Manuel de la réforme intérieure 2503510531, 9782503510538

Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho : Gérard Zerboldt (mort en 1398), trouve dans ces premiers mots de la parabol

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Manuel de la réforme intérieure
 2503510531, 9782503510538

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SOUS 1A RÈGLE DE SAINT AUGUSTIN collection dirigée par Patrice Sicard et Dominique Poire[

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GERARD ZERBOLT deZUTPHEN Manuel de la réforme intérieure Tractatus devotus de reformacione virium anime Introduction par José van Aelst Édition critique et traduction par sr Francis joseph Legrand

BREPOLS

© 2001 BREPOLS @! PUBLISHERS , Turnhout (Belgium) Imprimé en Belgique

D/2001/0095/83 ISBN 2-503-51053-1

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I. GÉRARD ZERBOLT ET LES DÉBUTS DE LA DÉVOTION MODERNE

«Un talent très prometteur auquel une mort précoce n'a pas donné de tenir sa promesse». Telle peut être l'appréciation qui caractériserait Gérard Zerbolt de Zutphen (1367-1398). Zerbolt est un des premiers membres de la Fraternité de la Vie commune à Deventer, groupe d'hommes vivant en commun dans une maison où ils pouvaient en toute liberté consacrer leur vie à Dieu. Sans émettre de vœu ni vivre sous une Règle, ils s'engageaient les uns envers les autres par des promesses. Sous la conduite de maître Florent Radewijns, ils entendaient mener une forme de vie commune, semi-religieuse, hors des structures ecclésiales alors établies, exerçant un apostolat surtout auprès des élèves de l'École latine de Deventer. La forme de vie commune et religieuse menée par les frères de Deventer est caractéristique des commencements de la Dévotion moderne, un mouvement de réforme qui surgit durant la seconde moitié du XIVe s., à la prédication de Gérard Grote (1340-1384) 1 .

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Pour l'histoire de la Fraternité, voir C. van der Wansem, Het ontstaan en de geschiedenis der Broederschap van het Gemene Leven tot 1400 [La fondation et l' histoire de la Fraternité de la Vie commune], Leuven 1958. Pour Gérard Grote, voir l'étude fondamentale de G. Épiney-Burgard, Gérard Grote ( 1340-1384) et les débuts de la Dévotion Moderne, Wiesbaden 1970 et son édition Gérard Grote, fondateur de la Dévotion Moderne. Lettres et traités, Turnhout 1998 (Sous la Règle de saint Augustin, 4); pour Florent Radewijns, on pourra se reporter à l'introduction donnée par Th. Mertens à Florent Radewijns, Petit manuel pour le dévot moderne. Tractatulus devotus, texte latin, sources et traduction F.J. Legrand, Turnhout 1999 (Sous la Règle de saint Augustin, 6).

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INTRODUCTION

À l'aube de ce nouveau mouvement, l'apport personnel de Gérard Zerbolt fut de cruciale importance. Il alliait à l'intelligence un vrai talent d'écrivain et avait produit nombre de textes influents sur des sujets variés. C'est par ses écrits qu'il posa les fondements juridiques nécessaires à la continuité du mouvement. Il y réussit pleinement puisque l'approbation officielle de l'évêque du lieu fut donnée au début du xve s. d'où s'ensuivit une large expansion au cours des décennies suivantes. Au sein du mouvement, Gérard joua encore un rôle marquant en mettant en forme, par deux traités spirituels, l'idéal de vie qui animait ses frères et lui-même, le répandant ainsi bien au-delà du cercle restreint de la Fraternité. Johannes Busch, un des premiers historiens de la Dévotion moderne, accorde à Gérard Zerbolt une courte et dense mention: il est enseveli dans l'église du monastère à Windesheim; il a écrit deux livres pieux à propos des ascensions spirituelles, son Beatus vir et son Homo quidam. Il fait par là référence aux deux écrits de spiritualité que nous possédons de Gérard, connus sous leurs titres respectifs de De spiritualibus ascensionibus et De reformacione virium anime2. Parmi les écrits de Gérard ce sont les plus connus; ils ont reçu une large diffusion et ont exercé au cours des siècles jusqu'à aujourd'hui, une profonde influence sur la formation à la vie spirituelle de ceux qui, comme Zerbolt, cherchaient à vivre selon leur foi. 2

Dominus Gerardus de Zutphania in Windesem sepultus, qui duos libellos devotos: «Beatus vir» et «Homo quidam» de spiritualibus ascensionibus composuit (Johannes Busch, Liber de viris illustribus, dans K. Grube, Des Augustinerpropstes Johannes Busch Chronicon Windeshemense und Liber de reformatione monasterium, Halle 1886, p. 49). Une édition latine du De spiritualibus ascensionibus avec une traduction adaptée en néerlandais a été faite par ]. Mahieu, Van geestelijke opklimmingen, Brugge 1941. Sur les éditions et la traduction néerlandaise du De reformacione, voir respectivement les pages 83 et 59.

INTRODUCTION

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1. Une vie de solitaire concentration Outre quelques brèves mentions éparses, il existe trois vies de Zerbolt remontant toutes trois au XVe siècle 3. Les récits visent non pas tant à dessiner une image historiquement détaillée de Zerbolt qu'à mettre en lumière sa vie spirituelle et ses vertus. Des récits relevant du même genre littéraire furent élaborés pour faire prendre connaissance aux 4 générations suivantes de l'exemplarité des premiers Dévots . Ces récits qui tantôt se recoupent en partie, tantôt se complètent, donnent une vue d'ensemble consistante dupersonnage qu'ils campent comme un exemple majeur dans l'exercice des vertus et dont ils louent l'attachement à l'étude et la haute intelligence 5 • Les trois biographies se trouvent dans Thomas a Kempis, Dialogus noviciorum, dans M.I. Pohl, Thomae Hemerken a Kempis Opera omnia, t. VII, Freiburg i. Br. 1922, p. 275-282. Rudolf Dier de Muide, Scriptum, dans G. Dumbar, Analecta, seu vetera aliquot scripta inedita, t. I, Deventer 1719, p. 47 -51; voir aussi p. 22, 30 et 42; D.A. Brinkerink a publié une collection de biographies anonymes en néerlandais «Biographieën van beroemde mannen uit den Deventer-kring», dans Archie/ voor de geschiedenis van het aartsbisdom Utrecht 28 (1902), p. 335-339. Johannes Busch a fait quelques allusions dans le Liber de viris illustribus (Grube, ed. cit., p. 28, 49, 128 et 226).]. van Rooij institue une comparaison de ces sources: Gerard Zerbolt van Zutphen, t. I, Leven en geschriften, Nijmegen 1936, p. 6-16; une discussion des sources est donnée par van der Wansem, Het ontstaan ... , p. 7-24; également, dans W. Scheepsma, «Verzamelt de overgebleven brokken opdat niets verloren ga. Over Latijnse en Middelnederlandse levensbeschrijvingen uit de sfeer van de Moderne Devotie», dans P. Wackers et al., Verraders en bruggenbouwers. Verkenningen naar de relatie tussen Latinitas en Middelnederlandse letterkunde, Amsterdam 1996, p. 231-232 et 234. 4 Les biographies des femmes dévotes ont sans doute la même fonction; cf. Th. Mertens, «Het zusterboek van Diepenveen als gemeenschapstichtende literatuur» dans W. Scheepsma (éd.), Het ootmoedigfundament van Diepenveen, Kampen 2001 (à paraître); cf. W. Scheepsma, Deemoed en devotie. De koorvrouwen van Windesheim en hun geschriften, Amsterdam 1997, p. 130-135. Van Rooij (op. cit., p. 24-42) donne une biographie assez développée de Zerbolt, un résumé est proposé dans G.H. Gerrits, Inter timorem et spem. A

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INTROD UCTION

Gérard naquit en 1367, rejeton d'une famille bourgeo ise aisée dans la ville de Zutphen en Gueldre . Il avait au moins deux frères, Helmicu s Amoris et Johanne s, qui furent tous deux Croisiers6 . Dès l'enfance, Gérard manifesta un fort attrait pour l'étude où son intellige nce peu ordinaire le faisait remarquer. Jeune adulte, il recherch a des écoles hors de sa ville natale7 , si avide de sagesse qu'il souffrait quand un cours était supprim é. On le retrouve entre 1383 et 1385 à l'École latine de Devente r où il découvre un groupe de Dévots non encore peu organisé, qu'avait rassemblés la prédicat ion de Gérard Grote. Dès le début, ces hommes s'étaient engagés à prendre sous leur vigilanc e les élèves de l'École Lebuinu s. Gérard Zerbolt est fasciné par la personn alité de Florent Radewij ns qui guide la commun auté des frères. Par lui, il se sent inspiré à quitter le monde pour recherch er la divine sagesse 8 . Dès son premier contact avec les Dévots de Devente r, Gérard se joint à eux. Désorm ais, il fera porter toute son attentio n sur la vie spirituel le et sa croissance, et se souciera peu des affaires du monde. Il s'isole pour se consacrer à ses exercices spirituel s, pour étudier ou écrire, au point qu'on le voit peu au dehors. Deux des sources le disent si absorbé par les choses spirituel les qu'il en oubliait d'ouvrir sa fenêtre, même par beau temps. Un des frères le pousse à ouvrir la study of the theological thought of Gerard Zerbolt ofZutphen ( 13 67-13 98 ), Leiden 1986, p. 10-12. 6 P. van den Bosch, Studien over de observantie der kruisbroeders in de vijftiende eeuw, Diest 1968, p. 73-75. Comparer avec Pohl, ed. cit., t. VII, p. 588. 7 Thomas a Kempis mentionne qu'il allait «ad extraneas scholas» (Pohl, ed. cit., t. VII, p. 276). Entendons que Zerbolt reçut une formation hors de sa ville natale de Zutphen, mais pas nécessaire ment à l'étranger. La discussion sur ce point est résumée par Gerrits, op. cit., p. 10-11. s La relation entre les frères et les élèves est décrite par van der Wansem, Het ontstaan ... , p. 126-135. Le rôle de Florent Radewijns est mis en lumière par Thomas a Kempis (Pohl, ed. cit., t. VII, p. 276-277); voir aussi Brinkerink , «Biograph ieën ... »,p. 335-336.

INTRODUCTION

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fenêtre de sa cellule étouffante pour respirer un peu d'air frais. Ces détails confirment le degré de concentration propre à Zerbolt; les préoccupations spirituelles l'accaparaient tellement qu'il en venait à oublier l'aspect concret de la vie et négligeait en lui l'homme extérieur9 . Zerbolt se souciait peu de se nourrir, vivait d'une manière très ascétique; la rigueur de son mode de vie réclamera pourtant son tribut: il alla si loin dans la mortification corporelle que Thomas a Kempis remarque: «Si Maître Florent n'avait pas été vigilant, Gérard se serait rapidement affaibli, brisé même» 10 . Un autre texte biographique, le Scriptum de Rudolf Dier de Muide, nous apprend que Gérard souffrait de douleurs de l'estomac. Un jour, un messager de maître Florent le trouve en train de vomir. Zerbolt pourtant ne voit pas en cela un motif pour s'excuser. Il obéit immédiatement et va voir maître Florent. Il souffre d'une fistule, qui lui rend pénible la station debout. Il remplit quand même à son tour le devoir de faire la vaiselle, mais en position assise. Il cache ce mal, parce qu'il veut subir la souffrance en expiation de ses péchés. Ici encore maître Florent intervient: dès qu'il le sait, il accorde l'aide médicale à Gérard. 11 •

9 Pohl, ed. cit., t. VII, p. 277-278. Le texte anonyme en néerlandais ajoute ici que Zerbolt ne remarquait pas les toiles d'araignée dans sa cellule et ne mettait jamais les pieds au jardin (Brinkerink, op. cit., p. 336-337). 10 Et nisi dominus Florentius pro eius necessitatibus sollicitus fuisset: cito se ipsum destruxisset et defecisset (Pohl, ed. cit., t. VII, p. 278). 11 Nam quadam die dominus Florencius vocauit ipsum ad se per nuntium, nuntius autem inuenit eum vomentem ex stomacho (habebat enim debilem stomachum) non tamen excusans seipsum statim iuit ad dominum Florencium. Quadam vice debebat abluere scutellas coquine; sed cum adeo debilis esset in corpore, (nam fisrulam habebat) quod opus perficere non poterat stando, perfecit sedendo (Dumbar, Analecta, p. 47). Le texte anonyme en néerlandais ajoute ici: «mer ten leesten doe vernammet here Florens, ende hij liet hem sonder vertreck helpen.» [Aussitôt que Florent l'apprit, il envoya de l'aide sans tarder] (Brinkerink, op. cit., p. 338).

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INTRODUCTION

En leurs débuts, les frères vivent à Deventer dans la maison du vicaire, à partir de 1392, ils s'installen t au Pontsteeg , dans la maison que Maître Florent avait à sa dispositio n 12 . Zerbolt y est chargé de la garde des manuscri ts; il les rassemble, les copie et les gère. Bibliothé caire, il se réjouit plus d'un bon manuscri t que d'un repas abondant ou d'un vin excellent! Ce soin qu'il portait aux manuscri ts venait non d'une soif anxieuse de possessio n, mais d'un sincère désir de partage. Il prêtait souvent les manuscri ts, car «ces livres prêchent et enseignen t plus que nous ne pouvons le dire, les livres de dévotion étant lumière et consolation pour nos âmes et vrais remèdes pour la vie; au cours de notre pèlerinag e, nous pouvons nous en passer aussi peu que des sacremen ts de l'Église 13 ». Il le savait d'expérien ce, lui qui dans la solitude, consacrai t tant de temps à la lecture spirituell e. Son intelligen ce et l'étude assidue de textes spirituels portèrent leurs fruits, en premier lieu dans ses œuvres. Ainsi, Rudolf Dier de Muide remarque que «Gérard a extrait des saintes Écritures des choses qui peuvent rendre service à notre maison ou à d'autres personnes , car il composa ou dicta dif, l"ivres» 14 . ses connaissa . nces eten , d ues et 1a reputa, fierents tion de ses compéten ces en faisaient encore un conseille r Florent Radewijns disposait de la maison vicariale parce qu'il était vicaire de l'autel consacré à saint Paul dans l'église Lebuinus. Les frères reçurent en échange la demeure dans le Pontsteeg, et par bail emphytéotiq ue une petite maison dans la Enghestraat (Cf. van der Wansem, op. cit., p. 55-56 et 86-87). 13 Thomas a Kempis (Pohl, ed. cit., t. VII, p. 278-279) parle de Zerbolt comme bibiliothécaire: Isti libri plus prœdicant et docent quam nos dicere possumus. Nam libri sacri sunt animarum nostrarum lumina et solacia arque vera medicamina vitœ: quibus non minus in hac peregrinatio ne carere possumus quam ecclesiœ sacramenris. 14 Excerpsit ex sacra scriptura ea, que pro Domo nostra vel aliis personis poterant deseruire: nam plures libros composuit siue dictauit (Dumbar, Analecta, p. 48). 12

INTRODUCTION

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recherché, pour la maison comme au dehors, sur des affaires délicates. Florent Radewijns eut souvent recours à sa science du droit canonique, et l'envoya plus d'une fois en mission pour conférer avec d'autres d'affaires juridiques 15 • La Fraternité en croissance adopta à la fin du XIVe s. une forme plus stable d'organisation; la situation existante déjà confirmée par deux actes passés en 1396 16 , n'avait pas encore été approuvée selon le droit ecclésial. En 1398, les frères travaillaient encore à obtenir cette approbation de leur forme de vie. C'était l'année où la peste ravagea Deventer. Florent Radewijns et quelques Dévots cherchèrent refuge à Amersfoort; ils voulaient éviter que l'épidémie ne fasse disparaître les forces vives du jeune mouvement et ne menace ainsi l'existence même de la Fraternité. Zerbolt s'était déjà rendu dans cette ville pour délibérer avec autres maîtres spirituels. À travers les lettres qu'échangèrent les Frères émigrés et ceux qui étaient demeurés à Deventer, il apparaît que les exilés s'occupaient d'une affaire importante et complexe, probablement de la reconnaissance ecclésiale - du point de vue juridique - de la forme de vie des Dévots. Et dans cette réflexion juridique, Zerbolt joua à nouveau un rôle important17. Le danger de peste écarté, les Frères revinrent à Deventer le 11 novembre et tentèrent de reprendre leur rythme de vie

Sur les personnes qui venaient le consulter, voir Pohl, ed. cit., t. VII, p. 279280. À propos de ses déplacements pour rencontrer l'abbé de Dikninge il est dit: cum quo sœpius tractare de casibus iuris consuevit (Pohl, id., p. 281). 16 Van der Wansem, Het onstaan .. ., p. 94-96. 17 Rudolf Dier est le seul à raconter dans son Scriptum l'exil à Amersfoort et le retour à Deventer (Dumbar, Analecta, p. 46-47). Th. Mertens en a donné le contexte historique ainsi que l'interprétation des lettres dans sa contribution «Zerbolts letzter Sommer: die Briefe der Brüder von 1398» dans N. Staubach (ed.), Gerhard Zerbolt von Zutphen und die Brüder vom gemeinsamen Leben (à paraître). 15

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habituel. Peu de temps après, Florent dépêcha Zerbolt une fois encore pour une consultation juridique concernant la même grande tâche, cette fois vers l'Abbé bénédictin Arnold de Dikninge en Drenthe. Pendant le voyage de retour, Zerbolt et son compagnon durent s'arrêter une nuit à Windesheim. Là, saisi d'un malaise sans doute provoqué par la peste, il mourut dans la nuit du 4 décembre 1398, à l'âge de 31 ans. La Vie anonyme en moyen-néerla ndais raconte qu'un des chanoines aperçut l'âme de Gérard monter au ciel, au moment où au chœur tous chantaient: «Viens, épouse du Christ, reçois la couronne que notre Seigneur t'a préparée» 18 . Lorsque lui parvint la nouvelle, Florent fut consterné; il perdait en Zerbolt un vrai appui pour sa Fraternité. Il envoya le frère ] ean Pistor à Windesheim pour emporter le corps du défunt. Pistor trouva à son arrivée que les chanoines avaient déjà enseveli le frère Gérard devant le seuil de leur propre chapelle, tout heureux d'avoir dans leur église la dépouille d'un homme aussi éminent 19 • Florent, affligé, convoqua les Frères pour examiner comment poursuivre l'œuvre sans l'aide de Zerbolt. Selon l'un des Dévots, Everard d'Almelo, le Seigneur avait bien fait de le retirer si jeune de la vie: s'il avait vécu plus longtemps, on serait venu en si grand nombre le consulter que ni pour lui-même, ni pour la maison cela aurait été salutaire. Piètre consolation devant

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Sur la nature de cette maladie, voir van Rooij, Gerard Zerbolt ... , p. 41. Pour la description du dernier voyage de Zerbolt, voir Pohl, ed. cit., t. VII, p. 281; Dumbar, Analecta, p. 48. Le moment de son décès a été longuement évoqué dans Brinkerink, «Biographieën ... »,p. 338-339. Hendrik Mande a eu une vision des dévots pères décédés et de Zerbolt enlevé dans la gloire céleste (Grube, Des Augustinerpropstes Johannes Busch ... , p. 128). Une description de toute la situation est donnée par Mertens, «Zerbolts letzter Sommer». Dumbar, Analecta, p. 48-49; Brinkerink, «Biographieën ... »,p. 339.

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la perte de l'appui si considérable de celui que van der Wansem disait «le plus instruit parmi les frères» 20 •

2. Opuscules canoniques et personnels Par ses écrits, Gérard Zerbolt a exercé une profonde influence des siècles encore après sa mort, tant sur le développement de la Fraternité que sur la branche régulière de la Dévotion moderne. Il s'agit principalement des deux traités déjà mentionnés, son De reformacione et son De spiritualibus ascensionibus. Différents récits et biographies attribuent explicitement à Zerbolt ces deux traités 21 • Mais des propos de Rudolf Dier de Muide comme de ceux de Thomas a Kempis, il ressort que Zerbolt aurait produit d'autres écrits 22 . Au XVII° s., le poète Revius, chargé pour la nouvelle bibliothèque de Deventer, du soin des manuscrits appartenant aux communautés religieuses de la ville et dont il a laissé une description, mentionne dans son histoire de la ville de Deventer quatre autres textes de Zerbolt: le Super modo vivendi, le De libris teutonicalibus, le De vestis pretiosis et le

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Quare dominus Euerardus de Almeloe sensit de eo, quod Dominus bene fecit sibi quod iuuenis discessit ab hac vira; nam si diu vixisset tot homines pro consilio cucurrissent ad eum, quod concursus non deseruisset sibi vel domui nostre (Dumbar, op. cit., p. 48). Le détail se trouve dans van der Wansem, Het ontstaan ... , p. 116. Pohl, ed. cit., t. VII, p. 275; Dumbar, Analecta, p. 50; Brinkerink, «Biographieën ... »,p. 337; Grube, ed. cit., p. 49. La citation est de Rudolf Dier, voir plus haut, note 14. Thomas a Kempis: Erat enim studiosus valde in scripturis sanctis, trahens etiam ex abditis sententiis doctorum varias aromatum species, contra vitiorum morbos, ad sanandum animarum languores: sicut prœcipue patet in duobus libellis ab eo editis (Pohl, ed. cit., t. VII, p. 275). Le mot «prœcipue» suggère d'autres livres où brillait son érudition.

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Scriptum pro quodam 23 . Le manuscrit sur lequel Revius fonde l'attribution à Gérard des quatre textes est disparu, mais sa paternité n'est pas restée incontestée. Entre-temps, il a été établi que trois des quatre textes étaient bien de la main de Zerbolt. L'autorité des affirmations de Revius en est notablement accrue 24 • Les quatre écrits ainsi attribués à Zerbolt sont des œuvres de circonstance, visant un but concret et traitant un sujet spécifique et circonscrit. Ils s'éloignent dès lors du De reformacione et du De spiritualibus ascensionibus qui tous deux tendent plus généralement au progrès de la vie spirituelle. Les quatre textes cadrent avec la description qu'en donne Rudolf Dier de Muide que Zerbolt a écrit des textes «qui peuvent rendre service à notre maison ou à d'autres personnes», écrits donc pour une personne donnée ou pour l'utilité de la corn23

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J.C.

Bedaux et al., Stads- of Athenaeumbibliotheek Deventer 1560-1985, Deventer 1985, p. 12-13 et 56-59 renseigne sur Revius et sur sa fonction de bibliothécaire municipal. !:histoire de Deventer a comme titre: Jacobus Revius, Daventriœ illustratœ, sive historiœ urbis Daventriensis, libri sex, Leiden 1651. Revius y parle d'un manuscrit contenant des textes de Zerbolt aux pages 36-60. Il mentionne le Super modo vivendi à la p. 36; le De libris teutonicalibus aux p. 38 ss.; le De vestibus pretiosis et le Scriptum à la p. 60. Van Rooij discute de la paternité de Zerbolt en 1936 (Gerard Zerbolt van Zutphen ... )aux p. 47-90. Gerrits résume la discussion en 1986: «Zerbolt's authorship [. .. ] has not been established beyond ail doubt.» (Inter timorem ... , p. 14-15, note 46). Plus de dix ans après, de nouvelles recherches de Nikolaus Staubach lui permettent d'affirmer l'attribution du De libris teutonicalibus et du Super modo vivendi à Zerbolt, N. Staubach, «Gerhard Zerbolt von Zutphen und die Apologie der Laienlektüre in der Devotio moderna», dans Th. Kock, R. Schlusemann (ed.), Laienlektüre und Buchmarkt im spâ"ten Mittelalter, Frankfort am Main 1997, p. 221-289; Thomas Kock à son tour, apporte des arguments pour l'attribution du De vestibus pretiosis à Zerbolt (Th. Kock, «Zerbolt inkognito», dans N. Staubach, (ed.), Gerhard Zerbolt von Zutphen und die Brüder vom gemeinsamen Leben (à paraître); comparer Th. Kock, Die Buchkultur der Devotio moderna. Handschriftenproduktion, Literaturversorgung und Bibliotheksaufbau im Zeitalter des Medienwechsels, Frankfort am Main etc.

1999, p. 242-243.

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munauté. Deux textes traitent de sujets plutôt personnels: le De vestibus preciosis pose la question quels vêtements un dévot doit porter, le Scriptum analyse de fait la question de savoir s'il faut se proposer de recevoir les ordres majeurs. Le Super modo vivendi et le De libris teutonicalibus défendent le mode de vie et les coutumes des Dévots contre les attaques de l'extérieur et servent d'autant l'utilité générale de la Fraternité.

De pretiosis vestibus Le De pretiosis vestibus débat de la question des vêtements de celui qui, habitant généralement en ville, souhaite vivre selon l'idéal des Dévots 25 . Gérard s'y affronte à un réel problème, car après leur conversion, les Dévots avaient choisi de se vêtir très sobrement, parfois même pauvrement, au point d'être raillés ou montrés du doigt. Ils avaient choisi cet habit convaincus que l'aspect extérieur entretient une relation directe avec l'attitude intérieure et révèle si lapersonne poursuit ou non un idéal d'humilité. Zerbolt en adoptant cette façon de se vêtir, en fit la nécessaire expérience. Rudolf Dier de Muide se souvient que, pendant sa période de probation, il porta la tunique de Maître Gérard Zerbolt; ce vêtement était si étroit qu'il ne pouvait l'enlever qu'avec la plus grande difficulté2 6 . Le traité argumente que le port de vêtements coûteux est pécamineux et qu'au contraire le port de vêtements sobres stimule la vertu. Porter des vêtements coûteux est en désaccord avec ce que Jésus, les hommes saints et sages ont ensei25

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D.J.M. Wüstenhoff, Het tractaat «De pretiosis vestibus», Gent etc. 1890. Wüstenhoff n'est pas convaincu que Zerbolt soit l'auteur de ce texte (p. 713). Un résumé du traité se trouve dans van Rooij, op. cit., p. 211-221. Eadem tunica domini Gherardi ego tempore probationis mee per tempus vestiebar, que erat tam striera, quod exuebam eam cum magna difficultate (Dumbar, Analecta, p. 22).

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INTRODUCTION

gné; car l'aspect extérieur conduit à la préoccupation , au vol et à l'envie et pousse à leur perte celui qui les porte et son entourage. Au contraire, un vêtement pauvre reflète une âme humble; il rend peut-être l'homme méprisable aux yeux de son prochain, mais le rend précisément plus aimable au regard de Dieu. Qui veut progresser dans la vertu d'humilité portera donc un vêtement simple et usé. Zerbolt s'adresse davantage à ceux qui enseignent ou prêchent à leurs auditeurs de se couvrir de riches vêtements. Il réfute leurs arguments un à un avec grande précision. En 1936 déjà, van Rooij considérait comme plausible que Zerbolt soit l'auteur du De vestibus pretiosis; il en connaissait quatre copies latines. Récemment, Thomas Kock a renforcé la thèse de la paternité de Zerbolt par de nouveaux arguments. Un des manuscrits latins déjà connus, originaire du monastère St. Barbara à Cologne, nomme explicitement Zerbolt comme auteur. Dans un autre manuscrit du même monastère - où le traité porte un autre titre - une main tardive a ajouté que Gérard en était l'auteur. Il semble exister un lien particulier entre Zerbolt et la ville de Cologne; est-ce parce que le demi-frère de Gérard, Helmicus Amoris, fut probablemen t frère Croisier d'abord à Cologne, avant de témoigner publiquemen t en 1424, comme Prieur général des Frères Croisiers, que la forme de vie des Frères de la vie commune était bonne et édifiante27 . Si bien que le témoi27

Pour l'attribution du texte, voir van Rooij, Gerard Zerbolt van Zutphen .. ., p. 51-52, 73-74; pour les quatre manuscrits latins voir p. 286 et 345-346. Sur de nouveaux manuscrits attribués à Zerbolt et sur son demi-frère, voir Kock, «Zerbolt inkognito». P. van den Bosch parle d'un manuscrit du De vestibus pretiosis provenant d'un couvent de Frères Croisiers («De bibliotheken van de kruisherenklooste rs in de Nederlanden v66r 1550» dans Contributions à !'Histoire des bibliothèques et de la lecture aux Pays-Bas avant 1600, Bruxelles 1974, p. 609, note 203). Van den Bosch (Studién over de observantie ... , p. 154-156 et 160) donne une information sur Helmicus Amoris qui, à Cologne, copia un livre et sur son témoignage pour les frères.

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gnage de Revius allié à la mention du manuscrit de Cologne fonde solidement la paternité de Zerbolt.

Scriptum pro quodam Un clerc dans les ordres mineurs demanda à Zerbolt s'il ne serait pas meilleur pour lui de recevoir les ordres majeurs: il craint sinon que sa lumière ne soit «mise sous le boisseau» et il est d'avis que la prêtise lui permettra de mieux faire fructifier ses talents. Dans son Scriptum pro quodam inordinate gradus ecclesiasticos et predicationis officium affectante, Zerbolt répond 28 • À la suite de Gérard Grote, les Dévots professaient un immense respect pour le sacerdoce et le ministère de la prédication. À leurs yeux, une condition absolue pour cette vocation était la sainteté de vie. Les nombreux prêtres indignes qui convoitaient cette fonction par ambition ou goût du lucre et l'obtenaient, étaient pour eux occasion de scandale. Celui qui sans y être encouragé par son supérieur, postulait de lui-même la charge, en devenait par là-même indigne à leur yeux. Gérard Grote ne fut jamais ordonné prêtre, ne s'en jugeant pas digne. Il craignait qu'une promotion au sacerdoce ne le détourne, lui, diacre, de la vie spirituelle par le souci trop important de se donner aux affaires du monde 29 . Zerbolt répond à son correspondant avec une consciencieuse précision. En douze chapitres, il lui explique quelles 28

Le texte est édité par A. Hyma (ed.), «Het Scriptum pro quodam inordinate gradus ecclesiasticos et predicationis officium ajfectante door Gerard Zerbolt van Zutphen», dans Nederlandsch archief voor kerkgeschiedenis N.S. 20 (1927), p. 179-232. Van Rooij en donne un résumé (op. cit., p. 222-241), les manus-

crits aux p. 286 et 347-348. Van den Bosch cite encore quatre autres manuscrits (Studiên over de observantie ... , p. 146, note 134). 29 Grote est d'avis que très peu de gens sont dignes de cette fonction (Pohl, ed. cit., t. VII, p. 139; van Rooij, op. cit., p. 51. Une discussion de laquestion est instituée par Épiney-Burgard, Gérard Grote ( 1340-1384) et les débuts de la Dévotion Moderne, p. 226-230.

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INTRODUCTIO N

considérations sont correctes ou erronées, pour accepter un ordre supérieur. Il situe cl' abord le sujet (1-4). La visée la plus haute d'une vie pieuse est de se tenir éloigné des tracas mondains pour s'occuper de Dieu, sans être importuné. On ne se chargera cl' affaires extérieures ou administrative s que si un supérieur l'exige ou sous la pression des circonstances. Mais aspirer de soi-même à une ordination plus élevée est toujours déplacé, malgré cl' essentielles apparences, car il s'y cache une tentation d'une espèce très dangereuse. Après cette introduction, notre auteur discute les six arguments sur lesquels le clerc avait fondé ses désirs (5-12); Zerbolt les réfute sans exception, en citant les Pères de l'Église et les lettrés; son conseil au clerc est négatif, sans ambiguïté: mieux vaut travailler à sa propre sanctification que cl' entreprendre des tâches extérieures qui ne sont pas imposées.

De libris teutonicalibus Zerbolt rédigea ses textes en latin. Dans la maison commune, la Heer-Florensh uis, cette langue était utilisée par les Frères dans leurs écrits comme dans leurs conversations. Si l'un d'eux se trompait et parlait la langue du peuple, il devait se mettre à genoux et baiser le sol 30 • Le choix du latin comme langue véhiculaire donne à penser qu'ils se considéraient comme des clercs et adoptaient les coutumes de cet état. Cela correspond à la teneur de deux actes de 1396 où est établie leur forme de vie: dans la Heer-Florens huis vivront quatre prêtres, huit clercs et quelques non-consacrés, donc des laïcs 31 • Mais le mouvement recruta ses adhérents parmi les laïcs qui ne maîtrisaient pas le latin et qui recevaient leur Consueuerat magister Gherardus cum suis loqui latinum, & fuit talis pena posita, quod loquens teutonicum procidens oscularetur terram (Dumbar, Analecta, p. 8), cf. van der Wansem, Het ontstaan .. ., p. 64. 31 Van der Wansem, op. cit., p. 112-125.

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formation spirituelle dans la langue vernaculaire. L'usage de cette langue suscita l'opposition du clergé et des accusations d'hérésie. Ce sont surtout les Sœurs qui furent attaquées. Face à ces attaques, Zerbolt prend les armes. Dans son De libris teutonicalibus, il défend l'emploi par les laïcs de textes écrits dans la langue du peuple et la prédication dans cette langue 32 . Son introduction annonce qu'il traitera de deux sujets: en premier lieu, de la légitimité de la lecture pour des laïcs de la Bible ou d'écrits religieux en langue vernaculaire, et ensuite, des livres qui ne leur conviennent pas. Dans la première partie, Gérard, appuyé sur une série de citations de la Bible et d'autorités ecclésiales, démontre que les laïcs peuvent et doivent lire dans leur langue la littérature spirituelle; sa démonstration vise avant tout ceux qui attaquaient les coutumes des Dévots. Il divise la question en deux points: ni la lecture de ces textes spirituels par des laïcs, ni leur traduction en langue vernaculaire ne sont interdites. Certes, une bulle papale a interdit quelques textes en langue vernaculaire parce que suspectés d'hérésie, mais, conclut-il, cela n'empêche donc pas la lecture de bons textes spirituels écrits dans cette langue. Il développe ensuite son second sujet: quels livres conviennent aux laïcs? Sa réponse, s'adressant à ceux qui souhaitent lire, délaisse le ton polémique pour adopter celui de l'instruction sous forme d'une sorte de guide de lectures 32

Edition du texte latin par A. Hyma, «The De libris teutonicalibus by Gerard Zerbolt of Zutphen», dans Nederlandsch archief voor kerkgeschiedenis, N .S. 17 (1924), p. 42-70. La version en néerlandais est éditée par]. Deschamps, «Middelnederlandse vertalingen van Super modo vivendi (7 de hoofdstuk) en De libris teutonicalibus door Gerard Zerbolt van Zutphen», dans Handelingen Koninklijke Zuidnederlandse Maatschappij voor taal- en letterkunde en geschiedenis 14 (1960), p. 67-108 et 15 (1961), p. 175-220.[Une traduction française existe pro manuscripto, au Couvent Anglais, Brugge). Un résumé du texte De libris est donné par van Rooij, Gerard Zerbolt van Zutphen ...,p. 198211. Volker Honemann en prépare une nouvelle édition.

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pour Dévots. Le texte est transmis en deux rédactions, probablement toutes deux de la main de Zerbolt. La première partie du texte est semblable dans les deux rédactions, tandis que les variantes abondent dans la seconde partie relative aux choix de lectures et font apparaître une puissante dynamique dans la réception du texte 33 . La première rédaction use d'un critère interne: ne conviennent pas aux laïcs des livres de lecture difficile ou qui emploient des expressions étrangères à la tradition ecclésiale. La seconde rédaction déplace la question vers les possibilités des laïcs à maîtriser des lectures difficiles. La lecture de la Bible est elle-même alors envisagée sous cet angle; les livres bibliques recommandés sont limités aux Évangiles et aux lettres du Nouveau Testament qui invitent expressément à la pratique des vertus. D'après Zerbolt, beaucoup de livres bibliques ne sont pas utiles aux laïcs, parce que trop difficiles ou obscurs dans leur formulation ou dans leur signification voilée. De ce fait, la recommandation de la première partie du texte de lire la Bible dans la langue vernaculaire est considérablement. L'apologie de la lecture de textes spirituels adressée au monde extérieur semble être ici subordonnée au besoin interne de donner une orientation aux habitudes de lecture en usage parmi les Dévots 34 • Au terme de son exposé - et sans l'avoir annoncé Zerbolt joint comme en annexe des conseils aux laïcs sur l'usage d'exercices spirituels et de livres de prières et d' offices. Leur compréhension de tels livres dépasse souvent celle d'érudits formés à la théologie. Les laïcs dévots acquièrent

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N. Staubach, «Gerhard Zerbolt von Zutphen und die Apologie der Laienlektüre in der Devotio moderna» dans: Th. Kock, R. Schlusemann (éd.), Laienlektüre und Buchmarkt im spiiten Mittelalter, Frankfurt am Main etc. 1997, p. 233-234. ... Staubach, «Gerhard Zerbolt von Zutphen ... », p. 247, 264-265.

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par leur rythme de vie spirituelle, et donc par expérience, une compréhension comme spontanée des sujets traités qu'ils pratiquent quotidiennement en priant et en menant une vie vertueuse. Le De libris teutonicalibus sert donc un double but: outre la défense de la lecture pour les laïcs en langue vernaculaire, il leur offre une orientation pour choisir des livres qui leur conviennent. Un 'guide de lecture' de ce genre répondait à un réel besoin; aussi Zerbolt dans sa seconde version délimite-t-il plus fermement encore les lectures adaptées. Le texte serait apparu, selon l'opinion solidement étayée de Staubach, aux environs de 1393. Du vivant de Gérard Grote déjà, les Sœurs dévotes qui vivaient dans sa maison semblent avoir été suspectées du fait de leur forme de vie. Lorsqu'en 1393, Johannes Brinckerinck devint recteur de la maison, les Sœurs étaient en butte aux attaques du clergé de la ville, en raison de leurs lectures de livres en moyen néerlandais (diets). Même dans la rue, on les interpellait souvent à ce propos. Brinkerinck eut pitié d'elles, et pour défendre leur façon de vivre, prêcha sur le sujet et dans ce but, emprunta un livre de la Bibliothèque de la HeerFlorenshuis, dont Zerbolt était le bibliothécaire. Le sermon fit taire durablement les opposants 35 • Or sur ce thème, on ne connaît d'autre texte de cette période que le De libris teutonicalibus et il est bien probable que Brinkerinck en emprunta un exemplaire. Le texte, écrit en latin, n'a été transmis que par un seul manuscrit en cette langue. La traduction en moyen néerlandais du texte complet, ou d'une de ses parties, est connue par une dizaine de manuscrits. Cette traduction armait les Dévots laïcs contre les attaques de l'extérieur. Le texte traduit sert donc à enseigner au lecteur la discrétion et la maîtrise de soi, parfois à lui montrer 35

Pour la datation et les événements, voir Staubach, «Gerhard Zerbolt von Zutphen ... », p. 260-261, 270 et 278.

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ses limites intellectuelles . Parfois la traduction précède un texte important et joue à son égard le rôle d'introduction ou de justification36 .

Super modo vivendi devotorum hominum simul commorantium Les questions d'habillement et de l'usage de la langue vernaculaire toutes deux reviennent dans le Super modo vivendi devotorum hominum simul commorantium où est exposée et défendue la façon de vivre des Dévots 37 . Au chapitre 7, on retrouve la pensée du De libris teutonicalibus, mais résumée et retravaillée en une unité plus ferme 38 . Les Frères vivaient en commun dans l'humilité, sans possessions, obéissant les uns aux autres. Cette façon de vivre éveillait le soupçon dans le monde extérieur et s'attirait les critiques du clergé, car les Frères donnaient l'impression de vivre dans le cadre d'un Ordre. Or, depuis 1215, le Saint-Siège avait interdit toute fondation nouvelle 39 . Zerbolt réfute les principaux points sur lesquels portaient les accusations de l'extérieur. Il met la façon de vivre des Dévots en relation avec la première communauté chrétienne, telle que la présentent les Actes des Apôtres: les croyants avaient tout en commun, s'exhortaient mutuellemen t à l'amour fraternel et s'appliquaient à une vie honnête. Les Dévots ne cherchaient rien de plus qu'à imiter ces premiers chrétiens. Zerbolt conclut que la Bible et Sur la fonction de la traduction, voir Staubach, «Gerhard Zerbolt von Zutphen ... », p. 287-288. 37 Le texte est édité par A. Hyma, «Het traktaat Super modo vivendi devotorum hominum simul commorantium door Gerard Zerbolt van Zutphen», dans Archie[ voor de geschiedenis van het aartsbisdom Utrecht 52 (1926), p. 1-100. Pour la traduction en néerlandais du chapitre 7, Deschamps, «Middelnederland se vertalingen ... », 14 (1960), p. 72-108; comme pour le résumé donné par van Rooij, Gerard Zerboltvan Zutphen ... , p.165-198. 38 Ces deux textes ont été comparés par Staubach, «Gerhard Zerbolt von Zutphen ... »,p. 278-285. 39 Van der Wansem, Het ontstaan ... ,p. 149. 36

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les Pères de l'Église, loin d'avoir jamais interdit cette forme de vie, l'ont plutôt fortement encouragée. On considérait que Zerbolt avait rédigé le Super modo vivendi pendant la dernière année de sa vie et que ce traité formait une synthèse de textes écrits par des personnalités ecclésiastiques en faveur de la Fraternité, tels les juristes Everard Foec, doyen de l'église St-Sauveur à Utrecht, Arnold de Dikninge et nombre de juristes de Cologne40 . Mais récemment, Nikolaus Staubach a apporté contre cette opinion de solides arguments. Il serait plus probable que le texte de Zerbolt ait servi de fondement aux formulations juridiques des conseillers ecclésiastiques, qui l'ont sans doute utilisé comme information de base pour soutenir la Fraternité dans son combat pour sa reconnaissance. L'approbation fut donnée le 30 avril 1401 par l'évêque d'Utrecht, Frederik de Blankenheim; Zerbolt ne l'a pas sue, il était décédé plus de deux ans auparavant, mais elle était due principalement à ses écrits. Cette façon d'envisager les choses invite à avancer l'époque de rédaction du texte de Zerbolt qui ne l'aurait pas écrit pendant la dernière année de sa vie, mais vraisemblablement vers 1396, année où des démarches étaient entreprises pour obtenir l'approbation de l'Église pour la Fraternité4 1 . Par sa vaste culture littéraire engrangée dans sa retraite, Zerbolt était à même de composer ces quatre traités constitués, pour une large part, de citations sur lesquelles il construit son argumentation. Ces textes adoptent une ligne de démonstration juridique bien déterminée, partiellement orientée vers les Dévots, mais pour une plus grande part vers

Sur la date de création, voir Kock, Die Buchkultur der Devotio moderna, p. 185; sur la chronologie, van Rooij, op. cit., p. 48-49; van der Wansem, op. cit., p. 148-162. 41 Staubach, «Gerhard Zerbolt von Zutphen ... »,p. 271; discussion sur la date de création du texte, id., p. 274-278.

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JNTRODUCTION

le clergé, les guides du peuple. Grâce à sa formation, Zerbolt était tout à fait apte à engager des discussions avec le clergé des Pays-Bas. Correspondance

Au printemps 1398, Zerbolt se rend à Amersfoort pour de là consulter d'important s dévots à Utrecht et à Amsterdam , tels Hugo Goutsmit et Werbolt de Boscoop, ainsi que des ecclésiastiques de l'entourage de l'Évêque. En mai, il a déjà quitté Deventer quand il apprend par lettre que Johannes Kessel, le cuisinier de la Heer-Flore nshuis, a succombé à la peste dans la nuit du 31 mai au 1er juin. Il pousse Florent au départ pour éviter la contagion. Une partie des frères de Deventer s'exilent de fait à Amersfoort , mais les Frères font des va-et-vient constants, si bien que la composition du groupe des exilés varie beaucoup. A la fin de l'automne le danger est enfin écarté et, le 11 novembre, les frères rejoignent Deventer. Pendant la période intermédiai re, les contacts entre les exilés et ceux restés à la maison se sont poursuivis par une correspond ance dont subsistent dix lettres, neuf adressées de Amersfoort à la communau té des Frères à Deventer, et une provenant de la Heer-Flore nshuis vers Amersfoort , notammen t la lettre que Lubbert ten Busch écrivit sur son lit de mort, le 24 juillet 42 • Ces lettres sont des documents personnels écrits en une période tumultueus e. Les deux premières sont rédigées par Gérard Zerbolt seul, les sept autres ont trois ou plusieurs auteurs dont Gérard encore, Florent Radewijns et Willem 42

Huit de ces lettres sont éditées dans Dumbar, Analecta (t. I, p. 88-113), la neuvième est éditée par V. Becker dans De katholiek 41 (1862), p. 120-121. Van Rooij en donne un résumé (Gerard Zerbolt van Zutphen ... , p. 241-250). John van Engen prépare une nouvelle édition des lettres. La lettre de Lubbert se trouve dans Dialogus noviciorum (Pohl, ed. cit., t. VII, p. 247-250, ligne 6) où elle forme une section de la notice qui lui est consacrée (p. 245-258).

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de Schoonhoven43 . L'unité de style évidente des neuflettres suggère que Zerbolt les a vraisemblablement conçues. Pour l'écriture de ce genre de texte rapide, Florent qui n'avait pas une bonne main, entre à peine en ligne de compte; pour44 tant, il aura participé à la réflexion qui y est présente . La composition mouvante du groupe d'expéditeurs fait écho à celle du groupe des exilés d'Amersfoort. Dans les lettres dominent à la fois la tristesse d'être séparés les uns des autres et le souci du sort réservé à ceux qui sont restés. Ils contestent de part et d'autre l'exil: sans l'autre moitié de la Fraternité, ils se sentent orphelins. Après la mort de Johannes Kessel, quand Lubbert ten Busch, un des prêtres, disparaît, on réfléchit par lettre pour décider de son successeur dans son ministère et dans la charge de procurateur et second dans l'administration de la maison. Les lettres font état du grand projet mentionné à mots couverts sous les termes de commune negotium. On ne peut douter que ces pourparlers aient trait à l'approbation ecclésiale de leur forme de vie, une affaire à laquelle on travailla alors beaucoup sans aboutir encore. Le projet, suggère Thom Mertens, dépasse les intérêts des Frères de Deventer: il concerne une entreprise plus vaste dont l'initiative venait sans doute d'ailleurs. La formulation de la façon de vivre des femmes paraît en avoir été un aspect important45 . Par tous ces écrits, textes juridiques, avis et correspondance, Zerbolt a influencé, parfois profondément, son entourage. Mais la postérité le connaîtra surtout comme auteur Pour la chronologie et l'interprétation des lettres, voir Mertens, «Zerbolts letzter Sommer». 44 Thomas a Kempis écrit que Florent s'occupait suttout de la préparation du parchemin: «quia licet minus bene scribere sciret» (Pohl, ed. cit., t. VII, p. 150). 45 Dans la première lettre, il est question de permission pour un espace de prière, sans doute dans l'intention de mener une vie monastique (cf. Mertens, «Zerbolts letzter Sommer»). 43

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de deux traités pour la vie spirituell e, le De reformacione trium virium animae et le De spiritualibus ascensionibus. Les deux textes ont beaucoup en commun . Le De reformacione, présentemen t édité, est généralem ent considéré comme le premier des deux écrits. Il s'ouvre par un exposé général à la fois étroiteme nt lié au De ascencionibus et aux deux traités de Florent Radewijn s. En comparan t certains passages, on peut détermin er quelle place tient le De reformacione dans cet ensemble et, par là, sa fonction et ses destinatai res.

3. Le De reformacione ou le Manuel de la réforme intérieur e «Un homme descendit de Jérusalem à Jéricho», tels sont les premiers mots du traité de Zerbolt, extraits de la parabole du Bon Samaritai n dans l'évangile de Luc. La citation scripturai re sert de point de départ et de structure à l'enseigneme nt du De reformacione: tout comme l'homme de la parabole en route vers Jéricho fut attaqué et dépouillé , le premier homme Adam par son péché, a chu de Jérusalem , symbole de l'état de perfection et d'innocen ce où Dieu l'avait créé, à Jéricho, symbole de l'état de déchéanc e et d'inconstance. Par là, les trois puissances supérieures de l'âme, entendement, mémoire et volonté, ont perdu la haute maîtrise sur elle et les passions diverses la poussent ça et là. Elle a perdu son repos; par sa déchéance, l'homme est tombé dans un état de ruine. Réforme est le mot-dé pour s'arracher à cet état: la réforme des trois puissance s supérieur es de l'âme reconduit l'homme de l'inconsta nce et de la misère en l'approchant de son état originel de pureté du cœur et d'amour, c'est-à-di re vers la Jérusalem céleste. Ces trois puissance s supérieur es de l'âme sont donc le point de départ du chemin de réforme.

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Pour nombre d'auteurs médiévaux, l'âme humaine comportait l'entendement, la mémoire et la volonté, conception empruntée au «grand théoricien de l'image divine dans l'âme» 46 , Augustin qui, au chapitre 10 de son De Trinitate, analysait l'âme humaine sous son aspect de miroir de la Trinité divine47 • La représentation d'Augustin est devenue un fonds commun au Moyen-Âge tant dans des œuvres théologiques, comme la Summa theologica de Thomas d'Aquin que dans des textes historiques 48 . Ruusbroec, le mystique brabançon à qui Gérard Grote vouait une grande admiration, distingue ces trois puissances qu'il appelle 'supérieures' des quatre facultés inférieures, ainsi dans son traité Le Royaume des amants. De même, son confrère de Groenendaal, Willem Jordaens, adopte une division tripartite de l'âme dans Le baiser mystique. La mémoire est une réflection du Père, la volonté du Saint Esprit et l'entendement du Fils49 . Comme point de départ Zerbolt choisit donc une image courante qui donne à son traité un principe de structuration tripartite qui semble neuf dans la pratique de l'enseignement spirituel. Le texte atteste une fois encore la vaste cul-

46 L.

Reypens, art. Âme (Son fond, ses puissances et sa structure d'après les mystiques), dans DSp, c. I, Paris 193 7, col. 434. 47 Aurelius Augustinus, De trinitate, ed. W.J. Mountain et Fr. Glorie, Turnhout 1968, t. I, p. 329 SS, t. II, p. 430 SS. 48 Pour une étude sur la façon d'envisager l'âme, voir Reypens, art. Âme, col. 433-469. Thomas d'Aquin, Summa theologica la, Q. 93, art. 7, ad 3; de même la Q. 79, art. 7, ad 1, commentée par M. Carruthers, The book of memory: A study of memory in medieval culture, Cambridge 1994, p. 64 et 306, note 85. Un exemple d'un travail historique est donné par M. Hubrath, Schreiben und Erinnern. Zur «memoria» im Liber specialis gratiae Mechthilds von Hakeborn, Paderborn etc., 1996, p. 73-74. 49 Respectivement Jan van Ruusbroec, Werken I, Het rijcke der ghelieven, Die gheestelike brulocht, ed. ].B. Poukens et L. Reypens, Tielt 1932, p. 12-16, et Willem Jordaens, «De oris osculo» of De mystieke mondkus, ed. L. Reypens, Antwerpen 1967, p. 105-106, 114.

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ture littéraire de l'auteur: tout le traité est tissé de réminiscences bibliques et patristiques comme le montre à suffisance l'apparat des sources; pourtant Zerbolt ne cherche pas à faire montre d'érudition. Il travaille ses citations de façon à obtenir un tout bien lisible, un guide pour la vie ascétique. La connaissance de soi est préalable à la réforme des trois puissances de l'âme. Zerbolt lui consacre une longue partie introductrice (c. 1-12). En effet, avant de travailler à sa sanctification, l'homme doit prendre conscience du lieu d'où il est tombé et de ce qu'il était; puis du lieu où il se trouve présentement et de sa propre difformité; de là il prendra la mesure du chemin à parcourir pour rejoindre l'état perdu en gardant son but devant les yeux pour éviter de s'égarer. Le progrès se mesure selon la pureté du cœur et l'amour. Zerbolt encourage son lecteur à surveiller l'orientation de ses puissances par un examen quotidien. La résistance des mauvaises habitudes ne s'apprécie que lorsqu'on les combat. De cette expérience, le combattant sérieux recueille des fruits variés: il apprend à se connaître et à connaître la force de Dieu, à conseiller autrui et à le reprendre avec charité. Il éveille aussi la componction, qui est une salutaire affliction 50 . Qui tend à la perfection remarquera clairement qu'il est dépouillé de sa maîtrise sur les puissances de l'âme: les chapitres suivants lui proposent des moyens pour les réformer. Ce travail sur les puissances de l'âme commence par la réforme de l'entendemen t et de la raison (c. 13-17). L'entendemen t déformé par le péché et aveuglé par l' ignorance se réforme selon deux voies, l'instruction et l' expérience. Pour Zerbolt donc, il ne s'agit pas ici de l'acquisition d'un savoir, mais d'une sagesse venant de l'expérience. Thomas a Kempis dit à son sujet: «Il se vouait à devenir non so Cette expression traduit le latin compunctio cordis (cf. L.A.M. Goossens, De meditatie in de eerste tijd van de Moderne Devotie, Haarlem etc. 1952, p. 132-141).

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un féru d'éloquence, mais le gardien d'une bonne conscience51». L'homme acquiert l'expérience en purifiant son cœur par des exercices spirituels et en progressant en vertu. On y reçoit une profonde compréhension des commandements de Dieu dont on est touché intérieurement. L'homme peut recevoir l'instruction, second pilier dans la réforme de l'entendement, par la lecture et par des entretiens spirituels. Pour qui veut tirer profit de sa lecture, une série de conseils sont exposés qui recoupent ceux de la seconde partie du traité De libris teutonicalibus. Le dévot doit surtout travailler avec méthode; de bonnes intentions guideront sa lecture, sans papillonner de-ci de-là, mais en lisant un livre de bout en bout, à des heures fixes. Les passages qui correspondent à son propos (propositum 52 ) seront ruminés pour qu'ils s'impriment dans la mémoire, il interrompra sa lecture de temps à autre par une prière pour mettre sa lecture en pratique. Les livres de morale ou de dévotion seront ici les meilleurs, car ils conduisent à la pureté du cœur53 . La méditation est le mot-clé pour la réforme de la mémoire: faisant remonter à la mémoire certains passages lus et mémorisés, le Dévot peut en faire une nouvelle méditation (c. 18-35). La réforme parfaite de la mémoire s'accomplit en trois degrés: au premier le Dévot apprend à réprimer les aberrations illicites et à concentrer son attention sur des considérations spirituelles. Au deuxième degré, il est capable

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Non enim eloquentiae studuit esse sectator: sed bonae conscientiae observator (Pohl, ed. cit., t. VII, p. 280). Il s'agit de la règle de vie où chaque frère consigne son programme personnel; voir Mike! M. Kors, «Het propositum bij de moderne devoten. De verschrifrelijking van een kernbegrip uit de vadertijd», dans Ons Geestelijk Er/71 (1997), p. 145-180. Des directives pour la lecture spirituelle sont données dans Florent Radewijns, Petit manuel pour le Dévot moderne, p. 74-80 et dans le traité de Zerbolt De ascensionibus (ed. Mahieu, Brugge 1941, p. 222-228).

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de garder son attention fixée sur de bonnes méditations et de marcher avec sagesse. Finalement, il est plongé en Dieu et par ses exercices de piété peut, sans bruit, reposer en Lui. Il est fort recommandé de méditer à des heures déterminées le matin tôt, et le soir, et d'avoir sous la main pour cela des sujets précis qui feront éviter les pensées inutiles et vaines. Ce point, Zerbolt l'explique ailleurs par une image suggestive: «l'âme ressemble à un moulin, tout ce qu'on y jette, elle le moût. Si l'on n'y jette rien, elle se moût ellemême et s'entortille en des choses inutiles et vaines» 54 • Sur la méditation perçue comme moyen privilégié pour réformer la mémoire, Zerbolt s'arrête de façon concise dans le De ascensionibus (c. 45). Il semble qu'on ait là l'unique définition descriptive de cet exercice dans le cercle des Dévots: «Tu médites lorsque tu rumines avec ferveur ce que tu as lu ou entendu et que tu y réfléchis attentivement dans ton cœur et que par là, tu enflammes ton cœur sur un point précis et que tu en illumines ton entendement. Quand tu montes de cette manière et que tu t'avances dans l' espérance, il te faut, par une répétition dans ton cœur, ruminer avant tout sur ce qui te fait progresser dans la pureté du cœur, qui t'incite à la crainte et fait croître ton amour» 55 .

La méditation s'appuie donc sur ce qui a été lu et entendu (la Bible, les sermons, les collations) qui est reconduit dans la mémoire et ruminé à l'instar du ruminant qui fait encore et encore remonter l'herbe pour la remâcher. Écou-

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Anima tua est sieur mola, quidquid ei imponitur, molit, si ni! imponitur, se consumit et vanis et otiosis implicatur (Mahieu, ed. cit., p. 230). Meditatio vero dicitur, qua ea quae legisti vel audisti, studiosa ruminatione in corde tuo diligenter pertractas, et per ea affectum tuum circa aliquod certum inflammas vel illuminas inte!lectum. !taque ascendens et jam in spe proficiens, frequenrer in corde rumina, praecipue quae te ad profectum juvant puritatis, quae timorem incutiunt vel augent amorem (Mahieu, ed cit., p. 228).

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ter serait l'acte de brouter, rappeler à la mémoire celui de ruminer. L'acte de méditer à court terme poursuit un double but intérieur: au niveau affectif, enflammer l'amour et au niveau rationnel, illuminer l'entendement 56 . A plus long terme, le but de la méditation est de travailler à la croissance spirituelle, le progrès dans la pureté du cœur et l'amour qui doivent mener l'homme à sa perfection. Bien que moins explicitement, cette façon de définir la méditation est déjà à la base du De reformacione, où reconquérir la pureté de cœur perdue et obtenir l'amour formaient la double finalité globale de la vie spirituelle. L'objectif poursuivi à court terme est identique comme cela apparaît dans les sujets recommandés pour la méditation. Car tous les sujets ne conviennent pas également pour la méditation; y sont plus propres ceux qui frappent d'effroi l'orant ou l'éveillent à l'amour. Zerbolt présente à la suite les péchés (c. 20), les quatre fins dernières (c. 21-24) que sont la mort, le jugement dernier, l'enfer et le ciel; finalement, il parle des bienfaits de Dieu et surtout de l'incarnation du Christ (c. 25-34). Sur chacun de ces points, il fait quelques remarques générales, ce qu'on appelle les generales modi meditandi, formule générale pour un sujet sur lequel méditer57 • Zerbolt ne détaille que la Passion de Jésus; il propose au lecteur un texte utilisable pour sa méditation et qui est l'unique texte de méditation qu'offre son traité (c. 29-34). La Passion est amère comme la myrrhe et Zerbolt en compare le récit au sachet de myrrhe qui, dans le Cantique des cantiques repose entre les seins de l'Épouse. Ce sachet de myrrhe évoque l'amertume de la Passion du Christ que l'âme pieuse veut porter dans le cœur. Zerbolt répartit le

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Comparer avec Goossens, De meditatie .. ., p. 77-78, 88-89. Goossens, id., p. 180-182; par la suite les différents sujets sont traités p. 182191.

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récit en six sections, six sachets de myrrhe, que deux manuscrits assignent explicitem ent aux six jours de la semaine, du lundi au samedi. Un long chapitre avec instruction s pour la méditation précède ces sections, prévu sans doute pour le dimanche en vue de disposer à recueillir plus de fruit des méditation s de la semaine (c. 28) 58 • La méditation fondée sur la lecture éveille le désir de prier. Outre de longs temps de prière, comme les heures canoniales, Zerbolt recommand e les prières courtes et fréquentes que l'on peut composer soi-même au long du jour, quand le désir s'en fait sentir, à propos par exemple de ses vices, de ses péchés ou pour demander pardon. Ce chapitre consacré à la prière conclut l'exposé sur la mémoire. Commence alors celui sur la troisième puissance, la volonté (c. 36-59). La réforme de la volonté débute tout naturellem ent par un retourneme nt: le cœur dur doit être brisé et la confession faite avec repentir et contrition amènera le pardon de ses fautes. Mais Zerbolt s'y arrête peu pour traiter surtout du penchant mauvais de la volonté: par de pieux exercices, le Dévot peut apprendre à redresser ses désirs mauvais et à les soumettre à l'autorité de l'entendem ent. Comme Zerbolt le développe longuemen t dans le Sriptum mentionné plus haut, lorsque la volonté est ainsi réordonnée , le Dévot ne convoitera plus les activités extérieures ni n'ambition nera de situation élevée. De lui-même il refusera toujours ces responsabilité s extérieures et n'acceptera une position élevée que si son supérieur lui en fait un devoir, et par obéissance. Pour qui cherche à vaincre ses désirs et vices charnelles, la meilleure chose en général sera la fuite des occasions et le travail manuel reste un bon moyen pour purifier le cœur ss ]. van Aelst, «Bitter as myrrh: Gerard Zerbolt's meditation on the passion of Christ» dans N. Staubach (ed.) Gerhard Zerbolt von Zutphen und die Brüder vom gemeinsamen Leben (à paraître).

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de ses convoitises. Les vices spirituels seront vaincus par des exercices spirituels, et le travail le plus adéquat sera celui qui s'harmonise avec eux, tel la transcription de la Bible et d'autres textes spirituels; pendant ce travail, la dévotion peut s'exercer dans le silence. On ouvrira le combat spirituel en résistant à un ou deux vices, ceux qui harcèlent le plus; l'attention s'y concentrera sans qu'on se laisse pour autant dominer par les autres vices. Souvent différents défauts résultent d'un unique penchant mauvais qui doit être combattu jusqu'à son affaiblissement, de façon à pouvoir être écrasé dès qu'il réapparaît, car en cette vie, les vices ne peuvent être que réprimés; jamais ils ne meurent. Zerbolt distingue huit vices capitaux, l'orgueil en est le roi dont sept autres dépendent: vaine gloire, envie, colère, acédie, avarice, luxure et gourmandise. On les dit capitaux car de chacun découlent nombre de péchés et qui maîtrise ces huit vices, vaincra les péchés qui en proviennent. Zerbolt détaille chacun, en analysant leur origine, leur caractère, la manière de les combattre et les remèdes. La vertu qui est proposée comme remède s'obtient chaque fois en trois degrés. Finalement on veillera que tous les exercices soient en harmonie (c. 59) avec !'Écriture sainte et les exemples des saints; le Dévot les discutera avec un homme éclairé et les adaptera à son propos, ne les changera pas, mais y persévérera jusqu'à avoir obtenu la pureté du cœur. C'est ainsi que Zerbolt conclut sa description de la réforme des puissances de l'âme; le Dévot est maintenant muni de tous les moyens nécessaires à sa remontée de Jéricho à Jérusalem, du moins telle qu'on peut l'expérimenter sur cette terre.

36

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4. Le De reformacione dans la production littéraire de la Dévotion moderne Le traité s'inscrit aux premiers temps de la Dévotion moderne, mais il n'est ni le premier ni le dernier manuel spirituel de ce genre. Quelle est sa place dans le début du mouvement, quel fut sa fonction et dans quel but a-t-il été écrit? Répondre à ces questions suppose de déterminer plus précisément sa relation avec des textes apparentés de la même période, comme le De ascensionibus de Zerbolt et deux écrits de Florent Radewijns, le Libellus «Ûmnes, inquit, artes» et le Tractatulus devotus 59 • Les études sur le sujet nomment souvent ensemble les quatre textes 60 , et avec raison du fait de leur dépendance mutuelle que déjà Rudolf Dier de Muide signalait jadis 61 • Des indications en ce sens sont données par la tradition manuscrite qui aide à déterminer leur place et leur fonction, confirmées par la teneur de ces textes. Les deux traités de Florent Radewijns ne sont connus que par un seul manuscrit. Le Libellus se présente comme un manuel d'exercices spirituels et une collection de références pour la méditation. A partir de citations multiples sur un même sujet qui se suivent sans commentaires intermédiaires , Voir l'édition du Tractatulus, Petit manuel .. ., Th. Mertens et F.J. Legrand, Turnhout 1999 (Sous la Règle de saint Augustin, 6), du Libellus, M.Th.P. van Woerkum, Het Libellus «Omnes, inquit, artes». Ben rapiarium van Florentius Radewijns, 3 vol., s.l. 1950. 60 Goossens, De meditatie ... , p. 64; Gerrits, Inter timorem ... , p. 16-17 et 2326; Florent Radewijns, Petit manuel ... , p. 34-35. 61 Collegit ipse (se. Florens) ex dictis Doctorum libellum, qui incipit omnes inquit artes, ex quo, vt fertur, dominus Gherardus Serbolt occasionem siue materiam accepit componendi illos duos tractatus, quorum vnus intitulatur de Spiritualibus ascensionibus & incipit Beatus vir: alter vero de Reformatione trium virium anime & incipit Homo quidam. Composuit etiam dominus Florencius quendam libellum, qui incipit multum valet: Et tractat de consimili materia, de qua tractant predicti tractatus domini Gherardi Serbolt (Dumbar, Analecta, p. 50-51). 59

INTRODUCTION

37

Radewijns a construit un texte suivi. L'œuvre apparaît ainsi comme élaborée par l'auteur en marge de son travail de copiste. Privé d'une «bonne main» pour écrire, il aidait volontiers à la préparation et à la correction des manuscrits 62 • Son ouvrage a dû servir de Collationale, recueil utilisé pendant les collations, causeries informelles des dévots, les jours de fête après complies63 • Le Tractatulus devotus de Florent Radewijns est rédigé en forme de traité où abondent les citations de maîtres spirituels que l'auteur a liées par des phrases intermédiaires; le Libellus plus développé a connu une longue période de gestation. La rédaction des deux textes, sans doute en partie simultanée, a conduit à une influence mutuelle 64 . Le Tractatulus devotus se présente comme un traité sur la vie spirituelle, le premier de la Dévotion moderne. Il était destiné au cercle restreint qui entourait Maître Florent: le montrent à l'évidence sa transmission comme son contenu. Bien des données demeurent implicites et l'auteur en quelques mots renvoie le lecteur aux autres textes ou coutumes connus ou en usage dans la Heer-Florenshuis. La transmission du texte est pour sa part des plus limitées: seul un manuscrit est connu, originaire de la Heer-Florenshuis et détruit pendant la Seconde Guerre mondiale; on n'en possède plus que trois copies65 . Quant à leur contenu, les deux textes de Zerbolt, le De ascensionibus et le De reformacione sont en relation avec le Tractatulus devotus: il s'agit de deux traités pour la vie spirituelle dont la fonction nous est connue par ce qu'en dit Johannes Busch dans son Histoire, c'est à dire que les Frères 62

Florent Radewijns, Petit manuel ... , p. 17 et 29.

63 M. van Woerkum, «Het libellus 'Omnes, inquit, artes', een rapiarium van 64 65

Florentius Radewijns», dans Ons geestelijk er/25 (1951), p. 118-123. Florent Radewijns, ed. cit., p. 18-19. À propos du manuscrit perdu, ed cit., p. 29-34, sur les trois imprimés, p. 48-

51.

38

INTRODUCTION

Dévots utilisaient les sujets le De ascensionibus pour la lecture quotidienne préparant la méditation 66 • Quant à l'intention et à l'emploi des sources, les deux textes s'apparentent au Tractatulus de Radewijns, mais Zerbolt retravaille les sources qu'il utilise pour construire sa propre unité rédactionnelle. Il expose de manière plus claire les sujets proposés, et en explicite davantage la mise en pratique que ne le fait Florent dans le Tractatulus; par leur forme plus didactique, les écrits de Zerbolt conviennent mieux en outre à des personnes extérieures au cercle restreint de la Heer-Florenshuis. Grâce aux dons didactiques et stylistiques de cet auteur, l'idéal spirituel du premier groupe de Dévots a reçu une forme littéraire qui lui a assuré une expansion bien au-delà de leur petit groupe. La transmission de ces textes montre qu'en dehors de la maison ils étaient appréciés: tous deux ont connu une large diffusion et ont été traduits en langue vernaculaire, mais ils ne sont pas pareils et montrent une évolution l'un par rapport à l'autre. Tout en accordant généralement la priorité du De reformacione, on ne peut dater aucun des deux textes avec certitude67 . Le De ascensionibus est plus soigneusement construit que le De rejormacione et Zerbolt pointe vers un autre texte lorsqu'il écrit: «comme on le lit dans des écrits précédents»; il ne semble pas que ce renvoi puisse avoir rapport à , . que 1e D e re,.r;ormactone . 6s un autre ecnt . 1 66

Aussitôt après le texte de méditation qui a pour titre Epistola de vita et passione, un chapitre propose des indications pratiques concernant les temps

et lieux pour méditer. Busch fixe un sujet pour chaque jour: «Materiam inde habes in Beatus vir» (Grube, Liber de viris ... , ed cit., p. 244). 67 Sur leur relation mutuelle, voir van Rooij, Gerard Zerbolt van Zutphen ... , p. 95, Gerrits, Inter timorem ... , p. 17. Mertens caractérise le De ascensionibus comme «la charte de la jeune Dévotion Moderne» dans Florent Radewijns, Petit manuel ... , p. 3 5. 68 L'indication apparaît au chapitre 27 lorsque Zerbolt expose une manière générale de méditer sur la vie et la Passion de Jésus «sicut et in precedentibus», Mahieu, ed. cit., p. 142).

INTRODUCT10N

39

Et comme le laissait présager la qualité didactique supérieure du traité, la transmission manuscrite confirme que le De ascensionibus ont conquis un plus large public que le De reformacione. Celui-ci nous est conservé par une quarantaine de manuscrits, dont un en moyen néerlandais; on connaît en outre dix-sept éditions 69 . Du De ascensionibus, plus d'une centaine de manuscrits sont répertoriés, dont 28 en langue vernaculaire, et quelque quarante éditions. Le De ascensionibus ont donc connu en latin une diffusion deux fois plus importante que celle du De reformacione, et en néerlandais le rapport est de un à vingt-huit7°. Cette présentation comparative peut également se faire sur certaines parties des traités, par exemple sur l'emploi des sources dans les récits de la Passion, qui occupent dans nos quatre textes une place centrale 71 . La relation entre les deux textes de Zerbolt peut être mieux mise en lumière en comparant leur structure et leur construction visuelle qui atteste le développement des dons didactiques de Zerbolt. Le but d'un manuel de vie spirituelle est de présenter au lecteur un chemin qu'il suivra de manière à le fixer dans sa mémoire. Qui veut retenir des points par cœur fera bien d'utiliser son pouvoir de visualiser, car en l'occurrence la vue est supérieure aux autres sens 72 . Sur ce point les deux traités de 69 Un aperçu de la transmission manuscrite se trouve aux pages 43-55.

Un premier relevé des manuscrits est livré par van Rooij, op. cit., p. 281285; et p. 287-336, complété par Gerrits, op. cit., p. 28-30. 71 Van Aelst, «Bitter as myrrh». Un aperçu des emprunts de Zerbolt au De trip/ici via de Bonaventure est donné par A. Rayez, «Gérard Zerbolt de Zutphen et Saint Bonaventure. Dépendances littéraires», dans A. Ampe, Dr L. Reypens-Album, Antwerpen 1964, p. 323-356. 72 Visualiser pour mémoriser est connu comme un des moyens de la technique classique de mémorisation, transformer l'idée en images, selon Carruthers, The book of memory .. ., Cambrige 1994, par exemple, p.16-18 et 27-28. Dans les textes chrétiens de méditation, des représentations visuelles sont parfois proposées, tels l'arche, le tabernacle ou le temple; ces représentations

70

40

INTRODUCTION

Zerbolt confirment le développemen t régulier de ses capacités didactiques. Dans le De reformacione l'aspect visuel demeure marginal. Le texte commence par les mots: «Homo quidam descendit ... », «Un homme descendit de Jérusalem à Jéricho»; le chemin spirituel proposé au Dévot sera la remontée de Jéricho à Jérusalem par trois parcours qui semblent parallèles, à savoir la réforme des trois puissances de l'âme73 . Dans la deuxième et la troisième partie, le lecteur reçoit plus de précisions, car on lui propose des exercices tripartites; la réforme de la mémoire en effet comporte trois degrés et, lorsque dans la réforme de la volonté Zerbolt traite des huit péchés capitaux, il distingue pour chacun trois phases pour monter vers la vertu accomplie contraire au vice combattu. La répartition en deux lieux, Jérusalem et Jéricho, comme la sous-division en trois phases appliquée à certaines parties du chemin permettent au lecteur de baliser en imagination son itinéraire et d'en marquer sa mémoire. Dans le De ascensionibus l'aspect visuel devient un principe unificateur d'ensemble, puisqu'une structure visuelle embrasse tout le traité. Le chemin spirituel se présente ainsi: l'homme est tombé dans la vallée de larmes par trois chutes - la chute d'Adam, le penchant au péché et le péché mor-

sont ébauchées en quelques mots pour le lecteur, voir M. Carruthers, The craft of thought: meditation, rhetoric, and the making of images, 400-1200, Cambridge 1998, p. 221-276. Une application particulière de l'emploi de l'arche chez Hugues de Saint-Victor est donnée par P. Sicard, Diagrammes médiévaux et exégèse visuelle. Le de Hugues de SaintVictor, Paris etc. 1993, surtout la seconde partie du livre. 73 Weiler parle d'une «polarité» entre le positif et le négatif et de «ce schéma binaire». A.G. Weiler, «Üver de geestelijke praktijk van de Moderne Devotie», dans P. Bange, C. Graafland et al., De doorwerking van de Moderne Devotie, Hilversum 1988, p. 32. Le texte souligne également une distinction verticale, un haut et un bas, et donc un aspect visuel.

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41

tel. De cette vallée, il remontera, après sa conversion, par trois ascensions - la conversion, l'amour et la sanctification des puissances. Chaque ascension se subdivise en trois degrés. Dès l'introduction, le conseil est donné de se construire une échelle dans le cœur, sur laquelle on montera, ce qui implique qu'on doit se représenter le chemin vers le haut et le suivre consciemment et méthodiquement7 4 • Diverses sections du texte sont en harmonie avec cette image de l'ascension qui correspond à un dessin mental. La méditation sur la Passion est un bon exemple du travail rédactionnel opéré par Zerbolt sur ce point. Tout comme le De reformacione, le De ascensionibus comporte une méditation sur la Passion précédée d'un enseignement sur la méditation. Alors que dans le De reformacione, la conduite de la méditation sur la Passion mettait en œuvre l'image du sachet de myrrhe, dans le De ascensionibus, Gérard use d'une autre image du Cantique des cantiques qui s'harmonise davantage avec la structure visuelle du texte, «faire l'ascension de la montagne de la myrrhe», et qu'il introduit dès avant l'instruction de la médiation, donnant ainsi sa consistance à toute cette partie. Mais par cette image, le texte même de la méditation se voit fermement relié à l'image de tout le traité et devient une section de la représentation couplée de la chute et de la remontée partout présente. Dans cette progression, on saisit Zerbolt au travail: par sa maturité il est à même de transformer son matériau pour intégrer dans le texte ses nouvelles vues psychologiques et didactiques, et proposer au lecteur des moyens visuels pour se représenter le chemin spirituel. Il allait ainsi au-devant

74

Sed antequam incipias ascendere, debes in corde tuo scalam erigere et modum quendam proficiendi, quo illuc melius devenire valeas, ordinare (Mahieu, ed cit., 1941, p. 8).

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d'exigenc es mnémote chniques quel' on peut demande r d'un texte, car par la présentat ion visuelle le Dévot peut aisément s'imagine r son itinéraire spirituel et le fixer dans sa mémoire. D'un homme qui à trente ans était déjà arrivé par son étude persévéra nte à des vues aussi riches, les confrères avaient raison d'entrete nir de hautes espérances. Le Manuel de la réforme intérieure présente tous les éléments de la progressi on d'un Dévot vers une vie sainte. Sous un certain angle, ce traité apparaît comme un stade préparatoire au De ascensionibus, mais dans une rédaction mature, fonctionn ant de façon indépend ante, appuyée sur une conceptio n propre et différente du point de vue psychologique. Ce traité propose la première élaboratio n littéraire du matériau utilisé dans le cercle restreint des frères, mais l'auteur l'a transform é pour le rendre accessible à un public plus large, et l'orienter vers l'extérieu r comme le furent ses autres textes. Sa réflexion et son talent d'écrivain en ont fait des textes lisibles et d'une belle venue. Parmi les membres de la première Fraternit é, Zerbolt est celui sans doute qui a exercé par ses écrits et malgré sa mort prématur ée, la plus forte influence , en matière tant institutio nelle que spirituelle. José van Aelst (Universi teit - Utrecht)

II. DESCRIPTION DE LA TRADITION TEXTUELLE 1. La tradition manuscrite S'il n'a pas rencontré le large succès de son De spiritualibus ascensionibus dont on connaît jusqu'à une centaine de mss, le De reformacione virium anime de Gérard Zerbolt qui s'en rapproche par le genre littéraire comme par le contenu, a connu une diffusion honorable qui atteint à ce jour un total de 40 manuscrits repérés 1 . La présente édition se fonde sur 30 d'entre eux 2 • 1

2

Van Rooij, Gerard Zerbolt van Zutphen. I. Leven en geschriften, Dekker & Van de Vegt, Nijmegen-Utrecht, 1936, p. 322-333 en recensait en 1936, 31 témoins complets; on notera que le ms. de Liège qu'il indique (6. L. 17 .) parmi les incomplets, donne en fait non le De reformacione, mais sous le titre de De formandis meditacionibus libellus valde utilis ac necessarius, un remaniement résumé du De reformacione: ce remaniement, inséré par accident dans les œuvres du Ps-Bonaventure y a porté longtemps, jusqu'à l'édition critique de Quarrachi, le titre de Fascicularius. Voir aussi A. Rayez, Gérard Zerbolt et saint Bonaventure. Dépendances littéraires, dans Dr L. ReypensAlbum, 1884-1964, ed. A. Ampe, Ruusbroecgenootschap, Antwerpen 1964, p. 323-356. Signalons en outre que le ms. Leuven 82-83 indiqué par le même auteur (n° 90, p. 325) a disparu dans l'incendie de 1940. À ces témoins, Gerrits (Inter timorem et spem. A Study of the Theological Thought of Gerard Zerbolt of Zutphen (1367-1398), E.]. Brill, Leiden 1986, p. 28-29 et note 101), ajoutait deux nouveaux mss en 1986. Les recherches entreprises pour la présente édition nous ont fait connaître deux autres codices. Les autres témoins, non décrits, sont les mss.: Metz, Bibliothèque municipale 602; München, Bayerische Staatsbibliothek 3037, 4783, 5606, 18634, 18991; Nijmegen, Bibliotheek der R. K. Universiteit 58; Salzburg, Erzabtei St. Peter b. XII. 27; Subiaco, Bibliotheca dell' Abbazia 164; Trier, Dombibliothek 7 F. Leur date souvent très tardive et la généalogie des manuscrits examinés qui suffisent à une remontée stemmatique sûre, rendait leur utilisation critiquement superflue.

].

44

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Le traité fut transcrit jusque dans les dernières années du

xve s. mais son floruit se place nettemen t au cours du second quart du XVe s., soit quelque vingt ans après la mort de Gérard Zerbolt: cette diffusion a pu être un effet de l'influence de Thomas a Kempis, dont l'activité littéraire et religieuse a commenc é à partir des années 1420-142 5 à prendre son ampleur. D'origine cartusien ne, cistercien ne ou bénédictine, pour la plupart, ces transcript ions attestent la pénétration des idéaux de la Devotio moderna parmi les ordres anciens, comme aussi le rôle joué par la Réforme de Melk dans la diffusion de la littératur e des Dévots modernes ; les groupem ents canoniaux réguliers du XIIe s. en revanche ne montrent pas une telle réceptivit é. Les ordres plus récents sont représent és par les Croisiers et les Dominica ins 3 .

Vd1 AUBEL, Bibliothè que de Val-Dieu 5. XVe s.; papier; 145 X 110 mm; vm-236 ff (ff. 1 à 228 = foliation ancienne); provenan ce: f 0 1: «Ex Bib ... Ordinis S. Benedict i». Cachet de l'abbaye du Val-Dieu; ancienne cote de rangemen t 34, notée sur une fiche insérée dans le ms. f 0 1: Incipit tractatus devotus de reformati one virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudi nis inveniaris . Reliure plein veau estampé à froid sur ais de bois biseautés avec trace d'un fermoir central. Au f 0 1 on peut lire Registrum super sequentia istius libri Gerard Zupfen doctor leodiensis. Incipit Tractatus devotionis. De reformacione virium anime.

3

Un réseau de relations à la fois institutionne lles et personnelles a certainement joué: on sait que le demi-frère de Gérard Zerbolt, Helmicus Amoris était Croisier et Prieur Général de sa Congrégatio n; il prit parti activement en faveur de la Devotio Maderna.

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45

Vcf AUBEL, Bibliothèque de Val-Dieu 4. De spiritualibus ascensionibus s; papier; 150 X 120 mm; 248 ff. n.c. (sauf les dix premiers, foliotés I à X); provenance: f 0 59 «Joannes Scepltcen (?) ... »;étiquette «ex libris Vallis Dei» aux armes de l'abbé Van Doninck sur le contreplat; cachet de l'abbaye; ancienne cote de rangement 34 C sur l'ex-libris. XVe

ff. 151-197: Incipit libellus magistri Johannis Gruenwalis de exercicijs in quibus homo devotus se poterit exercere. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. On trouve deux dessins dans les marges: une caricature d'un «orgueilleux» à la hauteur du ch. 51 de invidia et eius ortus (f. 191 r 0 ), un autre revêt l'aspect d'alvéoles de miel dans une ruche dans la marge du ch 56, de vana gloria (f. 194r 0 ). Reliure monastique en plein veau sur ais de bois avec traces de deux fermoirs 4 .

Bg BAMBERG, Staatliche Bibliothek Theol. 220. XVe s.; papier; 150 X 214 mm.; probablement originaire du monastère bénédictin de Michelsberg à Bamberg; ancien: Q V 4i.

ff. 2 5- 5 7: Incipit tracta tus devotus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. amen. Explicit tractatus de reformacione virium anime. B 1 BASEL, Universitatsbibliothek A. VI. 30. a. 1437; papier; 204 X 281 mm.; 36-44 11, en 2 colonnes. Le ms.

4

Nous remercions Mme Carmélia Opsomer-Halleux, chef du département des manuscrits, Université de Liège de nous avoir communiqué ces renseignements sur les mss d'Aubel.

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semble avoir été transcrit à Bâle; ancienne marque: Biblioth. Ord. Prœd. Basil. (P. 25).

ff. 64r 0 -90r 0 : Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. amen. Changement de scribe à la 2ème col. du f. 7 6r 0 • De très grandes majuscules dépassant de 3 cm le cadre supérieur. Grandes initiales au début du texte et d'autres chapitres, de la Passion (c. 29), etc. 2

B BASEL, Universiratsbiblio thek A. II. 36. a. 14361438; papier; 205 X 293 mm (160 X 300 mm.); 50, 40 11.; ancienne marque: Biblioth. Ord. Prœd. Basil. (E. T. 9).

ff. 13 3r 0 -15 3 r 0 : Incipit tractatus de reformacione viri um anime bonus et devotus et maxime contemplativus. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Explicit tractatus de reformacione virium anime bonus et devotus et maxime contemplativus. Au f. 22v 0 , on lit: Script. Basilere ca. 1436 per manus S. P. Fol. 23lv 0 : An. do. 1438 in curia Sancti Antonij basilee (main de Johannes Burcardi).

A BRUXELLES, Bibliothèque Royale II 2113. XV s.; parchemin; 98 X 136 mm.; 20-22 11.; ff. lr 0 - 62v 0 ; sur la page de garde le nom d'un propriétaire précédent: C. Valentijns 1829. Le ms fut acquis en mai 1888.

ff. lr 0 -62v 0 : Incipit tractatulus devotus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Pas d'initiales ornées mais quelques-unes plus grandes: P. pour commencer la Passion (c. 30), c. 34, c. 39 (travail manuel), et le dernier, c. 59. Dans le texte, régulièrement les signes d'alinea (~).

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Co COLMAR, Bibliothèque municipale 110 (o 11). XVe s. (a. 1452-1453); papier; 310 ff.; 290 X 205; transcrit à Bâle.

ff. 115r0 -133v 0 : Incipit tractatulus devotus de reformatione virium anime editus per dominum Gerardum de Sutthania [sic] virum magne litterature habitans inter clericos in communi viventes, etc. Homo quidam descendit ... introire eterne beatitudinis gloriam inveniaris. Amen. Deo gratias. Col.: Explicit etc. anno etc. 111 perme fratrem Balthasar abbatem in Gzena etc. in Basilea.

D DüSSELDORF, Universitats- und Landesbibliothek B 163. XVe s.; ancien 153-201.

ff. 1-49 [15 3-20 l]: Incipit tractatulus devotus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Une seule initiale assez grande H. Aucune inscription marginale.

C KôLN, Historisches Archiv. G. B. 8° 92. Papier; 146 ff.; 105 X 147 mm.; écrit de deux mains différentes.

ff. 1-50: Incipit tractatulus devotus de reformacione virium anime. De exercicijs spiritualibus. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. E

LEIDEN, Universiteitsbibliotheek Ms. d'Albaing 38 5 .

s Voir Gerrits,

op. cit., p. 29, note 101,3.

48

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ff. 147r0 -178v 0 : Incipit devotus tractatulus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. À la fin de chaque paragraphe, le scribe remplit la place qui lui reste sur sa ligne par un dessin, identique mais adapté au volume à remplir. Deux grandes initiales, H (Homo quidam) et F pour introduire le récit de la Passion.

L LEUVEN, Universiteitsbibliotheek A 19. xve s. (ca. a. 1467, date mentionée au f. 84); papier; 210 X 150 mm.; 36-41 11.

ff. 3 lr 0 -60v 0 : Tractatus de reformatione virium anime, perutilis religiosis. Homo quidam descendit de Jherusalem ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Explicit libellus de reformatione - - - Deo Gratias amen. À la suite, en caractères minuscules, d'une autre main: Saint] erome dit que cest chose molt difficile voire impossible que ung grant pecheur se puyt vraiement repentir luj estant es delices de monde et es plaisances de son corps. Adam fut vaincu es delices de paradis terrestre. Et job estant sur le femier vainquit le deable - - -; (expl.): et se glorifie en toute abiection moquerie et irrision. Les ff. 1-81, comprenant les quatre premiers traités sont d'une écriture de livre soignée et ornée de lettrines en rouge et vert, pieds de mouche. Le cahier des ff. 31-60 porte en tête de nom du Frater Simon Brunel (scribe ou enlumineur?) en rouge. La suite du manuscrit est en petite cursive ou en minuscule, avec seulement quelques feuillets ornés (141-143; 178-180); les ff. 193-202 sont d'une écriture plus grande6.

6

Renseignements aimablement communiqués par l'université de Leuven avec une reproduction du ms., grâce au P. M. Haverais.

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49

Lg1 LIÈGE, Bibliothèque du Séminaire Épiscopal 6 G 13. a. 1429; papier; in 4°; 152 X 97 mm; 33-37 11.; provenant des Croisiers de Huy.

ff. 126r 0 -166v 0 : Incipit devotus tractatulus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Col. Scriptum anno domini m 0 cccc 0 xxix mensis ianuarij completum / a fratre henrico arscot.

Folios sans cadre, titres en rouge. De beaux S ornés. Les titres ont été indiqués en tout petits caractères au bas des folios, à l'intention du rubricateur sans doute.

Lg2 LIÈGE, Bibliothèque du Séminaire Épiscopal 6. M. 13. Fin XVe s.; papier; in 8°; 97 venant des Croisiers de Liège.

X

62 mm.; 18-19 11.; pro-

ff. 17r 0 -104r 0 : Tractatus de reformacione virium anime. Homo quidam descende bat ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Col. Explicit tractatus de reformatione virium anime /editus per dominum gherardum zarbolt./ Scriptus per me fratrem henricum de / (A?)orschot.

Écriture très large, filiforme; bel H initial, orné; d'autres grandes initiales, par ex. les S; titres en rouge. Il souligne davantage de mots que les autres mss, avant et après le nom de l'auteur ou de son œuvre.

Lg4 LIÈGE, Bibliothèque du Séminaire Épiscopal 6 N 8. XVe s.; papier; in-4°; 139 X 93 mm.; provenant des Croisiers de Huy.

ff. 26r 0 -61 v 0 : Incipit tractatus de reformacione vi/rium anime. editus per dominum gerardum zarbolt. Homo qui-

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dam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. La dernière partie est écrite en 1409, par Petrus de Sincris. Un codex très épais, superbe reliure. Enluminure pour le premier titre, et très bel H initial. Titres en initiales en rouge; cadre complet pour chaque folio, présentation très soignée. Grandes initiales: I (c. 13), F (c. 29, début de la Passion), I (c. 43), De nombreuses notes marginales ajoutées par une main moderne, indiquent semble-t-il les passages parallèles au ms. 6 G 13, (notre Lg1).

Mk 1

Stiftsbibliothek 619. a. 1437; in 4°; 145 X 215 mm.; 3511.; ancien 2 A 3. MELK,

ff. 27r0 -56v0 : Tractatus de spirituali exercitacione reparacionis lapsus humani. editus per quemdam fratrem Gerhardum de colonia, beghardum. Homo quidam descendebat ab introire in gloriam eterne beatitudinis inveniaris. amen. Col. 56v 0 : Scriptum et completum Basilee 26 die mensis Augusti anni domini 143 7 tempore concilii generalis ibidem celebrati per fratrem N. monachum professum monasterii Mellicensis ordinis s. Benedicti, patavicensis diecesis eidem concilio incorporatum [peutêtre Nicolaus von Dinckelspühl, ajoute Van Rooij, p. 326].

A noter, la précision révélatrice d'une suspicion ou d'un amalgame pour le nom: Gerhardi de Colonia. Beghardini. Les titres à insérer au début de chaque chapitre sont notés en bas de folios en tout petits caractères. Mk 2

MELK, Stiftsbibliothek, 606. XVe s; papier; 110 X 145 mm.; 22 lignes; ancien L. 28.

ff. 50r 0 -110v 0 : Incipit tractatus valde utilis. Homo quidam descende bat ... introire in gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen.

INTRODUCTION

51

Mk 3 MELK, Bibliothek des Benediktinerstifts 665. XVe s.; parchemin; 16°; 75 X 110 mm.; 33 lignes; ancien L. 95.

ff. 277r0 -308r 0 : Tractatus de spirituali exercitatione reparacionis editus Colonie per quendam frater Gerardus Beghardus. Homo quidam descende bat ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Col.: Scriptum et completum per fratrem Iohannem de Oberburg.

Mo MOSKVA, Russian State Library, F. 205 sl. 920. Milieu du XVe s.; 116 ff. (deux foliotations: 1-68; 1-48); originaire de Belgique; ex libris au dernier folio: Liber iste monasterii Rubeevallis in Zonia iuxta Bruxellam.

ff. lr 0 -48r 0 : Incipit tractatus devotus de reformatione virium anime. Homo quidam descende bat ... introire gloriam eterne beatitudinis invenies. Amen. Explicit. N NüRNBERG, Stadtbibliothek Cent. II. 17. ca. a. 1431; parchemin; 245 X 325 mm., 2 colonnes; chaque folio est ligné et encadré; ancien 5 5. 50 - 17 - N 7.

ff. 197r 0 -212v 0 : Incipit tractatulus devotus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Une seule belle initiale H; les folios portent en en-tête: tractatus pour les f. pairs, virium anime, pour les impairs. Fol. 26v 0 de ce codex, on lit: scriptus per manus Johannis notarij in Swobach (Schwabach) Anno domini 1431. Le manuscrit fut relié par Conradus Forster du monastère dominicain de Nürnberg, en 1438. Depuis 1528 il est conservé à la Stadtbibliothek de Nürnberg.

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INTRODUCTION

S SAINT-ÜMER, Bibliothèque municipale 259. a. 1431; papier; in 4°; titre du ms.: Henrici Gand et aliorum opuscula. Abbaye de Saint-Bertin. ff. 119r0 -14lr 0 : Homo quidam descendebat ... introire in gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. L'incipit Homo quidam descendebat de se trouve écrit en grands caractères comme pour un titre. Aucune grande initiale pour les débuts de chapitre: l'espace laissé libre pour le rubricateur n'a pas été rempli.

Sc SCHAFFHAUSEN, Ministerialbibliot hek. Seconde moitié du XVe s; 117 ff.; originaire de l'Allemagne du SudOuest.

ff. 38r 0 -74v 0 : Tractatus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Explicit libellus de reformacione .. . v1num anime.

Tr TRIER, Stadtbibliothek - Stadtarchiv 683/245. a. 1447, 1451; 140 X 205 mm.; provenant du monastère de Saint-Alban. ff. 128-165: Incipit tractatus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis merearis. Amen. Explicit tractatus de reformacione virium anime. Deo laus. Entre le f. 161 et 162, une feuille non foliotée porte un texte non identifié, d'une autre écriture; de la même main (?), ajouts dans la marge (f. 163r 0 ), quasi indéchiffrables.

Ut 1 UTRECHT, Rijksuniversiteit Bibliotheek 314. a. 1407; parchemin; in 4°; 235 mm; 33 11.; provenant de la Chartreuse d'Utrecht.

INTRODUCTIO N

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ff. 2 r 0 -3lr 0 : Incipit tractatus devotus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. (Alphabetum primum) Très belles initiales ornées H, et E sur le même 1er f.

Col. Explicit ... scriptus per fratrem martinum de scuedam. Fol. 48 v 0 ; même formule, avec cet ajout: ordinis carthusiensis propre traiectum; dans la marge: circa annos domini 1407. L'ex-libris original: Pertinet ad Carthusienses prope Traiectum inferius. Grandes initiales pour chacun des chapitres. Le ms. est divisé en trois parties signalées par . i ., . ij ., . iij . 3 alphabets dans la marge marquent les subdivisions du texte, comme dans Ut 1 •

Ur

UTRECHT, Rijksuniversi teit Bibliotheek 315. xve s.; papier; in 4°; 140 X 205 mm.; 30-38 11.; au f. 2v 0 , on lit: pertinet ad regulares in traiecto. In isto volumine continentur hec ... (suit la table des matières).

ff. 3v 0 -41 v 0 : Incipit tractatus devotus de reformacione trium virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. A.M.E.N. Amen. Amen. Rub. Très belle initiale H ornée. Col.: Explicit tractatus devotus de reformacione trium virium anime scriptus per fratrem heinricum jacobi Canonicum fratrum regularium in Traiecto. Alphabet dans la marge - Dessin de synthèse duc. 39, Travail manuel, au bas du folio 28 r 0 •

V WIEN, Nationalbibli othek 3710. a. 1451; papier; 265 ff.; 24 cahiers; 222 X 302 mm., 34-43 11., 2 colonnes; au f. 265v 0 , l'ex libris original: Iste liber est monasterij sancti

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INTRODUCTION

Michaelis in monnsee; ancienne référence donnée sur le devant de la reliure N° 2394. ff. 214r 0 -233v 0 : Incipit tractatus M Jo Ger de lapsu hominis a statu rectitudinis et permultum utilis et proficuus pro exercitione religiosorum, etc. Homo quidam descendebat ... introire in gloriam eterne beatitudinis invenians. amen.

W WIEN, Ôstereichische Nationalbibliothek 3713. XVe S. (a. 1453); 207 ff.; 300 X 200, 2 colonnes à 39 lignes par page. ff. 183r0 -207v 0 : Incipit tractatus magistri Johannis Gersonus de lapsu hominis a statu rectitudinis et innocentie permultum utilis et proficius pro exercitatione religiosorum. Cap. Ium - Homo quidam descende bat ab Ierusalem ... introire in gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Deo gratias. Col.: Explicit tractatus magistri Iohannis Gersonus de lapsu hominis a statu rectitudinis et innocentie multum utilis pro exercitatione religiosorum anno domini 1453. L'attribution à Jean Gerson est inscrite dans l'incipit et l'explicit sur une mention barrée, de première main, difficilement déchiffrable: il me semble pas qu'il se soit agit de Gérard Zerbolt.

W 1 WüLFENBÜTTEL, Herzog August Bibliothek Guelf. Helmstedt 589. Papier; 140 X 215 mm.; 34-36 11.; provenant du monastère Bénédictin de Klus près de Gandersheim; ancienne cote D 31; (ex libris f. 126v0 : Liber sancti Georgij in Klusa).

ff. 93r 0 -126v 0 : Incipit tractatulus devotus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit de ... introi-

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re gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Explicit tractatulus devotus de reformacione virium anime. Col. au f. 209v 0 : Explicit presens opusculum perme fratremJohannes Rummrod in Clusa. Les titres des chapitres sont écrits en gros caractères gothicisants; de même, les initiales, non soignées.

W 2 W üLFENBÜTTEL, Herzog August Bibliothek Guelf. Helmstedt 369. a. 1421, mentionnée au f. 106r 0 ; papier; 210 X 300 mm.; 41-43 11., en 2 colonnes; provenant des Bénédictins de Klus (Ex libris f. 126v0 ). ff. 192r0 -212v 0 : Incipit tractatulus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. amen.

Wu WÜRZBURG, Universitatsbibliothek M. ch. f. 241. a. 1459; 332 ff.; originaire de l'Allemagne du Sud-Est.

ff. 6r 0 -32r 0 : Incipit tractatulus devotus de reformacione virium anime. Homo quidam descendit ... introire gloriam eterne beatitudinis inveniaris. 2. La tradition imprimée Dans Gerard Zerbolt van Zutphen, Leven en geschri/ten, p. 359-360, van Rooij répertorie les éditions latines intégrales du De reformacione: K ANTWERPEN, Bibliotheek van de Ruusbroecgenootschap RG 1074 A 113 (a 0004). Imprimé dans: Bibliotheca veterum patrum et antiquorum scriptorum ecclesiasticorum, Margarin de la Bigne (ed. tertia), (sur les fonds de Antoine Hieratus), Cologne, 1618, t. 14, in f 0 •

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INIRODUCTION

f.180: Gerhardi Zutphaniensis viri piissimi, Opuscula II. Nedum religiosis, Verum et Quibusvis, Vitam Corrigere instituentibus, accommoda. Primum est de reformatione interiori seu virium animœ: Alterum, de spiritualibus ascensionibus. ff. 182-200: Caput 1. De lapsu hominis a statu rectitudine et de ordinatione virium anime. Homo quidam descendit. M BRUGGE, Bibliotheek Grootseminarie A - 22511. Vraisemblablement entre 1550-1570; papier; 170 X 107 mm.; sans date ni nom d'éditeur; 150 p.; ancien n° 83449 Gerhardi Zutphaniensis, Scriptoris religiosissimi Opuscula, vere aurea, et iampridem desiderata. 1. De reformatione interiori. Il. De spiritualibus ascensionibus. p. B - ES, p. 1-61: D. Gerhardi Zutphaniensis viri piissimi opuscula II. nedum religiosis, verum et quibusvis, vitam corrigere instituentibus, accommoda. Primum est de reformatione interiori seu virium animœ. F - L3, p. 62-150. Alterum de spiritualibus ascensionibus.

Caput primum. De lapsu hominis a statu rectitudinis & de ordinatione virium animœ. Homo quidam descendit de ... introire in gloriam œternœ beatitudinis inveniaris. Amen. L'absence à la fois de date et nom d'éditeur donne à supposer que ces deux traités de G. Zerbolt de Zutphen faisaient partie d'un tout plus important dont ils ont été coupés, et reliés ensemble par la suite. Dans son état actuel, le volume commence par la Vita Gerardi de Zutphania de Thomas a Kempis, suivie de Aliorum quorundam de Gerardo Zutphaniensi testimonia. Celui-ci serait, d'après Ioannes Tritemius, abbé de Spanheim, un homme dévot, peut-être chanoine régulier, qui se rendit célèbre par son enseignement au Gymnasium de Cologne. Christianus Masseus (notre «éditeur»), en fait un frère de l'Ordre de St Jérôme, fondé par Gérard surnommé le Grand. Les

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Frères s'occupaient d'instruire les jeunes gens, mais leur apprenaient aussi à «bien vivre». Après sa mort, Père Florent fit également ordonner quelques Frères, parmi lesquels Gérard «le Jeune». Déclaré introuvable en 1986 par G. Gerrits (Inter timorem et spem, ... Leiden, Brill, 1986), p. 30, note 102; la note 100, p. 29, précisait: «ln the introduction to his Latin-Dutch edition of De Ascensionibus (Bruges, 1941), Canon Mahieu mentions a printed Latin edition of De Ascensionibus, bound with a printed Latin edition of De Reformatione, giving neither date, nor place, of publication. He found this volume, which he describes as a post-incunabulum, in the library of the Great Seminary, Bruges, Belgium (ibid, XIII). In response to an inquiry regarding this volume, I was informed that it is no longer present in the library of the Great Seminary at Bruges.»

Br BRUXELLES, Bibliothèque Royale A 604. Imprimé à Paris chez Georges Mittelhus, rue St Jacques, près du petit pont à la Clef d'Argent, en 1493, 15 X 12 cm. Caput primum. De lapsu hominis a statu rectitudinis & de ordinatione virium animœ. Homo quidam descendit ... introire in gloriam œternœ beatitudinis inveniaris. Amen. LIÈGE, Bibliothèque de l'Université XV. C. 226. I Imprimé chez Johann Amerbach, Bâle, 1492 (Voir M. L. Polain, t. II, Bruxelles, 1932, 1586, p. 234).

ff. 10-60: Incipit tractatulus devotus de reformatione virium anime: Domini Gerardi de Zutphania. De lapsu hominis a statu rectitudinis: et deordinatione virium anime. Ca. I Homo quidam descendit ... introire in gloriam eterne beatitudinis inveniaris. Amen. Explicit tractatulus bonus et valde devotus maxime pro religiosis et etiam alijs vitam suam emendare volentibus qui intitulatur: De reformatione virium anime: Anno domini Mcccc xcij.

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INTRODUCTION

Lo LONDON British Library B. L. 4372. dd.12. G. H. Gerrits (Inter timorem et spem Leiden, Brill, 1986) mention ne: De reformacione virium animœ, Domini Gerardi a Zutphania. Venund atur Ioanni parvo et Iodoco Badio [=].Pet it et Josse Badius Ascensius]. ca. 1510. ff. 1-56: Incipit tractatulus devotus de reformatione virium anime, Domini Gerardi a Zutphan ia. De lapsu hominis a statu rectitud inis et de ordinati one virium anime. Cap. 1. Homo quidam descend it ... introire in gloriam eterne beatitud inis inveniaris. Amen. Mü MüNCHEN, Univers itatbibli othek 8° Asc. 1987. Imprim é chez L. Alectori us et Hœrede s J. Soteris, Cologne , 1579. - Piissimi ac eruditissimi viri D. Gerarhardi Zutphaniensis opuscula duo, divina prorsus et aurea. 1. De reformatione inte. . .. . non, seu v1num an1mœ. Donne une longue Epistola nuncupatoria, signée T. R. D. deditiss. Ludovicus Alectoriu s. Avant le texte du De reformatione une page porte ceci, qui apparenterait cette édition à celle de Massaeus: Ex catalogo scriptoru m ecclesias ticorum Abbatis Spanheim en. Gerhardu s Zutphani ensis, natione Teutonic us, vir in divinis scripturis studiosus et eruditus, seculariu m quoque litterarum non ignarus, ingenio subtilis, & clarus eloquio, nec minus conversatione quam scientia scriptura rum pn:eferendus. Edidit qmedam ad erudition em devotoru m fratrum pertinent ia opuscula , quibus nomen suum cum gloria transmisi t ad notitiam posterita tis. E quibus riditantu m, De reformatione interiori. Lib. I. Homo quidam descendit. De ascensione spirituali (sic). Lib. I. Beatus vir, cuius est. Sermones varios. Lib. I. De c~teris nihil reperi.

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Ex scriptis suis apparet eum virum devotum & religiosum fuisse, & alicuius ordinis quenquam ignoretur a nobis. Sunt vero qui volebant eum canonicum extitisse regularem, quod verisimile transimus. Claruit Gymnasio Colonien et varia scripsit. 7 Creditur floruisse circa annos Domini M. CCCXC .

Au moins une traduction néerlandaise a été publiée due à S. van der Woude, Over de hervorming van de krachten der ziel, Amsterdam 1951.

7

Une autre édition conservée à Paris (Bibliothèque Nationale de France D. 54907) n'a pu être examinée; elle est imprimée à Cologne, chez Melchior Novesianus, 1539, in 8°.

III. EXAMEN CRITI QUE DE LA TRAD ITION TEXTUELLE 1. La traditi on manus crite 1°. La famille f3 Une centain e de leçons commu nes relevées sur la totalité du texte impose un groupe ment ~ représenté par les témoin s D Mk B 2 Tr B 1 L. Souvent ces variantes pures sont de poids: 1,12 2,2 5,14

7,17 7,17 8,38 11,16 12,21

14,1 15,43

17,13 21,28 26,15 26,18 28,42

homo iste descend erit] iste homo descend it et statum] a statu debet] debeat sed om. vere] vero et dicere om. animam ] animum intellect us memoria ] memori a intellect us experien ciam] experim entum proping uare] appropi nguare manere] permane re eciam om. non] autem add. ex] et facit] fecit

Dans ce groupe , le témoin D attire l'attent ion non seulement par sa date, mais par son lot de variant es propres (80 au total), faible au regard de la masse de leçons individ uelles qui affecten t généra lement les témoin s de cette famille: 20,7 20,32

proiecit] eiecit demum] deinde

INTRODUCTION

22,39 23,6 23,6-7 23,34 26,34 27,2 27,60 35,13

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quot] quod offenderuntl offenderint terrebuntur] terrebunt autem om.