre Soljénitsyne (à propos de sa déclaration sur « Les Droits de l’écrivain ») et James Joyce, pour constater que si, de l’un à l’autre, les moyens diffèrent, « l’objectif visé demeure le même » : le « per¬ manent et non le transitoire » et que l’insertion du social ou du politique dans l’œuvre (à propos de Soljénitsyne) a peu d’importance au regard du « fait d’écrire ». Un autre parallèle ; celui que tente Daniel A. de Graaf entre le Rimbaud des « Illuminations » et un Daniel Marot, architecte, décorateur et graveur (1663-1752), auteur d’un « Chemin du rêve », dont parle Jules Laforgue dans une lettre de 1880, et qui a confectionné des « assiettes peintes » tout comme il a peint des carreaux pour les che¬ minées d’Hampton Court. « J’as¬ siste à des expositions de peinture dans des locaux vingt fois plus

« Esprit » nous offre un numéro japonais. Réalisé par une équipe d’intellectuels japonais, il nous pré¬ sente un panorama complet de la vie culturelle et sociale au Japon. Il y est traité de la classe ouvrière et de ses syndicats, du mouvement gau¬ chiste japonais, extrêmement divisé, de la royauté et de sa représentation dans le théâtre Kabuki, du jeune théâtre et du jeune cinéma, de la situation de la femme, de la rapide croissance économique qui a provo¬ qué la destruction de l’environnement et la pollution. Avant tout, « les Japonais s’interrogent : qui sont-ils ? C’est une révolution culturelle, au sens très large, qui est attendue. En face des modèles importés, les Japo¬ nais sont à la recherche de leur propre modèle ». Mishima dans « Défense de la culture » pose la question : « Qu’est-ce que la culture proprement japonaise et comment la défendre ? »

Court

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(Rim¬

La Quinzaine Littéraire

C orrespon d ances

Jules* Vallès;. Correspondance avec Séverine Préf. et notes; de Lucien Scheler. hditeurs Français Réunis.

L’édition des œuvres de Jules Vallès. sous la direction de Lucien Scheler. touche à sa fin. Après les morceaux célèbres — la trilogie de Jacques Vingtras, qui s’est voulue non pas autobiographie à la JeanJacques, mais histoire d’une géné¬ ration dont le héros serait le porte-parole — sont venus les tex¬ tes seconds, éblouissants souvent, mais moins élaborés, inégaux par¬ fois — ainsi la Rue à Londres, le Réfractaire, les Blouses — puis une pièce de théâtre, la Com¬ mune de Paris, refusée en son temps par une censure vigilante, et ces brouillons de grande qualité, semés par Vallès au fil de sa vie de journaliste, où le ton du mé¬ morialiste l’emporte sur celui du romancier : le Candidat des Pau¬ vres, qui paraît en 1879, alors que Vallès vit encore en exil, dans le Journal à un sou de Tony Revillon ; les Souvenirs d’un étu¬ diant pauvre, évocation de la vie au quartier Latin en 1850/51, qu’il publie en 1884 dans le Cri du Peuple La pauvreté, elle lui avait fait perdre jadis sa fiancée du Puy, soigneusement préparée par sa mère : « Je n’aime pas les pauvres », lui avait déclaré, sans chercher à le peiner, cette char¬ mante enfant. Elle lui avait ins¬ piré, en 1857, son premier livre : un surprenant traité de Bourse, tiré pour l’essentiel de Proudhon, qu’il préfaça, contre espérances sonnantes et trébuchantes, d’une lettre éblouissante et cynique à un banquier conu dans le monde des rapides affaires, Jules Mi¬ res (1). Elle rôde jusqu’à sa mort dans la mémoire et les obsessions de Vallès. Les lettres enfin — reçues, en¬ voyées — sont depuis quelque temps sorties de l’ombre. Certes, l’édition Scheler ne les contient pas toutes : Gérard Delfau a publié il y a deux ans (2) nombre d’épîtres reçues par Vallès en exil et retrouvées chez les héritiers de Séverine. Mais la correspondance avec Arthur Arnould a été ras¬ semblée par Scheler sous le titre le Proscrit. Plus surprenantes que cette correspondance communeuse, les lettres à Hector Malot présentées par M. C. Banequart : oui, le père du vieux Vitalis et du jeune Arthur, ce feuilletonniste

Vallès et Séverine abondant, politiquement modéré, prit en charge les intérêts de Val¬ lès pendant son exil et, toutes divergences laissées de côté, mais non abjurées, il consacra des journées entières à ])lacer la prose ailée de son confrère dans la presse de l’après-Commune. C’est à présent le tour de Séverine.

Caroline Rémy alias... Lucien Scheler vient en effet de publier la correspondance de Val¬ lès avec la belle Caroline Rémy, qui signait alors « Rehn Mar¬ guerite ». Il s’agit d’un ensemble de lettres échangées entre Vallès et la future Séverine de juin 1881 à octobre 1884 ; le « patron » avait aux alentours de la cinquan¬ taine. la « pupille » un peu plus de vingt-cinq ans. Les lettres de Vallès sont de loin les plus nom¬ breuses : Séverine les a conser¬ vées avec piété en souvenir de ce maître à qui elle devait, écrirat-elle plus tard, « tout ce qu’elle savait, tout ce qu’elle était ». Plus négligent, moins assuré peut-être de la valeur de sa correspondance, plus économe en tout cas, Vallès avait la fâcheuse habitude d’uti¬ liser le verso des lettres de sa « chère enfant » pour y jeter en hâte le fruit de son travail quo¬ tidien : la corbeille à papier a englouti ces brouillons et nous ne trouvons dans ce volume que seize épîtres signées Séverine : on aime¬ rait mieux connaître cette appren¬ ne ionrnaliste qui sèmera pendant Séverine

de longues années ses textes pail¬ letés de rires et de pleurs dans la presse contestataire : il faudra attendre les travaux de Mireille Delfau, qui a recueilli l’essentiel de ses archives. Quel charme en tout cas chez cette jeune femme, née en 1855 « dans le camp des heureux », mariée à dix-sept ans à un personnage brutal qu’elle quitte au bout d’un an pour vivre avec le docteur Guebhard. Une vie sentimentale comme étouffée, une attention dévotieuse à son « camarade » Vallès, qu’elle a connu à Bruxelles en 1879. De l’amour ? Peut-être — qu’on lise la lettre du 30 juillet 1883 —, mais qui refuse absolument de dire son nom et d’accéder à l’existence, qu? s’affirme affection filiale et dévouement, drôle ou triste, sans limites. Du côté de Vallès, s’accusent l’extrême nervosité, l’inquiétude, voire, dans les jours ou les heures de presse, une acrimonie exigeante qu’éclaire parfois la tendresse pour celle qu’il appelle sa « belle camarade ». Il va mourir, du dia¬ bète, en 1885 et, dès 1883, à Lon¬ dres, où il rédige les chroniques commandées par l’éditeur Char¬ pentier, il souffre. Il faut écrire pou’^tant. produire à tout prix. Ecrivain ou ioumaliste (3) ? Un livre, dit Vallès, « demande la tête f^'oide » surtout lorsqu’il est écrit « au courant du sang de mon cœur ». La Rue à Londres n’est qu’une chronique. Elle exige pourtant les soins de Séverine : « De l’espace, de l’air à tout prix » pour tamiser cette « prose

j)leine de poussière et de paille », pour « l’éjiarpiller doucement sur fond de neige ». De Vallès à Séve¬ rine et au typographe « il y a la solidarité fatale et sourde des efforts et nul ne peut dire où commence la création » (1882). Les lettres ne vont leur chemin que quand la distanee les rend nécessaires. Aussi n’en avons nous guère pour les débuts du « Cri du Peuple » qui démarre en octobre 1883. Ce journal, populaire et socialiste, révolutionnaire et éclec¬ tique, plein de crimes et de haine sociale, de réalisme et d’imagi¬ nation, Vallès, lorsqu’il en écrit, s’en désespère : conflits de per¬ sonnes entre anciens évadés de la Nouvelle — Olivier Pain, l’ami de Rochefort. Paschal-Grousset —, lourdeur didactique de Guesde qui, pendant un temps, donne le ton au journal. Et ce mot de la fin. tiré de la dernière lettre, ce mot du maître en journalisme de Séverine ; « Le Cri a l’air du Temps. C’est capable de le tuer. » Après la mort de Vallès sa fille spirituelle donnera un second souffle, pour quelques années, à ce journal du drapeau rouge et de la révolution imminente qui fut la dernière création de l’insurgé. Madeleine Rehérioux

Jules Vallés

1. Les Souvenirs, le Candidat et la lettre à Jules Mirés viennent de paraître avec des notes de M.C. Banequart et de L. Scheler dans la même collection. 2. Sous le titre Jules Vallès, üexil à Londres 1871-1880, Bor¬ das. 1971. 3. Sur Vallès critique littéraire, voir le recueil de textes préfacé par R. Bellet. Littérature et Révo¬ lution. E.F.R., 1969.

7 du 16 au 30 avril 1973

Wolf Biermann

La Harpe de Barbelés

par G.-A. Goldschmidt

Vassilis Vassilikos

Le Fusil-harpon

par Jean Gaugeard

J.P. Donleavy

Les Béatitudes bestiales

par Viviane Forrester

de Balthazar B. Manuel Scorza

Roulement de tambours

par Rafael Conte

pour Rancas James Purdy

Wolf Biermann La Harpe de Barbelés Préface et traduction par J.-P. Hainmer 10/18 n° 706, inédit, bilingue

C’est presque un lieu commun de dire que les Français ignorent tout des choses allemandes. Ils ignorent tout particulièrement la grande tradition de la chanson politique qui du Moyen Age à au¬ jourd’hui a donné quelques-uns des noms qui comptent dans la littérature allemande, de Walther von der Vogelweide et Ulrich von Hutten à Ferdinand Raimund, Heinrich Heine, Ringelnatz ou Wolf Biermann. Communiste, venu d’Allemagne de l’Ouest, Biermann est installé à Berlin-Est, Chausseestrasse 121, comme l’indique la pochette de l’un de ses disques. Interprétant lui-même ses chansons-poèmes un peu à la façon de Brassens, il est rapidement devenu un véritable symbole politique. Il ne peut en¬ registrer, ni se faire entendre, en Allemagne de l’Est où la bureau¬ cratie inhibée, conformiste et stu¬ pide le redoute. Il y est pourtant aussi connu que l’Alexanderplatz, l’une des places les plus célèbres de Berlin-Est. C’est que sa poésie, engagée s’il en est, ne dissimule rien et ne tait rien ; elle n’a de comptes à rendre qu’à sa propre liberté. A la fois fervente et iro¬ nique, elle est toujours humaine, tendre et populaire : c’est plus que d’aucuns régimes politiques n’en peuvent supporter. On re¬ trouve en Biermann les accents de cette vieille désobéissance sub¬ versive qui traverse toute la tra¬ dition populaire allemande, n’en déplaise à ceux qui à propos de l’Allemagne ont besoin des cli¬ chés si bien accrochés dans l’opi¬ nion française. C’est parce qu’il vient du peuple et va au peuple

Se faire entendre Jusqu’à ces toutes dernières an¬ nées la littérature est-allemande s’est caractérisée par un inces¬ sant éloge de la productivité et du rendemeùt. Pendant des années et aujourd’hui encore, la R.D.A. a été littéralement submergée par une édifiante et pieuse littérature de l’émulation pour la producti¬ vité et les concours entre équipes. Les Erik Neutsch, les Helmut Baierl ou les Volker Braun ont sur ce plan battu d’inégalables re¬ cords de bassesse et de flagorne¬ rie. Tous les autres, les Hermann Kant, Manfred Bieler, Peter Huchel ou Christa Wolff, connaissent les pires difficultés, émigrent ou sont réduits au silence, comme l’est Wolf Biermann, qui ne peut se faire entendre. A cette heure où l’on feint les ouvertures de frontière, les cen¬ seurs imbéciles feraient peut-être bien de comprendre que la poésie de Biermann ne menace qu’euxmêmes et que ce sont eux et non Biermann qui représentent un danger pour le socialisme.

Jamais la poésie de Biermann n’est rassurante mais elle est tou¬ jours roborative, jamais elle n’est « positive » mais elle est toujours encouragement, jamais elle n’est « méritante » mais toujours plei¬ ne de sympathie. En ceci elle rappelle Heinrich Heine, dont Biermann dit d’ailleurs dans une chanson être le fils spirituel, ce Heinrich Heine que personne ne peut récupérer et qui plus de cent ans après sa mort reste encore un poète maudit, juif de surcroît, maudit au point que les sbires universicrates et les préposés mu¬ nicipaux de Düsseldorf viennent de se rendre tristement célèbres en refusant de donner à leur uni¬ versité le nom de Heinrich Heine. Il est vrai que les élus locaux se doivent de toujours rester en bons termes avec les « populations ». La Harpe de Barbelés, qui date de 1965, n’est pas le seul recueil de Biermann. En 1968, il a publié Mit Marx und Engelszungen et tout récemment le Voyage d'Hi¬ ver, dont le titre est un hommage à Heine. L’on y retrouve le même ton à la fois sarcastique et ten¬ dre, la même vision à la fois pré¬ cise et évocatrice, et la même dé¬ nonciation de l’obscurantisme po¬ litique. Si la poésie « engagée » est par sa nécessaire obéissance aux impératifs de parti obligatoi¬ rement mensongère et truquée et donc condamnée à l’oubli rapide, la vérité de la poésie politique de Wolf Biermann rend sa sur¬ vie certaine à côté de celle de Heinrich Heine. Bien des poè¬ mes de Biermann, par exemple la « Ballade de l'homme », pour¬ raient être chantés tels quels en français. Georges-Arthur Goldschmidt

La Ouinzaine Littéraire

Ecrivains étrangers

Vassilis Vassilikos Le Fusil-harpon et autres nouvelles Trad. du grec par Dominique Grandmont, Gisèle Jeanperin et Nicole

Zurich

Gallimard éd., 304 p.

La première fois que je ren¬ contrai Vassilis Vassilikos, c’était en 1967, peu après le coup d’Etat des colonels. Vassilikos, qui n’était venu à Paris que pour la sortie de Z (le roman) chez Galli¬ mard, se retrouva, d’un jour à l’autre, en posture d’exilé politi¬ que. Il n’avait pas pris la décision de fuir et personne ne l’avait chassé. Mais c’était comme ça. Je l’avais questionné sur ses projets littéraires. Il me répondit qu’il n’était pas question d’écrire une ligne avant de retourner dans son pays. Ce souvenir lui fera peutêtre un peu mal — comme toute sa situation — mais il a pris une conscience trop aiguë de l’état d’exilé, de ses variantes et de sa dynamique souvent incontrôlable, pour me le reprocher. Depuis, les colonels se sont ac¬ crochés au pouvoir. La dictature

Les voies de la résistance grecque n’empêche personne de dormir, à l’extérieur tout au moins, et surtout pas à l’OTAN, ce pacte militaire, dont Franco fut vertueusement exclu, et qui se donne pour mission de défendre les démocraties... Six ans ont pas¬ sé. Vassilis Vassilikos a publié, en France, cinq volumes qui tous étaient antérieurs à l’exil, et tous écrits en Grèce. Voici le sixième : le premier livre de l’exil et qui a l’exil, les exilés, la résistance pour seul sujet. On imagine que l’auteur le composa à moitié à son insu, sans avoir véritablement conscience de trahir la vaine pro¬ messe de 67 : ne pas écrire une ligne avant que la Grèce n’ait fait retour à elle-même. Le Fusilharpon est fascinant et tragique comme un miroir brisé. Dix-neuf nouvelles : deux sont assez lon¬ gues ; les autres se limitent à

PAVILLONS Collection dirigée par Georges Bel mont et Armand Pierhal

.3-I

La collection de littérature étrangère qui a révéié au public français Graham Greene, Saiinger, Buzzati, Bioy Casares, Kirst Mao Dun, Tennessee Wiiiiams, Scott et Zeida Fitzgeraid

S

quelques pages. Malgré la qualité, la maîtrise parfaite, ce recueil fait plutôt figure de carnets de notes au cours d’une période tran¬ sitoire, et bien plus que d’une œuvre méditée. Pourtant l’œuvre est là, se construit sur une des¬ truction à mesure que l’on en prend connaissance. Le miroir continue de se briser à l’intérieur de chacun de ses éclats. Je pense soudain à ce livre espagnol paru vers 1950. La Fin de l’espoir, était-ce bien le titre, et Juan Hermanos, son auteur, témoin du désespoir des résistants de son pays ? L’OTAN venait tout juste de naître et ses promoteurs avaient estimé que, décidément. Franco valait mieux que la liberté. Plus de vingt ans ont passé depuis cet espoir fini. Vassilikos, dans le Fusil-harpon, adresse parfois un

regard fraternel et consterné à ses frères espagnols. Dans le « Meurtricide » — la dernière nouvelle du recueil et l’un des deux textes relativement longs — il est question de la mort violente d’un résistant grec, dési¬ gné par l’initiale de son nom. K. Cette simple lettre, comme si elle n’était pas fortuite, me remet en mémoire l’œuvre déjà abondant et varié de Vassilikos. C’est alors entre deux lettres que je la vois osciller. K et Z. La face K en est beaucoup moins connue en Fran¬ ce, ce qui est injuste mais expli¬ cable : un abord plus difficile et surtout peut-être le problème des influences littéraires dont la chro¬ nologie varie d’un pays à l’autre. Les lettres grecques de ces der¬ niers temps semblent avoir été assez fortement marquées par un courant que l’on pourrait très

L VOUS révéle aujourd’hui ; ANTHONY BURGESS orange mécanique

VENIAMINE KAVERINE devant le miroir

CHARLES MINGUS moins qu’un chien

UGO ATTARDI l’héritier sauvage

Le seul grand roman “La création d’un d’amour de la littérature [extraordinaire langage’ soviétique. (Le Monde)

Une confession totale Hii célèhre iazzman.

Une Sicile tourmentée vue par le nouveau grand ûr'rix/ain

italien

ROBERT LAFFONT 9 du 16 au 30 avril 1973

mnnuEL /cota»

Roulement/ de tombeur/ pour Ronéo/ roman péruvien

La lutte des comuneros au Pérou Qui se souvient du génocide des “Comuneros” des Andes, dans les années 60, dans la ville la plus haute du globe, Rancas ? Un écrivain péruvien, fils de “Comunero”, qui prit en 1961 la tête des protestations contre ces massacres permanents, Manuel Scorza, nous le rappelle dans un étonnant, un merveilleux livre plein d’une verve picaresque époustouflante. ALBERT BENSOUSSAN (Combat)

Il fallait, pour rendre tant d’horreur supportable, inventer un ton neuf, mi-burlesque, mi-vengeur. Il fallait cette truculence rabelaisienne, cette poésie tumultueuse, chaotique, criarde, et ce rire grinçant que provo¬ quent, mêlés, le grotesque et la mort. Il fallait ce style baroque, à l’opposé du classicisme français. ANDRE WURMSER (L’Humanité)

Un livre qui libère les sources de la pitié, delà colère et de la justice, sans cesser d’être une œuvre de haut langage, rien de plus rare. Le décalage avec la quasi-totalité des autres livres qui paraissent est ver''Qineux. MAX-POL FOUCHET (Le Point)

Un roman-réquisitoire, d’une efficacité miraculeuse.

CLAUDE FELL (Le Monde)

Un romancier qui pèse sur la décision d’un général, on ne voit pas çà tous les jours. Même au Pérou. DOMINIQUE FERNANDEZ (L’Express)

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vaguement appeler expression¬ niste, à une épocjue donc où il était à peu près tari en France. L’expressionnisme est une cat4gorie plutôt fluide sur laquelle la critique a toujours éprouvé queler est impo¬ sant. Non seulement par ses di¬ mensions mais par son érudition et son intelligence. Farci de docu¬ ments, rédigé clairement, il mérite attention. Il mérite aussi discus¬ sion. Démontrer en effet que cette cenelle nostalgique de Morris est un adepte du matérialisme dialec¬ tique n’est pas une mince entre¬ prise, même si Meier la conduit avec brio. Le titre de l’ouvrage est ambigu. « La pensée utopique de William Morris », pareille annonce sug-

La Quinzaine Littéraire

gère que Meier bornera son étude aux seuls textes utopiques de Morris, soit aux Nouvelles de nulle part. Or, la réflexion de Meier déborde ce cadre. Elle s’at¬ tache à l’ensemble de l’œuvre. Elle examine les innombrables articles, études, manifestes, que Morris a rédigés, c’est-à-dire une masse d’écrits décidément socia¬ listes en effet. Paul Meier oscille de la sorte sans arrêt entre un registre et l’autre. Il décrypte le monde imaginaire des Nou¬ velles de nulle part à travers la grille des écrits théoriques de Morris. Et il privilégie généreu¬ sement ces écrits au détriment de l’utopie. Cette double lecture contamine les Nouvelles de nulle part : les articles militants rédi¬ gés par Morris forment une sorte de prisme à travers lequel la lu¬ mière édénique qui baigne l’ou¬ vrage devient la grande clarté de la société socialiste. Il nous semble qu’il y a là quel¬ que excès. En effet, si l’on s’oblige à lire les Nouvelles de nulle part pour elles-mêmes, une fois retiré l’échafaudage des textes théori¬ ques, on se trouve en présence d’une simple rêverie poétique : dans une Angleterre agreste et débarrassée des scories de l’âge industriel, constellée de villes b⬠ties à la campagne, coule une Tamise propre comme un sou neuf et grouillante de saumons I Morris est un étonnant précur¬ seur des écologistes actuels ). Dans les maisons, que ne garde aucun chien méchant, on s’éclaire à la bougie et, bien que l’on soit au XXII' siècle, c’est en carriole que l’on va d’une bourgade à l’autre. L’activité reine des utopiens est l’agriculture. On cherche en vain des machines. L’Angleterre est

un jardin, une sorte de Jérusalem non céleste, un paradis agricole germé sur les berges de la Ta¬ mise. Et il faut un regard bien énergique pour y deviner le mo¬ dèle du futur Etat socialiste.

Deux tentations L’énigme est alors de savoir comment ce socialiste orthodoxe, ce militant lucide, a pu nourrir à la fois deux tentations aussi op¬ posées, celle du socialisme et celle de l’adamisme. En vérité, le cas n’est pas exceptionnel dans la lit¬ térature utopique. Bien souvent, un homme décrit, dans ses uto¬ pies, un univers assez éloigné de celui auquel il donne ses préfé¬ rences dans la vie réelle. Thomas More (l’un des inspirateurs de Morris) fut, dans son, accomplisse¬ ment historique, un abominable persécuteur d’hérétiques. Pourtant son lyopie repose sur une parfaite tolérance religieuse. De même, Campanella, qui fut un milléna¬ riste d’accent fort apocalyptique, dessine dans son utopie {la Cité du Soleil] un Etat rationnel et scientifique. Il faut donc craindre que Paul Meier n’ait un peu négligé la spé¬ cificité du genre utopique. Il est vrai que décrire les Nouvelles de nulle part comme une utopie de stricte observance eût soulevé d’autres difficultés. Le genre uto¬ pique a des règles et des proto¬ coles. Et les Nouvelles de nulle part n’obéissent qu’en apparence à ces règles. Un examen minu¬ tieux les tire du côté de la contreutopie : par exemple, le pays de Nulle part n’a pas échappé à l’histoire, au contraire de toutes les autres utopies qui ourdissent une durée immobile. De même.

Ballon entraîné par des aigles (gravure de 1809)

du

16 au 30 avril 1973

le pays de William Morris res¬ pecte la liberté individuelle, ce qui n’est pas bien reçu en utopie. Enfin, il ignore l’Etat et l’Insti¬ tution. Voilà bien des hérésies, qui confèrent à l’utopie de Morris des couleurs d’anarchie. Paul Meier critique Chesterton, aux yeux de qui Morris est « une sor¬ te d’anarchiste dickensien ». A notre estime, le verdict de Ches¬ terton est raisonnable et Yeats le confirme, pour qui Morris est « un anarchiste sans le savoir ». Ces étrangetés expliquent le charme et la force de Morris. Ses Nouvelles de nulle part ajoutent et mêlent ensemble deux ingré¬ dients incompatibles : le socia¬ lisme scientifique et la rêverie adamique. C’est marier du feu avec de l’eau et l’enquête de Paul Meier, il nous semble qu’elle eût gagné en efficacité de ne pas naviguer au large de ces bizarre¬ ries. Ces légères réserves ne vou¬ draient pas'jeter de l’ombre sur le travail de Meier. Celui-ci est considérable. Il propose une masse de documents du premier intérêt et fort bien organisés. Sur William Morris, mais tout aussi bien sur le climat idéologique, po¬ litique et culturel de l’Angleterre victorienne, cet ouvrage demeu¬ rera un témoignage de très haut intérêt. Gilles Lapouge

THE HUMAN CONTEXT explores the philosophical assumptions and the methodology of the human sciences (the different fields of psychology, sociology and anthropology). It aims at a critical dialogue between diffe¬ rent orientations in philosophy itself and at a confrontation \«ith science. The total yearly volume of the periodical is in excess of 600 pages and is published in three issues annually, with original contributions in full translation from and into English, French, German, Spanish and Italian. Contents list for THE HUMAN CONTEXT, vol. V, no. 1 (1973). MAIN ARTICLES : J.D. Culler : Phenomenology and Structuralism (English original & French translation) ; H. Gardner ; Structure and Deve¬ lopment (English original & French translation) ; M. Peters : Psychoanalysis, Struc¬ turalism and the Problem of Consciousness (English original & French translation) ; Dr F. Cervantes Gimeno : La Perspectiva Estructuralista en Psiquiatria (Spanish original & English translation) ; M. King ; Truth and Technology (English original). EXTENSIVE BOCK REVIEWS, DO¬ CUMENTS & REPORTS : Subscription per volume (3 is¬ sues) / Prix d’abonnement par vo¬ lume (3 fascicules) £ 5.25 (US $ 15.75) : Single issues and back numbers/ fascicules individuels et vieux numé¬ ros £ 2.00 (US $ 6.00) : Subscriptions and advertising enquiries should be sent to BASIL BLACKWELL & MOTT LTD. (JOURNALS DEPT.), 108 Cowley Road, Oxford 0X4 1JF, U.K.

CRITIQUE

MINUIT 3 Des auteurs très connus ayant aidé à son lancement, « Minuit » donne maintenant la parole à de jeunes collaborateurs. Après un très bon texte de Claude Simon qui ouvre le numéro avec une « mise en sé¬ quence » de notes de voyage en Zélande, dans lequel des « corps conducteurs » s’entrelacent, se dis¬ tancient ou se font écho dans un « tissage textuel » très subtil, on trouvera, entre autres, plusieurs contributions d’un grand tntérêt : celle d’un jeune écrivain, Philippe Jaworski (Désordres), qui donne une excellente orchestration des fantas¬ mes érotiques et meurtriers qui sont ceux de l’enfance ; une dénonciation sérieuse et avertie de Samir Amin sur les dangers mythiques et com¬ pensatoires de l’essor démographique mondial ; une lecture « derridienne » d’une conférence de Schelling sur « les divinités de Samothrace », qui permet à J. Lacoste de montrer la nature fallacieuse du discours phi¬ losophique en général et de la « conférence » en particulier. Et enfin, une mise en pièces des efforts « officiels » d’éducation sexuelle pour les jeunes, par Tony Duvert, qui voit là des mesures de sauvegarde de la part des institutions qui ne peuvent envisager la « défamilialisation » de l’enfant. Celle-ci ne ferait en effet l’affaire ni de l’Etat ni des psycha¬ nalystes, à quelques célèbres excep¬ tions près. A. F.-L.

REVUE GENERALE DES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ETRANGERES N" 311

L’URBAIN ET L’ARCHITECTURE Françoise CHOAY Figures d’un discours méconnu Pierre SCHNEIDER L’éternité en 1540 : Palladio Christian BONNEFOI Alvar Aalto ; une architecture flexible Hubert DAMISCH Architecture et industrie : Jean Prouvé ou le parti du détail. Vue d’ensemble : Le social et l’habitat : quelques livres américains, par F. C. Pierre-Albert JOURDAN La bataille des tisons Serge FAUCHEREAU Le second souffle de Dada Notes Anne FABRE-LUCE Gravitations négatives du texte Naïm KATTAN Le présent prend le dessus Abonnements - Le numéro : 8 F Etranger 50 F 93 F France 45 F 80 F 6 mois 1 an EDITIONS DE MINUIT 7, rue Bernard Palissy, 75006 PARIS C.C.P. Paris 180.43

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MEDECINE

Ce que peut, aujourd’hui la médecine Jean Bernard Grandeurs et

tentations

de

la

Médecine Buchet Chastel, 332 p.

Il existe de nos jours une « de¬ mande » importante en livresdocuments, livres - témoignages, etc. D’où la floraison de textes correspondants. Dans ce courant, sans en être tout à fait, des livres comme Grandeurs et tentations de la Médecine, de Jean Bernard, qui ne sont pas à proprement par¬ ler des ouvrages de vulgarisation ni de pure réflexion philoso¬ phique. On n’attend pas en effet de l’auteur une somme exhaus¬ tive de tous les progrès médicaux accomplis depuis le début du siè¬ cle, mais plutôt un survol rapide et démonstratif, suivi d’une sorte de méditation s’accordant à la ré¬ putation d’humanisme qu’a tou¬ jours eue la médecine et dont la visée soit à la portée de tous. En ce sens, le livre du professeur Bernard ne déçoit pas. Il ne s’agit pas ici, on le com¬ prend, de faire une critique sur la forme ou sur le fond. La forme, elle est comme à l’ordinaire con¬ taminée par l’usage du jargon scientifique ; le fond — j’entends la base scientifique (vérifiable, si l’on préfère) des faits rapportés — est sérieusement assis sur des connaissances qu'on peut préjuger exactes. Alors, sur quoi donc exer¬ cer son droit de regard ? Il s’agis!*ait — et la tentative est réus¬ sie — de démontrer que la médecine, d’empirique et d’apI)roximative qu’elle était, est devenue une disci])line rigoureuse, étayée t)ar les apt)orts de ses consoeurs la chuiiie. la biologie, la »>hysi(jue. l’analyse statistique, et leurs bâtardes communes, la bio¬ chimie. la biopbvsique, la biomé¬ trie, etc., à moins qu’elle ne se révèle en fait le résultat final de Ieu»-s efforts conjugués. Soit dit, en marge, les détracteurs de la recherche dite pure ou fondamen¬ tale — tous des économistes ne voyant pas au-delà de leur « ren¬

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table à cinq ans » — devraient bien se pencher sur cette évi¬ dence et sur ce qu’elle implique : « La recherche médicale est ani¬ mée par un double courant, et tantôt ce sont les découvertes, les méthodes des sciences fondamen¬ tales qui vont de proche en pro¬ che se trouver appliquées à Vliomme, tantôt c’est un fait tiré de Vobservation de Vhomme sain ou de rhomme malade qui inspire et oriente la recherche fondamen¬ tale. »

Mystères médicaux Jean Bernard a divisé son livre en trois grandes parties. La pre¬ mière est, pourrait-on dire, anec¬ dotique et donne de très nom¬ breux exemples de « trouvailles » ayant permis d’élucider des mys¬ tères médicaux ou de pallier les inconvénients qu’elles dénoncent. Ainsi, l’hémoglobine S — rem¬ plaçant l’hémoglobine A, normale chez les individus de certaines populations d’Afrique ou d’Amé¬ rique — donne aux globules rou¬ ges une forme en faucille. Cette anomalie, héréditaire, provoque des anémies qui peuvent être mor¬ telles chez les porteurs homo¬ zygotes (dont les deux ascendants présentaient la tare à l’état latent ou atténué). Ainsi, la glucose-6phosphate déshydrogénase, en¬ zyme dont la défaillance détermi¬ ne une sensibilité à la primaquine T.e professeur Jean Bernard

et à la fève, dont l’ingestion dé¬ clenche une anémie également grave. Tour à tour, l’hématologie, le cancer, la leucémie, les greffes, les transplantations, fournissent leur quota. Les notions de base, sont simplifiées pour la compré¬ hension du lecteur non spécialiste, mais l’exposition reste détaillée, et vivante. Je dirais que le pro¬ fesseur Bernard a la fibre péda¬ gogique, qu’il fait montre d’un esprit clair, précis et bref. On sent derrière toute cette énvimération une volonté constante d’ôter à certains mots — le cancer, pour ne nommer que celui-là — leur parure d’idées fausses et véné¬ neuses, de donner au contraire sur certaines pratiques, d’automédica¬ tion par exemple, des avis pé¬ remptoires et des conseils de pru¬ dence. L’auteur cherche à démy¬ thifier, à faciliter l’approche d’une médecine redescendue de son piédestal, et d’un praticien redevenu un intercesseur accessi¬ ble entre l’homme et la santé. La deuxième partie éclaire plus précisément sur ce qui reste à faire, ce qu’on peut attendre aujourd’hui. espérer demain, d’une science qui galope, contrai¬ gnant le praticien honnête à un constant recyclage. Le coût de la médecine, la nécessité d’une prise en charge par l’Etat de plus en plus grande, l’accent mis sur la valeur de la prévention, de l’hy¬ giène de vie, sont autant de che¬ vaux de bataille que Jean Bernard enfourche avec décision et quel¬ ques nuances impérieuses dans la voix : les « il faut que... » sont d’abondance ! Il effleu»'e l’eugé¬ nisme et le malthusianisme pour les rejeter avec fermeté. En re¬ vanche, lui si prolixe dès qu’il s’agit de prôner l’ingérence du social dans la médecine, se tait, et tout à fait, sur une démogra¬ phie emballée, sur ses conséquen¬ ces et ses palliatifs.

dre, et qui sont autant de miroirs aux alouettes. Se redessine, là, le vieux profil de l’ascèse — dévoue¬ ment et abnégation — que con¬ tient plus ou moins l’idée du « sacerdoce » médical. Il est évi¬ dent que le petit couplet sur le greffeur de cœur transformé en play-boy itinérant sort tout droit d’un praticien à l’ancienne, pour qui mesure et discrétion sont des impératifs.

Un médecin lucide et droit D’aucuns penseront peut-être que ce livre présente les faits avec adresse, et que la part est un peu trop belle, qui est faite ici à la médecine. Je pense qu’il s’agit, très simplement, et bien plus que d’un ouvrage habile, du travail d’un chercheur rompu aux métho¬ des et aux rigueurs du « proto¬ cole » scientifique, constituant un mémoire intelligent doublé d’une tentative convaincante et convain¬ cue, accomplie par un homme honnête au sens premier du terme comme à celui, devenu nlus rare, qu’on lui donnait au XVII' siècle, par un médecin lucide et droit. Jean Bernard, dont la sensibi¬ lité parle haut entre les lignes, n’a jamais cédé à la tentation — qu’il dénonce — d’exercer une « médecine sans hommes mala¬ des », une médecine de « cas ». Cela fait le prix et l’attrait de son livre. Et, ma foi, si l’auteur réussit à sortir de la tête du malade type (et lettré) l’image de la médecine que Knock y avait mise, j’ajouterai que son livre est à la fois intéressant... et utile. Christiane Raroche

La dernière partie, plus déon¬ tologique — et qui n’est pas des moins passionnantes —, énumère les pièges, dorés ou non, auxquels la médecine peut se laisser pren¬

La Quinzaine Littéraire

ANTHROPOLOGIE

Dee Brown

Enterre mon cœur

par Jacques Meunier

Anne Lombard

Le Mouvement hippie aux EtatsUnis

par Henri J. Enu

Dee Brown Enterre mon cœur Préf. d’Yves Berger Stock éd., 556 p.

L’ethnologie et l’écologie sont à l’ordre du jour. Comme la nos¬ talgie qui nous menace. Et parmi tous nos fantasmes, nos effrois, nos colères et le désespoir de ne pas être ce que nous aurions aimé être, ce totem : l’Indien. Non pas l’Indien d’aujourd’hui, l’Indien qui souffre et qui meurt, mais l’Indien d’hier, celui qui pousse devant lui les signes extérieurs de l’indianité, le hon Indien. C’est à ce prix qu’on falsifie tout à la fois le passé et le présent. Un racisme feutré préside à notre représentation du Peau-Rouge : sous l’Indien d’Epinal, l’Indien d’académie, l’Indien de mission, l’Indien de bibliothèque, l’Indien d’Hollywood, l’Indien à l’eau-derose, l’Indien d’utopie, se cache le Blanc. L’Histoire est le privi¬ lège des vainqueurs. Dee Brown, dans Enterre mon cœur, tente de renverser cette perspective. Dans une enquête historique qui, paradoxalement, se veut participante, il revient aux témoignages indiens. Il fait l’in¬ ventaire des grandes et petites tueries du XIX’ siècle en Amé¬ rique du Nord. H raconte com¬ ment ces hommes vécurent l’oc¬ cupation des soldats, des pionniers et des missionnaires, et comment ijs se révoltèrent. H évite juste¬ ment le dévoiement très subtil par lequel l’Indien devient une figure morale. Ecrit d’une autre encre que celle des traités, et malgré ses allures de best-seller, ce livre, est d’une grande loyauté. Fresque militante et tragique, reportage. Enterre mon cœur se découpe en dix-huit séquences qui couvrent la période génocidaire de la conquête de l’Ouest.

du 16 au 30 avril 1973

Tant que Therbe poussera De 1860 à 1890, en effet, la colo¬ nisation ne se cache plus d’être une guerre totale. Au non-res¬ pect des traités — provocation grossière et moyen crapuleux de discréditer les chefs qui les avaient signés —, succède la ré¬ pression la plus injuste. Ainsi, d’incompréhension en filouteries, il ne suffirait plus de battre mili¬

tairement les Indiens, de les contraindre à négocier, mais il faudrait les humilier. Les mettre en réserve de l’humanité. L’erreur des chefs indiens aura été de ne pas avoir tout de suite compris que cette guerre était une guerre d’extermination et que la Paix blanche n’était qu’un entredeux-guerres... Mais eussent-ils

Petit-Rapace, chef des Arapahos

jugé autrement les intentions des « civilisateurs » que l’issue du combat n’aurait pas changé. Que pouvaient — hors ce qu’ils ont fait — 300 000 Indiens contre 30 millions d’Européens ? 1862, pour eux, fut une année noire. La répression commence à s’ou¬ tiller : elle reçoit des fusils Spencer — à huit coups, et bien¬ tôt des carabines à répétition Springfield, des Winchester et des mitrailleuses Hotchkiss. Les bi¬ sons disparaissent et la colonisa¬ tion se rationalise : le projet d’une voie ferrée transcontinen¬ tale est adopté. Little Crow, chef sioux du Dakota, attend la nourriture et les vêtements auxquels lui donnait droit le traité de 1851. Il attend avec d’autant plus d’impatience que le gibier a déserté la réserve et que, deux années consécutives, les récoltes ont été mauvaises. L’argent n’arrive pas de Wash¬ ington. Les agents du gouverne¬ ment et les marchands refusent d’avancer la nourriture. Ils font garder les comptoirs. Little Crow négocie ; bientôt, il menace. Un des marchands, Andrew Myrick, s’exclame : « Qu’ils mangent donc de l’herbe ou leur propre merde, s’ils ont faim ! ». Les Sioux se retirent. Pressés par la faim, ils forment des commandos qui, çà et là, attaquent les magasins et les ranebes isolés. Little Crow dé¬ cide alors d’attaquer le siège du district et de tuer tous les mar¬ chands : on retrouvera Andrew Myrick, couché sur le sol, la bou¬ che [)leine d’herbe... Ainsi commence l’aventure po¬ litique de Little Crow. Elle le

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Un grand document qui ouvre un débat sans haine sur des thèmes qui passent pour être tabous et dont il est temps de parler au grand jour,

Jacques Doyon

conduira de demi-succès en demisuccès vers la fuite hagarde et la déportation des siens. Certains chefs seront pendus. Little Crow sera abattu par des chasseurs de daims. Plus tard, Sitting Bull s’en souviendra. 1864, 1865, 1866... Le même scénario va se reproduire dans tout le pays indien. Et ce seront Black Kettle (Chaudron Noir) des Chevennes du Sud, Red Cloud (Nuage Rouge), puis Crazy Horse (Cheval Fou), des Oglalas Sioux, Cochise puis Geronimo, des Chiricachuas Apaches, Sitting Bull des Hunkpapas, chef Joseph, des Nez Percés, qui entreront en scène. Tous étaient des meneurs d’hommes, de bons stratèges, de bons orateurs. Tous laisseront des discours où se fondent sagesse et désespoir. Tous échoueront. L’acte le plus odieux de cette période sera sans doute le mas¬ sacre de Sans Kree.

S SOLDATS LANCS DE

MIN LES TRANSFUGES ANTIFASCISTES ET LES COMMUNISTES FRANÇAIS DANS LE CAMP DU VIET-MINH.

Fayard 30

Après une escarmouche au cours de laquelle Weaked Bear trouva la mort, Black Kettle, qui avait rencontré le président Abra¬ ham Lincoln et qui entretenait des rapports amicaux avec les Blancs, entreprit de négocier une paix durable pour les Cheyennes de son groupe. Samuel R. Curtis qui y était formellement opposé télégraphia au colonel Chivington commandant la campagne contre les Cheyennes : « Je ne veux aucune paix tant que les Indiens n’auront pas davantage souffert. » Et puis, comme le fit remarquer John Evans, le gou¬ verneur du Colorado : « Que fe¬ rais-je du 3* régiment du Colorado si je conclus la paix ? Les soldats ont été formés pour tuer les Indiens, et il faut qu’ils continuent de tuer les Indiens. » En fait, ces deux hommes, qui, dans différents rapports, avaient exagéré la me¬ nace indienne, voulaient donner le change. Ils voulaient, par ail¬ leurs, échapper à la guerre contre les Confédérés, ce qui les aurait obligés à faire campagne loin de chez eux. Cependant, mis en confiance par le Major Wunkoop, les Cheyennes de Black Kettle installent leur campement à Sand Creek, à 65 km de Fort Lyon où se trouvait leur protecteur. Con¬ fiants, la plupart des guerriers étaient partis chasser le bison. A la tête de sept cents hommes, le général Chivington, ancien prédi¬ cateur méthodiste, verrouilla soli¬ dement l’endroit. Dès la première alerte, geste dérisoire, Black Ket¬ tle fixa un grand drapeau améri¬ cain à un pieu et cria à son peuple de ne pas avoir peur puisque les soldats ne leur voulaient aucun mal. Mais, tout à coup, les soldats ouvrirent le feu des deux côtés

du camp. Cent cinq femmes et enfants furent « tués, assassinés, égorgés, violés, découpés et scal¬ pés ». Ce fut le crime le plus stupide et le plus injustifiable des annales de l’Amérique. Tous ces faits sont bien connus, mais depuis que les Etats-Unis se sentent moins sûrs d’eux-mêmes, depuis que les cinéastes en ont donné une lecture différente et que les militants indiens les inter¬ prètent sans préjugés, depuis que — pour certains politiques — ils préfigurent les luttes armées du Tiers Monde, de nouvelles sources apparaissent et des témoignages jusqu’alors négligés en inversent le sens. Enterre mon cœur, en intégrant tous ces courants et en laissant la parole aux témoins des deux camps, fait le procès de l’Histoire. Dee Brown ne s’arrête pas aux défaites, il y a aussi les victoires. Celle de Little Bighom, par exem¬ ple, où le général Custer trouva la mort. Celle des cent Morts, aussi. Toute la geste westernienne se trouve là, en direct : de la tragi¬ que déportation des Navahos aux tartarinades de Buffalo Bill... 1890. Les guerres indiennes touchent à leur fin. Ce sera Wounted Knee. Là encore, la stupidité et la cupidité, le cynisme, s’épan¬ cheront dans le plus vilain mas¬ sacre. Après quoi, le pays pacifié, unifié et banalisé, deviendra la puissance que l’on sait. Quelles leçons les Indiens et les minorités ethniques d’aujourd’hui doivent-ils tirer de tout cela ? Enterre mon cœur, trop prudemment, ne laisse rien entendre. A propos de ce livre, critique, lecteur et préfacier auront été enclins à emboucher les trompet¬ tes de la réhabilitation. Qu’ils ne s’y trompent pas. La réhabilita¬ tion de l’Indien de 1890 n’est qu’un faux-semblant. Elle est une manière de méconnaître l’Indien d’aujourd’hui qui, condamné à la survie et au happening, ne semble plus le vrai Indien. Lisons En¬ terre mon cœur, donc. Lisons-le avec précaution. Il n’y a pas si longtemps, un Indien, Even Haney, ancien GI du Vietnam, déclarait devant le « Winter Soldier » : « Quand nous avons signé les traités de paix, il était dit qu’ils vaudraient tant que l’herbe pousserait et que les rivières couleraient. Mais qu’adviendra-t-il si l’herbe ne pousse plus et si les rivières ces¬ sent de couler ? » L’ethnologie et l’écologie sont à l’ordre du jour... Jacques Meunier

La Quinzaine Littéraire

Anthropologie

Anne Lombard Mouvement hii)pie aux Etats-Unis

Casterman éd.

Cette étude d’une fraction importante de la jeunesse amé¬ ricaine survole plus qu’elle ne {)résente un mouvement qui n’est pas miraculeusement apparu comme un furoncle sur une main. Vu de l’extérieur le mouvement hippie a certains aspects d’une mode qui apparaît, et meurt bientôt, enterrée par une autre mode, au rythme d’un marché de l’inconscient. En entrant plus profondément dans l’essence mê¬ me de l’éphémère, transparais¬ sent. jaillissent, ici et là. des morceaux de violence, d’une nonviolence hrutale qui prend racine dans l’opposition à la guerre. Elle se heurte sur des points pré¬ cis à une société à l’américaine. Ces différents points auraient donné au livre une teneur qui lui manque. Plus encore, ce mouvement d’utopie adolescente

Sur le marché de rinconscient dépassait l’adolescence, la pro¬ longeait peut-être par ce fond de générosité et d’amour absent d’un monde de la productivité, dans un pays où la recherche et de nombreux budgets d’universi¬ tés sont financés indirectement par l’armée. Il aurait été important pour le lecteur de connaître les origines de ce courant de pensée qui rejoint « la Désobéissance civile » de Thoreau. Et ce retour à des formes de vie communautaire, qui s’arrache de l’industrie, n’est-il pas la nostalgie de l’âme américaine, quand les colons s’en allaient plus loin vers l’ouest, à la conquête de nouvelles terres, pour toucher les rivages d’un autre océan ? Ne serait-il pas la transcription poétique d’un mas¬ sacre et la déculpabilisation d’un passé ? Ne prouverait-il pas que

les différentes communautés qui, au cours des âges, ont donné nais¬ sance aux Etats-Unis ont effacé leurs particularismes, pour don¬ ner aux autres pays le visage d’une générosité qui serait l’image de marque des U.S.A. pardelà le meurtre ? Un monstre tel que les U.S.A. n’accouche pas d’une souris de rêve avec innocence, cette inno¬ cence que veulent trouver les expérimentateurs d’un autre genre de vie. Ces problèmes ne devraient pas dépasser les compétences d’un sociologue et méritaient une place dans ce livre, qu’il faut lire malgré tout, au moins pour les poser. Le mouvement hippie, ou le cinéma underground, prouvent l’existence d’autre chose qu’un malaise rongeant Babylone dans

le secret de l’histoire : ils déno¬ tent la volonté d’une démarche américaine qui est de tout inven¬ ter, ou de vouloir le faire paraî¬ tre, par un semblant d’orgueil, afin de rivaliser avec d’autres pays dont la culture tient ses racines de rites séculaires, et qui n’étaient pas désemparés au point de proclamer la nécessité d’amour. Car la proclamation n’est que l’hypocrisie d’un man¬ que, le désir de l’atteindre, non le désir d’être. Henri J. Enu

POLITIQUE

Pierre Avril

Un théoricien américain de la politique Robert Dabi

Calmann-Lévy éd., 242 pages.

portait à la fois une approche nouvelle (la méthode « décision¬ nelle ») et l’illustration de la théorie de la polyardrie dont Dabi est l’auteur. Voici deux li¬ vres qui complètent heureusement notre connaissance de l’œuvre du professeur de Yale.

Nous avons la chance inhabi¬ tuelle de pouvoir lire en français Robert Dabi, qui est l’un des principaux représentants de l’é¬ cole américaine de science poli¬ tique. Dès 1966, Bertrand de Jouvenel avait pris l’initiative de publier son étude sur l’opposi¬ tion 11) ; en 1971 paraissait la traduction de la fabuleuse en¬ quête sur Neff Haven (2), qui ap¬

est un manuel qui peut être comparé sur le plan de la science politique à ce qu’a repré¬ senté voici vingt ans l’Economique de Samuelson pour les étudiants en économie. Une pré¬ sentation moderne, alerte et ri¬ goureuse de la discipline. On est loin des massifs exposés doctri¬ naux (inévitablement suivis des réfutations adéquates) qu’impose le souci de « culture générale »

L’Analyse

politique

contempo¬

raine

Laffont éd., 261 pages. Robert Dabi

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signes, Le

L'Atelier Jacob n'est pas une nouvelle galerie de plus, mais un lieu de ren¬ contre, celui de ces sans foi ni loi, de ces mal logés, mal catalogués, que sont ces « artistes » en marge qui se sont engouffrés dans le sillon ouvert par l’Art Brut de Jean Dubuffet. Ce n'est pourtant ni un musée, celui-là même que la France laissa émigrer à Lausanne, ni le haut lieu d’une école. L’Atelier Jacob n’en a pas la volonté. Dans ses murs tendus de noir, il ac¬ cueille cet art autre et ses fervents. C’est, en effet, un art qui a ses initiés, il lui fallait donc sa chapelle plus que son temple. Ici on se retrouve, on se reconnaît et puis, surtout, « l’œil écoute ». Pas besoin d’étiquette, de manifeste avant-gardiste, seules les œuvres imposent leur présence, tant

super¬ à

la

lettre poème

Jean Selz

objets

Atelier Jacob

une

grand

harmo¬

les galeries et les expositions offi¬ cielles (hormis, bien entendu, les louables efforts du Musée Rodin).

(lu 1*' au 1.3 mai 1973

ultime

miroesque et mirobolant se pour¬ suit.

lune, un pied, un œil, un pers«>nnage

cela,

isolée,

même lorsfju’elle est noire), une

nieusement.

posent, quelfjues

ou

Finale¬

jieinture, un seau en matière j)la8tique verte. Et, de nouveau, parmi

les. Comme «lans sa fieinture, «)ù étoile

jute

cuisine, un balai trempé «lans la

int«'-

ressé aux techniques traditionnel¬ une

rouge ou

le

f«)is tomb«îs «lu ciel et sortis de la

personnelle,

passagèrement

s’y

structure,

venteur — «le laisser son instinct guider

sur

passés derrière les trous.

Miré, t«)uj«)urs p««ur la même rai¬ son — à

accrochés

elles sont chargées d’énergie par leurs auteurs. Un art à l’abri des mo¬ des, qui se veut l’expression d'une vérité intérieure, un art tour à tour tendre ou féroce, où la fraîcheur rem¬ place le professionnalisme. Après les étranges personnages de Franz Rlngel, l’Atelier Jacob présente d’immen¬ ses collages de BernI, et bientôt nous pourrons entendre grincer les éton¬ nantes machines de bois d’Emile Ratier. Un lieu hanté à ne pas perdre de vue ; l'art y est à l’état sauvage.

Sanejouand (CNAC) Cette très belle exposition force le spectateur à un effort d’attention. Non seulement il est renvoyé à lui-même par de nombreux miroirs, mais son cheminement, comme dans les laby¬ rinthes de foire, peut le conduire à se casser le nez contre une vitre, s’il n’y prend garde. Et surtout, l’exposition de nombreux textes et plans d'un élé¬

gant graphisme force la lecture. A peine entamée, elle devient passion¬ nante. L’essentiel de l’exposition consiste en effet en un « Schéma d’or¬ ganisation des espaces de la vallée de la Seine entre Paris et Le Havre ».

Fred Forest

images du vécu immédiat, l’artiste devient un manipulateur qui permet à tous les passants de traverser la galerie et, à l’institution artistique, d’avoir prise sur le quotidien. Une conscience artistique en prise directe où les media font des spectateurs les acteurs d’une œuvre vivante, en perpétuel devenir.

(Galerie Germain)

Jean-Louis Pradel

La proposition de Fred Forest est d’exposer la rue Guénégaud, au milieu de laquelle est installée la galerie. Par l'appropriation d’objets apparte¬ nant à ses riverains, ou d’autres trou¬ vés dans les poubelles, et surtout par la disposition de caméras de télévision transmettant en direct, sur grand écran, à l’intérieur de la galerie, des

- GALERIE LA ROUE 16, rue Grégoire-de-Tours

BIGOT -

du 3 au 16 mal _

GALERIE DANIEL GERVIS 34, rue du Bac

ETEROVIC -

Mai 1973

_

2 1

PSYCHIATRIE

Les murs de Vasile

Roger Gentis

par Maud

Mannoni

Guérir la vie La psychiatrie doit être faite/défaite par tous L’instinct de destruction

Anthony Storr Henri V. Dicks

Roger Gentis

par Léon Poliakov

Les meurtres collectifs

Maud Mannoni

Les murs de Fasile.

Sortir la psychiatrie de l’hôpital

Guérir la vie, La

psychiatrie

défaite par

doit

être

faite/

tous,

Maspero éd., 90 p., 110 j). et 85 p.

Roger

Gentis

aborde

avec

chacun

les

au cœur du malaise

de la psychiatrie et de la société. Ce n’est pas le patient qu’il faut « guérir »,

mais

la

vie

devenue

absurde. Roger Gentis prête sa voix au peuple

des

patients.

(sur la maladie) possèdent,

Le

savoir

c’est eux qui le

maîtres

et

médecins

s’ingénient à leur en barrer l’ac¬ cès.

Le

dire

« médico-psy »

re¬

foule une vérité présente dans la parole de

du

patient

« l’opprimé

et

de

dans

la

celle

culture »

(les infirmiers, etc.). Le savoir se trouve confisqué (par la psychia¬ trie, la famille, l’administration), la parole ainsi ravie n’a plus pour se

faire

tôme.

entendre

que

le

à

rester

à

sa

place dans le respect de la hié¬

mots de tout le monde ce qui se trouve être

apprenne

symp¬

Mais le symptôme, gênant

rarchie et de l’autorité. L’infirmier ne sera jamais mé¬ decin

parce

capable

(1).

reproduire

qu’il Ce

dans

n’en

est

racisme la

pas

va

relation

se soi¬

gnant-soigné, le patient étant ap¬ pelé

à

devenir

le

prolétaire

La

nouveauté

tout

dire ?

à

la masse

(ses

d’âge

de

secret

et

d extra-terri¬

torialité où l’on puisse tout sim¬

Pourquoi de tels lieux, de telles situations

sont-ils

le

qualifiés

Pourquoi

ne

une

primer

dans

qui

ne

doit

sa

des

ta¬

bous qui en assurent la marche.

tence côté sexe, des bonnes fem¬

types

qu’arrivent

que Gentis s’efforce de nous res¬

et des couples qui se foutent au plumard

bonne

plus nuit

à

bander

bonsoir,

ça

fait des années qu’ils ne se sont

de

pas

vérité ? la vie

courante

ce

du

même

monde,

caste (1). Gentis rappelle

de

même

comment

l’en¬

seignement a été conçu pour que

rait-ce vie Il

pas

psychiatrie, ne

d’abord

changer

se¬ la

s’en

prendre

politi¬

quement aux psychothérapies. Se

O

Iière

nous

trouvons

ainsi

double discours

discours, du

d’un

peuple

des

côté

le

patients

— qui réclament une dé-psychia¬ trisation,

chacun

n’est-il

pas

ca¬

qué

par

des

spécialistes ?

A

ce

nistration

qui

sous

couvert

de

Une néo-psychiatrie est en réa¬

libéralisme met en place un pro¬

lité en train de remplacer la psy¬

cessus de répression et de ségré¬

chiatrie des asiles. Elle porte le

gation sans précédent dans notre

nom de « psychiatrie de secteur ».

histoire. Face à cette machine anonyme,

Le désir de

« changer la vie » a

été confié à la médecine. A charge

il ne reste plus

à

l’explosion. Il faudra

elle

de

forme

l’administrer.

technocratique

Une est

ré¬

ainsi

que le rêve ou

peut-être

révolutions

aspiration

n’y ait plus de gens raisonnables.

Il

« révolutionnaire ».

s’agit

de

sortir

la

psychia¬

France,

c’est

66 000

théoriquement)

une

équipe

disposant

nécessaires



habitants

des

d’ailleurs

psy¬

moyens

fant

appelé

est

l’ordre. à

jour

il

Car je rêve, c’est clair, d’une so¬ ciété où il n’y aurait plus besoin de psychiatres (5). Il s’agit, en un sens, d’une uto¬ pie. Mais les utopies ont toujours des effets bien réels. Maud Mannoni 1. Les Murs de Vasile.

conviées à doubler les forces du de

qu’un

encore

mal déterminés (3).

maintien

pour

plusieurs

venue aujourd’hui colmater toute

Des équipes médicales sont ainsi

Revue d’Histoire Littéraire de la France

Nous

confrontés de plus en plus à un

l’analyse? (3).

chiatrique faudra

normal

discours s’oppose celui de Vadmi-

semble démographique limité (en

gens

l’enseignement

le poste d’analyste ? (4). Pourquoi

rosé ça (2). Changer la

entre

déclares

le dire de la folie serait-il confis¬

la population, localisé ])our {)ouvoir résister

chent

Denissovitch

sérieusement.

à

leur

trav'ail ?

(Ju

bien

sont-ils « penchés », par exemple par une main derrière eux : celle du contremaître, du « chef » ? Les travailleurs de 1’ « Atelier Pilote

».

dans

une

usine

d’élec-

troniothèses formulées

successivement et

Bernard Pingaud devant le pho¬

belli,

est

clans

l'île

très

casso

exactement

aux

questions

des

»

de

ce

et

dans

personnages

associée

:

vu

qu’interviennent

relation

nographe et le chien correspond

«

à

la

«

de

une

Pi¬

Dora

tandis

que

Solange

(avec

qui Biaise a une aventure amou¬

imaginant

reuse)

multiples

Femme

Majorcjue

serait

sente,

« paraît jouer son propre

Ces glissements, ces redites, ne correspondent désir

mdlement

d’obscurité

et

ne

à

un

sont

pas

soulevées par cette relation père-

déguisée

fils.

encore

par jeu. mais par nature, ou par

plications. Le « je » qui apparaît

plus complexe dans la mesure où

un jeu qui constitue sa nature ».

dans

Cette

dernière

est

en

Dora.

Double

non

ressentis

comme

le

d’inutiles

dernier

chapitre

com¬ en

et

en

versions

qu’il

se

lecteur,

a

pratiquer

boucle

ment

en

écrivant

de

de

la

que

parcourir,

même

alors

dans

le

le

(ju’il

exor¬

C’est

libère,

pris

l’impression

une

son

l’écriture.

que

cercle,

roman

peut

est

indéfini¬

envoûté

])ar

un

étrange charme.

a

Anne Villelaur

Romans français

Ghislain

Ripault

Le Singe de rencre Les Lettres Nouvelles Denoël

Le

éd., 208

singe

a

d’écrivains

inspiré

cette

Jean-Louis

Un don d’acrobate

p.

Pour

était

Manière

laissées

par

humoristique

d’autres.

violent, brisé, porté par une voix

cret

et

qu’on

bruits

peu

appli¬

prétentieuse de dire que rien ne peut s’écrire qui ne soit à la fois

vio

la somme, le résidu et la dérision

(2),

il

épluchures

qué (1), grammairien pour OctaPaz

Bran

beaucoup

année.

égal

du

ciel

(3).

pour

Frédérick

Tristan

Tous

les

artistes se

portraiturent un jour

de

tout ce

qui

s’est

ravant ici ou là.

écrit

aupa¬

Ecrivains, vous

ou l’autre, qui en jeune homme,

voilà prévenus : les plates-bandes

qui en jeune ehien, qui en jeune

que vous cultivez amoureusement

singe

n’y

sont le paillasson de Tbumus de

singe

ce qui s’écrira après vous. Et en¬

est un animal intéressant et pra¬

core ce sort enviable ne sera-t-il

tique,

le

;

Ghislain

échappe

et

pas.

je

je

C’est

m’y

m’en

Ripault que

le

projette

à

plaisir

distingue

à

loisir.

lot

que

de

quelques-uns

des

meilleurs.

Quand, lassé de mon visage et de mon langage, j’abdique mon hu¬ manité

et

renie

mes

humanités,

Enfiler tous les vêtements

je me découvre singe et me crois lib re. Mais je peux aussitôt, pour peu

qu’une

aj)paraisse

crainte

quelconque

soudain,

réintégrer

bouilleur

d’accréditer

piétine, il éclabousse, il patauge,

faisant

mine

de

sait

ee

qu’il

fait

:

il

Gbislain genre

il

possède

le

exempt

de.

n’est peut-être

qu’énergie vorace de

bruits, vio¬

lation,

magnésium

paroxysme,

bruits,

coulée

de

plomb

ou

articulation,

plage

of¬

ferte

mime, eette faeilité à passer d’un registre à un autre, le sens de la

comme

rupture et du dérapage qui ryth¬

plus

me

de civilisation, aphasie enfin con¬

un

discours,

ce

don

d’acro¬

en

cadeau,

artifice s’il

rien

à

paradis

de

n’y

avait

écouter,

vraiment

point

tenir dans un constant déséquili¬ bre

ce.

Enfin,

et

plus

Le

une

ton

n’est

ironiquement

déclamatoire,

silence

armure pas

poire

final

la soif des pochards de la scien¬

qu’ailleurs, il est à l’aise dans un

et

!

clue

contrôlé.

méthodique

des

maquillage

bate qui lui permet de se main¬

résonne

sur

un

pour

comme

cadre

assourdi

le

dont

pourrisse¬

plagiaire de la prophétie, jouant,

ment. O silence, chloroforme va¬

sans être joué, du cérémonial de

porisé ! tout ce que nous voyons,

la

d’une façon ou d’une autre n’est-

grande en

tirade

définitive

avec

dans

der¬

musique

une

il pas le résidu, le trop-plein, le

nière tension de tout le corps. Le

laissé

sens s’adresse à l’entendement, le

silence d’excrétion

geste le souligne

gouri

neige

pourrait

requiert,

qu’il

sourds,

la

cela

s’es¬

voudrait

goût du masque et de la panto¬

vient

nouvelle

devrait

le

alors

le

il passe au mixer les restes de sa

limpidité

Ripault

qui

peinture,

culture littéraire pour voir quelle

la

déterminée,

sayer au théâtre. Des qualités que

m’assure de mon visage, l’amphi¬ de

et

des

la renier ; et la grimaee du singe simiesque

forte

une voix qui ose se donner.

final Présentement, notre singe bar¬

l’image de mon corps que je viens en

sent

mélodie

que

de

la

quelque ;

ici

ou

le valorise,

phrase

catégorie

c’est

Le

pour singe

compte, a

le

?

fait

pus

du

» ses

gammes,

circon¬

par un jeu de citations il a an¬

esthéti¬

noncé

l’ensemble,

sens

baud,

sa

main

:

Borges,

Lautréamont.

Miller,

Rim¬ Céli¬

de mon langage. Le singe est vé¬

bien

simple

ritablement

et mouvement, distance et impli¬

ne, Tzara ; avec quoi il est loisi¬

et pur, direct, autonome, sien, il

cation du locuteur dans ce qu’il

ble

dit et

sa voix proj)re a déjà — et pres¬

un

animal

merveil¬

donner.

leux. l’ancêtre-à-tout-faire, le mi¬

en rêve déjà

roir néeessaire, la

débarrassé

jours

disponible,

référence tou¬ prête

à

servir

la

:

langage

« Quand je serai

des

impedimenta

mémoire je serai

lorsque se fait sentir le besoin de

chemin

se conforter dans eette certitude :

l’instant,

l’homme est le seul con tragique

les

de l’univers.

tout bois

Le singe de l’encre est un cu¬

Ce

de

halage.

il

vêtements,

sur le vrai

»

préfère

de

Mais enfiler

tous

qui

viserait

moelle épinière dont

le

pour

souvenir

qui

plutôt un

serait

la

frisson

lieu de la parole. « C’est un parc

pensée m’habitent cpte je n’habite

vomi par le silence car le silence

a

installé le silence

guère.

prunté

son

vive voix trop longtemps. Je ne

ses poumons sont crevés et qu’il

Manuel de zoologie fantastique, le décrit ainsi : «Il est très amateur

m’amenderai probablement pas. »

tousse

d encre de Chine et, ciuand quel-

manières sont ainsi essayées, mi¬

et

cfu’un écrit, il s’assied, une main

mées. minées, avant d’arriver au

orifices.

sur Vautre et les jambes croisées,

très beau texte qui ferme le livre

arrive cfii’il soit muet comme une

à

Borges

qui,

dans

Neuf

n’aime

nouvelles

pas



parler

de

différentes

ou

que malgré lui — percé, on

Jean

n’est

pas

pur

et

expectore

lisse

et

sécrète

ou

bal¬

les

panoramas

par

Simplement

tous

ses

parfois

il

bouteille pleine de clous. Silence!

1. Jean-Louis

condensé de la vivacité et de l’in¬

on tourne veste sur le cintre des

revient s’asseoir à croupetons, et

pliqué, Grasset.

vention

fantômes dans

il reste

2. Octavio

déià sous chacune des pages pré¬

ladée ! silence, beau parc devant

que se voit G. Ripault. une sorte

mairien, Skira.

cédentes. Enfin il semble que le

le silence

de

3. Frédérick

Tristan,

singe

des feuilles et des galets. Ce dé¬

égal du

C.

1 0

parasite

qui

fait

ripaille

ainsi des

verbale

parle

son

qui

propre

perçaient

langage.

Frémon

butie il nous crache nous-mêmes

et qui s’intitide Les énergumènes,

C’est

est

quand

en attendant cju’il finisse, puis il

»

mais

en droit d’en attendre beaucouj).

boit le reste de Vencre. Après il tranquille.

rien,

au

rieux personnage, Ripault l’a em¬

Je

tout

longtemps après que le rideau en tombant

Des fragments

faire

durable

de

«

flècbe

de l’auditeur dans ce

dit.

de

:

faire

pour

est

de

une

lumière

lui-même à

tail¬

Vintérieur

Brau. le Singe ap¬

Paz,

ciel,

le

Singe le

gram¬ singe

Bourgois.

La Quinzaine Littéraire

Romans fran* n’est qu’une suite culturelle et toute suite par¬ ticipe d’une Histoire imaginaire : la « suite » est même ce qui constitue l’imaginaire de notre Histoire. N’est-ce pas, au fond, un automatisme assez singulier que de placer le peintre, l’écrivain, l’artiste, dans l’enfilade de ses congénères ? Image filiale qui, une fois de plus, assimile imperturba¬ blement l’antécédence à l’origine : il faut trouver à l’artiste des Pères et des Fils, pour qu’il puisse re¬ connaître les uns et tuer les au¬ tres, joindre deux beaux rôles : la gratitude et l’indépendance ; c’est ce qu’on appelle : « dépasser ». Pourtant, il y a bien souvent dans un seul et même peintre toute une histoire de la peinture (il suffit de changer les niveaux de perception : Cézanne est dans 3 cm" de Nicolas de Staël). Dans la suite de ses œuvres, Réquichot a pratiqué cette marche dévo¬ rante : il n’a sauté aucune image, en se faisant lui-même historique à l’Histoire, qui est, dans le cas de Réquichot, de participer à l’agonie de la peinture. Par l’ad¬ dition de ces deux mouvements contradictoires, il se produit en effet un «< reste ». Ce qui reste, c’est notre droit à la jouissance de l’œuvre (...).

Roland Barthes

La Quinzaine Littéraire

ARTS

Rétrospective Soutine Soutine

Kayniond Coftniat

Soutine

Garendant

des

Tho¬

l’arrière ?... On s’interroge aujour¬

de bourgeons caj)italistes qui n’y

Mais

d’hui sur la possibilité d’une res¬

fructifièrent

tauration

en

fut restauré dans les eut. Fins loin, et sans

diser,

que

mardeur qui

les

situations

s’éclaircissent

»léjà. s’élève une manière de lamento.

Faire ça — où

ment ?

(inutile

com¬

suite

ou

s’accuse

de

puis se mo¬

Quelle était la soin

rue. comme mini-mouroir (ils

en vrai et en j)is. Voici, plus loin,

il

des souvenirs de classe, drôles et

avait

de

banc,

même

mieux

à

qui

j)ourquoi) -- devient le problème

tres aiment tourner autour de ça :

l’esprit

majeur et quotidien d’une femme

F aire ça ; Où ça va ; Faire pas¬ ser ça : humanités vagues, situa¬

cependant

(ou de la même femme, bien sûr).

ça n'étant rien d’autre que pleu¬

tions

rer. exercice pratiquement prohi¬

deuxième

bé. b ier aux hommes (comme ils

femme

pleuraient bien les héros roman¬

bien proche du bout de son rou¬

tiques

si

leau ; le troisième, à un embryon

bien

livres

indésirable. Là aussi, une vie qui

tesque

meurt

nuscule.

s’ils

s’y

généreusement c’est,

sans

livraient

dans

doute,

les

qu’ils

ne

s’en

rabâchées

ça

qui

et

cruciales.

mais

dans

a

La C’est alors que Geneviève Serreau se laisse curieusement aller. Et

j’endosse

la

vulgarité

de

la

formule. Par nécessité intime ou par

manière

de

générosité,

par

exigence de vérité peut-être, elle

les

femme

se

avec et

on

débarrasser,

on

si

a

ne

c’est

quelque sait

com¬

ment mais vite. Il en va toujours à

peu

près

de

même

roman.

Retour de l’écrit sur l’auteur Mais,

pour

les

après cette

vale, ces éclats

période

esti¬

de sourire et

de

cuivres, le concerto retourne aux limbes

automnales

et

le

soliste

retrouve sa suprématie. C’est tou¬ jours la même partition, enrichie et comme précède, même

tuée

par tout

mais

soliste

instrument.

ce ou

n’est plus

Les

ce plus

le

trois

qui le

même

derniers

des

sup¬

retour

sans

de

l’auteur

arrêt à pieds joints de l’un dans

fin

de

refouler. Et si elle en rajoute plu¬ tôt. enfin si elle radicalise, c’est

l’autre. Qu’il s’agisse de rêve ou

de

l’écrit

peut-être que cela conjure mieux

de réalité,

d’abord [Dialogue^ deux écrivains

et purifie plus. Après les larmes

importe

dans (ou sur ! )

même chose et sur le même ryth¬

de notre parloir individuel, sinon

le fichu voici les

savates qui traînent, le coup vieux

que

le

vieil

ami

de

inopiné¬

ment rencontré vous renvoie com¬ me un miroir, les vieillardes l’asile

qui



rêvent

encore

to

be or

d’amour et

de

not — même

— c’est rare — le font (ce qui,

Le Prix Antonin Artaud a été dé¬ cerné à André Miguel pour son recueil « Boule Androgyne » publié par la Librairie Saint-Germain-desPrés. Le Prix du Cercle du Bibliophile destiné à récompenser une œuvre de critique ou de recherche litté¬ raire a été attribué à Raphaël Molho pour « l'Ordre et les ténèbres ou la naissance d’un mythe du XVII' siècle chez Sainte-Beuve » publié chez Armand Colin. Le Prix Roger Nimier a été attribué à Inès Cagnati pour son premier roman, « le Jour de congé », publié chez Denoël. Les Prix des Volcans ont été attri¬ bués pour le roman à Charles le Quintrec : « la Ville en loques », pour la poésie à Raoul Becousse ;

qui cohabitent mais se

portent

me

:

mal.

et

l’on

saute

d’espoir ou

peu.

C’est

de

passé,

toujours

la

un monde où l’on se sent

vivre ; un monde où l’on se sent mourir.



de

l’écrit sur

compte,

ratés

sur

bien

sur l’écrit

et

lui-même, puis,

tragiquement,

l’auteur. sûr

en



Voici

ressassant

inutilement le fameux problème :

publish or perish. Après, avec Suppositions autour d’un sor¬ bier, Ton s’aventure fort loin dans une sorte de marécage, mortel et

Vers le milieu du volume, l’écrit paraît parfois, des

se de

libérer, la

ténèbres

joyeusement

gangue hantées

du du

chemar,

pathétique. L’écrivain du Sorbier est déjà mort. On enquête sur sa

corps,

vie, c’est-à-dire sur ses manuscrits,

psy-

évidemment disparus, et dont on

« La nuit n’est plus si froide », publié chez Rougerie. Les Français s’intéressent toujours davantage à la lecture canadienne, dont la vente a plus que doublé en quatre ans. Bientôt sera inauguré à Paris un centre, « Livres du Cana¬ da », destiné à promouvoir l’ensem¬ ble de la production canadienne. Le « Chronical of current events », journal traitant des droits de l’hom¬ me soviétique, paraissait sous le manteau deux fois par’ mois à Mos¬ cou depuis 1968. Les autorités so¬ viétiques sont arrivées à en inter¬ dire ia publication. La revue « Defence of human Rights in the URSS a chronicle » prendra la relève. Publiée à l’Ouest, elle sera plus complète, couvrant aussi l’ac¬ tualité intellectuelle et sociale dans les républiques socialistes. (S’adres¬

forme de cau¬

kafkaïen du

un

{)ar

l’aspec)

paysage et

dessin

le carac¬

de Folon.

par grossissement Ces

travaux

Ricercare

vivants de Ricercare : deux mon¬

férons taire, même dans le secret

qut

gigan¬ du

mi¬

forcés

tex¬

qu’ils sont lisibles et visibles.

mouvements exécutent comme un

exprime et assume ce que nous pré¬

l’écrire

tuels sont d’autant plus envoûtants

qui

chose dans le ventre dont il faut se

h

l’écrire

l’on se met à écrire. Le livre cons¬

ce

de l’automne.

demande

quand

de

raccourci

croyable une telle splendeur aux alentours

lagiquement,

quand

tère pénitentiaire de l’action. Ou

ventre

rouilles

c’est,

: avec

carcéral

cette femme, des jardins avec les ors et

confond

condensé

est à faire passer. Tout autour de

Par nécessité intime

se l’art

se

manière, offre en vingt pages un

un

le

sur

spirale

vivre

h

mais

débrouiller dans

cours

qu’i

encore

extrême. Ce ça là est donc encore

qu’elle

professeur

vieux

vertigineuse

ce

commença

titue un final en

celui d’une femme qu’un homme se

filles

Alors

roman {Communications), L’on¬ cle, non moins réjouissant à sa

privaient pas tout à fait dans la

laisse

qu’un

un

jeunes

Un jour

écrire

une

vie), et, probablement, aux femmes.

demain

récite

aux

comment

à

à

appartient

trottine

Le

vient

:

mis

vécu.

légèrement

nature de ce be

le tenaillait ?

s’était

Calcutta). Et. décidément, les ti¬

scabreux

on

il encore à partir du moment ot se mit à écrire ? Il s’écrivaù vivre, répond un de ses amis

que de sa moquerie : le feuilleton

un

s’ils

il

vous retrouve au coin de la rue,

élit

vieux

s’enchantent

l’une

d’ailleurs,

dans

tout

d’un

fleurissent, moquent,

demande,

tri-

ont

la

res

histoi¬

demander

et

de

et

la

à

mon

les

ser à Khronika Press, 505, 8 th Ave¬ nue, New York, N.Y. 10018.) A rO.R.T.F., France Culture pré¬ sente, à partir du 12 juin 1973, une nouveiie série d’émissions compo¬ sées par Adélaïde Blasquez : « Une autre manière d’être au monde ». Le dessein de ces émissions est de chercher comment et pourquoi se manifestent, ici et ià, des aspi¬ rations qu’aucune thérapeutique sociaie ne semble en mesure de sa¬ tisfaire. Car ces thérapeutiques, uni¬ quement axées sur la transformation de nos conditions socio-économi¬ ques, répondent à des besoins net¬ tement définis dont la satisfaction met précisément à nu des besoins d’un autre ordre, des besoins qu’il est bien difficiie de définir, mais qui postulent, d’évidence, des voies de renouvellement différentes.

chance,

est

un

d’autant

un

coup

plus

coup

de

de

bonheur,

surprenant



et

convaincant — que sombres sont

les cartes du jeu. Presque toutes. Geneviève

Serreau

avec

véhémence

une

les

a

battues

pessimiste

mais tenace, une chaleur au be¬ soin absurde, et disposées de telle manière le

(art

désespoir,

et/ou

hasard)

l’abandon,

le

que funè¬

bre ont leur part dans ce mouve¬ ment vital, dans cet élan malgré tout,

et

Reste

cette

le

joie

de

je

veux

socle,

maîtrise

littéraire,

n’a

d’effet.

plus



Elle

création. le

dire

la

hasard

atteint

un

haut degré dans des pièces d’une facture classique comme Da capo ou

l’Oncle,

par

la

fermeté,

la

pureté de l’écriture et du dessin. Elle se répercute en d’autres piè¬ ces

(les

plus

nombreuses)



régnent la novation et une varié¬ té étourdissante de styles, de trou¬ vailles,

de

difficultés

résolues.

Jean Gaugeard

L’émission comportera douze en¬ tretiens qui s’articuleront autour de trois thèmes fondamentaux ; « Le mythe tragique de i’Occident », avec la participation de Jean-Marie Domenach ; « Au-delà du nihilisme », avec la participation d’Emmanuel Lévinas ; « Le modèle de l’Orient », avec la participation de Philippe Lavastine.

Aux éditions Champ Libre paraîtra début juin une 'Coliecthjrr-consaoréë à la Stratégie. Eile rassemblera, à ' travers l’histoire et les civilisations^ j de grands textes de stratégie. Jean- | Paul Charnay, maître de recherches I au Centre National de la Recherche scientifique et chargé de cours sur la sociologie des stratégies à l’Ecole pratique des Hautes Etudes et à la Sorbonne, dirigera cette collection.

6 La Quinzaine Littéraire

Ecrivains français

Michel Butor Intervalle Gallimard éd., 162 p.

Tendres géométries

Illustrations III Gallimard éd.. 1.15 j).

Bien

parler

de

Michel

Butor

torien

comme

enchaînement

e’est prouver qu’on peut assumer

différents

livres.

son

fonctionne

donc

opéra

place

textuel,

dans

le

se

faire

« chœur

une

polypho¬

nique » et prolonger la textualité infinie qu’à

dont

il

présent,

ristes

sont

Georges dant.

réclame.

Jus¬

qu’il

cho¬

dans

incontestablement

Raillard

Leur

et

Jean

nière

de

ces

son

est la

rienne. rôle

sive, dessin

son

ainsi

que

les

explosée » musicales

tion.

Comme

justement

Les

le

fait

la

peinture

Illustrations

(IL-lustrations

du référent culturel large, que ce

méthode » que Butor inscrit pré¬ cieusement dans son texte, entre font le

écho,

dernier

sert de relance au suivant.

Intervalle entre

il

quoi

y

et

a,

certes,

quoi,

mais

imposé

par

qui et par quoi ? demande l’au¬ teur... entre deux livres sans doute qui risqueraient de provo¬ quer

la

:

Les

« moments »

table

Aufhebung ;

enle¬

la

des

concaténa¬

Pourquoi de

du Tendre — les critiques renchérir —, la

peu¬

réaliser

géométrie,

comme

ne

Cartes

et

amour

cupe,

on

nement

trouve de

de

qui

nous

bel

semences

« d’intervalle ».

Il y a d’autres Aufhebungen

:

pas ?

Voici

Aufhebung,

la

celle

peinture qui devient

Georges

Raillard

a

de

Cerisy.

vaut

y

La

notion

est

fondamen¬

pour tout

« Chaque

l’œuvre

domaine-matériau

caractérisé

par

son

tout

ments

Butor, ou

« sont

l’œuvre musique. la

« creuse Ces

élé¬

représentation

ger,

dans la

A

proches distance,

« feu-glace » de l’érotis¬

accepter

un

Robbe-Grillet

extérieurement



cela

est

sa grammaire au sens large et sa

sur

mais

pour

mieux

l’imprégnation l’autre

d’une

(entendez

aussi

(1),

texte-peinture-mu¬

les

traversées,

pour

hésiter entre lire dans une

qui est ici Venise ; ils parcourent

gion

ensemble, pour rien, ce deuxième

les impaires, ou toutes les pages

corps

à la suite, les contrastes figuraux

les

pages

paires

« ré¬

seules,

ou

s'il devaient rester toujours iden¬ est

visitée

tifiables, devaient être assez atté¬

de

nués pour ne pas apparaître tou¬

l’œuvre Butorien : c’est dire que

jours à première vue... Pour aider

la

f)ar

textuels

joue

à

la

fois

conséquent

Vusager

de

ce

sur les modes synchroniques (les

labyrinthe, le voyageur textuel à

moments d'intervalle qui se font

s'y orienter, il fallait perfection¬

écho)

et sur le mode diachroni¬

ner

que

l’ensemble de l’œuvre Bu¬

tion... » (2).

:

sont

vocabulaire,

et une femme rêvent à une Rome

transtextualité

mon

—,

que le lecteur pût suffisamment

fantômes

un

« chaud »?

de

sique)

les

si

ils

un

à

admirable¬

de Lyon-Perrache. Un homme —

par

Robbe-Grillet avis,

voir

la

non

inaccessible... Cette polyphonie

veut

s’opposer

« parlerie »

plir la salle d’attente de la gare

nostalgie, miroitant,

qui

troi¬ de

l’inprégnation

la

glacé,

conviés à un voyage textuel, dont

la Modification

de

tableau

commun

dans Illustrations IIL Nous voici

page



le

de

faudrait-il

transposés sur le mode spéculaire

est descendu du compartiment de

Delmont

plastique »,

Ne

son

nous rappellerait au moins Flau-

permettre

vraiment

férence

« ré¬

Butor.

« négatif »

quel le monde est introduit com¬

présentation,

pas

Pour ce qui concerne la

le

voit,

étrange,

glacé

passages

tions. On dirait que tout le monde pour venir rem¬

Butor

(3).

Jalousie,

pas

absente d’un objet absent par le¬

des

loque

convocations-évoca¬

lieu

»

La

pas alors dépasser, nous aussi le

terroger

romans

comme de

texte lui-même, permettrait d’in¬ ses

de

n’est-il

d'intervalle

celle

en

oc¬

le

men¬

peinture,

velles

nou¬

ment articulé les phases au Col¬

enchaî¬

bis)

celui

de

me. Pourquoi ne pas, pour chan¬

cela

un

(1

fourni par

cela

œuvre

petite vé¬

milliers

» (5l.

L’auteur et

Pour une de

Robbe-

question

de

la

la

large-»

«

de

Chez

produit

tale... Comme le disait Butor — et

Opéra

« lettre » ? Dans l'Intervalle

: que

phrase

le lit d’un texte » quand il parle

qui

tuels

grand

Grillet

la

singulière

convoquant tous les fantômes tex¬ ce

sens

matériau,

« psycha¬

sa

Piè¬

matière dans une transfiguration

contamination

de

au

le

une

a

JE, de

justement en ce qui concerne la

du cinéma. Le texte se scénarise.

passionnées.

géométrie

sont

Pourquoi l’image ne se textuali-

fatale,

pas faire une infinité

de

ils

la rupture textuelle. dans

rappelle

synchro¬ Butor

du

Que

l’un de l’autre

s’enchaîne,

l’amour

la Mo¬

suggéré

analy¬

«

n’est pas image mais déjà texte.

sième

aussi

de

Bu¬

vés, soulevés et transportent leur

serait-elle

vent

de

dification font l’objet d’une véri¬

Il faut donc que « cela » se suive, tions

opératoire

ca¬

coupure

tastrophe

tor.

transtextualité

diachronique.

lui-même

être de suivre « le discours de la

et

la

des

fonctionnement et

opératique

s’assure

systématiques,

de

nique

car la méthode à suivre me paraît

(mot)

:

ses

comme

nalyse

se

Raillard

désir

i4).

futurs » dit Butor... Ce qui nous

dans

Buto-

dont

dont

Georges

très

du

ges de toile pour quelques mots

songes...

Ainsi

qui

suggérait

et

sauvagerie»

relevés

soit la peinture ou la musique).

et

l’orchestra¬

Une étude systématique reste¬

d'intervalle ? Je ne le crois pas,

mot,

le

des

tout

Peut-on parler « linéairement »

à

pour

aussi

rent

« intervalles

chapitres

sont

à la ma¬

IL,

un

du corps du monde, de la signi¬

rité...

du

aussi

rêve l’union

fication

une

«

large,

est

« Cour¬

à

rait à faire, qui demanderait des

culturel

qui

elle se

« médi¬

d’images »,

clefs

le

en

subver¬

rier

ensemencement joue

:

activité

trations III qui vont de

textuelle

Buto-

plurielle

nier texte est un retour du réfé¬

de l’opéra infini-indéfini.

des

référence »,

Filles du Feu de Nerval. Ce der¬

riens » qui assurent la continuité

mot

me

par exemple, le brun ou le vert,

tation

retour,

sont

ou les titres de chapitres d'illus¬

La Modification

de

qui

L'intervalle

« futur » puis¬

aussi

mots-clefs,

parfaitement « passé »

chaîne

les

critique

réflexion

fonctionne précisément

Bou¬

sur

« présent » et son

meilleurs

se

les

comme

Ainsi

des

le

système

de

signalisa¬

7 du l" au 15 juin 1973

bert — et un Butor, chaud exté¬ rieurement ? Quand, il y a longteinps. dans une unique conver¬ sation avec Michel Butor, il me décrivait « les arbres d’Australie (]ui maintiennent leurs feuilles dans la position verticale pour minimiser les effets destructeurs de l’insolation » j’ai senti la pro¬ fondeur érotique de ce paysagecorps transfiguré [)ar le discours. J’irai plus loin : remarquer cela en Australie, n’est-ce pas résu¬ mer tout l’érotisme Butorien dans sa profondeur ? Lui aussi, ne « verticalise-t-il » pas les feuilles de l’œuvre pour en cacher la brûlure érotique d’un soleil ? Le recours à l’infinité de la tech¬ nique ne joue-t-il {)as le rôle d’exorcisme ? Je n’en veux pour

preuve que les poèmes que sont les paroles peintes tVIllustrations III, si présentes déjà dans les trois poèmes publiés dans Tel QueL il y a longtemps (et si maladroitement ? placées près de textes Rilkéens... ). Autre ques¬ tion : Le savoir panique bouli¬ mique de Butor correspondraitil à l’érotisme panique boulimi¬ que de Robbe-Grillet ? J’aimerais — peut-être avec le désir secret de devenir « choriste dans l’Opéra » — voir sous la glace Butorienne l’alliance la plus tendre des géométries, un grand voyage textuel, d’une ex¬ quise généralité, que pour ma part je voudrais appeler « Poéti¬ que »... Quant à Robbe-Grillet, son œuvre est bien sûr elle aussi,

un de ces Intervalles magique'., dans le concert textuel contem¬ porain... « Intervalle, lui au^-i. entre deux lenteurs ? » A nna Fabrp-Lutt

1. C’est moi qui ajoute ceci. 1 bis. Voir La notion (l’André Green sur Uirtconscient du texte. Critique Mai. n® 372 « Le double et l’absent » p. 404. 2. Nouveau Roman Hier et Au¬ jourd'hui, II, Pratiques, p. 251 10/18, 1973. 3. Ibid, Georges Raillard, p. 257. 4. Ibid, p. 260. 5. A. Robbe-Grillet, Projet pour une. Révolution, Minuit. 1972.

Ecrivains français

JEAN _ CARRIERE

Une verve proliférante

Yves Navarre Les Loukoums

Flammarion éd., 203 p.

« Un

goût

tendre

d’abord,

pointu ensuite, qui descend dans la

gorge

comme

un

couteau.

C’était donc ça un loukoum (...), beaucoup une

autre

de

douceur

douceur

violent. » Définition

l’épervier de maheux 488.000 exemplaires

I JEAN-JACQUES PAUVERT

qui

enrobant vire

au

presque ter¬ minale (elle intervient à la page 175) qui convient au titre, au sujet et va bien au-delà des limites de l’œuvre. Car tout ce qu’a écrit Navarre jusqu’à ce dernier panneau de la trilogie, relève de cette âpreté au miel, de cette ambivalence d’une nature à la fois révulsée et presque trop confiante. Les Loukoums sont, au vrai, le lieu géométrique où le petit David A’Evolène et Lady Black se confondent (ou se re¬ trouvent I, la fermeture du reta¬ ble. Une dame de pique, aux mains redoutables — qui tordaient le dos d’Elie jusqu’à l’anéantisse¬ ment, dans Evolène —, vient ici accomplir sa dernière moisson ; qu’elle soit réelle ou allégorique, elle tue encore, et par trois fois. Presque inutilement : Yves Na¬ varre en effet, ne rouvre-t-il pas l’univers clos qu’il a fomenté : « Plus je tue mes fantômes, plus il en vient » ? On n’arrête pas de mourir à chaque page de sa vie. Luc, donc, a trente-trois ans. Il est convoqué — appel apeuré et pourtant impérieux, comme tous les précédents — par Rasky qui lui demande de venir, en

quelque sorte, faire la veillée funèbre d’un vivant ; Rasky a fini par succomber aux coups de pied de Vénus, et « Dame Syphy » dans sa phase la plus insi¬ dieuse en fait une putréfaction debout. Les rapports de Luc et de Rasky ont toujours été difficiles. En témoignent les multiples lettres que le vieil homme (tout relati¬ vement. mais ici encore, la fas¬ cination du « géronte » éclate) adresse à son jeune amant — rencontré quand il avait seize ou dix-sept ans —. Lettres de rupture, c’est ainsi que Luc les voit, avec un certain détachement, lettres de reprise en fait, ou plu¬ tôt de tentatives de reprise, écri¬ tes par un être que la passion d’accaparer dévore, en face d’un adolescent non point indifférent mais tout entier mu par un refus de la dépendance. Rapports boi¬ teux, exaltés, déprimants, et dont Rasky, au premier chef, fait seul les frais. Parallèlement à leur liaison épisodique, et qui cependant se perpétue depuis plus de quinze ans, se déroule la vie de Lucy, une presque vieille femme, dou¬ ble inquiétant de Luc, projection prémonitoire de son impuissance à vivre, à écrire, à vieillir. Le be¬ soin profond et jamais comblé de « dépendre » est chez elle l’exact pendant de la peur qu’en a Luc. Reflet envahissant, elle s’avance

dans les Loukoums, de plus en plus précise, circonvenue, de plus en plus dévoilée, au fur et à mesure que Luc s’efface derrière une quête sexuelle où se résolvent le désir de ne pas se lier et celui de se faire objet. Le mari de Lucy est mort, et son amant. Tous les deux hors de son regard. Pour elle que la dame noire semble fuir, doit exister un passage, dont elle n’a pu guet¬ ter la découverte sur le visage des deux disparus, et qu’elle tente de retrouver sur celui de jeunes ca¬ davres qu’on lui laisse approcher avant l’incinération. Tandis que Rasky agonise, Luc, qui cherche ses plaisirs dans la ville basse, est entraîné par un Noir qui le torture, l’assassine, et livre ensuite son corps à M. Jack, sorte de maître des Hautes Œu¬ vres. Celui-ci, à son tour, le vend à Lucy. C’est ainsi qu’on franchit les miroirs. Luc et Lucy, enfin réunis, confondus, s’engloutiront ensemble dans les flammes de l’incinérateur. Lucy a trouvé « le passage », et Luc, cette dépen¬ dance définitive, la .seule dont il n’ait pas à rougir. Je ré.sume bien faiblement un livre impo.ssible à contenir dansj quelques phrases. Comment dirii, s en si peu de mots, la préscnct; tentaculaire de New York — cette New York City, dont la ville du Bas est devenue le repaire monstrueux de tous les camions

La Quinzaine Littéraire

qui convergent vers elle, formant une arène métallique et ron¬ flante : e’est sous leur panse hui¬ leuse, entre leurs roues gigantes¬ ques que se rassemblent pour des rites d’amours homosexuel¬ les, voyous et camionneurs. Noirs et Portoricains, Blancs et Jaunes. La danse du sexe abolit les cou¬ leurs, les classes, les noms... e’est là que Luc se fait prendre, ado¬

rer, lécher comme une idole de sucre pâle, c’est là qu’il rencontre son Dieu noir, son maître presables de la raconter. Isaac Bashevis Singer

projets des hommes, c’est bien de

est de ceux qui, précisément, au¬

cela qu’Issac Bashevis Singer en¬

ront su la raconter. Mais tout en

venter de plus extraordinaire existe déjà quelque part.

que rend justement la traduction

langue

et

littérature

témoi¬

— il est aussi, comme l’œuvre de

gnage

Singer,

nouvelles

spirituelle qui risquent, selon lui,

des¬

confondus, une véritable tentative

cription évidente, et naturelle, de

non pas de faire revivre mais de

ce qui.

préserver

: Si un temps vient où le yiddish, où le folklore et les coutumes yiddish

Les nouvelles de ce recueil ap¬ paraissent

ainsi

comme

la

précisément, existe,

déjà

romans

de

et

l’oubli

le

yiddish.

d’une culture

et

humaine

et

de devenir lettre morte

quelque part. Que ce monde-là — celui de toutes les possibilités ■—

Isaac Bashevis Singer

ne se laisse pas facilement appro¬ cher,

le

lecteur

le

plus

crédule

n’en disconviendra pas. Mais qu’il sache se

tend

manifester

quand

Le

témoigner.

il

le

étant l’écrivain yiddish

Blasphéma¬

que l’on

teur n’est donc pas qu’un recueil

sait, il est aussi et d’abord l’écri¬

de contes et de nouvelles, rappor¬

vain.

tés au-delà de la sécheresse appa¬

Tristan Renaud

rente des moyens mis en œuvre, avec

une

intense

perfection



Ecrivains étrangers

Ernst Augustin

Mamma trad. de l’allemand

Trois fiers messieurs

par Marie-France Letenoux Gallimard éd., 368 p.

Cela ment ral,

commence :

trois

un

gien,

hommes,

négociant

et

devant,

couloir

enfin

un

un

naturellement

marchant un

abominable¬ géné¬ chirur¬

le

général

avancent

interminable,

introduits

par

un

ouvrant

la

dans et

(symboliquement,

ment) trois

histoires

se

termine

des donc

même journée réformé pour pieds

laisse

la

plats et embrigadé à la suite de l’erreur d’un scribe, gravit rapi¬

quelquefois

tourner reste,

à

vide.

un

tel

mécanique

Comment,

flot

verbal

du

pour¬

sont

scories ?

haut,

aux seins concaves, à la robe trop longue, au visage très fardé, avec

Vierge

massacrer

messieurs

diffé¬

»

les

et

«

trois

présider

à

la naissance des triplés. Si la trajectoire de Mamma, le

des lèvres roses qui donnent envie

roman

de l’embrasser. Les trois hommes ne

envie.

sous une forme

rente de la scène première qui vit

Vierge de deux mètres

cette

Chacune

par son élan,

par un retour aux sources, par la

fiers

à

réelle¬

teur qui, emporté

répétition la

pas

de¬

dans

dans une salle où resplendit une

résistent

perdant.

entrant

rait-il ne pas véhiculer quelques

gardien de

s’y

matrice,

en

trois

volets

d’Ernst

dement

tous

surcroît,

d’une

partie

à

l’autre, Augustin prend plaisir à nous

désorienter.

L’histoire

de

la

bizarre

être

guerres

des

tempêtes

sur

en voiture à cheval pour retrou¬

Curieusement,

le

récit

récit de Kulle, le général, Stani

deux

autres.

Ainsi,

dans

le

un

escroc,

maquilleur

Beffchen

médecine, se

de

apprend

passionne

la

pour les

nostalgie

devient militaire, bientôt officier

de l’état fœtal et la crainte non

prothèses, ausculte et caresse des

son cœur avec ses bras de fer. De

et même son propre rival auprès

ses fentes et de son ventre sortent

seulement

hermaphrodites,

de l’état-major.

aiguillons

la femme, la richesse et la variété

comme

propre vie, Stani le négociant ne

de chaque épisode, le fourmille¬

laya,

avant

parle

sa mère avant de s’enfoncer dans

miraculeuse¬

est bien forcé d’y voir, beaucoup

faisant

ment : sur les lieux, ou presque,

une

où viennent de périr le général,

plus que la mise en scène des rapports mère-fils, une illustration

dans les rapports à la mère s’opè¬

le

baroque, démesurée, hallucinante

étonnant

rent

quel

de la condition de l’homme mo¬

voureuses

fils inversant le récit d’un autre

mystérieux rapport entretient-elle

derne. Qu’il soit possible de déga¬

pour

avec la Vierge amante, mante re¬

ger

comme la victime ou le favori.

Ronronnante,

elle

et épieux

le cœur de ses de

les

Madame

ligieuse,

qui

et

ment

le

Niemann

mère ?)

sur

percent

adorateurs

les déchiqueter. Cela commence

négociant

serre

chirurgien. (mais

met

au

monde

trois enfants, Kulle, Stani et Beffchen

qui

deviendront

respecti¬

vement général, négociant et chi¬ rurgien. Cela pour mann

s’achève le

accumulation

qu’on

de

cette

d’événements,

cette multitude déformées

claire

tel

d’images souvent

ou

fantastiques

est

sous

les

mère

peut-être opérant

yeux par la

em¬

de

sa

elle,

le

mère

en

disparaître

fosse

Mieux,

des se

gamin

septique.

De

permutations, présenter

il

à

dans même,

l’un son

des tour

s’il

joue

passe

s’agissait avec

les

les de

Alpes

l’Hima-

intestins

de

la matrice... Mais chaque épisode, fût-il très court,

est

raconté à

la

avec

fois

ou

un

luxe

d’images

étranges

sa¬

et

de

références savantes. Médecin. Au¬ gustin raffine sur les descriptions anatomiques,

la

fabrication

des

Ces décalages, qui relèvent d’un

prothèses ou les techniques opé¬

jeu savant, Augustin sc plaît à les

ratoires. Pareillement il emprunte

dissimuler,

pas enseigner, mais saisir la vie

multiplication

à

les voiler

dans

d’aventures

la qui

à pleines mains à tous les voca¬ bulaires,

indifféremment

à

ceux

dans son grouillement et, comme

s’enchaînent à un rythme endia¬

de l’artillerie ou de la marine à

blé.

voile,

péfiant.

second

d’armée.

perd très vite Kulle en route, le

autre chose. Augustin ne prétend

sous

le

jamais

Mais, contant sa

de

premier étouffé

trois

poisonné troisième

leçon

est

de

dans la Tête, ce livre assez stu¬

maternelle, et

détails

mais

Nie¬

des

le gigantesque séant d’une dame trop

une

l’inceste,

fils

chacun :

horriblement

des

de

la

semble

enfance.

illustrer

l’Œdipe,

qui

de toutes les

dinavie, essuie

fourrures.

de

la

faveur

un voilier, court la steppe russe ver

salité

de

la

chaque triplé commence par son

des

l’univer¬

à

connues. Stani se saoule en Scan¬

Augustin paraît simple et semble ensemble

militaire

parodie

de chacun recoupe fort peu celui

tout

échelons

de manœuvres insolites puis d’une guerre

De

les

hiérarchie

restituer le monde inté¬

rieur — non la seule conscience _ dans tous ses bouillonnements et

délires.

Aussi

le

lecteur

sou¬

Aventures

souvent

fantasti¬

des

cochers

ou

des

mar¬

ques, incroyables, qui bousculent

chands de toile, des distillateurs

les lois de l’espace et du temps

ou des antiquaires. Ou plus exac¬

sans parler de celles de la raison,

tement ses personnages font éta¬

mais

lage

qui

sont

décrites

avec

un

de

leur

savoir,

embelJis-

cieux de logique risque-t-il de s’y

réalisme qu’on pourrait dire for¬

sent par le recours à des terine>

égarer.

cené.

rares,

Cela

arrive

bien

à

l’au¬

Kulle,

qui

fut

dans

la

insolites ou

de

métier,

la

17 du 1" nu 1.5 juin 1973

HISTOIRE LITTERAIRE Hubert Juin

Le théâtre au Siècle des Lumières stro¬

— si Ton veut — cette tragédie

le sentiment. Il dessine une révo¬

phes : il est donc mieux de pren¬

de Voltaire, Mérope, qui, en Toc-

lution

dre

currence, l’emporte...

Théâtre du XVIIT siècle (Tome I)

ment sans bien

Bil)liothèque de la Pléiade Gallimard Ed., 1 490 p.

sans

savoir

être

ce

qu’est

révolutionnaire.

dans

Voltaire

ces

diverses

dans

ces

situations

Il devine des contenus alors que

multiples plutôt que dans un en¬

la

semble — au terme — artificiel.

le

Voilà la bonne façon.

métamorphose de la situation ma¬

nouveauté

des

formes

lui

échappe. Il peine à théoriser ce Voilà vraiment, dans notre épo¬

apparaît

Quoi qu’il en soit, ce qui, dans propos,

est

premier,

c’est

la

qui, chez lui, en lui, n’est que le

La méthode présente cependant

térielle des théâtres au XVIII' siè¬

Le

trajet de l’ingénuité. Il suscite et

divers inconvénients : elle préci¬

cle, qui se marque, plus encore,

Truchet (1)

s’enlise. Il propose et se rétracte.

pite Regnard et Dancourt dans le

et mieux, qu’à Paris, dans les pro¬

s’ajoute à la liste déjà longue des

Il s’ouvre sur un possible qui va,

siècle précédent. Elle exclut Ma¬

vinces : sous Louis XV, en moins

révisions nécessaires, et au terme

demain,

rivaux — pour la raison que son

de vingt-cinq ans, vingt-trois salles

desquelles (si terme il y a), nous

de pièces que propose, en ce pre¬

Théâtre complet figure

permanentes

commençons

autre¬

mier volume, Jacques Truchet, et

même collection ; comme figurent,

Louis XVI mit un frein à cette

justement,

les commentaires dont il accom¬

dans la même collection, celui de

expansion,

Beaumarchais et également celui

actif, en quinze ans, que quatre

de

de

salles nouvelles. Pour Paris, il est

faire jouer entre eux divers volu¬

incontestable également qu’à l’im¬

mes

mobilité du règne de Louis XIV

que,

un

travail

ment,

exemple de

magistral.

Jacques

à

percevoir

sinon

plus

le

désavouer.

Le

choix

l’étrange mouvance de la biblio¬

pagne

thèque,

la

cela. Et autre chose encore, qui

polvsémie de ce que l’on nomme

tient à la définition du Tiers Etat,

la « culture ». Il est vrai que nous

dans

avions

clôturé les siècles, mieux

fait et se constitue...

encore

:

tiqués.

Le

qui

va

de

pair

XIX' ;

était tout mières.

oe

exemples,

temps

même

prouvent



il

se

langage y le

suffisait siècle,

de bon celui

Nous

voyons

:

romantique,

XVIIP

des Lu¬

mieux

au¬

teux ; le XIX', incertain. Tout est à reprendre sur de nouveaux frais. Le monde des livres est un monde neuf, on ne le dira jamais assez !

La fin du règne de Louis XIV, qui

est

une

façon

la

de

triomphe

Il

s’agit

donc

Bibliothèque

de les

la

de

La

articuler les uns

succédait,

y

et

à

ne

la

compte,

fin

à

son

de ce même

principal,

la

mouvement. La censure demeurait

siècle

très puissante — après avoir été

Il

organise

théâtrale est

vrai

du

que

nous

en

dès

ouvertes.

aux autres, celui-ci tenant le rôle puisqu’il

puis,

furent

règne

entier.

jourd’hui, combien et comment le XVII' est trouble ; le XVIII', dou¬

de

production

Une façon de triomphe pourri

il

Rousseau.

Pléiade,

nous les avions domes¬

classique, le XVII' ; le

avec

ses

dans

toute-puissante.

la

Elle

Régence,

le

ralentissait

sommes à attendre le second tome

considérablement les efforts nou¬

de l’entreprise tentée par Jacques

veaux, mais elle s’acharnait moins

Truchet.

Au

moins

cet

auteur

nous évite-t-il un amas considéra¬

à

les

brimer.

Toute

la

querelle

entre Voltaire, qui faisait flèche

pourri ; la Régence, qui fait ré¬

ble de lectures !

à

de tout bois, et Crébillon le père

gner

mettre au premier plan les pro¬

(lequel avait inventé une façon de

poix et le libertinage ; la guerre

ductions significatives

temps,

mélodrame avec Atrée et Thyeste :

de

qu’il s’agisse du Glorieux de Des-

Ta main en t'immolant a comblé [mes souhaits.

pêle-mêle la

Sept

ans

rue

Quincam-

qu’accompagne

le

Il s’est voué du

Le théâtre, tel qu’il s’est modi¬

Bien-Aimé, — ces strophes diver¬

fié, voire métamorphosé, tout au

ses constituent le matériau — ex¬

Turcaret de Lesage, ou de la Mélanie de Nivelle de La

long du XVIII' siècle, termine une

térieur — du premier volume des

Chaussée. Mais on voit, dès lors,

période de l’histoire, met un ternie

propos de Jacques Truchet. Rien

se dessiner deux possibilités de la

à

mais

que ce classement, son idée si l’on

lecture

— aussi bien — découvre en leur

préfère, dévoile le projet de l’au¬

met en avant le plaisir du texte,

ques

sein une dynamique imprévue au¬

teur : rompre avec la sclérose de

et dont la palme ici, je crois, doit

trer à l’œuvre, dans le souterrain,

tant que singulière — dans l’ins¬

la stricte et simpliste histoire lit¬

revenir à La Métromanie de Pi-

la pensée du marquis de Sade ! )

des

conceptions

figées,

touches,

du

: celle de la qualité, qui

Et je jouis enfin du fruit de mes [forfaits... — quelle chute ! (et combien Jac¬ Truchet

a

raison

de

mon¬

tant même où il bute à révéler des

téraire, redistribuer les cartes au

ron ;

l’importance,

— et qui a pour motif avoué la

dimensions et

nou¬

niveau des significations, plonger

laquelle insiste sur le $erts qu’ac¬

censure, et c’est là qu’elle prend

senti¬

dans la touffeur du réel. Voltaire

quiert le propos scénique, et c’est

valeur

velles.

1 8

Il

des contrées

s’embarrasse

du

et

celle

de

exemplaire.

La Quinzaine Littéraire

Le lieu où la cen8ure se mesu¬

quelle

rait à son principe demeurait la

dans

se

exemple,

l’auteur écrit et son œuvre dra¬

au centre, mais — en quelque ma¬

de Sganarelle à

matique : il promet, en avant-dire,

nière —

aussi

de

contrée obscure, au

marque,

l’évolution

par

négliger

Comédie-Française, où se jouaient,

Figaro

outre les pièces du répertoire qui

tuation de l’aspect satirique. Au

mais

maintenaient Corneille, Molière et

XIX'

cette

Raeine,

comédien

les entreprises

nouvelles

capables de résister aux querelles de

la

censure,

et

susceptibles

— également — de répondre aux

teur paie d’audace, certes ! mais, dans

le

même

temps,

qu’il

se

l’actuelle médie

rue

jrour

de

en

1780,

ment

reconstitué en

1807),

les dramaturges à s’imposer, tout en les maintenant assujettis étroi¬ tement à des canons dépassés. Heu¬ reusement, avec la Régence, revint la

Comédie-Italienne, qui

vrit en Marivaux son prédilection,

et

décou¬

auteur

qui,

de

finalement,

fusionna avec l’Opéra-Comique de Favart,

lequel

était

né chez

les

forains. On voit l’évolution : dès que Marivaux quitte les Italiens pour

le

Français,

Goldoni

les

cette tradition-là !

pour que soit remis en sa vraie

les

place celui qui, incontestablement,

:

ce sont les Jésuites qui

de

William

Shakespeare.

à miel, à Trianon chez la Dau¬

aida

s’ins¬

talle à Paris !

quelle le siècle suivant va se pré¬

teur culturelle acquise interdit que

parmi les chevaliers de la Mouche

l’Odéon (incendié en 1799, fidèle¬

Lne

cœur de la¬

passe, et que les lecteurs — sinon

lieux proches de la Cour, à Sceaux

à

innomée.

creuset : on jugerait que la pesan¬

mesure-là,

l’anthologie

proclamations

contestataires

phine



l’on

voit

Marie-Antoi¬

nette créer le rôle de Rosine du

Barbier de Séville, le comte d’Ar¬ tois

jouant

avant

Figaro

d’être

le

en

roi

spectateurs



se

succèdent

s’inscrivent dans les œuvres — et

exprime de la façon la plus claire

c’est là, peut-être, l’un des aspects

et la moins réductible l’ensemble

les

du débat

plus

fascinants,

et

les

plus

;

le marquis de Sade.

neufs, de cet ouvrage, qu’il man¬

Cela est frappant, que le centre

que un

obscur que tout désigne soit enfin,

que

« je ne sais quoi » pour

corresponde

au

dessein

le

à son tour, désigné par un homme

relire

au sujet duquel on a souhaité faire

Mérope, en situant Mérope au cen¬

l’obscurité la plus totale, et qui

tre des échos que cette tragédie,

est l’auteur d’Oxtiern. C’est sans

résultat.

Il

n’est

que

de

doute pour cela que nous p>ouvons

en son temps, éveilla...

tocrates, à la Cour, dans les mi¬

l’Ancienne-Co-

passer,

Dans

est

maître soit absolument formé par

qu’un

Frédérick

Chez les riches, les nantis, les aris¬

d’abord médiocrement logé dans

respecte.

elle

cipiter. Puis il faudra que le temps

tique,

C’est ainsi que ce théâtre fameux,

unités, de

conçoit

que

proche décisive, avant l’ère roman¬

tienne au plus proche des règles.

pièce la

des

Jacques Trucbet fait j)araître un

on

tel

jmrtent sur les planches la Mort de César de Voltaire. Et la Mort de César est, sans conteste, l’ap¬

l’au¬

sa

règle

Le¬

siècle,

Ecoles

ges à s’efforcer d’y paraître. Une que

l’accen¬

geable. On met en scène dans les

prestigieuse incitait les dramatur¬ voulait

à

dont le rôle est loin d’être négli¬

l’existence même d’une scène aussi

ambition

mais

Restent les théâtres de société,

critères de la tradition. En outre,

telle



la

S’il fallait absolument dire ce qui

prime

dans

ce

théâtre

du

XVIII' siècle, il faudrait consentir à mettre en avant la sensibilité :

reprendre, d’un regard neuf, l’exa¬ men de cette

aventure théâtrale

exemplaire.

Hubert Juin

tout lui est accordé, tout lui obéit, tout y mène et en résulte. Elle est

badinant

ultra

de

la

Terreur blanche, sans oublier les représentations qu’organise le roi Stanislas que

le

à

Lunéville,

financier

non

plus

Lenormand

château

d’Etioles

Hérault

de



au

fréquente

Séchelles...

partout,

enfin ! où l’on peut se permettre le faste on se permet le théâtre. Ici régnent et dominent Collé, Carmontelle,

Gueullette,

Fagan,

et

même Mme de Genlis. On y est

L’Opéra-Comique

alternativement moraliste et gau¬ lois. On y propose des « Prover¬ bes

L’Opéra-Comique, création inso¬ lente

des

Favart,

des

fables Les

et

des

grands

diver¬

seigneurs

racine

sont sur la scène, mais ils jouent.

dans l’enceinte de la foire Saint-

Les auteurs passent la rampe : Vol¬

Laurent et de la foire Saint-Ger¬

taire aime donner la comédie et

main.

s’y faire applaudir. Le public est

C’est

prend

»,

tissements.

qu’au

XVlir siècle,

alors

début

du

que les

Ita¬

partout

et

nulle

part.

Ce

n’est

liens avaient été proscrits et que

pas une fronde, mais une manière

la censure pouvait contrôler à loi¬

de

sir

les

théâtres

Comédiens-Français, de

foire,

« création

collective ».

les Ce qui frappe le lecteur de ce

pittoresques

et audacieux, s’approvisionnaient

riche volume,

chez des auteurs considérables

c’est la

résistance

:

des formes. C’est vrai que le ro¬

et

mantisme est là, tout entier, sauf

Fuselier ! — et incarnaient, malgré

dans la parole. Il y manque une

les

forme

il

n’est

que

de

citer

mésaventures

Lesage

tragi-comiques

qu’ils connurent, le théâtre vivant.

bâtarde

mais

essentielle,

prévisible mais absente : le mélo¬

On les brimait de façons cocasses,

drame.

ce qui forçait leur imagination :

— et, du coup, Victor Hugo ne

interdits de paroles, ils inventèrent la pièce à écriteaux. Obtenant le droit de faire parler un seul per¬ sonnage à l’exclusion de tous les autres, ils innovèrent le

monologue.

vers

les

Ils

: et ce fut

s’aventurèrent

marionnettes,

et

Lesage

s’en fit le fournisseur. Ils se réfu¬ gièrent dans la pantomime, et Piron (encore lui) s’en inspira pour son

très

étonnant

Arlequin-Deu-

calion (de 1722). De telles ruses pour tourner les privilèges, échap¬ per aux interdits, moquer la cen¬ sure, aboutirent bien évidemment à la transformation des types, la¬

Pixérécourt

fait

défaut

peut paraître. C’est sur le plan de la théorie que le théâtre évolue, ce

qui

signifie

qu’il

n’évolue

qu’en intention. Ce qui le pousse hors des sentiers battus, ce sont les

expressions

marginales

:

le

plein vent de la foire, le secret des théâtres privés, la cacophonie phonétique des Italiens. Ces for¬ mes mixtes, rejetées par les pu¬ ristes,

négligées en

principe

par

les hommes célèl)res, ce sont elles qui vont servir de moteur, et hâter une voit,

métamorphose généralement,

capitale. un

On

divorce

considérable entre la préface que

1 9 du 1" au 15 juin 1973

Entretien

Avec Georges Mathieu

par Jaeques-Pierre Amette

Grand Palais

Exposition Tériade

par Jean-Dominique Rey par R. Cathelin, j.-L. Pradel

Dans les galeries

Georges Mathieu De la révolte à la renaissance : au-delà du tachisme Coll. Idées Gallimard éd.

Parler peinture avec Mathieu

Georges Mathieu demeure dans le XVr arrondissement. Un im¬ meuble sans doute construit au cours des années 30. Il reçoit les journalistes « par la grande porte », ce qui l’oblige à ôter une lourde barre de sécurité. « J’ai déjà été cambriolé plusieurs fois ». On accède à une immense salle qui lui sert de bureau par un grand escalier. Portes lambrissées, ten¬ tures de velours cramoisi, ma¬ quettes de décors, une immense toile rouge, des plumes, 'des por¬ traits de maîtres du XVIT siècle, des candélabres et même une chaise à porteurs dans laquelle s’entassent des ouvrages sur les artistes du Roi-Soleil. « Bientôt, il faudra s’armer, avoir des serrures électroniques pour se protéger des bandes. » Au cours de cet entretien (plutôt en forme de monologue ininterrompu) Mathieu reviendra avec constance

sur le thème de la « guerre civile latente », cette guerre qui se tra¬ duit déjà par l’insécurité dans les villes, les bandes de voyous qui violent les jeunes filles, chaque samedi soir, dans de paisibles bals. « En fait, déclare Mathieu, nous sommes revenus à l’époque d’Attila. » — Vraiment ? — Oui. L’homme revient au stade de l’animal. A partir du moment où il refuse l’éducation, alors voilà, l’homme redevient un animal ; les instincts, le sexe et la violence. Bref enchaînement sur la crise des valeurs, la crise de civilisa¬ tion. Mathieu cite Malraux. Il citera beaucoup Malraux, Marcuse. Mais surtout Malraux. « Nous sommes devant une situation nouvelle, c’est le vide absolu, la liberté totale. Il n’y a plus de valeurs. » — Et la culture ?

20

— Là, Malraux s’est trompé. Les Maisons de la Culture, c’est l’échec. Pourquoi Brecht et pas Molière ? Nouveau saut de la pensée. Gestes. « L’abjecte bourgeoisie a remplacé la Noblesse, mais la Noblesse, elle, se sentait des devoirs envers le peuple. La bour¬ geoisie elle, ne se sent aucun devoir. Que des droits. » Mathieu attaque le machinisme, la dépersonnalisation, le nivelle¬ ment des individus, et la démo¬ cratie. « Parce qu’on n’ose plus rien imposer. — Si nous revenions à la pein¬ ture ? — Oui, je veux bien. Mais... » Mathieu n’a pas beaucoup d’ad¬ miration pour l’école américaine actuelle. Il trouve que le goudron de sa rue vaut bien les travaux de son collègue Dubuffet. Il bran¬ dit un petit livre sorti de la chaise à porteurs. Il s’agit de l’ouvrage de Bernard Teyssèdre sur l’art au XVII' siècle. « Etonnant ! Expli¬ quer le XVir siècle d’un point de vue marxiste !... » Le discours alerte, nerveux, dé¬ rapant, revient à la crise de la société occidentale. Au passage, Mathieu souligne que l’abstraction lyrique a enfin brisé le carcan du monde gréco-classique et car¬ tésien. C’est ça la révolution. La renaissance, c’est... « C’est le courage moral, l’art avec ou sans majuscules », mais d’abord il faut chasser les marchands du temple, les commerçants « du sexe et du sang » qui n’offrent que vio¬ lence et pornographie aux nou¬ velles générations. « On attaque le psychisme humain avec la por¬ nographie ! — Et le phénomène de cathar¬ sis par la représentation de la violence ? — Vous y croyez ? »

Mathieu, lui, n’y croit pas. Quand on le photographie, on découvre dans le viseur de l’appa¬ reil un singulier visage, la vitesse de l’expression, la tension cons¬ tamment mobile du regard. Un cinéma en accéléré. Au milieu de ses assiettes, de ses décors, de ses projets de tapisseries. Mathieu est un démiurge pris par le mouvement du siècle, rêvant aux mécènes du Grand Siècle, à Nico¬ las Fouquet, aux commandes royales. Pourtant, avec ses tra¬ vaux destinés à la Manufacture nationale des Gobelins, Mathieu est un peu 1’ « enfant chéri » du pouvoir actuel. Il a les faveurs de la V' République. « On me traite de peintre officiel dans les journaux de gauche. » Il semble déplorer cette encombrante faveur. Pour l’instant, il revient au centre du problème : « Nous vivons dans un monde inhabitable, regardez l’architecture. Une pauvreté in¬ croyable I Et pourtant, on pour¬ rait tout faire !... » Souvenir de son récent voyage à Berlin : « J’ai vu, de l’autre côté du Mur, ces « pauvres gens des pays de l’Est » observer avec envie notre société. » — Les jeunes, pourtant, chez nous, n’apprécient pas.tous cette société occidentale ?... » Réponse de Mathieu : « Mai 1968 a été un mouvement spon¬ tané, enthousiaste. Je l’avais prévu. Hélas ! les politiciens s’en sont emparés. Cohn-Bendit... » La phrase restera en suspens. Pour clore cette visite, Mathieu dessine au crayon feutre une « œuvre-minute ». Il aimerait bien la perspective d’une autre ren¬ contre. « Pour parler peinture, puisque ça vous intéresse. » Propos recueillis par Jacques-Pierre Amette

La Quinzaine Littéraire

Arts

Au rendez-vous de Tériade Alberto Giacometti l’a peint dans sa majesté massive, dans sa ron¬ deur solidement implantée, en l’en¬ serrant dans un réseau de traits cassés et de lignes souples, à travers cette grille, transposition picturale de l’armature, dont le sculpteur avait besoin, lorsqu’il passait aux brosses et pinceaux, pour piéger la ressemblance et trouver l’être au terme de l’appa¬ rence. Il l’a peint au repos entre des châssis entoilés, dans le si¬ lence de l’atelier, fomentant quel¬ que projet. Cet atelier peut être aussi bien celui de l’éditeur que celui du peintre. Entre les deux nulle différence. La réalisation d’un livre est en soi une œuvre d’art aussi achevée qu’une toile, aussi poussée qu’une gravure, aussi élaborée qu’une sculpture. D’où vient que les livres signés Tériade — car ce nom n’est pas une simple marque au bas de la page de titre — soient de telles réussites, sinon qu’entre Tériade et les peintres, entre Tériade et les poètes, entre les peintres et les poètes réunis par ses soins, s’est établie d’emblée cette amitié com¬ plice — échange et osmose — sans laquelle ces livres ne seraient

pas ce qu’ils sont et ne garde¬ raient pas aujourd’hui cet impact, renouvelant à nos yeux éblouis une féerie que le temps n’a pas dé¬ menti. Tériade n’a pas fait des « livres de peintres », ni des ouvrages de bibliophilie hautaine, il a été le sourcier de rencontres complices, le maître d’œuvre d’amitiés créa¬ trices dont le livre est le résultat. Au rendez-vous de Tériade se re¬ trouvent les meilleurs noms de notre temps, Pierre Bonnard, Geor¬ ges Braque, Marc Chagall, Alberto Giacometti, Juan Gris, Henri Laurens. Le Corbusier, Fernand Léger, Henri Matisse, André Masson, Joan Miré, Pablo Picasso, Georges Rouault, Jacques Villon, souvent au plus haut de leur invention. Ses livres ne suent pas le sérieux mais respirent le plaisir, la dé¬ tente inventive, l’élan joyeux de la création. Regarder le plus beau d’entre eux, « Jazz », de Matisse, c’est comprendre que Tériade a donné au f>eintre l’occasion de se dépasser, de se renouveler, de naître à son second souffle. Lorsqu’on fera le bilan et l’in¬ ventaire de notre temps, on s’aper¬ cevra qu’à l’époque même où

l’édition était en train de passer à l’industrie, Tériade, renversant la vapeur et les courants, inventait le « livre-manuscrit » liant l’écri¬ ture du peintre à sa création plas¬ tique. Si, selon la définition d’Edgar Morin, toute révolution véritable est la rencontre d’un archaïsme et d’un modernisme, Tériade aura rePoTtrait de Tériade par Giacometti

présenté un moment révolution¬ naire de l’histoire du livre. Dans ces livres-manuscrits il aura tour à tour donné la parole aux peintres illustrant leurs propres textes (« Jazz », de Matisse, « Divertis¬ sement », de Rouault, « Corres¬ pondances », de Bonnard), opéré la rencontre de poètes et de peintres (Pierre Reverdy calligra¬ phiant son « Chant des Morts » dont Picasso équilibre les pages d’un large contrepoint de signes qui font penser aux jeux de la vigne et du lierre) ou encore fait transcrire par des peintres, au cœur même de leur illustration, des textes de poètes (Charles d’Or¬ léans et Matisse), ou même mêlé audacieusement typographie et écriture au dessin (la Religieuse portugaise et Matisse), créant un réseau de rapports nouveaux entre la lettre, le dessin, le signe et la couleur. Tériade a su aussi donner ses lettres de noblesse véritables à la photographie en composant avec les clichés les plus naturellement insolites d’Henri Cartier-Bresson des albums somptueux sous cou¬ verture confiée à Matisse. Cela dans le cadre de « Verve », pro-

Dans les galeries Le musée de l’or de Bogota Ce musée, dont nous pouvons actuellement admirer au Petit-Palais, jusqu’au 30 juin, quelques-unes des œuvres les plus caractéristiques, est un symbole de la Colombie décou¬ verte par des conquérants atteints de la fièvre de l’or, qui recherchaient les richesses fabuleuses de l’EI Dorado. Cet appétit ne s’est d’ail¬ leurs pas calmé depuis la conquête, et c’est pour sauver ces objets que la Banque de la République de Co¬ lombie commença à en racheter, puis fit construire en 1968 pour les collections, qui atteignent le chiffre de treize mille pièces, un musée où l’on essaie de faire revivre ces

œuvres d’art : y sont étudiées les techniques d’extraction, de traite¬ ment, de fabrication, les différentes utilisations (techniques, décoratives, religieuses), tandis qu’une exposition didactique montre des objets appar¬ tenant aux six grandes cultures co¬ lombiennes, tant céramiques et pierres sculptées que pièces d’or¬ fèvrerie. Les objets exposés à Paris ont été sélectionnés parmi les chefs-d’œuvre réunis à l’étage supérieur du musée de Bogota, dans une galerie cir¬ culaire somptueusement éclairée. Les organisateurs ont regroupé les pièces par style, chacun correspon¬ dant à une région de la Colombie ; les deux cultures les plus méridio¬ nales sont aussi les plus anciennes

(— 500 -I- 400). Tolima est repré¬ senté par des pectoraux anthropo¬ morphes plats, avec la tête en léger relief et des découpes géométriques, tandis que le style Calima, qui rap¬ pelle étrangement l’orfèvrerie my¬ -

GALERIE DANIEL GERVIS

VAN THIENEN 12 Juin

--

Galerie Melki

__

DU 7 AU 21 JUIN

---—

13 Juillet

55 rue de Seine - VI • 633.12.70

VALMIER

7 Juin - 7 Juillet_ Jusqu’au 17 Juin

35, rue La Boétie, Paris

Exotisme et couleurs du Brésil

-

34, rue du Bac

GALERIE MARCEL BERNHEIM

Emile TIICHBAS^»

cénienne, a pour sujets principaux des masques funéraires martelés, des pectoraux en forme de cœur. L’or est « traité comme s’il avait la flexibilité du cuir ». On commence alors à fondre le métal, puis vont

Salon de Mai --

16, quai de New York-

21 du

1"

au

15

juin

1973

digieuse et prestigieuse revue qui, entre 1937 et 1960, aura été le carrefour des plus grands noms des lettres et de la peinture, syn¬ thèse audacieuse des courants les plus étrangers qui, sans elle, ne se seraient jamais côtoyés. Le germe de « Verve » peut être retrouvé dans les premiers essais

de Tériade, à travers ses chroni¬ ques de r « Intransigeant », à tra¬ vers l’éphémère « Bête noire » ou dans le « Minotaure » qu’il assuma avec Skira. C’est cette aventure, ce passage de l’essai à la réalisa¬ tion que retrace l’exposition du Grand Palais. Chaque étape, cha¬ que livre est restitué dans son

contexte. Les livres d’Henri Laurens tournent autour d’une « Gran¬ de Baigneuse » de bronze, une toile de Picasso annonce la calli¬ graphie du « Chant des morts », une sculpture de Mirô prolonge le graphisme plein d’humour de ses deux versions d’ « Ubu », les portraits de Giacometti scandent

les lithographies de son ultime « Paris sans fin »... Sur des para¬ vents clairs ou transparents, les pages des livres se déroulent, à la fois architecture et film. Il règne en ces salles une atmosphère de fête dont Têriade est le magicien. Jean-Dominique Rey

Dans les galeries apparaître les procédés de la cire perdue, de la soudure, du filigrane, qui vont connaître leur apogée avec la culture Quimbaya, période « clas¬ sique » de l’orfèvrerie colombienne. Ces objets sont caractérisés par leur réalisme, la délicatesse et l’équilibre de leurs proportions, la perfection technique figurines anthropomorphes, hauts de récipient, pectoraux simples et harmonieux. Dans la région septentrionale, trois centres plus récents (de 700 à la Conquête) : Tairona est représenté par de nombreux ornements corpo¬ rels, remarquables par la souplesse de leurs formes courbes et renflées. Les objets Sinû ont des décors ajourés imitant des modèles de van¬ nerie, tandis que la culture Muisca (région de Bogota) est illustrée par une série de « tunjos », figures humaines plates et schématiques, ornées des parures des guerriers ; le style Muisca, narratif et riche en détails, est techniquement mal fini. Que dire de la présentation pro¬ prement dite de cette exposition ? Elle est claire, les panneaux didac¬ tiques, peu nombreux, sont bien placés et bien rédigés, le catalogue apporte tous les éclaircissements nécessaires. Cependant, il me sem¬ ble que ces objets somptueux par le matériau, beaux par les formes et témoins mystérieux de civilisa¬ tions disparues, auraient eu droit à un encadrement moins austère et plus soigné. L’éclat de l’or se fût accommodé de plus d’obscurité. Pourquoi n’avoir pas constitué de chaque pièce un écrin en tendant le plafond assez bas de la même toile que les murs ? Surtout, pour¬ quoi avoir choisi ce rose brique si défavorable à la mise en valeur d’objets en or ? Un vert eût été bien préférable. La muséologie n’y perdrait rien, et la visite serait une fête complète.

Régine Cathelin

A.R.C. 2 Le 3 avril dernier, sous ce nou¬ veau vocable, la section Animation, Recherche, Confrontation, que diri¬ geait Pierre Gaudibert, a repris ses activités. L'événement mérite d’être salué. On se souvient du travail considérable accompli, avec des moyens dérisoires, pour montrer à un Paris quelque peu endormi par le succès de sa propre « école » les nouvelles tendances de l’art américain et de l’art européen, pardelà même le « rideau de fer ». Cette réouverture est prometteuse. Due aux efforts de Suzanne Pagé, Gilbert Brownston et Yann Pavie, elle se place du côté du mouve¬

22

ment, de l’inédit, de la jeunesse, du côté de l’art vivant. Renouant avec les « premières rencontres », l’ARC 2 a d’abord proposé une exposition placée sous le signe du réalisme, réunissant trois peintres de moins de trente ans Sandorfi, le benjamin. Hongrois de vingt-cinq ans, exerce son métier, d’une étonnante maturité, sur le thè¬ me obsessionnel de l’autoportrait, mais celui-ci, soumis aux agres¬ sions des blessures et des mala¬ dies, écrasé par l’implacable rigueur des compositions et la froide précio¬ sité des couleurs, devient celui d’un mort vivant. Fanti, Italien de vingt-huit ans, mul¬ tiplie les équivoques sur des images tour à tour floues ou précises, cette difficulté d’accommodation ren¬ voyant à de troubles souvenirs où la nostalgie le dispute à l’ironie, et la couleur par son insistant arbi¬ traire orchestre le théâtre d’illusion d’une lointaine réalité socialiste. Méhes, autre Hongrois, jeune aîné de vingt-neuf ans, amplifie par la pein¬ ture ces clichés d’une sinistre ba¬ nalité, cadrés avec maladresse, qui ponctuent, par instant, la vie quoti¬ dienne de ses concitoyens. La seconde manifestation, au contraire, confronte deux artistes que tout sépare. Alina Szapocznikow est morte du cancer le 2 mars 1973. Sous le titre « Tumeurs, herbier », ce sont, du sol aux murs, des frag¬ ments du corps de son fils Piotr, inscrit à jamais dans l’épaisseur dé¬ risoire de fines pellicules de po¬ lyester froissées, comprimées, for¬ mes « déformées » d’une présence/ absence fascinante. Panamarenko, Anversois de trente-trois ans, guindé Portrait par Chaissac

dans un strict uniforme, propose aux nouveaux Icares de drôles de ma¬ chines plus ou moins volantes, insectes encombrants, fruits de dé¬ lirants et savants bricolages. Souhai¬ tons longue vie à l’ARC 2 !

Chaissac (Musée national d’art moderne) Ainsi, sous l’égide de notre fa¬ meux ministre des Affaires cultu¬ relles, Chaissac, le franc-tireur, a droit à sa rétrospective officielle. Cet art pour l’essentiel mûrit dans une lointaine Vendée par un ex-cordon¬ nier, à la fois désinvolte et conscien¬ cieux, qui n’a rien perdu, malgré les nobles cimaises, de sa force, de sa verve. Venu à la peinture sur l’encouragement des médecins qui eurent souvent à sauvegarder sa santé précaire, »sa « carrière » com¬ mence au sana d’Arnière en 1938. C’est alors le début d’une longue série de dessins à l’encre de Chine, véritables écheveaux d’entrelacs d’où naissent de surprenants person¬ nages. Les maladresses du trait sont autant de témoignages de la ten¬ dresse qui tente de les cerner. Ainsi s’installe un répertoire graphique aux grotesques surprises que la cou¬ leur affirmera. C’est avec allégresse qu’elle colore le sinueux damier que lui proposent de larges cernes noirs dont la sûreté ira sans cesse en s’affirmant. Dans les années 1959 à 1962, Chaissac traverse sa période « abstraite », les couleurs y seront particulièrement violentes, l’ironie constante, les compositions monumentales tel est le thème du cadre qui se propose en autant de miroirs, de défis jetés à la saga¬ cité du spectateur rompu à décryp¬ ter tous ses rébus où s’imbriquent formes et mots. Après cette nou¬ velle affirmation de son écriture pic¬ turale, il construira, par pans entiers de papier peint collés, la solide silhouette du « Zouave » (1963). Passant d’un support à un autre, construisant des totems, utilisant un vieux sabot ou la vannerie, les tôles ou les planches mal jointes, multi¬ pliant les lettres à des correspon¬ dants célèbres, lui-même paraissant toujours déguisé, Chaissac qui se voulait un « déserteur de la vie mo¬ derne », remarqué dès 1945 par Raymond Queneau, Jean Dubuffet et Jean Paulhan, meurt le 7 no¬ vembre 1964 à l’hôpital de La Rochesur-Yon. Il aura donc fallu près de dix ans à nos institutions pour tenter de digérer cet œuvre polyforme que les graffiti traversent comme d’étonnantes nébuleuses.

Grataloup (galerie Marque!) Il s’agit d’abord de saisir les forces de la nature, ses vagues, ses mon¬ tagnes, sa flore. Dans un premier temps, c’est sur le motif que le peintre élabore son dessin. Repris, agrandi, soigneusement codifié, re¬ porté sur t{>ile, il devient la matrice au travers de laquelle la couleur pourra « travailler » les feuilles blanches qui lui sont soumises. Le rouge, le bleu ou le vert jouent comme des révélateurs, alors que les traces du peintre ont disparu. Les grandes feuilles marouflées de Grataloup portent sur leur fragile et délicate surface le témoignage d’une magie à l’état d’émergence. (7, rue Bonaparte.)

Salon de Mai Si l’on en croit la foule qui se pressait sur le parvis et dans les caves du Musée d’art moderne, le Salon de Mai est bien vivant. Pourtant, il fait d’abord le compte des décès qu’il connut cette année. Picasso d’abord, le fidèle des fi¬ dèles dès 1951, mais aussi le fou¬ gueux Asger Jorn, Chavignier auquel la ville de Vitry sut rendre hom¬ mage avant la capitale, Alina Szapocznikqw, llan Mann, Millares ou Desnoyer. Ainsi les institutions sontelles soumises aux tristes bilans. Malgré les règles forcément limita¬ tives qui le régissent, le Salon de Mai offre l’image d’un art contem¬ porain que traversent les courants les plus divers. Impression d’autant plus forte que l’accrochage ne nous fait grâce d’aucun contraste. Ainsi les hautes pâtes brassées à grands gestes par le « cobra » Lindstrôm côtoient les subtilités troublantes que Tirouflet déploie sur une toile imma¬ culée tout juste rompue par un méticuleux graphisme. Si les noms fameux sont nombreux, les jeunes artistes ont aussi leur place, tel le groupe qui construisit la « Cabane du jardinier ». Clareboudt, Fabry, Groutteau et Trinquart proposent un habitacle, fait de bric et de broc, celui-là même des jardins ouvriers de la périphérie, pour abriter tout un arsenal de documents et d’objets qui jettent le trouble dans les sacrosaintes catégories artistiques. Malgré ses manques, un salon passionnant.

Jean-Louis Pradel

La Quinzaine Littéraire

PHILOSOPHIE

Gérard Granel

L’orfèvrerie de Beaufret Quelqu un dit un jour de Peirce :

« Il est si grand qu’aucune

retiendrons comme première (prin¬

il est encore le même texte brillant

université n a trouvé de place pour lui ». Laissons aux linguistes et

cipale) question, celle de la forme.

du même feu que le texte sur le

logiciens le soin de juger si le mot, concernant Peirce, était pertinent ;

Pour dire tout de suite qu’il n’y

Feu et le Même, le texte initial sur

il s'applique, en tout cas, et pour la honte de nos institutions, cruel¬

en

l’initiale du texte occidental, dont

lement et rigoureusement, à Jean Beaufret.

mode

a

pas,

entendons

d’écriture,

:

que

semblable

ce aux

remparts d’Elée (à ceci près que ces

morceaux

de

l’aromate

est

héraclitéo-parméni-

dien.

« philosophie

grecque » sont plutôt pour nous des ruines de l’avenir), livre en .lean Beaufret

volte

», emporté

par les cavales

fragments une unité monumentale

Cette unité...

Dialogue avec Heidegger

« jusqu’où va l’élan de son cœur ».

antérieure à toute espèce de « for¬

Coll.

Ce sont, comme

dans le poème,

me » ou de

« les

ouvrent sur les

philosophique, didactique, critique

chemins de la Nuit et du Jour ».

ou autre qui soit connu et ana¬

Un seul thème en effet, ou plutôt

lysable. Qu’est-ce que c’est donc ?

Hegel

une

tous

C’est « du texte », et c’est toujours

entendu chez Heidegger), on n’a

les thèmes — la différence étant-

« Arguments »

Minuit éd., 160 p.

La parution

du

premier tome

d’un Dialogue avec Heidegger fl) qui — pour notre joie et notre profit — en comportera trois, ne peut qu’augmenter l’évidence de ce scandale : le plus pur des philo¬ sophes français, le seul aussi qui eût pu hriser, grâce à la proximité où

il

a

su

se

maintenir

envers

de

notre

tradition

philoso¬

phique et rouvrir, par l’Allema¬ gne, la possibilité pour la pensée française de faire face à Fensemble de la situation actuelle de l’Occi¬ dent, celui-là donc, cet unique, est justement celui qui n’a cessé de voir se fermer devant lui les por¬ tes de l’Alma Mater.

dans sa

sobriété.

peu

agrafe

Sans

contingent

doute, soit-il,

et n’y

aiointant

une

vient toujours autre comme quand

appelée

unité dont la dureté (comme d’une

le

feu, mêlé

s’ajointe en un tel textum.

pierre ou d’un métal) dépasse de loin ce que pourrait précisément

le

nomme comme

Mêlé de l’aromate platonicien, ou

toutes les incompréhensions (ou si

produire

du zénonien, ou de l’aristotélicien.

l’on préfère toutes les

« l’art

de

la

composi¬

Les études ainsi pourtant

diverses,

par

les

à

1968),

par

leur

occasion

» pour la Lecture de Parménide), par leur rapport à

comédiens

enfin

(certains

textes

étant déjà publiés et repris tels quels, d’autres déjà publiés mais remaniés

pour

le

livre,

deux

« avertissements »



l’auteur en pareil cas, c’est-à-dire d’articles, cherche laborieusement,

un

« recueil »

d’études

et

sier et qui

pour lui et pour nous, l’unité de

monde comme monde de l’errance

l’ensemble dans l’importance sup¬

totale

posée (et soupesée)

des dates et

autrement dit et à la lettre : com¬

des formes de l’écrit. Ici tout est

me Ini-Monde.

un, manifestement un et manifes¬

portes,

en

revanche,

— ce livre le montre avec un éclat

tement texte

de à

la

même

l’autre

unité,

(au

d’un

«même»),

condensé par lequel il ressemble

quelle que soit la date, la forme

à ce dont il parle : au « joyau » —

ou l’occasion.

s’ouvrent depuis vingt ans, et pour nous Jean

à

chaque

Beaufret

page, sans

devant

âge.

un

matinal

et grec, plein de savoir et « désin¬

« compré-

« présentation... à la demande des

dans

D’autres

appelle

Naissance de la Philosophie, une

une honte historiale dont l’autre

l’étant-être,

elle

qui

(un

n’est que l’effet palpable et gros¬

de

écriture,

ce

« hommage à Vinaver » pour la

teur le manque, d’un de ces tradi¬

l’égard

Comme

par

dates

tionnels

à

plaît ».

entièrement

(puisqu’elles s’échelonnent de 1956

et

touche, elle, à notre

il lui

chacun

publiées sont

ressent pas le besoin, ni son lec¬

manœuvrent),

d’aromates,

tion ».

fonde que celle de nos institutions qu’elles

bien

que si l’on comprend qu’elle est

dont se compose le livre (2l

dits). Cependant Jean Beaufret ne

vrent (ou

et

de reprendre chaque fois élan et

nouvelle fois, une honte plus pro¬ les manœu¬

Nietzsche,

force différemment « et ainsi de¬

autres, essentiels et fort longs, iné¬

qui

de

l’ouvert — donne aux six études

lequel lire, une

hommes

et

de chance de la comprendre en

plémentaire

des

Cette unité, absolument singu¬ lière (on n’en trouve de parentes que dans certains passages de

tant qu’écriture de Jean Beaufret

a-t-il là en effet qu’un épisode sup¬ sur

« genre » littéraire,

le même, qui cependant a besoin

l’édition

« Dont acte » — comme il dit aussi

seule

qui

être comme jeu du retrait et de

Heidegger, le provincialisme déso¬ lant

portes

Pour entrer dans le livre autre¬ ment

que

compte pour

dans

rendu

de

la

platitude

(auquel

bonnes

il

raisons),

du

résiste nous

23 du 1" au 15 juin 1973

11 est vrai que les pages qui accré¬

grands. Peut-être (.3

pas rej>roduire le rapjmrt paisible

ditent cette apparence, celles par

même avec Karl Marx, bien qu il l’emporte encore

à la langue et aux choses où Ron-

exemple où Beaufret revient sur

sar«l s’avançait, en effet, beaucoup

toute la

mas pour l’importance mondiale ».

S’il

était permis de traiter d’une éeri-

plus « simplement ». Autant, sur¬

« opposer »

lure au niveau des préoeeupations

tout. s’aveugler sur un fait d’épo¬

clite,

à

que (qui est un signe de l’être où

de

pas lire Althusser ? ) cette phrase

de style (mais e'est

sa

l’époque est précisément une épo¬

Reinhardt sur la structure triple

paisible : « Dès lors la dialectique

fe^r-

que)

(et non double) du Poème Initial,

de

tum, ajointement des éléments du bouclier

n’écrit plus

celles surtout où il démontre l’ina¬

(5 )... »? Il y a là plus qu’il n’en

nité

faut pour se faire condamner.

luTi^ions » ininiôfliates), mais elle

à

\c>

iléjoiH-

toutes

également

et

aussitôt. D'abord il saute aux yeux que

l’tVrit

partir

de

est

sur-écrit.

iei

seulement

(luintilien chez

que

\ irgile,

le

et.

chez

la

poésie

de

Mallarmé

de

ne

: nulle part aujourd’hui nul « tout simplement »,

sur-écrit.

Parménide

celles

encore

postérité

aux

textuelle

prétend et



et

Ne trouve-t-on pas aussi page 43

Héra-

il

44 (comment Beaufret a-t-il pu ne

donne

découvertes

historique

Fho-

des

et sa version marxiste

Hegel

mais

carène

« le

C’est vrai des modes fondamentaux

commentaires

de l’écriture (et vrai jusqu’à me¬

le

plus

drait feindre d’en avoir fini avec

pourrait

nacer leur cloisonnement), étant

la « dialectique », et que nos ques¬

que

grande gloire de Thomas (4), sont

vrai de la poésie, de la littérature

déjà

tions (car nous en avons tout de

Beaufret ne prend pas assez soin d’éviter le reproche que ne man¬

et de la philosophie. Et à l’inté¬

d’une saveur polémique dont on

rieur de celle-ci, c’est vrai, mais

avait perdu le goût depuis Hegel

ce qui est dit dans les pages 75-76

queront pas de lui faire les esprits à

différemment, de Lacan, de Bar-

du

robustes

et Nietzsche. Mais enfin elles ne

thes, de Derrida, de Deleuze, enfin

Sommes-nous si sûrs que la tâche,

savoir qu’il est un écrivain compli¬

sont que l’apparence de cette écri¬

de Heidegger et de Beaufret.

ture, qui ne s’inscrit pas dans une

aujourd’hui incontournable, d’une

qué et précieux. Autant reprocher

« histoire de la philosophie », avec

(re) lecture de Marx ne demande

ses problèmes, ses solutions et ses

pas une assurance et une compé¬

oppositions d’école, même si elle

tence

en

de LA question sur le

tissu

fl’un

même

navire,

devient

style»),

croire,

par

épris

on

endroits,

du

« naturel »,

écrit,

qui

-ur Saint

Catulle, des troncs d’arbre en la d’un

quiconque

littérature

eu na-t-il de

Cette pénible et riche sur-écriture Un texte est sur-écrit chaque fois

un pouvoir qui est une effrayante

que l’être-écrit ne signifie aucune¬

maladie, bref ce que l’on connaît

ment

la simple consignation-par-

habituellement (et tout autrement)

éerit de ce qui « se donne à voir »,

sous le vocable de « philosophie ».

dit dépend

Tout le livre de Jean Beaufret

essentiellement du tour de langage

montre que cette modalité histo¬

dans lequel il est dit. En un sens

rique unique de la parole (3)

il en a toujours été ainsi de tout

la phénoménologie. Entendons que

ce qui, dans les époques classiques

ce problème dangereux (mortel, à

mais que ce qui est

dire)

du

«logos»

long

Gilson

d’Aristote

d’une

pour

solidité

montre

une

la

critique

grande

Mais

dépose

et

même)

connais¬

condamner

n’ont

livre

fau¬

rien à recevoir de

de

dans

il

Jean

les

Beaufret ?

questions

issues

« sens de

l’être » ? Et si seule cette question

toire » le texte

ouvrait

ou

de Beaufret fait

quelques

incursions

nées

à

textes

de

Hegel

et

gels et de Lénine, un accès véri¬

desti¬

rendre

aux

de Marx, mais aussi bien qu’En-

« descentes »

vengeresses,

uniquement

tablement

tou¬

nouveau

fécond,

capable

présupposés

lesquels

réflexion fondamentale dont tous

elle repose, sa cécité spéculative

les marxismes aujourd’hui ressen¬

latents

sur

inconsistance

la

d’un

vrai

dit par écrit. Ce n’est pas d’aujour¬

« parler », qui fait de lui un écrit-

façon,

d’hui que ce qu’il y a à penser

parole sur-écrit, est le moyen de

serai

ne peut l’être d’aucune façon que

faire sur-paraître l’étant comme,

de

par le retour — dont on ne sait

simple étant, il n’apparaît juste¬

un

s’il est plus délicat que violent —

texte

ne

qui,

se résume

seulement

de

de

toute

pas.

J’abu¬

la

place,

nécessité

qu’aucun

La place manque pour en dire

mêmes, a jamais été véritablement

désembourher

cette

tent — et parfois argumentent —

précisément

historique. plus

de

et

jours plus sensible le dérisoire des

et son

comme

pour

sance : à l’égard d’une telle « his¬ seulement

est

que

Jean

et

l’urgence,

n’accomplit ?

Beaufret

ne

mais Certes

s’acquitte

pas

non plus de cette tâche ; peut-être même (du moins si on lui enlève

ou sur

ses

l’égard

des

« peut-être », ce quon rta pas le

ment pas de lui-même, c’est-à-dire

Frères-marxistes. Nul

doute

«jue,

droit de faire], est-il exact qu’il

comme étant. C’est-à-dire encore

papes à leur façon, ils feront grise

n’y croit pas. Sans doute n’est-ce

dans la simple réalité du langage

en tant que « phénomène » au sens

mine

pas chez lui qu’on voit s esquisser

de la possibilité de celui-ci. Jean

de

du

même ils ne relayent pas l’antique

une lecture entrecroisée du

Beaufret.

moins celle-ci a été arrachée à sa

Sorbonne dans sa dénonciation et

mier Livre du Capital, ou du texte

simple

réalité

son refoulement. Et les « preuves

sur

savamment et pensivement, à pro¬

l’école

husserlienne

textuelles »

la subordination formelle du Tra¬

pos des « mots » précisément les plus

exhaussée, comme elle le fut par

voisin

Heidegger,

le

ici

encore

montre,

classiques

:

à

idea,

de

la

fois

energeia,

la

pénoménologie », dans

si

l’œuvre pour

et être

son

manque,

pour

avertissement

à

tation

l’écrit

du

de

à

finir

Beaufrétique,

la

funeste

si

orien¬

penseur ne leur man¬

guillemets

« la

et

ses

propres

subordination

vail au t Capital »

pre¬

réelle

dans la

et

proxi¬

entelecheia, actus. Mais un écrit

Heidegger dès 1927, au niveau où

queront

l’occurrence.

mité, à la fois, du livre IX de la

N’est-il pas dit en effet, page 82,

Politéia d’Aristote et de la ques¬

est

elle aussi peut accueillir le retour en elle de sa « possibilité »,

c’est-à-dire

tion heideggerienne sur l’essence

classique

en

ceci

justement

qu’il efface toujours en lui cette

pas

en

dans

le

plus

touffu

du commentaire de la conception

de la technique. Mais c’est de lui,

rappeler aussi que la sur-écriture

grecque

cependant, de lui seul avec Hei¬

langage par le retour de son in¬

phénoménologique

« éclosion

nommable possibilité, cette péni¬

simple rapport à 1’ « expérience »

être (5) sera-t-il réservé à la phé¬

chances

ble et riche sur-écriture d’où pro¬

(encore que ceux qui ne s’occu¬

noménologie de redécouvrir, sans

plus

pent qu’à démailler la bibliothè¬

nul

un tel travail. Et, sans ce

laisser paraître que le fruit fictif

que feraient bien de se promener

cicatrice de naissance, cette étran¬ ge

dislocation

vient

de

l’écriture,

la

réalité

pour

ne

du

Rappeler

cette

filiation, n’est

c’est

pas

un

de

la

pensée

physique »

comme « Peut-

:

« matérialisme »,

quelque

degger, que nous avons quelques de nous rendre travail,

possible

faudra-t-il

chose d’un savoir aujourd’hui ou¬

que la pensée,

pour répondre

l’époque,

d’autre

un peu dehors), mais un rapport

blié » ?

travail en effet produit aussi, et

de déchiffrement réciproque entre

pas

dans lequel il peut idéalement se

le cryptique de l’expérience et le

pas, qu’on le veuille ou non, dans

geux et désolant, de l’ultra-gauche

résorber.

cryptique

un

dans son

parfait

sens

du

que

tout

de

l’histoire

de

l’être

ainsi

matérialisme

renié ?

n’est-il

à

ressource

ce

et

Le

n’ait

N’est-on

« idéalisme » ?

Et

donc

justement

que

de

suivre

l’exemple,

« lâchage »

coura¬

du marxis¬

me ? Au lieu de ces conséquences

sous son texte métaphysique tra¬

la phénoménologie, toute le mon¬

ditionnel.

de sait, etc... Et notre camarade

redoutables

« phénoménologique »

Tao

la

surcroît probables, ne faut-il pas

ce

entièrement

page 142 exclut Marx, et pour les

qu’il y en ait au moins quelques-

sienne «le ce qui sertit ou ajointe

et uniquement « historique ». C’est

mêmes raisons, ou en tout cas sur

uns parmi nous qui comprennent

inapparemment

tout-à-fait

le même pied que Thomas, de la

que l’énigme du trajet de

La

sur-écriture

contemporaine

a cependant des mesures diverses. Celle

de

Jean

Beaufret

reçoit

centralement (et consciemment) la et

pourtant

de

Aussi le est-il

dans

livre

extérieurement

cepen¬

déjà,

etc...

Pire

encore,

et

dérisoires,

et

de

Marx

part en part tout usage réel du

dant que, à certains passages, ou

« Gigantomachie » sur le sens de

entre Hegel et la Révolution est

langage : la Différence étant être,

suivant certaines lignes

l’être. Le texte dit exactement

à

de com¬

(et

dans

les termes d’aujourd’hui) ? Et si

« Les

possible sur le réel qu’historique¬

Beaufret semble relever la forme

chie sont les grands philosophes.

ce trajet

ment les Grecs ont été les premiers

bien connue de la polémique,

On peut douter que Saint Thomas,

qui suppose le

malgré son importance mondiale,

la métaphysique », peut-il se pas¬

soit

ser de la parole sur-écrite de Hei-

et

les

forme

seuls

à

de

accueillir

comme

un certain malheur réel du dire.

24

l’intérieur de

du

rhistoire

genre

de

la

à

bien-connu

philosophie.

parmi

eux

l’un

gigantoma¬

aujourd’hui

position très visibles, la parole de

la

de cette

refaire

ce retour «lu

sous

héros

:

des

plus

a lieu

dans un espace « pas en-deçà

de

La Quinzaine Littéraire

degger et de Beaufret — « orfè¬

aura

sont, après une lettre à Heidegger qui sert d’avantpropos : La Naissance de la Phi¬ losophie, Héraclite et Parménide, Lecture de Parménide (texte autre

comme

dû à la « minceur » d’une pensée

que la célèl)re étude qui précédait

tion

qui se nomme elle-même à juste

la

titre

J.-J.

vres

» en

la matière ?

Peut-être

un jour découvrirons-nous ensem¬ ble ce que la devons

liberté

accoucher

dont nous

l’histoire

« matinale ».

La

journée

n’est pas finie.

Gérard Granel

2.

Ce

M.

traduction

ture que de leur habituelle épi-

s’otx-upait plus. Le Pape Paul VI

gonale façon et qui prennent pour

a aussitôt saisi l’occasion de mêler

acquis n importe qmdle opposition

la voix de Pierre à cette nécro¬

de la

« texte »,

logie culturelle pour Mass-Media.

n importe quelle opposi¬

Afin de lui éviter de ré{>éter cette

« parole » et du du

texte et

de

!’« auteur »,

erreur lorsque Frère-Gilson suivra

du

poème

par

de l’écriture et du « sujet », etc....

l’exemple de Frère-Jacques, nous

non

reprise

icil,

Ce sont les mêmes Doubles-Crânes

lui conseillons, irrespectueusement

Zénon, Note sur Platon et Aris¬ tote, Energeia et Actus.

qui

mais

3.

sans avoir rien compris dans l’in¬

tulée « Energie et actes ». A tant

nomme souvent la « parole » (das

tervalle.

faire,

Riniéri,

Beaufret,

comme

Heidegger,

déserteront

qu’ils

les

n’ont rallié

premiers

ce

qu’après-coup,

énergiquement,

de

lire

d’abord l’étude de Beaufret inti¬ si

l’on

est

Pape,

que

de

1. Le sous-titre de ce tome initial

Wort)

4. Comme j’écrivais ceci, un autre

perdre son temps à lire les philo¬

est : « philosophie grecque ». Son

me nous, ils savent être son texte,

des

sophes, autant lire les bons.

« contenu », comme on

et

brent

dit, con¬

cerne en effet Héraclite, Parmé-

d’un penseur ce que, com¬

qu’ils

lisent

dans

son

texte.

Parole est donc ici le même que

pseudo-penseurs l’horizon

qui

encom¬

cathodique,

Jac¬

nide, Zénon, Platon et Aristote ;

ce que nous venons de nommer

A Toulouse, de surcroît. Ce qui

mais il est surtout destiné à mon¬

écrit, et, s’agissant des contempo¬

fait que, régionalement et même

trer que le sous-titre est, essentiel¬

rains, sur-écrit. Que

grincent ici

nationalement,

lement

des

ne

à parler d’un philosophe dont plus

et

historiquement,

un

pléonasme.

dents

ceux

qui

se

sont

ralliés au thème actuel de l’écri¬

5. C’est nous qui soulignons.

ques Maritain, est venu à mourir.

personne,

« on » s’est remis

depuis

des

lustres,

ne

PSYCHANALYSE

Quand Freud se confie Sigmund

Freud

-

Correspondance Préface Trad.

de

de

Arnold

Zweig

{1927-1939)

M.

rière lui, en

1885 et

respondances

non

1907 ;

cor¬

publiées,

dont

E. Jones laisse pressentir l’intérêt,

Robert

l’allemand

Esquisses du Moïse de Michel-Ange sur les indications de Freud

et

par

dont

on

peut

supposer

nous a révélé l’essentiel ;

Luc Weibel

qu’il

lettres

ou fragments jugés impubliables,

Gallimard éd., 240 p.

comme il en fut décidé éditeurs

par les

de cette correspondance

avec Zweig, pour diverses raisons L’abondante Freud

correspondance

prend

place

de

progressivement

comme

un

prolongement

dont on espère que la

plus res¬

pectable est la volonté de Freud, fréquemment exprimée,

de

sous¬

de son œuvre. Ernest Jones, qui

traire sa vie privée

contribua à sa révélation, l’utilisa

connaissance du public, se réser¬

pour rédiger

vant

« La Vie et l’Œu¬

le

choix

du

intime

don

à

qu’il

la en

cette

faisait sous la forme estimée adé¬

illuminée

quate au propos scientifique. Mais

par la présence directe de l’hom¬

le secret nuit à la recherche de

me.

le

la vérité psychologique à laquelle

avec

Freud nous a préparé, et il laisse

vre

de

S.

Freud

biographie

est

Smiley

« Journal

»

(1)

ainsi

Blanton,

de

son

:

dans

analyse

Freud » (2), évoque l’importance

aussi le champ libre aux censeurs

accordée

et aux interprètes.

par

Freud

aux

détails :

« La Correspondance avec Ar¬

« Puis-je vous donner un conseil :

nold Zweig », publiée par Ernst

quand vous lisez des travaux ana¬

L. Freud en 1968, et dont la tra¬

révélateurs,

et

sa

précision

lytiques, prenez bien garde à la

duction

vient

date

préfacée

de

leur

cessaire

pour

préhension Comme partie

Robert, avait été jugée fort inté¬

en

com¬

la

reste

majeure cachée

volontairement

:

déta¬

chés par Freud lorsqu’à deux re¬ prises il détruisit des documents qu’il ne désirait point laisser der-

du 1" au 15 juin 1973

Marthe

ressante par Jones, et sa lecture ne

l’œuvre.

l’iceberg,

nous

fragments

La né¬

la

par

en

»

parfaire

de

paraître

devient ainsi

composition.

correspondance

de

France,

décevra

pas.

Bien

quelques

fragments

citations

ou

saient

point

plus,

connus,

les par

emprunts,

ne

lais¬

entrevoir

ce

que

révèle l’ensemble, à savoir la lon¬ gue évolution

d’une relation qui

naquit à l’instigation de Zweig, le

25

GEORGES SIMENON

Trois études Vers l’armée de métier La discorde chez l’ennemi La France et son armée Le fil de l’épée

Chez les Flamands Les 13 coupables

MARCEL & ALBERT AURIERES

ANDRE SOUBIRAN

100 façons de recevoir

Journal d’une femme en blanc

MICHEL DUBORGEL

MAURICE GENEVOIX

HAN SUYIN

Beau François La boîte à pêche

Une fleur mortelle

GRAHAM GREENE Voyages avec ma tante

PAULGUTH Quarante contre un

LITTERATURE MARCEL AYMÉ _e confort intellectuel

ELISABETH BARBIER Les gens de Mogador 6 tomes

VICKI BAUM Grand opéra

UGO BETTI Irène innocente Pas d’amour

suivi de

Dr MARC LEVRIER & Dr GENEVIEVE ROUX

JOHN KNITTEL

Yoga sans postures

BALZAC Le cousin Pons,

Arietta

IVAN DE RENTY

JACQUES LAURENT

Lexique de l’anglais des affaires

Commentaires : MAURICE MENARD

Les bêtises

JEAN DE LA VARENDE GABRIEL GARCIA MARQUEZ

Le général Délia Rovere

MARCEL PAGNOL

Les fins dernières

La fille du puisatier

CAMILLE BOURNIQUEL

JOSEPH PEYRE

Sélinonte ou la chambre impériale

ROGER PEYREFITTE

PEARL BUCK

CLAUDE-ANDRE PUGET

Le chef à l’étoile d'argent Des Français Les jours heureux Le grand Poucet

ERSKINE CALDWELL

suivi de

Près de la maison

MARIO PUZO

FRANÇOIS CHALAIS

Le parrain

Les chocolats de l’entracte

C:F. RAMUZ Derborence

Dr DAVID REUBEN

Kaléidoscope

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans oser le demander

GENEVIEVE DORMANN

CHRISTINE DE RIVOYRE

Je t’apporterai des orages

Fleur d’agonie

LAWRENCE DURRELL

JULES ROMAINS

Vénus et la mer

Les hommes de bonne volonté

CLAUDE FARRÈRE

T. 2 :

La bataille

Le crime de Quinette

PAUL FÉVAL

T. 3 :

Les amours enfantines

ROGER FRISON-ROCHE

ANTONIS SAMARAKIS

Le rapt La dernière migration

MARCEL SCHNEIDER

La faille Le chasseur vert

DICKENS De grandes espérances,

DUMAS Le Comte de Monte-Cristo,

Cent ans de solitude

MELINA MERCOURI

CLASSIQUES

Edition établie par PIERRE LEYRIS, Prélace : MICHEL ZERAFFA

Cœur pensif...

PIERRE DE BOlSDEFFRE

Les habits noirs

Buridan, le héros de la tour de Nesie

PHILIPPE DE MERIC

INDRO MONTANELLI

A.-J. CRONIN

MICHELZEVACO

Initiation à la photographie

HENRI JEANSON

Qui ose vaincra

Un éternel amour de trois semaines

Le jugement de Dieu

LOUIS CAILLAUD & MARCEL BOVIS

70 ans d’adolescence

Je suis née grecque

JEAN CHALON

HENRI TROYAT

La pêche au lancer

Dictionnaire intime de la femme

PAUL BONNECARRERE

Es-tu le maître de l’aube ?

PRATIQUES

CHARLES DE GAULLE

POLICIERS JIMMY BRESLIN

3 tomes

Le gang des cafouilleux

POE Histoires grotesques et sérieuses.

LESLIE CHARTERIS Mais le Saint troubla la fête Le Saint au Far-West

HUMOUR

CHARLES EXBRAYAT

CHAVAL

Mortimer, comment osez-vous ?

L’homme L’animalier

MAURICE LEBLANC

COMTESSE M. DE LA F.

La Cagliostro se venge

L’album de la Comtesse

Commentaires : MICHEL ZERAFFA

SAND La petite Fadette, Commentaires : PIERRE DE BOlSDEFFRE

La mare au diable. Commentaires : PIERRE DE BOlSDEFFRE

GASTON LEROUX Le château noir

SHAKESPEARE Roméo et Juliette

ROSS MACDONALD L’homme clandestin

suivi de

PIERRE NORD

Le songe d’une nuit d’été.

L’espion de Prague

Commentaires : YVESFLORENNE

ELLERY QUEEN La décade prodigieuse

STENDHAL Lucien Leuwen,

S.-A. STEEMAN

Commentaires : VICTOR DEL LITTO

Que personne ne sorte

DIVERS-JEUX PIERRE BERLOQUIN

aie

POCHE

Jeux Jeux Jeux Jeux

alphabétiques logiques numériques géométriques

GUY BROUTY Les mots croisés de l’Aurore

MAX FAVALELLI Mots croisés

t.s

TOLSTOÏ Enfance et adolescence. Commentaires : DOMINIQUE FACHE

La sonate à Kreutzer, Commentaires : EDITH SCHERRER

TOURGUENIEV Eaux printanières. Commentaires : EDITH SCHERRER

18 mars 1927, avec un Freud déjà malade

dej)uis

occupé

par

«

Rendez

me

pas

ans,

pré¬

vieillissement

vraie

rendre

temlez

quatre

son

la

:

promesse

visite

un

jour.

trop,

j'aurai

de

N'at-

progression de cette amitié affectifs

des

rapprochements

idéologiques, et

de

issue

chacun,

culturels

de

la

psychanalytique

peu

moins ;

et

collabora¬

et

la

théorie

encore

y

trouve

plutôt

comme une puissante statue voi¬

apparaît

lée, votre figure et votre visage,

joue de façon très sidttile de son

celui

enseignement, de sa personnalité,

de

ce

vieux

Juif

qui

n'a

comme

Maître

des

leur art.

époque de l’humanité ». La psy¬

constatations

chanalyse et la guérison sont un

tures

don

(pii font avancer l’analyse. Il est

Chaque jour je pense de

mourir.

à

la

C'est

un

sain exercice », confiait Freud à

reçu

porter

de

Freud ;

témoignage.

il

veut

Les

en

rechutes

vrai

lyse apportent un enrichissement

des

jouissance en moi, donc une insa¬

croissant.

plutôt

tisfaction

seur

cée

est autant l’analyse personnelle de

13 la

»,

de

la

résignation

écrivait-il

février mort

1935.

est

de

à

La

au

for¬

Zweig

le

lutte contre

centre

de

cette

»

Freud

et

les

Du au

« «

phases

d’ana¬

Vénéré Très

Profes¬

cher

Père

développe

comme

restitution.

La

un

lyse

brèves

contrôler

ou

des des

de

ti(pies.

On

est

dans

désir

psychanalyse

cures

qu’être

», l’affection de Zweig se

la

relation

(pi’à cette é{)0(pie Freud

névrotiques

capacité

de

de rup¬

ne

prenait (pie (piehpn^s élèves pour

Blanton. le 6 mars 1930. « Il y a telle

et

objectivantes,

dynamifpies

encore

une

transférentiels

tpii

f)as craint les refoulements d'une

«

affects

le

l’échauge d’hommes de lettres sur

tion à une œuvre commune qui Zweig que l’apport de la psycha¬

appa¬

on

possibilité

On ne peut être insensible à la besoins

raît

bientôt

soixante et onze ans. »

des

technique

la

(pii

semblent

une

auto-ana¬

analyses

antérieures

entreprises y

thérapeu-

retrouve,

comme

correspondance,

nalyse à la création littéraire. Ces

correspondance, tant chez

Freixd

source d’inspiration ; ses premiè¬

chaleureuse

dernières

que chez Zweig. La mort

prend

présence

cette

jiaternelle,

res œuvres « visiblement autobio¬

tant celle rju’il

chez l’un l’aspect de l’âge et du

graphiques

cjue l’on venait rechercher auprès

vit Avenir d'une Illusion, Malaise

cancer,

tance

dans la CAvilisation, Moïse et le

cécité progressive, de dépressions,

liale et à l’enfance.

Monothéisme,

d’inhibitions

pas

années

de

la

vie

de

Freud, pendant lesquelles il écri¬

de

la

sont

aussi

consécration

par

celles

le

Prix

tôt

que

Gœthe, et de l’allusion à une can¬

mort

didature au Prix Nobel

guette,

:

on en

perçoit l’écho dans ces lettres. La

de

chez

l’autre à

créer ;

plainte,

plus

celui

celle

des

lutte

car

proche

de

la

plu¬

une

autre

encore

les

persécutions

et

l’émigration.

Une avidité d’idéal : don et restitution

»

traduisent

l’impor¬

accordée à l’histoire

si

je

vous

ai

fami¬

« Je ne sais déjà

écrit,

à

propos de Caliban, que sans l'ana¬ lyse

je

n’aurais

l'accès à

mes

jamais

forces

retrouvé

de

produc¬

Freud touches

n’intervient discrètes

respectant

l’image

qui

leurs.

On

mé¬

se

la

vie

quotidienne

«

l’occasion

de

qui

fournit

répandre...

les

aussi

abrupte

litté¬

de Max Scheler, à la thèse de la

tation de dessins et de conversa¬

certainement,

Claudia,

guerre juste en 1914, à celle de

tions,

la

enfants des inhibitions.

raire en

par

Novellen

um

1912. C’est par la dédicace à

Freud

d’une

étude

sur

guerre

impérialiste

en

1917,

l’antisé¬

au pacifisme, à un sionisme d'es¬

sa

il

»

des

peut

L’œuvre

et

découvertes

lever

chez

ses

lui

un sentiment

ne

suffi¬

réserve Margaret

des

aigu

adieux il

de

Vinu-

prolongés. s’était

Et,

constitue

une technique pour s'en protéger, car

l’analyse

cette

relate

Blanton : « Il devait y avoir chez

Zweig

vie

avec

avec

tilité

la

retrouve

(jue

de Freud, lorsque, par l’interpré¬

dans

ail¬

mais

» Elle inspire aussi

philosophie

débuta

par

aujourd'hui.

pire

la

né¬

développe

le

ans plus jeune que Freud, Arnold

à

idéalisée

simplicité et ses avis très directs,

bénédictions

allemand,

pro¬

thodes m’ont fait ce que je suis

ou parfois simultanément à l’em¬

Né en 1887, en Silésie, de trente

par

les

cessaire au processus psychanaly¬ tique

vos

que

dans

blèmes plus personnels de Zweig

tion les plus propres, et que vos et

([ue celle

de lui.

grandes

découvertes

offrait

à

peine

était-ce

le

moment

de le quitter que l’on se trouvait

d’après-guerre,

sence aristocratique, à un sionis¬

sent pas et Zweig a besoin de la

dehors. »

Caliban ou Politique et Passion, que s’ouvre la correspondance.

me inspiré de Marx, à la psycha¬ nalyse freudienne, enfin à la

présence de répéter son

Deux de ses livres furent traduits

révolution

En fait, cette correspondance, contrairement à ce que l’on res¬

soit l’excès de ses expressions. Il

sent

en français

plie dans son propre pays ». On

aborde l’analyse

peut

de

cherchant les manifestations d’un

mitisme

allemand

:

Le cas du Sergent

Grischa (Albin

Michel,

1930)

et

prolétarienne

s’interroger

sur

névrotique

accom¬

la

de

signifi¬

cette

atti¬

Freud ; il doit lui affection quel que

l'Education héroïque devant Ver¬

cation

progrès

qui

dun (Plon 1938). Il émigra en Palestine en 1933 :

tude. De sa névrose, cette correspon¬

Freud,

comme

pacifiste dénonçant le militarisme

en militant,

donne

à

croire.

d’ambivalence, formalisme,

fois,

à

la

pressentir

dance livre quelques symptômes :

d’une

toute

de la raison plus dans sa faiblesse

à partir de son expérience d’an¬

«

les

par rapport aux forces

hypocondriaques,

Zweig

cien combattant, il était sioniste militant. La correspondance nous

pressives,

Définitivement il lui signifie son

d’ « absence », obsessions, « fan¬

tint

fait part de ses contradictions et

refus

Ferenezi ;

plaintes

tendances

inhibitions,

dé¬

sentiment

ves

que

dans

de

son

idéalisation.

cautionner

une

de sa difficile adaptation au pays

tasme de désir de guerre », et, à

politique

«

de ses pères. Imprégné de culture

ce propos, il est piquant de signa¬

une

de position

allemande, il ne peut se résigner

ler

à apprendre l’hébreu, ni à situer

ministre

son œuvre dans la nouvelle pers¬

un

pective

de

la

Mal à l’aise

création

d’Israël.

devant les

attentats

qu’il

proposa, anglais

projet

en

de

1938,

la

d’amélioration

de

divers

niveaux

dans

contradictions

névrotiques

qu’on ait

peut

lecture

la

collaboration

était

pourtant une

nécessité

l’idéal

après

la

des

il

Psychanalyses fournir ce fil direc¬

évi¬

teur :

« Je suis encore tout bou¬

Blanton

little

nable ». Cette déception influença

par l'homme aux loups, parce que

probablement

d’un

retour en Allemagne de l’Est en

homme

ce

dont

partenaires. semble

connivence

(jualité

entre

L’amitié

pour

alimentée

au

mê¬

les

relations elle

avec en

siasme, et elle

a

autorise

Fliess

et

l’enthou¬ Freud

à

laisser un cours plus libre à ses affects. En outre, le Freud littéraire y par

le

Zweig,

reflet que

que

par

lui

les

renvoie

intérêts

qui

leur sont communs. On peut ainsi S.

raison¬

tout

communiste,

Cinq

cure

pour

en faveur

Une chaleureuse et paternelle présence

leversé par rhomme aux rats et

dente

à

une

autre

prend le devant de la scène, tant

ses :

équivaudrait

la

qui

judéo-arabe

de

action

par¬

lettres

me courant pulsionnel qui entre¬

je suis bien éloigné ».

forme des grenades. Ainsi se pré¬ cisent

et le nationalisme juif, il regrette « bien peu travaillé à

au

Défense,

prise

qui

instincti¬

des

adressées à Jones ou à Abraham,

toute idéologie, en situant le rôle

»,

retenue,

distance

lecture

laisse

cardiaque

de

de

prévient

névrose

ailleurs,

en

(2)

et

Hilda

Doo-

' 't fait le récit de leur analytique

avec

Freud,

et

glaner

quelques

appréciations

spontanées ou quelques jugements sur l’art du poète, du dramaturge

ces témoignages, récemment con¬

ou

du

ma propre analyse .se situe quel¬

nus, sur les dernières années de

du

Moïse

Freud

1948. Il y fut alors accueilli avec

que part entre les deux. » Ces lettres nous font participer

bien son plaisir esthétique, retiré

viennent

président de

à l’une de ces vagues où l’œuvre

et

tous les honneurs

lettres nous en disent. La présen¬

et la vie affective furent submer¬ gées par l’avidité d’idéalisation.

contenu

plus

l’Académie des Arts, il reçut pour

ce physique de Freud, la marque de

née

la

ses

romans

sa

contre

décision

:

la

guerre

le

Prix Lénine de la Paix. Il mou¬

Freud

rut

relation

à

Berlin

Est

en

1968,

peu

après la publication de sa corres¬ pondance. Marthe

ment

en

fut

qui

aux

l’objet

s’élabora

véritables

{)sychanalytiques, Robert

souligne

son

« remarquable vagabondage idéo¬ logique » : «i/o cru tour à tour

titulaire

n’étant

heures

expériences

gratifié «

une

conjointe¬

son

quelques banalités les

dans

analyste que

de

et derrière

singulières

apparaît

et

sa

technique

compléter

l’âge

et

de

la

d’analyse

ce

que

maladie

ces

sont

romancier. de

Son

approche

Michel-Ange

situe

de la maîtrise par l’interprétation la

découverte de

du

que

forme.

La

du

conduite

très bien rendus par Blanton, et le

nière est une conduite de connais¬

contraste

frappe

entre

cette

sance, de maîtrise

durant l’analyse comme dans son

d’emprise

commerce épistolaire.

était

très et

actif ses

dans

longues

ses

Présent et

interventions

explications,

il

sa

et

l’émotion

analvtique

image et sa présence intellectuelle

dans

sens

de

sur

étranger

la aux

valeur

der¬

des affects et réalité.

Freud

dérèglements

des sens, à l’idéalisation du mor¬ bide ou à la (juête de la surréa-

27 du !*'■ au 15 juin 1973

L’histoire sans frontières

lité, cet inconscient idéalisé. Pour

culture il se sent germanique. Son

ce

athéisme lui fait fuir le sionisme :

savant,

exigeant

et

profondé¬

ment rationaliste dans son abord

«

de

lambeau de terre de notre mère

et

de

« des fous intégraux, disons

à quatre-vingt quinze pour cent,

patrie,

comme

vention...

pour

ralcool

absolu

mesure,

et

Zweig

deux

Nietzsche

revient

des

».

démesure.

Dionysos ;

l’analyse

les

souvent

relations

œuvres,

entre

l’œuvre

de

Freud accomplissement de l’intui¬ tion de Nietzsche. Freud ne s’op¬ pose

pas

tion,

il lui

dre,

pour

à

une

telle

confronta¬

recommande la

mettre

d’atten¬

en

œuvre,

son décès, redoutant l’apologie de l’un

aux

dépens

de

l’autre,

car

Zweig se montre particulièrement enclin à l’évocation de « l’ombre de

Hitler

à la

»

sur cette

œuvre,

dénonciation du rôle

sœur

de

tions

font

Nietzsche.

de la

Deux

entrevoir

et

cita¬

l’un

des

points de rapprochement qu’envi¬ sageait

Zweig

pour

éclairer

les

deux œuvres ; « J'aimerais appro¬

,

fondir et montrer l'abîme terrible entre être et écrire, chez un Alle¬ mand. » Du style de Freud, il dit : «

Vous

liste

êtes

dont

aujourd'hui

les

phrases

le

sty¬

apportent

sans interruption des connaissan¬ ces, sans hâte et sans pause. Qui vous

lit

à

la

suite,

doit

penser

avec vous. Qui en saute, ne seraitce qu'une ou deux, doit absolu¬ ment revenir en arrière et recom¬ mencer, ou il ne comprend plus rien » ;

tandis

Nietzsche

qu’il

ainsi

:

schématise

« Il

ne

fut

jamais autre chose que le philo¬ logue

le

plus

génial ;

il

était

heureux parmi les mots, les mots lui

suffisaient

mage

amplement.

seulement

qu'il

Dom¬

les

ait

placés comme s’ils devaient met¬ tre les hommes en mouvement — et

c’est

firent.

pourtant

bien

ce

qu’ils

»

Ces tions

apportent

enfin

dans

lesquelles

fut

écrit

Moïse. Moïse et le Monothéisme était une entreprise quelque peu paradoxale prophète ques,

:

cette restitution au

de ses origines

au

risque

de

histori¬

détruire

le

mythe religieux à un moment où l’apogée

des

persécutions

mites rappelait

séparé,

publier

en

il

sans

danger

ne

une

Zweig

jiouvait

profonde

fut

son

la

28

sacrées,

présomptueux monde res

des

par

de

le

monde

»

tions

l’obligent

poser

le

en

1934

se

haine

a créé le Juif ».

Bref, ce

«

ro¬

man historique » débouchera sur un complément de la théorie de la

religion

exposée

et

Tabou.

Freud

qu’une

partie,

dans

Totem

n’en

publia

afin

d’éviter

les

réactions des milieux catholiques de

Vienne,

et

le

interdiction

de

l’analyse.

connaissait

en

risque

outre

le

d’une Il

re¬

manque

de bases suffisantes pour soutenir le martyre. Comparaisons linguistiques, con¬ firmations tats

de

archéologiques,

fouilles,

résul¬

recherches

de

documents, Zweig apporte sa con¬ tribution

et

sa

compréhension.

Dans un tout autre climat, « avec plaisir », Freud pourra reprendre l’ensemble

de

sa

thèse

d’un

Moïse égyptien, et terminer l’œu¬ vre,

en

sécurité,

à

Londres.

Il

s’attendrit sur la lettre d’un jeune Juif américain qui lui

demande

de ne pas priver les Juifs de la « seule consolation qui leur soit restée

dans

leur

jeune

juif,

n’est-il

misère

».

point

Ce

aussi

celui que Marthe Robert évoque aux origines

de la

psychanalyse,

celui que Zweig fut pour Freud, celui que le vieillard retrouve en lui-même cutions

sollicité

et

la

par les

mort ?

persé¬

Pour

elle.

Moïse est un exemple de ce lien a

entre le vrosés

et

si

subtilement

roman la

analysé

familial

création

des

né¬

romanes¬

que (4). Moïse et le Monothéisme serait-il, en fait, le

«

roman fa¬

milial » de Freud, « roman ten¬ dancieux



il

cède

au

désir

toujours vivant chez les créateurs de redistribuer complètement les données de leur existence ?

»

Dr Claude Girard 1. E. Jones, la Vie et T Œuvre de S. Freud - P.U.F. 3 vol.

hési¬

2. S. Blanton, Journal de mon analyse avec Freud - P.U.F. 1973. 3. Réminiscences d’une analyse avec Freud - N.N. Holland. H. Doo-

une

attitude

ressens

une

-

« Etudes

4. Marthe Rol)ert - Le Roman man - Grasset 1972.

mais

par

sa

freudiennes »

1970 Denoël.

à

» ;

à

la

éternelle envers le Juif : « Moïse

forte inclination à m'abandonner affects

du

persécu¬

de

des

mes

le

extérieu¬

les

problème

little

Je

essais

intérieur

Cependant,

n°' 3-4 -

«

des

dompter

apparences

désir.

explications,

à

in¬ n'a

confident

Freud avoue, devant l’antisémi¬ ni

ni

Palestine

rien formé que des religions, des extravagances

tisme, ne pas être très porté aux :

La

une

dans cette entreprise.

scientifique

«

antisé¬

communauté dont il ne s’était ja¬

tation.

»

à Freud ses ori¬

gines, et mettait mais

aucune découverte

qu’elle

lettres

quelques précisions sur les condi¬

FAYARD

vaut

que

sur

du baroque aux lumières

ne

sez qu’aucun progrès n’est lié au

et Freud,

L’Europe de Marie-Thérèse

exaltation

l’irrationnel,

l’obscur

Apollon

MEMBRE DE L’INSTITUT

telle

les surréalistes ne ])ouvaient être

Limites,

VICTOR-L. TAPIE

Une

rien pour nous autres... » « Pen¬

origines

et

origines

du

ro¬

La Quinzaine Littéraire

POLITIQUE

« Normalisée » ? Vraiment ? Ecrits à Prague

tants

ont

représentants les plus connus de

du

sous la censure.

tenté de faire leur métier, c’est-à-

l’opposition, actuellement en exil.

auteur anonyme, n” 40) ; d’autres

Août 1968-iuin 1969

dire

Il

Présentés par Pierre Broué

l’opinion, sous la censure retrou¬

(50

vée, dans des conditions de plus

critique indispensable qui préeède

sent

chaque

28 octobre, n° 20 ; petit program¬

Trad. du tchèque

en

par Hélèna Baudesson,

d’informer

plus

et

difficiles

Face

Bardet

honnêtes

et

d’éclairer

jusqu’à

ce

qu’il leur soit imposé silence.

Vi'einfurtova, Annie

politiques

et Karel

Kostal

aux

consignes

a

en au

choisi

les

fourni

document

longue

d’étouffe¬

effet total),

et

présentation

textes

l’appareil écrit

une

personnage

les

Dubcek

proclamations

courants

des

politiques

l’association

par

un

différents

qui

compo¬

(Manifeste

du

me d’action de l’opposition socia¬

politique.

L’objectif avoué de cette intro¬

liste, n° 25, etc.) ; d’autres encore

ans

des consignes d’action à la popu¬

la

après le Printemps », est de dé¬

lation ou des lettres ouvertes de

propagande, ils doivent utiliser la

montrer que, malgré la présence

militants

ruse, la fausse . naïveté, l’imperti¬

des

élections, n” 38 ;

nence parfois (par exemple dans

pression

veau silence sur les procès poli¬

« Rencontre avee un contre-révo¬

tion de ce

tiques en Tchécoslovaquie et où

lutionnaire

«

l’on

faire entendre.

ment, au retour en force des mé¬

Ed. I éd., 259 p.

diocres

Au moment où l’on fait à nou¬

à

nous

murmure,

gauche,

à

qu’après

droite

tout

et

Husak

est mieux qu’Indra. deux ouvrages

fond

et

des

une

spécialistes

»,

p.

197)

pour

se

Ce livre c’est au

analyse

normalisation

de

vivante

et

une

de

la

chronique

duction,

intitulée

troupes et

dit :

le

soviétiques, pays

la

la

n’est

».

de

ré¬

situa¬

nullement

Pelikan

régime

de

Cinq

l’isolement,

normalisée

coupé

«

sa

personnelle

est

socialiste

(Appel

sur

les

l’étonnante let¬

tre de Jiri Hochman au CC

du

PCT, n“ 16).

nous

Husak

l’opinion,

connus

est

L’opposition

position

incertaine,

une

collectifs viennent de paraître en

des débuts de l’opposition par des

opposition

France

la

gens

ce

et en même temps se différencie.

cette opposition peuvent diverger

».

métallo

sur de nombreux points : « na¬ ture sociale » des pays de l’Est,

qui

réalité

de

nous

la

Ouvrages

«

rappellent

normalisation

collectifs

singulier

puisque

Dubcek

J an

d’un

les

genre

auteurs

Palach,



Bartosek,

qui

pensaient

comme

d’Ostrova

Elle pose les vrais problèmes du

(p. 209i : « Je ne condamne pas en bloc les vingt dernières années,

pays, confronte les points de vue et — par les textes clandestins —

mais

soumet ses

d’une

c'est

usine

seulement

la

brève

analyses

Smrkovsky, Jiri Hochman et bien

période de janvier au mois d’août

d’ordre à l’opinion

d’autres...

qui

une

—,

n’ont

pu

se

ren¬

leur a donné

contrer pour confronter ou criti¬

sens

quer

idéaux

les

témoignages

qu’ils

ont

les uns et les autres soumis. Deux

ont

d’entre eux se sont suicidés, d’au¬

se

tres

sont

emprisonnés,

d’autres

et

leur

justification.

qu'on

jugeait

commencé réaliser

leur véritable

tout

sous

Les

utopiques à

coup

nos

à

propres

Le

partie

De

second

et

le

plus

impor¬

tant, « Ici Prague, Fopposition in¬

justifier

leurs

ouvertement

actes,

et

sans

de la

télévision,

ancien

membre

Tchécoslovaquie,

opposition,

vis des dirigeants de l’URSS, etc.

l’ouvrage



uns

sont



de

(les

les

plus

brefs

cris

messages

de

ra¬ de J an

18) ;

ses,

suicide,

d’autres

politiques

commun le

« 21

du

:

ne

août

pas 1968

de

des

Le premier, la

tel

ana¬

1969)

»

présenté

{août

1968-juin

par

l’historien

Pierre Broué, se compose d’arti¬ cles

ou

d’interviews

les

journaux Politika

l’aile .dite

parus

dans

« Reporter »

et

»,

hebdomadaires

de

«

progressiste

du

»

parti communiste tchécoslovaque, dans la brève période qui va de l’intervention

des

chars

russes

à

la chute de Dubcek. 11 ne s’agit donc pas de textes clandestins — même si les signa¬ taires

animeront

souvent

On

un

de

la

positions

et

qu’il

accord

l’un

pourrait,

des

premiers

sérieu¬

l’opposition

événe¬

l’exprimer

personnalité

Prague, août 1968

à

y

a

fondamen¬

suivantes 1. Le

en

l’image

du

documents

de

Tchécoslovaquie,

dans

les

: modèle par

dix

de

thèses

socialisme

Moscou

est

une

dénaturation du socialisme. 2. Ce modèle ne peut être dura¬

« Ecrits à Prague

censure

eux

développé

avoir accepté » et la mort

telle

5

« Printemps de Prague ».

sous

«

l’un

de

des

fouillées,

méthodiques, ou

sont

N°’

(comme cette étude passionnante

pays,

leurs

entre

au-delà

leurs

« Manifeste en 10 points » (n” 10),

leur

du Comité central du parti com¬ son

apparaît,

tal.

avant

muniste

de

il

vis-à-

Palach ou du poète Stanislas Neu-

risque les problèmes auxquels est Leur crime

attitude

man

confronté

pays.

ou non d’un parti communiste en

d’entre elle).

ment

leur

Dubcek, possibilité de renouveau

témoignages,

Les

de

de l’équipe

de

res

idées,

de

à

et faiblesses

de

et

d’analyser

(du moins

mérites

diversité

lyses

directeur

mots

représentants

Mais

térieure parle »(1), doit beaucoup ancien

ses

divers

divers.

à

Pelikan,

et

Les

nous donne des témoignages fort

sont empêchés de défendre leurs

Jiri

cette

désespoir

mains. »

encore surveillés et menacés par la police ou les mouchards. Tous

s’organise

ensuite

le « samizdat » tchécoslovaque —, mais de témoignages sur la façon dont des journalistes et des mili¬

blement imposé à un pays comme la Tchécoslovaquie : son degré de développement niveau

économique,

culturel,

ses

son

traditions

politiques l’interdisent. 3. Le socialisme « à visage hu¬ main

»

moyens

(la de

berté)

est

valable

collectivisation production la

seule

pour la

des

la

li¬

perspective

Tchécoslovaquie

et les autres pays de l’Est. 4.

11

ni

«

«

aux

n’y

années

pour

cela de a

dans

kadarisation

sion qui

aura

un

la

connu

50

» ».

les ni

Il

minimum

population. le

«

pays retour

faudrait d’adhé¬ Celle-ci,

printemps

»,

ne peut plus être abusée.

29 du 1" au 15 juin 1973

5.

l>a situation

pression

et

de

actuelle de ré¬ régression^ peut

durer

un certain

temps.

sition

le

doit

6.

sait

et

ront

dans

les

autres

produi¬

pays

satel¬

lites. Cela aidera le développe¬ ment de l’opposition tchécoslo¬ vaque

(ex.

:

les

événements

de

Pologne en décembre 1970). 7. (ex.

Tout :

changement

victoire

de

internationale lui est

répercussions favorables.

ble.

à

l’Ouest

l'Union

de

la

gauche en France), tout j)as vers

Tous

ceux

qui

officiels

indispensa¬ sont

favora¬

n°'

11, 27,

33), c’est

le

langage de la mort, l’abstraction

du socia¬

bles au socialisme doivent choisir

confuse,

lisme démocratique dé{)end d’une

leur camp : celui des « normali¬

côté de l’opposition, la langue est

«

sateurs » ou celui du socialisme.

vivante,

précise,

gré

colère

8.

L’oppo¬

s’adapter.

Des mouvements se

le socialisme aura également des La victoire finale révolution

Kremlin.

politique

L’opposition

»

en

au

Tché¬

On peut discuter, sur tel ou tel

me

savons qui dit vrai !

le peuple. Elle ne peut être éli¬

peut

suggérer

minée

tère

sûr

la

répression.

Elle

:

au

moins

celui

de

littéraire. Du côté

poursuivra sa tâche. 10. Le soutien de

l’opinion

lisateurs

»

(cf.

camp, un

la

des

on

mal¬

presque joyeuse. Si pensée et for¬

« thèses ». Mais à ceux qui hési¬ du

et,

du

l’indignation,

tent

choix

ces

imagée ou

jmsition soviétique. 9. L’opposition est ancrée dans

le

de

jargon ;

coslovaquie est solidaire de l’op-

sur

bien-fondé

pesant

point,

par

du

la

le

vont

de

pair,

cri¬

alors

nous

Daniel Marin

qualité

« norma¬

les

documents

1. Seuil, éd.

Politique

Au temps du Front populaire Jean-Pierre Rioux Révolutionnaires du Front populaire. Coll. 10/18 Bourgois éd., 444 p.

tombe

et contaminé les autres qu’à la fa¬

chez les anarchistes — était four¬

d’emblée à la fois sur un accord

veur des éphémères et exaltantes

nie

et un désaccord

conquêtes

A

ouvrir

ce

livre,

on

enseignants, les étu¬

de

fuse d’accoler l’épithète de « gau¬

l’Espagne rouge et noire. Chez les

gnificatif que la seule Fédération

chistes » aux minorités révolution¬

autres, on décèle une ambivalence

syndicale

naires

continue, qui ne s’est résolue chez

tionnelle dans la CGTU soit eelle

révolu¬

certains qu’avec la défaite acquise

de

tionnaires des années 1935-38 aux¬

du Front populaire en détestation

qui soit restée sur une ligne révo¬

quelles

de l’entreprise telle qu’elle avait

lutionnaire dans la CGT réunifiée

été conçue au départ. Les masses

soit celle des Techniciens. Et on

étaient

ne

:

: J.P. Rioux re¬

anarchistes,

pivertistes, il

trotskystes,

syndicalistes a

choisi

de

consacrer

son étude. Il n’est pas niable en effet que le « gauchisme » au sens originel, au sens léninien du mot — savoir un communisme spontanéiste, hoycotteur des Parlements et des syn¬ dicats, hostile même à toute orga¬ nisation structurée, — qui n’avait été

dans

les

années

précédentes

que le fait de minuscules groupes composés

en majorité

d’intellec¬

révolutionnaires

en

écrivait

:

mouvement, «

La

révolution fran¬

çaise est commencée.

» Fallait-il

adopter la stratégie du ment,

« du

Trotsky

Front

déborde¬

populaire

de

combat ? », ou dénoncer le Front populaire comme un piège au dé¬ part ? Les deux thèses ont été sou¬ tenues presque simultanément par les

mêmes

qui

appelaient

à

la

qui

soit restée opposi-

l’Enseignement,

saurait

oublier,

que la

si

l’on

seule

veut

prendre la température vraie des masses

de

cette

époque,

que

le

déplacement des voix au profit du Front populaire en avril-mai 1936 avait été inférieur à 3 %, et que les travailleurs

n’avaient montré

qu’un empressement limité à sou¬ tenir, même financièrement. l’Es¬ pagne

antifaciste.

constitution et au développement

Les hésitations des « révolution¬

de comités populaires, en fait des

naires du Front populaire » sont

résorbé dans l’anarchisme. Ce qui

soviets, lequels se seraient substi¬

également notables en matière de

est. en revanche, discutable, c’est

tués

lutte contre la guerre. Chaque me¬

tuels ouvriéristes, n’avait pas sur¬ vécu au 6 février 1934 et s’était

que

les

gauchistes

actuels

ont

aux

comités

pulaire

de

d’essence

Front

po¬

électoraliste,

nace de conflit précipitait — sauf

contrôlés par des staliniens bien

chez les

résolus à étouffer dans l’œuf toute

ment du « grève-généralisme » ou

Ils sont au contraire remarquable¬

virtualité

défaitisme révolutionnaire vers le

ment curieux de connaître l’action

bornait leur stratégie, comme le

pacifisme.

de ceux qui les ont précédés d’une

fait remarquer J.P. Rioux. Pour le

les en blâmer ? Les limites à leur

reste,

parve¬

action s’appelaient Hitler, Musso¬

beaucoup grossi, le style a changé,

naient qu’à grand’peine à se dé¬

lini, Franco. Leur désir passionné

la critique de la vie quotidienne,

gager des habitudes social-démo-

de répéter la révolution d’Octohre

le refus des habitudes bourgeoises

crates, les trotskystes ravagés par

et de refaire Zimmerwald les em¬

ont pris une dimension et une vi¬

des querelles et peu capables de

pêchait de reconnaître le fait na¬

rulence

mesure

penser sans la direction du Vieux

tional, dont ils niaient l’existence,

avec ce qu’elles étaient alors. Mais

restaient, sauf exceptions loeales,

au

la filiation est évidente

sans prise sur les masses. Au total,

lismes ». Plus d’un parmi eux de¬

sens, on pourrait parler de « gau¬

combien

Sûrement

vait en percevoir la nécessaire va¬

chistes du Front populaire » sans

pas plus de 10 000. Et quelle était

leur une fois venue la défaite, et

leur

les révolutionnaires du Front po¬

« éliminé de leur horizon politi¬ que l’explosion sociale de 1936 ».

trentaine d’années. Le nombre a

sans

commune :

en ce

abus.

révolutionnaire.

les

pivertistes

ne

étaient-ils ?

composition



sociale ?

se

J.P.

seul

trotskystes — le

Aussi

bénéfice

bien,

des

glisse¬

comment

« impéria¬

les

Rioux a raison de dire qu’on ne

pulaire ont fourni beaucoup moins

groupes en cause ? Tl faut mettre

sera tout à fait éclairé sur ce point

de collaborateurs et

à part les anarchistes, chez qui la

— et sur nombre d’autres — que

que les patriotes du temps de paix

perspective

lorsque

qui les avaient vilipendés ou ex¬

Qu’ont

30

par les

diants et les cols blancs. Il est si¬

donc

de

commun

révolutionnaire

était

s’ouvriront

les

archives.

à la fois permanente et lointaine,

Mais on ne prend guère de risques

mais qui n’ont vraiment approché

à dire que la dominante — sauf

d’attentistes

clus. Jean Rahaut

La Quinzaine Littéraire

THEATRE

Gilles Sandier

Le festival de Nancy Suite, ou fin ? Cinquante troupes, soixante spectacles, douze jours de mara¬ thon entre seize lieux scéniques, c’est beaucoup, c’est trop .On court et on consomme. Plus rien n’est ap¬ profondi, ni éclairé ; plus d’échan¬ ges, de rencontres, de communica¬ tion. Plus de fête non plus : la rue est triste, les spectacles sont dans leurs ghettos, coupés de la vie quotidienne. L’ennui s’installe. Le festival est en train de perdre une part de son sens. S’il veut redevenir ce qu’il était, un lieu vivant, autre chose qu’une foire aux spectacles, un retour aux sources s’impose, en tout cas une refonte sur d’autres bases que la simple consommation. Violemment contesté par les étu¬ diants d’extrême-gauche, de plus en plus mal supporté par une ville bourgeoise et un préfet ultra-réac¬ tionnaire (la provocation policière du 1" mai l’a montré), victime aussi de sa propre démesure et, de sur¬ croît, menacé vraisemblablement par le clan des Druon, le rassem¬ blement de Nancy (c’était le neu¬ vième en douze ans), est en danger. Il doit pourtant continuer : il demeure un lieu exceptionnel d’information sur l’état actuel du jeune théâtre mondial et il doit res¬ ter un lieu de rencontre possible entre différentes formes de cultu¬ res et de contestation. Dans ce lieu où, depuis les dé¬ buts la pratique théâtrale est tou¬ jours apparue comme liée à la vie des cités, sinon aux luttes poli¬ tiques elles-mêmes, l’apparente dépolitisation du festival, cette année, a frappé les observateurs et nourri la contestation gau¬ chiste. Il est très certain que pour qui a vu les Etats-Unis, par exem¬ ple, s’exprimer à Nancy à travers le « Bread and Puppet », ou le « Teatro Campesino » — des ouvriers agricoles « chicanes » —, les voir s’exprimer aujourd’hui à travers les pitreries narcissiques de Richard Gallo, fabricant sophisti¬ qué de happening à la mode de New York, qui démarque grossière¬ ment l’esthétisant Bob Wilson, ou à travers les exhibitions à l’es¬ broufe des travestis du « Godzilla Rainbow » de Chicago, ou la fausse violence contorsionnée et fausse¬ ment érotique de l’exercice grotowskien produit par le lowa Thé⬠tre Laboratory, cela est chose navrante, quoique significative. Il

est très vrai aussi que, à part dans le cas des troupes d’Amérique la¬ tine, il est rare que le contenu des spectacles ait été explicitement, immédiatement, politique ou social. Mais c’est là sans doute le signe d’un état actuel du théâtre dans le monde, c’est sans doute le signe que, en Europe en tout cas, le théâtre s’interroge aujourd’hui, et probablement avec scepticisme, sur son pouvoir en matière poli¬ tique, et sur les modalités les plus justes de son intervention. Peut-on nier que l’expression des fantas¬ mes, des désirs, des névroses, des transgressions de toutes sortes, du sexe en somme dans toutes

ses implications — et cela à travers des langages, des formes, des structures théâtrales nouvelles, bri¬ sant les anciens codes — peut avoir aussi valeur et signification révolutionnaires ? Peut-on nier, par exemple, que la pièce de Guyotat, « Bond en avant » (jouée à la Cartoucherie de Vincennes, nous y reviendrons), qui a fait pousser partout des cris d’orfraie parce qu’elle secoue l’inconscient des assis, est plus « révolutionnaire » qu’une représentation très classi¬ que d’une pièce de Brecht, d’ail¬ leurs désarmorcée aujourd’hui, comme « Têtes rondes et têtes pointues » ?

Sur le thème de la violence Dans un monde où la violence exercée par les uns sur les autres, à quelque niveau et dans quelque ordre qu’elle se situe, est le pro¬ blème premier, tous les specta¬ cles que nous avons vus — et c’étaient les plus forts — s’orga¬ nisant sur ce thème de la violence témoignaient de façon juste sur le monde qui est le nôtre. Le recours à Sade (« Les cent vingt journées de Sodome » par le groupe italien Beat 72 ; je n’ai pas vu le spec¬ tacle, mais on me l’a dit remar¬ quable) est significatif. Mais à cet égard le spectacle le plus éton¬ nant du festival a peut-être été le spectacle du groupe anglais Rat, « Blindfold » (« Le Bandeau »). L’authentique cruauté de ce spec¬ tacle, sa véridique brutalité (les coups que l’on s’y donne ne font pas semblant), la force de signifi¬ cation érotique de cette mêlée sadomasochiste sont difficilement imaginables. Un bossu à béquille, dégénéré, ricanant et débile, sorti de chez Jérôme Bosch, torture sys¬ tématiquement, lentement, à coups de béquille et de fouet, trois pri¬ sonniers en guenilles, enfermés là, les yeux bandés, depuis leur nais¬ sance. Pas de texte, des sons, des plaintes, des cris. Et, là-dessus, les rapports premiers de domination, d’inquisition, de torture érotique, de tendresse aussi — dévoyée, désespérée — se dessinent sous nos yeux, comme dans ces « re¬ tours à la première nature » que

chérissait le XVIII” siècle. Comme si ces auteurs voulaient devancer l’ordinaire « imposture » thé⬠trale (jeu, donc bluff ; fiction, donc « bidon ») ils livrent leurs corps — jusque dans le plus intime — aux coups et aux regards des voyeurs que nous sommes, dans une oblation totale ; la « passion » n’est pas loin, l’acteur ne joue plus : son corps griffé, rouge de coups, parfois de sang, l’acteur devient martyr. Je n’ai jamais vu spectacle aussi « sexuel » et si loin de la pornographie. Corps de pitié, hallucinants. Obscénité sau¬ vage et tendre, presque pudique. C’est étonnant. Autre image de l’horreur moins inattendue, celle-là, pour qui a vu « Akropolis » de Grotowski : « Ré¬ pliques », le spectacle de Josef Szajna, qui collabora fortement à « Akropolis » et qui dirige le « Teatr Studio » de VarsovieAuschwitz est toujours là, immémorialement présent, et à exorci¬ ser. Monceaux d’ordures jonchés de débris humains d’où sort peu à peu un bras, une jambe, un corps : une vie larvaire. Reste navré de l’horreur concentrationnaire avec un robot électronique parcourant, comme le cheval de la mort, dans les allégories de son « Triomphe », un charnier dont il dépend encore de nous — c’est ce qu’on veut nous dire — qu’il redevienne la Terre des hommes.

Ce « Triomphe de la Mort » — immense drap noir recouvrant tous les spectateurs, cependant que deux poupées géantes, noires et blanches, se dressent sur la scène qu'elles envahissent entièrement — c’est aussi par quoi se termine le magnifique spectacle de la troupe brésilienne « Pao et Circo », sur la pièce de Brecht « La Noce chez les petits bourgeois ». Carnaval dément d’une société devenue folle, délire de violence et de dérision, corps arrosés de vin et de tartes à la crème, fornications sur scène et dans la salle : baro¬ que exhibition où le « monstre » est toujours présent, et qui nous donne à voir, à pressentir, magis¬ tralement, l’Allemagne qui allait enfanter Hitler. L’utilisation du rituel théâtral de la violence dans le spectacle japo¬ nais de la troupe Wasedo-Shogejiko (« Sur les passions drama¬ tiques Il ») est de nature différente. Dans ce spectacle passionnant, et très beau, Suzuki, le metteur en scène, usant d’un instrument pro¬ prement prodigieux, l’actrice Kayoko Shiraishi, et tournant le dos résolument au théâtre moderne japonais de type occidental, opère un retour critique au kabuki, pra¬ tique un usage « distancié » des formes traditionnelles du théâtre japonais, se livrant du même coup à une « relecture » presque brechtienne du jeu dramatique corporel. Il s’agit d’un collage fait de mor¬ ceaux de vieux mélodrames et comédies à démons des XVIIT et XIX' siècles, sur le thème de la violence passionnelle (princesses trahies, geishas abandonnées, ja¬ lousie masculine poussant jusqu’à l’absurde le masochisme, etc.). Empruntant au kabuki une thé⬠tralité de la cruauté de nature à répondre à nos préoccupations de contemporains d’Artaud, collant làdessus des chansons populaires, complaintes des années 20, « tu¬ bes » d’aùjourd’hui — niaiserie romanesque véhiculée par les mass media — introduisant dans le jeu, comme éléments de distance cri¬ tique, des objets quotidiens (cou¬ peret, lampe électrique, rouleau de papier hygiénique, etc.), il parvient à cet étonnant résultat multiple de dénoncer les mécanismes de l’aliénation passionnelle des Japo¬ nais de l’ère féodale, de révéler

31 du 1" au 15 juin 1973

de façon critique les infrastructu¬ res populaires de l’imaginaire col¬ lectif des Japonais d’aujourd’hui, tout en rappelant à la fois le fon¬ dement passionnel du vieux code théâtral japonais, et peut-être de tout acte théâtral. Il se sert d’un code (la gestuelle traditionnelle) pour le transgresser, le violer et en tirer une parole vivante, écrite par le corps de l’actrice. C’est superbe d’intelligence. Au milieu de toutes ces images diverses d’un monde en désordre, aliéné, cassé — chaos et vio¬

lence — le danseur indonésien Sardono, et son disciple (aidés de quelques camarades), nous propo¬ sent soudain, comme un entracte pur, d’entendre, le temps d’un songe, la musique des sphères. Deux heures de silence habité. Ombre du monde archétypal pro¬ jetée sur le fond de la caverne, un monde platonicien, apollinien, apparaît, puis s’éteint. Le Beau absolu. On sort de là ayant honte du poids de son corps, du grossier de nos gestes, du vain bruit de notre parole, tant ces deux dan¬

seurs, dans une relation parfaite¬ ment socratique entre eux, parvien¬ nent à faire de leur corps, du moindre geste du doigt, du mou¬ vement d’une seule jambe, la figure subtile et pure d’un monde en ordre, où l’apparence et l’essence, l’éternel et l’instant, l’intelligible et le sensible, la présence et l’ab¬ sence, coïncideraient. Un monde humain aussi Eros n’est pas absent, et il sourit, d’un sourire millénaire qui vaut bien celui de notre ange de Reims. J’ai vu quel¬ quefois des Ballets de Bali. Il est

vrai que, depuis le moment où ils avaient illuminé Artaud, le marché du théâtre les a sans doute ren¬ dus au folklore. Je n’avais jamais vu, comme cette fois, avec tant de sérénité, de retenue, de simpli¬ cité et d’humour, deux acteurs dessiner devant nous, aussi pure, la figure du monde. Pour de tels moments, et d’au¬ tres, il faut que Nancy continue, mais redevienne une fête, ouverte sur la vie de tous les jours. Gilles Sandler

Théâtre

Shakespeare (théâtre du VIIT, Lyon)

Chariot joue Hamiet

Maréchal, donc, joue Hamiet. Cela étonne. « Chariot joue Carmen. » Qu’un acteur habité, comme lui, ait voulu jouer, étant encore dans l’âge, ce résumé mythologique des questions que, depuis quatre siècles, se pose à lui-même l’homme d’Occident, ce personnage de théâtre gros de toutes les significations possibles, il devait en être ainsi. Shake¬ speare y gagne, et nous aussi. Le spectacle est inégal ; pourtant l’œuvre, en lui, sur le fondement solide d’une analyse qui le struc¬ ture bien, prend vie nouvelle. D’abord la traduction de Ray¬ mond Lepoutre, qui fut, avec François Bourgeat, le conseiller dramaturgique de l’entreprise, cette traduction, vilipendée avec quelque légèreté par la plupart de nos confrères, fera date sans doute dans l’histoire des traduc¬ tions de Shakespeare, et ce n’est pas merveille si un homme de théâtre aussi savant que Vitez en matière de linguistique a choisi ce texte comme matière d’exercice pour sa classe du Conservatoire. Refusant toutes les approximations jolies de la para¬ phrase poétique, ce texte escarpé, dur, rugueux à la bouche, est un mot-à-mot savant et strict, à midistance des deux langues, ou plutôt retrouvant dans l’écriture le mouvement de la parole an¬ glaise — la langue française se faisant « l’hôte » de l’anglaise, pour reprendre un mot de Massignon cité par Lepoutre —, gar¬ dant tout, à la fois du rythme de la phrase et de l’ambiguïté des significations ; texte baroque, chaos logique d’images rocailleu¬ ses, parole quotidienne et sophis¬ tiquée ; la parole de Shakespeare. Il est vrai que ce texte, autant il est un matériau superbe dans une bouche qui sait trouver jouissance à tirer du mot proféré son intelli¬

gibilité, devient aisément chara¬ bia dans des bouches moins ha¬ biles, ce qui est le cas, malheu¬ reusement, pour un certain nombre d’acteurs. Ce texte abrupt renvoie l’image du monde dur, et en désordre, dont la scène est le lieu. Au fond d’une sorte de puits, souricière à la paroi haute, lieu piégé, troué de portes qui s’entrouvrent, où chacun espionne l’autre, où la solitude même est peuplée d’om¬ bres et de mains ennemies, s’agi¬ tent en vain autour d’un trône, et coincés comme des rats, les puissants de ce royaume de Dane¬ mark, où quelque chose est pourri sans qu’on puisse être sûr que l’arrivée rutilante et solaire des blonds héros de Fortinbras doive instituer un nouvel ordre, une harmonie nouvelle. Sur les ruines du vieux monde médiéval écroulé les temps nouveaux, avec, pour bible nouvelle, la loi de la vio¬ lence et du profit, et le doute en guise de foi, ont de quoi faire peur. C’est cette histoire pleine de bruit et de fureur, que va nous raconter Horatio (remarquable Pierre Tabard), le livre à la main, en commençant par la dernière image, celle de l’hécatombe, qu’on retrouvera à la fin, une fois bouclée la boucle, dans l’ad¬ mirable rituel du duel et de l’extermination, mimé au ralenti par les acteurs cependant qu’Horatio, le diseur survivant, lira, comme un récit, le texte de la scène. Ce que la mise en scène, mal¬ heureusement, n’est pas parvenue à traduire, c’est l’intention des auteurs du spectacle de nous montrer, comme ils disent, que « ce qui se passe dans l’intime de chacun des personnages prin¬ cipaux n’est que le grossissement d’une violence généralisée qui affecte la société tout entière ;

Hamiet

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dans la rue, chacun épie, chacun est devenu un assassin en puis¬ sance : voyeurs et meurtriers peu¬ plent la cité de leurs regards masqués et de leurs meurtres im¬ prévisibles ». Pour nous dire cela, quelques figures masquées, làhaut, sur la galerie circulaire qui surplombe le piège, s’agitent vaguement, mimant, de temps à autre, des meurtres : contorsions mal réglées, approximatives, sans nécessité, ni rigueur, ni beauté, donc sans signification ; cela est raté.

Le triangle essentiel Heureusement ce qui se passe dans le fond du piège — l’ins¬ cription, dans l’espace, de la figure tragique — a une autre cohérence. Ce qui est le plus fort en effet, et le plus nouveau, dans cette mise en scène, c’est la conception du triangle essen¬ tiel : Hamiet — le roi — la reine, et le personnage d’Ophélie. Pas d’adolescents ; de jeunes hom¬ mes, une jeune femme, une vieille reine. Gigolo de cette reine qui pourrait être sa mère comme elle est celle d’HamIet, Claudius, joué avec une grande maîtrise par Bernard Ballet, Claudius, double d’HamIet — 30 ans, comme lui —, double bâtard, grossier, empêtré dans son crime et le dédale du Pouvoir comme Hamiet dans sa difficulté d’être, a usurpé la place d’HamIet sur le trône, et dans le lit de sa mère. Tous deux, comme rOreste de Sartre, ont à « inven¬ ter leur chemin » dans un monde où il n’y a plus d’évangiles ni de codes, et tous deux, enfants vieillis, également seuls et nos¬ talgiques de leur enfance, devant les actes à accomplir et la réalité

adulte où s’incrire, sont égalements impuissants. Entre les deux, commune aux deux, et étrangère aux deux peut-être, la mère, dont Tatiana Moukhine accuse un peu trop sans doute le caractère absent, traverse comme somnam¬ bule, ou droguée, et comme déjà morte, un réel qui déjà semble ne la concerner plus. Ce jeu triangulaire, ainsi cons¬ truit, est fascinant. Maréchal, par instants peut-être un peu gênê aux entournures par une « dramatur¬ gie » qui lui impose sa rigou¬ reuse mais nécessaire discipline, éclatant par bouffées dans des instants qui sont d’autant plus sublimes qu’ils naissent d’une plus grande retenue, a. Dieu merci, rompu (tout en gardant au personnage sa sensibilité, sa vi¬ bration) avec les oripeaux de l’imagerie romantique, on s’en doute : trapu, charnu, charnel, corps pesant de son vrai poids sur le monde pendant que, dans sa conscience, se creuse le ver¬ tige, bouffon, enfantin et tendre — il y a toujours du Chariot en lui —, homme parmi les hommes même s’il sait qu’il n’y a personne pour lui répondre, même pas ce spectre (que d’ailleurs on ne voit pas), ne livrant rien de sa quête anxieuse, que ce que nous en dit un sourire complice et énigmatique à la fois. Maréchal, drapé dans sa robe des fous, ou en manteau de velours noir, tirant un moment les fils d’une petite marionnette à son image. Maré¬ chal est l’Hamlet le plus fraternel qu’il m’ait été donné de voir. Quant à Catherine Sellers — au diable la gamine préraphaélite avec ses fleurettes, ses nénuphars et ses voiles sur les eaux —, jeune femme ardente et lucide, aux yeux comme la nuit claire, conscience tendue comme la corde que touche l’archet, et qui,

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bientôt va se rompre, elle est simplement prodigieuse. L’ensemble de ce spectacle, baroque, parfois carnavalesque (la scène des deux clowns fos¬ soyeurs, avec J.-J. Lagarde et Philippe Bianco, remarquables tous deux, a une merveilleuse extravagance), est profondément fidèle à l’esprit élisatjéthain. Dom¬ mage que trop d’acteurs — la plupart des seconds rôles —, soient très insuffisants, insuffi¬ sante aussi une direction d’acteurs trop négligente. Il est urgent que Maréchal ne se fie plus à son

seul génie d’acteur pour régir une mise en scène, urgent aussi qu’il constitue enfin une troupe homo¬ gène, cohérente. Les éclairages aussi sont négligés, la musique enregistrée (pas celle qui est jouée sur scène à la flûte et au luth) est une « musique de scène » terriblement convention¬ nelle. Je ne fais pas mienne non plus les louanges unanimes qui ont salué les décors et costumes de Pignon ; même si l’idée des cos¬ tumes et décors « bleu de gel, bleu EIseneur », est une bonne

idée, même si l’idée de la toile de fond, représentant un immense regard épiant, est aussi une idée possible, il n’en reste pas moins que tout cet ensemble décoratif sent le TNP des années 50, tra¬ vail de peintre, parquet de scéno¬ graphe ; ce trône en carton-pâte est insupportable comme les tê¬ tes d’oiseaux en carton des gar¬ des du r'' acte ; en 15 ans, la scé¬ nographie, le travail sur les ma¬ tières, a singulièrement évolué. Pignon semble l’avoir ignoré ; les costumes tiennent mal sur la scène, et son décor fait toc ; tout

cela est un peu vieillot, c’est l’ul¬ time déconvenue de l’esthétique des ballets russes. Même si les excès esthétisants de certains spectacles à la mode, parfaitement léchés ont souvent de quoi irriter, même si je leur préfère la géné¬ rosité de Maréchal, avec ses négli¬ gences, il est malheureux pourtant que les négligences de Maréchal metteur en scène nous gâtent un peu un plaisir que Maréchal acteur est le seul à nous donner si grand.

Gilles Sandler

BIBLIOGRAPHIE

Livres publiés du 5 au 20 mai ROMANS ET RECITS FRANÇAIS Michel Bédu La vie dure Albin Michel, 316 p., 24 F L’itinéraire d’un humilié : un premier roman à la verve âpre, au style exubérant. Jean Chalon Une jeune femme de soixante ans Fayard, 285 p., 22 F L'histoire d’amour d’une fringante sexagénaire et d’un brocanteur de trente ans. Jean Chatenet Ma chair entre mes dents Seuil, 300 p., 29 F Après six années vécues en Afrique, le narrateur revient à Paris Jeanne Cressange Mourir à Djerba Denoël, 221 p., 22 F A Djerba, île berbère, île des lotophages, une jeune Française a été assassinée l’enquête en révélera la figure complète et pathétique. Annie Guéhenno La Maison vide Grasset, 272 p., 24 F Un récit grave et tou¬ chant, placé sous cet exergue de Dostoïevski : « la souffrance, mais c’est l’unique source de la conscience ».

Michel Honorin Bail à céder rue Saint-Séverin Laffont, 187 p., 22 F Revenu à Paris après quinze ans de coups durs, un grand reporter raconte ce qu’il trouve entre les deux femmes qu’il aime : ce n’est pas le repos... Simonne Jacquemard La Thessalienne Seuil, 309 p., 48 F Au siècle de Périclès et de Socrate, Athènes est une cité prestigieuse mais déjà tarée, et Alci¬ biade, l’un de ses fils les plus doués et le plus scandaleux. Un ro¬ man éclatant et savant. Jean Muno La brèche Libr. Saint-Germain-desPrés, 182 p. Des nouvelles entre chien et loup, entre poi¬ vre et sel, entre amer¬ tume et douceur. Stève Non Imago Balland, 158 p., 19 F 50 Alain Daffodyl, orphelin solitaire des années 50, invente pour les besoins de sa cause personnelle ce qu'on nomme au¬ jourd’hui l’art concep¬ tuel. Claude Ollier Enigma Gallimard, 211 p., 24 F Difficilement guéri d’un grave traumatisme, un

astronaute de la planète Iota est envoyé en con¬ valescence sur Terre, dans une cité du Sou¬ dan où il rencontre « ceux de l’herbe ». Nouvelle étape dans le cycle de fiction scienti¬ fique entrepris par l’au¬ teur. Jean-Guy Rens La mort du Coyote L’Herne, 351 p., 32 F Entre New York et Lon¬ dres, Montréal et Ge¬ nève, un jeune Canadien chasse... ce qui reste à chasser dans les dé¬ serts d’Occident. Geneviève Serreau Ricercare Les Lettres Nouvelles Denoël, 240 p., 25 F Voir ce numéro. Elie Wiesel Le serment de Kolvillàg Seuil, 255 p., 27 F Unique revenant de Kolvillàg, un vieillard raconte à un enfant le pogrom apocalyptique qui anéantit cette petite ville.

ROMANS ET RECITS ETRANGERS Ingeborg Bachmann Malina trad. de l’allemand par Ph. Jaccottet Seuil, 280 p., 30 F Une lente descente aux enfers de la féminité, au cours de laquelle le

récit se construit à me¬ sure que la narratrice se détruit. Adoifo Bioy Casares Nouvelles fantastiques trad. de l’argentin par Fr.-Marie Rosset Laffont, 345 p., 25 F Le fantastique, selon l’auteur de « L’Invention de Morel », ignore l’in¬ solite et se trouve à l’opposé de l’extraordi¬ naire. Erskine Caldwell Le quartier de Medora trad. de l’américain par M. Tadié Albin Michel, 255 p., 24 F Une veuve joyeuse scan¬ dalise le beau quartier d’une petite ville du Sud. Wolfang G. Fischer Appartements trad. de l’allemand par M.-L. Audiberti Gallimard, 202 p., 22 F Une « histoire de l’Au¬ triche » ces trois der¬ niers quarts de siècle, évoquée par l’intermé¬ diaire de domiciles dé¬ crits avec un raffinement ironique. Hermann Hesse Le dernier été de Kitngsor trad. de l’allemand par Ed. Beaujon Calmann-Lévy, 290 p., 24 F Recueil de quatre nou¬ velles écrites par ce

grand écrivain allemand entre 1906 et 1919.

POESIE André Frénaud La sorcière de Rome Gallimard, 56 p., 15 F La Rome mythique, païenne, et quotidienne est la « Grande nourri¬ cière » de ce beau poème. Ghérasim Luca Le chant de la carpe Soleil Noir, 107 p., 15 F Sur « le vide-papier », quelques mots écorchés jouent âprement aux échecs. Georges Schehadé L’écolier sultan suivi de Rodogune Sinne Gallimard, 115 p., 18 F Réédition des premiers poèmes de l’auteur, pa¬ rus en 1947 chez G.L.M., et d’un petit roman poé¬ tique.

LITTERATURE, HISTOIRE ET CRITIQUE LITTERAIRES Françoise Barteau Les romans de Tristan et Iseut Collection L Larousse, 320 p., 29 F 65 Introduction à une lec¬

ture plurielle. Un essai expérimental. Mathilde Bensoussan Ecrivains de Catalogne Les Lettres Nouvelles Denoël, 279 p., 24 F Panorama et anthologie de la très vivante littéra¬ ture catalane durant les cinquante dernières an¬ nées. Michel Deguy Tombeau de Du Bellay Coll. Le chemin Gallimard, 234 p., 25 F Du Bellay, qui fut bien plus mais fut aussi un pétrarquisant raffiné, de¬ vait, au couchant très rhétorique de notre siècle, être lu par un poète « poéticien ». Henri Guillemin Précisions Gallimard, 400 p., 41 F Le champion de la polé¬ mique érudite inaugure ou prolonge les sentiers de sa guérilla sur les territoires nommés Vol¬ taire, Chateaubriand, La¬ martine, Hugo, Vallès, Péguy, etc. Jules Janin L’Ane mort (1829) suivi de La confession (1830) Nouvelle bibl. romantique Flammarion, 319 p., 36 F L’aimable et abondant Janin doit à ces deux « péchés de jeunesse » non dépourvus de noir¬ ceur ni de frénétisme, le

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plus clair de sa survie. Intéressante introduction de J.-M. Bailbé. Françoise Laugaa-Traut Lectures de Sade Coll. U prisme Armand Colin, 364 p., 15 F Trois couches histori¬ ques se trouvent ici dé¬ gagées une lecture contemporaine de Sade; une lecture de l'œuvre alors qu'elle est introu¬ vable et maudite ; l'en¬ trée de Sade dans la culture. Pierre Kyria Jean Lorrain Coll. Insolites Seghers, 143 p., 32 F Cet élégant cahier illus¬ tré donne un portrait biographique et une lec¬ ture critique d'ensem¬ ble du père, aussi truculent que décadent, de « M. de Phocas >>. Claude Mettra Rabelais Secret Grasset, 283 p., 23 Rabelais et sa « initiatique » ; un foisonnant d'idées sa concision.

F 90 folie essai dans

Etudes baudelairiennes III La Baconnière, Neuchâtel, 295 p. Florilège érudit, et exé¬ gèses de détail d'un vif intérêt, regroupant des baudelairiens de tous pays ; recueil offert à W.-T. Bandy, l'auteur de « Baudelaire jugé par ses contemporains ».

CONFESSIONS, SOUVENIRS Jean Grave Quarante ans de propagande anarchiste Flammarion, 605 p., 45 F Edition nouvelle, et cette fois intégrale, des mé¬ moires de Jean Grave Marcel Jouhandeau Paulo minus ab angelis (Journaliers XVIII, 1964-65) Gallimard, 276 p., 23 F A l'âge où l'on interroge la face de la camarde, Narcisse n'y contrevient pas, toujours penché sur son miroir. Yukio Mishima Le soleil et l’acier trad. de l'anglais par T. Kenec'hdu Gallimard, 145 p., 15 F Méditation personnelle et testamentaire du grand écrivain japonais : le cheminement d'une conscience, qui devait aboutir à un suicide ri¬ tuel et public. Fernande Olivier Picasso et ses amis Stock, 231 p., 25 F Réédition de ces souve¬ nirs pleins de vie sur le Picasso d'avant 1914,

PHILOSOPHIE, SAGESSE Jacob Boehme Confessions

Coll. Documents spirituels Fayard, 304 p., 42 F Cette intelligente compi¬ lation fait apparaître en un corpus cohérent la philosophie spirituelle du grand illuminé alle¬ mand (1575-1624).

trad. de l’espagnol par A. Barbaste Maspero, 263 p., 38 F Contribution à l'étude des rapports du socia¬ lisme et de la « folie » : comment les Chinois abordent et résolvent le problème de la maladie mentale.

humaines Gallimard, 462 p. + 40 h.t., 57 F Survol historique et géo¬ graphique des rapports de l’homme et de la terre ; analyse de cas anglais et américains ; bilan des risques ac¬ tuels.

Jacques Bril L’invention comme phénomène anthropoiogique Klincksieck, 191 p., 28 F Une réflexion épistémo¬ logique sur la notion de progrès, les fondements psychologiques de l'acte créateur et ses caracté¬ ristiques sociologiques.

Evans-Pritchard Parenté et mariage chez les Nuer trad. de l’anglais par M. Manin Payot, 222 p., 38 F 40 Une nouvelle étude de l’ethnologue spécialiste de cette peuplade du Soudan méridional.

G. Tucci et W. Heissig Les religions du Tibet et de la Mongolie Payot, 513 p., 66 F 70 Origines du bouddhisme tibétain ; lamaïsme, tan¬ trisme, vie monastique, religion populaire, cha¬ manisme, cultes divers ; une savante synthèse.

Dr Ernest Jones Essais de psychanalyse appliquée Payot, 266 p., 42 F 40 Ce recueil d’études courtes et concrètes contient entre autres le célèbre article sur la psychologie du joueur d’échecs Morphy.

S.P.K. Faire de la maladie une arme trad. de l’allemand par G. Leverve et L. Weibel Champ Libre, 158 p., 19 F Le « Collectif Socialiste de Patients », constitué en 1970 dans une clininique universitaire de Heidelberg poursuivit une tentative de radica¬ lisation du courant anti¬ psychiatrique, dont ce petit livre donne l’expo¬ sé et le bilan.

Elisabeth de Fontenay Les figures juives de Marx Ed. Galilée, 150 p., 19 F A la recherche des tra¬ ces, en creux ou en relief, du judaïsme dans la pensée de Marx. Sarah Kofman Caméra obscura. De l’idéologie Ed. Galilée, 97 p., 17 F De quelques idéologies (Marx, Freud, Nietzsche) considérées comme la chambre obscure qui « donne la véritable perspective des objets ».

PSYCHANALYSE, SCIENCES HUMAINES Gregorio Bermann La santé mentale en Chine

Jacques-André Lavier Médecine chinoise, médecine totale Grasset, 216 p., 22 F Les bases doctrinales sur lesquelles repose la médecine traditionnelle telle qu’elle se pratique en Chine depuis trois millénaires. Max Nicholson La révolution de l’environnement trad. de l’anglais par P. Rocheron Bibl. des sciences

Roger Caillois La dissymétrie Gallimard, 90 p., 15 F Réflexion excitante et subtile dont un fil con¬ ducteur consiste en l'op¬ position de la dissymé¬ trie à l'assymétrie, un autre, en celle de la gauche et de la droite. Curtis Cate Saint-Exupéry trad. de l'américain par P. Rocheron et M. Schneider Grasset, 559 p., 48 F Une biographie « à l’américaine » minu¬ tieusement anecdotique, enjouée et, au demeu¬ rant, intéressante. Guy Dumur Delacroix, romantique français Mercure de France, 213 p.. 21 F Où l’on nous fait passer un quart d'heure agréa¬ ble avec un « grand fauve » du Romantisme. Hilda Jolivet Varèse Hachette, 206 p., 28 F En même temps qu’une introduction à l’œuvre du grand musicien Edgard Varèse, ce petit livre est un essai bio¬ graphique nourri de sou¬ venirs.

histoire, BIOGRAPHIES, ESSAIS Jean-Paul Aron Le mangeur du XIXe siècle Laffont, 368 p., 32 F

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Les manières de table, les styles du repas, et la mythologie du bienmanger à Paris et en province depuis la Ré¬ volution.

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CINEMA

Michel Ciment

Cannes, le festival de l’inconfort L’éventail des films présentés à Cannes (près de 400 longs mé¬ trages) est trop large, il recouvre des tendances trop diverses pour ne pas révéler, au-delà des erreurs de sélection, la situation présente du cinéma mondial. 1973 témoigne à cet égard d’un malaise général, qui trouve un écho dans la décep¬ tion des festivaliers. Le durcisse¬ ment culturel des pays de l’Est (la Yougoslavie vient après tant d’autres d’effectuer son épura¬ tion), la fascisation accélérée de certains pays comme le Brésil, d’où avait émergé un cinéma neuf et révolutionnaire, les impasses théoriques où s’enferment tant de jeunes cinéastes lassés par le ci¬ néma-spectacle, l’absence de dé¬ bouchés et de circuit de distribu¬ tion pour les œuvres marginales, les hésitations du cinéma politique après mai 1968, expliquent sans doute partiellement cette impres¬ sion de piétinement que l’on res¬ sentait à l’heure des bilans. L’in¬ croyable gâchis de la sélection of¬ ficielle. l’absence totale de lignes directrices ne pouvaient qu’accen¬ tuer ce sentiment de malaise. Tout se passe comme si Maurice Bessy, directeur du Festival, avait voulu jouer la carte de la qualité pour son entrée en fonction l’an dernier et décidé l’année suivante de laisser grandes ouvertes les portes de la facilité et du commerce. Comment expliquer autrement l’af¬ fligeante pauvreté (à une ou deux exceptions près) des sélections italiennes et américaines qui domi¬ nèrent les récentes compétitions ? Electra Glide in Blue de James Guercio et Jeremy d’Arthur Barron, représentent les deux pôles les plus détestables de la production yankee ; une agressi¬ vité formelle mêlée à une pseudo critique sociale dans le premier cas, un néo-romantisme sirupeux à la « Love story » dans le se¬ cond. Film d’Amore e d’anarchia de Lina Wertmüller et Bisturi la Mafia Bianca de Luigi Zampa sont la caricature de deux tendances particulièrement fécondes du ciné¬ ma de la péninsule : la comédie de mœurs et le film-constat. La vulgarité et la démagogie s’y donnent libre cours et donnent par contraste un relief indiscutable à Vogliamo I colonelli (Nous vou¬ lons les colonels) de Mario Monicelli, sous-estimé par la critique.

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qui traite allegro vivace d’un putsch à la Z, fait feu de tout bois pour dépeindre certains milieux fascistes italiens avant de débou¬ cher sur une fine analyse politique qui montre la droite la plus clas¬ sique utilisant le coup d’état man¬ qué pour réduire la gauche au si¬ lence et supprimer les libertés.

Trois films originaux On s’explique d’autant moins de tels errements dans la sélection officielle, que cette année, aucun pays ne pouvait imposer un film de son choix, la direction du fes¬ tival se réservant toute liberté dans la désignation des films en compé¬ tition. A cet égard, le comité de sélection français — indépendant du gouvernement et du festival — ferme et courageux, a su corriger les fâcheuses impressions des an¬ nées précédentes, en proposant trois films originaux, un long mé¬ trage d’animation de Laloux et Topor, La Planète Sauvage, et deux œuvres provocatrices, qui doivent cuire au visage de M. Druon, comme deux gifles bien assénées : La Maman et la Putain de Jean Eustache, et La Grande Bouffe, de l’italien Marco Ferreri. Elles eurent le mérite de provo¬ quer des polémiques et — signe encourageant — rallier tout compte fait davantage de suffrages que des produits aseptisés comme Les Feux de la Chandeleur ou Chère Louise, que nous vîmes l’an dernier. Mais un groupe de sélectionneurs décidés à encourager la nouveauté et représentant une variété de tendances (formule à notre sens la plus démocratique et la plus positive) ne peut rien face à un appauvrissement de la production. C’est ce qui semble être arrivé aux membres de la semaine de la critique, si l’on considère la faiblesse presque générale des œuvres proposées, accentuant un déclin déjà visible l’an dernier. Aucun cinéaste de l’originalité d’un Bertolucci, d’un Perrault, d’un Makavejev, d’un Kramer, d’un Skolimowski, d’un Loach révélés depuis dix ans. Il faut saluer les docu¬ ments rapportés du Japon par Yann le Masson et Benie Deswarte dans Kashima Paradise et leur explica¬

tion par le commentaire de Chris Marker. Une séquence saisissante — la bataille sur les glaces d’Alexandre New/ski filmé en direct — montre les paysans armés de pierres qui s’attaquent aux poli¬ ciers protégés par d’immenses boucliers. Il faut saluer aussi Le Charbonnier de Mohamed Bouamari, œuvre lente de rythme, ru¬ gueuse et austère, qui sait peindre les conditions de vie d’une famille dans la meilleure tradition néo-réa¬ liste mais aussi analyser les nou¬ veaux rapports sociaux, économi¬ ques de l’Algérie indépendante. C’est la Quinzaine des réalisa¬ teurs, plus libre dans ses critères de sélection (la semaine de la critique ne choisit que des pre¬ miers ou seconds films), qui a le mieux su explorer les nouvelles tendances du cinéma. Outre la recherche personnelle d’un Robert Lapoujade dans sa vo¬ lonté de déconstruction (le Sourire vertical), ou d’un Jean-Marie Straub dans son élaboration opi¬ niâtre d’un art minimal (Leçons d’Histoire d’après Brecht), per¬ mettait de découvrir Some Call it Loving de James B. Harris, conte de fée érotico-poétique où un jeune homme achète dans une foire une belle au bois dormant, pour l’emmener vivre dans une maison modem style en compa¬ gnie de deux disciples de Saphos. James B. Harris, collaborateur de Stanley Kubrick pendant dix ans, déroule sur l’écran ses phan¬ tasmes avec un art raffiné. Denys Arcand, avec Régeanne Padovani, a signé son œuvre maî¬ tresse, qui aurait eu sa place (ô combien) en compétition. Dans un style épuré, classique, déjà ac¬ compli dans la Maudite Galette, Denys Arcand dépeint, à l’occasion d’une soirée mondaine entre digni¬ taires canadiens, les rapports étroits entre les gangsters et le pouvoir politique. A l’horizon, se déroule une manifestation, tandis que la fête s’achève par un meurtre sordide. Avec une ironie froide, Arcand démonte les mé¬ canismes d’un pouvoir oppressif, en refusant tout personnage cen¬ tral, et en gardant ses distances comme l’Oshima de la Cérémonie ou le Robert Kramer de Ice. Comme chaque année, les organi¬ sateurs s’étaient assurés de la présence de certaines œuvres et

de certains noms prestigieux qui — en tout état de cause et malgré les inconséquences de la sélec¬ tion — devaient asurer un cer¬ tain niveau à la programmation. Il était intéressant, par exemple, de confronter deux anciens cri¬ tiques, François Truffaut et Lindsay Anderson, à l’origine de deux mou¬ vements cinématographiques (la nouvelle vague et le free cinéma) après quinze ans d’activité créa¬ trice. Truffaut, cinéaste prolifique et inégal, a signé avec La Nuit Américaine, une de ses œuvres les plus réussies. De son propre aveu, le cinéma lui est plus im¬ portant que la vie, et ce film sur le tournage d’un film, révèle une émotion intense, un amour de son art sous les dehors brillants d’une comédie de mœurs où les in¬ trigues de plateau se mêlent aux aléas de la production.

Une fable philosophique D’une ambition toute autre, Lind¬ say Anderson a voulu, dans O Lucky Man, réaliser une fable philoso¬ phique sur l’Angleterre d’aujour¬ d’hui ; son héros (Malcom Mac Dowell) traverse diverses sec¬ tions de la société, qui sont sou¬ vent autant de rappels de diverses étapes de l’Orange Mécanique. Malheureusement, à l’inverse de Kubrick, Anderson ne sait pas choisir. Son film, confus et d’une invention visuelle assez pauvre, s’essaye aussi à réfuter systéma¬ tiquement ce qu’il a d’abord pro¬ posé, mais la démarche intellec¬ tuelle n’a pas le tranchant de la dialectique kubrickienne. Les trois heures de O Lucky Man n’ajou¬ teront pas grand-chose au corpus déjà maigre de Lindsay Anderson. Film mineur dans l’œuvre de Losey, majeur dans celle de Berg¬ man, Maison de Poupée et Cris et chuchotements jouent tous deux de l’espace clos et opposent deux traditions Scandinaves. Losey ar¬ tiste engagé des années 30, tou¬ jours soucieux de relier l’explora¬ tion des êtres au contexte social qui les détermine, va chercher dans Ibsen l’argument d’une pein¬ ture de la condition féminine. On pourra s’estimer déçu par la mo-

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destie de l’entreprise, mais pour nous le contrat est rempli ; pen¬ dant quatre semaines, un cinéaste, ancien homme de théâtre, s en¬ ferme dans une maison norvé¬ gienne, dépoussière un auteur trop classique, donne vie à des personnages, et dirige magistrale¬ ment ses acteurs. A l’opposé de Deux hommes en fuite, exercice sur les éléments naturels, film pu¬ rement physique. Maison de Pou¬ pée est du cinéma de chambre, sensible et maîtrisé. Bergman, lui, loin d’Ibsen et tout proche de Strindberg, ne conçoit la vie qu’en termes purement existentiels. La prodigieuse beauté formelle de Cris et chuchotements et sa philo¬ sophie tragique de l’existence ne peuvent qu’encourager la critique vers l’extase devant l’ineffable. D’un abord plus accessible (ne serait-ce que par son symbolisme plus évident, ses couleurs sédui¬ santes) que Persona et Passion, œuvres plus rugueuses et abruptes Cris et chuchotements répond à Au seuil de la Vie, film de Berg¬ man sur les affres de l’enfantepour peindre l’agonie d’une jeune femme devant ses deux sœurs enfermées dans leur solitude et une servante, mère et maîtresse, dont le statut social n’est jamais exploré comme il pourrait l’être, par exemple, chez Losey. Le film de Bergman est aussi un poème sur la chair, sur le frôlement des corps, sur l’incarnat des peaux, une exaltation de la vie au seuil de la mort par le plus grand peintre de femmes du cinéma contemporain. Ana et les loups, de Carlos Saura, et La Grande Bouffe, de Marco Ferreri, sont des fables critiques dans la tradition bunuelienne. Sau¬ ra, espagnol comme son maître et inconnu en France, enferme dans

une demeure trois frères, incarna¬ tions du pouvoir militaire, du pou¬ voir religieux et du pouvoir de l’argent qui dominent leur pays, et analyse leurs rapports avec la servante Ana. Dans un style feutré, où domine l’antiphrase. Saura trace un portrait aigu de la bour¬ geoisie espagnole. La parabole est claire mais subtile, et le film va loin, sous la modestie de son abord. Dans une autre demeure, parisienne cette fois. Marco Ferreri enferme quatre bourgeois, pour un week-end de ripailles et de stupre qui s’achèvera dans la mort (le suicide ?) des protagonistes. Ci¬ néaste de l’idée fixe poussée à ses extrêmes conséquences, ci¬ néaste des déviations, des aberra¬ tions et de r « anormalité », Marco Ferreri piétine le bon goût, et livre insolemment au public les images les moins plaisantes. Mais ce qui

pourrait n’être qu’une farce assez facile, devient, par l’engagement profond du cinéaste, une comédie noire qui débouche sur la tragé¬ die. Le désespoir, on le trouvait enfin exprimé avec une force peu com¬ mune dans La Maman et la Pu¬ tain de Jean Eustache (dont Louis Seguin parlera dans le pro¬ chain numéro) et L’Epouvantail, de Jerry Schatzberg. Aux antipodes l’un de l’autre, ces deux films té¬ moignent tous deux d’un talent ex¬ ceptionnel. Eustache, dans l’explo¬ ration d’une voie fréquentée par le cinéma français (où se retrou¬ vent, si différents soient-ils, le Rivette de L’Amour fou, Rohmer et Godard), Schatzberg dans le renou¬ vellement de la grande tradition américaine. Aux paumés d’Eustache, à leurs longs monologues, à leurs rencontres dans les cafés.

les gares et les chambres mi¬ nables, aux temps morts et aux brusques accès de lyrisme du film français, Schatzberg oppose, si proche par delà les différences culturelles donc esthétiques, l’er¬ rance sur les routes américaines de deux vagabonds à la recherche d’un rêve américain dérisoire et qui ne pourra même pas s’accom¬ plir : l’ouverture d’une entreprise de lavage de voitures. En trois films, Jerry Schatzberg (Portrait d’une enfant déchue. Pa¬ nique à Needie Park) s’est imposé comme le plus grand cinéaste américain de ces cinq der¬ nières années. Son sens de l’el¬ lipse ou au contraire du temps sus¬ pendu impriment à son film un rythme syncopé. Il donne à son récit picaresque (un des genres les plus difficiles qui soient au cinéma car menacé par la dis¬ persion) une dimension métapho¬ rique et initiatique. Chaque sé¬ quence témoigne d’une invention visuelle étonnante à partir d’une esquisse de scénario. Le rire dans les larmes, qui est une des cons¬ tantes de la tradition juive chez Chaplin comme chez Kafka, on le retrouve dans L’Epouvantail, dont l’apparente simplicité témoigne de l’art le plus consommé. Les derniers jours du festival n’ont en rien changé la physionomie gé¬ nérale. Signalons simplement « De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites » où Paul Newman metteur en scène donne une nouvelle fois à son épouse, Joanne Woodward, le rôle d’une femme esseulée dans le calme trompeur de la province américaine. Cette œuvre mélanco¬ lique et déchirante reflétait comme tous les films valables représentés à Cannes un sentiment profond de malaise et d’inconfort.

Jean-Marie Serreau Le théâtre d’aujourd’hui, il l’a in¬ venté. Il était l’invention : intelligence et poésie. Si le Diable est « celui qui modifie », comme le croyait Valéry, J.-M. Serreau était le Diable. Il y avait d’ailleurs du Jésuite en lui, avec, sur ses petits yeux malins, les lunettes de Brecht. De ce Brecht dont il fut l’ami, dont il avait la ruse, l’humour et la logique, et que, avec Homme pour homme et L’excep¬ tion et la règle, il a « inventé » en France; comme avec son compère Roger Blin, l'autre inventeur de notre théâtre, il a « inventé » Beckett, tenant ainsi les deux bouts de la chaîne, « et remplissant tout l’entredeux » — pour parler comme Pascal — Ionesco, Genêt, Adamov, tout le théâtre français des années 50 est sorti de leurs mains, à Blin et à lui. Prisonnier de personne et de rien, se posant partout sans s’arrêter nulle part, du Théâtre de Babylone au Pavillon de Marsan et à la Cartou¬ cherie de Vincennes, avec deux petits-tours-et-puis-s’en-va, à la Co¬ médie Française pour l’Otage et

La soif et la faim, perpétuel errant, passant avec son sourire futé et doux à côté des nantis, des institués, des patentés, des arrivés, des ins¬ tallés, il était le mouvement. Inca¬ pable « d’exploiter » — comme on dit — un spectacle, mais tout aussi capable des mises en scène les plus rigoureusement achevées que des brouillons de génie qu’il négli¬ geait de parfaire, tout entier à son démon de la recherche perpétuelle, de chaque lieu où il passait, il faisait un lieu « habité ». Architecte et brechtien, sorcier de l’espace scénique et passionné de notre Histoire en train de se faire, il fut à la fois celui qui mania le plus magistralement tous les lan¬ gages scéniques modernes, — cons¬ truisant des espaces mobiles, où il inscrivait une rigoureuse polyphonie de gestes, de sons complétés, de projections en contrepoint, de paro¬ les à la scansion toujours juste, et toujours mettant l’appareil théâtral au service de l’explication, de l'in¬ telligibilité, faisant de la poésie

scénique la servante de l'intelligence — et également celui qui ne voulut jamais séparer l’acte théâtral et l'analyse historique du monde contemporain. Depuis le coup de génie de 1959, qui lui fit «inventer» « Kateb Yacine » (Le cadavre en¬ cerclé) il avait découvert qu’« être brechtien aujourd’hui, c’est parler du Tiers Monde ». Passionné de ce Tiers Monde qui n’en finit pas de naître, comme il disait, face à cet Occident qui n’en finit pas de finir, se vouant tout entier à faire parler ce « Nouveau Monde », en mettant sur pied un instrument d'expression efficace, une troupe cohérente d’ac¬ teurs noirs, nord-africains, français, il trouva aussi, dans ce Nouveau Monde en train de naître tragique¬ ment, la vraie matière de ce qui semble avoir constitué son rêve : donner une forme moderne à la tragédie, conçue comme machine poétique où prendre l’Histoire au piège. Cette tragédie qui ne soit pas fossile, il l’a cherchée dans Claudel, dans Max Frisch. Mais ce sont les

poètes du Tiers Monde, Kateb Yacine l’Algérien, Césaire l’Antillais, Bernard Dadié l’Ivoirien, Adrienne Kennedy l'Américaine noire, qui lui ont permis d’exprimer, dans leur plénitude et leur alliance, ses deux démons ; celui du lyrisme et celui de l’humour, celui de la poésie tragique et de la logique volontiers ironique : il y avait en lui un Socrate poète. Jusqu’au dernier moment, il aura inventé. Cette jubilation dans la créa¬ tion, ce constant bond en avant, ce refus simple, aussi, de la règle e1 de la loi, cette douceur subversive on ne trouve pas cela une fois pai génération. Celui qui fut pendan! vingt-cinq ans le sourcier de notre théâtre, le ministère des Affaires culturelles, avec un humour qui lu est propre, le classait toujours, jus qu’à cette année dans ses fichiers sous la rubrique des « jeunes ani mateurs », ceux qu’on subventionne à la sauvette, et petitement. En effet C’est un jeune animateur qui vien de mourir à 58 ans. Cn l’appelai « Jean-Marie ». Gilles Sandiei

La Quinzaine Littéraire

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TELEVISION

Jean Schuster

Ma France Depuis le 3 mai dernier, l’O.R. T.F. n’est plus seulement la ma¬ chine à façonner une France rigolarde et bien votante. Il s’est substitué purement et simplement au suffrage universel dans sa léga¬ lité institutionnelle. Le pouvoir n’est pas plus dans les urnes que dans la rue, il est dans le bureau de M. Arthur Conte. C’est le nouveau ministre de la Culture, M. Maurice Druon, qui a bien voulu nous le révéler : « Plusieurs centaines de milliers de lecteurs qui m’honorent de leur fidélité, depuis un quart de siècle, dix à douze millions de spectateurs pour « Les Rois maudits » pendant six semaines... Après tout, pour le poste où je suis, c’est peut-être un électorat. » Comme Philippe Tesson a raison de noter, dans « Combat », que tous les espoirs de succession sont permis à M. Philippe Bouvard ! On peut être certain, désormais, que ce ministre satisfait, content des autres et de lui-même, va se sentir chez lui quai Kennedy. Et que le culturel à sa mode va s’in¬ sinuer sur les écrans. Qui est M. Druon ? Un littérateur d’hospice, bébé d’Académie dont les rides nourrissonnes devaient déjà être séniles, le grand-père de Joseph Kessel, à ce que l’on dit, un infati¬ gable fabricant de bouquins qui sont comme plusieurs centaines de milliers de robinets laissant fuir une eau javellisée sur plu¬ sieurs centaines de milliers d’éviers bouchés par des restes de tambouille bourgeoise. Tout cela finit par déborder vers les caniveaux de l’Elysée. M. Druon est à M. Malraux ce que M. Pom¬ pidou est à M. de Gaulle. Deux images différentes mais complé¬ mentaires de la France. De Gaulle-Malraux, c’était la France radoteuse, exhibant d’in¬ solites béquilles dorées qui tri¬ cotaient une rhétorique pante¬ lante et badigeonnaient de mousse à raser philosophique le fil d’une épée. C’était le vide de la gran¬ deur et, j’y consens, la grandeur du vide. Une vulgarité trop bien calculée, trop bien enchâssée dans de solennels lambris pour ne pas être authentique. La misère de la pensée lorsqu’elle croit au destin ; une page d’un manuel de tératologie intercalée dans un livre d’histoire. C’était la France

du 1" au 15 juin 1973

de la pochette, ce petit coin blanc qui tranche sur un costume gris pour signifier l’ivresse de l’élé¬ gance chez un notaire.

Au ras du ras des trottoirs Pompidou-Druon, c’est la France de chaussette. Au ras du ras des trottoirs. Pataugeant dans la bonhomie madrée, le réalisme repu et le discours agricole. Une chaussette pleine de petits sous, de méchancetés de vieillards tei¬ gneux, de mou de .veaux vertueux, de royer, de malaud, de peyrefitte, de eau, de droit, de dutourd. Une France sage comme l’image d’une cage oubliée dans un garage hors d’usage sur une plage sans visage, sans rage et sans âge. Une France d’un millimètre de long sur un mil¬ limètre de large et un millimètre de haut. Au plan de la culture, de Gaulle jadis disait : « il faut lais¬ ser les penseurs penser ». C’était un peu bête, mais d’une bêtise bien à lui, qui n’était pas à la por¬ tée de tous. Pour M. Druon, la pensée et les penseurs, ça se de¬ vine derrière un brouillard sulfu¬ reux qui doit le faire vaciller entre une soupière Louis-Philippe et la reproduction de l’Angélus de Millet. Il préfère parler fric et an¬ noncer qu’il ne financera pas les activités subversives. Au moins, c’est clair. Il serait question d’une quatrième chaîne pour la télé, ni noir et blanc, ni tout à fait cou¬ leur, mais bleu, blanc, rouge. L’indicatif serait tantôt « le Chant des Partisans », tantôt la dernière création de Jean Ferrât, le chan¬ teur du PCF, un vagissement inti¬ tulé « Ma France » où je dégote ce petit saphir laiteux et carminé (arrangez-vous) : « de la bouche d’Eluard s’envolaient des colom¬ bes » (1). Le jour même où Druon remer¬ ciait la télévision de l’avoir élu, la 3' chaîne diffusait un montage de Henri de Turenne « De Pam Mun Jon à Dien Bien Phu ». Ce n’était ni la France de la pochette, ni la France de la chaussette, mais celle de la culotte de peau. Celle qui commence à se gonfler, par devant, d’une virilité hexagonale quoique tubulaire (arrangez-vous) pour finir par s’effilocher dans une atterrante débandade. Il fallait voir

l’arrogance des super-stratèges Navarre et de Castries, pendant que Giap, supposé dormir à 300 km, s’amenait tranquillement, avec l’armée populaire vietna¬ mienne derrière les collines de Dien Bien Phu. Pleven, sur place, est un peu sceptique, mais il se rassure dans l’avion et, arrivé à Paris, rassure tout le monde et proclame que la victoire est cer¬ taine. Joli document qu’on n’aurait sûrement pas osé passer, il y a deux mois, quand les électeurs bretons n’avaient pas encore ren¬ voyé le ministre de la Justice à ses fonctions de directeur du « Pe¬ tit bleu des Côtes-du-Nord ». Quoi qu’il en soit, tout ceci était bien cruel pour ma France, mes géné¬ raux, mon armée, mon Pleven, ma grandeur et mon destin. Et le com¬ mentaire au gingembre pimenté n’adoucissait pas la tisane. Henri de Turenne n’est pas près de re¬ commencer. Si le majordome Ar¬ thur n’a pas compris, M. Druon lui fera un petit topo sur la subver¬ sion en période de renouveau anti¬ militariste. Claude Goretta n’est pas fran¬ çais. Il est suisse, mais je soup¬ çonne Mme Baudrier de vouloir le naturaliser. Intéressante sa pièce « la Fusillade en réponse à Dostoïe\wski. ». Une journaliste soviétique entreprend, sur com¬ mande des éditions d’Etat, de re¬ constituer, en 1922, un soulèvement populaire sauvagement réprimé par l’administration tzariste en 1893. Le travail achevé, le livre est refusé et ne paraîtra jamais. Tout cela est fort vraisemblable. Mais on ne m’empêchera pas de penser qu’un tel scénario, qui montre la Russie de Lénine sous le jour le plus répressif, s’inscrit opportuné¬ ment dans le climat d’anti-commu¬ nisme rudimentaire instauré ici de¬ puis la campagne électorale. Sem¬

blable hypothèse est singulière¬ ment renforcée par la responsabi¬ lité de Mme Baudrier, directrice de la « collection » de dramatiques inaugurée par la pièce de Goretta. Il va sans dire qu’à mon sens, le metteur en scène n’est aucune¬ ment impliqué dans cette subtile manœuvre. De Claude Goretta, j’avais vanté naguère une magistrale adapta¬ tion du « Jour des Noces », de Maupassant. Cet auteur a plutôt de la chance avec la télévision. M. Santelli, qui n’est pas suisse mais français comme vous et moi, un peu plus peut-être puisqu’on lui doit de redoutables émissions sur Malraux (c’est étrange comme, dans cet article, je retombe tou¬ jours sur les mêmes person¬ nages !), M. Santelli, dis-je, a réus¬ si la mise en scène d’« Une his¬ toire vraie ». C’est bien découpé, bien monté, bien filmé et bien dia¬ logué. Joué aussi par une créature qui a éveillé en moi des instincts érotiques assez tarabiscotés (je développerai ce point dans un long mémoire, plus tard) et qui porte le nom très français de Marie-Christine Barrault, ce qui finira par me réconcilier avec ce pays. A moins que Marie-Christine Barrault n’arrive de Genève, tout simplement. Jean Schuster 1. Exemple de colombe : « Staline récompense le meilleur des hommes et rend à leurs travaux la vertu du plaisir. » Mais d’un autre Eluard que celui de « Ma France » : « Le train le plus rapide est fran¬ çais, La suprématie de la technique française. Et allez donc ! La connerie est française Les porcs sont français. »

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Avion 155 90

Etudiants : Remise de 20 Vo.

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Permanences • fnac-étoile 26. avenue de Wagram

• fnaC‘Ghâtelet 6, bd de Sébastopol

concert alpha exceptionnel

festival de St-Denis LA BASILIQUE DE SAINT-DENIS, construite de 1136 à 1281, occupe une place de premier plan dans l’histou-e de l’architecture. Premier grand édifice gothique, c est le prototype dont se sont inspirés les architectes des cathédrales de la fin du XII' siècle, notamment ceux de Chartres, de Senlis, Notre-Dame de Paris. On trouve à Saint-Denis les sépultures des rois et reines de France. L’ensemble constitue un véritable musée de douze siècles de sculpture française. Dans cette basilique royale, nous organisons en collaboration avec le Festival de SaintDenis, le jeudi 21 juin, à 21 h, un concert des Grandes Cantates de Bach : — Cantate BWV

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(première audition en France) ;

— Cantate BWV 34 et 191, sous la direction du chef allemand Helmuth RILLING, le meilleur spécialiste actuel des cantates. Helmuth Rilling, i^su d’une vieille famille de musiciens, ancien élève du célèbre séminaire théologique de Shôntal, théologien, organiste et chef d’orchestre, est aujourd’hui directeur de la musique de Francfort. Il a fondé trois chorales qui, sous sa direction, ont acquis une notoriété internationale. En mars dernier, ü a obtenu le grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros, pour le second coffret de ses cantates paru chez Erato. Entouré des meilleurs solistes allemands, à la tête d’un orchestre remarquable de précision et de vigueur, Rilling, dont les exécutions se distinguent par un dynamisme, une ampleur, une recherche de la somptuosité sonore et un souci de la primauté de la musique tout à fait inhabituels dans ce domaine, a révélé et gravé pour la première fois des œuvres magnifiques, telles les cantates 20, 74, 75, 109 et 178.

photo Daniel Faure

FESTIVAL DE SAINT-DENIS BASILIQUE ROYALE ILLUMINEE co-production Alpha - Festival de Saint-Denis

L’exécution d’une cantate, qui requiert en moyenne 70 à 80 exécutants ainsi que des chanteurs solistes, ne pose pas seulement des problèmes artistiques ardus mais soulève des difficultés de financement et c’est pourquoi les concerts de cantates sont rares en France. Aussi nous est-il permis d’espérer que cette soirée du 21 juin suscitera votre intérêt.

Pour la première fois

Les Grandes Cantates de Bach

Jeudi 21 juin a 21 h Prix Alpha : 16 F et 11 F Location urgente

DANS LE CADRE DU FESTIVAL DE SAINT-DENIS, jeudi 21 juin ; — Visite guidée et commentée de la basilique Saint-Denis et du théâtre Gérard-Philipe. — Buffet campagnard sur le plateau du théâtre. — Concert (voir ci-contre). — Départ de Fnac-Etoile aller et retour).

vers

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(service

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— Conditions et prix à Alpha. BON DE COMMANDE CONCERT BACH 21 JUIN A LA RECHERCHE DE SORCELLERIE (suite).

NOM . ADRESSE . NOMBRE DE PLACES_PRIX_ = .

LA

’HAGIE

ET

DE

LA

Mercredi 13 juin à 15 h. — La Magie grecque et ro¬ maine. — Des mystères du Temple d’Eleusis au culte de Dionysos, la terre des dieux nous révèle l’ivresse de l’homme fou de lui-même. Avec Rome, nous découvri¬ rons les pratiques de la divination et l’étrange culte de Mytra le taureau fécondateur. — R.V. Musée du Lou¬ vre. — Porte Denon. — Prix Alpha : 8 F.

MODE DE REGLEMENT: espèces — CB — CCP

(Joindre une enveloppe timbrée à votre adresse pour l’envoi des billets.)

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En hommage à Pablo Picasso la FNAC présente « Picasso, vous connaissez... », dialogue entre l’homme de la rue et le peintre (350 œuvres sur 200 m^ d’écrans géants) à l’Empire-Cinérama, 41, avenue de Wagram, Paris-17' — en face de Fnac-Etoile. Ce spectacle, conçu par Jacques Bétourné, et réalisé par Jean-Louis Guégan et Jacques Abadie, est une production Quatri ; Institut international d’information par l’image. A partir du 23 mai jusqu’au 23 juin, il sera présenté en permanence de 12 h à 22 h. — Entrée gratuite. En même temps, Fnac-Etoile présente, dans ses locaux, 60 photos inédites de Pablo Picasso par Julien Clergue.

alpha tourisme TUNISIE : FESTIVAL DE TABARKA. — BIENVENUE AUX JEUNES dans un petit village de pêcheurs de la côte Nord-Ouest tunisienne pour le FESTIVAL DE TA¬ BARKA juillet-août 1973, qui, organisé par l’équipe du Festival de Montparnasse, présente : MUes Davis, Art Taylor, Slide Hampton, Manitas de Plata, Crium Deli¬ rium, Rufus, Juliette Gréco, Procol Harum, Ravi Shankar, le Magic Circus, etc. De nombreuses activités artistiques : théâtre de rue, café-théâtre, cinémathèque d’art et d’essai, ateliers... a) DEUX SEMAINES DE FETE A 880 F: forfait transport avion Paris à Paris, logement en hutte à deux places ; b) DEUX SEMAINES A 1 200 F : forfait transport avion Paris à Paris, logement et petit déjeuner en hôtel. DES VOYAGES ALPHA EN COLLABORA'nON AVEC L’ASSOCIATION CULTURELLE . LES ARTS ET LA VIE ». — Ces voyages culturels présentent, pour di¬ verses raisons, un caractère d’exclusivité. Exclusivité des prix :

visites commentées

BHW 146, 34, 191

Direction: Helmuth Rilling

spectacle audio-visuel

Pour tous les spectacles du mois (théâtres, concerts, variétés) consulter notre programme Alpha n® 69 dans . LA QUINZAINE LITTERAIRE » précédente.

a) Mexique/Yucatan : départs les 12 juillet et 2 août — Forfait PARIS/PARIS 20 jours: 3 730 F. — Transport PARIS/MEXICO et MERIDA/PARIS avion. — Trans¬ ferts en car à l’intérieur du pays et séjour en demi pension (sauf à Mexico, petits déjeuners seulement). b) Atlantique/Pacifique : départs les 11 juillet et 3 août — Forfait 31 jours PARIS/PARIS: 4100 F. — Trans¬ port avion A.R., hébergement en pension complète (sauf les déjeuners des journées libres). Exclusivité de la destination : Albanie (que les Arts et la Vie sont seuls à programmer). — 8 départs échelonnés entre juin et septembre. — 2 thèmes de circuit au choix : touristique ou économique. — Forfait exceptionnel PARIS/PARIS : 1 350 F. — Avion A.R. direct TIRANA (réduction en juin et septembre). .NOUS AVONS SELECTIOP^NE EGALEMENT: Une croisière aérienne : LES CAPITALES NORDIQUES. — Du 19 août au 4 septembre. — Forfait PARIS PARIS 17 jours: 3 150 F. — Transport avion entre: PARIS, COPENHAGUE, OSLO, STOCKHOLM, HELSINKI, LE¬ NINGRAD, VARSOVIE, CRACOVIE, PARIS. — Héber¬ gement en hôtel en pension complète. SEJOURS LINGUISTIQUES Europe/USA proposés par le Comité d’accueil de l’Enseignement Public, Fondation du Ministère de l’Education Nationale, reconnue d’utilité publique. Renseignements et inscriptions à ALPHA et aux bureaux de tourisme de FNAC-ETOILE et FNAC-CHATELET.

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BROCELIANDE (d’après une légende du XIV' siècle). Musique d’André Jolivet. Argument et chorégraphie de Christian Comte et création de deux chorégraphies de Robert Bestonso. Avec Robert Bestonso et Martine Chaumel.

Lesage. Mise en scène de Jacques Davila. Décors et costumes de Danielle Gardère. Avec Micheline Presle, Gérard Lartigau. — Un des chefs-d’œuvre de la comédie de mœurs. Une satire âpre et vigoureuse de la cupidité. Une eau-forte, oh combien actuelle ! du milieu de l’argent. — En cas de mauvais temps, reports les 17 et 24 juin. 2, 3, 4, 6, 9, 10, 11, 12 juillet — LES RIVAUX D’EUX-MEMES ou LES JUMEAUX VENITIENS, de Carlo Goldoni. Adaptation de Michel Arnaud. Mise en scène de Jacques Mauclair. Décors et costumes de Robert Cavin. Avec Dominique Pâture!, Nelly Bénedetti, Michèle Grellier. — La verve populaire de Goldoni se retrouve dans ce thème des jumeaux qui depuis les Menechmes

N.

Robin,

F.

Pierre,

solistes.



Mardi

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HOTEL D’AUMONT, — Concert aux chandelles : RECI¬ TAL LUCIANO SGRIZZI, clavecin. Bruxtehude, J.-S. Bach, Frescobaldi, Pasquini, A. Scarlatti, Marcello, D. Scarlatti. — Jeudi 5 juillet

13 juillet — LE ROMAN DE RENART (XII'-XIV' siècles). Texte de Bernard Minoret et Gilles Roignant. Adaptation scénique et mise en scène de Gérard Maro. Costumes, marionnettes, masques et éléments scéniques de Deny Lavoyer. Avec Robert Murzeau.

EGLISE SAINT-GERVAIS-SAINT-PROTAIS. — OR CHESTRE DE L’OPERA DE PARIS. Symphonies 39, 40, 41 de Mozart. Direction Joseph Krips. — Vendredi 6 juillet

27, HOTEL D’AU MONT : représentations à 21 h 15 — 15, 18. 19, 20, 21, 22 juin. — TURCARET (1709), de

F. Rieunier, 3 juillet

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2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, juillet — LE PALAIS DES MERVEILLES. Direction artistique: Jules Cordière. Musique de Ratapuce et Jules Cordière. 9,

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13

juillet



LA

COMPAGNIE

DE

BALLETS PETER GOSS. Direction artistique : Peter Goss. Costume de Larry Vickers. Du

13 juin au

EGLISE SAINT-GERVAIS-SAINT-PROTAIS. — FES¬ TIVAL STRINGS DE LUCERNE. Rita Streich, soliste. Vivaldi : motets, sinfonie, concerti. — Mardi 10 juillet

13 juillet, sauf les 17, 24, 26 juin, 1",

8 juillet — Le Trio de luth français; le Trio 111; Bernard Job, pianiste ; le Quatuor de flûtes Arcadie ; Daniel Colin, accordéoniste. SCULPTURES de Van Thienen. — Diaporama : Voyage au Paris d’autrefois. Evocation du Paris des XVII' et XVIII' siècles. — Photographies de Françoise Masson. Texte de Dominique Ponneau. EXPOSITION Alpha : 16 F.

EGLISE NOTRE-DAME-DES-BLAxNCS-MANTEAUX. — FESTIVAL STRINGS DE LUCERNE. Telemann, Pachelbel, J.-S. Bach, K.-Ph.-E. Bach. — Lundi 9 juillet

:

Le

Compagnonnage

vivant.



Prix

HOTEL DE MARLE. — CONCERT GRATUIT organisé par le Centre culturel suédois. Gudrün Ryhming, so¬ prano. Eva Nordenfelt, clavecin. J.-H. Roman, J. Agrell et autres compositeurs suédois du XVIII'. — Mercredi 11 juilllet

EGLISE NOTRE-DAME-DES-BLANCS-MANTEAUX. — Eclairée aux chandelles : FIFRES ET TROMPETTES DE VARSOVIE. Alfonso el Sabio, Radomski, Encina, Cato, Gomolka, Praetorius. — Jeudi 12 juillet Prix Alpha : Saint-Gervais, Aumont : 21 F.

Blancs-Manteaux :

16 F. —

concerts à 21

h

cafés-théâtres

15 :

EGLISE SAINT-GERVAIS-SAINT-PROTAIS : CHŒUR DE LA CATHEDRALE D’UPPSALA. — Palestrina, J.-S. Bach, Bruckner, Mendelssohn, Duruflé, Poulenc, Bâck, Johansson. — Jeudi 14 juin. EGLISE

SAINT-GERVAIS-SAINT-PROTAIS.



MUSICI. — Haendel, Albinoni, Vivaldi, K.-Ph.-E.

I.

Bach,

J.-S. Bach. — Samedi 16 juin. EGLISE SAINT-GERVAIS-SAINT-PROTAIS. — CHO¬ RALE D’INNSBRUCK (Walther von der Vogelweide). Josquin des Prez, Isaac, R. de Lassus, O. von enstein, J. Dunstable, J.-S. Bach, A. Heiller. — Photo Agence Bernand de Plaute ont inspiré heureusement les auteurs. Deux jumeaux de caractères opposés se trouvent mêlés et emmêlés dans une intrigue amoureuse. Un filou se glisse entre les deux. Il tente d’en empoisonner un mais... tout cela n’a rien de tragique. Chez Goldoni, tout con¬ siste à s’accommoder des obstacles que la vie ne manque pas de glisser devant nous. — En cas de mauvais temps, reports les 1", 8 et 15 juillet. — Prix Alpha : 21 F. FETES DE NUIT EN L’HOTEL DE BETHUNE-SULLY telles que les aurait aimées M. le duc de Sully. Spec¬ tacles continus de théâtre, ballets, musique. De 21 h à

23

h

19

juin.

EGLISE NOTRE-DAME-DES-BLANCS-MANTEAUX. — l.UIGI-FERNANDO

TAGLIAVINI",

orgue.

Frescobaldi,

Merula, Torelli-Walher, J.-S. Bach, Vivaldi-J.-S.

Bach. —

Vendredi 22 juin.

de Mozart. — Mardi 26 juin. EGLISE NOTRE-DAME-DES-BLANCS-MANTEAUX. — XAVIER DARASSE, orgue, et QUINTETTE DE CUI¬ VRES ARS NOVA. Pezel, Sweelinck, Frescobaldi, J.-S. Vittoria,

Lully,

Darasse,

Chaynes.



Mercredi

27 juin. 13, 14, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 27, 28, 29, 30 juin. — LA JALOUSIE DU BARBOUILLE, de Molière, et adaptations théâtrales d’œuvres de Molière, Nicolas de la Chesnaye, Marguerite de Navarre, Grim et anonymes des XV' et XVI' siècles. — Par la troupe les Burlesques et le Barbouillé. — Réalisation de Christian Grau-Stef et Jean Terencier. — Costumes de Nicole Chasseing.

Ghislaine Thesmar,

danseuse étoile de l’Opéra

artistique :

Ella

célèbres

D’OURSCAMP :

de

Sade

à

Ionesco.

29, 30 juin, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13 juillet (20 h 30) : HENRI III ET SA COUR, d’Alexandre Dumas. Festivals de l’art vivant Mise en scène et décors de Mario Franceschi, assisté de Cécile Velleda. — Premier essai du romantisme et début dans la comédie historique de Dumas père. Son immense succès annonça l'entrée en lice de la jeunesse romantique et prépara le chemin qui devait conduire les déjà chevelus à la triomphante

par

le

Centre

culturel

Chopin, Debussy,

suédois.

Lennard

Rabes,

bataille

d’Hernani.

piano.

Liszt. — Jeudi 28 juin.

EGLISE NOTRE-DAME-DES-BLANCS-MANTEAUX. — Eclairée aux chandelles : QUINTETTE A VENT NOR¬ VEGIEN. Haydn, Haendel, Mozart, Stamitz, Schoenberg. Vendredi 29

juin.

EGLISE NOTRE-DAME-DES-BLANCS-MANTEAUX. — GROUPE DE RECHERCHE MUSICALE DE L’ORTF. Direction F. Bayle. Messiaen, Malec, Ravel, Bayle. Musique électro-acoustique, orgue et piano, avec D. Merlet,

de Paris.

23, 25 juin. — mimes. Direction

L’HOTEL

(22 h 45) : LES MOROT-CHANDONNEUR. Adaptation de Bernard Minoret, d’après le livre de Philippe Jullian et Bernard Minoret. Mise en scène de Jean-Paul Cisife. Avec Georges Montillier. — Reprise d’une pièce dont la presse a salué l’ironie mordante. La galerie scandaleuse d’une . honnête » famille française, du marquis de Sade à nos jours, dépeinte par de savoureux pastiches

27 juin (20 h 30), 30 juin, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13 juillet (22 h 45). — IL PLEUT, SI ON TUAIT PAPA-MAMAN, d’Yves Navarre. Mise en scène et décors de Louis Thierry. — Première pièce du romancier Yves Navarre (Lady Black, Evolène, Les Loukoums): un dialogue sucré-vitriol entre deux enfants. Interprétée par deux adultes et interdite aux moins de 13 ans. Prix

aux

Les abonnés de . la Quinzaine littéraire . bénéficient des avantages de l’Association Alpha sur simple présentation de la bande du dernier numéro reçu.

permanences

Alpha.

Tirage sérigraphique de l'affiche du Festival du Marais 1973, dessinée par Jean Dewasne. Vente au bénéfice du Festival

13, 14, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 22, THEATRE MAJENIA. Compagnie de

DE

HOTEL DE MARLE. — CONCERT GRATUIT organisé



13, 14, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23 juin, 9, 10, 11, 12, 13 juillet — EVOCATION. — Spectacle poétique et chrorégraphique de Pierre Lacotte. Musiques de la Renaissance. Poèmes de Ronsard. En représentation.

GOTHIQUE

13, 14, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26 juin (20 h 30) — HISTOIRE DU FABULEUX CAGLIOSTRO, de Roger Défossez, d’après Alexandre Dumas. Mise en scène de Nicolas Bataille, assisté de Jacques Legré. Décors de Francis Boucrot. — Cagliostro dans la partie la plus secrète de l’œuvre d’Alexandre Dumas. Particu¬ lièrement magique et spectaculaire.

d’auteurs

HOTEL D’AUMONT. — CONCERT AUX CHANDEL¬ LES. RECITAL RIT A STREICH. Intégrale des Mélodies

Bach,

30.

WolkMardi

CAVE

:

50

F.

Plaquette

programme

En

à

vente

du

Festival

73 :

15

F.

Alpha.

Jaroszewicz.

39

I" programme de Juin 1973

seul© présBü'ta.tioii coiuplèt© de la vie culturelle 2 fois par mois

littérature roman poésie histoire littéraire philosophie sociologie psychologie

uinzaine littéraire

histoire économie sciences éducation arts théâtre cinéma ^^^musique 'm

H'

\ ne vous contentez pas • d’informations tronquées et comprimées

I gardez l’esprit critique

a

Lectures de Blanchot

Un poète en justice

3

Pierre

Bernard Roger

Noël

Deux lectures de

et

Maurice Blanchot

Laporte

Maurice

La folie du jour

Blanchot

Ouels outraiies ? Ouelles mœurs ?

par Evelyne Pisier-Kouchner

Erika Ostrovsky

Céline, le voyeur-voyant

par Marc

André Smith

La nuit de Louis-Ferdinand

Frédéric Vitoux

Céline L.-F. Céline, misère et parole

R

7 ESSAIS CRITIQUES

par Jean Frémon

Une tâche sérieuse ?

Madaule

Hanrez

par Roger

Dadoun

9 13

Charles Péguy

14 ROMANS ETRANGERS 16

Erskine Caldwell

Le quartier de Médora

par Tristan Renaud

Yukio Mishima

Le soleil et Vacier

par Anne

Entretien

Alberto Bevilacqua

Propos recueillis par

avec

Dizionario

critico

litteratura

francese

par Antoine

délia

Adam

Villelaur

Georges Piroué

18 TEXTES 19

Georges Perros

Papiers collés II

par Claude

Georges Perec

La boutique obscure

par Jacques Roubaud

21 ARTS 22

Jean

Léger. Dessins et gouaches

par Jean Selz

Jean-Claude

par José

24 PHILOSOPHIE

Alexandre Koyré

Cassou

et

Jean

Leymarie

Exposition

Silbermann

Etude d’histoire de la

Delarue

Pierre

par Jean Itard

pensée scientifique

25 SOCIOLOGIE

Erving Goffman

La mise en scène de la

par Jean Lacoste

vie quotidienne

27 ANTHROPOLOGIE

Gérard Reicher-Dolmatoff

Desana

par Jacques Meunier

Juan Perez Jolote

Tzotzil

par J. M.

Encyclopédie de la vie

par Catherine

28 MŒURS

Turlan

sexuelle

29 VIE CONTEMPORAINE

René Dumont

Paysanneries aux abois

par Guy de Bosschère

L’utopie ou la mort

32 CINEMA

George Cukor

Voyages

Jean

La maman et la putain

Eustache

avee

ma tante

par Louis Seguin

33

Sarah Maldoror

Sambizanga

par Roselène Dousset-Leenhardt

34 THEATRE

Entretien

Joyce sur la scène

Propos recueillis par

Robert Pinget

Abel et Bêla

par Dominique Nores

Philippe Pêne

35 MUSIQUE

Renaissance

36 BIBLIOGRAPHIE 38

l’Opéra

par Martine

Cadieu

par Olivier de Magny Programmes Direction

Publicité

Maurice Nadeau.

Expositions, Mlle

Comité de rédaction : Georges

Balandier,

François

Châtelet,

Françoise Choay, Serge

Fauchereau,

Dominique

Fernandez,

Marc Ferro, Gilles Lapouge, Olivier de Magny, José Pierre, Gilbert

Walusinski.

:

ans

:

Etudiants

79-29.

: 130

F,

quarante-six

Etranger

réduetion

de 20

%.

:

P.

3 D.R.

P.

8 L’IIerne

P. 18 Gallimard éd. P. 19 D.R. P. 21 D.R.

Un an : 100 F, par avion 155 F Six mois : 60 F.

P. 22 D.R. P. 25 Chorus

Prix du n° au Canada : 75 cents.

P. 27 D.R.

Pour tout changement cFadresse :

P. 29 Hachette

timbres à

0,50 F

avec la dernière bande reçue. par mandat,

bancaire, chèque postal C.C.P. Paris

chèque :

15 551-53.

Directeur de la publication Maurice Nadeau.

43, rue du Temple, Paris (4*).

I.E.I., 92120 Montrouge

Téléphone

Printed in France.

887-48-58.

1 L’Herne

Deux ans: 160 F, par avion: 260 F

Rédaction, administration : :

P.

P. 11 Barrigue

:

Règlement

Aldebert.

Wag.

: 50 F, douze numéros.

Anne Sarraute.

Louis

Crédits photographiques

:

Un an : 80 F, vingt-trois numéros.

envoyer 3

:

galeries

numéros.

Secrétariat de la rédaction et documentation :

Administration

au journal.

Brunswig.

Six mois

Roger Dadoun,

Alpha

A bonnements Deux

Bernard Gazes,

La Quinzaine

de

:

P. 32 D.R.

Lire Maurice Blanchot Pierre Madaule

Il

y

eut

longtemps

autour

de

Maurice

Blanchot

une

sorte

de

C’est que cette sommation tou¬

Une tâche sérieuse ?

conjuration du silence. Les conjurés n étant pas ici des traîtres mais

che

Gallimard éd., 158 p.

des

dait qu’à se laisser tenter, ce qui

fidèles,

plupart

liés

par

écrivaient,

leur

Deux lectures

particulièrement ou

de Maurice Blanchot,

la

leur

illustrations de R. Alejandro

même

littérature. arrivait

même

certains

Bernard Noël et Roger Laporte

de

arrivait

la

qui

d’en

sur

leur

les

les

entre

même

ils

eux,

mutisme.

autres qui

en

les

importants

Blanchot,

c’était

le

auteurs

semblaient

Maurice

parler,

et

ouvertement,

d’écrire

Sur

ferveur

secret ;

dans

temps Maurice Blanchot La Folie du jour,

que

Blanchot

publie

un

récit

sans

doute

en

silence

et

comme trois

de

de

a

sans

telle

doute

pas

d’œuvre

importance

moins

de

qui

ait

d’une

commentaires.

Il

rap¬

idées.

L’adjectif

souvent

pour

obscur

revient

qualifier

Etrange

relation,

qui

fait

de

l’œuvre

la lecture, selon les termes mêmes

de Blanchot, et c’est une obscu¬

lecteur pour qu’aussitôt il le devienne ? Il se pourrait en effet

suffisant

obscurité-là,

qu’existe un certain niveau

de

difficile

collaborateurs

réaliser le numéro

à

pour

spécial

de la

rité

qu’aucune

cueillir

revue Critique que Jean Piel pro¬

obscure l’œuvre

Cette

œuvre

qui

plus

que toute autre s’adresse à l’écri¬ d’écrire,

plumes

dès

suspend

qu’il

prendre

pour

robe

à

l’analyse,

glose

impossible,

de

son

objet.

entière

elle

qui

elle

dans

de

Elle

elle

identité

commenter,

toutes

s’agirait

se

rend

la dé¬ la

dépossède

voudrait

s’installe

le

les

corps,

la

toute

dans

la

ne

son

de

peut

sein

qu’ac¬

la

chacun.

de

part

Eclairer

Blanchot,

nuler et s’aveugler

vain et ne fait guère que le som¬ mer

intelligence

qui

en

jetait

(1).

sa solitude,

c’est

l’an¬

firmation qui ne souffre plus le doute ou, s’il naît, l’annexe à son profit. de

soi-même.

Cette relation, un mot la dési¬

d’af¬

L’évidence

cette

parole,

efet on

le

propre

entre

frôle

de

trop près et semble ne laisser de choix

qu’entre

le

silence

et

la

trahison.

cerner

:

il n’y a pas de moyen terme.

revient

inévitablement

ce

mot

chez

qui¬

regard

sans

réponse,

habité

entoure. »

combattre,

c’est déjà

appelle un

écrit



pour

désigner

son

dans

la

page :

finale

de

« Ces pages

moins

piège

et

que

nous

moment

ce

sobriquets.

que

je

ne

viens

m’y

d’écrire,

fera

rien

ajouter

Cela demeure, cela

jusqu’au

l’effacer

échange

nulle

de

bout.

de

Qui

mais

ensei¬

il

serait

croirait

Nul

moi-même,

cette fin

que

je

médusés,

cela

me son

régner

cette

silence,

sur

le

souveraineté

apport

positif

à

et

des est

dans

nous

lequel,

reconnais¬ que

cela

difficiles.

relation

(le

est

au

théorique

Chant

des

de

centre Blan¬

sirènes ;

le

il

Regard d'Orphée [4]), tout com¬

monde,

me de ses récits et singulièrement

serait

de L’Arrêt de mort. Du narrateur

et

néant

le

au personnage, de l’auteur à son du

le

et

nous

fascine

comprend

l’œuvre

récit,

lui-même

son

fards

qui

visage

nous

on

cette

mien et lui aus.si saurait qu’il n’y

de

mienne,

ma

autre nous

les phrases soient

qu’un

avant

la

verrait ;

un

à

jusqu’à

Et ce n’est certes pas un hasard

encore

assimilerait

la

se fasse sans phrases et qu’après

gnement n’est délivré qu’un élève, disciple

nous à

aliène ;

n’ayons

des

Ce

l’impossible sons :

nous

été

débarrassions

de

compréhension.

et

risque

seulement

peuvent ici trouver leur terme, et

cette relation n’est pas de l’ordre la

nous

nous

Blanchot

parole

qui

qui

lise

œuvre

main

L’impossible

mesure de sa force attractive. Il

l’obscurité,

la

le les

c’est bien le mot « proie » qu’uti¬

qu’il lit. voire à l’auteur de cette —

qui

(3).

dans

chot

l’œuvre

silence tout

immonde

nous

histoire, et il serait ma proie. Dans

à

un

par

entraîne

de

Blanchot

et

Ce qui fascine est l’impossible,

si

de

l’un

L’impossible

l’avérer,

son tour le début de ma propre

lecteur

dans

seulement

grouillement

cherche vainement, deviendrait à du

l’ascète —

regarde,

et

la

fascine

l’autre demeurant prisonniers d’une sorte d’interrogation en miroir, qui reste indéfiniment

pour « La Folie du jour »

en relation

qui

de Blanchot. Eascination, comme entre le serpent et sa proie ;

voudrait

la

de

elle

Dessin de Bram van Velde

demeurera

l’indique,

sil¬

et F objet de

c’est

conque tente d’exposer sa lecture

ni rien ôter.

Tout

cette

l’interdit.

suite

La fascination

grimace

dans

la

et

le

nouvelle édition (2)

la

bien

le sujet

qu’alors

qui

Pinquiétiuie

cf une

c’est

tentation ;

ce

inéluctablement

« ... en

son jeu ou bien l’on reste sourd ;

gne sans d’ailleurs totalement la fascination,

la fois

VArrêt de mort, retranchée de la

piège

Lis¬

sa pénitence,

de

espèces

Or,

lecteur,

qui

de

présence les

répète.

œuvre

com¬

de

de ses privations ; un mince sou¬

bouche de celui qui, en lisant, la Une

Tentation

houette de cauchemar qui est à

ne

fut

la

l’appel.

rire éclaire ce visage sans corps,

peut réduire, les clartés de l’es¬ prit ne peuvent rien contre cette

il

dans

Foucault

une de ces figures née de la folie,

Michel Foucault et à lui-même, de réunir, en 1966, un nombre

combien

perdre Michel

de

de Blanchot, une tâche sérieuse. Suffit-il de nommer proie son

porte

l’ap¬

(ses lecteurs rompent le silence et racontent leur lecture. Trois confes¬

n’y

suscité

qu’on

bonne de Jérôme Bosch :

agile. il

deman¬

face de saint Antoine, s’est assise

pure

note,

ne

implorait

se

mentant

sous le

qui

sions longtemps retenues et qui paraissent ensemble, entraînées Tune par l’autre.

illustrations de Bram van Velde

Laporte

ce

pelle, ce qui brûlait de se révéler Ecoutons

S’il

Fata Morgana éd., 40 p.

Roger

nous

l’histoire

en même

ancien,

en

pas.

fidèles,

on partage un secret, comme on communie. Aujourd’hui,

Fata Morgana éd., 160 p.

il

intéressaient

n’écrivaient entre

La

développer,

nul

a pas de fin à partir d’un homme

l’histoire

des

qui veut finir seul. »

à

de

lecteur

Blanchot à

ce

à

livre,

l’écriture, d'Orphée

Eurydice, la relation est

iden-

3 du 16 au 30 juin 1973

tiljiir

:

entrée

dans

vert

fascination.

sur

ment.

la

nécessité,

nuit,

regarci

l’invisible,

« Moi-même

ou¬

éternelle¬

je

nai

pas

réunie à son Fopacité

Il

tout s'effacer dans

insister sur cet efface¬

ment partiel de l’œuvre de Blan¬

blanche. »

I,e jeu de mots est ici plus parlant que tout commentaire.

Thomas

Fobscur

dans

sa

première version est un livre de

n’est

232

nous

incite

il

n’occupe

plus

que

Le

fréquent dans les récits de Blan¬ chot.

pages,

retrait.

pas

fortuit.

à

être

Blanchot

Thomas,

à

pensée

j)ar un possessif, B. Noël montre

175 pages d’un plus petit format

demander plus, à demander l’im¬

la

tra¬

dans

possible

:

sur

de mort est amputé de 21 lignes

comme

Orphée

main

dans sa nouvelle é«lition. A quoi

Eurydice,

que dans l'opacité blanche d’une

(jue

moi,

ni

son jouet, ni sa victime, car cette pensée,

si

vaincu ment

elle

que elle

m'a

par

a

vaincu,

moi,

et

toujours

na

finale¬

été

aimé quelle, arrivé, eu

je

et

ait

être,

été

dans

malheur, choses

et



F absence,

dans

la

mortes,

cette

n'ai

Ascèse

que

plutôt

est où

j aie

dans

la

le des

nécessité

des choses vivantes, dans la fati¬ gue du

travail,

nés

ma

de

paroles ments

dans ces visages

curiosité,

fausses,

dans

menteurs,

dans

dans

mes

mes

imaginer la

correspond

fatalité

dans

Blanchot c’est

Ljcrire

Blanchot ?

n'ayant

que

Blanchot.

1948 ;

imaginer cette main, je ne peux

de regard que pour elle,

quelle pu

voulu,

sur

d’un

de

qui écrivit L'Arrêt de mort. Pour

et tout ce qui

Fai

vail

particulière

l’édition

ma

à

mesure, je Fai aimée et je

nature

démonstratif

:

de

En

forte

le

chot

de ce mouvement

choix du prénom de Thomas, si

été le messager malheureux d'une plus

remplaçant

faut

ser¬

le silence

laisser

parler

le

destin

qui

attitude

désignation

de

de livre, comme le

à

Laporte ?

Blanchot

les

lignes

Blanchot

de

ma

Cet de

Maurice

apparaissent-ils

comme

d’intervention

munauté

bonne

s’ignorent

pense

Roger

manifeste

d’abord la permanente possibilité ploie

Ils

ou

à

du créateur (j’em¬

dessein dose

ce

mot

pour

d’ambiguïté

la

qu’il

mais la {)résence en eux de l’au¬

recèle). Celui que je ne connais

teur du Très-Haut les réunit. Ils

pas,

dont

je

ne

verrai

jamais

officient dans la solitude et l’an¬

même

goisse,

qui se cache et ne parle que par

mais

photographie,

toute

que

à ce maître, sans pouvoir et sans

un texte ancien, ce que lui seul

cette force trop grande, incapable

savoir, émetteur seulement d’une

avait

détre ruinée par rien, nous voue

force qui pousse à son imitation,

semblables.

Ils

de

les

livres

qui

s’adressent

est

bien

vivant ;

celui

la

sorte

l’angoisse

une

leurs

de

de

de

toute ma force et elle m'a donné sienne,

et

cependant

et dans la nuit, je lui ai donné la

solitude

forts

sans

imiter du moins ce qu’il est loi¬

mesure, mais, si cela est, ce mal¬

sible d’imaginer d’elle, sans autre

peut-être

à

un

malheur

heur je le prends sur moi et je

recours qu’une parole fixée dans

m'en

réjouis

des livres.

elle,

je

sans

dis

« Viens »,

et

mesure

et,

à

éternellement éternellement

Le

elle

langage

n’y

a

plus

fasciné, plus

de

pas

la

d’individu

seulement

le

agit

la

fester

la

pas

plus grande, et le récit nard

Noël

se

clôt

Parole

dans

fidélité

ainsi

de Ber¬ :

« Et

à cela qui se lève de cet envers,

outre

une

voie

au

cela,

il

un

du

en

ouvre

Amont, texte,

sur

encore,

laquelle comme

le

maître

pour

mani¬

épisodiquement

quitté

vraiment

qu’il la

n’a

scène,

la

nous

vers

la

cement

supprime

que nous le

ici

qu’il

n’intervient

guère

est que

texte ;

la

dernière

mort)

ce dont elle fut séparée, et enfin

n’ait

page

été

seul

lien

patent

que

son

texte,

de

L’Arrêt

de

chot entame, nous passer,

cette nous

barrière

est

c’est que

invitant

attirant,

toucher, toucher

ne

l’attire

par

qui

ce

charme,



il

se

peut

soit

l’auteur

lecteur,

à

est

le

le

aussi

désire

lui,

le

son

séduit

contraire

repli ;

et

du

s’évanouis¬

sant à ce moment-là dans la nuit qu’il

a

lui-même

fait

le laisse éhranlé,

descendre,

perdu, changé,

plus pauvre de certitudes et plus riche

de

désir.

La Folie du jour est un court texte

qui

s’apparente,

par

ton et ses dimensions, aux nouvelles le

titre

réunies

Le

en

1951

Ressassement

(5).

Mais

des

préoccupations

on

y

retrouve qui

son deux sous

éternel surtout étaient

celles du roman de 1948, Le TrèsHaut,

dominé

par

les

figures

énigmatiques de la Loi et de la maladie. de

Ce

texte

révélation

Maurice Blanchot. moins

une

n’apporte

pas

l’œuvre

de

sur Il

question

pose néan¬ :

quel

ha¬

sard, quel désir ou quelle néces¬ sité

ont

poussé

M.

Blanchot

à

publier aujourd’hui un texte qui se clôt par ces mots : « Un récit ? Non, pas de récit ; plus jamais. » .Jean Frémon

: en

teur et lecteur. En effaçant par¬ écran,

cela

d’œuvres

1. Critique

de

le

veut

lien

avec l’auteur ce

propos

rien ne pourra faire qu’il pas

mais

Peu

2. Gallimard.

tiellement

à lire ces lignes — doit rejoindre

avions

le

à

souligne

de de

mais

même temps un écran entre au¬

daule

le

vient

tangible

ailleurs dément la réalité. L’effa¬

qu’il peut encore à tout moment remarquable

qui

preuve

son existence, mais dont tout par

intervenir.

Le

visage

une

je dis

4

vient

indique

direction,

sans

donner

ple tel paragraphe dont (P. Ma-

Macmillan, à Londres, vient de publier en russe « Dix années » de Jaurès Medvedev. Ce livre est une analyse de la vie culturelle soviétique depuis le début de la libéralisation en 1962 et un témoignage de ce que Soljénitsyne a eu à supporter pen¬ dant ces dix années. Ses ennuis commencent lorsque la revue « Novy Mir » publie, en 1962, « Une Journée dans la vie d’Ivan Dénissovitch ». Les défenseurs de ses livres sont condamnés par la presse officielle et beaucoup d’entre eux perdent leur travail. Soljénitsyne, lui-même, est exclu de l’Union des écrivains en 1969 et Alexandre Tvardovsky, le rédacteur en chef de « Novy Mir » est obligé de quitter la revue. Medvedev cite tous ceux qui ont essayé de discréditer l’écrivain.

nous

au-delà

pour retirer, effaçant par exem¬

Car la main — celle qui a donné

Mais

Retour

à mon tour je tends la main, et Viens.

il

ajout pouvait aussi bien le faire.

à cela — figure sans figure —, :

faire,

démontrer.

L’effacement

nom

il

l’imitation

parfaite dans la

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modifiant

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l’originalité,

le

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L’effacement

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ne

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portent

toucher,

page retirée !

l’absence

effacement

les membres d’une sorte de com¬ secrète.

chez

mystique

est inscrit dans la mienne, dédier main. Ainsi, les lecteurs

L'Arrêt

cet

Blan¬ à

la

comme

le

écrit.

chant des sirènes, dans l’intimité

Yékatérina Furtseva, ministre de la Culture, l’empêche de recevoir le Prix Lénine de littérature en 1964. Victor Louis, correspondant soviétique à l’étranger et « agent spécial du K.G.B. », donne une copie volée du « Pavillon des cancéreux » à Posev, un journal d’émigrés russes en Alle¬ magne de l’ouest, considéré natu¬ rellement comme anti-soviétique ; l’écrivain risquait la prison. Fait curieux, ce sont les éditeurs occidentaux que Medvedev critique le plus durement. Soljénitsyne est atterré par les traductions de « Un jour dans la vie d’Ivan Dénissovitch ». Bien mieux, dit Medvedev, Dial Press et Farrar, Straus et GIroux publient « le Pavillon des cancéreux » sans l’autorisation de l’auteur (les éditeurs le démentent). Les Suédois sont très attaqués, eux aussi. D’après Medve¬

dev, Gunnar Jarring, ambassadeur de Suède à Moscou, n’envoie pas de télégramme de félicitations à Sol¬ jénitsyne pour le Nobel. Medvedev pense, d’ailleurs, que si les Suédois avaient insisté, l’écrivain aurait pu recevoir le Prix et rentrer ensuite en Russie. Quant à Medvedev lui-même, qui a obtenu un permis de séjour d’un an à Londres, il s’empresse de terminer « Dix années » avant qu’on ne lui accorde le droit de quitter l’Union soviétique. Lorsqu’il apprend que la Russie va joindre la Convention inter¬ nationale du Copyright, le 27 mai, il décide de publier son ouvrage le plus vite possible. Convaincu que cette nouvelle loi permettra au gou¬ vernement soviétique d’interdire les ouvrages critiquant le régime, il pense que le simple fait d’entrer en

3. Michel



229,

Foucault

juin :

1966.

Histoire

de la Folie, Gallimard. 4. Voir en particulier L’Entre¬ tien

infini,

Gallimard.

5. Editions

de

Minuit.

relations avec un éditeur étranger sera considéré comme une atteinte à la sûreté de l’Etat. Lorsqu’on lui a demandé s’il pen¬ sait pouvoir rentrer en Russie, Med¬ vedev a répondu que son gouverne¬ ment déciderait après avoir lu le livre. Plusieurs biographies de Soljé¬ nitsyne ont paru à l’étranger. En Angleterre, « Soljénitsyne », par Hens Bjôrkegren, publié chez Aidan Ellis. Aux Etats-Unis, « Soljénitsyne : une biographie ». par David Burg et Georg Feifer, chez Stein and Day, qui a été très contestée, particulière¬ ment par Jaurès Medvedev dans le « New York Review of Books ». Rappelons que vient de paraître en français « Ce que je sais de Soljé¬ nitsyne », par Pierre Daix.

La Quinzaine Littéraire

Maurice Blanchot

Bernard Noël lit “l’Arrêt de mort” Ce qui doit suivre, je ne l’ai jamais dit, jamais écrit, et j’évite même d’y penser faute de savoir quoi en penser. Cela m’est arrivé au printemps de 1966. J’avais pris quelques jours de vacances à Saint-Céneri-le-Géret, près d’Alençon. Pour en revenir, le train est assez lent jusqu’au Mans, où l’on prend un express pour Paris. Les livres que j’avais emportés avaient tous été lus, sauf un : 1’ « Arrêt de mort » de Maurice Blanchot. J’hésitais à en commencer la lecture : j’hésitais, tout bêtement, parce qu’il ne me paraissait pas que le train soit l’endroit convenable pour lire ce livre. L’attente, l’hésitation firent que j’en commençai finalement la lecture avec impatience, mais cette impatience me chassait de ma lecture, et j’ai bien dû repren¬ dre les premières pages une demi-douzaine de fois, ralentissant peu à peu jusqu’à me les répé¬ ter mot à mot, comme on remet ses pas dans ses pas. Sans doute n’ai-je rien éprouvé alors de par¬ ticulier, à part la difficulté de réprimer mon impatience, et l’ar¬ rivée en gare du Mans dérangea bientôt ma lecture. Où en étais-je à ce moment-là ? Je ne m’en souviens pas, mais certainement pas au-delà des pages 20 ou 25, car dès que je fus installé dans l’express, je recommençai à la première ligne. Il ne dut pas se passer plus d’un quart d’heure avant que je ne sois pris d’un malaise grandissant. Très vite, je ne sus plus que devenir. Je me raidis, fermai les yeux, escomp¬ tant que l’immobilité me soulage¬ rait. J’avais froid dans les os. Je perdais ma vie. Déjà, j’étais à l’agonie. Je dois préciser que je n’étais pas seul, et que ma com¬ pagne avait commencé de s’in¬ quiéter. Je redoutais sa sollici¬ tude, car je ne pouvais lui répon¬ dre, persuadé que j’étais que si je desserrais les dents, ce serait pour rendre ma vie. Je n’avais plus qu’une idée : atteindre Char¬ tres, et me jeter sur le quai, où je pourrais mourir en paix. J’étais dans un coin, côté couloir. Je me levai, fis glisser la porte, m’accrochai à la main-courante et atteignis la portière contre laquelle je m’affalai. Le train ne s’arrêtait pas à Chartres. Je vis défiler les quais avec désespoir. Et la por¬

Bernard Noël doit passer en jugement le 25 juin. Il est pour¬ suivi pour « outrages aux mœurs » en raison de la publi¬ cation de son livre : « Le Ch⬠teau de Cène », paru sous son nom chez Pauvert, primitivement édité sous un pseudonyme chez Jérôme Martineau. Nous avons

tière, que j’essayai quand même d’ouvrir, était bloquée. J’étais pris au piège. Ouel piège ? Après ce comble d’horreur, mon état s’amé¬ liora graduellement au cours de la demi-heure suivante, et j’arrivai à Paris rétabli encore que pro¬ fondément désorienté. Il se peut que j’aie eu un ma¬ laise. Ma raison le voudrait, mais, en même temps, il n’y a pas de raison. Le séjour avait été heu¬ reux : j’étais reposé, détendu : je l’étais du moins jusqu’à 1’ « Arrêt de mort ». Curieusement, ma com¬ pagne ne me demanda pas d’ex¬ plication : chose plus étonnante encore, elle ne se froissa ni de mes dents serrées, ni de mon silence chaque fois qu’elle venait voir ce que je faisais dans le couloir. Ouand je regagnai ma place, après ma longue station près de la portière, je fis comme s’il ne s’était rien passé, et elle joua mon jeu. Depuis, j'ai adopté la même attitude à mon propre égard : je m’en parle, aujourd’hui, pour la première fois. Mais le procès-verbal que je viens de dresser ne me suffit pas. Du ne me convainc pas. Il y a autre chose : je ne sais quoi. Rentré à Paris, j’ai terminé le livre. J’imagine qu’à la fois j’étais pré¬ venu et que je voulais « voir ». Dn ne saurait lire dans cet état. Ensuite, pour me protéger contre une fiction qui, décidément, me paraissait bien dangereuse, j’ai inventé, autour du livre et en oubliant, une réalité. Dui, frappé par la date qui figure à la pre¬ mière phrase ; « Ces événements me sont arrivés en 1938 », j’ai imaginé que le « je » du récit avait les traits de Georges Bataille, et que Maurice Blanchot trans¬ posait dans r « Arrêt de mort » les relations de Bataille et de Laure. Cette interprétation ne reposait sur rien ; elle n’était

rendu compte à deux reprises (voir la Q.L n"" 87 et 132) de ce livre admirable d’un jeune poète que l'année 72 a révélé. Nous protestons avec énergie contre la confusion qu’on- veut établir entre une poésie haute¬ ment inspirée et la pornographie, qui, elle, court les rues.

que mon anti-fiction. Essayer d’opposer à la fiction une fiction de réalité me paraît aujourd’hui plus inquiétant que mon « ma¬ laise » ; mais l’inquiétude n’ap¬ prend rien : je suis devant deux problèmes pareillement insolubles, et dont l’énigme à la fin m’irrite d’autant plus qu’ils ont l’air de se compléter. Alors que, sans la trouver, je cherche dans mes notes une définition de l’énigme, je tombe sur ces lignes de Mau¬ rice Blanchot ; « Quelque chose m’avertissait que le doute devait toujours être égal à la certitude, et la certitude de même nature que le doute ». Dù en suis-je ? Je croyais que le simple fait de raconter com¬ ment une lecture m’avait rendu gravement malade suffirait à dé¬ barrasser, en moi, une place où quelque chose d’autre, aussitôt, apparaîtrait. Mais si je le croyais vraiment, pourquoi ne pas l'avoir déjà fait ? C’est qu’il m’aurait fallu parler de Maurice Blanchot, et que je n’osais pas — que je n’osais pas associer Maurice Blanchot, que je ne connais pas, à ma biographie. J’avais besoin d’un secours extérieur. Il est venu récemment sous la forme d’une lettre de Roger Laporte m’expli¬ quant le projet d’un essai amical sur Maurice Blanchot, et ajou¬ tant : « J’aimerais beaucoup que vous acceptiez de collaborer à cet ouvrage... ». Tout de suite, je sus que ma seule raison d’accep¬ ter, ou plus exactement mon seul droit de dire oui, était que j’allais enfin parler. Entre ce oui et les premiers mots de ce texte, trois mois ont passé, dont les six der¬ nières semaines à errer de livre en livre, mais en évitant 1’ « Arrêt de mort ». Un soir, cette phrase s’est imposée ; « Qu’est-ce qui pourrait nous combler ? ». Et j’ai commencé à écrire. D’où venait-

elle, sans doute de cette affirma¬ tion de Maldoror : « Moi... j’existe comme le basalte ». Et de l’image qui s’en était suivie que la pierre, avec son volume plein, est une chose comblée d’elle-même. Ai-je alors rapporté cette image au corps, comme je le fais à pré¬ sent, je ne le sais pas. Le corps est-il perçu comme volumineux ? A-t-il plus de deux dimensions en dehors des moments où une douleur le creuse ? Me posant ces questions, je suis ramené à mon « malaise ». D’ordinaire, la lecture efface le corps. Que de¬ viendrait notre relation avec les livres, si la lecture violentait notre corps ? S’il y avait un risque phy¬ sique à courir chaque fois que nous ouvririons un livre ? En mê¬ me temps, n’est-ce pas le rêve traditionnel de l’écrivain que de « toucher » son lecteur ? Qui, mais peut-on imaginer livres moins sus¬ ceptibles de toucher leur lecteur dans ce sens-là que ceux de Maurice Blanchot ? Il y a bien vingt ans que je cherche à saisir comment mon corps produit de la pensée, sans réussir, entre la machine et le produit, à percevoir le mécanisme producteur. Et si, me dis-je — et j’hésite —, et si, dans ce train, j’avais, pour la première fois, été aux prises avec une pensée physique ? Ces deux derniers mots m’exaltent ; puis soudainement, ils se dérobent : que disent-ils ? Que veulent-ils dire ? Et comment, des mots, dé¬ finis comme faiseurs d’absence, pourraient-ils... A cet instant où je désespère, une image surgit. D’abord, je la prends pour ma propre dérision. Je me vois devant Roger Laporte, à Montpellier, il y a un mois. Roger parle de Maurice Blanchot (sujet que nous évitions), de la coupure entre les romans et les récits, de la coupure... Et brusquement éclate dans ma tête une espèce de cri, qui, me semble-t-il, ré¬ sume tout mais dont je n’ai pas osé me libérer en le lançant : « Il est tombé dans sa propre bouche ! ». Tomber dans sa propre bou¬ che, ce serait mettre le dehors dedans. N’est-ce pas le processus de la langue et celui de la mort qui, littéralement, nous mettent dedans avant de vider le dedans

5 du 16 au .30 juin 1973

dehors ? Mais comment, dans le corps, la langue se mêle-t-elle à ce qui veut penser pour pro¬ duire, justement, de la pensée ? Etrangement, il n'y a je crois bien qu'au sujet de Thérèse d'Avila qu'on ait fabriqué l'ex¬ pression « corporéo-spirituel ». Le terme « spirituel » me gêne parce qu'il faudra des siècles pour le laver de sa connotation dualiste. Mais « corporéo-spirituel » n'est-ce pas ce que je cherchais à dire avec « pensée physique » ? « Cor¬ poréo-spirituel » qualifie la pro¬ duction ; « pensée physique » vou¬ drait qualifier le produit. Mais, à l'intérieur de « pensée physique », il y a carambolage entre la pro¬ duction et le produit : il manque l'instant de la différence. Ce que je voudrais dire se situe d'ailleurs au-delà : si la pensée est phy¬

sique, bien sûr. Mais alors est-il seulement concevable que lire et penser ne soient pas exactement la même chose ? Et lire et écrire ? Ici, revoyant tout à coup le visage de Hemingway (pourquoi ?), j’ai envie de jeter bas toute cette argumentation et d’écrire : on vit, on meurt, on a écrit, on a lu, et c’est tout. Mais cette réduction peut se traduire en une équation : vie écriture mort lecture équation qui me ramène aussitôt au même point. Je cherche à penser à ce point, où se croisent les quatre termes de l’équation. Il me faut d’abord le représenter : vie écriture lecture mort Qu’est-ce qui apparaît ainsi ?

D’abord, qu’aucun des quatre ter¬ mes n'existe individuellement ; ensuite que, pour s’articuler, il leur faut en effet se croiser, et que ce croisement, lui, ne peut être qu’individuel. Ne peut que passer par un corps. Ici, je suis devant une chose qui ne peut pas avoir lieu parce qu’elle a déjà eu lieu. Je vou¬ drais — là, sur cette page — écrire 1' « humanité » de vie /mort // écriture / lecture, mais comme chaque homme j’en suis la FIGURE. La seule, pour moi pos¬ sible. Je ne peux pas écrire ma naissance. Je ne peux pas me réincarner. Je me dis : à quoi servirait le sens s’il ne conduisait à un moment insensé ? Et une image me répond : celle de mon « agonie » dans un train roulant du Mans vers Paris. En quelle

autre figure ai-je été là tout près de me transformer ? « Voir comme il faut, dit Maurice Blanchot, c’est essentiellement mourir, c’est intro¬ duire dans la vue ce retourne¬ ment qu’est l’extase et qu’est la mort. » Où suis-je ? Dans ma bouche, et à cet instant où l’on ne sait si dehors va dedans ou bien dedans dehors. Qu’est-ce à dire ? Sans doute que les termes que je poursuis ont, au moins, un mouvement apparent, et qu’écrire et lire, s’ils coïncident un instant ne s’écoulent pas de la même façon : lire nourrit écrire, écrire nourrit lire. Et au commencement était le Texte. Bernqrd Noël ©Fata Morgana

A propos des poursuites contre Bernard Noël

Quels outrages ? Quelles mœurs? Une fois de plus, la liberté d’expres¬ sion d’un écrivain se trouve menacée : un procès est intenté à l’auteur du « Château de Cène », Bernard Noël, inculpé d’outrages aux bonnes mœurs. Une fois de plus, le 25 juin prochain, le fantôme du procureur général Pinard viendra hanter la 17* chambre correctionnelle. Une fois de plus, un juge est à plaindre qui, en toute bonne foi sans doute mais en toute subjectivité évidemment, devra arbi¬ trer le faux combat que se livreraient Littérature et Morale ; une fois de plus, il lui faudra affronter le souvenir doublement célèbre de ce Pinard qui, pour avoir requis contre le réalisme grossier d’un Flaubert et d’un Baude¬ laire, a définitivement ridiculisé les procès intentés à la littérature au nom des bonnes mœurs. Une fois de plus, le ridicule n’ayant pas tué, une incul¬ pation est lancée qui s’avère dérisoire en politique comme en droit. Juridiquement, l'outrage aux bonnes mœurs n’existe pas. Dans nos socié¬ tés dites libérales, la sécurité juri¬ dique doit fonder la liberté des parti¬ culiers ; ce qui permet au Droit de remplir cette fonction, c’est qu'il est précis, c’est qu'il nomme les caté¬ gories qu’il vise, c'est qu’il s’énonce. Or la notion de bonnes mœurs ne s’énonce pas. Prévue par la loi du juillet 1881 puis insérée dans le décret du 29 juillet 1939, dit Code de la Famille, elle n’est pas définie. Entaillée de toutes parts, réduite à la défense d’une morale sexuelle indé¬ cise, maladroitement distincte de l’obscénité et de ia licence, naviguant entre les différentes frontières de la forme e1 du fond, la notion de bonnes mœurs recouvre un interdit diffus qui naîtrait de « l'esprit public » ou du « corps social » contrairement à l'attentat à la pudeur par exemple l'outrage aux bonnes mœurs, pour

6

être punissable, ne nécessite pas qu’il soit porté atteinte à des personnes déterminées. L’incertitude des critères est telie qu’il ne s’agit plus de Droit mais de censure, et en matière de censure, le policier fait en général mieux l’affaire que le magistrat. Aussi bien Bernard Noël s’est-il déjà heurté à la censure et à la police : édité une première fois chez Jérôme Martineau, sous ie pseudonyme d’Ur¬ bain d’OrIhac, « Le Château de Cène » a déjà été poursuivi sur la

base de l’article 14 de la loi du 16 juil¬ let 1949. Ce texte permet au ministre de l'Intérieur de prononcer un certain nombre d’interdictions à l’égard de publications qui pourraient présenter un danger pour la jeunesse, système redoutable, véritable alibi de la cen¬ sure puisqu’il vise non f)as des publi¬ cations destinées à la jeunesse (ce qui suffirait à en exclure « Le Château de Cène ») mais les publications de toutes sortes destinées aux adultes. Le système est assorti de sanctions

“ Il est temps de réagir ” Depuis quelque temps, on l'a remarqué, les poursuites, les procès se multiplient à l’encontre des édi¬ teurs et des auteurs. C’est Jérôme Martineau obligé de cesser ses acti¬ vités. C’est Régine Deforges, Fran¬ çois Maspero, Eric Losfeld grave¬ ment menacés (sait-on que sur ce dernier pèsent plus de 600 000 N.F. d’amendes et la possibilité d’une contrainte par corps, qu’il a été déchu de ses droits civiques ?). C’est aussi André Hardellet dont ie procès pour outrage aux « bonnes mœurs » par la voie du livre a eu lieu devant la 17' chambre correctionnelle du Tribunal de la Seine le 29 mai (jugejment reporté au 9 octobre). Cette même 17* chambre correc¬ tionnelle, sur la même inculpation d’outrage aux bonnes mœurs, jugera ie 25 juin prochain Bernard Noël pour son roman « le Château de Cène», paru en 1969 sous pseudo¬ nyme chez Jérôme Martineau et Fata Morgana, réédité en 1971 sous son nom chez Jean-Jacques Pauvert. La liberté de création, la liberté d’expression ne se divisent pas. Il est temps de réagir.

Les écrivains, éditeurs, journa¬ listes, critiques, chercheurs, artistes, professeurs dont les noms suivent, tiennent à faire connaître, à l’occa¬ sion du procès de Bernard Noël, leur indignation devant le principe et la réalité de telles poursuites. (Suivent 117 signatures.)

Quatre nouvelles inculpations à François Maspero pour « mise en vente d’ouvrages interdits qui ne figurent pourtant qu’au catalogue : « la Grande Mystification du Congo Kinshassa » de Cléophas Kamitatu (voir « la Quinzaine littéraire N° 138), « Main basse sur le Cameroun » de Mongo Beti et « le Petit Livre rouge des lycéens ». La quatrième inculpa¬ tion concerne la distribution de la revue du Parti communiste espagnol « Mondo obrero » dont l’arrêté d’in¬ terdiction remonte à 1952.

administratives intolérables, telle l’obligation au dépôt préalable des publications analogues à celle qui a fait l’objet de la première interdic¬ tion, sanctions auxquelles Jérôme Martineau, le premier éditeur, ne semble avoir échappé que par la fail¬ lite... Courageusement, Jean-Jacques Pauvert prend la relève et réédite le livre. Courageusement car le principal effet de cet article 14 (et qui en cons¬ titue d’ailleurs l’hypocrite justification) c’est qu’il atteint la liberté commer¬ ciale de l’éditeur. C’est en effet l’argument suprême, refuge de la bonne conscience de nos censeurs : en cette matière, la liberté d’expres¬ sion ne serait pas atteinte, seule est visée la liberté du commerce et de l’industrie... de la pornographie. Peu leur importe apparemment le ridicule de cette double assertion : peu leur importe qu’il suffise de jeter un regard à l’étalage de milliers de devantures pour comprendre qu’ils donnent ainsi un label de qualité et de libre exploitation à la sexualité utilisée comme moteur d’une écono¬ mie marchande sous des formes variées qu’ils se gardent de pour¬ suivre ; peu leur importe aussi que, menaçant la liberté commerciale d’éditeurs moins courageux, ils pro¬ voquent par leur intermédiaire la cen¬ sure de la liberté d’expression et de création des auteurs Peu leur importe puisqu’en fait la censure ne désire, ni ne peut se justifier. Elle est confortée néanmoins lorsqu’elle peut se couvrir du prononcé d’un magistrat. Interprète d’une éthique sociale à laquelle on veut donner les appa¬ rences de l’unité, sondant patiemment les majorités silencieuses et les textes muets, dans cette impossible recherche d’une indéfinissable défi¬ nition des bonnes mœurs, le juge

La Quinzaine Littéraire

est seul. Seul, car il ne peut compter sur la solidarité de ses pairs, de ceux qu’il appelle la Doctrine : qu’il se tourne vers les grarrds textes ou les manuels, il ne trouvera que prudence alarmée pour s’inquiéter qu’il « s’érige en censeur des passions humaines » et l’avertir du caractère « éminem¬ ment subjectif » de son verdict. Seul, car il n’osera sans rougir se référer à l’intention du législateur telle qu’elle ressort par exemple du rapport de la Commission d’enquête à l’ori¬ gine des mesures répressives dans le Coae oe la Famille, elle est marquée du sceau du paternalisme le plus imbécile. Qu’on en juge par cette conclusion : « il y eut des époques où n’étaient corrompus que ceux qui s’exposaient eux-mêmes à la corrup¬ tion. Mais dans une démocratie où tout le monde doit savoir lire et peut, par conséquent, être exposé sans le vouloir aux pires entreprises du mer¬ cantilisme littéraire, si la corruption s’imposait aux muitituaes par une oiverslon plus forte que les volontés et plus puissante que les lois, le peuple, à qui les généreux apôtres de renseignement populaire ont prodi¬ gué littéralement les moyens de tout lire, risquerait de payer d’une rançon coûteuse et d’un dommage certain, les progrès de l’instruction publique ». Ainsi le peuple, cet enfant, ne peut

choisir ces lectures et qu’importe si miraculeusement redevenu adulte pour la consommation, il doit tout acheter... Faute de texte, les bonnes mœurs se nourrissent de l'air du temps. Au juge, notre père tout-puissant, d’en induire les subtils aléas lorsqu’il doit en outre décider de la qualité de l’expression littéraire. Ce désert juridique permet en effet une belle échappatoire : le juge peut faire la part de la qualité artistique devant laquelle les bonnes mœurs ne sont pas outragées... Ici la morale sexuelle cède le pas devant l’Art, les principes sont saufs, la liberté a'expression est respectée.

Il faut dévoiler la mascarade. Il n’y a pas deux sortes de censures, la bonne et la mauvaise. Il n’y a pas plusieurs sortes de libertés d'expres¬ sion. Les censeurs de Miller, de Gent, de Burroughs, de Lawrence, de Céline, de Guyotat, de Bernard Noël et des autres sont de la même famille. Leurs armes sont les mêmes. Leurs buts et leurs effets sont les mêmes. Interdire •« Les Fleurs ou Mal » est un crime pour lequel on ne peut plaider aucune bonne foi. inter¬ dire « Le Château oe Cène » parti¬

cipe du même crime, qu’on s’indigne avec la bonne foi d’un Pinard ou que, tout simplement on n’en goûte pas nécessairement la facture... Le goût n'a rien à voir avec le Droit. Et cela pour deux sortes de raisons s'il en faut. L’impossibilité d’établir la qualifi¬ cation de l’arbitre d’une part. Au nom de quelle science le juge serait-il compétent pour établir la qualité artis¬ tique de l’œuvre ? Il ne faut pas s'y tromper, c’est pourtant ce qu’il fait. Le juge qui ose condamner un iivie pour outrage aux bonnes mœurs est amené fatalement à le condamner pour •> insuffisance » artistique. C'est ce qu’il devrait refuser sauf à se gon¬ fler d’une prétention bornée. Au-delà oe cette prétention qui ne déconsidère que l’inaiviau, c’est aussi un principe qui se trouve dévoyé, bafoué. On le sait, plus personne n’en doute, l’Interdit ne remplit pas la fonction qu’à tort on lui a attribuée : en aucun cas la répression n’influence révolution des mœurs, bonnes ou mauvaises, d’une société. Quelle hypo¬ crisie faudra-t-il pour condamner « Le Château de Cène », corinaissant son tirage, son prix, le public auquel il s’aoresse alors que chaque jour, on ne peut feinore oe l'ignorer, sont vendues à oes rriilliers a'exernpiaires, pour oes prix dérisoires, soutenues

par une publicité abondante, des pu¬ blications de toutes sortes faisant place au meurtre, à la torture, au racisme et à la violence ! Au nom de quelle hypothèse indémontrable fau¬ dra-t-il considérer que la sexualité est plus dangereuse pour cette société ? Parfaitement inefficace en ce do¬ maine, la répression remplit d’autres fonctions plus subtiles et plus subti¬ lement. Il faut dénoncer la confusion qu’elle entretient entre la liberté d’ex¬ pression et la liberté de l’art. La pre¬ mière est sans doute l’une des condi¬ tions de l’autre, mais jamais le prin¬ cipe de la liberté d’expression n’a été énoncé en faveur de la seule création artistique. Peut-être faut-il le rappeler plus fermemertt à l’heure où un ministre oes Affaires cultu¬ relles tente oe le limiter autrement. Autrement ? Peut-être sommes-nous encore trop naïfs. Peut-être doit-on signaler aussi que l’érotisme du « Château de Cène » accompagne un chant de l’anti-racisme et de l’anti¬ colonialisme où « le masque s’agite et mâche et déglutit si bien qu’il englou¬ tit absolument la chose coloniale •>.

par Marc Hanrez

Il faut dévoiler la mascarade

Evelyne Pisiei-Koucrmer

ESSAIS CRITIQUES Erika Ustrovsky

Céline, le voyeur-voyant

André Snilib

La nuit de L.-F. Céline

Frédéric Vitoux

L.-F. Céline, misère et parole

Péguy-Rolland

Pour l’honneur de Cesprit

Jean Bastaire

Péguy tel qu’on l’ignore

Charles Péguy

Marcel

Franco Simone

Uizioriurio critivo délia

par Koger Uudouri

par Atiioiiie Adam

letteruturu fruncese

Erika Ustrovsky, Céline, Le voyeur-voyant, Bucliet/Cliastel éd., 320 p.

Céline “récupéré”?

André Smith, La Nuit de Louis-Ferdinand Céline,

Céline enfin récupéré ? J’en parle d’autant plus à mon aise que

Grasset éd., 224 p.

voilà plus de dix ans, j’ai moi-même participé à cette campagne montrer

Frédéric Vitoux, Louis-Ferdinand Céline, Misère et Parole, « Les

Essais »,

CLXXX,

que

Céline

n’est

pas

un

écrivain

« maudit »

ou

:

« intou¬

est sans doute la plus importante — oui, malgré Proust et consorts

était d’anatomie, de voir ses écrits allongés sur nos tables de dissec¬ il

n’en

moins,

en

vertu

paradoxalement, approche,

bonhomme

se

distancer

du

cas

d’abord

quelque

envoûtement.

Voilà

d’atteinte

de et

à

le

tout,

blasphème,

figer

hors

jamais

de

notre

particulier

pour

Je de

ne jeter

critique

préconise aux (en

pas

orties

admettant

toutefois l’appareil que

cela

premier

Nos

sur les

l’écart

affects

plutôt

que

sur

contact

avait

avec la matière verbale, dans son

texte

perdre

le

ce

phénomène Céline

stigmatisé auquel

:

le

que,

par

lui-même cancer

désormais

du

toute

lecteur

mort,

venu.

trois commentateurs,

oublié,

éprouve

les

la

cha¬

cun à leur manière, ne l’ont pas

quelque

concepts,

à

du

prouve

En

oppose

pas que

risquer en effet de manquer l’es¬

prophétisme,

se

émotion.

vie,

sentiel.

ment

bien

du 16 ou 30 juin 1973

risque

la

son

Céline, dont le système se fonde

Céline,

ou

autres

de

la lecture spontanée, cathartique,

part

mesure où l’on antipathie

nous

langage

regretterait

formidable travail immédiat, c’est

soit possible). Je rappelle simple¬

désenchanter du récitatif célinien, dans la

à

caractérise

universitaires, mais qui du même coup

fallait

qu’il

tion ;

tiques ont reprise à leur tour, et il

passionné

vingtième siècle (1).

corrigée, approfondie, développée. faire,

peut-être,

qui n’ont pas touché aux racines — de la littérature française au

notre

Pour ce

tion culturelle... Céline se réjoui¬

chable », mais un grand, un gigantesque écrivain, et que son œuvre

qui, que maints cri¬

valable se trouve exposée

dans notre atmosphère de pollu¬ rait

Gallimard éd., 248 p.

Démonstration

œuvre

qui

se

sont ménagé

d’enthousiasme. que,

Et

contrairement

une cela à

ce

qui se passe avec la plupart des auteurs,

l’analyse

la

plus

rigou¬

reuse, ici, ne peut longtemps res-

7

ter

insensible

;

tôt

ou tard

elle

mise à jour). Ce n’est

se laisse emporter par le courant

une

émotif

même

(pi'elle essaie en

canaliser, bien (pic

vain

de

(diez Mme Ostrovsky. la traduction française

enquête

très

exhaustive

donc

pas

originale

ni



celle

qui

reste à faire pour Céline comme Fainter l’a faite pour Proust, —

rattéiiue. il y a comme un désir o^moti()ue d épouser le discours

mais

une

assez

confus,

célinien.

resque et qui, à force, en devient

liour

voire

l'érotisme

rhomme et

une

sur

la

des textes

par

(leux.

l>nires

:

complaisance

(ju'clle

prête

foi

témoins

des

à

« // /e.s prt’ferait

Au

creux

de cuisses

de

humides,

violence -

par

délices.

chait

tour

à

Il

de

vise

au

pitto¬

abusif. Pour rendre compte d’une existence, dien

dans

et

son

aléatoire,

quoti¬

comme

chevau¬

rôle,

tenant

langoureusement

drapée

cas

chez

c’est

surtout en comparaison de l’écri¬

par

le

flux

leurs

ou

les

qui

« montage »

justement

le plongeaient dans de

suprêmes l'autre,

ruse

de

leurs

feintes dérobades de nymphes contrecarrées

esj)èce

Céline,

ture qui s’y rapporte, une telle classification fausse la perspective et,

dans

l’esprit

institue ou

un

du

portrait

forme

comme de savoir si Rigodon était

ments

bel et bien terminé

définir sommairement comme une

quelques

Ostrovsky

se

le texte en suspens. restera

blanche

(p.

de

structure

intime

de

l’œuvre. C’est de cette structure, et non anecdotes,

que

tre

part,

dre

sans

descendre

une

niveau

le

perspicacité

avec

beaucoup

plus

La structure se révèle

convaincante, et qui somme toute

tous

fp.

des faits et gestes, plutôt que sa

« machine

biographie,

Mais

savoir

qui,

du

par

ne

critique

plus

ou

du

créateur, est le véritable « voyeurvoyant »...

d’intérêt, confronte pages à

Nord

seul,

armé

p.

de

sa

pro¬

pre méthode, la Nuit de Céline.

D'un

flagrantes 244,

que

rentrée

André Smith, lui, ne veut pas traverser

la

pour avec

313-316),

erreurs

A grand renfort de citations

n’est

ce

Céline

pas

plus tôt).

11

utilisable

leur

opère

:

sonnages

Uécriture.

ou

Les

per¬

Le refus, c’est tou¬

ferai

(p.

thé¬

240) ».

d’emblée

un

et

parle du discours dans son ensem¬

malgré

(par n’est

des

exemple, pas

avec

« avait fait mais trois

dommage

sa

avec

pas ble

fondamental.

abusif et

ressorts,

également,

qu’on de se

en

romans

phlets ?

L’œuvre

IN’est-il lorsqu’on

cherche

limiter

premiers

et de

aux aux

les deux pam¬

Céline

a

ans

précisément ceci de remarquable

enfin

(et de comparable à la Recherche

qu’elle n’ait pas cherché à éclair¬

du Temps perdu \

Quel que soit le biais par lequel il

l’examen

peu qu’on le la chronologie

l'autre,

est

je

après

reproche

littéraire »,

Château

dépourvu

se

des

second

qui

finit

désor¬ vie

s’occupent

au

secrets,

répéter.

On

le

la

MM. Smith et Vitoux : le premier

satyre et flûte de jonc à la fois 28).»

et ou

les(|uels

transmue en œuvre.

la

de

l’ordre

dans

démontage de l’œuvre en tant que

son

par

l’auteur (sinon l’homme), et d’au¬

de la

se

obligée

Destou¬

personnellement j’adopte en

raison

deuxième

catalogue

est

de

finalement

teur, le narrateur, le scripteur et

la

donne

à

dit,

celui

intégrés

du

celui

hypothèse,

à

Céline

cela

la

Cela

Bardamu.

ces à établir entre, d'une part, l'ac¬

déclaré et

matique de J.-P. Richard (2) — le

l’autre, elle

de

Ferdinand,

inaugure —

voyeur ;

la

reconstruction

celui

ches,

jeu, en ce sens que, d’une classe

et

de

événe¬

pourrait

à

crédit

des

:

les

On

du

aurait

femme ;

que

aujourd hui

Moi

tous

vie.

celui de Céline, avec des différen¬

17) », sa

« Ma feuille

presque de sa

entreprise

les plaisirs du regard à ceux de acteur

son

de

dans son bras, regardant. Mêlant —

à

la veille

laisse

chair

elle-même

points

la mort de l’auteur, ou si. au contraire, sa disparition a laissé

mobiles

déformant. Du reste, Mme prendre

profane, maladroit

mystérieux,

cir

qu’elle met en

Alors,

mais

structure

totale

suppose les

alors

la

seulement, révèle.

Ce

considération

de

livres,

se

puisque

chacun

d’eux se combine aux autres, quel que le

soit

le

genre

mouvement

cours.

(Voilà

adopté,

général

dans

du

pourquoi

je

dis¬ doute

que Rigodon en soit vraiment le point final vers

:

il manque à l’uni¬

romanesque tout le

pan

de

l’exil

au Danemark,

dont Féérie

pour

une

n’oifre

que

leurs

réfé¬

des

autre

aperçus).

rences

à

fois

Malgré

tel

ou

tel

ouvrage

en

dehors de ceux choisis, ni André Céline aux temps de Londres

Smith

ni

Frédéric

s’intéressent

à

Vitoux

ces

ne

pioblèmes

jours à grand renfort de citations

(quand ils ne confondent pas, du

qu’il se borne en fait à découper, puis à reconstituer, cette narra¬

moins

tion

qui

continue

à

coller

à

sa

glose. Même Frédéric Vitoux, qui réussit

à

procéder

systématiques, modes les

de



les

partie

œuvre,

les

pour

une

bale,

qui

expriment

degrés

abandonne

sième

:

clivages dillérents

« parole »

différents

sère »,

par

de

dans

sa

L'auteur

clivages

en

troi¬

et

son

question

appréciation

l’écriture

« mi¬

plus

va

de

et

vice-versa.

glo¬

à mon

leidinand Céline) ;

avis,

avec si bien

structurales, l’œuvre,

Baidamu

aux

dimensions

demeurent

de

partielles

Même

textuel,

de

que

ou

que leurs vues

insuffisantes. encore

ou

Destouches

à

et

l’échelon

choses

à

dire

: pour le Voyage, sur les

rapports ration ;

du narrateur pour Mort

à

sa

nar¬

à crédit, sur

la parenté et la sexualité ; etc.

à

Certes, à juste titre, tous deux

ISous

insistent sur les fonctions, essen¬

l’existence

allons revenir sur ce qui sépare

tielles,

ces

étudie en termes d’ « écriture » et

trois

commentaires

premier

se

soucie

(dont

peu

le

d’analy¬

du

langage,

Vitoux, en termes

que

de

Smith

« parole ».

ser) ; mais il est bon de souligner

Et cependant — M. Vitoux d’une

leur tendance commune à ne pas

manière

vouloir — ou à ne pas

M. Smith — ils ne négligent pas

pouvoir

plus

circonstanciée

que

— émietter à fond la substance

pour cela, derrière le système de

narrative qui, d’ailleurs, ne cesse

signes, la présence obsessionnelle

de glisser entre les catégories.

du

Forte de ce qu’

« une biogra¬

référent,

qui

que la mort

phie, ça s’invente », et de ce que

revêt

« la

et les moyens

vie

comme

le

qu’elle Mme

aussi... lui cite

celles

autant

que

moyen

des

nombreux

roman »,

souffle

Ostrovsky

rebâtir

est

deux

(qu’on

de

procure

la

vie à

épigraphe,

d’autres. Le discours romanesque

ingéniée

Céline, mêmes

renseignements

à

« vie » et

au de

épars,

Cahiers

de

rééditer

rHerne en

un

seul volume, avec une biographie

8

même qu’elle

s’est

« biographie »,

de

sein

en

écrits

vient

ici

certains hommes pour en aliéner

dont en majorité ceux fournis par les

autre

sujet

de

son

au

n’est

: les formes qu’elle

de Céline, en

tout cas

dans

premières versions, c’est le

ses « re¬

fus » (Smith) et « condamnation » (Vitoux) mène ;

de et

ce

les

double

modalités

phéno¬ de

son

langage, que M. Vitoux dénombre avec ment

soin, dans

chambarde

le

situent

la

non

littérature

les

règles),

seule¬ (où

il

mais

La Quinzaine Littéraire

encore

dans

menace

les

la

société

(dont

il

codes!.

Si

je

me

question

Au fond, une écriture engagée :

son

suis

plutôt

essai

en

arrêté

qu’à

est

à

cette

d’autres

plein

qui

(et pro¬

pour de

vrai,

historique

et

non

plus poétique, où faire anticham¬ bre

avant

le

déluge.

A

cette

Lorsque Mea

voquent la réflexion), c’est parce

échelle, que formuler au nom de

rien

des

qu’elle vient à l’appui de ma pro¬

l’individu, même

qu’un

naires du verbe

ou

révolution¬

de papa !

Com¬

pre argumentation sur la nécessité

ment dès lors expliquer les pam¬

de

phlets ?

effet,

Frédéric

Vitoux



car

parcourir

toute

l’œuvre.

des

pamphlets

au-delà

En et

Quoique

de la

Vitoux

ne

société ? considère

au

du mot.

qu’il

a

qualité pour le faire, il ne peut

œuvre

l’attitude

pas

modèle

sé¬

de

mort

(cf.

citement

du

tout

au

avance

une

interprétation

(3),

célinienne

en

rieuse, qui a le mérite de ne pas

ci-dessus)

cliange

reposer sur

les

tout : elle devient acceptation de

teux,

mais

que

note

risque

de

événements sa

dou¬

présence

faire

en

ignorer

:

« La parole célinienne des pam¬ phlets

figure

en

quelque

sorte

la

face

fatalité, c’est-à-dire

description.

Il

certaine

utopie,

distraction »

qui

est

monde.

A

jugée

les

deux

romans.

Céline les

misère

liés

oublie

premiers

nostalgie

la

leux,

mort,

en

la

dégager

leçon

:

impli¬

quoi

se

ambiante

dans

dans

« Le

para¬

les

et

toute littérature moderne) présenter

une

œuvre

de

est de

moindres détails, mais c’est aussi

rattache

la

de

« châteaux »

de

serait

« quelle prouver

marche » que

le

plus

la

qui

longue et

un

lui-même

en

et

définitive

le

que

comment.

dans

c’est

dans

1.

ses

Céline,

idéale », 2.

le

temps de sa construction qu’elle procure à Fauteur des

Marc « La

Paris,

Hanrez

Bibliothèque

Gallimard,

La Nausée

de

1961.

Céline,

Fata

Morgana.

bénéfices

3. Voir mon article :

l’adolescence,

divertisse¬

qui n’apparaissent pour les autres

prophète

aux

mécanismes

de

ment parallèle à la masturbation.

qu’à l’examen de son achèvement

Lettres

Sigmaringen,

(p. 240). »

octobre

château

mal

pourquoi

de

un

à

ceux

un écrivain d’exception. Ce n’est

mécanismes

c’est

pour

d’antidote,

vrais

parole (p. 223).

que,

« finie »

fois

comme

devait

pas

proustienne

le

merveil¬

il

des critiques avisés nous en disent

l’œuvre

sa

du

revanche,

de

et

l’homme

pas

prendrait

doxe célinien {comme aussi bien

une

contre

oublie

quand

pas

dont on peut montrer encore une

charge

dans

parole de

avait

ne

même une certaine illusion, voire

très exactement cette « parole de sévèrement

y

En

savait

le

pressentir

regrettable

magne

abois

ne

voient l’humanité en danger, son

plus

jusque dans la fresque de l’Alle¬ aux

il

Robert

d’autant



Ostrovsky

dans

n’est-ce

pas cette métamorphose, et c’est

M. Smith à cet égard reste aussi Mme

écrivait

« L’Elite

tout »,

Petit

évasif

que

:

pas c’est l’Exemple ou alors c’est

beaucoup plus explosive que celle contestataires

Céline

Culpa

au

long

« Céline,

cours »,

Nouvelles, 1969, pages

Les

septembre165-172.

Essais critiques

Pour l’honneur de l’esprit Correspondance entre Charles Péguy et Romain Rolland, 1898-1914

Alhin Michel éd., 348 p.

Faits pour s’entendre

Péguy tel qu’on l’ignore

l’honneur de Péguy et de Rolland.

Cahiers Romain Rolland, 22

Avec ses pièces de théâtre,

Textes choisis et présentés

les

par Jean Bastaire Idées, n" 291, Gallimard éd., 371 p.

dix-sept

la

correspondance

com¬

plète entre Péguy et Rolland, soit 382

lettres,

substantielle

dont avait

une paru

partie en

1955

sous le titre une Amitié française. Titres symptomatiques

:

l’espèce

de moralisme et l’espèce de chau¬ vinisme qu’ils traînent après eux désignent l’opération ment et

de

de déplace¬

récupération

qui

ne

cessent de maintenir les deux écri¬ vains

à

distance

de

leur œuvre,

pour les soumettre à de désolantes besognes idéologiques — Rolland embarqué dans le bateau du sta¬ linisme,

Péguy

dans celui

de la

Cette correspondance parle fort

cela

qui

du 16 au 30 juin 1973

est

tout

à

de

d’âge, et presque de gouvernement

Cahiers et menace une trésorerie déjà

aucun

le

droit

d’auteur.

d’existence,

des

premiers

sens

succès

le

d’intérêt.

de

plus

deux

plus

»

désirs

fort

Quel¬

profond,





de au

d’indépen¬

pour nous tous. » Mais une édi¬ tion

Ollendorff

concurrence

déficitaire ;

défini

les

Cahiers

avait

comme

volumes de Jean-Christophe incite les éditions Ollendorff à se char¬



moyen de laquelle « aucune for¬

ger de la publication, la tension

à

est extrême entre les deux amis ;

lourdes tâches professionnelles et

Péguy

de

pour

aura

des

Rolland

sardonique,

l’Esprit

Rolland

libérer

de

ses

au

tune individuelle ne serait pour¬ suivie

» ;

l’accord

avec

Ollen¬

œuvre ;

dorff a dû être perçu par Péguy,

quand Rolland remettra, en 1912,

non seulement comme un risque

de

système,

sa

financier,

durs

se

consacrer

démission

animé d’une inspiration à la Mar¬ cel

ces termes

Péguy

se

met

scène et dit de Rolland : d’eux,

se

permettre

ouvrage

très

Péguy

Duchamp,

de

va

»,

cet

mots

(dans

Ollendorff

communiste

une

«

par

institution

Péguy

les

dance, se heurtent. L’argent ver¬

en

de

exaltera :

à

son la

Sorbonne,

l’événement

en

« C’est une grande

une

mais

surtout

comme

« infection » caractéristique

du capitalisme bourgeois. (« C’est

« L’un

grand fabricateur de

dra¬

mes historiques, n’avait jamais pu trouver un éditeur qui le publiât ; un directeur qui le voulût jouer ; il finit par mettre la main sur un jeune homme imbécile qui le

publier

ruina

sa

se

ruina

femme,

pour

totalement,

sa

famille,

ses

enfants, ruina sa santé, ruina ses yeux à corriger les épreuves. Im¬ bécile,

dit

land

ne

le

petit

d’esprit... reculera

chantage

pas :

Larousse,

») ; la

et

Rol¬

devant

un

suite

de

contre une édition parallèle chez

justement

et

nouvelle

plus vital, se joue : deux projets

Jean-Christophe

c’est

une

tion par Péguy en 1900 ; mais il

fric

et

mais

question

elle parle, presque exclusivement, —

seulement

situation

chose

peu d’esprit et fort peu de patrie ; typographie

carrière,

pas

de

que

discret

et

non

nouvelle

une

dépourvu

réaction cléricale.

« La question

nouveUe..., une

de la Quinzaine, dès leur fonda¬

Lorsque

l’esprit

teur des Cahiers :

administra¬

ven, Rolland alimente les Cahiers

ne touche

Gn a intitulé Pour l’honneur de

son

Bourgeois,

entre nous n’est à aucun degré...

Charles Péguy

Gallimard éd., 206 p.

de

André

Jean-Christophe, avec son Beetho¬

Marcel, premier dialogue de la cité harmonieuse

livraisons

avec

Mais comme l’écrivait Rolland à

aux

Cahiers

Gllendorff.

9

-1 Romans

la

bourgeoisie

infecté

le

capitaliste

peuple.

Et

qui

elle

a

Les derniers mots adressés par

Ta

Rolland à Péguy, le 7 mai 1914,

précisément infecté d’esprit bour¬

sont un cri

geois et capitaliste » écrit-il dans

firmation

U Argent,

Rolland

Parce

1913.) qu’elle

tenait,

en

der¬

nière instance, au système socio¬

G.O. CHATEAUREYNAUD Le fou dans la chaloupe Un très remarquable ouvrage de littérature fantastique. JACQUES BRENNER Le Figaro

économique dans lequel se trou¬ vaient pris Péguy et Rolland, la brouille passagère.

SERGE CHAUVEL Tirs d’armes légères le soir Le ton est soutenu sans recherches de grands effets, mais avec cette insistance sérieuse des oeuvres qui sont faites pour nous suggérer un secret qui ne nous sera jamais entiè¬ rement dévoilé par les mots. ROBERT KANTERS Le Figaro

DIDIER MARTIN Le double jeu Un des rares jeunes auteurs d’aujourd’hui qui écrivent une histoire en espérant que s’en dégagera un chant. Peut-être même aucun écrivain de sa génération n’a-t-il inventé un personnage dont on se souvienne aussi bien. JACQUES BRENNER

nelle tion

Nous pensons aux bonnes pages de Colette, dans ses romans de la côte d’Azur, “La treille muscate’’ ou “La naissance du jour’’. Ce début plein de promesses et que j’ai plaisir à saluer nous rendra plus exigeants pour le second roman de cette jeune femme. JEAN MISTLER de l’Académie française Roman au charme fragile, entêtant, comme le parfum vague¬ ment vénéneux des fleurs d’un été perdu.

1 0

Subsistait

que

La Tribune de Genève

de

leur communauté ;

vient

de

lire

Bergson

et

bergsonienne

:

«

ami !

Ces

mon

cher

nous survivront.

la

la

Note

philosophie Admirable, cent

A vous

pages

de tout

cœur. »

1 essentiel

: une lutte frater¬

commune

pour

socialiste.

ment

être

Et

l’essentiel

la

ce

révolu¬

fut

que

le

telle¬

La cité harmonieuse

Péguy

tué sur le front en 1914 ne ces¬

Ce

ne

sont

pas

que,

qui ont survécu — mais bien la

quarante

années

plus tard, sous l’occupation alle¬

quasi-totalité

mande

même

et

tandis

détroussait le

Péguy, Rolland pour en figure, deur

que

et

régime

cadavre

revient à

de

Péguy

restituer l’incomparable

déployer

œuvre

le

«

à

toute

l’amplitude

propos

de

la »

paraît

de

celle, le

son

Péguy œuvre,

pamphlétaire,

plus

ses tout

liée

premiers

splen¬ d’une

harmonieuse,

il

de

à

qui

l’anecdoti¬

que. On vient de republier un de premier

laquelle

pages

les

sera de hanter Rolland, au point quelque

dernières

seulement

cent

ticles

dialogue

qu’il

avec

fit

textes, de la

Marcel la

cité

série

d’ar¬

paraître

dans

la

lire

Revue socialiste en 1897 et 1898 ;

après Péguy...

Il est la force la

la saveur un peu archaïsante de

plus

de

socialisme utopique véhicule une

disait

:

«

Je

géniale

européenne.

ne

puis la

rien

littérature

»

étonnante « déconstruction » des

Une lettre inédite de Romain Rolland Ce qu’écrivait Herman Hesse en 1932 reste d’actualité : « Le Rolland qui, en Asie et en URSS et dans les autres pays loin de la France est aujour¬ d’hui l’un des écrivains les plus lus et les plus influents... n’est plus, pour beaucoup de Français, qu’un souve¬ nir plus ou moins imprécis du célèbre auteur de « Jean-Christophe » et d’un prix Nobel ». Qui lit aujourd’hui en France un roman comme « Pierre et Luce » ? Alors qu’en Italie, un Italo Calvino envisage de rééditer la tra¬ duction italienne dans sa collection

« Cento pagine » chez Einaudi. La traductrice du roman, Mme Gianna Tornabuoni, a bien voulu nous trans¬ mettre les lettres qu’elle échangea avec Rolland à l’occasion de cette traduction, en 1926-27, et dont voici la première, où Rolland, notamment, désigne à l’attention de sa corres¬ pondante, le « mauvais esprit » du roman. Nous avons là un principe valable pour la lecture de toute l’œuvre de Rolland, et qui est encore loin d’être reconnu. R.D.

Villeneuve (Suisse) villa Olga 14 décembre 26

rait l’affaire avec Albin Michel. Aux deux éditeurs, italien et français, vous diriez que, d’ac¬ cord avec moi, vous seriez la traductrice. Mais pesez bien vos forces, avant de vous engager ! Avezvous déjà fait des traductions ? C’est un travail plus long qu’il ne semble. Et le style de « Pierre et Luce » est moins sim¬ ple qu’il n’en a l’air. Veuillez croire à mes senti¬ ments sympathiques. Romain Rolland.

Paris-Normandie

MARIE MAINVIALLE Jours blancs en été

J.V.

pouvait

de la relation

Vichy

Si écrire c’est tenter de saisir cette “éternité courte’’, ou encore inventer ce qu’on sait déjà, alors écrire est 1 acte fantasmatique et fantastique par excellence. Et lire, un plaisir d’une rare subtilité qui nous ramène sans cesse devant le miroir de notre existence. DANIEL OSTER Les Nouvelles Littéraires

ne

sur

d’admiration et l’af¬

Chère Mademoiselle, Merci pour votre gentille let¬ tre. Je serais tout disposé à confier à vos mains amicales mes deux petits pigeons du Luxembourg : Pierre et Luce. Mais un livre n'appartient que, pour moitié, à son auteur ; et c’est l’éditeur qui a seul droit de traiter des traductions étrangè¬ res. Voulez-vous vous adresser à la librairie Albin Michel (22, rue Huyghens, Paris XIV®) : car c’est elle qui a racheté tout le fonds Ollendorff. Le mieux serait toutefois de vous informer, auparavant, d’un éditeur italien qui soit disposé à publier le livre, et qui traite-

Je comprends bien pourquoi on n’est pas pressé de publier en Italie une œuvre qui, sous son innocence, cache (ne ca¬ che guère) un bien « mauvais esprit », à l’égard de ce qu’il est convenable — et prudent — de respecter : des grandes Idoles.

La Quinzaine Littéraire

regard

implacable

sur

vers prostitutionnel moderne,

sur

la

pitaliste

et

honteux

pour

«

l’uni¬

» du monde

bourgeoisie

son

«

goût

ca¬

secret

l’inorganique

»,

et

mouvante

même c est (cf.

«

qu’il

appelle

lui-

l’extrême-gauche

son

sens

de

description

fant-jésus

la

érotique

dans

Eve,

»,

jouissance de l’en-

par

exem¬

sur les vices de structure — « re¬

ple) — et d’une jouissance incor¬

présentation

porée

rité,

»,

hiérarchie,

discours

investi

auto¬

par

le

son

dans

texte

le

ces

texte,

donnant

frémissements,

à

ces

système bureaucratique et l’Etat,

éclats

etc.

éclatements (de mots dans toutes



d’un

socialisme

ouvert

ainsi à toutes les trahisons...

les

(de

colère,

directions,

tous

les

de

de

rire),

ces

concej)ts

registres),

ces

sur

réitéra¬

tions proprement inimitables. Les billets adressés par Péguv

Le christianisme comme lieu charnel

à et

Rolland

août Il serait important de montrer

sont

concrets. 1913

qu’on

les

toujours

Le

:

«

dernier, de

brefs, du

quelque

nomme,

nos

23

nom

maladies

comment le Péguy patriote-chré¬

sont

tien

les mascarades

épuisés de travail et de peine. »

pour

Tel apparaît Péguy un an avant

exhibé

officielles de

(mais

temps

vable de

dans

encore ?)

qu’enraciné

socialisme

libertaire

combien

n’est

dans

conce¬

ce

désir

révolutionnaire

qui

détermine

et

l’axe

immédiat et constant de toute sa pratique

:

le christianisme com¬

toujours

sa mort dit-il,

:

que

nous

sommes

« au bas d’une pente,

que

je

ne

remonterai

plus. » La guerre précipite cette pente, et apporte une issue

:

la

mort, que Péguy appelle de toute l’épaisseur de son épuisement et

me lieu charnel où' peuvent s’opé¬

de

rer

repose, de tout. C’est ce repos que

toutes

écritures

les

inscriptions,

concrètes,

les

existentiel¬

les, historiques et notamment la

sa

peine,

l’idéologie

et

qui,

enfin,

bourgeoise,

le

l’ordre

moral, qu’il exécrait, lui a volé...

« révolution sociale », et la patrie comme ce doit

«

peu de terre

« s’appuyer »

toute

Roger Dadoun

» où

révolu¬

tion... La raison peut-être la plus profonde qui justifie l’inscription de Péguy en cette marge souple visions politiques, psychologiques

sentés dans le tout récent recueil

et sociales traditionnelles ( « cité harmonieuse n’est pas

taire,

la la

de

textes

choisis

sous

le

par

titre

Jean

cité juste... n’est pas la cité cha¬

Péguy tel qu’on l’ignore ;

ritable

connaît

ni

»,

ni

autorité

offre

ni

autorité

demande, ni

ni mérite, etc.) plissement

patronale

gouvernementale,

ni

renommée

et décrit l’accom¬

plénier

d’un

citoyen

que

trop,

et

Chrétien ;

temps

après

land,

éclaire

Péguy

ces

tielles

Socialiste,

l’effet d’une germination interne.

losophe.

Se

netteté

saisissante,

et

de

aspects

l’homme

de

Péguy

l’œuvre

sont

pré¬

complète¬

Bastaire,

le

qui se développerait, si l’on peut

divers

et

d’un

:

le

rh

^

,

*1'

essen¬

Révolutionnaire, dessine,

homme

qui

Phi¬

avec

une

la a

le

le

figure

porté

un

TT

-
abilité

et

les

lité,

VKncycl(>i>é

veut

«

ras-

htin^r » — et c’(^st là un objectif l(‘gitime de l’(‘(bication scxindle ;

r/ùicyc/opédie

à cet égard sente

un

inonumt

l’éîvolution

des

r(‘|>ré-

{lositif

inoMirs.

dans

Mais

à

tro|i vis(‘r ce fameux « é(juilibrc » vanl(“

par tous l(*s systèmes, (dlc

{(ostulat d’uiK^ {(rétendue {lériode

mati({U(‘

formelle

« réfractaire » de l’homme a|»rès

fondamentab' de la sexualité, (pii

c.ondamnation

est

fondait,

c(‘tt('

d’être

ru{>lur(r ment.

c’est très agréable », dit maman — laipielle, dit pafia,

(.outre

interdits (pii ]>ès(‘nt sur la si^xiia-

mises (îh

« c’est

l’on

l’(>jaculation l(di(dié dn mâle ({iii s’endort I.

vis(*e

subversive

in({uiétu(ie

vivante.

d’éMpiilibn^s,

« travaille

déborde¬

Catherine

Tiirlan

autant (jue moi... mais (;lle garde une

place

privilégiée

[lour 1.

l’amour et le plaisir. » de Cette

place,

privilégiés,

même

n’est

d’autre

(jue

société

:

pour

les

{(ourlant

celle

(jue

entre

soir

et

.Sudel.

M.(;.K.N.,

rien

tolère

Kd.

l’allemand.

'Praduit

Planning

:

Parents

familial, etc.

2. M.-C. Monebaux. gnard, 1968-1970.

matin.

{lar

F.E.N., S.N.I,,

d’élèves.

la

1972.

Patronné

éd.

Ma-

Le dernier quart d’heure Hené Dumont

mort.

Paysanneries aux abois

ouvrages

Coll. Es{>rit « Frontière (juverle » Seuil éd., 2.')0 {>.

Ses

Coll. I.e

«

L’Histedre

Seuil

éd.,

175

»

{>.

De livre en livre, Hené Dumont formule

des

diagnostics,

dont

la

noire loin

est de

témoignent la

famine,

mal

(tartie,

chercher

inutilement, répétées faire

{(rendre

dégradation, {(ide,

ces

tentent

d’une

:

Nous

F Afrique etc.

à

Mais,

dramatiser

mises

en

garde

simfdement

conscience

de

de

effroyablement situation

({ue

résoudre

les

d’énergie

urgents,

le

gal),

Madame

Bandanaraïke,

peu

{(raticien, devant

{(assablement

la

folie

d’un

mais

comme

im-

non

«

Avant

au

d’aller

moins «

vifs.

général

»,

en

«

la

marge

double

assujettit

celle

du

ces

« Front uni de la Gauche » f{ui

:

a triom{(hé aux élections de mai

»

étranger,

1970,

va

renvoyer

au

chômage

ler

(et ({ui)

dé8es{(érée. Dès le début du iiuiis

aux

vilégiées

abois, un



l’analyse

domaine

se

situe

{(rivilégié

de

s’allie aux minorités pri¬

surtout

des

villes

celles

de

du

ces

{(ays,

commerce

et

les

jeunes

d’avril uns

1971,

de

Vimukti

rural ». I^es traits qui caractérisent né¬

menace des Tem{(s modernes ».

Wijeweera),

gativement

au

essentiels ({ui rendent encore {(ré-

les

sein des sociétés dites « dévelo{(-

caire la situation du secteur rural

le

{(ées », a{({)araissent sensiblement

sont

ment

{dus

fao

sociale société

« conservatrice » de la {(aysanne lby{(er-hiérar-

locaux

chisée)

et par le (lévelo{({iement

celui

la

accusés Monde. hostiles,

«

monde

{(aysannerie,

dans

teurs

(démogra{(hie

du

les

C’est

{(ays

({u’aux

purement galo{(ante,

cataclysmes

colonisation,

malade,

{(oser,

nés

viennent

aujourd’hui,

se

les

de

les

constitués

maoïste

{(ays,

de

et

n((nime

{(ar

ce

gouvernements

»

res

à

su{(er-

vivrières,

l’in(lé{(endance. et

({ui

rurale

de

menace

l’éco¬

congestion

et

dans

cette

contribue à accroître le chômage

manifestation

en

nisme

milieu cinghalais (les

{dus

les

Indiens).

{(réoccu{)é

«

nou¬

» étant acca{(aré8 de

un

t((ut m((-

ré{(ression,

({ue

Dumont

des

(Inde,

Graiide-

notamment), René

Dumont

ré{(ression

ty{(ique

générations

une

d’antago¬ («

a{({(a-

rcils » vieillis (contre la jeunesse)

Visiblement

et de revanchi;

{(ré{(arer

tie

la

dans

massacre de 15 000

20 000 jeunes !

voit

de

(l’((bé-

« la Sainte Alliance des

nomie

de

{(arti

atla({uer((nt

La

la

{dantations

le

autres »,

les

ijanata

menaceront

Colomb((.

soutenue

jeunes,

{((dice,

et

conflits

coutumière

structure

«

forces

:

Avec

lucidité

la

dience

sera atroiîc

des

{(réci{(itant

sa

{(ar

obstacles

thé, o{(éré aux (lé{(ens des cultu¬

{détbori({uc

{(ar

avec

deux

les

action

J VP

Peramuna,

URSS,

des

naturels),

Ceylan,

une

.30 (K)0

Briîtagne,

climats

a{({(auvrissement

bouleversements

du

A

à

tendance

de la bureaucratie, la {dus grande

:

de classes, dont le processus s’est

du 16 au 30 juin 1973

de du

mières et surestime leurs achats,

Tiers

la

issu

« {(articulier », avec Paysanneries

désarmé

vers

abois

»

{dus

toutes les voies, arrêtons-nous au

déclenché

aveuglément

de

les

g((uvernement

« l’armée des cham{(s » et accu¬

la

d’a{({(li({uer

aux

ca{(ita]isme

les ordonnances salvatrices et se

obstinément

domination

{(reddèmes

à

», ({u’à

({ui sous-{(aie leurs matières {(re-

veaux cm{(lois

refusant

trois

l’économie

{(aysanneries

«

de

allégeance

dont rUtopie ou la Mort ex{(lore

du

double

commune

désabusement

aux

se

{(ar

({ui

sols,

angoissé

animée

déses{(oir),

té¬

moin

{(aradoxale-

{(régnée d’un 8ce{(ticisme et d’un

maîtriser.

le

qui de¬

(à Ceylan, en Tunisie et au Séné¬

sr>nne ne semble {dus ca{(able de Dumont,

«

enquêtes menées « sur le terrain »

excessifs,

CAie.z

Nouvelle Constitution,

une

convaincre,

ra{(er-

abru{(t,

de

dans

à

{(eu

la Couronne britanni({ue

l’auteur

en

franc-{(arler, un

sement,

déchirant cri d’alarme. Les titres même

son

ment, une ex(^e{(tionnelle volonté

sévérité croissante s’aggrave d’un

allorus

récents

vait 8U{({(rimer son

du

immédiate

{dus

René Dumcjnt dénonce courageu¬

énergie L'Utopie ou la Mort

deux

ex{iriment,

urbaine,

d’une bureaucra¬

é(lu({uée

«

à

l’an-

29

Arme communiquée par les Ets Jeannot

lESLIE charteris Se Londres à New York, de Ténériffe au Far-West, les innombrables aventures du Saint.

PATRICIA HIGHSMITH GEORGES SIMENON Le Chien jaune Les Fiançailles de M. Mire La Maison du Canal Le Fou de Bergerac La Tête d’un homme L’Affaire Saint-Fiacre L’Ombre chinoise GASTON LEROUX Le Coup de Lune Les folles équipées Le Charretier de “La Providence’’ de Rouletabille. La Nuit du carrefour LEO MALET Pietr-le-Letton Brouillard Maigret au Pont de Tolbiac La Guinguette à deux sous L’Envahissant cadavre Les Gens d’en face de la Plaine Monceau L’Homme de Londres M’as-tu vu en cadavre ? Monsieur Gallet décédé Pas de bavards à la Muette Le Passager du “Polarlys’’ Fièvre au Marais Un crime en Hollande La nuit Le Relais d’Alsace de Saint-Germain-des-Près Liberty Bar La Danseuse du Gay-Moulin PIERRE NORD Le Pendu de Saint-Pholien Double crime Au rendez-vous sur la ligne Maginot des Terre-neuvas Terre d’angoisse L’Ecluse n° 1 Peloton d’exécution Le Port des Brumes La Nuit des Karpathes Le Haut-Mal Rendez-vous à Jérusalem L’Ane rouge L’Espion Chez les Flamands de la Première Paix Imondiale S.-A. STEEMAN |Le Guet-Apens d’Alger L’Assassin habite au 21 IChasse couplée au Caire Le Dernier des Six [L’Espion de Prague Quai des Orfèvres

L’Inconnu du Nord-Express Plein Soleil (Mr. Ripley) Le Meurtrier Eaux profondes AGATHA CHRISTIE Ce mal étrange Aux côtés d’Hercule Poirot, Jeu pour les vivants

découvrez les plus grandes énigmes d’Agatha Christie.

CONAN DOYLE Les plus grandes enquêtes de Sherlock Holmes.

CHARLES EXBRAYAT La Nuit de Santa Cruz Olé, Torero ! Dors tranquille, Katherine Vous manquez de tenue Archibald ! Les Messieurs de Deift Le dernier des salauds Les Filles de Folignazzaro Pour Belinda Des Demoiselles imprudentes Barthélemy et sa colère Le Voyage inutile Une petite morte de rien du tout . Les Dames du Creusot ' Mortimer ! Comment osez-vous ?

MAURICE LEBLANC

[Toutes les mystifications d’Arsène Lupin, |le gentleman-cambrioleur.

Un dans trois Les atouts de M. Wens L’ennemi sans visage Le Condamné meurt à cinq heures Crimes à vendre Autopsie d’un viol Le Mannequin assassiné Poker d’enfer Que personne ne sorte et les meilleurs romans de ALEXANDRE et MAIER ALEXANDRE et ROLAND ALLAIN et SOUVESTRE NOELBEHN JIMMY BRESLIN JOHN BUCHAN NOËL CALEF J. DICKSON CARR JACQUES DECREST LEN DEIGHTON EMILE GABORIAU ALFRED HITCHCOCK JOHN LE CARRE ROSS MACDONALD ELLERY QUEEN DOROTHY SAYERS JOHANNES MARIO SIMMEL CURT SIODMAK ROBERT TRAVER ROGER VADIM S.S. VAN DINE R.H. VAN GULIK PIERRE VERY ROY VICKERS

glaifie », 8ur le prolétariat rural. p]n TuniHÎe, les « fellahs » ont d’aborfl été exploités par la classe fies

paysans

«

bourgeoisie

libres

des

»

(future

villes),

elle-mê¬

éliminé (en des

1969), et la

coopératives

tivité

des

des

meilleures

La colonisation, par un pement

inconsidéré

risation,

de

contribuera

terres.

à

possibilités

d’intensifi¬

cation, compromettra la croissan¬ ce

économique.

pallier

ces

Pour

tenter

carences,

de

aggravées,

dès l’indépendance, par les consé¬ quences du départ des colons, le gouvernement de tituera ves

un

de

qui,

Bourguiba

système

en

répétant

colons

(pour

ins¬

de coopérati¬

production

obligatoires

les

erreurs

des

des

rendements

moitié moindre), finira par sousprolétariser

les

travailleurs

agri¬

coles. Ahmed Ben Salah, respon¬ sable dix

de

ans

més,

ce de

en

secteur, prison

raison

payera

(non

de

de

consom¬

sa

récente

évasion), non seulement ses pro¬ pres

erreurs

rique

et

ainsi

(une

une

rigueur

hâte

théo¬

excessives,

que la dictature

d’une bu¬

reaucratie qu’il n’aura pas réussi à

contrôler),

celles eux, et

mais

d’autres n’ont

surtout

quelle

il

la se

également

dignitaires

guère

été

témérité sera

qui,

inquiétés, avec

attaqué

la¬ aux

gros propriétaires et aux féodaux de la terre. Toutefois, Ben Salah

CRITIQUE Directeur : Jean PIEL

quoique pas

les

« libé¬

moins

dépossédés

défi¬

par

la

« concentration »

en

6 mois France : 45 F Etranger : 50 F Ce numéro : 8 F

n’est

culer

la

Monde,

même

compris,

Cette

prévision,

formule

le

fondée

pays chaos.

sur

les

rapport

dans

L'Utopie

Compte

tenu

au

pas

cas

du

moins

Sénégal,

il

complexe.

La

du ou

de

la

« cinq

d’intérêt universel — l’industria¬ lisation

accélérée,

la

croissance

société rurale est, comme à Cey-

rapide

hiérarchisée.

large étendue de la malnutrition,

colonisation,

l’épuisement

des

turelles

renouvelables

puissamment

De

la

Traite

l’économie

à

la

autochtone



laquel¬

de la

le l’Europe a notamment imposé

dégradation

la

ment »,

monoculture

subi

un

bouleversement

elle

ne

En

outre,

sols

s’accélère

tion

de l’arachide)

se

relève la

de

large

production ». Mamadou

de

trielle, deviendra vite impossible, dans

notre

monde

planète,

fini »,

et

qui

est

que,

un

d’autre

Sen-

part, s’ils s’obstinaient dans cette

« remonter

voie, les pays riches ne manque¬

de

substituant

« domination plus

accroisse¬

ministre

en

’donc

lation et de la production indus¬

tenter

pente »,

croissance

exponentielle,

monétarisa¬

la

l’indépendance,

la

« la

effet,

toujours plus rapide, de la popu¬

Dès

va

part,

en

des

suffisant

ghor,

d’une

la

l’environne¬

apparaît,

illimitée,

et

dégradation « sans

premier

que,

na¬

pas.

ment Dia,

dont

très

ressources

de

il

la

toujours

et

s’effectue

a

population,

non

à

arachidière »

diversification

la une

céréa¬

raient

pas

d’entraîner,

à

brève

échéance, tous les autres au sui¬ cide

planétaire.

et

des

coopératives

hostiles

les paysans par une

« animation

rurale » confiée à l’IRAM. Cette expérience échec, de à

sera,

en

partie,

principalement

son

interruption,

l’arrestation,

madou

Dia.

en

en

un

raison

consécutive

1962,

Senghor

de

va

Ma¬ alors

non

seulement,

rebours

de

survie, lieu

comptes. désigner

pératives

actuelle,

tion

à

et

l’abandon

rurale,

à

prématurée

système

néo - colonial ».

Malversations jointes

un

à

drement.

d’un

précisément

livre

comme

le

mérite

l'Utopie

ou

la Mort, par les perspectives ter¬ rifiantes

(mais,

blables)

qu’il

hélas,

vraisem¬

ouvre,

d’acculer

riches et pauvres à une solidarité urgente

et

indispensable.

Mais,

comment l’obtenir, et par quelles mesures ment

provoquer

du

processus

lieu et place du a

si

le

renverse¬

actuel ?

En

« réalisme » qui

piteusement

échoué,

René

Dumont préconise la pratique de « l’utopie ».

En

qualité

de

res¬

ponsables, les pays riches seront tenus

de

réparer,

gâchis

les

premiers,

occasionné,

par

une

riches

« compte chances

suppression la

des

arme¬

« redistribution

des

de

revenus »,

nisation, etc. Ces mesures ne se¬

le

freinage

de

l’urba¬

également

le

règlement

de

ront elles-mêmes efficaces que si

à

elles sont adoptées dans le cadre

véritables

la

gestion

c’est-à-dire etc.)

pas

respon¬

suicidaire les

développées

Etats-Unis,

la

ments »,

est

les

et

et

sévère

L’auteur n’hésite

de

à

sa consommation indus¬ globale », la « limitation

qui,

nations (Europe,

non

con¬

d’un

socialisme

réellement

bérateur »,

permettant

ration

nouveaux

de

« li¬

l’instau¬ rapports,

fondés sur la justice, entre pays développés

et

pays

en

plus, ont irré¬

Pour

voie

René

de Du¬

sous

aujourd’hui,

de

l’effon¬

seront,

une

des

mauvaises des

urbaine

ne sont, hélas, pas les seuls, mais parfaitement

une

« rè¬

s’imposer

à

l’ensemble du Tiers Monde. L’au¬ d’ailleurs

que

« l’évolution capitaliste passe par paysans ».

dans

relles non

le les

circuit

infernal

ressources

natu¬

renouvelables, en

et est

pil¬

est

indissociable

placé

le

de

signe

la de

devise. Guy de Bosschère

- SPARTACUSCahiers Mensuels Dernières parutions Rota Luxembourg : Réforme ou Révolution, Marxisme contre Dictature — 160 pages, 12 F. Contre la Guerre, par la Révolution - Les Lettres de Spartacut — 204 pages. 17 F Rosa Luxembourg et S. Schwartz : L’Expérience Belge de Grève Générale - Lénine et la Question Syndicale — 140 pages. 12 F Louise Kautsky - Alain Gulllerm : Rosa Luxembourg, souvenirs - Le Luxembourgisme aujourd'hui — 160 pages. 11 F

autocratique.

sement choisis par René Dumont,

des

c’est

tier

1968-1969)

ruine

Et,

cette

de

la

nantis commencent à s’inquiéter.

de la croissance, et qui épuisent,

pauvreté,

bureaucratie

constate

riches

privilégiés et les

la

ce

à

les

parfaite¬

pays

Le livre tout en¬

bord

tend

eux-mêmes,

les

qué,

« dragonnades »

qui

pourraient

atteindre

les

justice sociale.

cours

illustrent

j)olitique

cette

mont, d’ailleurs, la survie impli¬

au

gle »

ment

de

monde

au

et

criminelle

que

de consommer le

l’anima¬

(comme une

« retombées »

.Mais

apparaît

de

récoltes, en seront rendu respon¬

par

fju’il

développement.

et exploités qui, après avoir subi

sables

dejjuis

F^tats-Unis

jtaisiblement.

mécanisation

Mais,

conséquences

l’Europe et les

dffrmir

tentes de polluer, de détruire et

fois encore, les paysans, méprisés les

de

négligences,

conduiront, dès lors, l’agriculture sénégalaise

crimes

sistiblement entraîné le reste du

une

et

pêché

et de trielle

le

nos

mais

d’un

sables

par

leurs

sance zéro de la population riche

Le livre de Dumont déclenche,

revaloriser la politique de mono¬ immédiatement

et

les que le maintien de la « crois¬

Un règlement de comptes

culture de l’arachide et les coo¬ seront

méfaits

série de mesures restrictives, tel¬

à

et des traitants, et en encadrant

Leurs

au 1 iers .Monde n’ont jamais em¬

le

lière, en créant un Office d’Etat l’emprise des grandes compagnies

les

Une solidarité nécessaire

bas¬

entière,

du

.Monde, et qui, en

mort »,

faire

dans

du

lant le Tiers

l’appauvrissant, y étendent zones de malnutrition.

notam¬

de

de

planète

riches

partie

lan,

teur

Editions de Minuit, 7, rue Bernard-Palissy, 75006 Paris. CCP Paris 180.43.

telle

tendances fondamentales qui sont Quant

Ces trois exemples, si judicieu¬

1 an 80 F 93 F

risque

Mort.

Le cas du Sénégal

inefficace

Abonnements :

elle

la

d’exploitation

LECTURES DE NIETZSCHE Philippe LACOUE-LABARTHE ; L’oblitération. Roger LAPORTE : Nietzsche. La métaphore et/ou le concept. Monique BROC-LAPEYRE ; Insinuations perverses, un vice de forme. François GALICHET ; Versions de Nietzsche. Rodolphe GASCHE : Le texte en réserve. Eliane ESCOUBAS : L’espacement de la métaphysique.

ou

conclusions

« récupérées

Sommaire du N" 313

du 16 au 30 juin 1973

et

seront

par

croissance

« Club de Rome », René Dumont

une expansion du chômage, mais, portantes

ne

nouvelle cours.

désa¬

négligeant d’im¬

sociale

« danger

grégation de la paysannerie et à en revanche, en

gorie

en

broyés

moto¬

la

la

ment)

déjà

dévelop¬ la

fie

Tiers

nitivement

s’emparer

folie

(le

pays

en

la

ne met plus seulement telle caté¬ monde

fellahs,

rés »,

française,

demeurant

d’hui,

« boiteuse »), la grande majorité

grands Féodaux. La conquête du l’armée

(l’ac¬

des

coopératives,

par

dissoutes

autres

me soumise aux Notables et aux

1881, va permettre aux colons de

plupart

Mais

Victor Serge : Le Nouvel Impérialisme Russe avec : Hommage à Victor Serge 144 pages. 11,50 F 16 Fusillés é Moscou : ZInovIev, Kamenev, Smirnov... - Lettres de Belgique et du Mexique — 176 pages, 16 F Rocker, Archinov, Makhno, Yarichouk : Les Anarchistes Russes et les Soviets — 96 pages, 7.50 F Rudolf Rocker : Les Soviets trahis par les Bolcheviks — 130 pages. 12 F Maurice Dommanget ; Des Enragés, 1793 aux Egaux, 1795 — 178 pages. 12,50 F Abonnement A SPARTACUS : 40 F pour 55 F de titres nouveaux et 25 F de livresprimes. J. LEFEUVRE, 5. rue Ste-Croix-de-la-Bretonnerie, 40075 Paris, C.C.P. 633 75 Paris.

elle ne s’arrêtera pas là. Aujour¬

3 1

Louis Seguin

L’apprenti, le cinéma, la parole George Cukor Travels with my aunt (Voyages avec ma tante) Jean Eustache La Maman et la Putain

1. L’apprenti, le cinéma A propos du « Travels with my aunt » de George Cukor il a été, çà et là, parlé de Proust ; mais il faut s’entendre. Ou bien il ne s’agit que de souligner une coïn¬ cidence vague de cultures, d’en appeler à un climat, à la séduction d’un époque révolue et que l’on disait « celle », aux ombres cnarmantes de la mémoire enfin. Et alors le rapprochement est pau¬ vre ; il se restreint à l’une de ces mentions érudites dont le discours critique cherche, de temps à au¬ tre et sans qu’aucun de ses par¬ leurs ne soit tout à fait à l’abri de l’envie, à accroître le poids de sa respectabilité. Ou bien il s’agit de la nécessité toute diffé¬ rente d’ouvrir à la réflexion un chemin nouveau, celui que Deleuze a découvert et qui annule les précédents parcours. Et alors l’allusion prend une importance tout autre. Il n’est plus du tout question du magicien patient et aimable qui évoque de si délicieux fantômes mais d’un apprentissage. « A tel ou tel moment, le héros ne savait pas encore quelque chose, il l’apprendra plus tard. Il était sous telle illusion, dont il finira par se défaire » (1). Quelle est donc la science que doit recevoir cet Henry que sa vieille tante Auguste entraîne loin de la banque et des dahlias dans un voyage extravagant, à la fois « travel » et « trip », fertile en escroqueries désinvoltes et en aventures éberluantes ? Est-ce, comme pourraient le donner à croire les reconnaissances et ren¬ contres qui décalquent les mo¬ dèles symétriques du roman mo¬ ral (« Télémaque ») ou immoral (picaresque), un enseignement du vécu au bout duquel il découvri¬ rait, délivré de ses contraintes, son moi véritable ? Ce serait singuliè¬ rement limiter « Travels with my aunt » que de le ramener à une référence banale et que, d’ail¬ leurs, l’incertitude du dénouement

élimine. Le film s’arrête avant que ne retombe la pièce de monnaie dont le pile, ou le face, décidera du futur. Mais cette fin n’est ni close ni ouverte. L’apprentissage et, donc, la fiction sont seulement achevés, car la leçon que de¬ vait apprendre le héros ce n’était pas l’essence cachée de sa per¬ sonnalité, inais un ensambie de signes qui renvoie encore à la lecture de Proust par Deleuze. Ces signes sont les signes du ci¬ néma « de » Cukor, d’un système auquel il appartient, qu’il recon¬ naît pour sien et dont il constate, sans amertume superflue, la dis¬ parition. Il en livre le mode d’em¬ ploi puisqu’il ne reste plus main¬ tenant qu’à en réapprendre, nous aussi, le charme. A soixante-quatorze ans. George Cukor ne commet pas l’erreur régressive de restaurer les hasards de sa thématique. Il n’entreprend pas davantage de recréer une illusion perdue. Il installe une complicité. Il enseigne, par le biais d’un personnage médiateur, d’un intrus qui est à la fois comédien et témoin, l’appréciation d’un plai¬ sir. Il montre ce qu’il faut choi¬ sir. Augusta détonne, au sens pro¬ pre, dans sa convenable et ravis¬ sante chapelle funéraire du début; sa présence seule en pervertit les mécanismes. Henry, dans les ca¬ pitales qu’il traverse, n^apercevra

pas le moindre monument. En re¬ vanche, voici un Orient-Express parfaitement mythologique où comme dans « Shangaï Express » ou « The Lady Vanishes » tout peut arriver. Voici un Hôtel SaintGeorges-et-d’Albion qui est le pen¬ dant sublimé du Saint-James-etd’Albany et puis, surtout, un buf¬ fet de la gare de cyon que le metteur en scène s’est offert, pres¬ que gratuitement, le luxe de re¬ construire en studio. Henry tire leçon, et profit, de ces lieux excentriques qui ne sont d’aucun espace ni d’aucun temps réels et n’avouent appartenir qu’à trente années de cinéma. Venise y res¬ semble à ce qu’elle est dans le « Top Hat » de Mark Sandrich et la scène où un certain Visconti enlève le fard d’une prostituée pour découvrir le visage de la jeune fille qu’il a aimée, emprunte son émotion au geste de Chaplin déoarbouiliant Edna Purviance dans « fne Vagabond ». Les sou¬ venirs d’Augusta ne sont pas liés à l’effort de la mémoire ; mais à l’euphorie de la citation. La sa¬ gesse de Cukor est de s’en tenir, en-deça de l’inventaire empha¬ tique de « SIeuth » et au-delà de la critique fictive du « jeune » cinéma américain, à cette place, la sienne, le seul endroit où le ca¬ pitalisme pouvait donner, et se

donner, l’illusion de dépenser sans compter.

2. La parole, la passion Vouloir une fois encore se dé¬ marquer, à propos de » La Maman et la Putain », d’un certain bavai dage, ce n’est pas rechercher une originalité de principe mais, plu¬ tôt, réfléchir sur une difficulté d’écriture que masque une aisance apparente de la lecture. Ainsi les considérations que d’autres accu¬ mulent sur la réalité et l’à-propos de la peinture, sur la nécessité, ou non, de décrire à nouveau la marginalité germanopratine et, plus, de s’appesantir sur la des¬ cription, démontrent-elles, sinon la complaisance qu’elles dénoncent ou l’exactitude qu’elles apprécient, du moins la pente où entraîne le récit. Eustacne paraît se soumet¬ tre à ce romanesque post-natura¬ liste qui se partage entre la pré¬ ciosité oesogneuse de Colette et les recettes du feuilleton. Ce jeune homme oisif qu’entourent, voire entretiennent, des femmes entre qui il hésite et cette fille à l’âme pure et au corps souillé répon¬ dent aux codes de « Chéri » et de « Vierge et flétrie ». Au cinéma, ces débats circulaires, ce tissu de rencontres et de retournement « moralisateur » du dénouement sont bien tels que les reprennent aujourd’hui les « contes » d’Eric Rohmer. De là cette tentation de s’en tenir à la fidélité et à la fascination de la copie, à l’aune de laquelle serait également jugé le travail des acteurs, et d’obéir à la sévérité aimable et rassu¬ rante du successeur de Marmontel. Le piège que tend « La Ma¬ man et la Putain » est le miroir d’une reconnaissance de classe. Et pourtant, c’est aussi au niveau de cette coïncidence que s’ouvrent les distinctions. Le monde d’Eric Rohmer est un sys¬ tème plein, solide, lesté de com¬ mentaire et étayé de satisfaction. Les héros y ont, comme ont dit, une « situation », qui ne corres¬ pond pas à une fonction sociale réelle mais à une clause de pro¬ babilité. La morale s’y confond aussi avec l’équilibre du vraisem¬ blable. Or, même si l’héritage romanesque est voisin, rien de tel

32 La Quinzaine Littéraire

chez Eustache. L’écart, chez lui, n’est pas une invitation à la me¬ sure : il élimine. La convenance que les péripéties déplaçaient puis replaçaient est amenée au plus abstrait de la convention. Le hé¬ ros n’a que faire de l’alibi de l’ingénieur en vacances ou de l’administrateur en balade. Il n’a, tout simplement, pas de métier, pas de « raison de vivre ». La parole, de même, grâce à tout un appareil de divagations, d’absur¬ dités (les « phrases » de cinq heures et demie du matin) et d’in¬ vraisemblances (le vouvoiement qu’emploie Léaud lorsqu’il parle aux deux filles), n’étale que son désordre. La longueur joue contre elle ; les bavardages et les con¬ fessions, les explications et les mensonges, les promesses et les leurres s’entassent en un chaos

inutile. Le rien dire rejoint le rien faire. Le moralisme, enfin, qu’ex¬ ténue encore la durée (le dénoue¬ ment arrive « trop tard » il n'est plus •« attendu ») découvre, dou¬ blement ; invente et dénude, sa propre misère. Le film de Jean Eustache donne lui-même, puisque la nostalgie du héros se prénomme Gilberte et qu’il affecte de lire arfaite

de

n’est pas le cas d’Enigma.

El Mokbtar, qui

a été lui-même

N’cût-il

pas

« analysé », se livre à une ana¬

signaler

que

l’expédition de la Vie sur Epsilon,



malheureux

lecteur

qui

la

sphère

été

plus

O.

est

et

trois

compagnons

trompeur : l’énigme, pendant une

par les notes ou le journal de ()..

seau

s])atial.

volés

éclate

11 y avait donc, par raj)port aux

volon¬

Conseil

la

dissolution de la notion de temps.

de

Sur les six divisions qui trans¬ mettent régulièrement le résultat

en constatant que le titre n’est pas

la

avant

tiers par la suite ?

« L'espace s’est dissocié, (jue

Mokbtar

renseignements

j)ar

ainsi

El

longtemps

demander

sur un

».

les

appren¬

une

passé,

lyse

sens ?...

d’O.

du

cela

le

comment

travail peu fructueux, et le dan¬

aborderait ici l’œuvre de Claude

tu

(pour¬

nent-ils quelques vagues éléments

Ollier pourrait certes se consoler

:

:

:

person¬

nages

à

compagnons

cette

des

somme

d’inconnues

l’analyse

son de soidigner l’importance de remarque d’un

En

série

quoi ? ), auxquelles viennent s’en

fonc¬

qui

prévu.

de

d’une

inconvénients, la monotonie d’un

œuvre entièrement fondée sur la

Villelaur

fixes

différentes

suppositions...

bonne

moitié

de

Iota

volet du livre), est

(premier

totale. On

a

certain

une

sphère

O.,

un le

aidé

en

d’ordinateur,

inductive

par

d’obtenir

sorte

Naïma,

espion.

patron

Cela

de

afin

inductive. simple

le

chef

de de

laissé à la fin dn livre avec ses

la

en

dans un

couleur

le

vais¬

monde

rouge,



envahi

conduite

par «l’étranges particules, et trou¬ vant sur leurs appareils de liaison

trois premiers romans, un incon-

vraiment l’impression de se trou¬

de ()., sans renseignement sur son

te>tal)le pas en avant rendu pos¬

ver

passé récent, et ce mystère sem¬

un signe inconnu d’eux ? Soit dit

sible

genre

abstraction, je n’entends pas pré¬

blant entretenu délibérément afin,

en

pas encorr mis à contribution par

sence de machines ou stvle d'écri¬

peut-être, de tester JNaïma. Paral¬

enrichit colle d’Epsilon. nous con¬

ture.

L’impression

lèlement

firmant par exenn)le qu’il y a bien

l)lus

subtile

par

Anne du tres

l'adoption

I iltelnur,

servir)’

boratrire

ex-responsable

littéraire

h raniyiisi’s

d’un

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(Jninzaiu)’ Littéraire ».

8

«

Let¬

en

de

«

certain

la

fois

la

vie

prosaïque

des

lecture

d’Enigma

|)lace pour ce (lui y était .«uggéré, ])ressenti

découverte depuis un

la sphère, les commentaires d’F^l

puisejue nous retrouvons dans Iota

Mokbtar,

et

elle

forte.

à

la

nous avons donc les réflexions de

est

temps,

eejuipement

plus

à

passant,

extrêmement

:

concrète

et

est

Par

liommes qui travaillent sur Iota,

Iota

colla-

abstraction.

La

|danète

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l,a

pleine

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perfectionné

d’un (bâti¬

faux ?)

de

les

écrits

(vrais

ou

l’analisé-analyste

(jui.

dans

:

l’antériorité du futur,

Ezzala

d'Enigma)

(le

certaines

second images

volet (|ui

La Quinzaine Littéraire

s’imposaient à O. sur Epsilon. Mais l’essentiel est évidemment que toute la démarche cesse, quand elle est liée à un O, connu, d’être du domaine de la spécula¬ tion pure. On assiste alors à un élargissement, que jamais Claude Ollier n’avait atteint, de ce qu’il appelle Vhétérogénéité du corps perceptif : la sphère et les ré¬ flexions d’El Mokhtar devenant alors des éléments supplémentai¬ res de perception. Reste à lire, écrit Naïma, d’autres manière et à sélectionner, combiner, induire — autour de signes épars jetés com¬ me autant de cases vides sur les petits rectangles de plastique, for¬ mant quel rébus ? Et, plus loin ; Ce que les accidents de parcours lui révèlent à ce stade, il le garde pour soi et se fait fort de recom¬ poser seul la discontinuité des scènes, la déraison marquée des épisodes. A s’enferrer dans cette voie [...] la certitude inconsidérée le gagne qu’une géographie d’iti¬ néraires abandonnes se dessinera un jour en un point précis de sa course, une innervation de quêtes et de fuites sur la feuille blanche ou bistre imparfaitement encrée. Telles lignes que des soleils loin¬ tains auront ternies, lui seul encore saura les dénoncer. Le Délégué, lui, hésite à pour¬ suivre l’expérience, hien qu’elle apparaisse alors comme une chan¬ ce de « recomposition » pour O. Mais sur les instances du Dièdre, elle est menée à son terme : O. reconstitue le hlanc entre la dernière scène de la Vie sur Epsi¬ lon et son sauvetage par la nef où se trouvait l’un de ses compa¬ gnons sur Iota, et tout obstacle au renouement a été levé. Il est curieux que Claude Ollier n’ait pas souligné que Iota est son premier texte dans lequel ne figure aucune référence à la vie sur terre. Pourtant, en cela, réside l’originalité de ce premier volet d’Enigma. Serait-ce un Maintien de Fordre (3) dans un monde où ne jouent plus les mêmes critères ? Peut-être, si ce changement de critères inverse la démarche. Car, à mon sens, lorsque O., dans le deuxième volet, retourne sur la terre, il s’est plutôt « recomposé ». Et le phénomène de décomposition ne se remet en marche que lentement dans Ezzala, où la liaison avec F Eté indien (dont parlait Claude Ollier) ne me paraît pas évidente, hien qu’y figure une histoire d’amour, belle plastiquement et sensuellement. Certes, le charme de la jeune fille, sa grâce, son mystère tissent, plus encore que le paysage qui fascine O., les pre¬ mières mailles du filet qui se

du 1*' au 15 juillet 1973

referme sur le convalescent. Mais la jolie Soudanaise n’est qu’un pion dans une intrigue où se re¬ jouent les épisodes de Iota. Tota¬ lement inversés. On ne rêvait pas sur Iota. O., à Ezzala, est la proie de cauchemars où le paysage se défait, bascule, est envahi par les eaux, où maisons et machines sont menaçantes, où la ville a la taille d’un jouet avant d’être enjambée par des géants, où les visions colorées l’assaillent de nouveau. 0. fait la connaissance d’un groupe de tanneurs qui repren¬ nent le rôle de l’équipe F. Le rite du thé remplace les explorations à pied. Les quatre amis d’El Akbar évoquent tour à tour les quatre accidents survenus sur Iota. L’un aurait rêvé, les autres auraient lu l’histoire dans des sortes de bandes dessinées. Et, en ce pays, le jeu le plus couru est le jeu de la diagonale : six joueurs formant équipe parcou¬ rent en file indienne toute la longueur du champ et reviennent, inlassablement, jusqu’à ce que F un d’eux soit dévié de sa tra¬ jectoire par les embûches que les esclaves lancent sous ses pas. L’homme alors, distrait de Féqui¬ pe, part en diagonale et divague. On dit alors qu’il est devenu « maboul ». Le gagnant est celui qui jusqu’au bout « garde » sa tête. L’objectif des tanneurs (qui sont en fait des conspirateurs) sera, contrairement aizx compa¬ gnons d’Iota, d’amener O. à diva¬ guer en l’incitant à fumer de l’herbe. Sans qu’on sache, sans qu’il sache, ce qui l’attend après qu’il ait choisi de, rester avec eux, de rompre avec ses pairs. J’avoue ne pas très bien com¬ prendre pourquoi Iota est ponc¬ tué musicalement, alors qu’Ezzala l’est cinématographiquement. Peut-être parce que la musique est en quelque sorte abstraction tandis que le film est images ? Ce ne sont certainement pas les seules questions que pose Enigma. Mais le talent de Claude Ollier ne réside-t-il pas dans les mul¬ tiples découvertes que nous ré¬ serve chaque lecture ? Et ce dernier ouvrage me paraît parti¬ culièrement riche en interpré¬ tations. Riche aussi par les reflets qu’il projette sur la Vie sur Epsilon et, comme toujours, sur toutes les œuvres précédentes. Q

Jean Ferniot

Pierrot et Aline

Histoire sincère, spontanée, histoire vraie du peuple de Paris, qui fait paraître pâles, artificielles et dérisoires les laborieuses constructions réalistes, fussent-elles de Zola et de Balzac... Bien-entendu, cette œuvre littéraire est aussi une œuvre scientifique; décrivant le réel, elle est une source presque inépuisable d’informa¬ tions pour la science politique, la psychologie, la sociologie... Un livre qui deviendra certainement un classique de la littérature sociale. jeaN FOURASTIE L’Express Un document d’anthropologie, un album de famille et, peut-être, la dernière chance du roman traditionnel à l’heure des sciences humaiBERTRAND POIROT-DELPECH Le Monde

1. Cf. La Quinzaine littéraire, N° 150, 16 octobre 1972. 2. Editions de Minuit. • 3. L’un des précédents romans de l’auteur, Gallimard, éd., com¬ me, plus loin, F Eté indien (Mi¬ nuit) .

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Ecrivains français

\iioèmes du grand écrivain Salvador Hspriu, la littérature catalane connaît un nouvel essor, et ils sont nombreux les écrivains qui, ayant eommeneé à écrire en eastillan, sont revenus à leur véritable langue maternelle. Affinité ancestrale, ou affinité élective ? Ce choix illustre la lutte éternelle, parfois directe, aujourd’hui sous-jacente, entre la Catalogne et la Castille, entre deux formes d’esprit diamé¬ tralement opposées. Faute de posséder cette litté¬ rature à fond, il n’est pas pos¬ sible de commenter les choix de

Mathilde Bensoussan. Mais quand même, pour avoir eu accès à quelques livres dans leur traduc¬ tion espagnole, on ne peut que reprendre ce qui a été dit d’en¬ trée, et constater — ce qui était inéluctable étant donné l’étendue de la période en cause — (jue de¬ vant certains auteurs comme Carner. Fia, Espriu, Gabriel Ferrater, naît le regret cju’il faille s’en tenir à des échantillons. A l’inverse, dans le cas de quelques autres, et notamment des plus jeunes, il est manifeste qu’une représenta¬ tion fragmentaire les avantage et les fait plus grands que leurs ouvrages. Quoi qu’il en soit, le travail de Mathilde Bensoussan est pré¬ cieux : il nous permet de com¬ mencer à découvrir — espérons que les éditeurs le fassent avec nous — des écrivains qui sont restés à l’écart, dans l’enclos de leur langue, à cause de la fata¬

lité historique qui pèse sur eux. Des écrivains qui, comme le dit Espriu dans un beau poème, dressent « quelques paroles fra¬ giles / contre le dédain / des maîtres du pouvoir ». Sans doute est-il impossible de juger une traduction quand on ignore l’original. Mais on a une base, ici, pour affirmer que ce volume mérite tous les éloges : ce sont les poèmes. Je ne sais plus qui a affirmé qu’une bonne et une mauvaise traduction d’un poème ont en commun d’être obli¬ gatoirement déplorables. On se¬ rait tenté de souscrire à cette boutade presque chaque fois qu’on lit de la poésie traduite ; le rythme, la symétrie des accents, qui consolident les images et fixent d’une manière inaltérable l’émotion que veut nous faire par¬ tager le poète, ne passent que trop rarement dans une autre langue. Or, ici —- phénomène

rarissime — la plupart des poè¬ mes sont devenus, carrément, de très beaux poèmes français. Et il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter à ces quel([ues vers de Gabriel Ferrater qui chantent dans la mémoire longtemps après leur lecture ; Qu’il est lent, qu’il est lent le monde, quelle est lente / la peine pour les heures qui s’en vont / à la hâte... (...) Quelles sont lentes / les feuilles rouges des voix, et incertaines / quand elles viennent nous couvrir /. Endor¬ mies / les feuilles de mes baisers voguent à travers les plages de ton corps, et tandis que tu oublies / les hautes feuilles de l’été, les journées / ouvertes, sans baisers, au plus profond / le corps se souvient : ta peau est encore / moitié soleil et moitié lune □

Ecrivains étrangers

Alfredo Bryce Echenique Julius Trad. de l’espagnol par Albert Bensoussan Calmann-Lévy éd., 371 p.

par Rafael Conte Un nouveau roman péruvien. Si Ricardo Palma, avec son re¬ cueil de Traditions péruviennnes fut un des premiers narrateurs autochtones du continent, il faut reconnaître que la floraison d’au¬ teurs actuels — Vargas Llosa, Scorza et maintenant Bryce Eche¬ nique — poursuit certainement une excellente tradition, dont le hut essentiel a été, tout au long de l’histoire, de témoigner de ce qu’on appelle la littérature « indigéniste », de Ventura Garcia Calderon, moderniste malgré lui, jusqu’à Ciro Alegria et José Maria Arguedas. Mais, pour l’occasion, le produit qui nous est offert possède un caractère singulier. Le roman la¬ tino-américain nous a habitués à une prise de conscience explicite, à un engagement exigeant et total, à un langage hardi qui assume les diversc« facettes de la tradition occidentale. Entre « la littérature engagée » d’un Vargas Llosa ou d’un Carlos Fuentes, et 1’ « avantgardt' » d’un Severo Sarduy ou

Rafael Conte est journaliste et correspondant de journaux espa¬ gnols.

L’enfance d’un chef, au Pérou d’un Nestor Sanchez, sans parler des héritiers d’une tradition rési¬ duelle, Julius d’Alfredo Bryce Echenique tient une place diffé¬ rente. Il s’agit d’un lieu intermé¬ diaire où la tradition triomphe au niveau du langage — presque toujours parlé — et de l’organi¬ sation, mais où la sensibilité de l’écrivain cherche un nouveau chemin presque inédit dans la littérature du continent. Les histoires d’enfants ne sont pas courantes dans le roman lati¬ no-américain ; il ne s’agit natu¬ rellement pas d’une histoire enfantine mais d’une histoire adulte racontée avec les yeux d’un enfant. Salinger n’a rien fait d’au¬ tre dans rArrache-cæur dont les résultats, excellents par ailleurs, sont presque devenus aujourd’hui un produit de consommation. Mais le roman latino-américain, devant son besoin pressant d’éta¬ blir un statut qui lui fût propre, contraint d’autre part, par son engagement en face des réalités urgentes, avait négligé cet aspect. Bryce Echenique le restitue avec une sérénité exemplaire et une évidente soumission personnelle à la fois. Donc, le propos de Julius c’est

la description d’un monde. Un monde presque disparu — et Fac¬ tuelle dictature militaire de Lima, entre un socialisme idéaliste et une dangereuse oppression natio¬ naliste, a quelque chose à voir dans l’affaire — mais qu’il est nécessaire de connaître pour pou¬ voir résoudre l’équation qui est posée par la nouvelle littérature latino-américaine. Julius est le récit de l’enfance d’un chef en Amérique latine, un chef presque involontaire, à la fois maître et esclave et tendrement désespéré de se trouver à mi-chemin entre ces deux réalités. Dans Julius on parle de la dic¬ tature du général Odria, thème qui est le centre de la préoccu¬ pation de Vargas Llosa dans son récent et volumineux roman Con¬ versation à « La Cathédrale ». On parle aussi d’une enfance ; thème qui, de la même façon, semble prédire l’adolescence cris¬ pée de la Ville et les Chiens du même Vargas Llosa. Mais ce monde de Bryce Echenique est fort différent : à la fois divers et identique, car le monde conflic¬ tuel et dialectique de Vargas Llosa a une de ses sources dans la réa¬ lité que Bryce Echenique décrit

d’une façon aussi nostalgique que débordante de tendresse. Il faut faire remarquer tout de même que l’œuvre de Vargas Llosa est chronologiquement antérieure à celle de l’auteur de Julius. Le regard modifie-t-il le monde que l’on regarde ? Il est évident que oui, et Julius est là pour le démontrer une fois de plus. Ce monde de la haute bourgeoisie péruvienne qui garde la nostalgie de sa grandeur passée, en s’en faisant une gloire et un profit est tout prêt à une autodestruction imminente ; c’est là le monde qu’Alfredo Bryce Echenique dé¬ crit avec des accents chargés d’une tendresse ironique, d’un attache¬ ment impitoyable et cruel. Voici le regard : Julius, descendant d’un ancien vice-roi espagnol, d’un président de la jeune République péruvienne, né dans un palais — « palais originel » dit-on dans le texte — où l’on trouve dans le jardin le carrosse des ancêtres, couvert de toiles d’araignée. L’en¬ fant peut jouer à ses « westerns » idéaux. L’enfant vit ses premières an¬ nées, obsédé par le problème de la mort des êtres aimés (son père.

1 4 La Quinzaine Littéraire

une vieille servante, sa sœur) et l’attrait « presque malsain » — car il l’éloigne de ses racines soeiales — du monde de la do¬ mesticité, des serviteurs, des Indiens et des ouvriers. Pendant ce temps, autour de lui, sa classe opère un changement presque im¬ perceptible : à un père « ancien régime » succède un beau-père « play-boy », mais la richesse est la même ; au palais des origines succède la demeure ultra-moderne aux blasons héraldiques, le club de golf et les voyages aux EtatsUnis. Mais l’arrière-fond est le même : les corridas de taureaux à Lima, les collèges de religieuses pour enfants de l’aristocratie, les fêtes sociales et les « parties » juvéniles avec des protagonistes de la « bonne société ». Le problème réside dans le fait que Julius est en même temps un regard et un monde. Un petit monde ancien chargé d’exotisme pour le lecteur européen par ses résonances presque féodales, son inconscience autosatisfaite et à la fois son manque de mauvaise conscience. C’est un monde or¬

donné par la loi divine, mais où l’auteur se meut à l’aise, comme s’il était chez lui. En même temps, le monde décrit dépasse le regard de l’enfant, se dresse en une entité aussi terrifiante que fausse, qui déborde la technique employée. Les accents de ce monde sont ceux que l’on emploie dans des descrip¬ tions enfantines et il en résulte ce décalage séduisant qu’on res¬ pire dans l’organisation et dans l’expression de Julius. N’en de¬ meure pas moins un décalage.

romanesque proprement dite. Il s’agit d’une succession d’estampes, d’anecdotes, juste reliées par un contexte qui à la fin s’élève au niveau d’un véritable thème. Mais A. Bryce Echenique

Le titre espagnol — Un mundo para Julius — exprime mieux le thème du roman, que celui, abrégé, de la traduction française, et il est à la fois plus exact et plus naïf. Ceci n’affecte en rien l’excellente traduction d’Albert Bensoussan qui a su transposer en français un langage qui peut-être, en espagnol, manquait à plusieurs reprises de vigueur. Et l’on ne doit pas oublier que Julius n’est pas le thème de ce livre mais la manière de le voir, ce qui provo¬ que en fin de compte une certaine sensation d’artifice. Le livre manque d’une structure

il s’agit d’une structure poreuse, presque d’une juxtaposition de ré¬ cits, ce qui est au début captivant, mais finit, à cause de sa longueur, j)ar provoquer une certaine fati¬ gue. Une preuve de la réussite de la traduction, c’est précisément d’avoir coupé le texte originel ; par exemple à la page 36.3, on élimine presque trente pages d’un épisode existant dans le texte es¬ pagnol et qui paraît inutile. C’est tout au bénéfice du roman. Et à côté de ce style presque « enfantin », débordant de ten¬ dresse — celle de l’enfant Julius — et de scepticisme — celui de Bryce Echenique — on se trouve, du début à la fin, dans une parfaite ambiguïté. L’héritier Julius est doucement poursuivi par des fantasmes trop connus ; mais en même temps la magie de son monde enchanteur l’entraîne à assumer son paradis perdu. Seul le lecteur sait que ce paradis est perdu et c’est là la désolation finale de ce livre aussi remarqua¬ ble qu’incomplet. Une fois de plus l’exotisme peut favoriser une consommation sans danger. Q

Ecrivains étrangers Susan Hill UOiseau de nuit traduit de l’anglais par Roseline Eddé Coll. « Les grandes traductions », Albin-Michel éd., 264 p.

par M. B. Féline

Quelle est cette belle pudeur qui peut pousser un romancier à commencer une œuvre par la fin, à créer en quelque sorte un état de crise romanesque qui oblige le lecteur à chercher un point fixe où dépasser l’ambiguïté ? Ici, l’auteur appelle et provoque les attentes, les inhibe, donne d’em¬ blée une conclusion à son cercle sans entacher pour autant la per¬ ception émotionnelle du lecteur. Mais voyons d’abord en quoi ce roman est une provocation, bous¬ culant notre tendance naturelle à l’achèvement. Et sans plus atten¬ dre je vous prie d’imaginer une atmosphère à la Julien Gracq m⬠tinée d’une « géographie des pro¬ fondeurs » à la Julien Green et ce ne sont pas là de simples mots de critique. Car ce livre vise droit, avec une modestie, une rigueur, une lucidité, une vérité excmplaiM. B. Féline est journaliste et critique.

Une harmonie impossible res. Cela qui pourrait paraître un peu sévère si l’on ne s’empressait d’ajouter qu’il s’accompagne tou¬ jours d’un humour, inquiétant certes, où le sang-froid ne tient pas le moindre rôle. Au sein d’une maison-retraite, plantée sur une plage anglaise, on découvre un personnage singulier, Harvey Lawson, égyptologue re¬ légué par la force des choses dans cet observatoire-presqu’île, qui entreprend un voyage dans le temps. Un voyage qu’il effectue sans véritable insistance et sans véritable minutie, un voyage sans destination qui le pousse à évo¬ quer une passion suffisamment vi¬ vace et suffisamment grave pour ne pas nous faire périr d’ennui. Beaucoup s’en faut d’ailleurs ! Le récit se développe d’un seul mouvement. Nous sommes conviés dans un premier temps à assister à la rencontre, lors d’un week-end à la campagne, de cet Harvey Lawson — qui y)Oursuit à l’époque une brillante carrière, qui connaît aussi une paix intérieure, cette fa¬ meuse paix de l’âme, ou de l’âme

en paix (avec qui ou avec quoi ? la question est posée !) — avec Francis Croft, écrivain qui s’est illustré très jeune par la publica¬ tion de poèmes composés avec beaucoup de brio et de talent, et qui, hypersensibilisé par la vie. Susan Hill

quelque peu sophistiqué et, prati¬ quant volontiers une ironie plu¬ tôt grinçante sinon désabusée, est engagé à fond dans un proces¬ sus de détérioration, on pourrait dire d’autodestruction. Cela a lieu dans le Dorset, dans sa partie la plus sauvage. Cela aussi se pour¬ suit en Allemagne, puis à Ve¬ nise, lieu privilégié des passions que n’accompagnent pas les tur¬ pitudes et les mesquineries des vies ordinaires. On le voit, le jeu en vaut la chandelle. Cette rencontre revêt une im¬ portance au premier degré : Francis Croft attend de Harvey qu’il le sorte de son impasse et de l’engrenage de «légradation qui le paralyse dans toutes ses activi¬ tés pseudo-intellectuelles. Et de fait, en dépit de la volonté de la famille de Francis qui souhaite enfermer celui-ci (ju’elle juge ins¬ table et déséquilibré, en dépit aussi d’une multitude de griefs et d’attaques ourdies par le monde qui les entoure, Harvey décide, au prix de sa propre tranquillité, de

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«sauver le poète liabité par la dé¬ mence. Crise après crise, ce couple amical est accaparé, avalé dans une course frénétique, un peu folle, douloureuse, quêtant une santé psychologique et une har¬ monie impossibles. Course qui les entraîne successivement sur les côtes sauvages du Dorset, en Alle¬ magne, enfin à Venise où le poète ressent toute la détresse de sa condition, toute la profondeur tra¬ gique de son cauchemar, enfin toute la dérision et l’angoisse sourde de la mort qui déjà le

hante. Cela m’a rappelé la ver¬ deur maîtrisée des premiers ro¬ mans greeniens, et — mais cette fois avec beaucoup plus d’évi,|ence — « le Monde désert » de Pierre-Jean Jouve, en bref un monde ardent mysticiue et cruel. Désormais, l’homme désaxé n’est plus seul, porté par ses ins¬ tincts et ses espoirs les plus fous. Mille soleils, mille pensées le « réalisent » au jour la nuit, qui le poussent sur les sentiers abrupts et fascinants de la création, comme l’attestent les paroles de Francis : « Je n’ai pas justifié

mon existence, ni le pain que je mangeais, ni Vair que je respirais. Mais je n arrive pas à travailler, je narrive pas à écrire, je n’ai rien à dire. Il n’y a que ces vibra¬ tions dans ma tête et tout autour de moi, et la mer qui se tourne et se retourne sans laisser de tra¬ ces. » La création, ce monstre d’égoïsme et de fausse innocence, cette contrée du vice et de la ré¬ cupération donnent à la vie du plus inhibé des inhibés un sel à la fois sapide et corrosif. Sans doute, là où tout se déroule à fleur de sensibilité, au ras de la

peau, devons-nous voir, une fois de plus, l’illustration d’un système de régénération existentielle — et ce n’est pas gargarisme verbal ! — qui, pour être parfaitement cohérent, n’en demeure pas moins sujet à caution. Dès lors, comment ne pas de¬ mander au lecteur de s’introduire dans cette fresque quelque peu viscontienne qui, on peut le pen¬ ser, a toutes les chances de rete¬ nir son attention et de combler sa sensibilité ? , □

Ecrivains étrangers

Cent ans de mouvements A.-R. « La Maison d’Eau » relate le retour à sa terre d’origine d’une famille africaine « brésilianisée » par l’esclavage. Cinq générations, une durée de presque cent ans qui ne sont pas « cent ans de solitude » mais cent ans de mouvements, de rencontres et de découvertes au long desquels se développent les influences réciproques de deux pays et de deux cultures. Nous savons qu’il y a des Noirs au Brésil. On dit, en revanche, que le problème racial y est moins vif qu’ailleurs. Est-ce que vous avez voulu montrer que l’unité de cette communauté se liait dans un rapport religieux ou culturel ? Antonio Olinto « La Maison d’Eau » Stock éd.

Propos recueillis par Aline Raillard A. O. — Au Brésil, une réalité cultu¬ relle essentielle prime les problèmes raciaux : nous sommes un pays africolatin, nous tenons notre héritage culturel du Portugal, de Rome, de la Grèce, mais nous avons aussi une culture africaine, il ne faut pas l'ou¬ blier si l’on veut bien comprendre mon roman. Pendant près de quatre cents ans, des esclaves venus d'Afri¬ que occidentale ont vécu au Brésil, ils y ont importé leur culture et sur¬ tout leur religion. Une certaine simi¬ litude des composantes géographiques, du climat, des paysages ont peut-être facilité leur adaptation, contrairement à ce qui s’est passé aux Etats-Unis où les dieux africains meurent de froid. Cette empreinte africaine est marquée sur notre sol. A. R. — Comment cette prise de conscience s'est-elle produite chez vous ? Faut-il voir là une conséquence des années que vous avez vécues au Nigéria, ou, au Brésil déjà, cette ques¬ tion vous paraissait-elle essentielle Aline Raillard est la traductrice, entre autres, de « la Maison d'Eau » et lectrice de portugais dans une maison d'édition.

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pour définir votre « identité »? « La Maison d’Eau » est un roman des Noirs. C’est leur identité qui est mise en cause, bien moins celle des Blancs. A. O. — L’intuition des choses pré¬ cède toujours, chez moi, une concep¬ tualisation rationnelle ; il me faut du temps, un cheminement progressif. Mais, avant de partir pour l’Afrique, j’avais lu un ouvrage fondamental de l'ethnologue brésilien Nina Rodrigues « Africanos no Brasil » (« Les Africains au Brésil »), publié en 1905. Il raconte, entre autres, qu’en 1900 il vit, à Bahia, un voilier, r«Aliança» partir pour l’Afrique chargé d’anciens esclaves regagnant leur pays natal. Et au Nigéria, en 1962, j’ai pu re¬ trouver six passagers de ce bateau qui m’ont raconté cette traversée épique ; le voilier immobilisé pen¬ dant des jours, les morts, le choléra... C’est un peu ce voyage que je ra¬ conte dans mon livre. A. R. — Ne quittons pas encore le Brésil. La religion animiste qu’y apportèrent les Africains subsiste tou¬ jours dans les cultes du candomblé, de la macumba. Ce ne fut pourtant pas sans résistance de la part des « Maîtres », pour reprendre l’opposi¬ tion établie par un autre sociologue brésilien, Gilberto Freyre, dans son célèbre ouvrage sur l’esclavage, « Maî¬ tres et Esclaves ». Et dans un roman récent, « A Tenda dos Milagres » — on peut traduire par « la Boutique aux Miracles » — Jorge Amado décrit les persécutions que subirent, à certaines époques, les prêtres et les fidèles des candomblés de Bahia.

A. O. — Oui, cela a existé à la fin du XIX' siècle, aux premiers temps de la République. Nous subissions fortement alors l’influence du positi¬ visme d’Auguste Comte. Cette étape de notre histoire est révolue et ces religions ont subsisté grâce à la téna¬ cité du peuple, ce fut une victoire du peuple. Mais, à l’époque de l’escla¬ vage, les Portugais, soucieux de conserver leur main-d’œuvre dans des conditions favorables à un bon ren¬ dement, ne séparaient pas les Noirs d’une même « nation », fréquemment les esclaves étaient vendus par tribu. Ils aidèrent ainsi, involontairement, le maintien de la langue et des traditions des différentes ethnies. Les cultes animistes, pourtant, n’étaient pas éga¬ lement acceptés par les Portugais catholiques, et les Noirs feignirent d’honorer les saints catholiques tout en fêtant leurs dieux Shangô, l’orlsha (i.e dieu) du feu et du ton¬ nerre se cachait derrière Saint Jérô¬ me, la déesse Oshum derrière NotreDame de la Conception, etc. L’habi¬ tude se substitua au stratagème, des correspondances s’établirent et se maintinrent entre les deux religions.

avec eux un culte afro-brésilien qui n’était plus tout à fait la même chose que le pur animisme africain ; et ils découvrirent au Nigéria le protestan¬ tisme introduit par la colonisation anglaise, le méthodisme écossais, tout un autre courant de la pensée euro¬ péenne.

A. R. — Les travaux de Roger Bas¬ tide nous ont familiarisés avec ce syncrétisme religieux.

A. O. — Le voyage est sans doute le sujet le plus usé de la littérature depuis « l’Odyssée ». La guerre est politiquement importante, mais le voyage est plus important pour la vie et demande souvent plus de temps. Camoëns, le dernier poète épique, raconte le voyage aux Indes de Vasco de Gama. Il y a aussi voyage chez Cervantes : Don Quichotte doit partir.

A. O. — Vous connaissez donc l’im¬ portance des offrandes dans ces cultes. Or, au Brésil, les Africains trouvèrent ies plantes nécessaires aux sacrifices, à la nourriture des dieux. Cette rencontre de deux races et de deux conceptions religieuses a modi¬ fié notre caractère, le formalisme por¬ tugais a été « cassé » par les Afri¬ cains. leur fatalisme triste (il ne faut pas oublier l’influence arabe au Por¬ tugal) transformé par la joie de vivre africaine. A. R. — Avec le retour des anciens esclaves à la terre-mère après l’abo¬ lition de l’esclavage — le sujet de votre livre — commence un nouveau processus d’interréactions, un nouveau champ d’influences. A. O. — En effet, ils rapportaient

A. R. — Au-delà de son ancrage historique vous conférez une dimen¬ sion mythique à cette reprise de possession de la terre originelle, sorte de Terre promise. A.O. — La notion de Terre promise hante les âges et ies civilisations. La pensée judéo-chrétienne en est impré¬ gnée. Et pour mon héroïne, Catarina, cette Terre promise est la terre de la liberté tandis que le Brésil était la terre de l’esclavage. Mais ce retour vers l’Afrique a été fait de décisions individuelles, il n’a pas eu le caractère d’un grand mouvement messianique collectif. A. R. — Le voyage ramène définiti¬ vement vos trois héroïnes en Afrique. Elles représentent trois générations qui vivent différemment cette tentative de récupération d’une identité.

A. R. — C’est en quelque sorte r « épreuve » des contes populaires. A. O. — Oui, car le changement est un choc. Nous vivons de change¬ ments, mais le voyage les accélère. Mariana, la plus jeune des trois fem¬ mes, l’accepte et s’y adapte. Sa mère, elle, reste attachée au Brésil. Pour Catarina, l’instigatrice du voyage, le retour n’est pas une adaptation mais une régression, un retour au ventre maternel. A. R. — Le fantasme de la naissance est. en effet, obsédant dans votre

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Un poème inédit de Nicolas Guillen “ Je ne suis pas un homme pur ” Non, je ne vais pas te dire que je suis un homme pur. Entre autres reste à savoir si cela existe la pureté. Ou si elle est, admettons, nécessaire. Ou possible. Ou savoureuse. As-tu goûté par hasard l’eau chimiquement pure, eau de laboratoire sans un grain de poussière ou de fumier, sans le moindre excrément d’oiseau, de l’eau faite uniquement d’oxygène et d’hydrogène ? Pouah ! Quelle horreur. Donc je ne te dis pas que je suis un homme pur ; non, je ne te dis pas cela, mais tout le contraire. Que j’aime (les femmes, naturellement, car mon amour ose dire son nom), et je prends plaisir à manger de la viande de porc aux pommes [de terre des pois chiches des saucisses piquantes des œufs poulets moutons dindes des poissons et des crustacés, je bois du rhum de la bière de l’eau-de-vie et du vin, et je fornique (même le ventre plein). Je suis impur. Que veux-tu que je te dise ? Totalement impur. Pourtant, je crois qu’il y a beaucoup de choses pures dans le [monde qui ne sont que merde pure. Par exemple la pureté de la virginité nonagénaire. La pureté des fiancés qui se masturbent au lieu d’aller coucher ensemble, nus, dans un hôtel de passe. La pureté des internats où s’épanouit la semence succédanée de la faune pédéraste. La pureté des prêtres. La pureté des académiciens. La pureté des grammairiens. La pureté de ceux qui affirment qu’il faut être purs, purs, purs. La pureté de ceux qui n’ont jamais eu de blennorragie ni de chancre syphilitique. La pureté de la femme qui n’a jamais léché un gland. La pureté de l’homme qui n’a jamais sucé un clitoris. La pureté de celui qui n’a jamais engendré. La pureté de celui qui bat sa coulpe et dit saint, saint, saint, alors que nous savons tous qu’il est diable, diable, diable. Enfin la pureté de qui n’a pas réussi à devenir suffisamment impur pour savoir ce que c’est la pureté.

roman. Il apparaît dès la première page dans ce déferlement d’eau qui entraîne vos personnages vers leur destin — cette sorte de déluge régé¬ nérateur — jusqu’au hurlement final de Mariana près du corps de son fils. A. O. — La naissance et la mort se rejoignent. Le roman est un conflit qui doit arriver à la paix ; mais cette paix porte en elle un nouveau conflit dans un mouvement dialectique entre la vie et la mort. Je donne une grande place aux femmes dans « la Maison d’Eau », car elles symbolisent la victoire de la vie contre la mort, la continuation, comme le sol. C’est une notion à la fois catholique et afri¬ caine. Curieusement, le matriarcat marque l’Afrique traditionnelle malgré la contradiction apparente de la poly¬ gamie. A. R. — Dans cette dialectique entre la vie et la mort, la présence du sang rythme votre livre. A. O. — Chacun des quatre chapi¬ tres finit par le sang, un sang de vie, trois sangs de mort. Et aussi, le sang des sacrifices. Là encore se rencon¬ trent deux civilisations ; les Africains ont introduit au Brésil le sacrifice du sang, de même que dans le chris¬ tianisme vous trouvez le sang du Christ et dans la tradition judaïque la constante de la notion de sacrifice. A. R. — L’ethnologue Pierre Verger, qui a préfacé « la Maison d’Eau » — et ce n’est pas sans raisons — a consacré un bel ouvrage aux déplace¬ ments des Africains entre l'Afrique et le Brésil. Son titre me paraît par¬ fait : « Flux et Reflux ». Pour moi, ces deux mots expriment une compo¬ sante essentielle de « la Maison d’Eau » le changement, l’impré¬ gnation du voyage liés à la fluctuation du temps que vous tentez d’appri¬ voiser, qui vous échappe, monte et descend à un rythme de vagues. A. O. — L’eau et le temps sont indis¬ sociables dans mon roman. Les Grecs l’ont dit, l’eau est toujours la même et toujours différente. Les Africains ont senti le besoin d’avoir plusieurs déesses de l’eau : Yemanjà, la déesse de l’eau salée, Oshum, celle de l’eau

courante, Nanan, déesse des eaux profondes. L’eau marque le destin de Mariana et le puits qu’elle construit pour vendre de l’eau est un symbole de la richesse. L’eau est nécessaire à la vie, elle est la vie. Elle sépare et relie. A. R. — Le puits porte le mot « eau » Inscrit en trois langues, le yorouba, le portugais, l'anglais — omi, agua, water — comme une synthèse de votre roman. En outre, le langage de la narration a fait sien le rythme de la fluidité de l’eau et du temps... A, O. — Vous touchez là à une question essentielle à mes yeux : le langage. J’ai voulu intégrer à la lan¬ gue portugaise le rythme de la langue yorouba, non seulement par l’utilisa¬ tion des salutation poétiques — les orikis — qui parcourent le livre, mais aussi par le rythme même de la phrase, un déroulement fluide « com¬ me l’eau qui coule », de longues phrases semées de virgules, comme ça, sans ruptures... A. R. — « Corne l’eau qui coule ». Cette métaphore, on peut la prendre comme l’indice d’une « eurythmie », d’une « euphorie », qui communique¬ rait avec la pensée d’un monde de la réconciliation. On risque de passer du syncrétisme à la réconciliation, à la conciliation universelle : bref, l’épo¬ pée collective, ou les forces de rup¬ ture ? A. O. — Dans la péninsule Ibérique, nous avons connu le passage de la poésie épique au roman épique au XVI' siècle, avec Camoëns et Cer¬ vantes. Poétique ou non, l’épopée domine la littérature de Homère à Tolstoï, jusqu’à nos jours. Je recon¬ nais volontiers à « la Maison d'Eau » un caractère épique. Ce n’est pas in¬ dissociable d’une vision politique. Sur ce point, j’ai une théorie — nous en avons tous — je sépare les hommes, les organisations, les partis politiques, en amis de la vie et ennemis de la vie. C’est la distinction essentielle. C’est peut-être une vision très mani¬ chéenne. Il se produit parfois que, pour un temps, les ennemis de la vie triomphent, pour un temps... Une œuvre littéraire doit nécessairement aider la vie. □

Antonio Olinto

Point, date et signature. Je le maintiens tel quel.

Nicolas Guillen Janvier 1964 (Poème traduit de l’espagnol par Liliane Maya.)

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CRITIQUE HISTOIRE LITTERAIRE

Henri Meschonnic

Pour la poétique II et III

Paul Rosenberg

Le romantisme anglais

par Pierre Pachet

Henri Meschonnic Pour la Poétique II et III Coll. « Le Chemin » Gallimard éd., 458 et 344 p.

De la Bible à Eluard

par Pierre Pachet L’expérience de l’autre langue est chez Meschonnic un point de départ. Elle oriente son regard, son oreille de linguiste. On trouve quelque chose d’analogue chez Jakobson, ce linguiste sans langue maternelle, ce virtuose à l’accent indéfinissable dont le spectre lin¬ guistique, du russe à l’allemand, au tchèque, à l’anglais, au fran¬ çais. rend compte d’une impor¬ tante migration théorique contem¬ poraine. Pour Meschonnic, l’autre langue est plus fixe, c’est avant tout l’hébreu, langue morte et vi¬ vante. sacrée et profane, la plus traduite et la plus méconnue. Il pourrait être un grand hébraïsant français, comme Massignon était un grand arabisant. L ne grande partie de son éner¬ gie est donc consacrée à la polé¬ mique biblique. A sa traduction, déjà connue et célébrée, des Cinq Rouleaux, on ajoutera deux des articles du présent tome H. Dans l’un. Meschonnic critique pied à pied les traductions reçues des cinq premiers versets de la Ge¬ nèse. La \ ulgate « inaugure le détournement du signifiant », traduisant tohou vavohou (le cé¬ lèbre tobii-bohu) par inanis et vacua. Le Maistre de Sacy (1672) poétise et rend « élégant ». Segond « rationalise la coordina¬ tion ». La Bible e poser en héros, (jui ne serait qu’une réplique de l’en¬ nemi. « La main de fer écrasa la tête du tyran et devint à sa place... un tyran » : ces mots de Blake (1803) visent évidemment la décomposition bonapartiste de l’élan libérateur de 89. Il était bon de rappeler à un public fran¬ çais qu’aux yeux des romantiques anglais, c’est en France même que tourne court et se trahit la Révolution en laquelle ils avaient mis tant d’espoir, et que ce n’est pas seulement son effet de conta¬ gion qui avorte en Angleterre. Il faut donc refuser les ripostes emprisonnantes. « Ce qui est créateur doit se créer lui-même », dit Keats. Les vulnérables ne doivent compter que sur euxmêmes pour construire leur pro¬ pre identité.

Au niveau du vécu quotidien Le « stoïcisme utopique » (titre du chapitre VII) refuse donc de n’être qu’une réplique de l’or¬ dre oppresseur. Il se cherche d’abord au niveau du vécu quo¬ tidien, et s’il a une signification politique, c’est seulement en der¬ nière instance : chaque angoisse individuelle doit être assumée comme universelle, comme le signe de la présence multiforme d’Urizen et donc comme un mo¬ ment de la lutte contre lui. Au terme de cette entreprise de dé¬ cloisonnement du politique et du culturel, on débouche donc sur une stratégie politique au sens le plus large. Blake, visionnaire politisé de toutes les fibres de son être, lié aux groupes d’arti¬ sans radicaux de Londres, voit la fin d’Urizen comme décom¬ position interne, comme cancer généralisé. Shelley, qui se défi¬ nissait comme révolutionnaire, appelait à la « dispersion des centres d’obstination », à une insoumission multiple. Le Prométhée déchaîné confie le rôle essentiel à Démogorgon, la force obscure du peuple. Cette énergie potentielle des profondeurs fait reculer Jupiter et libère le captif. La force de Démogorgon est la¬ tente en chacun de nous. Pour maintenir l’espoir, pour « nourrir les braises », les ro¬ mantiques anglais disposent de tout un système de recours et d’ancrages, que P.R. a démonté avec une dilection visible, une évidente complaisance : ce sont la peur (Coleridge), l’angoisse, la colère (Byron) et l’imagination, l’opium (Quincey), la musique

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(Keats) et le sport. Les recours ont plutôt une fonction tactique, clarifiante ; les ancrages définis¬ sent des objectifs, une stratégie. Les uns et les autres nourrissent un rapport poétique et prophéti¬ que avec le monde. Que sont pour nous les roman¬ tiques anglais ? « Leurs problèmes et leurs rêves sont parmi nous. L’inten¬ sité de leurs bonheurs, de leurs malheurs ne nous invite pas à la résignation. La contagion dont ils rêvèrent s’effectue aujourd’hui et fait renaître le printemps des

peuples au cœur même de l’hi¬ ver... Ce n’est pas leur sort qui nous intéresse, mais le nôtre : les romantiques peuvent nous ser¬ vir de recours... » (p. 273). Leurs problèmes sont les nô¬ tres... Paul Rosenberg le montre à travers une démarche tout en circonvolutions et en circonvellations, qui contourne et investit son objectif pour mieux l’ap¬ préhender. Ce défi des vulnéra¬ bles, qu’ont iintensément vécu Blake, Shelley et tout le groupe, cette conviction que les plus fai¬ bles sont finalement ceux dont

A la manière de Blake et de Shelley

Proverbes de braise Le solide sans fluctuations décou¬ vre ses failles et son vide. Ils t'ap¬ pelleront à leur secours. Résiste, lis te diront que tu ne peux pas vivre sans eux. Essaie. Les charges redeviennent courant. Les printemps avortés des peuples, l’internationale du non-conformisme, la proclama¬ tion partout du désir d’identité rani¬ ment un pôle d’indifférence. La coalition des Vulnérables prend for¬ me. Les ancrages souples sont les meilleurs. Eparpille ton centre. Le plus précieux dans le mouvement, c’est sa diversité. Les média sont les enclosures d’aujourd’hui. Chacun dans sa boîte, face à sa boîte. On appelle ça « com¬ munication » I Ce qu'ils doivent être sales, pour ne voir partout que saleté, et roublards, pour ne voir que complots. Nous sommes deux nations, à l’échelle planétaire. Leur nation rêve de pouvoir et de satisfactions dans l’ordre. Elle invente l’ordre par la pseudo-satisfaction. Elle s’organise sainte-alliance ; internationale pétri¬ fiante, pétrifiée. Le Dieu des Mono¬ poles brise les grilles nationales qui l’ont tant servi, mais c’est pour mieux régner. Il y a longtemps que les nôtres ont sauté. Les hétérogé¬ néités culturelles (pré-nationales, pré-industrielles) d’antan et celles de demain (post-nationales, post¬ industrielles) sont en train d’effec¬ tuer leur liaison. Aux révulsions que tu partages avec lui, tu reconnaîtras ton frère. Le Règne a ses ennemis accrédités par lui, avec valise diplomatique et tout. C’est lui qui proclame leur légitimité et les fait donc ses héri¬ tiers. N’attends pas ta légitimité de ceux qui se disent le fils et la légi¬ timité du Règne. La classe antago¬

niste ne se définit pas à travers les yeux du maître et de sa science, en fonctions des origines et des appar¬ tenances naturelles, juridiques ou sociales. Ce n’est pas affaire d’ori¬ gines ou d’appartenance, mais de position. Laisse ton passé ensevelir son propre passé. Ce qui naît aujourd’hui, c’est l’Internationale du Dégoût. Chacun s’y situe où il veut, d’où qu’il vienne. L’heure n’est plus aux militants pa¬ tentés ni aux vérifications d’identité, mais aux ruptures (partielles, impar¬ faites, dégradées, symboliques, mais réelles, vivables-invivables). Ruptu¬ res totales ? Les morts aussi ont rompu leurs chaînes. Toute démar¬ che suicidaire fait le jeu d'Urizen. Ceux qui te diront de changer la vie, vois comment ils ont changé la leur. Ceux qui ne voient pas que tu as changé ta vie, renvoie-les chez ton père. La ville. Urizen la quadrille. Tubes et cubes sans courbures ni dômes. Il l’étend. Elle le tuera. Gangrène. Le Jardin n’est pas un lieu : c’est un point de vue sur le corps et l’histoire. Jette sur la ville le regard du jardin. Verticale, elle fait renaître les rêves d’horizontalité et de pro¬ fondeur. Gigantesque, elle suscite le désir du refuge. Fébrile, elle rani¬ me la puissance des lenteurs. Com¬ plexe, elle ne comprend plus rien aux désirs élémentaires. Agressive, elle revigore les plaisirs de douceur. Elle se paralysera. Chacun verra alors qu’on pouvait vivre autrement. Braise. Savoir souffler. On est prié d’apporter son bois. Ne te définis pas par tes impuissances : tu ' les connais assez. Echange la loi de l’échange contre la loi du changement. Invente tes propres slo¬ gans. Nous avons le temps.

le refus est le plus radical, nous en faisons chaque jour l’expé¬ rience : les Sioux de V ounded Knee et les mutins des prisons, les lycéens, les femmes... Et le Vietnam, vulnérable s’il en est, et dont le défi a mis en échec les Urizen du Pentagone. Mais les vulnérables de notre temps, selon la lecture que nous donne P.R. des romantiques anglais, ce sont tout autant tous les « paumés » infra-politiques, tous ceux qui vivent comme désarroi, et pas seulement chez les jeunes, leur incapacité à s’orienter, leur cul¬ pabilité, leur paresse, leur impuis¬ sance. Le dialogue avec Blake, Shelley et leurs amis peut les aider à comprendre que ce désar¬ roi apparemment individuel est en fait fondé dans les structures d’Urizen, qu’il fait partie de l’affrontement et de la révolte contre Urizen, qu’il faut assumer ce pari sur l’angoisse proposé par les romantiques, au lieu de cher¬ cher à le fuir par des techniques sécurisantes de type psychanaly¬ tique. L’ouvrage de Paul Rosenberg, si éloigné du scientisme univer¬ sitaire que le nom de la collec¬ tion qui l’accueille a presque l’air d’une coquille typographique, est bien une ré-flexion : la pen¬ sée part du réel pour se « réflé¬ chir » sur un objet qui la renvoie au réel. Ce n’est pas par hasard si le Marx des Manuscrits de 1844 apparaît si souvent dans le livre : jalon irremplaçable entre le ro¬ mantisme d’imagination et l’ana¬ lyse révolutionnaire. Lui aussi était à la fois un vaincu et un guetteur. Nous en sommes là nous aussi, suggère Rosenberg. Un mot encore sur la qualité des traductions. Rien de plus instructif, que de les comparer avec les « irréprochables » ver¬ sions des romantiques anglais produites par Cazamian et son école. C’est qu’elles sont fondées sur une connivence idéologique à laquelle ne pouvaient accéder ces respectables universitaires... « Le progrès de la race n’est et ne peut pas être à Limage rec¬ tiligne d’une route romaine. On pourrait plus justement le com¬ parer à celle d’une rivière qui, dans ses bassins plus réduits et ses courbes plus vastes, est sou¬ vent contrainte de reculer vers sa source par des objets qui ne peuvent être autrement éludés ou surmontés... Le sommeil de la multitude, prépare F énergie de la multitude et la fureur du peuple brisera les chaînes du peuple. » (Wordsworth) Lost Little Boy

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ARTS

Edward Lucie-Smith Antoni Tàpies

L'érotisme dans l'art occidental

par José Pierre

Exposition rétrospective

par Yvon Taillandier (p. 34)

Dans les galeries

par Régine Cathelin

Les ruses d’Eros M'interrogeant il y a peu, à l'occasion d'un « mélodrame obscène » que je venais de perpétrer, sur ce en quoi pourrait consister dans le domaine du spectacle, au théâtre ou au cinéma, le sommet de « l'escalade » érotique, j'en venais à conclure que de ce point de vue, Vindépassable et peut-être même inaccessible scénario demeurait les 120 Journées de Sodome, du marquis de Sade (1). Ceci pour la bonne raison que cet ouvrage constitue un répertoire des perversions distribuées selon le plus impitoyable crescendo qui se puisse rêver.

Edward Lucie-Smith L'érotisme

dans

V art

occidental

Hachette éd., 287 p., 273 ill.

par José Pierre

L’équivalent des 120 Journées dans les arts plastiques, ne se¬ rait-ce pas également un catalogue des postures amoureuses énumé¬ rées par Forberg ou le Kâma Sutra, du genre des travaux de Jules Romain d’après l’Arétin ou des reliefs des temples indiens de Khajuraho et de Konarak ? Il ne semble pas justement et, à simplement feuilleter l’ouvrage d’Edward Lucie-Smith qui vient d’être traduit en français (2), on constate que si la figuration di¬ recte des plus aimables nudités comme des étreintes les plus passionnées atteint parfois à tme réelle éloquence (bien que nous soyons privés ici des très char¬ mantes gravures qui illustraient

José Pierre revient de Naples où il a >, il a été traité avec un regrettable excès de pru¬ dence. Il n’en reste pas moins, et c’est l’essentiel, que ce que nous dit cette histoire, selon ce qu’a voulu Vitez, à savoir « la reconnaissance de l’autre et des autres, l’acceptation de l’autre en tant que tel, différent de nous, et la naissance de liens fraternels entre deux hommes différents » est exprimé avec une belle clarté ; et c’est vrai aussi que c’est Ven¬ dredi qui apprend à Robinson à « vivre bien » pendant que l’autre, jusque-là engoncé dans ses co¬ des, se défait, comme d’une défro¬ que, d’une civilisation, la sienne : Robinson restera dans l’île ; c’est Vendredi — l’Occident n’en finira pas d’aliéner — qui partira sur le bateau. Ce qui est remarquable aussi, c’est que le parti adopté, de raconter une histoire comme un jeu auquel jouent les acteurs, retrouve avec une rare justesse le jeu des enfants ; les acteurs jouent avec le personnage de

Robinson — ils sont plusieurs à le jouer, avec les objets, les lieux, le temps, l’espace, un tas de sable, l’île — une maquette de l’île, en relief, sur une table roulante, et un écran pour les projections : sur ces trois pivots s’organise une complexe architec¬ ture d’images, comme de vieilles gravures soudain animées d une vie neuve, contemporaine, et char¬ gées d’une poésie faite à la fois d’intelligence et d’une sensualité discrète. Ce spectacle a encore ceci d’étonnant qu’il est à la fois parfaitement fini, abouti, et qu’il ne semble pourtant pas une struc¬ ture close : les enfants peuvent jouer avec lui, comme avec un jouet, ou un camarade. Tout, làdedans, respire à l’aise. Dans « la Malédiction des Capé¬ tiens », on ne propose plus aux enfants des images chargées de poésie et de sens, et capables de hanter leur imagination et leur sensibilité ; on décape, jusqu’à la trame, avec un gaillard entrain et une belle jovialité, de vieilles ima¬ ges éculées, toute l’imagerie d’Epinal historique, pour montrer qu’elles mentent, comme men¬ tent les manuels d’Histoire. Fai¬ sant défiler Jeanne d’Arc et son bûcher, et le Roi-Soleil, et SaintLouis sous son chêne, et Louis XVI avec sa guillotine, et les « innom¬ brables tableaux mémorables qui ont donné lieu à ce qu’on continue d’appeler Histoire de France », les acteurs du « Théâtre Périféerik » — comédiens et marionnet¬ tes — donnent à voir, dans un

éclat de rire irrévérencieux, le jeu des rois, des grands, de l’Eglise, de la bourgeoisie, et le peuple opprimé sur le dos de qui, de siècle en siècle, se joue le gui¬ gnol — spectacle mené tambour battant, avec musiques sortant d’un orgue de barbarie et décors en mouvement perpétuel animant ironiquement de vieilles illustra¬ tions : les enfants voient, devant eux, se défaire dans la dérision les vieilles images des livres. Là, on ne provoque pas les enfants à jouer ; on s’amuse, devant eux, avec une merveilleuse liberté, à déchirer pour eux des images. Nicolas Devil, à l’inverse, avec « Le Petit diable et la flamme », propose carrément une structure de jeu, pour faire jouer les enfants et leur faire vivre, l’instant d’une fête, une vie autre qu’ils ne mè¬ nent ; une vie libérée, désaliénée. « Notre passion, disent les auteurs du spectacle, se limite à organiser une fête où chacun pourra expri¬ mer sa vie ; comme toute fête, celle-ci comporte des règles ; ces règles viennent de la profonde Afrique, de la mystérieuse Améri¬ que, de la barbare Europe ; aux participants, aux invités, de re¬ trouver l’astuce qui fera et refera le fil de la cérémonie... car l’en¬ fance conserve intacte, avec la marelle et le génie, la mythologie profonde des premiers âges, cellelà même que nous cherchons, misérables égarés, vaniteux, dans l’illusoire Kulture ». La fête pro¬ posée tient bien cette promesse. Rythmée par Albert et sa fanfare.

commencée dans la cour du Ch⬠teau pour s’achever rituellement sous le chapiteau promu «< tente sacrée », elle déchaîne avec cracheur de feu, baratin des clowns, bateleurs prestidigitateurs, tout le bluff bruyant de l’Qccident ; à quoi s’oppose le lent mystère d’un Indien fumeur de calumet et la dionysiaque sagesse d’une femme d’Afrique, tous deux porteurs d’une autre vie, de la « vraie vie ab¬ sente ». Le monde s’entrevoit sans maîtres ni tyrans, où le désir serait libre. Appelés à danser entre eux, à déchirer et brûler les billets de banque — et ils dansent, et ils déchirent — à conspuer les né¬ griers et leurs génocides, les enfants vivent, l’espace d’un mo¬ ment, une vie autre, sur un autre rythme, et selon d’autres rites. C’est là le coup de maître des responsables du TNE : d’avoir fondé toute l’entreprise sur la ré¬ vélation de I’ « autre ». Dans une civilisation crispée sur un conser¬ vatisme plus agressif que jamais, enragée à éterniser ses vieilles formes, bloquée sur son huma¬ nisme pourtant recru de fatigue et de crimes, dans une société qui nous ressasse, dès la mamelle, et à tous les échelons de l’ordre établi, que les choses sont ce qu’elles sont et qu’il est bien qu’il en soit ainsi, la révélation de r « autre », par la dynamique et la dialectique qu’elle instaure, est la clé du mouvement. C’est par elle que passe toute propédeutique de la liberté. □

Expositions

AntonI Tàpies

Exposition rétrospective Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

par Yvon Taillandier En 1966, le XV Congrès inter¬ national des artistes, critiques et étudiants d’art de Rimini-VerruchioSan Marine décernait à Antoni Tàpies, né à Barcelone, le 13 dé¬ cembre 1923, une médaille cou¬ ronnant « l’action morale contenue dans son œuvre artistique ». Célè¬ bre depuis dix ans déjà, il méritait le titre qu’on devait lui donner la même année de « peintre aux dix mille souvenirs ». Parmi ses suiveurs, on sait aujourd’hui qu’il y avait de sim¬ ples imitateurs, mais aussi des esprits inventifs comme, entre autres, le peintre Rancillac, ou les objetistes Jean-Pierre Raynaud ou Del Pezzo, qui se sont appuyés sur lui momentanément. Mais si

Yvon Taillandier, critique d’art, vient de publier « Miré à l'encre » (XX* Siècle éd.).

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l’on voit clairement l’action esthé¬ tique du précurseur des nouveaux réalistes, de l’objetisme, du pop’art et de l’art pauvre, son action mo¬ rale n’est peut-être pas aussi manifeste. Que peuvent signifier « moralement » ces bouts de ficelle et « ces agglutinations de sable » qui ont permis à Tàpies d’élaborer ses objets abstraits de 1945 et 1946 ? Quelle règle de comporte¬ ment pouvons-nous déduire de ces solides sommaires empruntés à des jeux d’enfants et plongés dans une grave atmosphère de clairobscur, au cours de la période brève et peu connue (1950) où Tàpies pratique la peinture à l’huile et n’a pas encore mis au point sa célèbre technique du bas-re¬ lief aux fines rugosités et aux subites déchirures ? Et, plus tard, quelle est la signification morale de cette botte de foin (une vraie botte) posée sur la tablette d’un bureau de bois brunâtre ? Quelle leçon de morale donne-t-elle, cette lessiveuse (une vraie lessiveuse en métal brillant) qu’il a accrochée au sommet d’un tableau de deux mètres de haut sur deux mètres soixante de large ? Que veut dire moralement ce panier de paysan jeté au milieu d’un buisson de fil de fer ? Ou ce drap violet noué

dont le bas constitue une poche remplie de détritus ? Je me posais ces questions en visitant sa très belle exposition rétrospective organisée par Jac¬ ques Lassaigne au musée d’Art moderne de la Ville de Paris (la première rétrospective en France — dix ans après celle de Hanovre) quand me revint en mémoire le souvenir d’un tableau du Louvre qui m’avait intrigué de la même manière que les œuvres de Tàpies. Comme son drap violet, cette peinture contient au bas une zone importante consacrée à un spectacle parfaitement prosa’i’que et peu séduisant : un tas de pier¬ res de construction et un mon¬ ticule de terre ou de gravats, alors qu'au loin et au second plan on distingue partiellement voilée la silhouette de la cathédrale de Chartres. Corot, l’auteur de cette toile, est, comme Tàpies, ce que la termi¬ nologie picturale nomme un valoriste, c’est-à-dire quelqu’un qui s’intéresse moins à la netteté des contours ou à l’éclat des cou¬ leurs, qu’aux degrés de luminosité. Comme la lumière peut embellir n’importe quoi, elle embellit les choses les plus ternes, les plus floues et les plus humbles. Embel¬

lies par la lumière, ces choses démontrent alors, sans ambigu'îté, l’inutilité des richesses chroma¬ tiques et des perfections graphi¬ ques quant à la création de la beauté. Aussi bien, est-ce sur ces choses humbles que les regards des valoristes se portent de préfé¬ rence. Et c’est ce qui les amène à faire leurs découvertes princi¬ pales dans le quotidien, voire le banal. Pour Tàpies, il découvre la beauté des graffiti, des pauvres nœuds roses accrochés à un gril¬ lage, des morceaux de planches cassées qu’il dispose de manière à les convertir en pièges à lu¬ mière. La matière étant le plus humble état de l’être et, dans le domaine pictural, ce qui produit les effets visuels les plus réduits et les plus humbles, il devient le plus remarquable des matiéristes, avec Dubuffet. Mais, encore une fois, quel sens moral à tout cela ? Eh bien sans doute le même qui se dégage de la mise en évidence par Camille Corot d’un tas de pierres et d’un monticule de gravats au détriment de l’image des tours superbes et prétentieuses d’un édifice fameux ; il faut en finir avec l’orgueil ! □

La Quinzaine Littéraire

BIBLIOGRAPHIE

Livres publiés du 5 au 20 juin ROMANS ET RECITS FRANÇAIS Florence Asie Le rendez-vous mystique Gallimard, 128 p., 14 F Il y a une verve et une tension dans ce bref récit : le suicide de son père obsède la narratrice qui aura l’ex¬ périence d’une rencon¬ tre avec « l’au-delà ». Lucien Ganiayre L’orage et la loutre Seuil, 203 p., 21 F Un homme chasse, pê¬ che, essaie d’arrêter le temps, lutte contre la mort.

Stock, 246 p., 18 F Voir ce n® Jean Mistler Le naufrage du Monte-Cristo Grasset, 227 p., 20 F Assez paresseuse varia¬ tion romanesque sur une légende bretonne de naufrageurs. Claude Poulain Les chevauchées de l’an mil 1. La jeunesse du Ruffin Fayard, 459 p., 35 F Premier épisode d’un feuilleton qui se veut aussi vaste fresque his¬ torique.

André Laude Joyeuse apocalypse

ROMANS ET RECITS ETRANGERS C. Fruttero et F. Lucentini La femme du dimanche trad. de l’italien par Ph. Jaccottet Seuil, 413 p., 30 F Ce copieux roman poli¬ cier est aussi un ro¬ man de mœurs turinois, et le tout élaboré suivant une recette fort ingénieuse. John Hawkes Les oranges de sang trad. de l’américain par A. Delahaye Coll. Les Lettres Nouvelles Denoël, 288 p., 35 F Les entrelacs ambigus et tragiques des amours

Les libraires ont vendu

de deux couples, par un romancier que l’Amérique commence à reconnaître pour l’écri¬ vain le plus doué de sa génération. Arthur Koestler Les Call-girls trad. de l’anglais par G. Fradier Calmann-Lévy, 278 p., 25 F Roman satirique assez mordant dirigé contre les « grands écri¬ vains », « éminents spé¬ cialistes » et autres habitués des colloques internationaux, que l’au¬ teur surnomme « les call-girls du savoir ». Lawrence Sanders Le week-end d’Anderson trad. de l’anglais par S. Hilling

Gallimard, 275 p., 29 F Reportage policier ? Documentaire rédigé d’après des enregistre¬ ments ? Tout, depuis A jusqu’à Z sur les préparatifs et l’exécu¬ tion d’un cambriolage monstre.

et Roger Zuber Boileau, visages anciens, visages nouveaux Presses Universitaires de Montréal, 175 p. Les complexités du « Législateur du Par¬ nasse ».

Stratls Tsirkas L’homme du Nil trad. du grec par C. Lerouvre Seuil, 213 p., 23 F Cinq nouvelles évoquant l’univers si particulier de la colonie grecque essaimée sur les bords du Nil.

Pierre Bourgeade L’aurore boréale Coll. Le Chemin Gallimard, 125 p., 20 F Par l’auteur des « Immortelles ».

LITTERATURE, CRITIQUE ET HISTOIRE LITTERAIRES Bernard

Beugnot

Jeanne Goldin Cyrano de Bergerac et l’art de la pointe Presses de l’Université de Montréal, 274 p. Cyrano, auteur pointu ; pointes, figures de rhé¬ torique et concettisme ; Cyrano et les buts de la rhétorique, etc. Ex¬ cellente étude.

La Quinzaine recommande m

POESIE

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André Frénaud Gherassim Luca

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ROMANS,

La Sorcière de Rome Le Chant de la carpe

Gallimard Soleil Noir

Ecrivains de Catalogne voir ce n® Nouvelles fantastiques Par l’auteur de « l’Invention de Morel » Les Oranges de sang Le Dernier été de Klingsor Enigma Voir ce n"

Denoël LN

RECITS

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« CO '

Christine de Rivoyre Boy (Grasset) Le grand secret René Barjavel (Presses de la Cité) Un taxi mauve (Gallimard) 3 Michel Déon Un oursin dans le caviar (Stock) 4 Philippe Bouvard Science et bonheur des hommes 5 Louis (Flammarion) Leprince-Ringuet Rie story (Fayard) 6 Roger Borniche Enquête sur un crucifié 7 Jean Lartéguy (Flammarion) Les nouveaux carnets 8 Pierre Daninos du major Thompson (Hachette) André Malraux. 9 Jean Lacouture Une vie dans le siècle (Le Seuil) Le dimanche de Bouvines 10 Georges Duby (Gallimard) 1 2

1 2

3 3 2 1 1 1 2 1 1

Liste établie d’après les renseignements donnés par les libraires suivants : Biarritz, la Presse. — Brest, la Cité. — Dijon l’Université. — Grenoble, Arthaud. — Issoudun, Cherrier. — Lille, le Furet du Nord. — Montpellier, Sauramps. — Nantes, Coiffard. — Nice, Rudin. — Paris, les Aliscans, Aude, Fontaine, La Hune, Julien Cornic, Marceau, Paris Variété, Weil. — Poitiers, l’Université. — Rennes, les Nourritures terrestres. — Royan, Magel¬ lan. — Strasbourg, les Facultés. — Toulon, Bonnaud. — Vichy, Royale.

du 1" au 15 juillet 1973

Mathilde Bensoussan Adoifo Bioy Casares John Hawkes Hermann Hesse Claude Ollier

ESSAIS, CORRESPONDANCES Le Mangeur du XIX* siècle Jean-Paul Aron Voir ce n« Confessions Jakob Boehme Le grand iiluministe Correspondance I Flaubert Etablie par Jean Bruneau La Mise en scène de la vie Erving Goffman quotidienne, 2 vol. Voir notre n® 166 Quarante ans de propagande Jean Grave anarchiste. Nouvelle édition Essais de psychanalyse appliquée Ernest Jones Par le biographe de Freud Rabelais secret Claude Mettra Un itinéraire initiatique

Laffont Denoël LN Calmann-Lévy Gallimard

Laffont Fayard Gallimard (Pléiade) Minuit

Flammarion Payot Grasset

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Georges-Arthur Goldschmidt Molière ou la liberté mise à nu Julliard, 205 p.. 22 F Quelle est la raison de l'universalité de Moliè¬ re ? Essai pertinent sur la conception de « l'ac¬ te théâtral », selon l'auteur du « Misan¬ thrope ». Mortimer Guiney Cubisme et littérature Georg, Genève, 191 p., 26 F 30 Excellent essai où l'au¬ teur étudie, en parti¬ culier, les nouve'tss organisations syntaxi¬ ques qui, dans la poésie d'Apollinaire, Reverdy, Max Jacob, etc., corres¬ pondent aux nouvelles organisations spatiales du Cubisme plastique. Laurent Mailhot Albert Camus ou l’imagination du désert Presses Universitaires de Montréal, 465 p. Un essai global et so¬ lide centré autour d’une recherche de toutes les harmoniques contenues dans le thème du désert. Simone Vierne Rite, roman, initiation Presses Universitaires de Grenoble, 138 p., 29 F Comment l’initiation, qui touche à la question essentielle de la condi¬ tion humaine, resurgit de l’inconscient et in¬ forme les thèmes des œuvres littéraires. Mouvements premiers José Corti, 316 p., 45 F Recueil collectif d’es¬ sais critiques sur les sujets les plus divers, offert à Georges Poulet par quantité d’auteurs étrangers et français, parmi lesquels G. Genette, J. Rousset, Y. Bonnefoy, G. Blin. J. Starobinski, etc.

AUTOBIOGRAPHIES, ENTRETIENS Michel Ciment Kazan par Kazan Stock, 322 p., 30 F Cette suite d’entretiens a été enregistrée au magnétophone chez le célèbre cinéaste en août 1971 ; des propos complémentaires y ont été ajoutés en 1972. Emmett Grogan Ringolevlo trad. de l’américain par F.-M. Watkins

36

Flammarion, 342 p.. 32 F Vivace récit autobio¬ graphique d'un jeune truand du Bronx, E. Gro¬ gan, devenu le chef des « Diggers » de San Francisco, fraction poli¬ tisée et révolutionnaire du mouvement hippie. Luise Rinser Chantier, une sorte de journal, 1967-1970 trad. de l’allemand par S. et G. de Lalène Seuil. 351 p., 29 F Le journal tenu par la romancière catholique allemande durant qua¬ tre années une ré¬ flexion nourrie par l’ex¬ périence quotidienne.

PHILOSOPHIE, SAGESSE, LINGUISTIQUE Emmon Bach Introduction aux grammaires transformationnelles trad. de l’américain par R. Sctrick Armand Colin, 218 p., 22 F Un manuel intermédiaire entre les grands textes théoriques et les syn¬ taxes particulières. Jean Brun La nudité humaine Coll. Evolutions Fayard, 227 p., 28 F Subtil essai sur les notions tant naturelles qu’idéologiques de nu¬ dité et de vêtement, et sur leurs métamorpho¬ ses contemporaines. Lucien Jerphagnon (sous la direction de) Dictionnaire des grandes philosophies Privât, 397 p., 68 F Exposé succinct et sys¬ tématique, sous forme de dictionnaire, des systèmes philosophi¬ ques depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. Eugène Kamenka Les fondements éthiques du Marxisme Payot. 278 p.. 48 F 40 Un essai qui retrouve à travers les œuvres de jeunesse de Marx le penseur métaphysi¬ que qui devait être l’in¬ venteur du matérialisme historique. Karl Korsch L’anti-Kautsky Champ Libre, 202 p., 24 F « La conception maté¬ rialiste de l’histoire » (1929) suivi de « Crise

du Marxisme » (1931) et de la « Préface au Livre I du Capital » (1932). Joseph Needham La science chinoise et l’Occident trad. de l’anglais par E. Jacob Seuil, 264 p., 32 F Un apport capital à la grande réflexion épis¬ témologique qui occupe notre époque. R. -H. Robins Linguistique générale : une introduction trad. de l’anglais par S. Delesalle et P. Guivarc’h Armand Colin, 394 p., 45 F Cette synthèse, due au professeur de linguis¬ tique générale à l’Uni¬ versité de Londres, constitue une approche complète des recher¬ ches les plus actuelles. Chogyam Trungpa Méditation et action causeries mises en français par Armel Guerne Coll. Documents spirituels Fayard, 160 p., 25 F Un lama dégage de sa tradition, le bouddhis¬ me tibétain, ce qui peut convenir à un occiden¬ tal plongé dans le monde moderne.

Edwin O. Reischauer Histoire du Japon et des Japonais tome I, des origines à 1945 tome II, de 1945 à 1970 trad. de l’américain par R. Dubreuil Seuil, 254 p., 7 F 50 et 247 p., 7 F 50 Synthèse historique qui cherche à faire com¬ prendre ce pays am¬ bigu en passe aujour¬ d'hui de devenir le « troisième Grand ».

Une nouvelle civilisation ? Gallimard, 494 p., 47 F Offert en hommage à Gorges Friedmann, pionnier de la sociolo¬ gie du travail, un inté¬ ressant ensemble d’étu¬ des ponctuelles ou théo¬ riques, par A. Touraine, E. Morin, F.-A. Isambert, J. Dumazedier, R. Barthes, etc.

Pierre Riché La vie quotidienne dans l’empire carolingien Hachette, 380 p., 35 F L’époque carolingienne, âge de vie précaire mais de renaissance intellec¬ tuelle et religieuse, est le fondement historique de l’Occident contem¬ porain.

Roland Cayrol La presse écrite et audio-visuelle P.U.F., 620 p., 56 F Volumineux manuel en¬ visageant le fait global de la presse en Oc¬ cident, du point de vue historique, juridique, économique et sociolo¬ gique.

Histoire de Marseiiie Coll. Univers de la France et des pays francophones Privât, 498 p., 90 F De la cité phocéenne au port industriel d'au¬ jourd’hui. Cet ouvrage collectif cherche un équilibre entre l’analyse érudite et la synthèse globale. Iconographie.

ETHNOLOGIE, SOCIOLOGIE, PSYCHANALYSE

HISTOIRE Isaac Deutscher Staline trad. de l’anglais par J.-P. Herbert Gallimard, 638 p., 57 F Le récit minutieux d’une carrière et d’un destin. Edition définitive, revue et augmentée, de cet ouvrage paru en 1953. Emineh Pakravan Abbas-Mirza Buchet/Chastel, 335 p., 29 F 85 Abbas-Mirza, prince hé¬ ritier du fondateur de la dynastie des Kadjars (1797) comprit le pre¬ mier la nécessité d’une rénovation du vieil Iran. Viktor Reimann Joseph Goebbels trad. de l’allemand par M. Ghirardi Flammarion, 379 p.. 34 F Vie, carrière, activité du plus intelligent des res¬ ponsables nazis, inven¬ teur de la pratique moderne de la propa¬ gande politique.

Robert Desoille Entretiens sur le rêve éveillé dirigé en psychothérapie Payot. 279 p., 35 F 50 Entretiens recueillis et regroupés à partir des notes de nombreuses séances de travail, par Nicole Fabre. J.-Louis Giddings 10 000 ans d’histoire arctique trad. de l’américain par L. Princet Coll. Civilisations du Nord Fayard. 496 p., 49 F Giddings était le pion¬ nier et le chef de file des archéologues qui assurent l’étude et les fouilles des immenses régions arctiques qui conservent les traces parmi les plus ancien¬ nes du passé de notre planète. Ernest Jones Psychanalyse, folklore, religion Payot. 319 p., 47 F 40

ESSAIS

Jean-Paul Charnay Essai général de stratégie Champ Libre, 219 p., 27 F Qu'il s’agisse de guerre, de politique, de concur¬ rence économique, de vie quotidienne, il se pose des questions de stratégie. Dr. Fred Frish L’homme fatigué Privât, 210 p., 26 F Cet ouvrage pose clai¬ rement les bases d’une compréhension psycho¬ somatique des états de fatigue. Georges Hourdin Catholiques et Socialistes Grasset, 271 p., 24 F Comment, depuis 1950, les données de l’oppo¬ sition séculaire de l’Egli¬ se au socialisme ont été bouleversées dans le sens d’un rappro¬ chement. Jacques Kosciusko-Morizet La « Mafia » polytechnicienne Seuil, 187 p.. 22 F L’Ecole Polytechnique n’est-elle qu’un mono¬ pole oligarchique d’ac¬ cès aux grands corps techniques de l'Etat et aux postes clés de l’industrie et de l’ad¬ ministration ? Meyerhold Ecrits sur le théâtre tome 1 1891-1917 L’Age d’homme, Lausanne, 337 p. Notes de mise en scène et pages théoriques de la période où le futur

« metteur en scène de la Révolution » se dé¬ couvre metteur en scène révolutionnaire. Béatrice Picon-Vallin Le théâtre juif soviétique, pendant les années 20 L’Age d’homme, Lausanne. 201 p. Première étude d’en¬ semble consacrée à ce sujet, cet essai très solide comble une la¬ cune dans notre con¬ naissance du théâtre soviétique de cette pé¬ riode. Olivier Revault d’Allonnes La création artistique et les promesses de la liberté Klincksieck, 300 p., 38 F Analyse et polémique alternent dans cette suite d’études ponctuel¬ les (Musique concrète. Xénakis, Delacroix, Bon¬ nard, Picabia...) qui cherchent à dégager les connotations actuelles du terme dévalué de « création ». Anthony Sampson Radioscopie de l’Angieterre trad. et adapt. par J. Bailhache et J. Brethes Coll. L’histoire immédiate Seuil, 438 p., 39 F Un tableau d'ensemble qui désempoussière pas mal d’idées reçues. Christian Sautter Japon, le prix de la puissance Seuil, 314 p., 36 F Etude approfondie de l’économie nippone de¬ puis 1945 : les struc¬ tures, les causes de son développement; pré¬ visions. Valentin Temkine Les Nantis essai sur les contradictions de ia société actueile Anthropos, 240 p., 25 F Démocratie formelle et ploutocratie de fait, li¬ berté proclamée et me¬ sures effectivement ré¬ pressives ; tel est notre système que cet essai démonte. Olga Wormser-Migot L’ère des camps 10.18, 312 p.. 7 F 90 Le XX' siècle inaugu¬ re-t-il dans l'histoire des sociétés humaines l’ère concentrationnaire ?

La Quinzaine Littéraire

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Publications de la littéraire Vient de paraître : L’ANNEE LITTERAIRE 1972

Choix de textes publiés par « la Quinzaine littéraire » en 1972 et présentés par Maurice Nadeau. L’exemplaire, 360 p., 10 F.

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chorégraphies de Robert Bestonso. Avec Robert Bestonso et Martine Chaumel.

théâtre-école de Montreuil, du 19 juin au 14 juillet, le soir à 21 h, sauf dimanche et lundi. — Prix Alpha :11F.

2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13 juillet — LE ROMAN DE RENART (XII'-XIV* siècles). Texte de Bernard Minoret et Gilles Roignant Adaptation scénique et mise en scène de Gérard Maro. Costumes, marionnettes, masques et élé¬ ments scéniques de Deny Lavoyer. Avec Robert Murzeau.

CAFE THEATRE DE L’ODEON. — LE PIANO-FEMME (surréalisme cubain) à 20 h. — Prix Alpha :11F. ET SI ON ABOYAIT et PRE-PAPA à 21 h 30. — Prix Alpha : 14 F. J’VAIS CRAQUER à 23 h 30. — Prix Alpha : 14 F. Repas 20,50 F (restaurant ouvert toute la nuit).

2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, juillet — LE PALAIS DES MERVEILLES. Direction artistique : Jules Cordière. Musique de Ratapuce et Jules Cordière.

THEATRE DU CHATELET. — Le ballet-théâtre Joseph Russillo présente jusqu’au 25 juillet deux programmes en alternance, du jeudi au mercredi soir à 21 h., matinée le dimanche à 15 h. — Relâche jeudi et dimanche soir. 1®'' programme : REVES sur des musiques de Ravel, Varese, Fischer et Tchaïkowsky - du l'® au 4 juillet et du 13 au 18 juillet

9, 10, 11, 12, 13 juUlet — LA COMPAGNIE DE BALLETS PETER GOSS. Direction artistique : Peter Goss. Costume de Larry Vickers.

2' programme : IL ETAIT UNE FOIS COMME TOUTES LES FOIS sur une musique de Walter Carlos (Walter Carlos est l'auteur de la musique du film « Orange mécanique •) du 6 au 11 juillet et du 20 au 25 juillet Prix Alpha :11F (au lieu de 35).

SCULPTURES de Van Thienen. — Diaporama : Voyage au Paris d’autrefois. Evocation du Paris des XVII* et XVIII* siècles. — Photographies de Françoise Masson. Texte de Dominique Ponneau.

Du 2 au 13 juillet, sauf le 8. — Le Trio de luth français ; le Trio 111; Bernard Job, pianiste; le Quator de flûtes Arcadie ; Daniel Collin, accordéoniste.

EXPOSITION : Le Compagnonnage vivant Prix Alpha : 18 F.

concerts an. marais à 21 b 15 : EGLISE NOTRE-DAME-DES-BLANCS-MANTEAUX. — GROUPE DE RECHERCHE MUSICALE DE L’ORTF. Direction F. Bayle. Messiaen, Malec, Ravel, Bayle. Musique électro-acoustique, orgue et piano, avec D. Merlet, F. Rieunier, N. Robin, F. Pierre, solistes. — Mardi 3 juUlet HOTEL D’AUMONT. — Concert aux chandelles : RECI¬ TAL LUCIANO SGRIZZI, clavecin. Bruxtehude, J.-S. Bach, Frescobaldi, Pasquini, A. Scarlatti, Marcello, D. Scarlatti. — Jeudi 5 juillet EGLISE SAINT-GERVAIS-SAINT-PROTAIS, — OR¬ CHESTRE DE L’OPERA DE PARIS. Symphonies 39, 40, 41 de Mozart. Direction Joseph Krips. — Vendredi 6 juillet

théâtre au marais HOTEL D’AUMONT ; 2, 3, 4, 6, 9, 10, 11, 12 juillet — LES RIVAUX D’EUX-MEMES ou LES JUMEAUX VENI¬ TIENS, de Carlo Goldoni. Adaptation de Michel Arnaud. Mise en scène de Jacques Mauclair. Décors et costumes de Robert Cavin. Avec Dominique Paturel, Nelly Bénedetti, Michèle Grellier. — La verve populaire de Goldoni se re¬ trouve dans ce thème des jumeaux qui depuis les Menechmes de Plaute ont inspiré heureusement les auteurs. Deux jumeaux de caractères opposés se trouvent mêlés et emmêlés dans une intrigue amoureuse. Un filou se glisse entre les deux. 11 tente d’en empoisonner un mais... tout cela n’a rien de tragique. Chez Goldoni, tout con¬ siste à s’accommoder des obstacles que la vie ne manque pas de glisser devant nous. — En cas de mauvais temps, reports les l*®, 8 et 15 juillet — Prix Alpha : 21 F. FETES DE NUIT EN L’HOTEL DE BETHUNE-SULLY telles que les aurait aimées M. le duc de Sully. Spec¬ tacles continus de théâtre, ballets, musique. De 21 h à 23 h 30 (3 spectacles par soirée) : 9, 10, 11, 12, 13 juillet — EVOCATION. — Spectacle poétique et chorégraphique de Pierre Lacotte. Musiques de la Renaissance. Poèmes de Ronsard. En représentation : Ghislaine Thesmar, danseuse étoile de l’Opéra de Paris. 2, 3, 4, 5, 6, 7 juillet — BROCELIANDE (d’après une légende du XIV* siècle). Musique d’André Jolivet Argument et chorégraphie de Christian Comte et création de deux

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EGLISE NOTRE-DAME-DES-BLANCS-MANTEAUX. — FESTIVAL STRINGS DE LUCERNE. Telemann, Pachelbel, J.-S. Bach, K.-Ph.-E. Bach. — Lundi 9 juillet EGLISE SAINT-GERVAIS-SAINT-PROTAIS. — FES¬ TIVAL STRINGS DE LUCERNE. Rita Streich, soUste. Vivaldi : motets, sinfonia, concerto. — Mardi 10 juillet HOTEL DE MARLE. — CONCERT GRATUIT organisé par le Centre culturel suédois. Gudrün Ryhming, so¬ prano. Eva Nordenfelt, clavecin. J.-H. Roman, J. Agrell et autres compositeurs suédois du XVIH*. — Mercredi 11 juilliet EGLISE NOTRE-DAME-DES-BLANCS-MANTEAUX. — Eclairée aux chandelles : FIFRES ET TROMPETTES DE VARSOVIE. Alfonso el Sabio, Radomski, Encina, Cato, Gomolka, Praetorius. — Jeudi 12 juillet

CASINO DE PARIS. — ZIZI JE T’AIME - les dimanches et mardis à 20 h 30. — Prix Alpha : 33 F. CLUB INTERNATIONAL-HOUSE, 20, passage Dauphine. Les 10 et 11 juillet à 20 h 30, LE BEAU ROLE, de Ada Lonati - mise en scène d’Andréas Voutsinas. — Entrée libre pour Alpha. CYRANO. — LA PARLERIE DE RUZZANTE QUI REVIENT DE LOIN, à 20 h 30. LA GRANDE IMPRECATION DEVANT LES MURS DE LA VILLE, à 22 h 30. Sauf dimanche soir et lundi. Dimanche à 15 h. — Prix Alpha, par spectacle : 16 F - billets couplés pour les deux spectacles le même soir : 25 F. COMEDIE DES CHAMPS-ELYSEES. — LE DIREC¬ TEUR DE L’OPERA - à 20 h 30, sauf dimanche et lundi matinée le dimanche à 15 h. — Prix Alpha : 23 F. HEBERTOT. — A QUOI ON JOUE? - A 21 h, sauf mardi. — Prix Alpha : 20’F. ’ . ’ . ’ LE FANAL, 85, rue St-Honoré. — L’ORCHESTRE de Jean Anouilh. Tous les soirs à 21 h, sauf samedi. — Prix Alpha : 14 F. LE PETIT CASINO, 17, rue Chapon. — SOYONS COMPLICES de et par J. Dorian, à 21 h 15. OH CEDAR de et par Guyette Lyr à 22 h 30. — Prix Alpha, entrée consommation : 22 F - entrée repas ; 33 F (sauf dimanche). LUCERNAIRE. — SALLE D’ATTENTE (à 22 h) LES BULLES (à 24 h), sauf lundi. — Prix Alpha : 11 F. LE TROGLODYTE - MINI THEATRE, 74, rue Mouffetard. — L’ENTREPRISE de Guy Foissy, à 20 h 45. CIEL MON MARI de Francis Garnung, à 22 h 30, sauf dimanche et lundi. — Prix Alpha :11F par spectacle. LE SELENITE. — IL EST MOLIERE, DOCTEUR SCHWEITZER, à 21 h. — Prix normal : 16 F. OLYMPIA. —• UN FABULEUX SPECTACLE D’ILLU¬ SION entièrement inédit, du 26 juin au 31 août. — Prix Alpha : 20 F. SAINT-GEORGES. — GRAND STANDING, à 20 h 30 les lundis, mardis, mercredis - 15 h les dimanches. — Prix Alpha : 24 F. THEATRE MODERNE, — LE TOURNIQUET (PRIX . U . 1973). A partir du 17 juillet, à 21 h, sauf lundi. — Prix Alpha : 22 F. VARIETES. — La SOUPIERE, à 20 h 45, sauf lundi. — Prix Alpha : 23 F.

Prix Alpha : Saint-Gervais, Blancs-Manteaux : 16 F. — Aumont : 21 F.

théâtres nationaux spectacles en cours CARRE THORIGNY. — AH ! AH ! AH ! SOURIEZ, NOUS FERONS LE RESTE : Comédie musicale par le Les abonnés de « la Quinzaine littéraire » bénéficient des avantages de l’Association Alpha sur simple présentation de la bande du dernier numéro reçu.

COMEDIE FRANÇAISE (soirées à 20 h 30). — Lundi 16 juillet : L’ECOLE DES FEMMES. — Mardi 17 juil¬ let : LE BOURGEOIS GENTILHOMME. — Mercredi 18 juillet : L’IMPROMPTU DE VERSAILLES - GEORGES DANDIN. — Dimanche 22 juillet : TARTUFFE. — Lundi 23 juillet : L’AVARE. — Mercredi 25 juillet : LE MALADE IMAGINAIRE. Location arrêtée 8 jours avant chaque représentation. — Prix Alpha : 17 F.

La Quinzaine Littéraire

Abonnements saison 1973-1974 (à souscrire à Alpha en juillet). — L'abonnement comprend 3 spectacles à choisir parmi 9 grandes reprises (r) et 7 nouveaux spectacles (n.s.) (en alternance). • PORT-ROYAL de Montherlant. - m. en s. Jean Meyer (septembre, octobre, novembre, décembre) (r) en alternance. • UN FIL A LA PATTE de Feydeau. - m. en s. Jac¬ ques Charon (septembre et octobre) (r). • LES FOURBERIES DE SCAPIN avec un Marivaux. m. en s. Jacques Echantillon (novembre, décembre, jan¬ vier, février) (n.s.). • LES CAPRICES DE MARIANE et ON NE SAURAIT PENSER A TOUT de Musset. - m. en s. Jean-Laurent Cochet (octobre, novembre, décembre, janvier) (n.s.). • PERICLES de Shakespeare. - m. en s. Terry Hands (janvier, février, mars, avril, mai, juin) (n.s.). • ONDINE de Giraudoux. - m. en s. Raymond Rouleau (mars, avril, mai, juin, juillet) (n.s.). 9 LE LEGATAIRE UNIVERSEL de Regnard. - m. en s. J.-P. Roussillon (avril, mai, juin, juillet) (n.s.). 9 HENRI IV de Pirandello. - m. en s. R. Rouleau présenté par la Comédie Française à l’Odéon (décembre, janvier) (n.s.). 9 C’EST LA GUERRE MONSIEUR GRUBER de Sternberg. - m. en s. Jean-Pierre Miquel - présenté par la Comédie Française à l’Odéon (novembre) (n.s.). 9 LA STATION CHAMBAUDET de Labiche avec NE TE PROMENE DONC PAS TOUTE NUE de Feydeau. m. en s. Jean-Laurent Cochet (décembre, janvier) (r). 9 ATHALIE de Racine. - m. en s. Maurice Escande (décembre, janvier) (r). 9 L’ECOLE DES FEMMES de Molière. - m. en s. J.-P. Roussillon (décembre, janvier, février) (r). 9 DON JUAN de Molière. - m. en s. Antoine Bourseiller (novembre, décembre, janvier) (r). 9 TARTUFFE de Molière. - m. en s. J. Charon (dé¬ cembre, janvier, février) (r). 9 LE BOURGEOIS GENTILHOMME de Molière. m. en s. Jean-Louis Barrault (mai, juin, juillet) (r). Abonnement à 3 spectacles : 54 F, 42 F, 36 F, 21 F correspondant aux 4 meilleures catégories de places de la Comédie Française. THEATRE DE L’ODEON 9 FRACASSE de Serge Ganzl. - m. en s. Marcel Maré¬ chal du Centre dramatique de Lyon (26 septembre au 28 octobre) (n.s.). 9 C’EST LA GUERRE MONSIEUR GRUBER par la Comédie Française (7 novembre au 9 décembre) (n.s.). 9 HENRI IV de Pirandello par la Comédie Française (19 décembre au 20 janvier) (n.s.). • HREYFUS... de Jean-Claude Grimberg par le théâtre du Lambrequin. - m. en s. Jacques Rosner (30 janvier au 3 mars) (n.s.). 9 LA CATIN AUX LEVRES DOUCES de René Clair par le Jeune théâtre national. - m. en s. Yves Robert (13 mars au 14 avril) (n.s.). 9 TOLLER de Tancrède Dorst par le TNP. - m. en s. Patrice Cherreau (22 avril au 18 mai) (n.s.). 9 PAR-DESSUS BORD de Michel Vinaver par le TNP. m. en s. Roger Planchon (27 mai au 23 juin) (n.s.). Abonnement à 4 spectacles — dont un seul TNP — 51 F, 39 F, 27 F correspondant aux 3 meilleures catégories de places. THEATRE DE LA VILLE Abonnements saison 1973-1974 (à souscrire à Alpha en juillet). L’abonnement comprend 5 spectacles :

lo BALLET DU XX' SIECLE - MAURICE BEJART (du 17 au 23 septembre). — STIMMUNG de Karleinz Stockausen - chorégraphie : Maurice Béjart - avec le Collegium vocale de Cologne. 2 LA BONNE AME DE SE-TCHOUAN. — Parabole dramatique de Bertolt Brecht - traduction française de Jeanne Stern et Geneviève Serreau - mise en scène de Jean Mercure - musique de Paul Dessau - direction musicale de Marc Wilkinson. 30 LES FAUSSES CONFIDENCES de Marivaux - mise en scène de Serge Peyrat.

4" L’ODYSSEE OU VOYAGE POUR UN THE de Jean-Michel Ribes - mise en scène de Jean-Michel Ribes. 5” THEATRE DE PANTOMIME DE WROCLAW (Po¬ logne). — Ballet de Henryk Tomaszewski. Prix de l’abonnement pour les 5 spectacles ; 60 F, les demandes d’abonnement seront honorées jusqu’au 31 juil¬ let, il ne sera pas délivré de billets pour les ballets Béjart en dehors des abonnements.

le 21 - 18 h 30 et 21 h. — EDUARD MELKUS, HUGUETTE DREYFUS : Sonates pour violon et cla¬ vecin de BACH. 9 CONCIERGERIE, le 22 - 16 h, 18 h et 21 h. — G.E.R.M. Groupe d’Etudes et de Recherches Musicales. Créations de Pierre MARIETAN. Louis ROQUIN. Yves BOSSEUR. 9 CARRE THORIGNY, le 23 - 18 h 30. — LUCIANO SGRIZZI clavecin. Orches¬ tre de Chambre J.F. PAILLARD. 9 ST SEVERIN, le 24 - 21 h. — RENE SAORGIN Orgue, Orchestre de Chambre J.F. PAILLARD : concerti de HAENDEL. 9 CHAPELLE ROYALE VINCENNES, le 26 - 18 h. — Ensemble Vocal de BRUXELLES, dir. FRITZ HOYOIS, Polyphonie de la Renaissance. 9 FAC DE DROIT, le 27 - 21 h. — FRANCE CLIDAT : CHOPIN, LISZT. 9 STE CHAPELLE, le 28 - 18 h 30 et 21 h. — SANDOR VEGH violon : sonates de BACH. 9 ST GERMAIN DES PRES, le 29 - 21 h. — BLANDINE VERLET clavecin. Orchestre de Chambre PAUL KUENTZ, MICHEL CAREY, Baryton BACH. 9 FAC DE DROIT, le 30 - 21 h. — The Contemporary Chamber Ensemble de NEW YORK, dir. ARTHUR WEISBERG. SCHONBERG : Pierrot Lunaire. SEPTEMBRE

8^ festival estival de paris JUILLET 9 FNAC ETOILE, 26, avenue de Wagram, le 16 18 h. — Vernissage exposition « MUSIQUE - PHOTOS » JEAN-PIERRE LELOIR. 9 CARRE THORIGNY, le 16 - 21 h. — MICHEL ARRIGNON clarinette, QUATUOR BULGARE HAYDN, MOZART, BEETHOVEN, RAVEL. 9 ST SEVERIN, le 17 - 21 h. — ANGELICA & GUNTHER JENA, clavecin pédalier : Bach. Ensemble de Würtzburg, dir. G. JENA, Bach ; concerti 2 clavecins pédaliers. 9 ST GERMAIN DES PRES, le 18 - 21 h. — Ensemble de Musique Ancienne de Lyon. 9 ST EUSTACHE, le 19 - 21 h. — JEAN GUILLOU Orgue. 9 VINCENNES, le 22 - 18 h. — The Chamber Singers of California Polyphonie classique & Folk songs. 9 ST GERMAIN DES PRES, le 23 - 21 h. — Stabat Mater de ROSSINI par l’Orchestre Lyrique & les Chœurs de rORTF, dir. P.M. LECOMTE. 9 FAC DE DROIT, le 24 - 21 h. — Pupitre 14. MOZART, SCHUBERT, DEBUSSY, PROKOFIEV. 9 MONTREUIL, ST PIERRE ST PAUL, le 25 - 21 h. — PATRICE FONTANAROSA violon & Leicestershire Schools Symphony Orchestra : Mendelssohn, Berlioz, Kodaly, Rachmaninoff, Tippett. 9 ST GERMAIN DES PRES, le 26 - 21 h. — SYLVIO GUALDA Percussion: Les 14 stations de M. CONSTANT. 9 VINCENNES, le 29 - 18 SIMI -” Le Printemps de Chœurs de l’ORTF, dir. J.P. le 30 - 21 h — NARCISO

h. — Magnificat de CARISClaude LEJEUNE par les KREDER. 9 ST SEVERIN, YEPES : Suites de BACH.

9 STE CHAPELLE, le 31 - 18 h 30 et 21 h. — Quatuor Orford du Canada & BRUNO PASQUIER, alto. AOUT 9 CARRE THORIGNY, le 1 - 18 h 30. — Quatuor PARENNIN : DEBUSSY, BEETHOVEN. 9 ST GER¬ MAIN DES PRES, le 2 - 21 h. — ALFRED DELLER, KENNETH GILBERT : Chants Elizabéthains, PURCELL. 9 ST GERMAIN DES PRES, le 6 - 21 h. — Pro Cantione Antiqua de LONDRES : LOVE, LUST, PIETY, POLITICS. 9 STE CHAPELLE, le 7 - 18 h 30 et 21 h. - FRANÇOIS RABBATH contrebasse : suites de BACH. 9 FAC DE DROIT, le 8 - 21 h. — Ensemble instru¬ mental ANDREE COLSON : ALBINONI. 9 ST SE¬ VERIN, le 9 - 21 h. — XAVIER DARASSE Orgue : Compositeurs Espagnols et Portugais. 9 ST SEVERIN, le 13 - 21 h. — ARLETTE HEUDRON Orgue : Caméra Mosana de Maastricht, BACH. 9 STE CHAPELLE, le 14 - 18 h 30 et 21 h. — STANISLAV HELLER clavecin, JACQUELINE HEUCLIN violoncelle : BACH. 9 ST GERMAIN DES PRES, le 15 - 21 h. — CLEMENCICCONSORT de VIENNE, Instruments anciens. 9 FAC DE DROIT, le 16 - 21 h. — Het Brabants Orkest dir. HEIN JORDANS : Dvorak, symphonie du nouveau monde. Tchaïkovsky, concerto violon : EMMY VERHEY. 9 ST SEVERIN, le 20 - 21 h. — CHARLES BENBOW Orgue, FRANCIS HARDY Trompette : TELEMANN, BACH, FRESCOBALDI, ALAIN. 9 STE CHAPELLE,

9 VINCENNES, le 2 - 18 h. — Ensemble € A Capella de LYON » et Les Cuivres de PARIS. Polyphonies de la Renaissance. 9 FAC DE DROIT, le 3 - 21 h. — LES PERCUSSIONS DE STRASBOURG. 9 STE CHA¬ PELLE, le 4 - 18 h 30 et 21 h. — Ensemble Alarius de BRUXELLES. Musique du Roy RAMEAU, CAMPRA.

9 ST SEVERIN, le 5 - 21 h. — HUBERT SCHOONBROODT Orgue et Les Cuivres de PARIS. 9 FAC DE DROIT, le 6 - 21 h. — J.P. RAMPAL. Orchestre de Chambre de ROUEN. J.C. BERNEDE. Musique Française Ancienne. 9 FAC DE DROIT, le 10 - 21 h. — ALEXANDRE LAGOYA. Quatuor ORTF : Vivaldi, Brahms. 9 STE CHAPELLE, le 11 - 18 h 30 et 21 h. — Maryvonne LE DIZES, Antoine GOULARD violon, Gérard CAUSSE alto, Renaud FONTANAROSA violon¬ celle, Martine ROCHE, clavecin. 9 ST SEVERIN, le 12 -21 h. — Ensemble Vocal de BERNE, dir. MARKUS STEIGER. Philippe LAUBSCHER Orgue : Missa Brevis de KODALY. 9 ST SEVERIN, le 13 - 21 h. — FERDINAND KLINDA Orgue, Ensemble ENOSIS, dir. A. MYRAT. Musique Française. 9 AMPHI SORBONNE, le 16 - 18 h. — Colloque sur la Virtuosité, présidé par le Professeur VLADIMIR JANKELEVITCH. 9 THEATRE 71 MALAKOFF, du 3 au 23. — Stage International de Direction d’Orchestre, sous le patronage de Paul PARAY. 9 AMPHI SORBONNE, le 17 - 21 h. — THIERRY DE BRUNHOFF, piano. Orchestre de PARIS, dir. ALAIN SABOURET : BEETHOVEN, tchaïkovsky. 9 AMPHI SORBONNE, le 18 - 21 h. — Soirée chorégraphique, CLAIRE MOTTE & CYRIL ATANASSOF. 9 AMPHI SORBONNE, le 19 - 21 h. — Orchestre National de l’ORTF : ROUVIER, KANTOROW, MULLER, dir. Paul SRAUSS : triple concerto BEETHOVEN. 9 THEATRE 71 MALAKOFF, le 20 21 h. — Finale du Concours International de clavecin, concerto en la de J.S. BACH. 9 THEATRE JEAN VILAR, SURESNES, le 21 - 21 h. — WERNER HAAS, Orchestre symphonique de LYON, dir. J.P. JACQUILLAT : 75' anniversaire naissance de Gershwin. 9 AMPHI SORBONNE, le 23 - 21 h. — LILY LASKINE, Ensemble Instrumental de France, dir. J.P. WALLEZ : COUPERIN, DEBUSSY, HONEGGER. 9 CARRE THO¬ RIGNY, le 24 - 21 h. — UDO REINEMANN baryton. Trio NORDMANN : BRAHMS. 9 AMPHI SORBONNE, le 25 - 21 h. — LUBEN YORDANOFF, Orchestre de PARIS, dir. MICHEL PLASSON : BEETHOVEN, RAVEL. 9 STELLA MATUTINA ST CLOUD, le 26 21 h. — Orchestre de Chambre Francophone, dir. J. PERNOO. Maîtrise de l’ORTF, dir. J. JOUINEAU : Stabat Mater de Pergolèse. Prix Alpha 11 F — pour ce festival qui dure 3 mois, des carnets de billets - d’été - Alpha, sont en vente. Ils vous permettront de louer vos places, 4, rue des Prêtres-St-Séverin et de les payer 10 F au lieu de 20 F. 1 carnet de 12 places : 12 F.

Alpha sera fermé au mois d'août. Des carnets de billets - d’été - Alpha seront vendus en août aux bureaux d'accueil de la FNAC. Le 2' programme de juillet vous donnera la liste des spectacles correspondant à ces billets.

alpha • arts et loisirs pour l’homme d’aujourd’hui, association culturelle des adhérents de la fnac créée en 1965. présidents fondateurs : andré essel et max theret. secrétaire général ; guite alexandre. trésorier fondateur : andré tondeur, animateur fondateur : raymonde chavagnac.

du 1*' au 15 juillet 1973

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tiens, les livres que je vais lire pendit mes vacances sont édités chez

Lsi 4f 50

Le Clézio parle de

uinzaine

littéraire du 16 au 31 juillet 1973

Le film (interdit) de

Michaux

Lapoujade

Ne gâchez vos vacances.

Dans ce numéro les meilleurs livres de la saison

Property of the Library Waterloo Lutheran llniversit) 11 Î975

SOMMAIRE LE LA

LIVRE rZ QUINZAINE

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par J.M.G. Le Clézio

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Propos reeueillis par Alice Raillard

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par Anne Villetaur par Claude Delarue par Viviane Forrester par Jean Wagner

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