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English Pages 722 Year 2015
Table of contents :
Table des matières......Page 9
Abréviations utilisées......Page 14
Table des cartes......Page 19
0 Introduction......Page 21
Les langues romanes......Page 27
1 Anthologies et corpus pan-romans......Page 29
Le portugais......Page 55
2 Portugais : textes anciens......Page 57
3 Panorama de los corpus y textos del portugués europeo contemporáneo......Page 78
4 Portugais brésilien......Page 101
Le galicien......Page 115
5 Lengua gallega......Page 117
L’espagnol......Page 131
6 Español antiguo......Page 133
7 Panorama de los corpus y textos del español peninsular contemporáneo......Page 167
8 Aragonés y asturleonés, dialectos históricos del latín (y su situación actual)......Page 191
9 Español hispano americano......Page 210
Le judéo-espagnol......Page 223
10 Judeoespañol......Page 225
Le catalan......Page 241
11 Catalan ancien : anthologies, corpus, textes......Page 243
12 Corpus et anthologies du catalan contemporain......Page 262
L’occitan......Page 279
13 Occitano antico: antologie, corpora, testi......Page 281
14 Occitano del XIX° secolo e contemporaneo: antologie, corpora, testi......Page 298
15 Il guascone......Page 311
16 Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux......Page 323
Le français......Page 343
17 Anthologies et corpus de textes français anciens......Page 345
18 Émergence de traditions écrites françaises......Page 350
19 Coup d’oeil sur les scriptae médiévales et les textes qui les représentent......Page 371
20 Textes non-littéraires du XVIIe siècle......Page 391
21 Le français moderne : corpus et textes......Page 398
22 Témoignages écrits des dialectes romans de Belgique......Page 417
23 Le Canada français : XVIIIe et XIXe siècles......Page 426
Le rhéto-roman......Page 439
24 Anthologies et textes romanches......Page 441
25 Testi ladini......Page 463
26 Il friulano......Page 476
L’italien......Page 497
27 Antichi testi italoromanzi......Page 499
28 Corpora e testi di italiano contemporaneo......Page 529
29 Antologia di testi dialettali italiani contemporanei......Page 555
30 La documentation corse......Page 579
Le sarde......Page 587
31 Il Sardo: Antologie. Corpora, testi antichi e moderni......Page 589
Le roumain......Page 613
32 Le roumain ancien......Page 615
33 Le roumain contemporain......Page 632
34 Le dialecte aroumain......Page 653
35 Le dialecte mégléno-roumain......Page 660
Les langues créoles......Page 665
36 La documentation linguistique des franco-créoles......Page 667
37 Papiamento et hispano-créoles......Page 679
38 Crioulos de base lexical portuguesa......Page 690
Liste des collaborateurs......Page 713
Index......Page 717
Manuel des anthologies, corpus et textes romans MRL 7
Manuals of Romance Linguistics Manuels de linguistique romane Manuali di linguistica romanza Manuales de lingüística románica
Edited by Günter Holtus and Fernando Sánchez Miret
Volume 7
Manuel des anthologies, corpus et textes romans Édité par Maria Iliescu et Eugeen Roegiest
ISBN 978-3-11-033277-3 e-ISBN (PDF) 978-3-11-033313-8 e-ISBN (EPUB) 978-3-11-039538-9 Library of Congress Cataloging-in-Publication Data A CIP catalog record for this book has been applied for at the Library of Congress. Bibliographic information published by the Deutsche Nationalbibliothek The Deutsche Nationalbibliothek lists this publication in the Deutsche Nationalbibliografie; detailed bibliographic data are available on the Internet at http://dnb.dnb.de. © 2015 Walter de Gruyter GmbH, Berlin/Boston Cover image: © Marco2811/fotolia Typesetting: jürgen ullrich typosatz, Nördlingen Printing: CPI books GmbH, Leck ♾ Printed on acid-free paper Printed in Germany www.degruyter.com
Manuals of Romance Linguistics Les Manuals of Romance Linguistics, nouvelle collection internationale de manuels de linguistique romane (en abrégé MRL), présentent un panorama encyclopédique, à la fois synthétique et systématique, de la linguistique des langues romanes tenant compte des derniers acquis de la recherche. Prenant le relais des deux grands ouvrages de référence disponibles jusqu’alors aux éditions De Gruyter, le Dictionnaire de linguistique romane en huit volumes (Lexikon der Romanistischen Linguistik, LRL, 1988–2005) et l’Histoire des langues romanes en trois volumes (Romanische Sprachgeschichte, RSG, 2003–2008), qu’il aurait été impensable de réviser dans des délais raisonnables, les MRL se sont donnés comme objectif d’offrir une présentation actualisée et approfondie de ces vues d’ensemble, et de les compléter en y intégrant des domaines et des courants de recherche nouveaux et importants ainsi que des thèmes qui, jusqu’à présent, n’avaient encore jamais fait l’objet d’un traitement systématique. La collection des MRL a par ailleurs une structure par modules nettement plus souple que celle des anciens ouvrages de référence. 60 volumes sont prévus, qui comprennent chacun entre 15 et 30 articles environ, soit un total de 400 à 600 pages. Chacun d’entre eux présente les aspects essentiels d’un thème donné, de façon à la fois synthétique et clairement structurée. La réalisation de chaque volume séparé exigeant moins de temps que celle d’une grande encyclopédie, les MRL peuvent prendre plus aisément en considération les développements récents de la recherche. Les volumes sont conçus de manière à pouvoir être consultés indépendamment les uns des autres tout en offrant, pris ensemble, un aperçu général de tout l’éventail de la linguistique actuelle des langues romanes. Les volumes sont rédigés en différentes langues – français, italien, espagnol, anglais, voire, exceptionnellement, portugais –, chacun d’entre eux – sauf le volume que vous avez dans les mains – étant intégralement rédigé dans une seule langue dont le choix dépend du thème concerné. L’anglais permet de donner une dimension internationale et interdisciplinaire aux thèmes qui sont d’un intérêt plus général, dépassant le cercle des études romanes stricto sensu. La collection des MRL est divisée en deux grandes parties thématiques : 1) langues et 2) domaines. Dans la première sont présentées toutes les langues romanes (y compris les créoles), chacune d’entre elles faisant l’objet d’un volume à part entière. Les MRL accordent une attention particulière aux petites langues, aux linguae minores, qui jusqu’alors n’avaient pas été traitées de manière systématique dans le cadre de panoramas d’ensemble : on y trouvera des volumes portant sur le frioulan, le corse, le galicien ou encore le latin vulgaire, mais aussi un Manual of Judaeo-Romance Linguistics and Philology. La seconde partie comprend des présentations systématiques de toutes les sousdisciplines, traditionnelles ou nouvelles, de la linguistique romane, avec un volume séparé réservé aux questions de méthode. L’accent est mis en particulier sur des
VI
Manuals of Romance Linguistics
domaines et des courants nouveaux et dynamiques qui prennent de plus en plus d’importance dans la recherche comme dans l’enseignement mais qui n’avaient pas encore été suffisamment pris en compte dans les précédents ouvrages d’ensemble – comme par exemple les Grammatical Interfaces, les recherches sur le langage des jeunes ou le langage urbain, la linguistique informatique et la neurolinguistique, les Sign Languages ou la linguistique judiciaire. Chaque volume offre un aperçu clairement structuré sur l’histoire de la recherche et ses plus récents développements dans chacun de ces domaines. Les directeurs de la collection sont fiers d’avoir pu confier l’édition des différents volumes des MRL à des spécialistes de renom international en provenance de tous les pays de langues romanes, et d’autres encore. Les éditeurs sont responsables aussi bien de la conception des volumes dont ils ont bien voulu se charger que du choix des contributeurs. On peut ainsi être assuré d’y trouver, en plus d’une présentation systématique de l’état actuel des théories et des connaissances, un grand nombre de réflexions et d’aspects novateurs. Pris dans leur ensemble, ces volumes indépendants constituent un panorama général aussi vaste qu’actuel de notre discipline, destiné aussi bien à ceux qui souhaitent s’informer seulement sur un thème particulier qu’à ceux qui cherchent à embrasser les études romanes actuelles sous tous leurs aspects. Les MRL offrent ainsi un accès nouveau et novateur à la linguistique des langues romanes, dont elles accompagnent de manière adéquate et représentative le développement continu. Günter Holtus (Lohra/Göttingen) Fernando Sánchez Miret (Salamanca) Août 2015
Avant-propos Nous sommes heureux d’avoir pu mener à bonne fin le volume Manuel des anthologies, corpus et textes romans de la série Manuels de linguistique romane éditée sous les auspices des romanistes Günter Holtus (Göttingen) et Fernando Sánchez Miret (Salamanca). Nos remerciements s’adressent tout d’abord aux 40 collègues qui ont bien voulu collaborer à notre volume en nous laissant bénéficier de leurs connaissances professionnelles et en montrant beaucoup de patience en ce qui concerne les normes de travail établies et nos efforts d’unification. Nous souhaitons exprimer notre chaleureuse reconnaissance aux collaborateurs qui ont été prêts à remplacer des collègues qui avaient été mis dans l’impossibilité objective de finir leur travail. Sans eux notre volume n’aurait pu paraître à la date prévue. Nos remerciements se dirigent également à tous ceux qui nous ont aidés d’une façon ou d’une autre à mettre au point ce manuel (en nous suggérant de bons collaborateurs pour certains dialectes moins connus, ou en contribuant au respect des dates de remise des chapitres). Notre volume doit beaucoup à la révision détaillée et compétente des éditeurs responsables Günter Holtus et Fernando Sánchez Miret. Nous leur en savons gré. Nos remerciements s’adressent enfin à la maison d’édition Walter de Gruyter qui a bien voulu se charger de la publication de ce livre dans le cadre de la série des Manuels de linguistique romane et spécialement à Ulrike Krauß et à Christine Henschel qui, avec compétence et gentillesse, se sont occupées de l’ensemble de l’édition. Maria Iliescu et Eugeen Roegiest
Table des matières Abréviations utilisées Table des cartes
0
XIV
XIX
Maria Iliescu et Eugeen Roegiest Introduction 1
Les langues romanes 1
Carmen Mîrzea Vasile Anthologies et corpus pan-romans
9
Le portugais 2
3
4
Esperança Cardeira et Silvio Toledo Neto Portugais : textes anciens 37 Clara Vanderschueren y Amália Mendes Panorama de los corpus y textos del portugués europeo contemporáneo 58 Mário Eduardo Viaro Portugais brésilien
81
Le galicien 5
Ramón Mariño Paz y María Dolores Sánchez Palomino Lengua gallega 97
L’espagnol 6
Pedro Sánchez-Prieto Borja Español antiguo 113
X
Table des matières
7
Renata Enghels, Clara Vanderschueren y Miriam Bouzouita Panorama de los corpus y textos del español peninsular contemporáneo 147
8
Juan Antonio Frago y María Antonia Martín Zorraquino Aragonés y asturleonés, dialectos históricos del latín (y su situación actual) 171
9
Jens Lüdtke Español hispano americano
190
Le judéo-espagnol Aldina Quintana 10 Judeoespañol
205
Le catalan Àngels Massip-Bonet 11 Catalan ancien : anthologies, corpus, textes
223
Àngels Massip-Bonet et Ares Llop-Naya 12 Corpus et anthologies du catalan contemporain
242
L’occitan Maria Sofia Corradini 13 Occitano antico: antologie, corpora, testi
261
Maria Sofia Corradini 14 Occitano del XIXo secolo e contemporaneo: antologie, corpora, testi Maria Sofia Corradini 15 Il guascone 291
278
XI
Table des matières
Le francoprovençal Andres Kristol 16 Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux
303
Le français Marieke Van Acker 17 Anthologies et corpus de textes français anciens Marieke Van Acker 18 Émergence de traditions écrites françaises
325
330
David Trotter 19 Coup d’œil sur les scriptae médiévales et les textes qui les représentent Gerhard Ernst 20 Textes non-littéraires du XVIIe siècle
371
Paul Cappeau et Françoise Gadet 21 Le français moderne : corpus et textes
378
Marie-Guy Boutier 22 Témoignages écrits des dialectes romans de Belgique France Martineau 23 Le Canada français : XVIIIe et XIXe siècles
Le rhéto-roman Georges Darms 24 Anthologies et textes romanches Heidi Siller-Runggaldier 25 Testi ladini 443 Federico Vicario 26 Il friulano 456
421
406
397
351
XII
Table des matières
L’italien Marcello Barbato 27 Antichi testi italoromanzi
479
Claudia Crocco 28 Corpora e testi di italiano contemporaneo
509
Fiorenzo Toso 29 Antologia di testi dialettali italiani contemporanei Stella Retali-Medori 30 La documentation corse
535
559
Le sarde Eva-Maria Remberger 31 Il Sardo: Antologie. Corpora, testi antichi e moderni
569
Le roumain Emanuela Timotin 32 Le roumain ancien
595
Carmen Mîrzea Vasile et Emanuela Timotin 33 Le roumain contemporain 612 Emanuela Timotin 34 Le dialecte aroumain
633
Emanuela Timotin 35 Le dialecte mégléno-roumain
640
Les langues créoles Sibylle Kriegel 36 La documentation linguistique des franco-créoles
647
Table des matières
Johannes Kramer 37 Papiamento et hispano-créoles
659
Hugo C. Cardoso, Tjerk Hagemeijer e Nélia Alexandre 38 Crioulos de base lexical portuguesa 670
Liste des collaborateurs Index
697
693
XIII
Abréviations utilisées La liste des abréviations prend le français comme base et mentionne pour l’espagnol et pour l’italien exclusivement les abréviations qui diffèrent des abréviations françaises.
Concepts grammaticaux français
espagnol
italien
terme
abl.
ablatif
acc.
accusatif
accent.
acent.
accentué
adj.
agg.
adjectif
adv.
avv.
adverbe
art.
article
art. part. att.
article partitif atr.
aux.
attribut aus.
auxiliaire
card.
cardinal
circ.
circonstantiel
clit.
clitique
col.
collectif
comp.
comparatif
compl.
complément
compt.
cont.
numer.
cond.
comptable conditionnel
conj.
congi.
conjonction
conj.
coni.
conjugaison
coord.
coordination
cop.
copule
dat.
datif
décl.
decl.
decl.
déclinaison
déf.
def.
def.
défini
dém.
dem.
dim.
démonstratif
dét.
det.
det.
déterminant
encl. exclam.
enclitique esclam.
f. flex. fut. (ant.)
exclamatif féminin
fless.
flexion futur (antérieur)
Abréviations utilisées
français
espagnol
italien
terme
gén.
gen.
gen.
génitif
gér.
ger.
ger.
gérondif
imp. imparf.
impératif imperf.
imparfait
impers.
impersonnel
ind.
indicatif
indéf.
indef.
indef.
indéfini
inf.
infinitif
interj.
interjection
interrog.
interrogatif
intr.
intransitif
inv. irrég.
invariable irreg.
irrégulier
loc.
locatif
m.
masculin
N
substantif
n.
neutre
nom.
nominatif
num.
numéral
OD
objet direct
OI
objet indirect onom.
OP
nome proprio objet prépositionnel
ord.
ordinal
p. comp.
p. pross.
p. périphr.
passé composé passé périphrastique (catalan)
p. simple
p. remoto
passé simple
part. p.
participe passé
part.
participe
pas.
passif
parf.
perf.
perf.
parfait
pers.
personnel
pers.1 pers.2….pers.6 etc.
personne (première deuxième, etc.)
pl.
pluriel
plusqpf.
XV
pluscpf.
pperf.
préd.
pred.
pred.
prédicat(if)
préf.
pref.
pref.
préfixe
pos.
plus que parfait possessif
XVI
Abréviations utilisées
français
espagnol
italien
terme
prép.
prep.
prep.
préposition
prés.
pres.
pres.
présent
prét.
pret. (indef.)
pret. (indef.)
prétérit
procl.
proclitique Ps.
pron. réfl.
salmi pronom
refl.
refl.
réfléchi
rel.
relatif
S
sujet
sg.
singulier
SN
syntagme nominal
SP
syntagme prépositionnel
subj.
cong.
subord. subst.
subjonctif subordination
sust.
sost.
substantif
suf.
suffixe
superl.
superlatif
SV
syntagme verbal
temp.
temporel
tr.
transitif
V
verbe
Langues et variétés a.
ancien
all.
al.
ted.
allemand
angl.
ingl.
ingl.
anglais
ant.
antico
ár.
árabe
arc.
archaïque arag.
aragonés
aroum.
aroumain
b.-eng. brés.
bas-engadinois bras.
bras.
brésilien
cat.
catalan
cyril.
cyrillique
dial.
dialecte/dialectal
Abréviations utilisées
ELE
español lengua extranjera
eng.
engadinois
esp.
sp.
espagnol
estr.
estremo
eur.
européen
fig.
figuré
fpr.
francoprovençal
fr.
français
gal.
galicien gen.
gr.
genovese grec
heb.
hebreo
h.-eng.
haut-engadinois
hisp.-am.
hispano-américain
it.
italien jesp.
judeo-español
lad.
ladin dolomitique
lat.
latin
lat.cl. litt.
latin classique lit.
lett.
med.
med.
médiéval
merid.
meridionale
lg. rom. méd.
littéral langue romane
mod.
moderne nap.
occ.
péj.
napoletano occitan
occid.
occidentale
or.
orientale
PB
portugués brasileño
PE
portugués europeo
pey.
pegg.
péjoratif
pop.
populaire
ptg.
portugais
rég.
reg.
régional
rg.
rumantsch grischun
rm.
romanche roman.
roum.
surm.
XVII
rum.
romanesco roumain
sett.
settentrionale
sic.
siciliano surmiran
XVIII
Abréviations utilisées
surs.
sursilvan
suts.
sutsilvan tosc.
toscano
venez.
veneziano
Autres abréviations anon.
anonyme
aprox.
aproximadamente
ca.
circa
cf.
confer
ed. / edd.
éditeur sg./pl.
et al.
et autres
etc./ecc.
et cetera/eccetera
f. / ff.
folium/folia
fasc.
fascicule
ib.
ibidem
id.
idem
i.e.
c’est-à-dire
l.
ligne, línea
loc. cit.
lieu cité
ms(s).
manuscrit(s)
par ex./ por ej. / per es.
par exemple / por ejemplo / per esempio
ro
recto
s. / ss.
et suivante / et suivantes (p.ex. pour les pages)
s.d.
sans date
s.l.
sans lieu
s.v.
à l’article
v.
vers
vo
verso
vol.
volume
Table des cartes Clasificación de los dialectos gallego-portugueses (Cintra 1983b, 162s.) 77 Áreas de expansión de los sustantivos soro y almece en el territorio portugués (Cintra 1983a, 69) 78 Classification dialectale du catalan. Petit Atles Lingüístic del Domini Català, vol. 1, Barcelona: IEC, 2007, p. 29 245 Occitano: suddivisione geo-linguistica 282 Occitano: suddivisione verticale 282 Carte de l’espace francoprovençal (d’après Tuaillon 1972, 337) 304 La Ladinia e le sue vallate, indicate con i rispettivi nomi ladini 446 La situazione linguistica della Sardegna (versione modificata di Virdis 1988, 905) con i nomi di luogo menzionati nel testo 587 L’espace de la langue roumaine. Kartographie: G. Müller 632 Crioulos de base lexical portuguesa de África 671 Crioulos de base lexical portuguesa da Ásia 671
Maria Iliescu et Eugeen Roegiest
0 Introduction Tout manuel assume une vocation didactique. Il en va de même pour le présent Manuel des anthologies, corpus et textes romans. Il s’adresse autant à un public de chercheurs qui souhaitent s’informer sur la documentation de base dans un (nouveau) domaine roman qu’à un public d’étudiants à un niveau avancé. Nous espérons ainsi fournir une base appropriée pour les cours, les séminaires et pour la recherche universitaire. C’est ainsi que sont conçues par ex. les notes explicatives et ponctuelles des textes reproduits et les traductions partielles, d’après le choix de l’auteur. Les textes offrent en même temps l’occasion de présenter les principales particularités linguistiques par lesquelles les différents idiomes romans se caractérisent et s’individualisent. Nous avons opté pour une solution flexible quant aux langues de rédaction. Même si en principe le français constitue la langue véhiculaire de base dans ce volume, nous avons laissé aux auteurs la possibilité de se servir de l’idiome roman, qui convient le mieux au domaine de recherche de leur contribution. Le lecteur verra que les articles de l’aire ibéro-romane sont rédigés le plus souvent en espagnol, ceux de l’aire italo-romane en italien, sans que ce soit une contrainte absolue. Les trois volets qui constituent le titre de ce volume reflètent fidèlement son programme. Le manuel offre au lecteur un aperçu actualisé et critique des anthologies publiées dans une perspective linguistique et philologique, un survol commenté des corpus (digitaux et autres) mis à la disposition du chercheur et de l’étudiant et présente, dans une tradition anthologique classique, un ensemble représentatif de textes produits dans les différentes langues romanes prises en considération. Ce manuel entend ainsi dresser un bilan actualisé des bases de documentation relatives aux langues romanes. En même temps, chaque contribution contient une introduction générale qui décrit brièvement l’historique, l’évolution et le statut (linguistique et culturel) de la langue étudiée. Il s’agit donc d’un encadrement historico-culturel qui permet ainsi de comprendre les particularités de son développement et de sa production langagière. Dans notre terminologie nous n’avons pas fait la distinction entre chrestomathie et anthologie, comme on la retrouve dans la tradition. En principe les chrestomathies ont un objectif didactique et linguistique ou philologique, les anthologies un objectif esthétique et littéraire (cf. Stein/Winkelmann 2001, 944). Comme les deux termes se sont confondus de plus en plus dans les langues romanes et sont ressentis souvent comme des synonymes, nous avons opté délibérément pour le terme « anthologie », à d’autant plus forte raison qu’aujourd’hui c’est devenu la notion générale pour des recueils de textes choisis, alors que chrestomathie a acquis un sens strict de recueil de textes classiques (Stein/Winkelmann 2001, 945). Avec la présentation descriptive de textes romans commentés, ce volume continue une longue tradition propre à la philologie et à la linguistique diachronique des
2
Maria Iliescu et Eugeen Roegiest
langues romanes dès la première moitié du XIXe siècle. Que l’on songe à la chrestomathie de la poésie provençale de François Raynouard ou aux traductions de la poésie lyrique de Friedrich Diez. Mais malgré cette tradition, ce n’est qu’à la deuxième moitié du XXe siècle qu’apparaîtra la première grande chrestomathie romane qui embrasse effectivement l’ensemble des langues romanes et ses variétés, à partir du latin jusqu’aux textes romans du XXe siècle: entre les années 1962–1974, la section de linguistique romane de l’Institut de linguistique de Bucarest de l’Académie Roumaine élabore la Crestomaţie romanică (cinq volumes avec un total de plus de 5.000 pages) coordonnée par Iorgu Iordan (↗1 Anthologies et corpus pan-romans ; cf. Stein/Winkelmann 2001, 952s.). Ce monument de la linguistique romane est relativement peu connu en dehors de la Roumanie, notamment parce que la métalangue de l’œuvre a dû être le roumain, pour des motifs politiques. Ce nouveau manuel englobe l’ensemble des langues romanes à un niveau plus modeste, il est vrai, mais aussi avec l’ambition d’innover, en ajoutant non seulement une présentation des anthologies actuelles, mais également une description des corpus et base de données linguistiques disponibles dans la Romania dans le cadre de la linguistique de corpus. S’il est vrai que ce manuel embrasse toutes les langues romanes, l’espace disponible nous a obligés d’introduire un certain nombre de restrictions. Celles-ci portent autant sur les variétés romanes que sur les périodes retenues. Quant aux langues et dialectes, nous nous sommes abstenus d’entrer dans les discussions délicates sur la distinction entre « langue » et « dialecte » ou sur leur appartenance à des unités hiérarchiquement supérieures (cf. le rapport entre le galicien et le portugais, le judéo-espagnol et l’espagnol, le gascon et l’occitan, les parlers dits rhéto-romans, les variétés du roumain en dehors de la Roumanie, etc.). Nous avons préféré nous orienter sur la tradition des manuels de linguistique romane, mais en même temps nous avons adopté une attitude libérale, en laissant le dernier mot à l’auteur de la contribution. Sur cette base, nous avons fini par distinguer successivement les domaines linguistiques suivants: portugais, galicien, espagnol, judéo-espagnol, catalan, occitan, francoprovençal, français, parlers dits rhéto-romans, italien, sarde, roumain et les langues créoles. Selon le même principe, nous avons accepté qu’un texte léonais (Nodicia de kesos) soit commenté à la fois dans le chapitre sur l’astur-léonais que dans celui sur l’espagnol. Faute d’espace suffisant, ni le latin, ni le dalmate n’ont été traités. Il va sans dire qu’il est impossible de retenir toutes les variétés diatopiques. En principe, les variantes géographiques considérées comme appartenant à une langue romane standard n’ont été retenues que si elles ont donné lieu à un usage écrit, une codification ou à un régiolecte. En plus, n’apparaissent que des dialectes qui ont survécu et qui sont encore en usage comme moyen de communication aujourd’hui. Sur cette base, les auteurs ont fait un choix de ces variantes diatopiques qu’ils considèrent comme les plus pertinentes, les plus représentatives. C’est ainsi que pour l’espagnol par ex. l’aragonais est traité, mais non l’andalou, que le catalan tient compte des variétés du Principat, de Valence et des Baléares, que dans le chapitre sur
Introduction
3
le français il y a une contribution sur le wallon, mais aussi sur les scriptae, vu leur importance pour le développement ultérieur du français et que la vitalité dialectale de l’italien justifie un chapitre à part qui comporte une sélection réfléchie de ses dialectes. En dehors de l’Europe, le manuel s’est limité à des variétés hispano-américaines, les variétés françaises du Canada et le brésilien, et à un choix de langues créoles lexifiées respectivement par le français, l’espagnol et le portugais, où ce dernier s’avère le plus élaboré. Les langues romanes standard parlées en dehors de l’Europe et de l’Amérique n’ont pas pu être considérées. En dehors de la variation diatopique, les chapitres sur les périodes contemporaines prennent également en considération les variations diastratique, diaphasique et diamésique dans le choix des textes commentés. En d’autres termes, la sélection se fait par rapport à des critères liés à la norme, au type discursif (genre et style) et au médium utilisé. Ces variations sont même le principal critère de sélection des textes contemporains traités. Cela signifie aussi que la notion de texte doit être comprise dans un sens large : il implique autant les textes écrits que les discours oraux et la production sur les médias électroniques. En principe, chaque langue est articulée en deux périodes chronologiques, du moins pour la représentation des textes: (a) la période de la mise à l’écrit ou de l’émergence d’une tradition écrite (médiévale pour certaines langues, mais bien sûr pas pour toutes), (b) la période contemporaine (grosso modo à partir de la deuxième moitié du XXe siècle). Le manuel se concentre donc sur deux segments chronologiques. Il sélectionne et commente les textes les plus anciens et/ou les plus spécifiques d’une langue ou dialecte donné. D’autre part il fait un saut à la période contemporaine, en omettant toute la production langagière des époques intermédiaires. Cette césure est évidemment moins visible dans les langues qui n’ont pas d’attestations médiévales Dans le cas du français nous avons fait une exception quant aux siècles représentés dans l’anthologie, étant donné que par les publications du prof. G. Ernst nous avons eu la possibilité rare de disposer de textes non littéraires et même de textes d’oralité reproduite, pour le XVIIe siècle. Un chapitre sur les scriptae complète le panorama chronologique du français. Comme ce manuel s’intègre dans une série linguistique, les anthologies sélectionnées ont un objectif linguistique. Les anthologies à vocation exclusivement littéraire ou esthétique n’entrent pas en ligne de compte. Mais si cette distinction peut offrir un critère de sélection pour les langues majeures, il n’en est pas ainsi pour les langues mineures, qui ne disposent pas d’autant de sources anthologiques, comme par ex. les dialectes du ladin dolomitique ou les langues créoles dont la mise à l’écrit est relativement récente et qui ont donc été des langues exclusivement orales au moins jusqu’au XIXe siècle ou sont encore essentiellement orales aujourd’hui. Dans ce cas, les différentes collections de textes, même sans commentaires ou introduction linguistique ou philologique, deviennent précieuses, rien que par la présence des textes mêmes.
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Maria Iliescu et Eugeen Roegiest
L’un des apports du manuel est de décrire les corpus électroniques des langues romanes et d’en évaluer les fonctions, l’accessibilité ou disponibilité et sous quelle forme, le type de support, l’extension quantitative (nombre de mots, de textes, etc.), la description qualitative (les types de texte retenus, l’ampleur des variétés traitées, etc.), leur organisation interne et leur modalité de constitution. En général, il convient de distinguer des bases de données où l’on ne trouve pas d’accès à des textes complets et des corpus oraux qui se présentent comme des textes entiers. Dans la réalité, il n’est pas toujours facile de distinguer entre corpus et collections de textes. Le manuel ne comprend les corpus parallèles (c’est-à-dire les corpus de textes traduits) que dans la mesure où ils ont un intérêt direct pour les langues romanes. En revanche, les corpus d’apprentissage de la langue n’ont guère été pris en considération, ni les projets lexicographiques. En outre, le lecteur comprendra que le manuel ne décrit pas les journaux en ligne, ni les textes littéraires en ligne. Si la source digitale a un intérêt particulier pour le(s) texte(s) repris dans le manuel, il va sans dire que l’on y renvoie (par ex. l’existence d’un corpus complet de la lyrique gallegoportugaise). Dans la mesure du possible, nous avons veillé à ce que les commentaires auprès des textes sélectionnés suivent la même structure dans les différentes contributions. Nous distinguons trois types de commentaires: (a) la présentation « philologique » et « historique » du texte qui décrit les généralités du texte sélectionné: son origine, l’édition, l’auteur, etc. ; (b) la description des caractéristiques (génériques) qui particularisent la langue ou la variété du ou des textes sélectionnés; (c) les « notes » ou observations ponctuelles qui portent directement sur des passages particuliers ou des spécificités d’un texte déterminé. Chaque texte est précédé effectivement d’une courte présentation qui fournit des renseignements philologiques sur l’origine du texte, sur les critères de son choix, ou sur l’édition utilisée. Cette introduction comprend également des informations sur l’auteur. La présence des textes est l’occasion de rendre particulièrement visibles les propriétés spécifiques de la langue ou de la variété linguistique représentée. Cette description comporte en principe trois rubriques: (a) graphie et phonétique, (b) morphosyntaxe, (c) lexique. Cette partie est placée également, avec renvois au texte, avant la reproduction de celui-ci. Bien des auteurs ont opté pour une section à part, avant la section sur les textes. De cette façon ils donnent un aperçu global des spécificités de la langue qu’ils illustrent en renvoyant à des exemples dans les différents textes sélectionnés. La plupart des remarques sur le lexique se trouvent toutefois après les textes. Ce sont en général des explications ou des traductions de mots ou de passages, qui renvoient au texte à l’aide de notes ponctuelles et qui respectent l’ordre chronologique du texte. En même temps, ces commentaires sont souvent une aide à la lecture et à la compréhension du texte. Il est vrai que ce canevas relativement strict n’a pu être appliqué partout, vu les statuts différents des langues et variétés décrites.
Introduction
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Les textes des parlers moins connus ou difficiles à comprendre, comme les créoles par ex., sont accompagnés partiellement de traductions dans la langue littéraire contemporaine ou bien dans la métalangue employée dans le chapitre en cause. À la fin de chaque contribution se trouve une bibliographie qui – faute d’espace – se limite en général aux ouvrages cités dans l’article. Nous espérons que bien que le nombre de textes sélectionnés soit forcément limité et que l’uniformité à laquelle nous avons aspiré n’a pu être réalisée avec la même rigueur dans toutes les sections du manuel, l’anthologie romane soit utile à tous ceux qui s’intéressent à la Romania.
Bibliographie Stein, Peter/Winkelmann, Otto (2001), Typen von Chrestomathien und Anthologien, in: Günter Holtus/ Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. I, 2: Methodologie (Sprache in der Gesellschaft/Sprache und Klassifikation/Datensammlung und -verarbeitung)/Méthodologie (Langue et société/Langue et classification/Collection et traitement des données), Tübingen, Niemeyer, 944–984.
Les langues romanes
Carmen Mîrzea Vasile
1 Anthologies et corpus pan-romans Abstract : Ce chapitre contient les anthologies et les corpus multilingues romans, dont seulement quelques-uns sont à considérer comme pan-romans. Dans l’introduction, nous touchons d’abord à certaines questions de terminologie (anthologie, chrestomathie, corpus ; corpus parallèle), puis, nous présentons la structure du chapitre et les paramètres descriptifs sur lesquels se basent les descriptions des anthologies et des corpus et, enfin, nous faisons quelques observations générales sur les sources linguistiques présentées. Les anthologies et les corpus sont présentés individuellement et regroupés en deux sections : les anthologies (pan‑)romanes, incluant les ouvrages sur support papier, et les corpus électroniques comprenant plus d’une langue romane. Au sein du premier groupe, nous avons opéré une distinction en fonction de la présence de textes parallèles. Les corpus électroniques ont été décrits, en premier lieu, selon les langues incluses, et puis selon la taille et la disponibilité.
Keywords : chrestomathies, anthologies, corpus romans, corpus parallèles
1 Introduction Le premier chapitre du manuel présente les anthologies et les corpus multilingues des langues romanes. La démarche n’est pas entièrement nouvelle ; voir, par ex., un aperçu similaire réalisé par Stein/Winkelmann (2001, 952–956) et un inventaire commenté fait par Buridant (2002, 48–50). Nous essaierons de compléter la description et de la mettre à jour. Avant la présentation proprement-dite, nous faisons quelques réflexions sur la terminologie employée et quelques observations générales sur les sources multilingues décrites.
1.1 Anthologie, chrestomathie, corpus. Questions terminologiques 1.1.1 La distinction entre anthologie et chrestomathie a été signalé et discuté également par Stein/Winkelmann (2001, 944–946). Si l’on faisait correspondre les titres des ouvrages qui nous intéressent et leur contenu, on ne saurait dire pour quelle raison un terme a été préféré à l’autre. En fait, il y a une distinction sémantique originaire entre les deux : en bref, une anthologie est un recueil de textes réalisé dans un but plutôt esthétique, notamment littéraire, tandis qu’une chrestomathie est un recueil constitué dans un but surtout didactique et scientifique (pour plus de détails, voir Stein/Winkelmann 2001, 944–946). Ces particularités semblent s’être effacées, les deux termes étant utilisés, plus ou moins, comme des synonymes.
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1.1.2 Une autre question à éclaircir est la relation entre les anthologies et les chrestomathies d’une part, et les corpus d’autre part. Les deux types de collections de textes sont proches dans une acception générale, mais davantage différents dans une acception scientifique. Ainsi, dans un dictionnaire comme le TLFi, on trouve une définition du nom corpus qui le rapproche des anthologies et chrestomathies : (en philologie et en sciences humaines) « recueil réunissant ou se proposant de réunir, en vue de leur étude scientifique, la totalité des documents disponibles d’un genre donné, par exemple épigraphiques, littéraires, etc. », (en linguistique) « ensemble de textes établi selon un principe de documentation exhaustive, un critère thématique ou exemplaire en vue de leur étude linguistique », cf. anthologie (dans l’Antiquité grecque) « nom de plusieurs recueils de courtes pièces choisies (comparées à des fleurs) de divers poètes lyriques », (couramment) « recueil de textes littéraires choisis », (par extension) « recueil de ce qu’il y a de plus typique dans un ensemble » et chrestomathie « anthologie didactique de textes choisis parmi des œuvres d’auteurs classiques », TLFi. Dans la bibliographie linguistique spécialisée, il n’est pas usuel de mettre en relation les termes corpus et anthologie / chrestomathie (linguistique). Les définitions scientifiques traditionnellement acceptées, ainsi que les traits considérés inhérents à un corpus, par contre, l’éloignent implicitement des anthologies et chrestomathies. En nous appuyant sur Stubbs (2013, 106), nous rappelons en passant les caractéristiques définissant un corpus qui se retrouvent, avec certaines variations, problématisées ou pas, d’une étude à l’autre : i. la grande taille (la plupart des corpus modernes ont au moins 1 million de mots, quelques-uns, des centaines de millions, provenant de centaines, voire de milliers de textes individuels) ; ii. la forme lisible et exploitable par un ordinateur (la possibilité d’utiliser des outils d’exploitation électronique, comme les concordanciers, qui permettent de dresser des listes et d’identifier les structures récurrentes, de les compter, etc., ou les lemmatisateurs, par lesquels on ajoute un lemme, une entrée de dictionnaire à chaque occurrence lexicale) ; iii. le but : l’analyse linguistique (la taille, l’équilibrage, la composition suivent une théorie sociolinguistique de la variation de la langue, de manière que la collection de données langagières soit un échantillon représentatif d’un certain type de textes ou de la langue concernée).
Par opposition, les anthologies / les chrestomathies ont une taille bien moindre et se trouvent sur support papier, le format électronique alternatif étant très rare et, en général, non-numérisé. En ce qui concerne leur but et leur construction conforme à ce but, l’opposition n’est pas si nette : les anthologies / les chrestomathies linguistiques sont constituées, en général, dans un but didactique et, seulement en deuxième lieu parfois dans un but de recherche ; leur visée principale est de faire connaître, de montrer des exemples choisis, la représentativité caractérisant plutôt les textes indivi
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Anthologies et corpus pan-romans
duels. Les corpus sont aussi utilisés à des fins didactiques, dans une mesure variable selon le type de corpus, mais leur exploitation se fait avec des méthodes différentes, l’analyse quantitative étant privilégiée. Dans ce chapitre, nous n’utiliserons pas le terme corpus dans l’acception la plus étroite. Nous distinguerons les ouvrages de petite taille sur support papier (§2) d’avec les grandes collections de textes numérisés sur support électronique (§3) ; dans la dernière catégorie, nous incluons quand même un corpus oral non‑numérisé (Berkenbusch 2002, voir §3.1.2). Dans notre contribution la distinction entre anthologie, chrestomathie et corpus n’est donc pas toujours aussi nette.
1.1.3 Dans la vaste bibliographie sur les corpus apparaît la notion de corpus parallèle. Cette notion pourrait être adaptée aussi aux anthologies et chrestomathies, mais elle n’est pas toujours définie d’une manière univoque. Le corpus parallèle se distingue du corpus comparable (voir aussi Granger 2010, 2s. ; Kenning 2010, 487). Pour bien des auteurs (par ex., Tognini-Bonelli 2010, 23 ; McEnery/Xiao 2008, 18–22) un corpus parallèle est un corpus multilingue comprenant les traductions d’un texte dans plusieurs langues et d’habitude aussi le texte traduit, et un corpus comparable est compris comme un corpus de textes originaux dans plusieurs langues (pour certains linguistes, aussi monolingue, voir Granger 2010, 3), similaires par le genre, le registre, le sujet, la datation, etc. Dans d’autres études (par ex. Johansson 2007, 9), le corpus comparable est un type particulier de corpus parallèle, à côté du corpus de traductions et du corpus mixte (avec des textes traduits et originaux comparables). Nous utilisons les termes anthologie, chrestomathie, corpus parallèle dans la première acception, qui est aussi la plus stricte.
1.2 Structure du chapitre et méthodologie À part l’introduction, nous distinguons deux sous-chapitres. Le premier (§2) concerne les anthologies et les chrestomathies (pan–)romanes, le deuxième, les corpus électroniques de plus d’une langue romane (§3). Nous ne nous intéressons pas aux anthologies littéraires romanes sans notes ou commentaires linguistiques. Dans le premier sous-chapitre, nous distinguons les ouvrages comprenant exclusivement des textes parallèles (§2.2) d’ouvrages qui ne comprennent pas ou très peu de textes parallèles (§2.1). Un chapitre à part (§2.3) est consacré à l’Inventaire systématique des premiers documents des langues romanes édité par Barbara Frank et Jörg Hartmann, étant donné son importance pour le sujet de ce chapitre. Les corpus électroniques de leur part sont regroupés en deux sections : deux corpus romans oraux (§3.1) et les corpus de grande taille, en plusieurs langues européennes, romanes et non-romanes (§3.2). Les anthologies et les chrestomathies (pan‑)romanes sont présentées en fonction d’un certain nombre de paramètres descriptifs (voir aussi Stein/Winkelmann
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2001, 946–950). Chaque présentation contient en général les informations suivantes : i. les langues et les variantes régionales illustrées et leur organisation en chapitres ; ii. la période illustrée ; iii. le nombre et le type de textes ; iv. la présence d’une introduction à la langue ou au dialecte illustrés et la présence d’une bibliographie pour la langue ou le dialecte illustrés ; v. la présence d’une introduction générale au (fragment de) texte choisi ou à l’auteur illustré ; la présence d’une introduction linguistique, des notes ou des commentaires linguistiques ; la présence d’une bibliographie pour le (fragment de) texte choisi ou pour l’auteur illustré ; vi. la présence de glossaires ; vii. les objectifs et le public cible.
Pour certaines anthologies, d’autres observations spécifiques peuvent s’ajouter, par ex. : la présence de fac-similés, de cartes linguistiques, de traductions des textes ; la graphie des textes dialectaux, etc. Nous avons utilisé les paramètres descriptifs (i)–(iii), (vii) aussi dans la présentation des deux corpus électroniques oraux à coté d’informations sur le type de support, l’extension quantitative (nombre de mots, d’heures), le type de transcription des textes, etc. Parmi les corpus électroniques comprenant plusieurs langues européennes, nous n’avons inventorié que les plus connus d’entre eux.
1.3 Quelques observations générales sur les anthologies, les chrestomathies et les corpus (pan‑)romans Nous constatons que les sources vraiment pan-romanes (comme Iordan 1962–1974 ; Bec 1970–1971 ; Moreno/Peira 1979 ; Sampson 1980) sont assez peu nombreuses. Plus nombreuses sont les sources qui comprennent seulement les langues romanes de grande diffusion (De Poerck/Mourin 1961–1964 ; Pottier 1964 ; Wittlin 1970 ; Riiho/Eerikäinen 1993, etc., et les corpus multilingues électroniques). De même, les dialectes romans modernes, les variétés romanes non européennes, les créoles, le judéo-espagnol et le judéo-portugais sont illustrés dans très peu d’ouvrages (par ex., Iordan 1962–1974 ; Bec 1970–1971 ; Heger 1967). La grande majorité des anthologies et chrestomathies (en format papier) illustrent la période ancienne, souvent exclusivement (par ex. Monaci 1910, 1913 ; Ruggieri 1949 ; Pottier 1964, etc.). Des textes en lat. sont inclus dans certains recueils (Monaci 1910, 1913 ; Ruggieri 1949 ; Iordan 1962–1974) ; notamment ceux avec des textes parallèles (comme Heger 1967 ; Wittlin 1970 ; Heinimann 1988 ; Stein 1997) comprennent aussi la source latine.
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Anthologies et corpus pan-romans
Peu de volumes contiennent des glossaires ou des index (Iordan 1962–1974 ; Bec 1970–1971 ; Sampson 1980 ; seulement pour le roum., De Poerck/Mourin 1961–1964), des cartes (Iordan 1962–1974 ; Bec 1970–1971) ou des fac-similés (Iordan 1962–1974, pour quelques textes ; Ruggieri 1949, par ex. contient des fac-similés pour chaque texte ; Monaci 1910, 1913 contient seulement des fac-similés). La quantité de commentaires et de notes linguistiques varie d’un ouvrage à l’autre ; aux extrêmes se trouvent, d’une part, Bec (1970–1971), avec des explications linguistiques très nombreuses et très élaborées, et, d’autre part, Monaci (1910, 1913), Pottier (1964), Heger (1967), Moreno/Peira (1979) et Riiho/Eerikäinen (1993), sans explications linguistiques.
2 Les anthologies (pan‑)romanes 2.1 Les anthologies et les chrestomathies linguistiques (pan‑)romanes Cette section contient les ouvrages qui ne comprennent pas ou très peu de textes parallèles.
2.1.1 Crestomaţie romanică, 3 vol. (5 t.), sous la direction de Iorgu Iordan (les auteurs : Mioara Avram, Matilda Caragiu-Marioţeanu, Nicolae Dănilă, Florica Dimitrescu, Valeria Guţu-Romalo, Maria Iliescu, Liliana Macarie, Constant Maneca, Maria Manoliu (Manea), Cristina Micuşan, Alexandru Niculescu, Daniela Rădulescu, Sanda Reinheimer-Rîpeanu, Marius Sala, Florenţa Sădeanu, Sanda Stavrescu, Mirela Teodorescu). Vol. I, 1962 [du commencement jusqu’au XVIe s] ; vol. al II-lea. Secolele al XVII-lea–al XVIII-lea, 1965 ; vol. al III‑lea. Secolele al XIX-lea–al XX-lea. Partea I, 1968, Partea a II‑a, 1971, Partea a III‑a, 1974, București, Editura Academiei
La chrestomathie élaborée sous la direction de Iorgu Iordan par des chercheurs de l’Institut de Linguistique et des enseignants de l’université de Bucarest, parue entre 1962 et 1974 aux Éditions de L’Académie Roumaine, est la plus riche et la plus variée parmi les recueils linguistiques de textes des langues romanes. Le vaste ouvrage (grand format, 5392 pp. + un nombre de fac-similés et cartes) est organisé en trois volumes, dont le IIIe est publié en trois parties (cinq tomes, au total). L’ouvrage a un but didactique et documentaire, étant destiné autant aux étudiants en linguistique (romane) qu’aux spécialistes. Dans une certaine mesure, il peut aussi servir à ceux qui s’intéressent à l’étude des littératures romanes, parce que leurs principaux chefs-d’œuvre y sont illustrés. Selon les auteurs, entre l’évolution de la langue et celle de la création littéraire il y a un lien plus étroit qu’on ne l’affirme
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d’habitude, du moins en ce qui concerne la fixation des normes de la langue écrite (le IIe vol., Introduction, p. VII). Un des grands mérites de cette chrestomathie est qu’elle inclut aussi les variétés romanes extra-européennes, les créoles français et les dialectes des langues romanes ; le chapitre dédié au lat. fait comprendre les développements romans ultérieurs. Chaque volume contient une courte introduction (de deux à quatre pages), qui guide l’utilisateur. Les chapitres et, en général, les sous-chapitres sont précédés d’une bibliographie qui renvoie à des titres de base (études, monographies, grammaires et manuels, chrestomathies, dictionnaires) et d’une introduction sur la graphie et la prononciation de l’idiome illustré. À la fin de presque tous les chapitres et souschapitres il y a des glossaires où l’on trouve les équivalents roumains pour les mots qui ne figurent pas dans un dictionnaire de niveau moyen de l’idiome exemplifié (cf. Introduction, p. X du Ier vol.). Les textes comportent des renseignements sur l’auteur, les circonstances de la parution, les particularités linguistiques (le cas échéant), l’édition et la bibliographie utilisées pour leur interprétation. Les notes (la plupart d’entre elles linguistiques) en bas de page apportent une aide supplémentaire pour la compréhension du texte ; par le système de renvois d’une note à l’autre, on peut suivre les phénomènes particuliers récurrents dans un idiome. Malheureusement, la métalangue roumaine de la chrestomathie a diminué hors de la Roumanie l’efficacité des efforts explicatifs. Les textes, choisis selon des critères linguistiques et littéraires, couvrent une période de plus de 2.000 ans : le Ier vol., de Plaute jusqu’au XVIe siècle, y compris ; le IIe vol., les XVIIe et XVIIIe siècles ; le IIIe vol., les XIXe et XXe siècles, pour les langues standard, et toutes les périodes, pour les dialectes. Dans chaque volume, les langues et les variétés romanes sont présentées de l’est à l’ouest. Les textes on été transcrits après les éditions indiquées, en respectant fidèlement leur orthographe et leur ponctuation ; dans les textes en lat. populaire, v a été remplacé par u et j par i. Quelques textes sont reproduits aussi en fac‑similés. Le Ier vol. (884 pp., paru en 1962) va jusqu’au XVIe siècle, inclusivement, et comprend : le lat. (Maria Iliescu, Liliana Macarie, pp. 1–138) ; le roum. (Mioara Avram, Florica Dimitrescu, pp. 139–195) ; le dalmate (Alexandru Niculescu, pp. 197–206) ; l’it. (Constant Maneca, Alexandru Niculescu, pp. 207–353) ; le sarde (Maria Manoliu, pp. 355–391) ; le rhéto-roman : le frioulan (Maria Iliescu, Florenţa Sădeanu, pp. 393– 423), le lad. dolomitique (Maria Iliescu, pp. 424s.), le romanche (le haut-engadinois et le bas-engadinois, Maria Iliescu, Florența Sădeanu, pp. 436–462) ; le fr. (Nicolae Dănilă, Maria Manoliu, Sanda Stavrescu, pp. 463–609) ; le prov. (Mirela Teodorescu, pp. 611–660) ; le cat. (Liliana Macarie, pp. 661–702) ; l’esp. (Constant Maneca, Florenţa Sădeanu, pp. 703–795, 800s.), le judéo‑esp. (Marius Sala, pp. 796–799) ; le ptg. (Valeria Guţu-Romalo, pp. 803–883). Le IIe vol. (1212 pp., paru en 1965) est consacré au domaine linguistique roman des XVIIe et XVIIIe siècles et comprend : le roum. (Mioara Avram, pp. 1–153) ; l’it. (Cons
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tant Maneca, pp. 155–321) ; le sarde (Maria Manoliu, pp. 323–365) ; le rhéto-roman (Maria Iliescu : le frioulan, pp. 372–402, le lad. du Val de Non, pp. 403–408, le romanche, le haut-engadinois, pp. 409–430, le bas-engadinois, pp. 431–472, le sursilvain, pp. 473–522) ; le fr. (Nicolae Dănilă, Liliana Macarie, pp. 523–783) ; le prov. (Mirela Teodorescu, pp. 785–824) ; le cat. (Liliana Macarie, pp. 825–915) ; l’esp. (Florenţa Sădeanu, pp. 917–1089), l’esp. américain (Florenţa Sădeanu, pp. 1090–1111) et le judéo-esp. (Marius Sala, pp. 1112–1130) ; le ptg. (Valeria Guţu-Romalo, Marius Sala, pp. 1131–1209), le judéo‑ptg. (Marius Sala, 1210–1211). Le IIIe vol. contient des textes de langue standard (surtout littéraires) des XIXe et e XX siècles et des textes dial. de toutes les époques. Le volume est enrichi par des cartes qui aident à localiser les dial. traités. Le premier tome (1332 pp., paru en 1968) offre une image variée pour : le roum. – le daco-roum. littéraire et les parlers de la Valachie, de la Moldavie, de la Crișana, du Maramureș et du centre de l’Ardeal, du Banat, en excluant les variétés daco-roum. extra-nationales (Mioara Avram, pp. 11–352), l’istro-roum. (Mioara Avram, pp. 353– 387), le mégléno-roum. (Mioara Avram, pp. 388–409) et l’aroum. (Matilda CaragiuMarioțeanu, pp. 410–448) ; les parlers romans de Yougoslavie (le dalmate et les dial. istriotes, Maria Iliescu, Alexandru Niculescu, pp. 449–479) ; l’it. (textes littéraires et dial., en sicilien, calabrais, napolitain, apulien, romain, abruzzais, ombrien, marchigiano, toscan, corse, émilien-romagnol, vénitien (Constant Maneca, pp. 481–893) ; le sarde (Maria Manoliu, Constant Maneca, pp. 895–966) ; le rhéto-roman (le frioulan, le lad., le romanche Maria Iliescu, pp. 967–1332). Le deuxième tome (908 pp., paru en 1971) comprend des textes gallo-romans : le fr. littéraire (Daniela Rădulescu, Sanda Stavrescu, pp. 7–379) ; le fr. parlé en Suisse et en Belgique (Sanda Stavrescu, pp. 381–449) ; le fr. parlé au Canada et en Afrique (Daniela Rădulescu, pp. 451–481) ; les dial. fr. (pp. 483–652) – le wallon (Maria Iliescu, pp. 487– 532), le picard (Marius Sala, pp. 533–549), le lorrain (Daniela Rădulescu, pp. 551–571), le champenois (Daniela Rădulescu, pp. 573–584), le bourguignon (Florența Sădeanu, pp. 585–597), le francien (Sanda Reinheimer-Rîpeanu, pp. 599–609), le normand et l’anglo-normand (pp. 611–626), le poitevin (Liliana Macarie, pp. 627–640) ; les créoles français (Daniela Rădulescu, pp. 653–671) ; les dial. fpr., illustrés par des textes localisés en France, en Suisse et en Italie (Sanda Reinheimer-Rîpeanu, pp. 673–766) ; le prov. (pp. 767–908) – le prov. (Mirela Teodorescu, pp. 776–818), le languedocien (Daniela Rădulescu, pp. 819–945), l’auvergnat (Mirela Teodorescu, pp. 846–850), le limousin (Mirela Teodorescu, pp. 851–860), le gascon (Daniela Rădulescu, pp. 861–885). Les textes ibéro-romans se trouvent dans le troisième tome (1056 pp., publié en 1974) : le cat. (Liliana Macarie, pp. 7–236) ; l’esp. (pp. 237–800) – l’esp. péninsulaire littéraire (Florența Sădeanu, pp. 239–465) et dial. (asturien, léonais, aragonais, andalou, murcien, canarien (Florența Sădeanu, pp. 467–538), l’esp. américain littéraire (Marius Sala, pp. 539–724) et dial. (Marius Sala, pp. 725–758), le judéo-esp. (Marius Sala, pp. 759–797) ; le ptg. (pp. 801–1056) – le ptg. péninsulaire littéraire (Valeria Guțu-Romalo, Cristina Micușan, pp. 806–932) et dial. (galicien, mirandais, rionorais,
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du Minho, de la Beira, hors du pays, macanais, Marius Sala, pp. 933–974), le ptg. brés. littéraire (Constant Maneca, Cristina Micușan, pp. 975–1052) et dial. (Marius Sala, 1053–1056). Un nombre de textes dial. a été reproduit avec la transcription phonétique de leurs sources (cf. Introduction, p. 7). Tant dans la présentation des différents idiomes que dans la présentation du même idiome d’une période à l’autre, il y a des inégalités, dues aux situations linguistiques et extralinguistiques particulières. Par ex., l’espace accordé aux diverses langues et variétés dépend de la quantité de textes disponibles et représentatifs, des changements plus ou moins nombreux subis dans la période illustrée, et des choix opérés par les responsables des chapitres. Ainsi, dans le Ier vol., le chapitre du cat., assez peu évolué dans cette période, comprend dix textes et celui du dalmate, pauvrement documenté, trois textes (cf. les chapitres du lat., 38 textes, du fr., 34, du roum., 24, de l’it, 35) (Plomteux 1965, 275). Dans le IIe vol., les chapitres du roum. (48 textes) et du rhéto-roman (39) sont plus étendus que ceux consacrés aux langues de circulation internationale (comme l’it., 31 textes, ou l’esp. péninsulaire, 20), parce que le roum. et le groupe rhéto-roman ont été comptés comme des idiomes romans moins connus (cf. vol. II, Introduction, p. VIII). Un autre exemple est le glossaire pour le frioulan, qui est plus riche que beaucoup d’autres, parce que l’on a considéré qu’aucun dictionnaire du frioulan n’était facilement accessible en Roumanie : dans le Ier vol., il est plus grand (4 pp. pour dix textes) que celui pour l’esp. (2 pp. pour 25 textes) ou pour le ptg. (2 pp. pour 29 textes) ; dans le IIe vol. un glossaire assez vaste est ajouté aux textes frioulans (5 pp. pour neuf textes), tandis que pour les textes it., fr. et esp. péninsulaire il n y a pas de glossaires ; dans le IIIe vol., le rhéto-roman bénéficie de glossaires complets pour tous les dial., à l’exception de l’engadinois, du Val Müstair et du Val Bregaglia (cf. vol. II., Introduction, p. 8). L’étude diachronique du dalmate pose aussi des problèmes épineux : le dial. végliote du dalmate a des attestations plus riches que le dial. ragusain, mais seulement de la période moderne, plus exactement, du XIXe siècle ; par contre, le ragusain n’est attesté que dans la période ancienne, du XIIIe à XVIe siècle (vol. I, p. 201). C’est pourquoi dans le Ier vol. le dalmate est illustré par trois textes, tous ragusains, tandis que le IIIe vol. contient seulement des textes végliotes. Le IIe vol. n’a pas de chapitre pour le dalmate.
2.1.2 Facsimili di documenti per la storia delle lingue e delle letterature romanze, 2 vol., E. Monaci (1910, 1913), Roma, Domenico Anderson Editore
Ernesto Monaci a publié une collection de 115 fac-similés en deux fasc. (I, pp. 1–65, en 1910 ; II, pp. 66–115, en 1913). Son but a été de documenter les principaux moments de l’évolution des langues et des littératures romanes ; parmi les documents exemplaires ont été retenus l’Appendix Probi, Les Serments de Strasbourg, la Chanson de Roland, l’Histoire du Saint Graal, Le poème du Cid. Parmi les langues et les variétés illustrées se trouvent le lat. vulgaire, l’a. fr., le prov., l’a. esp., l’a. it, le ptg. Dans les deux tables
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des matières, pour chaque planche il y a quelques renseignements sur le ms. utilisé. Un troisième fasc. avait été prévu pour compléter la collection ; il aurait compris environ quatre-vingts planches, une préface, des notes et des index (Langlois 1914, 116). Malheureusement, le projet n’a pas été mené à sa fin.
2.1.3 Testi antichi romanzi, 2 vol. I. Facsimili ; II. Trascrizioni, R.M. Ruggieri (1949), Modena, Società tipografica modenese
Suivant le modèle de la collection de Monaci, R. M. Ruggieri réunit une série d’anciens textes romans, auxquels il ajoute des échantillons en lat. tardif de l’Appendix Probi, des Gloses de Cassel et d’une alba bilingue. L’ouvrage, dont le métalangage est l’it., publié en deux volumes à Modena, en 1949, est destiné à l’enseignement universitaire de la philologie romane et de la paléographie. Les deux volumes du recueil peuvent être consultés indépendamment : le Ier vol. compte 54 planches avec les fac-similés des 44 textes ; dans le IIe vol. (115 pp.) se trouvent les mêmes textes, translittérés ou avec de petites corrections (détails dans l’Introduction du IIe vol., pp. 6–9). Le choix de textes est diversifié, exemplifiant les langues romanes anciennes avec leurs variantes régionales : l’it. et ses principaux dial. (avec 14 textes), le sarde et le lad. (chacun avec un texte), le fr. et le prov. (dix textes, inclusivement en wallo-picard, fpr., limousin, languedocien), le cat. (un texte), l’esp. (six textes, y compris en aragonais, navarrais, léonais), le ptg. (trois textes, y compris en gal.), le daco-roum. (avec cinq textes, illustrant le daco-roum. du sud et celui de la région Banat-Hunedoara). La majorité des textes retenus appartiennent à la période du Xe au XIIe siècle, quelques-uns au XIIIe siècle, les textes daco-roum. étant plus tardifs. Chaque texte est précédé d’informations sur la datation, le ms., le type d’écriture, l’édition suivie et des indications bibliographiques particulières ; les renseignements philologiques et paléographiques dépassent les informations linguistiques. Les notes explicatives en bas de page, plus ou moins nombreuses, n’offrent pas trop d’explications sur les phénomènes linguistiques rencontrés dans les textes.
2.1.4 Textes médiévaux français et romans. Des gloses latines à la fin du XV ͤ siècle, Bernard Pottier (1964), Paris, Klincksieck Le choix de textes présentés par Bernard Pottier dans son anthologie parue en 1964 est destiné aux étudiants en a. fr. La période illustrée dans les 197 pages s’étend du VIIIe siècle (les Gloses de Reichenau et le Glossaire de Silos) jusqu’à la fin du XVe siècle (François Villon, Commynes, Jehan de Paris et Maître Pierre Pathelin). Le genre de textes est assez varié (gloses, légendes épiques, romans courtois, poésie lyrique, théâtre, fabliaux, nouvelles, extraits juridiques, religieux, didactiques et historiques), les échantillons littéraires sont plus nombreux.
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Pour un bon nombre de textes en a. fr., Bernard Pottier fournit en parallèle les passages correspondants (traduits, imités ou adaptés) en aragonais, cat., esp., gal., it. ou ptg. ; par ex., le texte de La vie de Saint Alexis est suivi d’une version en ptg. et en esp., l’extrait de la Chronique de Morée a une version aragonaise, les fragments de La vie de Sainte Marie l’Égyptienne sont pourvus de versions en esp., en ptg. et en it. Chaque groupe de textes est précédé d’indications sommaires sur la source, la date de composition, le ms. utilisé et la région linguistique des documents. La première édition est parue à Grenade en 1959, sous le titre Antología de textos del francés antiguo (274 pp.). Dans la deuxième édition, Bernard Pottier a réutilisé une partie des textes et a augmenté le nombre de versions parallèles en d’autres langues. Cette édition ne contient pas de notes linguistiques, ni d’exposé sur le sujet du texte, ni d’index. La bibliographie est sommaire.
2.1.5 Manuel pratique de philologie romane, 2 vol., tome I : Italien, espagnol, portugais, occitan, catalan, gascon, tome II : Français, roumain, sarde, rhéto-frioulan, francoprovençal, dalmate. Phonologie. Index, Pierre Bec, avec la collaboration, pour le roumain, de Octave Nandriș et, pour le dalmate, de Žarko Muljačić (1970–1971), Paris, Éditions A. & J. Picard
L’ouvrage de Pierre Bec, paru à Paris en deux tomes (Ier tome, 1970, 644 pp. + 14 cartes ; IIe tome, 1971, 558 pp. + 11 cartes), est un instrument didactique très utile autant pour les professeurs que pour les étudiants. Sa spécificité consiste dans l’abondance des informations et des commentaires linguistiques. Dans le Ier tome sont présentés l’it., l’esp., le ptg., l’occ., le cat., le gasc. Le IIe tome est consacré aux deux « langues extrêmes » de la Romania (le fr. et le roum.) et aux « langues de diffusion secondaire » (le sarde, le rhéto-frioulan, le fpr., le dalmate). Chaque domaine linguistique bénéficie d’une substantielle introduction qui rend compte des principaux traits typologiques, des traits dial. les plus importants, des plus anciennes attestations, ainsi que d’une bibliographie sommaire, qui complète la bibliographie générale et critique de l’ouvrage ; le fr. et, tout particulièrement, le roum. ont une introduction typologique plus détaillée. Les deux derniers chapitres placés comme appendices (Éléments de phonologie romane, pp. 417–470, et Pour une classification des langues romanes, pp. 471–474) sont importants pour le but didactique du livre. L’ouvrage bénéficie aussi d’un riche index des formes (pp. 475–614), pour chaque langue décrite, et d’un index analytique (pp. 615–634), qui renvoie aux phénomènes romans significatifs. Pour l’it., l’esp., le ptg., l’occ., le cat., le gasc., le fr. et le roum., la plupart des textes choisis sont médiévaux. À côté des textes anciens, il y a aussi des textes modernes en occ. et en gasc. (traduits, en transcription phonétique, mais sans commentaires) et en roum. (traduits et commentés). À part le fragment de Chrétien de Troyes extrait du roman Le chevalier de la charrette, le domaine gallo-roman septen
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trional est illustré par des textes dial. picard, wallon, lorrain, « burgond », « armoricain » et poitevin (sans traduction, à l’exception du fragment poitevin, mais avec quelques notes en bas de page). Les textes commentés sont, en général, des échantillons littéraires (poésie mystique, épique, lyrique, narrative ou textes narratifs en prose), peu dialectisés, à l’exception de la laude de Jacopone da Todi (pour l’it.) : Chrétiens de Troyes (pour le fr.), Pey de Garros (pour le gasc.), Joanot Martorell (pour le cat.), Mihai Eminescu (pour le roum.), le Poema de mio Çid (pour l’esp.), A demanda do Santo Graal (pour le ptg.). Les textes sont précédés de renseignements concernant la vie et l’œuvre de l’auteur, le sujet, l’édition, la graphie, etc. Les textes choisis pour l’analyse sont divisés en petits fragments, qui sont suivis de la traduction en fr. et d’amples commentaires « au mot le mot ». Les mots sont analysés de manière monographique, étant pris comme prétexte à exposer des informations linguistiques phono-morphologiques et, le cas échéant, syntaxiques et sémantiques sur des phénomènes plus généraux spécifiques à un idiome. Les renvois systématiques d’une langue à l’autre, ainsi que les tableaux comparatifs insérés dans les commentaires (par. ex., dans le Ier vol., le futur roman, pp. 151s., l’évolution des constrictives latérales intervocaliques dans les langues romanes, pp. 257s.) aident l’étudiant à consolider ses connaissances en linguistique romane. La présentation du sarde, du rhéto-frioulan, du fpr. et du dalmate, considérés des « langues de diffusion secondaire », ne prend pas beaucoup d’espace dans le IIe vol. (pp. 263–416). Les domaines romans représentés sont précédés d’une étude typologique d’ensemble et illustrés par un nombre plus grand de textes que les idiomes de diffusion plus large. Les textes sont, en général, traduits en fr. Les commentaires linguistiques sont très sommaires et manquent même pour certains textes. Le sarde est illustré par deux textes en a. sarde, traduits en fr., quatre textes dial. modernes traduits, plus ou moins fidèlement, en it. (en fait, il s’agit du même passage du Décameron de Boccace (I, 9) traduit en logoudorien de Ozieri et de Bitti, en campidanien et en gallurais), trois textes dial. (en logoudorien, en nuorais et en campidanien) avec traduction littérale en fr. (sans commentaires) et un nombre de courts textes oraux (muttetus, berceuses, proverbes) traduits en fr. et transcrits phonétiquement. Le rhéto-frioulan est représenté par trois textes anciens, sans traduction en fr. moderne (le plus ancien texte rhétique avec l’équivalent latin du ms., un fragment du Nouveau Testament et un psaume), et cinq fragments dial. (un en romanche – sursilvain ; un en haut-engadinois (puter) et un en bas-engadinois (vallader) ; deux en frioulan central), traduits en fr. et avec transcription phonétique complète ou partielle. Quatre textes illustrent le fpr. : un texte ancien, traduit en fr. et succinctement commenté, et trois textes dial. traduits en fr., avec de très courtes notes (un conte forézien, transcrit phonétiquement ; la transcription phonétique d’un récit savoyard ; un récit du pays de Vaud, Suisse). Enfin, un échantillon commenté du parler du dernier locuteur de vegliote représente le dalmate.
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D’autres romanistes ont aussi réservé dans leurs manuels un espace plus ou moins étendu aux textes en langues romanes sélectionnés d’après des critères principalement linguistiques. Voir, par ex. : Monteverdi (1952), Viscardi (1962), Mendeloff (1969), Reinheimer-Rîpeanu/Tasmowski-De Ryck (1997), Roegiest (2006, ²2009).
2.1.6 Crestomatía románica medieval, Jesús Moreno et Pedro Peira (1979), Madrid, Ediciones Cátedra Une ample chrestomathie de textes romans (240 textes, en 496 pp.) paraît en 1979. Par cet ouvrage, le premier de ce genre publié en castillan, les deux professeurs madrilènes se donnent pour objectif d’offrir aux étudiants en philologie romane une consistante base d’étude. Cette chrestomathie comprend les témoignages écrits en langues romanes du commencement jusqu’au XVe siècle (et des textes roumains du XVIe siècle). À part leur ancienneté, le choix des textes a été déterminé surtout par des critères linguistiques. Il a été tenu compte aussi de l’histoire culturelle, ainsi que des types de documents médiévaux représentatifs pour chaque idiome. Ainsi, les langues romanes sont illustrées par un nombre inégal de textes, le domaine ibérique étant privilégié : le fr. – 41, le fpr. (considéré comme un idiome indépendant) – 5, le prov. – 26, le cat. – 30, l’esp. – 43, le gal.-ptg. – 35, le rhéto-roman – 3, le sarde – 6, l’it. – 40, le dalmate – 3, le roum. – 8. Le fpr., le sarde, le dalmate et le rhéto-roman sont représentés seulement par des textes intéressants du point de vue linguistique, tandis que pour les autres idiomes les textes sont plus variés (des échantillons littéraires, des extraits de chroniques, des documents juridiques, etc.). Les renseignements qui précèdent les textes sont sommaires ; ils portent sur la source du texte (éditions et études critiques), les mss. transmis, l’origine dialectale, la datation, et, pour certaines situations, l’influence d’autres langues ou dial. Pour les premières productions dans la majorité des langues romanes, il y a en général une quantité variable d’informations sur les particularités linguistiques ; le roum. et le dalmate n’en bénéficient pas. Une bibliographie sélective (3 pp.) suit les textes. La chrestomathie ne contient ni glossaire ni notes linguistiques. Le premier soin des auteurs a été de mettre à jour la présentation des textes (meilleure édition critique, correction des erreurs habituelles de datation) et d’inclure des documents inédits par rapport aux anthologies romanes antérieures. Quelques textes sont reproduits d’après deux et même trois sources (par ex., La chronique de 1344, d’après deux mss. castillans, trois sources pour l’Indovinello Veronese, deux pour Le poème du Cid et pour La vie de Saint Alexis). Des versions parallèles en esp., fr., esp. ou gal.-ptg. sont reproduites pour quelques fragments (voir La chanson de Roland, Biblia romanceada, La chronique de 1344).
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2.1.7 Early Romance texts : An Anthology, ed. Rodney Sampson (1980), Cambridge, Cambridge University Press
Une première dans l’espace universitaire angl. est l’anthologie de Rodney Sampson parue en 1980 aux Éditions de l’Université de Cambridge. Elle a été conçue pour les étudiants en histoire des langues romanes et est écrite en angl. Le volume, qui compte 339 (+ XXIII) pp., réunit cent sections qui correspondent à un texte, le plus souvent, ou à deux ou trois textes du même auteur. L’éditeur a choisi les textes les plus anciens de la Romania, auxquels il a ajouté quelques textes plus tardifs : un récit du dernier locuteur dalmate Antonio Udina Burbur, un texte dacoroum. de la fin du XVIIIe siècle et deux poèmes aroum. de la fin du XIXe siècle. Même si les échantillons de la littérature créative sont prédominants, l’étudiant peut quand même se faire une bonne idée de la diversité stylistique de la période. Les langues romanes sont illustrées de l’ouest vers l’est, en mettant le gasc. et le fpr. sur le même plan avec les dix langues romanes traditionnelles. Pour les douze régions linguistiques, il y a un nombre inégal de textes (de deux à seize) : 10 en ptg.-gal., 12 en esp., 8 en cat., 3 en gasc., 12 en occ., 4 en fpr., 16 en fr., 7 en rhéto-roman, 3 en sarde, 15 en it., 2 en dalmate, 7 en roum. (l’aroum. y compris). Les textes écrits en alphabet non-latin (en arabe, cyrillique, hébreu) ont été translittérés. En appendice se trouvent deux poèmes du troubadour Raimbaut de Vaqueiras : dans le premier les strophes en a. prov. et en a. génois alternent ; le deuxième est plurilingue (occ., it., fr., gasc. et ptg.). L’anthologie commence par une introduction et une bibliographie avec les ouvrages de linguistique et philologie romane les plus importants (elle aurait pu être plus substantielle, voir les titres donnés par Baldinger 1981 et Straka 1981). Après les textes il y a un vaste glossaire (108 pp.) de tous les idiomes comprenant des mots ordonnés alphabétiquement. Des renseignements synthétiques sur l’auteur, le texte, les circonstances de sa parution, l’édition suivie et le ms. précèdent chaque texte. À la fin du texte il y a des notes explicatives pour les noms propres, les passages à une syntaxe compliquée ou à un sens problématique, pour certaines particularités linguistiques, etc. ; la plupart des notes sont des traductions des segments plus difficiles.
2.2 Les ouvrages linguistiques comprenant des textes parallèles 2.2.1 Introduction à la morphologie comparée des langues romanes, basée sur des traductions anciennes des Actes des Apôtres, ch. XX à XXIV (De Poerck/Mourin 1961–1964) L’ouvrage avait été conçu en six tomes, qui auraient présenté les langues romanes de l’ouest à l’est (cf. Avant-propos, t. I, p. 10) : t. I, a. ptg. (par L. Mourin) et a. castillan (par G. De Poerck) ; t. II, a. cat. (par L. Mourin) et a. prov. (par G. De Poerck) ; t. III, a. fr. (par G. De Poerck) ; t. IV, a. sursilvain, a. engadinois et lad. dolomitique (par
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L. Mourin) ; t. V, a. toscan (par G. De Poerck) et sarde logoudorien (par L. Mourin) ; t. VI, a. roum. (par L. Mourin). Seulement trois tomes sont intégralement parus, à Gent (Faculteit Letteren), Bruges (De Tempel), (t. I. Ancien portugais et ancien castillan, 1961, 175 pp. ; t. IV. Sursilvain et engadinois anciens, et ladin dolomitique, 1964, 416 pp. ; t. VI. Ancien roumain, 1962, 211 pp.), deux tomes étant parus, partiellement, aux Presses universitaires de Bruxelles (t. II. Ancien catalan, 1961, 109 pp. ; t. V. Sarde, 1963, 102 pp.). Malheureusement, les chapitres concernant l’a. prov. (t. II), l’a. fr. (t. III) et l’a. toscan (t. V) n’ont pas été réalisés. Le manuel, dont le concept repose sur la méthode comparative, est destiné aux étudiants en linguistique romane. Les auteurs considèrent que l’appréhension des notions de base de grammaire comparée des langues romanes doit commencer avec l’étude appliquée de leur morphologie (t. I, p. 10). Le texte choisi comme base pour la comparaison, le dernier tiers des Actes des Apôtres (les chapitres XX à XXIV), a beaucoup de versions romanes anciennes et modernes. La présentation de chaque langue, traitée entièrement par un seul auteur, commence par une introduction à structure fixe, dans laquelle les auteurs donnent des informations sur les traductions anciennes de la Bible, sur les principes d’édition de l’extrait, sur les graphies et la prononciation et sur quelques faits phonétiques. L’introduction est suivie du texte proprement-dit (avec une étendue de 9 à 13 pages). Les versions de traduction choisies sont anciennes pour le ptg. (1452–1453), le castillan (milieu du XIIIe siècle), le sursilvain (1648), l’engadinois (1560) et le roum. (deuxième tiers du XVIe siècle). Les auteurs ont suivi plus ou moins fidèlement certaines éditions, les changements opérés étant signalés. Le lad. dolomitique (le dialecte du Val Gardena) est illustré par une traduction moderne (faite en 1950 et 1951 par deux ecclésiastiques qui ont voulu rester anonymes et révisée et unifiée en 1957 par Silvester Erlacher). La partie la plus étendue est l’exposé concernant la morphologie de chaque langue, avec des exemples tirés des textes (l’a. ptg., t. I, pp. 35–94 ; l’a. castillan, t. I, pp. 112–168 ; l’a. sursilvain, t. IV, pp. 51–142 ; l’a. engadinois, t. IV, pp. 191–287 ; le lad. dolomitique, t. IV, pp. 331–410 ; l’a. roum., t. VI, pp. 69–195). Il mérite d’être mentionné que le roum. a été privilégié : il bénéficie de plus d’espace que les autres langues, deux versions de traduction (translittérées et éditées) sont présentées (la version du manuscrit de Voroneț, à partir de la copie diplomatique de G. Sbiera, 1885, et la version imprimée par Coresi à 1653, à partir de la reproduction en fac-similés de I. Bianu, 1930). Un petit lexique comprenant la traduction en fr. des mots en a. roum. facilite la compréhension des deux textes (t. VI, pp. 195–207). Les auteurs n’ont pas assumé le rôle de « fournir des éléments de comparaison étrangers aux textes retenus », des bibliographies (t. 1, p. 10), des cartes, des facsimilés ou (sauf pour l’a. roum.) des glossaires ; ainsi, c’est aux professeurs de remplir la tâche d’expliquer les matériaux mis à leur disposition et de compléter les données « volontairement partielles » (t. 1, pp. 9s.).
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2.2.2 Die Bibel in der Romania : Matthäus 6, 5–13 (Heger 1967)
Le petit volume Die Bibel in der Romania : Matthäus 6, 5–13 (XVI + 38 pp.) compilé par Klaus Heger est le premier de la série Romanische Paralleltexte (Tübingen, Niemeyer), coordonnée par Kurt Baldinger. La série avait été conçue en plusieurs volumes contenant des traductions romanes parallèles des différents textes (littéraires, comme Le Roman de la Rose, fragments de Cervantes, Dante, Boccace, Raymond Llull, Augustin, et non-littéraires, techniques, juridiques, etc.). Malheureusement, seuls les deux premiers volumes ont été publiés. Après la courte introduction du coordonnateur de la série éditoriale, sont présentées des explications concernant l’objectif et l’organisation du premier volume, ainsi que la liste des idiomes romans illustrés et les sources des textes retenus. Le but de ce premier volume, et d’ailleurs de toute la série prévue, est, en premier lieu, didactique. Le texte choisi (un extrait de la Bible, bien connu au public cultivé), ainsi que la disposition synoptique des traductions (les langues sont ordonnées verticalement, de manière que l’on puisse visualiser d’un seul coup d’œil les mots correspondants en différents idiomes) font de cet ouvrage un matériel attractif et facile à utiliser pendant les cours pratiques de linguistique romane, même si l’auteur n’a pas prévu de notes linguistiques ni d’index. L’auteur compare un texte grec (relevé comme source de traduction), deux textes lat. (la version Itala et la version Vulgate) et 38 traductions (pré)modernes et contemporaines en langues et variétés romanes. Les dial. et les créoles y sont bien représentés. Les domaines romans illustrés sont : l’Ibéro-Romania (le ptg., le gal., l’asturien, l’esp., le judéo-esp., le cat.), la Gallo-Romania du Sud et l’Italie Septentrionale (le gasc., l’occ., le prov., le vaudois, le piémontais, le bergamasque, le milanais, le génois, le vénitien), le domaine du rhéto-frioulan (le frioulan, l’engadinois et, avec deux variantes de périodes différentes, le sursilvain), la Gallo-Romania du Nord (le fr., avec deux variantes catholiques et une variante évangélique, le franc-comtois, le saintongeois, le normand, le picard, une variante en fr. huguenot de Mariendorf), la Sardaigne (le logoudorien et le campidanien), l’Italo-Romania (l’it., le corse, le napolitain, le calabrais, le sicilien), la Romania balkanique (le roum. et l’aroum.), les créoles romans (São Tomé et le Ceylan pour le ptg., Curaçao pour l’esp., mauricien et haïtien pour le fr.).
2.2.3 Titus Livius, Ab urbe condita I. 1–9 (Wittlin 1970) Le deuxième volume (et le dernier) de la série Romanische Paralleltexte, paru en 1970 (90+XIV pp.), a comme base le premier livre de la première décade de Ab Urbe Condita de Tite-Live (c. 59 avant J.-C.–17 après J.‑C.). Curt J. Wittlin, son éditeur, ambitionne de susciter l’intérêt des étudiants pour les techniques de l’édition de texte (collationner, émender, etc.).
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L’ouvrage comprend le texte lat. de Tite-Live, accompagné en bas de page par le commentaire du théologien Nicolas Trevet (deuxième moitié du XIIIe siècle – première moitié du XIVe siècle), rédigé toujours en lat. (pp. 2–27), et un nombre de traductions médiévales et versions abrégées en fr., it., esp., cat. et anglais–scots. Les textes fr. (pp. 28–74) et esp. (pp. 29–75) se trouvent dans la moitié supérieure de la page (le fr., au verso, et l’esp., au recto), les textes en cat. (pp. 28–74) et it. (pp. 29–75) sont placés dans la moitié inférieure de la page (le cat., au verso, et l’it., au recto), la disposition permettant une appréhension visuelle simultanée de ces quatre langues. Les versions abrégées fr. (pp. 76–78) et esp. (pp. 78–80) sont présentées l’une après l’autre. Un texte en anglais–scots (pp. 81s.) y est ajouté. Chaque texte est reproduit d’après un seul ms., et non d’après une édition critique. Les erreurs graphiques et de traduction ont été délibérément maintenues de sorte qu’elles peuvent être commentées par rapport aux variantes correspondantes d’un second ms. indiquées dans l’annexe du vol. (pp. 83–90). Les textes sont précédés d’une introduction générale et d’une introduction bibliographique, qui familiarise les étudiants avec les références critiques de base et qui rend compte aussi des mss. source utilisés, des mss. ultérieurs, du contexte de leur parution, etc.
2.2.4 Untersuchungen zur Verbalsyntax der Liviusübersetzungen in die romanischen Sprachen (Stein 1997) L’ouvrage consiste en deux parties principales : une étude de l’évolution de phénomènes syntaxiques dans les langues romanes, étude basée sur des documents réunis dans un corpus et partant de données quantitatives – une des premières études de ce genre sinon la première – suivie de l’édition des documents du corpus. C’est cette deuxième partie qui nous intéresse ici : l’édition des 14 premiers chapitres des traductions de Tite-Live, Ab Urbe condita dans les langues romanes, dès les premières traductions au début du XIVe siècle jusqu’aux traductions modernes. L’édition, une synopsis de 42 traductions et du texte latin, se trouve aux pages 275 à 604 de l’ouvrage. Il s’agit de 15 versions françaises, une catalane, 7 espagnoles, 3 portugaises, 11 italiennes et 5 roumaines. Selon l’auteur de l’ouvrage, l’édition devrait contenir toutes les traductions faites du début (Santa Croce 1323 et Bersuire c.1356) à la fin du XIXe siècle ; pour le XXe siècle il n’exclut pas la possibilité de quelques lacunes. La synopsis des traductions est faite phrase par phrase, suivant la répartition moderne de l’ouvrage de Tite-Live, la phrase latine se trouvant toujours en tête. Dans l’ordre des traductions le français précède toujours, suivi du cat., de l’esp., du ptg., de l’it. et du roum. ; l’ordre des traductions pour chaque langue suit l’ordre chronologique dans lequel les traductions ont été faites.
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Dans un chapitre introductif, précédant l’étude syntaxique, les traducteurs et les traductions sont présentés, ce qui donne un résumé de l’histoire des traductions de Tite-Live dans les langues romanes.
2.2.5 Oratio Dominica Romanice (Heinimann 1988) Le recueil du romaniste Siegfried Heinimann (XII + 224 pp.), paru en 1988 dans la série Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie (vol. 219), consiste en versions romanes (et lat.) de l’oraison dominicale tirées de 74 sources. L’ouvrage s’adresse aux spécialistes romanistes et à ceux qui s’intéressent à l’histoire des idées, en général. Le volume est utile aussi pour les cours pratiques de linguistique et philologie romane. L’évolution historique de l’oraison dominicale citée dans les Évangiles (Matthieu 6.9 et Luc 11.2) est suivie à partir de la première attestation intégrale en lat. (chez Tertullien, De Oratione, première moitié du IIIe siècle) jusqu’au XVIe siècle, inclus. Les langues illustrées par un nombre variable de textes (certains, dans plusieurs versions) chronologiquement ordonnés sont : le fr. (16), l’it. (15), le cat. (8), le ptg. (4), le prov. (5), le rhéto-roman (3), le roum. (3), le sarde (4), l’esp. (9), plus le lat. (7). Vu la période concernée, la présence de quelques variétés romanes régionales s’impose (par ex., le toscan, le vénitien, le piémontais ; le picard, l’anglo-normand). Avant le corpus des textes (pp. 71–224), on trouve une introduction détaillée (pp. 1–21) sur la problématique de la transmission du texte, de sa traduction dans les langues vernaculaires et sur le rapport entre ces traductions et l’original lat. Comme l’oraison dominicale a toujours été d’un grand intérêt non seulement pour les philologues, la bibliographie thématique est immense ; de même, la bibliographie critique de ce volume (pp. 22–52) et la liste des sources utilisées (manuscrites et imprimées, pp. 53–70) sont très riches. L’ouvrage n’a pas de glossaire, ni d’index. L’exposé introductif du volume est complété et précisé par d’amples renseignements (entre autres bibliographiques) sur chaque texte. Les notes de bas de page indiquent des variantes de lecture ou contiennent des commentaires critiques, l’aspect linguistique proprement-dit n’étant pas privilégié.
2.2.6 Crestomatía iberorrománica. Textos paralelos de los siglos XIII–XVI (Riiho/Eerikäinen 1993) L’ouvrage des romanistes finlandais (269 pp.) contient vingt paires de textes parallèles ibéro-romans, qui recouvrent la période du XIIIe siècle jusqu’au XVIe siècle. Les textes proprement-dits s’accompagnent de remarques préliminaires et d’une introduction sur le but de l’ouvrage, les problèmes de la traduction (surtout dans le Moyen Âge ibérique) et le choix des textes. Ils sont suivis d’une bibliographie générale et d’une bibliographie additionnelle utile, qui renvoie aux éditions d’autres textes
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avec des versions parallèles, qui n’ont pas été sélectionnés pour ce volume, mais qui peuvent fournir aussi le point de départ pour des études comparatives. Chaque paire de textes est précédée d’une bibliographie et de quelques informations sur l’auteur, les circonstances de la parution du texte / de la traduction, la relation entre l’original et la traduction ou entre les textes correspondants ayant la même source, ainsi que sur les éditions utilisées. Les auteurs ont parfois considéré opportun d’offrir aussi la version originale des traductions. Les paires de textes comparés sont présentées par ordre chronologique. Le choix des textes est assez varié. Le premier groupe, le plus étendu (pp. 18–145), comprend des textes en gal.-ptg. et en esp. : des échantillons du code Fuero Real rédigé en castillan pendant le règne d’Alphonse X le Sage et traduit en ptg. ; des fragments de droit canonique de la première partie des Siete Partidas, avec la version en ptg. ; deux traductions, en castillan et en ptg., d’un passage du Nouveau Testament, suivies de la version lat. de la Vulgate ; un fragment de El libro de Buen Amor de Juan Ruiz, avec la traduction en ptg. ; un fragment de La Crónica troyana, en version esp. et en gal. ; des fragments en gal., ptg. et castillan de La leyenda de los siete infantes ; des passages du cycle du Graal ; deux traductions, en ptg. et en castillan, des passages de Libro de Marco Polo. La deuxième section (pp. 147–232) contient des textes parallèles en esp. et en cat. : des traductions de Forum Judicum (avec une version lat.), de la Segunda Partida d’Alphonse X, d’un fragment de l’Évangile (avec la version lat.) ; un fragment de la version cat. du Libro de Marco Polo comparé à la traduction castillane ; deux passages de la légende de Barlaam et Josaphat (avec une version lat.) ; un chant de la Divina Comedia en traduction castillane et cat. (avec le correspondant it.) ; un fragment de la version castillane de Tirant lo Blanc. Dans la troisième section (la plus réduite, pp. 233–258) sont incluses deux paires de textes parallèles en gal.-ptg. et en esp. et leur version lat. : deux versions de Diálogos de Saint Grégoire le Grand et deux traductions de Soliloquia animae ad Deum. Même si les textes ne sont pas accompagnés de commentaires ou de notes linguistiques, le volume offre une sérieuse base de travail pour les linguistes, ainsi que pour les philologues et les théoriciens de la traduction.
2.3 Brève présentation de l’Inventaire systématique des premiers documents des langues romanes (Frank/Hartmann 1997) L’impressionnant Inventaire systématique des premiers documents des langues romanes en 5 volumes (399 pp., 387 pp., 389 pp., 523 pp., 531 pp.) édité par Barbara Frank et Jörg Hartmann, avec la collaboration de Heike Kürschner, est paru en 1997, chez Narr (ScriptOralia 100/I–V), à la suite d’un projet de recherche réalisé entre 1985 et 1996 à l’Université de Fribourg-en-Brisgau. Le catalogue comprend des documents écrits (entièrement ou partiellement) en langue romane entre le VIIIe siècle et le XIIIe siècle, inclus. Les documents (compris
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comme supports – pierre, papier, cire, etc. – qui ont reçu une inscription, Ier vol., p. 13) sont décrits par des fiches avec la même configuration des rubriques : dans la colonne de gauche, le lieu actuel et antérieur de conservation du document, le lieu d’origine, la description codicologique et (pour les recueils collectifs et pour les cartulaires) le contenu, des mentions annexes (données par les scribes, les archivistes, etc.) et des références bibliographiques ; dans la colonne du milieu, le nom du texte roman, le début et la fin du texte et (s’il est très court) le texte en entier, l’incipit/ l’explicit, la mise en page et la description paléographique ; dans la colonne de droite, le genre du texte, la date du ms. et du texte, (rarement) le lieu de composition du texte, la langue et les indications métacommunicatives des participants à la production et à la réception du texte. Les fiches descriptives sont classées selon la tradition de textes dont relèvent les textes romans : (vol. II) 1. énoncés métalinguistiques, explicatifs et commémoratifs (inscriptions ; titres d’images ; sceaux ; gloses ; glossaires ; essais de plume et autres textes mineurs) ; 2. littérature de caractère religieux (traductions et paraphrases de la Bible ; traductions de textes liturgiques ; paraliturgie ; légendes hagiographiques ; sermons ; textes cléricaux à usage pratique) ; (vol. III) 3. littérature instructive et scientifique (collection du savoir de base ; théologie, morale et philosophie ; sciences pratiques) ; 4. poésie profane (chansons de geste ; romans en vers ; romans en prose ; petits genres narratifs ; poésie lyrique ; poésie bourgeoise) ; 5. historiographie (chroniques rimées ; historiographie en prose) ; 6. législation (lois et coutumes ; chartes-loi) ; (vol. IV) 7. chartes (en fr., occ.) ; (vol. V) chartes (en it., sarde, cat., esp., ptg.) ; 8. lettres ; 9. documents administratifs (cartulaires ; tarifs ; relevés ; notices). À l’intérieur de chaque groupe, les documents sont ordonnés chronologiquement ; pour les chartes, le critère dial. a été privilégié. Les éditeurs ont utilisé des fac-similés et des descriptions des mss. trouvés dans des éditions et des catalogues de bibliothèques ou, au besoin, ont consulté les mss. sur place. Les critères adoptés dans le choix des documents et dans leur classement sont expliqués en détail dans le Ier vol. (pp. 13–108). L’introduction est suivie d’une très riche bibliographie (pp. 115–257). La consultation de ce vaste ouvrage est rendue facile par les tables des mss. cités, de la chronologie des documents, des noms de lieux et des dialectes, des noms d’ouvrages et des auteurs médiévaux et des auteurs cités (pp. 259–394).
3 Les corpus électroniques comprenant plus d’une langue romane Les deux premiers corpus présentés dans ce chapitre sont des corpus comparables. La plupart sont toutefois des corpus parallèles et contiennent aussi des langues nonromanes.
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3.1 Le corpus C-ORAL-ROM et le corpus de Berkenbusch (2002) 3.1.1 C-ORAL-ROM : Integrated Reference Corpora for Spoken Romance Languages http://lablita.dit.unifi.it/coralrom/ (voir aussi Cresti/Moneglia 2005 ; Romano 2007 ; Deulofeu/Caddéo 2009) Le corpus C-ORAL-ROM, conçu comme corpus oral des langues romanes, fournit des échantillons multimédia comparables pour quatre langues romanes de large diffusion : le fr., l’it., le ptg. et l’esp. Ce corpus est le résultat du projet de recherche Integrated reference corpora for spoken romance languages. Multi-media edition, tools of analysis, standard linguistic measures for validation in HLT (Corpus de référence pour les langues romanes orales. Éditions multimédia, outils d’analyse, mesures de standards linguistiques pour la validation des technologies développées en ingénierie linguistique) financé par l’Union Européenne au sein du programme IST2000–26228 du 5e programme‑cadre. Le projet (dont la page web officielle est http://lablita.dit.unifi.it/coralrom) a été entamé en 1999 par Emanuela Cresti, Massimo Moneglia, Claire Blanche-Benveniste, Fernanda Bacelar, Philippe Martin, Francisco Marcos Marín et Carlota Nicolás et supporté et coordonné par l’Université de Florence, impliquant après l’Université de Provence (DELIC, Description Linguistique Informatisée sur Corpus), l’Université de Lisbonne (CLUL, Centro de Linguística da Universidade de Lisboa), l’Université Autonome de Madrid (Departamento de lingüística, Laboratorio de Lingüística Informática) et, bien sûr, l’Université de Florence (LABLITA, Laboratorio linguistico del Dipartimento di italianistica). Les échantillons de corpus proviennent du Portugal européen, de l’Espagne castillane centrale, du sud de la France et de l’ouest de la Toscane et représentent une possible variante standard de langue parlée dans ces régions (Cresti/Moneglia 2005, 8). Les enregistrements sont faits depuis le début des années ’70. C-ORAL-ROM comprend 772 textes oraux (environ 300.000 mots pour chaque langue considérée) et 121 heures et 43 minutes d’enregistrements des 1427 locuteurs. Les enregistrements ont une longueur variable. Des transcriptions orthographiques, partielles ou totales, en format standard, sont disponibles ; elles sont aussi synchronisées avec les documents sonores. Pour chaque langue, il y a une quantité comparable d’enregistrements du registre formel (trois catégories : média – documentaires, interviews, actualités, presse scientifique, sport, émissions-débat, météo ; contexte naturel – commercial, conférence, loi, débat politique, discours politique, sermon religieux, explication professionnelle, enseignement ; téléphone – interactions homme-machine, conversations privées) et informel (conversations, monologues, dialogues repartis en deux catégories – famille / privé et publique). Les caractéristiques du locuteur (sexe, âge, éducation, profession et lieu d’origine) et du contexte d’enregistrement (le contexte social, le registre, le sujet, etc.) sont notées pour chaque enregistrement. Les corpus C-ORAL-ROM comprennent des annotations. La consultation des corpus est possible grâce à Macro
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media Flash Player et un logiciel d’analyse, WinPitch Corpus, et nécessite une minime initiation préalable (cf. Romano 2007, 375). Les corpus de C-ORAL-ROM peuvent être utilisés dans divers domaines de recherche (la technologie de la parole, la lexicographie, l’analyse et la grammaire de la conversation, la linguistique comparative, etc.), ainsi que dans l’enseignement des langues romanes orales. C-ORAL-ROM est disponible sous deux formes : sur un DVD, ensemble avec le vol. Cresti/Moneglia (2005), avec les ressources comprimées et cryptées, cette forme étant destinée à la recherche et à une large distribution dans la communauté linguistique ; sur 9 DVD, contenant une version non-cryptée, destinée aux centres de recherche en technologie de la parole, distribués par le catalogue ELDA (http://www.elda.fr) (Cresti/Moneglia 2005, XI).
3.1.2 Le volume de Berkenbusch (2002), Hörer beraten Hörer. Gesprächsorganisation und Verfahren der mündlichen Textproduktion. Eine vergleichende konversationsanalytische Studie zu spanischen, katalanischen und französischen Radiosendungen mit Hörerbeteiligung, paru à Tübingen (Stauffenburg Verlag), comprend aussi le corpus analysé (pp. 263–312) : 29 textes, d’une longueur différente, en esp. (14), cat. (12) et fr. (3), au total environ 12.000 mots. Les échantillons de corpus sont des fragments d’émissions de radio similaires (La nit dels ignorants de Catalunya Ràdio, l’émission andalouse La noche de los sabios et l’émission française La nuit des sans-sommeils), enregistrées en 1994 et 1995. Ces fragments ont des transcriptions orthographiques semi-interprétatives. Ils sont précédés de quelques informations extralinguistiques et bénéficient d’une traduction interlinéaire en allemand. Comme le volume s’accompagne d’un CD audio qui contient les enregistrements correspondant aux textes transcrits, nous avons trouvé utile de signaler ce petit corpus oral dans cette section.
3.2 Les corpus comprenant plus d’une langue romane, à côté des langues non‑romanes On trouve sur l’internet un nombre important de corpus électroniques comprenant plus d’une langue romane (à côté des langues non‑romanes, dont l’anglais est de loin la plus fréquente). Ils sont disponibles dans certaines conditions, beaucoup d’entre eux sont non-payants. Ces ressources linguistiques se caractérisent par une forte dynamique. Nous énumérerons ici seulement les corpus les plus connus. Le nom du corpus s’accompagne de son adresse électronique, des langues romanes comprises et d’une référence bibliographique qui le décrit en détail :
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InterCorp http://ucnk.ff.cuni.cz/intercorp/?lang=en (cat., fr., it., esp., ptg., roum.) comprend des textes juridiques de l’Acquis communautaire et des textes journalistiques et littéraires. Voir aussi Čermák/Rosen (2012) et Čermák/Corness/Klégr (2010). Europarl : A Parallel Corpus for Statistical Machine Translation http://www.statmt.org/europarl/ (fr., it., esp., ptg., roum.) se base sur les actes du Parlement Européen. Voir aussi Koehn (2005).
JRC-ACQUIS. Multilingual Parallel Corpus http://ipsc.jrc.ec.europa.eu/index.php?id=198 (fr., it., esp., ptg., roum.) comprend surtout des documents juridiques. Voir aussi Steinberger et al. (2006).
EMEA (European Medicines Agency) http://www.ema.europa.eu/ema (fr., it., esp., ptg., roum.) est constitué de textes sur des médicaments, émis de l’Agence Européenne des Médicaments. Voir aussi Tiedemann (2009). Un inventaire des corpus électroniques disponibles gratuitement sur l’internet se trouve à l’adresse : http://opus.lingfil.uu.se, source d’information décrite par Tiedemann (2012). Voir aussi le site http://metashare.elda.org.
4 Bibliographie Baldinger, Kurt (1981), compte rendu : Sampson, Rodney (1980), Early Romance texts : An Anthology, Zeitschrift für romanische Philologie 97, 195–200. Bec, Pierre (1970–1971), Manuel pratique de philologie romane, 2 vol., tome I : Italien, espagnol, portugais, occitan, catalan, gascon, tome II : Français, roumain, sarde, rhéto-frioulan, francoprovençal, dalmate. Phonologie. Index, avec la collaboration, pour le roumain, de Octave Nandriș et, pour le dalmate, de Žarko Muljačić, Paris, Picard. Berkenbusch, Gabriele (2002), Hörer beraten Hörer. Gesprächsorganisation und Verfahren der mündlichen Textproduktion. Eine vergleichende konversationsanalytische Studie zu spanischen, katalanischen und französischen Radiosendungen mit Hörerbeteiligung, Tübingen, Stauffenburg (+ CD). Buridant, Claude (2002), Chrestomathie des langues romanes. I. Éléments de bibliographie, Strasbourg, U.F.R. des Lettres et Centre de Linguistique et Philologie Romane (http://u2.u-strasbg.fr/ ici/UMB/tele/pdf/Chrerom1.pdf consulté dans la période 15 janvier – 31 mars 2014, comme d’ailleurs toutes les sources électroniques citées dans cette bibliographie). Čermák, František/Corness, Patrick/Klégr, Aleš (edd.) (2010), InterCorp : Exploring a Multilingual Corpus, Praha, Nakladatelství Lidové noviny /Ústav Českého národního korpusu. Čermák, František/Rosen, Alexandr (2012), The case of InterCorp, a multilingual parallel corpus, International Journal of Corpus Linguistics 17, 3, 411–427.
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Le portugais
Esperança Cardeira et Silvio Toledo Neto
2 Portugais : textes anciens
Abstract : Nous avons des documents écrits en ptg. dès la fin du XIIe siècle : il s’agit de textes poétiques (lyrique troubadouresque), de documents non littéraires et de prose littéraire. On présente ici, accompagnés de références bibliographiques et commentaires, quelques exemples de ces textes. Puisque la fin de la période du ptg. a. se situe vers le début du XVe siècle, on fera aussi référence à des textes qui intègrent le ptg. moyen, jusqu’au milieu du XVe siècle.
Keywords : lyrique profane gallego-portugaise, portugais médiéval, les plus anciens documents écrits en portugais, documents non littéraires, prose littéraire
1 Galicien-portugais : lyrique profane
La désignation « galicien-portugais » s’applique, plutôt qu’à la voie orale, à une tradition écrite qui a assemblé, dans des feuilles volantes, des carnets de chants et des compilations individuelles et collectives, l’art poétique des troubadours, dès la seconde moitié du XIIe siècle. Ces compositions sont conservées dans trois recueils de chansons qui présentent une écriture dont la régularité suggère un modèle conservateur, utilisé dans un milieu raffiné et restreint.
1.1 Les chansonniers Cancioneiro da Ajuda : le plus ancien recueil de poésie date de la fin du XIIIe, début du XIVe siècle. Bien qu’incomplet et inachevé, ce chansonnier est représentatif du genre amour de la lyrique des troubadours gal. et ptg., et comprend 310 compositions et 38 auteurs.1 Copié par plusieurs mains, le chansonnier présente, toutefois, une écriture très uniforme et régulière. La copie a la particularité de réserver de l’espace pour la transmission de musique, bien que la notation n’existe pas.
Cancioneiro da Vaticana : tout comme le Cancioneiro da Biblioteca Nacional (Colocci-Brancuti), il s’agit d’une collection générale de la poésie d’amor, amigo et escarnho e maldizer. Tous deux ont été copiés sous la direction d’Angelo Colocci, autour de 1525–1526, dans l’environnement de la Curie romaine. Ce sont, par conséquent, des copies du XVIe siècle qui semblent provenir de la même origine, peut-être retracée au
1 Le ms. ne permet pas d’identifier les troubadours, mais les mss. copiés en Italie, avec des lignes attributives, permettent l’identification de plusieurs auteurs.
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Livro das Cantigas de D. Pedro (1340–1350). Le codex, en possession de la Bibliothèque du Vatican depuis 1558 [Vat. Lat. 4803], a donné lieu à une copie du XVIe ou du XVIIe siècle, le Cancioneiro da Bancroft Library (ou Cancioneiro de um Grande d’Hespanha). En 1840, Ferdinand Wolf découvre le codex du Vatican, et Caetano Lopes de Moura l’édite partiellement ; en 1875, Ernesto Monaci en fait une édition diplomatique complète. Transcrit par un seul scribe, dans une écriture humaniste cursive plutôt barrée, il devient, à bien des endroits, difficile à lire. Il est possible que la copie fût censée être une offre, et donc le soin esthétique était plus grand que le soin philologique.
Cancioneiro da Biblioteca Nacional (Colocci-Brancuti) : c’est le chansonnier qui conserve le plus grand nombre de textes et d’auteurs de la lyrique profane gal.-ptg. et c’est le seul qui contient l’Arte de Trovar.2 C’est aussi le seul témoignage de près de 250 compositions et il permet l’identification de nombreux poètes. On y trouve six mains différentes, qui ont, peut-être, travaillé simultanément sur une copie divisée en plusieurs cahiers. En 1875, le codex est découvert dans la bibliothèque du comte Paolo Brancuti et Monaci en devient le propriétaire. Enrico Molteni a publié, peu après, les parties qui ne coïncident pas avec le codex du Vatican. Il appartient, depuis 1924, à la Bibliothèque Nationale du Portugal [COD 10991]. Le codex a subi plusieurs mutilations et divers accidents, mais il est toujours possible de recréer la structure prévue par Colocci et la Távola Colocciana3 nous permet de combler certaines lacunes. Il est assez utile pour des études linguistiques et stemmatiques non seulement à cause de la fidélité apparente des copistes au modèle, mais aussi par les notes marginales de Colocci.
1.2 Fragments Pergaminho Vindel : découvert par Pedro Vindel, ce parchemin se trouve depuis 1977 dans la Pierpont Morgan Library à New York. C’est une feuille volante ou un rouleau, datable de la fin du XIIIe siècle, qui contient sept chansons d’amigo de Martin Codax, avec la notation musicale.
Pergaminho Sharrer : en 1990 Harvey L. Sharrer trouve à Torre do Tombo, à Lisbonne, un folio mutilé, de la fin du XIIIe ou début du XIVe siècle, contenant des fragments de 7 chansons d’amor du roi Dinis, avec la notation musicale. C’est peutêtre un folio en vrac d’un chansonnier individuel (le Livro das Trovas de el-Rei D. Dinis,
2 L’Arte de Trovar est un traité fragmentaire sur la poétique, à des fins didactiques, qui définit les genres, la métrique et les règles structurelles. 3 Il s’agit d’un index de troubadours gal.-ptg, préparé par Colocci, probablement au cours de la copie du Cancioneiro da Biblioteca Nacional.
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Portugais : textes anciens
mentionné dans l’inventaire de la librairie de D. Duarte), d’un recueil collectif perdu ou d’un précédant intermédiaire de l’archétype du Cancioneiro da Biblioteca Nacional et du Cancioneiro da Vaticana.
2 Le portugais médiéval 2.1 Documents non littéraires En ce qui concerne la plus ancienne production gal. et ptg. de documents nonlittéraires, Cintra (1963) considère deux régions géographiques distinctes par la chronologie et la quantité des documents : (i) une région qui comprend la Galice et le nord-ouest ptg. jusqu’au fleuve Mondego, à forte densité démographique, avec un système très fragmenté de la propriété et abondante production de documents privés, dont nous avons des témoignages a partir du IXe siècle ; (ii) le nord-est, l’est et le sud du Portugal, région moins peuplée, qui a été plus longuement dominée par les musulmans. Dans cette région, la documentation suit le mouvement de la Reconquête, à partir du XIIIe siècle. Dans ces deux domaines, la documentation est organisée en quatre groupes : a) chartes royales : a partir de 1096 nous disposons des chartes octroyées d’abord par les comtes du Portugal ; puis, par le roi. La première charte royale rédigée en ptg., le testament du troisième roi, Alphonse II, date de 1214. C’est à partir de 1255 que l’on voit apparaître graduellement des chartes royales en ptg., issues de la chancellerie d’Alphonse III ; b) chartes privées : au-delà des documents rédigés en lat. et plus ou moins mêlés de formes ptg. (le plus ancien document connu est l’acte de la fondation de l’église de Lardosa, de 882),4 on dispose de documents en ptg. écrits à la fin du XIIe siècle5 et au début du XIIIe : la Notícia de Torto est datable de ca. 1214. Après 1250, les témoignages de l’écriture en ptg. deviennent plus fréquentes : deux actes de Mogadouro de 1253, plusieurs documents du XIIIe siècle après 1255 (Castro 2004). Le Livro dos Bens de D. João de Portel est un cartulaire privé remarquable, avec de nombreuses chartes rédigées en lat., esp. et ptg., écrites probablement avant 1285 (Azevedo 1906–1910). Au cours des dernières années trois collections de documents ont été publiées, aux transcriptions très scrupuleuses et d’un grand intérêt pour les études linguistiques
4 Bien qu’écrit en lat., ce document (IAN-TT, CR, mosteiro de S. Pedro de Cete, maço 1, doc. 1) présente les premières attestations d’un changement phonétique caractéristique du roman du nord-ouest de la Péninsule, la syncope de -n- intervocalique: moastica (au lieu de monastica) et elemosias (au lieu de elemosynas). Une étude récente du document se trouve à Emiliano (2003). 5 Les deux documents qui ont longtemps été considérés du XIIe siècle, un Auto de Partilhas et le Testamento de Elvira Sanches, sont, en effet, des copies de la fin du XIIIe siècle, faites à partir de documents en lat. de 1192 et 1193 (Cintra 1963; Costa 21992).
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(Maia 1986 ; Martins 2001 ; Brissos 2012). Ces ensembles de documentation, dont l’édition est suivie d’une analyse linguistique, couvrent la période allant de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe. c) lois locales (Foros et Forais) : chartes qui contiennent les droits des villes, édités dans la série Portugaliae Monumenta Historica.6 Parmi les plus anciennes, se trouvent les Foros de Garvão, de 1267 (Castro 2004). d) inquirições et lois générales : les Inquirições sont les registres des enquêtes que les rois du Portugal ont fait faire sur les propriétés et les droits de la couronne, au cours du XIIIe siècle ; ils fournissent d’abondants matériaux pour l’étude de l’onomastique. À noter, les Inquirições Gerais de D. Afonso II, de 1220, conservées en copie postérieure à 1289, et les Inquirições Gerais de D. Afonso III, de 1258, conservées aussi en copie postérieure. Plus tardif, le Livro das Leis e Posturas ou Livro das Leis Antigas, ms. de la fin du XIVe siècle, contient les plus anciennes lois générales.
2.1.1 Les documents les plus anciens L’adoption du ptg. comme langue d’écriture date du début du règne du sixième roi du Portugal, Dinis (1279). Néanmoins, avant cette date on écrivait déjà en ptg. Castro (2004) décrit comme « production primitive » la production sporadique en langue ptg. avant son adoption régulière dans les cours des rois Alphonse III et Dinis. La « production primitive » couvre ainsi une centaine d’années, à partir du milieu du XIIe siècle au milieu du XIIIe. De récentes découvertes indiquent que cette production primitive, bien que réduite, couvrait l’ensemble du royaume : au cours de la première moitié du XIIIe siècle on écrivait en ptg. dans différents milieux sociaux et à des fins juridiques et administratives diverses. Martins (1999 ; 2007) identifie, dans cette documentation, deux types de scripta : un type conservateur, dans les documents privés, marqué par une grande variation graphique, et un type innovateur ou stabilisé qui révèle un processus de sélection entre variantes graphiques, typique des documents de la chancellerie royale. Appartiennent à la première catégorie la Notícia de Torto et la Notícia de Fiadores de Paio Soares Romeu ; à la deuxième, les deux versions connues du Testamento de Afonso II, de 1214. Après 1255 le type innovateur devient plus fréquent et le type conservateur disparaît progressivement.
6 Vol. II : Leges et Consuetudines. Le même volume contient le Livro das Leis e Posturas.
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2.2 Documents littéraires Les textes littéraires ptg. du XIIIe au XVe siècle ne sont généralement pas des autographes mais des copies. Ils ont souvent des généalogies complexes et n’offrent pas d’informations claires sur l’auteur, la date et la provenance. L’étude des textes littéraires en tant que documents linguistiques suppose la réponse à ces questions, pour que l’on puisse approcher, avec plus de certitude, la variété linguistique enregistrée. Littérature religieuse : issues des scriptoria de monastères comme Alcobaça, Santa Cruz de Coimbra et Lorvão, parmi d’autres centres culturels de l’époque, nous avons des copies de nombreuses œuvres religieuses, qui présentent les règlements de la vie monastique, aussi bien que des hagiographies et des traités de nature allégorique, morale et ascétique : la Regra de São Bento en fournit un exemple.
L’historiographie méd. ptg. remonte aux sources latines, compilées vers la fin du XIe siècle et au début du XIIe dans un cadre monastique. Depuis les premiers rapports, les mémoires de la Reconquête et la fondation du Portugal, ainsi que les traditions familiales et les histoires des premières familles nobles du royaume, sont enregistrées. Ces récits historiographiques ont une fonction pragmatique, car ils cherchent à réglementer et valider les droits, les dons et les biens, ainsi qu’à définir la succession des rois et à assurer la légitimité de cette succession. Ils présentent parfois des récits mythiques et légendaires, qui sont parsemés de faits et de dates soi-disant historiques : Crónica Geral de Espanha de 1344, Crónica Breve do Arquivo Nacional, Livro de Linhagens en sont des exemples.
Fiction : l’un des principaux ensembles qui composent la fiction en prose méd., la Matéria de Bretanha, nous parle du roi Arthur et le Saint Graal. La traduction ptg. du cycle de la Post-Vulgate est préservée en trois parties : Livro de José de Arimateia, Merlim et Demanda do Santo Graal.
3 Anthologies 3.1 Les principales anthologies du portugais ancien La première anthologie de textes du ptg. a. qui mérite une mention est celle qui a été préparée par Leite de Vasconcelos, auteur de référence incontournable pour la linguistique ptg. : Textos Archaicos, para uso da aula de philologia portuguesa (51970), publiée la première fois en 1905. Elle contient des documents en lat. (IXe–XIIe siècles), des documents non littéraires en ptg. (XIIe–XIIIe siècles) des textes poétiques et en prose (XIIIe–XVIe siècles). Avant chaque extrait, l’auteur indique l’édition d’origine et
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fait des observations plus ou moins détaillées sur les œuvres et les témoignages et explicite les normes adoptées pour la transcription. Il y a une annexe avec des documents de Galice des XIIIe–XVIe siècles et, par la suite, des notes historiques, littéraires et linguistiques sur le ptg. archaïque et le gal. en général et des notes spécifiques sur les textes publiés. L’ouvrage se termine par un glossaire des mots communs et des N propres. Ce travail a ouvert la voie aux anthologies suivantes, car il définit une structure et un but : un recueil de textes organisés par époque et genre textuel, avec un but clairement didactique et plus axé sur les caractéristiques des mss. et la tradition littéraire que sur la variation diatopique ou diastratique. Peu après, la Crestomatia Arcaica de José Joaquim Nunes (81981 [1906]), présente une introduction sur l’origine de la langue ptg. et fournit une description détaillée des changements phonétiques, morphologiques et syntaxiques du ptg. archaïque jusqu’au ptg. mod., suivie de deux sections, l’une consacrée à la prose et l’autre à la poésie. La première contient des extraits de textes juridiques et littéraires datant du XIIe au XVIe siècle. La seconde a trois sous-sections : la poésie des troubadours (XIIe–XIVe siècles), la poésie des XIVe et XVe siècles et la poésie courtisane (XVe et XVIe siècles). L’ouvrage contient aussi un glossaire des mots et expressions qui ne sont plus utilisés actuellement ou qui avaient une signification particulière. Tout comme celle de Nunes, la Crestomatia Arcaica de Lapa (41976 [1940]) est une collection de textes commentés (littéraires et non littéraires, poésie et prose, XIIe–XVe siècles), avec un cap. sur l’histoire du ptg. ; An Anthology of Old Portuguese, de Roberts (1956), présente des éditions diplomatiques de textes du IXe au XVIe siècle (prose litéraire et non littéraire, poésie), avec des notes philologiques, table de V irréguliers et glossaire. Contient aussi des chansons d’Alphonse X de Castille (Cantigas de Santa Maria) et des poèmes du Chansonnier gal.-castillan. La plus récente anthologie, História e Antologia da Literatura Portuguesa, vol. I : Séculos XIII–XV (Magalhães 2007) est assez complète, avec des notes qui fournissent le fond historique et culturel des textes et des éditions plutôt conservatrices. Contient des études sommaires, bibliographie de base, petits glossaires et index onomastique. L’ouvrage est divisé en neuf parties, dont quatre sur les XIIIe et XIVe siècles et cinq sur le XVe. On y trouve des études sur l’histoire, la littérature, la poésie et la prose et des anthologies de la poésie et de la prose littéraire et non littéraire des XIIIe et XIVe siècles, aussi bien que des études sur l’histoire et la littérature du XVe siècle (Fernão Lopes, les princes d’Avis, les chroniqueurs, des textes hagiographiques et mystiques). Chacun des neuf morceaux qui composent le travail est enrichi par des références bibliographiques et des glossaires.
3.2 Anthologies pour les études littéraires D’autres anthologies, quoique faites spécifiquement pour les étudiants de littérature, peuvent être consultées avec profit, car elles fournissent soit des textes bien édités,
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soit des échantillons pourvus de notes linguistiques : História da Literatura Portuguesa desde as origens até à actualidade (Remédios 41914), une histoire de la littérature (XIIe–XIXe siècles) qui comprend, à la fin de chaque cap., une petite anthologie, et Textos Portugueses Medievais de Machado (51974 [1959]), avec des textes du XIIIe au XVIe siècle, introduction (les sources de la poésie médiévale et normes de transcription) et de nombreux commentaires linguistiques et littéraires.
3.3 Recueils de prose ou de poésie D’autres recueils de prose ou de poésie méritent d’être mentionnés : Prosa Medieval Portuguesa (Godinho 1986), qui contient des textes commentés (XIIIe–XVe siècles, sauf pour les documents non littéraires, la graphie est actualisée), des informations bibliographiques détaillées et un glossaire ; A Lírica Galego-Portuguesa (Gonçalves/ Ramos 1983), avec présentation critique des chansons, notes linguistiques, petit glossaire et bibliographie. Pour la poésie, l’anthologie la plus récente et complète a été coordonnée par Mercedes Brea (1996) : Lírica Profana Galego-Portuguesa. Corpus Completo das Cantigas Medievais com Estúdio Biográfico, Análise Retórica e Bibliografía Específica. L’ouvrage est présenté en deux volumes, qui rassemblent un corpus de 1700 chansons, avec des informations sur le genre, le schéma métrique, etc. Le recueil se compose de chansons conservées dans les chansonniers Ajuda, Biblioteca Nacional et Vaticana, les rouleaux Sharrer et Vindel et le Lais de Bretanha. Les troubadours sont présentés par ordre alphabétique, avec des fiches biobibliographiques ; l’édition des chansons est accompagnée de notes sur le genre et des informations sur les ressources formelles employées dans la lyrique des troubadours. Les références bibliographiques sont nombreuses et les éditions très fiables.
4 Corpus Plusieurs projets de grands corpus mettent en accès libre des ressources en ligne. De même, on possède des bases de données sur des aspects spécifiques de la langue ou de la documentation méd. Le Corpus Histórico do Português Tycho Brahe (Instituto de Estudos da Linguagem-Univ. Estadual de Campinas, http://www.tycho.iel.unicamp. br/~tycho/corpus/index.html) contient des textes en ptg. écrits par des auteurs nés entre 1380 et 1845. Actuellement, 63 textes sont disponibles pour la recherche libre, avec un système d’annotation morphologique et syntaxique. Le Corpus informatizado do Português Medieval CIPM (Centro de Linguística-Univ. Nova de Lisboa, http:// cipm.fcsh.unl.pt/) comprend des textes lat.-rom. du IXe au XIIe siècle et des textes ptg. du XIIe au XVIe siècle. Le Dicionário do Português Medieval, basé sur CIPM, est un projet en cours d’élaboration, développé en modules : V, N propres et N communs. Le projet a déjà produit le Dicionário de Verbos do Português Medieval, basé sur un
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subcorpus de textes du CIPM du XIIe au XIVe siècle, qui comprend le traitement linguistique des V (chaque entrée lexicale contient des informations sur les formes graphiques, le paradigme flexionnel, les propriétés sémantiques, les propriétés syntaxiques et les attestations). Le Corpus do Português (http://www.corpusdoportugues. org/) organisé par Mark Davies (Univ. Brigham Young) et Michael Ferreira (Univ. de Georgetown) permet de rechercher plus de 45 millions de mots dans environ 57.000 textes en ptg. du XIVe au XXe siècle. Les éditions qui composent le corpus ne sont pas toujours fiables mais il dispose de textes brésiliens et le fait de pouvoir rechercher des mots et des concordances, par genre textuel, registre linguistique et période historique le rend assez utile. Dans Tesouro Medieval Informatizado da Lingua PortuguesaTesouro medieval galego-português (Instituto da Língua Galega, http://ilg.usc.es/ tmilg/) on trouve des œuvres et des collections de documents écrits en ptg. au Moyen Âge. Actuellement, le corpus contient plus de 100 œuvres, comprenant des textes en prose notariale, prose non notariale et en vers. Pour ce qui est de la poésie gal.-ptg., il y a une base de données qui contient toutes les chansons présentes dans les chansonniers gal.-ptg. méd. : Cantigas Medievais galego-portuguesas (Instituto de Estudos Medievais-Univ. Nova de Lisboa, http:// cantigas.fcsh.unl.pt). Le site fournit aussi les images des mss. et la musique. On y trouve des informations sur les auteurs, les personnages et les lieux mentionnés dans les chansons, les aspects formels des textes et un glossaire. On pourra consulter d’autres sites qui fournissent des informations sur les textes du ptg. a., mais qui ne présentent pas les textes. On peut citer notamment la Bibliografia de Textos Antigos Galegos e Portugueses, PhiloBiblon (Univ. Berkeley/Univ. de Lisboa/Univ. Nova de Lisboa, http://sunsite.berkeley.edu/PhiloBiblon/phhmbp. html). Il s’agit d’une base de données biobibliographiques gratuite de textes écrits dans les lg. rom. de la Péninsule Ibérique au Moyen Âge et à la Renaissance. Le PhiloBiblon se compose de quatre bibliographies différentes : BETA (textes a. esp.), BIPA (poésie esp. du Siècle d’or), BITAGAP (textes méd. gal., gal.-ptg. et ptg.) ; BITECA (textes méd. cat.). Pour BITAGAP, la date ad quem des textes est 1520. Cette base de données comprend des textes juridiques, des textes lyriques, de la prose et de la bibliographie secondaire. Le site Scrinium, Traduções Medievais Portuguesas (Centro de Linguística-Univ. Nova de Lisboa, http://www.scrinium.pt/) contient des informations et une bibliographie sur les traductions en ptg. de textes écrits en lat. au Moyen Âge et au début de la Renaissance.
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5 Textes 5.1 Lyrique profane gallégo-portugaise On distingue trois principaux genres de la tradition lyrique gal.-ptg. méd., consignée dans les chansonniers Ajuda (sigle A), Biblioteca Nacional (B) et Vaticana (V) : cantigas de amor, cantigas de amigo et cantigas de escarnho e maldizer. La chanson d’amour (cantiga de amor) se rapproche du modèle prov., soit dans la forme ou le contenu. Le poète aborde la bien-aimée (a senhor), déplorant l’amour non partagé. La chanson qui suit, transcrite dans l’édition de Leite de Vasconcelos (1911, 108) du Cancioneiro da Ajuda (35), a été écrite par l’un des premiers troubadours, le gal. Pai Soarez de Taveirós.
a.
l’analyse de la métrique du texte poétique clarifie certains aspects de la phonétique du ptg. méd. : si chaque vers dispose de 8 syllabes, dans que ensandeceu (11), les deux voyelles en hiatus étaient prononcées ; dans mha (5), monosyllabique, correspond à la semi-voyelle [j] ; la forme arc. moiro (< MORIO ), V morrer (assi moir’eu, 5), a été remplacée par l’analogique morro ; la forme senhor ‘dame’ (5) était toujours uniforme. Certains noms invariables du ptg. a. sont devenus biformes au cours du ptg. moyen et classique (par ex. o/a senhor→o senhor/a senhora, o/a espanhol→o espanhol/a espanhola). D’autres ont changé de genre (par ex. : o→a linguagem, a→o fim) ; quelques mots et expressions méd. n’ont pas survécu : ren, ‘chose’ (2), por en ‘par conséquent’ (4).
b.
c.
d.
5
15
10
(1)
Como morreu quen nunca ben ouve da ren que mais amou,(1) e quen viu quanto receou(2) d’ela, e foi morto por en : Ay mha senhor, assi moir’eu ! Como morreu quen foi amar quen lhe nunca quis ben fazer, e de que lhe fez Deus veer de que foi morto con pesar : Ay mha senhor, assi moir’eu !
20
Com’ome que ensandeceu, senhor, com gran pesar que viu, e non foi ledo,(3) nen dormiu depois, mha senhor, e morreu : Ay mha senhor, assi moir’eu ! Como morreu quen amou tal dona, que lhe nunca fez ben, e quen a viu levar a quen a non valia, nen a val : Ay mha senhor, assi moir’eu !
la bien-aimée ; (2) et celui qui a vu ce qu’il craignait ; (3) et n’a jamais été heureux.
La cantiga de amigo, quoique thématiquement proche de la chanson d’amour, diffère de celle-ci dans la perspective et l’environnement : ici c’est la jeune fille qui se lamente et appelle en témoignage de sa déception amoureuse les éléments de la nature. La chanson qui suit est, probablement, de Martin Codax et se trouve dans les chansonniers B (1284), V (890) et dans le Pergaminho Vindel (avec la notation musicale). On présente ces trois versions, pour que l’on puisse comprendre comment
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la confrontation entre les versions permet la préparation d’une édition critique de la chanson :
Ay ondas que eu vin veer se mi saberedes dizer porque tarda meu amigo sen mi Ay ondas que eu se mi saberedes contar porque tarda meu amigo
Ay ondas que eu vin veer se mi saberedes dizer porque tarda meu amigo sen mi Ay ondas que eu vin mirar semi saberedes contar porque tarda meu amigo
Ay ondas que eu uin ueer seme saberedes dizer por que tarda meu amigo sẽ mȷ ̃ Ay ondas que eu uĩ mirar seme saberedes contar por que tarda meu amigo sẽ mȷ ̃
Le genre cantiga de escarnho e maldizer comprend tous les textes qui ont une intention satirique. La chanson qui est transcrite ci-dessous (B 1485/V 1097), dans une édition de Gonçalves/Ramos (1983, 160),7 a été rédigée par Johan Garcia de Guilhade, l’un des troubadours ptg. les plus productifs au milieu du XIIIe siècle. Il convient de noter les caractéristiques suivantes du ptg. a. :
a.
le hiatus dans fea (1), qui sera éliminé par l’insertion d’une semi-voyelle (FOEDA F OEDA > fea > feia). Les hiatus, dus à la syncope des consonnes lat. intervocaliques -D -, -G , -L - et -N -, étaient assez abondants (loar, 5 < LAUDARE ) ; par la suite, ils subiront des processus de crase (par ex. COLORE > coor > cor), assimilation (par ex. MONASTERIU > moesteiro > mosteiro), diphtongaison (par ex. MALU > ma-o > mau), et insertion de consonne palatale (par ex. VINU > vı̃o > vinho) ou semi-voyelle (par ex. ALIENU > alheo > alheio) ; la terminaison -om (pardom, 7, coraçom, 8, razom, 9, loaçom, 11), correspondant au lat. -ONE , qui diphtonguera à l’époque du ptg. moyen. Le ptg. a. possédait trois différentes terminaisons, qui correspondent aux terminaisons du lat. -ANU , (mão < MANU ), -ANE , -ANT (pã < PANE , e ORATIONE , sõ < SUNT ). Vers la fin du XV siècle, ces dã < DANT ) et -ONE , -UNT (coraçõ < CCORATIONE terminaisons étaient devenues [ãw] : pã > pão, dã > dão, coraçõ > coração, sõ > são ; la présence d’un -d- intervocalique dans les formes verbales de la pers.5 (avedes, 8), qui subira une syncope, donnant lieu à des processus de diphtongaison ou contraction des deux voyelles en hiatus dans la première moitié du XVe siècle ; le placement des clitiques : dans le ptg. a. le clitique pouvait être placé (dans des phrases affirmatives) avant ou après le V, mais l’enclise était plus fréquente (fostes-vos, 1, direi-vos, 17) ; entre le XVe et le XVIIIe siècles la proclise devient plus fréquente que l’enclise ; finalement, l’enclise devient obligatoire pour le ptg. mod. et la proclise se conserve dans le ptg. du Brésil.
b.
c.
d.
Ai, dona fea, fostes-vos queixar que vos nunca louv[o] em meu cantar ; mais ora quero eu fazer um cantar em que vos loarei toda via ; e vedes como vos quero loar : dona fea, velha e sandia !(1)
5
7 Il s’agit de la chanson 203 de l’édition de Lapa (21970).
10
Dona fea, se Deus mi pardom, pois avedes [a]tam gram coraçom(2) que vos eu loe, em esta razom vos quero ja loar toda via ; e vedes qual sera a loaçom : dona fea, velha e sandia !
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Dona fea, nunca vos eu loei em meu trobar, pero muito trobei ; mais ora ja um bom cantar farei, em que vos loarei toda via ; e direi-vos como vos loarei : dona fea, velha e sandia !
15
(1)
dame laide, vieille et folle ; (2) puisque vous avez un si grand désir.
5.2 Documents non littéraires les plus anciens Notícia de Fiadores, 1175 Notícia de Fiadores (IAN-TT, CR, mosteiro de S. Cristóvão de Rio Tinto, maço 2, n.º 10) est un document original daté de 1175 et qui contient une liste des garants de Paio Soares Romeu. C’est le plus ancien document connu, écrit en ptg.8 L’édition est de Martins (1999) :9
/1/ Noticia fecit pelagio romeu de fiadores Stephano pelaiz .xxi. solidos lecton .xxi. soldos pelai garcia xxi. soldos. Gũdisaluo Menendici .xxi soldos /2/ Egeas anriquici xxxta soldos. petro cõlaco .x. soldos. Gũdisaluo anriquici .xxxxta soldos Egeas Monííci .xxti. soldos Ihoane suarici .xxx.ta soldos /3/ Menendo garcia .xxti soldos. petro suarici .xxti. soldos ERa Ma. CCaa xiiitia . Istos fiadores atan .v. annos que se partia de isto male que li avem Notícia do Torto, 1214–1216 Notícia de Torto (IAN-TT, CR, Vairão, maço 2, n.º 40) est un témoignage de l’existence, au XIIIe siècle, d’un genre diplomatique, notícia, une sorte de note informelle de certains faits afin de préserver leur mémoire (Pedro 2004). Le caractère informel du document, écrit ro et vo, explique le support de parchemin irrégulier et imparfait. Le document consiste en un ensemble de notes dictées à un notaire, une série de plaintes déposées par un gentilhomme, Lourenço Fernandes da Cunha, contre les enfants d’un autre gentilhomme, Gonçalo Ramires. Le texte est passé par plusieurs éditions, complètes ou fragmentaires (les plus récentes : Costa 1979 ; Cintra 1990 ; Emiliano/ Pedro 2004). La lecture ci-dessous est adaptée de Castro (2006).10
8 Souto Cabo (2003) fait l’édition d’un autre document, non daté, le Pacto de Gomes Pais e Ramiro Pais, qu’il situe entre avril 1173 et avril 1175. 9 Le changement de ligne est marqué / /; les italiques indiquent les abréviations. Il en va de même pour les documents suivants. 10 Les formes reconstituées viennent entre [ ]. L’édition de Castro (2006) est accompagnée d’une version modernisée du texte et d’un commentaire linguistique.
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L’un des aspects les plus intéressants de ce document est la variation graphique, dont on peut déduire certains traits phonétiques du ptg. a. a.
consonnes sourdes/voisées, fricatives/affriquées : il n’y a pas de distinction nette entre [f] et [v] (fezes, 20 ~ uices, 21), ou entre [k] et [g] (gacarũ, 26 ~ iagarũ, 28) ou [ts] et [dz] (laurẽcius, 1 ~ lourẽco, 2 ~ laurẽzo, 3 ~ laurẽco, 7). C’est cette indistinction qui permet au copiste l’utilisation pour l’affriquée palatale sourde [t∫], qui se trouve à agou (19), agarũ (25), gacarũ (26), et iagarũ (28), les mêmes graphèmes, et , qu’il a écrit pour représenter l’affriquée palatale voisée [dʒ] dans aiuda (3), iuizo (16), agudas (17), ueriar (25), et getarũ (26) ; on peut conclure que la palatale voisée (qui se simplifiera, plus tard : [dʒ] > [ʒ]) était toujours affriquée. Le système arc. du ptg. comprenait donc deux fricatives, [∫] et [ʒ], et deux affriquées palatales, [t∫] et [dʒ]. Ce sont aussi les graphies (, et dans laurẽcius ~ laurẽzo ~ laurẽco ; dans filios (2), acanocese (3), etc.) qui nous prouvent qu’il y avait une affriquée prédorsale à côté da la fricative alvéolaire ([ts] et [dz] / [s̺] et [z̺]) ; diphtongues : parmi les particularités du texte on doit noter la représentation de la semivoyelle des diphtongues descendantes. Pour les diphongues [ej] et [ow], au-delà des graphies ou (beiso, 14, figeerecdo, 11) et ou (rogou, 13, custov, 20), on trouve et , et (lexarẽ, 5, rec, 16, otra, 24, octra, 6). Puisque des oscillations comme lexarẽ ~ lecxasẽ (5) ou mando (8) ~ mãdoc (21) ne laissent aucun doute quant à la présence d’une diphtongue, on peut en déduire que la semi-voyelle, soit palatale soit vélaire, est représentée par . Étant donné que peut représenter l’affriquée sourde [ts] (cf. laurẽcius, 1) on pourra interpréter la forme (22) de deux façons : [bẽtsõ] (‘benção’) si on lit comme [ts] ou bien [bejʒo], si on le lit comme [jʒ]. Outre la variation graphique, il convient de noter : le pos. : le ptg. a. possédait des formes toniques et atones de l’adj. pos. (mĩa-minha/ma, tua/ ta, sua/sa). Les formes atones précèdaient toujours le N ; les formes toniques pouvaient être placées avant ou après le N (sua aguda, 17, sa aiuda, 18). Les formes toniques, bien plus fréquentes que les atones, les remplacèrent progressivement à époque du ptg. moyen ; le dém. : le ptg. possédait des formes simples (este, esta, esto, isto, esse, essa, esso, isso) et renforcées (aqueste, aquesta, aquesto, aquisto, aquesse, aquessa, aquesso, aquisso) de l’adj. dém. ; la forme renforcée aqueste (17), très fréquente, était toujours en usage au XVIe siècle.
b.
c.
d.
D[e] noticia de torto que fecerũ a laurẽcius fernãdiz por plazo(1) qve fece gõcauo ramiriz antre suos filios e lourẽco ferrnãdiz (…) Super isto plazo ar fe[ce]rũ suo plecto(2). e a maior aiuda que illos hic cõnocerũ que les acanocese laurẽzo ferrnadiz sa irdade per plecto que a teuese o abate de sancto martino. E que 5 nunqua illos lecxasẽ daquela irdade d. sẽ seu mãdato. Se a lexarẽ ĩtregarẽ ille de octra que li plaza(3) E D auer que ouerũ de seu pater nu[n]qua li ĩde derũ parte. Deu dũ gõcaluo a laurẽco fernãdiz e martĩ gõc[a]luiz xii casaes por arras(4) de sua auóó E filarũ(5) li illos inde vi casales cũ torto. E podedes saber como mando Dũ gõcauo a sua morte. De xvi casales de ueracin que defructarũ e que li nunqua ĩde 10 der[ũ] quinnõ. E de vii e medio casaes antre coina e bastuzio unde li nunqua derũ quiniõ (…) E iios ĩ figeerecdo unnde nũqua li derũ quinõ (…) E por istes tortos que li fecerũ tem qua a seu plazo quebrãtado e qua li o deuẽ por sanar. E de pois ouerũ seu mal e meteu o abade paz a[n]tre illes ĩno carualio de laurecdo. E rogou o o abate tãto que beiso cũ illes (…) E de pois li desũro gõcauo gõcauiz sa fili[a]
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15 pechena. E irmar[ũ] li xiii casales unde perdeu fructu. E isto fui de pois que furũ fijdos ant o abate. E de pois que furũ ĩfiados por iuizo de ilo rec. E nũqua ille feze neu(6) mal por todo aqueste. E feze les agudas(7) quales aqui ouirecdes : Super sua aguda fez testiuigo(8) cũ gõcauo cebolano E super sa aiuda ar fui li a casa e filo li quãto que li agou(9) e deu a illes (…) E in sa aiuda oue mal cũ ramiro fernãdiz que 20 li custov muito auer muita perda. E in sa aiuda fui iias fezes a coi[m]bra. E in sa aiuda dixe mul[tas] uices (…) E super sa iud[a] mãdoc lidar seus omes cũ martin iohanes que quir[i]a desũrar sa irmana (…) E subre becio e super fíjmẽto(10) se ar quiserdes ouir as desõras que ante ihc furũ ar ouide as : Venerũ a uila e fila[rũ] li o porco ante seus filios e comerũ si lo (…) Otra uice uenerũ li filar ante seus filios 25 quãto que li agarũ ĩ quele casal. E furũ li u ueriar(11) e prẽderũ ĩde o cõlazo (…) e gacarũ no e getarũ ĩ tera polo cecar(12) e le[ua]rũ delle quãto oue. Ĩ alia uice ar furũ a feracĩ e prẽderũ iios omes e gacarũ nos e leuarũ deles quãto que ouerũ. Ĩ otra fice ar prẽderũ otros iios a se[u] irmano pelagio fernãdiz e iagarũ nos (…).
(1)pacte ; (2)contrat
solennel ; (3)s’ils vendent les biens, ils doivent lui donner d’autres qui lui conviennent ; (4)les arras étaient une sorte de caution donnée en garantie d’un engagement ; (5)ils lui ont volé ; (6)aucun ; (7)aides ; (8)il a été temoin ; (9)il a volé tout ce qu’il y a trouvé ; (10)après le baiser (signe de paix) et le serment ; (11)jardin, verger ; (12)ils l’ont blessé et l’ont jeté par terre pour l’aveugler.
Testamento de Afonso II, 1214 Il s’agit du premier document royal connu écrit en ptg., localisé (Coimbra) et daté (27 juin 1214) ; 13 copies ont été faites, dont seulement deux ont survécu. La confrontation entre les deux copies est d’un grand intérêt pour la critique textuelle et pour la linguistique, puisque les différences entre elles sont importantes (variation dans l’ordre des mots et la sélection du vocabulaire, et variation graphique et linguistique). Une analyse contrastive des deux versions permet ainsi de caractériser les scribes qui, apparemment, choisissent des solutions graphiques propres. L’extrait ci-dessous (adapté de Costa 1979) illustre l’utilité de cette analyse.11 En plus de la variation dans l’ordre des mots (meu reino e meus uassalos ~ meus uassalos e meu reino, 2) et le choix lexical (facer guarda[r] ~ faco eu aguardar, 26), ce qui indique une notion de « copie » d’un haut degré de liberté, la confrontation entre les deux versions révèle plusieurs types de variation :
a.
variantes graphiques : agia ~aia (2) ; segia ~ seia (3) ; Sancho ~ Sãcio (2) ; dezima, undezima, Alcobaza ~ decima, ũdecima, Alcobacia (26). Ces exemples montrent différents choix graphiques : et pour représenter le son palatal voisé [ʒ] (ou [dʒ]) ; et pour l’affriquée palatale sourde [t∫] ; , et , pour l’affriquée prédorsale sourde [ts]. Notez
11 Pour une étude linguistique détaillée cf. Castro (2006).
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que malgré l’oscillation naturelle dans la représentation de nouveaux phonèmes, chaque copiste semble avoir ses propres choix ; variantes linguistiques : raina ~ reina (2), depos ~ depois (1–2), Coinbria ~ Coinbra (27), Portu ~ Porto (26) et sa ~ sua (4) sont des variantes qui montrent différents états de l’évolution (dissimilation dans raina, introduction d’une semi-voyelle dans depois et son élimination dans Coinbra, possible élévation de la voyelle atone finale dans Portu et la préférence pour la forme tonique du pos. sua dans un contexte enclitique). L’analyse de ce texte montre également d’autres caractéristiques du ptg. a. : la présence du part. prés. temẽte (1), avec sa valeur d’origine lat. ; en ptg. mod. les a. formes du part. prés. ne survivent que comme subst. ou adj. (par ex., estudante, pedinte) ; V estar : les formes du subj. (sten, 2 < STE NT ) seront remplacées par des formes produites par analogie avec le V (ser : sten→estejam, selon le modèle sejam). Dans certains V dont l’évolution régulière a créé des irrégularités paradigmatiques, les formes irrégulières ont été SE NTIO > senço→sinto, ARDEO > arço→ardo). La forme irrégulière survit, eliminées (par ex. : SENTIO cependant, dans AUDIO > ouço et PETIO > peço. Ces régularisations analogiques ont commencé à l’époque du ptg. a. et étaient achevées à la fin du ptg. moyen ; le V haver (ei, 2) conservait toujours son sens étymologique, ‘posséder’ ; il sera remplacé par ter.
b.
c.
d.
e.
Ms. de Lisboa /1/ En’o nome de Deus. Eu rei don Afonso pela gracia de Deus rei de Portugal, seendo sano e saluo, temẽte o dia de mia morte (…) fiz mia mãda(1) per que de/2/pos mia morte mia molier e meus filios e meu reino e meus uassalos e todas aquelas cousas que Deus mi deu en poder sten en paz e en folgãcia(2). Primeiramente mãdo que meu filio infante don Sancho que ei da raina dona Orraca agia meu reino entegramente e en paz. /3/ (…) E ssi no tẽpo de mia morte meu filio ou mia filia que deuier a reinar nõ ouuer reuora(3), segia en poder /4/ da raina sa madre (…) /25/ E mandei fazer treze cartas cũ aquesta tal una come outra (…) das quaes ten una o arcebispo de Bragaa (…) /26/ a quarta o bispo do Portu (…) a dezima o prior do Espital, a undezima o prior de Santa Cruz, a duodecima o abade d’Alcobaza, a tercia dezima(4) facer guarda[r] en /27/ mia reposte(5). E forũ feitas en Coinbria
(1)
Ms. de Toledo En’o nome de Deus. Eu rei don Afonso pela gracia de Deus rei de Portugal, sééndo sano e saluo, temente o dia de mia morte (…) fiz mia mãda per que depois mia morte mia molier e meus filios e meus uassalos e meu reino e todas aquelas cousas que Deus mi deu en poder sten en paz e en folgãcia. Primeiramente mãdo que meu filio ĩfan[te] don Sãcio que ei da reina dona Vrraca aia meu reino enteiramente e en paz. (…) E sse no tẽpo de mia morte meu filio ou mia filia que deuier a reinar nũ ouuer reuora, seia en poder da reina sua madre (…) E mãdei fazer treze cartas cũ aquesta tal una como a outra (…) das quaes ten una o arcebispo de Bragáá (…) a quarta o bispo do Porto (…) a decima o prior do Espital, a ũdecima o prior de Santa †, a duodecima o abade d’Alcobacia, a tercia decima faco eu aguardar en mia reposte. E foron feitas en Coinbra (…)
testament ; (2)tranquillité ; (3)majorité, capacité à conclure des contrats ; (4)la treizième ; archive.
(5)
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5.3 Littérature religieuse Regra de São Bento La traduction de Regula Benedicti rassemble une série de normes utilisées par les ordres monastiques de Saint Benoît et de Cîteaux. Écrite par Saint Benoît de Nursie (480–543), la Règle Bénédictine s’est répandue dans de nombreuses copies. Les douze mss. ptg. que nous connaissons ont été copiés entre le XIVe et le XVIe siècles.12 Cidessous, le cap. VI, selon les mss. BN, Alc. 14 (XIIIe–XIVe siècle) et BN, Alc. 231 (1414– 1427), édition de Castro (2006). Le ms. Alc. 14 correspond au ptg. a., et le ms. Alc. 231 au ptg. moyen ; les variantes nous montrent des différences linguistiques entre les deux périodes :
a.
seenço / silencio : dans seenço on voit la syncope du -l- intervocalique, le hiatus et l’évoENT ĬU > [ẽtsu] > [ẽsu] ; silencio est un cultisme pris directement du lution de la terminaison -ENTĬU lat. ; Dans les formes dixi / disse, représente la palatale [∫] et l’apicale sourde [s̺] ; les deux formes (du lat. [ks]) coexistent dans la variété cultivée jusqu’au XVIe siècle ; Ě AM ( [ε] devient plus Les formes mhas / minhas du poss. sont divergentes et proviennent de M ĚAM fermé par dissimilation : [ε > e]). La forme [mja] - , qui était le plus souvent procl., disparaît au cours du XVe siècle, remplacée par minha ([mia > mĩa > miɲa]) ; La prép. espões, en variation avec por, est un rare archaïsme qui a pour origine le lat. EXPOS T , de EX + POST EXPOST POS T . Castro (2006, 124) propose l’évolution POST > p[ɔ]s > p[o]s > p[ow]s > p [oj]s ; Les formes paravra et palavra correspondent à différents moments de l’évolution du lat. e PĂRĂBŎLA (parabla > paraula / paraura > palaura). Les deux variantes coexistent dès le XIII siècle ; La conj. causale ca, du lat. QUIA , cède progressivement la place à porque ; P RO INDE , en tant que conj. consécutive. Porẽde a Les formes porẽ / porẽde viennent du lat. PRO disparu et porém survit comme conj. adversative, sens qui se généralise au cours du ptg. classique ; LOC ĀLIS >) lugar sont synonymes ; logo s’est plus tard Les formes (L ŎCUS >) logo(s) / (LOCĀLIS spécialisé comme adv.
b.
c.
d.
e.
f. g.
h.
Alc. 14
Alc. 231
Do seenço Façamos o que diz o propheta : Dixi : guardarey as mhas carreyras(1), que nõ peque na mha lĩgua ; pugi a mha boca guarda ; amudici e sõo homildado e caley-me das bõas cousas. Aqui demostra o propheta : se das bõas falas aas uezes espões o ceẽço deue
Do silencio Façamos aquello que diz o propheta : Disse : eu guardarey as minhas carreyras, que nõ peque na minha lingua ; puse guarda aa minha boca, fize-me mudo e humildey-me e caley-me de falar as boas cousas. En estas palauras nos demostra o propheta que, se algũas uezes por amor e
12 Il y a aussi une copie ms. de la Règle du XVIIIe siècle: Coimbra, BGUC, 636.
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Alc. 14
Alc. 231
calar, quãto mays das paravras maas espões a pẽa do pecado deue cessar ? Ergo, pero que das bõas cousas e santas e dos eyuigamẽtos das falas(2), ous dicipulos perffeytos, espões a grauidade do ceẽço, rara lecẽça seia outorgada de falar, ca escrito he : In muyta fala nõ seerá fugido o pecado. De mays : A morte e vida nas mãos da lingua.
guarda do silençio nõ deuemos de falar nẽ dizer as boas cousas, quanto mays deuemos de cessar e calar-nos das maas palauras porla pena do peccado ? E por esto aos discipulos perfeytos por graueza e peso, por guarda do calar poucas uezes lhes seja outorgada lecença de falar, ajnda que queyram falar de boas cousas e santas e de edificaçõ, por que scripto he : En no muyto falar nõ poderás fugir nẽ scapar de peccado. E en outro logar diz a escriptura : A morte e a uida sta nas mãaos da lingua, conuẽ a ssaber, no calar e falar das maas cousas e das boas. Ca ao meestre soo conuen e perteece falar e ensinar e ao discipulo ouuir e calar. E porẽde, se o discipulo quiser demandar e preguntar algũas cousas, pregunte-as e demande-as ao prior cõ toda humildade e sugeyçõ de reuerença. Lygeyrices e joguetes e escarnhos e palauras ociosas e que mouam a rijso de todo em todo damnamos e antredizemos e defendemos sempre em todo logar e a tal fala como esta nõ leixamos, nẽ damos logar ao discipulo abrir sua boca.
A certas falar e ĩsinar cõuẽ ao maestre, calar e ouuir conuẽ ao dicipolo. E porẽ, se algũas cousas son a demãdar do priol, cũ toda homildade e sugeyçõ de reuerẽça seiã demãdadas. Mays ligeyrias ou parauras ociosas e riso mouẽtes [com] perdurauil clausura ĩ todolos logos danamos(3) que a tal fala nõ outorguamos ou dicipolo abrir a boca.
(1) mes chemins ; (2)sur les mots qui édifient ; (3)Nous condamnons à une longue détention ceux qui, n’importe où, ont des attitudes frivoles et ceux qui parlent des vains mots, provoquant le rire.
5.4 Historiographie Livro de Linhagens do Conde D. Pedro Il s’agit d’un ms. fragmentaire du XIVe siècle, qui contient la dernière partie du titre XXI et les titres XXII à XXXV du Livro de Linhagens do Conde D. Pedro. Il se compose de 39 feuillets sur parchemin, divisés en six cahiers écrits en gothique française et liés avec Cancioneiro da Ajuda. La transcription ci-dessous (début du titre 22) est adaptée de Brocardo (2006, 57). a.
Le pron. el (16) est la forme apocopée, variante de ele et très fréquente en ptg. a. ; les deux ĬLL E et coexistent pendant toute la période méd. ; formes viennent du lat. ĬLLE POPUL ĀRE ), est un mot à demi savant. On y trouve la pobrou (12), p. simple du V pobrar (< POPULĀRE sonorisation [p] > [b] et le changement [l] > [r] dans le groupe lat. -PPLL -, créé par la syncope de la voyelle brève -Ŭ -. Pobrar coexiste avec les divergentes poboar et povoar ; Le pos. atone sa (14), aussi bien que ma et ta, est procl. ; les formes atones disparaissent au cours du XVe siècle et les toniques se généralisent dans tous les contextes ;
b.
c.
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d.
huũ (23), du lat. ŪNU , ici art. indéf. ; à la suite des processus de lénition subis par les consonnes lat. intervocaliques, les hiatus étaient fort nombreux en ptg. a. ; après la fusion des deux voyelles, la graphie um se généralise dès le XVIe siècle ; ATE R , - IS , dans le sens de ‘progéniteur, ancêtre’ est la forme normale padre (9), du lat. PPATE pendant toute la période méd. et jusqu’au XVIe siècle, lorsque la forme mod. pai devient la plus fréquente ; haver indique la possession de propriétés ou qualités inaliénables (auia cõtenda, 13, auya nome, 23) aussi bien que la possession de biens matériels (auiã parte, 14). Le V haver, dans ce sens de ‘possession’, sera remplacé par le V ter au cours du ptg. méd.
e.
f.
5
10
15
20
25
/1rºb/ T° xxijº. dos sousaaos(1) O primero foy dõ soeiro belfager que foy casado cõ dona (…) e fez ẽ ela ahufo soarez belfager. E hufo soarez belfager foy casado cõ dona eomedola e fez ẽ ela ahufo ahufez. E este dõ ahufo ahufez foy casado cõ dona Tereia. e fez ẽ ela o conde dõ goeyçoy aufez que chamarõ o nõnado(2) E sancta senhorinha de basto. E este cõde dom goyçoy foy o que matou frade balderique Vis auoo de dõ fernã anes de mõtor e tras auoo de dõ paay caluo de toronho filho deste dõ fernã eanes de mõtor ca deste balderique sayo Ramiro frade. e de ramiro frade sayo dõ iohã Ramirez padre de dõ fernã anes de mõtor. E o sobre dito cõde dõ goyçoy foy casado cõ dona mona. e fez ẽ ela domn echigi gicoy. Este dõn echigi gicoi foy casado cõ a cõdesa dona aragũte soarez que foi filha del conde dõ soeyro de nouellas e de dona mayor diaz filha del cõde dõ diego que pobrou burgos. E este cõde dõ echigi gicoy auia cõtenda(3) cõ o conde dõ meẽ soarez de nouellas que era yrmaao de sa molher dona aragũte sobre nouellas ẽ que auiã ambos parte que lhis ficara do cõde dõ soeiro seu padre. E andando ambos en sa cõtenda pera peleiar(4) cada dia. foise el cõde dõ meẽ soarez de nouellas a leom e fezeo el Rey (…) seu adeantado en portogal. E ueose el cõde dõ meen soarez pera sa terra. E estando el conde dõ echigi gicoy. e el conde dõ pero paaez de begũte. e el cõde /1vº/ dõ ueya de tamhal E outros quatro cõdes cõ eles ẽ nouellas. uẽo a eles el conde dom meẽ soares hũa noite coõme ẽ deitãdo(5) nõ se guardando eles del E çegou(6) dõ echigi gicoy e os outros seis cõ el. E estos cõdes todos sete jazẽ(7) ẽ sam pedro d’aatei. E este conde dom meen soarez de nouelas andando corẽdo mõte(8) huũ dia na portela de uaade. chegou a el huũ caualeiro que auya nome Soeyro da uelha e matou el cõde dõ meẽ soarez porque cegara el cõde dõ pero paaez da begũte cuio(9) uasalo soeyro da uelha era. (1)Les
livres de lignages ont été écrits pour démontrer la parenté avec des ancêtres illustres. Dans ce genre de texte, il y a beaucoup de noms et de prénoms anciens, comme sousaao (sousão), soeiro belfager et eomedola. Il y a aussi des toponymes anciens, par ex. nouellas, sam pedro d’aatei et portela de uade ; (2)non né ; (3)et ce comte avait une rivalité avec le comte meẽ soarez ; (4)et pendant qu’ils se battaient en raison de leur conflit ; (5)parce qu’ils dormaient ; (6)il a aveuglé les sept comtes ;
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(7)ils
gisent à sam pedro d’aatei ; il était le vassal.
(8)tandis
qu’il courait à travers les montagnes ;
(9)dont
5.5 Fiction Demanda do Santo Graal C’est un roman dont nous ne possédons qu’un seul temoignage (ms. 2594 de la Bibliothèque Nationale de Vienne), une copie du XVe siècle. Quoiqu’il s’agisse d’une copie, le texte préserve des traits linguistiques de la traduction originelle du XIIIe. Il nous parle de la quête du Saint Graal et des chevaliers de la Table Ronde dont seulement trois, Galaaz, Boorz e Persival, arrivent au bout de leurs aventures. Cidessous, le cap. 101, selon la numérotation de Nunes (²2005), transcription de Toledo Neto, sur fac-simile du ms. 2594. a. b.
chagou (1), pers.3 du V chagar (< PLAGĀRE ) : représente l’affriquée [t∫] ; ECC E ou ECC EC CUM UM (>* ACCU AC CU ), probablement sous l’influence de ATQUE , aque (2), adv., du lat. ECCE disparaît presque complètement pendant le XVe siècle ; besta (2), du lat. BĒSTĬA (la voyelle tonique Ē > [e]) est différente de beesta (7) (BALĬSTA > beesta > besta, avec [ε] dans le ptg. mod.) ; veeo (2) pers.3 du p. simple du V vir, du lat. VĚNIT > *veno > vẽo, a subi dénasalisation et insertion de semi-voyelle (ptg. mod. veio) ; la loc. temporelle tãto que (2), est caractéristique du ptg. archaïque ; hende (10) (< lat. ĬNDE ), adv. fréquent dans le ptg. a., disparaît dans la documentation au cours du XVe siècle ; tornade (11), sodes (11), pers.2, V tornar et ser : le -d- vient des terminaisons du lat. -TE et -TIS et prédomine dans les mss. jusqu’à la fin du XIVe siècle. A partir de la moitié du XVe les formes syncopées deviennent plus fréquentes que les formes avec le -d- ; e L AXĀRE ) est la forme plus fréquente jusqu’au XVI siècle mais sera leixou (14), V leixar (< lat. LAXĀRE remplacée par la variante deixar au cours du ptg. classique.
c.
d.
e. f.
g.
h.
/33rºb/ Como o caualeiro da besta chagou(1) Gilfret. Elles esto fallando aque uos a besta que veeo aa ffonte(2) pera buer E tãto que a os cãães ujrom(3) forã a ella pera mata lla E quando ella ujo agua mal parada começou de fugir E glifet que entam chegara quando a ujo começou de hir apos 5 ella E quando a ujo decer polla mõtanha e os cães apos ella começou sse a sinar polla ligejrice que lhe ujo(4) Onde o disse depois ẽ camalot A rrey artur que lhe demandaua as nouas Senhor quando a sseeta ssaae da beesta nom vay tam toste como a eu vy correr Quãdo /33vºa/ glifet vio a caça começada começou hir empos ella e deu uozes aos cãães e arriçaua(5) os E quando o caualeyro deçeo da 10 montanha e vio esto nom lhe aprouue hende(6) ca lhe semelhaua que lhe querriã tolher sua caça e disse lhe tornade(7) uos senam sodes morto E glifet nõ se quis tornar por el ca mujto desejaua dar cima aaquella caça Quando o caualeyro vio
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que sse nam tornaua semelhou lhe que o nom fazia por desdem que o nom prezaua tãto que sse por elle qujssese tornar Entam meteo mãão a espada e leixou 15 sse hir a elle(8) le chevalier de la bête a blessé Gilfret ; (2)voici la bête, qui est allée à la que les chiens ont vu la bête ; (4)il se signait à cause de la vitesse fontaine ; de la bête ; (5)il attisait les chiens ; (6)cela ne lui plaisait pas ; (7)retournez ou vous serez mort ; (8)et il s’avança sur lui.
(1)Comment
(3)dès
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Portugais : textes anciens
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Roberts, Kimberley S. (1956), An Anthology of Old Portuguese, Lisboa, Livraria Portugal. Souto Cabo, José António ( 2003), Nas origens da expressão escrita galego-portuguesa. Documentos do século XII, Diacrítica 17–1, 329–385. Vasconcelos, José Leite de (1911), Lições de Philologia Portuguesa, Lisboa, Livraria Clássica Editora. Vasconcelos, José Leite de (51970 [1905]), Textos Archaicos, para uso da aula de philologia portuguesa, Lisboa, Livraria Clássica Editora.
Clara Vanderschueren y Amália Mendes
3 Panorama de los corpus y textos del portugués europeo contemporáneo Abstract: El presente capítulo tiene como primer objetivo proporcionar una herramienta que permita al estudioso (i) determinar fácil y rápidamente los corpus que le son útiles para realizar una investigación de corpus sobre cualquier tema relacionado con el portugués europeo (PE) contemporáneo, (ii) saber cómo consultarlos, (iii) encontrar estudios que describan más detalladamente las aplicaciones de estos corpus (sección 1). La selección de los corpus disponibles se ha hecho según algunos criterios predefinidos. Incluimos los proyectos concluidos o en gran medida ya disponibles, que contienen principalmente muestras de la lengua contemporánea (segunda mitad del siglo XX–siglo XXI). Además, los textos son de libre y fácil acceso (en forma digital) y su tamaño es razonablemente grande. El segundo objetivo de este capítulo es ilustrar la variación tipológica de los géneros textuales y de las grandes zonas dialectales del PE actual a través de unas muestras representativas (sección 2). Pese a ser imposible dar un elenco exhaustivo de distintos géneros y variedades dentro de los márgenes de este artículo, tratamos así de dar una idea global de la variación que presenta el PE hoy en día.
Keywords: corpus, portugués europeo contemporáneo, géneros textuales, dialectos
1 Corpus Distinguimos dos grandes grupos de corpus: los corpus disponibles para consulta en la Red (1.1) y los corpus de textos orales disponibles en su totalidad, pero sin acceso «directo» vía un motor de búsqueda online (1.2). Subdividimos el primer grupo en los corpus de medios mixtos (1.1.1), escritos (1.1.2), orales (1.1.3) y, por fin, los corpus manualmente anotados con objetivo específico (1.1.4). Cada corpus se presenta sistemáticamente según el esquema siguiente: ofrecemos un listado con información puntual sobre (i) el acceso y el soporte del corpus (ii) el tamaño del corpus (iii) el/los autor/es (iv) la variante geográfica. A pesar de tratarse de corpus del PE, incluimos el punto (iv) para dar cuenta de los corpus que contienen también textos de otras variantes geográficas. Después, se describe con algo más de detalle el tipo de textos incluidos, la periodización, la anotación y las modalidades de búsqueda.
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1.1 Corpus disponibles para consulta en la Red Los corpus descritos en este apartado son consultables mediante un buscador online que permite crear órdenes de búsqueda de distintos tipos. Sin embargo, los corpus marcados con * se pueden obtener también en su totalidad (por ej. por descarga).
1.1.1 Medios Mixtos Corpus de Referência do Português Contemporâneo, parte escrita (CRPC)* – Partes escritas del CRPC accesibles en ; acceso con registro en – 290 millones de palabras para la parte del PE escrito; 1,4 millones para la parte oral – Centro de Lingüística de la Universidad de Lisboa (CLUL)1 – Mayoritariamente PE; contiene también otras variantes nacionales El CRPC constituye el mayor corpus representativo del PE, de distintos géneros, que sobre todo para el lenguaje escrito ofrece una colección enorme de textos (Bacelar do Nascimento 2000; Généreux/Hendrickx/Mendes 2012). Reúne varios géneros escritos (literario, prensa, técnico, científico, didáctico, folletos, decisiones del Tribunal Supremo de Justicia, sesiones parlamentarias), de la segunda mitad del siglo XIX hasta el año 2006, pero con una mayoría de textos posteriores a 1970. El corpus escrito está lematizado y tiene etiquetaje morfosintáctico POS. El buscador permite el uso de comodines y el estudio de colocaciones. Así se pueden indagar partes de palabras, secuencias de palabras, lemas, y categorías gramaticales. El buscador presenta además una función para bajar los resultados en un fichero (por ej. excel), y, para usuarios registrados, guardarlos y categorizarlos. No es posible hacer búsquedas según la cronología (por ej. solo textos posteriores al año 2000). La parte oral del corpus consiste en una serie de subcorpus que trataremos más adelante: Português Fundamental, Português Falado, C-ORAL-ROM. Dos subcorpus escritos del CRPC están disponibles de forma completa con anotación en el catálogo de ELRA (European Language Resources Association): a) Corpus Literário (Corpus LT) – (gratuito para investigadores)
1 Como se verá adelante, el CLUL pone a disposición varios corpus en su sitio web: . Además de las fuentes que se citan para cada corpus en cuestión, aconsejamos también consultar esta plataforma para más información técnica sobre los corpus.
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1,7 millones de palabras PE / PB
El Corpus LT comprende 70 textos de autores renombrados de lengua ptg. de los años 1810 hasta 1940. Se presenta en forma lematizada y anotada con etiquetas morfosintácticas POS (anotación automática). b) Corpus de Política (PTParl) – (gratuito para investigadores) – 1 millón de palabras – PE El PTParl fue automáticamente lematizado y anotado con etiquetas morfosintácticas POS. Contiene las actas del parlamento ptg. tal como aparecen en el Diário da Assembleia da República. Corpus do Português – – 10 millones de palabras para la parte PE del siglo XX – Mark Davies (Brigham Young University) y Michael J. Ferreira (Georgetown University) – PE y portugués brasileño (PB) El Corpus do Português es un corpus de textos escritos y orales que comprende los siglos XIII–XX, construido a base de textos escaneados, textos accesibles en internet y a base de otros corpus (CORDIAL-SIN, Corpus de Linguateca, etc.) y bases de datos textuales y de textos escaneados (Davies 2014). Para el siglo XX, el corpus contiene textos de ficción, periodísticos, académicos y orales de distintos tipos no especificados. Los textos escritos del siglo XX abarcan alrededor de 3 millones de palabras por género, y los textos orales cerca de 1 millón de palabras. Se trata de un corpus lematizado, con etiquetaje POS, que permite el uso de comodines y la búsqueda de colocaciones. La interfaz de búsqueda deja visualizar los resultados por siglo, y por registro para el siglo XX. Se pueden crear y guardar listas personalizadas. No se posibilitan búsquedas de períodos más precisos (dentro de un mismo siglo) o por autor, y tampoco búsquedas por variedad geográfica y por género al mismo tiempo. Para los textos orales no hay acceso a las grabaciones. El buscador tiene la misma arquitectura básica que el Corpus del Español (↗7 Panorama de los corpus y textos del español peninsular contemporáneo).
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Análise Contrastiva de Variedades do Português (VARPORT) – – Número de palabras desconocido – Universidade Federal do Rio de Janeiro (UFRJ) y CLUL – PE / PB Corpus de textos escritos (anuncios, editoriales, noticias) y orales del siglo XX cuya parte del PE se basa en algunos corpus desarrollados por el CLUL, a saber el CRPC (véase supra) y el Portugués Fundamental (infra) para la parte oral. El VARPORT ambiciona ofrecer un corpus de dimensión, distribución y arquitectura comparables para las variantes PE y PB. Para la parte oral hay acceso a la grabación audio, y a la metainformación (registro, edad, sexo, etc.). Sin embargo, el formato de los ficheros en línea es difícil de procesar por la falta de un motor de búsqueda. El corpus es de dimensión reducida.
1.1.2 Escrito CETEMPúblico* – ; también accesible para descarga de forma completa a petición – 190 millones de palabras – Linguateca2 – PE Este corpus escrito incluye 2.600 ediciones del periódico Público (1991–1998). El corpus está accesible para búsquedas online a través del proyecto AC/DC (Acesso a Corpos / Disponibilização de corpos), en la plataforma de Linguateca y a petición está disponible de forma íntegra para descarga (Rocha/Santos 2000). Los artículos están subdivididos en extractos de, como máximo, unas frases. Por sus largas dimensiones y por las dos maneras de acceso, el CETEMPúblico ha sido utilizado frecuentemente por lingüistas interesados en estudiar fenómenos lingüísticos del portugués escrito contemporáneo, pero también por estudiosos del procesamiento del lenguaje natural en el marco del desarrollo de herramientas. El corpus presenta varios niveles de anotación (categoría morfosintáctica POS, flexión verbal y nominal, lematización y etiquetaje sintáctico (mediante el programa PALAVRAS)). Esta anotación ayuda a hacer búsquedas de (partes de) palabras, secuencias de palabras, etiquetas POS,
2 La plataforma digital Linguateca ofrece una serie de corpus y recursos para el procesamiento computacional del idioma ptg. A continuación se mencionan varios de estos corpus, accesibles a través del proyecto AC/DC .
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flexión verbal y nominal, lema, constituyentes sintácticos, funciones sintácticas y la distribución de estas informaciones en el corpus. Avante – – 6,8 millones de palabras – Linguateca – PE El corpus Avante contiene textos de los años 1997–2002 de la revista semanal Avante!, órgano oficial del Partido Comunista Portugués. Tal como el CETEMPúblico (cf. supra), se pone a disposición a través del proyecto AC/DC, con los mismos niveles de etiquetaje y posibilidades de búsqueda idénticas. Además, se pueden hacer búsquedas en función de la edición de la revista. Natura/Minho – – 1,7 millones de palabras – Linguateca y Universidade do Minho – PE, región del Miño El corpus Natura/Minho recopila textos del periódico regional ptg. Diário do Minho. Está disponible también en la plataforma del proyecto AC/DC y presenta las mismas modalidades de búsqueda que el CETEMPúblico (cf. supra). CONDIVport – – 5,6 millones de palabras, de los cuales 3,3 millones para el PE – Linguateca y Universidade do Minho – PE / PB El CONDIVport se compone de textos de las décadas 1950, 1970 y 2000, extraídos de periódicos y revistas ptg. y bras. Los textos abarcan tres campos semánticos: fútbol, vestuario y moda, salud. La parte que está accesible a través del proyecto AC/DC de Linguateca, forma parte de un corpus más extenso CONDIVport (Silva 2008). Este corpus se constituyó con el objetivo de investigar si, desde los años 1950, las dos variantes nacionales del ptg. se caracterizan por un proceso de convergencia o divergencia léxica. El acceso en internet ofrece las mismas opciones de búsqueda que las del CETEMPúblico (cf. supra). Además se posibilita hacer búsquedas por variante del ptg. y por campo semántico.
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CoNE – – 675.000 palabras – Linguateca – PE / PB El corpus CoNE (Correio Não Endereçado) consta de correos electrónicos publicitarios o informativos, recibidos por miembros del equipo de Linguateca entre 2001 y 2006. Está disponible a través de la plataforma AC/DC, con los mismos niveles de etiquetaje y posibilidades de búsqueda que el CETEMPúblico. Corpus PostScriptum – FLY* – – 2000 cartas – CLUL – Cartas en ptg. de distintos orígenes geográficos El corpus PostScriptum – FLY constituye una colección de cartas escritas en ptg., producidas entre 1900–1975 en la esfera privada de autores de varios estratos sociales, en un contexto de guerra, emigración, prisión o exilio. Los textos tienen el doble formato de corpus lingüístico y de edición crítica puesta a disposición en internet y comentada desde una perspectiva histórica, lingüística y sociológica. Las cartas están anonimizadas, se presentan en formato XML-TEI y están anotadas con etiquetas textuales y palabras-clave sociológicas. Cada una de las cartas puede descargarse en formato XML o PDF. La totalidad del corpus puede indagarse en función del año, del sitio de emisión, del tipo de carta (amor, amistad, noticias, etc.), de palabras-clave predefinidas o mediante una búsqueda libre de palabras. Corpus paralelo bidireccional de português e inglês (COMPARA) – – 1,1 millones de palabras para el PE original y traducido (en total 1,4 millones de palabras para el ptg.) – Linguateca – Sobre todo PE; contiene también algunas otras variantes nacionales El COMPARA es un corpus paralelo de textos literarios traducidos del y al inglés de los siglos XIX–XX, alineados por frase. El corpus está lematizado y etiquetado morfosintácticamente (POS). El buscador permite el uso de comodines, y posibilita limitar la búsqueda a secciones bien precisas del corpus (por ej. limitación cronológica, por autor, por variante, por lengua original/traducida, etc.). Se pueden buscar (secuencias de) (partes de) palabras según varios parámetros. Se obtiene un contexto de más o menos una frase.
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1.1.3 Oral Projecto Corpus Dialectal para o Estudo da Sintaxe (CORDIAL-SIN)* – – 600.000 palabras – CLUL – PE El CORDIAL-SIN es un corpus oral que contiene grabaciones de discurso libre y semi-dirigido hechas en varias localidades de Portugal (cf. Carrilho 2010). Están a disposición cuatro formatos con metainformación sobre los informantes: 1) una transcripción conservadora (solamente disponible en formato PDF) con información sobre marcas de la oralidad como pausas, superposiciones en la producción, hesitaciones, reformulaciones, repeticiones, formas truncadas, variantes fonéticas, etc.; 2) una transcripción ortográfica normalizada sin marcas de oralidad; 3) la transcripción ortográfica con anotación morfosintáctica (etiquetaje POS e información flexiva); 4) la transcripción ortográfica con anotación sintáctica (por oración), actualmente solo para textos de 14 localidades (este fichero puede indagarse con la herramienta CorpusSearch). Los varios formatos se ajustan a distintos tipos de búsqueda, con manuales claros sobre la transcripción y anotación. Los textos del CORDIAL-SIN forman una muestra representativa de las grabaciones (disponibles en el CLUL a petición) reunidas en el marco de varios proyectos de atlas lingüísticos: el Atlas Linguístico e Etnográfico de Portugal e da Galiza (ALEPG), el Atlas Linguístico do Litoral Português, el Atlas Linguístico e Etnográfico dos Açores, y el proyecto Fronteira Dialectal do Barlavento. Algarvio.3 Corp-Oral* – ; accesible a petición para descarga – 56 grabaciones (50 h) – Instituto de Linguística Teórica e Computacional (ILTEC) – PE
El Corp-Oral es un corpus oral de diálogo libre de hablantes entre 12 y 74 años del área metropolitana de Lisboa (ILTEC/FCT 2012). De las 50 horas de grabación, 30 horas están transcritas ortográficamente. Sociolingüísticamente, los hablantes representan diversos niveles académicos y profesionales, así como relaciones más o menos cercanas entre sí. En consecuencia, se presentan diálogos de distintos grados de
3 Cf. http://www.clul.ul.pt/en/research-teams/516-related-projects.
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formalidad. Las normas de transcripción ortográfica siguen en gran medida las normas del C-ORAL-ROM, con indicaciones paralingüísticas (repeticiones, interrupciones, pausas, etc.). La aplicación online (Spock) para la visualización de los datos permite ver ocurrencias de palabras y secuencias de palabras en contexto, y escuchar la grabación correspondiente. Sin embargo, para mejor calidad de las grabaciones se aconseja la descarga del corpus completo a partir del Isle MetaData Initiative (Max Planck Institute for Psycholinguistics), tras petición de contraseña a fabiola.santos @iltec.pt. Corpus Museu da Pessoa – – 1,4 millones de palabras – Museu da Pessoa/ Núcleo Português do Museu da Pessoa – PE / PB El Corpus Museu da Pessoa reúne entrevistas transcritas (107 para el PE, 106 para el PB) posteriores al año 2000. Presenta lematización y permite el uso de comodines. Las transcripciones incluyen etiquetaje gramatical (POS) y anotación sintáctica. Está disponible en la misma plataforma de herramientas del corpus CETEMPúblico (cf. supra). No hay acceso a las grabaciones audio y se obtiene una frase de contexto. Rede de Difusão Internacional do Português: rádio, televisão e imprensa (ReDIP) – – 330.000 palabras – Instituto de Linguística Teórica e Computacional (ILTEC), en colaboración con el CLUL y la Universidade Aberta – PE El ReDIP es un corpus oral y escrito compuesto de 36 textos radiofónicos y televisivos y de textos de prensa, que se dividen por temas: actualidad, ciencia, cultura, economía, deporte y opinión. El buscador en línea permite consultar solo la parte oral del corpus, recuperando (partes de) palabras en un contexto de unas líneas.
1.1.4 Corpus manualmente anotados con objetivo específico CINTIL – Corpus Internacional do Português* – ; también en venta en el catálogo ELRA: – 1 millón de palabras
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Grupo Natural Language and Speech (NLX, Universidad de Lisboa) y CLUL PE
El CINTIL constituye un corpus de textos escritos (34% noticias, 17% ficción, 7% otros) y orales (42%, distintos registros y situaciones comunicativas). Los textos de ficción datan de los años 1844–1997; los demás textos son posteriores a los años 1970 hasta los años 2000 inclusive. El corpus está lematizado y anotado con etiquetas morfosintácticas (POS), que contienen información sobre la flexión verbal y nominal (cf. Barreto et al. 2006). Lleva además un etiquetaje específico de dos tipos: 1) locuciones adverbiales y locuciones que pertenecen a categorías gramaticales cerradas (conj., dem., pron., interjecciones, etc.) 2) entidades nombradas (personas, localizaciones, organizaciones, obras y otros). El buscador permite un acceso fácil a los datos, y posibilita búsquedas avanzadas de (secuencias de) palabras y/o partes de palabras mediante el uso de comodines y el etiquetaje, que pueden restringirse según el género textual. Sin embargo, no se pueden delimitar periodos más específicos y tampoco hayacceso a la referencia exacta de la fuente de cada ejemplo. Aun así, a través de compra en ELRA se puede obtener el corpus completo para búsquedas libres.
Corpus PAROLE – http://catalog.elra.info/product_info.php?products_id=766 – 250.000 palabras – CLUL e INESC-ID – PE El PAROLE, corpus escrito y anotado (POS), está compuesto de textos periodísticos y literarios extraídos del CRPC (cf. supra). Fue creado en el ámbito de un proyecto europeo (LE-PAROLE4), que incluye cerca de 20 lenguas europeas. Para cada una de estas lenguas fue compilado un corpus de 20 millones de palabras, de las cuales unas 250.000 fueron etiquetadas con información morfosintáctica (etiquetaje automático junto con desambiguación manual), según un sistema de etiquetaje uniforme para todas las lenguas, que incluye la categoría gramatical general (N, V, etc.) y la flexión verbal y nominal (Bacelar do Nascimento et al. 1998). Como tal, este proyecto se presta a hacer estudios multilingües con base en estos corpus anotados de manera uniforme. El PAROLE sirvió de corpus de entrenamiento para el desarrollo de etiquetadores morfosintácticos para el ptg. y dio origen al corpus CINTIL (cf. supra).
Corpus CD Harem* – ; para descarga en
disponible
4 Comisión Europea – DGXIII, Telematics Application of Common Interest – Contracto LE2 – 4017.
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225.000 palabras Linguateca PE / PB
El CD Harem forma un conjunto de textos con etiquetaje de Entidades Mencionadas (i.e., nombres propios de personas, sitios etc.), extraídos de las colecciones doradas usadas en el proyecto HAREM (proyecto de evaluación de sistemas de Reconocimiento de Entidades Mencionadas) (Rocha/Santos 2007). El corpus entero está disponible para descarga en formato XML pero puede también indagarse online, a través del proyecto AC/DC: además de las posibilidades de búsqueda comunes con el CETEMPúblico, se permite la búsqueda en función de la Entidad Mencionada, y por variedad geográfica del ptg. (PE o PB). Corpus Floresta* – ; descarga en
– 6,7 millones de palabras – Linguateca y Visual Interactive Syntax Learning (Universidad de Dinamarca del Sur) – PE / PB El corpus Floresta contiene 261 mil frases sintácticamente analizadas, con etiquetas morfosintácticas (POS), y de flexión y lema (Freitas/Afonso 2008). Está dividido en 4 subconjuntos (Bosque, Floresta virgem, Selva y Amazônia), cada uno con una constitución interna distinta y diferentes niveles de revisión de etiquetaje. El conjunto Bosque fue completamente revisado por lingüistas y consiste de 9368 frases, provenientes de los primeros extractos de los corpus CETENFolha (PB) y CETEMPúblico (PE). La Floresta Sintáctica puede ser consultada a través del proyecto AC/DC o mediante la interfaz de búsqueda en árboles sintácticos Milhafre (), pero puede también descargarse en su totalidad.
1.2 Corpus orales disponibles en su totalidad En este apartado listamos los corpus orales cuyos textos se pueden obtener en su totalidad (mediante compra o descargándolos en internet), sin que sean consultables en internet. Este tipo de corpus permite un acceso directo a los textos, que pueden procesarse mediante cualquier equipo lógico propio para el análisis de corpus.
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Corpus C-ORAL-ROM (parte portuguesa) – ; en venta en
– 300.000 palabras – CLUL – PE El corpus C-ORAL-ROM (↗1 Anthologies et corpus pan-romans) es un corpus comparable de lenguaje hablado para 4 idiomas romances (it., fr., ptg. y esp.), con las mismas dimensiones y constitución interna (Bacelar do Nascimento et al. 2005). Las grabaciones están transcritas en formato CHAT y la alineación entre sonido y transcripción se hizo con el programa WinPITCH. El corpus está etiquetado con etiquetas morfosintácticas POS. En la plataforma META-SHARE está disponible una nueva versión de la parte ptg., con revisión de la transcripción y alineación, realizadas con el programa EXMARaLDA, en formato XML.5
Corpus Português Fundamental – ; nueva versión en venta en ELRA (gratuito para investigadores):
– 700.000 palabras – CLUL – PE El Corpus Português Fundamental se compone de 1.800 grabaciones de conversaciones (500 horas, archivadas en el CLUL), realizadas en situaciones de comunicación oral espontánea, sobre gran variedad de temas cotidianos, con hablantes de edades, clases sociales y profesionales muy diversas (Bacelar do Nascimento/Garcia Marques/ Segura da Cruz 1987; Bacelar do Nascimento/Rivenc/Segura da Cruz 1987). De estas conversaciones, 1.400 extractos fueron transcritos (sumando 700.000 palabras), que constituyen el llamado Corpus de Frequência. Este corpus fue uno de los primeros corpus de habla disponibles para el portugués, por lo que muchos estudios sobre el lenguaje hablado se basaron en él. En la nueva versión disponible en el catálogo ELRA, el corpus está anotado con POS, se presenta en formato XML, y texto y sonido pueden visualizarse alineados mediante el programa EXMARaLDA.
5 El programa EXMARaLDA permite la búsqueda de concordancias con audición del contexto seleccionado.
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Corpus Português Falado : documentos autênticos – ; nueva versión en venta en el catálogo ELRA (gratuito para investigadores): – 92.000 palabras, de las cuales 30 textos para el PE – CLUL – PE y otras variantes nacionales
El corpus Português Falado forma un corpus oral de variantes nacionales del ptg. Contiene 86 grabaciones de conversaciones informales entre conocidos, amigos y familiares, así como intervenciones más formales como programas radiofónicos, de las décadas 1970, 1980 y 1990 para el PE (cf. Bacelar do Nascimento 2001). Los hablantes son de procedencia sociolingüística diversa y tienen el ptg. como lengua materna o segunda lengua. La caracterización de los hablantes aparece al inicio de cada transcripción (origen, sexo, edad, profesión, nivel de instrucción, información sobre las condiciones de la grabación como el local y la fecha). La primera versión se presenta en formato TXT para las transcripciones y las grabaciones en formato WAV y puede procesarse con editores de texto o audio comunes. También se puede descargar el programa Lingua que procesa ambos tipos de ficheros de forma alineada. La nueva versión del corpus está morfosintácticamente anotada (POS) y las transcripciones alineadas fueron realizadas con el programa EXMARaLDA, en formato XML. Corpus HESITA – – 27 h de grabación – Instituto de Telecomunicações – PE
El corpus HESITA recopila grabaciones y transcripciones manuales de eventos de habla con vacilaciones en telediarios portugueses. El corpus está etiquetado para las vacilaciones lingüísticas de acuerdo con el sistema PLS (Pattern Labeling System) con algunas adaptaciones (Candeias et al. 2013).
Portuguese Batoreo Corpus – – Dimensión en número de palabras desconocida – Hanna Batoréo – PE El Portuguese Batoreo Corpus reúne textos orales de lenguaje infantil y adulto en los años 1992–1993: consiste de dos narraciones elicitadas a base de una serie de im-
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ágenes, cada una contada por 30 adultos y 30 niños (cf. Batoréo 2000). La edad de los niños es de 5, 7 y 10 años (10 participantes por edad), los participantes adultos tienen entre 18 y 45 años. Las transcripciones, con metadatos sobre los informantes y algunas marcas de oralidad (pausa, repeticiones, contracciones, etc.), están disponibles en formato XML y CHAT a través de la plataforma CHILDES (cf. MacWhinney 2012; Wilkens/Villavicencio 2012; Guide to Childes Manual – Romance Corpora6), pero sin acceso a las grabaciones. Acquisition of European Portuguese Databank (AcEP) – Descarga online de las transcripciones en bajo «Database» > Transcripts – Media – XML Browsable Database > ficheros «Freitas», «Santos» y «CCF» – Dimensión en número de palabras desconocida – Maria João Freitas, Susana Correia, Teresa Costa, Ana Lúcia Santos, Leticia Almeida CLUL – PE/ bilingüe francés-portugués (Subset 5) El AcEP es un banco de datos longitudinales espontáneos de lenguaje infantil de 16 niños portugueses entre 0 y 4 años a base de sesiones de grabación mensuales o quincenales en los años 1990 y 2000 (cf. sitio web CLUL, nota 1). Las grabaciones audio (MP3 y WAV) de 5 niños están libremente accesibles en los ficheros en la plataforma CHILDES. El acceso a las grabaciones audio y vídeo se concede tras petición a las coordinadoras de la ACeP Maria João Freitas y Ana Lúcia Santos. Las transcripciones ortográficas y fonológicas están libremente accesibles online y están sometidas a los estándares de CHILDES en formato XML y CHAT (cf. referencias supra – Portuguese Batoreo Corpus).
2 Selección de textos Para ilustrar la variabilidad del PE contemporáneo, presentamos una serie de extractos textuales de índole diversa. En la sección 2.1, confrontamos dos tipos de textos muy distintos: un texto literario (2.1.1), ejemplo de un lenguaje meticulosamente trabajado, y unos extractos de comunicación digital (2.1.2), que presentan un lenguaje más espontáneo y con características muy propias. La sección 2.2 incluye textos orales: en 2.2.1 confrontamos un ejemplo de habla informal con un contexto de habla más formal; en 2.2.2 ilustramos rasgos lingüísticos caracterizadores para las dos grandes zonas dialectales que suelen distinguirse en el territorio continental portugués.
6 http://childes.psy.cmu.edu/manuals/08romance.pdf.
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2.1 Textos escritos 2.1.1 Texto literário Como ejemplo de texto literario, tomamos un extracto de O Evangelho segundo Jesus Cristo de José de Sousa Saramago (1922–2010) (Saramago 1991). Único autor portugués galardonado con el premio Nobel de Literatura (1998), se considera como uno de los mayores escritores del PE del siglo XX. Presenta un estilo experimental muy característico. Independientemente de elementos estilísticos individuales propios al autor y al texto, el discurso literario en general se caracteriza por ser un texto escrito cuidadosamente preparado, planificado y trabajado, lo que permite una organización original y creativa del contenido y de las ideas. (a) Morfosintaxis El estilo de Saramago se caracteriza por frases muy largas. El autor hace abundante uso de comas donde según la norma se esperarían puntos y seguidos o comillas para delimitar frases y turnos conversacionales (B2 […] disse, Muito desgraçados somos nós […]). Estas frases largas se caracterizan por una sintaxis compleja, con gran cantidad de frases subord. Se nota específicamente la abundante inserción de subord. de part. (A1 finalmente chegado, A2 apagadas as últimas cintilações), ger. (A3 cantando louvores) y construcciones de inf. (flex.) (B2 praticarmos a parte…). También se observa el uso del pluscpf. sintético, hoy día caracterizador de un estilo arcaizante, formal y escrito (A4 deixara, ouvira, fora). Mencionamos, por último, la anteposición del adj. con respecto al subst., que produce un efecto poético de énfasis y de subjetividad y que se vincula con la función estética del texto literario (A1–2 longa separação, A5 breve sonolência, B4 providencial palanque, B6 filosófica reflexão). (b) Léxico Junto con el refinamiento estilístico en el plano sintáctico, el vocabulario es refinado y trabajado (por ej. A2 cintilação, A5 sonolência, B4 providencial, B5 em ânsias), con uso abundante de adj. calificativos (cf. ejemplos supra). A. Rejubilava em sua alma, e a si mesmo dizia que este era, finalmente chegado, o derradeiro dia da longa separação, que amanhã, logo à primeira hora, quando, apagadas as últimas cintilações dos astros, apenas brilhar no céu a estrela Boieira, porá pés ao caminho, cantando louvores ao Senhor que nos guarda a casa e guia os passos. Abriu de repente os olhos, sobressaltado, crendo que se deixara adormecer e não ouvira o sinal, mas fora apenas uma breve sonolência, os companheiros estavam aí todos, uns conversando, dormitando outros, e o manajeiro
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tranquilo, como se tivesse resolvido dar feriado aos seus operários e não pensasse arrepender-se da generosidade. B. O outro soldado, riscando o chão com o coto da lança, como o destino que parte e reparte, disse, Muito desgraçados somos nós, que não nos chega praticarmos a parte de mal que nos coube por natureza, e ainda temos de ser braço da maldade de outros e do seu poder. Estas palavras já não foram ouvidas por José, que se afastara do seu providencial palanque, primeiro de mansinho, pé ante pé, logo numa louca corrida, saltando as pedras como um cabrito, em ânsias, razão por que, faltando o seu testemunho, seja lícito duvidar da autenticidade da filosófica reflexão, quer quanto ao fundo quer quanto à forma, tendo em conta a mais do que óbvia contradição entre a notável propriedade dos conceitos e a ínfima condição social de quem os teria produzido.
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2.1.2 Texto de comunicación mediada por ordenador Presentamos aquí unos extractos de comunicación mediada por ordenador (en este caso, conversaciones de Facebook, sacados de un subcorpus del CRPC en construcción, con textos de blogs, Facebook, tweets, y otros tipos). Medio reciente y de alcance universal, la Red ha generado una amplia gama de nuevas formas de comunicación (foros, blogs, chat, e-mail, Twitter, etc.) en constante y rápida evolución. Por un lado, los diversos géneros en la Red se sitúan en un continuo con características tanto de lenguaje escrito como de lenguaje hablado. Por el otro lado, presentan rasgos propios que los distinguen de géneros textuales más establecidos y que a menudo resultan de las particularidades técnicas del medio (Crystal 2006). Así, pese a que la comunicación digital presenta turnos de conversación – a semejanza de la interacción verbal directa en el habla – difiere de esta por la ausencia de prosodia y de gestos paralingüísticos. Además, media cierto lapso de tiempo entre los turnos de conversación, que varía de menos de unos segundos a varios meses o incluso más. (a) Características gráficas El juego con los elementos gráficos compensa la falta de prosodia y de gestos con función expresiva. Así se notará el uso de mayúsculas para reflejar discursos en voz alta o para expresar indignación (A), tanto como el uso de puntos suspensivos (que pueden ser los tradicionales tres (D), pero a menudo son más de tres o solo dos) para expresar pausas o continuación de un turno de conversación anterior (C). Muy llamativo, por supuesto, es el uso de emoticonos: en B surge uno que expresa vergüenza o escándalo, C contiene el «universal» emoticono riente, y el asterisco en E representa un beso de despedida. Además, la índole particular del
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medio entre conversación (rápida) y escrita (lenta) inspira un uso económico de la ortografía y cierta falta de cuidado ortográfico: los extractos ilustran la omisión de acentos ortográficos (A pontape, B ja, nao, E: so), de espacios (A ?LOL., E: gostam! Beijo), de signos de puntuación (A kerias o ke amarelo? para ‘querias o quê, amarelo?’) y de mayúsculas donde según las reglas del discurso escrito se esperarían (B ja, D com, E facebook), así como un uso creativo de la ortografía para representar más económicamente ciertos sonidos (A qu > k en kerias o ke = ‘querias o quê’, B 1x).
(b) Morfosintaxis La conversación en la Red se caracteriza por una complejidad morfosintáctica flexible, que puede ser más espontánea y parecida al habla, o más conforme al lenguaje escrito. Así, los fragmentos A hasta E representan distintos grados de complejidad: A, B y C contienen frases más breves y giros típicamente hablados (A la pregunta entonativa querias o quê, amarelo? por O que é que querias, amarelo?), mientras que E presenta un texto más elaborado con frases relativamente más largas, conformes a los estándares escritos y sintácticamente más complejas (por ej. con subord.: só me resta desejar um maravilhoso natal…, … rodeados de quem mais gostam). (c) Léxico La conversación internáutica se caracteriza por la alternancia de códigos, en particular en cuanto al uso de expresiones de jerga ingl., muchas veces en forma de abreviaturas (A LOL = ‘laughing out loud’). Además, los enunciados más próximos al lenguaje hablado llevan al uso de vocabulario informal (A gajo por homem). A. A 4 MIN DO FIM ?LOL .CADOZO MANDA UM PONTAPE NO GAJO E KERIAS O KE AMARELO?
B. -.- ja mandaste 1x a piada. nao te chegou?
C. … é altura disto e de muitas mais coisas!:)
D. com tanta importância que lhe dão, ela deve ter com certeza um bom «padrinho»… mas isso sou eu que acho!
E. Nem sei que dizer para exprimir todo o carinho destes dois dias. Obrigado a todas as centenas e centenas de pessoas que me deram os parabéns pelo facebook e das muitas e muitas mensagens privadas! Obrigado ! So me resta desejar um maravilhoso natal rodeados de quem mais gostam! Beijo e abraço*
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Clara Vanderschueren y Amália Mendes
2.2 Textos de oralidad 2.2.1 El habla formal e informal Se presentan aquí dos textos característicos de dos tipos de producción oral, uno informal y otro formal, sacados del C-ORAL-ROM ptg. (véase supra). El texto A ejemplifica la producción oral informal: es una conversación entre dos jóvenes adultos y amigos, en la que X le relata a Y su viaje a Sarajevo. El texto B forma un extracto de una clase de enseñanza superior: ilustra el discurso público de índole formal. (a) Prosodia La oralidad presenta rasgos propios de una producción lingüística cuyo procesamiento es simultáneo con la enunciación. En consecuencia, contrasta con la producción escrita, que permite la revisión del texto y la consecuente eliminación de reformulaciones. Este procesamiento en curso lleva a la ocurrencia de algunos rasgos llamativos del discurso oral informal no preparado: pausas rellenadas (A3 ah), hesitaciones (A2 dá / dá-te), reformulaciones (A2–3 vais p se reformula por em Lisboa) y frecuentes muletillas (A pá, e não sei quê, estás a ver). Obsérvese, así, la mayor frecuencia de estos fenómenos en el texto A, en comparación con el texto B, de registro formal y más preparado. (b) Morfosintaxis Los interlocutores del texto A, por su relación de amistad, por el carácter informal de la interacción y por su edad, usan la forma de tratamiento de pers.2 (A4 percebes), que no suele utilizarse en contextos formales. Por lo que respecta a la estructuración del discurso, el texto A progresa sobre todo mediante el uso de conj. coord. y marcadores discursivos (de repente, depois, então) y mediante la yuxtaposición de secuencias: A2–3 tu andas aqui a atrofiar // vais p/ em Lisboa andas lá todo / deprimido; A3–4 estas pessoas a família morreu / ah / percebes // a casa ruiu; A9 é a cidade toda / é só campas. El texto B presenta una cohesión textual en el encadenamiento de la información que sugiere cierto grado de preparación de los contenidos de la clase. (c) Léxico y discurso En el texto A, la edad relativamente joven de los interlocutores se refleja, por ej., en el uso de la palabra estilo como forma de señalar una ejemplificación (A8–9 estilo / nos quintais / nos jardins), en el uso de la expresión do género, que, entre largas pausa, tiene la función de introducir la continuación del discurso, en las elecciones léxicas (A3 atrofiar) o en el uso de extranjerismos (A1 power). En cambio, el texto B no presenta léxico de registro familiar. Además, la situación discursiva específica de la enseñanza superior hace que se emplee gran número de términos especializados:
Panorama de los corpus y textos del portugués europeo contemporáneo
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B6–7 métodos de Lagrange-Newton, B7–8 métodos de programação quadrática sequencial. A.7 *X: é esse power / pá / é muito estranho // é muito estranho // mas ao mesmo tempo dá / dáte um baque // mesmo … naquela / o quê? bem / tu andas aqui a atrofiar // vais p / em Lisboa andas lá todo / deprimido / e não sei quê // de repente estas pessoas a família morreu / ah / percebes // a casa ruiu // e / estão aqui / cheios de energia // não têm emprego / e não sei quê // pá / depois é / é / outra coisa q / que é impressionante na cidade é os cemitérios por todo o lado // porque aquilo durante a guerra / os cemitérios da cidade / eram no ja / nos limites onde estavam os / os inimigos // então eles tinham de enterrar os mortos à noite / estilo / nos quintais / nos jardins // então tu / é a cidade toda / é só campas // do género // as cenas mais impressionantes foi assim b / bairros de casas d / de piso térreo / estás a ver // com / *Y: hum hum // *X: / com quintais // porque em vez de quintal / é um cemitério // mesmo com aquelas / barrazinhas / de metal / estás a ver // mas que lá dentro está cemitério // pá / típico quintal / estás a ver // // *Y: [ non no se salda con el resultado nono («Este poder nono ás»). Rasgos que acusan una factura lingüística gal. son la innovación -sche en la desinencia de la pers. 2 del pret. ind. (perdische y negasch’, al lado de la conservadora negaste) y el pron. átono che en función de OI («dou-che mui grand’aver»), amalgamado en cho en su encuentro con el OD o («todo cho eu cobrarey»). Más abundante en los textos gal. med. que en los ptg. es la forma xe, variante palatalizada de se que en esta cantiga aparece como elemento constitutivo de V pronominales («en mal xe ll’ya
2 Biblioteca del monasterio de El Escorial (Madrid). Códice j.b.2.
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Ramón Mariño Paz y María Dolores Sánchez Palomino
tornar», «fillou-xe-lle pavor»). Finalmente, otros rasgos dignos de atención en esta cantiga son los siguientes; a) la mesoclisis, o incrustación de un clítico entre las dos piezas de la perífrasis verbal que dio lugar al fut. rom. («yr-m-ei», «dar-ch-ei»); b) el uso de una pers. 1 del pret. ind. todavía sin la mod. desinencia ‑n («perdi»); c) el inf. flexionado, es decir, con desinencias de número y persona («de ssa Madre non negares»); d) los indef. al ‘otra cosa’ (< lat. *ALID ) («nen deserrado en al») y ren ‘nada’ (< lat. REM ) («non ll’ouv’en ren a ficar»); e) los adv. rel. en ( [ʎ] – oreillas (9), sobeillanas (8), taillar (6), taillamiento (7), toiller (8) –. Resultados navarros con [go] (ygoal (10), lengoa (5)) o [ko] (quoal (6)) son probablemente más grafémicos que fonéticos. b) Léxico: aparecen en el texto los inevitables latinismos propios de su género o corpus: superbia (3), offitio (5) o el semiculto auocado (6). Debe destacarse el aragonesismo coa (3) (en hablas rurales es corriente hoy coda ‘cola’), y el resultado popular del lat. I N D U C E R E : enduze (5), enduziendo (14). La forma uergunça (12) en el mismo folio encuentra la variante verguença.
(1) Et el ordenamiento de las palabras complesce et tiene las uezes de la lança et (2) seruiendo a cortesía, represo de sutil manera de reprendimiento, et aqueill (3) ordenamiento sin superbia et referiendo con la coa a manera del escorpión con (4) palabras fermosas de solatz mientre da beurages endolcidos por palauras, a la (5) uerdat plenas de malqueriença, enduze offitio de la porra. Et la lengoa es dada al (6) auocado en logar de espada, la quoal dambas partes deue taillar et arredrar de (7) sí por taillamiento dambas partes aqueillas cosas que son grieues et (8) sobeillanas, et taillar las cosas que son ditas dela parte contraria, et toiller de sus (9) oreillas assí como non fuessen ditas ni oydas. Donquas el laudable uozero (10) delos pleitos, armado con estas armas, aduito con ygoal amor de iusticia, (11) gouernando el cauaillo con el freno de memoria de sí mismo, et de miedo de Dius (12) et reteniendo se sus miembros et repremiendo se de uergunça entremesclada, (13) eill, noble en tal manera, aplega todo el aiuntamiento de las armas que eill (14) ennoblescido, dé logar a ssu gloria, enduziendo miedo et espanto de la (15) partida del aduersario (Vidal Mayor, 39rº).
1.2.2 Texto B Se trata de un bando del Concejo de Zaragoza, pregonado por las calles de esta ciudad el 18 de diciembre de 1449, transcrito de la colección original por San Vicente Pino (1988, doc. 17). El hecho de que la castellanización se produjera en un lento proceso, que por causas culturales y políticas se aceleró en el siglo XV, hacía conveniente seleccionar un documento escrito a mediados de esta centuria en la capital del Reino, para así calibrar la situación del romance vernáculo en la principal ciudad de Aragón, en la zona más poblada y mejor comunicada con Castilla. a) Grafías: (de [i]) como segundo elemento de una secuencia vocálica (muytas (3), oyt (2), proveyr (10), statuydo (10)), y, de mayor diferenciación frente a la grafemática castellana y navarra, el dígrafo de la palatal nasal [ɲ] (senyor (4)); la con valor consonántico (como en el texto A), común en la scripta peninsular (diuersos (6)); y cultistas son la duplicación de la [f] (blasffeman (7), officiales (4), taffurerías
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(14)), la latinizante de qualquiere (11) y quanto (3), y la líquida de los latinismos stado (11) y statuydo (10). Salvo en el caso de , apenas nada hay divergente de la lengua escrita en el centro peninsular. b) Fonética: proveyr (10), tan etimológicamente justificado como el cast. proveer, y un ocasional antihiatismo, como el de pior (7) por peor, no sería del todo extraño en otros textos peninsulares de la época; y el vulgarismo aislado reaparece en quirientes (5), con inflexión de la [e] átona por la yod secundaria que sigue, pero dicha forma contrasta con los resultados querientes (10) e inconvenientes (9); ni siquiera la [-t] final por una ensordecida [‑d] (ciudat (3)), sobre todo respecto del castellano de los siglos XIII–XIV, debe sorprender. En cuanto a las sibilantes, podría parecer que las antiguas oposiciones se mantienen incólumes, a diferencia de la evolución que el castellano y otros romances peninsulares estaban siguiendo, a tenor de lo que indican las grafías [dz] fazen (2) (frente a lançan (5), condición (11), officiales (4), etc., con [ts]), y [z] en cosas (14), osada (11), postposado (3), presa (15); sin embargo, muchos otros documentos, incluso bastante anteriores a este, indican que el sistema consonántico del aragonés estaba en crisis, e incluso en el mismo texto que comentamos se muestran indicios del cambio: verguenza (4), con en el Medievo, y paradisso (8), con [s] (frente al resultado con [z] paradiso, a partir del lat. P A R A D I S U S , del que paradisso es, en parte, calco dada la permanencia de [‑d‑]). En el pregón zaragozano del 14 de enero de 1450, siguiente al que comentamos en la colección citada, el ant. decir ‘bajar’ se reitera con : «como dize de la Carrera Mayor», «como dize el Mercado» (‘como baja de la Carrera Mayor’). Los rasgos tipológicamente aragoneses se mantienen en algún caso parcialmente, así en la apócope de part (2), precisamente dentro de frase formularia, pero no en ende (9), ordenado (10), postposado (3), etc. En cambio, permanecen con toda regularidad, en lo tocante a la F-: fazen (2), fará (15), feridas (6), furtos (6); en lo relativo al resultado palatal lateral [ʎ]: treballo ‘trabajo’ (5), y al de ‑CT-, -ULT> [it] (frente a cast. [ʧ] ): dita (15), ditos (17), muytas (3), sobredito (10), en comunidad con los demás romances peninsulares y por oposición al particular comportamiento del castellano. Las tradicionales oposiciones de [b] (saber (2), sobredito (10), treballo (5)) y [β] (o : diuersos (6)) (proveyr (10), taviernas (17), vegada (16), verguenza (4), vos (2)) no ofrecen irregularidad alguna, pues bivir (5) es el resultado de una antigua disimilación, en las labiales de vivir, que también estuvo vigente en castellano durante toda la Edad Media. c) Gramaticalmente, deben destacarse las formas e (4), conjuntiva, y es (7), verbal, con la solución evolutiva castellana, o con ella coincidentes, ya general en buena parte de Aragón en la época (et (16) no es sino transcripción del signo tironiano) (cf. un solitario yes en el primer pregón de los publicados por San Vicente Pino: «segunt dito yes»). Nótese la falta del art. en el SP de paradisso (8); la continuidad del relativo qui (17), con antecedente de pers. m. (todos aquellos); el uso del part. de pres. por ger., querientes / quirientes (10) y (5), sistemático en el corpus zaragozano, lo mismo que el subj. sía, sían (11), el adv. pronominal ende ‘de ello, de ahí’ (9), y la
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Juan Antonio Frago y María Antonia Martín Zorraquino
secuencia asimismo genuinamente aragonesa paladinament ni escondida (12) (por ‘paladina(mente) ni escondidamente’; cf. el sintagma adv. coordinado comentado en §1.2.1) junto a las partículas conectivas encara ‘aún’ – o ‘aun’, ‘incluso’ – (9) y ultra ‘además’ (17), esta especialmente frecuente en la escribanía pública. En el nivel sintáctico, pervive con gran vigor el uso aragonés del fut. de ind. en oraciones temporales de posterioridad y en oraciones relativas de generalización con posibilidad futura: «e la persona que el contrario fará» (14) y (15), «aquellos qui tendrán» (17). d) Léxico: se consignan los catalanismos taula ‘tabla’ – también ‘mesa de juego’ – y tauleros ‘tableros’ (18), el aragonés postposado ‘pospuesto’, coincidente con el cat. (3), y el exclusivo aragonesismo de crida ‘pregón’ (1); los tradicionales hispanismos paladinament (12) y taviernas (17), y el latinismo paradisso (8), de excepcional presencia en fechas tan tardías; por último, vegada ‘vez’ (16) siempre fue mucho más frecuente en aragonés que en castellano.
El Concejo de Zaragoza pregona la prohibición de juegos de azar (18 de diciembre de 1449) (1) Crida de los juegos. (2) Oyt que vos fazen a saber de part de (3) los jurados de la Ciudat, que por quanto muytas personas, postposado el temor (4) de Nuestro Senyor Dios, del senyor rey, de sus officiales e la verguenza del (5) mundo, no quirientes bivir de su justo treballo se lançan a jugar et tener juegos e (6) tafurerías, de lo qual se siguen muertes, feridas, furtos, robos et otros diuersos (7) males et inconvenientes e, lo que pior es, blasffeman, juran e reniegan de (8) Nuestro Senyor Dios et de la Virgen Maria et de los santos e santas de paradisso e (9) encara s’ende siguen otros males et inconvenientes del dito jugo [sic]. Por tanto, (10) querientes proveyr en lo sobredito, la dita Ciudat ha statuydo e ordenado que (11) persona alguna, de qualquiere ley, stado o condición sian, no sia osada (12) paladinament ni escondida dentro en la dita ciudat ni en sus terminos jugar a juego (13) alguno de dados, excepto juego de XXX taulas, ni rifar anguilas, arenques, (14) sardinas ni otras cosas ni tener juegos ni taffurerías, e la persona que el (15) contrario fara que sia presa e, presa, detenida en la carcel comun de la dita ciudat (16) por tiempo de XV dias por cada una vegada, et aquesta mesma pena hayan (17) todos aquellos qui tendran los ditos juegos en taviernas, e, ultra la sobredita (18) pena, que les seran tirados los tauleros et crebados sin remedio alguno.
1.3 Texto en un habla altoaragonesa actual: Fiestas d’antis y d’agora Fragmento incluido en el poemario de Rosario Ustáriz (2006, 47s.), natural de Hecho (Huesca), representativos, texto y autora, del habla de este valle (el cheso) (Pirineo occidental aragonés), la más cohesionada lingüísticamente de las supervivientes del antiguo romance del Reino hasta las comunidades del valle del Ésera (en la Ribagorza Occidental) y, sobre todo, al oriental valle de Benasque, donde se mantiene, quizá con mayor vitalidad, un hablar de frontera (modalidad de transición) con el cat. y el aranés (cf. el interesante entrecruzamiento de rasgos lingüísticos propio de las hablas de dicho valle, p. ej., en Castán Saura 1997: un aragonés de tránsito, muy distinto del cheso, pero también con muestras de castellanización, y de ruralidad en numerosas
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formas no canónicas). El término patués asignado al habla benasquesa (cf. fr. patois) desvela la secular relación de sus gentes con las ultrapirenaicas. a) Grafías y fonética: muestras de plena castellanización (la conj. y (2); el adv. muy (13); el num. ocho (14)), y otros rasgos que delatan un largo proceso de acercamiento entre este aragonés y el castellano, empujado por una semejanza evolutiva en las sibilantes, con pérdida de la distinción por sonoridad / sordez: Xaca ‘Jaca’ (20), dixen ‘dejen’ (8) – [ʃ] –, chens ‘gentes’ (5) – [ʧ] –; el ceceoso peceta (17) tiene que ver con dicha tendencia evolutiva, o con la influencia de contactos normativos. Tratándose de un habla rural, no deben extrañar las formas no canónicas, que en ocasiones afectan a voces vernáculas: cambio vocálico de [i] por [e] – dixen (8) (cf. dexen ‘dejen’), aquí tal vez condicionado por la palatal siguiente –, y en millor ‘mejor’ (4), triballo ‘trabajo’ (6); o sigan (3), que ofrece, en subj. arag. sían ‘sean’, epéntesis antihiática. Hay otras realizaciones consideradas no ejemplares que pueden hallarse en otras hablas hispánicas: alcuerdo ‘acuerdo’ (16), dimpués ‘después’ (7), -ado > ‑áu (dau ‘dado’ (19), plegau ‘llegado’ (20)), güelo ‘abuelo’ (20), pa ‘para’ (3), pos ‘pues’(19), tamién ‘también’ (1). Aparte de lo señalado, está la pronunciación llana centimo [θentímo], frente al canónico esdrújulo ‘céntimo’ (23); el cierre de la ‑e en antis ‘antes’ (en el título del poema) (y en otros textos, en esti, li, lis), de viejas raíces dialectales, así como la apócope de ratet (dim. en -ete) ‘ratito’ (19) y chens (chen ‘chente’ – ‘gente’ –) (5)); las soluciones aragonesas millor (4), triballo (6), identificadas en su [ʎ]; la conservación del grupo etimológico PL de emplenan ‘llenan’ (12) y plegáu ‘llegado’ (20), junto al mantenimiento de la F- latina en fa (19) y fer (3). b) Gramaticalmente: el art. m. lo (lo triballo) (6), uno de los existentes en las hablas aragonesas; el V ser en sus formas regnícolas ye ‘es’ y sigan ‘sían (sean)’ (3) y (15); la perífrasis obligativa hemos a fer ‘tenemos que hacer’ – el V fer (3), que, conjugado, está como impersonal fa ‘hace’ (19), junto a hemos con el sentido del lat. H A B E R E (3)-, y el vo etimológico (15) y (22), como lo son do, estó, so (en otros textos); se testimonian también el adv. locativo y (< IBI): «i-sigan» (3), «i-veo» (13), y el adv. pronominal en (< INDE): «s’en tornan» (1); la prep. ta ‘a, hacia’, reducida de enta (21), y el orden morfosintáctico «la m’ha dáu» ‘me la ha dado’ (19). c) Léxico: de intenso uso en altoaragonés, añada ‘año’ (4) y (14), también branca ‘brizna (rama)’ (22), en coincidencia con el cat.; pervive el etimológico finestra ‘ventana’ (11), igual que levo ‘llevo’ (18), sin la palatalización castellana, y remeranza ‘remembranza’ (12). Y tiene presencia el diminutivo ‑ete, preferido en el Alto Aragón (apriseta ‘deprisita’ (2), ratet (19)).
(1) Las fiestas tamién s’en tornan (2) apriseta y, prepararlas, (3) hemos a fer, pa que i-sigan (4) millor qu’en otras añadas; (5) pa que las chens se diviertan (6) y a lo triballo, con ganas, (7) tornen dimpués de que pasen, (8) y las dixen bien bailadas, (9) y las ronden, y se cansen, (10) que tamién las fiestas cansan. (11) Mirando por la finestra (12) m’emplenan las remeranzas… (13) Me i-veo cría, muy cría, (14) como de unas ocho añadas… (15) Cantando vo… ¡que ye fiesta! (16) – no m’alcuerdo qué cantaba – (17), pero sí que una peceta (18) levo en la mano apretada,
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(19) pos la m’ha dáu, fa un ratet, (20) mi güelo, plegáu de Xaca. (21) Ta casa de Menescal (22) vo a fundirla: ni una branca (23) de centimo quiero d’ella.
2 Asturleonés 2.1 Introducción general El asturleonés, como diasistema dial. histórico, presenta, en las características de su evolución, analogías con las del diasistema dial. aragonés, pero, al mismo tiempo, diferencias muy importantes, como puede comprobarse también, todavía, en la situación actual de ambos ámbitos lingüísticos. El propio glotónimo asturleonés refleja que se trata de una variedad románica originada por la expansión reconquistadora del reino de Asturias al sur de la cordillera cantábrica, con el consiguiente traslado del centro del poder real de Oviedo a León (año 910). Ello estuvo unido a movimientos migratorios tendentes a fijar el dominio cristiano, mediante la repoblación y colonización, en las tierras nuevamente conquistadas y en las que se iban a añadir a la monarquía leonesa, primero en la cuenca del Duero y sus afluentes, luego buscando, en competencia con Castilla, las llanuras del Tajo, con profundos avances en Extremadura, hasta la unión dinástica de ambas coronas en la persona de Fernando III (1230). A la repoblación de campos y ciudades ganados por los cristianos norteños acudieron asturianos, que mezclarían sus hablas antes territorialmente diferenciadas, pero también gallegos, vasco-navarros, mozárabes de Toledo y de Andalucía, y otras minorías, incluso de allende los Pirineos. Los tres grandes ámbitos –oriental, central y occidental- que suelen reconocerse en las hablas asturleonesas (cf. Menéndez Pidal ²1962), no son, según Neira Fernández (1976, 58), consecuencia del «quebrantamiento de una unidad románica asturiana anterior», sino que remiten al común origen lat. y también «a otros resultados de evoluciones convergentes o de influencias que han actuado sobre todas ellas», lo que se refleja hasta hoy en una compleja variación interna (cf. Neira Fernández 1976; Morala Rodríguez 2004, etc.) (cf. también §2.3, para la normalización actual). A la diversidad lingüística que los hechos históricos impusieron, le siguió, en el dominio leonés, un proceso de nivelación de rasgos dial., menos marcada que en Aragón (y en todo caso, de algún modo, semejante a la que ha habido en parecidas situaciones de mezclas inmigratorias, así por ej., en Andalucía, Canarias y la misma América). Con todo, aun siendo el asturiano central el de mayor densidad demográfica, y con más importantes centros urbanos, su plural en ‑es no logró un considerable arraigo al sur de Asturias; los diptongos ei, ou distaron de generalizarse en el dominio leonés, y mucho menos la evolución de la l- inicial a una africada [ts]. Es decir, los fenómenos dialectales más discordantes con el castellano fueron los más amenazados de repliegue geográfico y sociológico (Frago Gracia 2001–2002, 1–20). Todo esto ha de estar presente en quien comenta o analiza antiguos textos leoneses,
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y las circunstancias históricas y culturales (que afectaron a la lengua de las gentes y a su reflejo en los documentos: cf. Morala Rodríguez 2004, 555–557). Tanto al ámbito aragonés como al leonés, les faltó una literatura de altos vuelos y continuidad, y ambos dominios conocieron la reconquista y la repoblación, pero recuérdese que León se recupera en el 856, y Zaragoza, en 1118. Tampoco los pesos demográficos respectivos fueron idénticos: Aragón no tuvo repoblación mozárabe, ni Cataluña aportó inmigrantes al conjunto del Reino en igual medida a los que desde Galicia acudieron a colonizar tierras leonesas; tampoco eran equiparables las situaciones orográficas y de comunicación entre los dos territorios, con comarcas leonesas más proclives al aislamiento y preservación del dialectismo que en Aragón, al sur del Somontano pirenaico. Pero la diferencia fundamental radica en que la unión dinástica de León y Castilla se anticipó casi dos siglos a la entronización de un príncipe castellano en Aragón: año de 1230, frente a 1412 (cf. §1.1). Esto supuso la imposibilidad de que se configurara y arraigara una lengua escrita oficial leonesa, o asturleonesa, pues la pérdida de un monarca privativo coincidió con el desarrollo del romance en la escritura pública, impulsado desde el poder real, que luego se trasladó a la Iglesia, en años en que Castilla había afianzado su protagonismo reconquistador, con su lengua prestigiada literariamente y con uniformidad de la que no disponía el fragmentado dominio leonés. Con todo, pueden rastrearse rasgos específicamente asturleoneses hasta fines del siglo XV (Morala Rodríguez 2004, 555s.), en la riquísima documentación ya publicada de la que disponen los estudiosos (en §3.2.2 hemos incluido una amplia muestra – no exhaustiva – de la extensa colección de volúmenes editados por Fernández Catón), que revela igualmente que la castellanización fue mucho más marcada en la Meseta (sobre todo, en las ciudades y núcleos urbanos), que en las zonas montañosas y más rurales del norte y el oeste (Neira Fernández 1976, 53–61; Morala Rodríguez 2004, 556). La documentación notarial muestra, asimismo, que los notarios «parecen ir reemplazando poco a poco cada uno de los rasgos dialectales […], a medida que estos rasgos van convirtiéndose en diatópica o diastráticamente marcados» (ibid., 561s.). En 1229, por ej., en un doc. de Cabezón de Liébana (partido de Potes – Asturias –) (recogido por Staaff y que reproduce Menéndez Pidal 1965, I, 83), predomina el cierre de ‑o (con una veintena de casos, dentro de su brevedad): annu, clérigu, dannadu, duennu, infiernu, lu, otru, oficiu, plenu, pescadu, etc., pero hallamos también: centeno, entroydo, otorgo, «maledictu ye descomulgado»; queda muestra de ‑e > -i (esti); es forma prep. única ata (nunca fasta); la conj. occidental ye (< ET ) ofrece cuatro registros, pero también uno de la castellana hi ‘y’, y castellanos son los resultados evolutivos de CT en peche y de LY en Conceiu ‘Concejo’ (dos ejs.), consegu ‘consejo’ y maiuelo ‘majuelo’ (cf. §2.2.2). Especialmente diversa (respecto del dominio aragonés) es la situación actual de las hablas asturleonesas (asturianas), con pervivencia mucho más intensa, extensa y diversificada (cf. §2.3). En síntesis: en el dominio asturleonés distintas circunstancias impidieron la elaboración de una lengua escrita oficial, en lo que quizá algo también pudieron
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Juan Antonio Frago y María Antonia Martín Zorraquino
influir las fuertes disparidades dial. encontradas en ese territorio peninsular. Tal realidad hizo que la castellanización se extendiera entre quienes se servían de la escritura, si bien en el uso hablado el proceso hubo de encontrar más resistencias o dificultades, de lo que buena prueba es el texto notarial ovetense de 1244 que citaremos en §2.2.2. Retrasado, sobre todo, fue el influjo castellanizador entre analfabetos y en zonas tradicionalmente aisladas; en una de ellas, el valle de Ancares, donde los rasgos gallegos predominan sobre los leoneses, el dialecto comarcal a continuación de la guerra civil todavía era el medio de expresión lingüística casi exclusivo de sus gentes (cf. Fernández González 1978).
2.2 Textos asturleoneses medievales 2.2.1 Texto A Aportamos la Nodicia de kesos, tenido por el más venerable, y que reproducimos en la versión del facsímil publicado por Fernández Catón (2003), estudioso que fecha el texto en 974 o, a lo más tardar, en 975 (ibid., 65–68). Se anotan por el despensero del monasterio de los Santos Justo y Pastor de Rozuela, no lejos de León, los quesos consumidos durante una parte no determinada del año agrícola, y, en la referencia bibliográfica dada, figuran las abreviaturas que el texto contiene, así como ciertas particularidades y dificultades de su lectura. Desde el punto de vista de la documentación lingüística, otros textos coetáneos que figuran en la misma colección ofrecen información mayor y más completa, pero la Nodicia tiene el añadido histórico del humilde lego que lo escribió, autor, pues, muy cercano al pueblo y con muy elemental formación lat. Precisamente su inexperiencia en el manejo del lat., por entonces aún obligado en la escritura, hace que su lengua materna se entremezcle y aun se superponga en su texto. Este sumario listado forma parte, en sí mismo, de una antigua tradición noroccidental, pues otra Notit[i]a de casios trae una pizarra visigótica de los siglos VI y VII (Fernández Flórez 2008, 105), y el mismo texto del lego de Rozuela se inserta como una pieza más en el lat. arromanzado de todos los dominios peninsulares, el que se veían obligados a emplear clérigos de pobre instrucción escolar, de donde que sus escritos inevitablemente sufrieran de interferencia del vulgar (Frago Gracia 2002, 167–190). a) Grafías: se observará que, frente a la transcripción de Menéndez Pidal (cf. Frago Gracia 2002, 167–190), la para [i] vocálica es (tal y como se aporta en la ed. facsimilar) y, en algunos casos, , a lo largo de todo el texto. Por otra parte, en Rocola (7) es evidente la falta de la , atestiguada en otros docs. medievales para [ts]. La epéntesis antihiática de [y] se grafía en LeIone ‘León’ (5) y en Cegia ‘Cea’ (4), y esta en Iuste (2) también representa la prepalatal fricativa sonora [ʒ]. En sopbrino (6), probablemente hay reacción ultracorrecta del redactor, vacilante ante la inclusión del romance sobrino en su texto «latino», lo mismo que con apate (2),
Aragonés y asturleonés, dialectos históricos del latín (y su situación actual)
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resultante de su inseguridad entre el canónico abbate y el popular abad (el leonés lomba del documento 10 de esta colección, es lonpa en el 2). b) Gramatical y léxicamente: fosado (4), kesos (1), (2), etc., mesa (5), tor[r]e (4), son términos plenamente romances, como lebaron (5) y puseron (3) (o, en la misma colección, mataront del doc. 7, y sacarunt del 3, aparte el resabio latinizante en la terminación verbal), o leba (6), lo mismo que el rel. que, con (4), (5), (7) y (6), o el pron. átono la («la taliaron» (5)). De otro lado, alternan ad (4) y (7), y a (4) y (5), e in (1), (2), (3), y en (2) y (4), y no existe la rección casual, sustituida por nexos prep. («de kesos» (1), «de fratres» (1), «en que» (2–3), etc). En ilo (2), etc., ila (3), etc., está el art. romance, y es romance tanto la sintaxis como el orden de palabras de este pequeño corpus, mal cubierto de su estereotipado barniz lat. (cf., especialmente, «quando la taliaron Ila mesa» (5)). Y, sobre todo, se trata de romance leonés, sin duda, como lo demuestra el regional bacelare (2) con su latinizante ‑e, que seguramente habrá de leerse bacellar o bacillar ‘viña joven, majuelo’, y es muy probable asimismo que, en taliaron (5), su
, , sono articolate (E2 còp). Morfo-sintassi: 1. utilizzo di un morfema -i(s) in prov. per il m. e f. pl. negli art. (A2 lis; D2 li ~ linguadociani E4 los; E2 las), nelle prep. art. (D5 dis), negli adj. (D1 agri);
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predominanza in prov. della desinenza verbale ‑e per la pers.1 del p.remoto: A3 prenguère; 3. desinenza -ié [ié] della pers.3 dell’ind.imperf. con grafia mistraliana (C2 jasié) e con grafia classica (D3 fasiá); 4. nel nord-occ. uso di quo epidittico (rafforzativo dell’enunciazione) davanti al V èsser (F1).
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3.1 Testi del XIX° secolo 3.1.1 Un brano tratto da La rintrado au mas1 (testo A) La rintrado au mas è un cap. fondamentale della raccolta autobiografica di Mistral (1906); in esso l’autore evoca il momento – è l’estate del 1851– in cui ha preso coscienza della propria vocazione di scrittore legato alla terra nativa, risoluzione che compariva già nel poema Bonjour en tóuti del febbraio del 1851 (Roumanille 1852). L’edizione a cura di Rollet (1969) ripropone quella del 1906, fedele al ms. depositato presso la bibl. di Méjans. La più recente edizione (Bornecque 1979) è presentata solamente in trad. fr. Varietà: provenzale (sottovarietà del Rodano). Grafia: mistraliana. E aqui meme – d’aquelo(1) ouro aviéo vinto-un-an –, lou pèd sus lou lindau(2) de moun mas peirenau(3), emé(4) lis iue vers lis Aupiho(5), entre iéu e d’esper-iéu prenguère la resoulucioun: proumieramen, de releva, de reviéuda ‘n Prouvènço lou sentimen de raço, que vesiéu s’avali souto l’educacioun contro naturo e fausso de tóuti lis escolo; segoundamen, d’esmòure aquelo respelido pèr la restauracioun de la lengo naturalo e istourico dóu païs – que tóuti lis escolo ié(6) fan uno guerro à mort –; tresencamen, de rèndre la vogo au prouvençau pèr l’aflat e la flamo de la divino pouësìo.
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(1) l’opposizione [wé] ~ [wè] non è mai fonologicamente pertinente e, dunque, non è notata da LIMEN N ; (3) ‘paterno’; (4) ‘con’; (5) dim. di Alpes; (6) pron. ‘gli’. accento diacritico; (2) ‘soglia’ < LIME
3.1.2 Subre las roïnas del castèl de Perelha2 (testo B) Il componimento in versi scritto nel 1896 da A. Perbosc è tratto dalla raccolta La cançon reirala, la cui edizione, sulla base del ms. inedito, si deve a Lagarde (1978; ↗13 Occitano antico: antologie, corpora, testi, §1.1.2 a.). Varietà: linguadociano (sotto
1 Edizione: Rollet (1969, cap. XI, 388). 2 Edizione: Lagarde (1978, 149s.).
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varietà del Quercy, che presenta alcune delle evoluzioni che caratterizzano l’area guasc.). Grafia: classica. Demest garrabièrs(1), èdras boissons(2), romècs e casses, milanta flors florisson dins las parets mofudas ont las fendalhas(3) badan coma bocas que cridan dòl e desesperança. E las flors son de labras ont lo silenci parla melhor que de paraulas. O flors, sola ondradura de la tomba faidida, per man tremolanta non saretz(4) pas rabaudas. Vèrs tu, tèrra sacrada,
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m’aclinant, vòli sonque amassar, simbòl triste, aquesta scabiosa que lo sang dels malastres a benlèu enrogida; apuèi, aquesta pèira qu’ai plan causida subre la paret la pus auta, pèira de remembrança que metrai sus la taula ont escriurai mas tròbas, e pèira detruchièra dont s’armarà mon ira per las escalhaussadas(5), se cal asclar la clèsca(6) als Montfòrts(7) del temps d’ara.
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(1) ‘rose’; (2) < iss> per [ʃ];(3) ‘lucertole’; (4) grafia classica nei morfemi verbali della pers.5; (5) ‘per le lapidazioni’ < V escalhaussar ‘lapidare’ (nell’Aude); (6) ‘fendere il cranio’; (7) allusione a Simon de Montfort (1150 ca.–1218), che capeggiò la Crociata contro gli Albigesi.
3.2 Testi dell’occitano contemporaneo 3.2.1 Un brano tratto da Lou grand Baus3 (testo C) Lou grand Baus è il primo romanzo di J-P. Tennevin, che gli ha fruttato il premio Mistral 1965; è incentrato sull’oppidum edificato fra Aix e Marsiglia e sulle leggende nate attorno ad esso. L’autore si distingue per la modernità della propria lingua, che sovente arricchisce di neologismi. Varietà: provenzale. Grafia: mistraliana. Subran lou ferre reboumbiguè(1) sus uno pèiro lisco(2). Aloi alarguè l’orle pèr douna d’embut(3) e desnudè uno lauso(4) que jasié à plat. Lou cor ié(5) batié dins lou pitre à grand cop. S’aubourè(6), tout susarènt, pèr toumba la camiso qu’acrouquè au pinatèu(7). A l’entour dóu soulèu que trecoulavo, lou cèu tiravo sus lou verdau. Dins la liuenchour bluiejavo, nau de faiènço, lou mount Ventùri.
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(1) ‘rimbombò’, pers.3 p.remoto V reboumbi; (2) ‘ciottolo’, fr. ‘galet’; (3) ‘formare un imbuto’, ‘svasare’; (4) ‘pietra’; (5) pron. ‘gli’; (6) ‘si raddrizzò’; (7) ‘giovane pino’.
3 Edizione: Tennevin (2003, 36).
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3.2.2 Un brano tratto dalla Vida de Joan Larsinhac4 (testo D) È un racconto di R. Lafont col quale lo scrittore ottenne il Premi de las letras occitanas nel 1950. L’opera riveste particolare rilievo perché è la prima, in ordine temporale, della cospicua produzione romanzesca dell’autore, che la scrive spinto dal desiderio di aderire a quel progetto culturale collettivo di dotare l’occ. di una letteratura in prosa, ancora limitata di fronte all’abbondanza della produzione in versi che caratterizzava il Midi della metà del XXo secolo (cf. supra, §1.2). La prima edizione è del 1951, ed è comparsa nella collezione «Prosa» dell’IEO; essa è stata riprodotta in facsimile in Lafont (1978–1979, vol. I). Lingua: provenzale. Grafia: classica. A la pastorala se mesclavan pasmens(1) d’aigri dissonàncias(2); lo bruch(3) de la guèrra(4) s’enaurava(5) darrier li montanhas e detràs li flumes. La preséncia dau mond se fasiá mai autoritària e mai penosa. Li dròlles(6) de nòstre temps contuniaviam a nos ne trufar(7). N’aviam la costuma: au mai luenh que m’esmarre(8) ieu sus lo relarg(9) palle de mon enfança, la paur dis armas e dau fuòc(10) me reven a bofes, e tòrne niflar l’odor aspra di jornaus dins sis edicions especialas que nos menaçavan dau grand chaple(11).
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(1) ‘tuttavia’; (2) l’accento diacritico indica la voc. tonica; (3) ‘rumore’, ove non si pronuncia; (4) per [g]; (5) ‘s’innalzava’; (6) ‘ragazzi’; (7) ‘burlarcene’; (8) pers.1 ind.pres V s’esmarrar ‘smarrirsi’; (9) ‘spazio’; (10) [fyò]; (11) ‘massacro’ < V chaplar.
3.2.3 Un brano tratto da La grava sul camin5 (testo E) Si propone uno stralcio del 1° cap. (Waldenburg) della prima delle quattro parti di cui si compone il romanzo di J. Bodon La grava sul camin, tratto dall’ultima edizione pubblicata; la prima era uscita nel 1955. Il testo è esemplificativo della lingua contemp. riconosciuta come standard, cioè del linguadociano che, fra tutti i parlari, è considerato quello maggiormente in grado di rappresentare il diasistema in cui confluiscono le differenti varietà d’oc (Bec 1973). Varietà: linguadociano. Grafia: classica. Ai paur! Darrier la ròda(1) de fèrre d’un vagon me soi aplatussat(2). Una bronzor(3) se sarra(4) sus l’autobahn. Diriàtz las aigas d’una granda mar. Tot còp un flac, un sarrabastal(5). Las bastendas de la gara fumassejan, destrantalhadas(6). Ai paur. Los Alemands son partits dempuèi un brieu. Nos an daissats aquí, en plena gara, al mièg(7) dels vagons escarmentrats(8). E sèm demorats aquí, totes estirats, sens gausar bolegar(9).
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4 Edizione: Lafont (1951, 19). Per il commento linguistico cf. anche Bec (1973, 114–121). 5 Edizione: Bodon (1976, 19); alcuni brani del romanzo sono in Laux (1980, 239–245; ↗13 Occitano antico: antologie, corpora, testi, §1.1.2 c.). Per il commento linguistico cf. anche Bec (1973, 61–76).
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(1) iniziale è fortemente vibrata; (2) part.p. V s’aplautussar ‘appiattirsi’; (3) ‘un rumore’; (4) pers.3 ind.pres. V se sarrar ‘avvicinarsi’; (5) ‘dappertutto uno schiocco, una detonazione’; (6) ‘sfasciate’; (7) finale ha valore di [ʧ]; (8) ‘sventrati’; (9) ‘senza osare muoversi’.
3.2.4 Un brano tratto da Lo Dalús6 (testo F) Racconto popolare che documenta il registro orale. Esso è comparso per la prima volta nella raccolta di M. Delpastre, Contes populaires du Limousin (numero speciale di Lemouzi 33 del gennaio 1970), la cui edizione è stata in seguito riprodotta in fac-simile in AA.VV. (2006). Varietà: limosino. Grafia: classica.
Lo Dalús, quo es ‘na(1) bèstia(2) feramina que degun l’a jamai vista, mas que fasiá plan parlar d’ela per lo país, en quaunqu’un temps. Dempuei, n’auviriatz pus res dire dins nòstras contradas, e lo quite nom(3) ne’n seriá oblidat, si n’era un brave torn(4), qu’arribet ad un bon dròlle un pauc d’escart, i a benleu be(5) cent ans.
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(1) aferesi, caratteristica del nord-occ., in particolare del limosino; (2) la grafia classica non rende conto delle differenti realizzazioni orali di preconsonantico come [y] o [h], anche con allungamento compensatorio della vocale precedente; l’accento non indica il timbro (nel gruppo nord-occ., infatti, l’opposizione [ɛ]~[e] è defonologizzata), ma il valore prosodico; (3) adj. < QUIETUS , usato in locuzioni limosine, qui per ‘il nome stesso’; (4) ‘fatto’; (5) in certi monosillabi finale può mantenersi o cadere, creando un’opposizione semantica: ben ‘bene’ avv. ~ be ‘bene, certamente’.
4 Bibliografia AA.VV. (2005), Contes d’auei e de doman, Périgueux, Novelum, 103 pp. e CD. AA.VV. (2006 [1970]), Provença tèrra d’oc, Hyères, LAU. Alén Garabato, Carmen (2008), Actes de Résistance sociolinguistique. Les défis d’une production périodique militante en langue d’oc, Paris, L’Harmattan. Alibert, Loïs (1976 [1936]), Gramatica occitana segon los parlars lenguadocians, Montpellier, CEO. Arbaud, Damase (1862–1864), Chants populaires de la Provence, 2 tomi, Aix, Makaire (Marseille, Laffitte, 1971; Nyons, Chantemerle, 1972; Grasse, TAC-Motifs des Régions, 1999–2000). Bayle, Louis (1968), Dissertation sur l’orthographe provençale comparée à la graphie occitane, Berrel’Étang, L’Astrado. Bayle, Louis (1969–1971), Morceaux Choisis des Auteurs provençaux de la fondation du Félibrige à nos jours, Toulon, L’Astrado, vol. I: Des débuts de la Renaissance à la mort de Mistral; vol. II: De la mort de Mistral à nos jours. Bec, Pierre (1970), Manuel pratique de philologie romane, t. 1, Paris, Picard. Bec, Pierre (1973), Manuel pratique d’occitan moderne, Paris, Picard. Bodon, Jean (1955), La grava sul camin, Toulouse, IEO.
6 Edizione: Delpastre (1970, 105). Per il commento linguistico cf. anche Bec (1973, 149–153).
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15 Il guascone Abstract: Dopo l’analisi delle antologie che raccolgono la produzione scritta dal medioevo fino ai nostri giorni e che documentano la varietà degli usi linguistici guasconi, ripartiti per area (§1), sono commentati i corpora (CD e Web) sia testuali che sonori (§2). Nel §3 compare una selezione di testi scelti al fine di offrire un quadro, se non esaustivo, almeno rappresentativo, delle forme di espressione scritta (in versi, in prosa, ed anche proveniente dall’oralità) che caratterizza il guascone fin dall’epoca medievale.
Keywords: aquitano-pirenaico, aranese, area interferenziale, bearnese
1 Introduzione Il guascone è il più differenziato degli idiomi del Midi: già nel med. esso era considerato come un’entità distinta nello spazio occ. (↗13 Occitano antico: antologie, corpora, testi, §1) ed oggi, in seguito a recenti studi (Chambon/Greub 2002; 2009), ad esso si può attribuire a buon diritto lo status di lingua autonoma. La produzione poetica med., tuttavia, non documenta l’idioma locale se non in minima parte, perché la lingua utilizzata dai trovatori guasc. si conformava all’occ. comune, prima che esso fosse sopraffatto dal fr. È a partire dal XVIIo secolo che difendere il lengatge bèth rappresenterà una «scelta militante» (Sibille 2002, 18s.): Pey de Garros dichiara di scrivere in guasc. «per l’aunor deu país sostenguér. Et per sa dignitat manténguer». Quasi tre secoli più tardi, le medesime motivazioni condurranno alla fondazione, da un lato, della Escolo deras Pirenèos, che preconizza l’impiego degli idiomi locali veicolati da grafie rispettose delle peculiarità di ciascuno e, dall’altro, della Escòla Gaston Febus, che considera come varietà di base quella bearnese. In seguito, con la creazione dell’Institut d’Estudis Occitans da parte di Ismaël Girard e l’utilizzo della grafia classica, il guasc. ritroverà una relativa unità di scrittura. Una maggiore vitalità è stata goduta in ambito amministrativo. Il bearnese, in particolare, che divenne la lingua del potere della Navarra nell’area compresa fra Foix e Pamplona, continuerà ad essere utilizzato, per quanto sporadicamente, fino ai primi dell’Ottocento. Il guasc. è caratterizzato da un insieme di tratti specifici originari, alcuni dei quali sono presenti anche nella porzione occid. del linguadociano, area con la quale esso costituisce il complesso aquitano-pirenaico (↗14 Occitano del XIXo secolo e contemporaneo: antologie, corpora, testi, §3). All’interno del dominio guasc., inoltre, la regione compresa fra Comminges, Volvestre e Couserans rappresenta un’area interferenziale, dove elementi guasc., tolosani ed anche cat. hanno dato vita ad una lingua dotata di una fisionomia particolare (Bec 1968; Fossat 2003), ben riconoscibile già nella produzione med. non solamente di ambito amministrativo, ma anche relativa ad
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opere della letteratura scientifica (Corradini 1997, 78–92). Un’altra sottovarietà degna di nota è quella della Val d’Aran, in territorio sp., che si basa sull’idioma dello HautComminges e che, a causa del differente contesto politico, utilizza una grafia che si avvicina più alla tradizione cat. e sp. che a quella guasc. (Winkelmann 1989; Bec 1991, 57).
1.1 Antologie di testi dal Medioevo all’epoca contemporanea Le antologie che raccolgono la produzione scritta dal med. ai nostri giorni sono focalizzate su aree specifiche, delle quali ben documentano i differenti caratteri linguistici. a. Lagarde (1976) è una raccolta relativa ai testi amministrativi di quell’area nel contempo pirenaica, aquitanica e tolosana che avvenimenti storici ed una lunga tradizione di scambi reciproci hanno reso una regione unitaria, pur nella duplicità della sua realtà geografica e linguistica: lo Haut-Comminges, che mostra una maggior percentuale di tratti specifici del guasc., e il Bas-Comminges, la cui lingua è più vicina al linguadociano. I testi amministrativi ne attestano tutta la complessa variazione linguistica, diversamente dai componimenti trobadorici che, concordemente con quelli prodotti in altre zone del Sud della Francia, aderiscono pressoché totalmente alla norma grafica comune. Della maggior parte degli scritti è mantenuta la grafia originale, al fine di permettere al lettore di seguirne l’evoluzione nel corso del tempo; altri sono proposti in grafia normalizzata.
b. Guilhemjoan/Romieu (2001), dopo aver preso in considerazione, in apertura, il testo di 628 versi di Arnaut Guilhèm de Marsan (XIIo secolo) Qui comte vòl apendre, passa in rassegna la principale produzione poetica del XIXo e del XXo secolo, da Miquèu Baris a Bernart Manciet.
1.2 Antologie di testi del Medioevo a. Luchaire (1881) è un’antologia posteriore di due anni agli Études sur les idiomes pyréenèennes de la région française (Luchaire 1879) lavoro pionieristico, esteso e metodico, nel quale l’autore aveva descritto i tratti che, considerati nell’insieme, concorrono a determinare la particolarità del guasc. all’interno degli idiomi occ. La raccolta di testi del 1881 si pone come un necessario complemento dell’altra, in quanto permette la comparazione della lingua del XIXo secolo con quella antica. Si tratta di sessanta documenti amministrativi anteriori al XIVo secolo, suddivisi per regione e disposti in ordine cronologico, preceduti da un unico brano letterario, la strofa guasc. del descort plurilingue di Raimbaut de Vaqueiras (cf. infra, §3.1), e
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seguiti da un glossario che è il risultato di una puntuale analisi linguistica effettuata sugli stessi testi. Questi, per la maggior parte, sono riprodotti dagli originali; alcuni provengono da copie successive alla fine del XIIIo secolo, di cui Luchaire mette in rilievo il differente valore dal punto di vista dell’affidabilità linguistica. b. Jeanroy (1957 [1923]) offre i componimenti dei trovatori guasc. Peire de Valeira, Alegret, Marcoat, Bernart-Arnaut d’Armagnac, Gausbert Amiel, Amanieu de la Broqueira, Guiraut de Calanson, Arnaut de Comminges; per alcuni di essi esistevano già edizioni critiche, mentre altri erano ancora inediti. Il breve glossario che segue i testi contiene solamente i termini particolarmente rari o interessanti.
c. Cierbide/Santano (1990–1995) rappresenta una raccolta dei più antichi documenti amministrativi (dal 1385 alla fine del XVo secolo) redatti in guasc. e relativi all’area basca. Il lavoro è completato da indici di antroponimi e toponimi e da un ricco lessico generale.
d. Viel (2011) è l’edizione critica della produzione di cinque trovatori (Alegret, Marcoat, Amanieu de la Broqueira, Peire de Valeira, Gausbert Amiel), dei quali si presentano i componimenti accompagnati da un accurato studio linguistico.
1.3 Antologie di testi dal XIX° al XXI° secolo a. AA.VV. (1874) e Maumen (1878) sono almanacchi che comprendono componimenti popolari anonimi del XIXo secolo. La pubblicazione del 1874 è preceduta da una Guide dous électeurs di Henri de las Teulères.
b. Bladé (1874) è un’antologia che nasce da un’esplorazione diretta sul territorio e riunisce racconti della letteratura popolare di differente tipologia. Essi, a dispetto di ciò che è indicato nel titolo, oltre che dall’Agenais provengono anche dall’area guasc; tutti i brani sono accompagnati da trad. fr. e da un glossario. Il lavoro che riunisce esclusivamente i testi guasc. (Bladé 1976–1990), già pubblicati precedentemente in differenti riviste, contiene solamente le versioni in fr.
c. Arnaudin (1993 [1887]) è una riedizione proposta dall’editore Princi Negre di una delle più importanti raccolte relative alla produzione orale della Guascogna, quella di Félix Arnaudin, che ha rivestito un ruolo fondamentale nella salvaguardia della memoria collettiva. Il corpus dei racconti, registrato in grafia classica, è preceduto da un’introduzione sulla pronuncia della varietà della Grande Lande.
d. Gassiat (1897) offre racconti popolari del XIXo secolo raccolti da Gassiat, che idealmente si rifà ad un lavoro analogo anteriore di tre secoli (St-Cla dé Lomagne
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1642). La lingua guasc. è presentata in grafia fonetica, e nell’introduzione ne vengono esposti i principali elementi. e. AA.VV. (1972) è un’antologia che raccoglie 28 componimenti che documentano la varietà aranese. La prima parte è costituita da canzoni popolari, sia anonime che di autori conosciuti, legate alla tradizione locale; la seconda presenta la produzione lirica di autori contemporanei.
f. Lalanne (2002) è una silloge di racconti popolari della tradizione orale bearnese presentati nelle due grafie, classica e moderna.
g. Michelet (2005) rappresenta la ristampa di un volume divenuto raro, pubblicato ad Auch dall’editore Bouquet nel 1904. Le opere degli scrittori considerati, tutti profondamente attaccati al territorio natio, costituiscono nell’insieme un corpus omogeneo che documenta la produzione guasc. dal Rinascimento fino al XIXo secolo.
h. Hourcade (2006) in cinque vol. raccoglie un migliaio di canzoni tradizionali del Béarn, di ciascuna delle quali viene proposto il testo e la partizione musicale.
i. Bru/Eygun (2013) contiene racconti popolari, leggende ed aneddoti raccolti fra il 1899 e il 1905 in un piccolo villaggio guasc. della Lomagne, ad opera di giovani scolari guidati dal loro istitutore Perbòsc. Essi, conducendo l’inchiesta sulla tradizione orale espressa nella lingua materna della propria regione (il guasc. venato da influenze linguadociane) con rigore e precisione, hanno dimostrato di saper utilizzare una metodologia che non è azzardato definire «scientifica». I documenti originali sono conservati nella Bibl. Munic. di Tolosa (cf. §3.2, testo B).
2 Corpora testuali antichi e contemporanei: CD e Web a. Loddo/Groupement d’Ethnomusicologie en Midi-Pyrénées (GEMP) (1991) è parte di un’attività molto ricca per la conservazione delle memorie sonore di tutto il GEMP che viene regolarmente diffusa tramite la rivista Pastel, trimestriel régionl des musiques traditionnelles, pubblicata a Tolosa.
b. Linguistic corpus of Old Gascon è un archivio che raccoglie circa 350 documenti del XIIIo e XIVo secolo, già editi; il progetto intende mettere a disposizione, in futuro, tutti quelli antecedenti il 1500. Il corpus è molto ben delineato e sono sempre indicati i mss. sui quali le edizioni sono state condotte. Il sistema di codifica adottato per la marcatura dei testi e l’immissione in rete è basato sullo standard internazionale TEI
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(Text Encoding Initiative), nella sua versione più recente. Inoltre, sono rese disponibili informazioni di analisi morfologica delle parole, anche se non in forma esaustiva su tutto il corpus. Una tabella consente di conoscere anche la posizione geografica di appartenenza dei documenti, la data e l’editore che li ha studiati e pubblicati. La selezione all’interno della lista consente di aprire il documento stesso nel quale le parole morfologicamente analizzate sono evidenziate con colori. Il corpus è parzialmente open archive, dal momento che alcuni testi sono consultabili in forma molto ridotta, ed in tal caso una nota avverte che si tratta di un documento sottoposto a copyright, al quale si rimanda. Nonostante ciò, la base di dati risulta molto ben congegnata e di grande rilevanza linguistica. c. Base de textes occitans è una base di dati testuali e sonori accessibili liberamente, iniziata nel 1997, la cui finalità è quella di produrre CD-Rom contenenti testi occ. e guasc.
Per altri repertori su web che documentano la produzione orale del guasc. si rimanda a ↗14 Occitano del XIXo secolo e contemporaneo: antologie, corpora, testi, §2 g./h./i.
3 Testi I testi sono stati selezionati al fine di offrire un quadro, se non esaustivo, almeno rappresentativo, delle forme di espressione scritta (in versi, in prosa, ed anche proveniente dall’oralità) che il guasc. presenta fin dall’epoca med. Dal punto di vista linguistico la varietà è definita dal trattamento F - > [h], la cui isoglossa lo delimita rispetto ai parlari contigui, in particolare al linguadociano; di seguito si indicano i principali tratti, per i quali si rimanda alla seguente bibliografia selettiva: Rohlfs (1970 [11935]); Baldinger (1958); Bec (1973); Ravier (1991); Chambon/ Greub (2002); per l’ortografia, Bec/Alibert (1952). Grafia e fonetica: 1. evoluzione F - > [h] (A4 hossetz, hera; A5 haisos; A6 hresc’; A8 hiera; A9 he; B1 hilha, hemna; C3 hica); 2. confusione in [b] di e (B4 véser), che è indicata graficamente nel testo A: 1,9 bos; 5 abetz; 7 boste; 3. evoluzione - LL - > [r]: A2 bera; A5 beras; A6 noera; B3 s’aperava; C6 aquera; 4. evoluzione - LL > [t] o [th]: B4 aqueth; 5. conservazione della labio-velare [w] nei gruppi KW e GW : C5 quauquas; C6 quauquarren; 6. sviluppo di [a] davanti a r- : C1 s’arrossegava; 7. [ɛ] ed [ɔ] sono notate ed (B2 novèla; B1 còp, òme); [e] è notata oppure quando c’è necessità di indicare l’accento tonico (B4 véser); [u] < [o] compare come (B4 son).
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Morfo-sintassi: 1. ind. imperf. specifico: avè, avèn (B1); 2. p. remoto pers.3 in -ec: B2 moriguec; B2 tornèc; B4 dissec, etc.; 3. largo uso di quo epidittico (rafforzativo dell’enunciazione): C1, 2, 3, 4.
3.1 Documentazione antica: la 4° cobla di Eras quan vey verdeyar di Raimbaut de Vaqueiras1 (testo A) La composizione di Raimbaut de Vaqueiras, denominata descort (v. 3) dallo stesso autore e datata alla fine del XIIo secolo, fornisce nella 4° cobla la più antica documentazione letteraria del guasc.; è per tale motivo che si è ritenuto imprescindibile selezionarla come esemplificativa della lingua med. L’impiego di differenti idiomi romanzi nelle cinque coblas e nella tornada in cui si ripartisce il componimento (oltre all’occ. e al guasc. sono impiegati l’it., il fr. e il galego-ptg.) rappresenta un fatto eccezionale nel contesto della poesia trobadorica. Benché tutta la tradizione manoscritta mostri, in misura maggiore o minore, la tendenza ad uniformare la lingua del componimento, ciascun codice possiede lezioni peculiari; le varianti guasc. (per es. hper f-) sono mantenute, in particolare, dal ms. cat. Sg. (Barcelona, Biblioteca de Catalunya, 146). Nel corso del tempo il descort è stato oggetto di numerose edizioni; si ritiene opportuno riprodurre qui quella condotta da Linskill (1964) nel lavoro dedicato alla produzione completa del trovatore, comprensiva anche di componimenti fino ad allora inediti. Dauna, io mi rent a bos, 1 coar sotz(1) la mas bon’e bera(2) q’anc fos e gaillard’e pros, ab que no.m hossetz(3) tans hera(4). Mout abetz beras haisos(5) 5 e color hresc’(6) e noera(7).
Boste son, e si.bs agos(8) no.m destrengora(9) hiera(10). Ma dauna, he que dey bos(11) Ni peu cap de Santa Quitera(12) […].
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(1) pers.5 ind. pres. V èsser; (2) ‘bella’; (3) pers.5 cong. imperf. V èsser; (4) ‘ostile’; (5) ‘fattezze’; (6) ‘fresco’; (7) ‘novello’, nel senso di ‘giovanile’; (8) pers.1 cong. imperf. V aver, ‘se vi avessi’; (9) IBELLA (~ linguadociano pers.3 fut. ant. V destrenher ‘non mi potrebbe opprimere’; (10) < * FFIBELLA fivela), nel significato di ‘nulla’; (11) ‘per la fede che vi devo’; (12) martire del II° secolo venerata in Aquitania.
1 Edizione: Linskill (1964, 193).
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3.2 Documentazione del XIX° secolo: un brano tratto dal racconto La hilha deu Drac2 (testo B) Il racconto, tratto dall’antologia commentata supra (cf. §1.3 i), è espressione della tradizione orale di un paese della Lomagne, dove il guasc. è venato da influenze linguadociane. La hilha deu Drac. I avè(1), un còp, un òme e una hemna qu’avèn un dròlle. La hemna moriguec e l’òme se tornèc maridar. La novèla(2) hemna aïssè(3) le dròlle de son òme, que s’aperava Bernadonet. Una nèit, quand estagan au lhèit, la mairastra deu Bernadonet dissec a son òme: «Sèu lassa de véser aqueth dròlle! S’ac minja(4) tot! Te le cau anar pèrder». Mes le Bernadonet, qu’escotava darrèr la pòrta, ac entendec!
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(1) pers.3 ind. imperf. V aver; (2) influenza linguadociana nella mancanza dell’evoluzione guasc. - LL - > [r]; (3) pers.3 p. remoto V aisser ‘allevare’; (4) part.p. V minjar ‘mangiare’.
3.3 Documentazione del XX° secolo: un brano tratto da L’unic e lo miralh di Pierre Bec3 (testo C) Si tratta di un articolo apparso sulla rivista Oc (n° 219, 1961, 21). L’unic e lo miralh. Cada dia, l’Unic que s’arrossegava(1) tau(2) son trebalh, dens un carreròt(3) estret e pudent. A ueit oras que començava: estona(4) rituala on lo còr malaut de la ciutadassa e’s hica a patacar(5). Generalament, qu’ èra de dolenta umor, de paur d’èste tardiu, coma tot cadun, e que broniva(6) au son deguens(7): «Se’m balhavan solament un respieit de quauquas(8) minutas! N’aurí pas l’angoissa aquera d’aver mancat quauquarren»(9).
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(1) ‘si trascinava’, V s’arrossegar; (2) ‘al’ prep.art per tà lo; (3) ‘vicolo’; (4) ‘impressionante’, adj. < V estonar; (5) ‘correre velocemente’ (6) ‘brontolava’, V bronir; (7) ‘fra sé e sé’, letteralmente ‘al suo interno’; (8) adj. indef. pl. ‘qualche’; (9) pron. indef. ‘qualche cosa’.
4 Bibliografia AA.VV. (1874), Lou bèritable almanach dous paysans, Bordeaux, Lamarque. AA.VV. (1972), Amás líric dera Val d’Arán, Barcelona, Ed. Parroquia de Viella. Arnaudin, Félix (1993 [1887]), Condes de la Lana-Gran, Tolosa, Princi Negre.
2 Edizione: Bru/Eygun (2013, 27). 3 Edizione: Iordan (1971, III a, 878s.).
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Baldinger, Kurt (1958), La position du gascon entre la Galloromania et l’Ibéroromania, Revue de Linguistique Romane 22, 241–292. Base de textes occitans: http://w3.erss.univ-tlse2.fr/clid/occitan/basetexte.html (27.01.2015). Bec, Pierre (1968), Les interférences linguistiques entre gascon et languedocien dans les parlers du Comminges et du Couserans, Paris, PUF. Bec, Pierre (1973), Manuel pratique d’occitan moderne, Paris, Picard. Bec, Pierre (1991), Okzitanisch/L’occitan: Sprachnormierung und Standardsprache/Norme et standard, in: Günter Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. V, 2, Tübingen, Niemeyer, 45–58. Bec, Pierre/Alibert, Louis (1952), L’application de la réforme linguistique occitane au gascon, Toulouse, IEO. Bladé, Jean-François (1874), Contes populaires recueillis en Agenais, Paris, Librairie Joseph Baer. Bladé, Jean-François (1976–1990), Contes de Gasconha: 1, Contes epics; 2, Contes mistics e legendas; 3, Contes familièrs e recits, Orthez, IEO. Bru, Josiana/Eygun, Joan (2013), Antonin Perbòsc. Au país de la gata blanca. Contes populars amassats a Combarogèr, collezione «Camins», Toulouse, Letras d’oc. Chambon, Jean-Pierre/Greub, Yan (2002), Notes sur l’âge du (proto)Gascon, Revue de Linguistique Romane 66, 473–495. Chambon, Jean-Pierre/Greub, Yan (2009), L’émergence du protogascon et la place du gascon dans la Romania, in: Guy Latry (ed.), La voix occitane. Actes du VIIIe Congrès de l’association Internationale d’Études Occitanes, Bordeaux, 12–17 octobre 2005, vol. 1, Bordeaux, PUF, 787–794. Cierbide, Ricardo/Santano Julián, (1990–1995), Colección diplomática de documentos gascones de la Baja Navarra (siglos XIV–XV), Archivo General de Navarra, San Sebastián, Eusko-Ikaskuntza, 2 vol. Corradini, Maria Sofia (1997), Ricettari medico-farmaceutici medievali nella Francia meridionale, Firenze, Olschki. Fossat, Jean-Louis (2003), La densité d’un objet dialectal occitan en linguistique de corpus, in: Rossana Castano/Saverio Guida/Fortunata Latella (edd.), Scène, évolution, sort de la langue et de la littérature d’oc. Actes du Septième Congrès International d’études Occitanes, Reggio Calabria – Messina, 7–13 Juillet 2002, vol. 2, Roma, Viella, 913–960. Gassiat, Bernardin (1897), Ou Cont dou Houéc: garbe dé Coundes e istouérots dé Gascougne, Dax, Hazael Labèque. Guilhemjoan, Patric/Romieu, Maurici (2001), Flocadas aurivas. Florilègi deus poètas gascons de las Lanas, Ortès/Monthòrt, Per Noste/Gascon Lana. Hourcade, André (2006), Anthologie de la chanson béarnaise, 5 vol., Pau, Mon Hélios. Iordan, Iorgu (ed.) (1971), Crestomaţie romanică, Academia Republicii Populare Române, Institutul de Lingvistică din Bucureşti, vol. III,2, Bucureşti, Editura Academiei Republicii Socialiste România. Jeanroy, Alfred (1957 [1923]), Jongleurs et troubadours gascons des XIIe et XIIIe siècles, Paris, Champion. Lagarde, André (1976), Petite anthologie occitane du Comminges, Saverdun, Champ-de-Mars. Lalanne, Jean-Victor (2002), Coundes biarnés. Condes biarnés, Pau, Princi Negue. Linguistic corpus of Old Gascon, dir. Thomas T. Field, University of Maryland, Baltimore County: http://desertrose.shriver.umbc.edu/gascon/ (30.01.2015). Linskill, Joseph (1964), The poems of the trobadour Raimbaut de Vaqueiras, La Hague, Mouton & Company. Loddo, Daniel/Groupement d’Ethnomusicologie en Midi-Pyrénées (GEMP) (1991), Anthologie des contes populaires occitans en Midi-Pyrénées, Gaillac, GEMP/La Talvera, 248 pp. e audiocassette. Luchaire, Achille (1879), Études sur les idiomes pyrénéens de la région française Paris, Maisonneuve (Genève, Slatkine, 1973).
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Le francoprovençal
Andres Kristol
16 Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux Abstract : Le francoprovençal, langue romane « mineure » fortement dialectalisée et menacée d’extinction, mérite une attention linguistique particulière à cause de sa position charnière entre les langues galloromanes (oïl, oc), le romanche et le piémontais. Les textes choisis cherchent à documenter la cohérence linguistique du domaine en diachronie et en diatopie, malgré les nombreuses différences interdialectales.
Keywords : langue dialectalisée, absence de standardisation, tradition littéraire faible, nombreux phénomènes conservateurs, scriptae
1 Remarques préalables « Le » francoprovençal (fpr.) n’est pas « une » langue.1 C’est un ensemble de parlers présentant une typologie linguistique commune, mais en même temps une dialectalisation extrême. Caractérisé par de nombreux (micro-)centres directeurs au rayonnement très variable (Lyon, Grenoble, Chambéry, Saint-Étienne, Genève, Fribourg, Sion, Aoste, etc.), écartelé entre des régions aujourd’hui françaises, italiennes et suisses qui n’ont jamais connu d’unité politique en dehors d’une appartenance à l’éphémère deuxième royaume de Bourgogne disparu vers 999, le fpr. est marqué par l’absence de toute standardisation linguistique. Cette absence de standardisation concerne également l’écrit. Même si les premiers documents en langue vernaculaire datent du XIIe siècle, le fpr. n’a jamais développé de tradition scripturaire commune et a toujours coexisté avec des langues véhiculaires supra-régionales : d’abord le lat. (jusqu’au début du XVIe siècle dans les pays sous influence savoyarde), puis le fr. ; ces deux langues ont toujours dominé aussi l’écrit utilitaire. Resté essentiellement dévolu à la communication orale de proximité, sa tradition littéraire est peu étoffée. Une vue d’ensemble de la production fpr. distinguera essentiellement trois périodes (cf. Marzys 1978) :
1 Au Colloque de dialectologie francoprovençale de 1969 (cf. Marzys 1971), les spécialistes réunis du fpr. ont décidé d’écrire désormais francoprovençal sans trait d’union, contrairement à la tradition qui remonte à Ascoli (1893) qui avait proposé franco-provenzale, pour signaler qu’il ne s’agit pas d’une langue composite, formé d’éléments français (oïliques) et occitans (provençaux), mais d’une langue romane indépendante, à part entière.
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période des scriptae médiévales (XIIe–XVe siècles) : scriptae proprement fpr. (dauphinoise, lyonnaise, forézienne) et para-francoprovençale (scriptae fr. de l’Est, plus ou moins fortement teintées de phénomènes fpr. ; cf. Gossen 1970). période de l’écrit dialectal (XVIe–XXe siècles) : production littéraire plus ou moins sporadique, chaque auteur développant ses propres habitudes scripturaires dialectales, en général basées sur les conventions du code graphique fr. période contemporaine (fin XIXe–XXIe siècles) : textes dialectaux en graphie dialectale ou en transcription phonétique ; premiers corpus oraux.
2.
3.
À moins de se limiter à une région précise et limitée, toute chrestomathie consacrée au fpr. est obligée de tenir compte de la diversité dialectale, et de la diversité des traditions scripturaires qui se sont développées dans les différentes régions de l’espace fpr. au cours de l’histoire.
Carte 1 : Carte de l’espace francoprovençal (d’après Tuaillon 1972, 337).
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Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux
2 Chrestomathies (et assimilables) 2.1 Le patois neuchâtelois (1895), 417 pages ; 123 pièces
Première « chrestomathie » consacrée spécifiquement à une région fpr., encore préscientifique, mais déjà clairement marquée par la recherche dialectologique de la fin du XIXe siècle, rassemblée par la dernière génération de locuteurs dialectophones du canton de Neuchâtel (Suisse) cherchant à préserver pour la postérité la connaissance de son parler traditionnel. Le recueil se veut panchronique, avec plusieurs textes du XVIIIe siècle (p. ex. la Reima dei chou du corti ‘La rime des légumes du jardin’ de 1707, poème satirique en parler de la ville de Neuchâtel, des compositions de circonstance en l’honneur du roi de Prusse, prince de Neuchâtel, ou la lettre d’un officier neuchâtelois au service du roi, à Berlin, qui se sert de son dialecte comme langue d’intimité ou « secrète »). L’essentiel de la documentation date cependant du XIXe siècle, avec de nombreux textes en prose et en vers (fables, anecdotes, commentaires d’évènements politiques, traductions de paraboles bibliques, etc.). Tous les textes sont dûment identifiés quant à l’origine du dial. local utilisé ; la majorité des textes est accompagnée d’une traduction en fr.
2.2 Aebischer (1950), 150 pages, 42 pièces. Glossaire La Chrestomathie est organisée par régions (Forez [n° 1–5], Lyonnais [n° 6–11], Viennois et Dauphiné [n° 12–15], Savoie [n° 16–22], Bresse et Pays de Gex [n° 23–29], Suisse romande [n° 30–42] ; pour chaque région, l’ordre des documents est chronologique. Elle illustre les traditions scripturaires fpr. du Moyen Âge, ainsi que la première période proprement dialectale, pour les différentes régions. Le Valais (Suisse) et la Vallée d’Aoste sont absents, n’ayant rien produit avant la date limite choisie ; la production savoyarde, en revanche, inexistante au Moyen Âge, devient substantielle à partir du XVIe siècle. Les textes sont donnés sans commentaires linguistiques ni traductions. Marqué par l’esprit de son époque, Aebischer croit encore (et écrit dans son Avant-propos) que les francoprovençalismes présents dans les textes du Moyen Âge sont dus à l’ignorance des scribes qui auraient eu l’intention d’écrire en « bon » fr. ; le phénomène de la scripta para-francoprovençale et ses raisons d’être n’ont été identifiés que bien plus tard (Gossen 1970 ; Müller 1982).
2.3 Bec (1971, 357–391), 4 pièces Dans le Manuel de Bec, le fpr. figure parmi les « langues de diffusion secondaire ». Un seul texte médiéval (extrait de la Vie de sainte Beatrix d’Ornacieux, fin XIIIe/début XIVe siècle) est suivi de trois textes dialectaux contemporains (forézien, savoyard et
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vaudois). Le conte forézien est donné en graphie dialectale et en transcription phonétique, le récit savoyard en transcription phonétique. Le récit vaudois reproduit le texte en graphie dialectale d’un document sonore publié en 1939 (ci-dessous, 3.2). Les quatre pièces sont accompagnées d’une traduction en fr. et d’un commentaire linguistique succinct (phonétique, morphologie, lexique). Dans son introduction, Bec insiste lourdement sur la vieille doxa, dépassée par la recherche plus récente, selon laquelle le fpr. serait un ensemble de parlers de type oïlique qui auraient cessé à date assez ancienne (VIIIe–IXe siècles) de suivre les évolutions du galloroman septentrional ; il s’agirait donc d’une aire marginale conservatrice de l’oïlique. La recherche plus récente (Chambon/Greub 2000 ; Kristol 2002 ; 2004 ; 2013 ; mais cf. déjà Schmitt 1974) a démontré en revanche que certains phénomènes caractéristiques du fpr., inconnus dans les autres variétés galloromanes, sont attestés depuis le VIe siècle et remontent donc à la première fragmentation du galloroman. La spécificité ancienne du fpr. et sa « naissance » en même temps que les autres langues galloromanes est aujourd’hui hors de doute.
2.4 Reinheimer-Rîpeanu (1971, 673–766). 33 pièces. Glossaire C’est la collection la plus riche et la plus diversifiée actuellement disponible de textes dialectaux mod. provenant de toutes les régions fpr. Le chapitre est organisé par régions (France [n° 1–11], Suisse, canton par canton [n° 12–29], Vallée d’Aoste [n° 30– 33] ; pour chaque région, l’ordre des documents est chronologique. Trois textes médiévaux (deux fr., un neuchâtelois) sont repris à Aebischer (1950) (2.2) ; trois textes (savoyard, vaudois et genevois) reflètent le XVIe siècle. Le XVIIe siècle est représenté par la Chanson de l’Escalade en fpr. genevois, le XVIIIe siècle par une traduction fribourgeoise des Églogues de Virgile et le plus ancien document connu – une lettre humoristique personnelle – en fpr. valaisan. 23 textes représentent les dial. mod. Une erreur est à signaler : Vermes (Jura suisse, texte n° 29) appartient au domaine oïlique (franc-comtois). Dépassant le cadre chronologique d’Aebischer, la Crestomaţie est la seule à tenir compte aussi de la production valdôtaine. Les textes, accompagnés d’un grand nombre de notes de bas de page portant surtout sur des détails de morphologie verbale, sont reproduits dans la forme graphique de leur source : scriptae méd., graphies dialectales diverses selon les auteurs, textes mod. en graphie dialectale ou en transcription phonétique.
2.5 Merle (1991). 109 pages René Merle est historien. Son ouvrage n’est pas une anthologie à proprement parler. Il couvre cependant bien une période négligée par les autres collections disponibles, entre Aebischer (2.2) et Tuaillon (2.6) d’une part et les documents
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dialectaux mod. (2.4 et 3) de l’autre : pour étudier l’histoire de l’écrit en fpr. entre 1770 et 1840, il reproduit et commente un grand choix de textes savoyards, genevois, vaudois et fribourgeois de cette période, en partie inédits, accompagnés en général de leur traduction fr. La documentation genevoise surtout est d’un grand intérêt linguistique et culturel. De nombreux textes commentent les événements politiques du moment, sous forme de chansons (p. ex. les Couplets sur la Médiation de 1766) ; plusieurs documents en prose argumentative dialectale, sous forme de lettres ou de dialogues fictifs s’engagent dans le combat pré-révolutionnaire du peuple genevois contre les aristocrates de la « République » qui détiennent seuls le pouvoir. Tous les textes originaux sont monolingues, sans traduction fr. Le public cible était donc encore parfaitement familiarisé avec le dial. local, et capable de le lire, malgré sa scolarisation en fr. La série se termine par quatre pamphlets politiques de janvier 1793 en vernaculaire genevois, de nouveau sans traduction fr., le dial. servant de langue identitaire – par un membre de la plus haute aristocratie genevoise, Charles Pictet de Rochemont, dans le cadre de la campagne électorale en vue de la formation de la future Assemblée Nationale genevoise.
2.6 Tuaillon (2002). 279 pages En dépit de son intitulé, l’ouvrage de Tuaillon intéresse autant la linguistique du fpr. que sa tradition littéraire. Après une introduction substantielle dans laquelle il défend sa vision traditionnelle du fpr. comme détaché tardivement du tronc commun des langues d’oïl, Tuaillon – éminent dialectologue et excellent connaisseur par ailleurs du fpr. mod. – fournit une bonne vue d’ensemble de l’espace fpr. pour non-spécialistes, présente les outils bibliographiques et thématise les difficultés qui se présentaient aux auteurs du passé qui cherchaient à écrire leur dial. avec les moyens – inadaptés – de la tradition orthographique fr. L’anthologie comprend des extraits de trois documents méd. : un passage des Légendes en prose du XIIe siècle en fpr. dauphinois (Stimm 1955), quatre paragraphes de la Somme du Code grenobloise de la 2e moitié du XIIIe siècle (Royer/Thomas 1933) et quatre extraits des œuvres de Marguerite d’Oingt (fin XIIIe/début XIVe siècle) en fpr. lyonnais (Duraffour et al. 1965). Neuf auteurs représentent la production du XVIe siècle. La sélection comprend les Farces de Vevey (1520 ; cf. Aebischer 1920 ; 1923 ; 1931 ; 1934), le Placard de Jacques Gruet (Genève 1547 ; cf. Jeanjaquet 1913), écrit contestataire qui a coûté la vie à son auteur, les Noëls et chansons de Nicolas Martin (Saint-Jean-de-Maurienne, 1555) et de longs extraits des œuvres du Grenoblois Laurent de Briançon (Lo batifel de la gisen 1563/1564, Lo banquet de le faye [non daté] et la Vieutenanci du courtizan [1576/1577]). Enfin, on signalera deux extraits d’une œuvre encore inédite en dial. genevois (La guerra de Gex, après 1568).
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Andres Kristol
Une section spécifique est consacrée à la période du règne de Henri IV, qui a vu un foisonnement de productions littéraires et para-littéraires en fpr. (18 textes historiques, moraux, polémiques ou comiques lyonnais, savoyards et genevois publiés entre 1589 et 1606 recensés dans la bibliographie, dont une douzaine repris dans l’anthologie). Pour le reste du XVIIe siècle, la bibliographie recense 46 titres, dont plus de la moitié (26 textes) sont représentés dans l’anthologie. On signalera en particulier des extraits des œuvres du Bressan Bernardin Uchard, du Grenoblois Jean Millet, du Stéphanois Jean Chapelon et du Bressan Jacques Brossard de Montaney, à côté d’une foule de textes anonymes. Tous les textes choisis – dont certains publiés pour la première fois – sont accompagnés d’une introduction qui les situe d’un point de vue linguistique et historique, et d’une traduction intégrale en fr.
2.7 Diémoz et al. (projet en cours, 2011–)
Diémoz et al. préparent actuellement l’édition d’un important corpus de contes et de récits inédits, recueillis sur le terrain au cours du XXe siècle, reflétant la tradition du conte oral en franc-comtois jurassien (oïlique) et en fpr. valaisan. Le corpus fpr. est constitué d’environ 300 récits manuscrits en transcription phonétique recueillis par Rose-Claire Schüle (1963 ; 1998 ; 2006) à Nendaz (Valais), et d’une dizaine de contes mss., également en transcription phonétique, recueillis dans la même commune en 1906 par Jules Jeanjaquet. L’édition en cours prévoit la translittération des textes en API et en graphie (dialectale) valaisanne unifiée, une traduction littérale en fr. ainsi que des commentaires et notes linguistiques, historiques, géographiques et ethnographiques.
3 Corpus de documents sonores Les corpus de documents sonores fpr. disponibles concernent essentiellement les parlers de la Suisse romande dont plusieurs, aujourd’hui éteints, ont encore pu être enregistrés dans la première moitié du XXe siècle.
3.1 Fleischer et al. (2002)
Réalisés dans les années 1910 pour documenter les langues dialectales menacées dans les quatre régions linguistiques de la Suisse, ces enregistrements ont été digitalisés par le Phonogrammarchiv de l’Université de Vienne. L’édition présente les quatre enregistrements fpr. les plus anciens connus : Bernex (campagne genevoise), La
Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux
309
Brévine et Le Locle (Montagnes neuchâteloises) et Orvin (Montagne de Diesse, Jura bernois), qui se sont effectivement éteints vers 1920–1930. Traductions en fr., transcriptions phonétiques en API.
3.2 Gauchat (1939, 60–74). Réédition digitalisée : Glaser/Loporcaro (2012)
Cette anthologie comprend quatre parlers suisses romands, dont trois fpr. : canton de Vaud (région du Jorat ; cf. ci-dessus, 2.3), Fribourg (Gruyère) et Valais (Évolène) ; Genève et Neuchâtel ne sont plus représentés. Les disques 78 tours originaux durent moins de trois minutes chacun. La réédition de 2012 reprend les transcriptions en graphie dialectale, les traductions en fr. et les précisions sur les personnes enregistrées de l’édition originale et ajoute des transcriptions en API.
3.3 Exposition nationale suisse Lausanne (1964) Cette anthologie comprend six disques d’environ 30 minutes consacrés aux parlers de la Suisse romande, avec des textes en prose (lus) et différentes chansons, accompagnés d’une transcription en graphie dialectale. Pour le fpr., elle tient compte des parlers vaudois (4 pièces), fribourgeois (5 pièces) et valaisans (6 pièces). Les disques 45 tours, remastérisés sur CD audio, peuvent être consultés au Centro di dialettologia e di etnografia de Bellinzona.
3.4 Archives sonores des parlers patois de la Suisse romande et des régions voisines, 1952–1992 Réalisées entre 1952 et 1992, les émissions de la Radio Suisse Romande consacrées aux parlers traditionnels de la Suisse romande et des régions voisines (Vallée d’Aoste, Savoie, Piémont, Alsace d’expression romane) constituent l’un des fonds dialectaux les plus riches d’Europe. Leur objectif était de « constituer un témoignage sonore authentique des parlers menacés de disparition » (Papilloud 2005). 1529 émissions avec plusieurs centaines de locuteurs représentent tous les domaines de la littérature orale : contes, légendes, chansons, prières, poésies, saynètes, pièces de théâtre. À cela s’ajoutent des récits à caractère ethnologique reflétant la vie alpine traditionnelle. Les énoncés spontanés sont rares. Une fiche signalétique précise l’âge, l’origine et le contexte socio-économique des intervenants. Toutes les émissions et leur documentation sont disponibles en ligne (http:// opac.rero.ch). La recherche se fait par le mot clé RSRpatois suivi du nom d’un canton
310
Andres Kristol
suisse ou d’une région étrangère voisine (RSRpatois Fribourg, Vaud, Aoste, etc.), du nom d’une localité (RSRpatois Charmey. Salvan, Savigny, etc.) ou d’un intervenant connu (RSRpatois Jules Cordey, Micheline Pittet, Louis Ruffieux, etc.).
3.5 Diémoz/Kristol (1994–, projet en cours), Atlas linguistique audiovisuel du francoprovençal valaisan ALAVAL Le projet ALAVAL comprend environ 17.000 énoncés de longueur variable, enregistrés entre 1994 et 2001 par caméra vidéo dans 25 points d’enquête (21 valaisans, 2 valdôtains, 2 haut-savoyards), avec deux témoins (une femme, un homme) par localité. Les enregistrements, réalisés au cours d’entretiens dirigés, documentent un fpr. « semispontané », présentant toutes les caractéristiques de l’oral (phénomènes d’hésitation, de reformulation, etc.). Les matériaux sont exploités sous l’angle grammatical (morphosyntaxe du fpr. valaisan contemporain) ; choix de cartes modèles et bibliographie disponibles sur le site internet de l’Université de Neuchâtel (http://www2.unine.ch/ islc/page-35066.html).
4 Textes 4.1 La Somme du Code (1 ͬ ͤ moitié du XIII ͤ siècle, ed. Royer/Thomas 1933) La Somme du Code dauphinoise a été traduite dans la première moitié du XIIIe s. pour des seigneurs dauphinois de la région de Grenoble (Royer/Thomas 1933, VIII ), à partir d’une traduction lat. de l’original occitan, lo Codi (milieu XIIe siècle), compilation en langue vulgaire du code justinien, par un clerc travaillant dans l’entourage de l’évêque de Grenoble (Royer/Thomas 1933, XIV ). Le ms., conservé au château d’Uriage (banlieue de Grenoble), a été découvert en 1924 ; la langue du texte est celle de la région grenobloise.
1 Graphie/phonétique
La graphie du ms. reflète une tradition scripturaire autochtone, indépendante de la graphie occitane méd., et bien antérieure à l’intégration du Dauphiné au royaume de France (1349). Dans sa phonétique et dans sa morphosyntaxe, elle reflète les principales caractéristiques du fpr. mérid. – (1) Maintien du A tonique lat. en syllabe libre : par ex. volonta < VOLUNTÁTE , pare < PÁTRE ‘ père’), mais (2) palatalisation (> ‑e-) après cons. palatale (marche < MERCÁTU )
311
Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux
–
Bipartition concomitante de la conjugaison lat. en ‑ ARE : inf. (1a)donar < DONÁRE , alar < ALÁRE , mais (2a)plaideier < * PLACIT - IZARE ; p.p.(1a)dona < DONÁTOS , mais (2a)comences < *CUM - INITIÁTOS . (1a)(2b) Par analogie, cette distinction peut se perdre dans les paradigmes verbaux : impf. (1a)gitave (régulier), mais (2b)comenzave (analogique ; on s’attendrait à *comenzeve). La bipartition (1a)(2a) se maintient dans d’autres régions fpr. ; l’alignement analogique peut aussi se faire sur les formes palatalisées (type (1b)(2a)) [non représenté dans les extraits retenus]. (3) Maintien du A lat. en syllabe finale atone : terra, chosa, mais (4) palatalisation (> -i) après palatale : sentenci < SENTENTIA , alongiment, etc. (5) Maintien de U lat. final atone (> ‑o : autro < ALTERU , etrango < EXTRANEU EXTR ANEU ) et (6) de E lat. final atone (> ‑e : pare < PATRE ) comme voyelles d’appui après groupe consonantique lourd. Par analogie, certains N m. peuvent changer de voyelle finale : (5a)colpablo (pour *colpable < CULPABILE ). (7) Chute du s- implosif : etrango. (7a) Graphie inverse : ostra ‘outre’. (8) Conservation de certains proparoxytons lat. : homen < H HÓMINES ÓMINES . (1a)(2a)
–
–
–
– –
2 Morphosyntaxe
– –
Morphologie nominale, genre et nombre (cf. tableaux 1 et 22) : Système bicasuel fonctionnel réalisé au moyen de l’art. déf., au m.sg. le(21a) /vs/ lo (21b), au f.sg. li (21c) /vs/ la (21d) et au m.pl. li (21e) /vs/ los(21f) ; absence de déclinaison bicasuelle au f.pl. les (21g). Pour la survie partielle de ce système dans un parler contemporain, cf. texte 4.3. Opposition morphologique entre f.sg. et f. pl. des subst. remontant à la 1re décl. lat., au moyen de la voyelle finale : (21d) f.sg. a : terra /vs/ (21g) f.pl. ‑es : terres, festes. Graphie alternative -is au f.pl. des part.p. : (21h)demandais, donais. Pour la survie de ce système dans un parler contemporain, cf. texte 4.3. Distinction morphologique m.pl. los(21f) /vs/ f. pl. les(21g) au moyen de l’art. déf. Pour la survie de ce système en frp. actuel, cf. Kristol 2014). Au f.pl.(21i), pas de contraction de la prép. avec l’art. déf. f. (a les, de les, cf. tableau 2). Pour la survie de ce système en frp. actuel, cf. Kristol 2014). Dans la graphie, tendance à l’effacement du -s pl.(21j), surtout dans les dét. du N : le perlongances, se garenties, mais aussi dans deuz alongiment ‘des prolongements’, ces espazio. (21)
–
– – –
2 Tableaux complétés – entre parenthèses – par des formes du texte absents dans l’extrait choisi.
312
Andres Kristol
Tableau 1 : la déclinaison bicasuelle de l’ancien fpr. grenoblois
m. sg.
pl.
f.
sujet
régime
sujet
régime
(21a)
(21b)
(21c)
(21d)
le jugos le colpablos le plait
lo jugo lo colpablo lo consentiment
li convencions li una
la chosa la volonta
(21e)
(21f)
(21g)
(21g)
li jugo li plait
(los frares) (los deners)
les parties les choses
les parties les festes
Tableau 2 : les formes prép. de l’art. déf.
m.
f. (21i)
prép. « à » :
(auz autros)
a les diomenges3 a les autres festes
prép. « de » :
deuz apostouz
una de les parties
prép « en » :
(euz autros chapitouz)
(en les leis, en les choses)
–
(22)
Maintien d’une opposition morphologique entre m. et f. pour « deux » : f.pl. andoes. Autres formes attestées dans le texte (cf. le glossaire de Royer/Thomas 1933, 100–137) : m.sujet dui, andui, m.régime dos. (25) Morphologie pronominale : Distinction entre un pron. pers. (morphosegmental) lo(25a) et un pron. n. (prosémique) o(25b) (pour cette terminologie, cf. Kristol 1991). (27) Morphologie verbale : maintien du -o final atone de la pers.1 : achato ‘j’achète’.
–
–
De les(21j) perlongances qui sunt demandais(21h) el plait. Qant le plait(21a) est comences(2a) avente maites vais que les parties(21g) queront perlongances del plait, e per zo direm ores de le(21j) perlongances, si. Le jugos(21a) deit donar(1a) perlongances a cellui qui les quert se el les quert per dreit e no en autra(3) maneiri(4). Justa causa est si una de les(21i) parties quert alongiment(4) per sa ch[a]rtra o per ses garenties o per trovar(1a) avocat o per autra(3) justa(3)
3 En frp., diomengi ‘dimanche’ est f.
Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux
313
causa(3). Le jugos no deit donar legeiriment(4) alongiment mais que una veis, o si no conuit ben justa causa per que o(25b) face. Le jugos, quant el done alongiment, no lo(25a) pot donar ostra(7a) III meis si andoes(22) le(21j) parties sunt en celle meesma terra(3, 11d) ; mais si les parties sunt en diversses terres(21g), si pot donar tro a VI meis. Si li una de les parties quert tauz alongances, que die que se(21j) garenties sont ostra mar(1) o sa chartra, si pot donar IX meis e no pruis. Certes ostra ces espazio(21j) no deit donar neuns jugos alongiment si non ere molt justa causa, issi coma maladi o mauz temps, quar adonc lo pot ben donar maior si el vout.
De les perlongances qui sunt donais(21h) per les festes. […] A les(21j) diomenges ni a Pasques ni a Chalendes ni a les(21j) autres festes deuz apostouz no deit neuns jugos plait tenir ni donar(1a) sentenci(4) ; e, si o fait, si no vaut si non o fait per lo consentiment de les(21j) parties, o per la chosa qui est en peril de perdre, o per zo que cel qui demande no perdest s’accion se en cel jort no la comenzave(2b), o si non ere tauz negocios qui fust fait per la volonta(1) de l’una partia e de l’autra, issi coma si le pare(1, 6) gitave(1a) son fil de son poer, o si alcuns faisit franc cellui qui sarit sers, o si alcuns hom faisit son fil d’alcun homen(8) etrango(5). Atressi en meissons deit om istar I meis que om no deit pleideier(2a), e per vendeimes autro(5).
Denant quauz persones devont estre tenu li plait(21e). Pueis que dit avem deuz alongiment e cores li jugo(21e) los devont donar, or direm denant quauz persones devont estre fait li plait. Li plait devont estre fait denant cellos qui ant poer, issi coma sunt evesque o segnor de terra. E l’actors deit totjorz alar(1a) denant lo jugo(21b) del colpablo(5a, 11b), e le colpablos(21a) no deit venir denant lo jugo del actor mais que en cest cas : issi coma en cel lue en que est fait le fait ; quar zo est vers si eu fau marche(2), o achato(27) alcuna chosa(3) o fau conpainni(4) avoi un autro, o si el m’a fait covencion que el istest avoi mi tro a certan(1) temps : en tot icestos cas deit respondre e plaideier(2a) le colpablos iqui ont fu faita li convencions(21c). […] (Royer/Thomas 1933, 2s.).
4.2 Ordonnance fribourgeoise de 1363 sur les moulins (ed. Ammann/Müller 2003, 42–45 ; texte revu et corrigé sur la photographie du manuscrit par L. Fuhrer et A. Kristol)
La ville de Fribourg, fondée en 1157 à la frontière linguistique entre le fpr. et les parlers alémaniques, est bilingue depuis ses origines. Vers la fin du XIIIe siècle, elle commence à utiliser ses langues vernaculaires – all. de chancellerie, scripta para-
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Andres Kristol
francoprovençale à usage interne et fr. à usage externe – à côté du lat. ; le plus ancien document en vernaculaire roman date de 1293. Dès 1363, le roman s’impose dans les documents publics au détriment du lat. et de l’all., mais sans jamais les éliminer complètement. Cette tradition s’interrompt en 1481, à l’entrée de Fribourg dans la Confédération helvétique, entièrement germanophone ; jusque vers la fin de l’Ancien Régime, l’all. restera la langue administrative dominante.
1 Graphie/phonétique La scripta para-francoprovençale reflétée par ce texte domine l’écrit administratif fribourgeois pendant la plus grande partie des XIVe et XVe siècles. S’appuyant sur les traditions scripturaires de l’Est galloroman, elle est teintée d’éléments frp. plus ou moins nombreux, coexistant souvent dans les mêmes textes avec les formes oïliques analogues. Ces éléments locaux sont considérés actuellement comme l’expression symbolique de l’identité politique de la ville et de sa quasi-indépendance au sein de l’Empire (Müller 1985 ; Lüdi 1985). Nos remarques se limitent aux éléments spécifiquement fpr. de cette scripta. Elles continuent la numérotation des phénomènes du texte 4.1. – (3) Maintien du A lat. en syllabe finale atone : tyna ‘cuve’, moula ‘meule’, mais (4) palatalisation (> -i) après palatale : franchimant < *FRANCA - MENTE . – (5) Maintien de U lat. final atone (> ‑o : termeynos ‘frontières’, mestros, moistros ‘maîtres’ [régime] < MAGISTROS ) et (6) de E lat. final atone (> ‑e : li moystres (sujet) < *MAGISTRES ) comme voyelles d’appui. – (8) Conservation de certains proparoxytons lat. : termeynos < TÉRMINOS (cf. FEW 13/ 1, 243). – (10) Absence de dissimilation des diphtongues issues de Ē lat. en syllabe ouverte (deis ‘doigts’, sexante ‘soixante’) et (11) de Ō lat. en syllabe ouverte (pluissours, dux ‘deux’). (10a) Graphie inverse : moystres ‘maîtres’. (12) Palatalisation incomplète de lat. Ū > [y] : maintien du timbre vélaire devant – cons. nasale : chascone, nyons (< NĔC - ŪNUS ). (12a) Les graphies -u- (mulens ‘moulins’, dux ‘deux’), -o- (jor ‘jour’, cor ‘cour’) et ‑ou- (moula ‘meule’, mouneir ‘meunier’) peuvent transcrire [u], indépendamment de l’emplacement de l’accent tonique ou de l’étymologie. – (13) Maintien de l’opposition entre lat. -AN - , - EN - /- IN - (comme dans la plupart des parlers fpr. contemporains) : cf. les graphies grant, bant ‘ban’, etc., s’opposant à -in-, -ein- ou -en- : intre < INTRA , intiere < INTEGRA , seins < SINE ‘sans’, enmineir/ inmineir < *INMINARE ‘emmener’, mulens ‘moulins’. (13a) Graphies inverses ou « françaises » : acordablemant, anteste < *IN - TESTA ‘bout’. – (14) Maintien de [w] dans les emprunts au germanique : awayt ‘regard’.
Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux
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2 Morphosyntaxe
– –
(21)
Morphologie nominale (cf. tableau 3) : Système bicasuel fonctionnel réalisé au moyen de l’art. déf., au m.sg. li(21k) /vs/ lo (21b), au f.sg. li (21c) /vs/ la (21d) et au m.pl. /vs/ li (21e) /vs/ les(21g) ; absence de déclinaison bicasuelle au f.pl. les (21g). Cf. aussi texte 4.3. Opposition morphologique entre f.sg. et f. pl. des subst. remontant à la 1re décl. lat., au moyen de la voyelle finale : (21d) f.sg. a : tyna, moula /vs/ (21g) f.pl. ‑es : choses, palles ‘pailles’. Cf. aussi texte 4.3. À la différence du texte grenoblois (4.1), neutralisation de l’opposition m.pl. /vs/ f. pl. au cas régime pl.(21g). Pour le maintien de ce système en fpr. actuel, cf. Kristol 2014).
–
–
Tableau 3 : la déclinaison bicasuelle de l’ancien fpr. fribourgeois
m. sg.
pl.
–
f.
sujet
régime
sujet
régime
(21k)
(21b)
(21c)
(21d)
li consed li mouneir
lo contrayre lo devantdit eynon
li tyna li farine
la tyna la moula
(21e)
(21g)
(21g)
(21g)
li bien li moystres
les biens les termeynos
les parties les choses
les parties les choses
(24)
Développement d’une forme analogique du dét. pos. m. de la pers.4 nostron (cf. Hasselrot 1939–1940 ; 1966).
Ordonnance fribourgeoise de 1363 sur les moulins (abrégée) Je, Johant Velga, chevalier, advoyez de Fribor et nos li(21k) .. consed et la communitey dou dit lue de Fribor faczons savoir a toutz que nos, a grant deliberacion intre(13) nous pluissours(11) foys ehue, considerez le profit de la ditte nostre vile de Fribor et de un chascon(12) de nos, per rayson de ce que les(21g) choses maulfaytes se puissent effacier et li(21e) bien se puisse acomplir, acordablemant(13a) avons ordoney, fermemant(13a) a tenir, que li(21e) moystres(6,10a) et li(21e) vauletz de totz les(21g) mulens(12a,13) qui sunt dedant les(21g) termeynos(5,8) de nostre vile de Fribor, qui ores y sunt ou qui ou temps a venir y siront, doyvont la(21d) tyna(3,21d) inviron la(21d) moula(3,12a, 21d) dessos sus bos assetteir et ayuindre et fermeir a la ditte moule dessos assise bien et yuintemant a l’anteste(13a) de la ditte moule, per maniere que nulle farine sallir n’en puisse. Et doyt li(21c) dicte tyna estre in totz luef dessos ver intiere(13) seins(13) awayt(14), mays que tant soulemant li(21k) pertuys per lo queiz li(21c) farine doyt moudre furs.
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Andres Kristol
En apres, avons ordoney que li dicte tyna doyt estre alloyé enzus de la moula dessus ver a dux(11,12a) deis(10) et dimie sens barat. Et que li(21k) pupero(5) soyt intiers, sens awayt. En apres, volons et ordonons que quelque persone qui moudra voudroyt, li mouneir(12a,21k) aras lo queil il voudra moudre doyt a cele persone assigneir et doneir jor(12a) certain dedant wit jors apres de ce qu’il l’avroyt requiruz de moudre, aquel jor que ou mouneir playra sens barat et seins awayt. Et li quez qui lo contrayre(21b) firoyt est por la peyne de sexante(10) sols de Lausanne. […] En apres, avons ordoney que une chascone(12) persone molent pout franchimant(4) ses palles(21g) grosses et primes ansy comme sa propre chose enmineir(13) ou faire inmineir(13) sens contredit. Et ou cas ou quel nyons(12) deis devantditz mestros(5) ou vauletz a leveir la devantditte tyne einsi quant il est dessusdit a faire en maniere quy soyt contrediroyt ou contrefiroyt einquy nous volons et ordonons que, queiz qui firoyt lo contraire apres de ce, en quinze jors qu’il avroyt fayt lo contraire, payet et soyt tenuz por la poyne de sexante sols lausannois. […] En apres, avons ordoney que se nyons deis moistros(5) ne deis vauletz dessusditz a leveir la ditte tyna, et cele escoveir ou a recullir la ditte farine ou a enmineir les(21g) dittes palles einsy quant il est dessus desclerié, diroyt ou firoyt lo contraire a quelque persone qui moudroyt en maniere qui soyt, cil qui le contraire firoyt est a chascone foys enchesuz ou bant de sexante sols. Et por ceil bant un pout les(21g) biens de celluy qui firoyt le contraire prendre au que un les troveroyt, prendre franchimant ou vendre ou occuper por lo(21b) devantdit eynon sens contredit ne de droyt ne de custume. Et dou contredire ou contrefaire dessudit est aquerré une chascone persone molent, per son seremant et per le seremant de une autre persone digne de foy awoycque luy, totte foys sellon la discrecion de nostron(24) .. advoyez qui adont y siroyt et de dux de nostron(24) consed. […]
4.3 La fée de Brignon (inédit) Récit oral recueilli et noté en transcription Boehmer en 1948 à Nendaz (canton du Valais, Suisse) par l’ethnologue et linguiste Rose-Claire Schüle. Translittération en API ; traduction littérale de F. Diémoz et A. Kristol. Le parler de Nendaz se trouve à la limite occidentale du fpr. valaisan dit « épiscopal » (cf. Jeanjaquet 1931), qui s’est développé au cœur de l’espace politique détenu au Moyen Âge par les évêques de Sion, seigneurs de l’Empire. Il reflète plusieurs traits caractéristiques de cette région marginale très conservatrice du galloroman, située à la frontière linguistique avec l’all.
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Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux
1 Phonétique
–
(1)
Maintien du A tonique étymologique (lat. et germanique) en syllabe libre : [bla] < *blād ‘blé’, [ ɬarˈta] < CLARITÁTE , mais (2) palatalisation après cons. palatale. Bipartition concomitante de la conj. lat. en ‑ ARE : inf. (1a)[ koˈpa] ‘couper’, [tɔ̣rˈna] ‘revenir’, mais (2a)[bejˈʒjə] < BASIARE , [əntəˈtʃjə] ‘ entasser’, [sɔ̣ˈɲe] ‘soigner’ ; part.p. (1a)[kəˈrja] ‘crié’, [tɔ̣rˈna] ‘rentré’, mais (2a)[biˈtʃe] ‘poussé’. (3) Maintien, en principe, du A lat. en syllabe finale atone : [ˈfɛnːa] < FEMINA , [ ˈɬamːa] < FLAMMA ; (4) palatalisation (> -i) après cons. Palatale : [ˈplɔdzi] < * PLOVIA . M ais tendance à l’affaiblissement de toutes les voyelles finales atones à -[ə] : (3a)[tiːtə] < TESTA ‘tête’, (4a)[ raːdzə] < * RABIA ‘rage’. (5) Maintien de U lat. final atone (> -[o] : [ˈɑːtro] < ALTĔRU , [teˈnε̣ʳro] < TONITRU ‘ tonnerre’) et (6) de E lat. final atone (> -[ə] : [paːrə] < PATRE ) comme voyelles d’appui. (12) Conservation du timbre [u] < Ū lat. : [un, una] < ŪNUS , ŪNA , [ MU ] < MATŪRU ‘mûr’, [ju, juˈʃa] ‘vu, vue’, [ pɛrˈdu̘ ] < * PERDŪTU . (13) Maintien de l’opposition entre lat. -AN - , - EN - et - IN - : [ɑ̃] < ANNU , [ mɑ̃] < MANU , mais [ˈε̃sẽblə] < *INSĔMUL ‘ensemble’. (14) Maintien de [w] dans les emprunts au germanique : [warˈdɑ] < *wardōn. (15) Palatalisation de lat. FL -, CL - > [ɬ] 4ː [ ˈɬamːa] < FLAMMA , [ ɬarˈta] < CLARITÁTE . (16) Tendance à l’amuïssement de v- et l- initiaux et intervocaliques : [ʃaˈã] ‘savaient’, [ã] ‘avaient’, [ju, juˈʃa] ‘vu, vue’, [iˈni] ‘venir’ (mais (16a)[viˈɲe] ‘venait’) ; [jyj] lui. La chute du l- explique les formes de l’art. déf. : m.sg.suj. [i], rég. [o], f.sg. suj. [i], rég. [a], m.pl. et f.pl. [e] (cf. tableau 4). (17) Conservation d’un accent tonique distinctif, phonologiquement pertinent (pas de paire minimale dans le texte) : [ˈpɔrta] ‘la porte’ /vs/ [pɔrˈta] ‘porter’ ; cf. [ ˈɬamːa] < FLÁMMA /vs/ [ ɬarˈta] < CLARITÁTE .
–
–
– –
– – –
–
2 Morphosyntaxe
(21)
Morphologie nominale (cf. tableau 4) : Conservation d’une déclinaison bicasuelle fonctionnelle (au singulier), structurellement identique avec le système fribourgeois méd. (texte 4.2), réalisée au moyen de l’art. déf. : m. [i](21k) /vs/ [o](21b), f. [i](21c) /vs/ [a](21d), mais abandon de l’opposition casuelle au pl. : m. et f.pl. [e](21g). – Opposition morphologique entre f.sg. et f. pl. des subst. remontant à la 1re décl. lat., au moyen de la voyelle finale : (21d) f.sg. -[a] : [ˈfɛnːa] < femina, [ˈfawa] < fata
–
4 Pour la fricative latérale [ɬ] résultant de lat. P L -, FL - dans plusieurs parlers fpr. dont Nendaz, cf. aussi Gauchat et al. (1925), colonnes 104 (le clocher) et 352 (la flamme).
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Andres Kristol
‘fée’, [ˈvɛrna] ‘verne, aulne’ /vs/ (21g) f.pl. [e]/[ə] : [e ˈkrɔje] ‘les petites’, [e maˈtːɛtːə] ‘les fillettes’.
Tableau 4 : la déclinaison bicasuelle en fpr. nendard contemporain
m. sg.
régime
sujet
régime
(21k)
(21b)
(21c)
(21d)
[i bla] [i ˈpaːrə]
[ɔ̣ ʃjɔ̣ muːro] [o səkˈrœ]
[i ˈfɛnːa] [i ʃarˈpε̃]
[a man] [a ˈtiːtə]
pl.
– –
–
f.
sujet
(21g)
(21g)
[e bla] [ɛ dzo]
[e ˈkrɔje] [e maˈtːɛtːə]
(22)
Maintien d’une forme spécifique pour le f.pl. de « deux » : [daʷə]. d’une prép. de partitive [de, də] sans art. (cf. Kristol 2014) : [awe de uːʃ] litt. ‘avec de branches’, [awə də ˈplɔdzi e də ˈɡrε̣jla] litt. ‘avec de pluie et de grêle’ = ‘avec de la pluie et de la grêle’. (26) Pron. pers. : existence d’un système de clitiques sujets d’emploi facultatif, à côté des pron. sujets toniques, à la 3e pers. sg. et pl. : (26a) forme tonique m.sg. sujet : [juj] ‘lui’ (à côté du régime m. et f. (26d)[ej] ‘lui’) ; (26b) clitique sujet m.sg., f.sg., m.pl. et f.pl. [i] / [j] : [k j fɔ̣ˈli] ‘qu’il fallait’, [ke j pwɛ] ‘qu’elle pouvait’, [j ã] ‘ils avaient’ ; (26c) clitique zéro : [k Ø aˈre] ‘qu’il aurait’, [Ø ʃɛ t ənɡrenˈʒa] ‘il s’est mis en colère’, [k Ø uʃej ʒu] ‘qu’il eût eu’, [Ø kɔ̣ntinuã] ‘ils continuaient’, [k Ø ˈuʃɔ̃ di] ‘qu’elles aient dit’.
(23) Utilisation
Morphosyntaxe verbale – (28) inversion des aux. [ɛ ʒu] litt. ‘il est eu’ = ‘il a été’. – (29) généralisation des formes étymologiques du plq. du subj. pour tous les subj. : [k uʃɔ̃ di] litt. ‘qu’elles eussent dit’ = ‘qu’elles disent’.
3 Lexique
– – – –
[uːʃ] n.f. ‘branche verte, rameau d’arbre fruitier’ (Praz 1995, s.v. oûche). [ʃarˈpε̃] n.f. ‘serpent en général’ (Praz 1995, s.v. charpin). (34) [biˈtʃe] v.tr. ‘pousser, bousculer’ (Praz 1995, s.v. bitchyë). (35) Influence du fr. sur le lexique dialectal, profonde et ancienne (Kristol 2010) ; cf. l’emprunt ([una fe]) qui coexiste avec la forme dialectale traditionnelle ([ˈfawa]) conservée dans la formule rituelle figée. (32)
(33)
Chrestomathies et corpus de documents sonores francoprovençaux
La fée de Brignon j ej uŋ ku un(12) maˈtːɔ̃ k ej maˈrja una(12) fe(35) di ˈkrɛtːə də briˈɲɔ̃5. Il y avait une fois un gars qui avait épousé une fée des Crêtes de Brignon. ma njun(12) ʃaˈã(16)6 k j ˈerə una fe paskjə sta ʃi ɛj jej di k j Mais personne savaient qu’elle était une fée parce que celle-ci lui avait dit qu’il fɔ̣ˈli warˈda(14) o(16,21b) səkˈrœ. a bu də ˈkakjə ʒ ã(13) j ã(16) ˈdaʷə(22) fallait garder le secret. Au bout de quelques années ils avaient (= eurent) deux maˈtːɛtːə(21g) e ʃ ᵊntənˈdã proʷ bjε̃. ma i(16,21c) fe ej di k aˈre ʒaˈme fuˈlu(12) fillettes et s’entendaient très bien. Mais la fée lui dit qu’il aurait jamais fallu dər ej « ˈfawa(35), aˈraːdzə, ʃɛrˈvaːdzə » e dire lui : « fawa, arâdze, chervâdze » (‘fée, hérétique, sauvage’) et ils kɔ̣ntinuã də viɔ̣rə ɔ̣ˈrɔ̣ ʷə ˈε̃ˈsẽblə(13). un ku i jyj(16) ε̣rə parˈtej pɔ du trε̣j continuaient de vivre heureux ensemble. Une fois il, lui était parti pour deux trois dzo. e i(16,21c) ˈfɛnːa(3) bjẽ kə i(16,21k) bla(1) uˈʃej unˈko ʒu(28) fẽ vɛ ɔ̣tej fe a koˈpa(1a) jours. Et la femme, bien que le blé eût encore eu (=fût) fin vert, l’a fait à couper e əntəˈtʃjə(2a) u raːˈka awe de(23) uːʃ(32) də ˈvɛrna. kã jyj(16) ɛ ʒu(28) et entasser au raccard avec des branches de verne. Quand lui est eu (=a été) tɔ̣rˈna(1a) a baˈrakːa e k a ju̘(16) ʃε̃, ʃɛ t ənɡrenˈʒa, ej a kəˈrja(1a) « ˈfawa, aˈraːdzə, rentré à la baraque et qu’il a vu ça, il s’est fâché, lui a crié « fawa, arâdze, ʃɛrˈvaːdzə ». a ʒu un ɡro ku də teˈnε̣ʳro(5), a fe na ˈmɔstra ˈɬamːa(3,15,17), charvâdze » ! Il y a eu un gros coup de tonnerre, il a fait une monstre flamme, i(16,21c) fe a dispaˈru(12). ˈdəktrə dzɔ̣ʷ aˈprej, a ʒu də ˈmɔstrə ʒ ɔ̣ˈradzo(5), awə də(23) la fée a disparu. Quelques jours après, il y a eu de monstres orages avec de la ˈplɔdzi(4) e də ˈɡrε̣jla(3), e tʃwj e(16,21g) bla di ʒ ˈatro(5) ʃɔ̣ŋ ʒu(28) pɛrˈdu̘ (12). awə də pluie et de la grêle et tous les blés des autres sont eu (= ont été) perdus. Avec le furˈtε̃ i(16,21k) ʃjo ɛ ʒu(28) bɔ̃ mu(12) o raːˈka. i fe viˈɲe(16a) tʃw ɛ(16,21g) dzo printemps le sien est eu (= a été) bien mûr au raccard. La fée venait tous les jours kã jyj(16) ˈiːrə ˈviːə pɔ piˈɲə(2a) e ˈkrɔje(16,21g), e un dzo i(16,21k) ˈpaːrə(6) a di a stə ʃi quand lui était loin, pour peigner les petites, et un jour le père a dit à celles-ci k ˈuʃɔ̃ di a ˈmamːə ke j pwɛ prɔ̣ʷ tɔ̣rˈna(1a), k ej pa me ˈraːdzə(4a). qu’elles eussent dit à maman qu’elle pouvait bien rentrer, qu’il n’était plus fâché. ma i fe a di e(16,21g) maˈtːɛtːə də dɛr u paːrə k uʃej ʒu(28) ʃe ne a meˈne Mais la fée a dit aux fillettes de dire au père qu’il eût eu (=fût) cette nuit à minuit fuːr a ˈpɔrta(3,17) dəˈrːi. ʃi ʃi ʃe ne ɛ ˈpwɛtːə ʒu(28) ˈfuːrə, e dehors à la porte de derrière. Celui-ci s’en est alors eu (= a alors été) dehors et a ju(16) una ˈɡrɔ̣ʷʃa ʃarˈpε̃(33) ki ʃe dreʃˈje eˈna, ʃ ənɔ̣ɛrtɔjeˈə ənˈtɔr də jyj e mœˈtːej a vu un gros serpent qui se dressait en haut, s’enroulait autour de lui et mettait
5 Hameau situé dans le haut de la commune de Nendaz. 6 Accord logique au pl.
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Andres Kristol
a ˈtiːtə(3a) ˈkɔ̣ntrɔ̣ ɔ̣(16,21b) ʃjɔ̣ ˈmuːro(5) po otə bejˈʒjə(2a). ʃi ʃi a ʒu ˈpwiːri ε̣ ata la tête contre son visage pour l’embrasser. Celui-ci a eu peur et l’a biˈtʃe(2a,34) ˈviːε̣ awa a mã(1,13). a(26c) fe na ˈmɔːstra ɬarˈta(1,15,17) e i ʃarˈpε̃ ɛ parˈtejti. poussée loin avec la main. Il a fait une grande clarté et le serpent est parti. i fe a kɔ̣ntinuˈa d iˈni(16) sɔ̣ˈɲe(2a) e maˈtːɛtːə, ma jyj ata ʒaˈme plu(12) juˈʃa(12,16). La fée a continué de venir soigner les fillettes, mais lui l’a jamais plus vue.
5 Bibliographie Aebischer, Paul (1920), Quelques textes du XVIe siècle en patois fribourgeois, Archivium Romanicum 4, 342–361. Aebischer, Paul (1923), Quelques textes du XVIe siècle en patois fribourgeois, Archivium Romanicum 7, 288–336. Aebischer, Paul (1931), Le lieu d’origine et la date des fragments de Farces en franco-provençal, Archivium Romanicum 15, 512–540. Aebischer, Paul (1934), L’auteur probable des farces en franco-provençal jouées à Vevey vers 1520, Archivium Romanicum 17, 83–92. Aebischer, Paul (1950), Chrestomathie franco-provençale. Recueil de textes franco-provençaux antérieurs à 1630, Bern, Francke. Ammann, Chantal/Müller, Wulf (2003), L’ordonnance fribourgeoise de 1363 sur les moulins, in : JeanClaude Bouvier et al. (edd.), « Sempre los camps auràn segadas resurgantas », Mélanges offerts à Xavier Ravier, Toulouse, CNRS/Université de Toulouse-Le Mirail, 39–51. Archives sonores des parlers patois de la Suisse romande et des régions voisines, Lausanne, Radio suisse romande/Martigny, Médiathèque du Valais, 1952–1992. Ascoli, Graziadio Isaia (1878), Schizzi franco-provenzali, Archivio glottologico italiano 3, 61–120. Bec, Pierre (1971), Manuel pratique de philologie romane, vol. 2, Paris, Picard. Chambon, Jean-Pierre/Greub, Yan (2000), Données nouvelles pour la linguistique gallo-romane : les légendes monétaires mérovingiennes, Bulletin de la Société de Linguistique de Paris 95, 147–182. Diémoz, Federica/Kristol, Andres (1994–, projet en cours), Atlas linguistique audiovisuel du francoprovençal valaisan ALAVAL, Neuchâtel, Centre de dialectologie et d’étude du français régional, http://www2.unine.ch/cms/lang/fr/pid/35066 (13.01.2015). Diémoz, Federica, et al. (edd.) (2011–, projet en cours), Le conte traditionnel en Suisse romande, Neuchâtel, Centre de dialectologie et d’étude du français régional, http://www2.unine.ch/cms/ lang/fr/pid/35084 (13.01.2015) Duraffour, Antonin, et al. (edd.) (1965), Les Œuvres de Marguerite d’Oingt, Paris, Les Belles Lettres. Exposition nationale suisse Lausanne (1964), 1 pays, 4 langues, 1001 dialectes = 1 Land, 4 Sprachen, 1001 Dialekte = 1 paese, 4 lingue, 1001 dialetti = 1 patria, 4 lungatgs, 1001 idioms, Lausanne, [s.n.]. 24 disques super 45 tours + livret. Fleischer, Jürg, et al. (edd.) (2002), Enregistrements suisses, Ricordi sonori svizzeri, Registraziuns svizras (français, italiano, rumantsch), Wien, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften/Zürich, Verlag des Phonogrammarchivs der Universität Zürich. Fuhrer, Lorraine (2013), Documents linguistiques fribourgeois des XIVe et XVe siècles, Université de Neuchâtel, Mémoire de maîtrise inédit. Gauchat, Louis/Jeanjaquet, Jules/Tappolet, Ernest (1925), Tableaux phonétiques des patois suisses romands, Neuchâtel, Attinger.
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Le français
Marieke Van Acker
17 Anthologies et corpus de textes français anciens Abstract : Il est proposé ici un aperçu des principaux corpus et anthologies consacrés aux textes français anciens (ancien et moyen français). La sélection a été faite en fonction d’une orientation linguistique et en tenant compte des contextes pédagogiques et scientifiques actuels.
Keywords : anthologie, chrestomathie, corpus, ancien français, moyen français
1 Anthologies Nombreuses sont les anthologies consacrées à l’histoire de l’écrit fr. et ce depuis le XIX e siècle. Depuis la fin du XIX e siècle, leur objectif est quasiment toujours de proposer un outil utile à l’enseignement de la langue et de la littérature anciennes. Parmi les ouvrages fort utiles à ne pas s’inscrire explicitement dans un contexte éducatif : la chrestomathie d’Henry (1978 [1953]), qui vise à être représentative pour la littérature de l’a.fr. Hormis une floraison d’anthologies destinées aux élèves du secondaire qui a vu le jour en France (Paris/Langlois 1957 [1891] ; Constans 1906 ; Sudre 1898 ; Clédat 1933 [1889] ; Devillard 1887 ; Paris 1905 [1839] – toutes avec une approche davantage littéraire que linguistique et souvent pourvues de traductions), les anthologies éducatives s’adressent à un public universitaire qui dépasse les frontières de la France et qui étudie la grammaire historique du fr. et/ou l’histoire de la langue fr. L’exploitation proposée par ces outils répond donc aux nécessités dictées par l’enseignement et évolue en fonction de celui-ci. Certaines anthologies proposent ainsi des parties consacrées à la grammaire, comme Ayres-Bennett (2005 [1996]) ; Batany 1985 [1978] ; Thomov (1951) ; Bartsch/Wiese (1988 [1866]) ; Bertoni (1908). D’autres auteurs préfèrent orienter leurs lecteurs vers les outils spécialisés disponibles plutôt que d’en proposer des versions réduites (à l’exception, généralement, d’un glossaire). Ils combinent à cet effet des notices assez courtes et des listes plus ou moins fournies de renvois bibliographiques (cf. Wagner/Collet 2000 [1949] ; Muraille/ Groult/Émond 1981 [1942–1943] ; Studer/Waters 1924). On trouve des commentaires plus étendus d’ordre linguistique dans Aspland (1979), Batany (1985 [1978]) et AyresBenett (2005 [1996]). Dans la dernière, ils s’insèrent dans un effort soutenu d’observer les mécanismes de variation et d’évolution langagière. D’orientation moins exclusivement linguistique, Thiry (2008 [2002]) propose quant à lui différents parcours didactiques en fonction e.a. des genres, des thèmes, des procédés d’écriture. Enfin, Duval (2009) est un ouvrage spécifiquement adapté aux besoins des étudiants et chercheurs en histoire médiévale et qui se concentre pour cela sur la compréhension des textes
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(avec notamment un guide d’outils, un compendium grammatical et des commentaires assez étendus d’ordre historique et linguistique). Tous ces ouvrages montrent en filigrane les progrès au niveau de la recherche et des publications, notamment au niveau de la qualité des éditions proposées et au niveau des renvois bibliographiques. Il faut néanmoins remarquer que la tendance dans les anthologies récentes est de ne plus prévoir d’apparat critique. Pour ce qui est de la fourchette chronologique proposée, les textes et fragments de texte proposés se situent généralement entre le IX e et le XV e siècle. Rickard (1976) est une anthologie consacrée uniquement au XV e siècle, en réaction à la prépondérance observée jusqu’alors de textes antérieurs au XV e siècle. Cet ouvrage riche propose également une introduction consacrée aux développements langagiers spécifiques du moyen fr. La tendance actuelle est plutôt à l’élargissement, au moins jusqu’au XV e siècle inclus (jusqu’en 1971 pour Ayres-Benett 2005 [1996]). Par contre, l’insertion de fragments lat., afin de mieux illustrer le devenir du fr. (comme dans Pottier 1964 ; Studer/Waters 1924 ; Foerster/Koschwitz 1932 [1884] ; Meyer 1977 [1874– 1877]), ne s’est pas poursuivie. Le nombre de textes est variable et est fonction surtout du désir de l’auteur d’illustrer la diversité littéraire (Henry 1978 [1953] : 193 fragments ; Wagner 2000 [1949] : 83 fragments ; Thiry 2008 [2002] : 70 fragments ; Batany 1985 [1978] : 45 fragments). Le type de textes est littéraire pour la grande majorité, tout en comprenant les écrits didactiques, hagiographiques ou historiques. Quelques auteurs ont tenu à intégrer des documents de la pratique tels des actes, lettres, documents de gestion etc. (Duval 2009 ; Glénisson/Day/Grandmottet 1970–1977 ; Roncière et al. 1969/1971), des glossaires (Foerster/Koschwitz 1932 [1884]), ou même des articles de journal (AyresBenett 2005 [1996]). Schwan/Behrens (1913) propose essentiellement des chartes du XIII e siècle. Quant à l’espace géographique couvert, il ne dépasse pas souvent le domaine d’oïl. Cependant, quelques anthologies proposent une approche combinée : Meyer 1977 [1874–1877] intègre l’occ. ; Foerster/Koschwitz (1932 [1884]) fait figurer en annexe des fragments en franco-italien, a. rhéto-roman, … ; Pottier (1964) intègre à titre comparatif des extraits dans d’autres lg. rom. Du point de vue variationnel, les différentes scriptae sont généralement représentées, mais sans commentaire spécifique à ce sujet (cf. des éléments bibliographiques dans Foerster/Koschwitz 1932 [1884]). Des exceptions sont : Schwan/Behrens (1913) (fragments proposés par scripta), Duval (2009) (référence à la scripta dans la description de chaque fragment) (pour ces deux ouvrages, ↗19 Coup d’œil sur les scriptae médiévales et les textes qui les représentent) et Bertoni (1908), qui vise à mettre en valeur différents traits dialectaux par opposition au francien. La qualité des fragments proposés est excellente dans la grande majorité des cas, les auteurs ayant vérifié sur les mss. les meilleures éditions à leur disposition. Des facsimilés de fragments de ms. sont proposés dans Koschwitz (1964 [1879]), Bertoni (1908) et Paris (1875).
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2 Corpus Créée en 1989 et maintenue par le Laboratoire ICAR (UMR 5191 ENS LSH / CNRS), la Base de fr. méd. (BFM) couvre une aire géographique importante et une fourchette chronologique sise entre le IX e siècle (avec les Serments de Strasbourg) et la fin du XV e siècle. Elle compte actuellement 142 unités textuelles littéraires, soit près de 4.700.000 occurrences-mots. De nombreuses fonctionnalités sont offertes par la plateforme TXM. Chaque texte a subi un étiquetage morphosyntaxique et est accompagné d’une notice (auteur, date, date ms., prose/poésie, domaine, genre, dialecte, relation, c’est-à-dire adaptation, traduction, …). Les versions proposées sont celles d’éditions existantes. La plupart des textes sont librement accessibles en ligne en version pdf. Pour accéder à davantage de textes et de fonctionnalités (lexiques, index, concordances, …), une inscription (gratuite) est nécessaire mais l’appartenance à une institution d’enseignement ou de recherche n’est plus exigée. BFM a deux souscorpus : le corpus de textes du très a. fr. (corptef) et le BFM mss. Le premier vise l’étude des rapports entre le très a. fr. (IX e–XII e siècles) et le lat., le second propose des transcriptions diplomatiques fragmentaires pour 29 témoins. La base Frantext est conçue pour permettre des recherches de mots, lemmes et expressions régulières dans un corpus donné. Elle couvre la période allant du XII e au XXI e siècle et compte 4.515 références, soit 271.599.218 mots (juin 2013). Frantext Moyen Français comprend 218 textes situés entre 1300 et 1500. Tous les types de textes ont été pris en compte, y compris des chartes, des comptes, des inventaires. À quelques exceptions près, il s’agit toujours de textes imprimés – de préférence dans des éditions critiques – et non pas de mss. La base ne permet ni le téléchargement ni la lecture des textes pleins, mais les versions numériques des textes libres de droits sont téléchargeables sur le site du CNRTL. L’accès à Frantext n’est pas libre. Le Nouveau corpus d’Amsterdam (NCA) est la version actualisée du corpus d’Amsterdam élaboré par A. Dees et P. Van Reenen. Il contient 200 textes écrits entre le XI e et la fin du XIV e siècle, dont certains dans plusieurs versions, pour un total de plus de 3 millions de mots. Les versions proposées sont soit celles d’éditions existantes soit des transcriptions neuves. À l’exception des textes originaux, les textes sont lemmatisés et pourvus d’un étiquetage morphologique. Le corpus est librement consultable en ligne après enregistrement. La base Textes de Français Ancien (TFA), établie à l’Université d’Ottawa, comporte actuellement une centaine de textes allant du XII e au XV e siècle, soit un total d’environ 3.014.389 occurrences de mots. On y trouve notamment l’œuvre de Chrétien de Troyes (le texte des 5 romans) et le cycle épique de Guillaume d’Orange (8 chansons consultables). Certains textes ont fait l’objet de notices (explications et commentaires). L’accès n’est pas libre. Le site du Consortium international pour les corpus de fr. méd. (CCFM) propose des liens vers ces corpus.
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3 Bibliographie 3.1 Anthologies Aspland, Clifford W. (1979), A medieval French reader, Oxford, Clarendon Press. Ayres-Bennett, Wendy (2005 [1996]), A History of French through texts, London/New York, Routledge. Bartsch, Karl/Wiese, Leo (1988 [1866]), Chrestomathie de l’ancien français : VIIIe–XVe siècles, accompagnée d’une grammaire et d’un glossaire, New York, Stechert. Batany, Jean (1985 [1978]), Français médiéval : textes choisis, commentaires linguistiques, commentaires littéraires, chronologie phonétique, Paris, Bordas. Bertoni, Giulio (1908), Testi antichi francesi per uso delle scuole di filologia romanza, Roma/Milano, Società editrice Dante Alighieri. Clédat, Léon (1933 [1889]), Morceaux Choisis des Auteurs Français du Moyen Âge : avec une introduction grammaticale, des notes littéraires et un glossaire du vieux français, Paris, Garnier. Constans, Léopold (1906), Chrestomathie de l’ancien français (IXe–XVe siècles), Paris, Welter. Devillard, Er. (1887), Chrestomathie de l’ancien français (IXe–XVe siècles). Texte, traduction & glossaire, Paris, Klincksieck. Duval, Frédéric (2009), Le français médiéal, Turnhout, Brepols. Foerster, Werner/Koschwitz, Eduard (1932 [1884]), Altfranzösisches Übungsbuch zum Gebrauch bei Vorlesungen und Seminarübungen. Erster Theil : Die ältesten Sprachdenkmäler mit einem Facsimile, Heilbronn, Henninger. Glénisson, Jean/Day, John/Grandmottet, Odile (1970–1977), Textes et documents de l’histoire du Moyen Âge (XIV e–X V e s.), 2 vol., Regards sur l’histoire 14 et 30. Henry, Albert (1978 [1953]), Chrestomathie de la littérature en ancien français, Bern, Francke. Koschwitz, Eduard (1964 [1879]), Les plus anciens monuments de la langue française publiés pour les cours universitaires, München, Hueber. Meyer, Paul (1977 [1874–1877]), Recueil d’anciens textes bas-latins, provençaux et français accompagnés de deux glossaires, Genève, Slatkine. Muraille, Guy/Groult, Pierre/Émond, Victor (1981 [1942–1943]), Anthologie de la littérature française du moyen âge : Des origines à la fin du XIIIe siècle, Gembloux, Duculot. Paris, Gaston (1875), Les plus anciens monuments de la langue française (IXe, Xe siècle), publiés avec un commentaire philologique. Album, Paris, Firmin-Didot pour la Société des anciens textes français. Paris, Gaston (1905 [1839]), Récits extraits des poètes et prosateurs du Moyen Âge mis en français moderne, Paris, Librairie Hachette et Cie. Paris, Gaston/Langlois, Ernest (1957 [1891]), Chrestomathie du Moyen Âge, Paris, Hachette. Pottier, Bernard (1964), Textes médiévaux français et romans, des gloses latines à la fin du XVe siècle, Paris, Klincksieck. Rickard, Peter (1976), Chrestomathie de la langue française au quinzième siècle, Cambridge, Cambridge University Press. Roncière, Charles-Marie de La/Contamine, Philippe/Delort, Robert/Rouche, Michel (1969–1971), e X V s., L’Europe au Moyen âge. Documents expliqués, t. 2 : fin IX e–fin XIII e s. ; t. 3 : fin XIII e–fin XV Paris, Colin. Schwan, Eduard/Behrens, Dietrich (1913), Grammaire de l’ancien français, Troisième partie : Matériaux pour servir d’introduction à l’étude des dialectes de l’ancien français, Leipzig, Reisland. Studer, Paul/Waters, E.G.R. (1924 [nombreuses rééditions]), Historical French Reader : Medieval Period, Oxford, Clarendon Press. Sudre, Léopold M.P. (1898), Chrestomathie du Moyen Âge, Paris, Delagrave.
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Thiry, Claude (dir.) (2008 [2002]) Anthologie de la littérature fr. du Moyen âge. IXe–XVe siècles, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia. T(h)omov, Toma Stefanov (1951), Chrestomathie de la littérature française du moyen âge. Textes publiés avec un abrégé de grammaire de l’ancien français, Sofia, Science et art. Wagner, Robert-Léon/Collet, Olivier (2000 [1995] [1949]), Textes d’étude (ancien et moyen français), Genève, Droz.
3.2 Corpus BFM = Base du français médiéval : http://txm.bfm-corpus.org. Frantext : http://www.frantext.fr. NCA = Nouveau Corpus d’Amsterdam : http://stella.atilf.fr/gsouvay/nca/. TFA = Base Textes de français ancien : http://artfl-project.uchicago.edu/content/tfa.
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18 Émergence de traditions écrites françaises Abstract : Cette contribution tente de montrer et d’expliquer à partir du lat. l’apparition et l’évolution sur le sol gallo-roman d’une tradition écrite et d’une littérature neuves.
Keywords : tradition écrite émergente, littérature émergente, premiers textes français
1 Traditions écrites annonçant le devenir du français On ne peut comprendre le devenir du fr., et par extension le devenir des lg. rom., si on a du lat., lg. mère, une vision trop simpliste. Cette lg. lat., parlée et écrite durant des siècles sur un espace géographique énorme, doit être conçue comme un vaste ensemble variable et évoluant. Certes, le lat. était une lg. standardisée et normée, mais cela n’empêche que, comme toutes les lg. vivantes, elle était sujette aux changements. De ce point de vue, la tension entre tradition et innovation est un élément à ne jamais perdre de vue, aussi dans le domaine de la lg. écrite. Certains écrits étaient plus perméables que d’autres aux innovations. Beaucoup d’auteurs chrétiens – à commencer par saint Augustin – choisirent délibérément de ne pas complètement s’inféoder à la grammaire, pour que le contenu de leurs écrits fût plus facile d’accès (Van Acker 2007a). D’autres ne maîtrisent plus, ou approximativement, cette grammatica. Durant la période mérovingienne, connue pour son important degré d’illettrisme (Riché 1962), un auteur comme Grégoire de Tours, sait et assume que sa lg. n’est pas conforme à la grammaire (Herman 1999) tandis que d’autres, anonymes, s’excusent de ne pas être à même de la suivre (Banniard 1992, 254ss.). Cette tradition d’écrits plus perméables aux changements a été désignée par la formule latinum circa romançum (Avalle 1970). On cite souvent la notion de lat. vulgaire pour rendre compte de la naissance des lg. rom. (Väänänen 1963 ; Herman 1967). Cette entité, souvent définie comme une sorte de latinité parallèle à côté de la latinité officielle, n’est en somme pas autre chose que le regroupement de toutes les tendances évolutives allant dans le sens des lg. rom. (Van Acker 2007b). Celles-ci peuvent se trouver aussi bien dans des inscriptions, des pièces de théâtre, des documents privés, des chartes ou des hagiographies destinées à être récitées à haute voix. Le nombre de traits comme le nombre de documents qui les atteste augmentant avec le temps, il est clair que c’est la latinité en soi qui évolue. Des différentes lg. rom., le fr. est celle pour laquelle s’observent, avant les autres, des dynamiques de polarisation dans le diasystème lat. D’abord, parce que le domaine d’oïl est sans doute la zone géographique où le lat. parlé a subi les changements les plus profonds, avec pour résultat une tension de plus en plus difficile à
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gérer avec la vieille norme toujours véhiculée (Banniard 1992). Ensuite, parce que c’est également là que les réformes carolingiennes, visant une restauration en force de la norme ancienne, ont eu l’impact le plus conséquent et le plus tôt (Wright 1982). Résultat : opposition nette entre le lat. (de tradition) et « un autre latin », qui est en réalité déjà presque une lg. à part entière, avec sans doute différents registres et styles. Lorsqu’au Concile de Tours, en 813, il est décidé que les homélies devront dorénavant être transposées en « rusticam romanam linguam », rien ne justifie qu’il s’agisse pour autant d’une lg. rustre. L’adj. « rusticus » pourrait tout simplement référer au caractère contemporain, par opposition à ce qui était véhiculé par la tradition (Van Acker 2010, 28s.). Du lat. courant, en somme. Parmi les documents attestant l’écart grandissant entre lat. courant et lat. traditionnel : un glossaire, les Gloses Reichenau, rédigé vraisemblablement au VIII e siècle dans le Nord de la France. Ce document propose des formes courantes pour en expliquer d’autres plus anciennes présentes dans la Vulgate (Avalle 1965, 309–318).
2 Les Serments de Strasbourg (842) (a) Les Serments de Strasbourg comprennent en tout quatre serments dont deux en lg. rom. et deux en lg. germanique. Les textes pour les deux lg. sont tout à fait parallèles. Ils furent rédigés pour être prononcés par deux chefs militaires ainsi que par leurs principaux dirigeants à la date du 14 février 842, et ce à l’occasion d’une cérémonie solennelle pour sceller leur pacte de nature militaire (Ganshof 1971). Charles le Chauve s’adresse en lg. germanique à son frère Louis le Germanique et ses hommes germanophones pour leur promettre protection (militaire) et assistance (diplomatique) ; Louis le Germanique prononce la même promesse envers Charles et ses hommes romanophones en lg. rom. Ensuite, les hommes de chaque souverain s’adressent dans leur propre lg. à leur camp respectif et promettent de veiller au maintien du pacte. Le pacte entre ces deux puissances carolingiennes se fait au détriment d’une troisième puissance dirigée par le frère aîné de Charles et Louis, Lothaire, et aux aspirations de celui-ci de s’arroger le pouvoir sur tout le territoire. La défaite de Lothaire peu de temps auparavant, à Fontenoy en 841, permettra in fine à Charles et Louis de faire prévaloir le droit franc du partage des territoires entre les héritiers sur le principe romain de la primogéniture. Elle finira par déboucher en 843 sur la tripartition du territoire carolingien avec le Traité de Verdun. Ce qui est habituellement décrit comme le premier texte fr. a pour particularité d’être un document diplomatique rédigé à l’époque carolingienne, non pas en lat. traditionnel, comme l’aurait voulu la coutume, mais dans deux lg. modernes : celle parlée dans les régions romanophones régies par Charles le Chauve et celle parlée dans les régions germanophones régies par Louis le Germanique. Les textes du pacte militaire entre les parties concernées furent donc consignés tels qu’ils furent
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prononcés.1 Ils furent insérés dans une chronique rédigée en lat. par Nithard, dignitaire et cousin de la suite de Charles le Chauve. Le texte même ainsi que sa conservation semblent devoir beaucoup à la personnalité particulière de cet autre petit-fils de Charlemagne. Dans la chronique qu’il commença à rédiger à la demande de Charles le Chauve, Nithard veut expliquer, justifier et protéger les actes de ce Charles, qui représente à ce moment encore son espoir politique (Ganshof 1971 ; Lauer/Glansdorff 2012). Expliquer et justifier, car il faut s’assurer l’appui des hommes puissants. Les actes politiques de Charles sont dirigés contre son frère aîné, Lothaire, personnage puissant. Protéger, car la multiplication des traités militaires aurait pu inviter les parties concernées à oublier les termes de tel ou tel accord. Les consigner en lg. moderne, en version originale, pouvait leur donner une plus grande importance et donc une meilleure chance de survie dans les mémoires. Sans aucun doute le serment prêté à Strasbourg le 14 février 842 méritait-il une attention toute particulière pour Nithard : il pouvait sceller un renversement de la situation politique. Aussi est-ce une valeur politique que Nithard accorde à ces deux lg. mod. qui justifient, en les représentant, l’existence de deux états distincts (Cerquiglini 1991, 74ss.).2
(b) Tout ce processus de création doit être pris en considération pour bien saisir la lg. du document qui nous occupe. Sous aucun prétexte, il ne peut s’agir ici d’une fidèle reproduction de la lg. parlée spontanée (Hilty 1978), ou d’un document non revu (Rajna 1892 cité dans Posner 1993, 272). Au contraire, c’est un document ultraconstruit (Cerquiglini 1991, 103ss. ; Beer 1992, 16s.) qui tire sa légitimité de la réutilisation de formules juridiques lat. (Ewald 1964), de son registre archaïsant (Ayres-Bennett 1996, 21) et de son caractère suprarégional (Porter 1960, 587s.). Ce ne sont donc pas tant les contraintes liées à la compréhension qui ont guidé les producteurs du texte (Wright 1982, 123), mais bien plus celles liées à la fonctionnalité et la représentativité d’une identité politique (Cerquiglini 1991, 74ss.). Œuvre d’une chancellerie spécialisée, le premier document de l’histoire écrite du fr., loin d’être un début balbutiant, semble bien avoir une intention à la fois monumentale et unitaire. Pour atteindre cet objectif, les auteurs des serments n’ont inventé ni une lg., ni même une écriture. Celle-ci se fonde sur le latinum circa romançum (cf. supra) ce lat. banni de l’écrit depuis les réformes de Charlemagne, et sans doute aussi libéré de cette manière. Cet écrit de seconde catégorie, dont l’utilisation est plus que probable pour des écrits non destinés à être conservés, se voit ainsi pour la première fois reconnu dans son altérité et sa spécificité. C’est là le grand tournant dans l’émergence du fr. en tant qu’entité linguistique distincte.
1 Cela n’exclut pas d’éventuelles petites modifications entre le texte effectivement dit et la version consignée (Ayres-Bennett 1996, 21). 2 C’est une prise de position d’autant plus importante que le lat. était la lg. de l’unité de l’Empire, unité revendiquée politiquement par Lothaire.
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a) Du point de vue graphique, la lg. des Serments affiche une écriture moins influencée par les graphies traditionnelles et plus conforme à certaines évolutions phonologiques. Cela n’empêche qu’il y ait des aspects archaïsants : aucune diphtongue n’apparaît (alors que les vagues de diphtongaison ont eu lieu au III e et au VI e siècle) ni aucune palatalisation de vélaire devant le a (Karle), soit une évolution qui se situe au VI e siècle dans les parlers du centre. Le manque d’homogénéité graphique (9 Lodhuuigs/18 Lodhuuuig ; 4 fradre/5 fradra), qui sera d’ailleurs longtemps caractéristique pour les textes en vernaculaire fr. s’explique certainement par l’absence d’une grammaire autre que lat. b) L’état de la graphie a bien évidemment son impact sur l’état de la morphologie. Le système casuel du lat., souvent purement graphique en lat. mérovingien, a ici perdu tout fondement et a cédé la place à un système bicasuel (p.ex. 12 karlus [cs] vs. 4/8 karle/karlo [cr]). Il n’y a plus de raison non plus d’éviter le nouveau fut. (p.ex. 4 saluarai), dont les attestations sont plutôt rares en lat. mérovingien. c) La syntaxe, enfin, est très lat., ce qui s’explique bien évidemment aussi par le caractère formulaire du texte. L’art. est absent et l’ordre des mots est fréquemment SOV. Des éléments plus progressifs sont la présence des pron. pers. S (p.ex. 4 eo), ce qui peut être lié à une certaine insistance, et l’ordre V2 (4 si saluarai eo).
Texte d’après Holtus 1998. Édition des serments en lg. rom. et germanique d’après l’unique ms. BN lat.9768 (ff. 13r°5–13v°6) (X e siècle, scriptorium franco-occidental).
1. Pro deo amur et pro christian poblo et nostro commun saluament . 2. dist di in auant . 3. in quant deus sauir et podir me dunat . 4. si saluarai eo . cist meon fradre karlo . 4a et in aiudha . et in cadhuna(1) cosa . 5. si cum om per dreit son fradra saluar dit(2). 6. In o quid il mi altresi fazet . 7. Et ab ludher nul plaid(3) numquam prindrai 8. qui meon uol cist meon fradre karle in damno sit . 9. Si lodhuuigs sagrament . 10. que son fradre karlo iurat 11. conseruat . 12. Et karlus meos sendra(4) 13. de suo part 14. non lof tanit(5) . 15. si io returnar non lint pois . 16. ne io ne neuls 17. cui eo returnar int pois . 18. in nulla aiudha contra lodhuuuig nun li iu er(6).
In godes minna ind in thes christanes folches ind unser bedhero gealtnissi . fon thesemo dage frammordes so fram so mir got geuuizci indi madh furgibit so haldih tesan minan bruodher
soso man mit rehtu sinan bruher scal in thiu thaz er mig so soma duo . indi mit luheren in nohheiniu thing ne gegango . the minan uuillon imo ce scadhen uuerhen
Oba karl then eid . then er sinemo bruodher ludhuuuige gesuor geleistit . indi ludhuuuig min herro then er imo gesuor . forbrihchit . ob ih inan es iruuenden ne mag . noh ih noh thero nohhein then ih es iruuenden mag uuidhar karle imo ce follusti ne uuirdhit .
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(1) cadhuna ‘chaque’ < lat. CATA UNA ‘un à un’, CATA étant emprunté au gr. κατα exprimant une idée de distribution. La forme a ensuite été contaminée par lat. QUISQUE pour devenir ‘chascun’ (cf. FEW cata) (2) dit ‘doit’. La forme est à rapprocher du lat. DEBET plutôt que DECET même si le f n’est pas différencié du s graphiquement (cf. Holtus 1998, 197 et 204) (3) plaid ‘accord’ < lat. PLACITUM . La combinaison avec le V ‘prendre’ ne correspond pas aux sources contemp. lat. qui utilisent ‘tenir’ et indiquerait une influence venant de la lg. courante (cf. Avalle 1966, 64ss.) (4) meos sendra ‘mon seigneur’ < lat. MEUS SENIOR . La forme sendra du cs n’a pas survécu dans le Nord, où la forme sire < lat. SEIOR s’est imposée (cf. FEW senior) (5) L’interprétation de ce vers a fait l’objet de nombreuses analyses. Nous avons repris la lecture de Holtus, ‘lof tanit’ (Holtus 1998, 207s.) et pensons pouvoir la rapprocher de l’expression d’origine néerlandaise ‘tenir le lof’ (Nl. ‘loef houden’), c.-à-d. ‘garder l’avantage du vent et ne pas dévier’, ‘lof’ signifiant le ‘côté du navire qui est frappé par le vent’ (TLF). (6) ‘Je ne l’aiderai pas’ avec er < lat. ERO , anc. fut. simple du V « être » ; iu < lat. *ADJUTO , subst. déverbal du V *ADJUTARE .
3 Une nouvelle tradition écrite Ce que fondent les Serments, on l’a vu, ce n’est pas une nouvelle écriture, mais une motivation pour que naisse une nouvelle tradition écrite. Cette motivation, c’est dans l’appropriation identitaire qu’elle réside. La lg. comme symbole. Cet élément, trop souvent négligé, est pourtant fondamental pour nourrir une tradition écrite, et a fortiori une littérature. Une tradition écrite, une littérature ne se développe pas sans un public qui s’y identifie (Varvaro 1996). Une fois cette condition remplie, bien évidemment, tout est à construire. En ce sens, la tradition lat., avec sa tradition séculaire, continuera à exercer une influence durable. Dans cette situation de colinguisme (Balibar 1985) avec son jeu de rapprochement et de distanciation, la latinité sera la pierre de touche par rapport à laquelle la nouvelle tradition se définira progressivement comme celle d’une lg. à part entière avec une littérature à vocation laïque (malgré des sujets religieux), souvent aussi à intention orale. Il serait toutefois simpliste de croire que pour autant cette littérature soit à associer à des registres peu élevés ou peu développés (cf. Koch 1993, « Sprache der Nähe »). Ce serait oublier que la raison d’être de cette nouvelle tradition, c’est précisément le prestige. Et que ce soit au sein du monolinguisme complexe de la période mérovingienne, ou au sein de la situation diglossique de la période carolingienne, il semble plus que probable que le vernaculaire a eu suffisamment de temps pour se constituer une architecture de lg. complexe avec différents niveaux de style (Van Acker 2010).
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4 La Séquence (ou Cantilène) de sainte Eulalie (881)3 (a) Quarante ans séparent les Serments de Strasbourg de la Cantilène de sainte Eulalie, deuxième jalon dans l’émergence d’une nouvelle tradition d’écriture en France et unique autre document conservé pour le IX e siècle. L’univers cette fois est tout autre : il s’agit ici d’un texte poétique de 29 vers à visée religieuse et musicale (Dion 1990, 9). Il fut composé à la louange d’une sainte espagnole martyrisée à Mérida au début du IV e siècle et dont la renommée s’était répandue jusque dans le domaine d’oïl (Berger/ Brasseur 2004, 25ss.). Pour différent que soit l’univers de création de la Séquence de celui des Serments, plusieurs éléments rassemblent néanmoins les deux textes : – Un univers multilingue : tant les Serments que la Cantilène se situent dans un univers où on peut faire des transferts entre trois sphères culturelles : la latine, la romane et la germanique (Leupin 1988, 454). – La proximité du lat. : tout comme les Serments, la Séquence est insérée dans un codex en lat. Il s’agit d’un ms. datant du début du IX e siècle contenant une traduction en lat. des traités théologiques de Grégoire de Nazianze (†390) par Rufin d’Aquilée (†410) (Berger/Brasseur 2004, 45ss.). Sur les feuillets restés vierges en fin de volume, différentes autres mains ont ajouté 5 brefs textes poétiques, vraisemblablement vers la fin du IX e siècle : 1. Dominus celi rex (en lat.) 2. Cantica virginis Eulaliae (en lat.) 3. Buona pulcella fut Eulalia (en rom.) 4. Ritmus teutonicus de piae memoriae Hludvico rege filio Hludvici aeque regis (en vieux germanique) 5. Vis fidei tanta est (en lat.). Les textes rom. et germanique sont de la même main. – La proximité de la lg. germanique : les Serments sont doubles, le même texte figure en lg. rom. et en lg. germanique. La Séquence, elle, côtoie un autre texte littéraire en vieux germanique : le Ludwigslied ou chant en l’honneur du roi Louis, relatant la bataille de Saucourt (881 – terminus post quem pour les feuillets) et la victoire du roi Louis (†882 – terminus ante quem pour les feuillets), transcrit par la même main. – Le caractère monumental : à l’instar des Serments, la Séquence n’est ni une tentative plus ou moins balbutiante et donc maladroite, ni un reflet fidèle de la lg. parlée de l’époque. Tout en s’adressant à un public géographiquement plus restreint, sa lg. a une même intention à la fois monumentale et supra-dialectale (cf. infra).
Le motif qui semble avoir justifié la rédaction du texte est l’invention du corps de la sainte à Barcelone et sa translation dans la même ville en 878. Peut-être une relique a-
3 Les deux termes désignent un chant lyrique, « séquence » référant plus explicitement à une insertion liturgique : un chant qui fait suite à l’Alléluia dans la liturgie (Avalle 1966, 186).
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t-elle atteint dans ce contexte le nord de la zone d’oïl en justifiant ainsi la composition d’un chant liturgique ? Nombre d’éléments relatifs au contexte de la rédaction de la Cantilène demeurent plus ou moins obscurs : le public visé (monastique ou non), la fonction (insertion liturgique ou non), le lieu de rédaction (un scriptorium en basse Lotharingie semble plus probable maintenant que l’abbaye de Saint-Amand) ou encore l’auteur (Hucbald de Saint-Amand semble également improbable). Ce qui est néanmoins certain, c’est que l’auteur était un fin lettré. S’inspirant de l’hymne lat. en l’honneur d’Eulalie par Prudence, tablant sur une culture biblique et littéraire lat. bien assimilée, l’auteur exploite les ressources de sa lg. pour proposer un récit à la fois savant (éléments lexicaux savants, éléments latinisants pour des notions théologiquement marquées, intertextualités) et simple (articulation dramatique sobre mais efficace) (Berger/Brasseur 2004, 161).
(b) Avec le texte de la Séquence se prolonge donc la découverte de la « fabrique » des premiers textes rom. et de la gestion de la lg. par le biais de l’écrit, en cherchant d’habiles compromis entre les exigences des cultures savantes et populaires (Leupin 1988, 457). a) Graphiquement, il est très intéressant d’observer comment le nouveau code écrit se développe. Le système de la Cantilène est à la fois plus constant et cohérent et moins archaïque que celui des Serments. En louvoyant entre exigences visuographiques et phonogrammiques (Biedermann-Pasques 2001), la tradition graphique existante est adaptée là où nécessaire à des sons nouveaux par le biais de solutions parfois ingénieuses. Les diphtongues sont rendues (1 buona, 3 maent, 1 bellezour, …), tout comme les affriquées (1 bellezour /dz/, 11 czo /ts/). S’il est vrai que la lg. de la Cantilène contient des particularités régionales du Nord-Est (Ayres-Bennett 1996, 34, fournit une liste basée sur Pope), force est toutefois de constater que les traits suprarégionaux dominent (Biedermann-Pasques 2001 ; Berger/Brasseur 2004, 161 ; Avalle 1966, 227). b) Le système bicasuel fonctionne parfaitement (par ex. 2 li inimi [cs] vs. 3 les conselliers [cr]). L’éventail de formes verbales est large (ind.prés., p.simple ; ind. imparf. ; a. ind.plusqpf. lat. avec valeur de passé ; subj.prés. ; subj. plusqpf. ; cond.). c) Les art. déf. et indéf. sont attestés ici pour la première fois (par ex. 5 la polle ; 11 une spede), sans toutefois avoir de caractère obligatoire (par ex. 13 figure, colomb, ciel). Il s’agit ici d’une évolution s’étalant sur plusieurs siècles. L’ordre des mots est plus varié que dans les Serments et témoigne d’une grande flexibilité (par ex. 1 bel auret corps). d) Versification : le poème se compose majoritairement de distiques décasyllabiques, soit une versification qui sera courante durant tout le Moyen Âge et notamment dans les chansons de geste (analyse détaillée Avalle 1966).
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Texte d’après Berger/Brasseur (2004), édition d’après l’unique ms., le n°150 de la Bibliothèque municipale de Valenciennes (ff. 141v°1–15) (IX e siècle, scriptorium appartenant au nord du domaine d’oïl ou de Basse Lotharingie ; arrivé à l’abbaye Saint-Amand de Valenciennes entre 900 et le XII e siècle). En italiques les caractères abrégés restitués.
1. Buona pulcella fut Eulalia, Bel auret corps, bellezour(1) anima. 2. Voldrent la veintre li Deo inimi, Voldrent la faire dïaule servir. 3. Elle nont eskoltet les mals conselliers Qu’elle Deo raneiet chi maent sus en ciel. 4. Ne por or ned argent ne paramenz, Por manatce regiel ne preiement, 5. Nïule cose non la pouret(2) omque pleier La polle sempre non amast lo Deo menestier. 6. E poro fut presentede Maximiien Chi rex eret a cels dis soure pagiens. 7. Il li enortet, dont lei nonque chielt(3), Qued elle fuiet lo nom christiien. 8. Ellent adunet lo suon element(4) : Melz sostendreit les empedementz 9. Qu’elle perdesse sa virginitet ; Poros(5) furet morte a grand honestet. 10. Enz enl fou lo getterent com arde tost : Elle colpes non auret(6), poro nos coist(7). 11. A czo nos voldret concreidre li rex pagiens ; Ad une spede li roueret tolir lo chief. 12. La domnizelle celle kose non contredist : Volt lo seule(8) lazsier, si ruovet Krist. 13. In figure de colomb volat a ciel. Tuit oram que por nos degnet preier 14. Qued auuisset de nos Christus mercit Post la mort et a Lui nos laist venir Par souue clementia.
(1) bellezour [anima] ‘[âme] plus belle’ < lat. *BELLATIOREM BELL ATIOREM , comp. synthétique de l’adj. *BELLATUS BE LLAT US , BEL LUS US (2) pouret ‘elle pouvait’ < lat. POTUERAT , a. ind. plusqpf. synthétique avec formé à partir de BELL C ALET , du V CALĒRE C ALĒRE ‘s’échauffer’. Il s’agit d’une perte de la valeur d’antériorité (3) chielt < lat. CALET construction impers. cf. fr. mod. ‘peu me chaut’, ‘peu m’importe’. (4) Le vers 8 a fait couler beaucoup d’encre : ‘adunet lo suon element’. L’interprétation proposée par Berger/Brasseur (2004) nous semble tout à fait plausible ’elle affirme sa virginité’ ce qui revient à : ‘elle persiste dans son désir de se réserver au Christ’ (5) poros ‘pour cela même’, avec agglutination de « por » POT UERAT , a. ind. plusqpf. (< lat. PRO ), « o » (< lat. HOC ) et « s » (< lat. IPSE ) (6) pouret < lat. POTUERAT synthétique avec perte de la valeur d’antériorité (7) nos coist ‘ elle ne se consuma pas’ avec C OQUERE ). agglutination de « non » et « s » (< lat. IPSE ) et le p.simple pers.3 de « cuire » (< lat. COQUERE « coist » serait une forme wallonne ( cf. Biedermann-Pasques 2001, 34) (8) lo seule ‘le siècle’ < CULUM UM . lat. SAE CUL
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5 Le Sermon sur Jonas (première moitié du X ͤ siècle) (a) Avec le Sermon sur Jonas, ce n’est plus la fabrique du texte qui est la problématique centrale puisque ce document n’était d’aucune manière destiné à être conservé. S’il est venu jusqu’à nous, c’est parce que le parchemin sur lequel il fut écrit servit pour la reliure d’un ms. en lat. Selon toute probabilité, il s’agit d’une préparation écrite d’un sermon à prononcer en lg. vernaculaire sur le récit biblique relatif à Jonas. Par rapport aux deux textes précédents, le prisme socioculturel se rétrécit donc nettement puisqu’il s’agit d’un document autographe dont le contenu était destiné à un public bien spécifique. Le récit biblique sur Jonas servant habituellement de modèle pour la pénitence du Carême (Beer 1992, 39) fut utilisé ici pour un sermon de circonstance. Selon toute probabilité, il fut en effet rédigé et prononcé à l’abbaye de Saint-Amand dans une période où cette région était tenue sous la coupe d’envahisseurs Normands à la faveur des luttes d’influence entre les comtes de Flandre et les ducs de Normandie, soit entre 938 et 950 (De Poerck 1956, 65). Il sert d’encadrement à un jeûne rigoureux de trois jours, débutant peut-être un mercredi de Carême, afin d’implorer la miséricorde divine pour qu’elle libère la région de l’occupant païen.
(b) Un tel document autographe nous donne bien évidemment un regard unique sur la pratique de la chaire d’un prêtre au X e siècle. De ce point de vue, la caractéristique la plus frappante est que le texte est bilingue, lat.-rom. Il semblerait que nous sommes ici en présence d’un témoignage unique de l’application in concreto de la fameuse prescription du Concile de Tours (813) par rapport aux sermons : il faut les transposer en lg. courante (cf. supra sous 1). Il en résulte un constant va et vient entre le lat. et le fr. La partie la mieux conservée du Sermon reprend le quatrième chapitre du Livre de Jonas et propose en alternance l’essentiel du texte lat. et des commentaires explicatifs. Ceux-ci sont soit repris du commentaire in Ionam de saint Jérôme soit originaux, en se limitant parfois à de simples paraphrases du texte lat. On y relève un ton didactique et sans prétention, et un aspect cyclique que l’on retrouvera plus tard dans les chansons de geste (Beer 1992, 51ss.). La répartition entre les deux lg. lat. et rom. est particulière et témoigne d’un colinguisme très poussé, où les lettrés passaient quasi imperceptiblement du lat. au rom. Il n’y a quasiment pas, dans le Sermon, de phrases monolingues, les parties les plus homogènes étant les sections de citation de la Vulgate. Cette dynamique est renforcée encore par la manière dont est pratiquée l’écriture, qui semble jouer sur l’ambiguïté des orthographes issues de la tradition écrite lat., y compris dans les parties « sténographiées ». Le Sermon a en effet ceci de particulier qu’une bonne partie du texte est écrite en notes tironiennes issues de la tradition lat. Celles-ci sont majoritairement utilisées pour la transcription rapide de séquences lat., mais quelquefois aussi pour des mots ou bouts de mots rom. (p.ex. 190 corrovement). D’une certaine manière, c’est la tradition du latinum circa
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romançum qui perdure donc, où un écrit d’aspect lat. peut rendre un oral plutôt roman. Une reconstitution de la méthode de travail (Andrieux-Reix 2000a) montre que les séquences tachygraphiées dévoilent des éléments non destinés à être dits, tandis que les parties en toutes lettres reflètent à la fois la recherche de la formulation correcte et le processus de mémorisation : elles marquent les jalons du récit (en lat. ou en fr.) et les articulations syntaxiques (en fr.) et éventuellement même les distinctions à opérer en passant du lat. au fr. (par ex. l’insertion d’un art. déf.) (Andrieux-Reix 2000b). a) Le Sermon se caractérise par une coloration plus nettement dialectale et atteste plusieurs traits propres au wallon (Ayres-Bennett 1996, 43). La graphie, tout en n’ayant pas d’autres contraintes que celles liées aux codes utilisés, peut avoir subi l’influence du lat. Elle reflète néanmoins bon nombre d’évolutions comme la chute des voyelles atones (par ex. 196 peril < PERICULUM ) ou le h initial (par ex. 184 ore < HORA ; 203 oi < HODIE ), les diphtongaisons (par ex. 184 vecdeir < VIDERE : diphtongaison du e fermé tonique et libre vs. deent < DEBENT : non-diphtongaison du même e fermé tonique et libre ; 195 mel < MALUM diphtongaison du a tonique et libre) (cf. AyresBennett 1996, 43–44). b) En morphologie, le système bicasuel est quelquefois sous pression (par ex. 206 seietst unanimes [cs pl.]) (cf. Ayres-Bennett 1996, 44 : grancesmes jholt [cs sg.]). c) Syntaxiquement, l’ordre des mots tend déjà nettement vers l’ordre V2 préférentiel en a. fr. (ibidem, 45).
Fragment de texte d’après De Poerck (1955), édition d’après le feuillet unique, monté sur onglet et figurant en tête du ms. auquel il appartient et qui est conservé à la Bibliothèque municipale de Valenciennes 521 (475) (X e siècle, probablement Saint-Amand à Valenciennes). Le fragment appartient au vo du feuillet. En petits caractères, les séquences « sténographiées » restituées ; en caractères plus grands les séquences en toutes lettres ; en italiques les citations ; souligné ce qui est souligné.
183 […] Postea en ceste 184 causa potestis ore vecdeir(1). quanta est misericordia et 185 pietas Dei super peccatores homines. Cil homines de cele 186 ciuitate 187 fendut. qe tost le uolebat 188 delir . e inde la ciuitate uolebat comburir. et ad 189 nihilum redigere . Postea per cel triduanum 190 on fisient. e si corrovement(2) fi191 sient.si achederent ueniam et remissionem peccatorum suo192 rum. Deus omnipotens qui pius et misericors et clemens est et qui 193 mereantur et uiuant.[Hier.] 194 cum co uidit qet il se erent convers de uia sua mala 195 e sis penteiet de cel mel qe fait habebat. 196 liberi de cel peril qet il
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197 habebat discretum qe super els mettreiet. Cum po198 testis ore uidere. et entelgir(3) —— 199 chi sil feent cum faire 200 lo deent . e cum cil lo fisient dunt ore aveist 201 odit. E poro(4) si vos avient 202 n faciest cest triduanum ieiunium 203 qet oi comenciest . ne aiet niuls male uo204 luntatem contra sem peer(5). ne habeat 205 aiest cherte inter uos. quia kari206 tas operit multitudinem peccatorum. seietst una207 nimes in Dei seruicio. et en tot 208 stre remunerati. faites vost als209 mosnes. nessi cum faire debetis e faites vost elee210 mosynas. cert co sapietis 211 acheder co qe li preirets. 212 preiestli qe de cest pagano nos liberat chi tanta 213 mala nos hab fait. […]
(1) vecdeir ‘voir’ < lat. VIDERE (2) corrovement ‘prière’, subst. déverbal dérivé du V lat. CORROGARE ‘mendier’ (3) entelgir ‘comprendre’ < lat. INTELL INTEL LEGE EGERE RE (4) poro ‘pour cela’ forme agglutinée < lat. PRO HOC avec maintien de l’a. dém. lat. (5) sem per ‘son égal’ < SUUM PAREM . Les adj. pos. men, ten, sen sont des formes typiquement picardes.
6 Variation dialectale La tradition d’écriture lat., tant qu’elle servait de support aux vernaculaires, fût-ce dans un rapport de plus en plus « diglossisant » (Van Acker 2010), avait pour corollaire de neutraliser toute ou presque toute variation dialectale. La nouvelle tradition rom. se fonde, elle, sur un rapport nettement plus direct avec la lg. parlée. Pourtant, malgré le fait que cette nouvelle tradition, tant qu’elle n’est pas revendiquée par une instance officielle, est théoriquement libre de varier dans la mesure de sa compréhensibilité, une tendance certaine au dépassement des spécificités régionales est manifeste à son départ (cf. supra sous 2b et 4b(a)). En dépit de la difficulté consistant à utiliser les graphies lat. pour rendre les sons de la lg. vernaculaire et des différentes solutions locales proposées dans ce domaine, des solutions consensuelles se sont clairement imposées. En outre, des graphies communes furent privilégiées pour rendre des sons ayant connu des évolutions régionales différentes (Van Hoecke 1999, 214). Cette situation va toutefois se modifier et certaines spécificités régionales viendront marquer l’écrit rom. Mais la carte des différentes scriptae d’oc et d’oïl ne commence à se dessiner clairement qu’à partir du XII e siècle, lorsque les écrits en vernaculaire se font plus nombreux, de par la rédaction de chartes en lg. vernaculaire et de par la copie en plus grand nombre de textes littéraires (ibid., 215). Aussi semblet-il peu indiqué d’attribuer à l’une ou l’autre scripta les productions écrites du XI e
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siècle. Cela n’empêche que celles-ci peuvent avoir des coloris qui annoncent les scriptae à venir, et refléter notamment des substrats plutôt méridionaux ou septentrionaux. C’est la raison pour laquelle nous avons préféré ne pas traiter ici la Passion dite de Clermont ou encore le Sponsus, qui apparaissent tous deux fréquemment dans les anthologies consacrées aux premiers textes fr. (ibid., 205). Ces textes représentent en effet une langue mixte dont la composante occitane semble majeure, à la différence de la Vie de saint Léger commentée ci-dessous.
7 La Vie de saint Léger (2 ͤ moitié du x ͤ siècle) (a) Toujours dans la veine religieuse, ce poème en 40 sizains octosyllabiques assonancés narre la vie et le martyre de saint Léger, évêque d’Autun. Ses caractéristiques invitent à le rapprocher de la Cantilène. – son mode de transmission : la Vie de saint Léger est venue jusqu’à nous dans un unique ms., produit probablement à Clermont au X e siècle, consacré essentiellement à un texte lat. : le Liber Glossarum (Linskill 1937, 142ss. ; Van Hoecke 1999, 201). À la fin de certains cahiers, des feuillets restés vides furent remplis par des copies contemporaines de quelques poèmes lat. et de deux poèmes rom. en octosyllabes assonancés, notre poème et la Passion dite de Clermont (cf. supra sous 6). Les deux poèmes rom. se suivent mais ont été réalisés par une main différente. – son contenu hagiographique d’inspiration lat. : le poème s’inspire d’une vita lat. du début du VIII e siècle. composée par Ursin de Ligugé, moine de l’abbaye poitevine de Saint-Maixent, où Léger avait été abbé. – ses caractéristiques littéraires : le poème sur Léger partage avec la Cantilène le sens pour la simplicité. Alors qu’Ursin s’échina à offrir un récit complexe situant Léger dans le panier de crabes des rivalités entre différentes maisons royales et entre membres concurrents de l’aristocratie (Van Acker 2007a, 149–157), l’auteur du poème ne s’attacha qu’aux faits principaux pour proposer un récit monolithique hautement dualiste dont la concision et la sobriété – à la limite du dépouillement – lui ont valu des appréciations mitigées (cf. Rychner 1978, 366, cite G. Paris, M. Delbouille). Certains ont néanmoins constaté que le récit est ainsi devenu plus touchant et plus à même d’impressionner (Rychner 1978, 362), alors que d’autres (Banniard 2002a ; Avalle 1967, 259) n’ont pas hésité à le percevoir comme le produit d’une culture haute et d’une recherche littéraire poussée, visant une synthèse des traditions lat. et rom. L’ouverture du poème est ainsi faite en suivant comme modèle stylistique un décalque aménagé des préfaces des vitae (Banniard 2002a, 36). – sa forme versifiée : l’octosyllabe, tout comme le décasyllabe de la Cantilène, est appelé à un grand succès dans la littérature méd. ultérieure. – son intention liturgique et mélodique : il semble probable que la visée du poème était une récitation mélodique – plutôt qu’un chant (Avalle 1967, 249–253) –
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faisant suite à la liturgie officielle en offrant une réplique en lg. vernaculaire de la leçon de l’office des matines le jour de la fête du saint (Rychner 1978, 370). (b) Si les caractéristiques stylistiques du poème (segmentation facile, parataxe, répétition d’hémistiches, assonances faciles, …) invitent certains à s’interroger sur son niveau de lg. (Rychner 1978, 366s.), d’autres le qualifient sans ambages de « romanité savante, élevée », en raison de sa compacité morphologique et syntaxique génératrice d’un phrasé poétique intense (Banniard 2002a, 38). – Une autre discussion concerne l’appartenance régionale du poème. Traditionnellement, l’origine du poème est située en région wallonne ou wallo-picarde avec des graphies occ. dues au copiste (Linskill 1937, 140ss.). D’autres y ont vu une adaptation au domaine d’oïl – notamment par le biais des assonances – d’une composition réalisée en zone d’oc (Banniard 2002a, 42). Enfin une troisième position considère l’état de lg. du poème, avec ses traits mixtes, comme proche de l’original (Van Hoecke 1999, 213 ; De Poerck 1964, 21s.). Ce dernier point de vue table sur le fait que le déplacement vers le sud de la frontière entre domaines d’oc et d’oïl, située d’abord au sud-est de Niort ou au sud de Châtellerault avant de descendre plus bas (axe Angoulême-Guéret-Vichy), s’est accompagné d’une phase d’instabilité linguistique caractérisée par une forte interpénétration de traits méridionaux et septentrionaux. – Le respect strict du système bicasuel, tout comme les nombreux latinismes indiquent une lg. archaïsante (Linskill 1937, 79ss. et 143s.). – Le fait que le V se trouve souvent en deuxième position pourrait indiquer un certain souci de phrasé naturel et le refus d’une stylisation excessive (cf. Rychner 1978, 359).
Texte d’après Linskill (1937). Édition d’après l’unique ms. conservé à la Bibliothèque municipale de Clermont Ferrand (240) (fin X e siècle, probablement le scriptorium attaché au chapitre de la cathédrale de Clermont). 151 H OR EENN AUREZ LAS POENAS POE NAS granz, 152 Quae il en fisdra(1), li tiranz. 153 Li perfides tam fud cruels, 154 Lis ols del cap li fai crever. 155 Cum il l’aut fait, mis l’en reclus ; 156 Ne soth nuls om qu’es devenguz.
157 Am las lawras li fai talier 158 Hanc la lingua quae aut in quev. 159 Cum si l’aut toth vituperét, 160 Dist Ewruins, qui tan fud miels : 161 ‘Hor a perdud don deu parlier ; 162 Ja non podra mais Deu laudier’.
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163 A terra joth(2), mult fo afflicz ; 164 Non oct(3) ob(4) se cui en calsist(4). 165 Super lis piez ne pod ester, 166 Que toz los at il condemnets. 167 Or a perdud don deu parlier ; 168 Ja non podra mais Deu laudier.
169 Sed il non ad lingu’a parlier, 170 Deus exaudis lis sos pensaez ; 171 Et si el non ad ols carnels, 172 En cor los ad espiritiels ; 173 Et si en corps a grand torment, 174 L’anima.n awra consolament.
(1) fisdra ‘il fit’ < lat. FEC ERAT , a. ind. plusqpf. synthétique avec perte de la valeur d’antériorité (2) IACE RE (3) oct ’il eut’, p.simple pers.3 de « avoir » (4) ob ‘auprès de’, joth ‘il gisait’ < lat. IACUIT du V IACERE AP UD (5) calsist, subj. impf. pers.3 < lat. CALERE C ALERE ‘ avoir de l’intérêt’. prép. < lat. APUD
8 La Vie de saint Alexis (XI ͤ siècle) (a) Ce poème narre en 125 strophes l’histoire d’un noble fils qui fuit son destin et sa riche famille pour se consacrer à l’amour de Dieu. Il se rattache donc clairement à ce qui précède de par sa thématique hagiographique. De plus, tout comme c’était le cas pour Eulalie et pour Léger, la Vie de saint Alexis en lg. vernaculaire s’inspire d’une source lat., mais elle plonge ses racines beaucoup plus loin pour renouer avec une légende syriaque (V e siècle) par l’intermédiaire d’une refonte byzantine (dès le IX e siècle) (Perugi 2000, 13ss.). Venant de Rome, le culte de saint Alexis s’est répandu assez tardivement en France, à partir du XI e siècle, vraisemblablement par le biais du mouvement clunisien (ibid., 36s.). Un autre point que ce texte a en commun avec les textes qui le précèdent dans l’émergence de la littérature en lg. rom. en France, c’est son fonctionnement sociolinguistique. Le poème semble en effet avoir été destiné à une réalisation musicale dans un cadre liturgique ou ecclésiastique devant un public de laïcs (Baehr 1968). Sur certains points, cependant, le poème sur Alexis se distingue aussi de ce qui précède. Premièrement, sa tradition ms. est plus complexe : les 5 mss. qui s’étalent du XII e au XIV e siècle reflètent différents stades dans l’amplification du contenu, notamment l’ajout du récit de la translation du corps et l’ajout des miracles (Perugi 2000, 133). En même temps, ils témoignent ainsi aussi de la popularité et du rayonnement du poème. La version la plus couramment citée est celle du ms. L en 125 strophes de 5 vers décasyllabiques assonancés. Celui qui est responsable de cette version fondit en un texte toutes les versions disponibles. Tout en essayant d’uniformiser l’ensemble par l’insertion de formules de soudure, il a aussi été respectueux de ses matériaux de base, ce qui explique certaines disparités, comme le fait qu’il y a deux conclusions
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(ibid., 90 ss.). Deuxièmement, la matière abordée est traitée d’une manière qui vise particulièrement à interpeller le public. À partir de la moralité centrale, l’idée qu’il ne faut pas confondre les richesses et bonheurs temporaires de ce monde et ceux de l’audelà, c’est surtout le difficile processus de compréhension et d’acceptation parcouru par les proches du saint qui est développée (Vincent 1963, 530ss.). L’incompréhension, le désarroi et la tristesse des parents et de l’épouse abandonnés, qui luttent pour atteindre enfin le salut de l’âme, sont décrites avec une grande simplicité mais aussi une grande justesse. Les auditeurs sont ainsi entraînés dans l’histoire qu’on leur fait revivre (Uitti 1967, 289ss. ; Vincent 1963, 537). Son caractère dramatique amena à rapprocher ce poème du drame religieux (Vincent 1963, 526) mais surtout de la poésie épique (Baehr 1968, 183ss.). Le rôle du narrateur qui s’associe au récit et qui dialogue avec le public, les nombreuses répétitions, l’accentuation des émotions, la place accordée à l’amour et enfin, le recours aux décasyllabes suggèrent que la tradition épique servit d’inspiration au poème vernaculaire sur Alexis (Uitti 1967 ; Baehr 1968), que certains qualifient même de « chanson de geste ecclésiastique » (Baehr 1968, 199). Ce compromis de deux univers, l’un lat. et clérical (cf. les sources) et l’autre vernaculaire et laïque (cf. la mise en forme), traduit le souci du clergé d’atteindre un public de laïcs et de les rassembler autour d’une « bio-histoire » pétrie d’idéaux (Uitti 1995).
(b) En tant que compilation, la lg. du ms. L offre un regard sur une complexe stratigraphie. Le noyau originaire présenterait ainsi une lg. archaïque proche d’un texte comme la Vie de saint Léger, très caractérisée du point de vue formulaire. La continuation serait à mettre en rapport avec des traits du sud-ouest d’abord, puis du sud-est (exemples et argumentation détaillée à ce propos dans Perugi 2004). Enfin, de nombreux traits anglo-normands sont à attribuer à l’intervention du compilateur (par ex. la non palatalisation de [k] devant [a] : 130, 135 ker/kers ‘cher’ ; 136, 141 cambre/ cambra ‘chambre’) (Perugi 2000, 135ss. ; Ayres-Bennett 1996, 51ss.). Certains (Uitti 1995) voient dans le poème sur Alexis une nette rupture avec les textes antérieurs du point de vue de la scripta : il marquerait l’abandon de la scripta pan-gallo-romane et l’émergence d’une scripta centrale d’oïl, liée à une conscience nationale septentrionale. La lg. du poème porte aussi les traces des deux sphères d’influence dont il est issu. La culture lat. transparaît notamment dans le recours à des figures rhétoriques et dans l’utilisation de latinismes parfois « inouïs » (par ex. akeser < ADQUIESCERE , ex. cité dans Perugi 2000, 112ss.). La culture laïque se trouve dans les formules épiques (ibid., 99ss.) ou dans la recherche d’effets expressifs en jouant sur la liberté syntaxique, par exemple au niveau de l’emploi des temps (notamment imparf. ~ p. simple ~ prés.) (Uitti 1967, 289).
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Fragment d’après l’édition de M. Perugi (2000), basée sur le ms. L (= originaire de Lambspringen) conservé depuis la fin du XVIII e siècle à la bibliothèque de la cathédrale Sainte-Marie à Hildesheim (début XII e siècle, abbaye de Saint-Albans près de Londres) (ff. 29r°–34r°).4
126 Cil s’en repairent a Rome la citét, 127 Nuncent al pedre que nel pourent truver : 128 Set il fu graim, ne l’estot demander ; 129 La bone medre s’em prist a dementer 130 E sun ker filz suvent a regreter :
131 – Filz Aleïs, pur quei portat ta medre ? 132 Tu m’ies(1) fuït, dolente an sui remese(2), 133 Ne sai le leu ne nen sai la contrede 134 U t’alge querre, tute en sui esguarethe(3) : 135 Ja mais n’ierc(4) lede(5), kers filz, nu l’ert tun pedre. –
136 Vint en la cambre plaine de marrement, 137 Si la despeiret(6) que n’i remest nïent, 138 N’i remest palie(7) ne neül ornement : 139 A tel tristur aturnat su talent, 140 Unches puis cel di ne se contint ledement.
141 – Cambra, dist ela, ja mais n’estras parede, 142 Ne ja ledece(8) n’ert an tei demenede : 143 Si l’at destruite cum dis – l’ahust – predethe(9), 144 Sas i fait pendre e cinces deramedes(10), 145 Sa grant honur a grant dol ad aturnede.
(1) ies ‘tu es’, forme accentuée de la pers.2. de l’ind. prés. (2) [dolente] remese ‘demeurée [affligée]’ < lat. REMANSA , du V REMANERE (3) esguarethe ‘égarée’ (4) ierc ‘je serai’ < lat. E RO , anc. fut. synthétique (5) lede ‘joyeuse’ < lat. LAETA (6) despairet ‘elle dépouille’ < lat. DE - P ARARE (7) palie ‘riche vêtement’ LAE TIT IAM . < lat. P ALLIUM . Forme savante. Le fr. mod. a conservé la forme ‘poêle’ (8) ledece ‘joie’ < lat. LAETITIAM Cf. « liesse » en fr. mod. (9) dis l’ahust predethe ‘[comme si] elle l’eût pillée’, tmèse pour « l’ahust dispredethe », subj. plusqpf. pers.3 (cf. Perugi 2004, 148) avec dis-preder < lat. PRAEDARE ‘piller’ (10) [cinces] deramedes ‘[chiffons] usés’, adj. formé sur la racine lat. RAMUS ‘branche’.
9 La Chanson de Roland (fin du XI ͤ siècle) (a) L’héroïsme des chevaliers chrétiens affrontant l’ennemi musulman est au cœur de ce poème, dont la plus ancienne version écrite, contenue dans un ms. du XII e siècle, compte 4002 vers décasyllabiques assonancés. Inspirée d’un fait historique – la
4 Une version digitale du psautier est accessible à l’adresse électronique suivante : http://www.abdn. ac.uk/stalbanspsalter/english/index.shtml. Le poème figure aux pages 58–68.
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défaite sanglante de l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne, attaquée à son retour d’Espagne par des Gascons à Roncevaux en 778 – (cf. Aebischer 1972, 47–92), la Chanson en offre une réinterprétation qui vise à mettre en scène les vertus de la chevalerie, l’honneur féodal et la victoire finale du christianisme. Cette première chanson de geste marque un tournant dans l’émergence de la littérature fr. : c’est le premier texte depuis les Serments qui sort du cadre religieux et (para-)liturgique et qui propose un contenu qui n’est pas directement lié à des sources lat. Cette discontinuité remarquable ne doit toutefois pas faire oublier d’importants éléments de continuité et ce aussi bien au niveau du processus de création qu’au niveau des caractéristiques du texte. Malgré la séduisante hypothèse d’une littérature orale traditionnelle (Duggan 1981), il semble bien que la création de la Chanson, comme les poèmes hagiographiques qui la précèdent dans le temps, relève d’un compromis entre tradition savante et tradition populaire et qu’elle est le résultat d’une composition écrite, étant vraisemblablement le fait d’un clerc (Aebischer 1972, 224 ; Segre 1974, 50 ; Carton 1981, 18). Mais à la différence des poèmes hagiographiques cherchant la meilleure voie pour mettre la culture ecclésiastique au goût des laïcs en s’inspirant de la culture orale laïque, la Chanson, elle, part de la culture orale, laïque et épique, et cherche à l’élever. Voilà qui explique pourquoi la Chanson partage avec les poèmes qui la précèdent tant d’aspects thématiques, linguistiques et stylistiques (Pei 1948 ; Banniard 2002b) tout en gardant un caractère plus nettement formulaire. Pour le développement de la littérature sur le sol fr., la création et la fortune de la Chanson marquent surtout une évolution sociolinguistique fondamentale : l’émergence d’un goût littéraire chez l’aristocratie féodale, désireuse de se voir valorisée par ce biais et demandeuse à la fois de création, de performance (Banniard 1999) et de conservation écrite (Tyssens 1964, 674). On ne saurait sous-estimer l’importance d’enjeux identitaires pour l’émergence et le développement d’une lg. littéraire (Varvaro 1996). En ce sens, la Chanson de Roland est un jalon des plus significatifs.
(b) La lg. du poème, telle qu’elle apparaît dans son plus ancien témoin écrit, est hybride : des traits anglo-normands nets dus au copiste se superposent à un état de lg. marqué plutôt par des traits normands et du centre (Segre/Tyssens 1989, 22 ; AyresBennett 1996, 61s.). Soucieuse à la fois de hiératisation solennelle et de connivence narrative, cette lg. est marquée respectivement par des archaïsmes langagiers (Banniard 1999) et par différents types de répétitions relevant de la technique formulaire (Duggan 1981 ; Carton 1981).
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Fragment d’après l’édition de Segre/Tyssens (1989) basée sur le manuscrit Digby 23 conservé à la Bodleian Library à Oxford (XII e siècle, ff.1r°–72r°).5 3705 Li empereres est repairét d’Espaigne, 3706 E vient a Ais, al meillor siéd de France ; 3707 Muntet el palais, est venut en la sale. 3708 As li venue Alde, une bele dame ; 3709 Ço dist al rei : « O(1) est Rollant le catanie(2), 3710 Ki me jurat cume sa per(3) a prendre ? » 3711 Carles en ad e dulor e pesance, 3712 Pluret des oilz, tiret sa barbe blance. 3713 « Soer, cher’amie, de hume mort me demandes. 3714 Jo t’en durai mult esforcé eschange : 3715 Ço est Loëwis, mielz ne sai a parler ; 3716 Il est mes filz, e si tendrat mes marches. » 3717 Alde respunt : « Cest mot mei est estrange. 3718 Ne place Deu ne ses seinz ne ses angles 3719 Aprés Rollant que jo vive remaigne ! » 3720 Pert la culor, chet as piez Carlemagne, 3721 Sempres est morts : Deus ait mercit de l’anme ! 3722 Franceis barons en plurent, si la pleignent.
3723 Alde la bel’est a sa fin alee. 3724 Quidet li reis quë el se seit pasmee(3), 3725 Pitét en ad, si.n pluret l’emperere ; 3726 Prent la as mains, si l’en ad relevee : 3727 Desur l’espalle ad la teste clinee. 3728 Quant Carles veit que morte l’ad truvee, 3729 Quatre cuntesses sempres i ad mandees : 3730 A un muster de nuneins est portee, 3731 La noit la guaitent entresqu’a l’ajurnee. 3732 Lunc un alter belement l’enterrerent. 3733 Mult grant honur i ad li reis dunee.
(1) O ‘où’ < lat. UBI (2) catanie ‘chef’ < lat. CAPITANE CAP IT ANE UM . O n trouve aussi la forme ‘cataigne’ dans la AR (4) quë el se seit pasmee Chanson (3) sa per ’son égale’, forme f. non encore marquée < lat. PPAR ‘qu’elle soit tombée en défaillance’ cf. fr. mod. ‘se pâmer’.
5 Une version digitale du manuscrit est accessible en ligne à l’adresse électronique suivante : http:// image.ox.ac.uk/show?&collection=bodleian&manuscript=msdigby23b.
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David Trotter
19 Coup d’œil sur les scriptae médiévales et les textes qui les représentent Abstract : L’émergence des scriptae distinctives, et diatopiquement identifiables, en a.fr. remonte essentiellement au début de la tradition littéraire vers 1100. Pour les textes antérieurs, il est difficile de parler d’une distribution diatopique, vu le peu de textes que l’on a. Très tôt, l’on voit se dessiner les grandes lignes dialectales, avec des textes anglo-normands, ensuite normands, picards. Mais les études scriptologiques se basent en général non sur les textes littéraires, mais sur des documents administratifs, qui ont le grand avantage d’être datés et localisés, et d’éliminer la distance chronologique et parfois spatiale entre ms. et auteur, ce qui est le propre du texte littéraire au Moyen Âge. Les textes administratifs ne sont par contre pas très présents dans les anthologies. Les documents de ce type, surtout les chartes, permettent de mesurer la standardisation croissante au cours du Moyen Âge. L’article fournit des exemples des scriptae picardes, lorraines et anglo-normandes.
Keywords : scriptae, standardisation, lorrain, picard, anglo-normand
1 Anthologies portant sur les scriptae médiévales 1.1 Anthologies imprimées La plupart des anthologies de l’a.fr. et dans une moindre mesure, celles qui contiennent des textes du moyen fr., renferment des textes susceptibles de fournir des indications utiles sur les scriptae, surtout littéraires (pour la distinction entre scriptae littéraire et administrative, voir infra, 2.1). À titre d’exemple : Bartsch (121920) ; Batany (1972) ; Henry (51970). Très peu des anthologies disponibles proposent explicitement des textes visant l’étude des scriptae, voire même une sélection représentative de celles-ci. Deux exceptions : une des plus anciennes anthologies, et une des plus récentes : Schwan/Behrens (41932) et Duval (2009). La première consacre une troisième partie de l’ouvrage à une collection de Matériaux pour servir d’introduction à l’étude des dialectes de l’ancien français. La deuxième réserve une section importante de l’introduction à une discussion des scriptae, et des dialectes, avec des indications bibliographiques très utiles (ibid., 39–53, 88–93). Seul inconvénient de la présentation très pratique dans Schwan-Behrens : les chartes sont souvent tirées de sources problématiques, notamment, des éditions nécessairement anciennes, mais surtout peut-être, de cartulaires (il ne s’agit donc pas toujours d’originaux, mais bien de copies méd. postérieures : cf. Drüppel 1985). En dépit de cela, le vieux « Schwan
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Behrens » reste un ouvrage extrêmement commode pour se faire une idée rapide des principales différences entre les scriptae de l’a.fr.
1.2 Corpus électroniques Les corpus sont déjà signalés dans le chapitre précédent (↗17 Anthologies et corpus de textes français anciens). Il s’agit pour l’a.fr. de deux collections bien établies, le NCA et la BFM. Les deux contiennent essentiellement des textes littéraires ; la liste de la BFM les localise en identifiant le « dialecte » (terme probablement mal choisi). Cette localisation renvoie au texte et non pas au ms. Pour le NCA, se reporter à Glessgen / Vachon (2013) pour la possibilité d’exploitation scriptologique. Les textes de l’ANOH, enfin, sont tous par définition anglo-normands : c’est donc un corpus régional de la scripta anglo-normande, dans des textes littéraires mais aussi non-littéraires. Le corpus qui est de loin le plus prometteur pour l’étude des scriptae est la collection des Plus anciens documents linguistiques de la France, dirigée par Glessgen (cf. Glessgen 2011). Il s’agit d’une quantité importante de chartes, surtout de l’est et du centre-est, soigneusement localisées. L’on pourra y ajouter les chartes de l’Aube disponibles sous forme électronique sur le site du NCA. Comme les chartes sont le domaine par excellence des scriptae, cette ressource tout à fait exceptionelle permettra sans doute une réévaluation de la dialectologie historique de la langue d’oïl. Le moyen fr. est en partie représenté par le DMF et par Frantext mais ce sont des sources d’une utilité très limitée pour l’étude des scriptae, les documents administratifs faisant largement défaut. En tout cas, les scriptae avaient en grande partie été neutralisées avant la période centrale du moyen fr. (Gossen 1957).
2 Scriptae littéraires 2.1 Le problème de la langue (ou des langues) littéraire(s) Les premiers textes en a.fr. (↗18 Émergence de traditions écrites françaises, chap. 9.2) sont majoritairement littéraires, à l’exception toutefois du tout premier, les Serments de Strasbourg. L’émergence de la langue écrite dans ces textes s’accompagne donc non seulement par l’invention et l’apprentissage par des clercs latinophones (ou « latinographes ») d’un système d’écriture leur permettant de rendre compte des spécificités de la langue vernaculaire, mais aussi d’un début de standardisation qui fait que comme tout texte écrit, les premiers textes fr. vont dans le sens d’une normalisation au moins au niveau de la région. La localisation des premiers textes se trouve confronté à un problème simple : les points de repère pour la localisation sont rares. Les premiers textes sont assez excen
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triques (au sens géographique du mot), provenant du nord-est et du sud-ouest du domaine d’oïl (Lusignan 2012, 49–53). Viennent ensuite des textes copiés en Angleterre (la Vie de saint Alexis, la Chanson de Roland, la Chanson de Guillaume, etc.), dans une région possédant ses propres traditions d’écriture avec notamment une importante littérature en anglo-saxon, et des clercs ayant des habitudes graphiques établies pour la représentation d’une langue bien différente. Des vingt-cinq mss. de textes du XIIe siècle, dix-neuf sont anglo-normands (Lusignan 2011, 17). C’est sans doute la pratique de l’écriture pour une langue vernaculaire avant la Conquête qui est à la base de la « précocité » de la littérature anglo-normande (Legge 1965 ; Short 1992). Howlett (1996) est allé jusqu’à soutenir que la littérature fr. est née en Angleterre ; plus prudemment, S. Lusignan écrit que « c’est bien en Angleterre que le fr. a conquis pour la première fois de son histoire son statut de langue de culture écrite » (Lusignan 2011, 18 ; voir aussi infra, 4.3). Déjà aux débuts de la – ou des – langue(s) littéraire(s), une division géographique est visible. Ce n’est probablement pas un hasard si elle correspond grosso modo aux grandes divisions dialectales nord-sud et est-ouest de la langue elle-même, remontant aux zones d’une romanisation différentielle (Herman 1990 ; Wüest 1979). C’est ainsi qu’il existe des scriptae picardes, normandes, anglo-normandes, wallonnes, et dans une moindre mesure, du sud-est et du sud-ouest. L’on peut parler, même très tôt, de scriptae régionales et non pas seulement locales. Ce phénomène doit ses origines à la nécessité (pour les copistes) de rendre leurs textes lisibles (y compris pour la lecture à haute voix) dans un domaine géographique aussi large que possible : ce sont des textes qui vivent dans le monde de la Distanzsprache (Koch 2010 ; Oesterreicher 2013 ; Wüest 2003). À un tel point que Guiot, champenois du XIIe siècle, surtout connu comme copiste des romans de Chrétien de Troyes, modifie ses graphies devant le texte normand de Wace (Woledge 1970 ; cf. Greub 2007). Si les scriptae littéraires peuvent s’identifier comme originaires de telle ou telle région, « aucune scripta n’était hermétique à quiconque savait lire le ‹ français › » (Lusignan 2012, 26). Si l’on prend l’exemple de la scripta picarde, un tiers seulement des traits qui le distinguent lui sont exclusivement propres, les autres traits linguistiques existant également dans les scriptae voisines (le wallon, le champenois, le lorrain : Gossen 21976, 151–155 ; Lusignan 2012, 54–59). Il existait une aire « nord-est » où beaucoup des traits des scriptae étaient communs (cf. pour le lorrain, Trotter 2005b, 20–40). Monjour (1989, 353) parle avec raison de l’existence « eines dialektübergreifenden Großraums im französischen Nordosten » (‘d’un grand espace transdialectal dans la France du nord-est’). Encore une fois, l’on constate que l’influence de la romanisation est un phénomène de longue durée. En même temps, il est évident aussi que sur le plan sociolinguistique, il y a eu des contacts constants entre ces « français du nord » (Lusignan 2012, 145–185), car les « Français » (avec majuscule) du nord étaient en contact les uns avec les autres. La preuve de l’intercompréhensibilité des scriptae différentes est fournie par les documents internationaux qu’échangèrent les gens venus de zones dialectologiques différentes, ainsi que par la capacité des copistes de modifier leur scripta (entre anglo
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normand et picard, par ex.) si cela s’avérait souhaitable à des fins politiques (Lusignan 2004, 236–252 ; Trotter 2008b). Parmi les scriptae littéraires, les plus importantes restent i) celle de l’Île-deFrance, en l’occurrence représentée par le champenois au XIIe siècle et ii) une variété qui rivalisait pendant longtemps avec celle-ci, la scripta picarde. D’autres variétés comme les scriptae iii) anglo-normande, ou iv) lorraine sont également bien représentées parmi les textes littéraires du Moyen Âge. Nous donnerons plus de détails sur les scriptae picarde, lorraine et anglo-normande dans la partie « anthologie » (voir infra, 4). Un pourcentage important des mss. littéraires du XIIIe siècle montre des tendances picardisantes, preuve non seulement de l’étendue géographique du picard en tant que variété écrite, mais aussi peut-être de son influence au-delà de ses frontières linguistiques (Gossen 1967, 234–241 ; Lusignan 2012, 65–81). L’urbanisation semble avoir favorisé une éclosion sinon une explosion de l’écrit picard, tant au niveau des mss., objets de luxe, que des textes administratifs résultant de nécessités commerciales et d’une volonté politique (Gossen 21976, 43s. ; Lusignan 2011, 47 ; Lusignan 2012, 235–273). Parmi les traits picards, plusieurs sont communs à tout le domaine nord-est (Monjour 1989). Le DEAF recense 2900 mss. localisés, dont 741 seraient d’origine picarde (http://www.deaf-page.de/bibl_intro.php, consulté le 29.01.14 ; cf. aussi Lusignan 2011, 28 : 35,3% des 2328 mss. de la base de données du DEAF sont picards). Selon toute probabilité, nous avons là un indice de l’influence des villes picardes, d’où sont aussi venues des chartes (voir infra, 3) qui sont parmi les plus anciennes en langue d’oïl. Les textes littéraires, cependant, posent des problèmes plus ou moins incontournables pour ce qui est de leur scripta. Les mss. sont presque toujours postérieurs – parfois de plus d’un siècle – au texte dont ils conservent la trace. Il est loin d’être inévitable que le ms. provienne de la même région que le texte (cf. Möhren 2007, xi) ; on est donc devant un élément dû à l’« auteur », souvent anonyme, et ensuite la couche superposée qui relève du copiste, presque toujours anonyme. Dans des cas extrêmes, la collaboration entre auteur et copiste peut conduire à des textes « mixtes » qui, s’ils n’atteignent pas le statut de Mischsprache, présentent néanmoins un mélange de formes appartenant en principe à des scriptae différentes. L’œuvre de Jofroi de Waterford, dominicain anglo-normand irlandais, recopié par son « éditeur » wallon, Servius Copale, en fournit un bel exemple. Un lexique anglo-normand est revêtu d’un vernis phono-graphique wallon (Henry 1986 ; Schauwecker 2007). Autre exemple : le quatrième volume du Recueil des Ysopets édité par Ruelle (1999), qui conserve des éléments d’un lexique anglo-normand dans un texte localisé dans le sud-ouest. Comme l’auteur des Ysopets est Eudes de Cheriton, originaire du Kent (Angleterre), la situation linguistique s’explique facilement. Mais devant des exemples pareils, l’on comprend que les textes littéraires ne sont pas en général retenus pour les études des scriptae (cf. pourtant Dees 1987 ; Glessgen/Vachon 2013 ; d’une perspective différente [lexicale], Lecoy 1968). Les études littéraires s’intéressent au texte (beaucoup d’édi
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tions de texte sont le résultat du travail de littéraires), et les leçons du ou des ms(s). sont parfois gommées par l’éditeur soucieux de retrouver « le » texte (cf. Trotter, à paraître). Il n’est d’ailleurs pas sans intérêt de constater que les dictionnaires étymologiques du fr. utilisent majoritairement la date du texte – le DEAF indique souvent la date du ms. aussi (cf. Möhren 2007, xii) –, d’où en partie la distinction, fondamentale dans l’historiographie du fr., entre textes littéraires et administratifs.
3 Scriptae administratives 3.1 L’historique de la scriptologie La dialectologie a toujours privilégié les documents non-littéraires, et surtout les chartes, considérées comme le type de document le plus apte à fournir les traces les plus fiables de la variation diatopique (Dees 1985 ; Gossen 1957). Les chartes ont, du moins superficiellement (voir infra, 3.2), l’immense avantage d’être datées et localisées par leurs copistes, essentiellement aussi l’« auteur » du texte, au sens philologique du mot (cf. Trotter 2008a ; en diplomatique, l’« auteur » sera le disposant de la charte). Les chartes sont donc ancrées dans le temps et dans l’espace par des indices extralinguistiques (cf. Carolus-Barré 1964, LXVIII–CVII ; Völker 2003, 47–49). L’idée naïve selon laquelle les chartes reflètent fidèlement les dialectes parlés n’a évidemment plus cours (cf. Wacker 1916). Le concept de scripta, introduit par Remacle (1948) et qui équivaut à l’allemand Schriftsprache, désigne la langue certes en partie normalisée – c’est un résultat inévitable de la mise par écrit (Lusignan 2011, 27) –, mais en même temps influencée par le dialecte de l’auteur ou du copiste. Le statut particulier de la scripta est important et mérite d’être souligné : il s’agit bien d’une variété écrite, donc déjà éloignée de la forme correspondante parlée. Ce n’est ni un « dialecte » au sens de langue parlée, ni – en dépit de ce qui a été dit supra au sujet des textes littéraires parfois mélangés – une koinè, un mélange conçu dans le but de créer une langue commune comme la koinè grecque (Holtus 1995 ; Lodge 2010b ; 2011 ; Pfister 1993 ; Selig 2008 ; Kabatek 2013). Le paradoxe de la scripta, basée, souvent de loin, sur une variété diatopiquement distincte et localisable, mais dont la spécificité locale est réduite de par l’acte d’écrire, peut être résumé ainsi : « il existe un soubassement oral important pour chaque scripta même si celui-ci se cache tout autant qu’il se livre dans les documents écrits » (Lusignan 2012, 28 ; Lusignan 2011, 27). Bien sûr, le diachronicien, tout en étant conscient des défauts des textes sur lesquels il se base, sait très bien qu’il n’a pas d’autre choix. C’est ainsi que très souvent, la discussion sur les scriptae est amenée à se pencher sur des questions portant sur l’exploitation et la fiabilité des documents écrits pour la phonologie historique (Robson 1955 ; Gossen 1968a ; 1968b ; Monfrin 1968 ; Wüest 2001). Dans l’histoire des scriptae fr., qui dominent de loin la discussion (cf. Glessgen 2012 ; Kabatek 2013), les travaux de Gossen (Gossen 1957 ; 1967) sont fondateurs ; pour une
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historique exemplaire de la discussion sur les scriptae, l’on consultera l’ouvrage de Völker (2003, 9–79). Le concept de scripta n’est nullement limité au fr. méd. (cf. Peters 2003), mais il a acquis une importance scientifique particulière au sein des études qui portent sur cette langue.
3.2 Les études sur les scriptae : état actuel
La scriptologie a pris un essor récent, sans doute en grande partie grâce à l’irruption de l’informatique dans la philologie et la linguistique (cf. Trotter/Bozzi/Fairon 2014). Cela a permis et provoqué des études plus précises, souvent appuyées sur la statistique, des traits des différentes scriptae. La comparaison entre scriptae est devenue plus exacte et plus scientifique : l’analyse des chartes normandes par Goebl (1970) est un travail pionnier. C’est ainsi, par ex., que l’atlas de Dees (1980 ; cf. Dees 1985) a été soumis à une analyse dialectométrique que seul l’ordinateur a rendu possible (Goebl 1998). Deuxièmement, le relancement du projet (inauguré par Monfrin) des Plus anciens documents linguistiques de la France, sous la direction de Glessgen, sous forme électronique, facilite des recherches détaillées dans une base de 2318 chartes, toutes transcrites ou retranscrites pour les besoins de l’étude philologique, donc : fiables au niveau linguistique (vue d’ensemble : Glessgen 2001 ; 2011 ; Kihaï 2011 ; 2013). L’existence de ce corpus textuel a déjà permis d’importants progrès, notamment en permettant dans le cas de la Lorraine d’établir de manière éclatante l’importance des grandes chancelleries comme « lieux d’écriture » ou centres sous-régionaux de ce que l’on pourrait appeler des sous-scriptae (Glessgen 2008 ; cf. Trotter 2008a).1 Le troisième aspect du renouveau récent de la scriptologie est représenté par les résultats du Sonderforschungsbereich 235 de Trèves, qui, sous l’impulsion de Günter Holtus, a permis l’analyse poussée de la production vernaculaire de la zone MeuseRhin au Moyen Âge (cf. Holtus/Overbeck/Völker 2003 ; Gärtner/Holtus 1997 ; Gärtner et al. 2001 ; Gärtner/Holtus 2005). Si la méthodologie de l’édition des chartes a pu être critiquée (cf. Dörr 2007), car elle est basée sur une transcription pseudo-diplomatique peu lisible, les documents édités fournissent au linguiste des ressources importantes et surtout, fiables. Or, comme les chartes en tant qu’actes juridiques intéressent également les non-philologues, notamment les historiens, l’on constate qu’une quantité importante de documents ont été imprimés grâce aux non-spécialistes de la langue, pratique qui augmente certes le nombre de textes disponibles, mais qui ne garantit pas toujours leur utilité philologique et linguistique. Un dernier élément de la renaissance scriptologique, cependant, est représenté par les travaux hautement pertinents de l’historien canadien S. Lusignan, qui depuis une bonne dizaine d’années montre la voie aux linguistes (2012).
1 Les objections de Burdy (2011) ne convainquent pas.
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Pour la période de l’émergence des langues romanes, pendant laquelle les langues latine et romanes coexistaient, les scriptae représentent une version qui, de par son existence, dément toute vision simpliste d’une diglossie entre latin et fr. au cours des XIIe et XIIIe siècles (Banniard 1992, 508–511 ; Lusignan 2012, 35–39 ; cf. pour l’époque antérieure Van Acker 2010 ; Molinelli/Guerini 2013). Les scriptae représentent une langue vernaculaire « haute ». En plus, n’oublions pas qu’une charte fr. est basée, dans sa structure et dans ses formules, sur ses antécédents latins (Lusignan 2003 ; Marcotte 1998 ; Trotter 2003a).
3.3 La scriptologie et la question de l’émergence d’une langue standard Parmi les résultats les plus importants de la scriptologie et de l’étude des documents du Moyen Âge est l’apport des documents non-littéraires à la question épineuse et toujours actuelle de l’émergence du fr. standard. Or, depuis longtemps la position traditionnelle a été que le fr. du centre (dit « francien », d’après un néologisme du XIXe siècle) se serait répandu et aurait ainsi gommé les traits caractéristiques des documents écrits d’autres régions. La date que l’on attribuait jadis au commencement de ce processus a été avancée vers l’an 1300 (Dees 1985 ; Kristol 1989 ; Pfister 1973 ; 1993 ; 1999 ; cf. Völker 2011). Mais au fond, l’explication du phénomène ne change pas : il s’agit de l’imposition, « top down », d’une langue standard et standardisante qui se serait imposée depuis la capitale (cas extrême de cette interprétation : Cerquiglini 1991, 118 ; cf. Cerquiglini 2007). La discussion a été relancée et l’on pourrait dire, révolutionnée par les interventions d’Anthony Lodge, qui argumente en faveur d’une koinéisation orale (cf. Holtus 1995 ; Kabatek 2013 ; Pfister 1993), essentiellement à partir du creuset linguistique de Paris, donc d’une uniformisation par le bas de la langue parlée, et non pas d’une standardisation par le haut par le vecteur de la langue écrite (Lodge 2004 ; 2010a ; 2010b ; 2011). C’est donc un paradigme radicalement différent car majoritairement, l’on a expliqué la standardisation du fr. à partir de la langue écrite, essentiellement parisienne. L’absence de nivellement linguistique des variétés parlées (qui survivront jusqu’au XXe siècle, les divisions géographiques restant étonnamment stables : cf. Goebl 2008) peut être laissée de côté. Non seulement la standardisation, mais aussi les évolutions linguistiques sont expliquées en partant de la tradition écrite (Rodríguez Somolinos 2003 ; Stanovaïa 2003 ; 2012). En partie, la langue écrite est privilégiée à cause de son statut : après tout, une explication qui dépend de la langue parlée sera toujours spéculative. Il est vrai aussi que pour le fr. parisien, les documents manquaient, et continuent à manquer avant le milieu du XIIIe siècle ; mais les travaux de Videsott ont pu établir l’hypothèse d’une influence de la Chancellerie royale de Paris sur une assise bien plus solide qu’auparavant (Videsott 2013).
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La scriptologie permet cependant une vision d’une part plus complexe, d’autre part, plus fine. Il serait difficile de nier l’existence de scriptae picarde, lorraine, anglonormande, et qui jouissaient d’un certain prestige – et d’un prestige certain – dans la région où elles ont vu le jour. C’est ainsi que Lusignan (2011) parle d’une « langue plurielle » et que Glessgen (2008, 522) souligne la présence de « normes pluricentriques ». Cela nous semble beaucoup plus réaliste que de voir dans l’émergence de la langue standard, la domination totale du fr. parisien. Les scriptae régionales ont disparu petit à petit, se fusionnant en quelque sorte dans la langue commune à base parisienne. Baldinger (1957) a montré il y a plus d’un demi-siècle comment et combien les variétés non parisiennes ont pu contribuer à la langue « française » : la scriptologie lui donne raison, tout en soulignant la manière cumulative par laquelle une langue centrale s’est construite (cf. Grübl 2013, 376). C’est un processus qui dépendait d’une centralisation progressive des variétés jadis distinctes, qui s’approchent les unes des autres, de façon centripétale, vers la fin du Moyen Âge. Une koinéisation de la langue parlée a pu se faire à Paris mais elle est loin d’être universelle dans le reste de la France avant le XIXe siècle. Enfin, il faut peut-être souligner aussi que non seulement la plupart des chartes partagent en grande partie une langue commune, mais que les différences phonétiques ou graphiques sont relativement mineures et l’on constate à côté de formes de la scripta régionale, dans le même document, des graphies plus « neutres ». C’est de la « couleur locale » et non pas un produit purement local. Comme dans le cas du fr. parlé moderne, où les différences de prononciation entre les fr. régionaux n’entravent guère la communication, la variation graphique ne semble pas avoir provoqué de difficulté, même si, en toute probabilité, dans la langue moderne comme dans celle du Moyen Âge, un lexique différentiel a de quoi dérouter.
4 Petite anthologie des scriptae 4.1 Le picard Le picard est la scripta la mieux documentée et sans doute la mieux étudiée, avec une grammaire exemplaire (Gossen 21976), des études portant sur l’ancien picard (Gossen 1967, 213–241), le moyen picard et le picard moderne (Flutre 1977), et une analyse sociolinguistique récente de la plume de S. Lusignan (Lusignan 2012). En dehors de l’Angleterre, les premières chartes fr. sont d’origine picarde (Gysseling 1949 ; Gossen 1967, 221–226) ; comme nous l’avons déjà indiqué, elles doivent leur existence aux villes (Gossen 21976, 45 ; Lusignan 2012, 235–274). Et si le picard avait l’importance que visiblement il revêtait tout au long du Moyen Âge, c’est probablement en partie grâce aussi à l’importance commerciale des villes où il avait cours, et peut-être parce qu’une bonne partie des traits qui semblent le distinguer sont également présents dans les scriptae avoisinantes (voir supra, 2.1). Concurrent du fr. de l’Île-de-France, bien installé dans une zone littéraire et commerciale importante, où se côtoyait une
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série de scriptae apparentées, le picard est l’exemple le plus probant de la conception de la France méd. comme un espace linguistique pluricentrique. Texte : Archives Départementales du Nord, chartrier de la Cathédrale de Cambrai, nº prov. 218bis. (Cambrai ?), décembre 1219. Édition : Gysseling (1949, 197s.), revue pour la rendre conforme aux normes philologiques de l’édition des chartes.
a) Traits phonétiques / graphiques (très souvent partagés avec le wallon) :
–
Le art. déf. fém. (réduction phonétique) : Le covenence (1), le parroche (2), le costume (4), le glise (< ECCLESIA ) (13), le volenté (16), etc. (Gossen 21976, 121) ;
–
perte de syllabe prétonique dans glise < ECCLESIA , veske < EPISCOPU : (1), (3), (6), etc. (déglutination selon Gossen 21976, 107 et n.49 ; la coupe des mots joue un rôle dans l’interprétation de certaines de ces formes, par ex. le glise (13), le veske (17) mais li glise (6) renforce les formes imprimées ici) ;
–
non-palatalisation de K + A : acat (1), camp (6), Castelain (8), porcacier (16), frankes (18) ; canone [ou = latinisme ?] (22) ; (Gossen 21976, 95–100) ;
–
« e initial libre passe à i dans quelques mots » : iretage (5) (Gossen 21976, 90) ;
–
diphtongaison < ĬLLO , ciaus (4), trait répandu ailleurs, « n’est donc pas une spécialité picarde » (Gossen 21976, 62) ;
–
palatalisation en ch- : ichou (17) (Gossen 21976, 91, 124 n.2) ;
–
w- dit « germanique » au lieu de g- : wages (2) (Gossen 21976, 108, cf. cependant Möhren 2000) ;
–
consonne finale graphique sur part.p. : devisét (13) (Gossen 21976, 104) ;
–
dans *SIGELL - , i initial passe à a, trait commun au wallon, au picard, au Centre et même à l’Ouest saeler, saiaus (22) (Gossen 21976, 85).
b) Trait morphologique :
–
adj.poss.pl. si (5) (Gossen 21976, 125) ;
Le covenence de l-acat que li glise nostre Dame de Cambrai. a fait a segnor Thiemer de Rogemés. de dismes qu-ele a en wages de lui. dedens le parroche de Brainne l-alueth(1) est tele. Sire Thiemers doit loiaument le glise de Cambrai. metre bien. et afaitiement. si com lois portera. par segnors et par pers. et de tos ciaus cui assentemens i doit estre par loi et par raison. selonc le costume que glise entre en dimes. en l-
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5 iretage de dimes que li glise tient en wages de lui. isi com il et si ancestre les ont tenues et eles puent croistre en tous preus et a camp et a vile et il doit querre le los des segnors. et li glise en doit priier a bone foi sans le sien doner. et sire Thiemers doit porveir et quere le jors de venir devant le Duc et devant le Castelain de Bruxelle et noncier a le glise isi atans que li glise ait asés tans por atirer messages. et por envoier as jors. et s-il avenoit par defaute de segnor ne par defaute de pers ne par autre maniere mais que li 10 coupe ne fust as mesages de le glise u de le glise. que li besoingne ne fust somee si com devisét est. li despens tout. corroient sor segnor Thiermer. li lius des jors prendre doit estre dedens l-archedyakene de Brabant. se par le volenté de l-eglise n-est remués et puis que sire Thiemers ara mise le glise en ses dimes si com devisét est bien et afaitiement. et li escrit le duc seront delivré a le glise li glise doit paier dedens Cambrai a segnor Thiemer u a son cert message. uit vins livres et dis de tel monoie dont on fait paiemens 15 communaument. artisiens et blans mesleement. isi com li glise reçoit les siens paiemens. dedens quarante jors. se par le volenté segnor Thiemer n-est li paiemens porlongiés. et li glise doit porcacier l-asens mon segnor le veske. estre(2) ichou est devisét que li glise doit avoir les dimes quites de tos services. et totes frankes. Iceste covenence a juree et plevie a tenir a bone foi loiaument sire Thiemers. et li glise a en covent a tenir ceste covenence fermement a bone foit. Se dotance par aventure estoit. ne de le covenence. ne de le 20 teneur de cest escrit as parties en convenroit tenir a recort l-archedyakene Wautier. et sire Willaume de Merlemont. et por ce que ceste covenence soit adiés ferme et sans dotance si a on fait ces letres en saeler. de saiaus l-archedyakene Wautier et segnor Willelme de Merlemont canone de Nivele. et segnor Thiemer. Ces letres furent faites premier diemence des avens l-en de l-encarnasion millime deucentisme disenueuisme GdfC 8,93c ‘alleu’ ; « Terres possédées en pleine propriété, exemptes de droits féodaux » (DMF sub alleu). Graphie régionale, comme le montrent les ex. dans Gdf, et que l’on relève dans les EXT RA , ‘au-delà de, outre’, Gdf 3,647a ; TL 3,1465 ; Plus anciens documents linguistiques (Est). (2) < EXTRA DMF estre4 ; FEW 3,330b.
(1)
4.2 Le lorrain À la différence du picard et de l’anglo-normand, le lorrain ne bénéficie pas d’une grammaire ou même d’un traitement systématique des traits qui le distinguent. Néanmoins, il existe – et cela depuis les débuts de la discipline – i) des études d’ensemble importantes ii) des collections de documents non-littéraires accompagnées d’une discussion linguistique et peut-être surtout iii), de bonnes éditions avec des introductions permettant de faire le point sur la langue telle qu’elle est représentée par les textes dont il est question (Apfelstedt 1881 ; Herbin 1992 ; McMillan 1997 ; Trotter 2005b ; cf. bibliographie de l’a. lorrain dans Trotter 2005b, 49–63). Même s’il n’existe pas de véritable Grammaire de l’ancien lorrain (cf. Möhren 2006, 328 ; Lusignan 2011, 91), les outils existent pour étudier cette scripta. Surtout, les Plus anciens documents linguistiques (Glessgen 2011) présentent une collection tout à fait exceptionnelle des chartes lorraines, ce qui fait que le lorrain a ainsi toutes les chances de devenir une des scriptae les mieux connues de la langue d’oïl (voir déjà Gossen 1979 ; Glessgen 2008 ; Kihaï 2011 ; 2013). Le lorrain est resté relativement distinct des autres scriptae du Moyen Âge, en partie peut-être parce que la Lorraine elle-même était « en terre d’Empire » (Lusignan
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Coup d’œil sur les scriptae médiévales et les textes qui les représentent
2011, 84–92), donc un peu à l’écart de l’évolution politique du royaume de France et de sa langue. Une certaine indépendance linguistique ne surprend pas. Si l’on ajoute que de surcroît, le lorrain (langue romane) était souvent en contact étroit avec des variétés germaniques, l’on comprendra que la scripta lorraine ait gardé une certaine autonomie. Texte : Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle H 1250, avril 1266 (Trotter 2005a, 296). Numérotation selon les lignes du ms.
a) Traits phonétiques / graphiques :
–
ei : graphie correspondant à A tonique (statut problématique : malgré la diphtongaison en lorrain moderne de [e] en [ej], vraisemblablement une graphie pour [e :], Meiller 1994 ; Glessgen 2001, 277–278 et n.39 ; bibliographie importante dans Trotter 2005a, 260 n.30) : l-abbei (2) ; soldeies (3) ; aquastei part. p. (7) ; freires (8) ; meire < MATREM (10) ; aquasteis part.p. pl. (11) ; donei p.p. (13) ; veritei (15) ;
–
dans *SIGELLU , i initial passe à a : saiel (15), trait commun au wallon, au picard, au Centre et même à l’Ouest (Gossen 21976, 85) ;
–
palatalisation de a en ai (trait commun à tout le nord-est) : finaige (6) ;
–
graphie -ain- pour A + N (= nasale, fr. -an-) : eschainge (2), (13) ; trait répandu dans l’Est et le Sud-est (Gossen 1967, 279 ; Trotter 2005a, 264 n.4) ;
–
graphie inverse -a- au lieu de -ai-, -e- : aquastei part. p. (7), requaste (14) ;
–
pas de consonne intervocalique dans doient < DĒBENT (8) (cf. Dees 1980, carte 211 ; Dees 1987, carte 260 : wallon aussi et picard, voir texte picard supra) ;
–
lou (5), (15), louquel (13) : forme lorr. de le, art.déf.
b) Traits morphologiques :
–
ceu pour ce, « Normaltypus der lothringischen Skripta und zwar im ganzen [ostfranzösischen] Gebiet » (« type normal de la scripta lorraine voire dans tout le domaine [d’oïl de l’est] », Gossen 1967, 183 n.46 cf. jeu (13) ;
–
puissiens subj.prés.4 (12), picard aussi (Gossen 21976, 136).
[1] Conue chose soit a touz ceaus qui ces lettres vairont et orront ke je Colins de Marsal(1) [2], fils lou seignour Gerart chivalier de Marsal qui fut, ai fait eschainge a
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l‑abbei et [3] a covent de Salinvals(2) de vint soldeies de terre, que Adeliate ma suer que fut lor do‑[4]‑nai en aumosne : .x. sols a Nicleman. et .x. sols sus la piece que siet an la contree a Mar‑[5]‑sal., an point et an maniere ke li devant dis abbés et li covens de Salinvals out por lou de‑[6]‑vantdit eschainge mon chaukeur(3) ke siet on finaige(4) de Marsal desous Sempieremont, lou‑[7]‑quel j‑ai aquastei a dame Mastoul ma suer. Et est asavoir ke li devantdis abbés et [8] devantdis covens doient faire pitance de .vi. sols de messeins aus freires, lou jor de l‑an‑[9]niversaire Adeliate ma suer devantdite., et de quatre sols lou jor de l‑anniversaire da‑[10]‑me Odile ma meire. ; lesquels ma meire devantdite lor donait pour son anniversaire [11], et jeu les ai aquasteis a aus. Et pour ceu ke jeu ne dame Mastouls ma suer devantdite [12] ne autres pour nos ne de par nos ne puissiens jamais niant reclamer ou devant‑[13]‑dit chaukeur, louquel je lor ai donei par eschainge., ai jeu fait saieler ces presen‑[14]‑tes lettres par ma proiere et par la requaste dame Mastoult ma suer devantdite [15] dou saiel lou chapistre de Marsal., en tesmoignaige de veritei. ; que furent fai‑[16]‑tes en l‑an ke li miliaires courroit(5) par mil. et dous cens. et sexante. et seix ans, on [17] mois d‑avri.
(1) Canton de Vic-sur-Seille, Château-Salins, Moselle. (2) Abbaye de l’ordre des Prémontrés, à Moyenvic (Château-Salins). Une collection importante de documents (1234–1327) se trouve aux Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle (cf. Trotter 2005a, 266–285 [étude] et 293–322 CALCAT CATORIUM ORIUM [édition]). (3) ‘Pressoir’, régionalisme lorrain : Gdf 2,92c 1 chaucheur, FEW 2ii,67b CAL « alothr. » ; DMF chaucheur1 « Région. (Lorraine) ». (4) ‘Étendue de territoire sur laquelle s’exerce une juridiction civile ou ecclésiastique’ (DMF sub finage). Mot régional (= lat. méd. finagium) : Gdf 4,8a ; FEW 3,561b, champ., lorr., frcomt., bourg. (5) Formule de datation surtout lorraine : cf. Gdf 5,331a, où la majorité des exemples sont lorrains (quelques-uns de la Haute-Marne ; Trotter 2005a, 270 n.49 pour d’autres attestations de Meurthe-et-Moselle) ; la base des Plus anciens documents fournit quelques rares attestations du Jura et de Neuchâtel.
4.3 L’anglo-normand La bibliographie scientifique sur l’anglo-normand est vaste. Surtout la littérature, et la scripta littéraire, ont fait l’objet de traitements exhaustifs, et ce, dès le début de la philologie romane. C’est sans doute en grande partie une conséquence de la « précocité » de l’anglo-normand (voir supra, 2.1), donc de l’importance des textes anglonormands en tant que témoignages de l’éclosion de la littérature fr., et du fr. comme langue ayant accédé au statut de langue littéraire. Les études classiques restent celle de Pope (21952) et de Short (22013 ; cf. Burgess 1995), auxquelles on ajoutera surtout les analyses récentes de Richard Ingham sur les rapports syntaxiques entre l’anglonormand et le fr. « continental », et qui tendent à montrer un parallélisme très clair dans l’évolution linguistique des deux côtés de la Manche ; ceci va à l’encontre de la vision traditionnelle du clivage qui se serait instauré entre l’anglo-normand et le fr. surtout à partir de 1204 (Ingham 2012 ; Trotter 2003b). Autre piège concernant l’anglonormand : celui de croire que cette variété est particulièrement abondante en textes par ex. médicaux, ou juridiques. Cette impression est le résultat du fait que les spécialistes
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de l’anglo-normand se penchent depuis longtemps sur les textes non-littéraires (à l’exclusion des chartes : aucune édition de l’ensemble des chartes anglo-normandes faite par un philologue n’existe, et un volume pour les Plus anciens documents linguistiques est évidemment un desideratum …), et que l’anglo-normand, seul parmi les scriptae de l’a.fr., a son propre dictionnaire, l’AND (cf. ANOH). En même temps, l’emploi de l’anglo-normand comme langue scientifique est également très précoce : que l’on pense par ex. au Comput de Philippe de Thaon (1119 au plus tard) ou aux lapidaires du XIIe siècle. Comme c’est le cas pour les textes littéraires (voir supra, 2.1), les premières chartes en fr. proviennent également de l’Angleterre, qui manifeste la même précocité dans le domaine de la langue non-littéraire que dans celui des belles-lettres. Si en France l’on a attendu la fin du XIIe siècle avant de rédiger les chartes en fr., les premiers documents administratifs anglo-normands, isolés, il est vrai, sont déjà visibles au cours du siècle (les Leis Willelme, de Guillaume le Conquérant, datent d’environ 1150). C’est ainsi que nous avons choisi pour illustrer la scripta anglo-normande, des textes précoces. Ils montrent combien la graphie et la phonétique des premiers textes en anglo-normand rappellent celles de textes normands et de l’Ouest.
a) Traits phonétiques / graphiques :
–
ei au lieu de oi continental (forme archaïque, retenue dans l’Ouest et en agn.) : Engleis A (1) ; seit A (1) ; veisins A (1) ; treies au lieu de trois B (1–2) (Short 22013, 77) ; w- au lieu de g- (alternance répandue dans toute la zone nord-est) : Walter A (1) ; mais guarde B (6) (Short 22013, 117) ; [u] au lieu de [o] (ou seulement graphique ?) : Cunue A (1) ; unt A (2) ; durrat A (4) ; dunet B (3) ; encumbrement B (4) ; sun B (4) (Short 22013, 56–59) ; -e- au lieu de -ei- : chet A (3) ; asaver A (3) (Short 22013, 77) ; consonnes dentales conservées dans la graphie : laissed A (2) ; ad A (3) ; durrat A (4) ; dunet part.p. B (3), B (7) ; volentet B (8) (Short 22013, 108) ; non-palatalisation de K + A : castel B (5) (Short 22013, 104) ; testimonium A (5) au lieu de testimoine, cf. glorie ~ gloire, historie ~ histoire (Short 22013, 104).
–
–
– –
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b) Traits morphologiques :
– –
ceo au lieu de ce : ço A (3) ; ceo A (5) (Short 22013, 125) ; forme contractée du futur : durrat A (4) (Short 22013, 130).
Texte A : British Library, Cotton MS. Nero E VI, f. 329v : charte des Hospitaliers, XIIe siècle, copiée dans un cartulaire de 1442 ; retranscrit d’après la photographie dans Gervers/Merrilees (1979). Numérotation selon les lignes du ms.
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[1] Cunue chose seit a Franceis et a Engleis(1) et as veisins que Raul filius(2) Walter sun fiz al Ospital [2] de Jerusalem unt laissed le stoker(3) alvriz et vj acres od nokes(4) de juste les dous acres que Raul le filz [3] Walter ad doné en almone pur ij. solidi et vj d. pur tutes custumes que sur tere chet. Et ço fait asaver [4] se il ne puet estre guaranc(5) as freres del Ospital d-icele que il lur durrat eschange al plus precein [5] de lur almone et de ceo est testimonie Geffrei de Reimes (Rennes ?) Johans de Harolmad’ William Lambert Walter hom [6] Radolf filz Walter.
(1) Formule qui appartient au XIIe siècle, cf. Gervers/Merrilees (1979, 131) ; « use of the formula declines conspicuously after 1158. None the less there are examples from the 1180s, and the phrase is still used sometimes by the chancery draftsmen of Richard I and John » (Sharpe 2012, 19 et n.46). Comme pour les autres éléments du texte, la copie est donc fidèle à l’original. (2) Mot latin. (3) Il s’agit apparemment d’un nom de lieu. « Stoke » (ags. stoc) est assez courant dans des toponymes angl. et désigne un lieu d’habitation. Alvriz est problématique. (4) Emprunt au moyen angl. nook, cf. AND noke, DMLBS noca 1, OED nook n.1 : ‘coin, morceau de terre triangulaire’. (5) Corriger sans doute en guarant. Cf. les variantes dans AND garant1 (aucune graphie en -c).
Texte B : The National Archives (Public Record Office), C 146/10018, inquisition du XIIe siècle du Suffolk, retranscrit d’après le facsimile dans Richardson (1940). Numérotation selon les lignes du ms.
[1] Les homes Manser de Dommartin(1) dunerent tre‑[2]‑ies mars a duos(2) ostes(3). a lun un marc al altre duas [3], et(4) a lur seinur en aiue li unt dunet. [4] xv mars pur le encumbrement de sun fiht qi(5)[5] il fist chevalyr. pur le castel de-Leiland(6) que [6] il out en(7) guarde v marcas, e pur plejes(8)[7] fin de plejes x sl’ et vj d’. et icest li unt dunet en bone [8] volentet cum a lur seinur.
(1) Dammartin-en-Goële, Seine-et-Marne, origine de la famille des Dammartin, installée dans le Suffolk. (2) ms. : ad’uos. Lire éventuellement a diversos ? À remarquer dans ce texte, des traces de graphies latines (duos / duas [2], marcas [6]). (3) ms. et éd. : oscet, leçon sans doute erronée. (4) Le ms. porte & à la place de la marque tironienne habituelle. (5) ms. : q’i ? (6) Aucune trace n’a été retrouvée d’un château-fort à Leyland, Haughley, Suffolk. (7) éd. outen ; la coupe des mots est cependant claire, à la différence d’autres paires de mots qui sont souvent agglutinés et que nous avons séparés : alun [2] ; alur [3], enaiue [3], epur [7]. (8) Rayé dans le ms.
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Gerhard Ernst
20 Textes non-littéraires du XVII ͤ siècle Abstract : Ce chapitre traite de variétés linguistiques et de types de textes qui ont peu de chances d’être transmis au cours des siècles. Le français réalisé oralement a disparu à tout jamais et les textes de la communication immédiate, caractérisés par la spontanéité et souvent liés aux couches inférieures de la société, n’étaient pas considérés comme dignes d’être conservés pour la postérité. Ce n’est qu’au cours de ces dernières décennies que des historiens de la langue ont concentré leur intérêt sur la documentation de ces types de texte pour rectifier l’image de l’histoire de la langue française.
Keywords : français parlé du passé, français populaire en littérature, égo-documents, effort de scripturalité, Mazarinades
1 Typologie des textes Cette section sort un peu du schéma des articles du présent volume : elle est consacrée à une période intermédiaire entre les textes du moyen âge et les textes mod. Cette période est caractérisée par la formation d’un standard littéraire, une variété modèle qui sert de référence. Il y a pourtant de vastes secteurs de la production linguistique de cette période qui se soustraient aux normes de ce standard : 1. Le discours oral, différencié lui-même dans les dimensions diatopique, diastratique et diaphasique, absolument inaccessible avant l’invention du microphone. 2. Les textes des peu-lettrés, qui ont appris à lire et à écrire, mais dont la formation scolaire est modeste. Ces textes sont, en général, limités au milieu privé et familial. 3. Les textes littéraires et autres textes publics utilisant le langage d’un groupe social à des fins littéraires ou polémiques.
Un panorama des textes relevant de ces trois types (mettant l’accent sur les aspects graphiques et phoniques) est donné dans Morin (2007). Pour les égo-documents en général cf. Beaurepaire/Taurisson (2003).
2 Français parlé du XVII ͤ siècle Le Journal d’Héroard Un heureux hasard nous a transmis un protocole de la langue parlée du XVIIe siècle : le Journal d’Héroard, tenu par Jean Héroard, médecin personnel du Dauphin et futur
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roi Louis XIII, qui, outre les aspects biologiques et physiques, a noté jour après jour, avec une fidélité surprenante, les propos de cet enfant princier. Certes, le parlé du Dauphin n’est pas le parlé du début du XVIIe siècle : il faut tenir compte de l’aspect langage enfantin (surtout pour les premières années) et du milieu social. Mais le contexte du Journal tout entier montre que le milieu de la cuisine et des chambres d’enfants était loin d’être royal, élégant et noble.
Manuscrit autographe : Paris BN, Ms.fr. 4022–4027. Les extraits suivants ont été pris dans l’édition suivante : Ernst (1985), transcription diplomatique de tous les passages contenant des énoncés du Dauphin entre l’âge de 3 ans ½ et 9 ans ½. Concordances sur microfiche. Autres éditions : Soulié/de Barthélemy (1868), choix d’extraits, très lacunaire et peu fidèle du point de vue formel. Prüßmann-Zemper (1986) : l’annexe contient la transcription de la copie, faite par un neveu d’Héroard, pour les premières années 1601–1604. Foisil (1989) : édition intégrale, avec de riches commentaires sur différents aspects sociohistoriques. Édition en général fidèle ; manquent les explications d’Héroard reprenant dans l’orthographe de l’époque les transcriptions données dans une notation semi-phonétique. Ayres-Bennett, Wendy (1996, 216–221) : petit extrait du Journal, avec commentaire linguistique. Remarquer la notation semi-phonétique des propos du Dauphin (ici en italiques), souvent suivie du signe ./. et de la graphie usuelle de l’époque. Héroard n’étant pas linguiste, sa notation phonétique n’est pas toujours conséquente. Il en résulte des incertitudes dans l’interprétation des données graphiques.
Syntaxe : par rapport au fr. parlé mod., le fr. parlé du Dauphin – a conservé des éléments aujourd’hui disparus, surtout dans le système temporel et modal : usage du p. simple (A, D) et du plusqpf. du subj. dans les deux parties du système hypothétique (F) ; questions par inversion simple et complexe (E) ; – présente des phénomènes communs avec le fr. parlé mod., soit considérés comme des universaux du parlé, soit sujets à des changements dans l’espace ou dans le temps : préférence donnée à la parataxe (surtout A, C, D, E), anacoluthes (A, B), dislocation à droite de l’OD (F). Le Journal contient les premières attestations de l’absence de ne dans la négation (B, F) et la restriction avec que (D).
Lexique : le Dauphin dispose d’un vocabulaire étonnamment riche, ce qui est sûrement dû aux personnes de son entourage qui s’occupent de sa formation intellectuelle. On a ainsi d’un côté des mots enfantins (doundoun C) et de l’autre, des mots hautement techniques (la hure C, diapalme D).
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Texte A (11.1.1605) Il en compte, j’ai un marteau qui a deu bou ./. deux bouts e ./. et un manche qui entre dan(1) un trou qui le bouche ./. bousche et pui avé(2) de peti clou que je mé ./. mets au pié ./. aux pieds des opinate(3), moucheu Euoua ./. heroard a fai l’opinate je lj ai mi ./. mis de clou au pie pui je coignoi de mon petit mateau ./. marteau tac, tac. B (9.2.1607) se plainct j’ay mal a la bouche, monstroit une dent : dict qu’il se veult coucher, se plainct, Me de Montglat luy dict qu’il ne criast point, maj maman ga je fai ce que vou voulé, je me tai ./. tais maj j ./. il me [sic !] laisse pa me faire mal […] se plainct encore, Me de Montglat, Mr ce n’est rien. D. maj maman ga pleurant a demy quan j me fai mal e(4) vou voulé pa(5) je le die. C (28.10.1605) doundoun quan nou enteron en gade que je ferai mon enseigne j’aurai mon mousquet, nou tireron tou su li(6). epui, doundoun doundoun(7) Il repetoit souvent les noms en parlant j’arai(8) un epieu, j vienda un sanglié, a mon epieu j a doundoun ce qui sembe un C(9). doundoun e le sanglié se fourera dedan e ce qui sembe un C l’aretera, pui nou le poteron e je li couperai la hure(10) avé mon epée. D (15.12.1607) voié ./. –es dict Il a Mr de la Massoire luy monstrant le doigt je m’eté l’aute jou ./. jour bulé ./. bruslé le doi ./. doigt je fi qu’y mete du diapalme(11) je fu gueri tout jncontinent, demandé ./. –es a mousseu Eroua, je me coupi(12) l’aute jou au doi dan la [sic !] jadin ./. jardin j’y mi ./. mis de la tere ./. terre je fu jncontinen guery. E (24.5.1608) demande, la mer est elle large ? je luy di qu’elle alloit jusques aux Antipodes. D [= Dauphin] jl y faut allé queri de pigmée ./. –ées(13) : demande a Mr de Viq combien vivent j. sont j ./. ils gran ./. grands. F (24.7.1608) [La nuit précédente, quelqu’un avait pénétré dans le château, puis avait disparu ; on dit que c’était peut-être un spectre] si j’eusse esté sentinelle je l’eusse tué c’est(14) esprit. Ie luy demande Mr comment eussiés vous faict. je l’eusse suivy su ./. sur son chemin pui je li eusse tiré ung gan ./. grand cou ./. coup de mousquet que j’eusse mi ./. mis la meche su le sepentin pauouou, e pui le [sic !] l’eusse tué avé mon epée blue [sic !].
(1) Sans liaison. (2) avec. La consonne graphique finale n’est pas encore restituée dans la prononciation. (3) opiniâtre. (4) Anacoluthe typique de la langue parlée : proposition secondaire reliée par et à la proposition principale ; le rapport entre les deux phrases est de nature adversative. (5) Négation sans ne. Les propos des autres personnes ne sont pas notés avec le même souci d’exactitude : il est impossible de décider si le propos de Mme de Montglat ce n’est rien (avec n’) correspond effectivement à la réalité parlée. (6) li : continuation d’afr. li ou chute plus tardive de la semivoyelle [y] ? (7) doundoun ‘nourrice’, langage enfantin. (8) j’arai : forme répandue dans plusieurs dialectes. (9) ce qui sembe un C : ‘crochet’ ? Périphrase causée par une lacune lexicale dans le langage du Dauphin. (10) hure ‘tête du sanglier’. (11) diapalme ‘emplâtre siccatif’ (TLF s.v.). (12) coupi forme analogique du p. simple en -i. (13) Selon une croyance populaire, les pygmées habitaient la région des antipodes. (14) c’est ‘cet’.
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3 Textes des peu-lettrés Dans la période considérée, l’accès à l’écriture est encore impossible à une large part de la population ; et même ceux qui ont appris à lire et à écrire, quand il se présente pour eux la nécessité ou l’occasion d’écrire (livres de raison, livres de famille ; plusieurs textes de ce type se trouvent dans Ernst/Wolf 2005), ne maîtrisent que partiellement le standard, tout en ayant une vague connaissance de l’existence de celui-ci. Cette situation a une double conséquence : d’une part, l’influence inévitable du parlé, des phénomènes dialectaux et régionaux, d’autre part, un effort de scripturalité, qui peut entraîner des hypercorrections et des constructions complexes que l’auteur ne réussit pas à maîtriser. Ces derniers temps, on observe un regain d’intérêt pour ce type de textes, de la part non seulement des linguistes, mais aussi des historiens de la société (Beaurepaire/Taurisson 2003 ; Cassan/Bardet/Ruggiu 2007 ; Bardet/Arnoul/Ruggiu 2010). Il reste à voir si ces efforts réunis donneront des corpus satisfaisants du point de vue de l’historien de la langue.
3.1 Chronique à caractère privé Pierre Ignace Chavatte, Chronique memorial [sic] Pierre Ignace Chavatte, 1633( ?)–1693( ?), tisserand (‘sayetteur’), nous a laissé une Chronique de Lille, sa ville natale, pour les années 1657–1693 (BN, nouv.acq.fr.24089). Sur sa vie, cf. Lottin (1979). Pour juger de sa langue, il faut tenir compte de deux particularités : Chavatte, en recopiant la chronique d’un prédécesseur pour les années 1030–1653 (1r–165v du ms.), avait déjà acquis une certaine expérience de l’écriture. Sa langue se ressent aussi de l’influence des journaux et des feuilles volantes qu’il a parfois copiées ou même collées dans son propre texte. Par conséquent, la langue du texte présente des phénomènes venant d’horizons divers : langue administrative ou bureaucratique (avec de nombreuses hypercorrections, dues à un effort maladroit d’imitation), langue parlée ou familière du milieu des artisans, picardismes. La graphie néglige souvent les lettres non prononcées. Ponctuation sous la forme de / et de //, très rare. Édition : Ernst/Wolf (2005), cédérom offrant plusieurs possibilités de recherche avec le logiciel TextStat (recherches d’un mot, listes des fréquences, concordances).
Texte : ms. 180vo (1665)
Le jour de la dedicase(1) de St sauveur eut(2) des hommes blessees des lions Le 16 jour d’aoust par le jour de la dedicase de sainct sauveur estes arrivee des drolles(3) de la paroisse de saincte catherine nommè les lions et encores avec eusses(4)
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des bons drolles ont venue(5) en la rue de sainct sauveur faires tous sauter et batoient tous ceux qui(6) rencontroient / et mesme entroient dedans les maisons et soufletoient ceux qui estoient dedans c’estoit des hommes comme jnrageè(7) ils ne craindoient(8) personnes et mon frere estienne chavate fut blessee envenant souppez en la maison de mon pere lequel(9) fut trinez par les cheveux bien long et lui prints(10) son manteau et puis eut son poingnee perchez(11) d’un coup de cousteau et puis son manteau fut reprint par mon pere qui(12) estoit tombee par terre (1) dedicase : négligence des règles de position dans le système phonographique ou manque de saillance de la distinction [s] / [z] ? (2) eut ‘il y eut’ : omission du pronom sujet dans les tournures impersonnelles ; cf. fr. fam. mod. faut, y a. (3) drolles : drôle péj. ‘mauvais sujet’ (TLF). (4) eusses ‘eux’. (5) ont venue : auxiliaire avoir au lieu de être. (6) qui ‘qu’ils’. (7) jnrageè ‘enragés’, picardisme phonétique. (8) craindoient ‘craignoient’, forme analogique. (9) lequel au lieu de qui ; influence d’un style élevé, administratif que l’auteur veut imiter. Référence à mon frère. Dans la logique de la grammaire moderne, lequel devrait se référer à mon père. (10) prints ‘prirent’. (11) perchez ‘percé’, picardisme phonétique. (12) qui : référence à son manteau plutôt qu’à mon père, cf. (9).
4 Langue non-standard dans les textes littéraires Les variétés non-standard peuvent être utilisées à des fins littéraires ; Molière se servit de ce procédé à plusieurs reprises pour donner la caricature du langage d’un groupe social, tout comme les auteurs des mazarinades du XVIIe siècle, du théâtre poissard du XVIIIe siècle, des sarcellades et des Lettres de Montmartre. Dans tous ces textes, l’intérêt littéraire de l’auteur, la polémique, le divertissement l’emportent sur la reproduction fidèle d’une variété linguistique. L’auteur choisit parmi les particularités de cette variété celles qu’il considère comme saillantes et les utilise d’une façon exagérée. D’autres traits de cette variété sont négligés. À tout cela s’ajoute le fait, banal, que le peuple ne s’exprime pas, en général, en vers rimés. Les textes de ce groupe ne sont donc pas des témoins fiables d’une variété linguistique, mais ils donnent une idée de l’image linguistique que les contemporains se faisaient d’un groupe social donné.
4.1 La Gazette de la Place Maubert. ou suitte de la Gazette des Halles touchant les affaires du temps. Seconde Nouvelle (1649) Édition originale : Chez Michel Mettayer, Imprimeur ordinaire du Roy, demeurant en l’Isle Nostre-Dame sur le Pont Marie, au Cigne, M. DC. XLIX. (Bibliothèque Mazarine, MS. MS 12965/MS 21013). Texte faisant partie du corpus électronique constitué par Lodge, Paris speech in the past. Le texte se situe dans la tradition des mazarinades, textes polémiques, en
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général anonymes, qui font parler le (bas) peuple. Dans le texte choisi, deux femmes du (bas) peuple se lamentent sur le coût de la vie, qu’elles jugent insupportable. La graphie reflète certains traits de la prononciation dialectale (dialecte de Paris ou des environs immédiats) et/ou du fr. familier ou populaire du temps. Mais l’interprétation de ces graphies n’est pas chose facile : plusieurs fois, la graphie déviante du standard ne fait que souligner le caractère populaire du texte, sans pourtant se référer à un fait de prononciation (misaires, fezons). La morphologie verbale présente plusieurs formes analogiques. On remarquera surtout les formes de la pers.4 du type je […]-on(s), qui coexistent avec celles en nous […]-ons : j’eyon, je soyon vs. nous mangeons. Les formes de la pers.6 sont accentuées sur la désinence ; une prononciation probable ['õ] est sans doute due à l’effet de l’analogie : qui gaignon […] et ne donnons. Syntaxe : Interrogation par inversion complexe, mais la graphie révèle une certaine autonomie de la particule (interrogative) –ti, toujours considérée en France comme rurale, mais aujourd’hui courante au Canada (sous la forme –tu) : nourrient ty. Dans la négation, l’élément ne ne manque jamais. Les nombreuses interjections (Hola, Ma foy, Quoy), les jurons (Que le guiable soit … ‘au diable…’), les locutions (faire son août) et le lexique peu élevé (museaux ‘bouches’) soulignent le caractère populaire de la variété utilisée.
Hola parle donc la voiraine (1) Dis moy des nouvelles cartaine (2) Parle t on que j’eyon la paix Ou si l’on veut qu’à tou jamais, Je soyon dadan la misaire Ma foy je ne m’en puis plus taire Tu voi nous ne fezon plus rien Nous mangeons notre petit bien En fesan tres mauvaise chere A present gniacque (3) les bouchere Qui gaignon & font du debit Et ne donnons rien a credit Ce n’est pas comme nos darée (4) Que le guiable (5) soit la marée
En lieu que (6) de faire nostre oust (7) Nous n’amasserons que des poux Tu sçay n’en (8) ne fait point caresme J’y renonce au mestier moy mesme Quoy s’il faut mangé un aran (9) Faut que je le poygions (10) six blanc (11) Le pain bis les poas les nantilles (12) Nourrient ty nostre famille ? J’ayme bien mieux mangé du beu Et mes enfan chacun un œu (13), Que d’ajeter de la moluë (14) Car à present sont des gouluë Qui mangeons de ces bon morciaux Cela n’est pas pour nos museaux.
(1) voisine : -s- > -r-, critiqué déjà au XVIe siècle. Forme analogique : m. [ε̃] → f. [εn(ə)]. (2) certaine : -er > ‑ar, également critiqué dès le XVIe siècle. (3) (il) n’y a que : dans les expressions impersonnelles, le pron. S manque encore longtemps dans le fr. parlé ; cf. Faut que. (4) denrées. (5) diable : palatalisation de [d]-, due à l’influence du [j] suivant ; cf. gniacque (n. 3). (6) que, élément qui, dans le fr. pop., relie parfois une prép. à l’inf. suivant. (7) « y gagner beaucoup » (TLF). (8) (l)on. (9) hareng La graphie sans pourrait indiquer une prononciation avec la liaison. (10) payions. (11) monnaie, valant dix deniers. (12) (petits) pois, lentilles. La graphie garantit la prononciation [wa] qui, à l’époque, était probablement considérée comme plus pop. que [wε] ou [ε]. (13) beu, œu : le –f final de la graphie standard n’est pas encore restitué dans la prononciation. (14) morue.
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5 Bibliographie Ayres-Bennett, Wendy (1996), A History of the French Language through Texts, London, Routledge. Bardet, Jean-Pierre/Arnoul, Elisabeth/Ruggiu, François-Joseph (edd.) (2010), Les écrits du for privé en Europe du Moyen Âge à l’époque contemporaine, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux. Beaurepaire, Pierre-Yves/Taurisson, Dominique (edd.) (2003), Les Ego-documents à l’heure de l’électronique, Montpellier, Université Paul-Valéry. Cassan, Michel/Bardet, Jean-Pierre/Ruggiu, François-Joseph (edd.) (2007), Les écrits du for privé. Objets matériels, objets édités, Limoges, Presses Universitaires de Limoges. Ernst, Gerhard (1985), Gesprochenes Französisch zu Beginn des 17. Jahrhunderts. Direkte Rede in Jean Héroards « Histoire particulière de Louis XIII » (1605–1610), Tübingen, Niemeyer, version numérisée à l’adresse : urn :nbn :de :bvb :355–ubr02377–3 (dernier accès : 12.01.2015). Ernst, Gerhard/Wolf, Barbara (2005), Textes français privés des XVIIe et XVIIIe siècles, cédérom Tübingen, Niemeyer. Foisil, Madeleine (sous la dir. de) (1989), Journal de Jean Héroard, 2 vol., Paris, Fayard. Lodge, Anthony (2000), Paris speech in the past, www.ota.ahds.ac.uk/desc/2423 (dernier accès 12.01.2015). Lottin, Alain (1979), Chavatte ouvrier lillois. Un contemporain de Louis XIV, Paris, Flammarion. Morin, Yves Charles (2007), A Corpus of French Texts with Non-Standard Orthography, in : Yuji Kawaguchi et al. (edd.), Corpus-Based Perspectives in Linguistics, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, 191–215. Prüßmann-Zemper, Helga (1986), Entwicklungstendenzen und Sprachwandel im Neufranzösischen. Das Zeugnis des Héroard und die Genese des gesprochenen Französisch, Bonn, thèse de doctorat. Soulié, Eudore/de Barthélemy, Edouard. (1868), Journal de Jean Héroard sur l’enfance et la jeunesse de Louis XIII (1601–1628), 2 vol., Paris, Librairie de Firmin Didot frères, fils & cie.
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21 Le français moderne : corpus et textes
Abstract : L’objet de ce chapitre est de fournir en peu de pages une idée de la diversité du fr. contemporain. La première partie présente d’abord les corpus écrits et oraux actuellement accessibles (en grande partie par le web) et certains des paramètres majeurs intervenant lors de la constitution des données. La seconde partie offre de courts textes (8 extraits écrits et 8 oraux) dont les faits de langue saillants sont commentés.
Keywords : écrit, oral, variation, genres, corpus
1 Accéder à des productions On peut constituer une documentation sur le fr. contemporain sur la base de textes, qui, pour différentes raisons, seront considérés comme représentatifs de la diversité des usages actuels, tant écrits qu’oraux. Nous commencerons par faire le tour des ressources existantes, en donnant des renseignements sur 1) leurs objectifs scientifiques (documentation sur l’état de langue vs documentation spécialisée dans un domaine), 2) leur organisation interne (modalités de constitution des corpus : par exemple à des fins d’illustration de faits de langue, ou d’analyse de discours/sociolinguistique), 3) leur accessibilité, et sous quelle forme (ouvrage, site internet, autre). Il s’agit de tenter de représenter la diversité des usages du fr. de France, telle qu’elle se manifeste dans toute son amplitude, et compte tenu de leurs transformations diachroniques continues. Ces formes, sensibles à la diversité sociale, répondent à différents genres discursifs (compte tenu des situations, des objectifs de l’échange, du degré d’institutionnalisation…), ainsi qu’aux modalités de production (orale ou écrite).
1.1 Corpus existants et accessibles L’Infrastructure de Recherche CORPUS (Coopération des Opérateurs de Recherche Pour un Usage des Sources numériques) a constitué deux consortiums, qui travaillent sur les corpus écrits et oraux. Parmi les activités de ces équipes figure la mise au point d’inventaires, tenus à jour. On se contente donc ici de rappeler succinctement quelques-unes des ressources disponibles. Un lien sur le site de l’IR CORPUS permet de compléter ces informations. – Le corpus écrit le plus développé sur le fr. est Frantext, présenté par ses concepteurs comme une « base de données de textes français », développée à partir
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des années 1970, puis gérée et enrichie par l’ATILF (Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française). Cette base comporte en 2013 près de 262 millions de mots (4 248 textes, pour 80 % littéraires et pour 20 % scientifiques et techniques). Elle donne accès à une langue écrite tenue, avec un poids littéraire trop lourd pour imager réellement la diversité des productions. L’interface d’interrogation évolue régulièrement et permet de rechercher soit des formes soit des séquences (via la version catégorisée, de taille plus réduite, qui dispose d’une grammaire à la syntaxe spécifique). Frantext n’est consultable que par abonnement. Voir le site : http://www.frantext.fr. Pendant longtemps, des ressources textuelles journalistiques étaient fournies sous forme de CD-Rom par différents journaux (Le Monde, Libération, Le Point, etc.). Désormais, les archives sont accessibles (par abonnement) en ligne. Beaucoup de laboratoires de recherche possèdent des corpus de textes écrits spécifiques (rarement en accès libre). Un inventaire – déjà un peu ancien – des corpus oraux est disponible sur le site de la DGLFLF (Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France, www.dglflf.culture.gouv.fr). Un inventaire renouvelé en profondeur est disponible sur le site de l’IRCOM (http://ircom.huma-num.fr/site/corpus.php). Voir aussi le portail http://www.cnrtl.fr/corpus/, qui regroupe des liens vers divers corpus écrits ou oraux et en propose un rapide descriptif. Plusieurs entreprises de grands corpus mettent en accès libre (ou semi-libre) des ressources en ligne (transcription et enregistrement). On citera notamment : – ESLO (Enquête SocioLinguistique à Orléans) contient le célèbre corpus d’Orléans nettoyé (désormais ESLO 1, qui avait été constitué au début des années 60) ainsi qu’un prolongement de ce travail (ESLO 2, recueilli dans les années 2000) : eslo.huma-num.fr, ainsi que Baude/Dugua (2011) ; – PFC (Phonologie du Français Contemporain) collecte de divers enregistrements (lectures, production de paires minimales, discussion guidée et libre) à travers de nombreux points du territoire fr. et de la francophonie : http:// www.projet-pfc.net/, ainsi que Detey et al. (2010) ; – CLAPI (Corpus de Langue Parlée en Interaction), recueil d’événements de situations naturelles à des fins d’analyse conversationnelle : http://clapi. univ-lyon2.fr/, ainsi que Cahiers de linguistique (2007) ; – CFPP2000 (Corpus de Français Parlé Parisien des années 2000) est constitué d’entretiens longs avec des locuteurs parisiens : http://cfpp2000.univ-paris3. fr/, ainsi que Branca-Rosoff et al. (2011) ; corpus en ligne dans son intégralité ; – CRFP (Corpus de Référence du Français Parlé) dont on attend toujours la mise à disponibilité – collecte sur la base de situations (privée, publique et professionnelle) dans plusieurs grandes villes de l’hexagone (Équipe DELIC 2004) ; – CIEL-F (Corpus International Écologique en Langue Française) constitué de situations non provoquées (écologiques), concernant l’ensemble de la franco
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phonie, avec plusieurs localisations en France même (Paris, Lyon, Rouen) : http://www.ciel-f.org/, ainsi que Gadet et al. (2012) ; le corpus dans son intégralité ne sera disponible que peu à peu, mais on peut avoir accès à une minute de chaque enregistrement présenté selon la localisation sur le site http://www.ciel-f.org/vitrine ; – MPF (Multicultural Paris French), corpus d’enregistrements peu ou non standard effectués dans différentes banlieues parisiennes (entretiens et événements écologiques) ; des extraits de une minute chacun avec leur transcription sont disponibles sur le site http://mpfvitrine.modyco.fr, ainsi que Gadet/ Guerin (2012). Signalons enfin deux ouvrages. L’un présente des données écrites et orales de plusieurs langues romanes dont le fr. (Cresti/Moneglia 2005), l’autre, centré sur le fr. parlé (Blanche-Benveniste et al. 2002), est accompagné d’un CD-Rom.
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1.2 Critères de sélection des textes Nous donnons ici quelques indications sur les paramètres en jeu dans la diversité des productions, selon un rapide panorama qui ne saurait être exhaustif. Tous ces facteurs sont en intrication étroite, ce qui démultiplie le champ des possibles discursifs. Les particularités de la situation linguistique fr. récente et contemporaine peuvent être décrites selon différentes rubriques. Les unes sont partagées par toutes les langues nationales des pays occidentaux (effets de la globalisation, de la mobilité, d’une immigration péri-urbaine le plus souvent extra-européenne, de la fragilisation du monopole du standard, de l’augmentation de la visibilité des écrits ordinaires…). D’autres sont plus spécifiques à la France, étant davantage liées au poids de l’héritage de l’histoire de la constitution de la langue nationale en France (rapport à la langue nationale et à la norme, façon de concevoir la distinction entre l’oral et l’écrit… cf. Cappeau 2004).
1.2.1 Paramètres liés au médium Ce facteur de diversification conduit à proposer des textes de langue parlée (médium oral) et de langue écrite (médium graphique), tout en tenant compte des ébranlements actuels que subit la séparation des ordres (écrits ordinaires, média de reproductions de la parole). Il s’agit aussi de tenir compte des effets de ce qu’il y ait eu ou non préparation (pour l’écrit, selon que les textes ont ou non fait l’objet de révision ; pour l’oral, selon qu’ils reposent ou non sur de l’écrit préalable). Pour l’écrit, on peut penser à la distinction entre textes publiés et courriel ordinaire, et pour l’oral à celle entre exposé public et conversation à bâtons rompus.
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Un autre paramètre important concerne les effets du caractère conceptionnel de la production (Koch/Oesterreicher 2001), qui permet de tenir compte de ce qu’il existe des énoncés parlés qui peuvent être de « conception » écrite (comme des discours ou des productions professionnelles, voir texte O1), de même que des énoncés graphiques peuvent être de « conception » orale (blogs, SMS voir texte E8).
1.2.2 Paramètres reposant sur le rapport à la norme On pense ici à des productions considérées comme standard ou non-standard. Sont considérés comme standard des énoncés relevant de la langue publique et des grands médias de communication (presse, radio, télévision), à quoi on oppose d’une part les usages formels ou spécialisés (conférences publiques, discours juridiques ou administratifs…), d’autre part le vaste champ de l’informel et de l’ordinaire. Sont regardés comme non-standard des énoncés dont l’apparition dans les situations socialement formelles serait ressentie comme saillante, pouvant aller jusqu’au socialement incongru ou stigmatisé. Sont regardées comme archaïques des formes qui subsistent chez certains locuteurs (par ex. l’imparf. du subj. dans des situations formelles, des liaisons sur un verbe du premier groupe ; à l’écrit, des traits de discours administratif – voir texte E3), et que les locuteurs évaluent comme telles. Les énoncés « formels » relèvent de situations contrôlées ou de genres discursifs particuliers (ex. articles de journaux ou magazines « sérieux » sur des sujets spécialisés, ou conférences publiques). A l’inverse, sont regardés comme informels des énoncés relevant de situations où le locuteur n’exerce de contrôle ni préalable, ni simultané sur la façon dont il s’exprime : c’est le cas de la conversation ordinaire, par contraste avec l’interview ou le discours public ; conversations téléphoniques, mais aussi courriels ordinaires. Parmi les changements en cours, on peut faire état d’une certaine « informalisation » qui se manifeste dans les discours publics. Ceux-ci tendent de plus en plus vers l’ordinaire (par ex., genre des talk-shows à la télévision, interviews d’hommes politiques adoptant la forme d’une conversation détendue).
1.2.3 Les types discursifs : genres et styles
Ce sont à la fois des particularités communicatives (pour l’oral, par exemple, ton de la voix, rythme et débit, interruptions entre locuteurs, présence ou non de rires…) et des traits de langue (par ex., archaïques ou novateurs) qui permettent aux lecteurs/ locuteurs, devant une production langagière à laquelle ils participent ou non, de reconnaître à quel genre discursif ils ont affaire. Certains genres apparaissent ainsi largement conventionnalisés, comme, dans les rédactions scolaires, les différentes consignes comme « décrivez », « racontez », « ex
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pliquez », « démontrez »…). Certains genres se recoupent largement entre l’oral et l’écrit, d’autres non (cf. Biber 1988 ; Maingueneau 2004). Les genres sont à distinguer des styles (voir Langage & Société 2004), qui concernent les potentialités d’un même locuteur à travers les situations qu’il traverse, parfois dénommées de façon peu satisfaisante niveaux (ou registres) de langue. La caractérisation des styles présente une double difficulté : la possibilité de leur assigner des frontières, et la possibilité de les dénommer (ex. « populaire », « soutenu », « familier »…). La difficulté plus générale de toute caractérisation en termes de « variétés » rend cet étiquetage délicat, et en fin de compte assez peu opératoire.
1.2.4 Paramètres régionaux et d’usages sociaux Les « fr. régionaux » ont largement pris le relais des langues régionales en France, de moins en moins souvent parlées et transmises (sauf pour les créoles). Outre les particularités phoniques, bien décrites (du moins pour les plus distantes du standard), ils se manifestent par des particularismes lexicaux, et plus exceptionnellement par quelques spécificités grammaticales (voir l’ouvrage Les accents des Français, accentsdefrance.free.fr/). Ils ne seront pas illustrés dans la sélection de textes. Ce que l’on dénomme souvent de façon péjorative comme « parlers jeunes » est de fait plus large (ne relevant pas seulement d’une tranche d’âge précise), et concerne à la fois l’argot, le verlan, les emprunts à l’anglais, et pour partie les effets de la présence de populations migrantes dans des zones (péri)urbaines multiculturelles, comme des emprunts à des langues de l’immigration (voir le corpus MPF et le texte O6). La caractérisation de ces divers « registres » repose particulièrement sur le lexique et sur le phonique, qui constituent les facteurs les plus différenciateurs. Quant aux faits de syntaxe, il est plus rare qu’ils constituent des marqueurs efficaces – comme c’est le cas par ex. de constructions spécifiques de relatives. Une difficulté d’analyse peut aussi tenir, pour l’oral, à l’instabilité qui caractérise toutes les productions longues, dans lesquelles semblent s’entremêler des traits relevant de divers « registres ».
2 Sélection de textes À partir de cette documentation, et compte tenu des lacunes ou faiblesses manifestes en matière de corpus (en particulier, rareté de la documentation sur les variétés non standard et régionales du fr.), nous proposerons une sélection – évidemment limitée – de textes commentés. Nous n’avons pas cherché à faire correspondre de façon artificielle les textes écrits et oraux, mais nous avons privilégié les dimensions de variation et de caractérisation qui nous ont paru les plus pertinentes.
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Nous présentons ainsi 8 textes écrits (cotés avec la lettre E suivie d’un numéro), et 8 textes oraux (lettre O + numéro).
2.1 Textes Écrits Les 8 textes sont ordonnés comme suit : nous commençons par deux textes d’écrivains (E1 et E2), représentant ce que l’on appelle la langue littéraire, qui continue à jouir d’un fort prestige en France ; puis un exemple de texte administratif (E3) – type d’écrit souvent qualifié de « langue de bois », très présent dans l’environnement ordinaire des usagers (contrats, assurances, etc.) ; puis deux exemples issus de la presse (l’un de la presse dite d’information, E4, l’autre plus populaire, E5) ; une copie d’étudiant (E6), et enfin deux des formes de nouveaux types d’écrits contemporains, liés au développement des nouvelles technologies (l’une sur un site, E7, l’autre de SMS, E8).
E1 – Modiano, Patrick (1978), Rue des boutiques obscures, Paris, Gallimard. Patrick Modiano est considéré comme l’un des grands auteurs fr. contemporains, au style assez reconnaissable. Ce roman est le sixième qu’il a publié. Il a obtenu un prix prestigieux, le prix Goncourt, en 1978. En octobre 2014, il a reçu le prix Nobel de littérature.
Traits caractéristiques Même sur un passage court, quelques caractéristiques stylistiques peuvent être dégagées. On peut ainsi signaler des faits de lexique (1), de morphologie (2), de ponctuation (3) et de syntaxe (4) : (1) Le vocabulaire est recherché (comme opaline) avec notamment le recours à des adj. qualificatifs – ce qui est une particularité plus marquée à l’écrit – (claire, massif, vive). (2) L’emploi du subj. passé (s’arrêtât), pour l’essentiel réservé au roman dans l’écrit contemporain. (3) Le rythme original de l’extrait est fondé à la fois sur la répétition et sur la ponctuation (Je ne suis rien. Rien qu’une silhouette…). (4) L’utilisation de parenthèses (au sens syntaxique), qui permettent l’insertion de compl. temporels (ce soir-là, comme d’habitude) et l’adjonction en fin de phrases de commentaires (lignes 7–8).
Je ne suis rien. Rien qu’une silhouette claire, ce soir-là, à la terrasse d’un café. J’attendais que la pluie s’arrêtât, une averse qui avait commencé de tomber au moment où Hutte me quittait. Quelques heures auparavant, nous nous étions retrouvés pour la dernière fois dans les locaux de l’Agence. Hutte se tenait derrière le bureau massif, comme
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d’habitude, mais gardait son manteau, de sorte qu’on avait vraiment l’impression d’un départ. J’étais assis en face de lui, sur le fauteuil en cuir réservé aux clients. La lampe d’opaline répandait une lumière vive qui m’éblouissait. E2 – Mitterrand, Frédéric (2013), La récréation, Paris, Laffont. Il s’agit d’un journal personnel, dans lequel l’auteur consigne au jour le jour ses impressions liées à son activité de ministre de la Culture (2009–2012). Frédéric Mitterrand a écrit plusieurs ouvrages à mi-chemin entre journal et roman.
Traits caractéristiques Les phénomènes frappants tiennent au lexique (1) et à la syntaxe (2) : (1) Des particularités assez attendues dans la langue écrite soignée sont repérables : la richesse du lexique, avec notamment de nombreux adj. (longues, ronronnante, malheureuse…), ainsi que des aspects qui concernent aussi la syntaxe, comme le développement de certains sujets lexicaux (les longues séances au Parlement), ou la longueur des phrases - comme la dernière. (2) Une tournure syntaxique plus originale, que l’on trouve aussi fréquemment dans la presse, concerne une relative éloignée de son antécédent (analysée comme un exemple de prédication seconde, cf. Furokawa 2000), aux lignes 4–6.
Les longues séances au Parlement se poursuivent pour l’examen des crédits du ministère. J’y ai pris mes habitudes et toutes mes interventions se déroulent dans l’atmosphère ronronnante que l’on réserve aux vieux routiers de cet exercice. Cela ne m’empêche pas de faire bien attention ; l’opposition ne dort que d’un œil et une petite phrase malheureuse est si vite partie, que l’on retrouve partout le lendemain et qui peut compliquer la vie pendant des semaines – parfois même pour plus longtemps encore si l’énervement ou la fatigue l’a rendue particulièrement maladroite ou offensante. (p. 577)
E3 – Bulletin Officiel. N° 42 (14 novembre 2013). Circulaire n° 2013-0018 du 21-102013. Le Bulletin Officiel (abrégé en B.O.) contient les textes officiels produits par le ministère de l’Éducation Nationale. Le passage suivant est extrait d’un document adressé aux recteurs, à la rubrique nomination.
Traits caractéristiques Ce texte constitue un exemple de prose administrative dont certaines caractéristiques ont depuis longtemps été signalées (Sauvageot 1962 ; Gilder 2009). Elles relèvent de particularités liées au lexique (1) et à la syntaxe (2) : (1) On peut noter une forte densité de noms et la présence de nominalisations (développement, considération, allègement) qui alourdissent les textes et en rendent souvent la compréhension peu facile (Halliday 1985).
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(2) Cette spécificité du lexique conduit à une syntaxe nominale, avec une certaine fréquence en cascade de la prép. de (en considération de la qualité de leur travail, bénéficiant d’un allègement de leur service d’enseignement) qui opacifie quelque peu les relations syntaxiques. Parmi les autres caractéristiques qui rendent difficile la compréhension de tels textes, on peut signaler les passifs (sont nommés, placés) souvent sans compl. d’agent, les part. prés. (justifiant) ou la séparation du S et du V par un groupe circonstanciel (première phrase). L’institut universitaire de France, créé par décret du 26 août 1991, a pour mission de favoriser le développement de la recherche de haut niveau dans les universités et de renforcer l’interdisciplinarité. Un certain nombre d’enseignants-chercheurs sont nommés chaque année en considération de la qualité de leur travail scientifique et de leur projet de recherche, justifiant de leur accorder des moyens supplémentaires pour développer leur activité de recherche. L’Institut universitaire de France comprend des membres seniors et des membres juniors. Ils sont nommés à l’IUF pour une période de 5 ans et placés à ce titre en position de délégation. Ils continuent à exercer leur activité dans leur université d’appartenance, en bénéficiant d’un allègement de leur service d’enseignement et de crédits de recherche spécifiques. E4 – Le Monde (14 janvier 2014). Supplément Économie, p. 2. Le Monde est un journal d’informations qui a longtemps été considéré comme le quotidien de référence par une certaine élite intellectuelle. Son lectorat est composé de cadres, d’enseignants, etc.
Traits caractéristiques Des faits lexicaux (1) et syntaxiques (2) peuvent être signalés : (1) Ce texte a les caractéristiques habituelles de la langue écrite (Halliday 1985) : densité lexicale élevée qui se manifeste à travers des N et des adj. (politiques, respectives, etc.) et une importance moindre des V (souvent peu informatifs). La diversité des V en incise (soulignait, décrypte, calcule) est aussi un trait de l’écrit journalistique, repéré depuis longtemps (Tesnière 1959). (2) La relation S – V est parfois difficile à percevoir, ce qui peut être source de difficultés de lecture : soit un long compl. précède le S (phrase 1), soit une parenthèse s’intercale entre le S et le V (phrase 3), soit le S est placé après le V (incises).
Au-delà des présentations politiques et des stratégies respectives des chaînes, le succès d’audience des séries américaines en France est un constat général. Toutes
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n’atteignent certes pas les 9,4 millions de téléspectateurs de « Mentalist ». Mais la fiction étrangère (en grande majorité des séries américaines) obtient généralement de meilleurs scores que la fiction française en première partie de soirée, soulignait le Centre national du cinéma (CNC) dans un bilan pour 2012 : en prime time, elle apporte 2,1 points de part d’audience supplémentaire en moyenne sur TF1, 4,5 sur France 2, 0,5 sur Canal+ et 1,3 sur M6. (…) Si le règne des séries américaines en France se prolonge, c’est aussi pour des raisons économiques, décrypte Jérôme Bodin, de Natixis. Ces programmes sont moins chers que les autres : 300 à 500 000 euros de l’heure, environ, soit une soirée autour de 1 million d’euros, calcule l’analyste, qui constate le manque de chiffres disponibles.
E5 – Nous Deux. N° 3459 (octobre 2013). Courrier des lecteurs. Ce texte provient d’un hebdomadaire féminin, Nous Deux, publié depuis 1947, célèbre pour ses romans-photos. Son tirage est de plus de 270.000 exemplaires. Le passage est extrait de la rubrique Courrier, qui répond à des questions de lecteurs (ou lectrices).
Traits caractéristiques Les faits les plus remarquables concernent la ponctuation (1), avec des répercussions sur la syntaxe (2) : (1) Le style vise sans doute à mimer l’oral ou du moins à accentuer l’expressivité de l’écrit. Voir le nombre de points d’exclamation (3 en 5 lignes) ou la tournure finale (tout de même en emploi autonome). (2) La syntaxe manifeste un souci d’accrocher le lecteur : phrase non verbale courte avec apostrophe, puis impérative, enfin question. On remarque aussi un découpage particulier dans le deuxième paragraphe où la deuxième phrase graphique (qui commence par Et réussi) ne correspond pas à la définition traditionnelle de la phrase, ce segment dépendant syntaxiquement de la phrase précédente. On rencontre de nombreux exemples de ce type dans l’écrit journalistique.
Doucement Denise ! Rendez-vous tout de même compte du chemin que vous avez parcouru ! Combien de femmes, en union bancale, parviennent à entrevoir qu’il vaut mieux sortir d’une vie qui n’est plus concevable ? Vous avez réussi à dire non à un homme qui ne vous convenait plus ou pas. Et réussi à élever votre fils et à tisser une nouvelle indépendance. Ce n’est pas rien, tout de même !
E6 – Travail écrit d’étudiant de M2 (seconde année de master, cinquième année d’université). L’extrait proposé provient d’un dossier d’étudiant saisi par ordinateur, en temps libre. Il s’agit d’un étudiant fr.
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Traits caractéristiques Des faits de lexique (1), de morphologie (2) et de syntaxe (3) peuvent être commentés dans cet écrit, qui répond à un genre académique : (1) On observe une utilisation du lexique acquis lors de la formation : niveau B1, environnement francophone, apprenants, etc. Le deuxième paragraphe comporte des répétitions proches du même mot (virgule, phrase, idée) que l’on corrige habituellement lors de la relecture dans un tel écrit. (2) La mauvaise orthographe du V (le fait de le séparé) – sans discrimination entre inf. et part. – illustre l’un des points de l’orthographe du fr. qui donne lieu au plus de fautes, enfants et adultes confondus (Cogis 2004). (3) Un problème syntaxique peut être pointé en fin du premier paragraphe. Il est peut-être dû à une construction un peu familière du V (se compliquer comme dans se compliquer la vie). Ce mélange involontaire des genres constitue l’une des difficultés que doivent maîtriser les scripteurs.
Ce manuel s’adresse à des grands adolescents ou adultes qui visent le niveau B1. C’est une adaptation progressive où l’étudiant découvre différentes situations qu’il sera susceptible de rencontrer dans un environnement francophone. Les apprenants de français langue étrangère doivent apprendre l’essentiel pour pouvoir se faire comprendre et communiquer, mais ne doivent pas se compliquer avec des constructions difficiles à manier. (…) Par contre, on remarque que « notamment » est souvent précédé d’une virgule ici encore, le fait de le séparé de la phrase avec une virgule est un moyen d’intensifier une idée, de couper la phrase pour la relancer par le biais de cet adverbe sur l’idée en question.
E7 – Commentaires sur un site. Nous reprenons deux commentaires laissés par des clients sur un site marchand (Amazon.fr) concernant un disque de la chanteuse fr. Vanessa Paradis. Cette pratique, très fréquente, est proche des messages laissés sur des forums.
Traits caractéristiques On peut parler ici d’écriture hétérogène, qui mêle des éléments de langue standard et d’autres qui s’en écartent. On commentera la morphologie (1) et la syntaxe (2) : (1) L’erreur sur l’identification du genre (ici du mot album) fait partie des difficultés de nombreux scripteurs contemporains. Elle est fréquente avec des N à initiale vocalique. On note une orthographe simplifiée (come) et l’emploi d’émoticônes ( :)), fréquent dans ce type d’écrits. (2) Le deuxième intervenant emploie à deux reprises le rel. lequel – marque probable d’un souci d’écriture surveillée mais dont la maîtrise pose parfois problème (Branca 1977). Si le premier emploi peut être envisagé (quoiqu’un peu maladroit) le second (dernière phrase) est exclu car le V avoir ne construit pas de compl.
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prép., c’est le rel. que qui était requis. On note aussi que la conj. quand est utilisée ici comme un pron. rel. (ce qui est possible dans d’autres langues romanes). 5.0 étoiles sur 5 Les débuts, c’est toujours ce que l’on retient ! 12 avril 2011 Par Master Franchement, après être allé la voir en concert aux folies bergères, qu’une envie, c’est de réentendre les chansons qui l’ont fait connaître, que du bonheur cette album :) 4.0 étoiles sur 5 Vanessa Paradis : la jeune fameuse 28 avril 2002 Par MORA-RAMIREZ, Luis Voici les chansons de la jeune fille Paradis, lesquelles l’ont faite fameuse, comme Joe le taxi, et d’autres come Mosquito, Marilyn & John, qui sont, de l’époque quand elle a eu plus des succès. Un CD très spécial, lequel il faut avoir dans sa collection.
E8 – Des SMS ordinaires. Ils sont empruntés à la partie fr. du corpus de thèse de Maria-Rosaria Compagnone (2010). Il s’agit ici de trois messages différents.
Traits caractéristiques Des aspects formels (1) et graphiques (2) peuvent être pointés. Ce n’est pas au niveau de la syntaxe que ces textes présentent le plus d’intérêt, car elle répond à la syntaxe simplifiée de messages brefs, ni du lexique, généralement très monotone : (1) Taper les lettres est coûteux : la brièveté est donc recherchée ; (2) Les aspects les plus remarquables concernent les graphies : syllabogrammes comme g pour j’ai, c pour c’est ou sais, T pour tu es, abréviations plus ou moins conventionnelles (pa pour pas, k pour que), chiffres (2 pour de), émoticônes, ponctuation hypertrophiée (Anis 1999 ; Gadet 2008).
Ca va ma petite N1 ? g recu 1 message alarmant d N2 alors j me renseigne ! keski va pas ? kelle est la raison 2 cette fugue da le marais ? dis-moi tt :) :) [ça va ma petite N1 ? j’ai reçu un message alarmant de N2 alors je me renseigne ! Qu’est-ce qui va pas ? Quelle est la raison de cette fugue dans le marais ? Dis-moi tout] EH troufione t’oublie pa 2 venir me voir a 3h… ma mere va venir en pleine récrée youpi ! Bisous je te naime [EH troufionne tu oublies pas de venir me voir à 3 heures. Ma mère va venir en pleine récré youpi ! Bisous je t’aime] T scouée toi ! Tu c k je t’aime ? non ? Bah mintnan tu le c… je c c con me on choisit pa… c paske c moi paske c toi. Bisous fais 2 bo reves (2 moué ! hihihi)… [Tu es secouée toi ! Tu sais que je t’aime ? Bah maintenant tu le sais… Je sais c’est con mais on choisit pas parce que c’est moi parce que c’est toi. Bisous fais de beaux rêves (de moi ! Hi hi hi)].
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2.2 Textes Oraux Les corpus de langue parlée nécessitent une transcription, pour lesquelles les conventions sont diverses. Nous avons respecté les choix des éditeurs de ces textes. C’est pourquoi plusieurs passages sont sans ponctuation. Dans tous les cas, nous reproduisons les formes produites en nous en tenant à une orthographe standard et en évitant les trucages orthographiques (Cappeau/Gadet 2010). Nous proposons 8 textes oraux. Les trois premiers présentent peu de traits en général associés à l’oral spontané (comme les hésitations), ce qui peut tenir au type de parole (publique ou professionnelle) en O1, à la situation d’interview en O2, au locuteur en O3. Les trois extraits suivants présentent en revanche les particularités fréquentes de productions non préparées, ce qui peut rendre moins aisée la lecture des transcriptions. En O4, ce sont les particularismes du locuteur, très hésitant, qui jouent un rôle central, en O5 c’est la situation d’interaction qui est primordiale. O6 croise les deux facteurs : locuteur et situation. Enfin, pour illustrer l’importance des genres, nous fournissons en O7 un extrait de conversation (genre fortement associé à l’oral) et une explication en O8.
O1 – Corpus d’audiences privées (Corpus Paul Cappeau : Poitiers 2004) Voici une transcription d’une émission de télévision (Audiences Privées) diffusée sur France 2 en 2002. Il s’agit d’une magistrate qui cherche une solution dans un conflit entre deux personnes. C’est un extrait de sa parole qui est ici fourni.
Traits caractéristiques Ce passage montre l’incidence de la parole professionnelle sur la production. Pour reprendre l’analyse de Koch/Oesterreicher 2001, on peut considérer que dans un tel passage le côté conceptionnel (lié à la profession et à la relation avec l’écrit, qui a sûrement joué un rôle dans l’élaboration) revêt un poids déterminant, alors que le médium oral apporte peu de spécificités. Cela se voit dans la forme même de la production (1), dans le lexique (2) et dans la syntaxe (3) : (1) Le faible nombre de « scories » (hésitations, répétitions, piétinements en une même position syntaxique, réorientations syntaxiques après abandon…) suggère qu’il s’agit d’un texte « élaboré », avec des formulations spécifiques à la profession. On est très loin ici d’un oral spontané. (2) Le lexique spécifique de l’activité juridique est fortement présent dans cet extrait : valeur, déclaré, notaire, inventaire… (3) Du point de vue syntaxique, il faut signaler une relative attributive très particulière de type « N1 qui est un N1 » (l’inventaire que vous lui avez envoyé qui était un inventaire), observé pour l’essentiel dans les productions (orales et écrites) juridiques et politiques (Blasco/Cappeau 2012). Le part. prés. (étant donné) est aussi significatif car peu répandu dans les oraux ordinaires (où l’on trouve plutôt des gér. comme en arrivant).
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étant donné qu’il s’agit d’une succession portant sur trois cent quarante mille euh ça monterait donc à dix-sept euh mille francs euh la valeur des objets et des meubles vous voyez c’est comme ça que ça serait déclaré par le notaire c’est pour ça probablement d’ailleurs qu’il n’a pas pris en compte l’inventaire que vous lui avez envoyé qui était un inventaire fait de votre main et qui malheureusement n’avait pas de de valeur vous comprenez c’est ça que je veux vous dire O2 – Entretiens de la Phonothèque (Corpus Paul Cappeau : Poitiers 2006) Ce texte est extrait d’une interview du compositeur Henri Sauguet (1901–1989) par Francine Bloch enregistrée à la Phonothèque dans les années 70. Dans ce passage, il parle d’Erik Satie (célèbre compositeur fr.). Pascal Cordereix, conservateur de la BnF, nous a permis d’accéder à l’enregistrement.
Traits caractéristiques Avant la récente banalisation des interviews, c’était certainement une situation perçue comme assez formelle par les locuteurs. Et de fait, ce passage présente une langue orale que l’on pourrait qualifier d’un autre âge, tant pour le lexique (1), que la morphologie (2) ou la syntaxe (3) : (1) Le lexique est riche et soigné (flamboyaient, malicieux, courtois…). Le nombre élevé d’adj. qualificatifs constitue une particularité rare à l’oral. (2) Le locuteur recourt à un imparf. du subj. qu’il corrige et reformule (qui fût euh pequi pût être), temps qui est, de nos jours, suranné ou archaïque dans l’usage oral (une préciosité que certains usagers âgés ou un peu pédants utilisent à dessein comme un marqueur de maîtrise de la langue). La disparition de l’imparf. du subj. est parfois utilisée par les défenseurs - non avertis - de la langue comme une preuve de la pauvreté de la langue parlée. (3) Du point de vue syntaxique, le plus frappant est la « liste » (ou la série) de 4 réitérations de la tournure (l’homme le plus…). Ce procédé, fréquent à l’oral (Blanche-Benveniste 2010), facilite la perception de fluidité de la production (Tannen 1989). Il est remarquable ici par son ampleur, puisqu’on peut constater dans la plupart des corpus oraux que les locuteurs dépassent rarement 3 occurrences dans une série. On peut supposer que la maîtrise présentée dans cet extrait reflète une certaine familiarité avec l’art rhétorique.
ses yeux flamboyaient tout de même derrière ses lunettes un petit air malicieux mais fort courtois fort aimable se gardant bien de dire quoi que ce soit qui fût euh pe- qui pût être pris par nous pour une sorte de de de de de puissance il ne jouait pas du tout à l’homme majestueux au maître pas du tout il était vraiment l’homme le plus courtois l’homme le plus aimable l’homme le plus charmant l’homme le plus discret et avec tout cela je vous dis cette espèce de mystère qui l’entourait et qui est devenu de plus en plus grand plus en plus à mesure que je le connaissais.
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O3 – Un entretien de Lévi-Strauss (Corpus Paul Cappeau : Poitiers 2010) Voici un extrait d’un entretien entre Claude Lévi-Strauss et Georges Charbonnier. Cet enregistrement a donné lieu à une publication en 1961 aux éditions Plon. Claude LéviStrauss évoque sa carrière et réfléchit aux origines de l’ethnologie. Ses interventions sont longues, son débit est plutôt lent.
Traits caractéristiques Ce passage présente des caractéristiques d’un discours élaboré et contrôlé sur le plan des faits de production (1) et de la syntaxe (2) : (1) Il y a très peu d’hésitations et de répétitions. Seuls quelques euh signalent la production orale, extrêmement fluide et maîtrisée par ailleurs. (2) L’une des caractéristiques du passage concerne les parenthèses qui viennent rompre la linéarité du discours, sans toutefois perturber l’organisation syntaxique. Ainsi, la parenthèse c’est une note euh qui se trouve à la fin du discours sur l’origine de l’inégalité ne trouble pas le locuteur. Il poursuit par un pron. rel. (que) qui s’enchaîne correctement avec l’antécédent (Rousseau). Parmi les indices d’une langue soutenue, on peut signaler la présence de la conj. car, assez peu exploitée dans les usages oraux habituels. Remarque : le signe + note une pause
et la sympathie la curiosité de Rousseau pour euh les mœurs paysannes a fait de lui en ce sens aussi euh presque un ethnologue de terrain et puis il y a plus il y a + un texte très mal connu de Rousseau c’est une note euh qui se trouve à la fin du discours sur l’origine de l’inégalité + où il s’étonne il déplore + que l’on envoie des missions scientifiques car ça se faisait déjà au dix-huitième siècle + pour étudier les plantes pour étudier les animaux euh pour étudier les pierres mais que personne ne s’attache à l’étude systématique des hommes et des différences entre les sociétés. O4 – Interview de Patrick Modiano, Esprits libres (France 2–5 octobre 2007) Patrick Modiano, célèbre auteur fr. (voir texte E1), est ici interviewé par le journaliste Guillaume Durand (noté L1). Ce passage porte sur l’œuvre d’un autre grand auteur francophone, Georges Simenon. Patrick Modiano (locuteur L2) manifeste très peu de fluidité dans son élocution.
Traits caractéristiques On peut relever dans cet extrait des erreurs de morphologie (1) mais on insistera surtout sur certaines difficultés qui relèvent de la production de l’oral non préparé (2) : (1) On peut noter chez les 2 locuteurs des erreurs de morphologie (cette type d’approche, tout la trame), qui révèlent le tâtonnement de l’élaboration. (2) Ce court passage concentre des phénomènes qui rompent la linéarité à laquelle l’écrit homogénéisé nous habitue. L’expression « modes de production »
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(Blanche-Benveniste et al. 1990) est parfois utilisée pour les désigner. On peut signaler : – des interruptions entre locuteurs (lignes 1 et 2) ; – des auto-interruptions (parce qu’il ét- lui il procé-). Celles-ci peuvent se manifester par la production de mots incomplets (des amorces cf. procéd-) ou la répétition de formes généralement grammaticales (des bribes comme il il).
L’accumulation de phénomènes de tâtonnement observée dans cet extrait donne l’impression d’une production heurtée, non fluide, ce qui ne se dément pas à l’écoute du passage. Remarque : les chevrons () indiquent les chevauchements, - un mot incomplet
L1 est-ce que vous L2 ah oui oui L1 reconnaissez une sorte de non pas de parallèle mais de de parenté avec cette type d’approche L2 ah oui oui j’ai toujours été un grand lecteur de Simenon et j’ai je j’ai toujours envié Simenon parce qu’il ét- lui il procé- euh ce qui était formidable c’est qu’il il savait dès le départ le euh tout la trame du livre enfin euh et donc le le nombre de chapitres tout ça et ça je c’est c’est tout en gardant ce côt- enfin il décrivait toujours des gens assez troubles d’une manière euh très < avec une phrase > L1 < des gens ordinaires aussi > L2 des gens ordinaires il avait le sens d- oui des gens anonymes des de ceux qu’on qui sont répertoriés dans des bottins et qui sont des anonymes O5 – Une émission de Libre Antenne (Corpus Paul Cappeau : Poitiers 2014) Voici un extrait de dialogue lors d’une émission de libre antenne à la radio (Europe 1), diffusée de 23h à 1h. L’animatrice (L1), Caroline Dublanche, est ici au téléphone avec une auditrice, (L2), qui a appelé pour lui faire part d’un problème.
Traits caractéristiques La visualisation sous forme écrite d’une conversation est souvent déroutante. On trouve ici des caractéristiques faciles à repérer dans des passages à forte implication interactive : répétitions, échanges courts, interruptions nombreuses. L’un des points intéressants est la collaboration linguistique entre les locuteurs qui peuvent s’apporter du lexique (toujours amorcé par L2 est fourni par L1 puis repris et répété par L2) ou compléter des structures syntaxiques (voir Jeanneret 2001).
L1 et et ces histoires rocambolesques elles se c’était elle se mettait en scène dans ces histoires L2 oui tout à fait < tou- > L1 < toujours >
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L2 oui toujours toujours oui oui toujours et et j’ai découvert en fait euh L1 < de façon > L2 < qu’elle devait > être mythomane O6 – Un récit dans l’enregistrement d’un jeune (Corpus MPF, Enquête Wajih4, tour de parole 1345 sq.) Le locuteur est un adolescent de la région parisienne. Il discute ici avec un ancien surveillant (L2) de son collège qui le connait depuis sa 6e et qui lui a demandé s’il avait déjà été confronté à des incidents racistes.
Traits caractéristiques Les récits font partie des rares occasions où une pause se dessine dans la rapidité habituelle de succession des tours de parole, et où l’un des interlocuteurs est « autorisé » à monopoliser la parole (l’enquêteur se contente ici de manifestations d’encouragement). On peut signaler un fait de lexique (1) et de syntaxe (2) : (1) Le vocabulaire est souvent vague et imprécis (truc, comme ça). Le locuteur recourt à des procédés oraux comme les formules d’approximation (tout ça) qui laissent entendre qu’il pourrait en dire encore bien davantage. L’expression vas-y est une exclamation considérée comme caractéristique de la façon de parler des jeunes de la banlieue parisienne. (2) Si les récits constituent des séquences longues, ils ne manifestent en général pas une syntaxe très complexe. On trouve à deux reprises le procédé de fractionnement de l’information de type « topique (A) + commentaire (B) » régulièrement signalé à l’oral (Lambrecht 1996) : – [A] il y avait une dame (elle a-) + [B] je l’ai regardée – [A] il y a la police + [B] qui vient nous contrôler
La reprise anaphorique grammaticalement contestable (la police… il) est une tournure assez répandue, et s’explique ici par une inférence : la police est représentée par un policier.
L1 : Moi une fois je marchais avec des potes truc comme ça. Et vas-y il y avait une dame elle a- je l’ai regardée comme ça. L2 : Hum hum. L1 : Euh elle avait pris que son téléphone. L2 : Hum hum. L1 : Je me suis dit c’est bon euh elle appelle au téléphone < tout >. L2 : < Hum hum >. L1 : Deux minutes plus tard il y a la police qui vient nous contrôler tout ça. Et il dit on a reçu un appel je sais pas quoi d’une dame.
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O7 – Une discussion entre étudiants (Corpus Paul Cappeau : Poitiers 2002). Trois amis (entre 20 et 25 ans) discutent librement de divers sujets.
Traits caractéristiques Dans cet échange peu formel, plusieurs faits peuvent être relevés concernant soit le lexique (1) soit la syntaxe (2) : (1) L’un des locuteurs utilise une expression très familière (il en a rien à foutre) qui signifie il ne se préoccupe pas de moi. Cette tournure serait à bannir d’un usage surveillé. La densité lexicale est assez faible (voir Halliday 1985). Le texte contient un nombre élevé de mots grammaticaux (pronoms en particulier). (2) On peut relever une double réalisation d’un sujet : lexical (les hommes) repris au moyen d’un pronom (ils), des liens syntaxiques qui reposent sur la simple juxtaposition (une voiture on se déplace pas…), c’est la deuxième occurrence avec prép. (pour une voiture) qui rendra le lien explicite, le recours à des expressions qui s’assurent du lien avec l’interlocuteur (tu sais, tu vois). Il s’agit de pseudo-verbes, qui ne peuvent varier en temps. Le dernier tour de parole montre aussi que le passage se construit sur la reprise / reformulation.
L1 il en a rien à foutre de moi + ouais mais quand même attends une voiture on se déplace pas pour une voiture quand même L3 ah ben tu sais les hommes L2 ouais L3 ils ai- ils ai- ils aiment bien les belles voitures L1 ouais mais bon non parce que là il m’a proposé de venir voir un film chez lui L2 ah ah ah ah L3 ah ah ah ah L1 non mais tu vois je pense que il aimerait bien hein je pense qu’il m’aimerait bien moi aussi j’aimerais bien en fin de compte en fin de compte O8 – Une explication technique (Corpus Paul Cappeau : Poitiers 2013) Un ingénieur en électronique présente son activité professionnelle (il s’agit de la protection des équipements contre les agressions électromagnétiques) lors d’une interview.
Traits caractéristiques Il s’agit d’une prise de parole techniquement spécialisée, ce que l’on identifie à travers certains choix lexicaux (1) et syntaxiques (2) : (1) Le vocabulaire utilisé est précis, et concerne en particulier des N, plutôt nombreux (aéronef, équipements critiques, trains d’atterrissage, éclateurs, diodes, filtres). On peut relever aussi une nominalisation (localisation). (2) Des indices d’un discours explicatif – tels que relevés par Coltier (1986) pour l’écrit – sont présents dans ce texte. On en signalera quelques-uns :
Le français moderne : corpus et textes
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le pron. je n’est pas présent dans cette prise de parole, qui ne recourt qu’à des formes de 3e pers. (il) ; – l’utilisation de passifs (il a été bien protégé) ; – des reprises anaphoriques qui permettent d’introduire des termes techniques ou spécialisés (un avion… l’aéronef, ses équipements… les équipements critiques, des petits dispositifs électroniques… des éclateurs, des diodes, des filtres) ; – une progression thématique linéaire (sont protégés par des petits dispositifs euh électroniques euh ces dispositifs sont des éclateurs) ; – un emploi de parce que à valeur causale (emploi rare à l’oral). D’autres faits indiquent une production surveillée, comme la présence de S lexicaux (un avion qui fait Paris Nice, etc.) ou l’emploi de cela (vs ça) en S.
par exemple un avion qui fait Paris Nice euh est foudroyé en moyenne euh u- une fois par mois euh cela se n’a aucune conséquence sur les sur l’a- l’aéronef parce que il a été bien protégé et en particulier euh tous ses équipements euh notamment les équipements critiques comme ceux qui permettent de d’actionner les les trains d’atterrissage les les moteurs euh sa localisation sont protégés par des petits dispositifs euh électroniques euh ces dispositifs sont des éclateurs sont des diodes sont des filtres
3 Bibliographie 3.1 Bibliographie et sitographie Ressources orales : http://corpusdelaparole.huma-num.fr/ (consulté le 19/07/2014). Baude, Olivier/Dugua, Céline (2011), (Re)faire le corpus d’Orléans quarante ans après : quoi de neuf, linguiste ?, Corpus 10, 99–118. Biber, Douglas (1988), Variation across Speech and Writing, Cambridge, Cambridge University Press. Blanche-Benveniste, Claire, et al. (2002), Choix de textes de français parlé, 36 extraits, Paris, Champion (avec CD Rom). Branca-Rosoff, Sonia, et al. (2011), Constitution et exploitation d’un corpus de français parlé parisien, Corpus 10, 81–98. Cahiers de linguistique (2007 [2009]), Grands corpus de français parlé. Bilan historique et perspectives de recherches, n° 33-2. Cappeau, Paul (2004), L’articulation Oral / Écrit en langue, in : Claudine Garcia-Debanc/Sylvie Plane (edd.), Comment enseigner l’oral à l’école primaire ?, Paris, Hatier, 117–136. Cresti, Emanuela/Moneglia, Massimo (edd.) (2005), C-ORAL-ROM, Integrated Reference Corpora for Spoken Romance Languages, Amsterdam, Benjamins. Detey, Sylvain, et al. (dir.) (2010), Les variétés du français parlé dans l’espace francophone, Ressources pour l’enseignement, Paris/Gap, Ophrys. Équipe DELIC (2004), Présentation du corpus de référence du français parlé, Recherches sur le français parlé 18, 11–42.
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Paul Cappeau et Françoise Gadet
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3.2 Bibliographie 2 (faits de langue) Anis, Jacques (dir.) (1999), Internet, communication et langue française, Paris, Hermès Science Publications. Blanche-Benveniste, Claire (2010), Le français : Usages de la langue parlée, Leuven, Peeters. Blanche-Benveniste, Claire, et al. (1990), Le français parlé. Études grammaticales, Paris, CNRS Éditions. Blasco, Mylène/Cappeau, Paul (2012), Identifier et caractériser un genre : l’exemple des interviews politiques, Langages 187, 27–40. Branca, Sonia (1977), Quel « lequel » ? À propos des formes en « lequel/laquelle » en français de Montréal, Recherches sur le français parlé 1, 170–184. Cappeau, Paul/Gadet, Françoise (2010), Transcrire, ponctuer, découper l’oral. Bien plus que de simples choix techniques, Cahiers de linguistique 35/1, 187–202. Cogis, Danièle (2004), Une approche active de la morphographie, Lidil 30, 73–86. Coltier, Danielle (1986), Approches du texte explicatif, Pratiques 51, 3–22. Compagnone, Maria-Rosaria (2010), Verba volant, scripta etiam, thèse inédite des universités de Paris-Ouest et de Naples. Furokawa, Nayo (2000), Elle est là qui pleure : construction à thème spatialement localisé, Langue Française 127, 95–111. Gadet, Françoise (2008), Ubi scripta et volant et manent, in : Elisabeth Stark/Roland Schmidt-Riese/ Eva Stoll (edd.), Romanische Syntax im Wandel, Tübingen, Narr, 513–529. Gilder, Alfred (2009), Le français administratif. Écrire pour être lu, Paris, Éditions Glyphe. Halliday, Michael A. K. (1985), Spoken and Written Language, Oxford, Oxford University Press. Jeanneret, Thérèse (2001), La coénonciation en français : approches discursive, conversationnelle et syntaxique, Bern, Lang. Lambrecht, Knud (1996), Information Structure and Sentence Form : Topic, Focus, and the Mental Representations of Discourse Referents, Cambridge, Cambridge University Press. Sauvageot, Aurélien (1962), Français écrit français parlé, Paris, Larousse. Tannen, Deborah (1989), Talking Voices : Repetition, Dialogue, and Imagery in Conversational Discourse, Cambridge, Cambridge University Press. Tesnière, Lucien (1959), Éléments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck.
Marie-Guy Boutier
22 Témoignages écrits des dialectes romans de Belgique Abstract : Les dialectes romans de Belgique sont les plus septentrionaux et orientaux de la Romania continua. Déclarés menacés dès le milieu du XIXe siècle, ils survivent cependant jusqu’aujourd’hui, notamment en tant que véhicules d’une littérature de haute qualité. Après une présentation des supports permettant d’aborder les dialectes de Wallonie dans l’ensemble de leurs variétés, l’étude de la plus originale de ces variétés, le wallon oriental, sera conduite par le biais de l’analyse de dix haïku du poète wallon liégeois Albert Maquet.
Keywords : dialectes belgoromans, Wallonie dialectale, wallon, picard, gaumais
1 Les dialectes de Wallonie 1.1 Présentation du domaine belgoroman, vitalité des dialectes de Wallonie, fondements de la dialectologie wallonne Les dial. belgoromans relèvent de quatre types dialectaux d’oïl, où l’on distinguera, selon l’extension, deux groupes : – le wallon, au nord-est, est presque entièrement compris dans les frontières nationales belges ; –au contraire, le picard, à l’ouest, le lorrain, au sud, et le champenois, au sud-ouest, sont d’extension essentiellement fr., mais se manifestent en Belgique romane sous des variétés latérales assez typées. Pour une présentation du domaine avec carte, cf. Germain/Pierret (1990). L’emploi des dial. romans a considérablement reculé en Belgique francophone depuis la seconde guerre mondiale. Pourtant, si cette césure a marqué la fin de leur transmission en tant que langue maternelle, ils se conservent plus ou moins bien dans l’usage familier (essentiellement en domaine rural) et dans l’usage littéraire (essentiellement en domaine urbain) (Boutier 2009a ; 2009b ; Francard 2013, 47–56, 175– 180). Certains jeunes ont le souci de se réapproprier l’usage des parlers dialectaux, notamment par le biais du théâtre. Plusieurs sociétés littéraires contribuent à maintenir l’intérêt pour le patrimoine linguistique et littéraire autochtones. On citera ici la Société de Langue et de Littérature Wallonnes, SLLW, fondée à Liège en 1856, et la Société des Rêlîs Namurwès, fondée à Namur en 1909 ; ces deux organes tiennent à jour un site internet faisant connaître leur activité éditoriale intense. Depuis sa création, la SLLW entend promouvoir une littérature de qualité et des études philologiques de haut niveau. Sur ce second plan, les deux apports majeurs des origines sont une orthographe unifiée, indispensable à la notation exacte des différentes variétés (Feller 1900–1901 ; Boutier 2002), et le projet d’une enquête
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Marie-Guy Boutier
lexicologique par correspondance ayant pour objectif la constitution d’un Dictionnaire général de la langue wallonne. La SLLW n’a jamais voulu œuvrer à la standardisation de la langue, mais continue jusqu’aujourd’hui à défendre les dial. de Wallonie tels qu’ils sont, c’est-à-dire « un ensemble de parlers singuliers, apparentés et différents » (Lechanteur 1996). Lorsque se crée à l’Université de Liège, en 1920, la première chaire de dialectologie wallonne de Belgique, le professeur titulaire, Jean Haust, qui était le maître d’œuvre du projet de dictionnaire, abandonne celui-ci au profit d’une grande enquête orale par questionnaire visant à approfondir et à améliorer celle qu’avaient effectuée Jules Gilliéron et Edmond Edmont pour l’Atlas linguistique de la France (ALF). De cette réorientation est né l’Atlas linguistique de la Wallonie (ALW), en cours de publication, fondement d’un très grand nombre de recherches sur les dial. Belgoromans ; sur cette réorientation et sur la méthode particulière d’édition de l’ALW, « atlas-dictionnaire historique », cf. Boutier (1995–1996 ; 2008).
1.2 Les premiers textes On ne prendra pas en considération ici les écrits, littéraires et diplomatiques, du Moyen Âge et des Temps modernes. Depuis l’étude fondatrice de Louis Remacle (1948), qui a posé et résolu le « problème de l’ancien wallon », on sait que ces textes relèvent de l’histoire du fr., plus particulièrement des variétés en voie de standardisation de l’ancien, puis du moyen fr. connues sous le nom de scriptae ; plus ou moins fortement marqués de particularités régionales ou locales, ces textes sont d’un insigne intérêt pour retracer l’histoire du dial. sous-jacent (Remacle 1992). Pour une présentation synthétique de la scripta wallonne, avec un inventaire des textes et des études principales, cf. Boutier (1995). La mise par écrit du dial. s’effectue, aux alentours de 1600, dans le contexte urbain de Liège, au moment même où le fr. devient peu à peu, dans cette ville, une langue de communication et de culture. Pendant deux siècles, au cours desquels la muse est taquinée par des clercs et par des bourgeois instruits, la prédominance de Liège et de ses environs immédiats est notable. Sur le plan générique, plus des trois quarts des quatre cents items inventoriés par Maurice Piron (1961a) relèvent de la poésie de circonstance, plus particulièrement du genre de la paskèye ou « pasquille », texte versifié, parfois dialogué, célébrant des événements heureux, évoquant des faits divers, raillant les mœurs féminines, déplorant les guerres et ce qu’elles entraînent pour ceux qui les subissent. Les autres genres illustrés sont le « noël », célébration de la nativité du Christ dans le quotidien du peuple, et le théâtre, où se détachent, sur le plan qualitatif, quatre pièces relevant de l’opéra-comique. Pour une brève présentation avec reproduction de textes anciens et orientation bibliographique, cf. Boutier (2009a). Jean Haust a donné une édition des dix-sept textes les plus anciens (1600–1700) dans trois volumes (Haust 1921 ; 1939 ; 1941), tout en mettant au point une méthode
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d’édition critique : le texte, souvent accompagné d’une reproduction de l’imprimé ou du ms. qui le conserve, est transcrit dans l’orthographe usuelle du wallon (orthographe Feller) tout en respectant les particularités phoniques et morphologiques du wallon archaïque ; les formes sont commentées, les fautes évidentes corrigées, les passages difficiles glosés et les mots repris dans un glossaire exhaustif. Plusieurs éditions de textes du XVIIIe siècle ont paru dans des revues ; on recourra à celles établies sur le modèle des éditions haustiennes, parues notamment dans Les Dialectes de Wallonie, la revue philologique de la SLLW (consulter la bibliographie sur le site de la Société, aux noms de Lechanteur, Boutier, Willems). Pour les « noëls », on se référera à l’édition de Doutrepont/Delbouille (1938). Les quatre pièces du renommé Théâtre liégeois (1757–1758 ; Piron 1961a, nos 361–364) attendent encore leur édition philologique. Afin d’illustrer le travail de transcription et d’analyse des textes anciens, et la connaissance du dial. qu’il suppose, on comparera les quatre premiers vers de l’Ode à Mathieu Naveau (1620) dans une copie de l’imprimé original perdu, sa transcription par Haust (1921, 13s.), la traduction (nôtre, d’après les gloses en notes).
Gim sen podven trendmen espri com on fornai, / Mi Ame, et me cincq sen / Bollet a gro boüyon, cosy fai mientendmen / El chodire dim ceruai. Dji m’ sin po-d’vintrinn’mint èspris come on fornê ! / Mi âme èt mès cinq’ sins / Bolèt-a gros bouyons, qu’ossi fêt mi-ètind’mint / Èl tchôdîre di m’ cèrvê !
Je me sens intérieurement embrasé comme un fourneau / Mon âme et mes cinq sens / Bouillent à gros bouillons, ce que fait aussi ma raison / dans la chaudière de mon cerveau.
1.3 La littérature du XIX ͤ au XXI ͤ siècle Après un déclin consécutif à la fin de l’Ancien Régime, la littérature dialectale connaît un nouvel essor dans le deuxième tiers du XIXe siècle. Les genres successivement conquis sont le lyrisme personnel, sous l’impulsion de Nicolas Defrêcheux et de sa célèbre complainte Lèyîz-m’ plorer ‘Laissez-moi pleurer’ (1854) (Piron 1979b, 189–191), et le théâtre, marqué par le succès de la pièce Tåtî l’ pèriquî ‘Gauthier le perruquier’ (1885) d’Édouard Remouchamps (41911). La multiplication des œuvres (pièces de théâtre et chansons) et la démocratisation du monde littéraire s’accompagnent d’une baisse de qualité, entraînant la réaction, dans les années 1930, d’une nouvelle génération de poètes soucieux « d’exprimer le plus souvent dans des formes neuves, l’humain dans sa plénitude et sa profondeur » (Līmēs I, 97). Le dial. acquiert ses lettres de noblesse dans la prose avec Joseph Calozet, qui inaugure sa tétralogie ardennaise dans le dial. d’Awenne (région de Neuchâteau) avec Li brak’nî ‘Le braconnier’ (21937). « Une langue qui devient désuète comme moyen de communication a encore une chance, tant qu’elle demeure comprise, d’être efficace comme moyen de création »
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(Piron 1961b, 11). Le dynamisme littéraire wallon, qui ne faiblit pas aujourd’hui encore, reste le principal instrument de sauvegarde des dial. dans leurs multiples variétés, devenus supports d’« une œuvre de beauté qu’on ne saurait considérer comme un double inutile au regard des littératures majeures » (Piron 1979a, 110).
1.4 Anthologies et collections de textes Le meilleur recueil de textes dialectaux de Wallonie est constitué par l’anthologie de Maurice Piron (1979b). Poursuivant un projet commencé par Jean Haust, le meilleur connaisseur de l’histoire de la littérature wallonne offre un condensé de celle-ci par les textes ; la sélection, précise et ample, d’œuvres en vers et en prose à l’exclusion du théâtre, s’étend des origines à 1978. Chaque auteur est présenté, son œuvre située et évaluée. Les extraits sont édités selon l’orthographe commune, les passages difficiles commentés en notes. Il n’y a malheureusement pas de glossaire, et un certain nombre de gloses doivent être corrigées (Remacle 2013). Une autre entreprise antérieure de Piron (Piron 1961b) avait fait connaître au monde francophone seize poètes wallons (au sens strict) en accompagnant les textes d’une traduction en fr. L’introduction la plus efficace aux dial. de Wallonie dans leur forme écrite est le double recueil paru sous le titre Līmēs I et II (1992). Le premier volume présente les principales variétés dialectales de Wallonie et les illustre par des textes, qu’accompagne un commentaire lexical ou philologique ; le second offre un aperçu de la littérature contemporaine par l’édition de textes issus d’auteurs alors vivants, écrivant en wallon (31 textes) ou en picard (4 textes) ; les principales difficultés lexicales sont éclaircies en notes. Les volumes ne comportent pas d’index. Depuis 1976, la SLLW a édité 38 petits volumes de textes littéraires dans sa collection Littérature dialectale d’aujourd’hui ; les textes, originaires de toute la Belgique romane, sont toujours accompagnés d’un glossaire, parfois d’une traduction. Deux autres collections littéraires de la SLLW font connaître des textes plus longs : la Collection littéraire wallonne (12 volumes parus) et les Classiques wallons (6 volumes parus). Il faut souligner enfin l’activité remarquable du Comité roman du Comité belge du Bureau européen pour les langues moins répandues (CROMBEL), qui publie, sous le titre micRomania, un trimestriel et deux collections de monographies, dont une littéraire. Depuis 1992, le trimestriel a fait connaître 450 auteurs dialectaux, par 1.500 textes écrits dans 40 dial. romans, chaque texte étant accompagné d’une traduction dans la langue-toit. La collection de textes littéraires micRomania a publié jusqu’ici 24 auteurs contemporains écrivant dans un dial. belgoroman, avec traduction en fr. On souhaiterait une édition mise à jour et corrigée de Līmēs, devenu inaccessible, et une mise à disposition sur une plate-forme informatique de l’ensemble (ou, à défaut, d’une sélection) des textes parfaitement édités par la SLLW et par le CROMBEL.
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Témoignages écrits des dialectes romans de Belgique
2 Illustration : dialecte wallon, sous-dialecte liégeois
Le texte que nous choisissons pour illustrer les dial. romans de Belgique est constitué par dix des cent haïku (dix-sept syllabes réparties en deux vers de cinq syllabes, un de sept), « instantanés des sens et de la pensée », écrits en wallon liégeois par Albert Maquet (Maquet 2006), dernière œuvre publiée de l’auteur (1922–2009), qui fut professeur d’italien à l’Université de Liège, poète wallon et auteur dramatique, attentif à la perfection littéraire et linguistique du wallon. Le dial. illustré est la variété liégeoise du wallon (Liège et environs), décrite lexicalement par Haust (1933). Insistons-y, les dial. d’oïl ne sont pas du fr. abâtardi (ce qu’enseignent encore aujourd’hui certains manuels d’histoire de la langue fr.), mais des variétés de même origine que le fr. Parmi ces dial. d’oïl, les dial. belgoromans se sont très anciennemement particularisés entre eux et par rapport au fr., ce que montre remarquablement l’étude de Remacle (1992), où chacun des 82 traits phonétiques et morphologiques retenus fait l’objet d’un essai de datation. Le plus particulier des dial. belgoromans est sans nul doute le wallon oriental, à la fois archaïque et innovateur, comme le montre le texte ci-dessous et son commentaire, relativement sommaire, qu’il sera indispensable de compléter par la consultation des ouvrages suivants : (a) l’Atlas linguistique de la Wallonie (ALW), dont les deux premiers volumes expliquent les traits phoniques et morphologiques principaux du domaine, les huit autres vol. parus explorant les particularités lexicales par champs onomasiologiques ; (b) la grammaire historique des parlers wallons que constitue l’étude déjà citée de Remacle (1992) ; (c) la Syntaxe de La Gleize du même auteur (Remacle 1952–1960), dont la portée s’étend bien audelà du parler décrit. Il sera souvent nécessaire, pour celui qui explorerait la « voie dialectale », de recourir aux nombreux dictionnaires et glossaires, dont le meilleur est assurément celui que Haust a consacré au dial. liégeois (Haust 1933) ; pour s’orienter dans le champ de la lexicographie belgoromane, on se réfèrera à l’étude de MarieThérèse Counet (1990), que l’on complétera par les recensions de la chronique de la SLLW. Abréviations utilisées pour indiquer l’extension des traits : gén. = les trois variétés belgoromanes ; w. = wallon, pic. = picard, gaum. = gaumais ; or. = oriental ; liég. = liégeois. La traduction est le moyen le plus économique pour saisir les particularités lexicales très nombreuses, non accessibles à partir du fr. ; dans les notes et observations, nous pointons les mots et formes intéressants en donnant leur étymon ou leur type (t.).
(a) Graphie, phonétique 1. L’orthographe Feller, utilisée pour noter les variétés w., pic., gaum., note exactement le timbre et la durée vocalique (, , , , ≠ , , , , , , par ex.). Elle est plus simple que l’orthographe fr., dont elle évite les graphèmes
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complexes (fr. , , , , vs. w. pour [ɛ], pour [ɛː], par ex.), certains graphèmes muets (fr. homme vs. w., pic. ome, gaum. oume) et étymologiques (fr. temps vs. w. tins). Mais elle comporte des graphèmes muets, indices de relations lexicales ou grammaticales ; cf. 1 /lɛ tɔːj ã poːtrɛː s anɔjɛ tã ɛ lø kɔːt k i fnɛ fuː tɔ l t ɛ̃/, dont la transcription graphique montre : toujours muet ; notant le pl. ; le morphogramme dans /s anɔjɛ/ et /fnɛ/ ‘s’ennuient’ et ‘viennent’ ; final comme en fr. dans /poːtrɛː/, /tã/, etc. 2. Opposition de durée phonologique (gén.). Des voyelles longues se trouvent à la tonique, mais aussi à l’intérieur du mot ; cf. 1 /lɛ tɔːj ã poːtrɛː/ ; nombreux ex. 3. Opposition entre sourde et sonore annulée à la finale au bénéfice de la sourde (gén.) ; par ex., 1 /kɔːt/ ‘cadre’, 2 /muːs/ ‘Meuse’, 6 /vizɛʧ/ ‘visage’. – Graphie analogique du fr. : cåde, vizèdje. 4. Réduction des groupes conson. complexes à la finale (gén.)ː 1 /kɔːt/ ‘cadre’, 8 /ɔːp/ ‘arbres’, 9 /bjɛs/ ‘bêtes’. 5. Phonèmes aujourd’hui inconnus ou rares en fr. : /h/, primaire et secondaire, noté (w. or.) : 2 /pɔːhyːlmɛ̃/ ‘paisiblement’, 4 /sɔfrih/ ‘souffre’ (avec - ISK - ), 6 /huze/ ‘gonflé’ ; – affriquées /ʧ/ et /ʤ/, notées , (w., gaum.) : 6 /vizɛʧ/ ‘visage’, 1 /ʤy/ ‘bas’ (a.fr. jus). 6. Maintien de /u/ lat. sans palatalisation (w. or.) : 8 /kihɔju/ ‘secoué’ (suff. - ŪTU ). 7. Voy. caduque correspondant au schwa du fr. de timbre variable (/i/ en w. liég.) : /li/ ‘le, la’, /ʤi/ ‘je’, /ti/ ‘tu, te’, /mi/ ‘me, mon’, etc. 8. Opposition conservée entre /ɛ̃/ < E suivi de N en syll. entravée et /ã/ < A suivi de N en syll. entravée (w., pic., partiellement gaum.) : 1 /tɔ l tɛ̃/ ‘tout le temps’ (TEMPU ) par opposition à /tã/ (TANTU ) ‘tant’, 2 /pɔːhyːlmɛ̃/ ‘paisiblement’, 8 /vɛ̃/ ‘vent’. 9. Produit /iː/ de la diphtongaison de Ĕ en syllabe ouverte (w., gaum.) : 4 /ti fiːr/ ‘tu frappes’ (cf. a.fr. tu fiers). 10. Produit /uː/ de la diphtongaison de Ŏ en syllabe ouverte (w.) : 2 /muːs/ ‘Meuse’ (M ŎSA ) ; le produit est /y/ en gaum. – De façon générale, réduction des diphtongues au premier élément ; autres cas : 3 /nøːr/ ‘noir’, 3 /tøː/ ‘toit’, 7 /apõt/ ‘pointe’, 7 /nyt/ ‘nuit’. 11. Diphtongaison de Ĕ en syllabe entravée (w.) : 9 /ivjeːr/ ‘hiver’ (HIBĔRNU ), 9 ĔSTIA ). /bjɛs/ ‘bête’ (BBĔSTIA 12. Diphtongaison de Ŏ en syllabe entravée (w.) : 4 /kweːr/ ‘corps’ (CŎRPU ). 13. Conservation de l’articulation nasale devant /n/ (gén.) : 10 /ʣɛrɛ̃n/ ‘dernière’, 10 /lõʤɛ̃n/ ‘longue’.
(b) Morphosyntaxe 14. Forme unique de l’art. et de plusieurs dét. et pron. aux deux genres (w., pic.) ; /li/ ‘le, la’, mais aussi /mi/, /ti/, /si/ ‘mon, me, ma’, etc. : 7 /l nyt/ ‘la nuit’ (élision régulière de /li/ après voy.). – Au contraire, gaum. /la/, /ma/, /ta/, /sa/, comme en fr. 15. Ind. prés. 6 en /-ɛ/ (w. or.) : 1 /s anɔjɛ/ ‘s’ennuient’, 1 /fnɛ/ ‘viennent’. Flexion tonique de cette forme verbale (gén.), contrairement au fr., sous des formes très variées selon les sous-domaines.
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Témoignages écrits des dialectes romans de Belgique
16. Ind. imparf. sg. en /-ef/ (sauf pour quelques V) (w. or.), continuant - ABA - : 9 /feːf t i/ ‘faisait-il’. – Les autres dial. ont - ĒBA - comme en fr. 17. Flexion tonique de l’adj. épithète antéposé au f. pl. en /-ɛ/ (gén.) : 3 /kekɛ rɔʧɛ pan/ ‘quelques tuiles rouges’. 18. Antéposition de l’adj. caractérisant (gén.) : 3 /kekɛ rɔʧɛ pan/, 6 /blã huze vizɛʧ/ ‘visage blanc et gonflé’. 19. Antéposition du pron. atone devant un V modal (gén.) : 2 /dø batɛː z võ krøːhle/, littér. ‘deux bateaux se vont croiser’. 20., Répartition, différente du fr. et variable à l’intérieur des variétés belgoromanes, du tutoiement et du vouvoiement : 4 /ti fiːr/ ‘tu frappes’, 6 /t lukør/ ‘ta blancheur’ (le poète à son propre corps, à la lune effrayante), mais 5 /vɔs sɔriːr/ ‘ton sourire’ (le poète à la femme aimée).
(c) Lexique V. notes sur le texte, notamment archaïsmes, innovations morpholexicales sur fonds propre, emprunts à la langue-toit.
Texte [1] Lès tåyes an pôrtrêt / s’anoyèt tant è leus cådes / k’i v’nèt foû tot l’ tins.
[2] Moûse coûrt påhûl’mint. / Deûs lons batês s’ vont creûh’ler. / Ine sakî fêt sène.
[3] Kékès rotchès panes / inte lès neûres : teût rapèceté / come on vî cofteû.
[4] Ti t’ måvèles, ti fîrs, / ti m’ toûrmètes, ti m’ fês sofri, / m’ cwér – èt dji t’ sofrih.
[5] Vosse sorîre, li meune, / li ci da tos zèls, c’èst come ine wadjeûre dèl vèye.
[6] Blanc houzé vizèdje, dji f’reû bin sins t’ loukeûre, leune, ki m’ tranzih l’åme.
[7] Volà l’ nut’ k’aponte : / les coleûrs distindèt, såf / so l’ bètch dè måvi.
[8] Kihoyous, lès-åbes, / Li vint heûve lès nûlèyes djus / èt r’heûre li solo.
[9] L’iviér, féve-t-i, dj’ô / ronfler lès spirous è m’ heûre. Mi, lès bièsses è m’ lét.
[10] Dièrin.ne mohe d’iviér, / tûzeûse, londjin.ne à viker / come dji sé bin kî.
Notes et observations particulières (1) ‘Les ancêtres en portrait s’ennuient tellement dans leur cadre qu’ils sortent tout le temps’ ; tåyes (ATAVIA ), arch. ; vini foû, t. ˹venir hors˺ (F ORIS ). – (2) ‘La Meuse coule paisiblement. Deux longs bateaux vont se croiser. Quelqu’un fait signe’ ; Moûse, N de rivière sans art. ; ine sakî, pron. indéf., t. ˹une sait qui / un ne sait qui˺, grammaticalisation. – (3) ‘Quelques tuiles rouges entre les noires : toit rapiécé comme une vieille couverture’ ; flexion des dét. et adj. au f.pl. ; rapèceté,
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cofteû, t. ˹rapièceté˺, ˹couvertoir˺. – (4) ‘Tu te fâches, tu frappes, tu me tourmentes, tu me fais souffrir, mon corps, et je te souffre’ ; rad. long de si måveler litt. ‘se faire du mal’ et de sofri ‘souffrir’. – (5) ‘Votre sourire, le mien, celui d’eux tous, c’est comme un pari sur la vie’ ; li meune ‘le mien, la mienne’, li ci ‘celui, celle’, zèls ‘eux’ formes spécifiques des pron. – (6) ‘Visage blanc et gonflé, je me passerais bien de ton regard, lune, qui me transperce l’âme’ ; antéposition de deux adj. sur le même support ; houzé (rad. phonosymbolique HOS - ou néerl. HOOS ) ; fêre sins ‘se passer (de)’ ; loukeûre, dérivé de loukî (moyen néerlandais LOEKEN ) ; tranzi, comme sofri. – (7) ‘Voilà la nuit qui arrive, les couleurs s’éteignent, sauf sur le bec du merle’ ; aponde ou aponti, ‘poindre, pointer (vers celui qui parle)’, distinde, t. ˹desteindre˺, måvi, t. ˹mauvis˺. – (8) ‘Secoués, les arbres. Le vent balaye les nuages et nettoie le soleil’ ; kiheûre (CUM - E XCUTERE ), hover ‘balayer’ SC OPARE ) avec l’adv. djus (cf. 1), nûlèye (NEBULATA ) ; r’heûre (RE - EXCUTERE E XCUTERE ), inf. substitut coor(SCOPARE donné à un ind., litt. ‘et secouer’ ; solo (S OLICULU ), évolution particulière. – (9) ‘L’hiver, disait-il, j’entends ronfler les écureuils dans ma grange. Moi, les bêtes dans mon lit’ ; féve ‘faisait’, ‘disait’ ; UTERE RE ), h secondaire, comme ôre, t. ˹ouïr˺ ; spirou (SCURIOLU ), évolution particulière ; heûre (EXC UTE dans ses préfixés en CUM - et RE - (8) . – (10) ‘Dernière mouche de l’hiver, pensive, qui tarde à vivre ÛZEN ), londjin (L ONGINUS ), viker ‘vivre’ comme je sais bien qui’ ; tûzeû, dérivé de tûzer (francique TTÛZEN VE SQUI < VIXI ). (du rad. de VESQUI
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Témoignages écrits des dialectes romans de Belgique
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France Martineau
23 Le Canada français : XVIII ͤ et XIX ͤ siècles
Abstract : Le fr. d’Amérique du nord se divise en deux grandes familles linguistiques : la variété laurentienne et la variété acadienne. La variété laurentienne a donné naissance aux parlers du Québec, de l’Ontario, de l’Ouest canadien et de la NouvelleAngleterre alors que la variété acadienne a migré de l'Acadie en Louisiane. Les deux variétés se sont aussi parfois retrouvées au même endroit, en Louisiane et en NouvelleAngleterre notamment. Pour retracer le fr. nord-américain à date ancienne, les chercheurs ont à leur disposition quelques éditions critiques (ex. Juneau/Poirier 1973 ; Canac-Marquis/Rézeau 2005 ; Martineau/Bénéteau 2010) mais aussi des documents mis en ligne à travers des expositions ou des projets ciblés (voir section 2). Ces documents permettent de mieux comprendre la dynamique actuelle des variétés de fr. nord-américaines, et leur lien avec le reste de la francophonie. – Cette contribution porte sur des textes des deux grandes variétés linguistiques qui constituent les bases de l’Amérique française : le fr. laurentien et le fr. acadien (voir le site http://continent. uottawa.ca/colloques-et-expositions/expositions/le-francais-au-canada-dun-oceana-lautre/ pour un survol de l’histoire des parlers canadiens sur lequel se fonde en partie la section 1, et des extraits sonores). Voir Valdman/Auger/Piston-Hatlen (2005) pour une synthèse des parlers d’Amérique du nord.
Keywords : variétés nord-américaines, français laurentien, français acadien, peu-lettrés
1 Français laurentien et français acadien La problématique des fr. d’Amérique du nord est étroitement liée à celle des langues migrantes et au développement de variétés endogènes. Quelles sont les conditions dans lesquelles baignait le fr. avant son importation, comment ont émergé des variétés qui se sont éloignées de la variété d’origine et quelles sont les relations qu’elles entretiennent avec la variété source aujourd’hui ? Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la France connaît une expansion coloniale importante, à l’origine de l’implantation des parlers fr. en Amérique du nord. Le fr. de la vallée du Saint-Laurent, aujourd’hui le Québec, provient de trois grandes sources : les fr. régionaux de l’ouest et du centre-ouest de la France ; le fr. pop. parisien de l’époque ; la variété de prestige des élites administratives et cléricales. Les premiers colons étaient plus scolarisés que la moyenne des gens en France, étant donné leur origine en grande majorité urbaine (cf. Morin 1994 ; 2002 ; Martineau 2012b). Vers 1700, des explorateurs et des coureurs des bois partirent vers l’Ouest canadien. Ils parcoururent d’abord la région des Grands Lacs, appelés les Pays d’en Haut, et établirent des postes de traite, en particulier dans la région du Détroit. Ils poussèrent
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ensuite l’exploration vers les Prairies canadiennes. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, l’Ouest canadien connut également une migration notamment en provenance de l’Europe (France, Suisse, Belgique). Le fr. laurentien s’est aussi exporté en Nouvelle-Angleterre durant la seconde moitié du XIXe siècle suite à une importante migration de Québécois vers les États-Unis causée par la conjoncture économique (entre autres, la demande en main d’œuvre dans les villes industrielles américaines). Contrairement aux origines du fr. laurentien, celles du fr. acadien sont plus homogènes. C’est ainsi que les premiers colons étaient originaires en grande partie du centre-ouest de la France, implantés dans les colonies maritimes de la NouvelleFrance au XVIIe siècle. Autre différence : après 1713, date du traité d’Utrecht, l’Acadie reçoit peu de colons de la France, alors que l’immigration se poursuit jusqu’en 1763, date du traité de Paris, pour la vallée du Saint-Laurent (Massignon 1962, t. 1, 74). Le fr. acadien se parle aujourd’hui principalement dans les provinces maritimes (NouveauBrunswick, Nouvelle-Écosse, Île du-Prince-Édouard et Terre-Neuve), mais aussi aux Îles-de-la-Madeleine, sur la côte sud de la Gaspésie, sur la Basse Côte-Nord et dans certaines régions de la Nouvelle-Angleterre. Cette diaspora acadienne fait entre autres suite au « Grand Dérangement » de 1755 au cours de laquelle plus de 10.000 Acadiens ont été déplacés en France ou dans les Treize colonies pour avoir refusé de prêter le serment d’allégeance à la Couronne britannique. Le fr. acadien se trouve également dans des paroisses de la Louisiane, notamment l’Acadiana dans la partie sud de la Louisiane dont le chef-lieu est la ville de Lafayette, où des Acadiens, d’abord immigrés en France suite à la déportation, se sont installés. Cette différence dans le peuplement de l’Acadie et de la vallée du Saint-Laurent, ainsi que le parcours historique qui a suivi, permet d’expliquer qu’il n’y ait pas parfaite convergence des traits entre les deux variétés. La variété laurentienne présente ainsi, du point de vue de la prononciation, l’affrication et la diphtongaison, que l’on ne retrouve pas en fr. acadien, ou alors dans des zones de contact avec le fr. laurentien. Le fr. acadien présente également, entre autres, un h aspiré (hache, hardes), la nasalisation prononcée de la voyelle après consonne nasale et la palatalisation devant i + voyelle (ex. Djeu pour Dieu). Le fr. acadien utilise la particule -ti pour interroger (ex. il part-ti) alors que cette particule a été remplacée par -tu en fr. laurentien (ex. il part-tu ?). Le fr. laurentien moderne ne présente pas l’emploi de je pour la pers.4 alors que l’on trouve encore ce pronom dans certaines variétés acadiennes conservatrices (ex. à la Baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse) (ex. je parlons) ; toutefois, la flexion ‑ont pour la pers.6 est répandue dans toute l’aire acadienne (ex. ils parlont) alors qu’elle est aujourd’hui absente en fr. laurentien. Par contraste, le fr. laurentien présente une forme populaire à la pers. 1 de l’auxiliaire avoir pour le futur périphrastique (ex. m’as partir ‘je vais partir’), rare sinon absente de l’aire acadienne. Le fr. laurentien et le fr. acadien partagent une grande partie de leur lexique, notamment des archaïsmes. Notons toutefois certains lexèmes généralement associés au fr. acadien comme espérer ‘attendre’, mitan ‘milieu’, hucher ‘crier’. Le fr. canadien est aujourd’hui parlé tantôt en contexte majoritaire (comme au Québec) tantôt en contexte minoritaire (comme dans
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l’Ouest canadien), avec une influence variable du contact avec l’angl. Au Québec, un organisme comme l’Office québécois de la langue française veille à définir les balises d’une norme linguistique et un dictionnaire comme USITO en ligne (http://www.usito. com) tend à refléter la réalité linguistique nord-américaine.
2 Corpora Il n’existe pas d’anthologie de textes commentés pour le fr. canadien (mais voir Martineau à paraître) ; toutefois des documents ont été mis en ligne à travers de vastes projets sur l’Amérique fr., des expositions ponctuelles ou dans le cadre de démarches de centres d’archives pour l’accessibilité de documents numérisés. Malgré une multiplication de sites internet de centres d’archives qui proposent des images de documents anciens (Bibliothèques et archives Québec, Bibliothèque et archives Canada, entre autres), les sites en ligne, qui proposent des textes en continu, interrogeables, ne sont pas nombreux, sans doute parce que l’investissement que représente la transcription de documents mss. est très lourd. La mise en ligne de documents à des fins linguistiques requiert que les documents puissent être accessibles en mode texte continu et interrogeables selon des paramètres sociolinguistiques qui les contextualisent (lieu et date de naissance du scripteur, par ex.). C’est le principe des trois premiers projets ci-dessous.
Le projet Voies du français (www.voies.uottawa.ca) présente le corpus MCVF qui est constitué de textes couvrant la période du Moyen Âge jusqu’au XVIIIe siècle. Les textes sont interrogeables en concordance sur le site et également accessibles en continu par téléchargement. On y retrouve notamment le journal d’Élizabeth Bégon (1748–1753), transcrit à partir des originaux. L’exposition Les Canadas vus par les Canadiens (www.collectionbaby.uottawa. ca), une collaboration entre le projet Les Voies du français et la Division des archives de l’Université de Montréal, présente également des lettres provenant de l’un des plus grands fonds de correspondance privée en Amérique du nord, le fonds Baby (images des manuscrits, transcription en orthographe d’époque, contextualisation historique et linguistique). Le Laboratoire Polyphonies du français (www.polyphonies.uottawa.ca) présente une sélection de textes avec transcription. L’objectif de ce laboratoire est de mettre en ligne l’ensemble des documents du Corpus de français familier ancien, plus de 20.000 lettres couvrant la France et l’Amérique du nord, du XVIIe au début du XXe siècle. Le projet Le français à la mesure d’un continent (www.continent.uottawa.ca) est un projet en cours dont l’objectif est de mettre en ligne le Corpus FRAN (Français d’Amérique du nord), des documents à la fois oraux, provenant d’enquêtes réalisées en Amérique du nord auprès de locuteurs francophones et des documents écrits, lettres et journaux personnels couvrant la période XVIIe siècle–XIXe siècle (cf. Gadet/Martineau 2012 ; Martineau 2012a). L’exposition Early Louisiana French Correspondence (www.lib.lsu.edu/special/cffs/), supervisée par la Louisiana State University (LSU) (Cerquiligni, Bernard/Smyth, Elaine), présente de la correspondance de scripteurs louisianais ou vivant en Louisiane aux XVIIIe et XIXe siècles. On y trouve à la fois l’image du manuscrit et sa transcription. Il n’est toutefois pas possible de faire des recherches par concordance.
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Le Trésor de la langue française au Québec, créé par Claude Poirier et son équipe à l’Université Laval, est une mine de renseignements sur la langue québécoise à date ancienne, en particulier son fichier lexical qui permet d’interroger les textes à partir de recherche sur des mots du lexique (www.tlfq.ulaval.ca/fichier/). La base ChroQué : base de données textuelles de chroniques québécoises de langage (1865–1996), accessible en ligne (catfran.flsh.usherbrooke.ca/corpus/chroque/), réalisée sous la direction de Wim Remysen, Claude Verreault et Louis Mercier, avec la collaboration de Jean-Denis Gendron et Thomas Lavoie, réunit des chroniques de langue diffusées au Québec qui, selon les auteurs du site Internet, « ont joué un rôle déterminant dans la construction de l’imaginaire linguistique des Québécois ainsi que dans leur rapport à la norme ».
Outre ces ressources, notons des éditions non critiques, dont l’objectif est d’abord historique, qui ont été publiées avec souvent une modernisation de l’orthographe, et parfois, sans qu’il en soit clairement fait mention, une certaine modernisation de la grammaire. Ces ouvrages, nombreux, jouissent d’une contextualisation historique et peuvent être des ressources linguistiques intéressantes, en particulier pour le lexique et le discours métalinguistique. C’est le cas du journal d’Élizabeth Bégon édité par Nicole Deschamps – on peut juger de l’écart entre l’édition de Deschamps en consultant la transcription du journal sur le site du projet Voies du français et les manuscrits originaux sur le site de BaNQ. Enfin, des glossaires existent pour la période ancienne. Mentionnons le glossaire du Père Potier, édité par Halford (1994), mais aussi, pour le XIXe siècle, les glossaires de Viger, Dunn, Dionne, Clapin, et, pour le début du XXe siècle, celui de la Société du parler fr. au Canada et le dictionnaire de Pascal Poirier pour l’Acadie. Le Dictionnaire historique de Claude Poirier (1998) est également un ouvrage incontournable. La langue ancienne est aussi abordée à travers l’édition de contes folkloriques ; pensons aux ouvrages de Juneau (1976) et de La Follette (1969), pour le fr. laurentien, de Neumann-Holzschuh (1987) sur des textes anciens en créole louisianais, et pour le fr. acadien, à l’édition des Lettres de Marichette par Gérin/Gérin (1982).
3 Textes des XVIII ͤ et XIX ͤ siècles Nous proposons trois textes, deux de la variété laurentienne et un de la variété acadienne. Il est important de distinguer la période précédant la Conquête britannique (1763, traité de Paris), période avec peu de contact avec l’angl., de la période qui a suivi au XIXe siècle, où le contact avec l’angl. s’est intensifié. On ne peut simplement opposer l’oral à l’écrit, les textes émanant de ces deux modes se trouvant sur un continuum de communication (Koch/Oesterreicher 2001) et des textes écrits peuvent se trouver autant à l’un qu’à l’autre pôle. Les textes sélectionnés sont des correspondances de peu-lettrés, lettres faisant partie d’éditions critiques parues ou à paraître. En effet, les textes littéraires ou les lettres de scripteurs canadiens français maîtrisant mieux le code écrit présentent dans tous les cas une standardisation qui ne permet pas de retracer les marques de la langue
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parlée (Martineau 2007 ; Ernst 2010). Notre sélection repose donc sur l’objectif de montrer des traits du vernaculaire ; il n’en demeure pas moins que des études fort intéressantes peuvent être menées sur les écrits de la bourgeoisie canadiennefrançaise. Les textes sont présentés dans l’orthographe d’origine ; nous n’avons pas rétabli l’individuation des mots, de façon à faire paraître le ms. dans sa forme originale et à ne pas présumer de la connaissance qu’a pu avoir le scripteur de l’intégrité graphique du mot ; les textes sont donc présentés tels qu’ils apparaissent avec les blancs et les espaces entre les parties de mots, la ponctuation et les majuscules ou minuscules adoptés par le scripteur.
3.1 Texte pour la période du Régime français L’extrait suivant provient du journal personnel de Charles-André Barthe, dans l’édition critique qui en a été faite par Martineau/Bénéteau (2010, 48, 50, 52). Ce journal reflète la langue de la vallée du Saint-Laurent, dans le corridor migratoire et commercial menant de Montréal aux Pays d’en Haut. Les s longs sont reproduits avec le caractère ſ. a) Phonétique. Le journal est particulièrement intéressant pour les traces de prononciation qu’il comporte. C’est ainsi que Barthe emploie de façon très systématique la graphie ou , là où le fr. de référence, même à l’époque, emploierait , ce qui suggère une prononciation de [a] à [ɛ]. C’est le cas aux l. 1, 6, 16 et 17 (pertime), l. 2, 4 et 14 (raipide), l. 4 et 16 (campaime), l. 7 (failais), l. 8 (baiturre), l. 10 (maitain), l. 11 et 12 (villaige) et l. 12 (Cabainé). Cette graphie n’est pourtant pas catégorique, comme le montre l’alternance aux l. 3 et 7 (falais/failais) et aux l. 5 et 19 (Cou Chame/Cou Chaime). Le changement phonétique devant [r] est bien attesté en France à l’Est, et, de façon moindre à l’Ouest bien que de façon régulière dans certains mots, comme charbon, charger, charpentier, charrue, sarcler. Le choix de ‹ e › au lieu de ‹ ai › en syllabe fermée par [r] s’explique par une règle orthographique du fr. que le scripteur a intériorisée, à savoir qu’on n’utilise généralement pas ‹ ai › devant ‹ r ›+‹ C ›. La prononciation inverse, de [ɛ] à [a] devant [r] est également bien attestée en fr. québécois ancien (Juneau 1972). On note une marque de liaison, l. 15 (Nous ſarivame), bien que cette marque de liaison ne soit pas constante (l. 1) (Nous arivame). b) Morphosyntaxe. La langue correspond assez bien à celle du fr. des XVIIe et XVIIIe siècles. Notons, l. 2 et 7, l’absence du pron. impers. il (Haase 1969, 15). Les règles sur les antécédents des pron. rel. (où, l. 2 ; qui, l. 13) étaient beaucoup plus souples en fr. classique. Ainsi, l’antécédent d’un pron. rel. pouvait en être éloigné, créant une concurrence entre plusieurs antécédents possibles. Comme le remarque Fournier (1998, 181), on est en présence d’une « approche mémorielle de l’anaphore, comme renvoi à un référent saillant, c’est-à-dire manifeste, présent dans la mémoire immédiate des énonciateurs ». Les grammairiens de l’époque classique
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commencent à condamner cette approche, au profit de principes de netteté et de proximité. L’emploi de sur au lieu de à est également courant en fr. classique (Haase 1969, 351). On note la présence de la particule négative ne (l. 11), parfois absente ailleurs dans ce texte. En fr. canadien moderne, comme dans les fr. vernaculaires modernes, l’absence de la particule ne est presque catégorique à l’oral (Martineau/Mougeon 2003). Lexique. Remarquons la forme classique relevée (orthographié reLevé ou relevé) (l. 15, 18) au sens de ‘Le temps d’après disner jusques vers le soir’ (Dictionnaire de l’Académie 1694). Les attestations relevées ailleurs en Amérique du nord sont fréquentes, comme rapport à (orthographié raporte a) (l. 19) au sens de ‘à cause’. Notons également l’emploi de batture (orthographié baiturre) (l. 8) au sens de ‘banc de sable, gravier ou terre déposé à l’intérieur du coude d’une rivière’, acception qui semble particulière à la vallée du Mississippi (McDermott 1941, 21 ; Dorrance 1935, 58). Et enfin, les expressions terre du Nord (l. 7) et terre du Sud (l. 5, orthographié tere du Sud), en parlant des rives, expressions qui ne figurent pas dans les dictionnaires canadiens.
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et a 9 eur nous pertime a Midie Nous arivame a un raipide qui a ves une de Mie Lieux ou Nous falais ferre 2 voiage que Nous finime ſur Les 5 eur ½ et tant an aux de ſeraipide Nous Campaime et Nous Cou Chame a Latere duSud Dimanche Le 10. Nous pertime de Nostres Canpemant pour ganniez Laterre du Nord et nous failais ferre 3 voiage dan La baiturre qui aves ¼ deLieue anSuit Nous fime une Lieux ſet journé nous fime 2 Lieux ¼ Leundy Le 11 Nous fime ½ Lieux et ſur Les 8 eur du maitain Nous arivamme au derniez villaige outavoua il nia Ves perSonne dan Le dit villaige Laurangé étais Cabainé auSud deLariviere qui vent a Nous Nous fime 2 voiage dan Le raipide de Lil a Laile qui a ¼ deLieux et Nous ſarivame a Lau Morte a 1 eur dereLevé a 2 eur Nous a pertime et a 6 eur nousCampaime che ami Conse Le Mardy Le 12 Nous pertime de Che a Mi Conse a 7 eur et Nous arivame Che Chabinit a 2 eur derelevé ou Nous Cou Chaime raporte a La pluit
3.2 Textes pour la période suivant la Conquête britannique (1763) La période qui a suivi la Conquête britannique est marquée par un certain isolement avec la France, qui a pour effet de maintenir certains archaïsmes et régionalismes (Gendron 2007 ; Martineau 2012b). L’écart avec la France paraît d’autant plus grand que suite à la Révolution fr. en France, de nouveaux traits linguistiques, en particulier
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dans la prononciation, s’installent dans le parler de la bourgeoisie française. Cette différence entre les deux variétés, laurentienne et fr., est relevée par les voyageurs de passage au Canada. Ainsi le Canadien anglais James Roy écrit-il en 1877 « The three sounds which most distinguish the French-Canadian pronunciation are those of the diphtong oi, the syllabe ais, and the letter a, which are sounded respectively oué [moué au lieu de moi], a [au lieu de [ɛ] dans balai, je valais, etc.] and aw [le a postérieur très grave] » (cité dans Gendron 2007, 81, citant Caron-Leclerc 1998, 247). Les parlers laurentiens et acadiens connaissent également un contact accru avec l’angl., en particulier dans un contexte d’industrialisation et d’urbanisation croissant. Ainsi, simplement à Montréal, les anglophones deviennent progressivement dominants dans la première moitié du XIXe siècle, jusqu’en 1866 où les francophones redeviennent majoritaires (Linteau 2008).
3.2.1 Vallée du Saint-Laurent L’extrait choisi provient du journal personnel de Charles Napoléon Morin, charpentier né à Deschambault au Québec le 9 juillet 1849 qui entreprit un voyage qui le mena à San Francisco, puis de là, jusqu’à Vancouver en Colombie-Britannique. Il finit par s’établir à Argyle au Minnesota où il mourut le 5 juillet 1922 (cf. Benoît/Frenette/ Martineau, à paraître ; Martineau/Morin/Thibault 2012). Cet extrait s’inscrit dans un passage où l’auteur relate son voyage à Chicago. a) Phonétique. On note l’ouverture de [ɛ] à [a] devant [r], l. 5 charché, l. 19 charche, l. 26 charchè, une prononciation remarquée par les voyageurs de passage au Canada à cette époque, comme Elliott (1884–1885) qui note « The Normand ar for er (travarser, sarvant, etc.) is universal » (cité par Gendron 2007, 81, citant CaronLeclerc 1998, 287). La graphie lindi (l. 24) pourrait également refléter un changement de timbre de la voyelle nasale. b) Morphosyntaxe. Les emplois morphosyntaxiques populaires sont aussi présents : l’emploi presque catégorique de je man vat et je vat à la pers.1 (l. 19, 21) pour ‘je vais’, et l’absence de la particule de négation ne (l. 23, 27). c) Lexique. La langue de Charles Morin présente de nombreux traits lexicaux du fr. canadien vernaculaire du XIXe siècle, à la fois par son emploi d’archaïsmes et d’anglicismes. C’est ainsi que dans l’extrait on note l’emploi du mot butin ‘vêtements’ (l. 5), j’ai baucou de misére, soit avoir de la misère ‘avoir de la difficulté’ (l. 13), le genre f. pour ouvrage (l. 16). Les anglicismes parsèment son texte (bos, bosse et bos, respectivement l. 15, l. 22, 29 ; formen, forman, respectivement l. 15, 17, 25, facterie l. 11) alors que l’auteur avoue ne pas savoir encore parler l’angl. En même temps, le texte de Charles Morin est hybride et montre une maîtrise de certains traits propres à l’écrit, comme le recours occasionnel au p. simple (ligne 18) ou, ailleurs que dans cet extrait, à des termes de nature plus littéraire (ex. clopin-clopan).
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je Marche pandant Deux heurs et infin je rantonte une Canadien qui manméne sur l’indiana Streets qui se trouve dans le nord said j’ai une place la et apres midi je retourne charché mon cof et mon butin et le soire je suis de retour la ge ranconte bau cou de canadien en autre un homme qui avait travailler avec moi pour 3 ans chey l’architecque le landemain je trouve une place pour une Anglais qui tien une facterie et je commance a travailler toutes de suite. je parle pas encore l’anglais et j’ai baucou de misére pour commancer mais apres quelque temps je devien tres aimé du bos et du formen et il me donnait l’ ouvrage la mèyeur a faire je travaille trois mois la mais un jours le forman me dit Quelque chose que je prix pour des reproche et je man vat. je charche ayeur et je trouve que des promesse d’ouvrage dans quelque temps je me fit a ses promesse le samedi je vat retirè mon argent le bosse me demande pour quoi ja vait pas travailler toujours et il me dit d’aller travailler le lindi mais je ni vat pas le mardi le forman vien a la Maison pour me charchè mais je veut pas ialler. je me voiyait avec un peut d’argent et je pansait que je pouvait dèfier toutes les bos mais je l’ai péyer.
3.2.2 Acadie L’extrait choisi est une lettre d’un Acadien, né dans la région de Memramcook au Nouveau-Brunswick, et qui s’est installé dans une ville industrielle de la NouvelleAngleterre à la fin du XIXe siècle (Martineau/Tailleur 2011 ; Martineau, à paraître). a) Phonétique. Du point de vue de la prononciation, on note dans ce texte comme dans le précédent l’ouverture de [ɛ] à [a] devant [r], l. 3 charchez et l. 14 farmer. b) Morphosyntaxe. La lettre présente plusieurs traits morphosyntaxiques acadiens comme l’emploi du pron. je à la pers.4 (l. 14) ou l’emploi de la pers.6 avec la désinence ‑ont (l. 28, 29). L’emploi de la pers.4 je est particulièrement intéressant puisqu’il a disparu de la variété acadienne du Nouveau-Brunswick, bien qu’il survive dans des variétés acadiennes plus conservatrices comme à la Baie-SainteMarie en Nouvelle-Écosse. On remarque également des formes pop., avec régularisation du pl. de cheval (l. 11, 26) ou de formes morphologiques verbales (l. 9–10).
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c)
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Lexique. Du point de vue lexical, on note des archaïsmes comme l’emploi du verbe mander orthographié mender ‘donner’ (l. 31), de astheure (orthographié asteur) ‘maintenant’ (l. 29), attesté aussi en fr. laurentien, de haler (orthographié haller) ‘tirer’, (l. 28). Notons également un anglicisme, l. 27 (draivait, de ‘drive’). [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] [24] [25] [26] [27] [28] [29] [30] [31] [32] [33] [34] [35] [36] [37]
[…] et je nai pas eût de trouble a trouvez d’ouvrage je nai pas charchez pour il mon [= m’ont] ramender pour m’avoir. je travaille chez Bartlett et j’ai plus de gage que pas un de eux on eût ici j’ai merai qu vous m’en voirier le porterait des troit chevalle et les poulin et je pairez pour je peut vous dire que j’on bientôt finie de farmer je peut vous dire que je me plai bien cette été je trouve pas le temps si long que l’été passez/ jenuis pas les fille cette été mais il y en a une de venu aujourdiz j’aispère de la cagoler et vous direz à louiset qu’elle araite c’est grimase vous direz a Alphé que les deux chevalle qui draivai l’été passez ne pouvion pas haller une livre mais asteur y feson meux je nai pas grand nouvelle a vous mender pour cette fois ici je termine en vous fesant mes compliment a tout la famille je reste pour la vie votre enfant Pat Landry
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Le rhéto-roman
Georges Darms
24 Anthologies et textes romanches Abstract : Le romanche est une langue parlée dans le seul canton des Grisons. Il y est devenu une langue de plus en plus minoritaire à partir de 1850 pour arriver à un pourcentage de 20,5% de la population du canton en 2000 en perdant la majorité dans plus de la moitié des communes de son territoire d’origine. Il est écrit en cinq langues régionales différentes, ceci pratiquement dès le début de la documentation écrite de cette langue. Aux langues écrites régionales s’ajoute à partir de 1982 une langue standard pour tout le territoire qui peine toutefois à s’imposer. La variété des dialectes est encore beaucoup plus grande ; la linguistique historique en distingue vingt et une zones différentes. Les textes choisis ne peuvent donc donner qu’un aperçu de la variété des langues écrites.1
Keywords : langue minoritaire, variété dialectale, langues régionales écrites, langue standard, langue périclitée
1 Le début de la documentation 1.1 Les premiers textes et leur répartition régionale Le premier texte romanche conservé dans sa totalité est La chianzun dalla guerra dagl Chiaste da Müs de Gian Travers, une chanson sur la guerre entre les Grisons et le châtelain de Musso au Lac de Côme. Dans cette chanson de 704 vers l’auteur décrit un épisode guerrier qui a commencé en 1525 et s’est terminé avec le paiement d’une rançon, en 1526, pour libérer Travers et ses accompagnants de la prison du château de Musso. La chanson est datée de 1527 par Travers lui-même. Ce n’est certainement pas la première chanson rm. de ce genre, puisque l’historien Durich Chiampell cite dans son Historia retica, terminée en 1579, des vers d’autres chansons rm. sur des événements guerriers plus anciens, par ex. de la « Guerre des poules » de 1475, cf. Liver (22010, 98). Il existe aussi trois documents médiévaux : le « Témoignage de Müstair » : une phrase d’une déposition en rm. dans un procès-verbal rédigé en latin, daté de 1389 ; la « Version interlinéaire de Einsiedeln » d’un sermon pseudo-augustinien, du XIe siècle, et une « Épreuve de plume de Würzburg », quelques mots écrits pour essayer la plume avant d’écrire le texte lat., datée du Xe siècle. Le plus intéressant de ces textes est la « Version interlinéaire de Einsiedeln », qui a fait l’objet de plusieurs études (cf. Liver 22010, 86–92).
1 Je remercie chaleureusement Marie-Claire Gérard-Zai pour son précieux travail de révision et correction du texte de cet article.
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Le premier texte rm. imprimé date de 1552. C’est un bref catéchisme réformé traduit de l’all. par Jachiam Bifrun, connu toutefois que par sa deuxième éd. de 1571 (BR 639). Le même auteur a publié en 1560 L’g Nuof Sainc Testamaint, une traduction complète du NT (BR 599). Comme Travers, Bifrun écrit en h.-eng., mais sur la base d’un autre dial. local et avec une orthographe différente. Mais deux années plus tard déjà, en 1562, Durich Chiampell publie Vn cudesch da Psalms (BR 557) dans une deuxième variante régionale, le b.-eng. Il en est conscient et justifie cette différence par le fait que « beaucoup de gens de la Basse-Engadine se plaignent fortement, parce qu’ils voudraient qu’il y ait quelque chose d’imprimé aussi dans la langue de Suott Puunt Auta […] » (Ulrich 1906, XX). En 1601, une troisième langue régionale rm. fait son apparition, le sutsilvan, avec le Catechismus de Daniel Bonifaci (BR 675), traduction d’un catéchisme all. aussi. Suit en 1611 le premier texte dans une quatrième variante régionale, Ilg Vêr Sulaz da pievel giuvan de Steffan Gabriel (BR 2468), écrit en surs. « réformé » et un des rares catéchismes rm. qui ne soit pas une simple traduction. Gabriel vient de la Basse-Engadine en Surselva et utilise différentes graphies eng. qui n’étaient pas utilisées avant lui, de la sorte qu’on voit assez vite, si un texte surs. est écrit par un réformé ou par un catholique, cf. 2.3. Le premier texte surs. en orthographe « catholique » date de 1615 (BR 904). C’est également un catéchisme, mais plutôt influencé par l’italien, puisque son auteur, Gion Antoni Calvenzano, vient de Pavie aux Grisons pour soutenir la Contre-Réforme. Entre 1560 et 1615, on connaît treize publications rm., sans compter les rééditions et les éditions partielles. Elles sont déjà écrites dans quatre langues régionales différentes, dont une, le surs., dans deux variantes orthographiques différentes. Tous les documents écrits au XVIe siècle n’ont pas été imprimés déjà à cette époque. Ce sont surtout des mss. de jeux bibliques du XVIe siècle qui se sont maintenus en ms., à commencer par les deux jeux de Gian Travers, La histoargia da Joseph, présenté à Zuoz en 1534, et La histoargia dalg filg pertz, présenté en 1542. Il existe aussi un bon nombre de jeux bibliques anonymes (cf. Deplazes 1988–1993, vol. 1, 58–63). Une autre matière qui a été fixée par écrit au XVIe siècle déjà en HauteEngadine est le domaine du droit. Cette région était parvenue à pouvoir fixer les droits communaux et même du district en propre régie déjà au XVIe siècle.
1.2 Anthologies de textes anciens 1.2.1 Les premières anthologies La première anthologie de textes rm. est l’Engadinische Chrestomathie de Jakob Ulrich (1882). Ses textes reprennent des éditions de manuscrits de Flugi (no 1–3 et 9), dont en premier La chanzun dalla guerra dagl Chiasté d’Müsch (sic) dans l’orthographe très approximative de Flugi (1865). Suit le plus ancien drame eng. connu, La histoargia da Joseph de Travers et un autre texte plus tardif d’un ms. édité par Flugi. Ces trois textes
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Anthologies et textes romanches
sont reproduits dans leur totalité de 700 à 850 vers. Les autres textes proviennent d’imprimés, à commencer par un extrait de deux chapitres de la traduction de Bifrun du NT (Jean XIII–XIV) dans la partie h.-eng., par un extrait de la préface de Philippus Gallitzius, quatre psaumes (19, 46 en deux versions, 104) et un cantique du « Livre de Psaumes » de Chiampell pour la Basse-Engadine. Ces extraits de différents livres sont souvent très brefs, mais ils s’étendent jusqu’à des auteurs contemporains. Un petit glossaire rm.-all. (216–252) termine le livre et aide à comprendre les textes anciens, avec l’indication d’au moins une documentation des mots cités dans le glossaire. En 1883 suit déjà une Oberländische Chrestomathie (Ulrich 1883), qui contient des textes en surs. et suts.2 Les textes surs. commencent par deux chapitres de la traduction du NT de Luci Gabriel (Jean XIII.XIV) de 1648. Suivent sous le même nom deux psaumes (31.46) et trois cantiques, ainsi que les Dix Commandements, le Credo et le Notre père. Ce n’est que tout à la fin que ces pièces sont attribuées, correctement, à Steffan Gabriel, Ilg vêr Sulaz da pievel quivan (sic pour giuvan) (Ulrich 1883, 273). Suivent deux extraits des Epistolas ad Evangelis (…) du premier auteur indigène surs., Balzar Alig, parues en 1674 (BR 511), puis différents textes de dix-sept autres auteurs ou œuvres. Les textes surs. s’étendent jusqu’aux auteurs contemporaines aussi. La deuxième partie donne des textes en « Nidwaldisch », qui couvrent tout le territoire central des Grisons, donc aussi le surm. Les premiers textes sont des extraits du Catechismus de Bonifaci, les autres ouvrages représentés datent de la fin du XVIIIe ou du XIXe siècle, et les textes surm. proviennent du premier livre scolaire dans cette langue régionale de 1857 (BR 4380). Ce volume se termine aussi par un glossaire sur la base des textes qui y sont présentés. Ensemble, ces deux livres forment donc effectivement une première anthologie des textes rm. des débuts de la tradition écrite jusqu’aux années quatre-vingts du XIXe siècle. Ulrich a encore publié d’autres textes par la suite, dont une nouvelle anthologie Altoberengadinische Lesestücke (Ulrich 1898), de brefs extraits de vingt textes h.–eng., avec un glossaire. À partir de 1886 paraît la revue Annalas da la Societad retorumantscha (ASRR), une revue qui a offert la possibilité d’éditer de nombreux textes, surtout des textes juridiques des districts et communes engadinois. Mais on y trouve même des éditions récentes de textes anciens.3 Pour la version électronique de cette revue cf. 1.3.2.
2 Les deux chrestomathies sont unies dans une réimpression moderne sous le titre Rhätoromanische Chrestomathie (cf. Ulrich 1980), toutefois dans la succession inverse à leur date de publication. La dénomination « rhätoromanische Chrestomathie » se trouve déjà dans la préface à la Engadinische Chrestomathie (Ulrich 1882, VII). 3 Le texte du catéchisme de Bifrun, Una cuorta et christiauna fuorma […] (BR 639), le premier livre publié en romanche, est édité pour la première fois dans sa version la plus ancienne connue de 1571 par Jan-Andrea Bernhard (2008), 218–247.
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1.2.2 La Rätoromanische Chrestomathie et anthologies modernes Le plus grand recueil de textes romanches est la Rätoromanische Chrestomathie (RRChrest.), parue entre 1888 et 1919 en 13 volumes, dont 11 ont été édités par Caspar Decurtins. La RRChrest. a été publiée parallèlement en deux versions, d’une part dans différents volumes de la revue Romanische Studien 4 (1888) à 38 (1919), d’autre part sous forme de fascicules ou volumes séparés. Les 13 volumes contiennent des textes de toutes les variantes rm. du XVIe au XIXe siècle. La structure de l’ouvrage a été modifiée plusieurs fois pendant la publication, de sorte que le contenu des différents volumes varie. Ainsi, le premier volume, paru entre 1888 et 1895, contient des textes en surs., suts. et surm. du XVIIe au XIXe siècle. Pour l’eng., chaque siècle a reçu un volume à part. Ainsi, le volume V, paru comme troisième volume, est dédié complètement aux textes eng. du XVIe siècle, et les textes eng. du XVIIe siècle ont eut droit à un volume spécifique, le volume VI., de même que le XVIIIe et XIXe siècle. La Rätoromanische Chrestomathie a été rééditée entre 1983 et 1986. Elle s’est enrichie à cette occasion de deux volumes supplémentaires. L’un d’eux, le volume 14, reprend des textes folkloriques suts. qui avaient été collectionnés sur demande de Decurtins, mais qui n’avaient plus pu être publiés à cause de la mort de celui-ci en 1916. Plus important toutefois est le deuxième nouveau volume qui contient un index des noms et des matières, mais aussi des index spéciaux sur le type des contes qu’on y trouve, les motifs des légendes, des incipits des chansons et poésies et même des mss. utilisés. Ce n’est que par ces différents registres que la RRChrest. a vraiment pu être utilisée dans sa totalité, parce qu’ils ont permis de voir les connexions multiples entre les différents textes. Pour la version électronique de cette chrestomathie voir 1.3.1. À signaler encore le seul ouvrage moderne qui donne un choix très systématique de textes anciens, l’histoire littéraire Funtaunas de Gion Deplazes (1988–1993, vol. 1, 49–106). On y trouve des extraits de tous les textes mentionnés, à commencer par les trois textes méd. (49–52), La chianzun dalla guerra dagl Chiaste da Müs (53–58), les jeux bibliques (59–63), les textes de droit (69–72), puis toutes les publications nommées, toujours avec un choix de littérature secondaire. Cet ouvrage est écrit en rumantsch grischun (= rg).
1.3 Textes électroniques 1.3.1 La Crestomazia Digitala Dans les années 2008 et suivantes, J. Rolshoven de l’Université de Cologne a commencé à digitaliser la Rätoromanische Chrestomathie non seulement sous forme de photos de chaque page, mais avec un programme de reconnaissance du texte.
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Or, ces programmes ne sont pas très précis, surtout pour des textes déjà assez anciens et publiés dans des écritures qui ne sont plus utilisées aujourd’hui. On peut bien développer un programme capable de reconnaître toujours mieux les écritures, mais on arrive à des limites. Et même si on parvenait à une précision de 99%, cela ferait deux fautes sur trois lignes dans un texte en prose, soit quelque 200.000 fautes sur les quelque 7.250 pages des treize volumes de la 1e édition de RRChrest. En pratique, il y en a plus, puisque le taux de précision est plus faible. Pour pouvoir utiliser les textes, il fallait donc les revoir à la main pour corriger les fautes d’interprétation du programme. Heureusement un étudiant a accompli une très grande partie de ce travail énorme, Michele Badilatti. Comme il ressort de la page d’accueil, http://www.crestomazia.ch/, lui seul est enregistré avec non moins de 338.412 (31.03.2014) interventions dans le texte définitif de la RRChrest. Les textes anciens du premier et du cinquième volume que j’ai contrôlés le sont déjà tous. Grâce à Badilatti on a donc à disposition des textes électroniques assez fiables pour toutes sortes d’investigations linguistiques, même syntaxiques,4 sur toutes les aires rm. du XVIe au XIXe siècle.
1.3.2 Autres textes électroniques Des textes rm. ont aussi fait partie d’autres projets de digitalisation. Ainsi, la revue Annalas da la Societad retorumantscha est digitalisée et accessible sous http://retro. seals.ch/digbib/home. On peut y lire les textes, mais aussi faire des recherches. Les résultats montrent toutefois, que les textes ont bien passé un programme de reconnaissance de textes, mais qu’ils n’ont pas été revus ; le taux de fautes est d’environ 10%. Beaucoup de textes rm. anciens sont aussi inclus dans d’autres grands projets de digitalisation, comme par ex. les textes publiés dans les premières années des revues Archivio glottologico italiano, Romanische Forschungen et Zeitschrift für romanische Philologie, toutes accessibles par voie électronique. Mais on peut aussi consulter une grande partie des publications rm. anciennes par internet, grâce à différents programmes de digitalisation des grandes bibliothèques. Dans le programme www.erara.ch on trouve les textes du NT de Bifrun de 1560 et du Livre des psaumes de Chiampell en très bonne qualité, toutefois sans la possibilité de faire des recherches à l’intérieur des textes. D’autres textes ont été digitalisés par Google. La qualité n’est pas toujours bonne, et on ne peut travailler que on-line à l’intérieur des textes, sans pouvoir contrôler la pertinence des résultats de la recherche. Mais ils permettent en général au moins de vérifier la qualité des textes des différentes éditions complètes ou partielles.
4 Cf. Rolshoven/Lutz (2013). Pour des informations sur le projet cf. http://www.spinfo.phil-fak.unikoeln.de/forschung-drc.html (31.03.2014).
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2 Les premiers textes Comme il y a déjà dans le premier demi-siècle de documentation du rm. cinq variantes, dont au moins quatre ont eu des suites directes ou indirectes jusqu’à nos jours, les textes choisis ne peuvent donner qu’un aperçu de cette variété de langues écrites. Les textes sont repris des premières publications de chaque variété, à l’exception du premier, qui est bien le premier texte à disposition écrit entièrement en rm., mais qui n’est pas documenté dans sa version originale.
2.1 Gian Travers, La chianzun dalla guerra dagl Chiaste da Müs(1), 1527 Le ms. de cette chanson a été un des premiers ms. rm. à être publiés par Flugi (1865), cf. 1.2.1, qui n’est toutefois pas utilisable pour des questions linguistiques. Elle a été remplacée par l’édition de Schorta-Gantenbein (1942), dont le texte cité provient. Elle donne une version très exacte du texte du ms. et indique aussi les variantes d’autres mss. Le texte de cette édition est aussi consultable de manière électronique, cf. 1.3.2. L’édition des Schorta donne le texte exactement selon le seul ms. complet, sans intervenir dans celui-ci, même quand il est évidemment faux, ce qui laisse à l’utilisateur le soin de le remarquer et d’essayer de le corriger. Le ms. est daté du 1er avril 1639, il est donc assez tardif. On y trouve des graphies que Travers n’utilisait certainement pas, par ex. (perpöest v.2, vöelg v.7), une graphie qui a commencé à être utilisée sporadiquement dans un ms. de 1593 déjà, puis de manière assez systématique dans des mss. à partir de 1618. L’utilisation de pour [v] ne se fait que vers la fin du XVIe siècle en rm. ; elle n’était pas encore connue de Travers et de Bifrun. Travers utilise normalement pour [v], tandis que Bifrun utilise ou , cf. aussi oura ‘œuvre’ (v.3). Le texte est donc évidemment adapté à l’orthographe du temps où il a été écrit et n’a plus que des restes de l’orthographe originale, cf. le commentaire du texte sous (9).
5
10
Dalg tschiel(2) et terra omnipotaint Dieu Dom(3) gratzchia da cumplir lg’ perpöest(4) mieu Da te scodünn oura dêss gnir cumazeda(5) p(er) havair bun metz et meildra glivreda(6) Avaunt me he eau piglio(7) da quinter(8) Quaunt la guerra ans ho duos ans do da fer A la praisa dalg Chiaste da Claven(n)a vöelg cumanzer Et saitza(9) dubbi la pura vardæt üser Al Raig(10) d’Francia in las lias havet(11) prattichio(12) Da der guerra alg Milanais Düchiô, Seis Chiapitanis havet el hordino Et cumpagniums(13) da d alver(14) adatô P(er) que ün cusailg dals prosmauns(15) füt clamô Et la plü part dals capitaunis lo congregiô,
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(1) Le titre n’est pas original et la graphie n’est pas historique pour dalla au lieu de da la et de dagl au lieu de dalg, cf. v.1. (2) tschiel est une forme hybride entre tschil, qu’on trouve dans les anciens mss. de textes h.–eng. (Bifrun schil ou schijl), et tschel, la forme du XVIIe siècle et contemporaine ; les autres mss. ont la forme tschel. (3) Dom = do’m ‘donne-moi’ avec la forme PROPŎS ITUM . (5) La forme correcte non accentuée du pron. pers. am. (4) perpöest ‘résolution’ < PROPŎSITUM est cumazeda, cf.vers 7 cumanzer. Le copiste a probablement oublié le trait sur le (), qui est utilisé pour indiquer une nasale qui suit, cf. v.7 . (6) glivreda : nom abstrait de glivrer ‘finir’, typique eng. dans l’aire rm., cf. DRG 7,469–471. (7) piglio part. p. de pigler dans le sens de ‘prendre’. (8) avaunt me he eau piglio da quinter est influencé par l’all. (sich) vornehmen, etwas zu tun. L’influence des V composés all. se trouve donc dès les premiers textes. (9) saitza est une faute pour saintza. La forme saintza est la forme usuelle de Travers, et Chiampell a même la forme tzaintza, mais la graphie avec est abandonnée assez vite vers la fin du XVIe siècle déjà. Bifrun n’utilise pas la graphie ; il évite des graphies « qui ne sont pas utilisées dans la langue latine » (Gartner 1913, 14). (10) L’édition de la RRChrest. donne la forme Alg Raig, forme qu’on trouve effectivement dans le ms. C’est une version fautive du ms. pour Lg Araig, forme du vieux h.-eng. (Bifrun l’g araig Mt.2, 9), qui était évidemment plus courante au copiste du ms. (14) alver ‘lever’, forme avec prothèse typique eng. dans l’aire rm., tandis que les autres dial. ont levar, sans métathèse. (11) havet prattichio pers. 3 ind.p. antérieur avec la forme du p. simple havet, cf. aussi füt clamo v.13. (12) prattichio part.p. de praticher dans le sens de ‘payer pour qu’on vote pour des personnes ou des plans’, ici pour que soit votée la résolution de faire la guerre au Duché de Milan. (13) cumpagniums pl. de cumpagn, ‘compagnons’, ici compagnons de guerre, donc soldats. La forme provient d’une ancienne forme oblique *COMPANIŌNES , cf. DRG 4,417. (15) prosmauns pl. de prossem, ‘prochain’, mais ici par analogie. Le mot désigne les délégués à la diète des Trois Ligues qui décident les affaires qui concernent toutes les trois Ligues.
2.2 Durich Chiampell(1), Vn cudesch da Psalms […], 1562 En même temps que Bifrun est en train de traduire le NT en h.-eng., le pasteur Durich Chiampell s’et mis à traduire d’autres textes indispensables à la vie communautaire nouvelle, les psaumes et chansons religieuses nécessaires à la liturgie. Le titre complet, assez long, l’indique aussi : Les psaumes suun fatts è miss da chiãtar in Ladin ‘faits et mis pour chanter en engadinois’. Il ne s’agit donc pas d’une traduction en prose des psaumes, mais en strophes. La page de titre, dont on trouve une copie augmentée dans Deplazes (1988–1993) 1,87, indique aussi qu’une partie des psaumes avait déjà été mise en all. auparavant, « mais en partie non ». Le modèle, d’où parviennent la plupart des psaumes all., mais aussi des chansons ajoutées aux psaumes, a déjà été trouvé par Ulrich (1906, XI), le Nüw gsangbüchle von vil schönen Psalmen und geistlichen liedern […], Zürych 1540. L’œuvre de Chiampell n’est toutefois pas une simple traduction ; elle contient aussi des textes qu’on n’y trouve pas dans le Nüw gsangbüchle. Le livre contient 91 psaumes, dont 3 en deux versions (46.104.130), et 92 chansons. À la fin se trouve encore un catéchisme de 64 pages, toutefois non paginé, dont il n’existe pas d’édition moderne. Le livre a eu deux rééditions en 1606, l’une à Lindau (BR 558), l’autre à Bâle (BR 559). Le texte cité provient de l’original,
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p.33 et 34, cf. aussi Ulrich (1906, 1s.) avec quelques imprécisions purement graphiques. L’introduction aux psaumes se fait toujours de la même manière : Numéro du psaume en rm. et indication de l’incipit du psaume en latin, sigle de l’auteur du texte. Suit une indication sur les mélodies du psaume : ‘Peut se chanter comme les psaumes all. 1.2.12’ etc. Les psaumes commencent par une « synthèse ou contenu » du psaume, partie qui n’existe pas dans le Nüw gsangbüchle. La synthèse du premier psaume est assez longue avec 19 lignes et est omise ici. Ne sont retenues que la 1e et 4e strophe.
I LLGG CCUMMANT UMMANTZZAMAINT AMAINT DA LS P S SALMS ALMS
[33] Lg prüm psalm. Beatus uir qui non abijt in consil. &c L.O.(2) S’poa chiantar schkoa ls psalms tudaischks 1.2.12.13.15.73.124.130 La summa u cunteingamant(3) da quaist psalm ais quaist, (…) 34
[1]
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Bead quell huom ilg(4) qual nun uaa, Dauoa ils(4) pachiaduorse(5), Seis trawsch(6) cun ls infidels nun haa, Intauntr’ils schgiamgiaduorse(7), Moa metta tuotta seis dalet, In lg plæd(8) da lg Seinnger sulsulett, Quell s’paissa(9) dy è noatte. … Laud say a lg Bab èd eir hunur, A seis sa̞ingchisschem(10) fillge : A lg Sa̞ingk(10) Spiert eir plain d’tuott’amur, Chi ns’detta lg duun suttilge(11), Quai ais la gratzgia ch’nuo poaßn’yr Dawoa seis plæd è brichia pryr. Quai a gurbyr(12), dydt, Amen.
5
(1) Le nom de famille de l’auteur est écrit dans le livre même sous deux formes : Chiampel et Chiampell. La forme Chiampell est celle que l’auteur utilise lui-même dans ses préfaces au livre et au catéchisme. (2) La sigle L.O. signifie ‘Ludwig Oeler’, l’auteur du psaume all. (3) La forme correcte est cunteingamaint, cf. DRG 4,470. (4) Les formes de l’art.m. sont ilg < ILLUM et ils < ILLŌS , en forme apostrophée lg (1,6) et ls (1,3), avec palatalisation du [l] par [u] de la syllabe qui suit. Cette forme est encore commune à tous les dial. rm. à cette période, cf. Bifrun l’g et l’s, Gabriel igl – ils, cf. DRG 8,189. (5) Pour avoir des rimes féminines, qui sont rares en rm., aux mêmes endroits que dans le texte all., est ajouté un –e final aux formes rm. accentuées sur la dernière syllabe. Cet ‑e final se trouve seulement dans des cantiques et chansons, jamais en prose. On a des formes avec –e supplémentaire aux vers 2, 4 et 7. Cet –e final est utilisé aussi dans des cantiques surs., même dans des anciennes chansons populaires, cf. Giger (1975). (6) L’orthographe de Chiampell se distingue de celle de Bifrun entre autres par l’utilisation du graphème , qui est utilisé assez souvent pour écrire [v]. La répartition entre et n’est pas stricte ; en 1,2 on a , en 4,6 . Le graphème est utilisé pour [u] e [v] en
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majuscule, cf. ‘vient’ 2.1 vs. ‘viennent’. trawsch est une forme syncopée du travasch actuel, « activité ». (7) schgiamgiaduors_e ‘moqueurs’. Le mot de base est gia̞mgia (Ps.2, 3.3), b.–eng. giamgia, cf. DRG 8,154–156 s.v. Le texte rm. reprend le terme spotter de son modèle all. (8) plæd m. est le mot courant rm. pour ‘mot’, mais aussi ‘discours’ en général, non seulement ‘plaidoyer’, comme en fr., mais la base étymologique est la même. (9) s’paissa pers. 3 ind.prés.réfl. de pissar, pers. 3 paissa ‘penser’, aujourd’hui impissar, impaissa, cf. DRG 8,321– 325 (10). Le graphème qu’on trouve dans sa̞ingchisschem e Sa̞ingk est assez spécifique dans les anciens textes rm. La prononciation de ce graphème est [ɔ], et on le trouve chez Chiampell devant [n, nd, ɲ] et [m]. Dans ces conditions, le [a] latin et h.-eng. est passé à [ɔ] dans le reste du territoire rm., donc aussi en Basse-Engadine. (11) suttilg_e de lat. SUBTĪLEM avec la signification ‘sagace’, qui n’est plus connu aujourd’hui. La forme eng. actuelle est stigl et sa signification ‘mince, fin’. (12) gurbyr ‘obtenir (en implorant)’, un mot qui vient du germanique *hwerban et qui est entré très tôt dans le rm., puisqu’il est documenté dans toutes les régions et à partir des premiers textes, cf. DRG 7,1069–1073.
2.3 Steffan Gabriel, Ilg Vêr Sulaz da pievel giuvan. (1611) et Gion Antoni Calvenzano, In cuort muossament […] (1615) Après le Cudesch da Psalms de Chiampell, il n’y a que peu d’autres publications au XVIe siècle, toutes eng. La première publication non eng. date de 1601, le Catechismus de Daniel Bonifaci (BR 675). Bonifaci définit sa langue comme noß natüral linguagh da Tumlgiescka, ‘notre langue naturelle du Domleschg’, une région du côté droit du Rhin inférieur entre Thusis et Reichenau qui est presque entièrement germanisée aujourd’hui. Il s’agit d’une traduction d’un catéchisme all. du pasteur de Coire, Johannes Pontisella. Comme Bonifaci n’a pas eu de successeurs qui ont repris son orthographe et sa langue et à cause de l’espace limité à disposition, je renonce à donner un exemple de ce texte. Dix ans après le catéchisme de Bonifaci paraît le premier livre en surs., Ilg Vêr Sulaz da pievel giuvan de Steffan Gabriel, un catéchisme aussi. Celui-ci comprend 76 pages, mais il est suivi d’un catéchisme plus bref de 20 pages « pour ceux qui ne savent pas lire », qui devaient l’apprendre par cœur. Suivent encore 120 pages de psaumes et cantiques et 35 pages de prières (BR 2468). C’est donc pour un usage plus vaste que ce livre a été conçu. La même année a paru un deuxième catéchisme suts., Curt mossament (…), le premier livre catholique rm. écrit et publié par un prêtre italien, Gion Antoni Calvenzano, à Milan (BR 903). La 2e édition de ce catéchisme suit déjà en 1615, toutefois en surs., le premier livre en surs. catholique, à nouveau publié à Milan (BR 904). Malheureusement, il n’existe aucune édition complète de ces trois livres et les originaux sont très rares. Des deux éditions de Calvenzano, un seul exemplaire est connu, les deux à Milan. La Biblioteca chantunala grischuna ainsi que l’institut du DRG ont toutefois une xérocopie de ces textes. On trouve des extraits de ces trois livres dans la RRChrest (I, 9–17) pour la première version du catéchisme de Calvenzano, (I, 22–30) pour la deuxième. Les extraits du livre de Gabriel de 1611 ne se trouvent que dans les « Nachträge » (I, 755–762), et ils
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sont rudimentaires. Le Vêr Sulaz a connu 15 éditions rm., la dernière de 1840, onze all. et sept it.,5 le catéchisme de Calvenzano vingt éd. rm., la dernière en 1804. Le texte de Gabriel est emprunté à une édition des deux catéchismes, sans les psaumes et les cantiques, faite par Gangale (1948, 3s.), le texte de Calvenzano de la RRChrest (I, 24). Les douze articles du credo sont numérotés dans les deux textes ; le texte suit la numérotation de Gabriel. Steffan Gabriel (G) est originaire de Ftan en Engadine et a appris le surs. à Flims. Les deux faits ont eu des conséquences sur la langue et l’orthographe de son livre. Gion Antoni Calvenzano (C) est originaire de Marignano et il est certainement influencé par l’orthographe it., qui est alors aussi entrée dans le surs.catholique écrit, même si la plus grande partie de ces spécificités it. ont été éliminées plus tard. Comme il existe une étude sur les différences graphiques entre le surs.réformé et le surs. catholique (Caviezel 1993), je me limite à signaler les cas, sans les discuter dans le détails. vocalisme : G ün (a.1), Ünna (a.9) (Unna dans l’original) vs. C in, ina (RRChrest. I, 24, 1) ; influence eng. ; G terra (a.1) vs. C tiarra : terra est la forme de Flims, mais aussi eng. ; G sieu (a.2), naschieus (a.3) vs. C siu, naschius etc. : différence subrég. ; [eʊ] dans la région de la Foppa, [iʊ] en Lumnezia. Cf. Caviezel (1993, 118) pour Gabriel, (124) pour Calvenzano. consonantisme : G , C pour [ʎ] : G d’ilg (a.1), Filg (a.2) vs. C digl, figl ; G , C pour [ɲ] : G Sènger (a.2), vangyr (a.7) vs. C Segnier, ùegnir ; G , C pour [ʨ] : G dregchia (a.6), soingchia [sɔɲʨɐ] (a.9) vs. C dreggia, soingia. La différence principale est toutefois au début du mot, ou G utilise - vs.C - : G Chei (Gangale 1948, 5), C tgiei (RRChrest. I, 24, 40). Les trois différences sont influencées par l’eng. Pour les détails cf. Caviezel (1993, 52s.) pour Gabriel, (77s.) pour Calvenzano.
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Steffan Gabriel Jou creig enten ün Deus(1). Ent ilg Bab tutpussent, schkaffider d’ilg tschiel, a da la terra. Ad enten Jesum Christ, sieu sulet naschieu Filg, nies Sègner Ilg qual ei ratscherts d’ilg soing Spirt(2) ; naschieus da Maria juvantschella(3). Ilg qual ha andirau sut Pontio Pilato, mess si la crusch(4), morts, suttaraus, ieus(5) ad uffiern ; Ilg tierz gy eil lavaus(5) d’ils morts.
Gion Antoni Calvenzano Igl emprim, iau creig enten Diu(1) bab tot possent scafider digl tschiel à della tiarra. Ad enten siu solett soing figl nies Segnier Iesum Christum. Igl qual ei retschiarts digl soing Spiert(2) naschius da Maria purschialla(3). Ha endirau sott Pontio Pilato, ei crucifigiaus(4), mors a satteraus.
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Eij ius giu(5) ent’igls uffiarns, caud(6) igl tiers gi lauaus sij(5) da mort ent ùita.
5 Pour les éditions romanches cf. BR (265s.), pour les autres Bundi (1964) 147s.
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Jeus á tschiel : lou sê’l da la dregchia vart da Deus Bab tutpussent. Nunder el vên á vangyr á derscher sur ils vifs, a sur il morts. Jou creig ent ilg soing Spirt. Ünna soingchia cumminna(7) Baselgia, la qual ei cumminnonza d’ils soings. Ramaschun d’ils puccaus. Lavada da la carn. A la vitta perpetna. Amen.
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Ei ius a tschiel, sée da ùard dreggia digl siu bab tott pussent. Nonder ch’ell ùen à ùegnir a derscher igls ùiùs à ells morts. Iau creig ent’igl soing Spiert. Enta la soingia catholisca(7) Baselgia, comminonza dells soings. Remaschiun dells poccaus. La laùada d’la carn. A la ùita perpetna. Amen.
(1) G Deus, C Diu, c’est une différence de forme entre le surs.réformé et le surs.catholique qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui. Au XVIIe siècle pourtant, elle n’était pas encore fixe. Alig, premier auteur indigène surs.catholique, utilise Deus et Diu. La différence est un reste du système DE US vs. DE UM . On trouve les deux formes dans plusieurs régions, mais peu à peu, c’est à deux cas, DEUS soit l’une, soit l’autre qui a prévalu, sauf en surs.catholique, qui connaît encore les deux : Dieus et Diu. Pour la répartition de ces formes cf. DRG (5,225ss.). (2) G Spirt (a.3.8), C Spiert est plutôt une différence entre auteurs it. et surs. ; la forme actuelle [ʃpert] remonte à spirt, tandis que la forme b-eng. ancienne et actuelle est spiert. (3) G juvantschella est d’abord un mot eng. et surm., tandis que C purschialla n’est guère documenté en eng. Le mot signale une différence confessionnelle en surs. où il n’est utilisé que par des auteurs réformés. purschalla, la forme actuelle, correspond étymologiquement au fr. pucelle, cf. HWR 630. (4) G mess si la crusch, C crucifigiaus n’est qu’un choix entre deux formulations, connues des deux auteurs, toutefois avec de petites différences. Gabriel (Gangale 1948,17) a l’ei crucifichaus : morts : suttaraus et Calvenzano (RRChrest. I, 25, 24) mes ùid la soingia crusch. (5) G ieus (ad uffiern), C ius giu (ent’igls uffiarns) ; G lavaus (dils morts), C lauaus sij (da mort) montre une utilisation plus fréquente des V à particule dans le surs.catholique que dans le surs.réformé, certainement due au fait que Gabriel est eng., mais elle démontre aussi que Calvenzano a repris des spécificités du surs. parlé dans son texte. (6) C caud igl tiers gi ‘d’ici le troisième jour’, une forme qu’on trouve aussi souvent chez Alig, p.ex. Alig (BR 511) 258 : Iau vi caud treis dis gis lavarsi ‘Je veux ressusciter d’ici trois jours’, surs. actuel cheu da. (7) G soinghia cumminna Baselgia – C soingia catholisca Baselgia est plus une différence terminologique que idéologique, puisque cumin traduit catolic, cf. Calvenzano (RRChrest. I, 26, 17) ad ei Catholica pertgiei ell’ei cumina ‘et est catholique, parce qu’elle est commune’. La forme catholisca est influencée par l’all. Katholisch ; on trouve chez Calvenzano aussi la forme Catholischa (RRChrest. I, 25, 1).
3 La période actuelle 3.1 La répartition régionale des langues écrites actuelles Le romanche est écrit actuellement en cinq variantes régionales et une variante interrégionale. Des quatre variantes anciennes, une seule a disparu, le surs.réformé, qui a repris en 1924 l’orthographe surs. réformé catholique. Mais entre temps, le surmiran, qui avait été écrit plutôt sporadiquement pendant le XVIIIe et XIXe siècle, était devenue langue écrite régionale en créant entre 1897 et 1903 des manuels scolaires pour les premières quatre années (BR 1605, 1606 et 1609). La dernière des
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langues écrites régionales actuelles est le sutsilvan, créé en 1944 par G. Gangale en tant qu’orthographe commune pour les trois sous-régions Domleschg, Heinzenberg et Schams/Schons. Ces sous-régions avaient utilisé le surs.réformé à partir de l’édition de la traduction du NT par Luci Gabriel en 1648 et se sentaient prétéritées par le passage de leurs coreligionnaires sursilvans réformés à l’orthographe catholique. Par la suite, il y a bien eu une certaine renaissance du rm. dans ces régions qui n’a toutefois été que de courte durée. Selon le recensement de l’année 2000, le dernier disponible, le rm. est encore utilisé dans le territoire suts. par 1111 personnes (15,5%) et est indiqué par 571 personnes (7,9%) en tant que « meilleure langue ».6 Il est évident que le nombre de locuteurs de cette langue est tombé sous le seuil critique, non seulement pour maintenir en fonction une langue écrite, mais aussi pour garantir la survie de cette variété comme langue parlée. Du point de vue du nombre, la situation se présente un peu mieux en HauteEngadine. Il y a quand même encore 5497 personnes qui ont indiqué parler le rm. en famille, à l’école ou au travail. Mais ce ne sont que 30% des personnes habitant ce territoire. En plus, seulement 2343 l’indiquent en tant que « meilleure langue » (12,8%). Effectivement, les Romanches ont encore dans une seule commune de Haute-Engadine une courte majorité, S-chanf, la commune qui confine au territoire b.-eng. Les deux langues régionales les plus vitales sont le b.-eng. et le surs. Le b.-eng. est utilisé par 6448 personnes, 79,2% de toutes les personnes du territoire. Le surs. a, avec 17897 personnes, le plus grand nombre d’utilisateurs, qui ne font toutefois que 54,8% de la population totale du territoire. La répartition est assez déséquilibrée ; il y a des communes qui sont déjà très majoritairement all., comme le lieu touristique Flims, tandis que d’autres ont encore des pourcentages de 80 à 95% de Romanches. Mais dans ces régions aussi, il n’est pas possible de couvrir, même de loin, tous les besoins de la communication écrite par des textes en rm. C’est donc l’all. qui est la langue écrite la plus utilisée dans ces territoires aussi. Par conséquent, la langue parlée devient de plus en plus un mélange des deux langues, non seulement pour le lexique, mais aussi pour les structures syntaxiques. Pour pallier à une germanisation du territoire et de la langue et essayer de concurrencer un peu l’omniprésence de l’all. en tant que langue écrite, une langue écrite interrégionale, rumantsch grischun, a été créée à partir de 1982.7 Elle a eu un certain succès jusqu’en 2009 et avait même été introduite à partir de 2003 comme langue d’alphabétisation dans bon nombre d’écoles. Mais un changement dans la direction de l’école publique cantonale a remis en cause la continuation de cette pratique, de sorte que la plupart des communes qui avaient introduit la
6 Pour les chiffres régionaux cf. Gross (22004, 31), pour les détails des différentes communes Furer (2005) 7 La langue a été créée selon les directives de Heinrich Schmid, professeur à l’université de Zurich, cf. Schmid (1989), Darms (1994).
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langue interrégionale sont revenues aux langues écrites régionales comme langues d’école.
3.2 Anthologies de textes modernes Comme le nombre de textes littéraires publiés était limité et les éditions plutôt modestes jusqu’après la 2e guerre mondiale, il y a déjà eu très tôt des anthologies et des rééditions de textes. La première a été publiée par Lansel (1910) sous le titre Musa ladina. Y sont repris des poèmes eng. de tous les auteurs connus en ce temps, mais les textes sont « corrigés » par l’éditeur. Entre-temps, la mode littéraire, qui s’orientait au XIXe vers la langue et la littérature it., avait changé sous l’influence de l’irrédentisme it. Une deuxième édition est sortie en 1918 déjà. Peu après, suit une anthologie en rm. avec des traductions des poèmes en all. (Bundi 1920). Mais la première anthologie parue après ne date que de 1950, La Musa rumantscha / Musa romontscha, initiée par Lansel (1950) aussi. Comme le démontre le double titre, il s’agit d’une anthologie qui inclut des textes de toutes les variantes régiolectales. Pour ce procédé, cette publication a fait œuvre de pionnier. Elle a eu quelques émules, comme Prosa rumantscha – Prosa romontscha (AA.VV. 1967), avec des textes en prose des cinq langues écrites régionales aussi, et Deplazes (1988–1993), dont le volume 4 donne des textes de tous les auteurs contemporains rm. à partir de 1950 ; c’est certainement l’anthologie la plus représentative de la littérature contemporaine rm. actuelle. Il existe encore quelques anthologies spécifiques pour une seule région. Pour le surs., on peut signaler Prosa sursilvana, parue en 1963 (AA.VV. 1963) à la suite d’une guerre orthographique qui avait eu comme conséquence une interdiction de publier dans la nouvelle orthographe dans les publications officielles surs. Il existe aussi un livre portant le titre Prosa ladina, mais avec le sous-titre En versiun sursilvana (AA.VV 1971) ; il s’agit de traductions de textes eng. en surs. Les anthologies régionales modernes les plus représentatives ont été faites pour les besoins des classes supérieures de l’école publique. Du côté surs., c’est la publication Litteratura (Cathomas et al. 1981), du côté eng. ce sont les Clamaints (Guidon/Klainguti/Pult 21990). Surtout les Clamaints donnent un aperçu pratiquement complet de la littérature contemporaine eng.8 Il y a aussi des anthologies plus spécifiques, p.ex. pour la jeunesse (AA.VV. 1980), pour les femmes (Tuor 1993) ou des textes qui ont été présentés pendant les Dis da litteratura (AA.VV 2009). À signaler encore une anthologie de 21 textes rm. dial. qui sont présentés dans une version selon les normes régionales et avec traduction all. pour les non-scientifiques, mais qui a en annexe un Carnet agiuntà avec une trans
8 Il existe aussi des petits recueils pour des régions et subrégions, comme la Chasa Jaura (Luzzi 1972) pour le Val Müstair, ou Anturn igl Bavregn (AA.VV. 1975) pour la Sutselva.
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cription phonétique API et un disque compact des enregistrements eux-mêmes (Valär 2013). Il existe aussi des anthologies des textes rm. et/ou traduits dans d’autres langues. Je n’indique ici que l’ouvrage principal pour chaque langue. L’anthologie rm.-all. la plus étendue est Rumantscheia, parue en 1979 (AA.VV 1979), complètement bilingue. Pour le fr., il faut citer l’Anthologie Rhéto-romane de G. Mützenberg (1982). On y trouve aussi des textes des auteurs anciens, mais les textes en prose ne sont présentés qu’en fr. Pour l’angl., c’est Bezzola (1971) qui a fait le choix des textes à traiter dans The Curly-Horned Cow, tandis que les traductions ont été faites par des personnes de langue maternelle angl., Maxfield et Kibler. Les textes ne sont toutefois publiés qu’en angl. Des anthologies de textes rm. ont aussi paru en esp. (Crespo 1976), les textes toutefois seulement en esp, et en roum. (Popescu-Marin 1992), des textes en prose seulement en roum. Il y a également une anthologie trilingue : rm., frioul. et it. ([Pittana/Orelli 1978]), qui ne donne toutefois que des textes poétiques.
3.3 Textes électroniques modernes Il n’existe pas de corpus représentatif de textes rm. mod. Des sources électroniques sont toutefois disponibles. La source électronique la plus riche est l’archive de La Quotidiana, journal qui paraît six fois par semaine et dont les archives (www.suedostschweiz.ch/archiv) contiennent toutes les éditions à partir de juin 1997. Mais ces archives ne sont pas en libre accès et quelques articles sont payants. En plus, la langue de navigation est l’all. La Quotidiana contient des articles dans toutes les six variantes écrites, ce qui rend des recherches spécifiques assez difficiles.9 On trouve aussi la forme électronique complète de la revue mensuelle Punts, parue entre 1994 et 2011 (www.punts.ch/archiv.html), toutefois en forme d’un fichier pdf pour chaque numéro et sans la possibilité de recherche dans l’édition complète. Une quantité relativement grande de textes en rg. se trouve sur le site www.chatta.ch. C’est une base de données qui contient 2.313 (31.03.2014) textes représentatifs qui donnent une idée de tout ce qui s’est fait dans cette langue entre temps. À noter encore qu’il existe aussi une Vichipedia rm. (rm.wikipedia.org), qui contient 3.481 (31.03.2014) articles rm. dans toutes les variantes écrites, mais la plupart en rg. Les institutions rm. ont bien sûr aussi des pages web rm., toutefois le plus souvent avec une quantité très restreinte de textes. La page de la Radiotelevisiun Svizra rumantscha (www.rtr.ch) fait exception en donnant un assez grand nombre de textes, en général en rg. Malheureusement, je n’ai pas trouvé une page qui donnerait une vue
9 Un journal plus ancien qui a déjà été digitalisé est le Fögl d’Engiandina, paru de 1857 jusqu’à la fin de 1939 une fois par semaine. Sont disponibles les années à partir de 1887 (http://newspaper.archives. rero.ch/Olive/ODE/FGL_DE/) en forme de fichiers pdf.
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d’ensemble des pages web rm., mais un grand nombre est indiqué dans la partie lincoteca de la page du DRG, www.drg.ch. Quelques ouvrages de référence sont aussi accessibles par voie électronique. La première base de données accessible était le Pledari grond (www.pledarigrond.ch), un dictionnaire rg.–all., all.–rg., qui est tenu à jour de temps en temps. La dernière mise à jour date de fin mars 2014 et contenait 219.508 données. Entre temps, il existe aussi des dictionnaires électroniques de quelques langues écrites régionales, à savoir du b.eng. (www.udg.ch/dicziunari/vallader), de l’h.-eng. (www.udg.ch/dicziunari/ puter) et du surs. (www.vocabularisursilvan.ch). Tandis qu’il existe des deux premiers aussi une version publiée rm.–all. et all.–rm. (Tscharner 22003 ; 32007) le vocabulaire surs. (Decurtins 2001) est un lexique surs.–all. et la recherche des mots all. ne donne que leur apparition dans ce lexique. Il existe aussi un lexique de toutes les variantes rm. écrites d’une part, de l’all., du fr. et de l’it. d’autre part (www.pledari.ch), qui est assez intéressant du point de vue linguistique, puisqu’on y trouve la version écrite des six langues écrites rm. Reste encore à signaler l’ouvrage de référence pour l’histoire, le Lexicon istoric rumantsch (Bundi/Collenberg/Gross 2010–2012), une version raccourcie en rg. ne traitant que des thèmes des Grisons et ses alentours du « Dictionnaire historique de la Suisse », qui peut aussi être consultée par voie électronique (www.e-lir.ch).
4 Échantillon de textes actuels Comme il existe toujours six langues rm. écrites, il n’est pas possible de donner pour chaque variété un exemple textuel. Je me limite donc ici d’une part à un texte en b.eng. et en surs., les deux langues écrites régionales avec le plus grand nombre de locuteurs, d’autre part à un texte dans la langue standard rg.
4.1 Rut Plouda-Stecher, La chapütscha(1) Le b.-eng. est bien accessible par des grammaires, p.ex. Ganzoni (1983), dans laquelle les indications sont données en b.-eng. et en fr., et par des dictionnaires. Le plus récent est celui de Tscharner (22003), qui est aussi accessible par voie électronique, cf. 3.3. Il existe aussi un très bon dictionnaire b.-eng.–fr. (Taggart 1990). Pour l’auteure du texte, on ne trouve nulle part autant d’informations que dans http://de.wikipedia. org/wiki/Rut_Plouda-Stecher.
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Ün sulai d’instà(2) batta giò sülla cuntrada muntagnarda. La via natürala bütta nüvlas da puolvra cur ch’ün auto passa. Id es aint pel davomezdi(3). Üna duonna giuvna fa sia spassegiada. Ella es in spranza(4). Minchatant as ferm’la per guardar co ch’ün splerin(5) svoula d’üna fluor a tschella. I paran be impissamaints, quistas chürallinas. La duonna chamina a l’ur da la via. Là pro la storta vezz’la(6) üna chapütscha verda aint illa chünetta. Ella as sgoba e tilla(7) clegia sü. Quai es üna da
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quellas chapütschas cun ala chi portan homens e mats, üna chapütscha a la moda veglia. I paress plüchöntsch üna chapütscha d’ün mat, giò da la grondezza. La duonna s’algorda d’avair vis ad ün mat(8) impedì chi portaiva üna da quistas. Ella nu sa plü scha quai d’eira in ün film. Quel mat vaiva ögls schlinchs ed üna bocca averta(9). El sumagliaiva ad ün hom vegl cun quella chapütscha. I para cha la duonna stübgia ün mumaint. Lura pigl’la la chapütscha e tuorna a chasa. La chapütscha vain pozzada sün üna sopcha in chadafö(10), davo es ella ün pêr dis sülla gardaroba our in piertan. E lura riva(11) ella sülla curuna d’üna s-chaffa(12) aint in stanza da durmir. Vair duos mais plü tard va la duonna aint in chombra e riva la s-chaffa. Ella tschertga alch(13) sün las curunas. Seis corp es stigl, bod majer. Ella ha parturì seis uffant. – Qua, la chapütscha ! Ün mumaint sta la duonna là sainza as mouver. Ma lura schlavazz’la(14) la chapütscha cun tuotta forza aint per la paraid(15), ed amo üna jada, ed amo üna jada. La chapütscha tuorna adüna inavo. Uossa tilla maltratta la duonna culs peis. Lura tilla pigl’la sü da parterra(16), va in chadafö e tilla bütta aint illa sadella dal s-chart(17). I dà ün sfrach cur cha l’üsch da la s-chaffina as serra. – E la duonna pozza seis cheu sün maisa e scuffuonda(18).
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Litteratura 17 (1994, 63). (1) Le mot chapütscha ‘casquette’ montre deux spécificités phonétiques et graphiques de l’eng. : palatalisation du C latin devant A et graphie du [ʨ] avec d’une part, maintien de [ʏ] et graphie d’autre part, cf. surs. capetscha (avec [e] < [i]). (2) d’instà est forme adverbiale de stà, ‘en été’, devenue d’usage attributif aussi. (3) davomezdi ‘après-midi’ avec la préposition typique b.-eng. davo, tandis que le h.-eng. a zieva, le surm. siva, le suts. suainter et le surs. suenter dans cette signification. (4) esser in spranza ‘être enceinte’ ; littéralement ‘être en espérance’. (5) spler (in) ‘(petit) papillon’, une signification qui connaît beaucoup des variantes régionales Une variante interne est chüralla, cf. l.4 chürallinas, pour lequel le DRG 3,657s. ne donne toutefois que des exemples h.-eng. (6) vez’la est la forme apostrophée de vezza ella, forme courante en eng. aussi dans la langue écrite, tandis qu’elle est seulement orale en surs., où la forme est aussi légèrement différente : ['vɛ:zɐla] de vesa ella. (7) Forme typique b.-eng. du pron. obj. de la 3e personne, combinaison de ta + il(la) ‘te le/la’, mais devenue forme de la 3e pers. sans référence à la 2e. La forme a l’avantage d’être plus claire que la forme originale de la 3e pers. al/la, de laquelle ne restait que l’ devant voyelle. (8) vis ad ün mat est construit avec OD prép. qui, dans l’aire rm., est typique pour l’eng. et n’a pas de parallèle dans les autres régions. Il est nommé aussi « accusatif personnel », parce que la prép. n’est utilisée que si l’OD désigne une personne ou un animal de compagnie. La distinction entre la construction avec OD prép. et OI avec la préposition a n’est pas toujours simple à faire, cf. l.9 : sumagliaiva ad ün hom vegl = ‘ressemblait à un vieil homme’, ce qui laisse supposer un OI, mais surs. semegliava in um vegl est construit avec OD. (9) ögls slinchs ed üna bocca averta ‘des yeux bridés et une bouche ouverte’, description d’un enfant mongolien. (10) chadafö ‘maison du feu’ est un mot spécifique eng. pour ‘cuisine’ ; les autres régions ont des mots du type surs. cuschina. (11) riva est ici pers. 3 ind.prés. de rivar ‘arriver’, mais en l.13 de rivir ‘ouvrir’. (12) s-chaffa montre la graphie pour [ʃʨ] pour le différencier de [ʃ] et [ʒ]. (13) alch ‘quelque chose’ est typique du b-eng., cf. DRG 1,167s. Le mot correspondant h.-eng. est qualchosa, surm. ensatge, surs. (en)zatgei. (14) schlavazzar ‘lancer, jeter’. (15) aint per la paraid ‘contre le mur’ avec une combinaison des deux prép. aint et per assez fréquente en eng., cf. DRG 1,151s. (16) parterra se base sur le groupe prép. par terra ‘(être) par terre’, substantivé ici à parterra ‘sol (d’une chambre)’. Cet usage est exceptionnel et ne se trouve pas dans les dictionnaires. (17) sadella dal s-chart ['ʃʨart] ‘poubelle’ ; dénomination sur la base de l’all. ‘Abfalleimer’, type courant de formation de dénominations rm. (18) scuffuondar ‘sangloter’.
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4.2 Leo Tuor, Cu ti eis gronds … Pour le surs., on a aussi à disposition une grammaire très détaillée (Spescha 1989) et un dictionnaire exhaustif surs.-all. (Decurtins 2012), dont une édition plus ancienne (Decurtins 2001) est aussi accessible par voie électronique, cf. 3.3. Il existe en plus aussi un bon dictionnaire rm. surs.– fr. (Furer 2001). Les informations les plus exhaustives sur l’auteur se trouvent sur www.bibliomedia.ch/de/autoren/Tuor_Leo/, en fr. www.culturactif.ch/ecrivains/tuor.htm. Le texte provient de Onna Maria Tumera ni Ils antenats de Leo Tuor (2002), un ouvrage traduit aussi en all. (Egloff 2004) et en fr. (Rosselli 2014). « Cu ti eis gronds(1), vas ti sin claustra(2) », veva(3) il padrin detg. El fageva in meter e dudisch. Cu el fuva gronds, leva el fimar pipa, sco il padrin, cun tubac Amsterdamer(4), sco il padrin, senza stuer tuscher(5) e senza stuer sferdentar(6) traso cun aua freida il péz dalla lieunga che barschava suenter aunc pli fetg. El mava, cu el era gronds, cun motor sco’l padrin, patertgava el, cu el seseva davos e seteneva fetg(7) entuorn veta(8) a lez e struclava ferm la fatscha encunter la camischa da fliec(9) che suflentava(10). E tschel mava sc’in scroc sin via cantunala ch’era buc(11) aunc asfaltada, e nus vevan bu(11) capellinas e bu resti da curom, ed il tempo fuva bu limitaus, e davos nus schavan nus ina puorlanza(12) ed ella puorlanza las chitschabenas(13) da fauvés(14) dils anno 50 che vevan il blinker(15) che fuva in paliet(16) che vegneva ora sut il tetg sper la porta. Ni ch’el seseva davon ed il padrin fuva in chenguru, ed el senteva il cauld dil venter d’in um. La tatta sevilava che ses fegls seigien stuornadira(17) ed « il buob ha a mi buca dad ir sil téf(18) ! » « Töf(18), tatta, töf ha quei num. » El panzava(19) buca fetg stuorn(20), el fageva in meter e dudisch, e quei dad ir sin claustra fuva aunc lunsch naven. Quels che mavan sin claustra fuvan silmeins in meter e tschunconta, ed aschi spert vegnevan ins buca schi gronds. Mintganton cu il padrin fuva in chenguru, decideva el da buca crescher vinavon. Denton el temeva da daventar in sco’l Gog(21), in gnom cun ina cavazzuna sil tgierp d’in nanin. (…) Tuor (2002, 64s).
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(1) Forme typique du surs. qui utilise une forme spécifique des adj. au m.sg. en fonction prédicative : in grond buob vs. il buob ei gronds. Le ‑s final est un reste de l’ancien nom.sg. lat. en –s qui s’est maintenu dans cette fonction en surs. Pour les détails cf. Spescha (1989, 262, §219b). (2) ir sin claustra ‘aller au monastère’ est une locution fixe pour ‘aller au gymnase’. Le seul gymnase de la Surselva est l’école du monastère de Disentis ; à ne pas confondre avec ir en claustra ‘aller au couvent’. (3) veva est la forme courte courante dans la langue parlée pour haveva de la langue écrite. La forme orale est de plus en plus utilisée aussi en langue écrite. Des formes analogues sont leva (l.2) pour vuleva, tandis que schavan (l.7) pour laschavan ‘laisser’ est aussi la forme la plus usuelle dans la langue écrite. (4) Amsterdamer était une sorte de tabac un peu plus cher et qui dégageait une meilleure odeur que p.ex. son concurrent « Batavia ». (5) tuscher est une forme dial. assez fréquente pour tuoscher de la langue écrite. (6) sferdentar ‘refroidir’, dérivé de freid montre un système assez typique pour le rm. de former des V factitifs avec le suffixe –entar, cf. Meyer-Lübke (1890–1902, II, 614, §592). (7) fetg montre la différence de graphie du [ʨ] entre le surs. et l’eng., ou le mot est fich. Mais il y a aussi des différences de répartition du son [ʨ] ; tetg (l.9) s’appelle tet en eng. et camischa (l.5) correspond à l’eng. chamischa avec [ʨ] initial. (8) veta signifie normalement ‘vie’, ici par contre ‘taille’, donc ‘se tenir par la taille’. (9) camischa da fliec ‘chemise de flanelle’. Le mot flanella existe aussi en rm. ; fliec
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est plutôt archaïque. (10) suflentar est un dérivatif de suflar et doit signifier ici ‘flotter’. (11) bu est la forme de la langue parlée et n’est pas acceptée par les ouvrages normatifs, qui prétendent buc ou buca, cf. Spescha (1989, 498 §490,2). Dans cette phrase, la forme buc est utilisée avant voyelle, bu avant consonne. Plus tard, on trouve aussi la forme buca (l.13.15 (2x)), ici même dans le discours direct de la grand-mère (l.11). (12) puorlanza est dérivé de puorla ‘poussière’ et signifie ‘nuage de poussière’. Dans les dictionnaires on trouve purlanza. (13) chitschabenas (sic) n’est pas clair ; probablement une composition de chischta (sic) ‘caisse’ e bena ‘charret’. Les deux sont utilisés pour désigner des voitures de manière péjorative. (14) fauvés décrit la prononciation des voitures VW sur la base de leur prononciation all., qui a aussi été reprise en rm. (15) blinker ‘clignotant’ est repris de l’all. et il est courant dans la langue parlée, tandis que la langue écrite propose sbrinzlader, une traduction du mot all. (16) paliet est assez typique pour le surs. ; le mot eng. est frizza, surm. frezza, repris de l’it. (17) stuornadira, un f.sg. qui désigne toutefois le collectif de ses fils, des ‘fous’ selon la grand-mère. (18) téf [tef] est la prononciation de l’ancienne génération pour töf ‘moto’, repris du suisse all. Töff. Comme le système phonétique du surs. ne connaissait pas le son [ø], il a été remplacé par le son le plus proche du système [e]. La nouvelle génération, confrontée beaucoup plus tôt et plus fréquemment avec l’all., sait prononcer ce son. (19) panzar est le même mot que penser, mais la signification est ‘se faire des soucis’. (20) fetg stuorn est une formulation très spécifique pour ‘très fort’ qui appartient soit au langage local ou au langage des jeunes. On n’en trouve aucune trace dans les dictionnaires. (21) Gog n’est pas une figure de la tradition rm. ; le DRG ne donne aucune documentation du mot.
4.3 Rumantsch grischun : La vart stgira
Le rg. a été crée pour des textes, où seulement une variante rm. pouvait être utilisée. Il a donc surtout été appliqué à des textes fonctionnels, la plupart des traductions. Un texte non-littéraire est donc plus représentatif pour cette variante. Pour le lexique, on peut utiliser le Pledari grond (www.pledarigrond.ch), cf. 3.3. Il existe aussi un dictionnaire plus réduit Langenscheidt RR rg – all. et all. – rg qui contient à la fin aussi une grammaire élémentaire. Une grammaire plus détaillé peut être téléchargée sous http://lettres.unifr.ch/fileadmin/Documentation/Departements/Langues_et_litterature/Plurilinguisme_et_didactique_des_langues_entrangeres/Documents/RR_Documents/Grammatica_RR.pdf. Comme il faut prendre en considération toutes les langues écrites régionales pour expliquer la forme du rg, je me limite ici à quelques exemples typiques pour l’argumentation de quelques formes choisies. Le texte provient de l’ouvrage Découvrir l’histoire de F. de Capitani. Il a été traduit dans les quatre langues nationales et en anglais. La version rm., Scuvrir l’istorgia, a été procurée par I. Cathomen (1998). a) phonétique et graphie Le rg. est conçu en tant que Ausgleichssprache, de manière à avoir à peu près la même distance des cinq langues régiolectales. Le problème graphique le plus difficile a été la fixation des graphies pour le son [ʨ], écrit en eng., dans les autres régiolectes. Il a été résolu par une répartition complémentaire : à l’interieur et à la fin, au début du mot avant et (< [a])), ce qu’on voit très bien par stgira ‘sombre’ (titre) (eng s-chür, surm. stgeir, surs. stgir) d’une part,
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chastè ‘château’ (l.1) (eng. chastè, surm., surs. casti), chasa ‘maison’ (l.7) (b.-eng. chasa, surm. tgesa, surs. casa) d’autre part. La graphie est en plus maintenue dans des mots composés analysables : tegnairchasa ‘économie domestique’ (l.2), surchombras ‘grenier’ (l.3). Pour plus de détails cf. Schmid (1989, 62). b) morphosyntaxe La fixation de la négation a été difficile aussi, puisque l’eng. utilise nu/nun + V : el nu vain hoz, le surs. V + buc(a) : el vegn buc oz. Le surm. a toutefois encore la négation double : el na vegn betg oz, au moins selon la norme, moins dans la langue parlée (cf. Signorell 1987, 125). C’est la forme surm. qui a été reprise en rg, ici (l.1) avec apostrophe devant , prononcé [a]. La formation des part. varie dans les différents régiolectes. Pour les verbes en ‑ar les formes sont : b.-eng. güdà, ‘aidé’, h.-eng. güdo, surm. gido, surs. gidau, rg gidà. L’accent a la fonction de différencier dans la langue écrite la pers .3 ind.prés. gida ['ʥiːdɐ] de la forme du part. [ʥɪ'da]. Mais il indique aussi que le pl. ne se fait pas seulement en ajoutant un ‑s final, mais est plus complexe : au part., la forme du pl.m. est gidads (b.-eng. güdats, h.-eng. güdos, surm. gidos, surs. gidai). Cela vaut d’ailleurs aussi pour chastè (l.1) dont le pl. est chastels. Les formes f. sont régulières dans tous les régiolectes, rg. gidada, pl. gidadas, cf. restada zuppada (l.2) ; laschadas (l.13). Des différences assez grandes entre l’eng. et les autres régiolectes existent aussi dans la flexion des réflexifs. En eng., l’aux. est toujours avair, tandis qu’il est soit avair, soit esser dans les autres régiolectes. han sa laschadas servir suit donc la règle eng., tandis que è la natira sa transfurmada (l.15) suit le système des autres régiolectes. c) lexique tegnairchasa ‘économie domestique’ (l.2) est formé sur le modèle de l’all. Haushalt. Le verbe tgnair chasa (prononcé ['tɲaɪr]) sur la base de l’all. haushalten existe aussi en eng., mais le subst. correspondant est plutôt economia, comme en fr. Il en est probablement de même pour le type de composition patrun-chasa ‘maître de maison’ (l.10), influencé par l’all. Hausherr. Bien des mots sont propres à tous les régiolectes dans leur forme de base, mais diffèrent dans les détails. C’est le cas de uffants ‘enfants’ (l.8) : b.-eng. uffant, h.eng. iffaunt, surm. unfant, surs. affon, mais en surs.réformé uffon ; la forme uffon est encore utilisée de nos jours par des auteurs protestants.
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In chastè sco Prangins n’ha betg mo cumpiglià stanzas grondiusas ed in’administraziun signurila, mabain er ina structura impressiunanta per il tegnairchasa, ch’è dentant restada zuppada. Stallas, tschalers, surchombras e la cuschina han appartegnì a quest sectur che ha garantì il provediment ed il mantegniment da la vita en il chastè. Davos las culissas ha in grond dumber da servients e servientas lavurà per dar al mintgadi l’aspect dal natiral e d’ina vita senza fadias. Igl signur dal chastè ha regularmain envidà diesch fin ventg persunas a maisa : la famiglia, l’administratur, il pli savens er ils magisters da chasa dals uffantse
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quasi adina giasts da dalunsch e damanaivel. Il pli savens è la visita restada plirs dis u schizunt emnas : ospitalitad vers persunas da la medema posiziun sa chapiva da sasez per il patrun-chasa. Talas visitas han er gidà a crear e mantegnair la rait da las relaziuns famigliaras ed amicalas uschè impurtantas per b[a]rattar infurmaziuns e novas ideas. Per mantegnair ina tala vita splendida hai duvrà almain tantas servientas e tants servients sco persunas ch’han sa laschadas servir. Surtut la cuschina ed il mantegniment da la vestgadira han pretendì forzas da lavur qualifitgadas. Grazia a la capacitad da la cusunza e da la cuschiniera èn simpels products primars vegnids midads en furmas magnificas, è la natira sa transfurmada en art.
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Cathomen (1998, 73).
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Heidi Siller-Runggaldier
25 Testi ladini Abstract: Introduce il contributo una breve presentazione delle singole varietà ladine e della loro distribuzione territoriale nonché l’elencazione di alcuni tratti fonetici e morfologici condivisi con le varietà friulane e romance dei Grigioni, insieme alle quali, secondo una tradizione ormai secolare, il ladino viene considerato parte integrante del cosiddetto ‘retoromanzo’. Segue la presentazione di tratti fonetici/fonologici, morfologici, sintattici e lessicali dei singoli idiomi, e anche di antologie e corpora ladini. Il contributo si chiude con l’analisi di testi gardenesi e fassani delle origini e moderni, di cui sono evidenziati tipici tratti grafici/fonetici, morfosintattici e lessicali. La scelta del gardenese e del fassano, appartenenti il primo insieme con il gaderano alle varietà ladine settentrionali, il secondo con il livinallese e l’ampezzano a quelle meridionali, permette di individuarne convergenze e divergenze, queste ultime in parte distintive dei due gruppi.
Keywords: ladino, gardenese, gaderano, fassano, livinallese, ampezzano
1 Il ladino Con il termine «ladino» si indica generalmente un gruppo di idiomi romanzi parlati da una popolazione di ca. 30.000 persone intorno al massiccio del Sella nelle Dolomiti, catena montuosa situata nel nord-est dell’Italia, non lontano dal confine con l’Austria. Il territorio corrisponde storicamente grosso modo al dominio del principevescovo di Bressanone, per cui vi si riferisce anche con il termine «Ladinia brissinotirolese». Il lad. è costituito dalle seguenti varietà: – il gardenese, parlato nella Val Gardena, e il gaderano, cui vanno associati il badiotto e il marebbano, in uso rispettivamente nella Val Badia e nella sua vallata laterale Marebbe (Provincia di Bolzano), – il fassano con le varianti cazét dell’alta, brach della bassa Val di Fassa e moenat, varietà di Moena (Provincia di Trento), – il livinallese, varietà del Comune di Livinallongo nell’alta Valle del Cordevole, e l’ampezzano, varietà di Cortina d’Ampezzo (Provincia di Belluno).1 A partire dai Saggi ladini di G.I. Ascoli del 1873, gli idiomi ladini vengono considerati parte integrante di un’unità linguistica più ampia che ingloba anche gli idiomi
1 Per i singoli idiomi saranno in seguito adottate le seguenti abbreviazioni: gard. (gardenese), gad. (gaderano), fass. (fassano), livin. (livinallese), amp. (ampezzano).
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romanci dei Grigioni e le varietà friulane, riunite ormai secondo la rispettiva tradizione sotto l’etichetta di ‘retoromanzo’. Fra i tratti comuni vanno solitamente annoverati: la palatalizzazione di lat. CA e GA in parole come cian2 ‘cane’ < CANE ( M ) e gial ‘gallo’ < GALLU ( M ) , la conservazione dei nessi consonantici di «muta cum liquida» fl, gl, kl, pl in parole come flama ‘fiamma’ < FLAMMA ( M ) , dlacia3 ‘ghiaccio’ < * GLACIA ( M ) , tler ‘chiaro’ < CLARU ( M ) , plan ‘piano’ < PLANU ( M ) , la conservazione della -s finale nelle forme di pers. 2. dei V (tu ciantes ‘tu canti’), il mantenimento della -s finale come marca del pl. per N m. e f. (i mulins ‘i mulini’, la ciampanes ‘le campane’) e.a. Tratti fonetici caratterizzanti i singoli idiomi ladini4 Il gard. si riconosce dai suoi tipici dittonghi, tra cui i dittonghi discendenti au [aw] come in ciauza ‘calza’, ei [ej] come in mei ‘maggio’, ëu [æw] come in sëur ‘sapore’ e ue [uə] come in uedli ‘occhi’, nonché i dittonghi ascendenti ië [jæ] come in maië ‘mangiare’ e ua [wa] come in guant ‘vestito’. Il gad. dispone con ö [ø] e ü [y] in parole come löna ‘luna’ e füch ‘fuoco’ di vocali anteriori arrotondate, con distribuzione in parte complementare nel badiotto e nel marebbano (cf. bad. ['kyna], mar. ['køna] ‘culla’). La laterale l in posizione intervocalica è in parte sottoposta a rotacismo come nel caso di para ‘pala’. È fonologica la quantità delle vocali; così in coppie minime del tipo [myːʃ] ‘visi/facce’ e [myʃ] ‘asino’. Il fass. non conserva i nessi con l. La laterale [l] è passata a [j] e sostituisce in parte l’intero nesso: chief ‘chiave’, più ‘più’, eie ‘occhio’. Diversamente dagli altri idiomi ladini, il fass. conserva la -r come marca dell’inf. in tutte e quattro le coniugazioni: ciantar/cianter ‘cantare’, plajer ‘piacere’, perder ‘perdere’, dormir ‘dormire’. Nel livin. il nesso CL, contrariamente al gard. e al gad., si è fermato allo stadio di gl come in ogle ‘occhio’. A prescindere dai dittonghi condivisi con le altre varietà, il livin. si distingue per il dittongo discendente óu [ow] (sóu ‘sapore’) e quello ascendente uó [wo] (nuóf ‘nuovo’) in posizioni, dove gli altri idiomi sono pervenuti a soluzioni divergenti. Nell’amp. l’affricata prepalatale sonora [ʤ] è passata alla fricativa dentalealveolare sonora ś [z] come in i śoen ‘i giovani’ e śì ‘andare/camminare’ (cf. Kattenbusch 1994, 263). L’amp. è inoltre caratterizzato da rotacismo di l intervocalica, che ha agito anche sull’art. f. sg. e pl. ra nonché sul pron. cl. f. della pers. 3. ra e della pers. 6. res.
2 Questo e i prossimi esempi sono presi dal gard. 3 Come si può vedere da questo e il prossimo esempio, nel gard., come d’altronde anche nel gad., i nessi consonantici gl e kl sono passati a dl risp. tl. 4 Per questi e tutti gli ulteriori tratti linguistici degli idiomi ladini cf. Cancider/Menardi/Menardi (2003); Elwert (1943); Gallmann/Siller-Runggaldier/Sitta (2008), (2010), (2013); Kramer (1977−1978); Kramer (1988−1998); Mischì (2000); Pellegrini (1974).
Testi ladini
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Tratti morfologici Il pl. dei N m. è formato in generale con -(e)s o con -i. La desinenza -i conduce in molti casi alla palatalizzazione della consonante che la precede (cf. gard. tët ‘tetto’ [t] – tëc ‘tetti’ [ʧ]). La distribuzione delle due varianti varia da idioma a idioma. Per i N f. vale la desinenza -(e)s, eccetto per il livin. e il fass. della bassa Val di Fassa che hanno il pl. in -e. Costituiscono una caratteristica particolare i pron. pers. tonici e atoni. Di questi ultimi sono completi però solo i pron. procl. nel gad. Il gard., fass., livin. e amp. dispongono invece di forme procl. solo per le pers. 2., 3. e 6. Le forme encl. sono complete nel gad., livin. e amp.; il gard., per contro, ha forme Ø per le pers. 2. e 5., il fass. per la pers. 5. Tratti sintattici Al riguardo, le differenze fra gli idiomi settentrionali (gard. e gad.) e quelli meridionali (fass., livin., amp.) sono in parte notevoli. I primi due sono lingue V2, quindi a verbo secondo, gli altri tre sono lingue SVO . Ne risultano strutture sintattiche diverse che si rispecchiano tra l’altro anche nell’uso divergente dei pron. soggetto. Mentre negli idiomi meridionali i rispettivi pron. tonici vengono reduplicati con quelli atoni nelle pers. 2., 3. e 6., in quelli settentrionali c’è reduplicazione solo per la pers. 2. nel gad. dell’alta Val Badia; essa è invece assente nel gad. della media e bassa valle e nel gard. Gli idiomi meridionali realizzano la struttura impersonale con il pron. si, quelli settentrionali con il pron. derivato da ŪNUS . Negli idiomi settentrionali la negazione frasale è doppia (ne.. nia, in posizione rispettivamente pre- e postverbale), in quelli meridionali invece semplice (no, in posizione preverbale). Tratti lessicali A parte le molte parole in comune, riconducibili allo stesso etimo lat., si registrano anche parole di diversa matrice e provenienza. Se sono equivalenti semanticamente e derivati dalla stessa base, possono però deviare per es. rispetto al suffisso, come nel caso dei termini per ‘boscaiolo’ derivati dal lessema per ‘bosco’. Gard. buschier e fass. boschier sono N derivati con il suffisso ‑ier, il N equivalente livin. boscadou invece con il suffisso -(a)dou. Nel gad. corrisponde loro la polirematica laurant de bosch ‘lavoratore di bosco’ che evidenzia tra l’altro anche la propensione del lad. verso una lessicalizzazione analitica con cui riesce a compensare la minore copiosità del proprio lessico rispetto ad altre lingue. Altre divergenze sono motivate dalla diversa origine della parola come nel caso dei lessemi per ‘sindaco’: sono prestiti dal sostantivo tedesco Anwalt i lessemi ambolt nel gard. e ombolt nel gad. e nel fass. dell’alta Val di Fassa, mentre nelle restanti varietà il rispettivo concetto è espresso con il composto determinativo endocentrico capocomun.
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Mappa 1: La Ladinia e le sue vallate, indicate con i rispettivi nomi ladini.
2 Antologie Con la pubblicazione del compendio Bernardi/Videsott (2013), la Ladinia dispone ora di un’antologia contenente tutti i testi letterari redatti in lad. reperibili a partire dal XVII secolo fino al 2012. Il concetto di «letteratura» che ha guidato la scelta dei testi è inteso in senso lato, non vincolato da rigidi criteri di qualità e di tematica. Quest’opera si presenta quindi come una rassegna di tutto quanto può essere interpretato come espressione di coscienza lad. La pubblicazione è uscita in tre volumi, suddivisi cronologicamente: il primo volume (I) è dedicato alla letteratura del periodo tra gli inizi e il 1945 in Gardena, Badia, Fassa, Livinallongo e Ampezzo (pp. V–XII, 1–524), il secondo volume (II,1) alla letteratura del periodo dal 1945 ad oggi in Gardena e Badia (pp. V– XIV, 525–1014), e il terzo volume (II,2) a quella dello stesso periodo in Fassa, Livinallongo ed Ampezzo (pp. V–XIV, 1015–1502). Sono 230 gli autori presi in considerazione. I cap. a loro dedicati ne contengono la biografia e la bibliografia completa nonché un saggio sulla loro opera e testi rappresentativi della loro scrittura. I testi sono tradotti in ted., non sono però commentati. L’opera è corredata di capitoli introduttivi che informano sullo sviluppo della letteratura lad. dagli inizi ai giorni nostri, sui generi e le tematiche dei testi considerati, sulla ricerca al riguardo e infine sulla presenza della
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letteratura lad. nei media sia di lingua lad. che di lingua ted. e it. L’opera si conclude con l’indice dei nomi degli autori trattati. Per la ricca mole dei testi considerati, quest’opera costituirà il punto di riferimento per eccellenza per chiunque si interessi di scripta in lad., quindi anche di testi appartenenti agli albori della scrittura lad. Si consulterà con profitto anche la ricca bibliografia contenuta nel 3. volume dell’opera, pp. 1417–1465, che elenca gli autori e le loro opere nonché la letteratura secondaria al riguardo. Intanto è uscito come supplemento del primo volume di Bernardi/Videsott (2013) anche il primo tomo della Bibliografia ladina di Videsott/Bernardi/Marcocci (2014) con 1072 notizie bibliografiche riguardanti gli scritti in ladino a partire dalle origini fino al 1945. Per informazioni al riguardo cf. il sito . L’unica antologia che considera tutte le varietà del lad., inclusa anche la varietà della Val di Non (Prov. di Trento), è stata curata da Maria Iliescu per il 3. vol. della grande Crestomaţie romanică, pp.1054–1127. Essa contiene un’introduzione, una bibliografia, una breve visione d’insieme dei tratti grafici, fonetici e morfologici generali degli idiomi ladini. Seguono i diversi testi, ordinati secondo la loro appartenenza alle singole varietà. Ogni testo è preceduto da un breve commento che, a seconda della tipologia del testo, informa sul suo autore, curatore e/o editore, la sua data di pubblicazione, la fonte da cui è preso, la sua grafia, i suoi tratti fonetici e morfosintattici, il suo contenuto. Il numero dei testi per ogni idioma varia da uno a sei. Inoltre, ogni testo è accompagnato da note di un certo spessore, contenenti indicazioni fonetiche, morfologiche e morfosintattiche. I testi sono in parte trascritti foneticamente. Conclude questa sezione lad. della crestomazia un glossario che sulle pagine da 1114 a 1127 elenca parole lad. accompagnate dall’indicazione della loro categoria di parola, però senza distinzione dialettale. È aggiunto il traducente rum. Per quanto riguarda la produzione scritta in generale, si rimanda alla rispettiva bibliografia contenuta in Videsott (2011). In questa bibliografia, al momento la più completa in materia, le indicazioni bibliografiche sono suddivise secondo i singoli argomenti e ordinati a loro volta secondo le singole varietà, quindi secondo un criterio diatopico. Interessano la scrittura lad. in particolare i cap. «20. Produzione scritta» (pp. 389−404) e «21. Fonti e antologie» (pp. 404−435).
3 Corpora Tra questi vanno annoverati: a) Il Corpus del ladino letterario Per la sua descrizione dettagliata si rimanda al sito . Si tratta di un progetto ancora in itinere, diretto da Paul Videsott. Obiettivo del progetto è raccogliere in formato digitale tutta la produzione letteraria lad., dai suoi inizi fino ai giorni nostri.
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A questo progetto sono legati altri due progetti: la Storia della letteratura del ladino dolomitico sopra già menzionata e il Vocabolario del ladino letterario, cui si accede tramite lo stesso sito. b) Il Corpus digitale del ladino, consultabile sul sito dell’Istitut Cultural Ladin «Majon di Fascegn»:
Come si può leggere nella rispettiva pagina web, questo sito è stato creato per promuovere «lo sviluppo e la gestione di risorse lessicali e testuali e per il trattamento automatico della lingua». Vi sono raccolti testi lad. sia nello standard che nei singoli idiomi. Le parole complessive sono circa 6.500.000. I testi scelti coprono un periodo che va dall’800 fino ad oggi, anche se prevalgono quelli appartenenti alla seconda metà del XX secolo. Si tratta di testi di diverso genere, quindi di testi letterari («prosa, poesia, teatro, memorialistica, testi sul folclore e le tradizioni, libri di preghiere») e non letterari («testi giuridici e amministrativi, modulistica, testi di informazione giornalistica e pragmatici, testi di divulgazione scientifica e culturale, testi scolastici»). Il corpus fass. è quello più avanzato nella sua elaborazione. Le informazioni date riguardano la data, il luogo di provenienza, la tipologia testuale e l’autore del testo. La ricerca può essere eseguita secondo diversi criteri. Con lo strumento concordancer i testi possono infatti essere analizzati riguardo a concordanze, collocazioni e frequenze, quindi anche riguardo al contesto delle singole parole.
c) Il Corpus Ladino CLE dell’Accademia Europea di Bolzano (EURAC ) Per informazioni sul corpus, cf. pagina web
Per l’accesso al corpus, cf. pagina web
Il Corpus Ladino CLE dell’ EURAC è stato creato nell’ambito del progetto riguardante la terminologia giuridico-amministrativa lad. TermLad II. Si tratta di una raccolta di testi amministrativi in formato digitale provenienti da comuni e uffici pubblici della Provincia di Bolzano. Ogni singolo testo di partenza, redatto nella maggior parte dei casi in lingua italiana, è relazionato con le rispettive traduzioni in ted. e lad. Il Corpus CLE è composto da circa 5.000 documenti (8,5 milioni di parole) in it., lad. e ted. e offre la possibilità di estrapolare contesti e definizioni, e di fare ricerche volte all’elaborazione di schede terminologiche ovvero per documentare la terminologia presente nei testi. Permette inoltre di analizzare le diverse scelte di traduzione e di individuarne la frequenza. Il Corpus CLE è accessibile grazie ad una maschera di ricerca che offre all’utente l’opportunità di eseguire ricerche mirate. I testi contenuti nel CLE sono stati messi a disposizione dai Comuni della Val Badia e della Val Gardena, dall’Ufficio Questioni Linguistiche della Provincia di Bolzano e dall’Istituto Pedagogico Ladino (IPL). Per ulteriori informazioni cf. Streiter / Stuflesser / Ties.
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4 Testi La scrittura in lad. comincia relativamente tardi. I primi testi appaiono a cavallo tra il ‘700 e l’‘800 e rappresentano tentativi da parte di singole persone di trattare, in una delle varietà lad., argomenti di diversa tematica, sia in rima che in prosa. In quanto per nessuno degli idiomi lad. vige ancora una norma di scrittura, la grafia varia da autore a autore. Per la distanza temporale, sulla base della grafia non è sempre possibile individuare con certezza la struttura fonetica delle singole parole e di stabilire, se vi siano differenze rispetto a oggi che permettano di ipotizzare un cambiamento. I testi che saranno analizzati qui di seguito riguardano il gard. e il fass., il primo appartenente agli idiomi lad. settentrionali, il secondo agli idiomi lad. meridionali. Questa suddivisione va ricondotta, oltre che alla geografia dei territori in cui sono in uso, a tratti linguistici distintivi dei due gruppi (cf. 1. supra).
4.1 Primi testi gardenesi Matie Ploner (1770–1845); primo autore gard. di testi lirici. Qui di seguito l’analisi di una sua poesia del 1828 (cf. Bernardi/Videsott 2013, vol. I, 143; cf. Chiocchetti 1997, da cui è tratta la traduzione, 353):
‘L Vödl Mut 1 Öês giapà, bên 100 per una; ma scusà – ne m’à deguna me’na bona ei cercà; ma na tela n’ei giapà. 5 Je lassês inant la testa, chê mê to ‘na tel rie pesta, chê me da n tel guviern, sche c’un fossa te l infiêrn. a)
Grafia / Fonetica: probabilmente grafia per Ie ‘io’ combinato con il verbo ês ‘avrei’ [jæs] (1 Öês); per [æ] (1 bên; 5 lassês); per [z] (2 scusà); e per [ʃk] e [ʃt] (2 scusà; 6 pesta); dittongo per [ej] (3, 4 ei); per [s], forse anche [ʃ] (5 lassês); per [s] (8 fossa); per [ə] (6 chê, mê; 7 chê); iato fra i e e (6 rie); per [iə] (7 guviern); per [ʃkǝ] (8 sche); per [jæ], ma forse anche per [iə] (8 infiêrn) Morfosintassi: 1 -ês (cong. imperf. di vester ‘essere’, pers. 1., funzione corrispondente al cond. it.); 3, 4 ei (‘ho io’; e- = pers. 1. ind. pres. di avëi ‘avere’ + -i = pron. encl. di pers. 1., S invertito per effetto della regola V2); 5 Je (pron. tonico S, pers. 1.); 5 lassês (cong. imperf. di lascé ‘lasciare’, pers. 1., funzione corrispondente al cond. it.); 6 chê (congi.); 6 mê (pron. procl. rifl. dat., pers. 1.); 6 to (‘prendere’, inf.); 6 rie (agg. non accordato al N); 7 chê (pron. rel. ossia congi. rel.); 7 me (pron. procl. dat., pers. 1.); 8 sche c’un (la sequenza corrisponde probabilmente a sche che un lett. ‘come che uno’, ma con la forma che apocopata [ʃkə k’uŋ]); un (pron. impers. < ŪNUS ) Lessico: 3 cercà (italianismo; oggi cris da crì < QUAERERE ); 5 testa (italianismo; oggi cë < CAPUT )
b)
c)
Lo scapolo N’avrei avute ben 100 per una; ma piaciuta non mi è nessuna solo una buona ho cercato; ma una così non ho trovato. Ci rimetterei piuttosto la testa che prendermi una tal cattiva pasta, che mi dà un tal governo come se uno fosse all’inferno.
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Johann Peter Rungaudie (1753–1815); autore di un primo testo gard. misto, la Via Crucis di Gesù; qui di seguito se ne analizza uno scorcio (cf. Bernardi/Videsott 2013, I, 150; per approfondimenti cf. Kattenbusch 1994, 132–135): I. Staziong. 1 Giesú veng cundaná alla mort. Cunshideraziong. Pilat’alla mort cundanna a tort Giesú: Sentenza aritshêula! chê nê sê po di deplù.
I. Stazione Gesù viene condannato a morte. Contemplazione / Meditazione Pilato alla morte condanna a torto Gesù: Sentenza agghiacciante! che non si può dire di più. / che proprio/dunque non so dire di più.
5
V’adore pra chêsta prima staziong, Redengtêur dut d’amor! cungdanná da Pilat’alla mort, i trafi’d’ung vêrê dulêur ve prêjê drê bêl de mê pêrduné dutgs cangts mi pitchiéi, che jê zênza numer.
Vi adoro presso questa prima stazione, Redentore tutto d’amore! Condannato da Pilato alla morte, e trafitto da un vero dolore vi prego tanto di perdonarmi tutti quanti i miei peccati, che sono innumerevoli (lett. senza numero).
a)
Grafia / Fonetica: per [ʤ] (1, 3 Giesú); per [z] (1 Giesú; grafia italianizzante del nome di Gesù, ma forse anche [ʒ], come oggi in Gejù); in posizione finale per [ŋ] (1 veng; 2 Cunshideraziong; 5 staziong; 7 ung); per [n] (6 Redengtêur, cungdanná, cf. anche 1 cundaná); per [ʃ] (2 Cunshideraziong); , , , , allografi per [ʧ], ma forse anche per l’affricata mediopalatale sorda [tχ], che all’epoca potrebbe ancora essere stata in uso (cf. Kattenbusch 1994, 131 e 134) (4 aritshêula; 8 dutgs, cangts; 9 pitchiéi); per [æ] (5 chêsta; 9 zênza; è invece dubbia la lettura delle rispettive vocali in 7 vêrê e 8 prêjê, bêl: a partire dalla pronuncia di oggi, il rispettivo grafema in posizione centrale di vêrê e bêl potrebbe essere interpretato come [e], in posizione finale di vêrê e prêjê invece come [ə]); per [ə] (4 chê nê sê; 8 drê, mê, pêrduné); per [æw] (4 aritshêula; 6 Redengtêur; 7 dulêur); per [æj] (8 prêjê); per [iə] (9 jê); (1, 3 alla; geminata: realizzazione italianizzante; riguardo alla geminata non vige omogeneità, cf. anche 1 cundaná vs. 6 cungdanná). Morfosintassi: La sequenza 4 chê nê sê po di deplù permette due interpretazioni: a. con sê valutato come si-passivante e po come forma di pers. 3 del V modale pudëi ‘potere’. La forma passivante con si è però estranea al gard., andrebbe quindi attribuita all’influsso di una versione italiana del testo. b. la parola sê letta come forma di pers. 1. del V savëi ‘sapere’ (oggi con [e], quindi sé), e po come la particella discorsiva corrispondente alla forma attuale pu ‘proprio’ oppure come la forma apocopata di pona ‘allora’, ‘dunque’.
b)
4.2 Primi testi fassani Giosef Brunel (1826–1892); autore fass. di poesie; l’analisi che segue riguarda il testo: Na tgiantzong per la xent bona, composta in occasione dell’accoglienza di Don Valantin Partel alla Pieve di Fassa nel giugno 1856 (cf. Bernardi/Videsott 2013, vol. I, 356–359; cf. Chiocchetti 2008, 244–257, da cui è presa la traduzione, 244):
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‘Na tgiantzong per la xent bona (Una canzone per la gente buona) 1
Stasong algegress! – Ting, tong, tang Tirà polit chelle tgiampane! Pum, pum, pum, pum – Sbarà par Diane! L’è ‘n piovang nef, e l’è sen Xang.
Stiamo allegri! – Tin, ton, tan Tirate per bene quelle campane! Pum, pum, pum, pum – Sparate, per Diana! C’è un Pievano nuovo, ed è San Giovanni.
5
Voi orghenist sonà su beng! Prest clarinetg, flautg e subiotg Tree! – tombre, bombardogn, fagotg Sioffiae it, par dì de leng!
Voi organista, suonate per bene! Presto, clarinetti, flauti e ottavini, dateci dentro – trombe, tube, fagotti Soffiate, per Giove!
a)
Grafia / Fonetica: per [ŋ] (titolo tgiantzong; 1 Stasong; Ting, tong, tang; 4 piovang; 5 beng; 8 leng); per [s] (1 algegress); per [k], per [g] (2 chelle; 5 orghenist); da CA - in posizione iniziale e in posizione finale per [ʧ], ma forse ancora per l’affricata postpalatale sorda (cf. Kattenbusch 1994, 187, 200) (titolo tgiantzong; 2 tgiampane; 6 clariP L -); per netg, flautg e subiotg, 7 fagotg); pi- (4 piovang; palatalizzazione della l del nesso PL [ʒ] (titolo xent, 4 Xang); per [ɲ] (7 bombardogn). Morfologia: imp.: 1 Stasong (ortativo, pers. 4.); 2 tirà; 3 sbarà; 5 sonà su; 7 tree; 8 soffiae it (imp., pers. 5.); 2 chelle (dim. in funzione di det. rafforzativo). Morfosintassi: 4 L’è / l’è (pron. espletivo l + eser ‘essere’, pers. 3., funzione presentativa, struttura tetica). Lessico: V sintagmatici con locativo: 5 sonà su; 8 soffiae it (‘soffiate dentro’)
b) c) d)
Giovan Battista Giuliani (1801–1846); primo autore di un testo fass. in prosa, si tratta di un dialogo fra bambini e un signore collezionista di pietre; ne sarà analizzata la parte introduttiva (cf. Bernardi/Videsott 2013, vol. I, 348–349):
1
2 3 4 5 6 7
a)
Le creature: Vè! Vè! un Segnor: Fosch che lé un dai Sasch. Schong mò a veder. Segnor chlieride Sasch é? I bambini: Guarda! Guarda! Un signore: Forse è un collezionista di sassi. Andiamo a vedere. Signore, cercate sassi? El Segnor: Si perché? né aede fosch é? Il signore: Sì, perché? Ne avete per caso (alcuni)? Le creature: Segnor sì, n’aong beng un pétsch. Volede che schisane ai torr é? I bambini: Sì signore, ne abbiamo alcuni (pezzi). Vuole che andiamo a prenderli? Una creature [sic!] alle autre: Schide, portai ca dutg; io stae pà indana appede chest Segnor. Un bambino agli altri: Correte, portateli qua tutti; io intanto rimango qui con questo signore. Le creature: Glò Segnor, vardae mò, se i è belotg. I bambini: Eccoli qua, signore, guardi pure, se non sono belli. El Segnor: Olà i aede pa toutg? Il signore: Dove li avete presi? Le creature: Chi Zeolitg i è de do le palle. […] I bambini: I ceoliti sono di dietro le Pale. […] Grafia / Fonetica: per [ɲ] (1 Segnor); in posizione finale per [ʃ] (1, 2 Fosch; 1 Sasch); per [ʒ], ma forse anche [ʃ] (1 Schong; 3 schisane; 4 Schide); probabilmente
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b)
c)
d)
per [k] (1 chlieride; l foneticamente non motivata: il V deriva da QUAERERE QUAERE RE ); per [ŋ] (3 aong, beng); e per [ʧ], forse anche per l’affricata medio- o postpalatale sorda (cf. Kattenbusch 1994, 187) (3 pétsch; 4 dutg; 5 belotg; 6 toutg; 7 Zeolitg) Morfologia: -e (desinenza del pl. f., caratteristica della bassa Val di Fassa: 1, 3, 5, 7 Le creature; 4 alle autre); 1 vè, vè (imp.); 1 schong (ortativo, pers. 4. del V ‘andare’); 5 vardae (forma di cortesia; pers. 5.); 3 schisane (cong. imperf., pers. 4.); 2 né; 3 n’ (clit. partitivo ‘ne’); 7 chi (dim. in funzione di det. rafforzativo) Morfosintassi: pron. S procl., pers. 3. l (combinato con é ‘è’ in 1 Fosch che lé un dai Sasch); pron. S procl., pers. 6. i (in 5 se i è belotg e in 7 Chi Zeolitg i è de do le palle; in 7 raddoppia il S nominale Zeolitg); pron. OD procl., pers. 6. i (combinato con la prep. a in 3 Volede che schisane ai torr; 6 Olà i aede); pron. OD encl., pers. 6. -i (in 4 portai) Lessico: 1 un dai Sasc (lett. ‘uno dai sassi’, vale ‘collezionista di sassi’); 1, 2, 3 é (segnale interrogativo rafforzativo); 4 portai ca (V sintagmatico con locativo, imp., pers. 5., lett. ‘portateli qua’); 4 appede (prep. ‘presso’); 3 beng e 4 pà, mò (segnali discorsivi di rafforzaE CCU CU ILL ILLŌC ŌC ); 6 pa (particella interrogativa); 8 le palle (forse mento); 5 Glò (probabilmente da EC per la catena montuosa delle Pale di San Martino).
4.3 Testi di autori moderni gardenesi Roland Verra, autore di testi in prosa e in versi; qui si analizza la prima strofa della poesia Da sëira audes sunan dalonc (cf. Bernardi/Videsott, 2013, vol. II/1, 718):
1
Da sëira audes sunan dalonc, l ie na vidula stila sciche na vinela che fora tres l scur
La sera senti suonare lontano, è un violino aguzzo come un succhiello che perfora l’oscurità
5
y tres la mënt, sbujan l mur de ti sulentum…
e la mente, bucando il muro della tua solitudine…
a)
Grafia / Fonetica: per [æ] (1 sëira; 5 mënt); in posizione finale per [ʧ] (1 dalonc); per [iə] (2 ie); per [ʃt] e per [ʃk] (3 stila; 4 scur); per [ʃi] (3 sciche); per [ʒb] (6 sbujan); per [ʒ] (6 sbujan). Morfosintassi: 1 audes sunan (perifrasi con V di percezione e con V pieno al ger.); 2 l ie na vidula (struttura presentativa, tetica, con il clitico espletivo l in funzione di S grammaticale; il S denotativo è posposto al V); 6 sbujan (ger. del V parasintetico sbujé ‘bucare’ derivato da busc ‘buco’); 7 ti (pos. di pers. 2.; non è preceduto da art.). Lessico: 4 fora tres (V sintagmatico con locativo: furé tres, lett. forare attraverso ‘perforare’).
b)
c)
Ivan Senoner, autore di testi in prosa; qui di seguito l’analisi di uno scorcio di testo tratto dal romanzo L fova n iede te Gherdëina. Na saga de cater families tres trëi generazions ‘C’era una volta in Val Gardena. Una saga di quattro famiglie attraverso tre generazioni’ (cf. Bernardi/Videsott, 2013, vol. II/1, 769)
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1 L’ëures de suenn che ti fossa unides a mancia cun n tel fantulin che ëssa brià duta nuet, 2 fova nsci deventedes i mumënc te chëi che l se studiova ora la strategies per spiculé tla borsa. 3 […] L ne n’ova nia fat de gran scoles de economia, ma l ova ancuntà la drëta persones. 4 Una de chëstes fova stat Felice, n seniëur da catif y da maniera 5 che l ova mparà a cunëscer fajan l maester de schi. (74–75) 1 Le ore di sonno venute meno con un bambino che avrebbe strillato tutta la notte, 2 erano così diventate i momenti nei quali studiava le strategie per speculare in borsa. 3 […] Non aveva frequentato importanti scuole di economia, ma aveva incontrato le persone giuste. 4 Una di queste era Felice, un signore elegante ed educato, che aveva conosciuto facendo il maestro di sci. a)
b) c)
d)
Grafia / Fonetica: per [æw] (1 ëures; 4 seniëur); per [uə] (1 suenn, nuet); per [iə] (4 maniera); per [æ] (1 ëssa; 2 mumënc, chëi; 3 drëta; 4 chëstes; 5 cunëscer); per [s] (1 fossa); in posizione finale per [n] (1 suenn); , , per [ʃt], [ʃp], [ʃk] (2 studiova, strategies; 4 chëstes, stat; 5 maester; 2 spiculé; 3 scoles; 5 schi); in posizione finale per [ʧ] (2 mumënc); e per [ʃi] e [ʃə] (2 nsci; 5 cunëscer); per [ʒ] (5 fajan). Morfologia: 1 fossa unides; ëssa brià (forme del cong. pass. con valore di fut. del pass. per l’espressione della posteriorità nel passato). Morfosintassi: l pron. S, pers. 3. m., procl., obbligatorio (2 te chëi che l se studiova ora; 3 L ne n’ova nia fat; ma l ova ancuntà; 5 che l ova mparà a cunëscer); l’art. e gli agg. f. pl. preposti al N hanno desinenza sg. (1 L’ëures de suenn con L’, forma elisa di La; 2 la strategies; 3 la drëta persones); doppia negazione ne (n’)… nia (3 L ne n’ova nia fat). Lessico: 2 se studiova ora (V sintagmatico con locativo), 4 da catif, da maniera (forme polirematiche per ‘elegante’ ed ‘educato’).
4.4 Testi di autori moderni fassani Stefen Dell’Antonio, autore di testi in prosa, in rima, di teatro, di canzoni; sarà analizzato un tratto di racconto preso dal romanzo La Nàgherla (cf. Bernardi/Videsott 2013, vol. II/2, 1176):
1 Chi che no aea proà na oita o doi, 2 no podea nince se empensar chel che la Nàgherla la era bona da far. 3 Te anter chi piumaces nec, sölges, morbiesh da shoda e spighet, 4 se sconea l paradis e l’infern e dut l rest che contar no se se fida. […] 1 Chi non aveva provato una o due volte, 2 non poteva nemmeno immaginare ciò che Nàgherla era capace di fare. 3 Fra quei cuscini puliti, morbidi e odoranti di sapone anidro e lavanda, 4 si nascondevano il paradiso e l’inferno e tutto il resto che di raccontare non si ha il coraggio. a)
b) c)
LŪMA , con Grafia / Fonetica: per [oj] (1 oita, doi); per [ju] (3 piumaces da PPLŪMA palatalizzazione della l del nesso P L - ); per [iə] (3 morbiesh); iato fra le vocali (1 aea, proà, 2 podea; 4 se sconea); per [g] (2 Nàgherla; 3 spighet); per [ʧ] (3 piumaces); , , per [ʃp], [ʃk], [ʃt] (3 spighet; 4 se sconea; 4 rest); in posizione finale per [ʧ] (3 nec); per [ø] (sölges); per [ʃ] (3 morbiesh, da shoda). Morfologia: desinenza -ar dei V di 1. coni. all’inf. (2 empensar, far; 4 contar); 3 chi (dim. in funzione di det. rafforzativo). Morfosintassi: negazione semplice con morfema no preverbale (1 chi che no aea proà; 2 no podea; 4 contar no se se fida); reduplicazione del S nominale con pron. S procl. la (chel che
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d)
la Nàgherla la era bona …); sequenza del pron. impers. se e del pron. rifl. se del V se fidar ‘avere il coraggio’ (4 no se se fida ‘non ci si fida’) Lessico: due prep. per precisare la posizione (3 Te anter ‘in tra’),
Alberta Rossi, autrice di poesie. Qui di seguito l’analisi della 2. e 3. strofa della poesia N auter color ‘Un altro colore’ (cf. Bernardi/Videsott 2013, vol. II/2, 1192):
1
L’invern passa e canche l lascia vegn aisciuda: neva emprometuda.
L’inverno passa e quando finisce viene la primavera: nuova promessa.
5
Dut nasc e dut cianta dut ciapa color, l’é l’ora de l’amor: n don, to fior.
Tutto nasce e tutto canta tutto si tinge di colore, è l’ora dell’amore: un dono, il tuo fiore.
a)
Grafia / Fonetica: per [s] (1 passa); per [kə] (1 canche); per [ʃ] (2 lascia; 3 aisciuda; 5 nasc); per [ɲ] (3 vegn); per [ʧ] (5 cianta; 6 ciapa); per [jo] (8 fior, con palatalizzazione della l del nesso FL - < FLORE ( M ) ). Morfologia: caduta delle vocali finali nei N e pron. m. (1 invern; 5, 6 dut; 6 color; 7 amor; 8 don, fior). Morfosintassi: Presenza obbligatoria del pron. procl. m., pers. 3., l in funzione di S (2 canche l lascia); presenza variabile del S procl. espletivo l (manca davanti a V introdotto da consonante, 3 vegn aisciuda; è obbligatorio davanti a V introdotto da vocale, soprattutto da e-, 7 l’é l’ora); pos. davanti a N senza art. (8 to fior) Lessico: 3 aiusciuda ‘primavera’ < * EXIŪTA (cf. Kramer 1988−1998, s.v.); 6 ciapa color lett. ‘ottiene colore’
b) c)
d)
5 Bibliografia Ascoli, Graziadio Isaia (1873), Saggi ladini, Archivio Glottologico Italiano 1, 1–556. Bernardi, Rut/Videsott, Paul (2013), Geschichte der ladinischen Literatur. Ein bio-bibliografisches Autorenkompendium von den Anfängen des ladinischen Schrifttums bis zum Literaturschaffen des frühen 21. Jahrhunderts (2012), 3 vol., Bozen, Bolzano/Bozen University Press. Cancider, Luciano/Menardi, Elisabetta/Menardi, Rita (2003), Grammatica Ampezzana, Cortina d’Ampezzo, Comitato Grammatica Regole d’Ampezzo. Chiocchetti, Fabio (1997), El vœdl mut. Un testo gardenese del primo Ottocento, in: Maria Iliescu et al. (edd.), Ladinia et Romania. Festschrift für Guntram A. Plangg zum 65. Geburtstag, Mondo Ladino 21, 335–359. Chiocchetti, Fabio (2008), La «Tgiantzong per la xent bona» e «L viva della sagra de Moena». Due testi fassani ottocenteschi a confronto, Mondo Ladino 32, 225–257. Elwert, W. Theodor (1943), Die Mundart des Fassa-Tals, Heidelberg, Winter. Gallmann, Peter/Siller-Runggaldier, Heidi/Sitta, Horst (2008–2013), Sprachen im Vergleich: Deutsch – Ladinisch – Italienisch, (2008) Das Verb, Bozen, Istitut Pedagogich Ladin; (2010),
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Determinanten und Pronomen, Bozen, Istitut Pedagogich Ladin; (2013) Der einfache Satz, Bozen, Innovation und Beratung im Ladinischen Bildungs- und Kulturressort. Iliescu, Maria (1968), Retoromana centrală (Ladina dolomitică), in: Iorgu Iordan (ed.), Crestomaţie romanică, Volumul al III-lea, Secolele al XIX-lea – al XX-lea, Partea I, Bucureşti, Editura Academiei Republicii Socialiste România, 1054–1127. Kattenbusch, Dieter (1994), Die Verschriftung des Sellaladinischen. Von den ersten Schreibversuchen bis zur Einheitsgraphie, San Martin de Tor, Istitut Cultural Ladin «Micurà de Rü». Kramer, Johannes (1977−1978), Historische Grammatik des Dolomitenladinischen, (1977) vol. I: Lautlehre, (1978) vol. II: Formenlehre, Gerbrunn bei Würzburg, Lehmann. Kramer, Johannes (1988−1998), Etymologisches Wörterbuch des Dolomitenladinischen, 8 vol., Hamburg, Buske. Mischì, Giovanni (2000), Wörterbuch Deutsch – Gadertalisch. Vocabolar Todësch – Ladin (Val Badia), San Martin de Tor, Istitut Ladin « Micurà de Rü ». Pellegrini, Adalberto (1974), Grammatica Ladino-Fodoma, Bolzano, Ferrari-Auer. C LE , an Aligned, Tri-lingual Ladin-Italian-German Streiter, Oliver/Stuflesser, Mathias/Ties, Isabella, CLE Corpus. Corpus Design and Interface (). Videsott, Paul (2011), Rätoromanische Bibliographie/Bibliografia retoromanza 1729–2010, con la collaborazione di Marcocci Chiara e con l’integrazione di materiali raccolti da Guntram A. Plangg, Maria Iliescu e Heidi Siller-Runggaldier, Bozen/Bolzano, Bozen/Bolzano University Press. Videsott, Paul/Bernardi, Rut/Marcocci, Chiara (2014), Bibliografia ladina. Bibliografie des ladinischen Schrifttums. Bibliografia degli scritti ladini, 1, Von den Anfängen bis 1945. Dalle origini fino al 1945, Bozen/Bolzano, Bozen/Bolzano University Press.
Federico Vicario
26 Il friulano Abstract: Ad un essenziale inquadramento sulla genesi del friulano, seguono la presentazione di due esemplari di scripta tardomedievale di uso pratico e la riproduzione delle due principali liriche delle origini. Alcune note riguardano, poi, la lingua comune e le varietà, con la presentazione di brani di prosa e poesia, anche di tradizione popolare. Chiude il contributo un cenno a repertori lessicografici, anche in rete, e antologie della letteratura.
Keywords: friulano, documenti antichi, letteratura, lessico, repertori
1 Premessa Il friulano acquista caratteri definiti nei secoli che vanno dal VI al X d.C., analogamente alle altre lingue romanze, ma la prima citazione dell’esistenza di un idioma particolare, in Friuli, è comunque ancora più antica. Da una nota di San Gerolamo veniamo a sapere che il vescovo di Aquileia Fortunaziano, già alla metà del IV secolo e per la prima volta in Italia, aveva redatto un commento dei Vangeli nel rusticus sermo, cioè nel linguaggio del popolo, quindi nel lat. regionale degli Aquileiesi. Si tratta, in particolare, di una testimonianza tratta dal Liber de viris illustribus ‘libro degli uomini illustri’ contenuto nel tomo XXIII della Patrologia Latina, c. 97, coll. 735– 738, vd. Migne (1883): «Fortunatianus, natione Afer, Aquileiensis episcopus, imperante Constantio, in Evangelia, titulis ordinatis, brevi et rustico sermone scripsit commentarios».
Si tratta di una testimonianza molto importante, senza dubbio, dal momento che essa attesta la distanza che già al tempo separava, ormai, il lat. regionale aquileiese da quello comune, una distanza che sarebbe in seguito cresciuta fino allo sviluppo di una lingua neolatina con caratteri peculiari. Questi caratteri andranno accentuandosi, comunque, a seguito delle particolari e travagliate vicende storiche che hanno riguardato la regione. Secondo Giuseppe Francescato (1981), il friulano si definisce per alcuni fondamentali fenomeni: la continuità della parlata neolatina anche dopo la plurisecolare occupazione germanica (nell’ordine Goti, Longobardi e Franchi); l’appartenenza della stessa parlata, pur caratterizzata da specifiche evoluzioni fonologiche e morfologiche, al più ampio ambito linguistico dell’Italia settentrionale (Gallia Cisalpina); il carattere del friulano come lingua del popolo, all’epoca soprattutto dei contadini, in opposizione alla lingua della classe dominante, germanica; la divaricazione, sempre più forte, tra il volgare parlato (cioè il friulano) e il lat., la lingua scritta del culto e dell’amministrazione.
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In epoca patriarcale (secc. XI–XV) la fisionomia linguistica del Friuli era alla fine, come si diceva, piuttosto ben definita. Molto interessanti a questo proposito, nella generale penuria di testimonianze dirette, le acute osservazioni di un anonimo viaggiatore che, nel corso del XIV secolo, così scriveva del Friuli: «Forum Iulii est provincia per se, distincta ab aliis provinciis prenominatis, quia nec Latinam linguam habet, nec Sclavicam, neque Theotonicam, sed ydioma proprium habet, nulli Italico ydiomati consimile. Plus tamen participat de lingua Latina quam de quacumque alia sibi propinqua» [Codice Vaticano Palatino n. 965, f. 240, vd. Fabre (1884, pp. 419–420)].
2 La scripta friulana delle origini Decisiva è la scripta usuale per lo studio degli antichi volgari di area it. Ciò è sicuramente vero anche per il Friuli, dove i documenti tardomedievali di uso pratico costituiscono la stragrande maggioranza dei testi di tale epoca giunti fino a noi. Le scritture usuali in friulano compaiono alla fine del Duecento, con i primi elenchi di contribuenti di confraternite e di istituzioni religiose, e si fanno particolarmente cospicue soprattutto nella prima metà del Quattrocento, con registri di amministrazione, minute notarili, atti di confinazione e altro. Con la dedizione del Patriarcato di Aquileia alla Repubblica di Venezia, nel 1420, si osserva una progressiva rarefazione del friulano per le scritture di uso pratico a favore di un codice di più ampia diffusione, privo di caratteri municipali, il cosiddetto «tosco-veneto», cf. Vicario (2009). Quale primo rappresentante delle scritture pratiche in volgare friulano, si presenta qui il noto Elenco di iscritti a una confraternita cividalese, di cui si occuparono già Corgnali (1945) e D’Aronco (1982, 29s.), un pezzo ora ripreso e ripubblicato in Vicario (2006–2009, vol. 3, 13s.). Il documento riporta l’elenco degli iscritti ad un sodalizio religioso ed è conservato presso il fondo principale della Biblioteca Civica di Udine (ms. 836/G); si tratta di un frammento di pergamena che misura mm. 180 x 145, mutilo nella parte inferiore, uno dei più antichi documenti in volgare friulano, se non addirittura del più antico in assoluto. L’edizione che qui si presenta è interpretativa: le parole vergate unite nell’originale sono state separate secondo l’uso moderno con il trattino orizzontale, quando si ha elisione di vocale, e anche le maiuscole sono segnate secondo l’uso moderno. Tra parentesi quadre è segnalata un’integrazione per l’ultima parola del documento.
Sur Chaterina di Santa Clara Sur Pinosa di Sant Çorç Dona Francesca filga di ser Musat Miculau favri Martin filg Iacu di Gelian Agnisuta l-agna Çilbert piliçar Çuliana Matiusa so brut
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Federico Vicario
Gisla mari Priulius barber Pantaleon piliçar Coculla mari Silimant Francescha molgì Iacu sutil Domenia molgì Sublet Mandulissa de la Cella Ser Foscus de Buliis Girardina cu fo di Pup Valtir tesedor Ser Iacu lu çot Moçça mari di Pup Dona Mandull[a]
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Gli appellativi personali, preceduti in alcuni casi da un titolo di rispetto, sono seguiti da ulteriori elementi, che possono essere un nome di mestiere, un secondo appellativo indicante una parentela, un soprannome, un toponimo. Tre sono i titoli di rispetto, sur, dona e ser, i primi due riferentisi a donne, il terzo ad un uomo: il frl. mod. sûr indica propriamente la ‘sorella’, ma in questo caso dovrebbe trattarsi più di ‘suora’, come l’it. (per ‘suora’ il frl. mod. ha muinie, regolare dal lat. MONACHAM ). Il secondo titolo di rispetto, dona, corrisponde all’it. donna, da madonna ‘mia signora’, frl. mod. madone ‘suocera’. Il terzo e ultimo titolo è ser, con aferesi della prima sillaba, molto frequente nelle carte antiche, per miser, quindi ‘messere, signore’; il frl. mod. missêr è il ‘suocero’. I nomi di mestiere, nell’essenzialità delle annotazioni, sono ben rappresentati. Troviamo intanto favri di Miculau favri (r. 4), che è il ‘fabbro’, regolare dal lat. FABRUM , con lenizione dell’occlusiva in contesto vocalico (B > v), cfr. frl. mod. fari, con dileguo della bilabiale. Abbiamo quindi piliçar di Çilbert piliçar (r. 6) e di Pantaleon piliçar (r. 9), ‘pellicciaio, conciapelli’; barber ‘barbiere’, ma anche ‘cerusico’, frl. mod. barbîr, di Priulius barber (r. 8); tesedor ‘tessitore’, di Valtir tesedor (r. 16), frl. mod. tiessidôr. Il primo nome di parentela che incontriamo è filga ‘figlia’, di dona Francesca filga di ser Musat (r. 3), cfr. frl. mod. fie, anche al maschile filg, frl. mod. fi, di Martin filg Iacu di Gelian (r. 5). Abbiamo, poi, agna ‘zia’, dal lat. AMITAM , di Agnisuta l-agna Çilbert piliçar (r. 6); quindi troviamo il noto germanesimo brut ‘nuora’, frl. mod. brût, di Çuliana Matiusa so brut, corrispondente al ted. Braut e già presente in iscrizioni aquileiesi del III secolo con il particolare significato di ‘sposa germanica del legionario romano’. Il frl. mari ‘madre’, regolare dal lat. MATREM , di Coculla mari Silimant (r. 10) e di Moçça mari di Pup (r. 18), con molgì ‘moglie’, frl. mod. muîr, dall’acc. lat. MULIEREM , di Francescha molgì Iacu sutil (r. 16) e di Domenia molgì Sublet (r. 17) chiudono l’elenco. Pochi sono gli elementi entrati dal lessico comune, qui con funzione di soprannome. Abbiamo il già ricordato Musat (r. 3), che corrisponde probabilmente al frl. mod. mussat ‘moschino’, ad indicare una persona fastidiosa e molesta, piuttosto che dispregiativo del frl. mus ‘asino’, che sarebbe quindi ‘asinaccio’. Quindi troviamo
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Coculla (r. 10), cf. frl. mod. cocule ‘noce’; il frl. sutîl ‘sottile magro’, attribuito a Iacu sutil (r. 11); Mandulissa (r. 13), cf. frl. mod. mandule ‘mandorla’, con suffisso diminutivo, ma anche solo Mandulla (r. 19); Pup (c. 15), frl. mod. pup ‘bambino’, che si continua in numerosi cognomi moderni (Pup, Del Pup, Puppo, Puppini, Pupis etc.); çot (r. 17), cf. frl. mod. çuet ‘zoppo’. Pochi sono anche i toponimi. A parte i due monasteri di Santa Clara ‘Santa Chiara’ e di Sant Çorç ‘San Giorgio’, troviamo segnalata la sola località di Gelian ‘Gagliano’, nelle vicinanze di Cividale. Per ultimi passiamo a considerare i nomi personali, della tradizione latina, greca, germanica o di altra origine. Tra quelli chiaramente riconoscibili abbiamo Agnisuta ‘Agnese’, con suffisso diminutivo, Chaterina ‘Caterina’, Çilbert ‘Gilberto’, Clara ‘Chiara’, Çorç ‘Giorgio’, Çuliana ‘Giuliana’, Domenia ‘Domenica’, Francesca ‘Francesca’, Girardina ‘Gerarda’, con suffisso diminutivo, Gisla ‘Gisella’, Iacu ‘Giacomo’, Martin ‘Martino’, Matiusa ‘Matteo’, al femminile con suffisso diminutivo, Miculau ‘Nicolao’, di tramite slavo, Pantaleon ‘Pantaleone’, Valtir ‘Gualtiero’. Alcune osservazioni possiamo fare, poi, anche per quanto riguarda la fonetica dei tipi presenti nel documento. La forma favri costituisce l’antecedente regolare del frl. mod. fari, come segnalato, una forma che presenta la conservazione della bilabiale tra vocale e sonorante, che dilegua in friulano moderno. Interessanti sono anche le forme filga e filg, dove la grafia lg rende la laterale palatale, assente nel repertorio fonematico del friulano moderno, dove si ha lo sviluppo della semivocale anteriore. Per la morfologia, è presente il tipico suffisso diminutivo -ut dal lat. -UTTUM , per Agnisuta, e ancora diminutivi sempre per donne sono poi -usa, -issa, -ina per Matiusa, Mandulissa e Girardina. Sempre per la morfologia, troviamo il pron. rel. invariabile cu ‘che’, lat. QUOD , di uso raro in friulano mod. (Girardina cu fo di Pup ‘Gerardina vedova di Puppo’) e l’art. det. m. lu ‘il, lo’, al posto del mod. il (ser Iacu lu çot ‘messer Giacomo lo zoppo’). Quale secondo rappresentante della scripta friulana delle origini, si riprende qui un brano del Quaderno di Odorlico, un documento che si deve ad un notaio cividalese che verga nella seconda metà del Trecento, cf. Vicario (1998; 2010, 121–134). La separazione delle parole, le maiuscole e le minuscole seguono il criterio moderno; nella trascrizione sono stati introdotti alcuni accenti gravi per aiutare la lettura e la comprensione del testo (per es. nodà ‘notaio’, diè ‘diede’, dì ‘giorno’ vs. di ‘di, da’ etc.). Tra parentesi quadre sono indicate le integrazioni al testo e le lettere perdute ([n], […]). c. 18r [Item si ay d]at adý xx di luyo per choman- | [dament] delg pervededòs a Bertolo- | [mio dy C]hiadovry chi el debo pagà | [n c]hu stan ad Arosaçis mar. | viiijr di solç in prisinço di Çuany | e del chepelà chu gl-aiudà a chom- | pedà Item si diè adý xxij di luyo a mestry Negry | ed a Çuan d-Orçon per iij dis per om chi elg | an lavorat a la fontano di soro l-aronch | di Martin di Siury chi ello jaro roto | ad un tof chu non vignivo gloç mar. | ÷ e di. iiijr Item si ay dat a Ponton per ij disi chi el fo chun | lor < a sapà > a sapà di. xvj [n] et la su j chiar
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c. 18v Item si diè adý xxiij di luy[o n] | di[v]urinch e iij travuçi[s n chon-] | çà lu puint del ch[n] | di puint di. l a Piery d[n] | surut chu sta gy di Sent Stiefin Item si chomperay in lu midiesim dì | di pre Blas breis < viiij > viij di nogà | per fà lu puint < l > glevedò di nuf | a chel del chiamp per di. xiiijr l-uno Item si chomperay in lu midiesim ll. | viij di chiavilis per j gru[e]s la | liro e clauç c per p. iiijr l-un | e clauç xx di ij piçul l-un e cla- | uç xx d[-un] piçul l[-un] mont[in] | lis ch[n] c. 19r [Item si diè] adý xxv di luyo per cho- | mandament delg perve[de]dòs per j | [n]di chiaçis di pan ad Antonio | lu mat chu alà chun vun tanbu- | rlin chu la briado di Çividat | quant chi elg façirin la mostro | di. xvij Item si diè in lu midiesim [dì] per choman- | dament delg perve[de]dòs a doy infanç | chi jo manday su lu tor di gle- | sio maiò quant fo fato la mostro | si el besognàs alch di. viij [Item] si ch[omperay] adý xxvj di luyo di | [n]t Piery breis | [n p]uint < l > gle- | [vedò n Pie]ry per Flo- | [n]llo | [n] | [n] | l[n] di [n] | l-un per [n] e p. vj Item si ay dat in lu dì midiesi[m alg me-] | stris chu façirin [n choman-] | darin la puarto di S[ent] Sti[efin n] | xlij Item si lur in pagay in lu dì [midiesim] | alg mestris di. iiijr di viij [n] S. hic supra capit ma. j et [n] c. 19v Item si ay dat adý xxvij di l[uyo per cho-] | mandament delg perved[ò]s [n] | mio < di Tony > di Tony di Fo[n] | alà chun iiijr chiavalg per xv [n] | a Mançan ed avento jù < jù > per la taglo | delg vuming di Çividat chu lis atris | taglis delg vuming di Friul du- | chaç x in monedo a roson di di. | lxxij per duchat Item si diè in lu midiesim [dì] ad Ugelmin | chu è alat Tarsy chun luy chun | iiijr chiavalg duchaç x a roson | di di. lxxij per duchat Item si diè adý xxviij di luyo per choman- | dament delg [pervededòs n] ay [n] | glan chu st[n] | lu s[av]y [n] | bo[n] | [n] | [n] | [n] | [n]ury [n] xxij[n] [Item si] diè adý xxviij di luyo per cho- | [manda]ment delg perve[de]dòs a Cho- | [rat] fam[e]lg di ser Luchin delo Tor | [n] po[r]tà vuno letiro a miser lu | [n] di Çel soro lu fat di Nichel | [n] e di Martin di Siury | [n] xxiiijr [S. hic supra capit] ma. viiij ÷ et den. x c. 20r Item si [diè] ad[ý] iij d-avost per choders | di chiarto a Çuan Paglan per fà vun | choder al chumon per scrivy sù lis ro- | sons delg chemaràs di. xxx Item si ay dat in lu dì midiesim a pre | Simon chu-l fes e per la chuviarto | di. xx Item si diè adý iij d-avost per chomandament | di ser Nichulà d-Ançel a ser Çuan Tony chu | è mandat inbasadò al dus a Sent Vit | di Chiarantan soro lu fat delis diferen- | çis chu son delg v[u]ming di Friul a | miser lu dus chu lis atris c[h]umun[i]taç | di Friul duchaç x in aur [Item si] diè in lu dì midiesim per chomanda- | [ment] di ser Nichulà d-Ançel e di ser Çuan | [Tony] Grabiel filg Çuan Tony mar. | [di] di. ja a non di [n] | Mançan soro la s[o] roson [n] S. hic supra capit ma. v ÷ et den. v c. 20v Item si diè adý vij d-avost [n] | di borch di Sent Piery [n] | chi el diè ad Indrý di Fu[n] | fo mitut al tor di borch di Sen[t] | Duminy quant chi el si lavoravo | chu Indrý lu façè lavorà di. vj Item si diè adý viij d-avost per chomandament | di ser Michulà d-Ançel a ser Çuan nodar | del chumon per lu so salary mar. iij di.
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Item si diè adý xj d-avost per difiniçion | del chonselg e per chomandament di | ser Michulà d-Ançel a Lurinçut chu fo | mandat ad Udin chun iij chiav[alg] | là di miser lu gardenal di [n] | per [lu] fat delg c duchaç [n] | miser lu gardenal debo dà per | Rosaçis di. lxxij Item [si diè] in lu midiesin dì a Piery | [n] [chu fo m]andat a Purgesin | a cho[mandà] chiars chu alasin | in Bo[chaviço] per j om al puint | maiò di. iiijr S. hic supra capit ma. iij ÷ et den. ij
Possiamo considerare il Quaderno di Odorlico davvero un buon rappresentante del cividalese antico, la parlata friulana dotata, al tempo, di maggiore prestigio, vd. anche Benincà/Vanelli (1998). Molto accurata è la grafia, in particolare, dove possiamo osservare, ad es., la netta distinzione tra l’occlusiva velare sorda, segnata ch anche davanti a vocale posteriore (chomandament ‘ordine’, chompedà ‘compitare, contare’, duchaç ‘ducati’ etc.) o in fine di parola (alch ‘qualcosa’, aronch ‘ronco, campo’ etc.), mentre al trigramma chi è affidata la resa della occlusiva palatale sorda (Chiadovry ‘Cadore’, chiamp ‘campo’, chiavalg ‘cavalli’, chiavilis ‘cavicchi, caviglie’ etc.), esito della caratteristica palatalizzazione delle velari latine prima di -A . La ç rende, poi, l’insieme delle affricate, sia palatali che dentali, sia sorde che sonore: chonçà ‘aggiustare’, clauç ‘chiodi’, Çuan ‘Giovanni’, façirin ‘fecero’, infanç ‘ragazzi’, Orçon ‘Orzono (castello)’, solç ‘soldi’ etc. La laterale palatale è resa gl in corpo di parola (glevedò ‘levatoio’, taglo ‘contributo, servizio, tassa’, etc.) e lg in fine di parola (alg ‘ai’, chiavalg ‘cavalli’, chonselg ‘consiglio, assemblea’, delg ‘dei’, elg ‘essi’, famelg ‘famiglio, servo’ etc.); la nasale palatale, analogamente, è resa con gn (besognàs ‘abbisognasse, avesse bisogno’, vignivo ‘veniva’) e ng (vuming ‘uomini’). Ancora gl rende incontro di velare e laterale nel caso di gloç ‘gocce, acqua’. Regolare è l’innalzamento della -A latina alla media della serie posteriore -o, a differenza del friulano mod., che presenta piuttosto la -e: briado ‘brigata’ (frl. mod. briade), glesio ‘chiesa’ (frl. mod. glesie), jaro ‘era’ (frl. mod. jere), prisinço ‘presenza’ (frl. mod. prisince), soro ‘sopra’ (frl. mod. sore), etc. Regolari e attesi sono anche gli esiti della dittongazione delle medie del lat., quindi chuviarto ‘coperta (di quaderno)’, midiesim ‘medesimo’, Piery ‘Pietro’, per la e, e grues ‘grosso (soldo)’, puarto ‘porta’, puint ‘ponte’, per la o. Presente è anche il fenomeno della prostesi di a- davanti a vibrante, tipico del friulano tardomedievale, quindi Arosaçis ‘Rosazzo (località), aronch ‘ronco, campo’, come anche il dileguo della vibrante scoperta in fine di parola, come negli inf. del V chompedà ‘compitare, contare’, fà ‘fare’, pagà ‘pagare’, sapà ‘zappare’, scrivy ‘scrivere’ etc. o nei N e agg. chepelà ‘cappellaio’, glevedò ‘levatoio’, imbasadò ‘ambasciatore’, maiò ‘maggiore’, nogà ‘noce’, pervededòs ‘provveditori’ etc. Nei casi di chiar ‘carro’, choder ‘quaderno’ e tor ‘torre, campanile’ la -r è complicata, in diacronia, quindi protetta (CARRUM , QUATERNUM , TURREM ). Interessante, per la morfologia, la presenza di due forme di pron. rel. invariabile, il già segnalato chu, lat. QUOD , e il chi, lat. QUID , da cui il frl. mod. che. La distribuzione delle due forme è molto precisa, trovandosi il chi a introdurre relative con ripresa del pron. pers., come in chi el fo chun lor ‘che egli fu con loro’, chi elg an lavorat ‘che essi
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hanno lavorato’, chi ello jaro roto ‘che essa era rotta’ etc.; con il chu, invece, non si ha ripresa, ad es. chu gl-aiudà ‘che lo aiutò’, chu non vignivo gloç ‘che non veniva acqua’, chu sta gy di Sent Stiefin ‘che si trova vicino a Santo Stefano’ etc. Molti sono, inoltre, gli elementi lessicali che meriterebbero di essere segnalati, tra i quali però proponiamo a titolo di esempio chompedà ‘contare’, lat. COMPITARE (ma frl. mod. contâ); difiniçion ‘delibera, decreto’, lat. DIFFINITIONEM , ma frl. mod. definizion ‘definizione, spiegazione’; pl. divurinch ‘correntini, travetti’, lat. DECURRENTEM , frl. mod. diurint; dus ‘comandante, capitano’, lat. DUCEM , non presente in frl. mod.; glesio ‘chiesa’, lat. ECCLESIAM , frl. mod. glesie; puint glevedò ‘ponte levatoio’, non presente in frl. mod.; roson ‘conto, somma’, lat. RATIONEM , ma frl. mod. rason ‘ragione, giudizio’; tof ‘canale, scolo’, lat. TUBUM , non presente in frl. mod.
3 La prima letteratura Tra la fine del Trecento e i primi del Quattrocento possiamo datare anche i primi componimenti letterari, liriche di stile cortese non estranee a influenze provenzali. Possiamo menzionare, in particolare, la ballata Piruç myo doç inculurit ‘Pietruccia mia dolce colorita’, attribuita al notaio cividalese Antonio Porenzoni, il contrasto amoroso Biello dumnlo di valor ‘Bella signora di valore’, forse di Simone di Vittore, altro notaio cividalese, e la frottola rusticana anonima E la four dal nuestri chiamp ‘E là fuori dal nostro campo’, vd. D’Aronco (1992). Ulteriori pagine di poesia in friulano, comunque rare, sono ancora offerte dal Quattrocento, dove contiamo uno scongiuro, del 1431, e una nuova frottola, probabilmente del 1484, cf. R. Pellegrini (1987, 72–78) e Panontin (2011–2012). Si presenta qui a seguire il Pirç myo doç inculurit nell’edizione di R. Pellegrini (1987, 57s.) con relativa traduzione in italiano. Piruç myo doç inculurit, quant yo chi vyot, dut stoy ardit. Per vo mi ven tan ardiment e si furç soy di grant vigor may del to doç lial amor per manaço ni per timor çi chu vul si metto a strit. Piruç myo doç inculurit, quant yo chi vyot, dut stoy ardit. Ogn’om mostri voglo scuro, ch’yo no intint may di lasà di pasiris per pavuro lu panì di semenà, mo pluy chu may intint amà achuglè ch’ay simpri sirvit
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Piruç myo doç inculurit, quant yo chi vyot, dut stoy ardit. Per zo, dumlo byello e zintil, quantunch’yo pues vus vuegl preyà vo no sayes d’anim tant vil 20 di may volèmi abandonà per det d’algun malvas boas chu à simpri nimay mintit. Piruç myo doç inculurit, quant yo chi vyot, dut stoy ardit. 25 Chyançunito, va cun Dyò achello dumlo saludant di chuy fidel soy sirvidò e so celat saray amant a mil mil ang, s’yo vivès tant, 30 al so amor sì soy unit Piruç myo doç inculurit, quant yo chi vyot, dut stoy ardit. (trad.: ‘Pietruccia mia dolce colorita, quando io ti vedo, tutto io sto ardito. Per voi mi viene tanto ardimento e così fortemente sono di grande vigore, che io non credo di fare partenza mai dal tuo dolce leale amore, per minaccia né per timore, chiunque voglia si metta a contesa. Pietruccia mia dolce colorita etc. Ognuno mostri voglia oscura, che io non intendo mai lasciare di seminare il panico per paura di passeri, ora più che mai intendo amare colei che ho sempre servito. Pietruccia mia dolce colorita etc. Perciò, signora bella e gentile, quanto io posso vi voglio pregare che non siate di animo tanto vile da volermi mai abbandonare per parola di qualche bugiardo che ha sempre mentito. Pietruccia mia dolce colorita etc. Canzonetta, va’ con Dio a salutare quella signora di cui sono fedele servitore e sarò suo celato amante per mille e mille anni, se io vivessi tanto, così al suo amore sono unito. Pietruccia mia dolce colorita’ etc.)
L’interpretazione più verosimile di Piruç, che nel lessico comune rimanderebbe a ‘pera, frutto del pero’, porta piuttosto all’appellativo ‘Pietruccia’, richiamando quindi il nome della donna alla quale il poeta dedica il componimento; è un tipo di diminutivo, quello in -uç e -ùs, per altro, di largo uso in friulano antico. Tra i caratteri linguistici del componimento, a parte quanto già rilevato per i testi cividalesi visti dianzi, si segnala il dileguo di -l- in doç ‘dolce’. La -r scoperta in fine di parola dilegua, come accennato, e non si registra quindi all’inf. del V, in abandonà ‘abbandonare’ (v. 21), amà ‘amare’ (v. 14), lasà ‘lasciare’ (v. 11), preyà ‘pregare’ (v. 19), semenà ‘seminare’ (v. 13); essa viene piuttosto restituita, solo graficamente, nei sostantivi, in amor (v. 5), timor (v. 6), vigor (v. 4) etc. Testimoniano, comunque, dell’effettivo dileguo della vibrante, le due forme bosà ‘bugiardo’ (v. 22), frl. mod. bausâr, che rima con abandonà ‘abbandonare’ (v. 21), e sirvidò ‘servitore’ (v. 28), frl. mod. servidôr, che rima con Dyò ‘Dio’ (v. 26). Ancora dileguo di consonante in fine di parola, questa volta una -k, abbiamo poi regolarmente nel caso di panì ‘panico, tipo di erba’ (v. 13), lat. PANICUM (cf. frl. mod. amì ‘amico’, Fidrì ‘Federico’, ma anche miedi ‘medico’, stomi ‘stomaco’ etc.).
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Il secondo componimento poetico che qui si segnala è il contrasto amoroso Biello dumnlo di valor ‘bella signora di valore’, una ballata in stile cortese, ballata già segnalata da Leicht (1867) e da Joppi (1878). Se ne propone qui un brano, le prime tre sestine, nell’edizione di Barbieri/Vanelli (1993), cf. anche Corgnali (1934). Biello dumnlo di valor, jo cgiantaraj al vuestri honor. Biello dumnlo inchulurido ch’el no’nd’è al mont zardin chu se flor chusì flurido com vo es sichu un flurin, vo ses achel zintil rubin ch’a Cividat arint splendor. Biello [dumnlo di valor, jo cgiantaraj al vuestri honor.] Biell infant va pur chun Diò e no m’alà pluj atentant, [.] cg’iò mi’nd’aj un amador chu per me va pur cgiantant. Si tu fos vignut inant non curavo d’altri amador. Biello [dumnlo di valor, jo cgiantaraj al vuestri honor.] Con cg’iò soj in grant pinsì, jo vul diray, si vo voles, chu zamay non pues durmì, mancgià ni bevi pluj d’un mes. Vo lu vedes ben a pales [.] cg’iò muriraj per vuestri amor.
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(trad.: ‘Bella signora di valore, io canterò in vostro onore. Bella signora colorita che non c’è al mondo giardino in cui ci sia fiore così fiorito quanto voi, siete come un fiorellino, voi siete quel gentile rubino che a Cividale rende splendore. Bella etc. Bel giovane, vai pure con Dio e non andarmi più insidiando, che io ce l’ho già un innamorato, che per me va anche lui cantando Se tu fossi venuto prima, non mi sarei curata di un altro innamorato. Bella etc. Poiché io sono in gran pensiero, ve lo dirò, se volete, che non posso mai dormire, mangiare né bere da più di un mese. Vedete ben chiaramente che morirò per amor vostro’.)
Notevole risulta, per la grafia, la soluzione del trigramma cgi per l’occlusiva palatale sorda, ma anche sonora, quindi cgiantaraj ‘canterò’ (v. 2), cgiantant ‘cantando’ (v. 14), mancgià ‘mangiare’ (v. 22), mentre il digramma ch resta per la resa della velare sorda, come in inchulurido ‘colorita’ (v. 3), chusì ‘così’ (v. 5), sichu ‘come’ (v. 6), achel ‘quello’ (v. 7), chun ‘con’ (v. 11), chu ‘che’ (rel.) (v. 13) etc., pur trovandosi anche la c semplice in com ‘quanto’ (v. 6) e in curavo ‘mi sarei curata’ (v. 16). Debitrice di uso colto è, naturalmente, la h di honor ‘onore’ (v. 2). Per la fonologia, oltre all’attesa dittongazione delle medie nei casi di biello ‘bella’ (v. 1), biell ‘bello’ (v. 11) e vuestri ‘vostro’ (v. 2), si conferma la prostesi di a- davanti a vibrante, in arint ‘rende’ (v. 8), e nel dimostrativo achel ‘quello’ (v. 7). Regolare è poi l’esito -A > -o (vd. sopra).
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Il pron. rel. invariabile è presente con la sola forma chu: el no’nd’è al mont zardin chu se flor chusì flurido ‘non c’è al mondo giardino nel quale ci sia un fiore così fiorito’ (vv. 4–5); un amador chu per me va pur cgiantant ‘un innamorato che per me va anche lui cantando’ (vv. 13–14). Si trova ben due volte, inoltre, il pron. genitivo-partitivo nd ‘ne’, lat. INDE , nei casi el no’nd’è al mont zardin ‘non c’è al mondo giardino’ (v. 4) e cg’iò mi’nd’aj un amador lett. ‘che io me ne ho un innamorato’ (v. 13), con il mi come dat. di vantaggio. Tra le voci di lessico merita segnalare dumnlo ‘signora’ (v. 1), lat. DOM ( I ) NULAM , con suffisso diminutivo con valore vezzeggiativo, in origine quindi ‘signorina’, mentre varie sono le occorrenze di ‘fiore’, a partire da flor (v. 5), regolarmente al f., che si accorda con il seguente flurido ‘fiorita’ (v. 5) (ma in frl. mod. flôr è sia f. che m.) e ancora flurin ‘fiorellino’ (v. 6), che però richiama anche ‘fiorino’, moneta di valore, che rima proprio con rubin ‘rubino, pietra preziosa’ (v. 7).
4 Lingua comune e varietà La letteratura in friulano, che tra la fine del Tre e gli inizi del Quattrocento muove i primi passi, non è paragonabile, nel suo complesso, a quella delle lingue romanze maggiori, in termini anche solo di quantità; con i suoi limiti, tuttavia, presenta caratteri di notevole continuità, dal Cinquecento in poi, ed è piuttosto cospicua, tra Otto e Novecento. L’attrazione che il modello del friulano centrale, dotato di maggiore prestigio e circolazione, esercita sulle varietà, è sensibile già a partire dal Seicento, con i primi circoli letterari che guardano alla realtà udinese, ma sarà soprattutto nell’Ottocento che esso si imporrà definitivamente. Contribuiscono al successo della «koinè», la lingua comune, l’opera di illustri autori come Pietro Zorutti (1792–1867), che ebbe larga diffusione e fama grazie ai suoi Strolics, almanacchi poetici che pubblicò dal 1821 alla morte, ma anche Caterina Percoto (1812–1887), cui si devono le prime prose friulane. Un ruolo importante ebbe, in ogni caso, anche il fenomeno della predicazione in friulano: dalla metà del Settecento e fino ai primi decenni del Novecento, davvero rilevanti sono le raccolte di omelie e di catechismi in friulano, conservati per lo più negli archivi parrocchiali, testi scritti anch’essi, di massima, in una varietà di tipo centrale – si veda, ad es., la consistente raccolta di prediche ottocentesche presentata in Capitanio/Zanello (2003). A ciò si aggiunga la fortuna del Vocabolario friulano dell’abate Jacopo Pirona (1871), l’azione di promozione della lingua condotta dalla Società Filologica Friulana «Graziadio Isaia Ascoli», benemerito istituto fondato a Gorizia nel 1919, nonché la pubblicazione, nel 1935, del Nuovo Pirona, autentico monumento della lessicografia friulana, uscito a cura di Ercole Carletti e Giovanni Battista Corgnali. Tutti questi fattori consegnano un quadro piuttosto definito, alla fine, su quella che possiamo considerare per il friulano la «questione della lingua», ovvero la scelta di un modello di riferimento verso il quale le varietà locali possano naturalmente
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orientarsi. Nonostante l’assenza in regione di un centro politico ed economico egemone, elemento solitamente decisivo in questa prospettiva, altre ragioni hanno portato, soprattutto dall’Ottocento, al consolidarsi di una norma linguistica generalmente riconosciuta. La questione si è posta in termini molto pratici negli anni Ottanta del Novecento, per altro, quando il mondo culturale friulano ha dovuto confrontarsi sulla scelta di una grafia comune, ritrovandosi sostanzialmente su quella tradizionale della Società Filologica, ma anche negli anni Novanta, quando l’approvazione di normative statali e regionali di tutela hanno avviato le prime concrete azioni di politica linguistica, vd. Vicario (2011). Pagine di ottima prosa friulana sono offerte nel Novecento da Carlo Sgorlon (1930–2009), narratore molto noto a livello it. e internazionale per la pubblicazione di numerose opere di successo. La sua produzione friulana si concentra sui tre romanzi Prime di sere (1971), Il dolfin (1982) e Ombris tal infinît (2010), il primo dei quali più volte ristampato. Da questo, nell’edizione del 2005, pp. 31s., si trae una descrizione di paesaggio invernale, nel quale si muove il protagonista Eliseu.
A jerin i ultins di zenâr. La criure e jere simpri fuarte, ma za si visavisi che lis zornadis a jerin deventadis plui lungjis. Par aiar al jere alc di diferent. Forsit la lûs che e durave di plui, o salacor la atmosfere di carnevâl, a fasevin sintî che il piês dal unvier al jere passât. Une sere, sui prins di fevrâr, Eliseu al lave sù pe strade dal asîl. I vevin dât une direzion e lui al tentave ancjemò une volte di cjatâ une cjamare, ma no che al speràs masse. La parone di cjase e jere une vedue cuntun frut sui dîs agns, figurâsi se une femine bessole e voleve tirâsi in cjase un om, e ancjemò un come lui. Ma al voleve provâ ancje chê, prime di rindisi. Sul mûr blanc dal cilindri dal acuedot al viodè il manifest di un bal in mascare a Tarcint, la sabide che e vignive. Passât l’asîl, al tacà a lâ jù di chê altre bande de culine, jenfri roncs e cjasâi. Si podeve rivâ prime taiant pai cjamps. La tiere no jere plui glaçade dal dut e a cjaminâi parsore al sintive il tac dai scarpons impilacitâsi un fregul tal pantan. Des cumieriis a vignivin fûr di une cuarte lis cjanussis de blave, cu lis lidrîs dissapulidis par dute la ploie colade di otubar incà. A un ciert pont Eliseu al viodè a vignî fûr di un dai cjasâi dôs figurutis scuris che si movevin de sô bande. Di come che a jerin vistudis a semeavin feminis, ma cuant che a forin cualchi pas plui dongje si visà che a jerin dôs mascarutis di carnevâl. A vevin cotulis lungjis fintremai ai pîts e a tignivin in man doi ombrenins dal antîc testament, un blanc e un colôr di rose. Eliseu nol cjalave nancje de lôr bande, par pôre di spaventâlis, e dome cuant che lôr si slontanarin al traviersà il cjamp e si invià parmìs lis cjasis, grisis e cidinis. Su la jerbe brusade dal frêt e sui ramaçs dai arbui e jere za poiade la zilugne, la nêf invezit e jere sparide, stant che aromai a jerin setemanis che nol neveave plui. La cjase de vedue, la ultime de stradele, e veve un curtîl cuadrât, scovât come se al fos stât une stanzie de cjase. In fonts si jevave sù une file di pôi, e tal mieç un cjariesâr cul tronc taront e dret come une colone. Cualchi toc di blancjarie al jere metût a suiâ sul fîl di fier tra i pôi e la cjase. Une scjale di len e menave suntun puiûl e a lis cjamaris adalt.
Un brano di prosa anche breve, come questo, consente naturalmente di svolgere una serie di osservazioni su vari caratteri linguistici del friulano. La particolarità forse più interessante, per il vocalismo tonico, è data dalla presenza di una doppia serie completa di vocali brevi (a e i o u) e lunghe (â ê î ô û). Queste vocali, in opposizione fonologica, hanno valore distintivo, quindi avremo casi come lat ‘latte’ e lât ‘andato’,
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pes ‘pesce’ e pês ‘peso’, mil ‘mille’ e mîl ‘miele’, crot ‘nudo’, ma anche ‘rana’, e (o) crôt ‘(io) credo’, brut ‘brutto’ e brût ‘nuora’, ma anche ‘brodo’. Nel passaggio dal lat. classico al lat. tardo si verifica la generale perdita del tratto di lunghezza vocalica, come noto, e ciò si verifica anche in area friulana; le vocali medie cominciano a essere distinte, per altro, sulla base del loro grado di apertura, tra medio-alte chiuse e mediobasse aperte. Attraverso una serie di successivi fenomeni fonetici, descritti in particolare da Vanelli (1979), vd. anche Finco (2007), si giunge alla rifonologizzazione del tratto della lunghezza vocalica che risulta quindi, alla fine, uno sviluppo innovativo del friulano, non un carattere di conservazione dal lat. Tale fenomeno è determinato, in sintesi, dai seguenti fenomeni: la sonorizzazione delle consonanti scempie intervocaliche e lo scempiamento delle geminate; la caduta delle vocali finali diverse da -A : la desonorizzazione delle consonanti sonore scoperte e l’allungamento, per compenso, delle vocali toniche che le precedono. Nel nostro testo, ad es., abbiamo il caso di lûs ‘luce’, che segue pertanto questa trafila: lat. LUCEM > luze > luz > lûs [lu:s]. Analogo il caso di nêf ‘neve’: lat. NIVEM > nev > nêf [ne:f]. L’allungamento si verifica anche in altri contesti, ad es. prima di vibrante, ma non dà luogo a coppie minime. L’esito della dittongazione delle medie, cui abbiamo già fatto cenno dianzi e per il quale si rimanda a Francescato (1959) e a Rizzolatti (1979), produce i seguenti esiti: lat. E > frl. je, lat. O > frl. we (/ wo, in alcune varietà occidentali). Il secondo elemento del dittongo, inoltre, tende ad innalzarsi davanti alla nasale e ad abbassarsi davanti alla vibrante. Della dittongazione delle medie abbiamo ad es., nel nostro brano, i casi fuarte ‘forte’, tiere ‘terra’ e unvier ‘inverno’, dove non è però rappresentata, nella grafia ufficiale, l’abbassamento je > ja davanti alla vibrante, tipico delle varietà centrali, ma non di quelle più conservative. La palatalizzazione delle occlusive velari del lat., e comunque del lessico patrimoniale, è ben rappresentata sia per la sorda (segnata con cj) che per la sonora (segnata con gj), trovandosi qui elementi come blancjarie ‘biancheria’, cjamare ‘camera’, cjaminâ ‘camminare’, cjamp ‘campo’, cjase ‘casa’ e cjasâi ‘casali’, cjatâ ‘trovare’, dongje ‘vicino’, lungjis ‘lunghe’, scjale ‘scala’ etc. Non si ha palatalizzazione, piuttosto, per gli elementi di entrata più recente, mediata da altre lingue, come ad es. carnevâl ‘carnevale’ o mascare ‘maschera’. Tipologicamente interessante, per la morfologia del friulano, risulta la distinzione del numerale ‘due’ per m. e f., dove le uniche altre lingue neolatine a distinguere il genere in questo caso sono il rum. e il cat.: m. doi ombrenins ‘due ombrellini’ e f. dôs figurutis ‘due figurette’. Per quanto riguarda l’esame del lessico, che potrebbe fornire spunti davvero numerosi, ci limitiamo a segnalare il sost. frl. criure ‘freddo acutissimo’ < lat. *KRYURA < gr. kryos ‘freddo’, l’altro sost. frl. (qui al pl.) cumieriis ‘strisce rialzate di terra prodotte dall’aratro nei campi tra solco e solco’ < prelat. gall. CUMBA ‘valle’ incrociato con *CUMBERIA *GUMBERIA , e ancora parmìs ‘vicino, lungo, accosto’ < lat. PER MEDIUM . Numerose varietà dialettali si possono riconoscere all’interno dell’area linguisticamente friulana, varietà talora abbastanza ben differenziate le une dalle altre, vd. in
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particolare Francescato (1966) e Frau (1984). Attente descrizioni dei dial. friulani, insieme a quelli delle altre regioni alpine, si hanno già a partire dai fondamentali Saggi ladini (1873) di Graziadio Isaia Ascoli, ma molto importanti sono anche le cospicue raccolte dialettali prodotte come Aggiunte ad integrare il repertorio del Nuovo Pirona (1935) e naturalmente imprese di geografia linguistica come l’Atlante storico linguistico etnografico friulano (ASLEF), diretto da Giovanni Battista Pellegrini. La divisione più importante, tra le parlate friulane, è quella segnata dal corso del fiume Tagliamento, il principale della regione, che separa il friulano occidentale da quello centro-orientale. Questa partizione del Friuli riflette ancora, grosso modo, l’articolazione politica del territorio in epoca romana prima e cristiana poi, andando a corrispondere rispettivamente alle antiche diocesi di Concordia e di Aquileia. Nell’area centro-orientale, poi, ben caratterizzato è il gruppo dei dial. carnici, settentrionali e conservativi, come anche quella dei dial. sonziaci, parlati nell’area goriziana. La scelta di scrivere nella varietà locale, sentita quale migliore strumento per esprimere la pienezza di sentimenti ed emozioni, è stata operata da numerosi autori friulani, soprattutto dal secondo dopoguerra in poi. Certo fondamentale, in questo senso, è stato l’esempio di Pier Paolo Pasolini (1922–1975), considerato uno dei maggiori artisti e intellettuali it. del Novecento, che adottò il casarsese della madre, una varietà occidentale, per la sua prima produzione poetica in friulano; suoi epigoni sono stati gli scrittori della Academiuta di lenga furlana ‘Piccola accademia di lingua friulana’, sempre di Casarsa, e ancora dell’area occidentale è la voce che possiamo considerare la più alta e pura di tutta la lirica friulana del Novecento, se non di ogni tempo, quella di Novella Cantarutti (1920–2009). Della Cantarutti, che scrisse nella varietà di Navarons di Meduno, paese della madre, si riportano qui due liriche tratte dalla raccolta Puisiis (1952). La vuàrgina La vuàrgina ’a savòlta l’agâr. La mê anima ’a è cjera vièrta cul fièr. A’ semènin grims di grignéi pal cjamp. La mê anima ’a è cjera semenàda, ’a è cjera sterpa ch’a glutìs i grignéi. E ’a na fai spi’. (trad.: ‘L’aratro. L’aratro rovescia il solco. La mia anima è terra aperta con il ferro. Nel campo seminano grembi di grano. La mia anima è terra seminata, è terra sterile che inghiotte i semi e non fa spighe’.)
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Cjacjuti’ Un cos via pa li’ stradi’ cencia flât: lamìnt di spali’ crevàdi’, di voi scunîz. Un cos denànt li’ puarti’ céncia cóur: sudóur di sgóibia, cjàma da vèndi a cui ch’al vuàrda e a’ nal sa di fan. (trad.: ‘Mestoli. Una gerla per le strade senza respiro: lamento di spalle curvate, di occhi esausti. Una gerla davanti alle porte senza cuore: sudore di sgorbia, carico da vendere a chi guarda e non conosce fame’.)
Il friulano di Novella Cantarutti presenta alcune differenze rispetto a quello comune. Si segnala, prima di tutto, l’esito della -A del lat., che in questa varietà dell’area concordiese si conserva, a differenza del friulano centrale (dove invece si innalza alla media della serie palatale, -a > -e): abbiamo, quindi vuàrgina ‘aratro’, anima ‘anima’, cjera ‘terra’, sterpa ‘sterile’ etc. Sempre per il vocalismo, rileviamo le voci cóur ‘cuore’ e sudóur ‘sudore’, con dittongo al posto della vocale lunga del frl. comune, rispettivamente cûr e sudôr. Per il consonantismo, si segnala la palatalizzazione della dentale seguita da semivocale per cjera ‘terra’, come in alcune varietà della Carnia, cf. frl. com. tiere (o tiare). Altra differenza sensibile, questa volta per la morfologia, è l’assenza, quasi completa, delle forme di pl. sigmatico, che qui si trova per il solo elemento m. grims ‘grembi’, mentre l’altro m. grignéi ‘semi’ presenta il pl. palatale (sg. grignél); tutti i f. presentano, qui, caduta del morfema -s, come cjacjuti’ ‘mestoli’, stradi’ ‘strade’, spali’ ‘spalle’ etc. Per quanto riguarda il lessico, da notare i termini frl. vuàrgina ‘aratro’ (frl. com. vuarzine), dal lat. *ORGINUM /- A per ORGANUM ; frl. agâr ‘solco dei campi, canale di scolo GR EM ( I ) UM ; frl. cos ‘gerla’, per l’acqua’, dal lat. AQUARIUM ; frl. grim ‘grembo’, lat. GREM slavismo.
5 La letteratura popolare Gli studi di letteratura popolare vantano, in Friuli, una tradizione di tutto rispetto. Dalla metà dell’Ottocento numerosi sono gli studiosi che si occupano di raccogliere il patrimonio della cultura pop., i canti, i proverbi, i racconti. Tra questi vi è Caterina Percoto, scrittrice che abbiamo citato dianzi, che si ispira a temi popolari per alcune delle sue prose, ma abbiamo poi Valentino Ostermann e Luigi Gortani, che già
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pubblicavano importanti materiali sulla rivista Pagine friulane alla fine dell’Ottocento, per non dire di Vincenzo Joppi, Dolfo Zorzut, Rinaldo Vidoni e, più avanti, di Lea D’Orlandi. Il definitivo salto di qualità per gli studi friulani sulla narrativa di tradizione orale avviene poi negli anni Quaranta e Cinquanta del Novecento, con l’avvio di indagini sistematiche e di solido impianto filologico, un periodo legato a nomi illustri come quelli di Gaetano Perusini e di Gianfranco D’Aronco, senza dimenticare le figure della stessa Novella Cantarutti, di Andreina Nicoloso Ciceri, di Renato Appi e altri. Di Caterina Percoto si presenta qui una breve prosa tratta dalla raccolta Scritti friulani, pubblicata a cura di Amedeo Giacomini (1988, p. 75), una prosa che tratta il tema della predicazione di Gesù accompagnato da San Pietro, tema di larghissima fortuna anche in Friuli, dove San Pietro incarna i difetti e le debolezze proprie degli uomini, che il Signore cerca in qualche modo di correggere.
Il vôli del Signôr Il Signôr e S. Pieri, come di consuet, anchie in chel dì e’ levin attôr pal mond. Cu lis bisacchis su lis spallis al jere un piez che chiaminàvin e S. Pieri, malafesì, al veve fatte fan. E’ jentrarin in t’une chiase di boins parons. La zitte ’e bullive dongie il fûc, ma no si vedeve anime vive, che dug e’ jerin a vore pai chiamps. Il Signôr al dè la sante benedizion, pò al voltà vie viars la puarte par jessi. S. Pieri, che al jere daûr, si fermà invece un lampin parmîs il fogolâr e al tirà jù la covertorie par cucâ ce che vèvin te zitte. Un sprofum di consolazion i dè tal nâs, e une biele crodie ’e vongolave parsorevie tal miez dal vuardi e dei fasûi. A scotte-dêt te la giave e biel chiaminant daûr al Signôr al se la leve roseand in squindon. Dopo finide la cerchie e’ jèrin a polsâ su t un toglâd, vèvin mittudis jù lis bisacchis, quand che il Signôr al ordenà a S. Pieri di pettenâlu. Al puartave i chiaviêi a la nazzarene e S. Pieri, cul disgredei, i faseve la rie, quand che dut in t un moment al reste cu le man in ajar e – Jesus! – al sberle – culì daûr ’e vês un vôli vô Signôr? – Sigure – al rispuindè il Signôr – al è chel vôli cun cui vuê di mattine hai vût il dolôr di vedêti a sbisiâ te zitte e a robâ la crodie a chê puore înt che jere a vore pei chiamps.
La raccolta Sot la nape. I racconti del popolo friulano, edita dalla Società Filologica Friulana nel 1982, aduna in un unico volume i materiali raccolti dallo studioso cormonese Dolfo Zorzut (1894–1960), materiali precedentemente pubblicati dallo stesso tra il 1924 e il 1927. Si tratta di ben 153 storie, fiabe e leggende, rilevate in vari luoghi della regione, presentate rispettando anche, per quanto possibile, i caratteri più significativi delle parlate locali. Il breve racconto che qui si propone, La crûos d’arint ‘la croce d’argento’ (pp. 66s.), è stato registrato da Zorzut nel 1926 a Collina di Forni Avoltri, piccolo borgo nell’alta Val di Gorto, in Carnia. La parlata è molto caratteristica, presentando, ad es., la continuazione -o per il lat. -A , dittonghi particolari per le medie (per es. crûos ‘croce’ per il frl. com. crôs, prìodi ‘prete’ per il frl. com. predi, displasio ‘dispiacere’ per il frl. com. displasê, devôur ‘dietro’ per il frl. com. daûr etc.), gli art. m. lu ‘il’ e ju ‘i’, che già abbiamo trovato nel friulano antico, una serie di espressioni non comuni (per es. puem e puemo ‘ragazzo’ e ‘ragazza’, un viac’ ‘una volta’, portâ ju muarts in varos ‘portare i morti sul cataletto’ etc.), l’uso del p. remoto (p.es. murîr ‘morirono’, tolè ‘prese’, fôr ‘furono’ etc.).
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La crûos d’arint Al ero un viac’ uno fruto. A cheste fruto i murîr i genitûors ca ero pìciulo. Un cont cunuscìnt al tolè la fruto e lui al vevo nomo un frut. Lu frut e la fruto i si volevo un grant ben. Cul cressi di ain fasêr l’amûor insiemo. Quan che fo lu timp di lâ militâr, lu frut al lâ soldât. Con c’al partì, a i lassà, a la puemo, in riguart un cordòn cu la crûos d’arìnt che ero stado de mari di lui. La fruto ’e tegnevo lu riguart tant ciâr che no lu bandonavo mai. Fra chest timp i mûr la mari di lui e lui, lu puem, al vignì a ciaso. Ma bigno dî che tan cu lui al ero soldât un aitri giovin al volevo sposà la puemo. Ma lio ’e no volevo sovìotint. Lu segònt puem al fasè amicizio cu la siervo de puemo e al dîs e siervo. – Se tu tu mi fâs lu pussibil di fâmi vio chel cordòn che à la to parono atûor dal cuel, jo i ci dòi uno imenso monedo. Chesto va vio e tan che durmivo la puemo e i el tolè e i el portà al segont puem. Chest al entrà tar uno ostario dut content e ’l disè. – Cialo ce fedeltât che à la talo cu suo puem; ’e mi â dât a mi lu cordòn c’a i vevo dât in pen dal suo fidanzament. La puemo quant che jevà a buinoro no ciatànt lu cordòn ’e comencià a cirilu disperado e da passiòn ’e si malà. Lu puem, i ài det primo, al ven a ciaso pe muart de mari e al là a ciatâ la puemo che i contà ca i ero manciât lu cordòn. E lu no si smatà. Al entro tar uno ostario enc’ lui e al sint che l’atri al lavo vantànt che la puemo e i vevo consegnât a lui lu cordòn. E cussì par dut lu paîs i contavo la stesso stòrio. Rabiât al va a ciaso, al met lu vistìt da militâr e al part cèncio saludâ nenc’ pin la puemo. Chesto sintìnt chest ’e murì disperado. Lu puem ’l è peno fur dal paîs, al sint a sunâ a muart e al dîs. – Niàs chi làs enc’ jo a compagnâ chest muart. I usavo in chè volto a portâ ju muarts in varos in glèsio. Lu puem al va in glèsio e al dîs: – Voi stâ enc’ jo in veglo, ma platât devôur lu altâr. Quant ch’al ero devôur lu altâr, al rivà lu segònt puem a al là par disvièrgilo, la muarto, par viodilo imò un viac’. Ma la muarto quan c’al discuviergè las mans ’e lu ciapà par uno man e no lu lassà atri. Intànt al vignì dì e i ven dòngio duc’ pal funerâl. Vidìnt cussì lu prìodi a’ i damandà ce c’al vevo fat e muarto par essi tratât cussì. E lui al scugnì confessâ ce c’al vevo fat, dut quant. E lu prìodi al damandà dulà c’al vevo lu cordòn, e lui disè ca lu vevo tal puest pin segrèt c’al à. I scugnîr mandâ a toli lu cordòn e dopo mètilu atûor da lu cuel de muarto. Sintìnt e vidìnt dut chest lu puem devôur lu altar al colo muart dal displasio. Al rumûor c’al fasè colant duc’ corêr a vidio ce cu ero e lu ciatâr muart. Ju metèr, la puemo e lu puem, in varos insiemo e insiemo i fôr sepulîz.
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6 Repertori lessicografici e antologie La lessicografia costituisce, senza dubbio, uno dei settori maggiormente frequentati negli studi di linguistica friulana. Numerosi sono, già a partire dalla metà del Settecento, i repertori che si propongono di descrivere la ricchezza del lessico friulano. Di sicuro interessante, pure non molto ampio, è il manoscritto inedito Vocabolario furlano e toscano attribuito a Pietro Someda, conservato presso la Biblioteca Civica di Udine (ms. 2271 del Fondo Principale), con la scelta di alcune centinaia di termini friulani con il corrispettivo toscano, secondo quanto dettato dall’autorità dell’Accademia della Crusca. Di impegno decisamente superiore, anche per il grado di elaborazione e lo sforzo di interpretazione delle singole forme, è poi la dissertazione Lingua friulana o gallo-carnica di Girolamo Asquini (2008), compilata tra la fine del Sette e gli inizi dell’Ottocento, che propone una notevolissima rassegna di voci e locuzioni friulane con collegamenti, allora assai di moda, ma ingenui, al celtico e all’ebraico. Il primo dizionario friulano moderno si deve, nella seconda metà dell’Ottocento, alla tenacia e alla cura dell’abate Jacopo Pirona; il suo ampio Vocabolario friulano esce postumo a Venezia nel 1871 a cura del nipote Giulio Andrea, essendo l’abate morto l’anno prima. L’intero repertorio dei due Pirona, comprendente anche una parte inedita, fu poi ripreso dopo la fondazione della Società Filologica Friulana, che avvenne a Gorizia nel 1919, istituzione che da subito diede un notevole impulso agli studi friulani, in particolare nei settori della lingua e delle tradizioni popolari. E’ del 1935, quindi, l’edizione del Nuovo Pirona, notevolmente ampliato rispetto al Vocabolario friulano e con importanti revisioni anche per l’aspetto della grafia. Nel 1992 Giovanni Frau cura la stampa della seconda edizione del Nuovo Pirona, raccogliendo tutte le Aggiunte e le integrazioni uscite nel frattempo, relative soprattutto alle varietà locali, a consolidare la posizione di vocabolario friulano di riferimento che questo repertorio indubbiamente detiene. Altri buoni dizionari friulani sono stati compilati nel Novecento, come ad es. quelli di Gianni Nazzi (anche verso e da lingue straniere), di Giorgio Faggin (con lo spoglio meticoloso degli autori della letteratura friulana dell’Ottocento e del Novecento) e di Maria Tore Barbina. Gli studi di lessicografia friulana segnano un ulteriore decisivo progresso con la redazione e l’uscita in sei volumi, tra il 1972 e il 1986, del già ricordato Atlante storico linguistico etnografico friulano (ASLEF), curato magistralmente da Giovanni Battista Pellegrini. A coronamento dell’ambizioso progetto di una descrizione sincronica e diacronica del lessico friulano, lo stesso Pellegrini intraprende una seconda fondamentale opera, che sarebbe stata la redazione del Dizionario etimologico storico friulano (DESF), opera che però si arresta dopo l’uscita dei primi due volumi, nel 1984 e nel 1987, che trattano le voci del lessico friulano fino alla lettera e-. Un nuovo progetto si propone ora di colmare la lacuna della descrizione del lessico friulano antico, il progetto del Dizionario storico friulano. Il lavoro, promosso dall’Università di Udine e coordinato dallo scrivente, si prefigge di costituire un corpus ampio e affidabile del friulano delle origini, un repertorio basato sullo spoglio
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delle numerose edizioni di fonti tardomedievali in volgare prodotte negli ultimi vent’anni. I dati, in continuo aggiornamento, sono accessibili dall’autunno del 2009 sul sito dedicato al progetto (www.dizionariofriulano.it): i materiali sono organizzati in schede relative al lessico, alle fonti e alla bibliografia di riferimento. Per quanto riguarda la sezione del lessico, che comprende anche il vasto patrimonio di onomastica friulana antica (antroponimia e toponomastica), la scheda fornisce indicazioni sulla presenza della voce nei documenti analizzati, segnalandone la posizione, i legami a varianti o voci di significato analogo e permette di accedere direttamente alla scheda documento. Dalla scheda documento, invece, si possono ottenere notizie sulla datazione del pezzo, sull’autore (che, però, nel caso dei documenti di uso pratico, non è sempre identificabile), nonché sull’ente produttore e sull’ente conservatore dello stesso. Chiudono la scheda documento le indicazioni bibliografiche, che segnalano chi si è già occupato di tale pezzo, e quindi l’elenco alfabetico di tutte le voci di lessico estratte da esso, una sorta di glossario per ogni specifica fonte documentaria. La bibliografia caricata sul Dizionario storico friulano e organizzata anch’essa in schede rappresenta, fin d’ora, la raccolta forse più ampia di titoli specialistici sul tema, una raccolta che, in prospettiva, potrebbe andare a costituire una nuova e sempre aggiornata Bibliografia linguistica friulana. Alla fine del giugno del 2014, a circa cinque anni dalla pubblicazione del sito, i records lessicali caricati e validati sono oltre 20.000 e circa 3.700 i titoli di bibliografia. Un ulteriore repertorio lessicografico del friulano, di ampie dimensioni e disponibile in rete, è il Grant dizionari bilengâl talian furlan ‘grande dizionario bilingue italiano friulano’, un’opera consultabile al sito dell’Agjenzie regjonâl pe lenghe furlane (www.arlef.it). Si tratta, in particolare, di un’opera che comprende oltre 46.000 lemmi e che costituisce la versione friulana del Grande dizionario italiano dell’uso (GRADIT) diretto da Tullio De Mauro. In questo dizionario, curato da Adriano Ceschia, viene rappresentato principalmente il lessico friulano contemporaneo, con numerosi neologismi atti a meglio descrivere gli ambienti e le necessità comunicative del giorno d’oggi. Alla fine del 2011 l’opera è stata pubblicata su carta in sei volumi per un totale di circa 7.000 pagine.
7 Bibliografia Ascoli, Graziadio Isaia (1873), Saggi ladini, Archivio Glottologico Italiano 1, 1–537. Asquini, Girolamo (2008), Lingua friulana o gallo-carnica, ed. Maria Cristina Cescutti, Udine, Società Filologica Friulana. Barbieri, Alvaro/Vanelli, Laura (1993), Una nuova edizione di «Biello dumnlo», Ce fastu? 69, 143–165. Benincà, Paola/Vanelli, Laura (1978), Il plurale friulano. Contributo allo studio del plurale romanzo, Revue de Linguistique Romane 42, 241–292. Benincà, Paola/Vanelli, Laura (edd.) (1998), Esercizi di versione dal friulano in latino in una scuola notarile cividalese (sec. XIV), Udine, Forum. Cantarutti, Novella (1952), Puisiis, Treviso, Ed. Treviso.
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Federico Vicario
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L’italien
Marcello Barbato
27 Antichi testi italoromanzi Abstract: Dopo un excursus storico sulle antologie e i corpora di italiano antico, si delinea un breve panorama dell’Italia dialettale ai tempi di Dante. L’antologia comprende otto testi (tre settentrionali, uno toscano, quattro centro-meridionali) scelti tra i più antichi, cospicui e rappresentativi delle diverse aree linguistiche, tipologie testuali e pratiche ecdotiche.
Keywords: italiano antico, testi, storia degli studi, grammatica, lessico
1 Retrospettiva storica Finalità linguistiche o letterarie, limiti cronologici e geografici, numero di testi, criteri di selezione (diatopico, diatestuale), tipo di edizione (originale/riprodotta, parziale/ integrale, critica/diplomatica), presenza o meno di note, di glossario e di studio linguistico: questi i tratti principali che distinguono le antologie e i corpora di italiano – o italoromanzo – antico.1 In principio era «il Monaci». Ernesto Monaci (1844–1918) è tra i fondatori, con Pio Rajna e Francesco D’Ovidio, della filologia romanza in Italia. La sua Crestomazia si propone come uno strumento per la «storia delle lettere italiane nei secoli che precedettero il rinascimento» (1889, III ): opera filologica integrale dunque, senza distinzione di linguistica e letteratura. I testi vanno dalle Origini alla fine del Duecento e sono quasi tutti pubblicati ex novo, con varia tipologia di edizione (diplomatica, sinottica, critica), all’interno di un progetto scientifico e didattico che ha come altra colonna i Facsimili di antichi manoscritti (1881–1892). La struttura è quella che diverrà classica: «cappello» con indicazioni topografiche e bibliografiche, testo, note filologiche (non esegetiche). Si dovrà aspettare tuttavia il 1912 per la pubblicazione del glossario e del previsto «prospetto delle flessioni», divenuto ormai un «prospetto grammaticale» che include la grafia e la fonetica. In questa occasione, allo scopo di documentare dovutamente la variazione diatopica italoromanza, viene aggiunta un’appendice di nuovi testi anche più tardi. Il risultato è una selezione generosa e ben accessibile, destinata a costituire insieme all’AIS la fonte principale della grammatica storica di Rohlfs. Il Monaci rimane a lungo inimitato in Italia (pretese unicamente didattiche ha la raccolta di Frascino 1928 che pubblica da edizioni esistenti esempi dell’«uso del
1 In seguito i due termini verranno impiegati come sinonimi. Grazie a Francesco Montuori, Giovanni Palumbo e Tania Paciaroni. Nel ricordo di Cuchita Rinaldi.
480
Marcello Barbato
volgare non assurto a dignità di volgare illustre», p. 4, dalla carta capuana a Cielo D’Alcamo, senza cappello e quasi senza note ma con un indice lessicale-grammaticale), ma il procedere dell’attività filologica ne produce l’inevitabile invecchiamento. Monteverdi (1935) raccoglie così (nella collana «Testi e manuali» diretta da Bertoni) tutti i testi it. anteriori al Duecento, di cui dà nuove edizioni, affiancando in alcuni casi trascrizione diplomatica e testo critico. Qualche anno dopo Monteverdi (1941) avanza lievemente i limiti cronologici, includendo il Libro di conti fiorentino del 1211, il Ritmo lucchese (1213) e il Breve di Montieri (1219), oltre a una selezione ristretta e ragionata (cf. p. 11) dei primi testi letterari. Manca come nell’antologia precedente un glossario: «Vorrei dare in compenso», scrive Monteverdi, «se l’idea troverà approvazione, in un manualetto complementare, un commento ai testi qui pubblicati» (p. 14). Se i lavori di Monteverdi offrono un complemento, magari più raffinato, al Monaci, Ugolini si pone come una vera e propria alternativa con i Testi antichi italiani (1942a), cui non a caso affianca l’Atlante paleografico romanzo uscito nello stesso anno (1942b). La novità è la riproduzione integrale e non selettiva dei testi. Sono inclusi tutti i testi anteriori al Duecento e testi di particolare interesse del XIII secolo, collocati in ordine geografico e subordine cronologico. «Si è procurato che tutte le regioni di maggiore precocità e attività in fatto di produzione volgare potessero essere rappresentate» (p. VII ). Che l’Ugolini non riuscisse a sostituire il Monaci si dové, oltre che alla mole minore,2 all’assenza di glossario e di studio linguistico. Si promosse dunque meritoriamente una nuova edizione della Crestomazia, comparsa nel 1955 per le cure di Felice Arese. I testi in appendice vi sono fusi con gli altri; vengono aggiunti nuovi testi sconosciuti a Monaci, esclusi quelli rivelatisi spurî; tutti i testi sono rivisti sulle nuove edizioni ed eventualmente sui mss. Il glossario viene di molto arricchito, il prospetto grammaticale dovutamente aggiornato. Il Monaci/Arese è ancora oggi uno strumento fondamentale della filologia it. e, grazie al prospetto, fornisce una prima preziosa informazione su molti problemi dell’it. ant. Nel 1973 Arrigo Castellani pubblica la raccolta ancora insuperata dei più antichi testi it. Nata dalla pratica dell’insegnamento, l’opera raccoglie in edizione interpretativa «tutti i testi anteriori al 1150, e quelli datati o precisamente databili della seconda metà del XII secolo» (p. 5), configurandosi come una serie di monografie la cui struttura si adatta plasticamente all’oggetto. Il testo non è più parcamente circondato dal paratesto, ma immerso, con il dovuto spicco grafico, nel commento continuo che tratta dettagliatamente tutte le questioni storiche, filologiche, esegetiche e linguistiche. Una bibliografia esaustiva chiude le voci; ricchi indici (di autori, forme e fenomeni) corredano l’opera.
2 Si consideri che Monaci (1912) contiene 157 unità testuali (di cui alcune multiple) più dieci appendici, Ugolini solo 36.
Antichi testi italoromanzi
481
A un livello paragonabile di cura filologica, ricchezza informativa e completezza dell’analisi linguistica si colloca la raccolta di Formentin (2007) dedicata ai più antichi testi poetici. Ogni sezione è aperta da un’introduzione filologica e storico-letteraria, dove si discutono i problemi di datazione, si chiariscono i riferimenti storici e si additano eventualmente le fonti del testo in questione. Segue una sistematica descrizione linguistica, una nota metrica e una nota al testo. Il testo stesso è accompagnato da un fitto commento esegetico e chiuso da un esauriente apparato. Numerosi indici (dei fenomeni e dei temi, delle forme notevoli, dei nomi) permettono un accesso trasversale al libro.3 Anche nelle università straniere si producono antologie, le cui caratteristiche sono il minor impegno filologico (si basano per lo più sulle edizioni esistenti) e un più spiccato interesse linguistico. Già nel 1903 si pubblica a Strasburgo la Altitalienische Chrestomathie di Savj-Lopez/Bartoli che vuole sopperire alla mancanza di un’introduzione «in das Sprachgeschichtliche Studium des Altitalienischen» (p. V ) attraverso una serie di testi variamente presentati e commentati (dall’edizione diplomatica del tutto priva di note al testo critico con apparato completo).4 Testi e commenti sono a carico di Savj-Lopez, mentre a cura di Matteo Bartoli sono la «grammatische Übersicht» (un vero e proprio profilo storico-grammaticale dal lat. ai diall. mod.) e il glossario (con note etimologiche e frequenti rinvii al detto profilo).5 Quasi contemporaneamente esce tra i primi volumi della «Sammlung romanischer Elementar- und Handbücher» la prima edizione dell’Italienisches Elementarbuch del Wiese (1904), meno ambizioso ma forse più solido del precedente. I testi ora riprendono edizioni esistenti ora sono tratti direttamente dai mss., e sono accompagnati da note non solo filologiche ma anche glottologiche.6 Lo studio linguistico – non sempre direttamente relato con la parte antologica – offre una trattazione dettagliata dell’it. con note sui diall.; nella prima edizione muove dalla lingua mod., nella seconda (1928) segue i criteri canonici della grammatica storica. Chiude il volume un glossario e un indice delle forme citate nello studio. Nel dopoguerra compare come primo volume della «Bibliotheca Romanica» la Raccolta del Wartburg (1946). Avendo come principale scopo rappresentare la varietà delle parlate it., include anche testi tardi come un’egloga trevigiana della prima metà del XVI secolo. «I testi non sono accompagnati da note esplicative, né da commento linguistico, per non diminuire la parte del docente e anche, per non far nascere negli
3 È in cantiere, ad opera dello stesso Formentin e di altri filologi e paleografi, un progetto di edizione sistematica dei più antichi testi italoromanzi (Chartae Vulgares Antiquiores). 4 Si noti che a questa data non era ancora uscito il terzo fascicolo del Monaci, contenente il prospetto e il glossario. I testi ammontano a 60 e sono in ordine geografico, salvo i più antichi raccolti all’inizio. 5 L’utilità di questi strumenti è diminuita dal fatto che il rinvio alla sola pagina dell’antologia rende faticosamente reperibili le forme. 6 Sono presenti 33 unità, con una preponderanza di testi tosc. duecenteschi e un ordine non del tutto perspicuo, ma più generico che cronologico.
482
Marcello Barbato
studenti l’illusione che il contatto con i lavori originali sia superfluo» (p. 6). Il glossario esclude «le parole che hanno corrispondenza nella lingua letteraria odierna o che ne sono le varianti dialettali foneticamente normali» (ib.).7 Una scelta antipodica quella di Dionisotti/Grayson (1949), destinato alle università inglesi: l’antologia non ha glossario ma dei ricchi cappelli introduttivi che rifanno per ogni testo lo status quaestionis; le dettagliate note (filologiche, esegetiche, linguistiche) occupano normalmente uno spazio doppio di quello del testo. In anni più vicini, nell’università tedesca il Wiese è stato rimpiazzato da Michel (1997), che rappresenta bene la variazione diatopica e diatestuale dell’italoromanzo antico e fonde con successo antologia e trattazione grammaticale (non immune però da alcune imprecisioni). In ambito francese è apparso recentemente Redon et al. (2002), che si rivolge per lo più a un pubblico di storici e non è sempre filologicamente impeccabile, ma si segnala per la varia tipologia di testi e per l’utile panorama introduttivo di Pietro Beltrami (cap. II , L’italien des origines). Dalle opere citate finora si distaccano le antologie fatte a fini letterari. Vale la pena di menzionare l’opera di Gerolamo Lazzeri, notevole figura di intellettuale e dissidente politico, uscita postuma nel 1942, che dichiara esplicitamente la riduzione crociana della linguistica a estetica: «Questi documenti di antico volgare italiano non sono offerti con criterio naturalistico, come materiali per una storia della lingua, perché storia della lingua e storia della letteratura sono tutt’una cosa» (p. XIII ). L’antologia è accompagnata da abbondanti note esegetiche ma è priva prevedibilmente di note grammaticali e di glossario. Significativo del cambio di paradigma intercorso il fatto che nel 1970 Gianfranco Contini, il filologo italiano che meglio ha saputo coniugare scienza linguistica e letteraria, fa precedere da efficaci schizzi linguistici i brani del primo vol. di un’antologia della letteratura it., e chiude il tutto con 45 pagine di indice lessicale. Non faremmo accenno qui alle antologie regionali, se un destino storico non rendesse i testi toscani di diritto «nazionali». La pioneristica raccolta dei testi fiorentini di Schiaffini (1926) venne integrata da Castellani (1952) con un’opera fondativa: per l’importante glossario che offre spesso dei veri e propri profili lessicali, per lo studio linguistico che costituisce ancora oggi la base per la conoscenza del toscano – non solo del fiorentino – duecentesco, per i criteri di edizione destinati a fissare uno standard nella filologia dei testi documentari o monotestimoniali. Castellani ha proseguito il suo impegno nel 1982 fornendo l’edizione di tutti i testi tosc. fino al 1275 accompagnati da riproduzioni fotografiche.8
7 Poche modifiche nell’ed. 1961: «si sono accresciute le notizie bibliografiche introduttive a certi testi» (p. 6), mentre cambia la disposizione del Ritmo cassinese (num. 36), di cui si acclude una riproduzione fotografica. 8 Il progetto PIO prevedeva anche un volume per i testi non tosc., mai apparso, e uno per l’opera di maestro Fantino, edita postuma (Castellani 2012).
Antichi testi italoromanzi
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Fanno da contraltare le raccolte di testi non toscani di Migliorini/Folena (1952; 1953) che hanno accompagnato e alimentato l’elaborazione dell’incunabolo della storia della lingua it. (Migliorini 1960). Per la selezione importa il principio secondo cui «l’interesse dello storico della lingua si rivolge ancor più che ai testi specificamente dialettali, ai tentativi di smunicipalizzazione del dialetto e di costituzione di una lingua comune» (1952, VII ). Le preziose raccolte, corredate di glossario e – novità – ciascuna di una carta geografica, scontano però la presenza di testi non sempre filologicamente controllati. La linea di una storia della lingua attenta alla dimensione regionale e imperniata sui testi è stata continuata da Francesco Bruni che, da un lato, ha diretto un’opera collettiva che comprende come secondo vol. (1994) un’antologia di testi per regione, dall’altro ha ideato una collana per epoche i cui tomi – Casapullo (1999) e Manni (2003) per quanto ci riguarda – appaiono bipartiti in una parte trattatistica e in una antologica. Dello stesso Bruni va menzionato un manuale di storia della lingua it. (1984), ancora oggi per molti versi insuperato, che dedica ampio spazio a testi profusamente commentati. Proprio intorno ai testi è costruito il più recente manuale di Marazzini (2006).9 Occorre parlare infine dei progetti per un nuovo vocabolario storico della lingua it. iniziati negli anni Sessanta in seno all’Accademia della Crusca e poi al Consiglio Nazionale delle Ricerche, che sin dall’inizio puntarono sulla creazione di corpora elettronici. Le CLPIO di Avalle (1992) si propongono proprio «di fornire materiali di prima mano alla compilazione del Vocabolario della Crusca» (p. XIX ). Forniscono l’edizione interpretativa di tutto ciò che di poetico è in mss. databili entro il XIII secolo o poco oltre, accompagnata da uno studio filologico e linguistico lussureggiante (anche se un po’ rapsodico), e da un omofonario. Al progetto di pubblicare le concordanze lemmatizzate in forma cartacea si è sostituito poi quello di un CD-Rom che permetta interrogazioni mirate e ricerche statistiche sul corpus (cf. Leonardi 1998; 2000). Tornando al dizionario, i progetti di creazione di una base testuale, dopo un rallentamento dovuto all’obsolescenza delle tecnologie impiegate, hanno ripreso nuova lena sotto la direzione di Pietro Beltrami (1992–2013). Il corpus OVI così concepito contiene tutti i testi italo-romanzi composti prima della fine del XIV secolo di cui esistano edizioni affidabili (e anche, opportunamente segnalate, edizioni inaffidabili di opere imprescindibili).10 I testi sono stati rivisti nel tempo da un ufficio filologico, sicché non è raro che figurino in forma più certa di quella offerta dall’edizione di riferimento. Il corpus attuale, gestito dal programma GATTO sviluppato da Domenico Iorio-Fili, permette la creazione di sottocorpora ed è interrogabile per forme e per lemmi (e per cooccorrenze di entrambi). Si può senz’altro dire che gli studi di
9 Questi manuali travalicano i nostri limiti cronologici, coprendo tutta la storia della lingua italiana. 10 Attualmente (dicembre 2013) il corpus contiene più di 2000 testi e di 23 milioni di forme.
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lessicografia, linguistica storica, filologia e stilistica dell’it. ant. hanno cambiato volto da quando hanno a disposizione uno strumento di tale potenza e duttilità.11 Un prezioso contributo alla lessicografia storica it. (fornendo ad opere come il LEI e il DELI retrodatazioni, attestations charnières, ecc.) ha apportato anche la LIZ, che nella sua quarta edizione (2001) contiene circa un migliaio di testi della letteratura it. dalle Origini all’inizio del Novecento. Più recentemente, la BIBIT ha permesso l’interrogazione on line per forme e cooccorrenze di oltre 1600 opere appartenenti allo stesso arco cronologico.
2 Panorama linguistico Per favorirne la lettura, premettiamo alla scelta dei testi uno scorcio, rapido e inevitabilmente semplificato, dell’Italia dialettale ai tempi di Dante.12 Gran parte della Penisola possiede un vocalismo tonico di tipo romanzo comune (a), ma l’Estremo meridione (Sicilia, Calabria, Salento, parte di Lucania e Cilento) ha un vocalismo diverso detto «siciliano» (b). La tabella mostra le vocali dei due sistemi con le loro basi lat.:13
Ī
a) b)
Ĭ
i
Ē
e i
Ĕ
Ā
Ă
Ŏ
ɛ
a
ɔ
ɛ
a
ɔ
Ō
Ŭ
o
Ū
u u
Dunque, in corrispondenza del tosc. venire, tenere, testa, cane, donna, voce, luce, in sic. troveremo viniri, tiniri, testa, cani, donna, vuci, luci. A partire dal sistema romanzo comune, si verificano sviluppi divergenti. Nelle varietà sett. -Ī ha effetto metafonetico sulle medioalte: / e o/ si chiudono dunque in /i u/ (il dimostrativo da *ECCU - ĬLL - suonerà ad esempio quelo – quela – quili – quele). Il tosc. presenta dittongazione delle mediobasse in sillaba libera (*CŎRE > cuore, PĔTRA > pietra) e «anafonesi», ossia chiusura di /e o/ davanti a nasale velare, della sola /e/ davanti a LJ , NJ (LĬNGUA > lingua, FŬNGU > fungo, FAMĬLIA > famiglia, TĬNEA > tigna).14 Le varietà mediane (quelle approssimativamente di Umbria, Marche, Lazio, Abruzzi)
11 Non si dimentichi inoltre che il corpus è in primo luogo al servizio del vocabolario (TLIO), la cui redazione è a buon punto e ci si augura che prosegua speditamente. 12 Il termine «centro-meridionale» è usato come iperonimo di «mediano», «meridionale» e «siciliano». Oltre che alla bibliografia fondamentale (Migliorini 1960; Rohlfs 1966–1969; Bruni 1984; Formentin 2002; Salvi/Renzi 2010) ricorro ad alcuni miei lavori (Barbato 2008; 2009; 2010; 2012). 13 Tralasciamo qui l’esistenza di un vocalismo «sardo» in un’area a cavallo tra Basilicata e Calabria, che non ha dato testi molto antichi. 14 L’anafonesi non si estende però in origine al tosc. or. e merid.
Antichi testi italoromanzi
485
hanno la cosiddetta metafonia «sabina»: -Ī e - Ŭ provocano l’innalzamento sia delle medioalte (quillu - quilli - quélla - quélle) che delle mediobasse (BŎN - > bónu – bóni – bòna – bòne); le varietà merid. (Campania, Puglia, Lucania) hanno la cosiddetta metafonia «napoletana»: -Ī e - Ŭ producono l’innalzamento delle medioalte (quillo – quilli – quélla – quélle) ma la dittongazione delle mediobasse (buono – buoni – bòna – bòne).15 In iato le vocali hanno esiti particolari. Dappertutto Ĭ dà /i/ (VĬA > via) ma solo in tosc. Ŭ dà /u/: FŬIT > fu(e) contro fo del resto d’Italia (salvo ovviamente l’estremo Meridione).16 Nel caso del poss. di pers. 1. tutti i sistemi partono da MĔU – *MĬA , ma la vocale del m. si è chiusa a sua volta nelle varietà dittonganti (*mieo > mio). La tabella raccoglie i risultati delle varie aree (tra parentesi le forme analogiche):
it.sett.
tosc.
mediano
roman.
nap.
sic.
me(o)
mio
meu
mio
mio
meu
mia (mea)
mia
mia (mea)
mia (mea)
mia
mia
Di contro, il pronome di pers. 2.–3. muove da *TŎU ( *SŎU ) - TŬA (SŬA ) . Come mostra la tabella, la Ŏ del maschile è andata incontro a metafonia o dittongazione spontanea (*suoo > suo), mentre la Ŭ in iato si è chiusa in tosc. (*soa > sua):
it.sett.
tosc.
mediano
roman.
nap.
sic.
so’
suo
sou
suo
suo
sou
so(a)
sua
soa
soa
soa
sua
Con MĔU fanno serie DĔU e RĔU ( sett. De(o), tosc., roman., nap. Dio, mediano, sic. Deu, ecc.). Segue altre vie invece Ĕ ( G ) O , dove viene meno la dittongazione metafonetica ma può agire una chiusura in protonia sintattica: sett. e(o), tosc., mediano, roman. io, nap. eo, sic. eu. Per terminare il quadro del vocalismo tonico, occorre dire che rispetto al tosc. le varietà sett. e merid. conservano più tenacemente AU (es. AURU > auro). Il vocalismo atono presenta un quadro più complesso. La tabella mostra le vocali dei sistemi esistenti con le loro basi lat.:
15 Metafonia – ovviamente delle sole mediobasse – si trova anche in alcune varietà dell’area merid. estrema. In sic. ant. tuttavia il fenomeno non emerge praticamente mai. 16 Ha invece una vocale aperta il tipo foro ‘furono’ < *FŎRUNT .
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Ī
Ĭ
Ē
Ĕ
Ā
Ă
a)
i
e
a
a’)
i
e
a
b)
i
Ŏ
Ō
Ŭ
Ū
o
u
o
u
a
u
Il sistema (a) è quello romanzo comune (dal momento che -Ū non lascia praticamente tracce, l’inventario velare si può ridurre a /o/). A partire da questo sistema, si manifesta in area tosc. una tendenza alla chiusura di /e o/ protonici (SECŪRU > sicuro, POLĪRE PO LĪRE > pulire). Si aggiunga, con varia estensione, il passaggio a /o/ di /e/ prelabiale (DEBĒRE > dovere) e il cambio [ar] > [er] (canterò, margherita). Muove dallo stesso sistema l’area sett., che presenta una tendenza alla sincope e all’apocope di tutte le vocali salvo /a/, che colpisce però meno fortemente le aree laterali (da una parte la veneta, dall’altra la ligure): numerosi esempi se ne vedranno nell’antologia. L’area mediana-merid. parte da un sistema di tipo (a’) in cui -Ŭ si è confuso con -Ū e non con - Ŏ - Ō (donde il suo potere metafonetico); la parte mediana conserva le condizioni originarie, quella merid. confonde /i e/ in [ə] (scritto -e) e /u o/ in [o]. Il sistema (b) è quello «siciliano» (ma il salentino merid. e il calabrese sett. distinguono al modo romanzo comune /i/ ed /e/). Le evoluzioni vocaliche distinguono quindi l’area mediana da quella merid. La tabella seguente descrive la posizione particolare del romanesco, che non ha – se non in tracce – innalzamento delle medioalte, presenta dittongazione metafonetica delle mediobasse e un vocalismo finale di tipo tosc.:
innalzamento
dittongazione
vocali finali
romanesco
–
+
-i ~ -e ~ -a ~ -o
mediano
+
–
-i ~ -e~ -a ~ -o ~ -u
napoletano
+
+
-e ~ -a ~ -o
Venendo al consonantismo, le nostre aree divergono in alcuni esiti della palatalizzazione:
centro-merid.17
sett.
tosc.
[dz]
[dʒ]
[j]
[ts]
[tʃ]
[tʃ]
- C e,i-
[z]18
[tʃ]
[tʃ]
CJ
[ts]
[tʃ]
[ts]
J , DJ , G C
e,i
e,i
17 Anche a Roma. 18 In ligure [ʒ], a giudicare dai diall. mod.
Antichi testi italoromanzi
487
Ai tosc. braccio (< BRACHIU ) e gioco < JŎCU corrisponderanno dunque nei testi merid. braczo e juoco, nei testi sett. braço, zogo e sim. Qui inoltre cel (< CAELU ) andrà letto con [ts], vesin (< VICĪNU ) con [z]. Questi sviluppi hanno effetti sulla morfologia verbale, che ha instaurato una sistematica opposizione tra un allomorfo «iodizzato» (es. VĬDEO > sett. vezo, tosc. veggio, sic. viju) e uno «non iodizzato». Nel caso di VENĪRE il tema iodizzato si estende in it.sett. a tutto il paradigma (vegnir e simili). Le parlate sett. si uniscono alla Romania occidentale per la presenza di lenizione, ossia degeminazione delle geminate e sonorizzazione delle sorde intervocaliche (con eventuale fricativizzazione e cancellazione):19
PP
> [p]
P
> [v]
TT
> [t]
T
> [d] > [ð] > ø
CC
> [k]
C
> [g] > ø
SS
> [s]
S
> [z]
FF
> [ f]
F
> [v]
Le sonoranti geminate si sono conservate più a lungo ma possono per lo più considerarsi scempiate alla nostra altezza (NN > [n], LL > [l], RR > [r]). Un tratto romanzo occ. è anche la vocalizzazione del primo elemento del gruppo CT (come in fruito ‘fruto’, noite ‘notte’), che non raggiunge però – o sfiora soltanto – il Veneto. Il raddoppiamento fonosintattico, innescato nelle varietà centro-merid. solo da parole che in lat. terminavano in consonante (come AD > a, ET > e), è esteso in tosc. a tutti i monosillabi tonici e parole tronche (es. tu ssai, farò bbene).20 In Toscana gli esiti di C + vocale palatale (aceto) e di -SJ - (camiscia) sono ancora distinti. Un tratto idiosincratico tosc. è la palatalizzazione di -RJ - > [j]; il suff. -ARIU suona -ar(o)/-er(o) al Nord, -ajo in Toscana, -aro/-aru nel Centro-Sud. La confusione merid. di B - e V - (voce, ma a bboce) arrivava anticamente fino a Roma. Una caratteristica delle parlate centromerid. (anche di Roma), ma che si manifesta tardi a Napoli e tardissimo in Sicilia, è l’assimilazione ND > [nn], MB > [mm], come in munno ‘mondo’, palummo ‘palombo’. Menzioniamo qui anche dei fenomeni grafici diffusi. Sono frequenti le grafie (pseudo)latineggianti: ø, [f],