Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoiétique et oncologique dermatologique [3] 228772091X, 9782287720918

Cet ouvrage fait le point sur l'ensemble des affections du système hématopoïétique à expression dermatologique ou à

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Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoiétique et oncologique dermatologique [3]
 228772091X, 9782287720918

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Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique Dermatologie et médecine, vol. 3

Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo

Didier Bessis

Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique Dermatologie et médecine, vol. 3 avec la collaboration de Camille Francès, Bernard Guillot et Jean-Jacques Guilhou

Didier Bessis Dermatologue Praticien hospitalier Centre hospitalier et universitaire Hôpital Saint-Éloi 80, avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier cedex 5

Camille Francès Professeur de dermatologie-vénérologie Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris

Bernard Guillot Professeur de dermatologie-vénérologie Chef du service de dermatologie Centre hospitalier et universitaire Hôpital Saint-Éloi 80, avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier cedex 5

Jean-Jacques Guilhou Professeur de dermatologie-vénérologie Centre hospitalier et universitaire Hôpital Saint-Éloi 80, avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier cedex 5

ISBN-13 : 978-2-287-72091-8 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, Paris, 2009 Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media

Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant les paiements des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.

Couverture : Jean-François Montmarché

Auteurs Sélim Aractingi Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Tenon 4 rue de la Chine 75020 Paris Nicole Basset Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Louis 1 avenue Claude-Vellefaux 75010 Paris Frédéric Bernard Praticien hospitalier Service d’Hématologie pédiatrique Hôpital Arnaud-de-Villeneuve 371 avenue du Doyen-Gaston-Giraud 34295 Montpellier CEDEX 5 Didier Bessis Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Éloi 80 avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier CEDEX 5 Marie Beylot-Barry Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Haut-Lévêque 33600 Pessac Annie Bonnafoux-Clavère Praticien hospitalier Service de Radiothérapie Hôpital Dupuytren 2 avenue Martin-Luther-King 87042 Limoges CEDEX

Jean-Marie Bonnetblanc Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Dupuytren 2 avenue Martin-Luther-King 87042 Limoges CEDEX

Isabelle Bourgault-Villada Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Ambroise-Paré 9 avenue Charles-de-Gaulle 92100 Boulogne-Billancourt

Frédéric Cambazard Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Nord Avenue Albert-Raimond 42270 Saint-Priest-en-Jarez

Alain Claudy Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Édouard-Herriot 5 place d’Arsonval 69437 Lyon CEDEX 03

Pierre Clavère Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Radiothérapie Hôpital Dupuytren 2 avenue Martin-Luther-King 87042 Limoges CEDEX

VI

Auteurs Isabelle Coupier Praticien hospitalier Service de Génétique médicale Hôpital Arnaud-de-Villeneuve 80 avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier CEDEX 5

Bernard Cribier Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpitaux universitaires de Strasbourg 1 place de l’Hôpital 67091 Strasbourg CEDEX

Michel Dandurand Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Caremeau Place du Professeur-Robert-Debré 30029 Nîmes CEDEX

Olivier Dereure Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Éloi 80 avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier CEDEX 5

Florent Grange Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Robert-Debré Avenue du Général-Koenig 51092 Reims CEDEX

Bernard Guillot Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Éloi 80 avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier CEDEX 5

Jean Kanitakis Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Édouard-Herriot 5 place d’Arsonval 69437 Lyon CEDEX 03

Nicolas Kluger Chef de clinique des Universités Assistant des hôpitaux Service de Dermatologie Hôpital Saint-Éloi 80 avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier CEDEX 5

Brigitte Dreno Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôtel-Dieu Place Alexis-Ricordeau 44093 Nantes CEDEX 1

Céleste Lebbé Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Louis 1 avenue Claude-Vellefaux 75010 Paris

Nicolas Dupin Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Cochin-Tarnier 27 rue du Faubourg-Saint-Jacques 75979 Paris CEDEX 14

Myriam Marque Chef de clinique des Universités Assistant des hôpitaux Service de Dermatologie Hôpital Caremeau Place du Professeur-Debré 30029 Nîmes

Sylvie Euvrard Praticien attaché Service de Dermatologie Hôpital Édouard-Herriot 5 place d’Arsonval Lyon 69437 CEDEX 03

Anne-Marie Mohty Interne des hôpitaux Service de Dermatologie Hôpital Sainte-Marguerite 270 boulevard Sainte-Marguerite 13274 Marseille CEDEX 09

Auteurs VII Gaëlle Quereux Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôtel-Dieu Place Alexis-Ricordeau 44093 Nantes CEDEX 1 Catherine Renaud-Vilmer Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Louis 1 avenue Claude-Vellefaux 75010 Paris Marie-Aleth Richard Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Sainte-Marguerite 270 boulevard Sainte-Marguerite 13274 Marseille CEDEX 09 Jean Sibilia Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Rhumatologie Hôpital de Hautepierre 1 avenue de Molière 67098 Strasbourg CEDEX

Agnès Sparsa Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Dupuytren 87042 Limoges CEDEX Olivier Vérola Maître de conférences des Universités Praticien hospitalier Service d’Anatomie pathologique Hôpital Saint-Louis 1 avenue Claude-Vellefaux 75010 Paris Dominique Vignon-Pennamen Praticien attaché Service d’Anatomie pathologique Hôpital Saint-Louis 1 avenue Claude-Vellefaux 75010 Paris

Préface e suis très heureux de préfacer cette série de 5 volumes intitulée Dermatologie et Médecine. Le titre m’a d’abord un peu surpris. En effet, un lecteur profane ou superficiel pourrait à première vue croire que la « Dermatologie » n’est pas de la « Médecine » et que, dans cette série publiée aux éditions Springer sous la direction du docteur Bessis, les auteurs vont néanmoins s’évertuer à démontrer le contraire. Que c’est comme si l’on voulait démontrer que l’astrologie est vraiment une science en intitulant un ouvrage ou une série de publications « Astrologie et Sciences » ! Fort heureusement, il n’en est rien. La « Dermatologie » est une science médicale, celle de la pathologie du plus vaste et du plus lourd des organes humains, enveloppant le corps charnel, englobant les zones cutanéo-muqueuses transitionnelles oculaires, bucco-labiales et ano-génitales. Elle fut certes autrefois, et elle l’est encore des fois de nos jours, considérée par des confrères d’autres disciplines comme une spécialité médicale à part, pas vraiment indispensable, pas vraiment sérieuse, où il n’y a pas d’urgence, où les soins locaux salissants inspiraient une certaine répugnance, où la bénignité relative des affections traitées n’engageait pas la santé publique, malgré l’appropriation par les dermatologues des maladies dites vénériennes, où les pratiques médicales faisaient volontiers traiter les dermatologues de tanneurs ou de mégissiers. On a même failli craindre que la dermatologie ne soit entièrement « soluble » dans les autres disciplines médicales, surtout après la création, notamment en France, de spécialités interdisciplinaires basées non sur la pathologie d’organe, mais sur le substrat étiologique ou pathogénique présumé des affections censées être prises en charge par ces nouveaux spécialistes « transversaux », les infectiologues, les immuno-allergologues, les généticiens, les cancérologues... Des prophètes inquiets voyaient déjà les eczémas et le psoriasis en immunologie clinique, les pyodermites et les mycoses en infectiologie, les acnés et les alopécies en endocrinologie, les nævus et les carcinomes cutanés dans les centres anticancéreux... Il y eut de toute évidence quelques redistributions de rôles, notamment en matière de MST, devenues des IST, davantage d’actes opératoires pris en charge par des chirurgiens plasticiens non dermatologues, mais aussi des réorientations internes dans notre spécialité même, avec davantage de dermatologues se tournant vers la médecine esthétique et se familiarisant plus avec les lasers, les fillings et les minigrafts qu’avec les médicaments immunomodulateurs et les biothérapies. Avec cet argument imparable pour justifier cette orientation : « Il faut bien vivre de son métier ! » L’augmentation des servitudes administratives et déontologiques est souvent invoquée comme une des causes déterminantes de ce choix.

J

X

Préface Cette évolution n’a en fin de compte pas eu d’effets pervers sur le contenu et sur la pratique de la spécialité. Elle a en revanche nettement fait apparaître que l’abondance des lésions et des syndromes cutanés élémentaires et des entités qu’elles expriment, leur reconnaissance facile par les spécialistes formés à cette discipline, et leur accès direct à l’inspection et au prélèvement rendaient l’avis des dermatologues indispensable dans les disciplines transversales dans lesquelles on craignait de voir fondre la nôtre. Les dermatologues ont acquis avec cette évolution, en quelques décennies, un état d’esprit de plus en plus « interniste » et ont pu se convaincre et convaincre autrui que la grande majorité des maladies cutanées, hormis quelques dermatoses exogènes ou mécanogènes, s’inscrivent dans le contexte d’affections systémiques. Ils sont souvent aux avant-postes dans la suspicion puis la reconnaissance diagnostique de ces affections, par la démarche séméiologique et nosologique propre à la spécialité, qui n’a pas vieilli, mais s’est au contraire enrichie par les contacts multidisciplinaires. N’était-il d’ailleurs pas logique de prévoir que la pathologie de l’enveloppe du corps entier ne pouvait que renforcer le concept et le besoin d’une pratique médicale dite de l’« homme global », qui reviennent sans cesse dans les propos de l’éthique médicale et dans les objectifs d’enseignement et de formation professionnelle ? L’ouvrage collectif coordonné par Didier Bessis avec la collaboration de Bernard Guillot et de Jean-Jacques Guilhou, tous les trois de Montpellier, et de Camille Francès de Paris, avec de très nombreux auteurs, une centaine au total, presque tous français, est exemplaire de cette évolution de notre spécialité. Les nombreux chapitres, plus de 120 répartis en 5 volumes, montrent qu’elle interfère sans arrêt avec les autres spécialités pour l’identification et la prise en charge d’innombrables maladies générales, depuis le lupus érythémateux jusqu’aux états psychotiques. La « Dermatologie », c’est vraiment de la « Médecine » de l’homme global. La lecture et la consultation fréquente de cette série d’ouvrages sauront vous en convaincre. Professeur Édouard Grosshans Strasbourg, France

Avant-propos e troisième volume de Dermatologie et Médecine est consacré aux manifestations cutanées et muqueuses des maladies du système hématopoïétique et à l’oncologie dermatologique. Poursuivant l’esprit des deux premiers volumes, cet ouvrage se veut avant tout original, à destination du médecin clinicien dermatologue, interniste ou oncologue.

C

L’ensemble des affections du système hématopoïétique à expression dermatologique (syndromes myéloprolifératifs et myélodysplasiques, leucémies) ou à point de départ cutané (lymphomes et histiocytoses cutanés) est largement détaillé à la lumière des dernières avancées cliniques (classification, nouvelles entités) et thérapeutiques. La rédaction des chapitres traitant des cancers cutanés, incluant les carcinomes basocellulaires et épidermoïdes, la maladie de Bowen, la maladie de Paget, le carcinome neuro-endocrine, les mélanomes, les sarcomes, les carcinomes annexiels, les cancers post-transplantation et les métastases, a été confiée à des praticiens français, tous référents dans leur domaine. Plusieurs chapitres synthétiques et originaux en langue française constituent l’opportunité pour le praticien de se familiariser avec des affections rares, complexes et, de ce fait, souvent méconnues. Les déficits immunitaires congénitaux sont abordés sous un angle dermatologique et replacés de façon simplifiée dans leur contexte général immuno-hématologique. Les génodermatoses prédisposant aux cancers constituent également un domaine où le dermatologue doit pleinement s’impliquer à l’heure de la mise en place de centres de références et de compétences nationaux et multidisciplinaires. L’abondante iconographie illustrant ces pathologies, parfois exceptionnelles, mais reconnaissables « au coup d’œil », prend ici tout son intérêt dans le cadre de leur dépistage. Enfin, les chapitres consacrés aux effets secondaires des traitements oncologiques intègrent les réactions cutanées induites par la radiothérapie, l’actualisation des effets indésirables cutanéo-muqueux des chimiothérapies, ainsi qu’un sujet d’actualité et en constante évolution sur les effets secondaires dermatologiques des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses (inhibiteurs du récepteur à l’EGF, de tyrosine-kinase et des protéasomes). Qu’il me soit permis d’adresser mes vifs remerciements à l’ensemble des auteurs, collaborateurs, ainsi qu’à l’ensemble des collègues qui m’ont confié sans réserve leur iconographie.

XII

Avant-propos Je n’oublie pas une équipe enthousiaste resserrée autour de Gilles Pérez (www.octidi.fr) pour une mise en pages toujours particulièrement attractive, Mapie pour ses figures talentueuses et Nathalie Huilleret des éditions Springer pour sa patience bienveillante. Didier Bessis

Toute référence à un chapitre issu de cet ouvrage devra porter la mention : Nom de l’auteur, titre du chapitre. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2009 suivi des numéros de pages.

Sommaire 49 Hémopathies myéloïdes, lymphoïdes et leucémies Nicolas Kluger, Myriam Marque, Sélim Aractingi 50 Classification des lymphomes cutanés Olivier Dereure 51 Lymphomes cutanés T épidermotropes Olivier Dereure 52 Lymphomes T cutanés (hors mycosis fongoïde et syndrome de Sézary) Marie Beylot-Barry 53 Lymphomes B cutanés Florent Grange 54 Histiocytoses Didier Bessis, Frédéric Bernard, Frédéric Cambazard 55 Troubles de l’hémostase Agnès Sparsa 56 Déficits immunitaires primitifs Agnès Sparsa, Jean Sibilia, Didier Bessis

57 Maladie du greffon contre l’hôte Anne-Marie Mohty, Marie-Aleth Richard 58 Carcinomes basocellulaires Michel Dandurand 59 Carcinomes épidermoïdes Nicole Basset, Catherine Renaud-Vilmer 60 Maladie de Bowen Isabelle Bourgault-Villada 61 Maladie de Paget Jean Kanitakis 62 Carcinomes annexiels Bernard Cribier 63 Carcinome neuro-endocrine cutané Alain Claudy 64 Mélanomes Gaëlle Quereux, Brigitte Dreno 65 Maladie de Kaposi Bernard Guillot, Nicolas Dupin 66 Sarcomes cutanés Céleste Lebbé, Catherine Renaud-Vilmer, Marie-Dominique Vignon-Pennamen, Olivier Vérola

XIV

Sommaire

67 Cancers cutanés après transplantation d’organe Sylvie Euvrard, Jean Kanitakis, Alain Claudy 68 Génodermatoses prédisposant aux cancers Didier Bessis, Myriam Marque, Nicolas Kluger, Isabelle Coupier 69 Syndromes paranéoplasiques dermatologiques Didier Bessis 70 Métastases cutanées Bernard Guillot

71 Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales Didier Bessis, Bernard Guillot, Olivier Dereure 72 Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses Didier Bessis, Olivier Dereure, Bernard Guillot 73 Réactions cutanées induites par les rayonnements ionisants Pierre Clavere, Annie Bonnafoux-Clavere, Jean-Marie Bonnetblanc

49

Hémopathies myéloïdes, lymphoïdes et leucémies

Nicolas Kluger, Myriam Marque, Sélim Aractingi Définition et classification 49-1 Hémopathies myéloïdes 49-1 Leucémies aiguës 49-2 Lésions cutanées spécifiques 49-3 Lésions typiques 49-3 Lésions atypiques 49-4 Lésions muqueuses 49-4 Leucémies cutanées aleucémiques 49-4 Vasculite leucémique 49-4 Hémopathies lymphoïdes 49-5

L

es hémopathies malignes peuvent s’accompagner de lésions cutanées ou muqueuses dont la connaissance est importante à double titre : elles peuvent être les premières manifestations de l’hémopathie permettant sa reconnaissance et certaines d’entre elles marquent un tournant significatif du pronostic de l’affection imposant une modification thérapeutique. La difficulté clinique repose principalement sur le polymorphisme lésionnel des lésions dermatologiques à l’origine d’une importante diversité des présentations cliniques. La classification historique opposant les lésions cutanées dites « spécifiques » des « non spécifiques » est abandonnée au profit d’une classification plus fonctionnelle distinguant : − les lésions cutanées spécifiques liées à l’infiltration des cellules tumorales dans la peau ou les muqueuses ; − les lésions cutanées dites « satellites », paranéoplasiques, même si la définition stricto sensu du caractère paranéoplasique n’est pas constante ; − les infections cutanées ; − les effets secondaires cutanéo-muqueux des traitements des hémopathies, en priorité les chimiothérapies, abordés en détail dans le chap. 71, « Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales ».

Définition et classification Hémopathies myéloïdes Syndromes myéloprolifératifs Ils sont caractérisés par une hyperactivité de la moelle osseuse liée à une réponse

Lymphome T de type lymphadénopathie angio-immunoblastique 49-5 Leucémie lymphoïde chronique B 49-6 Lésions cutanées « satellites » 49-6 Dermatoses neutrophiliques 49-6 Érythème noueux 49-8 Manifestations vasculaires 49-8 Vasculites 49-9 Autres lésions satellites 49-9 Lésions cutanées infectieuses 49-11 Références 49-11

anormale des précurseurs myéloïdes aux régulations physiologiques. La prolifération cellulaire, sans blocage de maturation, sanguine et tissulaire (rate, foie) porte sur au moins une des trois lignées myéloïdes érythrocytaire, plaquettaire ou granulocytaire. Les principaux syndromes myéloprolifératifs sont rappelés dans le tableau 49.1. Les cellules circulantes dans le sang sont aux stades terminaux normaux de la lignée ou des précurseurs très différenciés (myélocytes, métamyélocytes). Une association de deux ou trois lignées cellulaires n’est pas rare à l’origine de syndromes myéloprolifératifs inclassables. Les principaux risques évolutifs comprennent la thrombose vasculaire, et à terme, une transformation en leucémie aiguë myéloblastique. Syndromes myélodysplasiques Ils forment un groupe hétérogène d’affections hématologiques caractérisées par des troubles de la maturation médullaire, ou dysmyélopoïèse, d’au moins deux lignées cellulaires hématopoïétiques, au sein d’une moelle osseuse de densité le plus souvent normale ou augmentée. Ces anomalies de la maturation des précurseurs des lignées sanguines se traduisent à la fois par des cytopénies de profondeur variable et des anomalies fonctionnelles des cellules circulantes. En 1982, la classification franco-américano-britannique (FAB) a individualisé chaque myélodysplasie au sein de ce groupe. Cette classification a été remodelée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1999, avec l’apparition de nouveaux critères pour les syndromes myéloprolifératifs et les leucémies aiguës (tableau 49.2). Les syndromes myélodysplasiques touchent surtout des per-

49-2

Hémopathies myéloïdes, lymphoïdes et leucémies

Leucémie chronique myéloïde

Polyglobulie primitive (maladie de Vaquez)

Hyperleucocytose > 50 000/mm 3 avec prédominance de polynucléaires neutrophiles, myélocytes et métamyélocytes Caryotype médullaire : translocation t(9;22) (« chromosome Philadelphie ») Hématocrite > 54 % (homme), > 47 % (femme) Volume globulaire total > 36 ml/kg (homme), > 32 ml/kg (femme) ± thrombocytose Élimination des causes de polyglobulies secondaires Thrombocytose > 600 000/mm 3

Thrombocytémie essentielle Splénomégalie primitive Fibrose médullaire importante (ou myélofibrose Hyperleucocytose < 50 000/mm 3 primitive) ± polyglobulie ± thrombocytose Hématies en « larmes » sur le frottis Évolution vers une insuffisance médullaire Leucémie Sujet > 60 ans, anémie, thrombopénie, myélomonocytaire monocytose chronique sonnes âgées avec une prédominance masculine (sex-ratio de 1,5). Leur pronostic, défini par le score IPPS, est conditionné par trois critères : la blastose médullaire, les anomalies caryotypiques et la profondeur des cytopénies. Leur évolution est dominée par le risque infectieux et la transformation en leucémie aiguë myéloïde (30 % des cas). Leucémies aiguës Elles sont caractérisées par la prolifération de précurseurs hématopoïétiques peu différenciés incapables d’achever leur maturation. Les cellules se divisent d’abord dans la moelle qu’elles envahissent jusqu’à occuper l’ensemble du Tableau 49.2

Coll. Dr L. Énaud, Perpignan

Tableau 49.1 Principaux syndromes myéloprolifératifs

Fig. 49.1 Multiples papules infiltrées d’une cuisse au cours d’une leucémie aiguë lymphoblastique volume médullaire avant de passer dans la circulation et d’essaimer dans d’autres tissus. Les leucémies se manifestent schématiquement de trois façons : − un syndrome tumoral clinique, reflet de la diffusion de la maladie : adénopathies, splénomégalie ou d’autres tissus ; − un syndrome d’insuffisance médullaire, reflet de la dysfonction hématopoïétique, car les cellules leucémiques — qui remplacent les cellules normales — contrairement aux cellules des syndromes myéloprolifératifs, n’ont aucune fonctionnalité ; − un syndrome thrombotique — moindre que dans les syndromes myéloprolifératifs. En fonction des aspects cytologiques, on distingue deux grands groupes de leucémies : les leucémies aiguës myéloblastiques (LAM), caractérisées par une prolifération de cellules blastiques granuleuses classées en LAM 0, 1, 2, 3... en fonction du type cellulaire identifié des leucémies aiguës lymphoblastiques, issues de la prolifération de précurseurs lymphoïdes bloqués à un stade précoce. La distinction de ces formes a des implications épidémiologiques, évolutives et thérapeutiques.

Classifications des syndromes myélodysplasiques

Classification franco-américano-britannique (FAB) Anémie réfractaire blastose médullaire < 5 % Anémie réfractaire sidéroblastique blastose médullaire < 5 %, sidéroblastes en couronne > 15 % Anémie réfractaire avec excès de blastes blastose médullaire 5 à 20 % Anémie réfractaire en transformation blastose médullaire entre 21 et 30 % Leucémie myélomonocytaire chronique blastose médullaire < 20 % et monocytose > 1000/mm 3

Classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Anémie réfractaire Syndrome 5q− Cytopénie réfractaire avec atteinte multi-lignées Cytopénie réfractaire multi-lignées et anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne Anémie réfractaire avec excès de blastes I et II Leucémie aiguë myéloïde * : blastose médullaire > 20 % selon l’OMS (30 % selon la FAB) Forme frontière de syndrome myéloprolifératif/myélodysplasique *

Forme inclassable * Formes n’appartenant plus aux syndromes myélodysplasiques selon les nouveaux critères OMS

 LAM leucémie aiguë myéloblastique

Coll. D. Bessis

Coll. Pr O. Dereure, Montpellier

Lésions cutanées spécifiques 49-3

Fig. 49.4 Purpura diffus et pigmenté d’une jambe au cours d’une leucémie aiguë myéloblastique

Lésions cutanées spécifiques

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

Les lésions cutanées dites « spécifiques » sont définies par la présence histologique d’une infiltration et d’une prolifération de cellules hématopoïétiques malignes dans le derme, l’hypoderme et/ou l’épiderme. Dans le cadre des leucémies, les Anglo-Américains utilisent la terminologie de « leukemia cutis ».

Lésions typiques Classiquement, elles sont constituées de papules, de plaques infiltrées, de nodules, voire de tumeurs indolores, de consistance ferme, voire dure, et de couleur rose à violacée (fig. 49.1 et 49.2). La taille des lésions et leur distribution sont variables. La multiplication rapide du nombre de lésions, le caractère purpurique et la fermeté des lésions sont évocateurs du diagnostic. Le caractère lupoïde à la vitropression n’élimine pas le diagnostic. Des formes historiques ont été décrites avec une infiltration du visage conférant un aspect léonin ou une atteinte élective des lèvres, des paupières et de l’orbite. Une forme multinodulaire disséminée, caractérisée par des petits nodules durs, indolores, roses ou cyanotiques, enchassés dans le derme et l’hypoderme et d’évolution rapide est également décrit. Le diagnostic clinique est facilement évoqué quand l’hémopathie est déjà connue. L’examen histologique met en évidence dans le derme un infiltrat de cellules hématopoïétiques de même aspect cytologique et phénotypique que celui de l’hémopathie myéloïde (fig. 49.3). En revanche, si cette dernière n’est pas identifiée, l’examen anatomopathologique peut être d’interprétation difficile et devra être complété systématiquement par les immunomarquages de ces cellules ¹.

Coll. Pr O. Dereure, Montpellier

Fig. 49.2 Papules et nodules cutanés spécifiques de la face latérale du cou au cours d’une rechute de leucémie aiguë myéloblastique de type 4

Fig. 49.3 Histologie d’une lésion cutanée spécifique de leucémie : infiltrat dermique de cellules hématopoïétiques tumorales

Fig. 49.5 Multiples lésions papuleuses et purpuriques du tronc au cours d’une leucémie aiguë myéloblastique

Hémopathies myéloïdes, lymphoïdes et leucémies Lésions atypiques Il existe une grande diversité de présentation clinique des lésions cutanées spécifiques des hémopathies myéloïdes : bulles ²,³, nécrose, prurigo, purpura ou ecchymoses (fig. 49.4 et 49.5). Leur fréquence est plus élevée au cours des syndromes myélodysplasiques ³,⁴. Leur reconnaissance est essentielle car elles sont prédictives d’une acutisation du syndrome myélodysplasique en leucémie aiguë dans les 3 mois qui suivent ⁴. Savoir répéter les biopsies et se méfier de lésions cutanées d’allure banale ou pseudo-infectieuse est une règle à garder à l’esprit chez tout patient porteur d’une myélodysplasie. De nombreuses lésions atypiques à type d’érosion muqueuse, de vascularite ou de nécrose cutanée sont également décrites au cours des syndromes hyperéosinophiliques primitifs ⁵,⁶.

Coll. Pr A.-J. Ciurana, Montpellier

Lésions muqueuses Une hypertrophie gingivale est présente dans 40 à 50 % des leucémies myélomonocytaires aiguës (LAM-4) et monoblastiques (LAM-5). Elle correspond histologiquement à un infiltrat tumoral dense. Des atteintes érosives superficielles buccale (gingivite, stomatite), plus rarement anale ou vulvaire ⁷,⁸, ont été décrites lors de leucémies aiguës ou de transformation aiguës de leucémies chroniques. Des ulcérations spécifiques du scrotum ont également été rapportées ⁹. Les lésions muqueuses génitales peuvent parfois faire évoquer à tort une maladie de Behçet ⁸, mais leur caractère hémorragique et la présence de pétéchies à proximité orientent vers le diagnostic de lésions spécifiques d’hémopathies. Des tumeurs ulcérées des muqueuses labiales, linguales et palatines ainsi que des muqueuses ano-génitales, parfois compliquées de surinfection, de nécrose et d’hémorragies, ont également été décrites (fig. 49.6), le plus souvent au cours des leucémies myélomonocytaires et monoblastiques ¹⁰. Exceptionnellement, un chlorome (sarcome myéloïde) peut avoir une localisation muqueuse ¹¹.

Fig. 49.6 Prolifération tumorale et nécrotique de la région anale au cours d’une leucémie aiguë lymphoblastique  LAM leucémie aiguë myéloblastique

Coll. D. Bessis

49-4

Fig. 49.7 Multiples nodules de couleur violine du tronc au cours d’une leucémie cutanée aleucémique Leucémies cutanées aleucémiques La survenue d’une infiltration cutanée précédant de plusieurs mois une leucémie est rare. Sur une série de 877 malades atteints de leucémie aiguë myéloïde, seuls 2 d’entre eux avaient eu une leucémie cutanée aleucémique, précédant jusqu’à 6 mois la survenue de l’infiltration médullaire ¹². L’aspect cutané ne diffère pas des lésions classiques spécifiques : papules, nodules (fig. 49.7), plaques infiltrées de couleur peau normale à érythémateuse, marron, voire chlorome. Cette dernière entité se caractérise par des tumeurs de couleur verte liée à l’expression de la myéloperoxydase par l’infiltrat blastique myéloïde. Le diagnostic des lésions cutanées spécifiques aleucémiques est difficile car l’hémogramme, le frottis sanguin et la biopsie médullaire ne mettent pas en évidence de cellules blastiques médullaires alors que le derme contient des grandes cellules monomorphes exprimant des marqueurs myéloïdes ¹³,¹⁴. Le diagnostic histologique de lymphome est parfois évoqué ¹⁵. Le concept de leucémie cutanée aleucémique repose sur le tropisme électif de certaines populations myéloïdes : un clone tumoral de très faible amplitude émerge dans la moëlle osseuse et circule, mais son taux y reste faible et n’y est pas détectable cytologiquement. En effet, contrairement aux hémopathies lymphoïdes, il n’existe pas de méthode moléculaire qui détecte la clonalité myéloïde. Une prolifération myéloblastique de faible masse et non détectable cytologiquement ne peut être recherchée par technique d’amplification génique, sauf en cas d’anomalies de l’ADN (transcrit bcr-abl par exemple). En raison de leur tropisme pour la peau, les cellules clonales s’accumulent dans le derme et y sont alors détectables. Les leucémies aleucémiques se distinguent de l’hématopoïèse cutanée par l’absence de précurseurs des autres lignées (lymphoïde, érythroïde, mégacaryocytaire et neutrophilique) dans la peau. Leur pronostic est le plus souvent mauvais ¹⁴. Vasculite leucémique Elle se caractérise histologiquement par la présence de cellules blastiques au sein de la paroi vasculaire. Elle est associée aux lésions spécifiques et de mauvais pronostic ¹⁶.

Coll. Dr C. Girard, Montpellier

Hémopathies lymphoïdes 49-5

Fig. 49.8

Éruption polymorphe maculeuse et papuleuse du tronc, par endroit nécrotique, au cours d’une lymphadénopathie angio-immunoblastique

Hémopathies lymphoïdes Les localisations cutanées des hémopathies lymphoïdes se présentent pour l’immense majorité d’entre elles comme des tumeurs, parfois à centre nécrosé ¹⁷. Deux types cliniques méritent d’être soulignés. Lymphome T de type lymphadénopathie angio-immunoblastique (LAI) Il se caractérise par l’association de signes généraux (fièvre, sueurs nocturnes, amaigrissement), d’une hépatosplénomégalie et d’adénopathies diffuses. Histologiquement, il est défini par la mise en évidence sur biopsie ganglionnaire : 1o d’une disparition de l’architecture ganglionnaire classique, 2o d’un infiltrat polymorphe constitué d’immunoblastes, de lymphocytes, de plasmocytes, d’éosinophiles et d’histiocytes épithélioïdes, 3o et d’une hyperplasie vasculaire arborescente post-capillaire. Les anomalies biologiques associées comprennent une anémie, une leucocytose et une hypergammaglobulinémie polyclonale. Cette affection peut toucher l’adulte à tout âge, mais concerne plutôt les sujets âgés (médiane de survenue de 64 ans environ) avec une prédominance masculine (sex-ratio de 1,4 H/1 F). L’atteinte des enfants est rare mais possible. Son pronostic péjoratif est principalement lié au risque d’infection et de transformation en lymphome de haut grade, avec un taux de mortalité de 50 à 72 % et une médiane de survie de 11 à 30 mois. Des manifestations cutanées sont présentes dans la moi EBV Epstein-Barr virus · HHV human herpes virus

tié des cas et s’intègrent le plus souvent dans la présentation clinique initiale. Il s’agit le plus souvent d’une éruption maculo-papuleuse, non spécifique, simulant un exanthème viral ou une toxidermie ¹⁸,¹⁹. On peut aussi observer un purpura, des plaques infiltrées du tronc, des nodules, des papules de prurigo, des papules vésiculeuses ou urticariennes ou une vascularite (fig. 49.8). Des études clinicohistopathologiques ont mis en évidence l’existence de possibles infiltrats spécifiques de lymphocytes atypiques au cours d’éruptions en plaques infiltrées d’allure spécifique, mais également au cours d’éruptions peu spécifiques d’allure virale. Des nodules granulomateux cutanés superficiels et profonds ¹⁹, une nécrolyse épidermique toxique ²⁰, des dermatoses neutrophiliques polymorphes ²¹, un syndrome de Wells ²², un eczéma craquelé ²³, une érythrodermie ou des lésions scléromyxœdème-like ²⁴ sont ponctuellement décrits. Les lésions histologiques cutanées peuvent varier lors de biopsies répétées chez un même patient. L’étude de réarrangement TCR (T Cell receptor) réalisée à partir des prélèvements cutanés peut mettre en évidence un clone ²⁵. Une atteinte cutanée initiale est considérée comme un facteur de mauvais pronostic pour l’évolution de la LAI. Comme dans les autres syndromes lymphoprolifératifs, le prurit est un symptôme fréquent, présent chez un tiers des patients. La pathogénie des LAI est encore débattue. L’implication de mécanismes immunitaires en réaction à une stimulation toxique (médicamenteuse : antibiotiques et anticonvulsivants) ou virale (principalement EBV, mais aussi HHV6 et HHV8) avec prolifération lymphocytaire B secondaire et développement d’un clone lymphocytaire B a été initia-

Hémopathies myéloïdes, lymphoïdes et leucémies

Coll. Pr B. Guillot, Montpellier

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Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Fig. 49.9 Lésions papuleuses et nodulaires, nécrotiques du visage : lésions cutanées spécifiques d’une leucémie lymphoïde chronique

Fig. 49.10 Larges macules cutanées érythémateuses et squameuses : lésions cutanées spécifiques d’une leucémie lymphoïde chronique lement postulée. Cependant la progression de la maladie vers des lymphomes T de haut grade et l’évolution des techniques d’immunophénoypage, de biologie moléculaire et de cytogénétique font évoquer une prolifération clonale lymphocytaire T primitive. Les LAI sont ainsi actuellement classées par l’OMS parmi les lymphomes T périphériques. Leucémie lymphoïde chronique B Les manifestations cutanées sont présentes dans un quart des cas et le plus souvent non spécifiques et rarement inaugurales (15 % des cas). Les lésions spécifiques sont constituées par des papules érythémateuses localisées ou généralisées (fig. 49.9), des plaques (fig. 49.10), des nodules et de larges tumeurs (fig. 49.11). Une infiltration violine des oreilles et du nez secondaire à l’envahissement tumoral du derme est évocatrice. Les lésions cutanées peuvent également se localiser sur des cicatrices cutanées d’herpès ou de zona ²⁶. Du point de vue histologique, l’infiltrat lymphoïde est le plus souvent périvasculaire et périannexiel ou nodulaire dermique et hypodermique, associé parfois à un infiltrat in DN dermatose neutrophilique

Fig. 49.11 Large ulcération tumorale de la face postérieure du membre supérieur au cours de la transformation d’une leucémie lymphoïde chronique en syndrome de Richter flammatoire non spécifique. Il est composé de lymphocytes monomorphes, de petite taille et à chromatine condensée. Un contingent de cellules blastiques est présent lors de transformation en syndrome de Richter ²⁷. L’étude immunohistochimique met en évidence un marquage cellulaire par CD5, CD19, CD20 et CD43. Contrairement aux leucémies myéloïdes, l’atteinte cutanée ne constitue pas un marqueur pronostic péjoratif. De nombreuses autres atteintes cutanées non spécifiques ont été décrites : pemphigus paranéoplasique (deuxième étiologie après les lymphomes malins non hodgkiniens), hypersensibilité aux piqûres d’insecte (fig. 49.12), érythème annulaire centrifuge ²⁸, augmentation de fréquence des carcinomes cutanés, vasculite cutanée, mucinose folliculaire.

Lésions cutanées « satellites » Dermatoses neutrophiliques Les dermatoses neutrophiliques (DN) peuvent s’observer en dehors de toute hémopathie, mais leur prévalence est significativement accrue au cours des hémopathies myéloïdes. Elles comprennent le syndrome de Sweet, le pyoderma gangrenosum, l’hidradénite eccrine neutrophilique, l’erythema elevatum diutinum, le syndrome de Sneddon-

Coll. D. Bessis

Lésions cutanées « satellites » 49-7

Fig. 49.12 Lésions papuleuses et bulleuses de la face postérieure du bras après piqûre d’insecte (réaction d’hypersensibilité) au cours d’une leucémie lymphoïde chronique

Coll. D. Bessis

Wilkinson et les abcès aseptiques neutrophiliques. Elles sont caractérisées par une infiltration stérile de polynucléaires neutrophiles matures dans le derme. Le syndrome de Sweet (SyS) est associé à une néoplasie dans 20 % des cas, majoritairement des hémopathies (85 %) ²⁹. Parmi celles-ci, la leucémie myéloïde aiguë est le plus fréquemment en cause. Les SyS associés aux hémopathies sont cliniquement caractérisés par une surreprésentation de lésions vésiculeuses, bulleuses (fig. 49.13), ulcérées ²⁹ ou par une association à des lésions de pyoderma gangrenosum ³⁰. Une atteinte plus fréquente des membres et/ou de la muqueuse orale est également classique. La

Fig. 49.13 splénique

Syndrome de Sweet bulleux au cours d’un lymphome

présence d’une anémie (82 %) ou d’un taux anormal de plaquettes (68 %) est également évocateur du caractère paranéoplasique du SyS et l’absence de fièvre ou d’hyperleucocytose ne doit pas faire remettre en cause le diagnostic. Le SyS survient le plus souvent de manière concomitante ou postérieure au diagnostic de l’hémopathie. Les SyS précédant l’hémopathie sont rares et surviennent dans un délai inférieur à 8 mois ³¹. Ils affectent aussi bien les hommes que les femmes. Près de 70 % des patients ont eu au moins une récurrence du syndrome, le plus souvent en raison d’une décroissance trop rapide de la corticothérapie générale. Dans plus de 50 % des cas, une atteinte extracutanée est décrite, essentiellement des myalgies, des arthralgies, et plus rarement des atteintes osseuse, pulmonaire et hépatique ²⁹. Le SyS peut être secondaire à un traitement de l’hémopathie : G-CSF ³² essentiellement, acide tout-transrétinoïque ³³, GM-CSF ³⁴ ou imatinib ³⁵. Sur le plan histologique, la présence de cellules myéloïdes immatures associées à des neutrophiles matures et le caractère clonal des neutrophiles de l’infiltrat (hybridation in situ, PCR d’une mutation) ont pu être mis en évidence. Le SyS associé aux hémopathies pourrait donc être lié à la migration dans le derme de neutrophiles clonaux issus de la différenciation du clone myéloblastique. Enfin, au cours des SyS associés aux myélodysplasies ou induits par le G-CSF, des infiltrats lympho-histiocytaires dermiques associés aux neutrophiles ont pu être mis en évidence et font l’objet de discussions nosologiques ³⁶-³⁸. Les syndromes myéloprolifératifs se placent au premier rang des causes hématologiques de pyoderma gangrenosum (PG) et, parmi eux, la polyglobulie primitive (maladie de Vaquez) ³⁹. La maladie hématologique est souvent ancienne, bien que le diagnostic simultané des 2 pathologies soit possible. Une atteinte de la muqueuse buccale et oculaire a été rapportée exceptionnellement ⁴⁰. Aucun cas de PG précédant le diagnostic hématologique, ni aucune localisation viscérale de PG n’ont été rapportés au cours des PG associés aux hémopathies myéloïdes. L’apparition d’un PG au cours un syndrome myéloprolifératif connu est prédictif d’une myélofibrose (50 %) ou d’une acutisation ⁴⁰,⁴¹. La corticothérapie générale est le traitement de première intention avec une réponse excellente et rapide. Des cas de PG ont été rapportés au décours de leucémies aiguës et chroniques myéloïdes, plus rarement au cours de syndromes myélodysplasiques et de leucémie à tricholeucocytes. L’hidradénite neutrophilique eccrine (HNE) est associée dans plus de 85 % des cas à des hémopathies myéloïdes, essentiellement la leucémie aiguë myéloblastique ⁴²,⁴³. Il s’agit d’un tableau caractérisé par des plaques érythémateuses et infiltrées d’aspect proche du SyS. Une localisation périorbitaire est classique. La différence avec le SyS est histologique puisque l’infiltrat neutrophilique est électivement localisé autour des glandes et des canaux sudoraux eccrines. La biopsie est nécessaire et doit s’accompagner d’une mise en culture en cas de fièvre ou de cytopénie afin d’éliminer une infection. Deux particularités sont notables pour l’HNE : (a) un début fréquent en phase d’aplasie post-chimiothérapie soulignant à nouveau le paradoxe de

 G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor · HNE hidradénite neutrophilique eccrine · PCR polymerase chain reaction · PG pyoderma gangrenosum · SyS syndrome de Sweet

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Hémopathies myéloïdes, lymphoïdes et leucémies la migration de cellules myéloïdes en faible quantité vers la peau ⁴³ ; (b) le rôle déclencheur d’une chimiothérapie. Ce dernier point est cependant contestable car l’HNE peut précéder une leucémie et ne se reproduit pas systématiquement après réadministration des molécules suspectes. La prédominance des leucémies myélomonocytaires (LAM-4) et monocytaires (LAM-5), où le clone myéloïde a un tropisme cutané électif, soulève à nouveau l’hypothèse d’une différenciation de neutrophiles à partir du clone ⁴³. L’erythema elevatum diutinum (EED) se caractérise par des papulo-nodules érythémateux, à surface lisse, siégeant électivement sur les dos des articulations des doigts, les coudes, les genoux (fig. 49.14). Histologiquement, il existe un infiltrat dermique neutrophilique associé à une nécrose fibrinoïde et une vascularite leucocytoclasique. L’EED est principalement lié aux gammapathies monoclonales à IgA mais une association à des syndromes myélodysplasiques, à la leucémie lymphoïde chronique et à la leucémie à tricholeucocytes a également été décrite ⁴⁴-⁴⁶. La panniculite neutrophilique est associée avec prédilection aux syndromes myélodysplasiques puisque sur les 8 observations décrites à ce jour, 6 sont associées à un syndrome myélodysplasique. Cette affection exceptionnelle,

à prédominance féminine, est caractérisée par l’éruption fébrile de nodules ou de plaques cutanées profonds, érythémateux, douloureux, inflammatoires ; elle est située avec prédilection sur les membres inférieurs, plus rarement le tronc ou la face. Les lésions cutanées évoluent en une quinzaine de jours vers une fine desquamation, une hyperpigmentation et une atrophie cupuliforme. Comme les autres DN associés aux syndromes myélodysplasiques (SMD), la polynucléose est inconstante. À l’examen histologique, il existe un infiltrat neutrophilique hypodermique centrolobulaire, sans vascularite associée. Un infiltrat neutrophilique dermique peut lui être associé, mais ne constitue pas, contrairement aux formes profondes de SyS et au PG, la lésion histologique prédominante. Cette panniculite se distingue par ailleurs de l’érythème noueux par la localisation lobulaire, non septale, de l’infiltrat. De récents critères diagnostiques sont proposés ⁴⁷ : (1) lésion élémentaire nodulaire ou en plaque ; (2) symptômes généraux : fièvre, arthralgies, malaise ; (3) infiltrat histologique neutrophilique lobulaire, ne prédominant pas dans les septa, sans lésion de vascularite ; (4) association à une myélodysplasie ; (5) sensibilité aux corticoïdes oraux ; (6) absence de cause connue de panniculite. Cependant, l’existence de formes de chevauchement entre DN est probable ⁴⁸. Des abcès cutanés profonds neutrophiliques ont également été rapportés lors de SMD ⁴⁹. Plusieurs cas de pustuloses aseptiques localisées ou diffuses ont été décrites au cours de polyglobulies sans qu’un diagnostic précis comme un SyS, un PG ou une autre DN ait pu être posé. Toutefois, la survenue d’une dermatose pustuleuse dans un contexte similaire, l’absence d’autre étiologie, l’efficacité des traitements ciblés contre les polynucléaires neutrophiles comme la disulone et l’association aux hémopathies suggèrent que ces dermatoses s’apparentent aux DN ⁵⁰.

Coll. D. Bessis

Érythème noueux L’érythème noueux pourrait être considéré comme une forme clinique de DN. Plusieurs cas ont été rapportés en association avec des états leucémiques ou un SMD, le plus souvent pendant ou après le diagnostic ⁵¹-⁵³.

Fig. 49.14 Multiples papules et nodules érythémateux des genoux au cours d’un erythema elevatum diutinum associé à une anémie réfractaire avec excès de blastes

Manifestations vasculaires Elles concernent de façon quasi exclusive les syndromes myéloprolifératifs, en particulier la polyglobulie primitive et la thrombocytémie essentielle. La symptomatologie vasculaire reflète la modification de l’hémorrhéologie secondaire à une augmentation de la viscosité sanguine et une altération de la microcirculation ⁵⁴ responsable d’un risque accru d’accidents thrombo-emboliques artériels ou veineux ⁵⁵. Les modifications de la viscosité sanguine peuvent être à l’origine d’un érythème cutané et muqueux (fig. 49.15), d’ecchymoses et de pétéchies, mais surtout d’un livedo, de thromboses, d’une érythromélalgie, voire de nécroses digitales. Celles-ci surviennent respectivement dans 25 à 66 % des cas de polyglobulie primitive et de thrombocytémie essentielle, et peuvent précéder ou survenir après le diagnos-

 DN dermatose neutrophilique · EED erythema elevatum diutinum · HNE hidradénite neutrophilique eccrine · LAM leucémie aiguë myéloblastique · PG pyoderma gangrenosum · SMD syndrome myélodysplasique · SyS syndrome de Sweet

Lésions cutanées « satellites » 49-9

Coll. D. Bessis

tic. Plusieurs cas de livedos ramifiés ont été rapportés, affectant les membres inférieurs, notamment les pieds et les orteils et parfois les fesses ⁵⁶. Une nécrose et des ulcérations cutanées ainsi qu’une aggravation liée aux modifications de la température peuvent compliquer le livedo ⁵⁷. L’histologie peut mettre en évidence des thrombi fibrineux, une prolifération endothéliale et un infiltrat inflammatoire de lymphocytes, d’histiocytes et de polynucléaires neutrophiles. Les saignées itératives peuvent permettre une régression du livedo ⁵⁶. La thrombocytémie et la polyglobulie de Vaquez sont les deux principales causes d’érythromélalgie, acrosyndrome rare où les extrémités sont rouges, chaudes et douloureuses lors de l’exposition au chaud ⁵⁸. Les arguments orientant vers une étiologie secondaire d’érythromélalgie sont un début tardif, l’absence d’antécédent familial, le caractère asymétrique de l’atteinte, la localisation aux membres inférieurs et l’existence de troubles trophiques. Ainsi, une numération formule sanguine doit être réalisée systématiquement devant toute manifestation de type érythromélalgique. De plus, en l’absence de cause secondaire, un suivi doit être mis en place, surtout en l’absence d’antécédent familial. La prise en charge de l’érythromélalgie repose sur le traitement étiologique du syndrome myéloprolifératif et l’acide acétylsalicylique per os. Plusieurs observations d’engelures précédant la survenue de leucémie myélomonocytaire chronique ont été rapportées ⁵⁹. La lividiose acrale, ou ischémie acrale avec lividité, est une entité consécutive à des thrombi de cellules myéloblastiques. Elle s’observe exceptionnellement au cours des LAM très hyperleucocytaires (> 100 000 blastes/mm 3). Cette leucostase est multisystémique et une atteinte cardiorespiratoire et neurologique accompagne l’atteinte cutanée ⁶⁰. Les phlébites superficielles compliquent 6 % des polyglobulies et peuvent s’observer au cours d’autres syndromes myéloprolifératifs. La survenue d’ulcérations de jambe est possible lors des syn-

Fig. 49.15

Érythrose palmaire au cours d’une polyglobulie primitive

 LAM leucémie aiguë myéloblastique · SMD syndrome myélodysplasique

dromes myéloprolifératifs, soit comme conséquence de l’hyperviscosité, soit comme conséquence d’éventuelles thromboses profondes artérielles ou veineuses. Il convient de ne pas oublier d’évoquer systématiquement, en cas d’ulcère des membres inférieurs chez un patient avec un syndrome myéloprolifératif, la possibilité d’une ulcération infectieuse, d’un pyoderma gangrenosum et du rôle éventuel de thérapeutiques comme l’hydroxyurée. Enfin, des ulcères « idiopathiques » avec hyalinisation du derme ont été rapportés. Vasculites Le lien entre vasculite et hémopathies malignes est apporté par une revue ancienne de la littérature, où 41 vasculites furent mises en évidence au sein d’un groupe de 75 000 hémopathies contre 11 vasculites rapportées pour 889 000 tumeurs solides ⁶¹. Les hémopathies les plus souvent inductrices de vascularites sont la leucémie à tricholeucocytes et les syndromes myéloprolifératifs. L’aspect clinique est polymorphe : purpura infiltré, lésions maculopapuleuses, urticariennes, vésiculo-bulleuses, pustuleuses ou nodulaires, à type d’érythème polymorphe ou d’ulcérations cutanées ⁶². Histologiquement, la vascularite est leucocytoclasique dans la majorité des cas, plus rarement granulomateuse. Le plus souvent, les vasculites précèdent (26 % des cas) ou sont concomitantes (40 %) du diagnostic de l’hémopathie ⁶³. Dans une série, une nette prédominance des hémopathies lymphoïdes B (62,5 % de 16 hémopathies avec vascularite) et de l’image de vascularite leucocytoclasique (13/16) était observée, ainsi que la présence de lésions de vascularite extracutanée dans un tiers des cas ⁶³. Au cours des SMD, les vasculites cutanées constituent les manifestations cutanées les plus fréquemment observées et sont révélatrices de l’affection dans près de 40 % des cas ⁶⁴. La recherche d’une cause associée médicamenteuse, auto-immune ou infectieuse doit être systématique. À titre d’exemple, la présence d’une infection à mycobactéries était mise en évidence dans 88 % des leucémies à tricholeucocytes associées à une vasculite ⁶⁵. Le traitement étiologique de l’hémopathie est habituellement inefficace pour contrôler la vasculite, même si elle peut apparaître moins sévère ⁶¹. La sévérité de la vasculite pourrait diminuer avec la progression de l’hémopathie ⁶⁶. Les vasculites n’évoluent habituellement pas de façon parallèle à l’hémopathie, notamment celles associées aux leucémies à tricholeucocytes. Certains auteurs ont suggéré que la présence de ces vasculites était associée à un mauvais pronostic ⁶⁷. Autres lésions satellites Le prurit peut concerner près de 50 % des patients atteints de polyglobulie primitive ⁶⁸. Les symptômes sont majorés lors d’un bain ou de la douche et, dans certains cas, le simple contact avec l’eau déclenche un prurit irrépressible définissant un prurit aquagénique secondaire ⁶⁹. Le prurit peut durer de 15 à 60 minutes ⁶⁸ et peut être handicapant au point que le patient finit par se priver de bain ⁶⁹. Il peut précéder de nombreuses années le diagnostic de polyglobulie primitive ⁷⁰. Sa sévérité n’est pas corrélée à la gravité de cette dernière. Le mécanisme physiopathologique pré-

49-10

Hémopathies myéloïdes, lymphoïdes et leucémies cis est mal connu. La carence martiale pourrait favoriser ce phénomène, une supplémentation en fer permettant l’amélioration des symptômes dans une petite série ⁷¹. Un traitement martial ne peut cependant être donné au long cours au risque d’une élevation du taux d’hématocrite. L’histamine, les prostaglandines et la sérotonine seraient également impliquées. Les traitements antihistaminiques sont inefficaces. L’aspirine est le plus constamment efficace en raison de son action antiprostaglandine. Les antisérotoninergiques, la cimétidine, la cholestyramine ou la photothérapie UVA ont également été proposés ⁷². Près de 20 % des patients continuent de présenter un prurit malgré un contrôle parfait de l’hématocrite. La polychondrite chronique atrophiante (PCA) est une maladie systémique rare caractérisée par une inflammation récidivante des cartilages du nez, des oreilles et des voies respiratoires, parfois associée à des manifestations articulaires à type de polyarthrite, et dans 20 à 50 % des cas, à des signes cutanés extracartilagineux. Le développement d’un syndrome myélodysplasique est noté dans environ 30 % des PCA et la prévalence des PCA est d’environ 0,6 % au cours des syndromes myélodysplasiques ⁷³. Ce tableau de PCA peut précéder le syndrome myélodysplasique de plusieurs mois ou années. Les manifestations cutanées sont beaucoup plus fréquentes chez les patients atteints à la fois de PCA et de syndrome myélodysplasique qu’au cours des PCA isolées ⁷⁴. Elles comportent des nodules des membres simulant un érythème noueux avec, en histologie, un infiltrat neutrophilique septal le plus souvent, parfois lobulaire ; un purpura ; un livedo ; des papules urticariennes ; des ulcérations de jambe ; des phlébites superficielles ; des papules violines ; une aphtose orale plus ou moins associée à des localisations génitales ; des érythèmes annulaires centrifuges. Les xanthomes plans diffus normolipémiques se caractérisent par la présence de xanthomes plans du visage, du cou, du tronc, des plis, des fesses et des paupières avec des taux plasmatiques de cholestérol et de triglycérides normaux ⁷⁵. L’apparition de plaques diffuses, extensives, jaune orangé à jaune marron, asymptomatiques, parfois surélevées à la palpation, ainsi que l’aggravation brutale de xanthelasmas préexistants doit faire rechercher une hémopathie sous-jacente ⁷⁶. Néanmoins, il pourrait exister un biais de publication et le nombre de patients avec un xanthome plan diffus idiopathique serait sous-estimé ⁷⁷. Les patients avec un xanthome plan diffus doivent être suivis régulièrement car les lésions cutanées peuvent précéder la maladie hématologique ⁷⁵. L’hématopoïèse extramédullaire cutanée est une manifestation rare survenant principalement lors de la myélofibrose primitive ⁷⁸-⁸¹. Les aspects cutanés sont polymorphes. Dans la majorité des cas, il s’agit de papules de couleur chair, érythémateuse ou cyanotique, de nodules ou de plaques. Les lésions peuvent être asymptomatiques ou sensibles, augmentant progressivement en taille et en nombre. Des lésions restreintes à des sites de traumatismes, des lésions bulleuses, hémorragiques ou des ulcères de jambe bilatéraux ont également été décrites ⁷⁸. Les manifestations cli-

 PDGF platelet-derived growth factor · TGF transforming growth factor

Affections cutanées rares et syndromes myélodysplasiques Dermatoses inflammatoires et auto-immunes Maladie de Behçet (association à une trisomie 8) Panniculites Acrodermatite continue de Hallopeau Pemphigoïde bulleuse Dermatoses de surcharge Mucinose folliculaire Dermatoses par infiltration Folliculite pustuleuse à éosinophiles Panniculite à éosinophiles Syndrome de Sézary (non secondaire aux chimiothérapies employées pour le traitement du lymphome) Leucémies/lymphomes cutanés à cellules blastiques NK Sarcoïdose cutanée et pulmonaire Granulome annulaire disséminé Granulomatoses non spécifiques disséminées ou localisées Troubles de la kératinisation Porokératose disséminée Autres Prurit Érythrodermie Photosensibilité Porphyrie cutanée Angio-endothéliomatose réactionnelle

49.A Affections cutanées rares et polyglobulie primitive de Vaquez Cellulite de Wells Spongiose à éosinophiles Sarcoïdose Mastocytose Syndrome POEMS Xanthogranulome juvénile Ichtyose acquise Dystrophie lamellaire

49.B niques de la myélofibrose stricto sensu ne sont pas spécifiques. Elles reflètent l’anémie (pâleur), la thrombopénie (purpura pétéchial et ecchymotique), l’avortement intramédullaire (ictère). La splénectomie pourrait être un facteur déclenchant le développement d’une hématopoïèse cutanée ⁷⁸,⁷⁹. L’histologie montre invariablement une infiltration du derme par des cellules hématopoïétiques à différents stades de maturation et représentant diversement les 3 lignées hématopoïétiques : érythroïdes, myéloïdes et mégacaryocytaires. L’hématopoïèse extramédullaire semble être la conséquence de la sécrétion inappropriée de PDGF (platelet-derived growth factor), de FGF (fibroblast growth factor) et de TGF-β (transforming growth factor β) par des clones anormaux de mégacaryocytes et de

Références monocytes médullaires. L’hématopoïèse extramédullaire est due à la croissance normale d’un clone hématopoïétique mais en dehors de la moelle osseuse, liés au passage des progéniteurs médullaires dans la circulation systémique et à leur survie dans certains sites extramédullaires. Le traitement est symptomatique : radiothérapie à ffaible dose, électronthérapie associée au traitement de la myélofibrose. De nombreuses autres affec ff tions sont rapportées, ponctuellement associées aux syndromes myélodysplasiques et myéloprolifératifs f , dont la polyglobulie primitive, et sont mentionnés dans les encadrés 49.A et 49.B. Lésions cutanées infectieuses Elles sont fréquentes et potentiellement graves en raison de l’immunodépression induite par la maladie (neutropénie) et par la chimiothérapie. Il existe en outre, chez ces malades, une fréquente atrophie cutanée liée aux corticoïdes et aux chimiothérapies aplasiantes et des portes d’entrée inf tieuses cutanées comme les cathéters. Les infec fec f tions cutanées sont primitives dans 68 % des cas et possèdent deux caractères particuliers qui doivent être connus. Le premier est secondaire à la neutropénie qui est responsable de tableaux cliniques très divers, parfo f is atténués et ffaussement rassurants sans inflammation, ni pus ou nécrose. Le second est la très grande diversité des germes — notamment opportunistes — chez ces patients. La conséquence de ces 2 difficultés sémiologiques et microbiologiques est la réalisation systématique de biopsies cutanées pour cultures bac-

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tériologiques, virales et mycologiques et d’un examen histologique avec colorations spéciales (Gram, Giemsa-GomoriGrocot, Ziehl) devant toute lésion suspecte chez un malade en aplasie ou leucémique-neutropénique. L’ecthyma gangrenosum se caractérise par une plaque érythémateuse à bordure annulaire et à évolution nécrotique unique ou multiple. Il est dû au pseudomonas aeruginosa ou à d’autres bacilles à Gram négatif secrétant des toxines nécrosantes. Un point particulier doit être mentionné sur les infec f tions fong f iques cutanées ⁸². La principale cause d’infec f tion fong f ique invasive chez les patients neutropéniques en hématologie est le Candida, suivi d’Aspe ’ r illus et rg de Fusarium. L’aspergillose invasive est la première cause de décès d’origine infec f tieuse. D’autres germes comme Rhizopus et Mucor voient leur incidence augmenter. Le dermatologue peut être confronté à une infec f tion cutanée primitive ou une dissémination hématogène avec localisation secondaire cutanée. Les arguments pour une origine fongique sont : l’absence de réponse à une antibiothérapie bactérienne, la présence d’une lésion nécrotique, la neutropénie persistante, une onychomycose associée. Fusarium et Aspergillus peuvent donner des lésions escarotiques en l’absence de paronychie. Enfin, les points de ponction (cathéters) peuvent être le site d’infection par Aspergillus ou Rhizopus. Les autres manifes f tations cutanées des mycoses sont les fo f lliculites, les nodules sous-cutanés et les abcès. Le taux de mortalité en cas de dissémination systémique des mycoses est de l’ordre de 70 à 80 % des cas.

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50

Classification des lymphomes cutanés

Olivier Dereure

a classification des lymphomes cutanés a beaucoup varié au cours des vingt dernières années où elle est passée d’une série très limitée de sous-catégories de lymphomes extraganglionnaires à une classification beaucoup plus pragmatique et finalement nettement plus adaptée à la pratique quotidienne, fruit d’une collaboration entre l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) et l’OMS (Organisation mondiale de la santé), mais également entre cliniciens et pathologistes ¹. Cette classification a deux buts principaux : faciliter la démarche diagnostique, mais également la prise en charge des patients en classant les différentes entités en fonction de leur pronostic. Il s’agit donc d’une classification à usage éminemment pratique, mais qui pourrait encore être remaniée dans l’avenir, notamment en devenant une classification étiopathogénique si les mécanismes physiopathologiques se précisent. Actuellement, elle distingue deux grandes catégories de lymphomes cutanés : les lymphomes cutanés à cellules T et à cellules NK (Natural Killer) d’une part, et les lymphomes cutanés primitifs à cellules B d’autre part. Une troisième catégorie est représentée par une affection où les cellules tumorales dérivent de précurseurs hématologiques, l’hématodermie CD4+ , CD56+ encore appelée lymphome à cellules NK « blastiques ». Cette classification est résumée dans l’encadré 50.A. Parmi les lymphomes cutanés T, deux grands types sont individualisés : des lymphomes dits indolents, d’évolution lente, et de bon pronostic : lymphomes cutanés T épidermotropes de type mycosis fongoïde (MF) et ses variants (mycosis fungoïde pilotrope, réticulose pagétoïde, granulomatous slack skin), mais également les lympho-proliférations CD30+ (papulose lymphomatoïde, lymphome anaplasique cutané primitif à grandes cellules CD30+ et formes intermédiaires). Sont également considérés comme de bon pronostic et d’évolution lente : les lymphomes T sous-cutanés alpha/bêta de type panniculite et les lymphomes T à petites et moyennes cellules. Outre ce groupe de bon pronostic, d’autres entités, de classification ou de nosologie souvent provisoire, sont nettement plus agressives : syndrome de Sézary qui représente classiquement la forme leucémique des lymphomes T épidermotropes, lymphomes à cellules T/NK extranodaux de type nasal, souvent liés

L

 MF mycosis fongoïde

au virus Epstein-Barr, lymphomes T épidermotropes agressifs CD8+ , lymphomes T cutanés gamma/delta là aussi à type de panniculite, mais nettement plus agressifs que les formes alpha/bêta, lymphomes cutanés primitifs à grandes cellules CD30− et lymphomes à grandes cellules CD30+ ou non compliquant un MF. Parmi les lymphomes cutanés primitifs B, deux groupes sont également définis : des lymphomes d’évolution lente ou très lente, indolents, de bon pronostic : lymphomes à cellules de type centro-folliculaire incluant la classique réticulose de Crosti et des lymphomes des zones marginales B (ex-immunocytome), ainsi que les plasmocytomes. En revanche, les lymphomes B cutanés à grandes cellules rondes BCL-2+ de type jambe et les autres lymphomes cutanés

Classification OMS-EORTC des lymphomes cutanés primitifs Lymphomes cutanés primitifs T et NK − Mycosis fongoïde et ses variants (annexotropique, réticulose pagétoïde, granulomatous slack skin) − Syndrome de Sézary − Lymphomes ni MF ni Sézary  Lymphoproliférations CD30+ incluant papulose lymphomatoïde et lymphome cutané primitif anaplasique à grandes cellules CD30+  Lymphome T sous-cutané à type de panniculite  Lymphome T/NK de type nasal  Lymphome cutané périphérique T sans autre précision  Lymphome T cutané primitif épidermotrope agressif (provisoire)  Lymphome T cutané gamma/delta (provisoire)  Lymphome cutané T pléomorphe à cellules petites et moyennes (provisoire) Lymphomes cutanés primitifs B − Lymphomes des zones marginales − Lymphomes de type centro-folliculaires − Lymphomes cutanés diffus à grandes cellules de type jambe − Autres lymphomes cutanés diffus à grandes cellules − Lymphomes intravasculaires Hématodermies développées aux dépens de précurseurs hématologiques − Hématodermie CD4+ /CD56+ (lymphome « blastique »)

50.A

50-2 Classification des lymphomes cutanés primitifs à grandes cellules sont de pronostic intermédiaire ou mauvais ainsi que les lymphomes endovasculaires à grandes cellules B sauf dans leur variété cutanée pure qui peut être classée dans les formes indolentes. L’hématodermie CD4+ et CD56+ est également classée dans les formes agressives. En pratique, la classification des lymphomes cutanés primitifs f repose donc sur une analyse histologique et immunohistochimique soigneuse aavec utilisation systématique d’anticorps reconnaissant les molécules de surface f CD ( luster diffe (c ff renc r iation) 2, 3, 4, 8, 30, 19, 20, éventuellement complétée en fonc f tion de l’aspect anatomoclinique par un marquage de CD56, BCL2, BCL6, CD25, CD7, et des chaînes des récepteurs T alpha/bêta ou gamma/delta ou des chaînes légères des immunoglobulines kappa et lambda. Cette analyse doit être conduite sur des biopsies

fixées, mais également si possible sur des biopsies congelées puisque certains anticorps ne sont utilisables que dans ces conditions. C’est dire que les biopsies doivent être de bonne qualité, d’un volume suffisant et répétées si nécessaires en cas d’aspect non spécifique alors que la suspicion clinique est importante, notamment dans le cas des lymphomes cutanés T épidermotropes dont le diagnostic histologique initial peut se révéler particulièrement difficile aavec un infiltrat non spécifique. Une étude en biologie moléculaire à la recherche d’une population lymphocytaire T ou B dominante grâce à l’étude du réarrangement des gènes codant pour les différentes chaînes du récepteur T ou du gène codant pour les chaînes lourdes des immunoglobulines est souvent nécessaire, notamment pour appuyer un diagnostic anatomoclinique un peu hésitant.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Dereure O. Classification des lymphomes cutanés. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 50.1-50.2.

51

Lymphomes cutanés T épidermotropes

Olivier Dereure

Mycosis fongoïde et ses variants 51-1 Mycosis fongoïde classique 51-1 Formes particulières 51-6

L

es lymphomes cutanés T épidermotropes font partie des lymphomes cutanés primitifs de faible agressivité clinique, même si certaines formes évoluées, nettement plus rares, ont un pronostic plus réservé. Ils représentent la grande majorité des lymphomes T cutanés primitifs et peuvent être séparés en deux grandes entités : le mycosis fongoïde (MF) « classique » et ses variantes, qui est de loin la forme clinique la plus fréquente, et le syndrome de Sézary, qui en est généralement considéré comme la contrepartie leucémique. D’autres formes, telles que la réticulose pagétoïde ou la granulomatous slack skin sont beaucoup plus rares. L’étiologie de ces lymphomes ainsi que leur mécanisme physiopathologique ne sont pas connus avec précision, même si certaines hypothèses commencent à se faire jour. Leur traitement n’est pas exactement codifié, mais des algorithmes ont été élaborés récemment afin de guider le clinicien dans ses choix thérapeutiques.

Mycosis fongoïde et ses variants Mycosis fongoïde classique Le mycosis fongoïde est le lymphome cutané T primitif le plus fréquent, caractérisé par une prolifération de lymphocytes T de taille petite à moyenne et dont le noyau peut parfois prendre un aspect cérébriforme, multi-encoché (cellules dites de Sézary). Décrit par Alibert en 1806, il représente environ 50 % de tous les lymphomes cutanés primitifs. L’épidémiologie de ce lymphome est mal connue, mais il semble que son incidence soit supérieure aux notions classiques. Cette incidence a été en augmentation, mais s’est apparemment stabilisée depuis 1984, du moins aux ÉtatsUnis ¹. Elle augmente clairement avec l’âge et atteint d’avantage les hommes (sex-ratio de 2,3/1 dans la population blanche, 5,2/1 chez les Asiatiques). Les facteurs épidémiologiques et de risque sont mal connus, mais il est possible que l’exposition à certains agents contaminants extérieurs tels  MF mycosis fongoïde

Syndrome de Sézary 51-7 Références 51-8

que les insecticides, les pesticides et les fungicides puisse jouer un rôle même si ce point n’a jamais été démontré avec certitude. L’immunodépression congénitale ou induite ne semble pas jouer de rôle particulier. Le MF atteint en priorité les adultes au-delà de 50 ans, avec un âge médian au diagnostic de 55 à 60 ans. Toutefois, il peut atteindre, quoique rarement, les enfants et les adolescents. Les mécanismes moléculaires de cette affection ne sont pas connus avec certitude et plusieurs théories qui ne sont d’ailleurs pas mutuellement exclusives ont été proposées ²-⁵ : stimulation antigénique chronique par un agent extérieur ; modification des voies d’apoptose post-activation lymphocytaire par l’antigène, notamment de la voie FASdépendante ; infection par un rétrovirus lymphotrope ; stimulation lymphocytaire par la sécrétion chronique de cytokines par d’autres cellules, etc. Il faut noter que la théorie de l’activation antigénique chronique et celle de l’anomalie d’apoptose post-activation lymphocytaire sont tout à fait complémentaires et, par analogie aux lymphomes folliculaires B avec translocation 14-18, pourraient parfaitement être cohérentes avec la faible évolutivité de cette affection, compatible avec un phénomène de lympho-accumulation et non de lympho-prolifération. Cliniquement, le mycosis fongoïde suit une progression très lente s’étalant sur des années ou des décennies en passant progressivement d’un stade de plaques érythématosquameuses rouge bistre non infiltrées (fig. 51.1), parfois striées, à disposition arciforme, bien limitées, géométriques, parfois encochées (fig. 51.2), à des lésions qui s’épaississent progressivement pour aboutir à des plaques cuivrées plus ou moins infiltrées (fig. 51.3), parfois érosives, souvent peu symptomatiques, à l’exception d’un prurit parfois féroce ⁶-⁸. Beaucoup plus rarement, des lésions authentiquement tumorales, souvent ulcérées, apparaissent soit sur les plaques infiltrées (fig. 51.4), soit de novo (fig. 51.5). Chez un nombre très restreint de patients, une érythrodermie, une atteinte ganglionnaire, voire viscérale, spécifique

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Lymphomes cutanés T épidermotropes

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Fig. 51.1 Macules érythémato-squameuses non infiltrées de la face antérieure d’une cuisse : stage initial d’un mycosis fongoïde

Fig. 51.3 Macules et papules érythémato-squameuses diffuses du dos au cours d’un mycosis fongoïde

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Fig. 51.2 Large macule érythémato-squameuse à contour arciforme et à bord encoché : mycosis fongoïde peut apparaître. À partir du stade tumoral, le pronostic s’altère progressivement à la fois en qualité et en espérance de vie et le traitement devient souvent plus difficile et nettement moins opérant tandis que l’évolution s’accélère de façon très sensible. L’étendue des lésions et le type lésionnel définissent la classification du mycosis fongoïde en plusieurs stades (stade Ia à IV) comme l’indique le tableau 51.1. Le pronostic dépend bien évidemment du stade de la maladie chez un patient donné. Toute la surface cutanée peut être atteinte, mais certaines zones sont particulièrement représentées telles que les

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51-2

Fig. 51.4 fongoïde

Lésion tumorale survenant sur une plaque infiltrée de mycosis

fesses et les zones protégées du soleil. Les muqueuses peuvent également être touchées, en particulier buccales et génitales sous forme de lésions souvent tumorales (fig. 51.6). Un certain nombre de formes cliniques particulières et souvent trompeuses ont été rapportées : bulleuses, hypopigmentées (fig. 51.7) notamment chez les patients naturel-

Fig. 51.5 Placard tumoral et ulcéré d’une jambe : mycosis fongoïde tumoral de novo Tableau 51.1

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Mycosis fongoïde et ses variants 51-3

Fig. 51.6

Lésions tumorales linguales au cours d’un mycosis fongoïde

Stadification des mycosis fongoïdes

T1 plaques planes (« patches ») ou infiltrées couvrant moins de 10 % de la surface corporelle T2 plaques planes (« patches ») ou infiltrées couvrant plus de 10 % de la surface corporelle T3 tumeurs (une ou plusieurs) T4 érythrodermie N : ganglions N0 absence d’atteinte ganglionnaire clinique et périphériques histologique N1 présence d’adénopathies périphériques histologiquement non spécifiques N2 absence d’atteinte ganglionnaire clinique, mais envahissement ganglionnaire à l’examen histologique N3 présence d’adénopathies périphériques histologiquement spécifiques B : sang B0 moins de 5 % de lymphocytes atypiques dans le sang périphérique B1 5 % ou plus de lymphocytes atypiques dans le sang périphérique B2 cellules de Sézary > 1 000/mm 3 M : atteinte M0 absence d’atteinte viscérale viscérale M1 présence d’une atteinte viscérale histologiquement démontrée Stade Stade Stade Stade Stade Stade Stade

Ia Ib IIa IIb III IVa IVb

T1 N0 M0 T2 N0 M0 T1-2 N1 M0 T3 N1 M0 T4 N0-1 M0 T1-4 N2-3 ou B2 M0 T1-4 N0-3 M1

lement pigmentés, ichtyosiformes, lichénoïdes, bulleuses, palmo-plantaires (fig. 51.8), purpuriques (fig. 51.9), pilotrope (qui sera détaillé plus loin) (fig. 51.10), avec mucinose follicu-

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T : peau

Fig. 51.7 Multiples macules achromiques et finement squameuses du dos au cours d’un mycosis fongoïde laire et alopécie, formes « invisibles » sans lésion cliniquement évidente, etc. Histologiquement, les lésions initiales en plaques non infiltrées sont caractérisées par un infiltrat en bande du derme papillaire, prenant parfois un aspect lichénoïde, constitué d’histiocytes et de lymphocytes se disposant en file indienne le long de la membrane basale ⁹. Cet infiltrat comprend des cellules atypiques de taille petite à moyenne au noyau souvent cérébriforme, parfois en très petits nombres, associé à des lymphocytes d’aspect tout à fait normal (fig. 51.11). Il s’y associe un épidermotropisme tout à fait caractéristique, qui permet d’individualiser ce groupe d’affections sous la forme de lymphocytes atypiques intra-

Lymphomes cutanés T épidermotropes

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Fig. 51.9 Macules purpuriques et diffuses d’une jambe au cours d’un mycosis fongoïde : le diagnostic différentiel peut se poser avec un capillarite purpurique

épidermiques isolés ou groupés en petits amas (thèques ou micro-abcès de Pautrier) (fig. 51.12), mais qui ne sont souvent observés que sur quelques coupes et qu’il faut savoir rechercher avec obstination. Au fur et à mesure que la maladie évolue, l’infiltrat dermique devient plus diffus, plus épais et plus atypique, tandis que l’épidermotropisme peut s’atténuer ou même disparaître. Rarement, une transformation cytologique en cellules de grande taille à noyau cérébriforme ou en cellules blastoïdes avec de grands noyaux peut apparaître, et on parle alors de transformation en lymphomes à grandes cellules diffus CD30+ ou non, transformation contemporaine d’une altération importante du pronostic. L’immunophénotype des cellules tumorales est caractéristique ; il s’agit de lymphocytes T mémoires CD3+ , CD4+ , CD45 R0+ , CD8− , qui expriment parfois faiblement le récepteur à l’IL2 (CD25). L’expression du CD7 est variable. Dans certains cas, il s’agit de cellules CD4− , CD8+ , et ce variant immunophénotypique ne semble pas avoir un pronostic différent de la forme habituelle. La perte d’un antigène de différenciation est possible et représente souvent un élément important en faveur du diagnostic. L’expression des protéines cytotoxiques (TIA-1, granzyme B) est rare, surtout présente dans les formes en transformation blastique. La présence d’une mucinose folliculaire est possible, se présentant cliniquement sous la forme de papules folliculaires ou de plaques infiltrées plus classiques, souvent associée à une alopécie. Cette mucinose n’est pas systématiquement associée à une atteinte spécifique du follicule pileux. La présence d’une population lymphocytaire T dominante,  IL interleukine

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Fig. 51.8 Larges macules érythémateuses psoriasiformes palmoplantaires au cours d’un mycosis fongoïde

Fig. 51.10 fongoïde

Macules alopéciantes de l’abdomen au cours d’un mycosis

identifiée par les techniques de biologie moléculaire (mise en évidence d’un réarrangement dominant du gène codant pour une chaîne du récepteur T, en général bêta ou gamma) est présente dans les lésions cutanées dans la majorité des cas, parfois accompagnée de la même population dans le sang circulant alors même qu’il n’existe pas de cellules circulantes atypiques au sens cytologique du terme. De nombreuses anomalies chromosomiques assez diverses ont été décrites, en particulier dans les stades avancés, mais des modifications récurrentes et spécifiques n’ont pas été identifiées à ce jour. La modification la plus fréquente est une perte du chromosome 10q tandis que des anomalies des gènes suppresseurs de tumeurs p15, p16 et p53 ont été décrites, notamment dans les formes transformées. Plus

Fig. 51.11 Histologie classique d’un mycosis fongoïde : infiltrat de cellules atypiques de petite taille et de lymphocytes d’aspect normal associés à un épidermotropisme récemment, une translocation récurrente impliquant le gène nav-3 a été rapportée. Le diagnostic différentiel est délicat aux stades initiaux et doit prendre en compte l’aspect clinique, l’évolutivité, les histologies qu’il ne faudra pas hésiter à répéter, le profil immunohistochimique et moléculaire, mais le diagnostic reste souvent hésitant pendant longtemps en raison d’arguments contradictoires ou peu spécifiques, notamment vis-à-vis de dermatoses lymphocytaires bénignes (surtout eczéma) faute de marqueur spécifique. Certains auteurs ont cru pouvoir bâtir des systèmes de scores diagnostiques presque « mathématiques » mais ces méthodes n’ont jamais été vraiment validées. C’est dire l’importance de revoir régulièrement les patients atteints d’infiltrats douteux pour réévaluer clinique, histologie et biologie moléculaire si le doute persiste. De plus, les relations nosologiques avec le parapsoriasis en plaques (notamment en grandes plaques atrophiques) sont confuses et certains auteurs proposent le concept d’un spectre continu, le parapsoriasis étant un authentique lymphome T épidermotrope dans tous les cas, mais de stade très précoce (stade 0) ; cette discussion n’a en fait qu’un intérêt essentiellement académique pour l’instant faute de certitudes concernant la physiopathologie de ces entités. Le pronostic dépend du stade, lui-même déterminé par le type lésionnel et l’extension des lésions cutanées ainsi que par la présence éventuelle d’une atteinte extracutanée ganglionnaire ou même viscérale ¹⁰,¹¹. Les patients au stade des lésions en plaques infiltrées ou non infiltrées limitées ont une espérance de vie similaire à la population générale de même âge et de même sexe et les études récentes ont démontré que la survie spécifique à 10 ans était de 97 à 98 % pour les patients au stade des plaques couvrant moins de 10 % de la surface corporelle, 83 % pour les patients au stade de plaques couvrant plus de 10 % de la surface corporelle, tandis que ce pronostic s’altère notablement aux stades tumoraux (42 %) et ganglionnaires (20 %). Toutefois, les récidives sont assez fréquentes, même aux stades initiaux, avec un taux de récidives d’environ 75 % à 10 ans dans les formes Ia. La transformation cytologique corres-

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Mycosis fongoïde et ses variants 51-5

Fig. 51.12 Micro-abcès de Pautrier : groupement intraépidermique de lymphocytes atypiques au cours d’un mycosis fongoïde pond souvent à un tournant évolutif ; elle se définit par l’apparition de plus de 25 % de grandes cellules dans l’infiltrat cutané ou extracutané et est souvent, mais pas systématiquement, corrélée à une transformation clinique des lésions qui deviennent tumorales ou érythrodermiques. Cette transformation survient en moyenne 5 ans après le début du mycosis fungoïde et la médiane de survie est alors de 22 mois. Les autres facteurs de mauvais pronostic sont : atteinte ganglionnaire ou viscérale spécifique, élévation des taux de LDH, modifications des taux de lymphocytes circulants, hyperéosinophilie, présence d’une population T dominante identique dans la peau et dans le sang, et, peutêtre, la présence d’un infiltrat ou d’une mucinose folliculaire. Le traitement du mycosis fungoïde est délicat et doit prendre en compte plusieurs paramètres : le caractère généralement bon du pronostic incitant à ne pas être plus agressif que la maladie ; le risque de rechute élevé imposant des traitement souvent de longue durée dont les risques à long terme doivent être pris en compte ; préservation de la qualité de vie au cours de cette affection souvent indolente et n’altérant pas significativement le pronostic vital dans la majorité des cas. Aux stades initiaux, les traitements à visée cutanée doivent être proposés en première intention puisque les traitements systémiques ne sont pas supérieurs aux traitements locaux en termes de survie à long terme et de survie moyenne ¹²-¹⁵ : dermocorticoïdes, photothérapie (PUVA ou UVB à spectre étroit) chimiothérapie locale (caryolysine, BCNU) électronthérapie localisée ou corporelle totale. Rétinoïdes (acitrétine, bexarotène), interféron alpha recombinant doivent être utilisés en deuxième intention. Enfin, des traitements plus lourds sont proposés au stade plus évolué, notamment chimiothérapie systémique souvent peu opérante, photophérèse extracorporelle, cytokines, anticorps monoclonaux thérapeutiques (anti-CD52, anti-CD4, anti-CD25 associé à la toxine diphtérique), mais leur toxicité est souvent importante et les résultats thérapeutiques de brève durée ¹⁶. Une transplantation médullaire, au mieux allogénique a été proposée dans les cas exceptionnels. La définition des indications thérapeutiques est le plus souvent du ressort d’équipes très spécialisées dans la prise en charge de ces affections rares.

Lymphomes cutanés T épidermotropes siques » de mycosis fongoïde et cet élément doit être considéré dans la discussion thérapeutique. Le traitement doit prendre en compte la profondeur de l’infiltrat qui explique les échecs des traitements à visée cutanée, telles que la PUVA ou les chimiothérapies locales. Dans ces conditions, l’électronthérapie corporelle totale, les rétinoïdes ou l’interféron alpha peuvent être discutés. Réticulose pagétoïde ²⁰ Cette forme clinique particulière se caractérise en infiltrat lymphocytaire purement intraépidermique. Le terme de réticulose pagétoïde devrait être réservé aux formes cliniques en plaque unique (type Woringer-Kolopp) et non aux lésions disséminées (forme de Ketron-Goodman) qui devraient être reclassées dans d’autres entités (lymphomes T cutanés épidermotropes CD8+ agressifs, lymphomes T cutanés gamma/delta ou encore mycosis fongoïde tumoral). La forme de Woringer-Kolopp se présente comme une plaque solitaire infiltrée ou non, psoriasiforme ou hyperkératosique, souvent localisée aux extrémités et d’évolution très lente (fig. 51.14). Dans cette forme, une dissémination extracutanée n’a jamais été observée et le pronostic est excellent. Histologiquement, l’épiderme est hyperplasique, infiltré par des cellules atypiques à disposition pagétoïde, isolées ou organisées en thèques. Le derme superficiel peut être le siège d’un infiltrat lymphocytaire et histiocytaire mais ne contient aucune cellule atypique. Le phénotype peut être CD3+ , CD4+ , CD8− ou CD3+ CD4− , CD8+ et le CD30 est souvent exprimé. Le traitement doit rester local : électronthérapie, chimiothérapie locale ou dermocorticoïdes. Granulomatous slack skin Il s’agit d’un sous-type extrêmement rare de lymphome T épidermotrope caractérisé par le développement très progressif dans les grands plis de zones cutanées « lâches » rappelant la cutis laxa sous la forme de lésions plissées sans élasticité et caractérisées histologiquement par un infiltrat majoritairement granulomateux contenant quelques cellules atypiques, un tissu élastique dégradé expliquant l’aspect en drapé, anélastique des lésions et, souvent, une population T dominante. Le phénotype pathologique est le plus souvent CD3+ , CD4+ ,

Fig. 51.13 Multiples papules folliculaires avec spinulosisme au cours d’un mycosis fongoïde

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Formes particulières Formes annexotropes La plus fréquemment décrite est le mycosis fongoïde folliculaire ou pilotrope caractérisé par la présence d’un infiltrat spécifique au sein des follicules pileux tandis que l’épiderme interfolliculaire est souvent épargné ¹⁷. Cette forme atteint préférentiellement l’extrémité cervico-céphalique et s’associe souvent, mais pas systématiquement, à une mucinose folliculaire qui peut également exister en dehors de tout infiltrat pilotrope. Cliniquement, cette forme atteint surtout des adultes, plutôt des hommes. Elle se présente sous la forme de papules folliculaires souvent groupées, avec spinulosisme (fig. 51.13), parfois associées à des lésions d’allure kystique, comédonienne, acnéiforme, plus rarement à des tumeurs ou à des plaques infiltrées semées de papules folliculaires parfois kératosiques. Il s’y associe souvent une alopécie qui peut d’ailleurs résumer les manifestations cliniques et plus rarement une extériorisation de matériel mucineux. En particulier, les plaques infiltrées et alopéciques des sourcils représentent une atteinte assez caractéristique. Le prurit est souvent sévère. Une surinfection bactérienne secondaire est possible. À noter que certaines formes de syndromes de Sézary peuvent également prendre un aspect clinico-histologique où le folliculotropisme domine ¹⁸. Très logiquement, l’élément histologique le plus caractéristique est la localisation périannexielle et périvasculaire prédominante de l’infiltrat dermique avec infiltration variable de l’épithélium folliculaire par des cellules de taille petite à moyenne, mais parfois plus importante, avec des noyaux cérébriformes (folliculotropisme et non épidermotropisme). Une dégénérescence mucineuse du follicule pileux est présente dans la plupart des cas, mise en évidence grâce à une coloration au bleu Alcian. La présence d’éosinophiles et de plasmocytes est souvent mentionnée. Le phénotype immunologique est identique à celui du mycosis fongoïde classique. Dans certains cas, une infiltration des glandes sudorales eccrines est également observée, réalisant un mycosis fongoïde syringotrope, dont la traduction clinique se limite souvent à des papules peu spécifiques ¹⁹. Le pronostic de ces formes pilotropes est probablement plus défavorable que dans les formes en plaques « clas-

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51-6

Fig. 51.14 Mycosis fongoïde à type de réticulose pagétoïde en plaque unique (type Woringer-Kolopp)

Syndrome de Sézary CD8. L’association à une maladie de Hodgkin ganglionnaire a été rapportée chez environ un tiers des patients tandis qu’une association avec un mycosis fongoïde « classique » a également été observée. L’évolution est très lente, indolente dans la majorité des cas. Le traitement n’est pas bien codifié et peut faire appel à l’irradiation localisée ou à l’excision chirurgicale.

 MF mycosis fongoïde

Fig. 51.15 Érythrodermie œdémateuse et desquamative au cours d’un syndrome de Sézary ficile à mettre en évidence. L’immunophénotype des cellules tumorales est également très proche de celui du mycosis fongoïde avec des cellules T mémoire matures CD2+ CD3+ CD4+ CD8− avec perte fréquente du CD7 et du CD26. Plus récemment, l’expression de la T plastine et surtout de la molécule KIR3DL2 (CD158k) semblent particulièrement intéressantes et auraient une bonne valeur discriminative avec d’autres infiltrats T. Par définition, une population T dominante identique est présente dans la peau et

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Ce syndrome, décrit par Sézary en 1938, est généralement considéré comme la contrepartie leucémique du mycosis fungoïde même si cette conception n’a jamais reçu de démonstration définitive et sans équivoque. Sur le plan épidémiologique, le syndrome de Sézary est beaucoup plus rare que les mycosis fongoïdes mais son incidence n’est pas connue actuellement avec certitude. Sa pathogénie reste très mal connue, mais elle fait sans doute d’avantage appel à une authentique lymphoprolifération qu’à une accumulation, au contraire du MF ². Il atteint également les adultes, souvent au-delà de 60 ans, et se caractérise le plus souvent par une érythrodermie associée à une desquamation souvent importante (fig. 51.15), un œdème cutané responsable d’un aspect en drapé, notamment du dos et sur les faces d’extension des grosses articulations et un prurit majeur ⁴,⁸. Les formes papuleuses pures sont plus rares. Ectropion, alopécie, onychodystrophie, kératodermie palmo-plantaire (fig. 51.16) sont souvent présents de même que des adénopathies diffuses. La « triade » classique associant érythrodermie, polyadénopathies généralisées et présence de cellules de Sézary dans la peau, les ganglions lymphatiques et le sang périphérique a été remplacée par une définition plus récente. En effet, la Société internationale des lymphomes cutanés a récemment édicté des critères diagnostiques : plus de 1 000 cellules de Sézary par mm 3, rapport CD4/CD8 > 10 dans le sang circulant, perte d’un ou plusieurs des antigènes T suivants : CD2, CD3, CD4, CD5, démonstration de la présence d’une population T dominante dans le sang périphérique. Actuellement, la démonstration de la présence d’une population T dominante identique dans la peau et le sang périphérique associée à un des critères mentionnés ci-dessus est considérée comme nécessaire à l’établissement de diagnostic. C’est dire que cette conception étend le diagnostic à des patients qui ne sont pas érythrodermiques. Histologiquement, l’aspect est assez similaire à celui du mycosis fongoïde mais l’épidermotropisme est souvent moins marqué tandis que l’infiltrat dermique est souvent plus épais, plus monomorphe et plus riche en cellules atypiques ⁹. Toutefois, l’aspect histologique cutané peut être peu spécifique, ce qui pose des problèmes de diagnostic différentiel avec d’autres causes d’érythrodermie. Théoriquement, les ganglions lymphatiques sont également envahis par un infiltrat monomorphe fait de cellules Sézary avec effacement de l’architecture ganglionnaire normal, mais, là encore, une telle atteinte spécifique n’est pas toujours présente dans tous les ganglions cliniquement palpables. L’atteinte médullaire est inconstante et souvent éparse, dif-

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Syndrome de Sézary

Fig. 51.16 Sézary

Kératodermie palmoplantaire au cours d’un syndrome de

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51-8 Lymphomes cutanés T épidermotropes le sang périphérique. Aucune anomalie chromosomique récurrente n’a été mise en évidence, mais des modifications complexes et variables du caryotype sont habituelles. En particulier, une amplification chromosomique de JUNB, élément de fac f teur de transcription AP1, a été identifiée dans le syndrome de Sézary. Le pronostic est réservé et le syndrome de Sézary est classé dans les lymphomes cutanés agressifs. La médiane de survie est en effet comprise entre 2 et 4 ans et la survie spécifique à 5 ans ne semble pas dépasser 25 %. La plupart des patients décèdent d’infec f tions opportunistes liées à l’immunodépression particulière à la maladie, peut-être par sécrétion d’interleukine 10. Le traitement ne peut être que systémique en raison de l’atteinte sanguine constante ¹² :

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photophérèses extracorporelles, rétinoïdes, rexinoïdes, interféron alpha, mono- ou polychimiothérapie, voire greffe de moelle allogénique. Les résultats sont souvent transitoires avec un taux élevé de rechute et de complications infectieuses. Les traitements à visée cutanée ne doivent pas être négligés en raison du prurit souvent très invalidant : photothérapie, électronthérapie corporelle totale, dermocorticoïdes. L’utilisation d’associations thérapeutiques permettra peut-être de limiter ces effe ff ts indésirables et d’obtenir une survie plus longue et de meilleure qualité. L’utilisation d’anticorps monoclonaux thérapeutiques tels que l’anti-CD52 ou de vecteurs recombinant viraux apportant in situ de l’interféron gamma sont peut-être des voies d’av a enir mais leur place reste à préciser.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Dereure O. Lymphomes cutanés T épidermotropes. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 51.1-51.8.

52

Lymphomes T cutanés (hors mycosis fongoïde et syndrome de Sézary)

Marie Beylot-Barry

Spectre des lymphoproliférations cutanées CD30+ 52-2 Lymphomes cutanés primitifs CD30+ 52-2 Papulose lymphomatoïde 52-4 Formes frontières 52-5 Cas particulier des immunodéprimés 52-5 Lymphomes T sous-cutanés 52-5 Lymphomes T γδ 52-6 Lymphomes cutanés T à cellules NK 52-6 Lymphomes T épidermotropes CD8+ agressifs 52-6

L

es lymphomes cutanés primitifs (LCP) constituent le deuxième groupe de lymphomes extraganglionnaires après les lymphomes digestifs ¹. Ces proliférations d’origine T (80 %) ou B lymphocytaire ont une histoire clinique différente de celle de lymphomes ganglionnaires de même type histologique dont il est important de les distinguer. Cela rend ici nécessaire la réalisation d’un bilan d’extension pour affirmer leur nature cutanée primitive. Le groupe de l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) dirigé par Willemze a élaboré en 1997 une classification tenant compte des particularités anatomocliniques et évolutives de ces lymphomes à point de départ cutané, informative pour le diagnostic et le pronostic et donc pour la prise en charge des patients, et pouvant aussi, à terme, s’avérer utile pour la compréhension de la pathogénie des différents sous-groupes ¹. Cette démarche a eu le mérite d’identifier des entités spécifiques aux LCP ² qui ont été intégrées dans la récente classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS = WHO) ³ et a servi de base à une classification commune consensuelle EORTCWHO récemment proposée pour les lymphomes cutanés, qui intègre aussi de nouvelles entités identifiées depuis la classification initiale des LCP de l’EORTC telles que les lymphomes épidermotropes agressifs CD8+ ou les proliférations CD4+ CD56+ et démembre le groupe des lymphomes sous-cutanés ⁴ (encadré 52.A). Outre les lymphomes épidermotropes qui représentent plus de la moitié des LCP, avec surtout le mycosis fongoïde (MF), les autres lymphomes cutanés T correspondent à un groupe hétérogène d’entités aux caractéristiques et au pronostic variés. Ce groupe est dominé par les lymphoproli LCP lymphome cutané primitif · MF mycosis fongoïde

Lymphomes T pléomorphes à petites et moyennes cellules 52-7 Lymphomes à grandes cellules CD30 négatives 52-7 Proliférations de précurseurs hématologiques 52-8 Quel bilan devant ces lymphomes ? 52-8 Principes thérapeutiques 52-9 Références 52-10

férations cutanés CD30+ qui représentent près de 20 % de l’ensemble des lymphomes cutanés T et B confondus, alors que les autres lymphomes T non MF/syndrome de Sézary constituent moins de 10 % de l’ensemble des LCP ⁴. Les lymphomes T non MF peuvent être classés selon la taille des cellules lymphomateuses. Parmi les LCP à grandes cellules de phénotype T (LCP-T), l’expression de l’antigène d’activation CD30 permet de distinguer le groupe des LCP-T CD30+ caractérisés par un pronostic favorable, des LCP-T CD30− de mauvais pronostic ⁵.

Classification OMS-EORTC (d’après 4) des LCP de phénotype T Pronostic favorable Mycosis fongoïdes (MF) MF folliculotropes Lymphomes pagétoïdes Lymphomes élastolytiques (granulomatous slack skin) Lymphomes cutanés à grandes cellules anaplasiques CD30+ Papuloses lymphomatoïdes Lymphomes sous-cutanés à type de panniculite Lymphomes T pléomorphes à petites et moyennes cellules CD4+ * Pronostic défavorable Syndrome de Sézary Lymphome T cutané à cellules N/K de type nasal Lymphomes T épidermotropes agressifs CD8+ * Lymphome T cutané à cellules γδ+ * Lymphomes cutanés T grandes cellules CD30− * * Entités encore provisoires

52.A

52-2

Lymphomes T cutanés (hors mycosis fongoïde et syndrome de Sézary) Spectre des lymphoproliférations cutanées CD30+ Il s’agit d’un spectre continu, comprenant les LCP CD30+ , les papuloses lymphomatoïdes et des formes frontières. Ces proliférations partagent de nombreux caractères cliniques et histologiques communs ainsi qu’un pronostic très favorable et représentent 20 à 25 % de l’ensemble des LCP ¹,⁴. Ces lymphoproliférations ont en commun l’expression de l’antigène CD30+ , des particularités anatomocliniques et évolutives et peuvent s’associer ou évoluer l’une vers l’autre d’où le terme de « spectre » ⁶-⁸.

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Ce sont les plus fréquents des lymphomes T non épidermotropes (9 % des LCP). Ils ont un excellent pronostic, bien différent de celui des lymphomes ganglionnaires de même histologie. Il est donc important devant une prolifération cutanée CD30+ de s’assurer, par un bilan systémique complet, qu’il s’agit bien d’un lymphome primitivement cutané et non d’une localisation cutanée secondaire d’un lymphome ganglionnaire (fig. 52.1) qui serait alors de mauvais pronostic (survie à 5 ans de 24 %) ⁸. Outre le bilan clinique, un bilan d’extension est donc recommandé avec scanner thoracoabdominopelvien et biopsie ostéomédullaire devant une prolifération cutanée CD30+ afin d’affirmer son caractère primitivement cutané ⁶. Il faut aussi éliminer par l’histoire clinique un mycosis fongoïde (MF) transformé où l’apparition de grandes cellules CD30+ survient secondairement au cours de l’évolution d’un MF déjà connu et signe un tournant évolutif défavorable ⁹. Les LCP CD30+ surviennent de préférence chez l’adulte, autour de 60 ans, avec un sex-ratio de 3/1 et ils sont exceptionnels chez l’enfant, contrairement aux lymphomes ganglionnaires CD30+ . Les lésions consistent en des tumeurs d’apparition rapide, brun violacé, souvent nécrotiques et ulcérées (fig. 52.2). Il s’agit le plus souvent d’une tumeur solitaire (> 60 % des cas), parfois de plusieurs lésions lo-

Fig. 52.1 Lésions cutanées papulo-nodulaires violines à centre nécrotique d’une cuisse au cours d’une localisation secondaire d’un lymphome ganglionnaire CD30+  EBV Epstein-Barr virus · LCP lymphome cutané primitif · MF mycosis fongoïde

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Lymphomes cutanés primitifs CD30+

Fig. 52.2 Large tumeur ulcérée et infiltrée d’une cuisse au cours d’un lymphome cutané primitif CD30+ calisées dans un même territoire (fig. 52.3), plus rarement de lésions cutanées disséminées. Une régression spontanée, partielle ou complète des tumeurs survient dans 30 % des cas dans les deux mois qui suivent leur apparition. Ces épisodes autorégressifs ne sont pas spécifiques des LCP et peuvent être observés dans des localisations cutanées de lymphomes ganglionnaires CD30+ ⁶ ou dans d’autres types de lymphomes cutanés primitifs. Le diagnostic est évoqué cliniquement devant une présentation souvent typique et est confirmé par la biopsie cutanée. Celle-ci montre un infiltrat dense en nappes cohésives, dermique, voire hypodermique de grandes cellules de morphologie variable, le plus souvent anaplasique, pléomorphe ou immunoblastique (fig. 52.4). Il a été démontré que le type cytologique n’avait pas d’influence sur le pronostic et les différentes variantes cytologiques sont incluses dans le même groupe de bon pronostic des LCP-T CD30+ ⁸. Par définition, plus de 75 % des grandes cellules expriment classiquement l’antigène CD30 avec un marquage golgien et membranaire (fig. 52.5). Ces cellules sont CD3+ , le plus souvent CD4+ . À la différence des lymphomes ganglionnaires CD30+ , la protéine ALK, qui témoigne de la présence d’une translocation t(2;5), est très exceptionnellement exprimée dans les LCP CD30+ . La négativité du marquage anti-ALK1 est donc un argument en faveur du caractère primitivement cutané d’une prolifération CD30+ ¹⁰,¹¹. Les cellules lymphomateuses expriment fréquemment des protéines cytotoxiques telles que perforine, granzyme et TiA1 ainsi que l’oncoprotéine p53 ¹², alors que l’expression de l’EMA est plus rare (30 à 40 %) que dans les lymphomes anaplasiques ganglionnaires et que le marquage pour le CD15 est habituellement négatif ⁸. Enfin, les LCP-T CD30+ ne sont pas associés à la présence de protéines ou de transcrits de l’EBV à l’exception de ceux survenant chez l’immunodéprimé. Outre cette présenta-

Lymphomes cutanés primitifs CD30+

52-3

A

Fig. 52.3 A. Nodule tumoral rouge de la paroi thoracique antérieure : lésion initiale d’un lymphome cutané primitif CD30+ ayant régressé spontanément en quelques semaines. B. Récidive et extension cutanée régionale et ganglionnaire quatre ans plus tard

tion typique, des aspects histologiques particuliers ont été décrits, pouvant poser des problèmes de diagnostics différentiels. Une hyperplasie pseudo-épithéliomateuse en regard de l’infiltrat dermique peut ainsi faire porter à tort le diagnostic de carcinome épidermoïde ¹³,¹⁴. Une variante de LCP CD30+ riche en neutrophiles a été récemment décrite avec cliniquement des lésions tumorales pustuleuses du visage évoquant une dermatose neutrophi LCP lymphome cutané primitif

B

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B

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A

Fig. 52.4 A. Infiltrat dense en nappe dermique de grandes cellules tumorales. B. En gros plan, caractère polymorphe de la morphologie des cellules

lique ou une infection cutanée profonde parasitaire ou fongique ¹⁵. Malgré un pronostic très favorable en termes de survie (plus de 90 % à 10 ans), des récidives cutanées sont fréquentes (40 %), avec des lésions parfois multiples entravant la qualité de vie. Enfin, une extension extracutanée secondaire surviendrait dans 10 % des cas ⁶-⁸,¹⁶. Celle-ci concerne essentiellement l’aire ganglionnaire de drainage et, dans ce cas, la survie des patients est très favorable

Fig. 52.5 Grandes cellules anaplasiques, avec un marquage membranaire et golgien du CD30 (91 % à 5 ans), contrairement à celle de lymphomes systémiques CD30+ dans une série de 11 patients, ce qui plaide pour ne pas traiter ces lymphomes comme des lymphomes systémiques ⁴,⁶. Aucun critère anatomoclinique n’est utilisable comme marqueur pronostique pour prédire le risque de récidive, l’évolutivité cutanée et extracutanée ou la survie, que ce soit le caractère multicentrique des lésions cutanées, les épisodes de régression spontanée, l’âge, l’expression de l’EMA ou de p53. Très récemment a été montré par hybridation génomique comparative (CGH) sur une série de 13 LCP CD30+ qu’il existait dès les premiers prélèvements des anomalies récurrentes (délétions 6q21 et 18p11 et gains en 9q33.34) dans les prélèvements de tumeurs qui récidivaient, à la différence des tumeurs ne récidivant pas. Ces résultats suggèrent que la détection de ces anomalies chromosomiques pourrait être utilisée comme marqueur prédictif de récidives, mais cela n’est pas pour l’heure réalisable en routine et l’identification des gènes concernés reste à réaliser ¹⁷.

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Lymphomes T cutanés (hors mycosis fongoïde et syndrome de Sézary)

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52-4

Fig. 52.6 Multiples papules érythémateuses et squameuses, infiltrées, isolées ou confluentes de l’avant-bras au cours d’une papulose lymphomatoïde de type C La biopsie cutanée montre un aspect variable selon l’âge de la lésion. L’infiltrat est dermique en forme de triangle à base épidermique (fig. 52.8) et est beaucoup plus polymorphe que dans les LCP CD30+ , contenant quelques grandes cellules éparses, d’allure anaplasique de phénotype CD3+ , CD30+ (fig. 52.9), le plus souvent CD4+ , et mêlées à des éosinophiles, des histiocytes et des neutrophiles. C’est la papulose de type A qui est la plus fréquente. Deux autres sous-types histologiques ont été décrits, pouvant s’associer chez un même patient sans influence pronostique particulière ¹⁶,¹⁸-²⁰. La PLy de type B est plus rare (< 10 %) : alors que la clinique est celle d’une PLy typique, il existe à la biopsie un infiltrat dermique en bande, parfois épidermotrope, fait de cellules lymphoïdes de taille moyenne au noyau cérébriforme exprimant rarement le CD30. La PLy de type C a la même histologie qu’un LCP CD30+ avec un infiltrat en nappe dense et monotone de grands lymphocytes CD30+ mêlés à de rares cellules inflammatoires. La papulose lymphomatoïde a un excellent pronostic, avec une survie à 5 ans proche de 100 %. Cependant, les poussées de PLy peuvent se répéter pendant plusieurs mois

Elle correspond à la forme « indolente » du spectre des lumphoproliférations cutanées CD30+ ⁶,⁸,¹⁶,¹⁸. Elle survient chez l’adulte autour de 40 ans, mais les cas pédiatriques ne sont pas exceptionnels. Le sex-ratio est de 1,5:1. Elle se caractérise par des poussées autorégressives de multiples papules ou nodules érythémateux (fig. 52.6), un peu brunâtres, d’évolution croûteuse ou nécrotique, régressant spontanément en 3 à 12 semaines en laissant une cicatrice dyschromique atrophique (fig. 52.7). La succession de poussées explique l’existence de lésions d’âge différent. Les lésions sont nombreuses, d’une dizaine à une centaine, siégeant surtout sur le tronc et les membres. Des formes régionales, monoméliques sont possibles. Enfin, des lésions volumineuses de croissance rapide ont été décrites plus volontiers chez l’enfant ⁶,⁸ et cette présentation inquiétante ne doit pas conduire à des traitements agressifs inutiles car l’évolution est autorégressive comme une PLy classique.  LCP lymphome cutané primitif · PLy papulose lymphomatoïde

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Papulose lymphomatoïde (PLy)

Fig. 52.7 Papulose lymphomatoïde : multiples papules d’âge different, autorégressives

Lymphomes T sous-cutanés 52-5 ou années avec un retentissement sur la qualité de vie variable selon l’importance, le nombre et la localisation des lésions ⁶,¹⁸,¹⁹. De plus, dans 5 à 20 % des cas, la papulose lymphomatoïde peut être associée, peut précéder ou succéder à une autre lymphoprolifération (MF, LCP CD30+ , lymphome ganglionnaire CD30+ ou maladie de Hodgkin), y compris chez l’enfant ¹⁸,²¹, ce qui souligne l’importance d’une information du malade et d’un suivi clinique prolongé. Le risque de survenue d’un lymphome serait plus important si la PLy est riche en grandes cellules CD30+ et si le malade est plus âgé alors que l’ancienneté, la localisation, la taille et l’étendue des lésions ne sont pas des facteurs prédictifs ⁶,¹⁸,²¹. L’association PLy-MF est la plus fréquente ²² et ne modifie pas l’évolution naturelle de la PLy ou du MF. Elle peut parfois poser la question du diagnostic différentiel avec un MF transformé de pronostic différent ⁹. L’association PLy-LCP CD30+ n’a pas non plus un pronostic défavorable et certains malades ont simultanément les deux types de lésions ⁶,⁸,¹⁶.

Formes frontières La confrontation anatomoclinique est souvent nécessaire pour distinguer LCP CD30+ et PLy, d’autant qu’existent d’authentiques formes frontières entre PLy et LCP CD30+ où la clinique et l’histologie sont discordantes ⁶. Ainsi, il peut s’agir d’une tumeur unique évoquant cliniquement un LCP CD30+ , mais avec une histologie de PLy (forme frontière) et il faut alors considérer le patient comme ayant un LCP CD30+ et le prendre en charge comme tel ³,⁴. Il peut, à l’inverse, s’agir d’une éruption de multiples papules autorégressives évoquant cliniquement une PLy mais dont l’histologie est celle d’un LCP CD30+ , il s’agit alors d’une PLy de type C, dont le pronostic est semblable à celui d’une PLy classique. Enfin, tout infiltrat riche en lymphocytes CD30+ n’est pas synonyme de LCT CD30+ ou de PLy et il peut aussi s’agir de piqûres d’insectes, d’un pityriasis lichénoïde, d’un prurigo, ou d’un pseudolymphome médicamenteux par exemple ²³. Cas particulier des immunodéprimés Les malades infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ont un risque accru de développer des lymphomes systémiques B agressifs. Les LCP y sont rarement décrits et sont alors plutôt de phénotype T, dominés par les LCP CD30+ ²⁴. Ils surviennent chez des malades très immunodéprimés. L’amélioration du pronostic et les traitements de l’infection VIH peuvent expliquer leur rareté actuelle. Leur présentation clinique est proche de celle des LCP CD30+ de l’immunocompétent avec des tumeurs surtout localisées, des épisodes de régression spontanée et le décès est lié à l’immunodépression. Comme les LCP CD30+ de l’immunocompétent, ils ne sont pas associés à la translocation 2;5, en revanche, des transcrits EBER peuvent y être détectés comme dans les lymphomes systémiques B CD30+ associés au SIDA. Des LCP-T CD30+ ont aussi été décrits au cours d’immunodépression iatrogène, chez des malades greffés ou traités par ciclosporine ²⁵. La baisse des doses ou l’arrêt du traitement immunosuppresseur peuvent faire régresser le lymphome, mais cela n’est pas toujours suffisant et le pronostic de ces LCP CD30+ apparaît moins bon que chez les immunocompétents.

Lymphomes T sous-cutanés

Fig. 52.8 Infiltrat dermique en forme de triangle à base épidermique au cours d’une papulose lymphomatoïde  LCP lymphome cutané primitif · MF mycosis fongoïde · PLy papulose lymphomatoïde

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Coll. Pr M. Beylot-Barry, Bordeaux

Dans la classification de l’EORTC, ils étaient regroupés en

Fig. 52.9 Marquage CD30+ de quelques grandes cellules anaplasiques éparses au sein de l’infiltrat

Lymphomes T cutanés (hors mycosis fongoïde et syndrome de Sézary)

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52-6

Fig. 52.10 de la cuisse

Lymphome à type de panniculite : infiltration érythémateuse

une même entité mais il a été montré qu’ils étaient en fait de deux types ²⁶-²⁸ qui sont maintenant séparés dans la classification commune EORTC-WHO ⁴ et seuls restent dans ce groupe les lymphomes T sous-cutanés à type de panniculite αβ alors que les lymphomes T γδ sont classés à part. Les lymphomes T sous-cutanés à type de panniculite αβ surviennent chez l’adulte comme chez l’enfant, avec un sex-ratio de 1:1 et se présentent comme une panniculite avec des placards ou des nodules sous-cutanés non ulcérés, situés surtout sur les membres inférieurs (fig. 52.10). L’évolution est souvent prolongée sur plusieurs années, mais des signes généraux peuvent être présents au cours de l’évolution, avec un possible syndrome hémophagocytaire. La biopsie doit être large et profonde pour montrer un infiltrat hypodermique souvent peu dense initialement, ce qui pose souvent des problèmes de diagnostic différentiel en particulier avec les panniculites lupiques. Le derme et l’épiderme sont en général épargnés. Des cellules atypiques de taille variée, le plus souvent petites et moyennes, sont mêlées à des macrophages. Les cellules lymphomateuses peuvent entourer en anneau les adipocytes. Elles sont de phénotype CD3+ , CD8+ , exprimant des protéines cytotoxiques et le récepteur T à l’antigène αβ.

Lymphomes T γδ Ces lymphomes exceptionnels (< 1 % des LCP) sont dans la nouvelle classification EORTC-WHO classés comme « entités provisoires », isolés des lymphomes T à type de panniculite, en raison de leur mauvais pronostic, de leur phénotype distinct et du fait que leur présentation clinique ne se résume pas à un tableau de panniculite. Ils peuvent se présenter comme les précédents sous forme de panniculite, mais leur évolution est plus agressive. Il s’y associe souvent des signes généraux avec une fièvre, faisant craindre un syndrome hémophagocytaire qui est la cause habituelle du décès. Ils peuvent aussi se révéler par des lésions ulcéro-nécrotiques plus superficielles d’évolution agressive prédominant aux extrémités. Une atteinte extracutanée et muqueuse secondaire est fréquente, mais les ganglions ne sont que rarement envahis. La survie est

de l’ordre de 15 mois, malgré les polychimiothérapies entreprises ⁴,²⁹. La biopsie montre un infiltrat de siège variable dermique, hypodermique et parfois épidermique de cellules atypiques moyennes à grandes de phénotype cytotoxique CD3+ , CD2+ , CD8− , CD4, γδ+ et CD56+ . Il n’y a pas d’association avec l’EBV. Les images de caryorhexis et d’érythrophagocytose en sac de billes sont fréquentes dans les formes profondes. Il existe souvent une agression de la paroi des vaisseaux et des plages de nécrose.

Lymphomes cutanés T à cellules NK Les lymphomes extraganglionnaires à cellules T/NK type nasal ont été décrits initialement au niveau du nasopharynx en Asie du Sud-Est et Amérique du Sud et centrale avec une atteinte destructrice médiofaciale survenant chez des hommes autour de 50 ans. Secondairement, ils ont ensuite été rapportés dans d’autres localisations et en particulier cutanées ³⁰-³³, soit primitivement, soit secondairement. Ils se présentent alors comme des nodules multiples violacés pouvant s’ulcérer, prédominant sur le tronc. Des signes généraux sont généralement associés avec un possible syndrome hémophagocytaire. Leur évolution est rapidement défavorable (survie 5-25 mois) malgré les polychimiothérapies. La biopsie cutanée montre un infiltrat dermo-hypodermique angiocentrique, conduisant à la destruction de la paroi des vaisseaux avec des foyers de nécrose. Il est composé de cellules de taille moyenne exprimant le CD2, le CD56 ainsi que les proteines cytotoxiques TiA1, granzyme et perforine. Le CD3 cytoplasmique (CD3ε) est exprimé alors que le marquage CD3 membranaire est négatif. L’ARNm de l’EBV est le plus souvent mis en évidence. L’étude de clonalité par PCR montre un profil polyclonal pour les gènes du récepteur T. L’évolution est agressive avec une extension viscérale et une survie moyenne de 13 mois ³² malgré les polychimiothérapies utilisées. En cas d’atteinte purement cutanée initiale, la survie est moins mauvaise : 27 mois versus 5 mois en cas d’atteinte cutanée et extracutanée d’emblée ³¹. On peut rapprocher de cette entité les lymphomes CD8+ cytotoxiques associés à l’EBV, à type d’hydroa vacciniforme qui surviennent chez l’enfant en Asie et en Amérique centrale et du Sud et qui se présentent sous la forme d’une éruption papulo-vésiculeuse puis nécrotique du visage, d’évolution rapidement défavorable ³⁴.

Lymphomes T épidermotropes CD8+ agressifs Cette entité rare a été individualisée par Berti et al. en 1999 et n’était donc pas présente dans la classification de l’EORTC ³⁵, mais elle est intégrée comme entité provisoire dans la classification EORTC-WHO. Malgré leur caractère épidermotrope, ils doivent être distingués des rares MF CD8+ qui, eux, n’ont pas d’évolution agressive particulière.

 EBV Epstein-Barr virus · LCP lymphome cutané primitif · MF mycosis fongoïde · PCR polymerase chain reaction

Lymphomes T pléomorphes à petites et moyennes cellules 52-7

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A

Fig. 52.11 Lymphome épidermotrope CD8 aggressif : lésions érythémateuses ulcérées et nécrotiques diffuses chez un patient ayant développé secondairement une atteinte testiculaire et cérébrale

B

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Fig. 52.12 Nodule érythémateux de l’arète nasale au cours d’un lymphome T pléomorphe à petites et moyennes cellules

+

Ils se caractérisent par des papules, des nodules et des tumeurs ulcéro-nécrotiques disséminées. Il peut aussi exister des lésions à type de plaques hyperkératosiques, qui se rapprochent de ce qui avait été décrit comme étant des lymphomes pagétoïdes généralisés (Ketron Goodman) (fig. 52.11). La biopsie cutanée montre un épiderme acanthosique, parfois ulcéré, des nécroses kératinocytaires. Il peut exister une spongiose allant jusqu’à la formation de bulles. L’infiltrat est très épidermotrope, fait de cellules de taille variable, souvent moyennes et grandes, CD3+ , CD8+ , de phénotype cytotoxique TiA1, granzyme, perforine positif. Il peut exister un angiocentrisme avec une aggression de la paroi des vaisseaux ³⁶,³⁷. Il n’y a pas d’association avec l’EBV. L’évolution de ces lymphomes est rapide et agressive avec une extension extracutanée secondaire (poumon, système nerveux central, testicule) et une médiane de survie de 32 mois ³⁵ malgré les polychimiothérapies à base de doxorubicine.  EBV Epstein-Barr virus · LCP lymphome cutané primitif · MF mycosis fongoïde

Lymphomes T pléomorphes à petites et moyennes cellules Encore mal définis et rares, ils sont aussi classés parmi les « entités provisoires » ²,⁴. Ils se présentent sous forme de plaque ou de tumeur le plus souvent unique, siégeant sur le visage (fig. 52.12), le cou ou le tronc, chez un patient sans antécédent de MF. Plus rarement, il existe plusieurs lésions, à type de papules, nodules et/ou tumeurs. Il n’est pas toujours aisé de distinguer ces lymphomes d’un MF ou de pseudolymphomes cutanés ³⁸,³⁹. La biopsie montre un infiltrat est diffus ou nodulaire, siège dans le derme moyen et profond classiquement sans épidermotropisme. Il est constitué de cellules de taille variable, petites à moyennes CD3+ , CD4+ , CD30− . Il n’y a pas d’expression des protéines cytotoxiques. Leur pronostic est plutôt bon, avec une survie à 5 ans de 60 à 80 %, elle est encore plus favorable en cas de lésion unique ³⁹. Seuls les lymphomes T pléomorphe de phénotype CD4+ ¹⁹ font partie de ce groupe dans la classification EORTCWHO ⁴ car ceux de phénotype CD8+ ont une évolution défavorable et sont inclus dans le groupe des lymphomes CD8+ épidermotropes agressifs ⁴⁰.

Lymphomes à grandes cellules CD30 négatives Ces lymphomes rares « entités provisoires » ne répondent pas aux définitions des autres LCP non mycosis fungoïde/

Lymphomes T cutanés (hors mycosis fongoïde et syndrome de Sézary)

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52-8

Lymphome à grandes cellules CD30− : multiples tumeurs

syndrome de Sézary précédemment décrits ²,⁴. Ils surviennent chez l’adulte et réalisent des nodules ou des tumeurs violacées souvent disséminées de croissance rapide (fig. 52.13). L’évolution est agressive avec une dissémination secondaire extracutanée fréquente et une survie à 5 ans entre 15 et 20 % ⁵,⁴⁰. La biopsie montre un infiltrat de grandes cellules, immunoblastiques ou pléomorphes, siégeant dans le derme et souvent jusqu’à l’hypoderme avec parfois un angiocentrisme. Proliférations de précurseurs hématologiques Les « lymphomes blastiques NK », selon la terminologie de la WHO, correspondent à des proliférations CD4+ CD56+ pour lesquelles le terme de « lymphome » est impropre puisqu’il s’agit de proliférations de cellules dendritiques à différenciation plasmocytoïde comme en témoigne l’expression du CD123 et du TCL1, d’où la dénomination proposée d’« hématodermie CD4+ /CD56+ » ⁴,⁴¹,⁴². Ces proliférations se révèlent par des lésions cutanées à type de plaques infiltrées ou des nodules ecchymotiques (fig. 52.14). Elles sont associées dès le diagnostic à une atteinte sanguine et/ou médullaire chez la moitié des malades. Chez les autres, cette atteinte apparaît secondairement dans les semaines ou les mois qui suivent le diagnostic. La médiane de survie est de 14 mois et après une réponse initiale aux polychimiothérapies, la rechute est quasi constante ⁴². Des protocoles de polychimiothérapies tels que ceux utilisés dans les leucémies aiguës semblent devoir être utilisés. La biopsie montre un infiltrat dermo-hypodermique de cellules de taille moyenne, sans granules azurophiles, d’allure blastique avec de nombreuses mitoses. Elles sont de phénotype CD4+ , CD56+ , CD123+ , TCL1+ et CD3− , CD3ε− , CD20− , myélopéroxydase. Il n’y a pas d’association avec l’EBV. Quel bilan devant ces lymphomes ? La biopsie cutanée permet de confirmer le diagnostic. Dans les lymphomes non épidermotropes, l’infiltrat est souvent  EBV Epstein-Barr virus · LCP lymphome cutané primitif · PCR polymerase chain reaction

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Fig. 52.13 ulcérées

Fig. 52.14 Hématodermie CD4+ /CD56+ : placards infiltrés violacés ecchymotiques assez dense, il siège dans le derme moyen et parfois dans le derme profond. L’analyse de la taille des cellules permettra de distinguer les lymphomes à petites, moyennes et grandes cellules. L’étude immunohistochimique du phénotype des cellules est réalisable pour beaucoup d’anticorps sur coupes en paraffine fixées en AFA ou formol. Elle permet de confirmer le phénotype T (anti-CD3) et de préciser le phénotype CD4 ou CD8 avec les anticorps correspondants. Pour les lymphomes à grandes cellules, il sera indispensable de distinguer pour le pronostic les lymphomes dont les cellules expriment l’antigène CD30 de ceux dont les cellules ne l’expriment pas, grâce à l’anticorps BerH2, utilisable sur coupe fixée. Pour les LCP CD30+ , on peut utiliser l’anticorps anti-ALK1 qui reconnaît la protéine résultant de la translocation t(2;5). Pour les lymphomes sous-cutanés et en cas de suspicion d’une prolifération NK, d’autres anticorps pourront être utilisés tels que l’anticorps antiCD56 ou des marqueurs cytotoxiques (perforine, granzyme, TiA1). L’étude génotypique consiste en la recherche d’un réarrangement des gènes codant pour le récepteur à l’antigène du récepteur T, démontrant la nature monoclonale de l’infiltrat. Elle est actuellement effectuée par amplification génique (PCR) sur la biopsie cutanée (soit fixée au formol, soit congelée). Dans les LCP-T non épidermotropes, un clone T majoritaire est détecté au niveau cutané dans la quasi-totalité des cas ⁴ et est donc un argument supplémentaire en faveur du diagnostic. Un profil germinal est en revanche observé dans les lymphomes NK type nasal et dans les proliférations CD4+ /CD56+ ³¹,⁴¹.

Lymphomes à grandes cellules CD30 négatives 52-9 Classification TNM pour les lymphomes cutanés non mycosis fungoïde/syndrome de Sézary « T » représente l’atteinte cutanée, détaillée comme suit : − T1 correspond à une lésion cutanée unique − T1a si la taille de la lésion est inférieure à 5 cm − T1b si la taille de la lésion est supérieure à 5 cm − T2 correspond à une atteinte cutanée « régionale », c’est-à-dire de lésions cutanées multiples situées dans une même région anatomique ou dans 2 régions contiguës − T2a : l’ensemble des lésions cutanées est dans une zone inférieure à 15 cm − T2b : l’ensemble des lésions cutanées est dans une zone entre 15 et 30 cm − T2c : l’ensemble des lésions cutanées est dans une zone supérieure à 30 cm − T3 correspond à une atteinte cutanée généralisée (dans des régions non contiguës) : − T3a : lésions cutanées multiples atteignant 2 zones anatomiques non contiguës − T3b : lésions cutanées multiples atteignant plus de 3 zones anatomiques « N » représente l’atteinte ganglionnaire qui par définition dans des lymphomes cutanés primitifs est absente au diagnostic, mais qui peut survenir au cours de l’évolution : − N0 : pas d’atteinte ganglionnaire clinique ou histologique (les lymphomes cutanés primitifs non mycosis fungoïde/syndrome de Sézary sont N0 au diagnostic) − N1 : atteinte d’1 ganglion périphérique, l’atteinte cutanée étant dans l’aire de drainage de ce ganglion − N2 : atteinte de 2 (ou plus) ganglions périphériques ou atteinte d’1 ganglion périphérique à distance de l’atteinte cutanée − N3 : atteinte de ganglions profonds « M » représente l’atteinte viscérale qui la aussi est M0 au diagnostic, mais peut être M1 au cours de l’évolution.

52.B Pour ces lymphomes, la classification TNM/B utilisée pour les mycosis fungoïde/syndrome de Sézary n’est pas adapté car leur présentation clinique et leur histoire évolutive sont différentes. Par exemple, une tumeur « T3 » d’un MF est de mauvais pronostic, à la différence d’une tumeur d’un lymphome cutané CD30+ . D’autres systèmes de staging avaient été proposés pour évaluer l’extension des lésions mais ils étaient très variables et non comparables selon les auteurs. Le récent travail collaboratif EORTC/ISCL a permis d’élaborer une classification « TNM » consensuelle et reproductible (encadré 52.B), tenant compte de l’extension des lésions cutanées, utilisable et adaptée pour tous les lymphomes cutanés hors mycosis fungoïde/syndrome de Sézary ⁴². Parallèlement, le groupe de travail ISCL/EORTC a donné des recommandations quant au bilan d’extension à réaliser devant un lymphome cutané non mycosis fungoïde/ syndrome de Sézary. Ce bilan permet de préciser le type d’atteinte cutanée, ce qui pourra guider le choix thérapeutique (par exemple : traitement local tel une radiothérapie versus un traitement systémique) et bien sûr de vérifier la nature cutanée primitive de ce lymphome : − examen clinique pour préciser le « T » et rechercher une atteinte ganglionnaire clinique ; − bilan sanguin minimal : NFS-plaquettes, chimie, LDH ; − imagerie thorax et abdomen et pelvis ± cou si atteinte cutanée dans ce secteur (exemple : tête) ; − si suspicion d’atteinte extracutanée et en particulier si un ganglion est supérieur à 1 cm, il est recommandé d’avoir une confirmation histologique. Un examen par tomographie par émission de positrons peut être réalisé pour guider le site de prélèvement ; − la biopsie ostéomédullaire n’est recommandée que pour les lymphomes cutanés de pronostic intermédiaire ou

agressif selon classification EORTC/WHO alors qu’elle est discutée et non systématique dans les lymphomes de bon pronostic (exemple : lymphomes T CD30+ ) ; − une ponction lombaire et une imagerie cérébrale sera réalisée pour les lymphomes à haut risque d’atteinte du système nerveux central (exemple : lymphomes T/NK). Principes thérapeutiques Il n’est pas possible de proposer un schéma thérapeutique commun à ces lymphomes au potentiel évolutif très différent. Pour les plus fréquents d’entre eux, que sont les LCT CD30+ , le traitement tient compte de leur bon pronostic est adapté au type de lésions et à leur évolution spontanée ⁶,⁸. En cas de lésion cutanée unique ou de lésions localisées dans un site anatomique (15 × 15 cm), soit il existe une régression cutanée complète et l’abstention et une simple surveillance peuvent être retenues, soit en l’absence de régression ou en cas de régression incomplète, la chirurgie, si la taille de la lésion est modérée, ou la radiothérapie seront proposées. En cas de lésions cutanées multiples, une radiothérapie sur plusieurs champs peut être discutée s’il y a peu de lésions, mais c’est plus souvent un traitement systémique qui est proposé ⁴³. Le méthotrexate à la dose de 15 à 25 mg par semaine, voire en intralésionnel, l’interféron α-2a et le bexarotène ont été utilisés avec une bonne tolérance et efficacité pour des lésions multicentriques ⁴⁴,⁴⁵. La place d’une immunothérapie spécifique utilisant un anticorps monoclonal anti-CD30, récemment utilisée avec succès dans un cas, devra être précisée ⁴³. Enfin, les polychimiothérapies type CHOP et les chimiothérapies suivies d’autogreffes médullaires permettent une réponse complète initiale constante mais ne modifient pas le taux de récidives ⁶. Le traitement des PLy n’est pas toujours satisfaisant en

 CHOP cyclophosphamide, adriamycine, vincristine, prednisone · MF mycosis fongoïde · PLy papulose lymphomatoïde

52-10 Lymphomes T cutanés (hors mycosis fongoïde et syndrome de Sézary) termes d’obtention de rémission complète et s’adapte à la gêne entraînée par les lésions ⁶. Si elles sont peu importantes, l’abstention thérapeutique ou l’application de dermocorticoïdes est proposée, sinon le traitement peut aller de la puvathérapie, aux moutardes azotées locales jusqu’au méthotrexate ⁴⁴, à l’interféron α-2a ou au bexarotène ⁴⁶. Pour la plupart des autres LCP non mycosis fungo f ïde/slash syndrome de Sézary, l’évolution est agressive et le pronostic est défavorable et on a recours à des polychimiothérapies. On retient cependant deux exceptions dont le pronostic est moins défa favorable et pour lesquelles on peut fa f ire les recommandations suivantes, même si elles sont fond f ées 1 Willemze R, Kerl H, Sterry W et al. EORTC classification fo f r primary cutaneous lymphomas : a proposal for research and treatment of cancer. Blood 1997 ; 90:354-371. 2 Fink-Puches R, Zenahlik P, Back B et al. Primary cutaneous lymphomas : applicability of current classification schemes (EORTC, WHO) based on clinicopathologic fea f tures observed in a large group of patients. Blood 2002 ; 99:800805. 3 Harris NL, Jaffe ff ES, Diebold J et al. The World Health Organization classification of neoplastic diseases of haematopoeietic and lymphoid tissues. Histopathology 2000 ; 36:69-86. 4 Willemze R, Jaffe ff ES, Burg G et al. WHOEORTC classification fo f r cutaneous lymphomas. Blood 2005 ; 105:3768-3785. 5 Grange F F, Hedelin G, Joly P et al. Prognostic f tors in primary cutaneous lymphomas other fac than mycosis fungo f ides and Sezary syndrome. Blood 1999 ; 93:3637-3642. 6 Bekkenk MW, Geelen FA, van Voorst Vader PC et al. Primary and secondary cutaneous CD30+ lymphoprolife f rative disorders : a report from Dutch Cutaneous lymphoma Group on the long-term fo f llow-up data of 219 patients and guidelines fo f r diagnosis and treatment. Blood 2000 ; 95:3653-3661. 7 Beljaards RC, Kaudewitz P, Berti E et al. Primary cutaneous CD30-positive large cell lymphoma : definition of a new type of cutaneous lymphoma with fa f vorable prognosis. An European multicenter study on 47 cases. Cancer 1993 ; 71:2097-2104. 8 Ve V rgier B, Beylot-Barry M, Pulfo f rd K et al. for the French Study Group of Cutaneous Lymphomas. Statistical evaluation of diagnostic and prognostic fea f tures of CD30+ cutaneous lymphoprolife f rative disorders. A clinicopathologic study of 65 cases. Am J Surg r Pathol 1998 ; 22:1192-1202. 9 Ve V rgier B, De Muret A, Beylot-Barry M et al. f r the French Study Group on Cutaneous Lymfo phomas. Transfo f rmation of mycosis fungo f ides :

sur un petit nombre de cas en raison de la rareté de ces lymphomes : − les LCP-T pléomorphes à petites et moyennes cellules pour lesquels l’exérèse chirurgicale ou la radiothérapie peuvent être proposées en cas de lésion unique, et du cyclophosphamide ou de l’interferon en cas de lésions multiples ; − les LCP-T à type de panniculite pour lesquels une polychimiotherapie type CHOP, parfo f is associée à une radiothérapie, est utilisée classiquement, mais une corticothérapie générale peut parfo f is aussi permettre une rémission prolongée ²,⁴,²⁸.

clinicopathological and prognostic fea f tures of 45 cases. Blood 2000 ; 95:2212-2218. 10 Wood G, Hardman DL, Boni R et al. Lack of the t(2;5) or other mutations resulting in expression of anaplastic lymphoma kinase catalytic domain in CD30+ primary cutaneous lymphoprolife f rative disorders and Hodgkin’s disease. Blood 1996 ; 88:1765-1770. 11 Beylot-Barry M, Groppi A, V Vergier B et al. Characterization of t(2;5) reciprocal transcripts and breakpoints in cutaneous lymphoproliferations. Blood 1998 ; 91:4668-4676. 12 Beylot-Barry M, V Vergier B, De Mascarel A et al. p53 oncoprotein expression in cutaneous lymphoprolife f rations. A study of 51 cases. Arch r Dermatol 1995 ; 131:1019-1025. 13 Lin JH, Lee JY. Primary cutaneous CD30 anaplastic large cell lymphoma with keratoacanthoma-like pseudocarcinomatous hyperplasia and marked eosinophilia and neutrophilia. J Cutan Pathol 2004 ; 31:458-461. 14 Courville P P, Wechsler J, Thomine E et al. Pseudoepitheliomatous hyperplasia in cutaneous T-cell lymphoma. A clinical, histopathological and immunohistochemical study with particular interest in epithelial growth fac f tor expression. Br J Dermatol 1999 ; 140:421-426. 15 Burg G, Kempf W, W Kazarov DV et al. Pyogenic lymphoma of the skin : a peculiar variant of primary cutaneous neutrophil-rich CD30+ anaplastic large cell lymphoma. Br J Dermatol 2003 ; 148:580-586. 16 Liu HL, Hoppe RT, Kohler S et al. CD30+ cutaneous lymphoprolife f rative disorders : the Stanfo f rd experience in lymphomatoid papulosis and primary cutaneous anaplastic large cell lymphoma. J Am Acad Dermatol 2003 ; 49:10491058. 17 Prochazkova M, Chevret E, Beylot-Barry M et al. Chromosomal imbalances : a hallmark of tumour relapse in primary cutaneous CD30+ T-cell lymphoma. J Pathol 2003 ; 201:421-429. 18 Nijsten T, Curiel-Lewandrowski C, Kadin ME. Lymphomatoid papulosis in children : a ret-

 CHOP cyclophosphamide, adriamycine, vincristine, prednisone · LCP lymphome cutané primitif

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Beylot-Barry M. Lymphomes T cutanés (hors mycosis fongoïde et syndrome de Sézary). In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 52.1-52.11.

53

Lymphomes B cutanés

Florent Grange

Lymphome cutané de la zone marginale 53-1 Définition 53-1 Clinique 53-1 Examens complémentaires 53-2 Pronostic et traitement 53-2 Lymphomes cutanés des centres folliculaires 53-2 Définition 53-2 Clinique 53-2 Examens complémentaires 53-3 Pronostic et traitement 53-3

es lymphomes B cutanés (LBC) représentent en Europe 20 à 25 % des lymphomes cutanés (LC) ¹,². Ils sont plus rares aux États-Unis ³. Cette différence pourrait résulter de facteurs environnementaux encore mal identifiés, en particulier d’ordre infectieux, comme l’infection par les Borrelia dont les espèces et la répartition varient selon les régions ⁴,⁵. Les LBC se distinguent des localisations cutanées des lymphomes ganglionnaires ou systémiques par leurs caractéristiques anatomocliniques et la négativité d’un bilan d’extension approprié lors du diagnostic. Cette distinction est essentielle sur le plan pronostique et thérapeutique. En effet, la plupart des LBC ont un excellent pronostic et sont facilement curables par des traitements peu agressifs ¹,⁶-⁹. Toutefois, une faible proportion d’entre eux sont susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital ¹⁰-¹⁵. Ces formes doivent être reconnues pour faire l’objet de traitements adaptés. Afin de rendre compte des particularités anatomocliniques et pronostiques des LC, une classification spécifique a été proposée en 1997 par l’European Organization for Research and Treatment on Cancer ¹. Malgré sa validité pronostique, cette classification restait discutée, en particulier pour les LBC ¹⁶-²⁰, certains auteurs recommandant d’utiliser la classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des tumeurs lymphoïdes ²¹,²². Cependant, celle-ci reflétait mal les particularités pronostiques des lymphomes cutanés. En 2005, une classification consensuelle OMS-EORTC a été proposée ² et adoptée ²³,²⁴. Cette classification pose les bases d’une harmonisation du diagnostic et de la prise en charge des LC. Elle distingue trois types

L

 LBC lymphome B cutané · LCZM lymphome cutané de la zone marginale

Lymphome B cutanés diffus à grandes cellules, de type membre inférieur 53-3 Définition 53-3 Clinique 53-4 Examens complémentaires 53-4 Aspects moléculaires et génétiques 53-4 Pronostic et traitement 53-4 Autres lymphomes cutanés diffus à grandes cellules 53-5 Références 53-5

principaux de LBC : les LC de la zone marginale, les LC des centres folliculaires et les LC diffus à grandes cellules, de type membre inférieur. Chacune de ces entités a des caractéristiques propres sur le plan clinique, morphologique, immunophénotypique, moléculaire et pronostique. Un quatrième groupe rassemble les LC diffus à grandes cellules « d’autres types ».

Lymphome cutané de la zone marginale Définition Les lymphomes cutanés de la zone marginale (LCZM) sont des lymphomes indolents composés de cellules de la zone marginale (centrocyte-like), de cellules lymphoplasmocytaires et de plasmocytes. Dans la classification OMS/EORTC ², cette entité regroupe les anciens « immunocytomes » ²⁵, les « hyperplasies lymphoïdes folliculaires avec monotypie plasmocytaire » ²⁶, et les exceptionnels plasmocytomes cutanés isolés ¹³,²⁷. Les LCZM appartiennent au groupe des lymphomes du MALT (mucosa associated lymphoid tissue), lymphomes B extranodaux de la zone marginale atteignant les épithéliums. Clinique Les lésions sont de petites plaques, des papules ou des nodules de couleur rouge violacé (fig. 53.1), rarement ulcérées, souvent multiples et multifocales, prédominant sur le tronc et les extrémités, en particulier les membres supérieurs ²,²⁷. Une régression spontanée est possible, laissant parfois une cicatrice anétodermique ²⁸. L’association à une infection borrélienne a été observée avec une fré-

Lymphomes B cutanés

Fig. 53.1 Lymphome cutané de la zone marginale : nodules rouge violacé à surface télangiectasique d’une joue quence significative dans certaines zones endémiques européennes ⁵. Elle semble rare en Asie ou aux ÉtatsUnis où les espèces en cause dans l’infection borrélienne humaine sont différentes des espèces européennes, et les lymphocytomes borréliens bénins plus rares qu’en Europe. Examens complémentaires Seules la biopsie cutanée et la sérologie des borrélioses en zone d’endémie sont réellement utiles. Un bilan plus complet ne sera réalisé que s’il existe un doute avec des localisations cutanées d’un lymphome systémique au terme de la confrontation anatomoclinique. Examen histologique L’examen histologique montre un infiltrat polymorphe non épidermotrope composé de petits lymphocytes, de cellules de la zone marginale (centrocytelike), de cellules lymphoplasmocytaires, de plasmocytes et de cellules T réactionnelles, parfois associées à quelques centroblastes ou immunoblastes ². Il existe souvent des follicules réactionnels entourés de cellules B de la zone marginale. Les plasmocytes monotypiques (exprimant une seule chaîne légère cytoplasmique) sont fréquemment trouvés en périphérie de l’infiltrat et dans la partie superficielle du derme. La distinction avec un pseudolymphome est parfois difficile histologiquement comme cliniquement. Immunophénotype Les cellules B de la zone marginale ont un phénotype CD20+ , CD79a+ , bcl-2+ , CD5− , CD10− , bcl-6− , alors que les follicules réactionnels sont CD10+ , bcl6+ , bcl-2− ². Les plasmocytes expriment CD138 et CD79a, mais habituellement pas CD20. Aspects moléculaires et génétiques Il existe généralement un réarrangement clonal des gènes de la chaîne lourde des immunoglobulines. Certains cas présentent la translocation t(14;18)(q32;q21) ²⁹, alors que les translocations t(11;18)(q21;q21) et t(1;14)(p22;q32), mises en évidence dans les lymphomes du MALT gastriques, n’ont pas été observées dans les formes cutanées.  LCCF lymphome cutané des centres folliculaires

Pronostic et traitement Les récidives cutanées sont assez fréquentes après traitement, mais les séries publiées ne mentionnent que d’exceptionnels cas de dissémination extracutanée ² et ne rapportent pas de décès liés au lymphome. Le taux de survie spécifique à 5 ans est de 100 % ²,²⁷. Compte tenu de cet excellent pronostic, la prise en charge vise avant tout à éviter les traitements excessifs. En cas de sérodiagnostic borrélien positif, ou systématiquement en zone d’endémie, une antibiothérapie peut être prescrite et entraîner une régression. Dans les formes mineures et peu évolutives, une simple surveillance, une dermocorticothérapie ou une exérèse chirurgicale sont possibles. Les formes plus évolutives peuvent faire appel à la radiothérapie ou au chlorambucil ²⁷.

Lymphomes cutanés des centres folliculaires Définition Les lymphomes cutanés des centres folliculaires (LCCF) sont des proliférations cutanées folliculaires ou diffuses de cellules néoplasiques centro-folliculaires, à type de petits centrocytes, de grands centrocytes et/ou de centroblastes ². Les lymphomes constitués d’une prolifération monotone et diffuse de grandes cellules aux noyaux arrondis (centroblastes et/ou immunoblastes) étaient rattachés aux LCCF dans la classification de l’EORTC s’ils siégeaient en dehors des membres inférieurs ²,¹². Dans la classification OMSEORTC, ils sont classés quel que soit leur siège dans le groupe des lymphomes B diffus à grandes cellules de type membre inférieur ²,¹⁵. Clinique Les lésions sont des plaques ou des nodules, uniques ou multiples, souvent groupées dans le même territoire, habituellement l’extrémité céphalique (en particulier le cuir chevelu ou le front) (fig. 53.2) ou le tronc ²,⁸. Elles peuvent

Coll. D. Bessis

Coll. Pr F. Grange, Reims

53-2

Fig. 53.2 Lymphome B cutané des centres folliculaires : volumineux nodules rouge violacé localisés sur le cuir chevelu

Coll. D. Bessis

Lymphome B cutanés diffus à grandes cellules, de type membre inférieur 53-3

Fig. 53.3 Lymphome B cutané des centres folliculaires du bras : nodule et plaque érythémateux mamelonnés évoluer pendant des mois ou des années sous la forme de plaques à tendance arciforme devenant progressivement volumineuses et tumorales, sans dissémination extracutanée (fig. 53.3). Cette présentation clinique particulière est fréquente au niveau du dos où elle a d’abord été décrite sous le terme de « réticulose de Crosti » ³⁰. Examens complémentaires Les examens d’imagerie, l’hémogramme et la biopsie médullaire sont normaux. Examen cytologique L’examen histologique ² montre un infiltrat séparé de l’épiderme par une bande de tissu sain, folliculaire, diffus ou mixte, constitué de proportions variables de petits centrocytes (petites cellules aux noyaux clivés), de grands centrocytes (grandes cellules aux noyaux clivés, parfois multilobés), de centroblastes (grandes cellules aux noyaux arrondis) et de lymphocytes T réactionnels. Les petits centrocytes et les lymphocytes T réactionnels prédominent souvent dans les lésions débutantes. Avec la progression tumorale, les cellules B néoplasiques augmentent en taille et en nombre, mais les cellules clivées restent ma-

joritaires (fig. 53.4). Des structures folliculaires sont surtout observées dans les lésions précoces. Elles sont composées de cellules malignes bcl-6+ au sein d’un réseau de cellules dendritiques CD21+ . Elles se distinguent des follicules réactionnels par leur caractère mal défini, l’absence de zone du manteau bien visible et de macrophages à corps tangibles. Immunophénotype Une immunoglobuline de surface monotypique n’est qu’inconstamment détectable. Les lymphocytes B tumoraux sont CD20+ , CD79a+ , bcl− 6+ . Contrairement aux lymphomes folliculaires ganglionnaires et aux lymphomes B cutanés à grandes cellules de type membre inférieur, les LCCF n’expriment pas bcl-2 ni MUM-1/IRF4. CD10 peut être exprimé dans les formes folliculaires ²,³¹. Aspects moléculaires et génétiques. Un réarrangement clonal des gènes des immunoglobulines est habituellement présent. La translocation t(14;18) n’est pas observée, alors qu’elle est présente dans les lymphomes folliculaires systémiques et certains lymphomes B systémiques diffus à grandes cellules ³². Une inactivation des gènes suppresseurs de tumeurs p15 et p16 a été objectivée dans 10 et 30 % des cas, respectivement. Les LCCF ont un profil d’expression génique de type lymphome à cellules B des centres germinatifs ²,³³. Pronostic et traitement Les LCCF ont un pronostic très favorable. Le taux de survie spécifique à 5 ans est d’environ 95 % ¹,²,⁶-⁸,¹²,¹³. L’existence de tumeurs multiples n’affecte pas en règle ce pronostic favorable ¹²,¹⁵. Toutefois, certaines formes rares constituées d’une prolifération diffuse de grandes cellules clivées et exprimant paradoxalement bcl-2 pourraient avoir un pronostic plus réservé ¹⁴. La radiothérapie sur des tumeurs uniques ou peu nombreuses est le traitement de choix ¹,³⁴. Des récidives surviennent dans 20 % des cas, mais restent souvent accessibles à la radiothérapie. Les polychimiothérapies sont réservées aux rares formes agressives, très extensives ou compliquées d’une atteinte extracutanée. Le rituximab par voie systémique ou intralésionnelle représente une alternative thérapeutique dont les résultats à long terme restent à évaluer ³⁵.

Coll. Pr F. Grange, Reims

Lymphome B cutanés diffus à grandes cellules, de type membre inférieur

Fig. 53.4

Prolifération de grandes cellules clivées n’exprimant pas bcl-2

 LBC lymphome B cutané · LCCF lymphome cutané des centres folliculaires

Définition Les lymphomes B cutanés à grandes cellules de type membre inférieur (LBC type MI) sont définis comme des proliférations diffuses, constituées de nappes de grandes cellules B aux noyaux arrondis, centroblastes et/ou immunoblastes ². Ils ont été initialement individualisés dans leur forme clinique la plus fréquente qui touche les membres inférieurs ²,¹⁰. La survenue plus rare de tumeurs identiques dans d’autres sièges anatomiques (extrémité céphalique ou tronc en particulier) justifie la terminologie élargie de LCB type MI, retenue dans la classification OMS-EORTC ²,¹²,¹⁴,¹⁵.

53-4

Lymphomes B cutanés

Fig. 53.5 Placard tumoral érythémato-violacé et ulcéré d’une jambe au cours d’un lymphome B cutané diffus à grandes cellules de type membre inférieur Clinique Ces lymphomes surviennent habituellement chez des sujets âgés (âge moyen : 70-75 ans), avec une prédominance féminine ²,¹⁰,¹²,¹⁴. Ils réalisent typiquement des tumeurs à croissance rapide, uniques ou multiples, de couleur rouge violacé, souvent ulcérées (fig. 53.5), localisées ou disséminées (fig. 53.6), pouvant toucher un membre inférieur, les deux, ou d’autres régions anatomiques.

Pronostic et traitement Il s’agit de lymphomes agressifs, avec des taux de survie spécifique à 5 ans d’environ 50 % ²,⁷,¹²,¹³. Le principal facteur pronostique est le nombre de lésions, les formes à tumeur unique gardant un pronostic relativement favorable ¹²,¹⁴. Le siège des lésions pourrait aussi avoir une importante valeur pronostique avec, sous réserve des faibles effectifs rapportés, des taux de survie plus favorables dans les formes situées en dehors des membres inférieurs ¹²,¹⁵,³⁸,³⁹. La radiothérapie empêche rarement les récidives et la progression. Les polychimiothérapies à base d’anthracyclines sont le traitement de référence, mais sont souvent insuffisantes. L’adjonction de rituximab semble intéressante par analogie aux formes systémiques de lymphomes B diffus à grandes cellules du sujet âgé ³⁹,⁴⁰, mais elle n’a pas été évaluée sur de grandes séries de lymphomes cutanés. L’âge et le mauvais état général de certains malades atteints de LBC type MI conduit parfois à une prise en charge simplement palliative.

Coll. D. Bessis

Examens complémentaires Le bilan d’extension initial est le plus souvent négatif, mais il met parfois en évidence une atteinte ganglionnaire régionale, voire des localisations profondes dès le diagnostic (en particulier une atteinte focale ou diffuse de la moelle), remettant en cause le diagnostic de lymphome cutané stricto sensu. L’examen histologique ¹⁰,¹² montre un infiltrat diffus et monotone du derme, souvent étendu à l’hypoderme, constitué de nappes confluentes de centroblastes et/ou d’immunoblastes (grandes cellules rondes avec un gros nucléole central), avec de nombreuses mitoses. Les cellules T réactionnelles et les petites cellules B sont rares. Par contraste avec les LCCF, il n’y a pas (ou peu) de réaction stromale. Immunophénotype Les cellules tumorales sont CD20+ , CD79a+ , CD10− . À l’opposé des LCCF, elles expriment de façon caractéristique MUM-1/IRF4 et surtout la protéine bcl-2 (fig. 53.7) ¹²,¹⁴,¹⁵,³², avec en règle un marquage intense

Aspects moléculaires et génétiques Malgré la forte expression de la protéine bcl-2, la translocation t(14;18) n’est pas mise en évidence ³². Dans certains cas, l’augmentation d’expression de bcl-2 pourrait être liée à une amplification chromosomique de l’oncogène BCL2, situé sur le chromosome 18q ³⁶. Une inactivation des gènes suppresseurs de tumeurs p15 et p16 a été objectivée dans 11 et 44 % des cas, respectivement ³⁷. Les LBC type MI ont un profil d’expression génique de type lymphome à grandes cellules B activées ²,³³.

Coll. Pr F. Grange, Reims

Coll. D. Bessis

de la majorité des cellules B néoplasiques. Bcl-6 est également exprimé dans la majorité des cas ¹⁵,³¹, comme dans les LCCF.

Fig. 53.6 Nodules tumoraux rouge violacé multiples au cours d’un lymphome B cutané diffus à grandes cellules de type membre inférieur  LBC lymphome B cutané · LCCF lymphome cutané des centres folliculaires

Fig. 53.7 Prolifération homogène de grandes cellules rondes exprimant massivement bcl-2

Références 53-5 Autres lymphomes cutanés diffus à grandes cellules Ce groupe comprend de rares cas de lymphomes B à grandes cellules à révélation cutanée n’appartenant pas par définition au groupe des LCCF ou des LBC type MI ². Il peut s’agir de rares variétés morphologiques de ces lymphomes, de lymphomes plasmablastiques à révélation cutanée associés à l’infec f tion VIH, de lymphomes B riches en cellules T et/ou en histiocytes, ou de lymphomes B à grandes cellules intrav a asculaires. En fa f it, l’atteinte cutanée par ce type de lymphome est souvent révélatrice d’un lymphome systémique, qui doit être systématiquement recherché. Elle peut toutefo f is être isolée ou permettre un diagnostic par ailleurs difficile. Certains lymphomes B riches en cellules T et/ou histiocytes pourraient être des variétés de LCZM ou de LCCF, de pronostic bien meilleur que leurs équivalents ganglionnaires.

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Les lymphomes B à grandes cellules intrav a asculaires sont très rares mais bien caractérisés ⁴¹. Ils touchent des sujets âgés. Les lésions cutanées sont souvent très évocatrices, à type de télangiectasies extensives ou de plaques violacées conduisant à évoquer cliniquement le diagnostic ⁴¹-⁴³. L’examen histologique montre dans le derme et l’hypoderme des vaisseaux dilatés remplis de grandes cellules tumorales de phénotype B, pouvant causer une occlusion du vaisseau. Les lésions cutanées révèlent dans trois quarts des cas un lymphome disséminé. L’atteinte neurologique, périphérique ou surtout centrale, est très fréquente et grav a e, tandis que l’atteinte ganglionnaire est rare. Le taux de survie est d’environ 20 % à 3 ans pour les formes systémiques, mais semble meilleur dans les rares fo f rmes aavec atteinte cutanée isolée lors du diagnostic. Le traitement repose sur les polychimiothérapies.

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 LBC lymphome B cutané · LCCF lymphome cutané des centres folliculaires · LCZM lymphome cutané de la zone marginale

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Grange F. Lymphomes B cutanés. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 53.1-53.6.

54

Histiocytoses

Didier Bessis, Frédéric Bernard, Frédéric Cambazard Classification 54-1 Histiocytose langerhansienne (classe I) 54-2 Épidémiologie 54-2 Classification 54-2 Manifestations cliniques 54-3 Physiopathogénie 54-7 Diagnostic 54-8 Pronostic 54-9 Traitement 54-10

es histiocytoses regroupent l’ensemble des proliférations de cellules d’origine histiocytaire. Les histiocytes appartiennent à deux grandes classes : − le système phagocytaire mononucléé monocytes circulants/macrophages tissulaires : monocytes circulants, macrophages des cavités (plèvre, péritoine), cellules de Kupffer du foie, ostéoclastes et cellules microgliales. Sa fonction principale est la phagocytose et l’apprêtement antigénique (« antigen processing ») ; − la famille des cellules dendritiques/cellules de Langerhans ou cellules présentatrices d’antigènes : cellules de Langerhans et dendritiques dermiques de la peau et des muqueuses, cellules dendritiques de la rate et des ganglions lymphatiques. Sa fonction principale est la présentation d’antigène aux lymphocytes ¹. Le diagnostic d’histiocytose repose sur une confrontation anatomoclinique. L’examen histologique cutané conventionnel (coloration hématoxylin-éosine) devra être complété d’une analyse immunohistochimique incluant en routine la recherche d’expression des antigènes CD45 (antigène leucocytaire commun), CD1a, CD68, facteur XIIIa et de la protéine S100 (tableau 54.1). La recherche en microscopie électronique des granules de Birbeck, organites intracellulaires spécifiques de la cellule de Langerhans, n’est plus effectuée en routine et a été supplantée par la recherche d’expression de l’antigène CD207, spécifique de la langérine.

L

Classification La classification historique des histiocytoses (Histiocyte Society, 1987) séparait les histiocytoses dites langerhan-

Histiocytoses non malignes et non langerhansiennes (classe II) 54-11 Histiocytoses de classe II cutanées et muqueuses 54-11 Histiocytoses systémiques de classe II 54-17 Histiocytoses de classe III 54-21 Histiocytose maligne proprement dite 54-21 « Lymphome histiocytaire vrai » 54-22 Références 54-22

siennes (expression des protéines CD1a et S100, présence de granules de Birbeck) de classe I des autres histiocytoses dites non langerhansiennes bénignes de classe II et malignes de classe III ². Une nouvelle classification a été proposée en 1997 par l’Histiocyte Society ³ séparant les histiocytoses « non malignes » associées aux cellules dendritiques immatures ou aux macrophages (cellules dendritiques maTableau 54.1 histiocytes Macrophage

Marqueurs immunohistochimiques et moléculaires des

Lysozyme, CD45, CD14 et CD68 positifs S100, CD1a et facteur XIIIa négatifs Absence de granules de Birbeck Cellule de Langerhans CD45, S100 et CD1a positifs CD14 et facteur XIIIa négatifs Présence de granules de Birbeck Dendrocyte dermique Facteur XIIIa, CD45 et CD68 positifs S100 et CD1a négatifs Absence de granules de Birbeck Cellules dendritiques interdigitées CD45 et S100 positifs CD14, CD1a et facteur XIIIa négatifs Absence de granules de Birbeck Cellules dendritiques folliculaires Ki-M4, CD21, CD35 positifs S100 variable CD45 négatif Absence de granules de Birbeck Cellules indéterminées CD45, S100 et CD1a positifs Facteur XIIIa négatif Absence de granules de Birbeck

54-2

Histiocytoses Classification des histiocytoses modifiée d’après Chu

Classification contemporaine des histiocytoses Affections de comportement biologique variable − Associées aux cellules dendritiques  Histiocytoses langerhansiennes  Xanthogranulome juvénile et affections apparentées (xanthoma disseminatum, histiocytose céphalique bénigne, histiocytose nodulaire progressive, histiocytose éruptive généralisée)  Histiocytomes solitaires de phénotypes cellulaires dendritiques variés − Associées aux macrophages  Syndromes hémophagocytaires primaire et secondaire  Maladie de Rosai-Dorfman  Histiocytome solitaire de phénotype macrophagique Affections malignes − Liées au monocyte  Leucémies (classifications FAB et FAB révisées)  Leucémies monocytaires M5A et B  Leucémie aiguë (M4) et chronique myélomonocytaire − Histiocytosarcome − Histiocytose maligne − Lymphome histiocytique vrai

54.A tures) et de comportement biologique variable des histiocytoses réellement malignes (encadré 54.A). Cette dernière classification est difficilement adaptable à la pratique dermatologique. Il semble utile d’adopter une classification pragmatique, proposée par Chu AC ⁴, qui subdivise les histiocytoses non langerhansiennes de classe II en sous-groupe IIa, constituées par les proliférations de cellules de phénotype dendrocytique dermique (CD68 et facteur XIIIa positifs), de celles du sous-groupe IIb secondaires à la prolifération de cellules non langerhansiennes et de phénotype non dendrocytique (encadré 54.B). Cette classification provisoire évoluera avec l’identification récente d’une nouvelle population de cellules dendritiques dermiques exprimant fortement la langérine et développée indépendamment des cellules de Langerhans de l’épiderme ⁵.

Histiocytose langerhansienne (classe I) Épidémiologie L’histiocytose langerhansienne (HL) est une affection rare, dont la fréquence est estimée entre 2 à 5 enfants par million et par an. Son incidence est semblable aux États-Unis, au Danemark et en France. Il n’existe pas de prédominance ethnique, ni de nette prédisposition familiale nette. En France, moins de 50 cas sont recensés chaque année. Cependant, en raison de la régression spontanée possible des atteintes cutanées et osseuses, cette affection est peut-être sous-estimée. L’HL atteint le plus souvent les jeunes enfants entre 1 et 3 ans, mais peut débuter à tout âge, du nourrisson à l’adulte. Les garçons sont plus souvent atteints que les filles (1,2 à 2 G/1 F), mais ce sex-ratio est plus équilibré chez l’adulte. Les enfants atteints d’HL semblent avoir une incidence plus élevée de malformations congénitales. L’at HL histiocytose langerhansienne

Histiocytoses langerhansiennes de classe I − Granulome à éosinophiles solitaire des os − Syndrome de Hand-Schüller-Christian − Maladie de Letterer-Siwe − Maladie de Hashimoto-Pritzker Histiocytoses non langerhansiennes de classe II − IIa (lignées dendrocytiques dermiques)  Xanthogranulome juvénile  Histiocytose céphalique bénigne  Histiocytome éruptif généralisé  Xanthomes papuleux  Xanthoma disseminatum  Réticulohistiocytose multicentrique  Histiocytose nodulaire progressive  Maladie d’Erdheim-Chester  Hamartome dendrocytique dermique − IIb (lignées non langerhansienne et non dendrocytique dermique)  Lymphohistiocytoses hémophagocytaires  Histiocytose sinusale de Rosai-Dorfman  Histiocytose mucineuse progressive héréditaire  Syndrome de l’histiocyte bleu outremer  Xanthogranulome nécrobiotique  Xanthomatose plane diffuse  Malakoplakie Histiocytoses malignes de classe III − Leucémies monocytaires − Histiocytose maligne − « Lymphome histiocytaire vrai »

54.B teinte de jumeaux ou de plusieurs enfants au sein d’une fratrie est rare et la maladie survient le plus souvent de façon sporadique. Classification Les tableaux cliniques de l’HL sont classiquement subdivisés en 4 groupes : le granulome à éosinophiles (forme chronique), le syndrome de Hand-Schüller-Christian (forme subaiguë), la maladie de Letterer-Siwe (forme aiguë) et l’histiocytose auto-involutive de Hashimoto-Pritzker (forme néonatale bénigne). Ces différentes formes d’HL n’ont pas de critères spécifiques histologiques, immunologiques ou ultrastructuraux permettant leur différenciation. De plus, des formes de passage et/ou de chevauchement rendent leur évolution imprévisible au moment du diagnostic ⁶. Granulome à éosinophiles multifocal Forme la plus fréquente d’HL, il survient préférentiellement chez les adolescents et les adultes jeunes de sexe masculin. Les os plats (crâne, pelvis, omoplate, côtes, sternum) sont plus souvent atteints que les os longs (humérus, fémur). Il peut exister une ou plusieurs lésions qui peuvent être douloureuses ou rester asymptomatiques. Les fractures sont rares. Syndrome de Hand-Schüller-Christian Il débute habituellement chez l’enfant entre 2 et 6 ans. Des lésions ostéolytiques sont souvent associées à un diabète insipide (localisation hypothalamique ou pituitaire) et à une exophtalmie

Histiocytose langerhansienne (classe I) 54-3

Manifestations cliniques Atteinte cutanéo-muqueuse Elle est fréquente (40 %) au cours des HL et souvent révélatrice. Elle touche préférentiellement le tronc, le cuir chevelu, le siège et les plis inguinaux. Sur le tronc, elle réalise une disposition en « maillot sans manches », épargnant les épaules et les membres (fig. 54.1 et 54.2). Initialement, les papules érythémateuses, rosées ou brunes, de 1 à 3 mm sont discrètes et peuvent passer inaperçues (fig. 54.3). Elles sont souvent sensibles, mais rarement prurigineuses. Avec le temps, elles peuvent devenir squameuses, croûteuses ou purpuriques (fig. 54.4) et confluer sous forme de placards. Des pétéchies très évocatrices et des lésions xanthomateuses peuvent également survenir. Sur le cuir chevelu, l’atteinte au départ squameuse peut simuler une dermite séborrhéique (fig. 54.5), puis devenir suintante et croûteuse mimant une teigne. Les lésions peuvent confluer et s’accompagner d’une alopécie. L’ablation des squames ou des croûtes peut être hémorragique et constitue un signe évocateur d’HL. Dans les plis, les papules et les vésicules peuvent confluer en des ulcérations superficielles et suintantes (fig. 54.6). Des fissures peuvent également être présentes dans le canal auriculaire et dans les plis rétroauriculaires, axillaires et inguinaux. L’atteinte de la région périanale et de l’orifice vaginal est fréquente (fig. 54.7). Les lésions peuvent se surinfecter ou devenir verruqueuses et hémorragiques (fig. 54.8). Des nodules peuvent apparaître dans les régions périorificielles ou sur les gencives. Des lésions nécrotiques et ulcérées dans la bouche peuvent conduire à la perte des dents. Une chute dentaire prématurée peut être la première manifestation d’une HL. Il peut exister également une atteinte du tractus génital féminin (vulve, vagin, col utérin, endomètre ou ovaires). Une atteinte unguéale est possible mais peu spécifique. Les ongles deviennent friables, marqués par des dépressions longitudinales et pigmentées, des stries purpuriques et une hyperkératose de la tablette. Des pustules sous-unguéales, une paronychie, une onychorrhexis et une onycholyse peuvent également être présentes. L’évolution peut se faire vers une dystrophie unguéale permanente (fig. 54.9). Les lésions cutanées de l’histiocytose congénitale autoinvolutive d’Hashimoto-Pritzker sont constituées de papules et de nodules présents dès la naissance, isolés, moins  HL histiocytose langerhansienne

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par envahissement osseux rétro-oculaire. Les lésions cutanées sont présentes dans près d’un tiers des cas. Maladie de Letterer-Siwe Il s’agit de la forme aiguë et disséminée d’HL, survenant avec prédilection chez le nourrisson et les jeunes enfants. L’atteinte viscérale peut toucher la peau, les os, la moelle, la rate, les ganglions lymphatiques, le foie et les poumons. Les lésions cutanées sont constamment présentes et habituellement inaugurales. Histiocytose congénitale auto-involutive de HashimotoPritzker Rare, elle peut être considérée comme une forme purement cutanée et spontanément régressive d’HL. Cependant, un suivi clinique prolongé reste nécessaire en raison du développement ultérieur rare mais possible d’une atteinte viscérale ou d’un passage vers une maladie de Letterer-Siwe.

Fig. 54.1 Histiocytose langerhansienne de l’enfant : macules et papules diffuses adoptant une disposition en « maillot sans manches », épargnant les épaules et les membres et associées à un intertrigo spécifique interfessier nombreux et plus infiltrés qu’au cours de la maladie de Letterer-Siwe ⁷. Elles sont fermes, de couleur rouge brun, de taille variable (0,2 à 4 mm), typiquement avec une bordure surélevée et une nécrose centrale (fig. 54.10 et 54.11). Leur nombre est variable (25 % de forme solitaire) et le cuir chevelu constitue une localisation élective. Les lésions ont parfois un caractère superficiel, vésiculeux ou à type de petites ulcérations, pouvant évoquer une varicelle ou une autre infection virale herpétique (fig. 54.12). Les lésions évoluent par poussées, augmentant en nombre et en taille au cours des premières semaines. Une régression complète et spontanée au prix d’une cicatrice pigmentée et/ou atrophique est la règle et survient en général en quelques semaines ou mois, justifiant une abstention thérapeutique. Il n’existe pas de critère histopathologique spécifique de l’histiocytose d’Hashimoto-Pritzker permettant sa différenciation avec les autres formes d’HL. Cependant, au cours de l’histiocytose d’Hashimoto-Pritzker, les granules de Birbeck des cellules de Langerhans seraient moins nombreux (5 à 25 % des cellules histiocytaires) qu’au cours de l’HL, et à l’inverse, les inclusions cytoplasmiques (corps denses ou lamellaires, inclusions pléomorphes et corps en virgules) seraient plus

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Fig. 54.3 Atteinte cutanée limitée au cours d’une histiocytose langerhansienne du nourrisson : papules érythémateuses, rosées ou brunes, de 1 à 3 mm du tronc

fréquemment observées que dans les autres formes d’HL. Atteinte osseuse Il s’agit de la localisation la plus fréquente des HL (80 %). Elle peut être isolée (50 à 60 %), le plus souvent chez les grands enfants ou les jeunes adultes. Les lésions osseuses sont fréquemment asymptomatiques ou peuvent être révélées par une tuméfaction douloureuse, une déformation osseuse, une fracture ou une compression (fig. 54.13). L’atteinte osseuse est le plus souvent constituée d’une ou deux lésions (30 %) dont la régression est spontanée en quelques mois à un an. Le diagnostic peut être confirmé par un curetage chirurgical ou une aspiration à l’aiguille. Le crâne est l’os le plus souvent atteint, suivi des côtes, du bassin, des vertèbres, des extrémités et de la mandibule. Sur le plan radiologique, il s’agit typiquement d’images de lyse osseuse à l’emporte-pièce (sans condensation périphérique) isolées ou multiples. Les manifestations cliniques sont inconstantes et diverses en fonction des atteintes : otite chronique moyenne avec nécrose de la mastoïde, otorrhée, syndrome vestibulaire ou otite externe. L’atteinte de la mastoïde évoque une mastoïdite infectieuse et l’extension à l’oreille moyenne peut s’accompagner d’une surdité par destruction des osselets. La destruction des os maxillaires s’accompagne d’un œdème gingival, de dents flottantes et de douleurs. L’atteinte du mur orbitaire peut être à l’origine d’une proptose. Sur la colonne vertébrale, des fractures des corps vertébraux

 HL histiocytose langerhansienne · IRM imagerie par résonance magnétique

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Fig. 54.2 Histiocytose langerhansienne de l’adulte : érythème diffus, partiellement purpurique épargnant les épaules et les zones sous-axillaires

Fig. 54.4 Histiocytose langerhansienne de l’enfant : érythème diffus et purpurique adoptant une disposition en « maillot sans manches », épargnant les épaules et les membres peuvent s’accompagner de syndromes compressifs avec un aspect radiologique de vertebra plana. Les os longs (fémur, humérus) peuvent également être atteints et s’accompagner de lésions ostéolytiques à bords irréguliers. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’a pas d’avantage sur

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Fig. 54.6 Intertrigo axillaire au cours d’une histiocytose langerhansienne de l’adulte

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les radiologies conventionnelles pour évaluer l’atteinte osseuse. En revanche, la scintigraphie osseuse et le Pet-scan permettent de localiser les différents sites osseux atteints. Atteinte hématologique Elle est secondaire à une localisation médullaire et peut être responsable d’une anémie, d’une thrombocytopénie, d’une leucopénie ou d’une pancytopénie. Atteinte pulmonaire L’atteinte pulmonaire est fréquente (12 à 23 %), en particulier chez les patients adultes. Les manifestations cliniques sont variables (toux, douleurs thoraciques, tachypnée avec rétractions costales) parfois associées à de la fièvre et à un amaigrissement. Des compressions médiastinales peuvent survenir. Lors d’atteintes évoluées, des bulles parenchymateuses peuvent conduire à un pneumothorax. Des modifications emphysémateuses peuvent s’accompagner d’une fibrose diffuse interstitielle. Les radiographies pulmonaires (RP) (face et profil) mettent en évidence initialement des micronodules puis des opacités réticulonodulaires de la partie moyenne des poumons, épargnant les sommets et les bases. La tomodensimétrie thoracique en haute résolution est nécessaire pour préciser les lésions élémentaires (nodules, nodules cavitaires, kystes, pneumothorax). Réalisée même en cas de RP normale lors de signes fonctionnels, elle permet d’éliminer d’autres diagnostics, et de guider une éventuelle biopsie pulmonaire chirurgicale (habituellement non nécessaire car trop agressive,sauf en cas d’atteinte pulmonaire isolée). Les explorations fonctionnelles respiratoires évaluent de façon objective le retentissement fonctionnel de l’atteinte pulmonaire, et serviront de base pour une surveillance évolutive ultérieure. Le lavage bronchoalvéolaire (LBA), outre la recherche d’un agent pathogène opportuniste, peut mettre en évidence plus de 5 % de cellules de Langerhans par immunomarquage, permettant de confirmer le diagnostic d’HL pulmonaire (il peut exister des cellules de Langerhans dans le LBA en dehors de toute HL). Atteinte hépatique/splénique Le foie et la rate sont atteints dans 15 à 50 % des HL. L’hépatosplénomégalie peut être due à l’infiltration portale par des cellules de Langer-

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Fig. 54.5 Histiocytose langerhansienne du scalp : érythème papulo-squameux et croûteux pouvant mimer une dermite séborrhéique, associé à un intertrigo spécifique du cou

Fig. 54.7 Érythème érosif et fissuraire anal et périanal au cours d’une histiocytose langerhansienne de l’adulte

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hans ou à une hyperplasie des cellules de Kupffer avec activation du système immunitaire. Une compression biliaire par des nodules portaux peut s’accompagner d’une hépatopathie obstructive. Une cholestase initialement modérée peut évoluer vers une cholangite sclérosante, une fibrose sévère, une cirrhose biliaire et une défaillance hépatique. Il peut exister une hypoalbuminémie avec une ascite, un ictère et un allongement de l’INR. La présence d’une splénomégalie peut aggraver la sévérité d’une thrombocytopénie. Atteinte gastro-intestinale La fréquence de l’atteinte gastro-intestinale est souvent sous-estimée. Il peut exister des manifestations non spécifiques telles que des douleurs abdominales, des vomissements, des diarrhées, un ulcère duodénal ou une entéropathie exudative responsable d’une perte protidique. La malabsorption peut s’accompagner d’une cassure de la courbe de poids. Ces manifestations sont dues à une infiltration muqueuse massive et sont de mauvais pronostic. Les études radiologiques peuvent attester de dilatations et de sténoses intestinales. Les biopsies endoscopiques permettent de confirmer le diagnostic. Atteinte ganglionnaire Les ganglions cervicaux sont les plus souvent atteints. Ils sont parfois présents lors des atteintes isolées de la peau ou des os. Atteinte des glandes endocrines Le diabète insipide est la plus fréquente atteinte endocrinienne, par carence en hormone antidiurétique, post-hypophysaire. Ce peut être la première manifestation de l’HL. Elle est surtout observée chez les patients ayant une atteinte osseuse crânienne ou extensive. Le scanner et l’IRM avec injection de gadolinium peuvent mettre en évidence un épaississement de la région hypothalamopituitaire et des altérations osseuses. Le diabète insipide doit être évalué par la mesure des osmolarités sanguines et urinaires concomitantes sur la miction du matin à jeun, voire un test de restriction hydrique. Le pancréas, la thyroïde et les gonades peuvent être également envahis par la prolifération histiocytaire. Le thymus est souvent atteint et son élargissement peut être visible sur la radiographie thoracique. Le déficit en hormone de croissance dû à l’atteinte de la tige pituitaire antérieure est rare, mais souvent sous-estimé. Un retard de croissance est fréquent chez  HL histiocytose langerhansienne · IRM imagerie par résonance magnétique

Fig. 54.9 Dystrophies unguéales, purpura et pigmentation des tablettes unguéales, onycholyse et hyperkératose sous-unguéales au cours d’une histiocytose langerhansienne

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Fig. 54.8 Intertrigo érosif et purpurique, végétant et ulcéré des plis inguinaux et sous-ombilical au cours d’une histiocytose langerhansienne du nourrisson

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Fig. 54.10 Histiocytose auto-involutive d’Hashimoto-Pritzker : macules et papules violines du visage localisées avec prédilection sur le front et les régions périorbitaires, associée à une lésion sous-narinaire droite tumorale à centre nécrotique l’enfant atteint d’une HL et peut être secondaire aux traitements corticoïdes, à la chimiothérapie, aux problèmes de malabsorption et à l’altération de l’état général.

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Physiopathogénie Les lésions d’HL sont constituées par l’accumulation de cellules de Langerhans (CL) et également, en proportion variable, de polynucléaires éosinophiles, de lymphocytes, de macrophages et de cellules géantes multinucléées. Cette accumulation anormale de cellules essentiellement issues du système des phagocytes mononucléés conduit à la formation de granulomes riches en cellules de Langerhans, localisés dans des sites variés. Le polymorphisme de la maladie est grand, allant d’une lésion unique avec régression spontanée ou progressant vers une forme avec localisations multiples et risques de séquelle à long terme, jusqu’à des formes disséminées de progression rapide et mortelle. L’étiologie et les mécanismes physiopathologiques conduisant à de telles évolutions ou à la constitution de telles lésions sont actuellement inconnus. La présence de plusieurs cas familiaux d’une maladie rare est en faveur d’une composante génétique dans le développement de cette maladie ⁸. Nous disposons actuellement de très peu de données sur la génétique des HL et l’étude des gènes candidats au sein de ces familles reste à réaliser.

Fig. 54.12 Histiocytose auto-involutive d’Hashimoto-Pritzker : lésions papuleuses et vésiculeuses superficielles de type herpétiforme pouvant évoquer une infection virale

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Atteinte du système nerveux central L’atteinte cérébrale n’est pas fréquente au cours des HL. Les manifestations cliniques apparaissent progressivement et sont plus fréquentes chez les patients avec une atteinte du crâne ou avec un diabète insipide. Le plus souvent, la région hypothalamo-pituitaire est touchée, entraînant diverses endocrinopathies. L’atteinte hypothalamique peut conduire à un panhypopituitarisme antérieur sans diabète insipide. Dans ce cas, l’IRM permet de localiser la tumeur. Un retard mental progressif, une encéphalopathie, une paraplégie spastique, une tétraplégie, une ataxie, des signes de compressions pyramidales, des tremblements, une dysarthrie, une vision floue ou un déficit des nerfs crânien peuvent également survenir. Des manifestations aiguës, telles que des convulsions ou une hypertension intracrânienne sont rares. L’atteinte est précisée grâce à l’IRM, d’abord dans le cervelet puis dans la substance blanche paraventriculaire. Cette atteinte cérébrale peut répondre à la chimiothérapie.

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Fig. 54.11 Histiocytose auto-involutive d’Hashimoto-Pritzker : gros plan sur une lésion sous-narinaire droite tumorale à centre nécrotique

Fig. 54.13 Atteinte osseuse crânienne au cours d’une histiocytose langerhansienne En outre, l’HL a été rapportée comme étant une maladie clonale, au moins dans certaines formes cliniques ⁹. La clonalité des cellules de Langerhans reste très controversée.

 CL cellules de Langerhans · HL histiocytose langerhansienne · IRM imagerie par résonance magnétique

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Histiocytoses Les résultats sont très hétérogènes, varient selon les lésions, les patients et sont rarement obtenus à partir de cellules CD1a+ triées. Dans l’histiocytose pulmonaire de l’adulte, l’accumulation des cellules de Langerhans n’est pas d’origine clonale ¹⁰. Des translocations chromosomiques ont parfois été identifiées au sein des cellules issues de granulomes éosinophiles. L’étude de la perte d’hétérozygotie (LOH) a permis également d’identifier, chez des patients différents, plusieurs sites sensibles. On ne sait pas encore si les gènes impliqués dans les translocations et dans les LOH jouent une rôle dans le développement de l’HL et le rôle des cellules stromales dans la physiopathologie de l’HL reste à définir. Il a été suggéré que des facteurs génétiques prédisposent à l’accumulation pathologique des CL et qu’une infection soit capable de déclencher la maladie. Certaines formes néonatales évoquent fortement des infections virales généralisées ¹¹. Certaines affections virales, comme l’infection à EBV, peuvent révéler une HL en induisant un syndrome d’activation macrophagique ¹². Même si certains virus comme l’adénovirus, EBV, HHV-6, CMV et HHV-8 ont été détectés dans des biopsies de façon très variable, aucune donnée ne permet d’affirmer le rôle de ces infections virales dans le déclenchement et la pathogénie des HL. Les cellules de Langerhans des lésions d’HL pourraient provenir de précurseurs déjà différenciés (CD1a+/langerine+) de la peau ou des ganglions qui, en réponse à un signal encore inconnu, pourraient migrer vers le site des (futures) lésions. Cependant, les CL circulantes n’ont jamais été détectées dans le sang des patients atteints d’HL ¹³. Une autre possibilité serait la migration vers le site de la lésion d’un précurseur (progéniteur) de CL qui pourrait proliférer in situ, notamment en présence de GM-CSF, IL-4, TNF-α, TGF-β, avant de se différencier. Les précurseurs potentiels des CL regroupent les différentes populations de monocytes et de cellules dendritiques circulantes ¹⁴. Les cellules de Langerhans des lésions d’HL ont un phénotype reflétant une maturation incomplète. Elles se présentent comme des cellules dendritiques essentiellement immatures (expression de CD1a, langérine, CD68, CD40, intégrines leucocytaires, CCR6) avec cependant un certain degré de maturation (expression de fascin, sémaphorine-6A). Elles expriment aussi des marqueurs d’activation (CD80, CCR7). L’expression des molécules HLA de classe II restant intracellulaire est le plus souvent non détectée. On peut considérer que les CL des lésions sont « immatures » fonctionnellement et qu’elles ne peuvent stimuler une réponse effectrice contre la lésion. Leur activation en un stade semi-immature pourrait initier des réponses de tolérance, plutôt que des réponses effectrices. Cette maturation incomplète n’est pas irréversible car in vitro la présence de CD40-L ou d’IFN gamma peut induire une maturation, suggérant que l’environnement de la lésion empêche la maturation in vivo. Le micro-environnement des lésions de granulomes (et notamment des granulomes éosinophiles osseux), riche en cytokines immunomodulatrices (TGF-β, IL-10), peut contribuer à un blocage de la maturation des CL et à une immunosuppression locale. Récemment, il a été montré, dans les granulomes éosinophiles osseux, que

les lymphocytes CD4+ sont majoritaires et qu’environ 30 % des lymphocytes T CD4+ sont des lymphocytes T régulateurs CD25+/FoxP3+ (Tregs). Le stade semi-immature des CL induirait la différenciation des lymphocytes T CD4 naïfs en cellules T régulatrices, et la présence d’IL-2 dans les lésions contribuerait au maintien de ce phénotype. La présence de Tregs pourrait contribuer à la persistance des lésions en induisant une tolérance locale et en diminuant l’efficacité d’une réponse immune effectrice ¹⁵. Des progrès dans la compréhension des mécanismes pathogéniques sont nécessaires pour adapter nos thérapeutiques. La prise en compte des mécanismes éthiopathogéniques dans les protocoles thérapeutiques permettraient d’envisager une amélioration du pronostic des formes graves multiviscérales. Diagnostic Le diagnostic d’HL est suspecté cliniquement et confirmé par l’examen anatomopathologique ⁴,⁶. Cytologie L’HL est caractérisée par une prolifération de cellules de Langerhans dans les tissus atteints. En coloration par l’hématoxyline-éosine, ces cellules ont un grand cytoplasme, homogène, rose et de nombreuses vacuoles. Le noyau a un aspect réniforme, encoché et excentrique, avec une chromatine irrégulière et granuleuse. Les mitoses sont rares. Elles diffèrent peu des cellules de Langerhans normales. Elles sont parfois plus larges, plus arrondies, ont moins de dendrites et plus de vacuoles (fig. 54.14). Elles ont des noyaux plus circonvolutés et plus clairs et contiennent plus de granules de Birbeck en périphérie de leur cytoplasme. Ces cellules sont plus souvent en mitoses que les cellules de Langerhans normales. Ces modifications ultrastructurales ne sont pas spécifiques des HL et sont retrouvées dans les cellules de Langerhans d’autres infiltrats inflammatoires. Des polynucléaires, lymphocytes et mastocytes sont présents, associés à des lymphocytes et des polynucléaires éosinophiles. Les cellules histiocytaires peuvent former des granulomes avec une nécrose centrale. Parfois des macrophages et des cellules géantes multinuclées peuvent prédominer, en particulier dans les lésions osseuses et ganglionnaires. Les organes les plus souvent atteints sont la peau, les os, la moelle, les ganglions, la rate, le foie, et les poumons. Dans la peau, l’infiltrat de cellules anormales est lichénoïde, et limité au derme superficiel. Un épidermotropisme est parfois retrouvé. Immunohistochimie Les cellules des histiocytoses langerhansiennes expriment les antigènes présents sur les cellules de Langerhans normales : HLA-DR, DQ, CD1a, CD1b, CD1c, CD4, CD11a-LFA1, CD11b, CD24, CD32, CD68, ICAM3-CD50, CD58-LFA3, CD80-B7.1, récepteur du C3b, protéine S100, marqueurs de la lignée monocyte/macrophage (CD11c, KP1, Mac 387...), des lymphocytes (T3), des cellules natural killer (HNK1) et des prélymphocytes thymiques (OKT10). D’autres antigènes, tels que CD14, IL2 receptors et LN2-LN3, sont également exprimés. L’antigène CD1a est constamment exprimé dans les histiocytoses langerhansiennes. Cet antigène est mis en évidence par l’emploi d’anticorps monoclonaux, obtenus à partir de

 CL cellules de Langerhans · EBV Epstein-Barr virus · HHV human herpes virus · HL histiocytose langerhansienne · IFN interféron · IL interleukine

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Épiderme

Fig. 54.15 Granules de Birbeck : structures cytoplasmiques lamellaires avec une striation centrale (corps en bâtonnets), se terminant parfois par une dilatation vésiculaire (apparence d’une raquette de tennis)

Derme Fig. 54.14 Atteinte histologique cutanée au cours d’une histiocytose langerhansienne : prolifération dermique de cellules de Langerhans (coloration hématoxyline-éosine). Les cellules ont un grand cytoplasme, homogène, rose et de nombreuses vacuoles. Leur noyau a un aspect réniforme, encoché et excentrique, avec une chromatine irrégulière et granuleuse l’immunisation de souris par des thymocytes humains corticaux (OKT16) ou à partir de cellules prolifératives d’HL. Dans les prélèvements inclus dans la paraffine, l’antigène CD1a peut être identifié par des anticorps monoclonaux. L’antigène CD1a n’est présent que sur les cellules langerhansiennes, les thymocytes corticaux et au cours de certaines leucémies. La protéine S100 (antigène de surface f ) est également positive dans les tissus d’histiocytose inclus dans la paraffine. L’expression immunohistochimique de la neurospecific enolase a été retrouvée dans 80 % des cellules histiocytaires des HL et est absente dans les histiocytoses non langerhansiennes. L’antigène HLA-DR est plus souvent exprimé dans les cellules des HL que dans les cellules de Langerhans normales. Les tissus envahis produisent un activateur du plasminogène qui ffacilite probablement la diffusion cellulaire et les destructions tissulaires. L’IFN-γ est exprimé à la surface f des cellules au cours des proliférations histiocytaires mais pas sur les cellules de Langerhans normales. Les cellules des HL sont des cellules prolifératives marquées par l’antigène nucléaire Ki-67 et les marqueurs de prolifération Ki-S1 et PC10. Un anticorps monoclonal spécifique (O10) peut être utilisé en routine sur des échantillons inclus dans la paraffine. La langérine qui est spécifique pour les cellules de Langerhans est un récepteur endocytaire qui induit la fo f rmation des granules de Birbeck. Les granules de Birbeck sont des structures cytoplasmiques lamellaires a ec une striation centrale (corps en bâtonnets), se termiav nant parfo f is par une dilatation vésiculaire (apparence d’une raquette de tennis) (fig. 54.15). Les granules de Birbeck sont présents dans 20 à 80 % des cellules histiocytaires en cas  HL histiocytose langerhansienne · IFN interféron

d’atteinte cutanée et sont moins nombreux dans les localisations viscérales. Les granules de Birbeck peuvent être mis en évidence par des anticorps spécifiques tels que l’Ac anti-CD207 (concordance de 100 %). Ainsi, l’expression immunocytochimique des antigènes CD1a et CD207 par les cellules prolifératives histiocytaires est actuellement suffisante pour diagnostiquer une HL. Pronostic L’évolution de la maladie est très variable et imprévisible au moment du diagnostic. Elle est éminemment capricieuse, allant de la régression spontanée à une progression rapide pouvant parfo f is conduire au décès ¹⁶. La survenue de séquelles est une éventualité fréquente. Dans la série rétrospective française, la survie actuarielle à 4 ans est de 90 % (intervalle de confiance à 95 % : 86f teurs de pronostic ont été proposés, 94 %) ¹⁷. Différents fac permettant de laisser présager l’évolution de la maladie et d’adapter ainsi au mieux la prise en charge thérapeutique. Parmi ceux-ci, citons la classification de Lahey-Osband ¹⁸ : l’âge, le nombre de localisations initiales, le dysfonc f tionnement d’organes sont les trois éléments dont la valeur pronostique est retenue. Même si l’appréciation des fac f teurs pronostiques est hétérogène dans la littérature, il existe une concordance pour attribuer une valeur péjorative à ces paramètres. L’âge (surtout inférieur à 1 an) est de mauvais pronostic. Chez les jeunes enfan f ts de moins de deux ans av a ec un dysfonc f tionnement viscéral, le taux de mortalité peut atteindre 60 %. Le pronostic est d’autant plus sombre que la maladie est disséminée (nombre total d’organes atteints > 3) et qu’il existe un dysfonc f tionnement d’organes (notamment d’un des 3 organes vitaux que sont le foie, le poumon, la moelle osseuse). La réponse initiale à la chimiothérapie (après 3 mois, voire seulement après 6 semaines de traitement) est un élément pronostique essentiel, quelles que soient les substances utilisées ¹⁷. L’atteinte hypophysaire serait un fac f teur protecteur pour la survie. Récemment, un score clinique afin d’apprécier l’activité de la maladie a été développé sur des données rétrospectives ¹⁹. Ce score permet d’établir la sévérité ini-

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Histiocytoses tiale de la maladie, mais il est également prédictif d’une évolution péjorative en cas de stabilité ou d’augmentation (> 6) après 6 semaines de traitement. Ce score est en cours d’évaluation de façon prospective. La survenue de séquelles varie selon les séries entre 30 et 50 % des cas ²⁰,²¹. Ces séquelles peuvent survenir des mois, voire des années après l’atteinte initiale (par exemple les atteintes neurologiques), parfois sans lien avec l’apparente sévérité initiale de la maladie ¹⁷. Elles sont en rapport avec une évolution fibrotique des tissus atteints. Un suivi des patients sur le long terme et par une équipe multidisciplinaire est donc indispensable. Les séquelles orthopédiques sont les plus fréquentes (vertebra plana, déformations osseuses, scoliose, perte de dents...). Dans les formes multiviscérales, les séquelles endocriniennes sont également fréquentes. On peut observer l’apparition d’un diabète insipide, d’une insuffisance thyroïdienne, d’un déficit en hormone de croissance, qui nécessiteront un traitement substitutif. Dans les atteintes pulmonaires, les séquelles sont dominées par un syndrome restrictif, voire une fibrose pulmonaire avec insuffisance respiratoire chronique. Au niveau cérébral, on peut observer un syndrome ataxique, une détérioration intellectuelle, des séquelles psychomotrices, une hypoacousie... Le risque hépatique est dominé par la survenue d’une cholangite sclérosante pouvant évoluer vers la cirrhose biliaire secondaire ou l’insuffisance hépatocellulaire même si la maladie histiocytaire n’est plus évolutive. Actuellement, l’influence des traitements dans la survenue des séquelles tardives est peu connue. Il semble de plus que l’association histiocytose langerhansienne-prolifération maligne (lymphomes malins, leucémies aiguës, tumeurs solides) soit plus importante que ne le voudrait le hasard. Il n’y a pas pour l’instant d’hypothèses claires pour expliquer ce phénomène. Le rôle de facteurs génétiques, d’une anomalie de la cellule souche, d’éventuels traitements entrepris pour contrôler la pathologie initiale (complications tardives de la chimiothérapie et notamment de l’étoposide et de la radiothérapie) se discute ²². Traitement En l’absence de mécanismes physiopathologiques connus, les traitements sont empiriques et fondés ou sur un effet anti-inflammatoire, ou sur un effet cytostatique, ou sur les deux approches combinées. Le large spectre clinique de l’histiocytose langerhansienne (HL) a conduit à la description de plusieurs syndromes (granulome éosinophile, maladie de Hand-Schüller-Christian, syndrome de Letterer-Siwe, syndrome de Hashimoto-Pritzker...). La variété des présentations cliniques, la rareté des formes graves, le génie évolutif expliquent la multiplicité des approches thérapeutiques développées, ainsi que la difficulté de leur évaluation. Les patients dont la maladie est localisée (formes unifocales avec atteinte osseuse ou cutanée) ont un bon pronostic et ont besoin d’un traitement limité (chirurgie ou antiinflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens) ou d’aucun traitement. Les atteintes osseuses peuvent parfois justifier un curetage chirurgical ou l’injection locale de corticoïdes (notamment en cas de douleur) ²³. Le recours à la radiothé-

 HL histiocytose langerhansienne

rapie n’est retenu qu’exceptionnellement (risque de compression médullaire par exemple) en raison du risque de cancer secondaire. En cas de lésions extensives cutanées, on peut proposer un traitement local par corticoïdes ou par moutarde azotée type chlorméthine (méchlorétamine, caryolysine) ²⁴. La chimiothérapie locale se fait par application sur les lésions d’une solution aqueuse de caryolysine à 0,02 %. Les applications sont quotidiennes pendant environ 1 mois puis espacées en fonction des résultats obtenus. L’amélioration survient en une dizaine de jours et la guérison en deux à trois semaines s’accompagne parfois d’une hyperpigmentation favorisée par les expositions solaires. Un érythème ou une irritation cutanée peuvent survenir ainsi que de rares réactions d’hypersensibilité telles qu’une urticaire ou une dermite de contact. Les réactions de sensibilité imposent un arrêt de ce traitement. Le risque de carcinogenèse à long terme ne doit pas être négligé, notamment chez le jeune enfant. La PUVAthérapie a donné certains résultats mais est peu utilisée chez l’enfant. Elle peut avoir un intérêt chez l’adolescent et l’adulte jeune. À l’inverse, les atteintes multiviscérales (nombre d’organes > 2), fréquentes chez les enfants de moins de deux ans, ont un pronostic beaucoup plus réservé, et doivent bénéficier d’un traitement comportant l’association de corticoïdes et de médicaments cytostatiques. De nombreuses substances ont été utilisées avec des résultats variables : vinblastine, vincristine, méthotrexate, chloraminophène, cyclophosphamide, étoposide... Le pronostic vital de ces patients est en jeu avec une survie à 4 ans de 60 à 80 % ¹⁷,²⁵. Le choix du traitement de première ligne est une question non résolue. Une approche agressive telle celle du protocole DAL HX 83 comportant une association de 4 substances (stéroïdes, vinblastine, VP16, 6 mercapto purine) s’oppose ainsi à une approche plus conservatrice associant uniquement les stéroïdes et la vinblastine. Les doses et les durées de traitement sont très variables. La vinblastine est la molécule de référence dans les principaux protocoles thérapeutiques. La dose actuellement préconisée de vinblastine est de 6 mg/m2 /semaine en IVD en traitement d’induction. L’étoposide et le méthotrexate n’ont pas montré d’intérêt supplémentaire en termes d’obtention d’une réponse thérapeutique ou de survie. L’étoposide est en outre potentiellement leucémogène ²⁶ et doit donc être utilisé avec précaution dans le traitement d’induction des malades. Le protocole de traitement de référence actuel de première ligne est le protocole LCHIII (étude internationale multicentrique) de l’Histiocyte Society. Ce protocole définit trois sous-groupes différents : − groupe A de « haut risque » avec atteinte multisystémique avec une ou plusieurs atteintes d’un organe à risque (atteinte hématopoïétique, foie, rate ou poumons) ; − groupe B de « bas risque » avec atteinte multisystémique, mais sans atteinte d’organe à risque ; − groupe C avec atteinte osseuse multifocale et localisations particulières (atteinte du SNC, localisation vertébrale ou autre localisation menaçant le pronostic fonctionnel).

Histiocytoses non malignes et non langerhansiennes (classe II) 54-11 D’autres approches sont possibles chez les patients résistant au traitement par voie générale de première ligne. Il s’agit pour la plupart d’approches expérimentales en cours d’évaluation comme l’immunomodulation par l’interféron α, par la ciclosporine A, par la thalidomide ²⁷-²⁹, ou les anticorps anti-CD1a. Citons également la 2-désoxycoformycine et l’acide tout transrétinoïque (ATRA) susceptible d’induire l’apoptose des cellules histiocytaires. Précisons également la place de la greffe de cellules souches hématopoïétiques, à réserver aux formes graves multiviscérales résistantes aux chimiothérapie de rattrapage ³⁰. Le 2-Cda (2 chlorodeoxyadenosine, cladribine) a été proposé dans le traitement des HL réfractaires ou en rechute de l’enfant et de l’adulte ³¹. Des donnés très récentes suggèrent que la combinaison 2-Cda et aracytine puisse avoir un intérêt majeur dans le traitement des HL de haut risque évolutif ³². En raison du faible nombre de patients, toutes ces approches thérapeutiques nécessitent une prise en charge homogène, multicentrique et internationale dans le cadre de protocoles thérapeutiques ou d’essais thérapeutiques bien codifiés.

Histiocytoses non malignes et non langerhansiennes (classe II) Les histiocytoses de classe II constituent un groupe hétérogène d’affections caractérisées par une infiltration tissulaire bénigne et réactive d’histiocytes de la lignée des dendrocytes dermiques ou de la lignée des monocytes/macrophages. La classification proposée par Chu, adaptée à partir de celle de l’Histiocyte Society, sépare les histiocytoses du groupe IIa, constituées par les proliférations de cellules de phénotype dendrocytique dermique (positive pour CD68, le facteur XIIIa et la fascine), de celles du sous-groupe IIb secondaires à la prolifération de cellules non langerhansiennes et de phénotype non dendrocytique ⁴. Histologiquement, la plupart des histiocytoses de type IIa correspondent à une réaction xanthogranulomateuse comme au cours du xanthogranulome juvénile (XGJ), de l’histiocytose céphalique bénigne (HCB), de l’histiocytose éruptive généralisée (HEG), du xanthoma disseminatum et du xanthogranulome nécrobiotique. La similarité histologique et la possibilité de formes de passage entre ces différentes entités suggèrent qu’elles constituent les variantes cliniques d’une réaction xanthogranulomateuse dont la forme typique est le xanthogranulome juvénile. Les histiocytoses de classe IIb constituent un groupe hétérogène d’affections réactives ayant en commun la prolifération tissulaire de cellules histiocytaires non langerhansiennes, non dendrocytiques dermiques. Sous un angle dermatologique, il est utile d’adopter une classification pragmatique subdivisant ces affections en formes principalement cutanéo-muqueuses, habituellement régressives et de bon pronostic, et en formes systémiques essentiellement prises en charge par les pédiatres et les hémato-oncologues, de pronostic incertain et potentiellement sévère.  HL histiocytose langerhansienne

Histiocytoses de classe II cutanées et muqueuses Elles sont bénignes et régressent souvent spontanément. Leur physiopathogénie est inconnue et leur classification pragmatique reste fondée sur une description clinique et histologique. Xanthogranulome juvénile Le xanthogranulome juvénile (XGJ) atteint le plus souvent le nourrisson, mais peut être présent à la naissance ³³. Le nombre et la taille des lésions augmentent pendant les premiers 18 mois de vie. Il s’agit de papules ou de nodules lisses, fermes, en forme de dôme. Initialement rouges, elles vont acquérir progressivement une coloration typique, jaune orangé (fig. 54.16). Elles peuvent être isolées ou multiples, congénitales (20 %) ou acquises. Leur taille varie de quelques millimètres à plusieurs centimètres. De début souvent brutal, le XGJ a une évolution chronique, parfois anétodermique, souvent de plusieurs années. Il est localisé sur la tête et le cou, plus rarement sur le tronc et les membres. Deux variétés sont distinguées : multiple à petits nodules (60 %) (fig. 54.17) et unique ou à quelques lésions nodulaires, parfois volumineuses, voire tumorales (40 %) (fig. 54.18). Des formes mixtes et des xanthogranulomes en « plaque » ont été décrits. L’atteinte des muqueuses est rare, d’apparition plus tardive, après l’âge de 3 ans. Des variantes cliniques rares sont possibles : hyperkératosique, ulcérée, pédonculée, lichénoïde, cutanée profonde ou géante. Une topographie insolite labiale, palmo-plantaire, génitale externe est également possible. Parmi les localisations extracutanées, l’œil est l’organe le plus fréquemment touché : glaucome unilatéral, hyphème (présence de sang dans la chambre antérieure de l’œil), uvéite, hétérochromie irienne, exophtalmie. D’autres atteintes viscérales, parfois isolées, sont recensées : pulmonaire, hépatique, péricardique, gonadique, du système nerveux central et du larynx. L’examen anatomopathologique met en évidence une prolifération cellulaire bien limitée et non encapsulée du derme papillaire et réticulaire, s’étendant dans un tiers des cas dans le tissu graisseux, le fascia ou le muscle superficiel. L’aspect histologique est variable selon le stade évolutif. Dans les lésions précoces, les cellules histiocytaires prédominent. Ces cellules expriment Ki-M1P (marqueur pan-macrophagique), KP1/CD68, le facteur XIIIa et la vimentine et l’anticathepsine B. En revanche, l’immunomarquage pour le CD1a, la protéine S-100 et Mac-387 est négatif et les granules de Birbeck sont absents en microscopie électronique. D’autres cellules inflammatoires (lymphocytes, éosinophiles, plasmocytes et neutrophiles) peuvent également être présentes. Dans les lésions développées, les histiocytes ont un cytoplasme spumeux et sont associées à des cellules géantes multinucléées de Touton (fig. 54.19). Les polynucléaires éosinophiles et neutrophiles sont disséminés au sein de cet infiltrat. Dans les lésions anciennes, des fibroblastes sont présents au sein des aires de fibrose. L’évolution est bénigne avec une guérison souvent spontanée, en 3 à 6 ans, parfois au prix d’une petite cicatrice. La coexistence de xanthogranulomes et de taches café-au-lait dans le cadre d’une neurofibromatose de type 1 peut faire craindre un risque plus élevé de leucémie myélomonocytaire et en assombrit le pro-

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Histiocytoses

Fig. 54.17

Xanthogranulomes multiples à petits nodules du dos

Fig. 54.18 Xanthogranulome unique tumoral : volumineux nodule de couleur orangée à surface lisse et télangiectasique cutanées sont composées de macules et de papules de coloration jaune brun mesurant de 2 à 4 mm et en nombre variable (5 à 100). Elles débutent constamment sur l’extrémité céphalique touchant par ordre décroissant les joues, les paupières, le front et les oreilles (fig. 54.20) et s’étendant parfois sur la nuque et les épaules, plus rarement sur les extrémités, les fesses et le pubis. Les extrémités palmoplantaires et les muqueuses sont constamment épargnées et aucune atteinte viscérale n’a été décrite. Les lésions s’affaissent progressivement, en moyenne à partir de l’âge de 2 ans, pour régresser en quelques années (en moyenne 4 ans) en laissant place à des macules pigmentées atrophiques. Les études histologiques mettent en évidence un infiltrat histiocytaire du derme supérieur et moyen parfois associé à un infiltrat mixte lymphocytaire et éosinophilique. Les immunomarquages des histiocytes sont négatifs pour la protéine S-100 et le CD1a, et positifs pour le facteur

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

nostic. Les atteintes oculaires nécessitent un diagnostic précoce et souvent un traitement chirurgical. Les atteintes systémiques ne sont traitées qu’en cas de risque vital : corticoïdes, chimiothérapie, ciclosporine, radiothérapie ont été tentés. Histiocytose céphalique bénigne L’histiocytose céphalique bénigne (HCB) a été décrite par Gianotti, Caputo et Ermacora en 1971. En 2008, moins d’une cinquantaine d’observations étaient rapportées ³⁴. Les lésions cutanées surviennent en moyenne à l’âge de 15 mois (extrêmes 2 à 66 mois) et, dans près de la moitié des cas, avant l’âge de 6 mois. Il n’existe pas de prédominance de sexe. Les lésions

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Fig. 54.16 Xanthogranulome juvénile : nodule en dôme à surface «peau d’orange » et de coloration typique jaune orangé

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Fig. 54.19 Atteinte histologique cutanée au cours d’un xanthogranulome juvénile : histiocytes à cytoplasme spumeux associés à des cellules géantes multinucléées de Touton

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Histiocytoses non malignes et non langerhansiennes (classe II) 54-13

Fig. 54.21 Histiocytome éruptif généralisé : multiples papules de petite taille, lisses, jaunes ou rose brunâtre du tronc de nodules jaunes ou rouge brun, de 2 à 15 mm de diamètre, non coalescents (à la différence du xanthoma disseminatum) et de distribution diffuse avec une prédominance pour l’extrémité céphalique et le dos, et une possible atteinte des muqueuses. Les observations pédiatriques sont particulières par l’absence constante d’atteinte muqueuse

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XIIIa, OKM1 et Leu-3. L’étude en microscopie électronique atteste la présence d’inclusions histiocytaires en forme de « S », de corps en « vers de terre » et d’aspects ressemblant aux jonctions desmosomiales. En revanche, les granules de Birbeck sont absents et il n’existe pas de gouttelettes lipidiques. Les principaux diagnostics différentiels se posent avec la forme micronodulaire du xanthogranulome juvénile (XGJ) où il existe des cellules spumeuses et des cellules géantes mutinuclées de Touton et l’histiocytome éruptif généralisé. De récentes descriptions de forme de chevauchement ou de passage HCB-XGJ et HCB-HEG laissent supposer que l’HCB pourrait constituer une forme abortive de XGJ ou que ces différentes entités constituent les expressions morphologiques d’une même affection. Les autres diagnostics différentiels de l’HCB comprennent les nævus de Spitz multiples, la sarcoïdose micronodulaire et les verrues planes du visage. Cette affection asymptomatique et spontanément régressive ne justifie aucun traitement. Histiocytome éruptif généralisé L’histiocytome éruptif généralisé est une histiocytose spontanément régressive classiquement observée chez l’adulte ³⁵. Les lésions cutanées sont formées de nombreux nodules ou papules (50 à 1 000) non prurigineux, de petite taille, lisses, jaunes ou rose brunâtre, qui apparaissent par poussées successives, principalement sur le tronc, le visage, et la racine des membres (fig. 54.21 et 54.22). Une atteinte muqueuse est possible. Il n’y a pas d’atteinte viscérale associée. Cette affection régresse spontanément en quelques années en laissant parfois des macules pigmentées séquellaires. L’histologie ressemble à celle de l’histiocytose céphalique bénigne. En microscopie électronique des lames denses, des corps vermicellés et des inclusions pléomorphes ont été décrits. Xanthomes papuleux Les xanthomes papuleux constituent une entité très rare décrite par Winkelmann en 1980, prédominant chez l’adulte de sexe masculin ³⁶. Les lésions cutanées [3] sont asymptomatiques, formées de papules et

Coll. Pr F. Cambazard, Saint-Étienne

Fig. 54.20 Histiocytose céphalique bénigne : macules et papules de coloration jaune brun touchant les joues, les paupières et le front

Fig. 54.22 Histiocytome éruptif généralisé : multiples papules et nodules lisses, jaunes ou rose brunâtre du pli axillaire

Histiocytoses

Fig. 54.23 Xanthoma disseminatum : lésions papuleuses et nodulaires jaune rosé ou brun chamois, non prurigineuses, abondantes, confluentes en nappes du tronc et le caractère spontanément régressif en 1 à 5 ans des lésions laissant place à des cicatrices anétodermiques. Aucune anomalie viscérale ou trouble du métabolisme lipidique n’est présent. L’aspect histologique est proche du xanthogranulome juvénile mature : infiltrat histiocytaire du derme superficiel et moyen composé d’histiocytes spumeux et de cellules géantes. Les cellules histiocytaires sont marquées par le CD68 et le facteur XIIIa tandis que les immunomarquages S-100 et CD1a sont négatifs. Aucun traitement n’est nécessaire en cas d’atteinte pédiatrique. L’observation d’une forme adulte de XP traitée avec succès par doxycycline a été rapportée. Xanthomatose disséminée (xanthoma disseminatum) La xanthomatose disséminée ou syndrome de Montgomery est une affection rare qui touche électivement l’adulte jeune surtout masculin ³⁷. Les lésions cutanées sont en général papuleuses et nodulaires jaune rosé puis brun chamois, non prurigineuses, souvent abondantes, plus ou moins confluentes en nappes, parfois verruqueuses. Les localisations de prédilection sont les plis notamment axillaires, mais également la région cervico-faciale et le  XP xeroderma pigmentosum

tronc (fig. 54.23). Une atteinte buccale (lèvres) est fréquente, mais aussi oculaire, laryngée, œsophagienne et trachéobronchique (responsable parfois de détresse respiratoire). Les lésions osseuses très rares, en général silencieuses, touchent les os longs, sont lytiques et parfois fracturaires, ou rarement condensantes. L’aspect histopathologique est celui d’un xanthome classique. En microscopie électronique, il est noté l’absence de granule de Birbeck, permettant d’éliminer une histiocytose langerhansienne. Le diabète insipide est classiquement retrouvé dans la moitié des cas, apparaissant le plus souvent secondairement aux xanthomes. Son origine est controversée : localisation xanthomateuse post-hypophysaire soulevant le problème de frontières nosologiques avec l’histiocytose langerhansienne de type Hand-Schuller-Christian d’autant qu’il existe aussi parfois des lésions osseuses. Une gammapathie monoclonale peut être présente. L’évolution est chronique, en général bénigne, excepté les complications respiratoires et visuelles avec une stabilisation, voire une régression des xanthomes. Le traitement, en dehors de celui du diabète insipide, est symptomatique par cryothérapie, radiothérapie, chimiothérapie ou laser et décevant. Xanthomatose plane diffuse La xanthomatose plane diffuse normolipidémique est une entité rare, touchant les deux sexes, l’adulte essentiellement au-delà de 50 ans ³⁸. Les xanthomes plans de topographie symétrique apparaissent progressivement en plusieurs années, débutant souvent au visage par un xanthelasma palpébral avec extension au scalp, aux faces latérales du cou, aux creux susclaviculaires, mais aussi aux plis des membres et mammaires (fig. 54.24) pouvant évoquer un pseudoxanthome élastique. L’atteinte muqueuse est très rare. Des variantes cliniques peuvent être rencontrées : formes maculeuses et nodulaires polymorphes, urticariforme. Si un phénomène de Koebner sur les cicatrices est parfois présent, un phénomène inverse de type Sutton est observé autour des mamelons. L’examen histologique montre un aspect de xanthome dermique pur peu inflammatoire. La microscopie électronique, non spécifique, montre l’absence de granules

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Fig. 54.24

Xanthomatose plane du tronc et du cou

Fig. 54.25 Xanthogranulome nécrobiotique des paupières : macules et papules jaune rouge de topographie périorbitaire bilatérale et symétrique

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de Birbeck. L’existence d’une localisation extracutanée est exceptionnelle. L’exploration lipidique est en principe normale, mais des perturbations ont été signalées, souvent mineures et non spécifiques chez des sujets souvent âgés. Une dysglobulinémie est retrouvée dans la majorité des cas, témoignant dans près de la moitié des cas d’une hémopathie sous-jacente (myélome, leucémie lymphoïde ou myéloïde). D’autres pathologies peuvent être associées (leucémies, lymphomes, tumeur de Castelman, infection par le VIH). L’évolution des xanthomes est chronique, irréversible, sauf cas exceptionnels devenant anétodermiques. Le traitement repose sur celui de la dysprotéinémie et/ou de l’hémopathie éventuellement associée. Xanthogranulome nécrobiotique Le xanthogranulome nécrobiotique est une affection rare associant des lésions cutanées progressivement destructrices, une paraprotéinémie et de multiples manifestations extracutanées ³⁹. Elle débute au cours de la sixième décennie sans prédilection de sexe. Les lésions initiales sont constituées par des macules ou des papules jaune rouge presque constamment de topographie périorbitaire bilatérale et symétrique (fig. 54.25). Des douleurs orbitaires ou des troubles visuels peuvent témoigner de diverses complications ophtalmologiques : conjonctivite, sclérite, épisclérite, kératite, diplopie, blépharoptose ou œdème périorbitaire témoignant d’une infiltration xanthomateuse des tissus. Les lésions cutanées s’élargissent progressivement et confluent en plaques indurées. Elles peuvent s’ulcérer (moins d’1 cas sur 2) et se recouvrir de télangiectasies. D’autres lésions, souvent multiples et symé-

triques, peuvent atteindre le tronc et les extrémités (fig. 54.26 et 54.27). Une atteinte muqueuse orale érosive est parfois présente. Les localisations extracutanées doivent être recherchées, notamment au niveau osseux, cardiopulmonaire et intra-abdominal. Une hépatosplénomégalie est présente dans 20 % des cas. Une dysprotéinémie monoclonale est associée dans 80 à 90 % des cas de xanthogranulome nécrobiotique, généralement de type IgG kappa (60 %) ou IgG lambda (un quart des cas). Les autres anomalies biologiques classiquement observées sont une anémie, une leucopénie, une élévation de la vitesse de sédimentation, une hypocomplémentémie et une hyperlipémie. Le développement d’un authentique myélome est noté dans approximativement 10 % des cas. D’autres hémopathies peuvent être mises en évidence : maladie de Hodgkin, lymphomes malins non hodgkiniens, leucémie lymphoïde chronique, syndromes myélodysplasiques, amylose, macroglobulinémie et cryoglobulinémie. L’aspect histopathologique est évocateur parfois seulement après deux ou trois biopsies : infiltrat histiocytaire épithélioïde dermique profond, voire hypodermique avec cellules géantes multinucléées souvent de type Touton associé parfois à des phénomènes de nécrobiose hyaline avec des fibres de collagène dégénérées et des fentes contenant des cristaux de cholestérol (fig. 54.28). Le marquage des cellules histiocytaires est positif pour le lysosyme, CD68, Mac387 et CD11b. L’évolution est chronique, marquée par une destruction cutanée par les plaques infiltrées notamment périorbitaires. Le pronostic est lié au développement d’un éventuel myélome. Les traitements sont décevants tant médicaux que chirurgicaux, n’apportant souvent que des rémissions. Au plan médical, le chlorambucil et le melphalan semblent les plus efficaces. Histiocytose à cellule indéterminée Autonomisée en 1985 par Wood et al., cette affection rare (une quarantaine de cas rapportée en 2008) touche surtout les adultes (deux tiers des cas), sans prédilection de sexe ou d’âge ³⁵. Cliniquement les lésions se caractérisent soit par un nodule solitaire rouge, asymptomatique d’un diamètre d’environ 1 cm, soit par de multiples petites lésions papulo-nodulaires de taille variable (quelques millimètres à 1 cm), de couleur rouge

Fig. 54.26 thorax

Xanthogranulome nécrobiotique de la face antérieure du

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Histiocytoses non malignes et non langerhansiennes (classe II) 54-15

Fig. 54.27 Xanthogranulome nécrobiotique de la face antérieure du thorax : gros plan de la fig. 54.26

Histiocytoses

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

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Fig. 54.28 Histologie du xanthogranulome nécrobiotique : infiltrat histiocytaire épithélioïde dermique profond avec cellules géantes multinucléées de type Touton associé à des fibres de collagène dégénérées et à des fentes contenant des cristaux de cholestérol sombre à marron. Les muqueuses sont toujours épargnées et il n’existe pas classiquement d’atteinte viscérale associée. Cependant, la possibilité d’une évolutivité hématologique, en particulier vers une leucémie, a été récemment décrite. Sur le plan histologique, cette affection est marquée par un infiltrat d’histiocytes de l’ensemble du derme et intéressant parfois l’épiderme. Sur le plan immunohistochimique, il existe un marquage positif des histiocytes par CD68, S-100 et CD1a tandis que le marquage par le facteur XIIIa est négatif. En microscopie électronique, les granules de Birbeck sont absents. Le traitement n’est pas codifié. En cas de lésion unique, l’abstention ou l’excision sont préconisées. En cas de lésions multiples et affichantes et malgré l’absence d’atteinte viscérale un traitement cytostatique (vinblastine, 2-chlorodeoxyadénosine, cyclophosphamide) peut être proposé. Histiocytose nodulaire progressive Cette affection exceptionnelle est cliniquement caractérisée par le développement progressif d’une centaine de lésions composées de papules superficielles et de nodules profonds ³⁵. Les papules jaune brun ou jaune rosé sont de taille variable (2 à 10 mm), de distribution irrégulière et épargnent les plis. Une atteinte muqueuse orale, laryngée et conjonctivale peut être associée. Les nodules profonds sont de couleur rouge brun, surmontés en surface de télangiectasies, d’une taille variable de 1 à 5 cm et touchent électivement le tronc. Le caractère confluent des lésions sur le visage peut conférer un aspect léonin. L’examen histologique met en évidence un infiltrat histiocytaire dermique associé en nombre variable à des cellules multinucléées de type Touton et des cellules géantes. La présence de plasmocytes et de lymphocytes au sein de l’infiltrat histiocytaire est parfois observé. Sur le plan immunohistochimique, le marquage des histiocytes est positif pour CD68, inconstamment positif pour le facteur XIIIa et négatif pour CD1a et S-100. En microscopie électronique, les granules de Birbeck sont absents. Malgré l’absence de régression spontanée, le pronostic est

favorable en l’absence habituelle d’atteinte systémique. Les traitements par corticostéroïdes (voie intralésionnelle ou systémique) ou par le cyclophosphamide sont inefficaces. L’exérèse chirurgicale ou le laser CO2 peuvent être proposés en cas de lésions affichantes. Histiocytose mucineuse progressive héréditaire Cette affection héréditaire exceptionnelle, de transmission autosomique dominante, est presque exclusivement observée chez la femme ³⁵. Les lésions cutanées débutent au cours de l’enfance. Il s’agit de papules ou de nodules en dôme, de couleur rouge brun, localisés avec prédilection sur le visage, les mains, les avant-bras et les jambes. La distribution des lésions est symétrique sans ulcération ou caractère confluent. Les muqueuses sont constamment épargnées et il n’existe pas d’atteinte viscérale associée. Sur le plan histologique, il existe un infiltrat dermique d’histiocytes dendritiques sans atteinte de l’épiderme ou d’infiltrat inflammatoire associé. Des dépôts plus ou moins abondants de mucine dermique sont mis en évidence par la coloration au bleu de toluidine. Les immunomarquages des histiocytes par CD1a et S-100 sont négatifs. Sur le plan ultrastructural, les histiocytes ont un cytoplasme rempli de vacuoles lysosomales dilatées. Malgré l’absence de régression spontanée, le pronostic est bon, justifiant le plus souvent une abstention thérapeutique. Malakoplakie cutanée La malakoplakie est une affection granulomateuse acquise et bénigne, d’évolution chronique en réponse à une infection ⁴⁰. Le tractus génito-urinaire est touché avec prédilection, rendant compte de 60 à 70 % des cas rapportés avec une atteinte de la vessie dans près de 40 % des cas. La forme cutanée primaire a été rapportée dans une cinquantaine de cas. Elle affecte surtout les hommes (70 %) adultes (âge moyen de 53 ans) et survient majoritairement dans un contexte d’immunodépression acquise chronique (post-transplantation, SIDA, néoplasie, diabète, maladies auto-immunes, hépatite virale chronique C). La localisation cutanée la plus fréquemment touchée (40 %) est le périné (région périanale, vulve, plis inguinaux, scrotum), suivie de la face antérieure du tronc (20 %), l’extrémité céphalique (20 %) et les aisselles (10 %). Les lésions peuvent être multiples (10 %). Les lésions cutanées sont cliniquement peu spécifiques et ne permettent pas de porter un diagnostic de certitude. Il s’agit le plus souvent de nodules ou de masses tumorales, abcédées ou ulcérées, parfois d’ulcères ou d’abcès avec ou sans fistule. Le diagnostic positif est histologique marqué par un infiltrat dermique de larges macrophages associé à des degrés variables à un infiltrat inflammatoire constitué de lymphocytes, plasmocytes et polynucléaires neutrophiles. La mise en évidence des corps de Michaelis-Gutmann, inclusions basophiles correspondant à des fragments de bactéries calcifiés intramacrophagiques (coloration hématoxylin-éosine ou von-Kossa), est caractéristique. La physiopathologie de cette affection reste incertaine, elle est probablement liée à une réaction tissulaire inadaptée à un processus infectieux et plus particulièrement une anomalie de la bactéricidie. Le germe le plus souvent incriminé est Escherichia coli. D’autres bactéries comme Pseudomonas aeruginosa, Proteus,

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Histiocytoses non malignes et non langerhansiennes (classe II) 54-17

Fig. 54.30 Hamartome dendrocytique dermique : nodule rouge sur une base érythémateuse télangiectasique et atrophique de l’avant-bras

Fig. 54.29 Hamartome dendrocytique dermique en médaillon sous-claviculaire gauche (flèches blanches). L’érythème adjacent est lié à l’application locale de lidocaïne avant biopsie Klebsiella, Staphylococcus ou Mycobacterium sont mises en cause. Le traitement est fondé sur l’exérèse chirurgicale de la lésion associé à une antibiothérapie, si possible dirigée et prolongée. L’efficacité des fluoroquinolones ou du sulfaméthoxazole-triméthoprime est habituelle. L’arrêt ou la correction de l’immunodépression peut également être efficace. Des cas de régression spontanée ont été rapportés chez l’immunocompétent. Hamartome dendrocytique dermique Cette affection congénitale est exceptionnelle (une dizaine d’observations en 2008). Deux formes cliniques atrophique ou nodulaire sont décrites ⁴¹,⁴². La forme atrophique et en médaillon autonomisée par Ruiz-Maldonado est constituée d’une macule érythémateuse unique, ronde et de quelques centimètres de diamètre localisée sur le thorax (fig. 54.29). La variante nodulaire est peu spécifique (fig. 54.30). Le diagnostic est histologique marqué par une infiltration de cellules histiocytaires fusiformes ou ovoïdes, prédominant dans le derme réticulaire mais pouvant s’étendre au tissu cutané profond, associé à un nombre variable de mastocytes et une fragmentation des fibres élastiques. Les cellules fusiformes sont marquées par le CD34, le facteur XIIIa. Le diagnostic différentiel se pose avec le dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand, en particulier dans sa forme congénitale ou néonatale atrophique. La recherche moléculaire de la translocation t(17;22)(q22;q13) est négative au cours de  IL interleukine

Histiocytoses systémiques de classe II Syndromes hémophagocytaires (SH) Les SH sont liés à une exacerbation des fonctions normales du système histiocytaire avec hémophagocytose médullaire, s’accompagnant ou non d’un déficit immunitaire ⁴³. L’hémophagocytose désigne une activité de phagocytose dirigée contre les hématies, les leucocytes et les plaquettes (fig. 54.31) et est liée à l’activation inappropriée des histiocytes secondaire à une dysrégulation des cellules NK et des lymphocytes T. Elle conduit à la sécrétion excessive de cytokines inflammatoires comme les interleukines IL-1, l’IL-6 et le TNF-α expliquant la plupart des signes cliniques (fièvre, anorexie, cachexie) et des modifications biologiques (hypertriglycéridémie, coagulopathie). Les SH peuvent être d’origine génétique ou acquise. Les formes génétiques sont schématiquement subdivisées en deux sous-groupes : la lymphohistiocytose hémopha-

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l’hamartome dendrocytique dermique. Aucun traitement particulier n’est nécessaire.

Fig. 54.31 Phénomène d’hémophagocytose (frottis médullaire) : macrophage activé ayant phagocyté des plaquettes (P) et des érythrocytes (E)

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Histiocytoses gocytaire familiale (LHF) où le SH constitue la seule manifestation clinique et les déficits immunitaires primitifs associés au SH comme le syndrome de Chediak-Higashi, le syndrome de Griscelli et le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X. La LHF est une affection rare (1,2 cas par million d’enfants et par an), de transmission autosomique récessive rapidement mortelle. Les manifestations cliniques sont précoces durant les deux premières années de la vie (70 à 80 % avant 1 an), parfois plus tardive, au cours de l’enfance et de l’adolescence. Quatre formes de LHF sont identifiées. La LHF-1 est associée au locus 9q21.3-22. La LHF-2 est liée à la mutation du gène PFR1 codant pour la perforine, inducteur d’apoptose. Les LHF-3 et LHF-4 sont respectivement liés à des mutations des gènes UNC13D et STX11 impliqués dans le trafic vésiculaire et la fusion membranaire. Les formes acquises touchent préférentiellement l’adulte et sont réactionnelles et/ou secondaires à une pathologie sousjacente. Un état d’immunosuppression est associé dans plus d’un cas sur deux. Les facteurs étiologiques sont dominés par les infections virales, principalement le virus Epstein-Barr en l’absence d’immunodépression ou le cytomégalovirus chez les patients immunodéprimés. D’autres facteurs étiologiques de fréquence moindre sont notés : infections sévères (virales, bactériennes, parasitaires et fongiques), maladies inflammatoires (arthrite chronique juvénile, maladie de Still de l’adulte, lupus érythémateux systémique), médicaments (syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse, syndrome DRESS) ou affections néoplasiques préexistantes, présentes dans plus d’un cas sur trois (lymphomes malins non hodgkiniens, leucémie lymphoblastique aiguë, maladie de Hodgkin, leucémie aiguë non lymphoblastique). Les manifestations cliniques des SH sont peu spécifiques et difficiles à distinguer de la pathologie causale sous-jacente : fièvre constante et élevée, avec frissons et sueurs, aggravée par une cachexie d’évolution rapide avec asthénie, anorexie et amaigrissement. D’autres signes fonctionnels peuvent être notés : troubles de conscience, arthralgies, myalgies et dyspnée. Les signes physiques associent une splénomégalie (60 %), une hépatomégalie (60 %) et des polyadénopathies (40 %). Les manifestations biologiques des SH acquis sont marquées par une pancytopénie (75 % des cas) avec une fréquence variable de l’atteinte de chacune des lignées : anémie normochrome, normocytaire (plus de 90 % des cas), thrombopénie (80 % des cas), leucopénie (75 % des cas) avec neutropénie profonde et/ou lymphopénie. D’autres manifestations biologiques sont évocatrices : hypertriglycéridémie sans hypercholestérolémie (60 % des cas), hyperferritinémie, cytolyse hépatique et/ou cholestase (près de 80 % des cas), insuffisance rénale fonctionnelle, augmentation des lacticodéshydrogénases. Des troubles de la coagulation (allongement du temps de céphaline activée, hypofibrinogénémie) sont présents dans plus de la moitié des cas et parfois responsables d’une coagulation intravasculaire disséminée de pronostic défavorable. Des critères diagnostiques des SH ont été révisés en 2006 (encadré encadré 54.C). Les manifestations cutanées des SH sont rapportées dans

15 % des cas et sont le plus souvent non spécifiques. Leur fréquence ne semble pas varier en fonction de l’étiologie sous-jacente : éruptions érythémateuses, purpuriques, érosions muqueuses, œdème facial, ecchymoses et hypodermite non spécifique. La panniculite histiocytaire cytophagique (PHC) décrite en 1980 par Winkelmann et Bowie constitue une manifestation cutanée spécifique des SHA traduisant le syndrome d’hémophagocytose au niveau du tissu cutané profond ³²,³³. Elle complique les SHA dans 10 à 50 % des cas. Elle atteint électivement l’adulte entre 30 et 60 ans. Elle survient dans un contexte fébrile et se caractérise par des nodules hypodermiques subaigus, inflammatoires, de couleur variable (peau normale à violet foncé), confluant parfois en placards infiltrés et ecchymotiques. La taille des lésions varie de un à plusieurs centimètres. Des formes verruqueuses et bulleuses ont également été décrites. La topographie des nodules est ubiquitaire (membres, tronc, visage, cou, muqueuse orale) et les lésions sont le plus souvent multiples. Les lésions histologiques de la PHC sont caractéristiques comprenant un infiltrat histiocytaire dense du tissu adipeux, segmentaire et lobulaire, composé d’histiocytes bénins (sans atypie nucléocytoplasmique), mais avec présence constante de cytophagie. Une nécrose adipocytaire et un contingent lymphocytaire plus ou moins dense accompagnent l’infiltrat histiocytaire. Les immunomarquages attestent du caractère histiocytaire de l’infiltrat CD68+. Le diagnostic différentiel principal se pose avec le lymphome sous-cutané primitif « masqué » par l’infiltrat d’histiocytes activés qui en fait constitue peut-être une des formes cliniques évolutive et agressive de la PHC. L’évolution de la PHC est fatale dans 65 % des cas, liée à l’atteinte médullaire associée et à des troubles de la coagulation responsables d’un syndrome hémorragique. Une évolution chronique récidivante et bénigne est néanmoins rapportée. En dehors du traitement étiologique lorsqu’il est possible, le traitement des SH est avant tout symptomatique devant une cytopénie fébrile : transfusion, antibiothérapie à large spectre. La corticothérapie à fortes doses, la ciclosporine,

Critères diagnostiques des syndromes hémophagocytaires 1. Antécédent familial 2. Critères cliniques et paracliniques (5 critères sur les 8 suivants doivent être réunis) − Fièvre − Splénomégalie − Bicytopénie − Hémoglobine < 90 g/l − Plaquettes < 100 ×109/l − Neutrophiles < 1 × 109/l − Hypertriglycéridémie et/ou hypofibrinogénémie − Triglycérides  3 mmol/l − Fibrinogène < 1,5 g/l − Ferritine > 500 μg/l − CD25 soluble  2 400 U/ml − Activité des cellules NK diminuée ou absente − Présence d’hémophagocytose dans la moelle osseuse, le liquide céphalo-rachidien ou les ganglions

54.C

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Histiocytoses non malignes et non langerhansiennes (classe II) 54-19

Fig. 54.32 Maladie de Rosai-Dorfman : multiples nodules de taille variable, bien limités, de couleur rouge brun ou rouge jaune du visage

Fig. 54.33 Phénomène d’empéripolèse au cours d’une maladie de Rosai-Dorfman : histiocytes dermiques de grande taille dont certains comportent des noyaux de lymphocytes (L) ou de polynucléaires neutrophiles (PNN)  HL histiocytose langerhansienne

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les mono- (étoposide) ou polychimiothérapies, les immunoglobulines intraveineuses, la splénectomie se sont révélées parfois efficaces. Maladie de Rosai-Dorfman La maladie de Rosai-Dorfman (anciennement dénommée histiocytose sinusale avec lymphadénopathie massive) est une affection rare touchant avec prédilection des enfants ou des adultes jeunes (âge moyen du diagnostic de 20 ans) avec un sex-ratio H/F de 3/2 ⁴⁶,⁴⁷. Une répartition ethnique égale caucasienne et africaine est présente. Les manifestations cliniques se caractérisent par de volumineuses adénopathies cervicales (90 %), bilatérales et le plus souvent non inflammatoires. D’autres localisations ganglionnaires peuvent être présentes : axillaire, inguinale, médiastinale. Des signes généraux se limitent à une fièvre dans un quart des cas, parfois à une perte de poids, des sueurs nocturnes, un malaise, mais sans altération franche de l’état général. Près de la moitié des malades ont des localisations extraganglionnaires avec, par ordre décroissant, la peau (16 %), les voies ORL (16 %), l’œil et la cavité orbitaire (11 %), les os (11 %), les glandes sali-

vaires (7 %), le système nerveux central (7 %), les reins et le tractus génito-urinaire (3 %), les voies respiratoires (3 %), le foie, le tractus digestif, le cœur et la glande thyroïde. Des formes cutanées pures sont décrites, marquées par un âge d’apparition plus tardif (44 ans en moyenne), un sexratio équilibré, une prédominance ethnique asiatique et l’absence de manifestations systémiques, d’anomalies biologiques hématologiques ou immunologiques. Les lésions cutanées sont constituées de papules ou de nodules (jusqu’à 4 cm de diamètre) bien limitées, de couleur rouge brun ou rouge jaune, ou de plaques ayant parfois un aspect bosselé (fig. 54.32). Il n’existe pas de topographie de prédilection. Un syndrome inflammatoire associé à une hypergammaglobulinémie polyclonale est fréquemment noté. Des manifestations auto-immunes sont présentes dans environ 15 % des cas : anémie hémolytique, autre cytopénie autoimmune, glomérulonéphrite, présence de facteur rhumatoïde ou d’anticorps antinucléaires. Le diagnostic est histologique fondé sur l’examen d’un ganglion atteint. Il atteste d’un élargissement des sinus infiltrés par des histiocytes, sans atypies cellulaires. L’image quasi pathognomonique est la présence d’empéripolèse correspondant à la pénétration de lymphocytes intacts dans le cytoplasme des histiocytes (lymphophagocytose). Une intense plasmocytose sinusale et autour des veinules post-capillaires est associée. En cas de lésion cutanée, l’histologie met en évidence un infiltrat dermique dense composé de grands histiocytes à cytoplasme clair associé à quelques cellules géantes de Touton, des plasmocytes et un phénomène d’empéripolèse souvent moins net qu’au niveau ganglionnaire (fig. 54.33). En immunohistochimie, les immunomarquages des monocytes/macrophages par le lysozyme, Mac-387 et CD68 sont positifs, ainsi que le marquage des cellules dendritiques S100 (fig. 54.34). L’absence d’expression du CD1a élimine une HL. En microscopie électronique, les granules de Birbeck sont absents. Aucun traitement particulier n’est habituellement requis, la régression spontanée en quelques mois ou quelques années (5 ans en moyenne) étant la règle. Les formes évolutives et persistantes (tumorales progres-

Fig. 54.34 Maladie de Rosai-Dorfman. Positivité de l’immunomarquage par la protéine S-100

Histiocytoses Maladie d’Erdheim-Chester La maladie d’ErdheimChester est une affection rare (environ 250 cas rapportés en 2008), le plus souvent diagnostiquée au cours de la cinquième décennie, de sex-ratio H/F légèrement supérieur à 1 ⁴⁹,⁵⁰. Les manifestations cliniques sont hétérogènes et dominées par les atteintes osseuses. Les douleurs osseuses sont notées dans 1 cas sur 2 et touchent essentiellement les membres inférieurs. Les anomalies radiologiques caractéristiques consistent en une ostéosclérose bilatérale et symétrique de la diaphyse et de la métaphyse des os longs affectant avec prédilection les parties distales du fémur et proximales du tibia et du péroné (fig. 54.37). La présence de lésions osseuses lytiques est présente dans 30 % des cas. La scintigraphie osseuse au technétium 99 permet de révéler une hyperfixation diffuse de la région métaphysodiaphysaire des os longs, une prédominance aux membres inférieurs et le respect du rachis et de la mandibule à la différence de l’HL. Les autres manifestations cliniques sont représentées par une infiltration périaortique (60 %), circonférentielle thoracique et/ou abdominale, non sténosante, une atteinte cardiaque (péricardite, épanchement, rarement tamponnade), une infiltration rétro-orbitaire responsable d’une exophtalmie (un quart des cas), une atteinte du système nerveux central (syndrome pyramidal, syndrome cérébelleux, comitialité, troubles cognitifs ou psychiatriques) et un diabète insipide (un quart des cas). Les atteintes cutanées sont notées dans un quart des cas et se caractérisent par des lésions xanthomateuses cliniquement similaires à celles observées au cours du xanthoma

Coll. D. Bessis

sives, avec menace fonctionnelle ou vitale, associées à des maladies auto-immunes) peuvent être traitées par chirurgie, chimiothérapie (vinblastine, étoposide), ciclosporine, thalidomide à fortes doses ou radiothérapie. L’aciclovir est parfois efficace. Réticulohistiocytose multicentrique Cette affection rare touche plus fréquemment la femme (sex-ratio 3 F/1 H) et débute durant la cinquième décennie. Les lésions cutanées se caractérisent par des papules ou des nodules (0,3 à 2 cm) prurigineux, rougeâtres, à surface lisse, siégeant avec prédilection sur le dos des doigts (zones juxtaarticulaires) (fig. 54.35), le visage (nez, lèvres, oreilles) et autour des ongles ⁴⁸. Cette dernière atteinte sous la forme de petites tuméfactions périunguéales à type de « perles de corail » (fig. 54.36) est caractéristique. Une atteinte du cou et du tronc peut être notée et une localisation muqueuse (lèvres et langue) ou nasale septale est présente dans un cas sur deux. Des xanthélasmas sont associés dans un tiers des cas. Les lésions cutanéo-muqueuses sont précédées dans deux tiers des cas par une polyarthrite séronégative destructrice des articulations interphalangiennes surtout distales (75 %) et des moyennes et des grosses articulations, en moyenne de 3 ans (quelques semaines à plus de 6 ans). L’étude histologique d’une lésion cutanée met en évidence un envahissement du derme par des histiocytes volumineux avec un cytoplasme abondant éosinophile et finement granuleux d’aspect « en verre dépoli » et des cellules géantes multinucléées. L’immunomarquage des histiocytes est positif pour CD68, CD45, CD11b et HAM56 et négatif pour S-100, le facteur XIIIa et CD1a. L’association à une néoplasie est notée dans près de 25 % des cas, préférentiellement avec des hémopathies, des carcinomes mammaires, ovariens, utérins et gastriques. L’association à des maladies auto-immunes est également notée dans 6 à 17 % des cas à type de diabète, de syndrome de Gougerot-Sjögren, de maladies thyroïdiennes. Une hyperlipidémie est présente dans 30 à 60 % des cas. La possibilité d’une atteinte spécifique cardiaque par infiltration histiocytaire a été mentionnée et peut être fatale. Le traitement repose sur la corticothérapie générale et les immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate, cyclophosphamide).

Coll. Dr Ph. Abimelec, Paris

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Fig. 54.35 Réticulohistiocytose multicentrique : nodules rougeâtres, à surface lisse, siégeant avec prédilection sur les doigts  HL histiocytose langerhansienne

Fig. 54.36 Réticulohistiocytose multicentrique : petites tuméfactions périunguéales à type de « perles de corail »

Histiocytoses de classe III 54-21 est peu spécifique marquée par une pigmentation brunâtre de la peau et des lésions nodulaires touchant le visage (aspect léonin), le tronc, les mains et les pieds. Ces histiocytes ont un cytoplasme rempli de granulations colorées en bleu intense caractéristique à la coloration de May-GrunwaldGiemsa. En immunomarquage, les histiocytes sont KP1 (CD68) positifs et négatifs pour le facteur XIIIa. Le traitement repose sur la correction des anomalies du métabolisme lipidique lorsqu’elle est possible.

Histiocytoses de classe III Les proliférations malignes issues de la lignée histiocytaire regroupent les affections malignes développées aux dépens des cellules de la lignée monocytes/macrophages et restent difficile à caractériser ⁴. Un grand nombre d’observations antérieurement publiées sous la terminologie d’« histiocytoses malignes » correspondaient à des lymphomes anaplasiques CD30+ à larges cellules (la plupart d’origine T) ou des lymphomes B. Ainsi, le diagnostic de prolifération maligne histiocytaire ne peut être posé qu’après une identification précise des cellules tumorales par des marquages immunohistochimiques appropriés : CD45 (antigène leucocytaire commun ), CD20 (L26) pour les cellules B, CD3 et CD45 Ro (UCHL-1) pour les cellules T, CD68 (KP-1) et lysozyme pour les histiocytes et CD30 (Ber H2) pour les cellules Ki-1 positives. Les histiocytoses de classe III regroupent les leucémies monocytaires (chap. 49, « Hémopathies myéloïdes, lymphoïdes et leucémies»), l’histiocytose maligne et le « lymphome histiocytaire vrai ». Il existe cependant des formes de chevauchement clinico-histologiques ne permettant pas toujours l’identification formelle d’une de ces trois formes.

Fig. 54.37 Maladie d’Erdheim-Chester : ostéosclérose bilatérale et symétrique de la diaphyse et de la métaphyse des fémurs

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Histiocytose maligne proprement dite Il s’agit d’une prolifération systémique d’histiocytes malins touchant habituellement le foie, la rate, les ganglions lymphatiques et la moelle oosseuse. Rare, elle touche l’adulte jeune (âge moyen 35 ans), avec une prédilection masculine (H/F : 3,5/1). Le tableau clinique est marqué par les signes généraux : altération de l’état général, fièvre, sueurs, adénopathies généralisées et doulou-

Coll. D. Bessis

disseminatum ou plus rarement au cours des xanthomes papuleux. Il s’agit de papules rouge brun puis jaunâtres, initialement isolées puis confluentes en plaques et situées dans les grands plis. La peau peut progressivement devenir atrophique et redondante, particulièrement sur le visage et dans les plis. Les paupières, les plis axillaires et inguinaux, le cou, le tronc et le visage constituent les localisations les plus fréquemment atteintes (fig. 54.38). Sur le plan histologique, il existe une infiltration dermique composée presque exclusivement d’histiocytes spumeux, associée à quelques lymphocytes, plasmocytes et neutrophiles. Les cellules géantes de Touton sont constamment présentes, mais en nombre variable. Les histiocytes expriment KP1 (CD68), le facteur XIIIa et sont négatifs pour les marqueurs CD1a et S100. Les granules de Birbeck sont absents. Le pronostic de la maladie d’Erdheim-Chester est variable, dépendant essentiellement de la présence d’une atteinte cardiovasculaire et/ou neurologique. Le traitement n’est pas codifié et repose en première intention sur l’interféronβ à des doses ajustées en fonction de l’atteinte viscérale. Syndrome de l’histiocyte bleu outremer Le syndrome de l’histiocyte bleu outremer décrit par Silverstein est une affection exceptionnelle (une soixantaine d’observations rapportées en 2007) congénitale de transmission probablement autosomique récessive ou secondaire à des maladies du métabolisme lipidique, héréditaires comme au cours de la maladie de Niemann-Pick de type B ou acquises comme au cours des nutritions parentérales ³⁵. D’autres affections hématologiques ont également été rapportées : leucémie myéloïde chronique, purpura thrombopénique idiopathique et syndromes myélodysplasiques. Il se caractérise par l’infiltration histiocytaire de la moelle osseuse, du foie et de la rate, à l’origine d’une hépatosplénomégalie et de risques hémorragiques. De nombreux autres organes peuvent être touchés comme les poumons, le système nerveux central, les yeux et la peau. L’atteinte cutanée

Fig. 54.38 Maladie d’Erdheim-Chester : lésions xanthomateuses et peau redondante des régions périorbitaires

54-22 Histiocytoses reuses et hépatosplénomégalie. Les lésions cutanées sont notées dans 10 % des cas sous la fo f rme de papulonodules ou de plaques évoluant parfo f is vers l’ulcération ou la nécrose. Histologiquement, il existe une prolifération d’histiocytes atypiques périvasculaire et périannexielle, extensive dans le derme profond et l’hypoderme. Les cellules histiocytaires ont un vaste cytoplasme clair ou éosinophile et un noyau lobulé et hyperchromatique, parfo f is rénifo f rme. Des images d’hémophagocytose sont parfo f is présentes. Les immunomarquages sont positifs f pour le CD68 (KP-1) et le lysozyme. L’évolution est sévère et rapidement défa favorable malgré les polychimiothérapies.

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« Lymphome histiocytaire vrai » Le « lymphome histiocytaire vrai » ou sarcome histiocytaire est une prolifération clonale d’histiocytes malins le plus souvent localisée au niveau lymphatique ganglionnaire initialement av a ec une évolution possible vers une fo f rme systémique (osseuse, gastro-intestinale et cutanée). Exceptionnelle chez l’enfan f t, sa différenciation av a ec l’histiocytose maligne est parfo f is délicate. Les atteintes cutanées secondaires sont peu spécifiques à type de nodules localisés de couleur rouge bleu et parfo f is de taille large. L’évolution est imprévisible et le traitement repose sur des polychimiothérapies. L’atteinte cutanée isolée peut bénéficier d’un traitement par radiothérapie.

associated haemophagocytic syndrome. Eur J Pediatr 2004 ; 163:536-539. 13 Hosmalin A, McIlroy D, Autran B et al. Imbalanced « memory » T lymphocyte subsets and analysis of dendritic cell precursors in the peripheral blood of adult patients with Langerhans cell histiocytosis. Clin Exp x Rheumatol 1997 ; 15:649-654. 14 Rolland A, Guyon L, Gill M et al. Increased blood myeloid dendritic cells and dendritic cellpoietins in Langerhans cell histiocytosis. J Immunol 2005 ; 174:3067-3071. 15 Senechal B, Elain G, Jeziorski E et al. Expansion of Regulatory T cells in patients with Langerhans Cell Histiocytosis. Plos Medicine 2007 ; 4:1374-1383. 16 Willis B, Ab A lin A, Weinberg V et al. Disease course and late sequelae of Langerhans’ cell histiocytosis : 25-year experience at the university of California, San Francisco. J Clin Oncol 1996 ; 14:2073-2082. 17 French Langerhans’ Cell Histiocytosis Study Group. A multicentre retrospective survey of Langerhans’ cell histiocytosis : 348 cases observed between 1983 and 1993. Arch r Dis Child 1996 ; 75:17-24. 18 Lahey ME. Histiocytosis X — an analysis of prognostic fac f tors. J Pediatr 1975 ; 87:184-189. 19 Donadieu J, Piguet C, Bernard F et al. A new clinical score fo f r disease activity in Langerhans cell histiocytosis. Pediatr Blood Cancer 2004 ; 43: 770-776. 20 Broadbent V, Gadner H. Current therapy f r Langerhans cell Histiocytosis. Hematol Onfo col Clin North Am 1998 ; 12:327-338. 21 Ladisch S. Langerhans cell Histiocytosis. Curr Opin Hematol 1998 ; 5:54-58. 22 Egeler RM, Neglia JP, P Arico M et al. The relation of Langerhans cell histiocytosis to acute leukemia, lymphomas and other solid tumors. Hematol Oncol Clin North Am 1998 ; 2:369-378. 23 El-Sayed S, Brewinn TB. Histiocytosis X : Does radiotherapy still have a role ? Clin Oncol

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D, Bernard F, Cambazard F. Histiocytoses. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 54.1-54.23.

55

Troubles de l’hémostase

Agnès Sparsa

Physiopathogénie des troubles de l’hémostase 55-1 Syndrome hémorragique cutané 55-2 Purpuras thrombopéniques 55-2 Thrombopénies d’origine centrale 55-2 Thrombopénies d’origine périphérique 55-3 Autres thrombopathies 55-4 Purpuras thrombopathiques 55-4 Dystrophie thrombocytaire hémorragique congénitale de Bernard et Soulier 55-5 Thrombasthénie de Glanzmann 55-5 Troubles de la coagulation 55-5 Hémophilie 55-5 Maladie de Willebrand 55-5 Autres déficits acquis en facteur de coagulation 55-6 Syndrome thrombo-hémorragique 55-6

es troubles de l’hémostase peuvent se révéler par diverses lésions dermatologiques : purpura, nécroses, livedo, nodules, papules ou gangrènes des extrémités. Ces différentes lésions élémentaires primitives ou secondaires sont le reflet de mécanismes physiopathologiques distincts ou intriqués : composante hémorragique ou composante thrombotique d’étiologies diverses.

L

Physiopathogénie des troubles de l’hémostase L’hémostase est l’ensemble des phénomènes physiologiques conduisant à la prévention et à l’arrêt des saignements ¹,². Elle participe à la réparation de la brèche vasculaire et, d’une façon générale, elle assure le maintien de l’intégrité des vaisseaux. Elle comprend l’hémostase primaire (temps vasculaire et temps plaquettaire), la coagulation plasmatique et la fibrinolyse. Lorsqu’une brèche se crée dans un vaisseau sanguin, les plaquettes et le fibrinogène vont entrer en action afin de la « colmater » en formant le clou plaquettaire. Par la formation d’un caillot, la coagulation permet au saignement consécutif à une blessure d’être endigué. Ce processus est la conséquence d’un enchaînement de réactions chimiques impliquant 13 facteurs. Ces interactions complexes ont pour résultat de transformer une protéine soluble, le fibrinogène, en une protéine insoluble, la fibrine, qui forme l’armature du caillot. Le processus de coagula CIVD coagulation intravasculaire disséminée

Coagulation intravasculaire disséminée et fibrinolyse 55-6 Purpura fulminans 55-7 Purpura fulminans néonatal 55-8 Autres purpuras fulminans 55-8 Syndrome thrombotique cutané 55-8 Syndrome des antiphospholipides 55-9 Nécrose à l’héparine 55-14 Nécrose aux antivitamines K 55-14 Syndrome des orteils pourpres aux antivitamines K 55-15 Bulles hémorragiques sous héparine de bas poids moléculaire 55-15 Réactions aux sites d’injections des héparines fractionnées 55-15 Syndromes d’hypersensibilité à la fluindione 55-15 Références 55-16

tion comprend trois phases principales qui se succèdent : la thromboplastinoformation aboutit à la formation d’une enzyme, le facteur X activé, la thrombinoformation aboutit à la formation de la thrombine, la fibrinoformation correspond à la transformation du fibrinogène en fibrine grâce à la thrombine. Les troubles de l’hémostase peuvent être la conséquence d’une thrombopénie, d’une carence en différents facteurs de coagulation ou d’une anomalie des vaisseaux sanguins. Il peut s’agir d’affections congénitales (hémophilie, maladie de Willebrand), acquises (hépatopathie, troubles digestifs, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), infections virales et maladies auto-immunes) ; dues à l’absorption de certains médicaments (anticoagulants, acide acétylsalicylique) ; provoquées par une carence en vitamines (carence en vitamine C du scorbut). Elles se traduisent par une propension aux hémorragies internes et externes. Une coagulation trop importante, ou hypercoagulation, peut être liée à une augmentation du taux de facteurs de coagulation, à une diminution de la quantité en inhibiteur de la coagulation ou à un ralentissement du flux sanguin conduisant à la thrombose (formation d’un caillot dans une artère ou dans une veine). En effet, l’homéostasie est maintenue grâce à un judicieux équilibre entre activateurs et inhibiteurs (antithrombine III, protéine C, protéine S). Toute rupture de cet équilibre aura pour conséquence un

55-2

Troubles de l’hémostase Tableau 55.1 Aspects cliniques et histologiques des purpuras hématologiques, vasculaires et thrombotiques Anomalies de l’hémostase Macules violacées

Clinique Hémorragies cutanéo-muqueuses Autres lésions cutanées Histologie

+++ − Non inflammatoire Extravasation d’hématies dans le derme

Vascularites Maculo-papules infiltrées, polymorphes, déclives − +++ Atteinte inflammatoire des vaisseaux dermiques Atteintes pariétales inflammatoires

Microthromboses Maculo-papules infiltrées, nécrotiques − + Non inflammatoire Thrombose

processus pathologique : thrombose ou hémorragie pouvant se révéler par des manifestations dermatologiques.

Il peut être révélateur d’un trouble de l’hémostase primaire : thrombopénies, thrombopathies constitutionnelles ou acquises, ou maladie de Willebrand ; ou d’un trouble de la coagulation : déficits congénitaux ou acquis en facteurs de la coagulation, CIVD, fibrinolyse. Cliniquement, en dehors des hémorragies extériorisées telles que les gingivorragies, les épistaxis et les hémorragies sous-conjonctivales, le purpura est le maître symptôme. Le purpura est une lésion dermatologique élémentaire, parfaitement définie, correspondant à l’extravasation des hématies hors des capillaires. Il se définit par une macule cutanée et/ou muqueuse érythémateuse, rouge pourpre, ne s’effaçant pas à la vitropression. Suivant la taille et la forme, on est amené à distinguer des pétéchies ponctiformes (fig. 55.1), des placards ecchymotiques (fig. 55.2), et des vibices, stries linéaires aux plis de flexion. Le purpura pétéchial, de petit diamètre, est provoqué par une hyperpression du sang extravasé, dans le derme, qui collabe les petits vaisseaux et fait cesser l’hémorragie. À l’inverse, le derme profond et l’hypoderme, de trame conjonctive plus lâche, se laisse plus volontiers distendre et donne naissance aux placards ecchymotiques. Une ecchymose peut aussi révéler un hématome profond, le sang se frayant un chemin vers l’hypoderme. La taille peut orienter le diagnostic étiologique : on évoquera un trouble de l’hémostase primaire, touchant plus volontiers les petits vaisseaux devant un purpura pétéchial et des ecchymoses superficielles. Celles-ci seront plus profondes, sous forme d’hématomes sous-cutanés s’il s’agit d’un déficit de la coagulation. Tous ces éléments évoluent en passant par les différentes teintes de la biligenèse locale (tableau 55.1). La rapidité d’extension du purpura, l’importance et la fréquence des récidives des saignements, la chute du taux d’hémoglobine, la présence de signes de compressions d’organes profonds, nerfs ou vaisseaux, et l’existence d’hémorragies digestives, cérébrales et/ou rétiniennes représentent des critères de gravité des syndromes hémorragiques. Les examens biologiques sont hiérarchisés et prescrits en fonction du contexte clinique. On réalise, en première intention, pour explorer l’hémostase primaire, une numération-formule sanguine-plaquettes, avec une

Coll. D. Bessis

Syndrome hémorragique cutané

Fig. 55.1

Purpura pétéchial du membre inférieur

étude quantitative et qualitative des plaquettes et le temps de saignement (TS) (fig. 55.3). L’exploration de la coagulation comprend le temps de céphaline activée (TCA) (fig. 55.4), le taux de thrombine (TT) (fig. 55.5), le taux de prothrombine (TP) (fig. 55.6), et le fibrinogène.

Purpuras thrombopéniques Ils constituent les principales causes des troubles de l’hémostase primaire ³. Les saignements peuvent s’observer lorsque le taux de plaquettes est inférieur à 80 000/mm 3. Il convient de s’assurer de l’absence d’une fausse thrombopénie sur tube EDTA et d’effectuer un prélèvement de contrôle sur tube citraté. Il peut s’agir d’une thrombopénie par défaut de production médullaire ; il faut, devant une thrombopénie < 150 000/mm 3, réaliser un myélogramme pour déterminer son origine centrale ou périphérique. D’autres mécanismes sont possibles : destruction par un processus immunologique, séquestration ou anomalie de répartition, ou hyperconsommation (tableau 55.2). Thrombopénies d’origine centrale Les chimiothérapies, les sels d’or, les thiazidiques, les œstrogènes, les sulfamides font partie des causes toxiques, comme l’alcool. En outre, la moelle peut être envahie par des cellules hématopoïétiques (leucémie aiguë myéloblastique de type 3, myélodysplasie, lymphome, myélome, etc.) ou par des cellules cancéreuses. Les viroses peuvent être responsables aussi de purpuras thrombopéniques :

 CIVD coagulation intravasculaire disséminée · TCA temps de céphaline activée · TP taux de prothrombine · TS temps de saignement · TT taux de thrombine

Purpuras thrombopéniques 55-3 Tableau 55.2

Étiologies des purpuras thrombopéniques d’origine centrale et périphérique

Centrale Amégacaryocytose congénitale ou acquise Syndrome de Wiskott-Aldrich Maladie de Fanconi

Anomalie de répartition Déperdition sanguine

Consommation Coagulation intravasculaire disséminée Hémagiome géant Purpura thrombopénique thrombotique Syndrome hémolytique et urémique

Hémodilution Séquestration splénique

Toxiques Carences Infiltration tumorale Myélodysplasie rubéole, rougeole, oreillon, virus Epstein-Barr, cytomégalovirus (CMV) et dengue. Certains purpuras thrombopéniques d’origine centrale sont liés à des pathologies congénitales : − le syndrome de Wiskott-Aldrich, récessif lié à l’X, associe une thrombopénie secondaire à une thrombopathie, un eczéma constitutionnel et des troubles de l’immunité humorale et cellulaire ; − le syndrome de May-Hegglin, transmis sur le mode autosomique dominant, correspond à une thrombopénie modérée avec plaquettes géantes et corps de Döhle (inclusion intracytoplasmique dans les polynucléairs neutrophiles) ; − la maladie de Fanconi, à transmission autosomique récessive, est une pathologie comprenant une amégacaryocytose pure ou associée à une aplasie radiale.

Destruction Purpura thrombopénique auto-immun Maladies auto-immunes Infections Transfusions Médicament Grossesse

Le traitement des thrombopénies centrales repose sur le traitement de la cause et des supports transfusionnels. Thrombopénies d’origine périphérique Le purpura thrombopénique infectieux survient à la fin de la première semaine d’évolution d’une maladie infectieuse généralement virale (mononucléose infectieuse, grippe, rubéole, infection à VIH, rougeole, CMV, oreillons, grippe, virus de l’hépatite C [VHC], varicelle...) et est souvent associé à un syndrome hémorragique d’installation rapide. Il est lié à une destruction accélérée des plaquettes par fixation à leur surface de complexes immuns ou par altération directe des plaquettes ou de leurs précurseurs. La guérison spontanée est le plus souvent observée même si un recours à une corticothérapie s’avère parfois nécessaire. Le purpura thrombopénique médicamenteux est lié à un mécanisme immunoallergique ⁴. Le médicament se lie à un anticorps à la surface des plaquettes qui sont elles-mêmes éliminées par le système macrophagique. Ce purpura peut survenir 10 jours, plusieurs mois ou années après l’introduction du médicament et s’associe parfois à une hémolyse.

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Coll. D. Bessis

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Fig. 55.2

Purpura ecchymotique d’une cuisse

 VHC virus de l’hépatite C

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Fig. 55.3 Démarche diagnostique en cas d’allongement du temps de saignement

Coll. Dr A. Sparsa, Limoges

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Troubles de l’hémostase 5FNQTEFDÏQIBMJOFBDUJWÏFBMMPOHÏ

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Fig. 55.4 Démarche diagnostique en cas d’allongement du temps de céphaline activée Autres thrombopathies On citera parmi les médicaments responsables : quinine, quinidine, digitoxine, phénothiazine, méprobamate, chlorpromazine, sulfamides, héparine, coumarine, pénicilline, rifampicine, sels d’or, thiazidique, phénylbutazone... Le purpura thrombopénique idiopathique est lié à la présence d’immunoglobulines à la surface des plaquettes qui sont principalement détruites dans la rate ⁵. Il touche le plus souvent la femme entre 20 et 40 ans. Chez l’enfant, il survient le plus souvent après un épisode infectieux. Il n’y a pas de syndrome tumoral, pas de fièvre, pas d’atteinte des autres lignées. La thrombopénie est souvent sévère. Le myélogramme montre la présence de nombreux mégacaryocytes. L’étude de la durée de vie des plaquettes marquées est raccourcie. Le traitement repose sur la corticothérapie, les androgènes, les immunoglobulines intraveineuses, la splénectomie. Certains purpuras précèdent ou révèlent des maladies comme le syndrome d’Evans, le lupus systémique, le syndrome de Gougerot-Sjögren, une cryoglobulinémie, la polyarthrite rhumatoïde, des cancers digestifs, une hémopathie, le SIDA... Le purpura thrombopénique néonatal ⁶ peut être lié à un mécanisme immunoallergique lors de la prise d’un médicament par la mère ou survenir chez les nourrissons de mère atteinte de purpura thrombopénique idiopathique. Nous noterons aussi les incompatibilités plaquettaires fœtomaternelles par production d’anticorps anti-PlA2. Nous citerons également le purpura thrombopénique posttransfusionnel (survenant 5 à 8 jours après la transfusion), le syndrome de Kasabach-Merritt, les microangiopathies thrombotiques et les purpuras thrombopéniques par séquestration (lors des hypersplénismes...). Les microangiopathies thrombotiques diffuses sont représentées par le syndrome de Moschowitz correspondant à une microangiopathie fébrile avec un purpura thrombotique thrombocytopénique, une anémie hémolytique mécanique intravasculaire avec schizocytes, une hématurieprotéinurie et des manifestations neurologiques (céphalées, troubles psychiques, déficit focal, convulsions, troubles de la conscience). Il s’agit d’un déficit en protéase des multimères de vW ou autoAC antiprotéase clivant le facteur

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Coll. Dr A. Sparsa, Limoges

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Fig. 55.5 Démarche diagnostique en cas d’allongement du taux de thrombine von Willebrand (vWF). Le syndrome urémique et hémolytique de l’enfant ou de l’adulte survient lors de diarrhée à E. coli 0157:H7 (vérotoxines), au cours de la grossesse sous la forme du syndrome HELLP (Hemolysis, Elevated Liver enzymes, Low Platelet count, préeclampsie), ou chez des adultes traités par mitomycine C, clopidogrel, ticlopidine. Cliniquement, il associe, brutalement, des diarrhées, de la fièvre, des vomissements, une anémie hémolytique avec une insuffisance rénale aiguë avec protéinurie et hématurie.

Purpuras thrombopathiques Ils sont liés à des maladies moléculaires des glycoprotéines membranaires plaquettaires.

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Fig. 55.6 Démarche diagnostique en cas de diminution du taux de prothrombine

Coll. Dr A. Sparsa, Limoges

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Coll. Dr A. Sparsa, Limoges

55-4

Troubles de la coagulation 55-5 Dystrophie thrombocytaire hémorragique congénitale de Bernard et Soulier Elle se transmet sur un mode autosomique récessif et est liée à l’absence de GPIb-IX, récepteur plaquettaire du facteur de von Willebrand. Exceptionnelle, elle débute tôt dans la vie avec un syndrome hémorragique cutanéomuqueux sévère. Le diagnostic est évoqué devant un allongement du TS, une thrombopénie modérée avec macroplaquettes et l’absence d’agrégation avec la ristocétine. Le traitement des accidents hémorragiques, en dehors des gestes locaux, fait appel à des transfusions de culots plaquettaires phénotypés, déleucocytés et provenant de donneurs uniques. Thrombasthénie de Glanzmann Elle se transmet sur un mode autosomique récessif avec une incidence élevée de consanguinité et fréquente chez les Tziganes et au Maghreb. Elle est liée un déficit complet (type I), partiel ou qualitatif de la GPIIb-IIIa (variants). La maladie peut se révéler par des purpuras dès le plus jeune âge, des épistaxis responsables de déglobulisation, des gingivorragies et ménorragies. Le diagnostic est évoqué devant un allongement du TCA et une agrégation à la ristocétine lors de l’étude des fonctions plaquettaires. Le traitement repose sur des transfusions plaquettaires. On citera également le syndrome d’Hermansky-Pudlak, le syndrome de Chediak-Higashi, les thrombopathies « aspirin-like » et par déficit en facteur VIII ou IX, le syndrome de WiskottAldrich, le syndrome de May-Hegglin. Les thrombopathies par anomalie de sécrétion sont exceptionnelles et le syndrome hémorragique est modéré. Parmi elles, le syndrome des plaquettes grises est une thrombopathie par anomalie des granules α (diminution du PF4 et de la β-thromboglobuline intragranulaire). La maladie du pool vide correspond à un déficit en ADP intraplaquettaire. Il existe également des thrombopathies par déficit en thromboxane-synthétase ou en cyclo-oxygénase, ou un déficit en facteur III plaquettaire. Les thrombopathies peuvent être acquises : collagénose, cardiopathie cyanogène, rhumatisme articulaire aigu, insuffisance rénale (par accumulation de métabolites azotés, correction par l’hémodialyse), hémopathies myéloïdes. Les thrombopathies médicamenteuses, les plus fréquentes, sont provoquées par l’aspirine ou ses dérivés. L’effet de l’aspirine sur les plaquettes dure 10 jours en moyenne et se traduit par un allongement du TS et l’absence d’agrégation des plaquettes avec l’acide arachidonique. D’autres médicaments peuvent provoquer des thrombopathies acquises : les anti-inflammatoires non stéroïdiens (inhibiteur de l’oxygénase), la pénicilline, les céphalosporines à fortes doses. L’héparine peut aussi induire une thrombopathie et une thrombopénie et nécessite une surveillance régulière du taux de plaquettes.

Troubles de la coagulation Hémophilie Il s’agit d’une maladie héréditaire liée au chromosome X qui  TCA temps de céphaline activée · TP taux de prothrombine · TS temps de saignement

touche un garçon sur 5 000 à 10 000 naissances. Il existe deux types d’hémophilie, l’hémophilie A (85 %) provoquée par un déficit en facteur VIII et l’hémophile B par déficit en IX (15 %). Le syndrome hémorragique est proportionnel à la profondeur du déficit. Les hémarthroses et les hématomes sous-cutanés (profonds, compressifs, des creux poplités, axillaires, psoas...) sont les manifestations les plus caractéristiques. Des hémorragies cutanéo-muqueuses sont fréquentes et prolongées et récidivent jusqu’à cicatrisation complète. Elles cèdent le plus souvent aux gestes locaux (pansements compressifs, méchage). Le diagnostic est évoqué devant un allongement du TCA avec TP et TS normaux. La recherche d’un anticoagulant circulant, en l’absence d’antécédents familiaux, permet d’affirmer le caractère constitutionnel de l’hémophilie si celle-ci est négative. Le traitement consiste en perfusion de 30-80 UI/kg de facteur déficitaire selon l’indication de traitement curatif d’un accident hémorragique ou préventif et à fréquence variable (de 3 fois par semaine en préventif à toutes les 8 heures (facteur VIII) à 12 heures (IX) en postopératoire) afin de maintenir un taux au-dessus de 3-4 %. L’existence d’un alloanticorps (inhibiteur ou anticoagulant) dirigé contre le facteur déficitaire complique la prise en charge. En fonction de la puissance de cet inhibiteur, on distingue les bons répondeurs (titre > 5 unités de Bethesda) des faibles répondeurs (< 5 UB). Des déficits en facteur VII, X et II nécessitent des traitements substitutifs en PPSB, pour les déficits en facteurs V, XI et XIII, du plasma frais. Les afibrinogénémies, hypo- ou dysfibrinogénémie sont des déficits congénitaux, à mode de transmission autosomique récessif, associant des syndromes hémorragiques et des épisodes thrombotiques et corrigés par des apports de fibrinogène ou cryoprécipités. Maladie de Willebrand De transmission autosomique dominante, elle est la plus fréquente des maladies hémorragiques constitutionnelles. Le facteur de Von Willebrand (vWF) intervient dans l’hémostase primaire (adhésion plaquettaire) et dans la coagulation (protéine porteuse du facteur VIII). Habituellement, le syndrome hémorragique est modéré, avec des hémorragies cutanéo-muqueuses (ecchymoses faciles, épistaxis récidivantes, gingivorragie...), mais le purpura pétéchial est rare. Biologiquement, il existe un allongement du TS et du TCA, une diminution du taux de l’antigène du vWF et du facteur VIII, de l’activité du cofacteur de la ristocétine. Le diagnostic est parfois difficile car le taux de vWF s’élève lors de stress, d’infections ou de prise d’œstroprogestatif. Trois principaux types de maladie de Willebrand diffèrent par leur sévérité du type I (forme modérée, la plus fréquente), type II (variant moléculaire) et le type III (forme sévère) auquel s’ajoutent deux autres variants moléculaires. Le diagnostic anténatal est possible et proposé pour les couples ayant un enfant atteint d’une forme sévère ou quand les parents sont hétérozygotes, à la vingtième semaine d’aménorrhée sur sang de cordon par dosage du vWF. En cas d’hémorragie importante, la correction de l’hémostase est nécessaire par l’apport de concentré de facteur de Willebrand

55-6

Troubles de l’hémostase Tableau 55.3 Comparaison des anomalies biologiques de l’hémostase au cours de la CIVD, la fibrinolyse primitive, l’insuffisance hépatocellulaire et l’hypovitaminose K

Plaquettes Fibrinogène Facteur V Facteur VII Facteur II Facteur VIII Antithrombine III Complexes solubles Temps de lyse des euglobulines Produits de dégradation de la fibrine Dimères

CIVD

Fibrinolyse primitive

↓↓ ↓ ↓↓ ↓ ↓ ↑ ou ↓ ou N ↓ + ↓ ou N

N ↓↓ N N ↓ N − ↓↓

Insuffisance hépatocellulaire sévère ↓ ↓ ↓ ↓↓ ↓↓ ↑ ↓ − ↓ ou N



↑↑

↑ ou N



N

(50 UI/kg/12 h pour les formes sévères, 20 UI/kg/12 h dans les types I et II) ou de DDAVP (désamino-8-D arginine vasopressine) ou tesmopressine capable de libérer le vWF du compartiment cellulaire endothéliale et donc d’augmenter les taux circulants de vWF et du facteur VIII. La dose préconisée est de 0,3 μg/kg dans 50 ml de sérum physiologique en IV sur 30 minutes. La réponse est maximale à 30 minutes, et l’hémostase est contrôlée à la 6 e heure. Les perfusions se répètent toutes les 12 heures jusqu’à une correction satisfaisante. Autres déficits acquis en facteur de coagulation Ils peuvent aussi être responsables de syndrome hémorragique cutané. Il peut s’agir de diminution de synthèse en facteurs de la coagulation par insuffisance hépatocellulaire, par hypovitaminose K sur carence ou par traitement par antivitamine K. Le déficit peut être secondaire à l’existence d’un anticoagulant circulant spécifique d’un facteur. De plus, on peut observer des déficits acquis lors de syndrome de consommation ou de fibrinolyse.

Syndrome thrombo-hémorragique Il associe cliniquement un purpura extensif, témoin du syndrome hémorragique, et des nécroses, témoins des thromboses. Initialement, la thrombose incontrôlée entraîne une consommation excessive de facteur de la coagulation provoquant l’hémorragie. Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et fibrinolyse Il s’agit de deux syndromes de défibrination aiguë et non spécifique de nombreuses affections. La CIVD correspond au déclenchement pathologique de la coagulation en intravasculaire de façon disséminée avec une fibrinolyse secondaire réactionnelle. La fibrinolyse est une activation pathologique de la fibrinogénolyse sans CIVD initiale. La CIVD est un syndrome acquis secondaire à une activation systé-

Hypovitaminose K N N N ↓ ↓ N N N N N N

mique et excessive de la coagulation, conduisant à la formation de dépôts de fibrine dans les vaisseaux ou les microvaisseaux, limitant l’apport en oxygène aux organes concernés et induisant leur altération fonctionnelle. Ce syndrome se définit par l’association d’anomalies biologiques avec ou sans signes cliniques témoin de la formation exagérée de thrombine et de fibrine et de la consommation excessive en plaquettes et en facteurs de la coagulation. On distingue, selon la conférence de consensus, trois types de CIVD, biologique, clinique ou compliquée, chacune d’entre elles répondant à une définition précise. On parle de CIVD biologique si les D-dimères sont augmentés et s’ils sont associés à un critère majeur ou deux critères mineurs (critères majeurs de consommation : plaquettes < 50 G/mm 3, et TP < 50 %, et critères mineurs : plaquettes entre 50 et 100 G/mm 3, TP > 50 %, fibrinogène < 1 g/L). Le diagnostic de CIVD clinique est retenu en présence simultanée de signes hémorragiques et thrombotiques. On observe des thromboses multifocales, pulmonaires avec une insuffisance respiratoire aiguë, rénales (oligoanurie) neurologiques (coma) et cutanées avec un purpura nécrotique extensif et une gangrène ischémique des extrémités. On note également des manifestations hémorragiques, purpura ecchymotique extensif (fig. 55.7) : ecchymose en carte de géographie, saignement diffus cutanéo-muqueux, saignement en « nappe » du champ opératoire, aucune tendance à l’arrêt spontané, reprise des saignements aux points de ponction ou sur les plaies, et des saignements viscéraux. Le diagnostic de CIVD compliquée repose sur des manifestations cliniques hémorragiques ou thrombotiques mettant en jeu le pronostic vital et fonctionnel. On constate donc sur le plan biologique, une thrombopénie (> 20 000/mm 3), un allongement du TCA, TP et TT, une diminution des facteurs V, VIII et I alors que les facteurs X, IX et II sont normaux (tableau 55.3). Le traitement repose avant tout sur le traitement de la cause, la transfusion plaquettaire, du plasma frais congelé (10-15 ml/kg) en cas de TP < 35-40 %. Quelle que soit l’étiologie, aucun

 CIVD coagulation intravasculaire disséminée · TCA temps de céphaline activée · TP taux de prothrombine · TT taux de thrombine

Fig. 55.7

Purpura nécrotique extensif « étoilé » au cours d’une CIVD

traitement spécifique (héparine, fibrinolytique, antifibrinolytique, antithrombine III, concentré de protéine C, fibrinogène, recombinant activé de la protéine C) n’a fait la preuve de son efficacité d’après la conférence de consensus. Les étiologies sont résumées dans le tableau 55.4. Le traitement de la fibrinolyse est aussi celui de la cause, et l’emploi d’antifibrinolytiques : les antiplasmines et les inhibiteurs de activateurs du plasminogène. Ces derniers sont contreindiqués dans les CIVD au même titre que le PPSB. Purpura fulminans Il s’agit d’une maladie générale grave et d’installation brutale avec une fièvre élevée et un état subcomateux. C’est une urgence thérapeutique (antibiothérapie par amoxicilline à la dose de 200 mg/kg/j IV 10 jours). Il s’accompagne d’une éruption purpurique et nécrotique parfois très diffuse, parfois au contraire réduite à quelques éléments. Ce tableau correspond à une septicémie, habituellement à méningocoques. Ce purpura d’origine infectieuse survient chez l’enfant ou l’adulte jeune. L’éruption est observée dans 40 à 50 % des cas, sous forme de macules et de papules millimétriques qui prédominent sur les faces d’extension (fig. 55.8), les zones d’appui et surtout les extrémités (nez, oreilles, doigts, orteils). Ces lésions progressent dans un deuxième temps vers des pétéchies puis de larges placards purpuriques, ecchymotiques et nécrotiques (fig. 55.9). Ce purpura s’étend rapidement en surface mais aussi en profondeur, pouvant toucher les tissus cutanés profonds, les muscles et les os, dans un contexte fébrile. Il s’accompagne alors souvent d’un état de choc. Il s’y associe dans 25 % des cas une raideur méningée, une obnubilation, voire un véritable coma. On note sur le plan biologique : une hyperleucocytose (50 % des cas environ), voire une leucopénie, une thrombopénie et parfois des signes biologiques de CIVD. L’étude du liquide céphalo-rachidien met en évidence une hyperprotéinorrachie, une normoglycorrachie, et une faible réaction cellulaire (en règle moins de 20 cellules/mm). L’examen direct retrouve des diplocoques à Gram négatif, en grains de café. La culture, la recherche d’antigènes solubles, les hémocultures  CIVD coagulation intravasculaire disséminée

Coll. Dr P. Corne, Montpellier

Coll. D. Bessis

Syndrome thrombo-hémorragique 55-7

Fig. 55.8 Purpura pétéchial initial d’une jambe au cours d’un purpura fulminans méningococcémique et les prélèvements cutanés sont le plus souvent positifs à méningocoques généralement de sérotype B. L’histologie cutanée révèle un infiltrat inflammatoire périvasculaire plus marqué que dans les autres types de purpura fulminans. Sur le plan physiopathologique, l’endotoxine bactérienne stimule la voie intrinsèque de la coagulation et provoque le relargage de cytokine responsable de l’état de choc, de la consommation de protéine C et S et de CIVD. Cependant, de nombreux autres agents infectieux peuvent être incriminés : Haemophilus, streptocoque, staphylocoque... Tableau 55.4 



   

 

Étiologies des CIVD

Étiologie Complications obstétricales − Rétention du fœtus in utero − Inertie utérine − Embolie amniotique − Hématome rétroplacentaire − Toxémie gravidique non surveillée Polytraumatisme et chirurgie lourde − Brûlures − Rhabdomyolyse Hémolyse intravasculaire Cancers disséminés Leucémie aiguë promyélocytaire États infectieux graves avec endotoxinémie − Septicémie à méningocoque et bacilles Gram − Clostridium perfringens − Vascularite Morsures de serpents venimeux Champignons

Mécanisme probable

Passage brutal dans le sang de facteur tissulaire

Propriétés procoagulantes des cellules tumorales

Lésions diffuses de l’endothélium

Activation des facteurs de la coagulation par reptilases

55-8

Troubles de l’hémostase

Fig. 55.9

Purpura nécrotique extensif au cours d’une méningococcémie

Le mécanisme physiopathologique est souvent une CIVD ⁷. Cependant, il peut également s’agir d’une toxicité directe des bactéries au niveau de l’endothélium ou d’une vascularite par dépôts d’immuns complexes ou d’anticorps antiplaquettes ⁵. Rappelons que, en aucun cas, on ne doit attendre la confirmation bactériologique pour débuter le traitement du choc et l’antibiothérapie. Parfois, la présentation clinique est moins sévère, mais la réalisation d’hémocultures et d’une ponction lombaire reste impérative en présence d’un purpura fébrile. Purpura fulminans néonatal Il apparaît 6 à 12 heures après la naissance. Il s’agit d’une CIVD qui survient s’il existe un déficit en protéines S et C homozygotes ou double hétérozygote avec des taux indétectables. En l’absence de traitement, des thromboses viscérales multiples provoquent le décès. Le traitement urgent repose sur l’administration de plasma frais congelé, des concentrés de complexes de prothrombine, de protéine C, associés à des hémodialyses. Autres purpuras fulminans Ils peuvent être idiopathiques ou survenir dans les suites d’une infection bénigne cutanée (varicelle, infection à streptocoque...). La physiopathologie de ce purpura demeure inconnue. Syndrome thrombotique cutané Il correspond, sur le plan histologique, à une image caractéristique, de microthromboses des vaisseaux dermiques sans vascularite (fig. 55.10). Cliniquement, la thrombose est  CIVD coagulation intravasculaire disséminée · SAPL syndrome des antiphospholipides

Fig. 55.10 Images histologiques comparatives d’une vascularite thrombosante (A) marquée par un infiltrat inflammatoire endo- et périvasculaire, et une thrombose intraluminale vasculaire (B)

B

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

Coll. Dr P. Corne, Montpellier

A

responsable de la nécrose dermique et hypodermique. On peut noter la présence d’une réaction vasculaire à type d’endartérite oblitérante, des hémorragies dermiques ou des dépôts d’hémosidérine. Une prolifération capillaire réactionnelle à la thrombose dans le derme sous-papillaire est possible et elle est décrite dans le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL). Cliniquement, les signes témoignant de l’existence d’un processus thrombotique cutané peuvent être discrets. On observe des lésions acrales à type de microlivedo pulpaire, des paumes ou des plantes (fig. 55.11) ou à type d’hématomes filiformes sous-unguéaux (fig. 55.12). Le syndrome des orteils bleus ou des acrocyanoses peut être le reflet de phénomène thrombotique. Un orteil ou plusieurs orteils apparaissent brutalement bleu violet et entraînent de vives douleurs. Ce tableau clinique révèle des micro-emboles à point de départ cardiaque (endocardite, myxome, prothèse valvulaire...). Ce sont le plus souvent des cristaux de cholestérol. Les microthromboses peuvent se révéler par un purpura à évolution nécrotique (fig. 55.13). La différence avec une vascularite se fera sur la biopsie cutanée en montrant l’absence d’inflammation périvasculaire. La thrombose dermique massive entraîne des nappes de nécrose, précédées de lésions ecchymotiques à contour géographique, et la constitution d’une bulle hémorragique témoigne du passage vers

Coll. D. Bessis

Syndrome thrombo-hémorragique 55-9

Fig. 55.11 Livedo pulpaire d’un orteil et de la face latérale du pied au cours d’une cryoglobulinémie secondaire à une hépatite virale chronique C

Syndrome des antiphospholipides (SAPL) Parfois aussi dénommé syndrome de Hughes, il se caractérise par une thrombose artérielle et/ou veineuse, des fausses-couches répétées et la présence d’anticorps antiphospholipides (aPL), c’est-à-dire d’anticorps anticardiolipine (aCL), d’anticorps anti-β2 glycoprotéine 1 (GP1), et/ou d’anticoagulant de type lupique (lupus anticoagulant) (encadré 55.A) ⁸. On distingue le SAPL primaire apparaissant en dehors de toute autre maladie et le SAPL secondaire associé à des maladies auto-immunes, des infections ou des prises médicamenteuses. Ces aPL qui interagissent avec différentes protéines de coagulation, ainsi qu’avec des plaquettes ou des cellules endothéliales, pourraient jouer un rôle dans la pathogénie de la maladie. L’incidence de ce syndrome reste

Coll. D. Bessis

une nécrose irréversible. D’autres signes cutanés peuvent s’observer dans un syndrome thrombotique : livedo racemosa, ulcère de jambe et nodules cutanés inflammatoires.

Fig. 55.12 Hémorragies filiformes sous-unguéales témoignant d’un syndrome thrombotique cutané secondaire à des embols infectieux d’origine valvulaire cardiaque inconnue ; cependant, la prévalence serait basse dans la population générale (1-4,5 %) et augmente avec l’âge. Les manifestations cliniques du SAPL sont très diverses et correspondent à des sites de thrombose. Les signes cutanés peuvent être révélateurs du SAPL (40 % des cas). En outre, 40 % des patients ayants des signes cutanés développeront des thromboses systémiques lors de

Critères diagnostiques de Sapporo (Conférence de consensus international, 1999) Critères cliniques  Thrombose artérielle, veineuse ou microvasculaire Au moins 1 épisode clinique dans tout tissu ou organe, confirmé par imagerie (sauf pour les thromboses veineuses superficielles), doppler ou histologie (sans inflammation pariétale significative)  Morbidité gravidique Au moins 1 mort fœtale (dès 10 semaines de gestation) inexpliquée par ailleurs, sans anomalies morphologiques fœtales décelables par échographie ou examen direct ou Au moins 1 naissance prématurée ( 34 semaines de gestation) d’un nouveau normal morphologiquement, liée à une prééclampsie ou à une insuffisance placentaire sévère ou Au moins 3 avortements (< 10 semaines de gestation) spontanés consécutifs inexpliqués, non liés à une anomalie maternelle anatomique ou hormonale, ou chromosomique parentale

Critères biologiques Anticorps anticardiolipines IgG et/ou IgM, à titre moyen ou élevé, par un test ELISA standardisé pour la recherche d’anticorps anticardiolipine dépendants de la β2 GPI (à au moins 2 reprises séparées d’au moins 6 semaines) Lupus anticoagulant dépisté dans le plasma selon les recommandations de l’International Society on Thrombosis and Hemostasis Allongement d’un temps de coagulation, dépendant des phospholipides par un test de dépistage : TCA, TCK, dRVVT, TTD, temps de textarine Absence de correction du test de dépistage par un mélange avec plasma normal déplété en plaquettes Correction totale ou partielle du test de dépistage par adjonction d’un excès de phospholipides Exclusion d’autres coagulopathies, telle que l’héparinothérapie ou la présence d’un inhibiteur du facteur VIII

Le SAPL est défini s’il existe au moins un critère clinique et un critère biologique.

55.A  aCL anticorps anticardiolipines · aPL anticorps antiphospholipides · SAPL syndrome des antiphospholipides · TCA temps de céphaline activée

Fig. 55.13 Nécroses multiples punctiformes des orteils secondaires à des embols systémiques d’origine cardiaque l’évolution. Cela souligne l’importance des signes cutanés comme marqueur diagnostique et évolutif ⁹. Le livedo racemosa (ramifié) est permanent, non infiltré et fait de grandes mailles, irrégulières, non fermées et asymétriques (fig. 55.15). Il siège sur le tronc et les membres. Il peut disparaître lors d’un traitement anticoagulant bien mené, et être masqué parfois par le bronzage. Il est fluctuant spontanément au cours des années. La biopsie du centre de la maille permet d’analyser l’artériole, siège habituel de la cause du livedo, donc des altérations histologiques. Le livedo représente la manifestation cutanée probablement la plus fréquente (55 %) ¹⁰. Dans le syndrome de Sneddon, il existe un livedo racemosa associé à des manifestations ischémiques cérébrales avec une prévalence des aPL de l’ordre de 40 % ¹¹. Le purpura nécrotique, en particulier lorsqu’il est associé à un livedo et des ulcères superficiels et douloureux (fig. 55.16), peut être un signe cutané de SAPL. Les ulcères cutanés sont présents dans 30 % des cas. Ils siègent volontiers sur les malléoles et en région prétibiale. La biopsie révèle une thrombose des capillaires dermiques dans la majorité des cas. Parfois, il peut s’agir d’un aspect histologique proche de celui rencontré dans les vasculites livedoïdes, à savoir une vasculite segmentaire et hyalinisante, c’est-à-dire une vasculopathie dermique avec thrombose non inflammatoire des artérioles dermiques. L’atrophie blanche peut être associée à la présence d’aPL et se rencontrer dans les SAPL (fig. 55.14). Les ulcères résistent souvent aux thérapeutiques usuelles et nécessitent le recours à des antiagrégants ou des anticoagulants, parfois à l’association d’héparine et de faibles doses d’activateur du plasminogène (sildénafil). Des nécroses localisées et distales ou gangrènes digitales (19 %) peuvent être observées (fig. 55.17). Elles touchent le visage, les oreilles et les extrémités des membres. L’aspect histologique caractéristique est une thrombose des capillaires dermiques sans vascularite associée. Il est souvent difficile de distinguer ce type de nécrose des nécroses aux AVK développées chez un patient avec SAPL anticoagulé. Plus excep aPL anticorps antiphospholipides · AVK antivitamines K · SAPL syndrome des antiphospholipides

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Troubles de l’hémostase

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55-10

Fig. 55.14 Atrophie blanche (vasculite livédoïde) de jambe au cours d’un syndrome des antiphospholipides tionnellement, des nécroses cutanées extensives ont été rapportées plus souvent associés au SAPL II. Des facteurs précipitants ont été constatés : infection bactérienne ou antibiothérapie, anticoagulation. Ces nécroses nécessitent parfois des gestes chirurgicaux (débridement ou recouvrement par greffe). Les cicatrices séquellaires sont souvent hypertrophiques. Parmi les autres troubles cutanés sont notés : des phlébites superficielles, des hémorragies sous-unguéales en flammèches (fig. 55.18) et des anétodermies (fig. 55.19). Ces dernières correspondent à des lésions arrondies, dépressibles, atrophiques, et siège d’un phénomène d’herniation à la palpation, de 5 mm à 2 cm. Leur nombre varie de 1 à 100 lésions. Elles touchent le cou, la moitié supérieure du tronc et les bras. Sur le plan histologique, il existe une altération ou une disparition circonscrite du tissu élastique. La présence d’anétodermie primitive doit faire rechercher un phénomène prothrombotique en particulier les aPL ¹². Le dermographisme pourrait être associé au SAPL (40 %) et l’urticaire chronique (26 %). Dans la même étude, 31 % des patients avaient une acrocyanose et 18 % une alopécie diffuse ¹³. Certains présentaient des nodules sensibles, souvent de topographie acrale (bout des doigts, pied, cou) ou cuisse (avec des thromboses à l’histologie), un syndrome de Raynaud et un ptérygium unguéal. Pour certains auteurs, les phlébites superficielles des membres inférieurs sont présentes chez un tiers des patients. Les autres manifestations viscérales ¹³ sont diverses : cardiovasculaires (infarctus du myocarde, valvulopathies mitrale, aortique ou tricuspidienne avec épaississements valvulaires localisées ou diffuses, embolie pulmonaire, hypertension artérielle pulmonaire avec cœur pulmonaire chronique post-embolique...), neurologiques (atteintes centrales ou périphériques, chorée, convulsions, myopathies transverses, accidents veineux, hypertension intracrânienne, démences vasculaires), endocriniennes (insuffisance surrénale par thrombose veineuse, hémorragies surrénaliennes), ORL (perforation de la cloison nasale), ophtalmogiques (thrombose de la veine ou artère centrale de la rétine), hépatique (infarctus, syndrome de Budd-Chiari), di-

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Syndrome thrombo-hémorragique 55-11

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Fig. 55.16 Ulcération nécrotique d’une jambe au cours d’un syndrome des antiphospholipides

gestives (infarctus mésentériques), ou osseuses (infarctus osseux, ostéonécrose aseptique) ¹⁴. Certaines de ces manifestations sont indépendantes d’une occlusion vasculaire : thrombopénie immunologique supérieure à 70 000 et ne contre-indiquant pas l’utilisation des AVK ; anémie hémolytique auto-immune, statistiquement annonciatrice de l’évolution vers un lupus érythémateux disséminé ; nécrose extensive médullaire. Parmi les manifestations vasculaires, les accidents thrombo-emboliques veineux de gros vaisseaux profonds sont les plus fréquents. Les accidents artériels thrombotiques peuvent toucher le système nerveux central (accident vasculaire cérébral ischémique) par thrombose in situ ou à partir d’emboles d’origine cardiaque. L’atteinte thrombotique de la microcirculation est à l’origine des manifestations cutanées, mais elle est également responsable de la microangiopathie thrombotique rénale (ou parfois de la thrombose de l’artère rénale). Les récidives, souvent dans des territoires différents du premier épisode, sont fréquentes surtout chez les patients ayant des taux les plus élevés d’anticorps de type IgG et sont estimées à environ 10 % à 4 ans. Trois types de complications obstétricales sont qualifiantes : mort fœtale, trois pertes fœtales avant la 3 e semaine de gestation ou entre la 3 e et la 9 e semaine, enfin la prématurité secondaire à une (pré)éclampsie sévère. En dehors des fausses couches à répétition, d’autres manifestations obstétricales peuvent exister comme l’hématome rétroplacentaire, la prééclampsie, l’éclampsie, le syndrome HELLP (Hemolysis, Elevated Liver  aPL anticorps antiphospholipides · AVK antivitamines K

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Fig. 55.15 Livedo en grandes mailles, irrégulières et non fermées, suspendu d’une cuisse au cours d’un syndrome des antiphospholipides

Fig. 55.17 Nécroses digitales au cours d’un syndrome des antiphospholipides enzymes, Low Platelet count) et les accidents ischémiques fœtaux. Les anticorps antiphospholipides (aPL) sont des autoanticorps capables d’exercer des effets pathogènes in vivo en interférant avec les phospholipides membranaires des cellules endothéliales et des plaquettes ou avec les protéines plasmatiques liées à des phospholipides anioniques, en par-

Troubles de l’hémostase

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ticulier la β-2-glycoprotéine I (β2GPI) et la prothrombine. Les autres protéines proposées comme antigène cible des anticorps antiphospholipides sont : la protéine C, la protéine S, l’annexine V et les kininogènes. Retrouvés dans le SAPL, les anticorps anticardiolipines (aCL) sont présents dans 80 à 90 % des cas. Les IgG sont les plus fréquemment positifs, probablement les plus sensibles et les plus spécifiques, mais il existe aussi des IgM et IgA. Il existe deux types de tests permettant de mettre en évidence les aPL : tests de coagulation et tests immunologiques. Les tests de coagulation montrent un allongement des tests : TCA, TCK (temps de céphaline kaolin) et le dRVVT (dilute Russel’s viper venom time). Il faut utiliser au moins deux tests qui, s’ils sont positifs, doivent être complétés par un test de mélange (plasma malade + témoin). Pour les tests immunologiques de type ELISA sont utilisées des plaques recouvertes de phospholipides (très souvent la cardiolipine). Les résultats sont fournis en unités GPL pour les anticorps de classe IgG, et MPL pour les IgM. Les seuils retenus de positivité sont > 30 UGPL, et fortement positif > 80 UGPL. Les anticoagulants circulants (ACC) ont des propriétés antiprothrombinases (c’est-à-dire anticoagulant in vitro et procoagulante in vivo). Ils prolongent le temps de thromboplastine partielle activée (TTPA) ou TCA et parfois le TP d’un plasma normal, mais n’inactivent de façon spécifique aucun des facteurs de coagulation connus. Environ un tiers des patients avec SAPL ont un ACC positif et un aCL négatif. La présence d’un ACC informe sur un risque accru d’accidents thrombotiques supérieur à celui d’aCL positif isolé. Les anticorps anti-β-2-glycoprotéine I sont positifs chez 50 % des patients avec un SAPL. La β-2-glycoprotéine I, cofacteur des phospholipides, est nécessaire pour la liai-

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Fig. 55.18 Hémorragies filiformes unguéales au cours d’un lupus érythémateux compliqué d’un syndrome des antiphospholipides Fig. 55.19 Lésions cutanées anétodermiques de la face externe du bras au cours d’un lupus érythémateux compliqué d’un syndrome des antiphospholipides

son des anticorps aux phospholipides. Les autres anticorps antiphospholipides sont des anticorps anti-phosphatidylcholine, des anticorps anti-phosphatidyl-inositol, des anticorps anti-phosphatidyl-éthanolamine, des anticorps antiphosphatidyl-sérine. Ils sont recherchés en cas de manifestations cliniques évocatrices du syndrome des anticorps antiphospholipides avec des recherches des anticorps anticardiolipines et anticoagulant circulant négatives. La recherche du VDRL peut être positive dans le SAPL, avec un TPHA négatif (appelée sérologie syphilitique faussement positive). L’association d’un aPL à d’autres auto-anticorps est fréquente, en effet, même en l’absence de lupus, 30 à 50 % des patients sont porteurs de facteurs antinucléaires à titre modéré (1/40 à 1/160). Les anticorps anti-ADN natifs et antiantigènes nucléaires solubles (anti-RNP) sont constamment négatifs. Le complément est normal, sauf s’il existe un déficit génétique en C4 concomitant. Au cours des SAPL secondaires, des aPL sont détectés transitoirement au cours de nombreuses infections bactériennes et virales (syphilis, maladie de Lyme, tuberculose, endocardite infectieuse, infection à mycoplasme, EBV, VIH, hépatite A/B/C, parvovirus B19, CMV, VZV, adénovirus, Paludisme, lèpre). Quarante pour cent de patients avec un SAPL I ou II ont développé un SAPL catastrophique après un épisode infectieux ¹⁵. Les infections étaient cutanées (18 %), VIH (17 %), pneumonie (14 %), hépatite C (13 %) et infections urinaires (10 %). Vingt-trois pour cent pa-

 ACC anticoagulant circulant · aCL anticorps anticardiolipines · aPL anticorps antiphospholipides · EBV Epstein-Barr virus · SAPL syndrome des antiphospholipides · TCA temps de céphaline activée · TP taux de prothrombine · VZV virus varicelle-zona

Syndrome thrombo-hémorragique 55-13 tients sont décédés. Les signes de SAPL étaient pulmonaires (39 %), cutanés (36 %) et rénaux (35 %). Les corticostéroïdes semblent améliorer le pronostic vital. La prévalence des aPL chez les patients VIH est variable selon les publications entre 20 et 64 % et ne semble pas corrélée à l’existence accrue d’accidents thrombotiques ¹⁶. Les taux d’aCL de type IgG sont significativement plus élevés chez les patients atteints du SIDA avec infections opportunistes que chez les patients VIH asymptomatiques. La recherche systématique ne paraît pas souhaitable chez les patients VIH, excepté lorsqu’il existe d’autres facteurs thrombogènes associés ¹⁷. Les drogues induisant des aPL sont les mêmes que celles responsables de lupus induit, chlorpromazine, hydralazine, β-bloquants, quinine, quinidine, phénothiazine, hydantoïnes, interféron α (à forte dose), anti-TNF α, carbamazépine et procaïnamide. La présence d’un aPL peut se voir au cours des connectivites (lupus érythémateux systémique, syndrome de Gougerot, syndrome de Sharp, polyarthrite rhumatoïde, polychondrite chronique atrophiante, sclérodermie), des vascularites (maladie de Horton, périartérite noueuse, purpura rhumatoïde...), diabète insulinodépendant, thyroïdite auto-immune, myasthénie, ou sclérose en plaques. Certaines pathologies cancéreuses sont associées à la présence d’aPL : carcinome de toute localisation, thymome, lymphomes, gammapathies monoclonales, leucémie et syndrome myéloprolifératif... On peut rencontrer un aPL au cours des spondylarthrites ankylosantes, du rhumatisme articulaire aigu, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, de la sarcoïdose, du syndrome de Guillain-Barré, de l’insuffisance rénale terminale, de la cirrhose hépatique, de l’insuffisance hépatocellulaire aiguë, de la CIVD et de l’athérosclérose accélérée. Les œstroprogestatifs semblent se compliquer plus fréquemment de thrombose lorsqu’il existe un aPL isolé qu’en l’absence de celuici. Les aPL peuvent également être de découverte fortuite chez des sujets apparemment sains et, dans ce cas, leur fréquence est mal connue. La prévalence d’ACC se situe autour de 2 à 10 % dans les séries rapportées. La prévalence d’un aCL serait plus élevée (5 à 19 %). L’association d’un aCL et d’un ACC est rarement retrouvée chez un sujet sain. Le traitement du SAPL ¹⁸ dépend des complications. En cas d’antécédent de thrombose, sans traitement, il y a un risque de récidive dans au moins deux tiers des cas et souvent dans le même type de vaisseaux. La prévention primaire des thromboses repose sur la prise d’aspirine 100 mg/j. Il faut prendre en charge les autres facteurs de risque de thrombose : lupus érythémateux systémique, athérosclérose, hypertension artérielle, obésité, diabète. Le traitement de la thrombose repose sur l’héparinisation 300-500 UI/kg/j IV suivi d’un relais par les antivitamines K (AVK) afin d’obtenir un INR entre 2 et 3 ou 3 et 3,5 pour les formes graves, de manière prolongée, voire à vie. Une étude sur 114 patients avec un suivi de 2,7 ans, randomisée en double aveugle, n’a pas montré significativement de différence concernant le taux de récidives de thrombose en prévention secondaire entre les patients sous warfarine à faibles doses (INR de 2-3) et à fortes doses (INR de 3,1-

Critères de classification du SAPL catastrophique 1. Atteinte d’au moins 3 organes, systèmes et/ou tissus Occlusion vasculaire affirmée cliniquement avec confirmation par imagerie si besoin, atteinte rénale définie par l’élévation de 50 % de la créatininémie, HTA sévère (PAD > 80/100 mmHg) et/ou protéinurie > 500 mg/24 h 2. Survenue de ces manifestations simultanément ou en moins d’une semaine 3. Confirmation histologique d’une occlusion touchant les vaisseaux de petit calibre dans au moins 1 organe ou tissu La confirmation histologique exige la mise en évidence d’un phénomène thrombotique indiscutable, mais la coexistence d’une vascularite est parfois observée 4. Présence d’aPL (lupus anticoagulant et/ou aCL)  

SAPL catastrophique défini par les 4 critères. SAPL catastrophique probable si : − 4 critères sauf atteinte limitée à deux organes ou tissus − 4 critères sauf confirmation biologique à plus de 6 semaines d’intervalle, en raison du décès précoce d’un malade non testé avant le SAPL catastrophique − Critères 1, 2 et 4 − Critères 1, 3 et 4, l’apparition d’un troisième événement survenant dans un délai supérieur à 1 semaine et inférieur à 1 mois, malgré l’anticoagulation

55.B 4). Si la thrombose est massive ou grave, des tentatives de thrombolyse, des perfusions de dérivés de la prostacycline ou thrombolectomie ont pu être réalisées exceptionnellement, mais les gestes de revascularisation chirurgicale s’accompagnent d’un risque élevé de récidives thrombotiques. Malgré un INR à 3, une récidive thrombotique justifie l’adjonction d’aspirine à 100 mg/j et de 400 mg/j d’hydroxychloroquine (pour son activité antithrombotique et hypocholestérolémiante, même en l’absence de lupus). En prévention secondaire, on utilisera les AVK avec les objectifs sus-cités. La présence d’un ACC rend moins fiable la surveillance de l’INR, et justifie les dosages de facteurs II ou X chromogéniques. L’aspirine à dose antiagrégante (100 mg/j) est employée seule chez une femme sans antécédent thrombotique en cas de première grossesse ou en l’absence de morbidité gravidique préalable. L’aspirine est maintenue jusqu’au huitième mois, puis relayée par l’héparine sous-cutanée dans les dernières semaines. S’il existe un antécédent de thrombose, c’est l’association aspirine + héparine et, en cas d’échec, l’ajout d’immunoglobulines intraveineuses qui peut être proposé. Les œstrogènes constituent un facteur de risque et la pilule œstroprogestative ne peut être prescrite. Il faudra conseiller d’autres moyens contraceptifs, des microprogestatifs par exemple. Le SAPL catastrophique ¹⁹ est défini par des critères de classification (encadré 55.B). Il faut traiter le facteur précipitant (infection, poussée lupique, néoplasie, complication obstétrique...). Puis, le traitement, actuellement non codifié, repose sur une forte héparinisation intraveineuse, une corticothérapie plus ou moins associée à des échanges plasma-

 ACC anticoagulant circulant · aCL anticorps anticardiolipines · aPL anticorps antiphospholipides · AVK antivitamines K · CIVD coagulation intravasculaire disséminée · SAPL syndrome des antiphospholipides · TNF tumor necrosis factor

A

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Troubles de l’hémostase

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Fig. 55.21 aux AVK

Vaste placard nécrotique d’une cuisse au cours d’une nécrose

Nécrose à l’héparine ²¹,²² Si les lésions nécrotiques apparaissent sous héparine, typiquement après un délai de 5 à 15 jours, et qu’elles s’accompagnent d’une thrombopénie et de phénomènes thrombotiques, une thrombopénie à l’héparine doit être évoquée (fig. 55.20). Il s’agit d’un désordre immunoallergique caractérisé par la formation d’IgG antiplaquettes activant les plaquettes en présence d’héparine et pouvant donc être à l’origine d’un syndrome thrombotique. La nécrose cutanée constitue dès lors un signal d’alarme précédant l’apparition d’accidents thrombotiques viscérales graves et parfois mortels. On peut également constater des nécroses à l’héparine aussi sans thrombopénie soit sur les sites d’injection souscutanée lorsque ce mode d’administration est utilisé, soit à distance du lieu d’injection. Le mécanisme physiopathologique demeure obscur : fixation d’anticorps dépendant de l’héparine sur l’endothélium voisin, vasculite d’hyper-

Nécrose aux antivitamines K ²²,²³ L’incidence des nécroses varie de 1/1 000 à 1/10 000 patients traités par AVK. Parfois des prodromes sont notés à type de paresthésies, de sensations de froid, de douleurs ou de constriction localisée. Initialement, entre 2 à 10 jours après le début du traitement (parfois après plusieurs années de traitement), les lésions sont érythémateuses et bien limitées en plaques, puis des pétéchies, des vésicules et des bulles apparaissent en périphérie en 24-72 heures. Elles touchent plus volontiers la femme obèse d’âge moyen traitée pour une thrombose veineuse profonde. Les lésions nécrotiques siègent dans des régions riches en tissus adipeux, sur les régions fessières, les cuisses, l’abdomen, les seins, les extrémités et les parties génitales (classique chez l’homme) et elles s’étendent rapidement (fig. 55.21). Il s’agit d’un état d’hypercoagulabilité transitoire. En effet, lors de la mise sous AVK, la protéine C, qui est vitamine K-dépendante,

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tiques et des perfusions d’immunoglobulines (0,4 g/kg/j durant 4 à 5 jours). En cas d’échappement, et au cours du lupus, le cyclophosphamide peut être proposé. Seuls quelques cas rapportent l’efficacité de la prostacycline (5 ng/kg/min durant 7 jours, efficace, mais rechute à l’arrêt), d’ancrod, puissant fibrinolytique (efficace), de la streptokinase, de l’urokinase tissue plasminogène activateur (utilisation souvent associée à des complications hémorragique)... ²⁰.

sensibilité de type III (phénomène d’Arthus), traumatisme local au point d’injection, vascularisation réduite du tissu adipeux freinant la résorption de l’héparine localement... Les lésions sont initialement érythémateuses bien délimitées, douloureuses, et à extension centrifuge. En quelques heures apparaît un purpura violacé, avec un décollement hémorragique et/ou une nécrose centrale. Il faut doser les plaquettes et rechercher une anomalie de la coagulation (protéine C, S, ATIII, fibrinogène, résistance à la protéine C activée, TP...). Le dosage d’anticorps IgG dirigés contre le complexe héparine/PF4 (platelet factor 4) ne se fait pas en routine. La biopsie cutanée met en évidence une nécrose dermo-épidermique avec une thrombose des vaisseaux cutanés parfois associée à une vasculite leucocytoclasique. L’héparine doit être immédiatement et définitivement arrêtée. L’emploi des AVK est possible si l’anticoagulation est indispensable. Des thérapeutiques alternatives sont alors proposées : danaparoïde, hirudine. Lors des thrombopénies à l’héparine, on peut observer un syndrome de gangrène veineuse d’un membre (nécrose ischémique, associée à une thrombose veineuse) provoqué par l’utilisation de warfarine pendant les 3 à 5 jours qui suivent l’arrêt de l’héparine.

B

Fig. 55.20 Macules nécrotiques au site d’injection de l’héparine (A) et à distance (B) au cours d’une nécrose à l’héparine

 AVK antivitamines K · TP taux de prothrombine

Syndrome des orteils pourpres aux antivitamines K Il s’agit d’une complication rare des AVK. Les hommes sont préférentiellement concernés. Trois à huit semaines après le début des AVK, les orteils et les bords latéraux des pieds deviennent pourpres, sensibles et froids et sont responsables de sensations de brûlure. L’atteinte est bilatérale et les pouls périphériques sont conservés. L’association d’athérosclérose suggère la libération d’embols de cholestérol à partir de plaques athéromateuses suite aux saignements induits par l’anticoagulant au sein des plaques. L’arrêt des AVK entraîne rapidement une régression des douleurs, la coloration pouvant persister pendant plusieurs mois. Bulles hémorragiques sous héparine de bas poids moléculaire Il s’agit de bulles hémorragiques tendues apparaissant en peau saine (fig. 55.22) et à distance des sites d’injection de l’héparine de bas poids moléculaire ²⁴. Elles apparaissent environ 5 jours après le début du traitement sur les membres inférieurs ou supérieurs. Leur nombre varie de moins d’une dizaine à plus de 50. Le mécanisme physiopathologique n’est pas élucidé. L’histologie cutanée révèle une bulle intraépidermique remplie d’hématie sans image de vascularite ou de thrombose capillaire. Cette entité a été rapportée avec des héparines fractionnées (tinzaparine, nadroparine, enoxaparine, dalteparine) et avec un agent antifibrinolytique ²⁵,²⁶. Les lésions régressent en une dizaine de jours après l’arrêt de l’héparine. Les patients étaient traités par antiagrégant plaquettaire ou dipyridamol. L’héparine doit être arrêtée et rapidement relayée par des antivitamines K. Réactions aux sites d’injections des héparines fractionnées Les héparines de bas poids moléculaire sont souvent responsables d’hématome au point d’injection sous-cutanée. Il s’agit de la complication cutanée la plus fréquente. Ils peuvent laisser place à des nodules fermes plus ou moins calcifiés apparaissant au site d’injection et régressant en plusieurs semaines ou mois parfois. Des plaques érythémateuses correspondant à un eczéma de contact apparaissent entre 3 et 21 jours après le début du traitement sur les sites d’injection (fig. 55.23). Des exanthèmes généralisés ont été rapportés avec l’enoxaparine ²⁷. Des hypersensibilités

Fig. 55.22 Bulles hémorragiques survenues sous héparine de bas poids moléculaire de type I, comme une urticaire, ont été décrites avec les héparines ²⁸. Syndromes d’hypersensibilité à la fluindione La fluindione est un anticoagulant de la famille des antivitamines K, dérivé de l’indanedione comme la phénindione. Les effets secondaires les plus fréquents sont hémorragiques. Les manifestations immunoallergiques sont plus rares mais graves avec des cas d’hépatites, de syndrome fébrile et de néphropathies tubulo-interstitielles ²⁹-³². Des cas de syndrome DRESS ont été rapportés avec dans un certain nombre de cas des manifestations systémiques graves mettant en jeu le pronostic vital du patient et justifiant le recours à une corticothérapie générale ³³,³⁴. Un cas de pustulose exanthématique aiguë généralisée a également été décrit avec cette molécule ³⁵, ainsi que des risques de photosensibilisation ³³.

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diminue avant les autres facteurs vitamine K-dépendants, majorant transitoirement l’état thrombotique. L’histologie révèle une thrombose des vaisseaux cutanés sans infiltrat inflammatoire. Dans les nécroses précocement biopsiées, on remarque des thrombi dans les veinules et artérioles du derme profond et de l’hypoderme. Plus tard, la nécrose hémorragique diffuse envahit le derme et le tissu adipeux sous-cutané. Il faut évoquer un déficit hétérozygote en protéine C. Il peut s’agir de déficit en protéine S, en antithrombine III, une résistance à la protéine C activée. Le SAPL est un facteur de risque de nécrose aux AVK. Le traitement nécessite l’arrêt des AVK, un apport en vitamine K et une héparinothérapie à dose efficace. Ultérieurement, le traitement AVK pourra être repris à faible dose, avec une augmentation lente de la posologie et sous couvert d’une héparinothérapie efficace.

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Syndrome thrombo-hémorragique 55-15

Fig. 55.23 Macules eczématiformes réactionnelles aux sites d’injection d’héparine de bas poids moléculaire

 AVK antivitamines K · DRESS drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms · SAPL syndrome des antiphospholipides

55-16 Troubles de l’hémostase 1 Levy JP, P Varet B et al., éds. Physiologie de l’hémostase primaire r . Hé H matologie et trans r fus f ion ; collection. Paris : Masson ; 2001. p. 297-300. 2 Lind SE et al. Hemostatic system. In : Handin R, ed. Blood, d principles and prac r tice of haematology. Philadelphie : Lippincott Williams & Wilkins ; 2003. p. 959-981. 3 Baselga E, Drolet BA, Esterly NB. Purpura in infan f ts and children. J Am Acad Dermatol 1997 ; 37:673-705. 4 Miescher PA P . Drug induced thrombocytopenia. Semin Hematol 1973 ; 10:311-313. 5 Darmstadt GL. Acute infec f tious purpura f lminans : pathogenesis and medical managefu ment. Pediatr Dermatol 1998 ; 15:169-183. 6 Moulinier J. Les purpuras immunologiques du nouveau-né. Nouv Rev Fr Hematol 1964 ; 4: 164-173. 7 Neam PB, Hirsch J, Nossel Hl. Thrombocytopenia in septicemia. The role of disseminated intrav a ascular coagulation. Thromb r Haemost 1977 ; 38:224-228. 8 Wilson W WA , Gharavi a AE, Koike T et al. International consensus statement on preliminary classification criteria fo f r definite antiphospholipid syndrome. Arthritis Rheum 1999 ; 42:13091311. 9 Diogenes MJ, Diogenes PC, de Morais Carneiro RM et al. Cutaneous manifes f tations associated with antiphospholipid antibodies. Int J Dermatol 2004 ; 43:632-637. V , Gastineau DA, Winkelmann RK. 10 Alegre VA Skin lesions associated with circulating lupus anticoagulant. Br J Dermatol 1989 ; 120:419429. 11 Francès C, Piette JC. The mystery of Sneddon syndrome : relationship with antiphospholip syndrome and systemic lupus erythematosus. J Autoimmun 2000 ; 15:139-143. 12 Sparsa A, Piette JC, Wechsler B et al. Anetoderma and its prothrombotics abnormalities. J Am Acad Dermatol 2003 ; 49:1008-1012. 13 Levine JS, Branch DW, W Rauch J. The antiphospholipid syndrome. N Engl J Med 2002 ; 346:752-763. 14 Cervera R, Piette JC, Font J et al. Antiphos-

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Sparsa A. Troubles de l’hémostase. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 55.1-55.16.

56

Déficits immunitaires primitifs

Agnès Sparsa, Jean Sibilia, Didier Bessis Classification 56-1 Manifestations dermatologiques des déficits immunitaires primitifs 56-3 Infections cutanées 56-3 Éruptions eczématiformes 56-4 Érythrodermie du nouveau-né 56-5 Granulomatose cutanée 56-5 Déficits immunitaires primitifs humoraux 56-6 Agammaglobulinémie liée à l’X 56-6 Déficits immunitaires de type commun variable 56-6 Syndrome hyper-IgM autosomique récessif 56-7 Déficit sélectif en IgA 56-7 Déficits sélectifs en sous-classes IgG 56-8 Déficits de l’immunité cellulaire 56-8 Déficits immunitaires combinés sévères 56-8 Déficits cellulaires liés à un défaut de présentation de l’antigène 56-9 Déficits immunitaires cellulaires par défaut d’activation des lymphocytes T 56-10 Déficits quantitatifs sélectifs en lymphocytes T 56-10 Déficits isolés en cellules NK 56-10 Déficits immunitaires complexes caractérisés 56-10 Formes associées à des défauts thymiques 56-10 Déficits immunitaires caractérisés par un défaut de réparation de l’ADN 56-12 Syndrome avec hyper-IgE ou syndrome de Job-Buckley 56-13

es déficits immunitaires primitifs (DIP) ou héréditaires sont des affections rares (1/5 000 à 1/10 000) regroupant près de 130 entités différentes ¹-⁴. Ils sont la conséquence d’anomalies quantitatives et/ou qualitatives du système immunitaire qui touche d’une part l’immunité innée comprenant les cellules phagocytaires, les cellules NK et le complément, et d’autre part l’immunité adaptative comprenant les lymphocytes T et B. Les déficits de l’immunité humorale représentent 70 % des DIP et sont dominés par le déficit sélectif en immunoglobulines (Ig) de type A et les déficits de type commun variable. Les déficits de l’immunité cellulaire représentent 20 % des DIP et constituent les formes les plus sévères. Les déficits affectant la phagocytose ne représentent que 10 % des DIP. L’étude des DIP a bénéficié de façon spectaculaire des progrès de l’immunologie de la biologie moléculaire et des nouvelles théra-

L

Déficits de la régulation immunitaire 56-14 Déficits immunitaires caractérisés par un déficit des voies cytotoxiques (granules cytotoxiques cellulaires) 56-14 Syndromes APLS 56-16 Syndrome APECED 56-16 Syndrome IPEX 56-17 Anomalies des cellules phagocytaires 56-17 Neutropénies congénitales 56-17 Syndrome WHIM 56-18 Anomalies du chimiotactisme et de l’adhérence des granulocytes 56-18 Anomalies de la bactéricidie des granulocytes ou granulomatoses septiques chroniques 56-19 Déficits de l’immunité innée 56-20 Déficits en protéines du complément 56-20 Autres déficits primitifs de l’immunité innée 56-22 Démarche diagnostique en cas de suspicion de DIP 56-23 Interrogatoire et examen du carnet de santé 56-23 Enquête familiale 56-23 Examen clinique 56-24 Examens complémentaires de première intention 56-24 Examens complémentaires de deuxième intention 56-25 Traitements des déficits immunitaires primitifs 56-26 Déficits immunitaires humoraux 56-26 Déficits immunitaires cellulaires 56-26 Références 56-27

peutiques d’immunomodulation. Ce chapitre aborde les principales manifestations dermatologiques permettant d’évoquer un DIP, ainsi que les principaux DIP comportant des signes cutanéo-muqueux prédominants, révélateurs ou significatifs.

Classification On distingue : 1. les DIP humoraux, qui comprennent les agammaglobulinémies et les hypogammaglobulinémies de type commun variable, forme la plus fréquente avec les déficits isolés en IgA (tableau 56.1). 2. les DIP cellulaires ou combinés, qui comprennent notamment les déficits immunitaires combinés sévères (DICS) et les déficits en molécules HLA de classe 1 ou 2.

Les auteurs remercient vivement le docteur Frédéric Bernard pour sa relecture attentive et minutieuse de ce chapitre.

56-2

Déficits immunitaires primitifs Tableau 56.1 Classification des principaux déficits immunitaires primitifs Déficits immunitaires primitifs humoraux

Déficits de l’immunité cellulaire

Déficits immunitaires complexes associés Déficits de la Anomalies des à des syndromes régulation immunitaire cellules phagocytaires malformatifs

Déficits de l’immunité innée

Déficit des voies Déficits associés à des cytotoxiques défauts thymiques  Syndrome de DiGeorge  Maladie de Chediak-Higashi  Syndrome WHN  Syndrome de Griscelli-Prunieras  Lymphohistiocytoses hémophagocytiques familiales  Syndrome de Purtilo

Neutropénies congénitales Déficits en protéines du complément  Neutropénie cyclique  Composés de la voie  Maladie de Kostman classique  Inhibiteur de C1 estérase  MBL  Fraction C3  Composés du complexe terminal

Déficits immunitaires Déficits en HLA commun variable  HLA classe 1 (hypogammaglobulinémies  HLA classe 2 (bare à expression variable) lymphocyte syndrome)

Syndrome de Wiskott-Aldrich

Syndromes APLS

Syndrome WHIM

Syndrome hyper-IgM AR

Déficits liés à un défaut d’activation des lymphocytes T  Défaut d’expression du CD3  Déficit en ZAP 70  Déficit en chaîne alpha du récepteur de l’IL-2  Déficit de production des cytokines

Déficits par défaut de réparation de l’ADN  Ataxie-télangiectasie  Syndrome de Nijmegen  Syndrome Artemis  Déficit en ADN ligase IV  Déficit en Cernunnos-XLF  Syndrome ICF  Syndrome de Bloom

Syndrome polyendocrinien auto-immun avec candidose cutanéo-muqueuse chronique

Déficit sélectif en IgA

Déficit en purine Syndrome hyper-IgE nucléoside phosphorylase (Job-Buckley)

Anomalies du chimiotactisme et de l’adhérence des granulocytes  Défaut en adhésines leucocytaires  Syndrome de Shwachman-Diamond  Syndrome de Papillon-Lefèvre  Syndrome de Haim-Munk Granulomatoses septiques chroniques

Déficits sélectifs en sous-classes IgG

Déficits quantitatifs sélectifs en lymphocytes T

Déficits sélectifs de synthèse d’AC antipolysaccharidique ou antipolypeptidique

Déficits isolés en cellules NK

Agammaglobulinémies congénitales  Maladie de Bruton (liée à l’X)  AR

Déficits immunitaires combinés sévères  Déficit en adénosine déaminase  Syndrome d’Omenn  Agammaglobulinémie type alymphocytose (T-B-)

Syndrome IPEX

Autres déficits  Dysplasies ectodermiques hypohidrotiques  Déficit de la voie IL-1 et des TLR Dysplasies ectodermiques hypohidrotiques avec déficit immunitaire Déficits de la voie de l’IL-1 et des TLR Épidermodysplasie verruciforme

Défaut de phagocytose des germes intracellulaires

AC : anticorps AR : autosomique récessif IL : interleukine TLR : récepteurs Toll like

3. les DIP complexes, caractérisés par leur association à des manifestations systémiques et/ou un syndrome malformatif comme les syndromes de DiGeorge et de Wiskott-Aldrich, l’ataxie-télangiectasie et le syndrome hyper-IgE. 4. les DIP caractérisés par une anomalie de la régulation immunitaire comme le syndrome auto-immunitélymphoprolifération, mais aussi des affections rares comme le syndrome polyendocrinien auto-immun candidose dystrophie ectodermique (APECED), les syndromes IPEX et de Purtilo. 5. les DIP des cellules phagocytaires, qui incluent les neutropénies congénitales, les anomalies du chimiotactisme des granulocytes et les défauts de phagocytose des germes intracellulaires.  DIP déficit immunitaire primitif

6. les DIP caractérisés par une anomalie génomique de l’immunité innée, notamment des récepteurs TLR (Toll-like receptor) ou de protéines adaptatrices comme l’IRAK-4 (interleukine receptor associated kinase-4). 7. les DIP en protéines du complément, qui associent les déficits en composés de la voie classique (C1, C2, C4), les déficits en C3, les déficits en C5, C6, C7, C8, C9 et les déficits en protéines régulatrices (inhibiteur du C1, facteur DAF ou CD-55). Chaque DIP se caractérise par diverses complications infectieuses, auto-immunes, atopiques, lymphoprolifératives, granulomateuses et néoplasiques, qui en font leur spécificité. Schématiquement, il existe dans la majorité des cas des infections répétées qui sont liées à des germes préférentiellement associés à chaque type de déficit. À titre

Coll. Pr F. Cambazard, Saint-Étienne

Manifestations dermatologiques des déficits immunitaires primitifs 56-3

Fig. 56.1 Candidose cutanéo-muqueuse persistante et disséminée au cours d’un déficit immunitaire combiné sévère

Manifestations dermatologiques des déficits immunitaires primitifs Elles peuvent schématiquement être regroupées en quatre groupes ⁵ : − les signes cutanés des maladies infectieuses fungiques, bactériennes et virales ; − la pathologie « immunoallergique », avec au premier plan les dermatites eczématiformes, les érythrodermies néonatales, les granulomatoses cutanées et les signes dermatologiques des maladies auto-immunes ; − la pathologie tumorale cutanée secondaire aux DIP, en particulier lymphomateuse (non abordée dans ce chapitre) ; − les signes cutanés évocateurs ou pathognomoniques d’un phénotype de DIP complexes comme les cheveux gris argenté au cours des syndromes de GriscelliPrunieras et de Chediak-Higashi ou les télangiectasies cutanées et conjonctivales de l’ataxie-télangiectasie. Infections cutanées Plusieurs caractères particuliers d’une dermatose infectieuse peuvent faire suspecter un DIP : − son caractère nécrosant, végétant, évolutif et extensif malgré un traitement anti-infectieux théoriquement adéquat en termes de cible et de durée ; − l’isolement d’un agent infectieux reconnu comme peu ou pas pathogène, saprophyte ou opportuniste ; − la modification de l’expression séméiologique habituelle de cette dermatose responsable de difficultés diagnostiques ; − la répétition des épisodes infectieux et/ou leur résistance à un traitement anti-infectieux bien conduit.  DIP déficit immunitaire primitif

Coll. D. Bessis

d’exemple, les déficits en IgG2 observés dans la plupart des déficits humoraux se compliquent préférentiellement d’infections à germes encapsulés (pneumocoque, H. influenzae). Les manifestations cutanées sont fréquentes, peuvent être sévères et constituent parfois un des critères diagnostiques des DIP.

Fig. 56.2 Paronychie et dystrophies unguéales chroniques candidosiques évocatrices d’un syndrome APECED Infections cutanées fungiques Les infections candidosiques cutanées et muqueuses peuvent constituer le signe révélateur ou évocateur d’une forme particulière de DIP (tableau 56.2). Elles peuvent être révélées par une candidose chronique ou extensive orale, cutanéo-muqueuse (fig. 56.1), périunguéale à type de paronychie avec des dystrophies unguéales associées (fig. 56.2), granulomateuse ou érythrodermique. Parmi les autres infections fungiques rencontrées, il faut mentionner la prédominance des aspergilloses cutanées au cours des granulomatoses septiques chroniques, responsables de lésions nodulaires érythémateuses et violacées, parfois nodulaires purulentes et nécrotiques. De nombreuses autres infections fungiques cutanées « superficielles » peuvent être observés : blastomycose, coccidioïdomycose, cryptococcose, histoplasmose, Tableau 56.2

Infections candidosiques cutanées et DIP

Symptômes cutanéo-muqueux

Déficit immunitaire primitif

Candidose cutanéo-muqueuse persistante

Déficit immunitaire combiné sévère Syndrome de DiGeorge Syndrome hyper-IgE Syndrome APECED (Autoimmune Poly Endocrinopathy-Candidiasis-Ectoderma Dystrophy)

Dystrophies unguéales, plaques granulomateuses disséminées

Syndrome APECED

Érythrodermie

Déficits immunitaires lymphocytaires T

Déficits immunitaires primitifs

Coll. D. Bessis

56-4

Fig. 56.3 Verrues palmoplantaires profuses au cours d’un déficit immunitaire combiné sévère paracoccidioïdomycose, mucormycose ou sporotrichose. Le diagnostic repose sur l’identification mycologique par l’examen histologique standard d’une biopsie cutanée (hématoxyline-éosine) complété de colorations spéciales (PAS, Gomori-Grocott), d’une mise en culture et d’éventuelles techniques d’identification par polymerase chain reaction (PCR) et hybridation in situ sur coupes paraffinées. Infections cutanées bactériennes Elles sont le plus souvent secondaires à Staphylococcus aureus. Leur présentation clinique peut être atypique à type d’abcès froids récurrents fluctuants non inflammatoires et sans signes généraux associés, comme au cours du syndrome hyper-IgE et des granulomatoses septiques chroniques. Une pyoder-

mite bactérienne constitue le signe révélateur des granulomatoses septiques dans 15 % des cas. Le développement de furoncles multiples et récidivants est classique au cours du syndrome hyper-IgE, mais peut également être observé au cours du déficit en IgG ⁶ et de déficits immunitaires communs variables ⁷. Au cours de l’agammaglobulinémie, de déficit d’adhésion leucocytaire et du déficit en C3, des infections cutanées à Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa sont classiques et à l’origine d’une symptomatologie dermatologique variée : retard de chute du cordon, abcès cutanés récurrents, troubles de cicatrisation, ulcérations orales, ulcérations cutanées de type pyoderma gangrenosum. Le risque d’infections cutanées à mycobactéries atypiques est augmenté non seulement au cours des DICS, mais également au cours des DIP associés à des déficits en cytokines et en récepteurs aux cytokines (axe IFN-IL12). Une réaction anormale au BCG, persistante et extensive, cutanée ou non (BCGite généralisée) peut être observée avec prédilection au cours des DICS, mais également au cours des granulomatoses chroniques septiques et du syndrome de DiGeorge ⁸,⁹. Infections cutanées virales Les infections à Herpesviridae (cytomégalovirus, virus Epstein-Barr, virus Herpes simplex, virus varicelle-zona) s’observent avec prédilection au cours des DIP lymphocytaires T quantitatifs ou qualitatifs, et également au cours des déficits des cellules NK. Les lésions sont évocatrices en cas de caractère persistant, sévère et disséminé de l’infection virale. En revanche, une authentique résistance herpétique à l’aciclovir au cours des DIP reste rare. La survenue de verrues profuses (fig. 56.3) liée à une infection à papillomavirus humains (PVH) peut constituer l’un des marqueurs du syndrome WHIM (WartsHypoimmunoglobulinaemia-Infections-Myelokathexis) en association à des infections récurrentes bactériennes et une neutropénie. En revanche, si l’épidermodysplasie verruciforme (Lutz-Lewandowsky) prédispose sélectivement à des infections cutanées profuses à certains PVH potentiellement oncogènes, elle n’est classiquement pas accompagnée d’une immunodéficience générale. La survenue de molluscum contagiosum extensifs et persistants (fig. 56.4) peut être observée au cours du syndrome hyper-IgE, du syndrome de Wiskott-Aldrich ou d’autres DIP non caractérisés ¹⁰. Éruptions eczématiformes Les éruptions eczématiformes sont fréquentes au cours des DIP (tableau 56.3) et pose le problème du diagnostic différentiel avec la dermatite atopique, d’autant qu’elles peuvent satisfaire dans certains cas aux critères diagnostiques de la DA (Hanifin et Rajka, UK Working Party). Le caractère purpurique hémorragique évoque un syndrome de WiskottAldrich en présence également de saignements de nez et d’une thrombopénie. L’éruption eczématiforme du syndrome hyper-IgE peut se distinguer de la DA classique par l’atteinte prédilective des plis axillaires, du périnée et du cou tandis que les plis de flexions tendent à être épargnés. De fréquentes et récurrentes surinfections à Staphylococcus aureus qui peut devenir résistant à la méthicilline sont également classiques. La précession de l’eczéma en période néo-

 DA dermatite atopique · DICS déficits immunitaires combinés sévères · DIP déficit immunitaire primitif · IFN interféron · IL interleukine · PCR polymerase chain reaction · PVH papillomavirus humain

Manifestations dermatologiques des déficits immunitaires primitifs 56-5

Coll. D. Bessis

Tableau 56.3

Fig. 56.4 Molluscum contagiosum profus et disséminés du tronc : un signe possible de déficit immunitaire primitif natale par une éruption papulopustuleuse touchant avec prédilection le visage et le scalp (aspect d’acné néonatale), puis secondairement les épaules, le thorax, les membres supérieurs et les fesses est également évocatrice ¹¹. Érythrodermie du nouveau-né L’érythrodermie néonatale et infantile est un mode de révélation classique des DIP (30 % d’une série rétrospective de 51 patients), en particulier du syndrome d’Omenn et du DICS, mais également du syndrome de DiGeorge, du syndrome de Wiskott-Aldrich, du déficit sélectif en IgA ¹². Plusieurs arguments cliniques, bien que non spécifiques, permettent d’évoquer le diagnostic de DIP : développement retardé de 4 à 6 semaines après la naissance à la différence des ichtyoses congénitales, caractère prurigineux constant et sévère comme au cours de la DA (fig. 56.5), palpation d’une induration cutanée avec exagération des plis cutanés, retentissement constant sur la croissance staturo-pondérale et présence inconstante d’une diarrhée, résistance à un traitement standard par des dermocorticoïdes et des émollients. La présence d’une alopécie du scalp associée à une alopécie des sourcils et des cils est évocatrice d’un syndrome d’Omenn ou d’un autre DIP. Histologiquement, la présence de nécroses kératinocytaires, d’images dite de « satellite cell

Éruptions eczématiformes et DIP

Déficit immunitaire primitif

Critères de DA *

Déficit sélectif en IgA

Non testé

Déficit immunitaire commun variable

Non testé

Syndrome Wiskott-Aldrich

Présence

Agamaglobulinémie liée à l’X

Non testé

Syndrome hyper-IgE

Présence

Syndrome d’Omenn

Non testé

* Critères de diagnostic de la dermatite atopique (DA) de l’UK Working Party Le critère obligatoire est la dermatose prurigineuse, associé à 3 ou plus des critères suivants : 1. Antécédents personnels d’eczéma des plis de flexion (fosses antécubitales, creux poplités, face antérieure des chevilles, cou) et/ou des joues chez les enfants de moins de 10 ans 2. Antécédents personnels d’asthme ou de rhume des foins (ou antécédents d’asthme, de dermatite atopique, ou de rhinite allergique chez un parent au premier degré chez l’enfant de moins de 4 ans) 3. Antécédents de peau sèche généralisée (xérose) au cours de la dernière année 4. Eczéma des grands plis ou eczéma des joues, du front et des convexités des membres chez l’enfant au-dessous de 4 ans 5. Début des signes cutanés avant l’âge de 2 ans (critère utilisable chez les plus de 4 ans seulement)

necrosis » par juxtaposition de lymphocytes et de kératinocytes nécrotiques et d’infiltrats éosinophilique ou lymphocytaire significatifs est également évocatrice d’un DIP, en particulier d’un syndrome d’Omenn. Le mécanisme sousjacent s’apparente à une réaction du greffon contre l’hôte materno-fœtale. Granulomatose cutanée Des lésions granulomateuses cutanées de cause indéterminée sont occasionnellement rapportées au cours de certains DIP, préférentiellement les déficits immunitaires communs variables, l’ataxie-télangiectasie et les granulomatoses septiques chroniques. Les aspects cliniques sont variables : papules, plus rarement nodules plus ou moins profonds, de consistance plus ou moins ferme, parfois recouverts de squames, parfois atrophiques et plus ou moins ulcérés ¹³. Les localisations préférentielles sont les membres et le visage. Leur différenciation clinique avec les granulomes annulaires ou les granulomes cutanés d’origine infectieuse est souvent délicate. Ces lésions cutanées sont habituellement contingentes et non inaugurales. L’histologie est celle d’un granulome, parfois caséeux, dermo-hypodermique, souvent périvasculaire, comportant des lymphocytes, des histiocytes et des cellules épithélioïdes. Ces lésions ne sont pas spécifiques et la recherche d’un agent infectieux causal doit être systématique (biopsie avec examen direct aidé de colorations spéciales, mise en culture, PCR).

 DA dermatite atopique · DICS déficits immunitaires combinés sévères · DIP déficit immunitaire primitif · PCR polymerase chain reaction

56-6

Déficits immunitaires primitifs

Coll. D. Bessis

portante hypoplasie des organes lymphoïdes (amygdales, ganglions). Les manifestations cutanées sont fréquentes, mais rarement au premier plan. Il s’agit d’infections bactériennes le plus souvent à Staphylococcus aureus et à streptocoque du groupe A (furoncles, impétigos, cellulite), plus rarement d’infections mycosiques. Des lésions d’eczéma à type de dermatite atopique, souvent surinfectées, ont été rapportées avec une fréquence variable (jusqu’à 20 %) ¹⁵. En revanche, la survenue de lésions granulomateuses cutanées (sarcoïdosique, avec nécrose caséeuse, neutrophilique perforante) est exceptionnelle ¹⁶. Biologiquement, il existe une hypogammaglobulinémie profonde (inférieure à 1 g/l) ou une agammaglobulinémie et un taux effondré de lymphocytes B circulants sanguins et médullaires. La réponse humorale aux antigènes courants comme le vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche est absente. Le traitement repose sur celui des infections. Les immunoglobulines par perfusion intraveineuse (IgIV) toutes les 3 à 4 semaines ou par injection sous-cutanée (SC) toutes les semaines permettent de prévenir les récidives infectieuses et les complications pulmonaires.

Fig. 56.5 Érythrodermie desquamative néonatale révélant une dermatite atopique. Noter l’absence d’alopécie sévère du scalp ou d’atteinte des cils et sourcils

Déficits immunitaires primitifs humoraux Ces déficits se caractérisent par une baisse globale (complète ou partielle) ou sélective en immunoglobulines. Agammaglobulinémie liée à l’X L’agammaglobulinémie congénitale de Bruton constitue la forme la plus caractéristique des déficits en lymphocytes B. Rare (1/200 000 naissances), elle est liée à un défaut de maturation du lymphocyte B au stade pré-B, conséquence de la mutation du gène BKT situé sur le locus Xq21.3-Xq22 et codant pour une protéine tyrosine-kinase btk (Bruton’s tyrosine kinase) impliquée dans la signalisation des Ig de membrane BCR (B Cell Receptor) ¹⁴. Elle touche les jeunes garçons à partir de 6 mois en raison d’une protection par les anticorps maternels. La maladie se caractérise par des infections précoces et récurrentes, essentiellement ORL (sinusite, otite) et pulmonaires, parfois ostéoarticulaires bactériennes et à entérovirus. Les infections respiratoires sont sévères et récidivantes, répondent mal aux antibiotiques et peuvent aboutir à des dilatations des bronches et à une insuffisance respiratoire. Les infections virales peuvent se compliquer de méningo-encéphalites ou plus rarement d’un tableau clinico-biologique de dermatomyosite, parfois au décours d’infections à échovirus. Il existe une im DIP déficit immunitaire primitif

Déficits immunitaires de type commun variable Les déficits immunitaires de type commun variable (DICV) ou hypogammaglobulinémies à expression variable sont les DIP les plus fréquents en Europe après les déficits sélectifs en IgA. Leur prévalence est de 1/50 000 à 1/200 000. Ils constituent un groupe hétérogène de près d’une vingtaine d’affections génétiques ayant en commun une hypogammaglobulinémie portant en général sur au moins 2 des 5 classes d’immunoglobulines. Ils peuvent toucher aussi fréquemment les hommes que les femmes. Il s’agit d’une affection de l’enfant et de l’adulte jeune (20 à 30 ans) ¹⁷. Ces déficits semblent s’aggraver avec l’âge, ce qui explique qu’ils peuvent se révéler à l’âge adulte (même après 50 ans). Dans la plupart des cas, il s’agit de formes sporadiques, mais la transmission peut être autosomique récessive, dominante ou liée à l’X. Les manifestations cliniques sont hétérogènes et il n’existe pas de corrélation entre le taux des gammaglobulines et les complications notamment infectieuses. Les infections des voies aériennes supérieures et inférieures respiratoires récidivantes (otites, sinusites, angines, bronchites et pneumopathies) sont révélatrices et présentes dans 70 à 100 % des cas. Les germes les plus fréquemment rencontrés sont Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae et Moraxella catarrhalis. D’autres manifestations infectieuses sont possibles et peuvent toucher les articulations, l’appareil urogénital, le système nerveux central (méningites ou méningo-encéphalites à entérovirus) et le tube digestif (diarrhées infectieuses ou non, avec ou sans malabsorption). Ces déficits se caractérisent également par des manifestations auto-immunes cliniques et biologiques dans 20 à 25 % des cas et ce, principalement chez les femmes (purpura thrombopénique idiopathique, anémie hémolytique auto-immune, maladie de Biermer, thyroïdite auto-immune). L’incidence des cancers est élevée : lymphomes non hodgkiniens, lymphome de MALT, cancers gastriques et coliques. En revanche, les lymphomes

Déficits immunitaires primitifs humoraux 56-7 cutanés B ou T sont exceptionnels. L’incidence des granulomatoses au cours des DICV varie entre 5 à 10 % et est plus élevée chez les patients ayant une lymphopénie CD4 et une splénomégalie. Les organes classiquement atteints par la réaction granulomateuse sont la rate, les ganglions, le poumon, le foie, l’œil et la peau. Les lésions granulomateuses cutanées sont peu spécifiques : plaques érythémateuses plus ou moins infiltrées, papules ou nodules, de couleur peau normale ou érythémateuse, à topographie acrale (visage et dos des mains) ou siégeant sur les zones juxta-articulaires ¹⁸. Elles peuvent être confondues avec des nodules rhumatoïdes. Des régressions spontanées sont possibles, mais leur extension progressive est habituelle. L’histologie cutanée peut révéler des granulomes épithéloïdes et giganto-cellulaires sans nécrose caséeuse (de type sarcoïdosique) ou avec nécrose caséeuse (tuberculoïde), parfois un aspect histologique de nécrobiose lipoïdique (nécrobiotique) ou de nodule rhumatoïde (palissadique interstitiel) ¹⁹. Le traitement des formes cutanées granulomateuses limitées repose sur les dermocorticoïdes. En cas d’atteinte plus étendue et/ou d’association à d’autres atteintes viscérales, l’emploi des corticostéroïdes per os (1 à 2 mg/kg/j) ou des IgIV est indiqué ²⁰. La dapsone et l’hydroxychloroquine sont habituellement inefficaces. De nombreuses autres manifestations dermatologiques ont été rapportées au cours de DICV : verrues vulgaires multiples, syndromes mains-pieds-bouche à entérovirus récidivant ²¹, épidermodysplasie verruciforme ²², récurrence herpétique et zona ²³, furonculose ²⁴, impétigo, folliculite, vitiligo, pelade ²⁵, élastome perforant serpigineux ²⁶, pyoderma gangrenosum et lucite polymorphe ²⁷,²⁸. L’incidence des verrues et des zonas est élevée au cours des DICV, témoignant d’un certain degré de déficit immunitaire cellulaire. Des lésions d’eczéma sont observées chez 10 % des patients. L’hypogammaglobulinémie initiale est souvent modérée ne touchant que les IgG (en particulier les sous-classes IgG2 et IgG4). Par la suite, les déficits touchent l’ensemble des IgG et souvent les IgA tandis que le taux d’IgM est souvent normal. Contrairement à l’agammaglobulinémie liée à l’X, le taux de lymphocytes B circulants est normal. En revanche, il n’y a pas d’isohémaglutinines et la réponse aux antigènes vaccinaux est souvent inexistante. Ce diagnostic n’est retenu, surtout chez l’adulte, qu’après exclusion des autres causes d’hypogammaglobulinémie (tableau 56.4). Depuis l’emploi des IgIV, la survie à 15 ans est de 85 % et à 20 ans de 64 % pour les hommes et 67 % pour les femmes ²⁹. La mortalité est essentiellement liée aux néoplasies et à l’insuffisance respiratoire. L’administration des IgIV toutes les 3 à 4 semaines à la dose de 300 à 600 mg/kg/cure permet de maintenir un taux IgG > 8 g/l afin de diminuer l’incidence des infections et les complications respiratoires précoces en particulier infectieuses. Les Ig administrées par voie sous-cutanée toutes les semaines ont une efficacité comparable ; elles évitent les hospitalisations et améliorent la qualité de vie ³⁰. Les mesures associées sont le traitement antibiotique des épisodes infectieux, la kinésithérapie respiratoire, les bronchodilatateurs et les corticoïdes inhalés en cas de bronchiectasies, l’éradication des foyers infectieux  PVH papillomavirus humain

dentaires et sinusiens. Les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués. L’interleukine (IL)-2 pégylé a montré une efficacité en diminuant le nombre d’événements infectieux et une augmentation des réponses prolifératives T aux mitogènes ³¹. Récemment, les anti-TNF alpha (étanercept et infliximab) ont montré une efficacité dans le traitement des granulomatoses cutanées et systémiques ³²,³³. Syndrome hyper-IgM autosomique récessif Ce syndrome rare (1/500 000 naissances) et de transmission autosomique récessive regroupe différentes formes d’affections génétiques : mutations du gène codant pour le CD40 ligand (situé en Xq26) aboutissant à l’absence d’expression de cette molécule à la surface du lymphocyte T activé (HIGM1) ; anomalies génomiques du gène AID (activator induced cytidine deaminase) (HIGM2) ou du gène UNG (uracil-DNA glycosylase) ; mutations du gène codant pour CD40 (HIGM3) ; déficit en CSR (class switch recombinaison) ou mutations du gène NEMO ³⁴. Il se caractérise par des infections bactériennes répétées et sévères de l’appareil respiratoire et du tube digestif, de fréquentes manifestations auto-immunes (polyarthrites séronégatives, néphropathie, thrombopénie, anémie hémolytique). Les manifestations dermatologiques observées sont des ulcérations cutanéomuqueuses buccales et périanales, douloureuses, concomitantes d’une neutropénie dans presque 90 % des cas. Elles débutent dans la première année de vie ³⁵. Elles peuvent laisser place à des lésions cicatricielles. L’examen histologique d’une ulcération révèle une inflammation non spécifique ³⁶. Des granulomes cutanés nodulaires ou papulo-nodulaires de type sarcoïdosique à topographie acrale ont également été rapportés ³⁷. On peut également noter des verrues vulgaires récalcitrantes et des infections sévères et récalcitrantes à papillomavirus humains (PVH). Les éléments biologiques caractéristiques sont une élévation polyclonale des IgM (10 à 30 g/l), parfois associée à un taux élevé d’IgD, et une baisse des IgG, des IgE et des IgA. Une neutropénie chronique ou cyclique est présente chez deux tiers des patients. Le traitement repose sur des perfusions d’IgIV (400 mg/kg) toutes les 3 à 4 semaines et une prophylaxie infectieuse par le triméthoprime-sulfaméthazole. Un traitement par G-CSF peut être associé en cas de neutropénie. Déficit sélectif en IgA Il s’agit du plus fréquent des déficits immunitaires (1/300 à 1/700 chez les Caucasiens et 1/5 000 chez les Asiatiques) ³⁸. La ou les anomalies génomiques ne sont pas connues. Il existe des formes familiales autosomiques récessives, parfois dominantes. Le déficit sélectif en IgA est asymptomatique dans trois quarts des cas, mais peut se compliquer d’asthmes, d’infections surtout digestives (Giardia Lamblia), ORL, ou broncho-pulmonaires, rarement de manifestations auto-immunes ou de néoplasies. Les infections respiratoires et gastro-intestinales sont plus sévères si un déficit en sous-classe IgG2-IgG4 ou IgG4 s’associe au déficit en IgA. Les manifestations dermatologiques sont rarement au premier plan : dermatoses infectieuses bactériennes (folliculites, furonculose, abcès sous-cutanés) ou mycosiques

56-8

Déficits immunitaires primitifs Tableau 56.4 Principales étiologies des hypogammaglobulinémies Médicamenteuses

Infectieuses

Antipaludéens de synthèse Captopril Carbamazépine Corticoïdes Chloramphénicol D-pénicillamine Sels d’or Phénytoïnes Méthotrexate Sulfazaline Immunosuppresseurs (azathioprine, cyclophosphamide...) Radiothérapie

Rubéole congénitale Infection congénitale à CMV Toxoplasmose congénitale Infection chronique par le VIH (enfant) Infection chronique par l’EBV Infection chronique à Paramyxovirus Parasitoses chroniques

AR : autosomique récessif

Malignes Leucémie lymphoïde et autres lymphoproliférations chroniques Thymome Lymphomes non hodgkiniens Myélome Leucémies

CMV : cytomégalovirus

Anomalies chromosomiques Syndrome 18qMonosomie 22 Trisomie 8 Trisomie 21

DICS : déficit immunitaire combiné sévère

buccale et/ou vaginale. L’élément caractéristique est un déficit profond en IgA sérique (< 0,5 g/l) et sécrétoire tandis que les taux des autres Ig sont normaux ou parfois associés à une baisse en IgG2. Des déficits partiels en IgA ont été décrits au cours de la dermatite herpétiforme ³⁹. Déficits sélectifs en sous-classes IgG Ces déficits sont souvent asymptomatiques, mais certains déficits en IgG1 se compliquent d’infections bactériennes ORL (sinusite, otite) et respiratoires, tandis les déficits en IgG2 se manifestent surtout par des infections ORL et broncho-pulmonaires à germes encapsulés (pneumocoque, Haemophilus ou pyocyanique). Il existe parfois des déficits combinés en IgG1-IgG3 ou en IgG2-IgG4, mais la notion de déficit en IgG4 est controversée car près de 25 % des sujets caucasiens adultes n’ont pas d’IgG4 sérique détectable. Il peut donc s’agir d’un déficit en 1, 2 ou plus exceptionnellement 3 sous-classes d’IgG. Lors des déficits en IgG1, des infections cutanées s’observent chez environ 8 % des malades. Des associations de déficit en IgG1 avec d’autres manifestations dermatologiques ont pu être rapportées : vasculite, purpura rhumatoïde, pyoderma gangrenosum, pemphigus, lichen. Près de 12,5 % des patients déficients en IgG2 développent des vasculites cutanées et/ou viscérales comme des purpuras rhumatoïdes ⁴⁰. Au cours des déficits en IgG2, des verrues multiples récalcitrantes, témoins d’infections à PVH, ont également été rapportées ⁴¹. Les patients atteints de dermatite atopique ayant un déficit en IgG2 développent un phénotype plus sévère de la maladie atopique ⁴². Les patients avec un déficit en IgG3 ont une fréquence élevée de récurrence herpétique ⁴³. Une infection virale à EBV chronique active avec des manifestations dermatologiques (ulcérations génitales et buccales récurrentes, des papules nécrotiques avec un érythème induré du tronc) a été décrite au cours d’un déficit en IgG3 ⁴⁴. Des infiltrations nodulaires à éosinophiles peuvent s’observer avec un déficit en IgG1-G3 et IgM ⁴⁸.

Affections génétiques

Affections diverses

DICS lié à l’X et AR Déficit immunitaire B commun variable Agamaglobulinémie liée à l’X et AR Syndromes hyper-IgM liés à l’X et AR Syndrome lymphoprolifératif lié à l’EBV Ataxie-télangiectasie

Déficits en transcobalamine II Hypercatabolisme et perte excessive des Ig (syndrome néphrotique, brûlures étendues, entéropathies exsudatives, lymphangiectasies...) Malnutrition protéino-calorique Asplénisme

EBV : Epstein-Barr virus

Ig : immunoglobulines

Déficits de l’immunité cellulaire Déficits immunitaires combinés sévères (DICS) Les déficits immunitaires combinés sévères (DICS) constituent un groupe de DIP rares (de 1/50 000 à 1/500 000 naissances) caractérisé par une absence complète de lymphocytes T ou la présence de lymphocytes T non fonctionnels associée à un déficit humoral d’importance variable et parfois à un déficit en cellule NK (natural killer) ⁴⁶. Très sévères, ils touchent de jeunes enfants qui décèdent rapidement d’infections multiples bactériennes, virales (adénovirus, Herpesviridae, paramyxovirus), fongiques et parasitaires (Pneumocystis carinii), en l’absence d’un diagnostic rapide ou d’un traitement adapté. Le développement des organes lymphoïdes secondaires (amygdales, ganglions) est le plus souvent absent. DICS lié à un déficit en adénosine déaminase Il représente 10 à 20 % des DICS et son incidence est estimée à 1/106 naissances. Il est lié à des mutations-délétions du gène de l’adénosine déaminase (ADA) situé en 20q13.2q13.11 codant pour une enzyme cellulaire intervenant dans la voie des purines. Le déficit en ADA va provoquer une accumulation de métabolites méthylés particulièrement toxiques dans les précurseurs de lymphocytes T, B et des cellules NK et être à l’origine d’un déficit progressif des lymphocytes T et B et d’une hypogammaglobulinémie, mais également d’une atteinte hépatique sévère. C’est un déficit profond qui se caractérise aussi par des complications squelettiques « pseudorachitiques », des signes neurologiques (dystonie, cécité corticale) et des infections opportunistes récurrentes. La moitié des patients atteints de ce déficit présente un tableau clinique moins sévère, avec un début plus tardif et des diagnostics parfois portés entre 15 et 40 ans sur des insuffisances respiratoires chroniques provoquées par les infections bronchopulmonaires récidivantes. Ces formes atténuées pourraient correspondre à des déficits partiels en ADA. Les injections

 DICS déficits immunitaires combinés sévères · DIP déficit immunitaire primitif · EBV Epstein-Barr virus · PVH papillomavirus humain

Déficits de l’immunité cellulaire 56-9 intramusculaires de PEG-ADA hebdomadaires ou bihebdomadaires sont suffisantes pour normaliser les taux d’ATP et de S-adénosylhomocystéine hydrolase (AdoHcy) érythrocytaires et restaurer les fonctions immunitaires au bout de quelques semaines. Cette thérapeutique permet aux patients d’attendre une transplantation de cellules hématopoïétiques. Des essais de thérapies géniques laissent entrevoir quelques espoirs ⁴⁸,⁴⁹. DICS par défaut de différenciation lymphocytaire T et éventuellement NK (T− B+ NK+ ou NK− ) Ils représentent 50 % de l’ensemble des DICS. On distingue essentiellement 2 formes : liée à l’X (T− B+ NK− ) qui représente la grande majorité des DICS, caractérisée par des mutations du gène codant pour la sous-unité gamma commune (γ-c) des récepteurs des interleukines (IL) 2, 4, 7, 9, 15 et 21. Le gène incriminé est situé en Xq13. La chaîne gamma commune est anormale dans deux tiers des cas ou absente dans un tiers des cas. C’est le défaut de l’interaction entre l’IL-7 et son récepteur qui est responsable de l’absence de lymphocytes T. L’absence de cellules NK est liée au défaut d’interaction entre l’IL-15 et son récepteur et les formes autosomiques récessives liées à des mutations du gène codant pour JaK3 (Janus Kinase 3) qui est une tyrosine kinase couplée à la chaîne γ des récepteurs aux interleukines 2, 4, 7, 9, 15 et 21. Le phénotype lymphocytaire révèle une baisse importante des T, un taux normal ou élevé de B, une hypogammaglobulinémie et une diminution marquée du nombre de cellules NK. Des infections cutanées sévères à VHP (verrues, épidermodysplasies verruciformes), des néoplasies intraépithéliales cervicales peuvent être des complications tardives dans les déficits en γ-c ou JaK3, parfois même après greffe de cellules hématopoïétiques ⁵⁰. DICS par anomalie de la recombinaison V(D)J (alymphocytose autosomique récessive T− B− NK+ ) Ils représentent 20 % des DICS. Ils sont le plus souvent liés à une mutation des gènes RAG1 et RAG2 (Recombination Activating Gene) codant pour des enzymes régulant le réarrangement des gènes des immunoglobulines et des récepteurs à l’antigène des lymphocytes T (TCR). Il existe une hypolymphocytose T, B et une hypogammaglobulinémie. Le syndrome d’Omenn est lié à des mutations faux-sens des gènes RAG1 et RAG2 ⁵¹. La transmission est autosomique récessive. Ce déficit est le plus précoce et le plus grave de tous les DIP. Les signes cutanés sont au premier plan et inaugurent volontiers le tableau par une érythrodermie congénitale desquamative, évocatrice par son caractère infiltré et son association à une alopécie du cuir chevelu, des cils et des sourcils ¹². L’histologie cutanée est évocatrice lorsqu’elle révèle les caractéristiques suivantes : hyperkératose, nécroses kératinocytaires, altérations localisées de la membrane basale, présence de lymphocytes T4 et T8 épidermiques, infiltrat périvasculaire lymphohistiocytaire et éosinophilique, marquage PS100 positif des cellules de Langerhans mais sans granule de Birbeck. Ce syndrome a par ailleurs d’autres signes cliniques fréquemment associés permettant de le différencier des autres causes d’érythrodermie néonatale (dermatite atopique, dermite séborrhéique, psoriasis, ichtyoses...) : infections récurrentes, diarrhées  DICS déficits immunitaires combinés sévères · DIP déficit immunitaire primitif · IL interleukine

sévères avec retard de croissance, hyperplasie lymphoïde avec hépatosplénomégalie et adénopathies diffuses. Biologiquement, il existe une hypolymphocytose T composée de lymphocytes T activés et d’une hyperéosinophilie. Cette dernière anomalie est un des signes cardinaux du syndrome et peut atteindre plus de 10 000 éosinophiles/mm 3. L’hyperlymphocytose est composée de lymphocytes T-CD3, T-CD4 et T-CD8 surtout polyclonaux, présentant des anomalies fonctionnelles majeures. Le nombre de lymphocytes B est souvent réduit se traduisant par un déficit humoral caractérisé par une absence d’IgG, d’IgM et d’IgA contrastant avec une importante hyper-IgE. Le pronostic de ce syndrome est redoutable avec un risque de décès au cours de la première année de vie secondaire à une dénutrition et à des infections sévères. Le traitement repose sur la greffe de cellules hématopoïétiques permettant une amélioration clinique et biologique et des survies prolongées de plusieurs années. Les DICS par mutations du gène Artemis sont à rechercher lorsque les mutations de RAG1 et RAG2 sont absentes. Il existe une diminution des lymphocytes T et B et une hypogammaglobulinémie. Le phénotype est identique à celui du syndrome d’Omenn avec une radio-sensibilité des patients atteints ⁵¹. DICS par anomalie lymphocytaire T isolée Ils représentent près de 10 % des DICS. Il a été décrit une forme autosomique récessive chez deux patients liés à des mutations de la chaîne α du récepteur de l’IL 7. Le gène est situé sur le chromosome 5p13. Dans cette forme, les cellules NK sont normales et les lymphocytes T matures sont absents. On note un taux normal ou élevé des lymphocytes B avec une hypogammaglobulinémie. Deux autres formes ont été décrites, l’une liée à un déficit en CD45, glycoprotéine impliquée dans la signalisation des LT, et l’autre liée à un défaut du CD3δ (sous-unité de CD3) avec le phénotype T− B+ ⁵². Déficits cellulaires liés à un défaut de présentation de l’antigène Déficit en HLA de classe I Il est exceptionnel et secondaire à une mutation des gènes codant pour TAP1 ou TAP2 (Transporter of Antigenic Peptides), molécules impliquées dans le transfert des peptides antigéniques du cytoplasme vers le réticulum où se fait l’assemblage des molécules HLA de classe I avant leur expression à la membrane. Ce déficit rare se traduit par des infections sino-pulmonaires bactériennes et virales parfois associées à une vascularite diffuse ou à des ulcérations cutanées profondes chroniques parfois granulomateuses ⁵³. Il existe souvent un déficit sévère lymphocytaire T-CD8 exclusif. Les taux de β2 microglobuline, de lymphocytes T CD4+ , de lymphocytes B et de gammaglobulines sériques sont normaux. Le diagnostic se pose par l’absence d’expression des molécules de classe I. Déficit en HLA de classe II (bare lymphocyte syndrome) Ce déficit autosomique récessif est lié à des anomalies des gènes de régulation des molécules HLA de classe II ⁵⁴. Il représente environ 5 % des déficits immunitaires combinés sévères. Quatre groupes sont individualisés : mutation des gènes CIITA (Class II Transactivator) (groupe A), mutation du gène RFX-5 (promoteur des molécules HLA de classe II) (groupe C), mutation du gène RFXANK (protéine complé-

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Déficits immunitaires primitifs mentaire de RFX-5) (groupe B) et mutation du gène RFXAP (régulateur des molécules HLA de classe II) (groupe D). Ce déficit se caractérise par l’absence de présentation de peptides antigéniques et a pour conséquence un déficit de l’immunité cellulaire, mais aussi un déficit de l’immunité humorale. Il est à l’origine d’une extrême sensibilité aux infections digestives (diarrhée chronique) et bronchopulmonaires, dès la première année de vie. Les germes souvent rencontrés sont pseudomonas aeruginosa, les salmonelles, les staphylocoques et streptocoques, l’haemophilus, le protéus et le cytomégalovirus. Les nourrissons développent des infections sévères et récidivantes bactériennes, virales, fongiques et parasitaires. Le décès, lié aux complications infectieuses, survient habituellement au cours de la première année de vie (moyenne 4 à 5 mois), mais quelques cas exceptionnels de survie prolongée ont été publiés (jusqu’à 16 ans) ⁵⁵. On observe une lymphopénie sélectivement T CD4, mais aussi une hypogammaglobulinémie touchant les IgG et les IgA. Le phénotypage confirme l’absence totale d’expression de molécules HLA de classe II à la surface des monocytes et des lymphocytes T et B activés. Le traitement repose sur les perfusions d’IgIV et la prophylaxie contre la pneumocystose en attendant une greffe de cellules hématopoïétiques. Déficits immunitaires cellulaires par défaut d’activation des lymphocytes T L’activation lymphocytaire débute par la reconnaissance de peptides antigéniques par le récepteur antigénique TCR (T cell receptor). Cette fixation induit une signalisation par l’intermédiaire du complexe CD3 qui va se traduire par une cascade de phosphorylations liées à des tyrosines kinases aboutissant à la transcription de nombreux gènes lymphocytaires. Plusieurs déficits peuvent altérer cette activation. Défaut d’expression du CD3 Il s’agit d’une forme très rare de DIP, à transmission autosomique récessive liée à des mutations des gènes codant pour une des chaînes du CD3 (CD3γ et CD3ε) ⁵⁹. Le phénotype du déficit est T− B+ NK+ avec une lymphopénie périphérique. Les patients développent dans les premiers mois de vie des infections broncho-pulmonaires, des diarrhées, une cassure de la courbe de poids, des hépatites virales, des candidoses orales et des infections virales disséminées (CMV, adénovirus) sévères aboutissant rapidement au décès. Déficit en ZAP 70 ZAP 70 est une protéine à activité tyrosine kinase impliquée dans l’activation des lymphocytes. Le déficit en ZAP 70, autosomique récessif, se traduit par une lymphopénie T-CD8 et un déficit fonctionnel des lymphocytes T-CD4, en nombre normal, mais ne pouvant être activés par stimulation du TCR. Le diagnostic est confirmé par la mise en évidence de mutation du gène ZAP-70. Parfois, les mutations sont hétérozygotes avec une mutation dans le domaine kinase et l’autre dans le domaine SH2 du gène ZAP-70. Dans ce cas, le phénotype clinique est différent avec notamment des signes cutanés particuliers secondaires à l’infiltration importante de la peau par des lymphocytes T-CD4+ , mémoires et activés. En l’absence de

 DIP déficit immunitaire primitif · EBV Epstein-Barr virus · PVH papillomavirus humain

greffe de cellules hématopoïétiques, seul traitement à ce jour, l’issue est fatale. Des tentatives de thérapie génique ont montré des résultats encourageants ⁵⁶. Déficits quantitatifs sélectifs en lymphocytes T Seule la lymphopénie CD8 a un mécanisme connu lié à des mutations du gène CD8α. Des lymphopénies sélectives portant surtout sur les lymphocytes CD4 et plus rarement sur les lymphocytes CD7 ont été observées sans que l’on connaisse les mécanismes exacts de ces anomalies. La lymphopénie CD4 idiopathique est une entité rare et hétérogène tant au plan clinique, qu’épidémiologique ou immunologique. Elle constitue un diagnostic d’exclusion. Ses critères diagnostiques associent un taux de lymphocytes T-CD4 inférieur à 300/mm 3 et/ou inférieur à 20 % du total des lymphocytes T, à plus d’une détermination, l’absence d’infection VIH 1 et 2 ou d’infection HTLV-1 et 2, et l’absence d’autre cause de déficit immunitaire ou de traitement immuno-suppresseur. Les manifestations dermatologiques sont présentes dans près d’1 cas sur 2, parfois isolées ou révélatrices. Il s’agit le plus souvent d’infections cutanées virales profuses à PVH, de molluscum contagiosum éruptifs, de dermite séborrhéique sévère extensive et de tumeurs cutanées (maladie de Kaposi, maladie de Bowen, carcinome épidermoïde) ⁵⁷-⁵⁹. Déficits isolés en cellules NK Ces déficits sont divisés en 3 groupes. Le déficit absolu en cellules NK est caractérisé par l’absence complète de cellules NK et de toute activité médiée par les cellules NK. Les modes de révélations sont principalement cutanés et infectieux, marqués par des infections sévères, profuses et parfois fatales liées au virus varicelle-zona (VZV) ⁶⁰,⁶¹ (fig. 56.6). Des infections à mycobacterium avium intracellulare, à CMV ou EBV ont été décrites. Les lymphocytes CD56 ou CD16 sont absents et aucune activité cytotoxique in vitro des cellules NK n’est observée. Le déficit classique en cellules NK est marqué par l’absence de cellules NK et des fonctions NK tandis que les lymphocytes NK sont présents. Les patients n’expriment pas la glycoprotéine NCAM (neural cell adhesion molecule ou CD56) et ont une faible affinité pour CD16 et CD3 mais avec un taux normal de lymphocytes NK CD56+ /CD3+ . Des infections à PVH sévères et récurrentes ainsi que des infections cutanées étendues à trichophyton ont été rapportées. Les déficits fonctionnels des cellules NK sont probablement les plus fréquents. Le gène muté est le FCGR3A codant pour CD16 (Fc gammaRIIIa). Cliniquement, les patients présentent des infections broncho-pulmonaires et des infections virales récurrentes à Herpesviridae (EBV, CMV, VZV et herpes virus simplex).

Déficits immunitaires complexes caractérisés Formes associées à des défauts thymiques Syndrome de DiGeorge (SDG) Le SDG a une incidence variable comprise entre 1/4 000 à 1/6 000 naissances et se caractérise le plus souvent (35 à 90 %) par des microdélétions hétérozygotes de la région 22q11.2, non spéci-

Fig. 56.6 Zona chez un nourrisson de 5 mois : un des modes de révélation des déficits isolés en cellules NK fiques et également observées au cours du syndrome vélocardio-facial (80-100 %) ⁶². Les formes complètes ou incomplètes de SDG se distinguent en fonction de l’importance du déficit immunitaire. Au cours de la forme complète, rare (< 1 % des patients porteurs de la délétion 22q11.2), il existe une absence congénitale de thymus à l’origine d’un déficit complet en lymphocytes T (mimant un DICS T− B+ ) et des glandes parathyroïdiennes. Les taux de lymphocytes CD3+ circulants représentent moins de 1 à 2 % des lymphocytes périphériques. Le décès survient dans la première année de vie en l’absence de greffe de thymus ou de cellules hématopoïétiques. Les formes incomplètes, plus fréquentes (75 %), sont caractérisées par une lymphopénie T qui peut se corriger avec l’âge. La plupart des patients avec un SDG incomplet ne développent pas d’infections opportunistes ou sino-pulmonaires récidivantes. Le SDG se caractérise principalement par des anomalies palatines (69-100 %) et craniofaciales, cardiovasculaires (49-83 %) surtout conotroncales et le plus souvent révélatrices, rénales (un tiers des cas), psychiatriques (trois quarts des cas) et une hypocalcémie (17-60 %). Des calcifications cutanées profondes en rapport à une hypoparathyroïdie congénitale peuvent révéler un SDG ⁶³. Dans le SDG complet « atypique », les enfants peuvent développer une éruption eczématiforme avec des lymphadénopathies ⁶⁴. Les lymphocytes T infiltrent la peau et le foie, tandis que les lymphocytes T périphériques sont bas, normaux ou élevés et la réponse aux mitogènes est normale ou diminuée. Dans ces formes, la confusion est possible avec une dermatite atopique sévère et le syndrome d’Omenn ⁶⁵,⁶⁶. Syndrome WHN Le syndrome WHN (Winged-helix nude deficiency), lié à une mutation du gène WHN, est un déficit autosomique récessif caractérisé par une atteinte de l’épithélium thymique. Le phénotype est caractérisé par une alopécie et des dystrophies unguéales ⁶⁷. Il se présente souvent comme un DICS avec une lymphopénie T et une hypogammaglobulinémie. Syndrome de Wiskott-Aldrich (SWA) Ce syndrome est défini par une triade associant un eczéma, un purpura thrombopénique (avec microplaquettes) et des infections  DA dermatite atopique · DICS déficits immunitaires combinés sévères · EBV Epstein-Barr virus

répétées. L’incidence varie de 1 à 10 patients par million d’individus. Cette affection liée à l’X, à transmission récessive, est la conséquence de mutations d’un gène codant pour la protéine WASP (Wiskott-Aldrich Syndrom Protein), situé sur Xp11-22, qui fait partie des GTPases responsables de polymérisation de l’actine. Ce gène WASP est surtout exprimé dans les lignées lymphocytaires et mégacaryocytaires ⁶⁸. Son anomalie est à l’origine d’une désorganisation du cytosquelette avec une anomalie d’expression de certaines sialoglycoprotéines de surface comme la sialoglycophorine ou CD43 à l’origine d’une perte de mobilité des lymphocytes et d’une incapacité à produire de l’IL-2 et des granules cytotoxiques. Le diagnostic est fondé sur la présence des 3 critères cliniques majeurs : dermatite eczématiforme, thrombopénie et infections pyogéniques récurrentes. Les signes cutanés sont parfois au premier plan et peuvent simuler une dermatite atopique (DA) dès les premiers mois de vie d’autant qu’ils peuvent répondre aux critères diagnostiques classiques de la DA (Hanifin et Rajka). Les manifestations liées à la thrombopénie sont un purpura pétéchial (fig. 56.7) et des hémorragies extériorisées (épistaxis, rectorragies). Ce syndrome hétérogène se complique fréquemment (9 à 40 % des cas) de manifestations autoimmunes (anémie hémolytique, cytopénies, vascularites, néphropathies, arthrites, entéropathie inflammatoire, dermatomyosite, angio-œdème, uvéites) et parfois d’affections malignes (gliome, carcinome testiculaire ou neurinome) et lymphoprolifératives souvent de pronostic défavorable. Récemment a été rapportée une lymphopathie liée à l’EBV révélée par une ulcération cutanée chez un patient atteint d’un SWA mise en rémission lors d’un traitement par anti-CD20 (rituximab) ⁶⁹. Compte tenu du déficit de l’immunité cellulaire et humorale, les patients développent des infections bactériennes ORL (sinusites, otites) ou broncho-pulmonaires à répétitions, des infections virales à herpès virus ou des infections opportunistes à pneumocystis carinii. Les enfants lymphopéniques doivent être traités par une prophylaxie antipneu-

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Déficits immunitaires complexes caractérisés 56-11

Fig. 56.7 Lésions purpuriques du visage au cours du syndrome de Wiskott-Aldrich

Déficits immunitaires primitifs mocystose. Biologiquement, ce déficit cellulaire est marqué par une lymphopénie T d’installation progressive avec un taux de lymphocytes circulants normal jusqu’à l’âge de 6-8 ans souvent associé à un déficit en IgM contrastant avec des taux d’IgA et d’IgE sérique augmentés et un taux d’IgG normal. La réponse vaccinale vis-à-vis des antigènes protéiques (diphtérie, tétanos, Haemophilus influenzae) est anormale, contrairement à celle vis-à-vis des virus. La prise en charge du SWA repose sur le traitement symptomatique des infections bactériennes ou virales par les antibiotiques et de l’eczéma par des dermocorticoïdes. La thrombopénie nécessite des transfusions plaquettaires, parfois une splénectomie. Des IgIV administrées à titre prophylactique (400 mg/kg pendant 3 à 4 semaines) sont utiles pour lutter contre les infections à répétitions. La greffe de cellules hématopoïétiques reste le meilleur traitement lorsqu’un donneur compatible est possible. Des essais de génie thérapie ont été tentés avec succès ⁷⁰. Déficits immunitaires caractérisés par un défaut de réparation de l’ADN Ataxie-télangiectasie (AT) Ce syndrome autosomique récessif est lié à une mutation du gène ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated), situé sur le chromosome 11q22-23 et qui code pour une protéine Pi-3 kinase (phosphatidylinositol-3kinase) impliquée dans la réparation de l’ADN et le contrôle du cycle cellulaire. Son incidence est de 1 sur 300 000 naissances ⁷¹. L’AT se caractérise par une ataxie cérébelleuse progressive (dégénérescence de cellules de Purkinje du cervelet) observée dès l’âge de la marche puis par l’apparition plus tardive vers l’âge de 4 à 6 ans de fines télangiectasies (lobe de l’oreille), d’une conjonctivite et de télangiectasies conjonctivales (fig. 56.8) ⁷². Parmi les autres signes dermatologiques rencontrés, on note des taches café-au-lait, des lésions d’impétigo, une dermatite atopique, une dermatite séborrhéique, un vitiligo, un vieillissement cutané précoce, une poliose et une lipoatrophie ⁷³. Des granulomes cutanés (papules, nodules, plaque érythémato-squameuse) des membres ou du visage ont été rapportés avec histologiquement la présence d’infiltrats macrophagiques parfois nécrotiques et caséeux compatibles avec une nécrobiose lipoïdique, un granulome tuberculoïde ou une sarcoïdose ⁷⁴,⁷⁵. Ces granulomes ont pu parfois révéler l’AT ¹³. Les patients atteints développent précocement des infections sino-pulmonaires à germes encapsulés (streptococcus pneumoniae, haemophilus influenzae, pseudomonas aeruginosa) parfois sévères en raison du déficit de l’immunité cellulaire et humorale. Les infections pulmonaires répétées aboutissent à des bronchiectasies et une insuffisance respiratoire chronique. Il existe une sensibilité particulière aux radiations ionisantes, ce qui explique probablement la susceptibilité accrue aux cancers chez ces patients. Il semble que le risque relatif de cancer du sein soit de 6,8 chez les femmes hétérozygotes atteintes d’AT ⁷⁶. Les sujets homozygotes pour la mutation du gène ATM, développent des lymphomes (50 %), des leucémies lymphoïdes (30 %) ou des car-

 DICS déficits immunitaires combinés sévères

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Fig. 56.8 Télangiectasies conjonctivales au cours du syndrome ataxie-télangiectasie cinomes (20 %). Au plan cytogénétique, le caryotype met généralement en évidence des translocations impliquant les régions 7, p14, 7q35, 14q12 et 14q32. L’immunité cellulaire est partiellement altérée avec une lymphopénie T progressive portant surtout sur les lymphocytes T-CD4 associée à une baisse des immunoglobulines (IgG, IgA, IgE) et un taux d’IgM normal ou augmenté. On note également un taux élevé d’alphafœtoprotéine. La cause principale des décès est infectieuse et l’espérance de vie n’excède habituellement pas 20 ans. Syndrome de Nijmegen De transmission autosomique récessive, ce syndrome est lié à des mutations du gène NBF1 (Nibrin) impliqué dans la réparation de l’ADN. Il présente les mêmes caractéristiques cytogénétiques que l’AT mais diffère sur le plan clinique en l’absence d’ataxie et en présence d’un important retard psychomoteur associé à une microcéphalie et à une dystrophie faciale ⁷⁷. Les patients souffrent d’infections broncho-pulmonaires et ORL à répétition aboutissant à des bronchiectasies et une insuffisance respiratoire chronique souvent cause des décès. Sur le plan dermatologique la présence de taches café-au-lait, d’hypopigmentations vitiligineuses peuvent être observées. Il existe une sensibilité accrue aux radiations ionisantes et des instabilités chromosomiques avec une prédisposition élevée aux lymphopathies, aux maladies auto-immunes et aux granulomatoses. Syndrome Artemis Il est responsable d’un DICS et se caractérise par une sensibilité aux radiations ionisantes. Il existe deux phénotypes cliniques différents. L’un est proche du syndrome d’Omenn associant une polyadénopathie, une hépatosplénomégalie, une érythrodermie, une alopécie, une agammaglobulinémie (sauf en IgE) et une lymphopénie T à l’origine d’infections respiratoires et bactériennes à répétition ⁵⁰. Les biopsies cutanées révèlent des aspects de réactions du greffon contre l’hôte. Dans le deuxième phénotype clinique, le déficit immunitaire (lymphopénie B, T et hypogammaglobulinémie) est d’installation plus progressive de révélation plus tardive. Il existe des infections sino-pulmonaires et gastro-intestinales réci-

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Syndrome avec hyper-IgE ou syndrome de Job-Buckley Le syndrome hyper-IgE (HIE) est un déficit immunitaire primitif rare avec une incidence de 1/10 6 ⁸¹. Il est lié à des mutations du gène STAT3 (« signal transducer and activator of transcription 3 ») dans sa forme autosomique dominante et du gène TYK-2 (« Tyrosine Kinase 2 ») dans sa forme autosomique récessive. Au cours de la forme autosomique dominante (AD-HIE) sont présents les signes ostéoarticulaires et dentaires (absence de chute des premières dents). La forme autosomique récessive (AR-HIE), de description plus récente, semble être associée à des infections sévères pulmonaires et abcédées, à des infections virales récurrentes (plus fréquentes que dans la forme AD-HIE), une importante hyperéosinophilie, des complications neurologiques

(paralysie faciale, hémiplégie) et un décès précoce dans l’enfance (par infections pulmonaires fungiques ou à Pseudomonas). En revanche, les manifestations squelettiques et dentaires sont absentes dans la forme AR-HIE ⁸³. L’HIE se caractérise par des abcès « froids » récurrents, cutanés (furoncles, cellulites, lymphangites ou paronychies), pulmonaires, ORL, osseux ou articulaire à staphylococcus aureus et à Candida survenant précocement entre 2 mois et 5 ans. D’autres germes sont parfois impliqués : haemophilus, pneumocoques, pseudomonas, Esterichia coli, des agents fungiques (trichophyton, aspergillus), ainsi que des virus (herpès) et des mycobactéries atypiques. Des infections sévères et chroniques à molluscipoxvirus (molluscum contagiosum) sont décrites et ont pu être traitées avec succès par IFN-α ¹⁰. La dermatite eczématiforme débute dans les premières semaines qui suivent la naissance et touche avec prédilection les plis axillaires (fig. 56.9), le périnée et le cou, tandis que les plis de flexion sont épargnés à la différence de la DA ⁸⁴,⁸⁵. Les stigmates mineurs d’atopie (pli palpébral de Dennie-Morgan, atteinte eczématiforme rétroauriculaire) sont classiquement absents au cours de l’HIE. La biopsie cutanée révèle fréquemment la présence d’un important infiltrat d’éosinophiles classiquement absent au cours de la DA. La précession de l’eczéma en période néo-

Fig. 56.9 hyper-IgE

Dermite eczématiforme du pli axillaire au cours du syndrome

 DA dermatite atopique · EBV Epstein-Barr virus · IFN interféron

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divantes, des cytopénies auto-immunes, ainsi qu’une susceptibilité à développer des lymphomes EBV+ ⁷⁸. Syndrome de Bloom Ce syndrome a une transmission autosomique récessive. Sa fréquence est élevée chez les juifs ashkenases ⁷⁹. L’anomalie génétique est une mutation du gène BLM codant pour une hélicase (BLM RecQ hélicase). Le phénotype est caractérisé avec une petite taille, un faciès d’oiseau, une atteinte médullaire et une hypersensibilité aux radiations. Les lésions cutanées se caractérisent par un érythème facial de type lupique, parfois bulleux ou croûteux puis progressivement télangiectasique ⁸⁰. On peut également noter des hypo- et des hyperpigmentations sur le tronc. Compte tenu du déficit immunitaire, les enfants développent des infections bactériennes sinopulmonaires pouvant conduire à des insuffisances respiratoires chroniques principales causes de décès. Les patients sont infertiles. Dix pour cent des patients développent des diabètes de type II vers l’âge de 25 ans. Ce syndrome caractérisé par une instabilité chromosomique peut se compliquer de leucémies, de lymphomes et de carcinomes colique, cutané ou mammaire. Il existe des déficits en Ig, surtout en IgM, IgA et moins communément en IgG et une réponse immune normale post-vaccinale.

Fig. 56.10 Dysmorphie faciale associant un front proéminent et un élargissement de l’ensellure nasale au cours du syndrome hyper-IgE

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Déficits immunitaires primitifs natale par une éruption papulopustuleuse touchant avec prédilection le visage et le scalp (aspect d’acné néonatale), puis secondairement les épaules, le thorax, les membres supérieurs et les fesses est évocatrice ¹¹. Une kératoconjonctivite, une dysmorphie faciale (fig. 56.10) avec des troubles dentaires, une langue scrotale sont également classiques. Le marqueur biologique caractéristique est une hyper-IgE polyclonale (souvent supérieur à 5 000 UI/ml, pouvant aller jusqu’à 20 000 à 100 000 UI/ml) qui se corrige avec l’âge. Il existe également une hyperéosinophilie (> 700/mm 3), une augmentation des IgD et les IgE antistaphylococciques, une altération du chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles et une diminution de IL-12 et de la production d’IFN-γ. Le traitement du syndrome de Buckley est symptomatique et l’utilisation d’une antibiothérapie antistaphylococcique préventive est préconisée. Les dermocorticoïdes et les émollients permettent de traiter l’eczéma. L’utilisation d’IgIV a permis une régression des signes cutanés et une diminution du taux d’IgE ⁸⁶. La ciclosporine a été utilisée avec succès dans quelques cas, mais, à l’inverse l’IFN-γ, s’est avéré inefficace. La greffe de cellules hématopoïétiques n’apporte pas toujours une amélioration.

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Déficits de la régulation immunitaire Déficits immunitaires caractérisés par un déficit des voies cytotoxiques (granules cytotoxiques cellulaires) Ces déficits se caractérisent par des anomalies de la mort cellulaire induite par les granules cytotoxiques produites par les LT et les cellules NK. Ces syndromes ont la particularité de pouvoir se manifester par des syndromes d’hémophagocytose. Déficits immunitaires avec troubles pigmentaires cutanés La maladie de Chediak-Higashi est une affection autosomique récessive liée à des anomalies du gène LYST-CHS1 (« lysosomal trafficking regulator ») localisé sur le chromosome 1 (1q42-1q43) ⁸⁷. Ce gène régule la production et la migration des granules cytotoxiques. L’anomalie de fusion des membranes lysosomiales provoque la formation de lysosomes géants dans toutes les cellules (dont les leucocytes). La maladie de Chediak-Higashi est caractérisée par une neutropénie et une susceptibilité aux infections bactériennes par déficit de la bactéricidie des polynucléaires neutrophiles et des troubles pigmentaires cutanés. Le terme d’albinisme partiel est inadéquat car l’hypopigmentation pilaire est secondaire à un défaut de transfert dendritique de la mélanine vers les kératinocytes via les mélanosomes et non à l’absence de mélanocytes. Le tableau hématologique est sévère avec une hémophagocytose (pancytopénie, hypofibrinémie, hypertriglycéridémie), une organomégalie fébrile et un syndrome méningé. Il existe une photophobie et un nystagmus modéré. Le diagnostic est évoqué devant la constatation d’inclusions gris vert ou azurophiles géantes (0,5 à 4 μm de diamètre) pathognomoniques dans les polynucléaires neutrophiles et les lymphocytes. L’hypopigmentation est habituellement modérée et prédominante sur les zones couvertes, contrastant avec une peau  IFN interféron

Fig. 56.11 Macule hypopigmentée du haut du dos au cours d’un syndrome de Griscelli-Prunieras bronzée persistante sur les zones photo-exposées. Les poils (cheveux, sourcils, cils) ont des reflets gris argenté, avec à l’examen microscopique du cheveu de petits amas de pigments mélaniques irréguliers distribués régulièrement le long des zones corticales et médullaires de la tige pilaire. Les enfants décèdent de lymphopathie au cours de la première ou deuxième décennie. Seuls 10 à 15 % des patients atteignent l’âge adulte avec une symptomatologie neurologique (ataxie, neuropathie, détérioration intellectuelle...) s’aggravant progressivement. La greffe allogénique de cellules hématopoïétiques est la seule alternative de traitement. Le syndrome de Griscelli-Prunieras (SGP), résulte de mutations du gène RAB27A (SGP2) qui code pour la protéine RAB27A indispensable à la voie des granules cytotoxiques, contenant granzymes et perforine, des lymphocytes T cytotoxiques et des cellules NK. Cette protéine participe aussi au transport des mélanosomes le long du squelette d’actine. Deux autres gènes sont impliqués : MYO5A (SGP1) et mélanophiline Mlph (SGP3) ⁸⁸. Le gène MYO5A code pour une protéine motrice Myo5a, appartenant à la famille des myosines et est impliqué dans le transport des vésicules et la migration intracytoplasmique des organelles le long des fibres d’actine. Le SGP se caractérise par un albinisme partiel, un syndrome d’hémophagocytose (fièvre, hépatosplénomégalie) et des signes neurologiques fréquents et plus ou moins sévères (hypertension intracrânienne, spasticité, hémipa-

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Déficits de la régulation immunitaire 56-15

Fig. 56.12 Pigmentation argentée des cheveux et sourcils au cours d’un syndrome de Griscelli-Prunieras résie, paralysie faciale, syndrome cérébelleux, hypotonie, retard psychomoteur, encéphalopathie...) ⁸⁹. Le diagnostic différentiel se pose avec le syndrome d’Elejalde associant des troubles cutanés similaires et un tableau neurologique sévère et précoce, mais sans déficit immunitaire ⁹⁰. L’hypomélanose est bien souvent discrète (fig. 56.11). Les cheveux, les cils et les sourcils ont une teinte argentée (fig. 56.12). L’examen microscopique d’un cheveu révèle des amas de mélanine de taille variable avec une répartition irrégulière sur la tige pilaire prédominant dans la médulla (fig. 56.13). La biopsie cutanée met en évidence en microscopie optique un nombre normal de mélanocytes ovales et hyperpigmentés mais une distribution irrégulière des mélanosomes matures au sein de la couche basale et des kératinocytes adjacents pauvres en pigment (fig. 56.14). En microscopie électronique, on observe une disposition périnucléaire des mélanosomes dans les mélanocytes. Des lésions granulomateuses nécrosantes, pseudo-lupiques et mutilantes ont été rapportées au cours du SGP. Il existe un déficit immunitaire combiné sévère responsable d’infections bactériennes récidivantes cutanées, ORL et respiratoires. Biologiquement, il n’y a pas d’anomalie quantitative des lymphocytes B, des Ig et des lymphocytes T, mais un déficit fonctionnel des lymphocytes T cytotoxiques et des cellules NK. Les patients peuvent développer des « phases d’accélération » de la maladie, caractérisées par des syndromes d’hémophagocytose associés à des infections virales ou à des lymphopathies et rapidement fatales. Le traitement repose sur la greffe de cellules hématopoïétiques. À defaut, l’association d’assauts de méthylprednisolone et d’étoposide, d’immunoglobulines antithymocytes, de corticoïdes et de ciclosporine ou la combinaison méthotrexate intrathécal, cytosine arabinoside et

prednisolone ont permis d’obtenir parfois des rémissions longues mais demeurent des thérapies palliatives. Lymphohistiocytoses hémophagocytiques familiales (LHF) La forme principale, LHF2, autosomique récessive, est liée à des mutations du gène PRF1 (10q22) codant pour la perforine, dont la surexpression est à l’origine d’une altération de l’activité cytotoxique des lymphocytes T-CD8+ (CTL) et des cellules NK ⁹¹. L’incidence est de 1/50 000 naissances. La prévalence de LHF2 est multipliée par 3 en Amérique du Nord et en Italie par rapport à la population générale. Il n’y a pas d’anomalie quantitative des lymphocytes T, des lymphocytes B et du taux d’Ig. Cette affection se caractérise par un syndrome d’hémophagocytose (SAM) : fièvre en plateau élevée à 39-40 ◦ C pendant plus de 7 jours, hépatosplénomégalie, bi- ou pancytopénie, hypertriglycéridémie, hypofibrinogénémie, hyperferritinémie et images d’hémophagocytose cytologique. Ce SAM peut se développer dès l’enfance, avant 1 an, ou parfois apparaître après 20 ans. Les manifestations dermatologiques sont rapportées dans 6 à 65 % des cas ⁹². Il s’agit habituellement d’une éruption érythémateuse maculo-papuleuse, mais un purpura vasculaire ou non, une érythrodermie, des éruptions morbilli-

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Fig. 56.13 Répartition irrégulière d’amas de mélanine le long de la tige pilaire prédominant dans la médulla au cours du syndrome de Griscelli-Prunieras

Fig. 56.14 Distribution irrégulière des mélanosomes au sein de la couche basale et des kératinocytes adjacents aux mélanocytes

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Déficits immunitaires primitifs formes, des nodules granulomateux ont été décrits ⁹³,⁹⁴. Le tableau biologique est celui d’une expansion polyclonale de lymphocytes T-CD8 cytotoxiques qui vont activer les macrophages et provoquer l’hémophagocytose médullaire. De grandes quantités de cytokines comme le TNF-α, l’IL1, l’IL-6 et l’IFN-α sont libérées. Les lymphocytes B sont aussi activés anormalement. Une forme rare, LHF3, autosomique récessive, a été identifiée. Elle est liée à des mutations du gène MUNC 13-4. Les patients auraient une fonction cytotoxique résiduelle. Une troisième forme LHF4 est liée à des mutations de la syntaxine 11, un membre de la famille SNARE (soluble N-ethyl-maleimide-sensitive factor attachment protein receptor) intervenant dans des phénomènes d’exocytose. La LHF est rapidement fatale en l’absence de traitement ⁹⁵. Ce dernier repose sur l’utilisation de produits agissant par neutralisation des fonctions macrophagiques (étoposide, corticoïdes, IgIV) et lymphocytaires T (corticoïdes, ciclosporine, immunoglobulines antithymocytes). La greffe de cellules hématopoïétiques représente la meilleure alternative de traitement. Des cas isolés d’efficacité ont été rapportés avec le Campath-1H (anticorps monoclonal humanisé anti-CD52) et l’abatacept. Le traitement d’une éventuelle infection sous-jacente documentée doit être associé. Le protocole HLH-94 associant dexaméthasone, etoposide et méthotrexate intrathécal puis ciclosporine en traitement d’entretien permet d’obtenir 55 % de survie à 3 ans. Syndrome de Purtilo ou de Duncan ou syndrome lymphoprolifératif lié à l’X (XLP : X linked lymphoprolifered syndrome) Ce syndrome rare, touchant uniquement les garçons, se caractérise par une réaction anormale au virus d’Epstein-Barr ⁹⁶. L’infection débute généralement par une mononucléose, fatale dans plus de la moitié des cas. Les patients survivants développent un déficit immunitaire global (T, B, NK) compliqué d’un syndrome lymphoprolifératif malin dans 30 % des cas et un fréquent syndrome d’hémophagocytose. L’incidence est évaluée à 1/1 000 000 avec une évolution constamment fatale avant l’âge de 40 ans. L’anomalie génomique se situe dans la région Xq26-27 correspondant à des anomalies du gène SAP/SH2D1A. Ce gène code pour une protéine adaptatrice de la régulation de la signalisation intracellulaire liée à 6 molécules de la famille SLAM (signaling lymphocyte activator molecule) utilisée par les lymphocytes et les cellules NK ⁹⁷. On note des hypoou des agammaglobulinémies, des cytopénies (3 %). Une vascularite cutanée a été décrite associée à une atteinte neurologique comme révélatrice d’un syndrome de Purtilo avec un aspect clinique de parapsoriasis varioliforme ⁹⁸. Le seul traitement curatif est la greffe de cellules hématopoïétiques. Syndromes auto-immunité-lymphoprolifération (autoimmune lymphoproliferative syndrome ou APLS) L’apoptose, « suicide programmé » cellulaire, est un mécanisme de protection contre les phénomènes d’auto-immunisation et de cancérogenèse. La découverte des mécanismes de régulation de l’apoptose a permis d’identifier différentes

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affections immunogénétiques originales. Le syndrome de Canale-Smith ou syndrome auto-immunité et lymphoprolifération (APLS) est l’affection la plus connue ⁹⁹,¹⁰⁰. Il s’agit d’un déficit génétique très rare caractérisé par des mutations des gènes codant les protéines Fas (aussi appelé CD95 ou Apo-1), Fas-ligand (TNFSF6) ou caspases 8 et 10 impliquées dans l’induction de l’apoptose. Ce syndrome se traduit chez le jeune enfant par des cytopénies, des adénopathies et des auto-anticorps dirigés contre les globules rouges et les plaquettes associés à une hypergammaglobulinémie IgG et IgA. Il se complique aussi par l’apparition d’un syndrome lymphoprolifératif T caractérisé par une double population négative (CD3+ , TCR α/β+ , CD4− , CD8− ) composé de lymphocytes polyclonaux qui répondent mal aux antigènes et mitogènes ¹⁰¹. Le diagnostic peut se faire par un phénotypage lymphocytaire périphérique et par l’étude fonctionnelle et génomique de la voie d’apoptose de Fas-Fas ligand. Ce déficit génétique a la particularité de se compliquer d’un syndrome lymphoprolifératif, mais aussi d’un déficit immunitaire qui va se traduire par des infections, en particulier un herpès labial récurrent et des pneumonies. Il peut également se révéler par une urticaire et un angio-œdème ¹⁰². Biologiquement, il existe une lymphopénie surtout CD4, un défaut des proliférations T à la phyto-hémagglutinine et un défaut de réponse aux pneumocoques sans déficit quantitatif en IgG, IgA et IgM. Syndrome APECED Ce syndrome rare se caractérise par un défaut sélectif de l’immunité cellulaire anti-Candida. Ce syndrome correspond à la polyendocrinopathie auto-immune de type I ou syndrome APECED (autoimmune polyendocrinopathycandidiasis-ectoderma dystrophy). De transmission autosomique récessive, il associe une atteinte polyendocrinienne auto-immune familiale (insuffisance surrénale, ovarienne, parathyroïdienne), des dystrophies de l’émail dentaire, des ongles et parfois un vitiligo (8-13 %), une alopécie (29-37 %) et une anémie de Biermer. Son diagnostic est évoqué sur la triade : candidose cutanéo-muqueuse, insuffisance surrénalienne (5 %) et hypoparathyroïdie (32 % des cas). Les signes peuvent se développer entre 2 mois et 18 ans. On peut observer cliniquement dans un quart des cas des hépatites, des kératoconjonctivites, des diarrhées chroniques, des éruptions cutanées périodiques avec fièvre ¹⁰³. D’autres symptômes viennent compléter le tableau clinique avec l’âge : diabète, hypothyroïdie, insuffisance testiculaire et tubulopathies interstitielles. Le principal signe dermatologique de ce syndrome est une candidose cutanéo-muqueuse chronique (fig. 56.15), présente dans 60 % des cas. Cette candidose est récidivante et résistante aux traitements antifungiques. On peut également observer des onychomycoses, des pelades en plaque (30 %). La présence d’un vitiligo ou d’une pelade semble être un marqueur de sévérité de l’affection ¹⁰⁴. L’alopécie serait provoquée par des auto-anticorps antikératinocytes des cuticules et du cortex des follicules pileux. Il existerait également des anticorps antinucléaires des mélanocytes pouvant être à l’origine du vitiligo. Une panniculite lupique a été révé-

Anomalies des cellules phagocytaires 56-17 lée par des ulcérations nécrotiques des avant-bras chez un patient atteint d’un syndrome APECED. Ce syndrome est caractérisé par une production excessive d’anticorps anti-Candida malgré le déficit cellulaire spécifique. Cette affection est liée à des mutations du gène AIRE (mutation R257X) qui code pour un facteur de transcription exprimé par les cellules épithéliales médullaires thymiques nécessaires pour une établir une tolérance thymique. Ce facteur a la capacité de réguler l’expression thymique de multiples antigènes tissulaires ectopiques (insuline, thyroglobuline, antigènes rétiniens, protéine basique de la myéline) ¹⁰⁵,¹⁰⁶. Syndrome IPEX (immune dysregulation, polyendocrinopathy, enteropathy and X linked inheritance) Ce syndrome, à transmission lié à l’X, est secondaire à des mutations du gène FOXP3 (Forkhead box P3 ; Xp11.23q13.3) ¹⁰⁷. Ce gène code pour un répresseur transcriptionnel particulièrement exprimé dans une sous-population de lymphocytes T régulateurs (CD4+ , CD25+ ). Le tableau clinique associe des signes d’auto-immunité (entéropathie, diabète de type I, thyroïdite et cytopénies auto-immunes) associés à des auto-anticorps et à des infections (pneumopathies, arthrites, hépatites). Les symptômes apparaissent séquentiellement plutôt que simultanément. L’entéropa-

thie est sévère avec des diarrhées et une symptomatologie proche de celle d’une maladie cœliaque. Le syndrome de malabsorption avec cachexie et cassure de la courbe de poids nécessite une nutrition parentérale et est souvent à l’origine du décès. Le diabète de type I est lié à l’absence congénitale d’îlots de Langerhans. Une atteinte rénale est possible dans ce syndrome, et il peut s’agir d’une protéinurie, d’une néphropathie tubulo-interstitielle ou de glomérulopathies membraneuses aboutissant parfois à une insuffisance rénale ¹⁰⁸. On note parfois une hyperéosinophilie transitoire avec une hyper-IgE et une hyper-IgA. Les manifestations dermatologiques sont proches de celles du syndrome de Wiskott-Aldrich. Il a été également décrit des eczémas parfois nummulaires et des lésions bulleuses avec des clivages sous-épidermiques associés à des dépôts de C3 et d’IgG sur la jonction dermo-épidermique, mimant cliniquement des pemphigoïdes ou des prurigos nodulaires ¹⁰⁹. Des lésions psoriasiformes, des alopécies, des urticaires (allergie alimentaire) et des trachyonychies ¹¹⁰ sont également rapportées. Des infections répétitives à Sarcoptes scabeii et des formes de gale norvégienne peuvent parfois révéler ce syndrome ¹¹¹. Les garçons, en l’absence de greffe, décèdent au cours de la première année de vie d’entéropathie avec syndrome de malabsorption, d’infections ou de complications du diabète.

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Anomalies des cellules phagocytaires

Fig. 56.15

Candidose cutanéo-muqueuse chronique

Neutropénies congénitales Ces neutropénies se caractérisent par des infections bactériennes (ORL, gingivales, pulmonaires et cutanées) répétées. La neutropénie s’associe parfois à une thrombocytose et à une hypergammaglobulinémie polyclonale. Neutropénie cyclique Elle est caractérisée par une anomalie de la production médullaire des polynucléaires neutrophiles qui varie de 0 à des valeurs proches de la normale. Cette neutropénie héréditaire semble liée à une anomalie génomique située sur le chromosome 1 (1q) correspondant au gène ELA2. Des événements infectieux concomitants d’une neutropénie se répètent par cycle de 21 à 28 jours et durent 3 à 5 jours. Maladie de Kostman De transmission autosomique récessive, elle est liée à un défaut de prolifération granulocytaire. Une mutation du gène HAX1 (protéine antiapoptotique) serait à l’origine du syndrome. D’autres gènes impliqués dans les neutropénies congénitales sont identifiés : ELA2, HAX1, GFI-1, AP3B1, WAS, TAZ1, MAPBPIP, G-CSFR ¹¹². Il existe un blocage de la maturation de la myélopoïèse au stade promyélocytes/myélocytes. Le taux de polynucléaires neutrophiles (PNN) est inférieur à 0,2 × 10 9/l. Les manifestations cliniques se caractérisent par des fièvres, des infections cutanées, des ulcérations buccales et des gingivites. Les enfants décèdent habituellement d’infections au cours de la première année de vie. L’utilisation du G-CSF permet d’obtenir des taux normaux de PNN (> 1 × 10 9/l) et de diminuer les risques d’infection. Les patients ne répondant pas aux injections de G-CSF ont une mutation du récepteur au G-CSF (GSF3R). Ils augmentent cependant le

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Déficits immunitaires primitifs risque de développer des leucémies. Le seul traitement est la greffe de cellules hématopoïétiques. Syndrome WHIM (warts, hypogammaglobulinemia, recurrent bacterial infectious and myelokathexis) Ce déficit congénital du trafic leucocytaire se traduit par une neutropénie avec des aspects de myélokathexis (ou défaut de libération des neutrophiles par la moelle), une hypogammaglobulinémie, de nombreuses verrues et des infections sino-pulmonaires répétées (otite, sinusite, adénite, infections urinaires, entérite, méningite) ¹¹³. De transmission autosomique dominante, il est lié à des anomalies génomiques du CXCR4 (2q21), récepteur de chemokine qui participe à l’hématopoïèse, l’angiogenèse, la cardiogenèse et la neurogenèse ¹¹⁴. Il est aussi noté une lymphopénie B. Les manifestations dermatologiques sont marquées par des verrues profuses cutanées et/ou génitales en raison d’un déficit immunitaire sélectif vis-à-vis du PVH. Anomalies du chimiotactisme et de l’adhérence des granulocytes Défaut en adhésines leucocytaires Les déficits d’adhérence leucocytaire (leucocyte adhesion defect ou LAD) correspondent à un défaut d’expression des molécules d’adhérence β2 intégrine (CD11a-b-c/CD18 : LAD 1) ou siasyl Lewis x (siasyl CD15 : LAD 2) à l’origine d’un défaut de migration et d’accumulation des polynucléaires neutrophiles au site infecté ¹¹⁵. Le type 3 (LAD 3) autosomique récessif, très rare, pourrait être lié à une mutation du gène RAP1 (activateur des intégrines). Ces affections, de transmission autosomique récessive, se caractérisent dès les premiers jours de la vie par un retard de chute du cordon, une omphalite puis des infections bactériennes sévères « sans pus », un aspect fin et dysplasique des cicatrices cutanées, une périodontite et des lésions cutanées ulcérées périnéales. La seule anomalie biologique est une polynucléose (30 à 100 000 PNN/mm 3). Syndrome de Shwachman-Diamond Il est lié dans 90 % des cas à des mutations du gène SBDS (Shwachman-BodianDiamond syndrome), situé sur le chromosome 7q11 et impliqué dans le processing de l’ARN ¹¹⁶. Il existerait une augmentation de l’apoptose des progéniteurs hématopoïétiques secondaire à une hyperactivation de Fas. L’incidence de ce syndrome est estimée à 1/75 000 naissances et le ratio homme/femme est de 1,6/1. Ce syndrome autosomique récessif se caractérise par une insuffisance pancréatique exocrine, une neutropénie (98 %), parfois une hypoplasie médullaire, des anomalies du squelette (50 %) et des infections répétées (pneumonie, otite, abcès) ¹³⁷. On peut observer chez ces enfants une dermatose eczématiforme sévère répondant au traitement de l’insuffisance pancréatique et des infections cutanées sévères. La neutropénie (< 500 PNN/mm 3), associée à une anémie (42 % des patients, avec une hémoglobine F [80 %]), une thrombopénie (34 %) ou une pancytopénie (19 %), est intermittente chez deux tiers des patients et constante chez un tiers. Des taux bas de trypsinogène et de l’isoamylase sont détectés

 PVH papillomavirus humain

dans 90 % des cas. Une élévation des transaminases, parfois transitoire, peut s’observer dans 60 % des cas. Il existe des déficits fonctionnels en lymphocyte T et B, avec une hypoIgG. L’incidence des leucémies aiguës myéloblastiques ou lymphoblastiques est élevée chez les patients atteints de ce syndrome et atteint 15 % selon les séries. Le diagnostic repose depuis 2002 sur des critères cliniques et biologiques établis ¹¹⁷. Le traitement repose sur le traitement des infections et des épisodes hémorragiques. L’apport d’enzyme pancréatique permet le traitement de l’insuffisance pancréatique, bien que la stéatorrhée se corrige spontanément vers l’âge de 5 à 10 ans permettant l’arrêt du traitement substitutif. L’anémie semble répondre à la prednisolone. La neutropénie sera corrigée par l’apport de G-CSF si les infections répétées sont sévères. La transplantation de cellules hématopoïétiques est le traitement de choix, mais est à réaliser avec prudence chez des patients avec des dysfonctionnements d’organe responsables de complications post-greffe ¹¹⁸. Syndrome de Papillon-Lefèvre (SPL) Il est lié à des mutations du gène CTSC (CaThepsin activator of Serine Protease) à l’origine d’un déficit enzymatique en protéase lysosomale (dipeptidyl peptidase I) ¹¹⁹. La prévalence de ce syndrome est de 1 cas sur 4 millions d’habitants et une consanguinité est retrouvée chez un tiers des patients. La maladie débute entre 6 mois et 4 ans. Ce syndrome, à transmission autosomique récessif, se caractérise par une perte précoce (entre 3 et 5 ans) des dents primitives et définitives (vers 13-16 ans) et une hyperkératose palmo-plantaire. L’atteinte dentaire est liée à une grave périodontopathie infectieuse (Actinobacillus acinomycetenicomitans, Capnocytophaga species, Fusobacterium nudeatum et Eikenella corrodens). Il peut s’agir d’infections gingivales, d’abcès, de perte de l’os alvéolaire et de destruction du ligament périodontal. L’atteinte cutanée débute au cours de la première année de vie par un érythème palmaire et plantaire bien démarqué laissant place à une kératodermie. Les lésions, initialement localisées aux plantes et aux paumes, s’étendent aux faces dorsales des mains et des pieds (transgrediens) remontant parfois jusqu’aux tendons d’Achille. La kératodermie palmoplantaire s’aggrave en hiver et lors des poussées dentaires inflammatoires. Une amélioration spontanée peut s’observer à la puberté après la chute de toutes les dents définitives. L’histologie cutanée est peu spécifique et montre une hyperkératose avec une parakératose, une acanthose et un infiltrat inflammatoire modéré périvasculaire. Des lésions psoriasiformes s’observent sur les coudes et les genoux des patients adultes. Les traitements locaux (kératolytique avec 6 à 10 % d’acide salicylique, d’urée ou d’acide lactique, dermocorticoïdes avec acide salicylique et puvathérapie) sont habituellement décevants. Une hyperhidrose, des dystrophies unguéales (onychogryphose, arachnodactylie) et des kératoses folliculaires sont parfois notées. Des infections à pyogènes de la peau et d’autres organes ont été décrites au cours de ce syndrome chez près de 25 % des patients. Il existe aussi un retard mental léger et des calcifications de la dure-mère et/ou de la faux du cerveau. Les patients atteints de ce syndrome présentent des anomalies

fonctionnelles (chimiotactisme et phagocytose) des polynucléaires neutrophiles. L’utilisation de rétinoïdes oraux semble améliorer la kératodermie palmoplantaire, mais n’influence pas l’évolution de la chute dentaire sauf si, selon certains auteurs, l’introduction de ces derniers est réalisée avant le début de l’apparition des dents définitives avant 5 ans ¹²⁰. Divers traitements antibiotiques des périondontopathies ont montré des résultats variables : tétracycline 28 jours puis érythromycine 28 jours, tétracycline intermittente 2 à 4 semaines sur 4 ans, métronidazole 250 mg/j sur 5 jours pendant les poussées inflammatoires, amoxicilline/acide clavulanique 1 g/j 10 jours tous les 6 mois, amoxicilline et métronidazole 250 mg 2 fois/jour durant 10 jours ou 6 semaines tous les 3 à 4 mois. Une hygiène bucco-dentaire est nécessaire auquelle est associée une antibioprophylaxie trimestrielle de 8 jours associant amoxicilline/acide clavulanique 20-50 mg/kg/j en cas de dentition déciduale ou amoxicilline (20-50 mg/kg/j) et métronidazole (15-35 mg/kg/j) en cas de dents définitives ¹²¹. Un début plus tardif (vers la troisième décennie) d’un phénotype moins sévère sans mutation du gène CTSC tendrait à prouver l’existence d’un autre défect génétique ¹²². De même, la description récente de l’association du SPL avec un albinisme oculo-cutané de type I suggère d’autres mutations ¹²³. Syndrome de Haim-Munk Il s’agit d’une génodermatose autosomique récessive rare, proche du syndrome de Papillon-Lefevre, caractérisée par une hyperkératose palmoplantaire, une destruction du tissu périodontal avec déchaussement dentaire précoce, mais également une acroostéolyse avec déformation des doigts et atrophie des ongles, ainsi que par des infections cutanées à répétitions liées à des pyogènes. L’étude d’un patient atteint de ce syndrome a montré la présence d’une mutation homozygote du gène codant pour la cathepsine C, confirmant que le syndrome de Haim-Munk et le syndrome de Papillon-Lefevre sont alléliques, sous-tendus dans les deux cas par des mutations du gène codant pour la cathepsine C ¹²⁴,¹²⁵.

Coll. Pr J.-F. Stalder, Nantes

Anomalies des cellules phagocytaires 56-19

Fig. 56.16 Infection bactérienne récurrente de l’oreille au cours d’une granulomatose septique

Ces affections de transmission récessive lié à l’X (10-25 % de transmission autosomique récessive) se définissent par des infections granulomateuses répétées (peau, poumons, foie, os) à Staphylococcus aureus (plus de 50 % des cas) et Staphylococcus epidermidis, ainsi qu’à bacilles à Gram négatif (protéus, E. coli, etc.) et à Aspergillus ¹²⁶. L’incidence de la GSC est de 1 sur 250 000 naissances. Ces déficits sont liés à des mutations des gènes du système de la NADPH (nicotinamide dinucleotide phosphate) oxydase devenue incapable de générer des radicaux libres (O− 2 ) nécessaires à la destruction de germes (bactéricidie) intracellulaires. Quatre formes moléculaires différentes sont individualisées : gp91-phox (lié à l’X ; deux tiers des cas), p47-phox et p67-phox (un tiers des cas), p22-phox (< 5 %) ¹²⁷. La plupart des symptômes cliniques surviennent en période néonatale avant l’âge d’un an dans 70 % des cas et avant 5 ans

Fig. 56.17 Dermatite eczématiforme proche de la dermite séborrhéique au cours d’une granulomatose septique

Coll. Pr J.-F. Stalder, Nantes

Anomalies de la bactéricidie des granulocytes ou granulomatoses septiques chroniques (GSC)

dans 95 % des cas. La maladie est à l’origine d’infections bactériennes et fongiques précoces, sévères et récidivantes : aspergillose pulmonaire, abcès hépatique (30-70 %), diarrhées à salmonelles, adénite suppurée, ostéomyélites, septicémies, méningites, staphylococcie cutanée. Les infections sont majoritairement pulmonaires (80 %) à mycobactéries ou aspergillaires et sont à l’origine des décès. Le deuxième site infecté est lymphatique ganglionnaire (73 %) avec des

Déficits immunitaires primitifs

Coll. Pr D. Lipsker, Strasbourg

56-20

Coll. Pr J.-F. Stalder, Nantes

Fig. 56.19

Fig. 56.18 Éruption pseudolupique du visage et de l’avant-bras chez une jeune fille porteuse hétérozygote de la granulomatose septique liée à l’X adénites suppurées d’évolution torpide, récidivantes, fistulisées et volontiers résistantes aux traitements et justifiant une exérèse chirugicale. Ces infections peuvent se compliquer de manifestations auto-immunes disséminées (lupus, arthrites). Les manifestations dermatologiques fréquentes (60-70 %) sont rarement révélatrices de la GSC, mais peuvent être une aide au diagnostic dans les formes à révélation tardive de meilleur pronostic (à l’adolescence ou deuxième décennie) ¹²⁸. Il s’agit de dermatoses infectieuses bactériennes récurrentes : folliculites, furoncles, anthrax, impétigo, pyodermite (fig. 56.16) ou abcès multiples. Des dermites eczématiformes du visage, en particulier des zones périorificielles, mais également du cuir chevelu et des plis rétro-auriculaires, proche des aspects de dermite séborrhéique (fig. 56.17), ont été décrites. Il est parfois difficile de distinguer ces atteintes d’une dermatite atopique, d’autant que l’association de cette dernière et de la GSC a été rapportée. Des lésions vésiculo-pustuleuses et des ac IFN interféron

Éruption lupique au cours d’un déficit congénital en C1q

nés sévères sont également décrites. Plusieurs publications font état d’éruption pseudo-lupique du visage (fig. 56.18), de photosensibilité et d’ulcérations orales récidivantes chez les mères d’enfants atteints de GSC, porteuse hétérozygote de la forme liée à l’X ¹²⁹. Le diagnostic de GSC est possible en étudiant la réduction du nitrobleu de tétrazolium sur une faible quantité de sang périphérique et par le test à la rhodamine. Une chimioprophylaxie associant l’itraconazole et le triméthoprime-sulfaméthoxazole diminue le nombre d’épisodes infectieux. L’IFN-γ recombinant a également pu être utilisé.

Déficits de l’immunité innée Déficits en protéines du complément Les déficits en composés plasmatiques et membranaires du système du complément se compliquent d’infections et/ou de maladies à complexes immuns. Il s’agit habituellement de déficits de synthèse complets ou partiels, plus rarement de déficits fonctionnels liés à la synthèse d’une molécule anormale ou incomplète dépourvue d’activité biologique. Déficits en composés de la voie classique (C1q, C2, C4) Les déficits partiels en C2 et C4 sont de loin les anomalies les plus fréquentes. En effet, seuls 50 à 60 % des sujets expriment les quatre gènes du C4 alors que 30 % ont trois gènes fonctionnels et 5 à 10 % seulement deux gènes fonctionnels ¹³⁰. En conséquence, la découverte d’au moins un allèle nul ou silencieux appelé C4AQ0 ou C4BQ0 (Q0 = quantitativement nul) est fréquent et noté dans 10 à 20 % de la population caucasienne. En revanche, les déficits complets en C4 (4 allèles nuls) sont exceptionnels. Il en est de même pour le C2 pour lequel, contrairement au C4, il n’existe que deux allèles. En revanche, le déficit en C1q est exceptionnel.

Ces déficits en composés de la voie classique se manifestent surtout par des anomalies de la solubilisation des immuns complexes, se traduisant par l’apparition de syndromes lupiques (fig. 56.19) ou d’autres maladies auto-immunes ¹³¹. Il est intéressant d’observer que les allèles du C2 (C2AQO) et du C4 (C4AQ0 et C4BQ0) font souvent partie de l’haplotype HLA associé aux maladies auto-immunes (A1, CW7, B8, C2C, BfS, C4AQ0, C4, B1, DR3). Les patients ayant un déficit en C2 ou en C4 ont respectivement 20 % et 75 % de risque de développer un lupus érythémateux systémique (LES). Le déficit en C4 est 7 fois plus fréquent chez la femme que chez l’homme. Les symptômes cliniques débutent précocement par des manifestations cutanées lupiques. La moitié des patients développe une atteinte rénale plus modérée que celle que l’on observe au cours des déficits en C1q. Les anticorps antinucléaires sont positifs dans 75 % des cas avec une spécificité anti-SSA et/ou anti-SSB. Les déficits en C2 touchent 1/10 000 à 20 000 individus et sont transmis selon un mode autosomique récessif. Les LES surviennent chez 10 à 30 % des patients ayant un déficit homozygote en C2. Les atteintes cutanées sont précoces avec une photosensibilité très marquée et des épisodes fébriles, des arthrites et une fréquence élevée de positivité d’anti-SSA. Les patients présentent également des vascularites, des infections récurrentes (Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Neisseria meningitidis) et des maladies auto-immunes dans plus de 60 % des cas. Les patients hétérozygotes (1 à 2 % de la population générale) n’ont pas d’augmentation du risque de développement de LES. Cependant, des déficits hétérozygotes en C2 sont associés à des pathologies auto-immunes dans 13 % des cas des LED, des polyarthrites juvéniles ou rhumatoïdes, des glomérulonéphrites, des dermatomyosites, des sclérodermies systémiques (type syndrome CREST), des déficits immunitaires communs variables, des syndromes de Sharp, des syndromes de Gougerot-Sjögren, des syndromes des antiphospholipides et des thrombopénies auto-immunes. Les manifestations dermatologiques observées au cours des déficits hétérozygotes en C2 sont des angiœdèmes, des lupus cutanés discoïdes, des urticaires chroniques et des syndromes de Raynaud. Diverses autres manifestations cutanéo-muqueuses sont rapportées : érythèmes malaires isolés, éruptions maculopapuleuses diffuses, plaques érythémato-squameuses annulaires, purpuras vasculaires, papules nécrotiques, alopécies diffuses, poïkilodermies et ulcérations digitales, orales ou génitales ¹³²,¹³³. La dapsone peut être une alternative dans le traitement des lésions cutanées de lupus subaigü associé à des déficits en C2 ¹³⁴. Dans une observation, l’utilisation de plasma frais congelé a permis la régression des symptômes cutanés et systémiques en 2 semaines avec un contrôle de la maladie pendant 6 à 8 semaines ¹³⁵. Déficit en inhibiteur de la C1 estérase. Angio-œdème héréditaire L’œdème angioneurotique héréditaire résulte d’un déficit en inhibiteur de la C1 estérase, inhibiteur de protéases apartenant à la famille des serpines ¹³⁶. Sa prévalence est estimée à 1/50 000. Il est à l’origine de crises

Coll. Pr F. Cambazard, Saint-Étienne

Déficits de l’immunité innée 56-21

Fig. 56.20 Angio-œdème du dos de la main au cours de l’angio-œdème héréditaire de type 1 d’angiœdème cutanée, digestive et des voies aériennes supérieures avec un risque vital. Sa transmission est autosomique dominante et le gène localisé en 11q11-13.1. La mutation survient de novo dans 10 à 25 % des cas. Plus de 100 mutations de ce gène ont été décrites, sans nette corrélation phénotype-génotype. La maladie est exceptionnellement asymptomatique et de nature et de gravité très variable à l’intérieur d’une famille. Le début des crises d’angio-œdème se fait souvent à l’adolescence. Les circonstances de la crise sont variées, allant du stress physique (traumatisme, exercice sportif, chirurgie notamment ORL et dentaire) au stress psychologique, mais survenant aussi au cours d’épisodes infectieux ou rythmées par les menstruations, la prise de pilule contraceptive et la grossesse. Les crises peuvent également être déclenchées ou aggravées par des médicaments comme les inhibiteurs d’enzyme de conversion de l’angiotensine, eux-mêmes potentiellement responsables d’angio-œdème. Le rythme des crises est très irrégulier et souvent imprévisible, variant de 1 à 2 fois par semaine, mois ou année. Elles sont parfois précédées d’un malaise, d’une asthénie de 24 à 48 heures, d’une éruption érythémateuse figurée, serpigineuse, évocatrice. Elles sont suivies d’une période réfractaire de 2 à 4 jours pouvant être mise à profit pour un geste chirurgical, dentaire par exemple. L’œdème angioneurotique héréditaire cutané touche surtout le visage, les extrémités supérieurs (dos des mains) (fig. 56.20) et inférieurs et les organes génitaux externes. L’œdème est blanc, profond, non prurigineux et indolore. Il se développe en 12 à 36 heures et cède en 2 à 5 jours. La crise abdominale est inconstante et parfois isolée, voire révélatrice. Elle est très douloureuse, accompagnée de vomissements, d’une diarrhée acqueuse, pouvant se compliquer d’une déshydratation. L’œdème intestinal et pelvien en crise peut être visualisé à l’échographie abdomino-pelvienne, permettant d’éliminer d’autres urgences abdominales. L’œdème laryngé, le plus grave, a autrefois été responsable de décès en l’absence de trachéotomie en urgence. Son début est très brutal et asphyxiant, et peut être suivi d’un œdème pulmonaire. Diverses formes cliniques d’angio-œdème héréditaires sont notées. Chez

56-22

Déficits immunitaires primitifs l’enfant, le diagnostic est souvent méconnu en l’absence de cas familiaux. Les douleurs abdominales présentes parfois dès l’âge d’un an sont souvent « banalisées ». Des crises laryngées peuvent survenir. L’influence de la grossesse sur l’œdème angioneurotique héréditaire n’est pas univoque : aggravation inconstante, risque de prématurité, crises du post-partum. Le diagnostic doit être recherché si possible en crise afin de déceler les anomalies biologiques en l’absence de traitement. La variété de type I (85 %) correspond à un déficit quantitatif pondéral en inhibiteur de la C1 estérase. Le complément hémolytique total (CH50) est abaissé, ainsi que la fraction C4 (de sensibilité et valeur prédictive négatives à 100 %) et l’inhibiteur de la C1 estérase (taux réduit entre 20 à 50 % de la norme). En dehors des crises, ces taux peuvent se normaliser. Les formes pédiatriques de l’enfant et du nourrisson sont de diagnostic difficile et un taux normal du CH50, de la fraction C4 et de l’inhibiteur de la C1 estérase n’élimine pas le diagnostic. La variété de type II (15 %) est un déficit fonctionnel de l’inhibiteur de la C1 estérase dont la recherche doit être systématique en l’absence de déficit pondéral. Le type III, exceptionnel et de description récente, est exclusivement féminin, génétiquement lié à l’X sur un mode dominant, et ne comporte pas d’anomalie du complément et de l’inhibiteur de la C1 estérase. Le traitement prophylactique de l’angio-œdème héréditaire repose sur le danatrol (Danazol) à la dose de 50 à 200 mg/j ou le stanozolol à la dose de 2 mg/j, mais ce dernier n’est pas distribué en France. Le danatrol permet une synthèse accrue hépatocytaire de l’inhibiteur de la C1 estérase. Sous surveillance régulière, notamment hépatique, il est bien supporté chez l’homme. En revanche, il a une tolérance médiocre chez la femme et est contre-indiqué durant la grossesse en raison du risque de virilisation fœtale. L’acide tranexamique (Exacyl) et l’acide epsilon-aminocaproïque (Hémocaprol) par voie orale sont également proposés. En cas de césarienne, on évitera l’intubation au profit d’une analgésie régionale et la perfusion de concentré d’inhibiteur de C1 estérase est recommandée avant l’accouchement. Les œstrogènes notamment contraceptifs seront contreindiqués ultérieurement. Le traitement de la crise d’angio-œdème est symptomatique : repos, réhydratation, antalgiques au cours des crises abdominales et intubation au cours des crises laryngées. Le concentré d’inhibiteur de la C1 estérase (esterasine relayée par Berinert en 2005) est rapidement efficace en perfusion, permettant une sédation en moins d’une heure. Il peut être utilisé préventivement lors de traumatismes, de chirurgie notamment de la sphère ORL. Sa distribution actuelle se fait en autorisation temporaire d’utilisation (ATU) de cohorte. Il a remplacé le plasma frais congelé, efficace, mais présentant un risque de transmission d’agents pathogènes notamment viraux. Déficit en MBL (Mannose Binding Lectin) Il est lié à des mutations des gènes MBL situés sur le chromosome 10 (q11.2-q21-24) : MBL1 (pseudo-gène) et MBL2 (codant pour la protéine). Il favorise les infections bactériennes

(à germes pyogènes), virales, fongiques et parasitaires ¹³⁷. À l’inverse, il semble protéger vis-à-vis des germes intracellulaires : mycobactérie atypique, tuberculose, lèpre ou leishmaniose. Ce déficit est à l’origine d’une augmentation du risque d’infection après transplantation de cellules hématopoïétiques, après chimiothérapie, au cours de l’infection VIH ou la mucoviscidose. Les patients atteints du déficit en MBL ont un risque élevé de complications cardiovasculaires. La combinaison d’un déficit en C4 et en MBL prédisposerait au LED. Le déficit en MBL prédispose au LED dans les populations caucasienne et chinoise. Les patients lupiques ayant un déficit en MBL ont un risque accru de développer des infections respiratoires et des thromboses artérielles. Déficits en C3 Très rares, ils se traduisent par des infections pyogéniques récurrentes à bacilles à Gram négatif (Neisseria meningitidis, Enterobacter aerogenes, Haemophilus influenzae, Escherichia coli) mais aussi à Streptococcus pneumoniae ou à Staphylococcus aureus. Celles-ci débutent tôt, le plus souvent au cours de la première année de vie. Elles sont à l’origine d’atteintes des voies respiratoires et ORL (sinusite, bronchite, pneumonie), de méningites, d’arthrites, d’infections cutanées et parfois de septicémies. Près d’un tiers des patients avec un déficit homozygote en C3 présentent une atteinte rénale (glomérulopathie membranoproliférative). Les signes dermatologiques sont proches des vascularites hypocomplémentémiques et des syndromes lupus-like ¹³⁸,¹³⁹. La colchicine a été essayée avec succès dans les vascularites cutanées dans ce type de déficit. Déficits en composés du complexe terminal (C5 à C9) Très rares, ils prédisposent à des infections chroniques à méningocoques (à localisation méningée), conjonctivales, néphrologiques, rétiniennes et cardiaques ¹⁴⁰. Soixante pour cent des patients développent des infections aiguës à méningocoques avec des taux de récurrences atteignant 45 %. Le sérogroupe le plus fréquemment retrouvé est le sérogroupe Y. L’âge du premier épisode infectieux à méningocoques est plus tardif dans 56 % des cas que dans la population générale : 17 ans versus 3 ans. Le taux de mortalité lié à ce type d’infections est 5 à 10 fois moins élevé que dans la population générale. Les gènes codant pour C5, C6 et C7 sont situés sur le chromosome 5p13 et le gène codant pour C8A et C8B est localisé sur le chromosome 1p32. Cliniquement, les enfants présentent des épisodes de lupus érythémateux systémiques-like marqués par des fièvres récurrentes associées à des éruptions touchant le tronc et les membres, des arthrites ou des arthralgies. Les épisodes durent en moyenne 7 semaines (1 à 40 semaines). Il est classique d’observer un effondrement du complément total avec des taux normaux des fractions initiales. Autres déficits primitifs de l’immunité innée Dysplasies ectodermiques de type hypohidrotique avec déficit immunitaire Il s’agit d’affections liées à des anomalies génomiques de la voie NF-κB, par mutations du gène NEMO (forme liée à l’X) et du gène IKBA (forme autosomique dominante. Les anomalies observées associent des manifestations dysmorphiques dentaires et faciales, de l’hypo- ou de l’atrichose (cheveux, cils et sourcils) et de

Coll. Dr B. Michel, Nîmes

Démarche diagnostique en cas de suspicion de DIP 56-23

Fig. 56.21

Hypotrichose, dystrophies dentaires et unguéales au cours d’une dysplasie ectodermique de type hypohidrotique avec déficit immunitaire

l’anhidrose (responsable d’une intolérance à la chaleur) ¹⁴¹ (fig. 56.21). Il existe un défaut de réponse anticorps aux antigènes polysaccharides et un risque de développement accru de différentes infections à mycobactéries, virales (cytomégalovirus, herpès simplex virus), fongiques et à germes pyogènes (Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae ou Staphylococcus aureus). Les sites infectés sont multiples, périphériques (peau, respiratoires ou digestifs) ou profonds (hépatique, osseux, articulaire, ganglionnaire). Déficits de la voie de l’interleukine 1 et des Toll-like récepteurs (TLR) Des complications infectieuses ont été identifiées dans un déficit, à transmission autosomique récessive, liées à des mutations du gène IRAK-4 (interleukine receptor associated kinase-4) ¹⁴². Les infections se développent tôt en période néonatale avec des septicémies, des méningites, et des arthrites, le plus souvent à streptococcus pneumoniae. Il existe un risque de furoncles et de dermohypodermites récurrentes à staphylocoques. Épidermodysplasie verruciforme de Lutz et Lewandowsky Ce syndrome à transmission autosomique récessive est lié à des mutations des gènes adjacents EVER1 et EVER2 (17q25). La fonction exacte de ces gènes reste inconnue. Les protéines EVER sont impliquées dans la permissivité des kératinocytes à l’infection par les PVH ou dans la mise en place de la réponse immunitaire innée qui pourrait conduire à l’éradication des lésions induites par ces virus. L’épidermodysplasie verruciforme de Lutz et Lewandowsky se caractérise par une susceptibilité anormale aux PVH de génotype β 1-3, dont certains ont un potentiel oncogène (PVH 5 essentiellement, mais également PVH 8, 14, 17, 20, 47). Les lésions cliniques débutent au cours de l’enfance sur le dos des mains et le front, puis s’étendent progressi DIP déficit immunitaire primitif · PVH papillomavirus humain

vement aux membres, au cou et au tronc (fig. 56.22 et 56.23). Leur nombre varie de quelques lésions éparses à des formes disséminées. La forme typique associe des lésions papuleuses verruqueuses planes et des macules hyper- et/ou hypopigmentées similaires à celles du pityriasis versicolor. Des lésions à type de verrues vulgaires sont parfois notées. En revanche, des condylomes ano-génitaux sont exceptionnels ¹⁴³. Cette affection est marquée par le risque tardif de développer des carcinomes cutanés épidermoïdes à l’âge adulte. En revanche, il n’existe pas d’augmentation de prévalence des infections bactériennes, fungiques ou virales (hors PVH) et l’immunité humorale est normale.

Démarche diagnostique en cas de suspicion de DIP Interrogatoire et examen du carnet de santé Chez l’enfant, cette étape est très importante car elle permet d’apprécier la nature et la fréquence des épisodes infectieux et de rechercher une réponse vaccinale anormale (par exemple une réaction neurologique après une vaccination de type poliomyélique orale ou une réaction généralisée après un BCG). Enquête familiale L’enquête familiale est également une étape fondamentale dans les formes non sporadiques de DIP : recherche de consanguinité, étude du mode de transmission. L’enquête peut être complétée par un bilan immunitaire simple chez les autres membres de la famille, en particulier quand on suspecte un déficit humoral (dosage pondéral des immu-

Déficits immunitaires primitifs

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

56-24

Fig. 56.22 Macules hypopigmentées (aspect de pityriasis versicolor) au cours d’une épidermodysplasie verruciforme noglobulines). La normalité de l’enquête familiale n’exclut pas le diagnostic de DIP.

Fig. 56.23 Verrues planes multiples du creux axillaire au cours d’une épidermodysplasie verruciforme

Examen clinique L’examen clinique a pour objectif de détecter les signes cliniques d’orientation décrits dans les paragraphes précédents : âge de survenue, retard staturo-pondéral, diarrhée chronique, autres signes associés. Chez l’enfant, l’élément clé est l’étude des organes lymphoïdes et du thymus.

détecter un déficit humoral quantitatif. Néanmoins, ce dosage n’est pas interprétable avant l’âge de 3 à 6 mois en raison de la circulation d’immunoglobulines maternelles. Par la suite, il doit être interprété en fonction de l’âge de l’enfant. Le dosage des différents isotypes permet ainsi de détecter les déficits sélectifs en IgA, mais aussi les formes caractérisées par une hyper-IgM (syndrome d’hyper-IgM, syndrome de Wiskott-Aldrich) ou une hyper-IgE (syndrome d’Omenn, syndrome de Job-Buckley). L’exploration globale du système immunitaire cellulaire peut être effectuée par une simple intradermoréaction à la tuberculine et la candidine. Un test positif permet d’éliminer un déficit profond de l’immunité cellulaire. Le dosage de l’activité du complément total et des fractions C3, C4 permet une exploration globale du système du complément. Le dosage du CH50 est un dosage fonctionnel global qui doit être réalisé dans de bonnes conditions techniques (en moins de 24 heures) pour éviter une baisse artéfactuelle liée à l’activation du complément dans le tube. Ce dosage reflète l’activité globale du système ce qui explique qu’il soit normal dans les déficits partiels. Une radiographie thoracique est utile pour rechercher les complications infectieuses broncho-pulmonaires et l’absence du thymus. La radiographie peut être avantageusement remplacée par un scanner. Une radiographie des sinus va rechercher une sinusite chronique infectieuse.

Examens complémentaires de première intention Ces examens doivent être répétés en cas de normalité. L’hémogramme permet de détecter une lymphopénie dans les déficits immunitaires cellulaires, une thrombopénie (avec micro-plaquettes) dans le syndrome de WiskottAldrich, une hyperéosinophilie dans le syndrome d’Omenn et une neutropénie dans le syndrome hyper-IgE. Les isoagglutinines A et B présentes chez plus de 90 % des sujets normaux sont indétectables en cas d’anomalie de l’immunité humorale. Les anticorps vaccinaux (tétanos, poliomyélite, diphtérie, pneumocoques, virus de l’hépatite A ou B) permettent d’évaluer le fonctionnement global du système immunitaire. Parfois, le défaut de réponse vaccinal semble concerner plus spécifiquement les antigènes polysaccharidiques comme dans les déficits humoraux ou le syndrome de WiskottAldrich. Ce défaut de réponse peut alors s’étudier en analysant la réponse vaccinale antipneumococcique et antiHaemophilus. Le dosage pondéral des immunoglobulines permet de  DIP déficit immunitaire primitif

Démarche diagnostique en cas de suspicion de DIP 56-25 Une échographie abdominale permet de rechercher des adénopathies et d’évaluer la rate et le foie. Examens complémentaires de deuxième intention Le bilan de deuxième intention permet de préciser les caractéristiques d’un déficit apparemment primitif. Déficits humoraux − L’examen clé est le dosage pondéral des différents isotypes d’immunoglobulines, mais il peut être complété par un dosage des sous-classes d’IgG (après l’âge de 18 mois) pour dépister un déficit. Ce dosage est parfois difficile à interpréter en raison d’anomalies des sous-classes (en particulier des IgG4) chez les sujets asymptomatiques. − Le phénotypage lymphocytaire permet de savoir s’il existe des lymphocytes B circulants, absents dans les agammaglobulinémies comme la malade de Bruton mais présents de façon souvent normale dans d’autres déficits humoraux comme dans le déficit de type commun variable. Ce phénotypage s’effectue en cytométrie de flux (immunofluorescence) avec des marqueurs spécifiques de lymphocytes B (CD19, CD20). − Dans tout déficit immunitaire humoral, il faut rechercher des anomalies de l’immunité cellulaire pouvant évoquer un déficit immunitaire combiné ou une autre forme (ataxie-télangiectasie, Wiskott-Aldrich...). − L’étude tissulaire (ganglions, moelle osseuse, thymus, tube digestif, peau) a un intérêt dans les déficits humoraux car la plupart s’associent à une hypoplasie lymphoïde des amygdales et des ganglions. Néanmoins, ces déficits peuvent aussi se compliquer d’une hyperplasie lymphoïde (surtout digestive et pulmonaire) et plus rarement d’authentiques lymphomes. Déficits de l’immunité cellulaire − L’examen clé est la numération formule sanguine qui permet assez souvent de détecter une lymphopénie d’importance variable. Ces valeurs doivent être interprétées en fonction de l’âge car il existe une hyperlymphocytose physiologique du jeune enfant parfois liée à la circulation de lymphocytes maternels. Tous les déficits cellulaires ne sont pas marqués par une lymphopénie globale, notamment les déficits liés à un défaut de présentation de l’antigène (déficit en HLA) et les déficits d’activation des lymphocytes T. − Le phénotypage lymphocytaire est une étape fondamentale qui permet de détecter une lymphopénie plus sélective (T CD4 ou T CD8). À titre d’exemple, on observe une lymphopénie CD4 dans le déficit d’expression de molécules HLA de classe II, et une lymphopénie CD8 dans le déficit d’expression des molécules classe I et le déficit en ZAP 70. Elle permet aussi d’effectuer une analyse quantitative des cellules NK (CD3− , CD56+ , CD16+ ). Ce phénotypage peut être faussé par la circulation de lymphocytes maternels parfois en quantité importante chez les enfants atteints de déficits combinés sévères qui n’ont pas de capacité de rejet. Dans ces cas, seul le phénotypage des antigènes HLA des lymphocytes permet de différencier l’origine maternelle et  DIP déficit immunitaire primitif · IFN interféron

fœtale de ces cellules. − L’immunophénotypage des lymphocytes va permettre aussi d’identifier directement une anomalie, en particulier quand il existe un défaut d’expression des protéines membranaires comme dans le déficit en HLA de classe I, de classe II ou du récepteur à l’antigène TCRCD3. Dans ce cas, l’analyse doit être demandée en fonction de l’orientation clinique. − Les tests de lymphoprolifération permettent de compléter l’exploration fonctionnelle de l’immunité cellulaire. Il s’agit de tests de transformation lymphoblastique qui démontrent l’incapacité de prolifération lymphocytaire en présence de mitogènes et d’antigènes. Ces tests s’effectuent en analysant l’incorporation de thymidine radioactive et éventuellement la sécrétion d’interleukines dans le milieu de culture (IL-2, IFN γ). Les mitogènes les plus utilisés en l’absence d’immunisations préalables sont la phytohémagglutinine (PHA), la concanavaline A (Con A), le pokweed mitogen (PKW) et les anticorps monoclonaux anti-CD3. Les antigènes utilisés justifient une immunisation préalable soit vaccinale (anatoxine, tétanique, tuberculine, poliomyélite), soit par des antécédents d’infection (herpès virus, varicelle zona, Candida). Les tests utilisant des antigènes vaccinaux ne sont interprétables que dans l’année qui suit la vaccination, au-delà un rappel vaccinal est nécessaire. Au total, ces différents tests de lymphoproliférations permettront une évaluation globale de l’immunité cellulaire sans permettre de diagnostic étiologique précis. − Dans tout déficit immunitaire cellulaire, une évaluation de l’immunité humorale par un dosage pondéral des immunoglobulines et l’analyse des sérologies vaccinales est nécessaire. − Un caryotype est nécessaire chez l’enfant pour éliminer un déficit d’origine cytogénétique (tableau ??) et pour rechercher des éléments en faveur d’une ataxietélangiectasie et d’un syndrome de DiGeorge. − Dans les déficits liés à une anomalie enzymatique (en ADA ou en PNP), le diagnostic peut être fait par le dosage enzymatique. − Dans toutes les situations où cela est possible, c’est-àdire quand l’anomalie génomique est connue, le diagnostic prénatal et l’identification des porteurs peuvent être envisagés. Déficits de la phagocytose − Dans les neutropénies congénitales, l’examen clé est l’hémogramme qui, par définition, doit être répété régulièrement pour détecter une neutropénie cyclique (cycle de 21 à 28 jours). − Les fonctions des polynucléaires peuvent être évaluées de différentes façons : − le chimiotactisme des polynucléaires est étudié in vitro en présence de substances chimio-attractantes comme le FMLP (formyl-methionyl-leucylphenyl alanine) ; − la capacité de production de radicaux libres (ions superoxides) peut être révélée de plusieurs manières : test de réduction du nitro bleu tétrazolium (NBT),

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Déficits immunitaires primitifs chimiluminescence et mesure directe des anions superoxides, ou plus récemment étude du métabolisme oxydatif. Cette dernière étude peut se faire par une cytométrie de flux qui analyse la conversion d’un composé non fluorescent (le diacétate de dichlorofluorescéine) en composés fluorescents (dichlorofluorocéine) au cours de l’oxydation. Ces différents tests permettent donc de distinguer des anomalies fonctionnelles des polynucléaires qui touchent le chimiotactisme (LAD) ou leur capacité oxidative (granulomatose septique chronique). − Le LAD est souvent associé à une hyperleucocytose importante qui est un élément diagnostique clé. Ce diagnostic est confirmé par la mise en évidence du défaut d’expression des intégrines leucocytaires (CD11A, CD11B, CD11C, CD18). Cette anomalie peut s’analyser par un immunomarquage spécifique. − Dans la granulomatose septique chronique, les immunomarquages utilisant des anticorps monoclonaux spécifiques ou des techniques de Western-Blot permettent d’identifier le déficit en protéines du complexe NADPH oxydase. Quand l’anomalie génomique est connue, cette détection est possible par des techniques de biologie moléculaire spécialisées. Déficits en complément L’identification précise d’une anomalie repose sur l’étude des voies du complément par le dosage spécifique de chaque fraction. Dans l’œdème angioneurotique héréditaire, qui est évoqué quand on observe une baisse du taux de C4 chez un sujet ayant des œdèmes de Quincke à répétition, la confirmation de ce déficit se fait par le dosage de l’inhibiteur du C1 par des tests fonctionnels et une étude familiale.

Traitements des déficits immunitaires primitifs Ces traitements reposent sur deux objectifs : − la correction et la substitution du déficit immunitaire quand cela est possible ; − la prévention et le traitement des complications en particulier infectieuses. Déficits immunitaires humoraux Le traitement substitutif est la perfusion d’immunoglobulines intraveineuses dans les agammaglobulinémies, les hypogammaglobulinémies de type commun variable et les déficits sélectifs compliqués d’infections répétées. Ces perfusions s’effectuent toutes les 3 à 4 semaines avec une dose qui permet de maintenir un taux résiduel d’IgG supérieur à 8 g/l. Chez les sujets dépourvus d’IgA, le risque majeur est l’apparition d’anticorps anti-IgA responsables de véritables réactions anaphylactiques survenant pendant la perfusion d’immunoglobulines, mais aussi lors de l’administration d’autres produits dérivés du sang contenant des IgA (plasma, globules rouges). En pratique, le bilan initial et la surveillance des déficits humoraux justifie le dépistage  DIP déficit immunitaire primitif · EBV Epstein-Barr virus

des sujets avec un déficit complet en IgA et la recherche régulière d’anticorps anti-IgA. Chez ces sujets, seuls les produits totalement dépourvus d’IgA sont autorisés. Avec les nouvelles préparations des IgIV et l’utilisation croissante de la voie sous-cutanée, les autres manifestations sont rares et mineures : tachycardie, céphalées, lombalgies, douleurs thoraciques, anomalies transitoires de la fonction rénale. Dans les déficits immunitaires de type communs variables, il y a quelques tentatives d’immunomodulation utilisant des cytokines comme IL-2 et IL-10 couplées au polyéthylenglycol. Déficits immunitaires cellulaires Le traitement clé est une reconstitution immunologique par une greffe de cellules hématopoïétiques allogéniques. Ce traitement a été utilisé avec succès dans de nombreux DIP (syndrome de Wiskott-Aldrich, déficit en HLA de classe II). La survie globale est de 40 à 60 % à 5 ans malgré la fréquence des lymphoproliférations liées à l’EBV. L’un des problèmes majeurs est l’absence de greffons HLA identiques dans plus de deux tiers des cas. Dans cette situation, il est possible d’utiliser des greffons médullaires HLA semicompatibles déplétés en lymphocytes T. Dans ces cas la greffe peut être réalisée in utero (à 16-18 semaines de gestation) car l’immaturité du système immunitaire du fœtus permet une reconstitution médullaire sans traitement immunosuppresseur complémentaire. Quoi qu’il en soit, cette approche permet généralement de corriger le déficit lymphocytaire T, mais plus de la moitié des malades garde un déficit lymphocytaire B, justifiant un traitement substitutif par IgIV. Un registre européen incluant 37 centres dans 18 pays a colligé 1 080 transplantations chez 919 patients atteints de déficit combiné sévère ou d’autres déficits immunitaires primitifs. La survie à 3 ans chez les enfants atteints de déficits immunitaires combinés sévères est de 77 % en cas de greffe HLA identique et de 54 % en cas de greffe HLA non identique. Un des facteurs les plus importants permettant d’expliquer l’amélioration de la survie est une meilleure prévention de la réaction du greffon contre l’hôte dans les greffes HLA non identiques ¹⁴⁴. Dans le syndrome de DiGeorge, des greffes de thymus prénatal et post-natal permettent de corriger, parfois de façon durable, la thymopoïèse. Douze enfants atteints de syndrome de DiGeorge complet ont été traités par la transplantation de cellules thymiques fœtales allogéniques. Parmi ces 12 enfants, 7 sont en vie 15 mois à 8 ans après la transplantation. Les autres sont décédés suite à des problèmes congénitaux. Globalement, la greffe est bien tolérée, même si, au cours des trois premiers mois, différentes manifestations ont été observées : adénopathies, lésions cutanées et pathologie inflammatoire pulmonaire ¹⁴⁵. La thérapie cellulaire de remplacement enzymatique a eu l’une de ses premières applications dans la déficit en ADA (déficits immunitaires combinés sévères). Le gène ADA peut être transfecté dans les lymphocytes par des vecteurs rétroviraux, mais le problème majeur reste la stabilité des

Références 56-27 cellules transfec f tées. L’équipe d’A ’ lain Fischer (Paris, Hôpital Necker) mène depuis de nombreuses années des essais thérapeutiques afin d’évaluer l’intérêt de la thérapie génique dans les déficits immunitaires combinés sévères. Cet essai av a ait été suspendu en 2002 à la suite des observations de lymphoproliférations T clonales qui s’expliquent par une modification du génome du patient. Le vecteur rétroviral a inséré le transgène dans l’intron d’un gène du chromo1 Sibilia J, Goetz J. Déficits immunitaires primitifs : manifestations cliniques, anomalies immunologiques et génomiques. In : Khan MF, F Peltier AP, P Meyer O, Piette JC. Maladies ssystémiques. 4 e éd, Paris, Flammarion, 2000 : 1319-1348. 2 Geha RS, Notarangelo LD, Casanova JL et al. Primary immunodeficiency diseases : an update from the International Union of Immunological Societies Primary Immunodeficiency Diseases Classification Committee. J Allerg rg y Clin Immunol 2007 ; 120:776-794. 3 Fischer A, Human primary immunodeficiency diseases. Immunity 2007 ; 27:835-845. 4 Maródi L, Notarangelo LD. Immunological and genetic bases of new primary immunodeficiencies. Nat Rev Immunol 2007 ; 7:851-861. 5 De Vries E, Clinical Working Party of the European Society for Immunodeficiencies (ESID). Patient-centred screening fo f r primary immunodeficiency : a multi-stage diagnostic protocol designed fo f r non-immunologists. Clin Exp x Immunol 2006 ; 145:204-214. 6 Mahé E, Girszin N, Descamps V, Crickx k B. Furunculosis and IgG subclass deficiency. Dermatology 2004 ; 208:84-85. 7 Sidwell RU, Ibrahim MA, Bunker CB. A case of common variable immunodeficiency presenting with fu f runculosis. Br J Dermatol 2002 ; 147: 364-367. 8 Antaya RJ, Gardner ES, Bettencourt MS et al. Cutaneous complications of BCG vaccination in infants with immune disorders : two cases and a review of the literature. Pediat Dermatol 2001 ; 18:205-209. 9 Bustamante J, Aksu G, V Vogt G et al. BCGosis and tuberculosis in a child with chronic granulomatous disease. J Allerg rg y Clin Immunol 2007 ; 120:32-38. F. Interfe f ron-α treatment 10 Kilic SS, Kilicbay F of molluscum contagiosum in a patient with hyperimmunoglobulin E syndrome. Pediatrics 2006 ; 117:e1253-1255. 11 Eberting CLD, Davi a s J, Puck JM et al. Dermatitis and the newborn rash of Hyper-IgE syndrome. Arch Dermatol 2004 ; 140:1119-1125. 12 Pruszkowski A, Bodemer C, Fraitag S et al. Neonatal and infan f tile erythrodermas : a retrospective study of 51 patients. Arch Dermatol

some 11 appellé LMO-2, donc le produit est crucial pour la régulation de l’hématopoïèse. Cependant, LMO-2 est aussi un oncogène exprimé de fa f çon aberrante dans les leucémies lymphoblastiques aiguës de l’enfan f t. À la suite de la notification d’un deuxième cas, il a été décidé de suspendre momentanément tous les essais de thérapie génique fon f dés sur l’utilisation de vecteurs rétroviraux quelle que soit la maladie ciblée ¹⁴⁶.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Sparsa A, Sibilia J, Bessis D. Déficits immunitaires primitifs. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 56.1-56.30.

57

Maladie du greffon contre l’hôte

Anne-Marie Mohty, Marie-Aleth Richard Définitions. Mécanismes 57-1 Maladie aiguë du greffon contre l’hôte 57-1 Physiopathologie 57-1 Facteurs de risque 57-1 Manifestations cliniques 57-2 Aspects histologiques 57-3 Diagnostic différentiel 57-3 Évolution et pronostic 57-3 Maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-3

Définitions. Mécanismes Le terme de maladie du greffon contre l’hôte (ou GVHD pour graft-versus-host disease) regroupe un ensemble de manifestations systémiques inflammatoires et dysimmunitaires propres qui peuvent survenir à des temps variables dans les suites d’une greffe allogénique. La GHVD représente la principale complication après greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques. Plus rarement, elle peut être observée après transplantation cardiaque, hépatique ou transfusion de culots globulaires non irradiés ou non déleucocytés chez des sujets immunodéprimés. Elle constitue un modèle unique d’étude de nombreuses pathologies auto-immunes et des relations entre le système immunitaire et le contrôle leucémique. Au cours de cette réaction, les cellules immunitaires du greffon, notamment les lymphocytes T, déclenchent une réponse immune dirigée contre les cellules normales (GVHD), mais également contre les cellules tumorales du receveur. Dans ce dernier cas, la reconnaissance et l’éradication des cellules tumorales constitue l’effet graft-versus-leukemia (effet GVL) ou réaction du greffon contre la tumeur, responsable au long cours du pouvoir curatif de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. L’effet GVL et la GVHD peuvent être des phénomènes distincts ¹ et indépendants, des équipes ayant rapporté de bonnes réponses thérapeutiques sans phénomène de GVHD ². La peau est la cible tissulaire principale de la GVHD ³, les autres organes atteints étant le foie (canalicules biliaires) et le tube digestif. On différentie généralement deux tableaux cliniques : la GVHD aiguë qui survient dans les trois premiers mois qui suivent la greffe et la GVHD chronique  GVHD graft-versus-host disease · GVL graft-versus-leukemia

Physiopathologie 57-3 Facteurs de risque 57-4 Manifestations cliniques 57-5 Aspects histologiques 57-7 Évolution et pronostic 57-7 Traitement 57-8 Maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-8 Conclusion 57-8 Références 57-8

qui regroupe l’ensemble des manifestations développées après le troisième mois post-greffe.

Maladie aiguë du greffon contre l’hôte Elle se caractérise par une atteinte inflammatoire exclusivement localisée aux épithéliums et sa durée évolutive est brève. Physiopathologie Les expériences de déplétion en lymphocytes T du greffon ont permis de mettre en évidence le rôle de l’immunité cellulaire et des effecteurs immuns du donneur dans l’induction de ce phénomène ⁴-⁶ après reconnaissance et interaction avec des antigènes spécifiques de l’hôte. Des cellules T auxiliaires ou cytotoxiques du donneur et spécifiques d’antigènes du receveur sont ainsi détectées dans le sang circulant des patients atteints de GVHD ⁷,⁸. Ce sont cependant les cellules présentatrices de l’antigène issues du receveur, et non du donneur, qui présentent les déterminants antigéniques aux effecteurs issus du donneur ⁹. La cible antigénique des effecteurs cellulaires correspond à des peptides impliqués dans la reconnaissance tissulaire : des peptides HLA du complexe majeur d’histocompatibilité lorsqu’il existe une disparité dans ce système, mais aussi d’autres peptides situés sur des locus dits mineurs ¹⁰, dont certains sont portés par les chromosomes sexuels. Facteurs de risque Le principal facteur de risque identifié intervenant dans la fréquence et la gravité de la GVHD aiguë est la présence d’une disparité HLA entre donneur et receveur. Les autres

Maladie du greffon contre l’hôte

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57-2

facteurs de risque identifiés par les analyses multivariées sont : l’âge élevé du receveur, une différence de sexe entre le donneur et le receveur avec un risque plus important de GVHD aiguë pour une femme donneuse (en particulier multipare ou transfusée) et un receveur mâle, un conditionnement prégreffe par irradiation corporelle totale à forte dose, ou encore un dosage insuffisant d’immunosuppresseur. Une étude récente rétrospective rapporte également une incidence accrue de GVHD aiguë chez les patients présentant une leucémie myéloïde chronique ¹¹. Manifestations cliniques L’incidence de la GVHD aiguë peut varier entre 6 et 90 % selon les études, la fréquence moyenne de survenue étant de l’ordre de 35 % des patients transplantés ¹². L’atteinte cutanée est quasi constante en cas de GVHD aiguë. Elle survient généralement lors de la reconstitution hématopoïétique à la sortie d’aplasie soit en moyenne entre le 7 e et le 21 e jour post-allogreffe ¹³. Néanmoins, des formes plus précoces sont décrites, réalisant des tableaux dits suraigus. Elles se traduisent par un exanthème maculo-papuleux douloureux, souvent périfolliculaire au début et évoluant vers un tableau morbiliforme. Les lésions sont caractéristiques par leurs localisations : le visage (atteinte rétro-auriculaire ou des joues ¹³), les régions palmo-plantaires (fig. 57.1). Les autres lésions prédominent aux flancs, à la racine des membres, mais la totalité du revêtement cutané peut être concernée par le rash qui est typiquement prurigineux et associé à des phénomènes de brûlures au niveau des paumes, des plantes et des doigts (fig. 57.2). Les conjonctives, les lèvres, les organes génitaux externes sont également le siège d’une ré GVHD graft-versus-host disease

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Fig. 57.1 Exanthème du visage et du cou au cours d’une maladie aiguë du greffon contre l’hôte

Fig. 57.2 Exanthème diffus du dos au cours d’une maladie aiguë du greffon contre l’hôte action inflammatoire intense et des érosions buccales sont fréquentes. Des bulles par nécrose épidermique peuvent apparaître, évoluant parfois (5 %) vers un tableau d’érythrodermie avec décollement cutané diffus ¹⁴. L’évolution est variable : l’éruption est souvent fluctuante, mais typiquement, dans les formes les plus sévères, succèdent au rash une desquamation intense et des lésions hyperpigmentées. Les lésions peuvent disparaître ou progresser d’un seul tenant en une forme chronique (formes subaiguës). L’atteinte hépatique se traduit par un ictère avec peu ou pas d’hépatomégalie et, sur le plan biologique, par une hépatite cytolytique puis cholestasique mais sans syndrome ni clinique ni biologique d’insuffisance hépatocellulaire. L’atteinte du tube digestif se caractérise par des douleurs abdominales et de la diarrhée parfois cholériforme et/ou hémorragique ou avec malabsorption, des vomissements, un syndrome douloureux recto-sigmoïdien, voire une ascite ou un iléus dans les formes les plus sévères. L’atteinte de l’état général est habituelle dans les formes sévères, parfois liée à une recrudescence des infections dans cette période. La sévérité de la GVHD aiguë a été établie selon le degré d’atteinte des principaux organes cibles et a permis d’établir

Maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-3 Tableau 57.1

Stades et grades cliniques de la GVHD aiguë

Stades cliniques

Intestin

Peau Éruption maculo-papuleuse

+ ++ +++ ++++

Adulte Enfant < 25 % de la surface Diarrhée > 500 ml/j ou nausées, Diarrhée > 7-14 ml/kg corporelle (S.C.) anorexie ou vomissements * 25-50 % S.C. Diarrhée > 1 000 ml/j 14-21 > 50 % S.C. Diarrhée > 1 500 ml/j 21-28 Diarrhée > 1 500 ml/j et Érythrodermie généralisée > 28 douleurs abdominales ± iléus Bulles, desquamation * Confirmation histolologique pour GVHD du tube digestif haut

Grades cliniques Peau Foie Tube digestif

I 1à2+ 0 0

II 1à3+ 1 1

III 2à3+ 2à3+ 2à3+

Foie : bilirubine μm/l mg/dl 34-50

2-3,5

51-102 103-255

3,5-7,9 8-15

> 255

> 15

IV 2à4+ 2à4+ 2à4+

un système de gravité a et de classification (stade et grade cliniques) (tableau 57.1).

Diagnostic différentiel L’absence de spécificité des signes tant sur le plan clinique que sur le plan histologique rend parfo f is difficile le diagnostic. En effe ff t, chez ces patients fo f rtement immunodéprimés et polymédicamentés, des éruptions virales (herpès virus de type 6 par exemple) ou des toxidermies peuvent réaliser un tableau similaire à celui de la GVHD aiguë ¹⁴,¹⁸. L’existence d’une atteinte extracutanée hépatique et/ou digestive peut être un élément diagnostique important, mais elle n’est pas constante, en particulier dans les fo f rmes peu sévères. Évolution et pronostic Les surinfec f tions sont fréquentes, en raison d’un déficit immunitaire sévère multifac f toriel : modifications immunologiques induites par la GVHD, immunosuppression iatrogène. Ces infec f tions sont diverses : septicémies à staphylo GVHD graft-versus-host disease

Épiderme Corps de nécrose

Lymphocytes lymphocytes

Kératinocyte kératinocyte nécrotique Derme

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

Aspects histologiques La biopsie cutanée, quand elle est réalisée, manque de spécificité, car, aux stades précoces, les lésions peuvent être confondues f avec des lésions toxiques (consécutives au processus de conditionnement ou par toxidermie) ou infec f tieuses. Les principales lésions histologiques sont constituées de foyers de nécroses kératinocytaires, avec vacuolisation des cellules basales épidermiques pouvant aboutir à un clivage dermoépidermique et un infiltrat lymphocytaire dermique superficiel ¹⁵. Une image dite de « satellite cell necros r is » correspondant à la juxtaposition d’un lymphocyte et d’un kératinocyte nécrotique et qui illustre l’interaction d’un lymphocyte du donneur avec une cellule du receveur est classique (fig. 57.3). L’infiltrat cellulaire dermique est maj a oritairement lymphocytaire T, av a ec des proportions variables de lymphocytes CD4+ et CD8+ ¹⁶. L’immunofluorescence directe détecte parfo f is des dépôts granuleux de C3 et/ou d’IgM ¹⁷ le long des vaisseaux.

Fig. 57.3 Image dite de « satellite cell necrosis » au cours d’une maladie aiguë du greffon contre l’hôte : juxtaposition de lymphocytes et de kératinocytes nécrotiques coques ou à bacilles à Gram négatif, infec f tions fong f iques (candidose, aspergillose...) et virales (en particulier à cytomégalovirus). Les atteintes digestives s’accompagnent de troubles électrolytiques et nutritionnels pouvant aggrav a er le pronostic des patients. De plus, l’emploi de certains immunosupppresseurs utilisés pour le traitement de la GVHD aiguë, principalement le sérum antilymphocytaire, fa favorise la survenue de syndrome lymphoprolifératif induits par le virus Epstein-Barr. Le pronostic dépend du grade clinique ; le taux de mortalité dépasse les 90 % dans les grades IV au cours desquels le risque infec f tieux est maj a eur, mais n’excède pas les 10 % pour les grades I.

Maladie chronique du greffon contre l’hôte Physiopathologie Contrairement à la fo f rme aiguë, la GVHD chronique est essentiellement une pathologie dysimmunitaire de type auto-

Maladie du greffon contre l’hôte

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immun ou plutôt allo-immun caractérisée par une production d’auto-anticorps, en rapport avec une reconnaissance par les cellules immunocompétentes du greffon de certains antigènes du receveur ¹⁹. Ainsi, les lymphocytes CD4+ du greffon sont activés par les cellules présentatrices de l’antigène du receveur exprimant certains antigènes qu’ils reconnaissent comme étrangers ²⁰. L’« orage cytokinique » qui en résulte stimule les lymphocytes B du receveur, qui prolifèrent et sécrètent des auto-anticorps. À la différence de la GVHD aiguë, la forme chronique est donc caractérisée par un profil de sécrétion cytokinique qui serait de type Th2 avec une augmentation de la production de l’IL-2 et de l’IL-10 ²⁰. Les cibles antigéniques reconnues ne sont pas clairement identifiées. Il existe une fréquence élevée d’anticorps dirigés contre les cellules du donneur (anticorps antiplaquettes et antilymphocytes), ou contre des antigènes communs au donneur et au receveur (anticorps antithyroïdiens, antinucléaires)... ²¹-²³. Au niveau cutané, la cible cellulaire est le kératinocyte, mais certains auteurs ont également évoqué la possibilité d’une atteinte des mélanocytes, en raison de l’existence de formes leucodermiques de GVHD ²⁴-²⁶. Cette hypothèse est en outre confortée par la diminution significative du nombre de nævus chez les patients atteints de GVHD chronique par rapport à des sujets témoins appariés pour le  GVHD graft-versus-host disease · IL interleukine

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Fig. 57.4 Macules et papules érythémato-squameuses coalescentes des paumes et des plantes de type lichénoïde au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte

Fig. 57.5 Érythrodermie et hyperpigmentation hétérogène au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte phototype, l’âge et le sexe ²⁷. Le rôle pathologique des autoanticorps produits est attesté par la présence de dépôts dermoépidermique d’immunoglobuline sur des prélèvements cutanés de patients atteints de GVHD chronique ²⁸. Dans une étude, la fréquence de positivité de l’immunofluorescence directe cutanée atteint 86 % ²⁸. De même, Saurat et al. ont mis en évidence la présence d’anticorps antimembrane basale au cours de 2 cas de GVHD ²⁹. Facteurs de risque Les éléments associés à un risque de GVHD chronique sont en premier lieux un antécédent de GVHD aiguë ³⁰ avec une augmentation de fréquence selon le grade de GVHD aiguë.

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Fig. 57.6 Placard sclérodermiforme brunâtre et mal limité de l’abdomen, s’étendant partiellement sur le flanc au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte Ceux mis en évidence dans les formes de novo par les analyses multivariées sont l’âge avancé du receveur, une femme donneuse (notamment transfusée ou multipare) et l’absence de déplétion T du greffon. Cette dernière technique consistait à appauvrir le greffon en lymphocytes T par l’utilisation d’anticorps murins ou humains reconnaissants des déterminants antigéniques exprimés uniquement ou principalement par les lymphocytes T afin de diminuer le risque de survenue de GVHD. Quand ces trois facteurs sont présents, le risque de développer une GVHD chronique est de 55 % à 3 ans ³. Manifestations cliniques Le délai moyen de survenue de la GVHD chronique est de 4 mois ¹³. Elle peut être précédée d’une GVHD aiguë ou peut apparaître de novo. La fréquence de la GHVD chronique est estimée entre 18 et 50 % des patients survivant à long terme après allogreffe de cellules souches ³⁰. Une atteinte cutanée est présente dans 100 % des cas ³¹, soit de survenue spontanée, soit précipitée par divers événements intercurrents (infections, radiothérapie, traumatismes...). D’autres organes peuvent être concernés. L’atteinte cutanée se présente sous deux formes principales, lichénoïde et sclérodermiforme, qui peuvent coexister ou se succéder chez un même patient. Les lésions lichénoïdes sont les plus fréquentes ; elles touchent 25 à 40 % des patients allogreffés survivant à long terme avec ou sans GVHD chronique ²⁴. Il s’agit de pa GVHD graft-versus-host disease

pules ou de plaques érythémato-violacées, à surface discrètement squameuse qui évoluent vers une hyperpigmentation résiduelle et dont les localisations préférentielles sont la région périorbitaire, les paumes et les plantes (fig. 57.4), les oreilles ³². Des atteintes diffuses quasi érythrodermiques (fig. 57.5) sont possibles, ainsi que des formes bulleuses ³³-³⁶. Les lésions sclérodermiformes sont plus rares, et ne s’observent de façon exclusive que chez 4 % des patients allogreffés survivant à long terme ³⁷. Elles sont classiquement plus tardives que les lésions lichénoïdes auxquelles elles peuvent succéder ¹³,²⁵,³³,³⁷ ou avec lesquelles elles peuvent coexister. Il s’agit de plaques scléreuses, indurées, à contours mal limités (fig. 57.6), de siège variable, parfois très étendues, certaines pouvant prendre un aspect de white spot disease (fig. 57.7). Les lésions peuvent adhérer aux plans profonds, aboutissant ainsi à des ulcérations mécaniques difficiles à cicatriser. Les membres inférieurs sont fréquemment atteints par cette sclérose (fig. 57.8) qui peut parfois conduire à un engainement fibreux des terminaisons nerveuses sous-jacentes,

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Fig. 57.7 Lésions sclérodermiformes porcelainées en gouttes (white spot disease), groupées en plaques mal limitées du dos au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte

Fig. 57.8 Sclérose œdémateuse des jambes et des chevilles de type fasciite de Shulman au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte

Maladie du greffon contre l’hôte

Fig. 57.9 Hyperpigmentation en confettis et réticulée au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte

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responsable d’une neuropathie périphérique axonale très invalidante ³⁸, ou à des atteintes tendineuses et articulaires avec un fort retentissement fonctionnel. La fasciite constitue une forme rare mais grave de GVHD ³⁹ ; sa séméiologie est proche de la fasciite de Schulman et elle évolue vers l’induration et la rétraction. Les localisations préférentielles sont les flancs et la partie proximale des membres. Des manifestations extracutanées, similaires à celles présentes au cours des véritables sclérodermies peuvent s’observer : syndrome de Raynaud, dysphagie ²⁴. Les troubles pigmentaires viennent compléter ce tableau. L’hyperpigmentation est fréquente ³⁷,⁴⁰, souvent en confettis ou réticulée (fig. 57.9), siégeant en regard des plaques de fibrose ³⁷, parfois associée à des zones leucodermiques ⁴¹ ou à des aspects poïkilodermiques et télangiectasiques. Des

Fig. 57.10 Pigmentation périorbitaire au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte  GVHD graft-versus-host disease

pigmentations localisées périorbitaires sont également rapportées ²⁴ (fig. 57.10). Des formes leucodermiques sont plus rares : leucodermie totale ²⁶, vitiligo-like, lésion de type hypomélanose en gouttes ²⁴. L’extension des lésions est très variable selon les patients : formes diffuses ou généralisées, localisées à un hémicorps ou de répartition blaskoïde ⁴²,⁴³, survenue de lésions sur cicatrice de zona ⁴⁴-⁴⁶ ou sur zones de radiothérapie ⁴⁷. Les atteintes muqueuses (buccale, génitale, oculaire) complètent le tableau et sont quasi constantes. Des lésions endobuccales sont ainsi observées chez 80 à 90 % des patients ¹³,³¹, associant réseau lichénien, érythème, atrophie, dépapillation du dos de la langue, érosions et ulcérations parfois très invalidantes. Les localisations habituelles sont les joues (fig. 57.11), le palais dur et les lèvres ¹³ (fig. 57.12). La sévérité des lésions érosives et le degré histologique d’infiltration lymphocytaire des glandes salivaires accessoires qui évoquent les lésions du syndrome de Gougerot-Sjögren sont corrélés à la sévérité de la GVHD chronique ⁴⁸. Les patients développent parfois un syndrome sec buccal responsable de surinfections candidosiques très handicapantes. Les atteintes génitales peuvent entraîner un phimosis chez l’homme et un phénomène de diaphragme vaginal chez la femme ¹², du fait des brides et des remaniements inflammatoires. L’atteinte des phanères est fréquente. Des lésions unguéales sont présentes dans 30 à 40 % des cas ⁴⁹, sous di-

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Fig. 57.11 Lésions muqueuses endojuguales associant un érythème, des érosions et un réseau lichénien leucokératosique au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte

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verses formes (fig. 57.13) : ptérygion, onychoatrophie ¹³,²⁴, dystrophie, trachyonychie, onycholyse, érythème périunguéal ²⁴,³⁷ qui peuvent parfois constituer l’unique manifestation de la GVHD ⁵⁰. Une alopécie partielle ou totale de type cicatricielle, qui peut s’étendre aux régions pubiennes ou axillaires, est fréquente dans le contexte de GVHD sclérodermiforme, les troubles de la pigmentation associés s’exprimant sous la forme de canitie précoce ²⁵ (fig. 57.14). L’atteinte hépatique : elle est fréquente sur le plan biologique : les anomalies tant biologiques (cholestase et ou cytolyse) qu’histologiques sont très proches de celles observées au cours de la cirrhose biliaire primitive. L’atteinte des autres organes est variable dans sa fréquence et sa sévérité : atteinte digestive avec malabsorption beaucoup plus rare que dans la GVHD aiguë, atteintes respiratoires (à type de bronchiolite oblitérante), polymyosite. On notera, à la différence des nombreuses maladies autoimmunes et en particulier de la sclérodermie, la rareté de

Fig. 57.13 Atteinte unguéale lichénienne au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte : ébauche de ptérygion, onychoatrophie, dystrophie feuilletée et stries longitudinales de la tablette  GVHD graft-versus-host disease

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Fig. 57.12 Atteinte linguale érythémateuse et leucokératosique réticulée au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte

Fig. 57.14 Alopécie partielle et canitie au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte l’atteinte rénale et des muscles lisses en particulier œsophagiens. Aspects histologiques L’histologie n’est pas indispensable au diagnostic en raison de son absence de spécificité. Les anomalies visualisées au cours de la GVHD chronique sont en effet très proches de celles observées au cours des affections cutanées primitives dont elle mime la séméiologie, à savoir lichen plan et sclérodermie ¹²,⁴⁰. En cas de lésion lichénoïde, l’image dite de « satellite cell necrosis » citée précédemment est parfois présente. Évolution et pronostic On ne dispose pas de données fiables et portant sur de grandes séries précisant le devenir du tableau de GVHD au cours du temps. Schématiquement, les lésions, au moins cutanées, n’ont aucune tendance à la régression et imposent un traitement immunosuppresseur prolongé. Le taux de mortalité lié à la GVHD chronique est estimé entre 20 et 40 % ⁵¹. Il est essentiellement lié aux complications infectieuses favorisées par un déficit immunitaire chronique. Ce dernier est lié à la GVHD chronique ellemême, notamment la lymphopénie CD4 et l’hypogammaglobulinémie accompagnant les formes sévères, et au traitement immunosuppresseur au long cours. De plus, les érosions cutanées et muqueuses représentant une porte d’entrée infectieuse majeure. Plusieurs cas de carcinomes épidermoïdes, favorisés par

57-8 Maladie du greffon contre l’hôte les traitements immunosuppresseurs et la photothérapie, et développés sur des lésions de GVHD cutanée ou muqueuse ⁵²-⁵⁶, ont été rapportés, venant aussi alourdir le pronostic de la GVHD. Les carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale sont principalement localisés sur la langue ; les tumeurs cutanées surviennent sur des ulcérations chroniques. Enfin, le retentissement sur la qualité de vie est très important du fa f it des différentes atteintes cutanées et muqueuses décrites précédemment et de leurs répercussions esthétiques et fonctionnelles.

Traitement Le traitement préventif de la GVHD aiguë repose sur les immunosuppresseurs par voie générale qui permettent de réduire l’incidence des GVHD aiguës. L’irradiation des produits sanguins est systématique. Le traitement curatif est indiqué dans les GVHD aiguës de grade supérieur au grade I. Les produits les plus fréquemment utilisés sont les corticoïdes intrav a eineux, et la ciclosporine A, parfo f is le tacrolimus, le mycophénolate mofétil, les anticorps anti-TNF-alpha, les anticorps anti-CD20, les anticorps antirécepteur à l’IL-2 ou le méthotrexate... ⁵⁷. Le traitement symptomatique est primordial. Les mesures associées de réanimation, de nutrition, de décontamination digestive et de prophylaxie antivirale sont essentielles à ce stade de la maladie du fa f it du risque maj a eur d’infec f tions opportunistes qui grèvent le pronostic (cytomégalovirus). L’utilisation des topiques cutanés (émollients, corticoïdes locaux) se limite aux fo f rmes cutanées isolées et peu étendues ou en association aux traitements décrits précédemment ⁵⁸-⁵⁹. Maladie chronique du greffon contre l’hôte Le traitement de référence repose sur une association d’immunosuppresseurs de type corticoïdes-ciclosporine. Dans les fo f rmes cortico-résistantes et étendues, la photothérapie (puvathérapie ou photothérapie UVB TL01 dit à spectre étroit) peut être efficace, à tous les grades de la maladie ⁶⁰-⁶¹, bien que les formes lichénoïdes prédominantes (y compris les atteintes érosives muqueuses) répondraient mieux au traitement que les formes sclérodermiformes ⁶². Plus récemment, la photothérapie par UVA V 1 a été proposée principalement pour les fo f rmes sclérodermifo f rmes ⁶³-⁶⁵. Les ultravi a olets agissent en inhibant les fonc f tions des cellules de Langerhans et en augmentant l’activité de métalloprotéinases (collagénase, gélatinase, stromélysine), par le

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biais d’une photo-induction de la sécrétion d’IL-6 par les fibroblastes ⁶⁶-⁶⁸. Le thalidomide serait également efficace à la fo f is sur les atteintes cutanées réfractaires et sur les érosions muqueuses résistantes ⁶⁹-⁷¹. Il agit par le biais d’une « down-regu r lation » de l’expression des molécules HLA de classe II, perturbant ainsi une étape précoce du processus de reconnaissance et d’activation des lymphocytes T du greffon ff . En outre, il induit également l’expansion de cellules dites T suppressives, pouvant inhiber le développement d’effecteurs cytotoxiques ⁷²-⁷³. Cependant, ses multiples effe ff ts secondaires (neuropathie périphérique, somnolence, constipation...) limitent son utilisation. Une amélioration significative de l’état cutané dans une petite série de malades présentant une GVHD sclérodermifo f rme a également été rapportée après un traitement par rétinoïdes. Les rétinoïdes agiraient par un mécanisme immunomodulateur en interférant av a ec la synthèse de diverses cytokines. La photophérèse, ou photothérapie extracorporelle, serait efficace à la fois sur les lésions cutanées et viscérales de la GVHD ⁷⁴-⁷⁶. Le taux de réponses semble être corrélé à la présence d’un clone lymphocytaire T circulant, il varie de 48 à 67 % selon les séries ⁷⁶-⁷⁷. La photothérapie extracorporelle agit en bloquant le renouvellement des lymphocytes. Le méthoxypsoralène s’intercale entre les bases d’ADN, aboutissant, après irradiation UVA V , à la fo f rmation de dimères de pyrimidine, bloquant ainsi la division cellulaire. Divers traitements locaux ont été proposés comme traitements exclusifs des formes limitées de GVHD. Les dermocorticoïdes sont utilisés en première intention, mais aussi, plus récemment, les formes topiques des inhibiteurs de la calcineurine dans les fo f rmes lichénoïdes résistantes aux dermocorticoïdes : tacrolimus, et pimécrolimus... La ciclosporine A en bain de bouche donnerait de bons résultats dans le traitement des érosions buccales cortico-résistantes ⁷⁸.

Conclusion Les manifes f tations cutanées de la maladie du greffon ff contre l’hôte sont prépondérantes et impliquées dans le pronostic à la fo f is fonc f tionnel mais aussi vital des patients, et elles sont directement responsables du décès dans 12 à 20 % des cas ¹². La modification récente des protocoles de conditionnement à l’allogreffe ff (conditionnements dits non myéloablatif ou à intensité réduite), visant à réduire la morbidité de cette thérapeutique, pourrait à l’avenir modifier les aspects cliniques de la GVHD ⁷⁹.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Mohty AM, Richard MA. Maladie du greffon contre l’hôte. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 57.1-57.10.

58

Carcinomes basocellulaires

Michel Dandurand Épidémiologie 58-1 Facteurs étiologiques 58-2 Soleil 58-2 Rayons X 58-2 Immunodépression 58-2 Arsenic 58-2 Tabac 58-2 Génétique 58-2 Formes cliniques et histologiques 58-3 Formes cliniques 58-3 Formes histologiques 58-4 Aspect particulier de la composante épithéliale 58-5 Évolution et pronostic 58-6 Extension locale 58-6 Carcinomes basocellulaires métastatiques 58-6 Autres formes cliniques 58-7 Nævomatose basocellulaire 58-7 Syndrome de Bazex-Dupré-Christol 58-8 Syndrome de Rombo 58-8 Carcinome basocellulaire avec grains de millium de la face, cheveux et poils épars et drus 58-8

e carcinome basocellulaire cutané (CBC) est la tumeur maligne la plus fréquente chez l’homme. Il représente un tiers des cancers dans les pays occidentaux. C’est une tumeur épithéliale développée aux dépens du tissu épidermique, survenant le plus souvent de novo, localisée uniquement à la peau et de malignité locale. La plupart des CBC sont guéries dès le traitement initial, le plus souvent chirurgical, mais un traitement incomplet conduit à la persistance de résidus tumoraux qui peuvent entraîner une croissance tumorale continue source de morbidité (séquelles esthétiques et fonctionnelles, coût) et exceptionnellement de mortalité.

L

Épidémiologie L’incidence réelle des CBC est difficile à préciser. Ils sont en effet rarement inclus dans les statistiques des registres des cancers où ils sont parfois regroupés avec l’ensemble des carcinomes cutanés non mélaniques. En France, le taux d’incidence standardisée par rapport à la population mon CBC carcinome basocellulaire cutané

Xeroderma pigmentosum 58-8 Syndrome de Muir et Torre 58-8 Hamartome basocellulaire linéaire unilatéral 58-8 Hamartome sébacé de Jadassohn 58-9 Dermatofibrome 58-9 Facteurs pronostiques 58-9 Diagnostic 58-9 Traitement 58-9 Chirurgie 58-9 Cryochirurgie 58-10 Curetage-électrocoagulation 58-11 Radiothérapie 58-11 Autres traitements 58-11 Prise en charge thérapeutique 58-12 Formes primaires 58-12 Formes récidivées 58-12 Cas particuliers 58-12 Suivi des malades ayant un carcinome basocellulaire et prévention 58-12 Références 58-13

diale issue du registre des cancers du Haut-Rhin en 1999 est de 81,8/100 000 chez les hommes et de 67,6/100 000 chez les femmes. Ainsi, dans le Haut-Rhin, 1 homme sur 11 et 1 femme sur 15 risquent de développer un CBC avant 75 ans. Une augmentation de l’incidence annuelle du CBC est généralement admise au cours des dernières décennies. L’incidence des carcinomes cutanés aux États-Unis, au Canada, en Europe et en Australie aurait augmenté de 4 à 8 % par an en moyenne durant les deux dernières décennies. Cette augmentation est essentiellement liée aux modifications des habitudes de vie. Le CBC est rare avant 40 ans, mais l’incidence croît de manière linéaire après l’âge de 40 ans. Le CBC est le plus fréquent des cancers chez la femme de plus de 85 ans et il est le deuxième cancer, chez l’homme, après le cancer de la prostate. L’incidence est fortement variable en fonction du lieu géographique et maximum dans certaines zones très ensoleillées des États-Unis (200/100 000) ou d’Australie (788/100 000). Dans une même région géographique, l’incidence est nettement supérieure pour les sujets de phototype clair ayant des éphélides et ne bronzant pas ou peu ¹.

58-2

Carcinomes basocellulaires Les CBC sont rares chez le Noir. Il n’y a pas de prédominance de sexe. La mortalité est peu étudiée, mais elle est faible, 31 décès sur 7 830 CBC dans une série suisse ².

Facteurs étiologiques Soleil Les rayons ultraviolets jouent sans doute un rôle important dans la survenue de CBC. L’incidence des CBC est corrélée avec la latitude ; la migration des sujets à peau claire, dans les pays ensoleillés comme l’Australie, a confirmé ces données en montrant une multiplication des CBC par 10. Les CBC se localisent de façon préférentielle dans les régions de la tête et du cou et notamment de la face. Le taux d’incidence augmente avec l’âge et est très bas dans les populations de peau pigmentée. Les études épidémiologiques tendent à démontrer le rôle prépondérant des expositions solaires intermittentes, courtes, répétées et intenses (coups de soleil), observées au cours de l’exposition de loisirs, notamment dans la petite enfance ³. La PUVA thérapie augmente le risque de CBC mais de façon beaucoup moins importante que pour les carcinomes épidermoïdes ⁴. L’effet néfaste de la PUVA thérapie est potentialisé par d’autres facteurs co-carcinogènes. Le rôle de la diminution de la couche d’ozone dans l’augmentation de l’irradiation UVB au sol et la survenue de CBC n’est pas clairement établi. Le rôle néfaste des rayonnements ultraviolets non solaires (lampes à bronzer, éclairage fluorescent, lumière de photocopieuses, lampes à souder) n’est pas démontré. Rayons X Les irradiations par rayons X, après radiothérapie ou examens radiologiques répétés, en particulier thoraciques et chez l’enfant, sont responsables de CBC qui surviennent dans un délai moyen de plus de 20 ans ⁵. Immunodépression Le rôle de l’immunodépresssion a été essentiellement étudié au cours des greffes cardiaques ou rénales. Le risque de CBC augmente alors : il est multiplié par 16 par rapport à la population générale dans une cohorte de malades irlandais. L’incidence augmente avec la durée de survie post-greffe. Les CBC se développent précocement dans les deux premières années chez les sujets âgés de 50 ans ou plus, et plus tardivement chez les sujets plus jeunes avec un risque qui peut, alors, être très important : multiplié par 130 après 12 ans ⁶. Les facteurs de risque individuels et environnementaux sont les mêmes que chez les sujets non transplantés ⁷. Le risque de CBC n’est toutefois pas aussi important que celui de carcinome épidermoïde. Le risque de survenue d’un CBC serait augmenté au cours du SIDA. Par rapport à la population générale, les CBC surviennent chez des sujets plus jeunes, sont plus souvent localisés au tronc, multiples et de type superficiel ⁸,⁹. Des formes multiples ou agressives, voire métastatiques sont cependant rapportées.  CBC carcinome basocellulaire cutané · NBC nævomatose basocellulaire · UV ultraviolets

Affections génétiques associées à la survenue de CBC Nævomatose basocellulaire (syndrome de Gorlin) Syndrome de Bazex-Dupré-Christol Syndrome de Rombo Syndrome «carcinomes basocellulaires, millium, cheveux et poils épars et drus » Xeroderma pigmentosum

58.A Arsenic L’exposition à l’arsenic est un facteur de risque de CBC reconnu depuis longtemps : développement de CBC après intoxication thérapeutique, ou après contamination par l’eau de boisson dans certaines régions (Amérique latine, Inde, Bengladesh, Taiwan) ¹⁰. Le rôle d’autres facteurs chimiques carcinogènes n’est pas démontré. Tabac Son rôle n’est pas établi de même que celui de l’alimentation. Génétique ¹¹ Certaines maladies ou syndromes génétiques sont susceptibles de se compliquer de CBC multiples (encadré 58.A). Les anomalies génétiques des CBC sont les suivantes. Voie patched sonic hedgehog Cette voie de signalisation, impliquée dans le contrôle du développement embryonnaire et de la prolifération cellulaire, apparaît capitale dans l’oncogenèse des CBC. Une mutation somatique du gène patched-1, gène immunosuppresseur de tumeur localisé sur le chromosome 9, a été mise en évidence au cours de la nævomatose basocellulaire (NBC), et des mutations somatiques sont retrouvées dans 30 à 40 % des cas de CBC sporadiques. Ces mutations aboutissent à une activation de la voie sonic hedgehog et à une prolifération cellulaire par activation de la voie finale Gli-1. Des mutations du gène patched ont été mises en évidence au cours d’autres tumeurs : médulloblastomes, cancer du sein, méningiomes, et sur une lignée cellulaire de cancer du côlon. Gène p53 Des mutations de p53 sont retrouvées avec une fréquence variable de 0 à 60 % au cours des CBC. De même, des mutations du gène RAS sont très inconstantes. Rôle des ultraviolets Les irradiations par ultraviolets (UV) entraînent des dégâts spécifiques sur l’ADN avec la présence de mutations spécifiques UV-induites (transition C [cytosine] > T [thymère] à des sites dipyridimiques, ou mutations en tandem CC > TT). Les mutations observées sur les gènes patched ou p53 sont de type UV induits dans environ la moitié des cas, au cours des différentes affections : CBC sporadiques, CBC dans le cadre de la NBC, ou CBC au cours du xeroderma pigmentosum. Ces faits confirment le rôle essentiel des UV dans la tumorogenèse des CBC. Gènes de susceptibilité La susceptibilité aux CBC semble déterminée par une interaction complexe entre la durée et l’intensité des expositions UV et les caractères génétiques. Des gènes de susceptibilité ont été identifiés pour le développement de CBC (cytochrome P-450 CYP2D6, glutathione S-transferase GSTT1) et pour le nombre de CBC

Formes cliniques et histologiques (récepteur à la vitamine D et tumour necrosis factor) dans certaines formes cliniques avec CBC multiples de la tête et du cou et CBC multiples du tronc ¹². Origine cellulaire Les cellules carcinomateuses dériveraient de kératinocytes pluripotentiels incomplètement différenciés et immatures, d’origine épidermique ou annexielle folliculaire. Une différenciation variable pilaire ou glandulaire explique la diversité histologique des CBC. Le CBC est très probablement une tumeur unifocale.

Fig. 58.2 Carcinome basocellulaire nodulaire du menton constitué d’une succession de petits nodules lisses surmontés de télangiectasies

Fig. 58.1 Carcinome basocellulaire débutant : grains rosés et télangiectasiques en surface  CBC carcinome basocellulaire cutané

Coll. D. Bessis

Une ulcération centrale conduisant à un aspect ombiliqué et à des hémorragies récidivantes est possible. Fréquemment, le CBC se ramollit devenant dépressible du fait d’une désintégration pseudo-kystique. La forme en plaque d’extension, très progressive sur des mois ou des années, à centre squameux ou atrophocicatriciel et à bordure perlée appelée CBC « plan cicatriciel », constitue une variété de CBC nodulaire avec extension centrifuge (fig. 58.3). Carcinome basocellulaire superficiel Il est localisé essentiellement sur le tronc ou les membres. C’est une plaque rouge plane, bien limitée, à extension très lentement centrifuge. Elle est parfois recouverte de petites squames ou de croûtes. Les perles caractéristiques ne sont, en règle générale, pas visibles à l’œil nu (fig. 58.4). Le CBC superficiel peut être multiple d’emblée. Il prédomine en zone de peau couverte. Carcinome basocellulaire sclérodermiforme Il s’agit d’une forme rare, localisée près des orifices du visage. C’est une plaque dure, brillante, mal limitée et déprimée, souvent difficile à voir en l’absence d’ulcération et qui ressemble à une cicatrice blanche. Elle évolue lentement de façon centrifuge. Les limites de la tumeur sont très difficiles à préciser. Cette lésion peut rester longtemps méconnue et finir par être très étendue et s’ulcérer.

Coll. D. Bessis

Formes cliniques ¹³,¹⁴ Les CBC peuvent prendre différents aspects cliniques dont trois principaux peuvent être retenus. Ils prédominent au visage, à l’exception de la forme superficielle qui est plus fréquente sur le tronc. Le nez est la localisation la plus fréquente ; les autres localisations sont les joues, le front, les régions périorbitaires. Le CBC peut néanmoins siéger sur tout le tégument, il est rare sur la vulve ou le scrotum et rarissime dans les zones dépourvues de follicules pilosébacés comme les paumes et les plantes. Il ne touche jamais les muqueuses. Formes de début Le CBC survient sur une peau apparemment saine, sans lésion préexistante, le plus souvent chez des sujets à peau claire en zones photo-exposées. L’aspect des lésions de petite taille est variable : grains saillants à consistance ferme rose ou grisâtre avec parfois des télangiectasies, érosion en coup d’ongle superficielle (fig. 58.1), lésion érythémateuse, squameuse ou kératosique parfois érodée et discrètement hémorragique. Le diagnostic clinique de ces lésions débutantes est difficile et c’est leur persistance pendant plusieurs mois qui conduit à la biopsie à titre diagnostique. Carcinome basocellulaire nodulaire Il se présente comme une papule ou un nodule lisse, translucide, grisâtre et télangiectasique constituant la lésion élémentaire ou perle. La lésion croît progressivement et atteint une taille variable avec une périphérie faite d’une succession de perles (fig. 58.2).

Coll. D. Bessis

Formes cliniques et histologiques

Fig. 58.3 Carcinomes basocellulaires de type plan cicatriciel : plaque carcinomateuse d’extension progressive à centre atrophique et cicatriciel

58-3

Carcinomes basocellulaires

Coll. D. Bessis

58-4

Fig. 58.4 Carcinome basocellulaire superficiel (pagétoïde) : plaque rouge, plane, bien limitée, bordée d’un fin liseré perlé Tumeur fibro-épithéliale de Pinkus Cette tumeur est considérée par certains comme une variante rare de CBC habituellement localisée sur le bas du dos. Elle se présente typiquement comme un nodule unique ou multiple, discrètement érythémateux, lisse, relativement ferme et parfois pédiculé (fig. 58.5). Elle évolue lentement vers un CBC plus typique. Elle peut survenir plusieurs années après une radiothérapie. Les trois sous-types cliniques principaux : nodulaires, superficiels et sclérodermiformes, peuvent se pigmenter (CBC tatoué) et/ou s’ulcérer (CBC ulcéré). L’ulcération peut survenir d’emblée avec un potentiel extensif et destructeur avec envahissement des tissus sous-jacents (ulcus rodens, ulcus terebrans) (fig. 58.6 et 58.7).

Fig. 58.5 Tumeur fibro-épithéliale de Pinkus : nodule lombaire unique, érythémateux et lisse  CBC carcinome basocellulaire cutané

Coll. Pr B. Guillot, Montpellier

Coll. Dr C. Ribeyre, Rodez

Formes histologiques ¹³,¹⁵-¹⁷ Les CBC ont des caractères cytologiques et architecturaux assez typiques. La tumeur est dermique, constituée de cellules basaloïdes agencées de façon variable, en travées, en lobules ou en nodules, avec une disposition pallissadique

des noyaux en périphérie. Les cellules tumorales ont un aspect uniforme avec un noyau d’assez grande taille très basophile. Il n’existe habituellement pas d’atypie cellulaire. La rétraction des cellules tumorales crée artificiellement une délimitation nette entre la tumeur et le stroma sous la forme d’un croissant clair appelé artéfact de rétraction. Sa présence est plus ou moins marquée selon le type histologique. Des formes ou sous-type histologiques multiples ont été décrites. Carcinome basocellulaire nodulaire Il est défini par la présence, dans le derme, d’un ou de plusieurs massifs ou lobules larges et bien circonscrits, constitués de cellules basaloïdes dont les noyaux sont agencés en palissade en périphérie. Des artéfacts de rétraction sont habituellement présents. La taille des nodules tumoraux doit être évaluée (fig. 58.8). Carcinome basocellulaire superficiel Il est défini par la présence d’un nid tumoral appendu à l’épiderme et/ou aux follicules pileux. Ce foyer tumoral est constitué de cellules basaloïdes dont les noyaux sont agencés en palissade en périphérie. Des artéfacts de rétraction sont habituellement présents et séparent les cellules tumorales du stroma. Le plus souvent, les foyers tumoraux paraissent multiples, séparés par des intervalles de peau normale (fig. 58.9). Le CBC superficiel est aussi appelé CBC « pagétoïde ». Cette terminologie doit cependant être abandonnée. Carcinome basocellulaire infiltrant Il est recommandé de limiter ce terme aux CBC trabéculaire ou micronodulaire. Dans sa forme trabéculaire, il est défini par la présence de foyers tumoraux de petite taille, mal limités, intradermiques ou parfois dermo-hypodermiques. Ces foyers, peu cellulaires, ont une architecture variée, en îlots irréguliers ou en travées. L’agencement palissadique des noyaux périphériques est souvent discret ou absent. La prolifération

Fig. 58.6

Carcinome basocellulaire ulcéré de l’aile du nez : ulcus rodens

Coll. D. Bessis

Formes cliniques et histologiques 58-5

Fig. 58.7 Carcinome basocellulaire nasal à potentiel extensif et destructeur des tissus mous sous-jacents : ulcus terebrans tumorale s’étend dans le derme av a ec des limites floues selon un mode très infiltrant. Dans sa fo f rme micronodulaire, f yers tumoraux il est caractérisé par une multitude de fo de petite taille fo f rmant des lobules bien limités. Aucune limite chiffrée validée n’a pu être retenue pour définir la taille de ces fo f yers, mais certains retiennent une taille inférieure à 15 μm. L’agencement palissadique des noyaux en périphérie est parfois discret. Carcinome basocellulaire sclérodermifo f rme Les fo f yers tumoraux sont des cordons effilés, parfo f is représentés par une seule assise cellulaire. Les cellules tumorales sont peu différenciées et l’agencement palissadique périphérique est

absent. La tumeur infiltre un stroma tumoral très scléreux. Les éléments tumoraux occupent habituellement toute la hauteur du derme, et s’étendent parfois à l’hypoderme. Tumeur fibroépithéliale de Pinkus Les cellules tumorales sont regroupées en cordons anastomosés appendus à l’épiderme, réalisant un réseau. Le stroma est lâche. La tumeur est souvent assez superficielle, bien délimitée en profondeur. Des formes histologiques particulières sont également individualisées. Carcinome basocellulaire métatypique Il est défini comme un CBC comportant une différenciation malpighienne carcinomateuse. L’existence de cette lésion comme un sous-type histologique de CBC ou comme une forme transitionnelle avec le carcinome épidermoïde reste controversée. Carcinome basocellulaire mixte ou composite Il est défini par l’association d’un CBC et d’un carcinome épidermoïde, chaque composante étant clairement identifiable. Ces différents sous-types histologiques peuvent s’associer. Le sous-type de la composante de plus mauvais pronostic doit alors être retenu. Ils peuvent comporter des aspects histologiques supplémentaires qui concernent la composante épithéliale et/ou stromale. Aspect particulier de la composante épithéliale Forme adénoïde Les cellules tumorales sont agencées en cordons anastomosés et réalisent parfo f is des structures glandulaires. Ces cellules ont parfo f is un aspect sécrétoire, et la lumière peut être partiellement occupée par une substance colloïde. Le stroma a un aspect mucoïde. Forme kératinisante ou pilaire Certains fo f yers tumoraux sont le siège d’amas de kératine, sans différenciation malpighienne ou carcinomateuse. Forme kystique Certains fo f yers tumoraux sont kystiques à contenu mucineux.

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Fig. 58.8 Carcinome basocellulaire nodulaire. Présence dans le derme de massifs et de lobules tumoraux larges et bien circonscrits. Les cellules basaloïdes ont un agencement palissadique périphérique

 CBC carcinome basocellulaire cutané

Coll. Dr D. Bessis et Dr V. Rigau, Montpellier

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58-6 Carcinomes basocellulaires

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Coll. Dr D. Bessis et Dr V. Rigau, Montpellier

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Fig. 58.9 Carcinome basocellulaire superficiel. Les nids tumoraux sont appendus à l’épiderme et constitués de cellules basaloïdes dont les noyaux sont agencés en palissade en périphérie Forme pigmentée ou tatouée La pigmentation est liée à l’accumulation de mélanine dans les mélanocytes, les kératinocytes ou les macrophages dermiques. Forme avec différenciation annexielle Tous T les CBC peuvent av a oir une différenciation fo f lliculaire, sébacée ou sudorale. V riantes cytologiques Occasionnellement, des variantes Va cytologiques sont responsables de difficultés diagnostiques sur des prélèvements biopsiques de petite taille : cellules tumorales atypiques, de grande taille ou multinucléées, cellules claires, fusiformes ou schwaniennes, granuleuses, mucosécrétantes, ou aavec une différenciation myoépithéliale ou neuro-endocrine. Aspect particulier du stroma L’aspect particulier du stroma peut aider au diagnostic du sous-type histologique pour les CBC sclérodermifo f rmes, mais il en est souvent indépendant : stroma inflammatoire, mucineux, amyloïde, calcifié avec de la métaplasie osseuse.

Évolution et pronostic Les CBC ont une croissance et une extension continue dans le temps. Ils sont à l’origine, en l’absence de traitement, d’une extension locale avec envahissement et destruction des structures voisines osseuses ou viscérales. Ils peuvent alors être à l’origine de difficultés thérapeutiques avec possibilité des séquelles fonc f tionnelles et esthétiques, voire de décès. Les métastases ganglionnaires ou viscérales sont exceptionnelles. Extension locale Le CBC s’étend progressivement dans les tissus adj d a-

 CBC carcinome basocellulaire cutané

cents : derme, fasc f ia, périoste (éminences malaires, tempes, conduit auditif externe, moitié supérieure du nez et canthus interne) périchondre (cartilage du nez et de l’oreille), gaines nerveuses. L’extension dermique est infraclinique et se fait, de plus, de façon asymétrique. Elle est particulièrement importante dans les fo f rmes histologiques infiltrantes et sclérodermifo f rmes. Une extension plus profonde f cartilagineuse, osseuse ou sous-jacente peut aboutir à une chirurgie craniofac f iale extensive, mutilante. Une progression concentrique périnerveuse, rare, peut être à l’origine de neuropathie (dysesthésies, névralgie du trijumeau, paralysie f iale...) et d’une progression par saut étendue (atteinte fac intracrânienne). Certaines hypothèses sont proposées pour le rôle pronostique de certaines localisations. Les difficultés chirurgicales, l’extension tumorale en profondeu f r dans les fo f llicules pileux et la notion de plans de fus f ion embryonnaires de moindre résistance, localisées dans certaines zones pré- et rétro-auriculaires, paranasales, ou au niveau du canthus interne, ffaavoriseraient l’extension tumorale, notamment de fa f çon perpendiculaire. La richesse de ces zones en nerfs f , la proximité du périchondre ou du périoste, ainsi que la richesse en glandes sébacées et la nature conservatrice du traitement pourraient expliquer, à elles seules, la progression tumorale et les taux de récidives. Carcinomes basocellulaires métastatiques ¹⁸ La survenue de métastases au cours du CBC est exceptionnelle, voire discutée : un peu moins de 300 cas rapportés dans la littérature ; 0,002 8 à 0,1 % des CBC. Le diagnostic ne peut être retenu que sur des critères précis : tumeur primitive localisée à la peau et non sur une muqueuse, métastases à distance du site cutané et sans contiguïté, CBC de

Autres formes cliniques 58-7

Coll. D. Bessis

sous-type histologique identique pour la tumeur primitive et les métastases. Les principales caractéristiques des CBC métastatiques sont : la longue durée d’évolution supérieure à 10 ans, l’âge jeune au début du CBC, la grande taille du CBC supérieure à 11 cm 2, l’extension locale agressive, les récidives multiples, la négligence du malade, l’histologie de la tumeur primitive de type infiltrant ou sclérodermiforme, ou avec infiltration périneurale. L’extension se fait par voie lymphatique ou hématogène. Les principaux sites métastatiques extraganglionnaires sont le poumon et l’os, plus rarement la peau, le rein, la rate, voire d’autres organes. La contamination directe pulmonaire a été décrite après atteinte pharyngée par extension locale. La durée de survie des CBC avec métastases est de 8 mois en moyenne. L’extrême rareté des métastases s’expliquerait par l’origine de la cellule cancéreuse épithéliale pluripotente dont le développement nécessite des interactions avec la jonction dermo-épidermique et le stroma sous-jacent. Des CBC métastatiques ont été décrits après exposition aux rayons X, au cours de la nævomatose basocellulaire et du SIDA.

Autres formes cliniques

 CBC carcinome basocellulaire cutané · NBC nævomatose basocellulaire

Fig. 58.10 Nævomatose basocellulaire : carcinomes basocellulaires multiples de type pagétoïde du dos chez une jeune femme (calcification de la faux du cerveau, méningiomes, médulloblastomes, agénésie du corps calleux), des signes oculaires (strabisme, cataracte, hypertélorisme, dystopie des canthus), troubles sexuels divers, pseudo-hypoparathyroïdie. Une dysmorphie faciale est fréquente (macrocéphalie, hypertélorisme, prognatisme, bosse frontale, bosse bitemporale, racine du nez large, fentes labiales ou palatines). Cette affection est liée à des mutations du gène patched du chromosome 9. Ces mutations sont en général situées sur des zones particulières (« hot-spots ») spécialement recherchées lors du diagnostic génétique. Tous les malades atteints de NBC n’ont de mutation identifiée de Patched-1, ce qui témoigne d’une hétérogénéité génétique avec existence d’un

Coll. D. Bessis

Nævomatose basocellulaire La nævomatose basocellulaire (NBC) ou syndrome des hamartomes basocellulaires ou syndrome de Gorlin est une affection autosomique dominante de forte pénétrance caractérisée par le développement rapide, tôt dans la vie, de nombreux CBC. La plupart des individus, blancs, atteints de NBC ont un CBC à l’âge de 20 ans, et certains auront entre 1 et 100 CBC (médiane 8) ¹⁹ (fig. 58.10). La NBC associe des signes cutanés, osseux, nerveux, oculaires et endocriniens. Les hamartomes basocellulaires sont caractéristiques : ils apparaissent en général à la puberté. Ils réalisent typiquement des petites tumeurs hémisphériques translucides, à surface lisse et télangiectasique, fermes, ressemblant à des CBC nodulaires. Les lésions siègent à la face dans les régions centrofaciales, périorbitaires, palpébrales, labiales supérieures. Ces lésions se multiplient à partir de la puberté et évoluent à l’âge adulte vers des CBC vrais, extensifs et invasifs à type d’ulcus rodens dans les zones périorificielles. La localisation aux paumes et aux plantes réalise un aspect caractéristique de trous ponctiformes à fond rosé (pits) (fig. 58.11). Ils prennent parfois la forme de molluscum pendulum (acrochordons) localisés au cou ou au périnée. Des formes unilatérales et linéaires sont décrites. Les autres signes cutanés sont : des comédons, des kystes épidermoïdes, des grains de milium, et des taches « café au lait ». Les signes extracutanés sont : des kystes maxillaires dépistés précocement par la radiographie, et source de complications locorégionales (déformation faciale, douleurs, infections, malpositions dentaires), des fractures, des anomalies osseuses fréquentes : costales (bifidité, synostose, côte cervicale rudimentaire, agénésie partielle), vertébrales (scoliose, spina bifida occulte, fusion, hémivertèbres) et métacarpophalangiennes (brièveté du quatrième métacarpien, polysyndactylie, kystes souscorticaux) ; des anomalies neuro-endocriniennes plus rares

Fig. 58.11 Puits palmaires (pits) au cours d’une nævomatose basocellulaire

58-8

Carcinomes basocellulaires autre mécanisme moléculaire. Le diagnostic repose sur l’association de différents critères (encadré 58.B). Le traitement précoce des hamartomes basocellulaires et des CBC est indispensable, surtout dans les zones centrofaciales et périorificielles pour éviter une évolution destructrice et mutilante malgré tout possible. Toutes les techniques thérapeutiques peuvent être utiles, notamment la photothérapie dynamique pour le traitement de CBC multiples et de petite taille. La radiothérapie, qui peut être responsable de l’évolution cancéreuse des hamartomes, doit être proscrite. Des CBC multiples sont décrits après radiothérapie médullaire pour médulloblastome au cours de la NBC.

Carcinome basocellulaire avec grains de millium de la face, cheveux et poils épars et drus

Syndrome de Bazex-Dupré-Christol Il comporte l’association de CBC multiples, d’une atrophodermie folliculaire : dépressions ponctuées (en pics à glace) du dos des mains et des pieds, d’une hypotrichose et d’une hypohydrose. Il s’agit d’une affection probablement autosomique dominante liée à l’X.

Syndrome de Muir et Torre Le syndrome de Muir et Torre associe des tumeurs sébacées multiples, des kératoacanthomes et des cancers viscéraux de faible malignité : essentiellement colo-rectaux et urogénitaux. Outre les adénomes sébacés, on peut rencontrer d’authentiques carcinomes sébacés et des CBC à différenciation sébacée. Leur présence doit faire rechercher un cancer et faire pratiquer une enquête familiale pour cette affection qui peut être autosomique dominante. Elle est parfois en rapport avec une mutation sur des gènes de réparation des erreurs d’appariement des bases d’ADN (gènes hMSH2 et hMLH1). Le diagnostic peut reposer sur la mise en évidence d’une instabilité microsatellite par immunohistochimie sur les tumeurs (perte d’expression protéique), et sur l’analyse génétique.

Syndrome de Rombo Il associe une cyanose périphérique avec vasodilatation, une atrophodermie vermiculée des joues, et des trichoépithéliomes de la face à partir desquels peuvent se développer des CBC.

Une famille atteinte sur quatre générations et comportant cette association a été décrite. Xeroderma pigmentosum Il s’agit d’une maladie autosomique récessive liée à un déficit génétique dans les enzymes de réparation de l’ADN et associant : une photosensibilité, des cancers cutanés multiples dont des CBC qui surviennent au cours des dix premières années de la vie.

Hamartome basocellulaire linéaire unilatéral Il s’agit d’une éruption très rare, congénitale, non héréditaire caractérisée par des CBC habituellement présents dès la naissance et disposés de façon linéaire ou zostériforme. Ces CBC sont associés à des comédons, des kystes épidermiques et différentes tumeurs annexielles bénignes. Il peut y avoir des zones linéaires d’atrophie. Des cas isolés de scoliose, de maladie cardiaque, d’ostéomes cutanés, d’anodon-

Critères diagnostiques de la NBC Signes majeurs • CBC multiples • Puits palmaires et plantaires • Kystes odontogéniques • Calcifications (faux du cerveau) Signes mineurs • Anomalies du développement et du squelette − Bosse frontale − Macrocéphalie − Strabisme − Fentes palatines − Côtes bifides − Calcifications ectopiques • Tumeurs − Médulloblastome − Fibrome ovarien • Retard mental

Facteurs de récidive des CBC •

Diagnostic de NBC

Au moins 2 signes majeurs ou 1 signe majeur et un parent au premier degré atteint ou 2 signes mineurs et un parent au premier degré atteint ou CBC multiples de l’enfance

58.B  CBC carcinome basocellulaire cutané · NBC nævomatose basocellulaire



Facteurs cliniques − Localisation  Zone à haut risque : nez et zones périorificielles céphaliques  Zone à risque intermédiaire : front, joues, menton, cuir chevelu et cou  Zone à bas risque : tronc et membres − Taille  Supérieure à 1 cm sur les zones à haut risque  Supérieure à 2 cm sur les zones à risque intermédiaire et à bas risque − Formes mal limitées ou sclérodermiformes − Formes récidivées Facteurs histologiques − Formes histologiques agressives  Sous-type histologique infiltrant : trabéculaire et micronodulaire  Sous-type histologique sclérodermiforme  Formes métatypiques

58.C

Coll. D. Bessis

Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes

Diagnostic 58-9

Fig. 58.12 Hamartome sébacé (Jadassohn) du scalp. Plaque alopécique mamelonnée congénitale tie unilatérale, et de troubles de la minéralisation osseuse associés ont été rapportés. Les zones de CBC n’ont pas de tendance évolutive au cours du temps. Hamartome sébacé de Jadassohn C’est un hamartome complexe, le plus souvent congénital associant une hyperplasie épidermique et des malformations sébacées et apocrines évolutives. Cette tumeur siège au cuir chevelu ou à la face. Elle se traduit dès la naissance ou tôt dans l’enfance par une plaque alopécique (fig. 58.12). À la puberté, la surface devient mamelonnée, verruqueuse ou comédonienne ; à l’âge adulte, des tumeurs bénignes (trichoblastome, syringo-cystadénome apocrine) et plus rarement des CBC se développent. Dermatofibrome Le dermatofibrome (DF) est une tumeur bénigne, acquise, qui siège habituellement aux membres inférieurs. Le DF est caractérisé par une prolifération de cellules fusiformes, d’histiocytes et de vaisseaux sanguins. Il peut, de façon exceptionnelle, se transformer en CBC.

Facteurs pronostiques ¹³,²⁰ Le critère objectif d’évaluation du pronostic des CBC est le risque de récidive. Il doit être complété par l’évaluation du risque d’envahissement local et la difficulté de prise en charge thérapeutique en cas de récidive. Les facteurs qui conditionnent le risque de récidive sont cliniques et histologiques. Ces facteurs sont résumés dans l’encadré 58.C. Ils permettent de définir trois groupes pronostiques auxquels sera adaptée la prise en charge thérapeutique (encadré 58.D). Les critères cliniques sont la localisation à l’extrémité céphalique et notamment sur le nez et les zones périorificielles (fig. 58.13), la taille supérieure à 1 ou 2 cm dans le plus grand axe de la tumeur, et le caractère mal limité ou sclérodermiforme. L’âge, le sexe, la durée d’évolution ne sont pas retenus comme des facteurs de risque. Il en est de même pour la notion de radiothérapie anté CBC carcinome basocellulaire cutané

Fig. 58.13 Localisations centrofaciale et périorificielle des CBC à haut risque de récidive rieure et d’immunodépression (données insuffisantes). Les facteurs histologiques sont les formes agressives définies comme les sous-types sclérodermiformes, infiltrants et métatypiques. L’invasion périnerveuse est probablement un critère à prendre en compte mais elle est très exceptionnelle dans les CBC, contrairement aux carcinomes épidermoïdes (encadré 58.C).

Diagnostic Le diagnostic de CBC est facile dans les formes typiques. Les éléments essentiels du diagnostic sont la fixité des lésions, la bordure perlée et les télangiectasies. Les diagnostics différentiels sont nombreux : tumeurs bénignes annexielles, nævi, cancers annexiels, carcinomes épidermoïdes, fibroxanthomes atypiques, carcinomes neuro-endocrines, cicatrices... Les trichoépithéliomes sont des tumeurs bénignes le plus souvent indistinguables cliniquement des CBC. Le diagnostic de cancer est histologique et une biopsie doit être réalisée lorsque le diagnostic clinique est incertain et dès lors qu’un traitement non chirurgical est proposé.

Traitement Le traitement des CBC doit être avant tout carcinologique afin d’éviter les récidives. Pour les CBC primaires, le taux de récidives par analyse de survie à 5 ans est de l’ordre de 1 % avec la chirurgie micrographique de Mohs et la chirurgie d’exérèse classique avec examen extemporané, de l’ordre de 5-10 % avec la chirurgie d’exérèse classique, la radiothérapie et la cryochirurgie et de l’ordre de 7-13 % pour le curetage-électrocoagulation. Pour les tumeurs récidivantes, il est de l’ordre de 5 % avec la chirurgie micrographique de Mohs, de l’ordre de 10-20 % avec la chirurgie d’exérèse classique et la radiothérapie, de l’ordre de 40 % avec le curetage-électrocoagulation ¹³. Chirurgie ¹³,²¹-²⁶ La chirurgie est le traitement de choix de la quasi-totalité des CBC. Elle permet un taux élevé de guérisons. Marges cliniques d’exérèse Le but de la chirurgie est

58-10

Carcinomes basocellulaires Indications de la chirurgie micrographique de Mohs

Groupes pronostiques des CBC •

Groupe de mauvais pronostic − Formes cliniques sclérodermiformes ou mal limitées et/ou formes histologiques agressives − Formes récidivées − CBC nodulaires de la zone à haut risque et de taille supérieure à 1 cm • Groupe de bon pronostic − CBC superficiels primaires et la tumeur de Pinkus − CBC bien limités de moins de 1 cm sur la zone à risque intermédiaire et de moins de 2 cm sur la zone à bas risque • Groupe de pronostic intermédiaire − CBC superficiels récidivés − CBC nodulaires inférieurs à 1 cm sur la zone à haut risque, supérieurs à 1 cm sur la zone à risque intermédiaire, et supérieurs à 2 cm sur la zone à bas risque.

58.D d’obtenir d’emblée une exérèse complète de la lésion avec un contrôle histologique des marges profondes et latérales. Les marges cliniques d’exérèse initiale doivent être suffisantes pour cet objectif. Elles varient en fonction du pronostic de la tumeur : − pour les tumeurs de bon pronostic : une marge latérale de 3-4 mm est nécessaire ; − pour les tumeurs de pronostic intermédiaire : une marge latérale stricte de 4 mm est recommandée ; − pour les tumeurs de pronostic défavorable : les marges latérales peuvent varier de 5 mm pour des tumeurs bien limitées, à 10 mm ou plus pour certains CBC récidivés et pour certains CBC sclérodermiformes. Si, pour des raisons fonctionnelles ou esthétiques, ces marges ne peuvent pas être respectées, il est possible de pratiquer un examen extemporané ou une chirurgie en deux temps. Ces marges préconisées sont celles qui permettent d’obtenir statistiquement un taux d’exérèses complètes de 95 % ; − dans tous les cas, les marges profondes sont situées dans le tissu graisseux sous-cutané et doivent atteindre en les respectant (sauf s’ils sont envahis) l’aponévrose (front), le périchondre (oreille et nez), ou le périoste (cuir chevelu). Pour les CBC superficiels, elles peuvent être moins profondes. Ces marges chirurgicales proposées pour les tumeurs de mauvais pronostic peuvent être insuffisantes, mais aussi trop importantes et source de séquelles. C’est pourquoi il peut être proposé des alternatives à la chirurgie d’exérèse classique. Ces alternatives visent à améliorer le contrôle histologique pour tendre vers l’exhaustivité. On peut alors faire appel à trois techniques : le contrôle extemporané, la chirurgie micrographique de Mohs et la chirurgie en deux temps. Place de l’examen extemporané Le contrôle extemporané réalisé par congélation doit toujours être complété par une étude postopératoire complémentaire en paraffine. Il a une bonne valeur s’il est orienté par le chirurgien sur une ou plusieurs zones à risque d’envahissement et réalisé  CBC carcinome basocellulaire cutané · CMM chirurgie micrographique de Mohs

• •



Tumeurs récidivées Tumeurs primaires − histologie agressive − zones à haut risque : taille > 1 cm − mal limitées Tumeurs localisées dans des zones où l’épargne tissulaire est importante (pointe et aile du nez, lèvres, paupières, doigts, orteils, organes génitaux)

58.E de façon la plus exhaustive possible sur ces zones (coupes multiples, tangentielles) ²⁷,²⁸. Dans les autres cas, il est rappelé qu’il ne permet l’examen que d’un faible pourcentage des marges. Place des techniques de fermeture en plusieurs temps La chirurgie d’exérèse en deux temps constitue une alternative à la réalisation d’un examen extemporané, car elle permet un contrôle en paraffine des marges avant fermeture et reconstruction. La morphologie tissulaire est mieux conservée sur les coupes en paraffine, mais, comme pour l’examen extemporané, l’examen histologique doit être orienté par le chirurgien sur une ou plusieurs zones à risque d’envahissement et réalisé de manière la plus exhaustive possible sur ces zones. Cette technique est particulièrement indiquée en cas de fermeture nécessitant une greffe ou un lambeau sur des zones, rendant difficile la reprise chirurgicale ¹³. Place de la chirurgie de Mohs Le principe de la chirurgie micrographique (CMM) est de permettre l’étude de 100 % des marges chirurgicales, latérales et profondes, et de préciser au mieux le caractère complet de l’exérèse lésionnelle. Le but est de permettre l’exérèse minimale suffisante sans exposer au risque de récidive, tout en évitant le sacrifice inutile de peau saine. Elle se distingue d’une exérèse chirurgicale classique pour laquelle la méthode d’étude microscopique sur pièce fixée ne permet qu’un examen partiel des marges (1 % avec la réalisation de coupes perpendiculaires au grand axe de la pièce opératoire). La technique combine l’acte chirurgical sous anesthésie locale et l’examen microscopique extemporané sur coupes congelées. La CMM est la technique pour laquelle les taux de récidives les plus faibles sont rapportés, particulièrement pour les CBC de mauvais pronostic. Elle nécessite une équipe spécialisée et une bonne coordination permettant la réalisation conjointe du geste chirurgical, de la préparation des lames et leur lecture. Seuls quelques centres proposent cette technique en France. Elle doit être réservée aux CBC de pronostic défavorable. Différentes variantes de la CMM sont décrites (chirurgie en trois dimensions) (encadré 58.E). Cryochirurgie La cryothérapie ou cryochirurgie est une technique de destruction tissulaire par le froid, le plus souvent l’azote liquide. La destruction des cellules tumorales de CBC est acquise pour une température tissulaire de − 50 ◦ C. L’application du froid peut être réalisée par vaporisation à l’aide de sprays ou par application de cryodes fermées. Le geste peut être précédé par un curetage et le cycle congélation-

Traitement 58-11 décongélation tissulaire peut être répété deux fois. Un contrôle de la température au moyen d’aiguilles, par thermocouple ou par impédancemétrie, est possible. La technique donne des bons résultats en termes de récidives dans des conditions optimales de pratique et en sélectionnant de façon rigoureuse les indications : 99 % de guérison à 5 ans sur une série de 628 patients ²⁹. C’est une alternative à la chirurgie pour les CBC superficiels localisés dans les zones à faible risque, et pour les CBC nodulaires bien limités d’une taille inférieure à 1 cm quelle que soit la localisation. Les résultats esthétiques sont globalement bons, mais une hypopigmentation séquellaire durable voire définitive est la règle. La cryochirurgie est une bonne technique pour les CBC localisés sur le nez et pour certains auteurs sur le canthus interne (cryorésistance du canal lacrymal). C’est une technique dont le coût est faible, qui peut être réalisée chez des sujets âgés peu coopérants et sous anticoagulants. L’inconvénient principal est la nécessité de soins locaux prolongés sur plusieurs semaines. Curetage-électrocoagulation Le curetage-électrocoagulation est une technique de destruction fondée sur la différence de consistance entre le tissu tumoral et le tissu sain. Elle nécessite un opérateur entraîné. Elle est actuellement peu pratiquée et ne peut être envisagée que pour des CBC nodulaires de petite taille (< 1 cm) et des CBC superficiels localisés sur des zones à faible risque de récidive. Radiothérapie La radiothérapie (RT) est une technique qui donne de bons résultats en termes de contrôle local dans de nombreuses formes cliniques et histologiques de CBC. La radiothérapie peut faire appel aux rayons X de basse énergie (dite de contact), à la curiethérapie ou à la RT de haute énergie (photons ou électrons) en fonction de la présentation clinique. Les doses recommandées sont de 40 à plus de 60 Gy en fonction de la taille de la tumeur. La RT est contre-indiquée en cas de syndromes génétiques prédisposant aux cancers de type NBC et xeroderma pigmentosum. Les effets secondaires aigus (épidermite), tardifs irréversibles et évolutifs (atrophie, troubles de la pigmentation, télangiectasies, fibrose, voire ulcérations), ainsi que les difficultés chirurgicales en cas de récidive en limitent les indications. La RT est réservée aux cas ou la chirurgie n’est pas possible (contreindication et difficultés chirurgicales, refus du malade). Dans ce cadre, les meilleures indications retenues sont : les CBC avec exérèse incomplète, les CBC récidivés, les CBC d’une taille inférieure à 2 cm de l’extrémité céphalique, les CBC avec envahissement osseux ou cartilagineux ¹³. La RT n’est pas recommandée chez les sujets de moins de 60 ans, comme traitement des CBC sclérodermiformes et sur certaines zones : oreilles, mains, pieds, jambes, organes génitaux. Les résultats cosmétiques obtenus avec la RT sont moins bons qu’avec la chirurgie pour des CBC d’une taille inférieure à 4 cm et localisés sur la face ³⁰.

Autres traitements Photothérapie dynamique topique ³¹ Le principe de la photothérapie dynamique repose sur l’administration d’un produit photosensibilisant à pénétration cutanée locale, dont l’activation par une source lumineuse de longueur d’onde appropriée conduit à la production de substances phototoxiques (radicaux oxygénés et principalement oxygène singulet) responsables d’une destruction tumorale. Le produit utilisé est un dérivé de l’acide aminolévulinique métabolisé préférentiellement au sein du tissu tumoral en protoporphyrines IX. La photothérapie dynamique est indiquée surtout dans le traitement des CBC superficiels et éventuellement de certains CBC nodulaires de petite taille et peu épais, essentiellement dans les formes multiples (NBC). Son utilisation dans d’autres formes de CBC nécessite des améliorations techniques (curetage, répétition des cycles...). C’est une thérapeutique relativement facile d’utilisation, bien tolérée et dont les résultats cosmétiques sont bons. Les taux de rémissions complètes restent inférieurs à ceux de la chirurgie. Imiquimod L’imiquimod est une molécule immunomodulatrice qui induit la synthèse de cytokines intervenant dans la régulation de l’immunité à médiation cellulaire, notamment les interférons α, γ, et l’IL-12. L’imiquimod est indiquée dans le traitement des CBC superficiels de taille < 2 cm 2 en application locale, sous forme de crème à 5 %, 5 à 7 jours par semaine pendant 6 à 12 semaines. Les taux de rémissions restent inférieurs à ceux de la chirurgie. Sa place dans le traitement des CBC nodulaires doit être précisée. Le curetage préalable permettrait d’augmenter les taux de rémissions complètes. Les effets secondaires locaux à type d’irritation sont toujours présents mais restent modérés : œdème, érythème, ulcérations, vésicules ³²,³³. 5-fluoro-uracile Le 5-fluoro-uracile (5-FU) est un agent de chimiothérapie utilisé par voie topique dans les kératoses actiniques. Une étude a montré un taux de récidives à 5 ans de 21 % au cours du CBC peu épais, réduit à 6 % en cas de curetage préalable ³⁴. En pratique, seules les tumeurs superficielles multiples peuvent être traitées par 5-FU, avec une surveillance attentive du fait du risque d’évolution à bas bruit sous une forme agressive. Interférons Les interférons, outre leurs propriétés antivirales, ont des propriétés antitumorales, antiprolifératives et immunomodulatrices. Les IFN-α 2a et 2b sont efficaces dans le traitement des CBC superficiels ou nodulaires de la face et du tronc. Une étude rétrospective portant sur 98 CBC (44 CBC superficiels et 51 CBC nodulaires) suivis pendant 10 ans et traités par IFN-α a montré un taux de guérisons de 96 % ³⁵, confirmant les bons résultats initiaux enregistrés avec ce traitement ³⁶. La posologie habituelle est de 1,5 million d’unités, 3 fois par semaine, pendant 9 semaines. Les contraintes du traitement (injections périlésionnelles multiples), les effets secondaires constants et le coût limitent les indications de ce type de traitement qui ne peut être qu’exceptionnel. Prise en charge diagnostique L’analyse histologique affirme le diagnostic de CBC. La biopsie est réalisée au punch ou par incision. Elle doit être suffisamment profonde pour

 CBC carcinome basocellulaire cutané · IFN interféron · IL interleukine · NBC nævomatose basocellulaire · RT radiothérapie

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Carcinomes basocellulaires inclure le derme réticulaire afin de dépister une composante infiltrante, et de préciser au mieux le type histologique. Le sous-type de moins bon pronostic doit être retenu dans la conclusion du compte rendu anatomopathologique. Une exérèse d’emblée, sans geste de reconstruction important, peut être réalisée pour les CBC de bon pronostic, dont le diagnostic clinique est très probable, en respectant les marges de sécurité préconisées (3 ou 4 mm). Le compte rendu anatomopathologique doit préciser, en cas d’exérèse, si celle-ci est en tissu sain, en tissu tumoral ou au ras de la tumeur pour les marges latérales et profondes.

Prise en charge thérapeutique La décision thérapeutique s’appuie sur le pronostic de la tumeur ¹³,³⁷. Certains éléments de décision non liés à la tumeur peuvent également intervenir dans le choix de la méthode thérapeutique : avis du malade, pronostic esthétique et fonctionnel, état général et espérance de vie, traitements et pathologies associées, disponibilité des techniques, compétence du praticien. L’âge du malade à lui seul ne doit pas dispenser d’un traitement carcinologique. Formes primaires On distingue : − les CBC de pronostic favorable : − première intention : chirurgie avec une marge de 3 à 4 mm sans analyse extemporanée, − deuxième intention : cryochirurgie ou radiothérapie, − troisième intention : curetage-électrocoagulation ; − les CBC de pronostic défavorable ; première intention : chirurgie classique avec une marge de 5 à 10 mm ou plus, ou CMM ou chirurgie avec contrôle extemporané des marges ou chirurgie en deux temps ; − les CBC de pronostic intermédiaire : − première intention : chirurgie avec marge stricte de 4 mm au minimum. Si la marge ne peut pas être respectée, CMM ou chirurgie avec examen extemporané ou chirurgie en deux temps, − deuxième intention : radiothérapie ou cryochirurgie. Formes récidivées Le traitement fait appel en : − première intention : à la CMM ou chirurgie avec examen extemporané ou chirurgie en deux temps. Pour les CBC superficiels, le recours à la chirurgie classique avec une marge de 4 mm est considéré comme suffisant ; − deuxième intention : à la radiothérapie. Il est préférable de ne pas avoir recours aux techniques de curetageélectrocoagulation ou de cryochirurgie pour les CBC récidivés, sauf pour les formes superficielles. Cas particuliers Carcinomes basocellulaires avec exérèse incomplète Le taux de récidives des CBC avec exérèse incomplète est d’environ 50 % et le pronostic des formes récidivées est moins

favorable que celui des formes primaires. Devant l’exérèse incomplète d’un CBC de pronostic défavorable, les traitements complémentaires recommandés sont : la chirurgie avec analyse extemporanée des marges, la chirurgie d’exérèse en deux temps ou la CMM. La radiothérapie n’est recommandée qu’en deuxième intention si la chirurgie n’est pas possible ¹³,³⁸,³⁹. Devant l’exérèse incomplète d’un CBC de bon pronostic ou de pronostic intermédiaire, le traitement peut faire appel à la chirurgie sans examen extemporané. La radiothérapie n’est utilisée qu’en deuxième intention si la chirurgie n’est pas possible. Pour les formes de pronostic favorable, une surveillance clinique, si elle est réalisable, est acceptable ¹³. Carcinomes basocellulaires avec envahissement périnerveux L’engainement périnerveux (EPN) est défini par la présence, à l’examen histologique, de cellules tumorales le long ou à l’intérieur des filets nerveux. Son incidence est estimée dans une étude à 1 % sur une série de 1 686 CBC ³⁹. La fréquence de l’EPN est sous-estimée par les coupes verticales. Elle est plus élevée au cours des CBC avec sous-type histologique agressif (3 %), et se rencontre surtout au cours de CBC récidivés ⁴⁰. Le risque de récidive des CBC avec EPN semble, après traitement par CMM, supérieur à celui des CBC sans EPN (7,2 versus 2,4 %) ⁴¹. Certains auteurs préconisent un traitement de ces CBC par CMM et/ou RT. Cette infiltration périnerveuse doit être mentionnée dans le compte rendu anatomopathologique. Carcinomes basocellulaires géants et métastatiques Le pronostic des CBC avec métastases est mauvais avec une survie moyenne de 8 à 10 mois après le diagnostic. La chimiothérapie est considérée comme peu efficace. Le cysplatinium a permis d’obtenir dans quelques cas des rémissions. Il paraît intéressant pour les CBC avancés de grande taille, en traitement néoadjuvant d’une chirurgie ou d’une RT. Six cures mensuelles sont proposées en cas de réponse favorable après la deuxième cure. Le paclitaxel, seul ou associé au cysplatinium, a permis d’obtenir dans quelques cas des rémissions durables pour des formes invasives ou métastatiques dans le cadre de CBC sporadiques ou de NBC ⁴².

Suivi des malades ayant un carcinome basocellulaire et prévention Le risque de récidive d’un CBC survient essentiellement au cours des cinq premières années de suivi (80 %), mais reste possible pendant 10 ans ²⁰,⁴³. Le risque de survenue d’un autre CBC est lui aussi élevé : près de 50 % à 3 ans. Ce risque est d’autant plus élevé que le nombre de CBC dans les antécédents est important. La survenue d’un carcinome épidermoïde est plus rare, elle est estimée entre 3 et 20 % ⁴⁴. Le risque relatif de mélanome serait, quant à lui, multiplié par 2 ⁴⁵. Ce risque de second cancer cutané est plus important pour les sujets âgés de moins de 40 ans. Il est donc licite de proposer au malade une surveillance annuelle en cas de CBC pendant 5 à 10 ans, voire à vie dans certaines circonstances comme les CBC multiples et la NBC. L’information et l’éducation du malade

 CBC carcinome basocellulaire cutané · CMM chirurgie micrographique de Mohs · NBC nævomatose basocellulaire · RT radiothérapie

Références 58-13 pour un auto-examen régulier et les mesures de protection solaire sont indispensables. Il est conseillé aux malades ayant eu un CBC, surtout s’ils sont jeunes, de réduire leur exposition aux UV, de se protéger notamment au niveau du visage (chapeau à larges bords) et d’appliquer en cas d’exposition un écran solaire. Cette protection par écran ne doit pas inciter les malades à prolonger les expositions. Les rétinoïdes (isotrétinoïne et étrétinate) n’ont qu’une action mineure sur les CBC avéré a s, même à doses élevées. Ces deux molécules se sont révélées efficaces en prévention sur la survenue de nouvelles lésions au cours de la NBC et du

1 Zanetti R, Rosso S, Martinez C et al. The multicentre south European study « Helios » I : skin Characteristics and sunburns in basal cell and squamous cell carcinomas of the skin. Br J Cancer 1996 ; 73:1440-1446. 2 Levi F, F Franceschi S, Randimdison L et al. Trends of skin cancer in the canton de Vaud V 1976-92. Br J Cancer 1995 ; 72:1047-1053. 3 Rosso S, Zanetti R, Martinez C et al. The multicentre south European study « Helios ». II : Diffe ff rent sun exposure patterns in the aetiology of basal cell and squamous cell carcinomas of the skin. Br J Cancer 1996 ; 73:14471454. 4 Stern RS, Lange R. Non melanoma skin cancer occurring in patients treated with PUVA V five to ten years after first treatment. J Invest Dermatol 1988 ; 91:120-124. 5 Goldschmidt H, Breneman JC, Breneman DL. Ionizing radiation therapy. J Am Acad Dermatol 1994 ; 30:157-182. 6 Moloney FJ, Comber H, O’Lorcain P et al. A cohort study of cancer patterns in renal transplant recipients in Ireland. Br J Dermatol 2005 ; 153(Suppl1):3. 7 Ramsey HM, Fryer AA, Hawley CM et al. Factors associated with non melanoma skin cancer f llowing renal transplantation IN Queens fo Q land, Australia. J Am Acad Dermatol 2003 ; 49:397406. 8 Lobo DV, Chu P P, Grekin RC et al. Non melanoma skin cancers and infection with the human immunodeficiency virus. Arch r Dermatol 1992 ; 128:623-627. 9 Smith KJ, Skelton HG, Y Yeager J et al. Cutaneous neoplasms in a military population of VIH-positive patients. J Am Acad Dermatol 1993 ; 29:400-406. 10 Tseng WP, Chur HM, How SW. Prevalence of skin cancer in an endemic area of chronic arsenicism in Ta T ïwan. J Natl Cancer Inst 1968 ; 40:453-463. 11 Tsao H. Genetics in non melanoma skin cancer. Arch Dermatol 2001 ; 137:1486-1492.

xeroderma pigmentosum. Les doses nécessaires sont élevées : 1 mg/kg/j pour l’étrétinate et 2 à 3 mg/kg/j pour l’isotrétinoïne. Des échecs sont possibles, témoignant d’une susceptibilité individuelle. La récidive à l’arrêt impose un traitement d’entretien (0,5 à 0,75 mg/kg/j pour l’étrétinate, 0,5 mg/kg/j pour l’isotrétinoïne). Une dose minimale efficace pour chaque individu doit être recherchée. Enfin un rebond rapide à l’arrêt thérapeutique est possible. Comptetenu des effe ff ts secondaires, ces éléments limitent en pratique la prescription. Les malades ayant un CBC seraient plus exposés au risque de cancers primaires extracutanés (glandes salivaires, lèvres, intestin nez, pharynx) ⁴⁵.

12 Ramachandran S, Fryer, AA, Smith AG et al. Basal cell carcinomas : association of allelic variants with a high-risk subgroup of patients with the multiple presentation phenotype. Pharmacogenetics 2001 ; 11:247-254. 13 Recommandations pour la pratique clinique (A ( NAES 2004) : Prise en charge du carcinome basocellulaire de l’adulte. Ann Dermatol Venereol 2004 ; 131:669-677. 14 Guillaume JC. Carcinomes spinocellulaires. In : Saurat JH, Grosshans E, Laugier P P, Lachapelle JM, éds. Dermatologie et maladies sexuellement transmissibles. Masson : Paris ; 1999. 15 Lowe L. Histology. Basal cell carcinoma. In : Miller SJ, Maloney M, eds. Cutaneous oncology g pathophysiology g diagnosis and management. Malden : Blackwell Science ; 1998. p. 633-645. 16 Weedon D, Strutton D. Skin pathology. g Edinburgh : Churchill Livingstone 2nd ed ; 2002. 17 Scrivener Y, Grosshans E, Cribier B. V Variations of basal cell carcinoma according to gender, age, location, and histopathologic subtypes. Br J Dermatol 2002 ; 147:41-47. 18 Brodland DG. Features associated with metastasis. Basal cell carcinoma. In : Miller SJ, Maloney M, eds. Cutaneous oncology g pathophysiology g diagnosis and management. Malden : Blackwell Science ; 1998. p. 657-663. 19 Kimonis VE, Goldstein AM, Pastaka B et al. Clinical manisfestation in 105 persons with the nevoid basal cell carcinoma syndrome. Am J Hum Genet 1997 ; 69:299-308. 20 Silverman MK, Kopt AW AW, Grin CM et al. Recurrences rates of treated basal cell carcinomas. Part 1 : overview. J Dermatol Surg r Oncol 1991 ; 17:713-718. 21 Epstein E. How accurate is the visual assessment of basal carcinoma margins ? Br J Dermatol 1973 ; 89:37-43. 22 Burg G, Hirsch RD, Konz B et al. Histographic surgery : accuracy of visual assessment of the margins of basal-cell epithelioma. J Dermatol Surg 1975 ; 1:21-24. 23 Wolf DJ, Zitelli TA T . Surgical margins fo f r

 CBC carcinome basocellulaire cutané · NBC nævomatose basocellulaire · UV ultraviolets

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Dandurand M. Carcinomes basocellulaires. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 58.1-58.14.

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Carcinomes épidermoïdes

Nicole Basset, Catherine Renaud-Vilmer Données épidémiologiques 59-1 Facteurs étiologiques 59-1 Soleil 59-1 Virus 59-2 Immunodépression 59-2 Plaies chroniques 59-2 Lichen scléroatrophique 59-2 Tabac 59-3 Substances chimiques 59-3 Génétique et carcinome épidermoïde 59-3 Clinique 59-3 Kératoses actiniques 59-3 Carcinome in situ ou maladie de Bowen 59-4 Carcinomes épidermoïdes invasifs 59-4 Histopathologie 59-4 Formes cliniques particulières 59-4 Carcinome verruqueux 59-4

es carcinomes cutanés sont les cancers les plus fréquents de l’adulte ¹ et se divisent globalement en carcinomes basocellulaires (CBC) (trois quarts) et en carcinomes épidermoïdes (CE) (un quart). Les CE sont des tumeurs volontiers agressives et peuvent menacer le pronostic vital par leur capacité à métastaser. Les CE se développent souvent sur des lésions précancéreuses d’où l’importance de la surveillance et des traitements préventifs à ce stade. Les CE touchent la peau et les muqueuses où leur évolution agressive est souvent plus marquée. Les CE sont plus fréquents chez les sujets immunodéprimés chez qui le rapport CE/CBC est inversé.

L

Données épidémiologiques Les données sont partielles puisque ces tumeurs ne sont pas répertoriées dans les registres du cancer dans la majorité des cas. En France et dans les pays européens, l’incidence standardisée (par rapport à la population mondiale) est de 10 à 20/100 000 habitants chez l’homme et de 5 à 10/100 000 habitants chez la femme. Cette incidence n’a pas cessé d’augmenter ces trente dernières années. Aux États-Unis, l’incidence est de 100 à 150/100 000 habitants dans la population blanche et ce chiffre double dans la po CBC carcinome basocellulaire cutané · CE carcinome épidermoïde

Carcinomes périunguéaux 59-4 Carcinomes épidermoïdes muqueux ou des demi-muqueuses 59-5 Carcinomes épidermoïdes des organes génitaux externes 59-5 Pronostic et évolution 59-6 Diagnostic différentiel 59-7 Traitement 59-7 Traitement curatif 59-7 Traitement chirurgical 59-7 Autres traitements 59-7 Autres alternatives thérapeutiques 59-8 Traitement des aires ganglionnaires 59-8 Cas particuliers 59-8 Traitement préventif et surveillance 59-9 Références 59-9

pulation de plus de 75 ans. Le nombre annuel de décès aux États-Unis est d’environ 2 000. L’incidence des CE croît avec la latitude et double lorsque cette dernière diminue de 8◦ à 10◦ . Ainsi, en Australie, elle était estimée à 250/100 000 habitants en 1990 et pouvait atteindre des chiffres jusqu’à 1/100 chez les personnes d’origine européenne nées en Australie et vivant près de l’équateur. L’incidence chez l’homme est de 2 à 3 fois celle de la femme. Il n’y a pas d’augmentation d’incidence des cancers viscéraux par rapport à la population générale chez les patients porteurs d’un CE ².

Facteurs étiologiques Soleil Le facteur étiologique principal des CE cutanés est l’exposition solaire chronique. En effet, ces tumeurs sont plus fréquentes sur les zones photo-exposées comme les mains et le visage, leur incidence augmente dans les pays fortement ensoleillés. Elles surviennent plus volontiers chez les sujets à peau claire et chez les sujets âgés du fait de l’accumulation d’expositions répétées. Ces données sont confortées par les données d’épidémiologie moléculaire qui attestent d’une plus grande préva-

Carcinomes épidermoïdes lence de mutations induites par les ultraviolets (UV) sur des gènes-clés de la cancérogenèse comme le gène p53, un régulateur du cycle cellulaire ³. L’action conjointe des UVB, qui entraînent des lésions directement sur l’ADN, et des UVA,qui ne sont pas mutagènes directement mais entraînent des réactions oxydatives qui, elles, le sont, est maintenant admise. Le pouvoir cancérigène supérieur des UVB est mis en balance avec des quantités beaucoup plus importantes (× 1 000) d’UVA qui arrivent à la surface de la peau. Ainsi, les systèmes de protection mis en place dans les stratégies de prévention doivent intéresser les UVB et les UVA. Les modèles animaux comme la souris hairless reproduisent bien la situation observée en clinique humaine qu’il s’agisse d’irradiation en UVB seul (qui aboutit surtout au développement de CE) ou d’irradiation par un simulateur solaire mélangeant UVB et UVA qui aboutit également à des CE, mais aussi à des lésions précancéreuses proches des kératoses actiniques, ce qui illustre l’action conjointe de ces deux longueurs d’onde dans la photocarcinogenèse. La puvathérapie augmente le risque de développement de CE surtout à doses cumulatives élevées chez les sujets prédisposés d’où l’importance du contrôle médical de son utilisation ⁴. Virus Papillomavirus humain (PVH) Sur les muqueuses génitales ou les zones non photo-exposées des sujets immunocompétents, l’infection par des papillomavirus oncogènes joue un rôle important dans l’étiopathogénie des CE. La responsabilité de ces PVH oncogènes se retrouve dans la quasitotalité des CE muqueux du col de l’utérus ou de l’anus et dans un certain pourcentage des CE des organes génitaux externes (vulve ou pénis). Une origine sexuelle est aussi évoquée pour un certain nombre de maladies de Bowen cutanées et les CE développés sur ces lésions, en particulier pour les localisations périunguéales au sein desquelles certains PVH muqueux ont également été retrouvés ⁵. Chez les sujets immunodéprimés, qui ont une incidence élevée de cancers cutanés (65 à 250 fois supérieure à la population générale) dont surtout des CE, le rôle de cofacteur du PVH est également soulevé. Il s’agit le plus souvent de papillomavirus du groupe PVH associés à l’épidermodysplasie verruciforme (ou PVH-EV), une maladie génétique prédisposant aux carcinomes cutanés. Herpès virus Son rôle est très controversé. Immunodépression L’augmentation considérable de l’incidence des carcinomes cutanés chez les patients immunodéprimés transplantés d’organe montre l’importance de l’immunosurveillance dans la progression tumorale, en particulier des CE. En effet, chez les patients transplantés, le rapport CBC/CE est inversé et ces tumeurs sont volontiers agressives. Chez ces patients, un ensemble de cofacteurs de risque s’associent pour expliquer l’augmentation de l’incidence des CE : le phototype clair des patients, la localisation des tumeurs volontiers sur des zones photo-exposées, l’augmentation de leur incidence selon le lieu d’habitation du transplanté

d’organe (fonction de l’ensoleillement et de la latitude), du degré et du temps d’immunosuppression (ce qui tend à s’améliorer avec les changements de protocoles d’immunosuppression), la présence et de la réplication des virus PVH oncogènes dans les lésions ⁶,⁷. Plaies chroniques Une des complications graves des ulcères de jambes est la transformation en CE. Elle doit être suspectée devant toute lésion qui ne guérit pas malgré un traitement bien mené, qui devient douloureuse et saignotante et a fortiori bourgeonnante et doit imposer la biopsie, voire des biopsies multiples à la moindre suspicion. D’autres situations de plaies chroniques peuvent se transformer en CE comme les hidrosadénites suppuratives chroniques (rares) et les épidermolyses bulleuses congénitales dystrophiques pour lesquelles elles sont une cause fréquente de décès. À rapprocher des plaies chroniques, le développement de CE sur des brûlures ou des zones radiothérapées. Lichen scléroatrophique (LS) Le LS est une maladie inflammatoire chronique des muqueuses et demi-muqueuses. Il est la première cause des CE des organes génitaux externes (vulve, pénis) après les infections à PVH oncogènes dans les pays d’Europe du Nord et de l’Ouest et en Amérique du Nord. L’origine de la maladie et les facteurs carcinogènes associés ne sont pas encore identifiés.

Coll. D. Bessis

59-2

Fig. 59.1 Multiples verrues planes coalescentes et lésions de type pityriasis versicolor du front au cours d’une épidermodysplasie verruciforme

 CBC carcinome basocellulaire cutané · CE carcinome épidermoïde · PVH papillomavirus humain · UV ultraviolets

Clinique 59-3 Tabac Le tabac est une des causes importantes des CE de la lèvre inférieure chez les fumeurs. La notion d’un contexte tabagique et a fortiori alcoolo-tabagique doit imposer un bilan pulmonaire et ORL à la recherche d’un deuxième foyer.

 CE carcinome épidermoïde · PVH papillomavirus humain

Fig. 59.3

Corne cutanée d’une joue

de gènes modificateurs dans les génodermatoses car ils peuvent aggraver le risque des maladies monogéniques si les malades sont porteurs de variants délétères ¹⁰.

Clinique Kératoses actiniques Les CE surviennent volontiers sur une lésion précancéreuse, en particulier les kératoses actiniques (KA). Les KA réalisent des petites plaques érythémateuses ou pigmentées, squameuses ou rugueuses au toucher, parfois plus palpables que visibles, et prédominant sur les zones photoexposées des sujets à peau claire (fig. 59.2). Les KA peuvent

Coll. D. Bessis

Génétique et carcinome épidermoïde Plusieurs génodermatoses prédisposent aux CE : − la plus fréquente : le xeroderma pigmentosum, maladie autosomique récessive liée à un déficit génétique dans les enzymes de réparation de l’ADN et associant volontiers une grande photosensibilité et le développement de multiples cancers cutanés dont des CE ; − l’épidermodysplasie verruciforme associant des verrues planes (fig. 59.1), des lésions pityriasis versicolor-like, des CE sur les zones photo-exposées toutes fortement associées à la présence de PVH de type 5 ou apparentés, et des troubles de l’immunité cellulaire. La localisation du gène responsable sur le chromosome 17 (17q25) a été récemment rapportée ⁹ ; − l’albinisme oculocutané de type II, maladie autosomique récessive liée à des mutations du gène de la tyrosinase (chromosome 15), entraînant une diminution de la production d’eumélanine et associant de graves troubles visuels à une augmentation de l’incidence des tumeurs cutanées, en particulier des CE ; − le syndrome de Fergusson-Smith autosomique dominante, dont le gène est localisé en 9q22-31, et prédisposant à de multiples tumeurs de type CE ou kératocanthomes ; − la dyskératose congénitale, autosomique récessive liée à l’X, touche le gène de la dyskérine impliquée dans le cycle cellulaire. Cette maladie associe une leucoplasie orale avec dystrophie unguéale, atrophie cutanée, hyperpigmentation et pancytopénie. Prédisposition génétique Outre les maladies monogéniques prédisposant aux cancers telles que celles citées cidessus, il est maintenant de plus en plus clair que des polymorphismes génétiques initialement suspectés comme peu importants ont des conséquences plus ou moins nettes sur le fonctionnement des gènes pour lesquels ils codent. Certains de ces variants sont plus souvent retrouvés dans les populations à risques de développement de carcinomes dont des CE. Il s’agit de gènes codant pour des récepteurs d’hormones impliqués dans la pigmentation comme le gène MC1R, récepteur de l’α-MSH ayant un rôle clé dans la pigmentation cutanée, les polymorphismes des gènes de réparation de l’ADN, des gènes codant pour les enzymes de détoxification, etc. Ces gènes jouent également le rôle

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier

Substances chimiques En 1975, sir Perceval Pott a rapporté l’augmentation du CE du scrotum chez les ramoneurs exposés au goudron de houille. Ce facteur a bien sûr diminué est a été progressivement supplanté par d’autres substances chimiques comme l’arsenic et les hydrocarbures polycycliques aromatiques. Récemment, il a été démontré le rôle carcinogène de l’azathioprine en présence de radiations UVA ⁸.

Fig. 59.2 Carcinome épidermoïde préauriculaire et kératoses actiniques multiples du visage

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Carcinomes épidermoïdes

Carcinome in situ ou maladie de Bowen Les CE peuvent se développer sur une maladie de Bowen, qui se présente cliniquement comme une plage érythémateuse rosée ou brune, bien limitée, fixe, parfois recouverte de fines squames, d’évolution lente, centrifuge. Cette lésion survient volontiers sur les zones photo-exposées, visage, mains et jambes en particulier. Toute induration, ulcération, a fortiori tout bourgeonnement ou saignement (fig. 59.4) doit alerter et imposer un contrôle histologique pour éliminer une transformation en CE invasif. Carcinomes épidermoïdes invasifs Le CE se présente cliniquement sous forme d’une lésion indurée, croûteuse et/ou ulcérée, qui peut prendre un caractère végétant ou bourgeonnant d’évolution plus ou moins rapide (fig. 59.5). Quand la lésion est nodulaire et croûteuse en son centre (fig. 59.6), elle peut en imposer pour un kératoacanthome dont le diagnostic différentiel n’est pas toujours aisé. L’examen clinique recherchera des adénopathies locorégionales ¹⁰.

Histopathologie Le CE est lié à une transformation maligne des kératinocytes interfolliculaires. Selon la présence ou non d’un franchissement de la membrane basale épidermique et le niveau d’infiltration du derme, on distingue : le CE in situ ou maladie de Bowen, le carcinome micro-invasif limité au derme superficiel, et le carcinome invasif infiltrant le derme moyen et/ou profond, voire l’hypoderme et les tissus sous-cutanés. Le CE invasif est composé de lobules ou de travées tumorales plus ou moins anastomosées, de disposition anarchique, faits de cellules de grande taille plus ou moins maturées sous forme de globes cornés (dyskératose) (fig. 59.7). Certains CE sont très indifférenciés, voire anaplasiques : les cellules ont alors un aspect fusiforme difficile à identifier. C’est dans ces cas que les marquages immunohistochimiques à la recherche de marqueurs kératinocytaires (pancytokératine) sont utiles pour poser le diagnostic. Les atypies cytonucléaires et les mitoses sont fréquentes. L’atteinte du derme réticulaire, le caractère peu différencié et l’existence d’un neurotropisme sont des facteurs de mauvais pronostic.  CE carcinome épidermoïde · PVH papillomavirus humain

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confluer en nappes ou former de véritables cornes cutanées (fig. 59.3). Elles ont un potentiel de transformation estimé autour de 0,1 à 10 %. Certains auteurs estiment qu’il existe un continuum entre la kératose actinique et le CE, mais la plupart des KA vont involuer ou ne se transformeront pas. Il est difficile dans ces conditions de les assimiler à un véritable carcinome in situ comme la maladie de Bowen. Cependant ces lésions doivent être traitées car elles représentent un risque de CE même s’il n’est pas si fréquent. Une résistance au traitement doit inciter à les biopsier pour ne pas passer à côté d’un CE débutant souvent proche cliniquement.

Fig. 59.4 Carcinome épidermoïde du scalp survenant sur une maladie de Bowen préexistante

Formes cliniques particulières Carcinome verruqueux La forme verruqueuse est plus rare et réalise une tumeur volontiers exophytique en choux-fleur atteignant volontiers les demi-muqueuses. On rattache à cette entité le carcinome cunniculatum (fig. 59.8) qui siège électivement sur le membre inférieur, au niveau du pied, sur une plaie chronique, et qui réalise une tumeur avec des fentes et un aspect en tunnel entre les lobules tumoraux, très caractéristiques. L’histologie est longtemps celle d’une hyperplasie épithéliale régulière sans atypie, alors que la tumeur s’infiltre progressivement dans les tissus et structures avoisinantes mais sans rupture de la membrane basale sous-épithéliale. Une ou plusieurs biopsies profondes sont souvent nécessaires pour faire le diagnostic différentiel avec une hyperplasie épithéliale pseudo-carcinomateuse. Au niveau génital, ce carcinome doit être distingué du condylome géant — ou tumeur de Buschke-Lowenstein — au sein duquel on observe des koïlocytes du fait de son lien avec une infection à PVH. Après plusieurs mois ou années d’évolution souvent très destructrice localement, la tumeur finit par évoluer en carcinome épidermoïde invasif, avec franchissement de la membrane basale et risque alors de survenue de métastases ganglionnaires locorégionales et de métastases viscérales. Plusieurs hypothèses carcinogènes sont avancées : inflammation chronique, lichen scléreux génital. Carcinomes périunguéaux Leur individualisation récente tient à la démonstration de la présence d’un PVH oncogène, généralement le sous-type PVH-16. Une possible transmission à partir d’une autre localisation ano-génitale (vulve, pénis, col, anus) à type de maladie de Bowen ou de papulose bowénoïde doit être recherchée. Ainsi, il convient d’être attentif à des verrues périunguéales récalcitrantes et d’effectuer un prélèvement biopsique au moindre doute.

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Formes cliniques particulières

Fig. 59.5

Nodule tumoral du tragus : carcinome épidermoïde

Carcinomes épidermoïdes muqueux ou des demi-muqueuses Les carcinomes épidermoïdes de la lèvre buccale siègent le plus souvent sur la lèvre inférieure (88 à 98 % des cas), et sont plus fréquents chez l’homme de plus de 60 ans ¹¹. Deux carcinogènes majeurs en sont à l’origine : le soleil et le CE survient alors volontiers sur une chéilite actinique, et le tabac, en particulier sur la zone de contact avec la cigarette. Toute lésion leucoplasique chronique surtout si elle est érosive, indurée et saignotante, doit être biopsiée. Le CE de la lèvre se présente comme une lésion indurée et/ou ulcérée, à bords irréguliers pouvant devenir végétante (fig. 59.9). Il faut faire un bilan ORL et pulmonaire complet chez un sujet alcoolo-tabagique. Pour les tumeurs > 2 cm, en l’absence d’adénopathie palpable, une échographie ganglionnaire et une tomodensitométrie cervicale sont proposées pour mieux juger de l’extension locorégionale. La procédure du ganglion sentinelle (premier relais ganglionnaire identifié par traceur radioactif et lymphoscintigraphie puis prélevé et analysé pour recherche de micrométastase) est en cours d’étude dans cette indication. L’extension ganglionnaire se fait essentiellement dans les ganglions sousmentaux et sous-maxillaires. Son atteinte assombrit gravement le pronostic.  CE carcinome épidermoïde · PVH papillomavirus humain · VIN néoplasie vulvaire intraépithéliale

Fig. 59.6 Nodule végétant à centre cratériforme et croûteux : carcinome épidermoïde. Le principal diagnostic différentiel est le kératoacanthome Carcinomes épidermoïdes des organes génitaux externes Carcinomes épidermoïdes vulvaires Ce sont des tumeurs rares (3 à 5 % des cancers génitaux), mais ils représentent la forme la plus fréquente des cancers vulvaires (90 à 95 %). Ils surviennent la plupart du temps sur une néoplasie intraépithéliale vulvaire sévère ou VIN de grade 3 et chez les femmes âgées de plus de 70 ans. Cependant, il existe 2 types de VIN 3 ¹² : − la VIN 3 différenciée qui correspond à une désorganisation des kératinocytes au sein d’un épithélium souvent hyperplasique avec des atypies cytonucléaires marquées, mais qui restent limitées aux couches basales et suprabasales de l’épithélium. Elle survient sur des maladies inflammatoires chroniques comme le lichen scléro-atrophique (LS) et réalise des plaques leucoplasiques ou érythroplasiques persistantes. La survenue d’une ulcération, d’un nodule doit imposer une biopsie. La survenue d’un CE sur un LS génital est le plus souvent due à l’absence de traitement ou à une prise en charge trop tardive ¹²,¹³ ; − la VIN 3 indifférenciée : les atypies cellulaires et architecturales sont étagées sur l’ensemble de l’épithélium. Cette VIN 3 indifférenciée est liée à une infection à papillomavirus oncogènes (PVH 16 et 18). Cliniquement il s’agit soit de lésions érythroplasiques ou leucoplasiques uniques d’évolution lente, centrifuge qui surviennent chez la femme ménopausée — et qui sont appelées

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Carcinomes épidermoïdes

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Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

B

Fig. 59.8 Volumineuse tumeur d’évolution lente sur la face antérieure de jambe : carcinome verruqueux (cunniculatum)

Fig. 59.7 A Carcinome épidermoïde invasif : travées tumorales anastomosées, de disposition anarchique, composées de cellules de grande taille plus ou moins maturées sous forme de globes cornés. B Gros plan sur un globe corné

maladie de Bowen (MB) —, soit de lésions multiples maculo-papuleuses survenant chez le sujet jeune — et qui sont appelées papulose bowénoïde (PB). Le risque d’évolution en carcinome invasif est faible pour les PB (< 10 %) sauf chez les immunodéprimés. Le CE vulvaire invasif réalise une lésion indurée, végétante, ulcérée, saignotante. L’aspect histologique est celui d’un CE invasif comme précédemment décrit. Un scanner abdomino-pelvien est proposé en cas d’adénopathie palpable ou si la lésion mesure > 2 cm). Actuellement, la procédure du ganglion sentinelle est également à l’étude dans cette indication. L’envahissement ganglionnaire grève lourdement le pronostic de la maladie. Carcinomes épidermoïdes de la verge Comme les autres CE muqueux, ils ont un haut degré de malignité. Ils sont rares dans les pays d’Europe et d’Amérique du Nord, et plus fréquent en Amérique latine, en Asie et en Afrique du fait de la forte incidence de l’infection à PVH dans ces zones ¹⁴,¹⁵. Le CE de la verge survient, comme pour la vulve, sur deux types de néoplasie intraépithéliale pénienne (PIN) sévère : la PIN 3 indifférenciée liée à une infection à PVH oncogène et la PIN 3 différentiée liée à un lichen scléro CE carcinome épidermoïde · PVH papillomavirus humain

atrophique non ou mal traité ¹⁶,¹⁷. Le CE de la verge se présente sous l’aspect d’une tumeur infiltrée ulcérée ou végétante. Il peut être responsable d’un phimosis acquis, irréductible. Un bilan d’extension, locorégionale, en particulier ganglionnaire (tomodensitométrie pelvienne, échographie inguino-pelvienne) doit être réalisé dès que la tumeur atteint le corps caverneux ou mesure > 2 cm. La procédure du ganglion sentinelle est aussi en cours d’évaluation dans cette indication.

Pronostic et évolution Tout CE doit être considéré comme agressif du fait de son potentiel métastatique. Les facteurs de pronostic défavorable sont la taille de la lésion, la profondeur de l’invasion, sa différenciation histologique, l’existence d’un neurotropisme, et l’existence d’une immunodépression. Dans tous les cas une atteinte ganglionnaire locorégionale devra être cherchée cliniquement voire radiologiquement (scanner, échographie) en cas de doute ou d’atteinte des muqueuses et demi-muqueuses. Cette atteinte ganglionnaire alourdit considérablement le pronostic. Il existe presque toujours une étape ganglionnaire avant une atteinte métastatique viscérale. En cas d’exten-

Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier

59-6

Fig. 59.9

Tumeur ulcéro-végétante de la lèvre : carcinome épidermoïde

Traitement 59-7 sion métastatique, le pronostic est beaucoup plus réservé (survie < à 20 % à 10 ans)

Diagnostic différentiel Il peut être malaisé au stade de début de distinguer un CE cutané d’une lésion précancéreuse comme les kératoses actiniques d’où l’importance de biopsier toute kératose résistant au traitement. D’autre part, la distinction entre CBC et CE est parfois difficile même pour un œil habitué. Ceci souligne la nécessité d’une biopsie systématique. Le diagnostic différentiel le plus difficile est avec le kératoacanthome tant sur le plan clinique qu’histologique. Des formes très destructrices ou géantes de certains kératoacanthomes pourraient être des CE très différentiés. L’existence d’une infiltration profonde, d’une ulcération, la persistance prolongée de la lésion incite à pratiquer une biopsie exérèse totale de la lésion pour mieux juger de son aspect histologique ; en cas de doute persistant, le diagnostic sera celui d’un CE et la prise en charge se fera en conséquence. Dans les cas difficiles, on pourra s’aider de certains marqueurs immuno-histochimiques : marquage positif des kératines par l’anticorps KL1, marquage négatif avec les anticorps non kératinocytaires (vimentine, PS100, HMB45) reconnaissants divers autres sous-groupes de cellules cutanées (fibroblastes, cellules dendritiques, mélanocytes, etc.). L’utilisation de ces marqueurs est une pratique de routine dans les laboratoires d’anatomie pathologique, mais ils ne sont utiles qu’en cas de diagnostic difficile.

Traitement Traitement curatif Les objectifs du traitement sont avant tout une efficacité carcinologique, mais aussi un résultat esthétique et fonctionnel, du fait des localisations, le plus souvent en zone découverte, de ces tumeurs. Le geste thérapeutique sera toujours guidé par une analyse histologique préalable qui permet de définir le degré de gravité de la tumeur (degré de dédifférenciation et de l’existence ou non d’un neurotropisme). La décision thérapeutique tiendra compte aussi de facteurs de risque clinique connus tels que la taille de la tumeur, certaines localisations dites à haut risque de récidive (région rétro-auriculaire, paupière, sillon nasogénien et le cuir chevelu), le caractère primitif ou récidivant de la tumeur (le risque de récidive augmente considérablement après une première récidive) ¹⁸. La chirurgie est le traitement de première intention de ces carcinomes cutanés car elle permet un contrôle histologique de toute la tumeur et permet ainsi d’affirmer son caractère complet ou non. Dès qu’une tumeur ne peut être l’objet d’une exérèse chirurgicale simple, une consultation multidisciplinaire est nécessaire pour discuter une alternative thérapeutique ou un traitement associé au traitement chirurgical. Traitement chirurgical Les marges d’exérèse varieront de quelques millimètres à  CBC carcinome basocellulaire cutané · CE carcinome épidermoïde

1 cm, en fonction des critères de gravité définis plus haut. D’après les résultats de la littérature ¹⁰,¹⁹, on peut proposer les marges suivantes : − CE in situ : marge de 3 à 5 mm ; − CE < à 2 cm, primitif, bien différencié, en dehors d’un site à risque, non récidivant : marge de 5 mm ; − CE > à 2 cm ou mal différencié, présentant un neurotropisme, ou situé sur un site à risque : marge de 1 cm. Pour les tumeurs de petite taille et de bon pronostic, la marge d’exérèse permet généralement une exérèse-suture sous anesthésie locale en ambulatoire. En revanche, les tumeurs de grande taille nécessitent un temps de reconstruction (greffe, lambeau) souvent sous anesthésie générale. Les progrès réalisés dans les méthodes de chirurgie reconstructrice et les techniques anesthésiques ont beaucoup amélioré les résultats carcinologiques et esthétiques de ce type d’intervention et peuvent s’adresser à des sujets de plus en plus âgés. Ce temps de reconstruction sera exécuté après vérification histologique de l’absence de tumeur résiduelle sur les marges d’exérèse. Cette analyse peut se faire soit pendant le temps opératoire (étude extemporanée, technique de Mohs), soit après l’intervention (chirurgie en deux temps). La technique de Mohs comporte l’exérèse monobloc de la tumeur, puis le fond et les bords de la perte de substance sont prélevés par une première galette continue de 2 mm d’épaisseur fixée sur un support et découpée en quart pour simplifier l’analyse. Ces galettes sont immédiatement congelées et l’analyse histologique se fait sur ces sections sériées. Cette technique est longue et coûteuse, et seuls quelques centres la pratiquent en France. L’examen extemporané en peropératoire nécessite aussi la présence d’un anatomopathologiste, mais seules les berges de l’exérèse sont examinées. La pièce opératoire est orientée et une reprise chirurgicale au niveau d’une berge positive est réalisée immédiatement avant le geste de réparation. Pour les carcinomes baso-cellulaires, cette technique donne les mêmes résultats que la technique de Mohs ²⁰, mais aucune étude n’a été faite avec les CE. La chirurgie en deux temps comprend un temps de mise à plat de la tumeur puis des pansements gras sont prescrits au patient, en externe, en attendant les résultats de l’analyse histologique sur tissus fixés, avant la reconstruction ; cette technique est la plus utilisée, en France, pour les cas difficiles. Cependant, l’utilisation de l’une ou l’autre de ces techniques dépend de la pratique et des moyens de l’équipe médicale ¹⁰ et aucune étude comparative entre ces trois techniques n’a été réalisée. En l’absence d’adénopathie palpable, le traitement des CE primitifs cutanés ne comporte pas de curage ganglionnaire. Autres traitements Ils sont réservés à des malades inopérables, car ils ne permettent pas un examen histologique des marges de la tumeur et donc, le contrôle à moyen et long terme est plus incertain. Aucun traitement, autre que la radiothérapie et la chirurgie n’a fait l’objet d’une étude comparative. Radiothérapie Les progrès de la chirurgie et des techniques anesthésiques en ont limité les indications. Les in-

59-8

Carcinomes épidermoïdes convénients de la radiothérapie sont surtout à moyen et long terme : radiodermite, nécrose cutanée, reprise chirurgicale difficile en cas de récidive et risque carcinogène. Il faut donc l’éviter chez des sujets de moins de 60 ans, mais aussi au cours des génodermatoses car il existe un risque de radiosensibilité et, si possible, chez les immunodéprimés qui présentent des lésions multiples et multifocales. Elle est contre-indiquée pour les tumeurs déjà irradiées. Actuellement, ce traitement est surtout réservé aux tumeurs de grande taille chez des patients inopérables ²¹. La décision est prise au mieux lors d’une consultation pluridisciplinaire (dermatologue, chirurgien, radiothérapeute, chimiothérapeute). En cas d’exérèse incomplète, une reprise chirurgicale est toujours préférable si l’état du patient le permet, plutôt qu’une radiothérapie complémentaire systématique. Les rayons X de basse énergie (radiothérapie de contact) sont progressivement abandonnés pour des électrons de haute énergie (6 à 13 MeV). Les régimes fractionnés sont les plus utilisés (3 à 4 Gy par séance sur 4 à 6 semaines). Les doses proposées sont de l’ordre de 50 à 60 Gy. La curiethérapie intertistielle (iridium 192) est surtout indiquée pour les lésions de la pyramide nasale ou de la lèvre, et de taille inférieure à 4 cm. Elle nécessite une hospitalisation avec une chambre isolée, pouvant être à l’origine d’une décompensation chez un sujet âgé fragile. Autres alternatives thérapeutiques Électrocaogulation ou laser CO 2 Ces techniques ne peuvent s’adresser qu’à des lésions superficielles (kératoses actiniques ou maladie de Bowen cutanée) et de petite taille. Elles ont l’inconvénient de ne pas permettre de contrôle histologique du geste thérapeutique. Cryochirurgie La cryochirurgie utilise la congélation pour la destruction du tissu tumoral. Elle est intéressante pour les tumeurs de petite taille (< 2 cm), bien délimitées, de l’extrémité céphalique chez les personnes âgées inopérables. Elle est déconseillée pour les lésions infiltrantes et de grande taille. Les complications à type de nécrose ne sont pas rares. Les taux de récidives de la littérature varient entre 0 et 16,5 % à 5 ans ²². La cicatrisation est obtenue en 4 à 8 semaines et s’accompagne d’une hypochromie définitive qui doit être signalée au patient. Photothérapie dynamique La photothérapie dynamique est une technique qui associe l’utilisation d’un photosensibilisateur en topique (acide aminolevulinique et ses dérivés) et une irradiation par une longueur d’onde appropriée. La destruction de la tumeur survient par un mécanisme de phototoxicité. Elle est réservée aux lésions superficielles et précancéreuses comme les kératoses actiniques et la maladie de Bowen. Elle représente une alternative thérapeutique séduisante pour la prise en charge de ces lésions puisqu’elle serait aussi efficace que l’application de 5-FU en topique (2 fois par jour pendant 3 semaines) et que la cryothérapie ²³,²⁴. Imiquimod Cette molécule a une action immuno-modulatrice favorisant la sécrétion locale de cytokines et elle est utilisée en application locale, 3 à 5 fois par semaine. Elle a eu récemment l’AMM pour les carcinomes basocellu-

 AMM autorisation de mise sur le marché · CE carcinome épidermoïde · TNF tumor necrosis factor

laires superficiels ; son utilisation pour le traitement des kératoses et de la maladie de Bowen est en cours d’évaluation ²⁵. Rétinoïdes Les rétinoïdes ont une action essentiellement suspensive. Les molécules actuellement commercialisées n’ont pas d’effet curatif sans effet secondaire important. Même à titre préventif, les doses nécessaires d’acitrétine (0,5 à 1,5 mg/kg/j) sont mal tolérées au long cours ²⁶,²⁷. Ce traitement s’adresse essentiellement aux patients atteints de génodermatoses (xeroderma pigmentosum, syndrome de Gorlin) ou de tumeurs multiples (immunodéprimés). L’association rétinoïdes et interféron α a été proposée dans le cadre de CE cutanés inopérables. Diclofénac topique Cette molécule a l’AMM dans le traitement des KA à la dose de 2 applications par jour pendant 4 à 24 semaines. Le taux de réponses augmente avec la durée du traitement, mais reste inférieur à celui obtenu avec la cryothérapie. Chimiothérapie Les carcinomes épidermoïdes sont considérés comme peu chimiosensibles. La chimiothérapie ne sera donc réservée qu’aux formes inopérables d’emblée (atteinte d’un organe vital), en association éventuellement à la radiothérapie, ou pour les formes métastatiques. Elle repose avant tout sur l’utilisation de cisplatine en association avec le 5-FU ²⁸. La bléomycine ne semble pas apporter de taux de réponses supérieur. Dans le cadre de maladie métastatique, la chimiothérapie est essentiellement palliative. En revanche, la chimioréduction préopératoire des carcinomes épidermoïdes de grande taille est intéressante pour permettre un geste chirurgical secondaire et un meilleur confort de vie ²⁹. Les cas rapportés sont trop anecdotiques pour savoir si cette attitude permet une augmentation de la survie globale. Des essais de chimiothérapie des membres isolés associant TNF-α, melphalan ont été réalisés avec succès, mais nécessitent confirmation ³⁰. Les taxanes sont en cours d’évaluation dans cette indication. Anticorps anti-EGFR (cetuximab) Des essais sont en cours pour évaluer l’intérêt des anticorps anti-EGFR seuls ou en association avec les sels de platine ou la radiothérapie dans la prise en charge du CE métastatique ³¹. Traitement des aires ganglionnaires Actuellement, dans le cadre des CE cutanés, en l’absence d’adénopathie palpable, il n’y a pas d’indication à un curage chirurgical prophylactique. En cas d’atteinte ganglionnaire, un curage chirurgical est nécessaire. Celui-ci sera complété par une radiothérapie adjuvante systématique de l’aire ganglionnaire en cas d’effraction capsulaire ¹¹. Cas particuliers Carcinomes génitaux Les meilleures options chirurgicales sont actuellement : − pour la verge : l’amputation partielle ou totale selon l’extension aux corps caverneux. L’atteinte de ceux-ci impose d’y associer un curage ganglionnaire inguinocrural bilatéral systématique ¹⁶. Les lésions localisées au prépuce peuvent être traitées par circoncision simple. De même les maladies de Bowen du gland peuvent

Références 59-9 être traitées par décortication du gland suivi de greffe. Pour les lésions micro-invasives de petite taille du gland, une curiethérapie peut être proposée aavec cependant un risque important de radiodermite invalidante. Une circoncision préalable est nécessaire. Dans notre expérience, il ffaut éviter la radiothérapie sur les CE survenant sur un LS. Ce traitement n’évite pas la récidive du LS autour de la zone traitée ; − pour la vulve : l’exérèse large avec une marge de 1 cm à 2 cm (sans vulvectomie totale systématique) et, si l’invasion histologique de la tumeur est  1 mm, un curage prophylactique homolatéral inguino-crural est proposé (bilatéral si la tumeur est médiane). Dans la mesure du possible, les traitements radiothérapiques sont évités du fa f it du risque important de radiodermite secondaire. Dans tous les cas (CE verge et vulve), une radiothérapie des aires ganglionnaires sera indiquée si le curage est positif. Carcinomes de la lèvre buccale Une exérèse chirurgicale a ec une marge de 1 cm est proposée pour les lésions de av petite taille (< 2 cm ou T1). S’ils surviennent sur une lèvre pathologique kératosique, l’excision cunéifo f rme de la tumeur associée à une vermillonectomie est le traitement de choix. En cas de tumeur plus volumineuse (mais inférieure à 4 cm), la curiethérapie interstitielle peut être indiquée. Un curage ganglionnaire cervical prophylactique est proposé en général, pour les lésions > 2 cm (T2), et une radiothérapie adjuvante est indiquée si le curage est positif.

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 CE carcinome épidermoïde · PVH papillomavirus humain

Traitement préventif et surveillance Le traitement préventif des carcinomes cutanés repose a ant tout sur la photoprotection et l’éducation du patient : av éviter les expositions solaires sans protection pendant les heures du milieu de la journée ; préférer la protection vestimentaire pendant ces heures ; porter un chapeau et des lunettes de soleil ; appliquer des crèmes protectrices solaires d’indice 30 minimal, qui ne doivent pas permettre de rester plus longtemps au soleil malgré l’absence apparente de coup de soleil ; être encore plus vigilant chez l’enfant. La prévention de ces tumeurs repose aussi sur la prise en charge des lésions précancéreuses (kératoses actiniques, traitement des infec f tions à PVH oncogène et des lésions de lichen génital). Nous aavons vu plus haut l’intérêt des rétinoïdes chez des patients à risque. En revanche, une étude récente a confirmé l’inefficacité du β-carotène au long cours en traitement préventif. Une surveillance des patients atteints de CE tous les 3 à 6 mois (selon les fac f teurs de risque de la tumeur) est recommandée les trois premières années, et ce, plus particulièrement pour les patients à risque (lésions multiples, immunodépression sous-jacente, génodermatose...). Cette surveillance a pour but non seulement de détecter une récidive et d’explorer les aires ganglionnaires, mais aussi de rechercher une nouvelle lésion : ce risque est évalué de 30 à 45 % à 5 ans et il est par la suite proportionnel au nombre de lésions déjà traitées.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Basset N, Renaud-Vilmer C. Carcinomes épidermoïdes. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 59.1-59.10.

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Maladie de Bowen

Isabelle Bourgault-Villada Épidémiologie 60-1 Étiologie 60-1 Anatomopathologie 60-1 Clinique 60-2

a maladie de Bowen est un carcinome épidermoïde cutané ou muqueux intraépithélial. Elle a été décrite par John Bowen (1857-1941) en 1912 ¹. Son évolution vers un cancer invasif avec atteinte du chorion est lente, ne survenant qu’après plusieurs mois ou années.

L

Épidémiologie La maladie de Bowen peut survenir à n’importe quel âge chez l’adulte, mais elle est rare avant 30 ans. Elle s’observe à un âge moyen de 60-65 ans, à la fois chez l’homme et chez la femme avec une discrète prépondérance chez l’homme : 1,2/1 ². La lésion est le plus souvent unique, des lésions multiples étant observées dans 10 à 20 % des cas. Pour la plupart des cas, le diagnostic est fait 5 à 8 ans après le début de la lésion ². Il n’y a pas de lien entre maladie de Bowen et présence ou non d’un cancer viscéral ³,⁴.

Forme cutanée 60-2 Forme muqueuse génitale : érythroplasie de Queyrat 60-2 Traitement 60-3 Références 60-3

L’association à une néoplasie cervicale intraépithéliale est retrouvée dans 4 % des cas de maladie de Bowen muqueux ⁶.

Anatomopathologie L’aspect histologique est tout à fait caractéristique. Les lésions siègent dans l’épiderme (fig. 60.1). Les cellules épithéliales malpighiennes (kératinocytes) comportent des anomalies de maturation, des noyaux globuleux et hyperchromatiques, une perte de polarité ¹. Ces anomalies peuvent également être observées dans le follicule pilosébacé. Il s’agit d’un carcinome intraépithélial in situ qui respecte au début la membrane basale sans envahir les tissus voisins. Elle évolue, après plusieurs années, en carcinome épidermoïde dans 3 à 28 % des cas selon les études ².

La maladie de Bowen siège sur la peau exposée ou non au soleil incluant la face, les membres inférieurs et les zones périunguéales ou sur les muqueuses génitales. Certains facteurs sont prédisposants comme l’arsenic (survenue des lésions 10 ans après l’exposition) ou l’infection par un PVH oncogène retrouvé dans 70 % des maladies de Bowen muqueuses (PVH 16 dans 57 % des cas, les autres PVH impliqués étant les PVH 18, 31, 33 ou non déterminés) et dans 0 à 83 % des maladies de Bowen cutanés extragénitales ⁵ et notamment au cours des localisations digitales où le PVH 16 est très nettement majoritaire, retrouvé dans plus de 80 % des cas. Ces grandes différences de détection sont liées aux techniques utilisées qui ont une sensibilité très différente. Les autres facteurs prédisposants sont l’irradiation solaire, les radiations ionisantes et l’immunosuppression.  PVH papillomavirus humain

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Étiologie

Fig. 60.1 Histologie caractéristique d’une maladie de Bowen : anomalies épidermiques associant des troubles de maturation kératinocytaire avec des noyaux globuleux et hyperchromatiques

Fig. 60.2 Maladie de Bowen cutanée : macule érythémateuse et squameuse bien limitée d’un membre

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Maladie de Bowen

Coll. Pr I. Bourgault-Villada, Boulogne-Billancourt

60-2

Fig. 60.3 Maladie de Bowen cutanée : macule érythémateuse et brunâtre mal limitée, fissuraire d’une face latérale de doigt

Forme muqueuse génitale : érythroplasie de Queyrat Il s’agit d’une lésion unique des muqueuses qui se présente sous la forme d’une plaque érythémateuse rouge vif, sèche et brillante, vernissée, bien limitée, plus ou moins polylobée (fig. 60.4), ayant parfois l’aspect du velours, parfois érosive, pouvant être recouverte de squames dans certains cas, fixe et persistante malgré divers traitements locaux. Elle s’étend progressivement et très lentement. Au stade invasif, la clinique s’enrichit de bourgeons sur une base indurée avec parfois même des ulcérations. Le siège est varié : gland, prépuce (fig. 60.5), petites et grandes lèvres, vulve (fig. 60.6). Cette lésion est retrouvée plus fréquemment chez l’homme non circoncis ⁷. Le diagnostic différentiel se pose avec l’érythroplasie inflammatoire de Zoon, la maladie de Paget et le psoriasis. En 1979, Wade ⁸ a différencié, à partir de bases purement cliniques au sein des néoplasies vulvaires intraépithéliales (VIN), la maladie de Bowen muqueuse classique de la papulose bowénoïde, les images histologiques étant identiques ⁹ : atypies sévères étagées de toute la hauteur de

Fig. 60.4 Maladie de Bowen génitale : macule érythémateuse et squameuse bien limitée du gland

 PVH papillomavirus humain · VIN néoplasie vulvaire intraépithéliale

Coll. Pr I. Bourgault-Villada, Boulogne-Billancourt

Forme cutanée L’aspect clinique est celui d’une tache rouge sombre posée sur la peau ayant des contours bien limités, mais irréguliers (fig. 60.2 et 60.3). La tumeur peut être infiltrée et caractérisée par un épaississement de l’épithélium avec des squames ou des croûtes en disque qui peuvent donner un ulcère. Il n’y a pas de guérison centrale. Il faut la distinguer d’une plaque de psoriasis, d’un eczéma nummulaire et d’une kératose actinique, ce qui est habituellement aisé. Par contre, le diagnostic différentiel avec un carcinome basocellulaire superficiel ou une maladie de Paget est parfois difficile. Environ la moitié des malades ont une lésion sur le visage et la majorité des patients présentent une lésion en zone exposée au soleil. L’atteinte digitale périunguéale est également très fréquente toujours secondaire à une infection par PVH 16.

l’épithélium avec perte de la maturation kératinocytaire, atypies nucléaires avec volumineux noyaux, mitoses nombreuses et anormales, étagées sur toute la hauteur du corps muqueux, ce qui classe ces 2 entités en VIN indifférenciées. Parmi les principaux critères qui distinguent la maladie de Bowen de la papulose bowénoïde, il y a l’âge (56 et 33 ans respectivement) ⁶. La papulose bowénoïde se rapproche ainsi d’avantage des condylomes en raison de l’âge de survenue, du caractère sexuellement transmissible des lésions, ainsi que de l’évolution le plus souvent bénigne. En effet, le carcinome invasif est essentiellement lié à la maladie de Bowen (27,8 %) et reste exceptionnel au cours de la papulose boxénoïde (2,6 %). Les lésions cliniques sont également distinctes : la maladie de Bowen est unifocale dans 86 % des cas alors que les lésions de la papulose bowénoïde sont multiples dans 80 % des cas. Enfin, l’association à une néoplasie cervicale intraépithéliale est plus fréquente au cours de la papulose bowénoïde, observée dans 35 % des cas.

Clinique

Fig. 60.5 Maladie de Bowen génitale : érythème non inflammatoire du gland et du sillon balano-préputial

Traitement Le diagnostic clinique doit être confirmé par une biopsie qui intéressera les zones les plus infiltrées, croûteuses ou ulcérées à la recherche d’une micro-invasion. La chirurgie est le traitement de choix à chaque fo f is qu’elle est possible car elle permet un examen anatomopathologique de l’ensemble de la lésion. Les marges d’exérèse seront de 2 à 3 mm. La présence de foyers d’invasion du chorion peut fa f ire reconsidérer la marge d’exérèse et donc motiver une reprise. D’autres méthodes destructives peuvent être utilisées : cryochirurgie, électrocoagulation, laser CO 2 qui sont suivies d’une cicatrisation longue. Le taux de réponses avec ces techniques est très bon, mais les récidives sont fréquentes, de l’ordre de 10 à 20 % à 5 ans. Parmi les agents antimitotiques locaux, le 5-fluoro-uracile à 5 % en crème est le plus employé, 1 à 2 applications quo-

1 Rinker MH, Fenske NA, Scalf LA, Glass LF. F Histologic variants of squamous cell carcinoma of the skin. Cancer Control 2001 ; 8:354-563. 2 Lee MM, Wick MM. Bowen’s disease. Cancer J Clin 1990 ; 40:237-242. 3 Reymann F, F Ravnborg L, Schou G et al. Bowen’s disease and internal malignant diseases. A study of 581 patients. Arch r Dermatol 1988 ; 124:677-679. 4 Lee MM, Wick MM. Bowen’s disease. Clin Dermatol 1993 ; 11:43-46. 5 Clav a el CE, Huu VP, P Durlach AP et al. Mucosal oncogenic human papillomavir a uses and extragenital Bowen disease. Cancer 1999 ; 86: 282-287.

Coll. Pr B. Guillot, Montpellier

Coll. Pr I. Bourgault-Villada, Boulogne-Billancourt

Références 60-3

Fig. 60.6 Maladie de Bowen vulvaire avec transformation en carcinome épidermoïde (lésion surélevée de la grande lèvre gauche) f tion de la tolérance tidiennes pendant 1 à 2 mois en fonc et de l’évolution. La surveillance post-traitement est très importante car les rechutes sont fréquentes après ce type de traitement (14 %). De la même fa f çon, la photothérapie dynamique topique a été utilisée pour le traitement des lésions cutanées de maladie de Bowen aavec de bons résultats immédiats. Les rechutes pourraient être très élevées, de l’ordre de 50 % un an après le traitement, ce qui pousse à rester prudent quant à son utilisation dans cette indication ¹⁰,¹¹. Enfin, l’imiquimod à 5 % pourrait être un traitement intéressant de la maladie de Bowen cutanée. Dans une étude, l’efficacité de l’imiquimod était de 73 % av a ec élimination des lésions après une application par jour pendant 16 semaines. Aucune rechute n’a été observée au cours des 9 mois qui ont suivi l’arrêt du traitement ¹². La surveillance après le traitement doit donc être prolongée du fa f it des risques d’apparition d’une autre localisation ou bien d’une récidive en cas d’élimination incomplète de la lésion lors du traitement initial.

6 De Belilovsky C, Lessana-Leibowitch M. [Bowen’s disease and bowenoid papulosis : comparative clinical, viral, and disease progression aspects]. Contracep r t Fertil Sex 1993 ; 21:231236. 7 Johnson TM, Rowe DE, Nelson BR, Swanson NA. Squamous cell carcinoma of the skin (excluding lip and oral mucosa). J Am Acad Dermatol 1992 ; 26:467-484. 8 Wade TR, Kopf AW AW, Ackerman AB. Bowenoid papulosis of the genitalia. Arch r Dermatol 1979 ; 115:306-308. 9 Campion MJ, Hacker NF. F Vulvar intraepithelial neoplasia and carcinoma. Semin Cutan Med Surg 1998 ; 17:205-212.

10 Stables GI, Stringer MR, Robinson DJ, Ash DV. Erythroplasia of Que Q yrat treated by topical aminolaevulinic acid photodynamic therapy. Br J Dermatol 1999 ; 140:514-517. 11 Dragieva G, Hafne f r J, Dummer R et al. Top T ical photodynamic therapy in the treatment of actinic keratoses and Bowen’s disease in transplant recipients. Transp r lantation 2004 ; 77:115121. 12 Patel, GK, Goodwin R, Chawla M et al. Imiquimod 5 % cream monotherapy fo f r cutaneous squamous cell carcinoma in situ (Bowen’s disease) : a randomized, double-blind, placebocontrolled trial. J Am Acad Dermatol 2006 ; 54: 1025-1032.

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bourgault-Villada I. Maladie de Bowen. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 60.1-60.3.

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Maladie de Paget

Jean Kanitakis

Maladie de Paget mammaire 61-1 Épidémiologie 61-1 Aspect clinique 61-1 Diagnostic différentiel 61-1 Association à un cancer mammaire 61-2 Maladie de Paget mammaire chez l’homme 61-2 Aspect histologique 61-2 Physiopathogénie 61-3 Évolution. Pronostic 61-3 Traitement 61-3

Maladie de Paget mammaire La maladie de Paget mammaire (MPM), décrite en 1874 ¹, est un adénocarcinome localisé dans l’épiderme du mamelon et/ou de l’aréole mammaire, presque toujours associé à un carcinome des canaux galactophores sous-jacents dont il semble dériver. Épidémiologie La MPM est relativement rare, observée dans 0,7-4,3 % de tous les cancers du sein ²-⁴. Elle est beaucoup plus fréquente chez les femmes, en raison de la très nette prédominance du cancer mammaire dans le sexe féminin (sex-ratio : 1:50-200) ³,⁵ ; elle atteint le plus souvent des sujets entre 50 et 60 ans (moyenne 57 ans), c’est-à-dire dans la majorité (70 %) des cas après la ménopause, mais peut survenir chez des sujets jeunes, à l’adolescence ⁶ ou plus âgés (88 ans) ²,⁷. Aspect clinique Les lésions cutanées débutent de façon insidieuse par un érythème squameux ou fissuraire et suintant du mamelon ou (plus rarement) de l’aréole (fig. 61.1). Les lésions évoluées prennent l’aspect d’un placard arrondi, ovalaire ou polycyclique, de 0,3 à 15 cm de diamètre, bien limité, rosé ou rouge sombre, eczématiforme, érosif, suintant, squameux ou croûteux, parfois légèrement infiltré. Ces lésions, pratiquement toujours unilatérales, très exceptionnellement bilatérales ⁸, s’étendent lentement de façon excentrique ; leurs limites, sont légèrement surélevées et parfois télangiectasiques. Une rétraction ou une ulcération du mamelon est assez souvent notée en cours d’évolution, parfois même  MPM maladie de Paget mammaire

Maladie de Paget extramammaire 61-4 Épidémiologie 61-4 Aspect clinique 61-4 Formes topographiques 61-4 Aspect histologique 61-5 Physiopathogénie 61-6 Bilan. Surveillance 61-6 Évolution. Pronostic 61-6 Traitement 61-6 Références 61-7

dès le début (fig. 61.2). Les lésions peuvent se développer sur des seins ectopiques ⁹, des mamelons surnuméraires ⁶ et même en l’absence (congénitale) de mamelon ¹⁰. Des symptômes subjectifs (prurit, picotements, brûlure ou douleur) sont présents dans 15-25 % des cas. Un nodule induré du sein, traduisant l’existence de la tumeur galactophorique sous-jacente est retrouvé à la palpation dans 30-50 % des cas au moment de la consultation ; dans ce cas, les lésions cutanées sont plutôt ulcéronodulaires, alors que les lésions eczématiformes seraient plus fréquentes chez les patientes sans tumeur palpable ². Cependant, l’aspect clinique des lésions cutanées de début est sans rapport avec le type histologique de la tumeur mammaire. Diagnostic différentiel Le diagnostic différentiel clinique doit se faire avec : − l’eczéma des mamelons, observé surtout pendant la grossesse et l’allaitement, ou à la suite d’une gale ; l’unilatéralité, la nette limitation et la chronicité des lésions sont des signes en faveur d’une MPM ; − l’adénomatose érosive du mamelon, tumeur bénigne acquise rare qui se développe à partir des canaux galactophores. Elle se manifeste cliniquement par un suintement du mamelon, qui devient progressivement érythémateux, érosif ou croûteux ; − la maladie de Bowen, le carcinome basocellulaire superficiel, le mélanome (à extension superficielle), plutôt rares sur les mamelons ; − le psoriasis, habituellement associé à des lésions extramammaires ; − l’hyperkératose aréolomamelonnaire hamartomateuse

Maladie de Paget

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61-2

Fig. 61.1 Maladie de Paget mammaire (lésion de début) : plaque érythémateuse érosive de l’aréole ou acquise, accompagnant des affections diverses (lymphomes, ichtyoses, acanthosis nigricans...). En règle générale, toute dermatose chronique du mamelon doit faire l’objet d’un examen histologique qui permet d’établir le diagnostic. Association à un cancer mammaire La MPM est associée à un carcinome mammaire sousjacent dans 92-100 % des cas ³,¹¹-¹³. Celui-ci est constaté au moment du diagnostic de la MPM dans 30-50 % des cas par la palpation (nodule adhérent à l’aréole mammaire ou à distance de celle-ci, traduisant la présence d’un cancer invasif) ; sinon, la tumeur est détectée par les examens paracliniques : mammographie (positive dans 40-75 % des cas), échographie, IRM ¹⁴, thermographie, cytoponction ou après examen histopathologique minutieux de la pièce opératoire lorsque les examens d’imagerie sont négatifs ¹⁵. Il s’agit d’adénocarcinomes galactophoriques invasifs ou in situ, retrouvés habituellement à proximité de l’aréole ; ils sont souvent multifocaux ¹³, plus difficiles alors à détecter par mammographie. Des adénopathies (homolatérales, rarement bilatérales et/ou supraclaviculaires) sont retrouvées plus souvent dans les cas avec tumeur palpable (5084 % contre 13 %). 10 % environ des patientes consultent pour une masse mammaire sans lésion cutanée apparente, le diagnostic de MPM étant alors posé par l’examen histologique ¹⁰. Un cas de MPM révélé d’emblée par des métastases cérébelleuses en l’absence de tumeur mammaire primitive a même été rapporté ¹⁶. Il existe toutefois de très rares cas de MPM où, malgré une recherche minutieuse, aucune tumeur sous-jacente n’est retrouvée ¹⁷ ; ces cas sont parfois étiquetés « maladie de Paget extramammaire du sein » ¹⁸. Des rares associations de MPM à une maladie de Paget vul-

Fig. 61.2 Maladie de Paget mammaire (lésion évoluée) : placard érythématosquameux eczématiforme à contours nets de l’aréole vaire sont connues ¹⁹, qui pourraient ne pas être fortuites. En revanche, d’autres associations (pemphigus vulgaire, sclérodermie systémique) paraissent fortuites. Maladie de Paget mammaire chez l’homme (MPMH) La MPMH atteint des sujets d’une moyenne d’âge de 61,5 ans (extrêmes : 43-81). Les lésions sont cliniquement semblables à celles de la MPM de la femme, bien que le délai entre l’apparition des symptômes et le geste chirurgical semble plus court ²⁰. Des lésions sans cancer mammaire sous-jacent ²¹, des lésions bilatérales ²² ainsi que des lésions pigmentées simulant un mélanome ont été décrites ²³. Une tumeur mammaire palpable et/ou des adénopathies axillaires sont retrouvées dans 50 % des cas environ. Des cas de MPMH ont été rapportés sous œstrogénothérapie pour cancer de la prostate ou sur gynécomastie associée à un carcinome galactophorique, parfois dans le contexte d’un syndrome de Klinefelter ²⁴. Bien qu’il n’y ait pas de différences histologiques significatives entre les formes masculines et féminines, le pronostic de la MPM semble plus sombre chez l’homme (survie globale à 5 ans 20-30 % contre 3050 % chez les femmes) ²⁵. Selon certaines séries, le cancer mammaire s’accompagnerait d’une MPM plus souvent chez l’homme que chez la femme ²⁶, mais ce fait reste controversé. Aspect histologique La MPM est caractérisée par l’envahissement de l’épiderme par des cellules de Paget (CP), cellules épithéliales à cytoplasme abondant, clair, et noyau volumineux (fig. 61.3). Les CP prédominent au niveau des couches inférieures de l’épiderme, formant parfois des amas glanduliformes. Dans les assises épidermiques supérieures, les CP sont le plus souvent isolées et persistent jusque dans la couche cornée. L’épiderme peut être érodé ou hyperplasique, ortho- ou parakératosique. Des aspects simulant un carcinome basocellulaire ont été rapportés. Les CP sont parfois observées dans la gaine épithéliale folliculaire externe ou les

 CP cellules de Paget · IRM imagerie par résonance magnétique · MPM maladie de Paget mammaire · MPMH maladie de Paget mammaire chez l’homme

Maladie de Paget mammaire 61-3 canaux excréteurs des glandes sudorales. Le derme peut être œdémateux, siège d’une vasodilatation et d’un infiltrat inflammatoire cellulaire polymorphe. Le carcinome galactophorique est quelquefois retrouvé d’emblée sur la biopsie cutanée. L’aspect histologique de la MPM peut poser un problème de diagnostic différentiel avec des tumeurs intraépidermiques à cellules claires, comme la maladie de Bowen (à cellules claires) et le mélanome pagétoïde. L’examen immunohistochimique permet facilement de trancher : les CP expriment les kératines des épithéliums simples (notamment n o 7), des antigènes glandulaires, (antigène épithélial membranaire-AEM, antigène carcino-embryonnaire-ACE et GCDFP-15) ainsi que des mucines, mais n’expriment pas les kératines de haut PM ni les antigènes mélanocytaires ²⁷. Les CP expriment également les oncoprotéines c-erb-B2 ²⁸, HER-2/neu ²⁹ et p53 ³⁰, les antigènes liés au cycle cellulaire p21, Ki67 et cycline D1 ²⁸, et des récepteurs des androgènes ³¹. Globalement, le profil immunohistochimique des CP est superposable à celui des adénocarcinomes sous-jacents, soulignant la relation étroite entre ces deux tumeurs ³². La « papulose à cellules claires » présente un aspect (immuno)histologique très proche de celui de la MP ³³. Cette entité, qui semble liée à une hyperplasie des cellules de Toker, est différente cliniquement de la MP (maculopapules hypopigmentées sur le tronc d’enfants taiwanais). La « dyskératose pagétoïde », aspect histologique caractérisé par la présence au sein de la partie supérieure de l’épiderme de volumineux kératinocytes à cytoplasme clair, est de signification inconnue ; il pourrait s’agir d’une altération des kératinocytes due au frottement.

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Physiopathogénie L’origine des CP dans la MP a été longtemps objet de controverses. L’explication actuellement retenue repose sur la théorie épidermotrope, stipulant que les CP sont issues de l’adénocarcinome mammaire sous-jacent et qu’elles

Fig. 61.3 Maladie de Paget mammaire (aspect histologique) : l’épiderme est envahi par de grandes cellules à cytoplasme clair, à noyaux hyperchromatiques, prédominant dans la partie profonde de l’épithélium (hématoxyline-éosine)  CP cellules de Paget · MPM maladie de Paget mammaire

migrent par la voie des galactophores pour envahir l’épiderme aréolomammelonnaire. Les arguments en faveur de ce mécanisme sont nombreux : association quasi constante de la MPM à un adénocarcinome mammaire sous-jacent ; aspect histologique et phénotype immunohistochimique commun entre les CP et les cellules de l’adénocarcinome sous-jacent, différent des kératinocytes épidermiques ; possible apparition de la MPM en l’absence congénitale de mamelon. Un facteur de motilité sécrété par les kératinocytes de l’épiderme mammelonnaire a été isolé in vitro, qui semble capable d’attirer les CP dans l’épiderme du mamelon. Ce facteur, nommé « héréguline-a », pourrait agir par l’intermédiaire de récepteurs de la famille HER2/neu, exprimés par les CP ³⁴. Dans les rares cas de MPM non associées à un cancer mammaire, la maladie pourrait se développer à partir des cellules de Toker, cellules à cytoplasme clair présentes dans l’épiderme aréolomammelonnaire ³⁵. Ces cellules partagent l’expression de plusieurs antigènes (kératine 7, GCDFP-15, AEM, ACE, MUC1, MUC2, MUC5AC) avec les CP, dont elles représenteraient l’équivalent bénin. Évolution. Pronostic En l’absence de traitement, les lésions cutanées s’étendent lentement de façon excentrique avant l’apparition du cancer mammaire sous forme de masse palpable puis de métastases ganglionnaires et viscérales. La survie globale à 5 et 10 ans est de 59 et 44 %, respectivement ⁷. Les facteurs de pronostic défavorable sont : l’existence d’une tumeur mammaire palpable (survie 25-40 % contre 82-92 %) ; la présence d’adénopathies (survie à 10 ans 76 % contre 26 %) ¹¹ ; le type histologique, les carcinomes invasifs étant de moins bon pronostic que les tumeurs in situ ; l’apparition de la maladie avant 60 ans (l’âge moyen est inférieur chez les patientes présentant une tumeur mammaire palpable d’emblée) ²,⁵. Par ailleurs, les patientes avec cancer mammaire invasif et MPM ont une survie diminuée par rapport à des patientes sans MPM (49 % contre 64 % à 10 ans), mais cette différence semble en réalité liée à l’expression de l’oncogène c-erb-B2 ¹¹. Traitement La MPM relève d’une prise en charge en milieu spécialisé oncologique. Le traitement de référence est chirurgical et repose classiquement sur la mastectomie radicale modifiée avec curage ganglionnaire. Un traitement conservateur peut être proposé en cas de tumeur inopérable ou de refus de mastectomie de la part de la malade : excision conique aréolomamelonnaire large suivi d’examen histologique des marges d’exérèse (avec éventuellement mastectomie totale en cas d’exérèse incomplète, sinon des récidives sont à craindre), et/ou radiothérapie (50 Gy) ³⁶-³⁸. Une chimiothérapie complémentaire peut être administrée (tamoxifène) ; elle semble prolonger la survie chez les patientes avant la ménopause avec métastases ganglionnaires ¹⁰. En l’absence de tumeur sous-jacente détectable, l’attitude thérapeutique n’est pas unanime. Certains auteurs préconisent le même traitement qu’en présence d’une tumeur détectable. Cepen-

Maladie de Paget dant, des résultats satisfaisants (survie de l’ordre de 81 % à 5 ans) peuvent être obtenus avec des traitements conservateurs, au prix parfois de récidives locales : excision conique aréolomamelonnaire large, radiothérapie de l’aréole (50 Gy) ou association des deux ³⁹. À noter qu’un travail récent n’a pas montré de différences significatives en termes de survie (globale ou sans récidive) entre différents types d’exérèse chirurgicale (radicale ou conservatrice) ⁵.

Maladie de Paget extramammaire (MPE) La MPE, décrite par Crocker en 1889 ⁴⁰, est une affection présentant des similitudes anatomocliniques avec son homologue mammaire ⁴¹ mais aussi certaines différences, notamment en ce qui concerne la pathogénie et l’association à des cancers sous-jacents. Épidémiologie L’incidence précise de la MPE n’est pas connue ; elle est plus rare que la MPM, représentant 6,5 % de tous les cas de maladies de Paget ⁴², mais est proportionnellement plus souvent observée par les dermatologues que son homologue mammaire. Elle atteint le plus souvent des sujets entre 65 et 70 ans, 90 % des patients ayant plus de 50 ans. Le diagnostic est souvent posé tardivement, 2 ans en moyenne après le début de la maladie. Il existe une prédominance féminine nette due à la prédominance de la forme vulvaire, à l’exception peut-être des patients japonais ⁴³. Sept cas de MPE apparues chez des membres d’une même famille (habituellement frères et sœurs) sont publiés dans la littérature ⁴⁴, mais ne constituent pas une preuve formelle d’une prédisposition génétique. Aspect clinique Le début de la maladie est insidieux, marqué par un saignement, un œdème ou des symptômes subjectifs (prurit, brûlures, douleur), sur les zones où apparaîtront les lésions cutanées, généralement territoires cutanés riches en glandes sudorales apocrines. Les lésions ont l’aspect de placards bien limités, mesurant de un à plusieurs centimètres, de couleur rouge sombre, parfois inhomogène, parsemés d’îlots blanchâtres ou grisâtres. Ceux-ci peuvent être légèrement infiltrés et ont souvent des limites arciformes. Il existe parfois de multiples plaques séparées par des espaces de peau cliniquement saine, mais qui s’avère le plus souvent histologiquement atteinte. Les lésions évoluées peuvent devenir érosives, ulcéreuses, suintantes, croûteuses ou squameuses. Des nodules durs, des zones indurées, bourgeonnantes et papillomateuses ainsi que des adénopathies locorégionales peuvent apparaître, traduisant l’existence d’un carcinome sous-jacent. Un aspect clinique particulier de la MPE de la région génitale a été décrit sous le terme d’« érythème en culotte » ; il débute dans les plis inguinaux et s’étend de façon centrifuge vers les zones couvertes par les sous-vêtements. Cet aspect serait dû à une invasion lymphatique et serait de mauvais pronostic car s’accompagnant d’adénopathies locorégionales et de métastases à distance rapidement fatales ⁴⁵. Dans de rares cas,  MPE maladie de Paget extramammaire · MPM maladie de Paget mammaire

la MPE débute par des macules hypopigmentées ⁴⁶. Les lésions cutanées de la MPE peuvent simuler cliniquement une dermite de contact ou séborrhéique, des épidermomycoses, la maladie de Bowen, les carcinomes basocellulaires (superficiels), le psoriasis inversé, le lichen scléreux, dermatoses auxquelles elle peut d’ailleurs être associée de façon probablement fortuite ⁴⁷. Le diagnostic est souvent posé par l’examen histologique pratiqué devant une lésion chronique résistant aux traitements locaux (antimycosiques, dermocorticoïdes). Formes topographiques ⁴¹,⁴⁸-⁵⁰ Maladie de Paget vulvaire ⁵¹-⁵⁴ Il s’agit de la forme la plus fréquente (65 % des cas de MPE). Les lésions débutent habituellement sur les grandes lèvres de façon unilatérale et s’étendent excentriquement vers le pubis, les plis inguinaux, le périnée, la face interne des cuisses, la région périanale, les petites lèvres et exceptionnellement le vagin (forme diffuse en nappe) (fig. 61.4). Quatre à dix-sept pour cent des cas sont associés à un carcinome annexiel sousjacent (issu des glandes sudorales apocrines ou des glandes de Bartholin) et 11-20 % à un carcinome à distance : sein, col utérin, vagin, vessie, côlon, canal anal, ovaire, foie, vésicule biliaire, peau (carcinomes basocellulaires, mélanomes). D’exceptionnels cas d’association d’une MP vulvaire à une MPM sont rapportés ⁵⁵. Maladie de Paget périanale ⁵⁶,⁵⁷ Elle représente 20 % des cas de MPE et atteint les deux sexes de façon sensiblement égale à un âge moyen de 63 ans. Les lésions, cliniquement comparables à celles de la MP vulvaire, débutent à proxi-

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Fig. 61.4 Maladie de Paget extramammaire (vulvaire) : placard érythémateux érosif, à contours nets, sur la vulve, s’étendant sur la face interne des cuisses et les fesses. Cas associé à un adénocarcinome rectal

Fig. 61.5 Maladie de Paget extramammaire (périanale) : placard rouge brun érosif à contours nets

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mité de l’anus (fig. 61.5) et s’étendent vers le périnée, les organes génitaux externes, le pli interfessier, les fesses et rarement le canal anal ; elles peuvent être œdémateuses ou hémorragiques, et sont souvent prurigineuses ou douloureuses. La MPE périanale est relativement fréquemment associée à un carcinome annexiel sous-jacent ou à un carcinome colorectal ou à distance (estomac, sein, urètre) dans 7-10 % et 15-45 % des cas, respectivement. La MPE est parfois découverte histologiquement sur la pièce d’exérèse d’un carcinome anorectal ⁵⁸. Maladie de Paget des organes génitaux externes masculins ⁵⁹,⁶⁰ Elle représente 14 % des cas de MPE. Les lésions débutent sur le scrotum, la verge ou les plis inguinoscrotaux et peuvent s’étendre jusqu’à l’abdomen. La localisation isolée sur le gland est rare et revêt un aspect d’érythroplasie. Des adénopathies inguinales sont quelquefois présentes ⁶¹, accompagnées parfois d’œdème des membres inférieurs ; elles peuvent même constituer le motif de consultation du

Fig. 61.6 Maladie de Paget extramammaire (aspect histologique de la lésion de la fig. 61.4) : l’épiderme est envahi par de volumineuses cellules à cytoplasme clair, contenant de la mucine (hématoxyline-éosine)  CP cellules de Paget · MPE maladie de Paget extramammaire

malade. Un cancer sous-jacent (prostate, vessie, testicules, urètre, rein) est retrouvé dans 11 % des cas ⁴⁹. Maladie de Paget axillaire Elle est plus fréquente chez l’homme, habituellement unilatérale et exceptionnellement bilatérale ⁶², et peut être associée à une localisation anogénitale ⁶³. Les lésions sont parfois cliniquement très discrètes, ou ont un aspect rapidement changeant. Maladie de Paget « ectopique » Elles siègent sur des territoires cutanés dépourvus de glandes sudorales apocrines : thorax ⁴³, bras, genou, abdomen, dos ⁶⁴, paupières, joues ⁶⁵. La localisation ombilicale, longtemps citée dans tous les ouvrages classiques, est en fait très rarement rapportée ⁶⁶. Maladies de Paget multiples Elles sont rares, paraissant plus fréquentes au Japon. Elles associent le plus souvent des localisations génito-périanales et axillaires, souvent bilatérales ¹⁹,⁶²,⁶³. Les lésions axillaires apparaissent simultanément ou après les lésions génitales et sont associées, une fois sur deux, à un carcinome sudoral. Maladies de Paget purement muqueuses Rares, elles peuvent intéresser l’urètre (associées à des cancers de la prostate et de la vessie urinaire), le larynx, l’œsophage (associées à un carcinome épidermoïde invasif de la partie inférieure de celui-ci) ⁶⁷, l’arbre bronchique et la muqueuse buccale (associées respectivement à des adénocarcinomes des glandes bronchiques et salivaires), les ovaires. Aspect histologique ⁶⁸ Sur le plan histologique, la MPE est très comparable à son homologue mammaire (voir plus haut). Les CP prennent parfois un aspect en « bague à chaton » ; elles synthétisent des sialomucines, responsables de la positivité de certaines réactions histochimiques, notamment PAS, mucicarmin, bleu alcian et bleu de toluidine (fig. 61.6). L’épiderme est souvent hyperplasique, pouvant même prendre un aspect de tumeur fibroépithéliale ⁶⁹. Des fentes acantholytiques suprabasales sont parfois observées, simulant la maladie de Darier ou le pemphigus familial. Les CP peuvent être retrouvées dans les gaines épithéliales folliculaires, les canaux excréteurs ou les pelotons sécréteurs sudoraux. Un

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Maladie de Paget extramammaire

Fig. 61.7 Maladie de Paget extramammaire (aspect immunohistochimique) : les cellules de Paget expriment la kératine 7, ce qui permet de les distinguer des kératinocytes épidermiques (immunopéroxidase, révélation AEC)

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Maladie de Paget adénocarcinome annexiel peut parfois être retrouvé sous forme de nodules non encapsulés ou de travées cellulaires glanduliformes, évoquant une origine apocrine ou quelquefois eccrine. Les CP expriment des récepteurs pour les lectines PNA, DBA et WGA ainsi que des enzymes glandulaires apocrines (phosphatase acide, estérases) ou eccrines (amylophosphorylase, leucine-aminopeptidase). Les CP expriment régulièrement les kératines des épithéliums simples (notamment kératine 7) (fig. 61.7), et de façon plus variable les antigènes glandulaires (AEM, ACE, GCDFP-15), des mucines (MUC1, MUC5AC), des récepteurs aux androgènes (mais pas aux estrogènes ou à la progestérone) ³¹,⁷⁰-⁷³. La diminution de l’expression de MUC5AC ⁷⁰ ainsi que la surexpression de l’oncoprotéine p53 ⁷⁴ et de la synthétase des acides gras ⁷⁵ seraient corrélées aux formes invasives. Les CP expriment à des degrés variables les oncoprotéines c-erb-B2 ⁷⁶, p21 ⁷⁷ et HER-2 ²⁹,⁷⁸. Un nouvel antigène nommé RCAS1 a été récemment rapporté comme très sensible des CP dans la MPE ⁷⁹. En ce qui concerne la MPE vulvaire et périanale, l’hétérogénéité des phénotypes immunohistochimiques observés a conduit à la différenciation de deux types distincts : le type I (ou endodermique) exprime des marqueurs endodermiques (kératine 7 +/kératine 20 +/GCDFP-15-), et serait associé à des carcinomes distants ; le type II (ou cutané ou ectodermique) exprime des marqueurs glandulaires sudoraux (kératine 7 +/kératine 20-/GCDFP15 +) et serait d’origine cutané ⁵³,⁵⁶. Par ailleurs, l’expression de certains antigènes spécifiques de tissu permet parfois d’identifier l’origine du cancer sous-jacent : antigène prostatique ⁸⁰, uroplakines ⁵², facteur de transcription CDX-2 ⁸¹,⁸² pour les adénocarcinomes prostatiques, urothéliaux et intestinaux, respectivement. Les problèmes de diagnostic différentiel histologique de la MPE sont les mêmes que ceux de la MPM (voir plus haut). De plus, certaines kératoses actiniques (pagétoïdes) peuvent simuler une MPE, tant sur le plan histologique que immunohistochimique ⁸³. Physiopathogénie La pathogénie exacte de la MPE n’est pas encore totalement élucidée. En effet, les études immunohistochimiques ont clairement démontré la nature épithéliale/glandulaire des CP mais n’ont pas permis de démontrer leur origine. Il semble néanmoins que la MPE soit hétérogène, comprenant au moins deux formes différentes dues à des mécanismes pathogéniques distincts : − la MPE « primitive » ou cutanée, non associée à un adénocarcinome à distance : les CP auraient leur origine dans l’épiderme ou les glandes sudorales apocrines sousjacentes. Cette forme reste longtemps cantonnée dans l’épithélium (in situ), mais peut à la longue envahir le derme, les vaisseaux sanguins et lymphatiques, et être à l’origine de métastases ganglionnaires et viscérales potentiellement létales. La cellule d’origine des CP n’est pas connue avec certitude ; il pourrait s’agir de cellules indifférenciées pluripotentes de l’épiderme et des annexes. Récemment il a été soutenu que les cellules d’ori-

 CP cellules de Paget · MPE maladie de Paget extramammaire · MPM maladie de Paget mammaire

gine des CP seraient les cellules de Toker, présentes dans l’épiderme vulvaire ⁸⁴,⁸⁵ ; − la MPE « secondaire », associée à un adénocarcinome sous-jacent (ou à distance), serait due à l’envahissement de l’épiderme par les cellules malignes du carcinome sous-jacent, il s’agirait donc d’une métastase épidermotrope (comme dans la grande majorité des MP mammaires). Le phénotype immunohistochimique commun entre les CP et le carcinome sous-jacent plaide en faveur de ce mécanisme. Citons enfin la théorie de l’origine multicentrique, selon laquelle un stimulus cancérigène pourrait donner naissance (indépendamment ou simultanément) à l’adénocarcinome de l’épithélium de surface (MP) et à l’adénocarcinome sousjacent (annexiel ou viscéral). Cette hypothèse pourrait expliquer les formes multiples de MPE, ainsi que les rares associations MPM-MPE. Bilan. Surveillance Le diagnostic de MPE doit entraîner des examens paracliniques visant à dépister une tumeur profonde, notamment en cas d’expression immunohistochimique de certains antigènes particuliers (voir ci-dessus). En fonction de la localisation, seront realisés : frottis cervicovaginal, cystoscopie, rectocoloscopie, échographie ou scanner abdominopelvien, fibroscopie gastroduodénale, urographie intraveineuse, mammographie, dosage de marqueurs tumoraux (ACE, CA 19-9, CA 15-3). Une surveillance clinique des patients avec MPE est recommandée en raison du risque de récidives, parfois tardives : pour les MPE non invasives, elle peut être biannuelle pendant les 3 ans, puis annuelle pendant 10 ans. Pour les MPE invasives ou associées à une tumeur à distance, la surveillance doit être plus rapprochée (3-4 fois/an), avec biopsie des lésions suspectes. Évolution. Pronostic L’évolution de la MPE se fait inexorablement vers une extension locorégionale lente. À un stade avancé, les lésions deviennent ulcérées, saignantes, indurées ou nodulaires. L’apparition d’adénopathies régionales témoigne d’un processus néoplasique invasif pouvant se compliquer de métastases à distance (os, cœur...) et entraîner la mort. La progression de la MPE paraît corrélée au taux sanguin de l’ACE ⁸⁶. Une régression des lésions peut être rarement observée suite à l’exérèse chirurgicale du carcinome annexiel sous-jacent ⁸⁷. Le pronostic est fonction de l’existence d’un cancer sous-jacent ou à distance. Les MPE cutanées in situ ont un bon pronostic, qui s’assombrit en cas de lésion invasive, notamment si la profondeur d’invasion dermique dépasse 1 mm. La mortalité globale (26 %) est plus élevée dans les formes secondaires, associées à une tumeur sousjacente (46 contre 18 %) ⁴⁹. La biopsie du ganglion sentinelle semble fournir des renseignements pronostiques intéressants, mais son intérêt mérite d’être mieux étudiée ⁸⁸. Traitement Il repose sur l’excision chirurgicale large, en surface et en

Références 61-7 profondeu f r, afin d’éliminer le processus tumoral. Cependant, l’envahissement de l’épiderme par les CP dépasse souvent les limites visibles des lésions, ce qui explique la difficulté d’un traitement radical et la fréquence élevée de récidives ⁸⁹, notamment dans les fo f rmes invasives ou en cas d’exérèse incomplète ⁹⁰. Une marge d’exérèse de 2 cm est souvent préconisée, bien qu’une marge de 1 cm serait suffisante pour des lésions bien limitées ⁹¹. L’étude extemporanée des marges d’exérèse sur coupes congelées ainsi que la technique micrographique de Mohs permettent de diminuer le taux de récidives ⁹², sans l’éliminer complètement. L’excision au laser est suivie de récidives fréquentes, mais pourrait être plus efficace après visualisation du tissu lésionnel par l’acide a-aminolévulinique ⁹³. Une radiothérapie peut être proposée en cas de lésions inopérables ou en complément d’une exérèse chirurgicale, notamment en cas

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 CP cellules de Paget · MPE maladie de Paget extramammaire

de récidive postopératoire ; les résultats sont meilleurs en cas de MPE primitive in situ. L’application locale de cytostatiques (5-FU, bléomycine) seule n’est pas suffisante, mais pourrait réduire les limites des lésions ou les rendre mieux visibles, permettant une exérèse plus efficace ⁹⁴. L’interféron intralésionnel a été essayé av a ec de bons résultats ⁹⁵, et plus récemment l’imiquimod ⁹⁶, qui pourrait être intéressant dans des fo f rmes superficielles. Une chimiothérapie systémique (docetaxel, 5-FU, vincristine, mitomycine-C, carboplatine, étoposide) peut être utilisée en cas de contreindication de la chirurgie et de la radiothérapie ⁹⁷,⁹⁸. La photothérapie dynamique donne des résultats satisfa f isants, mais ne met pas à l’abri de récidives ⁹⁹,¹⁰⁰. Si une tumeur profonde est associée, elle doit être traitée de façon approa oir une priée. Les molécules anti-androgènes pourraient av place dans le traitement des MPE métastatiques ¹⁰¹.

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Carcinomes annexiels

Bernard Cribier

Carcinomes eccrines 62-1 Porocarcinome 62-1 Carcinome microkystique 62-2 Hidradénocarcinome 62-2 Carcinome eccrine syringomateux 62-2 Carcinome adénoïde kystique 62-2 Carcinome eccrine mucipare 62-3 Adénome digital papillaire agressif 62-3 Carcinomes apocrines 62-3

es tumeurs annexielles malignes ne représentent qu’environ 1 % des cancers cutanés. On les classe en carcinomes eccrines, apocrines, folliculaires et sébacés. Leur diagnostic est d’abord anatomopathologique, mais il existe des types anatomocliniques reconnaissables cliniquement. L’individualisation des divers carcinomes annexiels est relativement récente et des variantes nouvelles sont régulièrement discutées. Certains de ces carcinomes sont manifestement d’origine annexielle, mais leur classification précise est parfois impossible en raison de différenciations histologiques complexes ou multiples.

L

Carcinomes eccrines Il existe une extraordinaire variété de carcinomes eccrines dans la littérature, dont certains sont les équivalents malins des tumeurs eccrines bénignes ¹. On décrit ainsi des spiradénomes eccrines malins, des cylindromes malins, des syringomes chondroïdes malins, des syringoacanthomes malins et même des syringofibroadénomes malins. Ces tumeurs sont exceptionnelles. Les carcinomes eccrines sont probablement les plus agressifs de tous les carcinomes annexiels, avec un important potentiel de récidives locales ou de métastases ². Porocarcinome ³ On en distingue une forme superficielle ou porocarcinome eccrine épidermotrope et une variante plus commune trabéculaire. Porocarcinome superficiel Le porocarcinome superficiel est aussi appelé « hidroacanthome malin » ou porocarci-

Carcinomes d’origine folliculaire 62-4 Carcinome trichilemmal 62-4 Pilomatricome malin 62-4 Carcinome trichoblastique 62-4 Carcinomes sébacés 62-4 Carcinomes sébacés extraoculaires 62-4 Carcinome sébacé oculaire 62-5 Traitement 62-5 Références 62-5

nome in situ. Il évolue longtemps comme une plaque croûteuse à extension centrifuge, qui se couvre de formations nodulaires et croûteuses et peut atteindre 10 à 15 cm de grand axe après plusieurs années. L’examen histopathologique montre des nids intraépidermiques de cellules porales malignes, parfois en migration et simulant alors une maladie de Paget. La bonne limitation des structures tumorales est assez nette, et contraste avec la possibilité d’emboles lymphatiques. Porocarcinome trabéculaire Le porocarcinome trabéculaire ressemble au porome eccrine, à partir duquel il se développe dans 50 % des cas. Il s’agit d’une tumeur exophytique, exulcérée et discrètement suintante ou hémorragique, de 1 à 5 cm de grand axe. Les localisations préférentielles sont le membre inférieur (fig. 62.1), chez des adultes après 60 ans, avec une légère prédominance féminine. Les métastases cutanées ou ganglionnaires locorégionales sont classiques (environ 35 % des cas). La tumeur ressemble au porome eccrine, mais avec des signes de malignité cytologiques et architecturaux. Les formes à cellules claires peuvent être associées au diabète ⁴. Ces tumeurs doivent être excisées très largement et profondément jusqu’au fascia. Vingt à cinquante pour cent des porocarcinomes sont responsables de métastases, qui peuvent être associées à un lymphœdème. La radiothérapie est parfois associée à la chirurgie, mais à forte dose. Une radiothérapie adjuvante sur le site de drainage ganglionnaire est aussi proposée. Au stade métastatique, les polychimiothérapies sont peu efficaces. Une approche multidisciplinaire doit toujours être envisagée, certaines combinaisons thérapeutiques pouvant offrir des rémissions inespérées ⁵.

Coll. Pr. B. Cribier, Strasbourg

Carcinomes annexiels

Fig. 62.2

Coll. Pr. B. Cribier, Strasbourg

62-2

Fig. 62.1

Porocarcinome trabéculaire récidivant de la jambe

Carcinome microkystique Cliniquement, cette tumeur ressemble beaucoup au carcinome basocellulaire sclérodermiforme, par son aspect dur et son potentiel d’invasion locale élevé. Elle se situe surtout à la lèvre supérieure ou dans d’autres régions du visage ⁶, comme la joue ou les plis naso-géniens, chez des adultes d’âge moyen, en majorité des femmes. La lésion est une plaque indurée et scléreuse de couleur peau normale ou légèrement jaunâtre. Sur le plan histologique, il s’agit d’une tumeur invasive faite de travées de cellules basophiles, contenant des structures kystiques, parfois kératinisantes, parfois reproduisant des structures glandulaires. Certaines structures sont franchement folliculaires alors que d’autres sont tubulaires. Le diagnostic en est difficile, la tumeur pouvant être confondue avec d’autres lésions bénignes ou malignes, principalement le trichoépithéliome desmoplastique qui partage les mêmes caractéristiques cliniques. Les récidives après excision sont fréquentes (près de 40 % des cas) et la chirurgie large est de ce fait recommandée, ou la chirurgie de Mohs. Les métastases sont exceptionnelles ⁷.

Hidradénocarcinome

Hidradénocarcinome ⁸ Il s’agit de l’équivalent malin de l’hidradénome, qui peut d’ailleurs résulter de sa transformation maligne. Ces tumeurs sont extrêmement rares et surviennent à tout âge, sous forme d’une tumeur nodulaire (fig. 62.2) parfois ulcérée, sans caractéristique remarquable. Leur évolution est agressive et ils métastasent souvent, aussi bien vers les ganglions que dans la circulation générale. Le diagnostic histopathologique de malignité se fait sur l’architecture – mauvaise limitation, travées invasives – et sur les critères cytologiques – mitoses nombreuses et agrégats de noyaux atypiques regroupés de façon irrégulière. Les cellules gardent néanmoins comme dans la forme bénigne un aspect clair témoignant de leur richesse en glycogène. Cette tumeur est intradermique, sans connexion avec l’épiderme et contient des structures ductales intracytoplasmiques. Carcinome eccrine syringomateux ¹,⁹ Ces tumeurs surviennent en moyenne à 60 ans, légèrement plus souvent chez les femmes. Plus de la moitié sont localisées au cuir chevelu, occasionnant parfois une alopécie ou au visage. Il s’agit d’une tumeur ou d’une plaque infiltrée. L’évolution métastatique comme les récidives locales sont possibles. Ce carcinome est invasif et souvent très étendu vers l’hypoderme, sous forme de petites travées de cellules basophiles et de structures ductales ou kystiques comme dans le syringome. Une invasion périnerveuse est souvent observée. Carcinome adénoïde kystique Ce carcinome se rapproche de celui des glandes salivaires. C’est une tumeur nodulaire profonde, de croissance lente, sans particularités cliniques notables. Elle survient surtout au cuir chevelu ¹⁰, dans près de 40 % des cas. Il faut toujours éliminer la possibilité de l’extension à la peau d’une tumeur salivaire, ce qui nécessite une imagerie permettant d’explorer les glandes salivaires. Histologiquement, on trouve des amas et travées de cellules basophiles dermiques très infiltrants avec des images cribriformes et des structures tubulaires ou kystiques remplies de matériel mucineux.

Carcinomes apocrines 62-3 Les récidives sont notées dans plus de la moitié des cas, même après de longs délais, mais les métastases sont rares. Les récidives résultent de fréquentes extensions périnerveuses. Carcinome eccrine mucipare ¹ Il prédomine à l’extrémité céphalique, surtout aux paupières, et survient à tout âge, avec toutefois une prédominance chez les sujets âgés. Il s’agit d’un volumineux nodule de couleur chair, bien limité et parfois ulcéré, à développement lent, mais avec un potentiel d’invasion locale et de récidive importants. Les métastases ganglionnaires sont fréquentes et les métastases systémiques plus rares. Cette tumeur peut simuler une métastase de carcinome mammaire ou colique mucipare : on voit en effet, comme dans certaines tumeurs mammaires, de petites structures épithéliales basophiles malignes, noyées dans des plages de stroma très clair riche en mucines. Il faut avant tout éliminer un carcinome mammaire ou colique. Si la lésion est bien primitivement cutanée, le traitement est comme pour tous ces carcinomes l’excision chirurgicale large, suivie de récidives dans près de 50 % des cas.

des carcinomes se développant à partir des glandes cérumineuses de l’oreille. Ils surviennent à un âge moyen de 60 ans, sans sex-ratio préférentiel. Il existe aussi des hidradénocarcinomes papillifères de la vulve, résultant de la transformation d’un hidradénome papillifère bénin après une très longue durée d’évolution. Les tumeurs axillaires posent le problème du diagnostic différentiel avec une métastase de cancer mammaire, ce qui conduit à proposer le plus souvent une mammographie. De façon générale, les carcinomes annexiels doivent toujours faire évoquer la possibilité de métastases cutanées d’adénocarcinomes. Sur le plan histologique, ces carcinomes sont organisés en structures tubulaires et papillaires ou en massifs basophiles. Le diagnostic de tumeur apocrine se fait lorsqu’on observe des images de sécrétion par décapitation au sein d’une structure kystique ou des projections papillaires. Des récidives après excision sont possibles, en raison de l’extension profonde de ces tumeurs, ainsi qu’une évolution métastatique fatale.

Adénome digital papillaire agressif ¹¹ Il se développe aux extrémités, principalement aux doigts et aux orteils, à la jonction entre la pulpe et le bord latéral de l’ongle. Ces petites tumeurs ne sont pas gênantes au début, mais peuvent atteindre quelques centimètres de diamètre. On note plus de 50 % de récidives après excision et des cas métastatiques. Il existe une très nette prédominance masculine (7 hommes pour 1 femme), ce qui contraste avec toutes les autres tumeurs sudorales. La tumeur est dermique profonde, atteint l’hypoderme ou parfois le muscle et l’os sous-jacent. Elle est faite de multiples amas épithéliaux arrondis, d’aspect kystique, au sein desquels on observe de multiples projections papillaires. Le traitement est la chirurgie large.

Ils sont plus rares que les carcinomes eccrines et comprennent moins d’entités distinctes. Pour la plupart des auteurs, ils sont regroupés sous le terme de « carcinome apocrine » ¹³. Toutefois, depuis la publication de l’ouvrage de Requena et al. ¹², toute une gamme de tumeurs s’apparentant aux variétés des carcinomes eccrines sont recensées : forme tubulaire, forme ductale, forme papillaire, hidradénocarcinome apocrine, syringo-cystadéno-carcinome apocrine, forme mucineuse, type cribrifome... On envisage naturellement le diagnostic lorsqu’une tumeur annexielle se développe dans un territoire apocrine. Les carcinomes apocrines sont fréquemment localisés dans le creux axillaire (fig. 62.3), mais aussi occasionnellement aux paupières, ou dans les régions anogénitales. Ce sont des tumeurs à croissance lente, pouvant atteindre de grands diamètres et s’ulcérer. Certaines peuvent se développer sur des hamartomes sébacés du cuir chevelu. On trouve aussi

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Carcinomes apocrines ¹²

Fig. 62.3

Carcinome apocrine axillaire

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Carcinomes annexiels

Fig. 62.5

Coll. Pr. B. Cribier, Strasbourg

62-4

Fig. 62.4

Carcinome trichilemmal

Carcinomes d’origine folliculaire ¹⁴ Carcinome trichilemmal Cette lésion non exceptionnelle des adultes âgés, en général après 60 à 70 ans, se présente comme une tumeur exophytique à croissance rapide, survenant principalement sur le visage, le cou ou le cuir chevelu (fig. 62.4) ¹⁵. Malgré les signes cytologiques de malignité évidents, il n’y a en général pas de récidive après excision. Les métastases sont exceptionnelles. L’analyse histologique montre une prolifération bien limitée, faite de grandes cellules au cytoplasme clair, avec de nombreux signes d’atypies et une activité mitotique importante. L’organisation palissadique de cellules claires réalise des images très similaires à celle de la gaine folliculaire externe. Pilomatricome malin La forme maligne du pilomatricome est très rare comparée à la banalité de la forme bénigne ¹⁶. Elle se développe chez des adultes d’âge moyen, principalement des hommes, et est localisée en général à la nuque ou à la partie haute du dos et plus rarement au visage. Après excision, les récidives sont fréquentes et la dissémination métastatique n’est pas rare. L’image histologique est proche du pilomatricome, avec des amas de cellules fantômes sans noyau visible et des zones

Carcinome trichoblastique du dos

de cellules basophiles. La présence de nombreux noyaux atypiques, de cellules plus fusiformes et de mitoses est caractéristique de la forme maligne. Il est parfois difficile de distinguer les authentiques carcinomes des pilomatricomes « proliférants », qu’on appelle ainsi par analogie avec les kystes proliférants. Il n’y a, dans ces cas, pas d’envahissement vasculaire ou périnerveux, ni de franches atypies. Carcinome trichoblastique ¹⁴ Cette lésion est sans doute assez courante, mais souvent diagnostiquée comme un carcinome basocellulaire « bizarre » ou parfois décrit comme ayant une différenciation folliculaire. On la voit au visage et au cuir chevelu chez des adultes après 50 ans. La présentation clinique est celle du carcinome basocellulaire, mais avec des éléments souvent plus agressifs : taille inhabituelle, énorme tumeur ulcérée (fig. 62.5), infiltration profonde. En raison des problèmes nosologiques et de la relative nouveauté de ce diagnostic, il n’y a pas encore vraiment de recul pour situer le pronostic de ces tumeurs par rapport à celui du carcinome basocellulaire. Des formes métastatiques sont connues, mais semblent exceptionnelles. Sur le plan histologique, il s’agit de tumeurs basophiles, montrant des signes de différenciation trichoblastique : absence de connexion à l’épiderme, peu de palissades périphériques, gros grains de kératohyaline au sein de cellules éosinophiles centrales, stroma rappelant la papille pilaire. Le traitement est la chirurgie large, avec une marge de 1 cm qui devrait s’appliquer comme dans les carcinomes basocellulaires « à risque ».

Carcinomes sébacés ¹⁷ Les carcinomes sébacés sont souvent vus en milieu extradermatologique. Il existe en effet de nombreux cas localisés aux paupières et d’autres à la vulve. Il est classique de distinguer les formes oculaires et extra-oculaires ¹⁸. Carcinomes sébacés extraoculaires Ils sont surtout localisés au visage et au cuir chevelu (fig. 62.6). La prédominance masculine est nette (2 hommes

Références 62-5

Coll. Pr. B. Cribier, Strasbourg

sentant des signes d’atypies nucléaires et des mitoses. Un envahissement périnerveux ou vasculaire est parfois noté. Ces carcinomes sont classés en fonc f tion de leur degré de différenciation.

Fig. 62.6

Carcinome sébacé extraoculaire

pour 1 ffemme). Il s’agit de tumeurs ulcéronodulaires pouvant atteindre de grands diamètres, chez des adultes âgés. La malignité est surtout locale et le taux de métastases est plus faible que dans les formes oculaires. Certains se développent sur des hamartomes sébacés. L’association pathologique maj a eure à connaître est le syndrome de Muir et To T rre ¹⁹. Certaines tumeurs sont survenues après irradiation par rayons X, ou chez des suj u ets immunodéprimés, par exemple au cours du SIDA. Le carcinome sébacé est fa f it de lobules irréguliers de cellules immatures basaloïdes et de sébocytes matures pré-

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Carcinome sébacé oculaire Il survient après 60 ans, surtout chez des femmes f , av a ec un sex-ratio de 3/1 ²⁰,²¹. Ce carcinome peut naître des glandes de Meibomius ou de Zeis et des glandes sébacées des paupières, des sourcils ou de la caroncule. Le site le plus fréquent est la paupière supérieure. L’aspect clinique est celui de tumeurs plus ou moins exophytiques et ulcérées, souvent prises pour des carcinomes épidermoïdes. Les métastases sont fréquentes, touchant 8 à 25 % des patients. Traitement L’excision large est le traitement de première intention. Les récidives sont fréquentes dans les localisations oculaires, surtout quand la marge de tissu sain excisé est inférieure à 5 mm. Les exentérations sont nécessaires chez une minorité des patients, les nouvelles techniques autorisant des approches plus conservatives ²¹. Les alternatives sont la cryothérapie dans les fo f rmes oculaires à extension superficielle ou la radiothérapie (45 à 65 Gy), à titre palliatif ou comme adj d uvant en postopératoire. Les métastases sont traitées par des polychimiothérapies d’efficacité mal documentée.

27:401-408. 8 Ohta M, Hiramoto M, Fujii u M et al. Nodular hidradenocarcinoma on the scalp of a young woman : case report and review of the literature. Dermatol Surg 2004 ; 30:1265-1268. 9 Moy RL, Rivkin JE, Lee H et al. Syringoid eccrine carcinoma. J Am Acad Dermatol 1991 ; 24:864-867. 10 Matsumara T, Kumakiri M, Okkawara A, et al. Adenoid cystic carcinoma of the skin. J Dermatol 1993 ; 20:164-170. 11 Kao GF, F Helwig EB, Graham JH. Aggressive digital papillary adenoma and adenocarcinoma : a clinicopathological study of 57 patients with histochemical, immunohistochemical and ultrastructural study. J Cutan Pathol 1987 ; 14:129146. 12 Requena L, Kirku H, Ackerman AB. Neoplasms with apocrine diffe ff ren r tiation. Philadelphie : Lippincott Raven ; 1998. 1 160 p. 13 Paties C, Taccagn T i GL, Papotti M et al. Apocrine carcinoma of the skin : a clinicopathologic, immunohistocytochemical and ultrastructural study. Cancer 1993 ; 71:375-381. 14 Ackerman AB, Reddy VB, Soyer HP. P Neoplasms with fo f llicular diffe ff ren r tiation. New Yo Y rk : Ardor Scribendi ; 2001. 1 109 p.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Cribier B. Carcinomes annexiels. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 62.1-62.5.

63

Carcinome neuro-endocrine cutané

Alain Claudy

Traitement 63-5 Stade I 63-5 Stade II 63-6 Stade III 63-6 Conclusion 63-6 Références 63-6

La cellule de Merkel 63-1 Origine de la cellule tumorale 63-2 Aspects cliniques 63-2 Aspects histologiques et immuno-histochimiques 63-3 Évaluation d’une extension extracutanée du CNEC 63-4 Facteurs associés 63-5 Facteurs pronostiques 63-5

e carcinome neuro-endocrine cutané (CNEC) a initialement été décrit par Toker en 1972 ¹ sous la dénomination de carcinome trabéculaire du fait de la disposition particulière des cellules. Une origine sudorale avait alors été évoquée du fait de la présence de fentes et d’acini, mais, en 1978, Tang et Toker ² démontraient la présence de granules neurosécrétoires identiques à ceux des tissus dérivant de la crête neurale. L’hypothèse d’une tumeur neuro-endocrine dont l’origine serait la cellule de Merkel (CM) a donc été proposée. Diverses dénominations ont depuis été utilisées dont celles de carcinome ou tumeur à cellule de Merkel, carcinome endocrine cutané, merkelome, apudome cutané. Il convient de préférer le terme de CNEC.

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D Fig. 63.1 Aspect ultrastructural d’une cellule de Merkel de l’épiderme humain (n : noyau ; c : cytoplasme ; gs : granules sécrétoires)

Coll. Pr A. Claudy, Lyon

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La cellule de Merkel Décrite en 1875 par Friedrich Sigmund Merkel, la CM apparaît en position basale ou suprabasale épidermique, a une forme ovoïde dont le grand axe est parallèle à la surface cutanée, a un cytoplasme clair et une taille supérieure à celle des kératinocytes adjacents ³. La CM est également présente dans la gaine épithéliale externe et le bulbe pilaire. La CM est en contact avec des fibres nerveuses amyéliniques grâce à des structures de type synaptique. La densité des CM est variable suivant la topographie. Les zones les plus denses en CM du corps humain sont les lèvres, le palais osseux, les paumes, les pulpes digitales, le repli unguéal et le dos du pied ⁴. En ME, le cytoplasme contient des granules sécrétoires de 80 à 120 nm de diamètre provenant du corps de Golgi, ainsi que des filaments intermédiaires distribués de façon aléatoire. La cellule a des prolongements dendritiques interkératinocytaires riches en microfilaments ³ (fig. 63.1). Les propriétés immunohistochimiques de la CM permettent de lui conférer des caractéristiques à la fois épidermiques et neuro-endocrines ³. La CM exprime des cytokératines de bas poids moléculaire 8, 18, 19, 20 caractéristiques des épithéliums simples et des épithéliums glandulaires et est dépourvue des cytokératines trouvées normalement dans les épithéliums stratifiés. Elle exprime les desmoplakines. Des marqueurs neuro-endocrines sont présents comme l’énolase neuronale spécifique (ENS, dimère α/γ ou γ/γ), la chromogranine A localisée dans les granules neurosécrétoires, et la synaptophysine, glycoprotéine de la membrane des granules, marqueur spécifique de tumeurs endocrines (carcinome médullaire thyroïdien, carcinoïde) et de tumeurs d’origine neurale (phéochromocytome, neuroblas-

Carcinome neuro-endocrine cutané tome, paragangliome). Moins de 10 % des CM expriment les neurofilaments. Vimentine et desmine sont absentes. Divers neuropeptides sont exprimés comme la protein gene product 9.5 (PGP 9,5), le met-enképhaline, la calcitonin-generelated peptide (CGRP), la vasoactive intestinal polypeptide (VIP), et la neural cell adhesion molecule (N-CAM). L’oncoprotéine bcl-2 et l’epithelial membrane antigen (EMA), glycoprotéine marqueur des épithéliums glandulaires sont détectables dans certaines CM ³,⁵. L’origine de la CM reste discutée. Initialement soupçonnée de dériver de la crête neurale, la CM proviendrait en fait d’une cellule souche épidermique. Uchigasaki et al. ⁶ ont récemment émis l’hypothèse de l’existence de deux types de cellules de Merkel, l’une localisée dans le renflement (« bulge ») de la gaine du duvet facial, qui serait immature et sans relation avec les terminaisons nerveuses, l’autre, mature, en position épidermique et associée aux fibres nerveuses. La fonction de la CM reste imprécise. Elle ne requiert pas de facteurs de croissance neuropeptidiques de la part des nerfs avec lesquels elle est en contact. La CM pourrait faciliter la mise en place du muscle arrecteur des poils et du réseau nerveux dermo-épidermique durant la période fœtale ⁷. La CM pourrait également, au cours de la vie, influencer le seuil de réponse des nerfs sensitifs par la libération de neuropeptides et agir de façon paracrine sur les cellules environnantes épidermiques et annexielles ³.

Origine de la cellule tumorale Il existe des similarités structurales et immuno-histochimiques entre la cellule du CNEC et la CM, même si quelques divergences existent. Mais il n’y a aucune preuve définitive qui permette de penser que le CNEC dérive directement de la CM, d’où la dénomination CNEC qui est préférable à celle de carcinome à cellule de Merkel. L’origine neuro-endocrine du CNEC a été évoquée, mais une origine épithéliale est actuellement privilégiée, bien que la tumeur apparaisse habituellement séparée de l’épiderme. 15 % des CNEC peuvent toutefois montrer une participation épidermique avec remaniements bowénoïdes, voire une différenciation squameuse ⁸,⁹. Des cultures cellulaires secondairement transférées à des souris nude ont pu être obtenues à partir de CNEC. Les tumeurs conservent leurs caractéristiques phénotypiques et se comportent de façon agressive ¹⁰. Des xénogreffes sur souris nude de CNEC et une culture cellulaire ont permis de démontrer une expression prédominante de l’intégrine α1β1, ce qui serait en faveur d’une origine épithéliale primitive du CNEC à partir d’une cellule totipotente ¹¹. D’après Uchigasaki et al. ⁶, le CNEC proviendrait non pas de la CM épidermique, mais de la CM immature de la gaine du duvet, expliquant l’absence d’envahissement épidermique au début du développement tumoral ⁶. Il a été récemment décrit un transcript de fusion entre un nouveau Polyoma virus et un récepteur membranaire humain de type tyrosine phosphatase. Ce virus a été dénommé Merkel cell Polyoma virus (MCPyV). Il est présent dans 80 % des cellules tumorales et dans seulement 8 % des

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Fig. 63.2 Nodule cutané érythémateux hémisphérique de la joue au cours d’un carcinome neuro-endocrine cutané primitif tissus contrôles. L’ADN viral est intégré dans le génome des cellules tumorales de façon clonale, suggérant un rôle clé dans la genèse du CNEC ¹².

Aspects cliniques L’incidence réelle du CNEC est inconnue. Plusieurs centaines de cas ont été rapportés. Il s’agit d’une tumeur qui survient surtout après 65 ans, mais des cas ont été rapportés dès l’âge de 7 ans. Elle affecte essentiellement la population blanche. Il y a une prédominance féminine après 80 ans, masculine avant 60 ans ¹³. L’incidence globale est plus élevée chez l’homme (0,34) que chez la femme (0,17) ¹⁴. La moitié des CNEC surviennent dans la région cervicocéphalique (fig. 63.2) et notamment dans la zone périorbitaire et palpébrale. 40 % des cas siègent sur les extrémités et 10 % sur le tronc et les muqueuses. Les organes génitaux externes ne seraient jamais atteints. La multiplicité des CNEC est rare. Le CNEC n’a pas été rapporté chez l’enfant ¹³. La présentation clinique est variable. Le plus souvent, il s’agit d’un nodule cutané hémisphérique lisse (fig. 63.3), parfois squameux, bien limité, d’une taille de 0,5 à plusieurs centimètres de diamètre, indolore et mobile, pouvant être entouré d’une zone érythémateuse inflammatoire. Le diamètre moyen lors de l’examen initial est de 1,5 cm. La consistance est plutôt ferme et la coloration varie du rose au rouge foncé, parfois brunâtre. Des télangiec-

Coll. D. Bessis

Coll. Pr A. Claudy, Lyon

Aspects histologiques et immuno-histochimiques 63-3

Nodule cutané de carcinome neuro-endocrine cutané

Fig. 63.5 Récidives locales multinodulaires d’un carcinome neuro-endocrine

Aspects histologiques et immuno-histochimiques Il est en règle évocateur de CNEC. La tumeur siège dans le derme et s’étend aux tissus sous-dermiques, mais épargne habituellement l’épiderme (fig. 63.6). Un envahissement épidermique est toutefois possible au stade débutant ¹⁰. Les cellules sont monomorphes avec un rapport nucléoplasmatique élevé ; le noyau est rond ou ovoïde, nucléolé, les mitoses sont fréquentes avec présence de corps apoptotiques (fig. 63.7). L’arrangement cellulaire peut être trabéculaire, intermédiaire ou à petites cellules indifférenciées. Dans la plupart des cas, la partie centrale de la tumeur est de type intermédiaire et la partie périphérique de type trabéculaire. Il peut y avoir des foyers de différenciation sudorale. Le stroma est le siège d’une infiltration lymphocytaire souvent modérée. L’invasion lymphatique est fréquente ³. Les immunomarquages permettent d’établir un diagnostic de certitude du CNEC. La tumeur exprime les mêmes

Coll. D. Bessis

tasies peuvent être présentes, conférant un aspect pseudoangiomateux. L’ulcération d’un nodule est inhabituelle. Plusieurs nodules peuvent être juxtaposés dans un même territoire. Aucun signe fonctionnel ou général n’est en règle observé à ce stade. Des adénopathies dans le site de drainage sont à rechercher de façon systématique. La croissance tumorale est d’abord lente, pouvant durer plusieurs mois et la lésion est le plus souvent asymptomatique, ce qui explique les délais prolongés avant la première consultation. Le diagnostic clinique initial est souvent difficile, la tumeur pouvant être confondue avec un carcinome, un mélanome, une tumeur annexielle, un lymphome ou une métastase (fig. 63.4). Il s’agit d’une tumeur agressive, hautement lymphophile. Dans un tiers des cas, il y a un envahissement clinique ou microscopique ganglionnaire ¹⁵. Le taux de récidives locales ou régionales après traitement est élevé (fig. 63.5). Le délai de survenue des récidives varie de 3 à 16 mois et le délai moyen de survenue des métastases est de 21 mois après le diagnostic initial ¹⁶.

Coll. Dr L. Durand, Montpellier

Fig. 63.3

Fig. 63.4 Nodule pseudo-angiomateux au cours d’un carcinome neuro-endocrine cutané. Le diagnostic différentiel clinique avec un carcinome, un mélanome, une tumeur annexielle ou un lymphome ou une métastase est particulièrement difficile

Fig. 63.6 Carcinome formant un nodule dermique constitué d’amas de petites cellules rondes

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Carcinome neuro-endocrine cutané

Fig. 63.7 Cellules tumorales monomorphes avec rapport nucléo-plasmatique élevé et mitoses abondantes. La présence de clivage au pourtour des cellules est un artéfact fréquent donnant un aspect ébranlé aux amas tumoraux cytokératines que la CM ¹³,¹⁷-¹⁹ sous la forme de globules paranucléaires correspondant à la localisation des filaments intermédiaires. La cytokératine ²⁰ est un marqueur clé car elle est constamment exprimée par les cellules tumorales (fig. 63.8), mais n’est pas exprimée par les carcinomes non endocrines ni les carcinomes endocrines extracutanés. En outre, l’absence de marquage de la cytokératine 20 permet de récuser le diagnostic de carcinome bronchique à petites cellules métastatique à la peau, qui est un des principaux diagnostics différentiels du CNEC ²⁰. Les cytokératines de haut poids moléculaire ne sont pas présentes. Le CNEC exprime également les neurofilaments cytoplasmiques sous forme globulaire, l’ENS, la chromogranine A, la synaptophysine, le PGP 9,5 et l’epithelial membrane antigen, mais

Coll. Dr L. Durand, Montpellier

63-4

Fig. 63.8 Expression de la cytokératine 20 (CK 20) sous la forme d’amas paranucléaires

avec une fréquence variable par rapport aux cytokératines ⁵. L’ESN est presque toujours présente, alors que la chromogranine A n’est exprimée que dans environ la moitié des cas. La chromogranine A est le constituant principal des granules neuro-sécrétoires dont l’identification reste possible après fixation au formol, contrairement aux granules détruits lors de la fixation ¹⁹. La synaptophysine peut être détectable. La protéine S-100 est absente. Sur une série de 132 cas de CNEC, l’ENS a été trouvée exprimée dans 100 % des cas, la chromogranine A dans 41 %, l’epithelial membrane antigen dans 100 %, les cytokératines de bas PM dans 100 %, la protéine S-100 jamais détectée ²¹. D’autres marqueurs peuvent être utiles, comme c-kit. La majorité des CNEC exprime c-kit, récepteur du stem cell factor, normalement présent sur les mastocytes et les mélanocytes. Les métastases sont de plus positives pour le récepteur kit. Ainsi, l’expression de c-kit serait un événement précoce dans la transformation du CNEC, mais ne serait pas un marqueur de progression tumorale ²². La microscopie électronique n’est pas indispensable au diagnostic. Elle montrerait la présence de granules neurosécrétoires denses aux électrons, de 80 à 100 nm de diamètre, situés principalement dans les prolongements dendritiques et la région paranucléaire au sein de filaments intermédiaires.

Évaluation d’une extension extracutanée du CNEC Le risque d’envahissement ganglionnaire régional est élevé dans le CNEC. C’est la raison pour laquelle il paraît important de détecter des micrométastases ganglionnaires par la procédure du ganglion sentinelle, d’autant qu’il n’existe aucun critère clinico-histologique permettant d’isoler un groupe de malades à haut risque de dissémination lymphatique ou viscérale. Du fait de l’utilisation de cette procédure, 30 % des patients initialement considérés au stade I sont classés en stade II. L’examen des sections histologiques ganglionnaires par colorations classiques (hématoxylineéosine) peut être amélioré en sensibilité et spécificité par immuno-marquage avec la cytokératine 20 ²³. Pfeifer et al. ²⁴ ont proposé de coupler la recherche du ganglion sentinelle à une lymphoscintigraphie corporelle au radiocolloïde, ce qui peut permettre de détecter des zones de drainage lymphatique multiples. La présence de micrométastases lymphatiques dans le ganglion sentinelle est un facteur de mauvais pronostic avec environ 30 % de rechutes sur un suivi de 3 à 46 mois contre 3 % seulement en l’absence de micrométastases ²⁵. La tomographie par émission de positrons au fluorodésoxyglucose permet de détecter un envahissement de ganglions infracentimétriques non préalablement détectés par tomodensitométrie. En outre, en post-traitement, cette technique permet d’apprécier le degré de régression ou de progression de la tumeur, ainsi que la maladie résiduelle ²⁶. L’identification de métastases viscérales peut se faire à l’aide de techniques classiques (échographie, tomodensi-

Traitement 63-5 tométrie, résonance magnétique). Du fait de ses caractéristiques neuro-endocrines, le CNEC exprime les récepteurs à la somatostatine aussi bien au niveau de la tumeur primitive qu’au niveau des métastases. Il a ainsi été proposé de pratiquer des scintigraphies à l’octréotide, analogue de la somatostatine ²⁷. Les premiers résultats ont fait état d’une sensibilité égale ou supérieure de cette technique par rapport à la tomodensitométrie ²⁷, mais les études ultérieures n’ont pas confirmé son intérêt du fait de la présence de faux positifs ou de faux négatifs ²⁸. Récemment, l’utilisation d’un nouvel analogue radiomarqué de la somatostatine, le 90Y-DOTATOC, a été proposée afin de mettre en place une radiothérapie ciblée chez les patients à récidives multiples et dont la tumeur exprime le récepteur à la somatostatine ²⁹. Les premiers résultats semblent encourageants. Tous les viscères peuvent être atteints. Une dissémination lepto-méningée a été rapportée ³⁰.

Facteurs associés Le CNEC survient de préférence sur les zones photoexposées. Les rayons UV associés à une immuno-dépression induite médicamenteuse, une hémopathie ou une infection virale constituent des facteurs favorisant la survenue du CNEC ³¹-³³. Ainsi, les patients traités par PUVA ou soumis à des radiations ionisantes ont plus de risque de développer un CNEC ³⁴-³⁶. La leucémie lymphoïde chronique est fréquemment associée à un second cancer en particulier cutané, basocellulaire ou épidermoïde. Six cas d’association avec le CNEC ont été rapportés ³⁷-⁴⁰. L’incidence de la leucémie lymphoïde chronique serait environ 1 000 fois plus fréquente chez les patients avec CNEC que dans la population générale. Les deux pathologies évoluent le plus souvent pour leur propre compte, tandis que le pronostic dépend du CNEC. Dans un cas, l’association était complétée par un sarcome de Kaposi, un carcinome basocellulaire et un kératoacanthome ³⁷. D’autres hémopathies peuvent être associées au CNEC comme la leucémie myéloïde chronique ⁴¹. Le CNEC a été rapporté chez un patient VIH+ avec immunodépression ⁴². L’arsenicisme chronique peut induire de nombreux cancers cutanés (maladie de Bowen, carcinome basocellulaire et épidermoïde). Sur 11 patients taïwanais porteurs de CNEC, 6 résidaient dans des zones d’arsenicisme chronique ⁴³. La co-existence d’un carcinome épidermoïde et d’un CNEC a été documentée chez de nombreux patients ¹³. L’association carcinome basocellulaire, épidermoïde et CNEC est plus rare ⁴⁴. Un carcinome épidermoïde a été décrit avec un CNEC sur un érythème des chaufferettes ⁴⁵. À signaler une association avec la maladie de Behçet et avec un syndrome paranéoplasique neurologique ⁴⁶,⁴⁷. Il n’a pas été décrit d’association avec le mélanome.

Facteurs pronostiques Le pronostic clinique est défavorable si la taille de la tumeur est supérieure à deux centimètres, si la tumeur est située sur les fesses, les cuisses ou le tronc. Pour Skelton et al. ²¹,

le sexe et l’âge ne sont pas des facteurs pronostiques. Pour Halioua et al., le sexe féminin et l’âge inférieur à 60 ans seraient de mauvais pronostic ¹³. La survie globale à 3 ans est meilleure chez la femme (67,6 %) que chez l’homme (35,6 %) ¹⁶. Le survies à 5 ans sont respectivement estimées à 75, 59 et 25 % pour les CNEC localisés, loco-régionaux et métastatiques ¹⁴. L’association à la leucémie lymphoïde chronique et aux cancers cutanés aggrave le pronostic ¹³. L’hétérogénéité de l’expression et de l’évolutivité cliniques a conduit à privilégier des critères pronostiques histologiques permettant de distinguer trois types, trabéculaire, à cellules intermédiaires, et à petites cellules. Le pronostic histologique est défavorable si la taille de la tumeur est supérieure ou égale à 5 millimètres, s’il y a invasion du tissu adipeux, un important infiltrat lymphocytaire, si les cellules sont de petite taille par rapport aux formes trabéculaires, s’il y a plus de 10 mitoses par champ et s’il y a une invasion lymphatique ²¹,⁴⁸,⁴⁹. L’expression du marqueur de surface CD44 pourrait être corrélée au risque de dissémination métastatique, aucune tumeur primitive ou récidive locale n’étant positive pour cet antigène ⁵⁰.

Traitement Il n’est pas codifié ⁴⁸,⁵¹,⁵². Malgré le comportement agressif de cette tumeur, quelques cas de régressions spontanées ont été rapportés ¹⁷,⁵³-⁵⁶. Il semble que l’infiltration de la tumeur par des lymphocytes T soit en mesure d’induire l’apoptose des cellules tumorales ⁵⁵. Stade I Une exérèse large au stade initial est impérative avec une marge d’au moins 3 centimètres. La technique de Mohs n’a été évaluée que sur une faible série de patients et a été associée à une radiothérapie et à une chimiothérapie, ce qui rend difficile l’évaluation de son éventuel bénéfice ¹⁸. Dans un cas de CNEC extensif du cuir chevelu, la chirurgie a du être complétée par une chimiothérapie pour obtenir un rémission transitoire ⁵⁷. Le traitement radiothérapique complémentaire de la zone d’exérèse est recommandé par certains. Lorsque le CNEC est inopérable, parce que situé sur le visage et/ou chez des patients très âgés, il est possible de proposer le seul traitement radiothérapique avec un résultat proche des traitements chirurgicaux accompagnés ou non de radiothérapie ⁵⁸. La radiothérapie postopératoire a été proposée par certains lorsque la limite tumorale est proche du bord d’exérèse et/ou s’il y a des signes histologiques d’envahissement vasculo-lymphatique ⁹. Le curage ganglionnaire, la radiothérapie et la chimiothérapie adjuvantes restent discutés au stade I car il y a un manque d’études contrôlées sur de larges séries. Le curage systématique des ganglions lymphatiques de la zone de drainage n’est pas recommandé, même si certains le préconisent en cas de tumeur volumineuse, d’un index mitotique élevé, de signes histologiques d’invasion vasculolymphatique et/ou de forme à petites cellules ⁵⁹. D’autres

63-6 Carcinome neuro-endocrine cutané recommandent l’irradiation complémentaire des aires ganglionnaires de drainage ⁵⁹-⁶². La technique du ganglion sentinelle est actuellement privilégiée ²⁵. En cas de négativité, une radiothérapie par électrons sur le site de la tumeur primitive à une dose totale de 50 Gy peut être proposée ²⁵. Il a été rapporté un taux de survie de 0 % à 3 ans chez les patients non radiothérapés par rapport à un taux de 68 % chez ceux qui en avaient bénéficié ⁶³. Les techniques d’immuno-stimulation peuvent paraître prometteuses au vu des régressions spontanées du CNEC sous l’effet de l’action des lymphocytes T. Ainsi, un cas de CNEC a eu une régression tumorale complète clinique et histologique qui s’est maintenue plus d’un an après six injections intratumorales de TNF-α recombinant ⁶⁴. Un autre cas de CNEC ayant eu deux récidives locales traitées chirurgicalement et par radiothérapie a pu bénéficier d’IFNα sous-cutané (3 mUI trois fo f is par semaine) en obtenant en 3 mois une régression d’une troisième récidive locale sans récidive à un an ⁶⁵. De même, une rémission complète de CNEC du cuir chevelu aavec métastases locales et régionales a pu être obtenue après une application par semaine pendant 4 semaines de DNCB ⁶⁶. Stade II Il est marqué par un envahissement ganglionnaire régional clinique ou une positivité du ganglion sentinelle. Le curage de l’aire du ganglion sentinelle suivi de radiothérapie du site de la tumeur primitive et de celui du curage lymphatique peut être recommandé ²⁵. Le bénéfice sur la survie de cette procédure, même si elle permet une détection et un traitement plus précoces de l’envahissement ganglionnaire, n’a pas été démontré. Toutefois, la récidive est plus fréquente chez les patients avec un ganglion sentinelle positif ²⁵. Une 1 Toke T r C. Trabecular carcinoma of the skin. Arch Dermatol 1972 ; 105:107-110. 2 T Tang CK , Toke T r C. Trabecular carcinoma of the skin. An ultrastructural study. Cancer 1978 ; 42:2311-2321. 3 Gaudillière A, Misery L. La cellule de Merkel. Ann Dermatol Venereol 1994 ; 121:909-917. 4 Lacour JP, P Dubois D, Pisani A, Ortonne JP. P Anatomical mapping of Merkel cells in normal human adult epidermis. Br J Dermatol 1991 ; 125:535-542. 5 Kanitakis J. Merkel cell. In Diagnostic immunohistochemistry of the skin. Kanitakis J, Vassileva S, Woodley D, eds. Chapman & Hall Medical 1998 ; 1 vol., p. 42-43. 6 Uchigasaki S, Suzuki H, Inoue K. Merkel cells in the vellus hair ffollicles of human fac f ial skin : a study using confoca f l laser microscopy. J Dermatol 2004 ; 31:218-222. 7 Narisawa Y, Hashimoto K, Kohda H. Merkel cells participate in the induction and alignment of epidermal ends of arrector pili muscles of human fe f tal skin. Br J Dermatol 1996 ; 134:494-

 IFN interféron

chimiothérapie complémentaire aavec cyclophosphamide, méthotrexate, 5-fluoro-uracile (5-FU) a été proposée à ce stade mais n’est pas validée ⁶⁷. Stade III Le traitement ne peut être que palliatif. Une monochimiothérapie par cyclophosphamide à haute dose suivie de GMCSF a été jugée efficace dans un cas, sans suivi prolongé ⁶⁸. Des polychimiothérapies ne permettent en règle qu’une rémission partielle de courte durée ⁶⁹. Les protocoles incluant doxorubicine et cyclophosphamide apportent un taux de réponses complètes de 38 % et de réponses partielles de 31 %. Les protocoles comportant des dérivés du platine donnent une réponse complète ou partielle dans respectivement 44 et 11 % des cas ⁷⁰. Un cas de rémission complète transitoire a été obtenu par association d’ifos f fam f ide, de carboplatine, et d’étoposide suivie d’une greffe autologue de cellules souches circulantes ⁷¹. La multiplicité des protocoles chimiothérapiques est due au fa f it qu’il n’y a pas de larges séries comparées permettant d’établir une conduite thérapeutique standardisée.

Conclusion Le CNEC reste une tumeur de pronostic sombre malgré les progrès thérapeutiques actuels. La mise au point de nouveaux modèles expérimentaux animaux et/ou à partir de lignées cellulaires, ainsi que l’acquisition d’une meilleure connaissance des fac f teurs pronostiques du CNEC permettront de mieux caractériser la nature de la cellule tumorale, de mieux comprendre son comportement biologique et donc de mieux préciser les indications thérapeutiques.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Claudy A. Carcinome neuro-endocrine cutané. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 63.1-63.8.

64

Mélanomes

Gaëlle Quereux, Brigitte Dreno Épidémiologie 64-1 Facteurs de risque 64-2 Histoire naturelle du mélanome 64-2 Diagnostic clinique 64-2 Formes anatomocliniques 64-4 Mélanome à extension superficielle 64-4 Mélanome nodulaire 64-4 Mélanome de Dubreuil 64-4 Mélanome acrolentigineux 64-4 Mélanome achromique 64-5 Mélanome sous-unguéal 64-5 Mélanome des muqueuses 64-5 Formes cliniques atypiques 64-5

e mélanome est une tumeur qui pose à l’heure actuelle un problème majeur de santé publique. En effet, il a été observé depuis plusieurs décennies une augmentation franche de son incidence, celle-ci doublant environ tous les 10 ans, et, actuellement, environ 6 000 nouveaux cas sont dépistés en France chaque année. Il est en outre essentiel de rappeler le pronostic relativement bon de cette tumeur lorsqu’elle est dépistée tôt, ce qui justifie d’encourager massivement la formation des soignants et l’information du grand public pour favoriser le dépistage précoce. Par ailleurs, dans les formes métastatiques, les traitements demeurent jusqu’à ce jour très décevants, ne donnant qu’un faible taux de réponses et souvent une réponse incomplète. L’émergence des immunothérapies dans ce domaine nous ouvre de nouveaux horizons et suscite beaucoup d’espoir.

L

Épidémiologie L’incidence du mélanome augmente considérablement depuis plusieurs décennies puisqu’elle double environ tous les 10 ans parmi les populations à peau blanche. En France celle-ci est évaluée à 8 à 9 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants ¹, avec d’importantes différences selon les régions. Ainsi, la Bretagne est la région où l’incidence est la plus élevée avec 11,4 mélanomes pour 100 000 habitants par an et la région Provence-Alpes-Côted’Azur celle où l’incidence est trois fois plus faible ¹.

Examen anatomopathologique 64-6 Diagnostic différentiel 64-7 Kératose ou verrue séborrhéique 64-7 Histiocytofibrome 64-7 Carcinome basocellulaire 64-7 Lentigo actinique 64-7 Botriomycome 64-7 Facteurs pronostiques 64-7 Traitement 64-7 Mélanome primitif 64-7 Atteinte locorégionale 64-9 Immunothérapie spécifique 64-10 Références 64-10

Par rapport aux autres pays de l’Union européenne, la France a une position intermédiaire entre les pays où l’incidence est élevée (Danemark et Suède) et les pays du sud de l’Europe où l’incidence est plus faible tels que la Grèce, l’Espagne ou le Portugal. Dans le reste du monde, on observe également des différences majeures selon la zone géographique et en particulier selon la latitude ². Ainsi, aux ÉtatsUnis, cette incidence est de 20 pour 100 000 habitants par an parmi la population à peau blanche ³ et l’on observe les incidences les plus élevées en Australie (40 nouveaux cas/100 000 habitants par an) ⁴ et en Nouvelle-Zélande (77 nouveaux cas/100 000 habitants et par an) ⁵. Cette augmentation d’incidence concerne essentiellement les mélanomes de faible épaisseur alors que les mélanomes intermédiaires ou épais ont une incidence relativement stable ⁴,⁶. Il en résulte une diminution de l’indice de Breslow médian observé ⁴. Toutefois, cette incidence doit être évaluée avec beaucoup de précautions car, selon les pays, la qualité de l’évaluation du nombre de cas varie énormément et l’exhaustivité est loin d’être la règle. La tenue des registres varie considérablement selon la législation du pays et selon l’importance que revêt le mélanome en termes de santé publique dans le pays. Il existe de plus un fort taux de « sous-déclarations » : ainsi, aux États-Unis, la « sous-déclaration » est évaluée entre 1 et 24 % du nombre total des cas de certains registres de cancérologie ⁷,⁸. Concernant la mortalité liée au mélanome, on observe dans

64-2

Mélanomes la majorité des études que la mortalité liée au mélanome augmente, mais cette augmentation est plus faible que celle de l’incidence ⁷,⁹. En outre, l’augmentation de la mortalité est essentiellement observée parmi les générations nées entre 1930 et 1940 alors qu’à l’inverse, dans les populations nées après 1950, on constate plutôt une stabilisation, voire une diminution, de taux de mortalité en particulier en Australie, aux États-Unis et en Europe ⁹-¹¹. La mortalité est évaluée actuellement en France à 1 000 personnes/an. Le fait que la mortalité croît moins que l’incidence et que l’augmentation d’incidence concerne essentiellement les mélanomes de faible épaisseur peut être interprété de différentes manières. La première hypothèse est que les campagnes d’information du public et de dépistage du mélanome ont permis de dépister les mélanomes à un stade plus précoce et donc de pronostic plus favorable. La seconde hypothèse est que la surveillance accrue a abouti à l’exérèse de certains mélanomes in situ qui n’auraient peut-être jamais évolué vers des formes invasives, ce qui augmente artificiellement l’incidence ⁶,¹⁰,¹². L’incidence du mélanome est légèrement supérieure chez l’homme par rapport à la femme et l’âge médian au diagnostic autour de 60 ans. Concernant le niveau socio-économique, il est observé que le mélanome est plus fréquent dans les populations à haut niveau socio-économique, mais que, par contre, le pronostic est plus sombre quand le niveau socio-économique est faible ¹³.

Facteurs de risque Le rôle du soleil dans la genèse du mélanome est à l’heure actuelle clairement établi ¹⁴. Les expositions solaires intenses et en particulier les coups de soleil dans l’enfance ¹⁵ et les expositions solaires intermittentes et brutales « de loisirs » sont les modes d’exposition les plus risqués, mais l’exposition chronique cumulative présente aussi un risque en particulier dans certains mélanomes tels que le mélanome de Dubreuilh ¹⁶. Les facteurs génétiques jouent également un rôle puisque environ 10 % des mélanomes surviennent dans un contexte familial, défini comme au moins deux mélanomes sur trois générations. Plusieurs loci de susceptibilité du mélanome ont été mis en évidence, traduisant une hétérogénéité génétique ¹⁷. L’une des premières mutations observées est celle de p16 INK4A ¹⁸,¹⁹, situé sur le chromosome 9 p21, qui est un gène suppresseur de tumeur de la famille des inhibiteurs de kinases dépendantes des cyclines. Dans les formes familiales, sa mutation est observée dans environ 20 % des cas. Une autre mutation observée dans les formes familiales de mélanome est la mutation de CDK4 ²⁰. Il s’agit alors d’une mutation activatrice, permettant à CDK4 d’échapper au contrôle négatif exercé par p16 INK4A. Cette mutation n’est retrouvée que dans environ 1 % des formes familiales de mélanome ¹⁷. Il a de plus été montré que certains variants du récepteur de type 1 de l’α MSH (MC1R) sont associés à certains phototypes (I et II), mais aussi à un risque accru de mélanome ²¹,²².

En outre, la majorité des facteurs de risque de mélanome (phototype clair, nombre élevé de nævi, nævi atypiques) sont génétiquement transmis. Les principaux facteurs de risque de mélanome peuvent être définis ainsi ²³-²⁶ : − phototype I ou II selon la classification de Fitzpatrick (peau claire, cheveux blonds ou roux, yeux clairs, éphélides) ; − nombre élevé de nævi (> 100) ²⁷ ; − nombre élevé de nævi atypiques (> 10) ²⁷ ; − antécédent personnel de mélanome ; − antécédent familial de mélanome ; − coups de soleil dans l’enfance ou expositions solaires brutales et intenses ; − immunodépression ²⁸.

Histoire naturelle du mélanome Dans la majorité des cas, le mélanome n’a pas de précurseur et il se développe de novo. En effet, même si les études ne sont pas formelles, on considère que seuls 20 à 30 % des mélanomes se développent à partir d’un nævus préexistant et le risque de transformation de n’importe quel nævus pris au hasard est extrêmement faible, ne justifiant aucunement des exérèses systématiques pour éviter l’apparition de mélanomes ²⁷. Le nævus congénital est une exception ; en effet, ce nævus présent dès la naissance présente un risque non négligeable de transformation en mélanome. Ce risque est très variablement évalué selon les études (entre 2 et 10 %) et très probablement surtout lié à la taille du nævus congénital. En effet les nævi congénitaux de grande taille (> 20 cm de diamètre) ont un risque beaucoup plus important ²⁹-³², justifiant une exérèse chirurgicale si elle est possible. Pour les nævi congénitaux de taille petite ou moyenne, compte tenu de la difficulté d’appréciation du risque de récidive, il n’y pas de consensus formel sur la prise en charge. On peut proposer soit une exérèse simple de la lésion, soit une surveillance clinique ³¹,³². La majorité des mélanomes ont initialement une évolution « horizontale », en nappe, au-dessus de la membrane basale, intraépidermique. Puis, secondairement, le mélanome s’infiltre en profondeur (phase verticale) avec une extension progressive dans le derme puis l’hypoderme. La dissémination du mélanome se fait par voie lymphatique et hématogène. Dans la majorité des cas (70 %), le mélanome récidive au niveau locorégional avant de récidiver au niveau viscéral ³³. Les sites métastatiques les plus couramment touchés sont les poumons (33 à 44 %), le système nerveux central (17 à 22 %), le foie (7 à 14 %) et l’os (7 à 8 %), mais tous les organes peuvent être atteints. Diagnostic clinique Le diagnostic du mélanome est un diagnostic clinique ³⁴. Il doit être précoce pour être efficace. Il nécessite un examen de l’ensemble du tégument du patient (patient complètement déshabillé) avec un bon éclairage. Aucun critère clinique n’est absolu, mais un certain nombre

Fig. 64.1 symétrie

Nævus asymétrique. La lésion pigmentée n’a pas de plan de

Les lésions suspectes sont : − soit une lésion pigmentée différente des autres nævi du sujet étudié (théorie du « vilain petit canard »). En effet, chez un même sujet les nævi ont en général tous à peu près le même aspect ; − soit une lésion pigmentée présentant un ou plusieurs des caractères suivants ³⁵ : A. asymétrie (fig. 64.1), B. bords irréguliers, encochés (fig. 64.2), C. couleur inhomogène (fig. 64.3), D. diamètre supérieur à 6 mm, E. évolutivité : il s’agit de la caractéristique la plus importante : en effet, une lésion dont l’aspect se modifie (changement de taille, de couleur, de forme) doit être considérée comme suspecte de mélanome. Si la lésion pigmentée présente l’ensemble de ces critères (fig. 64.4), il est alors assez aisé de diagnostiquer le mélanome, mais, bien souvent, les lésions n’ont qu’un ou deux

Coll. Pr B. Dreno, Nantes

de signes cliniques permettent de définir une lésion suspecte. La principale difficulté consiste à différencier un nævus cliniquement atypique d’un mélanome débutant.

Fig. 64.3 Nævus de couleur inhomogène (association de brun, de bleu et de rouge)

Fig. 64.2 Nævus aux bords irréguliers. Les contours de la lésion sont irréguliers, encochés, en carte de géographie

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Histoire naturelle du mélanome 64-3

Fig. 64.4 Lésion pigmentée asymétrique, aux bords irréguliers, de couleur inhomogène correspondant à un mélanome

Fig. 64.5

Mélanome à extension superficielle

critères et il est parfois bien difficile de différencier cliniquement un mélanome débutant d’un nævus atypique cliniquement. Toutefois, le critère E suffit à lui tout seul pour décider d’une exérèse lorsqu’il est présent. Les mélanomes sont en général des lésions asymptomatiques, sans prurit ni douleur, et le saignement est un symptôme tardif ³⁶. La dermoscopie peut être une aide au diagnostic ; toutefois, son utilisation nécessite un apprentissage. Il existe toute une sémiologie des signes dermoscopiques et les principaux signes de suspicion d’un mélanome sont : l’irrégularité du réseau, l’existence d’aires sans structures, d’un voile bleu gris, d’un courant radiaire et la présence de pseudopodes répartis irrégulièrement ³⁵,³⁷-³⁹. La dermoscopie est surtout utile pour les diagnostics différentiels (verrue séborrhéique, carcinome basocellulaire tatoué, angiome thrombosé) mais elle ne permet pas, à ce jour, de distinguer formellement un nævus atypique d’un mélanome débutant.

Formes anatomocliniques Les différentes formes anatomocliniques ont chacune des particularités d’aspect, de topographie, de terrain ou de mode évolutif qui les différencient les uns des autres.

Fig. 64.6

Mélanome nodulaire

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Coll. Pr B. Dreno, Nantes

Mélanomes

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64-4

Fig. 64.7

Mélanome de Dubreuilh invasif

Mélanome à extension superficielle La forme la plus fréquente est le mélanome à extension superficielle (ou superficial spreading melanoma). Il représente environ 60 à 70 % des mélanomes. Il peut concerner tous les âges et toutes les topographies. Il se caractérise par une première phase de progression horizontale qui peut être longue, la lésion est alors pigmentée irrégulière, polychrome mais sans relief (fig. 64.5). La phase d’extension secondaire verticale se manifeste par l’apparition d’un nodule brun, noir ou rosé. Mélanome nodulaire Le mélanome nodulaire (ou nodular melanoma) représente 15 à 20 % des mélanomes. Dans ce cas, la tumeur a d’emblée une croissance verticale et, cliniquement, la lésion est rapidement palpable (fig. 64.6). Mélanome de Dubreuil Le mélanome de Dubreuilh (ou lentigo malignant melanoma) se caractérise par la longueur de sa phase initiale non invasive. Il représente environ 5 à 10 % des mélanomes. Il concerne essentiellement les sujets de plus de 60 ans et siège presque exclusivement au niveau facial ¹⁶. Dans sa phase non invasive, il prend l’aspect d’une lésion pigmentée, claire, à limites irrégulières, parfois difficile à différencier cliniquement d’un simple lentigo actinique. Puis la lésion se modifie avec une pigmentation irrégulière et une extension en taille. L’apparition d’un nodule, d’une coloration très foncée ou, à l’inverse, d’une dépigmentation sont des signes pouvant faire craindre un passage au stade invasif (fig. 64.7). Mélanome acrolentigineux Le mélanome acrolentigineux est la forme anatomoclinique la plus rare puisqu’elle ne représente que 5 % des mélanomes sur peau blanche. Elle se caractérise par sa localisation exclusive aux extrémités (fig. 64.8). Elle est majoritaire chez les Noirs et les Asiatiques. La moyenne d’âge (60-70 ans) est supérieure à celle du mélanome en général (50 ans). Le pied est électivement touché, en particulier les zones de pression comme le talon (50 %). La possibilité

Fig. 64.8 Mélanome acrolentigineux : forme anatomoclinique rare se caractérisant par sa localisation aux extrémités d’une hyperkératose, de nodules végétants ou d’une ulcération peuvent constituer des difficultés diagnostiques. Mélanome achromique Le mélanome achromique est difficile à dépister cliniquement, il se présente comme une papule ou un nodule érythémato-violacé non pigmenté, pouvant faire évoquer cliniquement un botriomycome (fig. 64.9).

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Mélanome sous-unguéal Le mélanome sous-unguéal est de diagnostic difficile face à une pigmentation en bande sous-unguéale. Les pigmentations suspectes sont les pigmentations longitudinales extensives n’avançant pas avec l’ongle (à l’inverse des hématomes), inhomogènes, larges (> 5 mm), évolutives, ne touchant qu’un seul des ongles et associées à une pigmentation qui déborde sur le repli unguéal (signe de Hutchinson). Dans les formes plus évoluées, on peut parfois constater une destruction de la tablette unguéale (fig. 64.10). Cependant, 20 % des mélanomes sous-unguéaux sont achroniques.

Fig. 64.9

Mélanome achromique

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Formes anatomocliniques 64-5

Fig. 64.10 Mélanome sous-unguéal : lésion pigmentée en bande longitudinale sous-unguéale, inhomogène et débordant sur le repli unguéal Mélanome des muqueuses Sa fréquence est faible (5 % des mélanomes). La vulve et les muqueuses ORL constituent les localisations de prédilection. Le retard diagnostique est fréquent en raison du caractère fréquemment achromique (20 %) aggravant un pronostic péjoratif par la fréquence des atteintes ganglionnaires précoces. Formes cliniques atypiques Outre des formes cliniques classiques et d’emblée évocatrices du diagnostic, il existe de nombreuses formes cliniques atypiques de mélanome, de par leurs caractères séméiologiques, épidémiologiques ou évolutifs. Les formes achromiques constituent 5 % des mélanomes cutanés et 20 % des mélanomes muqueux et sous-unguéaux. Elles sont le plus souvent nodulaires, plus rarement à type de lentigo malin et exceptionnellement de type superficiel extensif. Le retard diagnostique en explique la gravité habituelle. Une dépigmentation cutanée peut être associée au mélanome : au sein de la tumeur et caractérisée par l’apparition de zones brun clair ou rosé ; en périphérie de la tumeur et proche du halonævus, mais l’irrégularité des bords du halo et le caractère excentrée de la tumeur plaident en faveur de la malignité ; à type de dépigmentation pseudovitiligineuse à distance de la tumeur, isolée à type de pseudovitiligo ou associé à d’autres signes, oculaires notamment, réalisant alors un pseudo-syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada. La mélanodermie diffuse accompagne habituellement des mélanomes métastatiques et se caractérise par une coloration gris bleu métallique prédominante sur les zones photoexposées. Le mélanome primitif multiple (2 % des mélanomes) est accru au cours des formes familiales et d’immunodéficience. Parmi les formes familiales de mélanome (6-12 %), une prédisposition génétique est rapportée pour le rétinoblastome bilatéral, le syndrome de Lynch de type 2, le syndrome de Li-Fraumeni et diverses génodermatoses (xeroderma pigmentosum, albinisme oculocutané, neurofibromatose de type 1). La survenue de cas de mélanomes sur des lésions précurseurs comme le nævus de Ota ou Ito, le nævus spi-

Mélanomes Tableau 64.1 Pronostic du mélanome selon le stade (évaluation) Mélanome primitif intraépidermique Breslow : 0,2-0,75 mm Breslow : 0,75-1,5 mm Breslow : 1,5-4 mm Breslow : > 4 mm Atteinte ganglionnaire locorégionale 1 ganglion > 4 ganglions Atteinte métastatique viscérale Médiane de survie : 6 mois

Risque de récidive

Risque de décès à 5 ans

Risque de décès à 10 ans

0% < 10 % 20 % 40 % 70 %

< 5% 10 % 30 % 40 %

< 5% 15 % 40 % 50 %

70 % > 80 %

50 % > 70 %

> 60 % > 80 %

lus ou le nævus bleu cellulaire est rare mais classique. En revanche, un lien de causalité est plus discutable sur les formes de mélanome survenant sur le site de cicatrices, de brûlures, de vaccinations et de tatouages en raison du faible nombre de cas rapportés. Le mélanome primitif inconnu représente 5 % des mélanomes et correspond soit à la régression complète de la tumeur primitive, soit à une localisation muqueuse non détectée ou la transformation de cellules mélanocytaires ganglionnaires ou ectopiques.

Examen anatomopathologique Si une lésion est considérée comme étant cliniquement suspecte d’être un mélanome, une confirmation histologique s’impose. Une exérèse complète de la lésion est alors réalisée, en prenant une marge saine de 2 à 3 mm. La biopsie est à proscrire, à l’exception de cas très particuliers où, en raison de la localisation ou de la taille de la lésion, une exérèse est difficile. L’examen anatomopathologique permet d’apporter, outre la confirmation ou non du diagnostic de mélanome, les données indispensables incluant : − caractère primitif ou non (récidive ou métastase) du mélanome ; − épaisseur maximale de la lésion exprimée en millimètres, également appelée indice de Breslow qui représente le meilleur critère pronostique (tableau 64.1) ; − présence éventuelle et étendue de phénomènes de régression ; − existence éventuelle d’une ulcération, qui est également un critère pronostic majeur ; − qualité de l’exérèse : en tissu sain latéralement et en profondeur. Les données complémentaires histologiques, d’intérêt inégal mais utile pour la prise en charge du malade, incluent : − le type histologique (fig. 64.11) : avec composante intraépidermique latérale (SSM, LMM, ALM, inclassable), sans composante latérale de type NM, de forme histologique particulière (à cellules fusiformes, desmoplas-

tique, sur nævus bleu, à déviation minime, dermiques primitifs...) ; − le niveau d’invasion des cellules tumorales dans la peau ou niveau de Clark (encadré 64.A) ; − l’importance de l’activité mitotique : présence d’embols vasculaires ou lymphatiques, de microsatellites, d’un neurotropisme...

Niveaux d’invasion de Clark Niveau 1 : intraépidermique (non invasif ou « in situ ») Niveau 2 : envahissement du derme papillaire superficiel et pas d’atteinte de l’interface avec le derme réticulaire Niveau 3 : comblement du derme papillaire ou refoulement de l’interface derme papillaire-derme réticulaire Niveau 4 : envahissement du derme réticulaire Niveau 5 : envahissement de l’hypoderme

64.A

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

64-6

Fig. 64.11 Mélanome de type SSM. Architecture pagétoïde de la composante intraépidermique latérale avec ascension de gros mélanocytes globoïdes isolés et/ou en thèques

Facteurs pronostiques

Coll. Pr B. Dreno, Nantes

(fig. 64.12). La palpation de la lésion entre deux doigts révèle sa principale caractéristique clinique : il s’agit d’un nodule aplati très dur donnant l’impression d’une pastille incluse dans la peau. Les formes très pigmentées peuvent être un diagnostic différentiel de mélanome.

Diagnostic différentiel

Facteurs pronostiques

Le principal diagnostic différentiel est le nævus. En effet, c’est la question principale que l’on se pose en examinant un patient : cette lésion pigmentée est-elle un simple nævus ou un mélanome débutant ? Grâce à l’examen de l’ensemble du tégument et donc des autres lésions pigmentées et, en s’aidant de la règle ABCDE, on arrive en général à trancher. Si la lésion est suspecte, il est alors indispensable de demander un avis spécialisé. Les autres diagnostics différentiels sont les suivants. Kératose ou verrue séborrhéique La kératose ou verrue séborrhéique, lésion bénigne et banale, est fréquente sur le tronc et la face chez les personnes âgées. Elle se présente comme une excroissance recouverte d’un enduit squamo-kératosique gras de teinte jaune brunâtre se détachant facilement.

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Histiocytofibrome L’histiocytofibrome pigmenté est une tumeur bénigne apparaissant en général chez l’adulte surtout sur les membres et qui se présente comme une lésion arrondie de 5 à 20 mm de diamètre de consistance ferme plus ou moins pigmentée

Carcinome basocellulaire tatoué

Lentigo actinique Le lentigo actinique est parfois difficile à différencier d’un mélanome de Dubreuilh non invasif. Botriomycome Le mélanome achromique peut mimer un botriomycome.

Fig. 64.12 Histiocytofibrome pigmenté. Tumeur bénigne fibreuse donnant l’impression d’une pastille incluse dans la peau à la palpation

Fig. 64.13

Carcinome basocellulaire Le carcinome basocellulaire dans sa forme pigmentée ou tatouée peut être confondu avec un mélanome (fig. 64.13).

Le pronostic du mélanome est très différent selon le stade de la maladie (tableau 64.1). Au stade primitif cutané, la survie est d’environ 72 % à 5 ans. Le principal marqueur pronostique est l’indice de Breslow (tableau 64.1). Les autres marqueurs sont la présence d’une ulcération, un ganglion sentinelle positif et, dans une moindre mesure, le type anatomoclinique (les mélanomes nodulaires et acrolentigineux sont de plus mauvais pronostic), la localisation de la lésion (la tête le cou et le dos sont de plus pronostic défavorable) et le sexe (le pronostic est plus sombre chez l’homme) ⁴⁰-⁴². Au stade de récidive ganglionnaire, la survie à 5 ans n’est plus que d’environ 30 %. Les deux principaux marqueurs pronostiques sont le nombre de ganglions envahis et l’existence d’un dépassement capsulaire. Au stade métastatique, la survie à 5 ans est d’environ 1015 %.

Traitement Mélanome primitif Exérèse chirurgicale Après la confirmation histologique du diagnostic de mélanome, il convient de réaliser une reprise chirurgicale de manière à obtenir une exérèse complète et large de la lésion avec des marges de sécurité en peau saine. Le choix des marges est dicté par le niveau d’invasion et l’épaisseur de la lésion. Les marges conseillées sont les suivantes : − pour les mélanomes intraépidermiques : marges de 0,5 cm ; − si l’indice de Breslow est inférieur ou égal à 1 mm : marges de 1 cm ; − si l’indice de Breslow est compris entre 1,01 et 2 mm : marges de 1 à 2 cm ; − si l’indice de Breslow est compris entre 2,01 et 4 mm : marges de 2 cm ; − si l’indice est supérieur à 4 mm : marge de 2 à 3 cm. Aucune marge supérieure à 3 cm ne doit donc être réalisée ⁴³-⁴⁸.

64-7

64-8

Mélanomes Tableau 64.2 Classification AJCC du mélanome (sixième, mars 2000) Classification TNM Classification T : épaisseur tumorale T1

≤ 1 mm

T2

1,01 à 2 mm

T3

2,01 à 4 mm

T4

> 4 mm

Classification N N1

1 ganglion envahi

N2

N3 Classification M M1 M2 M3

a : sans ulcération b : avec ulcération ou niveau IV ou V de Clark a : sans ulcération b : avec ulcération a : sans ulcération b : avec ulcération a : sans ulcération b : avec ulcération

a : micrométastase b : macrométastase 2-3 ganglions envahis a : micrométastase b : macrométastase c : métastase en transit ou microsatellite, sans métastase ganglionnaire 4 métastases ganglionnaires ou plus, ganglions infectés ou association avec des métastases en transit/microsatellite ou mélanome ulcéré et ganglions métastatiques Métastase à distance cutanée, ganglionnaire LDH normale ou osseuse Métastase pulmonaire LDH normale Autres métastases viscérales LDH normale ou métastases à distance LDH élevée

Classification par stades Mélanome localisé

Métastases régionales

Métastases à distance

0 IA IB IIA IIB IIC IIIA IIIB IIIC IV

Par ailleurs, pour les mélanomes de Dubreuilh non invasifs, une marge de 1 cm est recommandée. Si cette marge ne peut être appliquée pour des raisons anatomiques ou fonctionnelles, une marge de 0,5 cm est acceptable sous couvert d’un contrôle histologique strict des berges ⁴³. La fermeture est assurée par une suture directe ou un greffe de peau totale. Dans les localisations anatomiques telles que la tête et le cou, la fermeture par lambeau de rotation ou d’avancement peut se discuter bien que cette technique rende plus compliquée la surveillance ultérieure et pose le problème du risque d’embol métastatique lors des décollements nécessaires à la réalisation du lambeau. Les mélanomes des doigts et des orteils nécessitent généralement

Tis T1a T1b et T2a T2b et T3a T3b et T4a T4b Tout T1-4a Tout T1-4a Tout T Tout T

Classification clinique N0 N0 N0 N0 N0 N0 N1a N2b N2c et N3 Tout N

M0 M0 M0 M0 M0 M0 M0 N0M0 M0 Tout M

une amputation à une distance de 2 cm du bord de la tumeur. Ganglion sentinelle La technique du ganglion sentinelle (ou lymphadénectomie sélective) consiste à repérer puis à analyser le premier ganglion de drainage du mélanome à la recherche de micrométastases. Pour cela, on injecte dans le site lésionnel un marqueur coloré ou radioactif qui va diffuser jusqu’au premier relais ganglionnaire. Celui-ci est repéré et une adénectomie est réalisée. Le ganglion est ensuite analysé à la recherche d’un envahissement par le mélanome. Morton est le premier à avoir proposé cette technique dans la prise en charge du mélanome ⁴⁹. Les études sur le ganglion sentinelle dans le mélanome

Traitement 64-9 montrent que l’on retrouve une atteinte ganglionnaire dans 15 à 20 % des cas et que par ailleurs cette donnée a une très bonne valeur pronostique sur la rechute en complément de l’indice de Breslow ⁵⁰-⁵⁹. En effet, le risque de récidive est significativement plus élevé parmi les sujets ayant un ganglion sentinelle positif. Par contre, il n’a jamais été démontré que cette technique induit un allongement de la durée de survie des patients, ce qui explique qu’elle n’a pas, à l’heure actuelle, sa place en routine dans la prise en charge du mélanome ; mais elle peut être proposée dans le cadre d’essais thérapeutiques ou de protocoles d’évaluation pour les mélanomes dont l’indice de Breslow est supérieur à 1 mm ou qui sont ulcérés ⁴³. Sa réalisation nécessite une équipe pluridisciplinaire entraînée (dermatologue, médecin nucléaire, chirurgien, anatomopathologiste). Bilan d’extension et surveillance Le bilan d’extension réalisé lors de la découverte d’un mélanome est extrêmement variable d’un pays à l’autre et même d’une équipe à l’autre. Les dernières recommandations tendent à réduire au maximum ces investigations, aucune étude n’ayant objectivé l’intérêt d’un bilan d’extension exhaustif. De plus, le principal mode de récidive étant ganglionnaire, il apparaît logique d’orienter la surveillance essentiellement vers le dépistage précoce des métastases ganglionnaires. Le suivi est avant tout clinique. Il est d’abord cutané à la recherche d’une éventuelle récidive ou d’un second mélanome. L’examen de toutes les aires ganglionnaires est également essentiel. Il convient ensuite de faire un examen clinique plus « général » de manière à dépister une éventuelle récidive viscérale. La sixième classiciation AJJC (mars 2000) est rappelée dans le tableau 64.2. Les recommandations pour le suivi sont les suivantes ⁴³ : − pour les patients de stade I AJCC (6 e classification) (indice de Breslow inférieur à 1 mm ulcéré ou non et indice de Breslow entre 1 et 2 mm non ulcéré) : − suivi clinique tous les 6 mois pendant 5 ans, puis une fois par an à vie, − aucun examen complémentaire systématique ; − pour les patients de stade IIA et IIB AJCC (6 e classification) (indice de Breslow entre 1 et 2 mm ulcéré, indice de Breslow entre 2 et 4 mm ulcéré ou non, et indice de Breslow supérieur à 4 mm non ulcéré) : − suivi clinique tous les 3 mois pendant 5 ans, puis une fois par an à vie, − échographie locorégionale de la zone de drainage tous les 3 à 6 mois pendant les cinq premières années. Aucun autre examen complémentaire n’est recommandé en systématique. Traitement adjuvant Le seul traitement ayant fait la preuve de son efficacité en adjuvant dans les mélanomes primitifs est l’interféron α ⁶⁰-⁶⁴. Deux schémas thérapeutiques ont l’autorisation de mise sur le marché. Pour les mélanomes primitifs dont l’indice de Breslow est supérieur à 1,5 mm, on peut proposer un traitement par interféron α2a 3 mUI, 3 fois par semaine, pendant 18 mois. Pour les mélanomes à haut risque de rechute, l’interféron α2b à fortes doses (schéma de Kirkwwod) peut être proposé : 20 mUI/m 2 par voie intraveineuse, 5 jours  AJCC American joint committee on cancer

sur 7 pendant 4 semaines puis 10 mUI par m 2 par voie souscutanée trois fois par semaine pendant 48 semaines. L’importance des effets secondaires potentiellement sévères inhérents à ce schéma à fortes doses limite considérablement son utilisation. L’intérêt de l’usage d’une forme retard d’interféron (interféron pégylé) est en cours d’évaluation. Il a par contre été clairement établi que le curage ganglionnaire systématique prophylactique n’apporte pas de bénéfice au patient en termes de récidive ou de survie ⁶⁵. Atteinte locorégionale Atteinte ganglionnaire locorégionale En cas de récidive dans l’aire ganglionnaire de drainage, le traitement repose sur la chirurgie. Il consiste en la réalisation d’un curage ou évidement ganglionnaire régional. Les deux principaux critères pronostiques sont alors le nombre de ganglions envahis (tableau 64.1) et la présence éventuelle d’une effraction capsulaire. Ce curage peut être associé à un traitement adjuvant par interféron α à doses intermédiaires (10 mUI) ou fortes (schéma de Kirkwood). Des traitements adjuvants par thérapie cellulaire tels que les TIL (tumour infiltrating lymphocytes) font l’objet de protocoles de recherche clinique. Atteinte cutanée locorégionale En cas de récidive cutanée locorégionale, la chirurgie est indiquée en première intention quand elle est réalisable. Il est alors réalisé une exérèse du ou des nodules avec quelques millimètres de marge de sécurité. Si les récidives sont multiples ou volumineuses, la chirurgie est alors le plus souvent récusée et le traitement repose sur la chimiothérapie ou sur des thérapeutiques plus innovantes telles que la vaccination par des antigènes tumoraux (cf. immunothérapie spécifique) ou des immunothérapies cellulaires ⁶⁶. C’est à ce stade évolutif que l’on obtient les meilleures réponses avec l’immunothérapie spécifique. Atteinte métastatique à distance Au stade métastatique, le traitement repose dans la majorité des cas sur la chimiothérapie. La molécule de référence est la dacarbazine (Déticène) : elle est utilisée à la dose de 1 g/m 2 administrée sur 2 à 4 jours tous les mois. D’autres cytostatiques sont également utilisés seuls ou en association tels que le muphoran, la vindésine, le cisplatine, le témozolomide, la bléomycine, la vincristine ou la lomustine. Il existe différents protocoles thérapeutiques (mono- ou polychimiothérapies), mais les résultats obtenus sont globalement décevants avec un taux de réponses de 15 à 25 %. La majorité de ces réponses ne sont que partielles et de courte durée. Aucune étude randomisée contrôlée n’a montré la supériorité des polychimiothérapies par rapport aux monothérapies (le taux de réponses est parfois plus élevé, mais la survie globale n’est pas modifiée). La biochimiothérapie est l’association d’une chimiothérapie avec un immunomodulateur (interféron α ou interleukine 2). Des taux de réponses de l’ordre de 40 % ont été obtenus avec ce type de traitement, mais le retentissement sur la qualité de vie est important et la survie globale n’est pas significativement augmentée.

64-10 Mélanomes Le mélanome est une tumeur peu radiosensible, la rad r iothérap r ie est peu utilisée dans sa prise en charge. Elle est discutée en association av a ec la chimiothérapie dans les métastases cérébrales ou aavec la chirurgie dans les localisations cérébrales uniques, mais les preuves de son intérêt manquent. Elle peut également av a oir sa place dans certaines localisations osseuses ou cutanées à titre palliatif. Au stade métastatique, la chirurg r ie n’a sa place que dans les localisations uniques (confirmées par un bilan d’extension précis) pour lesquelles l’exérèse peut être complète. Immunothérapie spécifique Depuis une dizaine d’années, de nombreux antigènes de tumeurs ont été découverts et l’immunothérapie spécifique est en pleine expansion dans le mélanome. L’objectif principal de cette immunothérapie est de rompre l’état de to-

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lérance immunitaire qui permet la croissance incontrôlée de la tumeur. Il existe deux possibilités pour induire une immunité spécifique : − l’immunisation active, fondée sur l’injection au malade d’un ou plusieurs antigènes tumoraux afin de stimuler une réponse immunitaire T in vivo. Ces essais consistent à inj n ecter ou des protéines, ou des peptides issus de celles-ci, ou des cellules dendritiques présentatrices de ces antigènes ⁶⁷ ; − l’immunisation passive ou adoptive consiste à transférer au malade ses propres lymphocytes (spécifiques ou non du ou des antigènes choisis). Ces lymphocytes sont générés ex vivo à partir du sang périphérique ou de la tumeur du patient ⁶⁸. De nombreuses études fond f ées sur ces deux principes sont actuellement en cours et les résultats sont prometteurs ⁶⁶,⁶⁹,⁷⁰.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Quereux G, Dreno B. Mélanomes. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 64.1-64.12.

65

Maladie de Kaposi

Bernard Guillot, Nicolas Dupin Virus herpès humain 8 (HHV-8) 65-1 Historique 65-1 Structure du virus et cycle de réplication 65-2 Épidémiologie 65-2 Maladies associées 65-2 Lésions cliniques 65-3 Histologie 65-5 Spécificités cliniques et évolutives 65-5 Maladie de Kaposi classique 65-5 Maladie de Kaposi africaine endémique 65-5 Maladie de Kaposi au cours des greffes d’organe 65-6 Maladie de Kaposi au cours du SIDA ou forme épidémique 65-6

a maladie de Kaposi (MK) est une prolifération cellulaire multicentrique dont la nature néoplasique reste discutée. Décrite initialement en 1872 par le dermatologue viennois Moritz Kaposi sous le nom de « idiopathic multiple pigmented sarcomas of the skin », elle survient dans différents contextes épidémiologiques permettant d’individualiser quatre formes principales : la MK classique ou méditerranéenne ; la MK endémique décrite en Afrique subsaharienne avant l’épidémie VIH ; la MK survenant après greffes d’organe ou immunosuppression iatrogène ; la MK liée à l’infection VIH ou épidémique. Ces différentes formes de MK partagent des lésions cliniques élémentaires et un tableau histologique comparable caractérisé par une prolifération de cellules fusiformes d’origine endothéliale, et un agent étiologique viral unique, le virus herpès humain 8 (HHV-8).

L

Virus herpès humain 8 (HHV-8) Historique La découverte du virus HHV-8 en 1994 par l’équipe de Yuan Chang et de Pat Moore ¹ a bouleversé la communauté scientifique travaillant sur la physiopathologie de la maladie de Kaposi (MK). L’hypothèse du rôle d’un agent infectieux dans la MK avait cependant été émise depuis le milieu des années 1960 et Gaetano Giraldo en 1974 avait été le premier à mettre en évidence la présence de particules de type herpesviridae dans des lignées primaires dérivées de tu EBV Epstein-Barr virus · HHV human herpes virus

Évolution et pronostic 65-6 Diagnostic différentiel 65-7 Pseudo-« sarcomes » de Kaposi 65-7 Angiomatose bacillaire 65-8 Traitement 65-8 Moyens de traitement 65-8 Indications thérapeutiques 65-9 Maladie de Kaposi classique 65-9 Maladie de Kaposi africaine 65-9 Maladie de Kaposi iatrogène 65-9 Maladie de Kaposi associée au SIDA 65-9 Références 65-10

meurs de Kaposi. Par la suite, les travaux n’avaient pas permis de mettre en évidence le rôle de certains virus comme le cytomégalovirus ou le virus Epstein-Barr (EBV). L’hypothèse infectieuse de la MK était relancée par les études épidémiologiques menées depuis les années 1980 sur la MK du SIDA. En 1990, puis en 1992, deux études menées par Valérie Beral ² avaient très élégamment démontré que, d’une part, la MK chez les sujets infectés par le VIH pouvait être causée par un agent infectieux sexuellement transmissible et, d’autre part, que cet agent infectieux pouvait être transmis par des pratiques sexuelles assez spécifiques. Partant de ces constatations, les découvreurs du virus HHV-8 ont appliqué une technique de biologie moléculaire originale appelée « amplification différentielle ». Cette technique part du postulat qu’une maladie puisse être secondaire à un agent infectieux seulement ou majoritairement présent dans les lésions (ici la maladie de Kaposi) et absent ou très minoritairement présent dans le tissu sain (ici la peau saine) chez un même individu. Les procédés moléculaires consistent à enrichir le tissu lésé en « matériel génomique » (ADN ou ARN) de l’agent recherché afin de mettre en évidence sa présence dans le seul tissu lésé. L’amplification différentielle a permis aux auteurs de détecter un fragment d’ADN dans les lésions de MK d’un patient infecté par le VIH. La séquence de ce fragment d’ADN présentait des homologies avec des gènes des gammaherpesvirus herpès saimiri et le virus Epstein-Barr (EBV). Une réaction d’amplification génomique permettait par la suite de démontrer

Maladie de Kaposi

v-MIP-I v-MIP-II K1

Régions propres à HHV-8 et aux Rhadinovirus

v-bcl2

v-IL6

v-IRF

ORF

v-TK DNA Pol ORF 9

kb Fig. 65.1

0

LNA-1 v- Cyc ORF 73 v-GCR ORF 72 ORF 74 K12

Régions conservées avec les autres herpès virus

ORF

40 ORF

21

ORF

41

65 Protéine du tégument ORF

Hélicases

50

100

Coll. Pr N. Dupin, Paris

65-2

Représentation schématique de la carte génomique de l’HHV-8

la présence de ce fragment dans les seuls tissus kaposiens et non dans d’autres prélèvements, en dehors de quelques lymphomes qui s’avérèrent plus tard être des lymphomes des séreuses. Structure du virus et cycle de réplication L’HHV-8, également dénommé KSHV pour Kaposi’s sarcoma associated herpesvirus, appartient à la famille des Herpesviridae et à la sous-famille des Gammaherpesvirinae qui comprend également le virus herpès saimiri et le virus EBV ³. Il s’agit d’un virus de 120 à 150 nm de diamètre possédant une capside icosaédrique. Le génome viral est constitué par un ADN bicaténaire de 165 kpb et la réplication du génome est nucléaire. Le virus HHV-8 possède un nombre très important de gènes impliqués dans les mécanismes de régulation de la prolifération cellulaire dont certains pourraient avoir été « piratés » par le virus au génome de la cellule « hôte » au cours de son évolution (fig. 65.1). Épidémiologie Les voies de transmission du virus HHV-8 restent débattues. La transmission sexuelle est démontrée chez les homosexuels et les bisexuels, mais semble marginale chez les hétérosexuels. Dans les pays où la prévalence de l’infection HHV-8 est élevée, la transmission pourrait avoir lieu dans la petite enfance de la mère à l’enfant et d’enfant à enfant, illustrant la prédominance d’une transmission horizontale notamment par contacts salivaires répétés. Dans le cadre de la transplantation d’organe, la transmission du virus du donneur au receveur a été rapportée. Si la transmission sanguine paraît très faible dans les pays industrialisés, elle est non négligeable dans les pays à forte endémie. Les études de prévalence du virus HHV-8 permettent de retenir trois  EBV Epstein-Barr virus · HHV human herpes virus

profils de distribution. Les pays où la prévalence est faible et comprise entre 1 et 5 % représentés par les pays industrialisés de l’Europe de l’Ouest et des États-Unis. Les pays où la prévalence est intermédiaire et estimée entre 15 et 25 % représentés par les pays du pourtour méditerranéen et possiblement l’Europe de l’Est. Les pays à forte prévalence pouvant aller au-delà de 50 % représentés par les pays d’Afrique sub-saharienne. Maladies associées Le virus HHV-8 est clairement associé à toutes les formes épidémiologiques de MK, c’est-à-dire la MK classique, la MK endémique, la MK iatrogénique et la MK épidémique associée au SIDA. Le virus HHV-8 est également associé à des proliférations lymphoïdes rares notamment la maladie de Castleman multicentrique et les lymphomes des séreuses. La charge virale et le statut du virus dans ces différentes tumeurs semblent assez spécifiques (fig. 65.2). Ainsi, au cours de la MK, le virus est retrouvé très majoritairement sous forme latente dans les cellules fusiformes « spindle cells » qui caractérisent les tumeurs de Kaposi. On estime que la charge virale dans une cellule fusiforme est entre une et cinq copies par cellule. Le virus peut être retrouvé dans les cellules du sang. Les cellules majoritairement infectées sont les lymphocytes B et également des cellules circulantes possiblement d’origine endothéliale qui pourraient véhiculer le virus jusqu’à la peau, lieu d’expression clinique de la MK. La cellule fusiforme qui caractérise le versant cellulaire de la prolifération kaposienne est très probablement d’origine endothéliale lymphatique ou vasculaire. Si l’association du virus HHV-8 et de la MK est admise, les mécanismes exacts qui conduisent chez un individu au

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Maladie de Kaposi

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Fig. 65.5 Tuméfaction nodulaire et hyperkératosique plantaire au cours d’une maladie de Kaposi endémique

Fig. 65.4 Tuméfactions papulo-nodulaires violines isolées ou coalescentes, groupées sur la face postérieure du membre inférieur, au cours d’une maladie de Kaposi méditerranéenne 

le tube digestif est le plus souvent touché. La cavité buccale peut être le siège de lésions planes, violacées ou nodulaires, angiomateuses, facilement hémorragiques (fig. 65.8). L’atteinte gastrique peut se révéler par des épigastralgies, plus rarement par une anémie microcytaire en rapport avec un saignement microscopique, exceptionnellement par une hématémèse. L’intestin grêle et le côlon peuvent également être le siège de lésions spécifiques. Des lésions kaposiennes peuvent siéger au niveau de l’anus. Elles se manifestent par des plaques violacées, voire des nodules responsables de signes fonctionnels ou de saignements,  des localisations hépatiques ou spléniques sont fréquemment observées sur les séries autopsiques. Elles sont rarement symptomatiques et le plus souvent de découverte fortuite au cours d’explorations complémentaires d’imagerie,

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65-4

Fig. 65.6 Nodule angiomateux ulcéré d’une jambe au cours d’une maladie de Kaposi endémique 



le poumon peut être le siège de lésions spécifiques se révélant par des opacités parenchymateuses, des nodules trachéaux ou bronchiques parfois responsables d’atélectasies, voire d’épanchements pleuraux, une atteinte osseuse peut être observée, soit en contiguïté avec une lésion cutanée, soit à distance,

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Spécificités cliniques et évolutives 65-5

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Fig. 65.8 Plaques et nodules ulcérés angiomateux du palais au cours d’une maladie de Kaposi chez un patient immunodéprimé non SIDA

Fig. 65.7 Lymphœdème kaposien de la jambe gauche au cours d’une maladie de Kaposi méditerranéenne le plus souvent sous la forme de zones ostéocondensées,  les atteintes cérébrales, rares, se révèlent en général par un tableau d’hypertension intracrânienne associée ou non à des signes de localisation,  d’autres localisations systémiques sont décrites : cœur, glandes endocrines, ovaires, testicules, voies urinaires, etc.

Histologie Quel que soit le type épidémiologique, les lésions de MK ont une signature histologique commune ⁵,⁶. Elles siègent dans le derme et sont constituées d’une double prolifération de cellules fusiformes et de cellules endothéliales plus ou moins bien différentiées (fig. 65.9). Dans certains cas, l’aspect est clairement angiomateux avec des néo-vaisseaux bien individualisables. Dans d’autres cas, ces néo-vaisseaux sont à peine visible, constitués de simples fentes vasculaires limitées par des cellules fusiformes. Il s’y associe un infiltrat inflammatoire lymphocytaire d’intensité variable. Des globules rouges extravasés à partir des vaisseaux néoformés (globules hyalins) sont constamment retrouvés, bien mis en évidence par la coloration de Perls. Le degré de différenciation peut être variable chez un même sujet, mais ne semble pas avoir de caractère pronostique particulier.  HHV human herpes virus

Les études en immunohistochimie permettent un marquage des cellules fusiformes exprimant une différenciation vasculaire par les anticorps CD34 et CD31. La mise en évidence d’un marquage par un anticorps anti-HHV8 des cellules fusiformes ainsi que des cellules endothéliales des vaisseaux anormaux (marquage nucléaire) permet de confirmer le diagnostic de manière formelle et la distinction avec d’autres tumeurs à contingent vasculaire, y compris dans les formes précoces (fig. 65.10).

Spécificités cliniques et évolutives Maladie de Kaposi classique Elle survient en règle générale chez des malades âgés, principalement des hommes avec un sex-ratio de 15/1. Les malades sont le plus souvent d’origine juive askhénaze ou habitent dans le pourtour méditerranéen. Les lésions siègent, tout au moins au début, essentiellement au niveau des pieds et des membres inférieurs : dos du pied, espaces interdigitaux-plantaires, mollet (fig. 65.11). Un œdème des membres inférieurs est souvent net, parfois très important. L’évolution se fait de manière très lente, souvent ascendante, avec atteinte possible des membres supérieurs, plus rarement du tronc ou des muqueuses. L’atteinte viscérale est rare et sans doute inférieure à 10 % des cas. Le pronostic vital est rarement mis en jeu. En revanche, l’importance de l’œdème, les localisations plantaires ou périarticulaires des nodules peuvent être la source d’une gêne fonctionnelle sévère. Une augmentation du nombre de lymphomes ou de cancers dans la population atteinte de MK classique a été signalée par certains auteurs, mais la réalité de cette augmentation d’incidence n’est pas démontrée. Maladie de Kaposi africaine endémique Trois formes peuvent être individualisées ⁷ : − la forme indolente ou « nodulaire localisée », très comparable à la forme classique, qui touche plutôt les hommes âgés, prédomine aux membres, notamment inférieurs

Maladie de Kaposi

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

65-6

Fig. 65.9 Histologie d’une maladie de Kaposi : prolifération de cellules fusiformes et de petites fentes vasculaires malformées associées à de nombreux globules rouges extravasés

Fig. 65.10

et dont l’évolution est lente et rarement mortelle ; − la forme floride ou agressive, dont le début peut être comparable à la forme précédente, mais qui a une évolution cutanée voire viscérale rapide. Les lésions cutanées sont volontiers ulcérées et végétantes, avec une tendance à l’envahissement des parties molles et des os sous-jacents par contiguïté (fig. 65.12). Dans certains cas, la dissémination viscérale apparaît d’emblée. La population atteinte est souvent plus jeune et le sex-ratio tend à s’équilibrer. Cette forme met en jeu le pronostic vital souvent rapidement ; − la forme de l’enfant, presque exclusivement ganglionnaire, pseudo-lymphomateuse, d’évolution très agressive et souvent mortelle. Les lésions cutanées, lorsqu’elles existent, sont volontiers localisées sur l’extrémité céphalique, en particulier en zone périorbitaire.

Fig. 65.11 Maladie de Kaposi méditerranéenne débutante : atteinte des espaces interdigitaux et du dos du pied

Maladie de Kaposi au cours des greffes d’organe Elle est abordée en détail dans le chap. 67, « Cancers cutanés après transplantation d’organe ». Maladie de Kaposi au cours du SIDA ou forme épidémique Il s’agit d’une forme volontiers agressive et pluriviscérale, touchant plus volontiers les hommes homosexuels ou bisexuels. L’atteinte cutanée est le plus souvent inaugurale. Elle siège sur les membres inférieurs, le tronc (fig. 65.13) et le visage. Un œdème local, notamment périorbitaire, peut être observé. Les atteintes muqueuses sont fréquentes : orales (palais, face interne des joues, gencives), conjonctivales et génitales (fig. 65.14). L’atteinte du tractus digestif (œsophage, estomac, duodénum, côlon et rectum) est notée dans près de 40 % des cas. La présence de symptômes digestifs à type de douleurs abdominales, de nausées, de vomissements ou de saignement digestif doit conduire à réaliser une endoscopie digestive. L’atteinte pulmonaire est fréquente mais radiologiquement peu spécifique. Les autres localisations extracutanées peuvent faire discuter d’autres affections également rencontrées au cours du SIDA : lymphome en cas d’atteinte ganglionnaire, abcès cérébral ou toxoplasmose au cours d’une localisation cérébrale...  HHV human herpes virus

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Marquage des cellules fusiformes par l’anticorps anti-HHV-8

La fréquence de la MK épidémique a fortement diminuée depuis l’introduction des thérapeutiques antirétrovirales hautement actives (HAART pour highly active antiretroviral treatment). Par contre, des exacerbations des lésions peuvent être observées lors de l’introduction d’un tel traitement, réalisant alors un véritable syndrome de restauration immunitaire, comme on peut le voir au cours de certaines manifestations infectieuses du SIDA ⁸.

Évolution et pronostic L’évolution de la MK est très variable selon la forme clinique et épidémiologique. Si la forme endémique est le plus souvent indolente, des évolutions agressives sont parfois signalées. Au cours du SIDA, les risques vitaux sont liés, en dehors de l’évolution de l’infection rétrovirale en elle-même, à l’atteinte pulmonaire, la cachexie et les complications thérapeutiques. Une classification pronostique en quatre stades a été proposée par Krigel en 1983 ⁹ : − stade I : forme cutanée pure, localisée, peu agressive ; − stade II : forme cutanée localement agressive, avec ou sans adénopathies locorégionales ;

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Diagnostic différentiel 65-7

Fig. 65.13 au SIDA

Atteinte du tronc au cours d’une maladie de Kaposi associée

Fig. 65.14 au SIDA

Atteinte génitale au cours d’une maladie de Kaposi associée

Fig. 65.12 Maladie de Kaposi africaine chez un patient d’origine guinéenne : ulcérations et hyperkératose du pied ayant nécessité une amputation du pied

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− stade III : formes cutanéo-muqueuses généralisées et/ ou ganglionnaire ; − stade IV : forme viscérale. Une classification clinico-immunologique ou classification TIS (tumeur, système immunitaire, symptômes systémiques) a également été proposée pour les formes associées au SIDA (tableau 65.1).

Diagnostic différentiel L’aspect clinique des lésions et le contexte épidémiologique sont souvent hautement évocateurs de la maladie. Cependant, en cas de lésions uniques ou peu nombreuses, il est possible de discuter un lymphome cutané, une métastase d’aspect angiomateux, voire une autre tumeur vasculaire bénigne ou maligne. Cependant, les aspects histologiques et surtout la positivité du marquage avec un anticorps antiHHV8 permettent de redresser facilement le diagnostic. En pratique, deux affections peuvent être discutées de manière plus précise : les différentes formes de pseudo-« sarcomes » de Kaposi et l’angiomatose bacillaire.

Pseudo-« sarcomes » de Kaposi ¹⁰ Ils peuvent être liés à trois causes : − au cours de l’insuffisance veineuse chronique, variqueuse ou post-phlébitique (syndrome de Mali) : il s’agit de plaques érythémateuses et violacées, parfois kératosiques, siégeant en regard des espaces interdigitaux plantaires et sur le dos du pied, plus rarement sur

Tableau 65.1 Classification TIS (tumeur, système immunitaire, symptômes systémiques) de la maladie de Kaposi T = tumeur

I = système immunitaire S = symptômes systémiques

 HHV human herpes virus

Meilleur risque = 0 Restreinte à : — peau et/ou — ganglion et/ou — lésions planes du palais Lymphocytes CD4 > 200/mm 3 Pas d’antécédent d’infection opportuniste Pas d’antécédent de candidose buccale Pas de fièvre ou d’amaigrissement Indice de Karnofsky > 70 %

Mauvais risque = 1 Associée à : — œdème et/ou ulcération cutanée — lésions buccales non planes — autres localisations viscérales Lymphocytes CD4 < 200/mm 3 Antécédents d’infections opportunistes Antécédents de candidose buccale Fièvre et/ou amaigrissement Indice de Karnofsky < 70 % Présence d’une atteinte neurologique et/ou d’un lymphome

65-8

Maladie de Kaposi

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la face antérieure de la jambe (fig. 65.15) ; − au cours des fistules artério-veineuses (syndrome de Stewart-Bluefarb) : la lésion survient souvent chez des sujets jeunes, après un épisode déclenchant comme un traumatisme, une intervention vasculaire ou une grossesse. Elle se manifeste par un nodule ou une plaque angiomateuse unilatérale et douloureuse, souvent distale. La fistule artérioveineuse est le plus souvent attestée par les examens échographiques et/ou angiographiques ; − au cours des paralysies des membres inférieurs, à type d’hémi- ou de paraplégie. Il s’agit de placards angiomateux plus ou moins infiltrés siégeant au niveau du ou des membres paralysés, en distalité (dos du pied, cheville). L’évolution peut être régressive en fonction de la récupération neurologique.

Fig. 65.15 Tuméfaction violine développée progressivement au cours d’une insuffisance veineuse et un lymphœdème chronique de jambe : pseudosarcome de Kaposi (syndrome de Mali)

 HHV human herpes virus

Au cours de ces trois formes, l’histologie est comparable à celle d’une authentique maladie de Kaposi, mais le marquage avec les anticorps anti-HHV8 est constamment négatif. Angiomatose bacillaire Elle survient plus volontiers chez des sujets immunodéprimés (SIDA ou greffés), elle se caractérise par des tumeurs vasculaires nodulaires ou en plaque. Elle est liée à une infection à Bartonella henselae ou à B. quintana. La mise en évidence des bactéries intracellulaires en immuno-histochimie permet d’affirmer le diagnostic. Le traitement repose sur l’érythromycine en première intention.

Traitement ⁴,¹¹ Moyens de traitement Traitements locaux Ils permettent l’ablation de lésions de petite taille. Ils reposent sur : − la chirurgie classique ; − la cryochirurgie, surtout efficace sur des lésions de moins de deux centimètres de diamètre, mais pouvant laisser des cicatrices dépigmentées ; − la radiothérapie, très localisée, dans le but d’obtenir un résultat cosmétique ou fonctionnel ou au contraire en large champ, dans un but curatif. Les doses utilisées sont variables entre 20 et 45 grays délivrés en 10 à 20 séances. Les taux de réponses objectives sont de l’ordre de 50 à 85 %. Les séquelles pigmentées ne sont pas rares ; − la chimiothérapie intralésionnelle : la vinblastine et la bléomycine sont les deux produits les plus utilisés, mais la littérature ne comporte que de courtes séries de patients. Les dérivés de l’acide rétinoïque, en particulier le gel d’alitrétinoine à 0,1 %, permet d’obtenir des résultats cliniques supérieurs au placebo en termes de taux et de durée de réponse clinique, au prix d’une irritation cutanée locale très fréquente. Traitements généraux Leur objectif est d’avoir une action systémique et curative sur la maladie. La découverte de l’agent pathogène responsable de la maladie a fortement modifié l’approche thérapeutique notamment au cours du SIDA. En effet, les traitements classiques comme la radiothérapie ou la chimiothérapie ne modifient pas le statut virologique de la maladie ¹¹, contrairement aux traitements antirétroviraux. − La chimiothérapie systémique peut être utilisée sous la forme d’une mono- ou d’une polychimiothérapie. Les drogues les plus utilisées sont indiquées dans le tableau 65.2. Plus récemment, deux familles de molécules ont montré des résultats intéressants dans le traitement de la MK : les taxoïdes ¹² et les anthracyclines pegylées ou liposomales ¹³,¹⁴. − L’interféron alpha est proposé par voie sous-cutanée à des doses élevées (15 à 18 millions d’unités par jour) au cours de la MK associée au SIDA, ou à des doses plus faibles (3 à 5 millions d’unités, trois fois par semaine)

Indications thérapeutiques 65-9 Tableau 65.2

Principales chimiothérapies utilisées dans la maladie de Kaposi

Drogue

Dose

Voie d’administration IM ou IV

Bléomycine

5 mg, 3 jours tous les 15 jours

Vinblastine

4 à 8 mg/semaine ou tous les 15 jours

Vincristine Étoposide

2 mg/semaine ou tous les 15 jours 450 mg/m 2 tous les 28 jours

IV Per os

Daunorubicine Doxorubicine

20 mg/m 2 tous les 15 jours 20 à 40 mg/m 2 tous les 15 jours

IV IV

Taxol

135 mg/m 2 tous les 21 jours

IV

Taxotère

135 mg/m 2 tous les 21 jours

IV

au cours de la MK classique. Ses principaux effets secondaires comprennent un syndrome pseudo-grippal, une asthénie, des troubles psychiatriques, des perturbations des enzymes hépatiques ou de la formule sanguine. En l’absence de réponse au bout de deux mois, l’arrêt du traitement est recommandé. En cas de réponse favorable, l’IFN-α est poursuivi en adaptant la posologie. − Les traitements antirétroviraux sont prescrits uniquement au cours de la MK associée au SIDA, ils agissent sans doute de manière indirecte en restaurant l’immunité des patients. La prescription d’un inhibiteur de la protéase du VIH et de deux analogues nucléosidiques de la transcriptase inverse permet dans de nombreux cas de contrôler cliniquement la maladie alors que la charge virale HHV8 tend à baisser voire se négativer parallèlement ¹⁵. − D’autres traitements systémiques ont été proposés. L’acide rétinoïque tout-trans (Atra) a montré une certaine efficacité dans des études ouvertes au cours de MK limitées. Des observations de réponse favorables sous thalidomide ont également été signalées. En revanche, les drogues à activité anti-herpès virus restent décevantes.

Indications thérapeutiques Maladie de Kaposi classique L’abstention et la surveillance sont adaptées à une maladie pauci-lésionnelle et peu évolutive, notamment chez des patients âgés et lorqu’elle n’entraîne pas de préjudice fonctionnel ou esthétique. Les traitements locaux sont adaptés en cas de gêne esthétique ou fonctionnelle : la cryothérapie permet de détruire des lésions de petite taille et la radiothérapie peut traiter des lésions étendues et un traitement curatif peut être obtenu avec l’utilisation de plusieurs champs.  HHV human herpes virus · IFN interféron

IV

Taux de Principales toxicités réponses (%) 50 à 70 Pulmonaire Nécroses digitales Fièvre, éruption cutanée 25 Neurotoxicité Myélosuppression 60 Neurotoxicité 0-75 Alopécie Myélosuppression 40-90 Myélosuppression 15-50 Myélosuppression Cardiaque 60 Fuite capillaire cutanée Choc anaphylactique 60 Fuite capillaire cutanée Choc anaphylactique

Les traitements généraux sont à réserver aux formes évolutives, invalidantes ou avec atteinte systémique : − la monochimiothérapie par alcaloïdes ou par bléomycine sera privilégiée en première intention. En cas d’échec, l’utilisation des anthracyclines pégylées ou liposomales, voire des taxoïdes, sera préférée aux polychimiothérapies souvent mal supportées chez les patients âgés. − l’interféron alpha peut être une alternative à la monochimiothérapie sous réserve d’une tolérance acceptable. Maladie de Kaposi africaine L’attitude est comparable à celle utilisée dans la forme classique. Cependant, au cours des formes agressives, le recours à la polychimiothérapie ou à une association radiothérapie et chimiothérapie est souvent nécessaire. Dans les formes agressives de l’enfant, la polychimiothérapie ou les anthracyclines doivent être proposées. L’interféron alpha est une alternative intéressante. Maladie de Kaposi iatrogène La première mesure à prendre est la baisse du traitement immunosuppresseur qui permet, dans un nombre important de cas, de faire régresser tout ou partie des lésions. Sinon, une monochimiothérapie peut être entreprise. Dans cette situation, la place des thérapeutiques antiherpétiques devrait être évaluée par des études prospectives, tant au niveau préventif que curatif. Maladie de Kaposi associée au SIDA La mise en route d’une triple thérapie antirétrovirale (un inhibiteur de protéase et deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse) peut permettre une rémission partielle en 3 à 6 mois, le plus souvent complète en quelques trimestres complémentaires. Dans les formes localisées ou en cas de lésions résiduelles,

65-10 Maladie de Kaposi les traitements locaux comme la cryothérapie ou la radiothérapie en champs localisés est parfaitement adaptée. Dans les fo f rmes cutanées pures et étendues, l’interféron alpha n’est efficace que chez les malades ayant une immunité active (CD4 > 200) et n’ayant pas d’infec f tions opportunistes concomitantes. Il doit être utilisé à des doses quotidiennes élevées (15 à 18 millions d’unités par m2 de surfface corporelle). En cas d’échec, et notamment dans les

1 Chang Y, Cesarman E, Pessin MS et al. Identification of herpesvirus-like DNA sequences in AIDS-associated Kaposi’s sarcoma. Science 1994 ; 265:1865-1869. 2 Beral V, Peterman TA, Berkelman RL, Jaffe HW. W Kaposi’s sarcoma among persons with AIDS : A sexually transmitted infec f tion ? Lancet 1990 ; 335:123-128. 3 Sarid R, Olsen SJ, Moore PS. Kaposi’s sarcoma-associated herpesvirus : epidemiology, virology, and molecular biology. Adv Virus Res 1999 ; 52:139-232. 4 Antman K, Chang Y. Kaposi’s sarcoma. N Engl J Med 2000 ; 342:1027-1038. 5 Buonaguro FM, Tomese T llo ML, Buonaguro L et al. Kaposi’s sarcoma : aetiopathogenesis ; histology and clinical fea f tures. J Eur Acad Dermatol Venereol 2003 ; 17:138-154.

fformes av a ec atteintes muqueuse, une monochimiothérapie par bléomycine (15 mg tous les 15 jours) ou par vincristine donne de bons résultats. Dans les fo f rmes agressives ou viscérales, la monochimiothérapie par anthracyclines ou taxanes est justifiée. En cas d’échec, des protocoles de polychimiothérapie peuvent être proposés, notamment de type ABV (adriblastinebléomycine-vincristine).

6 Bathelier E, Balme B. [Kaposi’s sarcoma]. Ann Dermatol Venereol 2006 ; 133:728-730. 7 Lebbé C. [Kaposi’s sarcoma in Africans]. Ann Dermatol Venereol 2006 ; 133:936-939. 8 Leidner RS, Abou A lafia DM. Recrudescent Kaposi’s sarcoma after initiation of HAART : a manifes f tation of immune reconstitution syndrome. AID I S Patients Care r and STD T s 2005 ; 19: 635-644. 9 Krigel RL, Laubenstein LJ, Muggia FM. Kaposi’s sarcoma : a new staging classification. Cancer Treat Rep 1983 ; 67:531-534. 10 Lemarchand-Venenc V ie F F, Boisnic S, Riché MC, Merland JJ. Pseudo-Kaposi syndromes of vascular origin. J Mal Vasc 1991 ; 16:153-157. 11 Di Lorenzo G, Konstantinopoulos PA, Pantanowitz L et al. Management of AIDS-related Kaposi’s sarcoma. Lancet Oncol 2007 ; 8:167176.

12 Fardet L, Stoebner PE, Bachelez H et al. Treatment with taxanes of refractory or life f threatening Kaposi sarcoma not associated with human immunodeficiency virus infection. Cancer 2006 ; 106:1785-1789. 13 Guillot B, Carles MJ, Foulongne V et al. Lack of modification of virological status after chemotherapy or radiotherapy fo f r classic Kaposi’s sarcoma. Br J Dermatol 2002 ; 146:337338. 14 Krown SE, Northfe f lt DW, W Osoba D, Stewart JS. Use of liposomal anthracyclines in Kaposi’s sarcoma. Semin Oncol 2004 ; 31(S13):36-52. 15 Pellet C, Chevret S, Blum L et al. Virologic and immunologic parameters that predict clinical response of AIDS-associated Kaposi’s sarcoma to highly active retroviral therapy. J Invest Dermatol 2001 ; 117:858-863.

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Guillot B, Dupin N. Maladie de Kaposi. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 65.1-65.10.

66

Sarcomes cutanés

Céleste Lebbé, Catherine Renaud-Vilmer, Marie-Dominique Vignon-Pennamen, Olivier Vérola Classifications 66-1 Sarcomes possédant des altérations génétiques spécifiques 66-1 Sarcomes dépourvus d’anomalie génétique spécifique 66-2 Grade histopronostique 66-3 Diagnostic et bilan 66-3 Particularités anatomocliniques 66-4 Tumeurs fibro-histiocytaires fréquentes 66-4 Tumeurs fibro-histiocytaires ou myofibroblastiques, plus rares, et souvent d’identification récente 66-6 Liposarcomes 66-7 Léiomyosarcomes 66-8

es sarcomes cutanés sont des tumeurs malignes issues du tissu conjonctif commun ou spécialisé et du tissu nerveux. Ils peuvent prendre leur origine dans le derme ou dans les tissus cutanés profonds sus- et sousaponévrotiques. Il s’agit de tumeurs qui nécessitent une prise en charge dans des centres spécialisés car elles posent des problèmes difficiles de diagnostic anatomopathologique, d’évaluation pronostique et de stratégie thérapeutique, du fait de leur rareté, de leur diversité histologique et de leur hétérogénéité évolutive.

L

Classifications ¹,² Les classifications des sarcomes sont complexes et reposent sur l’utilisation conjointe de : − différenciation morphologique : celle-ci, qu’elle soit architecturale ou cytologique, n’est pas toujours évidente, voire trompeuse, rendant la cellule d’origine difficilement identifiable. Dans les tissus conjonctifs extraosseux, l’architecture d’une tumeur est souvent difficile à évaluer. Elle est plus facile à identifier dans certains sarcomes de bas grade tels que les léiomyosarcomes où les cellules se groupent en faisceaux de taille moyenne ressemblant à des muscles arrecteurs ; cependant, cet agencement disparaît dans les léiomyosarcomes de grades plus élevés de malignité. Dans d’autres sarcomes, c’est la différenciation cytologique qui permet d’identifier la tumeur : la présence de lipoblastes (cellules comportant une vacuole lipidique

Tumeurs à différenciation indéterminée 66-8 Sarcomes épithélioïdes 66-9 Sarcomes vasculaires 66-10 Sarcome à cellules claires ou mélanome des tissus mous 66-12 Tumeurs malignes des gaines des nerfs périphériques 66-12 Traitement 66-13 Décision thérapeutique 66-13 Principes thérapeutiques 66-13 Indications thérapeutiques 66-14 Surveillance 66-15 Références 66-15

encochant le noyau) est très en faveur de la nature liposarcomateuse de la prolifération ; ces lipoblastes peuvent manquer dans les liposarcomes myxoïdes ou les liposarcomes à cellules rondes. Dans les angiosarcomes, il est possible le plus souvent d’observer, au moins par zones, des cavités vasculaires de calibre variable et de formes inégales ; marqueurs immunohistochimiques : certains marqueurs permettent d’identifier les différentes cellules du tissu conjonctif (fig. 66.1 et 66.2), cependant sans être tous très spécifiques. L’expression de ces marqueurs est très variable, notamment dans les sarcomes peu différenciés. En outre, des croisements antigéniques peuvent provoquer des marquages aberrants parfois difficiles à interpréter ; − la microscopie électronique du fait de sa lourdeur technique et de sa faible rentabilité n’est plus guère pratiquée ; − les études cytogénétiques et moléculaires. Du point de vue de la génétique moléculaire, les sarcomes peuvent être classés en deux grands groupes. Sarcomes possédant des altérations génétiques spécifiques (30 % de tous les sarcomes) Ces anomalies se traduisent en règle par des caryotypes simples, translocations ou surtout gènes de fusion liés à des translocations réciproques chromosomiques. La plupart de ces translocations chromosomiques ont

66-2

Sarcomes cutanés Tableau 66.1 Translocations et gènes de fusion dans les sarcomes Tumeur Ewing/PNET

Tumeur desmoplastique à petites cellules rondes Liposarcome myxoïde Chondrosarcome myxoïde extraquelettique Sarcome à cellules claires Synovialosarcome Rhabdomyosarcome alvéolaire Dermatofibrosarcome Fibrosarcome congénital

Translocation t(11;22)(q24;q12) t(21;22)(q22;q12) t(7;22)(p22;q12) t(17;22)(q12;q12) t(2;22)(q33;q12) t(11;22)(p13;q12) t(12;16)(q13;p11) t(12;22)(q13;q12) t(9;22)(q22;q12) t(12;22)(q13;q12) t(X;18)(p11.23;q11) t(X;18)(p11.21;q11) t(2;13)(q35;q14) t(1;13)(p36;q14) t(17;22)(q22;q13) t(12;15)(p13;q25)

été clonées et les gènes de fusion résultant identifiés (tableau 66.1). Ces translocations aboutissent en règle soit à la surexpression d’un facteur de croissance autocrine, soit à la constitution d’un facteur de transcription oncogène. Beaucoup de ses facteurs de transcription ont une structure commune et sont formés de la juxtaposition d’une partie d’un gène ne liant pas l’ADN (par exemple FUS impliqué dans les liposarcomes myxoïdes) et la partie liant l’ADN d’un facteur de transcription connu (en particulier des membres de la famille ETS). L’activité transcriptionnelle de la protéine de fusion est généralement plus élevée que celle du facteur de transcription original et, le plus souvent, la spécificité des gènes ciblés est altérée. Ces gènes de fusion peuvent être recherchés par l’analyse FISH, ou leur transcrits détectés par RT-PCR. Ils représentent un outil diagnostic précieux, et des cibles thérapeutiques potentielles en raison de leur rôle très important dans la biologie des tumeurs correspondantes. Certains de ces sarcomes intéressent tout particulièrement le dermatologue, comme les liposarcomes différentiés et myxoïdes, les dermatofibrosarcomes, le fibrosarcome myxoïde de bas grade, les synovialosarcomes et le sarcome à cellules claires. Sarcomes dépourvus d’anomalie génétique spécifique, ayant en général des caryotypes complexes C’est le cas des histiocytomes fibreux malins, des léiomyosarcomes, des liposarcomes pléomorphes, des angiosarcomes et des tumeurs de gaines nerveuses périphériques. On peut mettre en évidence des délétions chromosomiques, des amplifications, des gains et des pertes de chromosomes entiers. Même s’il existe globalement une certaine corrélation entre le nombre cumulatif d’anomalies et le grade de la tumeur, ces anomalies génétiques ne sont pas associées à

Gène de fusion EWS-FLI1 EWS-ERG EWS-ETV1 EWS-E1AF EWS-FEV EWS-WT1 TLS-CHOP EWS-CHOP EWS-CHN EWS-ATF1 SYT-SSX1 SYT-SSX2 PAX3-FKHR PAX7-FKHR COL1A1-PDGFβ ETV6-NTRK3

Incidence (%) 85 10 rare rare 95 95 5 75 Non disponible 65 35 75 10 > 90 Non disponible

Grade histopronostique (FNCLCC) 





différenciation tumorale Score 1 Sarcomes qui ressemblent à un tissu adulte normal. Exemple : liposarcome bien différencié. Score 2 Sarcomes pour lesquels le diagnostic de type histologique est certain. Exemple : liposarcome myxoïde. Score 3 Sarcomes embryonnaires, synovialosarcomes, sarcomes épithélioïdes, sarcomes à cellules claires, sarcomes alvéolaires des parties molles, sarcomes indifférenciés et sarcomes pour lesquels le type histologique est incertain. Index mitotique Score 1 0 à 9 mitoses pour 10 champs * Score 2 10 à 19 mitoses pour 10 champs Score 3 Plus de 19 mitoses pour 10 champs Nécrose tumorale Score 0 Pas de nécrose Score 1 Moins de 50 % de nécrose tumorale Score 2 Plus de 50 % de nécrose tumorale Grade 1 : score 2-3 Grade 2 : score 4-5 Grade 3 : score 6-8 * Un champ mesure 0,1734 mm2

66.A un phénotype particulier. Il faudra probablement attendre des études visant à établir des signatures moléculaires à l’aide de microarray pour mieux comprendre la physiopathologie de ces sarcomes. L’aneuploïdie (anomalies du nombre de chromosomes) est le dénominateur commun de ces sarcomes. Les perspectives thérapeutiques dans ces sarcomes re-

 FISH flurorescent in situ hybridization · PDGF platelet-derived growth factor · RT-PCR reverse transcription-polymerase chain reaction

Fibrosarcome Dermatofibrosarcome

Fibroblaste Myofibroblaste

Vimentine CD34 (Dermatofibrosarcome)

Cellule fibrohistiocytaire ?

Histiocytome fibreux malin Fibroxanthome atypique

Cellule fibrohistiocytaire ?

Actine ± CD68 ±

Cellule musculaire lisse

Léiomyosarcomes

Cellule musculaire lisse

Cellule endothéliale Péricyte

Angiosarcomes Hémangioendothéliomes Kaposi

Actine Desmine MyoD1 Caldesmone

Cellule endothéliale

CD31 CD34 Actine

Adipocyte

Liposarcomes

Adipocyte

PS 100 ± MDM2

Origine inconnue

Cytokératines CD 34

Cellule de Schwann Cellule périnèvre

Tumeurs malignes des gaines nerveuses périphériques

Origine inconnue

Sarcome épithélioïde Synovialosarcome Sarcome alvéolaire

Fig. 66.1

Coll. Pr C. Lebbé, Paris

Fibroblaste Myofibroblaste

Principaux types histogénétiques des sarcomes cutanés

posent sur l’utilisation conjointe aux chimiothérapies, de traitement antiangiogénique ou proapoptotique.

Grade histopronostique Le système de grading est celui de la FNCLCC (Fédération nationale des Centres de lutte contre le cancer) : il repose sur trois éléments (voir encadré 66.A) : − la différenciation tumorale ; − le nombre de mitoses ; − la présence et l’importance de la nécrose. Le grading a un intérêt très relatif dans certaines tumeurs : − pour des sarcomes à malignité intermédiaire tels que le fibroxanthome atypique, le dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand, le liposarcome très bien différencié et les sarcomes myxoïdes, le type histogénétique est plus informatif que le grading ; − la classification de l’OMS de 2002 distingue par ailleurs les tumeurs de malignité intermédiaire agressives localement (fibromatose desmoïde, tumeur fibrohistiocytaire plexiforme...) de celles à potentiel métastatique rare (tumeur fibreuse solitaire, tumeur myofibroblastique inflammatoire, etc.) ; − d’autres tumeurs enfin ont un potentiel métastatique toujours important : liposarcome à cellules rondes, synovialosarcome...

Diagnostic et bilan Le diagnostic de sarcome des parties molles repose sur une confrontation des éléments cliniques, radiologiques, anatomopathologiques et éventuellement cytogénétiques ou moléculaires. En dehors des lésions de petite taille, superficielles, qui sont heureusement les cas les plus fréquents  IRM imagerie par résonance magnétique

Fig. 66.2 cutanés

Coll. Pr C. Lebbé, Paris

Diagnostic et bilan 66-3

Principaux marqueurs immunohistochimiques des sarcomes

en dermatologie, la prise en charge à visée diagnostique doit être conduite par des équipes multidisciplinaires entraînées : − la clinique peut être d’emblée évocatrice du diagnostic, par exemple pour le dermatofibrosarcome de DarierFerrand et certaines formes d’angiosarcomes. Le plus souvent, le clinicien est face à une lésion profonde cutanée d’évolution plus ou moins rapide faisant évoquer, entre autres, le diagnostic de sarcome des parties molles ; − la radiographie standard aura pour intérêt d’écarter une tumeur osseuse en cas de lésion profonde ou fixée aux plans profonds et de rechercher des calcifications évoquant un ostéosarcome ou un synovialosarcome ; − l’IRM permet de préciser l’étendue de la lésion et ses rapports avec les structures vasculo-nerveuses avoisinantes. Si, dans la plupart des sarcomes vus initialement par les dermatologues, le diagnostic est assuré par une biopsie incisionnelle de la lésion, une imagerie préalable (IRM) est indispensable pour les lésions profondes. Il faut garder en mémoire : − que le trajet et le site de la biopsie devront impérativement être réséqués en bloc lors de la future intervention chirurgicale ; − qu’une biopsie incisionnelle est à éviter dans les sarcomes profonds car elle peut, effectuée à l’aveugle par un chirurgien n’ayant pas d’expertise en matière de sarcome, compromettre le geste carcinologique ultérieur ou conduire à des sacrifices qui auraient pu être évités. On préfère dans ces situations une biopsie au tru-cut dirigée sous contrôle radiologique ; − la biopsie exérèse sera réservée aux petites tumeurs sous-cutanées < 3 cm, à condition que ce geste ne majore pas la morbidité lors de la reprise chirurgicale (n’im-

Fig. 66.3 Plaque rouge brun pseudocicatricielle et petits nodules d’apparition secondaire au cours du dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand

Coll. D. Bessis

pose pas par exemple une greffe qui aurait pu être évitée...) ; − il faut éviter de biopsier des zones nécrotiques, de diagnostic difficile ; l’imagerie prébiopsie (IRM mieux que l’échographie) trouve donc là encore tout son intérêt ; − le diagnostic anatomopathologique doit être confié à un expert dans ce domaine et ayant accès à des techniques moléculaires (RT-PCR, FISH) qui pourront l’aider à préciser son diagnostic L’examen anatomopathologique : − élimine une tumeur bénigne pseudosarcomateuse (fasciite nodulaire, certains histiocytofibromes...) ; − porte le diagnostic de sarcome versus autre cancer (carcinomes peu différenciés, mélanome métastatique) ; − précise le type histogénétique de la tumeur ; − établit le grade histopronostique (facteur pronostique majeur permettant de guider les décisions thérapeutiques) en précisant la différenciation tumorale, l’index mitotique et l’importance de la nécrose. Le bilan d’extension comporte en règle une IRM des parties molles, un scanner pulmonaire (ou une radio-

Fig. 66.4 Nodule tumoral au cours du dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand

Coll. D. Bessis

Sarcomes cutanés

Coll. D. Bessis

66-4

Fig. 66.5 Plaque atrophique mammaire d’extension lente : dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand graphie pulmonaire dans les sarcomes de bas grades) car le poumon est en général le premier site métastatique. Pour certains sarcomes, comme les liposarcomes qui ont une forte prévalence de métastases extrapulmonaires, la scintigraphie (PET-scan) au 18 F-FDG (fluor-18fluorodésoxyglucose) peut s’avérer plus intéressante. Enfin, de rares sarcomes comme les synovialosarcomes, les sarcomes épithélioïdes, les sarcomes à cellules claires ont un tropisme ganglionnaire. Une échographie pourra être intéressante ; l’intérêt de l’analyse du ganglion sentinelle n’a pas été évalué dans ces situations, compte tenu de la rareté de ces sarcomes. Le bilan permet un classement selon la classification TNM de l’AJCC. Le pronostic dépend principalement de la taille et du grade histologique (qui sera déterminé sur la pièce opératoire complète). La survie à 5 ans varie de 86 % pour les stades I à 10-20 % pour les stades IV ³.

Particularités anatomocliniques Tumeurs fibro-histiocytaires fréquentes Dermatofibrosarcomes Le dermatofibrosarcome protubérans (DFSP) de Darier-Ferrand est un sarcome représentant environ 6 % de l’ensemble des sarcomes des tissus mous, caractérisé par la prolifération de cellules fusiformes CD34+ , dont la nature fibroblastique, histiocytaire ou neurectodermique reste discutée ²,⁴,⁵. La tumeur de Bednar ou dermatofibrosarcome pigmenté et le fibroblastome à cellules géantes ne sont que des formes cliniques de dermatofibrosarcomes. Ces tumeurs surviennent préférentiellement chez l’adulte jeune avec une très discrète prédominance chez l’homme. Elles siègent avec prédilection sur le tronc, en particulier la ceinture scapulaire, la partie proximale des membres et la région cervico-céphalique. Il s’agit typiquement d’une plaque brun rouge ou violacée, parfois pigmentée ou de couleur peau normale sur laquelle vont apparaître des nodules (fig. 66.3). Plus rarement on observe un nodule d’emblée (fig. 66.4) ou une plaque atrophique (fig. 66.5) ou sclérodermiforme. La croissance de la tumeur est lente, en règle

 AJCC American joint committee on cancer · DFSP dermatofibrosarcome protubérans de Darier-Ferrand · FISH flurorescent in situ hybridization · IRM imagerie par résonance magnétique · RT-PCR reverse transcription-polymerase chain reaction

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

Particularités anatomocliniques 66-5

Fig. 66.6 Histologie (faible grossissement) du dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand : prolifération dermo-hypodermique de cellule tumorales fusiformes

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

sur plusieurs années, pour une taille moyenne de 1 à 5 cm. Histologiquement, on observe la prolifération au niveau du derme, de l’hypoderme et parfois par extension au niveau des plans aponévrotiques, de cellules fusiformes ne comportant que peu ou pas d’atypies (fig. 66.6). Au sein des zones nodulaires, ces cellules sont regroupées en faisceaux enchevêtrés en « panier tressé » ou storiforme (fig. 66.7). En périphérie, ou dans des zones moins cellulaires, les cellules s’alignent en faisceaux plus lâches, parallèles à la surface cutanée avec une trame collagénique grêle. La positivité

Fig. 66.7 Histologie (fort grossissement) du dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand : disposition storiforme des cellule tumorales

du CD34 et la négativité du marqueur CD100 permet le diagnostic différentiel avec les histiocytofibromes et les tumeurs nerveuses (neurofibrome notamment) ⁵. Dans plus de 90 % des cas, on constate une anomalie génétique considérée comme une véritable signature moléculaire, à savoir un gène de fusion COL1A1-PDGFβ, le plus souvent sous forme d’un chromosome en anneau surnuméraire, plus rarement (formes pédiatriques) translocation 17,22 équilibrée t(17;22)(q22;q13) ⁶. Des travaux expérimentaux in vitro, utilisant pour la plupart des cellules transfectées avec l’ADN du gène de fusion et, pour un de ces modèles, des cellules dérivées de tumeurs de DFSP, montrent que la protéine de fusion dérivant du gène COL1A1-PDGFβ est maturée en PDGFβ interagissant avec le récepteur au PDGF (essentiellement l’isoforme PDGFRβ) qu’elle active, exerçant une fonction de facteur de croissance autocrine et paracrine ⁷-⁹. Ce sarcome de malignité intermédiaire a une évolution lente, et pose un problème de malignité locale avec risque de récidive en cas d’exérèse insuffisante. Les formes métastatiques sont rares (moins de 10 % des cas) et essentiellement le fait de transformation en sarcome de plus haut grade. Le traitement de référence repose sur une chirurgie large, avec des marges larges d’au moins 2 cm en règle, emportant un plan aponévrotique sain. On ne dispose que de peu de recul pour évaluer la place de la chirurgie de Mohs dans cette indication ²,⁴,⁵,¹⁰. L’intérêt de thérapies ciblées comme l’imatinib qui inhibe in vitro et in vivo l’activité tyrosine kinase du PDGFR (platelet-derived growth factor receptor) est en cours d’évaluation. Des résultats thérapeutiques sont déjà rapportés sur des cas anecdotiques ⁶,⁷,¹¹,¹²-¹⁴. Plus récemment, Mac Arthur et al. ¹⁵ ont traité 8 DFSP localisés inopérables et 2 DFSP métastatiques par 800 mg/j d’imatinib. Quatre patients avec DFSP localisés ont obtenu une réponse complète clinique dont 2 histologiques également, 5 patients ont présenté une réponse partielle permettant un geste chirurgical carcinologique chez 4 d’entre eux (le cinquième étant métastatique) et un patient a présenté une stabilité initiale et est décédé à J32, mais ce patient présentait un caryotype complexe sans t(17;22). Dans cette étude, les réponses étaient associées à une diminution du nombre de cellules fusiformes présentant la t(17;22). Récemment, l’imatinib a obtenu une extension d’AMM aux DFSP non résécables ou aux exceptionnelles formes métastatiques de DFSP. Fibrosarcome infantile Ces tumeurs surviennent au cours des 4 premières années de vie, surtout au cours des 3 premiers mois, et représentent 12 % des tumeurs des tissus mous chez l’enfant. Il s’agit d’une prolifération de bas grade de malignité plus proche des fibromatoses que des fibrosarcomes de l’adulte. La tumeur siège préférentiellement au niveau des extrémités distales, donnant une masse de croissance rapide pouvant atteindre plus de 30 cm. La peau peut devenir inflammatoire et s’ulcérer, et l’os en profondeur peut être érodé. Histologiquement, on observe la prolifération de cellules fusiformes avec activité mitotique, mais peu ou pas d’atypie, ces cellules étant regroupées en faisceaux disposés en arêtes de poisson. Ces cellules

 AMM autorisation de mise sur le marché · DFSP dermatofibrosarcome protubérans de Darier-Ferrand · PDGF platelet-derived growth factor

66-6

Sarcomes cutanés

Coll. Pr C. Lebbé, Paris

expriment l’actine de muscle lisse et parfois la desmine. Dans la plupart des cas, les cellules sont diploïdes mais comportent une translocation t(12;15)(p13;q25) résultant en la fusion de ETV6 (encore appelé Tel, membre de la famille des facteurs de transcription ETS) et de NTRK3 (récepteur tyrosine kinase) et parfois d’autres anomalies. Le traitement est chirurgical, les récidives locales sont fréquentes (30 %), mais les métastases sont rares ². Fibroxanthome atypique ¹,²,⁴ Cette tumeur est considérée par certains comme une forme superficielle d’histiocytome fibreux malin pléomorphe. Elle affecte le plus souvent le sujet âgé, après 70 ans et siège préférentiellement sur les zones photo-exposées de la tête et du cou. Il s’agit souvent d’un nodule ferme exophytique dont la surface est volontiers ulcérée, d’évolution rapide (fig. 66.8). Histologiquement, la tumeur est bien limitée, occupe le derme superficiel et est faite d’un mélange de cellules fusiformes et de cellules d’aspects histiocytaires parfois xanthomisées. La présence de cellules multinucléées est fréquente. Le pléomorphisme nucléaire est de règle, l’activité mitotique souvent marquée. Les cellules expriment fréquemment le CD10, endopeptidase de surface.

Fig. 66.8 atypique

Nodule tumoral exophytique de la joue : fibroxanthome

Le traitement repose sur l’exérèse large passant à 1 cm latéralement. Le pronostic est excellent dans la majorité des formes superficielles n’atteignant pas l’hypoderme. Sarcomes pléomorphes indifférenciés (par ex. : histiocytome fibreux malin) Le terme d’histiocytome fibreux malin recouvrait anciennement un spectre de tumeur des tissus mous d’origine histiocytaire mais ayant la potentialité d’exprimer un ou plusieurs types de différenciation. Néanmoins, l’origine histiocytaire n’a jamais été clairement démontrée et bon nombre de ces tumeurs ont plutôt des caractéristiques de fibroblastes ou de cellules mésenchymateuses immatures. L’hypothèse que l’histiocytome fibreux malin ne représente, dans la plupart des cas, qu’un état dédifférencié d’un autre sarcome (liposarcome, myxofibrosarcome, léiomyosarcome, chondrosarcome, tumeurs des  EBV Epstein-Barr virus · HHV human herpes virus

gaines nerveuses périphériques, etc.) est confortée par des données récentes de génétique moléculaire (CGH, cDNA array). Il serait possible d’individualiser une ligne de différenciation dans environ 80 % des histiocytomes fibreux malins, avec, au premier chef, une différenciation en léiomyosarcome et, moins fréquemment, en liposarcome dédifférencié ¹,¹⁶,¹⁷ Il reste environ 20 % de tumeurs dites sarcomes pléomorphes, indifférentiées et encore inclassables. Ces tumeurs sont le plus souvent de haut grade et de mauvais pronostic. Tumeurs fibro-histiocytaires ou myofibroblastiques, plus rares, et souvent d’identification récente Tumeurs inflammatoires myofibroblastiques ¹⁸ Ces tumeurs sont observées le plus souvent au cours des deux premières décennies, et siègent préférentiellement au niveau pulmonaire et intra-abdominal (rétropéritoine et mésentère) et moins fréquemment au niveau des tissus mous. Une altération de l’état général avec fièvre, perte de poids, une anémie avec hypergammaglobulinémie sont présents dans un tiers des cas. L’aspect histologique est celui d’une prolifération infiltrante combinant trois aspects : 1o un aspect de fasciite (cellules fusiformes de petites tailles au sein d’un stroma vasculaire, myxoïde et inflammatoire comportant des plasmocytes polytypiques) ; 2o la prolifération fasciculaire de cellules fusiformes avec un aspect pouvant faire discuter une fibromatose, un histiocytome fibreux, voire la prolifération de cellules musculaires lisses ; 3o des aires fibreuses peu cellulaires avec hyalinisation et calcification. Les cellules expriment l’actine et parfois la desmine, ainsi que la protéine de fusion ALK. Cette tumeur est en effet caractérisée par une translocation aboutissant à la fusion du gène codant pour la kinase ALK (récepteur doué d’activité tyrosine kinase) et différents gènes codant notamment pour la tropomyosine 3 ou 4 ou la chaîne lourde de la clathrine. Il s’agit d’une tumeur multirécidivante (plus de 30 %) pouvant secondairement se transformer en sarcome de haut grade et devenir métastatique. Son association à l’infection par les virus EBV et HHV8 est discutée. Les myofibrosarcomes de bas grade sont des tumeurs très rares et d’identification récente. Essentiellement décrits chez l’adulte, (âge moyen 40 ans), ils siègent volontiers au niveau de la tête et du cou, atteignant notamment la langue et les muqueuses. Les récidives locales sont fréquentes tandis que les métastases sont rares et tardives ¹⁸,¹⁹. Tumeurs à cellules géantes malignes des tissus mous Ce terme est actuellement réservé à des tumeurs très rares, dont le comportement clinique et l’aspect histologique sont comparables à ceux des tumeurs à cellules géantes de l’os. Elles affectent le plus souvent des adultes d’âge moyen et siègent dans 80 % des cas sur les membres. Après exérèse, ces tumeurs peuvent récidiver localement dans 6 à 21 % des cas, mais les métastases sont exceptionnelles. Tumeurs myxo-hyalines inflammatoires (ou sarcome fibroblastique) des extrémités Ces tumeurs sont rares, s’observent le plus souvent au niveau de la partie distale

Particularités anatomocliniques 66-7 des membres, prédominent chez des adultes d’âge moyen. Le traitement consiste en une chirurgie large pour éviter les récidives locales. L’évolution métastatique est exceptionnelle ¹,². Sarcome fibro-myxoïde de bas grade et ses variantes Il se développe sous forme d’une masse de croissance lente (2 à 13 ans) au niveau des tissus mous de la racine des membres, parfois de la paroi thoracique et le cou. Ces tumeurs profondes infiltrent souvent le muscle strié sousjacent. Cette tumeur serait caractérisée par une translocation t(7 ;16)(q33;p11) aboutissant à un gène de fusion FUS/CREB3L2. Le gène FUS est impliqué dans d’autres sarcomes comme le sarcome d’Ewing ou les liposarcomes myxoïdes. Il code pour une protéine liant l’ADN et l’ARN et CREB3L2 pour un facteur de transcription ²⁰. Malgré son aspect histologique rassurant, cette tumeur a une tendance récidivante et un potentiel métastatique dans environ 10 % des cas. Histiocytome fibreux angiomatoïde Cette tumeur prédomine chez les enfants et les adultes jeunes. La présentation est celle d’une masse solitaire, le plus souvent d’une extrémité, de croissance lente, mesurant en moyenne 2 cm, souvent confondue initialement avec un hématome, parfois associée à des signes généraux (fièvre, perte de poids), une anémie et une hypergammaglobulinémie polyclonale comme au cours d’une maladie de Castleman multicentrique. L’aspect histologique est souvent trompeur, n’évoquant pas un processus tumoral. Le contenu en ADN est en règle diploïde ; néanmoins, l’analyse cytogénétique récente de deux cas met en évidence une translocation t(12;16)(q13;p11) ayant pour conséquence la formation d’une protéine chimérique contenant l’extrémité N terminale du produit du gène FUS (impliqué dans les liposarcomes myxoïdes) et le domaine liant l’ADN de ATF1, gène associé au sarcome à cellules claires ²¹. Les métastases sont rares et cette tumeur anciennement décrite comme une variété d’histiocytome fibreux malin est reclassée comme tumeur fibro-histiocytaire de malignité intermédiaire ¹,¹⁷. Liposarcomes Les liposarcomes sont parmi les plus fréquents des sarcomes de l’adulte (20 % de tous les sarcomes), survenant dans 60 % des cas chez l’homme entre 40 et 60 ans. Ils siègent préférentiellement au niveau de la partie proximale des extrémités ou dans la région rétropéritonéale. La tumeur est souvent volumineuse (15 cm en moyenne) de consistance élastique, de croissance lente sur plusieurs mois ou années. La tumeur peut devenir douloureuse au cours de l’évolution. Liposarcomes bien différenciés (liposarcomes lipomalike, lipomes atypiques) avec ou sans composante dédifférenciée Cette forme, fréquente, compte pour 40-45 % de tous les liposarcomes. Le pronostic est essentiellement conditionné par le risque de récidive locale, même si 15 % des formes dédifférenciées ont un potentiel métastatique. Ce sont des tumeurs de bas grade de malignité parfois appelés « lipomes atypiques ». Ils ressemblent à des lipomes avec quelques cellules fusiformes et quelques lipoblastes.

Le diagnostic de malignité, parfois difficile à affirmer sur l’aspect histologique, peut s’aider de la cytogénétique ou de l’immunohistochimie : un marquage nucléaire par un anticorps anti-MDM2 et/ou CDK4 sont des arguments importants en faveur du diagnostic de liposarcome ²,⁴. Ces liposarcomes sont en effet caractérisés par un anneau surnuméraire ou par un chromosome géant dérivés du bras long du chromosome 12 ²²,²³. Les anomalies génétiques aboutissent en règle à l’amplification du gène MDM2 et CDK4 ; le premier gène a pour cible p53 dont il accélère la dégradation, ce qui équivaut à une diminution de la fonction du gène suppresseur de tumeur. Le gène CDK4 a pour fonction de maintenir le gène suppresseur de tumeur Rb dans sa forme phosphorylée, ce qui le rend incapable de freiner la progression du cycle cellulaire. Cette amplification de CDK4 joue fonctionnellement un rôle analogue à celui de mutation de Rb. L’amplification de la région 12q1315 et l’activation de MDM2 ou CDK4 sont des événements fréquents au cours des sarcomes des tissus mous. Dans cette variété de liposarcome, d’autres gènes présents sur le chromosome 12 comme HMGI-C, MDM2, CDK4, SAS, GLI sont probablement impliqués dans la détermination de la différenciation cellulaire. Ainsi HMGA2 est impliqué dans la différenciation en adipocyte et l’oncogène GLI, impliqué dans la voie Sonic hedgehog, joue un rôle au cours de l’embryogenèse dans la spéciation tissulaire ²⁴,²⁵. Ces avancées physiopathologiques sont des outils diagnostiques mais fournissent également des cibles thérapeutiques très intéressantes : des composés synthétiques — analogues de cis-imidazolines appelés nutlins (nutley inhibitors) — antagonisent MDM2 et induisent l’apoptose de lignées cellulaires in vitro. Des inhibiteurs synthétiques de CDK4 comme le flavopiridol sont également en cours d’expérimentation clinique ²⁶. Les PPARγ (peroxisome proliferator activated receptor gamma) sont des récepteurs nucléaires induisant une différenciation de la lignée adipocytaire. Les thiazolidinediones, développés dans le traitement du diabète, agissent comme des ligands agonistes de ces récepteurs et sont capables d’induire la différenciation terminale des cellules de liposarcomes en culture. Des expériences très préliminaires montrent d’ailleurs une amélioration clinique des certains patients ²⁷,²⁸. Liposarcomes myxoïdes et à cellules rondes Ils représentent plus d’un tiers des liposarcomes. Ces sarcomes ont une tendance à la récidive locale et, dans un tiers des cas, métastasent à distance. Ces métastases à distance sont souvent précédées de récidives dans les tissus mous, à distance du site initial ²,⁴. La tumeur réalise des lobules bien limités, avec parfois des nodules satellites à distance. Ils sont parfois difficiles à distinguer de zones de dégénérescence myxoïde du tissu adipeux, d’un myxome intramusculaire ou d’un sarcome fibromyxoïde. Certains liposarcomes myxoïdes s’accompagnent de nappes de cellules rondes, et sont de pronostic moins favorable. Une composante à cellules rondes doit être recherchée dans tout sarcome myxoïde. La tendance actuelle est de regrouper, au sein d’un spectre probablement continu, liposarcomes myxoïdes et liposarcomes à cellules rondes,

ces dernières représentant une forme dédifférenciée ²,⁴. Les liposarcomes myxoïdes sont caractérisés par une translocation réciproque t(12;16)(q13;p11). On retrouve également cette anomalie cytogénétique dans les liposarcomes à cellules rondes. La translocation aboutit à la fusion du gène CHOP avec la portion N terminale du gène TLS. CHOP est un facteur de transcription impliqué dans la régulation du cycle cellulaire et l’apoptose en réponse au stress cellulaire. TLS ou FUS est une protéine liant l’ADN et l’ARN et pourrait conditionner la spécificité des gènes cibles de CHOP dans ces types de sarcomes. Les données disponibles chez l’homme et dans des modèles animaux conduisent à l’hypothèse que c’est l’anomalie génétique elle-même qui détermine le programme de différenciation et donc le phénotype du clone cellulaire porteur de l’anomalie ²⁹. Liposarcomes pléomorphes Ils ne représentent que 5 % des liposarcomes. Ils comportent, à côté d’éléments fusiformes ou arrondis, des cellules volumineuses, plurinuclées, à noyaux bourgeonnants. Leur pronostic est fonction de leur grade. Les anomalies cytogénétiques sont complexes ². Léiomyosarcomes Les léiomyosarcomes (LMS) représentent moins de 10 % des sarcomes des tissus mous. Ils surviennent plus souvent chez l’homme que chez la femme et prédominent entre la 5 e et 7 e décennie. Il faut distinguer les LMS rétropéritonéaux et abdominaux (75 % des LMS) pris en charge par les oncologues, des LMS de la peau et tissu sous-cutané auquel le dermatologue peut être confronté. Les LMS cutanés dermiques dériveraient des muscles arrecteurs des poils et des glandes sudorales, les formes dermohypodermiques, hypodermiques pures ou sous-aponévrotiques, des cellules musculaires lisses de la paroi des vaisseaux ²,⁴. Le LMS dermique se présente comme un nodule généralement unique, mesurant rarement plus de 3 cm lors du diagnostic, érythémateux, parfois ulcéré ou ombiliqué, souvent douloureux (fig. 66.9). Il siège préférentiellement aux membres. Le LMS dermohypodermique ou cutané profond se présente comme une masse recouverte d’une peau plus ou moins érythémateuse et sa taille varie de 1 à 15 cm (fig. 66.10). Il peut être douloureux et siège essentiellement aux membres inférieurs ²,⁴. La prolifération est faite de cellules fusiformes le plus souvent agencées en faisceaux enchevêtrés (fig. 66.11 et 66.12). Ces cellules expriment en règle l’actine de muscle lisse et, dans 70 % des cas, la desmine. La cytogénétique de ces sarcomes est complexe. Récemment, une étude par ADNc array tente d’établir une signature moléculaire associée à un pronostic défavorable, signature constituée de 80 gènes contrôlant le cycle cellulaire (BMP2, PDAP1, CDC27 et CDK2AP1), la transduction du signal (IFNAR2, RIT1, GPSM1, GRB7, MAPKAPK2 et PAK2), l’apoptose (BCL2A1), et le métabolisme des nucléotides (GMPS) ³⁰. L’activation constitutive de mTOR semble particulièrement fréquente des LMS. Les inhibiteurs de mTOR (rapamycine et dérivés) sont en cours d’expérimentation clinique ³¹. Le degré de différenciation, le nombre de mitoses, la présence de foyers de nécrose sont des éléments pro LMS léiomyosarcome · SynS synovialosarcome

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Sarcomes cutanés

Fig. 66.9 Nodule tumoral érythémateux et lisse : léiomyosarcome cutané dermohypodermique nostics validés. Les formes dermiques pures auraient un meilleur pronostic avec un risque local autour de 30 à 50 %. Les formes hypodermiques métastaseraient dans 30 à 40 % des cas ³²-³⁴. Cependant, en analyse multivariée, le grade, la taille et la profondeur sont associés à la survie ³⁵. Tumeurs à différenciation indéterminée Synovialosarcome (SynS) Ce sont des sarcomes fréquents (10 % des sarcomes des tissus mous), survenant chez l’adolescent et l’adulte jeune (15 à 40 ans), avec une prédominance masculine. Quelques cas sont rapportés chez l’enfant. Leur histogenèse et leur étiologie restent obscures. Contrairement à ce que leur appellation sous-entend, ces tumeurs ne sont pas issues de la synoviale articulaire.

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Fig. 66.10 Plaque érythémato-violine infiltrée du sclap : léiomyosarcome cutané

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Particularités anatomocliniques 66-9

Il s’agit d’une tumeur des extrémités (85 à 95 % des cas), surtout inférieures (60 %), notamment dans la région du genou, voire à la cheville ou au pied. Au membre supérieur (23 %), la tumeur siège le plus souvent à l’épaule, parfois à l’avant-bras ou au poignet, plus rarement aux orteils ou aux doigts ; les localisations tête et cou et tronc ne représentent que 5 à 15 % des cas. Des localisations plus rares (région pharyngée, pulmonaire, cardiaque, etc.) sont possibles. La tumeur siège au contact des tendons ou des capsules articulaires et mesure de 3 à 10 cm. Elle se présente sous forme d’une masse volontiers douloureuse, de croissance lente, longtemps insidieuse, existant en moyenne depuis 2 à 4 ans lors du diagnostic. Elle est le plus souvent intimement liée aux gaines tendino-aponévrotiques. L’examen radiologique peut, dans 15 à 20 % des cas, évoquer le diagnostic devant la présence de petites opacités punctiformes (calcifications) ²,⁴. On peut observer deux types cellulaires : des cellules fusiformes en nappes avec des zones myxoïdes et des calcifications ; des cellules d’aspect épithélial en cordons centrés par des cavités glanduliformes. Selon l’association de ces deux types, on distingue les SynS biphasiques (cellules fusiformes et épithéliales), monophasiques sarcomateux (cellules fusiformes uniquement), monophasiques « épithéliaux » (très rares). Les cellules, quel qu’en soit le type, expriment la vimentine et les cytokératines CK7 et CK19. Les cellules épithéliales expriment en outre l’epithelial membrane antigen (EMA) et l’antigène carcino-embryonnaire (ACE). Le CD99 est exprimé dans 60-70 % des cas. Les cellules expriment en règle Bcl2 et sont négatives pour CD34 ²,⁴,³⁶. On trouve en règle une translocation t(X;18)(p11.2;q11.2) caractéristique conduisant essentiellement à deux protéines de fusion, SYT-SSX1 et SYT-SSX2. Le variant SYT/ SSX1 pourrait être de plus mauvais pronostic. Les deux protéines sont nucléaires. SYT est un activateur et SSX un répresseur transcriptionnel. Les fonctions de SYT, SSX et de la protéine de fusion demeurent encore largement méconnues. La recherche par FISH ou RT-PCR des transcrits de fu-

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Fig. 66.11 Histologie (faible grossissement) du léiomyosarcome cutané dermohypodermique : prolifération dermo-hypodermique de cellules tumorales fusiformes agencées en faisceaux enchevêtrés et de disposition fasciculée (faisceaux se coupant à angle droit)

Fig. 66.12 Histologie (fort grossissement) du léiomyosarcome cutané : caractère fusiforme et cellules tumorales à cytoplasme éosinophile et à noyau volumineux sion peut être utile au diagnostic. Certaines analyses transcriptionnelles montre la surexpression de gènes de la famille des récepteurs de l’EGF, des FGF, de l’IGFBP2 (insulinelike growth factor binding protein 2) et l’activation des cascades signalétiques Wnt et de l’acide rétinoïque. Ces résultats ont potentiellement une importance diagnostique, pronostique, mais également thérapeutique (nouvelles cibles). Certaines analyses transcriptionnelles montrent la surexpression de gènes de la famille des récepteurs de l’EGF, des FGF, de l’IGFBP2, et l’activation des cascades signalétiques Wnt et de l’acide rétinoïque, suggérant de nouvelles cibles thérapeutiques (inhibiteurs des récepteurs à l’EGF et de la voie Wnt) ³⁷-⁴⁰. Quels que soient le type ou le grade histologique, les SynS sont de mauvais pronostic. Les récidives surviennent dans 80 % des cas après chirurgie limitée, et 30 % après chirurgie large et radiothérapie. Les métastases, souvent tardives, surviennent dans la moitié des cas : elles sont surtout pulmonaires (94 % des cas), plus rarement osseuses et ganglionnaires (10 à 21 %). Si les survies à 5 ans vont, selon les études, de 36 à 76 %, les survies à 10 ans ne sont que de 20 à 63 % ²,⁴. Sarcomes épithélioïdes Forme distale (la plus fréquente) ²,⁴ Ces sarcomes représentent environ 1,4 % des sarcomes des tissus mous et prédominent chez l’adulte jeune, au niveau des extrémités notamment distales des membres supérieurs. Dans les formes superficielles, il s’agit en règle de nodule ou de plaque ferme unique ou multiple, mobile par rapport aux plans profonds, de croissance lente (quelques mois à 6 ans) qui peuvent occasionnellement s’ulcérer. Les lésions

 EGF epidermal growth factor · FGF fibroblast growth factor · FISH flurorescent in situ hybridization · RT-PCR reverse transcription-polymerase chain reaction · SynS synovialosarcome

Sarcomes cutanés

Sarcomes vasculaires Les angiosarcomes (AS) désignent des tumeurs vasculaires malignes développées à partir des cellules endothéliales. Le terme d’hémangio-endothéliome est appliqué à des tumeurs vasculaires de malignité intermédiaire ou incertaine, comme c’est le cas de l’hémangio-endothéliome épithélioïde. Angiosarcomes ²,⁴ Les AS représentent environ 1 % de tous les sarcomes et leur siège de prédilection est la peau. Le lymphœdème chronique est le facteur prédisposant le plus fréquent. Le deuxième facteur étiologique est la radiothérapie. Le pronostic est en règle défavorable avec des taux de survie à 5 ans d’environ 10 %. Angiosarcomes non associés au lymphœdème Ce sont les AS les plus fréquents, apparaissant chez les personnes âgées en moyenne de 70 ans, un peu plus souvent chez l’homme que chez la femme (sex-ratio 3:2), au niveau de la tête et du cou, et plus précisément au niveau du cuir chevelu et du front. Le début est le plus souvent insidieux, avec apparition d’une lésion faussement anodine à type de tache maculeuse, bleutée, ecchymotique, dont les limites  AS angiosarcome · LMS léiomyosarcome · SynS synovialosarcome

floues s’infiltrent progressivement. Il peut s’agir aussi d’un œdème plus ou moins inflammatoire (fig. 66.13). Très rapidement, l’aspect devient franchement tumoral, avec formation de plaques et de nodules violacés, hémorragiques, qui peuvent s’ulcérer et qui se multiplient (fig. 66.14). Le caractère multifocal est une des particularités de cette tumeur dont le degré d’extension est très difficile à apprécier, débordant les limites cliniquement visibles. En quelques mois, la tumeur peut envahir l’ensemble du cuir chevelu, du visage, et s’étendre à la partie supérieure du tronc.

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plus profondes sont souvent solidaires des tendons ou aponévroses. Histologiquement, la tumeur est constituée de nodules souvent creusés de plages de nécrose, entourées de cellules arrondies d’aspect pseudoépithélial, l’ensemble pouvant réaliser des aspects de granulomes épithélioïdes et tuberculoïdes. Les formes de début sont parfois trompeuses, avec un aspect de fibromatose. Sur le plan immunohistochimique, les cellules expriment des marqueurs à la fois conjonctifs (vimentine, parfois CD 34, antichymotrypsine, actine...) et épithéliaux, cytokératines, EMA. Sur le plan histologique, le diagnostic différentiel peut se poser avec des lésions granulomateuses nécrosantes (nodule rhumatoïde, granulome annulaire, granulome béryllique...), une maladie de Dupuytren, certains carcinomes peu différenciés, un sarcome à cellules claires et des formes épithélioïdes d’autres sarcomes (LMS, SN, SynS). En microscopie électronique, on observe un continuum entre des cellules mésenchymateuses d’allure fibroblastique et des cellules à différenciation épithéliale. Les rares études cytogénétiques rapportent des anomalies complexes. Il s’agit d’un sarcome agressif récidivant dans 34 à 77 % des cas sous forme de nodules multiples, étagés le long des axes tendino-aponévrotiques et des gaines nerveuses. Les métastases surviennent dans 40 % des patients souvent après des rechutes locales itératives. Les localisations préférentielles sont ganglionnaires locorégionales, pulmonaires, cutanées (cuir chevelu) et hépatiques. La survie globale va de 50 à 80 % entre 5 et 10 ans. Forme proximale Cette variante, plus rare, affecte des patients plus âgés, est caractérisée par une topographie axiale ou proximale, une localisation profonde et un pronostic plus sombre. Histologiquement, la prolifération fait discuter d’autres proliférations parfois épithélioïdes : mélanomes, carcinomes, angiosarcome épithélioïde, léiomyosarcome épithélioïde, rhabdomyosarcome ⁴¹.

Fig. 66.13 Angiosarcome en plaque du sujet âgé : plaque infiltrée érythémato-violine rétroauriculaire

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Fig. 66.14 Angiosarcome en plaque du sujet âgé : nodule tumoral lisse rouge violacé du scalp La prolifération vasculaire se développe dans toute l’épaisseur du derme et envahit progressivement l’hypoderme et parfois le fascia. La plupart des AS comportent des zones de différenciation variable. Les zones les mieux différenciées forment des structures vasculaires de taille et de forme irrégulières, disséquant les fibres de collagène et les cellules adipeuses. Ces vaisseaux communiquent entre eux en formant un réseau anastomotique complexe. Ils sont tapissés de cellules endothéliales irrégulièrement disposées, parfois empilées, avec formation de papilles flottant dans les lu-

Fig. 66.15

Histologie (faible grossissement) d’un angiosarcome cutané

mières vasculaires (fig. 66.15). Les cellules sont de grande taille avec des noyaux hyperchromatiques. Dans les zones indifférenciées, de haut grade de malignité, la prolifération est plus compacte, faite de cellules pléomorphes comportant un index mitotique élevé. La confirmation du diagnostic est apportée par les études immunohistochimiques. Le CD 31 (platelet endothelial cell adhesion molecule 1) est le marqueur vasculaire le plus utile, plus spécifique et plus sensible que l’antigène lié au facteur VIII, la lectine Ulex Europeus et le CD 34. L’expression du facteur de transcription Fli-1 est également de plus en plus utilisée, aujourd’hui, dans le diagnostic des tumeurs vasculaires, sans préjuger de leur caractère malin ⁴². Enfin, la disponibilité récente d’anticorps reconnaissant la podoplanine, le récepteur de type 3 au VEGF et LYVE-1 assez spécifiques de l’endothélium lymphatique chez l’adulte montre que ces angiosarcomes coexpriment largement des marqueurs de l’endothélium vasculaire et lymphatique, ce qui pourrait traduire une origine mixte ou la réexpression aberrante par des cellules transformées de certains antigènes de différenciation ⁴³-⁴⁵. Le diagnostic histologique peut être initialement difficile dans les formes bien différenciées, avec un hémangiome ou un lymphangiome ou une maladie de Kaposi et, dans les formes indifférenciées, avec un carcinome et les autres sarcomes. Les aspects cytogénétiques de ces sarcomes sont complexes, conduisant fréquemment à altérations de p53 et de son inhibiteur MDM2 ²,⁴⁶. La plupart des séries rapportent des taux de survie à 5 ans de 12 à 25 % avec une survie moyenne de 15 à 20 mois. Le facteur pronostique déterminant est la taille de la tumeur au moment du diagnostic, la frontière se situant à 5 cm. Les autres facteurs comme le sexe, le siège et le grade histologique ne sont pas corrélés au pronostic. Le décès survient par extension locale et métastases (ganglion, poumon, foie, rate) qui apparaissent dans les 2 ans qui suivent le diagnostic. Le traitement discuté plus loin fait appel à la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. Angiosarcome sur lymphœdème ou AS de Stewart et Treves Près de 90 % apparaissent sur le membre supérieur dans les suites d’une mammectomie associée à un curage ganglionnaire axillaire pour cancer du sein. Plus rarement, l’AS se développe au niveau de la paroi abdominale

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Particularités anatomocliniques 66-11

Fig. 66.16 Angiosarcome sur lymphœdème (forme de Stewart et Treves) après curage axillaire homolatéral en raison d’un carcinome mammaire après curage inguinal pour carcinome des régions génitale ou pelvienne ou sur lymphœdème d’un membre, d’origine congénitale, traumatique, filarienne ou idiopathique. Le délai d’apparition du sarcome est variable, en moyenne 10 ans après le traitement. Les mécanismes pathogéniques sont mal compris. L’obstruction lymphatique, une dysrégulation immunitaire locale, la radiothérapie souvent associée au traitement du carcinome initial sont les facteurs invoqués. Comme pour les AS de la tête et du cou, le début est insidieux, marqué par l’apparition d’une ou plusieurs lésions bleuâtres infiltrées sur une peau profondément remaniée par le lymphœdème (fig. 66.16). Ces lésions deviennent peu à peu nodulaires et confluent en larges plaques violacées s’infiltrant et s’ulcérant. Le degré d’extension peut être considérable, avec atteinte de tout le membre et diffusion à la paroi thoracique. Les aspects histologiques sont voisins de l’AS du cuir chevelu. L’absence de standards thérapeutiques empêche une analyse précise des résultats. Le taux de survie est inférieur à 3 ans dans la plupart des séries. Le caractère multifocal du sarcome ne permet le plus souvent qu’une chirurgie palliative. Les métastases pleuropulmonaires sont fréquentes et responsables de la plupart des décès ²,⁴. Angiosarcomes post-radiothérapie Leurs aspects cliniques et histologiques sont comparables aux autres AS, et il s’agit de sarcomes de haut grade de malignité, de très mauvais pronostic. Ils apparaissent sur le site d’une radiothérapie, 3 à 5 ans après la fin du traitement et ne sont pas associés à un lymphœdème (fig. 66.17). L’angiosarcome épithélioïde n’est guère individualisable cliniquement des formes précédentes dont il partage le pronostic défavorable. Il prédomine au niveau des extrémités (membres inférieurs notamment). Histologiquement, la prolifération est constituée de cellules endothéliales épithélioïdes, posant des problèmes de diagnostic différentiel avec les hémangio-endothéliomes épithélioïdes, les sarcomes épithélioïdes et certains carcinomes ². Hémangio-endothéliome épithélioïde (HEE) Il s’agit d’une tumeur vasculaire de pronostic intermédiaire. Rare, elle peut survenir à tout âge, sans prédominance de sexe.

 AS angiosarcome · LYVE-1 lymphatic vessel endothelial receptor 1 · VEGF vascular endothelial growth factor

Sarcomes cutanés

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Fig. 66.17 Angiosarcome post-radiothérapie développé sur le site de radiothérapie mammaire en raison d’un adénocarcinome mammaire La peau et le tissu sous-cutané sont un des sites privilégiés, bien que les localisations hépatiques, pulmonaires ou osseuses soient fréquentes. Il peut s’agir d’une tumeur unique nodulaire, érythémateuse, parfois douloureuse, de croissance lente et de siège ubiquitaire. Les tumeurs cutanées profondes sont plus volontiers localisées aux extrémités des membres. Les lésions peuvent être multiples. La prolifération tumorale se développe dans le derme ou le tissu sous-cutané. Elle est caractérisée par la présence de cellules endothéliales isolées ou groupées en cordons ou pseudotubes. Elles sont dites épithélioïdes, polygonales ou ovoïdes, possédant un cytoplasme abondant et clair et des vacuoles intracytoplasmiques qui peuvent contenir des globules rouges, ce qui témoigne d’une différenciation vasculaire incomplète. Le degré des atypies nucléaires, de même que l’index mitotique, sont variables. Le stroma est souvent myxoïde, typiquement dépourvu d’infiltrat inflammatoire. Dans le tissu cutané profond, la tumeur naît de la paroi d’une veine de gros ou moyen calibre. L’étude immunohistochimique montre l’expression du facteur VIII, du CD 31 et parfois du CD 34, tandis que les marqueurs épithéliaux sont en règle négatifs ⁴. Une translocation (1;3)(p36.3;q25) a été rapportée sur un nombre très limité de cas ²,⁴⁷. Une des particularités de l’HEE est son caractère plurifocal. Le bilan d’extension, recherchera des localisations pulmonaires, hépatiques et osseuses. Le pronostic semble dépendre du site initial de développement de la tumeur. Ainsi, le taux de mortalité est estimé à 13 % pour les HEE des tissus mous, à 35 % pour les HEE hépatiques et à 65 % pour les HEE pulmonaires. La chirurgie large avec exploration des aires ganglionnaires est préconisée pour les formes localisées cutanées. Le traitement des formes disséminées n’est pas codifié ²,⁴. Sarcome à cellules claires ou mélanome des tissus mous Ce sarcome très rare est actuellement considéré comme un mélanome des parties molles. Il s’agit d’une tumeur de l’adulte jeune entre 20 et 40 ans. Souvent étroitement liée à des structures tendinoaponévrotiques, la tumeur siège le plus souvent sur les membres (40 % des cas surviennent

sur la cheville ou le pied). Le plus souvent, il s’agit d’une masse de croissance lente peu ou pas douloureuse apparue en moyenne 3 ans auparavant (avec des extrêmes allant de 1 mois à 30 ans). La tumeur mesure en moyenne 4 cm au moment du diagnostic ²,⁴. Il s’agit d’une prolifération monomorphe faite de grandes cellules fusiformes au cytoplasme clair ou faiblement éosinophile, agencées en lobules ou en faisceaux. Il existe dans deux tiers des cas des cellules plurinucléées. Dans 72 % des cas, on note de la mélanine intracytoplasmique. De plus, les cellules tumorales expriment dans 90 % des cas la PS100 et l’HMB 45. L’origine mélanocytaire peutêtre confirmée par la mise en évidence de mélanosomes en microscopie électronique. On trouve une translocation spécifique, t(12;22)(q13;q12), aboutissant à la fusion de EWS et ATF1. La région EWS a deux domaines fonctionnels, l’un, N terminal, a des homologies avec l’ARN polymerase II, l’autre à un domaine de liaison à l’ARN. Au cours de la fusion EWS-FLI1 qui caractérise le sarcome d’Ewing, EWS joue le rôle d’activateur transcriptionnel. La fusion caractéristique du sarcome à cellule claire recombine la région 5 de EWS et la région 3 de ATF1. Le résultat place le domaine carboxy-terminal de ATF1 sous la régulation constitutive du domaine d’activation de EWS. ATF1 est un facteur de transcription. Le profil d’expression génique (marqueurs de différenciation mélanocytaire tels que MITF, SOX10, ERBB3, and FGFR1) du sarcome à cellules claires l’apparente aux mélanomes ⁴⁸. Le taux de récidives locales de ces sarcomes est élevé (47 %). Les métastases sont fréquentes (67 %) avant tout ganglionnaires et pulmonaires, puis osseuses, cutanées et hépatiques. Le délai moyen entre le diagnostic et la récidive est de 2,6 ans, et de 3,5 ans entre le diagnostic et les métastases. Le pronostic est défavorable, la survie à 5 ans et 10 ans étant de 43 et 18 % ²,⁴. Tumeurs malignes des gaines des nerfs périphériques Ces tumeurs sont issues de la cellule de Schwann et représentent 5 à 10 % des sarcomes des parties molles, principalement chez l’adulte entre 20 et 50 ans. Elles surviennent dans la moitié des cas dans le cadre d’une neurofibromatose de type 1 (NF1) ou maladie de Von Recklinghausen dont elles compliquent l’évolution dans 8 à 13 % des cas ⁴⁹. La tumeur se manifeste avant tout, soit par l’apparition d’une masse de novo (fig. 66.18), soit par une augmentation de volume d’un neurofibrome plexiforme préexistant. Il peut s’y associer des douleurs, notamment quand la tumeur naît d’un gros tronc nerveux. Contrairement aux tumeurs bénignes, cette douleur est spontanée, survenant sans facteurs déclenchants. Les déficits neurologiques sensitivomoteurs sont des signes d’appel fréquents, faisant craindre d’emblée la malignité ⁴⁹. Il existe un très grand polymorphisme histologique : peuvent s’observer des zones lâches myxoïdes ou à type de neurofibrome, des zones plus denses avec des ébauches d’agencement palissadique, de corpuscules de Meissner, des zones « léiomyosarcomateuses », des plages de cellules pseudoépithéliales. Les atypies sont variables, parfois très

Traitement 66-13 marquées. Dans 50 à 90 % des cas, il existe une expression de la PS100, en règle limitée à quelques amas de cellules tumorales. Dans 50 % des cas, on observe une expression du CD 57. Les anomalies cytogénétiques sont complexes ⁵⁰ : perte fréquente de fonction du gène suppresseur de tumeur NF1 (formes associées ou non à la NF1), fréquentes mutations des gènes codant pour P53 et Ink4a avec signalisation aberrante de la voie Notch dans les formes non associées à la NF1. L’expression précoce par les cellules tumorales de l’EGFR offre une cible thérapeutique intéressante ³⁸,⁵¹. Ce sont des sarcomes de haut grade de malignité. La taille (> 5 cm), l’âge et la résectabilité sont les meilleurs facteurs pronostiques. Les récidives locales sont fréquentes, la dissémination est hématogène (poumon) avec une survie globale à 5 ans de 35 à 40 % ⁴⁹.

Traitement Le traitement des sarcomes des tissus mous repose sur l’évaluation des facteurs pronostiques préalablement exposés à savoir : − extension locale (IRM et/ou scanner) ; − type et grade histologique (biopsie chirurgicale) ; − bilan d’extension général (radiographie de thorax et échographie hépatique, voire scanner).

Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes

Décision thérapeutique La décision thérapeutique doit prendre en compte plusieurs principes : − il n’existe pas de corrélation entre le contrôle local de la tumeur et la survie globale ⁵². En d’autres termes, une rechute locale n’est pas nécessairement annonciatrice d’un risque métastatique plus élevé. Ce principe indique donc qu’il n’y a plus d’intérêt reconnu à une chirurgie mutilante et que, au contraire, une chirurgie conservatrice sera privilégiée. L’extension et l’évolution métastatique d’un sarcome des tissus mous sont plus le reflet d’une agressivité biologique propre à la tumeur que d’un geste local insuffisant ; − l’extension ganglionnaire est rare, à l’exception des sar-

Fig. 66.18 Tumeur maligne des gaines des nerfs périphériques de la face plantaire du gros orteil  IRM imagerie par résonance magnétique

comes epithélioïdes, des synovialosarcomes, et des sarcomes à cellules claires ; − les sarcomes sont des tumeurs rares et potentiellement graves dont le traitement doit faire l’objet d’une concertation pluridisciplinaire. Principes thérapeutiques Les principes thérapeutiques reposent sur : − la chirurgie : c’est le traitement de référence. La voie d’abord doit se faire dans l’axe des membres ou, au niveau de la paroi thoracique, dans l’axe des côtes. Elle doit être effectuée en un bloc, tumeur entourée de tissu sain. Le standard est d’effectuer une exérèse avec marges larges, conduisant à des marges histologiques saines de façon circonférentielle. La quantité de marge (souvent estimée à 2 cm) n’est pas définie de façon précise. Le curage ganglionnaire systématique n’est pas de mise ; − la radiothérapie. Les sarcomes des tissus mous sont des tumeurs peu radiosensibles, ce qui rend leur traitement par radiothérapie exclusive aléatoire. La radiothérapie peut être néoadjuvante (préopératoire), peropératoire (curiethérapie) ou adjuvante (postopératoire), suivant les indications suivantes : − elle n’est pas indiquée si la tumeur est de bas grade, − en cas d’exérèse complète si la tumeur est > 5 cm et de haut grade, la radiothérapie diminue les risques de récidive locale mais n’a pas d’effet sur la survie globale ⁵³, − si les marges sont positives ou limites, la radiothérapie est utile pour éviter l’amputation mais n’induit pas de différence en termes de survie globale. Un repérage de zones à irradier sera fait par pose de clips au cours de l’intervention en cas de radiothérapie adjuvante. Il n’y a pas de consensus sur le volume d’irradiation, mais, en règle générale, l’irradiation intéresse l’ensemble du lit opératoire, y compris les trajets et orifices des drains et s’étend sur une marge d’environ 5 cm. L’irradiation des territoires de drainages ganglionnaires n’est pas indiquée du fait du faible risque d’atteinte ganglionnaire. La curiethérapie (iridium 192) locale permet de délivrer une dose importante au lit tumoral et de diminuer les doses aux tissus périphériques sains afin d’améliorer les résultats fonctionnels. Elle peut être exclusive (uniquement dans les tumeurs de haut grade) ou s’associer à une radiothérapie externe (en cas d’exérèse incomplète), mais elle augmente le risque de complications postopératoires ; − la chimiothérapie. Les sarcomes des parties molles sont des tumeurs peu chimiosensibles. Les agents les plus utilisés étaient jusqu’à présent : adriamycine, ifosfamide et dacarbazine, utilisées en monothérapie ou en association. Les anthracyclines liposomales (caelyx) montrent une efficacité comparable à celle des anthracyclines standard avec une tolérance cependant meilleure. Le taxol (agent inhibant la dépolymérisation des microtubules)

66-14

Sarcomes cutanés administré de façon hebdomadaire permet un taux de réponses de l’ordre de 20 % avec une médiane de survie à 7,6 mois sur une série d’angiosarcomes inopérables à un stade avancé ⁵⁴. L’association docetaxel (autre taxane) inhibant la polymérisation des microtubules et de gemcitabine (inhibiteur de la ribonucléotide réductase et donc inhibiteur de la synthèse de l’ADN) pourrait être intéressante dans certains léiomyosarcomes et sarcomes pléomorphes. La trabectedine, agent se fixant au petit sillon de l’ADN dans des régions riches en guanine-cytosine, entraîne des modifications conformationnelles de l’ADN avec pertubation des interactions de l’ADN avec des facteurs de transcription ou d’autres protéines liant l’ADN. La trabectedine modifie également l’excision réparation de nucléotides et est donc susceptible d’entraîner un taux de réponses de plus de 50 % chez des patients souffrant de liposarcomes myxoïdes ⁵⁵. Cet agent a possiblement également un intérêt dans le traitement des formes avancées de léiomyosarcome et de synovialosarcome. En termes de réponse, les polychimiothérapies contenant de l’adriamycine à la dose < 50 mg/m2 ont un taux de réponses significativement inférieur à l’adriamycine seule à la dose  60 mg/m2 . De même, les polychimiothérapies avec adriamycine à dose optimale ( 60 mg/m2 ) + ifosfamide sont significativement supérieures à l’adriamycine seule avec des taux de réponses allant jusqu’à 48 % versus environ 20 à 53 % pour adriamycine seule, dans le traitement de formes métastatiques ⁵⁶. En revanche, il n’y a pas de supériorité de ces polychimiothérapies sur la survie globale comparée à l’adriamycine en monochimiothérapie ou à l’ifosfamide seul ⁵⁷ dans le traitement des sarcomes métastatiques ⁵⁸. Il faudra à l’avenir tenir compte du type de sarcome dans l’évaluation de nouveau traitement comme les taxanes, prometteurs dans les angiosarcomes ⁵⁹, l’ET-743 (ecteinascidine), nouvel alkylant prometteur dans le traitement des sarcomes myxoïdes ⁶⁰ et l’association gemcitabine-taxane dans le traitement des léiomyosarcomes métastatiques ⁶¹. Ce sera également le cas de thérapies ciblées comme certains inhibiteurs de tyrosine kinase. L’imatinib a obtenu une extension d’AMM dans les DFSP inopérables ou métastatiques. Les inhibiteurs des récepteurs à l’EGF sont potentiellement intéressants dans le traitement des SynS. Les pan-inhibiteurs de tyrosine kinase, ciblant en particulier les récepteurs au VEGF et pour certains au PDGF s’avèrent d’excellents inhibiteurs de l’angiogenèse. Ces paninhibiteurs pourraient être à l’avenir intéressants dans le traitement des angiosarcomes, des léiomyosarcomes et des tumeurs des gaines nerveuses périphériques. Les inhibiteurs de mTOR (dont le chef de file est la rapamycine) sont en cours d’évaluation dans le traitement des léiomyosarcomes ou des angiosarcomes. On dispose aujourd’hui de molécules susceptibles d’inhiber le cycle cellulaire (inhibiteurs de kinase dépendante de cyclines comme flavopiridol) ; ces molécules sont en cours d’évaluation dans le traitement des liposarcomes de même que les nutlins, agents susceptibles d’entraîner la dégrada-

tion de MDM2 et donc de stabiliser p53. La chimiothérapie peut être adjuvante ou néoadjuvante en cas de tumeurs restant localisées selon les mêmes critères que la radiothérapie et parfois même en association. La chimiothérapie néoadjuvante peut en outre se faire en intraartérielle (membre perfusé isolé, adriamycine, cisplatine, et surtout melphalan) ou par voie systémique. La chimiothérapie néoadjuvante a pour but le contrôle local pour éviter l’amputation, la chimiothérapie adjuvante le contrôle des micrométastases responsables des rechutes au cours des STM à haut risque. La chimiothérapie est le seul traitement disponible dans les formes métastatiques non opérables. Indications thérapeutiques Les indications thérapeutiques sont : − tumeurs résécables chirurgicalement avec des marges adaptées : − en cas de tumeur  5 cm (superficielle ou intramusculaire) de bas grade : aucun traitement complémentaire n’est recommandé, − en cas de tumeur > 5 cm ou de haut grade (III) : un traitement adjuvant doit être discuté. La radiothérapie sera proposée afin de diminuer le risque de récidive locale ; La chimiothérapie adjuvante ne peut être considérée comme un standard, car son impact sur la survie globale n’est pas démontré. Les recommandations du groupe français des sarcomes sont d’utiliser alors une association d’adriamycine et d’ifosfamide à forte dose et de réserver ce traitement pour des patients de moins de 45 ans, pour des tumeurs des extrémités, dans des formes de mauvais pronostic quel que soit le grade histologique comme les synovolosarcomes, les sarcomes épithélioïdes, les liposarcomes à cellules rondes. La chimiothérapie adjuvante n’est pas recommandée en revanche chez des patients de plus de 65 ans et dans les sarcomes des tissus mous superficiels ; elle n’est pas non plus recommandée hors essai thérapeutique dans les sarcomes des extrémités de grade II, dans les léiomyosarcomes de grade II et III ou dans les sarcomes n’intéressant pas les extrémités de grade II et III ; − après exérèse incomplète (marge positive) : − il faut effectuer, si elle est possible, une reprise chirurgicale, − si la reprise chirurgicale est mutilante, un traitement adjuvant par radiothérapie et/ou chimiothérapie doit être discuté ; − en cas d’exérèse radicale initiale impossible (en particulier au niveau d’un membre) : − un traitement de type néoadjuvant (chimiothérapie et/ou radiothérapie) associé à une chirurgie conservatrice secondaire sera discuté. Cette attitude ne modifierait pas la survie globale des patients par rapport à l’amputation, même si les risques de récidive locale sont plus fréquents ⁶², − l’amputation sera réservée aux tumeurs de haut grade avec atteinte majeure des structures vasculo-

 AMM autorisation de mise sur le marché · DFSP dermatofibrosarcome protubérans de Darier-Ferrand · EGF epidermal growth factor · PDGF platelet-derived growth factor · SynS synovialosarcome · VEGF vascular endothelial growth factor

Références 66-15 nerveuses et extension à plusieurs compartiments musculaires (en l’absence d’extension métastatique uniquement) ; − dans les fo f rmes métastatiques disséminées seules, une chimiothérapie peut être proposée ; − pour les métastases uniques stables à 2 mois, permettant un traitement chirurgical. Surveillance Il n’existe pas de consensus. Dans notre pratique, nous 1 Fletcher CD. The evolving classification of soft tissue tumours : an update based on the new WHO classification. Histopathology g 2006 ; 48:3-12. 2 Fletcher CDM, Unni KK, Mertens F, World Health Organization. International Academy of Pathology. Pathology g and genetics of tumours r of soft tissue and bone. Lyon, Oxford : IARC Press ; 2002. 3 Clark MA, Fisher C, Judson I et al. Softtissue sarcomas in adults. N Engl J Med 2005 ; 353:701-711. 4 Champeau F F, Verola O, Vignon-Pennamen MD. [Cutaneous and subcutaneous sarcomas]. Ann Chir Plast Esthet 1998 ; 43:421-438. 5 Mendenhall WM, Zlotecki RA, Scarborough MT. Dermatofibrosarcoma protuberans. Cancer 2004 ; 101:2503-2508. 6 Sirvent N, Maire G, Pedeutour F. F Genetics of dermatofibrosarcoma protuberans family of tumors : from ring chromosomes to tyrosine kinase inhibitor treatment. Genes Chromosomes r Cancer 2003 ; 37:1-19. 7 Sjoblom T, Shimizu A, O’Brien KP et al. Growth inhibition of dermatofibrosarcoma protuberans tumors by the platelet-derived growth f tor receptor antagonist STI571 through infac duction of apoptosis. Cancer Res 2001 ; 61:57785783. 8 Greco A, Roccato E, Miranda C et al. Growthinhibitory effec ff t of STI571 on cells transfo f rmed by the COL1A1/PDGFB rearrangement. Int J Cancer 2001 ; 92:354-360. 9 Greco A, Fusetti L, Villa R et al. Transfo f rming activity of the chimeric sequence fo f rmed by the fus f ion of collagen gene COL1A1 and the platelet derived growth fac f tor b-chain gene in dermatofibrosarcoma protuberans. Oncogene 1998 ; 17:1313-1319. 10 Fiore M, Miceli R, Mussi C et al. Dermatofibrosarcoma protuberans treated at a single institution : a surgical disease with a high cure rate. J Clin Oncol 2005 ; 23:7669-7675. 11 Shimizu A, O’Brien KP, P Sjoblom T et al. The dermatofibrosarcoma protuberans-associated collagen type Ialpha1/platelet-derived growth

recommandons : − pour les sarcomes des tissus mous à faible risque : examen clinique + radiographie pulmonaire (± échographie hépatique) tous les 4 mois pendant 2 ans puis tous les 6 mois pendant 2 ans puis une fois par an à vie ; − pour les sarcomes des tissus mous à haut risque : examen clinique, radiographie pulmonaire et scanner pulmonaire (± hépatique) tous les 4 mois pendant 4 ans, tous les 6 mois pendant 1 an, puis une fo f is par an à vie.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Lebbé C, Renaud-Vilmer C, Vignon-Pennamen MD, Vérola O. Sarcomes cutanés. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 66.1-66.16.

67

Cancers cutanés après transplantation d’organe

Sylvie Euvrard, Jean Kanitakis, Alain Claudy Carcinomes 67-1 Épidémiologie 67-1 Aspects anatomocliniques 67-1 Aspects pathogéniques 67-2 Traitements immunosuppresseurs 67-3 Facteurs liés à la greffe 67-3 Traitement et prévention 67-3 Cancers anogénitaux 67-4 Maladie de Kaposi 67-5 Épidémiologie 67-5

L

a population des greffés d’organe ne cesse de croître en raison d’un allongement régulier de leur survie à long terme. Il existe maintenant de nombreux patients vivant depuis plus de 20 ans grâce à un greffon, la survie des plus anciens approchant 18, 27 et 40 ans après greffe hépatique, cardiaque et rénale, respectivement. Le bon fonctionnement du greffon nécessite la prise d’un traitement immunosuppresseur à vie induisant une nette augmentation du risque de cancers ¹,² parmi lesquels les carcinomes cutanés sont les plus fréquents. Ils consistent en carcinomes cutanés (95 % des cas) ³, mais aussi en tumeurs variées telles la maladie de Kaposi, le mélanome, les cancers anogénitaux et d’autres tumeurs plus rares comme le carcinome à cellules de Merkel ou le fibroxanthome atypique.

Carcinomes Épidémiologie Le pourcentage de patients présentant des carcinomes cutanés augmente régulièrement avec l’ancienneté de la greffe et varie de 10 à 20 % après 10 ans jusqu’à 60 à 80 % après 20 ans d’immunosuppression ³-⁹. Si la survenue des lésions est plus rapide dans les pays de fort ensoleillement comme l’Australie, plus de la moitié des patients sont concernés même au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas. Le délai d’apparition après la greffe est en moyenne de 8 à 10 ans ¹⁰. Il est plus court chez les sujets plus âgés et ceux ayant eu une exposition solaire importante. Si les cas pédiatriques restent exceptionnels, l’apparition de carcinomes à l’âge de 25 ou 30 ans chez des patients greffés dans l’enfance n’est pas  CBC carcinome basocellulaire cutané · CE carcinome épidermoïde

Aspects anatomocliniques 67-5 Pathogénie 67-5 Diagnostic 67-6 Traitement et prévention 67-6 Mélanome 67-7 Carcinomes à cellules de Merkel 67-7 Lymphomes cutanés 67-7 Autres tumeurs rares 67-7 Conclusion 67-8 Références 67-8

rare ¹¹. L’augmentation du risque porte principalement sur les carcinomes épidermoïdes (CE) qui sont les tumeurs les plus fréquentes chez ces patients (× 100) mais aussi sur les carcinomes basocellulaires (CBC) (× 10). Cela conduit à une inversion du ratio CE/CBC observé chez les patients non immunodéprimés qui varie selon les séries entre 3 à 5 pour 1. Aspects anatomocliniques Les carcinomes siègent sur les parties découvertes, essentiellement la tête, le cou, le dos des mains et des avant-bras mais aussi la partie supérieure du tronc et les membres inférieurs. La répartition semble dépendre de l’âge de transplantation et du sexe. La plupart des lésions siègent sur le dos des mains et des avant-bras pour les patients greffés avant 40 ans, et sur l’extrémité céphalique pour les patients greffés plus âgés ¹²,¹³. L’atteinte du tronc et des membres semble plus fréquente chez les femmes et celle des oreilles est presque exclusivement masculine. Les patients développent des carcinomes multiples, simultanément et/ou successivement, associés à d’autres tumeurs épithéliales dysplasiques à caractère multiple, kératoses préépithéliomateuses (fig. 67.1-67.2), maladies de Bowen (carcinome in situ) et kératoacanthomes. La survenue d’un premier CE est prédictive de carcinomes et tumeurs cutanées multiples. À l’examen initial, 30 % des patients ont déjà d’autres tumeurs et 10 % au moins deux CE. La proportion de patients qui font au moins un autre CE est de 50 % dans les 2 ou 3 ans ¹⁰,¹⁴ et atteint 65 % dans les 5 ans. Si l’on considère l’ensemble des tumeurs cutanées, 90 à 100 %

Kératoses multiples du visage (greffé rénal)

Lésions verrucokératosiques du dos des mains (greffé rénal)

de pronostic défavorable. Les CE semblent aussi prédictifs de cancers extracutanés associés dans au moins 20 % des cas dans les 5 ans et 35 % pour les CE métastatiques ¹⁰. L’étude histologique des carcinomes comparée à des populations témoins montre une plus grande proportion de CE indifférenciés ²⁰. En revanche, les carcinomes basocellulaires ne semblent pas présenter des caractères d’agressivité plus marquée ; la proportion de carcinomes superficiels est même plus élevée ²¹. Aspects pathogéniques La pathogénie des carcinomes est multifactorielle et comprend des facteurs constitutionnels et des facteurs extrinsèques. Les deux facteurs extrinsèques principaux sur lesquels une prévention peut s’appliquer sont l’exposition solaire et les traitements immunosuppresseurs. L’exposition solaire est déterminante, illustrée par la plus grande prévalence de carcinomes dans les pays à fort ensoleillement ⁴,²²,²³, et l’atteinte préférentielle des sujets exposés au soleil après ou avant la greffe sur les zones découvertes. Les principaux effets biologiques induits par les rayons ultraviolets sur la peau, en particulier la diminution et l’altération des cellules de Langerhans, sont aggravés par les traitements immunosuppresseurs.

Coll. D. Bessis

des patients sont concernés à 5 ans. Dans notre expérience, le nombre de tumeurs par patient est plus élevé chez les greffés rénaux que cardiaques avec un nombre cumulé à 5 ans de 10 versus 5 nouvelles lésions ayant nécessité une ablation avec contrôle histologique ¹⁰. Ces chiffres sont inférieurs à la totalité des lésions et n’incluent pas les lésions plus superficielles traitées par cryothérapie. 30 à 40 % des patients ayant présenté un CE développent également des carcinomes basocellulaires. L’association à des lésions verrucokératosiques est fréquente (fig. 67.3). L’ensemble de ces lésions est souvent de diagnostic difficile, et un aspect de tumeur nodulaire ou verruqueuse à caractère inflammatoire peut aussi bien correspondre sur le plan histologique à un CE (fig. 67.4), une kératose préépithéliomateuse, un kératoacanthome ou à une verrue vulgaire ¹⁵. La multiplicité des carcinomes expose les patients à un risque plus élevé de CE agressifs ¹⁶-¹⁹ incluant des tumeurs de croissance rapide, des tumeurs récidivant localement (13 %) généralement dans les 6 premiers mois suivant l’ablation de la tumeur, et des évolutions métastatiques (5 à 8 %) ³,¹⁹. L’épaisseur histologique, la localisation céphalique, l’âge plus élevé, l’intensité de l’exposition solaire et la présence de tumeurs extracutanées constituent des facteurs

Fig. 67.3

Coll. Dr S. Euvrard, Lyon

Fig. 67.1

Coll. Dr S. Euvrard, Lyon

Cancers cutanés après transplantation d’organe

Coll. Dr S. Euvrard, Lyon

67-2

Fig. 67.2 Carcinome épidermoïde de la lèvre inférieure chez un transplanté cardiaque  CE carcinome épidermoïde

Fig. 67.4 Carcinome épidermoïde ayant un aspect de kératoacanthome au niveau de la région pré-auriculaire (greffé cardiaque)

Carcinomes 67-3 Traitements immunosuppresseurs La responsabilité des traitements immunosuppresseurs dans le développement des carcinomes cutanés est reconnue et la diminution du nombre de tumeurs avec la réduction ou l’arrêt des traitements a été rapportée ¹⁰,¹⁶,²⁴-²⁷. Les carcinomes représentent un marqueur d’immunodépression, le taux des lymphocytes CD4 étant significativement inférieur chez les patients avec carcinomes que chez ceux sans tumeur ²⁸. Jusqu’à ces dernières années, il était admis que les carcinomes étaient liés plus à la durée et à l’intensité de l’immunodépression qu’à la nature même des molécules immunosuppressives du traitement de maintenance ⁴. Plusieurs études ont en effet montré que la proportion de patients développant des CE était plus élevée sous trithérapie (prednisolone, azathioprine et ciclosporine) que sous bithérapie (prednisolone/azathioprine), et ces faits étaient interprétés comme le résultat d’une immunodépression plus forte ²⁹,³⁰. Par ailleurs, une étude prospective sur 5 ans comparant deux groupes de patients traités par des doses différentes de ciclosporine a montré que les faibles doses étaient associées à moins de cancers ³¹. Il semble que les patients ayant un dysfonctionnement du greffon nécessitant le recours à de plus grosses doses d’immunosuppresseurs aient un risque plus élevé de carcinomes. L’étude d’une population de greffés rénaux a montré qu’un taux de créatinine > 150 mmol/ml à un an était associé à un risque accru de carcinomes multiples ⁸. Par ailleurs dans un groupe de greffés cardiaques, le taux de rejets aigus survenus dans la première année était associé de façon significative à plus de cancers cutanés ³². Le rôle des traitements d’induction est plus difficile à apprécier en raison du caractère tardif de l’apparition des carcinomes. L’évaluation du rôle d’une molécule immunosuppressive est devenue de plus en plus complexe étant donné la multiplication des drogues et de leurs combinaisons. De plus, le niveau d’immunodépression induit par des mêmes doses peut être très différent d’un patient à l’autre compte tenu des variations de sensibilité individuelle. Il a été clairement montré que les anticalcineurines (ciclosporine et tacrolimus), indépendamment de leur action immunosuppressive, ont une action oncogène directe ³³-³⁵. La promotion tumorale semble passer par la production de facteurs de croissance notamment de TGF-β qui serait d’ailleurs supérieure sous ciclosporine que sous tacrolimus ³⁶. Par ailleurs, une étude récente suggère que l’action mutagène de l’azathioprine pourrait être liée à une photosensibilité sélective aux UVA ³⁷. Le rôle des papillomavirus humains (PVH) a été suspecté depuis de nombreuses années du fait de l’association fréquente des verrues et des carcinomes sur le plan clinique et histologique ³,²⁰,³⁸-³⁹. Néanmoins, tous les types de verrues ne sont pas prédictifs de carcinomes, et les verrues vulgaires en particulier ne semblent pas prédisposer ⁴⁰. Le rôle exact des PVH reste discuté car ils sont détectés dans diverses lésions bénignes ⁴¹ et sur la peau saine au niveau des follicules pileux des sujets greffés et aussi chez les sujets immunocompétents ²⁰,⁴². Bien que la majorité des types

détectés soient du groupe de l’épidermodysplasie verruciforme, il semble que leur rôle carcinogène dans les tumeurs cutanées ne soit pas lié à des types dits « à haut risque », mais plutôt à leur multiplicité et/ou à leur persistance sur plusieurs années ⁴³. D’autres facteurs extrinsèques semblent aussi augmenter le risque de cancer cutané, en particulier la durée de la dialyse ⁴⁴ ainsi que le tabagisme ⁴⁵,⁴⁶. Les facteurs constitutionnels comportent essentiellement la peau claire, les yeux clairs et les cheveux blonds ou roux. Les études européennes sur les cancers cutanés sont plus nombreuses dans les pays nordiques, Angleterre, Pays-Bas, pays scandinaves qu’en Italie ou en Espagne où la proportion de patients bruns de phototype mat est plus élevée. Le sexe masculin et l’âge plus élevé sont également des facteurs de risque reconnus. Plusieurs facteurs génétiques sont impliqués, comme le polymorphisme de la protéine p53 ⁴⁷-⁵⁰, le polymorphisme des enzymes impliqués dans le métabolisme des radicaux libres (gluthathion-S transférase) ⁴⁶,⁵¹, ou du gène promoteur de l’interleukine 10 ⁵². En revanche, le rôle des antigènes HLA et des mismatchs semble secondaire ⁵³. D’autres facteurs incluant les instabilités chromosomiques ⁵⁴ et le chimérisme pourraient aussi intervenir ⁵⁵. Facteurs liés à la greffe Il est difficile d’analyser ce qui semble revenir à la pathologie ayant conduit à la greffe ou au type d’organe transplanté, en raison des différences démographiques liées à l’âge ou au conditionnement immunosuppresseur. La plus grande fréquence de patients greffés cardiaques avec des cancers cutanés semble plutôt liée à leur âge plus élevé au moment de la transplantation qu’à une différence de traitements immunosuppresseurs au long cours ⁵,¹⁰,⁵⁶,⁵⁷. En revanche, la population de greffés hépatiques aurait un risque moins élevé, probablement en raison d’une immunosuppression plus légère ⁵⁷,⁵⁸. Dans une étude nord-américaine, la polykystose rénale et les affections cholestatiques ont été retrouvées comme facteurs de risque alors que le diabète aurait un rôle protecteur ⁵⁸. Malgré le grand nombre de malades inclus (plus de 60 000), l’étude réalisée sur les 5 premières années manque nettement de recul et sélectionne probablement les patients les plus âgés. Traitement et prévention Le traitement des lésions tumorales nodulaires repose sur l’ablation chirurgicale avec contrôle histologique ³,⁵⁹. Il peut être nécessaire de recourir à la chirurgie plastique ou la chirurgie de Mohs en cas de lésions de grande taille et/ou sur des sites anatomiques difficiles. Les lésions superficielles peuvent être traitées sans contrôle histologique par les méthodes habituelles (cryothérapie, électrocoagulation, applications de 5-fluoro-uracile topique). En cas d’évolution métastatique à un seul ganglion, un curage ganglionnaire simple sera suffisant s’il n’existe pas d’extension extracapsulaire. La radiothérapie ne sera utilisée qu’en traitement adjuvant de métastases ganglionnaires multiples/et ou d’effraction extracapsulaire. Les chimiothérapies à base

 CE carcinome épidermoïde · PVH papillomavirus humain · TGF transforming growth factor · UV ultraviolets

67-4

Cancers cutanés après transplantation d’organe de bléomycine, 5-fluoro-uracile ou cisplatine sont souvent plus toxiques qu’efficaces. Le traitement des lésions multiples bénéficie actuellement de plusieurs options. Les nouveaux immunomodulateurs topiques comme l’imiquimod semblent avoir une efficacité antitumorale chez les patients greffés ⁶⁰-⁶³, constatée dans de petites séries sur des carcinomes basocellulaires, kératoses actiniques, maladies de Bowen et CE. Une seule étude randomisée en double aveugle rapporte une réduction du nombre des kératoses actiniques chez seulement 36 % des patients ⁶³. D’autres études en cours devraient permettre d’évaluer à plus grande échelle à la fois l’efficacité et l’innocuité de l’imiquimod, son mode d’action passant en effet par la sécrétion de cytokines dont l’interféron α qui par voie systémique peut induire des rejets aigus. L’utilisation de la thérapie photodynamique chez des patients greffés ayant des kératoses actiniques et/ou des maladies de Bowen a été récemment rapportée ⁶⁴-⁶⁶. S’il existe une réduction du nombre des lésions dans les premiers mois, les résultats à long terme semblent moins bons que dans une population non immunodéprimée ⁶⁴ et la comparaison intra-individuelle des bras et mains traités ou non montre que le traitement ne prévient pas l’apparition des CE ⁶⁵. Néanmoins, ce traitement pourrait constituer une option thérapeutique dans des zones où l’enjeu cosmétique est important ⁶⁶. Les rétinoïdes per os (acitrétine) entraînent généralement une réduction des kératoses et des carcinomes ⁶⁷,⁶⁸ mais leur tolérance aux doses habituelles est souvent mauvaise (hyperlipémie, sécheresse de la peau et des muqueuses, prurit) ⁶⁹ et l’arrêt des rétinoïdes est généralement suivi d’une reprise des processus tumoraux. Des études récentes proposent d’utiliser des doses faibles de 0,2-0,4 mg/kg ⁷⁰-⁷², qui peuvent aussi être associées à la trétinoïne topique ⁷³. La modulation du traitement immunosuppresseur est de plus en plus souvent pratiquée pour les CE. Elle était réalisée initialement en cas de lésions multiples, et/ou de récidives locales ou de métastases, mais peut être envisagée plus tôt, dès le premier CE, en raison du risque de lésions multiples secondaires à court et long terme. Les différentes modalités de réduction de traitement restent arbitraires et mal codifiées et varient en fonction des habitudes de chaque praticien ¹⁰,²⁷. La réduction peut porter sur l’azathioprine ou le mycophénolate mofétil et/ou sur les anticalcineurines et/ou les corticoïdes. L’intervention va d’une réduction de 20-25 % à l’arrêt total de la substance. En pratique, le choix est parfois guidé par la pathologie associée, par exemple réduction de ciclosporine en cas de néphropathie, ou de l’azathioprine en cas de troubles hépatiques ou sanguins. Cette mesure est suivie d’amélioration cutanée chez un certain nombre de patients, mais peut augmenter le risque de rejet. L’utilisation d’une molécule présentant à la fois une puissante action immunosuppressive et des propriétés antitumorales réduirait considérablement le risque de cancers chez les patients greffés. Un certain nombre d’études in vitro et in vivo ont suggéré initialement que les inhibiteurs de la protéine m-TOR, comportant surtout la rapamycine ou sirolimus (Rapamune) et l’évérolimus (Cer-

 CE carcinome épidermoïde · TNF tumor necrosis factor

tican) pourraient répondre à cette attente ³³,⁷⁴. Par ailleurs, au niveau de la peau, la rapamycine inhiberait les effets délétères des rayons ultraviolets en réduisant l’expression des métalloprotéinases impliquées dans la carcinogenèse cutanée, du TNF-α, et les altérations de la protéine p53. Les données cliniques provenant de plusieurs études montrent clairement que les patients greffés traités de novo (c’est-àdire dès le début de la transplantation) par le sirolimus ont moins de cancers cutanés en comparaison avec ceux traités par les protocoles habituels ⁷⁵-⁷⁸. Même si le sirolimus conserve ses propriétés antitumorales lorsqu’il est pris en association avec la ciclosporine, le risque de cancer apparaît encore plus faible chez les patients traités par le sirolimus seul (avec corticoïdes) ⁷⁸. En revanche, il n’existe actuellement pas de données sur l’incidence des tumeurs cutanées après remplacement des autres immunosuppresseurs par le sirolimus. En raison de la plus grande fréquence des phénomènes d’intolérance en cas de d’introduction secondaire, en particulier de protéinurie ⁷⁹-⁸¹, l’attitude la plus bénéfique dans l’adaptation du traitement immunosuppresseur reste à définir. Une étude multicentrique nationale évalue actuellement l’effet du remplacement des anticalcineurines par la rapamycine sur la prévention des cancers cutanés, à partir du premier CE. La prévention passe par l’éducation des patients greffés sur la protection solaire et une consultation dermatologique systématique avant la greffe et répétée une fois par an après la greffe permettant une détection et un traitement précoce des lésions. Plusieurs publications récentes ont montré la difficulté d’informer efficacement les patients sur la protection solaire ⁸²-⁸⁷. En France, la section « Peau et greffe d’organe » de la Société Française de Dermatologie a mis au point un document officiel écrit à l’usage des patients, accessible par le web (www.sfdermato.org). Des documents en anglais sont aussi disponibles sur des sites internationaux européens (www.scopnetwork.org) ou nordaméricains (www.itscc.org).

Cancers anogénitaux Leur taux serait 30 à 100 fois plus élevé chez les greffés ⁸⁸,⁸⁹ mais ces tumeurs n’ont fait l’objet d’aucune étude récente. Comme sur la peau, ils ont tendance à être multiples ; un tiers des femmes atteintes ont un cancer du col associé. De nombreuses lésions correspondent à des carcinomes in situ, et les cas de papulose bowénoïde sont fréquents. Néanmoins, une évolution métastatique est observée dans 11 % des cas. Les facteurs de risque comprennent comme dans les groupes témoins, le nombre de partenaires sexuels, les antécédents de condylomes, le tabagisme, et chez les greffés la présence de carcinomes cutanés multiples et l’intensité du traitement immunosuppresseur. Ces lésions représentent souvent un marqueur d’immunodépression profonde. Les lésions in situ peuvent être détruites par les méthodes habituelles (vaporisation laser, électrocoagulation) ou des applications de crème au 5-fluoro-uracile ou d’imiquimod ⁹⁰. Les lésions invasives nécessitent avant tout un traitement chirurgical associé à un curage ganglionnaire si

Maladie de Kaposi 67-5 l’épaisseur de la tumeur dépasse 1 mm et une révision du traitement immunosuppresseur ⁹¹.

Maladie de Kaposi La maladie de Kaposi (MK) définie par une pathologie tumorale de nature vasculaire reste classée dans les cancers mais pourrait aussi être considérée comme une infection opportuniste. La forme observée après greffe d’organe se distingue des autres formes (classique, endémique et associée au SIDA) par des caractéristiques cliniques, épidémiologiques et évolutives propres au contexte de la greffe.

sur la cicatrice de transplantation. Des lésions muqueuses sont associées dans 25 à 30 % des cas et concernent le palais, la muqueuse nasale, le pharynx, le larynx et les conjonctives. Une atteinte viscérale survient chez 25-30 % des greffés rénaux et 50 % des greffés cardiaques ou hépatiques ⁹⁸. Elle accompagne généralement des formes cutanées assez diffuses, mais peut être isolée dans 10 % des cas. Tous les organes peuvent être concernés, mais ce sont les atteintes digestives, ganglionnaires et pulmonaires qui sont les plus fréquentes nécessitant un dépistage par scanner du corps entier et endoscopie. Pathogénie Il est maintenant clairement démontré que la MK est associée au nouveau virus appelé « Kaposi’s Sarcoma herpes virus » ou herpes virus 8 (HHV8) découvert en 1994. HHV8 est un gamma 2-herpès virus oncogène codant pour des cytokines et des facteurs régulant la transformation maligne des cellules endothéliales et des lymphocytes B. Le génome viral est présent dans presque tous les tissus de MK et occasionnellement dans la peau saine des patients atteints de MK. La quantification de la charge virale dans les cellules mononuclées sanguines peut être utile pour suivre la progression de la maladie ⁹⁹ et une virémie persistante peut précéder l’apparition de la maladie. La prépondérance ethnique qui était initialement supposée d’origine génétique correspond en fait à la séroprévalence HHV8 de la population générale (< 5 % en Amérique du Nord et en France, 4-18 % en Italie, > 50 % en Afrique. Il a été démontré dans les régions méditerranéennes que la prévalence de l’infection augmente avec l’âge, variant de 9,7 % dans les groupes 0-14 ans pour atteindre 26,3 % chez les sujets ayant 59 ans ou plus ¹⁰⁰. La MK post-transplantation peut survenir dans plusieurs situations. La plupart des cas semblent correspondre à la réactivation virale de sujets séropositifs avant la greffe. Le risque de MK pour des patients séropositifs avant la transplantation a été rapporté de 23 à 28 % à 3 ans ¹⁰¹,¹⁰² comparé à 0,7 % chez les patients séronégatifs ¹⁰³. Cependant la transmission peut se faire par le greffon comme l’a suggéré initialement l’apparition d’une MK chez les deux receveurs des reins provenant du même donneur. L’étude de Régamey ¹⁰⁴ a confirmé la possibilité de voir se développer une MK chez des greffés

Aspects anatomocliniques Plus de 90 % des patients greffés avec MK présentent des lésions cutanées et/ou muqueuses. Elles sont constituées de plaques ou nodules rouge violacé d’aspect angiomateux (fig. 67.5) qui prennent une teinte bleuâtre chez les patients noirs. L’étendue des lésions dépend du niveau d’immunosuppression. Dans notre expérience ⁹⁶,⁹⁷, 20 % des patients ont des lésions en nombre limité (< 5) dans une seule zone corporelle, alors que 70 % ont une présentation proche de la forme méditerranéenne avec prédominance des lésions sur les membres inférieurs qui sont souvent lymphœdémateux. Les autres patients présentent une forme extensive proche de la forme associée au SIDA. Les lésions peuvent se localiser sur des cicatrices d’origine variée, en particulier

Fig. 67.5 Nodules de maladie de Kaposi sur le membre de la fistule artérioveineuse (greffé rénal d’origine nord-africaine)

 HHV human herpes virus

Coll. Dr S. Euvrard, Lyon

Épidémiologie Le risque de MK est multiplié par 128 par rapport aux groupes contrôles ⁹² et par 2 à 3 chez les hommes par rapport aux femmes. Les patients âgés de 50 ans ou plus au moment de la greffe ont 3 fois plus de risque que ceux ayant moins de 34 ans ⁹². Son incidence varie de 0,4-5 % dans les pays occidentaux à 1,5 % dans le nord de l’Italie, 3 % dans le sud et 4,1 % au Moyen-Orient. La plupart des cas surviennent chez des patients d’origine méditerranéenne, du Moyen-Orient ou d’Afrique. Quelques cas pédiatriques ont été rapportés ¹¹,⁹³,⁹⁴. La moyenne d’âge de la MK post-greffe est inférieure à celle de la MK méditerranéenne. Le délai d’apparition après la greffe est court et l’âge moyen suit l’évolution des pratiques de la greffe et des traitements immunosuppresseurs. Il était classiquement de 43 ans lorsque la moyenne d’âge de transplantation était autour de 40 ans avec un délai moyen de 2 ans post-greffe chez des patients sous corticoïdes et azathioprine. Depuis l’introduction de la ciclosporine, la MK se développe plus rapidement avec un risque dans la première année 5 fois plus élevé qu’après 5 ans de greffe ⁹². Néanmoins, des cas tardifs peuvent survenir (jusqu’à 18 ans). Parmi les patients traités par ciclosporine, il a été démontré que ceux sous Néoral avaient une incidence de MK 4 fois supérieure par rapport à ceux traités par la présentation initiale du Sandimmun, probablement en raison d’une plus grande biodisponibilité et d’une immunosuppression plus intense ⁹⁵. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de voir une MK apparaître 5 ans après la greffe à l’occasion d’un remplacement du Sandimmun par le Néoral.

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Cancers cutanés après transplantation d’organe rénaux ayant présenté une séroconversion après la greffe et qui avaient reçu des greffons de donneurs séropositifs. Une étude récente a mis en évidence des cellules dérivées du donneur au sein des lésions de MK ¹⁰⁵. La séroconversion se produit généralement dans les premiers mois et est le plus souvent asymtomatique, en particulier chez les greffés rénaux ¹⁰⁴,¹⁰⁶,¹⁰⁷. Néanmoins, les patients peuvent présenter une primo-infection s’accompagnant de pancytopénie sévère, de syndrome d’activation macrophagique ¹⁰⁸ et/ou d’une MK d’évolution rapidement mortelle, en particulier après transplantation hépatique ¹⁰⁹. Les taux de séroconversion semblent plus faibles après transplantation rénale (< 5 %) qu’après transplantation cardiaque (33 %) ou hépatique (40 %) ¹⁰⁶,¹⁰⁷. Néanmoins, d’autres cofacteurs sont nécessaires puisque seulement une partie des patients HHV8-séropositifs développent une MK. Le rôle des infections associées est hypothétique car il est difficile de savoir si ces infections interviennent en elles-mêmes ou si elles sont l’expression d’une immunodépression plus marquée. Diagnostic Le diagnostic clinique de l’affection est le plus souvent évident mais une confirmation histologique est nécessaire en particulier dans le cas de lésions isolées qui peuvent simuler d’autres proliférations à caractère vasculaire comme le granulome pyogénique, l’angiomatose bacillaire ou l’angiosarcome. Toutes les lésions cutanées ou viscérales présentent des aspects similaires particulièrement caractéristiques dans les lésions nodulaires. Il s’agit d’une prolifération de vaisseaux de différenciation variée et de cellules fusiformes éosinophiles caractéristiques (cellules de Kaposi). Les lésions comportent un infiltrat lymphoplasmocytaire, des sidérophages et des globules rouges extravasés ; les méthodes immunohistochimiques montrent l’expression par les cellules fusiformes de plusieurs antigènes des cellules endothéliales (CD34, CD31, facteur von Willebrand, podoplanine) ¹¹⁰. En cas de doute, la mise en évidence du génome viral HHV8 par immunohistochimie ou hybridation in situ permet d’éliminer les autres diagnostics ; de même, une sérologie HHV8 négative élimine a priori le diagnostic de MK. Traitement et prévention L’évolution de la MK est généralement chronique et dépend du niveau d’immunosuppression puisque la MK peut disparaître dans les mois suivant une réduction des doses ou un arrêt de traitement et rechuter en cas de renforcement de l’immunosuppression ¹¹¹-¹¹³. La nature des traitements immunosuppresseurs intervient puisqu’il a été montré que les anticalcineurines avaient un effet oncogène direct, plus marqué avec le Néoral qu’avec le Sandimmum en ce qui concerne la ciclosporine ³³,⁹⁵. Inversement, le sirolimus qui possède des propriétés antitumorales, semble avoir un effet protecteur, bien que ceci ne soit pas vérifié dans tous les cas ⁷⁶-⁷⁸. Le pronostic dépend de l’étendue des lésions et des atteintes viscérales qui sont associées à un taux de mortalité plus élevé (57-78 % versus 11-23 %). La survie à 5 ans a été évaluée à 70 % ¹¹⁴ et serait plus courte chez les greffés

cardiaques que chez les greffés rénaux ou hépatiques. La première mesure à prendre devant une MK, quelle qu’en soit l’étendue, est de réduire l’immunosuppression. Comme pour les carcinomes, la façon de procéder n’est pas codifiée et dépend des habitudes des centres. Cette réduction entraîne habituellement une régression partielle ou complète des lésions, et est efficace dans 46 % des cas sous Néoral ⁹⁵. Le greffon reste souvent fonctionnel, mais 25 % des greffés rénaux retournent en dialyse ⁹⁵,⁹⁷,¹¹¹. Plusieurs auteurs ont rapporté la régression de la MK après remplacement de la ciclosporine par le sirolimus ¹¹⁵,¹¹⁶. L’effet bénéfique serait lié aux propriétés antiangiogènes de la molécule, passant par une réduction de la production du facteur de croissance vasculaire (vascular endothelial growth factor [VEGF]). Le sirolimus permet de maintenir une immunosuppression et d’épargner le greffon. Néanmoins, il n’est pas satisfaisant dans tous les cas et d’autres options thérapeutiques peuvent s’avérer nécessaires. Si l’affection progresse et devient menaçante, un arrêt complet du traitement immunosuppresseur doit être tenté chez les greffés rénaux ayant la possibilité de repasser en dialyse. Si la modification du traitement immunosuppresseur est inefficace et qu’il existe une atteinte viscérale, une chimiothérapie est nécessaire. Plusieurs protocoles peuvent être proposés avec une efficacité comparable. Ils reposent surtout sur les alcaloïdes de la pervenche (vincristine, vinblastine, vindésine), la bléomycine, la doxorubicine en monothérapie ou polychimiothérapie ¹¹⁷. L’IFN doit être évité en raison du risque de rejet sauf chez certains greffés hépatiques. Une ablation chirurgicale peut être utile pour des lésions isolées. La radiothérapie doit être proscrite en raison du risque carcinogène. L’efficacité des drogues antivirales (foscarnet, ganciclovir, cidofovir) n’a été observée que in vitro sur le virus mais pas sur la MK. Le but du traitement ne doit pas être un blanchiment des lésions à tout prix, car un sevrage complet de l’immunosuppression ou une chimiothérapie risquent d’avoir des effets plus néfastes que positifs. En ce qui concerne la prévention, la sérologie HHV8 n’est toujours pas réalisée en routine puisqu’il n’existe pas de méthode standardisée utilisable en urgence. Néanmoins, la sérologie pourrait être réalisée systématiquement pour les receveurs originaires de zones endémiques (Italiens, Africains) et dans les programmes de donneurs vivants. Une infection HHV8 préexistante n’exclut pas les patients de la transplantation mais nécessite une surveillance clinique plus attentive. Par ailleurs, les patients greffés ayant déjà présenté une MK peuvent recevoir une nouvelle transplantation puisque nous avons pu constater l’absence de rechute dans deux cas, même plusieurs années après la retransplantation ⁹⁷,¹¹⁸. Dans ces deux situations, il est souhaitable que la compatibilité donneur-receveur soit optimale afin que l’immunosuppression soit minimale. Par ailleurs, les patients HHV8-séronégatifs recevant un organe d’un donneur séropositif auront une virémie régulière recherchée par PCR. L’apparition d’une primo-infection pourrait être prévenue par le foscarnet ¹⁰⁸ et un protocole français évalue actuellement l’efficacité du rituximab.

 HHV human herpes virus · IFN interféron · PCR polymerase chain reaction · VEGF vascular endothelial growth factor

Autres tumeurs rares

Plusieurs travaux récents ont confirmé l’augmentation du risque de mélanome par 3 à 8 chez les greffés ¹¹⁹-¹²¹ par rapport aux populations témoins. La plupart des cas rapportés sont des mélanomes de novo ¹²². Ils apparaissent en moyenne 5 à 8 ans après la greffe ³,¹²¹ et sont plus fréquents dans les zones non exposées comme le tronc. Il n’est pas certain que le pronostic soit beaucoup plus sévère après transplantation ¹²⁰,¹²² et, comme chez les patients non immunodéprimés, le pronostic dépend de l’épaisseur tumorale. L’apparition de nombreux nævus chez les greffés rénaux semble représenter un facteur de risque, en particulier chez les enfants, mais les cas de mélanomes pédiatriques après transplantation restent exceptionnels ¹¹. Bien que l’on manque de données précises, nous pensons que parallèlement à une excision large, le traitement immunosuppresseur doit être révisé. Des patients aux antécédents de mélanome avant greffe ont présenté des récidives dans au moins 20 % des cas, même lorsque la lésion initiale datait de plus de 10 ans ¹²². En conséquence, à l’exception des mélanomes in situ, une période d’attente devrait être préconisée avant de greffer un patient ayant eu un mélanome. La longueur de cette période pourra se discuter en fonction de l’épaisseur de la lésion et du risque vital, particulièrement chez les patients en attente d’une greffe cardiaque, hépatique ou pulmonaire ¹²²,¹²³. Une transmission de mélanome peut survenir lorsque le greffon provient de sujets décédés de métastases cérébrales méconnues et qui ont été considérées comme accident vasculaire ou tumeur cérébrale primitive ; le mélanome représente d’ailleurs le processus tumoral le plus fréquemment responsable des cancers transmis. Une évolution métastatique survient dans les suites de la transplantation ¹²²,¹²⁴ ; la guérison complète peut être obtenue après exérèse du greffon et arrêt du traitement immunosuppresseur ¹²².

Carcinomes à cellules de Merkel L’incidence des carcinomes à cellules de Merkel semble augmentée chez les greffés ; environ 70 cas en ont été rapportés ¹²⁵,¹²⁶. Ils se manifestent par des lésions nodulaires d’aspect non spécifique apparaissant en moyenne 7 ans après la greffe. Le rôle des rayons ultraviolets semble important, comme le suggèrent l’atteinte des parties découvertes et l’association fréquente à d’autres carcinomes cutanés. Leur traitement nécessite une ablation large avec des marges de 2 à 3 cm. La biopsie du ganglion sentinelle semble souhaitable puisque deux tiers des patients développent des métastases ganglionnaires et/ou viscérales. Le taux de mortalité à 5 ans est de 54 %. Une révision du traitement est conseillée puisque la régression temporaire de métastases après arrêt de la ciclosporine a été rapportée ¹²⁷.

cers les plus fréquents chez les patients greffés, pouvant toucher jusqu’à 11 % d’entre eux ². Ils sont associés dans la plupart des cas au virus d’Epstein-Barr (EBV) ¹²⁸ ou rarement au virus HHV8 ¹²⁹. Les lymphomes purement cutanés sont rares ¹³⁰. Soixante-dix pour cent d’entre eux sont des lymphomes B et se présentent sous forme de papules ou nodules solitaires ou multiples, parfois ulcérés ¹³¹-¹³³. Histologiquement, ils comportent un infiltrat dermique non épidermotrope exprimant les antigènes des lymphocytes B et parfois l’antigène CD30 ¹³⁴. Les études moléculaires mettent généralement en évidence un réarrangement clonal des gènes codant pour les chaînes lourdes des immunoglobulines et la présence du virus EBV. La réduction du traitement immunosuppresseur peut suffire à entraîner une rémission. Un traitement par aciclovir et/ou rituximab peut être nécessaire ¹³²,¹³³. Quelques observations de plasmocytomes cutanés ont été rapportées ¹³⁵,¹³⁶. Les lymphomes T sont rares, représentant 30 % des cas. Les formes purement cutanées sont exceptionnelles et se présentent cliniquement comme un mycosis fungoïde ou un syndrome de Sézary ¹³⁷,¹³⁸. Le diagnostic est fait par l’examen histologique montrant un infiltrat dermique épidermotrope CD3+ . Les études moléculaires révèlent un réarrangement clonal des gènes codant pour le récepteur TCR. Le pronostic en était généralement sévère avec souvent évolution mortelle en moins d’un an. Les nouveaux immunosuppresseurs ayant des propriétés antitumorales tels le sirolimus ou l’évérolimus pourraient apporter de meilleures perspectives, des résultats favorables ayant été rapportés après conversion au sirolimus et minimisation de l’immunosuppression ¹³⁹.

Autres tumeurs rares D’autres tumeurs rares ont été rapportées ¹³⁰. Le petit nombre de cas publiés ne permet pas de conclure quant à l’augmentation de leur incidence chez les patients greffés. Les sarcomes représentent 1,7 % des cancers chez les patients greffés et ont une évolution sévère dans la moitié des cas ¹⁴⁰. Des antécédents de radiothérapie sont parfois

Coll. Dr S. Euvrard, Lyon

Mélanome

Lymphomes cutanés Les lymphomes sont, après les carcinomes cutanés, les can EBV Epstein-Barr virus · HHV human herpes virus

Fig. 67.6

Porocarcinome eccrine du talon chez un greffé rénal africain

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67-8 Cancers cutanés après transplantation d’organe retrouvés. Les sarcomes cutanés comprennent surtout les angiosarcomes (14 cas dans la littérature) survenant près d’une fo f is sur deux au niveau des fistules artério-veineuses de dialyse ¹⁴¹-¹⁴³. Leur pronostic est très sévère aavec décès dans l’année suivant le diagnostic. Parmi les autres tumeurs rares, on mentionnera des fibroxanthomes atypiques ¹⁴⁴,¹⁴⁵, des dermatofibrosarcomes ¹⁴⁶-¹⁴⁸ et diverses tumeurs annexielles ¹⁴⁹ notamment des porocarcinomes eccrines (fig. 67.6). Dans ce trav a ail récent ¹⁴⁹, la proportion de patients greffés développant ces tumeurs apparaît nettement augmentée.

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Conclusion La pathologie tumorale des patients greffés d’organe est très variée. Bien que la grande maj a orité soit représentée par les carcinomes, diverses tumeurs rares peuvent s’observer. Un grand nombre de ces cancers pourrait être évité par une surveillance dermatologique annuelle permettant la détection et le traitement précoce des lésions et des conseils de protection solaire stricte ¹⁵⁰. Parallèlement, la diffus ff ion des nouveaux traitements immunosuppresseurs tels que le sirolimus ou l’évérolimus devait contribuer à réduire la fréquence des tumeurs. Le bénéfice de leur introduction secondaire reste encore à démontrer. La plupart des manif tations peuvent être traitées en ambulatoire mais celles fes qui nécessitent des modifications du traitement immunosuppresseur doivent être gérées en collaboration av a ec les services spécialisés de transplantation.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Euvrard S, Kanitakis J, Claudy A. Cancers cutanés après transplantation d’organe. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 67.1-67.11.

68

Génodermatoses prédisposant aux cancers

Didier Bessis, Myriam Marque, Nicolas Kluger, Isabelle Coupier Classification 68-1 Nævomatose basocellulaire 68-1 Xeroderma pigmentosum 68-4 Syndrome de Bazex-Dupré-Christol 68-5 Scléroatrophie d’Huriez 68-6 Maladie de Cowden et syndrome des hamartomes par mutation du gène PTEN 68-7 Syndrome de Muir-Torre 68-10 Syndrome de Gardner 68-12 Syndrome de Peutz-Jeghers 68-13 Complexe de Carney 68-15

L

es génodermatoses prédisposant aux cancers constituent un large groupe d’affections dermatologiques ou à présentation dermatologique souvent rares, qui sont associées avec une fréquence élevée à la survenue de tumeurs malignes cutanées et/ou viscérales. À l’exception de la neurofibromatose de type 1 et de la sclérose tubéreuse de Bourneville, elles sont peu ou mal connues, ce qui a pour conséquence un retard diagnostique préjudiciable à la prévention et au dépistage des éventuelles néoplasies associées ¹-³. Pourtant le mode d’entrée de ces génodermatoses peut se diagnostiquer dans bon nombre de cas lors d’une consultation de dermatologie. C’est le cas, par exemple, des léiomyomes de la léiomyomatose familiale cutanée, des fibrofolliculomes du syndrome de Birt-Hogg-Dubé, des hamartomes multiples de la maladie de Cowden, de la lentiginose du syndrome de Peutz-Jeghers et du complexe de Carney, de la leucokératose et de l’onychopathie de la dyskératose de Zinsser-Cole-Engman ou de la canitie et du vieillissement cutané prématuré du syndrome de Werner.

Classification On peut schématiquement distinguer 2 groupes de génodermatoses prédisposant aux cancers (tableau 68.1) : − un groupe marqué par la présence de cancers cutanés multiples et occasionnellement de cancers viscéraux. Par exemple, la nævomatose basocellulaire associe des carcinomes basocellulaires multiples et précoces et un risque faible, mais significatif, de médulloblastome ; − un groupe caractérisé par des signes cutanéo-muqueux  NBC nævomatose basocellulaire

Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (syndrome de Wermer) 68-16 Néoplasies endocriniennes multiples de type 2 68-17 Syndrome de Birt-Hogg-Dubé 68-18 Léiomyomatoses cutanées et utérines familiales 68-20 Dyskératose congénitale 68-22 Syndrome de Rothmund-Thomson 68-23 Syndrome de Werner 68-26 Déficit en stéroïde sulfatase 68-28 Consultation oncogénétique 68-29 Références 68-31

et/ou des tumeurs cutanées le plus souvent bénignes et prédisposant majoritairement au développement de cancers viscéraux. Ainsi, au cours de la maladie de Cowden (syndrome des hamartomes par mutation du gène PTEN), les lésions pathognomoniques sont constituées par diverses tumeurs cutanéo-muqueuses bénignes (trichilemmomes, kératoses, fibromes...) et s’associent à un risque de développement de tumeurs gynécologiques et viscérales malignes. Ce texte n’abordera pas la neurofibromatose de type 1 et la sclérose tubéreuse de Bourneville qui font l’objet d’un chapitre spécifique du tome IV. Les affections comme l’ataxietélangiectasie et le syndrome de Bloom sont détaillées dans le chap. 56, « Déficits immunitaires primitifs ».

Nævomatose basocellulaire La nævomatose basocellulaire (NBC) ou syndrome des hamartomes basocellulaires (syndrome de Gorlin) est une affection rare, de prévalence moyenne estimée à 1/60 000 et de sex-ratio équilibré. Elle est transmise sur un mode autosomique dominant et son expressivité est variable. Cependant, près de 60 % des malades atteints n’ont pas d’antécédent familial et, parmi eux, 35 à 50 % ont des mutations de novo. Le principal gène incriminé est le gène tumeursuppresseur PTCH1 (patched homolog 1), localisé en 9q22.3, homologue du gène patched de la drosophile. La protéine patched est une glycoprotéine transmembranaire impliquée dans la voie de signalisation Hedgehog, cette dernière orientant le développement morphogénétique, en régulant la

68-2

Génodermatoses prédisposant aux cancers Tableau 68.1 Principales génodermatoses prédisposant aux cancers Génodermatoses

Gène

Locus Transmission Principaux types de cancers associés Prédisposant surtout aux cancers cutanés Nævomatose basocellulaire (syndrome de Gorlin) PTCH1 9q22.3 AD Carcinome basocellulaire PTCH2 11p33.p34 AD Médulloblastome Mélanome familial CDKN2A 9p21 polygénique Mélanome CDK4 12p14 Carcinome du pancréas (gène CDKN2A) Xeroderma pigmentosum XPA 9q22.3 AR Carcinome épidermoïde ERCC3 (XPB) 2q21 AR Carcinome basocellulaire XPC 3p25 AR Mélanome ERCC2 (XPD) 19q13.2-q13.3 AR DDB2 (XPE) 11p12-p11 AR ERCC4 (XPF) 16p13.3-p13.13 AR ERCC5 (XPG) 13q33 AR POLH (XP-V) 6p21.1-p12 AR Syndrome de Brooke-Spiegler CYLD 16q12.1 AD Cylindrocarcinome Adénocarcinome de la parotide et des glandes salivaires Syndrome de Bazex-Dupré-Christol ? Xq24-q27 D-X Carcinome basocellulaire Scléroatrophie d’Huriez ? 4q23 AD Carcinome épidermoïde Dyskératose de Zinsser-Cole-Engman DKC1 Xq28 AR-X Carcinome épidermoïde oral TERC 3q21-q28 AD TERT 5p15.33 AD TINF2 14q12 AD NOP10 (NOLA3) 15q14-q15 AR Prédisposant aux cancers non cutanés Neurofibromatose type 1 NF1 17q11.2 AD Neurofibrosarcome (2-5 %) Glioblastome Sclérose tubéreuse de Bourneville TSC1 9q34 AD Gliome malin TSC2 16p13.3 Rhabdomyosarcome Cancer du rein Maladie de Cowden PTEN 10q23 AD Cancer du sein (syndrome des hamartomes multiples) Cancer de la thyroïde (surtout folliculaire) Cancer de l’endomètre Syndrome de Peutz-Jeghers LKB1-STK11 19p13.3 AD Cancer gastrique et du tube digestif ? 19p13.4 AD Cancer du sein Cancer de la sphère gynécologique, du poumon, de la thyroïde et du testicule Complexe de Carney PRKAR1A 17q24 AD Schwannome mélanotique psammomateux malin ? 2p16 AD Cancer de la thyroïde et de l’ovaire Cancer du testicule à cellules de Leydig Syndrome de Muir-Torre MSH2 2p22 AD Cancer du côlon et du rectum MLH1 Cancer de la sphère génito-urinaire (vessie, rein, ovaires, utérus) Cancer du sein Syndrome de Gardner APC 5q21.q22 AD Cancer du côlon et du rectum Cancer du duodénum périampullaire Cancer de la thyroïde (papillaire) Syndrome de Birt-Hogg-Dubé FLCN 17p11.2 AD Cancer du rein Léiomyomatose familiale cutanée et utérine FH 1q42-43 AD Cancer du rein (syndrome de Reed) Léiomyosarcome utérin Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 MEN1 11q13 AD Gastrinome malin (syndrome de Wermer) Tumeur carcinoïde du tube digestif Néoplasie endocrinienne multiple de type 2A RET 10q11 AD Cancer médullaire de la thyroïde (syndrome de Sipple) Néoplasie endocrinienne multiple de type 2B RET 10q11 AD Cancer médullaire de la thyroïde (syndrome de Gorlin) Syndrome de Werner WRN 8p12-p11.2 AR Sarcome des tissus mous (gène WRN) LMNA 1q21.2 AR Ostéosarcome (gène WRN) Ataxie télangiectasie ATM 11q22.3 AR Cancer du sein Lymphomes Leucémies lymphoïdes Syndrome de Bloom BLM 15q26.1 AR Cancer du côlon Lymphomes Leucémies Cancer du sein Carcinomes cutanés Poïkilodermie de Rothmund-Thomson RECQL4 8p24 AR Ostéosarcome AD : autosomique dominante ; AR : autosomique récessive ; D-X : dominant lié à l’X

Nævomatose basocellulaire 68-3 prolifération, la survie, la migration, la différenciation et la polarité cellulaires ⁴. Près de 80 différentes mutations du gène PTCH1 sont décrites, réparties de façon aléatoire, sans « point chaud » apparent ni corrélation entre le génotype et le phénotype. La plupart d’entre elles aboutissent à la production d’une protéine patched tronquée. Une mutation du gène PTCH2 a récemment été liée à une forme familiale de NBC en Chine ⁵. D’autres gènes dont les mutations ont été observées au cours de carcinomes basocellulaires sporadiques et également impliqués dans la voie de signalisation Hedgehog, comme SMO (Smoothened) et SHH (Sonic hedgehog), constituent de possibles gènes candidats. Les principales manifestations cliniques de la NBC associent des carcinomes basocellulaires multiples, des kystes odontogéniques et des anomalies squelettiques en particulier craniofaciales et thoraciques ⁶,⁷ (encadrés 68.A et 68.B). Leur fréquence de survenue est variable suivant les séries, l’origine géographique des patients et leur mode de recrutement. Les kystes odontogéniques maxillaires constituent habituellement la première manifestation de la NBC et se développent au cours de la première décennie. Ils sont dépistés lors d’une radiographie, par exemple au cours d’un bilan orthodontique, ou peuvent se manifester cliniquement en cas de complications infectieuses ou tumorales associées (tuméfaction, neuropathie du trijumeau). Les carcinomes basocellulaires constituent les atteintes cutanées les plus fréquentes et touchent avec prédilection les malades à peau dite blanche (80 %) plutôt que les malades à peau dite noire. Le rôle de l’exposition solaire, en particulier des ultraviolets de type B, est classique mais probablement non indispensable comme en témoigne la fréquente localisation de ces carcinomes sur des zones non photo-exposées comme le tronc. La radiothérapie constitue également un facteur aggravant, avec notamment la survenue de multiples carcinomes basocellulaires souvent superficiels en zone irradiée. Les CBC se manifestent le plus souvent par des lésions nodulaires ou superficielles (fig. 68.1), parfois pédiculées comme des acrochordons (fig. 68.2). Des formes ulcérées ou térébrantes sont parfois observées. Le nombre de CBC est variable, de quelques éléments jusqu’à plusieurs centaines. Ils se localisent avec prédilection sur le thorax et la région cervico-faciale, en particulier la région périorbitaire, les paupières, le nez, les éminences malaires et la lèvre supérieure. Leur développement s’observe entre la puberté et l’âge de 35 ans, et leur diagnostic initial est établi en moyenne vers l’âge de 20 ans. Aucune différence histologique n’est observée entre les CBC liés à la nævomatose basocellulaire et les CBC sporadiques. Les puits palmoplantaires sont spécifiques de la NBC et s’observent chez 80 % des malades. Leur mise en évidence peut être améliorée après une immersion des mains dans l’eau durant 10 à 15 minutes. Il s’agit de dépressions punctiformes de 1 à 3 mm de profondeur et de 2 à 3 mm de largeur, liée à une absence localisée, partielle ou complète, de kératine dense (fig. 68.3). Ils se développent au cours de la deuxième décennie et augmentent en nombre avec l’âge pour atteindre parfois plusieurs centaines d’éléments. Les kystes épidermiques multiples, en particulier de topogra CBC carcinome basocellulaire cutané · NBC nævomatose basocellulaire

Principales anomalies cliniques de la NBC Squelettiques Anomalies des côtes (fusion, bifide, évasée, absente, rudimentaire, cervicale) (40-60 %) Cyphose (40 %), scoliose (20-30 %) Pectus (40 %) Spina bifida occulta cervical ou thoracique (60 %) Polydactylie, syndactylie Hémivertèbre Malformation de Sprengel Augmentation de taille (> 3DS) (15 %) Raccourcissement du quatrième métacarpe Lésions osseuses kystiques (lacunes en flammes, hamartomes) (30 %) Craniofaciales Macrocéphalie (30-80 %) Bosse frontale (20-70 %) Brachycéphalie Visage grossier (50 %) Calcifications de la faux du cerveau (65-95 %) Calcifications de la tente du cervelet Selle turcique fermée Neurologiques Agénésie/dysgénésie du corps calleux (10 %) Hydrocéphalie congénitale Retard mental Médulloblastome (3-5 %) Méningiome ( 1 %) Autres tumeurs : astrocytome, craniopharyngiome, oligodendrogliome Personnalité schizoïde Oropharyngées Kystes odontogéniques (75-90 %) Fente labiale et/ou palatine (5 %) Palais ogival Malocclusion Dents en position ectopique, barrées ou agénésie dentaire Cutanées Carcinomes basocellulaires (jusqu’à 100 %) Pits palmoplantaires (45-90 %) Kystes épidermiques, milium (40-50 %) Hypertrichose localisée en aires (rare) Génito-urinaires Fibromes ovariens et utérins (15-25 %) Kystes ovariens calcifiés Mamelon surnuméraire Hypogonadisme et cryptorchidie (5-10 %) Malformations rénales : reins en fer à cheval, agénésie, voies urinaires dupliquées Oculaires Hypertélorisme (20-40 %) Strabisme (5-20 %) Autres : glaucome, colobome, amaurose congénitale, microphtalmie, kyste orbitaire, ptosis, cataracte congénitale Cardiaques Fibromes (3 %)

68.A

Génodermatoses prédisposant aux cancers

Coll. D. Bessis

68-4

Fig. 68.3 Puits de kératine (pits) palmaires au cours de la nævomatose basocellulaire

Fig. 68.1 Multiples carcinomes basocellulaires superficiels au cours de la nævomatose basocellulaire

Coll. Dr C. Girard, Montpellier

phie acrale, ou les miliums du visage (fig. 68.4) constituent également des signes évocateurs et fréquents (en moyenne 50 %). La présence de lipomes ou d’autres tumeurs cutanées bénignes (spiradénome eccrine, trichoépithéliome, pilomatricome, neurofibrome), plus rarement d’hypertrichose localisée en aires est également décrite ⁸. Le risque de médulloblastome est évalué à 5 % en moyenne au cours de la NBC, avec un âge moyen de début de 2 ans (contre 6 ans en moyenne au cours des formes sporadiques) ¹.

Fig. 68.2 Multiples carcinomes basocellulaires pédiculés, pseudo-acrochordons au cours de la nævomatose basocellulaire  NBC nævomatose basocellulaire · XP xeroderma pigmentosum

Le xeroderma pigmentosum (XP) est une affection rare, transmise sur un mode autosomique récessif. Sa prévalence moyenne est estimée à 1/106 en Europe, et plus importante au Japon ou dans les régions où la consanguinité est élevée et la taille des familles importante, comme le Maghreb ⁹. Le sex-ratio est équilibré. Avec le syndrome de Cockayne et la trichothiodystrophie, il fait partie des maladies dites « de réparation », définissant des affections marquées par des anomalies du système de réparation de l’ADN par excision de nucléotides NER (« nucleotide excision repair »). Il existe une grande hétérogénéité génétique du XP et on distingue 7 groupes génétiques ou groupes de complémentation (XP-A à G) pour la forme classique et 1 groupe de complémentation pour la forme variante (XP-V). En France, 60 % des malades XP appartiennent au groupe de complémentation C, le plus répandu en Europe, marqué par une importante phosensibilité, une fréquence élevée des cancers cutanés et l’absence habituelle d’atteinte neurologique ¹⁰. Les manifestations cliniques du XP sont marquées par une photosensibilité survenant dès les premières expositions solaires. Elle est à l’origine d’un érythème initial prolongé des zones découvertes, d’intensité croissante après la répétition des expositions solaires, et progressivement permanent ⁹. Une photophobie est constamment associée, souvente inaugurale. L’érythème laisse progressivement

Coll. Dr C. Girard, Montpellier

Coll. D. Bessis

Xeroderma pigmentosum

Fig. 68.4 Grains de milium et carcinomes basocellulaires au cours de la nævomatose basocellulaire. Dysmorphie faciale avec bosses frontales et élargissement de l’ensellure nasale

Syndrome de Bazex-Dupré-Christol Critères diagnostiques de la NBC

Coll. Pr B. Guillot, Montpellier

Critères majeurs − Carcinomes basocellulaires multiples (> 2), ou un carcinome basocellulaire avant l’âge de 20 ans − Kystes odontogéniques de la mâchoire histologiquement prouvés − Pits palmoplantaires  3 − Côtes bifides, fusionnées ou particulièrement évasées − Atteinte d’un parent du premier degré

Fig. 68.5 Poïkilodermie du visage et troubles pigmentaires marqués au cours du xeroderma pigmentosum la place à un état poïkilodermique associant des troubles pigmentaires composés de petites macules lentigineuses de couleur foncée (brune à noir) ou achromiques, d’une atrophie cutanée et de télangiectasies (fig. 68.5). Un état de sécheresse, de fragilité et de sclérose cutanée favorise le développement de lésions ulcérées, croûteuses et de synéchies périorificielles du visage (commissures labiales, narines, paupières). Les atteintes neurologiques (14 à 40 % des cas) sont variables : diminution des réflexes ostéotendineux, syndrome extrapyramidal avec ataxie et spasticité, retard mental, neuropathie périphérique. Elles sont absentes dans le groupe XP-C. Les atteintes ophtalmologiques (40 %) touchent avec prédilection le segment antérieur de l’œil : conjonctivites, kératoconjonctivites, blépharite, symblépharon, ectropion, ulcérations et opacification cornéennes. Le diagnostic biologique repose sur la quantification de la synthèse réparatrice de l’ADN (UDS pour « unscheduled DNA synthesis ») réalisée sur cultures de fibroblastes prélevés à partir d’une biopsie cutanée en peau couverte ⁹. Après irradiation par les ultraviolets, et mise en présence de thymidine tritiée, l’incorporation de radioactivité dans l’ADN est évaluée en pratiquant une autoradiographie des lames de culture cellulaire après fixation des cellules fibroblastiques. Le résultat est exprimé en pourcentage par rapport à des cellules témoins. En cas d’atteinte de XP, les taux d’UDS sont bas, variant suivant les formes génétiques de moins de 5 % (XP-A) à plus de 50 % (XP-E ou -F) ⁹. Les carcinomes basocellulaires et épidermoïdes et, à un moindre degré, les mélanomes constituent les atteintes cancéreuses cutanées les plus fréquentes et le risque de survenue est estimé 2 000 fois plus important que dans la population générale. Leur présentation anatomoclinique est particulière par la multiplicité des lésions et leur déve NBC nævomatose basocellulaire · XP xeroderma pigmentosum

Critères mineurs − Macrocéphalie − Malformations congénitales orofaciales (une ou plusieurs) : fente labiale ou palatine, bosse frontale, visage grossier, hypertélorisme modéré ou sévère − Autres anomalies squelettiques : malformation de Sprengel, pectus, syndactylie − Anomalies radiologiques : selle turcique fermée, anomalies vertébrales : hémivertèbres, fusion ou allongement des corps vertébraux, défects osseux des mains ou des pieds, petites lacunes osseuses en forme de flammes des mains et des pieds − Fibrome ovarien − Médulloblastome Le diagnostic de nævomatose basocellulaire requiert la présence de 2 critères majeurs, ou d’1 critère majeur et de 2 critères mineurs.

68.B loppement précoce au cours de l’enfance ou de l’adolescence (en moyenne vers l’âge de 8 ans). Les carcinomes cutanés prédominent sur l’extrémité céphalique (> 95 %), les muqueuses labiales ainsi que la pointe de la langue avec, pour cette dernière localisation, un risque 10 000 fois plus élevé que dans la population générale (fig. 68.6 et 68.7). La morbidité et la mortalité sont élevées, et la survie à 40 ans est de 70 % des patients atteints. Il existe également un risque significativement augmenté de cancers non cutanés (10 fois plus que dans la population générale) : sarcomes, leucémies, carcinomes gastrique, mammaire, pancréatique, testiculaire ou pulmonaire. L’incidence des tumeurs cérébrales comme les astrocytomes, les médulloblastomes, les glioblastomes et les schwannomes malins est également élevée ¹,². La prise en charge thérapeutique a fait l’objet d’un protocole national par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2007 ¹⁰. Elle est essentiellement préventive et repose sur la photoprotection horaire (particulièrement entre 8 et 18 heures), vestimentaire et chimique (écrans solaires). La détection précoce et le traitement des tumeurs cutanées et ophtalmologiques est assuré par un suivi dermatologique et ophtalmologique régulier (3 à 4 fois par an).

Syndrome de Bazex-Dupré-Christol Le syndrome de Bazex-Dupré-Christol est une génodermatose rare transmise sur un mode dominant lié à l’X. Il associe des carcinomes basocellulaires précoces, une atrophodermie folliculaire, une hypotrichose et une hypohidrose ¹¹. Le syndrome d’Oley, défini par l’association d’une hypotrichose congénitale, de grains de milium spontanément régressifs à l’adolescence et de carcinomes basocellulaires

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Coll. Pr B. Guillot, Montpellier

Génodermatoses prédisposant aux cancers

Fig. 68.7 Carcinome épidermoïde de la pointe de la langue au cours du xeroderma pigmentosum

Coll. Dr P. Plantin, Quimper

Coll. Pr B. Guillot, Montpellier

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Fig. 68.6 Carcinomes épidermoïdes, basocellulaires et mélanome au cours du xeroderma pigmentosum précoces, constitue une variante phénotypique. Le gène candidat du syndrome de Bazex-Dupré-Christol est localisé en région Xq24-q27.1. Les anomalies cliniques et histologiques seraient secondaires à un trouble du développement du bourgeon épithélial primitif qui est à l’origine du follicule pileux, des glandes sébacées et des glandes sudorales. L’atrophodermie folliculaire est présente dans près de 85 % des cas, parfois dès la naissance. Elle se localise le plus souvent sur le dos des mains (fig. 68.8) et des pieds, sur le visage ainsi que sur les faces d’extension des coudes et des genoux. Histologiquement elle se caractérise par une dépression de l’épiderme et une absence de follicule pileux, mais sans atrophie épidermique. L’hypotrichose (85 % des cas) est diffuse et précoce chez les hommes atteints. Chez la femme, l’atteinte pilaire est hétérogène avec une hypotrichose plus ou moins sévère combinant des cheveux courts et dysplasiques à des cheveux normaux, suggérant un phénomène de lyonisation (inactivation aléatoire de l’allèle muté ou de l’allèle normale). Cette hypotrichose diffuse touche le scalp mais également les sourcils et la pilosité axillaire et pubienne. L’examen microscopique des tiges pilaires peut mettre en évidence des aspects de pilitortose ou de trichorrhexie noueuse. Les grains de milium sont rapportés dans deux tiers des cas. Parfois présents dès la naissance, ils sont constamment observés au cours de l’enfance. Ils se situent le plus souvent sur le visage et les oreilles, ainsi que les membres et le tronc (fig. 68.9). La présence de calcinose nodulaire du rebord supéro-externe de l’oreille et de trichoépithéliomes est également rapportée. L’hypohidrose est présente dans près d’1 cas sur 2, localisée au visage ou gé-

Fig. 68.8 Atrophodermie folliculaire du dos de la main au cours du syndrome de Bazex-Dupré-Christol néralisée. De nombreux autres signes ou symptômes sont inconstamment décrits : atopie, comédons, kératose pilaire, ichtyose, arachnodactylie avec hyperlaxité articulaire, ostéochondrite, surdité, langue plicaturée, pigmentation du front et diminution des perfomances scolaires. Le développement de carcinomes basocellulaires est fréquent (environ un tiers des cas) et précoce, en moyenne entre 20 et 30 ans (extrêmes de 9 à 50 ans) ¹¹,¹². Ces carcinomes se localisent avec prédilection sur le visage. Il s’agit souvent de papules pigmentées d’aspect clinique proche des nævi ou de comédons. Ils peuvent histologiquement s’intriquer à des grains de milium, des hamartomes basocellulaires ou des trichoépithéliomes. Une observation de leucémie prolymphocytaire fatale est décrite sans lien formel avec cette affection ¹¹.

Scléroatrophie d’Huriez Cette génodermatose rare et de transmission autosomique dominante a été décrite par Huriez et Ménnecier dans deux grandes familles du nord de la France sous l’appellation de « génodermatose scléroatrophique et kératodermique des extrémités » ¹³. Depuis, de nombreuses autres atteintes familiales ont été décrites. Ce syndrome d’expression clinique variable est caractérisé par une triade clinique :

Coll. Dr P. Plantin, Quimper

Maladie de Cowden et syndrome des hamartomes par mutation du gène PTEN

1. scléroatrophie acrale, plus marquée aux mains qu’aux pieds, caractérisée par une sclérodactylie et une atrophie des éminences thénar et hypothénar, une accentuation des plis palmaires contrastant avec une disparition des dermatoglyphes (fig. 68.10) ; 2. kératodermie palmoplantaire diffuse, d’allure pavimenteuse en regard des zones de pression, bien limitée aux paumes et aux plantes, sans bordure érythémateuse ; 3. anomalies des ongles, à type de déformation en verre de montre, stries longitudinales et transversales, fissures, encoches en « V » (fig. 68.11), voire hyploplasie ou aplasie. Une hyperhidrose est présente dans un cas sur deux. La triade clinique est présente dès la naissance, s’accentue progressivement pendant l’enfance pour se stabiliser par la suite. Le risque ultérieur de développement de carcinomes épidermoïdes est estimé à 15 %. Ceux-ci se développent sur la peau atrophique des paumes et des doigts et peuvent être multiples chez un même individu. Leur survenue est précoce, en moyenne au cours de la quatrième décennie. Ils sont souvent agressifs, histologiquement peu différenciés, occasionnant un taux élevé de métastases et une mortalité importante (15 %). Les mécanismes de la tumorigenèse sont actuellement inconnus. En l’absence de thérapeutique reconnue efficace, une photoprotection et une surveillance clinique régulière sont nécessaires, ainsi que l’exérèse systématique de toute lésion suspecte.

Maladie de Cowden et syndrome des hamartomes par mutation du gène PTEN La maladie de Cowden ou syndrome des hamartomes multiples est une affection rare dont l’incidence est évaluée à 1/200 000 habitants. Elle est probablement sousestimée en raison d’une expressivité variable et de la discrétion habituelle des signes cutanés. La plupart des observations rapportées sont caucasiennes, avec une prédominance féminine (4F/3H). La transmission est auto-

Coll. D. Bessis

Fig. 68.9 Grains de milium auriculaire au cours du syndrome de Bazex-Dupré-Christol

Fig. 68.10 Sclérose cutanée palmaire avec absence de dermatoglyphes au cours d’une scléroatrophie d’Huriez somique dominante, avec une pénétrance variable liée à l’âge. La quasi-totalité des patients développe des lésions cutanéo-muqueuses à la fin de leur deuxième décennie. Cette affection est liée à la mutation germinale du gène tumeur-suppresseur PTEN (ou PTEN/MMAC1 pour phosphatase and tensin homolog/mutated in multiple advanced cancers 1) situé en 10q23.3. Cette mutation est identifiée chez environ 80 % des malades qui satisfont aux critères diagnostiques de l’International Cowden Consortium ¹⁴-¹⁶ (encadré 68.C). Plusieurs autres affections comme le syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba et le syndrome de Protée peuvent être liées à des mutations germinales du gène PTEN, cependant à un degré moindre, puisque respectivement observées dans 50-60 % et 20 % des cas. Le syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba est une affection héréditaire de transmission autosomique dominante, caractérisé par l’association d’une macrocéphalie (100 %), de macules pigmentées péniennes (67-85 %) (fig. 68.12), d’une polypose digestive hamartomateuse (35-45 %), d’une

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Fig. 68.11 Dystrophies unguéales associant des dépressions longitudinales, des fissures de la tablette et un début de ptérygion au cours d’une scléroatrophie d’Huriez lipomatose cutanée profonde et viscérale et de malformations artérioveineuses cutanées et musculaires (fig. 68.13). Une constellation d’autres anomalies cliniques, dont certaines sont classiquement présentes au cours de la maladie de Cowden (papules faciales, acrales et orales), sont également rapportés. La plupart des observations sont de description pédiatrique et correspondent à des formes juvéniles de maladie de Cowden. Pour certains auteurs, le syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba et la maladie de Cowden constituent les expressions phénotypiques d’un même syndrome allélique, le syndrome des hamartomes par mutation du gène PTEN ¹⁷. Dans tous les cas, la présence d’observations cliniques de chevauchement syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba/maladie de Cowden, au sein d’une même famille et l’identification de mutations du gène PTEN dans près de 60 % des cas au cours du syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba doit faire considérer ces pa-

tients comme à risque pour les cancers rapportés au cours de la maladie de Cowden. Le syndrome de Protée associe des malformations hamartomateuses avec une croissance excessive de multiples tissus, des hamartomes conjonctifs et épidermiques et des hyperostoses, avec une distribution en mosaïque des lésions. Le rôle du gène PTEN au cours du syndrome de Protée reste controversé et cette affection ne s’accompagne pas classiquement d’un risque augmenté de cancers. Les signes cutanéo-muqueux sont présents dans 99 à 100 % des cas, et se développent en moyenne au cours de la deuxième et de la troisième décennie (âge de début variable entre 4 et 75 ans). Les papules du visage sont les plus fréquentes (près de 90 % des cas). Elles sont de petite taille (jusqu’à 4 mm), asymptomatiques, de couleur peau normale, localisées préférentiellement distribuées sur le pourtour des yeux et de la bouche, s’étendant parfois dans les narines (fig. 68.14). Histologiquement, elles peuvent correspondre : 1o à des trichilemmomes (ou tricholemmomes), tumeurs bénignes à différentiation pilaire développée aux dépens de la gaine trichilemmale externe, pathognomoniques de cette affection ; 2o à des hyperplasies de degré variable de l’infundibulum folliculaire, parfois similaires à des tumeurs de l’infundibulum folliculaire ; 3o à des

Fig. 68.12 Macules pigmentées du gland au cours du syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

Génodermatoses prédisposant aux cancers

Coll. D. Bessis

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Fig. 68.13 Malformation artério-veineuse du flanc gauche et de l’abdomen au cours du syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba

Maladie de Cowden et syndrome des hamartomes par mutation du gène PTEN

Critères pathognomoniques Lésions cutanéo-muqueuses : − Trichilemmomes du visage − Kératoses acrales − Papules papillomateuses − Lésions muqueuses Critères majeurs − Cancer mammaire − Cancer thyroïdien (non médullaire), en particulier de type folliculaire − Macrocéphalie ( 95 e percentile) − Maladie de Lhermitte-Duclos − Cancer de l’endomètre Critères mineurs − Autres lésions thyroïdiennes (adénome, goitre multinodulaire) − Retard mental (QI  75) − Hamartomes gastro-intestinaux − Maladie fibrokystique du sein − Lipomes − Fibromes − Malformations ou tumeurs génito-urinaires (cancer, fibrome utérin) Critères diagnostiques individuels 1 Lésions cutanéomuqueuses seules si : a. présence de 6 ou plus papules faciales, dont au moins trois sont des trichilemnomes, b. ou papules cutanées faciales et papillomatose orale muqueuse, c. ou papillomatose orale muqueuse et kératose acrale, d. ou kératoses palmo-plantaires (au moins 6 lésions) ou 2 Deux critères majeurs dont au moins un comprend la macrocéphalie ou la maladie de Lhermitte-Duclos ou 3 Un critère majeur et trois critères mineurs ou 4 4 critères mineurs Critères diagnostiques au sein d’une famille dont un membre est atteint de maladie de Cowden 1 Un critère pathognomonique ou 2 Un des critères majeurs avec ou sans critère mineur ou 3 Deux critères mineurs

Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes

Critères diagnostiques de la maladie de Cowden 16

Fig. 68.14

Trichilemmomes du front au cours d’une maladie de Cowden

neuromes cutanéo-muqueux constituent une manifestation cutanée parfois précoce et présente dans 5 à 10 % des cas ¹⁸,¹⁹. Ils siègent préférentiellement sur les extrémités, à la différence des neuromes cutanéo-muqueux observés préférentiellement sur les zones périorificielles du visage et des muqueuses au cours de la néoplasie endocrinienne multiple de type 2B (NEM2B). Les autres lésions cutanées observées comprennent les lymphangiokératomes ²⁰, les xanthomes, les collagénomes de type storiforme ²¹, les taches café au lait, la langue scrotale, les lentigines périorales et acrales, l’acanthosis nigricans et le vitiligo. Une prédisposition héréditaire aux cancers cutanés n’est pas prouvée, même si des observations de carcinomes basocellulaires et épidermoïdes, de mélanome, de carcinome de Merkel et de carcinome trichilemmal sont décrites. Les principales manifestations extracutanées du syndrome de Cowden sont : − gastro-intestinales (70 à 85 %), constituées par des polypes, le plus souvent bénins, de taille variable (1 mm à plusieurs centimètres) et localisés surtout au niveau colique, plus rarement dans l’intestin grêle, l’œsophage ou

lésions kératosiques histologiquement indistinguables de verrues vulgaires ; 4o à des kératoses folliculaires inversées. Les lésions hyperkératosiques verruqueuses acrales (30 %) sont situées sur les faces d’extension des extrémités et sur les paumes et les plantes (fig. 68.15). Histologiquement, il s’agit des lésions constituées d’une hyperkératose orthokératosique compacte, d’une hypergranulose et d’une acanthose, parfois avec une différenciation trichilemmale. L’atteinte de la muqueuse orale (80 %) est constituée par des papules papillomateuses, de localisation buccale et gingivale, parfois coalescentes à l’origine d’une disposition pavimenteuse caractéristique (40 %) (fig. 68.16 et 68.17). Une extension à l’oropharynx, la langue, le larynx, la muqueuse nasale et anogénitale est possible. Histologiquement, les lésions muqueuses correspondent le plus souvent à des fibromes bénins ou à une hyperplasie fibroépithéliale. Les  NEM néoplasie endocrinienne multiple

Coll. D. Bessis

68.C

Fig. 68.15 Lésions hyperkératosiques verruqueuses acrales au cours d’une maladie de Cowden

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Génodermatoses prédisposant aux cancers

Fig. 68.16 Papules papillomateuses gingivales à disposition pavimenteuse au cours d’une maladie de Cowden l’estomac. Leur histologie est non spécifique, hamartomateuse, lipomateuse, fibromateuse ou adénomateuse et leur risque de transformation maligne exceptionnel ; − mammaires, marquées par le risque de maladie fibrokystique du sein chez deux tiers des femmes atteintes et un risque de carcinome mammaire estimé approximativement à 20 %. Il s’agit préférentiellement d’adénocarcinome canalaire, bilatéral dans deux tiers des cas et survenant une dizaine d’années plus précocement qu’au cours des formes sporadiques. Des cancers mammaires chez l’homme sont également rapportés mais leur fréquence n’est pas connue ; − thyroïdiennes, constituées par un risque de maladie thyroïdienne (goitre multinodulaire, adénomes folliculaires, nodule thyroïdien) chez deux tiers des patients et un risque de carcinome thyroïdien (surtout adénocarcinome folliculaire) estimé entre 7 et 10 % ; − gynécologiques, marquées par l’augmentation du risque de cancer de l’endomètre estimé entre 5 et 10 % et le risque élevé de kystes ovariens (près d’un quart des cas) ; − neurologiques (20 %) dont la maladie de LhermitteDuclos ou gangliocytome dysplasique cérebelleux caractérisé par une lésion hamartomateuse de la fosse postérieure, et qui constitue un des critères majeurs de la maladie de Cowden. De nombreux autres cancers non cutanés sont décrits de façon sporadique : adénocarcinome pulmonaire, carcinome ovarien, carcinome pancréatique, carcinome transitionnel vésical, leucémie aiguë myéloïde, lymphome non hodgkinien, mélanome, liposarcome, carcinome à cellules claires rénal, hépatocarcinome. La prise en charge de patients atteints de maladie de Cowden/syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba ou de patients porteurs de mutation délétère du gène PTEN repose sur le dépistage d’éventuelles tumeurs malignes. Un examen physique annuel détaillé est proposé dès l’âge de 18 ans, ou 5 ans plus tôt que le cas de cancer le plus précoce diagnostiqué dans la famille. Il comprend un examen complet du tégument cutané et des muqueuses, une palpation thyroïdienne et mammaire (avec enseignement et encouragement à l’autopalpation) et des examens paracliniques orientés : − mammaires : IRM mammaire annuelle à partir de l’âge de 20-25 ans, ou 5 à 10 ans plus tôt que le cancer du  IRM imagerie par résonance magnétique

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

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Fig. 68.17 Papules des lèvres à disposition pavimenteuse au cours d’une maladie de Cowden sein le plus précoce connu dans la famille ; − thyroïdiens : échographie thyroïdienne à partir de 10 ans, répétée annuellement ; − utérines : examen gynécologique complet avec frottis tous les ans et biopsies endométriales à l’aveugle annuelles à partir de l’âge de 35-40 ans, ou 5 ans plus tôt que le cancer de l’endomètre le plus précoce connu dans la famille, complétée d’une échographie pelvienne annuelle post-ménopausique ; − rénaux : cytologie urinaire annuelle (recherche d’hématurie) et échographie rénale en cas d’antécédent familial de cancer du rein. Le traitement des lésions cutanées faciales n’est pas codifié et décevant. Le 5-fluorouracil en application locale, les rétinoïdes oraux, la cryochirurgie, la dermabrasion et l’abrasion par laser sont le plus souvent d’efficacité incomplète et les récidives fréquentes. Le traitement chirurgical des lésions muqueuses buccales s’accompagne majoritairement de récidives.

Syndrome de Muir-Torre Le syndrome de Muir-Torre est une affection héréditaire rare, caractérisée par le développement de tumeurs à différenciation sébacée ou de kératoacanthomes, associée de façon simultanée ou séquentielle à une ou plusieurs tumeurs viscérales malignes, en particulier colorectale, endométriale et génito-urinaire ²²-²⁵. Sa transmission est autosomique dominante, mais sa pénétrance et son expressivité sont variables. Il est lié le plus souvent à une mutation d’un des gènes MMR (pour mismatch repair) majoritairement hMSH2, plus rarement hMLH1. Ces gènes sont impliqués dans le système de réparation des mésappariements de l’ADN. La présence d’une mutation germinale allélique d’un de ces gènes est une cause reconnue de prédisposition au cancer colorectal héréditaire sans polypose (HNPCC pour hereditary non polyposis colorectal cancer) ou syndrome de Lynch. Le syndrome de Muir-Torre est actuellement considéré comme une variante phénotypique du syndrome HNPCC. La plupart des observations sont rapportés chez des patients à peau dite blanche, avec une prédominance masculine (3H/2F). L’âge de survenue de la première tumeur viscérale ma-

Syndrome de Muir-Torre 68-11 kératoacanthomes sans tumeur à différenciation sébacée au cours du syndrome de Muir-Torre a été rapportée. Le risque de cancer viscéral est particulièrement important pour le carcinome colorectal (de l’ordre de 50 %) et le cancer de l’endomètre (de l’ordre de 40 %), le cancer des ovaires (de l’ordre de 10 %) et les carcinomes des voies urinaires hautes à cellules transitionnelles comprenant la vessie, les reins et les uretères. Les autres cancers rapportés sont mammaire, pulmonaire, gastrique, parotidien, laryngé et des hémopathies malignes. Les cancers sont multiples dans près d’1 cas sur 2 (jusqu’à quatre cancers chez un même individu dans 10 % des cas). Le cancer colique associé au syndrome de Muir-Torre débute en moyenne vers l’âge de 50 ans, soit 15 à 20 ans plus précocement que dans la population générale. Les études moléculaires chez les patients atteints de syndrome de Muir-Torre ont mis en évidence une instabilité des séquences microsatellites du génome dans les tumeurs cutanées sébacées et les carcinomes colorectaux. Les microsatellites sont des séquences d’ADN constituées d’une répétition de 1 à 4 bases, distribuées sur l’ensemble du génome. L’absence de réparation des erreurs de réplication de l’ADN aboutit à l’instabilité de ces microsatellites et constitue un marqueur de déficience des gènes MMR, en particulier au cours des mutations des gènes hMLH1 et hMSH2. Cette instabilité des microsatellites peut se rechercher directement au niveau tissulaire par test génétique moléculaire. Elle peut indirectement être objectivée sur le plan immunohistochimique par l’absence d’expression nucléaire des protéines MSH2 et MSH6 (avec laquelle MSH2 forme normalement un hétérodimère) dans les tumeurs cutanées et coliques en comparaison avec le tissu sain adjacent. La prise en charge de patients atteints de syndrome de Muir-Torre ou de patients porteurs de mutation délétère

Coll. Pr N. Dupin, Paris

ligne varie entre 23 et 89 ans, avec une moyenne de 53 ans. Les manifestations cutanées se caractérisent par des tumeurs à différenciation sébacée (adénome, épithélioma, tumeur kystique, carcinomes) de classification histologique parfois difficile et des kératoacanthomes ²⁶. La présence d’une ou plusieurs tumeurs cutanées sébacées (restreintes aux adénomes, épithéliomas et carcinomes) en association avec au moins un cancer viscéral définit le syndrome de Muir-Torre. Les tumeurs cutanées varient en nombre, de la lésion unique à une centaine de lésions disséminées. Elles se développent dans près de 60 % des cas après le diagnostic de la première tumeur viscérale maligne, dans 6 % des cas de façon concommitante et peuvent précéder le diagnostic de cancer viscéral dans près de 20 % des cas. L’adénome sébacé est la tumeur cutanée la plus commune. Il est histologiquement composée de lobules glandulaires sébacés de taille variable et incomplètement différenciés, contenant des cellules basaloïdes en périphérie et des éléments sébacés matures (vacuoles cytoplasmiques caractéristiques) au centre. Ces tumeurs rares apparaissent généralement comme des papules ou des nodules couleur peau normale à jaune rosé, de topographie ubiquitaire mais localisés avec prédilection sur le visage et le scalp (fig. 68.18). L’épithélioma sébacé (sébacéome) est similaire au carcinome basocellulaire mais avec une différenciation sébacée. Le carcinome sébacé est constitué d’une prolifération épithéliale maligne intradermique non encapsulée, infiltrant volontiers les tissus cutanés profonds. Sa localisation palpébrale, en particulier sur la paupière supérieure, est fréquente et développée généralement à partir des glandes de Meibomius, parfois à partir des glandes de Zeiss. Cliniquement, il s’agit d’un nodule ferme, jaune ayant tendance à s’ulcérer et à envahir le tissu adipeux orbitaire. Au stade débutant, il peut être confondu avec un chalazion ou révélé par une blépharo-conjonctivite chronique. Son évolution est imprévisible, marquée par un risque de dissémination métastatique. Dans 30 % des cas, le carcinome sébacé est associé au syndrome de Muir-Torre. Les tumeurs kystiques sébacées constituent des marqueurs très spécifiques, presque constamment associées au syndrome de Muir-Torre. Cliniquement il s’agit de nodules cutanés d’une taille variant entre 1 à 2 cm et localisés avec prédilection sur le tronc. Histologiquement, ils sont constitués par des structures kystiques non connectées à l’épiderme et ils regroupent un spectre de lésions histologiques allant de l’adénome sébacé kystique aux tumeurs prolifératives kystiques sébacées, ces dernières correspondant peut-être à des carcinomes sébacés bien différenciés. Les autres tumeurs sébacées bénignes communes, comme l’hyperplasie sébacée ou le stéatocystome, ne sont pas associés préférentiellement au syndrome de Muir-Torre. Les kératoacanthomes au cours du syndrome de Muir-Torre ne peuvent être différenciés des formes sporadiques, mais la présence d’une différenciation histologique sébacée est évocatrice. De même, la coexistence au sein d’une même lésion d’un adénome sébacé et d’un kératoacanthome (séboacanthome) est très suggestive du syndrome de Muir-Torre. La possibilité de

Fig. 68.18 Adénomes sébacés multiples au cours d’un syndrome de Muir-Torre. La cicatrice nasale est liée à l’exérèse antérieure d’un carcinome sébacé

Génodermatoses prédisposant aux cancers des gènes hMSH2 ou hMLH1 repose sur la prévention, le dépistage et la prise en charge des cancers colorectaux, de l’utérus et des éventuels carcinomes sébacés. Il comprend un examen annuel complet du tégument cutané et des muqueuses, une palpation mammaire et des examens paracliniques orientés : − une coloscopie avec coloration vitale (application d’une solution de carmin d’indigo à l’aide d’un cathéter introduit dans le canal opérateur au niveau de toute zone suspecte) tous les 2 ans à partir de l’âge de 20 ans ; − un examen gynécologique annuel avec une échographie ± transvaginale utérine avec mesure de l’épaisseur utérine et ± des biopsies endométriales dès l’âge de 30 ans. En revanche, les modalités de dépistage des autres cancers ne fait pas l’objet de consensus en raison de leur faible prévalence. Une gastroscopie et une échographie de l’abdomen et des voies génito-urinaires (ou une tomodensitométrie abdominale et pelvienne) tous les 1 à 2 ans doivent être envisagées en cas d’antécédent familial de cancer gastrique ou des voies génito-urinaires. Le traitement des tumeurs sébacées bénignes et des kératoacanthomes repose sur l’excision chirurgicale ou la cryothérapie. En cas de carcinome sébacé, une excision large avec une marge de 5-6 mm est le traitement de première intention. Les rétinoïdes oraux, associés ou non à l’interféron α2a ont été proposés avec succès dans le traitement préventif des lésions cutanées sébacées et des kératoacanthomes.

Syndrome de Gardner Le syndrome de Gardner est une affection héréditaire rare, dont l’incidence est évaluée à 1/106 habitants aux ÉtatsUnis. Sa transmission est autosomique dominante, son expression variable et sa pénétrance complète. Il associe une polypose digestive, des ostéomes multiples, des tumeurs mésenchymateuses cutanées profondes, des anomalies dentaires et une hypertrophie congénitale de l’épithélium pigmentaire rétinien ²⁷-³⁰. Il est considéré comme une variante phénotypique de la polypose adénomateuse familiale (environ 10 % des cas), affection liée aux mutations du gène APC (adenomatous polyposis coli) situé en 5q21-q22. Les manifestations cutanées se caractérisent par des nodules cutanés profonds correspondant le plus souvent à des kystes épidermoïdes ou sébacés, des tumeurs desmoïdes, plus rarement des fibromes, des pilomatricomes ou des lipomes. Les kystes épidermoïdes ou sébacés sont notés dans deux tiers des cas. Asymptomatiques, ils sont situés avec prédilection sur le scalp, le visage, le cou et les extrémités. Ils ne sont pas spécifiques, mais leur précocité d’apparition, à la puberté, et leur nombre élevé est évocateur du diagnostic. Ils précèdent généralement d’une dizaine d’années le développement des polypes digestifs. Les tumeurs desmoïdes sont présentes en moyenne chez 10 à 20 % des patients et se développent le plus souvent au niveau intra-abdominal ou sur la paroi abdominale, parfois sur une cicatrice de laparotomie. Elles sont bénignes, surviennent vers l’âge de 30 ans avec un fort potentiel inva-

sif local et un taux de récidives élevé (65 %). Les fibromes de Gardner constituent un marqueur spécifique précoce des tumeurs desmoïdes, et sont observés dans 70 % des cas. Ils surviennent précocement au cours de la première décennie (en moyenne à l’âge de 5 ans). Cliniquement, il s’agit de plaques de taille variable (en moyenne 4 cm) et peu circonscrites qui touchent électivement le dos et la région paravertébrale, plus rarement la tête, le cou et les extrémités. Les ostéomes sont présents dans environ 1 cas sur 2. Le plus souvent multiples (entre 3 et 6 de grande taille en moyenne), ils touchent électivement l’angle des mandibules, les maxillaires et l’os frontal (fig. 68.19). Les os longs, voire les phalanges, peuvent également être atteints. Le développement des ostéomes précède d’une dizaine d’années le diagnostic de polypose. Leur mise en évidence en évidence repose sur les radiographies (panoramique dentaire). Leur retentissement est le plus souvent esthétique en raison des déformités osseuses occasionnées, mais également parfois fonctionnel : compression nerveuse ou oculaire, obstruction des fosses nasales ou diminution de la mobilité maxillaire. Des anomalies dentaires sont fréquentes (70 %), à type de dents surnuméraires incluses, odontomes complexes, cementomes et agénésies. L’extraction dentaire est souvent difficile en raison de la nature hyperdense de l’os alvéolaire et de l’absence d’espace péridentaire liée à l’hypercementose. L’hypertrophie de l’épithélium pigmentaire de la rétine est présente dans 90 % des cas. Elle débute peu après la naissance et apparait au fond d’œil comme de multiples taches d’hyperpigmentation bien circonscrites, le plus souvent bilatérales, et de coloration brun noir avec un halo de dépigmentation périphérique ou central et prédominant au niveau de la région juxta-orale de la rétine. Les manifestations gastro-intestinales du syndrome de Gardner sont marquées par des polypes adénomateux (tubuleux, tubulo-villeux, villeux) rectocoliques, gastriques et

Coll. Pr E. Delaporte, Lille

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Fig. 68.19 Gardner

Ostéomes de la voûte crânienne au cours d’un syndrome de

Syndrome de Peutz-Jeghers 68-13 de l’intestin grêle. La formation des polypes débute vers la puberté et la transformation maligne est constante avant 40 ans. Le syndrome de Gardner est également associé à un risque augmenté d’autres carcinomes, comme au cours de la polypose adénomateuse familiale : carcinome thyroïdien papillaire, adénocarcinome duodénal périampullaire, adénocarcinome pancréatique mais également hépatoblastome et médulloblastome (syndrome de Turcot). La prise en charge des patients atteints de syndrome de Gardner, ou porteurs de mutation délétère du gène APC, repose sur la prévention, le dépistage et la prise en charge des différentes tumeurs associées ²⁹ : − cancers colorectaux : chez les enfants porteurs d’une mutation germinale du gène APC, des rectosigmoïdoscopies annuelles dès l’âge de 11 ans, puis, vers 15 ans, des coloscopies complètes annuelles à la recherche de polypes colorectaux sont conseillées jusqu’à la décision de colectomie totale, incontournable en cas de forme classique, et réalisée le plus souvent entre 20 et 30 ans. Le suivi ultérieur est variable en fonction du type d’anastomose (iléo-anale ou iléorectale) ; − adénocarcinomes duodéno-jéjunaux : la surveillance digestive haute comporte une fibroscopie œso-gastroduodénale tous les deux à trois ans à partir de l’âge de 20 ans. En cas de polypes duodénaux multiples, de grande taille ou dysplasiques, la surveillance sera plus rapprochée, jusqu’à 2 fois par an ; − tumeurs desmoïdes : dans sa forme intra-abdominale en particulier, une surveillance simple est préconisée en l’absence de complications aiguës ou de retentissement esthétique. Un traitement médical prolongé par sulindac (300 mg/j) peut être envisagé en cas d’augmentation de taille sans complication aiguë. Une exérèse chirurgicale ne sera proposée qu’en cas de retentissement de la tumeur à type d’occlusion intestinale ou d’obstruction urétérale sans tenter une résection complète de la tumeur. En cas de tumeur inextirpable chirurgicalement et ne répondant pas au traitement médical, une radiothérapie ou une chimiothérapie à base de doxorubicine et dacarbazine peut être efficace. En revanche, les modalités de dépistage des autres cancers ne fait pas l’objet de consensus en raison de leur faible prévalence. Le dépistage de médulloblastomes ou de carcinomes thyroïdiens est clinique. Le dépistage de l’hépatoblastome peut bénéficier d’un dosage de l’alpha-fœtoprotéine et d’une échographie abdominale tous les ans, entre 0 et 6 ans.

protéine tronquée avec perte de son activité fonctionnelle. Une hétérogénéité moléculaire est toutefois possible car une mutation du gène LKB1-STK11 n’est identifiée que dans 30 à 80 % des cas, et que deux locus voisins 19p13.3 et 13.4 pourraient être en cause. Le syndrome de Peutz-Jeghers est défini par l’association d’une polypose gastro-intestinale hamartomateuse, d’une pigmentation mélanique cutanéo-muqueuse et la présence d’un antécédent familial. L’absence de l’un de ces caractères ne permet pas cependant une exclusion formelle du diagnostic. Ainsi, une pigmentation caractéristique sans polypose digestive cliniquement décelable a pu être décrite, chez des malades issus de familles de syndrome de PeutzJegher, témoignant d’une pénétrance incomplète ou d’une atteinte digestive infraclinique. De même, l’absence d’antécédent familial est notée jusque dans 10 à 20 % des cas, témoignant de possibles formes sporadiques. Les lentigines sont rarement présentes dès la naissance, mais apparaissent le plus souvent au cours des premiers mois, le plus souvent avant l’âge de 2 ans. Elles touchent de façon quasi constante les lèvres et dans 80 % des cas la muqueuse buccale : face interne des lèvres et des joues, gencives, palais alors que la langue est exceptionnellement atteinte (fig. 68.20). Le pourtour de la bouche est concerné à la différence de la maladie de Laugier et Hunziker mais les régions orbitaires, périnasales et les oreilles peuvent être touchées. D’autres localisations sont possibles : paumes, plantes, face dorsale des doigts, région anale. La pigmentation faciale tend à s’atténuer à partir de l’adolescence, mais persiste au niveau de la muqueuse orale, pouvant rendre compte de diagnostics tardifs.

Cette affection rare, de prévalence estimée de 1/50 000 à 1/120 000 naissances, est transmise sur un mode autosomique dominant, avec une forte pénétrance (plus de 90 %) et une expressivité variable. Le gène impliqué LKB1-STK11 a été localisé sur le bras court du chromosome 9. Ce gène tumeur-suppresseur code pour une protéine à activité thréonine-sérine kinase. Ses mutations (délétions/insertions, substitution de base) aboutissent à une

Coll. D. Bessis

Syndrome de Peutz-Jeghers

Fig. 68.20 Lentigines multiples labiales et périorales au cours d’un syndrome de Peutz-Jeghers

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Génodermatoses prédisposant aux cancers La polypose digestive intéresse le jéjunum et l’iléon (70 à 90 %) mais aussi le côlon, le rectum (50 %) et l’estomac (25 %). Ces polypes sont des hamartomes, de taille variable de quelques millimètres à plusieurs centimètres, sessiles ou pédiculés. Leur nombre est parfois supérieur à 100, mais semble inférieur à celui observé au cours de la polypose adénomateuse familiale. Lorsqu’elle est symptomatique, cette polypose se manifeste le plus souvent au cours de la première décennie par des douleurs abdominales récurrentes avec parfois un véritable syndrome occlusif lié à une invagination. L’atteinte digestive peut également s’exprimer sur un mode hémorragique occulte ou non : anémie hypochrome, melæna, rectorragies. La survenue de polypes de localisation nasale (27 % des cas d’une série de 22 malades atteints issus d’une même famille) mais aussi biliaire, utérine, du tractus respiratoire et urinaire a été rapportée. Bien que la transformation néoplasique des polypes du tube digestif soit rare, le risque de développer précocement, avant 40 ans, une tumeur maligne, en particulier de l’intestin grêle, est nettement plus élevé que dans la population générale. La cancérisation pourrait survenir sur des foyers de métaplasie adénomateuse ou à partir d’une filiation directe hamartome-cancer. L’incidence de cancers a été analysée sur une population de 419 patients satisfaisant aux critères diagnostiques de syndrome de Peutz-Jeghers (dont 297 avaient une mutation identifiée du gène STK11/LKB1). Les risques de développement d’un cancer à l’âge de 20, 30, 40, 50, 60 et 70 ans étaient respectivement de 2 %, 5 %, 17 %, 31 %, 60 % et 85 %, surtout d’origine gastro-intestinale (estomac-œsophage, intestin grêle, côlon-rectum et pancréas). Chez la femme, le risque de développer un cancer du sein était estimé à 8 % et 31 % respectivement à l’âge de 40 et 60 ans. Il n’existait pas de corrélation entre le génotype et le phénotype. Un risque augmenté de cancers gynécologiques (ovaires, endomètre, col utérin), pulmonaires, thyroïdiens et testiculaires est également classique ³¹. La survenue de tumeurs ovariennes bénignes des cordons sexuels à tubules annelés est fréquente, quasi constante au stade microscopique pour certains auteurs, le plus souvent bilatérales et multifocales, parfois responsables d’irrégularités menstruelles ou d’hypo-estrogénie. Des tumeurs testiculaires bénignes à cellules de Sertoli, bilatérales, multinodulaires, de petite taille, et pouvant être à l’origine d’une féminisation révélatrice (puberté précoce, gynécomastie) ont été rapportées avec une faible fréquence. Le traitement repose sur un dépistage et une prise en charge précoce de la polypose digestive dès l’âge de 10 ans, y compris chez les sujets asymptomatiques pour certains auteurs et ce, par une gastroscopie et une coloscopie annuelle. Au cours de cet examen, l’endoscopiste devra enlever tous les polypes accessibles. En l’absence de nouveau polype, cette surveillance sera espacée par la suite tous les 1 à 3 ans. La surveillance de l’intestin grêle devra être réalisé par des transits barytés tous les 2 ans, complétés si possible d’entéroscopie poussée. Ces derniers examens tendent progressivement à être supplantés par la vidéo-

 IRM imagerie par résonance magnétique

Critères diagnostiques du complexe de Carney Lésions pigmentaires cutanées de distribution typique (lèvres, conjonctive et canthus interne ou externe, muqueuses vaginale et pénienne) Myxomes cutanés et muqueux Myxome cardiaque Fibro-adénome mammaire myxoïde ou imagerie IRM avec suppression du signal de la graisse suggérant ce diagnostic Maladie pigmentaire nodulaire de la glande cortico-surrénale ou élévation paradoxale du cortisol libre urinaire après administration de dexaméthasone durant le test de freinage de Liddle Acromégalie par adénome hypophysaire à GH Tumeur testiculaire de Sertoli à larges cellules calcifiantes ou calcification caractéristique à l’échographie testiculaire Carcinome thyroïdien ou multiples nodules hypoéchogènes à l’échographie thyroïdienne, chez un jeune patient Schwannomes mélanotiques psammomateux (avec confirmation histologique) Nævus bleu, nævus bleu épithélioïde (multiple) Adénome mammaire ductal (multiple) Ostéochondromyxome (avec confirmation histologique) Critères supplémentaires Atteinte des parents du premier degré Mutation inactivatrice du gène PRKAR1A Le diagnostic de complexe de Carney est établi en présence de 2 manifestations cliniques ou d’une manifestation clinique associée à un critère supplémentaire.

68.D capsule endoscopique pour le dépistage des polypes et par l’entéroscopie double-ballon pour leur résection. En cas de découverte d’un polype de l’intestin grêle d’une taille supérieure à 1,5 cm, une laparotomie avec entéroscopie peropératoire est préconisée. La recherche de tumeurs extradigestives devra être systématique et précoce : − mammaire : examen clinique annuel et échographie et/ou IRM mammaire tous les 1 à 2 ans, dès l’âge de 20 ans ; − ovarienne et utérine : examen gynécologique complet avec frottis de l’endocol tous les ans, complété d’une échographie pelvienne et ovarienne ; − testiculaire : palpation testiculaire annuelle complétée éventuellement d’une échographie testiculaire, dès l’âge de 10 ans ; − pancréatique : échographie endoscopique ou abdominale tous les 1 à 2 ans dès l’âge de 30 ans. Une enquête familiale est indispensable avec réalisation d’un test génétique chez les sujets à risque. Ce diagnostic génétique devra cependant rester non formel, en l’absence de mutations constantes du gène LKB1/STK11 au cours de cette affection : 60 % et 50 % respectivement au cours des formes familiales et sporadiques. Ces résultats reflètent la possibilité d’une hétérogénéité du locus incriminé ou d’un second gène encore non identifié.

Complexe de Carney

Fig. 68.21 Lentigines multiples périorales, nasales et périorbitaires au cours d’un complexe de Carney rapportée chez quatre membres d’une famille affectée du complexe de Carney, pourrait constituer une anomalie cutanée non fortuite. Les myxomes cardiaques constituent l’atteinte extracutanée la plus fréquente. Ils sont présents dans plus de deux tiers des cas, et détectés entre 6 et 57 ans (âge moyen de 24 ans). À la différence du myxome cardiaque d’origine sporadique, ils sont fréquemment multiples (un cas sur deux) et de topographie intracardiaque ubiquitaire, sans prédilection de sexe ou d’âge. En revanche, aucun caractère histologique ne permet de différencier le myxome cardiaque d’origine sporadique de celui observé au cours du complexe

Coll. Pr N. Dupin, Paris

En 1985, Carney individualise un syndrome associant des myxomes cardiaques à des troubles de la pigmentation, des anomalies endocriniennes et des schwannomes. Ces anomalies étaient précédemment décrites sous les acronymes de syndrome NAME (naevi, « atrial myxoma » [myxome de l’oreillette], mucinose cutanée, hyperactivité endocrine) et de syndrome LAMB (lentigines, « atrial myxoma », myxome muco-cutané, nævus bleu). Le complexe de Carney est une affection rare (environ 500 patients répertoriés en 2004), sans prédisposition ethnique et de sex-ratio équilibré ³²,³³. Il se transmet sur un mode autosomique dominant avec une expressivité variable et une pénétrance presque complète. Près de 70 % des cas rapportés sont familiaux. Il est lié à une mutation du gène tumeur-suppresseur PRKAR1A (Protein Kinase A type 1-α regulatory subunit) localisé sur le chromosome 17q22-24 et qui code pour la protéine R1-α, sous-unité régulatrice de protéine kinase AMP-cyclique dépendante. La majorité des mutations entraîne des codons stop prématurés et intéressent les exons 2, 4 et 6. Le diagnostic clinique (encadré 68.D) est le plus souvent établi vers l’âge de 20 ans, exceptionnellement dès la naissance. Les lentigines constituent le plus souvent la première manifestation et sont présentes dès les premières années de la vie, parfois dès la naissance. Elles sont de couleur brun noir, en nombre variable, de quelques éléments à une myriade, parfois confluentes. Leur distribution caractéristique est le plus souvent complète vers la puberté. Elles se localisent par ordre de fréquence décroissante sur le visage, surtout de topographie périorale (fig. 68.21) et périoculaire (paupières, oreilles, lèvres), mais aussi sur le tronc, le cou, les conjonctives et la sclérotique, la vulve, les membres inférieurs et le dos des mains. Les muqueuses buccales, génitales ou anales peuvent être plus rarement touchées. Les nævi bleus sont fréquemment multiples et caractéristiques histologiquement (fig. 68.22). La présence simultanée des 2 troubles pigmentaires (lentigines et nævus bleu) est notée dans 10 % des cas. D’autres anomalies pigmentaires peuvent être rencontrées : éphélides, taches café-au-lait, nævus jonctionnel, nævus bleu atypique. Les myxomes cutanés sont présents chez plus d’un tiers des malades, sous la forme de papules ou de nodules sous-cutanés, pédiculés, asymptomatiques, de petite taille (< 1 cm), couleur peau normale (fig. 68.23). Leur âge d’apparition est variable, de la naissance à 40 ans. Les lésions sont multiples dans 75 % des cas. Leur distribution est ubiquitaire en dehors des régions palmo-plantaires, avec une prédominance pour les paupières, les canaux auditifs externes, les seins et les mamelons. Ils peuvent également être présents dans l’oropharynx, sur le tractus génital féminin et le pelvis. La survenue de myxomes cutanés multiples isolés pourrait constituer une forme incomplète de ce syndrome. Leur traitement se limite le plus souvent à une simple excision chirurgicale, mais la récidive est fréquente. D’autres tumeurs cutanées bénignes sont également rapportées : tricho-folliculoépithéliomes des conduits auditifs externes, lipomes, collagénomes, angiomes. La présence de sinus pilonidaux,

Coll. Pr N. Dupin, Paris

Complexe de Carney

Fig. 68.22

Nævus bleu de la joue au cours d’un complexe de Carney

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Génodermatoses prédisposant aux cancers

Coll. Pr N. Dupin, Paris

Principales tumeurs associées à la NEM1

Fig. 68.23

Myxome cutané au cours d’un complexe de Carney

de Carney. Ces myxomes sont à l’origine d’anomalies auscultatoires, de complications cardiaques, emboliques ou systémiques, potentiellement léthales. Leur risque de récidive sur le site initial ou à distance est particulièrement élevé, et ce, même en cas d’exérèse chirurgicale complète. Les autres tumeurs sont électivement endocriniennes : − maladie pigmentaire nodulaire de la glande corticosurrénale à l’origine d’un syndrome de Cushing de sévérité variable ; − tumeurs testiculaires à cellules de Sertoli, bilatérales et mutinodulaires, le plus souvent bénignes et précoces (au cours des dix premières années de vie, parfois dès l’âge de 2 ans) avec un risque de gynécomastie et de puberté précoce, tumeurs à cellules de Leydig, inclusions surrénaliennes intratesticulaires ; − adénomes hypophysaires somatotropes parfois compliqués d’acromégalie ; − adénomes thyroïdiens précoces, sans risque augmenté d’hypo- ou d’hyperthyroïdie et carcinomes non médullaires thyroïdiens (papillaires ou folliculaires). La survenue de schwannomes mélanotiques psammomateux, tumeurs bénignes rares du système nerveux périphérique, est très évocatrice du complexe de Carney. Ils touchent plus particulièrement le tractus gastro-intestinal et la chaîne sympathique paraspinale. Ils surviennent chez près de 10 % des patients et sont marqués par le risque de dégénérescence maligne et de décès par métastases pulmonaires, hépatiques ou cérébrales. La survenue d’adénome ductal et d’ostéochondromyxome mammaire, de kystes et de rares carcinomes de l’ovaire est également décrite. Le dépistage des tumeurs chez les patients atteints de complexe de Carney ou porteurs de mutations délétères du gène PRKAR1A devra être systématique et précoce, annuel, à la recherche des diverses atteintes possibles : − cardiaque : examen clinique et échographie cardiaque transthoracique annuelle ; − gynécologique : examen gynécologique complété d’une échographie mammaire et pelvienne annuelle dès la puberté ; − testiculaire : palpation testiculaire annuelle, suivi strict  IRM imagerie par résonance magnétique · NEM néoplasie endocrinienne multiple

− Hyperplasie parathyroïdienne (85-100 % à 40 ans) − Tumeurs pancréatiques endocrines (90-100 %) : − Gastrinome (50 % à 50 ans) − Insulinome (10-35 %) − Autres (2 %) ; glucagonome, VIPome et somatostinome − Adénomes corticosurrénaliens (40-70 %) − Adénomes antéhypophysaires (20-40 %) − Tumeurs carcinoïdes (5 %) − Tumeurs rares : tumeurs papillaires thyroïdiennes, thymomes, tumeurs gliales, mélanome, rhabdomyosarcome, angiofibrosarcome − Manifestations cutanées : − Angiofibromes (87 %) − Collagénomes (72 %) − Lipomes multiples (34 %) − Papules gingivales − Mélanome ?

68.E de la croissance et du statut pubertaire, complété annuellement d’une échographie testiculaire ; − endocrinien : dosage du cortisol urinaire et du taux de l’IGF1 (Immunogrowth factor type 1) complété d’une IRM hypophysaire et d’une tomodensitométrie surrénalienne si nécessaire ; palpation et échographie thyroïdienne annuelle ; − neurosympathique par une éventuelle IRM cervicale. Une enquête familiale est indispensable avec réalisation d’un test génétique chez les parents du premier degré. Ce diagnostic génétique devra rester cependant non formel, la présence de mutations délétères du gène PRKAR1A n’étant mise en évidence que pour environ deux tiers des patients atteints de complexe de Carney.

Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (syndrome de Wermer) La néoplasie endocrinienne de type 1 (NEM1) est une affection rare (environ 1 000 cas colligés en France en 2007) d’une incidence estimée entre 1/20 000 et 1/40 000. Elle associe des atteintes hyperplasiques et/ou tumorales des glandes parathyroïdes, pancréatiques endocrines, antéhypophysaires, surrénaliennes et de l’ensemble des tissus neuro-endocrines de l’organisme ³⁴ (encadré 68.E). Sa transmission est autosomique dominante et le gène responsable MEN1 (11q13) code pour la ménine, protéine ayant un rôle clé dans la régulation de la mitose, du cycle cellulaire et de l’apoptose. Le diagnostic de NEM1 n’est établi le plus souvent qu’au cours de la quatrième décennie en présence d’une symptomatologie d’hypersécrétion hormonale du tissu affecté : signes généraux et osseux de l’hypercalcémie en cas d’atteinte parathyroïdienne, ulcères gastroduodénaux en cas de gastrinome, etc. Les manifestations cutanées se rapprochent de celles observées au cours de la sclérose tubéreuse de Bourneville (STB) ³⁵ : − angiofibromes du visage : leur prévalence varie entre

Néoplasies endocriniennes multiples de type 2 68-17 Principales anomalies cliniques associées aux NEM2 NEM2A (syndrome de Sipple ou type 2) − Carcinome médullaire de la thyroïde (100 %) − Phéochromocytome (50 %) − Hyperparathyroïdie (adénome ou hyperplasie) (20-30 %) − Amylose cutanée (30 %) NEM2B (syndrome de Gorlin ou type 3) − Carcinome médullaire de la thyroïde (100 %) − Neuromes cutanéo-muqueux (100 %) − Syndrome dysmorphique marfanoïde (85-95 %) − Phéochromocytome (40-50 %)

68.F 60 et 90 % selon leur dépistage dermatologique dans les diverses séries. Ils sont le plus souvent multiples (plus de 3 ou 4). Leur augmentation en nombre avec l’âge est controversée. Leur localisation préférentielle sur la lèvre supérieure, classiquement absente au cours de la STB, est mentionnée ; − collagénomes (63-72 %) : le plus souvent multiples, plus de 4 dans près de 9 cas sur 10, et de petite taille (< 3 mm), ils se localisent sur le haut du tronc, les épaules et le cou. Leur augmentation en nombre avec l’âge est également controversée ; − taches café au lait (38 %), en petit nombre (< 3), de taille variable (0,5 cm à plus), et taches hypochromes non spécifiques ; − lipomes (17-34 %), le plus souvent isolés et de faible valeur diagnostique ; − papules gingivales de petite taille et cliniquement similaires à celles rapportées au cours de la maladie de Cowden. Une augmentation du risque de mélanome par implication directe du gène MEN1 dans la tumorigenèse mélanique est possible, mais n’a pas été prouvée sur le plan épidémiologique ³⁷. Le dépistage précoce de la maladie est possible au stade asymptomatique par la recherche d’anomalies biologiques (bilan phosphocalcique, dosages hormonaux de PTH, de gastrine, d’insuline, de GH, de prolactine, de cortisol, etc.) et la recherche de mutations germinales du gène MEN1. Le traitement est symptomatique en cas d’anomalies endocriniennes présentes : parathyroïdectomie subtotale en cas d’hyperparathyroïdie primaire, traitement chirurgical des tumeurs malignes du tube digestif.

cinome médullaire de la thyroïde. La mise en évidence de mutations sur le gène responsable RET (locus 10q11), autorise un dépistage familial précoce (formes familiales dans 25 % des cas) et un traitement préventif (thyroïdectomie préventive). Les lésions cutanées de la NEM2A sont marquées par des lésions d’amylose cutanée uni- ou bilatérale du haut du dos (dermatomes T2-T6) ³⁷-³⁸. De description majoritairement anecdotique, son incidence exacte est inconnue (environ un tiers des cas dans une série de 25 patients touchés au sein de 3 familles). Ces lésions intensément prurigineuses sont constituées de macules ou de papules hyperpigmentées brûnes, confluentes en une large plaque mal limitée, située entre la colonne vertébrale (4 premières vertèbres thoraciques) et les épaules (fig. 68.24). Le prurit est amélioré par l’exposition solaire et aggravé par le stress. Son évolution n’est cependant pas corrélée à l’évolutivité clinique de l’affection. Son traitement repose sur la capsaïcine topique, cependant d’efficacité inconstante. L’intérêt de son dépistage réside dans la précocité du développement du prurit au cours de l’enfance, le plus souvent antérieur au carcinome thyroïdien. Sa cause exacte reste inconnue et n’est pas liée à un conflit discoradiculaire vertébral comme supposé au cours de la notalgie paresthésique. La NEM2B est exceptionnelle. Un syndrome marfanoïde est associé dans près de 90 % des cas avec des anomalies musculo-squelettiques des membres et du tronc mais sans

Les NEM de type 2 associent un carcinome médullaire de la thyroïde à d’autres manifestations cliniques, surtout des endocrinopathies (encadré 68.F). Elles regroupent la NEM2A (60 %) ou syndrome de Sipple, la NEM2B (5 %) ou NEM3 ou syndrome de Gorlin et la forme familiale isolée de carcinome médullaire de la thyroïde. La reconnaissance des signes cutanés présents en fréquence variable au cours de ces affections revêt une importance considérable car ils sont précoces, précédant le plus souvent la survenue du car NEM néoplasie endocrinienne multiple

Coll. D. Bessis

Néoplasies endocriniennes multiples de type 2

Fig. 68.24 Plaque hyperpigmentée brune unilatérale paravertébrale thoracique au cours d’une amylose cutanée secondaire à une néoplasie endocrinienne de type 2A

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Génodermatoses prédisposant aux cancers Allèle muté

Allèle sauvage (normal)

Premier événement = mutation germinale héritée

Délétion

Tumeur

Mutation

Tumeur

Coll. D. Bessis et Dr A. Girardet, Montpellier

Second événement = événement somatique (perte d’hétérozygotie, nouvelle mutation...)

Fig. 68.25 Hypothèse à deux événements de Knudson et cancers familiaux. Deux événements sont responsables de l’inactivation complète d’un gène tumeur suppresseur et conduisent au développement du cancer. Le premier événement est hérité (mutation germinale). Le second événement est somatique ; il met en jeu le plus souvent la perte de l’ensemble ou d’une partie d’un chromosome et il est à l’origine d’une perte d’hétérozygotie du tissu tumoral devenant homozygote ou hémizygote anomalie aortique, contrairement au syndrome de Marfan. Les neuromes muqueux sont pathognomoniques et constamment observés. De survenue congénitale ou peu après la naissance, ils se manifestent par un épaississement diffus ou nodulaire, douloureux, des lèvres, de la langue, de la cavité orale (face interne des joues, palais, gencives). L’atteinte des conjonctives, de la cornée, du pharynx et du larynx est également possible. En revanche, la présence de neuromes cutanés est rarement observée. Il s’agit de papules en dôme ou pédiculées de quelques millimètres à 1 cm de diamètre, couleur peau normale, touchant le visage ou parfois le tronc.

Syndrome de Birt-Hogg-Dubé Le syndrome de Birt-Hogg-Dubé (BHD) est une affection transmise sur le mode autosomique dominant associant des hamartomes cutanés (fibrofolliculomes), des tumeurs rénales, des atteintes pulmonaires kystiques et des pneumothorax spontanés. Cette affection est liée à des mutations germinales du gène BHD (locus 17p11.2). Considéré comme un gène tumeur suppresseur, ce dernier code pour la folliculine, protéine hautement conservée au cours de l’évolution et impliquée par le biais de sa protéine de liaison FNIP1 (folliculin interacting protein 1) dans les voies de signalisation AMPK (5 -AMP-activated protein kinase) et mTOR

 BHD Birt-Hogg-Dubé

(mammalian target of rapamycin). La folliculine est largement exprimée dans l’organisme, notamment le poumon (pneumocytes de type 1), le rein (néphron distal), la peau et ses annexes ³⁹. Les mutations sont majoritairement de type insertion ou délétion, et situées dans plus d’un cas sur deux au niveau de l’exon 11 (« point chaud » mutationnel). Elles sont à l’origine de la production d’une protéine tronquée. L’anomalie est transmise sous une forme germinale et hémizygotique, avec inactivation de l’allèle sauvage normal par un mécanisme de mutation somatique ou de perte d’hétérozygotie (théorie du « double événement » de Knudson) comme cela a été démontré au niveau des tumeurs rénales (fig. 68.25). L’expression phénotypique ne semble pas corrélée au génotype d’après les études génétiques réalisées sur les différentes séries. Le syndrome BHD est caractérisé sur le plan dermatologique par la survenue de fibrofolliculomes multiples, de trichodiscomes et de lésions de type acrochordons ⁴⁰,⁴¹. Ces dernières tumeurs sont actuellement considérées comme des variantes cliniques et histologiques des fibrofolliculomes. Les fibrofolliculomes sont cliniquement caractérisés par de petites papules fermes, en dôme, de couleur ivoire ou de couleur chair, à surface lisse, de quelques millimètres de diamètre (fig. 68.26). Ils sont le plus souvent multiples et leur nombre varie chez un individu de quelques papules à plusieurs centaines d’éléments. Ils siègent avec prédilec-

Fig. 68.26 Fibrofolliculomes auriculaires au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé : papules multiples en dôme, couleur ivoire, à surface lisse, de quelques millimètres de diamètre tion sur l’extrémité céphalique — en particulier le front, le nez, les joues, les pavillons auriculaires et les régions rétroauriculaires —, sur les faces latérales du cou et sur le haut du tronc (fig. 68.27). Ils peuvent également être regroupées de façon coalescente en plaques selon une topographie segmentaire (fig. 68.28). Leur développement est le plus souvent noté au cours de la troisième ou quatrième décennie de la vie mais les premières lésions, souvent discrètes, peuvent être présentes dès l’âge de 20 ans. Les fibrofolliculomes sont cliniquement indistinguables des trichodiscomes. Les lésions de type acrochordons se localisent avec prédilection au niveau des creux axillaires et sont le plus souvent associés à des papules de fibrofolliculomes (fig. 68.29). Le diagnostic de syndrome BHD est retenu cliniquement, si une personne est porteuse d’au moins 10 fibrofolliculomes, dont un confirmé par un examen anatomopathologique. Celui-ci atteste d’une tumeur folliculaire bénigne, non épithéliale, constituée d’un follicule pileux central souvent déformé par un infundibulum élargi rempli de kératine lamellaire, cerné d’une fibrose concentrique. De deux à quatre bandes d’épithélium folliculaire, anastomosées entre elles, s’étendent dans ce stroma fibromucineux. Le traitement des fibrofolliculomes et des trichodiscomes repose sur la dermabrasion, le laser de resurfaçage ou l’isotrétinoïne systémique. L’atteinte orale est probablement sous-estimée et constituée de petites papules fibromateuses, plus ou moins pédiculées, localisées préférentiellement sur les faces antérieures des gencives et le versant muqueux des lèvres (fig. 68.30). Parmi les autres tumeurs cutanées rapportées, les angiofibromes et les fibromes périfolliculaires peuvent  BHD Birt-Hogg-Dubé

Fig. 68.27 Fibrofolliculomes des joues et du nez au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé constituer l’unique expression cutanée au sein de familles porteuses de la mutation du gène BHD. D’autres tumeurs sont décrites ponctuellement sans qu’un lien formel puisse actuellement être établi : lipomes multiples, collagénomes, mélanomes, carcinomes basocellulaires et épidermoïdes, hyperplasie sébacée, dermatofibrosarcome et léiomyosarcome. Le syndrome BHD comporte un risque accru de carcinomes rénaux ⁴⁰,⁴². Dans une série portant sur 98 patients atteints de syndrome BHD, le risque de développer une tumeur rénale était multiplié par 7 par rapport à la population générale (15 % des patients) ⁴². Ce risque carcinologique est cependant difficile à chiffrer avec précision, suivant les modalités de sélection des séries publiées. Il est estimé entre 6 à 34 % des patients atteints du syndrome BHD ou porteurs de la mutation du gène BHD ⁴⁰. Il est signifi-

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Syndrome de Birt-Hogg-Dubé

Fig. 68.28 Fibrofolliculomes groupés en plaque sur l’abdomen au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé. Les cicatrices sont liées à un antécédent d’exérèses répétées de kystes épidermiques associés

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Génodermatoses prédisposant aux cancers

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cativement plus élevé en cas d’antécédent familial de cancer rénal. La survenue des cancers rénaux est plus précoce qu’au cours des formes sporadiques. Le plus souvent, il s’agit de tumeurs bilatérales et multifocales où dominent deux formes histologiques parfois associées chez un même patient au sein d’une même tumeur : tumeurs hybrides chromophobes-oncocytomes (67 %), carcinomes chromophobes (23 %), oncocytome (3 %). Les carcinomes rénaux à cellules claires, de type papillaire ou tubulo-papillaire sont plus rarement observés et rendent compte des rares formes métastatiques observées ⁴⁰. Il n’existe actuellement aucun consensus pour la prise en charge de ces patients en termes de prévention, et la fréquence de la surveillance clinique et radiologique reste non codifiée. Les autres atteintes viscérales associées au cours du syndrome BHD sont essentiellement pulmonaires avec un risque élevé de pneumothorax, 50 fois plus important que dans la population générale, et touchant plus d’un tiers des patients atteints. La présence de lésions kystiques pulmonaires est également fréquente, estimée entre 80 à 90 % des patients, caractérisée histologiquement par des dilatations kystiques des espaces alvéolaires. Ces lésions kystiques sont précurseurs des pneumothorax multiples considérés à tort comme « spontanés ». Quelques observations d’oncocytomes parotidiens, de carcinomes et de polypes coliques et de carcinomes thyroïdiens sont rapportées sans qu’un lien formel avec cette affection soit établi. De nombreuses autres observations isolées d’association sont notées : sarcome mammaire, adénocarcinome prostatique, adénome parathyroïdien, méningiome, neurothécome, choriorétinopathie.

Léiomyomatoses cutanées et utérines familiales La léiomyomatose cutanée et utérine familiale (LCUF) ou syndrome de Reed est une affection héréditaire rare as-

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Fig. 68.29 Fibrofolliculomes multiples et pour certains, pédiculés (aspect de type acrochordons) du creux axillaire au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé

Fig. 68.30 Fibrome pédiculé muqueux de la face interne d’une joue au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé sociant des tumeurs bénignes cutanées et utérines multiples, dérivant de cellules musculaires lisses. Une variante clinique, caractérisée par une prédisposition au développement de carcinomes rénaux papillaires (HLRCC pour « hereditary leiomyomatosis and renal cell cancer »), a été individualisée en 2001 ⁴³. Les LCUF/HLRCC sont des affections héréditaires transmises selon le mode autosomique dominant, liées à des mutations germinales du gène FH (locus 1q42-43), codant la protéine fumarate hydratase ⁴⁴. Cette protéine est une isoenzyme cytosolique et mitochondriale catalysant la transformation du fumarate en malate dans le cycle de Krebs. Les mutations bi-alléliques (mutation homozygote ou hétérozygote composite) sont responsables du déficit en FH ou acidurie fumarique. Cette maladie métabolique du nouveau-né, très rare, est caractérisée par une encéphalopathie avec convulsions, une hypotonie musculaire, un retard de croissance et des troubles du développement psychomoteur, avec décès prématuré survenant dans la petite enfance. Des mutations du gène FH sont identifiées dans 85 à 100 % des familles atteintes de LCUF/HLRCC. Ces mutations germinales de FH sont à l’origine d’une baisse de l’activité enzymatique de la fumarate hydratase. Aucune corrélation génotype/phénotype n’est actuellement démontrée pour ces affections. Au cours des LCUF/HLRCC, une perte d’hétérozygotie (perte de l’haplotype sauvage, conservation de l’allèle muté) est observée dans les tissus tumoraux. Ces anomalies génétiques somatiques sont corrélées à une baisse de l’activité enzymatique en tissu tumoral. Ces données plaident en faveur d’un rôle suppresseur de tumeur de cette protéine. Son implication exacte dans le développement de tumeurs bé-

 BHD Birt-Hogg-Dubé · HLRCC hereditary leiomyomatosis and renal cell cancer · LCUF léiomyomatose cutanée et utérine familiale

Léiomyomatoses cutanées et utérines familiales 68-21

Fig. 68.31 Nodules de couleur chair ou rosée d’une jambe au cours d’une léiomyomatose cutanée familiale

des affections autosomiques dominantes (Happle). L’âge moyen de survenue des léiomyomes cutanés est de 25 ans (valeurs extrêmes : 9-47 ans). Le diagnostic de léiomyomatose cutanée est retenu cliniquement, si une personne est porteuse d’au moins 10 léiomyomes dont un confirmé par un examen anatomopathologique. Le léiomyome cutané est une prolifération de cellules musculaires lisses dérivant des muscles pilo-érecteurs dermiques (piloléiomyomes), les distinguant des angioléiomyomes (solitaires) et des léiomyomes dartoïques (dérivant des muscles lisses génitaux). L’examen anatomopathologique révèle une prolifération de fibres musculaires lisses entrelacées, mal limitée, enserrées par des fibres collagènes en quantité variable. La fréquence de l’atteinte cutanée au cours des LCUF/HLRCC est évaluée entre 76 % et 87 % selon les séries, répartie entre les formes diffuses, segmentaires ou associant les deux topographies, respectivement 39 %, 29 % et 32 %. Les léiomyomes cutanés augmentent en nombre avec l’âge, mais ne gênent en général pas les patients, sauf dans les formes profuses (plaque ou lésions multiples) des parties décou-

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nignes ou malignes n’est pas connue. Récemment, il a été suggéré que les mutations de FH entraîneraient une surexpression du facteur de transcription HIF (« Hypoxia inducible factor ») et de ses gènes cibles impliqués dans l’angiogenèse, la différenciation et la croissance cellulaire comme c’est le cas pour le gène VHL de la maladie de von HippelLindau. Les LCUF/HLRCC sont caractérisées sur le plan dermatologique par la survenue de léiomyomes multiples ⁴⁵. Il s’agit de petites papules ou de nodules de couleur chair à légèrement brunâtre ou rosée, de quelques millimètres à quelques centimètres de diamètre, fermes, érectiles (fig. 68.31). Certains sont douloureux : 90 % des malades rapportent une douleur sur un ou plusieurs léiomyomes à la pression, lors de l’exposition au froid ou plus rarement lors d’un traumatisme ou de l’exposition à la chaleur. Ces tumeurs bénignes sont le plus souvent multiples et leur nombre varie chez un individu de quelques papules à plus de cent éléments. Elles sont réparties de façon diffuse et symétrique et siègent, par ordre décroissant de fréquence, sur le tronc, les membres — où elles prédominent aux extrémités —, la tête et le cou. Elles peuvent aussi être regroupées en plaque selon une topographie segmentaire chez des patients présentant également des léiomyomes cutanés diffus (fig. 68.32). Cette dernière répartition suivant les lignes de Blaschko, fréquemment observée aux cours des LCUF, correspondrait à une manifestation segmentaire de type 2

Fig. 68.32 Multiples papules couleur chair ou rosée, groupées en plaque sur la face externe d’un bras et d’une épaule au cours d’une léiomyomatose cutanée et utérine familiale

 HLRCC hereditary leiomyomatosis and renal cell cancer · LCUF léiomyomatose cutanée et utérine familiale

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Génodermatoses prédisposant aux cancers vertes. Aucun traitement n’est habituellement nécessaire ou sollicité par le patient. Ces tumeurs cutanées bénignes sont associées chez la majorité des femmes (jusqu’à 100 % selon les séries) à des léiomyomes ou fibromes utérins multiples ⁴⁵. Ces lésions gynécologiques sont diagnostiquées en moyenne à l’âge de 30 ans, mais sont parfois à l’origine de symptômes plus précoces (règles prolongées, métrorragies). Elles induisent aussi des douleurs abdominales et/ou des troubles de la fertilité et des fausses couches spontanées. Ces fibromes utérins peuvent perturber sévèrement la qualité de vie. Leur caractère invalidant nécessite le recours fréquent (entre 59 et 91 % des cas) à une hystérectomie parfois précédée d’une myomectomie, le plus souvent avant 40 ans. Cette intervention est particulièrement précoce dans les séries américaines puisque 36 à 57 % des femmes y ont eu recours avant 30 ans. L’identification des familles et des femmes à risque est susceptible de permettre la détection et la prise en charge précoces des fibromes utérins, et à la fois d’améliorer leur qualité de vie, et de les surveiller lorsqu’elles désirent des grossesses. Sachant que les léiomyomes sont, en moyenne, identifiés cinq ans avant les fibromes utérins, les dermatologues ont un rôle potentiel dans le conseil d’une consultation de gynécologie et/ou la prescription d’une échographie pelvienne. Les LCUF comportent un risque carcinologique rénal. Quelques cas de léiomyosarcomes utérins et d’autres tumeurs malignes et bénignes ont également été décrits. L’importance exacte de ce risque carcinologique est difficile à chiffrer avec précision, car les modalités de sélection des séries publiées a influencé les pourcentages de cancers observés. Dans les familles identifiées par les dermatologues, les pourcentages de cancers observés varient : 1 cancer du rein dans une famille parmi 45 familles britanniques (2 %), 2 familles nord-américaines parmi 32 des 35 familles étudiées (6 %). Le risque de développer un cancer rénal pour un patient porteur d’une mutation FH est estimé entre 2 et 22 % selon les séries. Une prévalence élevée de 43 % est notée dans la série de Wei et al., avec une surestimation probable du risque carcinologique liée à un biais de recrutement. Dans les premières descriptions, le type histologique le plus fréquent était l’adénocarcinome papillaire de type II, variété rare de tumeur rénale, caractérisée par une prolifération d’architecture papillaire de cellules au cytoplasme amphophile et au large noyau avec nucléoles pseudo-éosinophiles. Des cancers des voies collectrices et des formes indifférenciées ont également été observés en association aux HLRCC. Plus récemment, de multiples formes atypiques associant des structures papillaires, tubulo-papillaires, kystiques, ainsi que des carcinomes à cellules claires ont été rapportées au cours d’HLRCC. Ces tumeurs ont en commun la présence de cellules à cytoplasme amphophile et au large noyau comportant des inclusions nucléolaires pseudo-éosinophiles, caractéristiques initialement attribuées aux seuls adénocarcinomes papillaires de type II. Les tumeurs rénales associées aux HLRCC semblent ainsi constituer un spectre étendu encore mal défini par les classifications histologiques habituelles. Les immuno-

marquages de FH sur ces tumeurs rénales inhabituelles pourraient, dans l’avenir, constituer un outil diagnostique pour identifier les formes associées aux HLRCC. Sur le plan macroscopique, ces tumeurs sont le plus souvent solitaires et unilatérales. Elles surviennent précocement (médiane de 44 ans) et sont souvent découvertes à un stade évolué ou métastatique. Peut-être de ce fait, une mortalité élevée est associée aux carcinomes rénaux au cours de HLRCC. L’isoéchogénicité de ces tumeurs rend difficile une surveillance par simple échographie et leur dépistage doit reposer préférentiellement sur l’uro-TDM ou l’IRM. Il n’existe actuellement aucun consensus pour la prise en charge de ces patients en termes de prévention, et la fréquence de la surveillance clinique et morphologique reste mal codifiée. Il est cependant espéré que l’identification de ces familles à risque permettra une détection précoce des cancers rénaux et une amélioration du pronostic. Les LCUF/HLRCC sont en outre associées au risque de survenue d’un léiomyosarcome utérin. Ce cancer gynécologique rare (1 à 3 % des cancers utérins) est développé aux dépens des structures musculaires lisses et survient le plus souvent après la ménopause. Il apparaît précocement au cours des LCUF/HLRCC. Les principales observations proviennent de Scandinavie où une étude finlandaise a récemment rapporté la survenue de léiomyosarcomes chez 5 patientes porteuses de mutation FH âgées de 29 à 37 ans (correspondant à 15 % des patientes dans cette série). Aucun léiomyosarcome utérin n’a en revanche été rapporté dans les séries nord-américaines, bien que des léiomyomes avec atypies aient été décrits. Il est possible que l’absence de léiomyosarcomes utérins chez ces patientes soient liées à la précocité des myomectomies et surtout des hystérectomies pratiquées en Amérique du Nord. En outre, de récentes publications ont démontré l’existence d’un risque accru par rapport à la population générale pour les femmes porteuses de mutations germinales de FH de développer un cancer du sein et, pour les patients des deux sexes, de développer un cancer de vessie ou certaines hémopathies (lymphomes, myélome et leucémies) ⁴⁵. Des mutations germinales de FH ont aussi été décrites chez deux malades atteints de tumeurs testiculaires (à cellules de Leydig) dont l’un appartenait à une famille HLRCC. Des lésions bénignes à type de kystes rénaux semblent également plus fréquentes et d’apparition plus précoce que dans la population générale de même que les hémangiomes hépatiques et les adénomes surrénaliens. L’association de cystadénomes mucineux ovariens à des mutations germinales de FH a été identifiée chez deux malades d’une série de 33 (6 %). L’association d’une LCUF à une tumeur stromale gastrointestinale a par ailleurs été rapportée de façon isolée.

Dyskératose congénitale La dyskératose congénitale (DC) ou dyskératose de ZinsserCole-Engman est une affection rare dont la prévalence est estimée à 1/106 . En 2008, cinq gènes causaux étaient identifiés, codant tous pour des composants de la télomérase impliqués dans le maintien de la longueur des télomères ⁴⁶ :

 DC dyskératose congénitale · HLRCC hereditary leiomyomatosis and renal cell cancer · IRM imagerie par résonance magnétique · LCUF léiomyomatose cutanée et utérine familiale · TDM tomodensitométrie

Syndrome de Rothmund-Thomson 68-23

Cutanéo-muqueuses Pigmentation cutanée (89 %) Dystrophies unguéales (88 %) Leucoplasie (78 %) Aplasie médullaire (85 %) Autres Larmoiement excessif (sténose des canaux lacrimaux) (30 %) Atteintes neurologiques (retard des acquisitions et retard mental) (25 %) Maladies pulmonaires (20 %) Retard statural (20 %) Anomalies dentaires (caries, agénésies) (17 %) Sténoses de l’œsophage (17 %) Perte de cheveux prématurée/cheveux blancs prématurés/dépilation ciliaire (16 %) Hyperhidrose (15 %) Tumeurs malignes (10 %) Retard de croissance intra-utérin (8 %) Maladies hépatiques (7 %) Microcéphalie (6 %) Ostéoporose précoce (5 %)

68.G − DKC1 (locus Xq28, transmission liée au sexe), codant la dyskérine ; sa mutation rend compte d’environ un tiers des cas de DC, généralement la forme classique et la plus sévère ; − TERC (locus 3q21-q28, transmission autosomique dominante), codant l’ARN de la télomérase ; − TERT (locus 5p15.33, transmission autosomique dominante), codant la transcriptase inverse de la télomérase ; − NOP10 (NOLA3) (locus 15q14-q15, transmission autosomique récessive), codant la protéine Nop10 ; − TINF2 (locus 14q12, transmission autosomique dominante), codant la protéine TIN2. À partir du registre international de DC développé depuis 1995 (Londres, I. Dokal), 280 familles étaient répertoriées en 2007 ⁴⁷ : la présence de mutations des gènes DKC1, TERC et TERT n’était mise en évidence que chez 40 % des patients atteints ; près de 70 % des observations étaient sporadiques ; dans les 30 % de formes familiales, la transmission était de type récessive liée à l’X dans 46 % des cas, autosomique récessive dans 38 % des cas et autosomique dominante dans 16 % des cas. Le phénotype de la dyskératose congénitale est très polymorphe (encadré 68.G). Il est caractérisé, dans sa forme classique, par l’association de troubles pigmentaires cutanés (89 %), de dystrophies unguéales (88 %), de leucoplasies (78 %) et d’un risque d’aplasie médullaire (85 %) et de fibrose pulmonaire (20 %). Les dystrophies unguéales, la leucoplasie et l’hyperpigmentation apparaissent au cours de la première décennie avec un âge moyen de début respectivement de 6, 7 et 8 ans. Les dystrophies unguéales peuvent être no DC dyskératose congénitale

tées précocement, parfois dès la première année. Elles varient suivant les doigts atteints et sont généralement plus marquées aux doigts qu’aux orteils. Elles débutent généralement par des stries et des dépressions longitudinales des tablettes, puis par leur amincissement et leur atrophie, et peuvent s’associer à des ptérygions (fig. 68.33). Elles peuvent évoluer vers une destruction complète des tablettes. L’hyperpigmentation cutanée est de type réticulée, de teinte gris bronze et s’associe à des télangiectasies et à une atrophie (fig. 68.34). Elle affecte préférentiellement la partie haute du tronc, le cou, les épaules et les cuisses. L’atteinte leucoplasique peut affecter toutes les muqueuses, mais se localise le plus souvent au niveau oral : muqueuse linguale essentiellement (fig. 68.35), parfois buccale et palatine, plus rarement anogénitale. Une variété d’autres signes cutanéo-muqueux sont rapportés au cours de la DC : atrophie cutanée, hyperhidrose palmoplantaire, télangiectasies, hyperpigmentation de la muqueuse buccale, absence de dermatoglyphes, alopécie, cheveux gris prématurés. Le risque de carcinome épidermoïde sur leucoplasie préexistante est élevé et estimé approximativement à 35 %, avec un pic au cours de la troisième décennie. De nombreuses autres tumeurs malignes et hémopathies ont été rapportées au cours de la DC : carcinomes des bronches, du côlon, du larynx, de l’œsophage, de l’estomac, du pancréas, maladie de Hodgkin et leucémies.

Syndrome de Rothmund-Thomson Le syndrome de Rothmund-Thomson est une affection héréditaire rare, transmise sur un mode héréditaire autosomique récessif ⁴⁸. Il s’intègre dans le cadre des affections génétiques liées à une anomalie de réparation de l’ADN ou d’instabilité chromosomique comme l’ataxie-télangiectasie, l’anémie de Fanconi et le xeroderma pigmentosum. Le gène

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Principales anomalies cliniques de la DC classique

Fig. 68.33 Dystrophies unguéales au cours d’une dyskératose de Zinsser-Cole-Engman : dépressions longitudinales, amincissement et atrophie des tablettes

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Génodermatoses prédisposant aux cancers

Fig. 68.35 Leucokératose du dos de la langue au cours d’une dyskératose de Zinsser-Cole-Engman

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Fig. 68.34 Poïkilodermie au cours d’une dyskératose de Zinsser-Cole-Engman : hyperpigmentation réticulée, télangiectasies et macules hypochromes de la face antérieure du thorax et des faces latérales du cou responsable RECQL4 est localisé en 8q24.3. Il code pour une enzyme hélicase RECQ4 appartenant à la même famille que RECQ2 et RECQ3 respectivement impliquées dans le syndrome de Bloom et le syndrome de Werner. Ces hélicases interviennent dans la replication, la recombinaison et la réparation de l’ADN, ainsi que dans la transcription de l’ARN. Leur dysfonctionnement est à l’origine d’une instabilité génomique marquée, avec une augmentation du taux de mutations spontanées et de réarrangements chromosomiques. Ainsi, au cours du syndrome de Rothmund-Thomson, une instabilité chromosomique identifiée par étude cytogénétique des lymphocytes et des fibroblastes est fréquente, portant en particulier sur les chromosomes 2, 7, 8 et 21 (anomalies structurales et/ou trisomie). Les mutations délétères du gène RECQL4 sont identifiées chez approximativement deux tiers des patients atteints de syndrome de Rothmund-Thomson. Elles touchent les séquences codantes, les sites d’épissage et les introns et aboutissent à une protéine tronquée. Des mutations de RECQL4 sont également présentes au cours du syndrome

RAPALINO, autre affection autosomique récessive caractérisée par une hypoplasie ou une aplasie radiale (radial hypoplasia/aplasia) et patellaire (patellar hypoplasia/aplasia), une fente palatine ou un palais à l’arc très prononcé (cleft or highly arched palate), des troubles gastro-intestinaux dont une diarrhée (diarrhea), des luxations articulaires (dislocated joints), des malformations des membres inférieurs (limb malformation), un nez long et fin (slender nose) et une intelligence normale (normal intelligence) ⁴⁹. Cette dernière affection se distingue cependant du syndrome de Rothmund-Thomson par l’absence habituelle de poïkilodermie ou d’augmentation du risque de tumeurs malignes. Le syndrome de Rothmund-Thomson touche avec prédilection le sexe féminin (ratio de 1,4 F/1 H). Son profil clinique est hétérogène ⁴⁸. Les lésions cliniques se développent au cours de la première année de vie, généralement entre l’âge de 3 à 6 mois, rarement après l’âge de 2 ans. Elles débutent par un érythème et un œdème en plaques, évoluant par poussées successives et touchant avec prédilection les joues (atteinte précoce et la plus sévère), le front, le menton et les oreilles. Elles laissent place de façon progressive et à des degrés variés à la combinaison de lésions atrophiques, télangiectasiques, pigmentées et dépigmentées caractérisant la poïkilodermie (fig. 68.36). Celle-ci peut cependant se développer sans érythème ou œdème préexistant. Par la suite, les lésions s’étendent sur les mains, les avant-bras, les membres inférieurs et les fesses (fig. 68.37). Les télangiectasies prédominent sur le visage et les mains (fig. 68.38). Une hyperpigmentation irrégulière peut être notée sur la partie haute du tronc (fig. 68.39). Une photosensibilité est présente chez un tiers des patients, parfois sévère et responsable de lésions bulleuses. Elle tend à s’amender au cours de l’enfance, mais peut parfois persister à l’âge adulte. Les anomalies phanériennes sont présentes dans près de 60 % des cas et sont peu marquées : cheveux, sourcils et cils fins, clairsemés ou absents et réduction de la pilosité pubienne

Fig. 68.36 Poïkilodermie des joues et a minima du menton au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson

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impliqué dans les phases de différenciation et de développement du tissu osseux et/ou le maintien de la stabilité génomique des ostéoblastes. Les caractéristiques cliniques et évolutives sont similaires à celles observées dans la population générale : atteinte prédilective du fémur et du tibia, forme histologique de type ostéoblastique prédominante, sensibilité aux cytostatiques utilisés (cisplatine, doxorubicine, méthotrexate, ifosfamide), pronostic de survie à 5 ans estimé entre 60 à 70 % pour les formes non métastatiques. Un développement plus précoce, à l’âge de 14 ans, contre 17 ans pour les formes sporadiques, a été noté dans une sé-

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et axillaire ; ongles de petite taille ou dystrophiques. Les dents sont souvent normales, mais une microdontie et des caries précoces sont rapportées à des fréquences variables suivant les séries (30-60 %). Les autres manifestations cutanées incluent des lésions hyperkératosiques, des kératoses actiniques et des calcinoses (fig. 68.40). Les anomalies extracutanées sont marquées par : − un retard de croissance de fréquence variable (60 à 100 %) responsable d’une petite stature, voire d’un nanisme harmonieux, de mains et de pieds petits et de doigts courts et boudinés, le plus souvent sans déficit en hormone de croissance ; − des anomalies squelettiques dans deux tiers des cas, en particulier des hypoplasies ou des agénésies osseuses (radius, pouce) ; − un risque de cataracte dans environ 1 cas sur 2, bilatérale et précoce, généralement entre l’âge de 4 à 7 ans ; − des troubles gastro-intestinaux chroniques : diarrhée et vomissements. Le risque d’ostéosarcome est augmenté au cours du syndrome de Rothmund-Thomson, estimé entre 3 à 9 %. Il est constamment associé à la présence de mutations délétères du gène RECQL4 ⁵⁰,⁵¹. Ce gène pourrait être spécifiquement

Fig. 68.38 Poïkilodermie et lésions verruqueuses du dos de la main au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson

Fig. 68.37 Poïkilodermie prédominant sur les membres au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson

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Syndrome de Rothmund-Thomson 68-25

Fig. 68.39 Taches café-au-lait du dos acquises au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson

Génodermatoses prédisposant aux cancers

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REPRODUIT AVEC L’AUTORISATION DU PATIENT

68-26

Fig. 68.40 Hyperkératose et calcinose du coude au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson rie. Les carcinomes cutanés surviennent le plus souvent à l’âge adulte (âge moyen de 35 ans). Ils regroupent des rares observations de carcinomes basocellulaires multiples, de maladie de Bowen et de carcinomes épidermoïdes cutanés et linguaux. Des observations de porocarcinome, de syndrome myélodysplasiques précoces ⁵², de lymphome malin non hodgkinien et de leucémie aiguë myéloïde sont également décrits ⁵³.

Syndrome de Werner Le syndrome de Werner (SW) ou progeria de l’adulte est le prototype des syndromes progéroïdes (ou syndrome de sénescence précoce) avec instabilité chromosomique ⁵⁴. Il s’agit d’une maladie rare dont l’incidence est estimée entre 1 à 22 cas par million d’habitants. Le Japon est le pays avec la plus forte incidence : près de 1 cas sur 300 000 habitants et environ 80 % des 1 300 cas publiés jusqu’à présent. Soixante-dix pour cent des patients sont nés de mariages consanguins au premier degré et des antécédents de SW sont retrouvés dans la fratrie dans 50 % des cas. La transmission est autosomique récessive, liée à une mutation du gène WRN, située sur le bras court du chromosome 8, codant pour la protéine WRN de la famille des RecQ hélicases  SW syndrome de Werner

Fig. 68.41 Alopécie, grisonnement prématuré des cheveux, poïkilodermie des joues et du menton, lèvres amincies et calcifications auriculaires au cours d’un syndrome de Werner chez un homme de 45 ans (RecQ3) ⁵⁵. Dans la plupart des cas, il s’agit de mutations bialléliques entraînant un décalage du cadre de lecture ou l’apparition d’un codon stop. La protéine WRN présente une activité hélicase et exonucléase et serait impliquée dans la réparation des dommages structuraux de l’ADN liés au stress oxydatif (système d’excision-réparation) et dans le métabolisme des télomères. La dysfonction ou la perte de RecQ serait responsable d’une instabilité génétique à l’origine d’une sénescence précoce et d’une augmentation du risque de développement de néoplasies bénignes et malignes. Dans 20 à 35 % des cas cependant, aucune mutation du gène WRN n’est détectée, signe d’une hétérogénéité génétique de la maladie. Des mutations du gène LMNA, codant pour les lamines A et C, ont été mises en évidence chez une minorité de patients sans mutation du gène WRN. Ces patients présentaient une forme plus sévère de la maladie et un début plus précoce. Le SW se manifeste rarement avant la puberté ou après 45 ans. Une petite taille (en moyenne 1,46 m pour les femmes et 1,57 m pour les hommes) et un faible poids (respectivement 40 et 45 kg) constituent les premières manifestations cliniques. Le diagnostic est cependant évoqué le plus souvent à partir de 20-25 ans devant l’apparition de signes cutanés progéroïdes tel un grisonnement prématuré des cheveux (canitie précoce), une alopécie, une dépilation diffuse (sourcils, cils, pilosité axillaire et pubienne),

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Syndrome de Werner 68-27

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Fig. 68.43 Pieds plats et déformations articulaires compliquées de troubles trophiques chroniques au cours du syndrome de Werner

Fig. 68.42 de Werner

Hyperkératose et calcinose du coude au cours d’un syndrome

une sclérose cutanée et une sclérodactylie, une atrophie des tissus cutanés profonds et musculaires du visage et des extrémités (fig. 68.41). Les autres signes cutanés comprennent : une pigmentation en mottes, des éphélides, des télangiectasies, des ulcères chroniques des membres inférieurs et des hyperkératoses ulcérées en regard des articulations (fig. 68.42) et de la plante des pieds. Les ulcères chroniques surviennent chez près de 50 % des patients, le plus souvent sur les membres inférieurs (malléole, tendon d’Achille), mais peuvent parfois toucher les membres supérieurs, notamment les régions cubitales. Ces ulcérations seraient liées à la survenue de traumatismes sur une peau atrophique et parfois fragilisée par une altération de la circulation locale (athérosclérose, diabète). La qualité médiocre de la cicatrisation après une intervention chirurgicale, principalement orthopédique, peut entraîner une amputation. Le visage adulte a un aspect caractéristique en « tête d’oiseau » (bird-like facies) en raison d’un nez fin et crochu en « bec d’aigle », de lèvres amincies et ridées et des yeux protubérants par lipoatrophie périorbitaire responsable d’une pseudo-exophtalmie. L’ouverture buccale est rarement limitée. Les signes de sénescence viscérale font toute la gravité de cette maladie. L’atteinte cardio-vasculaire est la principale cause de décès chez les patients caucasiens. Elle est liée au développement prématuré d’une athérosclérose diffuse  SW syndrome de Werner

et de calcifications atteignant les coronaires et les artères de gros calibres, responsables d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux. L’artériopathie oblitérante des membres est la manifestation la plus fréquente avec diminution ou abolition des pouls périphériques et palpation de cordons artériels indurés. Une atteinte endocrinienne peut être observée : hyperlipidémie de type IIb ou IV fréquente, hypogonadisme avec baisse de la libido (80 %), insulino-résistance quasi constante pouvant se compliquer de diabète en cas d’altération de la sécrétion d’insuline. Soixante-dix pour cent des patients à l’âge de 36 ans présentent un diabète. Parfois est notée une hypothyroïdie (15 %) et plus rarement une insuffisance surrénale. Hormis ces facteurs de risque cardio-vasculaire impliqués dans l’athérosclérose prématurée, il semble également exister un état d’hypercoagulabilité chez ces patients. L’atteinte musculo-squelettique se caractérise par une fonte musculaire, une ostéoporose (60 %) et des complications orthopédiques à l’origine de déformations articulaires (orteils, chevilles, doigts) (fig. 68.43), d’hallux valgus, de fractures, de calcifications ligamentaires, tendineuses et des tissus mous ainsi que d’ostéomyélites des membres inférieurs. Parmi les manifestations ophtalmologiques, la cataracte bilatérale précoce sous-capsulaire postérieure constitue une des premières manifestations viscérales de la maladie. Elle est rencontrée dans près de 92 % des cas. Son traitement chirurgical est marqué par le risque de kératopathie bulleuse œdémateuse postopératoire, en raison d’une diminution du potentiel de croissance des fibroblastes et de la densité cellulaire de l’endothélium cornéen. Diverses manifestations ophtalmologiques ont également été rapportées : glaucome secondaire, sclérotiques bleues, rétinite pigmentaire, dégénérescence maculaire ou vitréenne, décollement de rétine et rétinopathie diabétique. Enfin, une voix « haut perchée » par atrophie des cordes vocales et une hypoacousie peuvent compléter le tableau. L’élévation de l’acide hyaluronique urinaire est un bon marqueur diagnostique biologique du SW. Des critères du diagnostic clinique de SW ont été établis (encadré 68.H).

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Génodermatoses prédisposant aux cancers

Diagnostic défini : tous les signes cardinaux et 2 autres signes Probable : les 3 premiers signes cardinaux et 2 autres signes Possible : cataracte ou altérations dermatologiques et 4 autres signes Exclusion : début des signes et symptômes avant l’adolescence (sauf la petite taille puisque les données sur la croissance avant l’adolescence sont inadéquates) La confirmation du diagnostic nécessite une étude moléculaire génétique

68.H Le SW est associé à un risque élevé de cancer et représente la première cause de décès chez les patients japonais souffrant de cette affection. Le risque de développer une tumeur mésenchymateuse ou épithéliale est estimé 10 fois supérieur à celui de la population générale. Plus de 10 % des patients caucasiens et près de 20 % des patients japonais développeraient ainsi un cancer. Les sarcomes des tissus

Coll. D. Bessis

Critères diagnostiques du syndrome de Werner Signes et symptômes cardinaux (début après l’âge de 10 ans) 1. Cataracte (bilatérale) 2. Anomalies dermatologiques caractéristiques (peu fine atrophique, anomalies de pigmentation, ulcération, hyperkératose, atrophie cutanée profonde régionale) et visage caractéristique (« faciès d’oiseau ») 3. Petite taille 4. Consanguinité parentale ou atteinte de la fatrie 5. Cheveux gris précoces et/ou épaississement du cuir chevelu 6. Test d’acide hyaluronique urinaire de 24 heures positif (quand cela est possible) Autres signes et symptômes 1. Diabète sucré 2. Hypogonadisme 3. Ostéoporose 4. Ostéosclérose des phalanges distales des doigts et/ou des orteils (diagnostic radiologique) 5. Calcification tissulaire 6. Évidence d’athérosclérose prématurée (exemple d’antécédent d’infarctus du myocarde) 7. Tumeurs mésenchymateuses, tumeurs rares ou multiples 8. Changement de voix (aiguë, voix de « cheval ») 9. Pieds plats

Fig. 68.44 Ichtyose récessive liée à l’X : atteinte du tronc et des membres supérieurs épargnant les grands plis mous, les ostéosarcomes, les hémopathies de la lignée myéloïde et les méningiomes figurent parmi les tumeurs dont l’incidence est augmentée. Les carcinomes de la thyroïde et les mélanomes surviennent en excès seulement dans la population japonaise. Des cas de cancers multiples synchrones, des carcinomes baso-cellulaires et épidermoïdes ont également été décrits. Le décès survient habituellement entre 40 et 50 ans et est secondaire aux complications cardio-vasculaires (accidents vasculaires coronariens ou cérébraux) ou au développement d’une tumeur maligne.

Déficit en stéroïde sulfatase Cette affection rare, autosomique récessive, responsable de l’ichtyose récessive liée à l’X est secondaire à des mu-

Arbre généalogique Indication à une analyse génétique

Pas d’indication à une analyse génétique

Mutation identifiée

Prise en charge adaptée

Proposition de test aux apparentés

Pas de mutation identifiée

Conseils de surveillance

Recherche

Fig. 68.45 Démarche de la consultation oncogénétique : première consultation de la famille sans analyse génétique préalable

 SW syndrome de Werner

Coll. Dr I. Coupier, Montpellier

Résultats

Consultation oncogénétique 68-29 Mâle Femelle

Non atteint Atteint

Sexe inconnu

Porteur (optionnel)

Autosomique dominant

I 1

Mariage consanguin (optionnel) Jumeaux Décédé

Récessif lié à l‘X

I

2

1

2

II

II 1

2

3

1

2

3

4

5

1

2

1

2

3

4

5

III 4

Autosomique récessif

I 1

3

4

Dominant lié à l‘X

I

2

1

II

5

2

II 1

2

3

4

2

3

5

1

2

1

2

3

4

5

6

7

8

6

7

III

III 1

IV

4

3

4

5

1

Coll. Dr A. Girardet, Montpellier

III

Fig. 68.46 Exemples d’arbres généalogiques suivant les principaux modes de transmission mendéliens

Mutation connue dans la famille Sujet indemne

Sujet atteint

Consultation psychologue conseillée

Mutation identifiée

Pas de mutation identifiée = phénocopie

Prise en charge adaptée

Recherche ciblée de la mutation Mutation identifiée

Pas de mutation identifiée

Prise en charge adaptée

Arrêt de la surveillance

Coll. Dr I. Coupier, Montpellier

Recherche ciblée de la mutation

Fig. 68.47 Démarche de la consultation oncogénétique : prédisposition génétique à la génodermatose connue avec mutation identifiée dans la famille tations du gène STS codant pour l’enzyme stéroïde sulfatase situé en Xp22.32. Cette enzyme est responsable de l’hydrolyse du sulfate de cholestérol en cholestérol au niveau de l’épiderme. L’ichtyose récessive liée à l’X se manifeste exclusivement chez le garçon, souvent dès la naissance ou durant les premiers mois de vie ⁵⁶. L’ichtyose est composée de grandes squames polygonales, souvent grisâtres, voire noirâtres. Elle est diffuse, distribuée symétriquement sur les régions préauriculaires des joues, le cou, les faces latérales du tronc et sur les extrémités, et respecte la zone médiofaciale, les grands plis, les paumes et les plantes (fig. 68.44). Les manifestations extracutanées associent des opacités cornéennes sans trouble de la vision (2550 % chez l’adulte), une cryptorchidie (10-20 %), un risque

augmenté de cancers du testicule, indépendant d’une éventuelle cryptorchidie.

Consultation oncogénétique L’identification des gènes de prédisposition aux cancers a permis l’introduction des tests biologiques de prédisposition génétique, destinés aux personnes supposées à haut risque. Ces tests concernent à la fois des personnes malades (cas index) et des membres non malades de la famille (apparentés). L’accès aux tests de prédisposition génétique aux cancers repose sur la consultation d’oncogénétique, la pertinence de leur prescrition est évaluée par l’oncogénéticien.

68-30

Génodermatoses prédisposant aux cancers Caractéristiques des principaux modes de transmission des génodermatoses Transmission autosomique dominante Une personne atteinte a au moins un parent atteint (mais l’expressivité et la pénétrance de l’affection peuvent être variable). Les deux sexes sont atteints. Transmission par les deux sexes. L’enfant issu d’un sujet atteint et d’un sujet non atteint a un risque de 50 % d’être atteint. Transmission autosomique récessive − Les sujets atteints ont habituellement des parents normaux. − Les parents des sujets atteints sont habituellement porteurs asymptomatiques. − La consanguinité des parents accroît l’incidence. − Les deux sexes sont atteints. − Après la naissance d’un enfant atteint, chaque enfant suivant a un risque de 25 % d’être atteint. Transmission récessive liée à l’X − Atteint presque exclusivement les garçons. − Les garçons atteints naissent habituellement de parents non atteints ; la mère est normalement porteuse asymptomatique et peut avoir d’autres parents atteints de sexe masculin. − Les femmes peuvent être atteintes si leur père est atteint et leur mère porteuse, ou parfois par l’inactivation au hasard de l’X. − Il n’y a pas de transmission homme-homme dans l’arbre généalogique (mais le croisement d’un homme atteint et d’une femme porteuse peut simuler une transmission homme-homme). Transmission dominante liée à l’X − Les deux sexes sont atteints, mais les femmes le sont davantage que les hommes. − Les femmes sont souvent atteintes de façon plus modérée et plus variable que les hommes. − L’enfant d’une femme atteinte a, quel que soit son sexe, un risque de 50 % d’être atteint. − Toutes les filles d’un homme atteint sont atteintes mais aucun des garçons.

68.I Le but de la consultation d’oncogénétique est de répondre aux patients, qui, compte tenu de leur histoire personnelle ou familiale, s’interrogent sur le risque qu’ils ont de développer un cancer. Elle les informe sur les modalités de prévention et de dépistage pour eux-mêmes, ainsi que chez leurs apparentés. Les patients sont adressés en consultation d’oncogénétique par leur médecin spécialiste (dermatologue, oncologue...), leur médecin généraliste ou consultent spontanément. Deux types de consultation d’oncogénétique peuvent être envisagés. 1o Il s’agit d’une première consultation pour la famille et aucune analyse génétique n’a été réalisée (fig. 68.45). Le médecin estime la probabilité d’une forme héréditaire de génodermatose. Il réalise un arbre généalogique (fig. 68.46), en précisant, pour tous les apparentés de la famille, si la personne a développé un cancer ; si oui, quel type de cancer et à quel âge, si les apparentés présentent des signes dermatologiques ou des manifestations cliniques pouvant être associées aux syndromes suspectés dans la famille. Si la probabilité qu’il existe une forme de génodermatose héréditaire est retenue, il sera alors proposé une analyse génétique dans la famille. Cette analyse sera proposée en première intention chez la personne de la famille où il existe la plus grande probabilité d’identifier une anomalie génétique, soit le patient présentant les signes cliniques de la maladie (cas index) et non le patient asymptomatique. 2o La prédisposition génétique à la génodermatose est connue avec une mutation identifiée dans la famille (fig. 68.47). Le consultant qui présente des signes cliniques de la maladie, suspectée ou non, consulte pour savoir s’il est porteur de l’anomalie génétique identifiée dans sa famille. Lors de ces deux types de consultation, il est expliqué au patient le mode de transmission du gène qui sera analysé et

donc, par conséquence, le risque de transmettre cette anomalie génétique à sa descendance (encadré 68.I). Lors d’une première étude familiale, l’absence de mise en évidence d’une anomalie génétique n’élimine pas une prédisposition héréditaire dans la famille en raison d’hétérogénéités génétiques pour certaines génodermatoses et de l’absence d’identification exhaustive des gènes de prédisposition. Lors de la consultation, le risque de développement de tumeurs malignes liées à la génodermatose présente dans la famille est discuté. Il est proposé une prise en charge (dépistage et/ou prévention) personnelle et familiale adaptée, la plupart du temps coordonnée par les dermatologues. Les analyses génétiques dans le cadre des prédispositions héréditaires aux cancers peuvent avoir des conséquences psychologiques. Avant toute analyse génétique, il est systématiquement proposé au patient, d’une part une période de réflexion avant de réaliser l’analyse génétique et, d’autre part, une consultation avec un psychologue. Cependant, le patient peut souhaiter réaliser l’analyse génétique dès la première consultation d’oncogénétique. L’analyse génétique est la recherche d’une anomalie moléculaire dans le gène prédisposant à la génodermatose suspectée dans la famille. Cette analyse est réalisée à partir d’une prise de sang. Celle-ci ne peut être réalisée qu’après avoir obtenu le consentement éclairé écrit du patient (article R1131-4 du code de la santé publique). Les analyses génétiques sont prescrites par des médecins œuvrant dans des équipes pluridisciplinaires déclarées auprès de l’Agence de la biomédecine. Les analyses moléculaires sont réalisées uniquement dans les laboratoires agréés pour les analyses génétiques. Lorsqu’une anomalie délétère est identifiée, elle est systématiquement confirmée sur un second prélèvement sanguin indépendant.

Références 68-31 Le délai des résultats des analyses génétiques varie en f tion du gène analysé, allant de 2 mois à 1 an. Le fonc résultat est rendu uniquement lors d’une consultation d’oncogénétique. Aucun résultat ne peut être rendu ni par téléphone ni par courrier. Le résultat est remis au patient qui a réalisé l’analyse génétique, en aucun cas il ne peut être remis en première intention à ses mé1 Somoano B, Tsao H. Genodermatoses with cutaneous tumors and internal malignancies. Dermatol Clin 2008 ; 26:69-87. 2 Holman JD, Dyer JJA . Genodermatoses with malignant potential. Curr Opin Pediatr 2007 ; 19:446-454. 3 Winship IM, Dudding TE. Lessons from the skin — cutaneous fea f tures of ffamilial cancer. Lancet Oncol 2008 ; 9:462-472. 4 Basset-Seguin N, Soufir N. [Patched/Sonic Hedgehog pathway and basal cell carcinoma]. Med Sci (Paris) 2004 ; 20:899-903. 5 Fan Z, Li J, Du J et al. A missense mutation in PTCH2 underlies dominantly inherited NBCCS in a Chinese fam f ily. J Med Genet 2008 ; 45:303-308. 6 Pruvost-Balland C, Gorry P, P Boutet N et al. [Clinical and genetic study in 22 patients with basal cell nevus syndrome]. Ann Dermatol Venereol 2006 ; 133:117-123. 7 Manfredi M, Vesco V vi P, P Bonanini M, Porter S. Nevoid basal cell carcinoma syndrome : a review of the literature. Int J Ora r l Maxillofac f Surg r 2004 ; 33:117-124. 8 Wilson LC, Aj A ayi-Obe E, Bernhard B, Maas SM. Patched mutations and hairy skin patches : a new sign in Gorlin syndrome. Am J Med Genet A 2006 ; 140:2625-2630. 9 Fazaa B, Kamoun MR. Xeroderma pigmentosum. Ann Dermatol Venereol 2003 ; 130:69-73. 10 www.has-sante.fr/portail/jcms/c_556980/ ald-n31-xeroderma-pigmentosum 11 Colomb D, Ducros B, Boussuge N. [Bazex, Dupré and Christol syndrome. Apropos of a case with prolymphocytic leukemia]. Ann Dermatol Venereol 1989 ; 116:381-387. T rrelo A, Sprecher E, Mediero IG et al. 12 To What syndrome is this ? Bazex-Dupre-Christol syndrome. Pediatr Dermatol 2006 ; 23:286-290. f r C, Janin A 13 Delaporte E, N’guyen-Mailfe et al. Keratoderma with scleroatrophy of the extremities or sclerotylosis (Huriez syndrome) : a reappraisal. Br J Dermatol 1995 ; 133:409-16. 14 Eng C. Will the real Cowden syndrome please stand up : revised diagnostic criteria. J Med Genet 2000 ; 37:828-830. 15 Pilarski R, Eng C. Will the real Cowden syndrome please stand up (again) ? Expanding mutational and clinical spectra of the PTEN hamar-

decins ou à ses apparentés. Lors de cette consultation, les recommandations de dépistage et de surveillance lui sont de nouveau données pour lui-même, ainsi que pour ses apparentés. Si une mutation délétère est identifiée chez le patient, il est alors possible de proposer des analyses génétiques présymptomatiques chez ses apparentés.

toma tumour syndrome. J Med Genet 2004 ; 41: 323-326. 16 Uppal S, Mistry D, Coatesworth AP. P Cowden disease : a review. Int J Clin Prac r t 2007 ; 61: 645-652. 17 Lachlan KL, Lucassen AM, Bunyan D, Tem T ple IK. Cowden syndrome and Bannayan Riley Ruvalcaba syndrome represent one condition with variable expression and age-related penetrance : results of a clinical study of PTEN mutation carriers. J Med Genet 2007 ; 44:579-585. 18 Schaffe ff r JV, Kamino H, Witkiewicz A et al. Mucocutaneous neuromas : an underrecognized manifes f tation of PTEN hamartomatumor syndrome. Arch r Dermatol 2006 ; 142:625632. 19 Ferran M, Bussaglia E, Lazaro C et al. Acral papular neuromatosis : an early manifestation of Cowden syndrome. Br J Dermatol 2008 ; 158: 174-176. 20 Erkek E, Hizel S, Sanly C, Erkek AB et al. Clinical and histopathological findings in Bannayan-Riley-Ruvalcaba syndrome. J Am Acad Dermatol 2005 ; 53:639-643. 21 Al-Daraji a WI, Ramsay HM, Ali RBM. Storif rm collagenoma as a clue fo fo f r Cowden disease or PTEN hamartoma tumor syndrome. J Clin Pathol 2007 ; 60:840-842. 22 Abbo A tt JJ, Hernandez-Rios P P, Amirkhan RH, Hoang MP. P Cystic sebaceous neoplasms in Muir-To T rre syndrome. Arch r Pathol Lab Med 2003 ; 127:614-617. 23 Jones B, Oh C, Mangold E, Egan CA. MuirT rre syndrome : Diagnostic and screening To guidelines. Austra r las J Dermatol 2006 ; 47:266269. 24 Marazza G, Masouyé I, Ta T ylor S et al. An illustrative case of Muir-To T rre syndrome : contribution of immunohistochemical analysis in identifying indicator sebaceous lesions. Arch r Dermatol 2006 ; 142:1039-1042. 25 Ponti G, Ponz de Leon M. Muir-To T rre syndrome. Lancet Oncol 2005 ; 6:980-987. 26 Ponti G, Losi L, Di Gregorio C et al. Identification of Muir-To T rre syndrome among patients with sebaceous tumors and keratoacanthomas : role of clinical fea f tures, microsatellite instability, and immunohistochemistry. Cancer 2005 ; 103:1018-1025.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D, Marque M, Kluger N, Coupier I. Génodermatoses prédisposant aux cancers. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 68.1-68.32.

69

Syndromes paranéoplasiques dermatologiques

Didier Bessis

Dermatoses presque constamment paranéoplasiques 69-2 Syndrome carcinoïde malin 69-2 Acrokératose paranéoplasique de Bazex 69-4 Hypertrichose lanugineuse acquise 69-5 Erythema gyratum repens 69-6 Érythème nécrolytique migrateur et syndrome du glucagonome 69-6 Pemphigus paranéoplasique 69-7 Pachydermatoglyphie 69-9 Papillomatose cutanée et muqueuse floride 69-10 Ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique et hippocratisme digital 69-10 Fasciite palmaire et arthrite 69-11 Dermatoses fréquemment révélatrices d’un cancer 69-11 Acanthosis nigricans 69-11 Ichtyose acquise 69-12 Hyperkératose palmaire filiforme 69-13 Pityriasis rotunda 69-13

L

es syndromes paranéoplasiques dermatologiques définissent les dermatoses associées à un cancer sans lien « direct » avec la néoplasie, ce qui les différencie des métastases ou des phénomènes compressifs liés à celles-ci ¹-³. Leur principale caractéristique est leur évolution parallèle à la tumeur : apparition lors du développement de la tumeur, régression lors de son traitement curatif et récidive lors d’une rechute. Ces dermatoses peuvent être révélatrices d’une tumeur maligne, permettant sa prise en charge à un stade débutant. La suspicion d’une dermatose paranéoplasique n’impose pas d’explorations standardisées. Celles-ci seront guidées par l’anamnèse et l’examen clinique et, dans certains cas, par les associations tumorales les plus fréquentes. Ce bilan sera d’autant plus exhaustif que le lien entre la néoplasie et la dermatose est important. La multiplicité des syndromes paranéoplasiques en dermatologie couvre un vaste champ de la dermatologie générale et est à l’origine de diverses classifications les regroupant suivant la présentation clinique, la fréquence de l’association à une néoplasie, le type de tumeur (solide ou hémopathie) ou le mécanisme physiopathogénique incriminé.  EGF epidermal growth factor

Syndrome de Cushing paranéoplasique 69-13 Dermatomyosite 69-14 Phlébites paranéoplasiques 69-15 Maladie de Paget extramammaire 69-15 Réticulohistiocytose multicentrique 69-15 Dermatoses paranéoplasiques et hémopathies 69-15 Dermatoses neutrophiliques 69-16 Érythrodermies 69-16 Érythromélalgie 69-16 Prurit 69-16 Amylose immunoglobulinémique 69-16 Vascularites cutanées 69-16 Affections cutanées inconstamment décrites associées à une néoplasie 69-16 Syndrome de Raynaud, acrocyanose et gangrène digitale 69-16 Signe de Leser et Trélat 69-17 Mélanose cutanée du mélanome malin 69-17 Références 69-18

Leur pathogénie peut faire intervenir : ¹ la libération d’un facteur de croissance type EGF (epidermal growth factor) par la tumeur primitive à l’origine d’une hyperplasie cutanée (acanthosis nigricans, acrokératose de Bazex) ² ; la sécrétion directe par la tumeur d’une substance à activité hormonale, comme au cours du syndrome carcinoïde (peptides vasoactifs), du syndrome de Cushing paranéoplasique (ACTH) ³ ; des phénomènes « dysimmunitaires » par communauté antigénique entre la peau et la tumeur (pemphigus paranéoplasique, dermatomyosite, erythema gyratum repens...). Aucun de ces mécanismes ne semble cependant univoque au cours d’une dermatose paranéoplasique et force est de reconnaître qu’à l’heure actuelle le mécanisme physiopathogénique précis de la majeure partie de ces entités reste inconnu. En l’absence de classification actuelle satisfaisante, les dermatoses paranéoplasiques représentent un des chapitres difficiles de la dermatologie par le caractère rare (parfois exceptionnel) de chacune de ces dermatoses, une certaine confusion nosologique et l’association fréquente de ces entités entre elles. La moins mauvaise classification pratique pour le praticien me semble être d’ordre probabiliste entre une entité dermatologique et son risque

69-2

Syndromes paranéoplasiques dermatologiques Tableau 69.1 Principaux syndromes paranéoplasiques dermatologiques Syndrome paranéoplasique cutané

Fréquence (pourcentage) d’association à une néoplasie

Érythèmes réactifs Érythrodermies Erythema gyratum repens Érythème nécrolytique migrateur Syndrome carcinoïde Désordres vésiculo-bulleux Pemphigus paranéoplasique Syndromes d’hyperplasie cutanée Acanthosis nigricans Acrokératose paranéoplasique de Bazex Pachydermatoglyphie (tripe palms) Papillomatose cutanée floride Ichtyose acquise Pityriasis rotunda Signe de Leser et Trélat Maladie de Paget extramammaire Désordres musculo-squelettiques Dermatomyosite Réticulose histiocytosique multicentrique Fasciite palmaire et arthrite Ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique Hippocratisme digital Désordres vasculaires Thrombophlébites superficielles Vascularites Syndrome de Raynaud Érythromélalgie Autres Hypertrichose lanugineuse acquise Prurit Amylose AL LLC : leucémie lymphoïde chronique ; VAS : voies

8-25 77 > 90 100

Tumeurs préférentiellement associées

Lymphomes Carcinomes bronchopulmonaires Glucagonome Tumeurs carcinoïdes

100

Lymphomes, LLC

20 100 > 90 100 NC 6 NC 11-45

Adénocarcinomes du tube digestif Carcinomes épidermoïdes des VAS Carcinomes pulmonaires ou gastriques Carcinomes gastriques Maladie de Hodgkin Hépatocarcinomes Carcinomes gastriques et coliques Carcinomes génitaux et rectaux

20-30 25 100 90 NC

Carcinomes bronchiques et gynécologiques Hémopathies, carcinomes mammaires et utérins Carcinomes ovariens, pancréatiques et coliques Carcinomes bronchopulmonaires Carcinomes bronchopulmonaires

NC 5-8 NC 20

Carcinomes gastriques, pancréatiques Syndromes myélodysplasiques Carcinomes génito-urinaires, gastro-intestinaux Polyglobulie, thrombocytémie

100 1-11 13-26 aériennes supérieures ; NC :

d’association à une néoplasie (presque constant, fréquent, inconstant) (tableau 69.1). Seules les dermatoses paranéoplasiques clairement autonomisées et reconnues comme telles seront abordées dans ce chapitre.

Dermatoses presque constamment paranéoplasiques Syndrome carcinoïde malin Les tumeurs carcinoïdes sont des tumeurs neuro-endocrines qui se développent à partir des cellules entérochromaffines disséminées dans l’organisme, mais présentes

Carcinomes pulmonaires et colorectaux Maladie de Hodgkin, maladie de Vaquez Myélome, maladie de Waldenström non connu ; C : controversé.

avec prédilection dans la muqueuse intestinale et les bronches (cellules de Kulchitsky). Leur incidence est estimée approximativement entre 1 à 2 cas pour 100 000 habitants. Elles se localisent au niveau du tractus digestif dans 65 % des cas, en particulier l’intestin grêle, le rectum et l’appendice, et au niveau de l’appareil respiratoire dans 25 % des cas ⁴,⁵. Ces tumeurs peuvent contenir ou produire une large variété de médiateurs neuro-endocrines tels que la sérotonine (5-hydroxytryptamine), les prostaglandines, l’histamine, les bradykinines et les kallicréines. Le syndrome carcinoïde résulte de la sécrétion et de la circulation systémique d’importantes quantités de médiateurs neuro-endocrines non filtrés ou non métabolisés par le

Dermatoses presque constamment paranéoplasiques 69-3 moins de 1 % du tryptophane est converti en 5-hydroxytryptophane (5-HTP) et 5-hydroxytryptamine (5-HP) et en acide 5-hydroxy-indol acétique (5-HIA). En présence de métastases multiples, une conversion excessive du tryptophane en sérotonine s’accompagne d’un déficit en niacine et en nicotinamide (vitamine B 3) à l’origine d’une symptomatologie de pellagre. Une récente étude prospective de 25 malades souffrant d’un syndrome carcinoïde malin attestait d’une symptomatologie de pellagre dans 20 % des cas ⁶. Les symptômes cliniques évocateurs étaient une fragilité cutanée récente, un érythème et une hyperpigmentation du dos des articulations des doigts et de la face antérieure des jambes. Sa prévention repose sur une supplémentation en niacine sous forme de nicotinamide plutôt que d’acide nicotinique (potentiellement inducteur de flush). Syndrome sclérodermiforme Le syndrome sclérodermiforme est une manifestation rare et tardive du syndrome carcinoïde malin. Il se différencie de la sclérodermie systémique par l’absence de syndrome de Raynaud, la topographie acrale et prédominante aux membres inférieurs des lésions (fig. 69.2) et l’absence d’atteinte viscérale associée à l’exception de l’atteinte cardiaque liée au syndrome carcinoïde. Sa survenue constitue un facteur de pronostic défavorable. Le diagnostic de syndrome carcinoïde s’établit par le dosage urinaire de l’acide 5-hydroxy-indolacétique (urines des 24 heures), de la sérotonine plasmatique et de la chromogranine A. Il est confirmé par l’étude histologique de la tumeur (biopsie hépatique d’une métastase le plus souvent). La localisation tumorale primitive est précisée par le transit du grêle, la tomodensitométrie thoraco-abdominale, l’endoscopie digestive directe ou par vidéocapsule et la scintigraphie à l’octréotide. L’évolution est marquée, dans 20 à 70 % des cas, par le risque tardif d’atteinte cardiaque liée à une fibrose touchant l’endocarde du cœur droit et responsable d’une insuffisance cardiaque droite progressive. Le traitement curatif repose sur l’exérèse chirurgicale complète de la tumeur et des métastases lorsqu’elle est possible. En cas de stade trop évolué, une polychimiothérapie, l’interféron α-2b, la chimio-embolisation de l’artère hépatique (en cas de métastases hépatiques) peuvent être proposés. Le traitement symptomatique des flushes repose sur l’éviction des facteurs favorisants (alcool, aliments épicés, effort...), les antihistaminiques de type 2 et l’octréotide. Le pronostic

Fig. 69.1 Érythrose faciale secondaire à la répétition de flushes au cours d’un syndrome carcinoïde

Coll. D. Bessis

Coll. Dr B. Labeille, Saint-Étienne

foie à partir de la circulation portale. Ainsi, il peut s’observer en cas de métastases hépatiques de tumeur carcinoïde primitive gastro-intestinale, de localisations tumorales primitives bronchiques, ovariennes ou testiculaires ou de tumeurs abdominales multiples. Il est présent chez moins de 10 % des malades atteints de tumeur carcinoïde. Les manifestations cliniques associent une diarrhée motrice liée à l’hypermotilité gastro-intestinale, un bronchospasme (dyspnée, sifflement), une hypotension artérielle et des signes cutanés : flush, signes cutanés de déficit en niacine (pellagre) et syndrome sclérodermiforme. Les métastases cutanées (exceptionnelles), ainsi que l’association de tumeur carcinoïde et d’affections génétiques à expression cutanée (neurofibromatose de type 1, néoplasies endocriniennes multiples de type 1) ne seront pas détaillées dans ce chapitre. Flush Le flush est observé dans 90 % des cas. Sa distribution intéresse le plus souvent l’extrémité céphalique et la partie supérieure du tronc comme au cours du flush physiologique. Sa présentation clinique varie en fonction de la localisation ou du stade tumoral. En cas de tumeur carcinoïde de l’intestin grêle, il a une durée de 1 à 5 minutes, est diffus et érythémateux au stade initial puis violacé et télangiectasique au stade tardif. En cas de localisation bronchique, il touche l’ensemble du tégument et sa durée peut être prolongée de quelques heures à quelques jours. Il peut également s’accompagner de larmoiement, de gonflement des glandes salivaires avec salivation excessive et d’un œdème facial. Ces épisodes peuvent être spontanés ou déclenchés par le stress, l’alcool, certains aliments, l’exercice physique, la palpation abdominale ou des agents exogènes (adrénaline, noradrénaline, gastrine et cholecystokinine). À long terme peuvent se développer des télangiectasies permanentes du visage, conférant une allure de rosacée (fig. 69.1). Dermite pellagroïde La dermite pellagroïde se constitue suite à un déficit en niacine (vitamine B 7) et une hypoprotidémie. Dans les conditions physiologiques, près de 99 % du tryptophane est métabolisé et disponible pour la synthèse des protéines et de l’acide nicotinique, tandis que

Fig. 69.2 Placards sclérodermiformes du membre inférieur développés au cours d’un syndrome carcinoïde métastatique

Coll. Dr B. Labeille, Saint-Étienne

Coll. Pr J.-F. Stalder, Nantes

Syndromes paranéoplasiques dermatologiques

Fig. 69.4 Acrokératose paranéoplasique de Bazex : atteinte hyperkératosique caractéristique du pavillon auriculaire

Coll. Dr B. Labeille, Saint-Étienne

unguéale à la destruction totale de la tablette de l’ongle (fig. 69.6). Il s’y associe un élargissement en « bulbe » des dernières phalanges. À ce stade, la néoplasie sousjacente est le plus souvent symptomatique ; − un stade tardif marqué par l’extension des lésions à la totalité des membres, du tronc et du cuir chevelu est fréquemment corrélé à l’évolution de la tumeur primitive.

Fig. 69.3 Acrokératose paranéoplasique de Bazex : kératodermie palmo-plantaire psoriasiforme est péjoratif avec un taux de survie estimé entre 20 à 30 % à 5 ans, le diagnostic étant le plus souvent posé au stade métastatique de la maladie. Acrokératose paranéoplasique de Bazex ⁷,⁸ Cette affection touche avec prédilection l’homme âgé de plus de 50 ans. Elle se caractérise par trois stades cliniques successifs : − une éruption en plaque érythémateuse plus ou moins violacée, squameuse, grossièrement psoriasiforme, débutant simultanément et de façon symétrique sur les faces dorsale et palmaire des doigts, des orteils, à la périphérie du pavillon des oreilles et sur l’arête nasale (fig. 69.3 à 69.5) ; − une extension centripète des lésions, responsable d’une kératodermie palmoplantaire, lamelleuse, parfois fissuraire. L’atteinte unguéale est quasi constante, allant d’une simple striation, d’une xanthonychie (coloration jaunâtre de la tablette) ou d’une hyperkératose sous-

Coll. Dr B. Labeille, Saint-Étienne

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Fig. 69.5 Acrokératose paranéoplasique de Bazex : atteinte hyperkératosique caractéristique de la pointe du nez

Coll. Dr B. Labeille, Saint-Étienne

Dermatoses presque constamment paranéoplasiques 69-5

Des formes atypiques, érythrodermiques, vésiculo-bulleuses, hyperpigmentées, en particulier sur peau noire, ont été rapportées. L’association à d’autres dermatoses paranéoplasiques telles qu’une ichtyose acquise, la dermatomyosite, le signe de Leser-Trélat, un hippocratisme digital ou un prurit généralisé a également été rapportée. Dans près de deux cas sur trois, les lésions cutanées précèdent la survenue de la néoplasie, en moyenne de 11 mois (extrêmes de 1 à 72 mois). L’histologie cutanée est de type psoriasiforme et non spécifique : hyperkératose avec parakératose, acanthose et infiltrat lymphohistiocytaire périvasculaire du derme. La présence associée d’altérations des kératinocytes, d’une vacuolisation de l’assise basale et d’incontinence pigmentaire n’est pas rare. L’immunofluorescence cutanée directe met parfois en évidence un dépôt d’immunoglobulines (IgG, IgA, IgM) et de C3 à la jonction derme-épiderme. Dans plus de 90 % des cas, la néoplasie associée est un carcinome épidermoïde intéressant les voies aérodigestives supérieures (oropharynx, larynx, œsophage). L’atteinte tumorale est le plus souvent avancée avec une dissémination ganglionnaire cervicale, parfois sans tumeur primitive identifiée. Quelques rares cas d’association à un carcinome vulvaire, utérin, gastrique, un thymome ou un myélome multiple ont été rapportés. Le caractère constamment paranéoplasique de cette affection impose une recherche exhaustive de la tumeur primitive : pan-endoscopie ORL, fibroscopie œsogastroduodénale et broncho-pulmonaire, tomodensitométrie thoracique. Le traitement est celui de la néoplasie sous-jacente. Lorsqu’il est possible, il permet la disparition des lésions cutanées dans près de 80 % des cas. Leur réapparition est presque constamment corrélée à la récidive du carcinome.

Coll. Pr M. Faure, Lyon

Fig. 69.6 Acrokératose paranéoplasique de Bazex : hyperkératose sous-unguéale et destruction des tablettes des ongles

Fig. 69.7 Duvet blanc acquis de la région cervico-faciale au cours d’une hypertrichose lanugineuse acquise (Saad N, Hot A, Niret J et al. [Acquired hypertrichosis laruginosa and gastric adnocarcinoma]. Ann Dermatol Venereol 2007 ; 134: 55-58) En l’absence de traitement carcinologique, l’efficacité des rétinoïdes a été notée dans quelques observations. Hypertrichose lanugineuse acquise Il s’agit d’une pathologie rare (une cinquantaine de cas décrits dans la littérature). Elle débute sous la forme d’un duvet ou d’un lanugo en peau glabre, dépigmenté, localisé préférentiellement à la région cervicofaciale (fig. 69.7), au tronc et aux extrémités. Les paumes, les plantes et la région génitale sont épargnées et les zones pileuses non modifiées. Une hypertrichose cilaire et des sourcils est parfois observée. Les muqueuses sont fréquemment touchées avec une glossite et une pigmentation buccale. L’association à un acanthosis nigricans, une ichtyose acquise, une kératodermie palmoplantaire, des kératoses séborrhéiques, une papil-

Syndromes paranéoplasiques dermatologiques

Fig. 69.8 Bandes érythémateuses parallèles, serpigineuses ou en demi-cercles bordées sur leur face interne d’une collerette desquamative au cours d’un erythema gyratum repens lomatose cutanée floride ou une pigmentation généralisée a été décrite. Le diagnostic différentiel se pose avec l’hirsutisme et les hypertrichoses d’origine médicamenteuse ou métabolique (porphyrie cutanée tardive). Histologiquement, les poils correspondent à un duvet avec absence de gaine visible et de médulla. Cette affection serait liée à une régression des follicules pileux vers le stade fœtal comme le laisse supposer un taux inconstamment élevé de l’antigène carcino-embryonnaire. Les affections tumorales primitives incriminées sont les cancers broncho-pulmonaires et colorectaux, le plus souvent au stade métastatique ⁹. Les associations à des carcinomes gynécologiques, urologiques, pancréatiques, à un lymphome, à un hépatocarcinome, à un mélanome métastatique ou à un sarcome d’Ewing ¹⁰ sont rares. Le pronostic tumoral est péjoratif avec une survie moyenne n’excédant pas 2 ans. Le traitement de la tumeur sous-jacente, lorsqu’il est possible, entraîne le plus souvent la disparition des lésions. Erythema gyratum repens Décrite initialement par Gammel en 1952, cette dermatose rare (60 cas rapportés) a un aspect clinique caractéristique. Elle touche préférentiellement les hommes (sex-ratio de 2H/1F), âgés de plus de 60 ans. L’éruption cutanée initialement localisée est constituée de bandes érythémateuses de 0,5 à 1 cm de large, souvent parallèles, serpigineuses ou en demi-cercles, réalisant des aspects en « vagues » ou en « nervures de bois » ¹¹. Ces lésions migrent de jour en jour (environ 1 cm/jour) et sont limitées au niveau de la bordure interne par une collerette desquamative, non infiltrée. Le tronc et les extrémités proximales sont préférentiellement touchés tandis que les mains, les pieds et le visage sont habituellement épargnés. Un prurit parfois sévère, une hyperkératose palmoplantaire, une érythrodermie ¹², une ichtyose acquise peuvent être associés. L’examen histopathologique est non spécifique et met en évidence une parakératose modérée et un infiltrat lymphohistiocytaire périvasculaire du derme superficiel. Des dépôts d’immunoglobulines de type G et de fraction C3 du complément ont pu être mis

en évidence lors d’études immunohistochimiques en peau lésionnelle, faisant suspecter un mécanisme auto-immun réactionnel à la présence d’antigènes tumoraux. L’atteinte cutanée précède la découverte du cancer de 1 mois à 2 ans. Les néoplasies associées sont d’origine bronchopulmonaire, œsophagienne et mammaire. Bien qu’initialement décrit comme constamment associé à une néoplasie, l’erythema gyratum repens peut être idiopathique dans 23 % des cas ou constituer une forme clinique particulière de lupus érythémateux subaigu ¹³ (fig. 69.8) ou de psoriasis. Il peut également être secondaire ou associé à des affections non cancéreuses : tuberculose pulmonaire, hypertrophie mammaire bénigne, sclérodermie systémique, thrombocytémie essentielle ¹⁴, dermatose à IgA linéaire, pemphigoïde et syndrome hyperéosinophilique. Érythème nécrolytique migrateur et syndrome du glucagonome L’érythème nécrolytique migrateur (ENM) désigne une éruption cutanée et muqueuse caractéristique associée avec prédilection à une tumeur pancréatique de type glucagonome (syndrome du glucagonome). Les signes cutanés de l’ENM se caractérisent par des macules prurigineuses érythémateuses à contours polycycliques, d’extension centrifuge, coalescentes en plaques circinées, limitées par une collerette desquamative périphérique d’évolution érosive et bulleuse puis squameuse et croûteuse (fig. 69.9). Le siège

Coll. Pr L. Dubertret, Paris

Coll. Dr B. Labeille, Saint-Étienne

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Fig. 69.9 Macules érythémateuses à contours polycycliques, d’évolution érosive, squameuse et croûteuse au cours d’un syndrome du glucagonome

Dermatoses presque constamment paranéoplasiques 69-7

Fig. 69.10

Chéilite angulaire au cours du syndrome du glucagonome

anomalies biologiques : troubles glycémiques (intolérance au glucose ou diabète non insulinodépendant) (75-95 %), anémie (85-90 %) et hypoaminoacidémie (constante). Le diagnostic est établi par la mise en évidence d’une hyperglucagonémie élevée (> 1 000 pg/ml). La localisation tumorale est établie par une tomodensitométrie abdominale, voire une artériographie cœliaque sélective. Le traitement du glucagonome repose sur l’ablation chirurgicale de la tumeur et la correction d’éventuels déficits nutritionnels présents, parfois complétée d’une chimiothérapie (streptozocine ou dacarbazine). La somatostatine est utilisée dans le traitement des métastases ou des tumeurs inextirpables avec une fréquente efficacité sur les lésions cutanées. Des observations d’ENM sans glucagonome ou syndrome du pseudoglucagonome ont été colligées au cours de d’adénocarcinomes rectal et jéjunal, de maladies chroniques hépatiques, de pancréatite, de syndrome de malabsorption (maladie cœliaque) et de syndrome myélodysplasique ¹⁷. L’éruption était le plus souvent associée à un déficit plasmatique en zinc et/ou une hypoaminoacidémie et/ou une carence en acides gras essentiels et/ou une hyperglucagonémie laissant supposer un mécanisme pathogénique commun ¹⁸. Pemphigus paranéoplasique Le pemphigus paranéoplasique (PPN) a été individualisé en 1990 par Anhalt et al. à partir de cinq critères diagnostiques cliniques, histologiques, immunohistochimiques et d’immunoprécipitation (encadré 69.A) et l’association à une néoplasie le plus souvent de type lymphoïde ¹⁹. Ces critères diagnostiques ont depuis été revus par Camisa et al. ²⁰ (encadré 69.B) puis Joly et al. ²¹ (encadré 69.C). Il s’agit d’une affection rare qui touche l’adulte d’âge moyen (60 ans) avec un sex-ratio de deux hommes pour une femme. Plusieurs observations pédiatriques ont récemment été décrites ²². Cliniquement, le PPN associe des lésions cutanées et muqueuses évocatrices de pemphigus (atteinte buccale, érosions post-bulleuses du tronc, signe de Nikolsky) (fig. 69.11

Coll. D. Bessis

Coll. Pr L. Dubertret, Paris

de prédilection se situe au niveau de la région périorale, sur le périnée, les plis inguinaux et génito-cruraux, la partie basse de l’abdomen, les fesses, les cuisses, les extrémités, les zones de friction et de traumatisme ¹⁵,¹⁶. Une atteinte muqueuse buccale à type de glossite, stomatite et chéilite angulaire (fig. 69.10) ainsi qu’une alopécie, une fragilité unguéale et une atteinte muqueuse génitale (érythème vulvaire) sont classiquement associées. Histologiquement, l’épiderme est le siège d’une acanthose, d’une parakératose et de nécroses kératinocytaires et d’une pâleur de son tiers supérieur, associées à un infiltrat lymphocytaire et histiocytaire périvasculaire du derme. L’ENM est présent dans près de 60 % des cas au cours du glucagonome. Cette tumeur pancréatique est maligne dans 60 à 80 % des cas, se développe aux dépens des îlots α de Langerhans et siège dans plus de la moitié des cas au niveau de la queue du pancréas. Elle touche avec prédilection les adultes au cours de la cinquième décennie, sans prédilection de sexe. Il s’agit d’une tumeur rare et sporadique, pouvant s’intégrer dans le cadre du syndrome des néoplasies endocriniennes multiples de type 1 (syndrome de Wermer). L’ENM peut précéder de 1 an la découverte de la tumeur. Cependant, dans 65-70 % des cas, l’éruption cutanée est présente lors du diagnostic, témoignant dans 1 cas sur 2 de la présence de métastases. L’ENM s’associe à une fréquence variable aux signes cliniques suivants : amaigrissement (70-90 %), douleurs abdominales, diarrhée, thromboses veineuses (30 %), troubles psychiatriques (20 %) et aux

Fig. 69.11 Érosions buccales au cours d’un pemphigus paranéoplasique satellite d’une leucémie lymphoïde chronique

Syndromes paranéoplasiques dermatologiques Critères diagnostiques du pemphigus paranéoplasique d’après Anhalt et al. 1. 2. 3. 4.

Érosions muqueuses douloureuses et éruption cutanée polymorphe, constituée de lésions papuleuses, bulleuses ou érosives. Lésions histologiques associant une acantholyse intraépidermique, une nécrose kératinocytaire et une dermite de jonction derme-épiderme. Dépôts d’IgG et de C3 des espaces intercellulaires avec ou sans dépôts granuleux et linéaire de complément au niveau de la membrane basale. Autoanticorps sériques réagissant sur les substrats habituels des pemphigus mais également sur des substrats non épithéliaux, simples ou transitionnels. 5. Complexe de quatre protéines kératinocytaires (desmoplakine 1 – 250 kDa, BPAg – 230 kDa, envoplakine et desmoplakine – 210 kDa et périplakine – 190 kDa) en immunoblotting. 6. Contexte de maladie néoplasique.

69.A Critères diagnostiques du pemphigus paranéoplasique d’après Camisa et al. Critères majeurs Éruption cutanéomuqueuse polymorphe Néoplasie associée Complexe paranéoplasique en immunoblot

Critères mineurs Présence d’une acantholyse Marquage de la substance intercellulaire et de la jonction dermoépidermique en immunofluorescence directe Immunofluorescence indirecte positive sur vessie de rat Diagnostic de PPN : 3 critères majeurs ou 2 critères majeurs et 1 critère mineur.

69.B sopharyngée, laryngée, œsophagienne et intestinale. L’atteinte de la muqueuse respiratoire peut être à l’origine d’un tableau de bronchiolite obstructive oblitérante responsable d’une défaillance respiratoire souvent létale. Pour certains auteurs, cette atteinte justifie l’élargissement du concept de PPN à celui de syndrome paranéoplasique auto-immun multiorganes ²⁴. À l’histologie existent des signes de pemphigus (acantholyse suprabasale), d’érythème polymorphe (nécrose kératinocytaire ou vacuolisation des cellules basales) et, de façon plus inconstante, de pemphigoïde bulleuse (infiltrat dermique à éosinophiles). Il existe également un infiltrat lichénoïde de cellules mononuclées dans le derme superficiel. L’immunofluorescence cutanée directe en peau périlésionnelle met en évidence des dépôts interkératinocytaires d’IgG et de C3 comme au cours du pemphigus. L’association de dépôts discontinus de complément à la jonction dermoépidermique comme au cours de la pemphigoïde bulleuse est notée dans environ 60 % des cas. L’immunofluorescence indirecte est positive sur les épithéliums malpighiens kératinisants mais aussi sur d’autres substrats épithéliaux

Fig. 69.12 Lésions bulleuses de l’abdomen et signe de Nikolski au cours d’un pemphigus paranéoplasique

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et 69.12), de pemphigoïde bulleuse (lésions bulleuses tendues et prurigineuses en peau urticarienne) (fig. 69.13), d’érythème polymorphe (lésions bulleuses acrales en cocarde) (fig. 69.14) de réaction chronique chronique du greffon contre l’hôte et de lichen plan ²³. Ces différentes lésions peuvent s’associer ou se succéder au cours de l’évolution de la maladie. L’atteinte cutanée est quasi constante et touche avec prédilection le tronc et les zones proximales des membres. Une atteinte palmoplantaire et à type de paronychie (fig. 69.15) est également fréquente. L’atteinte muqueuse buccale est constante et habituellement inaugurale (45 %) sous forme d’érosions chroniques, hyperalgiques, responsables d’une dysphagie et d’un amaigrissement. Elles s’associent parfois à une chéilite érosive, touchant le versant externe des lèvres comme au cours de l’érythème polymorphe. Une atteinte conjonctivale est notée dans environ deux tiers des cas, à type de conjonctivite pseudomembraneuse, d’hémorragies ou d’érosions cornéennes. L’évolution cicatricielle des lésions oculaires peut être à l’origine d’un symblépharon. D’autres atteintes muqueuses, moins fréquentes, sont rapportées : génitale (40 %), na-

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Fig. 69.13 Lésions bulleuses et urticariennes de la cuisse (aspect de pemphigoïde bulleuse) au cours d’un pemphigus paranéoplasique

Dermatoses presque constamment paranéoplasiques 69-9 Critères diagnostiques du pemphigus paranéoplasique d’après Joly et al. Critères spécifiques (> 80 %) et sensibles (> 80 %) Association à une hémopathie lymphoïde Immunofluorescence indirecte positive sur vessie de rat Anticorps antipériplakine et/envoplakine

Critères spécifiques (> 80 %), mais peu sensibles (< 60 %) Lésions cliniques polymorphes Acantholyse suprabasale et nécrose kératinocytaire Marquage de la substance intercellulaire et de la jonction dermo-épidermique en imunofluorescence directe Anticorps antidesmoplakine 1 et anti-BPAG1

Fig. 69.14 Lésions bulleuses et pseudococardes de l’avant-bras au cours d’un pemphigus paranéoplasique petite proportion de cas. Le décès est le plus souvent lié à l’atteinte respiratoire par bronchiolite oblitérante ou à la survenue d’infections. Pachydermatoglyphie La pachydermatoglyphie (tripe palms des Anglo-Saxons) est une kératodermie palmoplantaire diffuse de couleur jaune, caractérisée par un aspect rugueux et villeux de la surface des paumes et des doigts, plus rarement des plantes ²⁷. Il s’y associe de façon caractéristique un épaississement des dermatoglyphes, pouvant conférer un aspect pavimenteux ou en rayon de miel (fig. 69.16). Cette affection peut être isolée ou s’associer à un acanthosis nigricans (75 %) et/ou à des lésions papillomateuses des muqueuses. L’histologie est peu spécifique, marquée par une hyperparakératose,

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et non épithéliaux : vessie de rat, intestin grêle, foie, myocarde de rat. L’examen du sérum en immunoblot montre une précipitation de diverses protéines : desmoplakine 1 (250 kDa), antigène majeur de la pemphigoïde bulleuse ou BPAG1 (230 kDa), desmoplakine 2 (210 kDa), envoplakine (210 kDa), périplakine (190 kDa), desmogléine 3 ou Dsg3 (130 kDa), desmogléine 1 ou Dsg1 (160 kDa), plectine et une protéine de 170 kDa non identifiée. Ces différents marquages ne sont cependant pas constamment associés et les anticorps les plus fréquemment notés sont dirigés contre l’envoplakine et la périplakine. De plus, les anticorps antidesmoplakines ne sont pas spécifiques du PPN ²⁵ et peuvent être détectés au cours de maladies bulleuses telles que le pemphigus vulgaire, le pemphigus foliacé, la pemphigoïde bulleuse ou l’érythème polymorphe probablement par démasquage antigénique (« epitope spreading »). En technique ELISA, la présence d’anticorps antidesmogléine de type 3 est quasi constante tandis que les anticorps antidesmogléine de type 1 sont notés dans plus de la moitié des cas. Le PPN est constamment associé à une prolifération tumorale précédant sa survenue dans deux tiers des cas et le plus souvent maligne (75 %) ²⁶. Il s’agit le plus fréquemment d’une prolifération lymphoïde : lymphomes non hodgkiniens (40 %), leucémie lymphoïde chronique (20 %), tumeur de Castelman (20 %), thymome (6 %), maladie de Waldenström (1 %), ou maladie de Hodgkin (0,5 %) et gammapathie monoclonale (0,5 %). L’association d’un PPN à des tumeurs solides non hématologiques est retrouvée dans près de 16 % des observations. Il s’agit dans plus d’1 cas sur 2 de carcinomes d’origine bronchique, mammaire, utérine, colique, prostatique, hépatique et pancréatique, mais des sarcomes ou un mélanome associés ont également été rapportés. L’évolution de la dermatose n’est pas obligatoirement parallèle à celle de la tumeur. Le pronostic est sévère en cas d’association à un cancer marqué par une résistance thérapeutique des lésions muqueuses et un taux de mortalité de près de 90 %. Le décès survient en moyenne 9 mois après le diagnostic, le plus souvent par sepsis et défaillance respiratoire. Le traitement du PPN est celui de l’affection causale lorsqu’il est possible, avec parfois un risque d’aggravation lié à la thérapeutique anticancéreuse telle que la fludarabine ou l’interféron alpha. La corticothérapie générale orale ou intraveineuse parfois associée à des immunosuppresseurs (ciclosporine, cyclophosphamide, azathioprine, mycophénolate mofetil), au rituximab, aux immunoglobulines intraveineuses ou aux plasmaphérèses, immunophérèses ou photophérèses sont utilisés avec succès dans une

Coll. D. Bessis

69.C

Fig. 69.15 Paronychie intéressant l’ensemble des orteils au cours d’un pemphigus paranéoplasique

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Syndromes paranéoplasiques dermatologiques caractérise par l’éruption soudaine de petits papillomes cutanés verruqueux ou de petites papules plates impossibles à distinguer de verrues ³⁰. La distribution se fait au niveau du tronc, des extrémités, des régions périorificielles (yeux, bouche) et de la muqueuse buccale. D’autres signes cutanés sont fréquemment associés : acanthosis nigricans, prurit, kératoses séborrhéiques multiples, parfois hypertrichose lanugineuse acquise ou ichthyose acquise. L’examen histologique est peu spécifique, à type d’hyperkératose, d’acanthose et de papillomatose. En revanche, il n’existe pas habituellement de signe de vacuolisation épidermique pouvant faire évoquer une origine virale, ni de particules virales mises en évidence au niveau des lésions cutanées. La néoplasie associée est le plus souvent gastrique, gynécologique (utérus, ovaires, seins), urologique ou pulmonaire. Hormis le traitement étiologique, diverses thérapeutiques locales (dermocorticoïdes, trétinoïne, urée, cryothérapie, acide salicylique) ou systémiques (rétinoïdes, radiothérapie) peuvent être efficaces. Ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique et hippocratisme digital ³¹

Fig. 69.16 Pachydermatoglyphie (triple palms) au cours d’une mastocytose systémique, caractérisée par une kératodermie plantaire diffuse d’aspect villeux en surface (A) et un épaississement des dermatoglyphes (B)

B

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A

L’hippocratisme digital (HD) désigne une déformation des ongles, en aspect bombé, en « verre de montre », associé à une hypertrophie des parties molles des phalanges distales et inconstamment à une cyanose. La fréquence d’association à une néoplasie, en particulier pulmonaire, reste mal élucidée. L’ostéoarthropathie hypertrophiante (OAH) de Bamberger-Pierre Marie se caractérise par une hypertrophie acromégaloïde des extrémités (« mains en battoir ») (fig. 69.17), un HD et des manifestations articulaires et osseuses douloureuses, pseudo-inflammatoires, intéressant les grosses articulations et les membres inférieurs avec prédilection. Ces douleurs traduisent une périostose proliférante bilatérale, avec radiologiquement une fine ligne transparente entre la réaction périostée et le cortex épaissi. Ces appositions périostées débutent aux extrémités des os longs et s’étendent vers la partie centrale. Elles s’associent parfois à une déminéralisation épiphysaire. Une gynécomastie est souvent associée (10 %). Le caractère para-

Papillomatose cutanée et muqueuse floride Cette affection rare (une trentaine de cas rapportés) touche préférentiellement l’homme d’âge moyen (58 ans). Elle se  EGF epidermal growth factor · OAH œdème aigu hémorragique

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une acanthose, une papillomatose et parfois des dépôts mucineux. Le rôle d’une sécrétion tumorale d’epidermal growth factor (EGF) ou de l’hormone de croissance reste controversé. Le caractère paranéoplasique est presque constant (95 %) et d’origine pulmonaire lorsque l’affection est isolée, pulmonaire ou gastrique en cas d’association avec un acanthosis nigricans. Dans deux cas sur trois, cette affection précède ou survient en même temps que la néoplasie ²⁸,²⁹. La résolution des symptômes après traitement du cancer est inconstante (environ un tiers des cas). Fig. 69.17 Hypertrophie acromégaloïde des mains au cours d’une ostéoarthrophiante pneumique

Dermatoses fréquemment révélatrices d’un cancer néoplasique est noté dans 90 % des cas, presque toujours lié à un carcinome bronchique, un mésothéliome pleural, plus rarement à d’autres tumeurs intrathoraciques, à des métastases pulmonaires de tumeurs extrathoraciques ou des tumeurs malignes primitives non pulmonaires (carcinome naso-pharungé, œsophagien, sarcome) ³,³¹. L’OAH peut également s’observer au cours d’affections bénignes digestives, cardio-vasculaires ou hépatiques. Nombre d’auteurs considèrent l’HD et l’OAH non pas comme des affections distinctes mais comme les stades évolutifs d’une même maladie. Le traitement de l’HD et de l’OAH repose essentiellement sur celui de l’affection en cause avec possibilité de régression partielle ou complète. Les douleurs articulaires ou osseuses au cours de l’OAH, réfractaires aux anti-inflammatoires ou à la colchicine, peuvent être améliorées dans certains cas par l’octréotide (analogue de la somatostatine), les diphosphonates, voire par la radiothérapie.

Dermatoses fréquemment révélatrices d’un cancer Acanthosis nigricans ³³ L’acanthosis nigricans (AN) se caractérise par des plaques d’aspect gris sale ou noirâtre, à limites floues, atteignant symétriquement les aisselles (fig. 69.19), la nuque, les faces latérales du cou, les régions anogénitales, la face interne des cuisses, les plis des coudes et des genoux, l’ombilic, ainsi que l’aréole des seins. Il s’y associe une exagération des plis, des sillons, des papilles hypertrophiées, donnant à la peau un aspect rugueux. Au niveau de ces territoires, mais aussi particulièrement sur le bord libre des paupières, au niveau des aisselles et des cuisses, peuvent se développer des papillomes pédiculés, des végétations ; au niveau du dos des mains et des pieds, des formations verruqueuses parsemées de crêtes cornées hyperkératosiques et jaunâtres sont classiques. Les paumes et les plantes prennent parfois un aspect de pachydermatoglyphie. L’histologie cutanée met

Fig. 69.18 Induration œdémateuse palmaire compliquée d’une rétraction en flexion au cours du syndrome fasciite palmaire et arthrite  OAH œdème aigu hémorragique

Coll. Pr J.-F. Stalder, Nantes

Coll. Pr J.-L. Schmutz, Nancy

Fasciite palmaire et arthrite ³² Ce syndrome proche de l’algodystrophie touche dans environ trois cas sur quatre la femme, âgée de plus de 55 ans. L’atteinte des mains est caractéristique, constante et bilatérale. Elle débute par une raideur matinale, un œdème et un épaississement du fascia, parfois nodulaire, responsable d’une induration et d’une rétraction en flexion irréductible des doigts (fig. 69.18). Une arthrite métacarpophalangienne évoluant vers une capsulite rétractile est associée, aggravant la déformation en griffe de la main. Une atteinte similaire plantaire est notée dans près de 25 % des cas. D’autres localisations articulaires avec capsulite rétractile peuvent être touchées : épaules, genoux, hanches. Les radiographies mettent le plus souvent en évidence une déminéralisation osseuse modérée. La scintigraphie atteste l’existence de foyers hyperfixants. La biologie est non contributive. L’examen histologique cutané est peu spécifique avec des signes de fibrose du derme et du fascia, et, dans quelques cas, une vascularite avec dépôts d’immunoglobulines et de C3 au niveau des tissus sous-cutanés et de la synoviale. Le diag-

nostic différentiel se pose avec : − la sclérodermie systémique, mais le syndrome de Raynaud, les modifications capillaroscopiques et les anomalies immunologiques (autoanticorps) sont habituellement absentes ; − les algodystrophies diffuses, d’autant que des associations à des néoplasies ont été rapportées. Cette parenté clinique a fait discuter par certains auteurs l’individualité clinique de ce syndrome, mais le caractère particulièrement sévère et diffus de la fasciite palmaire semble plaider pour une entité distincte. Les principales néoplasies associées sont l’adénocarcinome de l’ovaire (41 %) et du pancréas (14 %). Des observations ponctuelles de carcinomes pulmonaires, prostatiques, coliques, tubaires, utérins, d’hémopathies (leucémie lymphoïde chronique, maladie de Hodgkin) ont également été rapportées. Le pronostic est particulièrement péjoratif, cette affection s’observant le plus souvent au stade métastatique de la néoplasie.

Fig. 69.19 Plaques noirâtres de l’aisselle au cours d’un acanthosis nigricans paranéoplasique

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Syndromes paranéoplasiques dermatologiques

Coll. Pr J.-F. Stalder, Nantes

la plupart des cancers associés sont des adénocarcinomes. L’AN peut précéder (20 %) le diagnostic de la tumeur, survenir en même temps (60 %) ou après le diagnostic de celle-ci (20 %). La prise en charge thérapeutique repose sur le traitement carcinologique de la néoplasie sous-jacente. La photothérapie pourrait avoir une action sur un prurit associé. Les rétinoïdes par voie locale ou générale se sont parfois révélés efficaces.

Fig. 69.20 Kératodermie palmoplantaire au cours d’un acanthosis nigricans paranéoplasique en évidence des anomalies non spécifiques papillomateuses, une hyperkératose orthokératosique, une acanthose modérée et une pigmentation de la basale. Le caractère paranéoplasique de l’AN est estimé en moyenne à 20 %. Le diagnostic différentiel se pose avec les autres étiologies d’AN : bénin familial, par insulinorésistance ou dans le cadre de syndromes dysmorphiques. L’orientation clinique vers une atteinte paranéoplasique sera évoquée en cas d’apparition rapide et extensive bilatérale, de diffusion à tout le tégument avec atteinte muqueuse, périorbitaire et périanale, de prurit associé et d’association à une kératodermie palmoplantaire (fig. 69.20 et 69.21) de type pachydermatoglyphie et/ou une papillomatose cutanée floride et/ou un signe de Leser-Trélat ³⁴. En revanche, aucun critère histologique ne permet de différencier le caractère bénin ou malin d’un AN. La néoplasie associée est le plus souvent abdominale en particulier gastrique (45-70 %). Les autres atteintes néoplasiques abdominales décrites sont d’origine utérine, hépatique, intestinale, rectale et colique. Les cancers non abdominaux sont surtout mammaires et pulmonaires et lymphomateux (hodgkiniens ou non). Sur le plan histologique,

Ichtyose acquise Cette affection rare, à nette prédominance masculine, est cliniquement proche de l’ichtyose vulgaire. Elle s’en différencie par l’âge d’apparition tardif, le caractère érythémateux inflammatoire, le caractère généralisé et le nonrespect des plis de flexion (fig. 69.22), l’association à un prurit. Elle se caractérise par une peau sèche (xérose) parsemée de petites squames blanches ou pigmentées, fines, affectant initialement les zones d’extension des membres, du tronc ou des extrémités. L’histologie atteste d’une hyperkératose modérée orthokératosique, d’un amincissement de la granuleuse avec un derme subnormal et d’un discret infiltrat périvasculaire peu spécifique. L’affection est le plus souvent diagnostiquée quelques se-

Fig. 69.21 Acanthosis nigricans paranéoplasique : atteinte du pourtour des lèvres et des commissures labiales

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Fig. 69.22 Ichtyose érythémateuse inflammatoire au cours d’un lymphome malin non hodgkinien

Dermatoses fréquemment révélatrices d’un cancer

Hyperkératose palmaire filiforme L’hyperkératose palmaire filiforme (HPF) est une forme rare de kératodermie palmoplantaire (moins d’une vingtaine d’observations). Elle se caractérise par de nombreuses petites spicules kératosiques ancrées dans les paumes et les plantes, parfois disséminées sur le reste du tégument (fig. 69.23). Ces lésions apparaissent après la puberté et se développent progressivement. Le caractère paranéoplasique de l’HPF est discuté et cette affection constituerait peut-être un marqueur cutané d’une prédisposition génétique à la survenue d’un cancer : formes familiales décrites, absence de caractère paranéoplasique vrai comme en témoigne la persistance fréquente des lésions après traitement curatif de la tumeur, survenue plusieurs dizaines d’années avant la découverte de la néoplasie. Les néoplasies viscérales associées sont variées : bronchiques, mammaires, rectales, rénales et cutanées (mélanome) ³⁶,³⁷.

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Pityriasis rotunda ³⁸ Il s’agit d’une affection rarement observée en Europe, atteignant avec prédilection la population japonaise et noire sudafricaine. L’homme est plus souvent atteint que la femme avec une moyenne d’âge de 50 ans. La lésion élémentaire est caractérisée par une plaque circulaire, bien limitée, à bords nets, le plus souvent hyperpigmentée par rapport

Fig. 69.23 Spicules kératosiques ancrées dans la paume au cours d’une hyperkératose palmaire filiforme

à la peau saine, rarement hypochromique. La surface est recouverte de fines squames, adhérentes, lui donnant un aspect ichtyosiforme. Le nombre et la taille des lésions sont variables avec une possible confluence conférant un aspect polylobé. Le tronc, les épaules et les cuisses sont préférentiellement touchés (fig. 69.24). Histologiquement, il existe une hyperkératose orthokératosique, avec un amincissement de la couche granuleuse. Une néoplasie est associée dans 6 % des cas, avec une fréquence particulière pour le carcinome hépatique dans la population noire sud-africaine. D’autres associations à des cancers de l’estomac, des hémopathies, mais aussi à des affections bénignes infectieuses (tuberculose, cirrhoses hépatiques), ont été rapportées. Au plan thérapeutique, les émollients, les goudrons, les dermocorticoïdes sont sans efficacité. Les rétinoïdes systémiques ont parfois été utilisés avec succès. Syndrome de Cushing paranéoplasique ³ Ce syndrome est lié à la sécrétion ectopique d’ACTH par une tumeur extra-hypophysaire. Il représente entre 15 à 20 % des syndromes de Cushing. L’atteinte est plus fréquente chez l’homme (rapport 3/1) et l’âge moyen au moment du diagnostic est de 40 à 60 ans. La symptomatologie, voisine de la maladie de Cushing (fig. 69.25 et 69.26), est cependant marquée par un début rapidement progressif, une importante amyotrophie, une intense hyperpigmentation, tandis que l’obésité facio-tronculaire, les vergetures et le faciès lunaire peuvent manquer. Les autres signes associés sont l’hirsutisme, l’hypertension artérielle, l’aménorrhée, les troubles de l’érection et les troubles psychiques. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’un hypercortisolisme : cycle cortisolique, dosage du cortisol libre et urinaire et négativité du test de freinage à la dexaméthasone. Les cancers du poumon à petites cellules sont notés avec une grande fréquence, de même que les tumeurs carcinoïdes et les tumeurs pancréatiques.

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maines à quelques mois après la néoplasie, mais peut néanmoins précéder le cancer. La maladie de Hodgkin est l’affection la plus souvent associée ³⁵, mais des observations de lymphomes malins non hodgkiniens, de myélomes, de carcinomes pulmonaires, rénaux et utérins ont été rapportées. Elle peut s’associer à d’autres dermatoses paranéoplasiques comme l’acrokératose de Bazex. Le diagnostic différentiel se pose avec les autres étiologies d’ichtyose acquise : médicamenteuses, endocriniennes, métaboliques, dysimmunitaires et générales. Le traitement de la néoplasie améliore le plus souvent la dermatose. Le traitement dermatologique fait appel à des préparations émollientes et hydratantes à base d’urée et d’acide salicylique.

Fig. 69.24 Pityriasis rotunda : larges macules circulaires bien limitées, hyperpigmentées et finement squameuses de la partie supérieure du thorax et des épaules

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Syndromes paranéoplasiques dermatologiques

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Fig. 69.25 Érythrose faciale et du cou au cours d’un syndrome de Cushing paranéoplasique satellite d’un adénocarcinome du pancréas Dermatomyosite Le lien entre dermatomyosite et cancer est établi depuis l’étude épidémiologique suédoise de 1992 ³⁹ ayant démontré un risque relatif de cancer accru chez les sujets atteints de DM : 2,4 chez les hommes et 3,4 chez les femmes. Ces résultats ont été confirmés depuis dans d’autres pays avec un risque relatif oscillant entre 3 et 8 ⁴⁰-⁴². La compilation des séries a montré la grande diversité des tumeurs observées et la prédominance chez la femme des cancers gynécologiques (mammaires, utérins et ovariens) et chez l’homme des cancers bronchiques, prostatiques et digestifs. Dans l’importante étude rétrospective de Hill et al ⁴⁰, portant sur 618 patients ayant une DM et comparée à une population de même sexe et même âge, le risque relatif (RR) était augmenté pour les tumeurs suivantes : ovaire (RR : 10,5), poumon (RR : 5,9), pancréas (RR : 3,8), estomac (RR : 3,5), œsophage (RR : 2,9), col de l’utérus (RR : 2,7) ; sein (RR : 2,2), côlon et rectum (RR : 2,5), lymphomes de type Hodgkin (RR : 5,9) et non hodgkiniens (RR : 3,6). D’autres variétés de cancers ont été notées dont ceux de la vessie et du nasopharynx chez les Asiatiques. L’étude du lien temporel entre la DM et le cancer se heurte à des biais méthodologiques étant donné les difficultés d’appréciation du début du cancer et de la DM. Celle-ci précède l’apparition du cancer dans environ 70 % des cas. Le délai de survenue entre DM et cancer est le plus souvent inférieur à 1 an. Dans la majorité des études, le risque accru de cancer persiste au moins jusqu’à 5 ans après la découverte de la DM ³⁹-⁴². En  DM dermatomyosite

l’absence habituelle de parallèle évolutif, la DM associée au cancer ne constitue pas un authentique syndrome paranéoplasique. Certains critères cliniques ou biologiques sont statistiquement associés à l’association à un cancer : âge supérieur à 60 ans, nécrose cutanée ou vasculite leucocytoclasique cutanée (fig. 69.27). Le prurit est un signe peu spécifique qui doit cependant inciter à rechercher une néoplasie en particulier chez un sujet âgé. À l’inverse, le risque néoplasique apparaît faible ou nul au cours de la forme juvénile de DM, d’association à une connectivite mixte ou de syndrome des antisynthétases. Aucun consensus n’existe concernant l’ampleur ni la périodicité du bilan à réaliser chez un sujet avec DM ⁴³. Les recommandations varient, allant de l’examen clinique attentif associé à un bilan biologique simple jusqu’à des examens paracliniques complets : scanner thoraco-abdomino-pelvien, mammographie, examen gynécologique avec échographie intravaginale, voire cœlioscopie, fibroscopie, colonoscopie, biopsie médullaire. L’intérêt du suivi des marqueurs tumoraux CA 125 et CA 19-9 paraît cependant établi ⁴⁴.

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Fig. 69.26 Larges vergetures pourpres abdominales au cours d’un syndrome de Cushing paranéoplasique satellite d’un adénocarcinome du pancréas

Fig. 69.27 Nécrose digitale au cours d’une dermatomyosite paranéoplasique (mélanome métastatique)

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Dermatoses paranéoplasiques et hémopathies 69-15

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Fig. 69.29 Nodules érythémateux lisses des doigts au cours d’une réticulohistiocytose multicentrique

Fig. 69.28 Placard érythémateux, érosif vulvopérinéal au cours d’une maladie de Paget extramammaire Phlébites paranéoplasiques ⁴⁵ Les phlébites superficielles migratrices paranéoplasiques ou syndrome de Trousseau sont classiques mais rares. Les pathologies néoplasiques sont le plus souvent d’origine gastrique et pancréatique, mais de nombreuses atteintes ont été signalées : prostatiques, coliques, pulmonaires. Plusieurs auteurs ont insisté sur la possibilité de précession de plusieurs mois, voire années, de la thrombose par rapport à la survenue de la néoplasie, et donc sur l’intérêt d’un suivi prolongé et rigoureux des thromboses veineuses superficielles dites idiopathiques, en particulier chez le sujet âgé. La physiopathologie reste hypothétique et multifactorielle : hyperproduction de facteurs de la coagulation, activation plaquettaire, production d’activateurs de la prothrombine par stimulation monocytaire ou macrophagique ou par les cellules tumorales elles-mêmes, rôle des anticorps antiphospholipides. Maladie de Paget extramammaire ⁴⁶ Elle affecte les sujets au cours de la cinquième décennie, avec une prédominance féminine (sex-ratio F/H de 2,4/1) liée à la fréquence des atteintes vulvaires. Le début est le plus souvent insidieux, marqué par un prurit intense et des placards rouges, eczématiformes, érosifs ou squameux, lichénifiés, fixes avec une extension en tache d’huile. La localisation se fait préférentiellement sur les territoires cutanés riches en glandes sudorales apocrines : vulve (initialement unilatérale sur une grande lèvre) (fig. 69.28), ré-

gion périanale, organes génitaux externes masculins (scrotum et verge). Un cancer associé, soit sous-jacent, soit à distance, est classique mais peu fréquent. La localisation vulvaire s’accompagne dans environ 5 à 20 % des cas d’un carcinome sous-jacent et dans 10 à 20 % d’un carcinome à distance (mammaire, utérin, urologique, ovarien, etc.). La localisation périanale est associée dans 7 à 10 % des cas à un carcinome sous-jacent annexiel et dans 15 à 45 % d’un carcinome à distance (rectal, mammaire...). Le pronostic est fonction du carcinome sous-jacent. Le traitement repose sur l’exérèse large de la lésion lorsqu’elle est possible. Réticulohistiocytose multicentrique ³ Cette affection rare touche plus fréquemment la femme, et débute durant la cinquième décennie. Les lésions cutanées se caractérisent par des nodules rougeâtres, à surface lisse, siégeant avec prédilection sur le dos des doigts (zones juxta-articulaires) (fig. 69.29), autour des ongles, mais également sur le visage (nez, lèvres, oreilles). Une atteinte muqueuse est parfois associée. Il s’y associe une polyarthrite séronégative destructrice des articulations interphalangiennes et des grosses articulations. Histologiquement, le derme est envahi par des histiocytes volumineux avec un cytoplasme abondant d’aspect en « verre dépoli », issu de la lignée monocytaire-macrophagique (CD45+ CD68+ au marquage immunohistochimique). L’association à une néoplasie est notée dans près de 25 % des cas, préférentiellement avec des hémopathies, des carcinomes mammaires et gastriques. Le traitement repose sur la corticothérapie générale et les immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate, cyclophosphamide).

Dermatoses paranéoplasiques et hémopathies Les hémopathies sont responsables d’un nombre considérable de manifestations cutanées spécifiques, soit liées à la prolifération au niveau de la peau de cellules hématopoïétiques malignes, soit liées aux thérapeutiques agressives utilisées, soit liées à l’immunodépression induite par la maladie et/ou son traitement. Certaines dermatoses ont cependant un véritable caractère paranéoplasique, par le biais de mécanismes physiopathogéniques quasi spécifiques aux

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Syndromes paranéoplasiques dermatologiques

Dermatoses neutrophiliques ⁴⁸ Syndrome de Sweet (SyS). La séméiologie du SyS paranéoplasique est identique à celle du syndrome de Sweet classique. Le caractère bulleux des lésions, le sexe masculin, l’absence d’infection, l’absence de leucocytose, la présence d’une anémie et d’une thrombopénie constituent des arguments en faveur du caractère paranéoplasique. L’association d’un SyS et d’une néoplasie est rapportée dans environ 20 % des cas, le plus souvent avec les leucémies myéloïdes et myéloblastiques. L’association à des tumeurs solides (mammaires, génito-urinaires et gastro-intestinales) a été ponctuellement rapportée. Dans près de 40 % des cas, l’hémopathie survient dans le mois qui suit l’apparition des lésions cutanées. Dans les autres cas, le syndrome de Sweet peut précéder ou suivre la tumeur de plusieurs mois à plusieurs années. Pyoderma gangrenosum (PG). Une gammapathie monoclonale est présente dans près de 10 % des cas de PG. Elle est le plus souvent de type IgA, bénigne, mais des formes de passage vers un myélome sont possibles. Cette association est plus fréquemment rapportée au cours des PG gangréneux ou pustuleux. Les autres associations significatives sont décrites avec prédilection au cours des PG ulcéreux : leucémie myéloïde aiguë ou chronique, myélome. L’association à des tumeurs solides (génito-urinaires, mammaires, pulmonaires, ovariennes et carcinoïdes) est rare. Érythrodermies L’association à une hémopathie maligne est rapportée dans 8 à 25 % des cas. Il s’agit le plus souvent de lymphomes (lymphomes cutanés, maladie de Hodgkin et lymphomes malins non hodgkiniens), plus rarement de leucémies, de myélodysplasies ou de tumeurs solides. Érythromélalgie Cette affection rare se caractérise par une sensation de brûlure, un érythème et une augmentation de la chaleur locale, évoluant par poussée et soulagé par le froid. Il est associé dans environ 20 % des cas à un syndrome myéloprolifératif : polyglobulie primitive, thrombocytémie essentielle ⁴⁹. Il peut précéder l’hémopathie de plusieurs années et son évolution est habituellement parallèle à l’affection. Prurit Un prurit, le plus souvent généralisé, sans lésion cutanée primitive, est associé à une tumeur maligne dans 1 à 11 % des cas, le plus souvent en rapport avec une maladie de Hodgkin. Celle-ci s’accompagne d’un prurit dans 25 à 30 % des cas contre 3 % pour les lymphomes non hodgkiniens. Au cours des lymphomes cutanés T épidermotropes (mycosis fungoïde et syndrome de Sézary), le prurit peut précéder de plusieurs années les manifestations cliniques. La surve PG pyoderma gangrenosum · SyS syndrome de Sweet

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hémopathies : dépôts d’immunoglobulines, « effets immunologiques » des immunoglobulines sécrétées par la tumeur. La majeure partie de ces dermatoses, y compris le pemphigus paranéoplasique, a cependant été décrite comme étant associée à des tumeurs solides.

Fig. 69.30 bronchique

Gangrène digitale aiguë au cours d’un adénocarcinome

nue d’un prurit à l’eau chaude est classique au cours de la maladie de Vaquez et des syndromes myéloprolifératifs. D’autres hémopathies (leucémie lymphoïde chronique ou lymphoblastique aiguë...), ainsi qu’une variété de tumeurs solides ont été rapportées associées à un prurit. Amylose immunoglobulinémique (AL) Les amyloses de type AL, ou immunoglobulinémiques sont secondaires à la synthèse d’une chaîne légère ou exceptionnellement lourde d’immunoglobuline monoclonale isolée. Elles sont liées à une prolifération monoclonale maligne de plasmacytes (myélome, maladie de Waldenström) ou apparemment bénigne. Les manifestations cutanéomuqueuses correspondent à un purpura périorbitaire et des plis, une macroglossie et des lésions papuleuses et nodulaires. La fréquence exacte d’association d’une amylose AL à une hémopathie est estimée entre 13 à 26 % mais se heurte au suivi au long terme de malades ayant une gammapathie monoclonale dite bénigne. Vascularites cutanées La fréquence de l’association d’une vascularite cutanée et d’une néoplasie varie entre 5 à 8 % suivant les séries. Les néoplasies les plus fréquemment associées sont les syndromes myélodysplasiques, en particulier les anémies réfractaires avec excès de blastes et les leucémies à tricholeucocytes. Les vascularites associées aux tumeurs solides sont rares, dominées par les localisations bronchopulmonaires.

Affections cutanées inconstamment décrites associées à une néoplasie Syndrome de Raynaud, acrocyanose et gangrène digitale ⁵⁰ La survenue d’acrosyndromes vasculaires paranéoplasiques est rare (68 cas colligés en 2002). L’âge moyen de survenue est de 55 ans, sans prédilection de sexe. La présentation clinique est variable, le plus souvent à type de gangrène digitale aiguë (59 %) (fig. 69.30), précédée dans

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Affections cutanées inconstamment décrites associées à une néoplasie 69-17

Fig. 69.31 Kératoses séborrhéiques éruptives et profuses du tronc caractérisant le signe de Leser-Trelat près d’un cas sur deux par un syndrome de Raynaud. Une acrocyanose et un phénomène de Raynaud non compliqué peuvent être notés respectivement dans 16 et 18 % des cas. L’atteinte digitale est quasi constante (94 %) associée à une atteinte des orteils (30 %). Les tumeurs les plus fréquemment associées sont les adénocarcinomes (41 %) pulmonaires ou ovariens, les hémopathies (13 %) et les carcinomes anaplasiques ou épidermoïdes. Dans près d’un cas sur deux, la survenue de l’acrosyndrome coïncide avec la découverte de la tumeur maligne, le plus souvent à un stade avancé métastatique (41 %). Le ou les mécanismes physiopathogéniques incriminés restent mal connus : production d’une substance vasoconstrictive par les cellules tumorales, mécanisme thromboembolique, vasculite par production et/ou dépôts vasculaires d’immuns complexes, anomalies secondaires de l’hémostase... La régression définitive de la symptomatologie est observée dans environ un cas sur deux après traitement de la tumeur. L’efficacité de traitements symptomatiques par ilomédine, nifédipine, héparine, prednisone, acide acétylsalicylique, plasmaphérèses et sympathecto-

Fig. 69.32 Pigmentation mélanique au cours d’une mélanose cutanée (mélanome métastatique) mie est difficile à évaluer en raison de la rareté des observations. Signe de Leser et Trélat ⁵¹ Ce symptôme rare se traduit par l’apparition brutale et le développement rapide de multiples kératoses séborrhéiques esentiellement sur le tronc (fig. 69.31). Il est fréquemment associé à un prurit. Ce signe reste de signification controversée, pouvant s’observer physiologiquement dans la population générale ou au cours de diverses affections bénignes. Des associations ont été décrites avec des néoplasies solides gastriques et coliques, mais aussi ponctuellement mammaires, pulmonaires, ovariennes, utérines, ainsi que des hémopathies. Le traitement de la tumeur peut s’accompagner d’une régression des kératoses séborrhéiques. Mélanose cutanée du mélanome malin La survenue d’une mélanose généralisée est exceptionnelle au cours du mélanome malin, d’apparition tardive au stade de métastase. Elle est caractérisée par une pigmentation grisâtre généralisée mais prédominant sur les zones photoexposées (fig. 69.32). Sa pathogénie exacte reste inconnue et pourrait être secondaire à des dépôts cutanés de métabolites de la dopaquinone sécrétés à distance par la tumeur primitive.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D. Syndromes paranéoplasiques dermatologiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 69.1-69.19.

70

Métastases cutanées

Bernard Guillot

Généralités 70-1 Aspects cliniques 70-1 Formes nodulaires 70-1 Formes inflammatoires 70-1 Formes scléreuses 70-2 Autres aspects cliniques 70-2 Aspects topographiques 70-2 Topographie des métastases 70-3

i les métastases cutanées des cancers profonds sont parfois révélatrices du cancer, elles surviennent cependant le plus souvent au cours de son évolution. Elles sont le témoin d’un stade avancé de la maladie. Tous les cancers peuvent être à l’origine de métastases cutanées. Le diagnostic est important car, si elles sont révélatrices, elles peuvent permettre de retrouver un cancer primitif, parfois être accessible à une thérapeutique efficace et, si elles surviennent dans un contexte de cancer connu, elles sont le témoin d’une évolutivité de la maladie qui peut justifier une modification de stratégie thérapeutique. Les localisations cutanées secondaires du mélanome et les localisations des affections malignes des tissus hématopoïétiques ne seront pas abordées ici.

S

Généralités Les métastases cutanées représentent environ 2 % des tumeurs malignes de la peau. Leur fréquence au cours des cancers profonds est difficile à préciser. Elle varie de 0,7 à 9 % des cas de cancers selon qu’il s’agit d’études autopsiques ou cliniques ¹. Elles surviennent le plus souvent chez l’adulte et le sujet âgé. Les métastases cutanées de l’enfant sont exceptionnelles. La date d’apparition des métastases cutanées par rapport au cancer primitif est variable, de quelques mois à plusieurs années. Les métastases cutanées seraient révélatrices du cancer dans 20 % des cas ². Le mode de propagation se fait par voie lymphatique, par voie sanguine, par contiguïté ou, exceptionnellement, par implantation iatrogène. Les métastases lymphatiques sont les plus fréquentes. Elles sont souvent situées à proximité du cancer primitif et surviennent volontiers tardivement au cours de l’évolution de la maladie. Les métastases par

Topographie de la tumeur primitive 70-4 Éléments du diagnostic 70-5 Clinique 70-5 Histologique 70-5 Pronostic et traitement 70-7 Références 70-7

voie sanguine correspondent à une dissémination précoce du cancer. Les envahissements par contiguïté sont en règle le fait de cancers très évolués et négligés. La dissémination iatrogène peut apparaître après biopsie ou ponction évacuatrice, plus exceptionnellement sur cicatrice chirurgicale.

Aspects cliniques Plusieurs aspects cliniques sont classiquement décrits : les formes nodulaires, les formes inflammatoires et les formes scléreuses. Formes nodulaires Ce sont les plus fréquentes. Elles sont observées dans environ 60 % des cas. Il s’agit de nodules dermiques ou souscutanés, fermes ou durs, uniques ou multiples, de taille très variable de quelques millimètres à plusieurs centimètres (fig. 70.1). La peau est de couleur normale ou érythématoviolacée. Un aspect angiomateux est parfois observé et les nodules sont souvent hémorragiques au moindre contact (fig. 70.2). Les nodules peuvent prendre une disposition zoniforme chez certains malades. Au cours de leur évolution, les nodules peuvent devenir nécrotiques, ulcérés et hémorragiques. S’ils sont le plus souvent indolores au début, ils peuvent devenir douloureux au cours de leur évolution par compression ou engainement nerveux. Le diagnostic de métastase est en règle facilement porté par la biopsie cutanée. Formes inflammatoires Elles sont décrites dans un peu plus de 20 % des cas. Elles sont également appelées lymphangites carcinomateuses ou érysipèles carcinomateux (fig. 70.3). La peau est le siège

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Métastases cutanées

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Fig. 70.1 Nodules rouge violacé, hémorragique du scalp : métastases cutanées d’un adénocarcinome bronchopulmonaire

Fig. 70.2 Volumineux nodule tumoral angiomateux secondaire à un angiosarcome sur fistule artérioveineuse du coude homolatéral chez un malade transplanté rénal

d’une infiltration à bords nets, surélevés ; la chaleur locale est souvent augmentée, mais le malade reste apyrétique. De fines télangiectasies doivent être recherchées attentivement à l’examen clinique, notamment en bordure du placard inflammatoire. Le diagnostic est souvent difficile. Devant l’absence d’efficacité d’un traitement antibiotique, une biopsie sera pratiquée. Elle peut cependant être souvent faussement négative car les cellules malignes, groupées dans les vaisseaux lymphatiques du derme, sont parfois difficiles à mettre en évidence. Des biopsies multiples peuvent être nécessaires et l’anatomopathologiste doit être averti du diagnostic évoqué afin d’orienter son examen. Formes scléreuses Elles sont plus rares (moins de 20 % des cas). Elles sont parfois appelées métastases en cuirasse lorsqu’elles engainent tout ou partie de la paroi thoracique. Il s’agit de plaques infiltrées, dures, cartonnées (fig. 70.4). Il est difficile d’obtenir un pli de peau. Elles peuvent être recouvertes de télangiectasies et évoluer vers l’ulcération. Leur aspect peut en imposer pour une sclérodermie en plaque. Au niveau du cuir chevelu, elles prennent l’aspect d’une plaque de pseudo-pelade. Des dépôts de mucine peuvent être observés à l’histologie ³.

A

Autres aspects cliniques Ils ont été rapportés de manière anecdotique : disposition zoniforme ⁴, métastases à type de bourgeon charnu, de rhinophyma ⁵, métastases télangiectasiques de Parkes Weber ⁶, métastases en cibles ⁷, métastases hémorragiques ⁸, etc.

Aspects topographiques Lors d’une dissémination par voie lymphatique, les métastases sont souvent situées à proximité de la tumeur primitive. Lors d’une dissémination par voie hématogène, au contraire, il n’existe aucune logique topographique entre la localisation des métastases cutanées et la localisation du

B

Fig. 70.3 A. Érysipèle carcinomateux thoracique au cours d’un adénocarcinome rénal. B. Caractère télangiectasique des lésions en gros plan

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70-2

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Aspects topographiques 70-3

Fig. 70.4 Plastron carcinomateux hémicorporel au cours de métastases cutanées d’un carcinome mammaire cancer primitif. Il sera envisagé successivement les formes topographiques selon la localisation des métastases puis selon le cancer primitif. Topographie des métastases Abdomen Un quart des métastases siègent à ce niveau. Chez l’homme, les cancers primitifs le plus souvent retrouvés sont des cancers du poumon, du tube digestif ou du rein. Chez la femme, ce sont les tumeurs de l’ovaire les plus fréquemment en cause. Les métastases ombilicales ou nodule de sœur Mary-Joseph sont une forme clinique particulière. Elles sont souvent d’allure vasculaire, parfois ulcérée. La tumeur primitive est souvent d’origine digestive et notamment en rapport avec une tumeur gastrique ⁹, plus rarement génitale. Thorax Près d’un quart des métastases cutanées sont localisées sur le thorax. Il s’agit en grande majorité de métastases de cancers du sein chez la femme (fig. 70.5), de cancers du poumon, du côlon ou du pancréas chez l’homme. Cou et visage Environ 18 % des cas de métastases cutanées siègent dans cette localisation. Il s’agit essentiellement de métastases de la sphère ORL, du sein ou du poumon. Dans certaines observations, la métastase peut prendre l’aspect d’un rhinophyma ⁵. Le caractère rapidement évolutif, l’absence d’autres signes de rosacée doivent

rendre vigilant et faire pratiquer une biopsie au moindre doute. Cuir chevelu Elles sont observées dans moins de 10 % des cas de métastases cutanées, mais leur présence est souvent révélatrice. Le diagnostic peut être trompeur : nodule à type de loupe bénigne, plaque scléreuse prise pour une pseudo-pelade (fig. 70.6), aspect angiomateux à type de bourgeon charnu. Les cancers en cause sont surtout le rein (fig. 70.7) et le poumon chez l’homme, le sein chez la femme. Doigts et orteils Il s’agit d’une localisation rare atteignant plus fréquemment les hommes que les femmes. Une centaine de cas ont été rapportés dans la littérature ¹⁰. La métastase prend souvent un aspect inflammatoire, qui peut évoquer une infection aiguë bactérienne. L’os sousjacent est souvent atteint avec des images d’ostéolyse ou d’appositions périostées. Le poumon est l’organe en cause le plus fréquemment rencontré dans les métastases des doigts (fig. 70.8). Les métastases des orteils sont dues habituellement à des cancers génito-urinaires. Autres localisations Les localisations pelviennes sont souvent en rapport avec des cancers génito-urinaires. Les

Coll. Pr B. Guillot, Montpellier

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Fig. 70.5 Carcinome mammaire bilatéral avec métastases cutanées thoraciques locorégionales angiomateuses et hémorragiques

Fig. 70.6 Plaque alopécique à type de pseudo-pelade : métastase cutanée d’un carcinome mammaire

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Métastases cutanées

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Fig. 70.8 Nodules rouge violacé, hémorragique et pseudoverruqueux des doigts : métastases cutanées d’un adénocarcinome bronchopulmonaire

Fig. 70.7 Nodule angiomateux temporal du scalp, lésion cutanée isolée témoin d’une dissémination métastatique d’un adénocarcinome rénal de Gravitz localisations aux membres ont peu de spécificité en dehors des localisations secondaires de cancers du sein sur le membre supérieur. Topographie de la tumeur primitive Le type de métastase dépend en grande partie du sexe du malade. Chez la femme, c’est le cancer du sein qui est responsable de la grande majorité des métastases cutanées (plus de 60 %) puis le côlon, le poumon, l’ovaire et le col utérin. Ces dernières localisations représentent chacune moins de 5 % des cas. Chez l’homme, il s’agit essentiellement du cancer du poumon (environ un quart des cas), puis du côlon, de la sphère ORL, du rein, de l’estomac ¹¹,¹². Chez l’enfant enfin, les métastases cutanées sont surtout liées aux rabdomyosarcomes et aux neuroblastomes ¹³. Cancer du sein Des métastases cutanées surviennent dans plus de 20 % des cancers du sein métastatiques. Les éléments cliniques qui orientent vers un cancer du sein sont essentiellement la grande fréquence, la localisation sur le thorax antérieur et les aspects cliniques même s’ils peuvent être très variés. Il peut s’agir de métastases inflammatoires à type de lymphangite carcinomateuse (fig. 70.9), de métastases scléreuses, en cuirasse, engainant la paroi thoracique, de formes pseudo-peladiques du cuir chevelu ou de formes nodulaires classiques. Cancer du poumon La fréquence des métastases cutanées au cours du cancer du poumon est faible (1,5 %) mais elle peut être révélatrice et il s’agit volontiers du premier site métastatique extraganglionnaire ¹². S’il n’existe pas de localisation spécifique, la présence d’une telle lésion sur le thorax chez un homme est évocatrice. Les lésions prennent parfois un aspect angiomateux, ou une disposition zoniforme ⁴. Des métastases peuvent survenir sur le site de thoracotomie ou sur le site d’aspiration à l’aiguille d’un épanchement pleural. Cancers digestifs Les plus fréquemment en cause sont les cancers de l’estomac ; la localisation des métastases cutanées est non spécifique, mais c’est le cancer retrouvé le plus fréquemment au cours des métastases ombilicales. Puis

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70-4

Fig. 70.9 Érysipèle carcinomateux compliquant un carcinome mammaire homolatéral viennent ensuite les cancers du côlon et du rectum, de l’œsophage et du pancréas ; les métastases de cancer du foie sont exceptionnelles ; les métastases de carcinoïdes peuvent être douloureuses. Cancers d’origine urologique Une revue systématique des localisations cutanées des métastases en rapport avec un cancer urologique a été réalisée par Mueller et al. ¹⁴. Les cancers du rein, de la vessie, du testicule et de la prostate sont responsables de 1,1 % des métastases cutanées des cancers viscéraux. Parmi l’ensemble des métastases d’origine urologique, la tumeur primitive est rénale dans 66 % des cas, vésicale dans 17 %, prostatique dans 12 % et testiculaire (tumeur germinale) dans 4 %. La localisation inguinale, pubienne, pénienne est évocatrice (fig. 70.10) ; des localisations ombilicales sont possibles. Cancers génitaux féminins Il s’agit surtout des cancers de l’ovaire (4 % des métastases cutanées), du col utérin (2 %). Les sites les plus fréquents sont l’abdomen, la région vulvaire. Parmi les cancers du col, les adénocarcinomes et les carcinomes indifférenciés métastasent plus volontiers que les carcinomes épidermoïdes. Les métastases de cancers de l’endomètre sont très rares et apparaissent très tardivement dans l’évolution du cancer. Cancers de la sphère ORL Il peut s’agir de métastases de

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Éléments du diagnostic 70-5

Fig. 70.10 Métastases cutanées d’un adénocarcinome pancréatique : la localisation génitale est évocatrice tumeurs des glandes salivaires, en particulier de la parotide, plus rarement de cancers épidermoïdes du pharynx, du larynx ou de la trachée. Cancers d’origine endocrinienne La fréquence des métastases cutanées de cancers thyroïdiens est appréciée entre 0,06 à 6 %. Il s’agit essentiellement des carcinomes vésiculaires qui ont un potentiel métastatique à la peau supérieur à celui des carcinomes papillaires. Plus fréquentes chez la femme, elles surviennent en moyenne 5 ans après le diagnostic de la tumeur primaire et son rarement inaugurales. La localisation préférentielle est le scalp. Elles se manifestent sous forme de lésions nodulaires uniques ou multiples, d’allure vasculaire et pulsatiles au Doppler ¹⁵. Des métastases de cortico-surrénalomes malins ont été signalées. Elles peuvent être révélatrices. Les localisations cutanées d’un carcinome neuro-endocrine posent un problème parfois difficile de diagnostic différentiel avec les carcinomes de Merkel ou carcinomes neuro-endocrines cutanés primitifs. Si la tumeur primitive n’est pas déjà connue, le caractère d’emblée multiple des lésions est en faveur d’une origine extracutanée. En histologie, les cytokératines donnent un marquage diffus dans les carcinomes neuro-endocrines extracutanés, alors qu’il est plus globulaire et périnucléaire dans les formes cutanées primitives. Sarcomes profonds Ils métastasent rarement à la peau. Cependant, chez l’enfant, les métastases de rabdomyosarcomes et de sarcome d’Ewing ne sont pas exceptionnelles ¹³. Chez l’adulte, de rares cas de métastases de tumeurs malignes des gaines nerveuses, de fibrosarcomes ou de léiomysarcomes ont été rapportés ¹⁶. Le diagnostic différentiel peut alors se poser avec un sarcome primitivement cutané. Cancers d’autres origines D’autres types de cancers sont

à l’origine de métastases cutanées, mais de manière exceptionnelle : − les tumeurs cérébrales : des cas de métastases de glioblastomes ont été rapportés. Le rôle des craniotomies dans la survenue de ces métastases qui siègent volontiers sur l’extrémité céphalique est fortement suspecté ¹⁷,¹⁸ ; − les mésothéliomes : les métastases sont très rares. Elles peuvent être révélatrices ¹⁹, mais sont plus volontiers rapportées sous forme d’extension locale ou par contamination d’un site chirurgical ou de ponction ²⁰ ; − des cas très rares ont été rapportés au cours des thymomes ²¹ ou des chordomes ²². Cancers de l’enfant Les grandes séries de métastases cutanées de l’enfant montrent que les tumeurs primitives le plus souvent ne cause sont les rabdomyosarcomes (41 % des métastases cutanées de l’enfant pour les rabdomyosarcomes tous types confondus) puis les neuroblastomes (23,5 %). Les autres tumeurs en cause sont notamment les choriocarcinomes, les sarcomes d’Ewing, les carcinomes nasopharyngiens ¹³. Les métastases cutanées de neuroblastomes surviennent dans 32 % des cas. La palpation intempestive des lésions cutanées peut être à l’origine de poussées hypertensives par libération de catécholamines. Ces métastases sont souvent révélatrices et peuvent être présentes en période néonatale ²³. À cette période, des rémissions spontanées complètes ont été décrites et la présence de métastases cutanées et même peut-être un facteur de pronostic favorable ²⁴.

Éléments du diagnostic Le diagnostic va reposer sur des éléments d’orientation clinique mais surtout sur l’examen histologique et immunohistochimique. Ces techniques facilitent grandement le diagnostic étiologique d’une métastase cutanée lorsque le cancer primitif n’est pas encore connu. Clinique La localisation est le premier élément d’orientation sur l’origine de la tumeur. D’autres aspects cliniques peuvent également aider au diagnostic. Une tumeur très vascularisée évoque un cancer du rein ou du poumon ; un aspect de type lymphangiome évoque un cancer du sein, du col utérin ou de l’ovaire. Des métastases scléreuses du thorax ou du cuir chevelu orientent vers un cancer du sein. Les métastases à type d’érysipèle sont fréquemment liées aux cancers du sein. Histologique Le diagnostic histologique de métastases cutanées comporte deux étapes : − faire la preuve de la nature métastatique de la lésion en reconnaissant le type histologique et en éliminant une tumeur cutanée primitive ; − rattacher la métastase à un cancer primitif. Si le cancer primitif est déjà connu, ces deux étapes sont

Métastases cutanées Tableau 70.1 cutanées

Coll. Dr V. Rigau, Montpellier

70-6

Fig. 70.11 mammaire

Histologie cutanée d’une métastase cutanée d’un carcinome

grandement facilitées. L’examen histologique standard va préciser le type de prolifération (fig. 70.11). Il s’agira par ordre de fréquence d’adénocarcinomes, puis de carcinomes épidermoïdes, de carcinomes indifférenciés, de carcinomes à petites cellules, beaucoup plus rarement de sarcomes ²⁵. Le diagnostic différentiel de certains adénocarcinomes avec des tumeurs malignes des annexes cutanées peut être parfois difficile en l’absence de tout contexte. De plus, les métastases peuvent prendre un aspect moins bien différencié que la tumeur primitive. Soulignons enfin encore une fois la difficulté de poser le diagnostic de lymphangite carcinomateuse : des biopsies multiples et une discussion anatomoclinique permettant de bien orienter le pathologiste sur cette suspicion diagnostique sont souvent nécessaires. La deuxième étape diagnostique a bénéficié des progrès de l’immunohistochimie. L’utilisation de marqueurs plus ou moins spécifiques des différents types cellulaires en cause peut permettre de rattacher la métastase à un cancer primitif. Certains marqueurs orientent vers un type cellulaire : − la vimentine, caractéristique des tumeurs mésenchymateuses, mais rarement en cause dans les métastases cutanées ; − la PS100, signant l’origine neuro-ectodermique (tumeurs d’origine nerveuses, mélanome, carcinome neuro-endocrine) ; − l’antigène carcino-embryonnaire (ACE) ou le CA 15-3 évocateur d’une origine glandulaire ; − le CA 19-9 oriente vers un cancer d’origine digestive ; − les cytokératines ou l’EMA, spécifiques des épithéliums. Parmi les cytokératines, l’utilisation de deux types de cytokératines (CK7 et CK20) semble contributive ²⁶ et peut orienter plus précisément le diagnostic. Un marquage CK20+ et CK7− oriente vers un cancer colorectal ou vers un carcinome mucineux de l’ovaire ; CK20+ et CK7+ vers une origine urothéliale ou une tumeur à cellule de Merkel ; CK20− et CK7+ vers un adénocarcinome bronchopulmonaire, endométrial ou mammaire essentiellement. La négativité de ces deux cytokéra-

Principaux marqueurs étiologiques des métastases

1 Marqueurs de l’origine tissulaire Marqueurs Type de tissu Vimentine Tissus mésenchymateux Cytokératines Tissus épithéliaux EMA PS 100 Tissus neuro-ectodermiques Ag leucocytaire commun Tissu lymphoïde 2 Marqueurs d’orientation Marqueurs Orientation ACE Adénocarcinomes CA 15-3 CA 19-9 Tumeurs digestives Cytokératines (CK) 20 Cancers colorectaux Cancers ovariens Cytokératines (CK) 7 Cancers broncho-pulmonaires Adénocarcinomes mammaires Adénocarcinomes endométriaux CK20 + et CK7 + Carcinomes urothéliaux Carcinomes à cellules de Merkel 3 Marqueurs spécifiques de tumeurs Marqueurs Origine du cancer Thyroglobuline Cancer papillaire et folicullaire de la thyroïde Phosphatases acides Cancer prostatique Prostatique Calcitonine Cancer médullaire de la thyroïde Hep Par 1 Hépatocarcinome tines est observée dans les hépatocarcinomes, les carcinomes prostatiques, les carcinomes rénaux, les carcinomes pulmonaires épidermoïdes et à petites cellules. Un marquage cellulaire par les anticorps antirécepteur des œstrogènes ou de la progestérone peut orienter vers un carcinome mammaire ²⁷. Le diagnostic différentiel entre carcinome annexiel primitif et secondaire peut s’aider d’un panel d’anticorps comprenant notamment B72.3 (glycoprotéine exprimée dans les tumeurs annexielles apocrines) et la calrétinine (protéine liant le calcium intracellulaire, non exprimée dans les carcinomes annexiels primitifs) ²⁸. Certains marqueurs sont très spécifiques et permettent un diagnostic étiologique précis. Malheureusement, ces situations sont peu nombreuses. Un marquage positif par la thyroglobuline ou la triiodothyronine permet de poser le diagnostic de carcinome papillaire et folliculaire thyroïdien. La positivité de la calcitonine est en faveur d’un carcinome médullaire de la thyroïde. Le marquage par la PSA signe l’origine prostatique. Un marquage par l’hépatocyte paraffine 1 (Hep Par 1) est en faveur d’un hépatocarcinome. Les différents marqueurs utilisés classiquement sont résumés au tableau 70.1. Pour la plupart d’entre eux, une technique d’immunoperoxydase sur coupes déparaffinées peut être effectuée ²⁹. Le diagnostic étiologique repose donc sur

Références 70-7 l’utilisation simultanée de plusieurs marqueurs qui vont permettre de mieux préciser le type cellulaire et l’organe d’origine.

Pronostic et traitement La présence d’une métastase cutanée est en règle un signe de mauvais pronostic au cours de l’évolution d’un cancer. En dehors des rares cas de régression de métastases cutanées de neuroblastomes du nouveau-né ou des cas de guérison de choriocarcinomes métastatiques, dans tous les autres cas, la survie est en règle générale brève après l’apparition des localisations cutanées. T Tout type de cancer primitif confondu f , dans une série de 200 cas ³⁰, la médiane de survie après diagnostic d’une métastase cutanée est de 6,5 mois (moyenne : 22,8 ± 43,8 mois) et le taux de mortalité à 1 mois est de 13 %. Le pronostic dépend cependant beaucoup du cancer primitif. Il est particulièrement sombre dans les métastases d’origine pulmonaire (médiane : 2,9 mois) alors que dans cette même étude, la médiane de survie des cancers du sein après découverte d’une métastase cutanée est de 13,8 mois. La médiane de survie après diagnostic d’une métastase cutanée de cancers urogénitaux chez l’homme est inférieure à 6 mois ¹⁴. 1 Schwartz RA. Cutaneous metastatic disease. J Am Acad Dermatol 1995 ; 33:161-182. 2 Brownstein MH, Helwig EB. Metastatic tumors of the skin. Cancer 1972 ; 39:1298-1307. 3 Miyashita M, Inadomi T, Suzuki H. Possible role of mucin in hair loss in alopecia neoplastica. Eur J Dermatol 1994 ; 4:434-436. 4 Bianchi L, Orlandi A, Carboni I et al. Zosterifo f rm metastasis of occult bronchogenic carcinoma. Acta Derm Venereol 2000 ; 80:391-392. 5 French NH, Williams TS, Callen JP. P Rhinophyma-like swelling of the nose due to squamous cell carcinoma of the lung metastatic to nasal tip : a case report. Eur J DermatoI 1995 ; 5: 131-134. 6 Lin JH, Lee JYY, Chao SC et al. Te T langiectatic metastatic breast carcinoma preceded by en cuirasse metastatic breast carcinoma. Br J Dermatol 2004 ; 150:523-524. 7 Dereure O, Guilhou JJ, Guillot B. An unusual clinical pattern of cutaneous metastasis : target-like lesions. Br J Dermatol 2003 ; 148: 361. 8 Dereure O, Blatiere V, Guillot B. Multiple haemorraghic-like cutaneous metastasis of malignant melanoma. Eur J Dermatol 2005 ; 15: 409-410. 9 Powell FC, Cooper AJ, Massa MA et al. Sister Mary Joseph’s nodule : a clinical and histologic study. J Am Acad Dermatol 1984 ; 10:610-615. 10 Baran R, Tos T ti A. Metastatic carcinoma to the terminal phalanx of the big toe : report of

Au cours des métastases ombilicales, la survie est appréciée à 10 mois en moyenne après le diagnostic (entre 1 semaine et 3 ans). Le pronostic des métastases des doigts et des orteils est particulièrement sombre, la médiane de survie après le diagnostic étant de quelques mois seulement. Le traitement des métastases cutanées dépend en grande partie du traitement de la tumeur en cause. Il existe peu de solutions spécifiques : − la chirurgie est indiquée en cas de métastases uniques ou peu nombreuses, surtout s’il existe des douleurs ou une gêne fonctionnelle importante ; − la radiothérapie peut être proposée sur des métastases de cancers connus pour être radiosensibles ; − d’autres techniques ont été proposées : − la photothérapie dynamique après application locale d’acide delta amino-lévulinique ³¹, − la chimiothérapie locale : la miltéfos f ine est indiquée dans le traitement local des métastases cutanées des cancers du sein. Le taux de réponses objectives est de l’ordre de 28 % sur plus de 300 malades traités ³². Il s’agit cependant touj u ours de thérapeutiques palliatives. Leur mise en œuvre doit être confrontée à la qualité de vie des patients dont le pronostic reste sombre.

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70-8 Métastases cutanées gin. J Cutan Pathol 2005 ; 32:561-566. 28 Sariya D, Ruth K, Adams-McDonnell R et al. Clinicopathologic correlation of cutaneous metastases : experience from a cancer center. Arch Dermatol 2007 ; 143:613-620. 29 Kanitakis J, Faure M, Claudy A. Apport de l’immunohistochimie au diagnostic des tu-

meurs cutanées. Ann Dermatol Vene V reo r l 1998 ; 125:354-369 30 Schoenlaub P P, Sarraux A, Grosshans E et al. Survie après métastases cutanées : étude de 200 cas. Ann Dermatol V Venereo r l 2001 ; 128:13101315. 31 Peng, Q, Warloe T, Berg C et al. 5-Aminole-

vulinic acid-based photodynamic therapy. Clinif ture challenges. Cancer 1997 ; cal response and fu 79:2282-2308. 32 Wandt H, Gallmeier WM. A new treatment option in patients with cutaneous lesions from breast cancer : topical application of miltefos f ine. Onkologie 1994 ; 17:16-19.

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Guillot B. Métastases cutanées. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 70.1-70.8.

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Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales

Didier Bessis, Bernard Guillot, Olivier Dereure Principales manifestations cliniques 71-1 Toxicité sur les phanères et les annexes cutanés 71-1 Troubles pigmentaires 71-4 Syndrome sclérodermiforme induit 71-5 Érythème acral 71-5 Interactions avec les rayonnements électro-magnétiques 71-6 Troubles vasomoteurs 71-8 Effets secondaires locaux des agents cytotoxiques 71-8 Mucites 71-9 Effets secondaires divers 71-9 Médicaments responsables 71-11 Anthracyclines (doxorubicine ou adriamycine) 71-11 Bléomycine 71-11 Busulfan 71-11 Camptotécine (Irinotécan) 71-11 Chlorambucil 71-11 Cisplatine 71-11 Cladribine (2-CdA) 71-11 Cyclophosphamide et ifosfamide 71-11

Principales manifestations cliniques Toxicité sur les phanères et les annexes cutanés Alopécie Elle est le plus fréquent des effets secondaires cutanéo-muqueux des traitements cytotoxiques ¹-⁴. Il s’agit le plus souvent d’un mécanisme de type effluvium anagène avec interruption brutale de la phase de croissance du cheveu et production d’une tige pilaire amincie et fragile qui peut se casser pour des traumatismes minimes. Cet effluvium anagène est une conséquence directe et non spécifique de l’action cytotoxique des produits utilisés en chimiothérapie et est donc difficile à prévenir. L’effluvium anagène apparaît typiquement dans les deux semaines qui suivent l’introduction du traitement cytotoxique et aboutit à une alopécie diffuse dans les deux mois. Elle concerne le cuir chevelu, mais également d’autres régions pileuses, tels les sourcils, les cils, la barbe, la pilosité corporelle, notamment axillaire et pubienne, en fonction du nombre de follicules en phase anagène lors du traitement. Toutefois, ces autres zones corporelles sont en général moins sensibles que le cuir chevelu, probablement parce que le pourcentage de

Cytarabine (ARA-C) 71-11 Étoposide (VP 16) 71-11 Fludarabine (FLU) 71-11 5-Fluoro-uracile (5-FU), capécitabine et tégafur 71-11 Gemcitabine 71-11 Hydroxyurée (HU) 71-12 L-asparaginase (L-ASP) 71-12 Méchloréthamine 71-12 Melphalan 71-12 Mercaptopurine (6-MU) 71-12 Méthotrexate 71-12 Mitomycine C 71-12 Nitroso-urées (BCNU, CCNU, fotémustine) 71-12 Taxanes (paclitaxel, docetaxel) 71-12 Thiotépa 71-13 Topotecan 71-13 Vinca-alcaloïdes (vindésine, vinorelbine, vincristine, vinblastine) 71-13 Références 71-13

follicules en phase anagène y est inférieur. L’effluvium anagène peut s’associer à un effluvium télogène, c’est-à-dire à un passage prématuré du follicule pileux dans une phase de repos, avec perte, là aussi prématurée, d’un cheveu structurellement normal. Cet effluvium télogène n’est pas directement lié à l’effet cytotoxique des produits utilisés, mais est plutôt en relation avec certains états pathologiques qui peuvent accompagner la néoplasie, tels que la malnutrition, les interventions chirurgicales lourdes, l’hyperthermie notamment infectieuse, le stress psychologique ou la toxicité d’autres médicaments. L’alopécie induite par les agents cytotoxiques n’est pas uniforme, et un certain nombre d’agents sont connus pour être particulièrement alopéciants : agents alkylants (cyclophosphamide, ifosfamide), anthracyclines (doxorubicine, idarubicine), alcaloïdes de la pervenche ou apparentés (vincristine, étoposide), taxanes (paclitaxel), paraplatine et inhibiteurs des topoisomérases (irinotecan, topotecan). D’autres agents tels que la bléomycine, la dacarbazine, l’hydroxyurée, le 5-fluorouracil (5-FU), le méthotrexate, le melfalan, la vinblastine, le cisplatine et les nitrosourées peuvent éga-

Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales

lement entraîner une alopécie, mais celle-ci est généralement moins intense. Pour un produit donné, la sévérité de l’alopécie dépend de la dose, du nombre de cures et de la durée d’administration. Elle est plus sévère au cours des polychimiothérapies. L’évolution de cette alopécie est très généralement favorable avec repousse après la fin du traitement cytotoxique. Toutefois, une alopécie définitive a été signalée avec certains agents, tels que le cyclophosphamide et le busulfan, notamment quand ils sont utilisés avant transplantation médullaire (fig. 71.1). Dans certains cas, la couleur des cheveux en repousse est différente de la couleur initiale, avec notamment apparition de cheveux plus clairs, voire d’une alternance de zones claires et de zones foncées comme avec le méthotrexate (signe du drapeau). L’alopécie chimio-induite est difficile à prévenir puisqu’il faudrait en principe éviter le contact des agents cytotoxiques avec les follicules du cuir chevelu, ce qui peut se réaliser par une compression par bandage en bordure du crâne ou l’utilisation de casques réfrigérants. Cette dernière technique est d’une efficacité préventive variable en fonction du type de cytostatiques utilisé ⁵-⁷. Elle est par exemple efficace avec les anthracyclines ou les taxanes mais beaucoup moins efficace en cas d’association de ces deux produits. Son action dépend également de la technique de refroidissement utilisée (température, durée d’application du casque). De plus, la mise hors d’atteinte par les agents cytotoxiques du cuir chevelu peut être dangereuse puisque le traitement ne pourra agir sur d’éventuelles cellules néoplasiques présentes dans cette région, ce qui peut favoriser l’apparition de métastases cutanées du scalp, particulièrement fréquentes dans certaines formes de néoplasie (cancer du sein, du rein, du foie, hémopathies malignes). Ces mesures sont donc en principe contre-indiquées dans les tumeurs à haut risque de métastases au cuir chevelu. L’utilisation préventive de traitements locaux, notamment par minoxidil est très généralement inefficace ⁸ en dehors de quelques études qui ont montré plus une diminution de la durée de cette alopécie que dans son intensité ⁹. Enfin, des lésions cutanées du scalp de type folliculite aseptique ont été rapportées avec la doxorubicine liposomale, la 5-FU et le méthotrexate.

Fig. 71.2 Lignes de Beau au cours de traitements cytostatiques : dépressions transversales de la tablette unguéale par atteinte matricielle aiguë lors de chaque cure Atteintes unguéales Les ongles peuvent être modifiés de diverses façons par les traitements cytotoxiques. L’effet secondaire le plus fréquent est probablement une diminution de la vitesse de croissance unguéale accompagnée par une fragilité vis-à-vis des traumatismes. Il peut apparaître des dépressions unguéales transversales par atteinte aiguë de la matrice lors de chaque cure (ligne de Beau) (fig. 71.2), voire des lignes de Mee (fig. 71.3). À l’extrême, on peut voir apparaître une onycholyse, voire une perte unguéale, notamment avec la bléomycine, le cyclophosphamide, les anthracyclines, le 5-FU et les taxanes. Quelques aspects plus spécifiques ont été décrits avec certains agents : paronychie (méthotrexate, cyclophosphamide, 5-FU), hyperpigmentation (détaillée dans le paragraphe consacré aux troubles pigmentaires), ou au contraire leuconychie (vincristine, 5-FU, cyclophosphamide associé à VP-16, doxorubicine et vincristine), onycholyse avec hémorragie sous-unguéale (fig. 71.4), probablement par photosensibilisation, la plaque unguéale jouant le rôle de loupe (taxanes) ce qui peut aboutir à un décollement unguéal très douloureux et des abcès aseptiques sous-unguéaux (taxanes).

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Fig. 71.1 Alopécie persistante 2 ans après une chimiothérapie intensive par le busulfan avant une transplantation médullaire

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71-2

Fig. 71.3 Lignes de Mee : leuconychies transverses successives se développant après chaque cure de cytostatiques

Principales manifestations cliniques 71-3

Fig. 71.4 Hémorragies sous-unguéales et décollement unguéal au cours d’un traitement cytostatique par taxotère

lique rare a ensuite été rapportée avec de nombreux autres agents cytostatiques (notamment associés sous forme de polychimiothérapie) et dans une large variété de néoplasies ¹²,¹³. Les lésions surviennent dans un contexte fébrile, prédominent le plus souvent aux extrémités, notamment les membres supérieurs, la tête et le cou. Les aspects cliniques sont très variables, parfois polymorphes à type de macules ou papules rouge violacé (fig. 71.5), de nodules ou de pustules pouvant confluer en larges plaques évoluant parfois vers des aspects de cellulite locale. Ces lésions peuvent être uniques ou multiples, et peuvent en imposer pour une cellulite infectieuse, notamment en cas d’atteinte de l’extrémité céphalique, d’autant plus qu’elles sont parfois sensibles, voire douloureuses. L’éruption apparaît en général dans les trois semaines qui suivent le traitement inducteur, et disparaît spontanément dans les semaines qui suivent l’arrêt de ce dernier. La récidive en cas de réintroduction de la molécule responsable n’est pas systématique, mais apparaît dans plus de la moitié des cas. Sur le plan histologique, l’image typique est celle d’un infiltrat neutrophilique dense dans et autour des glandes eccrines du derme avec des foyers de nécrose des cellules épithéliales eccrines. Une atteinte des glandes apocrines est également signalée, mais semble nettement plus rare. Il peut s’y associer une syringométaplasie épidermoïde. Dans certains cas, apparaissant chez des patients profondément

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Atteintes des glandes sudorales Deux aspects cliniques principaux sont décrits : la syringométaplasie mucineuse et l’hidradénite neutrophilique eccrine. Leur mécanisme est probablement assez proche, puisqu’on incrimine dans les deux cas un mécanisme toxique local lié à la concentration et l’excrétion de la molécule cytotoxique dans la sueur, avec une atteinte toxique directe des cellules canaliculaires bordantes et/ou libération de cytokines à effet chimiotactique local entraînant l’apparition de l’infiltrat neutrophilique. Ainsi, il est possible qu’il s’agisse en fait des deux extrémités du même spectre physiopathologique. Syringométaplasie mucineuse Il s’agit d’une complication rare des traitements cytostatiques ¹⁰,¹¹. Elle n’est pas spécifique puisque des aspects histologiques similaires peuvent être observés dans d’autres circonstances, notamment au cours de certaines tumeurs cutanées, les ulcères de jambe, des processus inflammatoires divers et des expositions à des médicaments ou à des agents toxiques exogènes. Sur le plan clinique, l’aspect est également peu spécifique avec des macules isolées ou groupées en plaques érythémateuses, des vésicules qui peuvent être localisées ou généralisées. Il peut s’y associer une atteinte inflammatoire érosive et secondairement pigmentée des grands plis, plus évocatrice. Les lésions apparaissent dans les semaines qui suivent le traitement cytostatique et évoluent spontanément vers la disparition ou une pigmentation séquellaire quand le traitement est interrompu. L’analyse histologique révèle une métaplasie épidermoïde du canal excréteur des glandes eccrines, dans le derme papillaire. Il peut s’y associer une nécrose focale de l’épithélium du canal excréteur sudoral, une prolifération fibroblastique, et un œdème péricanalaire. Contrairement à l’hidradénite neutrophilique eccrine, il n’existe en principe pas d’infiltrat neutrophilique. L’apparition de la syringométaplasie eccrine ne semble pas liée à un agent cytostatique particulier puisque des molécules très diverses ont été impliquées telles la cytarabine, la mitoxantrone, 5-FU, le cyclophosphamide, le cisplatine, le méthotrexate, le melfalan, le thiotepa et la doxorubicine. Hidradénite neutrophilique eccrine Initialement décrite en 1982 chez des patients traités par cytarabine pour une leucémie aiguë myéloblastique, cette dermatose neutrophi-

Fig. 71.5 Hidradénite neutrophilique eccrine au cours d’un traitement par cytostatiques : plaques érythémateuses du visage prédominant sur la région orbitaire et le front

Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales neutropéniques, l’infiltrat neutrophilique n’est pas présent mais d’autres éléments évocateurs telles que les nécroses parcellaires des glandes eccrines permettent toutefois d’évoquer le diagnostic devant des lésions cliniques compatibles. Le diagnostic différentiel est délicat chez des patients immunodéprimés et inclut notamment des processus infectieux tels que des métastases septiques des septicémies bactériennes ou fongiques, les cellulites notamment de l’oreille et de l’orbite, les infections fongiques locales, les localisations spécifiques de l’hémopathie sous-jacente, des lésions de vascularites ou encore d’hypersensibilité médicamenteuse, notamment de type urticaire ou érythème polymorphe. D’autres dermatoses neutrophiliques tels que le syndrome de Sweet ou le pyoderma gangrenosum peuvent également se discuter. L’évolution se faisant souvent vers la disparition spontanée des lésions après interruption du traitement cytostatique, il n’est pas forcément indispensable d’engager un traitement particulier quand le diagnostic a été affirmé par la biopsie cutanée qui est par ailleurs obligatoire devant toute éruption fébrile chez un patient immunodéprimé. La possibilité d’une récurrence après reprise du traitement a conduit certains auteurs à proposer un traitement préventif lors de la cure suivante par corticoïdes systémiques, dapsone ou même anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’efficacité de ces mesures reste malheureusement incomplète. La liste des médicaments cytostatiques associés à l’apparition des lésions d’hidradénite neutrophilique eccrine s’allonge régulièrement, mais les principales molécules en cause sont la cytarabine, la bléomycine, la doxorubicine, la métoxanthrone, le chlorambucil, le cyclophosphamide. Le plus souvent, il s’agit d’une polychimiothérapie incluant une ou plusieurs de ces molécules. Troubles pigmentaires L’hyperpigmentation est un effet indésirable très répandu des agents cytotoxiques utilisés en cancérologie ¹⁴. Elle peut toucher l’ensemble du revêtement cutanéo-muqueux, y compris les cheveux, les ongles et les muqueuses. Elle peut être diffuse ou localisée avec parfois un profil un peu particulier, variable en fonction de la molécule utilisée. L’étiopathogénie de ces hyperpigmentations est probablement variable en fonction de la molécule en cause et peut impliquer des mécanismes aussi différents qu’un effet toxique direct sur le mélanocyte avec stimulation secondaire de la synthèse de mélanine, une hypersécrétion de certaines hormones telles l’ACTH et surtout la α-MSH, en réponse à une toxicité sur les surrénales, un déficit en inhibiteur de la tyrosinase, la formation de complexes stables entre la mélanine et la molécule cytotoxique ou encore une pigmentation post-inflammatoire « banale ». Celle-ci peut succéder à une toxicité sur les kératinocytes, avec ou sans photosensibilité, les kératinocytes représentant effectivement une cible non négligeable des agents cytotoxiques en raison de leur activité mitotique importante au niveau de la couche basale. Dans beaucoup de cas, la pigmentation semble apparaître, en tout cas prédominer, sur les régions de traumatisme aigu ou chronique, peut-être par une aug-

mentation de débit sanguin local et donc de la concentration locale en cytotoxique. En fait, les mécanismes en cause restent mal connus dans beaucoup de cas. Sur le plan chronologique, les lésions hyperpigmentées peuvent apparaître à intervalles très variables après la mise en place du traitement, avec un intervalle libre qui peut aller d’une semaine à plusieurs mois. Cette hyperpigmentation peut se présenter sous différentes formes topographiques qui ne sont d’ailleurs pas mutuellement exclusives : − forme diffuse : busulfan, cyclophosphamide, méthotrexate, hydroxyurée, procarbazine ; − atteinte des faces dorsales des extrémités : cisplatine, doxorubicine, daunorubicine, mitoxantrone ; − atteinte des zones de flexion, des régions palmo-plantaires : ifosfamide, 5-FU, tegafur, bléomycine, doxorubicine ; − atteinte en plaques pigmentées éparses : cisplatine ; − localisation sur les zones de traumatisme ou de friction (site d’application d’électrodes d’ECG, pansements occlusifs...) : cyclophosphamide, 5-FU, ifosfamide, BCNU topique, cisplatine, thiotepa, hydroxyurée, bléomycine, docetaxel ; − atteintes serpigineuses surmontant les trajets veineux des zones de perfusion : fotémustine, 5-FU, vinorelbine, cisplatine, docetaxel, polychimiothérapie associant aracytine, asparaginase, cis-mercaptopurine et cyclophosphamide ; − atteintes réticulées : 5-FU ; − atteintes flagellées : 5-FU, bléomycine (fig. 71.6), peut être liée au prurit survenant lors de l’utilisation de cette dernière avec apparition de lésions pigmentées postinflammatoires(66) ; − avec photosensibilité : doxorubicine, 5-FU ; − atteintes des plis : polychimiothérapie par ifosfamide, cisplatine et étoposide. De même, les phanères, et notamment les ongles, voire les muqueuses, peuvent être touchés par ces lésions hyperpigmentées, avec parfois des aspects un peu particuliers telles les dyschromies du gland (tegafur), de la langue et de la muqueuse orale (5-FU, doxorubicine, cisplatine, hydroxyu-

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Fig. 71.6 Pigmentation flagellée de l’épaule au cours du traitement par la bléomycine

Principales manifestations cliniques 71-5

Fig. 71.7 Placards inflammatoires des jambes et des pieds à type de pseudo-fasciite de Schulmann au cours d’un syndrome sclérodermiforme induit par la gemcitabine. La régression de l’inflammation s’accompagnera d’une sclérose cutanée profonde rée), ou des cheveux (cisplatine, méthotrexate). Une hyperpigmentation des ongles a été observée avec une grande variété d’agents cytotoxiques, tels le cisplatine, la doxorubicine, l’idarubicine, le 5-FU, la bléomycine, le docitaxel, la dacarbazine, l’hydroxyurée, avec des profils variables en fonction des molécules en cause (pigmentation en bandes longitudinales ou transverses, diffuses, coexistant parfois avec des zones de leuchonychies, voire avec une onycholyse, notamment avec les taxanes). Sur le plan évolutif, l’hyperpigmentation s’atténue habituellement, au moins partiellement, après interruption du traitement cytotoxique, mais des lésions peuvent en fait persister pendant longtemps, notamment les lésions flagellées induites par la bléomycine. Dans certains cas, les lésions sont définitives. Syndrome sclérodermiforme induit Un certain nombre de publications isolées ont rapporté l’apparition de lésions cutanées de type syndrome sclérodermiforme (au sens large du terme) avec ou sans inflammation profonde préalable. Cet effet indésirable semble en fait rare et inclut diverses entités cliniques. − Syndrome sclérodermiforme des extrémités des membres avec une phase inflammatoire initiale ressemblant cliniquement à une fasciite à éosinophiles de Schulmann et évoluant secondairement vers des lésions fibreuses plus ou moins importantes, parfois engainantes. L’aspect histologique est peu spécifique avec un infiltrat inflammatoire de l’hypoderme, voire du fascia, puis une évolution vers une fibrose profonde avec notamment un épaississement des fascias. Cet effet indésirable a été observé avec les taxanes (paclitaxel) ¹⁵ et la gemcitabine ¹⁶ (fig. 71.7). On peut en rapprocher un tableau de pseudo-cellulite des membres inférieurs liée au raltitrexed qui représente peut-être une forme abortive de ce type de complication ¹⁷. − Sclérodermie systémique type syndrome de CREST, morphées multiples ou acrosclérose associé à la bléo-

Érythème acral ¹⁹-²² L’érythème acral des chimiothérapies ou érythrodysesthésie palmo-plantaire (syndrome pieds-mains) ou érythème de Burgdorf a été décrit pour la première fois en 1974. Son incidence est difficile à déterminer puisque la plupart des observations publiées apparaissent comme des cas isolés ou de petites séries, mais il est possible que son incidence réelle soit en fait sous-évaluée, la plupart des cas n’étant pas publiés. L’aspect clinique est assez stéréotypé quel que soit l’agent inducteur avec les prodromes de type dysesthésie ou sensation de chatouillements des paumes et les plantes suivis de l’apparition en quelques jours d’un érythème rouge vif (ou orangé avec les taxanes) accompagné d’un œdème bien délimité, prédominant aux paumes et aux plantes (fig. 71.8). Il s’y associe des sensations de brûlures. Les mains sont en général plus touchées que les pieds et peuvent être atteintes de façon isolée. Les lésions peuvent être limitées aux régions en regard des articulations, voire se résumer à un érythème périunguéal. Plus rarement, les éléments érythémato-œdémateux débordent les extrémités et peuvent atteindre d’autres régions de téguments. Dans certains cas, les lésions peuvent devenir bulleuses, notamment avec certains agents inducteurs tels que la cytarabine, le méthotrexate, le 5-FU ou la doxorubicine (fig. 71.9). En cas de prolongation de l’exposition à la molécule responsable, l’érythème s’aggrave, devient violacé, s’étend et les douleurs s’accentuent. En revanche, l’arrêt du traitement responsable est suivi d’une atténuation graduelle des symptômes sur une période de deux semaines environ avec souvent une desquamation superficielle terminale. Parfois, les lésions évoluent vers des séquelles de type kératodermie palmo-plantaire ou dysesthésies prolongées. L’érythème acral semble être dose-dépendant, apparaissant en fonction du pic de concentration sérique, mais aussi de la dose cumulative totale. Il apparaît plus rapidement en

Coll. D. Bessis

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mycine (seule ou en association à la radiothérapie) ¹⁸ et au tegafur, prodrogue du 5-FU. − Fibrose réticulée des membres soumis à une thermochimiothérapie par perfusion d’un membre par un alkylan, notamment le melfalan.

Fig. 71.8 Érythème œdémateux et inflammatoire palmaire compliquant un traitement cytostatique par cytarabine

Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales

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71-6

Fig. 71.9 Érythème œdémateux et bulleux plantaire compliquant une chimiothérapie par méthotrexate à fortes doses cas de perfusion brève, mais peut également survenir lors de traitement au long cours. La réexposition à l’agent inducteur utilisé selon les mêmes modalités aboutit en général à une récidive des lésions, qui n’est toutefois pas systématique. Sur le plan histologique, il s’agit à l’évidence d’une réaction cytotoxique directe affectant les kératinocytes avec des lésions de nécroses épidermiques accompagnées le plus souvent d’un infiltrat inflammatoire du derme prenant parfois l’aspect d’une dermite inflammatoire d’interface. En dehors de cet infiltrat, le derme est le siège d’une dilatation vasculaire souvent intense d’un œdème papillaire, parfois d’une atteinte des glandes eccrines qui peut être de type syringométaplasie eccrine épidermoïde. La physiopathologie exacte de l’érythème acral n’est pas connue de façon précise, mais un effet toxique direct de ou des molécules en cause dirigé avant tout contre les cellules épidermiques est l’hypothèse actuellement retenue par la plupart des auteurs, notamment en raison du caractère dose-dépendant de cette complication. En revanche, sa limitation ou au moins sa prédominance sur les régions palmo-plantaires n’a pas reçu d’explication bien convaincante, mais peut être liée à des facteurs locaux (épaisseur importante de la couche cornée, gradient de température, anatomie vasculaire, renouvellement épidermique particulièrement rapide, absence de folicule pilosébacés, concentration importante en glandes eccrines). Le diagnostic différentiel ne pose en général que peu de

problèmes en raison du caractère assez évocateur des lésions cliniques. Toutefois, quelques difficultés peuvent être rencontrées avec la réaction aiguë du greffon contre l’hôte (GVH) chez les patients transplantés médullaires, d’autant plus que les deux complications peuvent apparaître simultanément. Toutefois, l’atteinte palmo-plantaire peut différer dans les réactions du greffon contre l’hôte et l’aspect clinique est un petit peu différent avec un érythème maculopapuleux, en général sans la sensation de brûlures intenses rencontrées au cours de l’érythème acral. Toutefois, la GVH peut être localisée uniquement aux paumes et aux plantes ; il s’agit alors de situation assez difficile d’autant plus que l’aspect histologique est assez similaire. Il est toutefois important de distinguer les deux entités qui nécessitent un traitement bien différent d’autant plus que la ciclosporine qui est un des traitements de la GVH a aggravé certains cas d’érythème acral des chimiothérapies. Les molécules en cause sont très diverses, avant tout représentées par le 5-FU et ses analogues (capécitabine, tegafur), la cytarabine, la doxorubicine, liposomale ou non, et le docitaxel. Il n’existe en général pas de lien précis entre une molécule et un tableau clinique particulier, même si l’érythème acral lié à la cytarabine semble particulièrement intense avec notamment un tableau général fébrile, la possibilité d’un œdème facial, voire d’un exanthème maculopapuleux plus étendu associé à des lésions palmo-plantaires particulièrement sévères. Sur le plan thérapeutique, les lésions peuvent être prévenues lors de cures suivantes, par une prémédication, par la prednisolone orale (1 mg/kg/j) ou par la dexaméthasone (8 mg toutes les 12 heures), 24 heures avant l’administration de la molécule impliquée, traitement à poursuivre dans les 3 à 5 jours qui suivent la chimiothérapie. La vitamine B6 (pyridoxine) a également été proposée pour prévenir cet accident à la dose de 100 à 300 mg/j. Le traitement curatif des lésions constituées est nettement plus décevant, et fait appel aux mesures symptomatiques locales (corticoïdes locaux, émollients, compresses imbibées de sérum physiologique refroidi) et générales (antalgiques, pyridoxine, corticoïdes). Finalement, c’est la réduction posologique de la molécule en cause et/ou l’allongement des intervalles séparant les cures, voire le retrait pur et simple de la drogue qui est probablement le traitement le plus efficace. Interactions avec les rayonnements électro-magnétiques Un certain nombre de molécules cytotoxiques sont responsables d’une photosensibilisation, en général par une réaction phototoxique ²³. Les molécules en cause sont très diverses, incluant notamment la dacarbazine, la doxorubicine, 5-FU, l’hydroxyurée, la procarbazine, le tegafur, la thioguanine, la vinblastine, la fotémustine et les taxanes ²⁴ (fig. 71.10). Le méthotrexate entraîne plutôt un phénomène de rappel qu’une vraie réaction phototoxique ²⁵. Ces réactions phototoxiques peuvent être particulièrement sévères avec apparition de bulles sur les régions photoexposées suivies parfois par une hyperpigmentation postinflammatoire résiduelle. Le diagnostic est en général aisé cliniquement, mais peut faire appel dans les cas douteux à

Principales manifestations cliniques 71-7

Fig. 71.10 Érythème photodistribué (réaction phototoxique) du visage, du décolleté et des membres supérieurs au cours d’un traitement cytostatique par docetaxel

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de la molécule inductrice, mais là encore cette évolution n’est pas systématique, et le phénomène de rappel n’est donc pas une contre-indication définitive à la poursuite du traitement. Le mécanisme physiopathologique de cette curieuse réaction est inconnu et pourrait notamment impliquer une altération des cellules souches cutanées par les irradiations antérieures avec notamment apparition de mutations radio-induites rendant les cellules souches « intolérantes » à l’agression supplémentaire que constitue la chimiothérapie. Les agents inducteurs de ce phénomène de rappel sont très divers : bléomycine, anthracycline, taxane, cytarabine, 5-FU, mercaptopurine, méthotrexate, agents alkylants, alcaloïdes de la pervenche, hydroxyurée. Dans la plupart des cas, les lésions inflammatoires disparaissent spontanément après un traitement local souvent limité à une corticothérapie topique. En revanche, il est difficile de prévenir l’apparition de cette réaction. En dehors de ces phénomènes de rappel de chronologie très particulière, un certain nombre d’agents cytostatiques accroissent les complications cutanées de la radiothérapie et apparaissent donc comme des radiosensibilisants ²⁹. Ces agents responsables sont essentiellement la bléomycine, les anthracyclines, le 5-FU, l’hydroxyurée, la cis-mercaptopurine, le cisplatine et le méthotrexate. Cette radiosensibilisation dépend de la chronologie relative des deux traitements et est maximale si la chimiothérapie et la radiothérapie sont réalisées conjointement ou dans un intervalle n’excédant pas une semaine environ. Cliniquement, il s’agit en général d’une exacerbation de la radiodermite habituelle avec érythème intense, sensations de brûlures, œdème, apparition de bulles, voire nécroses et ulcérations. Ces lésions sont en principe localisées au champ d’irradiation, mais peuvent s’étendre au-delà des limites de ce dernier et disparaissent souvent en laissant des séquelles pigmentaires, hyper ou hypopigmentées. Il peut s’agir d’un effet simplement additif ou d’une authentique synergie entre la toxicité chimio-induite et radio-induite

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une exploration photobiologique avec détermination de la dose érythémale minimale. Une réaction de type photoallergique a été décrite avec le tegafur, molécule utilisée dans le traitement du cancer de la prostate. Il s’agit alors d’un érythème papulo-vésiculeux ou desquamatif survenant de façon retardée, plusieurs mois après l’initiation du traitement. La photo-onycholyse est un cas particulier de phototoxicité, la tablette unguéale jouant le rôle de loupe et concentrant apparemment les rayons ultra-violets sur le lit de l’ongle. Les lésions peuvent se présenter sous la forme de flammèches hémorragique, sous-unguéale, pouvant confluer et aboutir au décollement de l’ongle par la collection hématique (fig. 71.11). Une hyperpigmentation résiduelle est souvent observée. Cet effet indésirable est notamment rapporté avec les taxanes et la mercaptopurine. Le phénomène de rappel définit la réactivation d’un érythème solaire antérieur ou l’apparition de lésions inflammatoires sur une zone précédemment irradiée, lors de l’utilisation d’une molécule cytotoxique ²⁶-²⁸. Ce type de phénomène a été particulièrement rapporté pour le méthotrexate en ce qui concerne la réactivation d’un érythème solaire, à condition que l’exposition solaire déclenchante ait lieu dans les trois jours qui précèdent l’administration du cytostatique ²⁵. Le phénomène de rappel après irradiation par des rayonnements ionisants est très différent puisque celle-ci a pu avoir lieu plusieurs mois ou plusieurs années avant l’administration de l’agent inducteur. En général, cette irradiation préalable a été elle-même à l’origine d’une réaction inflammatoire locale, plus ou moins intense, mais ceci n’est pas absolument obligatoire. Les lésions inflammatoires récidivent parfois à chaque ré-introduction

Fig. 71.11 Hémorragies sous-unguéales confluentes à l’origine d’un décollement des tablettes des ongles des doigts au cours d’un traitement par taxotère

Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales qui peut s’expliquer par des cibles cellulaires communes, le deuxième agent cytotoxique empêchant la réparation des lésions induites par le premier traitement. Le traitement est en général limité à des mesures symptomatiques et à une photoprotection à long terme. Troubles vasomoteurs Il s’agit d’une complication assez fréquente des traitements cytostatiques, de deux types principaux : − vasospasme responsable d’un livedo, d’un phénomène de Raynaud, voire de nécroses distales. Cette complication est notamment liée à l’utilisation de la bléomycine ou du cisplatine. La fréquence de cette complication est mal connue. Dans certains cas, le recours à une sympathectomie thoracique a été rendue nécessaire ; − vasodilatation se traduisant par des phénomènes d’érythrose et/ou de bouffées vasomotrices, notamment de l’extrémité céphalique ³⁰. Cet effet indésirable peut également être rencontré avec la bléomycine, le cisplatine, mais aussi l’asparaginase, la dacarbazine, les taxanes, le 5-FU, la doxorubicine, le cyclophosphamide, la carmustine et le flutamide. Il peut s’agir d’une interaction directe avec des fibres musculaires lisses des parois artériolaires ou d’un impact sur le système nerveux autonome. Dans le cas d’un mécanisme neuro-végétatif, les bouffées vasomotrices s’accompagnent souvent d’une hypersudation paroxystique. Effets secondaires locaux des agents cytotoxiques L’utilisation des veines périphériques pour l’administration des agents cytotoxiques expose à un certain nombre d’accidents qui peuvent être liés à la toxicité directe du produit sur les parois veineuses, mais également à l’extravasation de la molécule dans les tissus environnants entraînant des phénomènes de nécroses parfois difficiles à contrôler ³¹. La toxicité veineuse peut se manifester par des phénomènes douloureux locaux avec inflammation des parois veineuses et apparition d’un cordon dur, inflammatoire, douloureux, s’étendant sur plusieurs centimètres en amont et en aval à partir du point de perfusion. Cette inflammation peut se compliquer d’une thrombose veineuse locale. Dans certains cas se développent de curieux phénomènes d’inflammation, puis de pigmentation des zones cutanées situées en regard du réseau veineux drainant le point de perfusion (fig. 71.12), notamment avec les taxanes et le 5-FU ³². Cette pigmentation peut ensuite persister pendant plusieurs mois. L’extravasation des agents cytotoxiques en raison d’une effraction veineuse est un accident non exceptionnel quand la perfusion utilise les veines périphériques, notamment des membres, mais est devenue beaucoup plus rare depuis l’utilisation des chambres implantables reliées par un cathéter à une veine profonde. Les conséquences dépendent de la quantité, de la concentration et du type d’agents cytostatiques utilisés ³³. Ainsi, cette extravasation peut être suivie d’un simple effet local irritant avec apparition d’une inflammation périvasculaire n’évoluant pas vers la nécrose mais pouvant laisser des séquelles hyper pigmentées et/ou

scléreuses. En revanche, d’autres molécules telles les anthracyclines, les alkylants, les alcaloïdes de la pervenche, le 5-FU, la mitoxantrone, les taxanes, sont nettement plus agressives et ont souvent des effets vésicants sur les tissus périphériques avec une action nécrosante prolongée. Dans ce dernier cas, une inflammation, parfois retardée, apparaît, suivie souvent d’une nécrose évoluant vers une ulcération torpide n’ayant que très peu tendance à cicatriser et nécessitant assez souvent un geste chirurgical de couverture. Des séquelles trophiques sont également possibles avec sclérose locale importante engainant les vaisseaux et les nerfs, dystrophie sympathique avec causalgie résiduelle, contractures, ankylose articulaire. Une surinfection sous forme de cellulite évoluant à bas bruit peut également apparaître, particulièrement dangereuse car peu symptomatique. Le principal traitement de ces complications par extravasation est préventif et l’utilisation des cathéters implantables doit être généralisée autant que possible ³⁴. Si une extravasation est suspectée, la perfusion doit être immédiatement interrompue et le cathéter intraveineux retiré après aspiration. La zone suspecte peut être surélevée, et des applications de poche froide ou chaude a été conseillée, en fonction des produits, soit pour diluer la molécule, soit pour éviter sa dissémination par une vasoconstriction induite par le froid (mais les effets nécrosants des alcaloïdes de la pervenche sont renforcés par le froid). Un certain nombre d’antidotes ont été proposés, notamment le DMSO pour les anthracyclines, la hyaluronidase pour les alcaloïdes de la pervenche et l’étoposide et les injections locales de thiosulfate de sodium pour la dacarbazine et le cisplatine ³⁵. Toutefois, l’utilisation de ces antidotes reste assez empirique et n’a pas fait l’objet d’études contrôlées de même que l’emploi de la corticothérapie générale censée limiter les phénomènes inflammatoires locaux. Le traitement des nécroses constituées reste en fait surtout chirurgical, avec exérèse des zones nécrotiques mais également inflammatoires dont l’évolution vers la nécrose est très probable et ceci après délai variable (et d’ailleurs controversé) en fonction du produit en cause. Certains auteurs préconisent en effet une intervention rapide avant l’apparition d’une ulcération mais la plupart privilégie une attitude conservatrice.

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Fig. 71.12

Pigmentation linéaire supraveineuse après perfusion de 5-FU

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Principales manifestations cliniques 71-9

Fig. 71.13 Œdème inflammatoire et érosions confluentes orales au cours d’un traitement cytostatique par méthotrexate Mucites ³⁶-³⁹ L’apparition d’une mucite, notamment de la muqueuse orale, est un effet secondaire fréquent et souvent limitant de l’utilisation des cytostatiques. Elle représente une source d’inconfort majeur ainsi qu’une porte d’entrée infectieuse importante chez ces malades fragilisés par leur maladie et l’effet immuno-suppresseur du traitement. L’atteinte de la muqueuse buccale peut concerner jusqu’à 40 % des patients recevant un traitement cytostatique, notamment si celui-ci comporte de la bléomycine, des taxanes, des anthracyclines, ou des antimétabolites (méthotrexate, 5-FU). Le mécanisme physiopathologique est représenté avant tout par un effet cytotoxique direct du traitement sur les cellules épithéliales muqueuses, particulièrement exposées en raison de leur forte activité mitotique. L’immunosuppression induite par les cytostatiques peut également intervenir par le biais d’hémorragies et d’infections, mais cet effet est alors plus tardif, apparaissant souvent au nadir cytopénique situé entre le dixième et le quinzième jour après le début du traitement alors que l’effet toxique direct apparaît dans les jours qui suivent la chimiothérapie. Les infections en cause sont plutôt bactériennes, notamment à bacilles à Gram négatif, mais peuvent également impliquer le Candida albicans ou, plus rarement, d’autres espèces fungiques, voire des virus, en particulier du groupe herpès. Un  G-CSF granulocyte-colony stimulating factor

certain nombre de facteurs favorisent l’apparition de ces lésions muqueuses : une radiothérapie précessive ou simultanée, la présence d’une hémopathie maligne, l’âge (moins de 20 ans), une mauvaise hygiène bucco-dentaire et une insuffisance d’excrétion des cytotoxiques pour des raisons rénales et/ou hépatiques avec augmentation des concentrations sériques. Enfin, il est possible que la neutropénie elle-même joue un rôle par des mécanismes pour l’instant inconnus, par analogie aux lésions buccales aphtoïdes observées au cours de la neutropénie cyclique idiopathique. L’aspect clinique est peu spécifique avec un œdème inflammatoire de la muqueuse rapidement associé à des ulcérations plus ou moins confluentes (fig. 71.13), à l’origine de douleurs, notamment de brûlures accompagnées d’une xérostomie. En principe, les lésions disparaissent spontanément sans cicatrice, en deux à trois semaines, si le traitement n’est pas repris entre-temps. Sur le plan thérapeutique, un certain nombre de mesures préventives peuvent être proposées : hygiène buccodentaire rigoureuse, bains de bouche, notamment avec des liquides glacés (prévention de la mucite induite par le 5-FU ou le melfalan) ; un certain nombre d’autres traitements ont été proposés, mais aucun n’a fait l’objet d’une étude contrôlée. Le traitement curatif ne peut être que symptomatique avec là encore une bonne hygiène bucco-dentaire, l’utilisation des anesthésiques de contact, et d’agents barrières, notamment le sucralfate, l’hydroxyde d’aluminium et de magnésium, et un traitement antalgique général permettant d’éviter la dénutrition. Toute infection doit être vigoureusement combattue après obtention des preuves microbiologiques indispensables car il peut s’agir de la porte d’entrée d’une infection générale potentiellement très dangereuse chez ces patients souvent sévèrement immunodéprimés. Enfin, la correction de la neutropénie par le GCSF peut avoir un effet favorable, et un traitement préventif utilisant cette molécule peut être indiqué dans les cas sévères. Effets secondaires divers Inflammation des kératoses actiniques et/ou séborrhéiques Cette réaction a été décrite notamment avec le 5-FU et ses précurseurs, tel que le tégafur, mais également, quoique de façon moins fréquente, avec la doxorubicine, le cisplatine, les alcaloïdes de la pervenche, la cytarabine (kératose séborrhéique) et la fludarabine (carcinome épidermoïde) ⁴⁰-⁴². Cette inflammation, souvent brutale, concerne des lésions déjà existantes, kératoses actiniques et/ou séborrhéiques, voire des carcinomes épidermoïdes préexistants, et revèle parfois des éléments passés jusque là inaperçus et touche avant tout les zones photo-exposées. Elle apparaît souvent dans la semaine qui suit le traitement, disparaît progressivement et reste souvent auto-limitée. Un traitement symptomatique par corticoïdes locaux est en général suffisant. L’arrêt de la molécule responsable n’est pas nécessaire en raison du caractère auto-limité de la réaction et de l’impact parfois favorable sur la lésion initiale qui peut ensuite disparaître. Syndrome de récupération lymphocytaire Cette mani-

Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales

Fig. 71.14 Érythème atrophique et squameux du dos de la main, prédominant en regard des surfaces articulaires : pseudodermatomyosite induite par l’hydroxyurée festation est liée à l’augmentation rapide du taux de lymphocytes sanguins après le nadir et apparaît souvent au point le plus précoce de cette récupération lymphocytaire. Sa survenue, en général dans les 5 à 21 jours après l’initiation du traitement, serait liée à l’apparition de propriétés particulières sur ces lymphocytes qui proviennent d’une régénération médullaire particulièrement active. L’aspect clinique est assez polymorphe et trompeur, fait de macules, papules, plaques érythémateuses, voire eczématiformes, prurigineuses, évoluant parfois vers une véritable érythrodermie, accompagnée d’un contexte fébrile ⁴³. Ces lésions disparaissent très souvent spontanément et n’ont pas de gravité particulière. Elles peuvent prêter à confusion avec des réactions médicamenteuses d’hypersensibilité, et surtout avec une réaction aiguë du greffon contre l’hôte, d’autant plus que l’aspect histologique est tout à fait superposable : infiltrats lymphocytaires du derme superficiel, exocytose de lymphocytes isolés dans l’épiderme et apparition de quelques nécroses kératinocytaires parfois au contact des lymphocytes épidermiques avec des images de satellitose ⁴⁴. Aucun produit particulier n’a été associé avec cette réaction qui apparaît plus au cours des hémopathies malignes qu’avec les tumeurs solides. L’utilisation de certaines cytokines, telles que le GM-CSF et l’interleukine 3 augmente l’incidence de ce type de réaction. Pseudodermatomyosite Cet effet secondairement électivement rapporté avec l’hydroxyurée touche avec prédilection le dos des mains sous forme de papules rosées en bande sur les faces d’extension des articulations (fig. 71.14), parfois accompagnées de lésions poïkilodermiques à distance ⁴⁵. Il peut s’associer à un certain nombre d’autres complications particulières, telles qu’une xérose collodionnée, des kératoses actiniques photo-distribuées, des carcinomes basocellulaires ou épidermoïdes photo-distribués, des érosions muqueuses chroniques aphtoïdes et des lésions hyperkératosiques parfois érosives des mains. Des ulcères de jambe torpides, douloureux, notamment maléolaires,  GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor

Coll. D. Bessis

Coll. D. Bessis

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Fig. 71.15 Ulcération maléolaire externe de jambe, torpide, à bordure érythémateuse induite par l’hydroxyurée n’ayant aucune tendance à cicatriser, peuvent apparaître au bout de trois ou quatre ans de traitement continu par hydroxyurée (fig. 71.15), notamment au cours du traitement d’hémopathies malignes telles que la maladie de Vaquez ⁴⁶. La seule thérapeutique efficace est alors l’interruption du traitement cytostatique et son remplacement par une autre molécule. Syndrome de fuite capillaire Il se caractérise par un œdème sous-cutané, un subœdème pulmonaire, une hypoalbuminémie, une hypotension artérielle, voire un collapsus et a été rapporté avec l’utilisation des taxanes et, à un moindre degré, de la gemcitabine. Il s’agit probablement d’une interaction directe de la molécule avec les parois vasculaires. Une prévention est systématique pour les taxanes, associant corticoïdes systémiques, et antihistaminiques de type anti-H1 et anti-H2. Réactions d’hypersensibilité médicamenteuse Peu spécifiques, elles peuvent être notées avec les cytostatiques se présentant sous la forme d’un rash maculo-papuleux accompagné éventuellement d’autres manifestations de type anaphylactique quand le mécanisme d’hypersensibilité est IgE-dépendant ⁴⁷. Ces réactions sont toutefois assez rares, sauf pour le paclitaxel, la L-asparaginase et la mitomycine. La plupart des réactions sont de type I avec exanthème urticarien, prurit, angio-œdème, mais d’autres présentations cliniques sont possibles, telles qu’un érythème polymorphe, une nécrose épithéliale toxique, une vascularite cutanée ou un exanthème maculo-papuleux, probablement liés à une hypersensibilité retardée. Les agents cytotoxiques utilisés par voie topique peuvent être responsables de dermites de contact, particulièrement fréquentes avec la caryolysine puisqu’elle peut atteindre jusqu’à 40 % des patients, ce qui représente une limitation non négligeable à l’utilisation de ce produit dans les lymphomes cutanés épidermotropes. Toutefois, des stratégies de désensibilisation ont été préconisées dans ce cas ⁴⁸.

Médicaments responsables 71-11 Chlorambucil Il peut provoquer alopécie (rare), hidradénite neutrophilique eccrine, érythème facial et œdème périorbitaire.

Coll. Pr B. Guillot, Montpellier

Cisplatine L’alopécie est assez rare, mais on peut observer quelques cas d’hyperpigmentation notamment sur les zones de friction, de phénomène de Raynaud ou de bouffées vasomotrices. En revanche les réactions d’hypersensibilité sont plus fréquentes.

Fig. 71.16 Lésions érythémato-squameuses et atrophiques de type lupique du visage induites par le 5-FU Réactions diverses Plusieurs cas de lupus induits par des agents anticancéreux ont été rapportés (fig. 71.16), associé au tégafur, au 5-FU, aux taxanes et à l’emploi de l’antiangiogène COL-3 ⁴⁹,⁵⁰. Un cas de plaques érythrodysesthésiques fixes (lésions cliniques intriquées d’érythème acral et d’érythème pigmenté fixe) a été décrit avec le docetaxel ⁵¹.

Médicaments responsables

Cladribine (2-CdA) Quelques effets indésirables rares ont été rapportés : inflammation de kératoses actiniques, stomatites, thrombophlébites. Cyclophosphamide et ifosfamide L’alopécie est l’effet indésirable essentiel ; les autres complications sont beaucoup plus rares : érythème acral, onychodystrophies, hypermélanoses, carcinomes cutanés après des traitements prolongés, éruptions acnéiformes. Cytarabine (ARA-C) Elle peut être à l’origine de phénomènes de rappel, de syringométaplasie mucineuse, d’hidradénites neutrophiliques eccrines, d’érythèmes acraux particulièrement sévères, d’inflammation des kératoses séborrhéiques, d’anomalies unguéales et d’un exanthème maculo-papuleux entrant parfois dans le cadre d’un « syndrome d’hypersensibilité » apparaissant au cours des 24 premières heures de traitement.

Anthracyclines (doxorubicine ou adriamycine) Les accidents cutanéo-muqueux les plus fréquents sont l’alopécie souvent diffuse et totale, les troubles pigmentaires, les onychodystrophies, l’érythème acral, les stomatites, les réactions urticariennes notamment aux points d’injection, les phénomènes de rappel ; les accidents d’extravasation sont générateurs de lésions nécrotiques particulièrement importantes, étendues et douloureuses.

Étoposide (VP 16) Elle peut entraîner des réactions d’hypersensibilité, des phénomènes de rappel, des acnés induites et de rares alopécies.

Bléomycine Les effets indésirables sont nombreux et fréquents : alopécie, pigmentation cutanéo-unguéale notamment « flagellée », stomatites, sclérodactylie, phénomène de Raynaud voire nécroses distales, érythème acral, aggravation des lésions de radiodermite qui peuvent prendre un aspect sclérodermiforme, phénomène de rappel, nodules indurés, hidradénite neutrophilique eccrine.

5-Fluoro-uracile (5-FU), capécitabine et tégafur Le 5-Fluoro-uracile est à l’origine de nombreux effets secondaires : inflammation de kératoses, érythème acral, photo- et radiosensibilisation, hyperpigmentation notamment des ongles et onychodystrophies. Ses prodrogues, le Tégafur-Uracile et la capécitabine ont été mis en cause dans des syndromes sclérodermiformes (tégafur), des (photo)onycholyses, des cas de photosensibilisation voire de photoallergie, de granulomes pyogéniques périunguéaux multiples (capécitabine) et de lupus chronique induit (tégafur et 5-FU).

Busulfan Les effets secondaires sont rares : alopécie, hypermélanoses, anhydrose. Camptotécine (Irinotécan) Elle peut être à l’origine de rashs inflammatoires peu spécifiques mais assez fréquents (10 % des cas), de lésions muqueuses et d’alopécie.

Fludarabine (FLU) Elle peut être responsable d’inflammation de kératoses, et de rares cas d’alopécie.

Gemcitabine Cette molécule est surtout à l’origine d’œdèmes périphériques (9 %) et d’exanthèmes maculeux transitoires, parfois d’érythrodysesthésies fixes (voir taxanes). Plus exceptionnellement, un syndrome sclérodermiforme des membres

Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales inférieurs et une réaction pseudolymphomateuse cutanée ont été décrites. Hydroxyurée (HU) Cet antinéoplasique majeur peut être responsable de complications cutanées multiples lors des traitements au long cours (35 %) peu spécifiques, notamment alopécie, épisodes de flush, dystrophies unguéales, stomatites, hyperpigmentations cutanées ou unguéales, éruptions lichénoïdes et érythèmes acraux, mais aussi plus particulières avec inflammation de kératoses actiniques (fig. 71.17), aspect de pseudo-ichtyose atrophique et collodionnée (fig. 71.18), lésions de type pseudodermatomyosite des faces dorsales des mains (pseudopapules de Gottron), ulcères de jambe souvent très douloureux et sans aucune tendance à la guérison, apparition de kératoses photodistribuées pouvant évoluer vers des carcinomes basocellulaires ou épidermoïdes, lésions aphtoïdes buccales et peut-être quelques cas de lupus induits avec photosensibilisation. L-asparaginase (L-ASP) Cette molécule peut donner lieu à des pigmentations sur les trajets des veines où sont réalisées les perfusions, des vasodilatations parfois paroxystiques, des exanthèmes maculopapuleux, entrant là aussi parfois dans le cadre de réactions d’hypersensibilité.

Méthotrexate La mucite est le principal effet indésirable, parfois sévère et imposant l’arrêt du traitement. Les autres effets secondaires sont rares : alopécie, troubles de la pigmentation cutanée ou des cheveux (signe du drapeau), phénomène de rappel, érythème acral parfois bulleux, réactions anaphylactiques, vascularite leucocytoclasique, pseudolymphome cutané, pseudonécrose épithéliale toxique. Mitomycine C Elle peut aggraver les effets des radiations ionisantes et entraîner des lésions eczématiformes des extrémités, probablement de nature allergique « vraie » lors des instillations intravésicales. Nitroso-urées (BCNU, CCNU, fotémustine) Ces agents sont à l’origine de bouffées vasomotrices, d’alopécies, d’hypermélanoses et de nécroses aux points d’injection. Taxanes (paclitaxel, docetaxel) Les effets secondaires cutanés ont une incidence esti-

Méchloréthamine Elle peut entraîner alopécie, dermite de contact avec ou sans hyperpigmentation en cas d’usage topique, exanthème urticarien dans le cadre d’un syndrome d’hypersensibilité. Melphalan Les effets indésirables sont rares, souvent limités à une alopécie.

Fig. 71.17 Inflammation de kératoses actiniques du front au cours d’un traitement par hydroxyurée

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Mercaptopurine (6-MU) La toxicité cutanée est assez rare, marquée par des lésions orales érosives, une hyperpigmentation, un phénomène de rappel, des anomalies unguéales et un érythème acral.

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71-12

Fig. 71.18 Pseudo-ichtyose atrophique et collodionnée du flanc au cours d’un traitement au long cours par hydroxyurée

Références 71-13

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pigmenté fixe a été décrit sous la dénomination d’érythrodysesthésie fixe. Il se développe 1 à 14 jours après l’introduction des taxanes, parfo f is dès la première introduction et récidive inconstamment lors de la reprise du traitement. La survenue de syndromes sclérodermifo f rmes des extrémités (pseudosclérodermie systémique) et de lupus érythémateux subaigus a également été rapportée.

Fig. 71.19 Onychomadèse et onycholyse distale compliquant un traitement cytostatique par taxotère mée à près de 80 %, marqués par une toxicité unguéale dans 40 % des cas. Cette dernière est de sévérité variable et le plus souvent réversible à l’arrêt du traitement : onycholyse hémorragique, coloration orangée de la tablette, hyperkératose sous-unguéale, lignes de Beau et paronychies pouvant évoluer vers des abcès sous-unguéaux (fig. 71.19). Si l’érythème acral (syndrome mains-pieds) est classique, un tableau clinique associant érythème acral et érythème

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Thiotépa Cette molécule peut être responsable d’alopécie, d’hypermélanoses, d’œdèmes orbitaires mais ces effe ff ts indésirables sont rarement rapportés. Topotecan Cette molécule est le plus souvent responsable d’exanthèmes peu sévères, exceptionnellement d’hidradénite neutrophilique eccrine et d’une éruption fixe de type cellulitelike. Vinca-alcaloïdes (vindésine, vinorelbine, vincristine, vinblastine) Ces agents peuvent entraîner une alopécie fréquente mais reversible, des phénomènes de rappel, des photosensibilisations, des nécroses en cas d’extrav a asation, des modifications unguéales, des thrombophlébites, des stomatites, des érythèmes acraux et des pigmentations sur le traj a et des veines en cas de perfusion périphérique.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D, Guillot B, Dereure O. Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 71.1-71.14.

72

Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses

Didier Bessis, Olivier Dereure, Bernard Guillot Cytokines, inhibiteurs des récepteurs à l’EGF et anticorps monoclonaux 72-1 Interférons 72-1 Interleukine 2 (IL-2) 72-7 Facteurs de croissance hématopoïétiques : G-CSF, GM-CSF 72-8 Nouvelles molécules anticancéreuses 72-9

Cytokines, inhibiteurs des récepteurs à l’EGF et anticorps monoclonaux Interférons Les interférons (IFN) sont des glycoprotéines appartenant au groupe des cytokines et dotés de propriétés antivirales, antitumorales et immunomodulatrices. Leur production par génie génétique, sous la forme d’interférons recombinants, hautement purifiés, a permis leur utilisation thérapeutique au cours de diverses pathologies tumorales, infectieuses et dysimmunitaires. Ils se divisent en trois classes alpha, béta et gamma. L’interféron alpha (IFN-α) est commercialisé sous la forme α-2a et α-2b et les principales indications thérapeutiques sont les hépatites virales B ou C chroniques actives, la leucémie à tricholeucocytes, la leucémie myéloïde chronique, le lymphome cutané T, le lymphome folliculaire non hodgkinien, la maladie de Kaposi au cours du SIDA, le cancer du rein et le mélanome de stade II. Une formulation pégylée par combinaison d’IFN-α-2b et de polyéthylène-glycol est disponible pour le traitement de l’hépatite virale chronique C (HCV), classiquement en association avec la ribavirine. Les avantages majeurs de cette dernière formulation sont un allongement de la demi-vie d’élimination permettant une seule injection par semaine et l’obtention de taux plasmatiques élevés et stables de la molécule. L’interféron béta (IFN-β) est utilisé sous la forme β-1a au cours du traitement de la sclérose en plaques. L’interféron gamma (IFN-γ) est utilisé sous la forme γ-1b dans le traitement de la granulomatose septique familiale et de l’ostéopétrose maligne.

Inhibiteurs du récepteur à l’Epidermal Growth Factor 72-10 Autres inhibiteurs de tyrosine-kinase 72-13 Inhibiteur des protéasomes 72-15 Références 72-16

L’utilisation de plus en plus large de l’IFN-α au cours de l’infection chronique à HCV et du mélanome a donné lieu à un nombre considérable de publications concernant ses effets secondaires dermatologiques ¹,². La majeure partie des effets cutanés indésirables liés aux IFN ont été rapportés liés à la forme alpha. Ils représentent globalement 5 à 12 % de l’ensemble des effets secondaires. Ils peuvent être regroupés en réactions cutanées locales, survenant exclusivement ou initialement aux sites d’injection, et générales avec, parmi ces dernières, l’induction ou l’aggravation de maladies cutanées ou systémiques (tableau 72.1). Réactions cutanées locales aux sites d’injection Érythème, induration, sclérose, nodules et bulles Les réactions cutanées locales communément observées aux sites d’injection sous-cutanée ou intramusculaire des IFN sont un érythème et une induration de survenue précoce, quelques heures après l’injection (fig. 72.1). Elles sont présentes dans 65 à 80 % des cas après injection d’IFN-β et entre 5 à 12 % avec l’IFN-α. Transitoires, elles n’ont pas de conséquence clinique ou thérapeutique particulière. La survenue de plaques rouge orangé, surélevées, à bordure mal limitée, d’une infiltration sous-cutanée étendue, d’une sclérose cutanée, de nodules sensibles est rare. Chacune de ces lésions peut persister plusieurs semaines ou mois. Une histologie de type lupique-like associant des dépôts dermiques de mucine, un infiltrat lymphocytaire dermique dense à tropisme folliculaire et des altérations vacuolaires basales a été décrite ³. Dans tous les cas il convient d’être vigilant devant un érythème persistant et sensible qui peut constituer le premier signe cutané d’une nécrose au site d’injection.

 G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor · IFN interféron · IL interleukine

72-2

Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses Tableau 72.1 Effets secondaires dermatologiques des traitements par interféron Réactions générales

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Alopécie (10-30 %) Prurit (10 %) Rash cutané, urticaire (5-8 %) Réactivation herpès (5 %) Sécheresse cutanée Eczéma Hypertrichose ciliaire Télangiectasies Phénomène de Raynaud Acrocyanose Livedo

Induction, aggravation de maladies cutanées ou auto-immunes Psoriasis Lichen plan Vitiligo Pemphigus/pemphigoïde Lupus érythémateux systémique Sarcoïdose

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Réactions cutanées locales au site d’injection Érythème persistant Induration et sclérose cutanée Bulles Eczéma, allergie de contact Alopécie Nécrose cutanée et ulcération Vascularite Abcès

Fig. 72.2 Macules eczématiformes de l’abdomen situées en regard des sites d’injection de l’interféron alpha

Eczéma L’induction de lésions d’eczéma aux sites d’injection de l’IFN-α (fig. 72.2) au cours du traitement de l’hépatite chronique C a été documentée ⁴. Le délai d’apparition est retardé de 4 jours à 6 mois. Les lésions sont rythmées par les injections et peuvent se diffuser vers d’autres sites. Elles s’estompent à l’arrêt du traitement, mais une régression spontanée en 2 semaines malgré sa poursuite peut s’observer. Elles sont facilement contrôlées par un traitement par dermocorticoïdes. La possibilité d’une allergie de contact est peu probable. La survenue une observation isolée d’hypersensibilité retardée à type d’eczéma de contact au point d’injection d’IFN-α au cours du traitement d’une leucémie à tricholeucocytes, 48 heures après chaque injection, a été confirmée par la positivité du patch-test ⁵. Dans tous les cas, la recherche d’une allergie de contact, non seulement pour l’interféron lui-même (patch-tests, prick-tests, intradermoréactions), mais aussi pour les antiseptiques utilisés (batterie européenne standard et orientée), est utile en particulier lors d’une diffusion des lésions à distance. Dépilation La survenue de plaques de dépilation strictement localisées aux sites d’injection d’IFN-α-2b au cours du traitement d’une hépatite chronique C a été décrite ⁶. Cette réaction, caractérisée par une perte de poils en plaques mal limitée (fig. 72.3), asymptomatique, est survenue entre 3 à 7 mois après le début du traitement et a été complè-

tement réversible 7 à 11 mois après l’arrêt du traitement. La présence histologique d’un infiltrat lymphocytaire périet intrafolliculaire laisse supposer la production locale de cytokines pro-inflammatoires induite par l’IFN. Nécroses et ulcérations ⁷ La survenue de nécroses et d’ulcérations aux sites d’injection de l’IFN est un effet secondaire rare mais classique (plus d’une cinquantaine de cas publiés). Le risque est estimé entre 1,5 à 20 % au cours du traitement de la sclérose en plaques par l’IFN-β. Aucune observation

 IFN interféron

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Fig. 72.1 Macules érythémateuses abdominales aux sites d’injection de l’interféron alpha

Fig. 72.3

Dépilation abdominale au site d’injection de l’interféron alpha

Cytokines, inhibiteurs des récepteurs à l’EGF et anticorps monoclonaux

 IFN interféron

sur l’observation de recommandations simples : réaliser un bon apprentissage des auto-injections, en variant autant que possible les sites d’injection ; être vigilant devant un érythème persistant et sensible, premier signe cutané précédent la nécrose ; éviter toute injection au niveau d’une lésion cutanée avant sa guérison complète ; rechercher un facteur de thrombophilie congénital tel qu’un déficit en antithrombine III, protéine C, protéine S, résistance à la protéine C activée, ou acquis (syndrome des antiphospholipides) ; supprimer autant que possible tout traitement médicamenteux altérant la microcirculation cutanée (β-bloqueur, dihydroergotamine...). La poursuite des injections d’interféron à distance du site de nécrose est possible dans la plupart des cas. Elle se complique parfois de nouvelles nécroses cutanées aux points d’injection imposant alors l’arrêt définitif du traitement.

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liée à l’IFN-γ seul n’a été mentionnée jusqu’à présent dans la littérature. Ces nécroses cutanées surviennent sans prédominance d’âge ou de sexe, que le mode d’injection soit sous-cutané ou intramusculaire. Elles sont rapportées le plus souvent au niveau de la paroi abdominale et des faces antérieures des cuisses, mais peuvent être notées aussi au niveau des triceps ou des deltoïdes. Parmi les diverses affections traitées (maladie de Kaposi au cours du SIDA, hépatite virale C, leucémie à tricholeucocytes, leucémie myéloïde chronique, carcinome rénal ou sclérose en plaques), aucune n’est préférentiellement associée à la survenue de nécroses cutanées. Le délai d’apparition est le plus souvent de deux à trois mois après l’instauration du traitement, mais peut varier de quelques semaines à plusieurs années. Il n’est habituellement pas corrélé à la dose ou au rythme d’administration. La symptomatologie survient en moyenne 1 à 2 jours après l’injection, parfois jusqu’à plus d’un mois. La présentation clinique est stéréotypée, quel que soit le type d’IFN incriminé ou la pathologie sous-jacente. La lésion débute au site d’injection par une macule ou un nodule érythémateux ou orangé, sensible, qui devient nécrotique en quelques jours. La nécrose, d’extension progressive, est constituée d’une plaque noire escarrotique sèche, de contours irréguliers anguleux et bien limités (fig. 72.4). La taille de l’ulcération varie de quelques millimètres à 10 cm. La bordure de l’ulcération est constituée par une large plaque inflammatoire, infiltrée à la palpation, mal limitée, parfois livédoïde ou scléro-atrophique. Son ablation met en évidence une ulcération atone. Les lésions peuvent être multiples. L’évolution sous traitement se fait vers une guérison lente en plusieurs mois, laissant place à une cicatrice atrophique et hyperpigmentée. Une observation de carcinome épidermoïde sur le site d’une ulcération cutanée après injection d’IFN-β a été décrite sans qu’une relation de causalité ait cependant été établie ⁸. L’histologie cutanée réalisée en bordure de l’ulcération met en évidence un infiltrat lymphocytaire, histiocytaire et neutrophilique du derme superficiel et profond, parfois associé à une panniculite lobulaire. La présence de thromboses des veinules du derme profond et de l’hypoderme peut être notée sur des biopsies profondes du centre de l’ulcération, sans vasculite associée. Une surinfection bactérienne à Staphylococcus aureus ou Pseudomonas aeruginosa est rarement notée. Le traitement est médical associant une antibiothérapie locale et générale pour prévenir un risque infectieux et l’application de pansements hydrocolloïdes pour hâter la cicatrisation. Le recours à la chirurgie par débridement, excision suivie de suture directe ou de greffe est parfois nécessaire. Plusieurs mécanismes physiopathogéniques ont été proposés : révélation d’un état procoagulant latent tel qu’un déficit congénital en antithrombine III, une hyperagrégabilité plaquettaire ; effet vasospastique local par toxicité directe de l’IFN sur l’endothélium vasculaire, favorisé par une augmentation de la concentration locale en IFN lors de répétition des injections au niveau du même site ; injection intra-artériolaire accidentelle ; hypersensibilité retardée ; phénomène d’Arthus (type III). Le traitement préventif d’une récidive repose

Fig. 72.4

Nécrose cutanée sur le site d’injection de l’interféron alpha

Vasculite La survenue de vasculite au site d’injection d’IFN-α recombinant a été rapporté, au cours du traitement de l’hépatite chronique C avec un délai de survenue variant de 3 à 6 semaines après le début du traitement. Les lésions cutanées à type de papules purpuriques ou non débutaient au point d’injection puis diffusaient secondairement à distance ⁹. Dans un cas, la présence d’une cryoglobulinémie associée pouvait constituer un facteur favorisant. Aucune complication viscérale n’était associée. L’arrêt définitif de l’IFN et une corticothérapie générale courte permettait l’amendement des signes cutanés. Abcès cutané profond La survenue de complications infectieuses locales au site d’injection à type d’infection dermohypodermique (fig. 72.5) est peu mentionnée dans la littérature. Une observation d’abcès sous-cutané isolé à Mycobacterium avium-intracellulare au site d’injection d’interféron chez une malade souffrant d’un lymphome a été décrite. Réactions générales Elles sont majoritairement rapportées au cours du traitement de l’hépatite chronique C par l’association IFN-α-ribavirine, mais peuvent également s’observer lors de monothérapie par IFN-α à faibles doses au cours du mélanome ¹⁰. Éruption eczématiforme diffuse Elle survient généralement après 2 à 3 mois de traitement. Il s’agit de plaques érythémato-squameuses souvent numullaires, prurigineuses

72-3

Fig. 72.5 Infection dermo-hypodermique survenue après injection d’interféron alpha au cours du traitement du mélanome et prédominant sur les membres, parfois photodistribuées ¹¹. Un phénomène de Meyerson périnævique peut être observé (fig. 72.6) ¹². Les lésions ont souvent tendance à diffuser et à se chroniciser pouvant conduire à l’arrêt du traitement antiviral. Sa fréquence est difficile à apprécier car ce type d’éruption n’est pas individualisé au sein des « rash » dans les études cliniques. Le traitement repose sur l’application de dermocorticoïdes et la prise d’antihistaminiques. Troubles des phanères L’alopécie est l’effet secondaire le plus fréquent avec une incidence variant de 10 à 50 % des cas au cours du traitement par IFN-α ¹⁰,¹³. Le mécanisme incriminé est le plus souvent un effluvium télogène, débutant 2 à 6 mois après l’instauration du traitement et pouvant régresser spontanément malgré la poursuite du traitement. Il ne semble pas exister d’effet dose-dépendant. La cause exacte est inconnue, mais la survenue d’une alopécie sous IFN doit conduire à rechercher une dysthyroïdie induite. La survenue de pelade, universelle ou non, a été rapportée après l’intauration d’un traitement par IFN-α surtout sous forme pégylée, en monothérapie (mélanome) ou as IFN interféron

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Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses

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Fig. 72.6 Réaction eczématiforme diffuse et périnævique du dos au cours du traitement par interféron alpha et ribavirine socié à la ribavirine au cours du traitement de l’hépatite chronique virale C (fig. 72.7). Une repousse quasi complète et spontanée des cheveux était notée quelques mois après l’arrêt du traitement. La survenue d’une dépigmentation et d’un grisonnement des cheveux, cils, sourcils au cours du traitement par IFN-α d’un mélanome cutané métastatique a été décrit en détail dans une observation ¹⁴. Cette réaction survenait 6 mois après le début du traitement et régressait 6 semaines après l’arrêt, marquée par une repousse des cheveux avec leur couleur d’origine. Elle est peut-être sous-estimée et notée dans 18 % des cas d’une série de 33 patients ¹⁰. Une modification de la synthèse de phaeomélanine par l’IFN a été évoquée mais non démontrée. La possibilité d’un défrisement de cheveux bouclés ou crépus (fig. 72.8) est un effet secondaire fréquent et réversible, probablement sous-estimé au cours du traitement associant l’IFN-α pégylé ou non et associé à la ribavirine au cours du traitement de l’hépatite chronique virale C ¹⁵. La survenue d’une hypertrichose des cils (fig. 72.9) et des sourcils induite par l’IFN-α est rare, débutant 4 à 6 mois après l’initiation du traitement et régressant environ 6 mois après l’arrêt ¹⁶. Acrosyndromes et livedo Un phénomène de Raynaud induit par l’IFN-α a été rapporté avec une fréquence variable

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Cytokines, inhibiteurs des récepteurs à l’EGF et anticorps monoclonaux

Pelade induite par l’association interféron pegylé alpha et

entre 1 et 52 % au cours d’études rétrospectives ¹⁷. Cette réaction survenait sans prédominance d’âge ou de sexe, que le mode d’injection soit sous-cutané ou intramusculaire. Elle est mentionnée avec prédilection au cours du traitement de la leucémie myéloïde chronique. Le délai d’apparition était variable, de quelques semaines à plusieurs années et la réversibilité habituelle en quelques semaines ¹⁸. Des complications à type de troubles trophiques, de nécroses digitales sévères étaient rarement associées ¹⁹. L’atteinte était parfois réversible sans arrêt de l’interféron ni modification posologique par simple adjonction d’un inhibiteur calcique. Plusieurs mécanismes pathogéniques étaient invoqués : révélation d’un état procoagulant, hypercoagulabilité induite, production d’anticorps anticardiolipides, toxicité directe de l’IFN sur l’endothélium vasculaire. La survenue d’une acrocyanose au cours du traitement par interféron α-2a a été décrite ²⁰. L’apparition était retardée entre 2 à 5 mois après le début du traitement et réversible à l’arrêt. La reprise du traitement entraînait une récidive 2 mois plus tard. Le livedo réticulé diffus (fig. 72.10) est un effet secondaire cutané fréquent de l’IFN-α bien que rarement mentionné, rapidement réversible à l’arrêt ¹⁰. Autres réactions cutanées L’exacerbation d’un herpès labial est mentionnée dans 5 % des cas d’une série de 1 300 malades traité par IFN-α-2a recombinant au cours de pathologies cancéreuses (tumeurs solides, hémopathies). La survenue de télangiectasies punctiformes au cours du traitement du mélanome cutané par interféron α-2a à fortes  IFN interféron

A

B

Fig. 72.8 Défrisement de cheveux (A) physiologiquement bouclés (B) au cours du traitement de l’hépatite chronique virale C combiné par interféron alpha et ribavirine

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Fig. 72.7 ribavirine

72-5

Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses

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72-6

Hypertrichose ciliaire induite par l’interféron alpha

doses est rapportée dans 41 % des cas d’une série de 44 patients ²¹. Le délai de survenue variait de 4 à 8 mois après le début du traitement. Les télangiectasies de taille variable (3-8 mm), multiples, siégaient avec prédilection sur le tronc et sur les extrémités. Déclenchement ou exacerbation de maladies cutanées ou systémiques De nombreuses affections dysimmunitaires ont été décrites liées au traitement par IFN, induites ou aggravées. Elles sont essentiellement thyroïdiennes (hypothyroïdie, maladie de Basedow, production d’autoanticorps antithyroïdiens) et hépatiques (induction ou aggravation d’une hépatite auto-immune) ²²,²³. Le déclenchement ou l’exacerbation de maladies cutanées dites autoimmunes ou de manifestations cutanées de maladies systémiques fait l’objet de nombreuses publications ponctuelles plus ou moins documentées et d’interprétation parfois discutable. Le caractère induit n’est pas toujours aisé à prouver dans la mesure où l’affection auto-immune une fois apparue peut évoluer de façon autonome de nombreux mois, voire années, malgré l’arrêt de l’IFN. D’autre part, les affections traitées telles que l’hépatite virale chronique C peuvent elles-mêmes être responsables ou associées avec prédilection à des maladies dites à caractère auto-immun (lichen plan, vasculites...). Psoriasis Une trentaine d’observations de psoriasis induits ou aggravés (80 %) par les IFN-α, β ou γ sont recensés dans la littérature ²⁴,²⁵. Il n’existe pas de prédominance d’âge, mais le sexe masculin est touché avec prédilection. Les doses et les rythmes d’administration sont variables, mais la posologie est la plupart du temps supérieure à 3 MU, 3 fois par semaine, le plus souvent au cours du traitement d’affections malignes. Le délai d’apparition est plus long chez les patients jusqu’alors indemnes de cette affection, 5 mois en moyenne, que ceux ayant des antécédents connus de psoriasis (2 semaines). Diverses formes de psoriasis ont été décrites : vulgaire, pustuleux, éythrodermique, avec atteinte rhumatismale. Les lésions psoriasiques débutent le plus souvent aux sites d’injection, peut-être favorisées par une réaction isomorphique de Köebner, puis s’étendent ultérieurement aux localisations habituelles de psoriasis. Le traitement est symptomatique et a pu faire appel à l’acitrétine, malgré le risque potentiel de toxicité hépatique. L’ar IFN interféron · IL interleukine

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Fig. 72.9

Fig. 72.10 alpha

Livedo réticulé du membre inférieur induit par l’interféron

rêt de l’IFN permet une amélioration constante en quelques semaines avec des rémissions parfois complètes. La réintroduction de l’IFN s’accompagne presque constamment d’une rechute. Les mécanismes physiopathogéniques incriminés restent hypothétiques : induction directe ou indirecte (par le biais de sécrétion d’IL-1) d’une hyperprolifération kératinocytaire ; activation des lymphocytes T helper par expression des antigènes majeurs d’histocompatibilité... Lichen plan Le déclenchement ou l’exacerbation d’un lichen plan au cours du traitement par IFN-α a été rapporté avec une prévalence variant de 0,12 à 2,5 % au cours du traitement de l’infection chronique à HCV ²⁶,²⁷. La possibilité d’une association infection HCV-lichen plan révélée par l’IFN-α n’est pas exclue. Paradoxalement, des observations de rémission de lichen plan au cours du traitement par IFN-α d’une infection chronique à HCV ont été rapportées ²⁸. Les lésions lichéniennes apparaissaient dans un délai variable de 1 semaine à 8 mois après le début du traite-

Cytokines, inhibiteurs des récepteurs à l’EGF et anticorps monoclonaux

Fig. 72.11 Lichen érosif labial (A) et jugual (B) induit par l’interféron béta au cours du traitement d’une sclérose en plaques

B

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A

ment. Les lésions muqueuses orales étaient constamment présentes, leucoplasiques réticulées et érosives (fig. 72.11) ²⁹. Une atteinte oculaire ou génitale était parfois associée ³⁰. Dans la majorité des observations rapportées, la sévérité des érosions orales imposait l’arrêt du traitement permettant une régression spontanée des symptômes ou avec corticothérapie générale en moins d’un mois. La réintroduction du traitement pouvait s’accompagner d’une récidive. Le mécanisme physiopathogénique reste mal compris : épidermotropisme des lymphocytes T par l’induction de production d’IFN-γ, expression d’antigènes kératinocytaires HLA-DR... Maladies bulleuses auto-immunes La survenue de maladies  IFN interféron · IL interleukine

bulleuses auto-immunes au cours de traitement par IFN-α ou β a été rapportée de façon exceptionnelle, à type de pemphigus ou de pemphigoïde/pemphigus ³¹. In vivo, de faibles doses d’IFN-α sur une durée inférieure à 6 mois peuvent induire la production d’auto-anticorps de type IgG dirigés contre divers antigènes épidermiques (dont la desmogléine-1) suggérant le rôle causal de l’IFN-α ³². Vitiligo La survenue d’un vitiligo au cours du traitement par IFN-α et -γ de mélanome cutané métastatique et de l’infection virale chronique à HCV a été rarement mentionnée. Le délai d’apparition était de 1 à 2 mois après l’instauration du traitement. Une régression progressive des lésions étaient notées à l’arrêt du traitement. Dans certains, la possibilité d’une association spontanée vitiligo/mélanome (jusqu’à 4 %) n’était pas exclue ³³. Sarcoïdose systémique ³⁴,³⁵ Plus d’une trentaine d’observations de sarcoïdose systémique, essentiellement pulmonaires et cutanées, induites par l’IFN, ont été rapportées. Elles étaient majoritairement liées à la forme α pégylée ou non, en monothérapie ou associée à la ribavirine, au cours du traitement de l’hépatite chronique virale C, plus rarement à la forme β. L’atteinte cutanée à type de papules, de nodules était présente dans plus de la moitié des cas, sensiblement supérieure à la prévalence habituelle de l’atteinte cutanée au cours de cette affection (20-35 %). Le développement de sarcoïdes sur cicatrices est également décrit (fig. 72.12). Le délai moyen d’apparition variait de 15 jours à 18 mois, avec de fortes disparités liées à des présentations cliniques atypiques (absence de signes cutanés ou respiratoires patents). Un effet dose était parfois constaté. L’hétérogénéité des critères de guérison ou d’amélioration utilisés par les différents auteurs (diminution progressive des doses, interruption du traitement, administration de corticoïdes) ne permet pas de dégager une durée d’évolution pour l’ensemble des observations rapportées. De nombreuses hypothèses physiopathogéniques ont été invoquées : modification du profil sécrétoire des lymphocytes Th2 au profit des Th1 ; augmentation de l’activité macrophagique ; augmentation de l’expression des antigènes HLA de classe 1 et 2. Lupus érythémateux systémique Le déclenchement de lupus érythémateux systémique par IFN a été décrit dans une dizaine d’observations, avec des délais d’apparition variant de 1 mois à 3 ans ³⁶. Les lésions cutanées étaient notées dans plus d’un cas sur deux, à type de lupus aigu du visage, de photosensibilité, d’alopécie, d’érosions muqueuses buccales. L’aggravation sévère de lésions cutanées lupiques a été également noté. L’arrêt de l’IFN et une corticothérapie générale permettait l’amendement des lésions. Dans un cas, la réintroduction de l’IFN entraînait une récidive des symptômes. Interleukine 2 (IL-2) ¹,³⁷,³⁸ Principal facteur d’activation des lymphocytes T et tueurs, l’IL-2 est utilisé dans de nombreux cancers solides (rein, ovaire, mélanome, etc.). Sa toxicité générale est liée principalement au risque parfois gravissime de syndrome de fuite capillaire (76-100 %) lors des administrations intra-

72-7

72-8

Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses Tableau 72.2 Effets secondaires dermatologiques liés aux traitements par interleukine 2

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Réactions générales Syndrome de fuite capillaire (76-100 %) Alopécie (20-30 %) Prurit Xérose Purpura pétéchial Œdème de Quincke Érythrodermie Mucite, chéilite, glossite Maladies bulleuses (pseudo nécrolyse épidermique toxique) Érythème noueux

Induction, aggravation de maladies cutanées ou auto-immunes Psoriasis Pemphigus Dermatose à IgA linéaire Vitiligo Dermatomyosite

veineuses (tableau 72.2). Il se caractérise sur le plan cutané par un œdème diffus associé à un érythème maculeux fébrile accompagné de prurit ou de sensations de brûlures (fig. 72.13). Il débute le plus souvent sur le visage 24 à 72 heures après le début du traitement. Il s’efface 48 heures après l’arrêt du produit, suivi d’une desquamation plus tardive, notamment en doigt de gants, analogue à celle de la scarlatine et du syndrome de choc toxique. Cette éruption est en fait souvent modérée, mais certains patients développent des tableaux plus graves avec érythrodermie, bulles et nécroses. Plus rarement ont été notées des maladies bulleuses pouvant ressembler à une nécrolyse épidermique toxique ou entrer dans le cadre d’un pemphigus vulgaire ou d’une dermatose à IgA linéaire. Des sepsis au niveau des orifices de pénétration des cathéters centraux, révélés par une desquamation périorificielle, ont pu être notés. Un prurit isolé est fréquent. Des stomatites aphtoïdes, des mucites, des glossites ont été rapportées de façon non exceptionnelle. Plus rarement sont signalés des effluviums télogènes, des bouffées vasomotrices, des érosions cutanées multiples, un cas d’érythème noueux, des érythrodermies. Les observations de maladies cutanées auto-immunes ou « apparentées » sont rares malgré l’effet immunostimulant très puissant de la molécule : vitiligo, notamment autour des métastases cutanées de mélanome, alors de bon augure concernant la réponse tumorale, pemphigus vulgaire, exacerbation d’un psoriasis, dermatose à IgA linéaire et dermatomyosite. Enfin, signalons que 25 % des patients recevant l’IL-2 par voie artérielle ont une hypersensibilité lors des injections d’iode pour des raisons encore obscures. Facteurs de croissance hématopoïétiques : G-CSF, GM-CSF Les facteurs de croissance hématopoïétiques permettent de corriger de façon efficace les neutropénies induites par les cytotoxiques : G-CSF (« Granulocyte-Colony Stimulating

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Fig. 72.12 Modifications inflammatoires de cicatrices anciennes des pieds révélant une sarcoïdose cutanée induite par l’IFN alpha

Fig. 72.13 Érythème et œdème diffus développé dans les 24 heures après injection d’interleukine 2 dans le cadre du traitement d’un carcinome rénal métastatique Factor ») pour les polynucléaires neutrophiles et GM-CSF (« Granulocyte Macrophage-Colony Stimulating Factor ») pour le précurseur commun des macrophages et des polynucléaires. Ils autorisent ainsi l’emploi de doses plus importantes et donc plus efficaces dans le traitement des hémopa-

 G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor · IFN interféron · IL interleukine

Nouvelles molécules anticancéreuses 72-9 Effets secondaires dermatologiques liés aux facteurs de croissance hématopoïétiques G-CSF et GM-CSF

Réactions cutanées locales au site d’injection Érythème douloureux Réactions inflammatoires, pustuleuses, nécrotiques (GM-CSF) Dermite lichénoïde (G-CSF)

Réactions générales

Dermatoses neutrophiliques (G-CSF)

Érythème, prurit Folliculite aseptique Alopécie (GM-CSF) Aggravation de psoriasis (G-CSF) Aggravation d’acné (G-CSF) Panniculite thrombosante (G-CSF) Syndrome de fuite capillaire (GM-CSF) Flush Épidermolyse bulleuse acquise (GM-CSF)

thies malignes mais aussi dans certaines tumeurs solides. Leur utilisation permet par ailleurs de stimuler le passage, après chimiothérapie, des cellules souches pluripotentes dans la circulation, cellules qui seront alors recueillies et utilisées comme greffon pour les greffes de cellules hématopoïétiques après intensification thérapeutique. Certaines neutropénies chroniques sont aussi améliorées par ces facteurs, notamment dans les syndromes myélodysplasiques. G-CSF ¹,³⁹ Ces effets secondaires cutanés sont dominés par la possibilité, quoique inhabituelle, de survenue de dermatoses neutrophiliques à type de syndrome de Sweet ⁴⁰, plus rarement à type de pyoderma gangrenosum, de folliculite ou de panniculite neutrophilique (tableau 72.3). Le délai de survenue des lésions cutanées après l’initiation du traitement varie de 3 à 15 jours dans la plupart des cas. L’éruption, constamment fébrile, se caractérise par des plaques, des nodules érythémateux ou des vésiculo-bulles, localisées avec prédilection sur les extrémités, le visage et le cou. Une récidive peut s’observer en cas de réintroduction ultérieure du traitement. Cet effet secondaire s’explique par une probable stimulation des fonctions et du nombre absolu de polynucléaires neutrophiles circulants, combinée avec un syndrome de récupération neutrophilique tel qu’on peut l’observer au début de la sortie d’aplasie dans les hémopathies malignes mais aussi dans certaines myélodysplasies avec neutropénie variable. Les autres réactions cutanées rapportées au G-CSF sont le plus souvent peu sévères : érythème, dermite lichénoïde ou prurit au site d’injection, érythème maculo-papuleux généralisé et transitoire avec histologie granulomateuse caractéristique par la présence d’histiocytes élargis ⁴¹, vasculite nécrosante, exacerbation d’acné ou de psoriasis, thrombophlébite après injection intraveineuse, flush du visage, panniculite thrombosante ⁴², voire exceptionnels cas d’anaphylaxie. GM-CSF ¹,⁴³ Il est responsable d’effets secondaires cutanés fréquents : réactions inflammatoires, pustuleuses ou nécrotiques aux points d’injection (jusqu’à 25 % des cas), rashs généralisés peu spécifiques parfois érythrodermiques, éruptions disséminées faites de papules riches en macrophages, folliculite aseptique, alopécie, flushs, pyoderma gangrenosum bulleux, exacerbations de vascularites (fig. 72.14), syndrome de fuite capillaire, épidermolyse bulleuse acquise séronégative.

Syndrome de Sweet Pyoderma gangrenosum (G-CSF et GM-CSF) Pustulose sous-cornée Hidradénite eccrine Folliculite neutrophilique Panniculite neutrophilique

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Tableau 72.3

Fig. 72.14

Vasculite cutanée induite par le GM-CSF

Nouvelles molécules anticancéreuses Ces dernières années ont été marquées par l’apparition de nouvelles molécules anticancéreuses de mécanisme d’action très différent des chimiothérapies classiques. Ces thérapeutiques dites « ciblées » sont le résultat de progrès considérables dans la connaissance des mécanismes d’oncogenèse. Elles peuvent être schématiquement divisées en deux catégories : 1. les inhibiteurs du signal de transduction qui regroupent les inhibiteurs du récepteur du facteur de croissance épidermique EGF (Epidermal Growth Factor) et les inhibiteurs de tyrosine kinase « multicible » ; 2. les inhibiteurs de protéasome dont le chef de file est le bortézomib. Les tyrosines kinase sont constituées de différentes familles comportant des récepteurs transmembranaires permettant la transmission d’un signal extracellulaire vers l’intérieur de la cellule (par exemple le récepteur tyrosine kinase de l’EGF comme l’EGF-R) et des protéines intracellulaires (tyrosine kinase cytoplasmique). Au cours du processus tumoral, l’activation de tyrosines kinases oncogènes permet le déclenchement du signal de transduction dirigé vers le noyau, responsable de la traduction de divers gènes impliqués dans la prolifération cellulaire, la néoangiogenèse, l’inhibition de l’apoptose et le processus métastatique.

 EGF epidermal growth factor · G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor

72-10 Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses Inhibiteurs du récepteur à l’Epidermal Growth Factor (EGF-R) Le récepteur du facteur de croissance épidermique EGF-R (ou HER1) est une glycoprotéine transmembranaire surexprimée sur de nombreuses cellules tumorales des voies aérodigestives, du poumon (cancer bronchique non à petites cellules), de l’ovaire, du sein et de la vessie. Son inactivation repose sur des anticorps monoclonaux dirigés contre sa portion extracellulaire, notamment le cetuximab (Erbitux), et sur des inhibiteurs enzymatiques de tyrosinekinase qui agissent contre la portion intracellulaire catalytique, comme le gefitinib (Iressa) et l’erlotinib (Tarceva) (fig. 72.15). De nombreuses autres molécules inhibant le récepteur de l’EGF (lapatinib, canertinib) mais également d’autres protéines à activité tyrosine-kinase comme le récepteur ErbB2/HER2 (trastuzumab) sont en cours de développement clinique. Le cetuximab est indiqué dans le traitement de seconde intention des cancers colorectaux métastatiques exprimant l’EGF récepteur en monothérapie ou en combinaison avec l’irinotecan. Le gefitinib et l’erlotinib sont utilisés en monothérapie chez les patients atteints de cancers du poumon non à petites cellules métastatiques ou av a ancés après échec d’une ou plusieurs lignes de chimiof ille de moléthérapie ⁴⁴. D’autres indications pour cette fam cules fon f t actuellement l’objet de protocoles de recherche clinique notamment dans les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou. Les effe ff ts secondaires cutanés des inhibiteurs de l’EGF-R sont observés en moyenne chez deux tiers des malades. Ils sont essentiellement représentés par des réactions papulopustuleuses « acnéiformes », parfois sévères, dont la prise en charge actuelle n’est pas codifiée. T Toutefo f is, des manif tations cutanées plus rares mais également invalidantes fes comme les éruptions eczématifo f rmes ou les paronychies peuvent être observées. En dehors de leur toxicité cutanée, les principaux effe ff ts secondaires de ces produits sont des réactions d’hypersensibilité (5 %) qui doivent être prévenues systématiquement par une prémédication à l’aide d’un antihistaminique anti-H1 et également des conj n onctivites, une dyspnée, des nausées et une asthénie. Anticorps p monoclonal Cetuximab

Éruptions dites acnéifo f rmes Les réactions acnéifo f rmes sont observées dans 50 à 80 % des cas ⁴⁵,⁴⁶. De présentation clinique très stéréotypée, elles se composent de lésions monomorphes papuleuses ou pustuleuses, ffolliculaires, parf is confluentes, sans comédons. Souvent prurigineuses, fo elles se localisent préférentiellement sur les zones séborf iales (fig. 72.16) et la fface antérieure du rhéiques centro-fac thorax (fig. 72.17). Une atteinte de la nuque, de la région rétro-auriculaire, du dos, des épaules et du cuir chevelu est également rapportée. En revanche, l’abdomen et les membres sont rarement touchés (fig. 72.18) et les paumes et les plantes sont constamment respectées. Dans quelques cas, l’aspect clinique de l’éruption peut être trompeur, prenant l’aspect d’une dermatite séborrhéique aavec un érythème papulo-pustuleux des sillons naso-géniens et de la fface antérieure du thorax. Des aspects à type de dermatite périorale ou de dermatose neutrophilique de type Sweet peuvent également être observés. Les éruptions observées a ec le cetuximab semblent parfo av f is plus sévères, donnant un aspect croûteux et hémorragique, notamment au niveau de la pyramide nasale ⁴⁶. Ces lésions surviennent habituellement après la première, voire la deuxième perfus f ion de la molécule. Elles sont exceptionnellement retardées. Leur évolution est touj u ours régressive à l’arrêt du traitement. Une amélioration spontanée, même av a ec la poursuite du traitement, peut être observée de manière non exceptionnelle. Le caractère amicrobien des lésions, en particulier des pustules, est attesté par la négativité répétée des prélèvements bactériologiques. Histologiquement, il existe de f çon quasi constante une fo fa f lliculite neutrophilique sans hyperkératose folliculaire (fig. 72.19) ⁴⁷.

Epidermal pidermal Gr Growth Fac Factor

EG EGF GF EGF GF

REC CEPT PTE TE TE EUR E EGF

RECEPTEUR EPTEU UR U R EGF EG MEMBRAN E

K

K

K

A ATP P

K P

ADP

KERATINISA A ATION

Getinib Erlotinib Imatinib

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VOIES DE SIGNALISATION A

NOYAU Y

Fig. 72.15

CYTOPLASME

Mécanisme d’action des inhibiteurs des EGF-R

 EGF epidermal growth factor

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Inhibiteurs tyrosine kinase

Fig. 72.16 Pustules inflammatoires et hémorragiques (réaction acnéiforme) du visage, prédominante sur les zones séborrhéiques au cours du traitement par cetuximab d’un carcinome colorectal

Fig. 72.17 Atteinte monomorphe pustuleuse (réaction acnéiforme) du dos au cours d’un traitement par cetuximab Tableau 72.4

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Nouvelles molécules anticancéreuses 72-11

Fig. 72.18 Pustules cernées d’un halo inflammatoire de la jambe développées au décours d’un traitement par cetuximab

Grades de toxicité cutanée (NCI-CTC version 3.0 ⁴⁹)

Xérose

Grade 1 Asymptomatique

Ongles

Décoloration, pitting, cannelures

Prurit

Léger ou localisé

Grade 2 Symptomatique sans retentissement sur l’activité quotidienne Chute complète ou partielle de l’ongle, douleur du lit de l’ongle Intense ou diffus

Associé à un prurit ou Éruption, desquamation Éruption maculeuse ou papuleuse sans symptômes d’autres signes. Lésions couvrant moins de 50 % associés de la surface corporelle Éruption acnéiforme

Pas de traitement nécessaire

Traitement nécessaire

Le grade de toxicité des éruptions acnéiformes peut être évalué à partir d’une nouvelle échelle de toxicité (NCI-CTC version 3.0), adaptée aux manifestations dermatologiques de ces drogues, éditée récemment par le National Cancer Institute aux États-Unis (tableau 72.4) ⁴⁸. La physiopathologie de cette éruption est mal connue. Le récepteur à l’EGF est exprimé par les kératinocytes et notamment ceux de la gaine épithéliale externe du follicule pileux. Il participe à la différenciation du follicule. Il est possible que le blocage de ce récepteur par les molécules utilisées induise une désorganisation des kératinocytes infundibulaires à l’origine d’une réaction inflammatoire soit par production de chémokines, soit par fuite du sébum dans le derme. Aucune de ces hypothèses n’est actuellement confirmée. Par ailleurs, il semble que l’état de dimérisation du récepteur à l’EGF avec présence prédominante d’homodimères dans la peau favorise l’expression de cet effet secondaire ⁴⁹. Dans tous les cas, le terme « acnéiforme », communément utilisé pour caractériser cet effet secondaire, est  EGF epidermal growth factor

Grade 3 Avec retentissement sur l’activité quotidienne

Grade 4 —

Grade 5 —

Avec retentissement sur l’activité quotidienne





Avec interférence sur l’activité quotidienne Sévère, érythrodermie généralisée ou éruption maculeuse, papuleuse ou vésiculeuse, desquamation > 50 % surface corporelle Associée à douleur, préjudice esthétique, ulcération ou desquamation





Dermatite exfoliative, ulcérée ou bulleuse généralisée

Décès



Décès

impropre puisqu’il s’agit d’une éruption sans comédon et dont l’histologie est celle d’une folliculite neutrophilique. Le traitement reste empirique et décevant. La possibilité d’amélioration spontanée rend difficile l’appréciation de l’efficacité des thérapeutiques proposées. Les traitements locaux par érythromycine locale ou par peroxyde de benzoyle, prescrits par analogie avec le traitement d’une d’acné inflammatoire, semblent apporter des effets positifs ⁴⁶. La corticothérapie locale est de plus en plus souvent proposée en utilisant un dermocorticoïde de classe II ou III, quotidiennement, 5 jours par semaine pendant 3 à 4 semaines ⁵⁰. Il n’existe cependant pas d’étude de fort niveau de preuves permettant de conclure à l’intérêt de cette thérapeutique. Les traitements généraux ont été proposés par analogie à l’acné. L’utilisation de cyclines et notamment de doxycycline à la dose quotidienne de 100 mg pendant 4 à 8 semaines peut donner des résultats satisfaisants ⁵¹. L’effet préventif d’un traitement par tétracycline sur la survenue de l’éruption est suggéré dans une observation récente ⁵². L’uti-

Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses

Fig. 72.19 Histologie d’une réaction acnéiforme au cetuximab : folliculite neutrophilique lisation d’antihistaminiques anti-H1 pour combattre le prurit est souvent utile chez la plupart des patients. Dans les formes très rebelles, l’isotrétinoïne a été proposé ⁵³. Néanmoins, les effets secondaires potentiels du traitement et notamment le risque d’induction ou d’aggravation d’une sécheresse cutanée semblent peu compatibles avec les autres effets secondaires cutanés des inhibiteurs à l’EGF-R (dermatite eczématiforme, paronychie). En pratique, une toxicité de grade I justifie uniquement l’application d’émollients. Devant une toxicité grade II, un traitement local par peroxyde de benzoyle ou par érythromycine locale semble justifié. En cas de toxicité grade III, et en attendant le résultat d’études prospectives, l’association de cyclines per os à un dermocorticoïde de classe II est nécessaire, même en l’absence de niveau de preuve élevé sur l’intérêt de cette attitude. Malgré la sévérité de l’éruption, il n’y a par contre habituellement pas d’indication à modifier les doses ou à arrêter le traitement par inhibiteur d’EGF-R. Éruption eczématiforme diffuse Elle survient généralement après quelques semaines d’utilisation de produits. Il s’agit de plaques érythémato-squameuses ou vésiculeuses débutant au visage (fig. 72.20) ou sur les membres ⁴⁵. Les lésions ont souvent tendance à diffuser et à se chroniciser, sous forme d’un érythème squameux plus ou moins dif EGF epidermal growth factor

fus. Le prurit est majeur. Il s’y associe fréquemment une pulpite sèche des doigts et des talons, quelquefois invalidante. Sa fréquence est difficile à apprécier car ce type d’éruption n’est pas toujours individualisé dans les études cliniques. Le traitement repose sur l’application de dermocorticoïdes et la prise d’antihistaminiques. Dans certains cas, l’éruption est strictement photo-distribuée, évoquant une photosensibilisation à ce produit. Le traitement est essentiellement préventif reposant sur l’éviction solaire et l’utilisation d’écrans de très haute protection. Xérose cutanée La xérose cutanée, au cours des traitements par inhibiteurs de l’EGF récepteur, est très fréquente, signalée dans 10 à 35 % des cas. Elle touche la peau et les muqueuses. Elle serait plus fréquente chez les sujets âgés, les malades déjà traités par plusieurs lignes de chimiothérapie et chez les malades ayant des antécédents d’atopie ⁵⁴. Elle peut être prévenue par l’utilisation d’émollients et de pains de toilette surgras. L’association à une dermite purpurique réticulée et pustuleuse des jambes est décrite ⁵⁵. Autres signes cutanés Les ongles peuvent être le siège de paronychies (fig. 72.21) qui sont observées dans 10 à 15 % des cas. Il s’agit d’un effet secondaire tardif. Les lésions sont douloureuses. Elles peuvent parfois s’associer à une onycholyse. Des surinfections sont fréquentes, notamment au niveau des pieds. Le traitement par doxycycline semble avoir un effet favorable sur son évolution ⁵⁶. De façon ponctuelle ont été décrites une trichomégalie des cils ⁵⁷, une modification des cheveux (croissance ralentie, aspect fin et cassant), une diminution de la fréquence du rasage, une chute de cheveux modérée, une hypertrichose à duvet du visage (fig. 72.22) ⁴⁵. Des télangiectasies ont été décrites ⁴⁵, localisées essentiellement sur la face, les oreilles et le tronc. Elles sont volontiers associées à l’éruption acnéiforme. Une hyperpigmentation

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Fig. 72.20 Éruption eczématiforme du visage au cours d’un traitement par cetuximab

Nouvelles molécules anticancéreuses 72-13

Fig. 72.21 Paronychie et desquamation de la portion distale des gros orteils induite par le gefitinib

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post-inflammatoire, habituellement photo-aggravée, peut être notée après la résolution de l’éruption acnéiforme. Des lésions muqueuses non spécifiques à type de chéilite, de glossite, voire d’ulcérations aphtoïdes, buccales (fig. 72.23), nasales ⁴⁷,⁵⁸ ou génitales (fig. 72.24) sont également observées, associées ou non à l’éruption acnéiforme. Effets secondaires cutanés et réponse au traitement La

Autres inhibiteurs de tyrosine-kinase Imatinib L’imatinib (Glivec) inhibe l’activité tyrosinekinase du transcrit chimérique de BCR-ABL, du PDGFR-β (platelet-derived growth factor) et de c-KIT (stem cell factor receptor) et est utilisée en première ligne dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique (LMC) et de certaines tumeurs gastro-intestinales malignes. Ses principaux effets secondaires incluent des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée), une asthénie des myalgies et des crampes. Les réactions cutanées sont fréquentes à type d’éruptions cutanées maculo-papuleuses non spécifiques (30-40 % au cours de la LMC) (fig. 72.25), de prurit et d’œdèmes essentiellement périorbitaires (juqu’à 70 % selon les séries). Ces effets secondaires sont le plus souvent limités et de prise en charge aisée. Des réactions plus rares ont également été décrites : photosensibilité, toxidermie lichénoïde, hémorragies sous-unguéales, syringométaplasie eccrine, dermatoses neutrophiliques (syndrome de Sweet, hidradénite neutrophilique eccrine), éruption pityriasis rosé like, troubles pigmentaires (hypo- et hyperpigmentation cutanée, noircissement des cheveux et toxidermies sévères (pustulose exanthématique aiguë généralisée, syndrome de Stevens-Johnson, vasculite purpurique, syndrome DRESS) ⁶⁰,⁶¹. Les toxidermies induites par l’imatinib semblent plus fréquentes et plus sévères en cas d’utilisation de posologie élevée (600 à 800 mg/j), suggérant

Fig. 72.22 Hypertrichose acquise développée au cours d’un traitement par erlotinib  EGF epidermal growth factor · PDGF platelet-derived growth factor

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survenue d’effets secondaires cutanés au cours de traitement par les inhibiteurs du récepteur à l’EGF semble avoir une signification pronostique importante. Dans les études initiales de phase II, il a été montré que les patients qui développaient des lésions cutanées vivaient plus longtemps que ceux qui n’en avaient pas. De plus, des taux de réponses plus élevés et une durée de survie plus longue a été observée en fonction de la sévérité de l’éruption cutanée ⁴⁴,⁵⁹.

Fig. 72.23 Mucite et perlèche inflammatoire au cours d’un traitement par gefitinib

Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses

Coll. Pr B. Guillot, Montpellier

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Fig. 72.24 Ulcérations superficielles vulvaires au cours d’un traitement par gefitinib un effet dose pharmacologique. Dans les cas où l’éruption maculo-papuleuse est non sévère, la poursuite du traitement peut être proposée ou, en cas d’arrêt, une réintroduction de l’imatinib à des doses plus faibles et progressivement croissante associée ou non à une corticothérapie générale (prednisolone per os) ⁶². Sorafenib et sunitinib Le sorafenib et le sunitinib constituent deux nouvelles molécules présentant une activité antiangiogénique et antitumorale, récemment approuvées dans le traitement du cancer du rein. Le sorafenib (Nevaxar) inhibe les activités kinase des protéines RAF (impliquées dans la prolifération cellulaire) et également de plusieurs récepteurs tyrosine kinase impliqués dans l’angiogenèse et la croissance cellulaire tumorale : VEGFR (« vascular endothelial growth factor ») -2 et -3, PDGFR-β, Flt-3 (« FMSlike tyrosine kinase-3 ») et c-KIT. Il a obtenu l’AMM en juillet 2006 dans le traitement du carcinome rénal avancé après un échec d’un traitement à base d’IFN-α ou d’IL-2 ou chez des patients chez lesquels ces traitements sont considérés comme inadaptés. Il fait également l’objet d’évaluations cliniques dans le traitement des carcinomes hépatocellulaires et du mélanome. Le sunitinib (Sutent) inhibe les activités kinase de VEGFR 1, 2 et 3, PDGFR-α et - ?, RET (« rearranged during transfection ») Flt-3 et c-KIT. Il a obtenu l’AMM en 2006 dans le traitement du carcinome rénal avancé après un échec d’un traitement à base d’IFN-α ou d’IL-2 ou chez des patients chez lesquels ces traitements sont considé AMM autorisation de mise sur le marché · IFN interféron · IL interleukine

Fig. 72.25 Éruption eczématiforme de jambe au cours d’un traitement par imatinib rés comme inadaptés et également dans le traitement des tumeurs stromales gastro-intestinales malignes non résécables et/ou métastatiques, après échec d’un traitement par le mésylate d’imatinib dû à une résistance ou à une intolérance. Les effets secondaires cutanés communs au sorafenib et au sunitinib comprennent le syndrome mainpied, les hémorragies sous-unguéales et la xérose cutanée. Le syndrome main-pied est rapporté avec une fréquence de 60 % des patients traités par sorafenib ⁶³ et dans une moindre mesure avec le sunitinib (jusqu’à 20 %). Plusieurs caractéristiques cliniques le distinguent du classique syndrome main-pied ou érythème acral (érythrodysesthésie palmoplantaire) observé au cours de certains traitements cytostatiques : caractère plus ou moins localisé de l’atteinte palmo-plantaire, présence de plaques hyperkératosiques parfois prédominantes et jaunâtres ou de bulles (fig. 72.26), atteinte de zones non pressionnelles des extrémités ou des faces latérales des pieds, voire lésions à distance périanale ⁶⁴,⁶⁵. Les modifications histologiques observées sont peu spécifiques : dégénération vacuolaire confluente des kératinocytes dans le corps muqueux associé à une hyperacanthose, présence de kératinocytes dyskératosiques et de

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Nouvelles molécules anticancéreuses 72-15

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Fig. 72.27 Hémorragies filiformes unguéales au cours d’un traitement par sorafenib

Inhibiteur des protéasomes Le bortézomib (Velcade) est le premier inhibiteur des protéasomes utilisé dans le traitement du myélome multiple réfractaire ou en rechute. Il réduit la prolifération ainsi que la survie des cellules malignes en bloquant leur progression dans le cycle et en régulant négativement l’expression d’inhibiteurs d’apoptose. Il s’agit d’un inhibiteur spécifique réversible d’un seul site catalytique du protéasome, entraînant également une diminution des capacités d’adhésion

Fig. 72.28 sunitinib

Dépigmentation des cils au cours d’un traitement par

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corps hyalins intracytoplasmiques. Le traitement repose sur des topiques kératolytiques en cas d’hyperkératose prédominante et des mesures podologiques préventives. L’application de dermocorticoïdes sur les zones inflammatoires semble efficace. En cas d’atteinte sévère, une réduction posologique ou un arrêt transitoire du traitement est logique ⁶⁶. Les hémorragies sous-unguéales en flammèches sont notées chez 40 à 70 % des patients traités par sorafenib et sunitinib. Elles sont asymptomatiques et plus souvent observées au niveau des doigts que des orteils (fig. 72.27). Elles apparaissent en moyenne durant le premier mois de traitement et régressent le plus souvent spontanément, malgré la poursuite du traitement. De nombreux autres effets secondaires cutanés sont rapportés de façon ponctuelle : alopécie, érythème facial et du scalp sous sorafenib, œdème périorbitaire sous sunitinib, dépigmentation des cheveux parfois en bandes alternées (fig. 72.28) sous sunitinib, kératoacanthomes multiples et nævis éruptifs (fig. 72.29) sous sorafenib.

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Fig. 72.26 Syndrome main-pied survenu au cours d’un traitement par sorafenib : hyperkératose jaunâtre palmoplantaire bordée d’un liseré inflammatoire au niveau plantaire

Fig. 72.29 Nævis éruptifs du visage survenu au cours d’un traitement par sorafenib des cellules myélomateuses, une diminution des capacités de réparation de l’ADN accompagné d’une potentielle restauration de la sensibilité aux agents dégradant l’ADN ainsi qu’un effet antiangiogénique ⁶⁷. Les effets secondaires sont généralement modérés : diarrhée, nausée, asthénie, constipation, thrombopénie et neuropathie périphérique. Les réactions cutanées observées au cours des essais cliniques

72-16 Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses

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sont peu fréquentes (8 à 15 %), le plus souvent mal définies, à type d’éruption maculopapuleuse ou desquamative peu spécifique. Une éruption érythémateuse papuleuse et/ou nodulaire isolée et presque constamment localisée sur le tronc et le cou, plus rarement sur le visage et les membres inférieurs (fig. 72.30) a été décrite ⁶⁸. Elle débutait en moyenne 1 à 2 mois après la première administration du bortezomib et évoluait fa favorablement en 4 à 7 jours grâce à un traitement par corticostéroïdes oraux à ffaibles doses et/ou antihismaniques (anti-H1) ⁶⁹. L’histologie était non spécifique. Des observations ponctuelles de syndrome de Sweet et de vasculite cutanée ⁷⁰ ont également été décrites.

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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D, Dereure O, Guillot B. Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 3 : Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Springer-Verlag France, 2007 : 72.1-72.18.

73

Réactions cutanées induites par les rayonnements ionisants

Pierre Clavere, Annie Bonnafoux-Clavere, Jean-Marie Bonnetblanc Réactions cutanées précoces 73-1 Clinique 73-1 Facteurs de risque 73-2 Physiopathologie 73-2 Thérapeutique 73-2 Prévention 73-2 Traitement des manifestations aiguës 73-3 Réactions cutanées tardives 73-4 Clinique 73-4 Physiopathologie 73-5

’utilisation des rayonnements (photons X, électrons...) est de pratique courante en médecine tant dans le domaine du diagnostic que dans celui de la thérapeutique (radiothérapie, radiologie interventionnelle...). Premier tissu traversé par les rayonnements lors d’une irradiation externe, la peau peut présenter diverses manifestations précoces ou tardives secondaires à la radiothérapie (encadré 73.A). Selon la chronologie d’apparition des effets secondaires radiques par rapport à l’irradiation, on distingue des réactions précoces et tardives ¹. Survenant dans le cours du traitement ou les 6 mois qui suivent, elles sont qualifiées de précoces ; survenant ultérieurement, elles sont reconnues comme tardives.

L

Réactions cutanées précoces Les réactions cutanées (radiodermites) aiguës se manifestant pendant l’irradiation s’associent à celles subaiguës apparaissant dans les 6 mois suivants pour constituer les réactions précoces. Ces manifestations radiques sont par définition limitées au volume irradié. Aucune corrélation entre l’importance des manifestations aiguës et la survenue d’effets tardifs n’a été clairement démontrée. Clinique Elles sont classées en grades afin de rendre plus homogène l’évaluation de cette toxicité. Il est possible de distinguer : − la radiodermite de grade 1. Elle est presque toujours observée lors de la troisième semaine d’irradiation lorsque le traitement est pratiqué selon un schéma ha-

Prévention des effets tardifs 73-5 Traitement des manifestations tardives 73-5 Radiodermites après explorations radiologiques interventionnelles 73-6 Réveil radique (« radiation recall ») 73-7 Dermatoses radio-induites 73-7 Morphées radio-induites 73-8 Pemphigoïde radio-induite 73-8 Syndrome EPPER 73-8 Références 73-8

bituel (1,8 à 2 Gy/fraction – 5 fractions/semaine). Une telle toxicité est caractérisée par un érythème discret ou une desquamation sèche. À ce stade peuvent également être rencontrées une sécheresse cutanée et une dépilation, secondaires à une atteinte des glandes sébacées et des follicules pileux ; − la radiodermite de grade 2. La toxicité cutanée se traduit par un érythème d’intensité moyenne, un œdème modéré, voire une desquamation exsudative par plaques, limitée aux zones de peau fine et aux plis cutanés ; − la radiodermite de grade 3. La desquamation exsudative se présente sous la forme de plaques confluentes d’un diamètre d’au moins 1,5 cm, débordant les territoires précités. Un œdème peut être associé. Ces phénomènes de radiodermite exsudative, non obligatoires, se manifestent lors de la cinquième semaine d’irradiation,

Principales complications cutanées de la radiothérapie Réactions cutanées précoces Réactions cutanées tardives Réveil radique (« radiation recall ») Tumeurs cutanées − malignes : carcinomes épidermoïdes, carcinomes basocellulaires, sarcomes... − bénignes : proliférations vasculaires atypiques Dermatoses débutantes ou induites sur le site d’irradiation

73.A

73-2

Réactions cutanées induites par les rayonnements ionisants à des doses d’environ 40 Gy, et sont secondaires à une mise à nu du derme. Ces lésions suintantes peuvent être douloureuses et secondairement surinfectées ; − la radiodermite de grade 4. Peu observée dans des conditions habituelles de traitement, elle se présente sous la forme d’ulcérations nécrotiques ou de phénomènes hémorragiques spontanés. Facteurs de risque Les réactions cutanées aiguës dépendent de nombreux facteurs, en premier lieu des modalités de l’irradiation. Elles font intervenir : la dose totale, la dose par séance, le fractionnement, la nature et l’énergie du rayonnement (régissant la distribution de dose en profondeur), le volume et le site irradiés ²,³. L’utilisation de bolus augmentant la dose au niveau de la peau majore la toxicité cutanée. L’administration concomitante de certains cytostatiques (anthracyclines, actinomycine D, etc.) majore les phénomènes aigus. La dose par fraction influence davantage les réactions tardives que les réactions aiguës. Des facteurs « physiques » interviennent également. Le creux axillaire, le sillon sous-mammaire, et le périnée sont des localisations particulièrement sensibles. Divers paramètres jouent un rôle lors d’irradiations mammaires ⁴ : l’âge du malade, certains facteurs de comorbidité (par exemple le diabète), la taille du sein, la qualité du curage axillaire, le tabagisme, le statut nutritionnel et l’intégrité initiale du revêtement cutané irradié. Les patients porteurs du VIH présentent une moindre tolérance cutanée et muqueuse à l’irradiation et ce, de façon indépendante du risque infectieux ⁵. De même des facteurs de radiosensibilité encore mal connus interviennent très probablement car les effets secondaires cutanés ne peuvent être expliqués seulement par les modalités de l’irradiation ou les données anatomiques ⁶. La découverte de déficits des mécanismes de réparation de l’ADN caractérisant des maladies congénitales rares va dans ce sens. C’est ainsi que des patients porteurs d’ataxietélangiectasie présentent des complications radiques plus sévères. On peut également citer les malades atteints d’une nævomatose basocellulaire (syndrome de Gorlin), d’anémie de Fanconi, de syndrome de Bloom et de xeroderma pigmentosum. Ceux atteints de sclérodermie, de lupus érythémateux disséminé et peut-être de polyarthrite rhumatoïde pourraient également développer une toxicité sévère, sans qu’aucune explication ne puisse être donnée actuellement. Physiopathologie La létalité cellulaire conditionne l’importance des manifestations cliniques aiguës. Ces dernières seront d’autant plus sévères que le nombre de cellules constituant la peau détruite par le rayonnement sera grand. La mortalité cellulaire résulte de deux phénomènes : la perte du pouvoir de clonogénicité, phénomène passif et différé, et l’apoptose, phénomène actif, entraînant une mort cellulaire rapide. L’état cinétique du tissu irradié, notamment le temps de renouvellement, détermine la rapidité ou la lenteur d’apparition des lésions radio-induites, ces dernières se mani-

festant plus tardivement pour un tissu à renouvellement lent que pour celui à renouvellement rapide. Dans les tissus, l’association de cellules à renouvellement rapide et lent explique la complexité des effets secondaires. L’atteinte des cellules souches (couche basale proliférative de l’épiderme) détermine des effets précoces dont la réparation est rapide et complète. La réparation de l’épiderme apparaît comme étant la résultante de la prolifération des cellules clonogéniques de la couche basale à l’intérieur de la zone irradiée mais également des cellules provenant des berges de la zone traitée notamment lorsque celle-ci est de petite dimension ⁷. L’atteinte des cellules fonctionnelles du derme et des tissus sous-cutanés (tissus parenchymateux, vasculaire, conjonctif) détermine des effets tardifs qui ne seront pas restitués ad integrum. Parallèlement sont observés un infiltrat inflammatoire périvasculaire, une dilatation vasculaire, une grande richesse en cellules épithéliales et un arrêt de la croissance ⁸. Thérapeutique Nous n’envisagerons que la prise en charge « médicamenteuse » des patients traités par radiothérapie. Compte tenu des facteurs de risque précités, le radiothérapeute effectuera le choix du volume à irradier, du type de rayonnement, de son énergie, ainsi que de la façon de délivrer l’irradiation (dose totale, dose par fraction, étalement) lors de la définition de son plan de traitement, avec comme but permanent la plus grande efficacité et la meilleure tolérance possible des divers tissus sains compris dans le volume irradié. La prise en charge des manifestations cutanées varie beaucoup selon les centres. En 1995, Lavery publiait les résultats d’une enquête menée dans quarante-huit unités de radiothérapie au Royaume-Uni ⁹. Le questionnaire portait sur les instructions écrites ayant pour objectif les soins cutanés, en particulier l’usage des topiques locaux lors de la prise en charge de patients présentant une radio-épithélite sèche ou exsudative. Trente-trois centres ont répondu, révélant que 96 % d’entre eux autorisaient le contact avec l’eau pour la toilette et 61 % l’utilisation de savons. Le traitement de la radio-épithélite sèche a souvent fait appel à des topiques divers à visée émolliente (talc, corticoïdes, calamine, aloe vera, proflavine, etc.). Celui de la radio-épithélite humide utilise des colorants ou des antibiotiques locaux : violet de gentiane 63 %, sulfadiazine argentique 20 %, acriflavine 10 %. Les résultats sont très hétérogènes. Zimmermann tire des conclusions identiques à partir d’une enquête réalisée dans 89 centres de radiothérapie en Allemagne : il devient indispensable de rationaliser la prise en charge cutanée des patients traités par radiothérapie ¹⁰. Prévention Règles d’hygiène La prévention des effets aigus passe avant tout par une information exhaustive du patient afin de prévenir toute erreur dans le domaine de l’hygiène corporelle et d’éviter toute automédication qui pourrait s’avérer au mieux inefficace, au pire délétère. Tout sujet traité par radiothérapie doit être informé de la nécessité d’une hygiène rigoureuse, l’obligeant à utiliser des dermonettoyants doux

Réactions cutanées précoces 73-3 (syndets) et à proscrire les topiques irritants, renfermant des parfums, de l’alcool, du phénol ou du menthol. Très récemment encore, dans un grand nombre de centres demeurait la question de la toilette des malades pendant un traitement par radiothérapie : fallait-il l’autoriser ? Deux essais publiés en 1992 et 2001 y répondent. Dans une population de patients irradiés au niveau du sein ou de la paroi thoracique, Campbell a évalué la tolérance cutanée selon que ses patients se lavaient à l’eau et au savon, à l’eau seule ou ne se lavaient pas. Les réactions cutanées étaient moindres chez les patients qui se lavaient, quelles que soient les modalités de lavage ¹¹. À partir d’une population similaire, Roy conclut que le fait de se laver à l’eau et au savon ne majore pas le risque de toxicité cutanée radique ¹². Le fait de pouvoir se laver les cheveux lors d’une irradiation cérébrale est également possible sans pour autant augmenter la sévérité des effets secondaires cutanés radio-induits ¹³. Non seulement les malades peuvent mais doivent avoir une hygiène corporelle pendant leur traitement de radiothérapie. Il faut le leur expliquer afin de combattre les idées reçues. Le port de vêtements confortables n’exerçant aucune contrainte mécanique sur la zone irradiée est important. Il faut prendre soin d’éviter les textiles irritants : synthétiques, nylon, lainages et utiliser une lessive peu détergente, sans assouplisseur de linge. La protection de la peau vis-àvis du soleil doit être parfaite, par conséquent réalisée avec un vêtement adapté. Cependant, ces mesures restent insuffisantes. L’hygiène avec l’indispensable toilette n’est plus à considérer comme le fondement de la thérapeutique des effets secondaires de l’irradiation ¹¹. Prévention médicamenteuse De nombreuses tentatives thérapeutiques ont eu pour but de minimiser ces phénomènes de toxicité cutanée ¹⁴. Les acides gras insaturés ou essentiels, précurseurs des eicosanoïdes, jouent un rôle important dans le respect de la structure membranaire de la cellule, régulant sa fluidité et sa flexibilité. Ils interviennent aussi dans la fonction des protéines membranaires. Ils ont été testés, au cours d’irradiation, sur un modèle animal (le porc) puis humain. Lorsqu’ils sont administrés per os chez le porc, leur rôle protecteur est manifeste uniquement si la prise a lieu pendant l’irradiation et non préalablement à elle ¹⁵,¹⁶. L’huile d’olive en application locale chez le hamster a démontré un effet radioprotecteur ¹⁷. En pratique, des émollients contenant des acides gras essentiels peuvent être appliqués deux fois par jour en évitant leur application dans les trois heures qui précèdent l’irradiation. Ils maintiendront la peau normalement hydratée, donc confortable et sans prurit. Le sucralfate a été utilisé pour ses propriétés anti-inflammatoires et d’activation de la prolifération cellulaire. En 1994, Maiche a réalisé une étude randomisée chez des personnes irradiées pour cancer du sein visant à évaluer ce produit à une concentration de 7 % par rapport à un placebo ¹⁸. L’application de sucralfate s’est montrée plus performante en retardant l’apparition des réactions de grades 1 et 2 (érythème) et en permettant leur régression plus rapidement dès lors qu’elles se sont manifestées. L’acide hyaluronique, principal constituant de la matrice  AMM autorisation de mise sur le marché

extracellulaire du derme, élément important du processus de cicatrisation, a également démontré son efficacité. Il stimule la production de fibrine, l’activité et la mobilité des macrophages et des polynucléaires neutrophiles. De plus, il majore le relargage de facteurs chimiotactiques pour les fibroblastes. À partir d’une population de 134 patients irradiés pour des maladies cancéreuses variées, principalement des cancers de la sphère ORL et du sein, Ligori a montré que l’application biquotidienne d’une crème à base d’acide hyaluronique s’avère plus efficace qu’un placebo en diminuant la sévérité des manifestations aiguës radiques ¹⁹. Le délai de cicatrisation semble également plus court. Les topiques corticoïdes sont fréquemment utilisés. Cependant, leur effet bénéfique reste discutable dans la mesure où ils sont susceptibles de potentialiser ou d’aggraver l’atrophie cutanée, d’induire des troubles de cicatrisation et des hémorragies sous-cutanées. C’est leur puissante action antiinflammatoire qui les a conduits à être utilisés au cours des traitements par radiothérapie. Leur efficacité en termes de prévention n’est cependant pas prouvée et ne peut donc en aucun cas être préconisée de manière systématique ²⁰,²¹. La trolamine (Biafine, Dexeryl, etc.) est largement utilisée de manière empirique. Son efficacité n’est cependant pas démontrée. Fenig ne retrouve aucun avantage à prescrire de la Biafine ou du Lipiderm par rapport à une population témoin ne recevant aucun soin ; l’auteur conclut à l’absence d’activité radioprotectrice de ces molécules ²². L’étude de Fischer confirme également l’absence d’intérêt de la Biafine pour prévenir ou même minimiser les réactions cutanées de la radiothérapie ²³. L’aloe vera est extrait d’un cactus tropical, l’aloe. Ce produit a été utilisé pendant des siècles pour traiter différentes pathologies, en particulier les brûlures cutanées. Son action cicatrisante a été démontrée chez l’animal irradié. L’action cicatrisante de cet extrait est encore mal connue. Plusieurs études ont cherché à évaluer son rôle préventif lors d’irradiations thérapeutiques humaines : toutes se sont avérées négatives. Ce produit n’est pas recommandé en pratique ²⁴-²⁶. Divers topiques à visée anti-inflammatoire, antioxydante ou autre, ont été utilisés, qui n’ont pas fait leurs preuves. Ils ne sont d’ailleurs pas tous dénués d’effet secondaire local irritant, voire allergisant. Il s’agit d’une crème au dexpanthénol ²⁷, de préparations à base de camomille, ou d’amande ²⁸, de solutions d’acide ascorbique ²⁹. Traitement des manifestations aiguës En France, un seul produit a actuellement une AMM : la trolamine ou Biafine. Son intérêt tiendrait à ce qu’il favorise le processus de cicatrisation par recrutement des macrophages intervenant dans la production de tissu de granulation ³⁰. Aucune étude clinique de phase III publiée n’étaye cette hypothèse sur le plan clinique. L’utilisation des hydrocolloïdes, jugés confortables pour traiter des desquamations exsudatives dans des études non comparatives, est en faveur d’un délai de cicatrisation raccourci ³¹,³². Les corticoïdes, contre-indiqués en cas de lésions ulcérées ou surinfectées, permettent cependant d’apaiser la sympto-

Réactions cutanées induites par les rayonnements ionisants

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Fig. 73.1 chronique

Nécrose cutanée du dos du pied au cours d’une radiodermite

matologie lors d’une phase plus précoce d’inflammation et de prurit ³³. Que l’on utilise un corticoïde local de niveau III ou IV, un effet bénéfique apaisant a toujours été obtenu. Mais des réactions radiques plus sévères se sont développées chez les patients traités avec le corticoïde de niveau II ³³. L’apport local de sucralfate semble favoriser la régression des manifestations radio-induites ¹⁸.

A

Réactions cutanées tardives Clinique Caractérisées par un extrême polymorphisme clinique, elles peuvent se réduire à un état poïkilodermique de la peau, se traduire par une fibrose sous-cutanée ou se révéler par une nécrose plus ou moins spontanée (fig. 73.1) dont la particularité sera la lenteur de cicatrisation nécessitant parfois des greffes ou des plasties. Troubles de la pigmentation, atrophie et télangiectasies sont ainsi assez souvent rencontrées (fig. 73.2), de même que des pathologies cicatricielles douloureuses, avec surinfection et des fibroses rétractiles plus ou moins inesthétiques (fig. 73.3). De telles lésions peuvent se transformer en carcinome épidermoïde (fig. 73.4). Ces réactions cutanées tardives ne représentent pas un phénomène figé dans le temps. Trois phases successives ont été rapportées ³⁴ : − la phase de constitution se déroule dans les 6 à 24 mois suivant l’irradiation. Elle peut être asymptomatique ou marquée par une inflammation chronique localisée (douleur, prurit, érythème, œdème cutané et souscutané) ; − la phase séquellaire survient par la suite, organisée, et se traduit par une peau non inflammatoire, mais sèche et dépilée plus ou moins prurigineuse. L’épiderme est aminci, parfois télangiectasique. Le derme et les tissus cutanés profonds sont épaissis et indurés ; − une phase très tardive enfin où l’on verra apparaître une poïkilodermie associée à une atrophie et une rétraction plus ou moins douloureuse des tissus sous-cutanés sclérosés. Sur le plan histologique, la fibrose, accumulation anormale de matrice extracellulaire, se constitue progressivement

Fig. 73.2 A. Poïkilodermie post-radiothérapie du dos : association de troubles pigmentaires, d’une atrophie cutanée et de télangiectasies. B. Gros plan

B

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73-4

après une phase inflammatoire chronique initiale aspécifique ³⁵. Elle est constituée de cellules de l’inflammation et de fibroblastes qui prolifèrent et sécrètent les constituants de cette matrice sous l’impulsion de facteurs de croissance. Ces phénomènes seraient amplifiés par les mastocytes. La cellule endothéliale joue un rôle clé : elle augmente initialement la perméabilité vasculaire et permet ensuite la néovascularisation liée à l’extension de la fibrose. Cette dernière est en perpétuel remodelage avec des plages actives marquées par d’abondants myofibroblastes et une désorganisation de la matrice extracellulaire. Le renouvellement du collagène se fait par le biais de macrophages et de fibroblastes qui sécrètent des enzymes de dégradation. Plus tardivement, le tissu fibreux périvasculaire et paucicellulaire,

Fig. 73.3 Vaste nécrose cutanée, surinfectée, avec fibroses rétractiles du dos du pied au cours d’une réaction cutanée tardive post-radiothérapie : le diagnostic différentiel se pose dans ce cas avec un carcinome épidermoïde notamment en fibroblastes pourra être éventuellement le siège de poussées inflammatoires spontanées. Physiopathologie Des mécanismes cellulaires et moléculaires interviennent dans la constitution des effets secondaires tardifs ³⁴,³⁵. Deux éléments permettent d’expliquer la survenue d’une fibrose cutanée radio-induite : − le fibroblaste représente l’élément primordial du tissu conjonctif du fait de sa fonction de synthèse des différents constituants de la matrice extracellulaire, mais aussi du fait de sa capacité à produire divers facteurs de croissance comme l’interféron β, le PDGF (plateletderived growth factor), l’EGF (epidermal growth factor), le TGF-β (transforming growth factor) et des prostaglandines. Parmi ces facteurs de croissance, TGF-β serait responsable de la persistance du foyer inflammatoire local, jouerait un rôle fondamental dans le contrôle de la prolifération de nombreux types cellulaires et augmenterait la capacité des fibroblastes à sécréter des protéines extracellulaires. TGF-β se comporte également comme un facteur chimiotactique des mastocytes, augmentant probablement les phénomènes d’angiogenèse en facilitant le relargage de facteurs angiogéniques par les macrophages ³⁶ ; − les radicaux libres oxygénés représentent l’autre élément fondamental dans la genèse des complications tardives de la radiothérapie. Ils sont capables de dégrader localement les fibres de collagène, d’attirer les cellules de la réaction inflammatoire et d’activer les fibroblastes. Le stress oxydatif cellulaire serait responsable d’une cascade d’interactions protéine-ADN se traduisant par une activation des gènes précoces (c-fos, c-jun, etc.) responsables à leur tour de la réparation de l’ADN, de la croissance cellulaire ou des sécrétions de cytokines comme le TNF-α (tumor necrosis factor), le PDGF et l’IL-1 (interleukine). Lors de l’exsudation sérique, les polynucléaires neutrophiles et les macrophages sont stimulés par contact avec les produits de dégradation du collagène et libèrent les radicaux libres provenant de la réduction de l’oxygène et des protéases.

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Réactions cutanées tardives 73-5

Fig. 73.4 Carcinome épidermoïde de l’index sur une zone de radiodermite chronique tardive : antécédent de radiothérapie pour des verrues des doigts Le processus est alors auto-entretenu. Tout stress oxydatif ultérieur accentue la production de radicaux libres et contribuerait à l’extension des lésions. La fibrose cutanée profonde doit donc être maintenant considérée comme la résultante de phénomènes évolutifs, autoentretenus, susceptible d’être accessible en partie à une intervention médicamenteuse. Prévention des effets tardifs Les effets tardifs sont essentiellement sous la dépendance de facteurs liés à l’irradiation, notamment la dose par séance. Les acides gras insaturés seraient susceptibles de diminuer la survenue des manifestations tardives radioinduites. Traitement des manifestations tardives En cas de fibrose radio-induite, il faut distinguer schématiquement deux phases thérapeutiques selon que l’on intervient sur une lésion jeune avec prolifération cellulaire active et réaction inflammatoire ou sur une lésion ancienne de fibrose constituée. − Sur une lésion jeune, seule la corticothérapie locale semble tempérer les poussées inflammatoires. Les antiinflammatoires non stéroïdiens agiraient également sur les symptômes associés à ces mêmes poussées inflammatoires mais s’avèrent inefficaces pour modifier l’évolution du processus fibrotique et réduire une cicatrice fixée. Les héparines de bas poids moléculaire peuvent se révéler un appoint dans le traitement ³⁷. − Sur une fibrose anciennement constituée, le superoxyde dismutase (SOD) fait preuve d’efficacité, à un degré moindre cependant que dans les lésions jeunes. Son efficacité a été suggérée en 1983 lorsque 2 patients ont vu régresser des complications sévères radio-induites du fait de son action anti-inflammatoire et antioxydante sous forme liposomale ³⁸. De demi-vie courte, la SOD a un intérêt limité. C’est pourquoi son couplage à de grosses molécules comme les liposomes ou le polyéthylène glycol a permis la réalisation d’études pour

 IL interleukine · PDGF platelet-derived growth factor · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor

Réactions cutanées induites par les rayonnements ionisants

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73-6

Fig. 73.5 Érythème cutané du dos témoignant d’une radiodermite aiguë dévelopée après des explorations diagnostiques répétées des voies hépatobiliaires démontrer l’amélioration de la fibrose sous-cutanée. Delanian a rapporté l’efficacité chez l’homme de la Cu/ZnSOD dans une série de 34 patients traités par cette molécule administrée sous forme liposomale (LipSOD) ³⁹. Injectée par voie intramusculaire à la dose de 5 mg deux

fois par semaine pendant trois semaines, elle a permis d’obtenir une réduction de la surface de la fibrose de 57 % en moyenne. La réponse a été complète dans 17 %, prolongée à 3 ans dans 95 % et à 5 ans dans 70 %. La tolérance s’avère très bonne. Seuls quelques épisodes de fièvre, de fatigue ou des nausées ont été notés. La pentoxyfilline, dérivé méthyl-xanthine indiquée initialement dans le traitement de l’artérite stade II a révélé des potentialités intéressantes lorsqu’une fibrose est constituée. Ce produit agirait au niveau de la microcirculation, inhiberait la réaction inflammatoire, diminuerait l’activité TNF et augmenterait la flexibilité des hématies ⁴⁰. Certaines études réalisées chez l’homme témoigneraient d’une régression significative des nécroses tardives des tissus mous. Dion a rapporté un taux de régressions complètes dans 87 % des cas de nécroses cutanées ou muqueuses ⁴¹. De plus, l’utilisation de pentoxyfilline raccourcit nettement le temps de cicatrisation. Delanian a montré l’efficacité de la pentoxyfilline en collaboration avec la vitamine E pour faire régresser la fibrose sous-cutanée radio-induite ⁴². Quarantetrois patients porteurs de fibrose radio-induites (50 placards) ont été traités par une association de pentoxyfilline 800 mg/j et vitamine E 1 000 UI/j en 2 prises pendant 6 mois. Ce traitement était poursuivi en cas de réponse. L’évaluation était effectuée par 2 médecins différents, les critères de réponse étant fondés sur les mesures des placards, les signes locaux gradés selon l’échelle de toxicité « SOMA » de l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer). Cent pour cent des placards de fibrose ont répondu à ce traitement avec une régression moyenne de 53 % de leur surface. Les réponses peuvent se poursuivre longtemps après l’initialisation du traitement. Sur le plan des symptômes, à 6 mois, des réponses sont observées dans 100 % des cas. Quant aux phénomènes douloureux, ceux-ci régressent chez 23 des 24 patients algiques. Plus récemment, Haddad retrouve des résultats tout à fait similaires, confirmant l’intérêt de cette association dans le traitement des fibroses radio-induites ⁴³. L’utilisation de lasers à colorant pulsé peut s’avérer intéressante dans le traitement des télangiectasies radio-induites ⁴⁴.

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Radiodermites après explorations radiologiques interventionnelles

Fig. 73.6 Radiodermite chronique de la partie supérieure du dos, secondaire à des cathétérismes cardiaques répétés pour des angioplasties coronaires transluminales  TNF tumor necrosis factor

La survenue de radiodermites consécutives à des actes radiologiques interventionnels a été initialement rapportée, consécutive à des coronarographies ou à des angioplasties coronaires transluminales itératives (2 à 3 en moyenne) et de longue durée (plus de 90 minutes) ⁴⁵. Les doses reçues sont difficiles à évaluer, en moyenne de 10 à 35 Gy. Les réactions cutanées peuvent être précoces à type d’érythème (fig. 73.5), de radionécrose aiguë, de radiodermite exsudative et d’épilation transitoire. Elles sont le plus souvent tardives, dans un délai de 2 mois à 3 ans, à type de radiodystrophies et/ou de radionécroses. Les lésions cutanées sont situées en regard du trajet du faisceau d’irradiation au cours du cathétérisme cardiaque : haut du dos (fig. 73.6) et ré-

Dermatoses radio-induites 73-7

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Principales dermatoses radio-induites (d’après 50)

Fig. 73.7 Radiodermite chronique du dos (même patient que la fig. 73.5, trois ans plus tard) gion axillaire ; zones mammaires, sous-mammaires ou sousscapulaires. Elles ont une forme géométrique carrée, rectangulaire ou arrondie évocatrice. Elles peuvent être de type poïkilodermique et fibreuses ou érythémato-pigmentées (fig. 73.7) et secondairement indurées, plus rarement ulcérées ou nécrosées. D’autres procédures radiologiques interventionnelles ont été incriminées : explorations diagnostiques et thérapeutiques hépatobiliaires, embolisation de fistule artérioveineuse médullaire et angioplastie des artéres rénales ⁴⁵. Des observations d’alopécie précoce postradique après embolisation artérielle cérébrale ont été également signalées ⁴⁶.

Réveil radique (« radiation recall ») Le réveil radique est caractérisé par une réaction inflammatoire se développant sur une zone antérieurement irradiée après l’administration d’agents promoteurs ⁴⁷. Décrite initialement après l’administration de chimiothérapie anticancéreuse, en particulier l’actinomycine D, cette réaction a été observée depuis après la prise de nombreuses autres molécules pharmacologiques, le plus souvent anticancéreuses comme les taxanes et les anthracyclines (encadré 73.B). Son

Médicaments inducteurs de réveil radique (d’après 47,48) Adriamycine Bléomycine Capécitabine Dacarbazine Dactinomycine Daunorubicine Docetaxel Edatrexate Étoposide 5-fluorouracile Gemcitabine Hydroxyurée

Hypéricine Melphalan Méthotrexate Oxaliplatine Paclitaxel Pemetrexed ⁴⁹ Simvastatine Tamoxifène Trimetrexate Tuberculostatiques (isionazide, rifampicine, pyrazinamide, pyridoxine) Vinblastine

73.B

Infections cutanées − Érysipèle et dermohypodermite bactérienne − Zona − Dermatophytie, pityriasis versicolor Troubles de la kératinisation − Porokératose superficielle, kératose miliaire, hyperkératose filiforme − Maladie de Grover Syndromes sclérodermiformes − Morphées ⁵¹ − Panniculite mammaire ⁵² − Lichen scléreux Dermatoses bulleuses − Pemphigoïde ⁵³ − Pemphigus vulgaire et foliacé − Épidermolyse bulleuse acquise Syndrome EPPER ⁵⁴,⁵⁵ Dermatose neutrophiliques − Syndrome de Sweet ⁵⁶ − Pustulose sous-cornée Lupus érythémateux subaigu et bulleux ⁵⁷ Mastocytose ⁵⁸ Vitiligo ⁵⁹ Lichen plan Acné Maladie de Favre et Racouchot

73.C mécanisme physiopathogénique exact reste inconnu. La réaction cutanée est strictement localisée à la zone de tégument préalablement irradiée. Son délai de survenue est variable entre 2 jours et 15 ans après l’irradiation, mais un délai court, en moyenne de moins de 10 jours, témoigne probablement de la réactivation de la réaction aiguë précoce post-radique plutôt que d’un authentique phénomène de réveil radique le plus souvent, après la première administration de la molécule incriminée. Son intensité est d’autant plus importante que l’intervalle de temps entre l’irradiation et l’administration de la chimiothérapie est court. L’évolution est rapidement favorable à l’arrêt de la chimiothérapie, mais l’intérêt des topiques stéroïdes et des antihistaminiques reste controversé. Des atteintes extracutanées de la muqueuse ORL (mucite), du poumon (pneumopathie), du tractus digestif (œsophagite, colite), de la sphère gynécologique (vulvite, nécrose vaginale) et du système nerveux central (névrite optique, radionécrose du tronc cérébral) sont également rapportées ⁴⁷.

Dermatoses radio-induites De nombreuses dermatoses strictement localisées en zone irradiée ou d’emblée généralisées après radiothérapie sont rapportées ponctuellement ou dans de courtes séries de la littérature (encadré 73.C) ⁵⁰. À l’exception des érysipèles, survenant sur le site de radiothérapie et souvent récidivants, seules les sclérodermies cutanées, la pemphigoïde

73-8 Réactions cutanées induites par les rayonnements ionisants bulleuse et le syndrome EPPER semblent significativement associées à la radiothérapie. Morphées radio-induites Les morphées radio-induites (une trentaine d’observations) se caractérisent cliniquement par la survenue souvent brutale des plaques uniques ou multiples, centrées par une sclérose de couleur blanche ou ivoire, entourées d’une bordure rose mauve (« lilac ring ») et d’extension centrifuge f ⁵⁰,⁵¹. Le délai d’apparition est le plus souvent tardif, entre 1 mois à 3 ans (jusqu’à 30 ans). Les morphées, constamment localisées sur le site d’irradiation initialement, peuvent s’étendre à distance dans 20 % des cas. La maj a eure partie des observations concerne la région mammaire. Aucune relation n’a pu être mis en évidence entre la dose de l’irradiation (totale, fractionnée) et le risque de survenue de morphée radio-induite. Le diagnostic différentiel se pose essentiellement av a ec les réactions cutanées tardives fibrosantes post-radiques, la panniculite pseudosclérodermique post-radique mammaire ⁵², le lichen scléroatrophique, les métastases sclérodermiformes ou une récidive locale carcinomateuse (en particulier mammaire). Le traitement reste non codifié et similaire à celui des morphées « idiopathiques » : corticostéroïdes topiques ou systémiques, photothérapie UVA-1. Pemphigoïde radio-induite Une récente revue de la littérature collige 27 observations de pemphigoïde survenant au cours ou dans les suites d’une radiothérapie ⁵³. L’âge moyen des malades était de 75 ans, et les lésions bulleuses de grande taille sur une base érythémateuse étaient précédées de placards eczématiformes prurigineux et strictement localisés sur le site d’irradiation (90 %). Dans près de 8 cas sur 10, les lésions survenaient 1 Faj a ardo L. Skin. In : Faj a ardo L, ed. Pathology g of rad r iation inj n ury. New Yo Y rk : Masson Publishing Co ; 1982, p. 186-199. 2 Sitton E. Early and late radiation-induced skin alterations, Part I : Mechanisms of skin changes. Oncol Nurs Forum 1992 ; 19:801-807. 3 Mornex F, F Mazeron JJ. Radiobiologie. In : Mazeron JJ, Locoche P P, Maugis A, eds. Tech T niques d’irradiation des cancers. Paris : Vigot ; 1993, p. 9-33. 4 Porock D, Kristanson L, Nikoletti S et al. Predicting the severity of radiation skin reactions in women with breast cancer. Oncol Nurs r Forum 1998 ; 25:1019-1029. 5 Smith KJ, Skelton HG, Tuur S et al. Increased cutaneous toxicity to ionizing radiation in HIV-positive patients. Military Medical Consortium fo f r the Advancement of Retroviral Research (MMCARR). R Int J Dermatol 1997 ; 36: 779-782. 6 Tucker SL, Turesson I, Thames HD. Evidence f r individual diffe fo ff rence in the radiosensitivity

dans les suites d’une radiothérapie mammaire, dans un délai le plus souvent supérieur à 1 an. Aucune relation entre la dose de rayonnement reçu (50 Gy en moyenne) et le risque de survenue de la pemphigoïde n’a été établi. Le traitement était similaire à celui de la pemphigoïde classique : corticostéroïdes topiques fo f rts (classe 1) ou systémiques ou immunosuppresseurs. Syndrome EPPER Individualisé en 1999, le syndrome EPPER (Eos ( inophilic, Polymorphic, and Pruritic Eruption associated with Radiotherap r py) se caractérise par une éruption chronique prurigineuse généralisée prédominant sur les extrémités des membres inférieurs (100 %), des membres supérieurs (50 %), plus rarement le tronc et l’extrémité céphalique et épargnant les zones palmo-plantaires et les muqueuses ⁵⁴. Elle débute au cours ou dans les suites immédiates de la radiothérapie, mais un délai retardé juqu’à 7 mois est possible ⁵⁵. L’éruption est polymorphe, composée de papules et d’excoriations, plus rarement de vésicules, de bulles tendues ou de nodules. Une éosinophilie sanguine est notée dans près de 40 % des cas. Histologiquement, il existe un infiltrat inflammatoire et éosinophilique dermique, superficiel et profond f pouvant s’étendre à l’hypoderme et s’associer à une spongiose et à des vésicules ou à des granules éosinophiliques intraépidermiques. Des dépôts d’IgM et de C3 périvasculaires du derme superficiel sont présents dans 1 cas sur 2. Le syndrome EPPER est décrit surtout après radiothérapie au cobalt du cancer du col utérin et du sein. Son risque de survenue semble être augmenté pour une dose totale délivrée supérieure à 30 Gy en moyenne. Le traitement repose sur les corticostéroïdes topiques, les antihistaminiques et la photothérapie UVB et l’évolution est favorable en quelques semaines.

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Figures 49.1 49.2 49.3 49.4 49.5 49.6 49.7 49.8 49.9 49.10 49.11 49.12 49.13 49.14 49.15 51.1 51.2 51.3 51.4 51.5 51.6 51.7 51.8 51.9 51.10 51.11 51.12 51.13 51.14 51.15 51.16

Multiples papules infiltrées d’une cuisse au cours d’une leucémie aiguë lymphoblastique 49-2 Papules et nodules cutanés spécifiques de la face latérale du cou au cours d’une rechute de leucémie aiguë myéloblastique de type 4 49-3 Histologie d’une lésion cutanée spécifique de leucémie : infiltrat dermique de cellules hématopoïétiques tumorales 49-3 Purpura diffus et pigmenté d’une jambe au cours d’une leucémie aiguë myéloblastique 49-3 Multiples lésions papuleuses et purpuriques du tronc au cours d’une leucémie aiguë myéloblastique 49-3 Prolifération tumorale et nécrotique de la région anale au cours d’une leucémie aiguë lymphoblastique 49-4 Multiples nodules de couleur violine du tronc au cours d’une leucémie cutanée aleucémique 49-4 Éruption polymorphe maculeuse et papuleuse du tronc, par endroit nécrotique, au cours d’une lymphadénopathie angio-immunoblastique 49-5 Lésions papuleuses et nodulaires, nécrotiques du visage : lésions cutanées spécifiques d’une leucémie lymphoïde chronique 49-6 Larges macules cutanées érythémateuses et squameuses : lésions cutanées spécifiques d’une leucémie lymphoïde chronique 49-6 Large ulcération tumorale de la face postérieure du membre supérieur au cours de la transformation d’une leucémie lymphoïde chronique en syndrome de Richter 49-6 Lésions papuleuses et bulleuses de la face postérieure du bras après piqûre d’insecte (réaction d’hypersensibilité) au cours d’une leucémie lymphoïde chronique 49-7 Syndrome de Sweet bulleux au cours d’un lymphome splénique 49-7 Multiples papules et nodules érythémateux des genoux au cours d’un erythema elevatum diutinum associé à une anémie réfractaire avec excès de blastes 49-8 Érythrose palmaire au cours d’une polyglobulie primitive 49-9 Macules érythémato-squameuses non infiltrées de la face antérieure d’une cuisse : stage initial d’un mycosis fongoïde 51-2 Large macule érythémato-squameuse à contour arciforme et à bord encoché : mycosis fongoïde 51-2 Macules et papules érythémato-squameuses diffuses du dos au cours d’un mycosis fongoïde 51-2 Lésion tumorale survenant sur une plaque infiltrée de mycosis fongoïde 51-2 Placard tumoral et ulcéré d’une jambe : mycosis fongoïde tumoral de novo 51-3 Lésions tumorales linguales au cours d’un mycosis fongoïde 51-3 Multiples macules achromiques et finement squameuses du dos au cours d’un mycosis fongoïde 51-3 Larges macules érythémateuses psoriasiformes palmoplantaires au cours d’un mycosis fongoïde 51-4 Macules purpuriques et diffuses d’une jambe au cours d’un mycosis fongoïde : le diagnostic différentiel peut se poser avec un capillarite purpurique 51-4 Macules alopéciantes de l’abdomen au cours d’un mycosis fongoïde 51-4 Histologie classique d’un mycosis fongoïde : infiltrat de cellules atypiques de petite taille et de lymphocytes d’aspect normal associés à un épidermotropisme 51-5 Micro-abcès de Pautrier : groupement intraépidermique de lymphocytes atypiques au cours d’un mycosis fongoïde 51-5 Multiples papules folliculaires avec spinulosisme au cours d’un mycosis fongoïde 51-6 Mycosis fongoïde à type de réticulose pagétoïde en plaque unique (type Woringer-Kolopp) 51-6 Érythrodermie œdémateuse et desquamative au cours d’un syndrome de Sézary 51-7 Kératodermie palmoplantaire au cours d’un syndrome de Sézary 51-7

XVI

Table des figures 52.1 52.2 52.3 52.4 52.5 52.6 52.7 52.8 52.9 52.10 52.11 52.12 52.13 52.14 53.1 53.2 53.3 53.4 53.5 53.6 53.7 54.1 54.2 54.3 54.4 54.5 54.6 54.7 54.8 54.9 54.10 54.11 54.12 54.13

Lésions cutanées papulo-nodulaires violines à centre nécrotique d’une cuisse au cours d’une localisation secondaire d’un lymphome ganglionnaire CD30+ 52-2 Large tumeur ulcérée et infiltrée d’une cuisse au cours d’un lymphome cutané primitif CD30+ 52-2 Nodule tumoral rouge de la paroi thoracique antérieure : lésion initiale d’un lymphome cutané primitif CD30+ ayant régressé spontanément en quelques semaines. Récidive et extension cutanée régionale et ganglionnaire quatre ans plus tard 52-3 Infiltrat dense en nappe dermique de grandes cellules tumorales. En gros plan, caractère polymorphe de la morphologie des cellules 52-3 Grandes cellules anaplasiques, avec un marquage membranaire et golgien du CD30 52-4 Multiples papules érythémateuses et squameuses, infiltrées, isolées ou confluentes de l’avant-bras au cours d’une papulose lymphomatoïde de type C 52-4 Papulose lymphomatoïde : multiples papules d’âge different, autorégressives 52-4 Infiltrat dermique en forme de triangle à base épidermique au cours d’une papulose lymphomatoïde 52-5 Marquage CD30+ de quelques grandes cellules anaplasiques éparses au sein de l’infiltrat 52-5 Lymphome à type de panniculite : infiltration érythémateuse de la cuisse 52-6 Lymphome épidermotrope CD8+ aggressif : lésions érythémateuses ulcérées et nécrotiques diffuses chez un patient ayant développé secondairement une atteinte testiculaire et cérébrale 52-7 Nodule érythémateux de l’arète nasale au cours d’un lymphome T pléomorphe à petites et moyennes cellules 52-7 Lymphome à grandes cellules CD30− : multiples tumeurs ulcérées 52-8 Hématodermie CD4+ /CD56+ : placards infiltrés violacés ecchymotiques 52-8 Lymphome cutané de la zone marginale : nodules rouge violacé à surface télangiectasique d’une joue 53-2 Lymphome B cutané des centres folliculaires : volumineux nodules rouge violacé localisés sur le cuir chevelu 53-2 Lymphome B cutané des centres folliculaires du bras : nodule et plaque érythémateux mamelonnés 53-3 Prolifération de grandes cellules clivées n’exprimant pas bcl-2 53-3 Placard tumoral érythémato-violacé et ulcéré d’une jambe au cours d’un lymphome B cutané diffus à grandes cellules de type membre inférieur 53-4 Nodules tumoraux rouge violacé multiples au cours d’un lymphome B cutané diffus à grandes cellules de type membre inférieur 53-4 Prolifération homogène de grandes cellules rondes exprimant massivement bcl-2 53-4 Histiocytose langerhansienne de l’enfant : macules et papules diffuses adoptant une disposition en « maillot sans manches », épargnant les épaules et les membres et associées à un intertrigo spécifique interfessier 54-3 Histiocytose langerhansienne de l’adulte : érythème diffus, partiellement purpurique épargnant les épaules et les zones sous-axillaires 54-4 Atteinte cutanée limitée au cours d’une histiocytose langerhansienne du nourrisson : papules érythémateuses, rosées ou brunes, de 1 à 3 mm du tronc 54-4 Histiocytose langerhansienne de l’enfant : érythème diffus et purpurique adoptant une disposition en « maillot sans manches », épargnant les épaules et les membres 54-4 Histiocytose langerhansienne du scalp : érythème papulo-squameux et croûteux pouvant mimer une dermite séborrhéique, associé à un intertrigo spécifique du cou 54-5 Intertrigo axillaire au cours d’une histiocytose langerhansienne de l’adulte 54-5 Érythème érosif et fissuraire anal et périanal au cours d’une histiocytose langerhansienne de l’adulte 54-5 Intertrigo érosif et purpurique, végétant et ulcéré des plis inguinaux et sous-ombilical au cours d’une histiocytose langerhansienne du nourrisson 54-6 Dystrophies unguéales, purpura et pigmentation des tablettes unguéales, onycholyse et hyperkératose sousunguéales au cours d’une histiocytose langerhansienne 54-6 Histiocytose auto-involutive d’Hashimoto-Pritzker : macules et papules violines du visage localisées avec prédilection sur le front et les régions périorbitaires, associée à une lésion sous-narinaire droite tumorale à centre nécrotique 54-6 Histiocytose auto-involutive d’Hashimoto-Pritzker : gros plan sur une lésion sous-narinaire droite tumorale à centre nécrotique 54-7 Histiocytose auto-involutive d’Hashimoto-Pritzker : lésions papuleuses et vésiculeuses superficielles de type herpétiforme pouvant évoquer une infection virale 54-7 Atteinte osseuse crânienne au cours d’une histiocytose langerhansienne 54-7

Table des figures XVII 54.14 54.15 54.16 54.17 54.18 54.19 54.20 54.21 54.22 54.23 54.24 54.25 54.26 54.27 54.28 54.29 54.30 54.31 54.32 54.33 54.34 54.35 54.36 54.37 54.38 55.1 55.2 55.3 55.4 55.5 55.6 55.7 55.8 55.9 55.10 55.11

Atteinte histologique cutanée au cours d’une histiocytose langerhansienne : prolifération dermique de cellules de Langerhans (coloration hématoxyline-éosine) 54-9 Granules de Birbeck : structures cytoplasmiques lamellaires avec une striation centrale (corps en bâtonnets), se terminant parfois par une dilatation vésiculaire (apparence d’une raquette de tennis) 54-9 Xanthogranulome juvénile : nodule en dôme à surface « peau d’orange » et de coloration typique jaune orangé 54-12 Xanthogranulomes multiples à petits nodules du dos 54-12 Xanthogranulome unique tumoral : volumineux nodule de couleur orangée à surface lisse et télangiectasique 54-12 Atteinte histologique cutanée au cours d’un xanthogranulome juvénile : histiocytes à cytoplasme spumeux associés à des cellules géantes multinucléées de Touton 54-12 Histiocytose céphalique bénigne : macules et papules de coloration jaune brun touchant les joues, les paupières et le front 54-13 Histiocytome éruptif généralisé : multiples papules de petite taille, lisses, jaunes ou rose brunâtre du tronc 54-13 Histiocytome éruptif généralisé : multiples papules et nodules lisses, jaunes ou rose brunâtre du pli axillaire 54-13 Xanthoma disseminatum : lésions papuleuses et nodulaires jaune rosé ou brun chamois, non prurigineuses, abondantes, confluentes en nappes du tronc 54-14 Xanthomatose plane du tronc et du cou 54-14 Xanthogranulome nécrobiotique des paupières : macules et papules jaune rouge de topographie périorbitaire bilatérale et symétrique 54-15 Xanthogranulome nécrobiotique de la face antérieure du thorax 54-15 Xanthogranulome nécrobiotique de la face antérieure du thorax : gros plan 54-15 Histologie du xanthogranulome nécrobiotique : infiltrat histiocytaire épithélioïde dermique profond avec cellules géantes multinucléées de type Touton associé à des fibres de collagène dégénérées et à des fentes contenant des cristaux de cholestérol 54-16 Hamartome dendrocytique dermique en médaillon sous-claviculaire gauche (flèches blanches). L’érythème adjacent est lié à l’application locale de lidocaïne avant biopsie 54-17 Hamartome dendrocytique dermique : nodule rouge sur une base érythémateuse télangiectasique et atrophique de l’avant-bras 54-17 Phénomène d’hémophagocytose (frottis médullaire) : macrophage activé ayant phagocyté des plaquettes (P) et des érythrocytes (E) 54-17 Maladie de Rosai-Dorfman : multiples nodules de taille variable, bien limités, de couleur rouge brun ou rouge jaune du visage 54-19 Phénomène d’empéripolèse au cours d’une maladie de Rosai-Dorfman : histiocytes dermiques de grande taille dont certains comportent des noyaux de lymphocytes (L) ou de polynucléaires neutrophiles (PNN) 54-19 Maladie de Rosai-Dorfman. Positivité de l’immunomarquage par la protéine S-100 54-19 Réticulohistiocytose multicentrique : nodules rougeâtres, à surface lisse, siégeant avec prédilection sur les doigts 54-20 Réticulohistiocytose multicentrique : petites tuméfactions périunguéales à type de « perles de corail » 54-20 Maladie d’Erdheim-Chester : ostéosclérose bilatérale et symétrique de la diaphyse et de la métaphyse des fémurs 54-21 Maladie d’Erdheim-Chester : lésions xanthomateuses et peau redondante des régions périorbitaires 54-21 Purpura pétéchial du membre inférieur 55-2 Purpura ecchymotique d’une cuisse 55-3 Démarche diagnostique en cas d’allongement du temps de saignement 55-3 Démarche diagnostique en cas d’allongement du temps de céphaline activée 55-4 Démarche diagnostique en cas d’allongement du taux de thrombine 55-4 Démarche diagnostique en cas de diminution du taux de prothrombine 55-4 Purpura nécrotique extensif « étoilé » au cours d’une CIVD 55-7 Purpura pétéchial initial d’une jambe au cours d’un purpura fulminans méningococcémique 55-7 Purpura nécrotique extensif au cours d’une méningococcémie 55-8 Images histologiques comparatives d’une vascularite thrombosante (A) marquée par un infiltrat inflammatoire endo- et périvasculaire, et une thrombose intraluminale vasculaire (B) 55-8 Livedo pulpaire d’un orteil et de la face latérale du pied au cours d’une cryoglobulinémie secondaire à une hépatite virale chronique C 55-9

XVIII Table des figures 55.12 55.13 55.14 55.15 55.16 55.17 55.18 55.19 55.20 55.21 55.22 55.23 56.1 56.2 56.3 56.4 56.5 56.6 56.7 56.8 56.9 56.10 56.11 56.12 56.13 56.14 56.15 56.16 56.17 56.18 56.19 56.20 56.21 56.22 56.23 57.1 57.2 57.3 57.4 57.5 57.6

Hémorragies filiformes sous-unguéales témoignant d’un syndrome thrombotique cutané secondaire à des embols infectieux d’origine valvulaire cardiaque 55-9 Nécroses multiples punctiformes des orteils secondaires à des embols systémiques d’origine cardiaque 55-10 Atrophie blanche (vasculite livédoïde) de jambe au cours d’un syndrome des antiphospholipides 55-10 Livedo en grandes mailles, irrégulières et non fermées, suspendu d’une cuisse au cours d’un syndrome des antiphospholipides 55-11 Ulcération nécrotique d’une jambe au cours d’un syndrome des antiphospholipides 55-11 Nécroses digitales au cours d’un syndrome des antiphospholipides 55-11 Hémorragies filiformes unguéales au cours d’un lupus érythémateux compliqué d’un syndrome des antiphospholipides 55-12 Lésions cutanées anétodermiques de la face externe du bras au cours d’un lupus érythémateux compliqué d’un syndrome des antiphospholipides 55-12 Macules nécrotiques au site d’injection de l’héparine (A) et à distance (B) au cours d’une nécrose à l’héparine 55-14 Vaste placard nécrotique d’une cuisse au cours d’une nécrose aux AVK 55-14 Bulles hémorragiques survenues sous héparine de bas poids moléculaire 55-15 Macules eczématiformes réactionnelles aux sites d’injection d’héparine de bas poids moléculaire 55-15 Candidose cutanéo-muqueuse persistante et disséminée au cours d’un déficit immunitaire combiné sévère 56-3 Paronychie et dystrophies unguéales chroniques candidosiques évocatrices d’un syndrome APECED 56-3 Verrues palmoplantaires profuses au cours d’un déficit immunitaire combiné sévère 56-4 Molluscum contagiosum profus et disséminés du tronc : un signe possible de déficit immunitaire primitif 56-5 Érythrodermie desquamative néonatale révélant une dermatite atopique 56-6 Zona chez un nourrisson de 5 mois : un des modes de révélation des déficits isolés en cellules NK 56-11 Lésions purpuriques du visage au cours du syndrome de Wiskott-Aldrich 56-11 Télangiectasies conjonctivales au cours du syndrome ataxie-télangiectasie 56-12 Dermite eczématiforme du pli axillaire au cours du syndrome hyper-IgE 56-13 Dysmorphie faciale associant un front proéminent et un élargissement de l’ensellure nasale au cours du syndrome hyper-IgE 56-13 Macule hypopigmentée du haut du dos au cours d’un syndrome de Griscelli-Prunieras 56-14 Pigmentation argentée des cheveux et sourcils au cours d’un syndrome de Griscelli-Prunieras 56-15 Répartition irrégulière d’amas de mélanine le long de la tige pilaire prédominant dans la médulla au cours du syndrome de Griscelli-Prunieras 56-15 Distribution irrégulière des mélanosomes au sein de la couche basale et des kératinocytes adjacents aux mélanocytes 56-15 Candidose cutanéo-muqueuse chronique 56-17 Infection bactérienne récurrente de l’oreille au cours d’une granulomatose septique 56-19 Dermatite eczématiforme proche de la dermite séborrhéique au cours d’une granulomatose septique 56-19 Éruption pseudolupique du visage et de l’avant-bras chez une jeune fille porteuse hétérozygote de la granulomatose septique liée à l’X 56-20 Éruption lupique au cours d’un déficit congénital en C1q 56-20 Angio-œdème du dos de la main au cours de l’angio-œdème héréditaire de type 1 56-21 Hypotrichose, dystrophies dentaires et unguéales au cours d’une dysplasie ectodermique de type hypohidrotique avec déficit immunitaire 56-23 Macules hypopigmentées (aspect de pityriasis versicolor) au cours d’une épidermodysplasie verruciforme 56-24 Verrues planes multiples du creux axillaire au cours d’une épidermodysplasie verruciforme 56-24 Exanthème du visage et du cou au cours d’une maladie aiguë du greffon contre l’hôte 57-2 Exanthème diffus du dos au cours d’une maladie aiguë du greffon contre l’hôte 57-2 Image dite de « satellite cell necrosis » au cours d’une maladie aiguë du greffon contre l’hôte : juxtaposition de lymphocytes et de kératinocytes nécrotiques 57-3 Macules et papules érythémato-squameuses coalescentes des paumes et des plantes de type lichénoïde au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-4 Érythrodermie et hyperpigmentation hétérogène au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-4 Placard sclérodermiforme brunâtre et mal limité de l’abdomen, s’étendant partiellement sur le flanc au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-5

Table des figures XIX 57.7 57.8 57.9 57.10 57.11 57.12 57.13 57.14 58.1 58.2 58.3 58.4 58.5 58.6 58.7 58.8 58.9 58.10 58.11 58.12 58.13 59.1 59.3 59.2 59.4 59.5 59.6 59.7 59.8 59.9 60.1 60.2 60.3 60.4 60.5

Lésions sclérodermiformes porcelainées en gouttes (white spot disease), groupées en plaques mal limitées du dos au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-5 Sclérose œdémateuse des jambes et des chevilles de type fasciite de Shulman au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-5 Hyperpigmentation en confettis et réticulée au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-6 Pigmentation périorbitaire au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-6 Lésions muqueuses endojuguales associant un érythème, des érosions et un réseau lichénien leucokératosique au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-6 Atteinte linguale érythémateuse et leucokératosique réticulée au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-7 Atteinte unguéale lichénienne au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte : ébauche de ptérygion, onychoatrophie, dystrophie feuilletée et stries longitudinales de la tablette 57-7 Alopécie partielle et canitie au cours d’une maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-7 Carcinome basocellulaire débutant : grains rosés et télangiectasiques en surface 58-3 Carcinome basocellulaire nodulaire du menton constitué d’une succession de petits nodules lisses surmontés de télangiectasies 58-3 Carcinomes basocellulaires de type plan cicatriciel : plaque carcinomateuse d’extension progressive à centre atrophique et cicatriciel 58-3 Carcinome basocellulaire superficiel (pagétoïde) : plaque rouge, plane, bien limitée, bordée d’un fin liseré perlé 58-4 Tumeur fibro-épithéliale de Pinkus : nodule lombaire unique, érythémateux et lisse 58-4 Carcinome basocellulaire ulcéré de l’aile du nez : ulcus rodens 58-4 Carcinome basocellulaire nasal à potentiel extensif et destructeur des tissus mous sous-jacents : ulcus terebrans 58-5 Carcinome basocellulaire nodulaire. Présence dans le derme de massifs et de lobules tumoraux larges et bien circonscrits. Les cellules basaloïdes ont un agencement palissadique périphérique 58-5 Carcinome basocellulaire superficiel. Les nids tumoraux sont appendus à l’épiderme et constitués de cellules basaloïdes dont les noyaux sont agencés en palissade en périphérie 58-6 Nævomatose basocellulaire : carcinomes basocellulaires multiples de type pagétoïde du dos chez une jeune femme 58-7 Puits palmaires (pits) au cours d’une nævomatose basocellulaire 58-7 Hamartome sébacé (Jadassohn) du scalp. Plaque alopécique mamelonnée congénitale 58-9 Localisations centrofaciale et périorificielle des CBC à haut risque de récidive 58-9 Multiples verrues planes coalescentes et lésions de type pityriasis versicolor du front au cours d’une épidermodysplasie verruciforme 59-2 Corne cutanée d’une joue 59-3 Carcinome épidermoïde préauriculaire et kératoses actiniques multiples du visage 59-3 Carcinome épidermoïde du scalp survenant sur une maladie de Bowen préexistante 59-4 Nodule tumoral du tragus : carcinome épidermoïde 59-5 Nodule végétant à centre cratériforme et croûteux : carcinome épidermoïde. Le principal diagnostic différentiel est le kératoacanthome 59-5 A Carcinome épidermoïde invasif : travées tumorales anastomosées, de disposition anarchique, composées de cellules de grande taille plus ou moins maturées sous forme de globes cornés. B Gros plan sur un globe corné 59-6 Volumineuse tumeur d’évolution lente sur la face antérieure de jambe : carcinome verruqueux (cunniculatum) 59-6 Tumeur ulcéro-végétante de la lèvre : carcinome épidermoïde 59-6 Histologie caractéristique d’une maladie de Bowen : anomalies épidermiques associant des troubles de maturation kératinocytaire avec des noyaux globuleux et hyperchromatiques 60-1 Maladie de Bowen cutanée : macule érythémateuse et squameuse bien limitée d’un membre 60-2 Maladie de Bowen cutanée : macule érythémateuse et brunâtre mal limitée, fissuraire d’une face latérale de doigt 60-2 Maladie de Bowen génitale : macule érythémateuse et squameuse bien limitée du gland 60-2 Maladie de Bowen génitale : érythème non inflammatoire du gland et du sillon balano-préputial 60-3

XX

Table des figures 60.6

Maladie de Bowen vulvaire avec transformation en carcinome épidermoïde (lésion surélevée de la grande lèvre gauche) 60-3

61.1 61.2

Maladie de Paget mammaire (lésion de début) : plaque érythémateuse érosive de l’aréole 61-2 Maladie de Paget mammaire (lésion évoluée) : placard érythématosquameux eczématiforme à contours nets de l’aréole 61-2 Maladie de Paget mammaire (aspect histologique) : l’épiderme est envahi par de grandes cellules à cytoplasme clair, à noyaux hyperchromatiques, prédominant dans la partie profonde de l’épithélium (hématoxyline-éosine) 61-3 Maladie de Paget extramammaire (vulvaire) : placard érythémateux érosif, à contours nets, sur la vulve, s’étendant sur la face interne des cuisses et les fesses. Cas associé à un adénocarcinome rectal 61-4 Maladie de Paget extramammaire (périanale) : placard rouge brun érosif à contours nets 61-5 Maladie de Paget extramammaire (aspect histologique de la lésion de la fig. 73.4) : l’épiderme est envahi par de volumineuses cellules à cytoplasme clair, contenant de la mucine (hématoxyline-éosine) 61-5 Maladie de Paget extramammaire (aspect immunohistochimique) : les cellules de Paget expriment la kératine 7, ce qui permet de les distinguer des kératinocytes épidermiques (immunopéroxidase, révélation AEC) 61-5

61.3 61.4 61.5 61.6 61.7 62.1 62.2 62.3 62.4 62.5 62.6

Porocarcinome trabéculaire récidivant de la jambe 62-2 Hidradénocarcinome 62-2 Carcinome apocrine axillaire 62-3 Carcinome trichilemmal 62-4 Carcinome trichoblastique du dos 62-4 Carcinome sébacé extraoculaire 62-5

63.1 63.2

Aspect ultrastructural d’une cellule de Merkel de l’épiderme humain 63-1 Nodule cutané érythémateux hémisphérique de la joue au cours d’un carcinome neuro-endocrine cutané primitif 63-2 Nodule cutané de carcinome neuro-endocrine cutané 63-3 Nodule pseudo-angiomateux au cours d’un carcinome neuro-endocrine cutané 63-3 Récidives locales multinodulaires d’un carcinome neuro-endocrine 63-3 Carcinome formant un nodule dermique constitué d’amas de petites cellules rondes 63-3 Cellules tumorales monomorphes avec rapport nucléo-plasmatique élevé et mitoses abondantes 63-4 Expression de la cytokératine 20 sous la forme d’amas paranucléaires 63-4

63.3 63.4 63.5 63.6 63.7 63.8 64.1 64.2 64.3 64.4 64.5 64.6 64.7 64.8 64.9 64.10 64.11 64.12 64.13 65.1 65.2 65.3 65.4

Nævus asymétrique. La lésion pigmentée n’a pas de plan de symétrie 64-3 Nævus aux bords irréguliers. Les contours de la lésion sont irréguliers, encochés, en carte de géographie 64-3 Nævus de couleur inhomogène (association de brun, de bleu et de rouge) 64-3 Lésion pigmentée asymétrique, aux bords irréguliers, de couleur inhomogène correspondant à un mélanome 64-3 Mélanome à extension superficielle 64-4 Mélanome nodulaire 64-4 Mélanome de Dubreuilh invasif 64-4 Mélanome acrolentigineux : forme anatomoclinique rare se caractérisant par sa localisation aux extrémités 64-5 Mélanome achromique 64-5 Mélanome sous-unguéal : lésion pigmentée en bande longitudinale sous-unguéale, inhomogène et débordant sur le repli unguéal 64-5 Mélanome de type SSM. Architecture pagétoïde de la composante intraépidermique latérale avec ascension de gros mélanocytes globoïdes isolés et/ou en thèques 64-6 Histiocytofibrome pigmenté. Tumeur bénigne fibreuse donnant l’impression d’une pastille incluse dans la peau à la palpation 64-7 Carcinome basocellulaire tatoué 64-7 Représentation schématique de la carte génomique de l’HHV-8 65-2 Statut du virus HHV-8 et charge virale au cours des tumeurs associées au virus HHV-8 65-3 Plaques érythémateuses angiomateuses pseudo-ecchymotiques d’une jambe au cours d’une maladie de Kaposi méditerranéenne 65-3 Tuméfactions papulo-nodulaires violines isolées ou coalescentes, groupées sur la face postérieure du membre inférieur, au cours d’une maladie de Kaposi méditerranéenne 65-4

Table des figures XXI 65.5 65.6 65.7 65.8 65.9 65.10 65.11 65.12 65.13 65.14 65.15 66.1 66.2 66.3 66.4 66.5 66.6 66.7 66.8 66.9 66.10 66.11 66.12 66.13 66.14 66.15 66.16 66.17 66.18 67.1 67.2 67.3 67.4 67.5 67.6 68.1 68.2 68.3 68.4

Tuméfaction nodulaire et hyperkératosique plantaire au cours d’une maladie de Kaposi endémique 65-4 Nodule angiomateux ulcéré d’une jambe au cours d’une maladie de Kaposi endémique 65-4 Lymphœdème kaposien de la jambe gauche au cours d’une maladie de Kaposi méditerranéenne 65-5 Plaques et nodules ulcérés angiomateux du palais au cours d’une maladie de Kaposi chez un patient immunodéprimé non SIDA 65-5 Histologie d’une maladie de Kaposi : prolifération de cellules fusiformes et de petites fentes vasculaires malformées associées à de nombreux globules rouges extravasés 65-6 Marquage des cellules fusiformes par l’anticorps anti-HHV-8 65-6 Maladie de Kaposi méditerranéenne débutante : atteinte des espaces interdigitaux et du dos du pied 65-6 Maladie de Kaposi africaine chez un patient d’origine guinéenne : ulcérations et hyperkératose du pied ayant nécessité une amputation du pied 65-7 Atteinte du tronc au cours d’une maladie de Kaposi associée au SIDA 65-7 Atteinte génitale au cours d’une maladie de Kaposi associée au SIDA 65-7 Tuméfaction violine développée progressivement au cours d’une insuffisance veineuse et un lymphœdème chronique de jambe : pseudosarcome de Kaposi (syndrome de Mali) 65-8 Principaux types histogénétiques des sarcomes cutanés 66-3 Principaux marqueurs immunohistochimiques des sarcomes cutanés 66-3 Plaque rouge brun pseudocicatricielle et petits nodules d’apparition secondaire au cours du dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand 66-4 Nodule tumoral au cours du dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand 66-4 Plaque atrophique mammaire d’extension lente : dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand 66-4 Histologie (faible grossissement) du dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand : prolifération dermo-hypodermique de cellule tumorales fusiformes 66-5 Histologie (fort grossissement) du dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand : disposition storiforme des cellule tumorales 66-5 Nodule tumoral exophytique de la joue : fibroxanthome atypique 66-6 Nodule tumoral érythémateux et lisse : léiomyosarcome cutané dermohypodermique 66-8 Plaque érythémato-violine infiltrée du sclap : léiomyosarcome cutané 66-8 Histologie (faible grossissement) du léiomyosarcome cutané dermohypodermique : prolifération dermo-hypodermique de cellules tumorales fusiformes agencées en faisceaux enchevêtrés et de disposition fasciculée (faisceaux se coupant à angle droit) 66-9 Histologie (fort grossissement) du léiomyosarcome cutané : caractère fusiforme et cellules tumorales à cytoplasme éosinophile et à noyau volumineux 66-9 Angiosarcome en plaque du sujet âgé : plaque infiltrée érythémato-violine rétroauriculaire 66-10 Angiosarcome en plaque du sujet âgé : nodule tumoral lisse rouge violacé du scalp 66-10 Histologie (faible grossissement) d’un angiosarcome cutané 66-11 Angiosarcome sur lymphœdème (forme de Stewart et Treves) après curage axillaire homolatéral en raison d’un carcinome mammaire 66-11 Angiosarcome post-radiothérapie développé sur le site de radiothérapie mammaire en raison d’un adénocarcinome mammaire 66-12 Tumeur maligne des gaines des nerfs périphériques de la face plantaire du gros orteil 66-13 Kératoses multiples du visage (greffé rénal) 67-2 Carcinome épidermoïde de la lèvre inférieure chez un transplanté cardiaque 67-2 Lésions verrucokératosiques du dos des mains (greffé rénal) 67-2 Carcinome épidermoïde ayant un aspect de kératoacanthome au niveau de la région pré-auriculaire (greffé cardiaque) 67-2 Nodules de maladie de Kaposi sur le membre de la fistule artérioveineuse (greffé rénal d’origine nord-africaine) 67-5 Porocarcinome eccrine du talon chez un greffé rénal africain 67-7 Multiples carcinomes basocellulaires superficiels au cours de la nævomatose basocellulaire 68-4 Multiples carcinomes basocellulaires pédiculés, pseudo-acrochordons au cours de la nævomatose basocellulaire 68-4 Puits de kératine (pits) palmaires au cours de la nævomatose basocellulaire 68-4 Grains de milium et carcinomes basocellulaires au cours de la nævomatose basocellulaire. Dysmorphie faciale avec bosses frontales et élargissement de l’ensellure nasale 68-4

XXII

Table des figures 68.5 68.6 68.7 68.8 68.9 68.10 68.11 68.12 68.13 68.14 68.15 68.16 68.17 68.18 68.19 68.20 68.21 68.22 68.23 68.24 68.25 68.26 68.27 68.28 68.29 68.30 68.31 68.32 68.33 68.34 68.35 68.36 68.37 68.38 68.39 68.40 68.41 68.42 68.43 68.44 68.45 68.46 68.47

Poïkilodermie du visage et troubles pigmentaires marqués au cours du xeroderma pigmentosum 68-5 Carcinomes épidermoïdes, basocellulaires et mélanome au cours du xeroderma pigmentosum 68-6 Carcinome épidermoïde de la pointe de la langue au cours du xeroderma pigmentosum 68-6 Atrophodermie folliculaire du dos de la main au cours du syndrome de Bazex-Dupré-Christol 68-6 Grains de milium auriculaire au cours du syndrome de Bazex-Dupré-Christol 68-7 Sclérose cutanée palmaire avec absence de dermatoglyphes au cours d’une scléroatrophie d’Huriez 68-7 Dystrophies unguéales associant des dépressions longitudinales, des fissures de la tablette et un début de ptérygion au cours d’une scléroatrophie d’Huriez 68-8 Macules pigmentées du gland au cours du syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba 68-8 Malformation artério-veineuse du flanc gauche et de l’abdomen au cours du syndrome de Bannayan-RileyRuvalcaba 68-8 Trichilemmomes du front au cours d’une maladie de Cowden 68-9 Lésions hyperkératosiques verruqueuses acrales au cours d’une maladie de Cowden 68-9 Papules papillomateuses gingivales à disposition pavimenteuse au cours d’une maladie de Cowden 68-10 Papules des lèvres à disposition pavimenteuse au cours d’une maladie de Cowden 68-10 Adénomes sébacés multiples au cours d’un syndrome de Muir-Torre. La cicatrice nasale est liée à l’exérèse antérieure d’un carcinome sébacé 68-11 Ostéomes de la voûte crânienne au cours d’un syndrome de Gardner 68-12 Lentigines multiples labiales et périorales au cours d’un syndrome de Peutz-Jeghers 68-13 Lentigines multiples périorales, nasales et périorbitaires au cours d’un complexe de Carney 68-15 Nævus bleu de la joue au cours d’un complexe de Carney 68-15 Myxome cutané au cours d’un complexe de Carney 68-16 Plaque hyperpigmentée brune unilatérale paravertébrale thoracique au cours d’une amylose cutanée secondaire à une néoplasie endocrinienne de type 2A 68-17 Hypothèse à deux événements de Knudson et cancers familiaux 68-18 Fibrofolliculomes auriculaires au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé : papules multiples en dôme, couleur ivoire, à surface lisse, de quelques millimètres de diamètre 68-19 Fibrofolliculomes des joues et du nez au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé 68-19 Fibrofolliculomes groupés en plaque sur l’abdomen au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé. Les cicatrices sont liées à un antécédent d’exérèses répétées de kystes épidermiques associés 68-19 Fibrofolliculomes multiples et pour certains, pédiculés (aspect de type acrochordons) du creux axillaire au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé 68-20 Fibrome pédiculé muqueux de la face interne d’une joue au cours du syndrome de Birt-Hogg-Dubé 68-20 Nodules de couleur chair ou rosée d’une jambe au cours d’une léiomyomatose cutanée familiale 68-21 Multiples papules couleur chair ou rosée, groupées en plaque sur la face externe d’un bras et d’une épaule au cours d’une léiomyomatose cutanée et utérine familiale 68-21 Dystrophies unguéales au cours d’une dyskératose de Zinsser-Cole-Engman : dépressions longitudinales, amincissement et atrophie des tablettes 68-23 Poïkilodermie au cours d’une dyskératose de Zinsser-Cole-Engman : hyperpigmentation réticulée, télangiectasies et macules hypochromes de la face antérieure du thorax et des faces latérales du cou 68-24 Leucokératose du dos de la langue au cours d’une dyskératose de Zinsser-Cole-Engman 68-24 Poïkilodermie des joues et a minima du menton au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson 68-25 Poïkilodermie prédominant sur les membres au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson 68-25 Poïkilodermie et lésions verruqueuses du dos de la main au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson 68-25 Taches café-au-lait du dos acquises au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson 68-25 Hyperkératose et calcinose du coude au cours d’un syndrome de Rothmund-Thomson 68-26 Alopécie, grisonnement prématuré des cheveux, poïkilodermie des joues et du menton, lèvres amincies et calcifications auriculaires au cours d’un syndrome de Werner chez un homme de 45 ans 68-26 Hyperkératose et calcinose du coude au cours d’un syndrome de Werner 68-27 Pieds plats et déformations articulaires compliquées de troubles trophiques chroniques au cours du syndrome de Werner 68-27 Ichtyose récessive liée à l’X : atteinte du tronc et des membres supérieurs épargnant les grands plis 68-28 Démarche de la consultation oncogénétique : première consultation de la famille sans analyse génétique préalable 68-28 Exemples d’arbres généalogiques suivant les principaux modes de transmission mendéliens 68-29 Démarche de la consultation oncogénétique : prédisposition génétique à la génodermatose connue avec mutation identifiée dans la famille 68-29

Table des figures XXIII 69.1 69.2 69.3 69.4 69.5 69.6 69.7 69.8 69.9 69.10 69.11 69.12 69.13 69.14 69.15 69.16 69.17 69.18 69.19 69.20 69.21 69.22 69.23 69.24 69.25 69.26 69.27 69.28 69.29 69.30 69.31 69.32 70.1 70.2 70.3 70.4 70.5 70.6 70.7 70.8 70.9

Érythrose faciale secondaire à la répétition de flushes au cours d’un syndrome carcinoïde 69-3 Placards sclérodermiformes du membre inférieur développés au cours d’un syndrome carcinoïde métastatique 69-3 Acrokératose paranéoplasique de Bazex : kératodermie palmo-plantaire psoriasiforme 69-4 Acrokératose paranéoplasique de Bazex : atteinte hyperkératosique caractéristique du pavillon auriculaire 69-4 Acrokératose paranéoplasique de Bazex : atteinte hyperkératosique caractéristique de la pointe du nez 69-4 Acrokératose paranéoplasique de Bazex : hyperkératose sous-unguéale et destruction des tablettes des ongles 69-5 Duvet blanc acquis de la région cervico-faciale au cours d’une hypertrichose lanugineuse acquise 69-5 Bandes érythémateuses parallèles, serpigineuses ou en demi-cercles bordées sur leur face interne d’une collerette desquamative au cours d’un erythema gyratum repens 69-6 Macules érythémateuses à contours polycycliques, d’évolution érosive, squameuse et croûteuse au cours d’un syndrome du glucagonome 69-6 Chéilite angulaire au cours du syndrome du glucagonome 69-7 Érosions buccales au cours d’un pemphigus paranéoplasique satellite d’une leucémie lymphoïde chronique 69-7 Lésions bulleuses de l’abdomen et signe de Nikolski au cours d’un pemphigus paranéoplasique 69-8 Lésions bulleuses et urticariennes de la cuisse (aspect de pemphigoïde bulleuse) au cours d’un pemphigus paranéoplasique 69-8 Lésions bulleuses et pseudococardes de l’avant-bras au cours d’un pemphigus paranéoplasique 69-9 Paronychie intéressant l’ensemble des orteils au cours d’un pemphigus paranéoplasique 69-9 Pachydermatoglyphie (triple palms) au cours d’une mastocytose systémique, caractérisée par une kératodermie plantaire diffuse d’aspect villeux en surface et un épaississement des dermatoglyphes 69-10 Hypertrophie acromégaloïde des mains au cours d’une ostéoarthrophiante pneumique 69-10 Induration œdémateuse palmaire compliquée d’une rétraction en flexion au cours du syndrome fasciite palmaire et arthrite 69-11 Plaques noirâtres de l’aisselle au cours d’un acanthosis nigricans paranéoplasique 69-11 Kératodermie palmoplantaire au cours d’un acanthosis nigricans paranéoplasique 69-12 Acanthosis nigricans paranéoplasique : atteinte du pourtour des lèvres et des commissures labiales 69-12 Ichtyose érythémateuse inflammatoire au cours d’un lymphome malin non hodgkinien 69-12 Spicules kératosiques ancrées dans la paume au cours d’une hyperkératose palmaire filiforme 69-13 Pityriasis rotunda : larges macules circulaires bien limitées, hyperpigmentées et finement squameuses de la partie supérieure du thorax et des épaules 69-13 Érythrose faciale et du cou au cours d’un syndrome de Cushing paranéoplasique satellite d’un adénocarcinome du pancréas 69-14 Larges vergetures pourpres abdominales au cours d’un syndrome de Cushing paranéoplasique satellite d’un adénocarcinome du pancréas 69-14 Nécrose digitale au cours d’une dermatomyosite paranéoplasique (mélanome métastatique) 69-14 Placard érythémateux, érosif vulvopérinéal au cours d’une maladie de Paget extramammaire 69-15 Nodules érythémateux lisses des doigts au cours d’une réticulohistiocytose multicentrique 69-15 Gangrène digitale aiguë au cours d’un adénocarcinome bronchique 69-16 Kératoses séborrhéiques éruptives et profuses du tronc caractérisant le signe de Leser-Trelat 69-17 Pigmentation mélanique au cours d’une mélanose cutanée (mélanome métastatique) 69-17 Nodules rouge violacé, hémorragique du scalp : métastases cutanées d’un adénocarcinome bronchopulmonaire 70-2 Volumineux nodule tumoral angiomateux secondaire à un angiosarcome sur fistule artérioveineuse du coude homolatéral chez un malade transplanté rénal 70-2 A. Érysipèle carcinomateux thoracique au cours d’un adénocarcinome rénal. B. Caractère télangiectasique des lésions en gros plan 70-2 Plastron carcinomateux hémicorporel au cours de métastases cutanées d’un carcinome mammaire 70-3 Carcinome mammaire bilatéral avec métastases cutanées thoraciques locorégionales angiomateuses et hémorragiques 70-3 Plaque alopécique à type de pseudo-pelade : métastase cutanée d’un carcinome mammaire 70-3 Nodule angiomateux temporal du scalp, lésion cutanée isolée témoin d’une dissémination métastatique d’un adénocarcinome rénal de Gravitz 70-4 Nodules rouge violacé, hémorragique et pseudoverruqueux des doigts : métastases cutanées d’un adénocarcinome bronchopulmonaire 70-4 Érysipèle carcinomateux compliquant un carcinome mammaire homolatéral 70-4

XXIV

Table des figures 70.10 70.11

Métastases cutanées d’un adénocarcinome pancréatique : la localisation génitale est évocatrice 70-5 Histologie cutanée d’une métastase cutanée d’un carcinome mammaire 70-6

71.1

Alopécie persistante 2 ans après une chimiothérapie intensive par le busulfan avant une transplantation médullaire 71-2 Lignes de Beau au cours de traitements cytostatiques : dépressions transversales de la tablette unguéale par atteinte matricielle aiguë lors de chaque cure 71-2 Lignes de Mee : leuconychies transverses successives se développant après chaque cure de cytostatiques 71-2 Hémorragies sous-unguéales et décollement unguéal au cours d’un traitement cytostatique par taxotère 71-3 Hidradénite neutrophilique eccrine au cours d’un traitement par cytostatiques : plaques érythémateuses du visage prédominant sur la région orbitaire et le front 71-3 Pigmentation flagellée de l’épaule au cours du traitement par la bléomycine 71-4 Placards inflammatoires des jambes et des pieds à type de pseudo-fasciite de Schulmann au cours d’un syndrome sclérodermiforme induit par la gemcitabine. La régression de l’inflammation s’accompagnera d’une sclérose cutanée profonde 71-5 Érythème œdémateux et inflammatoire palmaire compliquant un traitement cytostatique par cytarabine 71-5 Érythème œdémateux et bulleux plantaire compliquant une chimiothérapie par méthotrexate à fortes doses 71-6 Érythème photodistribué (réaction phototoxique) du visage, du décolleté et des membres supérieurs au cours d’un traitement cytostatique par docetaxel 71-7 Hémorragies sous-unguéales confluentes à l’origine d’un décollement des tablettes des ongles des doigts au cours d’un traitement par taxotère 71-7 Pigmentation linéaire supraveineuse après perfusion de 5-FU 71-8 Œdème inflammatoire et érosions confluentes orales au cours d’un traitement cytostatique par méthotrexate 71-9 Érythème atrophique et squameux du dos de la main, prédominant en regard des surfaces articulaires : pseudodermatomyosite induite par l’hydroxyurée 71-10 Ulcération maléolaire externe de jambe, torpide, à bordure érythémateuse induite par l’hydroxyurée 71-10 Lésions érythémato-squameuses et atrophiques de type lupique du visage induites par le 5-FU 71-11 Inflammation de kératoses actiniques du front au cours d’un traitement par hydroxyurée 71-12 Pseudo-ichtyose atrophique et collodionnée du flanc au cours d’un traitement au long cours par hydroxyurée 71-12 Onychomadèse et onycholyse distale compliquant un traitement cytostatique par taxotère 71-13

71.2 71.3 71.4 71.5 71.6 71.7 71.8 71.9 71.10 71.11 71.12 71.13 71.14 71.15 71.16 71.17 71.18 71.19 72.1 72.2 72.3 72.4 72.5 72.6 72.7 72.8 72.9 72.10 72.11 72.12 72.13 72.14 72.15 72.16 72.17

Macules érythémateuses abdominales aux sites d’injection de l’interféron alpha 72-2 Macules eczématiformes de l’abdomen situées en regard des sites d’injection de l’interféron alpha 72-2 Dépilation abdominale au site d’injection de l’interféron alpha 72-2 Nécrose cutanée sur le site d’injection de l’interféron alpha 72-3 Infection dermo-hypodermique survenue après injection d’interféron alpha au cours du traitement du mélanome 72-4 Réaction eczématiforme diffuse et périnævique du dos au cours du traitement par interféron alpha et ribavirine 72-4 Pelade induite par l’association interféron pegylé alpha et ribavirine 72-5 Défrisement de cheveux physiologiquement bouclés au cours du traitement de l’hépatite chronique virale C combiné par interféron alpha et ribavirine 72-5 Hypertrichose ciliaire induite par l’interféron alpha 72-6 Livedo réticulé du membre inférieur induit par l’interféron alpha 72-6 Lichen érosif labial et jugual induit par l’interféron béta au cours du traitement d’une sclérose en plaques 72-7 Modifications inflammatoires de cicatrices anciennes des pieds révélant une sarcoïdose cutanée induite par l’IFN alpha 72-8 Érythème et œdème diffus développé dans les 24 heures après injection d’interleukine 2 dans le cadre du traitement d’un carcinome rénal métastatique 72-8 Vasculite cutanée induite par le GM-CSF 72-9 Mécanisme d’action des inhibiteurs des EGF-R 72-10 Pustules inflammatoires et hémorragiques (réaction acnéiforme) du visage, prédominante sur les zones séborrhéiques au cours du traitement par cetuximab d’un carcinome colorectal 72-10 Atteinte monomorphe pustuleuse (réaction acnéiforme) du dos au cours d’un traitement par cetuximab 72-11

Table des figures XXV 72.18 72.19 72.20 72.21 72.22 72.23 72.24 72.25 72.26 72.27 72.28 72.29 72.30 73.1 73.2 73.3 73.4 73.5 73.6 73.7

Pustules cernées d’un halo inflammatoire de la jambe développées au décours d’un traitement par cetuximab 72-11 Histologie d’une réaction acnéiforme au cetuximab : folliculite neutrophilique 72-12 Éruption eczématiforme du visage au cours d’un traitement par cetuximab 72-12 Paronychie et desquamation de la portion distale des gros orteils induite par le gefitinib 72-13 Hypertrichose acquise développée au cours d’un traitement par erlotinib 72-13 Mucite et perlèche inflammatoire au cours d’un traitement par gefitinib 72-13 Ulcérations superficielles vulvaires au cours d’un traitement par gefitinib 72-14 Éruption eczématiforme de jambe au cours d’un traitement par imatinib 72-14 Syndrome main-pied survenu au cours d’un traitement par sorafenib : hyperkératose jaunâtre palmoplantaire bordée d’un liseré inflammatoire au niveau plantaire 72-15 Hémorragies filiformes unguéales au cours d’un traitement par sorafenib 72-15 Dépigmentation des cils au cours d’un traitement par sunitinib 72-15 Nævis éruptifs du visage survenu au cours d’un traitement par sorafenib 72-15 Éruption papulonodulaire du thorax et de la lèvre supérieure au cours du traitement par bortézomib d’un myélome 72-16 Nécrose cutanée du dos du pied au cours d’une radiodermite chronique 73-4 A. Poïkilodermie post-radiothérapie du dos : association de troubles pigmentaires, d’une atrophie cutanée et de télangiectasies. B. Gros plan 73-4 Vaste nécrose cutanée, surinfectée, avec fibroses rétractiles du dos du pied au cours d’une réaction cutanée tardive post-radiothérapie 73-5 Carcinome épidermoïde de l’index sur une zone de radiodermite chronique tardive 73-5 Érythème cutané du dos témoignant d’une radiodermite aiguë dévelopée après des explorations diagnostiques répétées des voies hépatobiliaires 73-6 Radiodermite chronique de la partie supérieure du dos, secondaire à des cathétérismes cardiaques répétés pour des angioplasties coronaires transluminales 73-6 Radiodermite chronique du dos 73-7

Tableaux 49.1 49.2

Principaux syndromes myéloprolifératifs 49-2 Classifications des syndromes myélodysplasiques 49-2

51.1

Stadification des mycosis fongoïdes 51-3

54.1

Marqueurs immunohistochimiques et moléculaires des histiocytes 54-1

55.1 55.2 55.3 55.4

Aspects cliniques et histologiques des purpuras hématologiques, vasculaires et thrombotiques 55-2 Étiologies des purpuras thrombopéniques d’origine centrale et périphérique 55-3 Comparaison des anomalies biologiques de l’hémostase au cours de la CIVD, la fibrinolyse primitive, l’insuffisance hépatocellulaire et l’hypovitaminose K 55-6 Étiologies des CIVD 55-7

56.1 56.2 56.3 56.4

Classification des principaux déficits immunitaires primitifs 56-2 Infections candidosiques cutanées et DIP 56-3 Éruptions eczématiformes et DIP 56-5 Principales étiologies des hypogammaglobulinémies 56-8

57.1

Stades et grades cliniques de la GVHD aiguë 57-3

64.1 64.2

Pronostic du mélanome selon le stade (évaluation) 64-6 Classification AJCC du mélanome (sixième, mars 2000) 64-8

65.1 65.2

Classification TIS (tumeur, système immunitaire, symptômes systémiques) de la maladie de Kaposi 65-7 Principales chimiothérapies utilisées dans la maladie de Kaposi 65-9

66.1

Translocations et gènes de fusion dans les sarcomes 66-2

68.1

Principales génodermatoses prédisposant aux cancers 68-2

69.1

Principaux syndromes paranéoplasiques dermatologiques 69-2

70.1

Principaux marqueurs étiologiques des métastases cutanées 70-6

72.1 72.2 72.3 72.4

Effets secondaires dermatologiques des traitements par interféron 72-2 Effets secondaires dermatologiques liés aux traitements par interleukine 2 72-8 Effets secondaires dermatologiques liés aux facteurs de croissance hématopoïétiques G-CSF et GM-CSF 72-9 Grades de toxicité cutanée (NCI-CTC version 3.0) 72-11

Encadrés 49.A 49.B

Affections dermatologiques rares associées à des syndromes myélodysplasiques 49-10 Affections dermatologiques rares associées à une polyglobulie primitive de Vaquez 49-10

50.A

Classification OMS-EORTC des lymphomes cutanés primitifs 50-1

52.A 52.B

Classification OMS-EORTC des lymphomes cutanés primitifs de phénotype T 52-1 Classification TNM pour les lymphomes cutanés non mycosis fungoïde/syndrome de Sézary 52-9

54.A 54.B 54.C

Classification contemporaine des histiocytoses 54-2 Classification des histiocytoses modifiée d’après Chu 54-2 Critères diagnostiques des syndromes hémophagocytaires 54-18

55.A 55.B

Critères diagnostiques de Sapporo (Conférence de consensus international, 1999) 55-9 Critères de classification du syndrome des antiphospholipides catastrophique 55-13

58.A 58.B 58.C 58.D 58.E

Affections génétiques associées à la survenue de carcinomes basocellulaires 58-2 Critères diagnostiques de la nœvomatose basocellulaire 58-8 Facteurs de récidive des carcinomes basocellulaires 58-8 Groupes pronostiques des carcinomes basocellulaires 58-10 Indications de la chirurgie micrographique de Mohs 58-10

64.A

Niveaux d’invasion de Clark 64-6

66.A

Grade histopronostique (FNCLCC) 66-2

68.A 68.B 68.C 68.D 68.E 68.F 68.G 68.H 68.I

Principales anomalies cliniques de la nævomatose basocellulaire 68-3 Critères diagnostiques de la nævomatose basocellulaire 68-5 Critères diagnostiques de la maladie de Cowden (selon l’International Cowden Consortium, 2000) 68-9 Critères diagnostiques du complexe de Carney 68-14 Principales tumeurs associées à la néoplasie endocrinienne multiple de type 1 68-16 Principales anomalies cliniques associées aux néoplasies endocriniennes multiples de type 2 68-17 Principales anomalies cliniques de la dyskératose congénitale classique 68-23 Critères diagnostiques du syndrome de Werner 68-28 Caractéristiques des principaux modes de transmission des génodermatoses 68-30

69.A 69.B 69.C

Critères diagnostiques du pemphigus paranéoplasique d’après Anhalt et al. 69-8 Critères diagnostiques du pemphigus paranéoplasique d’après Camisa et al. 69-8 Critères diagnostiques du pemphigus paranéoplasique d’après Joly et al. 69-9

73.A 73.B 73.C

Principales complications cutanées de la radiothérapie 73-1 Médicaments inducteurs de réveil radique 73-7 Principales dermatoses radio-induites 73-7

Index a Acanthosis nigricans 69-11 Acrocyanose 69-16 Acrokératose paranéoplasique de Bazex 69-4 Adénome digital papillaire agressif 62-3 Agammaglobulinémie congénitale de Bruton 56-6 liée à l’X 56-6 Alopécie et chimiothérapies 71-1 Alymphocytose autosomique récessive 56-9 Amylose immunoglobulinémique 69-16 Angio-œdème héréditaire 56-21 Angiosarcome 66-10 sur lymphœdème 66-11 post-radiothérapie 66-11 de Stewart et Treves 66-11 Anthracyclines et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 APECED (syndrome) 56-16 Artemis (syndrome) 56-12 Ataxie-télangiectasie 56-12 b Bare lymphocyte syndrome 56-9 Bazex (acrokératose paranéoplasique de) 69-4 Bazex-Dupré-Christol (syndrome de) 68-5 Bednar (tumeur de) 66-4 Bernard et Soulier (dystrophie thrombocytaire hémorragique congénitale de) 55-5 Birt-Hogg-Dubé (syndrome de) 68-18 Bléomycine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Bloom (syndrome de) 56-13 Bortézomib 72-15 Bowen (maladie de) 60-1 Bruton (agammaglobulinémie congénitale de) 56-6 Bulles hémorragiques et héparine de bas poids moléculaire 55-15 Burgdorf (érythème de) 71-5 Busulfan et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 c Camptotécine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11

Cancers anogénitaux et transplantation d’organe 67-4 Capécitabine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Carcinome adénoïde kystique 62-2 annexiel 62-1 apocrine 62-3 basocellulaire 58-1 à cellules de Merkel 63-1 eccrine 62-1 eccrine mucipare 62-3 eccrine syringomateux 62-2 épidermoïde 59-1 microkystique 62-2 neuro-endocrine cutané 63-1 périunguéal 59-4 sébacé 62-4 et transplantation d’organe 67-1 trichilemmal 62-4 trichoblastique 62-4 verruqueux 59-4 Carney (complexe de) 68-15 Chediak-Higashi (maladie de) 56-14 Chimiothérapies antitumorales (effets cutanéo-muqueux indésirables) 71-1 Chlorambucil et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Cisplatine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Cladribine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Coagulation intravasculaire disséminée 55-6 Complément (déficit en protéines du) 56-20 Complexe de Carney 68-15 Cowden (maladie de) 68-7 Cushing (syndrome paranéoplasique de) 69-13 Cyclophosphamide et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Cytarabine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 d Darier-Ferrand (dermatofibrosarcome protubérans de)

XXXII

Index 66-4 Déficit en stéroïde sulfatase 68-28 Déficits immunitaires primitifs 56-1 en adénosine déaminase 56-8 et agammaglobulinémie liée à l’X 56-6 par anomalie lymphocytaire T isolée 56-9 par anomalie de la recombinaison V(D)J 56-9 combinés sévères 56-8 en complément 56-20 par défaut d’activation des lymphocytes T 56-10 et défaut en adhésines leucocytaires 56-18 par défaut de différenciation lymphocytaire T 56-9 par défaut d’expression du CD3 56-10 et dermatite atopique 56-4 et eczémas 56-4 et érythrodermie du nouveau-né 56-5 et granulomatose cutanée 56-5 en HLA 56-9 isolés en cellules NK 56-10 en MBL (Mannose Binding Lectin) 56-22 quantitatifs sélectifs en lymphocytes T 56-10 sélectifs en IgA 56-7 sélectifs en sous-classes IgG 56-8 et syndrome hyper-IgM autosomique récessif 56-7 des Toll-like récepteurs 56-23 de type commun variable 56-6 de la voie de l’interleukine 1 56-23 en ZAP 70 56-10 Dermatite atopique et déficits immunitaires primitifs 56-4 Dermatofibrome 58-9 Dermatofibrosarcome pigmenté 66-4 protubérans de Darier-Ferrand 66-4 Dermatomyosite 69-14 DiGeorge (syndrome de) 56-10 Duncan (syndrome de) 56-16 Dyskératose congénitale (Zinsser-Cole-Engman) 68-22 Dysplasies ectodermiques hypohidrotiques 56-22 Dystrophie thrombocytaire hémorragique congénitale de Bernard et Soulier 55-5 e Eczémas et déficits immunitaires primitifs 56-4 EGF (inhibiteurs du récepteur à l’Epidermal Growth Factor) 72-10 Elejalde (syndrome d’) 56-15 Épidermodysplasie verruciforme de Lutz et Lewandowsky 56-23 EPPER (syndrome) 73-8 Erdheim-Chester (maladie d’) 54-20 Érysipèle carcinomateux 70-4 Erythema gyratum repens 69-6 Érythème acral de Burgdorf 71-5 nécrolytique migrateur 69-6 Érythrodermies 69-16 du nouveau-né 56-5

Érythrodysesthésie palmo-plantaire 71-5 Érythromélalgie 69-16 Érythroplasie de Queyrat 60-2 Étoposide et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 f Fasciite palmaire et arthrite 69-11 Fibrinolyse 55-6 Fibrosarcome infantile 66-5 Fibroxanthome atypique 66-6 Fludarabine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Fluindione (syndromes d’hypersensibilité à la) 55-15 Fluoro-uracile et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Fuite capillaire (syndrome de) 71-10 g G-CSF (« Granulocyte-Colony Stimulating Factor ») 72-8 Gangrène digitale 69-16 Gardner (syndrome de) 68-12 Gemcitabine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Glanzmann (thrombasthénie de) 55-5 Glucagonome (syndrome du) 69-6 GM-CSF (« Granulocyte Macrophage-Colony Stimulating Factor ») 72-8 Gorlin (syndrome de) 68-1 Graft-versus-host disease (GVHD) 57-1 Granulocyte-Colony Stimulating Factor (G-CSF) 72-8 Granulocyte Macrophage-Colony Stimulating Factor (GM-CSF) 72-8 Granulomatose cutanée et déficits immunitaires primitifs 56-5 Granulomatoses septiques chroniques 56-19 Granulomatous slack skin 51-6 Greffe d’organe 67-1 Greffon contre l’hôte (maladie de) 57-1 Griscelli-Prunieras (syndrome de) 56-14 GVHD (graft-versus-host disease) 57-1 h Haim-Munk (syndrome de) 56-19 Hamartome basocellulaire linéaire unilatéral 58-8 dendrocytique dermique 54-17 sébacé de Jadassohn 58-9 Hamartomes basocellulaires (syndrome des) 68-1 Hamartomes par mutation du gène PTEN (syndrome des) 68-7 Hand-Schüller-Christian (syndrome de) 54-2 Hashimoto-Pritzker (histiocytose congénitale de) 54-3 Hémangio-endothéliome épithélioïde 66-11 Hémopathies lymphoïdes 49-5 myéloïdes 49-1 Hémophilie 55-5

Index XXXIII Héparine de bas poids moléculaire et bulles hémorragiques 55-15 HHV-8 (virus herpès humain 8) 65-1 Hidradénite neutrophilique eccrine 71-3 Hidradénocarcinome 62-2 Hippocratisme digital 69-10 Histiocyte bleu outremer (syndrome de l’) 54-21 Histiocytome éruptif généralisé 54-13 fibreux angiomatoïde 66-7 fibreux malin 66-6 Histiocytose 54-1 à cellule indéterminée 54-15 céphalique bénigne 54-12 congénitale de Hashimoto-Pritzker 54-3 et granulome à éosinophiles 54-2 langerhansienne 54-2 et lymphome histiocytaire « vrai » 54-22 et maladie d’Erdheim-Chester 54-20 et maladie de Letterer-Siwe 54-3 et maladie de Rosai-Dorfman 54-19 mucineuse progressive héréditaire 54-16 nodulaire progressive 54-16 et panniculite histiocytaire cytophagique 54-18 et réticulohistiocytose multicentrique 54-20 et syndrome de Hand-Schüller-Christian 54-2 et syndrome de l’histiocyte bleu outremer 54-21 Hughes (syndrome de) 55-9 Huriez (scléroatrophie d’) 68-6 Hydroxyurée et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-12 Hyper-IgE (syndrome avec) 56-13 Hyperkératose palmaire filiforme 69-13 Hyperpigmentation et chimiothérapies 71-4 Hypertrichose lanugineuse acquise 69-5 i Ichtyose acquise 69-12 récessive liée à l’X 68-28 Ifosfamide et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Imatinib 72-13 Inhibiteurs des protéasomes 72-15 du récepteur à l’Epidermal Growth Factor 72-10 de tyrosine-kinase 72-9, 72-13 Interférons 72-1 Interleukine 1 (déficit de la voie de) 56-23 2 72-7 IPEX (syndrome) 56-17 j Job-Buckley (syndrome de)

56-13

k Kaposi (maladie de) 65-1, 65-7 et transplantation d’organe 67-5 Kaposi (pseudo-« sarcomes » de) 65-7 Ketron-Goodman (mycosis fongoïde de type) 51-6 Knudson (théorie du « double événement » de) 68-18 Kostman (maladie de) 56-17 l L-asparaginase et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-12 Léiomyomatoses cutanées et utérines familiales 68-20 Léiomyosarcome 66-8 Leser et Trélat (signe de) 69-17 Letterer-Siwe (maladie de) 54-3 Leucémie 49-1 aiguë 49-2 chronique myéloïde 49-2 cutanée aleucémique 49-4 lymphoïde chronique B 49-6 myélomonocytaire chronique 49-2 Liposarcome 66-7 Lutz et Lewandowsky (épidermodysplasie verruciforme de) 56-23 Lymphadénopathie angio-immunoblastique 49-5 Lymphohistiocytoses hémophagocytaires familiales 54-17, 56-15 Lymphome histiocytaire « vrai » 54-22 Lymphomes cutanés 50-1 B à grandes cellules de type membre inférieur 53-3 blastiques NK 52-8 des centres folliculaires 53-2 classification 50-1 diffus à grandes cellules 53-5 à grandes cellules CD30 négatives 52-7 pléomorphes à petites et moyennes cellules 52-7 primitifs CD30 + 52-2 T à cellules NK 52-6 T épidermotropes 51-1 T épidermotropes CD8 + 52-6 T γδ 52-6 T sous-cutanés 52-5 et transplantation d’organe 67-7 et VIH 52-5 de la zone marginale 53-1 m Maladie de Bowen 60-1 de Chediak-Higashi 56-14 de Cowden 68-7 d’Erdheim-Chester 54-20 du greffon contre l’hôte 57-1 de Kaposi 65-1, 65-7 de Kostman 56-17 de Letterer-Siwe 54-3 de Paget 61-1, 69-15 de Rosai-Dorfman 54-19

XXXIV

Index de Vaquez 49-2, 49-10 de Willebrand 55-5 Malakoplakie cutanée 54-16 MBL (déficit immunitaire en) 56-22 Méchloréthamine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-12 Mélanome 64-1 des tissus mous 66-12 et transplantation d’organe 67-7 Mélanose cutanée 69-17 Melphalan et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-12 Mercaptopurine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-12 Merkel (carcinome à cellules de) 63-1 et transplantation d’organe 67-7 Métastases cutanées 70-1 Méthotrexate et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-12 Mitomycine et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-12 Morphées et radiothérapie 73-8 Mucites et chimiothérapies 71-9 Muir-Torre (syndrome de) 68-10 Mycosis fongoïde 51-1 type Ketron-Goodman 51-6 type Woringer-Kolopp 51-6 Myélofibrose primitive 49-2 n Nævomatose basocellulaire 68-1 Nécrose cutanée aux antivitamines K 55-14 à l’héparine 55-14 Néoplasie endocrinienne multiple 68-16, 68-17 Neutropénie cyclique 56-17 Nitroso-urées et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-12 Nodule de sœur Mary-Joseph 70-3 Nijmegen (syndrome de) 56-12 o Oley (syndrome d’) 68-5 Omenn (syndrome d’) 56-9 Ongles et chimiothérapies 71-2 Ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique 69-10 p Pachydermatoglyphie 69-9 Paget (maladie de) 61-1, 69-15 Panniculite histiocytaire cytophagique 54-18 Papillomatose cutanée et muqueuse floride 69-10 Papillon-Lefèvre (syndrome de) 56-18 Papulose bowénoïde 60-2 lymphomatoïde 52-4 Pemphigoïde et radiothérapie 73-8 Pemphigus paranéoplasique 69-7

Peutz-Jeghers (syndrome de) 68-13 Phlébites paranéoplasiques 69-15 Photo-onycholyse et chimiothérapies 71-7 Pieds-mains (syndrome) 71-5, 72-14 Pilomatricome malin 62-4 Pityriasis rotunda 69-13 Poïkilodermie de Rothmund-Thomson 68-24 Polyglobulie primitive 49-2 Porocarcinome 62-1 Progeria de l’adulte 68-26 Protéasomes (inhibiteur des) 72-15 Prurit 69-16 Pseudo-« sarcomes » de Kaposi 65-7 Pseudodermatomyosite 71-10 Purpura et dystrophie thrombocytaire hémorragique congénitale de Bernard et Soulier 55-5 fulminans 55-7 et thrombasthénie de Glanzmann 55-5 thrombopénique 55-2 Purtilo (syndrome de) 56-16 Pyoderma gangrenosum 69-16 q Queyrat (érythroplasie de) 60-2 r Radiation recall (réveil radique) 73-7 Radiodermite 73-1 Raynaud (syndrome de) 69-16 Récupération lymphocytaire (syndrome de) 71-9 Reed (syndrome de) 68-20 Réticulohistiocytose multicentrique 54-20, 69-15 Réticulose pagétoïde 51-6 Réveil radique 73-7 Richter (syndrome de) 49-6 Rosai-Dorfman (maladie de) 54-19 Rothmund-Thomson poïkilodermie de 68-24 syndrome de 68-23 s Sarcome cutané 66-1 à cellules claires 66-12 épithélioïde 66-9 fibro-myxoïde 66-7 fibroblastique 66-6 histiocytaire 54-22 pléomorphe indifférencié 66-6 vasculaire 66-10 Scléroatrophie d’Huriez 68-6 Sézary (syndrome de) 51-7 Shwachman-Diamond (syndrome de) 56-18 Signe de Leser et Trélat 69-17 Sœur Mary-Joseph (nodule de) 70-3 Sorafenib 72-14 Splénomégalie primitive 49-2 Stéroïde sulfatase (déficit en) 68-28

Index XXXV Stewart et Treves (angiosarcome de) 66-11 Sunitinib 72-14 Sweet (syndrome de) 69-16 Syndrome des antiphospholipides 55-9 APECED 56-16 Artemis 56-12 auto-immunité-lymphoprolifération 56-16 de Bazex-Dupré-Christol 68-5 de Birt-Hogg-Dubé 68-18 de Bloom 56-13 carcinoïde malin 69-2 de Cushing paranéoplasique 69-13 de DiGeorge 56-10 de Duncan 56-16 d’Elejalde 56-15 EPPER 73-8 de fuite capillaire 71-10 de Gardner 68-12 du glucagonome 69-6 de Gorlin 68-1 de Griscelli-Prunieras 56-14 de Haim-Munk 56-19 des hamartomes basocellulaires 68-1 des hamartomes par mutation du gène PTEN 68-7 de Hand-Schüller-Christian 54-2 hémophagocytaire 54-17 de l’histiocyte bleu outremer 54-21 de Hughes 55-9 avec hyper-IgE 56-13 hyper-IgM autosomique récessif 56-7 d’hypersensibilité à la fluindione 55-15 IPEX 56-17 de Job-Buckley 56-13 lymphoprolifératif lié à l’X 56-16 de Muir-Torre 68-10 myélodysplasique 49-1, 49-10 myéloprolifératif 49-1 de Nijmegen 56-12 d’Oley 68-5 d’Omenn 56-9 des orteils pourpres aux antivitamines K 55-15 de Papillon-Lefèvre 56-18 de Peutz-Jeghers 68-13 pieds-mains 71-5, 72-14 de Purtilo 56-16 de Raynaud 69-16 de récupération lymphocytaire 71-9 de Reed 68-20 de Richter 49-6 de Rothmund-Thomson 68-23 sclérodermiforme et chimiothérapies 71-5 de Sézary 51-7 de Shwachman-Diamond 56-18 de Sweet 69-16 de Wermer 68-16 de Werner 68-26 WHIM 56-18

WHN (winged-helix nude deficiency) de Wiskott-Aldrich 56-11 Synovialosarcome 66-8 Syringométaplasie mucineuse 71-3

56-11

t Taxanes et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-12 Tégafur et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-11 Théorie du « double événement » de Knudson 68-18 Thiotépa et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-13 Thrombasthénie de Glanzmann 55-5 Thrombocytémie essentielle 49-2 Toll-like récepteurs (déficit de la voie en) 56-23 Topotecan et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-13 Transplantation d’organe 67-1 Tripe palms 69-9 Tumeur de Bednar 66-4 à cellules géantes malignes des tissus mous 66-6 fibro-histiocytaire 66-6 maligne des gaines des nerfs périphériques 66-12 myofibroblastique 66-6 myxo-hyaline inflammatoire 66-6 Tyrosine-kinase (inhibiteurs de) 72-9, 72-13 v Vaquez (maladie de) 49-2, 49-10 Vasculite cutanée 69-16 leucémique 49-4 Vinca-alcaloïdes et effets cutanéo-muqueux indésirables 71-13 Virus herpès humain 8 65-1 w Wermer (syndrome de) 68-16 Werner (syndrome de) 68-26 WHIM (syndrome) 56-18 WHN (syndrome) 56-11 Willebrand (maladie de) 55-5 Wiskott-Aldrich (syndrome de) 56-11 Woringer-Kolopp (mycosis fongoïde de type) x Xanthogranulome juvénile 54-11 nécrobiotique 54-15 Xanthoma disseminatum 54-14 Xanthomatose disséminée 54-14 plane diffuse 54-14 Xanthomes papuleux 54-13 Xeroderma pigmentosum 68-4 z Zinsser-Cole-Engman (dyskératose de)

68-22

51-6

Table des matières Préface Avant-propos 49 Hémopathies myéloïdes, lymphoïdes et leucémies Nicolas Kluger, Myriam Marque, Sélim Aractingi Définition et classification 49-1 Hémopathies myéloïdes 49-1 Leucémies aiguës 49-2 Lésions cutanées spécifiques 49-3 Lésions typiques 49-3 Lésions atypiques 49-4 Lésions muqueuses 49-4 Leucémies cutanées aleucémiques 49-4 Vasculite leucémique 49-4 Hémopathies lymphoïdes 49-5 Lymphome T de type lymphadénopathie angio-immunoblastique 49-5 Leucémie lymphoïde chronique B 49-6 Lésions cutanées « satellites » 49-6 Dermatoses neutrophiliques 49-6 Érythème noueux 49-8 Manifestations vasculaires 49-8 Vasculites 49-9 Autres lésions satellites 49-9 Lésions cutanées infectieuses 49-11 Références 49-11

50 Classification des lymphomes cutanés Olivier Dereure Références 50-2

51 Lymphomes cutanés T épidermotropes Olivier Dereure Mycosis fongoïde et ses variants 51-1 Mycosis fongoïde classique 51-1 Formes particulières 51-6 Syndrome de Sézary 51-7 Références 51-8

52 Lymphomes T cutanés (hors mycosis fongoïde et syndrome de Sézary) Marie Beylot-Barry Spectre des lymphoproliférations cutanées CD30+ 52-2 Lymphomes cutanés primitifs CD30+ 52-2 Papulose lymphomatoïde 52-4 Formes frontières 52-5 Cas particulier des immunodéprimés 52-5

XXXVIII Table des matières Lymphomes T sous-cutanés 52-5 Lymphomes T γδ 52-6 Lymphomes cutanés T à cellules NK 52-6 Lymphomes T épidermotropes CD8+ agressifs 52-6 Lymphomes T pléomorphes à petites et moyennes cellules 52-7 Lymphomes à grandes cellules CD30 négatives 52-7 Proliférations de précurseurs hématologiques 52-8 Quel bilan devant ces lymphomes ? 52-8 Principes thérapeutiques 52-9 Références 52-10

53 Lymphomes B cutanés Florent Grange Lymphome cutané de la zone marginale 53-1 Définition 53-1 Clinique 53-1 Examens complémentaires 53-2 Pronostic et traitement 53-2 Lymphomes cutanés des centres folliculaires 53-2 Définition 53-2 Clinique 53-2 Examens complémentaires 53-3 Pronostic et traitement 53-3 Lymphome B cutanés diffus à grandes cellules, de type membre inférieur 53-3 Définition 53-3 Clinique 53-4 Examens complémentaires 53-4 Aspects moléculaires et génétiques 53-4 Pronostic et traitement 53-4 Autres lymphomes cutanés diffus à grandes cellules 53-5 Références 53-5

54 Histiocytoses Didier Bessis, Frédéric Bernard, Frédéric Cambazard Classification 54-1 Histiocytose langerhansienne (classe I) 54-2 Épidémiologie 54-2 Classification 54-2 Manifestations cliniques 54-3 Physiopathogénie 54-7 Diagnostic 54-8 Pronostic 54-9 Traitement 54-10 Histiocytoses non malignes et non langerhansiennes (classe II) 54-11 Histiocytoses de classe II cutanées et muqueuses 54-11 Histiocytoses systémiques de classe II 54-17 Histiocytoses de classe III 54-21 Histiocytose maligne proprement dite 54-21 « Lymphome histiocytaire vrai » 54-22 Références 54-22

55 Troubles de l’hémostase Agnès Sparsa Physiopathogénie des troubles de l’hémostase 55-1 Syndrome hémorragique cutané 55-2 Purpuras thrombopéniques 55-2 Thrombopénies d’origine centrale 55-2 Thrombopénies d’origine périphérique 55-3 Autres thrombopathies 55-4

Table des matières XXXIX Purpuras thrombopathiques 55-4 Dystrophie thrombocytaire hémorragique congénitale de Bernard et Soulier 55-5 Thrombasthénie de Glanzmann 55-5 Troubles de la coagulation 55-5 Hémophilie 55-5 Maladie de Willebrand 55-5 Autres déficits acquis en facteur de coagulation 55-6 Syndrome thrombo-hémorragique 55-6 Coagulation intravasculaire disséminée et fibrinolyse 55-6 Purpura fulminans 55-7 Purpura fulminans néonatal 55-8 Autres purpuras fulminans 55-8 Syndrome thrombotique cutané 55-8 Syndrome des antiphospholipides 55-9 Nécrose à l’héparine 55-14 Nécrose aux antivitamines K 55-14 Syndrome des orteils pourpres aux antivitamines K 55-15 Bulles hémorragiques sous héparine de bas poids moléculaire 55-15 Réactions aux sites d’injections des héparines fractionnées 55-15 Syndromes d’hypersensibilité à la fluindione 55-15 Références 55-16

56 Déficits immunitaires primitifs Agnès Sparsa, Jean Sibilia, Didier Bessis Classification 56-1 Manifestations dermatologiques des déficits immunitaires primitifs 56-3 Infections cutanées 56-3 Éruptions eczématiformes 56-4 Érythrodermie du nouveau-né 56-5 Granulomatose cutanée 56-5 Déficits immunitaires primitifs humoraux 56-6 Agammaglobulinémie liée à l’X 56-6 Déficits immunitaires de type commun variable 56-6 Syndrome hyper-IgM autosomique récessif 56-7 Déficit sélectif en IgA 56-7 Déficits sélectifs en sous-classes IgG 56-8 Déficits de l’immunité cellulaire 56-8 Déficits immunitaires combinés sévères 56-8 Déficits cellulaires liés à un défaut de présentation de l’antigène 56-9 Déficits immunitaires cellulaires par défaut d’activation des lymphocytes T 56-10 Déficits quantitatifs sélectifs en lymphocytes T 56-10 Déficits isolés en cellules NK 56-10 Déficits immunitaires complexes caractérisés 56-10 Formes associées à des défauts thymiques 56-10 Déficits immunitaires caractérisés par un défaut de réparation de l’ADN 56-12 Syndrome avec hyper-IgE ou syndrome de Job-Buckley 56-13 Déficits de la régulation immunitaire 56-14 Déficits immunitaires caractérisés par un déficit des voies cytotoxiques (granules cytotoxiques cellulaires) 56-14 Syndromes APLS 56-16 Syndrome APECED 56-16 Syndrome IPEX 56-17 Anomalies des cellules phagocytaires 56-17 Neutropénies congénitales 56-17 Syndrome WHIM 56-18 Anomalies du chimiotactisme et de l’adhérence des granulocytes 56-18 Anomalies de la bactéricidie des granulocytes ou granulomatoses septiques chroniques 56-19 Déficits de l’immunité innée 56-20

XL

Table des matières Déficits en protéines du complément 56-20 Autres déficits primitifs de l’immunité innée 56-22 Démarche diagnostique en cas de suspicion de DIP 56-23 Interrogatoire et examen du carnet de santé 56-23 Enquête familiale 56-23 Examen clinique 56-24 Examens complémentaires de première intention 56-24 Examens complémentaires de deuxième intention 56-25 Traitements des déficits immunitaires primitifs 56-26 Déficits immunitaires humoraux 56-26 Déficits immunitaires cellulaires 56-26 Références 56-27

57 Maladie du greffon contre l’hôte Anne-Marie Mohty, Marie-Aleth Richard Définitions. Mécanismes 57-1 Maladie aiguë du greffon contre l’hôte 57-1 Physiopathologie 57-1 Facteurs de risque 57-1 Manifestations cliniques 57-2 Aspects histologiques 57-3 Diagnostic différentiel 57-3 Évolution et pronostic 57-3 Maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-3 Physiopathologie 57-3 Facteurs de risque 57-4 Manifestations cliniques 57-5 Aspects histologiques 57-7 Évolution et pronostic 57-7 Traitement 57-8 Maladie chronique du greffon contre l’hôte 57-8 Conclusion 57-8 Références 57-8

58 Carcinomes basocellulaires Michel Dandurand Épidémiologie 58-1 Facteurs étiologiques 58-2 Soleil 58-2 Rayons X 58-2 Immunodépression 58-2 Arsenic 58-2 Tabac 58-2 Génétique 58-2 Formes cliniques et histologiques 58-3 Formes cliniques 58-3 Formes histologiques 58-4 Aspect particulier de la composante épithéliale 58-5 Évolution et pronostic 58-6 Extension locale 58-6 Carcinomes basocellulaires métastatiques 58-6 Autres formes cliniques 58-7 Nævomatose basocellulaire 58-7 Syndrome de Bazex-Dupré-Christol 58-8 Syndrome de Rombo 58-8 Carcinome basocellulaire avec grains de millium de la face, cheveux et poils épars et drus 58-8 Xeroderma pigmentosum 58-8 Syndrome de Muir et Torre 58-8 Hamartome basocellulaire linéaire unilatéral 58-8

Table des matières XLI Hamartome sébacé de Jadassohn 58-9 Dermatofibrome 58-9 Facteurs pronostiques 58-9 Diagnostic 58-9 Traitement 58-9 Chirurgie 58-9 Cryochirurgie 58-10 Curetage-électrocoagulation 58-11 Radiothérapie 58-11 Autres traitements 58-11 Prise en charge thérapeutique 58-12 Formes primaires 58-12 Formes récidivées 58-12 Cas particuliers 58-12 Suivi des malades ayant un carcinome basocellulaire et prévention 58-12 Références 58-13

59 Carcinomes épidermoïdes Nicole Basset, Catherine Renaud-Vilmer Données épidémiologiques 59-1 Facteurs étiologiques 59-1 Soleil 59-1 Virus 59-2 Immunodépression 59-2 Plaies chroniques 59-2 Lichen scléroatrophique 59-2 Tabac 59-3 Substances chimiques 59-3 Génétique et carcinome épidermoïde 59-3 Clinique 59-3 Kératoses actiniques 59-3 Carcinome in situ ou maladie de Bowen 59-4 Carcinomes épidermoïdes invasifs 59-4 Histopathologie 59-4 Formes cliniques particulières 59-4 Carcinome verruqueux 59-4 Carcinomes périunguéaux 59-4 Carcinomes épidermoïdes muqueux ou des demi-muqueuses 59-5 Carcinomes épidermoïdes des organes génitaux externes 59-5 Pronostic et évolution 59-6 Diagnostic différentiel 59-7 Traitement 59-7 Traitement curatif 59-7 Traitement chirurgical 59-7 Autres traitements 59-7 Autres alternatives thérapeutiques 59-8 Traitement des aires ganglionnaires 59-8 Cas particuliers 59-8 Traitement préventif et surveillance 59-9 Références 59-9

60 Maladie de Bowen Isabelle Bourgault-Villada Épidémiologie 60-1 Étiologie 60-1 Anatomopathologie 60-1 Clinique 60-2 Forme cutanée 60-2 Forme muqueuse génitale : érythroplasie de Queyrat 60-2

XLII

Table des matières Traitement 60-3 Références 60-3

61 Maladie de Paget Jean Kanitakis Maladie de Paget mammaire 61-1 Épidémiologie 61-1 Aspect clinique 61-1 Diagnostic différentiel 61-1 Association à un cancer mammaire 61-2 Maladie de Paget mammaire chez l’homme 61-2 Aspect histologique 61-2 Physiopathogénie 61-3 Évolution. Pronostic 61-3 Traitement 61-3 Maladie de Paget extramammaire 61-4 Épidémiologie 61-4 Aspect clinique 61-4 Formes topographiques 61-4 Aspect histologique 61-5 Physiopathogénie 61-6 Bilan. Surveillance 61-6 Évolution. Pronostic 61-6 Traitement 61-6 Références 61-7

62 Carcinomes annexiels Bernard Cribier Carcinomes eccrines 62-1 Porocarcinome 62-1 Carcinome microkystique 62-2 Hidradénocarcinome 62-2 Carcinome eccrine syringomateux 62-2 Carcinome adénoïde kystique 62-2 Carcinome eccrine mucipare 62-3 Adénome digital papillaire agressif 62-3 Carcinomes apocrines 62-3 Carcinomes d’origine folliculaire 62-4 Carcinome trichilemmal 62-4 Pilomatricome malin 62-4 Carcinome trichoblastique 62-4 Carcinomes sébacés 62-4 Carcinomes sébacés extraoculaires 62-4 Carcinome sébacé oculaire 62-5 Traitement 62-5 Références 62-5

63 Carcinome neuro-endocrine cutané Alain Claudy La cellule de Merkel 63-1 Origine de la cellule tumorale 63-2 Aspects cliniques 63-2 Aspects histologiques et immuno-histochimiques 63-3 Évaluation d’une extension extracutanée du CNEC 63-4 Facteurs associés 63-5 Facteurs pronostiques 63-5 Traitement 63-5 Stade I 63-5 Stade II 63-6

Table des matières XLIII Stade III 63-6 Conclusion 63-6 Références 63-6

64 Mélanomes Gaëlle Quereux, Brigitte Dreno Épidémiologie 64-1 Facteurs de risque 64-2 Histoire naturelle du mélanome 64-2 Diagnostic clinique 64-2 Formes anatomocliniques 64-4 Mélanome à extension superficielle 64-4 Mélanome nodulaire 64-4 Mélanome de Dubreuil 64-4 Mélanome acrolentigineux 64-4 Mélanome achromique 64-5 Mélanome sous-unguéal 64-5 Mélanome des muqueuses 64-5 Formes cliniques atypiques 64-5 Examen anatomopathologique 64-6 Diagnostic différentiel 64-7 Kératose ou verrue séborrhéique 64-7 Histiocytofibrome 64-7 Carcinome basocellulaire 64-7 Lentigo actinique 64-7 Botriomycome 64-7 Facteurs pronostiques 64-7 Traitement 64-7 Mélanome primitif 64-7 Atteinte locorégionale 64-9 Immunothérapie spécifique 64-10 Références 64-10

65 Maladie de Kaposi Bernard Guillot, Nicolas Dupin Virus herpès humain 8 (HHV-8) 65-1 Historique 65-1 Structure du virus et cycle de réplication 65-2 Épidémiologie 65-2 Maladies associées 65-2 Lésions cliniques 65-3 Histologie 65-5 Spécificités cliniques et évolutives 65-5 Maladie de Kaposi classique 65-5 Maladie de Kaposi africaine endémique 65-5 Maladie de Kaposi au cours des greffes d’organe 65-6 Maladie de Kaposi au cours du SIDA ou forme épidémique 65-6 Évolution et pronostic 65-6 Diagnostic différentiel 65-7 Pseudo-« sarcomes » de Kaposi 65-7 Angiomatose bacillaire 65-8 Traitement 65-8 Moyens de traitement 65-8 Indications thérapeutiques 65-9 Maladie de Kaposi classique 65-9 Maladie de Kaposi africaine 65-9 Maladie de Kaposi iatrogène 65-9 Maladie de Kaposi associée au SIDA 65-9 Références 65-10

XLIV

Table des matières 66 Sarcomes cutanés Céleste Lebbé, Catherine Renaud-Vilmer, Marie-Dominique Vignon-Pennamen, Olivier Vérola Classifications 66-1 Sarcomes possédant des altérations génétiques spécifiques 66-1 Sarcomes dépourvus d’anomalie génétique spécifique 66-2 Grade histopronostique 66-3 Diagnostic et bilan 66-3 Particularités anatomocliniques 66-4 Tumeurs fibro-histiocytaires fréquentes 66-4 Tumeurs fibro-histiocytaires ou myofibroblastiques, plus rares, et souvent d’identification récente 66-6 Liposarcomes 66-7 Léiomyosarcomes 66-8 Tumeurs à différenciation indéterminée 66-8 Sarcomes épithélioïdes 66-9 Sarcomes vasculaires 66-10 Sarcome à cellules claires ou mélanome des tissus mous 66-12 Tumeurs malignes des gaines des nerfs périphériques 66-12 Traitement 66-13 Décision thérapeutique 66-13 Principes thérapeutiques 66-13 Indications thérapeutiques 66-14 Surveillance 66-15 Références 66-15

67 Cancers cutanés après transplantation d’organe Sylvie Euvrard, Jean Kanitakis, Alain Claudy Carcinomes 67-1 Épidémiologie 67-1 Aspects anatomocliniques 67-1 Aspects pathogéniques 67-2 Traitements immunosuppresseurs 67-3 Facteurs liés à la greffe 67-3 Traitement et prévention 67-3 Cancers anogénitaux 67-4 Maladie de Kaposi 67-5 Épidémiologie 67-5 Aspects anatomocliniques 67-5 Pathogénie 67-5 Diagnostic 67-6 Traitement et prévention 67-6 Mélanome 67-7 Carcinomes à cellules de Merkel 67-7 Lymphomes cutanés 67-7 Autres tumeurs rares 67-7 Conclusion 67-8 Références 67-8

68 Génodermatoses prédisposant aux cancers Didier Bessis, Myriam Marque, Nicolas Kluger, Isabelle Coupier Classification 68-1 Nævomatose basocellulaire 68-1 Xeroderma pigmentosum 68-4 Syndrome de Bazex-Dupré-Christol 68-5 Scléroatrophie d’Huriez 68-6 Maladie de Cowden et syndrome des hamartomes par mutation du gène PTEN 68-7 Syndrome de Muir-Torre 68-10 Syndrome de Gardner 68-12 Syndrome de Peutz-Jeghers 68-13 Complexe de Carney 68-15

Table des matières XLV Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (syndrome de Wermer) 68-16 Néoplasies endocriniennes multiples de type 2 68-17 Syndrome de Birt-Hogg-Dubé 68-18 Léiomyomatoses cutanées et utérines familiales 68-20 Dyskératose congénitale 68-22 Syndrome de Rothmund-Thomson 68-23 Syndrome de Werner 68-26 Déficit en stéroïde sulfatase 68-28 Consultation oncogénétique 68-29 Références 68-31

69 Syndromes paranéoplasiques dermatologiques Didier Bessis Dermatoses presque constamment paranéoplasiques 69-2 Syndrome carcinoïde malin 69-2 Acrokératose paranéoplasique de Bazex 69-4 Hypertrichose lanugineuse acquise 69-5 Erythema gyratum repens 69-6 Érythème nécrolytique migrateur et syndrome du glucagonome 69-6 Pemphigus paranéoplasique 69-7 Pachydermatoglyphie 69-9 Papillomatose cutanée et muqueuse floride 69-10 Ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique et hippocratisme digital 69-10 Fasciite palmaire et arthrite 69-11 Dermatoses fréquemment révélatrices d’un cancer 69-11 Acanthosis nigricans 69-11 Ichtyose acquise 69-12 Hyperkératose palmaire filiforme 69-13 Pityriasis rotunda 69-13 Syndrome de Cushing paranéoplasique 69-13 Dermatomyosite 69-14 Phlébites paranéoplasiques 69-15 Maladie de Paget extramammaire 69-15 Réticulohistiocytose multicentrique 69-15 Dermatoses paranéoplasiques et hémopathies 69-15 Dermatoses neutrophiliques 69-16 Érythrodermies 69-16 Érythromélalgie 69-16 Prurit 69-16 Amylose immunoglobulinémique 69-16 Vascularites cutanées 69-16 Affections cutanées inconstamment décrites associées à une néoplasie 69-16 Syndrome de Raynaud, acrocyanose et gangrène digitale 69-16 Signe de Leser et Trélat 69-17 Mélanose cutanée du mélanome malin 69-17 Références 69-18

70 Métastases cutanées Bernard Guillot Généralités 70-1 Aspects cliniques 70-1 Formes nodulaires 70-1 Formes inflammatoires 70-1 Formes scléreuses 70-2 Autres aspects cliniques 70-2 Aspects topographiques 70-2 Topographie des métastases 70-3 Topographie de la tumeur primitive 70-4 Éléments du diagnostic 70-5

XLVI Table des matières Clinique 70-5 Histologique 70-5 Pronostic et traitement 70-7 Références 70-7

71 Effets cutanéo-muqueux indésirables des chimiothérapies antitumorales Didier Bessis, Bernard Guillot, Olivier Dereure Principales manifestations cliniques 71-1 Toxicité sur les phanères et les annexes cutanés 71-1 Troubles pigmentaires 71-4 Syndrome sclérodermiforme induit 71-5 Érythème acral 71-5 Interactions avec les rayonnements électro-magnétiques 71-6 Troubles vasomoteurs 71-8 Effets secondaires locaux des agents cytotoxiques 71-8 Mucites 71-9 Effets secondaires divers 71-9 Médicaments responsables 71-11 Anthracyclines (doxorubicine ou adriamycine) 71-11 Bléomycine 71-11 Busulfan 71-11 Camptotécine (Irinotécan) 71-11 Chlorambucil 71-11 Cisplatine 71-11 Cladribine (2-CdA) 71-11 Cyclophosphamide et ifosfamide 71-11 Cytarabine (ARA-C) 71-11 Étoposide (VP 16) 71-11 Fludarabine (FLU) 71-11 5-Fluoro-uracile (5-FU), capécitabine et tégafur 71-11 Gemcitabine 71-11 Hydroxyurée (HU) 71-12 L-asparaginase (L-ASP) 71-12 Méchloréthamine 71-12 Melphalan 71-12 Mercaptopurine (6-MU) 71-12 Méthotrexate 71-12 Mitomycine C 71-12 Nitroso-urées (BCNU, CCNU, fotémustine) 71-12 Taxanes (paclitaxel, docetaxel) 71-12 Thiotépa 71-13 Topotecan 71-13 Vinca-alcaloïdes (vindésine, vinorelbine, vincristine, vinblastine) 71-13 Références 71-13

72 Effets cutanéo-muqueux indésirables des cytokines et des nouvelles molécules anticancéreuses Didier Bessis, Olivier Dereure, Bernard Guillot Cytokines, inhibiteurs des récepteurs à l’EGF et anticorps monoclonaux 72-1 Interférons 72-1 Interleukine 2 (IL-2) 72-7 Facteurs de croissance hématopoïétiques : G-CSF, GM-CSF 72-8 Nouvelles molécules anticancéreuses 72-9 Inhibiteurs du récepteur à l’Epidermal Growth Factor 72-10 Autres inhibiteurs de tyrosine-kinase 72-13 Inhibiteur des protéasomes 72-15 Références 72-16

73 Réactions cutanées induites par les rayonnements ionisants Pierre Clavere, Annie Bonnafoux-Clavere, Jean-Marie Bonnetblanc Réactions cutanées précoces 73-1 Clinique 73-1 Facteurs de risque 73-2 Physiopathologie 73-2 Thérapeutique 73-2 Prévention 73-2 Traitement des manifestations aiguës 73-3 Réactions cutanées tardives 73-4 Clinique 73-4 Physiopathologie 73-5 Prévention des effets tardifs 73-5 Traitement des manifestations tardives 73-5 Radiodermites après explorations radiologiques interventionnelles 73-6 Réveil radique (« radiation recall ») 73-7 Dermatoses radio-induites 73-7 Morphées radio-induites 73-8 Pemphigoïde radio-induite 73-8 Syndrome EPPER 73-8 Références 73-8

Table des figures Liste des tableaux Table des encadrés Index