L’origine des mathématiques [179]

- Edito : L’histoire d’une fascination - Actualités - Quand les fantassins de Napoléon étaient à bout de souffle - Une h

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L’origine des mathématiques [179]

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N°179 JUILLET

2018 PARUTION 6/8

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Des centaines

Les fantassins de Napoléon exhumés étaient dans un état physique déplorable.

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OOSSIER//LES ORIGINES DES MATHÉMATIQUES

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24

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE



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Dans les sociétés antiques, l 'influence grandissante des mathématiques entraîne des progrès considérables des savoirs techniques et scientifiques, écrivant un nouvel ordonnancement du monde.

P

our asticoter un spécialiste de l'histoire des mathématiques, demandez-lui de quand date le Big Bang de la discipline. Après un court flottement, la réponse tombera : il n'en sait rien. En fait, nul n'en sait rien, même si, de l'avis deux général, le fameux « bâton d'lshango petit os scarifiés découverts en Afrique équato­ riale et vieux de plus de 20 ooo ans, constitue la plus ancienne preuve de dénombrements arith­ métiques. De même, les historiens des sciences s'accordent à penser que les mathématiques in statu nascendi (à l'état naissant), telles celles pra­ tiquées en Mésopotamie aux IVe-rue millénaires avant notre ère, semblent servir pour l'essentiel à mesurer la surface de terrains, estimer les récoltes »,

pour l'impôt, régler des questions d'héritage, sa­ tisfaire des besoins comptables... «L'ambition des

premiers mathématiciens n'est pas de. produire des connaissances désincarnées ni de démontrer, mais de résoudre de.s problèmes concrets, terre à terre, liés à L'arpentage, l'administration, Le commeTce . . , ex­ plique le vulgarisateur des mathématiques Hervé Lehning. Malgré ces origines modestes , les mathé­ matiques ne vont cesser de gagner en impOTta.nce dans les sociétés antiques, notamment en GTèce où rien ou PTesque ne compte plus qu'elles pouT un phi­ losophe comme Platon. Surtout, ce savoir, loin de s'enfermer dans un splendide isolement, va partager son destin avec d'autres disciplines et permettre ainsi de multiples avancées scienti­ fiques et techniques. 1 .

»

Le« bâton d'lshango » et ses séries d'en­ coches serait une machine à calculer vieille d'environ 20000ans.

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 25



OOSSIER//LES ORIGINES DES MATHÉMATIQUES

L'architecture fécondée par les mathématiques

P

armi la brochette d'activités évoluant en symbiose avec les mathématiques au temps jadis, L'architecture est celle qui affiche le plus ostensiblement les fruits de cette union. Ziggourats de Mésopotamie, pyramides d Égypte, Parthénon, Panthéon de Rome et sa coupole de 43 m de diamètre (la plus grande du monde jusqu'à l'invention du béton armé et celle du CNIT) . . . Tous ces chefs-d'œuvre de l'art de bâtir démontrent que les concepteurs de monu­ ments de grande envergure sont aussi des mathéma­ ticiens, dit Bertrand Hauchecorne, rédacteur en chef de la revue de mathématiques Tangente. Il faut en effet de solides connaissances en géométrie et en arithmétique pour agencer des édifices aussi complexes et garantir leur stabilité. Le génie grec, en la matière, va jusqu'à user de légêres mais subtiles distorsions pour créer des effets d'optique chargés de renforcer l'harmonie d'un bdtiment. Par exemple, le '

«

léger renflement des colonnes d'un temple neutralise

l'impression d'écrasement que provoquent les rayons du soleil en circulant entre les cylindres, et cache à coup sûr de savants calculs. » Mais de là à voir derrière cette fascination pour l'ordre et la raison l'influence de la doctrine pythagoricienne, laquelle, au tournant des vie et ve siècles avant notre ère, fait des nombres Le mausolée d'Halicarnasse, dont la taille des sculptures croit progressi· vement jusqu'au char colossal du sommet.

entiers la clé d'explication du monde ( Tout est nombre », proclame Pythagore ) , il n'y a qu'un «

pas . . . à ne pas franchir. Certes, à l'époque hel­ lénistique (1v•-1•r siècles avant notre ère), des architectes comme Hermogène ou Pythéos de Priène, le concepteur du mausolée d'Halicar­ nasse, mettent un point d'honneur à empri­ sonner » leurs réalisations dans des cadres géo­ métriques résultant de savantes combinaisons de proportions jugées, par eux, admirables, et réservées à quelques initiés. Mais prétendre que le nombre d'or, un nombre désigné par la lettre 1 cp et égal à �"5, soit environ 1,618, constitue La pierre angulaire de toute l'architecture grecque et se retrouve dans le théâtre d'Épidaure, dans la façade du Parthénon et celle du trésor de Cyrène est pure hypothèse. 1 «

Astronomie et mathématiques comme instruments politiques utre tandem fusionnel: les mathématiques et l'astronomie. La plupart des civilisa­ tions antiques où prédomine l'idée qu'une étroite correspondance relie les phénomènes cé­ lestes (éclipses, passage de comètes. . . ) et les évé­ nements qui scandent la vie des sociétés humaines (guerres, paix, épidémies. . . ), et où l'astronomie et

A

26 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

Cette fresque du plafond de la chambre funéraire figure les étoiles et les constellations.

1294-1279

1

L'émergence d'une science

l'astrologie sont inextricablement liées, mettent à profit leurs connaissances en mathématiques

1

pour établir des horoscopes et s'en servir comme instruments de décision politique. Ce qui réclame de disposer d'éphémérides précises (tables don­ nant la position calculée des différents astres, en général pour l'année à venir), elles-mêmes calcu­ lées à partir de tables astronomiques qui en sont un peu le noyau dur. La relation mathématiques­ astronomie, poussée à la puissance ro en Grèce, s'y solde par de grandes premières ». Aristarque de Samos, au n1• siècle avant notre ère, estime finement le rapport des diamètœs de la Terre et de la Lune grâce à la géométrie.

l-+20000

«

« Qu'ils s'avêrent d'une précision surprenante quand ils montrent que le diamètre de la Lune est le tiers de celui de la. Terre, ou grossièrement faux s'agissant de la distance Terre-Soleil, les calculs d'Aristarque sont toujours intéressants, car ils montrent com­ ment des concepts mathématiques aident les Grecs à mieux se représenter le monde qui les entoure '"

commente Hervé Lehning. Les liens entre astro­ nomie et géométrie se renforcent encore d'un cran au u• siècle avant notre ère sous l'impulsion d'Hipparque. Lequel, via la trigonométrie dont il pose les bases, précise entre autres la position d'environ huit cent cinquante étoiles qu'il classe par grandeuIS suivant leur éclat, et découvre la précession des équinoxes (modification de l'orientation de l'axe de la Terre qui agit sur la durée du cycle des saisons). 1

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: :s mathématiques par les hommes. m• millénaire

avant notre ère

Recours à la géométrie par les architectes

égyptiens et premières

tablettes mathématiques en Mésopotam ie.

VI• si ècle

;

I!l..f

Création du Lycée par Aristote qui

érige la logique en science.

-+-260

Détermination par

Aristarque de Samos, grâce la géométrie,

du diamètre exact de la Lune. -+ n• siècle

avant notre ère

avant notre ère

Apogée de

doctrine pythagoricienne

avec Hipparque,

tlaboration de la

fondée sur le principe que « Tout est nombre

(entier). "

l -+ -387 1 1

-+-335

l'astronomie grecque fondateur

de la trigonométrie. -+ n• siècle

de notre ère

Fondation de l'Académie

Approche rationnelle

les philosophes doivent

de maladies par

par Platon, selon lequel acquérir la maîtrise

des mathématiques.

de la cause

Galien, formé aux

mathématiques.

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 27



OOSSIER//LES ORIGINES DES MATHÉMATIQUES

Hippocrate et Galien, les médecins les plus connus du monde antique, sont réunis sur cette fresque de la cathédrale d'Agnanl (Italie).

Les mathématiciens sont aussi des philosophes

P

arce qu'elles partagent les mêmes interro­ gations (Quelle est la nature de l'infini ? Qu'est-ce qu'une preuve ? Etc.) et se veulent l'une comme l'autre recherche systématique de la vérité, les mathématiques et la philosophie che­ minent elles aussi de conserve dans !'Antiquité grecque. Pour Platon, qui évoque entre autres le problème de la duplication d'un carré dans son dialogue Le Ménon et la figure du mathématicien Théétète, à l'origine des livres X et X I I I des Élé­ ments d'Euclide, dans Le Sophiste et surtout Le Théétète, la géométrie est indispensable à la forma­ tion des citoyens et plus encore à celle des philosophes «

chaTgés de gouverner la cité idéale qu'il décrit dans sa

La fin des superstitions et le début de la médecine

E

t la médecine ? Dans des cultures (Méso­ potamie, Égypte pharaonique ... ) où la maladie est perçue comme une manifesta­ tion des dieux qui châtient par ce biais les indi­ vidus coupables d'une infraction volontaire ou involontaire à l'ordre social, médecine et magie sont indissociables. Rien de tel ou presque sous le ciel radieux de !'Attique. Même s'il existe une médecine religieuse en Grèce, si le célèbre serment dit d'Hippocrate débute par une invo­ cation aux dieux et si l'on doit aux Grecs des générations de saignées inutiles, sinon nocives,

Pythagore, Hippocrate, Galien sont les premiers à tenter de dégager la médecine de sa gangue de su­ perstition, et ce en partie grace aux mathématiques, dit Bertrand Hauchecorne. Galien (ll• siècle de notre ère) , en particulier, que son père architecte initie à l'arithmétique et à la géométrie, fonde la médecine sur la Taison et l' expéTience, qu'il appelle "ses deux jambes" . IL étudie avec soin l'anatomie gr{ù;e à des dissections , une méthode et une rigueuT très vraisemblablement héritées de sa formation mathématique. » 1 «

(

28 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

République, explique Élisabeth Busser, co-auteure d'une Histoire des mathématiques de l'Antiquité à l'An mil. Les mathématiques, écrit Platon qui a fait graver la phrase Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre » au fronton de son Académie, faci­ «

litent à l'ame elle-même le passage du monde sensible «

Aristote, Platon et Socrate (de gauche à droite), ..• et op h es p hilos mathématiciens.

d la vérité et à l'essence ». Le même penseur postule

Les secrets de l'harmonie

que les objets mathématiques existent en dehors de l'esprit des mathématiciens, qu'ils ont une existence en soi et résident dans un "monde des Idées" éternelles, immuables, aUf1uel notre conscience a accès et d !'intérieur duquel nous avançons progressivement ,.. Pour Aristote, qui manifeste lui aussi un immense intérêt pour les mathématiques, qui jette les bases de la logique (donc l'objet spécifique est l'étude des formes de démonstration), qui explore les notions d'infini et de continuité (du temps, de la ligne droite), qui expose l'incommensurabilité de la dia­ gonale du carré avec son côté, cette science est au contraire une pure construction de l'esprit humain. La connivence entre mathématiques et philosophie, née dans !'Antiquité grecque, perdurera des siêcles, dit Élisabeth Busser. Jusqu'à Poincaré, tous les grands mathématiciens ou presque seront a.ussi de grands philo­ sophes. ,. De quoi regretter que l'enseignement des deux matières soit aujourd'hui si nettement séparé, et le fossé entre « littéraires ,. et " matheux " si large. Ce qui s'appelle une équation corsée. 1

1

«

mpossible pour les

gueurs des cordes

Grecs, dans !'Anti­

qui vibrent sont des

quité, de

nombres entiers.

disjoindre les mathé­

Qu'importe si

matiques de la

l'histoire est vraie.

i e. L'origine de musqu cette union? Un éclair d'illumination pro­ voqué, dit-on, par le

" Pour les pythagori­

titre que l'astronomie

passage de Pythagore

ou la géométrie,

devant un ateier l de

«

Philippe Testard-Vaillant

« QUE NUL N' ENTRE ICI S'IL N ' EST GÉOMÈTRE »

ciens, la musique est une science au même

com­ mente tlisabeth

forgerons. Le mathé­ maticien-philosophe,

Busser. Leur théorie

féru de musique,

sphères repose sur

séduit par une série

l'idée que l'uniuers est

de notes harmo­

un gigantesque instru­

nieuses produites par

ment d'origine diuine.

quatre marteaux frap­

Les planètes, dont cha­

de la "musique des •

pant une enclume,

cune est associée à une

aurait eu l'intuition

note, agissent comme

que ces accords pou­

les cordes d'une lyre

vaient se mesurer et

et engendrent par

aurait découvert

leurs mouuements

qu'une harpe produit des tonalités

une musique parfaite

agréables quand les

entendue par des

rapports des Ion-

oreilles humaines.

qui ne peut être •

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•routesles �du -·Let.nlng, Almmorlon, 2017. ··� Ill ill'ditldl..n •• �horsrf'60(2017). e• l"astt o o omle. La 9'om"rlodo run1ve11 •, 1llngentt hors-série n• 21 (2005). •« Mathfmatlques 1t plllloSPhie. En quôto

deW.lt8s•.� hors-sérien• 38

(2010). •• Mathsetmus� Dos destinées par1:11Mes.... •• 7llt>t/frlfehors1"1o ••, (2010).

Forgeron martelant dans sa forge (céra­ mique, vers 510-500 avant J.-C). �ES CAHIERS OE SCIENCE & VIE 29

30 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE



OOSSIER/LES / ORIGINES DES MATHÉMATIQUES

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 31

OOSSIER#LES ORIGINES DES MATHÉMATIQUES

� e t ran es interro ations au

32 LES CAHIERS OE SCIENCE & VIE



1

Ces questions ont marqué le passage de l'utilitaire à l'abstraction, plongeant depuis la nuit des temps des générations de mathématiciens dans de longues quêtes, dont certaines ne sont pas encore résolues aujourd'hui.

e

'

istoire Peut-il n'y avoir qu'un seul infini ?

L

e concept concerne à la fois les mathéma­ tiques et la philosophie, la cosmologie et les sciences de la nature. I.:infini surgit dès l'instant oi:1 nous y songeons. Et pourtant, nous éprouvons clairement de nombreuses difficultés à l'appréhender. Il surgit pour La première fois au vie siècle av. J.-C. dans la pensée du Grec Anaxi­ mandre de Milet, élève du célèbre Thalès. C'est en s'intéressant au fondement de l'Univers que le philosophe met au point le concept d'apeiron (lit­ téralement infini » ou illimité »), qui désigne le

principe et substrat de tout ce qui existe. À peine «

«

quelques années plus tard apparaît la première véri­ table appréhension arithmétique de l'infini. Selon les historiens, celle-ci correspondrait à la décou­ verte des nombres irrationnels par les membres de l'école pythagoricienne, alors qu'ils cherchaient à déterminer une mesure de la diagonale d'un carré de côté 1. Les mathématiciens ont alors introduit L'infini dans l'univers mathématique en montrant que cette valeur était égale à -./z, un nombre ir­ rationnel qui possède une infinité de décimales. C'est toutefois Zénon d'Élée qui popularise vérita­ blement cette notion d'infini vers 450 av. J.-C. Le philosophe l'utilise en effet comme point de départ pour élaborer une série de célèbres paradoxes visant à prouver que le mouvement n'est qu'une illusion. Le plus connu, celui d'Achille et de la tortue, qui postule que le premier ne rattrapera jamais La se­ conde s'il part après elle, reste un grand classique même s'il est aujourd'hui résolu. Tout au Long de sa propagation dans la pensée mathématique et philosophique, ce concept d'infini déroute les penseurs de tous bords. En effet, celui-ci semble contredire certains prin­ cipes de base de L'arithmétique: par exemple, si L'on ajoute ou retranche un nombre à l'infini, le résultat est toujours infini. Afin de se libérer de ce questionnement, Aristote va jusqu'à affirmer dans le livre I I I de sa Physique que les mathé­ maticiens n'ont pas besoin dans Leur travail de L'infini en tant que nombre. Cette question, quasi

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 33

enterrée pendant plusieurs centaines d'années, revient en force au xvne siècle quand Galilée postule que l'affirmation admise de tous, « le tout est plus grand que la partie '» n'est plus va­ lide lorsqu'on parle de quantités infinies. Selon l'ltalien, lorsqu'on regarde la suite des nombres entiers ( 1, 2, 3. . . ) et celle de leur carré ( 1, 4, 9. . . ), on trouve bien une correspondance un à un entre les termes de chaque suite. La première et la deuxième contiennent un nombre infini d'en­ tiers, mais la deuxième est nécessairement plus petite que la première puisqu'il lui manque des nombres. Ainsi naît la notion d'infinis de tailles différentes, que de grands mathématiciens philosophes tenteront d'étudier par la suite, de Descartes à Hegel en passant par Leibniz. Mais c'est véritablement !'Allemand Georg Cantor qui révolutionne la conception mathématique de l'infini. Dans sa théorie des ensembles éla­ borée à la fin du XIXe siècle, le mathématicien démontre qu'il n'existe pas qu'un seul infini et que l'infini des nombres réels (1, n, ../13 ... ) est plus grand que l'infini des entiers naturels ( 1, 2, 3 . . . ). Les recherches sur l'infini sont aujourd'hui encore d'actualité. Lors du deuxième congrès in­ ternational des mathématiciens qui s'est déroulé à Paris en 1900, David Hilbert a présenté une liste de vingt-trois problèmes à résoudre pour le xxe siècle. Le tout premier d'entre eux concerne précisément l'infini : existe-t-il des types d'infinis de tailles intermédiaires entre celle de l'ensemble des nombres entiers naturels et celle des nombres réels ? Cette question est toujours non résolue à l'heure actuelle. 1 «

»

,��·

Les entailles effectuées sur l'un des deux os d'lshango (-20000 ans) correspondent aux nombres premiers compris entre 10 et 20. Hasard ou première table des nombres premiers?

34

�.

&

LES CAHIERS DE SCIENCE VIE

Peut-on connaître tous les nombres premiers ?

C

e sont deux petits bouts d'ossement, tota­ lement insignifiants au premier regard. Pourtant, les os d'lshango, découverts dans les années 1950 au sein de l'acruelle République démocratique du Congo, sont absolument uniques au monde. Datés de 20 ooo ans, ces os contiennent de nombreuses incisions sur chacune de leurs faces, que de nombreux chercheurs interprètent comme étant la plus ancienne preuve d'une pratique arith­ métique dans toute l'histoire de l'humanité. En par­ ticulier, parmi les trois séries Pyramide: un polyèdre dont les

du cube et la trisection de l'angle.

arêtes sont obtenues en joignant

Il créa la conchoïde. une courbe

les sommets d'un polygone (la

«

dont il avait énoncé la construc­

base) à un point S (le sommet), non

tion », selon Pappus d'Alexandrie.

situé dans le plan de ce polygone.

-!•Nombres: les Grecs les identi­

+Pythagoricien: un corps commu­

fiaient à une quantité (nombres

tatif dans lequel la somme de deux

entiers), à la mesure d'un segment,

carrés est un carré.

d'une aire ou d'un volume et à leurs

+Sexagésimal: un système de

rapports.

numération de position à base

+ Numération: un système permet­

soixante. Utilisé par exemple pour

tant d'écrire et de nommer tout

la mesure des arcs et des angles.

nombre entier naturel et les autres

+Théorème: proposition dont les

nombres avec la possibilité d'effec­

propriétés ont été démontrées.

tuer des calculs entre eux. + Plan: employé seuI, ce mot évoque un espace de 2 dimensions. Usuellement, la formule « du plan » renvoie au plan euclidien.

+ Zénon d'�lée: (V" siècle av.

J.-C.). Ses paradoxes semblent

prouver l'impossibilité du mouve­ ment. Il considère ainsi qu'une flèche lancée reste immobile, car

+ Platonlclens: les corps ou solides

tout corps est en repos lorsqu'il

platoniciens s'appliquent aux cinq

se trouve dans un espace égal à

polyèdres réguliers convexes.

son volume.

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 41

OOSSIER//LES ORIGINES DES MATHÉMATIQUES

es a itions aux a stractions en

42

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

La pratique mathématique des Mésopotamiens ne s'est pas réduite à un versant utilitaire. E quations, algèbre, géométrie et problèmes arithmétiques complexes étaient également au programme.

éso otainie

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 43

ans les années 1930, François Thureau-Dangin et Otto Neugebauer publient la traduction de tablettes mathématiques mésopotamiennes découvertes un demi-siècle plus tôt et vieilles de plus de quatre mille ans. La réac­ tion est double : on admire la dextérité calcula­ toire des scribes, mais on regrette leur incapacité à s'élever jusqu'au ciel étoilé des démonstrations pures. Les pieds dans la glaise, ils semblent ne se passionner que pour des problèmes de canaux à creuser, de citernes à remplir, de champs à par­ tager. Ils font des algorithmes comme on trace un sillon : avec obstination, zèle, méthode, mais sans relever la tête. Bref, des élèves méritants mais un peu épais, pas tout à fait dignes de passer dans la classe supérieure, celle d'Euclide et d'Archimède.

LA MÉSOPOTAMIE SERAITEAU DES

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On en était encore là il y a quarante ans quand certains chercheurs ont commencé à étudier mé­ thodiquement ces textes d'apprentissage pour en discerner la logique interne. Et certaines tablettes exceptionnelles, ne relevant pas de la formation des scribes, mais de la recherche ou de l'érudi­ tion, ont ébranlé les certitudes. Notre regard sur la science mésopotamienne a changé. Au point que des spécialistes sont allés jusqu'à affumer que les mathématiciens babyloniens auraient n i fluencé Euclide : la Mésopotamie serait-elle le berceau des mathématiques comm.e elle a été celui de l'écriture ?

1

«

»,

Nippur (actuel Irak). Son confrère danois Jens Hoyrup souligne pour sa part l'importance d'une tradition de « devinettes d'arpenteurs circulant dans ce milieu professionnel. Sur ce terreau se greffe une réforme de la métro­ logie intervenant à la fin du troisième millénaire av. J.-C., sous l'empire d'Akkad. On invente un système simple et maniable, avec seulement deux signes (le clou pour les soixantaines et le chevron pour les dizaines). Ce système sexagésimal (de base principale 60 et de base secondaire 10) est posi­ tionne!: autrement dit un clou signifie, selon sa position, 60, 6a2, 6o3 (mais aussi Ji, 6Ôi· etc.). Mais la propriété la plus intéressante de cette numération babylonienne est l'absence d'une séparation entre la place des unités et le reste du nombre. Cette nota­ tion dite en virgule flottante » se caractérise par »

«

Des empires et des maths

1-..+ 3700-2900 av. J.-C. --+ 2900-2370

!

Avant de juger de l'ampleur et de la portée de cette tradition scientifique, essayons de décrire son émergence. On a parfois insisté sur le rôle des grandes constructions étatiques établies dans cette région du monde dès le III• millénaire av. J.-C. (voir chronologie). Dans le cadre d'une administration centralisée, il fallait savoir c01npter les troupeaux, les soldats, les impôts. L'explication est à la fois séduisante et insuffisante : car d'autres grands empires de !'Antiquité, les Hittites ou les Minoens par exemple, ne nous ont laissé aucune trace d'activité mathématique élaborée. La plupart des spécialistes actuels relèvent que c'est plutôt dans la pratique de l'arpentage qu'il faut chercher l'humus originel de cette tradition scientifique (voir également l'Égypte, p. 50). Les premières tablettes significatives (entre 2900 et 2400 av. J.-C.) décrivent des aires de carrés ou de rectangles. Le problème de L'évaluation des surfaces fut au cœur des plus anciennes spéculations mathématiques de cette région souligne Christine Proust, spécialiste de la question, auteure d'une thèse de référence sur les tablettes retrouvées à

tpoque de !'Uruk ancien (vers -3400, naissance de l'écriture).

tpoque des dynasties archaïques et des cités-ttats du pays de Sumer (premières tablettes mathématiques significatives).

44 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

--+ 2350-2150

Mise en place de l'empire d'Akkad (réforme des systèmes de mesures et de la comptabilité).

-..+ 2I00-2000

Dynastie d'Ur Ill (apparition de la numération sexagésimale).

--+ 2000-1600

tpoque paléo­ babylonienne (développement des écoles de scribes et grande époque des tablettes mathématiques).

-.+900-550

Empires néo­ assyrien et néobabylonien (textes médicaux et astronomiques).

OOSSIER//LES ORIGINES DES MATHÉMATIQUES

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