Livres et lectures des fonctionnaires des ducs de Bourgogne (ca 1420-1520) 9782503544410, 250354441X

Longtemps restées dans l'ombre de la bibliophilie des grands lignages aristocratiques de la cour de Bourgogne, les

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Livres et lectures des fonctionnaires des ducs de Bourgogne (ca 1420-1520)
 9782503544410, 250354441X

Table of contents :
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Remerciements
Abréviations des bibliothèques & lieux de conservation
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Introduction
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Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie
Chapitre I : Les hommes
§. I. Le corpus de possesseurs : critères de sélection
§. II. La constitution du Répertoire biographique
§. III. La représentativité du corpus
Chapitre II : Les livres
§. I. Les livres subsistants
I. 1. Rassembler : la recherche de provenance
I. 2. Décrire : la recherche des données internes et externes
§. II. Les mentions de livres
II. 1. Les testaments, inventaires après-décès et comptes d’exécution testamentaire
II. 2. Les catalogues de bibliothèques appartenant à des fonctionnaires
II. 3. Les sources à caractère administratif émanant d’institutions religieuses
II. 4. Les sources à caractère administratif émanant d’institutions civiles
II. 5. Les témoignages d’érudits
II. 6. Les sources narratives
§. III. La représentativité du corpus
III. 1. « Vie privée, vie publique ». Remarques sur le taux de survie des livres des officiers ducaux
III. 2. L’approche quantitative du corpus : observations critiques
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Partie II : Voyage au cœur des librairies
Chapitre I : La taille des bibliothèques ou l’impossible mesure des inconnues
§. I. L’application des méthodes quantitatives à l’histoire du livre. Quelques questions critiques
§. II. Les profils quantitatifs
II. 1. ULes données chiffrées objectives
II. 2. ULes critères de vraisemblance
A. L’appartenance à l’Église
B. Les laïcs
C. La formation universitaire
D. L’activité littéraire et ses dérivés
E. L’implication dans les milieux intellectuels et culturels
F. Quelques critères de vraisemblance spécifiques
Chapitre II : Ut conclave sine libris ita corpus sine anima. La composition des librairies
§. I. Alia quaterna sine principio et sine titulo. Considérations critiques sur la documentation
II. 1. UAptitudes et habitudes linguistiques
II. 2. ULatin et vernaculaire : quelques tendances chiffrées
A. Les 19 collections bien documentées
B. Le reste du corpus
II. 3. UTrois modèles de librairies
§. III. Primo de libris theologicis. Les textes à caractère religieux
III. 1. UL’ensemble du corpus
III. 2. ULes librairies des ecclésiastiques
A. Principaux traits communs
B. Quelques spécificités
§. IV. Et les loix et décretz monstrent aussi en ce lieu leurs secretz . Les textes à caractère juridique
IV. 1. UUne très large pénétration du droit
IV. 2. UL’audience accordée au droit savant (canon et civil)
IV. 3. ULa place du droit coutumier
§. V. Tant légendes comme chroniques, histoires, gestes et autres. Les textes à caractère historique
V. 1. UL’histoire universelle
V. 2. UL’histoire « nationale », régionale et locale
A. Angleterre et France
B. Hainaut, Brabant, Hollande et Flandre
C. L’historiographie bourguignonne
V. 3. UL’histoire ancienne
§. VI. Les Livres de gestes, de ballades et d’amours. La littérature « romanesque »
§. VII. In rhetorica et In poetria. La littérature classique et humaniste
VII. 1. UÉtat des lieux
A. La littérature classique
B. Les auteurs humanistes
C. Profils de lecteurs
D. Morale et rhétorique, le double attrait des belles-lettres latines
VII. 2. UHumanisme philologique et humanisme bourguignon
A. Les librairies marquées par l’humanisme philologique
■ Antoine Haneron
■ Jérôme de Busleyden
■ Philippe Wielant
B. Les librairies marquées par l’humanisme bourguignon
■ Vasque de Lucène et Jean Lorfèvre
■ Jacques Donche
■ Antoine Rolin et Guillaume Hugonet
§. VIII. Li livre de la fontaine de toutes sciences. Les textes à caractère scientifique, technique et didactique
VIII. 1. ULes fondements aristotéliciens et les œuvres encyclopédiques
VIII. 2. ULes savoirs plus spécialisés
A. Astronomie et astrologie
B. Géographie et littérature de voyage
C. Varia
D. « Miroirs » et autres représentants de la littérature exemplaire
VIII. 3. ULes textes de médecine
A. L’ensemble du corpus
B. Quelques bibliothèques plus spécialisées
§. IX. Sur ung faitiz pulpitre estoit tendue sa librarie. Espaces, mobilier et classement des bibliothèques
IX. 1. UDe l’armarium à l’armariumUP741F PU. Les locaux et le mobilier
A. Aperçu général
B. Bref essai comparatif
IX. 2. ULes modes de classement
A. Philippe Wielant et Jean de Wysmes
B. Wouter Lonijs et Nicolas Clopper
C. Martin Steenberch
D. Guillaume Hugonet
E. Corneille Haveloes
Chapitre III : Manuscrit et imprimé, retour sur les raisons d’un succès inégal
§. I. Les obstacles documentaires
§. II. La place accordée aux manuscrits et aux imprimés. Tendances quantitatives
§. III. Une réception contrastée
III. 1. UDie ser abel ende subtile konst der prennteUP
A. Les possesseurs d’imprimés : profils
B. Les raisons d’un accueil positif
■ Jean II Rolin
■ Jérôme de Busleyden
C. Les témoignages de l’ouverture à l’imprimé
■ Une réception rapide
■ Des nouveautés imprimées
■ Wouter Lonijs et les Frères de la Vie commune
■ Antoine Haneron et Richard de La Chapelle
III. 2. UEst virgo hec penna, meretrix est stampificata
A. Le poids de la tradition
B. Le manuscrit à miniatures, cette valeur sûre
C. Les exigences de l’humanisme philologique
D. Les attraits du manuscrit « ancien »
E. Les limites techniques
F. La copie personnelle
■ Généralités
■ Nicolas Ruter, Jérôme de Busleyden et Ysembart Rolin
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Partie III : Des livres et des hommes
Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre : les « officiers-commanditaires »
§. I. Les principaux centres d’approvisionnement
I. 1. UBrabant
I. 2. UHainaut et Tournaisis
I. 3. ULille
I. 4. UFlandre
I. 5. UFrance et duché de Bourgogne
I. 6. URegards croisés sur quelques copistes, enlumineurs et relieurs « au service » des fonctionnaires
A. Autour de David Aubert
B. Autour de Jean du Quesne
C. Autour de Liévin Stuvaert
D. Autour de Georgius de Houdelem
§. II. Le libraire, un homme (presque) invisible
II. 1. ULe Livre des Mestiers
II. 3. UÀ l’ombre de l’Université
II. 4. UDe commande et d’étal
II. 5. UDes « hommes-orchestre »
Chapitre II : Le livre comme agent de liaison
§. II. Le milieu ecclésiastique
II. 1. UTendances générales
II. 2. URéseaux relationnels particuliers
A. Autour de la collégiale Sainte-Gudule
B. Autour du Val-Saint-Martin et du Rouge-Cloître
C. Thierry Gherbode et Jean IV d’Hulst
D. Jean Lorfèvre et le doyen de Notre-Dame de Namur
E. Henri de Berghes et Quentin Benoist
§. III. La sphère institutionnelle
III. 1. ULe livre comme agent de liaison entre les officiers
A. Autour de Guillaume Hugonet
B. Autour de Nicolas Ruter
C. Autour de François de Busleyden
D. Gui Gilbaut et Jean Chevrot
E. Jean Chevrot et David de Bourgogne
F. Roland L’Escrivain et Guillaume Fillastre
G. Edmond Le Musnier, Nicolas Finet et Guillaume Fillastre
H. Ferry de Clugny et Henri de Berghes
I. Jean Martin, Jean Machefoing, Philippe Bouton et Georges Chastelain
J. Martin Steenberch et Gossuin van der Rijdt
III. 2. ULes avantages liés au service ducal
A. Le livre comme gratification ducale
B. Le livre comme butin de guerre
■ Jacotin Le Carpentier
■ Pierre de Bourbon-Carency
■ Henri de Warigny
■ Robert de Saveuses
■ Philippe de Chaumergy
C. Le livre comme objet de trafics d’influence
§. IV. Les circuits culturels
IV. 1. ULe monde académique
IV. 2. ULes cénacles humanistes
IV. 3. ULes milieux « mondains »
§. V. Les milieux urbains
V.1. UTournai
V. 2. ULille
V. 4. UBruges
V. 5. UDijon
§. VI. Les fonctionnaires ducaux et la plus riche et noble librairie du monde
VI. 1. ULes ouvrages offerts par les officiers
A. Guillaume Fillastre
B. Pierre de Boostenswene
C. Messire Joffroy
D. Messire Guy
E. Pierre Longue Joe
F. Jean Vignier
VI. 2. ULes ouvrages venusUP397F PU des officiers
A. Les achats de livres
■ Baudouin d’Oignies
■ Thomas Orlant
B. Les clauses juridiques
■ Godevaert de Wilde
■ Pierre de Hauteville
C. Un accident de parcours
VI. 3. UL’accès des officiers à la librairie de Bourgogne
A. Georges Chastelain, lecteur de la librairie de Bourgogne ?
B. Quelques remarques sur le fonctionnement de la librairie ducale
C. Les fonctionnaires, des usagers de la librairie de Bourgogne ?
Chapitre III : Livre-outil et objet-livre, usages du livre et pratiques de lecture
§. I. Communauté de lecteurs
§. II. Pratiques de lecture et usages du livre
II. 1. ULe lecteur « professionnel »
II. 2. ULe lecteur « amateur »
II. 3. ULivre-outil et livre-objet : variantes et déclinaisons
II. 4. UL’appropriation du livre : les marques d’appartenance, un miroir à double face
§. III. Les livres, un arsenal politique
III. 1. UDes instruments de réflexion
Conclusion
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Répertoire biographique
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Répertoire documentaire
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Catalogue descriptif
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Bibliographie générale
Van Hoorebeeck - Adam 2009 - Registrum omnium librorum medicinalium.La bibliothèque de Nicolas Valckenisse. (ca † 1480), docteur en médecine de Louvain, dans Pratique et pensée médicales à la Renaissance., éd. J. Vons, Paris, 2009, pp. 25-47.
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Index des noms de personnes
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Index des manuscrits et incunables cités
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Index des manuscrits et incunables cités
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Index des manuscrits et incunables cités
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Index des manuscrits et incunables cités
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Livres et lectures des fonctionnaires des ducs de Bourgogne (ca 1420-1520)

Texte, Codex & Contexte XVI

Directrice de collection: Tania Van Hemelryck Comité scientifique: Bernard Bousmanne Jacqueline Cerquiglini-Toulet Giuseppe Di Stefano Claude Thiry

Livres et lectures des fonctionnaires des ducs de Bourgogne (ca 1420-1520)

Céline Van Hoorebeeck

H

F

Illustration de couverture: Frontispice Leonardo Bruni, Guerres puniques, KBR ms. 10777 © 2014, BREPOLS PUBLISHERS n.v., TURNHOUT, BELGIUM All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or ­transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior ­permission of the publisher. D/2014/0095/119 ISBN 978-2-503-54441-0 Printed on acid-free paper

Table des matières Remerciements

7

Abréviations des bibliothèques & lieux de conservation

9

Introduction

11

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

17

Chapitre I : Les hommes

19

Chapitre II : Les livres

29

Partie II : Voyage au cœur des librairies

49

Chapitre I : La taille des bibliothèques ou l’impossible mesure des inconnues Chapitre II : Ut conclave sine libris ita corpus sine anima. La composition des librairies

51 71

Chapitre III : Manuscrit et imprimé, retour sur les raisons d’un succès inégal

175

Partie III : Des livres et des hommes

209

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre : les « officiers-commanditaires »

211

Chapitre II : Le livre comme agent de liaison

243

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre, usages du livre et pratiques de lecture

299

Répertoire biographique

329

Répertoire documentaire

383

Catalogue descriptif

527

Bibliographie générale

613

6

Table des matières

Index des noms de personnes

649

Index des manuscrits et incunables cités

658

REMERCIEMENTS Cet ouvrage est le fruit d’une thèse de doctorat en Histoire médiévale menée dans le cadre du Pôle d’Attraction Interuniversitaire (PAI), programme de recherches financé par le Service Public Fédéral Belge « Politique scientifique » et défendue en 2007 aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur. Nous exprimons notre sincère reconnaissance envers Marc Boone (UGENT), coordinateur de ce PAI, ainsi qu’à Patrick Lefèvre, Directeur général de la Bibliothèque royale de Belgique où nous avons poursuivi nos recherches au sein du Département des Manuscrits. Nos plus vifs remerciements s’adressent également aux collègues, conservateurs et bibliothécaires belges et étrangers dont les compétences et la collaboration nous ont été précieuses, en particulier Bernard Bousmanne (KBR), Dominique Vanwijnsberghe (IRPA), Hanno Wijsman (IRHT), Renaud Adam (UNAMUR), Xavier Hermand (UNAMUR) et Tania Van Hemelryck (UCL). Notre profonde gratitude va en outre à ceux qui, amis et famille, ont constitué durant toutes ces années de recherche une indispensable garde rapprochée. À Benoît H., un merci, très, très particulier. Et enfin à Félix, pour qui les livres sont des amis et sans qui ces pages n’auraient jamais pu voir le jour.

Avis au lecteur La version conçue pour la publication de cette thèse de doctorat a été finalisée en 2009. Tout moment possède ses limites, en particulier bibliographiques, mais aussi sa cohérence. C’est pourquoi nous avons préféré la laisser en l’état.

ABRÉVIATIONS DES BIBLIOTHÈQUES & LIEUX DE CONSERVATION

ADCO : Dijon, Archives départementales de la Côte d’Or ADN : Lille, Archives départementales du Nord AGR : Bruxelles, Archives générales du Royaume ASG : Anderlecht, Archives de la collégiale Sainte-Gudule de Bruxelles Baltimore, WAG : Baltimore, Walters Art Gallery BAV : Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana BL : Londres, British Library BM : Bibliothèque municipale BNF : Paris, Bibliothèque nationale de France Copenhague, KB : Copenhague, Det Kongelige Bibliotek Florence, BML : Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana KBR : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique La Haye, KB : La Haye, Koninklijke Bibliotheek Oxford, BL : Oxford, Bodleian Library Madrid, BN : Madrid, Biblioteca Nacional New York, PML : New York, Pierpont Morgan Library ÖNB : Vienne, Österreichische Nationalbibliothek

INTRODUCTION Par sa thématique et sa méthode, cet ouvrage centré sur les livres et les lectures des fonctionnaires des ducs de Bourgogne entre ca 1420 et 1520 s’inscrit à la croisée de deux courants historiographiques : d’une part, l’histoire sociopolitique et institutionnelle et d’autre part, l’histoire des pratiques culturelles dont l’histoire du livre fait désormais partie intégrante. L’examen du personnel au service d’un État ou d’une principauté connaît depuis quelques décennies un vif regain d’intérêt. Pour les Pays-Bas bourguignons, le dynamisme des écoles allemande, belge et hollandaise a donné lieu à des monographies de référence consacrées aux membres d’institutions de premier plan (Chambres des comptes, Conseils, Chancellerie de BourgogneFlandre, Parlement puis Grand Conseil de Malines, hôtel ducal) et aux « hommes de pouvoir » qui composent l’entourage princier. En réhabilitant l’approche sociale et politique des structures institutionnelles, ces travaux permettent aujourd’hui de se faire une idée plus juste de l’origine des officiers ducaux, de leur formation, de leur champ d’action, de leurs activités ou encore de leur appartenance à tel ou tel réseau de sociabilité. Dans le champ de l’histoire culturelle en général et de l’histoire du livre en particulier, on assiste aussi depuis deux décennies à l’émergence de nouveaux foyers d’innovation qui empruntent des voies assez diverses. Parmi les principaux axes de recherche, on retiendra les développements de la codicologie quantitative qui prône l’analyse sérielle de populations de livres ainsi que l’attention renouvelée portée à la bibliographie matérielle, où le livre est examiné au premier chef en tant qu’objet physique à vocation culturelle. Porté surtout par des chercheurs anglo-saxons et français, un autre courant s’est progressivement affirmé, qui met l’accent sur les pratiques de lecture et le rapport au li(v)re. L’étude des marques de provenance apposées dans les manuscrits et les imprimés, apparue plus récemment, bénéficie elle aussi depuis quelques années d’un réel engouement auprès des chercheurs anglais, belges et français. De nombreux travaux s’inscrivent à présent dans ces différentes tendances. On dispose désormais pour les Pays-Bas bourguignons de solides études consacrées à la production du livre manuscrit et imprimé, à la reconstitution des bibliothèques de la noblesse ou encore à la librairie des ducs de Bourgogne. L’édition des listes de livres rédigées avant 1500 dans l’espace actuel de la Belgique a par ailleurs offert un indispensable point d’appui pour l’étude des bibliothèques de différents groupes sociaux.

12

Introduction

Pourtant, il n’existe encore aucune monographie qui jette des ponts entre les données sur les librairies des fonctionnaires ducaux fournies par une démarche traditionnelle d’histoire du livre et les acquis de l’histoire des institutions bourguignonnes. Les préoccupations des spécialistes de l’appareil d’État bourgondohabsbourgeois ne rejoignent que ponctuellement celles de leurs collègues qui pratiquent une histoire culturelle appréhendée sous l’angle des bibliothèques et des modalités de la lecture. De plus, sans s’ignorer complètement, les premiers se risquent rarement à entrer dans l’univers bien particulier du livre médiéval tandis que les seconds hésitent généralement à s’aventurer trop avant dans la complexité des arcanes de l’État bourguignon. Un phénomène similaire s’observe d’ailleurs en France malgré la parution d’articles pionniers consacrés aux bibliothèques des gens du Parlement de Paris sous Charles VI et aux collections des notaires royaux au XVIe siècle. Une certaine prise de conscience de ces fondements culturels s’observe toutefois depuis quelques années, sans pourtant donner lieu à des développements spécifiques à l’histoire du livre. Parent pauvre des travaux en histoire politique et institutionnelle, l’étude des bibliothèques des officiers ducaux est restée dans l’ombre de celle de la librairie de la maison de Bourgogne et des collections de la haute aristocratie incarnée par les Clèves, Croÿ, Lannoy, Luxembourg et autres Nassau. Hormis quelques publications isolées consacrées à l’un ou l’autre « fonctionnaire bibliophile », les livres qui ont appartenu à des agents moins en vue dans le paysage politique bourguignon ont bien souvent été oubliés. On relèvera par ailleurs que dans bon nombre de publications, la librairie de Bourgogne est volontiers considérée comme « la » bibliothèque archétypale par excellence qui aura donné le ton à l’ensemble des collections de la grande noblesse ainsi qu’à celles des fonctionnaires ducaux. Cette opinion appelle quelques nuances, comme nous tenterons de le démontrer en espérant combler, fût-ce partiellement, les lacunes de l’historiographie. Sous une apparente simplicité, le recensement, la description et l’analyse des livres en possession des fonctionnaires au service des ducs de Bourgogne soulèvent en réalité de nombreuses questions critiques et méthodologiques. La constitution du corpus de possesseurs représente une première difficulté. Elle repose en partie sur la définition du fonctionnaire telle que nous la proposons, soit tout individu qui exerce de manière récurrente ou occasionnelle un office rétribué au service de l’État bourguignon. Au sens strict, ces critères s’appliquent aussi bien aux membres de la haute noblesse qui gravitent dans la sphère curiale qu’aux homines novi qui évoluent plus bas ou plus loin sur l’échiquier social bourguignon. Les bibliothèques de l’élite aristocratique représentent toutefois un sujet déjà largement balisé et, en excluant cette catégorie de possesseurs, un groupe de 103 fonctionnaires qui répondent à la définition

Introduction

13

évoquée plus haut a pu être constitué. Cette population, il faut le souligner, est loin de former un ensemble lisse et homogène. Des différences de tous ordres traversent en effet ce corpus d’une centaine de propriétaires de livres, composé d’hommes d’Église et de laïcs, de titulaires d’un grade académique et de personnalités qui n’ont pas été formées à l’Alma Mater, d’officiers fraîchement anoblis et de roturiers, de ministres qui exercent au sommet de l’État et de fonctionnaires de second plan. Entre un valet de chambre de l’hôtel ducal, un technicien des finances d’une Chambre des comptes, un secrétaire de chancellerie et un membre du privé conseil de monseigneur, le principal − sinon le seul − dénominateur commun reste le service du prince. Cette variété de profils bien contrastés a constitué une donnée fondamentale dont il importait de tenir compte à chaque étape. La nature hybride et le caractère hétéroclite des sources mobilisées dans la reconstitution et la description des livres des fonctionnaires constituent un second écueil. Une partie de la documentation se compose de près de 200 manuscrits et imprimés encore existants et conservés en mains privées ou dans des bibliothèques institutionnelles européennes et américaines, dispersées entre Autun et Wells-next-the-Sea en passant par Bruxelles, Paris, Los Angeles, SaintPétersbourg ou Bratislava. L’autre partie du spectre documentaire concerne les livres connus uniquement par une mention dans des sources littéraires ou des pièces d’archives qui relèvent elles aussi de genres très divers (testaments, inventaires après-décès et comptes d’exécution testamentaire, actes de donation, catalogues autographes, correspondance ou encore témoignages d’érudits). Les dictats de cette documentation polymorphe et disparate ont également conditionné la méthodologie mise en œuvre dans cette étude. Enfin, nos premières investigations dans les bibliothèques des officiers qui ont fait carrière dans les pays de par-delà ont abouti à un constat paradoxal. Malgré une série d’outils heuristiques éprouvés qui concernent tant l’histoire du livre que les structures institutionnelles, l’examen des librairies des fonctionnaires qui ont exercé en Bourgogne et en Franche-Comté représente encore un territoire presque inexploré. Cette observation a justifié au premier chef les limites géographiques ramenées aux seules possessions septentrionales de l’État bourguignon. En revanche, la fixation des repères chronologiques s’est imposée d’ellemême. La décennie 1420 marque les débuts du principat de Philippe le Bon qui a repris en l’amplifiant la grande tradition bibliophilique de la maison de Valois incarnée au tournant des XIVe et XVe siècles par le roi Charles V, frère de son grand-père Philippe le Hardi. Profond et durable, l’impact de la domination du livre imprimé sur son homologue manuscrit à partir des années 1520 constitue un tournant majeur dans l’histoire du livre et constitue à ce titre un terminus ante quem naturel.

14

Introduction

L’ossature du présent ouvrage s’articule autour de trois parties qui répondent chacune à une approche et à des objectifs spécifiques. Les fondements documentaires, le traitement critique des sources et les principes méthodologiques généraux sont exposés dans la première partie à travers deux chapitres consacrés respectivement au corpus des fonctionnaires possesseurs et à celui de leurs livres. Intitulée Voyage au cœur des librairies, la deuxième partie comporte trois chapitres qui abordent une problématique propre à l’histoire du livre. L’importance quantitative des librairies des officiers est analysée dans le premier chapitre. Il y est question des difficultés posées par la stricte application des principes de la codicologie quantitative puis des démarches méthodologiques entreprises pour y remédier. Le contenu des bibliothèques s’inscrit au cœur du deuxième chapitre qui rappelle en préambule quelques jalons critiques. Une attention particulière et relativement inédite y est portée à l’environnement matériel (locaux, mobilier) et aux modes de classement des collections. Cette deuxième partie se clôture par un chapitre centré sur l’audience accordée par les officiers au manuscrit et à l’imprimé : la manière dont cette ouverture s’est exprimée y est analysée, de même que les raisons qui expliquent le succès inégal rencontré auprès des agents ducaux par le produit de l’ars artificialiter scribendi. En centrant le propos sur les relations croisées entre les hommes et leurs livres, la troisième partie se tourne vers les ressources d’autres disciplines telles que l’histoire de l’art et la sociologie de la lecture. Le premier chapitre entend prendre la mesure exacte de la place occupée par les « officiers-commanditaires » sur le marché du livre, notamment enluminé, et présente en outre quelques pistes pour une meilleure compréhension du large champ d’action du libraire. Souvent ignoré ou sous-estimé, le rôle d’agent de liaison joué par le livre au cœur des réseaux relationnels des fonctionnaires est longuement développé dans le deuxième chapitre. Un paragraphe est consacré aux liens multiples et complexes tissés via le livre entre les agents ducaux et la librairie de Bourgogne. Les données des chapitres précédents servent de point d’appui au troisième et dernier chapitre qui en propose une synthèse partielle tout en ouvrant sur d’autres problématiques. Les concepts de culture savante et de culture de cour y sont réévalués dans une perspective plus large fondée à la fois sur la notion de communauté de lecteurs et sur la prise en compte des usages du livre et des pratiques de lecture. Les modalités des relations au livre et à l’acte de lire conduisent à l’esquisse de deux profils de lecteurs (« professionnels » et « amateurs »), marqués chacun par un certain rapport au livre vécu dans sa dimension d’outil ou d’objet. Ces considérations mènent enfin à l’ébauche de quelques réflexions sur l’impact et les limites auprès des officiers du processus de bourgondisation, appréhendé ici dans son aspect littéraire.

Introduction

15

Reconstituer l’univers intellectuel des officiers des ducs de Bourgogne via leurs librairies ; en analyser la taille, le contenu et les aspects matériels ; mesurer leur rôle d’agents culturels dans la production livresque des Pays-Bas méridionaux et, partant, revenir sur le concept d’émulation verticale entre les officiers et la maison princière ; révéler grâce aux diverses fonctions du livre l’existence, la nature et l’ampleur des réseaux de sociabilité au sein desquels ils évoluent ; appréhender leurs habitudes de lecture et les déclinaisons de leur rapport au livre ; cerner à travers leurs lectures la manière dont ils ont reçu le processus de bourgondisation : telles sont les principales lignes de faîte de cette étude qui, à la croisée de l’histoire institutionnelle et de l’histoire des idées, espère contribuer à une meilleure connaissance du substrat culturel des fonctionnaires au service de mondit seigneur.

PARTIE I : CORPUS, FONDEMENTS DOCUMENTAIRES ET MÉTHODOLOGIE

Collectionneurs avertis et bibliophiles dans l’âme, les ducs de Bourgogne restent avant tout des chefs d’État qui ont cherché à s’entourer de collaborateurs compétents et efficaces pour gouverner un territoire qui, durant plusieurs décennies, n’a cessé de s’étendre. Dans son Instruction d’un jeune prince, Hughes de Lannoy déplorait déjà toute la difficulté de trouver des conseillers qui répondent au profil idéal imposé par la fonction. L’art ne consiste pas tant à s’entourer d’officiers puissans et riches et de bon lignage ; encore faut-il qu’ils soient preudommes, sages, eslevés en entendement ou en science, véritables, crémans Dieu et héans avarice 1. Sous la plume de cet auteur issu d’une illustre famille, on distingue en filigrane quelques-unes des critiques encourues par ces hommes parvenus aux plus hautes charges. La noblesse d’épée juge d’un mauvais œil le prestige et la puissance acquis par ces auxiliaires du pouvoir dont elle fustige l’origine roturière et l’ambition. Hughes de Lannoy invoque ainsi la doctrine d’Aristote pour soutenir que c’est grant folie aux princes et aux grans seigneurs de avancier et édifier ung homme vicieux de basse condicion, car à l’omme nouvel fault trop de choses avant ce qu’il soit pareil ne samblable à ceulx des anciens lignages 2. Georges Chastelain ne mâche pas davantage ses mots envers ces clercs aucuns hautement promus, qui non nobles, ne de sang ne de mœurs, occupent les sièges et dignités souvent en court des vrais nobles en cœur et en fait 3. Les propos de Jacques du Clercq sur Nicolas Rolin résument bien un sentiment qu’il n’était pas seul à partager. Voilà un homme pourtant venu de petit lieu qui, devenu chancelier, sy gouverna tellement qu’il réussit non seulement à amasser une fortune considérable mais aussi (et peut-être surtout) à faire de touts ses enfans des grands seigneurs et à marier ses filles très haultement. L’opinion du chroniqueur sur la conduite morale du chancelier se passe de commentaires : ledit chancellier fust reputé ung des sages hommes du royaulme a parler temporellement ; car au regarde l’espirituel, je m’en tais 4. Si les fonctionnaires ducaux ont parfois été jugés sévèrement, d’aucuns parmi leurs contemporains leur ont toutefois reconnu certaines qualités. L’indiciaire 1

Potvin 1878, p. 371.

2

Potvin 1878, p. 371.

3

Kervyn de Lettenhove 1863-1866, VI, pp. 402-403.

4

de Reiffenberg 1835-1836, III, p. 203.

18

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

Georges Chastelain évoque ainsi le chancelier Pierre de Goux en des termes plutôt élogieux 5 et Olivier de La Marche souligne dans sa Chronique les compétences du secrétaire puis greffier de la Toison d’or Martin Steenberch, notable clerc qui moult bien estoit stilé à mectre par escript en latin, en françois et en allemand 6. Quels que soient les sentiments de mépris, d’envie ou d’admiration nourris à leur égard, ceux que John Bartier a appelés légistes et gens de finance ont assurément joué un rôle-clé dans le bon fonctionnement des rouages institutionnels. Sans ces secrétaires, ces juristes, ces experts en matières financières et ces conseillers de tous ordres qui ont exercé au cœur ou en périphérie de l’échiquier administratif, l’État bourguignon n’aurait sans doute été qu’un géant aux pieds d’argile. Conçue comme un « retour aux sources » en deux volets consacrés respectivement aux officiers ducaux puis aux livres en leur possession, la première partie de cette étude expose les fondements documentaires et les principes méthodologiques mis en œuvre. Le premier chapitre porte sur le groupe de fonctionnaires propriétaires de livres et s’articule autour de quatre questions. De quelle manière ce corpus a-t-il été établi ? Quels sont les critères qui ont présidé à sa constitution ? Quels sont les officiers qui le composent ? Quel est le degré de représentativité des données rassemblées ? Le second chapitre constitue le pendant, côté livres, des investigations centrées sur le corpus de possesseurs. La connaissance du patrimoine livresque des fonctionnaires repose sur deux types de sources très différentes, qui font dès lors l’objet d’une analyse spécifique : les manuscrits et imprimés subsistants et les mentions dans les documents d’archives et les pièces littéraires. Des considérations critiques sur la représentativité du corpus de livres viendront clore ce second chapitre.

5

Kervyn de Lettenhove 1863-1866, V, p. 33.

6

Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, II, pp. 85-86.

CHAPITRE I : Les hommes Un fil rouge traverse l’ensemble de cet ouvrage : la mise en relation d’un patrimoine livresque avec un groupe particulier de possesseurs, celui des fonctionnaires des ducs de Bourgogne. Le terme « fonctionnaire » désigne ici tout individu qui exerce de manière récurrente ou occasionnelle un office rétribué au service de l’État bourguignon dans les Pays-Bas méridionaux entre ca 1420 et 1520. Cette définition, aux contours assez larges sans être indistincts, offre l’avantage d’embrasser conjointement des individus au profil professionnel, social et culturel fort contrasté. Trois critères de sélection délimitent toutefois le champ d’investigations, qui seront exposés avant de présenter la méthodologie mise en œuvre pour la constitution du Répertoire biographique des fonctionnaires-possesseurs, puis de revenir sur la représentativité du corpus rassemblé. Officier, agent, ministre, commis, serviteur, conseiller, fonctionnaire... Les termes ne manquent pas pour désigner ceux qui exercent des fonctions d’ordre administratif, financier, judiciaire, diplomatique et militaire au sein de l’appareil institutionnel bourguignon. Du reste, les sources elles-mêmes présentent souvent une nomenclature assez floue et il faut reconnaître qu’aucun substantif ne rend parfaitement compte de la diversité des situations rencontrées 7. Les termes « fonctionnaire » 8, « agent » ou encore « officier » ont donc été privilégiés plutôt que « conseiller », jugé trop ambigu ou « serviteur », au caractère trop réducteur. Le qualificatif de « ministres » a été réservé aux seuls détenteurs de fonctions de premier plan impliquant un réel pouvoir de décision ou une proximité effective avec le prince. §. I. Le corpus de possesseurs : critères de sélection Les agents dont la carrière s’est déroulée exclusivement ou en majeure partie dans les territoires méridionaux de l’État bourguignon ont été écartés pour deux raisons. La première tient à l’absence d’études spécifiques consacrées aux livres et aux lectures des officiers actifs dans les pays de par-delà 9. La somme de J. Bartier offre pourtant un excellent point de départ, de même que les travaux de M.-Th. Caron sur la noblesse en Bourgogne ou ceux de T. Dutour sur la société

7

Status quaestionis sur ces difficultés lexicales et aperçu des principales positions rencontrées dans l’historiographie dans Gonzalez 2004. Voir également Serviteurs de l’État 1999.

8

Quoiqu’anachronique, le terme « fonctionnaire » a par exemple été privilégié par M. Boone dans son importante contribution au volume Le prince et le peuple (Prevenier 1998).

9

À retenir néanmoins : Lecture et lecteurs 2005.

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Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

dijonnaise10. Du point de vue de l’histoire du livre, on dispose également d’instruments de travail éprouvés tels que la liste des inventaires de livres français rédigés entre le VIIIe et le XVIIIe siècle 11 ou encore les volumes bibliographiques consacrés aux catalogues anciens et modernes de manuscrits médiévaux en écriture latine 12. Si les carences bibliographiques ne peuvent donc être incriminées, il faut pourtant constater que les librairies des agents qui ont exercé en Bourgogne s’avèrent encore très largement terra incognita. Une seconde observation justifie que ces bibliothèques n’aient pas ici été prises en compte : il semblerait qu’il n’existe quasi aucun « transfert culturel NordSud » en matière de livres. La percolation des standards livresques prônés par la cour de Bourgogne et adoptés par de nombreux fonctionnaires ayant fait toute leur carrière dans le Nord paraît en effet avoir été extrêmement ténue auprès des propriétaires qui exerçaient dans les territoires de par-delà 13. Une rapide analyse des sources et un dépouillement plus soutenu de la littérature secondaire laissent entrevoir une production et une circulation du livre majoritairement circonscrites à l’échelle régionale. Si des natifs de Bourgogne ou de FrancheComté partis travailler dans le Nord (et qui s’y sont installés durablement) se sont parfois tournés vers l’artisanat de leur contrée d’origine 14, leurs collègues restés au pays paraissent n’avoir jamais fait appel aux compétences pourtant internationalement reconnues des copistes, enlumineurs et relieurs de Bruges, Gand, Lille ou encore Valenciennes. Leurs sollicitations s’adressent en priorité à la main-d’œuvre de Dijon, Autun ou Besançon 15. L’enluminure bourguignonne ne saurait certes rivaliser avec celle des grands centres septentrionaux mais 10

Bartier 1955-1957 ; Caron 1987 ; Dutour 1998.

11

Genevois - Genest - Chalandon 1987.

12

Indices librorum. Catalogues anciens et modernes de manuscrits médiévaux en écriture latine, I, éd. F. Dolbeau et P. Petitmengin, Paris, 1987 ; II, Paris, 1995.

13

Ces données se fondent sur un échantillon d’une trentaine de possesseurs : Jean de Visen et Jean Druet, receveurs généraux de Bourgogne ; Philibert de la Ferté et Jean Jouard, présidents du Parlement de Bourgogne ; Claude Loys et Pierre le Varnier, membres du Parlement de Dole ; Jean Bonost et Nicolas Bouesseau, maîtres de la Chambre des comptes de Dijon ; Jean d’Auxonne, clerc à la Chambre des comptes de Dijon ; Étienne Chambellan, receveur du bailliage de Dijon ; Guillaume d’Aubenton, avocat ducal au bailliage d’Auxois ; Philippe Lexartey, chantre et chapelain à la chapelle ducale de Dijon, etc.

14

Détails dans la Partie III, chap. I.

15

Le missel-psautier de Jean Jouard, président du Parlement de Bourgogne, a ainsi été enluminé par un miniaturiste bisontin (Vesoul, BM, ms. 13) tandis que son collègue Philibert de la Ferté avait sollicité le Maître des prélats bourguignons pour décorer ses Heures (Cambridge, Fitz. Museum, ms. 73). Deux ouvrages de Philippe Lexartey, chantre et chapelain à la chapelle ducale de Dijon, ont vraisemblablement été réalisés en Bourgogne (BnF, nouv. acq. lat. 1734 et 1737). Quant aux livres d’heures de Claude Loys, membre du parlement de Dole (Baltimore, WAG, ms. W. 191) et de Nicolas Bouesseau, maître de la Chambre des comptes de Dijon (Baltimore, WAG, ms. W. 219), ils ressortent probablement de la production franc-comtoise.

Chapitre I : Les hommes

21

compte néanmoins quelques miniaturistes qui ont visiblement satisfait la majeure partie de la clientèle locale 16. Ce constat s’explique sans doute largement par la distance avec les grands foyers de culture « bourguignonne », par la moindre fréquence des séjours princiers dans ces contrées puis par le rattachement de la Bourgogne ducale à la France après 1477. Ont été également exclus les fonctionnaires dont la carrière ou la date de décès s’inscrivent dans une fourchette antérieure ou postérieure de 5 à 10 ans aux bornes chronologiques arrêtées (soit ca 1420 et 1520). Cette seconde restriction s’explique par un phénomène propre à l’histoire du livre et reconnu depuis longtemps dans l’historiographie. Après plusieurs décennies de cohabitation entre les deux médias, les années 1520-1530 sanctionnent en effet la suprématie de l’imprimé sur le manuscrit. Cette profonde mutation dans le mode de reproduction des textes et de production du livre aura de lourdes conséquences sur la taille, le mode de composition et le contenu des bibliothèques postérieures au premier tiers du XVIe siècle. Parce que l’imprimé s’impose désormais comme le principal vecteur de la multiplication et de la circulation des idées, le rapport au livre du lecteur-possesseur du XVIe siècle s’en trouvera lui aussi profondément modifié17. Si on peut mettre au jour une certaine cohérence dans les librairies des fonctionnaires ducaux constituées entre ca 1420 et 1520, elles n’offrent en revanche que peu de points communs avec leurs homologues formées à la génération suivante. Une étude comparative axée précisément sur ces différences et menée sur une plus large échelle aurait naturellement été riche d’enseignements. Elle aurait par exemple permis d’évaluer, sur la longue durée, les facteurs de rémanence et les indices de césure, voire de rupture. Les démarches entreprises en ce sens se sont toutefois heurtées à l’ampleur, à la dispersion et au caractère largement inédit de la documentation. Si les livres d’un Charles Le Clerc († 1533) 18, Laurent du Blioul († 1542) 19, Andries de Roubaix († 1543) 20 ou encore Jean II Carondelet († 1545) 21 n’ont donc pas stricto sensu été 16

Sur l’enluminure en Bourgogne : Avril - Reynaud 1993, pp. 193-197 et 393-398 ; Cassagnes 1999.

17

Avec près de 500 titres et une domination écrasante de l’imprimé sur le manuscrit - des caractéristiques absentes des librairies de la génération précédente -, la collection du conseiller au Grand Conseil de Malines Pierre L’Apostole († 1532) constitue un témoignage éloquent de ces changements (sur ce personnage et sa bibliothèque : K. Mannaerts, De bibliotheek van raadsheer Pierre Lapostole († 1532), dans Handelingen van de Koninklijke Kring voor Oudheidkunde, Letteren en Kunst van Mechelen, n°103, 2000, pp. 125-173).

18

Sur les livres qui lui ont appartenu : Philippe le Beau 2006, n°39 et 16.

19

L’inventaire des livres confisqués en 1568 au héraut d’armes de la Toison d’or Nicolas de Hames comprend un manuscrit qui porte la signature de Laurent du Blioul, nommé greffier de l’Ordre en octobre 1496 (Pinchart 1860-1881, I, p. 1112). Un livre de prières du début du XVIe siècle présente par ailleurs son ex-libris (KBR, ms. II 4982), inscrit également dans un De regimine principum de Gilles de Rome imprimé à Venise en 1498 (Augsbourg, SStB, 2° Ink 1057).

20

Analyse de sa librairie dans Van Hoorebeeck 2005a.

22

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

retenus, un détour par certaines collections postérieures sera parfois proposé dans la mesure où il apporte des éléments de compréhension quant aux librairies des agents bourguignons constituées au cours des générations précédentes. Enfin, les travaux d’H. Wijsman sur les collections de la haute aristocratie dans les Pays-Bas bourguignons entre 1400 et 1550 sont à l’origine du troisième critère de sélection. L’auteur se consacre en effet depuis quelques années à la reconstitution, l’analyse et la mise en perspective des librairies d’une vingtaine de familles issues de la noblesse bourguignonne (Clèves, Croÿ, Lalaing, Lannoy, Luxembourg, Nassau, etc.) ainsi qu’à celles des chevaliers de la Toison d’or 22. La notion de noblesse, utilisée précisément par H. Wijsman comme principal facteur de délimitation de son corpus, figure toutefois parmi les concepts les plus discutés en histoire sociale 23. À l’évidence, la définition générale du fonctionnaire ducal proposée plus haut (soit toute personne exerçant de manière récurrente ou occasionnelle un office rétribué au service de l’État bourguignon dans les Pays-Bas méridionaux) s’applique aussi à la grande majorité des possesseurs étudiés par H. Wijsman. Il existe cependant de réelles différences entre les deux corpus, qui ne se laissent entrevoir qu’au prix d’une longue enquête pour cerner au plus juste la nature, l’étendue et l’importance des services rendus par chaque individu au-delà de son titre ou de sa fonction. Dans le paysage social bourguignon, un Adolphe de Clèves ou un Charles de Croÿ se définissent probablement avant tout par leur état d’aristocrates d’illustre lignée plutôt que par leurs responsabilités au service de la maison princière 24. Il en va tout autrement pour un Nicolas Rolin ou un Antoine Haneron, des hommes qui doivent leurs fonctions et leur position sociale non pas à leur naissance, mais à des compétences reconnues par le prince. Une approche plus fine des réalités sociales et professionnelles laisse donc entrevoir certaines frontières, même si une ligne de démarcation nette et sans bavure ne saurait être tracée. En s’inscrivant en complément de la présente étude, les recherches sur les collections de la haute noblesse dans les Pays-Bas bourguignons constituent dès lors de solides points d’appui pour en saisir les points de jonction comme les éléments divergents. Si ces trois critères de sélection ont servi de mètre-étalon, quelques individus situés plus ou moins « en périphérie » ont toutefois été retenus. Le parcours per-

21

Sur son missel : A. Dupont, J. Pycke et D. Vanwijnsberghe, Le Missel Carondelet des Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai (B.C.T, manuscrit A 14 A), dans Archives et manuscrits précieux tournaisiens, I, Tournai - Louvain-la-Neuve, 2007, pp. 7-48.

22

Wijsman 2003b, spéc. pp. 340-348 ; Wijsman 2010.

23

Voir les réflexions de F. Buylaert et J. Dumolyn dans Haemers - Van Hoorebeeck - Wijsman 2007.

24

Ce qui ne signifie pas pour autant que leurs fonctions aient été strictement honorifiques ou protocolaires (Cauchies 2003b).

Chapitre I : Les hommes

23

sonnel et public de certains officiers s’inscrit dans un réseau de relations tissées au cœur d’une famille, d’un milieu professionnel, d’un cercle de connaissances, d’amis ou d’obligés qui débordent parfois assez largement des limites assignées. La prise en compte de ces facteurs s’est pourtant avérée essentielle pour appréhender au mieux le contenu et le mode de composition de certaines bibliothèques. Ainsi, en dépit d’un cursus honorum qui présente des liens assez lâches avec l’administration bourguignonne, une personnalité telle que Jean II Rolin méritait d’être prise en compte. L’analyse de son patrimoine livresque et de son activité en rapport avec le livre offre en effet un éclairage novateur sur certains livres de son père le chancelier Rolin, de son frère Guillaume ainsi que de son fils naturel Jean III Rolin. Des raisons du même ordre ont conduit à inclure certains individus dont les services paraissent n’avoir été que très occasionnellement sollicités par les ducs tels qu’Anselme Adorne, Jan III de Baenst ou Louis Talant. §. II. La constitution du Répertoire biographique Depuis quelques décennies, le regain d’intérêt porté au personnel actif sur l’échiquier institutionnel de l’État bourguignon a donné lieu à de nombreuses publications de qualité, pierres de touche indispensables à la constitution du Répertoire biographique où sont présentés les fonctionnaires-possesseurs 25. Plusieurs outils de référence offrent ainsi un aperçu général du personnel et de l’appareil d’État bourguignon. On songe d’abord aux volumes de synthèse qui présentent les institutions centrales et régionales des Pays-Bas avant 1795 26, à l’inoxydable Légistes et gens de finance de J. Bartier 27, aux travaux de W. Paravicini et de son équipe sur le milieu aulique 28, à la synthèse d’H. Cools sur les « hommes de pouvoir » entre 1475 et 1530 29 ou encore aux publications d’A. Uyttebrouck sur le gouvernement du duché de Brabant entre 1355 et 1430 30. Des études consacrées aux membres de certaines institutions de premier plan ont aussi naturellement été mises à profit. Le personnel de la Chambre des comptes de Lille est aujourd’hui bien mieux connu grâce à la thèse inédite de J. Leclercq que sont venus compléter les travaux de M. Jean et de J. Dumolyn 31. Ce dernier est l’auteur d’une étude similaire consacrée au Conseil de Flandre sous 25

Exemples de ce renouveau côté français : Kerhervé 1987 ; Mattéoni 1998 ; Gonzalez 2004.

26

Institutions du gouvernement 1995 ; Overheidsinstellingen in Vlaanderen 1997 ; Overheidsinstellingen in Brabant en Mechelen 2000 ; Van Rompaey 1980.

27

Bartier 1955-1957.

28

Paravicini 1991 ; Paravicini 1998 ; Paravicini 2003. Voir aussi : Greve - Lebailly 2001 ; Greve - Lebailly 2002 ; Kruse - Paravicini 2005 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008.

29

Cools 2001.

30

Uyttebrouck 1975.

31

Leclercq 1959 ; Jean 1992 ; Dumolyn 2002.

24

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

les principats de Philippe le Bon et Charles le Téméraire (et poursuivie par les travaux de P.P.J.L. Van Peteghem) tandis que le Conseil de Brabant a fait l’objet d’une publication de référence par P. Godding 32. L’analyse de P. Cockshaw du personnel de la Chancellerie de Bourgogne-Flandre reste un grand classique, de même que les travaux de M. Damen sur les individus actifs dans les structures administratives, financières et judiciaires en Hollande et en Zélande entre 1425 et 1482 33. J. Van Rompaey et à A.J.M. Kerckhoffs-de Heij ont quant à eux fourni une vue d’ensemble du conseil princier et de ses dérivés entre 1473 et 1531 34. La chapelle musicale sous les règnes de Philippe le Bon et Philippe le Beau a été examinée par J. Marix, G. Van Doorslaer et D. Fiala 35. Enfin, la galerie de portraits des hommes qui ont composé l’entourage de Philippe le Beau proposée par J.-M. Cauchies s’est révélée d’un apport essentiel ainsi que les recherches de M. Sommé relatives à l’entourage d’Isabelle de Portugal 36. Si ces instruments bibliographiques envisagent ces agents en fonction de leur office au service ducal, la constitution du cursus honorum des fonctionnaires-possesseurs a aussi bénéficié de très nombreuses publications qui les appréhendent sous l’angle plus précis de leurs charges universitaires, de leur statut d’homme d’Église, de leur production littéraire, de leur implication dans les milieux intellectuels, religieux ou mondains, etc. Ont également été mis à profit les monographies consacrées à l’un ou l’autre personnage ainsi que les travaux généalogiques d’érudits qui, en dépit de leur ancienneté, restent souvent indispensables 37. L’ensemble des informations a été capitalisé sous forme de notices individuelles dans le Répertoire biographique. L’objectif n’est pas de retracer dans le détail le parcours personnel et professionnel des officiers ducaux mais bien de fournir des renseignements d’ordre général jugés significatifs ou susceptibles d’apporter un éclairage particulier sur leur substrat livresque (une activité littéraire ou l’appartenance à une Cour amoureuse). §. III. La représentativité du corpus Reste la question bien légitime de la représentativité du corpus rassemblé. 32

Dumolyn 2002 ; Dumolyn 2003 ; Van Peteghem 1990 ; Godding 1999.

33

Cockshaw 1982 ; Cockshaw 2006 ; Damen 2000.

34

Van Rompaey 1973 ; Kerckhoffs-de Heij 1980.

35

Marix 1974 ; Van Doorslaer 1934.

36

En particulier Cauchies 2003a, pp. 59-69 ; Cauchies 2003b ; Petitjean 1991 ; Reynebeau 1999. Isabelle de Portugal : Sommé 1998 ; Sommé 2003. Voir aussi : Serviteurs de l’État 1999 ; Stein 2001 ; Marchandisse - Kupper 2003.

37

Les fonds Goethals (manuscrits et imprimés relatifs à la généalogie, l’héraldique et l’histoire des anciens Pays-Bas) et Merghelynck (généalogie et histoire de la Flandre occidentale) conservés à la KBR ont été particulièrement consultés.

Chapitre I : Les hommes

25

Précisons-le d’emblée : l’interrogation ne portera pas tant sur le degré plus ou moins exhaustif de l’image renvoyée par cet ensemble de propriétaires que sur son caractère plus ou moins significatif. Partant du postulat empirique d’une adéquation entre la fonction occupée sur l’échiquier institutionnel bourguignon et le type de bibliothèque, la problématique de la représentativité est en effet trop souvent abordée en termes de synecdoque. Dans cette optique, il s’agit alors d’évaluer dans quelle mesure la collection d’un secrétaire (par exemple) est significative de l’ensemble des collections appartenant aux secrétaires. Or, comme nous tenterons de le démontrer, il n’existe pas de principe de causalité automatique entre une vacature donnée et un genre de librairie donné. Le poste occupé au service ducal ne constitue en effet que le reflet et/ou l’aboutissement d’autres facteurs dont l’impact sur le profil général d’une librairie s’avère parfois bien plus déterminant – comme la formation universitaire, l’appartenance au clergé, la proximité avec le prince, la nature des réseaux de relations ou encore l’ampleur du capital social du fonctionnaire-possesseur. L’objet du questionnement sur la représentativité du corpus sera donc déplacé et redéfini en ces termes : dans quelle mesure le personnel des structures de l’État bourguignon est-il représenté au sein de ce groupe de possesseurs ? La question n’est pourtant pas sans soulever certaines difficultés. Le cumul des fonctions, la mobilité et le dynamisme des carrières caractérisent le parcours professionnel de très nombreux officiers ducaux. Si l’on peut considérer la fonction de chancelier comme la plus représentative du cursus honorum de Nicolas Rolin ou de Guillaume Hugonet, la carrière de nombreux autres agents se résume difficilement à l’un ou l’autre office bien spécifique 38. Il semble dès lors plus adéquat de privilégier une approche typologique axée sur les principaux secteurs d’activités (finances, administration, justice, hôtel). Par exemple, les grandes lignes de la carrière d’un Philippe Wielant sont celles d’un spécialiste en matières juridiques, tandis qu’un Louis Dommessant sera rangé parmi les gens de finance. À l’intérieur de ces pôles d’activité, sera considéré comme facteur représentatif du profil d’un fonctionnaire le principal domaine dans lequel il exerce (en termes d’importance et/ou de longévité) et non d’autres offices plus ou moins annexes. Ainsi, Henri de Berghes sera défini au premier chef par sa position de ministre au sein du conseil ducal et non en qualité de chancelier de l’Ordre de la Toison d’or. Mais ces balises n’aplanissent pas d’autres obstacles dont il importe de tenir compte en matière de représentativité. Parmi ceux-ci, l’impact des outils heuristiques : on se gardera de surévaluer l’importance d’agents particulièrement bien 38

Observations critiques dans Dumolyn 2003, pp. 54-68 ; Mattéoni 1998, pp. 348-349. Voir aussi les réflexions sur les notions de carrière et de « groupe social » dans Dutour 2002.

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Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

étudiés au détriment d’autres fonctionnaires négligés par l’historiographie. L’indigence de la documentation disponible pour certains officiers ou pour certaines institutions risque également d’induire des erreurs d’appréciation dans la définition de leur profil 39. Le corpus compte par ailleurs des individus dont le parcours professionnel s’est, dans une plus ou moins grande mesure et pour un temps plus ou moins long, déroulé en dehors de la sphère ducale. Plusieurs d’entre eux ont occupé des postes parfois importants dans d’autres secteurs avant d’entrer au service ducal ; certains ont suivi le chemin inverse et ont quitté l’administration bourguignonne ; d’autres, enfin, n’ont été sollicités que de manière très ponctuelle par les autorités ducales. Les mutations qui ont affecté la composition, les attributions et la portée de certaines structures entre ca 1420 et 1520 posent elles aussi de sérieuses difficultés pour cerner la fonction et l’influence effective d’un officier sur l’échiquier institutionnel. On songe notamment à la longue évolution d’un organe aussi essentiel que le conseil ducal dont la terminologie même est loin d’être toujours explicite 40. Toujours au registre du vocabulaire, on rappellera encore qu’au-delà d’une titulature souvent vague (voire ambiguë), ce sont surtout les réalisations sur le terrain qu’il importe de dégager ; elles seules permettent alors d’entrevoir dans quelle mesure l’individu appartient au véritable entourage permanent du prince, fait partie des collaborateurs en titre ou relève d’une réserve flottante d’auxiliaires 41. Ces réflexions méthodologiques appellent plusieurs constats. La présence plus prononcée des possesseurs exerçant en Flandre, en Brabant et en Hainaut au sein de Conseils ou de Chambres des comptes reflète assez justement une prédominance observée par ailleurs sur les plans politique, économique et social. D’importantes disparités apparaissent néanmoins dans la représentation même des différents organes institutionnels. Ainsi, si les Conseils de Brabant, de Flandre et des Cours de Hollande et de Hainaut sont illustrés par quelques-uns de leurs membres, aucun possesseur exerçant au Conseil de Namur n’a été repéré. De même, la Chambre des comptes de Hollande ne compte aucun individu ressortissant de notre corpus, à l’inverse de ses homologues de Flandre et de Brabant. D’autre part, des différences assez nettes se marquent au sein même des institutions où des possesseurs ont été identifiés. C’est ainsi au cœur de 39

La Chambre des comptes de Brabant mériterait d’être aussi bien étudiée que son homologue de Lille (Institutions du gouvernement 1995, II, pp. 620-631).

40

Largement galvaudé, le terme « conseil » demande à être précisé. Il sera utilisé ici dans son acception la plus large, qu’il s’agisse du consilium et auxilium ducal initial, du conseil restreint et privé, du conseil de justice (dont l’éphémère Parlement de Malines puis le Grand Conseil de Malines constituent les héritiers plus ou moins distincts) ou encore des conseils spécialisés en matière financière. Sur ce(s) organe(s) à géométrie variable : Van Rompaey 1973 ; Institutions du gouvernement 1995, spéc. pp. 209-225, 287-317 et 448-462 ; Cauchies 2003b ; Cauchies 2005, spéc. pp. 50 et 84, n. 160.

41

Cauchies 2003b, p. 397 ; Cauchies 2001b, spéc. pp. 53-54.

Chapitre I : Les hommes

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l’hôtel ducal que le plus grand nombre de propriétaires a été retrouvé. Y sont inclus les titulaires de fonctions domestiques, les services de chancellerie ainsi que ceux qui faisaient partie de l’entourage du prince ou de son conseil. Viennent ensuite, dans une moindre mesure, les membres des Conseils de Brabant, de Flandre, des Cours de Hollande et de Hainaut puis les gens de finance exerçant au niveau central (receveurs généraux, argentiers, personnel des Chambres des comptes de Brabant et de Flandre) et régional (receveurs, maîtres des monnaies locaux). Au sein d’une même structure, les fonctionnairespossesseurs ne représentent en outre qu’une partie plus ou moins importante du personnel. Si les livres de six chanceliers de Bourgogne-Flandre 42, d’une suite presque ininterrompue de quatre chanceliers de Brabant 43 et d’un nombre conséquent de ministres 44 ont été identifiés, la situation est sensiblement différente pour d’autres institutions. Ainsi, le personnel des Chambres des comptes de Brabant et de Flandre n’est représenté au sein de notre ensemble que par sept maîtres 45 et deux auditeurs 46 et un seul propriétaire d’ouvrages a exercé au Conseil de Hollande 47. On l’a dit, l’hôtel apparaît parmi les organes où la représentation du personnel est la plus diversifiée (conseillers-chambellans, valets de chambre, écuyers d’écurie, maîtres des requêtes, panetiers, maîtres de la chambre aux deniers, maîtres d’hôtel, médecins, membres de la chapelle, gardes-joyaux, officiers de la Toison d’or) mais aussi fort inégale. Le corpus ne comprend enfin aucun possesseur ayant exercé en qualité de souverain-bailli de Flandre, fonction de premier plan s’il en est. La possession de livres n’est toutefois pas uniquement ni d’abord conditionnée par l’office exercé au service ducal et il importe de tenir compte d’autres facteurs qui influencent le degré de représentativité des données. D’une part, le livre constitue pour les universitaires un vieux compagnon de route fréquemment utilisé durant leurs études. D’autre part, le livre fait partie intégrante de la vie spirituelle de la trentaine d’ecclésiastiques repris dans cette étude. Seuls trois d’entre eux ont accédé au rang de princes de l’Église 48 mais on repère dix évêques 49 et de nombreux membres du haut clergé titulaires de canonicats dans 42

Jean de Thoisy, Nicolas Rolin, Pierre de Goux, Hugonet, Thomas de Plaine et Jean Le Sauvage.

43

Jean Bont, Gossuin van der Rijdt, Jean Lorfèvre et Guillaume Stradio.

44

Par exemple Ruter, Chevrot, Fillastre, François de Busleyden, Clugny, Ménart et Pignon.

45

Gherbode, Malet, Quarré, Gilbaut, Dommessant, Berthoz.

46

Corneille Haveloes et Jean Aubert.

47

Pierre de Boostenswene.

48

Ferry de Clugny, François de Busleyden et Jean II Rolin.

49

Ménart, Ruter (Arras) ; Jean de Thoisy, Chevrot, Fillastre, Berghes (Cambrai) ; Pignon (Bethléem et Auxerre) ; Bruggheman et Nivelles (Salubrie) ; Jean III Rolin (Autun).

28

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

quelques-uns des chapitres les plus prestigieux des Pays-Bas méridionaux 50. La proximité avec le prince, l’ampleur du capital social ou encore la nature des réseaux de relations conditionnent enfin la constitution de certaines bibliothèques au sein desquelles le livre peut participer du « vivre noblement » 51. Un exemple ciblé permet de rendre compte de la pertinence de ce type de facteurs. À l’instar de la haute noblesse bourguignonne, Philippe Bouton, Jean Martin et Jean Machefoing ont possédé l’une ou l’autre œuvre de Georges Chastelain. Une série d’atouts non négligeables permettent de comprendre la présence de textes de l’indiciaire auprès de ces trois agents qui, assurément, ne comptent pas parmi les décideurs ducaux : l’exercice d’un office qui les place dans l’entourage immédiat et constant du prince 52 ; l’amitié ou tout au moins l’estime que le duc semble, aux dires même de Chastelain, avoir portée au léal preud’homme et bien aimé Jehan Martin, son [Philippe le Bon] sommelier de chambre 53 ; de fréquents contacts avec le célèbre écrivain, qui évoque d’ailleurs Jean Martin et Jean Machefoing dans sa chronique ; leurs réseaux de relations familiales noués au cœur même de la cour (via les Machefoing et les La Marche, notamment). Les données rassemblées sont donc largement tributaires des inégalités de la documentation mais tiennent aussi à la grande diversité des individus eux-mêmes (type de responsabilités exercées, formation, estat, contacts avec le prince, etc.). À l’évidence, les possesseurs de livres qui ont été réunis et identifiés ne constituent donc que la tête d’épingle d’une certaine partie de l’appareil d’État bourgondohabsbourgeois. Les principales composantes du paysage institutionnel sont toutefois globalement représentées au sein de cet ensemble qui comprend des fonctionnaires exerçant entre ca 1420 et 1520 dans des structures administratives, législatives ou exécutives au niveau central comme à l’échelon régional. Le caractère finalement peu homogène du corpus devrait-il dès lors interdire tout essai de synthèse ? Bien au contraire : ces contrastes seront pleinement mis à profit pour esquisser, par petites touches successives, des profils de lecteurs-utilisateurs influencés par un large faisceau de paramètres parmi lesquels les facteurs d’estat et de vacature ne sont ni exclusifs, ni obligatoirement prépondérants.

50

Saint-Lambert (Liège), Notre-Dame (Cambrai), Saint-Pierre (Anderlecht), Saint-Rombaut (Malines), Sainte-Gudule (Bruxelles), etc. À ce sujet : Jongkees 1942 ; De Moreau 1947 ; De Moreau 1949 ; Hommes d’Église 1998.

51

Nous reviendrons sur ce point dans la Partie III.

52

W. Paravicini rappelle qu’être « une personne fort privee et secrete, être personne de grant privilege est un avantage notable et s’applique aussi bien au premier chambellan qu’à l’échanson » (Paravicini 2003, p. 106).

53

Kervyn de Lettenhove 1863-1864, V, p. 231.

CHAPITRE II : Les livres La reconstitution des librairies des officiers ainsi que la mise au jour de leurs pratiques de lecture se fondent sur la collecte et l’exploitation d’un ensemble documentaire hybride : d’une part, les livres encore conservés dans une institution publique ou en mains privées et, d’autre part, les attestations dans les documents d’archives et dans les sources littéraires médiévales ou modernes d’ouvrages qui ont, ou non, été retrouvés et identifiés. Dans ce second chapitre, seront successivement présentées les méthodes d’investigation, la documentation utilisée ainsi que les difficultés spécifiques liées à l’interprétation de chaque type de sources. Viendront ensuite quelques observations critiques relatives au taux de survie des livres des officiers ducaux, et, partant, au degré de représentativité du corpus rassemblé. Quelques jalons terminologiques, d’abord. Par « livre », il faut ici entendre tout ensemble d’un ou de plusieurs cahiers illustrés ou non, maintenus ou non entre eux par une couture et pourvus ou non d’une reliure. Les membra disjecta 54, les plusinghen 55 et les ouvrages ou les cahiers non reliés sont considérés comme livres tandis que les placards, les cartes 56 ou les folios isolés ne sont pas pris en compte. Seuls les textes à caractère littéraire ou narratif au sens large ont été inclus : ne sont donc pas concernés les livres de compte, les registres administratifs ou les papiers personnels. L’année 1473, qui marque l’apparition de la première presse dans les Pays-Bas méridionaux, se situe chronologiquement au cœur de la période retenue ; la production imprimée est donc examinée au même titre que son homologue manuscrite. Tout volume ayant appartenu à un fonctionnaire bourguignon est analysé et ce même si la datation, le lieu d’exécution du livre ou le possesseur initial se situent hors du champ spatiotemporel retenu. Quant aux vocables « possesseur » ou « propriétaire », ils s’appliquent ici à toute personne physique ou morale entrée en possession d’un ouvrage à une époque donnée et quels qu’en soient la durée, l’usage et le mode d’acquisition. Sont également analysés les volumes copiés ou annotés par certains officiers − même si leur possession n’est pas toujours formellement avérée − ainsi que les notes de liber amicorum où sont impliqués un ou plusieurs agents de l’État. 54

Exemple : les six ff. provenant de la bible de Nicolas Rolin sont conservés sous une cote différente (Autun, BM, dépôt de l’Évêché, ms. S 275 et S 204).

55

Pyssinghen ou plunderingen, à comprendre dans le sens de livres ou de parties de livres dépareillés, sans grande importance quantitative ou qualitative.

56

Exemple : cette quarte marine chez Philippe Wielant (CCB-III 1999, n°30.124).

30

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

§. I. Les livres subsistants La recherche des marques de provenance dans les livres encore conservés a représenté la première étape dans la constitution du corpus, suivie par la collecte des données externes et internes de chaque ouvrage en vue d’en proposer une description sommaire dans le Catalogue descriptif. I. 1. Rassembler : la recherche de provenance L’examen des manuscrits et des incunables subsistants ainsi que le dépouillement d’une large gamme d’outils heuristiques constituent les deux vecteurs traditionnels de toute recherche de provenance. L’exploitation des instruments de travail exige toutefois d’en connaître les nombreuses limites qui s’expliquent en grande partie par l’intérêt relativement récent porté par l’historiographie aux marques de possession. La recherche d’indices de propriété dans les livres encore conservés se heurte elle aussi à une série d’écueils inhérents à l’ouvrage luimême ou, plus fréquemment, aux interventions de possesseurs ultérieurs. Il semble qu’il n’existe à ce jour aucune typologie des marques de provenance centrée spécifiquement sur les livres produits avant ca 1520 57. Dans notre terminologie, les expressions « indice de possession », « marque de provenance », « indice de propriété » ou « marque d’appartenance » désignent indifféremment toute attestation textuelle ou figurée de possession par une personne physique ou morale. Cependant, une marque d’appartenance n’est pas toujours synonyme de possession en propre ; dans certains cas, la présence des armoiries du commanditaire rappelle uniquement au bénéficiaire l’identité du donateur 58. Les marques de provenance antérieures ou postérieures aux termini retenus n’ont été prises en compte que lorsqu’elles pouvaient fournir des renseignements relevant sur l’histoire du livre et de son possesseur. Force est de constater que, de manière générale, les marques de provenance n’ont jusqu’il y a peu retenu l’attention des catalographes et des chercheurs que de manière très inégale. Quand certaines publications qui décrivent manuscrits et incunables ne passent pas ce genre d’informations sous silence 59, d’autres travaux signalent ces marques de propriété sans en identifier le possesseur ou en fournissant une identification erronée, sans mentionner où ces indices appa57

Les travaux de D. Pearson s’appliquent ainsi surtout aux imprimés postérieurs au XVIe siècle (Pearson 1988 ; Pearson 1998).

58

Un ordinaire commandé explicitement par Henri de Berghes pour le monastère de Saint-Denis-enBroqueroye présente ainsi ses armoiries et son portrait sur le frontispice (Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 168/211). Voir aussi Partie III, chap. III, §. II.2

59

Si les marques de provenance sont indiquées de manière empirique par Polain (Catalogue des livres imprimés au quinzième siècle des bibliothèques de Belgique, Bruxelles, 5 vols, 1932-1978), elles sont par exemple totalement absentes de la banque de données de l’ISTC.

Chapitre II : Les livres

31

raissent ou encore sans en donner une description ou une retranscription. Les indices possessorum (quand ils existent 60) ou, plus généralement, les index de noms, ne proposent en outre pas toujours de date ou de millésime relatifs à ces indices de propriété 61. On observe néanmoins depuis environ deux décennies une certaine prise de conscience de l’intérêt de ces marques de possession non seulement pour l’histoire du livre et l’histoire intellectuelle mais également pour l’histoire des mentalités, l’histoire de l’art ou la philologie 62. Conscientes des insuffisances du passé, bon nombre de publications proposent aujourd’hui des outils adaptés aux exigences de la recherche de provenance en proposant des champs spécifiques réservé aux indices de propriété. Ces nouveaux instruments de travail s’avèrent certes extrêmement précieux en matière de collecte d’indices de propriété mais ils n’occultent pas les difficultés posées par l’examen des livres eux-mêmes. De nombreuses traces de possession ont en effet disparu pour diverses raisons. Des changements de reliure ou des restaurations malheureuses sont ainsi à l’origine de la perte de marques qui apparaissaient sur des gardes. Le rognage constitue également un facteur de disparition d’un ex-libris, d’un ex-dono, d’un regeste ou encore d’une cote ancienne − sans parler des découpages de frontispices illustrés sur lesquels ont vraisemblablement figuré des armoiries 63. Il n’est en outre pas rare que des marques de possession aient été grattées 64, barrées 65, maculées, imprégnées de réactif 66 ou encore, dans le cas d’armoiries, surpeintes ou modifiées. Le recours aux rayons ultra-violets ou au microscope binoculaire peut parfois s’avérer efficace 67 mais ces techniques sont loin d’assurer systématiquement la lecture et l’identification des mentions ou des armes originelles. Surtout pratiqué par les bibliophiles des 60

Évoquant les lois qui régissent toute recherche de provenance, P. Needham va jusqu’à écrire : Unindexed provenance is lost provenance (Needham 1997, p. 541).

61

L’index des possesseurs du répertoire de R. Alston, pourtant un grand classique, ne reprend ainsi aucune date (Alston 1994).

62

À pointer particulièrement : Papers of the Bibliographical Society 1997 ; Pearson 1998 ; www.cerl.org (voir e.a. Wagner 2005 ; Pearson 2005).

63

Un ouvrage de Jean Martin a été amputé du frontispice qui présentait vraisemblablement une illustration (Lille, BM, ms. 336). D’autres volumes n’ont été que partiellement mutilés (exemple d’un ms. de Jean III Gros : Paris, Sainte-Geneviève, ms. 585).

64

Des marques de provenance ont parfois été délibérément effacées par certains possesseurs qui, ayant acquis un ouvrage de manière irrégulière, entendaient éviter que la provenance initiale du volume soit identifiable par ces indices sans équivoque. Exemple dans Ouy 1989, p. 279.

65

Le nom de plusieurs possesseurs a été barré à la fin du KBR, Inc. C 154 (voir à Jean de Baenst dans le Catalogue descriptif).

66

C’est le cas pour certains mots inscrits sur une garde du Bruxellensis 9053 (voir à François de Busleyden dans le Catalogue descriptif).

67

L’utilisation de la lampe de Wood a permis d’établir que les Bruxellenses II 1169a-b-c ont bien été légués par Nicolas Ruter au Collège d’Arras alors que l’ex-libris était quasi invisible à l’œil nu.

32

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

XVIIIe-XIXe siècles, le lavage des incunables constitue également un procédé courant destiné à rendre à l’exemplaire un pristin état supposé en faisant disparaître gloses, scolies et autres notes 68. Certains amateurs ont enfin dépecé des exemplaires pour dresser des sortes d’albums reprenant des curiosités ou des éléments jugés comme tels (ex-libris et ex-donos anciens, fragments de reliures armoriées, miniatures ou gravures précieuses, etc.) 69. On se gardera toutefois d’incriminer les seuls possesseurs modernes car dès le Moyen Âge, les risques et les périls n’ont à cet égard pas manqué. En théorie, toute intervention sur une reliure (remplacement, restauration, etc.) est susceptible de faire disparaître une marque de possession inscrite sur une garde ou sur la reliure même 70. Les exemples de réemploi par les relieurs des XVe-XVIe siècles de fragments de livres comme renforts de plats, comme onglets ou comme talons ne manquent d’ailleurs pas. De même, la pratique est fréquente au Moyen Âge de faire disparaître les armoiries d’un possesseur antérieur en les faisant gratter ou surpeindre par ses propres armes 71. Reste enfin la question même de l’existence originelle de tels indices de propriété : combien de possesseurs médiévaux n’ont-ils jamais jugé utile d’inscrire une quelconque marque de possession dans leur ouvrage ? Les bibliothèques regorgent d’exemplaires pourvus de leur reliure d’origine n’ayant subi aucune altération volontaire ou accidentelle et qui sont restés muets, faute d’avoir été personnalisés par leur possesseur. Au final, les données chiffrées proposées par R. Adam et A. Charon viennent assez cruellement souligner la pauvreté voire l’indigence des données en matière de provenance. Sur 3200 incunables de la Bibliothèque royale de Belgique, seuls 70 exemplaires des Pays-Bas méridionaux portent des mentions d’appartenance antérieures à 1520 − soit à peine 2,18 % 72. Les recherches similaires d’A. Charon à propos des marques d’appartenance antérieures à 1520 relevées dans les incunables français conservés dans l’Hexagone conduisent à un pourcentage de 1,94 % sur un corpus global de 5965 éditions 73. 68

H. Dubois d’Enghien, Lavage et restauration de livres anciens, dans Le Livre et l’Estampe, n°4, 1955, pp. 18-21 ; n°5, 1956, pp. 27-31 ; n°6, 1956, pp. 15-20 ; n°7, 1956, pp. 11-17 ; n°8, 1956, pp. 7-14.

69

Exemples dans Pearson 1998, pp. 5-7.

70

Lors de sa description dans l’inventaire de la librairie de Bourgogne de 1467-1469, le Bruxellensis 11102 se présentait intitulé au dehors : Othéa la déesse, que messire Joffroy a donné à Monseigneur (voir à Geoffroy de Thoisy dans le Catalogue descriptif). Cette indication disparaît suite au changement de reliure entre 1467-1469 et 1487.

71

Le stemma possessorum du Chigi Codex est rendu extrêmement complexe en raison des multiples ajouts et surpeints héraldiques des XVIe-XVIIe siècles (BAV, ms. Chigi CVIII 234 ; voir à Philippe Bouton dans le Catalogue descriptif).

72

Adam 2003, p. 222, n. 8.

73

Charon 1995, pp. 465-466.

Chapitre II : Les livres

33

I. 2. Décrire : la recherche des données internes et externes Cette démarche de rassemblement de la documentation au départ des indices de possession précède une seconde enquête plus détaillée destinée à décrire chaque exemplaire selon une grille qui en présente les principales données externes et internes 74. Le dépouillement des catalogues descriptifs des manuscrits et imprimés conservés dans les principaux dépôts européens et américains représente naturellement une étape fondamentale. Dans le même temps, la recherche s’est orientée vers de travaux évoquant le livre manuscrit et imprimé dans les Pays-Bas méridionaux aux XVe-XVIe siècles, qu’il s’agisse de publications en histoire de l’art (clientèle d’un enlumineur, d’un copiste, d’un imprimeur, d’un relieur, etc.), en philologie (diffusion et réception d’un texte ou d’un auteur), histoire du livre ou histoire intellectuelle (étude et reconstitution de bibliothèques institutionnelles ou privées, analyse des livres et des lectures au sein d’un milieu donné, etc.). Le dépouillement de nombreux catalogues d’exposition en Belgique et à l’étranger ainsi que des catalogues de maisons de vente de premier plan permet aussi de compléter l’ensemble documentaire. Enfin, plusieurs sites et banques de données disponibles sur Internet ou sur support numérisé sont également mis à profit. L’utilisation de cette documentation polymorphe se heurte toutefois à quelques écueils d’ordre général : catalogues vieillis qui ne répondent plus aux critères de catalographie actuels ; catalogues sélectifs consacrés à un fonds ou à des pièces remarquables ; absence de bibliographie ; identification erronée du texte, de l’auteur ou du miniaturiste ; absence d’informations relatives à l’écriture, à la décoration secondaire, à la reliure ; datation et lieu d’exécution imprécis ou erronés, etc. Contrairement aux règles en matière de description de manuscrits, les modèles catalographiques traditionnels des exemplaires imprimés se limitent généralement à signaler de façon sommaire la présence d’illustration ou de décoration sans en préciser le type, le nombre, l’emplacement ou les dimensions. §. II. Les mentions de livres En parallèle et en complément à la recherche d’exemplaires encore subsistants, la reconstitution des librairies des fonctionnaires ducaux s’est appuyée sur une gamme hétéroclite et assez étendue de témoignages, directs et indirects, médiévaux et modernes, à caractère normatif, administratif et littéraire. Si la priorité est donnée à la possession de livres, les sources susceptibles d’éclairer les pratiques de lecture des officiers bourguignons ont également fait l’objet 74

Ces champs sont explicités dans l’Introduction du Catalogue descriptif.

34

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

d’une attention particulière. Les résultats engrangés doivent beaucoup au dépouillement d’une série d’outils de travail qui couvrent pour l’essentiel les domaines belge et français. Il faut citer pour l’Hexagone la liste des inventaires de livres français rédigés entre le VIIIe et le XVIIIe siècle, complétée de volumes bibliographiques relatifs aux catalogues anciens et modernes de manuscrits médiévaux en écriture latine 75. Dans le même registre, la série Corpus Catalogorum Belgii rend un service inestimable en proposant une édition critique de l’ensemble des listes de livres produites dans l’espace actuel de la Belgique avant 1500 76. La recherche des listes de livres postérieures à ce terminus s’est effectuée à la fois sur la base de la littérature secondaire ainsi que sur la (re)découverte et l’exploitation de sources d’archives inédites. II. 1. Les testaments, inventaires après-décès et comptes d’exécution testamentaire Les testaments, les inventaires après-décès et les comptes d’exécution testamentaire représentent les trois types de sources les plus abondantes dans notre ensemble documentaire. Leur nombre élevé explique d’ailleurs que plusieurs générations d’historiens du livre en aient largement tiré profit pour reconstituer l’histoire des bibliothèques d’une région ou d’une ville, d’un « groupe social » déterminé ou encore, naturellement, d’un possesseur particulier 77. Les remarques critiques liées à l’exploitation quantitative et qualitative de ce genre de sources formulées à maintes reprises nous dispensent d’y revenir dans le détail mais il n’est sans doute pas inutile d’en présenter brièvement quelques-unes parmi les plus fréquentes 78. Le rappel d’une série de fondements juridiques en vigueur dans les Pays-Bas méridionaux à la fin du Moyen Âge reste un préalable indispensable à une bonne compréhension des apports et des contraintes des testaments, inventaires après-décès et comptes d’exécution testamentaire. Ainsi, rien n’oblige formellement un individu à établir un testament par écrit puisqu’un acte oral émis par le testateur en présence d’au moins deux témoins était considéré

75

Genevois - Genest - Chalandon 1987 ; Indices librorum 1987 ; Indices librorum 1995.

76

CCB-I 1997 ; CCB-II 1994 ; CCB-III 1999 ; CCB-IV 2001. Les éditeurs précisent que « minor documents mentioning only a few liturgical books or books of hours have been systematically omitted » (CCB-IV 2001, p. 13). Plusieurs sources qui ne répondent pas à cette définition ont cependant échappé aux éditeurs (Guillaume Bont, Gautier Henri, Chevrot, Jan Eligii et Haneron).

77

Notamment : Doucet 1956, Labarre 1971, Autrand 1973, Bec 1984, Hillgarth 1991, Vanwijnsberghe 2001, Fehrenbach - Leedham - Green 1992-2002, Chalandon 2004, Michaud 1968 ; Van Hoorebeeck 2006b ; Van Hoorebeeck 2007.

78

L’article de C. Bruneel reste l’une des meilleures synthèses méthodologiques (Bruneel 1988).

Chapitre II : Les livres

35

comme valable 79. Le transfert des biens meubles (ou cateux) n’était soumis à aucune formalité et s’opérait souvent par simple tradition 80. La révocabilité du testament autorise une personne physique à rédiger au cours de sa vie plusieurs testaments 81 voire à préciser ou à modifier certaines dispositions dans un codicille. Le testament n’est pas destiné à régler la succession du testateur qui est régie par le droit coutumier. Il s’agit avant tout d’un document permettant au « testateur, souvent à l’article de la mort, de faire des libéralités pieuses pour le salut de son âme » 82 − ce qui explique que de nombreux testaments, même fort développés, se limitent à un chapelet de clauses très générales où les livres ne sont que peu voire pas du tout évoqués. Enfin, les principes généralement assez libéraux qui délimitent dans les Pays-Bas méridionaux le pouvoir d’un individu de disposer de ses biens par testament varient parfois sensiblement d’une région à l’autre 83. Les inventaires après-décès et les comptes d’exécution testamentaire répondent à une toute autre logique. Leur réalisation s’inscrit dans une démarche de gestion et de répartition post mortem d’un patrimoine qu’il s’agit pour le notaire de dénombrer, de décrire et, le cas échéant, d’estimer, de vendre ou de distribuer. L’exploitation de ces types de sources doit donc toujours tenir compte de leur nature, des conditions matérielles de leur réalisation et des objectifs poursuivis. À ces contingences vient s’ajouter le facteur humain en la personne du notaire qui produit un document plus ou moins précis et exploitable en fonction de sa formation, du temps dont il dispose, de la valeur et de l’ampleur de la succession ou encore du statut du défunt et de celui des témoins en présence. Ces paramètres expliquent pour une large part les problèmes d’interprétation quantitative et qualitative, parmi lesquels on rappellera principalement : -

-

le caractère parfois sélectif des livres mentionnés par le possesseur dans son testament ; le caractère « instantané » des inventaires après-décès et des comptes d’exécution qui, par définition, sanctionnent un état des lieux de la librairie décrite à la mort du possesseur ; les erreurs dues à une mauvaise lecture ou à une transcription erronée de certains titres ;

79

Godding 1987, pp. 380 et 386. Sur les principes généraux qui régissent le testament dans les PaysBas méridionaux au Moyen Âge : Godding 1982 ; Godding 1987, pp. 377-401.

80

Godding 1987, p. 254.

81

Godding 1987, p. 383. On connaît ainsi deux testaments de Pierre de Hauteville datés respectivement de 1418 et de 1447 (Répertoire documentaire, doc.I).

82

Godding 1987, pp. 380 et 385.

83

Godding 1982, p. 283.

36

-

-

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

les confusions entre imprimé et manuscrit 84 ; la qualité des descriptions, variable en fonction d’éléments externes qui influencent la valeur financière de l’ouvrage 85 ; l’unité de description imprécise ou variable au fil du document 86 ; l’imprécision ou l’absence d’indications relatives au titre 87, à l’auteur 88, à la langue, à la version 89 de l’œuvre ou encore au nombre de textes compris dans l’ouvrage décrit 90 ; l’indication aléatoire de la présence d’illustration ou de décoration 91.

On dispose enfin de quelques exemples de fondations et de donations d’ouvrages à des institutions qui peuvent prendre la forme d’une clause dans un testament ou faire l’objet d’un acte spécifique. Ainsi, le legs d’ouvrages de Jean de Wysmes à la cathédrale Notre-Dame de Tournai fait partie de son testament 92. Nicolas Rolin lègue aussi par testament ses livres en latin à NotreDame-du-Chastel mais c’est par l’acte de fondation officiel de l’Hôtel-Dieu de Beaune qu’il prévoit de doter la chapelle des livres nécessaires 93. Des documents spécifiques avaient également été rédigés pour acter la donation d’un ouvrage à la collégiale Sainte-Gudule par Jean Bont 94 et pour instaurer le Collège Saint-Donatien créé par Antoine Haneron. Les motivations du donateur, les conditions du don et les bénéficiaires peuvent être multiples, qu’il s’agisse d’une dotation de livres destinés à l’exercice du culte dans sa chapelle privée, d’une mise à disposition semi-publique dans le chœur d’une église 95, dans une librairie 84

Sur ce point, voir en particulier Partie II, chap. III, §. I.

85

Certains livres de faible valeur marchande ne font même pas l’objet d’une réelle description. Le notaire qui dresse l’inventaire de Corneille Haveloes précise ainsi que om der cortheyt van den tyde, certains livres ont été tsamen over een gepact (Répertoire documentaire, n°92).

86

On ne sait pas toujours avec précision si le rédacteur prend comme unité de description l’œuvre ou le volume, ce qui ne va pas sans causer quelques difficultés dans le cas du Corpus juris civilis, par exemple, divisé traditionnellement en plusieurs tomes mais dont le nombre exact possédé par le défunt n’est pas toujours indiqué.

87

Exemple : Wouter Lonijs, Répertoire documentaire, doc.II.94.

88

Exemple : François de Gand, Répertoire documentaire, n°15.

89

Exemple : Richard de Bellenges, Répertoire documentaire, n°56.

90

Exemple : Martin Steenberch, Répertoire documentaire, doc.IV.22.

91

L’absence de données relatives à l’illustration ne signifie pas forcément que le livre en soit totalement dépourvu. Les manuscrits retrouvés attestent en effet que certains titres à succès (comme les livres d’heures ou le Roman de la Rose) présentent des éléments illustratifs dans 80 % des cas.

92

Répertoire documentaire, doc.II.

93

Répertoire documentaire, docs IV et II.

94

Répertoire documentaire, doc.I.

95

C’est par exemple le cas des libri catenati dans les donations de Jean de Wysmes (Répertoire documentaire, doc.II) et de Jean Bont (Répertoire documentaire, doc.I). Voir aussi à Jean Chevrot, Répertoire documentaire, doc.II.

Chapitre II : Les livres

37

d’établissement religieux ou encore d’une donation à la bibliothèque d’une institution civile. Les donations sont d’ailleurs fréquemment assorties de certaines conditions 96. II. 2. Les catalogues de bibliothèques appartenant à des fonctionnaires Moins fréquents que les différents types de documents cités plus haut, les catalogues de bibliothèques qui appartiennent à des agents ducaux se partagent entre témoignages de première main et attestations indirectes. Les seuls catalogues « originaux » et autographes dont nous disposons ont été dressés par Philippe Wielant et par Jean de Wysmes 97. Dans les deux autres cas, l’existence d’un catalogue personnel est formellement attestée bien qu’il n’ait pas été retrouvé. Le notaire Andries Wijnhove précise ainsi avoir utilisé une liste existante pour décrire et récoler les librairies de Nicolas Clopper et Wouter Lonijs 98. II. 3. Les sources à caractère administratif émanant d’institutions religieuses Relativement peu nombreuses, les sources administratives produites par des institutions ecclésiastiques s’avèrent toutefois assez diversifiées. Il s’agit pour la plupart d’inventaires de livres légués par un officier et dressés par l’institution religieuse bénéficiaire 99. La liste des ouvrages provenant de Ferry de Clugny et rédigée en 1483 par un custode de la Bibliothèque vaticane peut également être rangée dans cette catégorie. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une donation de Clugny à la librairie pontificale mais bien de l’application du jus spolii, principe juridique qui autorise le Saint-Siège à s’approprier les biens d’un religieux défunt. On évoquera aussi l’emprunt par Roland L’Escrivain de quelques livres de la librairie du chapitre Notre-Dame de Paris en 1430 100 et son acquisition en 1446-1447 de plusieurs ouvrages vendus par le chapitre Saint-Donatien de Bruges 101. 96

Dans l’acte de fondation du Collège Saint-Donatien à Bruges, Antoine Haneron précise que tout boursier qui quitte l’établissement devra obligatoirement donner à la librairie du Collège un ouvrage de droit de son choix (voir Répertoire documentaire).

97

Le catalogue autographe de Philippe Wielant est encore conservé (voir Répertoire documentaire) mais la liste établie par Jean de Wysmes, en dépôt aux Archives de la Ville de Tournai, a été détruite en 1940. Son caractère autographe ne fait toutefois aucun doute puisque de Wysmes précise avoir établi l’inventaire desdiz livres, escripte de ma main et signé de mondit seing manuel (Répertoire documentaire, doc.II).

98

La liste établie par Lonijs se retrouve d’ailleurs parmi les objets décrits peu après sa mort (de Raadt 1896, p. 25). Détails dans la Partie II, chap. II, §. IX.2.B.

99

Voir notamment à François de Busleyden (doc.VIII), Jean Chevrot, Jean II Rolin et Nicolas Rolin dans le Répertoire documentaire.

100

Répertoire documentaire, doc.I.

101

Répertoire documentaire, doc.V.

38

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

La dernière source administrative qui émane d’une autorité religieuse est le document rédigé par Martin Scoenarts, chanoine de Saint-Martin, chargé par le chapitre de Saint-Paul à Liège de localiser les individus alors en possession de livres appartenant aux églises liégeoises et emportés lors du sac de la ville par les troupes de Charles le Téméraire en 1468. L’exploitation de ce document dont l’original est aujourd’hui perdu se révèle assez ardue. Non datée, non signée, dépourvue d’un intitulé général et des caractéristiques propres à un acte administratif destiné à une diffusion officielle, cette liste de livres ressemble davantage à des notes de travail prises par Scoenarts pour son usage personnel. Le chanoine liégeois a visiblement transcrit d’oreille certains noms de lieux et de personnages dont la restitution exige quelque effort d’imagination. Si la plupart des toponymes ont été rectifiés en note dans les éditions de Bormans et Derolez, aucun des nombreux patronymes n’a cependant été identifié. Malgré une confrontation entre les noms cités dans la liste de Scoernarts et ceux repris au mois de septembre dans le Compte de l’argentier de 1468 102, les hommes de guerre bourguignons qui ont mis la main sur des livres de Liège et que nous avons pu identifier ne sont malheureusement pas légion 103. La mission assignée à Scoernarts était de localiser les individus détenteurs d’ouvrages qui appartenaient à un couvent liégeois ; en toute logique, son attention s’est donc davantage tournée vers le lieu de dépôt et la provenance initiale des ouvrages que sur leur contenu ou leur aspect extérieur. II. 4. Les sources à caractère administratif émanant d’institutions civiles À l’instar de l’éventail des documents rédigés par une autorité ecclésiastique, le spectre des sources d’ordre administratif issues de la sphère civile est ici assez large. Une bonne partie provient des archives ducales bourguignonnes : Recette générale de toutes les finances, comptes de receveurs généraux, inventaires de la librairie de Bourgogne. On trouve aussi parmi les documents émanant des Universités de Paris et de Louvain plusieurs indications relatives aux livres de quelques fonctionnaires. Le registre de prêt du Collège de Sorbonne et le Liber receptorum de la nation anglo-normande de l’Université de Paris mentionnent plusieurs ouvrages empruntés par Roland L’Escrivain 104. Les séances et actes des procès-verbaux de l’Université de Louvain attestent quant à eux des tractations entre l’Université et les exécuteurs testamentaires de Guillaume Bont en 102

Greve - Lebailly 2001, spéc. n°1577-1695.

103

Voir à Jacotin Le Carpentier, Philippe de Chaumergy, Pierre de Bourbon-Carency, Robert de Saveuses et Henri de Warigny dans le Répertoire documentaire. L’ampleur des investigations prosopographiques à mettre en œuvre était en outre inversement proportionnelle à l’intérêt même de la source pour l’historien du livre.

104

Répertoire documentaire, docs II-IV.

Chapitre II : Les livres

39

vue du rachat de sa bibliothèque par l’Alma Mater 105. Un seul contrat passé entre un fonctionnaire et un artisan du livre a été repéré 106. II. 5. Les témoignages d’érudits L’exploitation des témoignages d’érudits, dont le recours a été plus ponctuel, exige certaines réserves car sauf exceptions, rares sont les savants des XVIeXIXe siècles à citer leurs sources, quand elles n’ont pas tout simplement disparu depuis lors. Les écrits d’humanistes du XVIe siècle offrent ainsi un éclairage documentaire de premier plan sur la librairie du Collège des Trois-Langues fondé à Louvain par Jérôme de Busleyden et sur la bibliothèque du Collège d’Arras créé par Nicolas Ruter 107. Dans un autre registre, le prolixe Valère André († 1655) évoque des livres donnés par Guillaume Bont au Val-Saint-Martin de Louvain 108. Ces ouvrages n’ont pas été retrouvés, contrairement au Vaticanus d’Arnold Gheiloven légué au même établissement par Pierre de Boostenswene et signalé par Pierre de Saint-Trond 109. En 1874, Émile Vanden Bussche a mentionné l’existence de volumes portant des marques d’appartenance du maître d’hôtel d’Isabelle de Portugal, Joao Vasquez 110. Cette information provenait des notes du chanoine Carton. Ce sont également des notes personnelles extraites des archives familiales qui ont permis à Kervyn de Volkaersbeke d’éditer le testament de Pierre Anchemant où figure une bible. On doit par ailleurs au baron Kervyn de Lettenhove certaines données sur un manuscrit non retrouvé qui aurait appartenu à Guillaume Hugonet 111. L. Nys a par ailleurs édité plusieurs documents des XVIe-XVIIIe siècles qui fournissent de précieuses indications sur les lectures et les donations de livres de Jean Chevrot 112. R. Stein a enfin pointé un recueil de textes probablement rassemblé et transcrit par Edmond de Dynter 113.

105

Répertoire documentaire, doc.II.

106

Répertoire documentaire, docs I-II.

107

Répertoire documentaire, doc.VII.

108

Répertoire documentaire, docs III-IV.

109

Répertoire documentaire, doc.IV (KBR, ms. 1167-701 et Paris, Mazarine, ms. 1536 ; voir à ces mss dans le Catalogue descriptif).

110

Vanden Bussche 1874, pp. 116-18.

111

Répertoire documentaire, doc.III.

112

Répertoire documentaire, docs IV-V-VI.

113

Conservé dans la Bibliothèque du Roi à Paris au milieu du XVIIIe siècle sous la cote 5927A, ce manuscrit sur parchemin et postérieur à 1446 semble aujourd’hui introuvable.

40

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

II. 6. Les sources narratives Les sources narratives et littéraires produites par les officiers-littérateurs – en ce compris leur correspondance – ont également été mises à profit pour appréhender la composition des librairies d’agents ducaux. Plusieurs paramètres viennent néanmoins entraver l’exploitation de la littérature bourguignonne dans cette perspective. La carence bibliographique, d’abord, puisqu’il n’existe à ce jour aucune publication de synthèse reprenant de manière systématique l’ensemble de la production rédigée par les fonctionnaires des ducs de Bourgogne. Ensuite, on se gardera d’établir un jumelage systématique entre les auteurs ou les textes cités dans leurs œuvres par des officiers-littérateurs et la présence de ces auctoritates dans leur bibliothèque 114. Si les écrits de Philippe Wielant contiennent des allusions à des œuvres effectivement repérées dans sa librairie 115, certains titres auxquels Guillaume Hugonet fait référence dans trois de ses harangues n’apparaissent pas dans sa collection 116. Du reste, il existait d’autres moyens de documentation que la possession en propre d’un volume tels que l’emprunt, la consultation dans d’autres librairies ou encore les textes appris de mémoire. Le repérage systématique des textes évoqués dans les œuvres d’officiers ducaux en vue de reconstituer le contenu de leur librairie se heurte parfois au topos littéraire voire à une stratégie d’auteur. On ne peut sans réserve considérer les nombreuses pièces courtoises énumérées par Pierre de Hauteville dans son Inventaire des biens demourez du décès de l’amant trespassé de dueil comme autant de textes dont il disposait dans sa propre librairie 117. De même, la lecture exclusive des livres utiles et louables recommandée par un homme de lettres de premier plan tel que Georges Chastelain n’implique nullement que sa collection n’ait pas accueilli d’autres lectures que celles qui parfont l’homme et le mènent à la connaissance de Dieu, qui le font sage et clairvoyant, éloquent et subtil et prompt pour discerner le mal et le

114

La méthode de travail d’un auteur médiéval reste conditionnée par des facteurs tels que l’époque et le lieu de rédaction, le milieu culturel dans lequel il évolue (la cour, l’administration, la ville, etc.), la nature et la langue de ses écrits, son bagage intellectuel ou encore son estat (laïc ou homme d’Église). Il y aurait toutefois un réel intérêt à traiter plus en détail cette problématique dans une optique d’histoire du livre et de la lecture.

115

Dans son Corte instructie in materie criminele, les textes fondamentaux du droit civil tels que le Digeste et le Code sont fréquemment évoqués au même titre que les Décrétales pour le droit canonique. Wielant y fait aussi souvent référence aux docteurs, soit les commentateurs médiévaux (Monballyu 1995, p. 43). Dans ses Antiquités de Flandre, il évoque à de nombreuses reprises les Commentarii de César, dont il possédait effectivement un exemplaire imprimé (Répertoire documentaire, n°115).

116

Paravicini 2000, spéc. p. 292.

117

Bidler 1986, vers 425-444, Vanwijnsberghe 2000, pp. 150-152. Le Roman de la Rose est le seul texte qui figure dans son Inventaire comme dans son testament (Répertoire documentaire, doc.I).

Chapitre II : Les livres

41

bien, entre la vérité et le mensonge 118. Faute de pouvoir embrasser l’ensemble de la littérature produite par les fonctionnaires bourguignons, l’attention s’est limitée à l’analyse de certaines de leurs œuvres ainsi qu’aux récits des principaux chroniqueurs. Sauf quelques exceptions, ce type de documentation offre fort peu de données touchant à la bibliothèque de leur auteur ou à celle des individus présents dans leurs écrits. Pour précieux qu’il soit, le témoignage de Jean Molinet à propos des ouvrages trouvés chez Chastelain après sa mort renseigne davantage sur l’aspect matériel des compositions autographes de l’indiciaire que sur le contenu même de sa collection 119. La correspondance tient enfin une place particulière parmi les documents à caractère narratif et littéraire. L’édition des lettres rédigées ou adressées à des fonctionnaires ou de lettres de tiers comportant des allusions au patrimoine livresque d’agents ducaux constitue une véritable manne documentaire qui en dépit de sa richesse, ne semble pas avoir retenu l’attention des historiens du livre médiéval 120. La correspondance de Jérôme de Busleyden regorge ainsi d’allusions à des volumes offerts, reçus, échangés ou prêtés par ce conseiller au Parlement de Malines 121. L’inlassable activité épistolaire d’Érasme fournit également des indices de premier ordre sur les lectures de Nicolas Ruter 122 tout comme les courriers échangés entre Guillaume Fichet et Jean II Rolin 123. §. III. La représentativité du corpus Dans quelle mesure l’image renvoyée par ce corpus de livres est-elle quantitativement et qualitativement représentative ? Cette question capitale, qui renvoie directement à la problématique du taux de survie des ouvrages, se pose de manière d’autant plus aiguë pour les librairies de particuliers. Par « librairie privée », il faut ici entendre tout ensemble de livres appartenant en propre à une personne physique (voire à un ou plusieurs membres de son entourage familial) par opposition aux librairies dites publiques ou collectives appartenant une personne morale (établissement ecclésiastique ou institution séculière de type universitaire ou civil) où les livres ne font pas partie du patrimoine personnel d’un individu mais sont mis à la disposition d’une communauté de lecteurs. Comme 118

Kervyn de Lettenhove 1863-1864, I, p. XI.

119

Voir à Georges Chastelain dans Répertoire documentaire.

120

À titre de comparaison, les richesses de la correspondance ont depuis longtemps été reconnues et mises à profit par certains philologues spécialistes des débuts de l’humanisme français (tels G. Ouy ou encore E. Beltran).

121

Répertoire documentaire, docs I-IV, VI-VII, IX, XI et XIV.

122

Répertoire documentaire, doc.III.

123

Répertoire documentaire, doc.IV.

42

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

toute librairie individuelle, les collections appartenant en propre aux officiers présentent des caractéristiques qui pèsent lourdement sur leur durée de vie. Sous cette étiquette commune de « librairies privées » se cachent cependant de profondes disparités quant au nombre et à la nature des sources disponibles. III. 1. « Vie privée, vie publique ». Remarques sur le taux de survie des livres des officiers ducaux En règle générale, la pérennité d’un livre en collection privée est nettement inférieure à celle d’un ouvrage conservé dans un établissement religieux ou une institution séculière124. La collection survit rarement au collectionneur ou, comme le note J. Vezin de manière plus radicale, « les collections privées finissent toujours par être dispersées » 125. Si leur statut privé engendre des difficultés spécifiques, les librairies appartenant à des particuliers sont davantage encore exposées que leurs homologues institutionnelles aux multiples facteurs qui ont affecté le taux de survie de tout livre médiéval : les spécificités de fond, de forme et d’usage du volume lui-même, la manière dont le livre a été perçu au fil des siècles ou encore les heurts et malheurs de l’Histoire. L’absence de règlementation en matière d’accès, de consultation, de gestion ou d’entretien des livres constitue l’un des éléments qui distingue le plus nettement une librairie privée d’une bibliothèque institutionnelle. Hormis pour les collections royales ou princières dont la gestion était confiée à un garde-joyaux 126, les sources relatives aux librairies privées ne font pas état d’un personnel spécialisé à cet effet. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette absence : la taille ou la valeur de la bibliothèque ne l’exige pas ; le possesseur se charge de certaines tâches lui-même 127 ; l’entretien de la librairie est assuré par une personne de confiance évoluant dans l’entourage du possesseur mais dont ce n’était pas la fonction principale (un chapelain, un secrétaire particulier ou tout autre tiers disposant d’un bagage intellectuel suffisant). Assez logiquement, aucun règlement d’ordre intérieur ne figure dans notre éventail documentaire. Or, même dans les librairies religieuses ou séculières qui disposent d’une règlementation précise et contraignante ainsi que d’un personnel spécialisé, les sources ne manquent pas qui évoquent les pertes, les vols, les 124

Seuls 8 mss ont pu être identifiés dans près de 160 bibliothèques ecclésiastiques françaises au temps de la papauté d’Avignon (Jullien de Pommerol - Monfrin 2001, p. 25 ; lire aussi Bozzolo Ornato 1983, spéc. p. 74 et suiv).

125

Vezin 1989, p. 396.

126

Delisle 1907, I, pp. 10-22 (librairie du Louvre) ; Guiffrey 1894-1897, I, p. 9, n. 1 (Jean de Berry) ; Van Hoorebeeck 2009c (librairie de Bourgogne). Voir aussi Partie III, chap. II, §. VI.3.B.

127

On songe ici à la rédaction de catalogues autographes.

Chapitre II : Les livres

43

livres prêtés et non rendus, les dégradations dues à un manque d’entretien, à une consultation « sauvage » ou encore à de mauvaises conditions de conservation 128. Il est cependant difficile de mesurer l’impact de cette absence de prescriptions normatives (et, partant, de surveillance, de contrôle et de sanction éventuelle) sur la pérennité des librairies des fonctionnaires. Quelques rares données font cependant état de pertes 129, de livres empruntés non restitués 130, de dégradations dues à une conservation insuffisante ou inadaptée et, peut-être, de vols 131. Quant à la consultation même des ouvrages, les informations manquent pour déterminer dans quelle mesure elle a affecté le taux de survie des livres possédés par les officiers. La documentation évoque à plusieurs reprises la présence d’ouvrages usés ou défraîchis mais rien ne prouve que cet état de conservation ne soit pas davantage dû à une consultation fréquente qu’aux pratiques de lecture peu scrupuleuses vilipendées par un Richard de Bury. Contrairement aux librairies institutionnelles où le livre est placé à la disposition d’une communauté de lecteurs à qui il n’appartient pas en propre, la bibliothèque d’une personne physique relève de son patrimoine personnel (ou familial). Selon le droit coutumier des Pays-Bas méridionaux, le livre ressort des biens cateux, soit des biens individuels liés à la personne et qui présentent un caractère passager et périssable 132. Ce statut particulier conditionne la pérennité d’une collection particulière et en sa qualité de bien catel, le cycle de vie d’un livre en possession privée est intimement lié à la destinée de son propriétaire. Il peut ainsi être perdu lors d’un déplacement 133, confisqué134, mis en gage ou saisi pour honorer une créance 135. Une fois son propriétaire décédé et selon qu’il ait pris ou non des dispositions précises, le livre peut à nouveau emprunter des voies très diverses : répartition entre bénéficiaires, vente pure et simple ou encore saisie pontificale en vertu du droit de dépouille 136. Précisons aussi que 128

Dolbeau 1989 ; Munk Olsen - Petimengin 1989.

129

Voir à Philippe Wielant dans le Répertoire documentaire (n°128).

130

Voir à Jean Chevrot dans le Répertoire documentaire (doc.III.7-8).

131

Sur ce point, voir Partie III, chap. III, §. VI.3.C.

132

Par opposition aux biens dits d’héritage qui désignent traditionnellement, le patrimoine foncier ayant un caractère de perpétuité et de productivité (Godding 1987, p. 142).

133

S’ils ont respecté les prescrits de l’Église, les nombreux ecclésiastiques envoyés en ambassade ou amenés à suivre le duc dans ses voyages ont forcément dû emporter avec eux leur bréviaire pour la récitation quotidienne de l’office. Or déplacer un livre représente toujours un risque de perte potentiel. Pour preuve, Martin Steenberch avait oublié à Saint-Omer plusieurs escriptures secretes qui ont dû été récupérées par l’envoi spécial d’un chevaucheur (Greve - Lebailly 2002, n°634).

134

C’est le cas de Gossuin de Wilde dont les livres hérités de son père ont été saisis par Philippe le Bon à la suite de sa condamnation pour sodomie.

135

Voir à Philippe de Chassa dans le Répertoire documentaire.

136

Sur cette pratique (qui concerne Ferry de Clugny) : Jullien de Pommerol - Monfrin 2001.

44

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

l’existence d’un testament ou de tout autre document rédigé par le possesseur ne garantit pas toujours que ses volontés soient respectées 137. Enfin, la probabilité que le patrimoine livresque d’un propriétaire privé se disperse parmi de nombreux bénéficiaires se voit naturellement augmentée au fil des successions et des générations. D’autres facteurs plus généraux liés non seulement au livre lui-même mais aussi à la manière dont il a été reçu et perçu au fil du temps peuvent lourdement peser sur le taux de survie d’un ouvrage en collection privée. La forme, le contenu, les valeurs d’usage, vénale et sentimentale mais aussi les conséquences de l’imprimerie et le statut de son possesseur constituent autant de paramètres dont la variation au cours des siècles a influencé la pérennité du livre dans le sens de sa conservation ou de sa désaffection voire de sa destruction. Le phénomène est loin d’avoir épargné les librairies institutionnelles mais il semble qu’il ait rendu plus vulnérables encore les collections privées. Un petit exemplaire sur papier transcrit dans une écriture rapide ou imprimé sans grand soin, truffé de gloses et d’annotations, simplement cousu ou relié à bon marché et dépourvu d’illustration est à l’évidence bien plus vulnérable qu’un volume de belle facture, transcrit par un copiste professionnel ou sorti des presses d’un imprimeur habile, enluminé par un miniaturiste confirmé ou décoré de nombreuses gravures et pourvu d’une reliure de prix. Le contenu et l’usage du livre déterminent aussi ses chances de survie. Certains textes éphémères (ordonnances monétaires, almanachs, placards, indulgences) ont par essence une durée de vie très courte et un usage limité dans le temps 138. Au registre des paramètres qui pèsent sur la durée de vie d’un codex, il faut encore évoquer la diffusion de l’imprimerie et ses multiples conséquences sur le rapport au livre. Les années 1520-1530 marquent la fin de la période de cohabitation des deux médias et sanctionnent la suprématie de l’imprimé sur son homologue manuscrit dont la valeur d’usage se voit alors dans le meilleur des cas réduite à la portion congrue 139. Enfin, les critères susceptibles d’assurer au livre un taux de survie minimum ont évolué au cours des siècles et ont aussi varié en fonction de l’intérêt des collectionneurs et des bibliophiles, qu’il soit de nature philologique, typographique, artistique, historique ou archéologique. En ce sens, le statut du possesseur constitue également un élément de poids. Un propriétaire qui se signale par son nom, son titre, sa carrière ou son statut a logiquement suscité auprès des amateurs plus d’attention que la librairie d’un per137

Godding 1987, p. 399.

138

Exemples dans N. Petit, L’éphémère, l’occasionnel et le non livre à la bibliothèque Sainte-Geneviève (XVeXVIIIe siècle), Paris, 1997.

139

Cette problématique est abordée en détail dans la Partie II, chap. III.

Chapitre II : Les livres

45

sonnage plus obscur 140. Mais toute médaille a son revers. Si l’on doit aux collectionneurs des XVIIIe-XXe siècles la sauvegarde de certains manuscrits et incunables 141, d’autres ont en revanche dépouillé bon nombre d’exemplaires de leur reliure d’origine, de leur illustration ou de tout autre élément un tant soit peu « curieux ». Selon B. Munk Olsen et P. Petitmengin, les librairies des possesseurs privés « ne leur ont survécu que si elles ont été recueillies par une personne morale » 142. Ce constat laconique semble se vérifier dans le cas des fonctionnaires ducaux. Exprimée sous forme de dons ou de legs, la générosité de bon nombre d’agents envers les bibliothèques de personnes morales (établissements ecclésiastiques et, dans une moindre mesure, séculiers 143) a sans aucun doute permis à leurs livres d’assurer ou à tout le moins de prolonger leur durée de vie. Reste que l’opinion de Munk Olsen et Petitmengin appelle néanmoins un sérieux bémol. Une fois intégré dans un fonds collectif, le livre précédemment aux mains d’un propriétaire privé est de toute évidence soumis aux mêmes aléas de l’Histoire que le reste de la collection institutionnelle où il est désormais conservé. Comme tout ouvrage d’une librairie ecclésiastique ou séculière, il peut être affecté par le feu 144, l’eau, les insectes 145, les difficultés financières qui conduisent parfois à la dispersion de la collection 146 ou encore les destructions dues à la main de l’homme 147. En réalité, seules des données chiffrées permettraient d’évaluer dans quelle mesure un livre privé doit son salut à son passage dans le circuit de la propriété collective. L’impact réel d’une conservation institutionnelle sur le taux de survie d’un livre précédemment possédé par un particulier ne peut toutefois être correctement apprécié qu’en procédant à la reconstitution 140

Ainsi, c’est probablement grâce à son passage dans les collections de l’éminent Juste Lipse que le ms. Leyde, Universiteitsbibliotheek, Lips. 50 commandé par Antoine Haneron a été préservé.

141

Parmi les plus célèbres bibliophiles à qui l’on doit la survie de très nombreux livres médiévaux, citons e.a. Sir Thomas Phillipps († 1872) et, pour nos régions, Charles Van Hulthem († 1832).

142

Munk Olsen - Petitmengin 1989, p. 416.

143

Voir Partie III, chap. II, §. II.

144

Les ouvrages légués par Wouter Lonijs à l’abbaye Saint-Michel ont ainsi probablement péri dans l’incendie du monastère de 1526.

145

Même les collections prestigieuses et gérées par un personnel spécialisé n’étaient pas à l’abri de la voracité des vers xylophages : lors de sa description dans l’inventaire de la librairie ducale en 1485, le Bruxellensis 9553 apparaissait tout rongé de vers (Barrois 1830, n°1619).

146

Voir à Roland L’Escrivain dans le Répertoire documentaire (doc.V).

147

Les guerres de religion ou encore la sécularisation des biens du clergé au XVIIIe siècle ne constituent pas le moindre de ces facteurs de perte. Dans le cas des agents ducaux cependant, le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres : le pillage intervenu lors de la prise de Liège par les troupes bourguignonnes en 1468 a permis à certains officiers de s’emparer de bon nombre de livres saisis dans plusieurs établissements religieux de la Cité ardente (détails dans la Partie III, chap. II, §. III.2.B).

46

Partie I : Corpus, fondements documentaires et méthodologie

du stemma possessorum de chaque ouvrage − soit la recherche du ou des propriétaires publics ou privés qui, au fil des siècles, sont successivement entrés en possession du volume. Or cette démarche est souvent rendue extrêmement ardue. Si la connaissance d’un possesseur intermédiaire, de l’histoire du pays ou de la bibliothèque où l’exemplaire est aujourd’hui conservé permet parfois de retracer fût-ce partiellement son parcours, le silence des sources et le manque de données constituent souvent des écueils de taille. Appliquer une telle démarche « d’histoire globale » à l’échelle d’un corpus aussi vaste et varié que celui des livres des fonctionnaires ducaux aurait en outre exigé des développements considérables qui mériteraient à eux seuls une étude menée dans une autre perspective que la nôtre. III. 2. L’approche quantitative du corpus : observations critiques L’hétérogénéité qualitative et l’inégalité quantitative des sources rendent fort incertaine toute tentative de réponse quant à la représentativité statistique du corpus rassemblé148. Le Répertoire documentaire témoigne bien de l’ampleur de ces contrastes. Certaines collections pour lesquelles aucun acte n’a été rédigé ou retrouvé ne sont ainsi connues que par les livres conservés − dont le nombre peut osciller entre un seul témoin et une dizaine d’exemplaires − tandis que d’autres librairies dont aucun ouvrage n’a été repéré ou identifié ne sont appréhendables que via des actes de la pratique qui vont du testament à l’inventaire post mortem en passant par des sources administratives et narratives. De nombreux cas présentent en outre la complexité de proposer les deux types de données sans qu’on puisse les recouper 149. Enfin, qu’il s’agisse de témoins livresques ou de documents de la pratique, le nombre même des informations disponibles pour chaque possesseur est non seulement asymétrique mais également, au sein même de types de sources identiques, assez restreint. Deux chiffres pour s’en convaincre : pour l’ensemble des fonctionnaires-possesseurs, on ne dispose que de six comptes d’exécution testamentaire et d’à peine dix inventaires après-décès. Il y a donc loin des quelque 549 inventaires relatifs à des possesseurs privés vivant à Majorque entre 1450 et 1500 analysés par J.N. Hillgarth 150 ou des 243 testaments, comptes d’exécution testamentaire et comptes de tutelle tournaisiens établis entre 1303 et 1499 151. Or une approche quantitative ne saurait être menée en l’absence d’un effectif de population suffisamment 148

Détails sur cette problématique dans la Partie II, chap. I.

149

Le seul livre encore conservé appartenant à Wouter Lonijs (KBR, ms. 708-719) n’apparaît dans aucun document d’archives.

150

Hillgarth 1991.

151

Vanwijnsberghe 2001, spéc. pp. 163-215.

Chapitre II : Les livres

47

large et, si possible, cohérent 152. Les résultats chiffrés obtenus par une démarche quantitative à l’échelle de tout le corpus n’auraient pu qu’être éminemment discutables quant au degré de fiabilité à leur accorder. En d’autres termes, nier l’arrière-plan documentaire de chaque propriétaire risque d’aboutir à de dangereux raccourcis voire à des contre-vérités et, partant, de fausser tout résultat d’ordre quantitatif. Rien ne permet d’inférer à priori qu’un Martin Steenberch dont l’imposante librairie a été décrite avec soin mais dont aucun livre n’a été retrouvé, possédait davantage d’ouvrages que son contemporain Antoine Rolin, possesseur d’une bibliothèque connue exclusivement par une dizaine d’exemplaires conservés. Enfin, la répartition chronologique de la documentation intervient également en matière de représentativité. La décennie 1460-1470 constitue à cet égard une étape-charnière : les sources archivistiques comme les livres, moins abondantes pour les années 1420-1460, deviennent de plus en plus fournies et diversifiées après 1460-1470. Cette inégale ventilation documentaire représente un écueil supplémentaire dans l’évaluation de la représentativité des données. En conclusion : s’il est clair que les facteurs de perte des collections des officiers ducaux ont été considérables, il est tout aussi évident qu’une approche quantitative centrée sur la mesure de leur taux de survie s’avère difficilement envisageable pour chacune de la centaine de bibliothèques reprises dans cette enquête. Mais si elle grève lourdement tout essai d’interprétation quantitative, la diversité des sources ne doit pas représenter un obstacle infranchissable. À l’instar des conclusions formulées à propos des fonctionnaires-possesseurs, la mosaïque documentaire qui éclaire leur patrimoine livresque peut elle aussi s’avérer d’une grande richesse pour brosser le profil qualitatif de leurs livres et de leurs lectures.

152

Ornato 1997, p. 17.

PARTIE II : VOYAGE AU CŒUR DES LIBRAIRIES Pilier central de cet ouvrage, cette seconde partie conçue comme un voyage au cœur des librairies des fonctionnaires ducaux s’articule autour de trois axes qui constituent autant de chapitres. Le premier axe est consacré à la taille des collections. Le sous-titre − l’impossible mesure des inconnues − a été choisi à dessein : malgré leur pertinence, les démarches quantitatives traditionnelles en histoire du livre se sont avérées ici largement inapplicables. Les raisons en seront expliquées, tout comme la méthodologie mise en œuvre pour pallier cette difficulté. Les résultats obtenus reposent sur le croisement de ce que nous proposons d’appeler les « données chiffrées objectives » et les « critères de vraisemblance », lesquels permettent alors d’évaluer l’importance numérique des bibliothèques des officiers ducaux. L’analyse quantitative laisse place ensuite à l’examen qualitatif de leurs livres et de leurs lectures. La composition des collections y est abordée en six paragraphes thématiques : la littérature religieuse, les textes juridiques, l’histoire, la littérature « romanesque », les textes classiques et humanistes puis la littérature scientifique, didactique et technique. En guise de prolégomènes, on rappellera les principaux écueils méthodologiques rencontrés puis les aptitudes et habitudes linguistiques des officiers ducaux. L’environnement matériel (locaux, mobilier) et les modes de classement sont abordés en fin de chapitre. L’examen de l’audience respective des manuscrits et des imprimés vient enfin clôturer cette seconde partie. Il s’agit là d’une problématique fondamentale, et ce d’autant plus que l’apparition de la typographie en caractères mobiles dans les Pays-Bas méridionaux date de 1473 − soit au cœur même de la période retenue. Quelques jalons méthodologiques d’ordre général sont à nouveau soulignés, suivis de remarques sur le poids quantitatif de ces deux médias au sein de notre ensemble documentaire. Les données mises au jour révèlent une réception très contrastée. Quel est le profil des possesseurs sensibles à l’imprimé ? Quelles sont les raisons qui motivent leur ouverture et comment se traduit-elle ? Ce questionnement s’applique ensuite aux officiers qui n’ont pas, ou peu, accueilli d’imprimés dans leur bibliothèque. Six facteurs peuvent justifier cette attitude qui s’avère au final fortement conditionnée par la force de résistance du manuscrit.

CHAPITRE I : La taille des bibliothèques ou l’impossible mesure des inconnues Initiées voici une trentaine d’années, les méthodes quantitatives ont ouvert à l’histoire du livre et des bibliothèques des horizons de recherche novateurs et stimulants 1. Le dénombrement de volumes dans des collections situées dans un espace donné ou appartenant à un groupe spécifique n’en constitue qu’un des nombreux champs d’investigation. Rares sont aujourd’hui les études en histoire du livre à faire l’économie de ce genre d’enquête au risque de déroger aux tendances déjà bien ancrées de l’historiographie. Si la légitimité du questionnement n’est pas mise en cause, de rigoureuses mises au point méthodologiques posées d’entrée de jeu restent cependant la condition sine qua non à toute mise en œuvre quantitative. Or on constate que de nombreux travaux qui s’inscrivent dans cette perspective réservent un traitement fort inégal à ces précisions fondamentales; elles y apparaissent souvent mal assimilées, simplifiées à outrance, éludées voire totalement négligées. La présentation de quelques-unes de ces faiblesses permettra de justifier les raisons pour lesquelles nous n’avons pas souscrit à une stricte application des principes statistiques. Elle précédera un second point où sera exposée la manière dont nous avons choisi d’adapter ces méthodes à l’ensemble du corpus. Les résultats en seront proposés à la fin de chapitre. §. I. L’application des méthodes quantitatives à l’histoire du livre. Quelques questions critiques Avant d’entreprendre toute démarche d’ordre statistique, il est indispensable de définir clairement l’unité de mesure prise en compte. Les résultats seront en effet sensiblement différents selon que l’on considère le texte, le volume ou le nombre de tomes ou de parties. Il importe également d’indiquer la manière dont seront traités les cahiers, les ouvrages sans reliure, les fragments, les documents à caractère administratif voire les volumes dépareillés. Le sort réservé aux entrées d’un document qui décrit un nombre indistinct de volumes doit lui aussi être clairement spécifié 2. En l’absence de tels repères méthodologiques, les données exprimées en chiffres absolus peuvent aisément être remises en cause. Un bref exemple permettra d’illustrer le propos, partant 1

À retenir parmi une abondante bibliographie : Neddermeyer 1996 ; Neddermeyer 1997 ; Ornato 1997 ; Bozzolo - Ornato 1997 ; Neddermeyer 1998 ; Bozzolo - Ornato 2000 ; Wijsman 2003b ; Wijsman 2003c.

2

Selon A. Labarre, l’inventaire de François de Mélun établi en 1521 contient « 15 opuscules dont les titres ne sont pas détaillés » (Labarre 1971, p. 382). Comment expliquer ce chiffre alors qu’au sein de la liste de ces 15 opuscules transcrite par l’auteur, 13 entrées portent sur plusieurs volumes (ex. : Item plus bas onze volumes ou Item VIII aultres volumes moindres ; Labarre 1971, p. 382) ?

52

Partie II : Voyage au cœur des librairies

du principe que la taille d’une bibliothèque se mesure par le décompte du nombre de volumes physiquement distincts et en tenant compte des entrées qui portent sur plusieurs volumes 3. Ainsi, A. Chalandon décompte 311 volumes dans l’inventaire après-décès du chanoine de Troyes Louis Budé 4. En tête de l’édition du document, l’auteur stipule qu’il comporte « 314 articles, certains mentionnant plusieurs livres à la fois » 5. On note donc un premier écart potentiel entre le nombre de livres et le nombre d’articles, sans toutefois que ce dernier terme soit explicité. Chaque volume est signalé dans l’édition par un chiffre entre crochets. Cette règle n’a cependant pas été systématiquement suivie : trois documents placés en fin d’inventaire sont repris sous une seule entrée 6 alors que plus haut dans la même source, deux entrées distinctes sont prévues pour un bréviaire en deux volumes 7. En outre, des items décrivant plus d’un ouvrage sont comptés pour une seule unité, ce qui conduit à une sousévaluation du nombre total d’exemplaires 8. Sans procéder ici à un rectificatif détaillé, on ne saurait donc quoi qu’il en soit souscrire au chiffre définitif de 311 volumes comptabilisés par A. Chalandon. Des distorsions peuvent également apparaître lorsqu’on dispose de plusieurs sources (testament, inventaire après-décès, compte d’exécution testamentaire, etc.) qui se rapportent à une même collection 9. La trame parfois complexe des dons, legs et autres emprunts de livres signalés dans plusieurs documents vient en outre singulièrement entraver la démarche quantitative. Il n’est dès lors pas toujours aisé de pister un volume au gré des sources qui le décrivent avec plus ou moins de variantes : s’agit-il du même exemplaire ou faut-il compter chaque entrée comme une unité distincte ? En revanche, lorsqu’il est clairement question de volumes identiques cités dans plusieurs sources, ils devront naturellement n’être comptabilisés qu’une seule fois 10. 3

Lorsque le nombre de volumes sous une entrée n’est pas précisé, nous l’évaluons par convention à (minimum) 2 volumes distincts.

4

Chalandon 2001, pp. 13 et 31.

5

Chalandon 2001, p. 49.

6

Chalandon 2001, p. 69, n°313. On peut par ailleurs s’interroger sur la pertinence de tenir comme éléments constitutifs de cette librairie les courriers et papiers personnels (Chalandon 2001, p. 69, n°312-315).

7

Chalandon 2001, p. 68, n°294-295.

8

Plusieurs petiz livres [...] qui n’ont esté prisez pour l’empeschement des executeurs (Chalandon 2001, p. 69, n°307) ; plusieurs volumes en grec [...] qui n’ont esté prisez pour ce que l’on ne cognoissoit la valeur d’iceulx (Chalandon 2001, p. 69, n°308).

9

Sur les variations inter et intra-documents : Bozzolo - Ornato 2000, spéc. p. 167 et suiv.

10

À l’instar de W. Paravicini, la numérotation continue proposée par V. Flammang dans l’édition du compte de tutelle du chancelier Hugonet risque d’induire en erreur (Flammang 2003). Un même ouvrage cité à la fois dans les recettes et dans les dépenses est ainsi pourvu d’un numéro différent, laissant penser qu’il s’agit de 2 volumes distincts.

Chapitre I : La taille des bibliothèques

53

La stricte mise en œuvre des méthodes quantitatives traditionnelles se heurte également à l’hétérogénéité documentaire 11. Certaines librairies pour lesquelles aucun document n’a été retrouvé sont exclusivement connues par un ou plusieurs volume(s) encore conservé(s) tandis que d’autres bibliothèques dont aucun témoin n’a été identifié ne sont appréhendables que via des sources de la pratique. Envisagé sous l’angle de l’analyse statistique traditionnelle, le croisement de données fournies par une collection x orpheline de tout livre retrouvé et par une librairie y orpheline de toute source documentaire risque de mener à des résultats artificiels et potentiellement inexacts. Des remarques similaires peuvent être émises à propos des bibliothèques pour lesquelles on dispose des deux catégories d’informations. D’abord, il n’est pas rare que les différentes données ne se recoupent pas : ainsi, le seul ouvrage subsistant portant une marque d’appartenance à Wouter Lonijs ne figure ni dans son testament ni dans son inventaire après-décès ni dans son compte d’exécution testamentaire. Ensuite, établir une correspondance avérée entre un ouvrage existant et son attestation dans un document n’est pas toujours une sinécure. Le Bruxellensis 15843 annoté par Chastelain doit-il être identifié à ces coyers escripts de la main de mondit seigneur et maistre, tous desemparéz, imparfaicts et sans ordre décrits par Molinet ? Enfin, les sources documentaires et les livres retrouvés renvoient sui generis à des réalités différentes. Certaines données numériques à propos du nombre de volumes de la librairie de Bourgogne résultent ainsi d’une addition factice entre livres retrouvés et attestations dans un inventaire. Pour ne citer qu’un exemple, les fameuses Chroniques et conquêtes de Charlemagne sont distribuées en deux volumes dans les inventaires de la librairie ducale de 1467-1469 et de 1487 12 alors qu’elles sont aujourd’hui conservées en trois tomes 13. Certaines publications comptent ces volumes comme trois tomes distincts, privilégiant d’une façon arbitraire la situation actuelle à la réalité physique médiévale attestée par les sources documentaires 14. On objectera que ce phénomène, du reste assez isolé, n’aura qu’une faible incidence sur les résultats statistiques globaux; il n’en pose pas moins la question de l’application de la méthodologie quantitative exprimée en chiffres absolus. Cette absence de traçabilité dans des balises méthodologiques qui ne sont pas toujours explicitées d’emblée induit donc des résultats statistiques contestables. Par corollaire, elle rend extrêmement hasardeuse toute tentative de comparaison quantitative, que ce soit à l’intérieur d’un corpus déterminé ou avec d’autres librairies qui ne relèvent pas de ce corpus. Un premier examen 11

Sur ce point : Bozzolo - Ornato 2000.

12

Barrois 1830, n°733-734, 1518-1519 et 1701-1702.

13

Respectivement KBR, mss 9066, 9067 et 9068 (LDB-IV 2009, pp. 127-158).

14

Notamment Wijsman 2003b, p. 178, n. 54.

54

Partie II : Voyage au cœur des librairies

quantitatif des collections des agents ducaux Guillaume Hugonet, Philippe Wielant et Nicolas Clopper servira de point de départ pour une démonstration a contrario basée sur les chiffres proposés par W. Paravicini. Dans son étude sur le compte de tutelle du chancelier Hugonet, l’auteur recense « 92 œuvres (dont une en 4 volumes, et deux volumes contenant − au moins − deux œuvres différentes), donc en tout 93 volumes » 15. En décomptant chaque volume physiquement distinct, nous aboutissons au même résultat pour la librairie du chancelier mais ce n’est pas le cas pour la collection de Philippe Wielant et de Nicolas Clopper. Sans autre précision quant à la démarche entreprise, l’auteur dénombre 168 volumes dans la première librairie 16 et recense « 154 volumes et 285 titres » dans la seconde 17. En recourant à la même méthode de calcul que celle qui a été appliquée à la collection du chancelier, nous dénombrons en revanche un total de 135 volumes pour la librairie de Wielant et de 159 volumes pour celle de Clopper. Les divergences relevées par cette simple confrontation menée à l’échelle d’un corpus restreint expliquent aussi combien il est malaisé de comparer nos données à d’autres librairies pour lesquels les méthodes de calcul n’ont pas davantage été explicitées (ou pas suffisamment). Nul doute qu’une mise en perspective des collections des officiers ducaux avec celles de leurs homologues du Parlement de Paris sous Charles VI aurait été riche d’enseignements. L’étude statistique de la taille de ces bibliothèques à la charnière des XIVe-XVe siècles permettrait ainsi d’évaluer l’impact de l’imprimé sur le développement des librairies de leurs collègues exerçant quelques générations plus tard dans les Pays-Bas bourguignons 18. Dans son article pionnier sur ces collections parisiennes, F. Autrand reste néanmoins fort allusive quant à la méthode de dénombrement utilisée. Consciente de l’importance de concepts préalablement posés, l’auteur se borne à préciser que « ce que nous appelons un livre, c’est un ouvrage, ce n’est pas un volume » 19. Elle justifie sa définition en invoquant les sources qui citent volontiers un ouvrage sans indiquer le nombre de volumes. Si ce constat ne saurait être mis en doute, il nous semble toutefois inutile de s’arcbouter sur la documentation. Un tel postulat de départ risque de conduire à de 15

Paravicini 2000, p. 278. On notera la confusion entre l’analyse quantitative du nombre de volumes physiquement présents et le décompte du nombre de titres repris dans les différents ouvrages de cette librairie, qui relève de la critique interne de la collection.

16

Paravicini 2000, p. 285.

17

Paravicini 2000, p. 285, n. 149. L’auteur se fonde cependant sur l’édition de P. Boeren (Boeren 1949-1951) et non sur celle, plus complète, du CCB-IV 2001, n°27.

18

Les méthodes mises en place par C. Bozzolo et E. Ornato pour estimer l’impact du livre imprimé sur la taille des librairies françaises et italiennes entre 1470 et 1530 pourraient constituer un premier point de départ (Bozzolo - Ornato 1989, spéc. p. 341 et suiv.).

19

Autrand 1973, p. 1224.

Chapitre I : La taille des bibliothèques

55

sérieuses sous-évaluations dans le cadre du Corpus juris civilis ou du Corpus juris canonici, véritables piliers de nombreuses librairies de travail et qui sont très souvent distribués en 3, 4 voire 5 volumes. De manière aussi implicite qu’indéfectible, toute démarche quantitative qui entend à évaluer la taille d’une bibliothèque est par ailleurs liée à la notion de propriété. Cette notion a priori évidente génère pourtant nombre de questions dont l’interprétation se révèle pour le moins délicate. Ainsi, un ouvrage emprunté à un individu ou une institution et qui n’a pas été restitué doit-il être considéré comme faisant partie de la librairie de l’emprunteur ? Dans la mesure où l’on ne dispose le plus souvent que « d’instantanés » très imparfaits, seule une analyse synchronique semble recevable. Les ouvrages reçus en prêt et retrouvés chez lui après sa mort seront donc comptés comme autant de volumes faisant partie de la librairie de Guillaume Hugonet. De même, Philippe Wielant a rajouté à une date indéterminée le terme perditus face à son Textus metaphisice, phisice, etc. 20 dans son catalogue autographe dressé en 1483. En l’absence d’indication ultérieure qui préciserait si le volume a été retrouvé, cet ouvrage a été inclus dans les calculs. En revanche, tout porte à croire que Roland L’Escrivain a bien rendu les volumes empruntés à plusieurs institutions parisiennes 21. Quant à la lettre de Jérôme de Busleyden à Pierre L’Apostole, elle ne laisse aucun doute sur la restitution de plusieurs livres qu’il lui a empruntés 22. Ces emprunts temporaires ne seront dès lors pas intégrés dans le décompte de leur collection personnelle. Les nombreux ouvrages offerts par des agents ducaux à une personne physique ou morale représentent un deuxième cas de figure problématique. Qu’il s’agisse d’un livre retrouvé ou d’une attestation indirecte, il n’est pas toujours aisé de déterminer si le donateur a puisé dans sa propre collection − voire dans celle d’un tiers 23 − ou s’il a préféré faire exécuter le volume qui sera offert. Toute systématisation est à proscrire et seule une approche au cas par cas permet le plus souvent de trancher la question. Ainsi, la grande majorité des ouvrages liturgiques légués par Nicolas Rolin à la collégiale Notre-Dame-du-Chastel semble spécialement réalisée pour le collège de chanoines institué par le chancelier. Il paraît en effet peu vraisemblable qu’un laïc, aussi riche soit-il, ait possédé pour son usage personnel un nombre important de volumes spécifiquement destinés à l’exercice du culte et présents en plusieurs 20

Répertoire documentaire, n°133.

21

Répertoire documentaire, docs I-IV.

22

Répertoire documentaire, doc.IV.

23

La bible offerte par Henri de Berghes à Quentin Benoist pourrait avoir été « distraite » de la bibliothèque de Saint-Denis-en-Broqueroye dont Berghes était abbé commendataire (KBR, ms. 10518 ; Van Hoorebeeck 2006a, spéc. pp. 122-123).

56

Partie II : Voyage au cœur des librairies

exemplaires 24. La situation est cependant moins tranchée pour les hommes d’Église qui ont richement pourvu leurs fondations religieuses. Le beau missel donné par Jean Chevrot à « sa » chapelle Saint-Antoine dans la collégiale SaintHippolyte de Poligny faisait-il partie de sa collection personnelle ou est-ce une commande de circonstance 25 ? On ne saurait se prononcer formellement, d’autant que le manuscrit n’a pas été retrouvé ou identifié. Dans le même ordre d’idées, on observe que les fondateurs de collèges lèguent volontiers la majeure partie de leurs volumes à la bibliothèque de la nouvelle institution. Nicolas Ruter stipule qu’hormis deux ouvrages particulièrement précieux, omnes et singulos libros, ubicumque locorum reperiantur, doivent être versés au Collège d’Arras 26. Sans préciser le nombre de livres, le testament de Jérôme de Busleyden prévoit une clause similaire pour le Collège des Trois-Langues 27. À nouveau, livres conservés et sources documentaires ne permettent pas toujours d’établir une nette ligne de partage entre le noyau provenant de la collection du fondateur et les acquisitions venues enrichir la nouvelle bibliothèque par d’autres voies. L’analyse quantitative d’une librairie est également perturbée par les « possessions hypothétiques ». Notre ensemble documentaire comprend des livres subsistants comme des pièces d’archives dont les indices de possession laissent planer le doute sur leur propriétaire. On ne dispose par exemple d’aucune certitude quant à la Geste de Doon de Mayence où apparaissent des notes autographes de Thomas Bouesseau 28 et l’on ne saurait se prononcer définitivement sur Thomas Orlant, simple intermédiaire ou propriétaire d’une Cité de Dieu vendue à Philippe le Bon 29. Il faut s’interroger également sur les livres transcrits ou annotés par des fonctionnaires ducaux. Antoine Haneron a apposé sa signature au bas de deux folios autographes dans un recueil factice 30. S’agit-il d’une copie destinée à un tiers ou d’une partie d’un ouvrage qui lui aurait appartenu et qu’il aurait lui-même transcrite ? La perspective synchronique conditionnée par le caractère figé des informations disponibles 24

Un bibliophile laïc peut certes disposer d’ouvrages purement liturgiques, voire en double ou en triple. Généralement enluminés, ils font alors plutôt office d’objets d’art que d’objets de culte. En réalité, les deux listes de livres de Notre-Dame-du-Chastel recensent une dizaine de processionnaires et autant de psautiers, ce qui correspond grosso modo au nombre de chanoines installés en 1450 par Nicolas Rolin à Notre-Dame-du-Chastel. Le chancelier a donc selon toute vraisemblance commandé au moins un psautier et un processionnaire pour chaque chanoine (détails dans le Répertoire documentaire à Nicolas Rolin, docs V-VI).

25

Voir à Jean Chevrot dans le Répertoire documentaire, docs I et IV.

26

Voir à Nicolas Ruter dans le Répertoire documentaire, doc.IV.

27

Voir à Jérôme de Busleyden dans le Répertoire documentaire, doc.XII.5 et doc.XIII.

28

Montpellier, Bibliothèque interuniversitaire, Faculté de Médecine, ms. 247.

29

Voir Partie III, chap. II, §. VI.2.A.

30

Saint-Omer, BM, ms. 658.

Chapitre I : La taille des bibliothèques

57

semble cependant dicter une réponse positive, renforcée par le témoignage des sources documentaires qui décrivent fréquemment des ouvrages autographes 31. Il importe en outre de tenir compte des marques d’appartenance dont la présence n’induit pas systématiquement une possession en propre. Ce phénomène concerne d’une part les notes de liber amicorum. La garde d’un manuscrit de Philippe Wielant présente ainsi les devises de plusieurs individus qui n’en ont pas été propriétaires 32. D’autre part, la devise, la signature ou encore les armoiries d’un officier peuvent figurer sur un exemplaire qui ne lui a jamais appartenu personnellement mais qui était destiné à être offert à une personne physique ou morale. C’est notamment le cas de l’ordinaire commandé en 1482 par Henri de Berghes pour le monastère de Saint-Denis-en-Broqueroye dont il était l’abbé commendataire. Les armoiries et le portrait du frontispice désignent ici non pas le propriétaire mais bien le commanditaire-donateur. Dans le même registre, ont peut citer un superbe exemplaire où apparaissent les armoiries et la devise d’Olivier de La Marche et qui comprend l’Introduction des Mémoires dédiées par l’auteur au jeune Philippe le Beau 33. Sur la base de ces éléments, d’aucuns ont estimé que « cet exemplaire était donc sans aucun doute le sien » 34. Il nous semble en revanche que l’appareil héraldique ne relève pas de la propriété personnelle de l’auteur mais procède du rappel au destinataire de l’identité du donateur 35. Le phénomène est du reste documenté par ailleurs 36. Enfin, l’analyse statistique appliquée à l’histoire du livre vient buter contre le pluriel générique − tous mes livres, omnes libros nostros, alle zijn boecken − très souvent employé pour désigner un certain nombre de volumes que les sources ne détaillent pas autrement. La remarque vaut aussi pour ces vele ander puysinge van boeken van cleynder weerden 37 ou ces diverse boecken van bladeren papiers ende half bladeren som geprent ende ongeprent ende ongebonden 38 rencontrés au sein même de documents bien charpentés et qui y sont décrits en bloc sans précision numérique. Au-delà de l’information fournie par la forme grammaticale 31

Détails dans la Partie II, chap. III, §.III.2.F.

32

KBR, ms. 20642-68.

33

BNF, ms. fr. 2868. Le même phénomène s’observe dans des Chroniques abrégées des anciens rois et ducs de Bourgogne d’Olivier de La Marche et où figurent les armoiries de l’auteur. Ce ms. était selon toute vraisemblance destiné à Philippe le Beau (BL, Yates Thompson, ms. 32).

34

Wijsman 2006, p. 52.

35

Un manuscrit du Roman de la Rose moralisé, texte composé par Molinet à la demande de Philippe de Clèves, est à cet égard exemplatif (La Haye, KB, ms. 128 C 5). Outre les armoiries du commanditaire, la scène de présentation comprend un moulin évoquant le patronyme de l’auteur (Emerson 2006 ; Frieden 2006 ; Speakman Sutch 2006).

36

Anne de la Tour et Jean Stuart ont ainsi reçu plusieurs œuvres de Jean Lemaire de Belges dans lesquels le grand rhétoriqueur a trancrit sa devise (Schoysman 2005, spéc. p. 325).

37

Voir à Richard de Bellengues, Répertoire documentaire, n°61.

38

Voir à Corneille Haveloes, Répertoire documentaire, n°92.

58

Partie II : Voyage au cœur des librairies

indiquant un minimum de deux unités, ces locutions s’avèrent néanmoins inutilisables dans une perspective quantitative, fût-elle abordée avec une certaine flexibilité. §. II. Les profils quantitatifs L’application des principes quantitatifs se heurte donc à un certain flou méthodologique − partiellement généré par les sources elles-mêmes − qui rend difficilement exploitables les données numériques qui en découlent. La mesure du nombre de livres possédés par les fonctionnaires des ducs de Bourgogne s’apparenterait-elle alors à un projet mort-né ? Oui, si l’on souhaite à tout prix exprimer en termes statistiques des données qui s’y prêtent mal ; non, s’il l’on choisit d’envisager la problématique d’une manière plus souple en abordant la question en termes de « profils quantitatifs ». Des auteurs tels que G. Hasenohr et P. Aquilon ont tracé la voie en parlant de « petites, moyennes et grandes bibliothèques » ; il s’agissait alors de dégager des grandes tendances chiffrées esquissées sur la base d’observations essentiellement empiriques 39. Si elle présentait l’indéniable avantage d’être à géométrie variable, il nous est rapidement apparu que l’application de cette modélisation tripartite requérait certaines adaptations de fond. Dans un premier temps, les informations numériques résultant du décompte de chaque volume physiquement distinct − ce que nous appellerons les « données chiffrées objectives » − ont servi de base à l’élaboration des profils quantitatifs des librairies appartenant aux agents ducaux. Nous avons choisi d’examiner sous cet angle les deux pôles de la documentation, soit aussi bien les livres subsistants que les attestations dans les archives. Ce parti pris méthodologique n’est pas sans risque au vu des importantes variations dans le nombre et la nature des sources disponibles pour chacune des bibliothèques. Inadéquate dans le cadre d’une stricte analyse statistique, la prise en compte conjointe de ces deux catégories de sources s’impose pourtant comme un mal nécessaire afin de pouvoir dessiner des tendances numériques représentatives. Mais comme on le verra, l’image renvoyée par ces profils quantitatifs établis sur la base des données chiffrées objectives paraît le plus souvent déformée. Si le respect des sources reste primordial, il s’est avéré indispensable de s’en écarter en invoquant une série de paramètres que nous avons appelés des « critères de vraisemblance ». Le profil quantitatif d’une collection est en effet directement influencé par ces facteurs difficilement mesurables mais aussi essentiels que fort peu exploités.

39

Hasenohr 1989 ; Aquilon 1989.

Chapitre I : La taille des bibliothèques

59

II. 1. Les données chiffrées objectives Une vue aérienne des bibliothèques appartenant aux officiers ducaux suffit à démontrer combien le profil quantitatif d’une collection est tributaire de la documentation disponible dont l’impact, considérable, s’avère aussi déterminant dans bien des cas. Les carences ou le caractère exploitable des données expliquent à eux seuls le profil quantitatif extrêmement ténu de bon nombre de collections. Sur la base des données chiffrées objectives fournies par la documentation, 84 librairies présente avec moins de 10 volumes attestés et/ou conservés un « micro profil » quantitatif. Seules quatre collections semblent contenir entre 10 et 20 volumes cités dans un document et/ou encore subsistants. L’inventaire après-décès de Jean Aubert recense ainsi 17 volumes distincts dont aucun n’a été identifié et le testament de Jean Chevrot énumère 13 volumes dont 2 encore conservés. Roland L’Escrivain aurait possédé au moins 11 volumes (un manuscrit identifié et 10 volumes cités). Sur la base des exemplaires dénombrés distinctement dans les sources et en y ajoutant les livres retrouvés qui n’y sont pas cités, la collection personnelle de Nicolas Ruter aurait compris au minimum une douzaine d’ouvrages. Un groupe de 15 bibliothèques se distingue toutefois très nettement. Sans surprise, on constate que ces librairies quantitativement les plus importantes sont celles pour lesquelles on dispose, de manière objective, de sources nombreuses, détaillées ou diversifiées. Sur cet ensemble de 15 librairies qui comptent un minimum de 20 ouvrages attestés ou retrouvés, 11 sont connues grâce aux informations conjointes d’un testament et/ou d’un inventaire aprèsdécès et/ou d’un compte d’exécution testamentaire 40. On dispose d’un catalogue autographe rédigé par le possesseur pour deux d’entre elles 41 et une troisième est documentée grâce à une liste de livres reçus 42. Dans ces derniers cas, le nombre élevé de livres subsistants s’explique en outre par leur entrée rapide dans une bibliothèque institutionnelle parvenue jusqu’à nous 43. Seuls les ouvrages qui ont appartenu de manière certaine à chaque possesseur ont été repris. Pour les raisons invoquées plus haut, les volumes donnés à une personne physique ou morale ainsi que les « attributions hypothétiques » n’y sont pas inclus. La présence dans certains documents d’entrées qui portent sur plusieurs ouvrages non quantifiés explique les nombreux montants a minima.

40

Bellengues ; Clopper ; de Gand ; Haveloes ; Hugonet ; Lonijs ; Le Musnier ; Plaine ; Jean II Rolin ; van der Sluis ; Steenberch.

41

Wielant et de Wysmes.

42

Soit les 22 mss de la succession de Jeanne d’Artois (Répertoire documentaire, doc.I).

43

Ferry de Clugny et Jean II Rolin (voir Répertoire documentaire et Catalogue descriptif).

60

Partie II : Voyage au cœur des librairies

On constate ainsi que la taille élevée de ces librairies est très nettement déterminée par le nombre de volumes attestés dans les sources archivistiques alors que le nombre d’exemplaires retrouvés est soit nul, soit très faible. Ferry de Clugny et Jean II Rolin font ici exception puisqu’aux côtés de documents assez fournis, de nombreux témoins livresques ont été conservés. Ce sont d’ailleurs précisément ces possesseurs dont la collection a été intégrée très tôt dans un fonds collectif. En combinant les deux types de données (c’est-à-dire sans les confondre), les résultats laissent entrevoir pour ce groupe de 15 librairies un profil quantitatif oscillant entre 0 et 20 volumes conservés et entre 26 et au moins 325 ouvrages cités dans les sources. Aucun livre n’a été retrouvé pour 7 possesseurs, un nombre fort proche des 6 autres individus pour lesquels entre 1 et 20 volumes ont été identifiés. On note en revanche des variations plus importantes entre les montants minimum et maximum des ouvrages uniquement attestés. On peut distinguer les 8 agents qui possèdent entre une trentaine et une soixantaine de volumes, les 5 officiers pour lesquels on recense entre 90 et 135 volumes, et Nicolas Clopper et Simon van der Sluis, chez qui sont répertoriés de 159 à plusieurs centaines de volumes. II. 2. Les critères de vraisemblance Le constat relève de la lapalissade : hormis ce groupe de 15 librairies, les profils quantitatifs tels qu’ils apparaissent via les données chiffrées objectives ne sont pas représentatifs de ce que les officiers bourguignons ont réellement possédé. S’il semble vain de tenter de déterminer dans quelle mesure l’image renvoyée est déformée, une typologie des critères de vraisemblance qui façonnent de manière plus ou moins prégnante ces profils quantitatifs peut en revanche apporter un tout autre éclairage. Deux parmi ces facteurs déterminants apparaissent en filigrane dans les 15 librairies au profil quantitatif élevé : l’appartenance à l’Église et le cursus universitaire. Neuf d’entre elles ont été montées par des ecclésiastiques 44. Les 6 autres possesseurs, parmi lesquels on distingue 3 chanceliers de Bourgogne 45, ont quant à eux suivi une formation académique 46. Sauf Bellengues et Le Musnier, tous les ecclésiastiques de cet ensemble sont en outre titulaires d’un diplôme universitaire. On constate donc une corrélation entre un profil 44

Bellengues, Clopper, Clugny, de Gand, Lonijs, Le Musnier, Jean II Rolin, van der Sluis et Steenberch.

45

Rolin, Hugonet et Plaine.

46

Corneille Haveloes, un individu sur lequel nous sommes très peu renseignés, constitue un cas à part. Nous ne l’avons repéré dans aucune matricule des principales universités et il ne semble pas avoir embrassé l’état ecclésiastique. On ne saurait être formel sur ce dernier point puisqu’un chapelain et chanoine homonyme est signalé en 1464 à la collégiale Sainte-Gudule (Haggh 1988, II, p. 602).

Chapitre I : La taille des bibliothèques

61

quantitatif important reflété par les données numériques objectives de la documentation et des marqueurs liés cette fois aux hommes eux-mêmes, l’estat et la formation académique. Le phénomène s’explique sans peine puisque le livre est indéfectiblement lié aussi bien à l’exercice du culte qu’à l’enseignement universitaire. À ce titre, ces deux données peuvent donc servir de critères pour repérer des profils quantitatifs sous-évalués. A. L’appartenance à l’Église Pour les quelque 35 propriétaires ecclésiastiques, la lecture quotidienne du bréviaire constituait une obligation canonique. G. Hasenohr a souligné combien la présence de cet ouvrage liturgique de base était une constante dans les librairies privées du clergé des XIVe-XVe siècles 47. Or à l’exception d’une dizaine d’officiers ecclésiastiques 48, le bréviaire serait, à en croire les sources, littéralement absent des 21 collections montées par les autres hommes d’Église 49. Sur la seule base des informations fournies par la documentation, des membres du clergé de premier plan tels que Jérôme de Busleyden, les évêques de Tournai Jean Chevrot et Guillaume Fillastre, le prévôt d’Aire Jérôme de Busleyden ou encore le doyen du chapitre de Sainte-Gudule Martin Steenberch, n’auraient possédé aucun bréviaire ! On pourrait multiplier les exemples en évoquant d’autres grands absents de certaines bibliothèques comme le missel, les ouvrages de pastorale nécessaires à tous ceux qui assuraient la cura animarum ou encore le pontifical, référent par excellence de nombreuses activités du ministère épiscopal. B. Les laïcs S’il existe certaines lectures obligées pour les hommes d’Église, il n’est pas exagéré de considérer le livre d’heures comme « le » livre des laïcs. Ce livre de prières offrait l’avantage de joindre l’utile à l’agréable : des textes paraliturgiques relativement brefs qui facilitent une lecture fragmentée, des balises signalétiques qui guident le lecteur et, dans leur immense majorité, une illustration qui fonctionne à la fois comme repère visuel et comme support de méditation. Les Heures combinaient également plusieurs avantages : valeur vénale (de par leur support coûteux qu’est le parchemin, la présence d’illustrations et la reliure 47

Hasenohr 1989, p. 236.

48

Alard ; Bellengues (Répertoire documentaire, n°16, 40, 45 et 46) ; Bruggheman (Répertoire documentaire, n°1) ; Charvet ; Clopper (Répertoire documentaire, n°156 et 157) ; Finet ; de Gand (Répertoire documentaire, n°11 et 13) ; Lonijs (Répertoire documentaire, doc.III.7) ; de Le Motte (Répertoire documentaire, n°1) ; Le Musnier (Répertoire documentaire, n°4, 24-25 et 28) ; Jean II Rolin (Autun, BM, ms. S. 156 (135), ms. S. 170 (148), ms. S. 171 (148) et ms. S. 173 (148 A) ; La Haye, KB, ms. 76 E 8 ; San Marino, The Huntington Library, ms. HM 1077) ; de Rota (Répertoire documentaire, doc.III) ; (de) Ruter (Louvain, Faculteit der Godsgeleerdheid, Fonds Mechelen, mss 8-9).

49

A. Labarre émet des observations similaires à propos des notaires et des ecclésiastiques amiénois du XVIe siècle (Labarre 1971, p. 138).

62

Partie II : Voyage au cœur des librairies

souvent de belle facture), valeur sentimentale (les sources font volontiers état de l’attachement et du soin particuliers d’un possesseur vis-à-vis de ce livre de dévotion) et valeur d’usage (cet objet du patrimoine personnel ou familial témoigne souvent d’une utilisation par plusieurs générations de possesseurs). On sait combien le livre d’heures a été apprécié par l’ensemble de la société médiévale, de la bourgeoisie urbaine au prince de sang en passant par la noblesse d’épée, le clergé et la noblesse de robe. Les fonctionnaires laïcs des ducs de Bourgogne n’échappent pas à cet engouement qui se traduit par la présence chez 19 d’entre eux d’un ou de plusieurs exemplaires. Leur taux de conservation élevé explique en grande partie qu’à 2 exceptions près 50, les manuscrits encore subsistants constituent l’essentiel de la documentation. Les Heures représentent bien souvent l’unique livre possédé par un individu. La collection de 12 officiers laïcs n’est d’ailleurs pas autrement connue que par ce seul ouvrage de dévotion 51. Reste que l’ensemble documentaire compte un total de 68 possesseurs laïcs : si l’on s’en tient aux seules données chiffrées objectives fournies par les sources, on devrait dès lors en déduire que 49 officiers ducaux (parmi lesquels des hommes titulaires de fonction de premier plan, au prestige certain et à la fortune bien ancrée) n’ont jamais possédé un seul de ces biens nommés best-sellers médiévaux. La conclusion, on en conviendra, frôle quelque peu l’absurde. C. La formation universitaire La formation académique, élément caractéristique de 12 des 15 possesseurs 52, constitue également un critère pertinent pour mieux cerner un profil quantitatif. À l’instar des ecclésiastiques pour qui il reste le pain quotidien, le livre demeure un outil privilégié dans l’enseignement et l’apprentissage universitaires 53. Le professeur dispense ses cours livre en main tandis que les étudiants sont tenus de s’y présenter avec les ouvrages requis. Durant les premières années après sa fondation et alors que le système de la pecia n’était pas encore opérationnel, l’Université de Louvain a d’ailleurs pris en charge des séances spéciales de dictée qui permettaient aux étudiants de se rendre aux cours, les volumes obligatoires sous le bras 54. Établie par la même université en 1429, une liste des titres audiendis et legendis pour suivre le cursus de la Faculté des arts − passage obligé avant de poursuivre des études en droit, en médecine ou en théologie − 50

Hauteville (Répertoire documentaire, doc.I.1.a) et Vasquez (Répertoire documentaire, n°3) dont les Heures signalées dans les sources n’ont pas été retrouvées.

51

van Amerongen, Donche, Froidmont, Moreel, van Overtvelt, Quarré, Malet, Le Sauvage, van der Scague, d’Ailly, Berthoz (3 exemplaires), Brégilles (2 exemplaires).

52

Clopper, Clugny, de Gand, Hugonet, Lonijs, Plaine, Jean II Rolin, Nicolas Rolin, van der Sluis, Steenberch, Wielant et Wysmes.

53

À retenir : Hamesse 1994 ; Hamesse 2001 ; Mirguet - Hiraux 2003.

54

Van Hove 1914, p. 616.

Chapitre I : La taille des bibliothèques

63

vient encore témoigner de la place de choix réservée au livre dans la vie académique 55. Quarante-deux fonctionnaires-possesseurs ont suivi une formation universitaire et plusieurs d’entre eux ont en outre assumé des charges pédagogiques. L’empreinte du cursus académique se perçoit nettement dans une vingtaine de collections, soit environ dans la moitié des bibliothèques qui ont appartenu à des officiers universitaires. Au registre des livres encore subsistants, on épinglera particulièrement les nombreux ouvrages de droit de Ferry de Clugny, un recueil de textes juridiques copiés durant ses années louvanistes par Jean Lorfèvre 56, cet incunable de droit civil acheté à Louvain par Guillaume Stradio alors qu’il n’était encore qu’étudiant 57 ou encore ce bel Apparatus bolonais de Jérôme de Busleyden 58. Les sources documentaires sont bien plus prolixes et les volumes utilisés par les fonctionnaires durant leurs études y sont nombreux. La forte présence des livres d’études dans cette vingtaine de collections démontre que ce type d’ouvrages représente toujours un investissement et conserve aux yeux des professionnels une valeur d’usage certaine 59. L’image renvoyée par la documentation relative aux officiers universitaires pour lesquels aucun volume d’études subsistant ni aucune attestation indirecte n’ont été repérés, ne saurait donc être fidèle. Mais il est aussi probable qu’elle ne soit pas totalement erronée. Disposer de sa propre bibliothèque de travail ne représente qu’un des moyens, certes le plus immédiat, pour consulter un ouvrage. Il y en a bien d’autres. Les collèges et les pédagogies où les agents ducaux ont logé durant leurs études disposaient des livres indispensables à leur apprentissage. La Faculté des arts de Louvain est la première à se constituer une bibliothèque dès 1438, bientôt suivie par les autres facultés. L’accès, limité, en était toutefois autorisé pour les maîtres 60 − soit, pour ce qui nous concerne, des individus tels qu’Antoine Haneron et Pierre de Boostenswene. Quoique strictement réglementé, le prêt a permis à Roland L’Escrivain de garder durant trois semaines plusieurs titres au Collège de Sorbonne de l’Université de Paris 61. Hors du milieu académique, les librairies d’institutions ecclésiastiques constituaient également un lieu où consulter littérature spécialisée et usuels. Il 55

E. Reusens, Statuts primitifs de la Faculté des Arts de Louvain, dans Bulletin de la Commission royale d’Histoire, 3e série, n°9, 1866-1867, pp. 176-177.

56

KBR, ms. 14033-34.

57

KBR, Inc. C 195 (1-2).

58

KBR, ms. 21190 (voir aussi BL, Harley, ms. 3256).

59

En première analyse, le taux de survie des textes de droit ne paraît pas avoir été fortement affecté par des fluctuations importantes (Coq - Ornato 1988, p. 307).

60

Van Hove 1914, p. 616 ; Van Belle 1974, p. 558.

61

Répertoire documentaire, docs II-III.

64

Partie II : Voyage au cœur des librairies

est fréquent de trouver dans ces bibliothèques conventuelles ou collégiales (certes plus facilement accessibles aux ecclésiastiques qu’à leurs collègues laïcs) des ouvrages de référence de droit ou de médecine. Enfin, des recherches mériteraient d’être entreprises quant aux librairies installées dans les organes de l’administration bourguignonne. Les informations directes font à ce stade totalement défaut 62. On peut toutefois légitimement supposer leur existence puisqu’on dispose de témoignages à propos des administrations urbaines de Bruxelles et d’Anvers 63. Quelques mentions comptables signalent par ailleurs des chapelains affectés au Grand Conseil et aux Chambres des comptes de Malines et de Lille 64. S’il n’est pas exclu a priori que les chapelains y aient célébré en utilisant leurs propres ouvrages, certains articles de la Recette générale des finances font explicitement mention de sommes versées à des chapelains au service ducal pour aider a acheter ung breviaire 65. Quant à la bibliothèque du Grand Conseil instituée lors de sa fixation à Malines en 1474, sa constitution, son contenu, son fonctionnement et les modalités d’accès restent extrêmement mal documentés avant le milieu du XVIe siècle 66. D. L’activité littéraire et ses dérivés L’activité littéraire représente un autre indicateur opérationnel. Les fonctionnaires des ducs de Bourgogne ont volontiers pris la plume pour traduire ou composer des œuvres à caractère moral, didactique, historique, juridique, scientifique ou politique, des pièces lyriques ou encore des compositions musicales. Pierre de Hauteville, Philippe Bouton, Georges Chastelain et Jérôme de Busleyden ont ainsi composé plusieurs poésies tandis qu’on doit à Roland L’Escrivain quelques traités scientifiques. Edmond de Dynter, Guillaume Fillastre et Georges Chastelain ont exploité la veine historique à l’instar de Laurent Pignon, Philippe Wielant, Pierre de Boostenswene et Jean Le Sauvage. Des œuvres à connotation morale, didactique ou pédagogique sont attribuées à Geoffroy de Thoisy, Laurent Pignon, Nicolas Finet et Antoine Haneron. La littérature juridique est représentée par les textes de Philippe Wielant mais aussi par les écrits de Jean 62

Aucune trace d’une éventuelle librairie sise au Conseil de Flandre et à la Chambre des comptes de Lille n’a jusqu’ici été repérée. Dans les pays de par-delà, la fonction de garde des livres et des papiers de la Chambre des comptes de Dijon ne sera créée qu’en 1554 (Arbaumont 1881, p. 442).

63

Le 5 avril 1481 (n. st.), l’avocat de la ville d’Anvers Guillaume Pauwels donne ses livres aan het stadsbestuur van Antwerpen (CCB-III 1999, n°75). Le pensionnaire de Bruxelles Pierre de Thymo lèguera en 1473 à sa ville 4 ouvrages de sa composition (Kieckens 1897, pp. 204-205 ; Archives de la Ville de Bruxelles, cotes I-II-III).

64

Respectivement Jean Le Glay (att. en 1496 : ADN, B 2157), Jacques Leclerc (att. en 1494-1497 : ADN, B 2161) et Michel Van Damme (att. 1503 : ADN, B 2183).

65

Voir notamment à Robert Alart et Jean Charvet dans le Répertoire documentaire.

66

Maes 1949 ; Maes - Godenne 1949, spéc. pp. 44-47 ; Maes - Godenne 1951, spéc. p. 128 ; Grote Raad 1973.

Chapitre I : La taille des bibliothèques

65

Bont et de Guillaume Bont. Enfin, il faut pointer les compositions musicales de Simon Le Breton et de Richard de Bellengues. Côté traductions, on relève les noms de Jean Lorfèvre, Jean Aubert, Nicolas Finet, Edmond de Dynter et Vasque de Lucène. L’intense activité littéraire déployée par nombre d’agents ducaux constitue un troisième critère de vraisemblance en matière de profils quantitatifs, même si son poids numérique semble rarement très conséquent. Plusieurs témoignages explicites et quelques allusions laissent entendre que certains officierslittérateurs ont conservé une copie de leurs textes dans leur propre librairie. Jérôme de Busleyden en fournit un exemple particulièrement éclairant. Sa correspondance comprend plusieurs lettres adressées à Conrad Wecker à qui Busleyden confie la transcription, la révision et la décoration d’un recueil de ses propres écrits 67. Une fois terminé, l’ouvrage fera bien partie de la librairie de Busleyden puisqu’il est vendu après sa mort par son frère Gilles au président du Collège des Trois-Langues. Quant à Jean de Montferrant, son rôle névralgique dans la fameuse correspondance poétique échangée entre Georges Chastelain et Jean Robertet en 1462-1463 s’exprime par sa commande d’un exemplaire de ces Douze dames de rhétorique 68. Si l’on ne peut invoquer aucune preuve indiscutable pour Philippe Bouton, Georges Chastelain et Guillaume Bont, un faisceau d’éléments pourrait toutefois plaider dans le même sens. Le Miroir des dames compte parmi les nombreuses compositions attribuées à Philippe Bouton. À ce jour, seuls deux manuscrits de ce poème vraisemblablement dédié à Marie de Bourgogne ont été retrouvés. Ce volume comprend une miniature-frontispice représentant la duchesse Marie, à qui l’auteur remet son ouvrage 69. Dans la mesure où l’on en ignore la provenance, il est impossible de déterminer si Philippe Bouton envisageait d’offrir cette copie de luxe à la duchesse ou si sa mort inopinée en 1482 l’en a finalement détourné. Le second exemplaire connu présente une facture bien plus modeste. Conservé à la KBR, il figure dans l’inventaire de la librairie de Marguerite d’Autriche dressé à Malines en 1523-1524 mais n’apparaît pas dans le relevé de 1516 70. En réalité, le manuscrit bruxellois a fort bien pu rester dans les mains de Philippe Bouton lui-même : à l’instar de son recueil des œuvres de Chastelain 71, le volume a pu échoir après sa mort à son fils Claude qui, devenu l’un des familiers de la gouvernante des Pays-Bas, lui en

67

KBR, ms. 15676-77.

68

Sur Jean Robertet : Mattéoni 1998, spéc. pp. 446-449.

69

Dijon, BM, ms. 3463.

70

KBR, ms. 10557.

71

Florence, BML, ms. Med. Pal. 120.

66

Partie II : Voyage au cœur des librairies

aura alors fait cadeau 72. Quant à Georges Chastelain, aucun indice irrécusable ne vient infirmer ni confirmer l’identification du Bruxellensis 15483 avec les cahiers dépareillés décrits après la mort de l’indiciaire par son ami Molinet. Guillaume Bont a pour sa part rédigé de nombreux traités juridiques parmi lesquels deux commentaires canoniques qu’il aurait donnés au Val-Saint-Martin à Louvain. Rien ne permet stricto sensu de soutenir qu’ils proviennent bel et bien de la bibliothèque personnelle de leur auteur 73. De même, on ignore si les deux manuscrits latins offerts par Jean II Rolin à Guillaume Fichet se trouvaient auparavant dans la collection du cardinal de Bourgogne 74. Dans quelle mesure ces quelques exemples relèvent-ils de l’hapax ou attestent-ils au contraire d’une pratique largement répandue ? De sérieux indices semblent corroborer cette dernière hypothèse 75. Comment, d’abord, ne pas songer à la superbe ballade d’Eustache Deschamps où le poète martèle qu’il n’autorise désormais la copie de ses propres compositions que dans son hôtel, là où sont gardés ce qu’il appelle mes choses ou encore mes livres 76 ? Un siècle plus tard, la librairie personnelle d’Érasme attestera qu’il a conservé jusqu’à ses derniers jours nombre de ses erasmiana, qu’il s’agisse d’œuvres de jeunesse ou de textes tout récemment publiés 77. Le parallèle est tentant avec une personnalité telle qu’Antoine Haneron : il semble invraisemblable que sa bibliothèque n’ait jamais compris fût-ce une copie de sauvegarde de ses nombreux traités de grammaire et de rhétorique dont plusieurs ont été imprimés du vivant même de leur auteur 78. Par ailleurs, si personne n’est surpris de trouver dans la collection de Philippe de Clèves un exemplaire du Roman de la Rose en prose composé en 1500 à sa demande par Jean Molinet 79, qu’en est-il des nombreuses œuvres littéraires dédiées, adressées ou offertes aux fonctionnaires des ducs de Bourgogne ? On dispose à cet égard de plusieurs témoignages de premier plan qui laissent entrevoir des habitudes bien ancrées. Le compte de tutelle du chancelier 72

Le chancelier de la Toison d’or Jean Germain aurait pu adopter une attitude inverse, gardant pour lui les copies de luxe de son Débat du chrétien et du Sarrazin et de sa Mappemonde spirituelle probablement prévues pour être offertes à Philippe le Bon (Avril - Reynaud 1994, n°106-107).

73

L’interprétation de cette information rapportée par Valère André en 1650 requiert une certaine prudence puisqu’aucun catalogue conservé de la librairie du Val-Saint-Martin ne mentionne leur présence (Répertoire documentaire, docs III-IV).

74

Répertoire documentaire, doc.IV.

75

G. Ouy fournit maintes attestations démontrant que les auteurs médiévaux gardaient par devers eux une copie de leurs œuvres (Ouy 1979 ; Ouy 1989 ; Ouy 1991 ; Ouy 1994 ; Ouy 1998).

76

Marquis de Queux de Saint-Hilaire - Reynaud 1878-1904, I, Paris, pp. 103-104, ballade n°24.

77

Vanautgaerden 2002.

78

Détail dans la Partie II, chap. III, §. III.1.C.

79

La Haye, KB, ms. 128 C 5.

Chapitre I : La taille des bibliothèques

67

Hugonet décrit ainsi une pièce composée a la louange de feu monseigneur le chancellier 80. Moins de trente ans plus tard, un manuscrit autographe des Libanii aliquot declamatiunculae latinae d’Érasme sera offert par le prêtre de Rotterdam à Nicolas Ruter 81, à qui il devra plus que probablement sa « commande » du fameux Panegyricus. Érasme prononcera cette pièce au palais du Coudenberg le 6 janvier 1504, lors d’une cérémonie organisée par les États de Brabant pour saluer le retour du prince après son périple espagnol. Parmi les invités des réjouissances bruxelloises : le chancelier de Bourgogne Thomas de Plaine, chez qui on trouvera près de trente ans plus tard un liber Erasmii Rotherodami canonici Ordinis divi Augustinii 82. Selon nous, cet ouvrage pourrait correspondre à l’editio princeps du Panegyricus imprimée vers février 1504 à Anvers et qui aurait dès lors été remise par Érasme au chancelier 83. Un homme de la même génération, Jérôme de Busleyden, fera transcrire dans le recueil de ses œuvres un Tetrastichon rédigé en son honneur par Thomas More durant l’été 1515 84. Bien des années plus tôt, le chancelier Jean Bont avait commandé une copie du Vaticanus juris, l’un des deux textes que lui avait dédiés leur auteur, Arnold Gheiloven 85. Jean II Rolin, enfin, reçut de son protégé Guillaume Fichet des œuvres de sa composition ou dont il avait assuré la diffusion imprimée 86. Ces quelques exemples mis à part, le repérage dans la bibliothèque de nombreux autres officiers des pièces littéraires qui leur sont dédicacées ou qu’ils ont commandées reste délicat. Pourtant, on peut légitimement supposer que Nicolas Clopper disposait d’une copie du Floriarum temporum, cette chronique universelle rédigée par son fils naturel et qui lui est dédicacée. Rien n’empêche a priori que les poèmes composés par Jean Molinet pour Nicolas Ruter et Hippolythe de Berthoz n’aient pas trouvé place dans leurs collections, rien n’exclut non plus que la bibliothèque de Jean de Thoisy n’ait pas accueilli le Traité contre les Anglais que lui avait adressé Jean de Montreuil et rien ne s’oppose à considérer que Thomas de Plaine ait déposé dans sa bibliothèque le poème que lui avait envoyé Jérôme de Busleyden 87. 80

Répertoire documentaire, doc.II.68 (partie I).

81

Cambridge, Trinity College, ms. R.9.26.

82

Répertoire documentaire, doc.II.32.

83

Ils s’étaient déjà croisés durant l’été 1498 à l’occasion de remise de la rose d’or à Philippe le Beau par le représentant du pape Alexandre VI (Philippe le Beau 2006, n°34).

84

KBR, ms. 15676-77.

85

ÖNB, ms. s.n. 12703. Il avait aussi adressé à Jean Bont son Remissorium utriusque juris dont on n’a pas retrouvé de trace. Bont possédait également un Gnotosolitos du même auteur (doc.I).

86

Répertoire documentaire, docs III-VI.

87

Ce poème n’est pas repérable dans la librairie de Plaine, ce qui pourrait toutefois s’expliquer par son insertion à l’intérieur même d’un ouvrage. Ce type de pièces lyriques assez brèves apparaissent couramment à des endroits laissés vierges dans le livre. Citons ainsi Charles Le Clerc († 1533) qui a placé deux rondelets de sa composition sur la garde d’une Relation du premier voyage de Philippe le Beau

68

Partie II : Voyage au cœur des librairies

E. L’implication dans les milieux intellectuels et culturels L’implication de nombreux officiers dans des milieux culturels et intellectuels a sans nul doute joué un certain rôle dans la composition de leur bibliothèque 88. L’appartenance à la célèbre Cour amoureuse de Charles VI constitue le dénominateur commun d’une dizaine d’agents ducaux 89. Le fait est d’importance puisque ce cercle littéraire et mondain paraît avoir suscité une réelle émulation en matière de livres et de lectures 90. La fréquentation des cénacles humanistes où la dynamique et le statut du livre jouent un rôle de premier plan représente aussi un indice pertinent pour mieux cerner la taille des librairies de Jean II Rolin, Jérôme de Busleyden ou encore Paul de Baenst − dont la circa litteras diligentia a été vantée par un humaniste d’envergure, Rudolphe Agricola 91. Plusieurs fonctionnaires ont en outre noué des liens avec des acteurs du monde du livre et de l’intelligentsia bourguignonne. Jan III de Baenst représente à cet égard une figure emblématique. Un manuscrit à ses armes aujourd’hui conservé à l’Arsenal comprend ainsi la Pénitence d’Adam, remaniement en prose dédié par Colard Mansion à l’éminent bibliophile Louis de Gruuthuse92. F. Quelques critères de vraisemblance spécifiques Outre ces facteurs d’ordre général, d’autres indices concernent plus spécifiquement l’un ou l’autre possesseur. La somme considérable payée par l’Université de Louvain en 1454 pour acheter une partie de la librairie de Guillaume Bont démontre probablement l’ampleur quantitative de sa collection. L’incidence de cette information indirecte n’est pas négligeable. En tenant compte uniquement de la dizaine de volumes nommément cités dans son testament (soit en n’envisageant que les données chiffrées objectives), le profil quantitatif de cette librairie aurait été pour le moins sous-évalué. De même, les livres subsistants et les renseignements archivistiques ne sont que le pâle reflet de la bibliothèque de Jérôme de Busleyden dont la taille a dû être exceptionnelle de l’avis même de Thomas More93.

en Espagne (KBR, ms. 7382 : Philippe le Beau 2006, n°16). 88

Nous y reviendrons longuement dans la Partie III, chap. II, §. IV.3.

89

d’Ailly, Bouesseau, Chantemerle, Chevrot, Gilbaut, Hauteville (aussi membre de la Verde Prioré de Saint-Jacques de Tournai et du Chapel vert), Ménart, Pignon, Nicolas Rolin et Jean de Thoisy.

90

Vanwijnsberghe 2000.

91

Sottili 1997, pp. 96-97.

92

Paris, Arsenal, ms. 5092.

93

Répertoire documentaire, doc.XI.

Chapitre I : La taille des bibliothèques

69

Au final, le nombre, la nature et la variété des sources disponibles nous ont donc convaincu d’aborder la problématique quantitative avec une certaine souplesse. La prise en compte conjointe des deux piliers documentaires classiques (livres subsistants, attestations dans les pièces d’archives et narratives) a donc été retenue en vue d’évaluer la taille des librairies des officiers ducaux. Les résultats obtenus en procédant au seul décompte des données chiffrées objectives laissent entrevoir une très nette ligne de fracture entre un groupe d’une vingtaine de librairies au profil quantitatif élevé et le reste des collections − soit 80 % du corpus − où l’on dénombre moins de 10 volumes. L’hectisie de la grande majorité des tendances quantitatives provient surtout du prisme déformant que représente le poids réellement déterminant de la documentation. Pour corriger et compléter l’image renvoyée par les seules données chiffrées objectives, plusieurs critères de vraisemblance généraux et spécifiques ont été proposés dont la prise en compte conduit à revoir à la hausse le nombre de volumes dans bien des librairies. L’estat, la formation universitaire, l’activité littéraire et l’implication dans les milieux culturels et intellectuels constituent autant de facteurs qui, bien que souvent celés par les sources et difficilement mesurables, conditionnent eux aussi la taille d’une collection. Nous avions déploré plus haut combien le pluriel générique employé dans les sources pour désigner un nombre d’ouvrages indéterminé s’avérait inutilisable dans le cadre d’une approche statistique traditionnelle ou dans une perspective de classement de type « petites, moyennes et grandes bibliothèques ». L’emploi de ce pluriel générique s’observe en priorité dans les testaments de possesseurs qui, à deux exceptions près, ont embrassé l’état ecclésiastique et ont été formés à l’Université − soit deux paramètres qui relèvent des critères de vraisemblance. Considéré sous l’angle des profils quantitatifs, ne peut-on pas reconnaître à ces formules apparentées à la litote (à comprendre dans le sens d’une expression consistant à dire moins pour laisser entendre beaucoup) une certaine valeur dont l’intérêt numérique réside précisément dans ce qui n’est pas détaillé 94 ? La conclusion procède alors du paradoxe : les critères de vraisemblance a silentio se révèlent au final presque plus parlants que les résultats objectifs obtenus par le strict calcul de chaque volume conservé ou attesté dans la documentation.

94

A. Labarre va d’ailleurs dans le même sens lorsqu’il écrit que ce sont des bibliothèques [...] souvent importantes qui sont ainsi décrites en deux ou trois lignes (Labarre 1971, p. 152).

CHAPITRE II : Ut conclave sine libris ita corpus sine anima . La composition des librairies Lorsque j’étais enfant [...], on me présenta plusieurs livres, dont je me souviens bien du contenu. J’en ai conservé ce que j’ai pu, parfois plus, parfois moins, car j’avais plus ou moins d’affection pour les matières, dont les unes m’ont été nécessaires, d’autres utiles, d’autres glorieuses et louables, d’autres amères et de mauvais goût, profitables cependant quand elles se trouvent bien épluchées. Georges Chastelain, Exposition sur vérité mal prise 95

Que trouvait-t-on dans les librairies des fonctionnaires des ducs de Bourgogne ? Que lisaient-ils, quels livres composaient leurs bibliothèques, à quoi ressemblaient-elles ? Quels en sont les traits principaux ? À l’évidence, des réponses clé-sur-porte ne sauraient rendre compte des réalités complexes et polymorphes auxquelles renvoient ces questions fondamentales. Aussi, avant d’entrer au cœur même de ces collections, on reviendra d’abord sur la documentation disponible, sur le traitement critique qu’elle impose et sur les procédés méthodologiques mis en place pour en tirer parti de même que sur l’audience respective accordée au latin et aux langues vernaculaires. La présentation de la composition même des librairies s’articule autour de six axes thématiques : les textes à caractère religieux, la littérature juridique, l’histoire, la littérature « romanesque », les textes classiques et humanistes et la littérature scientifique, didactique et technique. L’espace et le mobilier réservés aux livres et aux bibliothèques des officiers ducaux ainsi qu’à leurs modes de classement feront l’objet de la dernière section. §. I. Alia quaterna sine principio et sine titulo. Considérations critiques sur la documentation L’examen du contenu d’une bibliothèque se voit toujours peu ou prou entravé par une série d’obstacles au premier rang desquels figurent l’identification des textes, leur classement typologique et leur traitement quantitatif. Parmi les entraves documentaires les plus courantes et les plus contraignantes, citons ces sources qui mentionnent le nom de l’auteur sans préciser le titre de l’œuvre décrite, qui indiquent l’auteur sans citer le titre ou qui proposent un libellé trop vague pour être mis en relation avec une pièce en particulier. D’autres documents se contentent de fournir des indications thématiques, restent muets sur la langue de rédaction de l’œuvre 96, 95

Splendeurs de la cour de Bourgogne 1995, p. 738.

96

Ce qui ne va pas sans poser certains problèmes quand il s’agit d’œuvres qui circulent largement en

72

Partie II : Voyage au cœur des librairies

comprennent des erreurs ou des imprécisions de lecture97, quand elles ne font pas l’impasse à la fois sur le titre, sur l’auteur et sur le genre typologique. Il faut aussi épingler les recueils dont seul le texte liminaire (ou celui jugé le plus important) est spécifié. La problématique de l’identification des titres d’une bibliothèque est intimement liée à la délicate démarche de la classification thématique des œuvres. Cette question, fondamentale en matière d’interprétation qualitative, s’avère aussi complexe que la précédente 98. L’ensemble documentaire comprend 103 individus (parmi lesquels un tiers d’ecclésiastiques et près de 40 % d’universitaires) propriétaires de 1 à 352 titres, qu’il s’agisse de textes conservés et/ou attestés dans les sources. La diversité des situations rencontrées, tant du point de vue social que documentaire, exclut donc d’emblée un modèle unique censé refléter chacune de ces bibliothèques. Un classement par matières qui s’aligne sur les quatre disciplines de base de l’enseignement universitaire (théologie, droit, médecine et arts 99) peut sans trop de retouches s’appliquer aux librairies savantes mais il ne saurait convenir à la ventilation thématique de la librairie de Bourgogne, par exemple 100. À l’inverse, il paraît tout aussi inadéquat de vouloir analyser à l’aune du Trivium et du Quadrivium le contenu de collections qui ne présentent aucun trait académique. Hormis dans le cas de Philippe Wielant, les classements originels proposés par les quelques rares catalogues disponibles ne sont malheureusement pas d’un grand secours puisqu’ils apparaissent souvent bouleversés par leur utilisation dans le cadre d’un inventaire après-décès ou d’un compte d’exécution testamentaire 101. Le choix s’est donc porté vers une répartition articulée autour de six champs typologiques assez larges. Certaines œuvres s’apparentent toutefois à de véritables auberges espagnoles et la catégorie typologique sous laquelle l’un ou l’autre texte a été rangé pourrait être discutable. Ainsi, l’Arbre des batailles rédigé par Honoré Bovet comprend quatre parties à la thématique fort différente. La version originale et en traduction, comme le De civitate Dei de saint Augustin ou le De consolatione philosophiae de Boèce. 97

Le rédacteur de l’inventaire après décès de Corneille Haveloes semble hésiter face au mot Helvidium. Transcrit une première fois en Helanden, il le barre ensuite pour le remplacer par Helinden (n°81, liste I) avant de l’écrire Helindium (n°21, liste II).

98

Réflexions méthodologiques dans Bozzolo - Ornato 1997 ; Pratiques de la culture écrite 1995, pp. 559-563 ; Nebbiai-Dalla Guarda 1985 ; Hermand - Ruzier 2006.

99

Ce système apparaît notamment dans la magna libraria du Collège de Sorbonne (Nebbiai-Dalla Guarda, pp. 384-390).

100

Bonnes meurs ; Etiques et politiques ; Chapelle ; Librarie meslée ; Livres de gestes ; Livres de Ballades et d’amours ; Croniques de France ; Oultre-Mer et Médecine et Astrologie (Barrois 1830, pp. 123-226).

101

Sur cette problématique : Nebbiai-Dalla Guarda 1985, p. 393.

Chapitre II : La composition des librairies

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première, en prise directe avec l’actualité, évoque les bouleversements de la chrétienté liés au Schisme. La deuxième propose un résumé d’histoire universelle tandis que les deux dernières traitent des divers types de batailles 102. Autre exemple : stricto sensu, rien ne permet de privilégier le caractère théologique ou historique du De civitate Dei de saint Augustin plutôt que ses aspects philosophiques ou politiques. Ces remarques laissent deviner combien l’application rigoureuse des principes quantitatifs à l’analyse interne d’une collection se voit mise à mal par les sources. S’il apparaît conjectural de quantifier strictement le nombre de textes repris dans une librairie, on ne peut faire totalement l’économie de l’approche numérique, ne fût-ce que pour évaluer la richesse qualitative et le poids respectif de telle ou telle catégorie de textes au sein d’une bibliothèque. Nous avons toutefois souhaité nous inscrire dans une perspective assez souple où les données quantitatives seront exprimées en termes de tendances générales. Ces grandes orientations sont fondées non pas sur le nombre de volumes (lesquels peuvent contenir plusieurs titres) mais bien sur le nombre de textes. Pour procéder à ce dénombrement, nous avons considéré que les commentaires ou lectures juridiques d’auteurs sur telle ou telle décrétale ou que les trois décades de Tite-Live (par exemple) valent chacun pour un titre. N’ont pas été tenus comme doublons le texte dans sa langue de rédaction originale et le titre dans sa traduction. Quant aux montants a minima, ils s’expliquent par les nombreuses mentions portant sur un nombre de titres non spécifié. En appliquant ces principes méthodologiques, il apparaît que 84 des 103 bibliothèques présentent un « micro profil » qualitatif (soit moins de 10 titres attestés et/ou retrouvés) et/ou ne sont connues que par un matériel documentaire largement inexploitable. Une analyse quantitative plus développée n’est réellement opérationnelle que pour 19 collections riches de 12 à 352 titres (au minimum), dont le détail est présenté dans le tableau ci-dessous.

102

DLFMA 1992, pp. 685-686.

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Partie II : Voyage au cœur des librairies

Possesseur Jean Chevrot Roland L’Escrivain Jean Aubert Edmond Le Musnier Ferry de Clugny Pierre de Hauteville François de Gand Nicolas Rolin Thomas de Plaine Jean II Rolin Richard de Bellengues Jean de Wysmes Guillaume Hugonet Corneille Haveloes Wouter Lonijs Philippe Wielant Martin Steenberch Nicolas Clopper Simon van der Sluis

Nombre de titres 12 titres (minimum) 14 titres 103 26 titres (minimum) 31 titres (minimum) 31 titres 104 31titres (minimum) 105 32 titres (minimum) 33 titres minimum) 106 45 titres (minimum) 51 titres (minimum) 107 65 titres (minimum) 81 titres (minimum) 95 titres (minimum) 108 100 titres (minimum) 159 titres (minimum) 185 titres (minimum) 209 titres (minimum) 109 308 titres (minimum) 352 titres (minimum)

103

Les 3 Décades de Tite-Live (doc.I), 10 titres (doc.V) et 1 ms. retrouvé (Saint-Omer, BM, 169).

104

27 titres cités dans la liste de la Vaticane et 4 mss retrouvés mais absents de cette liste (voir Catalogue descriptif).

105

Sept titres minimum (doc.I) ; 24 titres dans le Bruxellensis 10394-414 (nous privilégions ici l’état actuel du codex, plus complet que la forme sous laquelle il est cité dans le doc.I.3). Rien ne permet d’affirmer avec certitude qu’il possédait un second exemplaire du Livre du Trésor (KBR, ms. 10386).

106

26 titres (doc.I), 4 titres (cités dans le doc.IV, dont 2 parties ont été retrouvées : Autun, BM, ms. S 275 et Autun, BM, S 204) et 3 manuscrits retrouvés (voir Catalogue descriptif).

107

Trois titres (docs IV-VI) ; 29 titres (doc.IX) et 19 mss retrouvés (nous excluons le ms. Autun, BM, S. 134 (113) qui correspond sans doute au n°12 de son inventaire après décès).

108

94 titres (doc.II) et 1 livre retrouvé (Montpellier, Bibliothèque interuniversitaire, Faculté de Médecine, ms. H. 393).

109

1 titre (doc.III) et 208 titres (doc.IV).

Chapitre II : La composition des librairies

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Cet ensemble de possesseurs reprend pour moitié environ des fonctionnaires laïcs (8 individus) et ecclésiastiques (2 cardinaux 110, 1 évêque 111 et 8 chanoines). On y repère 14 universitaires qui, à l’exception de 3 médecins 112, sont tous juristes. À l’instar des observations à propos de la taille des collections, le bagage académique et l’état ecclésiastique influencent donc assez nettement le nombre de titres d’une librairie. De même, le poids de la documentation est une nouvelle fois déterminant. On observe en effet que la majorité de ces 19 collections bénéficient d’un testament et/ou d’un inventaire après-décès et/ou d’un compte d’exécution testamentaire et/ou d’un catalogue, alors qu’aucun livre n’a été retrouvé pour 9 d’entre elles. Les cardinaux Ferry de Clugny et Jean II Rolin disposent d’une couverture documentaire plus variée qui comprend aussi bien de nombreux ouvrages conservés que des sources d’archives et narratives 113. Pierre de Hauteville représente un cas atypique dans la mesure où l’un des 2 volumes subsistants qui lui a appartenu présente un contenu un peu différent de celui évoqué dans son testament 114. Du point de vue du nombre de textes, 3 groupes peuvent grosso modo être distingués : les 8 possesseurs pour lesquels on dénombre a minima entre une dizaine et une trentaine de titres (de 12 à 33 titres au minimum) : les 6 fonctionnaires pour lesquels sont recensés entre a minima une cinquantaine et une centaine de titres (de 45 à 100 titres au minimum) : et enfin, les 5 agents qui disposent d’environ 150 à 350 titres minimum. Si les deux premiers groupes semblent relativement homogènes, des contrastes beaucoup plus importants apparaissent dans les montants minimum et maximum de la dernière catégorie (de 159 à 352 titres). Ce groupe où figurent 5 universitaires dont 4 ecclésiastiques est aussi celui où apparaît le nombre le plus élevé de miscellanea. Bien qu’il ne constitue qu’un cinquième de l’ensemble des bibliothèques, il faut insister sur le caractère significatif de cet échantillon de 19 collections qui apparaît réellement représentatif de la diversité des réalités rencontrées. En effet, composé d’hommes d’Église et de laïcs à part plus ou moins équivalente, ce groupe comprend à la fois des universitaires et des propriétaires qui n’ont 110

Ferry de Clugny et Jean II Rolin.

111

Jean Chevrot.

112

Van der Sluis, Wysmes et L’Escrivain.

113

Rappelons qu’il s’agit des deux collections qui, pour une large part, sont entrées très tôt dans le circuit de la propriété collective (Bibliothèque vaticane pour Clugny et institutions religieuses audunoises pour Rolin).

114

L’ordre d’apparition des textes et le contenu du Bruxellensis 10394-414 sont sensiblement différents entre sa description en 1418 (dans le testament de Pierre de Hauteville), en 1467-1469, en 1487 (dans les inventaires de la librairie de Bourgogne) et aujourd’hui. Ce cas de figure plutôt exceptionnel en matière de couverture documentaire invite à rester d’autant plus prudent lorsqu’il s’agit d’analyser la structure interne de recueils pour lesquels on ne dispose que de données ténues ou synchroniques.

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Partie II : Voyage au cœur des librairies

suivi aucun cursus académique. De plus, on y trouve aussi bien des fonctionnaires exerçant à la tête de l’État que des agents officiant à des échelons inférieurs ou à des postes moins décisifs dans l’administration centrale et/ou régionale. Cet ensemble reprend enfin des possesseurs documentés entre ca 1420 (Jean Aubert) et le début du XVIe siècle (Corneille Haveloes). Pour significatives qu’elles soient, ces 19 librairies ne sauraient parfaitement rendre compte de chacune des lectures de chaque officier des ducs de Bourgogne. L’appréciation puis l’exploitation des tendances qualitatives devront donc toujours tenir compte de l’état des sources pour éviter surestimations, sousévaluations ou extrapolations. §. II. Combien que la langue latine vous soit familiere comme la franchoise . La répartition linguistique Un rapide état des lieux de la place accordée au latin et aux langues vernaculaires représente un indispensable préalable au contenu même des librairies. Le rappel des « régimes linguistiques » propres aux Pays-Bas méridionaux à la fin du Moyen Âge précèdera dès lors une brève mise au point sur la nature et l’étendue des connaissances linguistiques des fonctionnaires ducaux 115. II. 1. Aptitudes et habitudes linguistiques Au sein de l’instance supra-régionale qu’est la cour de Bourgogne, d’abord, le français reste sans aucun doute le vecteur de communication le plus largement utilisé. Certes profondément inscrit dans les usages auliques, qu’ils soient publics ou privés, le français n’est toutefois pas la seule langue à être connue et pratiquée par nombre d’acteurs évoluant dans le milieu curial. Si l’on sait grâce à Georges Chastelain que Philippe le Bon maîtrisait mal le latin 116, ce ne sera pas le cas de son fils qui le pratiquait en plus du français, du néerlandais, de l’anglais (la langue de son épouse Marguerite d’York) et de l’italien 117. Quant à la duchesse Isabelle, par exemple, le portugais était fort logiquement la langue maternelle de nombre de ses familiers (à l’instar d’un Vasque de Lucène 118 ou d’un Joao Vasquez) tandis que l’entourage de Jeanne de Castille était d’expression espagnole 119. Une lettre écrite en français par le gouverneur de 115

À ce sujet : Van Hoorebeeck 2005a. Voir aussi Kurth 1974 ; Armstrong 1983 ; Geschiedenis van de Nederlandse taal, sous la dir. de M.C. van den Toorn, Amsterdam, 1997, p. 162 et suiv.

116

Kervyn de Lettenhove 1863-1866, IV, p. 160-163.

117

Walsh 1976, spéc. pp. 180-181 ; Doutrepont 1909, p. XXXII. La librairie de Bourgogne comprenait d’ailleurs quelques livres en thiois (Barrois 1830, n°1092 et 1095), en anglais (n°1088, 1090 et 1964), en haut alemant (n°1780) ou encore en portugais (n°1121, 2017 et 2030).

118

Lucène parlera d’ailleurs de l’imperfection et rudesse de mon langage français, attendu que je suis portugais d’origine (Splendeurs de la cour de Bourgogne 1995, p. 566).

119

À titre d’anecdote, signalons une courte prière à la Vierge rubriquée Prose latine et castellane dans un petit livre de prières de Philippe le Beau (KBR, ms. 4522).

Chapitre II : La composition des librairies

77

Hollande Jean de Lannoy à son fils Louis en 1465 offre un précieux témoignage à propos de la culture linguistique de la noblesse régionale : il lui conseille en effet d’apprendre l’allemand, le thiois et le latin, trois langues qu’il connaissait lui-même peu ou prou 120. Ces différences linguistiques sont liées pour partie au lieu d’origine des natifs des Pays-Bas bourguignons qui gravitent dans l’orbite curiale. Dans les provinces méridionales, le français est pratiqué dans les comtés d’Artois, de Hainaut, de Namur, dans le duché de Luxembourg et en Bourgogne tandis que les habitants du duché de Brabant et des comtés de Flandre, de Hollande et de Zélande sont d’expression néerlandophone 121. D’autres paramètres spécifiques viennent encore influencer le bagage linguistique des officiers ducaux. Composante fondamentale du substrat culturel des universitaires comme des hommes d’Église, le latin reste toujours largement employé au niveau international ou lorsqu’il s’agit de trouver un mode d’expression consensuel. De nombreux fonctionnaires devaient aussi être frottés d’italien grâce à un séjour académique transalpin. Tous, sans doute, ne le parlaient pas comme s’ils étaient nés en Toscane, qualité attribuée par un ambassadeur milanais à Henri de Berghes 122. En revanche, rares sont ceux qui pouvaient se targuer de connaissances en grec et en hébreu. Ces langues sont en effet restées confidentielles dans nos régions avant d’être enseignées à Louvain au Collège des Trois-Langues fondé en 1517 par Jérôme de Busleyden. En fonction de leur condition, de leurs responsabilités et de l’endroit où ils exercent, les agents ducaux sont amenés à pratiquer le français aussi bien que le latin et le néerlandais, que ce soit de manière passive ou active. La connaissance du néerlandais demeurait en théorie indispensable car si toute la correspondance avec le pouvoir central était rédigée en français, la langue utilisée dans les dossiers traités par les Chambres des comptes (pour ne citer que cet exemple) était celle des administrés. Si une maîtrise élémentaire des langues était le plus souvent souhaitée dans bon nombre d’offices, le trilinguisme était formellement exigé pour les postes de chancelier au Conseil de Brabant 123, de chancelier au Grand Conseil de Malines ou encore de greffier de l’ordre de la Toison d’or 124. 120

Il estime ainsi que l’allemand est un langage très convegnable et très séant à sçavoir, et lequel m’a moult valu et proffité (de Lannoy - Dansaert 1937, p. 139).

121

Rappelons que seule une petite partie du Brabant était francophone. Concernant la place du néerlandais dans les documents officiels (et sur la culture littéraire bourguignonne en néerlandais durant le règne de Charles le Téméraire) : C. Lemaire 1977.

122

Walsh 1976, p. 188.

123

Jean Bont, Jean Lorfèvre, Gossuin van der Rijdt, Jean Le Sauvage et Guillaume Stradio.

124

Kerckhoffs-de Heij 1980, p. 2. La liste des personnalités retenues par Marie de Bourgogne pour composer son conseil est particulièrement intéressante puisqu’en regard de chaque conseiller sont

78

Partie II : Voyage au cœur des librairies

Les usages francophones en vigueur à la cour se marquent de manière très concrète dans la librairie de Bourgogne et les bibliothèques dites bourguignonnes, soit les collections d’une vingtaine de représentants de la haute aristocratie construites d’après l’archétype prôné par Philippe le Bon. Souvent considérées par l’historiographie comme les représentantes par excellence de la « culture bourguignonne » et du succès du processus de bourgondisation, ces librairies comprennent entre 90 et 100 % de textes français 125. Il faut cependant rappeler que les bibliothèques dites bourguignonnes ont coexisté avec d’autres types de librairies appartenant à la grande noblesse d’épée des XVe-XVIe siècles et dans lesquelles le français n’a pas forcément tenu la première place 126. Chez Jean de Ghistelles, Jean d’Egmond ou chez Gaspar de Culembourg, par exemple, la littérature vernaculaire est représentée aussi bien par le néerlandais que par le français. Dans d’autres bibliothèques de l’élite nobiliaire, le français comme le néerlandais seront même largement délaissés au profit du latin. Outre l’exemple célèbre de Raphaël de Mercatel, on peut citer Philippe de BourgogneBlaton ou Georges de Halluin – d’ailleurs auteur d’une Restauratio linguae latinae dédiée en 1508 à l’humaniste Jean Despauter. Le paysage s’avère donc assez contrasté et l’accueil réservé aux littératures vernaculaires et au latin dans les bibliothèques de la noblesse bourguignonne semble avoir varié dans le temps comme dans l’espace. Qu’en est-il auprès des fonctionnaires ducaux ? II. 2. Latin et vernaculaire : quelques tendances chiffrées Malgré la disparité des sources disponibles, les 19 librairies qui bénéficient d’une large couverture documentaire et qui ont été rassemblées dans le tableau supra offrent une certaine cohésion et s’avèrent assez significatives des principales tendances quantitatives et qualitatives. Elles peuvent dès lors servir de point d’appui pour appréhender de manière chiffrée la répartition des différentes langues au sein des bibliothèques montées par les agents ducaux 127. A. Les 19 collections bien documentées Le latin exerce une domination absolue dans les bibliothèques de Ferry de Clugny et dans celles des médecins Roland L’Escrivain, Jean de Wysmes et Simon van der Sluis. Avec un taux inférieur ou égal à 5 %, les textes vernaculaires sont à peine plus nombreux chez 5 autres possesseurs : les

indiquées les langues qu’il utilise habituellement (AGR, Mss divers n°174, fol.31r). 125

Wijsman 2003b, pp. 331-335.

126

La bibliothèque typiquement bourguignonne de Philippe de Clèves comptait d’ailleurs des livres en allemand, en italien, en turc et en anchien langaige, témoignages concrets de ses pérégrinations internationales (Van Hoorebeeck 2007a).

127

Sur la place du latin et des langues vernaculaires chez les gens de savoir : Verger 1997, pp. 9-17.

Chapitre II : La composition des librairies

79

sources mentionnent la présence d’un seul texte français chez Edmond Le Musnier 128, en signalent 2 dans les collections de Jean II Rolin 129, Nicolas Clopper 130 et de Martin Steenberch 131 et évoquent 3 volumes en français, 2 livres en néerlandais et une grammaire latin-néerlandais parmi les ouvrages de Wouter Lonijs 132. Le latin côtoie entre 6 et 15 % de textes vernaculaires dans un groupe de librairies appartenant à Thomas de Plaine 133, François de Gand 134, Philippe Wielant 135 et Guillaume Hugonet 136. Parmi eux, Wielant et Plaine sont les deux seuls possesseurs d’un ou plusieurs titres in duutssche, in vlaemssche ou alemanicus. Les textes en français représentent environ le quart des lectures connues de Jean Chevrot et de Corneille Haveloes 137 (qui possède en outre un dictionnaire latin-néerlandais 138) mais concerne un peu plus du tiers de la collection de Richard de Bellengues 139. Évalué à environ 60 %, le français assure à lui seul le pendant vernaculaire dans les bibliothèques de Nicolas Rolin 140 et de Jean Aubert 141. Enfin, le taux de titres français repérés chez Pierre de Hauteville pourrait approcher les 90 %, pourcentage qui caractérise la librairie ducale et les librairies « bourguignonnes ». Il est toutefois à peu près certain que la documentation renvoie sur l’un ou l’autre point une vision relativement tronquée. Le taux assez élevé qui ressort de la collection de Nicolas Rolin est directement lié aux ouvrages de Jeanne d’Artois que le chancelier recevra de Philippe le Bon et qui, comme l’immense 128

Répertoire documentaire, n°29.

129

New York, PML, mss M. 322-323 ; Répertoire documentaire, doc.IX.4.

130

Répertoire documentaire, n°67 et 150.

131

Répertoire documentaire, doc.IV.75 et 118.

132

Répertoire documentaire, doc.II.110, 112, 113 (français) et 66, 86 et 83. Le terme franchineus ou franchenus (n°84) ne signifie pas français mais parchemin (en français : fronchin). L. Paris a été induit en erreur et a estimé que cette librairie comptait 4 titres en français (Paris 1916, p. 100 ; De Keyser 1974, p. 27).

133

Répertoire documentaire, doc.II.6, 8, 9, 10 (Baltimore, WAG, ms. W. 305) et 11 (titres français). Le n°28 est un liber alemanicus.

134

Répertoire documentaire, doc.II.9, 15 et 19.

135

Répertoire documentaire, n°92, 93.a, 94, 97.a, 97.b, 97.d, 106-107, 111.a, 111.b, 115, 116, 120 (titres français) ; 105, 111.c, 125, 127 (titres néerlandais ; les notes en néerlandais présentes dans le KBR, ms. 20642-68 sont délicates à appréhender de manière quantitative).

136

Doc.II.76-89 (partie I) ; Montpellier, BU, section de médecine, ms. H. 393.

137

Répertoire documentaire, n°1, 2, 4, 5, 6, 14, 15, 18, 20-21-22, 40, 45, 46, 47, 49, 51, 53, 54, 56, 59, 60.a, 62, 84 et 85.

138

Répertoire documentaire, n°9.

139

Répertoire documentaire, n°1, 2, 3, 8, 10-11-12, 13.a, 13.b, 14, 15, 18, 19, 21, 22, 24 (dictionnaire latin-français), 25, 30, 33.b, 36 (français et latin), 35, 37, 39, 44 et 56.

140

Répertoire documentaire, doc.I.2, 4, 6, 7 (?), 8 (?), 9, 11, 12, 13 (?), 14, 15.a, 16, 17, 18, 20.a (?), 20.b (?), 20.c, 20.d, 21, 22 ; Metz, BM, ms. 1170.

141

Répertoire documentaire, n°1.a, 1.b, 3.a, 3.b, 4, 7.a, 7.b, 8, 9.a, 9.b, 12, 13, 15, 16 et 17.

80

Partie II : Voyage au cœur des librairies

majorité des librairies féminines, se caractérisent par une prédominance de littérature française. Pour partie, le poids du français qui semble atteindre les 90 % dans la librairie de Pierre de Hauteville s’explique par ce livre de papier bien espes cité dans son testament. Cet ouvrage existe toujours mais propose aujourd’hui un contenu quelque peu différent (du point de vue quantitatif et qualitatif) de celui décrit dans la source d’archives. Nous avons ici opté pour l’addition des données, ce qui conduit à une légère hausse du pourcentage 142. Dans le cas de Philippe Wielant, le contenu varié et assez complexe du Bruxellensis 20642-68 – qu’il décrit lui-même dans son catalogue de façon plus minimaliste – est venu entraver le strict décompte des textes français et néerlandais de sa collection 143. Dans cette vingtaine de bibliothèques qui bénéficient d’un éclairage documentaire assez représentatif, on relève donc qu’à une exception près, la langue vernaculaire n’atteint jamais les 90 à 100 % qui caractérisent les librairies dites bourguignonnes. Si l’on inclut celles qui présentent un pourcentage oscillant entre 5 et 15 %, on peut parler d’une perspective inverse au profit du latin dans 13 de ces 19 bibliothèques. La langue savante reste très largement privilégiée, fût-elle réduite à n’occuper « que » les trois-quarts voire les deuxtiers de 4 autres collections (parmi lesquelles figure celle de Nicolas Rolin qui nécessite toutefois quelques ajustements critiques). La place réservée au néerlandais par ceux qui possèdent des textes en langue non savante s’avère par ailleurs assez inégale. S’il est le plus souvent absent ou extrêmement minoritaire, il représente le tiers des lectures vernaculaires de Philippe Wielant et la moitié de celles de Wouter Lonijs. B. Le reste du corpus Dans quelle mesure ces tendances se retrouvent-elles dans les 84 librairies qui affichent un « micro profil » qualitatif ou qui ne sont documentées que par un matériel difficilement utilisable ? Les données offrent moins de points communs et les lignes de force sont dès lors plus malaisées à dégager. Ainsi, une trentaine de librairies ne sont pas autrement documentées que par une ou plusieurs œuvres en latin, qu’elles soient de nature religieuse, théologique et paraliturgique 144, qu’elles présentent un caractère historique 145, didactique 146, 142

KBR, ms. 10394-414 (Répertoire documentaire, doc.I.3).

143

KBR, ms. 20642-68 (Répertoire documentaire, n°97).

144

Anchemant (bible), Alart (bréviaire), Ailly (Heures), Amerongen (Heures), Berghes (bible, pontifical, Commentum in Epistolas canonicas de Gilles de Bailleul), Berthoz (Heures), Bruggheman, Charvet (bréviaire), Froimont (Heures), Finet (bible et bréviaire), Gherbode, Henri, Ménart, Nivelles, Pignon, Jean III Rolin, Ruter (bible, bréviaire, missel), Thielt, Boostenswene (KBR, ms. 1169-70 et Paris, Mazarine, ms. 1563).

145

Ruter (KBR, mss II 1169a-b-c ; Cambridge, Trinity College, ms. R.9.26) ; Haneron (Leyde, Universiteitsbibliotheek, ms. Lips. 50), de Wilde (KBR, ms. 9902).

Chapitre II : La composition des librairies

81

juridique 147 ou qu’elles relèvent de la littérature classique 148. Les textes en français représentent les seules lectures connues d’un groupe d’une vingtaine de possesseurs 149. Parmi ceux-ci figurent plusieurs laïcs dont au moins 3 ouvrages ont été conservés. La librairie de Wouter d’Oudheusden est la seule à n’être éclairée que par un texte néerlandais, le Tafel van den kersten ghelove de Dirk Van Delft 150. On peut enfin dégager un ensemble de possesseurs dont la librairie contient des textes rédigés aussi bien en latin qu’en français et/ou en néerlandais. Cette catégorie est pour moitié environ composée de propriétaires de livres d’heures bilingues (latin-français 151, latin-néerlandais 152) et trilingues 153. L’autre moitié présente un large éventail de fonctionnaires – François de Busleyden 154, Étienne de Le Motte 155, Louis Dommessant 156, Edmond de Dynter 157, Joao Vasquez – qui disposent de titres fort diversifiés écrits tantôt en langue savante tantôt en vernaculaire. La famille de Baenst se signale d’ailleurs en matière de lectures bilingues 158 voire trilingues 159. Il faut certainement inclure au sein de ce dernier ensemble le fondateur du Collège des Trois-Langues, Jérôme de Busleyden. Aux côtés de titres en français et en latin, sa collection polyglotte témoigne indirectement de ses connaissances en hébreu et en grec 160.

146

Goux et de Wilde (BNF, ms. lat. 9675 et KBR, ms. 9596-97).

147

Boostenswene (KBR, mss 152-154 et 225-226) ; Guillaume Bont, Jean Bont, Lorfèvre ; Rota, Haneron (Saint-Omer, BM, ms. 658), Stradio (KBR, Inc. C 195 (1-2), Thoisy.

148

Adorne, Paul de Baenst (Wells-next-the-Sea, Holkham Hall, Library of the Earl of Leicester, ms. 311), de Wilde (KBR, mss 9764-66 et 9881-82) et Ysembart (KBR, ms. 5328-29).

149

Bouesseau, Bourgeois, Chastelain, Gilbaut, Le Fèvre, Louhans, Machefoing, Martin, Montferrant, Oignies, Orlant, Rebecques, Ysembart Rolin, Roubaix, Charles de Saveuses, Talant, Thirou et Geoffroy de Thoisy. Sont inclus Jean III Gros et Jacques Donche, même si on leur connaît un livre d’heures latin.

150

New York, PML, ms. M. 691.

151

Brégilles, Ailly, Le Sauvage, van Overtvelt, Malet, Guillaume Rolin et Quarré.

152

Van der Scague et Donche.

153

Moreel.

154

Textes français : KBR, mss 9051-9052-9053.

155

Répertoire documentaire, doc.II.4 (liber papireus in gallico de angelis).

156

KBR, ms. 3527 ; Répertoire documentaire (Livre des bonnes mœurs de Jacques Legrand).

157

KBR, ms. 5753-59.

158

Guy de Baenst possède une chronique universelle en néerlandais et un Barthélemy l’Anglais latin (Répertoire documentaire, n°2 et 3) tandis que Roeland Ier a transcrit un texte français dans un registre administratif qui comprend des actes en néerlandais (Bruges, Stedelijk Openbare Bibliotheek, ms. 442, s. 15).

159

Jan III de Baenst disposait de la traduction néerlandaise de la Cité des dames de Christine de Pizan (BL, Add., ms. 20698), possédait une Pénitence d’Adam française (Paris, Arsenal, ms. 5092) et avait commandé un exemplaire du De civitate Dei de saint Augustin en version française (Lille, BM, mss 647-648). Son livre d’heures, en revanche, était en latin (KBR, ms. IV 746).

160

Répertoire documentaire, docs XIII.4, XVII et XVIII.

82

Partie II : Voyage au cœur des librairies

On ne saurait se prononcer à propos de son collègue Nicolas Ruter dont rien ne dit qu’il ait compris le texte grec laissé par Érasme en regard d’une traduction qu’il lui avait offerte 161. II. 3. Trois modèles de librairies Quelles lignes de force dégage-t-on en synthétisant les données fournies par l’ensemble de la documentation 162 ? Grosso modo, trois modèles de librairies peuvent être distingués. Le premier rassemble quelque 45 collections dans lesquelles le latin domine totalement ou à plus de 80 %. La perspective s’inverse au profit de la langue vernaculaire (majoritairement française) dans un second modèle composé d’une vingtaine de bibliothèques qui ne sont connues que grâce aux livres conservés. On peut enfin circonscrire un troisième type de librairie constitué lui aussi d’une vingtaine de témoins et qui se caractérise par une mixité linguistique à la fois plus prononcée (estimation entre 20 et 60 % de textes vernaculaires) et plus diversifiée (latin, néerlandais, français, grec, hébreu). À l’instar du premier ensemble, ce dernier modèle bénéficie d’une documentation hybride, mêlant sources d’archives et exemplaires retrouvés. Plusieurs facteurs peuvent expliquer les raisons pour lesquelles les fonctionnaires des ducs de Bourgogne n’ont pas tous accueilli de la même manière la littérature vernaculaire au sein de leurs bibliothèques. À la fois langue du savoir académique, langue de l’Écriture et langue liturgique, le triple statut du latin explique son (quasi) monopole dans près de la moitié des collections ainsi que sa présence plus ou moins marquée dans une vingtaine d’autres librairies. Si le droit ou la médecine s’appréhendent dans cette langue par près de 40 % d’officiers, le latin conditionne aussi fortement les collections de la trentaine d’ecclésiastiques en sa qualité de langue cléricale. Dans la mesure où le culte et la liturgie se conçoivent exclusivement en latin, il n’est pas surprenant de trouver des ouvrages dans cette langue chez nombre de possesseurs qui n’ont pas embrassé la carrière ecclésiastique, qu’ils soient ou non titulaires d’un grade académique. À cet égard, il est intéressant de relever qu’à une exception près 163, les livres d’heures latins qui présentent quelques passages en vernaculaire appartiennent tous à des fonctionnaires laïcs nonuniversitaires. Quelle que soit la manière dont il a été acquis, un bagage linguistique en latin ouvre par ailleurs les portes de bien d’autres lectures moins directement utilitaires. Les textes d’histoire en constituent un bon exemple, de

161

Cambridge, Trinity College, ms. R.9.26.

162

Rappelons que certaines collections documentées par des sources inexploitables d’un point de vue quantitatif n’ont pas pu être prises en compte (voir supra).

163

Jean Le Sauvage.

Chapitre II : La composition des librairies

83

même que les écrits d’auteurs classiques et humanistes qui apparaissent dans nombre de bibliothèques. Si d’aucuns ont jadis soutenu que le latin était la langue maternelle des Romains 164, il n’était certes pas celle des officiers ducaux. À de rares exceptions près 165, tous les fonctionnaires repris dans cette étude ont été élevés dans un environnement francophone ou néerlandophone. L’appréhension de la littérature vernaculaire n’exigeait aucune formation particulière, ce qui explique pour une large part que les textes non-latins aient été soit majoritaires, soit plus ou moins confortablement représentés auprès des agents ducaux. D’après les exemplaires retrouvés, deux principaux dénominateurs communs lient ceux qui ne lisent qu’en français ou en néerlandais : aucun n’est titulaire d’un grade académique et tous sont laïcs. Une dizaine de Bourguignons exerçant à l’hôtel ducal se taillent la part du lion au sein de ce groupe assez homogène qui comprend par ailleurs des représentants de la moyenne noblesse d’Artois et de Picardie évoluant dans le milieu curial 166, quelques Hennuyers d’extraction diverse167, quatre officiers originaires de Flandre 168 et un seul Brabançon 169. Les livres retrouvés comme les documents d’archives témoignent en revanche de la présence toujours très discrète du néerlandais. Si le français reste le véhicule privilégié des manifestations littéraires à la cour de Bourgogne, quelques officiers proches du milieu aulique et administratif ont à l’évidence marqué de l’intérêt pour les belles-lettres néerlandaises 170. Edmond de Dynter possédait le Van den derden Eduwaert de Jan van Boendale et la Hollantsche cronike du Héraut Gelre dans un ouvrage partiellement autographe 171. Parmi les titres in vlaemsche de Philippe Wielant figurent les Wapene Martijn de Jacob van Maerlant 172 et, tout comme Guy de Baenst, il possédait le Fasciculus temporum de Rolevinck en version néerlandaise 173. C’est d’ailleurs à cette même lignée de Baenst qu’appartient Jan III, célèbre dans la littérature pour avoir commandé l’unique traduction néerlandaise connue de la Cité des Dames de Christine de 164

S. Lusignan, Le latin était la langue maternelle des Romains. La fortune d’un argument à la fin du Moyen Âge, dans Préludes à la Renaissance. Aspects de la vie intellectuelle en France au XVe siècle, éd. C. Bozzolo et E. Ornato, Paris, 1992, pp. 265-282.

165

Anselme Adorne et Louis Talant sont Italiens, Nicolas Clopper est natif d’Heidelberg tandis que Joao Vasquez et Vasque de Lucène sont originaires du Portugal.

166

Gilbaut, Ternay, Roubaix, Oignies et Charles de Saveuses.

167

Ysembart et Antoine Rolin, Rebecques et Thirou.

168

Chastelain, Gros, Donche et Roeland Ier de Baenst.

169

Wouter d’Oudheusden.

170

À ce sujet : H. Pleij, Nederlandse literatuur van de late middeleeuwen, Utrecht, 1990.

171

KBR, ms. 5753-59.

172

Répertoire documentaire, n°111.b.

173

Respectivement n°105 et 2.

84

Partie II : Voyage au cœur des librairies

Pizan 174. Au registre des manuscrits néerlandais, citons enfin l’exemplaire du Tafel van den kersten ghelove de Dirk van Delft qui présente des marques d’appartenance de deux arrière-petits-enfants du garde-joyaux Wouter d’Oudheusden 175. En matière de lectures vernaculaires, il faut encore brièvement revenir sur les liens entre le lieu d’origine du lecteur, le milieu qu’il fréquente et la langue vers laquelle il se tourne en priorité dans sa pratique de la lecture. Si l’on peut sans doute parler d’une certaine relation de cause à effet dans les cas du Rouennais Richard de Bellengues, du Montois Jean Thirou ou encore du trilingue Philippe Wielant, les librairies des Brabançons Wouter Lonijs, Corneille Haveloes et Martin Steenberch invitent à nuancer le propos. Issu d’une famille bruxelloise, exerçant au Conseil de Brabant sis à Bruxelles et chanoine de la collégiale bruxelloise Sainte-Gudule, Wouter Lonijs évolue donc dans un environnement essentiellement néerlandophone. Or sa librairie ne comprend que 3 pièces dans cette langue, dont une grammaire latin-néerlandais. Le constat est identique pour Corneille Haveloes, lui aussi solidement implanté à Bruxelles et qui y travaillait à la Chambre des comptes. Dans sa collection décrite de manière fort complète après son décès, le seul titre en néerlandais est un dictionnaire néerlandais-latin. Cet élément, joint aux nombreux titres français de cette bibliothèque, renforcent d’ailleurs l’impression qu’Haveloes ne maîtrisait peutêtre pas la langue néerlandaise. Le cas de Martin Steenberch offre enfin un éclairage un peu particulier. Lui aussi d’origine brabançonne, juriste de l’Université de Louvain et doyen de la collégiale Sainte-Gudule, la carrière de ce secrétaire à la Chancellerie de Bourgogne-Flandre le mènera à exercer des fonctions de confiance qui le placeront longtemps dans l’entourage immédiat du prince. Alors qu’il côtoie un milieu curial majoritairement francophone et qu’il vit dans une cité où l’on parle le néerlandais, sa librairie comporte à peine 2 titres in gallico et on n’y repère aucun texte néerlandais. On se gardera donc d’invoquer trop rapidement et de manière univoque le seul ancrage géographique d’un possesseur pour expliquer ses lectures vernaculaires. Enfin, si l’on se tourne vers les fonctionnaires dont la librairie offre une mixité linguistique plus marquée, dans quelle mesure observe-t-on dans leurs lectures une certaine spécialisation ou, à l’inverse, relève-t-on une forme de diglossie ? Du côté des textes utilitaires repérés chez les praticiens du droit, de la médecine ou de la théologie, le latin reste à l’évidence la langue la plus largement privilégiée. En revanche, les laïcs et les hommes d’Église qui ont décroché un grade académique appréhendent l’histoire ou la littérature didactique en vernaculaire aussi bien qu’en latin. Si elle infiltre assez peu le domaine des 174

BL, Add., ms. 20698.

175

New York, PML, ms. M. 691.

Chapitre II : La composition des librairies

85

œuvres moralisatrices, c’est néanmoins en langue vernaculaire (en l’espèce, le français) qu’ils appréhendent plus volontiers les épopées héroïques et les romans d’amour ou de chevalerie dont certains ont été friands. Entre spécialisation et diglossie, la situation se présente donc en demi-teinte pour les officiers qui disposent d’un bagage linguistique hybride. §. III. Primo de libris theologicis. Les textes à caractère religieux La littérature religieuse exige d’être abordée sous un angle suffisamment large pour rendre compte à la fois de sa diversité et de son ampleur au sein des librairies des officiers. L’examen portera donc sur l’Écriture sainte et ses commentaires (bible complète ou extraits, Ancien et Nouveau testaments, évangiles, psautier, bible moralisée ou bible historiale), les textes liturgiques (missel, bréviaire, pontifical, etc.), les ouvrages de dévotion paraliturgiques et les textes à connotation religieuse (en ce compris la théologie, la patristique, la pastorale, l’hagiographie et l’ascétique). Les hommes d’Église constituent un tiers des fonctionnaires-possesseurs, ce qui n’est pas sans incidence sur la nature et le nombre global de ce type de textes dans l’ensemble des collections. Bon nombre de bibliothèques appartenant à des laïcs ne sont en outre pas autrement connues que par un ou plusieurs livres d’heures. Plus généralement, les textes à caractère religieux représentent le seul patrimoine livresque attesté chez plus d’un quart des propriétaires. L’appréhension de ce type d’écrits dans l’ensemble des collections ne peut donc négliger ces caractéristiques fondamentales. III. 1. L’ensemble du corpus Le livre d’heures s’impose comme le principal dénominateur commun aux officiers en matière d’ouvrages à connotation religieuse mais il est loin d’être le seul. De nombreux laïcs comme des membres du clergé possèdent ainsi quelques best-sellers du genre. Outre la Bible (qui apparaît souvent en tête des documents et en plusieurs exemplaires) 176 et les nombreuses attestations de livres séparés 177, il faut citer la présence fréquente du Speculum vitae humanae 178, 176

Dans le Catalogue descriptif : Berghes, Jean Bont, Finet, Louhans, Jean II Rolin, Nicolas Rolin et van der Sluis. Dans le Répertoire documentaire : Anchemant, Aubert (n°9.a), Jean Bont (doc.II), Bruggheman (n°2), Le Carpentier, Clopper (n°118, 138, 139 ; le n°66.b est un abrégé), Chevrot (doc.III.4 et 9), de Gand (n°12, 17 et 21), Haveloes (n°26), Hugonet (doc.I et doc.II.1, 36 et 63 dans la partie I et n°9 dans la partie III), Lonijs (doc.II.7-8), Le Musnier (n°3 et 23), Plaine (doc.II.7), Jean II Rolin (doc.VII.5-6-7-8), Nicolas Rolin (doc.IV, doc.V.39 et doc.VI.37), Ruter (doc.I), van der Sluis (n°30, 87 et 147), Steenberch (doc.IV.1) et Wielant (n°45).

177

À titre d’exemples : Jean Aubert (n°1), Hugonet (doc.II.46, partie I) et Nicolas Rolin (doc.I.20). Ce type de textes est plus fréquent dans les collections des ecclésiastiques ; voir par exemple dans le Répertoire documentaire à L’Escrivain (doc.V.7), Steenberch (doc.IV.16 et 44.a) et Le Musnier (n°15). Pour les psautiers : Aubert (n°5, n°9.b et 10.a), Bellengues (n°32 et 57-60), L’Escrivain (doc.V.6), de Gand (n°10), Le Musnier (n°10 et 19), Jean II Rolin (doc.VII.3 et doc.IX.2), Nicolas

86

Partie II : Voyage au cœur des librairies

du Cordiale de quatuor novissimis 179, des Moralia in Job de Grégoire le Grand 180 ou encore de l’Horologium sapientiae d’Henri Suso 181. Au registre des pièces à succès appréciées par l’un et l’autre lectorat, on peut aussi évoquer l’Historia scolastica de Pierre le Mangeur 182, le De civitate Dei de saint Augustin 183, les Postillae de Nicolas de Lyre184, l’Historia ecclesiastica d’Eusèbe de Césarée 185, les Vitas patrum 186 et la Summa theologica d’Antonin de Florence 187. Les Pèlerinages de Guillaume de Digulleville 188 ne figurent par contre que dans une seule librairie et la Somme le Roi de Laurent du Bois 189, si présente dans les collections du début du XVe siècle, n’est ici recensée qu’en un seul exemplaire. Ce dernier texte subit vraisemblablement la concurrence de la Vita Christi de Ludolphe de Saxe qui apparaît à plusieurs reprises 190. La Legenda aurea de Jacques de Voragine 191 et la Vie des pères 192 couvrent l’essentiel du champs hagiographique, que viennent compléter plusieurs vies de saints 193 et quelques légendiers 194.

Rolin (doc.I.1, 3 et 19 ; dizaine d’exemplaires dans les docs V-VI) et van der Sluis (n°5). 178

Clugny (Répertoire documentaire, n°18), Haveloes (n°41), Jean II Rolin (doc.IX.41), Hugonet (doc.II.60, partie I), Lonijs (doc.II.42 et 68) et Steenberch (doc.IV.71). Roelant Le Fèvre possédait un Speculum humanae salvationis manuscrit (Chantilly, Musée Condé, ms. 1363).

179

Clopper (n°78.b), Haveloes (n°76), Jean II Rolin (doc.IX.7) et Steenberch (doc.IV.57).

180

Clopper (n°53), Hugonet (doc.II.3, partie I et 3, partie III), Plaine (doc.I), Lonijs (doc.II.11-12) et van der Sluis (n°118).

181

Clopper (n°63.a et 78.a), Hauteville (doc.I.3.g), Lonijs (doc.II.65) et Jean II Rolin (doc.IX.25).

182

Jean Bont (doc.II), Clugny (n°8), Haveloes (n°25), Hugonet (doc.II.48, partie I), Steenberch (doc.IV.121) et Wielant (n°53).

183

Chevrot (doc.III.7-8), Haveloes (n°29), Lonijs (doc.II.14), Plaine (doc.II.29) et Wielant (n°47) ; voir dans le Catalogue descriptif à Gui Gilbaut, Jan III de Baenst et Jean Chevrot.

184

Jean Bont (doc.II), Clugny (n°20), Hugonet (doc.II.89, partie I et 10, partie III), Lonijs (doc.II.29 et 50 à 53), Plaine (doc.II.24-25-26-27) et van der Sluis (n°294 à 296 et 271, qui est un index des Postillae).

185

Lonijs (doc.II.30), van der Sluis (n°39 et 315), Steenberch (doc.IV.122.a ?) et Wielant (n°48 ?).

186

Haveloes (n°3) ; Jean II Rolin (doc.IX.8) ; van der Sluis (n°23) ; Steenberch (doc.IV.19.a.).

187

Clugny (n°2-3-4-5), Haveloes (n°16-17) et van der Sluis (n°11-12-13, 95, 114, 116, 117, 289, 291 et 149, qui est une table).

188

Nicolas Rolin (doc.I.16 et 21).

189

Louis de Chantemerle (Princeton, University Library, ms. 105).

190

Dans le Catalogue descriptif : Gros, Clugny (voir aussi dans le Répertoire documentaire, n°1) et Ternay ; voir à Chevrot dans le Répertoire documentaire (doc.III). Jean Aubert a rédigé une traduction abrégée de ce texte dont une copie a été transcrite par son fils David pour Philippe le Bon (KBR, ms. IV 106 : LDB-I 2000, pp. 314-317).

191

Répertoire documentaire : Aubert (n°15 et 16), Bellengues (n°43), Clopper (n°51 et 67), de Gand (n°18), (n°24), Hugonet (doc.II.85, partie I), Plaine (doc.II.11) et Steenberch (doc.IV.116) ; voir à Ménart dans le Catalogue descriptif.

192

Répertoire documentaire : Plaine (doc.II.8), Nicolas Rolin (doc.I.20), Haveloes (n°3), Jean II Rolin (doc.IX.8) et Steenberch (doc.IV.19.a) ; Chantemerle (BNF, nouv. acqu. fr., ms. 13521e).

193

Répertoire documentaire : Aubert (n°10.d et 10.e), Bellengues (n°42 et 48), Plaine (doc.II.27),

Chapitre II : La composition des librairies

87

Du côté des textes de piété et de méditation personnelle, il faut souligner l’empreinte assez discrète de la devotio moderna, ce courant de spiritualité apparu dans les Pays-Bas au XIVe siècle et qui allait profondément et durablement marquer le rapport du fidèle à Dieu. Si les noms de Geert Grote, Jan Ruysbrouck et Thomas a Kempis − les auteurs les plus directement associés à la naissance puis à la diffusion de la devotio moderna − n’apparaissent jamais dans les librairies des officiers des ducs de Bourgogne 195, d’autres textes attestent toutefois de la réception de cette nouvelle approche dévotionnelle. À côté du Cordiale de quatuor novissimis, de l’Horologium sapientiae d’Henri Suso et du Speculum vitae humanae dont il a déjà été question, on peut évoquer certains écrits de Jean Gerson 196, de Denis de Ryckel 197 et d’Henri de Hesse 198 ou encore l’un ou l’autre contemptus mundi 199. Sans donc y être totalement hermétiques, les officiers ducaux ne semblent toutefois jamais accorder l’exclusivité à la littérature produite dans le sillage de la devotio moderna. On pourrait s’en étonner, vu leur proximité géographique avec les principaux foyers de ce nouveau courant spirituel et la présence à cette époque de textes de Ruysbrouck ou de Thomas a Kempis chez des particuliers aussi bien que dans des librairies conventuelles 200. La transformation de la vie quotidienne en une perpétuelle contemplation grâce aux exercices de méditation constitue l’un des credos de la devotio moderna. Or des possesseurs tels qu’Hugonet, Rolin, Wielant ou encore (côté ecclésiastique) Chevrot, Clugny ou de Gand participent étroitement à la gestion politique, administrative et judiciaire de l’État bourguignon. On peut dès lors se demander dans quelle mesure les élans mystiques de cette spiritualité parfois très émotionnelle étaient réellement susceptibles de toucher ces hommes d’action dont la réflexion, à en croire leurs bibliothèques, semble plus volontiers orientée vers les questions de gestion temporelle (fussent-elles envisagées dans leur acception la plus large). En outre, et comme l’a suggéré G. Hasenohr, on

Steenberch (doc.IV.65) ; Chantemerle (BNF, nouv. acqu. fr., ms. 13521) 194

Chez de Le Motte (doc.II.3), Haveloes (n°23) et Bellengues (n°9, 29, 47 et 50).

195

Seule exception : l’Hortulus rosarum chez Corneille Haveloes (n°36). Sur la culture du livre au sein du mouvement de la dévotion moderne : T. Kock, Die Buchkultur der Devotio moderna. Handschriftenproduktion, Literaturversorgung und Bibliotheksaufbau im Zeitalter des Medienwechsels, Francfort-sur-le-Main - Berlin - Berne - Bruxelles - New York - Oxford - Vienne, 2002.

196

Clopper (Répertoire documentaire, n°63.g et 134.h).

197

Clopper, n°63.c.

198

Clopper, n°63.d.

199

Lonijs (doc.II.101) et Steenberch (doc.IV.122.c.).

200

Voir p.e. dans les bibliothèques de Barthélemy Moens (CCB-IV 2001, n°72) et de Martin Thossyen (CCB-IV 2001, n°64-65), dans la librairie de Saint-Bavon à Gand (CCB-III 1999, n°12), chez Jacqueline de Heynsberg (CCB-III 1999, n°80) ou encore chez le Cambrésien Arnaud de la Halle (Hasenohr 1989, p. 236 et n. 205).

88

Partie II : Voyage au cœur des librairies

ne peut exclure que d’aucuns aient manifesté une certaine défiance vis-à-vis de tout ce qui peut troubler la quiétude routinière 201. L’attitude des fonctionnaires bourguignons présente quoi qu’il en soit à cet égard un contraste assez net avec les gens du Parlement de Paris sous Charles VI dont le nombre et le contenu des livres de piété paraissent pour F. Autrand « révéler un des foyers des nouvelles formes de spiritualité » 202. Enfin, les ouvrages liturgiques réservés à l’exercice du culte dans les communautés religieuses (antiphonaires, hymnaires, etc.) concernent exclusivement ceux qui ont été donnés par certains officiers à une institution ecclésiastique dont ils ont la charge ou à laquelle ils sont attachés. Les exemples de Nicolas Rolin et d’Henri de Berghes sont à cet égard particulièrement significatifs. Le chancelier exige ainsi que ses exécuteurs testamentaires fournissent à « sa » collégiale de Notre-Dame-du-Chastel à Autun tous livres et ornemens y necesseres 203. Une liste des volumes donnés à l’église autunoise par son fondateur renseigne pas moins de 65 volumes parmi lesquels 6 graduels, 9 antiphonaires, un chantoin par maniere d’antiphonier [...] pour tenir cueur ainsi qu’un chantoin par maniere de greaul 204. Quant à Henri de Berghes, sa commande en 1482 d’un ordinaire pour le monastère de Saint-Denis-en-Brocqueroye s’inscrit vraisemblablement dans le cadre des réformes de la discipline et de l’observance instaurées par cet énergique abbé 205. III. 2. Les librairies des ecclésiastiques Les œuvres d’obédience religieuse apparaissent plus nombreuses et, surtout, bien plus diversifiées dans la majorité des librairies montées par des hommes d’Église. Ce constat relève de la lapalissade mais la précision est indispensable au vu de la documentation très inégale concernant le nombre de textes possédés par ce groupe de 35 propriétaires. A. Principaux traits communs Certaines constantes se dégagent assez nettement au sein de ces collections qui appartiennent à 3 cardinaux 206, 10 évêques 207, 20 chanoines 208 et 2 chapelains 209. 201

Hasenohr 1989, p. 236.

202

Autrand 1973, p. 1239 et suiv.

203

Doc.IV. Dans l’acte de fondation de l’Hôtel-Dieu de Beaune daté de 1433, Nicolas Rolin avait également prévu de fournir la chapelle des vêtements sacerdotaux, livres, calices et autres ornements (doc.II).

204

Respectivement doc.V.31 et 32.

205

Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 168/211.

206

Clugny, François de Busleyden (quoique de façon éphémère) et Jean II Rolin.

207

Ménart et Ruter (évêques d’Arras) ; Jean de Thoisy, Chevrot, Fillastre et Berghes (évêques de Cambrai) ; Pignon (évêque de Bethléem et d’Auxerre) ; Bruggheman et Nivelles (évêques de Salubrie) ; Jean III Rolin (évêque d’Autun).

208

Bellengues, Boostenswene, Jean et Guillaume Bont, Le Breton, Jérôme de Busleyden, Clopper,

Chapitre II : La composition des librairies

89

On trouve dans beaucoup d’entre elles l’indispensable bréviaire 210, le missel 211 et le psautier 212 tandis que les occurrences du pontifical sont logiquement moins fréquentes 213. Dans le même registre, on identifie quelques diurnaux 214, nocturnaux 215 et autres ordinaires 216 à l’usage d’une église en rapport avec leur possesseur. Côté littérature pratique, le célèbre Pastorale sive Regula pastoralis de Grégoire le Grand 217 de même que les sermons 218, les manuels de confession 219, les libri penitentiales (ou apparentés) 220 et plusieurs titres sur les vices et les vertus 221 traduisent clairement les responsabilités pastorales assurées par ces ecclésiastiques. On l’a vu, un mouvement de piété plus intérieur tel que la devotio moderna ne paraît pas avoir trouvé auprès des officiers un public particulièrement intéressé. Pour autant, les collections des hommes d’Église ne renvoient pas non plus Finet, de Gand, Haneron, Henry, L’Escrivain, Lonijs, Lorfèvre, de Le Motte, Le Musnier, de Rota, van der Sluis, Steenberch et Ysembart. 209

Robet Alart et Jean Charvet.

210

Catalogue descriptif : Jean II Rolin (5 exemplaires ; le ms. La Haye, KB, ms. 76 E 8 comprend en outre le psautier), Jean III Rolin (2 exemplaires) et Ruter. Dans le Répertoire documentaire : Alard, de Bellengues (n°16, 40 et 46), Bruggheman (n°1), Clopper (n°156-157 et 158), Charvet, Finet, Le Musnier (n°4, 24-25 et 28), de Gand (n°11 et 13), Lonijs (doc.III.7), de Le Motte (doc.I), Jean II Rolin (doc.VIII), Nicolas Rolin (doc.V.20 et 35), de Rota (doc.III), Ruter (doc.II.2) et van der Sluis (n°2, 6, 7, et 9).

211

Catalogue descriptif : Jérôme de Busleyden, Clugny (2 exemplaires), Jean II Rolin (8 exemplaires), Ruter et Jean III Rolin. Dans le Répertoire documentaire : Bellengues (n°4, 5, 38 et 55), Jérôme de Busleyden (doc.XII.3 et doc.XIII.1), Clopper (n°1), Chevrot (doc.I.1 et doc.IV), Le Musnier (n°2), Jean II Rolin (doc.VII.1 et doc.IX, n°10-12), Ruter (doc.IV) et Steenberch (doc.III).

212

Bellengues (n°32, 57, 58, 59 et 60), de Gand (n°10), Le Musnier (n°10 et 19), Jean II Rolin (doc.IX.2.a) et van der Sluis (n°5).

213

Catalogue descriptif : Berghes, Clugny, Nivelles et Pignon. Une seule attestation chez Jérôme de Busleyden (Répertoire documentaire, doc.XIII.2).

214

Bellengues (n°41), Clopper (n°155), Lonijs (doc.III.5 et 8) et van der Sluis (n°1, 4 n°14).

215

Lonijs (doc.III.6) et Clopper (n°153-154 à l’usage de Bruxelles).

216

Bellengues (n°28), Clopper (n°159), Lonijs (doc.IV), Steenberch (doc.IV.30 à l’usage de la collégiale Sainte-Gudule) et Berghes (Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 168/211, pour Saint-Denis-en-Broqueroye).

217

Clopper (n°145.a), Lonijs (doc.II.63.b) et Steenberch (doc.IV.50). On repère un tractatus de cura pastorali chez van der Sluis (n°282).

218

Clopper (n°66.a, 76.a, 94, 100, 134.d, 141.a et 144.c), Clugny (n°13), de Gand (n°20), Lonijs (doc.II.37.a, 39 et 40.b), Le Musnier (n°17), van der Sluis (n°89.a) et Steenberch (doc.IV.17.a, 18a à 18.m et 53.b).

219

Bellengues (n°54), Clopper (n°96.a, 140.a, 140.b, 141.c et 141.g), Fillastre (doc.I.5), Lonijs (doc.II.114.a) et Steenberch (doc.IV.53.a.).

220

Clopper (n°40.l), Lonijs (doc.II.5) et Steenberch (doc.IV.53c., 54 et 82).

221

Bruggheman (n°3 et 4), Le Musnier (n°20), Jean II Rolin (doc.IX.6 et 24), Steenberch (doc.IV.73 et 74), Clopper (n°103) et van der Sluis (n°88 et 274). Il n’est pas absolument certain que la Summa de viciis et virtutibus de Guillaume Perault ait été possédée en propre par Jérôme de Busleyden (voir Catalogue descriptif).

90

Partie II : Voyage au cœur des librairies

l’image d’ecclésiastiques secs et austères uniquement préoccupés de théologie spéculative ou scolastique. Certes, la présence d’écrits théoriques en matière de dogme, de doctrine et de morale vient chez beaucoup d’entre eux rappeler une formation académique qui leur avait appris à appréhender la connaissance du monde et de Dieu en véritables homines scolastici. Des représentants de la théologie scolastique aussi éminents qu’Anselme de Cantorbéry 222 et Pierre Lombard 223 n’apparaissent toutefois que de manière très épisodique et Jean Duns Scot, par exemple, brille même par son absence. Les noms de Bonaventure 224, de Nicolas de Lyre 225, de Pierre d’Ailly 226 et, surtout, de Jean Gerson 227 et de Thomas d’Aquin 228 reviennent par contre plus fréquemment. Dans une certaine mesure, la présence marquée dans leurs librairies du réformateur Gerson, figure de proue de la theologia mystica, pourrait venir renforcer leur intérêt déjà observé plus haut pour la pédagogie religieuse et la pastorale. B. Quelques spécificités Les écrits qui concernent de près ou de loin certains mouvements déviants et la problématique de la croisade méritent assurément une attention particulière. Les librairies d’Edmond Le Musnier, de Martin Steenberch, de Simon van der Sluis et, surtout, de Nicolas Clopper et de Wouter Lonijs présentent des traces très nettes de ces préoccupations très générales mais qui touchent aussi aux événements propres à l’actualité politico-religieuse des Pays-Bas méridionaux. Plusieurs bibliothèques se font ainsi l’écho des troubles liés à la vauderie d’Arras, terme générique qui désigne des prétendus hérétiques arrageois accusés d’accointance avec le démon. Certains finiront sur le bûcher entre mai et octobre 1460 tandis que d’autres seront condamnés à la prison 229. Aussi célèbre que mal connue dans ses détails, sa portée et ses implications, la vauderie d’Arras appelle quelques explications pour mieux comprendre les lectures de certains officiers. Cette affaire délicate est aussi particulièrement atypique : non 222

Steenberch, doc.II et doc.IV.3 et 130.

223

Van der Sluis, n°196 et 215.

224

Clopper (n°102), Lonijs (doc.II.39, 64, 72 et 95), van der Sluis (n°38, 43, 58 et 234) et Steenberch (doc.IV.12.a et 12.b).

225

Jean Bont (doc.II), Clugny (n°20), Lonijs (doc.II.29 et 50 à 53) et van der Sluis (n°294 à 296 et 271, qui est un index des Postillae).

226

Clopper (n°75.a), Lonijs (doc.II.79), van der Sluis (n°188) et Steenberch (doc.IV.127).

227

Clopper (n°63.g, 63.k, 134.h, 140.a, 140.b, 141.c à 141.g), Fillastre (doc.I.4.a et 4.b.) ; Lonijs (doc.II.17.a, 17.b, 46-47-48-49, 62 et 109), Le Musnier (n°8.a et 8.b), Jean II Rolin (doc.IX.26), van der Sluis (n°16, 49, 200 et 319) et Steenberch (doc.IV.14.b, 25.a, 25.b, 25.c et 59).

228

Lonijs (doc.II.9, 10 et 70.a), Le Musnier (n°11), van der Sluis (n°68, 83, 148, 173, 220.a, 227, 228, 265, 320 et 324) et Steenberch (doc.IV.14.a, 27.b, 46, 47, 48, 49 (?) et 126.d).

229

Mercier 2004 ; Mercier 2006 ; LDB-II 2003, pp. 256-263.

Chapitre II : La composition des librairies

91

seulement elle s’inscrit dans une ville opulente et implique des suspects issus du patriciat urbain mais aussi − et c’est plus essentiel pour notre propos − elle sortira du cadre strict de l’inquisition ecclésiastique pour atteindre le cœur du milieu ducal. Vers le mois de juin 1460, le tribunal jusqu’ici composé d’hommes d’Église est profondément remanié sur l’impulsion de Jean d’Etampes, capitaine général de Picardie et d’Artois. Ce proche parent du duc de Bourgogne y installe alors des membres laïcs proches du pouvoir dont le moindre n’est pas Antoine de Crèvecœur, conseiller-chambellan, bailli d’Amiens et gouverneur d’Artois. Au milieu de l’été 1460, Philippe le Bon reçoit une délégation du tribunal arrageois et entreprend de porter le dossier devant les autorités de l’Université de Louvain. Mais les savants docteurs ne parviennent pas à s’accorder sur le sort à réserver aux vaudois. Philippe le Bon décide alors de dépêcher sur place le héraut Jean Lefèvre de Saint-Rémy et son confesseur personnel, le dominicain et docteur en théologie Simon de Loos. Si la fin des arrestations est concomitante à l’arrivée des deux émissaires, les bûchers ne s’éteignent pas pour autant. À la fin du mois d’octobre 1460, d’autres accusés sont brûlés en place publique lors d’une cérémonie à laquelle assiste Adrien Colin, président du Conseil de Flandre, l’un des principaux représentants de l’autorité ducale au niveau régional. Pour beaucoup d’Arrageois dont l’opinion est relayée par le chroniqueur Jacques du Clercq, le duc profite des lourdes amendes perçues sur les biens des condamnés pour remplir le « tronc de Malines », un fonds spécial destiné au financement d’un projet auquel il est particulièrement attaché : la croisade. Il est malaisé de déterminer dans quelle mesure les nombreux officiers ducaux qui ont participé au tribunal en qualité de commissaires ont obéi à des injonctions précises de Philippe le Bon, même si certains indices laissent penser que le duc n’a pas découragé le zèle répressif. Si le Parlement de Paris finira par annuler les décisions judiciaires prises à l’encontre des vaudois en avril 1491, il est indéniable que l’affaire avait entretemps fait grand bruit dans les Pays-Bas bourguignons. G. Hasenohr a bien montré combien cet arrière-fond démonologique s’est traduit dans la littérature contemporaine produite en terre artésienne, hennuyère, flamande ou brabançonne 230. La vauderie d’Arras − et plus généralement les mouvements hétérodoxes − a sans nul doute frappé les esprits et on ne s’étonnera pas d’en trouver un écho au sein des librairies de certains hommes d’Église au service des ducs de Bourgogne. Trois d’entre eux possèdent une œuvre de Gilles Carlier († 1472), professeur au Collège de Navarre à Paris et doyen de Cambrai depuis 1436. Avec un autre expert en théologie, Grégoire Nicole231, Carlier avait précisément été sollicité par les juges 230

Hasenohr 1994.

231

Ce personnage est l’un des légataires de François de Gand (Répertoire documentaire, n°9).

92

Partie II : Voyage au cœur des librairies

d’Arras avant de rendre leur première sentence dans le procès contre les vaudois 232. Les réponses de Carlier figurent avec d’autres de ses consultationes dans un recueil en possession du médecin ducal Simon van der Sluis 233. Ce texte apparaît ici dans la seule édition alors disponible et sortie des presses bruxelloises des Frères de la Vie commune en 1478-1479 234. En plus de la Lectura super libros sententiarum du doyen de Cambrai, Edmond Le Musnier disposait d’un traité contra Valdenses non autrement spécifié 235 et on repère chez Wouter Lonijs un Liber continens opus quondam domini Petri Carlerii decani Cameracensis 236. Sans être directement lié à la vauderie d’Arras − il se trouvait en Italie au moment des événements −, le dominicain Nicolas Jacquier († 1472) est également associé à la littérature de démonologie et de sorcellerie 237. Longtemps actif en France, cet inquisiteur d’origine bourguignonne assiste au Concile de Bâle et est signalé en Bohême dans le cadre de la répression des Hussites en 1466-1468. L’homme n’est pas un inconnu dans les Pays-Bas bourguignons : sa présence est notamment mentionnée à Lille en 1464 et il semble rattaché au couvent dominicain de cette même cité. Dans son De calcatione demonum seu malignorum spirituum rédigé en 1457, Jacquier expose les manières dont le démon assure son emprise sur l’homme et insiste sur l’existence de sectes démoniaques et autres réunions sabbatiques. Ce texte était disponible au sein des volumineuses bibliothèques de Nicolas Clopper et Simon van der Sluis 238. Plusieurs œuvres en rapport avec les manifestations religieuses hétérodoxes affleurent aussi dans certaines librairies d’officiers ecclésiastiques. Ainsi, on relève la présence chez l’évêque Ferry de Clugny et chez Nicolas Clopper du Fortalitium fidei composé en 1459 par Alphonse de Spina et dont les livres II et V traitent respectivement des hérétiques et des démons 239. Toujours dans la bibliothèque de Clopper, on repère une Questio utrum sint caracteres vel exorcismi per que demones expellentur 240. Simon van der Sluis et Wouter Lonijs disposaient du 232

Mercier 2004, p. 107.

233

Van Balberghe - Gilmont 1979, p. 405 ; voir aussi H. Platelle, Les Consultations de Gilles Carlier, doyen du chapitre de Cambrai († 1472), sur diverses affaires de sortilège, dans Witchcraft in the Netherlands, éd. M. Gijswit-Hofstra et W. Frijhoff, Rotterdam, 1991, pp. 117-144 (liste des œuvres : J. Toussaint, Carlier, dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. XI, Paris, 1949, cols 1046-1050).

234

Doc.37 (ISTC, ic00200000).

235

Respectivement n°12 et 18.

236

Doc.II.36.

237

Mercier 2006, spéc. pp. 64-66.

238

Van der Sluis, n°152 et Clopper, n°74.

239

Clopper, n°148.a et Clugny, n°10.

240

Répertoire documentaire, n°96.b.

Chapitre II : La composition des librairies

93

Formicarius composé en 1437 par le théologien allemand Jean Nyder qui, s’appuyant sur une comparaison entre les propriétés des fourmis et celles des hommes, y passe en revue les formes de religiosité jugées contraires à l’orthodoxie 241. Cette pièce se retrouve également chez van der Sluis et Lonijs 242. C’est d’ailleurs chez ce dernier qu’apparaît le fameux Processus Belial de l’évêque et juriste italien Jacobus de Teramo 243. Moins sulfureux mais bien plus diffusés, les textes contre les infidèles (Turcs, Sarrazins, Mahométans et autres Bohémiens) et la littérature relative à la croisade à la cour de Bourgogne constituent l’un des traits marquants des collections de quelques officiers ecclésiastiques 244. La célèbre Summa contra gentiles de Thomas d’Aquin est aisément repérable chez Wouter Lonijs et chez l’aumônier ducal Edmond Le Musnier 245. Ce texte de réflexion qui expose la suprématie de la doctrine chrétienne sur les autres religions présente les prétendues erreurs de tous les « infidèles » afin de démontrer la vérité de la foi catholique. Dans le même registre, le seul ouvrage encore conservé qui porte une marque d’appartenance de Lonijs reprend notamment trois œuvres qui s’inscrivent clairement dans la veine anti-sarrrazine. On y trouve d’abord le Dialogus Christiani contra Saracenum composé par Denis le Chartreux (alias Denis de Ryckel) sous forme d’un dialogue entre un chrétien et un sarrazin 246. Viennent ensuite le Contra principales errores Mahometi et Turcorum Sarracenorum de Jean de Turrecretama que précède l’Epistola ad Machametum principem Turchorum de fide catholica, fameux courrier adressé en 1461 par le pape Pie II au sultan Mahomed II et dans lequel le pontife lui propose de lui reconnaître le titre d’Empereur d’Orient à la condition qu’il se convertisse 247. Cette lettre se retrouve aussi parmi les livres de Corneille Haveloes 248 et chez Nicolas Clopper, un chanoine bruxellois qui possède sans contredit la collection la plus intéressante du point de vue de la littérature anti-hérétique en général et contre les Turcs en particulier 249. Outre un Tracatus super materia hereticorum, elle comprend le De fide catholica contra hereticos Arrium, Sabellium et Fotinum 241

Respectivement n°231 et doc.II.23. Présentation du texte et édition partielle dans Imaginaire du sabbat 1999, pp. 101-265.

242

Respectivement n°231 et doc.II.23.

243

Doc.II.26. À titre d’exemple, ce texte apparaît aussi dans la bibliothèque du petit-fils d’Edmond de Dynter, Ambroise (Prims 1938, spéc. p. 124).

244

Rappelons la présence chez Clopper et Clugny du Fortalitium fidei d’Alphonse de Spina dont une partie est consacrée aux questions hérétiques (voir supra).

245

Respectivement doc.II.9 et 10 et 11.

246

KBR, ms. 708-719, ff.49r-84r.

247

Respectivement KBR, ms. 708-719, ff.110r-151r et ff.85r-109v.

248

Répertoire documentaire, n°75.

249

La lettre de Pie II figure aux n°114b et 146.a (voir aussi Paviot 2003, pp. 236-238).

94

Partie II : Voyage au cœur des librairies

d’Athanase, les XII conclusiones du réformateur anglais John Wycliff et une reportata sur le Digeste en rapport avec le tchèque Jean Huss, brûlé pour hérésie en 1415 250. Les Hussites sont encore évoqués dans le Dialogus contra Bohemos atque Thaboritas de sacra communione corporis Christi rédigé par Pie II (un titre que possède d’ailleurs Steenberch, lui aussi chanoine à la collégiale SainteGudule) 251. Mais c’est dans le domaine de l’Orient, des Turcs et des croisades que la librairie de Clopper se révèle véritablement hors du commun. Aux côtés de diversa tangentia materiam Turcorum, il dispose de la lettre De bello Turcorum et Hungarorum dans laquelle Pie II relate la défaite infligée en 1444 par le sultan Mourad aux « croisés » rassemblés à Varna par le roi de Hongrie et de Pologne252. Sa collection comporte également plusieurs récits de voyages vers l’Orient et les Lieux saints 253 ainsi que des textes en relation avec les projets de croisade nourris durant la première moitié du XVe siècle. À l’instar de la librairie de Bourgogne alors entreposée au Coudenberg à quelques pas de chez lui, Clopper possède le Liber secretorum fidelium crucis de Marino Sanudo 254, le De conditionibus et consuetudinibus Orientalium regionum de Marco Polo 255 ainsi que le Directorium ad passagium ultramarinum de Raymond Étienne 256. Sa bibliothèque recèle cependant des livres absents de la collection ducale, comme un récit de pèlerin anonyme de Bois-le-Duc, l’Historia Hierosolimitana de Jacques de Vitry et des lettres de Pie II 257. Autant de sujets d’actualité ou de questions concrètes qui tranchent assez nettement avec bien des pièces narratives rangées sous la rubrique Outremer dans la librairie de Bourgogne. On le sait, Philippe le Bon a caressé l’idée de croisade durant une bonne partie de son règne. Les exemples de Gillebert de Lannoy, Bertrandon de La Broquière, Jean Torcello ou Geoffroy de Thoisy attestent qu’il aura multiplié les conseils et autres advis susceptibles de l’informer sur une problématique qui lui tenait particulièrement à cœur. On doit à J. Paviot d’avoir souligné le rôle joué auprès du duc par Jean V de Créquy et Jean de Wavrin en matière de textes

250

Respectivement n°110.b, 63.b, 77.c et 81.a. Le texte décrit chez Clopper sous le n°40.i pourrait-il évoquer les fratricelles, ces partisans de la pauvreté extrême prônée par François d’Assise et eux aussi condamnés pour hérésie au début du XIVe siècle ?

251

Respectivement n°146.b et doc.IV.33.a.

252

Respectivement n°106 et 146.h.

253

Walter de Zierikzee, Descriptio Terrae sanctae (n°38.c) ; Jean de Mandeville, Itinerarum de sitibus terrarum et mirabilibus mundi (n°50.e) ; une aliquid de historia Ierosolimitana qui pourrait être l’Historia peregrinationis d’Odoric de Pordenone (n°116.b).

254

Barrois 1830, n°1033, 1055, 1995 et 1996 ; Clopper, n°38.e.

255

Barrois 1830, n°1590 et 1829 ; Clopper, n°70.b.

256

Barrois 1830, n°1586 (en latin) ; Clopper, n°38.b.

257

Respectivement n°70.a, n°114.b et 146.a. L’Historia Hierosolimitana de Jacques de Vitry figure également chez Simon van der Sluis (n°48 et 236).

Chapitre II : La composition des librairies

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relatifs à l’Orient et aux croisades 258. L’auteur a aussi montré que, côté ecclésiastique, c’est à l’évêque et membre du Conseil Jean Germain, véritable éminence grise en matière de théorie de la croisade, que Philippe le Bon avait demandé de visiter la traduction du Coran et des Faits de Mahomet ramenés de son voyage par Bertrandon de La Broquière en 1433 259. La documentation rassemblée par Nicolas Clopper invite dès lors à se demander dans quelle mesure il aurait pu lui aussi être sollicité par Philippe le Bon (ou son entourage) en qualité d’expert. Durant la décennie 1450-1460 et alors que l’esprit de croisade souffle au plus fort à la cour de Bourgogne, cet homme d’expérience âgé d’une quarantaine d’années exerce en qualité de conseiller au Conseil de Brabant – une institution installée précisément au Coudenberg. Clopper avait précédemment travaillé comme abbreviator à la curie romaine où il aurait pu prendre part aux négociations en vue de la croisade 260. À en croire sa librairie riche de plus de 300 titres, ce conseiller originaire d’Heidelberg présente les traits d’un intellectuel austère doté d’un solide bagage théologique et sensible aux problématiques contemporaines. On ne peut certes exclure l’hypothèse selon laquelle ces thèmes alors très en vogue dans la sphère curiale − Guillaume Fillastre lui-même n’a-t-il pas traduit en français pour Philippe le Bon l’Epistola ad Machametum de Pie II ? 261 − auraient simplement « déteint » sur Nicolas Clopper qui les aurait repris à son compte. Il est également possible que la sensibilité de ce chanoine bruxellois à ces dossiers spécifiques soit le fruit de préoccupations strictement personnelles. En outre, rien n’interdit de suggérer son intervention comme personne-ressource. Décédé en 1472, Nicolas Clopper n’a pu se procurer la Descriptio obsidionis Rhodiae où Guillaume Caoursin décrit la prise de Rhodes par les Turcs en 1480. Ce texte figure en revanche chez Wouter Lonijs, propriétaire d’une collection qui présente pour sa part une certaine coloration antisémite 262. Aux côtés d’un ouvrage contenant certis aliis tractatibus contra Iudeos, on identifie deux copies du Dialogus Pauli et Sauli contra Judaeos composé en 1432 par Paul de Sainte-Marie, ancien rabbin devenu archevêque de Burgos et docteur en théologie de l’Université de Paris 263. Pourquoi ce type d’écrits dans la collection de Lonijs ? Il faut d’abord rappeler que l’antisémitisme au XVe siècle est un phénomène

258

Paviot 2003, p. 227.

259

Paviot 2003, p. 227. On trouve d’ailleurs un texte français de Jean Germain dans la collection d’Edmond Le Musnier (Répertoire documentaire, n°29).

260

Paviot 2003, p. 236.

261

La traduction figure dans les mss BNF, fr. 1278 et fr. 11594 (Prietzel 2001, pp. 159-205). Il en existe aussi une version néerlandaise (Isabelle de Portugal 1995, p. 120).

262

Doc.II.91.

263

Respectivement doc.II.27, 28.b et 93.

96

Partie II : Voyage au cœur des librairies

généralisé 264. Volontiers suspectée de menacer l’ordre intérieur, la communauté juive se voit aussi souvent accusée de s’en prendre à ce que les chrétiens de la fin du Moyen Âge vénéraient le plus : l’hostie et la passion. L’Église prône toujours la séparation entre Juifs et chrétiens et lors de sa légation au concile de Bâle, Nicolas de Cues proposera d’ailleurs encore des mesures restrictives à leur encontre265. D’un point de vue strictement local, Bruxelles (le lieu d’origine, de résidence et de travail de Wouter Lonijs) avait elle aussi « son » histoire de Juifs qui n’est autre que la fameuse affaire des hosties sanglantes : en 1370, six Juifs de Bruxelles et de Louvain avaient été condamnés au bûcher pour vol et profanation d’hosties 266. La légende prendra rapidement le relais d’un événement historique attesté par les sources. Du sang aurait coulé des hosties percées par les Juifs et, après quelques péripéties, ces hosties désormais miraculeuses seront finalement déposées à la collégiale Sainte-Gudule de Bruxelles (où Lonijs était chanoine). Tout porte à croire que sa librairie traduit donc cette vénération du saint sacrement dont le culte, très populaire, était ancré dans bien des manifestations religieuses bruxelloises 267. Écriture sainte, morale, ascétique, hagiographie et dévotion personnelle : tel est le tronc commun religieux des bibliothèques constituées par les fonctionnaires laïcs comme par leurs collègues ecclésiastiques. À en croire le panorama des collections privées des XIVe-XVe siècles brossé par G. Hasenohr, il n’y a là rien de bien neuf et encore moins d’exceptionnel 268. Seule la faible percolation des grands textes de la devotio moderna chez les laïcs comme chez les hommes d’Église pourrait représenter une certaine singularité. Quant aux textes concernant les courants hétérodoxes lato sensu (croisade comprise), ils ne constituent pas réellement une spécificité des librairies des officiers des ducs de Bourgogne et leur présence témoigne du climat général observable ailleurs dans les Pays-Bas méridionaux. On soulignera cependant que certains ont pu s’y montrer particulièrement sensibles, que ce soit en raison de traditions locales (comme cela pourrait être le cas pour la littérature antisémite chez le bruxellois Lonijs) ou d’intérêt personnel (comme pour Nicolas Clopper, dont les connaissances en la matière ont peut-être été utilisées par Philippe le Bon). §. IV. Et les loix et décretz monstrent aussi en ce lieu leurs secretz . Les textes à caractère juridique Ubi societas, ibi jus − ou, pour reprendre J.-D. Mellot, ubi jus, ibi codex 269. Piliers 264

Sur les juifs dans les Pays-Bas : Cluse 2000.

265

Guiral-Hadziossif 1990, pp. 849-869.

266

L. Dequeker, Het sacrament van mirakel. Jodenhaat in de Middeleeuwen, Louvain, 2000.

267

Lefèvre 1942, p. 191.

268

Hasenohr 1989 ; Hasenohr 1994, spéc. p. 211.

269

Mellot 2005.

Chapitre II : La composition des librairies

97

fondamentaux de la tradition juridique médiévale, les relations croisées entre société, droit et culture écrite ont trouvé dans les librairies des officiers ducaux un terrain d’expression fertile. Le rôle des juristes dans le processus de construction de l’État bourguignon a été mesuré et analysé par de nombreux auteurs 270. Si leur importance ne cessera de croître à partir du milieu du XVe siècle, ces technocrates du droit se retrouvent toutefois essentiellement aux postes les plus élevés de l’échelle institutionnelle. Le bagage juridique d’un bailli, par exemple, n’offre que peu de points communs avec celui d’un maître des requêtes exerçant au niveau central ou, à plus fortes raisons, avec celui d’un chancelier de Bourgogne. Profonde, la pénétration du droit dans les collections des officiers est également assez large. Ce type de littérature − volontiers délaissée par les historiens du livre médiéval 271 − est loin d’avoir été l’apanage des seules librairies savantes constituées par des universitaires titulaires d’un diplôme in jure. IV. 1. Une très large pénétration du droit S’il est excessif d’affirmer que le droit est omniprésent, un rapide coup d’œil suffit à rendre compte de la présence fréquente de la littérature juridique auprès des officiers. Pour ne citer que ces fonctionnaires au profil intellectuel contrasté, évoquons le livre des cas abregiez de lois et de decrez retrouvé chez l’homme de finances Jean Aubert 272, un ouvrage de droit coutumier aux armes du grand bailli de Hainaut Antoine Rolin 273 ou encore l’extrait des Institutes qui apparaît chez le chantre à la chapelle ducale Richard de Bellengues 274. Aucun d’entre eux n’est titulaire d’un grade académique, pas plus d’ailleurs que Philippe de Chassa qui prélève dans la succession de son débiteur Jean Bayart plusieurs volumes de diversis materiis, scilicet theologie, iuris canonici, legum et alienorum. Susceptible d’intéresser ceux qui n’ont pas été formés à l’Alma Mater, le droit a aussi trouvé sa place dans les librairies d’universitaires qui ont suivi une autre voie que le cursus juridique. Lors de la vente par le chapitre Saint-Donatien de Bruges d’une partie de sa bibliothèque, le docteur en médecine Roland L’Escrivain se porte acquéreur d’un volume de droit civil, de 3 titres canoniques et d’un traité de procédure 275. La littérature juridique occupe une meilleure 270

Entre autres : Bartier 1955-1957 ; Cauchies 1992 ; Boone 1996a ; Vanderjagt 1984 ; Vanderjagt 1989 ; Vanderjagt 1995 ; Dumolyn 2002 ; Dumolyn 2003 ; Dumolyn 2006b.

271

J.-D. Mellot a souligné avec justesse combien l’histoire et la bibliographie du livre juridique ont été jusqu’ici peu cultivées (Mellot 2005, p. 9). À citer néanmoins : Coq 1982, spéc. pp. 190-191 ; Coq - Ornato 1988 ; Nebbiai-Dalla Guarda 2003 ; Lefebvre-Teillard 2005.

272

Répertoire documentaire, n°2.

273

Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, Inc. 1797-54.

274

Les Institutes sont conçues comme un manuel d’enseignement élémentaire destiné à la cupidae legum juventuti et, à ce titre, comptent parmi les livres de droit « généralistes » (Lefebvre-Teillard 2005, p. 13 ; Répertoire documentaire, n°51).

275

Répertoire documentaire, doc.V.

98

Partie II : Voyage au cœur des librairies

place dans la collection de son confrère Simon van der Sluis où elle représente environ 10 %. Si l’on n’y relève aucun texte de droit non savant, le Corpus juris canonici est illustré par le Decretum et le Sextus ainsi que par plusieurs commentaires 276. Avec 3 copies des Institutes, les 2 Digestes, un Inforciatus et un Codex 277, le droit ecclésiastique occupe un rang équivalent dans la librairie de ce médecin ducal qui dispose en outre d’instruments (vocabulaire, index, tituli juris) qui facilitent l’accès à ces usuels 278. Plus ou moins discrets chez ceux pour qui ils ne représentent ni la formation ni le pain quotidien, les ouvrages juridiques imprègnent naturellement bien davantage les bibliothèques des juristes. Les données disponibles invitent toutefois à nuancer légèrement l’opinion selon laquelle le « droit, civil et canonique, vient largement en tête » dans les collections des gens de robe 279. Cette assertion repose en grande partie sur l’analyse des bibliothèques appartenant aux membres du Parlement de Paris sous Charles VI réalisée par F. Autrand et dans lesquelles « le droit tient la première place » 280. À son tour, G. Hasenohr a parlé d’une dominante professionnelle « écrasante » dans les collections des juristes, avocats et notaires exerçant en France aux XIVe-XVe siècles 281. L’auteur ne mentionnant pas le détail de ses sources, il est malheureusement impossible de contrôler le taux de 70 % avancé. En revanche, le nombre de livres de droit relevé dans les collections de 8 gens de robe (entre 1362 et 1419) et présentés par Fr. Autrand permet de revenir sur une prédominance massive et systématique − et qui, à l’en croire, semble relever de l’évidence − des textes juridiques 282. Hormis dans les librairies de Robert Le Coq et de Pierre Fortet où il représente 63 %, le droit ne dépasse jamais 45 % dans les autres bibliothèques. Ces chiffres reflètent une proportion marquée de titres juridiques, certes, mais qui n’est pas hégémonique. Ce constat quelque peu retouché s’applique grosso modo aux officiers ducaux ou, à tout le moins, aux librairies particulièrement bien documentées et qui appartiennent à des légistes. 276

Respectivement n°111, 199, 293, 140 et 141. Parmi les commentaires, citons ceux de Bernard de Parme (n°107) et du Panormitain sur les Decretales (n°98, 99 et 123), la lectura de Johannes de Imola sur les Clementinae (n°109) et le Rosarius super decretis de Guido de Baysio (n°112). Les Decisiones Rotae Romanae apparaissent sous le n°201.

277

Respectivement n°214, n°290, n°264 ; n°259, n°261 ; n°260 ; n°262. Evoquons également les Singularia in causis criminalibus de Ludovicus Pontanus (n°263), le Tractatus cautelarum de Bartholomeus Caepolla (n°129), le Brachylogus (n°42) et un commentaire de Balde sur les Institutes (n°221).

278

À signaler : un index des Decretales (n°209), le Repertorium juris de Jean Milis (n°86), un vocabularius utriusque juris (n°20) et un ouvrage non spécifié repris sous l’entrée Item tituli iuris (n°279).

279

Verger 1997, p. 99.

280

Autrand 1973, p. 1231 (opinion relayée dans Hasenohr 1989, p. 239).

281

Hasenohr 1989, p. 244.

282

Autrand 1973, p. 1231.

Chapitre II : La composition des librairies

99

À deux exceptions près, les textes juridiques y représentent moins d’un tiers de l’ensemble des titres. Leur taux peut être estimé à environ 15 % chez Ferry de Clugny, à un peu plus de 20 % chez Steenberch, à 25 % chez Thomas de Plaine et à environ 30 % chez Wielant et chez Hugonet. Avec 60 % de titres de droit cités dans son testament, la collection de François de Gand fait néanmoins exception, tout comme celle de Nicolas Clopper où ce type d’écrits pèse un peu plus de 40 %. On relève donc que les textes de droit ne sont pas forcément prédominants au sein de ces collections et qu’ils n’en constituent pas systématiquement la caractéristique première. IV. 2. L’audience accordée au droit savant (canon et civil) Steenberch, Clopper et Clugny possèdent davantage de titres de droit canon alors que le droit civil l’emporte chez Wielant, Hugonet et de Gand. Le cas de Thomas de Plaine est particulier puisque des titres des deux corpus de droit savant apparaissent à parts égales. Ces tendances s’expliquent pour certains par le cursus académique (comme pour Wielant, uniquement titulaire d’une licence en droit civil et pour Thomas de Plaine, licencié dans les deux droits) mais les cas des docteurs in utriusque juris Guillaume Hugonet, Ferry de Clugny et François de Gand invitent à ne pas généraliser. À l’échelle de tout le corpus, la littérature juridique canonique se rencontre plus fréquemment. Si l’un ou l’autre texte du Corpus juris civilis figure chez Aubert, Bellengues, Stradio 283 et Lorfèvre 284, les mentions dans les sources d’archives et les livres subsistants concernent davantage de titres canoniques. Telle qu’elle se dessine au travers de ces témoignages, la culture juridique de Jean de Thoisy 285, Guillaume Bont 286, Jean Chevrot 287, Roland L’Escrivain, Jean Bont 288, Jérôme de Busleyden 289 ou Pierre de Boostenswene 290 repose presque exclusivement sur le droit canon. Seule exception : Simon van der Sluis, qui paraît disposer d’un nombre plus ou moins équivalent de textes de l’un et l’autre droit. Enfin, la mention impliquant le conseiller au Parlement de Malines Paul de Rota s’avère inexploitable, puisqu’elle évoque son emprunt d’ouvrages tam iuris canonici quam civilis 291. 283

KBR, Inc. C 195 (1-2).

284

KBR, ms. 14033-41.

285

Un texte de droit romain (n°5) pour 5 de droit canon (voir Répertoire documentaire).

286

Il aurait donné au Val-Saint-Martin de Louvain ses propres commentaires de droit canon (docs IIIIV) mais a légué son Corpus juris civilis à son frère Jean (doc.I.3).

287

Doc.III.1 (Decretum), 2-3 (Decretales) et un texte d’Henri Bohic non spécifié (doc.V).

288

Voir infra.

289

Deux mss reprenant des auctoritates canoniques portent l’ex-libris du Collège des Trois-Langues (KBR, ms. 21190 ; BL, Harley, ms. 3256).

290

Voir infra.

291

Doc.I.

100

Partie II : Voyage au cœur des librairies

Parmi la centaine d’officiers, « l’intégrale » des volumes de base en droit canon ou romain apparaît chez quelques privilégiés 292. On identifie la collection complète du Corpus juris civilis dans les librairies de Philippe Wielant 293 et de François de Gand 294 mais aussi probablement chez Guillaume Bont, qui évoque dans son testament son Corpus juris civilis sans autre détail 295. Le chancelier Hugonet possède les textes fondamentaux en droit romain à l’exception du Parvum volumen296. Avec l’ensemble des auctoritates en droit canon comme en droit civil, Nicolas Clopper est particulièrement bien outillé 297. Qu’il s’agisse de commentaires érudits ou de textes de pratique, l’école des civilistes italiens des XIIIe-XIVe siècles est représentée davantage par Bartole 298, Balde 299, Dinus de Mugello 300, Roffredus Epiphani Beneventanus 301 ou Cinus de Pistoie302 que par Azo 303 ou Accurse304. Les grands auteurs français ne sont pas totalement absents mais semblent plus discrets comparé aux civilistes italiens contemporains 305. Les bibliothèques de Guillaume Hugonet 306, Nicolas Clopper 307, Philippe Wielant 308 et Simon van der Sluis 309 (qui n’est pourtant pas juriste mais médecin) offrent à cet égard la particularité de présenter une ou plusieurs œuvres récentes ou à tout 292

Pour rappel, le Corpus juris civilis est traditionnellement divisé en 5 volumes au Moyen Âge (Codex, Digestum vetus, Digestum novus, Inforciatum et Parvum volumen ; Van Caenegem 1960, p. 312). Le Corpus juris canonici se compose du Decretum, des Decretales, des Clementinae, des Extravagantes et du Liber Sextus.

293

Répertoire documentaire, n°1-6.

294

Répertoire documentaire, n°22-26.

295

Ce qui laisse penser qu’il s’agit de la totalité du Corpus (doc.I.3).

296

Doc.II.4 à 8 et 29 (avec les Instituta).

297

Corpus juris civilis : n°16 à 21 (avec les Instituta) ; Corpus juris canonici : n°2 à 6 et 47.h.

298

Clopper, n°40.b, 40.c, 40.f et 40.g ; de Gand, n°1-8 ; Hugonet, doc.II.27 et 28 (partie I) ; Steenberch, doc.IV.77.b ; Wielant, n°11, 13 et 25 ; Lorfèvre (KBR, ms. 14033-34).

299

Clopper, n°43, 44 et 50 ; Hugonet, doc.II.20 et 34 (partie I) ; van der Sluis, n°221.

300

Clopper, n°47 ; Hugonet, doc.II.50 (partie I) ; Wielant, n°24.

301

Clopper, n°34 ; L’Escrivain, n°1 ; Wielant, n°10a et 10.b.

302

Clopper, n°270 ; Jean de Thoisy, n°5 ; Wielant, n°7.

303

Clopper, n°22 ; de Gand, n°27.

304

Plaine, doc.II.21.

305

Par exemple, Jean Fabri est cité chez Clopper (n°31) et Wielant (n°14). Jean de Blanot apparaît uniquement chez Clopper (n°82).

306

Ludovicus Pontanus (alias Romanus, † 1439) : doc.II.31 (partie I) ; Bartolomeus de Saliceto († 1412) : doc.II.19, 25, 33 (partie I) ; Antonio Mincuccio de Pratovecchio († 1468) : doc.II.23 (partie I) ; Ambrosius de Vignate († 1476-1478) : doc.II 26 (partie I) ; Angelus de Gambilionus Aretinus († après 1451) : doc.II.32 et 70 (partie I).

307

Jean Milis : n°61 et 62 ; Johannes de Imola († 1436) : n°39, 54 et 60 ; Antoine de Butrio († 1408) : n°30 et 34.

308

Jean Milis : n°19 ; Ludovicus Pontanus : n°30 ; Angelus de Gambilionus Aretinus : n°21.

309

Jean Milis : n°86 ; Johannes de Imola : n°109 ; Ludovicus Pontanus : n°265.

Chapitre II : La composition des librairies

101

le moins composées dans le courant du siècle. Le constat vaut d’ailleurs aussi pour nombre de glossateurs canonistes qu’on repère dans leurs librairies ainsi que dans celles de François de Gand 310, Martin Steenberch 311, Jean Bont 312 et Pierre de Boostenswene313. Pour autant, ces pièces contemporaines n’occultent pas complètement les auctoritates en droit canon dont les noms apparaissent régulièrement, comme Jean André 314, Henri Bohic 315, Nicolas de Tudeschis 316, Guillaume Durand 317 ou encore Hostiensis 318. Enfin, certaines sources attestent de la réception d’auteurs juridiques issus du sérail louvaniste. Le compte d’exécution testamentaire de Martin Steenberch fait état d’écrits rédigés par Guillaume Bont, Rodolphe de Beringen, Antoine Laecman et Jean de Lyzura. Hormis ce dernier, il est plus que probable qu’il s’agisse de professeurs de droit dont Steenberch a suivi l’enseignement lors de son cursus académique à l’Université de Louvain 319. C’est d’ailleurs aussi dans le cadre de ses études à Turin que Guillaume Hugonet aurait connu Ambrosius de Vignate, professeur de droit et auteur d’une lectura sur le 8e livre du Digestum vetus qui figurait encore à sa mort dans la collection du chancelier 320. IV. 3. La place du droit coutumier En matière de droit coutumier, citons d’abord l’édition imprimée de la Somme rural aux armes d’Antoine Rolin et les Coutumes des duché et comté de Bourgogne dans la rédaction d’août 1459 qui ont appartenu à Hugonet 321. Il faut également évoquer le cartulaire du Hainaut composé dans les années 1296-1297 et dans 310

Johannes de Plathea († 1427) : n°31-32.

311

Antoine de Butrio : n°105. Au registre des civilistes contemporains, il possédait aussi un texte de Jean Milis (doc.IV.101) et d’Angelus de Gambilionus Aretinus (doc.IV.116).

312

En 1443, le chancelier de Brabant donne à la collégiale Sainte-Gudule un Gnotosolitos, œuvre mêlant droit canon et théologie rédigée par Arnold Gheiloven en 1426 (doc.I). Il disposait aussi d’un Vaticanus composé par le même auteur en 1424 et qu’il offre au Rouge-Cloître en 1452 (ÖNB, ms. s.n. 12703).

313

Boostenswene offre au Val-Saint-Martin de Louvain un manuscrit en deux volumes du Vaticanus d’Arnold Gheiloven datés de 1424-1425 (KBR, ms. 1169-70 ; Paris, Mazarine, ms. 1536 ; voir aussi doc.IV).

314

Clopper, n°8, 29, 76 et 81 ; Hugonet, doc.II.24 (partie I) ; Steenberch (doc.IV.37.a) ; Jean de Thoisy (n°2-3 et 4) ; Wielant (n°9).

315

Clopper, n°9 à 11, 12.a., 13 et 214 (qui est un répertoire des Distinctiones) ; Chevrot, doc.V ; Hugonet, doc.II.17 (partie I) ; Wielant, n°36.

316

van der Sluis, n°98, 99 et 123 ; Steenberch, doc.IV.77.a, 93, 94 et 95.

317

Clopper, n°7 ; Wielant, n°8.

318

Clopper, n°90 ; Steenberch, doc.IV.111.b (répertoire de la Summa Hostiensis).

319

Doc.IV.106, 107, 108.a, 108.b, 108.c, 109a., 109b, 109c, 110 et 112 (Van Hoorebeeck 2006b, pp. 335-339).

320

Doc.II.26 (partie I).

321

Montpellier, Bibliothèque interuniversitaire, Faculté de Médecine, ms. H. 393.

102

Partie II : Voyage au cœur des librairies

lequel Henri de Berghes a inscrit son ex-libris 322. Le passage de cet ouvrage entre les mains d’un des principaux ministres de Philippe le Beau rappelle combien son contenu de politique générale hennuyère n’était en rien périmé à la fin du XVe siècle. En matière de droit non savant, Philippe Wielant est paradoxalement bien peu équipé. Dans le catalogue de sa librairie, la rubrique Autres livres reprend des ordonnances du Conseil de Flandre, un exemplaire de La paix de Conflans et autres traictiez ainsi qu’un recueil des Paix d’Arras, de Peronne et autres et les ordonnances et institucion du parlement a Malines 323. Ce dernier manuscrit partiellement autographe correspond au Bruxellensis 20642-68 dont Wielant s’est servi pour rédiger ses Antiquités de Flandre, vaste somme consacrée à l’histoire de Flandre où l’éminent avocat évoque fréquemment les institutions juridiques 324. Quant au rapiamus de plusieurs matieres en droit et à cet autre rapiamus de plusieurs autres matieres eux aussi copiés par Wielant, peut-être contenaient-ils des textes de droit coutumier qu’il est impossible d’identifier faute d’avoir retrouvé ces sortes de cahiers de notes 325. Ce tour d’horizon ne serait pas complet sans mentionner l’ordonnance bruxelloise du 26 août 1430 relative à la mainmorte 326 et le texte de la Joyeuse entrée de Brabant 327 décrits chez Nicolas Clopper de même qu’un ouvrage en français continens ordinarium curie consilii Brabantie dans la collection de son collègue Wouter Lonijs 328. De prime abord, il peut sembler naturel de ne trouver que fort peu de droit coutumier chez des représentants de l’autorité princière, disciples et promoteurs des droits canon et civil essentiels aux visées centralisatrices des ducs de Bourgogne. Ce serait néanmoins faire fi de deux données fondamentales dont la première est intimement liée à l’histoire institutionnelle, politique et sociale de l’État bourguignon : la coutume y a pesé d’un poids considérable et le droit romain comme le droit ecclésiastique se sont heurtés durant toute la période bourguignonne au droit coutumier qui restait l’une des sources de droit « privilégiée » (dans les deux sens du terme) 329. En second lieu, on aurait tort d’opposer trop fermement l’un et l’autre système juridique. Ainsi, G. van Dievoet a montré combien tout en restant fondamentalement une œuvre traitant du Landrecht et du Lehnrecht, la Somme rural de Boutillier constituait un

322

Valenciennes, BM, ms. 784. Voir aussi Partie III, chap. II, §. III.2.C.

323

Respectivement n°92, 93.a, 93.b et 97.a, 97.b, 97.c et 97.d.

324

Ce ms. contient aussi une copie contemporaine de l’ordonnance de Thionville (1473).

325

Respectivement n°95 et 96.

326

Répertoire documentaire, n°117.f.

327

Répertoire documentaire, n°117.d.

328

Répertoire documentaire, n°112.

329

Boone 1996a, p. 113.

Chapitre II : La composition des librairies

103

exemple-type d’assimilation du droit romano-canonique330. Comment dès lors comprendre les traces pour le moins discrètes de la consuetudo chez les agents ducaux ? L’explication est peut-être simplement d’ordre pratique : certains n’ont probablement pas éprouvé le besoin de posséder en propre des textes qu’ils pouvaient consulter ad fontes dans les institutions (conseils ou chancelleries) où ils exerçaient 331. Le cas d’Edmond de Dynter est à cet égard illustratif. À la demande du duc, ce secrétaire à la Chancellerie de Brabant entreprend en 14431444 sa Chronica nobilissimorum ducum Lotharingiae et Brabantiae ac regum Francorum pour laquelle il sera payé le 4 septembre 1447 332. Afin de rédiger ce texte considéré comme la plus importante chronique de Brabant du XVe siècle, de Dynter a abondamment puisé dans les documents d’archives de la chancellerie brabançonne où il travaillait dès 1430 333. Enfin, les bibliothèques des agents ducaux proposent souvent en complément aux auctoritates juridiques une abondante littérature d’ordre plus pratique qui mêle traités de procédure et de terminologie aux répertoires et aux recueils d’ordonnances en passant par les dictionnaires, les formulaires et autres artes notariae 334. Si en général ces collections ne présentent à cet égard aucune originalité, une attention particulière mérite d’être portée à Nicolas Clopper et à Philippe Wielant. Le premier a gardé dans sa librairie des formulaires en vigueur à la chancellerie apostolique, témoins directs de ses fonctions d’abbreviator à la curie romaine dans les années 1433-1440 335. Le second a rangé parmi ses livres de droit canon un Remissorium iuris de Viridi Valle in 4 voluminibus dans lequel on reconnaîtra aisément une des œuvres-maîtresses d’Arnold Gheiloven 336. Le dédicataire de cet imposant compendium de textes législatifs n’est autre que Jean Bont, premier chancelier de Brabant et docteur dans les deux droits 337.

330

Van Dievoet 1986, pp. 38-41 ; Gilissen 1986, pp. 18 et 87.

331

C’est également l’hypothèse émise par D. Van den Auweele, G. Tournoy et J. Monballyu pour expliquer la pauvreté du droit non savant dans la librairie du « père du droit coutumier flamand », Philippe Wielant (Van den Auweele - Tournoy - Monballyu 1981, p. 155).

332

ADN, B 1994, fol.155v. Philippe le Bon confiera à Jean Wauquelin la traduction française de cette chronique (lire notamment Stein 1994 ; Small 2000).

333

Sur cette pratique attestée par ailleurs : Small 1997, pp. 137-143 ; Small 2006b. Certaines annotations autographes en relation directe avec sa Chronica figurent en outre dans 10 volumineux registres de documents diplomatiques intitulés (Zwarte registers ; Bruxelles, AGR).

334

Van Dievoet 1986 (formulaires et artes notariae) ; Van Caenegem 1960 ; Van Caenegem 1967.

335

Répertoire documentaire, n°84, 85, 86, 87, 115.b, 120.a et 121 (Von Schulte 1956, pp. 70-72).

336

Répertoire documentaire, n°37-38-39-40 (sur ce texte : De Backer 1987). L’allusion au RougeCloître s’explique par l’entrée de Gheiloven dans ce couvent en 1407 (Van Hoorebeeck 2006b, p. 345, n. 217).

337

À noter : un tractatus magistri Ihoannis Bont de usuris apparaît en avril 1473 dans l’inventaire des biens de Jean Braen, curé de Saint-Nicolas à Bruxelles (CCB-IV 2001, n°67.15).

104

Partie II : Voyage au cœur des librairies

Le droit romain et dans une moindre mesure le droit canon constituent donc le fondement principal du bagage juridique de bon nombre d’officiers des ducs de Bourgogne. À cet égard, on ne peut certainement pas parler d’une domination écrasante du droit canon comme il semble que ce soit le cas dans les collections des parlementaires parisiens sous Charles VI 338. Sans être totalement absents de leurs librairies, les textes coutumiers n’apparaissent que de manière épisodique, ce qui s’expliquerait (du moins partiellement) par l’accès aisé pour certains possesseurs aux dépôts où étaient conservés ce type de documents. Sur ce dernier point, les bibliothèques des fonctionnaires tranchent nettement avec les collections montées par leurs collègues une ou deux générations plus tard. En matière de droit non savant dans nos régions, il faudra attendre le premier tiers du XVIe siècle pour que, grâce à l’imprimerie, le droit coutumier fasse une entrée remarquée dans des librairies de juristes 339. §. V. Tant légendes comme chroniques, histoires, gestes et autres . Les textes à caractère historique Sous la plume d’un David Aubert, les bienfaits de la lecture personnelle ou publique des textes à caractère historique résonnent presque comme une antienne 340. En plus d’être un bel miroir pour adrechier et enseignier tous nobles cœurs en prouesses d’honneur et chevallerie, l’histoire présente aussi l’intérêt d’esmouvoir et enflamber les cueur des lisans et escoutans, permet d’eviter et fuir œuvres vicieuses, deshonnestes et vituperables et invite à emprendre et accomplir choses honnestes et glorieuses et tresdignes de merites en perpetuelle memoire 341. Bien d’autres témoignages contemporains viennent confirmer cet engouement. On se souviendra par exemple de ce sien citoyen qui, connaissant l’attrait de Philippe le Bon pour les récits historiques, lui présenta une copie des Miracles de saint Hubert, estant certain qu’il sur toutes choses prenoit plaisir de veoir par escript et oyr racompter les fais des anciens 342. Raymond de Marliano apporte en 1474 un éclairage du même ordre à propos de Charles le Téméraire, lui aussi amateur d’histoires romaines et de

338

Autrand 1973, p. 1231.

339

Ce phénomène s’observe par exemple chez Andries de Roubaix, conseiller au Grand Conseil de Malines (Van Caenegem 1960, n°54 ; Foncke 1916, pp. 249-253) et dans la collection de son collègue Pierre L’Apostole où sont décrits une dizaine de libri consuetudinum (K. Mannaerts, De bibliotheek van raadsheer Pierre Lapostole († 1532), dans Handelingen van de Koninklijke Kring voor Oudheidkunde, Letteren en Kunst van Mechelen, n°103, 2000, pp. 125-173). Côté français, la librairie de l’hôtel de ville d’Amiens contenait en 1551 plusieurs ordonnances et coutumiers imprimés aux côtés d’ouvrages de référence en droit civil (Labarre 1971, pp. 367-374).

340

Sur l’historiographie dans les Pays-Bas bourguignons au XVe siècle : Lacaze 1971 ; van Buren 1995 ; Small 1996 ; Small 1997 ; Small 1998 ; Small 2000 ; Small 2006a ; Small 2006b.

341

Prologue du Gilles de Trazegnies daté de 1463 et exécuté à la demande d’Antoine de Bourgogne (Dülmen, Collection du duc de Croÿ, ms. 50, fol.Gv).

342

David Aubert, prologue des Miracles de saint Hubert (La Haye, KB, ms. 76 F 10, fol.8r).

Chapitre II : La composition des librairies

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chronicques de tous royaulmes, pays et nations 343 tandis que le traducteur des Anciennes chroniques de Pise évoque le temps volontiers consacré par le duc à oyr lire pour retenir les fais des anciens dignes de recommendacion 344. Une génération plus tard, les connaissances historiques de Philippe le Beau sont érigées au rang de vertu dans la gratulatio composé en 1494 par Franciscus Cremensis à l’occasion de la Joyeuse Entrée du prince à Louvain 345. Ce genre qui joint l’utile à l’agréable a trouvé de fervents amateurs au sein de la famille ducale et de la haute noblesse bourguignonne. La présence très marquée d’œuvres historiques dans la librairie princière comme dans les collections des grands lignages aristocratiques constitue assurément l’une des caractéristiques des bibliothèques dites « bourguignonnes ». Sous forme encyclopédique ou régionale, ancienne ou contemporaine, religieuse ou profane, réelle ou fictive, Clio a également trouvé parmi les fonctionnaires ducaux un public particulièrement réceptif. Pas une des collections pour lesquelles on dispose de ressources documentaires assez larges qui ne contiennent au moins un texte d’histoire, d’autres n’étant même connues que par un témoin de ce genre littéraire. Trois veines principales traversent la mosaïque de textes historiques : l’histoire universelle ou encyclopédique ; l’histoire régionale ou qui traduit une assise plus locale ; et enfin l’histoire ancienne, tant grecque que romaine. V. 1. L’histoire universelle À l’évidence, des œuvres anciennes au succès consommé tels le Speculum historiale de Vincent de Beauvais 346, le Chronicon pontificum et imperatorum de Martin de Troppau 347, l’Historia scolastica de Pierre le Mangeur 348 ou l’Historia ecclesiastica d’Eusèbe de Césarée 349 conservent encore les faveurs d’une large frange d’officiers entre ca 1420 et 1520. Passéistes, les goûts des fonctionnaires des ducs de Bourgogne en matière de textes historiques à portée universelle ? La présence de titres bien plus contemporains chez plusieurs d’entre eux prouve le contraire. Passons rapidement sur la seule Fleur des Histoires de Jean Mansel aux armes de Thomas de Plaine 350 et sur le Liber de temporibus de Matteo 343

Paravicini 2000, p. 287, n. 159.

344

Doutrepont 1909, p. 468.

345

KBR, ms. 15860 (Philippe le Beau 2006, n°12).

346

Clugny, n°6-7 ; Chevrot, doc.V ; Haveloes, n°31 ; Hugonet, doc.II.15 (partie I) ; Jean II Rolin, doc.XI.28. Le volumen speculi fratris Vincentii signalé chez Van der Sluis (n°95) ne permet pas de se prononcer.

347

de Gand, n°16 ; Le Musnier, n°14 ; Jean II Rolin, doc.XI.13.

348

Jean Bont (doc.II), Clugny (n°8), Haveloes (n°25), Hugonet (doc.II.48, partie I), Steenberch (doc.IV.121) et Wielant (n°53).

349

Lonijs (doc.II.30), van der Sluis (n°39 et 315), Steenberch (doc.IV.122.a ?) et Wielant (n°48 ?).

350

Baltimore, WAG, ms. W. 305.

106

Partie II : Voyage au cœur des librairies

Palmieri signalé chez Wielant 351 et Steenberch 352 pour évoquer le Fasciculus temporum de Werner Rolevinck, une pièce à succès qui apparaît plus volontiers 353. Au-delà de ces quelques constantes, les œuvres d’histoire à large spectre chronologique ou géographique sont fréquentes mais assez disparates dans leur aire de diffusion comme dans leur nature. Côté ecclésiastique, trois chanoines de la collégiale Sainte-Gudule possèdent l’Historia trium regum de Jean d’Hildesheim 354 et, toujours en Brabant, l’intérêt pour l’histoire manifesté par le prévôt de Louvain Nicolas Ruter est directement perceptible au travers de sa commande d’un Chronodromon composé par Jean Brandon 355. À Bruxelles enfin, la librairie de Richard de Bellengues comprenait un Trésor des Histoires 356 et une copie de l’Arbre des batailles d’Honoré Bovet 357. Chez les propriétaires laïcs, on repère ce même texte de Bovet dans la famille de Baenst 358 dont un représentant inscrira son ex-libris dans une édition parisienne de la Mer des Histoires 359. Ce succès de librairie figure également chez l’auditeur à la Chambre des comptes en Brabant Corneille Haveloes qui possédait en outre deux textes d’histoire sacrée, les Vitae pontificum de Bartolomeo Platina et l’Historia patrum 360. La belle bibliothèque du grand bailli de Hainaut Antoine Rolin comptait une Chronique dite de Baudouin d’Avesnes 361 réalisée entre 1442 et 1488 ainsi qu’autre copie des environs de 1470 362. Quant à Pierre de Hauteville, il entendait léguer à son beau-frère un livre qui parle de croniques de France et de pluiseurs autres croniques 363. L’intitulé laisse le champ libre à toutes les identifications, à l’instar de la chronique latine du commancement du monde jusques en la fin décrite dans la librairie du chancelier Hugonet 364, des 43 cahiers non reliés d’une chronique en néerlandais retrouvés chez Lonijs 365 et de ce livre de Croniques couvert de parchemin en 351

Répertoire documentaire, n°112.b.

352

Répertoire documentaire, n°122.b.

353

Guy de Baenst, n°2 ; Haveloes, n°57.a ; Jean II Rolin, doc.IX.9 ; Steenberch, doc.IV.126.a et Wielant, n°105.

354

Steenberch, doc.IV.61 ; Clopper, n°100 ; Lonijs, doc.II 66 (in theutonico).

355

KBR, mss II 1169a-b-c (Ruter). Détails dans la Partie III, chap. II, §. III.1.B.

356

Répertoire documentaire, n°10-11-12 et 13.a.

357

Répertoire documentaire, n°13.b.

358

KBR, ms. 18209.

359

KBR, Inc. C 153-154.

360

Répertoire documentaire, n°19 et 43.b.

361

Copenhague, KB, ms. Thott 432 2° ; La Haye, KB, ms. 132 A 14.

362

Princeton, Museum of Historical Art, ms. y 1932-1933.

363

Répertoire documentaire, doc.I.2a et 2.b.

364

Répertoire documentaire, doc.II.40 (partie I).

365

Répertoire documentaire, doc.II.86.

Chapitre II : La composition des librairies

107

grant volume en possession de Jean Aubert 366. V. 2. L’histoire « nationale », régionale et locale Les textes qui mettent en scène des événements survenus à l’échelle « nationale », régionale ou locale s’avèrent non seulement plus nombreux mais aussi plus diversifiés que les pièces d’histoire universelle. S’il est malaisé de dégager des lignes de force dans ce panorama littéraire assez pointilliste, on peut néanmoins y distinguer les textes qui concernent d’une part l’histoire (parfois croisée) d’Angleterre et de France, d’autre part les écrits relatifs à certains territoires intégrés ou qui intégreront le giron bourguignon et, enfin, l’historiographie bourguignonne. A. Angleterre et France Au registre de l’histoire britannique, Martin Steenberch 367 et Simon van der Sluis 368 sont les seuls propriétaires d’une copie de l’Historia ecclesiastica gentis Anglorum de Bède le Vénérable. L’histoire de France est par contre un peu mieux représentée grâce surtout aux Grandes chroniques de France : un boeck in walsche van den cronycken der coningen van Vranckrycke est décrit dans la collection de Corneille Haveloes 369 tandis que des Grandes chroniques de France présentent les armes d’Antoine Rolin 370. Par ailleurs, une notule dans un exemplaire des Grandes chroniques de France indique que ce volume a été achate du gouverneur de Lille pour venir enrichir la librairie de Bourgogne 371. Un faisceau d’arguments que nous développerons plus loin laisse penser que ce personnage n’est autre que Baudouin d’Oignies, maître de l’hôtel d’Isabelle de Portugal de 1430 à 1437 et gouverneur du souverain bailliage de Lille, Douai et Orchies de 1435 à sa mort en 1459 372. Ce manuscrit n’est pas le seul volume à avoir été vendu par Baudouin d’Oignies à la maison ducale. Bien plus modeste que les Grandes chroniques de France, le Bruxellensis 11138-39 s’ouvre sur les Vœux du héron, dramatisation poétique sur l’origine de la guerre de Cent ans composée vers 1340-1342 et dont l’intrigue littéraire prend place à la cour du roi Edouard III. Il est encore question de la France avec le texte suivant, une Généalogie de plusieurs rois de France et de leurs hoirs, à distinguer de la Généalogie des rois de France du « Grand Recueil La Clayette » qui a peut-être appartenu à Louis de Chantemerle373. Le Bruxellensis 11138-39 se 366

Répertoire documentaire, n°6.

367

Répertoire documentaire, doc.IV.7.b.

368

Répertoire documentaire, 10.b.

369

Répertoire documentaire, n°19, 43.b, et 4 et 15.

370

Berlin, Deutsche Staatsbibliothek, ms. Phillipps 1917.

371

KBR, ms. 2.

372

Voir Partie III, chap. II, §. VI.2.A.

373

BNF, nouv. acqu. fr., ms. 13521.

108

Partie II : Voyage au cœur des librairies

clôt sur une Chronique de France et de Flandre. Dans la même veine, citons encore cette Chronique normande du XIVe siècle aux armes de Louis de Chantemerle 374. Si les faits saillants de l’histoire de France et de Flandre sont au cœur de la Chronique normande, les événements qui impliquent la France et l’Angleterre constituent le thème central des Chroniques de Jean Froissart. Rapide et durable, le succès de l’opus magnum du poète valenciennois est attesté un peu partout, notamment dans la librairie ducale et dans les collections de la haute noblesse bourguignonne 375. Hormis un Livre IV daté de 1470 et qui a pu appartenir à Guillaume de Ternay 376, on n’en trouve pourtant aucune attestation dans les collections des officiers. B. Hainaut, Brabant, Hollande et Flandre Qu’en est-il de la réception auprès des officiers de Bourgogne des œuvres historiques relatives à une ville, une région ou une principauté ? En Hainaut, deux possesseurs au profil contrasté ont fait réaliser une copie des Annales Hannoniae de Jacques de Guise dans la traduction française composée par Jean Wauquelin à la demande de Philippe le Bon (mais probablement sur la recommandation d’un fonctionnaire hennuyer, Simon Nockaert). Antoine Rolin en a commandé vers 1490 un exemplaire de luxe 377 tandis que Jean Thirou, receveur du domaine comtal au district de Mons, précise avoir fait escripre a mes despens en 1450 une copie plus modeste dont toutes les corrections ont este faittes de et par le main de Jehan Waukelin, translateur 378. Pour le Brabant, un témoignage de premier ordre est fourni par un recueil de textes historiques partiellement transcrit en 1444 par le secrétaire puis greffier à la Chancellerie de Brabant, Edmond de Dynter 379. Outre quelques pièces en rapport avec l’histoire de Hollande (la Hollantsche cronike du Héraut Gelre et la Chronicon de episcopis Ultraienctensibus et comitibus Hollandiae de Johannes de Beka), le volume comprend quatre textes d’Edmond de Dynter dont il s’est servi dans la rédaction de sa Chronica nobilissimorum ducum Lotharingiae et Brabantiae ac regum Francorum. Cette célèbre chronique entamée par le secrétaire en 1443-1444 sur ordre de Philippe le Bon, se retrouverait-elle dans la bibliothèque du conseiller au Conseil de Brabant Nicolas Clopper ? Une Prima pars cronice Brabantie suivie d’une 2a pars du même texte sont décrites en 1472 dans la librairie de sa

374

BNF, ms. fr. 18929.

375

Le Guay 1998 ; Small 1996, pp. 283-284.

376

KBR, ms. IV 467.

377

Oxford, BL, Douce, ms. 205.

378

Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 122/290.

379

KBR, ms. 5753-59.

Chapitre II : La composition des librairies

109

demeure bruxelloise380. Un ancrage bruxellois commun, l’exercice d’une fonction parallèle dans l’appareil d’État bourguignon au niveau brabançon et l’aura d’Edmond de Dynter pourraient plaider en ce sens. L’un a en effet longtemps officié à la Chancellerie de Brabant tandis que l’autre travaillait en qualité de conseiller au Conseil de Brabant. Même si de Dynter se retire de la vie administrative ducale quelques années avant que Clopper n’entre au Conseil de Brabant, en 1441, l’auteur de la Chronica vivra encore jusqu’en 1449 et le nom de cette personnalité de l’intelligentsia bruxelloise n’était certainement pas tombé dans l’oubli. Nicolas Clopper évoluait donc dans le cercle de réception le plus immédiat de la chronique rédigée par son collègue. Or on observe que l’atout que représente la proximité constitue une donnée fondamentale dans la diffusion d’un texte – il en sera question plus loin à propos d’œuvres historiques rédigées par Georges Chastelain. L’historiographie en Flandre bénéficie de l’éclairage particulier fourni par Roelant Ier de Baenst et Philippe Wielant. Le premier a officié dans les années 1450-1460 en qualité de bailli des Quatre métiers et aurait fait partie du conseil de Philippe le Bon. Un registre à caractère administratif où figure notamment, un inventaire de ses biens comprend un résumé d’une traduction française du De multro, traditione, et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriae de Galbert de Bruges 381. Le meurtre de Charles, comte de Flandre, survenu dans l’église SaintDonatien de Bruges le 2 mars 1127 est au cœur de cette chronique dont le résumé pourrait avoir été transcrit dans les années 1480 par Roeland luimême 382. Cette traduction française est la seule attestation médiévale d’une certaine forme de diffusion de la chronique de Galbert de Bruges. Le texte latin dans son intégralité n’est en effet connu que par deux manuscrits du XVIIe siècle et tout laisse croire qu’il n’y aurait jamais eu de copie médiévale de l’ensemble de la chronique383. Entre autres possibilités, Roeland Ier de Baenst a peut-être eu connaissance de ce texte par Anselme Adorne, familier de son cousin Jan III et avocat du prévôt de l’église Saint-Donatien à Bruges, lieu probable où aurait pu être conservé un exemplaire de la chronique de Galbert de Bruges 384. Toujours en Flandre mais à Gand, cette fois, Philippe Wielant possédait une très belle collection de livres à caractère historique décrits par ses soins en avril 380

Répertoire documentaire, n°68 et 69.

381

Bruges, Stedelijk openbare Bibliotheek, ms. 442, s. 15.

382

Ou par son fils aîné Antoine Roelandszoon (Buylaert 2002-2003, II, fiche XLVII).

383

Galbert de Bruges. De multro, traditione et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriae, éd. J. Rider, Turnhout, 1994, p. XXXVII.

384

J. Rider, Galbert of Bruges’ Journal : from medieval flop to modern bestseller, dans Verhalende bronnen. Repertoriëring, editie en commercialisering, éd. L. Milis, V. Lambert et A. Kelders, Gand, 1996, spéc. p. 80.

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Partie II : Voyage au cœur des librairies

1483 et rangés sous la rubrique Historie 385. Il y signale notamment de manière assez laconique des chroniques de Flandre latines et françaises 386. À nouveau, les possibilités d’identification sont nombreuses, qu’il s’agisse de la Flandria generosa, de la Cronica Flandriae de Jean Brandon, Gilles de Roye et Adrien de But, des Anciennes chroniques de Flandre en français ou encore de la Chronicon Flandriae du seul Adrien de But 387. Il ne fait en revanche aucun doute que l’auteur du Recueil des Antiquités de Flandre s’est appuyé pour sa rédaction sur certaines œuvres en rapport avec l’histoire politique et institutionnelle de sa région natale, rassemblées dans un recueil partiellement autographe. Outre des notes sur les noms, la durée de règne, les principales actions, les lieux de sépulture et la généalogie des comtes de Flandre, il faut signaler des considérations sur le nom Flandre, des mentions sur les premières villes flamandes, sur le nom et le titre de forestier, sur les évêchés en Flandre ou encore sur les guerres entre les rois de France et les comtes de Flandre 388. C. L’historiographie bourguignonne Reste enfin à traiter des textes d’actualité produits pour la maison de Bourgogne par les chroniqueurs officiels et plus particulièrement par Georges Chastelain et Jean Lefèvre de Saint-Rémy. G. Small a démontré que la Chronique de l’indiciaire n’avait pas trouvé écho auprès des fonctionnaires ducaux au XVe siècle, ce que confirme notre enquête 389. L’œuvre historiographique de Chastelain a pourtant connu une certaine diffusion au sein du lectorat des officiers. Le valet de chambre Jean Machefoing a apposé sa signature dans un exemplaire de la Déclaration de tous les hauts faits et glorieuses aventures du duc Philippe de Bourgogne rédigée par Chastelain à la suite du décès du duc 390. À l’instar de Nicolas Clopper pour la Chronica d’Edmond de Dynter, ses fonctions occupées au sein de l’hôtel ducal placent Jean Machefoing dans le premier cercle de réception des écrits de l’indiciaire qui le cite d’ailleurs nommément dans sa Chronique 391. La Déclaration de tous les hauts faits est une pièce brève, écrite en français et qui brosse un portrait nuancé des qualités et des faiblesses de Philippe le Bon et de son fils : autant d’atouts 385

Répertoire documentaire, n°98-121.

386

Répertoire documentaire, n°114.b et 120.

387

Van den Auweele - Tournoy - Monballyu 1981, p. 179 ; Monballyu 1983, p. 172, n. 86. Wielant aurait pu connaître personnellement Adrian de But durant ses études (Van den Auweele - Tournoy - Monballyu 1981, p. 153).

388

Monballyu 1983.

389

Small 1998. Nous indiquons à dessein cette précision chronologique puisque le seul fonctionnaire possesseur d’une copie de la Chronique de Chastelain est attesté plus tardivement. Il s’agit du maître à la Chambre des comptes de Lille Charles Le Clerc († 1533).

390

Paris, Sainte-Geneviève, ms. 1999.

391

Kervyn de Lettenhove 1863-1866, IV, p. 236.

Chapitre II : La composition des librairies

111

propres à séduire un lecteur tel que Jean Machefoing, serviteur personnel durant de longues années du « héros » au centre des débats. Comme en atteste le fameux « Recueil » de la Laurentienne, Jean Machefoing n’est pas le seul agent ducal à s’être senti concerné par ce texte écrit par un auteur qui fréquentait le même milieu que le sien 392. Outre la Déclaration de tous les hauts faits, ce volumineux manuscrit comprend d’autres pièces historicopolitiques de Chastelain en prise directe avec l’actualité : les Paroles de trois puissants princes où il est question de la paix d’Arras (1435), le Livre de Paix qui évoque tout comme le Mystère sur la Paix de Péronne le traité signé avec Louis XI à Péronne en 1468, la Mort du roi Charles VII (1461), l’Advertissement au duc Charles (1468) ou encore les Faits de Jacques de Lalaing, dans un registre plus courtois. Les preuves formelles manquent pour identifier le premier propriétaire de ce recueil mais un faisceau d’éléments pointent résolument en direction de Philippe Bouton 393. Contemporain de Georges Chastelain, Jean Lefèvre de Saint-Rémy (alias Toison d’or) avait été choisi par Philippe le Bon pour assumer, le premier, les fonctions de roi d’armes du nouvel ordre de la Toison d’or. On lui doit notamment une Épître sur les faits d’armes de Jacques de Lalaing qui porte sur les années 1445-1450 et dont Chastelain s’inspirera d’ailleurs pour son propre récit 394. Jean Lefèvre de Saint-Rémy pourrait s’être appuyé sur cette composition pour la rédaction de sa Chronique dans laquelle il relate de nombreux événements survenus à la cour de Bourgogne entre 1408 et 1436. Philippe Wielant est le seul officier à posséder cette œuvre qu’il intitule dans son catalogue La cronike de France faicte par Toyson d’or 395. C’est aussi chez lui qu’apparaissent quelques autres pièces en relation directe avec des faits marquants de l’histoire politico-institutionnelle des Pays-Bas méridionaux − des événements qui, pour certains, avaient également retenu l’attention de Chastelain. Philippe Wielant signale ainsi un volume de La paix de Conflans et autres traictiez de même qu’un recueil des Paix d’Arras, de Peronne et autres et des ordonnances et institucion du parlement a Malines 396. V. 3. L’histoire ancienne Plusieurs générations de philologues, d’historiens et d’historiens d’art ont parlé de l’attrait pour l’histoire de l’Antiquité manifesté à la cour de Bourgogne tant par la maison ducale que par les illustres bibliophiles de leur entourage. David Aubert 392

Florence, BML, ms. Med. Pal. 120.

393

Hypothèse avancée notamment dans Bliggenstorfer 1984, p. 144 et Small 1997, pp. 121 et 123.

394

DLFMA 1992, pp. 804-805.

395

Répertoire documentaire, n°94.

396

Répertoire documentaire, n°93 et 97 (KBR, ms. 20642-68).

112

Partie II : Voyage au cœur des librairies

ne décrit-il pas Philippe le Bon comme un prince accoustumé de journellement faire lire devant luy les anciennes histoires 397 ? La lettre de Jean de Lannoy écrite en 1465 à son héritier Louis en apporte un témoignage complémentaire. Parmi les nombreux conseils prodigués à son jeune fils, Lannoy recommande la lecture des cronicques et par espécial les hystoires romaines qui mettent en scène la vaillance, prudence et diligence des héros antiques 398. Si le goût pour l’histoire ancienne affiché par les ducs et la noblesse des Pays-Bas bourguignons est un fait largement établi, on sait moins que l’univers gréco-romain a également séduit les fonctionnaires ducaux qui lui ont réservé une large place dans leurs collections. À en juger par le nombre d’attestations, leurs connaissances en histoire ancienne semblent avoir été assurées au premier chef par Valère Maxime et saint Augustin. Sous forme imprimée ou manuscrite, en copie de luxe ou dans une présentation plus modeste, le recueil d’anecdotes moralisantes du célèbre consul romain apparaît aussi bien en version latine 399 que dans la traduction française de Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse400 voire au travers des Commentarii de Dionigi da Borgo San Sepulcro 401. Steenberch, Wielant et van der Sluis en ont possédé plusieurs exemplaires et Jean III Gros comme Godevaert de Wilde en ont personnellement commandé une copie illustrée. Le même constat vaut pour le De Civitate Dei de saint Augustin dont il a déjà été question à propos des textes à caractère religieux mais qui mérite d’être évoqué ici, vu la nette coloration historique des dix livres de sa première partie. La traduction française de Raoul de Presles a ainsi reçu les faveurs de Gui Gilbaut, Jean Chevrot et Jan III de Baenst 402 qui ont choisi d’en faire réaliser une copie à leurs frais tandis que l’opus magnum de l’évêque d’Hippone apparaît en version latine dans les collections d’Haveloes, Lonijs, Plaine et Wielant 403. En termes de popularité, Tite-Live, César, l’historien juif Flavius Josèphe et son collègue Salluste se placent juste derrière ces deux best-sellers médiévaux. La plus ancienne attestation relative à Tite-Live implique le médecin ducal Roland L’Escrivain qui emprunte en 1430 à la bibliothèque du chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris un volume des trois premières Décades afin de corriger 397

David Aubert, prologue des Chroniques abrégées (Paris, Arsenal, ms. 5089, fol.Qr).

398

de Lannoy - Dansaert 1937, p. 195.

399

De Wilde (KBR, ms. 9902) ; Hugonet (Répertoire documentaire, doc.II.39, partie I) ; van der Sluis (n°275) ; Wielant (n°101) ; Steenberch (doc.IV.129) ; Wysmes (doc.II.6).

400

Plaine (Répertoire documentaire, doc.II.6) ; Haveloes (n°18) ; Steenberch (doc.IV.75) ; Wielant (n°99-100) ; Jean III Gros (Leipzig, Univesitätsbibliothek, ms. Rep. I, 11.b).

401

van der Sluis (n°157) ; Wielant (n°102) ; Lonijs (doc.II.85) ; Jean II Rolin (doc.IX.15).

402

Respectivement KBR, mss 9005-9006, 9015-9016 et Lille, BM, mss 647-648.

403

Haveloes (n°29), Lonijs (doc.II.14), Plaine (doc.II.29) et Wielant (n°47). Simon van der Sluis est le seul possesseur de l’Expositio historiarum que tanguntur ab Augustino in libro De civitate Dei de Nicolas Trivet (n°220.b).

Chapitre II : La composition des librairies

113

son propre exemplaire404. Un siècle plus tard, le professeur de latin Petrus Nannius entreprendra de collationner à Louvain deux manuscrits de l’Ab urbe condita conservés au Collège des Trois-Langues et au Collège d’Arras 405. L’humaniste n’indique pas la provenance du Codex Buslidianus ni du Codex Atrebatensis, rendant impossible toute identification de leur propriétaire initial. En revanche, il est certain que le chancelier Hugonet disposait d’un Tite-Live en latin 406 et Nicolas Clopper signale sans équivoque dans son catalogue la présence de l’Épitome de Tito Livio de Lucius Florus 407. La diffusion de la traduction française de Bersuire est attestée par un exemplaire décrit dans l’inventaire post mortem de Corneille Haveloes 408 et par une copie richement illustrée qui entrera successivement en possession de Charles de Saveuses, François de Busleyden et Marguerite d’Autriche 409. Les propriétaires d’une copie des Antiquitates judaicae et du De bello judaico de Flavius Josèphe sont à peu de choses près les mêmes que ceux qui disposent des Commentarii de César 410. Si aucune précision n’est donnée quant à l’exemplaire de Guillaume Hugonet 411, l’inventaire après-décès de Wouter Lonijs mentionne un volumen continens commentarii Cesaris qui contient à la suite le De bello Gothico de Leonardo Bruni 412. Philippe Wielant 413 et Corneille Haveloes 414 se sont procurés les Commentarii dans l’une des nombreuses éditions alors disponibles. Nettement moins courante, la traduction française entreprise à la demande de Charles le Téméraire par le copiste-écrivain lillois Jean du Quesne vers 1472-1474 n’est attestée que chez Jacques Donche 415. Enfin, le De conjuratione Catilinae et le Bellum Jugurthinum composés par l’écrivain romain Salluste font partie des collections de trois officiers ducaux. Les exemplaires de Philippe Wielant 416 n’ont pas été retrouvés mais ceux de deux précepteurs ducaux, François de Busleyden et Antoine Haneron, ont été repérés à Oxford 404

Répertoire documentaire, doc.I.

405

Jérôme de Busleyden (Répertoire documentaire, doc.VII).

406

Répertoire documentaire, doc.II.37 et 49 (partie I).

407

Répertoire documentaire, n°137.a et 137.b.

408

Répertoire documentaire, n°22.

409

KBR, ms. 9051-9052-9053. Le 3e volume comprend aussi le De primo bello punico de Leonardo Bruni dans la traduction française de Jean Lebègue.

410

Haveloes, n°27 et 28 ; Hugonet, n°35 ; Wielant, n°104 et 104.b ; van der Sluis, n°28.

411

Répertoire documentaire, doc.II.75 (partie I).

412

Répertoire documentaire, doc.II.16a et 16.b. Voir aussi chez Clopper, n°206.

413

Répertoire documentaire, n°121.

414

Répertoire documentaire, n°89.

415

New Haven, Beinecke Library, ms. 226 (voir aussi infra (§. VII.2.B).

416

Respectivement n°108.a et 108.b ; doc.IV.60a et 60b.

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Partie II : Voyage au cœur des librairies

et à Leyde 417. Le manuscrit de Salluste du maistre d’escole de Charles le Téméraire représente à ce jour le plus ancien témoignage d’écriture humanistique dans les Pays-Bas méridionaux (1438). Le précepteur de Philippe le Beau a pour sa part laissé son ex-libris dans une copie italienne datée des années 1425-1450 418. Avant d’aborder le versant grec de l’historiographie, on passera rapidement en revue les quelques autres textes centrés sur l’histoire de Rome. Le récit de la guerre civile entre César et Pompée a ainsi trouvé des lecteurs à Tournai comme à Bruxelles. La copie du médecin ducal Jean de Wysmes devait à l’en croire être fort ancienne − il parle lui-même d’un Lucanii Annei Cordubensis de bello civili vetustissimum volumen419 − alors qu’à Bruxelles, Corneille Haveloes possédait un Lucanus in twalssche imprimé 420. L’histoire romaine est encore représentée chez lui par une édition des Histoires romaines d’Appien d’Alexandrie et par l’Historia septem sapientum Romae 421. Toujours à Bruxelles, la riche bibliothèque du chanoine Clopper comprenait les Gesta romanorum, sorte d’anthologie de récits empruntés à des écrivains patentés de l’Antiquité 422. Un Breviarium rerum gestarum populi Romani de Rufus Festus est quant à lui entré en possession d’Anselme Adorne 423. Le gouverneur de Lille Baudouin d’Oignies, enfin, a vendu à la maison ducale une Croniques sur aucuns fais des Romains non retrouvée mais signalée dès 1467-1469 dans les inventaires de la librairie de Bourgogne 424. Qu’en est-il des œuvres en rapport avec l’histoire grecque ou, plus précisément, consacrés à Troie et à Alexandre le Grand ? « L’épopée troyenne a toujours séduit les peuples de l’Europe occidentale », écrit M. Cheyns-Condé et on ne saurait lui donner tort au vu de la fortune de ce thème au sein de la librairie de Bourgogne et des collections de la haute noblesse des Pays-Bas méridionaux 425. L’écho du sort tragique de la ville de Troie n’est certes pas moins assourdi auprès des officiers 426. La littérature centrée peu ou prou sur l’histoire de Troie présente cependant un caractère polymorphe qui n’est que fort imparfaitement rendu par les intitulés proposés dans les sources. On sait que Corneille 417

Oxford, BL, Rawl., ms. G 140 ; Leyde, Universiteitsbibliotheek, ms. Lips. 50.

418

Peut-être a-t-il acquis cet ouvrage sur place durant ses études à Padoue. Si l’on suit Erasme, son propre frère aurait rapporté d’Italie une copie des Proverbia de Polydore Virgile (doc.XIV).

419

Répertoire documentaire, doc.II.5.

420

Répertoire documentaire, n°1.

421

Répertoire documentaire, respectivement n°52 et 83.

422

Répertoire documentaire, n°50.c.

423

KBR, ms. 4659.

424

Barrois 1830, n°902 et 1730.

425

Cheyns-Condé 1998 (citation p. 85 ; voir A. Bayot, La légende de Troie à la cour de Bourgogne, Bruges, 1908).

426

Le constat est identique à propos des collections des parlementaires français sous le roi Charles VI (Autrand 1973, p. 1238).

Chapitre II : La composition des librairies

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Haveloes possédait la mise en prose de Guido delle Colonne427 et qu’une édition de l’Historia Troiana du Pseudo-Dictys Cretensis se trouvait chez Philippe Wielant 428, mais qu’en est-il au juste de cette Historia Troiana transcrite par ses soins 429 ? La même question se pose devant l’Historia Troyana completa in stilo familiari décrite dans la collection de Martin Steenberch 430 et face au manuscrit de l’Histoire de Troie la Grant de Joao Vasquez 431. Il est tout aussi difficile de se prononcer fermement quant à la destruction de Troye le Grand signalée à la mort de Corneille Haveloes 432. L’audience de ce type d’écrits paraît quoi qu’il en soit assez confortable, ce que confirment encore deux manuscrits conservés. Louis de Chantemerle a commandé vers 1420-1450 un volume méconnu du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure433. À la fin du XVe siècle, l’histoire troyenne séduira encore un autre bibliophile en la personne d’Antoine Rolin. Escript et furni en 1495 par le copiste Pierre Gousset et enluminé à profusion par l’artiste favori du couple Rolin-d’Ailly, son exemplaire reprend le Recueil des Histoires de Troyes composé vers 1464-1465 par Raoul Lefèvre 434. Quelques années auparavant, ce même auteur avait en outre rédigé une Histoire de Jason dédiée à Philippe le Bon. Il faut probablement reconnaître cette œuvre dans le livre de Jason et de Medee décrit à la mort du chancelier Hugonet 435. Le personnage d’Alexandre le Grand, « sans doute le plus emblématique de la recherche intellectuelle et idéologique développée dans le contexte bourguignon au XVe siècle » 436, paraît pourtant n’avoir suscité que fort peu d’admiration de la part des officiers ducaux. Corneille Haveloes disposait d’une Vita Alexandri Magni non autrement précisée 437 tandis que l’Alexandreis de Gautier de Châtillon est attesté parmi les livres de Clopper et de Wielant 438. On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure l’Alexandreis témoigne d’un intérêt spécifique pour Alexandre le Grand : conservé dans plus de 200 exemplaires, cette œuvre faisait en effet partie des ouvrages de base pour l’enseignement du latin dans les 427

Répertoire documentaire, n°61.

428

Répertoire documentaire, n°118.

429

Répertoire documentaire, n°109.

430

Répertoire documentaire, doc.IV.124.

431

Répertoire documentaire, n°2.

432

Répertoire documentaire, n°46.

433

Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, ms. Fr. F.v.XIV, 12.

434

BNF, ms. fr. 22552.

435

Répertoire documentaire, doc.II.83 (partie I).

436

Splendeurs de la cour de Bourgogne 1995, p. 484. Sur cette figure : C. Blondeau, Un conquérant pour quatre ducs. L’image d’Alexandre le Grand à la cour de Bourgogne (1363-1477), Paris, 2009.

437

Répertoire documentaire, n°55.

438

Respectivement n°97 et 181.

116

Partie II : Voyage au cœur des librairies

écoles tout au long du Moyen Âge 439. Il faut enfin revenir sur Antoine Haneron et Philippe Wielant, possesseurs de deux pièces célèbres dans les annales de la littérature bourguignonne. Le premier disposait du Hiéron de Xénophon dans la traduction latine de Leonardo Bruni et dont la version française sera dédiée à Charles le Téméraire en 1468 par un confrère d’Haneron, Charles Soillot 440. Quant à Philippe Wielant, il possédait une copie latine d’un autre texte emblématique dont la mise en français sera aussi assurée par un officier − la Cyropédie du même auteur ici dans la version du Pogge traduite par Vasque de Lucène en 1470 441. Comme des générations de lecteurs avant eux et à l’instar de leurs contemporains, les officiers ducaux auront donc appréhendé l’histoire « savante » à orientation profane ou sacrée en parcourant Vincent de Beauvais, Martin de Troppau, Eusèbe de Césarée ou Werner Rolevinck. Leurs lectures ne présentent à cet égard aucun trait spécifique en matière d’histoire à large spectre spatio-temporel via des textes où les faits sont appréhendés en surface plus qu’en profondeur. L’analyse des œuvres portant sur des faits plus récents ou à l’échelle d’une région révèle en revanche une plus grande diversité. Dans certaines librairies, cette sensibilité à une histoire plus immédiate se marque au travers de textes en prise plus ou moins directe avec l’actualité. Les exemples des écrits de Chastelain et de la Chronique d’Edmond de Dynter ont permis de saisir sur le vif certains liens de proximité géographique, familiale ou professionnelle entre un auteur et son lectorat. Enfin, la culture historique des fonctionnaires des ducs de Bourgogne semble profondément imprégnée d’histoire ancienne − et romaine en particulier, la destinée de la ville de Troie paraissant avoir assuré l’essentiel des connaissances en matière d’histoire grecque. Valère Maxime, saint Augustin, Tite-Live mais aussi César, Salluste et Flavius Josèphe constituent un arrière-fond de culture générale qui se voit encore renforcée chez beaucoup d’agents par des auteurs moins largement diffusés (Rufus Festus, Lucain, Appien d’Alexandrie). §. VI. Les Livres de gestes, de ballades et d’amours . La littérature « romanesque » Les romans d’amour et de chevalerie, les récits épiques et la lyrique courtoise représentent près d’un tiers de la librairie ducale telle qu’elle a été

439

Townsend 1996. Un témoignage indirect est fourni par Nicolas de L’Espoisse qui lègue en 1419 à un jeune garçon son roman d’Alixandre pour esbatre et aprendre à lire (Tuetey 1880, p. 608). Quelques années plus tôt, le chanoine de Notre-Dame de Paris Jean de Neuilly-de-Saint-Front laissait son Alexandre aux escoliers de Saint-Nicolas de Soissons (Tuetey 1880, p. 315).

440

Leyde, Universiteitsbibliotheek, ms. Lips. 50.

441

Répertoire documentaire, n°98.a.

Chapitre II : La composition des librairies

117

décrite dans le relevé établi au lendemain du décès de Philippe le Bon 442. Cette proportion non négligeable sanctionne de manière indiscutable l’engouement marqué des ducs de Bourgogne de la maison de Valois pour la littérature « romanesque » 443. Les aventures de Lancelot, de Tristan et d’Arthur, d’Appolonius de Tyr ou encore de Gilles de Chin ont également trouvé un large écho dans les bibliothèques des représentants de la haute noblesse des Pays-Bas bourguignons. Chez les officiers ducaux toutefois, on observe que la réception de ce type de littérature est bien loin d’avoir reçu l’attention qu’elle mérite. Le constat le plus immédiat porte sur la très grande diversité des pièces à caractère romanesque car au-delà du Roman de la Rose qui figure dans quatre collections 444, on ne dégage aucune véritable constante. Il faut dès lors procéder par petites touches successives afin de rendre compte de la variété des textes, des auteurs et des thèmes qui ont reçu la faveur des fonctionnaires. On ne sera pas autrement étonné de trouver bon nombre d’œuvres lyriques ou courtoises chez plusieurs agents ducaux impliqués dans les milieux littéraires. Le plus connu d’entre eux est probablement Pierre de Hauteville, prince d’Amours de la Cour amoureuse de Charles VI, membre du Chapel vert et de la Verde Prioré de Saint-Jacques de Tournai 445. On lui doit également la composition de plusieurs pièces poétiques. Sa librairie comportait un imposant recueil où le Bestiaire d’Amours de Richard de Fournival côtoie le Roman de Mélibée et Prudence de Renaut de Louhans, un guide de l’art d’amours et les Cent ballades 446. Son testament d’août 1418 signale en outre un Roman de la Rose enluminé447. Deux autres membres de la Cour amoureuse de Charles VI ont vraisemblablement aussi apprécié la veine romanesque ou la poésie. Si les manuscrits possédés en propre par Louis de Chantemerle présentent plutôt un caractère historique, moral et didactique, le nom du berceau de sa famille − La Clayette − est associé au Grand Recueil La Clayette où apparaissent, entre autres, la Châtelaine de Vergy, le Salut d’amour et une Complainte d’amour 448. Le seul exemplaire complet sur les trois seuls volumes conservés de la geste de Doon de Mayence est à mettre en relation avec Thomas Bouesseau 449. Deux mentions (qui semblent relever davantage de la probatio pennae que de la marque d’appartenance) dans une écriture gothique cursive du XVe siècle ont été 442

Barrois 1830, pp. 182-204.

443

Sur ce qui suit : Van Hoorebeeck 2009a.

444

Aubert, n°8 ; Bellengues, n°2 ; Hauteville, doc.II.5 ; Nicolas Rolin, doc.I.2.

445

Vanwijnsberghe 2000 (voir aussi le Répertoire biographique).

446

Répertoire documentaire, doc.II.3 ; KBR, ms. 10394-414.

447

Répertoire documentaire, doc.II.4.

448

BNF, nouv. acqu. fr., ms. 13521.

449

Montpellier, Bibliothèque interuniversitaire, Faculté de Médecine, ms. 247.

118

Partie II : Voyage au cœur des librairies

inscrites par une même main : A treshault trespuissant et tresexcellant prince [le nom est gratté] par la grace de Dieu roy de France et, plus haut, Maistre Thomas Bouesseau. Ce roi de France dont le nom a été effacé pourrait précisément être Charles VI. En sa qualité de membre de la Cour amoureuse, Thomas Bouesseau a pu être séduit par la geste de Doon de Mayence. Ce texte s’inscrit parfaitement dans la résurgence des thèmes lyriques en faveur auprès de cette compagnie littéraire, qui traduisait le renouveau de la culture courtoise et chevaleresque de la fin du XIVe siècle et des premières décennies du XVe siècle. La documentation ne fournit aucun éclairage sur les éventuelles lectures romanesques de Nicolas Rolin, qui faisait lui aussi partie de la Cour amoureuse. En revanche, son fils Antoine et son arrière-petit-fils Ysembart semblent avoir témoigné d’un certain engouement pour ce type de littérature. Dans la collection du grand bailli de Hainaut, le volume reprenant la Glose des Échecs amoureux d’Evrard de Conty est le seul à véritablement relever du domaine courtois 450. Deux générations plus tard, Ysembart Rolin inscrira son ex-libris dans un modeste manuscrit de l’Histoire du saint Graal 451. Le colophon indique que la transcription a été assurée par Loys Daymeryes, qui peut sans doute être confondu avec le père d’Ysembart Rolin, Louis Rolin d’Aymeries († 1529). Le seul prénom donné à son fils ne laisserait-il pas entrevoir les goûts de Louis Rolin pour certains héros d’aventures épiques en résonnance directe avec le thème de cette Histoire du Graal ? Les données sont plus fournies dans le cas de Jean Aubert. Près d’un cinquième des lectures de cet amateur de belles-lettres et copiste à ses heures 452 est imprégné de la veine lyrique et courtoise. On repère ainsi dans sa collection un Tristan, les Lamentations de Matéolus, le Roman de la Rose et le Livre de Mandevie de Jean Dupin. Une certaine coloration romanesque ou poétique imprègne également quelques manuscrits de Philippe Bouton, auteur de plusieurs pièces littéraires 453. La librairie du seigneur de Corberon comprenait un Roman de Matebrune 454 ainsi qu’un recueil des Vingt-cinq ballades et des Lunettes des princes de Jean Meschinot 455. Mais le plus célèbre de ses ouvrages est sans contredit le Recueil Chastelain qui rassemble la quasi totalité des œuvres poétiques de l’indiciaire 456. On y trouve notamment le Temple de Boccace dont un exemplaire 450

BNF, ms. fr. 9197. Sur la réception de cette œuvre : Legaré 2007.

451

New York, PML, ms. M. 38.

452

Les rédacteurs ont en effet trouvé une Legende doree escripte de la main dudit J. Aubert (Répertoire documentaire, n°16). L’autre copie de ce texte recensée dans l’inventaire et qui se présentait sous forme de cahiers, était-elle le modèle suivi par Aubert (n°15) ?

453

Liste de ses écrits : Debae 1995, pp. 477-478.

454

Grenoble, BM, ms. 862.

455

Nantes, BM., ms. 651.

456

Florence, BML, ms. Med. Pal. 120.

Chapitre II : La composition des librairies

119

a appartenu au valet de chambre Jean Martin 457. Le Recueil Chastelain contient aussi des passages des Douze dames de rhétorique, fameuse correspondance littéraire entre Jean Robertet et l’indiciaire bourguignon. Le conseillerchambellan Jean de Montferrant a gardé le souvenir de sa participation à cette joute poétique dans un manuscrit conservé à Cambridge 458. Enfin, Richard de Bellengues s’est peut-être lui aussi montré sensible aux lettres françaises, si l’on en croit le rondeau Pour une fois et pour toutes dont il a signé la composition 459. Sa librairie contenait le Roman de la Rose, la Cité des dames de Christine de Pizan et deux poésies lyriques, la Complainte de France de Charles d’Orléans et un Merlin 460. Chez Corneille Haveloes, une riche collection d’une centaine de titres fait la part belle aux poèmes, romans et autres chansons de geste. Il possédait un volume ruerende van den gesten van Cournualle qui apparaît aux côtés du Joli buisson de Jeunesse de Jean Froissart, d’un livre in rymen int walsche et de pièces de Boccace non détaillées 461. On relève aussi la présence d’un ouvrage qui traite de diversen fantascen 462. Si le curriculum vitae de Guillaume Hugonet est bien mieux connu, les témoins de l’esthétique romanesque dans sa bibliothèque sont par contre plus discrets que chez Haveloes. La rubrique Livres en françois inscrite à la fin du compte de tutelle de ses enfants ne reprend qu’un roman de Ponthus et Sidoine, un exemplaire qui s’ouvre sur le Roman de Paris et Vienne de Pierre de la Cépède et un Roman de Pierre de Provence et la Belle Maguelonne 463. Les données biographiques sur Philippe Wielant sont elles aussi inversement proportionnelles aux livres de gestes, de ballades et d’amours. Son exemplaire des Quinze joies du mariage représente la seule œuvre française quelque peu récréative de toute sa librairie 464. Au terme de ce tour d’horizon des lectures romanesques, plusieurs traits ressortent avec force. D’une part, il est évident que les intrigues amoureuses de l’Amant et de la Rose, les aventures de Merlin ou les pérégrinations de Tristan n’ont pas été réservées aux seuls membres de la dynastie bourguignonne et aux aristocrates de haute lignée. En réalité − nous y reviendrons plus longuement dans la troisième partie de cet ouvrage −, le champ de diffusion de la littérature courtoise semble bien plus large que ce qu’induisent les clivages traditionnels qui opposent, de manière parfois artificielle, la culture des gentilshommes à 457

Lille, Bibliothèque municipale, ms. 336.

458

Cambridge University library, ms. Nn. 3.2.

459

Sur ce point : Schreurs 2000 ; Ward 2001.

460

Respectivement n°2, 3, 18 et 30.

461

Respectivement n°40, 49, 56 et 5.

462

Répertoire documentaire, n°84.

463

Respectivement doc.II.82, 80 et 86 (partie I).

464

Répertoire documentaire, n°115.

120

Partie II : Voyage au cœur des librairies

celle des hommes de robe. D’autre part, seule une frange des officiers ducaux paraît avoir réservé une place à ce type de textes dans leurs collections. Même s’ils ne représentent qu’un dixième du corpus, les quelques cas relevés ici sont probablement significatifs des goûts littéraires d’un certain type de fonctionnaires qui présentent un profil culturel spécifique − généralement laïcs, anoblis ou issus de la moyenne noblesse, impliqués dans des cercles littéraires et dépourvus de titre universitaire. Ce constat repose en partie sur l’inégale réception de la littérature française auprès des officiers, une problématique qui n’est naturellement pas sans conséquence sur l’audience des textes à caractère romanesque. Au-delà de la langue de rédaction, il faut probablement aussi invoquer la finalité même de ces romans et nouvelletez destinés en première instance à distraire un lecteur-auditeur qui aura tout le jour labouré en ses affaires 465. Or, dans bon nombre de collections de travail, le livre semble être perçu et utilisé en première instance comme un support de réflexion, de connaissance ou de méditation. Autrement dit et en forçant un peu le trait : les possesseurs de ce genre de bibliothèques attendent de leurs lectures qu’elles les instruisent et non pas qu’elles les divertissent. Pour reprendre l’expression de Chastelain, les officiers ducaux semblent avoir été nombreux à avoir privilégié les livres utiles et louables qui parfont l’homme et le mènent à la connaissance de Dieu, qui le font sage et clairvoyant, éloquent et subtil et prompt pour discerner le mal et le bien, entre la vérité et le mensonge 466. Il est cependant difficile de déterminer dans quelle mesure d’aucuns ont partagé l’opinion d’un Philippe de Mézières, qui tenait les textes romanesques pour des écritures apocryphes, suspectes, remplies de bourdes et de rumeurs qui, immanquablement, mènent le lecteur à la folie, à la vanité et au péché 467. Enfin, la présence finalement assez circonscrite du romanesque dans la centaine de collections n’est sans doute pas étrangère au terminus post quem de notre enquête (ca 1520). Il faut en effet attendre les années 1520-1530 pour que pénètrent réellement dans les librairies privées nombre d’éditions de romans et autres épopées qui, sous forme manuscrite, n’avaient durant longtemps concerné qu’un lectorat limité. Ainsi en va-t-il du conseiller au Grand Conseil Pierre Lapostole, prototype même de l’intellectuel de haut vol, docteur dans les deux droits, professeur puis recteur de l’Université de Louvain. Parmi près de 500 titres de sa collection apparaissent des éditions de Jourdain de Blaives, Guiron le Courtois, Ysaye le Triste, Artus de Bretagne, Huon de Bordeaux, Mélusine ou encore Olivier de Castille. Si cette bibliothèque avait été montée deux ou trois 465

Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, IV, p. 16.

466

Kervyn de Lettenhove 1863-1866, I, p. XI.

467

Philippe de Mézières. Le Songe du Vieil Pèlerin, éd. G.W. Coopland, II, Cambridge, 1969, p. 221. En 1465, Jean de Lannoy mettra également son fils en garde contre la perte de temps et le danger que représente la lecture de choses apocryphes et de ces livres pleins de bourdes dont, regrette-t-il, trop y en a (de Lannoy - Dansaert 1937, p. 196).

Chapitre II : La composition des librairies

121

générations plus tôt, il est plus que probable que le fonds non utilitaire n’aurait été ni aussi riche, ni aussi étendu. §. VII. In rhetorica et In poetria. La littérature classique et humaniste L’approche des belles-lettres latines passe nécessairement par un état des lieux général des auteurs classiques et de la production humaniste au sein des librairies des officiers ducaux. Les éléments mis en exergue dans cette présentation permettent non seulement d’esquisser le profil intellectuel et culturel de ces possesseurs mais aussi de dégager les principaux usages qu’ils ont assignés à la littérature classique et humaniste. Viendra ensuite l’analyse des librairies qui offrent des formes spécifiques d’assimilation à l’humanisme, vécu par certains dans sa dimension philologique et par d’autres sous l’angle de l’humanisme bourguignon 468. VII. 1. État des lieux Quels sont donc les textes classiques et les écrits d’humanistes (italiens, français et originaires des Pays-Bas méridionaux des XIVe-XVIe siècles) qui ont eu la faveur des officiers et quelle place leur ont-ils réservée au sein de leurs collections ? A. La littérature classique En matière de littérature classique latine, les fonctionnaires ont affiché une indéniable préférence pour les œuvres de Cicéron, Térence, Ovide et Sénèque, des auteurs bien connus au Moyen Âge. Douze librairies comprennent une ou plusieurs pièces de Tulle469 avec une prédilection marquée pour les discours et les lettres 470 ainsi que pour le De officiis 471 et les Paradoxa stoicorum 472. Cicéron est également représenté chez quelques propriétaires par le De amicitia 473, le De natura deorum 474, la Rhetorica475 et le De senectute 476. En revanche, son discours sur

468

Sur ce qui suit : Van Hoorebeeck 2009b.

469

Le contenu du livre de Plaine n’est pas spécifié (doc.II.18), pas plus que certains articles chez Hugonet (doc.II.54, partie I) et Lonijs (doc.II.67.d).

470

Clopper, n°290 et 294.a ; Haveloes, n°32.b et 77 ; Lonijs, n°115.a ; Jean II Rolin, doc.IV ; van der Sluis, n°17 ; Steenberch, doc.IV.41, 128a et 128.b ; Wielant, n°63.b et 67.b ; de Wilde (KBR, ms. 9764-66).

471

Clopper, n°237 ; Fillastre, n°2.a ; Haveloes, n°78 ; Hugonet, n°42 ; Lonijs, doc.II.87.b ; Le Musnier, n°6.a ; Jean II Rolin, doc.IV ; van der Sluis, n°237 ; Wielant, n°59.a et 64 ; de Wilde (KBR, ms. 9764-66).

472

Haveloes, n°73 ; Lonijs, doc.II.67.a ; Wielant, n°59.d et 78.a ; de Wilde (KBR, ms. 9764-66).

473

Lonijs, doc.II.67.b et 87.e ; Wielant, n°59.b.

474

Clopper, n°127 ; Hugonet, n°45.

475

Lonijs, doc.II.87.d ; Wielant, n°55.

476

Lonijs, doc.II.67.c ; Wielant, n°59.c et 111.a.

122

Partie II : Voyage au cœur des librairies

les réformes agraires n’apparaît nommément que chez Clopper 477 et le chancelier Hugonet est le seul possesseur des Tusculunae 478. Le Topica et le De finibus bonorum et malorum ne se retrouvent que chez Philippe Wielant 479. Signalons en incise que les deux seules attestations des Declamationes de Quintilien confirment pleinement le constat de J. Cousin selon lequel le célèbre rhéteur aurait été éclipsé par Cicéron 480. Les Comediae du comique latin Térence sont citées parmi les livres de 8 possesseurs 481 tandis qu’Ovide est diversement représenté chez 5 officiers par le Tristia 482, le De vetula (qui lui est attribué) 483 et par les Metamorphoses, les Heroides et l’Ars amatoria − qui apparaissent tantôt en version latine (chez Wielant) 484 tantôt en traduction française (chez Haveloes) 485. On ignore le contenu de l’exemplaire de Martin Steenberch 486. Enfin, le nom de Sénèque figure à 9 reprises sans que les sources précisent toujours de quel texte il s’agit 487. Il semble surtout connu au travers de ses Epistolae 488 qui reviennent plus fréquemment que les Tragoediae 489, le De vita beata 490 ou le De copia verborum du Pseudo-Sénèque 491. Simon van der Sluis, enfin, comptait parmi ses ouvrages un opusculum Cenice de 4 virtutibus (en réalité le De quattuor virtutibus de Martin de Braga) et un Seneca in walsche est mentionné chez Richard de Bellengues 492. De façon nettement plus épisodique, les belles-lettres latines sont représentées par les Saturae de Juvénal 493 tandis que le Properspine de Claudien n’est cité que dans une seule librairie 494. Parmi la fort belle collection de classiques latins de 477

Répertoire documentaire, n°149.

478

Doc.II.57 (partie I).

479

Respectivement n°57.a (suivi du In Topica Ciceronis commentaria de Boèce ; n°57.b) et 58.

480

Lonijs, doc.II.96 et Wielant, n°58.b (DLFMA 1992, pp. 1213-1216).

481

François de Busleyden et Jean Ysembart (KBR, ms. 5328-29) ; Haveloes, n°66 ; Lonijs, doc.II.87.a ; Plaine (doc.II.19) ; van der Sluis (n°287) ; Wielant (n°80, 82a. et 86) et Wysmes (doc.II.7).

482

Lonijs, doc.II.75 ; Wielant, n°87.

483

Clopper, n°175.

484

Répertoire documentaire, n°81.a et 88.

485

Haveloes, n°6, n°14 et 53.

486

Doc.IV.43.

487

Aucune indication n’est fournie pour les livres d’Hugonet (doc.II.1, partie III), de Plaine (doc.II.43) et de Steenberch (doc.IV.7.a).

488

Van der Sluis, n°60 ; Steenberch, doc.IV.123.a et 123.b ; Vasquez, n°1.

489

De Wilde (KBR, ms. 9881-82).

490

Lonijs, doc.II.117.

491

Clopper, n°111 (?).

492

Répertoire documentaire, n°33.b.

493

Plaine, doc.II.35 ; Wielant, n°85 ; van der Sluis, n°248.

494

Répertoire documentaire, n°108.

Chapitre II : La composition des librairies

123

Philippe Wielant, il faut évoquer les Elegiae sive Carmina de Tibulle, le De arte poetica cum commentario d’Horace et les Opera de Virgile suivies des Commentarii in Vergilii opera de Maurus Servius Honoratus 495. Virgile est une nouvelle fois à l’honneur dans un magnifique ouvrage entré en possession de Paul de Baenst et où sont notamment retranscrits les Georgica, l’Aeneis et les Bucolica 496 − un dernier texte également identifié chez Thomas de Plaine 497. Au registre des auteurs grecs en version latine, des œuvres de Plutarque ont été repérées chez trois officiers 498 alors que les Fabulae d’Ésope n’apparaissent que chez Haveloes 499. B. Les auteurs humanistes Deux noms reviennent de manière récurrente : Pétrarque et Boccace, célèbres figures de proue de l’humanisme transalpin. Six fonctionnaires possèdent le De remediis utriusque fortune en version originale 500. Des excerpta de ce best-seller figurent dans le Vaticanus d’Arnold Gheiloven dont un exemplaire a appartenu à Pierre de Boostenswene501. Wouter Lonijs représente un cas particulier puisqu’il serait le seul officier à avoir connu Pétrarque au travers d’autres textes que le De remediis utriusque fortune. Aux côtés du De vera sapientia 502 et du De rebus memorandis 503, on relève en effet un ouvrage cum certis operibus Francisci Petrarchi 504. Par contre, le De remediis cède la place chez Wielant à un titre moins en vue de Pétrarque, les Invectivae contra medicum 505. Epinglons encore cette copie de l’Historia Griseldis dans la traduction française de Philippe de Mézières aux armes de Pierre de Roubaix 506. La diffusion de l’œuvre latine de Boccace emprunte quant à elle des voies un peu plus diversifiées. Le De mulieribus claris est identifiable chez Clopper et Lonijs 507 tandis qu’Haveloes et Steenberch disposaient d’une copie du De genealogia deorum 508. Le De casibus virorum illustrium a trouvé des amateurs en version originale auprès de Lonijs 509 et de Corneille 495

N°81.b, 90, 83 et 84.

496

Wells-next-the-Sea, Holkham Hall, Library of the Earl of Leicester, ms. 311.

497

Doc.II.20. Il possédait aussi une Vita Maronis (doc.II.14).

498

Steenberch (doc.IV.126.b), Lonijs (doc.II.21.a) et Wielant (n°73.a).

499

Répertoire documentaire, n°90.

500

Fillastre, n°1 ; Haveloes, n°10 ; Lonijs, doc.II.6 ; Le Musnier, n°5 ; Wysmes, n°13.a. Le n°250 chez van der Sluis doit probablement être identifié avec ce texte.

501

KBR, ms. 1169-70, ff.237r-238v.

502

Doc.II.21.b.

503

Doc.II.71.

504

Doc.I.2, II.32 et III.2.

505

Répertoire documentaire, n°67.a.

506

BNF, nouv. acqu. fr. 6739.

507

N°50.a. et doc.II15.b.

508

N°58 et doc.IV.126.c.

509

Doc.II.15.a.

124

Partie II : Voyage au cœur des librairies

Haveloes 510 (qui possédait aussi un volume int walssche geheeten Jehan Bocache 511) mais l’exemplaire d’Antoine Rolin en présente la traduction française de Laurent de Premierfait 512. Le nom de ce noble et ingenieux homme Bocace est enfin directement associé au Temple de Boccace dont Jean Martin possédait une copie. Gian Francesco Poggio Bracciolini se situe juste après Pétrarque et Boccace en termes de popularité. L’œuvre littéraire de ce fonctionnaire italien est ici bien mieux représentée par ses propres compositions que par ses traductions. Les officiers lecteurs du Pogge possèdent volontiers ses fameuses Facetiae 513 qui, chez Philippe Wielant, se retrouvent aux côtés de l’Invectiva in Laurentium Vallam, du De varietate fortunae et du De infelicitate principum 514. Wielant est d’ailleurs le seul avec Antoine Haneron à disposer de textes traduits par Le Pogge : l’Asinus aureus de Lucain et la Cyropedia de Xénophon, mise en français par un fonctionnaire ducal dont il sera question plus loin, Vasque de Lucène 515. Enfin, l’opus Pogii de prestantia Iulii Cesaris et Scipionis Affricani décrit dans les collections bruxelloises de Wouter Lonijs et de son collègue Nicolas Clopper mérite lui aussi d’être relevé 516. Quelques autres représentants de l’humanisme apparaissent de façon plus clairsemée quoique régulière : Petrus Paulus Vergerius 517, Leonardo Bruni 518, Francesco Barbaro 519, Flavio Biondo 520, le cardinal Bessarion 521, Domizio Calderini 522, Augustinus Datus Senensis 523 et Francesco Filelfo 524. Enea Silvio Piccolomini (alias Pie II) revient plus fréquemment mais son nom reste davantage attaché à des œuvres écrites dans le cadre de ses activités pontificales que strictement littéraires 525. Nicolas Clopper constitue à cet égard une 510

Répertoire documentaire, n°89.

511

Répertoire documentaire, n°5.

512

Localisation inconnue (olim H. Yates Thompson, n°91).

513

Haveloes, n°57.b ; Lonijs, n°92 ; Wielant, n°70.c.

514

N°73.c, 114.a et 117.b.

515

N°98.b et 98.a ; Leyde, Universiteitsbibliotheek, ms. Lips. 50.

516

N°15.c et 114.a. Sur ce texte : Canfora 2001.

517

Wielant, n°69.a et 70.a.

518

Lonijs, doc.II.99 ; Steenberch, doc.IV.35.a ; Wielant, n°70.b.

519

Wielant, n°69.b.

520

Lonijs, doc.II.89.

521

Clugny, n°17 ; Jean II Rolin (doc.V).

522

Plaine, doc.II.12.

523

Wielant, n°56.

524

van der Sluis, n°84 (Epistolae).

525

On ignore de quel texte il s’agit chez Lonijs (doc.II.82 et 103), Steenberch (doc.IV.28.a et 42) et Wielant (n°74.a.).

Chapitre II : La composition des librairies

125

exception puisqu’il possède de loin le plus grand nombre de textes de Piccolomini dont le De laude poeticae, le De differentia inter scientiam et prudentiam et de poetis, le De laude litterarum et le plus léger De duobus amantis 526. Au registre de l’humanisme parisien, il faut naturellement mentionner Guillaume Fichet qui aura bénéficié de l’appui moral et financier de Jean II Rolin 527. Fichet offrira à son protecteur un exemplaire de sa Consolatio luctus Parisiensis, un exercice de rhétorique composé en 1466 durant une épidémie de peste à Paris. En remerciement, il recevra deux volumes en latin du cardinal de Bourgogne 528. Fichet lui adressera encore une copie de sa Rhetorica dont il complètera le texte en avril 1471 et qui deviendra, selon l’expression de D. Gallet-Guerne, le manifeste français du nouvel humanisme 529. Du côté des Pays-Bas, enfin, les officiers ducaux qui possèdent une œuvre d’Érasme se comptent sur les doigts de la main. Thomas de Plaine possédait un liber Erasmii Rotherodami canonici ordinis divi Augustinii (qui pourrait être identifié au Panegyricus 530) et Nicolas Ruter a reçu du prêtre hollandais une copie autographe de sa traduction latine des Declamationes de Libanus 531. Jérôme de Busleyden se verra offrir en 1503 un exemplaire des Luciani dialogi composés par Érasme532. Bouclons ce tour d’horizon des belles-lettres latines par l’évocation de textes pour lesquels nous manquons de précisions mais qui pourraient relever eux aussi du domaine de la poésie ou de la rhétorique. Philippe Wielant note dans sa librairie la présence du De planctu naturae d’Alain de Lille 533 et de la Poetria nova du grammairien anglais Geoffroy de Vinsauf 534. Nicolas Clopper disposait d’un Tractatus metricus de azello, que nous identifierions volontiers au Speculum stultorum, poème satirique composé par Nigel de Lonchamp au XIIe siècle 535. Dans la librairie d’un autre amateur de poetria, Wouter Lonijs, on relève un libellus antiquus poeticus que précède un libellus excerptorum auctoritatum plurimorum poetarum non autrement détaillé 536. Le compte d’exécution testamentaire de Martin Steenberch mentionne une Rethorica quondam magistri Gosuini vander Rijt qu’il a pu

526

N°146.k, 146.l, 146.m et 146.n.

527

Sur ce point, voir aussi Partie II, chap. III, §. III.1.B.

528

Répertoire documentaire, docs III-IV.

529

Gallet-Gerne 1974, p. XII ; Répertoire documentaire, doc.VI.

530

Doc.II.32. Voir également Partie II, chap. I, §. II.2.D.

531

Cambridge, Trinity College, ms. R.9.26 ; doc.III.

532

Doc.V.

533

Répertoire documentaire, n°68.

534

Répertoire documentaire, n°91.

535

Répertoire documentaire, n°92.b.

536

Lonijs, doc.II.118 et 120.

126

Partie II : Voyage au cœur des librairies

recevoir du chancelier de Brabant, Gossuin van der Rijdt 537. Restent enfin les trois textes encomiastiques trouvés dans la librairie d’Hugonet. Deux d’entre eux sont dédiés à Charles le Téméraire tandis que le dernier a été composé a la louange de feu monseigneur le chancellier 538. Les vers faiz a la louange de feu monseigneur le duc Charles pourraient éventuellement être confondus avec le De ortu, victoria et triumpho domini Karoli Ducis Burgundiae moderni rédigé par le doyen de Heinsberg, Simon Mulart 539. C. Profils de lecteurs Une vingtaine de librairies comprend une ou le plus souvent plusieurs œuvres qui ressortissent au domaine des belles-lettres latines. Inférieure par rapport au nombre de possesseurs de textes à caractère théologique, juridique ou historique, cette proportion se situe toutefois au-delà de celle des propriétaires de pièces romanesques qui représentaient un dixième du corpus. Mais les contrastes entre les deux lectorats ne sont pas uniquement d’ordre quantitatif et, surtout, renvoient à d’autres facteurs de différenciation. Le profil-type du lecteur de textes romanesques en vernaculaire proposé (généralement laïc, anobli ou issu de la moyenne noblesse, impliqué dans des cercles littéraires et dépourvu de titre universitaire) se distingue en effet assez nettement de celui des propriétaires de lettres classiques latines qui, dans leur grande majorité, sont des homines novi qui ont obtenu des grades académiques ou se sont engagés dans une carrière ecclésiastique. Comme nous l’évoquerons plus loin, on peut également parler pour certains d’une participation à la vie littéraire mais qui délaisse les thèmes courtois au profit d’une orientation plus humaniste. Plusieurs officiers (Antoine Rolin, Hugonet, Haveloes, Bellengues et Wielant) qui apparaissent conjointement dans l’un et l’autre ensemble invitent toutefois à ne pas établir une trop stricte ligne de démarcation entre les deux groupes de lectorat, leurs aptitudes linguistiques leur permettant d’appréhender les belleslettres dans l’une ou l’autre langue. Cela étant, il n’en reste pas moins que les riches librairies du bailli de Hainaut et de Richard de Bellengues ne comprennent qu’une seule œuvre d’auteur classique ou humaniste (traduite en français, qui plus est) tandis que Wielant ne possède qu’un seul texte français qui pourrait relever de la littérature romanesque au sein d’une collection où abondent les classiques latins. Avec toute la souplesse requise, les deux profils de lecteurs proposés peuvent donc être largement validés. Parmi cette vingtaine de possesseurs, certains présentent une autre caractéristique commune qui a pu les sensibiliser à la culture antique et à 537

Répertoire documentaire, doc.IV.125.

538

Répertoire documentaire, doc.II.67, 64 et 68 (partie I).

539

Paravicini 2000, p. 307.

Chapitre II : La composition des librairies

127

l’humanisme : des relations avec l’Italie ou avec un milieu ouvert à l’humanisme, qu’elles aient été nouées dans le cadre de leurs études, de leur profession ou de contacts personnels. En plus de posséder la plus belle collection de textes d’Enea Silvio Piccolomini, Nicolas Clopper se signale par le nombre et la diversité des textes classiques retrouvés dans sa bibliothèque. Il est plus que probable que ses fonctions d’abbreviator exercées à la curie romaine jusqu’en 1440-1441 n’y soient pas étrangères. Dans le cas de Ferry de Clugny, sa présence à Rome dès 1456 en qualité de procureur de l’évêque de Liège Louis de Bourbon et de protonotaire du Saint-Siège devait l’avoir familiarisé avec un univers humaniste (où évoluait notamment Bessarion et deux de ses amis humanistes, le cardinal et ancien évêque de Pavie Jacques AmmannatiPiccolomini et Francesco Bertini) qu’il côtoyait toujours lorsqu’il est nommé cardinal en 1480. Si Haneron et Wielant ont pu entrer en contact avec l’humanisme durant leurs études à Paris au début du XVe siècle − une ville qui abritait alors l’un des foyers les plus dynamiques de ce nouveau courant de pensée −, Jean II Rolin avait assuré la protection de Guillaume Fichet, l’un des plus grands ténors de l’humanisme parisien de la seconde génération. Le cardinal de Bourgogne avait en outre choisi pour secrétaire particulier Simon de Vieuxchâteau, un homme pénétré de culture latine qui avait sillonné les routes de la Péninsule avant d’entrer à son service 540. D’aucuns avaient également choisi l’Italie pour y poursuivre leur cursus académique. Qu’elles se déroulent au-delà des Alpes ou ailleurs, les années d’études constituent l’occasion de rencontres qui débouchent parfois sur des liens d’amitié ou, à tout le moins, d’estime réciproque. C’est peut-être en Italie que Hugonet entrera en contact avec le Milanais Raymond de Marliano dont il deviendra l’un des légataires 541 et on sait qu’il devait connaître Vasque de Lucène puisqu’il lui avait prêté un manuscrit. Quelques années plus tard, la documentation fait état de contacts à l’Université de Pavie entre le célèbre humaniste Rudolphe Agricola et Paul de Baenst. Jérôme de Busleyden fera la connaissance d’Érasme lors de son séjour académique à Orléans. Il existe bien d’autres vecteurs par lesquels l’un ou l’autre officier a pu être sensibilisé aux belles-lettres, qu’il s’agisse d’ambassades en Italie ou encore d’Italiens qui gravitent dans les orbites curiales 542, administrative, universitaire 540

Sur les liens de Jean II Rolin avec Fichet et Vieuxchâteau, voir Partie II, chap. III, §. III.I.B.

541

Répertoire documentaire, doc.II.56 (partie I). De Vocht le qualifie « d’herald of the Italian Renascence » (De Vocht 1951-1955, I, p. 135).

542

La famille ducale comptait en outre un bibliophile d’ascendance maternelle italienne en la personne de Raphaël de Mercatel († 1508), grand amateur de livres classiques et humanistes (A. Derolez, The library of Raphael de Marcatellis, abbot of St. Bavon’s, Ghent, 1437-1508, Gand, 1979 ; Idem, A survey of the Mercatel library on the basis of the early catalogues and the surviving manuscripts, dans Liber amicorum Smeyers 2002, I, pp. 545-564).

128

Partie II : Voyage au cœur des librairies

ou encore (comme Anselme Adorne) qui évoluent dans le milieu des affaires. J. IJsewijn et R. Walsh ont exposé de main de maître les voies de pénétration de l’humanisme dans les Pays-Bas méridionaux et, notamment, à la cour de Charles le Téméraire543. On s’étonnera toutefois que l’importance du Grand Conseil de Malines n’y soit presque pas soulignée. Or cet organe-clé dans la carrière d’un Thomas de Plaine, d’un Philippe Wielant ou d’un Paul de Baenst constitue une fourmillière de personnalités qui, peu ou prou, de près ou de loin, ont été touchées par ce nouveau mouvement d’idées. Le phénomène ne surprendra pas outre mesure. L’humanisme trouvait là un public d’intellectuels lettrés pétris de droit civil dont certains avaient poursuivi leurs études dans la Péninsule544. Le Grand Conseil comptera aussi en ses rangs quelques Italiens comme le chancelier Mercurino de Gattinara 545 ou encore le Gênois Louis Bouzan. On y retrouve aussi un parent du célèbre Vasque de Lucène, Fernand, repris comme conseiller laïc dès 1473 et qui avait traduit en français pour Philippe le Bon le Triunfo de las donas et la Cadira del Honor 546. Toutefois, les librairies des membres du Grand Conseil semblent indiquer qu’il faut attendre les années 1520-1530 pour y voir réellement s’épanouir l’humanisme − ce qui les placent en marge de nos termini. Bien qu’étudié depuis longtemps par les historiens des institutions, ce rouage juridique de premier plan attend encore une analyse sérieuse qui en envisagerait les aspects sociaux et culturels. En matière de profils de lecteurs, une dernière précision s’impose concernant le bagage des connaissances en latin des fonctionnaires possesseurs d’œuvres classiques ou humanistes. En effet, la langue scolastique, liturgique ou de la pratique juridique ou administrative n’est pas celle de Juvénal ou de Claudien 547. Même si le latin constituait auprès de ces lecteurs, pour l’essentiel, universitaires et ecclésiastiques, un pré-requis fondamental et une langue couramment pratiquée, l’appréhension d’une œuvre d’auteur classique exigeait une certaine maîtrise et des aptitudes linguistiques particulières permettant de se mesurer seul avec les grands textes. Autrement formulé : si tous ceux qui présentent ce profil de lecteurs étaient frottés de latin, ils n’étaient certainement pas tous d’éminents latinistes. D. Morale et rhétorique, le double attrait des belles-lettres latines L’un des constats les plus immédiats porte sur la présence marquée de l’œuvre 543

IJsewijn 1975 ; Walsh 1976.

544

Sur les liens entre humanisme et culture juridique : Gilmore 1963.

545

Kerchoffs-de Heij 1980, II, pp. 73-74 ; Contemporaries of Erasmus 1985-1987, II, pp. 76-80.

546

Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 95 ; LDB-II 2003, pp. 189-192.

547

Verger 1997, pp. 13-14 ; Monfrin 2001, p. 804 et suiv. Dans le même ordre d’idées, Charles le Téméraire confia au légat pontifical en 1475 qu’il connaissait surtout un « latin de soldats » (Walsh 1976, p. 181).

Chapitre II : La composition des librairies

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cicéronienne dans les librairies des officiers, quels que soient leur statut, leurs titres et leurs fonctions. Cette place de choix s’explique par le caractère protéiforme des usages réservés aux textes de Cicéron et notamment au De officiis, l’un des titres les plus fréquemment rencontrés. L’œuvre de Cicéron présentait d’autres atouts dont le moindre n’est pas de se prêter à une interprétation chrétienne ou évangélique qui a compté pour beaucoup dans son immense succès. Portée par un latin sobre et efficace, son œuvre a été ainsi appréciée par un lectorat aussi vaste que varié qui, selon son outillage intellectuel et au gré de ses aspirations, l’a plutôt utilisé comme manuel de rhétorique oratoire ou épistolaire (notamment dans l’enseignement, où Cicéron représente le canon de latin en prose par excellence), comme traité à haute valeur philosophique ou encore comme répertoire indirect d’exempla. Pour une très grande part, l’audience accordée à Cicéron tient donc autant au caractère didactique des préceptes moraux assimilables par la doctrine chrétienne qu’à une esthétique littéraire de qualité. Des raisons du même ordre permettent de comprendre la prédilection des officiers ducaux pour Ovide, Térence et Sénèque. Autorité incontestée dans le domaine de l’enseignement rhétorique et stylistique de la langue latine, l’œuvre d’Ovide a ainsi été largement mise à profit à des fins didactiques et moralisatrices par des générations de professeurs et de lecteurs médiévaux 548. La diffusion de Térence − le troisième auteur latin en termes de popularité auprès des officiers ducaux − repose aussi sur l’utilisation des Comediae dans l’apprentissage de la grammaire latine. Digne représentant des bonae litterae, Térence présente une langue équilibrée considérée dès le haut Moyen Âge comme l’un des meilleurs modèles de latin parlé. Les nombreuses sententiae enchâssées dans les Comediae contribueront en outre à lui assurer un succès durable auprès des enseignants humanistes qui l’utiliseront encore dans les Pays-Bas jusqu’au début du XVIIe siècle. En revanche, il semble que les quelques officiers qui possédaient un texte de Sénèque l’aient surtout appréhendé en sa qualité de moraliste et de philosophe, même si son style simple et accessible a certainement contribué à sa réception. Cette observation s’applique très probablement aussi à nombre de pièces de Boccace ou de Pétrarque, longtemps abordées dans une perspective plus médiévale qu’humaniste. La grande majorité des lecteurs médiévaux paraît avoir considéré l’Historia Griseldis comme une histoire moralisée et allégorique de l’âme chrétienne plutôt que comme un texte à grande valeur philologique et stylistique 549. Le lapsus calami de certains copistes qui ont transcrit Patriarche au 548

Un témoignage parmi d’autres : Jean de Neuilly-de-Saint-Front lègue en 1402 aux écoliers de Soissons ses Ovide de Fastis, Ovide de Tristibus, Ovide Methamorphozeos (Tuetey 1880, p. 315).

549

IJsewijn 1975, p. 204.

130

Partie II : Voyage au cœur des librairies

lieu de Pétrarque est d’ailleurs significatif de l’approche médiévale réservée par le plus grand nombre aux écrits du poète couronné 550. L’audience réservée par les agents ducaux aux auteurs antiques et humanistes paraît donc reposer en grande partie sur la destination moralisatrice qui leur est assignée et sur une utilisation pragmatique de leurs qualités littéraires et philologiques, le poids de ces deux paramètres pouvant naturellement varier d’un auteur ou d’un texte à l’autre. L’art pour l’art, pourrait-on dire, n’est donc pas la priorité de l’immense majorité des officiers lecteurs de littérature latine ou néo-latine. Les fonctionnaires qui avaient suivi un cursus académique avaient été très tôt confrontés à l’importance des techniques oratoires au cours des traditionnelles disputationes scolastiques et, pour ceux qui se destinaient à une carrière religieuse, ces classiques représentaient des outils doublement précieux dans le cadre de la prédication 551. Par ailleurs, le versant rhétorique de ces œuvres assurait aux serviteurs de l’État une certaine maîtrise du latin qui n’avait rien de gratuit dans l’exercice de leurs fonctions. Le maniement du beau langaige constituait un atout de taille lorsqu’il s’agissait d’exposer, de démontrer, d’argumenter et de convaincre à l’oral comme à l’écrit. Néanmoins, les classiques latins ne représentaient pas les seuls instruments disponibles en matière de rhétorique, comme en attestent quelques formulaires de chancellerie, des Summae dictaminis 552 et, surtout, des recueils de lettres d’auteurs patristiques 553, médiévaux 554 et (quoique dans une moindre mesure et dans un esprit différent) humanistes 555 qui jalonnent les librairies des fonctionnaires. Est-ce à dire que les textes de littérature latine ou néo-latine n’auraient été vécus par les officiers que dans leur dimension utilitaire 556 ? Non, sans doute. La présence d’auteurs humanistes plus contemporains ou moins diffusés invite à déceler chez l’un ou l’autre possesseur un réel attrait d’ordre intellectuel ou 550

Tournoy 1977, p. 34.

551

Pour Bartier, les légistes « semblent plutôt avoir été orateurs plus qu’écrivains, laissant surtout des discours latins ou français où ils assénaient sur la tête de leurs auditeurs tout ce qu’ils savaient de mythologie ou d’Ecriture sainte » (Bartier 1955-1957, p. 280). Cette opinion sur la nature de la production littéraire des juristes souffre quelques exceptions. Hormis Fillastre, Soillot, Germain et Haneron (qu’il cite), il faut ajouter les écrits de Jean Lorfèvre, de Guillaume et de Jean Bont et, plus tard, de Jean Le Sauvage, Jérôme de Busleyden ou de Philippe Wielant.

552

Clopper, n°231 ; Wielant, n°63.a. Il possédait aussi le De arte loquendi et tacendi d’Albertanus de Brescia (n°60.a.). Un manuscrit de Thierry Gherbode comprend des Introductiones de arte dictandi, le Dictamina de Pierre de la Vigne et la Summa dictaminis de Thomas de Capoue (Namur, Grand Séminaire, ms. Sem. 38).

553

Saint Jérôme : Dommessant (KBR, ms. 3527), Clopper (n°117), Hugonet (doc.II.11, partie I), van der Sluis (n°97.a, 130, 131, 171, 197 et 305) et Steenberch (doc.IV.51b et 122d). Saint Bernard : Lonijs (doc.II.37.b) et van der Sluis (n°230).

554

Clopper, n°212 ; Lonijs, doc.II.41a ; van der Sluis, n°247.

555

Clopper (doc.II.99), van der Sluis (n°84), Wielant (n°56), Haveloes (n°86).

556

Autrand 1973, pp. 1233-1234.

Chapitre II : La composition des librairies

131

esthétique pour un latin apprécié per se via des textes de qualité. La question reste toutefois sans réponse formelle pour l’immense majorité des fonctionnaires qui possèdent des lettres classiques. Cette problématique renvoie en outre aux notions de pratiques de lectures et d’usages du livre, elles-mêmes étroitement liées aux formes matérielles qui relaient le message écrit, soit des thèmes qui seront amplement développés dans la troisième partie de cet ouvrage. En revanche, quelques propriétaires qui bénéficient d’un large éclairage documentaire possédaient indiscutablement une librairie aux traits humanistes prononcés. VII. 2. Humanisme philologique et humanisme bourguignon À l’instar de bon nombre de ceux qui constituent l’épicentre de cette enquête, Dante Alighieri − l’une des trois Couronnes de l’humanisme transalpin − présente un curriculum vitae qui l’a conduit à prendre une part active dans la gestion des affaires publiques. Dans la France de Charles VI, ce nouveau courant trouvera quelques-uns de ses plus ardents propagateurs auprès des notaires et secrétaires royaux, amenant G. Ouy à parler « d’humanisme de chancellerie » 557. Dans quelle mesure leurs collègues qui exerçaient à des postes similaires dans les Pays-Bas bourguignons quelques générations plus tard ont-ils eux aussi constitué des relais de ce mouvement d’idées ? Plus largement, auprès de quels officiers ducaux l’humanisme a-t-il trouvé écho et sous quelle forme at-il été assimilé 558 ? Largement galvaudé, le concept d’humanisme présente un caractère protéiforme et polysémique qui oblige à en rappeler très brièvement les principales acceptions 559. Le courant humaniste peut être compris dans le sens d’un mouvement philologique, linguistique et littéraire de retour vers l’Antiquité et qui se donne pour objectif d’épurer la langue latine considérée comme polluée ou pervertie par les usages médiévaux. Cet humanisme des oratores et poetae côtoie l’humanisme bourguignon ou chevaleresque qui se manifeste par la redécouverte des classiques et des humanistes italiens revisités, sous forme romancée, via la traduction française 560. Cette notion peut aussi renvoyer à l’humanisme civique, une conception de la politique selon laquelle le bien 557

G. Ouy, Gerson et l’Angleterre. À propos d’un texte polémique retrouvé du chancelier de Paris contre l’Université d’Oxford, 1396, dans Humanism in France at the end of the Middle Ages and in the early Renaissance, éd. A.H.T. Lévi, Manchester, 1970, spéc. p. 46.

558

Cette problématique est longtemps restée très largement ignorée. L’un des premiers à avoir abordé la question, quoiqu’en des termes différents, reste R. Walsh (Walsh 1976, pp. 185-197) à la suite de J. Bartier (Bartier 1955-1957, spéc. p. 280 et suiv.).

559

Sur l’humanisme dans les Pays-Bas méridionaux aux XVe-XVIe siècles : Derolez 1972 ; GalletGuerne 1974 ; IJsewijn 1975 ; Walsh 1976 ; Vanderjagt 1995 ; Tournoy 1991.

560

Gallet-Guerne 1974, p. XII ; Walsh 1976, pp. 182-183.

132

Partie II : Voyage au cœur des librairies

propre de l’homme réside dans sa participation à la vie publique. Enfin, dans les Pays-Bas méridionaux notamment, l’humanisme prend à ses débuts la forme de ce que Guillaume Budé qualifie de transitus humanismi ad christianismum, soit l’étude des textes sacrés dans une optique théologique et dont Érasme sera l’un des représentants les plus connus 561. Si ces deux dernières acceptions n’apparaissent pas ici de manière évidente, l’humanisme philologique a trouvé des adeptes auprès d’Antoine Haneron, Jérôme de Busleyden et Philippe Wielant tandis que Jacques Donche, Antoine Rolin, Guillaume Hugonet et (quoique de manière indirecte) Vasque de Lucène et Jean Lorfèvre ont relayé l’humanisme bourguignon. A. Les librairies marquées par l’humanisme philologique Chercher à appréhender le texte originel et sans intermédiaire, lire les Anciens dans leur langue d’origine pour le seul plaisir de la beauté du texte voire s’essayer soi-même à la composition de pièces dans un latin débarrassé des tenebrae médiévales et du jargon scolastique : brossé à grands traits, tel pourrait être le credo des adeptes de l’humanisme philologique et littéraire qui s’est accompagné chez certains de préoccupations d’ordre pédagogique et éducatif. Néanmoins, les archives comme les livres retrouvés ne permettent que rarement de dégager ceux qui semblent avoir réellement souscrit à ce programme. Antoine Haneron, Jérôme de Busleyden et Philippe Wielant représentent à cet égard les personnalités les mieux documentées. ■ Antoine Haneron Maître ès arts et docteur en droit canon de l’Université de Paris − ville-creuset de l’humanisme en Europe au début du XVe siècle −, Haneron est admis en 1429 à l’Université de Louvain où il enseigne à la Faculté des arts durant près de dix ans. Repéré par Philippe le Bon en 1438-1439, il entre ensuite au service du jeune Charles de Charolais et des bâtards ducaux en qualité de maistre d’escole et instructeur 562. L’homme est polyvalent : en plus des responsabilités financières qui lui seront confiées au sein de l’hôtel ducal dès 1454, ses compétences seront sollicitées pour de nombreuses ambassades et son impressionnante carrière ecclésiastique suivra une voie tout aussi brillante que son parcours dans le siècle. La sensibilité d’Haneron au mouvement humaniste dans ses composantes linguistique et stylistique est perceptible au travers d’un de ses manuscrits et de son œuvre littéraire. On lui doit d’abord la commande d’un exemplaire du De Conjuratione Catilinae et du Bellum Jugurthinum de Salluste achevé le 9 avril 1438

561

IJsewijn 1975, p. 223.

562

Haneron aurait en outre été gouverneur de Francesco da Ferrara en 1449 (Gallet-Guerne 1974, p. XII, n. 8).

Chapitre II : La composition des librairies

133

par le copiste Georgius de Houdelem 563. L’originalité du manuscrit est double. Sans être véritablement exceptionnel, Salluste est cependant loin d’être l’auteur latin le plus lu et le plus copié au Moyen Âge dans les Pays-Bas méridionaux 564. Surtout, cet exemplaire présente deux modèles d’écriture différents, la gothique textuelle traditionnelle et une écriture cursive humanistique qui constituerait la première attestation du genre dans nos régions. Outre ces spécificités de fond et de forme souhaitées par Haneron lui-même, les nombreuses corrections qu’il y a insérées viennent encore attester de son intérêt pour le versant philologique de l’humanisme. Les manuels de grammaire et de rhétorique latine qu’il a composés à l’attention de ses étudiants témoignent d’une pédagogie humaniste qu’Haneron était alors l’un des seuls à pratiquer dans les Pays-Bas méridionaux 565. Les principaux aspects de son enseignement ont été résumés par J. IJsewijn : vocabulaire simple et sobre, recours constant aux auteurs classiques (Térence, Virgile, Cicéron), accent porté sur les aspects stylistiques et linguistiques et emploi du néerlandais pour expliquer les formes latines. Pieridum primus Belgis hic intitulit artes, instituit Karolum dignus et ipse ducem 566 : en ces quelques mots de facture typiquement humaniste composés à la mémoire d’Haneron décédé en 1490, Josse Beissel louera tout à la fois l’humaniste d’avant-garde et l’illustre pédagogue. ■ Jérôme de Busleyden Si Antoine Haneron fait à maints égards figure de précurseur, Jérôme de Busleyden appartient à la même génération que des humanistes patentés tels que Guillaume Budé, Thomas More ou Érasme avec qui il entretiendra d’ailleurs des relations épistolaires. Autre signe des temps, ce n’est plus à la Faculté de droit de Paris qu’étudie le jeune Busleyden mais bien à Padoue où il décrochera son doctorat en 1503 après un passage dans les Universités de Louvain et d’Orléans. À l’instar d’Haneron, il avait accumulé nombre de prébendes avant d’être nommé prévôt d’Aire en 1500. Repris en qualité de conseiller et maître des requêtes de l’hôtel en 1504, il entrera ensuite au Conseil secret du jeune Charles Quint pour qui il sillonnera les routes de France, d’Angleterre, d’Espagne mais aussi d’Italie. Enfin, on lui doit la fondation en 1517 du célèbre Collège des Trois-Langues, première institution d’enseignement des Pays-Bas méridionaux centrée sur l’étude du latin, du grec et de l’hébreu dans une perspective humaniste. 563

Leyde, Universiteitsbibliotheek, ms. Lips. 50.

564

Exemples : le De conjuratione Catilinae et le Bellum Jugurthinum apparaissent dans la librairie de SaintLaurent à Liège (CCB-II 1994, n°52.14 et 52.24), de Saint-Paul à Liège (CCB-II 1994, n°64.43) et de Lobbes (CCB-IV 2001, n°103.72). Ces textes ne sont ici attestés que chez Wielant (n°60a, 60b, 108a et 108b) et François de Busleyden (Oxford, BL, Rawl., ms. G 140).

565

IJsewijn 1975, pp. 218-220.

566

Cité d’après IJsewijn 1975, p. 218, n. 30.

134

Partie II : Voyage au cœur des librairies

Le patrimoine livresque de Jérôme de Busleyden bénéficie d’un éventail de sources aussi large que diversifié et offre un témoignage de première main sur son implication dans le mouvement humaniste. À mots certes voilés, la richesse (notamment linguistique) de sa collection est évoquée dans une clause de son testament où il précise léguer au Collège des Trois-Langues alios vero omnes et quoscumque libros meos, cuiuscumque sint facultatis, linguae siue ydiomatis 567. Celui qui a porté sur les fonts baptismaux une institution consacrée aux lettres latines, grecques et hébraïques devait sans nul doute en posséder des textes manuscrits et imprimés. Plusieurs témoignages ultérieurs viennent confirmer l’existence au sein de la bibliothèque du Collège des Trois-Langes de volumes grecs, latins et hébreux 568. Il est toutefois difficile de déterminer s’ils ont appartenu en propre à Busleyden avant qu’il ne les lègue à sa fondation, d’autant qu’aucun ouvrage en grec ou en hébreu portant une marque de sa possession n’a été retrouvé 569. Les données assez implicites fournies par son testament et son compte d’exécution testamentaire sont toutefois amplement confirmées et complétées par d’autres documents. La correspondance de Busleyden ainsi que des courriers de Thomas More, d’Érasme et de Jean Lemaire de Belges représentent des sources exceptionnelles pour appréhender ses intérêts et ses lectures classiques et humanistes. La première lettre de Busleyden concerne Andreas Lusitanus, un camarade d’études fréquenté lors de son cursus académique à Padoue et à qui il donne en 1502 un exemplaire des Epigrammata du poète Martial dans la première édition d’Alde Manuce parue à Venise en décembre de l’année précédente 570. En 1507-1508, un personnage assez obscur nommé Sylvius Italicus reçoit de Busleyden une copie du Paena, poème composé par le Brugeois Charles Fernand. Il s’agit en réalité d’un commentaire sur le De mundissimo Virginis Mariae Conceptu adversus Vincentium de Castrinovo du fameux humaniste parisien Robert Gaguin 571. Busleyden connaissait aussi les travaux d’une autre figure marquante de l’humanisme français, Jacques Lefèvre d’Etaples, puisque le catalogue de la librairie Saint-Matthias de Trèves fait mention en 1511 d’un Quincuplex Psalterium cum Commentariis qu’il aurait offert à cette abbaye bénédictine 572. Toujours au registre des maîtres à penser humanistes, il faut citer Guillaume Budé, auteur du De Asse dont un exemplaire entre en 1515 dans la librairie de Martin van Dorp grâce à la générosité de 567

Répertoire documentaire, doc.XII.5.

568

Répertoire documentaire, docs XV, XVII et XVIII.

569

Ses exécuteurs testamentaires rembourseront pro collegio l’achat et la reliure d’une bybele in hebreaussche tale geprent à Matthieu Adrianus, premier professeur d’hébreu du Collège (Répertoire documentaire, doc.XIII.4).

570

Répertoire documentaire, doc.I.

571

Répertoire documentaire, doc.VII.

572

Répertoire documentaire, doc.VIII.

Chapitre II : La composition des librairies

135

Busleyden, qui l’appréciait beaucoup 573. Parmi ses amis de toujours figure aussi Jean-Louis de Mouscron, nommé conseiller ecclésiastique du Grand Conseil en octobre 1511. Dans un courrier rédigé quatre ans plus tard, Busleyden le remercie pour l’envoi d’une œuvre de Pomponius Gauricus 574. La curiosité de Jérôme de Busleyden pour les antiquités romaines se trouve pleinement confirmée dans une autre lettre adressée cette fois le 17 novembre 1507 par Jean Lemaire de Belges à un familier de Marguerite d’Autriche, Jean de Marnix 575. L’indiciaire y fait allusion à un petit livret où sont rassemblés des textes et des dessins relatifs aux objets trouvés récemment dans une tombe gallo-romaine située au lieu-dit « Champ à la tombe » (Tomvelt) près de l’église de Zaventem. L’exemplaire, précise-t-il, n’est que temporairement en sa possession : il lui vient de Gilles de Busleyden qui le lui a confié pour qu’il le remette à son frère Jérôme. Ce livre pourrait avoir été écrit par Gilles lui-même et comme l’indique le courrier de Lemaire de Belges, il comprend effectivement une quinzaine de dessins sur lavis rehaussés à la plume représentant les antiquités exhumées au Tomvelt. Quatre courriers rédigés par Érasme apportent un éclairage particulier sur la culture humaniste du fondateur du Collège des Trois-Langues. Le premier remonte au 27 novembre 1503 et est adressé par le prêtre de Rotterdam à Willem Hermansz. L’humaniste hollandais annonce à son correspondant qu’il a donné l’une de ses compositions à Hieronymus Buslidianus [...] vir utriusque linguae callentissimus 576. Visiblement tenu en haute estime, Busleyden reçoit encore trois ans plus tard une lettre qui constituera la préface des Luciani dialogi et dont Érasme lui offre un exemplaire 577. Un témoignage plus indirect de l’attrait de Busleyden pour la littérature néo-latine est apporté par un échange épistolaire daté de décembre 1520 entre Érasme et Polidoro Virgilio 578. Il y est question d’un exemplaire des Proverbia composés par son correspondant et qu’il a eu le bonheur de trouver in bibliotheca clarissimi viri Hieronymi Buslidii. Érasme fournit ensuite un détail aussi précis que précieux : selon lui, cet ouvrage aurait été ramené d’Italie par un Busleyden omnium librorum emacissimus. L’exceptionnelle richesse de la librairie personnelle du prévôt d’Aire est encore saluée par Thomas More qui s’en ouvre à Érasme dans un échange épistolaire 579. Une mission effectuée dans les Pays-Bas en 1515 avait été l’occasion d’une rencontre 573

Répertoire documentaire, doc.IX.

574

Répertoire documentaire, doc.X.

575

Répertoire documentaire, doc.VI (ÖNB, ms. 3324). Voir aussi Partie II, chap. III, §. III.2.F.

576

Répertoire documentaire, doc.II.

577

Répertoire documentaire, doc.V.

578

Répertoire documentaire, doc.XIV.

579

Répertoire documentaire, doc.XI.

136

Partie II : Voyage au cœur des librairies

entre More et Busleyden, qui lui avait alors fait découvrir sa collection d’ouvrages qui fera forte impression sur l’humaniste anglais. Ce séjour dans nos régions créera des liens d’amitié et de connivence intellectuelle entre les deux hommes qui s’exprimeront notamment dans le Tetrastichon que l’auteur de l’Utopia rédigera en l’honneur de Busleyden durant l’été 1515. Ce petit texte a été soigneusement retranscrit au sein d’un recueil des Carmina, Epistulae et Orationes composées par Busleyden 580. En digne amateur des bonae litterae, il avait pris soin de corriger lui-même l’un ou l’autre passage de cet ensemble de textes copiés à sa demande par Conrad Wecker 581. ■ Philippe Wielant Parmi ces Carmina, Epistulae et Orationes de Jérôme de Busleyden figure une œuvre de commande, une ode rédigée pour Philippe Wielant qui souhaitait l’inscrire sur son tableau représentant le Jugement de Pâris 582. Il s’agit là d’un des signes les plus tangibles de l’intérêt manifesté pour la littérature néo-latine par ce juriste d’envergure qui présente toutefois un profil d’humaniste moins engagé que celui d’Haneron et Busleyden. Plusieurs indices dans sa librairie laissent penser que Wielant a manifesté une certaine ouverture au mouvement humaniste auquel il aurait peut-être été sensibilisé lors de ses études à Paris 583. Un véritable arsenal de classiques latins et grecs (Quintilien, Ovide, Virgile, Térence, Juvénal, Cornelius Nepos, Lucain, Xénophon) y côtoie de nombreuses œuvres plus modernes rédigées par des ténors de l’humanisme transalpin tels que Le Pogge, Petrus Paulus Vergerius, Pétrarque et Boccace. Mais il y a chez lui d’autres signes d’une certaine forme d’assimilation de l’humanisme. D’une part, la présence d’un lot de textes à vocation didactique et pédagogique − un des traits structurels de la pensée humaniste − constitue peut-être un témoignage supplémentaire d’une certaine forme de domestication de l’humanisme. Wielant signale dans son catalogue plusieurs œuvres à caractère didactique d’auteurs aussi bien médiévaux que modernes, comme le De ingenuis moribus et liberalibus studiis adulescentiae libellus de Petrus Paulus Vergerius 584, le De disciplina scolarium du Pseudo-Boèce 585 ou encore le De proprietatibus rerum de Barthélemy l’Anglais 586. L’humanisme philologique et littéraire se marque aussi par la recherche de la lectio melior. À 580

KBR, ms. 15676-77.

581

Détails dans la Partie II, chap. III, §. III.2.F.

582

De Vocht 1950, Carmina V, n°III, p. 216.

583

Van den Auweele - Tournoy - Monballyu 1981, pp. 153-154.

584

Répertoire documentaire, n°69.a et 700.a.

585

Répertoire documentaire, n°66.

586

Répertoire documentaire, n°77.

Chapitre II : La composition des librairies

137

moins naturellement qu’il s’agisse de dons ou d’héritages, c’est peut-être en ce sens qu’il faut interpréter les nombreux titres en double voire en triple exemplaires dans sa collection. On relève en effet notamment deux copies du De ingenuis moribus de Petrus Paulus Vergerius 587, du De officiis 588, des Paradoxa Stoicorum 589 et du De senectute de Cicéron 590. Quant aux Comediae de Térence, elles apparaissent en trois exemplaires 591. Sa bibliothèque semble donc empreinte d’une certaine forme d’assimilation de ce mouvement intellectuel, impression qui pourrait être renforcée par sa commande d’une pièce néo-latine à Jérôme Busleyden. Son œuvre littéraire reste toutefois encore profondément inscrite dans la tradition médiévale de par les langues utilisées (le français et le néerlandais et non le latin) et les thèmes privilégiés (le droit coutumier et l’histoire à caractère politico-institutionnel) 592. En ce sens, on ne peut pas véritablement parler d’un Philippe Wielant humaniste, même s’il s’est montré perméable aux changements culturels dont il était le témoin. B. Les librairies marquées par l’humanisme bourguignon Dans son acception la plus large, l’humanisme bourguignon ou chevaleresque s’exprime au travers d’œuvres narratives d’auteurs grecs et latins traduites en français dans la sphère curiale et qui mettent en scène des héros ou des événements tirés de l’Antiquité. Il en a déjà été question plus haut, l’histoire ancienne compte parmi les genres les plus prisés à la cour de Bourgogne. Parmi les textes-phares qui ont vu le jour sous le règne de Philippe le Bon, il faut d’abord citer le Livre des faits et conquêtes d’Alexandre le Grand achevé en 1448 par Jean Wauquelin à la demande de Jean, comte d’Etampes et de Nevers. On peut aussi épingler quelques travaux de Jean Miélot qui traduit en 1449 les Orationes de vera nobilitate de l’Italien Buonaccorso da Pistoia avant de mettre en français en 1450 le douzième Dialogue des mots de l’écrivain grec Lucien d’après la version latine de Giovanni Aurispa. Entre autres textes, on lui doit aussi le remaniement de l’Epître d’Othéa de Christine de Pizan en 1461 et la mise en cler françois du Romuleon de Roberto della Porta vers 1463-1465. Rappelons aussi qu’avant 1467, Charles Soillot avait composé à l’intention du comte de Charolais sa traduction française du Hiéron ou de la Tyrannie de Xénophon d’après la traduction latine de Leonardo Bruni. Les premières années du principat de Charles le Téméraire 587

Répertoire documentaire, n°69.a et 700.a.

588

Répertoire documentaire, n°59.a et 64.

589

Répertoire documentaire, n°59.d et 78.a.

590

Répertoire documentaire, n°59.c et 111.a.

591

Répertoire documentaire, n°80, 82.a et 86 ; voir aussi la Partie III, chap. III, §. III.2.F.

592

La problématique demanderait toutefois à être approfondie du point de vue linguistique ou syntaxique et en analysant le type d’auteurs ou de textes auxquels Wielant fait référence.

138

Partie II : Voyage au cœur des librairies

voient éclore un chapelet de textes peu ou mal connus d’auteurs grecs et latins redécouverts dans la sphère curiale via la traduction française. Jean Miélot termine en 1468 sa traduction de la Lettre de Cicéron à Quintus. Vasque de Lucène entreprend au début des années 1460 la version française de l’Histoire d’Alexandre de Quinte-Curce d’après la traduction du Pogge et qu’il achève en 1468. Deux ans plus tard, il offre à Charles le Téméraire sa traduction française de la Cyropédie de Xénophon d’après la traduction latine du Pogge. Le travail de Jean du Quesne s’inscrit dans la même veine, qui traduit en français les Commentarii de César dans les années 1472-1474 593. Ces œuvres composées sous le règne de Charles le Téméraire se singularisent par un certain souci de fidélité, de recherche et de réflexion par rapport au texte-source 594. Pour illustrer cette démarche d’allure humanistique, on a souvent allégué les propos du traducteur de l’Histoire d’Alexandre qui justifie l’utilité de son travail par l’existence de versions corrompues, altérées, fausses et pleines d’évidents mensonges 595. L’orientation de cette littérature est généralement assez politique et engagée : il s’agit pour l’essentiel de miroirs des princes adressés à un jeune duc dont le caractère trempé et l’admiration pour les grandes figures gréco-latines ne sont un secret pour personne. Il faut certes suivre J. Monfrin lorsqu’il estime que les productions de Lucène ou Soillot ne relèvent pas du genre de la compilation fabuleuse et légendaire dont Raoul Lefèvre ou Jean Wauquelin se sont fait les chantres : « ces traducteurs », écrit-il, « n’appartiennent pas au même monde et leur culture est bien diverse » 596. Même si les thèmes et le ton ne sont plus absolument identiques, ces œuvres conservent toutefois avec leurs homologues produites au temps de Philippe le Bon un esprit médiéval profondément chevaleresque. À la lecture de ces pièces, on reste en effet sur l’impression que le vieux fonds de culture du héros bourguignon constitue encore la trame principale de ces textes où l’esprit de croisade n’est jamais loin, pas plus que les vertus incarnées jadis par un Girart de Roussillon qui cède ici la place à Alexandre et Cyrus. En réalité, le changement semble plutôt se situer du côté de l’éducation et de l’entourage du jeune Charles le Téméraire. Le rôle fondamental d’Isabelle de Portugal en matière de pédagogie et de sensibilisation à une certaine forme de culture humaniste a été amplement démontré, de même que les liens très forts qui l’unissaient à son fils unique 597. Entre autres expressions des orientations intellectuelles de la duchesse, rappelons que sa cassette personnelle avait 593

Sur cette traduction : Bossuat 1943 ; Montigny 2006.

594

Monfrin 2001, pp. 814 et 855.

595

Olivier Collet dans Splendeurs de la cour de Bourgogne 1995, p. 566.

596

Monfrin 2001, pp. 855-856.

597

Willard 1967 ; Gallet-Guerne 1974 ; Sommé 1991 ; Isabelle de Portugal 1991 ; Sommé 1995.

Chapitre II : La composition des librairies

139

probablement servi à défrayer Vasque de Lucène de ses travaux de traduction réalisés à La Motte-aux-Bois où elle s’était retirée dès 1457. Le choix des textes traduits en français par son compatriote doit certainement revenir à celle qui avait veillé à l’instruction et à la formation des enfants de la famille ducale élevés à la cour 598. En matière d’humanisme vernaculaire, elle pourrait être à l’origine de la diffusion au Portugal du Livre des trois vertus de Christine de Pizan puisque c’est à la demande de sa petite-nièce, Éléonore, qu’il sera traduit dans cette langue; les préoccupations pédagogiques de la duchesse s’expriment d’ailleurs clairement dans ce texte au caractère didactique prononcé 599. Isabelle de Portugal avait trouvé un relais efficace en la personne d’Antoine Haneron, engagé dès 1438-1439 comme maistre d’escole de Charles le Téméraire et des bâtards ducaux. Haneron est à l’époque l’un des principaux, et l’un des rares, hérauts de l’humanisme. Si on accepte de lui reconnaître des qualités de pédagogue et d’enseignant (un sujet qui paraît l’avoir animé sa vie durant), il aura sans doute compris combien ce jeune élève impétueux se passionnerait pour ces récits d’histoire antique soucieux d’exactitude et qui mettaient en scène des héros dont il rêvait, tout en lui offrant des modèles de sagesse et de bravoure − mais dans une langue qu’il devait apprendre à maîtriser. Qui sait l’influence qu’aurait pu exercer sur les lectures et l’imaginaire de Charles le Téméraire un autre précepteur qui n’aurait pas, comme Haneron, été féru de culture antique ? Les historiens s’accordent toutefois généralement à reconnaître que cet attrait caractérisé de Charles le Téméraire à l’égard de l’univers gréco-romain n’en fait pas un prince de la Renaissance 600. Fût-elle portée par des textes composés dans une perspective philologique plus « moderne » et qui relayent certaines valeurs civiques, l’Antiquité pour Charles le Téméraire (et pour la noblesse de haut rang de l’entourage curial) semble avoir été largement maintenue dans son rôle traditionnel de réservoir de récits édifiants. Une fois encore, les exemples moraux fournis par les faits des anciens paraissent primer davantage qu’une réelle ouverture intellectuelle au contexte historique qui a vu naître ces œuvres, à leur esthétique littéraire ou à leur message d’humanisme civique. Évoquer l’influence d’Haneron sur les goûts littéraires du Téméraire offre une transition facile vers la question de la participation des fonctionnaires au mouvement humaniste bourguignon. D. Gallet-Guerne est l’une des premières à avoir perçu et souligné que Vasque de Lucène, Charles Soillot ou encore Jean Mansel étaient tous liés par un point commun : le service ducal 601. Les 598

Sommé 1995, pp. 65-88.

599

Willard 1967, p. 524 ; Isabelle de Portugal 1991, p. 54.

600

Sur cette question : Walsh 1976, p. 182 et suiv.

601

Gallet-Guerne 1974, p. XIV, n. 20.

140

Partie II : Voyage au cœur des librairies

recherches de S. Lefèvre ont en outre permis de leur adjoindre le nom de Jean Lorfèvre. Si donc certains officiers ont pris la plume pour alimenter cet humanisme d’essence bourguignonne, sa réception dans les bibliothèques de leurs collègues contemporains ou ultérieurs paraît néanmoins avoir été confidentielle. Les collections qui comprennent une ou plusieurs pièces de ce genre ne sont d’ailleurs guère plus nombreuses que celles qui affichent une coloration d’humanisme philologique et littéraire. ■ Vasque de Lucène et Jean Lorfèvre L’examen de l’audience des textes humanistes bourguignons auprès de ces deux possesseurs sera rapide, étant donné l’indigence de données qui, de plus, ne présentent aucun rapport direct avec ce mouvement littéraire. On ignore tout de la collection que Lucène légua à la Faculté des arts de l’Université de Louvain en 1512 et les renseignements sont à peine plus fournis à propos de ce vieux livre en ancienne lettre rédigé en latin qu’il avait prêté à Guillaume Hugonet 602. Quant à Jean Lorfèvre, on ne lui connaît qu’un seul miscellanea autographe dans lequel apparaissent des textes à caractère juridique 603. Le contenu de sa bibliothèque aurait sans nul doute été précieux pour la connaissance du bagage humaniste qui sous-tend sa traduction française réalisée entre 1469 et 14761477 du De dictis et factis Alphonsi regis, composition en prose rédigée en 1455 et à deux voix par Antoine Beccadelli et Eneas Piccolomini 604. S’agissant ici d’examiner la diffusion de l’humanisme au sein des librairies des officiers, signalons que la version française de Jean Lorfèvre n’est actuellement connue que par un seul manuscrit exécuté sur un papier datable d’entre 1472 et 1482 et qui présente l’ex-libris de Charles de Croÿ († 1527) 605. On observera donc que le cercle de réception n’est pas celui de ses collègues mais bien celui de la haute aristocratie bibliophile, en l’espèce la famille Croÿ. Jean Lorfèvre – qui avait d’ailleurs participé à une ambassade en 1458 avec Jean de Croÿ († 1473) – figurait en effet parmi les clients de cette puissante lignée 606 à laquelle il était en outre apparenté par son épouse. ■ Jacques Donche La traduction française des Commentarii de César par Jean du Quesne s’inscrit pleinement dans la mouvance de l’humanisme bourguignon 607. L’initiative en revient à Charles le Téméraire qui commande en 1472 ce vaste « roman 602

Répertoire documentaire, docs I-II.

603

KBR, ms. 14033-34.

604

Splendeurs de la cour de Bourgogne 1995, pp. 629-736 ; voir aussi Lefèvre 2005.

605

Cracovie, ms. Gall. Fol. 211 (Lefèvre 2005).

606

De Win 1983 ; Godding 1999, p. 83.

607

Sur ce qui suit : Bossuat 1943 ; Montigny 2006 (voir également la Partie III, chap. I, §.I.6.B).

Chapitre II : La composition des librairies

141

historique » à Jean du Quesne, copiste-écrivain lillois qui avait déjà travaillé pour lui et pour certains nobles de son entourage 608. Ces Commentieres Julius Cesar premier empereur de Romme 609 ne sont conservés que par huit témoins à peu près contemporains de la traduction de Jean du Quesne, datée d’entre 1472 et 1474. L’une de ces copies présente un colophon qui ne laisse aucun doute sur les noms du traducteur, du commanditaire et du copiste ainsi que sur les lieu et date de la traduction et sur la date de la transcription : Cy prent le Xe et darrenier livre des commentaires de Cesar fin [partiellement effacé] translatez en la ville de Lisle, lan mil CCCC LXXIIIe par Jehan du Chesne, humble et indigne. Copie a loriginal par Hellin de Burchgraue a la requeste de honnorable homme et saige Jaques Douche, conseillier de mon tres redoubte seigneur, monseigneur le duc de Bourgogne, son watregrave et moermaistre de Flandres et maistre de la chambre aux deniers de madame la duchesse de Bourgogne et cetera en lan mil IIIJc soixante seize 610. Les principaux jalons du cursus honorum du commanditaire Jacques Donche sont aujourd’hui mieux connus grâce aux recherches de Jan Dumolyn 611. Issu d’une famille patricienne originaire de la châtellenie de Furnes, il entre dès les années 1450 au service de la maison princière. Il exerce des charges d’ordre financier au niveau régional (notamment au Conseil de Flandre comme receveur, conseiller-commissaire puis conseiller ordinaire et en qualité de watergraaf en moermeester de Flandre à partir de 1467) et dans l’entourage de Marguerite d’York, dont il devient le maître des monnaies et l’homme de confiance. Sa fidélité à Maximilien d’Autriche lui vaudra la confiscation de ses biens par les Gantois, ce dont il sera toutefois dédommagé par l’autorité centrale en 1489. Quelle importance faut-il assigner à l’exemplaire de Donche dans la diffusion de l’humanisme bourguignon et comment l’interpréter ? Le chapitre consacré plus spécifiquement aux « officierscommanditaires » nous permettra d’y revenir plus longuement. ■ Antoine Rolin et Guillaume Hugonet Les dernières années du règne de Philippe le Bon voient éclore deux œuvres narratives rédigées par Raoul Lefèvre et centrées sur des figures mythiques de l’Antiquité : l’Histoire de Jason, datée des années 1460 et dédiée au Grand duc d’Occident et le Recueil des Histoires de Troye rédigé à sa demande entre 1464 et 1465. Il n’est certes plus question ici de traduction vernaculaire d’auteur classique ou humaniste et, au sens strict, ces textes ne relèvent pas directement de l’humanisme bourguignon. L’Histoire de Jason comme le Recueil des Histoires de Troye portent cependant en germe des thèmes (les prouesses des héros antiques Jason et Hercule, ce dernier jusqu’alors un peu oublié) qui seront renouvelés et 608

Détails dans la Partie III, chap. I, §.I.6.B.

609

Prologue du BNF, ms. fr. 38, fol.1r.

610

New Haven, Beinecke Library, ms. 226, fol.261v.

611

Dumolyn 2004.

142

Partie II : Voyage au cœur des librairies

abordés dans une optique un peu différente sous le règne de Charles le Téméraire. Si la diffusion du texte de Jean du Quesne n’a pas dépassé le cadre de la cour de Bourgogne, les récits de Raoul Lefèvre trouveront un lectorat bien plus nombreux. Les quelque 26 manuscrits et la vingtaine d’impressions attestent du succès rencontré par le Recueil des Histoires de Troye 612. M. Aeschbach a identifié quelques-uns des possesseurs de ce texte 613. Philippe le Bon et Charles le Téméraire côtoient Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, Édouard IV, Louis de Bruges, Philippe de Clèves, Françoise d’Alençon ou encore Perceval de Dreux. En présence des armes surpeintes de la famille d’Oettingen, M. Aeschbach pouvait difficilement attribuer la possession du Parisiensis, fr. 22552 à Antoine Rolin et son épouse Marie d’Ailly. Le manuscrit comprend toutefois le monogramme « AM » utilisé par le couple dans d’autres volumes 614 et quelques miniatures ont été exécutées par le Maître d’Antoine Rolin, miniaturiste « attitré » du grand bailli de Hainaut. De plus, P. Schandel et I. Hans-Collas estiment que la main du copiste Pierre Gousset qui a escript et furni cet exemplaire se reconnaît dans la Glose d’Evrard de Conty sur le Livre des échecs amoureux, une copie commandée par Antoine Rolin au maître éponyme 615. Même si cette Glose et la compilation fabuleuse de Raoul Lefèvre présentent d’indéniables différences de composition et de tonalité, elles s’articulent toutes deux autour des aventures de figures mythiques de l’Antiquité : Hercule, au cœur du Recueil des Histoires de Troye; Mercure, Vénus, Pallas ou encore Junon dans la Glose d’Evrard de Conty. Il s’agit dans les deux cas d’une lecture typiquement médiévale des faits romanesques de ces héros et héroïnes appréhendés à des fins didactiques (voire encyclopédiques pour Evrard de Conty) et teintés d’un certain esprit courtois. Cette approche de type moralisatrice ou didactique s’applique probablement aussi au De casibus virorum illustrium de Boccace dans la traduction de Laurent de Premierfait, dont une copie porte les armes d’Antoine Rolin et de son épouse 616. Ces quelques exemples issus de la collection du grand bailli de Hainaut rappellent l’élémentaire prudence dont il faut faire preuve face aux personnages de l’Antiquité mis en scène dans certains textes et qui ne sont pas toujours ni nécessairement synonymes d’humanisme bourguignon. Le matériel documentaire est moins éclairant dans le cas du Livre de Jason et de Medee décrit dans le compte de tutelle des enfants du chancelier Hugonet sous 612

Aeschbach 1987, pp. 7 et 24. L’ISTC répertorie en outre pour l’Histoire de Jason 4 éditions françaises, 2 impressions néerlandaises et 2 éditions anglaises.

613

Liste des mss avec indication des propriétaires : Aeschbach 1987, p. 24.

614

BNF, ms. fr. 9197 et Oxford, Douce, ms. 205.

615

BNF, ms.fr. 9197. Voir aussi à Nicolas Rolin, doc.I.4.

616

Localisation inconnue (voir Catalogue descriptif).

Chapitre II : La composition des librairies

143

la rubrique Livres en françois 617. Il s’agit vraisemblablement d’une copie non retrouvée de l’Histoire de Jason du même Raoul Lefèvre. Hugonet étant décédé en 1477, son exemplaire pourrait dès lors être contemporain de la composition de cette œuvre datée des années 1460. Ce Livre de Jason et de Medee paraît toutefois être le seul représentant d’une certaine forme d’humanisme bourguignon au sein de la collection du chancelier qui comprend bien davantage de belles-lettres latines et italiennes. Au final, ce survol des belles-lettres latines et humanistes chez les officiers ducaux laisse entrevoir qu’elles y ont trouvé un lectorat certain − et qui présente une assise plus large et un profil-type différent de celui des possesseurs de textes romanesques. Dans leur grande majorité, ces propriétaires ne semblent pas faire montre d’une véritable originalité dans leurs lectures d’auteurs classiques ou humanistes. Cicéron, Térence, Ovide et Sénèque constituent l’essentiel de leur bagage antique in rhetorica et in poetria tandis que Boccace, Pétrarque et Le Pogge assurent en première instance la représentation des bonae litterae italiennes. Pour beaucoup, la manière d’appréhender et d’interpréter ces deux pôles littéraires reste très médiévale et utilitaire. Nombre de fonctionnaires paraissent rechercher dans leur fonds antique et humaniste des modèles à suivre, qu’il s’agisse de canons du bien dire et du bien écrire ou de préceptes moraux. De cet ensemble de possesseurs émergent toutefois de manière très nette quelques individus dont la bibliothèque est marquée soit par l’humanisme philologique promis à un bel avenir européen, soit par l’humanisme bourguignon qui, largement endogène dans sa diffusion manuscrite, était en revanche voué à disparaître progressivement une fois retombé le second souffle que lui avait assuré l’imprimerie. Les traces de l’humanisme bourguignon au sein des collections de Donche, Hugonet et Antoine Rolin confirment la coloration chevaleresque qui imprègne la démarche humaniste à la cour de Bourgogne – même si des personnalités telles que Vasque de Lucène y apporteront un esprit nouveau, sans être révolutionnaire. Vu le profil des possesseurs de bibliothèques tournées vers l’humanisme philologique, on ne peut parler ici d’un humanisme de chancellerie, selon l’expression employée par G. Ouy pour qualifier le milieu de réception privilégié de l’humanisme en France au début du XVe siècle. Haneron, dont la carrière s’est déroulée loin des bureaux administratifs, semble avant tout un « produit culturel dérivé » de l’Université. Jérôme de Busleyden et Philippe Wielant, eux aussi universitaires de haut rang, ont évolué à des postes élevés dans des instances principalement judiciaires. Il faut toutefois rappeler que ces collections humanistes à tonalité 617

Doc.II.83 (partie I).

144

Partie II : Voyage au cœur des librairies

philologique montées par Haneron, Busleyden et Wielant sont particulièrement bien documentées. Seules des données complémentaires permettraient, en les croisant, de mieux apprécier le bassin de réception et de diffusion de l’humanisme – dans son acception la plus large –, d’évaluer dans quelle mesure ces bibliothèques représentent des îlots culturels privilégiés et de déterminer si ces foyers d’expression humanistes procèdent d’initiatives isolées ou relèvent au contraire de conceptions communes 618. Des investigations plus poussées axées sur Wouter Lonijs ou Nicolas Clopper, par exemple, autoriseraient sans doute une meilleure contextualisation de ces librairies qui s’imposent parmi les mieux fournies en bonae litterae, qui plus est, relativement peu courantes. Un matériau documentaire plus abondant et mieux exploitable pourrait également venir confirmer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle la sensibilité à l’esthétique italienne ou renaissante clairement affichée dans d’autres domaines par Guillaume Fillastre, Nicolas Ruter, Henri de Berghes ou Jean Le Sauvage 619 se sera peu ou prou traduite dans leur patrimoine livresque. On ne peut toutefois imputer aux sources l’absence remarquée de textes en résonnance directe avec les conceptions chrétiennes de l’humanisme incarnées par Guillaume Budé ou Érasme, ou avec la philosophie de l’humanisme civique (humanitas). La librairie de Jérôme de Busleyden pourrait constituer la seule véritable exception ; mais outre qu’il s’agit d’une des collections les plus tardives de notre ensemble documentaire, le parcours personnel du fondateur du Collège des TroisLangues est également assez atypique par rapport au reste du corpus. §. VIII. Li livre de la fontaine de toutes sciences . Les textes à caractère scientifique, technique et didactique Reste enfin à évoquer la littérature à caractère scientifique, technique et didactique au sein des collections constituées par les officiers ducaux. Sous cette dernière rubrique ont été rangés l’ensemble des textes qui relèvent des divers domaines de la connaissance : le corpus aristotélicien et les œuvres à portée 618

Sans être légion, les bibliothèques qui affichent une coloration humaniste ne sont pas rarissimes dans les Pays-Bas méridionaux au XVe et au tout début du XVIe siècle. Certains de leurs possesseurs sont connus, d’autres moins (Jean Adorne, Jean Jouffroy, Jacques de Houchin, Raphael de Mercatel, Jan Crabbe, Philippe Conrault, etc.). Ces collections n’ont toutefois jamais été étudiées sous l’angle des éventuelles connexions entre leurs possesseurs.

619

S’il fait appel à l’artisanat régional en matière de tapisseries, de mobilier d’église ou de vitrail, l’abbé de Saint-Bertin sollicite pour son tombeau l’atelier des sculpteurs florentins della Robia (Gil - Nys 2004, spéc. pp. 202-205). Coiffé d’un bonnet « à l’italienne » et vêtu d’une robe à collet montant, Nicolas Ruter s’est fait représenter en buste sur une médaille exécutée en 1478 par le célèbre médailleur Giovanni Filangieri di Candida (Tourneur 1959, n°10). Henri de Berghes, qui devait prendre à son service Erasme lorsqu’il n’était pas encore un humaniste confirmé, est perçu par R. Walsh comme « who of all the last Valois duke’s officials might most reasonably be described as Italianate » (Walsh 1976, p. 194). Jean Le Sauvage avait lui aussi été l’un des protecteurs d’Erasme (Contemporaries of Erasmus 1985-1987, II, pp. 325-326).

Chapitre II : La composition des librairies

145

encyclopédique ou universelle ; les artes plus spécialisés (astronomie et astrologie, géographie et littérature de voyage, « miroirs » et autres représentants de la littérature exemplaire); et les textes de médecine. VIII. 1. Les fondements aristotéliciens et les œuvres encyclopédiques En matière de structuration des savoirs et de définition de ses méthodes et de ses instruments, la première place revient naturellement à Aristote dont l’œuvre philosophique et dialectique imprègnera de manière profonde et durable le monde médiéval. L’étude du corpus aristotélicien et de ses commentateurs faisait partie du bagage fondamental de tout universitaire, ce qui explique en grande partie sa présence chez plusieurs officiers. Ainsi, la dialectique aristotélicienne est illustrée chez Philippe Wielant par un textus logice 620 tandis que l’inventaire après-décès de Simon van der Sluis signale des Questiones portant sur la Logica et plusieurs autres textes non spécifiés sur le même sujet 621. D’autres libelli logicales apparaissent chez Wouter Lonijs sans que les sources offrent davantage de précision 622. Les Summulae logicales de Pierre d’Espagne s’imposent parmi les manuels les plus répandus, qui se sont progressivement adjoints à l’œuvre logique d’Aristote. Leur emploi très fréquent dans l’enseignement se voit d’ailleurs attesté de manière concrète dans l’inventaire après-décès de Corneille Haveloes où l’inscription Om Goidswille gegeven eenen jongen clerck a été ajoutée face la description d’un exemplaire de ce texte 623. Les attestations de textes qui composent le versant philosophique de l’œuvre d’Aristote sont à la fois plus nombreuses et plus fréquentes que celles du corpus dialectique. Au registre des sciences naturelles, citons le De animalibus 624, la Metaphysica 625 et la Physica 626, le De anima 627, les Meteorologica 628, les commentaires de Thomas d’Aquin sur son De caelo et mundo 629 ou encore des questiones super politicorum 630. Le médecin ducal Simon van der Sluis est le seul 620

Répertoire documentaire, n°131 (voir aussi n°132 et n°134.c).

621

Répertoire documentaire, n°156 et 288 (voir aussi n°10.b.).

622

Doc.II.106.

623

Répertoire documentaire, n°74 (voir aussi n°34).

624

Clopper (Répertoire documentaire, n°72), van der Sluis (n°128), Plaine (n°44), Steenberch (n°87) ; Wielant (sous réserve ; n°133.c). On ignore si les textes concernant les animaux chez Bellengues (n°53) et van der Sluis (n°108, 180 et 242) doivent être attribués à Aristote.

625

Van der Sluis, n°51, 174 (?), 208 (?) et 325.a (n°68 et 154) ; Wielant, n°133.a et 134.a.

626

Van der Sluis, n°243 (?) ; commentaire d’un auteur non spécifié : n°156 ; Wielant, n°133.b.

627

Van der Sluis, n°325.c ; Wielant (n°134.b).

628

Van der Sluis, n°325.b (commentaire d’Averroès : n°226) ; Wielant (n°135).

629

Van de Sluis, n°227.

630

Van de Sluis, n°246.

146

Partie II : Voyage au cœur des librairies

officier à disposer de plusieurs copies des Ethica et sa collection comprenait les Ethica Quaestiones super librum Ethicorum d’Albert le Grand en plus des commentaires de Thomas d’Aquin 631 qu’on relève également chez Nicolas Clopper 632. Wielant recense quant à lui un manuscrit des Quaestiones d’un autre commentateur célèbre, Jean Buridan 633. Un confrère de van der Sluis, le médecin Jean de Wysmes, évoque dans sa collection un imposant recueil de textes aristotéliciens 634. Toujours consciencieux lorsqu’il s’agit de décrire le contenu des ouvrages qu’il lègue à la cathédrale de Tournai, Wysmes mentionne encore la présence du De generacione animalium, des Problemata, des commentaires de Gérard du Breuil super libris de historiis animalium et ceux de Pietro d’Abano sur les Problemata ou encore de la Physionomia635. Quelle est la situation du côté des œuvres à portée encyclopédique ou universelle ? Plusieurs textes-phares apparaissent de manière récurrente au fil des collections : l’Historia naturalis de Pline 636, les Etymologiae d’Isidore de Séville 637, le De proprietatibus rerum de Barthélemy l’Anglais 638, les Specula de Vincent de Beauvais 639 et les Ruralium commodorum de Pierre de Crescens 640. Ces véritables best-sellers médiévaux apparaissent indifféremment dans les librairies d’officiers ecclésiastiques comme dans celles de leurs collègues laïcs. Signe de l’énorme vitalité de ces sommes qui offrent un accès aisé au savoir, on observe que certains auteurs (Boèce, Barthélemy l’Anglais) circulent aussi bien en latin qu’en français. Plusieurs fonctionnaires possédaient l’une ou l’autre de ces auctoritates sous forme imprimée, même si leur diffusion reste largement manuscrite. Pierre de Goux et Gossuin de Wilde disposaient d’une copie du Liber floridus du chanoine Lambert de Saint-Omer 641 et le Livre du Trésor de Brunetto Latini figure parmi les livres de Pierre de Hauteville 642 et de Nicolas Rolin 643. En revanche, on ne repère qu’une 631

Respectivement n°251.a, 314, 322, 191 et 173. À noter aussi, ce volume qui reprend alius commentarii super ethicis (n°228).

632

Répertoire documentaire, n°58.

633

Répertoire documentaire, n°130.

634

Doc.II.1.

635

Respectivement doc II.2.a et 2.b et 4.b, 3.a, 4.a et 4.c.

636

Hugonet, doc.II.38 (partie I ; II.8, partie III), doc.II.61 et 74 ; van der Sluis, n°90 ; Wysmes, doc.II.12.

637

Clopper, n°95 ; Haveloes, n°7 ; Wielant, n°61 et 62.

638

Guy de Baenst, n°3 ; Clugny, n°9 ; de Gand (n°9) ; Plaine (doc.II.15) ; van der Sluis (n°167) ; Wielant (n°77) ; Jean II Rolin (BNF, ms. lat. 17817).

639

Clugny, n°6-7 ; Chevrot, doc.V ; Haveloes, n°31 ; Hugonet, doc.II.15 (partie I) ; Jean II Rolin (doc.XI.28). Le volumen speculi fratris Vincentii signalé chez Van der Sluis (n°95) ne permet pas de se prononcer mais il possédait un Speculum naturale (n°297 et 298).

640

de Gand, n°14 ; van der Sluis, n°189 ; Wielant, n°79.

641

de Goux (La Haye, KB, ms. 72 A 23) ; de Wilde (BNF, ms. lat. 9675).

642

Hauteville, doc.I.6 (KBR, ms. 10386).

Chapitre II : La composition des librairies

147

seule occurrence de pièces aussi populaires que le Bestiaire d’Amour de Richard de Fournival 644, l’Elucidarium d’Honorius d’Autun 645, le Livre de Sidrac 646 ou encore l’Imago mundi de Pierre d’Ailly 647. Cette démarche encyclopédique de présentation et de classement des connaissances s’exprime encore au travers de plusieurs témoins littéraires. Le De Vita et moribus philosophorum attribué à Walter Burley s’impose parmi les textes les plus fréquemment rencontrés 648. Un thème similaire est abordé sous l’angle de la vulgarisation par Guillaume de Tignonville dans ses Dits moraux des philosophes qui apparaît chez Corneille Haveloes 649, Pierre de Hauteville 650 et Nicolas Rolin 651. Quelques textes moins répandus figurent de manière plus ponctuelle, comme ces Pharetra doctorum et philosophorum dans la collection de Ferry de Clugny 652 ou encore l’exemplaire du Tafel van den kersten ghelove de Dirk van Delft en possession de Wouter d’Oudheusden 653. VIII. 2. Les savoirs plus spécialisés À côté de ces œuvres qui entendent traiter de toutes choses et toutes matières, les lectures des fonctionnaires couvrent un large éventail de textes centrés sur un domaine du savoir plus spécialisé, qu’il soit de nature théorique ou à finalité pratique. A. Astronomie et astrologie L’astronomie et l’astrologie sont assez confortablement représentées auprès des officiers ducaux. Relevons deux copies du De somnio Scipionis de Macrobe654, un traité sur le comput655 ou encore ce De judiciis astronomie emprunté à la Magna

643

Nicolas Rolin, doc.I.14.

644

Hauteville (KBR, ms. 10394-414).

645

Chantemerle (BNF, nouv. acqu. fr., ms. 13521).

646

Bellengues, n°22. Sur ce texte : LDB-II 2003, spéc. p. 229.

647

Steenberch, doc.IV.127.

648

Clopper, n°295 (?) ; Haveloes (n°68) ; Lonijs (doc.II.55.a) ; Jean II Rolin (doc.IX.5) ; Steenberch (doc.IV.24.a) ; Wielant (n°119.a).

649

Répertoire documentaire, n°60.a. À noter : ce cleyn boecxken geschreven int franchyne geheiten philosophia Moralis (n°34).

650

Doc.I.3.a. (KBR, ms. 10394-414).

651

Doc.I.16.

652

Clugny, n°15 (= BAV, Inc. S. 147).

653

New York, PML, ms. M. 691.

654

Anselme Adorne ; Steenberch, doc.IV.70.

655

Steenberch, doc.IV.78.

148

Partie II : Voyage au cœur des librairies

librairia de la Sorbonne par le médecin Roland L’Escrivain 656. On recense dans la librairie de Simon van der Sluis un liber in astrologia non spécifié 657 et Wouter Lonijs possédait le De astrologia theologizata de Jean Gerson 658. Côté vernaculaire, la librairie de Richard de Bellengues comprenait un boeck van astrologien in walsche dont l’intitulé rend hasardeuse toute identification 659. Le doute plane également sur ce traictié contre les astrologiens du chancelier Hugonet 660. S’agirait-il du Traité contre les devineurs du confesseur ducal Laurent Pignon conservé dans un unicum bruxellois ? Cet intitulé peut toutefois aussi désigner la version du texte latin Contra astrologos de Nicole Oresme, traduit en français sous le titre de Livre de divinacions 661. Le grant livre de papier bien espes de Pierre de Hauteville comprend des règles de divination et un bref traité sur les Douze signes dou firmament pour savoir quant le lune passe 662. L’inventaire de la librairie de Bourgogne de 1467-1469 mentionne enfin un algorisme qui aurait appartenu à Pierre de Hauteville 663. Ce type de traité d’arithmétique et d’astronomie, qui relève d’un genre littéraire assez courant à la fin du Moyen Âge, se retrouve d’ailleurs chez Haveloes 664 et Steenberch 665. B. Géographie et littérature de voyage La géographie et la littérature de voyage représentent des champs littéraires largement attestés dans les librairies montées par les agents ducaux 666. Récit pittoresque de son périple qui le mènera de son Angleterre natale à Constantinople, les Voyages de Jean de Mandeville font partie des lectures de Richard de Bellengues 667, de François de Gand 668, de Nicolas Clopper 669 et (peut-être) de Jean Aubert 670. Pierre de Hauteville avait inséré dans un imposant miscellanea une pièce intitulée Devision de la terre de oultremer et des choses qui y sont et qui s’ouvre par les usages et coustumes des Sarrazinz 671. La narration par Guillaume 656

Doc.II.

657

Répertoire documentaire, n°187.

658

Répertoire documentaire, n°61.a.

659

Répertoire documentaire, n°44.

660

Doc.II.78 (partie I).

661

LDB-II 2003, spéc. pp. 266-268.

662

Doc.I.3 (= KBR, ms. 10394-414).

663

Doc.II.

664

Répertoire documentaire, n°70.

665

Répertoire documentaire, n°133.

666

On relèvera la présence d’un portulan dans la collection de Wielant (CCB-III 1999, n°30.124).

667

Répertoire documentaire, n°25.

668

Répertoire documentaire, n°15.

669

Répertoire documentaire, n°50.e.

670

Répertoire documentaire, n°13.

671

KBR, ms. 10394-414.

Chapitre II : La composition des librairies

149

Caoursin du siège de Rhodes en juillet 1480 apparaît en latin chez Lonijs 672 et en français chez Thomas de Plaine 673. La bibliothèque de Richard de Bellengues comprenait een boeck geintituleert du voyage des Tartares 674 et Jean de Wysmes offrira à la librairie cathédrale de Tournai un imprimé de la Geographia de Strabon dans la version latine de Guarin de Vérone et de Gregorius Tiphernas 675. Les Collectanea rerum memorabilium de Solin sont reprises parmi les ouvrages de Steenberch 676 et de son collègue Clopper 677. C’est d’ailleurs chez ce dernier qu’on retrouve la plus belle collection de textes en rapport avec l’Orient et la Terre sainte678. On y notera néanmoins l’absence du De itinere Terrae Sanctae de Ludolph de Sudheim qui apparaît chez Corneille Haveloes 679. C. Varia D’autres disciplines paraissent encore avoir retenu l’attention de quelques officiers, quoique les traces en soient plus sporadiques. Entre autres exemples, on ne repère qu’une seule occurrence de lapidaire 680, de bestiaire 681, de texte cynégétique 682, de traité d’agriculture 683 et d’ouvrage de chiromancie 684. Steenberch et Clopper disposent d’un traité d’alchimie 685 tandis que le compte de tutelle de Guillaume Hugonet signale un De re militari de Végèce 686 dont une copie était aussi conservée dans la librairie du Collège des Trois-Langues fondée par Jérôme de Busleyden 687. Ce dernier possédait en outre vele boecken musyken et quelques sancboecken688 tout comme le chantre Gautier Henri 689 ; au décès de l’illustre compositeur Guillaume Dufay dont il était l’ami de toujours, Simon Le Breton récupérera d’ailleurs un livre de vieses chanteries qu’il lui avait prêté. 672

Doc.II.91.

673

Doc.II.9.

674

Répertoire documentaire, n°1.

675

Doc.II.10.

676

Doc.IV.8.

677

Répertoire documentaire, n°38.a.

678

Voir supra, §. III.2.B.

679

Répertoire documentaire, n°79.

680

Bellengues, n°35.

681

Clopper, n°261.

682

Aubert, n°11.a.

683

Jean de Wysmes signale dans sa collection un exemplaire du De agricultura (doc.II.11).

684

Clopper, n°185.b.

685

Steenberch, doc.IV.32 ; Clopper, n°101.a.

686

Hugonet, doc.II.59 (partie I).

687

New Haven, Yale University Library, Thomas E. Marston College, ms. 102.

688

Doc.XII.1 et XIII.6 ; doc.XIII.3.

689

Doc.I.3 et doc.II.

150

Partie II : Voyage au cœur des librairies

On sait grâce à un courrier de Jean Lemaire de Belges que Jérôme de Busleyden a fait montre d’une certaine curiosité vis-à-vis de l’archéologie romaine 690. Une lettre datée de l’été 1515 en offre probablement un témoignage supplémentaire : il y est question de l’envoi à son collègue Jean-Louis de Mouscron d’un bel exemplaire qui contenait une œuvre du célèbre archéologue et architecte italien, Pomponius Gauricus 691. En automne de la même année, Jérôme de Busleyden adressera une lettre à son ami Martin van Dorp dans laquelle est évoqué le don d’un De Asse et partibus eius de Guillaume Budé692. La métrologie paraît aussi avoir suscité l’intérêt de Wouter Lonijs qui possédait en double le Tractatus de origine, natura, jure et mutationibus monetarum d’Oresme 693. Cette œuvre figure peut-être encore dans son imprimé des Opera de Jean Gerson dont l’editio princeps reprend le De moneta694. La présence de ce texte s’explique probablement par les fonctions occupées par Lonijs au Conseil de Brabant, une institution qui traitait en première instance des affaires touchant à la falsification des monnaies 695. D. « Miroirs » et autres représentants de la littérature exemplaire Conçus à l’époque carolingienne pour l’édification des seuls princes, les « miroirs » élargissent à partir du XIIIe siècle leur champ de diffusion à d’autres publics sensibles au message initial de ce type de littérature. Le Policraticus de Jean de Salisbury, qui compte assurément parmi ces miroirs les plus répandus, ne figure pourtant que dans deux librairies 696. Bon nombre de collections comprennent en revanche des textes qui évoquent de manière explicite le « bon gouvernement » ou, plus largement, l’exercice du pouvoir. Jean Aubert dispose de la version française du De informatione principum de Gilles de Rome 697 et Louis de Chantemerle possède un exemplaire de la traduction abrégée composée par Jean Golein 698. Les attestations du De rege et regno de Thomas d’Aquin sont plus nombreuses puisqu’on note sa présence chez Hugonet, Wielant, Clopper et Steenberch 699. Dans le même ordre d’idées, il faut citer le Speculum regum

690

Doc.VI (ÖNB, ms. 3324).

691

Doc.X.

692

Doc.IX.

693

Doc.II.78 et II.107.

694

Doc.II.46-47-48-49.

695

A. Gaillard, Le Conseil de Brabant. Histoire, organisation, procédure, III, Organisation et procédure, Bruxelles, 1902, p. 42 ; Godding 1999, p. 221.

696

Lonins (doc.II.41.b et 90) et Haveloes (n°63).

697

Répertoire documentaire, n°17.

698

Paris, Arsenal, ms. 5199.

699

Respectivement doc.II.44 (partie I) ; n°75 ; n°128 ; doc.IV.126.d.

Chapitre II : La composition des librairies

151

d’Alvarus Pelagius parmi les livres de Clopper et de la famille de Wilde 700. Enfin, Jean Chevrot fait état dans son testament d’un Speculum regum non autrement détaillé 701. Quelques autres témoins doivent encore être signalés dans la veine des œuvres à vocation didactique. Très apprécié tout au long du Moyen Âge, le Liber de moribus hominum et officiis nobilium ac popularium super ludo de Jacques de Cessoles paraît avoir circulé davantage en traduction française 702 qu’en version latine originale 703. On peut encore évoquer les Enseignements de saint Louis repris dans le livre bien espès de Pierre de Hauteville 704 aux côtés d’un Caton également identifié chez Jean Aubert 705. Pierre de Roubaix et son épouse Marguerite de Ghistelles possédaient l’une des rares copies actuellement conservées du Ménagier de Paris où sont exposés une foule de conseils d’ordre moral et domestique qui s’adressent à une jeune mariée 706. Un chapitre consacré aux princesses qui viennent de convoler figure aussi dans le Livre des trois vertus à l’enseignement des dames de Christine de Pizan, un vaste guide d’enseignement moral et politique qui s’inscrit dans le même registre des traités d’éducation féminine. L’inventaire de la librairie ducale de 1467-1469 en signale un exemplaire qui porte sur une garde la mention achete du gouverneur de Lille − soit Baudouin d’Oignies, par ailleurs maître de l’hôtel d’Isabelle de Portugal 707. VIII. 3. Les textes de médecine Il faut ici distinguer les nombreuses librairies où apparaissent l’un ou l’autre texte de médecine puis les quelques bibliothèques de praticiens et de fonctionnaires plus érudits qui présentent une orientation savante 708. A. L’ensemble du corpus Les collections spécialisées mises à part, les textes de médecine n’apparaissent que dans une poignée de librairies. On repère plusieurs régimes de santé709, une 700

Respectivement n°59 et KBR, ms. 9596-97.

701

Doc.III.6.

702

Hugonet (doc.II.77, partie I), Aubert (n°7.b), Bellengues (n°56) et Hauteville (doc.I.3.d ; KBR, ms. 10394-414).

703

Clopper (n°50.b) ; Wielant (n°110).

704

KBR, ms. 10394-414.

705

Répertoire documentaire, n°7.a.

706

BNF, nouv. acqu. fr. 6739.

707

KBR, ms. 10973.

708

L’article de F. Autrand sur les collections des parlementaires parisiens sous Charles VI reste muet sur la question. Faut-il croire que ces bibliothèques « d’une extrême richesse » (Autrand 1973, p. 1226) ne comprenaient pas un seul texte (savant ou de vulgarisation) consacré à l’art de guérir ?

709

Lonijs, doc.II.98 ; Steenberch, doc.IV.34 ; Wielant, n°128 ; Clopper, n°168.

152

Partie II : Voyage au cœur des librairies

copie de la Mensa philosophica 710, le best-seller de Mattheus Platearius en français 711 et en latin 712, des exemplaires du Pantegni d’Ali ben Abbas dans la traduction de Constantin l’Africain et Johannes Affacius 713, la Petite Chirurgie de Lanfranc de Milan 714 et plusieurs antidotaires 715. On n’en sait pas davantage sur ce boeck van medicinen in walsche signalé chez Richard de Bellengues 716 ni sur cet ouvrage d’autres medicines signalé dans le testament de Pierre de Hauteville 717. En revanche, le chanoine à Sainte-Gudule Nicolas Clopper a pris soin de noter dans son catalogue un Tractatus de epidemea Iohannis de Wesalia : il s’agit d’une œuvre de Jean Vésale († 1476), professeur à l’Université de Louvain puis médecin de la ville de Bruxelles et ancêtre du célèbre anatomiste 718. B. Quelques bibliothèques plus spécialisées Nombre de ces textes se retrouvent dans les librairies des médecins Jean de Wysmes et Simon van der Sluis ainsi que chez Martin Steenberch et Philippe Wielant, deux intellectuels qui ont consacré dans leur bibliothèque une rubrique particulière aux livres de médecine. On ne peut que regretter à cet égard que la documentation sur le médecin ducal Roland L’Escrivain soit très réduite. Hormis les ouvrages qu’il emprunte à la Magna libraria du collège de Sorbonne en 1435 719, les sources n’offrent aucun éclairage sur le bagage médical de ce régent de la Faculté de médecine de l’Université de Paris. Il ne s’agira pas ici de procéder à une analyse exhaustive des collections très spécialisées des physiciens au service ducal Jean de Wysmes et Simon van der Sluis 720. Il peut être intéressant, en revanche, d’observer la nature des textes en circulation dans les collections de l’homme d’Église Martin Steenberch et du laïc Philippe Wielant, deux personnalités qui n’appartiennent pas au corps médical. L’inventaire après-décès du doyen de Sainte-Gudule comporte une rubrique où sont rangés la plupart des textes qui relèvent de l’art de guérir. Toutefois, plusieurs ouvrages médicaux apparaissent dispersés ça et là. Sont concernés le

710

Lonijs, doc.II.105.

711

Nicolas Rolin (Metz, BM, ms. 1170) ; voir aussi à Jean II Rolin, doc.IX.22.

712

Clopper, n°171.

713

Nicolas Rolin, doc.I.7 ; Wielant, n°122 ; Wysmes, doc.II.25.

714

Nicolas Rolin, doc.I.9.

715

Nicolas Rolin, doc.I.10 ; L’Escrivain, doc.III ; van der Sluis, n°78.a, 100, 174 et 185 ; Steenberch, doc.IV.120.b ; Wysmes, doc.II.17.c, 31.c et 36.

716

Répertoire documentaire, n°19.

717

Doc.I.4.

718

Répertoire documentaire, n°91.b. Voir aussi Partie III, chap. II, §. V.3.

719

Doc.III (BNF, ms. lat. 16192).

720

Sur cette question, voir aussi : Van Hoorebeeck - Adam 2009.

Chapitre II : La composition des librairies

153

Regimen sanitatis Salernitatum 721, le manuel d’hippiatrie de Jordanus Rufus 722, le De salute corporis de Guillaume de Salicet (ouvrage tout public qui ne s’adresse donc pas qu’aux universitaires) 723 et le Thesaurus pauperum de Pierre d’Espagne724. La section réservée spécifiquement aux medicinales libri reprend une petite dizaine de titres. On y repère d’abord la Cyrurgia magna de Gui de Chauliac 725 ainsi qu’un recueil d’auctoritates arabes : le Liber Servitoris de praeparatione medicinarum 726, le Liber aggregatus de medicinis simplicibus du Pseudo-Sérapion 727 et les Expositiones Caldeis 728. Le dernier volume repris sous la rubrique des œuvres médicales comprend l’Antidotarius de Nicolas de Salerne, l’un des traités de pharmacopée les plus répandus 729. Moins de dix ans avant le décès de Martin Steenberch, Philippe Wielant dresse en 1483 le catalogue des ouvrages présents dans sa collection personnelle. Il y consacre une section intitulée Medecine où sont classés une dizaine de titres 730. On retrouve tout comme chez Steenberch un Regimen sanitatis mais il s’agit ici d’un volume imprimé in versibus cum glosa731. La seule édition qui pourrait correspondre à cette description est sortie de presse pour la première fois par Martin Landsberg à Leipzig vers 1486-1489 − soit quelques années après la date de rédaction de son catalogue. Parue sous le titre Regimen sanitatis Parisiense rhytmice, elle comprend effectivement le Regimen sanitatis versifié avec des gloses en allemand. Il ne s’agit d’ailleurs pas du seul ouvrage médical en langue vernaculaire de cette bibliothèque. On identifie ainsi le Regiment der jungen Kinder de Bartholomaeus Metlinger, un manuel de pédiatrie composé en 1473. L’auteur y traite des maladies infantiles et de leur thérapie, des soins spécifiques à apporter aux nouveaux-nés ou encore de l’éducation des jeunes enfants jusqu’à leurs 7 ans 732. De même, la Cyrurgia parva de Lanfranc de Milan, consacrée pour l’essentiel aux blessures et à leurs remèdes, figure ici in

721

Doc.IV.34.

722

Doc.IV.79.

723

Doc.IV.86.b.

724

Doc.IV.88.

725

Doc.IV.118.

726

Doc.V.119.a.

727

Doc.V.119.b.

728

Doc.V.119.c.

729

Doc.V.120.b.

730

Cette section se clôt sur le De imaginibus celi de Ptolémée dans la version latine de Gérard de Crémone (n°129). Au sens strict, ce texte ne relève pas de la médecine mais plutôt de l’astronomie. Au Moyen Âge, les deux disciplines étaient toutefois intimement liées.

731

Répertoire documentaire, n°128 (ISTC, ir00053800).

732

Répertoire documentaire, n°125.

154

Partie II : Voyage au cœur des librairies

duutssche 733. L’un des pères de la médecine grecque, Galien, apparaît via son Ars magna dans la version condensée de Constantin l’Africain 734. Quant à la tradition arabe, elle est d’abord représentée par plusieurs opuscules de Rhazes réunis en un volume. Le Regimen ad Almansorem précède notamment un liber Rasis non détaillé, le De egretudinis puerorum (un autre traité consacré aux maladies infantiles) et le Liber experimentorum 735. Au registre des grandes figures arabes, Wielant possède également le Pantegni d’Ali ben Abbas traduit en latin par Constantin l’Africain et Johannes Affacius 736. Enfin, il faut encore citer un ouvrage intitulé Flores et qui pourrait correspondre à un traité sur la diététique, sur les urines et sur les fièvres composé par Isaac le Juif. La médecine semble donc avoir suscité une certaine curiosité de la part de Wielant comme de Steenberch. Cet intérêt ne se traduit pourtant pas de la même manière et l’explication n’est probablement pas identique pour chacun. Parmi ses titres de médecine, Martin Steenberch possède le Thesaurus pauperum de Pierre d’Espagne, une compilation de conseils destinés en particulier à ceux qui souhaitent se soigner eux-mêmes. Ces éléments ne sont pas sans rappeler l’attitude de deux chanoines au service du roi de France, Roger Benoiton († 1481) et Jean Budé : leur collection d’ouvrages de médecine qui fait la part belle à la practica suggèrent très nettement qu’ils aient choisi de ne pas faire appel aux professionnels mais bien plutôt de se soigner personnellement 737. Cette tendance est aussi perceptible chez Philippe Wielant mais avec des accents plus spécifiques. Si la rubrique Medecine ne comprend aucune indication de texte manu propria, la présence d’un imprimé suggère néanmoins qu’il s’agit d’un domaine qui a suffisamment retenu son intérêt pour faire l’objet d’une (probable) acquisition. Cette section comprend par ailleurs deux manuels consacrés spécifiquement à la pédiatrie. L’un d’entre eux, le Regiment der jungen Kinder, est écrit en langue vernaculaire et sa composition date de 1473 − soit un an avant la naissance le 20 octobre 1474 de Hannequin, premier-né de Philippe Wielant et de Johanna van Halewijn qui lui donnera encore six autres enfants 738. L’éminent juriste amateur de livres aurait-il décidé, une fois devenu père de famille, de compléter sa collection par quelques usuels de médecine (dont deux spécialisés dans les soins à donner aux enfants et trois en néerlandais, une langue accessible à son épouse) ? 733

Répertoire documentaire, n°127 (Lias 1981, p. 180).

734

Répertoire documentaire, n°123.

735

Respectivement n°124.a, 124.b, 124.c, 124.d et 124.e.

736

Répertoire documentaire, n°122.

737

A.-M. Chagny-Sève et G. Hasenohr, En Auvergne au XVe siècle : le chanoine Roger Benoiton et ses livres, dans Du copiste au collectionneur. Mélanges d’histoire des textes et des bibliothèques en l’honneur d’André Vernet, éd. D. Nebbiai-Dalla Guarda et J.-F. Genest, Turnhout, 1999, p. 466.

738

Leurs 7 enfants sont nés entre 1474 et 1488 (Monballyu 1995, pp. 11-12, n. 29).

Chapitre II : La composition des librairies

155

En somme, si les officiers ducaux n’ont pas ignoré les textes de nature scientifique, technique et didactique, il est manifeste que ce vaste champ littéraire n’a donné le ton à aucune librairie – à l’exception des collections des praticiens Jean de Wysmes et, surtout, Simon van der Sluis où les textes de médecine constituent une composante majoritaire. Autre constat : il apparaît de manière assez nette que l’Organon est bien moins représenté que l’œuvre philosophique d’Aristote. Dans un cas comme dans l’autre, on ne sera pas surpris d’observer que tous les lecteurs du Stagirite sont des officiers titulaires d’un grade académique. Par contre, l’aire de diffusion des œuvres encyclopédiques ou universelles dépasse largement les frontières des estats et des vacatures. À cet égard toutefois, les fonctionnaires ne font pas montre d’une grande originalité, puisant pour l’essentiel leurs connaissances du monde dans quelques textes au succès consommé (Pline, Isidore de Séville, Vincent de Beauvais, Barthélemy l’Anglais) 739. Hormis en matière d’astronomie, d’astrologie, de géographie et de littérature de voyage − des thèmes souvent présents −, aucune constante ne se dégage véritablement au sein des textes centrés sur des artes plus spécifiques. Les miroirs méritent néanmoins une mention spéciale et en particulier ceux qui invitent à une réflexion sur l’art de gouverner. Mais quoi d’étonnant à ce que Cessoles, Thomas d’Aquin ou Gilles de Rome aient retenu l’attention de ces hommes qui exerçaient des fonctions publiques 740 ? Côté médecine, on observe que les textes en circulation présentent une orientation nettement plus utilitaire que théorique, un constat encore renforcé par l’emploi de la langue vernaculaire. §. IX. Sur ung faitiz pulpitre estoit tendue sa librarie. Espaces, mobilier et classement des bibliothèques L’étude des espaces et du mobilier réservés aux livres dans les collections privées médiévales, pour essentielle qu’elle soit, n’est pourtant pas chose facile. Les librairies des fonctionnaires des ducs de Bourgogne ne font pas exception, les sources documentaires étant le plus souvent avares en informations directes ou implicites 741. Les renseignements architecturaux sur leurs demeures sont 739

On relèvera l’absence de textes pourtant largement appréciés tels que les Institutiones de Cassiodore, le De natura rerum de Thomas de Cantimpré ou encore l’Imago mundi de Gossuin de Metz. L’identification du texte de Raban Maur dans la collection de Steenberch avec son De rerum naturis reste hypothétique (doc.IV.2b).

740

Voir ausi la Partie III, chap. III, §. III.

741

La moisson n’est pas beaucoup plus riche pour les librairies personnelles du XIVe analysées par G. Hasenohr (Hasenohr 1989, pp. 215-220). On dispose toutefois d’informations plus étoffées à propos des collections appartenant aux notaires et secrétaires du roi de France au XVIe siècle (Michaud 1968 ; Charton-Le Clech 1993, pp. 233-235). L’absence de sources explique-t-elle que F. Autrand n’ait pas évoqué cette problématique dans son article sur les bibliothèques des parlementaires parisiens sous Charles VI (Autrand 1973) ? Sur les locaux et les meubles affectés au rangement des livres (notamment sous l’angle du vocabulaire) : Vezin 1989 ; Genest 1989 ; C. de Mérindol, Bibliothèques princières à la fin de l’époque médiévale. Reliures, contenus des livres et classement, dans

156

Partie II : Voyage au cœur des librairies

extrêmement rares et les données iconographiques, inexistantes. Certains documents se limitent en outre à la seule description des livres sans que soient indiqués les éventuels éléments qui pourraient renseigner sur leur environnement matériel. IX. 1. De l’armarium à l’armarium 742. Les locaux et le mobilier Le pluriel employé dans ce titre n’est pas gratuit : les livres, on le sait, n’étaient pas toujours conservés dans un endroit unique ou spécifique. Plusieurs sources évoquent d’ailleurs la variété des lieux de rangement au détour de certaines expressions. Nicolas Ruter donne au Collège d’Arras omnes et singulos libros, ubicumque locorum reperiantur 743, le chancelier Rolin lègue à Notre-Dame-duChastel tous ses livres en latin quelque part qu’ilz soient 744 et Jean de Wysmes évoque les livres telz qu’il a en son principal contoir 745. Ces formules renvoient à une réalité à la fois très concrète et très répandue, d’autant plus que les fonctionnaires qui possédaient plusieurs résidences étaient nombreux. A. Aperçu général Quelques documents font toutefois clairement état de plusieurs endroits où étaient conservés les ouvrages. Ainsi, le compte de tutelle des enfants de Guillaume Hugonet porte exclusivement sur les biens meubles esdits pays de Flandres et de Brabant et autres de par deca. Le compte s’ouvre sur l’inventaire de la bibliothèque du chancelier sans qu’hélas aucune précision topographique ne soit apportée. Une rubrique intitulée Autre recepte et declaracion des deux chapelles mentionne en revanche deux missels et un bréviaire 746. Il n’est pas surprenant que ces ouvrages liturgiques aient été entreposés dans un endroit spécifique (la chapelle) où ils étaient probablement utilisés par les deux chapelains au service du couple. L’existence d’une chapelle est également attestée dans les relevés post mortem dressés en mars 1531 au décès de l’épouse de Thomas de Plaine et qui ne portent que sur les biens situés dans les Pays-Bas méridionaux 747.

Le livre et l’art. Etudes offertes en hommage à Pierre Lelièvre, éd. T. Kleindienst, Paris, 2000, pp. 161-182 ; Teeuwen 2003. 742

Le terme armarium est équivoque. Utilisé à l’origine pour désigner un meuble ou un espace de rangement, le mot est progressivement employé à partir du XIIIe siècle comme synonyme de libraria, à comprendre dans le sens topographique d’un ensemble de volumes ou d’un fonds livresque (Genest 1989, pp. 141-149).

743

Doc.IV.

744

Doc.IV.

745

Doc.II.

746

Doc.II.90-93 (partie II).

747

Plaine possédait de nombreux biens en Bourgogne sur lesquels les données font défaut (Bartier

Chapitre II : La composition des librairies

157

Contrairement à ce qu’on observe chez Hugonet, aucun livre n’est signalé dans la chapelle de son hôtel malinois 748 mais l’inventaire y mentionne l’existence d’une grande chambre en hault où sont rangés 33 ouvrages dans un coffre. Ce meuble, de grandes dimensions et sécurisé par une bande de fer, mettait ce patrimoine à l’abri de la poussière, des rongeurs et de l’humidité. À y regarder de plus près, on constate qu’il s’agit d’un fonds à dominante juridique qui appartenait vraisemblablement à Thomas de Plaine et qui, après son décès, pourrait avoir été entreposé à part par sa veuve (qui lui survécut près de 25 ans) 749. Jeanne Gros paraît néanmoins avoir gardé à portée de main quelques ouvrages dont elle avait toujours l’usage ou qui avaient de la valeur 750. Enfin, dans la maison Ter Brugghen située au terroir de Esquarebbe, le seul livre repéré (un missel) est signalé dans la sallette 751. La demeure bruxelloise du chanoine Nicolas Clopper comprenait elle aussi une chapelle où était rangé un missel tandis que le plus gros de sa collection était installé op tstudœur. En matière de mobilier, il n’est plus question de coffre comme chez Plaine mais bien de vele berderen ende pulpita – à comprendre dans le sens d’étagères, de pupitres ou de rayonnages –, à l’évidence bien nécessaires pour abriter cette bibliothèque de plus de 150 volumes. À la fin du compte d’exécution testamentaire, les rédacteurs mentionnent encore quelques livres apparemment conservés ailleurs que dans la chambre op tstudœur 752. L’emplacement et le mobilier de plusieurs autres collections bénéficient de quelques précisions dévoilées ça et là par les documents. Ainsi, les livres étaientils rangés dans la chambre darrier hault de l’hôtel dijonnais de Jean Aubert. Cette pièce était pourvue d’une petite table, de deux trestaulx et d’un petit comptoire couvert de drap vert qui devaient lui permettre de lire et, qui sait, d’y réaliser ses travaux de copie et de traduction. À Bruxelles, il est probable que le conseiller au Conseil de Brabant Wouter Lonijs ait choisi d’entreposer sa riche bibliothèque dans le cantœur staende op de zale 753, soit un cabinet ou un bureau où 1955-1957, p. 400, n. 4). 748

Malines, Archives de l’Archevêché, Chapitre Saint-Rombaut, inv. n°409, ff.22r-23r.

749

Ce patrimoine économique et culturel soigneusement conservé par Jeanne Gros aura peut-être servi aux études d’un de ses petits-fils, Jean, qui entame un cursus universitaire à Louvain en août 1530 (A. Schillings, Matricule de l’Université de Louvain, IV, Bruxelles, 1961, p. 62, n°273).

750

Doc.II.1 à 11.

751

Doc.II.45.

752

Répertoire documentaire, n°290-302.

753

Le mot est attesté dans le sens de bureau, de cabinet particulier ou d’étude. En 1508, par exemple, la librairie de Jean Nicolai de Thimo est signalée dans le contoer (Muret - Muret 1996, p. 323). Dressé en avril 1543, l’inventaire des biens du conseiller au Grand Conseil de Malines Andries de Roubaix signale la présence de la bibliothèque int conthoir van mynheer (Foncke 1916 ; voir aussi Hasenohr 1989, p. 216).

158

Partie II : Voyage au cœur des librairies

étaient conservés ses papiers personnels – dont l’inventaire autographe de ses livres – et des objets de valeur tels que de l’argenterie, de la faïencerie, plusieurs tableaux ainsi que des pièces d’or et d’argent 754. Ce lieu offrait toutes les commodités pour la lecture et l’écriture : un pupitre, un écritoire, un chandelier ou encore sa paire de lunettes. Parmi la dizaine de pièces que compte la maison de Lonijs, cette salle située à l’étage est la plus richement meublée et décorée et rien ne manquait pour assurer un maximum de confort 755. La collection de l’auditeur à la Chambre des comptes de Bruxelles Corneille Haveloes était pour sa part installée int contoir beneden aen de zaele. Les livres y étaient entreposés sur des planches dans un grand buffet en bois pourvu d’un rideau rouge pendu à une tringle756. Toujours à Bruxelles, le notaire Andries Wijnhove signale la présence des livres de Richard de Bellengues dans une grande pièce qui donne sur la rue. Entre autres meubles, ce chantre à la collégiale Sainte-Gudule y avait installé deux tables, plusieurs sièges ainsi que quelques instruments de musique757. À Courtrai enfin, l’inventaire après-décès d’Étienne de Le Motte mentionne dans la camera media un dressoir plus modeste où sont rangés cinq volumes à caractère religieux. Dans l’hôtel brugeois de Jan III de Baenst, les ouvrages étaient disposés dans des niches creusées dans les murs. Cet hôtel Sint-Joris (alias « Hof van Watervliet ») situé aujourd’hui au n°27 de l’Oude Burg a bénéficié d’une importante campagne de restauration. Certains éléments architecturaux mis au jour lors des travaux suggèrent que la pièce du rez-de-chaussée du bâtiment situé côté jardin abritait sa bibliothèque 758. À cet égard, on ne peut que regretter que la célèbre « Hof van Busleyden » bâtie à Malines par Jérôme de Busleyden au début du XVIe siècle n’ait pas jusqu’ici fait l’objet d’une restauration sérieuse ni même d’une étude archéologique détaillée 759. Sa collection personnelle devait pourtant être remarquable pour que Thomas More, qui avait eu la chance de la visiter, écrive à Érasme qu’elle avait littéralement suscité sa stupéfaction 760. Les données disponibles ne portent toutefois que sur ce distique intitulé E regione ingressus bibliothecae Buslidianae composé par Jérôme de Busleyden en vue d’orner 754

Le compte d’exécution testamentaire d’Arnold Volkaerts († 1484) offre un cas similaire. Bien qu’aucun ouvrage ne soit mentionné op mijnsheeren librarye, il s’agit sans doute de la même pièce que ce contoer où les exécuteurs testamentaires décriront l’ensemble de la bibliothèque (CCB-IV 2001, n°40).

755

Pas même ces twee groete witte glasen enden een andere om bier ute te drinckene (de Raadt 1896, p. 25) :

756

AGR, CC, 28584, fol.54r.

757

On y relève notamment een cymbalium et un sac qui contenait des flûtes (Huybens 1975, p. 327).

758

Sur cet hôtel : J.P. Esther, Het Hof van Watervliet. Bouwgeschiedenis, kunsthistorische analyse en restauratiebenadering, dans Het Hof van Watervliet in de Oude Burg te Brugge, sous la dir. de S. Vandenberghe, Bruges, 1983, pp. 42-51.

759

On trouvera malgré tout quelques données dans De Vocht 1950, p. 50 et suiv.

760

Doc.XI.

Chapitre II : La composition des librairies

159

la pièce qui abritait sa librairie 761. Pierre de Hauteville constitue un cas à part en matière de local et de mobilier dévolu aux livres. On lui doit en effet l’Inventaire des biens demourez du decés de l’amant trespassé de dueil, composition poétique dans laquelle il passe en revue l’ensemble des biens d’un défunt, depuis les vêtements jusqu’à la vaisselle 762. Les livres d’une bibliothèque imaginaire – si pas idéale, dans le chef de l’auteur – trouvent eux aussi leur place dans cet exercice littéraire. Le décor est planté dès les premiers vers, qui évoquent un faitiz pulpitre où estoit tendue sa librarie, dont la couverture et le tiltre estoit fait d’or, sans moquerie. On y trouve une dizaine de volumes largement inspirés de la veine courtoise mais aussi un cartulaire. La présence d’un document de nature administrative au sein d’une bibliothèque privée est loin d’être exceptionnelle; le relevé des livres de Jean Aubert en signale ainsi un exemplaire, décrit entre un volume de dévotion et un ouvrage cynégétique 763. On se souviendra par ailleurs que la pièce où était probablement installée la collection de Wouter Lonijs comprenait bon nombre de papiers personnels. L’iconographie peut largement en attester, c’est encore à une pratique bien réelle que Pierre de Hauteville fait référence lorsqu’il parle de ses belles heurettes conservées à part sur le rabat d’emprés, soit dans une niche creusée dans l’épaisseur du mur 764. Si tous les éléments ne relèvent donc pas de la pure fiction littéraire, la suite de l’Inventaire des biens demourez du decés de l’amant trespassé de dueil ne peut en revanche que laisser songeur − Et d’autres livres ung millier où le defunct si s’esbatoit... 765 Il faut encore faire un rapide survol des quelques informations touchant non plus aux collections personnelles des officiers mais bien aux conditions matérielles de présentation, de conservation et de rangement des livres qu’ils ont légués à des institutions religieuses ou civiles. Plusieurs sources font ainsi état de libri catenati. Dans une lettre non datée, Jean Chevrot annonce l’envoi d’une librairie à sa chapelle de Poligny, demandant expressément de faire enchaîner les livres de bonnes chaynes de fer pour plus grant seurté 766. Les dispositions de Jean de Wysmes sont plus précises à propos des volumes qu’il donne à l’usance et a la decoracion de la librairie de la cathédrale Notre-Dame de Tournai 767. Son legs est assorti de certaines conditions qui renseignent sur les modalités de leur conservation. Ils devront être enchaingniéz et en poulpitre afin d’être gardés 761

De Vocht 1950, Carmina n°XII, §. III.

762

Bidler 1986 ; Vanwijnsberghe 2000, spéc. pp. 150-151.

763

Répertoire documentaire, n°11.b.

764

Bidler 1986, vers 457 ; Hasenohr 1989, p. 219.

765

Bidler 1986, vers 444.

766

Doc.II.

767

Doc.II.

160

Partie II : Voyage au cœur des librairies

sains et entiers, sans être détériorés ni vendus. Dans un acte de donation passé le 21 juin 1443, Jean Bont formule le souhait de voir son Gnotosolitos attaché par une chaîne de métal à la stalle du chantre, dans le chœur de la collégiale SainteGudule 768. Son testament de 1451 offre en outre un éclairage particulièrement inédit 769. Nous en avons retrouvé une clause sur la garde d’une bible offerte par le chancelier de Brabant au Rouge-Cloître 770. On y apprend que Jean Bont demande explicitement que cette clause soit inscrite en caractères rouges et de grand format dans chaque livre qu’il lèguera à ce couvent. Il est encore question de mentions de provenance dans le testament de Wouter Lonijs qui demande à ses exécuteurs testamentaires de donner ses ouvrages aux bénéficiaires dont il a inscrit lui-même le nom sur le premier folio 771. Il avait aussi prévu de léguer la somme de trois livres afin que le doyen de la collégiale Sainte-Gudule (Martin Steenberch) acquière un missel destiné au maître-autel 772. Par ailleurs, on sait grâce à l’acte de fondation de 1443 que l’Hôtel-Dieu de Beaune possédait une chapelle, pourvue par Nicolas Rolin de vêtements sacerdotaux, livres, calices et autres ornements 773. Cet hôpital disposait visiblement d’autres ouvrages, comme ce volume du Girart de Roussillon offert par Martin Besançon 774 ou encore la belle bible enluminée donnée par Guigone de Salins 775. Dans quelle mesure les quelques ouvrages de médecine du chancelier n’auront-ils pas eux aussi été légués à cet hôpital 776 ? Quant à la bibliothèque installée dans le Collège des Trois-Langues fondé par Jérôme de Busleyden, elle a été abondamment analysée et exploitée sur la base de documents d’archives par H. De Vocht, J. Roegiers et L. IJsewijn-Jacobs 777. B. Bref essai comparatif Ces données disparates, hétérogènes et souvent partielles n’autorisent pas à dresser une vue d’ensemble des espaces et du mobilier alloués par les fonctionnaires à leurs collections personnelles. Plusieurs éléments peuvent néanmoins être dégagés qui seront confrontés aux informations relatives à d’autres librairies privées contemporaines. 768

Doc.I.

769

Doc.II.

770

Bratislava, Biblioteka Uniwersytheca, ms. M 1058.

771

Doc.I.3.

772

de Raadt 1896, p. 10.

773

Doc.II.

774

Bartier 1955-1957, p. 277, n. 5 ; voir aussi Doutrepont 1909, p. 26, n. 5.

775

Kamp 1993, p. 241, n. 57.

776

On lui connaît en effet un Livre des simples médecines de Mattheus Platearius (Metz, BM, ms. 1170) et des ouvrages de médecine provenant de Jeanne d’Artois (doc.I.7 et 9-11).

777

De Vocht 1951-1955 ; Charisterium H. De Vocht, 1878-1978, Louvain, 1979.

Chapitre II : La composition des librairies

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De manière générale, on observe d’abord que les livres ne semblent pas rangés dans un local qui leur est exclusivement réservé : seule la bibliothèque de Jérôme de Busleyden fait peut-être exception. Il s’agit cependant d’une collection très importante, documentée tardivement et installée dans le vaste hôtel privé de cet intellectuel fortuné. On relève à cet égard une nette différence avec les secrétaires et notaires royaux français au XVIe siècle qui consacrent tous un lieu particulier à la conservation de leurs volumes 778. En revanche, on note dans ce milieu comme dans certaines librairies d’officiers ducaux que les livres sont généralement environnés d’objets hétéroclites (vaisselle, sommes d’argent, papiers personnels) qui présentent aux yeux de leur possesseur une certaine valeur d’usage, financière ou sentimentale 779. Ce phénomène n’a rien d’inhabituel et G. Hasenohr en fournit également des exemples à propos de librairies privées françaises 780. De même, l’auteur mentionne quelques documents évoquant la présence de livres dispersés un peu partout dans la maison 781. À une exception près, cette pratique n’est pas documentée auprès des fonctionnaires des ducs de Bourgogne 782. Les meubles de rangement apparaissent plus variés, allant des étagères à la niche pratiquée dans un mur en passant par le buffet de grande taille ou le dressoir aux dimensions plus modestes. Il est surprenant de ne trouver qu’une seule attestation de coffre alors que ce meuble universel était très largement utilisé. Quelques sources font état de mobilier (table, chaise) ou d’objets en lien direct avec l’écriture ou la lecture (pupitre, écritoire, luminaire) mais restent muettes sur d’autres instruments de consultation tels que la roue à livres, par exemple, pourtant abondamment attestée dans l’iconographie. Nulle trace non plus d’une échelle ou d’un escabeau permettant d’accéder aux étagères supérieures d’une bibliothèque 783. Au vu des imposantes librairies de Lonijs et, surtout, Clopper, on reconnaîtra que l’information n’est pas gratuite. Enfin, les bibliothèques des fonctionnaires n’ont rien de comparable à ces Kunst- und Wunderkammern, ces cabinets de curiosité où les livres côtoient monnaies et médailles, bustes antiques, instruments de musique et autres objets exotiques 784. À l’évidence, les quelques tableaux à sujet religieux et la vaisselle 778

Charton-Le Clech 1993, p. 234.

779

Michaud 1968, p. 340 ; Charton-Le Clech 1993, p. 234.

780

Hasenohr 1989, pp. 216-220.

781

Hasenohr 1989, p. 216. Deux autres exemples concernant les Pays-Bas méridionaux : à Bruxelles, Jacques de Coperslager avait entreposé 7 volumes in de eetcamere (CCB-IV 2001, n°15) et l’inventaire après décès de Michiel de Beckere recense une trentaine d’ouvrages trouvés soe in tcontoer soe in de cleyne eetcamere boven (CCB-IV 2001, n°46).

782

Il s’agit de Nicolas Clopper (voir infra, §. IX.2.B).

783

C’est par exemple le cas chez Michel van den Horicke (CCB-IV 2001, p. 88).

784

Présentation de ce type de collections : Olmi 1996.

162

Partie II : Voyage au cœur des librairies

précieuse qui ornent la pièce qui a pu abriter la bibliothèque de Wouter Lonijs ne constituent pas des éléments suffisants pour en faire un cabinet de curiosité. Décrit en 1505, l’environnement matériel de la librairie de Corneille Haveloes, composé notamment d’un grand buffet et d’une pièce de tapisserie, reste encore lui aussi d’inspiration médiévale 785. Peut-être des intellectuels qui ont vécu durant les premières décennies du XVIe siècle – comme Wielant, Plaine ou Busleyden – ont-ils adopté le modèle de la Kunst- und Wunderkammer. En l’absence de données complémentaires, on ignore si le premier avait accroché son tableau du Jugement de Pâris dans sa bibliothèque et si l’instrument de musique offert par le second au mélomane Thomas de Plaine était entreposé parmi ses livres. IX. 2. Les modes de classement Les collections privées médiévales qui comportent un système de classement sont loin d’être la norme. Parmi les bibliothèques qui bénéficient d’une bonne couverture documentaire, quelques-unes présentent cependant une forme de classification. Les relevés établis par les possesseurs eux-mêmes constituent une source de première ordre comparés aux inventaires après-décès et aux comptes d’exécution, qui rendent compte d’une librairie dont l’ordre a bien souvent été perturbé par les manipulations de celui qui était chargé de la décrire ou d’en assurer la liquidation. A. Philippe Wielant et Jean de Wysmes Nous ne disposons que de deux catalogues autographes établis respectivement par Philippe Wielant en 1483 et par Jean de Wysmes en 1497. Dans son Inventoris van minen boucken, le premier a divisé sa librairie en 9 sections thématiques qui, à l’exception de 4 rubriques, sont très clairement inspirées de la typologie traditionnelle du savoir académique axée autour du droit, de la théologie, de la médecine et des arts. Ce système assez fréquent dans les bibliothèques institutionnelles 786 sera progressivement adopté dès le milieu du XIVe siècle par bon nombre de possesseurs privés 787. Ce classement pourrait d’ailleurs correspondre à la disposition matérielle de la collection de Wielant. Stricto sensu, le catalogue autographe des livres offerts par Jean de Wysmes à la cathédrale de Tournai ne comporte aucune subdivision 788. Mais le médecin ducal est un homme précis et systématique; il pourrait dès lors avoir sciemment distingué 3 ensembles thématiques dans cette liste escripte de ma main et signé de 785

AGR, CC, 28584, ff.53v-54r.

786

Il était notamment en vigueur dans la bibliothèque de référence et de consultation de la Sorbonne (Nebbiai-Dalla Guarda 1989, pp. 384-390).

787

C’est aussi le cas dans la librairie de Steenberch dont il sera question plus loin (§. IX.2.C).

788

Doc.II.

Chapitre II : La composition des librairies

163

mondit seing manuel. Le premier reprend les textes du corpus aristotélicien, suivis d’un deuxième groupe d’œuvres à caractère scientifique, historique et littéraire ; la liste se clôt sur les nombreux ouvrages médicaux. B. Wouter Lonijs et Nicolas Clopper La situation est un peu différente pour les catalogues dressés par Wouter Lonijs et Nicolas Clopper. Ces documents ne sont connus que grâce à une précision fournie par le notaire Andries Wijnhove qui indique les avoir utilisés pour décrire et récoler des ouvrages trouvés à leur décès. Trois mentions attestent sans contredit que Wijnhove s’est basé sur l’inventaire autographe de Wouter Lonijs pour collationner une partie de la bibliothèque. Le relevé proprement dit est précédé de la note : De collatie van den voirscreven inventarijs is gedaen metten originalen ende bevonden concorderende by mij A. de Wijnhove notarijs. Les entrées 72 et 73 sont séparées par la rubrique Hucusque concordant libri prescripti inventi cum inventario per testatorem de libris suis conscripto 789. La mention Sequentes libri inventi fuerunt ultra et preter scriptos porte enfin sur le reste de la collection 790. Ce catalogue établi par Lonijs avait d’ailleurs été mentionné par Wijnhove lors de son recensement des objets trouvés dans le comptoir où il avait noté la présence d’un boec daer inne ghescreven staen den inventarijs van sijnen boecken791. Au sein du groupe de livres récolés par le notaire sur la base du catalogue de Lonijs, ont d’abord été distingués les ouvrages de grand format puis les 18 volumes de dimensions plus modestes annoncés par la rubrique Parvi libri. Un examen attentif de ce premier ensemble de 72 ouvrages ne permet pas d’y déceler un réel classement. En revanche, de nombreux livres décrits à la suite de la rubrique Sequentes libri inventi fuerunt ultra et preter scriptos se distinguent très nettement par leur présentation matérielle. Sur les 50 volumes que compte cette section, près de la moitié apparaissent en effet en cahiers et plusieurs sont signalés non reliés 792. C’est du reste le seul endroit de toute la librairie de Lonijs où il est question de sexterum ou de quaterna. Comment l’expliquer ? Entre autres hypothèses, il s’agit peut-être d’acquisitions plus récentes que Lonijs n’avait pas encore eu l’occasion de relier. Surtout perceptible dans les bibliothèques de travail, la pratique était courante de relier ensemble dans des volumes de miscellanea des pièces distinctes, éventuellement achetées à l’origine en cahiers

789

Doc.II (n°1-72).

790

Doc.II (n°73-122).

791

de Raadt 1896, p. 25.

792

Doc.II.78, 79, 85, 86, 88 à 96, 98, 99, 102 à 105 et 107 à 111. Les n°100-101 ne se présentent pas en cahiers mais sont dépourvus de reliure.

164

Partie II : Voyage au cœur des librairies

séparés 793. L’existence d’une liste de livres établie personnellement par Clopper est attestée via une mention laissée par Andries Wijnhove dans son inventaire aprèsdécès 794. Le notaire reconnaît une nouvelle fois s’être servi de ce document dans son travail d’inventorisation. Le pronom personnel meum dans la description d’un répertoire alphabétique ne laisse planer aucun doute sur la nature du catalogue dressé par Clopper lui-même 795. On notera encore que contrairement au catalogue trilingue de Philippe Wielant et au document bilingue de Jean de Wysmes (français pour le préambule et latin pour la liste de livres), Clopper a préféré l’usage exclusif du latin pour le relevé de ses ouvrages 796. Tout comme la bibliothèque de Steenberch, cette collection présente la particularité de comporter des cotes 797. Contrairement aux usages habituels dans les institutions civiles ou religieuses, l’unité de catalogage utilisée par Clopper n’est pas le volume mais bien le texte. Cette méthode atypique s’avère extrêmement précieuse dans le cas des nombreux miscellanea qui composent cette librairie puisque chaque texte y est spécifiquement signalé. Plusieurs ouvrages sont cependant dépourvus de cote 798. D’après A. Derolez, ce dernier groupe correspondrait à des volumes nouvellement acquis par Nicolas Clopper, ce qui expliquerait l’absence de signalétique et leur présence en fin d’inventaire 799. Si cette hypothèse pourrait effectivement s’appliquer aux 6 livres qui contiennent des textes de Cicéron, de Walter Burley et d’Alphonse de Spina 800, elle nous semble toutefois peu convaincante dans le cas des 7 ouvrages liturgiques en fin de liste. Clopper est attesté comme chanoine dès 1430, soit une quarantaine d’années avant son décès. On conçoit donc mal que les 2 nocturnaux, le diurnal, les bréviaires et l’ordinaire aient constitué autant de nouvelles acquisitions 801. Il nous paraît plus vraisemblable qu’il s’agisse de 793

Le coût de la reliure incitait certains propriétaires à attendre avant de rasssembler plusieurs textes au sein de miscellanea (Febvre - Martin 1958, p. 152 et suiv.).

794

Inventaris van den boeken gevonden binnen des voirs. testateurs huyse, also hij dien selve geordineert hadde ende gescreven in dese manieren (voir Répertoire documentaire).

795

Repertorium meum commune a littera A usque N (Répertoire documentaire, n°107).

796

L’emploi du latin pour les listes de livres de particuliers n’est pas la règle générale (Muret - Muret 1996, p. 324). La rareté des documents de ce genre invite toutefois à la prudence. Outre l’exemple de Wielant, le catalogue établi personnellement par le chanoine et secrétaire royal Roger Benoiton († 1481) est également en latin (Chagny-Sève - Hasenohr 1999).

797

Citons pour comparaison la librairie de Michiel Lievens dont quelques livres portent des cotes (CCB-IV 2001, n°13) tout comme celle de Jean Nicolai de Thimo (Muret - Muret 1996).

798

N°45, 113, 46 et 147-159.

799

CCB-IV 2001, p. 27.

800

N°147-152.

801

N°153-159.

Chapitre II : La composition des librairies

165

volumes conservés ailleurs dans la maison mortuaire et décrits par le notaire à la suite de l’inventaire spécifique des livres. Clopper n’aurait dès lors pas jugé utile d’inscrire une cote sur de tels ouvrages qu’il utilisait probablement au quotidien dans ses fonctions d’homme d’Église. Hormis la section réservée aux textes de Pie II, le catalogue de Clopper tel que l’a utilisé Wijnhove ne présente aucune division thématique. Il est assez malaisé de déceler une logique applicable à l’ensemble des cotes. Même si on y distingue l’un ou l’autre volume dont le contenu ne s’inscrit pas tout à fait dans la même veine typologique, une certaine unité thématique est cependant perceptible au sein de plusieurs groupes de livres qui portent des cotes consécutives. Les 20 premiers ouvrages qui portent une cote allant de la lettre A à la lettre V reprennent ainsi grosso modo les textes de base en droit canon et en droit civil 802. À l’exception des 6 volumes de la Pantheologia803 et d’un recueil de littérature de voyage et de géographie 804, les cotes Aa à Ax 805 concernent aussi dans leur grande majorité le domaine juridique. Toutefois, le miscellanea coté Ay présente un visage un peu différent puisqu’il ne reprend qu’une seule pièce de droit pour quatre œuvres d’une autre nature 806. Plus loin dans le catalogue, d’autres groupes de livres pourvus de cotes consécutives concernent la littérature juridique : c’est par exemple le cas pour les cotes Cd à Cp (n°79-90) d’une part, et Dx à Em (n°120-133) d’autre part. Très homogène, la série des 12 volumes cotés Cd à Cp n’est perturbée que par un ouvrage de médecine coté Cn807. Parmi les 14 ouvrages accompagnés d’une cote allant de Dx à Em 808, l’unité thématique orientée nettement vers le droit est par contre brisée par la présence au cœur même de cet ensemble de 4 livres au contenu différent et dont les cotes ne se suivent pas 809. Dans quelle mesure l’hypothèse d’un classement par ordre chronologique d’acquisition pourrait-elle s’avérer concluante ? La base de données de l’ISTC permet d’établir avec certitude que le recueil de textes de Pie II et dépourvu de cote remonte aux années 1470 810. Quant aux cotes alphabétiques simples 802

Répertoire documentaire, n°2-21.

803

Répertoire documentaire, n°23-28.

804

Répertoire documentaire, n°38, coté Al.

805

Répertoire documentaire, n°22-49.

806

Le De mulieribus claris de Boccace, le Liber de moribus hominum et officiis nobilium ac popularium super ludo scaccorum de Jacques de Cessoles, les Gesta regum Romanorum et l’Itinerarum de sitibus terrarum et mirabilibus mundi de Jean de Mandeville (n°50).

807

Répertoire documentaire, n°88.

808

Soit les n°120-133.

809

Répertoire documentaire, n°125 (Ed) : Jean de Roquetaillade, Pronosticationes ; n°126 (Ee) : Summa dictaminis ; n°128 (Eg) : Thomas d’Aquin, De regno ad regem ; n°132 (El) : Cicéron, De officiis.

810

Répertoire documentaire, n°146.

166

Partie II : Voyage au cœur des librairies

apposées sur le tout premier ensemble d’une vingtaine d’usuels juridiques, on peut légitimement supposer qu’elles ont été inscrites par Clopper au moment où il poursuivait son cursus académique en droit (1423-1429). Néanmoins, certains éléments invitent peut-être à ne pas appliquer cette interprétation chronologique du système de cotes à l’ensemble de la collection. Ainsi, le livre qui comprend le seul Tractatus de calcatione de Nicolas Jacquier est coté Bx 811 alors que les formulaires en vigueur à la chancellerie apostolique portent des cotes composées de lettres placées plus loin dans l’ordre alphabétique (par exemple : les n°84-87, cotés respectivement Ci à Cm). On note donc un hiatus chronologique entre le traité de Nicolas Jacquier composé en 1457 et ces formulaires qui remontent de toute évidence aux années 1433-1440, à l’époque où Nicolas Clopper exerçait comme abbreviator à la curie romaine. La mise au jour de cas similaires est sérieusement entravée par les quelques textes datés insérés dans des miscellanea mais dont on ignore la date de constitution par Nicolas Clopper. Ainsi, le chanoine bruxellois a rassemblé dans un même volume coté Cq le Liber de simplici medicina de Matthaeus Platearius (dont il disposait peut-être précédemment) et le traité sur la peste rédigé par Jean Vésale en 1454 812. De même, il a inséré l’Epistola ad Machametum principem Turchorum de fide catholica datée de 1461 au sein d’un recueil coté Dp 813 alors que plus loin dans le catalogue, la cote Ds a été inscrite sur un volume de mélanges qui reprend des pièces de 1430 814. Enfin, les textes reliés ensemble présentent généralement une réelle unité typologique 815 même si quelques-uns paraissent composés d’œuvres de nature et d’esprit assez différents 816. Il faut probablement y voir le témoignage d’une certaine volonté de rationalisation dans le chef de Clopper. C. Martin Steenberch Avec celle de Clopper, la collection de Martin Steenberch est la seule à comporter des cotes 817. Elle offre en outre la particularité de présenter un système de classement hybride : une partie des ouvrages décrits sont rangés de 811

Répertoire documentaire, n°74.

812

Répertoire documentaire, n°91.a et 91.b.

813

Répertoire documentaire, n°114.b.

814

Répertoire documentaire, n°117.d et 117.f.

815

C’est par exemple le cas pour le n°115, qui reprend successivement une liste des diocèses, des règlements en application dans la chancellerie apostolique, un texte juridique de Johannes Calderinus et la Vita et transitus beati Jeronimi d’Isidore de Séville.

816

Respectivement n°134 (6 textes sur 8 sont des compositions de l’évêque d’Hippone), n°141 (5 textes de Gerson pour 2 de Jean Chrysostome), 40 et 70 (Jacques de Vitry, Historia Hierosolimitana ; Marco Polo, De conditionibus et consuetudinibus Orientalium regionum ; récit de voyage en Terre sainte d’un pèlerin d’Hertogenbosch).

817

Sur ce qui suit : Van Hoorebeeck 2006b, spéc. pp. 317-323.

Chapitre II : La composition des librairies

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manière artificielle en fonction de leur valeur marchande tandis que le reste de la collection s’articule autour de grandes subdivisions thématiques originelles. La bibliothèque de Steenberch est connue grâce à son inventaire mortuaire dressé par le notaire Andries Wijnhove, assisté cette fois d’un libraire. Précision importante, il ne s’agit pas du relevé exhaustif de l’ensemble de la collection mais bien uniquement des livres qui reviennent au chapitre Sainte-Gudule et à quatre églises bruxelloises affiliées. Le document mentionne explicitement qu’Henric de Fuytere ainsi que le frère du défunt ont, avant la rédaction du compte d’exécution, sélectionné le ou les ouvrages qu’ils désiraient. Aucun détail n’est apporté sur le nombre de volumes prélevés. Andries Wijnhove entame son relevé avec la description de 43 ouvrages qui ont trouvé acquéreur. Sont d’abord signalés les livres vendus ensemble pour la somme de 6 livres 5 sous de gros de Brabant, suivis d’un second lot vendu pour 2 livres de gros 818. Le notaire recense ensuite les 90 livres qui n’ont pas été vendus 819. Cette partie importante de la collection présente un classement qui ne répond plus à la seule logique financière. Le document est articulé autour de six rubriques typologiques. Après avoir commencé son inventaire par la mention Primo de libris theologicis 820, Andries Wijnhove parle en effet de livres geheten ius canonicum 821, geheten ius civile 822, geheten historialia, poetica et grammaticalia 823 ou encore de plusieurs ander boeken geheten medicinales libri 824. La formule employée par le notaire pour désigner ces sections fait penser à une répartition thématique d’origine, qui pourrait en outre correspondre à la disposition matérielle des ouvrages, rangés par matières sur une étagère spécifique. Tout comme chez Wielant, on observe donc un classement typologique inspiré des disciplines de l’enseignement universitaire sans qu’il soit cependant possible de 818

Respectivement doc.IV.1-12 et 13-43. Si le regroupement des ouvrages dans ce premier grand poste a été décidé en raison de leur valeur marchande, on observe que l’estimation des 12 volumes du premier lot s’avère bien plus élevée que celle des 30 livres compris dans le second lot. Cette différence s’explique par plusieurs facteurs. Les Decretales (doc.IV.6) mises à part, le premier groupe de livres vendus ensemble ne comprend que des manuscrits. Parmi ceux-ci figurent une bible de grand format dont on précise la riche reliure et un livre de prières relié de rouge. En revanche, le second lot est constitué pour moitié environ d’incunables. Sont enfin repris des ouvrages de petit format ou dépourvus de reliure ou en papier. Plusieurs critères traditionnels semblent donc intervenir ici dans la valeur financière d’un livre : la technique, le format, la reliure et le support. L’illustration n’est en revanche jamais évoquée.

819

Répertoire documentaire, doc.IV, n°44-133.

820

Répertoire documentaire, doc.IV, n°44-65.

821

Répertoire documentaire, doc.IV, n°89-114.

822

Répertoire documentaire, doc.IV, n°115-117.

823

Répertoire documentaire, doc.IV, n°121-129.

824

Répertoire documentaire, doc.IV, n°118-120. La dernière section s’écarte de ce schéma (doc.IV, n°130-133). Une sous-rubrique intitulée Navolgende alderande cleyn boeken nyet getaxeert précède la description des n°66-88.

168

Partie II : Voyage au cœur des librairies

déterminer si Steenberch en avait lui aussi dressé le catalogue. Les cotes qui accompagnent certains volumes sont tantôt composées d’une ou de plusieurs lettres minuscules ou majuscules, tantôt d’un ou de plusieurs chiffres romains. Martin Steenberch a donc adopté une signalétique différente de celle suivie par Nicolas Clopper. Toutefois, deux éléments viennent lourdement en grever tout essai interprétatif : le caractère partiel de la librairie telle qu’elle apparaît dans le compte d’exécution testamentaire, d’une part, et les modifications de l’ordre des livres par le notaire et le librairie au cours de leur travail de description et de liquidation, d’autre part. Bon nombre de volumes portés à l’inventaire sont ainsi dépourvus de cote sans qu’on puisse en trouver une explication rationnelle et on ignore pour quels motifs certains exemplaires traitant parfois de sujets totalement différents portent une cote identique 825. On relèvera enfin la présence de plusieurs textes qui se présentent en cahiers non reliés − un phénomène déjà observé dans la collection de Lonijs. Deux d’entre eux appartiennent au premier lot de livres vendus et comprennent des textes de Pie II et d’Ovide. Ils sont dépourvus de reliure et ne portent pas de cote826. En revanche, le Valère Maxime en français in quaternis non ligatis est coté XX 827. Il précède immédiatement un ouvrage intitulé Corona beate Marie virginis, lui aussi en cahiers, non relié et qui porte une cote consécutive 828. Le notaire signale enfin certi quaterni scripti in antiqua littera sine principio et fine accompagnés de la cote XXXVI 829. La présence de cotes inscrites sur ces textes laissés en cahiers et sans reliure inviterait-t-elle à rejeter ici l’hypothèse d’acquisitions récentes, à l’inverse de ce qui avait été suggéré à propos de Wouter Lonijs ? D. Guillaume Hugonet La librairie de Guillaume Hugonet telle qu’elle apparaît dans le compte de tutelle de ses enfants ne comporte aucune division à l’exception notable des 11 livres en français qui font l’objet d’une rubrique spécifique 830. Dans une bibliothèque comme dans un document mortuaire, la langue de rédaction constitue un critère de classification assez inhabituel. Faudrait-il en déduire que ces livres en françois étaient conservés dans un endroit distinct du reste de la collection ? Tous les livres n’étaient cependant pas en place au moment où ils ont été recensés. Le rédacteur signale en effet la présence d’un ouvrage es mains

825

Ainsi, par exemple, les n°8 et 47 sont accompagnés de la lettre « M » tandis que la lettre « N » est utilisée à la fois pour les n°48 et 50.

826

Répertoire documentaire, doc.IV, n°42 et 43.

827

Doc.IV, n°75.

828

Doc.IV, n°76.

829

Doc.IV, n°84.

830

N°76-86 (doc.II, partie II).

Chapitre II : La composition des librairies

169

de maistre Mathieu de Cusery – donc en prêt à l’extérieur 831. Aurait-on dès lors utilisé un inventaire antérieur qui aurait servi de base au récolement des ouvrages. Le chancelier avait clairement stipulé dans son testament qu’il souhaitait que sa veuve Louise de Layé et ses exécuteurs testamentaires établissent immédiatement après sa mort un inventaire de tous et singuliers [ses] biens meubles et immeubles 832. Il avait également précisé que Louise de Layé ne conserverait la tutelle de leurs enfants que tant qu’elle ne se remariait pas, auquel cas un nouvel inventaire et un compte de tutelle devraient être établis 833. Si la dame de Saillant convolera bien en justes noces avec Jean Oderne (l’ancien maître d’hôtel du couple), elle semble cependant ne pas avoir respecté les dernières volontés de feu son époux 834. Reste que tel qu’il nous est parvenu, le relevé de la bibliothèque du chancelier ne présente aucune véritable logique globale. On repère malgré tout deux groupes distincts de livres de droit composés respectivement de 7 ouvrages 835 et de 18 volumes 836. Cet ordre paraît délibéré, ce qui n’est peut-être pas le cas pour plusieurs œuvres à caractère encomiastique recensées à la suite dans l’inventaire (bien que le premier de cette série soit séparé du deuxième par deux textes de nature juridique) 837. Pour A. et W. Paravicini, « on devine que c’est l’ordre dans lequel les livres se trouvaient dans les coffres qui servaient à les garder » 838 ; si rien n’autorise à rejeter trop fermement cette hypothèse, aucun élément concret dans le compte de tutelle ne permet cependant de la valider. E. Corneille Haveloes L’inventaire après-décès de Corneille Haveloes pourrait bien avoir décrit les livres en fonction de leur emplacement au sein du grand buffet protégé par un rideau rouge. Une annotation portée en marge du premier tome de la Mer des Histoires indique en effet que le second volume staet nae opt beghin van tweeden navolgenden blide 839. Selon toute vraisemblance, le rédacteur a donc commencé par décrire la quinzaine d’ouvrages rangés sur le premier rayonnage. On distingue très nettement la présence de deux types de livres au sein de ces 14 volumes : 7 831

Doc.II.76 (partie II). Deux autres volumes ne sont pas physiquement présents lors de l’inventaire (doc.II.88-89, partie II).

832

Paravicini 1972, §. 37.b.

833

Paravicini 1972, §. 37.a et §. 44.

834

Paravicini 2000, pp. 265 et 267 ; Flammeng 2003, p. 54 et suiv.

835

Doc.II.4-10 (partie I).

836

Doc.II.17-34 (partie I).

837

Doc.II.64-67-68-69 (partie I). Le n°65 contient des récollectes sur le Codex et le n°66 comprend un procès en latin.

838

Paravicini 2000, p. 285, n. 151.

839

Respectivement n°4 et 15.

170

Partie II : Voyage au cœur des librairies

imprimés de grandes dimensions et reliés de cuir rouge ou jaune puis 7 autres livres de plus petit format 840. Parmi ceux-ci, 3 sont des imprimés et 5 portent une reliure de cuir noir ou jaune et rouge. Il est néanmoins très aléatoire de reconstituer le nombre, le contenu et l’agencement des autres étagères. La collection d’Haveloes étant évaluée à une centaine de volumes, on pourrait par exemple postuler qu’à raison d’une quinzaine d’exemplaires par rayonnage, le meuble dans lequel il avait rangé sa collection comptait 5 ou 6 étagères. Cette hypothèse reste naturellement toute théorique puisque le reste du document ne fournit plus aucune autre précision de cette nature. En parcourant l’ensemble de l’inventaire, on a toutefois le sentiment que le format des ouvrages conditionne volontiers leur emplacement au sein du buffet. Aucun autre critère externe (support, média, reliure) ou interne (classement par matières ou par langue de rédaction) ne paraît en revanche particulièrement relevant. En l’absence d’un local spécifiquement consacré à leur conservation, les officiers ducaux auront donc volontiers installé leurs livres dans un espace privilégié de l’environnement domestique où ils participaient pleinement à la vie quotidienne. Aux côtés d’un mobilier assez varié qui leur assurait leur rangement et leur consultation, ils y voisinent souvent avec des objets de valeur ou qui revêtent une importance particulière aux yeux de leur possesseur. Les rares fonctionnaires qui ont entrepris de cataloguer leur propre collection, qui en ont imaginé un système de classement et d’organisation ou qui ont pourvu leurs ouvrages d’une signalétique par cotes, témoignent davantage encore de cet intérêt marqué pour le livre.

840

L’attribut cleyn désigne les n°9, 11, 12, 13 et 14. Le n°8 est logiquement décrit comme un minderen boeck puisqu’il suit immédiatement les 7 volumes de grand format.

Chapitre II : La composition des librairies

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Conclusion Quels enseignements tirer au terme de ce voyage au cœur des lectures des officiers des ducs de Bourgogne ? En gardant à l’esprit que les uns appréhendent les œuvres en latin et d’autres en langue vernaculaire et tout en résistant aux sirènes d’une présentation sans nuance qui estomperait les contours spécifiques, les intérêts particuliers comme les exceptions, plusieurs traits saillants ressortent néanmoins avec force et un certain tronc commun se dessine en filigrane. L’important fond religieux, d’abord, s’exprime au travers de nombreux textes d’Écriture sainte, de morale, d’hagiographie et de dévotion personnelle alors que la littérature ascétique et dogmatique s’avère plus discrète. L’empreinte de la devotio moderna semble aussi assez ténue. Le constat peut paraître étonnant puisqu’il s’agit d’un mouvement de spiritualité très en vogue au XVe siècle, qui plus est, né dans nos régions. Peut-on l’expliquer en partie par l’implication directe de plusieurs fonctionnaires dans la gestion des affaires temporelles de l’État bourguignon, qui aurait conduit ces hommes d’action à se sentir plus proches de Marthe que de Marie ? Dans les collections de quelques ecclésiastiques, les textes en rapport avec certains courants hétérodoxes et avec la croisade représentent également une certaine spécificité. Au-delà d’un climat général attesté par ailleurs, il faut sans doute y voir un écho de l’actualité politico-religieuse des Pays-Bas méridionaux et, chez certains, un intérêt plus personnel pour ce type de problématique, éventuellement lié à un contexte local. Le goût très prononcé pour la littérature historique d’essence universelle, à portée régionale ou centrée sur l’Antiquité (romaine en particulier) représente une autre constante. En matière d’histoire universelle, les lectures des officiers ressemblent d’ailleurs à s’y méprendre à celles des gens du Parlement de Paris sous Charles VI. Distrayants, les récits d’événements pittoresques et anecdotiques qui s’inscrivent dans un passé plus ou moins récent et plus ou moins réel offraient un précieux réservoir d’exemples moraux et édifiants. Cette dimension à la fois attractive et instructive s’avère fondamentale pour comprendre l’ampleur et la diversité du genre historique dans l’ensemble des collections. Pour certains homines novi, cette inclination particulière correspondrait-elle aussi à un désir d’ancrer leur histoire personnelle dans un passé lointain d’origine illustre ? Ces récits permettaient en quelque sorte d’accrocher le maillon de leur histoire familiale à une plus grande chaîne géographique ou dynastique tout en conservant leur identité propre. C’est peutêtre en ce sens qu’on peut interpréter la présence assez marquée de textes d’histoire régionale ou locale en rapport direct avec l’implantation géographique des officiers – soit le lieu de leurs origines, l’endroit où ils se sont installés et celui où ils travaillent.

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Partie II : Voyage au cœur des librairies

La littérature juridique s’impose parmi les piliers majeurs qui soutiennent l’ensemble des bibliothèques. Sans surprise, la présence du droit savant (canonique et civil à parts équivalentes) est à la fois plus prononcée et plus diversifiée dans les librairies constituées par les légistes. Mais il n’en représente pas toujours ni forcément l’élément prédominant comme c’est le cas dans les bibliothèques des membres du Parlement de Paris à la croisée des XIVe-XVe siècles. Du côté des auctoritates, des textes des glossateurs et des instruments de travail, les grandes lignes tracées dans les années 1960 par R. Van Caenegem restent pour l’essentiel d’actualité 841. Autre constat : le droit n’est ici pas l’apanage des juristes ni même des universitaires. Le droit canon semble primer sur le droit civil dans les collections de ces non-spécialistes. R. Doucet avait d’ailleurs formulé une observation similaire à propos des bibliothèques parisiennes entre 1499 et 1560 842. Enfin, on relève partout la place très discrète réservée à la coutume, véritable « îlot dans une mer de droit savant » 843. Le phénomène s’explique probablement en partie par l’accessibilité de certains officiers ad fontes et par le terminus de notre enquête (ca 1520), époque à laquelle le droit coutumier commencera à se voir diffuser à large échelle grâce à l’imprimerie. Les textes à caractère scientifique, technique et didactique représentent eux aussi l’un des principaux fondements de la culture générale des fonctionnaires. Si Aristote paraît essentiellement « réservé » aux universitaires (en particulier le versant philosophique de son œuvre), la littérature consacrée aux artes traverse l’ensemble du corpus et son orientation tout public semble le plus souvent d’ordre pratique. Surtout, elle apparaît très éclectique, allant des miroirs à l’astronomie en passant par la géographie et la littérature de voyage. À l’exception d’une poignée de librairies plus spécialisées qui ont appartenu à des médecins et des intellectuels, ce réservoir littéraire fréquent et varié ne constitue jamais la caractéristique première des bibliothèques des agents des ducs de Bourgogne. De manière générale, la littérature romanesque (en français) comme les textes d’auteurs classiques et humanistes (en latin) apparaissent chez des fonctionnaires plus ciblés. Un dixième des collections contient des pièces courtoises ou de divertissement tandis qu’on évalue à 20 % le lectorat des belles-lettres latines. Le Roman de la Rose excepté, aucune ligne de force ne se dégage réellement parmi les textes à coloration romanesque qu’on retrouve chez des possesseurs généralement réunis par trois caractéristiques : un état laïc, l’absence de titre académique et une implication dans des milieux littéraires. Les 841

Van Caenegem 1960 ; Van Caenegem 1967.

842

Doucet 1956, p. 26 et suiv.

843

Boone 1996a, p. 117.

Chapitre II : La composition des librairies

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bibliothèques qui comprennent des auteurs classiques et humanistes appartiennent généralement à des hommes d’Église universitaires dont certains étaient engagés dans les cercles intellectuels ou ont noué des contacts avec l’Italie. Au-delà des figures tutélaires de Cicéron, Térence, Ovide, Sénèque et, côté humaniste, Boccace et Pétrarque, le riche fonds des belles-lettres latines s’avère assez étendu sans toujours être très original. Même si elle s’appréhende encore souvent sous l’angle de la morale, la littérature latine ou néo-latine constitue malgré tout un pan non négligeable de nombreuses collections. Le constat n’est pas sans intérêt puisqu’il tranche singulièrement avec les observations de F. Autrand à propos des librairies de leurs collègues du Parlement de Paris au temps de Charles VI – pourtant l’un des foyers de ce nouveau courant intellectuel – où l’humanisme représentait une exception 844. On relève par ailleurs que l’humanisme bourguignon trouve essentiellement audience auprès des possesseurs qui ont des liens de proximité avec le prince. L’humanisme philologique, enfin, est particulièrement bien représenté par trois personnalités d’exception (Haneron, Busleyden et Wielant) qui se singularisent non seulement par leurs parcours mais aussi par la qualité de la documentation sur leurs librairies. Au final, dans quelle mesure les bibliothèques des fonctionnaires des ducs de Bourgogne sont-elles véritablement originales ? Il existe indéniablement de très nettes similitudes entre les collections des officiers qui répondent grosso modo à la définition des gens de savoir proposée par J. Verger, soit des individus titulaires d’un grade académique (ecclésiastiques ou laïcs), familiarisés avec la pratique de la lecture et qui, dans le cadre de leur office, sont pour une large part des professionnels de l’écrit 845. Culture latine, académique, teintée d’humanisme et à forte connotation utilitaire : ces mots-clé permettent de brosser à larges traits les contours du bagage culturel des gens de savoir. Les fondements communs et les composantes de cette culture savante exposés par J. Verger se retrouvent pour l’essentiel chez ce type de fonctionnaires ducaux. Tout au plus faut-il apporter quelque bémol au poids de la tradition, une caractéristique mise en avant par J. Verger. Ces officiers ne sont certes pas tous des intellectuels d’avant-garde mais certains d’entre eux ont assurément fait montre d’une réelle ouverture à la modernité littéraire. En termes d’originalité, les bibliothèques de leurs collègues qui ne présentent pas ce profil assez caractérisé sont plus difficiles à évaluer. Le constat le plus immédiat porte sur la moindre réception des livres de ballades et d’amours et autres témoins de la veine courtoise en langue vernaculaire qui, par exemple, représentent une composante ontologique des bibliothèques de la haute noblesse des Pays-Bas méridionaux. Les uns et les 844

Autrand 1973, pp. 1237-1238.

845

Verger 1997, spéc. pp. 9-48.

174

Partie II : Voyage au cœur des librairies

autres partagent en revanche une même inclination pour l’histoire sous toutes ses formes. Reste qu’en matière de littérature savante comme d’œuvres plus divertissantes, il n’est pas rare de repérer dans les librairies des fonctionnaires ducaux l’un ou l’autre texte à l’audience confidentielle. Seul Jérôme de Busleyden aurait possédé les Apologi de Willem Hermansz dont il ne subsisterait aucun témoin. Quant à Nicolas Ruter, il est, à ce jour, le seul à avoir disposé d’une copie autographe des Libanii d’Érasme. C’est aussi à lui que l’on doit la commande de l’un des deux exemplaires médiévaux connus du Chronodromon de Jean Brandon. Mais bien d’autres officiers ont accueilli dans leur collection des pièces qui n’ont que très peu circulé. On retrouve chez Jean de Wysmes l’une des rares copies du Sompnium doctrinale d’Arnold Gheiloven et Pierre de Roubaix disposait du Ménagier de Paris dont le champ de diffusion est inversement proportionnel à sa célébrité. Commandée par Jan III de Baenst et consignée dans un superbe manuscrit, la traduction néerlandaise de la Cité des dames de Christine de Pizan est un unicum tout comme certains textes de droit qui ne sont pas autrement connus que par leur présence parmi les livres du chancelier Hugonet ou de Martin Steenberch. Originalité et conformisme, tradition et ouverture : la disparité des profils de lecteurs et des types de lectures invite une nouvelle fois à une conclusion en demi-teinte.

CHAPITRE III : Manuscrit et imprimé, retour sur les raisons d’un succès inégal Comme partout ailleurs en Europe vers la même époque, l’introduction de l’imprimerie dans les anciens Pays-Bas en 1473 vient bouleverser les conditions techniques de fabrication du livre en permettant la multiplication rapide de textes à moindres frais et à grande échelle 846. Nombreux sont ceux qui ont compris tout le bénéfice de cette nouvelle technologie. Vers 1473 déjà, William Caxton insiste sur la célérité de la production en caractères mobiles. Il écrivait ainsi dans sa traduction anglaise du Recueil des Histoires de Troie de Raoul Lefèvre, le premier livre qu’il a imprimé à Bruges : Therfore I haue practysed & lerned at my grete charge and dispense to ordeyne this said book in prynte after the maner & forme as ye may here see, and is not wreton with penne and ynke, as other books ben, to thende that every man may haue them attones, ffor all the bookes of this storye [...] thus enpryntid as ye here see were begonne in oon day, and also fynysshid in oon day 847. Dans sa Recollection des merveilles advenues, Jean Molinet soulignera un autre avantage de cette grant multitude de livres empraintés qui permettait désormais aux povres mal argentés et à maintz escolliers d’obtenir decrets, bibles et codes sans grand argent baillier 848. Mais si l’imprimé a rencontré de chaleureux partisans, il a aussi connu de nombreux détracteurs : dans sa Vite di uomini illustri del secolo XV, le libraire florentin Vespasianio de Bistucci ira jusqu’à parler de produits hideux, éphémères et trop vils que pour figurer dans une bibliothèque digne de ce nom 849. Quel accueil les officiers des ducs de Bourgogne ont-ils réservé à l’ars artificialiter scribendi ? L’appréhension de cette problématique aussi fondamentale que complexe se fera en trois temps : le rappel des difficultés méthodologiques liées au repérage et à l’identification des imprimés ; l’évaluation de la part respective des manuscrits et des imprimés dans l’ensemble du corpus documentaire ; et, enfin, la mise au jour des facteurs qui ont pu conditionner la présence ou l’absence d’incunables. §. I. Les obstacles documentaires C. Bozzolo et E. Ornato ont jadis formulé d’excellentes observations 846

À retenir parmi une littérature particulièrement abondante : Febvre - Martin 1958 ; Cinquième centenaire 1973 ; van Thienen - Goldfinch 1999 ; Histoire de l’édition française 1982 ; Chartier 1987 ; Martin 1988 ; Naissance du livre moderne 2000 ; Histoire de la lecture dans le monde occidental 2001 ; Barbier 2006 ; Barbier 2007.

847

Londres, Royal College of Physicians, D139/11 (SL I d), f. nc. 350, lignes 11-19.

848

Dupire 1936-1939, I, n°XXV, vv. 553-560.

849

Grafton 2001, p. 234.

176

Partie II : voyage au cœur des libraries

méthodologiques à propos de la pénétration de l’imprimé dans les librairies françaises et italiennes entre 1470 et 1530 850. Leurs remarques ont gardé toute leur actualité et nous dispensent d’y revenir longuement. On en rappelera néanmoins les principales lignes de faîte tout en les complétant par quelques remarques suscitées par notre propre enquête. Les archives comme les sources littéraires mentionnent ainsi de manière très aléatoire la technique de production d’un livre et la distinction entre manuscrit et imprimé ne se généralisera dans ce type de documentation qu’à partir de 1480 851. Parmi les cas de figure les plus fréquents, citons les exemplaires (manuscrits ou imprimés) encore conservés et dont la description dans une pièce d’archives n’offre aucune précision technique 852. De même, il n’est pas rare d’être confronté à des imprimés signalés comme tels alors qu’il n’en existait aucune édition au moment où le document a été rédigé 853. Faut-il alors considérer qu’il s’agit d’une édition perdue et tenir cet exemplaire pour un imprimé ou doit-on estimer que ce volume est bel et bien un manuscrit erronément signalé comme un incunable ? Cette question mène à une deuxième remarque : dans quelle mesure certains rédacteurs peu au fait de l’actualité du livre, pressés ou peu scrupuleux n’ont-ils pas été abusés par la mise en page des incunables qui a longtemps présenté un fort mimétisme avec celui de leurs homologues manuscrits 854 ? Quelques éléments peuvent malgré tout intervenir dans la différenciation visuelle des deux médias, parmi lesquels l’aspect général de la page-frontispice, le type d’écriture 855 ou encore la mise en page des incunables qui s’affranchira progressivement des modèles manuscrits à partir de 1480 en proposant désormais un alignement à droite fort régulier qui tranche alors plus ou moins nettement avec les standards du livre écrit à la main 856. Au registre des principaux obstacles liés à la documentation, le vocabulaire utilisé suscite parfois en première analyse quelque interrogation. La librairie de Jean II Rolin comprend ainsi en 1486 des ouvrages escripts en mole ou en lectre de mole 857. Ce type de formules où un adjectif « réservé » au manuscrit côtoie des 850

Sur ce qui suit : Bozzolo - Ornato 1989.

851

Derolez 1972, p. 49.

852

Wielant ne spécifie pas dans son catalogue de bibliothèque que le Bruxellensis 20642-68 est manuscrit (Répertoire documentaire, n°97).

853

Exemple : Martin Steenberch (Répertoire documentaire, doc.IV.32).

854

H.-J. Martin reconnaît que seul un examen attentif de l’encre et de l’écriture de deux missels lyonnais lui avait permis de distinguer l’exemplaire manuscrit de son « jumeau » imprimé (Martin 1988, p. 221.)

855

Les caractères romains sont restés peu usités dans la production manuscrite de nos régions où l’écriture cursive, bâtarde ou textuelle était encore largement privilégiée.

856

Roudault 2003, p. 18.

857

Répertoire documentaire, doc.IX.3, n°7, 14, 16, 18 et 21. Un exemple français : en 1496, la librairie de Nicole Gilles comprenait des livres escriptz en lettre d’impression (Doucet 1956, n°1-2, 4-6, etc.).

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

177

expressions particulières à l’art typographique sera souvent utilisé pour désigner des imprimés. Il semble que de manière assez pragmatique, les rédacteurs aient continué à employer la terminologie du livre (manuscrit) éprouvée depuis longtemps tout en accolant au nouveau produit des formules qui leur sont spécifiques 858. On ne saurait en outre passer sous silence ces nombreuses mentions difficilement exploitables du point de vue qualitatif et quantitatif 859. Rappelons enfin que les sources permettent rarement de repérer des volumes mixtes réunissant les deux techniques de production sous une même reliure. Des éléments a silentio permettent néanmoins de contourner quelques-uns des dictats de la documentation. Le support, d’abord, puisque l’écrasante majorité des livres empraints ont été imprimés sur papier. C. Bozzolo et E. Ornato ont estimé à 0,6 % le taux d’imprimés sur parchemin dans les librairies françaises et italiennes aux XVe-XVIe siècles 860. L’impression sur parchemin, extrêmement coûteuse et techniquement complexe, était réservée aux exemplaires de luxe. De tels ouvrages ont circulé dans les Pays-Bas bourguignons mais aucun n’a été repéré chez les officiers ducaux 861. La chronologie des documents peut aussi permettre d’identifier un medium passé sous silence. En effet, la tendance à préciser la technique de production d’un livre varie en fonction de son caractère plus ou moins rare à une époque et dans un espace donnés. En d’autres termes, ce qui relève de la norme ne sera pas forcément spécifié. Les sources qui remontent aux premières années après l’introduction de l’imprimerie dans les Pays-Bas paraissent généralement attentives à indiquer tout ouvrage imprimé. La décennie 1510-1520 marque à cet égard un tournant important : du fait de l’avancée de l’art typographique, la perspective s’inverse et les documents taisent alors plus volontiers la technique du livre imprimé tandis que les manuscrits y sont, eux, plus spécifiquement désignés. D’autre part, la présence de certains titres qui n’ont que peu voire pas du tout circulé sous forme manuscrite peut aussi constituer un indice. On pense ici à la Chronique de Nuremberg de Schedel et à la Mer des Histoires qui doivent leur considérable diffusion à la technique typographique. À l’inverse, les reportata et les rapiami 862 ou certains textes traditionnellement associés à la production manuscrite

858

Sur la terminologie : Servant 1999, p. 258 et suiv. ; Barbier 2007, pp. 120-122.

859

Exemple chez Corneille Haveloes : diverse boecken van bladeren papiers ende half bladeren som geprent ende ongeprent (Répertoire documentaire, n°92). On trouve dans une librairie amiénoise quatre vingt quatre livres, tant escriptz en maulle qu’à la main (Labarre 1971, p. 147).

860

Bozzolo - Ornato 1989, p. 337.

861

Exemple dans la librairie de Philippe de Clèves : A. Korteweg, La bibliothèque de Philippe de Clèves : inventaire et manuscrits parvenus jusqu’à nous, dans Haemers - Van Hoorebeeck - Wijsman 2007, n°49.

862

Reportata : vocable qui désigne des notes prises par un étudiant lors d’un cours (voir aussi Partie III, chap.III, §. II.1). Rapiami : terme employé pour désigner des notes personnelles (§. III.2.F).

178

Partie II : voyage au cœur des libraries

bourguignonne de luxe 863 peuvent raisonnablement être considérés comme des manuscrits. Le contexte spécifique d’une œuvre, enfin, peut parfois aider à identifier un livre imprimé en l’absence de toute précision technologique864. Toutes les difficultés ne disparaissent pas lorsqu’un imprimé est clairement renseigné comme tel et qu’il s’agit d’en identifier la date et le lieu d’édition. Or la documentation est loin de fournir des données suffisamment détaillées concernant les adresses bibliographiques et il est pour le moins délicat de déterminer une édition sans ces élémentaires points de repère. Ainsi, les Instituta impressa mentionnées le 20 mai 1483 par Philippe Wielant dans son catalogue avaient à cette date déjà connu une trentaine d’éditions 865. En l’absence d’autres précisions et faute de retrouver ces Institutes, toute identification reste purement spéculative. Les recherches menées en ce sens n’aboutissent cependant pas toujours à des non-lieux et la chronologie croisée des documents, des éditions et des propriétaires autorise parfois à identifier une édition avec une plus ou moins grande certitude 866. §. II. La place accordée aux manuscrits et aux imprimés. Tendances quantitatives Après les premiers essais encore assez discrets réalisés en Allemagne par Johann Gutenberg, Johann Fust et Peter Schoeffer vers 1454-1457, les années 1470 sanctionnent l’apparition de la typographie en caractères mobiles en France et en Italie tandis que l’installation conjointe des premières presses dans les Pays-Bas méridionaux et septentrionaux remonte à 1473. Les 29 librairies qui appartiennent aux possesseurs décédés avant 1470 867 semblent composées exclusivement d’ouvrages manuscrits 868. Parmi les 74 autres collections, 17 bibliothèques comprennent au moins un imprimé, qu’il s’agisse d’un ouvrage subsistant et/ou d’une mention dans les documents. Les mêmes principes de comptabilisation que ceux mis en œuvre à propos de la taille des librairies ont ici été appliqués, soit en comptant pour une unité chaque volume physiquement distinct. De la même manière, n’ont été pris en compte que les volumes qui ont 863

Surtout avant 1480-1490, époque à laquelle de nombreux textes « bourguignons » commencent à être imprimés.

864

De fortes présomptions plaident en faveur d’un imprimé dans le cas du Quincuplex Psalterium offert par Jérôme de Busleyden en 1511 à l’abbaye Saint-Matthias de Trèves (Répertoire documentaire, doc.VIII).

865

Répertoire documentaire, n°6.

866

Un volume de l’Adversus calumniatorem Platonis est décrit en 1483 parmi les imprimés de Ferry de Clugny. La seule édition alors disponible était sortie des presses romaines de Conrad Sweynheym et d’Arnold Pannartz (Répertoire documentaire, n°17).

867

Lorsque la date du décès était inconnue ou approximative, nous avons pris comme repère chronologique la date de la source (document ou livre subsistant).

868

Bien que leur présence soit avérée dans nos régions avant cette date, rien n’indique la présence d’ouvrages prototypographiques et de livres tabellaires.

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

179

appartenu de manière certaine à chaque possesseur et, sauf exception, seuls les imprimés cités comme tels ont été comptabilisés. La présence dans certains documents d’entrées portant sur plusieurs ouvrages non quantifiés explique les montants a minima. Les 74 collections postérieures à 1470 représentent un peu plus de 70 % de l’ensemble des 103 collections reprises dans cette étude et parmi ces 74 librairies, 17 comprennent un ou plusieurs imprimés, soit un taux légèrement supérieur à 20 %. Les sources administratives et littéraires fournissent l’essentiel de la base documentaire puisqu’à peine 21 imprimés subsistants appartenant à 5 possesseurs ont été retrouvés 869. Ces résultats tiennent pour une large part aux instruments de travail en matière de provenance des imprimés. Contrairement aux recherches centrées sur la production manuscrite qui bénéficient d’une longue et solide tradition, ce domaine est longtemps resté le parent pauvre des études en incunabulistique et n’a suscité l’intérêt des spécialistes que depuis quelques années. Mais ces données sont peut-être aussi conditionnées par un autre facteur, qui se révèle toutefois plus difficile à appréhender. Le taux très faible de marques de possession dans les incunables enregistrés par R. Adam et A. Charon invite à poser la question de l’habitude pour un propriétaire médiéval d’indiquer une marque de possession dans les premiers imprimés 870. Les collections de Ferry de Clugny et de Jérôme de Busleyden ont par ailleurs un impact très net sur les résultats. L’application du jus spolii a assuré la survie de certains imprimés de Clugny puisqu’ils sont rapidement entrés dans le circuit institutionnel. Sur les 21 libri impressi cités dans la liste établie lors de leur entrée par un custode de la Vaticane, 9 sont encore conservés à Rome 871. Pour d’autres raisons, le cas particulier de Jérôme de Busleyden vient lui aussi biaiser les résultats. Sa librairie est l’une de celles qui bénéficient de la couverture documentaire la plus large et la plus diversifiée. Paradoxalement, ces atouts ne permettent pas une appréhension optimale de la place accordée aux deux médias dans cette collection. Les seuls imprimés spécifiquement cités comme tels apparaissent dans son testament où ils sont en quelque sorte « noyés » dans une clause qui mêle impressos vel scriptos à l’ensemble des alios vero omnes et quoscumque libros meos, cuiuscumque sint facultatis, linguae siue ydiomatis 872. Le repérage des manuscrits bénéficie des quelques mentions gescreuen in perkement 873 ou in 869

Antoine Rolin, Guillaume Stradio et Pierre de Thielt (1 volume chacun) ; Simon van der Sluis (4 volumes) ; Ferry de Clugny (14 volumes).

870

Nous y reviendrons plus longuement dans la Partie III, chap. III, §. II.4.

871

Voir à ce nom dans le Répertoire documentaire et le Catalogue descriptif.

872

Répertoire documentaire, doc.XII.5. Cette bybele in hebreaussche tale geprent ne concerne pas Busleyden : elle est achetée par les exécuteurs testamentaires pour l’enseignement de l’hébreu au Collège des Trois-Langues (Répertoire documentaire, doc.XIII.4).

873

Répertoire documentaire, doc.XIII.1-3.

180

Partie II : voyage au cœur des libraries

membrana 874 dans le testament et le compte d’exécution testamentaire. Le reste de la documentation concernant Jérôme de Busleyden ne présente aucune mention de technique. Faut-il invoquer l’argument du silence, vu la chronologie relativement tardive des sources (entre 1502 et 1520) ? La question doit plus probablement être envisagée au cas par cas. Cette attitude prudente se justifie d’abord par les nombreux textes d’humanistes dont il est question dans ces documents et dont on ne peut exclure qu’ils aient également circulé sous forme manuscrite875. Ensuite, l’incertitude qui entoure quelques titres cités dans sa correspondance empêche de se prononcer formellement. Si de fortes présomptions penchent en faveur d’un imprimé dans plusieurs cas précis 876, rien ne permet ainsi de déterminer si l’élégant libellus offert par Busleyden à Ludolf von Enschringen se présente dans une édition de belle facture ou s’il s’agit d’un produit manuscrit : en ce début de XVIe siècle, l’habitude de remettre un luxueux exemplaire écrit à la main à des personnalités choisies était bien loin de s’être perdue 877. Reste à apporter des éléments de réponse quant au poids quantitatif des deux médias au sein de ces 17 collections. Il convient de traiter séparément les possesseurs qui ne bénéficient que de maigres ressources documentaires et ceux pour lesquels on dispose de sources plus ou moins étoffées et/ou d’imprimés subsistants. Le premier groupe reprend 12 librairies illustrées par des sources qui s’échelonnent de 1472 (Clopper) à 1531 (Plaine). À l’intérieur de cette fourchette chronologique, la fin de la décennie 1470 est illustrée par la collection de Hugonet (1477) tandis que les années 1480 sont représentées par les bibliothèques de Wielant (1483), Clugny (1483), Jean II Rolin (1486) et Lonijs (1489) 878. Les collections de Steenberch (1491), de Wysmes (1497) et van der Sluis (1499) s’inscrivent dans la décennie suivante. Les bibliothèques d’Haveloes (1505) et de Jérôme de Busleyden (entre 1502 et 1520) témoignent des débuts du XVIe siècle. Ces 12 librairies offrent donc un panorama chronologique assez représentatif, depuis l’apparition de l’imprimerie en Europe vers 1470 jusqu’au tournant des années 1520-1530. Le pourcentage d’imprimés le plus élevé apparaît dans les librairies de Plaine 874

Répertoire documentaire, doc.XII.3-4.

875

Exemple : le Paena manuscrit de Charles Fernand (Répertoire documentaire, doc.VII).

876

Outre le Quincuplex Psalterium de Lefèvre d’Etaples, citons le De Asse de Budé dans l’editio princeps imprimée à Paris en 1515 (Répertoire documentaire, doc.IX.).

877

Exemple : en 1520, l’imprimeur Robert de Keysere offre à Charles Quint lors de sa Joyeuse Entrée à Gand non pas un produit issu de ses presses mais un superbe manuscrit enluminé (Escurial, Real Biblioteca del Monasterio, ms. Vitr. 13). Exemples similaires en France dans Charton-Le Clech 1993, p. 237.

878

Nous ne retenons ici que le document le plus complet, soit son inventaire après décès (Répertoire documentaire, doc.II).

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

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(92 %) et de Clugny (65 %). L’explication réside pour le premier dans la date tardive de la source (1531) et pour le second dans l’état particulier de la documentation. Le taux d’imprimés approche les 35 % chez Haveloes tandis qu’il est légèrement supérieur à 20 % dans la librairie de Wielant. La présence des libri impressi est inférieure à 20 % dans les 7 autres bibliothèques : entre 10 et 20 % (Lonijs, Wysmes, Jean II Rolin et Steenberch); de 5 à 10 % (Hugonet et van der Sluis); moins de 5 % (Clopper). On relèvera d’emblée la proportion supérieure affichée globalement par ce groupe de librairies comparé au taux moyen d’incunables en France durant la décennie 1480 évalué par C. Bozzolo et E. Ornato à environ 6 % 879. Sans qu’elle soit automatique, on observe d’autre part une certaine corrélation entre chronologie des sources et pourcentage de livres imprimés. Encore timide dans les librairies de Clopper (1472) et Hugonet (1477) décrites peu de temps après l’apparition de l’art typographique, l’imprimé gagne du terrain de manière générale au fil des décennies. Les seuls dénominateurs communs aux 5 possesseurs du second groupe tiennent à leur état laïc et à leur date de décès située entre la fin du XVe siècle et les premières années du XVIe siècle. L’existence des imprimés de Guy de Baenst et de Joao Vasquez n’est avérée que par des pièces d’archives tandis que les exemplaires d’Antoine Rolin, Pierre de Thielt et Guillaume Stradio sont encore conservés. Pour deux d’entre eux, il s’agit là du seul témoignage de leur patrimoine livresque. Le compte de confiscation de Guy de Baenst renseigne en revanche 2 imprimés sur un total de 3 ouvrages, alors que l’on connaît 2 autres livres (manuscrits) possédés par Joao Vasquez. L’imprimé qui porte les armoiries d’Antoine Rolin figure parmi la dizaine de manuscrits retrouvés qui ont fait partie de sa collection. Ces librairies présentent donc entre elles des liens beaucoup plus lâches que leurs homologues évoquées plus haut et, partant, n’autorisent que fort peu de commentaires. L’évocation d’Antoine Rolin suscite toutefois une remarque sur laquelle nous reviendrons plus loin : à l’inverse de ce que l’on relève pour la maison ducale et l’immense majorité de la haute noblesse des Pays-Bas méridionaux de sa génération, l’imprimé n’a de toute évidence pas été totalement rejeté par ce bibliophile patenté. Une fois encore, le nombre et la nature des sources disponibles n’autorisent pas à aller bien au-delà de ces quelques constats les plus immédiats. L’arbre ne doit en outre pas cacher la forêt : ces résultats ne sauraient occulter les 57 librairies postérieures à 1470 (soit plus de trois quarts d’entre elles) dans lesquelles aucun imprimé n’a été repéré.

879

Bozzolo - Ornato 1989, pp. 336-337.

182

Partie II : voyage au cœur des libraries

§. III. Une réception contrastée La perception du comportement des officiers bourguignons vis-à-vis du livre imprimé suivra un fil conducteur qui tient en trois questions fondamentales : qui, pourquoi et comment. Après avoir dégagé le profil intellectuel des fonctionnaires propriétaires d’imprimés, il s’agira de comprendre les raisons de leur ouverture à la production typographique puis de mettre au jour les différents indicateurs qui permettent d’évaluer la manière dont s’est traduit cet accueil. La même démarche s’appliquera ensuite aux collections dans lesquelles aucun imprimé n’a été retrouvé ou attesté. III. 1. Die ser abel ende subtile konst der prennte Les données chiffrées présentées plus haut témoignent à l’évidence que l’imprimé a trouvé nombre d’adeptes auprès d’une certaine frange de possesseurs. Quels sont les profils de cette vingtaine d’officiers ouverts au produit typographique et quelles sont leurs caractéristiques communes et leurs singularités ? A. Les possesseurs d’imprimés : profils Le groupe de 17 propriétaires d’incunables comprend 13 universitaires parmi lesquels 7 ont opté pour une carrière ecclésiastique (2 évêques 880 et 5 chanoines prébendés dans des chapitres de premier plan dont celui de Sainte-Gudule à Bruxelles où officient 4 d’entre eux) 881. Formation académique et état ecclésiastique : il s’agit précisément de deux critères qui conditionnent fortement le profil quantitatif d’une librairie. Le livre constitue l’instrument par excellence de l’apprentissage, de l’exercice du culte et de la méditation dans les sphères religieuse et académique. De nombreux imprimeurs l’ont d’ailleurs bien compris, qui ont consacré une grande partie de leur production aux usuels. On ne s’étonnera donc pas que les atouts de l’imprimé aient été reconnus par ces deux publics depuis longtemps familiarisés avec le livre-outil. La présence de libri impressi au sein des bibliothèques laïques s’explique aussi par l’empreinte très marquée de l’Alma Mater dans certaines d’entre elles. Le seul incunable conservé de Guillaume Stradio est précisément un ouvrage de droit acheté durant son cursus académique à Louvain 882. Plus généralement, bon nombre de livres d’études retrouvés dans les collections des universitaires laïcs apparaissent sous forme imprimée, qu’il s’agisse de volumes juridiques pour les légistes ou − quoique dans une moindre mesure − d’ouvrages de médecine (pour le physicien Jean de Wysmes). 880

Jean II Rolin et Ferry de Clugny.

881

Jérôme de Busleyden, Nicolas Clopper, Wouter Lonijs et Martin Steenberch.

882

KBR, Inc. C 195 (1-2).

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

183

B. Les raisons d’un accueil positif Si ces deux facteurs ont joué un rôle certain dans la réception de l’imprimé, ils n’expliquent pas à eux seuls l’intérêt manifesté à l’égard du nouveau medium par tous les agents ducaux possesseurs d’incunables. Bien d’autres paramètres pourraient intervenir parmi lesquels le rôle des humanistes, un élément souvent invoqué dans l’historiographie pour justifier l’utilisation puis la diffusion à large échelle de l’imprimé. Si cette opinion repose sur de solides arguments, il n’est peut-être pas inutile de l’expliciter sur certains points. Quelques pistes de réflexion sont ici proposées sur les relations parfois complexes entre un courant de pensée et une avancée technologique en prenant appui sur deux propriétaires d’incunables, Jean II Rolin et Jérôme de Busleyden. Le premier évolue dans les cercles humanistes parisiens des années 1460-1480 sans pour autant, comme on le verra, mériter l’étiquette d’humaniste ; le second est en revanche un véritable acteur de la diffusion et de l’expansion de l’humanisme dans les Pays-Bas au seuil du XVIe siècle. ■ Jean II Rolin On doit à E. Beltran d’avoir mis au jour les relations entretenues par Jean II Rolin (dit « le cardinal de Bourgogne ») avec les cercles humanistes parisiens de la seconde génération 883. À sa suite, de nombreuses publications sont revenues sur le mécénat soutenu pratiqué par le fils du chancelier Rolin envers l’humaniste Guillaume Fichet, à la fois prieur et bibliothécaire du Collège de Sorbonne, docteur en théologie et auteur prolixe. Plus essentiel pour notre propos, Fichet est avec Jean Heylin l’un des pères fondateurs des presses de la Sorbonne. La participation financière de Jean II Rolin dans la genèse puis le développement de ces premières presses parisiennes n’a pas manqué d’être soulignée par les historiens du livre 884. La dédicace puis l’envoi d’ouvrages imprimés témoignent clairement des contacts privilégiés entre le cardinal de Bourgogne et son protégé. Le premier exemplaire de la Rhetorica de Guillaume Fichet qu’il dédie à son pater excellentissimus sortira ainsi des presses de la Sorbonne vers le 15 juillet 1471 885. Ces mêmes presses avaient imprimé quelques mois auparavant les Epistolae et Orationes de bello Turcis inferendo de Jean Bessarion éditées par Fichet et dont Jean II Rolin avait reçu un exemplaire dix jours plus tard 886. Le cardinal de Bourgogne était donc loin d’ignorer l’existence du mouvement humaniste et la librairie de son hôtel parisien décrite à sa mort signale 9 883

Voir en dernier lieu Beltran 1992.

884

Voir notamment Veyrin-Forrer 1987, spéc. p. 185 ; Martin 2000b ; Martin 2000c.

885

Répertoire documentaire, doc.VI.

886

Répertoire documentaire, doc.V.

184

Partie II : voyage au cœur des libraries

imprimés. Plusieurs éléments invitent cependant à revenir sur un lien de cause à effet trop strict entre sa connaissance du nouveau courant intellectuel et la présence d’incunables dans sa collection. Même s’il ne s’agit pas d’un élément déterminant en soi, on constate que la vingtaine de volumes conservés qui ont appartenu au cardinal de Bourgogne sont tous manuscrits. Ensuite, la production littéraire née dans le sillage humaniste est quasi absente de son inventaire après-décès dressé en 1486 887. On n’y relève aucune trace de la Rhetorica de Fichet dont il était dédicataire et qu’il n’a pas manqué de recevoir ni des Epistolae et Orationes de Bessarion dont on sait qu’il a reçu un exemplaire. D’autre part, il faut préciser que Guillaume Fichet (et, avec lui, les presses parisiennes de la Sorbonne) est loin d’avoir été le seul acteur culturel à avoir bénéficié du mécénat du cardinal Rolin. À l’instar de son père, Jean II Rolin s’est signalé par un nombre impressionnant de fondations 888 et en matière de livres, il suffit de songer à ce miniaturiste anonyme dénommé « Maître de Jean Rolin » en référence à son principal commanditaire. La personnalité de son secrétaire Simon de Vieuxchâteau mérite enfin une attention particulière. Quelque peu occulté par le rang et le nom de son illustre « patron », ce chanoine d’Autun présente pourtant une culture humaniste bien plus marquée que celle de Jean II Rolin 889. Après un passage sur les bancs de la Faculté de droit au début des années 1460, Simon de Vieuxchâteau avait étudié la rhétorique et la poésie à Ferrare avant de voyager à travers la Péninsule. Il en avait rapporté un exemplaire des Comediae de Térence qu’il avait lui-même copié en 1465 890 et un volume de l’Enéide de Virgile, dans lequel il avait transcrit certains passages en grec 891. Attestée dès 1473, son activité de secrétaire paraît bien loin de s’être limitée à l’inscription de l’une ou l’autre mention d’ordre administratif dans certains volumes de Jean II Rolin. C’est en effet en tête de son propre exemplaire des Epistolae et Orationes de Bessarion que figure le courrier du 23 avril 1471 adressé par Guillaume Fichet à Jean II Rolin et dans lequel est évoqué l’envoi d’une copie imprimée à Rolin 892. L’implication de Simon de Vieuxchâteau dans l’édition du Breviarium Aedunense doit également retenir l’attention. Il est généralement admis que Jean II Rolin a confié à son secrétaire les instructions pour l’impression de ce nouveau bréviaire à l’usage 887

Seule exception : le volume escript en mole et papier qui contient les Epistolae familiares de Pie II (Répertoire documentaire, doc.IX.14). Les titres qui apparaissent sous forme imprimée ne présentent aucun caractère humaniste (p.e. : n°3, 5, 9 et 16). Cet inventaire ne décrit cependant que les livres de son hôtel parisien ; on ignore tout d’éventuels autres volumes conservés ailleurs.

888

Ségura 1999 ; Kamp 1999.

889

Sur ce personnage : Damengeot - Strasberg 1999.

890

BNF, ms. lat. 7911.

891

BNF, ms. lat. 7948.

892

Répertoire documentaire, doc.V.

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

185

d’Autun réalisée par Ulrich Gering (l’un des imprimeurs des presses de la Sorbonne) en mars 1480-1481 893. Simon de Vieuxchâteau s’est-il simplement contenté de jouer le rôle de fidéicommis en exécutant une décision du cardinal ? Deux éléments pourraient suggérer que l’initiative de ce Breviarium Aedunense devrait plutôt revenir au secrétaire du prélat. On trouve à la fin de l’édition du Breviarium Aedunense la devise Orta queque cadunt imprimée en lettres capitales. Comment expliquer la présence de la devise de Simon de Vieuxchâteau alors que celle de Jean II Rolin n’y figure nulle part ? Les exemples sont pourtant nombreux d’ouvrages réalisés par un commanditaire ecclésiastique pour une institution dont il a la charge et dans lesquels sont apposées armoiries ou devise. Dans le cartulaire de l’abbaye Saint-Martin d’Autun dont la transcription est commandée vers 1462 par Jean II Rolin lui-même, le cardinal et evesque dostun, abbé et perpetuel administrateur du noble et solennel monastere de seans ne fait-il pas inscrire sa devise et ses armoiries sur le frontispice 894 ? Le Bréviaire d’Autun offre en outre la particularité d’être imprimé non pas dans la traditionnelle gothique textuelle réservée à ce type de textes, mais bien en caractères romains − ce qui en fait le premier ouvrage liturgique paru en France à présenter ces fontes. Or aucun des manuscrits conservés qui portent une marque d’appartenance de Jean II Rolin ne présente ces particularités et aucun indice dans son inventaire post mortem ne laisse entrevoir la présence d’ouvrages en écriture humanistique. En revanche, le goût de Simon de Vieuxchâteau pour les modèles de la Péninsule est largement attesté. Il copie lui-même son manuscrit des Comediae de Térence dans une écriture de type humanistique et il confie la transcription de son Enéide à un scribe italien. Sans doute la question de leur rôle respectif dans la genèse et la réalisation du Bréviaire d’Autun mériterait-elle d’être réexaminée. ■ Jérôme de Busleyden La librairie de Jérôme de Busleyden invite également à quelques réflexions sur une relation directe et obligée entre la diffusion de l’imprimé et les cénacles humanistes. La chronologie intervient au premier chef dans le cas du fondateur du Collège des Trois-Langues à Louvain, correspondant d’Érasme, ami de Thomas More et qui avait lui aussi pris la plume à de nombreuses reprises. Né « avec l’imprimé » (il voit le jour en 1470), son long parcours académique ne lui permettra pas de commencer sa carrière avant 1504. En ce début de XVIe siècle, le manuscrit n’était certes pas obsolète mais l’imprimé avait déjà gagné bien du terrain. Rien d’étonnant donc à repérer des produits typographiques 893

Répertoire documentaire, doc.VII.

894

BNF, ms. lat. 5422. Autre exemple : l’ordinaire commandé par Henri de Berghes pour « son » abbaye de Saint-Denis-en-Brocqueroie et dans lequel figurent ses armoiries et son portrait (Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 168/211).

186

Partie II : voyage au cœur des libraries

dans sa librairie. Si Jérôme de Busleyden compte parmi les figures de proue de l’humanisme dans les Pays-Bas méridionaux, c’est aussi un homme de son temps qui s’est montré attentif aux changements en matière de transmission culturelle. Il semble donc assez naturel qu’il ait adopté les usages de l’imprimé à une époque où ce marché du livre était en plein essor. Sans y être totalement étrangère, son appartenance aux cercles humanistes n’est donc probablement pas l’élément qui l’aura le plus déterminé à acquérir des imprimés. Au-delà du bagage académique, de son statut d’homme d’Église ou d’une orientation intellectuelle humaniste, l’éventail des raisons pour lesquelles un officier ducal a réservé une place à l’imprimé au sein de sa collection se révèle assez éclectique − mais aussi souvent spéculatif. Il est fort hasardeux d’avancer une explication quant au nombre appréciable d’ouvrages geprent décrits en 1505 dans la collection de Corneille Haveloes. L’argument économique dont Jean Molinet se fait l’écho dans sa Recollection des merveilles advenues semble devoir être écarté : les prisées les plus élevées concernent généralement des imprimés de grand format ou épais. L’achat d’imprimés par cet amateur aurait-t-il été simplement dicté par son attrait pour le livre sous quelque forme qu’il soit ? On en est à ce stade réduit à des hypothèses, les données biographiques sur cet auditeur de la Chambre des comptes de Bruxelles étant inversement proportionnelles aux renseignements sur sa riche librairie. Il faut peut-être aussi invoquer une démarche bibliophilique à propos de la Somme rural imprimée à Abbeville en 1486 par Pierre Gérard aux armes d’Antoine Rolin 895. Son nom est traditionnellement associé aux prestigieux manuscrits enluminés commandés au Maître d’Antoine Rolin. Mais la bibliophilie a de tous temps emprunté des voies pour le moins diversifiées et l’attrait bien réel du grand bailli de Hainaut pour le livre a pu prendre d’autres formes 896. Dans quelle mesure un incunable aurait-il représenté une sorte de curiosité pour cet amateur plus habitué aux « beaux livres » manuscrits ? De plus, l’occasion s’est peut-être présentée de joindre l’utile à l’agréable ou l’inhabituel. Cet incunable comprend en effet un traité de vulgarisation juridique rédigé par le bailli du Tournaisis et de Mortagne Jean Boutillier 897. Cette Somme rural fondée à la fois sur les droits romain, canon et le coutumier servira longtemps de référence dans des régions gérées précisément par Antoine Rolin en sa qualité de grand bailli de Hainaut. Il n’aurait cependant pas poussé plus loin l’expérience : dans les années 1490, il « retournera » au manuscrit en commandant à son enlumineur de prédilection quelques-unes des plus belles pièces de sa collection. 895

Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, Inc. 1797-54.

896

Cette problématique est abordée dans la Partie III, chap. III, §. II.3.

897

Philippe de Hornes († 1488), un homme de la même génération qu’Antoine Rolin mais issu de la haute noblesse bourguignonne, en possédait d’ailleurs lui aussi un imprimé dans l’editio princeps réalisée en 1479 par Mansion à Bruges (Dubois 2002, n°6).

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

187

C. Les témoignages de l’ouverture à l’imprimé Les profils de ceux qui se sont montrés sensibles à l’imprimé et la mise au jour des raisons qui expliqueraient leur ouverture au nouveau medium invitent à examiner les paramètres qui attestent de cet accueil positif. Autrement dit : de quelle manière l’intérêt manifesté par les agents des ducs de Bourgogne s’est-il traduit dans leurs comportements vis-à-vis du produit typographique ? ■ Une réception rapide La pénétration de l’imprimé dans bon nombre de librairies s’est opérée assez rapidement. Le phénomène est d’autant plus remarquable auprès des possesseurs décédés au cours des années 1470, soit quelques années à peine après l’introduction de la typographie en caractères mobiles. Bien qu’entouré de certaines zones d’ombre, le cas le plus spectaculaire à cet égard pourrait être celui de Nicolas Clopper, mort en 1472. Sous la rubrique Opera Enee postea pape Pii, il a décrit dans le catalogue de sa librairie un miscellaena reprenant exclusivement 14 textes de Pie II 898. Leur description ne propose cependant aucune mention de technique − pas plus, d’ailleurs, que les autres volumes répertoriés dans le document. P. Boeren est le premier à avoir établi un rapprochement entre ces titres et leur editio princeps parue à Cologne dans les années 1470 899. La banque de données de l’ISTC confirme son intuition puisqu’à l’exception d’une édition dont la date pourrait être postérieure au décès de Clopper 900, les 13 autres titres paraissent bien avoir été imprimés pour la première fois par Ulrich Zell et par Arnold Ther Hoernen à Cologne. Lui-même originaire d’Heidelberg, Clopper entretenait des liens certains avec la métropole colonaise où il possédait un canonicat à Saint-André et dans laquelle il avait poursuivi une partie de son cursus académique. En outre, ses nombreuses missions effectuées dans le cadre de ses fonctions au Conseil de Brabant ont presque toujours pris la direction de l’Est 901. Aucun de ses ouvrages n’a été retrouvé, laissant donc stricto sensu leur technique de production à l’état de conjecture. En revanche, une autre librairie qui a appartenu à un possesseur décédé durant la décennie 1470 mentionne bel et bien des livres imprimés. Le fait est d’importance puisqu’il s’agit de Guillaume Hugonet, chancelier de Bourgogne décédé en avril 1477 et qui avait déjà enrichi sa bibliothèque de 6 volumes imprés 902. Quelques bibliothèques plus tardives contiennent de nombreuses éditions 898

Répertoire documentaire, n°146.

899

Boeren 1949-1951.

900

Répertoire documentaire, n°146.b.

901

Godding 1999, p. 142.

902

Répertoire documentaire, doc.II.

188

Partie II : voyage au cœur des libraries

princeps ou de textes qui n’avaient alors connu que deux ou trois impressions − soit autant de témoignages concrets de l’intérêt porté par leur propriétaire au livre incunable. Ferry de Clugny (décédé en 1483) possédait les Pharetra doctorum et philosophorum imprimées pour la première fois par Johann Mentelin à Strasbourg après 1473 903 ainsi que la première édition du Speculum aureum decem praeceptorum Dei d’Henri de Herp, sortie de presses le 10 septembre 1474 904. Si elle n’en présente pas l’editio princeps, sa Summa theologica d’Antonin de Florence illustre également son ouverture rapide au livre typographique puisqu’elle a été imprimée entre le 10 octobre 1477 et le 29 avril 1479 905. C’est en revanche dans l’editio princeps imprimée en 1475 que Joao Vasquez a pris connaissance des Opera de Sénèque 906. Parmi la vingtaine d’incunables repérés en 1491 chez Steenberch, il faut pointer la seule édition alors parue qui reprend conjointement le De spiritu et littera d’Augustin d’Hippone, le Tractatus de periculis contingentibus circa sacramentum eucharistiae de Thomas d’Aquin et le De suffragiis missae 907. De même, Steenberch possédait l’unique édition disponible des Homiliae super Matthaeum de Jean Chrysostome dans la traduction latine de Georges de Trébizonde 908. Les exemples sont plus nombreux dans la collection de Wielant où 5 titres au moins peuvent être identifiés dans leur editio princeps 909. Citons enfin Guillaume Stradio qui, alors étudiant en droit à Louvain, opte pour la nouveauté en y achetant en janvier 1473 les Institutiones de Justinien et le Liber feudorum dans l’édition parue quelques mois auparavant à Strasbourg 910. ■ Des nouveautés imprimées L’accueil positif réservé à l’imprimé par plusieurs fonctionnaires s’est également traduit par un souci manifeste de suivre l’actualité de l’édition en enrichissant leurs collections par des nouveautés imprimées. Au soir de sa vie, Ferry de Clugny complète sa bibliothèque par un ouvrage de Fernand de Cordoue vraisemblablement imprimé vers 1481 911. Certains titres de la collection de Philippe Wielant représentent probablement eux aussi des acquisitions récentes. Son Fasciculus temporum in theutonico, qui venait alors de paraître à Utrecht chez Johann Veldener, indique qu’il se tenait au courant de l’évolution du marché du

903

BAV, Inc. S. 147.

904

BAV, Inc. II 294.

905

BAV, Inc. S. 35-36-37-38.

906

Répertoire documentaire, n°2.

907

Répertoire documentaire, doc.IV.27.

908

Répertoire documentaire, doc.IV.45.

909

Répertoire documentaire, n°16, 46, 75, 105 et 106-107.

910

KBR, Inc. C 195 (1-2).

911

BAV, Inc. II 300.

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

189

livre 912. Au moment où il décrit sa librairie (en 1483), il pourrait aussi avoir disposé du Breviarium super Codicem de Johannes Faber Runcinus dans l’édition lyonnaise parue trois ans auparavant 913 et son Ruralia commoda de Pierre de Crescens pourrait être sorti des presses louvanistes de Jean de Westphalie entre 1477 et 1483 914. De même, l’Ovide De lart damour int walsche glose ende apostille geprent repéré chez Corneille Haveloes est sans nul doute une acquisition récente puisqu’aucune édition n’est antérieure de cinq ans à son décès 915. Enfin, que dire des Luciani dialogi d’Érasme éditées pour la première fois à Paris le 13 novembre 1506 et qui, si l’on en croit un courrier daté d’à peine quelques jours plus tard, auraient été offerts à Jérôme de Busleyden par le prêtre de Rotterdam 916 ? D’autres marqueurs moins directement perceptibles traduisent enfin l’ouverture de nombre d’officiers ducaux vis-à-vis de l’imprimé. Jean II Rolin comme Ferry de Clugny, Philippe Wielant, Corneille Haveloes ou encore Martin Steenberch n’ont visiblement pas cantonné le nouveau medium à un domaine du savoir en particulier. Leurs incunables concernent aussi bien les textes religieux que le droit, en passant par l’histoire, la littérature française ou la rhétorique. En matière de nouveautés, bien des fonctionnaires n’ont en outre eu aucune exclusive quant à la technique de production, acquérant un titre récent tantôt sous forme imprimée, tantôt sous forme manuscrite. ■ Wouter Lonijs et les Frères de la Vie commune La librairie de Wouter Lonijs offre peut-être un éclairage exceptionnel – même s’il reste très hypothétique – sur la réception de l’imprimé. Son inventaire mortuaire dressé en 1489 comprend une dizaine d’ouvrages sans mention de technique mais dont le titre correspond à ceux d’imprimés sortis des presses bruxelloises des Frères de la Vie commune917. Ces titres n’ont été imprimés que par les Frères – en tous cas avant 1489, date du décès de Lonijs 918. Il y a près d’un siècle, L. Paris avait déjà constaté cette coïncidence et en avait conclu à une erreur du rédacteur qui aurait omis de décrire ces imprimés comme tels 919. 912

Répertoire documentaire, n°105.

913

Répertoire documentaire, n°14.

914

Répertoire documentaire, n°79.

915

Répertoire documentaire, n°53.

916

Répertoire documentaire, doc.V.

917

Sur l’activité d’imprimeur des Frères de la Vie commune de Bruxelles, voir en dernier lieu CockxIndestege 1997.

918

Répertoire documentaire, doc.II.22, doc.II.40, doc.II.41, doc.II.62, doc.II.69 et doc.II.90. Le liber continens opus quondam domini Petri Carlerii decani Cameracensis pourrait correspondre à la Sportula fragmentorum dont la seule édition réalisée avant 1489 est sortie des presses des Frères en 1478-1479 (doc.II.36). Les deux cahiers de papier qui contiennent le De evangelica doctrina pourraient constituer une partie de l’édition des œuvres de Pierre d’Ailly parue chez les Frères entre le 9 juin 1481 et 1484 (doc.II.79).

919

Paris 1916, p. 73 (repris par De Keyser 1974, p. 29).

190

Partie II : voyage au cœur des libraries

Nous préférons laisser à la source le bénéfice du doute et ne pas invoquer l’argument du silence en faveur de l’une ou l’autre technique de production. Du reste, certains imprimés sont bel et bien mentionnés en tant que tels et rien ne permet de considérer que le notaire Andries Wijnhove, qui n’en était pas à son coup d’essai en la matière, ait fait preuve de négligence à une dizaine de reprises. L’ancrage bruxellois de Wouter Lonijs invite à proposer une hypothèse dans le respect du document d’archives et en considérant comme manuscrits les volumes dépourvus de précision technique. Issu d’une famille solidement implantée à Bruxelles et procureur puis conseiller extraordinaire au Conseil de Brabant − une institution installée au Coudenberg −, Lonijs était grand chanoine à la collégiale Sainte-Gudule où il demandera d’ailleurs à être enterré. À Bruxelles, la seule imprimerie implantée au XVe siècle était celle des Frères de la Vie commune. Installée d’abord dans la Putterie, la communauté de Nazareth avait déménagé en 1480 pour le Vieux-Bourg, près de l’îlot Saint-Géry. L’activité d’imprimeurs des Frères durera une dizaine d’années, entre 1475 et 1485. La proximité géographique entre Wouter Lonijs et les presses bruxelloises est donc bien réelle. De plus, son volumen impressum continens sermones et epistolas Bernardi indique que le chanoine ne devait pas ignorer les activités de ces frères en religion qui étaient aussi ses voisins : la seule édition parue de son vivant à reprendre ces deux œuvres de Bernard de Clairvaux est précisément sortie des presses bruxelloises des Frères de la Vie commune en avril 1481 920. Sur la base de ce faisceau d’éléments, pourquoi ne pas suggérer que les ouvrages de Lonijs aient été utilisés par les Frères comme exemplar dans certaines de leurs impressions 921 ? Malgré l’absence de preuves irréfutables, certaines présomptions pourraient plaider en faveur d’une implication directe de Lonijs dans la genèse et le développement des éphémères premières presses bruxelloises. ■ Antoine Haneron et Richard de La Chapelle L’examen de deux cas particuliers offre enfin un éclairage de premier plan sur la manière dont a pu s’exprimer la domestication du produit typographique. Si le premier fonctionnaire (Antoine Haneron) fait partie des individus repris dans cette étude, le second (Richard de La Chapelle) en a été écarté faute d’information sur sa librairie. Avant de devenir précepteur des enfants de la famille ducale, Antoine Haneron avait enseigné le latin à la Faculté des Arts de Louvain durant les années 1430920

Répertoire documentaire, doc.II.37.

921

On ne peut certes exclure que les Frères aient utilisé des textes déjà disponibles dans leur couvent. Les registres comptables de cette institution mentionnent en effet de nombreux manuscrits copiés pour leur propre usage ou commandés à ces professionnels de l’écrit (Cinquième centenaire 1973, p. 195).

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

191

1439. Il avait rédigé à l’intention de ses étudiants quelques manuels de grammaire et de rhétorique dont plusieurs seront imprimés de son vivant 922. Les œuvres de ce pédagogue engagé sortiront des presses d’imprimeurs installés au cœur de grands centres urbains où fleurissaient de nombreux établissements éducatifs, synonymes d’un large lectorat composé d’écoliers et d’étudiants 923. À l’instar de ces fonctionnaires qui ont « donné » leur nom à des miniaturistes qu’ils ont particulièrement sollicités, Antoine Haneron est le seul officier à avoir « baptisé » un imprimeur jusqu’ici resté anonyme 924. Probablement sorti de presse dans les Pays-Bas méridionaux vers 1477, son De epistolis brevibus edendis figure ainsi parmi les 5 opuscules attribués à l’Imprimeur de Haneron. En 1973, G. Colin écrivait à propos de cet imprimeur qu’il est « plus facile de lancer des suppositions [...] que d’apporter des preuves » 925. Près de quarante ans plus tard, la situation n’a guère changé. Les données manquent également pour mieux cerner la part personnelle prise par Antoine Haneron dans l’édition et l’impression de ses traités. Selon J. IJsewijn, il aurait interrompu toute activité littéraire après être passé au service de la maison de Bourgogne 926. S’il n’est pas exclu que ses successeurs ou les autorités de la Faculté des Arts de Louvain aient joué un certain rôle, dans quelle mesure l’ancien titulaire de la chaire de latin ne s’est-il pas malgré tout préoccupé lui-même de la diffusion de ses propres travaux ? On le sait, l’afflux de textes de piètre qualité et trop vite sortis des ateliers d’imprimeurs avides de rentabilité n’allait pas rendre service aux professeurs de latin 927. Pédagogue de premier plan et humaniste convaincu, peut-être Antoine Haneron avait-il compris que si l’imprimerie allait permettre la diffusion de ses textes à large échelle, ce nouveau moyen de transmission exigeait d’en contrôler personnellement le processus d’édition. La réception de l’imprimé auprès des fonctionnaires bourguignons peut enfin se mesurer à l’aune du rôle joué par Richard de La Chapelle († 1511) dans la première utilisation par l’autorité centrale du procédé de reproduction mécanique de textes. En août 1495, le jeune Philippe le Beau promulgue à Bruxelles la Keure van Zeeland, une loi organique qui sera proclamée en avril 1496 dans trois villes zélandaises. Godevaert Bac en publiera l’editio princeps à Anvers 922

IJsewijn-Jacobs 1975, pp. 31-69 ; IJsewijn 1975, p. 218 et suiv.

923

Sont concernés : le Compendium diasyntheticae sive de multipotencia activi regiminis dictionum (quatre éditions avant la mort d’Haneron : Cologne, chez Johann Koelhoff, le Vieux, vers 1475 ; ISTC, ih00004750 ; Deventer, chez Richardus Pafraet, 1477-1479 ; ISTC, ih00004760 ; Gouda, chez Gerard Leeu, 1483 ; ISTC, ih00004770 ; Anvers, même imprimeur, 28 mai 1487 ; ISTC, ih00004780) et le Tractatus de coloribus verborum et sententiarum cum figuris grammaticalibus (Utrecht, chez Wilhelmus Hees, 1475 ; ISTC, ih00004950 : Cinquième centenaire 1973, n°54).

924

Cinquième centenaire 1973, pp. 257-261.

925

Cinquième centenaire 1973, p. 259.

926

IJsewijn 1975, p. 198.

927

Lowry 1982, p. 40 ; voir aussi infra, §. III.2.

192

Partie II : voyage au cœur des libraries

entre le 3 juillet 1496 et 1499 928. L’imprimeur aurait disposé d’une copie conforme manuscrite s’ouvrant sur une miniature-frontispice dont l’editio princeps s’est inspirée pour le bois qui représente le jeune souverain. Le Bruxellensis Inc. A 1426 – l’un des 5 exemplaires conservés de cette édition – présente quelques corrections et annotations transcrites par une main identique à celle qui a laissé cette note au dernier folio : gecollationeert tegens die originael brieven bij Capelle. Ce Capelle est loin d’être un inconnu dans le milieu administratif bourgondo-habsbourgeois 929. Chanoine de Saint-Donatien à Bruges, doyen de la collégiale de Veere et docteur en droit canon, Richard de La Chapelle apparaît en 1473 comme conseiller ecclésiastique au Parlement de Malines avant d’exercer en tant que conseiller-maître des requêtes de 1477 à 1511. Plus essentiel pour notre propos, il est l’un des commissaires qui ont proclamé la Keure van Zeeland en 1495. Au-delà de la rémanence d’une formule courante d’authentification diplomatique, l’inscription qu’il appose dans l’exemplaire de Bruxelles démontre l’intervention concrète, en amont et en aval, d’un agent ducal dans le processus d’édition d’un acte officiel émanant de l’autorité centrale et diffusé pour la première fois dans les Pays-Bas méridionaux grâce à l’imprimerie. Même si l’on ignore s’il possédait des imprimés 930, le constat s’impose de lui-même : vu son profil d’universitaire et d’homme d’Église, un fonctionnaire tel que Richard de La Chapelle était particulièrement bien placé pour sensibiliser le jeune Croit conseil aux avantages de la nouvelle technologie 931. À l’instar du rôle de conseiller littéraire joué par un Jean V de Créquy auprès Philippe le Bon, ce sont peut-être ces professionnels de l’écrit moins bien nés mais depuis longtemps ouverts à l’imprimerie qui, une génération plus tard, seront les véritables acteurs d’un changement culturel de premier ordre en matière de transmission de l’information. En dépit de ce que pourrait laisser penser le taux de pénétration des libri impressi dans l’ensemble des collections des fonctionnaires – un peu plus de 20 % des 74 collections postérieures à 1470 –, de nombreux indices témoignent donc que 928

Philippe le Beau 2006, n°24 ; R. Adam, Imprimeurs en Brabant et en Flandre au temps de Philippe le Beau, dans Books in transition at the time of Philip the Fair (Burgundica, 15), éd. H. Wijsman, Turnhout, 2010, pp. 282-284.

929

Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 45.

930

Son testament rédigé en 1480 ne mentionne aucun ouvrage et nous n’avons repéré aucun exemplaire conservé (De Keyser 1971, pp. 347-378 ; De Keyser 1971, pp. 141-175 et 493-516).

931

En théorie, l’initiative de l’impression de cette Keure aurait aussi pu revenir à certains « ministres » de Philippe le Beau. Toutefois, les bibliothèques de Charles de Croÿ, Philippe de BourgogneBlaton, Charles II de Lalaing, Englebert II et autre Henri III de Nassau restent encore très largement fidèles au manuscrit et aucun imprimé n’a été retrouvé parmi les livres de Philippe le Beau. L’argument n’a cependant qu’une valeur relative : si ces aristocrates privilégient le manuscrit pour les ouvrages qui leur appartiennent en propre, rien n’exclut qu’ils aient reconnu les avantages offerts par l’imprimerie dans d’autres domaines et pour d’autres usages.

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

193

leurs librairies ont représenté un terreau fertile pour l’imprimé où, rapidement implanté, il n’aura pas tardé à se développer. Reste à tenter de décrypter l’attitude de leurs collègues qui ne disposaient pas d’imprimés. III. 2. Est virgo hec penna, meretrix est stampificata À la charnière des XVe-XVIe siècles, le maître en théologie Filippo di Strata résumait en ces mots restés célèbres son virulent réquisitoire prononcé à l’encontre de l’imprimerie, des imprimeurs et des imprimés 932. Le dominicain fustigeait la conduite dissolue et l’ignorance des imprimeurs, des maux à l’origine de nombreux textes criblés d’erreurs que ces fainéants ne prenaient pas la peine de corriger. Entre autres critiques, di Strata leur reprochait aussi d’inonder le marché d’œuvres de mauvaise qualité mais si peu coûteuses que n’importe qui pouvait désormais acquérir un ouvrage contraire aux bonnes mœurs (ou, pire, à la religion). Il mettait alors en garde le doge de Venise contre les mille dangers de l’imprimerie en utilisant une formule qui n’a pas manqué de frapper les esprits : Est virgo hec penna, meretrix est stampificata. La reproduction mécanique des textes représentait-t-elle une magnifique opportunité ou constituait-t-elle une sérieuse menace pour la connaissance ? M. Lowry a parfaitement démonté les mécanismes du « malaise intellectuel provoqué par l’apparition de l’imprimerie » auprès d’une large frange de l’intelligentsia italienne 933. Les fréquents reproches émis à l’encontre de la diffusion d’œuvres corrompues et dégradées n’étaient pas totalement sans fondement à une époque où philologie et critique textuelle faisaient encore leurs premiers pas. Cette multiplication de textes réservés jusqu’alors à des cénacles plus restreints a aussi pu susciter une réaction de dépossession auprès de ceux qui s’étaient consacrés durant de longues années à l’étude approfondie d’un savoir qui se trouvait soudainement à la portée du « lecteur lambda ». Ce sentiment de méfiance mêlé d’incompréhension face à un nouveau moyen de communication qui échappait à leur contrôle a-t-il été partagé par les intellectuels des Pays-Bas bourguignons ? Faute de publications de synthèse centrées sur la perception de l’imprimé dans nos régions au XVe siècle, il faut pour l’heure se contenter des seuls indices glanés au fil des sources. Même si les années 1520-1530 viendront sanctionner la primauté de l’imprimé après des décennies de cohabitation, l’apparition puis l’expansion de l’art typographique ne signeront jamais l’arrêt de mort du manuscrit. Plus peut-être que par indifférence, désintérêt, prudence, dédain voire franche hostilité, l’absence d’imprimés dans près de 80 % des collections paraît d’abord et avant tout s’expliquer par la grande fidélité témoignée à l’encontre du manuscrit. Les 932

Aperçu des thèses « anti-imprimé » : Lowry 1989, p. 34 et suiv.

933

Lowry 1989, p. 41.

194

Partie II : voyage au cœur des libraries

raisons de cette attitude sont protéiformes et ne sauraient se résumer à l’un ou l’autre paramètre qui interviendrait partout, de manière équivalente et de façon systématique. On peut néanmoins pointer une série d’indicateurs qui permettent de comprendre pourquoi le livre imprimé est resté auprès de ce public dans l’ombre ou en marge de son aïeul manuscrit. A. Le poids de la tradition Fût-il d’exécution modeste, le livre écrit à la main présentait qualitate quae des caractéristiques propres à lui assurer une plus ou moins grande longévité. De nombreuses sources italiennes attestent combien l’apparition de l’imprimé en Europe après des siècles de présence exclusive du manuscrit avait entraîné une réelle réaction d’incompréhension chez bien des lecteurs. Même sans disposer de références documentaires explicites pour les Pays-Bas méridionaux, cette attitude tout simplement humaine suscitée par la nouveauté peut probablement être extrapolée à une certaine frange du lectorat de nos régions. Durant des siècles, le manuscrit a aussi représenté un symbole très fort du caractère sacré de l’écrit et de la pérennité de connaissances consignées sur parchemin par des copistes qui, la plume à la main, en ont souvent souligné la longue et fastidieuse exécution. Selon toute vraisemblance, cette aura particulière devait encore imprégner nombre de lecteurs du XVe siècle et du début du siècle suivant. Peutêtre en trouve-t-on un témoignage dans une édition anversoise du Vocabulair pour aprendre romain et flameng datée d’entre 1496 et 1500 et qui s’ouvre sur un bois qui représente non pas une officine d’imprimerie mais un copiste assis devant son pupitre, tenant calame et couteau, tout entier occupé à sa tâche d’écriture 934. Par corollaire, cette valeur d’autorité associée au medium manuscrit confère au texte qu’il véhicule une certaine caution morale et intellectuelle que d’aucuns ont pu refuser à l’imprimé. Bonaventure des Périers n’écrit-il pas encore en 1537 dans son Cymbalum mundi que ce qui est imprimé n’a point tant de grace et est moins estimé que s’il demeuroit encore en sa simple escripture 935 ? Et de poursuivre en précisant si ce n’estoit que l’impression fust nette et correcte : moins considéré, donc, mais aussi moins attractif visuellement, l’esthétique du produit typographique a peut-être déplu à certains, comme on l’entrevoit aussi en filigrane chez Nicole Lescarre qui compare Dieu à un Doctrinal sans macule imprimé 936. Par ailleurs, il est peut-être significatif que les deux avantages de la nouvelle technologie le plus souvent reconnus par leurs contemporains soient d’ordre purement pratique – la multiplication rapide et le moindre coût – et non

934

Cinquième centenaire 1973, p. 511, ill. n°38.

935

Cité d’après Roudault 2007, pp. 59-60.

936

Nicole Lescarre, Chant royal du doctrinal sans macule imprimé, éd. A. Mary, Anthologie poétique française, II, Moyen Âge, Paris, 1967, pp. 413-414.

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

195

symbolique937. Enfin, le savoir-faire des artisans du livre manuscrit et leur capacité à rendre un livre « unique » restaient encore largement reconnus et appréciés entre ca 1420-1520. Il s’agit certainement aussi de facteurs de poids dans ce que M. Smeyers a fort justement appelé la force de résistance du manuscrit 938. Ce solide arrière-plan culturel aura sans nul doute façonné le comportement de certains officiers vis-à-vis de l’imprimé. B. Le manuscrit à miniatures, cette valeur sûre Dès la seconde moitié du XVe siècle, le rapport au livre sera dans les Pays-Bas méridionaux profondément et durablement marqué par la production manuscrite enluminée 939. Si la France (et Paris en particulier) avait représenté jusqu’au début du siècle un foyer artistique de premier plan, les terres de promission rassemblées sous l’autorité bourguignonne s’imposent désormais comme le creuset de la création et du renouveau en matière d’enluminure. À partir des années 1445-1450, les centres de production manuscrite se multiplient à Valenciennes, Mons, Tournai, Audenarde, Louvain et Bruxelles sans oublier Gand et, surtout, Bruges. Ce développement sans précédent est intimement lié à l’intérêt réel témoigné par Philippe le Bon à l’égard du livre. Son mécénat actif imposera peu à peu les canons du livre bourguignon de luxe : exécution sur parchemin, présentation de grand format, mise en page aérée, préférence pour la bâtarde bourguignonne et rares abréviations, abondante illustration et reliure de qualité. Ces standards du bon goût seront assimilés puis largement déclinés par la haute noblesse de l’entourage ducal. Pour les représentants des plus illustres familles de l’aristocratie, le manuscrit à miniatures a pleinement participé du « vivre noblement » et en a constitué l’un des signes les plus concrets. Le phénomène a aussi touché certains officiers ducaux, commanditaires d’ouvrages qui répondent en tous points aux critères esthétiques du livre bourguignon 940. Jean Molinet offrira d’ailleurs vers 1485 un magnifique témoignage de la prééminence symbolique de ce type de manuscrit dans son Dictier sus Franchois et Gantois. La politique menée par la France y est dénoncée par une allégorie livresque où l’indiciaire compare le royaume français – Grande F. d’or et d’azur coulouree – à une superbe copie manuscrite de Dieu enluminee, un livre bien fortuné dans lequel apparaissent plaisans cadiaux, flourets fort subtilles 941. 937

Librorum impressionis scientia subtilissima omnibus seculis inaudita circa haec tempora [1457] repertitur in Maguntia hoc est ars artium scientia scientarum per cuius celeritatis (Werner Rolevinck, Fasciculus temporum, Louvain, Jean Veldener, 29 décembre 1475, fol.89v).

938

Smeyers 1998, p. 492.

939

Sur ce qui suit, voir aussi Partie III, chap. I.

940

Détails dans la Partie III, chap. I.

941

Dupire 1937, I, pp. 205-208.

196

Partie II : voyage au cœur des libraries

Bien qu’ils constituent deux créneaux commerciaux très vite exploités par les imprimeurs, les ouvrages liturgiques et les livres d’heures témoignent très nettement de la force de résistance du manuscrit vis-à-vis de l’imprimé. Jean II Rolin (ou son secrétaire Simon de Vieuxchâteau) avait certes fait appel aux imprimeurs de la Sorbonne pour la publication du Breviarium Aedunense. En matière de possession en propre, les hommes d’Église au service ducal restent largement tournés vers le manuscrit. Des années après l’apparition puis le développement de l’art typographique, ces officiers commandent encore des manuscrits liturgiques. Ferry de Clugny fait exécuter un missel et un pontifical manuscrits dans les années 1473-1480 942 et Nicolas Ruter complète vers 14801490 l’illustration de son bréviaire manuscrit en y ajoutant deux miniatures 943. Devenu archevêque de Besançon, François de Busleyden fait adapter à la même époque un missel probablement exécuté par son prédécesseur 944 tandis qu’Henri de Berghes commande en 1482 un ordinaire manuscrit pour l’abbaye Saint-Denis-en-Brocqueroie945. Hormis dans la collection de Simon van der Sluis où apparaît unum breviarium Traiectense in II partibus impressum 946, la documentation ne signale aucun bréviaire, missel et autre psautier imprimé. Si les livres d’heures ont eux aussi représenté un marché des plus attractifs pour les typographes, l’afflux massif de copies imprimées sur les étals des libraires ne paraît pas avoir bouleversé les habitudes des officiers ducaux 947. Aucune trace de ce type de production n’a été repérée dans notre panel documentaire. Par contre, on y relève la présence de nombreux exemplaires enluminés dont la réalisation remonte parfois assez tard dans le XVe siècle voire au début du siècle suivant. Lorsqu’il s’agit de commander un livre d’heures d’un certain standing, les réflexes des fonctionnaires semblent encore conditionnés par la tradition du manuscrit enluminé dont les artisans des Pays-Bas méridionaux se sont fait une spécialité. Willem Moreel confie vers 1479 l’exécution de ses Heures à une valeur sûre en matière artistique 948 et, près de dix ans plus tard, Louis Quarré fait appel au l’entourage du Maître du Premier livre de prières de Maximilien, un miniaturiste au talent confirmé 949. Le colophon laissé par l’enlumineur Jean 942

Sienne, Biblioteca Communale degli Intronati, ms. X.V.1. Son pontifical est en collection privée.

943

Paris, Arsenal, ms. 600.

944

Il s’agit de Charles de Neufchâtel (1462-1498). À l’instar de Jean II Rolin, Neufchâtel avait travaillé à la préparation d’un nouveau Breviarium Bisuntinense dont l’editio princeps avait été réalisée à Bâle par Bernhard Richel le 17 août 1480 (ISTC, ib01150175).

945

Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 168/211.

946

Répertoire documentaire, n°6-7.

947

L’ISTC répertorie 48 éditions parues avant 1500 dans les anciens Pays-Bas pour 278 éditions de livres d’heures parues en France, où Paris se taillera une place de choix.

948

La Haye, Rijksmuseum Meermanno-Westreenianum, ms. 10 F 13.

949

Oxford, Bodleian Library, ms. Douce 311.

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

197

Markant dans le livre d’heures de Jean Le Sauvage indique quant à lui la date du 1er mars 1503 950. Ces commandes tardives aux enlumineurs de nos régions s’expliquent d’autant plus que les années 1480, qui marquent pourtant une familiarité croissante avec l’imprimé, coïncident avec l’efflorescence du style dit ganto-brugeois, un courant artistique caractérisé par la couleur et le réalisme et dont le succès ne se démentira pas avant le milieu du XVIe siècle 951. Un autre facteur est peut-être intervenu dans la prédilection des officiers pour les livres d’heures manuscrits : le papier, support de l’écrasante majorité de leurs homologues imprimés. Le papier, moins résistant, était aussi moins noble que le parchemin, matériau de prédilection pour des Heures destinées à durer 952. Vu le rôle de miroir social assigné aux livres d’heures de luxe, les avantages économiques du papier par rapport au parchemin ont ici pu jouer en sa défaveur. Enfin, si l’art typographique offrait lui aussi certaines possibilités de personnaliser son livre d’heures 953, il n’a visiblement pas réussi à convaincre les fonctionnaires ducaux. Des possesseurs tels que Jacques Donche 954 et Jan van der Scague 955 ont ainsi commandé à quelques années d’intervalle des exemplaires manuscrits qui, du point de vue du texte comme de l’illustration, semblent véritablement réalisés sur mesure. Les Heures, on le sait, ne sont pas des livres de dévotion comme les autres. Outre leur forte connotation individuelle ou familiale, elles sont souvent considérées par leur possesseur comme un objet de standing voire un objet d’art, au même titre que des pièces de vaisselle, d’orfèvrerie ou de riches tissus 956. À l’instar d’un Nicolas Rolin, de nombreux officiers ont cherché à démontrer leur notabilité par des biens de luxe. Donche, Moreel, van der Scague ou encore Le Sauvage : ces fonctionnaires parvenus (dans les deux sens du terme) à des postes de confiance pourraient avoir eux aussi investi dans des livres d’heures de prix, témoins tangibles d’un certain capital social et d’un capital financier certain 957. 950

Localisation inconnue.

951

Smeyers 1998, p. 466 et suiv.

952

L’opinion de Jean Tritheim est explicite : si le manuscrit sur parchemin ad mille annos poterit durare, il estime à propos des ouvrages imprimés sur papier : a ducentos annos poterit perdurare, magnum est (Smeyers 1998, p. 492).

953

Sur la distinction entre livres d’heures de « commande » et « d’étal » : Delaunay 2001. Voir aussi Partie III, chap. I, §. II.4.

954

Claremont, Denison Library, Kirby, ms. 1.

955

Brno, Abbaye prémontrée de Nova Rise, ms. 10.

956

Dans plusieurs inventaires amiénois, les livres d’heures sont ainsi prisés avec les bijoux et l’argenterie et non pas avec les livres (Labarre 1971, p. 173).

957

M. Smeyers rappelle combien les manuscrits « répondaient à un goût de grandeur ». Il évoque leur présence dans la peinture « entre les mains de l’un ou l’autre personnage » et précise qu’ils « servent rarement à montrer l’érudition ». Pour l’essentiel, ce constat ne s’applique cependant qu’aux ouvrages enluminés (Smeyers 1998, p. 492).

198

Partie II : voyage au cœur des libraries

Plus largement, la commande et l’utilisation plus tardive d’exemplaires manuscrits ne concernent pas que les productions de luxe, les ouvrages liturgiques et les livres de dévotion. Il faut revenir à cet égard sur les propos de S. Wartena pour qui la copie manuscrite n’était plus intervenue, après l’invention de Gutenberg, que pour des textes dont il n’existait pas d’éditions 958. Notre ensemble documentaire comprend effectivement certains textes qui n’avaient pas encore reçu (selon l’expression consacrée) les honneurs de l’imprimerie. On songe par exemple à la traduction néerlandaise de la Cité des dames de Christine de Pizan réalisée en 1475 pour Jan III de Baenst 959 et au Commentum in Epistolas canonicas de Gilles de Bailleul terminé dans les années 1490 à la demande d’Henri de Berghes 960. Plusieurs attestations démontrent toutefois que sans être absolument erronée, l’opinion de S. Wartena aujourd’hui est largement dépassée. Parmi les commandes manuscrites de textes déjà disponibles sous forme imprimée, il faut citer le cas exemplaire des Postillae de Nicolas de Lyre commandées par le chancelier Hugonet à un copiste de Lille et qui étaient inachevées au moment de son décès en 1477 961 : à cette date, ce best-seller avait déjà connu pas moins de sept éditions. C. Les exigences de l’humanisme philologique Pour d’autres raisons, le livre manuscrit a longtemps gardé les faveurs des officiers engagés dans le mouvement humaniste philologique caractérisé par la recherche de la meilleure version d’un texte débarrassé des scolies, gloses et autres additions « médiévales ». L’imprimerie n’a pas réussi d’emblée à combler les attentes de ce lectorat humaniste exigeant. De très nombreux colophons précisent d’ailleurs que l’édition du texte a été réalisée accuratissime et sans doute faut-il y voir une allusion aux critiques formulées par les humanistes à l’encontre des imprimeurs 962. L’acquisition par Wielant de manuscrits classiques en double voire en triple exemplaires pourrait avoir été motivée par des préoccupations d’ordre philologique 963. Cette démarche est probablement aussi à l’origine des nombreux manuscrits classiques parfois très anciens qu’on repère dans la librairie de François 964 et, surtout, de Jérôme de Busleyden 965. 958

Cinquième centenaire 1973, pp. 9 et 11.

959

BL, Add., ms. 20698.

960

Saint-Omer, BM, ms. 22.

961

Répertoire documentaire, doc.II.89, partie I et doc.II.10, partie III.

962

Lowry 1982, p. 38 et suiv.

963

À signaler : De officiis de Cicéron (n°59.b et 64 ; ce dernier item est décrit comme bene scriptus), les Paradoxa Stoicorum de Cicéron (n°59.d et 78a) et le De senectute de Cicéron (n°59c et 111a). Les Comediae de Térence apparaissent en triple exemplaire (n°82.a en manu propria et 86 ; le n°80 sous forme imprimée).

964

KBR, ms. 5328-29 (XIIe siècle).

965

Louvain, Bibliothèque de l’Université, ms. 234 (XIe siècle).

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

199

D. Les attraits du manuscrit « ancien » Rechercher, posséder ou simplement utiliser un manuscrit « ancien » n’était évidemment pas l’apanage des seuls humanistes. On pourrait à cet égard distinguer trois démarches qui ne sont d’ailleurs pas incompatibles. La première est liée à la valeur d’usage ou à la valeur vénale de certains types de manuscrits. Trois fonctionnaires-possesseurs offrent un précieux témoignage du caractère intemporel que pouvait revêtir un manuscrit ancien, surtout s’il était de belle facture. L’écuyer d’écurie Philippe de Louhans acquiert ainsi en 1461 une superbe Bible historiale du XIVe siècle 966 et les Guillelmites de Bruges recevront de Nicolas Finet une luxueuse bible du XIIIe siècle 967. Baudouin d’Oignies avait quant à lui vendu à la maison ducale une copie richement enluminée des Grandes Chroniques de France réalisée à Paris vers 1380 968. Par ailleurs, dans quelle mesure le manuscrit ancien aurait-il pu incarner une certaine forme de capital symbolique ? L’ancienneté d’un volume, de préférence illustré et patiné par le temps, pouvait lui conférer une forme de prestige et un statut pérenne d’objet de mémoire. Certains fonctionnaires n’ont probablement pas été insensibles à ces arguments : contrairement à une certaine frange de la haute noblesse, par exemple, les homines novi ne pouvaient se vanter d’une longue tradition familiale, qu’elle soit dynastique ou culturelle. À l’inverse, on relèvera que la corrélation assez nette entre valeur vénale ou symbolique et ancienneté dans l’inventaire post mortem de Corneille Haveloes n’agit plus cette fois en faveur du manuscrit. Dans ce document dressé à l’entame du XVIe siècle, ce sont le plus souvent les gescreven boecxkens van cleynre weerden qui portent alors l’épithète oud 969. La troisième démarche pourrait relever du strict intérêt bibliophilique. Dans les années 1480-1500, quelques grands amateurs de livres de la maison ducale et de la haute noblesse – Marguerite d’Autriche, Philippe de Clèves, Antoine de Lalaing, Englebert et Henri II de Nassau – se sont volontiers tournés vers les manuscrits de seconde main, parfois réalisés deux voire trois siècles auparavant 970. Certains officiers de cette génération ont-ils adopté la même 966

BNF, ms. fr. 2.

967

BNF, ms. lat. 13142.

968

KBR, ms. 2. Voir aussi Partie III, chap. II, §. VI.2.A.

969

Répertoire documentaire, n°39, 45, 65, 69 et 85.

970

Pour H. Wijsman, l’intérêt pour le manuscrit ancien se justifierait par l’écroulement total de la production des manuscrits d’ostentation après 1480, qui finira par se tarir presque complètement à partir de 1490-1500 (Wijsman 2003b, p. 384). Les années 1480-1500 correspondent toutefois à l’épanouissement du style ganto-brugeois et constituent par excellence « la période flamboyante ou baroque de la miniature en Flandre » qui verra la réalisation de très nombreux manuscrits extrêmement luxueux et ostentatoires (Smeyers 1998, p. 419 ; plus largement, voir aux pp. 416-482 et lIlluminating the Renaissance 2003).

200

Partie II : voyage au cœur des libraries

attitude ? La bible de poche du XIIIe siècle offerte en 1496 par l’évêque de Cambrai Henri de Berghes à l’abbé de Saint-Ghislain s’inscrit peut-être dans ce type de démarche 971. Dans un autre registre, on peut aussi évoquer la Geste de Doon de Mayence datée des environs de 1350 et qui porte une mention impliquant Thomas Bouesseau 972. S’agirait-il d’un témoignage bibliophilique, à entendre cette fois dans le sens de la possession d’un texte qui à l’époque déjà n’était connu que par une poignée d’exemplaires ? En effet, la notion de rareté d’une œuvre et le sentiment de fierté qui y est associé n’étaient certainement pas étrangers aux possesseurs médiévaux. Le médecin ducal Jean de Wysmes constitue à cet égard un cas particulièrement significatif. Parmi les ouvrages qu’il confie à la cathédrale de Tournai et dont il fournit lui-même la description, cinq méritent à ses yeux l’adjectif perrarissimus. L’un d’entre eux est ce Liber myamys, id est decem tractatuum Galieni perrarissimus, corrigé de la main même de Jacques Despars 973. Jean de Wysmes s’enorgueillit à juste titre de posséder un ouvrage revu par un illustre confrère qui a enseigné à l’Université de Paris et qui, tout comme lui, appartenait à l’intelligentsia tournaisienne 974. Faute de n’avoir retrouvé aucun de ses volumes qu’il décrit avec une certaine emphase, on ne saurait évaluer dans quelle mesure l’un ou l’autre ouvrage elegantissimum ou mediocriter méritait bien son épithète. Il est également fort hasardeux de déterminer ce qui relève du jugement objectif ou d’une éventuelle forfanterie. En revanche, la recherche actuelle tend à donner raison à Jean de Wysmes lorsqu’il parle d’un texte novum et perrarum à propos de son Sompnium doctrinale d’Arnold Gheiloven 975 puisque cette œuvre qui n’a jamais battu de record d’audience ne serait plus conservée aujourd’hui que dans deux manuscrits 976. Enfin, aucun élément probant ne laisse entendre que la bibliophilie des officiers ducaux se soit exprimée par la copie manuscrite d’éditions imprimées comme c’est le cas pour des personnalités telles que Louis de Bruges 977, Raphaël de Mercatel 978 ou encore, côté français, le grand veneur royal Yvon du Fou 979.

971

KBR, ms. 10518.

972

Montpellier, Bibliothèque interuniversitaire, Faculté de Médecine, ms. 247.

973

Répertoire documentaire, n°16.

974

Wickersheimer 1936, I, pp. 326-327.

975

Répertoire documentaire, n°13.

976

De Backer 1987.

977

L’exemplaire manuscrit du Boèce en moyen-néerlandais qu’il commande en 1492 au Maître du Boèce flamand (BNF, ms. néer. 1) est copié sur l’édition incunable gantoise d’Arend de Keyzere datée de 1485 (Hans-Collas - Schandel, n°69).

978

Détails : Wijsman 2003b, pp. 211-212.

979

Le texte et l’illustration de son exemplaire des Propriétés des choses de Barthélemy l’Anglais reproduisent à l’identique une impression lyonnaise parue chez Syber vers 1486 (BNF, ms. fr. 218 ; Coq 1982, pp. 185 et 189).

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

201

La présence de manuscrits anciens est aussi attestée dans plusieurs pièces d’archives. En 1462, l’inventaire des livres donnés à Notre-Dame-du-Chastel d’Autun par Nicolas Rolin cite deux missels bien vieulx servant à la chappelle 980. Le compte d’exécution testamentaire du compositeur Guillaume Dufay signale en 1474-1476 un livre de vieses chanteries emprunté à Simon Le Breton et, le 21 avril 1477, c’est Vasque de Lucène qui récupère un vieux livre en ancienne lettre prêté à Hugonet 981. Un an auparavant, un acheteur anonyme avait déboursé 9 livres 12 sous pro parva antiquo breviario dans la succession de l’aumônier ducal Edmond Le Musnier 982. Lorsqu’il dressera l’inventaire des volumes de Steenberch, le notaire Andries Wijnhove y décrira un antiquus liber apocalipsis beati Iohannis 983 ainsi qu’un antiquus liber institutionis 984. Il précisera également que la Summa decretalium d’Henri de Segusio comme certi quaterni sont transcrits in antiqua littera 985. Ces expressions renvoient-elles à un type de calligraphie vieux de plusieurs siècles – la minuscule caroline, par exemple – ou à une écriture imitant un module archaïque – comme l’écriture humanistique ? À moins qu’elles ne trahissent parfois l’incapacité du rédacteur à déchiffrer une écriture plus ou moins problématique 986. E. Les limites techniques Au registre des facteurs qui expliquent la fidélité des officiers ducaux au livre écrit à la main, on ne saurait éluder la plus ou moins grande incapacité technique de l’imprimerie à fournir certains types de livres et, par extension, à concurrencer sérieusement son homologue manuscrit (du moins avant 15201530). Pour ce qui nous concerne, le phénomène est surtout sensible dans les domaines héraldique, archéologique et – quoique dans une moindre mesure – pour les textes musicaux. Si les premiers essais de typographie musicale sont attestés dans les années 1470 en Italie et en Allemagne, ce n’est qu’en mai 1501 qu’Ottaviano Petrucci terminera son Harmonice musices odhecaton, généralement considéré comme la première impression de musique mesurée 987. La variété graphique des signes musicaux est pour beaucoup dans le retard relatif du développement de 980

Répertoire documentaire, doc.V.3-4.

981

Répertoire documentaire, doc.II.56 (partie I) et doc.II.4 (partie III).

982

Répertoire documentaire, n°4.

983

Répertoire documentaire, doc.IV.71.

984

Répertoire documentaire, doc.IV.120a.

985

Respectivement Répertoire documentaire, doc.IV.84 et doc.IV.90.

986

E. Pellegrin, La bibliothèque des Visconti et des Sforza, ducs de Milan au XVe siècle, Paris, 1955, p. 18.

987

Sur l’édition musicale : Music printing and publishing, éd. D. W. Krummel et S. Sadie, New York Londres, 1990 ; F. Barbier, Histoire du livre, Paris, 2006, p. 198. Pour nos régions : A. Goovaerts, Histoire et bibliographie de la typographie musicale dans les Pays-Bas, Amsterdam, 1963.

202

Partie II : voyage au cœur des libraries

l’imprimerie musicale. Dans nos régions, ce n’est qu’en 1539 que le typographe Symon Cock imprimera à Anvers le premier ouvrage de musique. Hormis pour la musique liturgique présente dans les livres d’office, il faut attendre les années 1530-1540 avant de voir se diffuser des imprimés musicaux polyphoniques dans les collections des Pays-Bas. Ces données sont pleinement confirmées par le compte d’exécution testamentaire de Jérôme de Busleyden, rédigé entre 1517 et 1525. Une clause y stipule le payement de trois quaternen vanden grooten gescrevenen sancboecken int perkement qu’il avait vraisemblablement commandés peu avant son décès 988. On aurait naturellement aimé en savoir davantage sur le contenu de ces trois cahiers de chant. Le grand format, le support, le montant du payement et, peut-être, l’intérêt particulier témoigné par Jérôme de Busleyden pour la musique989 laissent penser à l’un de ces splendides ouvrages musicaux issus d’officines de Gand, Bruges ou Malines (la cité où résidait le fondateur du Collège des Trois-Langues). Cette description correspond d’ailleurs en tous points au fameux Codex Chigi de Philippe Bouton 990. Exécuté par des artistes de l’entourage du Maître de Jacques IV d’Écosse, ce manuscrit comprend une série de vingt messes, un Credo et dix-neuf motets de compositeurs tels qu’Ockeghem, Josquin, Busnoys, Compère, Brumel, Régis, Agricola ou encore La Rue. D’après H. Kellman, le Codex Chigi dont il place la réalisation entre 1495 et 1503 (ou 1505) pourrait être le premier − et sans doute le prototype − d’une cinquantaine de manuscrits polyphoniques produits dans les Pays-Bas méridionaux jusque dans les années 1530. Quant à l’édition héraldique, les carences de l’imprimerie dans un domaine qui requiert des exigences techniques particulières expliquent probablement en partie l’utilisation de l’Armorial de la Cour amoureuse de Charles VI par plusieurs hérauts d’armes des XVe-XVIe siècles 991. Ce manuscrit réalisé dans le premier quart du XVe siècle et où sont représentés les écus des 791 membres aboutit en 1498 dans la collection de Gilles de Rebecques qui le tenait peut-être lui-même de son prédécesseur, Gilles Derbigné992. Il est ensuite attesté dans la librairie de Nicolas de Hames, élu conseiller et sixième roi d’armes de l’ordre de la Toison d’or le 24 septembre 1561 993. 988

Répertoire documentaire, doc.XIII.3.

989

Il lègue à son neveu omnia instrumenta musicalia et libros musicales omnes (Répertoire documentaire, doc.XII.1 ; voir aussi doc.XIII.6). Un goût commun pour la musique a peut-être réuni Thomas de Plaine et Jérôme de Busleyden qui offrira au chancelier un instrument de musique (De Vocht 1950, Ep. n°11).

990

BAV, ms. Chigi CVIII 234.

991

Barbier 2006, p. 204.

992

Vienne, Österreichisches Staatsarchiv, Archiv des Ordens vom Goldenen Vlies, ms. 51.

993

Eenen grooten ouden boeck met tanneyt leer, inhoudende : Copie de la chartre [sic] de la court d’amours, publié à Paris, met vele diverssche wapenen, in welcken boeck voer staet gescreven : Ce livre appartient et est à Gilles de Rebecke, roy d’armes des marches de Haynau, de Hollande, de Zélande, de la Basse-Frize, de Namur et de la

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

203

F. La copie personnelle L’invention de Gutenberg n’a pas sonné le glas de la copie personnelle, l’une des principales forces de résistance du livre manuscrit. Les actes administratifs, les sources littéraires comme les volumes retrouvés témoignent de l’importance d’un phénomène qui est loin de n’avoir concerné que les fonctionnaires ducaux 994. ■ Généralités La transcription personnelle intervient pour de multiples motifs. Il faut d’abord citer les notes prises lors des cours suivis à l’Université et qui constituent les témoignages les plus souvent rencontrés. Ces reportata apparaissent dans les librairies de Clopper 995, de Steenberch 996 et de Wielant 997. Jean Lorfèvre a quant à lui copié en 1434 un recueil de textes juridiques dans lequel figure notamment sa repetitio pour l’obtention de sa licence en droit civil 998. Ensuite, la copie personnelle réalisée dans le cadre de travaux préparatoires à une œuvre littéraire ne sera pas profondément affectée par le livre imprimé. Partiellement autographe, le Bruxellensis 5753-59 comprend de nombreux textes historiques utilisés par Edmond de Dynter dans la rédaction de sa Chronica nobilissimorum ducum Lotharingiae et Brabantiae ac regum Francorum 999. La main de Philippe Wielant se retrouve dans un manuscrit qu’il a lui-même décrit dans son catalogue 1000. J. Monballyu a démontré que cet ouvrage avait été largement employé par Wielant dans la préparation de son Recueil des Antiquités de Flandre 1001. L’éminent juriste gantois signale aussi dans son catalogue la présence de deux rapiami, un terme qui désigne vraisemblablement des sortes de carnets de notes personnelles et qui, comme le stipule d’ailleurs Wielant, ont été escrips de ma main 1002. Des

contée de Cambrésiz (Pinchart 1860-1881, I, p. 112, n°9). L’inventaire de ses livres confisqués en 1568 comprend d’ailleurs un autre manuscrit qui porte la signature de Laurent du Blioul, nommé greffier de l’Ordre le 26 octobre 1496 (Eenen anderen boeck in parchement gescreven, geintituleert : Ce sont les droictz appartenans aux officiers d’armes, groot drye bladeren, ende gecollationneert quinta marti l’an IIIJxx XVJ, ende onderteeckent : L. du Blioul ; Pinchart 1860-1881, t. I, p. 1112). 994

Exemple dans une librairie audomaroise en 1503 : Antoine de Wissocq parle dans son testament de livres en franchois estans de ma main et de tous mes livres qui ne sont escrips de ma main (Gil - Nys 2004, n°36, p. 442).

995

N°79, 80, 81, 89, 90, 110.c, 122, 123, 124, 129, 130 et 131.

996

Doc.IV.105 à 110 et 112.

997

N°15, n°17, 23, 28 et 35-36.

998

KBR, ms. 14033-34.

999

Stein 1994, spéc. pp. 65-67.

1000

KBR, ms. 20642-68 (Répertoire documentaire, n°97).

1001

Monballyu 1983.

1002

N°95 et 96.

204

Partie II : voyage au cœur des libraries

recueils similaires sont recensés chez Lonijs 1003 et Bellengues 1004. Enfin, certains indices invitent à rectifier les propos de S. Wartena selon lesquels la copie manuscrite aurait désormais été réservée aux seuls textes dont il n’existait pas d’édition. En 1497, le médecin ducal Jean de Wysmes décrit en effet dans sa collection un volumen aliud minutum, propria mea manu scriptum pulcherrima 1005 où figure notamment le Liber Teisir d’Avenzoar dont l’editio princeps avait paru près de dix ans plus tôt 1006. La présence chez Wielant des Comediae de Térence en trois exemplaires – sous forme manuscrite sans indication particulière, en copie autographe et en édition imprimée1007 – permet de pointer une autre raison qui aura pu justifier la copie personnelle. Elle rejoint d’ailleurs les préoccupations humanistes relevées plus haut : ce triplet pourrait-il être interprété à l’aune de l’humanisme philologique ? De Pétrarque à Boccace en passant par Le Pogge ou Gerson, l’usage de la copie personnelle est largement documenté chez ces humanistes qui entendent appréhender un texte sans les interférences des glossateurs médiévaux. On connaît d’ailleurs la moquerie d’Érasme à propos des commentateurs de la Bible qui transforment des arbres en bêtes à quatre pattes et des joyaux en poisson 1008. Ces préoccupations sont directement liées à la pratique de la copie autographe. En contact direct avec le texte, le copiste-possesseur qui prend la plume peut à loisir rectifier une erreur ou décider de la meilleure leçon d’un mot, d’un lemme ou d’un passage. Autre avantage qui n’a rien d’anecdotique pour un adepte de l’humanisme : la transcription autographe permet de choisir une calligraphie en phase avec sa démarche intellectuelle en optant pour une écriture livresque exacte, claire et agréable à l’œil plutôt que la lettre gothique aux petits caractères comprimés 1009. Par ailleurs, l’imprimerie n’a pas complètement résolu le problème de l’accès au texte et dans certains cas, la copie personnelle d’un livre restait toujours la seule manière de pouvoir en acquérir un exemplaire. Des humanistes recopieront ainsi inlassablement des textes grecs et latins tout au long du XVIe siècle 1010. Enfin, l’indispensable effort de concentration exigé par le copiste-possesseur pour obtenir une version de qualité reste à l’évidence un excellent moyen pour

1003

Doc.II.116.

1004

N°21.

1005

Doc.II.38.

1006

Impression chez Johannes et Gregorius de Gregoriis de Forlivio en janvier 1490-1491 (ISTC, ia01408000).

1007

Répertoire documentaire, n°86, 82.a et 80.

1008

Cité d’après Grafton 2001, p. 225.

1009

Extraits du Seniles de Pétrarque (cités d’après Grafton 2001, p. 227).

1010

Grafton 2001, p. 257.

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

205

s’imprégner d’un texte 1011. ■ Nicolas Ruter, Jérôme de Busleyden et Ysembart Rolin Les cas un peu particuliers de Nicolas Ruter, Jérôme de Busleyden et Ysembart Rolin méritent assurément une attention spécifique en matière de copie autographe. Dans un courrier du 27 novembre 1503 adressé à Willem Hermansz, Érasme relate son entrevue quelque temps plus tôt avec Nicolas Ruter chez qui il avait été convié à dîner 1012. En plus de l’assurance de sa protection, l’évêque d’Arras lui avait fait remettre 10 pièces d’or en remerciement d’un exemplaire de ses Libanii aliquot declamatiunculae latinae dont il semblait apparemment ravi. Transcrit par Érasme dans une écriture humanistique qui ne manque pas de tenue, ce manuscrit s’ouvre sur les armoiries de Nicolas Ruter sommées de la crosse épiscopale 1013. Il est assez délicat de déterminer les raisons qui ont poussé Érasme à prendre lui-même la plume pour écrire ce volume. L’editio princeps réalisée par Thierry Martens ne sortira pas de presse avant juillet 1519 : Érasme aura-t-il préféré travailler encore quelques années sur ces Libanii qui, en 1503, constituaien alors son premier essai de traduction du grec vers le latin ? Avait-il au contraire abandonné temporairement ce projet avant de le reprendre quelques années plus tard ? On peut aussi suggérer qu’aucun imprimeur n’ayant jugé ce texte suffisamment rentable, la copie manuscrite restait pour Érasme le seul moyen de faire connaître son œuvre. Dans le cas de Jérôme de Busleyden, le souci d’une diffusion ne paraît pas avoir dicté la copie manuscrite d’un recueil de ses Carmina, Epistolae et Orationes aujourd’hui conservé à Bruxelles 1014. En 1512, il chargera Conrad Wecker d’en assurer la transcription, la révision et la décoration. La genèse puis les étapes de la réalisation de ce recueil bénéficient de l’éclairage de premier plan fourni par sa correspondance qui permet de suivre presque pas à pas les travaux de Wecker et, surtout, met en lumière le suivi scrupuleux et assidu (sur le fond comme sur la forme) assuré par son commanditaire. Le volume répond aux canons du livre humaniste chers au fondateur du Collège des Trois-Langues : calligraphie sobre et élégante, discrets rehauts rouges et jaunes, mise en page aérée et équilibrée, présentation dans un format maniable 1015. 1011

Fortius enim, que scribimus, menti imprimimus, quia scribentes et legentes ea cum morula tractamus (Jean Tritheim, De laude scriptorium, cité d’après Grafton 2001, p. 516).

1012

Répertoire documentaire, doc.III.

1013

Cambridge, Trinity College, ms. R.9.26.

1014

KBR, ms. 15676-77.

1015

On rappelera le succès immédiat et fulgurant rencontré par Alde Manuce, typographe vénitien de génie qui, le premier, imprima des classiques grecs et latins dans des éditions in-octavo si maniables qu’elles auraient même rendu à certains le goût de la lecture (Lowry 1989, p. 156 ; Grafton 2001,

206

Partie II : voyage au cœur des libraries

Le nom de Jérôme de Busleyden est également associé à un curieux recueil intitulé Rapport sur les antiquités romaines trouvées à Zaventem 1016. La transcription de cette vingtaine de folios a vraisemblablement été assurée par son frère Gilles qui y relate la découverte puis l’ouverture pendant l’été 1507 d’une tombe galloromaine située non loin de l’église de Zaventem. Les objets découverts lors des fouilles ont été représentés dans des dessins sur lavis rehaussés à la plume. On retrouve la trace de cet opuscule dans un courrier daté de la mi-novembre 1507 et adressé par Jean Lemaire de Belges à Jean de Marnix. L’indiciaire suggère à ce familier de Marguerite d’Autriche de montrer à la princesse ces exemplaria picture harum antiquitatum − tout en n’omettant pas de préciser, à toutes fins utiles, de qui il tient ce petit recueil... 1017. Comment ce rapport de fouilles avant la lettre copié par Gilles de Busleyden est-il parvenu entre les mains de Jean Lemaire de Belges ? L’indiciaire en fournit l’explication dans son courrier : Non enim meus est libellus verum magister Egidius frater domini prepositi d’Aire dedit mihi eum eidem suo fratri deferendum. Cette curiosité archéologique a donné lieu à cette curiosité de la production manuscrite du début du XVIe siècle. On ne sera pas surpris de constater que l’intérêt de cette double particularité n’a pas échappé à Jean Lemaire de Belges, homme de lettres patenté doublé d’un homme de cour avisé. Un manuscrit sur papier et non illustré de l’Histoire du saint Graal suscite lui aussi la réflexion 1018. Ex-libris et armoiries attestent que le volume a appartenu à Ysembart Rolin, fils naturel de Louis Rolin d’Aymeries (et donc petit-fils d’Antoine Rolin). Le colophon indique qu’il a été transcrit à Bruges en 1479 de la main de Loys Daymeryes. Le copiste de cette Histoire du saint Graal doit-il être confondu avec le propre père d’Ysembart Rolin ? Seigneur de Lens, Louis Rolin d’Aymeries († 1529) est surtout connu sur la scène politique en qualité de chambellan ducal, grand veneur et premier vicomte de Hainaut. S’il ne s’agit pas d’une coïncidence homonymique, le copiste pourrait donc ne faire qu’un avec ce représentant de la noblesse régionale bourgondo-habsbourgeoise qui endosserait ici un rôle inhabituel. Dans quelle mesure la copie personnelle par certains aristocrates de textes dont ils ne sont pas les auteurs était-elle un phénomène fréquent 1019 ? La question reste à ce jour sans

pp. 229-230). 1016

ÖNB, ms. 3324.

1017

Répertoire documentaire, doc.VI.

1018

New York, PML, ms. M. 38.

1019

À titre de comparaison, le colophon du BNF, fr. 2118 indique qu’il a été extraict et mys par escript comme il est par messire Jehan de Hangest, chevalier, seigneur de Genly, le temps qu’il fu a Paris en arrest par le roy Loys, l’an mil IIIIC LXIIII (L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris, II, p. 370). Dans la lettre à son fils Louis en 1465, Jean de Lannoy signale avoir escript ycy ensyeant la coppie d’une lettrez que maistre Alain Caretier a autreffois escript (de Lannoy - Dansaert 1937, p. 174). Le Curial d’Alain Chartier est en effet inséré dans le troisième chapitre de la lettre telle qu’elle apparaît dans

Chapitre III : Manuscrit et imprimé

207

véritable réponse, le sujet n’ayant jamais fait l’objet d’une attention particulière hormis dans le cadre de l’humanisme philologique. En conclusion, la perception et la réception du produit de l’ars artificialiter scribendi au sein des librairies des officiers présentent donc des visages contrastés. De manière sans doute pragmatique, les usages de l’imprimé paraissent avoir été rapidement et largement adoptés par une certaine frange du personnel ducal composée surtout d’universitaires et d’hommes d’Église. L’absence d’imprimés − ou plutôt, comme on l’a vu, la fidélité au manuscrit − s’explique quant à elle par un éventail de raisons d’ordre à la fois rationnel (poids de la tradition, motivations philologiques, incapacités techniques de l’imprimerie, copie personnelle à finalités multiples) et symbolique (valeur d’auctoritas du livre manuscrit, intérêt bibliophilique). Bien qu’il soit malaisé d’en évaluer l’impact, l’empreinte de ces facteurs polymorphes a sans nul doute modelé les comportements de nombreux fonctionnaires vis-à-vis du produit typographique.

le Bruxellensis 21521-21531.

PARTIE III : DES LIVRES ET DES HOMMES Sans hommes, pas de livres et sans livres, pas de lecteurs. Le livre médiéval implique toujours la présence conjointe d’un producteur et d’un utilisateur qui peuvent l’un et l’autre présenter des profils bien contrastés. Les relations entre les livres et les hommes – et inversement – constituent le socle des trois chapitres de cette dernière partie. Ceux que nous appelons les « officiers-commanditaires » s’imposent comme des acteurs culturels de premier plan sur le marché du livre et à ce titre, leur rôle dans la production livresque des Pays-Bas méridionaux fera l’objet du premier chapitre. En révélant les nombreux volumes plus modestes exécutés à leur demande et qui répondent à d’autres attentes, ce tour d’horizon de l’ensemble de leurs commandes permet de retoucher l’image bien ancrée du fonctionnaire « de Panurge » uniquement tourné vers la production bourguignonne de luxe. Par ailleurs, le libraire fait souvent figure d’homme (presque) invisible dans les sources d’archives comme dans les livres eux-mêmes. Sur la base de quelques documents mis en relation avec le corpus étudié, nous proposons de reconstituer une partie du champ d’action de ce maillon essentiel dans le processus de commande. Ce chapitre sera enfin l’occasion de formuler quelques réflexions à propos d’un phénomène qui semble souvent aller de soi, celui d’une émulation livresque entre les fonctionnaires, les ducs de Bourgogne et la haute noblesse de l’entourage curial. Le rôle du livre comme agent de liaison entre les officiers et un large panel d’acteurs sociaux est au cœur du deuxième chapitre. L’analyse des multiples voies de circulation et de transmission du livre révèle l’existence, la nature et l’ampleur de réseaux relationnels tissés par les fonctionnaires dans les structures de l’appareil d’État bourguignon et dans les milieux ecclésiastiques mais aussi au cœur de l’espace urbain, dans la sphère familiale et dans les cénacles intellectuels, littéraires ou mondains. Le jeu des ex-libris et des ex-donos permet également de dégager l’éventail des fonctions sociales assignées au livre, instrumentalisé tantôt pour initier ou pour renforcer des liens noués dans un contexte professionnel ou privé. Le chapitre se clôture sur l’examen plus spécifique des relations entre le patrimoine livresque des fonctionnaires et celui d’une librairie non pareille a toutes autres dont l’ombre plane sur toute cette étude : la bibliothèque des ducs de Bourgogne. Le dernier chapitre de cette troisième partie s’inscrit dans une problématique récente de l’historiographie qui place les usages du livre et les pratiques de lecture au centre des débats. Cette nouvelle approche tend également nuancer le

210

Partie III : Des livres et des hommes

postulat selon lequel un modèle culturel donné est conditionné par l’appartenance à un groupe social déterminé. Ce type de questionnement est appliqué aux librairies aristocratiques et aux collections dites savantes en dégageant non pas ce qui les oppose, mais ce qui les relie dans ce qu’il est convenu d’appeler une même communauté de lecteurs. Nous proposons ensuite de brosser le profil de deux catégories de lecteurs qui, sans être totalement différenciés, se distinguent néanmoins par leur rapport au livre (« outil » ou « objet ») et par leurs comportements de lecture : le lecteur « professionnel » et le lecteur « amateur ». Ces profils de lecteurs-utilisateurs du livre invitent également à une réflexion plus ciblée sur la manière d’appréhender les lectures des fonctionnaires sous un angle idéologique. Enfin, ils permettent aussi de poser quelques jalons pour une meilleure compréhension de l’impact et des limites du processus culturel de bourgondisation auprès des officiers ducaux.

CHAPITRE I : Des acteurs culturels sur le marché du livre : les « officiers-commanditaires »

« Indéniablement, le désir de copier le fastueux mécénat des ducs de Bourgogne joua un rôle moteur auprès des membres de leur administration. Sans doute exista-t-il parmi eux une véritable émulation artistique » 1. Ces propos illustrent fort bien une opinion largement admise et qui, à force d’être répétée dans l’historiographie durant des décennies, paraît aujourd’hui avoir force de loi. Bien sûr, cette idée reçue n’est pas sans fondement. C’est en effet à des officiers tels que Ferry de Clugny, Guillaume Fillastre ou Gui Gilbaut que l’on doit la commande de quelques chefs-d’œuvre de l’artisanat du livre dans les Pays-Bas méridionaux 2. À en juger par l’abondance des attestations, la commande d’ouvrages s’impose d’ailleurs parmi les modes d’acquisition auxquels les fonctionnaires ducaux ont le plus fréquemment eu recours 3. En ce sens, J. Bartier − l’un des rares auteurs à avoir véritablement abordé la question de manière documentée − avait donc raison d’évoquer les « goûts raffinés » de la maison de Bourgogne, partagés par les « grands seigneurs de la cour, mais encore par les légistes et par les officiers de finance » 4. Le recensement et l’examen des volumes réalisés à la demande des fonctionnaires ducaux suggèrent cependant de recadrer leur rôle sur le marché du livre et, partant, d’apporter nuances et compléments aux propos de Bartier. Certaines commandes relèvent effectivement de la production haut de gamme ou sont des exemplaires de belle facture, mais beaucoup d’autres, plus modestes et confiés à des artisans moins en vue, correspondent à des attentes bien différentes. L’occasion était donc belle de proposer quelques retouches au cliché du fonctionnaire parvenu, commanditaire d’ouvrage de luxe « à la mode bourguignonne ». Qui sont ces gens du livre qui, artisans de profession ou occasionnels, exerçant au sein d’une institution religieuse ou en milieu laïc, ont travaillé pour le compte des officiers des ducs de Bourgogne ? Un tour d’horizon géographique permettra de présenter les principaux centres d’approvisionnement des officiers, puis de revenir sur quelques copistes et relieurs qui méritaient une attention particulière. Quelques réflexions sur le rôle du libraire, acteur essentiel mais difficile à cerner, viendront enfin clore ce chapitre. 1

Fructuoso 1998, p. 105.

2

Sur ce qui suit, voir aussi : Van Hoorebeeck 2009d.

3

Sur le phénomène de commande : Bourgain 1982, pp. 63-66.

4

Bartier 1955-1957, p. 271.

212

Partie III : Des livres et des hommes

§. I. Les principaux centres d’approvisionnement Plusieurs régions ont satisfait à la demande d’ouvrages commandés par les officiers ducaux : le Brabant, le Hainaut, Lille, la Flandre mais aussi la France et le duché de Bourgogne. La division du travail étant fréquente, la copie, l’illustration et la reliure d’un même ouvrage peuvent naturellement avoir été réalisées par des artisans du livre installés dans des centres différents. Pour des raisons de clarté et afin de brosser un panorama général des lieux d’approvisionnement, chaque aire géographique sera toutefois envisagée de manière spécifique. I. 1. Brabant L’artisanat du livre brabançon tant laïc que religieux a été assez largement sollicité par les officiers pour des travaux de copie et d’enluminure. Le 3 juillet 1451, l’assesseur au Conseil de Hollande Pierre de Boostenswene reçoit le second volume d’un Directorium Juris transcrit à sa demande par Nicolaum de Palude scriptorem Brabantinensem in Bruxella 5. La présence du copiste professionnel Nicolas de Palude est attestée dans deux cités brabançonnes où évoluait une clientèle particulièrement susceptible de remplir son carnet de commandes : Bruxelles, à la fois centre administratif et lieu de résidence de la cour et Louvain, où était installée l’Université 6. Professeur puis doyen de la Faculté des arts dans les années 1426-1432, il n’est pas exclu que Pierre de Boostenswene ait eu connaissance des travaux de Nicolas de Palude dans le cadre de ses activités académiques. À la même époque que sa commande du Directorium Juris, Boostenswene fait appel aux compétences de l’artisanat bruxellois pour une autre réalisation : la décoration du Remissorium Philippi dont il est l’auteur 7. La rédaction de cet ouvrage qu’il entendait offrir à Philippe le Bon est entreprise en 1443 et sera terminée six ans plus tard, probablement en Hollande. En prévision de l’audience ducale au Coudenberg prévue à la fin mars 1450, Boostenswene fait alors insérer à Bruxelles cinq miniatures sur parchemin. La richesse du programme héraldique incite à penser que le miniaturiste brabançon, par ailleurs assez frustre, aurait pu bénéficier du concours local d’un héraut bourguignon 8. Le même Boostenswene allait offrir au Val-Saint-Martin de Louvain un 5

KBR, ms. 225-226 et ms. 152-154.

6

Bénédictins du Bouveret 1965-1979, n°14477-14480.

7

La Haye, Nationale Rijksarchief ‘s-Gravenhage in Zuid-Holland, 3e afdeling, Graven van Holland, n°2149.

8

Stroo 2002, p. 101, n. 38.

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

213

Vaticanus d’Arnold Gheiloven en deux volumes copiés par l’auteur lui-même et terminés respectivement en juillet 1424 et en novembre 1425 9. La transcription et l’illustration ont très probablement été exécutées au Rouge-Cloître où Gheiloven s’était retiré depuis quelques années. La décoration marginale des deux miniatures du 1er volume présente des liens typologiques très étroits avec celle d’une copie contemporaine du même texte conservée à Vienne 10. L’exécution de ce Vaticanus a été commandée par le chancelier de Brabant Jean Bont, le dédicataire de cette œuvre composée par Gheiloven en 1424. S’il est vraisemblable que ce Vaticanus ait lui aussi été écrit et décoré au Rouge-Cloître, il ne fait aucun doute qu’il y (re)viendra par la suite puisqu’une note autographe du chancelier stipule qu’il l’offre liberaliter et proprio motu en 1452 au même couvent 11. Des années plus tard, Henri de Berghes passera lui aussi commande auprès de communautés brabançonnes affiliées à la congrégation de Windesheim. L’évêque de Cambrai s’adresse en effet au Val-Saint-Martin de Louvain et au prieuré Onze-Lieve-Vrouw-ten-Troon-te-Ouwen-Grobbendonk à Hérenthals (deux couvents de son diocèse) pour la copie des Commenta in Epistolas canonicas de Gilles de Bailleul qui seront terminés dans les années 1490 12. L’ancrage brabançon de cette commande est renforcé par plusieurs éléments. Contemporain d’Henri de Berghes, Gilles de Bailleul († 1482) obtient son doctorat en théologie à l’Université de Louvain en 1456 et y enseignera cette matière durant un quart de siècle 13. Un contrat de mars 1464 passé entre Dirk Bouts et la confrérie du Saint-Sacrement le cite en outre nommément en qualité de conseiller chargé d’assister le futur peintre officiel de la ville de Louvain dans la réalisation du programme théologique de sa Dernière Cène 14. D’autres cas sont moins tranchés. Entre 1517 et 1525, les exécuteurs testamentaires de Jérôme de Busleyden se chargent du remboursement de trois grands cahiers de chant sur parchemin laissés impayés à sa mort 15. La ville de Malines où résidait Jérôme de Busleyden s’étant progressivement imposée comme l’un des centres spécialisés dans la production d’ouvrages musicaux, il est vraisemblable que cette commande avait été confiée à un atelier local 16. Le 9

Paris, Mazarine, ms. 1563 et KBR, ms. 1169-70.

10

ÖNB, ms. s.n. 12703.

11

Le manuscrit est signalé dans le catalogue de la librairie du Rouge-Cloître (CCB-IV, n°86.218).

12

Saint-Omer, BM, ms. 22. Sur l’activité de copie de ce couvent : Lourdaux - Haverals 1978-1982.

13

Reusens 1903a, p. 153, pp. 224-228 et 245-246.

14

Bouts 1998, p. 462.

15

Doc.XIII.3. Il laissait aussi des dettes auprès d’un libraire anversois (voir infra).

16

En 1447, la comptabilité ducale avait ainsi remboursé le chapelain Nicaise Dupuis pour s’être rendu à Malines et y avoir acheté pour la chapelle un livre plain de nouvelles chanteries, comme messes, mottés et plusieurs autres choses (ADN, B 1997, n°60119).

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Partie III : Des livres et des hommes

fils de Philippe Bouton, Claude, s’est peut-être lui aussi rendu à Malines pour faire exécuter (en tout ou en partie ?) le Codex Chigi, célèbre manuscrit musical daté de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle 17. Pour décorer son exemplaire autographe des Declamationes de Libanus qu’il allait offrir à Nicolas Ruter, Érasme a probablement joué la carte de la proximité en s’adressant à un artisan local 18. Jérôme de Busleyden sollicitera plus tard son entourage immédiat − en l’espèce, son jeune protégé Conrad Wecker, alors résidant à Louvain − pour la transcription, la correction et la décoration d’un exemplaire de ses Carmina, Epistolae et Orationes 19. Enfin, son frère Gilles s’était probablement tourné vers un miniaturiste brabançon pour représenter les nombreuses antiquités romaines trouvées à Zaventem et dont il aurait dressé un relevé autographe 20. I. 2. Hainaut et Tournaisis Un exemplaire de la traduction française des Annales Hannoniae de Jacques de Guise par Jean Wauquelin constitue pour ce qui nous concerne l’une des plus anciennes attestations hennuyères 21. Le receveur du domaine comtal au district de Mons Jean Thirou précise l’avoir fait écrire à ses despens en 1450. Une note sur la garde indique que cette sobre copie sur papier a été corrigée de et par le main de Jehan Waukelin, translateur. Eux aussi implantés dans la région, l’officier à la cour de Mons Jean de Froimont et son épouse Jeanne de le Croix confient vers 1460 l’exécution de leur livre d’heures à un suiveur de Jacquemart Pilavaine, copiste-enlumineur attesté à Mons au milieu du XVe siècle 22. Vingt ans plus tard, Henri de Berghes mettra à profit les compétences d’un moine de la région pour la transcription de l’ordinaire destiné au monastère hennuyer Saint-Denis-en-Brocqueroie dont il était abbé depuis 1477 23. A.-M. Legaré a récemment proposé d’en attribuer l’unique initiale historiée au Maître de Marguerite de Liedekerke 24. Ce miniaturiste essentiellement sollicité par une clientèle hennuyère a aussi travaillé pour l’un des plus importants officiers-commanditaires, le grand bailli de Hainaut Antoine Rolin. Le style du Maître de Marguerite de Liedekerke est

17

BAV, ms. Chigi CVIII 234.

18

Cambridge, Trinity College, ms. R.9.26.

19

KBR, ms. 15676-77.

20

ÖNB, ms. 3324.

21

Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 122/290.

22

Princeton, University Library, William H. Scheide Library, ms. 20.

23

Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 168/211.

24

Legaré 2005.

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

215

repérable dans le bois qui ouvre un incunable de la Somme rural à ses armes 25 ainsi que dans un recueil de textes historiques commandé par le fils du chancelier Rolin à son miniaturiste favori, le Maître d’Antoine Rolin 26. Actif à Mons ou à Valenciennes entre 1480-1490 et 1520, cet enlumineur de talent a pris en charge l’illustration de trois autres volumes commandés par Antoine Rolin : une copie des Chroniques de Hainaut du Montois Jean Wauquelin, la Glose sur le Livre des échecs amoureux d’Evrard de Conty et un Recueil des Histoires de Troie de Raoul Lefèvre 27. Ce dernier manuscrit présente un colophon du copiste hennuyer Pierre Gousset qui indique l’avoir escript et furni vers la Toussaint 1495 28. Il semble qu’il ait pu également assurer la copie du Recueil des Histoires de Troie. La main d’œuvre hennuyère se voit encore confier par Antoine Rolin la décoration d’une Chronique dite de Baudouin d’Avesnes réalisée vers 1470 29. Le demi-frère d’Antoine, Guillaume Rolin, avait fait appel pour son livre d’heures à l’un des miniaturistes les plus célèbres qui exerçait en terre hennuyère et dont le Maître d’Antoine Rolin est l’un des héritiers les plus doués : Simon Marmion 30. Ce manuscrit commandé avant 1462 comprend une quarantaine de miniatures en semi-grisaille dont un portrait de Guillaume Rolin 31. On doit aussi à Marmion un livre d’heures réalisé après 1461 à la demande de Jean III Gros 32. Les qualités de ce miniaturiste qualifié de « prince de l’enluminure » par Jean Lemaire de Belges ont en outre été reconnues par Guillaume Fillastre qui, entre 1451 et 1460, fait transcripre et hystorier un somptueux exemplaire des Grandes chroniques de France qui sera offert à Philippe le Bon 33. Les spécialistes en attribuent l’illustration à Marmion, au Second Maître des Grandes Chroniques et à un troisième artiste anonyme. La librairie de Bourgogne comprend encore deux autres manuscrits décorés en partie par Simon Marmion et qui ont peut-être appartenu à Fillastre 34. Quelques mentions de relieurs et de reliures particulières, enfin, pour terminer ce parcours en terre hennuyère. Jacques Gontier (attesté à Tournai dès 14141415) a signé la reliure de l’Armorial de la Cour amoureuse de Charles VI, un 25

Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, Inc. 1797-54.

26

Copenhague, KB, ms. Thott 432 2°. Sur cet enlumineur : Legaré 1991 ; Legaré 1992 ; Legaré 1996 ; Illuminating the Renaissance 2003, pp. 407-409.

27

Oxford, BL, Douce, ms. 205 ; BNF, mss fr. 9197 et fr. 22552.

28

Gousset est encore attesté en Hainaut au début du XVIe siècle (Legaré 1996, pp. 208-209).

29

Princeton, Museum of Historical Art, ms. y 1932-1933.

30

Sur Marmion : Illuminating the Renaissance 2003, pp. 98-116, 199-206 et 330-334.

31

Madrid, BN, ms. Res. 149.

32

Chantilly, Musée Condé, ms. 85.

33

Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, ms. Erm. 88.

34

Respectivement KBR, ms. 9215 et KBR, ms. 9231 (voir aussi la Partie III, chap. II, §. VI.1.A).

216

Partie III : Des livres et des hommes

manuscrit peut-être réalisé dans la Cité aux cinq clochers durant le premier quart du XVe siècle 35. Il était encore dans la région en 1498 lorsque le roi d’armes de Hainaut Gilles de Rebecques y inscrit son ex-libris. L’évêque de Tournai Ferry de Clugny n’a jamais fait appel à l’artisanat de sa cité épiscopale pour la copie et l’illustration de ses livres. La reliure de certains volumes a en revanche été réalisée sur place : c’est probablement une reliure réalisée à Tournai qui couvre son Historia scolastica 36. L’origine tournaisienne de la reliure de ses Memoriale Decreti de Jean de Joncels est plus assurée. Les ais ont en effet été renforcés par deux folios de parchemin qui proviennent d’un Computus de bonis Fabrice de la cathédrale de Tournai daté de 1455 37. I. 3. Lille Le cas du maître général des monnaies Pierre de Hauteville offre une transition facile entre les commandes réalisées dans le Tournaisis et celles passées aux artisans de Lille 38. Si une partie de la transcription de son grant livre de papier bien espes a été prise en charge à Tournai par un copiste vraisemblablement d’origine locale 39, c’est à Lille que Pierre de Hauteville fait réaliser son Livre du Trésor exécuté vers 1420-1430 40. Le prévôt de Lille Guillaume de Ternay se tournera vers Vincent Gohon (relieur, scribe, enlumineur et libraire qui tient boutique près de la collégiale Saint-Pierre de Lille) pour relier ses Chroniques de Pise enluminées à Bruges par le Maître d’Edouard IV 41. Une autre personnalité originaire de la région a aussi probablement commandé un ouvrage à un artisan local : Jean Le Sauvage confie son livre d’heures à Jean Markant qui en terminera la transcription et l’enluminure en 1503. Deux chanceliers de Bourgogne ont fait appel à l’artisanat lillois sans pour autant avoir des liens spécifiques avec cette ville. Pierre de Goux y avait passé commande d’un exemplaire du Liber floridus de Lambert de Saint-Omer qui sera achevé à Ninove 42 et peu avant sa mort en 1477, son successeur Guillaume Hugonet avait sollicité les services de messire Pierre Richart, prebstre, demourant à Lille pour la transcription d’une copie des Postillae de Nicolas de Lyre43. 35

Vienne, Österreichisches Staatsarchiv, Archiv des Ordens vom Goldenen Vlies, ms. 51.

36

BAV, Inc. S. 127 (de Schryver - Dykmans - 1989, pp. 244-245).

37

BAV, ms. Val. Lat. 2680 (de Schryver - Dykmans - Ruysschaert 1989, n°18 ; Vanwijnsberghe 2001, pp. 43-44).

38

Sur le milieu des artisans du livre lillois : Schandel 2001.

39

Il se nomme dans le colophon B. de Couroubles (KBR, ms. 10394-414, fol.391r).

40

KBR, ms. 10386.

41

Darmstadt, Hessische Landes- und Hochschulbibliothek, ms. 133. Voir aussi Illuminating the Renaissance 2003, pp. 295-304 et 335-343 ; Hans-Collas - Schandel 2009, pp. 204-205.

42

La Haye, KB, ms. 72 A 23.

43

Doc.II.89 (partie I) et doc.II.10 (partie III).

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

217

I. 4. Flandre Avec la ville de Gand, Bruges a durant longtemps assuré un rôle de premier plan dans la production et le commerce du livre. Ce statut de pôle d’excellence se traduit de manière concrète dans la quantité d’ouvrages confiés par des fonctionnaires ducaux à des copistes, des enlumineurs et des relieurs actifs dans ces deux cités. Bon nombre de ces commandes ne sont sans doute pas étrangères à la présence marquée d’officiers originaires ou actifs en Flandre. La période d’activité du Groupe aux Rinceaux d’or correspond grosso modo aux années 1420-1450. De très nombreux manuscrits portent l’empreinte stylistique de ce groupe dont la production, volontiers stéréotypée mais généralement de belle facture, semble largement appréciée. À la demande du confesseur ducal Laurent Pignon, un miniaturiste du Groupe aux Rinceaux d’or a enluminé son pontifical que le colophon date de 1436 44. Vers 1420-1450, le même groupe pourrait avoir illustré pour le conseiller-chambellan Louis de Chantemerle un Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure45. Datables des années 1440-1450, les Heures du Brugeois Jan III de Baenst doivent être rangées parmi les productions plus tardives du Groupe aux Rinceaux d’or 46. Contemporain au Groupe aux Rinceaux d’or, le Maître de Guillebert de Mets (et suiveurs) est responsable de bon nombre de manuscrits produits à Bruges et à Gand mais aussi dans d’autres villes des Pays-Bas méridionaux comme Lille et Tournai. Dans les années 1420-1430, quatre ouvrages qui appartiennent à Godevaert de Wilde ont été illustrés par le Maître de Guillebert de Mets. Une seule initiale historiée accompagnée d’une élégante bordure marginale apparaît dans les volumes des Tragediae de Sénèque, du Speculum regum d’Alvarus Pelagius et des Facta et dicta memorabilia de Valère Maxime 47. Transcrit par Stephanus Clivis en 1429, le Liber floridus de Lambert de Saint-Omer comprend quatre initiales historiées 48. La sobriété de l’illustration contraste avec l’abondance et la richesse du programme décoratif de l’imposante Cité de Dieu réalisée vers 14201435 pour Gui Gilbaut 49. Le caractère novateur de la miniature qui ouvre le premier tome a très nettement inspiré le frontispice eyckien de la Cité de Dieu de Jean Chevrot, exécuté par le Maître éponyme vers 1445-1450 50. Le style du Maître de Jean Chevrot se distingue aussi dans un manuscrit complexe – dit 44

BNF, ms. lat. 1222.

45

Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, ms. Fr. F.v.XIV, 12.

46

KBR, ms. IV 746.

47

Respectivement KBR, mss 9881-82, 9596-97 et 9902.

48

BNF, ms. lat. 9675.

49

KBR, mss 9005-9006.

50

KBR, ms. 9015.

218

Partie III : Des livres et des hommes

« Heures Llangatock » – commandé par Folpart van Amerongen et produit à Bruges ou à Gand par plusieurs enlumineurs vers 1450-1460 51. Plusieurs miniaturistes ont participé aux « Heures Llangattock », parmi lesquels un enlumineur particulièrement actif sur la place brugeoise durant le troisième quart du XVe siècle : Willem Vrelant 52. Son style aisément reconnaissable sera imité par nombre de suiveurs au talent parfois inégal. Quelques officiers ducaux apparaissent dans le carnet de commandes de Willem Vrelant, par ailleurs fréquemment sollicité par la maison de Bourgogne pour des ouvrages de prestige. Outre le livre d’heures de Folpart van Amerongen, le miniaturiste d’origine utrechtoise a partiellement décoré vers 1460 le livre d’heures du gardejoyaux Jacques de Brégilles 53. Des hommes d’Église de premier plan figurent également parmi la clientèle de Vrelant. À la demande de Ferry de Clugny, il adjoint à son missel un frontispice où l’évêque de Tournai figure agenouillé devant la Vierge. Cette miniature est réalisée à Bruges entre 1474 et 1480 lors d’une seconde campagne d’illustration 54. Nous avons découvert à Paris un nouveau manuscrit exécuté par Willem Vrelant pour Nicolas Ruter 55. Il s’agit également d’un missel daté des années 1460 mais que Ruter fera toutefois compléter dans une phase ultérieure par le Maître du Livre de prières de Maximilien 56. Ce ministre de Philippe le Beau s’est donc tourné vers différents enlumineurs, comme vient d’ailleurs en attester son bréviaire vraisemblablement exécuté à Gand vers 1480 par un suiveur du Maître de Marie de Bourgogne 57. Certains fonctionnaires ont préféré s’adresser à des épigones qui travaillaient « dans le style Vrelant ». Pour son Livre des bonnes mœurs, le maître de la Chambre aux deniers Guillaume Bourgeois s’offre les services d’un copiste de renom en la personne de David Aubert qui en assure la transcription en 1467 58. Longtemps attribuée à Vrelant lui-même, l’illustration est aujourd’hui rangée parmi les productions d’un de ses suiveurs. C’est aussi le cas des enluminures des Commentarii de César transcrits en 1476 par Hellin de Burgrave à la

51

Los Angeles, J.P. Getty Museum, ms. Ludwig IX 7.

52

Bousmanne 1997 ; Illuminating the Renaissance 2003, pp. 117-119 ; Clark 2009.

53

BL, Yates Thompson, ms. 4.

54

Sienne, Biblioteca Communale degli Intronati, ms. X.V.1. Vrelant a également exécuté les miniatures du calendrier et la décoration marginale.

55

Paris, Arsenal, ms. 600.

56

Illuminating the Renaissance 2003, pp. 191-198, pp. 305-308 et 316-339.

57

Louvain, Bibliothèque de la Faculté de théologie, Fonds Grootseminarie Mechelen, mss 8-9.

58

BAV, ms. Pal. Lat. 1995. Sur David Aubert : Straub 1995 ; Quéruel 1999 ; Illuminating the Renaissance 2003, pp. 518-519 ; I. Hans-Collas Ilona et H. Wijsman, Le livre d’heures et de prières d’Agnès de Bourgogne, duchesse de Bourbon, dans Art de l’enluminure, n°29, pp. 20-47.

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

219

demande de Jacques Donche 59. Ce manuscrit n’appartient pas à la production de Vrelant mais doit revenir à un miniaturiste brugeois dont la main se reconnaît notamment dans une Fleur des Histoires de Jean Mansel 60. Enfin, Willem Moreel s’est visiblement contenté d’un enlumineur assez frustre qui évolue dans la « constellation Vrelant » pour décorer son livre d’heures 61 alors qu’il n’avait pas lésiné sur la qualité et le prix pour sa commande d’imposants tableaux à un artiste reconnu, Hans Memling 62. Un autre grand nom de l’école des Primitifs flamands est associé à Willem Vrelant et en particulier au livre d’heures de Paul van Overtvelt 63. Ce manuscrit remarquable à maints égards et qui a déjà fait couler beaucoup d’encre mérite qu’on s’y attarde quelque peu. Illustré par un émule de Vrelant et par le Maître de l’Alexandre de Wauquelin, l’ouvrage doit sa renommée à une miniature de la Trinité attribuée au peintre brugeois Petrus Christus († ca 1475-1476) 64. Paul van Overtvelt devait connaître l’artiste puisqu’ils appartenaient tous deux à la confrérie de l’Arbre sec à Bruges. Leurs deux signatures apparaissent d’ailleurs sur un document daté de 1469, alors que van Overtvelt était doyen de cette confrérie65. Ces « Heures van Overtvelt » comprennent en outre certaines particularités textuelles qui doivent retenir notre attention. La prière Juste juge Ihesu Crist, roy de roys, seigneur des seigneurs, qui toujours regnes avec le Père présente une traduction archaïsante d’une oraison latine qui, à ce jour, n’est attestée que dans deux autres manuscrits de dévotion qui ont appartenu en propre à Philippe le Bon : son livre d’heures personnel conservé à Munich et les ajouts réalisés à sa demande en 1451 par Jean Miélot dans le livre de prières de Philippe le Hardi 66. Une autre prière française à la fin des « Heures van Overvelt » (Mon seigneur et mon Dieu, se j’ay fait pechié) n’est pas autrement connue que dans les Heures munichoises de Philippe le Bon 67. 59

New Haven, Beinecke Library, ms. 226 (voir aussi infra, §. I.6.B).

60

KBR, ms. IV 669 (détails dans le Catalogue descriptif).

61

La Haye, Meerm.-Westr., ms. 10 F 13.

62

D. Vanwijnsberghe notait qu’on est « frappé par une sorte de mécanisme de commande en vertu duquel le portrait est confié au peintre le plus en vue du moment, alors que la réalisation des livres enluminés est laissée à un artisan local, nettement moins doué » (Vanwijnsberghe 2003, p. 31). Il cite les exemples de Moreel et de Jean de Froimont, commanditaire d’un portrait auprès de Rogier van der Weyden. Toutefois, ce mécanisme ne s’observe pas dans le cas de certains officiers commanditaires de manuscrits de qualité et de tableaux de maître comme Jean III Gros (van der Weyden), Nicolas Rolin (van Eyck) ou Louis Quarré (Maître aux feuillages brodés).

63

KBR, ms. IV 95.

64

Illuminating the Renaissance 2003, spéc. pp. 93-97.

65

Voir notamment Ainsworth - Martens, 1994, p. 176, n. 6 et 200-203, doc. n°16.

66

Munich, Bayerische Staatsbibliothek, ms. Gall. 40, ff.121v-126r ; KBR, ms. 11035-37, ff.76v-77v (LDB-I 2000, p. 264-272). Cette oraison n’apparaît pas dans les Heures Tavernier, probablement réalisées elles aussi pour Philippe le Bon (KBR, ms. IV 1290).

67

KBR, ms. IV 95 fol.287r-v ; Munich, Bayerische Staatsbibliothek, ms. Gall. 40 ff.108r-110v (Sonet

220

Partie III : Des livres et des hommes

La date de réalisation de ce manuscrit représente depuis longtemps une sérieuse pomme de discorde entre les spécialistes. D’aucuns la situent vers 1450-1455 tandis que d’autres la placent dans les années 1470-1475. Selon nous, la chronologie du cursus honorum du commanditaire permet probablement de verser une pièce importante à ce dossier et, partant, de mieux comprendre la présence de ces oraisons particulières. Attesté de 1433 à 1442 comme secrétaire de Philippe le Bon, van Overtvelt exerce dès avant 1434 les mêmes fonctions pour Isabelle de Portugal et sera documenté qualitate quae jusqu’en 1446. Il s’impose comme l’un des principaux hommes de confiance de la duchesse dont il sera d’ailleurs le receveur général des finances de 1441 à 1454. Les relations privilégiées qu’il entretenait avec Isabelle se marquent en outre par son mariage avec l’une de ses dames d’honneur portugaise. La carrière de Paul van Overtvelt prendra cependant un tout autre tournant. Il quitte la cour de Bourgogne, entre en 1454 comme conseiller au Conseil de Flandre et se consacre à sa ville de Bruges où il occupe les fonctions de bourgmestre en 1458-1459 puis de watergraaf à partir de 1467. Bailli de Bruges et du Franc en 1460, il renoncera à ce poste neuf ans plus tard au profit de son beau-fils, Philippe de Chassa. Paul van Overtvelt devait par la suite connaître des jours difficiles lors des troubles consécutifs au décès de Charles le Téméraire. Avec Jan III de Baenst et Anselme Adorne, il est soumis publiquement à la question à Bruges en mai 1477. Initialement condamné à la confiscation de ses biens et obligé de se retirer dans un couvent, il sera finalement contraint à verser une lourde amende. Que faut-il en conclure ? Au vu des oraisons que son livre d’heures partage exclusivement avec des ouvrages personnels de Philippe le Bon, on peut légitimement supposer que van Overtvelt en aura passé commande entre 1433 et 1452-1454, soit les années durant lesquelles il évoluait dans le proche entourage du duc et de la duchesse. Par ailleurs, l’ajout par Jean Miélot de la fameuse prière Juste juge Ihesu Crist dans le livre d’oraisons de Philippe le Bon date de 1451, à une époque où van Overtvelt exerçait encore pleinement d’importantes fonctions à la cour. C’est donc plus vraisemblablement entre 1449 (date à laquelle Miélot entre officiellement au service de Philippe le Bon) et 1452-1454 que Miélot et l’homme de confiance du couple ducal se sont rencontrés, ou que van Overtvelt a été informé du travail de Miélot. Dès lors, nous situerions plus volontiers l’exécution des « Heures van Overtvelt » vers 1450 au lieu des années 1470-1475, date à laquelle il avait quitté la sphère ducale depuis bien longtemps déjà. Les premières attestations du célèbre miniaturiste Loyset Liédet s’inscrivent

1956, n°1211).

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

221

précisément au milieu de cette fourchette chronologique 68. Documenté à Hesdin dès 1460, Liédet sera par la suite signalé à Bruges (1468 et 1478) puis à Lille (1483-1484). À l’instar de Willem Vrelant, les services de cet enlumineur et de son atelier ont été volontiers sollicités pour d’importantes réalisations commandées par la maison ducale. Son style assez caractéristique sera, tout comme celui de Vrelant, décliné par de nombreux miniaturistes. L’un et l’autre ont en outre assuré une commande de Ferry de Clugny. S’il s’était tourné vers Vrelant pour adjoindre un frontispice à son missel, l’évêque de Tournai confiera à Liédet et à ses collaborateurs une commande bien plus importante : le fameux pontifical qu’il avait lui-même composé69. Après 1473 et avant 1480, Loyset Liédet exécute les 94 miniatures et les huit initiales historiées tandis que Liévin van Laethem réalise la décoration marginale de ce manuscrit où Ferry de Clugny est représenté au folio-frontispice70. Quant au chancelier Thomas de Plaine, son exemplaire de la Fleur des Histoires a connu deux campagnes d’illustration dans deux villes différentes et par deux enlumineurs différents 71. Trois miniatures sont attribuées à un suiveur de Loyset Liédet qui les a probablement exécutées à Hesdin vers 1470 tandis que le frontispice, daté des années 1480, est à ranger parmi les productions du Maître des inscriptions blanches ou d’un suiveur du Maître du Froissart du Getty. Le Maître des inscriptions blanches avait notamment travaillé pour Édouard IV, commanditaire en 1479 d’une bible illustrée par un artiste anonyme dénommé en référence le Maître d’Édouard IV 72. On lui doit des Chroniques de Pise commandées par le prévôt de Lille Guillaume de Ternay en 1475-1478 73. Le choix du Brugeois Jan III de Baenst se porte également sur le Maître d’Édouard IV (ou sur son entourage) pour son exemplaire de la Pénitence d’Adam composée après octobre 1472 par Colard Mansion 74. Jan III de Baenst avait souffert tout comme Paul van Overvelt de la vindicte des Brugeois quelques mois après le décès de Charles le Téméraire. Soumis lui aussi à la question, ce fidèle partisan de la maison ducale s’était vu condamné à une lourde amende, emprisonné et sommé de se retirer à l’abbaye Saint-Barthélemy de l’Eeckhout. Ces circonstances expliquent probablement que Jan III de Baenst n’ait pas fait terminer l’illustration de la traduction néerlandaise de la Cité 68

Illuminating the Renaissance 2003, pp. 230-233 ; LDB-III 2006, spéc. pp. 47-51 et 141-142 ; HansCollas - Schandel 2009, pp. 44-45.

69

de Schryver - Dykmans - Ruysschaert 1989 ; Sotheby’s, Londres, 18 juin 2002, lot n°34.

70

Illuminating the Renaissance 2003, pp. 239-246.

71

Baltimore, WAG, ms. W. 305.

72

BL, Royal, ms. 18 D. IX-X. Sur le Maître d’Édouard IV : Illuminating the Renaissance 2003, pp. 296-304 et 335-343 ; Hans-Collas - Schandel 2009, pp. 204-205.

73

Darmstadt, Technische Hochschule und Landesbibliothek, ms. 133.

74

Paris, Arsenal, ms. 5092. Sa Cité de Dieu date de la même époque (Lille, BM, mss 647-648).

222

Partie III : Des livres et des hommes

des Dames de Christine de Pizan consignée dans un superbe manuscrit dont la transcription est achevée fin 1475 75. Seules 41 des 134 miniatures prévues à l’origine ont été exécutées par deux enlumineurs de premier plan, le Maître de Marguerite d’York et le Maître des Heures de Dresde. Jan III de Baenst n’est pas le seul officier à avoir été séduit par le travail du Maître des Heures de Dresde, artiste très productif attesté pour la première fois à Bruges vers 1470-1490 76. L’audiencier et trésorier de la Toison d’or Jean III Gros avait fait appel en 1470-1475 à ses compétences pour illustrer son imposant Valère Maxime 77. En collaboration avec des associés gantois, le même artiste enluminera en 1480 les Heures de Jan van der Scague qui exerçait alors en qualité de receveur général de Flandre78. Louis Quarré se tournera en revanche vers le Maître du Premier livre de prières de Maximilien (ou un de ses épigones) pour illustrer son livre d’heures 79. Quant à Nicolas Ruter, on lui connaît deux commandes passées à l’atelier de cet artiste actif à Gand de 1470 à 1520 : le missel illustré par Vrelant qu’il complète vers 1480-1490 et son Chronodromon datable des années 1485-1495 80. I. 5. France et duché de Bourgogne Les gens du livre installés en France et dans le duché de Bourgogne n’ont été sollicités que par une poignée d’officiers ducaux et, qui plus est, de manière assez ponctuelle. Même si sa carrière le menait régulièrement dans les pays de par-delà, Nicolas Rolin ne devait ainsi jamais oublier sa Bourgogne natale. La collégiale Notre-Dame-du-Chastel compte parmi ses fondations les plus importantes. En 1450, il y crée un collège composé d’un prévôt, de onze chanoines et de quatre choriaux 81. L’attachement du chancelier à l’établissement de son baptême se marque encore dans son testament : Nicolas Rolin souhaite alors fournir la librairie de tous ses livres en latin, en ce compris une bible inachevée qu’il charge ses exécuteurs testamentaires de faire terminer 82. De cette soixantaine de livres donnés à Notre-Dame-du-Chastel par Nicolas Rolin

75

BL, Add., ms. 20698. Quelques miniatures ne sont que partiellement achevées et certaines initiales n’ont pas été exécutées. L’hypothèse de M. Smeyers (qui supposait que l’interruption de la décoration pourrait aussi être due à une absence de modèle à disposition du miniaturiste) n’exclut pas l’explication liée à la conjoncture personnelle de Jan de Baenst (Smeyers 1998, p. 413).

76

Brinkmann 1997 ; Illuminating the Renaissance 2003, pp. 207-212, 274-275 et 391-394.

77

Leipzig, Univesitätsbibliothek, ms. Rep. I, 11.b.

78

Brno, Abbaye prémontrée de Nova Rise, ms. 10.

79

Oxford, BL, Douce, ms. 311.

80

Respectivement Paris, Arsenal, ms. 600 et KBR, mss II 1169a-b-c.

81

Kamp 1999, p. 68 et n. 11.

82

Doc.IV (voir aussi à Jean II Rolin, doc.VII.5-6-7-8).

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

223

subsistent deux listes réalisées après le décès du chancelier 83. Renseignements assez rares, ces documents livrent les noms des copistes locaux chargés de réaliser la majorité des volumes 84. S’il a énormément sollicité l’artisanat local pour exécuter des ouvrages destinés à « sa » collégiale autunoise, le chancelier s’est parfois tourné vers des centres de production plus importants. Avec sa deuxième épouse Marie de Landes, Nicolas Rolin a possédé un livre d’heures daté du début du XVe siècle et sorti d’un atelier parisien 85. Son activité juridique exercée à Paris à cette époque, l’origine parisienne de Marie de Landes ainsi que la date présumée de leur mariage (vers 1405-1407) 86 laissent penser que ce livre d’heures aurait été réalisé à Paris à cette occasion. Son fils Jean figure lui aussi parmi les bienfaiteurs de Notre-Dame-du-Chastel. Outre la bible qu’il avait fait achever en Bourgogne selon les souhaits de son père, quatre livres légués par Jean II Rolin à cette institution sont signalés dans la liste du 1er février 1462 (n. st.) parmi lesquels un messel bien richement enluminé et à l’usaige d’Ostun, armoyé des armes de monseigneur le Cardinal d’Ostun 87. Où ces livres ont-ils été produits et comment les a-t-il acquis ? La question reste ouverte mais de nombreux ouvrages subsistants et en sa possession ont été toutefois copiés, enluminés et reliés en Bourgogne. En sa qualité d’abbé de Saint-Martin d’Autun, on lui doit aussi la commande d’un cartulaire destiné au monastère et dont la transcription est entamée in situ en 1462 88. S’il est encore question de fondation, on quitte cependant la Bourgogne pour la région avignonnaise avec un unicum dans notre panel documentaire : un contrat passé entre un officier et un enlumineur 89. Le 20 mars 1448, le miniaturiste originaire d’Uzès Jean de Planis s’engage envers Jean II Rolin (représenté par le banquier avignonnais Henri Tegrini) à prendre en charge l’enluminure d’un missel copié par un célestin d’Avignon nommé Dominique Couserii. Le cardinal de Bourgogne ne le commande pas pour son usage personnel mais pour la chapelle dédiée à Pierre de Luxembourg que son père et lui avaient fondée en 1446 dans l’église du couvent des célestins avignonnais 90. Comme son père, le cardinal de Bourgogne s’est aussi adressé aux métiers du livre 83

Docs V-VI.

84

Seul ou en collaboration avec ses collègues Jehan Storan et Salevard, Yvonnet le Fur a transcrit près de la moitié des ouvrages. Armé et Pierre Lescripvain sont mentionnés plus ponctuellement. Aucun de ces noms n’est repris par les Bénédictins du Bouveret.

85

BL, Yates Thompson, ms. 45.

86

Valat 1913, p. 10 et suiv.

87

Doc.VII.

89

Docs I-II.

90

Sur la signification politique et symbolique de cette fondation : Kamp 1999, pp. 72-73.

BNF, ms. lat. 5422.

224

Partie III : Des livres et des hommes

parisien. Il a fait preuve d’une belle fidélité envers le Maître de Jean Rolin 91, ce qui ne l’a toutefois pas empêché de recourir, en Bourgogne, aux compétences du Maître des prélats bourguignons 92. Par ailleurs, le savoir-faire de l’imprimeur Ulrich Gering sera également mis à contribution par Jean II Rolin. Ce collaborateur des presses de la Sorbonne se verra confier la réalisation du premier Bréviaire imprimé à l’usage d’Autun 93. Terminons ce tour d’horizon franco-bourguignon de la famille Rolin par l’évocation de Guillaume, le frère de Jean, et par Antoine, leur demi-frère né du mariage du chancelier avec Guigone de Salins. Dans les années 1455-1460, Guillaume Rolin passe commande d’un livre d’heures à ses armes ainsi qu’à celles de son épouse Marie de Levis-Cousan 94. Antoine Rolin et son épouse Marie d’Ailly possédaient quant à eux un De casibus virorum illustrium de Boccace qui aurait été réalisé en France vers 1460-1480 95. Enfin, la très riche illustration des Heures de Raoul d’Ailly a été prise en charge vers 1435-1440 par l’un des miniaturistes les plus importants d’Amiens dénommé précisément le Maître de Raoul d’Ailly 96. Cette commande à un enlumineur amiénois s’explique par l’ancrage géographique de Raoul d’Ailly, à la fois vidame d’Amiens et baron de Picquigny (situé à une quinzaine de kilomètres d’Amiens). I. 6. Regards croisés sur quelques copistes, enlumineurs et relieurs « au service » des fonctionnaires Si les noms de plusieurs copistes, miniaturistes et relieurs sollicités par des officiers ducaux ont déjà été cités de manière épisodique, quelques-uns méritent assurément une attention plus soutenue. A. Autour de David Aubert Plusieurs manuscrits peuvent être mis en relation directe avec David Aubert ou son atelier. Le maître de la chambre aux deniers Guillaume Bourgeois a confié la transcription de son Livre des bonnes mœurs à David Aubert, qui a daté son travail de 1467 97. Il s’agit là d’un client qui ne compte pas parmi les commanditaires « habituels » de David Aubert, issus des rangs de la famille ducale (Philippe le Bon, Agnès et Jacques de Bourbon, Marguerite d’York, 91

Autun, BM, ms. S. 131 (108 A), ms. S. 133 (110), ms. S. 135 (114), ms. S. 136 (114 A) et Lyon, BM, ms. 517.

92

La Haye, KB, ms. 76 E 8 ; San Marino, The Huntington Library, ms. HM 1077.

93

Doc.VIII. Cette commande doit peut-être davantage à son secrétaire Simon de Vieuxchateau qu’à Jean II Rolin lui-même (voir Partie II, chap. III, §. III.1.B).

94

Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, ms. Rasn. Q.v. I., 9.

95

Localisation inconnue (olim H. Yates Thompson, n°91).

96

Concernant ce miniaturiste, lire notamment Nash 1999.

97

BAV, ms. Pal. Lat. 1995.

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

225

Antoine de Bourgogne, Marie de Bourgogne) et de la haute aristocratie bibliophile (Jean de Créquy, Philippe de Croÿ). Deux éléments de nature différente pourraient expliquer cette particularité : la proximité, d’abord, puisque Bourgeois et Aubert fréquentent le milieu ducal durant les mêmes années ; ensuite, les fonctions financières que Bourgeois occupe durant les années 1462-1469. Deux copies de la Vie de Jésus-Christ en sept parties peuvent elles aussi être associées avec David Aubert. Celle qui a appartenu à l’audiencier Jean III Gros a été illustrée par un enlumineur anonyme actif dans les Pays-Bas méridionaux et ne présente aucune date 98. Elle semble toutefois contemporaine de la deuxième copie, commandée par le prévôt de Lille Guillaume de Ternay et datée de mars 1478 99. L’enluminure a été attribuée par K. Plonka Balus au Maître de Guillaume de Ternay tandis que S. Mc Kendrick la range parmi les productions du Maître du Boèce flamand 100. La Vie de Jésus-Christ en sept parties ne subsiste que dans une poignée de témoins dont les possesseurs gravitent dans l’orbite ducale : Philippe le Bon (dont l’exemplaire a été transcrit par David Aubert en 1461), Louis de Gruuthuse, Philippe de Croÿ et Édouard IV ou Marguerite d’York (copié en 1479 par David Aubert) 101. Les exemplaires commandés par Ternay, Gruuthuse et par Édouard IV ou Marguerite d’York ont tous été enluminés par le Maître du Boèce flamand 102. Le programme iconographique, la décoration marginale ainsi que l’écriture de ces copies présentent un air de famille très prononcé. Nous avons quant à nous observé que les Vies de Jésus-Christ de Guillaume de Ternay et de Jean III Gros offraient, du point de vue de la calligraphie et des initiales, des similitudes assez nettes avec certains manuscrits réalisés par Aubert. À l’instar de bibliophiles de la famille ducale ou de la très haute aristocratie, des fonctionnaires parvenus comme Gros et Ternay se seraient donc adressés à un atelier de copie renommé sans toutefois avoir bénéficié de la main personnelle de David Aubert. En revanche, le célèbre copiste pourrait selon toute vraisemblance avoir transcrit manu propria vers 1460-1462 un modeste livre de prières qui a appartenu au garde-joyaux Jacques de Brégilles 103. On n’en sera pas autrement surpris : les activités professionnelles de ce haut responsable de la bibliothèque 98

Paris, Sainte-Geneviève, ms. 585. Sur ce texte : Straub 1998.

99

Cracovie, Biblioteka Czartoryskich, ms. Czart 2919.

100

Sur ce Maître : Hans-Collas - Schandel 2009, pp. 225-226.

101

Respectivement KBR, ms. IV 106 (1461 ; LDB-I 2000, pp. 314-317) ; BNF, ms. fr. 181 (entre 1480 et 1492) ; KBR, ms. 9331 ; BL, Royal, ms. 16.G.III (1479). Le chevalier messin André Voey de Ryneck fait légèrement exception.

102

Illuminating the Renaissance 2003, p. 309.

103

Bruxelles, KBR, ms. IV 1309.

226

Partie III : Des livres et des hommes

de Bourgogne lui avaient très probablement fourni l’occasion de connaître et d’apprécier directement les compétences de David Aubert. Au début des années 1460 en effet, l’ancien receveur du Ponthieu recyclé en scribe-écrivain avait déjà participé à la réalisation d’une dizaine de livres destinés à la librairie ducale 104. B. Autour de Jean du Quesne À la demande du watergraaf et moermeester de Flandre Jacques Donche, Hellin de Burgrave transcrit en 1476 un exemplaire des Commentarii de César dans la version française dédiée au Téméraire par Jean du Quesne 105. L’exemplaire pourrait avoir été copié à Lille tandis que les 13 miniatures et la décoration présentent une facture typiquement brugeoise. Si le scribe Hellin de Burgrave ne paraît pas autrement documenté, la biographie de Jean du Quesne est aujourd’hui mieux connue grâce aux travaux de P. Schandel, M. Gil et S. Montigny106. Ce vice-curé de la paroisse Saint-Étienne et chapelain de la collégiale Saint-Pierre de Lille (1474-1482) est attesté pour la première fois dans la sphère ducale en 1466, date à laquelle il transcrit une Cité de Dieu pour Antoine de Bourgogne107. Par la suite, Jean du Quesne allait copier des ouvrages de luxe pour des commanditaires aussi prestigieux que Marguerite d’York, Charles de Croÿ, Philippe de Clèves, Jean de Wavrin ou encore Louis de Gruuthuse. Jean du Quesne s’est également tourné vers la composition, traduisant en français vers 1472-1474 les Commentarii de César dont l’exemplaire de Jaques Donche constitue l’un des huit témoins actuellement conservés. Cette traduction semble avoir essentiellement circulé dans les hautes sphères de l’aristocratie des Pays-Bas méridionaux à laquelle n’appartient pas Jacques Donche 108. Sa commande d’un exemplaire richement illustré qui reprend un texte relativement confidentiel doit-elle être interprétée comme un signe de ce fameux phénomène d’émulation si souvent allégué dans la littérature ? Faut-il plutôt invoquer des contacts directs entre Donche, le translateur Jean du Quesne ou avec le copiste du manuscrit, Hellin de Burgrave ? Cette dernière hypothèse, certes spéculative, n’est pas totalement gratuite vu l’ancrage « flamand » des trois protagonistes. De plus, Donche aurait pu avoir connaissance de l’activité 104

Van Hoorebeeck 2009c, p. 30.

105

New Haven, Beinecke Library, ms. 226. Sur ce qui suit : Bossuat 1943 ; Montigny 2006 ; voir aussi dans la Partie II, chap. II, §. VII.2.B.

106

Sur ce personnage : Schandel 2001 ; Illuminating the Renaissance 2003, pp. 518-519 ; Montigny 2006 ; Gil 2008.

107

Turin, Biblioteca nazionale, ms. L I 6 et Archivo di Stato, ms. B III 12 J.

108

Louis de Gruuthuse (BNF, ms. fr. 38), Philippe de Clèves (Copenhague, KB, ms. Thott 544), Édouard IV (BL, Royal, ms. 16.G.VIII). Exécuté à Lille et à Bruges vers 1480, une copie passée en vente publique a appartenu au Lorrain André de Haraucourt († 1484) ; Bossuat 1941, pp. 255-258 ; Montigny 2006, passim ; Illuminating the Renaissance 2003, n°74.

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

227

de copie de Jean du Quesne dans le cadre général de son office à la cour. Le traducteur des Commentarii de César affirme en effet qu’il a entrepris son travail à la demande personnelle de Charles le Téméraire en 1472 − soit au moment précis où Donche évoluait dans l’entourage direct de Marguerite d’York dont il était l’homme de confiance. Second élément : ce même Jehan du Quesne, escripvain demourant a Lille est défrayé en mars 1469 pour avoir copié les Ordonnances de l’hôtel ducal édictées le 1er janvier de la même année 109. Ce texte normatif entendait rationaliser les dépenses du personnel de l’hôtel et Charles le Téméraire avait prévu d’en faire réaliser plusieurs copies destinées à toutes les personnes concernées. On est donc en droit de se demander dans quelle mesure les compétences financières exercées par Jacques Donche au sein de l’hôtel lui auraient permis de prendre connaissance du travail de Jean du Quesne. Terminons en soulignant que les nombreuses allusions à l’histoire de Flandre et de leurs habitants insérées par du Quesne dans sa traduction présentent souvent un accent patriotique assez prononcé. Lui-même précise qu’il est originaire de Lille en Flandre 110 et il dresse un portrait souvent flatteur de la furiosité de ces Flamands qui, en matière de courage et de tactique, savoient les adresces. Pour un homme tel que Donche, natif de cette région où il exercera des charges importantes durant une quarantaine d’années, nul doute que le récit de du Quesne offrait de quoi séduire. C. Autour de Liévin Stuvaert Quelques ouvrages peuvent être mis en relation avec plusieurs relieurs et notamment avec Liévin Stuvaert 111. Évoquons d’abord le cas un peu particulier du Speculum regum d’Alvarus Pelagius commandé par Godevaert de Wilde et enluminé par le Maître de Guillebert de Mets 112. Sa reliure originale n’a pas été conservée mais un folio en parchemin détaché de l’ais de bois primitif comporte l’indication Livinus Stuvaert me ligavit in Gandavo. Décédé en 1430, Godevaert de Wilde n’a pu commander cette reliure à Liévin Stuvaert, attesté pour la première fois en 1446-1447. Serait-ce alors le fils de Godevaert de Wilde, Gossuin, qui aurait fait relier ce Speculum regum ? Grâce aux nombreuses notes qu’il y a laissées dans cet ouvrage, on sait que ce fonctionnaire ducal (président du Conseil de Flandre de 1441 à 1445 puis nommé à la tête du Conseil de Hollande) était bien entré en possession des ouvrages de son père. L’hypothèse est d’autant plus envisageable que plusieurs registres de documents officiels ont été reliés par Liévin Stuvaert, ce qui prouve qu’il effectuait ce genre 109

Greve - Lebailly 2002, n°1410 ; voir aussi de Schryver 1969, spéc. p. 438 et annexe 2.

110

BNF, ms. fr. 38.

111

L. Indestege, Der Genter Buchbinder Livinus Stuvaert, dans Gutenberg-Jahrbuch, 1966, pp. 336-339 ; http ://www.bnm.leidenuniv.nl.

112

KBR, ms. 9596-97.

228

Partie III : Des livres et des hommes

de travaux pour un milieu administratif dans lequel évoluait Gossuin de Wilde 113. Sa carrière allait toutefois être brusquement interrompue en 1449 où, reconnu coupable de sodomie, il meurt décapité à Lovenstein. Il y a donc un intervalle de quelques années (entre 1446-1447 et 1449) durant lequel il aura pu demander à Liévin Stuvaert de relier son Speculum regum. Mais les conséquences de son chef d’accusation permettent de suggérer un tout autre scénario. La sodomie étant assimilée au crime de lèse-majesté, les biens du défunt (dont les livres) devaient revenir au suzerain. Sans surprise, les manuscrits de Godevaert et de Gossuin de Wilde apparaissent donc dans les inventaires de la librairie de Bourgogne dressés en 1467-1469 et en 1487 114. Or, Liévin Stuvaert a également travaillé pour la maison ducale en reliant la Vie de sainte Catherine de Miélot 115, les Chroniques et Conquetes de Charlemagne 116 ou encore un Decamerone qui a appartenu à Jean sans Peur 117. Dans l’inventaire de 1420, ce dernier ouvrage est relié de satin blanc figuré de vermeil, à X clouz et deux fermouers de cuivre dorez118 alors qu’il apparaît couvert de cuir blanc dans le relevé établi en 1467-1469 119. À l’instar de ce Decamerone dont la reliure a visiblement été modifiée, Philippe le Bon aurait-il confié à Stuvaert le soin de changer la reliure voire de relier le Speculum regum de la famille de Wilde ? Quel que soit celui qui s’est adressé à lui pour cet ouvrage, il est certain que Liévin Stuvaert a également été sollicité par Folpart van Amerongen pour son livre d’heures 120. Le luxe du volume est encore renforcé par la présence de fermoirs armoriés aux armes de Folpart van Amerongen et de son épouse 121. Des sources documentaires indiquent la présence d’autres fermoirs armoriés mais dont on ignore la provenance. L’inventaire mortuaire de l’épouse de Thomas de Plaine mentionne deux fermeilliers dargent dore servantz au livre des fleurs des histoires armoyez des armes de feu monsieur et madame 122. Le compte de tutelle des enfants de Guillaume Hugonet signale un bréviaire avec fermoirs en argent doré et armoyez aux armes de feu mondit seigneur et a ses lettres 123. Enfin, c’est sa 113

Exemples : KBR, ms. 1670-71 ; BNF, ms. néerl. 5 ; Gand, Universiteitsbibliotheek, mss 2458 et G 139.

114

Nous reviendrons sur ce point dans la Partie III, chap. II, §. VI.2.B.

115

BNF, fr. 6449.

116

KBR, mss 9066-9067-9068 (LDB-IV 2009, pp. 127-158).

117

BAV, ms. Pal. Lat. 1989.

118

Doutrepont 1977, n°238.

119

Barrois 1830, n°1259.

120

Los Angeles, J.P. Getty Museum, ms. Ludwig IX 7.

121

Ce type de fermoirs armoriés d’origine laïque, du reste assez rares, figure sur les Douze dames de rhétorique de Jean de Montferrant (Cambridge University library, ms. Nn. 3.2).

122

Doc.II.10 (Baltimore, WAG, ms. W. 305).

123

N°90-91 (partie II) et 2 (partie III).

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

229

devise que Pierre de Hauteville fera inscrire sur les cloans de ses Heures qu’il lisait continuelment 124. Au registre des relieurs actifs en Flandre dans les années 1470, on ne saurait passer sous silence le Livre des ordonnances militaires qui a appartenu à Louis Talant, à la tête d’une compagnie d’ordonnance à la bataille de Grandson 125. Cet ouvrage reprend le texte des ordonnances militaires promulguées à Trèves par Charles le Téméraire en 1473. En avril 1475, le duc défraye son valet de chambre Philippe de Mazerolles pour la copie et l’illustration des 20 exemplaires destinés à chaque capitaine. Celui de Louis Talant présente une note originale sur le premier folio de garde antérieur. Les artisans qui ont pris en charge les travaux de reliure de ces exemplaires ont été identifiés : le marchand brugeois Colart de La Baye est remboursé pour avoir livré le velours rouge, Jehan et Berthelmi Diers sont défrayés pour la façon et dorure des clous fermeilletz et garniture tandis qu’Anthoine van der Haghe est payé pour avoir relié les ouvrages 126. Le volume de Louis Talant conserve encore sa reliure originale de velours cramoisi sur laquelle on distingue les traces de cinq boulons et de deux fermoirs en forme de briquet de Bourgogne. Emblème privilégié de la maison de Bourgogne, ce motif apparaît également sur la reliure originale d’un exemplaire qui a appartenu à Jean Machefoing 127 et sur celle d’un manuscrit de Roelant Le Fèvre 128. L’évocation de la dynastie de Bourgogne est encore plus marquée dans deux exemplaires du maître de l’hôtel d’Isabelle de Portugal, Joao Vasquez, qui avait relié ses Heures aux armes du Portugal tandis que son Histoire de Troie la Grant portait une reliure aux armes de Bourgogne. D. Autour de Georgius de Houdelem Un autre groupe de manuscrits peut être isolé en fonction de leur calligraphie marquée par l’influence italienne. L’ouvrage transcrit le 9 avril 1438 à la demande d’Haneron par un certain Georgius de Houdelem, de Bruges, constitue le plus ancien témoin 129. Partiellement copié en gothique textuelle, ce volume offre la particularité de présenter aussi une écriture cursive humanistique − qui reste à ce jour la première attestation connue de ce type d’écriture dans les Pays-Bas méridionaux. Georgius de Houdelem aurait-il pu se montrer assez habile pour recopier in situ un modèle proposant ce type de calligraphie ou aurait-il fait partie de ces copistes originaires de nos régions 124

Doc.I.1.

125

BNF, ms. fr. 23963.

126

De Schryver 1999, pp. 63-64.

127

Paris, Sainte-Geneviève, ms. 1999.

128

Chantilly, Musée Condé, ms. 1363.

129

Leyde, Universiteitsbibliotheek, ms. Lips. 50.

230

Partie III : Des livres et des hommes

partis se former dans la Péninsule 130 ? La question reste ouverte, faute d’indices déterminants. On dispose par contre de certains éléments de réponse pour le somptueux Virgile exécuté pour l’abbé des Dunes Jan Crabbe et qui entrera en possession de Paul de Baenst. Enluminé par le Maître du Fitzwilliam 268 et le Maître du Livre de prières de vers 1500, sa transcription a été prise en charge par plusieurs scribes qui ont tantôt utilisé une littera textualis humanistique, tantôt une gothica rotunda de type italien 131. Les formules de colophon témoignent des origines transalpines des copistes qui ont daté leur travail du 7 mars 1472 et du 24 mars 1473 sur la base du style dit de l’Annonciation (soit le style en vigueur à Florence et à Sienne) 132. Ce Virgile provient du même atelier que d’autres ouvrages de Jan Crabbe, enluminés et reliés par des artisans « flamands » mais transcrits par des copistes italiens en activité à Bruges 133. Cet ensemble de manuscrits dont l’écriture témoigne de l’empreinte humaniste comprend également le Chronodromon réalisé vers 1485-1495 à la demande de Nicolas Ruter 134. À l’instar du Virgile de Crabbe-Baenst, l’illustration ressort de la production flamande tandis que la calligraphie s’inspire très nettement des modèles italiens. L’écriture comme la mise en page présentent ici des ressemblances assez marquées avec celles du 1er tome de la seule autre copie connue de ce texte qui a appartenu à Philippe I Conrault, abbé de Saint-Pierre à Gand de 1444 à 1471 puis à son neveu et successeur Philippe II Conrault, à la tête du monastère de 1471 à sa mort en 1490 135. Le rôle d’agent diplomatique assuré dans les années 1477-1490 par Philippe II Conrault pour le compte de Maximilien d’Autriche, le « patron » de Ruter, a récemment été mis au jour 136. Une œuvre à l’audience confidentielle, commandée par deux hommes d’Église d’envergure, partisans de la cause du roi des Romains (à cette époque, le fait mérite d’être souligné) et dont les copies présentent un même type d’écriture : à moins d’une exceptionnelle coïncidence, les contacts noués entre ces deux personnalités pourraient expliquer cette connivence littéraire et artistique dont leurs Chronodromon se font l’écho. §. II. Le libraire, un homme (presque) invisible De nombreux officiers-commanditaires se sont probablement adressés à un libraire pour faire réaliser un nouveau manuscrit. Les questions surgissent 130

Overgaauw 1989.

131

Wells-next-the-Sea, Holkham Hall, Library of the Earl of Leicester, ms 311.

132

Geirnaert 1992.

133

Sur la librairie de Jan Crabbe : Vlaamse kunst op perkament 1981, pp. 176-206.

134

KBR, mss II 1169a-b-c.

135

KBR, ms. 18180 (Van Hoorebeeck 2006a, p. 119).

136

Van Hoorebeeck 2006a, p. 119.

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

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toutefois dès qu’il s’agit de comprendre le processus de commande et de cerner le rôle concret du libraire, terme ambigu qui recouvre des réalités diverses parfois très contrastées et finalement difficiles à définir avec précision 137. De manière générale, nous sommes fort mal renseignés sur les libraires actifs dans nos régions 138. Quelques lignes suffisent à présenter les données où il en est question dans notre corpus, d’ailleurs extrêmement ténues et peu exploitables. Dans son testament de 1504, Pierre Anchemant fait allusion à la fille de celle qui me vendit la bible, qui est une femme vendant sur le Vrydachmart. Toutefois, au moment où Anchemant dicte ses dernières volontés, aucun des deux seuls librairies documentés et installés sur le Vrijdagmarkt à Gand ne sont encore attestés 139. Vers 1517-1525, le compte d’exécution testamentaire de Jérôme de Busleyden mentionne un payement au libraire Henri Eckert van Homberch mais on ignore sur quels livres (ou quels services) portait le remboursement. L’existence d’un libraire est enfin attestée à deux reprises à l’occasion de prisées lors d’une exécution testamentaire. Les ouvrages de Jean II Rolin sont estimés en 1484 par l’un des quatre principaux libraires de l’Université de Paris 140 et le notaire Andries Wijnhove s’adjoint les services d’un librier pour évaluer en 1491 la bibliothèque de Steenberch. L’indigence documentaire invitait donc à trouver d’autres voies pour dresser l’éventail des possibilités qui s’offraient aux fonctionnaires ducaux désireux d’acquérir un ouvrage dans l’échoppe d’un marchand, d’une part, et pour tenter de comprendre le rôle du libraire dans le processus de commande et de production du livre dans les Pays-Bas méridionaux à la fin du Moyen Âge, d’autre part. Différents aspects du monde de la librairie seront donc présentés via quelques sources sélectionnées en fonction de leur éclairage sur cette problématique. Nous tenterons alors de jeter des ponts entre ces pratiques générales et la documentation qui nous concerne. II. 1. Le Livre des Mestiers Le célèbre manuel de conversation intitulé le Livre des Mestiers offre en 1370 un premier éclairage sur la ville de Bruges, repris plus tard dans la Tres bonne doctrine pour aprendre briefment fransoys et engloys et dans le Vocabulair romain et flameng 137

R. et M. Rouse en proposent la définition suivante : « both booskseller and book producer, the publisher or contractor in charge of managing the production of new manuscript, acquiring the parchment and directing and paying the scribes, illuminators and binder, at the client’s request (Rouse - Rouse 2000, II, p. 360).

138

Rouzet 1975 ; Bousmanne 1997, pp. 54 et 62-63 ; Barbier 2006, pp. 70-71 ; Barbier 2007, pp. 8791. Pour la France : Labarre 1971 ; Servant 1998 ; Rouse - Rouse 2000 ; Lesage - Netchine Sarrazin 2006.

139

Rouzet 1975, pp. 135-136 et 182-183.

140

Doc.IX.

232

Partie III : Des livres et des hommes

imprimé avant 1501 par Roland Vanden Dorpe à Anvers 141. Il y est question de Georges le librairiers qui dispose de plus de livres que tous cheauls de le ville 142. On trouve dans sa boutique aussi bien des manuels d’apprentissage et des livres de médecine que des ouvrages de dévotion which ben worth good money, comme des psautiers pourvus de riches fermoirs, des bréviaires de prix et les inévitables livres d’heures. La Tres bonne doctrine pour aprendre briefment fransoys et engloys apporte une intéressante précision sur la manière dont les marchands de livres pouvaient s’approvisionner. Le bookseller Georges byeth them alle suche as they ben : be they stolen or enprinted, or othirwyse pourchaced 143. Il est donc vraisemblable qu’on ait trouvé dans les boutiques de libraires des volumes de seconde main voire de troisième ou de quatrième main 144. Dans quelle mesure, ou plutôt combien d’ouvrages ont-ils été achetés via cette filière par des officiers ? La question reste sans réponse, faute d’indices dans les sources d’archives comme dans les livres eux-mêmes. II. 2. Joos van der Offen, coopman van boucken D’une nature très différente du Livre des Mestiers, une source exceptionnelle car rarissime pour nos régions renseigne sur un tout autre aspect de la librairie à la fin du XVe siècle. Il s’agit de l’inventaire dressé par le Magistrat gantois en novembre 1491 à l’occasion de la saisie du fonds de commerce de Joos Offyn, coopman van boucken wonende in de stede van Andworpen145. D’origine bruxelloise et admis à la bourgeoisie d’Anvers en 1475, Joos van der Offen y est attesté en qualité de libraire de 1477 à sa mort en 1494 146. Le préambule précise que ne sont décrits que les ouvrages non reliés, en latin et imprimés 147. Le compte recense environ 150 volumes dont certains sont explicitement signalés en 2, 3, 4, 8 voire 25 exemplaires dans le cas d’ouvrages d’enseignement. D’autres doubles qui ne sont pas mentionnés comme tels pourraient correspondre à des éditions différentes d’un même texte, offrant donc au client une large gamme de choix 148. À l’instar des exemplaires vendus chez le libraire du Vocabulair romain et flameng, le stock de Joos van der Offen est essentiellement utilitaire. 141

Édition : Gessler 1931, I, II et IV.

142

Gessler 1931, I, p. 34.

143

En français : il les achate touts tels qu’ils soient : soient emblés ou emprintees, ou aultrement pourchaciés (Gessler 1931, IV, p. 41).

144

Hasenohr 1989, p. 226.

145

Edition : CCB-III 1999, n°30.

146

Rouzet 1975, p. 163.

147

[...] zekeren latynsche boucken in prenten van diversschen materien meest rau ende onghebonden (Gand, Stadsarchief, R 20/10, fol.30r). À noter toutefois : Viaticum Terre sancte, twee waerf in vlaesmsche.

148

Exemple : le De Civitate Dei d’Augustin avait déjà connu de nombreuses éditions en 1491 est cité plusieurs fois tout comme l’Historia scolastica et le De consolatione philosophiae de Boèce.

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

233

Aux côtés d’ouvrages destinés à l’apprentissage élémentaire, figurent des œuvres historiques comme le Fasciculus temporum de Rolevinck, les Gesta Romanorum ou l’Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne. Le droit et la médecine sont très discrets et la littérature de divertissement, totalement absente. Les pièces à succès de Jacques de Voragine, Barthélemy l’Anglais, Boèce ou Boccace confèrent à ce stock un caractère très traditionnel (voire passéiste) à peine rajeuni par quelques titres plus récents mais dont l’editio princeps remontait à une trentaine d’années 149. Il est en outre question d’exemplaires meest rau et on ne repère aucun texte très spécialisé. Joos van Offen paraît donc s’être orienté vers la vente d’ouvrages généralistes aux accents religieux, moraux et didactiques et au succès largement éprouvé. Ce genre de catalogue offrait sans doute de quoi répondre aux attentes d’une certaine clientèle issue du clergé ou composée de laïcs suffisamment instruits mais sans être tous ni érudits ni désireux d’acquérir une version de luxe − autant dire, bon nombre de fonctionnaires ducaux. II. 3. À l’ombre de l’Université Un stock tel que celui de van Offen n’aurait probablement pas satisfait un lecteur universitaire en quête des titres indispensables au cursus des artes, de droit, de théologie ou de médecine. Les statuts primitifs de l’Université de Louvain témoignent d’ailleurs que l’Alma Mater avait dès le début veillé à réglementer ses relations avec les libraires 150. Sans revenir sur un sujet déjà largement étudié151, rappelons ici qu’Antoine Haneron avait fréquenté le milieu des librairies louvanistes avant d’entrer au service ducal. La Faculté des arts avait acheté en 1438 un premier lot d’ouvrages de théologie chez l’un des quatre librarii de l’Université 152. Le soin d’examiner les livres, de juger de leur valeur puis de les acquérir pour le compte de la Faculté avait été confié à Haneron ainsi qu’à trois autres deputati 153. En théorie, nombreux sont les fonctionnaires universitaires qui auront pu s’approvisionner en usuels ou en littérature professionnelle auprès d’un libraire de Louvain. Guillaume Stradio est cependant le seul à être signalé comme tel 154.

149

Exemples : le Fasciculus temporum de Rolevinck († 1502), les Epistolae de Francesco Filelfo († 1481) et le Formulae epistolarum de Carolus Virulus († 1493).

150

Van Belle 1974 ; Van Hove 1907, pp. 630-631.

151

Status quaestionis et bibliographie critique : Mirguet - Hiraux 2003.

152

Van Hove 1914, p. 603.

153

Ad visitandum libros et ad vivendum valorem eorumdem (Van Hove 1914, p. 603, n. 1).

154

KBR, Inc. C 195 (1-2).

234

Partie III : Des livres et des hommes

II. 4. De commande et d’étal Dans les Pays-Bas méridionaux, les libraires, qui ne devaient pas manquer, offraient à la vente des exemplaires plus ou moins luxueux de textes récréatifs destinés à des clients aisés. Les informations explicites ne sont cependant pas légion et restent assez éparses mais l’examen codicologique constitue parfois une bonne alternative pour pallier les carences documentaires. Ainsi, il faut évoquer ces livres manuscrits ou imprimés de belle facture et dans lesquels des espaces ont été réservés pour l’insertion de miniatures ou l’ajout d’armoiries. Une édition de la Mer des Histoires imprimée en 1488-1489 à Paris chez Pierre Le Rouge comprend par exemple des écus laissés vierges qu’un membre de la famille de Wilde a complétés par ses armes 155. Un manuscrit des Chroniques de Froissart qui pourrait avoir appartenu à Guillaume de Ternay présente lui aussi un écu vide, toutefois surmonté d’un heaume avec un sanglier issant pour cimier 156. Ces indices pourraient indiquer qu’il s’agit d’ouvrages disponibles de stock chez un libraire qui laissait alors la possibilité à un acheteur potentiel de le personnaliser. Mais certains volumes de belle tenue et disponibles à la vente n’ont pas tous été individualisés par leur acheteur, comme en attestent les Décades de Tite-Live passées successivement en possession de Charles de Saveuses, François de Busleyden et Marguerite d’Autriche 157. Avaient-ils fait l’objet d’une commande particulière ou ont-ils achetés dans l’échoppe d’un libraire ? Nous pencherions volontiers pour la seconde hypothèse. Ce texte en vernaculaire est en effet sorti de l’atelier du Maître de l’échevinage de Rouen. Ce prolifique miniaturiste a ventilé sa production entre manuscrits luxueux, plus personnalisés et réalisés à la commande, et ouvrages de belle qualité prêts à la vente sans être exceptionnels et qui témoignent d’une réalisation plus standardisée − des caractéristiques qui, tant au niveau de l’illustration que de la mise en page, correspondent parfaitement à celles des Décades de Tite-Live 158. Au registre des ouvrages de commande ou d’étal, on ne peut passer sous silence le cas bien connu des livres d’heures 159. En plus de figurer en tête des meilleures ventes, les livres d’heures comptent parmi les ouvrages les plus facilement personnalisables et leur contenu permet bien des déclinaisons. Il semble assuré que les Heures de Guillaume Rolin enluminées par Simon Marmion et celles qu’il commande au Maître de Jean Rolin 160, les Heures de Jan 155

KBR, Inc. C 153-154.

156

KBR, ms. IV 467.

157

KBR, mss 9051-9052-9053 (voir également dans la Partie III, chap. II, §. III.1.C).

158

C. Rabel, Artiste et clientèle à la fin du Moyen Âge : les manuscrits profanes du Maître de l’Echevinage de Rouen, dans Revue de l’Art, n°84, 1989, pp. 48-60 ; Avril - Reynaud 1993.

159

Delaunay 2001.

160

Respectivement Madrid, BN, ms. Res. 149 et Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, ms. Rasn. Q.v. I., 9 (BL, Yates Thompson, ms. 45 ; voir supra).

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

235

van der Scague 161, de Jean III Gros 162, de Paul van Overtvelt 163 ou encore de Jacques Donche164 ont été exécutées « sur mesure » pour leur commanditaire. Dans certains exemplaires, la présence d’armoiries surpeintes ou ajoutées par celles d’un fonctionnaire pourrait en revanche indiquer qu’il ne s’agit pas d’une commande personnelle165. II. 5. Des « hommes-orchestre » De nombreuses sources témoignent de la diversité des responsabilités que pouvaient assumer certains libraires, actifs à la fois comme marchands de livres, copistes, imprimeurs voire comme vendeurs de matériel d’écriture. Le Livre des Mestiers relate que le libraire Georges proposait des pennes d’auwe et pennes de chisne ainsi que du fronchin et parkemin 166, une information relayée par la Tres bonne doctrine pour aprendre briefment fransoys et engloys et par le Vocabulair romain et flameng 167. On peut d’ailleurs supposer que pour des raisons à la fois pratiques et économiques, les administrations urbaines ou centrales d’une certaine importance passaient leurs commandes de papier, de parchemin, d’encre ou de plume aux fournisseurs locaux. Certains libraires en activité dans les Pays-Bas méridionaux et dans les régions limitrophes se sont par ailleurs réclamé fournisseurs de la cour de Bourgogne, sans que l’on sache vraiment si cet argument de vente correspond à une certaine réalité ou s’il s’agit d’une stratégie commerciale. En 1461, Gautier Deschamps (le plus ancien libraire connu exerçant à Amiens et signalé dès 1448) se qualifie de libraire de Monseigneur le duc Jehan de Bourgogne 168. Il s’était installé rue Notre-Dame dans un quartier proche de la cathédrale où se concentraient la plupart des libraires de la ville. Quelques années auparavant, en Flandre, Guillebert de Mets s’était intitulé libraire de monseigneur le duc Jehan de Bourgogne dans un livre transcrit par ses soins et qui a peut-être été réalisé pour Jean sans Peur 169. On lui connaît d’autres manuscrits copiés pour la maison 161

Brno, Abbaye prémontrée de Nova Rise, ms. 10.

162

Chantilly, Musée Condé, ms. 85.

163

KBR, ms. IV 95.

164

Claremont, Denison Library, Kirby, ms. 1.

165

Les armoiries de Jan III de Baenst ont été apposées en surcharge de celles d’un premier propriétaire non identifiable (KBR, ms. IV 746). Thomas Malet a fait ajouter ses armes dans des Heures dans lesquelles apparaît encore le portrait d’un possesseur antérieur (Baltimore, WAG, ms. W. 281).

166

Gessler 1931, I, p. 34.

167

Gessler 1931, I, p. 34 ; Gessler 1931, III, p. 41 ; Gessler 1931, IV, p. 50.

168

Labarre 1971, p. 48, n. 85.

169

[...] lequel livre de Sidrac et Lucidaire est escript de la main de Guillebert de Mets, libraire de Monseigneur le duc Jehan de Bourgogne (La Haye, KB, ms. 133 A 2, fol.211r). Dans l’attente de la publications des travaux menés par D. Vanwijnsberghe, lire Somers 2002.

236

Partie III : Des livres et des hommes

ducale 170. La comptabilité de la ville de Grammont indique en 1423-1424 des payements pour des transcriptions d’actes administratifs 171. Guillebert de Mets est aussi l’auteur en 1434 d’une Description de la ville de Paris et de l’excellence du royaume de France conservée dans un volume de la collection ducale et qui aurait été acheté chez lui 172. La Description de la ville de Paris ainsi que le Décameron copiés par ses soins ont été enluminés par un miniaturiste anonyme dénommé Maître de Guillebert de Mets. S’appuyant sur ces connexions et arguant de la diversité des tâches assumées par Guillebert de Mets, S. Somers a suggéré qu’il ait pu jouer un rôle d’entrepreneur pour certains ouvrages, en prenant en charge leur supervision de la copie jusqu’à la vente, en passant par l’illustration 173. Rappelons que les officiers Gui Gilbaut et Godevaert de Wilde figurent parmi ses commanditaires. Le dossier particulièrement étoffé de Guillebert de Mets permet aussi d’approcher une réalité difficile à cerner mais pourtant bien réelle : le rôle d’intermédiaire, de « rabatteur » ou d’entrepreneur assuré par certains libraires. Un exemple significatif concerne le libraire florentin Vespasianio de Bistucci, chargé par Côme de Médicis de lui procurer des livres pour sa nouvelle bibliothèque de Fiesole. Bisticci sous-traite avec une cinquantaine de copistes et fournit en moins de deux ans quelque 200 manuscrits à son illustre commanditaire 174. Dans nos régions, le cas de Colard Mansion est certainement l’un des plus explicites 175. Ce copiste a notamment transcrit des ouvrages pour la bibliothèque de Bourgogne et son nom est étroitement associé à l’introduction de l’art typographique à Bruges. A. Dubois a retrouvé à Paris le Valère Maxime français qui avait fait l’objet d’un contrat passé à Bruges en décembre 1480 entre Mansion et le commanditaire, Philippe de Hornes. Dans ce document autographe, Colard Mansion libraire s’engage à terminer la commande dans le délai convenu et garantit la qualité de la transcription (escrips de ma main ou d’aussi bonne). Le contrat précise que l’ouvrage sera fourni relié et enluminé, ce qui indique donc que Mansion faisait ici office de plaque tournante sur le marché du livre. Ce document fournit également un éclairage de premier plan sur les intermédiaires chargés par le commanditaire de prendre contact avec le libraire et d’assurer « le suivi du dossier » : payements, déplacement pour prendre livraison de l’ouvrage une fois terminé, etc. Dans le cas du Valère Maxime 170

Somers 2002, pp. 1228 et 1237-1238.

171

Somers 2002, p. 1233, n. 49.

172

KBR, ms. 9559-64 (LDB-III 2006, pp. 118-124).

173

Somers 2002, p. 1240.

174

Bourgain 1982, p. 50.

175

Dubois 2002 (avec bibliographie).

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

237

commandé chez Mansion, plusieurs payements sont effectués par le secrétaire de Philippe de Hornes 176. On se souviendra aussi du banquier avignonnais Henri Tegrini, cet homme de confiance qui traite au nom de Jean II Rolin avec l’enlumineur Jean de Planis pour la commande d’un missel 177. L’examen des livres eux-mêmes permet rarement d’approcher cette réalité pourtant bien ancrée dans les usages médiévaux et dont les sources d’archives se font volontiers l’écho. Car l’attitude de Philippe de Hornes et de Jean II Rolin est loin d’être isolée. Un examen transversal de la comptabilité ducale bourguignonne a permis de relever le rôle d’intermédiaire joué par de très nombreux officiers qui se sont vus mandatés par le prince pour acheter, transporter, faire écrire, corriger, compléter, enluminer, relier ou réparer quantité d’ouvrages. L’achat d’un exemplaire du Romuleon auprès de Colard Mansion passe d’ailleurs précisément par l’un de ces intermédiaires puisque le liseur ducal Alart Le Fèvre est payé pour cette tâche entre mai et septembre 1467 178. Dans quelle mesure ces nombreux contacts directs se sont-ils traduits par des commandes passées par des fonctionnaires « relais » à des acteurs du milieu du livre rencontrés dans le cadre de cette activité ? La question est d’importance mais n’a curieusement jamais retenu l’attention. Les indices, il est vrai, manquent pour se prononcer à large échelle. Néanmoins, les Heures de Jacques de Brégilles et enluminées partiellement par Willem Vrelant sont peut-être illustratives de ce phénomène 179. En tant que responsable de la bibliothèque ducale entre 1446 et 1475, Brégilles se voit régulièrement défrayé pour des dépenses relatives au transport, à la réalisation, l’achèvement ou encore l’entretien de livres. A. de Schryver a suggéré qu’il ait pu jouer un certain rôle dans le choix même des artisans à qui étaient confiés ces travaux pour la librairie ducale 180. Avant les années 1460 (datation avancée pour les miniatures de Vrelant dans son livre d’heures), Willem Vrelant avait déjà pris en charge la décoration de plusieurs manuscrits pour Philippe le Bon 181. Rien n’exclut qu’ayant eu précédemment connaissance du travail réalisé par Vrelant pour son « patron », Brégilles ait à son tour souhaité s’adresser à ce miniaturiste, quoique pour une commande bien plus modeste.

176

Dubois 2002, p. 618.

177

Répertoire documentaire, docs I-II. Sur Henri Tegrini : Kamp 1993, p. 239 et suiv. ; Ségura 1999, pp. 138-139.

178

AGR, CC 25191, fol.19v. Ce ms. correspond vraisemblablement au ms. Besançon, BM, 850 (Barrois 1830, n°877 ; McKendrick 1994).

179

BL, Yates Thompson, ms. 4.

180

De Schryver 2002, p. 83. Voir aussi Van Hoorebeeck 2009, pp. 29-30.

181

Détails : Van Hoorebeeck 2009, p. 30.

238

Partie III : Des livres et des hommes

En guise de conclusion, les principales lignes de force de ce chapitre serviront de points d’appui pour esquisser quelques réflexions quant à la place des officiers-commanditaires sur le marché du livre et sur la problématique de l’émulation livresque entre les fonctionnaires et leur prince. Sans doute faut-il d’abord repenser sérieusement le concept même d’émulation en regardant de plus près ce qu’il sous-entend de manière générale et, le plus souvent, implicite 182. Ce phénomène semble tacitement perçu comme la reproduction par les officiers ducaux de modèles livresques prônés par la maison de Bourgogne et adoptés par les grandes lignées bibliophiles (Clèves, Croÿ, Lannoy, Lalaing, Luxembourg, etc.). Les motivations de cette attitude de « clonage culturel » sont alors analysées en termes de processus de promotion sociale par lequel les fonctionnaires tendent à adopter les comportements − le fameux « vivre noblement » − d’un estat auquel ils aspirent tous : la noblesse. Dans un essai paru il y a quelques années, D. Vanwijnsberghe a démonté les mécanismes de cette vision « souveraino-centriste » 183. Il y revenait notamment sur l’importance accordée par l’historiographie au mécénat ducal qui, vu le nombre finalement assez restreint d’ouvrages commandés en propre par la maison de Bourgogne, semble pour le moins surévaluée 184. Plusieurs éléments qui apparaissent en filigrane dans ce chapitre invitent effectivement à s’écarter d’une modélisation qui ne colle qu’imparfaitement à la réalité. Nous relevons ainsi que certains officiers s’adressent à des artisans du livre qui, dans l’état actuel de nos connaissances, n’ont jamais travaillé à des commandes passées par la maison ducale. C’est notamment le cas du Maître de Jean Chevrot et du Maître de Marguerite de Liedekerke, des copistes Nicolas Cotin, Pierre Gousset et Nicolas de Palude ou du relieur Vincent Gohon. Cette première observation amène à formuler deux autres constats. D’abord, on ne peut sans nuance parler de « grands » artisans accessibles aux seuls « grands » officiers ni de « sous-production » réservée aux « petits » fonctionnaires. Il suffit de rappeler qu’un prévôt de Lille (Ternay) confie l’un de ses manuscrits au talentueux Maître du Boèce flamand et qu’un maître de la Chambre aux deniers (Bourgeois) s’adresse à David Aubert tandis qu’un chancelier de Brabant (Bont) et qu’un ministre de Philippe le Beau (Berghes) passent commande auprès de plusieurs maisons religieuses. Ensuite, la production prédominante des centres brugeois et gantois ne doit pas occulter les nombreuses commandes passées par une clientèle locale à des artisans qui exercent dans des régions périphériques. 182

Sur cette problématique : Van Hoorebeeck 2009d.

183

Vanwijnsberghe 2002.

184

Sur la base des 243 ouvrages de la librairie de Bourgogne conservés à la KBR, on compte ainsi quarante exemplaires qui ont fait l’objet d’une commande dont 31 comportent au moins dix miniatures (chiffres d’après Blockmans 1998).

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

239

On l’a vu, certains officiers pratiquent d’ailleurs les deux types de commande en fonction de nombreux éléments de nature diverse et qu’il n’est pas toujours possible de mesurer (disponibilités du « fournisseur », moyens financiers, déplacements, type de livres, etc.). On observe d’autre part que ce concept d’émulation ducale induit par corollaire une vision assez erronée des gens du livre qui ont réalisé des commandes pour la maison princière. Ainsi, le statut de leurs illustres commanditaires modifie implicitement leur statut dans l’historiographie : ces artisans deviennent alors des « fournisseurs de la cour » et, à ce titre, passent pour se consacrer entièrement à la constitution du patrimoine livresque de mondit seigneur. La réalité est toute autre. L’immense majorité des copistes, des enlumineurs, des relieurs et, a fortiori, des libraires ont satisfait les demandes de bien d’autres créneaux commerciaux tels que les administrations, la bourgeoisie urbaine au sens large, l’Université ou encore certaines maisons religieuses. La diversité de la clientèle d’un Maître de Guillebert de Mets ou d’un Liévin Stuvaert offre un bel antidote contre des cloisonnements trop étroits. Par ailleurs, toute commande passée par un fonctionnaire ducal à des copistes, miniaturistes, relieurs ou libraires sollicités par la maison de Bourgogne ne doit pas toujours ni complètement être interprétée comme un témoignage d’émulation. Dans l’interprétation du choix de ces artisans, quelle part revient au désir d’imiter les pratiques de la maison ducale et quelle est celle qui doit être accordée à d’autres motivations plus pragmatiques, comme la qualité d’exécution et des matériaux employés, la rapidité de réalisation voire le prix demandé ? Plus largement, appliquer à l’ensemble des officiers-commanditaires la théorie de l’émulation livresque conduit à se poser une autre question : dans quelle mesure le travail des gens du livre qui exerçaient loin de la sphère aulique était-il (re)connu par tous les fonctionnaires ? Du reste, pourquoi ne pas envisager l’hypothèse d’un renversement des rôles en suggérant que des officiers aient pu eux-mêmes être démarchés par des artisans en quête de clients fortunés et (dans une certaine mesure) influents ? Certes, on ne saurait nier qu’il existe entre certaines commandes de fonctionnaires et des ouvrages de la librairie de Bourgogne un réel air de famille touchant le fond comme la forme. Nous pensons notamment aux prières des Heures de Paul van Overtvelt qui ne figurent que dans des livres personnels de Philippe le Bon, aux Commentarii de César de Jacques Donche dans la traduction de Jean du Quesne ou au Livre des bonnes mœurs copié par David Aubert à la requête de Guillaume Bourgeois. Dans ces cas de figure, il est toutefois essentiel de noter les liens de proximité très nets entre les commanditaires et le milieu curial. Plus fondamentalement, certaines données invitent à déplacer l’angle de vue et à considérer les officiers (ou en tous cas certains d’entre eux) comme des agents

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Partie III : Des livres et des hommes

de production et non de reproduction de modèles livresques. À lui seul, un « patron » tel qu’Antoine Rolin paraît bien avoir assuré à son maître éponyme quelques-unes de ses commandes les plus importantes mais aussi les plus originales même s’il est peut-être exagéré de parler d’impulsion décisive de la part du grand bailli de Hainaut. Du point de vue textuel, les deux seuls exemplaires connus du Chronodromon de Jean Brandon ont été commandés vers la même époque par Nicolas Ruter et l’abbé de Saint-Pierre à Gand Philippe Conrault et, faut-il le rappeler, le futur précepteur ducal Antoine Haneron pourrait avoir été l’introducteur de l’écriture humanistique dans les Pays-Bas. Côté artistique, certains manuscrits innovants, progressistes ou créateurs commandés par des officiers ne doivent rien non plus à un modèle ducal. Le frontispice de la Cité de Dieu de Gui Gilbaut inaugure de nouvelles perspectives iconographiques qui séduiront son entourage immédiat en la personne de son collègue et voisin Jean Chevrot. Ce changement de paradigme pourrait également s’appuyer sur la chronologie et en particulier sur les années 1482-1506, deux décennies pour le moins troublées dans les Pays-Bas. À en croire H. Wijsman, la commande de manuscrits enluminés « de bibliothèque » (par opposition aux livres d’heures) aurait été largement délaissée par la famille ducale et n’aurait dû sa survie qu’aux bibliophiles de la haute noblesse tels que Louis de Gruuthuse ou Adolphe de Clèves. Les données rassemblées tendent à invalider cette représentation qui fait la part belle aux grandes lignées aristocratiques. Des ouvrages de très belle facture réalisés à la demande d’officiers ont précisément été produits durant cette période, qu’il s’agisse du Chronodromon de Nicolas Ruter, du De officiis offert par François de Busleyden à Philippe le Beau, du Chigi Codex de la famille Bouton, du Recueil des Histoires de Troie d’Antoine Rolin ou du Speculum humanae salvationis de Roeland Le Fèvre. À l’évidence, les artisans du livre ont donc aussi pu compter sur cette clientèle pour remplir leur carnet de commandes. Dans la foulée, on fera remarquer que bon nombre de manuscrits de très belle tenue ont été exécutés pour des fonctionnaires qui, à l’instar de Jean Chevrot, des frères Rolin, de Guillaume Fillastre ou de Laurent Pignon, sont loin de collectionner les quartiers de noblesse. Nous ne souscrivons donc pas à l’opinion selon laquelle « on the evidence of patronage of remaining manuscripts, the main manuscripts patrons of illustrated Netherlandish manuscripts operated between 1450 and 1500 were almost exclusively members of the high nobility » 185. Non seulement les réalisations issues du mécénat ducal et de la haute 185

H. Wijsman, Patterns in patronage. Distinction and imitation in the patronage of painted art by Burgundian courtiers in the Fifteeenth and early Sixteenth centuries, dans The court as a stage. England and the Low Countries in the later Middle Ages, éd. S. Gunn et A. Janse, Woodbrige, 2006, p. 59.

Chapitre I : Des acteurs culturels sur le marché du livre

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aristocratie ne s’imposent pas comme le seul système référent mais aussi, et peut-être surtout, certains officiers pourraient bien avoir été de véritables acteurs d’innovation qui auront pu à leur tour créer une forme d’émulation. Des recherches ultérieures pourraient d’ailleurs être entreprises afin de mesurer l’éventuel impact de leurs commandes au sein d’autres cercles (ecclésiastique, universitaire, mondain, urbain, familial, etc.). À la lumière du panorama général des commandes émanant des officiers, l’idée reçue du fonctionnaire « bibliophile de Panurge » appelle quelques sérieux bémols et mériterait d’être considérée dans une perspective nouvelle.

CHAPITRE II : Le livre comme agent de liaison L’approche prosopographique traditionnelle a depuis longtemps démontré toute son efficacité pour reconstituer les réseaux de relations des officiers ducaux mais aussi pour en déterminer l’origine, la nature et l’ampleur 186. Très souvent sous-exploité par les spécialistes en histoire sociale, le livre représente pourtant un précieux auxiliaire dans la mise au jour de liens, de contacts et d’échanges formels ou informels que l’histoire politique ou événementielle n’éclaire parfois que très faiblement. Le livre constitue un véritable agent de liaison entre les fonctionnaires qui l’ont volontiers instrumentalisé à des fins multiples : gage de remerciement pour un service rendu, levier stratégique pour obtenir une faveur ou apurer une dette morale, témoignage d’amitié, moyen d’assurer son salut ou signe extérieur d’un certain capital social, intellectuel ou financier. Ce chapitre repose donc sur une idée maîtresse articulée en deux volets : révéler via le livre les relations interpersonnelles entre les officiers des ducs de Bourgogne et déterminer de quelle manière le livre exprime ces relations. Cette démarche se fonde sur un panel de témoignages couramment utilisés dans une optique classique d’histoire du livre mais qui seront ici analysés sous l’angle particulier de leur apport à l’histoire sociale. Les multiples canaux de transmission du livre où sont impliqués des fonctionnaires (don entre vif ou legs post mortem, prêt, achat voire vol) ont d’abord été examiné. On a d’autre part exploité les données externes et internes fournies par les livres eux-mêmes, qui permettent bien souvent d’établir des connexions entre leurs possesseurs. Une attention particulière a enfin été portée aux textes signalés dans des librairies, lesquels qui concrétisent parfois de manière tangible des liens noués entre des officiers ducaux. Le livre sera donc appréhendé ici dans sa fonction d’agent de liaison entre les officiers et les principaux cercles au sein desquels ils évoluent : milieu familial, ecclésiastique, institutionnel (en ce compris le milieu curial), culturel (cercles académiques, humanistes et mondains) et urbain. Nous terminerons en évoquant le cas plus particulier des interactions entre les livres et les officiers au cœur d’un univers bien spécifique, celui de la librairie des ducs de Bourgogne. À l’évidence, la trame relationnelle d’un fonctionnaire ne se limite pas à un cercle spécifique ; il faudrait sans doute plutôt parler de constellations perméables les unes aux autres et au sein desquelles les individus interagissent. La présentation 186

Parmi beaucoup d’autres applications de cette démarche, citons notamment les études de J. Dumolyn (Dumolyn 2002 ; Dumolyn 2003 ; Dumolyn 2006b), de M. Jean (Jean 1992) ainsi que les réflexions de T. Dutour (Dutour 2002).

244

Partie III : Des livres et des hommes

distincte de chacune de ces sphères d’activité et d’influence répond donc à un souci de clarté de l’exposé. §. I. Le cercle familial Les témoignages du livre comme agent de liaison au sein de la sphère privée des fonctionnaires ducaux comptent parmi les attestations les plus nombreuses 187. Ces données relatives à la transmission dynastique au sens large s’avèrent au premier chef extrêmement utiles dans le cadre de biographies individuelles puisque le livre permet très souvent de préciser l’un ou l’autre point généalogique d’officiers moins bien documentés 188. Les stemma possessorum des ouvrages font ainsi fréquemment sortir de l’ombre des membres du personnel au service des fonctionnaires. On découvre l’identité de chapelains et de secrétaires des évêques Jean Chevrot, Jean II Rolin et Nicolas Bruggheman 189 mais la pratique du don met aussi en exergue l’existence de clercs attachés à des officiers moins en vue tels que le chanoine Wouter Lonijs 190 ou encore le chapelain ducal Étienne de Le Motte 191. Le compte de tutelle du chancelier Hugonet mentionne des ouvrages offerts à maistre Anthoine du Terne, docteur en theologie, confesseur d’icelui feu seigneur. Jusqu’alors, ce personnage n’était attesté qu’en qualité de confesseur d’une personnalité bien mieux née que Guillaume Hugonet : Antoine de Bourgogne 192. §. II. Le milieu ecclésiastique Les voies de transmission et de circulation du livre témoignent fréquemment de liens créés par les officiers dans les milieux ecclésiastiques. Les témoignages sont abondants qui attestent que les agents ducaux ont reçu, acheté, emprunté ou légué des livres à des institutions religieuses ou à des hommes d’Église. 187

Par exemple : Philippe Bouton et son fils Claude (en particulier Florence, BML, ms. Med. Pal. 120 et BAV, ms. Chigi CVIII 234) ; Jérôme de Busleyden et ses neveux et frères (respectivement doc.XII.1, doc.XIII.6, KBR, ms. 15676-77 et ÖNB, ms. 3324) ; Gautier Henry et ses neveux et fils (docs I-II) ; Chevrot et son neveu (doc.III.1-2-3-4-5-6) ; Ferry de Clugny et ses père et frère (BAV, mss Vat. Lat. 1390 et 1392) ; François de Gand et Jacques Spillart, son plus proche parent (n°13) ; Gilbaut et son beau-fils (KBR, mss 9005-9006) ; Jean III Gros et sa descendance (Chantilly, Musée Condé, ms. 85 ; Paris, ms. 585) ; Hauteville et ses frère et beau-frère (respectivement doc.I.4 et 1) ; Jean II Rolin et sa « nièce » Jeanne (en réalité sa fille naturelle légitimée en 1464 ; New York, PML, mss M. 322-323), son fils Jean III (voir Catalogue descriptif) et son frère Guillaume (doc.IX.11).

188

Exemples : Jean et à Guillaume Bont (voir Répertoire documentaire).

189

Jean Chevrot lègue des mss à messire Riquier du Bout de la Ville [...] notre secretaire (doc.III.9-12). Certains ouvrages de Jean II Rolin comprennent des notes inscrites par ses secrétaires Guillemette et Simon de Vieuxchâteau (voir Catalogue descriptif et docs V et VIII). Nicolas Bruggheman lègue ses bréviaires à son chapelain, le frère Michel (Répertoire documentaire, n°1).

190

Il s’agit de Martin Thossyen (doc.III.5-6).

191

Il lègue son bréviaire à son servitor Étienne Buriau (doc.I).

192

Doc.II.2 (partie I), n°1 et 2 (partie III) ; voir aussi Vanwijnsberghe 2003, p. 31.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

245

Grâce aux renseignements fournis par les sources elles-mêmes ainsi qu’aux enquêtes biographiques que nous avons menées, il apparaît que le terreau religieux dans lequel s’enracine bon nombre de leurs relations se caractérise d’abord et avant tout par la proximité, qu’elle soit géographique ou personnelle. II. 1. Tendances générales Sans réelle surprise, on observe que les transferts de patrimoine livresque entre les officiers et les milieux ecclésiastiques impliquent avant tout des institutions auxquelles ils sont particulièrement attachés (soit qu’ils y aient occupé certaines charges, soit qu’ils en aient été les bienfaiteurs) et des personnes physiques qui évoluent dans leur entourage 193. Cardinaux, évêques, abbés, prieurs, doyens, prévôts et chanoines privilégient naturellement « leur » église. Sans en dresser la liste exhaustive, quelques exemples ciblés permettent de prendre la mesure de cette pratique largement attestée. Le « cardinal de Bourgogne » Jean II Rolin se montre ainsi particulièrement généreux envers la cathédrale Saint-Lazare d’Autun et l’évêque de Tournai Jean Chevrot offre des ouvrages de prix à la cathédrale Notre-Dame 194. Guillaume Fillastre lègue au monastère de SaintBertin à Saint-Omer, dont il était abbé commendataire, l’ensemble des livres qui s’y trouveront à sa mort 195 tandis que les Dominicains de Gand recevront quelques ouvrages de leur prieur, Nicolas Bruggheman 196. Doyen de la cathédrale Notre-Dame de Courtrai, François de Gand offre à cette institution (et à quelques-uns de ses membres) plusieurs de ses livres 197. L’église de SaintOmer se voit gratifiée d’un Catholicon offert par « son » prévôt Quentin Ménart 198 et le prévôt d’Utrecht Simon van der Sluis lègue une bible à la cathédrale d’Utrecht 199. S’agissant du patrimoine livresque des évêques, il était fréquent que leurs pontificalia (mitre, crosse, anneaux pontificaux et, naturellement, pontifical) soient laissés à la disposition de leur successeur 200. Le célèbre pontifical de 193

Cette pratique n’a rien de spécifique aux officiers ducaux ; pour des exemples français des XIVe et XVe siècles, voir Hasenohr 1989, pp. 224-225.

194

Doc.III.7-8.

195

Doc.II.

196

N°1 et 5.

197

Paul Doornart, chantre du chapitre de Notre-Dame de Courtrai (n°10-11-12) ; Pierre de Vlemques, chantre de la collégiale Notre-Dame de Courtrai (n°14) ; Thomas Caempsaet, prêtre et chapelain à l’église Notre-Dame de Courtrai (n°15-16) ; Franciscains de Courtrai (n°18-19-20). Sa bible est à donner à la collégiale courtraisienne (n°21). Il remet aussi des ouvrages à l’église Saint-Sauveur d’Harelbeke où il avait été chanoine (n°1-8).

198

Saint-Omer, BM, ms. 196.

199

Bibliotheek der Rijksuniversiteit, Inc. 106. B.4-7.

200

Établi en 1405, le testament du chancelier de Bourgogne et évêque d’Arras Jean Canard († 1407) stipule explicitement qu’il lègue ses insignes épiscopaux à son dit eveschié à perpétuité pour l’usage de ses

246

Partie III : Des livres et des hommes

l’évêque de Tournai Ferry de Clugny passera aux mains de son successeur Jean Monissart 201 et Nicolas Bruggheman pourrait avoir hérité des pontificalia de l’ancien évêque de Sarepta, Guillaume Vasoris. Jean de Nivelle avait inséré son nom sur grattage dans un pontifical de modeste facture qui lui venait peut-être de son prédécesseur à l’évêché de Salubrie 202. François de Busleyden aurait récupéré un missel commandé par Charles de Neufchâtel qui l’avait précédé à la tête de l’archevêché de Besançon 203. II. 2. Réseaux relationnels particuliers Dans de nombreux cas, la reconstitution des voies de circulation du livre jointe à des investigations biographiques détaillées ont permis de dégager l’existence, l’origine et le contexte d’attaches religieuses spécifiques ou de réseaux particuliers. Quelques sources plus prolixes ouvrent à l’occasion sur une vaste trame relationnelle tissée à plus large échelle et qui témoigne parfois de contacts établis de longue date. A. Autour de la collégiale Sainte-Gudule Les libéralités du chanoine de Sainte-Gudule Wouter Lonijs s’avèrent ainsi très diversifiées. Sa bibliothèque est dispersée entre les Franciscains du Wolfsgracht à Bruxelles, l’abbaye du Parc, le monastère Saint-Michel à Anvers et le RougeCloître à Auderghem, sans oublier son clerc Martin Tossyen qui était chapelain à la collégiale bruxelloise 204. Les modalités d’acquisition d’ouvrages entrés en possession de Martin Steenberch attestent d’un cercle de relations plus circonscrit. Doyen de Sainte-Gudule depuis 1459, il achète un volume en 1475 lors de la vente des livres d’un chapelain de la collégiale 205. Sept ans plus tard, il se voit offrir un missel du portionnaire de l’église Saint-Nicolas dont Steenberch avait été recteur et qui faisait partie des quelques chapelles urbaines dépendant de la collégiale 206. Il recevra en 1487 un ouvrage de Jan van Zuene, prêtre natif de Molenbeek où Steenberch avait exercé comme curé au début de sa longue carrière ecclésiastique 207. À en croire les livres prêtés, qu’il a donnés ou qui lui ont été offerts, Paul de Rota avait noué des liens aussi bien avec ses

diz successeurs (Tuetey 1880, p. 387). 201

Il en va de même pour son missel (Sienne, Biblioteca Comunale degli Intronati, ms. X.V.1).

202

BNF, ms. lat. 10576.

203

Besançon, BM, ms. 77.

204

Respectivement doc.I.1 et doc.III.4 ; doc.I.1-2 et doc.III.1-2 ; doc.III.6 ; KBR, ms. 708-719 ; doc.III.5-6.

205

Doc.I.

206

Doc.III.

207

Doc.II.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

247

confrères de Sainte-Gudule (où il était chanoine et trésorier) qu’avec le milieu ecclésiastique liégeois. En 1479, il reçoit un ouvrage de médecine du chapelain de la collégiale bruxelloise Jean de Melsbrouck tandis qu’il avait lui-même offert en 1469 deux bréviaires au chanoine de Sainte-Gudule, Jan Eligii 208. Trois ans plus tard, le testament de Pierre Voelen, chanoine à la collégiale Sainte-Croix à Liège, précisera qu’il avait prêté des ouvrages juridiques à Paul de Rota 209. B. Autour du Val-Saint-Martin et du Rouge-Cloître Les chanoines réguliers du Val-Saint-Martin de Louvain ont plus volontiers reçu des livres qui provenaient d’officiers directement impliqués dans l’histoire ou dans la fonction pédagogique de cette institution scolaire. Pourquoi Pierre de Boostenswene leur a-t-il offert un Vaticanus en deux volumes 210 ? Peut-être simplement parce qu’il connaissait le fondateur du Val-Saint-Martin, Henri Wellens († 1433), avec qui il avait partagé la charge de professeur à la Faculté des arts de l’Université de Louvain dans les années 1426-1431. Guillaume Bont avait pour sa part enseigné à l’Université de Louvain comme professeur de droit canon. Outre les liens de proximité géographique, c’est peut-être cette sensibilité à l’enseignement qui, à l’instar de nombreux professeurs de l’Alma Mater louvaniste, le conduira à remettre deux ouvrages au Val-Saint-Martin 211. Toujours à Louvain, le clerc de l’oratoire Gautier Henri semble avoir nourri des relations particulières avec la chartreuse installée dans la ville. Repris dans l’obituaire de cette maison parmi les premiers bienfaiteurs, Henri stipulera dans son testament qu’il leur lègue certains volumes 212. Quant à Jean Bont, il donnera plusieurs manuscrits au couvent du Rouge-Cloître qui, dans son obituaire, le citera également en qualité de bienfaiteur 213. C. Thierry Gherbode et Jean IV d’Hulst Des recherches sur les parcours respectifs de Thierry Gherbode et de Jean d’Hulst ont permis de déterminer l’origine probable de leur rencontre, matérialisée par un manuscrit aujourd’hui conservé à Namur 214. Gherbode y précise dans un ex-libris autographe daté du 12 février 1412 que ce recueil lui est prêté ad vitam par Jean d’Hulst. Quand et comment ce maître de la Chambre 208

Respectivement doc.II et doc.III.

209

Doc.I.

210

Docs III-IV.

211

Doc.IV. Le couvent compte parmi ses donateurs plusieurs personnalités qui, comme Boostenswene et Bont, évoluent dans le milieu académique : les maître ès arts Johannes de Brande, Godefridus de Curia et Carolus Viruli, les professeurs Johannes Leyten, Henri Dunghen ou encore Henri de Zomeren (sur le Val-Saint-Martin : Lourdaux 1976 ; Lourdaux - Haverals 1982).

212

Doc.I.2 et doc.II.

213

Doc.II et Bratislava, Biblioteka Uniwersytheca, ms. M 1058.

214

Namur, Grand Séminaire, ms. Sem. 38.

248

Partie III : Des livres et des hommes

des comptes de Lille et cet abbé du monastère cistercien de Ter Doest à Lissewege ont-ils pu se connaître ? Nommé à la tête de l’abbaye en 1385, Jean d’Hulst semble avoir joué un rôle de soutien politique envers Philippe le Hardi à l’époque où Thierry Gherbode assurait les fonctions de secrétaire ducal (soit entre 1384 et 1403) 215. On sait d’ailleurs grâce aux archives brugeoises qu’ils étaient tous deux présents à Bruges en 1393-1394, lors des cérémonies organisées en l’honneur de l’arrivée dans la ville de Philippe le Hardi et de la réouverture du comptoir de la Hanse 216. Ceci explique donc vraisemblablement cela. D. Jean Lorfèvre et le doyen de Notre-Dame de Namur En revanche, les liens entre le doyen de Notre-Dame de Namur et le (futur) chancelier de Brabant Jean Lorfèvre ne doivent rien à sa brillante carrière institutionnelle. Alors qu’il poursuit son cursus académique à Louvain en 1434, Lorfèvre entreprend la transcription d’un recueil d’écrits juridiques. Certaines parties ont été copiées in studio Louaniensi mais il précise avoir transcrit l’un des textes in Namurco [...] Et ipsius exemplar habui a decano beate Marie Namurcensis 217. A priori, on s’explique mal les attaches namuroises de cet étudiant de l’Université de Louvain dont la carrière allait ensuite se dérouler presque exclusivement en terre brabançonne (il deviendra en effet conseiller au Conseil de Brabant, chancelier de Brabant et président du Conseil de Brabant). C’est oublier que contrairement aux usages, celui qui allait devenir le plus haut fonctionnaire de Brabant n’était pas natif du duché mais bien de la ville de Namur dont son père, Hue Lorfèvre, avait été le receveur dans les années 1429-1444. Dans ce contexte, on comprend mieux qu’il obtienne un texte en prêt du doyen de Notre-Dame de Namur : à une époque où il n’était encore qu’étudiant, Jean Lorfèvre aura tout naturellement fait appel à une relation nouée dans sa jeunesse au cœur d’une ville d’où il était originaire. E. Henri de Berghes et Quentin Benoist Un ouvrage d’Henri de Berghes, évêque de Cambrai et bras droit de Philippe le Beau, met particulièrement en lumière ses relations entretenues sur le terrain monastique et plus spécialement avec Quentin Benoist. Une élégante bible de poche comprend ainsi un ex-libris inscrit en 1496 par Quentin Benoist, abbé du monastère de Saint-Ghislain de 1491 à 1528 218. Les deux hommes se 215

Monasticon belge, III-2, Province de Flandre occidentale, Liège, 1966, p. 343 et suiv.

216

L. Gilliodts-van Severen, Inventaire des archives de la ville de Bruges, III, Bruges, 1878, pp. 262-265. Le ms. entrera plus tard en possession de l’abbaye du Jardinet à Walcourt, peut-être via Richard Gherbode, attesté dans la Chronique du monastère comme moine durant la seconde moitié du XVe siècle (Hermand 1998-1999).

217

KBR, ms. 14033-34.

218

KBR, ms. 10518.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

249

connaissaient puisque c’est à lui qu’Henri de Berghes avait demandé de restaurer la discipline de l’abbaye de Saint-Denis-en-Brocqueroie, un établissement voisin de celui dirigé par Quentin Benoist et dont Berghes avait été abbé commendataire dans les années 1477-1487 219. Terminons enfin ce tour d’horizon par le cas particulier des livres de deux officiers qui échoiront au couvent où ils avaient choisi de se retirer et où ils décèderont : Boentendal pour Pierre de Thielt 220, la chartreuse de Zierikzee pour Pierre de Boostenswene 221. §. III. La sphère institutionnelle Dans le cadre de leur activité professionnelle, les fonctionnaires sont amenés à côtoyer non seulement leurs collègues mais aussi les représentants de la haute noblesse qui évoluent dans l’entourage ducal ainsi que les membres de la maison princière. Avec cette institution particulière qu’est l’hôtel ducal, les structures administratives, juridiques ou financières de l’État bourguignon représentent à l’évidence le théâtre privilégié de nombreuses rencontres. Le livre permet une nouvelle fois de reconstituer bien des échanges dont l’existence, la nature ou l’ampleur n’étaient jusqu’ici que fort peu (voire pas du tout) documentées. III. 1. Le livre comme agent de liaison entre les officiers Parmi les multiples canaux de circulation du livre, le don est représenté à de nombreuses reprises dans notre éventail documentaire. La recherche actuelle tend à présenter ce phénomène particulier de sociabilité comme un processus bilatéral d’échange, formel ou informel, entre deux acteurs plus ou moins liés par des contraintes réciproques. Dans les cas qui nous occupent, le mécanisme est tantôt vertical, tantôt horizontal, selon qu’il implique des individus dont la condition (au sens large) est ou non équivalente. Le plus souvent, les sources n’éclairent que l’aboutissement du processus du don sans qu’on puisse en reconstituer les motivations, les modalités et l’impact pour les différents protagonistes. Dix dossiers documentaires particulièrement significatifs ont toutefois été dégagés, qui représentent les témoignages privilégiés d’une vaste trame relationnelle ancrée pour l’essentiel dans les milieux institutionnels. A. Autour de Guillaume Hugonet Les mentions de livres dans l’inventaire de la librairie de Guillaume Hugonet 219

Voir également Philippe le Beau 2006, n°31 ; Van Hoorebeeck 2006a, p. 123.

220

KBR, Inc. B 787. Sur ce couvent franciscain fondé dans la forêt de Soignes par Philippe Hinckaert, conseiller-chambellan et woudmeester de Brabant : Lados van der Mersch 1968 ; Isabelle de Portugal 1991, pp. 70-71 ; Sommé 1998, spéc. pp. 249-250 et 471 et n. 16.

221

Doc.III.

250

Partie III : Des livres et des hommes

révèlent ses connexions avec pas moins de quatre officiers repris dans cette étude : Vasque de Lucène, Jean de Wysmes, Thomas de Plaine et Nicolas Ruter. Le 21 avril 1477, la veuve d’Hugonet, Louise de Layé, remet à Vasque de Lucène ung vieux livre en ancienne lettre que le chancelier lui avait emprunté 222. On ignore les raisons qui ont incité l’échanson portugais qu’Isabelle de Portugal avait pris sous sa protection une dizaine d’années auparavant, a prêter cet ouvrage latin à Guillaume Hugonet. Vasque de Lucène s’en serait-il servi dans ses travaux de traduction entrepris à partir de 1461 et qui devaient l’occuper jusqu’en 1470 ? Il faut cependant noter que si l’historiographie le reconnaît surtout en qualité d’hommes de lettres (Olivier de La Marche en tête 223), Vasque de Lucène avait également participé à des événements politiques de premier plan comme la fameuse entrevue de Trèves en 1473 et l’expédition contre les Liégeois menée six ans plus tôt 224. Dans le prologue des Faits d’Alexandre, il évoquera d’ailleurs la prise de Brustem fin octobre 1467 à laquelle il avait assisté 225. L’information n’est pas gratuite : d’autres raisons que l’amour des belles-lettres ont pu relier Vasque de Lucène et le chancelier Guillaume Hugonet. Sans quitter le milieu curial, ses liens avec Jean de Wysmes présenteraient une connotation plus personnelle puisque selon toute vraisemblance, ce médecin de Marguerite d’York comptait le chancelier parmi sa clientèle. Comme Lucène, maistre Jehan de Wismes, docteur en medecine avait prêté un ouvrage à Guillaume Hugonet 226. Cet exemplaire de l’Historia naturalis de Pline qui lui est restitué le 19 juillet 1478 figure d’ailleurs parmi les ouvrages légués en 1497 par Wysmes à la cathédrale Notre-Dame de Tournai 227. Avec Thomas de Plaine (troisième protagoniste impliqué dans les relations livresques d’Hugonet), on revient à une sphère plus strictement administrative. Le futur chancelier de Bourgogne avait été officiellement nommé commissaire à l’audition du compte de tutelle des enfants du couple Hugonet-Layé 228. Le document signale qu’une copie des Moralia de Grégoire le Grand lui est confiée en avril 1477 pour le remette à l’abbé de Boudeloo 229. L’abbé du monastère cistercien de Baudelo Liévin d’Hooghe († ca 1480-1481) et Thomas de Plaine 222

Doc.II.56 (partie I) et 4 (partie III).

223

Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, I, pp. 14-15.

224

Gallet-Guerne 1974, p. 18.

225

Gallet-Guerne 1974, pp. 25-26, n. 29.

226

Doc.II.38 (partie I) et 8 (partie III).

227

Doc.II.12 (voir aussi infra, §. V.1).

228

Paravicini 2000, spéc. p. 265, n. 27.

229

Doc.II.3 (partie I) et 3 (partie III).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

251

devaient se connaître puisqu’ils appartenaient tous deux à la confrérie gantoise de Sainte-Barbe (le premier depuis 1465, le second en 1474) 230. Enfin, il reste à évoquer Nicolas Ruter. Le don du petit breviaire moult bel qu’il avait offert au chancelier remonte probablement aux débuts de sa brillante carrière, alors qu’il n’était encore que secrétaire 231. Sans détailler davantage, le compte de tutelle indique que ce présent fait suite à d’aucuns plaisirs que lors icellui deffunct lui avoit fait 232. Serait-ce pour clore un ancien trafic d’influence que la veuve du chancelier, Louise de Layé, décidera à son tour de remettre à Ruter une bible qui devait être tout aussi somptueuse que le breviaire moult bel 233 ? Le cadeau de Ruter devait d’ailleurs servir à alimenter par la suite le chassé-croisé des dons et des contre dons intéressés qui se dégagent sans peine grâce au compte de tutelle. Cette fois, la famille ducale est impliquée en la personne de Marguerite d’York à qui la veuve du chancelier offre précisément le bréviaire jadis donné à feu mondit seigneur par maistre Nicolas de Ruter 234. La duchesse douairière accepte le présent ainsi qu’un autre bréviaire en deux volumes qu’elle reçoit de Louise de Layé le 16 juillet 1477 par l’intermédiaire de son chevalier d’honneur, Guillaume de La Baume 235. La veuve semblait attendre un payement en retour de 500 livres de 40 gros de monnaie de Flandre mais, comme le souligne W. Paravicini, « entre don et achat planait une incertitude et finalement la duchesse ne paya point » 236. Ces cadeaux de luxe que la veuve d’Hugonet remet par deux fois à Marguerite d’York, sa protectrice de la première heure 237, pouvaient constituer un excellent investissement. Six mois après le décès du chancelier dans les circonstances orageuses que l’on sait, Louise de Layé a peutêtre songé par ces livres de prix à maintenir, rappeler ou remercier la duchesse douairière dont la protection en haut lieu constituait un garant efficace pour elle et ses enfants dans le climat politique tendu de 1477. La démarche n’a probablement pas été vaine puisque selon toute vraisemblance, la duchesse ne retirera pas son soutien à Louise de Layé. Nous aurons l’occasion d’observer des pratiques similaires impliquant Nicolas Ruter et François de Busleyden. 230

P. Trio, Volksreligie als spiegel van een stedelijke samenleving. De broederschappen te Gent in de late middeleeuwen (Symbolae. Series B, n°11), Louvain, 1980, pp. 219-220.

231

Doc.II.53 (partie I), 7 et 9 (partie III).

232

Doc.II.9 (partie III).

233

Doc.II.9 (partie III).

234

Doc.III.53 (partie I) et 7 (partie III). Ce ms. liturgique resté introuvable à ce jour ne saurait être confondu avec un bréviaire aux armes de Ruter aujourd’hui à Louvain (Faculteit der Godsgeleerdheid, Fonds Grootseminarie Mechelen, mss 8-9).

235

Doc.III. 51-52 (partie I) et 5-6 (partie III).

236

Paravicini 2000, p. 282.

237

Dès les premiers jours qui suivent l’exécution d’Hugonet, la duchesse douairière avait en effet accordé son soutien à Louise de Layé (Flammang 2003, spéc. p. 52 et n. 8).

252

Partie III : Des livres et des hommes

B. Autour de Nicolas Ruter On le sait, les diverses structures de l’État bourguignon ne constituent pas autant de microcosmes imperméables les uns aux autres et au sein desquels le personnel fonctionne en autarcie. Bien au contraire. Le patrimoine livresque de Nicolas Ruter en fournit une preuve supplémentaire en témoignant des contacts noués tout au long de sa carrière à la croisée des univers institutionnel, aulique et religieux. Si le livre offert par Ruter au chancelier Hugonet semble avoir servi de levier stratégique dans son parcours professionnel, un des plus prestigieux ouvrages de sa collection atteste plus précisément de relations entretenues sur le terrain ecclésiastique. Il s’agit de sa commande d’un exemplaire en trois volumes du Chronodromon seu cursus temporum, vaste chronique universelle rédigée à l’entame du XVe siècle par Jean Brandon, religieux à l’abbaye cistercienne des Dunes à Coxyde et décédé à Gand en 1428. On ne conserve actuellement que deux témoins de ce texte : la copie de Ruter, datée des années 1485-1495, enluminée par le Maître du Premier livre de prières de Maximilien et transcrite en écriture humanistique 238 et l’exemplaire en deux volumes qui a appartenu à Philippe (I) Conrault de Polignac, abbé de Saint-Pierre au Mont-Blandin à Gand de 1444 à 1471 239. Le second tome de cet exemplaire montre un type d’écriture et une mise en page qui présentent des similitudes très marquées avec celles du Chronodromon de Ruter. À l’instar d’autres manuscrits de Philippe (I) Conrault légués à Philippe (II) († 1490), son neveu et successeur à l’abbatiat de SaintPierre en 1471, le second tome présente une souscription probablement apposée par ce dernier 240. Avec Ruter, Philippe (II) Conrault devait partager davantage qu’un même état d’homme d’Église puisque à plusieurs reprises, Maximilien d’Autriche sollicitera l’abbé du Mont-Blandin pour des missions diplomatiques. En février 1477, il se voit mandaté auprès de Louis XI comme délégué des États généraux et est envoyé en qualité de plénipotentiaire pour la ligue conclue le 11 septembre 1490 entre Maximilien et Henri VII contre Charles VIII 241. Ce service commun à la cause du Roi des Romains offre donc un second point de contact entre Nicolas Ruter et Philippe (II) Conrault. Un lien direct expliquerait alors cet air de famille très prononcé dans l’écriture et la 238

KBR, mss II 1169a-b-c.

239

KBR, mss 18179 et 18180 (Lyna - Pantens 1989, n°292.2 et 292.3). Sur Philippe (I) et (II) Conrault : Monasticon belge, VII, Flandre orientale. Premier volume, Liège, 1988, pp. 130-132 ; A. Derolez, Scriptorium en bibliotheken tijdens de Middeleeuwen, dans Ganda et Blandinium, éd. G. Declercq, Gand, 1997, spéc. pp. 156-158.

240

Hunc librum scribi et ornari fecit Reverendus in Christo pater dominus Philippi Conradi primus hujus nominis abbas monasterii Sancti Petri juxta Gandavum (KBR, ms. 18180, fol.232r).

241

Cauchies 2001c, p. 147, pp. 150 et 59 ; Monasticon belge, VII, Flandre orientale. Premier volume, Liège, 1988, pp. 131-132.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

253

mise en page de leurs copies d’un texte d’histoire essentiellement régionale et, dans sa version originale, à l’audience confidentielle. Après avoir gravi bien des échelons et occupé au fil des années des fonctions de plus en plus importantes, Ruter termine sa carrière parmi les conseillers du privé conseil de Philippe le Beau dont il devient alors l’un des principaux ministres. Comme toute personnalité qui occupe une position éminente dans les coulisses du pouvoir princier, Ruter se voit sollicité par bon nombre de « clients » en quête de protection ou d’avancement. C’est probablement en ce sens qu’il faut comprendre le don d’un livre par Érasme en novembre 1503 242. À cette époque, le jeune humaniste exerçait depuis dix ans déjà comme secrétaire au service du puissant évêque de Cambrai Henri de Berghes. Lui aussi ministre de Philippe le Beau, Berghes avait notamment voyagé en 1501 en compagnie de Nicolas Ruter à l’occasion d’une ambassade auprès du roi de France 243. Rien n’exclut que les discussions politiques aient parfois laissé place à d’autres sujets de conversation plus légers ; Ruter n’ignorait donc peut-être pas l’existence du prêtre de Rotterdam que son éminent collègue Henri de Berghes avait pris sous son aile. Un an plus tard, le décès de l’évêque de Cambrai contraignit Érasme à chercher un nouveau protecteur. Il approcha alors Nicolas Ruter. Dans un courrier adressé fin novembre 1506 à l’un de ses correspondants, l’humaniste relate son entrevue quelque temps plus tôt avec le prévôt de Louvain fraîchement nommé évêque d’Arras. En remerciement d’un exemplaire de ses Libanii aliquot declamatiunculae latinae (son premier essai de traduction du grec vers le latin) dont il semble apparemment ravi, Ruter convie Érasme à dîner, lui assure sa protection et lui fait remettre dix pièces d’or 244. À l’instar des livres de prix offerts par la veuve du chancelier Hugonet à Marguerite d’York, ce livre offert par Érasme à Ruter a peut-être lui aussi contribué à renforcer ses liens avec le milieu aulique. S’il lui permet pour l’heure d’arrondir sa bourse d’une substantielle somme d’argent, il semble en effet que le présent remis à Ruter ne soit pas étranger à la « commande » du Panegyricus, plus que probablement inspirée par Nicolas Ruter lui-même. Érasme prononcera ce Panegyricus au Palais du Coudenberg le 6 janvier 1504 dans le cadre des festivités organisée par les États de Brabant pour fêter le retour d’Espagne de Philippe le Beau 245. Le chancelier Thomas de Plaine, personnalité influente s’il en est, était présent lors de ces réjouissances. Le liber

242

Doc.III (Cambridge, Trinity College, ms. R.9.26).

243

François de Busleyden (dont il sera question plus loin) faisait également partie de cette ambassade.

244

Doc.III.

245

Le discours semble avoir été apprécié par Philippe le Beau qui, entre autres gratifications, proposera à l’orateur d’entrer in aulicam familiam – invitation déclinée par Érasme.

254

Partie III : Des livres et des hommes

Erasmii Rotherodami canonici Ordinis divi Augustinii 246 signalé en 1531 dans l’inventaire dressé à la mort de son épouse pourrait-il correspondre à un exemplaire de l’editio princeps du Panegyricus qu’Érasme aurait offert à Plaine 247 ? On précisera qu’outre Nicolas Ruter et Thomas de Plaine, Jérôme de Busleyden avait aussi été approché par l’humaniste hollandais qui, une nouvelle fois, semble avoir pratiqué le clientélisme littéraire 248. Une lettre d’Érasme datée de novembre 1503 éclaire ses motivations : il écrit en effet avoir offert à Jérôme de Busleyden un exemplaire des Apologues composés par son correspondant en vue de se concilier ses bonnes grâces 249. Participer à la gestion des affaires publiques génère parfois de solides antipathies, quand il ne s’agit pas de franche hostilité. Dans l’entourage de Philippe le Beau, nul n’ignorait les divergences de vue qui allaient amener deux collègues de Ruter, Jean de Berghes (le frère d’Henri) et François de Busleyden, à se détester cordialement 250. À l’inverse, la fréquentation des allées du pouvoir peut aussi engendrer des liens d’amitié ou, à tout le moins, d’estime réciproque. C’est probablement le cas avec l’un des frères de François de Busleyden, Jérôme. Dans son testament, le futur fondateur du Collège des Trois-Langues consacre une clause spéciale à ce missale pulchrum et opulentum qui lui a jadis été offert par Ruter 251. Plus question cette fois d’une instrumentalisation du livre à des fins stratégiques : Ruter avait été le mentor du jeune Jérôme, qui devait plus tard compter parmi ses familiers. Il connaissait par ailleurs deux de ses frères depuis des années. Ruter côtoyait régulièrement François qui, comme lui, faisait partie des proches collaborateurs de Philippe le Beau et il avait résilié en 1480 son office de garde des chartes des pays de Luxembourg et comté de Chiny au profit de l’aîné de la fratrie, Gilles. En outre, la région natale de Ruter et de la famille Busleyden – le Luxembourg – a certainement concouru à créer certaines solidarités et à renforcer leurs relations d’amitié. Dans un poème A Nicolas de Ruttre rédigé à son avènement comme évêque d’Arras, Jean Molinet insiste sur leur terroir commun, comparant Ruter et François de Busleyden à deux chirons

246

Doc.II.32. Voir aussi Van Hoorebeeck 2007a.

247

Voir également Philippe le Beau 2006, n°34.

248

Il avait ainsi adopté une attitude similaire avec Erard de la Marck (Halkin 1981).

249

Doc.II.

250

François de Busleyden est en effet l’instigateur de la disgrâce de Jean (III) de Berghes en juillet 1502. Lors du premier voyage en Espagne, le premier chambellan Jean de Berghes, ouvertement anglophile, s’oppose à Philippe le Beau qui, « travaillé » par un Jérôme de Busleyden pro français, est tenté d’opérer un rapprochement avec la France au détriment d’une alliance avec l’Angleterre. La décision de l’archiduc est sans appel : avec son frère Henri, alors chef du conseil aulique, leur neveu Maximilien et Philippe de Bourgogne-Blaton, Jean de Berghes est sommé de reprendre sur le champ la route des Pays-Bas.

251

Voir à Nicolas Ruter dans le Répertoire documentaire, docs V-VI.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

255

yssus de Luxembourg 252. Au sein d’une cour où les natifs du duché n’étaient pas légion, on comprend que cette particularité n’ait pas manqué de frapper le célèbre indiciaire. C. Autour de François de Busleyden La reconstitution du stemma possessorum des livres de François de Busleyden met également en lumière des réseaux relationnels implantés tantôt au cœur même de l’espace curial, tantôt dans les coulisses de l’Église. En filigrane, ils permettent également de prendre toute la mesure du vaste champ d’influence du prévôt de Liège. Un premier codex évoque les débuts de son parcours professionnel lorsqu’il est engagé vers 1492 par Maximilien d’Autriche comme maistre d’escole de son jeune fils. Sans cesse dans l’ombre de Philippe le Beau, Jérôme de Busleyden allait exercer sa vie durant un ascendant considérable sur ce prince à qui il devra son impressionnant cursus honorum. Une copie du De officiis de Cicéron plus que probablement commandée par Busleyden lui-même et destinée à Philippe le Beau témoigne de leurs relations ancrées depuis l’enfance. L’initiale historiée de ce manuscrit aujourd’hui conservé à l’Escurial comporte les armoiries du jeune prince tandis que la miniature représente un Busleyden âgé et habillé en homme d’Église, assis, un ouvrage entre les mains ; son élève est agenouillé à ses côtés et présente lui aussi un livre 253. L’image et le contenu du volume se complètent et se répondent en une évocation évidente des heures au cours desquelles le précepteur enseigna à Philippe les droits et les devoirs de ses futures fonctions de chef d’État. Tout porte à croire que ce De officiis, rappel tangible des principes de bon gouvernement enseignés par son maistre d’escole, a sans doute été offert au jeune élève durant ses années d’apprentissage. L’histoire « en amont » et « en aval » d’un exemplaire en trois volumes des Décades de Tite-Live vient confirmer la position éminente et l’aire d’influence de François de Busleyden à la cour de Philippe le Beau 254. Comme le révèlent les ex-donos, les ouvrages ont été offerts en 1497 à l’archevêque de Besançon par Charles de Saveuses. De nombreuses zones d’ombre entourent encore la biographie de ce représentant de la noblesse picarde. Cité dès 1477 comme conseiller-chambellan dans l’ordonnance de l’hôtel de Maximilien d’Autriche, Charles de Saveuses mettra ses compétences d’homme de guerre au service du Roi des Romains tout au long des années 1487-1492. Sa loyauté avait été récompensée puisqu’il apparaît en août 1495 dans l’ordonnance de Philippe le Beau pour sa cour et son gouvernement aux côtés, précisément, de François de 252

Dupire 1936-1939, I, pp. 386-388.

253

Escurial, Real Biblioteca del Monasterio, ms. H. IV 23.

254

KBR, mss 9051-9052-9053.

256

Partie III : Des livres et des hommes

Busleyden. On ignore les motifs pour lesquels Saveuses se défait en 1497 de ce Tite-Live au profit du prévôt de Liège. Toutefois, le portrait de Busleyden brossé par Jean Molinet fournit peut-être un début de piste. En précisant qu’il avoit adresse en court à toutes gens de quelque estat qu’ilz fusssent, puis qu’ilz lui sambloyent dignes d’estre promeus et avanciéz, le chroniqueur rappelle à mots à peine couverts combien l’ancien précepteur de Philippe le Beau avait le bras long. Sa mort, renchérit Molinet, aurait d’ailleurs été grandement regrettée par tous ceux qui par son ayde et bonne assistence, estoyent parvenus à chief de leurs desirs 255. Serait-ce dès lors par l’entremise de François de Busleyden que Charles de Saveuses aurait obtenu en 1496 ce poste de chambellan qui le faisait entrer par la grande porte dans l’entourage direct du nouveau souverain ? De là à considérer le Tite-Live offert l’année suivante comme un remerciement de bon aloi pour cette belle promotion, il n’y a qu’un pas... L’ouvrage ne restera pourtant pas longtemps dans les mains de son nouveau propriétaire. Quatre ans plus tard, Busleyden l’offrira à son tour à la sœur de Philippe le Beau, Marguerite d’Autriche. Avec quelques autres personnalités triées sur le volet, l’archevêque de Besançon avait assisté le 26 septembre 1501 en qualité de témoin au contrat de mariage liant la jeune princesse à Philibert de Savoie. Deux autres témoins de cette cérémonie, Philibert de Veyré et Charles de Croÿ, offrirent à cette occasion de luxueux manuscrits à Marguerite d’Autriche 256. Pour tenir son rang dans un contexte de concurrence − voire de surenchère ? − vis-à-vis des deux autres donateurs, Busleyden pourrait avoir jugé opportun de remettre ces trois volumes de prix à la jeune princesse. François de Busleyden semble avoir volontiers utilisé le livre comme cadeau de circonstance. Dans un exemplaire du XIIe siècle des Comediae de Térence, celui qui n’est encore que prévôt de Liège − un titre porté par Busleyden depuis 1485 − précise dans un ex-libris autographe l’avoir reçu le 17 mai 1498 de Jean Ysembart, chanoine et écolâtre de la collégiale Sainte-Gudule. L’homme n’est pas un inconnu pour Busleyden, qui l’a fréquenté dès 1496 au sein de l’hôtel de Philippe le Beau où Jean Ysembart exerçait en tant que sommelier de l’oratoire. Ils devaient tous deux se retrouver dans un autre contexte un an plus tard, en 1497, lorsque Busleyden est nommé trésorier de la collégiale bruxelloise. Le choix du titulaire de ce poste-clé est soumis au vote des grands chanoines de Sainte-Gudule, un cénacle dont Ysembart fait précisément partie. Le Térence qu’il offre en mai de l’année suivante à Busleyden doit-il lui aussi être interprété 255

Doutrepont - Jodogne 1935-1937 t. II, p. 519.

256

Marguerite d’Autriche reçoit de Veyré une traduction de l’Histoire d’Alexandre de Quinte-Curce dans la traduction de Vasque de Lucène (BNF, fr. 6440 : Debae 1995, n°138). Le livre offert par Charles de Croÿ figure certainement dans la librairie de Marguerite mais reste non identifié, « noyé » dans la septantaine de mss que la duchesse lui achètera (Debae 1995, p. XII).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

257

comme un cadeau de circonstance, destiné cette fois à féliciter le nouveau promu ? D. Gui Gilbaut et Jean Chevrot On discerne clairement plusieurs types de connexions entre l’évêque de Tournai Jean Chevrot et Gui Gilbaut. Le Conseil ducal offre un premier terrain de rencontre puisqu’ils y siégeaient ensemble depuis les années 1430. Chevrot en assurait la présidence et Gilbaut y officiait en qualité de conseiller. D’autre part, tous deux résidaient à Lille : Gilbaut habitait rue d’Angleterre et l’hôtel de Chevrot était situé rue d’Esquermoise. C’est d’ailleurs dans cet hôtel dit « de Tournai » que Chevrot rédigera son testament le 18 janvier 1459 (n. st.) et dans lequel il qualifie Baudouin d’Oignies (le propre beau-fils de Gui Gilbaut) de compère et bon ami 257. À l’instar de Chevrot, on notera que Baudouin d’Oignies fréquentait la cour ducale durant les années 1430 puisqu’il exerçait comme maître de l’hôtel de Philippe le Bon (1438) et de la duchesse Isabelle (14301437). Terminons en précisant que l’évêque de Tournai faisait partie de la Cour amoureuse de Charles VI, tout comme Gui Gilbaut 258. L’un et l’autre ont possédé un exemplaire en 2 volumes du De civitate Dei de saint Augustin dans la traduction française de Raoul de Presles 259. Réalisée vers 1420-1435, la copie de Gui Gilbaut est une production du Maître de Guillebert de Mets tandis que celle de Chevrot, datée des années 1445-1450, est l’œuvre du Maître de Jean Chevrot, du Maître des privilèges de Gand et de Flandre et de plusieurs autres miniaturistes anonymes. En plus de présenter des similitudes de format, d’écriture et de mise en page, la composition générale de la miniature frontispice du premier tome de l’exemplaire de Chevrot s’inspire très nettement de celle qui ouvre le premier volume de Gilbaut. Le faisceau de liens dont il vient d’être question explique vraisemblablement la réelle parenté entre leurs manuscrits. E. Jean Chevrot et David de Bourgogne Dans son testament daté de 1459, Chevrot avait manifesté la volonté expresse de léguer sa Cité de Dieu à la cathédrale de Tournai. Les deux volumes y auraient probablement abouti si David de Bourgogne n’avait pas été négligent. Une clause stipule en effet que les deux volumes se trouvent alors à Thérouanne pour faire contrefaire pour monseigneur d’Utrecht à qui Chevrot les avait prêtés 260. Depuis 1456, Philippe le Bon avait placé à la tête de la principauté épiscopale d’Utrecht l’un de ses nombreux enfants naturels, David de Bourgogne, nommé cinq ans 257

Fourez 1954, p. 109.

258

Sur cette Cour, voir aussi infra, §. IV.3.

259

Respectivement KBR, mss 9005-9006 et 9015-9016.

260

Doc.III.7-8.

258

Partie III : Des livres et des hommes

plus tôt évêque de Thérouanne. En sa double qualité homme d’Église de premier plan et d’éminence grise du Conseil ducal, Chevrot ne devait pas manquer de connaître David de Bourgogne. On ignore cependant la nature exacte de leurs contacts. Malgré sa position et son influence à la cour, il aurait été délicat pour Chevrot de refuser de prêter sa Cité de Dieu à l’un des fils de Philippe le Bon au risque de passer pour « politiquement incorrect ». Mais il n’est pas exclu qu’une telle sollicitation de la part d’un membre de la famille ducale ait aussi pu honorer l’évêque de Tournai. F. Roland L’Escrivain et Guillaume Fillastre Des mentions impliquant Roland L’Escrivain et un autre évêque de Tournai, Guillaume Fillastre, apparaissent dans un manuscrit transcrit en 1457 par Gaspar Poulet à la demande de Jean Relier, chanoine à Saint-Barthélemy de Béthune 261. Une notule en fin de codex précise que Roland L’Escrivain l’a acheté à son commanditaire le 2 mai 1468 et l’ex-libris de Guillaume Fillastre figure quelques lignes plus bas. Les relations entre Roland L’Escrivain et Guillaume Fillastre remontent vraisemblablement à la fin de la décennie 1420, à l’époque où ils évoluaient tous deux dans le milieu universitaire parisien 262. Ils allaient se retrouver quelques années plus tard à la cour de Bourgogne. Maistre Rollant Lescripvain est en effet cité dans l’ordonnance de l’hôtel de Philippe le Bon de 1438 et son nom réapparaît régulièrement parmi les médecins et chirurgiens ducaux jusqu’en 1469. Il faut bien reconnaître que le manuscrit qui reprend leurs deux noms ne révèle rien de la nature de leurs relations. Le verbe tradire utilisé dans son ex-libris par Fillastre renvoie simplement à un changement de propriétaire sans qu’on puisse en deviner les motivations, les circonstances et les enjeux ; tout au plus peut-on observer, grâce au millésime de 1468, que Roland L’Escrivain s’est rapidement déssaisi de son acquisition au profit de Guillaume Fillastre. G. Edmond Le Musnier, Nicolas Finet et Guillaume Fillastre Les contacts du chanoine de Notre-Dame de Courtrai Edmond Le Musnier présentent eux aussi d’intéressantes connexions avec le milieu ducal. Parmi les acheteurs de ses livres vendus à sa mort en 1476, trois personnalités renvoient clairement à ses fonctions exercées à la cour de Bourgogne comme aumônier des duchesses Isabelle de Portugal, Isabelle de Bourbon et Marie de Bourgogne : son collègue l’aumônier ducal Nicolas Finet, Guillaume Fillastre ainsi que le prieur de la Chartreuse du Val-Saint-Esprit de Gosnay. L’épouse de Philippe le Bon figurait parmi les bienfaitrices de ce couvent où elle allait 261

Saint-Omer, BM, ms. 169.

262

Fillastre y obtient son baccalauréat en décret en 1428, l’année même où L’Escrivain, professeur depuis 1424, est nommé recteur de l’Université (Prietzel 2001, spéc. pp. 32 et 456).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

259

d’ailleurs être enterrée en 1471 263. Il est donc vraisemblable que Le Musnier ait fréquenté le prieur de cette maison entre 1430 à 1451, soit au moment où il exerçait en qualité d’aumônier d’Isabelle de Portugal. H. Ferry de Clugny et Henri de Berghes Plusieurs indices attestent qu’un pontifical est entré en possession d’Henri de Berghes en 1483, trois ans après son accession à l’épiscopat de Cambrai 264. Les modalités de cette acquisition demeurent incertaines. D. Muzerelle a suggéré que cet ouvrage à l’usage des évêques d’Allemagne ait pu appartenir à Dietrich von Isenburg († 1482), archevêque de Mayence de 1459 à 1461 puis de 1475 à 1482 265. Sur la base d’éléments textuels d’ordre liturgique, M. Dykmans a quant à lui avancé le nom de Ferry de Clugny, qui aurait utilisé l’ouvrage dans la composition de son propre pontifical à l’usage de Tournai 266. Ces deux hypothèses, a priori assez éloignées l’une de l’autre, ne sont pourtant pas contradictoires. Dietrich von Isenburg comme Ferry de Clugny, nommé évêque de Tournai en octobre 1473, exerçaient l’un et l’autre des charges ecclésiastiques de premier plan et pourraient (entre autres possibilités) s’être rencontrés en marge de la fameuse entrevue de Trèves entre Charles le Téméraire et l’empereur Frédéric III, durant les mois de septembre à novembre 1473 267. Si ces contacts demandent à être confirmés, les liens entre Berghes et Clugny sont en revanche parfaitement avérés. L’un des moments marquants dans la biographie du futur chef du Conseil archiducal sera d’ailleurs directement marqué du sceau de Ferry de Clugny puisque c’est lui qui le consacrera en tant qu’évêque de Cambrai à Bruxelles, le 1er octobre 1480. À supposer qu’il en ait bien été le propriétaire, Ferry de Clugny aurait-il souhaité léguer ce pontifical au nouvel évêque de la métropole cambrésienne ? Le cas échéant, la date de 1483 apposée par Berghes sur un folio de garde pourrait indiquer qu’il l’aura reçu à la mort du prélat bourguignon, décédé à Rome le 7 octobre 1483 à la suite d’une défaillance cardiaque. I. Jean Martin, Jean Machefoing, Philippe Bouton et Georges Chastelain Jean Martin, Jean Machefoing et Philippe Bouton sont les seuls officiers de cette étude à avoir possédé des œuvres de Georges Chastelain. Ce constat s’explique probablement en grande partie par les fonctions qu’ils exerçaient tous trois à l’hôtel ducal où évoluait également l’indiciaire bourguignon. Jean Martin y officiait en qualité de sommelier de corps dans les années 1450-1470 263

Sommé 1998, pp. 463-466.

264

Cambrai, BM, ms. 224.

265

Muzerelle 2000, pp. 47-48.

266

Dykmans 1985, spéc. pp. 53 et 57, n. 1 ; De Schryver - Dykmans - Ruysschaert 1989, p. 132.

267

De Schryver - Dykmans - Ruysschaert 1989, p. 77, n. 150.

260

Partie III : Des livres et des hommes

après avoir été repris comme valet de chambre et garde des joyaux du corps de Philippe le Bon. L’ordonnance de l’hôtel de 1433 cite Jean Machefoing parmi les valets de chambre tandis que Philippe Bouton, signalé en 1456 comme échanson au service du comte de Charolais, allait devenir premier écuyer tranchant en 1468. Des passages de sa Chronique où sont évoqués Jean Martin et Jean Machefoing attestent que ces deux protagonistes n’étaient certainement pas des inconnus pour Georges Chastelain 268. Il offrira d’ailleurs en 1467 une description précise des fonctions exercées par Jean Martin au service de leur « patron » commun, Philippe le Bon 269. Machefoing, Bouton et Martin étaient par ailleurs impliqués dans certains réseaux de relations familiales noués au cœur même de la cour via les Machefoing et les La Marche. J. Martin Steenberch et Gossuin van der Rijdt Sous la rubrique Historialia, poetica et grammaticalia, la librairie de Martin Steenberch comprenait en 1491 un ouvrage intitulé Rethorica quondam magistri Gosuini vander Rijt 270. Le Conseil de Brabant représente le dénominateur commun le plus évident entre Steenberch et Gossuin van der Rijdt. Le premier y travaille comme secrétaire de 1449 à 1467 tandis que le second en est le chancelier de 1445 à 1463. Ils ont donc dû s’y côtoyer durant une quinzaine d’années. On distingue d’autres points de contact, peut-être plus indirects, entre Gossuin van der Rijdt et la collégiale Sainte-Gudule dont Steenberch devient le doyen en 1459 : l’obituaire de la collégiale mentionne en effet deux membres de cette famille qui y exerçaient comme chapelains 271. Peut-être cette Rethorica avait-elle été offerte ou léguée par le chancelier de Brabant à Martin Steenberch, mais cette voie de transmission reste cependant hypothétique. III. 2. Les avantages liés au service ducal L’exercice d’un office au sein d’une structure institutionnelle de l’État bourguignon représente une source de nombreux profits directs et indirects, obtenus de manière régulière ou par des moyens moins recommandables. À plusieurs reprises, il apparaît que les avantages liés au service de mondit seigneur ont pris la forme de livres : la gratification ducale qui intervient dans le cadre d’une fonction spécifique ou qui est accordée à titre exceptionnel en consideracion des bons services, le butin de guerre et ce qu’on pourrait appeler les « trafics d’influence ».

268

Kervyn de Lettenhove 1863-1866, IV, p. 236.

269

Kervyn de Lettenhove 1863-1866, V, p. 231.

270

Doc.IV.125.

271

Servais († 1489) et son neveu Martin (Guilardian 2002, notice 937, p. 151).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

261

A. Le livre comme gratification ducale La Recette générale de Bourgogne évoque parfois certaines sommes d’argent allouées à des officiers en vue d’acquérir un livre pour leur usage personnel. Ces libéralités ne semblent toutefois accordées qu’aux titulaires d’une fonction religieuse qui officient à l’hôtel et pour qui le livre représente un « outil de travail ». Pour le règne de Philippe le Bon, deux mentions de ce type qui concernent des membres de la chapelle ont été épinglées. Le clerc de chapelle Jean Charvet bénéficie en 1428 d’un don pour luy aydier avoir ung breviaire 272. En 1439, le chapelain des maîtres d’hôtel Robert Alard reçoit quant à lui une somme d’argent destinée en partie à lui aider a acheter ung breviaire en lieu dun autre qui luy a esté emblé 273. Dans notre éventail documentaire, la succession de la demoiselle de Dreux offerte par Philippe le Bon à Nicolas Rolin représente l’exemple le plus remarquable de gratification ducale 274. Cette demoiselle a été identifiée avec Jeanne d’Artois (1353-1420), fille de Jean, comte d’Eu et d’Isabelle de Melun 275. Son époux Simon de Thouars avait trouvé la mort à l’occasion d’un tournoi donné le jour même de leurs noces, le 12 juillet 1365. La jeune veuve devait lui survivre une cinquantaine d’années. À son décès, un différend oppose son cousin et exécuteur testamentaire Jean de Melun à sa nièce Bonne d’Artois, l’épouse de Philippe le Bon depuis 1413. L’affaire est portée devant le Parlement de Paris et, à la suite du décès de Bonne d’Artois, le procès déjà engagé est repris par Philippe le Bon. Le duc obtiendra finalement l’ensemble de la succession, à l’exception de 200 écus payables à Jean de Melun. Eu regard aux tres grans et notables services que a grant labeur, charge et diligence [qu’il] nous a fait, Philippe le Bon offrira le 23 juin 1426 une partie de cette succession à Nicolas Rolin. Parmi ces biens figurent 22 volumes dont certains de grande valeur. Cet exemple de gratification ducale où sont impliqués des livres concerne naturellement le plus haut officier de l’État bourguignon et paraît du reste assez isolé 276. En théorie, rien n’exclut que des enquêtes complémentaires permettent de découvrir des pratiques similaires au bénéfice de fonctionnaires moins en vue. B. Le livre comme butin de guerre Le cas de figure particulier du livre comme butin de guerre est attesté grâce à un document assez curieux et dont l’utilisation dans le cadre de l’histoire du livre 272

ADN, B 1938, fol.152v (voir à ce nom dans le Répertoire documentaire).

273

ADN, B 1969, fol.248r (voir à ce nom dans le Répertoire documentaire).

274

Doc.I. Vue d’ensemble de ces « profits occasionnels » : Bartier 1955-1957, spéc. pp. 117-124.

275

Wijsman 2007a.

276

D’après nos premières recherches, ce type de gratifications ducales sous forme de livres semble inexistant dans les archives centrales bourguignonnes.

262

Partie III : Des livres et des hommes

s’avère plutôt atypique. La rédaction de cette source d’archives est entreprise après le 27 août 1469 suite au pillage de Liège fin 1468 par les troupes de Charles le Téméraire277. Après la campagne et au lendemain de la Noël 1468, le duc avait enjoint à ses officiers de restituer les biens dérobés aux institutions ecclésiastiques de la ville de Liège. L’ordre était probablement motivé par la menace d’excommunication du pape, qui voyait d’un très mauvais œil la spoliation de biens d’Église. Ceux-ci n’ayant pas été rendus de plein gré et spontanément, le clergé liégeois tenta alors de localiser les biens et négocia leur retour. Une résolution prise au chapitre de Saint-Paul à Liège le 16 janvier 1469 renseigne que Martin Scoenarts, chanoine de Saint-Martin de Liège, avait été chargé de cette tâche 278. Il représentait de nombreuses institutions de Liège et semble avoir eu les coudées franches pour accomplir sa mission. Avec raison, A. Derolez a estimé que cette liste des objets pris à Liège constituait les notes de travail prises par Scoenarts pour son usage personnel. En effet, elle apparaît non datée, non signée, ne porte aucun titre général et ne présente pas le caractère formel, administratif d’un acte officiel. Le document doit être postérieur au 27 août 1469. Cette liste se subdivise en plusieurs rubriques correspondant aux lieux où les livres ont été repérés : Picardie, Boulonnais, Hainaut, Brabant, Flandre, Bourgogne, Tournai, Cambrai et Namur. À l’intérieur de ces rubriques apparaissent les noms de différentes villes (Diest, Arras, Lille, Hal, Warneton, etc.). Certains livres semblent restés aux mains de ceux qui s’en sont emparés in situ, d’autres paraissent avoir changé assez rapidement de propriétaires et Scoenarts mentionne même que certains ouvrages ont été vendus par des tiers 279. Le document révèle également que quelques livres ont été retrouvés ailleurs que dans des lieux de culte ou chez des religieux : dans une hôtellerie, chez un tanneur ou encore chez des Lombards 280. Le sac des institutions ecclésiastiques liégeoises semble avoir pris l’allure d’une grande foire au livre religieux... Repérer puis identifier dans cette liste les « Bourguignons » qui ont mis la main sur des volumes provenant de maisons religieuses est loin d’être une sinécure. Martin Scoernarts a probablement inscrit certains noms sous la dictée ou peutêtre n’a-t-il pas pris la peine de les transcrire correctement dans ce vade-mecum personnel. S. Bormans et A. Derolez proposent des identifications pour la plupart des noms de lieux dans les éditions qu’ils ont établies mais aucun ne 277

G. Kurth, La cité de Liège au Moyen Âge, III, Bruxelles - Liège, 1910, pp. 337-339 ; Bartier 1944, pp. 127-138 ; Marchandisse 1999.

278

CCB-II 1994, n°4, pp. 28-29.

279

Exemples : CCB-II 1994, n°4.8 et 4.12.

280

CCB-II 1994, respectivement n°4.37, 4.41, 4.44 et 4.61.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

263

s’est risqué à entreprendre la même démarche pour les patronymes. Nous avons dès lors confronté les noms transcrits par Scoenarts et ceux repris au mois de septembre 1468 dans le compte de l’argentier 281 et cinq hommes de guerre bourguignons ont pu être identifiés : Jacotin Le Carpentier, Pierre de BourbonCarency, Henri de Warigny, Robert de Saveuses et Philippe de Chaumergy 282. ■ Jacotin Le Carpentier C’est à Lillers, près d’Abbeville, que Martin Scoenarts avait localisé Jacotin Le Carpentier qui avait servi dans la compagnie de Philippe de Crèvecœur, seigneur d’Esquerdes († 1494). Le Carpentier avait en sa possession une bible de la collégiale Saint-Paul. ■ Pierre de Bourbon-Carency Selon toute vraisemblance, ce Monseigneur de Carenci qui détient des ouvrages de Robermont (une abbaye cistercienne de femmes située près de Liège) peut être identifié comme étant Pierre de Bourbon-Carency. Quelques mois avant l’expédition contre Liège, ce représentant de la noblesse picarde avait participé aux joutes du Pas d’Or à Bruges et, en octobre 1473, il assiste au banquet organisé par Charles le Téméraire en l’honneur de l’Empereur à Saint-Maximin de Trèves. Il restera fidèle à la dynastie bourguignonne et son nom est cité en juin 1495 puis en 1496 comme pensionnaire de l’hôtel de Philippe le Beau. ■ Henri de Warigny Henri de Wargine qui détient pluisseurs livres des eglieses de Liege apparaît dans la liste de Scoernarts sous la rubrique Namurcum. Les ordonnances de l’hôtel de Philippe le Bon citent Henri de Warigny (alias de Wagny ou de Waregnies) comme écuyer d’écurie remplaçant en 1445, puis comme écuyer d’écurie en 1449 et 1458. L’année de l’expédition liégeoise, il est repris parmi les écuyers, panetiers, échansons et autres de l’hôtel ducal. ■ Robert de Saveuses Un ouvrage qui provient des Cornillons (les Chartreux de Liège) a été localisé à Cambrai chez le bastart de Saveuzes. Les sources contemporaines utilisent volontiers ce surnom pour désigner Robert, fils de Bon de Saveuses et neveu de Philippe et d’Hector qui avaient jadis combattu aux côtés de Jean sans Peur. Issu de la moyenne noblesse artésienne, Robert de Saveuses est attesté au service ducal dès 1449 en qualité d’écuyer d’écurie et prononcera un vœu lors du Banquet du Faisan en 1454. Sa loyauté ira plus tard au roi de France dont il deviendra conseiller-chambellan en 1477 et bailli d’Amiens l’année suivante.

281

Greve - Lebailly 2001, spéc. n°1577-1695.

282

On trouvera le détail de chacun de ces personnages dans le Répertoire biographique.

264

Partie III : Des livres et des hommes

■ Philippe de Chaumergy La mention relative aux ouvrages de l’église Saint-Nicolas d’Outremeuse repérés par Martin Scoenarts en Bourgogne est plus complexe à interpréter. Il y est question de Phelippe de Chamargis, seigneur de Buixillon et d’Entre-deux-Mons, escuier trenchant de monseigneur le duc, lequel at le fille du gouverneur de Byanne, et monseigneur Collart de Ruffi, demourant a deux lieues pres de Digon. L’identification de Philippe de Chaumergy ne pose guère de difficulté. Seigneur d’Entre-deuxMonts et de Concoeur, en Franche-Comté, il est cité en 1472 comme chef d’escouade de la compagnie de Jean de Jaucourt, capitaine de cent lances de Charles le Téméraire, et il prendra part en 1474 à la campagne de Neuss. En revanche, qui est le personnage nommé Collart de Ruffi ? M.-T. Caron signale l’existence d’un Colas de Ruffey, issu d’une famille noble sans grande aisance. La commune de Ruffey-les-Echirey est située à sept kilomètres de Dijon, ce qui confirme les données de la source qui parle de livres retrouvés précisément en Bourgogne. Colas de Ruffey vivait encore en 1427 mais semble décédé en 1440, année d’un document où Jeanne Perron est qualifiée de veuve 283. Si ces renseignements sont exacts, il ne peut naturellement s’agir de l’individu qui accompagne Philippe de Chaumergy en 1468. D’autre part, l’ordonnance de l’hôtel de Maximilien en 1477 mentionne un sire de Ruffey en qualité de conseiller-chambellan, soit à peine dix ans après le sac de Liège 284. Signalons aussi l’existence d’un certain Jean Ruffy, premier maître et président de la chambre des comptes à Dijon, repris comme notaire public à Dijon en 1441285. Enfin, Louis de Vienne est cité comme seigneur de Ruffy dans le compte de l’argentier de 1468 286. Des recherches ultérieures permettraient peut-être d’identifier avec certitude ce monseigneur Collart de Ruffi ainsi que d’autres hommes de guerre qui se sont emparés de livres lors du sac de Liège. C. Le livre comme objet de trafics d’influence Les officiers qui exerçaient des fonctions importantes ou stratégiques sur l’échiquier institutionnel bourguignon auraient-ils à l’occasion profité de leur statut pour acquérir des livres ? Précisons d’entrée de jeu que notre éventail documentaire n’en apporte aucun témoignage explicite. On trouve cependant dans les archives bourguignonnes quantité d’attestations de fraude et de trafics d’influence. Malgré les procédures de contrôle et les réguliers rappels à l’ordre, ce genre de pratique était en effet un mal généralisé au sein de l’État bourguignon. J. Bartier, pour ne citer que lui, a d’ailleurs livré quelques pages 283

Caron 1987, pp. 200 et 259.

284

Gachard 1857, p. 118.

285

Il était encore signalé en 1457 comme membre de la Chambre des comptes (Bartier 1955-1957, p. 80 et n. 4 et pp. 146-147, n. 2).

286

Greve - Lebailly 2001, n°1585 et 1669.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

265

pour le moins illustratives de ce phénomène qui pouvait représenter une substantielle source d’enrichissement 287. Compétents, mais pas probes : ces quelques mots définissent assez justement le profil de bien des gens de finance employés par les ducs de Bourgogne288. Bon nombre d’officiers de cette étude exerçaient des fonctions financières qui les plaçaient en contact direct avec les caisses ducales. Certains d’entre eux ont d’ailleurs accumulé des richesses considérables par des voies irrégulières. C’est notamment le cas du watergraaf et moermeester de Flandre Roelant Le Fèvre, accusé à plusieurs reprises de détournements de fonds à son profit. On fera remarquer que des manuscrits de qualité (voire des ouvrages de luxe) exécutés par des artisans de tout premier plan ont été commandés ou sont entrés en possession de plusieurs hommes de finance. Sans préjuger de leur intégrité, ces fonctionnaires pourraient éventuellement avoir eu recours à ce genre de pratiques bien que, répétons-le, nous n’en ayons aucune preuve directe. Ces cas de figure seront présentés dans les lignes qui suivent. Receveur de l’artillerie, responsable du compte de la dépense ordinaire puis maître de la chambre aux deniers, Guillaume Bourgeois est ainsi le seul « client » de David Aubert à ne pas appartenir à la maison ducale ou à la très haute noblesse 289. À l’époque où il était receveur de l’extraordinaire de Flandre, Jan van der Scague (qui avait officié à bien d’autres postes de nature financière auparavant) commande vers 1480 un superbe livre d’heures enluminé par le Maître des Heures de Dresde 290. Receveur général des finances de 1480 à 1492, Louis Quarré fait lui aussi exécuter vers 1488 un livre d’heures dont l’enluminure est confiée à l’entourage du Maître du Premier livre de prières de Maximilien 291. Les trois manuscrits de Jean III Gros (audiencier de 1453 à 1477 puis secrétaire signant en finances à partir de 1468) présentent également une facture de luxe 292. Roelant Le Fèvre, enfin, possédait un très beau Speculum humanae salvationis orné de 168 miniatures 293. À nouveau, il s’agit d’un expert ès matières financières : receveur général de Flandre et d’Artois (1479-1496), receveur des aides de Flandre (1479-1482 et 1485-1487) puis trésorier des finances (1496-1499), on le retrouve comme watergraaf et moermeester de Flandre de 1495 à 1499 et de 1502 à 1504. Dans sa Chronique, De Doppere en brossera 287

Bartier 1955-1957, spéc. pp. 138-179 ; Cockshaw 1969 ; Kruse 1995.

288

Petitjean 1991, p. 4.

289

Aubert transcrit à sa demande un Livre des bonnes mœurs en 1467 (BAV, ms. Pal. Lat. 1995).

290

Brno, Abbaye prémontrée de Nova Rise, ms. 10.

291

Oxford, BL, ms. Douce 311.

292

Chantilly, Musée Condé, ms. 85 ; Leipzig, Univesitätsbibliothek, ms. Rep. I, 11.b ; Paris, SainteGeneviève, ms. 585.

293

Chantilly, Musée Condé, ms. 1363.

266

Partie III : Des livres et des hommes

un portrait peu flatteur qui en dit long sur son rapport à l’argent : Hic quaestor erat avarissimus, nemo casum ejus dolvit. Semper recipit, sed nemini solvit 294. Dès lors, ceci pourrait-il expliquer cela ? Néanmoins, répétons encore que si ces pratiques frauduleuses sont largement documentées par ailleurs, aucun indice tangible ne permet de soutenir ou d’invalider cette hypothèse dans les cas précis des officiers que nous venons de citer. La méthode utilisée par l’évêque de Cambrai et ministre de Philippe le Beau, Henri de Berghes, pour entrer en possession d’un cartulaire de Hainaut pose également la question d’un éventuel trafic d’influence 295. Composé dans les années 1296-1297 à la suite des bouleversements politiques suscités par l’avènement de Jean d’Avesnes, il reprend notamment la charte pénale du Hainaut en version française et latine ainsi que le texte de la charte féodale. Il s’agit de la plus ancienne copie et donc d’un cartulaire particulièrement important. Le codex présente une exécution très soignée et provient selon toute vraisemblance de la chancellerie comtale de Hainaut. L’ex-libris apposé par Henri de Berghes − Novit Adonay quod sum a de Bergis Henrico summa cum diligencia a longinquis conquestus − peut se traduire comme suit : « Dieu sait que j’ai été recherché avec la plus grande diligence par Henri de Berghes dans des lieux lointains » 296 . Au-delà du caractère hébraïsant assez inhabituel dans les ex-libris médiévaux, il faut revenir sur ces « lieux lointains » où Berghes aurait cherché le volume. Faut-il interpréter cette mention en termes de distance géographique ou serait-ce une allusion aux difficultés matérielles rencontrées pour mettre la main sur ce cartulaire recherché avec soin et minutie ? On ne voit a priori aucune raison pour laquelle ce produit de la chancellerie hennuyère, qui comprend des textes à portée régionale toujours d’actualité en cette fin de XVe siècle, aurait été retrouvé dans des contrées très éloignées du Hainaut. En toute logique, les archives comtales de Hainaut semblent être l’endroit le plus susceptible de conserver ce cartulaire. Henri de Berghes aurait-il rencontré des difficultés à le retrouver parmi les registres au sein même de la chancellerie ou, pour une raison ou une autre, le garde-charte du Trésor des chartes de Hainaut lui aurait-il compliqué l’accès aux archives 297 ? Issu d’une illustre lignée aristocratique, Henri de Berghes était pourtant l’un des plus hauts fonctionnaires de l’État bourguignon et son prestige dans la région devait être important au vu de ses charges ecclésiastiques de premier plan. Aura-t-il dû jouer de son influence pour emporter ce document hors des murs de 294

R. De Doppere, Chronique brugeoise de 1491 à 1498, éd. H. Dussart, Bruges, 1892, p. 30.

295

Valenciennes, BM, ms. 784.

296

Formule similaire dans le KBR, Inc. B 1393 (fol.281v) : Novit Adonay quod sum Hieronimij de Fuzelier.

297

À propos de cet office : J. Richard, Les archives et les archivistes des ducs de Bourgogne dans le ressort de la Chambre des Comptes de Dijon, dans Bibliothèque de l’École des Chartes, n°105, 1944, pp. 123-169.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

267

l’administration comtale ? S’il manque encore bien des pièces au dossier, l’exlibris assez énigmatique atteste quoi qu’il en soit qu’il finira par obtenir ce précieux cartulaire. §. IV. Les circuits culturels Produit culturel par excellence, le livre constitue l’expression naturelle de nombreux contacts noués au sein de différents cercles intellectuels entre des officiers et des acteurs extérieurs à la sphère institutionnelle bourguignonne. Ces thèmes ont déjà été évoqués en grande partie dans le chapitre consacré à la taille des librairies. Nous en rappellerons les traits essentiels tout en mettant l’accent sur les réseaux relationnels qu’ils permettent de dégager. IV. 1. Le monde académique Le livre est indissociablement lié à l’enseignement universitaire suivi par quelque 41 officiers. En toute logique, on observe donc que leurs livres portent très souvent l’empreinte des liens tissés durant leurs études. Outre Jean Lorfèvre, Roland L’Escrivain et Guillaume Fillastre évoqués plus haut, il faut également accorder une attention particulière à Guillaume Hugonet et à Jérôme de Busleyden. C’est peut-être lors de son cursus académique en Italie que le futur chancelier Hugonet a connu le Milanais Raymond de Marliano, titulaire d’un doctorat dans les deux droits décroché à l’Université de Pavie en 1436 298. Il quitte ensuite son pays natal pour enseigner le droit à Dole puis à Louvain dans les années 14611463 et devient chanoine de Saint-Pierre à Louvain et des chapitres de Besançon et de Liège après le décès de son épouse en juin 1463. Dans son testament daté de 1475, Marliano choisit Guillaume Hugonet comme l’un de ses exécuteurs testamentaires et précise qu’il lui lègue un bréviaire à l’usage de Rome en deux volumes quod scribi, illuminari et ligari feci a quinque annis citra 299. Cet exemplaire est peut-être celui qui entrera deux ans plus tard en possession d’Antoine du Terne, le confesseur du chancelier. Quant à Jérôme de Busleyden, sa correspondance donne chair à quelques-unes de ses fréquentations nées dans le giron des Universités de Padoue, de Louvain et d’Orléans. Sa passion pour les livres − omnium librorum emacissimus, comme le qualifiera Erasme 300 − paraît remonter à sa jeunesse, à en juger par une lettre qu’il adresse en 1502 à son camarade Andreas Lusitanus avec qui il poursuivait son cursus académique à l’Université de Padoue. Busleyden y fait allusion à un 298

Sur ce personnage : De Vocht 1951-1955, I, pp. 135-139 ; Walsh 1976, p. 164 et suiv. ; Paravicini 2000, pp. 295-297.

299

Doc.II.2 (partie III).

300

Doc.XIV.

268

Partie III : Des livres et des hommes

ouvrage du poète Martial qu’il offre pour le distraire à un Lusitanus apparemment éprouvé par ses études 301. C’est également à Padoue qu’il entre en contact pour la première fois avec Jean-Louis de Mouscron qui deviendra en 1511 l’un de ses collègues au Grand Conseil. En 1515, Busleyden le remercie par écrit de lui avoir remis un ouvrage de l’archéologue Pomponius Gauricus dont le contenu n’est pas spécifié 302. Daté de la fin 1504 ou des premiers jours de 1505, un courrier qu’il adresse à Pierre L’Apostole paraît également renvoyer à son parcours universitaire : il y est question d’ouvrages que lui a prêtés L’Apostole 303, un personnage qui avait probablement été son professeur de droit à l’Université de Louvain avant de devenir son ami et son collègue au Grand Conseil de Malines. Le cadre universitaire allait aussi permettre à Jérôme de Busleyden de connaître Érasme qu’il rencontre lors de leur séjour commun à Orléans en 1501. Leur correspondance témoigne d’échanges intellectuels où il est souvent question de livres et de bibliothèques. Érasme lui offre en 1506 un exemplaire de ses Luciani dialogi 304 et il sera témoin dix ans plus tard de l’émerveillement de Thomas More pour la collection personnelle de Busleyden 305. Dans un courrier à Polydore Virgile en 1520, il fera lui-même l’éloge des richesses de la librairie installée dans le Collège des Trois-Langues 306. IV. 2. Les cénacles humanistes Outre Érasme et Thomas More, Jérôme de Busleyden comptait parmi ses relations bon nombre d’humanistes. Le livre s’invite régulièrement dans sa correspondance, comme en attestent ces quelques exemples. Il adresse ainsi fin 1507 ou début 1508 à un certain Sylvius Italicus un poème rédigé par Charles Fernand, qui constitue un commentaire au De mundissimo Virginis Mariae Conceptu adversus Vincentium de Castrinovo composé en 1489 par le célèbre humaniste parisien Robert Gaguin 307. Une autre figure de proue de l’humanisme français apparaît en filigrane dans le catalogue de la librairie de l’abbaye Saint-Matthias de Trèves. Dressé en avril 1511, cet inventaire mentionne l’existence d’un Quincuplex Psalterium cum Commentariis de Jacques Lefèvre d’Etaples donné au monastère par Busleyden 308. Enfin, comment 301

Doc.I

302

Doc.X.

303

Doc.IV.

304

Doc.V.

305

Doc.XI.

306

Doc.XIV.

307

Doc.VII.

308

Doc.VIII. Il devait connaître la région puisqu’il était chanoine à Saint-Simon de Trèves. Il offre en

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

269

oublier Martin van Dorp, cet humaniste convaincu qui allait devenir son protégé puis l’un de ses plus fidèles amis ? Une lettre datée d’octobre 1515 évoque un livre qu’il lui offre en cadeau : il s’agit d’un exemplaire du De Asse composé par un autre héraut de l’humanisme parisien, Guillaume Budé309. Rappelons par ailleurs que dans les années 1470, Jean II Rolin avait fréquenté les cénacles humanistes parisiens dont faisait partie Guillaume Fichet. Ces contacts ont donné lieu à une intense circulation de livres entre l’humaniste et le fils du chancelier Rolin 310. IV. 3. Les milieux « mondains » Dans les Pays-Bas méridionaux, les confréries, chambres de rhétorique et autres compagnies littéraires forment autant de lieux de sociabilité qui reçoivent depuis quelques années les honneurs de l’historiographie. Les sources d’archives et les livres de certains fonctionnaires offrent des témoignages tangibles de contacts ancrés au sein de ces réseaux qui, se sont concrétisés dans leur patrimoine livresque. Membre du Chapel vert et de la Verde Prioré de Saint-Jacques de Tournai, Pierre de Hauteville avait été élu Prince d’Amours de la célèbre Cour amoureuse dite de Charles VI. Cette compagnie littéraire imprégnée de culture chevaleresque et courtoise était régie par une « Charte amoureuse » composée sous l’égide de Louis de Bourbon et de Philippe le Hardi à l’entame du XVe siècle 311. L’armorial de la Cour amoureuse témoigne de l’importance de ce réseau de sociabilité mondain qui comptera en ses rangs quelques centaines de membres aussi bien français que bourguignons 312. La librairie de Pierre de Hauteville présente quelques traces de son intérêt pour la littérature lyrique qui, à l’évidence, est étroitement lié à son implication dans la Cour amoureuse 313. Son testament d’août 1418 fournit lui aussi plusieurs témoignages matériels des liens qu’il aura noués au sein de cette compagnie. Il mentionne le legs d’un livre d’heures et de chroniques à son beau-frère Gérard de Cuinghien qui apparaît parmi les membres de la Cour amoureuse 314. Un autre Tournaisien affilié à cette

outre un ouvrage à Ludolf von Enschringen, chancelier de l’archevêché de Trèves de 1481 à 1501 et prévôt de Saint-Simon de Trèves (doc.III). 309

Doc.IX.

310

Voir Partie II, chap. II, §. III.1.B.

311

Présentation et bibliographie critique dans Vanwijnsberghe 2000, spéc. pp. 136-141.

312

Édition et commentaire dans Bozzolo - Loyau 1982-1992 ; voir aussi Vienne, Österreichisches Staatsarchiv, Archiv des Ordens vom Goldenen Vlies, ms. 51.

313

Voir Partie II, chap. II, §. VI.

314

Doc.I.1-2 ; sur ce dernier : Vanwijnsberghe 2006b.

270

Partie III : Des livres et des hommes

société, Pierre de Soris, est bénéficiaire du grant livre de papier bien espes de Pierre de Hauteville 315. Cet ouvrage aujourd’hui conservé à Bruxelles s’ouvre sur les Dits moraux des philosophes composés par un membre de la Cour amoureuse, Guillaume de Tignonville. Hauteville lègue ensuite ung aultre livre de papier, le plus espes que j’ay apres le grant à son frère Bernardin dont le nom apparaît dans l’armorial de la Cour 316. Enfin, une dernière clause du testament implique Jean Braque, exécuteur testamentaire du Prince d’Amours et lui aussi membre de la Cour amoureuse, qui se verra offrir un Roman de la Rose et un Livre du Trésor 317. La Cour amoureuse comprenait parmi ses membres d’autres officiers repris dans cette enquête : Raoul d’Ailly, Thomas Bouesseau, Louis de Chantemerle, Jean Chevrot, Gui Gilbaut, Quentin Ménart, Laurent Pignon et Jean de Thoisy. Les thèmes courtois de certains ouvrages possédés par Bouesseau et Chantemerle renvoient selon toute vraisemblance à leur sensibilité littéraire (et donc indirectement à leur appartenance à la Cour amoureuse). Cependant, aucun des manuscrits qui appartiennent aux autres fonctionnaires affiliés à cette Cour n’atteste réellement de liens concrets tissés au cœur de ce cercle littéraire 318. Quant à Jean de Montferrant, un manuscrit de qualité renvoie explicitement à son rôle d’intermédiaire dans une joute poétique entre deux grands Rhétoriqueurs, le secrétaire du duc de Bourbon Jean Robertet et l’indiciaire bourguignon Georges Chastelain 319. Le volume comprend en effet les Douze dames de rhétorique, fruit d’un échange épistolaire entre les trois protagonistes et dont la composition remonte aux années 1463-1464. §. V. Les milieux urbains Le milieu urbain (ici envisagé intra muros) représente sans aucun doute un terrain de rencontres extrêmement fécond. Il a déjà été question de plusieurs relations entre des officiers qui, à l’instar de Chevrot et Gilbaut à Lille, ont pu naître ou se développer grâce à un ancrage urbain commun. Nous reviendrons plus spécifiquement sur les attestations du livre comme agent de liaison entre plusieurs fonctionnaires et certains acteurs évoluant au cœur des espaces urbains tournaisiens, lillois, bruxellois, brugeois et dijonnais.

315

Doc.I.3 (KBR, ms. 10394-414)

316

Doc.I.4.

317

Doc.I.5-6.

318

Hormis peut-être la Geste de Doon de Mayence associée à Thomas Bouesseau (Bibliothèque interuniversitaire, Faculté de Médecine, ms. 247 ; voir Partie II, chap. II, §. VI).

319

Cambridge University Library, ms. Nn. 3.2.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

271

V.1. Tournai Les données biographiques sur le médecin ducal Jean de Wysmes (ou Wismes, commune située dans le Pas-de-Calais) sont extrêmement ténues. Attesté à Tournai en 1475, il avait établi le 31 mai 1497 une donation d’une quarantaine d’ouvrages en faveur de la cathédrale Notre-Dame320. Il prévoyait cependant de laisser un bréviaire et un recueil de textes dévotionnels à Jean de la Forge, chapelain de l’église Saint-Piat 321. Son ancrage tournaisien est attesté de manière plus indirecte par un livre de sa collection : il s’agit d’un un Liber myamys de Galien avec corrections autographes du médecin Jacques Despars, professeur à l’Université de Paris mais véritable « gloire locale » tournaisienne puisqu’il avait été chanoine et trésorier de la cathédrale Notre-Dame 322. Avant de s’installer à Lille, Pierre de Hauteville résidait à Tournai où il est attesté dès le début du XVe siècle. Le testament qu’il y rédige le 6 août 1418 témoigne lui aussi de son réseau relationnel dans la Cité aux cinq clochers. Ses ouvrages sont distribués entre Pierre Soris demorant en Tournay en la rue de Coulongne 323 et deux personnages qui avaient officié comme gardes de la monnaie de Tournai, son frère Bernardin 324 et le chevalier Jean Braque 325. V. 2. Lille Par testament dressé à Lille le 14 juin 1460, Marguerite de Bécourt, dame de Santes et épouse d’Hughes de Lannoy, précise qu’elle souhaite léguer son exemplaire du Livre des bonnes Mœurs de Jacques Legrand à maistre Lois Dommessent 326. Louis Dommessant était originaire d’Armentières, localité située à une quinzaine de kilomètres de la métropole lilloise dont il devient le procureur au Parlement de Paris dans les années 1460. Commissaire au renouvellement de la loi à Lille en 1448 puis membre du conseil urbain, Louis Dommessant y est nommé en 1462 maître de la Chambre des comptes. Comment l’épouse d’Hughes de Lannoy connaissait-elle cette personnalité importante du patriciat lillois ? Peut-être tout simplement parce qu’ils étaient voisins : un côté de la maison de Louis Dommessant, rue de Rihour, jouxtait en effet l’hôtel de Saintes, possession d’Hughes de Lannoy depuis 1420-1430 327. Le seigneur de Saintes allait cependant vendre en 1453 le domaine de Rihour 320

Doc.II. Une clause concerne également son neveu Simmonet, demorans en la ville de Lille.

321

Doc.II.39-40.

322

Doc.II.16.

323

Doc.I.3.

324

Doc.I.4.

325

Doc.I.5-6.

326

Sur la bibliothèque de Marguerite de Bécourt : Schnerb 2000 ; Schnerb 2007.

327

de Lannoy 1957, p. 266 et suiv. (documents n°LVII-LXII).

272

Partie III : Des livres et des hommes

(dont cet hôtel faisait partie) à Philippe le Bon qui y fera édifier le fameux Palais Rihour. V. 3. Bruxelles Originaire d’Heidelberg, Nicolas Clopper arrive dans les Pays-Bas méridionaux en 1426 pour y poursuivre son cursus académique à l’Université de Louvain. Il y reviendra au début des années 1440, après avoir passé quelques années à Rome comme abbreviator à la curie sous le pontificat d’Eugène V. Clopper est alors repris en qualité de conseiller au Conseil de Brabant, une institution dont les locaux se trouvent à Bruxelles. Ses attaches avec la ville sont renforcées par son canonicat à la collégiale Sainte-Gudule dont il est titulaire dès avant 1441. Au sein même de sa librairie, cet ancrage urbain spécifique se marque au travers d’un traité composé par une personnalité importante de la scène bruxelloise : Jean Vésale († avant 1476) 328. L’arrière-grand-père du célèbre André Vésale enseignait à Louvain depuis 1429 quand, en 1446, il est signalé comme médecin de la Ville de Bruxelles 329. Il occupera dès 1448 une maison sise rue de la Montagne, à deux pas de la collégiale Sainte-Gudule où Clopper était chanoine. En outre, la comptabilité bourguignonne mentionne à au moins deux reprises des livres offerts au duc Philippe le Bon par maistre Jehan de Wisalia, maistre en medechine de Louvain 330. Vésale était-il le médecin de Nicolas Clopper ? Se seraient-ils connus à Bruxelles par l’une ou l’autre voie, ou Clopper aurait-il simplement entendu parler du médecin de la Ville sans pour autant l’avoir rencontré personnellement ? V. 4. Bruges Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises les connexions à la fois personnelles, littéraires et « bibliophiliques » existant entre Jan III de Baenst et Louis de Gruuthuse, deux personnalités éminentes de la ville de Bruges 331. Rappelons qu’en plus d’occuper des hôtels voisins dans l’Oude Burg, ils fréquentaient tous deux Colard Mansion, faisaient l’un et l’autre partie de l’ordre de l’Ours blanc332 et partageaient un même engouement pour les manuscrits de luxe. Jan III de Baenst possédait une copie de la Pénitence d’Adam, 328

Tractatus de epidemea Iohannis de Wesalia (n°91.b). Sur ce personnage qui pourrait avoir observé sur le terrain l’épidémie de peste à Bruxelles en 1454 : Reusens 1903, spéc. pp. 194-196 ; Abel - Martens 1956 ; O’Malley 1964, spéc. pp. 21-25 ; Dickstein-Bernard 1996.

329

Il apparaît d’ailleurs aux côtés du médecin ducal Roland L’Escrivain dans les comptes de la léproserie de l’Hôpital Saint-Pierre de Bruxelles en octobre 1455 et en mars 1461 (Archives du CPAS de Bruxelles, Hôpital Saint-Pierre, n°48, fol.15r et 52, fol.24v).

330

ADN, B 1945, fol.101v et B 2034, fol.176r (Abel - Martens 1956, p. 46, n. 1).

331

Sur ce qui suit : Van Hoorebeeck 2007b.

332

A. Van den Abeele, Het ridderlijke gezelschap van de Witte Beer, Bruges, 2000, spéc. pp. 142-143.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

273

texte composé après octobre 1472 par Colard Mansion et dont le dédicataire n’est autre que le seigneur de Gruuthuse 333. Le manuscrit de Jan III de Baenst présente par ailleurs une certaine parenté iconographique avec l’exemplaire de Louis de Gruuthuse dont la décoration est attribuée au Maître brugeois de 1482 334. À l’instar de Gruuthuse, Jan III de Baenst était également amateur de lettres néerlandaises puisqu’on lui doit la commande de la traduction anonyme uuten Franchoize in Vlaemsche de la Cité des Dames de Christine de Pizan 335. Le nom du rhétoricien brugeois Anthonis de Roovere a souvent été avancé sans toutefois remporter l’adhésion des spécialistes. Les liens entre le poète et Jan III de Baenst sont en revanche documentés par une mention comptable de 1466, dans laquelle le seigneur de Sint-Joris recommande le poète auprès de la ville de Bruges 336. Un certain Jehan de Baenst a quant à lui apposé son ex-libris dans une Mer des Histoires richement illustrée et sortie des presses parisiennes de Pierre Le Rouge en 1488-1489 337. On trouve également à la fin du second tome deux souscriptions apposées par Jacques de Baenst ainsi que des mentions relatives à la famille. À une date indéterminée, cet exemplaire change cependant de propriétaire. Louis Baye (ou Bave), membre d’une famille d’ancienne noblesse originaire de Flandre, a laissé son nom et son lieu de résidence sur la page de titre du premier volume. Hormis Élise Bave qui épouse Jan Ier de Baenst en 1377, la notice sur la famille Bave rédigée par Gaillard ne relève aucun homme prénommé Louis et ne signale aucun lien généalogique datant des XVe-XVIe siècles entre ces deux lignées 338. Relevons enfin la présence des armoiries de la famille de Wilde sur le frontispice du premier tome ; tracées à l’encre brune dans un écu laissé vide à l’origine et laissées sans émail, elles n’offrent aucun indice de datation. V. 5. Dijon Un rapide détour par Dijon offre la possibilité de révéler un pan du réseau relationnel tissé par Jean Aubert dans une ville où il a résidé de longues années avant de s’installer dans les pays de par-delà. L’inventaire des livres conservés dans son l’hôtel dijonnais à la mort de son épouse Guillemote en 1413 témoigne de contacts noués à l’échelle locale avec (notamment) Jean

333

Paris, Arsenal, ms. 5092.

334

BNF, ms. fr. 1837.

335

BL, Add., ms. 20698.

336

Bruges, Stadsarchief, Nieuwen Groenen Boeck onghecotteert, ff.208v-209r.

337

KBR, Inc. C 153-154.

338

Gaillard 1857-1864, V, pp. 275-296.

274

Partie III : Des livres et des hommes

d’Auxonne, échevin de Dijon et receveur général de Bourgogne 339. La mention Jehan d’Auxonne le doit apparaît à deux reprises en marge de volumes décrits dans la collection d’Aubert : un recueil reprenant un Caton, le Livre des échecs moralisés de Jacques de Cessoles ainsi qu’un ouvrage de dévotion 340. La famille d’Auxonne semble avoir entretenu des liens privilégiés avec Jean Aubert et son épouse Guillemotte, qui leur était peut-être apparentée. Maître Josse d’Auxonne figure parmi les témoins de l’inventaire après-décès où sont par ailleurs décrits deux quarieaulx de cuir rouge aux armes de Jean d’Auxonne 341. §. VI. Les fonctionnaires ducaux et la plus riche et noble librairie

du monde

Ce dernier paragraphe sera l’occasion de revenir sur une bibliothèque non pareille a toutes autres 342 et qui apparaît en filigrane tout au long de cette étude : la librairie des ducs de Bourgogne. Les documents d’archives et les ouvrages euxmêmes témoignent de l’apport non négligeable des livres des officiers dans la constitution et l’accroissement de la collection ducale. Sans être totalement méconnu, ce phénomène méritait néanmoins davantage d’attention que les quelques phrases écrites en 1909 par G. Doutrepont 343. Seront dans une premier temps envisagés les ouvrages offerts aux souverains par des officiers avant d’examiner les livres provenant des fonctionnaires et entrés dans la librairie de Bourgogne par d’autres voies de transmission : les achats, les motifs d’ordre juridique et les « erreurs de parcours ». La dernière section sera consacrée à l’épineux dossier de l’accès et de l’utilisation de la librairie. VI. 1. Les ouvrages offerts par les officiers Signe d’une pratique de sociabilité largement répandue, le don compte parmi les transferts de patrimoine livresque les mieux documentés. Les livres remis par François de Busleyden à Philippe le Beau et à Marguerite d’Autriche de même que les ouvrages offerts par la veuve d’Hugonet à Marguerite d’York ont déjà été évoqués plus haut. Les volumes donnés à Philippe le Bon par Guillaume Fillastre, Pierre de Boostenswene, messire Joffroy, messire Guy, Pierre Longue Joe et Jean Vignier retiendront ici particulièrement l’attention. A. Guillaume Fillastre Le nom de Guillaume Fillastre est associé à trois manuscrits entrés dans la 339

Dutour 1998, p. 158, p. 167 et p 396.

340

Respectivement n°7 et 10.

341

ADCO, B II 356/2, cote 6, pièce XXII, fol.3v.

342

David Aubert, Chroniques abrégées (Paris, Arsenal, ms. 5089, fol.Qr).

343

Doutrepont 1909, p. 481.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

275

librairie de Bourgogne : un exemplaire des Grandes Chroniques de France 344, une Fleur des Histoires de Jean Mansel 345 et le Pontifical de l’Église de Sens 346. Le prologue des Grandes Chroniques de France éclaire les motivations de sa commande par Guillaume Fillastre, qui entendait l’offrir à Philippe le Bon. Le commanditaire s’en explique ainsi : Et pour ce que j’oy entendu qu’il est venu a vostre connoissance que en cestui vostre monastere de Saint Bertin est ung livre de croniques et hystoires diverses, lequel vostre tres noble excellence a desiré d’avoir pour en ce satisfaire à vostre tres louable et tres noble desir, je l’ay fait transcripre et hystorier comme vous verrez s’il plaist à vostre grace (fol.2r). En mettant l’accent sur l’histoire de Flandre relatée d’après des sources locales, cette copie propose une version un peu différente du texte traditionnel des Grandes Chroniques de France. Les auteurs ne s’accordent pas sur le rôle de Fillastre dans la transmission du texte : a-t-il entrepris de le remanier lui-même ou a-t-il simplement fait transcrire et historier une chronique conservée à l’abbaye de Saint-Bertin ? G.A. Cernova et G. Tyl-Labory penchent pour la première hypothèse 347 tandis qu’E. Beltran s’y oppose 348. Sur la base d’éléments d’ordre codicologique et linguistique, M. Gil et L. Nys ont suggéré que Fillastre aurait « récupéré » ce volume dans la librairie du monastère de Saint-Bertin (dont il était abbé) et qu’il en aurait confié l’achèvement à Simon Marmion et au Second Maître des Grandes Chroniques 349. L’impressionnant programme décoratif a été pris en charge par Simon Marmion (un miniaturiste apprécié par Fillastre 350), le Second Maître des Grandes Chroniques et un enlumineur anonyme. Par ailleurs, un indice de datation est fourni dans le prologue qui cite le commanditaire en qualité d’évêque de Toul et d’abbé de Saint-Bertin à Saint-Omer, ce qui place l’exécution du manuscrit entre 1451 (date de son intronisation à Saint-Bertin) et 1460 (date à laquelle il renonce à l’évêché de Toul au profit de celui de Tournai). Fillastre précise en fin de prologue qu’il entendait vous [Philippe le Bon] en faire present ce premier jour de l’an, en lieu de bonne estraine 351. S’il se voit confirmé, un autre élément pourrait venir resserrer la chronologie. S’appuyant sur les portraits conservés à Dresde et à Chantilly 352, S. Reinach a en effet proposé d’identifier un des deux personnages 344

Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, ms. Erm. 88.

345

KBR, ms. 9231.

346

KBR, ms. 9215.

347

DLFMA 1992, p. 622.

348

Beltran 1995, p. 43.

349

Gil - Nys 2004, p. 174.

350

Voir notamment Vanwijnsberghe 2001, pp. 25-29.

351

Les cadeaux à l’occasion des étrennes étaient nombreux (Buettner 2001 ; Hirschbiegel 2003).

352

Reinach 1903, spéc. p. 270. Les portraits d’Antoine de Bourgogne conservés à Dresde (Staatliche Kunstsammlungen, cat. 801) et à Chantilly (Musée Condé, cat. n°105) sont des copies plus tardives exécutées d’après des tableaux d’Hans Memling.

276

Partie III : Des livres et des hommes

portant le collier de la Toison d’or sur le frontispice à Antoine de Bourgogne, nommé chevalier de l’Ordre en 1456 353. Les ressemblances entre la représentation du Grand Bâtard peinte par Simon Marmion dans les Grandes Chroniques de France et celles des deux portraits ne s’imposent toutefois pas d’emblée. La reconstitution des itinéraires de Fillastre permet quoi qu’il en soit d’invalider l’hypothèse souvent reprise selon laquelle ces Grandes chroniques de France auraient été remises au duc le 1er janvier 1457 : le retour de Fillastre dans les Pays-Bas bourguignons après son déplacement à Belgrade n’est en effet signalé qu’à partir du 18 février 1457 354. En revanche, ce luxueux cadeau d’étrennes a fort bien pu être offert aux premiers jours de janvier 1458 puisque la présence conjointe de Fillastre et de Philippe le Bon à Bruges est formellement attestée 355. Un exemplaire de la Fleur des Histoires de Jean Mansel également illustré par Simon Marmion aura peut-être aussi été remis à Philippe le Bon par Fillastre 356. Contrairement aux Grandes Chroniques de France qui ne lui ont jamais appartenu en propre, cette Fleur des Histoires pourrait avoir été la propriété initiale de Fillastre avant qu’il ne s’en dessaisisse au profit du duc. Formulée d’abord par L. Delaissé 357, cette suggestion a été notamment relayée par E. Warren Hoffman, par B. Cardon et par D. Vanwijnsberghe 358. Les commandes antérieures passées par Fillastre à Marmion, la nature « pro-bourguignonne » du texte de Mansel (lui-même fonctionnaire ducal) de même que l’envergure intellectuelle de Fillastre et la position éminente qu’il occupe à la cour du Grand duc d’Occident constituent autant de sérieux arguments qui invitent à retenir cette hypothèse. La relative proximité chronologique entre l’exécution de ce volume (après 1446 et avant 1467-1469) et l’année où Philippe le Bon obtient pour Fillastre la charge d’évêque de Tournai (1461) plaide en outre en faveur d’un don de ce volume à Philippe le Bon 359. B. Pierre de Boostenswene Le nom de Pierre de Boostenswene est associé au Remissiorum Philippi 360 353

S. Reinach, Un manuscrit de Philippe le Bon à la bibliothèque de Saint-Pétersbourg, dans Gazette des BeauxArts, n°29, 1903-1904, pp. 265-278 ; n°30, 1903-1904, pp. 53-63 et 371-380.

354

Fillastre est attesté à Belgrade en septembre et en novembre 1456 (Prietzel 2001, p. 506).

355

Vander Linden 1940, p. 380 ; Prietzel 2001, p. 506.

356

KBR, ms. 9231.

357

Delaissé 1959, n°59.

358

Hoffman 1969 ; Cardon 1981 ; Vanwijnsberghe 2001, pp. 27-28.

359

Les Chroniques et conquêtes de Charlemagne (KBR, mss 9066-9067-9068) présentent un cas similaire puisqu’elles ont été commandées par Jean V de Créquy avant d’entrer en possession de Philippe le Bon (voir à ces mss dans LDB-IV 2009).

360

Nationale Rijksarchief ‘s-Gravenhage in Zuid-Holland, 3e afdeling, Graven van Holland, n°2149.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

277

composé pour être offert à Philippe le Bon lors d’une cérémonie solennelle à la cour de Bruxelles en 1450. Par ce cadeau, Boostenswene espérait selon toute vraisemblance que le souverain revienne sur sa décision et le réintègre dans ses fonctions de clerc du registre du Conseil de Hollande après près de dix ans de disgrâce ducale. Ce Remissiorum Philippi constitue un répertoire latin-néerlandais des chartes, privilèges et lettres d’investiture de Hollande, de Zélande et de Frise. Des passages à caractère historique ponctuent ce volumineux ouvrage sur papier. Boostenswene commence probablement la rédaction de ce traité à La Haye en 1443 et achève l’ouvrage le 24 mars 1450. Cinq miniatures sur parchemin ont été insérées lors d’une campagne ultérieure et ont peut-être été exécutées à Bruxelles en prévision de l’audience au palais. Cette cérémonie au cours de laquelle il espère offrir son présent à Philippe le Bon se tient vraisemblablement vers le 20 mars 1450. Après avoir été parcouru et visité par les personnages présents lors l’audience, l’ouvrage est toutefois renvoyé sur ordre du duc à la trésorerie de La Haye où il se trouve d’ailleurs toujours 361. Pour quelles raisons Philippe le Bon n’a-t-il pas fait déposer ce cadeau dans sa librairie ? Il nous semble peu pertinent de parler de désintérêt du duc par rapport au Remissiorum Philippi en invoquant sa langue de rédaction (un latin que le duc maîtrisait mal), les thèmes abordés dans le texte ou encore la maladresse de l’illustration 362. Un réel attrait pour le livre, fût-il de facture modeste, semble au contraire faire partie des traits propres à Philippe le Bon. La bibliophilie n’explique pas tout : le livre reste une marchandise coûteuse et les innombrables manuscrits issus de la production courante rassemblés depuis plusieurs générations dans la librairie ducale participent eux aussi à la richesse du patrimoine financier de la maison de Bourgogne. Il nous paraît donc beaucoup plus probable que Philippe le Bon ait accédé à la demande de Jean de Lannoy et du Conseil de Hollande qui, le 3 mars 1450 déjà, avaient dépêché un chevaucheur à Bruxelles afin de ramener l’ouvrage en question. La requête est légitime : conçu par Boostenswene comme un répertoire systématique des chartes, privilèges et lettres d’investiture de Hollande, de Zélande et de Frise, son Remissiorum Philippi était un outil de travail à juste titre considéré comme zeer groitlijc dienende in die tresorie van Hollant 363. L’homme politique soucieux de la bonne gestion de ses provinces a donc pris le pas sur le bibliophile. Quelques jours après la cérémonie de présentation, un chevaucheur quitte Bruxelles pour la Hollande en emportant l’exemplaire de Boostenswene 364. 361

Docs I-II.

362

Jongkees 1991, p. 19.

363

Doc.I.

364

Doc.II.

278

Partie III : Des livres et des hommes

C. Messire Joffroy Le relevé des livres dressé en 1467-1469 suite du décès de Philippe le Bon signale un manuscrit de l’Epître d’Othéa de Christine de Pizan que messire Joffroy a donné a monseigneur. Cet ouvrage a été identifié et se trouve actuellement à Bruxelles 365. Le colophon indique que la transcription est terminée le 28 août 1447 par un prêtre de Montcoy nommé Jean Masoyer, à la demande de noble homme Guiart Poincot, escuier, seigneur d’Esguilley et de Senecey. Le commanditaire n’est autre que Guiart Poinceot, seigneur de Saint-Seine (près de Dijon) et d’Eguilly (près de Pouilly-en-Auxois), notamment cité en qualité de chambellan du duc parmi les délégués aux États de Bourgogne en 1459 et qui participa aux expéditions militaires de Charles le Téméraire en 1469-1470 366. Si le colophon ne laisse aucun doute sur la date de transcription ainsi que sur les noms du copiste et du commanditaire, l’identification du messire Joffroy qui a offert cet exemplaire au duc a été plus controversée. A. van Buren a évoqué le nom de Jean Jouffroy († 1473) sans toutefois étayer son propos par quelque élément que ce soit 367. Sans davantage justifier sa proposition, J. Lemaire a pour sa part avancé le nom de Geoffroy de Thoisy368. Le « profil » culturel bien marqué de Jean Jouffroy permet probablement d’invalider l’hypothèse d’A. van Buren369. Il est douteux qu’un tel lettré passionné d’humanisme ait été séduit par un texte français d’inspiration typiquement médiévale tel que l’Epître d’Othéa de Christine de Pizan. À l’inverse, la biographie et le parcours de Geoffroy de Thoisy présentent une série d’éléments qui plaident en sa faveur. Son origine bourguignonne offre un premier point d’ancrage avec le Bruxellensis 11102, transcrit par un copiste de Montcoy (un bourg proche de Chalon-sur-Saône) pour un membre de la famille Poinceot, possessionnée dans le duché d’où elle est originaire 370. Le poste de bailli d’Auxois que Geoffroy de Thoisy occupe de 1455 à 1466 lui permet en outre ipso facto de garder des liens avec la région et ce même s’il s’en est fréquemment éloigné pour exercer un office à la cour. Trois éléments viennent 365

KBR, ms. 11102.

366

En 1406, Guillaume Poinceot, seigneur de Saint-Seine, avait en effet acheté la terre d’Eguilly à Thomas, écuyer et seigneur du lieu. Avec Guillemette de Vaudéon, Guillaume Poinceot avait eu un fils, Guiart, le commanditaire du Bruxellensis 11102 (Beaune - d’Arbaumont 1864, p. 4 ; Caron 1987, pp. 120 et 308-309 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°990, 2528 et 2878).

367

A. van Buren, La Toison d’or dans les manuscrits de Philippe le Bon, dans Ordre de la Toison d’or 1996, p. 190.

368

LDB-III 2006, pp. 222-223.

369

Sur Jouffroy : Märtl 1993.

370

Des recherches plus serrées sur les familles Thoisy, Monconnis (nom de la première épouse de Geoffroy de Thoisy), Poinceot et Vaudéon (nom de l’épouse de Poinceot) permettraient peut-être de déterminer si ces lignées étaient liées d’un point de vue généalogique, ce qui pourrait éventuellement expliquer le passage du Bruxellensis 11102 dans les mains de Geoffroy de Thoisy.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

279

encore corroborer l’identification de Geoffroy de Thoisy avec messire Joffroy. D’abord, lorsqu’il relate les exploits militaires de Thoisy en Méditerranée et en Mer noire dans ses Anciennes chroniques d’Angleterre, Jean de Wavrin parle toujours de messire Joffroy sans jamais citer son patronyme371. Ensuite, le prénom Geoffroy se rencontre rarement dans les sources parmi les membres de l’entourage ducal et dans l’administration bourguignonne 372. Enfin, en s’appuyant sur une documentation relative à la noblesse dans le duché de Bourgogne, Marie-Thérèse Caron observe que le qualificatif « messire » est réservé aux chevaliers (un titre porté par Thoisy à partir de 1444 373) et qu’il s’applique rarement à un nom de famille 374. Ce faisceau d’indices suggère donc d’écarter Jean Jouffroy au profit de Geoffroy de Thoisy en qui l’on reconnaîtra le messire Joffroy, donateur du Bruxellensis 11102 à Philippe le Bon. D. Messire Guy L’inventaire de la bibliothèque ducale de 1487 pose aussi la question de l’identification d’un donateur, bien qu’il soit cette fois clairement question d’un prénom et non d’un éventuel patronyme. Le relevé décrit en effet un livre servant a la chapelle que messire Guy donna a monseigneur 375 qui n’a pas été retrouvé et identifié avec un manuscrit encore conservé 376. P.M. De Winter a proposé d’identifier ce messire Guy à Gui Gilbaut, qui finira sa carrière au service ducal en qualité de maître de la Chambre des comptes de Lille. L’auteur fondait son raisonnement sur ce qu’il appelle la « bibliothèque de quelque importance » qu’aurait possédé Gilbaut et dans laquelle figuraient selon lui « une Histoire ancienne, la Cité des dames de Christine de Pizan, des Belles Heures, un livre de chapelle » 377. De Winter précise que tous ces manuscrits « furent éventuellement acquis, comme la Cité de Dieu, par Philippe le Bon » 378. En réalité, il semble croire que tous les manuscrits qui ont été vendus à Philippe le Bon par un gouverneur de Lille ont appartenu à Gilbaut, ce qui est inexact. Gui Gilbaut a effectivement apposé ses armoiries sur une Cité de Dieu vendue 371

Dernière édition du passage relatif à Thoisy dans Paviot 2003, pp. 300-304.

372

Ce prénom n’est du reste pas courant dans le duché de Bourgogne car sur 71 prénoms masculins et 695 mentions repérées, le prénom Geoffroy (de Thoisy, en l’occurrence) n’apparaît qu’une seule fois (Caron 1989, p. 171, n. 2).

373

Paviot 2003, p. 101.

374

Caron 1989, p. 22.

375

Barrois 1830, n°2029.

376

On l’a parfois identifié avec un volume de la chapelle décrit dans l’inventaire de 1467-1469 (Barrois 1830, n°1111) bien que les mots-repères ne correspondent qu’imparfaitement à ceux de l’inventaire de 1487.

377

De Winter 1978, p. 240, n. 16.

378

De Winter 1978, p. 240, n. 16. De Winter renvoie aux n° de Barrois 1830, n°902, 1730, 1014, 1873, 1111 et 2029 et à Doutrepont 1909, p. 209 (données reprises dans LDB-I 2000, p. 69).

280

Partie III : Des livres et des hommes

par Baudouin d’Oignies (son beau-fils) à Philippe le Bon 379 ; de même, un exemplaire de la Cité des Dames et une copie contenant des Faits des Romains (l’Histoire ancienne de De Winter) ont eux aussi été vendus au duc par le même personnage. Mais la Cité des dames 380 ne contient aucune marque d’appartenance à Gui Gilbaut et le manuscrit des Faits des Romains n’a pas été retrouvé. Rien n’autorise donc à suggérer que Gilbaut ait possédé tous ces ouvrages. La « bibliothèque de quelque importance » de Gilbaut avancée par De Winter et qui aurait fait de lui un fonctionnaire bibliophile susceptible d’avoir offert un livre au duc, repose donc sur des indices partiellement erronés. Si l’argument ne convainc pas, on constate cependant que les personnages d’un certain rang qui portent le même prénom que Gilbaut et qui évoluent dans le milieu curial (au moins avant 1487, date de la mention dans l’inventaire) ne sont pas légion. Le plus célèbre est Guy de Brimeu († 1477), seigneur d’Humbercourt, fait chevalier de la Toison d’or en 1473 381. On peut citer un autre chevalier de l’ordre, Guy de Roye (†1463), qui fera une longue carrière au service de la maison ducale et qu’on retrouve comme narrateur dans les Cent nouvelles nouvelles 382. Parmi les personnalités prénommées Guy, mentionnons aussi Guy de Rochefort († 1507), chambellan et membre du Conseil de Marie de Bourgogne383 et le chevalier Guy de Usye, qui a occupé successivement les charges d’écuyer, de maître de l’hôtel (1467), de panetier (1474) et de conseillerchambellan de Charles le Téméraire avant d’entrer au service de Maximilien 384. Si aucune preuve formelle ne vient vraiment contredire l’hypothèse de De Winter, l’éventail des possibilités d’identification de ce messire Guy s’avère toutefois plus large et rend fort hasardeuse toute proposition qui ne s’appuierait pas sur des éléments probants. E. Pierre Longue Joe D’après un article de la Recette générale des finances daté du 26 août 1432, le valet de chambre Pierre Longue Joe 385 aurait été défrayé pour avoir donné à 379

KBR, mss 9005-9006.

380

KBR, ms. 10973.

381

Sur ce personnage : Chevaliers 2000, n°76. Le seul ms. connu en sa possession est un bréviaire enluminé par le Maître des Heures de Dresde (Genève, Collection Comites Latentes, ms. 208 : Brinkmann 1997, pp. 79-85). Sa signature et sa devise apparaissent à la fin d’un manuscrit de la librairie de Bourgogne (KBR, ms. 11216).

382

Sur ce personnage : Chevaliers 2000, n°62.

383

Cools 2001, n°215. Il passera à la France après le décès de Marie de Bourgogne.

384

Cools 2001, n°245. Il avait prononcé un vœu lors du Banquet du Faisan (Caron 2003, n°64).

385

Longue Joe (ou Longuejoüe, famille originaire d’Ile-de-France) est repris en qualité de valet de chambre dans les ordonnances de l’hôtel de 1433, 1438, 1445 et 1449. Bénéficiaire de plusieurs dons et recompensacions en 1430-1431 (ADN, B 1942), il est signalé comme étant décédé dans une notule datée du 19 septembre 1448 (Doutrepont 1909, pp. 22 et 294 ; Kruse - Paravicini 2005, 9.297, 11.330, 15.282, 16.407 et 16.411).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

281

Philippe le Bon un livre relatant les faiz de Godeffroy de Buillon 386. Sur la base de cet intitulé assez vague, il est délicat de prétendre identifier précisément ce volume avec un ouvrage décrit dans l’inventaire de 1467-1469. Plusieurs textes présents dans la librairie de Bourgogne évoquent en effet les prouesses de ce héros emblématique de la conquête de la Terre sainte sans toutefois que son nom soit cité dans le titre de l’œuvre. C’est le cas, par exemple, du Chevalier au cygne ou du Livre d’Eracles. On repère néanmoins dans l’inventaire de 1467-1469 cinq ouvrages en français recensés à la suite l’un de l’autre et dont l’intitulé, d’après la description, mentionne nommément Godefroid de Bouillon 387. Seuls deux d’entre eux pourraient correspondre à la copie offerte au duc par Longue Joe. Il s’agit d’une part, du troisième exemplaire décrit dans l’inventaire mais qui n’a jusqu’ici pas été retrouvé ou identifié et, d’autre part, du dernier manuscrit listé, aujourd’hui à Bruxelles et réalisé dans le Nord de la France à la fin du XIIIe siècle 388. Les informations biographiques sur le valet de chambre Pierre de Longue Joe sont trop parcellaires pour proposer une interprétation de ce don à Philippe le Bon. Toutefois, le thème de ce livre des faiz de Godeffroy de Buillon jette un nouvel éclairage sur l’aire de diffusion d’un projet essentiel dans le chef du Grand duc d’Occident : l’idée de croisade qui, tout au long de son règne, n’a cessé de l’animer. Ce volume reçu de l’un de ses valets de chambre prouve que l’intérêt du souverain pour la croisade était connu du personnel de l’hôtel. Il permet aussi de concrétiser la manière dont cette préoccupation, à l’ordre du jour de plus d’une séance du Conseil et longuement discutée par les seigneurs d’épée, les ténors politiques et autres techniciens, avait également déteint sur l’entourage aulique au sens large. Comme vient l’éclairer le cas de Longue Joe, les membres de la maison de Philippe le Bon n’ignoraient certainement pas les pérégrinations en Orient de quelques-uns de leurs illustres collègues − comme le voyage du conseiller-chambellan Gillebert de Lannoy dans les années 1420, celui de l’écuyer Bertrandon de la Broquière en 1432-1433 ou encore l’expédition de Geoffroy de Thoisy en Mer Noire. Qu’on songe aussi aux célèbres vœux du Banquet du Faisan prononcés en 1454 non seulement par des membres de la haute noblesse mais aussi par des personnalités de naissance plus modeste exerçant des fonctions importantes à l’hôtel ducal ou sur 386

ADN, B 1945, fol.141r.

387

Le premier ne saurait correspondre à l’ouvrage donné par Longue Joe puisqu’il s’agit de la minute des fameuses Chroniques de Jérusalem enluminées par le Maître de Girart de Roussillon pour le duc après 1455 (ÖNB, ms. 2533). Ces Chroniques ne peuvent donc pas non plus être confondues avec l’ouvrage reçu par Philippe le Bon quelques 20 ans auparavant (Pächt - Jenni - Thoss 1983, I, pp. 61-77). Le ms. BNF, fr. 9084 n’est pas non plus le livre offert par Longue Joe en 1431-1432 puisqu’il apparaît déjà dans l’inventaire dressé en 1420 (Barrois 1830, n°85).

388

KBR, ms. 9492-93 (Gaspar - Lyna 1984, n°67).

282

Partie III : Des livres et des hommes

l’échiquier institutionnel bourguignon 389. Cette sensibilité a donc peut-être incité Longue Joe à offrir un cadeau de circonstance : un manuscrit vantant les prouesses de Godefroid de Bouillon, figure emblématique s’il en est. Du point de vue de la constitution de la librairie de Bourgogne, ce livre des faiz de Godeffroy de Buillon doit probablement être considéré comme l’une des premières manifestations de l’intérêt pour la croisade. On observe en effet qu’un nombre important de manuscrits (textes à caractère historique et fictions chevaleresques) évoquant de près ou de loin l’Orient et la reconquête de la Terre sainte ont été commandés par Philippe le Bon après 1450, soit vingt ans après le don de Longue Joe390. Citons par exemple la Belle Hélène de Constantinople mise en prose à la demande du duc par Jean Wauquelin en 1448 391, les Chroniques et conquêtes de Charlemagne achevées par David Aubert en 1458 392, l’Histoire de Charles Martel copiée par le même David Aubert en 1463-1465 393 ou encore l’Histoire des trois fils de roi, grossée par Aubert en 1463 394. Des recherches ultérieures permettraient peut-être d’expliquer pourquoi, en matière de propagande pour ses rêves de croisade, Philippe le Bon n’a pas davantage tiré parti du « héros national » par excellence qu’est Godefroid de Bouillon (pas plus d’ailleurs qu’il ne s’est appuyé sur Baudouin de Flandre et de Hainaut, pourtant devenu empereur latin de Constantinople et qui bénéficiait lui aussi d’un ancrage local très fort) 395. F. Jean Vignier D’après la description proposée sous la rubrique Meslee dans l’inventaire de la librairie ducale de 1467-1469, Jean Vignier aurait donné au duc un traité contre les vices rédigé en français, transcrit sur papier et couvert de parchemin 396. Il nous a été jusqu’ici impossible de retrouver cet ouvrage offert par un personnage dont la carrière s’avère assez obscure397. En dépit des contours biographiques fort imprécis de ce valet de chambre, son cadeau participe à tout le moins à une meilleure compréhension de la place du livre dans les relations 389

Notices biographiques dans Caron 2003.

390

Liste des textes en rapport avec l’idée de croisade et présents dans la librairie ducale dans Paviot 2003, pp. 201-238.

391

KBR, ms. 9967 (LDB-III 2006, pp. 139-143).

392

KBR, mss 9066-9067-9068 (LDB-IV 2009, pp. 127-158).

393

KBR, mss 6-7-8-9 (LDB-III 2006, pp. 43-62).

394

BNF, ms. fr. 92.

395

Paviot 2003, p. 226.

396

CCB-V, n°5.430 ; voir aussi Doutrepont 1909, p. 208, pp. 293 et 481.

397

Jean Vignier († 1462 ?) était le fils de Philippe, conteur de deux des Cent nouvelles nouvelles (un Thimoléon Vignier est par ailleurs cité comme conteur de la 93ème nouvelle : Champion 1928). Il est repris comme valet de chambre dans les ordonnances de l’hôtel de 1443 à 1449 (Kruse Paravicini 2005, 9.299, 11.331, 15.284, 16.407 et 16.413).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

283

entretenues entre le duc et ses proches serviteurs. VI. 2. Les ouvrages venus 398 des officiers Le don de livre ne constitue qu’un des canaux de transmission par lesquels des ouvrages provenant des officiers sont arrivés sur les travées de la librairie ducale. Nous songeons en particulier à des achats de livres impliquant des fonctionnaires, à certaines clauses d’ordre juridique ou encore aux « accidents de parcours ». A. Les achats de livres Des indications dans les inventaires de la librairie de Bourgogne et dans les livres eux-mêmes attestent que six ouvrages ont été achetés à un gouverneur de Lille qui pourrait être identifié avec Baudouin d’Oignies. ■ Baudouin d’Oignies Le relevé de 1467-1469 renseigne un exemplaire non retrouvé de Croniques sur aucuns fais des Romains qui comportait la note achetées du Gouverneur de Lille 399. Aujourd’hui conservée à Bruxelles, une copie en deux volumes du De civitate Dei de saint Augustin dans la traduction française de Raoul de Presles comprend sur un folio de garde la mention Cest le premier volume de saint Augustin de la cite de Dieu achatez du gouverneur de Lille 400. Des notes similaires apparaissent dans trois autres manuscrits : un codex non illustré du Livre des trois vertus de Christine de Pizan 401, un exemplaire des Grandes chroniques de France exécuté en France dans le dernier quart du XIVe siècle 402 et un modeste recueil de textes historiques 403. Ces notules relatives au mode d’acquisition des ouvrages étaient vraisemblablement retranscrites par le garde-joyaux dès leur entrée dans la librairie ducale. Un faisceau d’arguments laisse penser que le personnage qui a vendu ces ouvrages peut être identifié avec Baudouin d’Oignies, gouverneur du bailliage de Lille, Douai et Orchies de 1435 à sa mort en 1459. D’une part, l’un des volumes portant une mention d’achat à un gouverneur de Lille présente les armes du beau-père de Baudouin d’Oignies, Gui Gilbaut 404. D’autre part, les volumes encore conservés ont tous été réalisés avant 1435. Or les deux décennies antérieures à 1445-1450, qui correspondent au moment où Baudouin 398

Expression utilisée dans une note de provenance impliquant Pierre de Hauteville (voir infra).

399

Barrois 1830, n°902 et 1730.

400

KBR, mss 9005-9006 (Barrois 1830, n°728 et 729).

401

KBR, ms. 10973.

402

KBR, ms. 2.

403

KBR, ms. 11138-39.

404

KBR, ms. 9005.

284

Partie III : Des livres et des hommes

d’Oignies officiait en tant que gouverneur de Lille, sont également celles durant lesquelles Philippe le Bon commence à constituer sa propre bibliothèque en acquérant notamment des ouvrages de seconde main 405. Ces éléments nous semblent suffisamment probants que pour rejeter les hypothèses formulées par J. Lemaire pour qui l’individu à qui ont été achetés les volumes est Jean de Lannoy, gouverneur de Lille de 1459 à 1465 406, et par S. Somers qui suggère qu’il puisse s’agir d’Antoine d’Oignies, qui a exercé cette fonction de 1464-1465 à 1467 environ (soit bien après la « première phase » de formation de la collection ducale par Philippe le Bon) 407. Ces mentions d’achat signifient-elles que Baudouin d’Oignies était lui-même le possesseur de ces ouvrages, ou faut-il comprendre qu’il a acheté ces livres − ou certains d’entre eux − à des tiers pour le compte de Philippe le Bon ? Trois des cinq volumes encore conservés ne portent aucun signe de propriété de Baudouin d’Oignies mais l’habitude d’apposer une telle marque était loin d’être systématique chez les possesseurs privés. D’autant que si ces marques figuraient sur des gardes, elles auraient pu disparaître lors d’un éventuel changement de reliure effectué quand le manuscrit est entré dans les collections ducales 408. Les seuls volumes achetés au gouverneur de Lille qui présentent un indice de possession sont les exemplaires de la Cité de Dieu, qui portent encore les armoiries de Gui Gilbaut, et qui n’ont donc pas été surpeintes par celles de Philippe le Bon. La forme lexicale et syntaxique de la notule acheté du gouverneur de Lille incite toutefois davantage à considérer Baudouin d’Oignies comme intermédiaire plutôt que comme possesseur. Ces volumes achetés au gouverneur de Lille posent encore d’autres questions, dont la date de leur achat. C. Lemaire avance à deux reprises l’année 1437, sans toutefois en motiver les raisons 409. Le seul indice chronologique est peut-être fourni par les Bruxellenses 9005-9006 qui ont appartenu à Gui Gilbaut, décédé en 1447. Ces deux exemplaires ont donc peut-être été achetés après sa mort, une fois passés en possession de son beau-fils. Selon H. Wijsman, l’acquisition de ces ouvrages par Philippe le Bon serait à mettre en relation avec son mariage le 7 janvier 1430 avec Isabelle de Portugal (dont Baudouin d’Oignies était le maître de l’hôtel de 1430 à 1437) 410. Son 405

Wijsman 2003b, pp. 175-177.

406

J. Lemaire, Manuscrits proches parents ou manuscrits simplement semblables : Réflexions codicologiques et philologiques à propos de deux témoins du Livre des Trois Vertus de Christine de Pizan, dans Une femme de lettres au Moyen Âge. Études autour de Christiane de Pizan, éd. L. Dulac et B. Ribémont, Orléans, 1995, p. 421.

407

LDB-I 2000, p. 68. Sur Antoine d’Oignies : Picat 1995, n°231 ; Cools 2001, n°195. Voir aussi Partie III, chap. I, §. I.6.C.

409

Isabelle de Portugal 1991, pp. 55 et 26.

410

Wijsman 2003b, pp. 148 et 89-190. Sur les livres ayant appartenu à la duchesse ou pouvant être mis

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

285

argument se fonde sur le contenu de ces volumes : la morale, l’histoire ancienne, l’histoire de France et des territoires des Pays-Bas méridionaux constituent autant de thèmes susceptibles d’aider une princesse d’origine étrangère à appréhender ses nouvelles fonctions et à tenir son rang de première dame. Prenant appui sur ce même argument, nous proposons une autre hypothèse qui, loin d’exclure totalement Isabelle de Portugal, concerne davantage les enfants de la famille ducale élevés à la cour de Bourgogne. Les décennies 1420-1440 voient ainsi naître, grandir ou arriver à la cour de Bourgogne bon nombre d’enfants de la famille ducale : Charles de Charolais et Antoine de Bourgogne mais aussi les fils et filles d’Adolphe II de Clèves et de Marie de Bourgogne, sœur de Philippe le Bon 411. Entre la fin des années 1420 et le début des années 1440, la Recette générale des finances renseigne plusieurs défraiements à des officiers pour des livres destinés à l’éducation de ces enfants. Ces données sont reprises dans le tableau ci-dessous : Année 1428 1439 1440 1440

Fonctionnaire Laurent Pignon Jean Gourdin Jean Gourdin Roger Marchant

1440

Jean de Rosimbos

1441

Jacotin du Bailleul

1441

Jean de Fiennes

Tâche effectuée achat d’un livre d’heures pour Jean Ier de Clèves 412 achat de livres d’heures pour les enfants de Clèves 413 achat d’un missel pour le comte de Charolais 414 achat de livres d’école servant à l’éducation d’Adolphe de Clèves 415 achat d’un livre en latin servant à l’éducation d’Adolphe de Clèves 416 achat de livres de grammaire servant à l’éducation d’Antoine de Bourgogne 417 achat d’un missel portatif pour le comte de Charolais 418

en relation avec elle : Sommé 2007 (avec bibliographie). 411

Englebert de Clèves, né et mort en 1433 ; Marguerite (1416-1444) ; Catherine (1417-1479) ; Jean Ier (1419-1481) ; Agnès (1422-1448) ; Hélène (1423-1471) ; Adolphe III (1425-1492) ; Marie (14261487) et Anne (1432). Sur les enfants de la famille ducale élevés à la cour : Sommé 1995, pp. 65-88.

412

[...] pour avoir achetté ung livre où sont les Heures Nostre Dame et pluiseurs autres oroisons et suffraiges, enluminé d’or, a pluiseurs histoires, lequel mondit seigneur a donné au damoiseau de Cleves son nepveu [...] (ADN, B 1938, fol.187r-v). Jean Ier (né en 1419) et Adolphe III (né en 1425) sont les seuls neveux du duc déjà nés à cette époque. Le payement datant de 1428, il faut exclure Adolphe III, alors âgé de 2 ou 3 ans et conclure que le damoiseau de Cleves son nepveu n’est autre que Jean Ier, âgé d’environ 6 ans − âge de l’apprentissage de la lecture au moyen, notamment, du traditionnel livre d’heures. La même année (1428), le duc payera pour la reliure de deux livres de dévotion destinés à Jean Ier de Clèves (ADN, B 1938, fol.228r).

413

AGR, CC 46955, fol.235r.

414

ADN, B 1969, fol.339v.

415

ADN, B 1969, fol.272v.

416

ADN, B 1969, fol.294v.

417

ADN, B 1972, fol.181r.

418

ADN, B 1972, fol.205r.

Partie III : Des livres et des hommes

286

1442

Nicolas Finet

payement pour la copie d’un livre d’heures destiné à Antoine de Bourgogne 419

Plusieurs fonctionnaires cités dans ces mentions dépendent ainsi plus ou moins directement de l’hôtel de la duchesse qui avait pris en charge l’éducation des enfants de la famille ducale 420. Le clerc de chapelle Jean Gourdin est cité comme tel dans les ordonnances de l’hôtel d’Isabelle de Portugal de 1430 et de 1438 421. Le maistre d’escole d’Adolphe de Clèves, Roger Marchant, figure également dans les écrous de l’hôtel de la duchesse en 1441-1442 422. Seigneur de Fromelles, Jean de Rosimbos exerçait les fonctions d’écuyer tranchant d’Isabelle de Portugal ayant le gouvernement de Adolf damoiseau de Cleves tout au long des années 1430-1455 423. Quant à Nicolas Finet (prebstre, chappellain du Bastart de Bourgongne), il allait devenir aumônier de la duchesse en 1447 424. On notera ensuite que ces articles de la Recette générale des finances portent à la fois sur des ouvrages de dévotion et sur des livres d’escole. Vu leur contenu, les six volumes achetés au gouverneur de Lille pourraient fort bien venir compléter ces lectures éducatives. Ils présentent en effet un choix assez équilibré entre textes plus adaptés à l’enseignement donné aux jeunes garçons de la dynastie bourguignonne (les Grandes Chroniques de France et Chronique normande rappellent les origines illustres de la dynastie de Bourgogne-Valois et les prouesses de leurs représentants) et d’autres dont le contenu semble mieux convenir à l’éducation des jeunes filles (tel le Livre des trois vertus ou Trésor de la Cité des dames de Christine de Pizan, vaste guide d’enseignement moral et politique qui s’adresse notamment aux princesses et haultes dames). Certains ouvrages achetés au gouverneur de Lille sont abondamment illustrés, ce qui peut ajouter à leur valeur éducative. M. Sommé a démontré toute l’importance du rôle de la

419

ADN, B 1977, n°58610.

420

Sommé 1995, pp. 65-89.

421

Il sera repris en cette qualité dans l’ordonnance de l’hôtel (1458) des duchesses Isabelle de Bourbon et Marie de Bourgogne et est cité comme garde-joyaux de la comtesse de Charolais en 1457 puis comme conseiller et maître des requêtes de l’hôtel ducal onze ans plus tard (Picat 1995, n°130 ; Sommé 1998, p. 229, p. 248, p. 253, pp. 334-335, p. 365, p. 452, p. 455, pp. 492 et 501 ; Greve - Lebailly 2001, n°343 ; Kruse - Paravicini 2005, 6.162, 12.194 et 19.181).

422

Il apparaît comme précepteur d’Adolphe de Clèves dans l’ordonnance reprenant le personnel de Philippe de Bourbon, Adolphe et Marie de Clèves (1439 ; Sommé 1995, p. 496 ; Kruse - Paravicini 2005, 13b.3).

423

Il est aussi repris dans l’hôtel du comte de Charolais en 1438. Gouverneur du jeune Adolphe de Clèves en 1439, membre du Conseil de régence en 1454, il devient conseiller et chambellan du comte de Charolais deux ans plus tard. Il était également gouverneur du Quesnoy (1456) et sera nommé gouverneur de Lille en 1468. Il avait joué un rôle important dans la jeunesse du comte de Charolais (Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, II, pp. 215-216) et d’Adolphe de Clèves (Bartier 1955-1957, p. 418, n. 2 ; Sommé 1998, pp. 45, 73, 227, 248, 250, 254, 271, 301, 307-308, 314-316, 355-356, 371, 440, 442, 495 et 506 ; Kruse - Paravicini 2005, 6.52, 6.54, 12.77, 12.79, 13b.1 et 18.3).

424

Voir Répertoire biographique.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

287

duchesse dans l’éducation des enfants de la famille ducale 425. Soucieuse de leur fournir (ou de compléter ?) les outils indispensables à leur formation, Isabelle de Portugal a peut-être confié à Baudouin d’Oignies, l’un de ses plus proches collaborateurs, le soin de se procurer des livres adaptés à l’éducation de ceux dont elle avait la charge. La présence parmi ces titres du Livre des trois vertus de Christine de Pizan – un texte que la duchesse semble avoir apprécié426 – pourrait suggérer qu’elle est intervenue personnellement dans le choix même de ces volumes. Au vu des thèmes qui y sont abordés, l’achat par Fortiguaire de Plaisance en 1431-1432 d’une Chronique de Flandre et d’un De re militati de Végèce pourrait aussi répondre à des fins pédagogiques 427. ■ Thomas Orlant Vers la même époque, le maître général des monnaies Thomas Orlant stipule dans une quittance datée du 11 juillet 1437 qu’il a été payé par le receveur Jean de Visen pour la vente d’ung livre nommé la Cité Dieu 428. La formule est ambiguë : Thomas Orlant aurait-il agi comme intermédiaire en achetant à un tiers cette Cité de Dieu pour le duc Philippe le Bon ou aurait-il vendu un manuscrit dont il était propriétaire ? Le relevé de la librairie de Bourgogne de 1467-1469 compte plusieurs copies de la Cité de Dieu mais le seul qui pourrait correspondre à l’exemplaire mentionné dans cette pièce d’archives n’a pas été retrouvé ou identifié. B. Les clauses juridiques Les motifs juridiques qui autorisent le prince à recueillir les biens d’une personne privée (dont les livres) sont nombreux et couvrent un champ d’application assez large. Une saisie intervient notamment lorsqu’un individu enfreint les casus reservati du seigneur qui exerce le droit de haute justice : fauxmonnayage, atteinte au domaine et aux droits princiers, délits commis par des nobles, abus d’autorité, forfaitures de fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction, rébellion et mouvements insurrectionnels, blasphème, haute trahison, crimes capitaux (meurtre, viol, vol, etc.), suicide, disgrâce 429, guerre et malversation ou encore crime de lèse-majesté430. De même, le principe général 425

Sommé 1995, pp. 65-89.

426

Willard 1967, p. 524.

427

Lille, ADN, B 1945, fol.221v (Small 2000, p. 21, n. 19 ; Doutrepont 1909, p. 125 ; Marix 1974, p. 169, n. 3).

428

Lille, ADN, B 3499, n°123739, fol.26r (Paviot 2009).

429

Ainsi, c’est notamment grâce à une lettre de réhabilitation datée de mai 1477 et rédigée par Louis XI que les biens du chancelier Hugonet, exécuté pour trahison en 1477, ont échappé à la confiscation (Flammang 2003, pp. 52-53).

430

Reconnu coupable d’avoir tenté d’assassiner Charles de Charolais, Jean Coustain est décapité en 1462. La totalité de ses biens devait donc revenir à Philippe le Bon mais il en rendit cependant une partie à son épouse Isabelle Machefoing, qui estoit bien en la grace dudit duc (Bartier 1955-1957,

288

Partie III : Des livres et des hommes

du droit coutumier dans les Pays-Bas méridionaux veut que le prince soit reconnu comme bénéficiaire de la succession en l’absence de successeur légitime. Les livres de Godevaert de Wilde sont ainsi entrés dans la librairie de Bourgogne à la suite d’un crime de lèse-majesté tandis que ceux de Pierre (I) de Hauteville pourraient avoir abouti dans la collection ducale en vertu du régime successoral des bâtards. ■ Godevaert de Wilde À ce jour, ont été retrouvés cinq ouvrages possédés par Godevaert de Wilde et qui sont tous mentionnés dans l’inventaire de la librairie ducale de 14671469 431. La confiscation au profit du prince des livres de ce receveur général de Flandre et d’Artois fait suite aux démêlés judiciaires de son fils Gossuin. Président du Conseil de Hollande à partir de 1445, ce dernier entre en conflit ouvert avec le procureur général de Hollande et de Zélande qui l’accuse de sodomie. Emprisonné au château de Heusden, Gossuin de Wilde est finalement décapité à Lovenstein en octobre 1449 432. La sodomie étant alors assimilée au crime de lèse-majesté, il paraît plus que vraisemblable que les biens de Gossuin de Wilde (dont les livres hérités de son père) ont été confisqués au profit de Philippe le Bon et déposés dans la librairie ducale 433. ■ Pierre de Hauteville Le nom de Pierre de Hauteville peut être mis en relation avec trois manuscrits entrés dans la bibliothèque de Bourgogne et décrits dans le relevé de 14671469 : deux ouvrages aujourd’hui conservés à Bruxelles et un algorisme venu du prince d’amours qui n’a pas été retrouvé 434. Ce personnage de qui « venait » cet ouvrage correspond sans doute à Pierre de Hauteville qui porte effectivement le titre de Prince d’Amours – ou prince du bailliage d’amour – au sein de la Cour amoureuse de Charles VI. D. Vanwijnsberghe a avancé l’idée qu’à son décès en 1448, Pierre (I) de Hauteville aurait vendu ou donné sa collection de livres, en tout ou en partie, à Philippe le Bon 435. Hauteville stipule pourtant clairement dans son testament daté de 1418 qu’il souhaite léguer son recueil didactique à Pierre Soris et son

pp. 237-238, n. 6 ; Caron 1987, p. 159). L’inventaire des biens de Jean Coustain dressé par Pierre Bladelin ne reprend aucun livre (ADN, B 2046 et B 2050). 431

KBR, mss 9596-97, 9764-66, 9881-82 et 9902 ; BNF, ms. lat. 9675.

432

Voir aussi R.I.A. Nip, Bengaert Say, een 15de eeuw ambtenaar, dans Holland, n°15, 1983, pp. 65-75, spéc. 71-73 ; G. Kuijk et R. Valens Nip, Saeye zonden, dans Groniek, n°16, 1982, p. 1721.

433

Sur la répression de la sodomie : Boone 1993 ; Boone 1996b, spéc. p. 150 et n. 59.

434

KBR, mss 10394-414 et 10386 et doc.II (Doutrepont 1909, p. 296).

435

Vanwijnsberghe 2000, spéc. pp. 155-156.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

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Livre du Trésor à Jean Braque. Il est peu vraisemblable que ces ouvrages qui apparaissent dans la librairie ducale aient jamais été en possession des deux légataires. On sait que Pierre de Hauteville a rédigé à Lille un autre testament daté de 1447 et dont seuls des extraits (qui ne concernent pas ses livres) ont été conservés 436. Rien n’exclut qu’il ait souhaité faire annuler au profit de Philippe le Bon certaines dispositions de 1418 relatives à sa bibliothèque. Pierre de Hauteville n’aurait d’ailleurs pas été le seul officier ducal à choisir son souverain comme légataire : le musicien Guillaume Dufay en fera de même envers Charles le Téméraire à qui il donnera par testament plusieurs manuscrits musicaux 437. La formule venu du prince d’amours qui décrit l’algorisme de Hauteville dans le relevé de 1467-1469 n’infirme ni ne confirme l’hypothèse, malgré tout fort putative, du legs. Une seconde explication peut néanmoins être proposée sur la base d’éléments plus tangibles. Pierre de Hauteville décède un après avoir rédigé son second testament en laissant derrière lui un fils unique, également prénommé Pierre 438. Or, Pierre (II) de Hauteville est né hors mariage et, à la mort de son père, considéré donc aux yeux de la loi comme un enfant naturel. Ce statut a de lourdes implications quant aux droits de succession : le principe général du droit coutumier en vigueur dans les Pays-Bas veut qu’en l’absence d’enfants légitimés − les seuls à être, sauf rares exceptions, admis comme héritiers −, la succession des bâtards non légitimés soit recueillie par le seigneur 439. Pierre (II) de Hauteville ne recevra sa lettre de légitimation que deux ans après le décès de son père, un délai amplement suffisant pour que les ouvrages paternels passent en vertu de l’application de la loi dans le patrimoine livresque de Philippe le Bon. C. Un accident de parcours L’adage est bien connu des bibliothécaires : un livre mal rangé est un livre perdu. On pourrait décliner la formule en disant qu’un livre prêté est un livre potentiellement perdu pour son propriétaire, comme vient l’illustrer le cas de la Cité de Dieu en deux volumes du chef du Conseil et évêque de Tournai Jean Chevrot. Nous avons déjà évoqué la clause de son testament qui prévoyait de récupérer ces ouvrages, alors en prêt chez David de Bourgogne, en vue de les léguer à Notre-Dame de Tournai 440. Les volumes ne seront jamais restitués à Jean Chevrot, pas plus qu’ils ne seront donnés à la librairie cathédrale. Dans des 436

Des extraits ont été édités dans Brassart 1884.

437

Wright 1975, p. 228.

438

Sur ce personnage : Dumolyn 2004.

439

Godding 1987, p. 318.

440

Doc.III.7-8 (= KBR, mss 9015-9016).

290

Partie III : Des livres et des hommes

circonstances et pour des raisons indéterminées, c’est dans la bibliothèque de Bourgogne que va aboutir cette Cité de Dieu. Les deux tomes sont d’ailleurs recensés dans l’inventaire ducal de 1467-1469. Le testament de Chevrot permet quoi qu’il en soit de rejeter l’hypothèse selon laquelle cette Cité de Dieu aurait été offerte par l’évêque de Tournai à Philippe le Bon 441. VI. 3. L’accès des officiers à la librairie de Bourgogne Dans quelle mesure les fonctionnaires ducaux avaient-ils accès à la célèbre bibliothèque de leurs « employeurs » ? Le cas échéant, qui étaient-ils ? Pour quels motifs, à quelles conditions et dans quelles circonstances cette autorisation leur était-elle accordée ? Nous proposerons d’abord plusieurs éléments de réflexion concernant Georges Chastelain, l’un des principaux hommes de lettres appointés par la maison de Bourgogne. Quelques observations sur le fonctionnement de la librairie ducale précèderont d’autres remarques sur l’utilisation de cette librairie par certains acteurs du milieu curial : les officiers mais aussi les membres de la famille ducale. A. Georges Chastelain, lecteur de la librairie de Bourgogne ? Retenu en qualité d’historiographe officiel de la maison de Bourgogne en 1455, Georges Chastelain a composé de très nombreux écrits dans le cadre de son office. G. Small estime que, vu sa position à la cour de Bourgogne, l’indiciaire a pu avoir accès à la librairie ducale à l’instar de Jean Mansel, Jean d’Enghien, Jean de Wavrin ou encore Guillaume Fillastre. Ces personnalités cultivées évoluant dans le milieu aulique − et qui étaient tous fonctionnaires − devaient selon lui être « able to consult or borrow books from duke’s collection » 442. Des propos similaires reviennent sous la plume d’A. Vanderjagt : « For obvious purposes Philip the Good also made sure that [his courtiers] had access to his book collections » 443. Souvent présenté comme une évidence, cet accès apparemment fréquent à la librairie ducale n’est toutefois jamais étayé par des preuves indiscutables. Un passage de sa Chronique où l’indiciaire consacre un long paragraphe au gardejoyaux Jacques de Brégilles servira de point de départ à certaines observations sur cette problématique. Chastelain le décrit comme un vaillant prud’homme et qui longuement avoit servi le pere [Philippe le Bon], se porta si lealement et si entierement envers le fils, que le fils l’en prisa et recommanda beaucoup. Le garde-joyaux, aimant mieux son honneur et son ame que nul avoir mal pris, fut donc retenu et choisy, digne sur tout autre vivant de demorer en son estat. Aprés mesmes, quand il eut voulu abandonner son 441

C. Gaspar et F. Lyna, Philippe le Bon et ses beaux livres, Bruxelles, 1942, p. 9.

442

Small 1997, p. 132.

443

Vanderjagt 1995, p. 272.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

291

estat, sy ne l’eust on souffert partir, mais l’eust on retenu a presse, quoiqu’il y eust des autres assez qui y tachoient 444. Ce texte appelle plusieurs commentaires. Il faut d’abord rappeler qu’évoluant au sein de l’hôtel ducal depuis des années, Georges Chastelain devait certainement en connaître le fonctionnement et les rouages. Pour preuve (et entre autres exemples), la description précise qu’il fournit des fonctions exercées par le valet de chambre Jean Martin 445. Or, à aucun moment dans sa Chronique, Chastelain ne signale que la gestion et l’entretien de la librairie figurent parmi les attributions du garde-joyaux Jacques de Brégilles. La garde de la bibliothèque n’est d’ailleurs pas mentionnée non plus dans son Estat de la maison du duc Charles de Bourgogne par Olivier de La Marche – un autre homme de lettres aux gages de la maison ducale – lorsqu’il relève les diverses tâches qui incombent au gardejoyaux 446. S’il avait eu accès à la librairie de Bourgogne, Chastelain n’aurait vraisemblablement pas manqué d’en parler dans ce passage où il évoque justement la personnalité et la carrière de Jacques de Brégilles. En outre, ce dernier n’était pas un inconnu pour l’indiciaire : de 1446 à sa mort en 1475, Brégilles officie en qualité de garde-joyaux alors que Chastelain, décédé la même année, exerce comme indiciaire à partir de 1455. Le portrait plutôt élogieux de Brégilles brossé par Chastelain peut du reste être interprété de deux manières. Soit il appréciait la probité de ce bibliothécaire qu’il avait souvent eu l’occasion de fréquenter ; soit il utilise à dessein la flatterie pour obtenir certaines faveurs comme, peut-être, la consultation d’ouvrages confiés au gardejoyaux ? Dans sa Déclaration de tous les hauts faits où il évoque la personnalité de Philippe le Bon, Chastelain évoque uniquement sa passion pour les pierreries et les montures mais ne dit pas un mot sur la librairie ducale ni sur le mécénat artistique et littéraire de son « patron » 447. Plus largement, il faudrait analyser systématiquement la manière dont les auteurs de textes commandés ou patronnés par la maison ducale évoquent les sources qu’ils ont utilisées. À notre connaissance, aucun ne paraît faire allusion à un quelconque accès à la librairie ducale ni à un prêt d’ouvrages provenant de cette collection. On peut s’en étonner. À l’évidence, une telle consultation aurait sans nul doute été perçue comme un témoignage de confiance, un signe de proximité avec la maison ducale et, partant, aurait conféré à son auteur et à son œuvre un prestige certain. Charles Soillot est l’unique auteur attesté à avoir eu 444

L’indiciaire évoque Brégilles dans sa Chronique à l’occasion du récit des grans biens délaissés par Philippe le Bon à sa mort (Kervyn de Lettenhove 1863-1864, V, pp. 230-232).

445

Kervyn de Lettenhove 1863-1866, V, p. 231.

446

Il n’évoque que l’argent liquide, les pierreries, les ornements et la vaisselle (Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, IV, p. 18).

447

Splendeurs de la cour de Bourgogne 1995, p. 755. En revanche, David Aubert fait allusion dans deux de ses prologues la richesse de la librairie de Philippe le Bon (Straub 1995, p. 300).

292

Partie III : Des livres et des hommes

formellement accès à la librairie ducale du Palais de Bruxelles puisqu’il en a dressé l’inventaire avec son collègue Martin Steenberch en 1487. Les deux œuvres connues de Soillot remontent toutefois aux années 1460, ce qui vient clore le débat 448. Il faut en outre rappeler qu’au Coudenberg, la camere vander liberarien se situait à l’étage au-dessus de la chambre de Philippe le Bon et à côté de sa salle à manger privée 449. La disposition même des pièces indique donc que l’endroit où était installée la plus grande partie de la librairie patrimoniale des ducs de Bourgogne − à distinguer des ouvrages que les membres de la famille ducale gardaient auprès d’eux, des livres conservés à la chapelle et des manuscrits relatifs à l’Ordre de la Toison d’or − revêtait un caractère privé et d’accès restreint. Le prêt d’ouvrages ou la consultation in situ de la plus riche et noble librairie du monde par des écrivains, copistes et autres traducteurs rétribués par la maison de Bourgogne reste donc à établir formellement. À titre de comparaison, signalons rapidement que d’après O. Mattéoni, une petite élite composée d’officiers-littérateurs de haut rang et très proches du pouvoir aurait pu être admise dans la riche bibliothèque des ducs de Bourbon au château de Moulins. Il fonde son hypothèse sur la signature de l’homme de lettres François Robertet (qui terminera sa carrière en 1510 comme maître de la Chambre des comptes) retrouvée sur certains volumes de la librairie des Bourbons et qui, selon Mattéoni, ne s’expliquerait pas autrement que par son accès à la collection 450. Cet argument ne nous semble guère probant puisque la présence d’une signature dans un volume d’une bibliothèque institutionnelle ne signifie pas nécessairement que le signataire y ait pénétré 451. B. Quelques remarques sur le fonctionnement de la librairie ducale De tous ceux qui arpentent les couloirs de l’hôtel ducal, le garde-joyaux est naturellement l’officier le plus souvent amené à fréquenter la librairie 452. Cinq bibliothécaires se sont succédé entre le milieu du XVe siècle et le début du siècle suivant : Jean de Lachenal († 1445), Jacques de Brégilles († 1475), Wouter d’Oudheusden († ca 1504), Jean Bave († 1502) et Thierry de Heetveld († 1536). Il n’est pas inutile de rappeler qu’à l’exception des listes datées de 1485, 1487, 1504 et du début du XVIe siècle, la librairie de Bourgogne n’est connue que par des inventaires dressés à la mort d’un duc ou d’une duchesse. Il semble qu’on ne dispose d’aucun catalogue complet (au sens bibliothéconomique du terme), 448

Il s’agit du Débat de félicité et de la traduction française du Hiéron de Xénophon. Nous préparons l’édition de ce dernier texte avec T. Van Hemelryck et B. Bousmanne.

449

de Jonge 1991, p. 20, n. 51-52.

450

Mattéoni 1998, pp. 125 et 447.

451

Voir Partie III, chap. III, §. II.2.

452

Sur ce qui suit, voir également Van Hoorebeeck 2009c.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

293

tenu à jour par le garde-joyaux et dans lequel étaient consignées les nouvelles acquisitions, les mentions d’ouvrages en prêt, perdus, dégradés, empruntés à l’extérieur ou temporairement déplacés. L’établissement de tels relevés est pourtant prévu dans un article de l’ordonnance de l’hôtel de Philippe le Bon de 1433 qui précise que ceux qui ont la garde de ses joyaulx d’or, de pierrie et de livres sont tenus de faire recette de tout bien reçu ou enlevé, et de l’indiquer dans l’inventaire 453. L’existence de catalogues de ce type est en outre attestée par quelques mentions dans des documents comptables. Ces sources indiquent également que le garde-joyaux établissait un catalogue distinct reprenant spécifiquement les livres de la chapelle. C. Les fonctionnaires, des usagers de la librairie de Bourgogne ? Les inventaires de la librairie de Bourgogne de 1485, de 1487, de 1504 et du début du XVIe siècle présentent quelques mentions marginales qui éclairent d’un jour nouveau la circulation des volumes conservés dans cette collection. Certaines notules font état d’ouvrages prêtés à des membres de la famille ducale : madame la princesse 454, madame de Savoie 455, Philippe de Clèves 456 ou encore Englebert II de Nassau 457. Mais d’autres indications en marge évoquent des personnages qui, par leur naissance ou leurs fonctions, sont moins en vue sur l’échiquier social et institutionnel bourguignon. On trouve ainsi en 1485 l’indication Jehan Banc a ce livre face à la description d’un ouvrage des Éthiques et Politiques d’Aristote dans la traduction française d’Oresme 458. Ce personnage pourrait être ce Jean Le Blancq, sommelier d’oratoire du Roy des Romains cité parmi les témoins du testament d’Olivier de La Marche et daté du 8 octobre 1501 459. Son nom apparaît encore dans une mention de l’inventaire de 1487 à propos d’un exemplaire du Champion des dames de Martin Le Franc460. D’autre part, une note en marge d’un luxueux livre d’heures décrit en 1485 indique que l’ouvrage est entre les mains du chevalier de Dinteville 461. Il s’agit très 453

W. Paravicini, Die Hofordnungen Herzog Philipps des Guten von Burgund. Édition. IV, dans Francia, n°15, 1987, p. 218, n°462.

454

CCB-V, n°8.53. Elle avait apparemment rendu l’ouvrage puisque la note indique par acquit et rendu.

455

CCB-V, n°8.349. Il s’agit de Marguerite d’Autriche, mariée per procuram depuis septembre 1501 à Philibert de Savoie.

456

Sur les livres empruntés par Philippe de Clèves : Wijsman 2007b.

457

CCB-V, n°8.204. Il était par ailleurs cité parmi les témoins de l’inventaire de 1485.

458

CCB-V, n°7.1 (= KBR, ms. 9505-06).

459

Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, IV, p. CLXV. S’agit-il du même individu que ce Jehinnet Leblanc cité dans un état de l’hôtel de Marie de Bourgogne en 1482 (L’intermédiaire du généalogiste, n°126, 1966, p. 288).

460

Jehan Banc es mains de madame la princesse de Castille par acquit cy rendu (CCB-V, n°8.238).

461

CCB-V, n°7.11.

294

Partie III : Des livres et des hommes

probablement de Jean de Dinteville († 1522), seigneur d’Echannay et de Commarin, qui apparaît notamment comme conseiller-chambellan en 1470 et en qualité de maître de l’artillerie en 1495 462. Le relevé de 1487 signale par ailleurs qu’une belle bible se trouve en possession de monseigneur Anthoine Flameng qui précise que ceste bible est en ses mains 463. Antoine Le Flamenc figurait parmi les commissaires chargés deux ans plus tôt d’inventorier la bibliothèque ducale. Le document le cite comme secretaire de mondit seigneur, une fonction qu’il exerçait déjà en 1484, à laquelle il est attesté en 1506 et qu’il semble encore occuper en 1515 au sein de l’hôtel de Charles Quint 464. Enfin, un complément à la liste de 1487 dressé entre le 7 et le 30 avril 1504 ainsi qu’une liste non datée remontant au XVIe siècle font allusion à un certain Vallee. Signalés dans le premier relevé comme étant devers la vesve de feu monseigneur de la Valee 465, un exemplaire du Girart de Nevers et une Passion de saint Adrien figuraient encore dans la seconde liste parmi les volumes a trouver 466. Selon nous, il faut sans doute identifier monseigneur de la Valee avec Jean de Bournonville, seigneur de La Vallée et de Heuchin et époux de Jeanne de Lignières 467. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer les raisons pour lesquelles ces officiers avaient es mains des volumes de la librairie de Bourgogne. À l’instar des membres de la famille ducale, certains d’entre eux (comme Jean de Dinteville) pourraient avoir obtenu ces volumes en prêt. En irait-il de même pour ces fonctionnaires apparemment venus de petit lieu 468, tels Jean Banc et le secrétaire Antoine Le Flamenc ? Le cas ne serait pas complètement isolé puisque Jean 462

Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°1106, 2518 et 2859-2860 ; Cauchies 2005, p. 64, n°18 et p. 86, n°25.

463

CCB-V, n°8.94.

464

En 1484, un secrétaire nommé Antoine Le Flamand reçoit une gratification de la ville de Mons à l’occasion de la Joyeuse entrée de Maximilien (Kerckhoffs-de Heij 1980, I, p. 95). Comme l’indique Antoine de Lalaing dans son récit, Philippe le Beau avait envoyé début 1506 maistre Anthoine le Flameng, son secretaire en Angleterre auprès d’Henri VII (Collection de voyages des souverains des Pays-Bas, éd. L.-P. Gachard, I, Bruxelles, 1876, pp. 418-419 et 449). Il apparaît en juin de la même année comme maître des requêtes (Collection de voyages..., p. 531). En décembre 1515, maistre Anthoine le Flameng secretaire sera retenu par Charles Quint parmi les membres de son hôtel (Collection de voyages..., II, Bruxelles, 1874, p. 494, n. 1).

465

CCB-V, n°9.20-21.

466

CCB-V, n°10.8 et 10.9 (en marge des deux entrées : Valee).

467

Cet écuyer tranchant de Charles le Téméraire avait occupé les fonctions d’aide du châtelain de Hesdin à partir de 1470 et se placera au service de Marguerite d’York et de Marie de Bourgogne. Il allait cependant se tourner vers Charles VIII dont il devient conseiller et maître de l’hôtel en 1489. Il était possessionné en Artois comme en Boulonnais, ce qui le place après le traité de Senslis dans une situation de double fidélité envers la France et la Bourgogne ; il semble toutefois avoir été apprécié de Charles VIII comme de Philippe le Beau (Schnerb 1997, spéc. pp. 222-225, 228-230, 235, 240 et 242). Son décès en 1509 offre un précieux terminus pour la datation de ces deux listes de la bibliothèque de Bourgogne où son épouse Jeanne de Lignières figure en tant que veuve.

468

L’expression est empruntée au chroniqueur Jacques du Clercq qui l’utilise à propos de Nicolas Rolin (de Reiffenberg 1836, III, p. 203).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

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sans Peur presta et fit baillier plusieurs ouvrages à son médecin Geoffroy Malpoinre469. Si les indices directs à propos de Banc et Le Flamenc font totalement défaut, deux autres hypothèses méritent cependant d’être formulées. D’une part, il n’est pas exclu qu’à l’instar d’un Jean Le Tourneur ou d’un Philippe de Visen, des agents qui exerçaient des fonctions domestiques dans l’hôtel aient détenu temporairement des ouvrages qu’ils gardaient à disposition du duc 470. La notule qui associe le nom de Jean Banc à celui de la princesse de Castille pourrait-elle indiquer qu’il officiait à son service 471 ? D’autre part, la comptabilité ducale témoigne que des officiers ont très souvent servi d’intermédiaires pour des tâches très diverses en rapport avec des livres de la librairie de Bourgogne (les faire relier, compléter, réparer ou encore mettre au point). Bien que les mentions de manuscrits en rapport avec Antoine Le Flamenc ne fournissent aucune précision en ce sens, les documents comptables signalent que certains secrétaires ducaux ont été sollicités comme fidéicommis en matière de livres 472. On ignore toutefois si le secretaire de mondit seigneur Antoine Le Flamenc est concerné par cette pratique. Par ailleurs, il faut revenir sur Pierre de Roubaix et Roelant Le Fèvre, deux fonctionnaires ducaux qui possèdent des codices presque identiques à certains manuscrits de la librairie de Bourgogne. Le premier a apposé ses armes et celles de son épouse Marguerite de Ghistelles sur l’une des rares copies actuellement recensées du Ménagier de Paris 473. Les deux autres exemplaires, conservés respectivement à Bruxelles et à Paris, figuraient dans les inventaires de la bibliothèque ducale 474. De plus, la copie des Ghistelles-Roubaix datée aux alentours de 1450 est une transcription fidèle de celle reprise dans le volume de Paris, exécuté lui aussi dans les années 1450-1460. La version du Speculum humanae salvationis de Roelant Le Fèvre (aujourd’hui à Chantilly) 475 se retrouve quant à elle dans un exemplaire de Philippe le Bon conservé à Chicago 476. 469

Doutrepont 1909, p. 290 ; Legaré 2007, p. 602.

470

Cette explication est avancée par A. de Schryver pour justifier la présence de quatre volumes entre les mains du sommelier de corps Jean Le Tourneur en 1468 (de Schryver 2000, p. 85). Autre exemple : le compte des biens de Philippe le Beau qui se trouvaient en dépôt chez son sommelier de corps Philippe de Visen signale en 1509 un livre nomme le volume de Jeron le Courtois escript en papier (B. Roosens, Twee post-mortem inventarissen van kostbare bezittingen van Filips de Schone (1506 en 1509), dans Filips de Schone 2006, p. 252).

471

L’ordonnance et l’état de la maison de Jeanne de Castille en 1500-1501 ne signale pas son nom (Reynebeau 1999) mais un Jehinnet Leblanc est cité dans un état de l’hôtel de Marie de Bourgogne en 1482 (voir supra). Il pourrait s’agir de la même personne, le passage du service d’une dame à l’autre dans la famille ducale n’ayant rien d’inhabituel.

472

Voir Partie III, chap. I, §. II.5.

473

BNF, nouv. acqu. fr. 6739.

474

KBR, ms. 10310-11 (LDB-II 2003, pp. 164-169) et BNF, ms. fr. 12477.

475

Chantilly, Musée Condé, ms. 1363.

476

Newberry Library, ms. f. 40.

296

Partie III : Des livres et des hommes

L’illustration du codex de Le Fèvre reproduit fidèlement celle du manuscrit de Chicago, mais aussi celle de l’édition xylographique du Speculum. Sur la base de ces indéniables ressemblances, H. Wijsman a suggéré que Roelant Le Fèvre (un proche et ardent partisan de Maximilien) ait pu avoir accès à la librairie ducale à l’occasion de l’inventaire réalisé à Gand à la demande de Maximilien en juillet 1485 477. L’argument de proximité avec le prince pourrait d’ailleurs également valoir pour le Ménagier de Paris de Pierre de Roubaix, une personnalité reprise comme chambellan de Philippe le Bon dans les ordonnances de l’hôtel de 1437, 1445 et 1449. Dans les deux cas, l’hypothèse d’un emprunt à la librairie ducale n’est pas à rejeter formellement mais on ne peut écarter non plus la possibilité théorique d’un modèle commun, surtout dans le cas d’un texte aussi diffusé que le Speculum humanae salvationis. Reste encore à évoquer un manuscrit de la librairie de Bourgogne qui est selon toute vraisemblance entré en possession personnelle du garde-joyaux Wouter d’Oudheusden. Ce volume contient le Tafel van den kersten ghelove de Dirk van Delft et présente toutes les caractéristiques de la production de luxe réalisée à Utrecht au début du XVe siècle 478. La très riche illustration a été prise en charge par le Maître du Sacrement et par le Maître de Dirk van Delft. Décrit lors de l’inventaire de la bibliothèque ducale dressé en 1467-1469 479, il ne réapparaîtra plus dans les relevés ultérieurs. Le manuscrit présente en revanche deux mentions du XVIe siècle qui concernent Floris d’Oudheusden et sa sœur Anne, les arrière-petits-enfants de Wouter d’Oudheusden. Rappelons que ce dernier avait commencé sa carrière en remplacement du garde-joyaux Jacques de Brégilles, décédé en 1475. Ses fonctions exercées durant plus d’un quart de siècle plaçaient donc cet officier en contact direct avec la librairie de Bourgogne dont il avait la charge. Comment expliquer que ce Tafel van den kersten ghelove soit parvenu entre les mains de ses descendants ? Les deux hypothèses les plus immédiates portent sur un emprunt non restitué ou sur un don en recompensacion d’aucuns services. Nous l’avons exposé plus haut, les prêts formellement attestés dans les années 1485-1504 n’impliquent toutefois que des représentants de la famille ducale. Si le manuscrit a été obtenu en prêt par d’Oudheusden, il s’agirait alors d’un cas qui sans être exceptionnel n’en demeurerait pas moins inhabituel. À notre connaissance, les sources ne fournissent que de très rares exemples de livres prélevés dans la librairie ducale pour être offerts ou prêtés par le souverain à un fonctionnaire480. Reste alors l’hypothèse d’un ouvrage 477

Wijsman 2003b, p. 157, n. 120 et 356, n. 123.

478

New York, PML, ms. M. 691.

479

Barrois 1830, n°772.

480

C’est notamment le cas du médecin de Jean sans Peur à qui des ouvrages avaient été donnés et qui en avait aussi empruntés (Doutrepont 1909, p. 290).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

297

entré en possession du garde-joyaux par des voies irrégulières. Précisons d’emblée que la documentation ne fournit aucun indice sur la bonne ou la mauvaise conduite morale de Wouter d’Oudheusden, que ce soit dans le cadre de son office ou dans sa vie privée. Il faut cependant reconnaître que le Tafel van den kersten ghelove avait de quoi attiser la convoitise : non seulement très luxueux, il comprenait en outre un texte à caractère didactique composé en néerlandais, langue maternelle de Wouter d’Oudheusden et de sa famille qui, au XVIe siècle, s’implante solidement en Hollande. Le Tafel van den kersten ghelove aurait-il été « distrait » de la librairie de Bourgogne par un garde-joyaux indélicat ? L’histoire du livre médiéval fournit nombre d’attestations d’ouvrages volés au sein de collections privées ou institutionnelles et (hier comme aujourd’hui), les premiers suspects se comptent souvent parmi le personnel attaché à ces bibliothèques. Analyser la documentation, abondante et polymorphe, relative au vaste patrimoine livresque des officiers ducaux tout en procédant à des investigations biographiques serrées : la mise en œuvre de ces démarches indispensables et complémentaires aura sans nul doute permis de dégager le rôle fondamental du livre comme agent de liaison qui crée, maintient ou renforce des liens sociaux. Parmi les principaux apports de cette enquête : la mise au jour, grâce aux voies de circulation et de transmission du livre, de certaines relations jusqu’alors ignorées ou, à tout le moins, largement méconnues. L’objet-livre donne ainsi chair aux nombreuses fréquentations nouées par les fonctionnaires sur bien des terrains. La proximité géographique ou affective semble le maître-mot de leurs réseaux de relations ancrés dans le cercle familial et dans les milieux religieux. Les contacts nourris « en cour » (dans le cadre de l’hôtel ducal comme dans les autres structures institutionnelles) et qui s’expriment au travers du livre renvoient bien souvent à des liens créés dans d’autres contextes et d’autres cénacles tels que la Ville, l’Université et les milieux « littéraires ». Véritable plaque tournante relationnelle, l’exercice commun d’un office au sein de l’État bourguignon permet de reconstituer, de prendre la mesure et de comprendre l’origine et les enjeux de ces multiples liens dont le livre se fait l’écho. Les stemma possessorum avérés et les « parentés bibliophiliques » reconstituées offrent en outre un éclairage de premier plan sur un large éventail de fonctions assignées au livre dans le cadre de ces contacts professionnels, tour à tour témoignage de reconnaissance pour un service rendu, instrument stratégique dans un plan de carrière, cadeau de circonstance voire gage d’amitié ou d’estime. Quant aux relations croisées entre les livres, les officiers et la librairie de Bourgogne, elles témoignent également du rôle du livre appréhendé dans sa double dimension d’acteur culturel mais aussi social. Les modalités pratiques et concrètes de l’accès et de l’utilisation de la bibliothèque ducale par les fonctionnaires appellent cependant encore bien des développements.

CHAPITRE III : Livre-outil et objet-livre, usages du livre et pratiques de lecture Depuis déjà plusieurs décennies, l’histoire du livre emprunte des voies de recherche qui tiennent en deux questions fondamentales : qui lit ? Et, par corollaire, qui lit quoi ? Dans cette perspective, l’objectif est avant tout de repérer et de quantifier la présence du livre dans différents groupes sociaux afin d’identifier les textes et les auteurs qui y étaient attestés 481. De manière aussi sensible qu’implicite, ce type de questionnement postule que les différences de statut socioprofessionnel impliquent des clivages culturels – en d’autres termes, qu’il existe une correspondance entre la position sociale des individus et leurs types de lectures. L’historiographie a ainsi longtemps adopté une démarche d’opposition culture « de cour » et culture des « gens de savoir » 482. Les propos tenus en 1955 par Bartier, pour qui « gentilshommes et hommes de robe n’apprécient pas les mêmes œuvres » 483, se sont vus relayés par F. Autrand qui écrit près de vingt ans plus tard que « les librairies de juristes se ressemblent entre elles mais ne ressemblent pas à celles des milieux de cour » 484. En 1972, A. Derolez allait cependant aborder la problématique sous un angle un peu différent. Pour lui, il existait dans les Pays-Bas méridionaux au XVe siècle deux courants en matière d’histoire des bibliothèques 485. La sociologie des possesseurs n’y est pas totalement négligée mais la distinction entre ces deux courants repose avant tout sur les particularités internes des bibliothèques (composition et langue). Francisation massive, contenu essentiellement littéraire, historique, didactico-moral et production manuscrite enluminée caractérisent les librairies nobiliaires qui participent du premier courant dit « bibliophile ». La librairie de Bourgogne en représente le prototype. La seconde tendance, qualifiée de « pré-humaniste », comprendrait des collections fortement latinisées et composées de textes classiques, de rhétorique, d’histoire et de littérature scientifique. La librairie de Jean Adorne constituerait l’exempletype des bibliothèques qui s’inscrivent dans ce second courant.

481

Bilan des tendances historiographiques en histoire du livre depuis la fin des années 1960 dans P. Poirrier, Les enjeux de l’histoire culturelle, Paris, 2004, pp. 75-101 ; voir aussi Barbier 2006, pp. 13-15.

482

Pour reprendre l’expression de J. Verger (Verger 1997). On opposait aussi traditionnellement la littérature « de cour » à la culture « bourgeoise » ou « urbaine » (p.e. Doutrepont 1909, p. 355) ; voir à ce sujet les réflexions de Prevenier 1996 ; Balthau - Small 2002, spéc. p. 90.

483

Bartier 1955-1957, p. 277.

484

Autrand 1973, p. 1242.

485

Derolez 1972, spéc. p. 170.

300

Partie III : Des livres et des hommes

La langue, le contenu et la matérialité des livres constituent donc les critères objectifs traditionnels qui permettent d’établir une ligne de démarcation entre les librairies « savantes » et les bibliothèques de type aristocratique bâties sur le modèle ducal. Si la pertinence de ces trois facteurs de distinction ne fait naturellement aucun doute, ils ne déterminent pas à eux seuls les caractéristiques et les spécificités des deux genres de collections. Comme l’a suggéré R. Chartier, tout essai de modélisation doit en effet prendre en compte une série d’autres paramètres dont l’impact s’avère tout aussi fondamental. Pourquoi cette nécessité d’élargir le champ factoriel ? La raison est simple : bon nombre de textes circulent aussi bien auprès des « élites » qu’au sein d’un public « populaire » 486. Ce constat de réelles communautés de lecteurs vient fragiliser l’approche classique qui, en se focalisant sur les lignes de fracture et les dissemblances entre différents types de collections et de possesseurs, postule l’existence de lectures réservées à tel ou tel lectorat. Les travaux pionniers de R. Chartier invitent du même coup à nuancer l’analyse traditionnelle fondée trop strictement sur un déterminisme social selon l’estat et la vacature 487 − ou selon la « noblesse » et les « gens de savoir », des notions qui restent d’ailleurs complexes à définir 488. Depuis une vingtaine d’années, l’histoire du livre amorce une petite révolution copernicienne en déplaçant l’accent vers une troisième question : comment liton ? Au cœur de cette nouvelle approche où la lecture n’est plus tenue pour un invariant anthropologique : l’étude des modalités d’appropriation du livre en fonction non seulement du registre de compétences, de l’outillage intellectuel ou encore des attentes et des intérêts du lecteur vis-à-vis d’un texte donné, mais aussi en fonction du support matériel et du dispositif formel qui véhiculent l’écrit. En d’autres termes, les différences et les similitudes de fond et de forme entre des collections données témoignent d’approches contrastées mais aussi de sensibilités communes dans le rapport entretenu avec le livre et la lecture. Ce dernier chapitre souhaite s’inscrire dans ce nouveau courant historiographique en revenant dans un premier temps sur la notion de communauté de lecteurs. Un deuxième paragraphe sera consacré aux pratiques de lecture et aux usages du livre où nous distinguerons différents profils de 486

Lire notamment Chartier 1986 ; Chartier 1987 ; Chartier 1987b ; Chartier 1996 ; Chartier 2001.

487

Avec raison, W. Prevenier écrivait qu’il faut éviter de « surestimer le fait de la séparation selon l’appartenance sociale dans la consommation culturelle » (Prevenier 1996, p. 356). Dans un tout autre contexte, O. Donnat est également revenu sur le concept en vertu duquel « il existe une correspondance stricte entre la position sociale des individus et leurs rapports à l’art et à la culture » (Regards croisés sur les pratiques culturelles, Paris, 2003).

488

Il suffit pour s’en convaincre de lire l’introduction de J. Verger à propos des gens de savoir (Verger 1997, pp. 1-6) et, plus récemment, de parcourir la mise au point sur le concept de noblesse proposée par F. Buylaert et J. Dumolyn (Haemers - Van Hoorebeeck - Wijsman 2007).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

301

lecteurs-usagers avant d’évoquer les marques d’appartenance, signes tangibles de l’appropriation du livre. Nous proposerons ensuite quelques pistes de réflexion concernant l’usage du livre comme arsenal politique auprès des officiers ducaux. §. I. Communauté de lecteurs Il semble donc acquis que « l’orientation littéraire des hommes de loi diffère de celle des nobles d’armes » 489 et que les « bibliothèques du prince et des nobles à la cour de Bourgogne ont un caractère très différent » 490 [de celles des officiers]. Assurément, les différences fondamentales entre les lignes de force de ces deux modèles de librairies sont indéniables. Mais n’ont-elles véritablement rien en commun ? Un changement d’optique qui délaisse les éléments de rupture au profit des points communs permet en réalité de constater qu’il existe des similitudes de contenu entre ces bibliothèques que tout semble opposer. Notre approche comparatiste se fonde sur trois bibliothèques « bourguignonnes » particulièrement représentatives : la librairie de Bourgogne, qui a donné le ton aux collections de la haute noblesse jusqu’au milieu du XVIe siècle ; celle de Louis de Gruuthuse, très largement inspirée du modèle princier ; et celle constituée plus tardivement par Philippe de Clèves, un aristocrate de haut rang apparenté à la famille ducale. Les best-sellers du traditionnel fonds historico-religieux tels que la Bible 491, le De civitate Dei de saint Augustin 492, le Liber de proprietatibus rerum de Barthélemy l’Anglais 493, les Facta et dicta memorabilia de Valère Maxime 494 ou encore la Legenda sanctorum de Jacques de Voragine 495 apparaissent à la fois dans les différentes librairies aristocratiques et chez de très nombreux gens de savoir. Côté didactique, on repère la présence conjointe du Liber de moribus hominum et 489

Bartier 1955-1957, p. 277.

490

Paravicini 2000, p. 287.

491

Barrois 1830, n°707 à 709, n°711, n°1050, n°1064, n°1117, n°1140, n°1146, n°1153, n°1154, etc. ; Gruuthuse : BNF, ms. fr. 1 ; Clèves : n°59-60, 77 et 106 (les n° renvoient à l’édition d’A. Korteweg dans Haemers - Van Hoorebeeck - Wijsman 2007) ; sur les bibles des officiers, voir Partie II, chap. II, §. III.1.

492

Barrois 1830, n°726-731, 791, 798 et 1511-1516 ; Gruuthuse : BNF, mss fr. 17 et 174 ; Clèves : n°81 ; Chevrot (doc.III.7-8) ; Lonijs (doc.II.14) ; Plaine (doc.II.29) ; Wielant (n°47) ; Gilbaut (KBR, mss 9005-9006).

493

Barrois 1830, n°774, 1038 et 1527-1528 ; Clèves : n°7 ; Clugny, n°9 ; de Gand (n°9) ; Plaine (doc.II.15) ; van der Sluis (n°167) ; Wielant (n°77) ; Jean II Rolin (BNF, ms. lat. 17817).

494

Barrois 1830, n°872, n°876, n°1094, n°1637 ; Gruuthuse : BNF, ms. fr. 288-289 ; Clèves : n°5 ; Hugonet (doc.II.39, partie I) ; van der Sluis (n°275) ; Wielant (n°99-100 et 101) ; Steenberch (doc.IV.129) ; Wysmes (doc.II.6) ; Plaine (doc.II.6) ; Steenberch (doc.IV.75).

495

Barrois 1830, n°1498 ; n°1509, n°1510 ; Gruuthuse : BNF, ms. fr. 414 ; Clèves : n°26 ; Clopper (n°51 et 67) ; de Gand (n°18) ; Hugonet (doc.II.85, partie I) ; Plaine (doc.II.11) ; Steenberch (doc.IV.116).

302

Partie III : Des livres et des hommes

officiis nobilium ac popularium super ludo scaccorum de Jacques de Cessoles 496 et du De consolatione philosophiae de Boèce 497. À ce tronc commun viennent aussi s’ajouter des éléments de culture antique connus depuis longtemps au Moyen Âge comme des œuvres de Térence 498, de Juvénal 499, de Cicéron 500 et de Virgile 501. On obtient sensiblement les mêmes tendances si l’on élargit l’angle de vue en incluant les fonctionnaires qui ne sont pas titulaires d’un grade académique. Au sein des librairies bourguignonnes et dans l’ensemble du corpus, on repère des textes largement appréciés dont le Roman de la Rose n’est pas le moindre exemple 502. Quelques officiers possèdent en outre des pièces nées dans le sérail bourguignon – la Fleur des Histoires de Jean Mansel 503, les Chroniques de Hainaut 504, la Chronique de Jean Lefèvre de Saint-Rémy 505 ou encore des œuvres de Chastelain 506 – et souvent considérées comme l’un des casus reservati de la noblesse. Le tour d’horizon des collections constituées par l’aristocratie française proposé par P. Contamine renforce encore ces constats. Si l’on exclut les textes à connotation professionnelle (juridique, médicale ou théologique) et au-delà des différences linguistiques, une large part du réservoir littéraire se retrouve ici comme ailleurs. On ne citera qu’un exemple particulièrement significatif, qui concerne une bibliothèque rangée par Contamine parmi celles de la moyenne et petite noblesse. L’inventaire des livres d’Antoine de Castelnau, seigneur de Lau et grand chambellan de France, décrit en 1467 une quarantaine de volumes : il est frappant d’observer qu’à quelques exceptions près, ce sont les mêmes titres qui apparaissent régulièrement au gré des 496

Barrois 1830, n°1568, n°1569, n°1570 ; Hugonet (doc.II.77, partie I) ; Clopper (n°50.b) ; Wielant (n°110).

497

Pour la librairie de Bourgogne : Wijsman 2003b ; pp. 186-187 ; Gruuthuse : BNF, mss néerl. 1 et fr. 575 ; Clèves, n°24 ; Chevrot (doc.III.5) ; Jean II Rolin (doc.IX.4, français) ; van der Sluis (n°15 et 285) ; Wysmes (n°9).

498

Clèves : n°124 ; Barrois 1830, n°2005 ; François de Busleyden et Ysembart (KBR, ms. 5328-29) ; Lonijs (doc.II.87.a) ; Plaine (doc.II.19) ; van der Sluis (n°287) ; Wielant (n°80, 82a. et 86) ; Wysmes (doc.II.7).

499

Clèves : n°122 ; Barrois 1830, n°1049 ; Plaine, doc.II.35 ; Wielant, n°85 ; van der Sluis, n°248.

500

Barrois 1830, n°1005, n°1054, n°1065, n°1069. Sur Cicéron, voir Partie II, chap. II, §. VII.1.A.

501

Clèves : n°117 et 122 ; sur Virgile, voir Partie II, chap. II, §. VII.1.A.

502

Barrois 1830, n°1321 à 1325. On trouvera quelques exemples de possesseurs au profil contrasté dans LDB-II 2003, pp. 51-52. Citons dans notre corpus : Aubert, n°8 ; Bellengues, n°2 ; Hauteville, doc.II.5 ; Nicolas Rolin, doc.I.2.

503

Thomas de Plaine (Baltimore, WAG, ms. W. 305). Philippe de Clèves compte aussi parmi les possesseurs de ce texte (n°19) ; voir également Wijsman 2003b, p. 190.

504

Antoine Rolin (Oxford, BL, Douce, ms. 205) ; Jean Thirou (Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 122/290) ; sur les propriétaires des Chroniques de Hainaut appartenant à la haute noblesse, lire Chroniques de Hainaut 2000.

505

Voir à Philippe Wielant dans le Répertoire documentaire (n°94).

506

Bouton (Florence, BML, ms. Med. Pal. 120) ; Machefoing (Paris, Sainte-Geneviève, ms. 1999) ; Martin (Lille, BM, ms. 336) ; à ce sujet, lire Balthau - Small 2002.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

303

collections de notre propre corpus 507. La présence conjointe d’œuvres qui figurent dans l’un et l’autre milieu permet d’observer que pour bon nombre de textes, des possesseurs au profil socioprofessionnel bien contrasté forment ce que R. Chartier a appelé une même communauté de lecteurs. Pour autant, on ne niera pas qu’il subsiste une profonde différence derrière ces nombreux dénominateurs communs : la langue (latine ou vernaculaire) dans laquelle l’un et l’autre public appréhendent ces textes et qui conditionne fortement la culture « savante » et la culture « aristocratique ». Au XVe siècle, la noblesse reste encore le principal lectorat de certains types de littérature ou de certains auteurs (en version manuscrite) tels que Christine de Pizan 508, les grands Rhétoriqueurs, la matière de Bretagne, etc. Quoi qu’il en soit, ce constat de lectures partagées semble justifier une nouvelle approche qui, plutôt que de penser l’histoire du livre en termes de classes ou de groupes sociaux, déplace la focale sur l’examen des principes de différenciation dans la relation au livre et dans les pratiques de lecture. §. II. Pratiques de lecture et usages du livre Relativement neuve dans l’historiographie, l’étude des pratiques de lecture et des usages du livre reste l’une des problématiques les plus complexes à mettre en œuvre. Elle suppose l’intégration conjointe d’une multiplicité de facteurs propres au livre (contenu, langue, éléments de matérialité tels que le média, la mise en page, l’illustration, la reliure, etc.) et au possesseur (type de formation, degré de familiarisation avec l’écrit, rapport au livre en tant qu’outil ou comme « livre-objet », etc.). Appliquée aux fonctionnaires ducaux, cette démarche doit aussi prendre en compte leur spécificité « d’hommes de l’écrit ». Cette particularité est naturellement variable selon la nature et l’ampleur des responsabilités exercées, et selon la structure institutionnelle où elles s’exercent. Reste que dans le cadre de leur office (et même, pour les officiers-littérateurs, à titre privé), nombre d’entre eux sont à la fois producteurs et consommateurs d’écrits. Ils rédigent, contrôlent, valident, assurent la bonne exécution d’un large spectre d’écrits, qu’il s’agisse d’actes de chancellerie, de registres de comptabilité, de pièces de procédure et autres documents administratifs.

507

Une bible, un Boèce, un Livre des propriétés des choses de Barthélemy l’Anglais, un Tite-Live, les Commentaires de César, un Flavius Josèphe, un Valère Maxime, le Roman de la Rose, un Boccace, un Matheolus (Contamine 1997, p. 273).

508

Au sein de l’œuvre de Christine de Pizan, seule l’audience de l’Epître d’Othéa semble avoir dépassé le cadre d’un public « nobiliaire » ; voir p.e. Bellengues, n°8 ; Geoffroy de Thoisy (KBR, ms. 11102) ; Jacques Taffin, chanoine de Saint-Omer († 1469 ; Gil - Nys 2004, p. 417) ; Jehan Dessignet, chanoine de Saint-Omer († 1473 ; Gil - Nys 2004, p. 423) ; Jacques de Houchin, chanoine de Saint-Omer († 1481 ; Gil - Nys 2004, p. 430).

304

Partie III : Des livres et des hommes

L’objectif n’est pas ici de dresser l’exégèse complète d’une question aussi complexe que celle des pratiques de lecture et des usages réservés au livre. L’apport se limitera à brosser à larges traits des modèles de lecteurs ou plutôt des profils de lecteurs qui présentent chacun un certain type de comportement vis-à-vis du livre et de l’acte de lire. Dans cette optique, les différences et les similitudes de fond et de forme entre les deux genres de collections (aristocratiques et appartenant aux officiers) seront perçues comme le témoignage d’approches contrastées mais aussi de sensibilités communes dans le rapport entretenu avec le livre et la lecture. Deux grands profils de lecteursusagers sont ici dégagés : le lecteur « professionnel » et le lecteur « amateur ». II. 1. Le lecteur « professionnel » Le premier profil pourrait correspondre à celui des gens de savoir exerçant au service ducal, dont la manière de lire s’apparente aux modèles savants de la lecture scolastique et humaniste 509. Régies par des codes qui leur sont propres, leurs pratiques s’ancrent également dans des formes matérielles particulières. Pour ce type d’usagers, la lecture paraît être un acte intellectuel, silencieux et privé, opéré dans le calme d’un cabinet particulier ou d’un espace plus ou moins spécifique et où les livres sont installés dans des armoiries ou sur des rayonnages qui en facilitent la consultation 510. La bibliothèque du lecteur professionnel semble avant tout considérée comme un instrument de travail, éventuellement organisée de manière rationnelle selon un mode de classement où les livres peuvent être pourvus de cotes. S’agissant des officiers-littérateurs, le recours à certains titres de leur librairie devait d’ailleurs certainement être courant, créant en quelque sorte une complicité lettrée avec ces auctor(itat)es qui les avaient précédé(e)s dans le travail d’écriture. Dans les librairies de ces lecteurs professionnels, le souvenir du parcours universitaire s’exprime non seulement au travers des indispensables usuels mais aussi par des notes de cours qu’on retrouve parfois des dizaines d’années après que leur possesseur ait quitté les bancs de l’Alma Mater 511. Signe de leur pratique fréquente de la copie personnelle, les nombreux textes manu propria représentent une autre trace tangible de cette approche spécialisée de l’écrit 512. Les notae bene, corrections, remarques et autres annotations insérées dans leurs livres témoignent du 509

Grafton 2001 ; Hamesse 2001.

510

Sur la lecture silencieuse et ses implications : Saenger 1997.

511

Ce terme renvoie au vocable reportatio qui, dans le vocabulaire universitaire, s’applique à partir du XIIIe siècle à une copie faite par un auditeur lors d’un cours (Teeuwen 1988, pp. 83-86). Dans notre corpus, on repère des reportata chez Philippe Wielant, Nicolas Clopper et Martin Steenberch. À titre indicatif, notons que des reportata apparaissent également en 1488 dans l’inventaire du juriste de Louvain Jean Suweels (CCB-IV 2001, n°2.70 et 2.72).

512

Voir Partie II, chap. III, §. III.2.F.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

305

comportement du lecteur érudit qui appréhende et s’approprie un texte la plume à la main. La matérialité des livres de cette catégorie de lecteurs est aussi emblématique de la perception de l’acte de lire et d’écrire. La lecture savante se voit facilitée par la mise en page elle-même et par des éléments paratextuels − index, sommaires, concordances, etc. − qui servent d’auxiliaires dans le repérage de volumes qu’on ne lit pas forcément de bout en bout mais dont on consulte tel ou tel chapitre en vue de trouver la réponse à une question bien précise 513. Généralement de facture modeste, sur papier et dépourvus de décoration, ces ouvrages volontiers transcrits dans une écriture cursive très abrégée présentent alors une mise en page assez dense dont les espaces libres portent les annotations de l’utilisateur. Ces ouvrages peuvent être laissés en cahiers ou être reliés assez sobrement dans des matières résistantes (parchemin, veau tanné, cuir non teinté). II. 2. Le lecteur « amateur » En parallèle, on distingue un autre profil de lecteurs-utilisateurs qu’on peut qualifier d’amateur. Dans l’exercice de leurs fonctions, bon nombre de lecteurs amateurs évoluent au cœur de l’espace curial où la lecture publique, conçue à haute voix et dans un espace collectif, représente une forme de sociabilité probablement très répandue 514. Les sources littéraires révèlent volontiers ces habitudes de lectures pratiquées à la cour de Bourgogne et auxquelles certains fonctionnaires ont pu prendre part. On y trouve de fréquentes allusions aux récits lus et entendus en public 515, au plaisir de Philippe le Bon à veoir par escript et oyr racompter les fais des anciens 516 ou encore à ces joyeulx comptes et ès faictz de Lancelot et de Gauvain que le jeune Charles de Charolais s’applicquoit à lire et faire lire devant luy 517. Une allusion à ces comportements de lecture apparaît aussi sous la plume de Raymond de Marliano qui relate en 1474 combien Charles le Téméraire apprécie écouter ses familiers lui lire la Bible, les histoires romaines et les chronicques de tous royaulmes, pays et nations 518. Olivier de La Marche fournit l’une des rares 513

Deux exemples parmi d’autres : Wouter Lonijs semble avoir composé lui-même l’index des différents textes présents dans un de ses recueils (KBR, ms. 708-719). Le Bruxellensis 20642-68 présente un index de la main de Philippe Wielant.

514

Sur la pratique de la lecture publique : Doutrepont 1909, pp. 465-468 ; Coleman 1996 ; Manguel 1998, spéc. pp. 137-153.

515

Termes qui reviennent très souvent sous la plume de David Aubert dans ses prologues (Straub 1995, pp. 288-290). La commande par Antoine de Bourgogne du Gilon de Trazegnies aujourd’hui conservé à Dülmen (Collection du duc de Croÿ, ms. 50) serait intervenue à la suite à d’une lecture publique de ce texte (Straub 1995, spéc. p. 46).

516

Straub 1995, p. 67.

517

Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, II, p. 217.

518

Cité d’après Paravicini 2000, p. 287, n. 159. Pour rappel, le chancelier Hugonet était l’un des exécuteurs testamentaires de Marliano (Répertoire documentaire, doc.II.2, partie III).

306

Partie III : Des livres et des hommes

attestations explicites de lecture qui implique des officiers lorsqu’il évoque, dans son Estat de la maison de Charles le Hardi, les romans et nouvelletez lus le soir dans la chambre du prince par ses écuyers 519. Le cas de Pierre de Boostenswene pourrait peut-être offrir une attestation supplémentaire d’une lecture publique à la cour de Bourgogne. Lors d’une cérémonie officielle au palais du Coudenberg en 1450, Boostenswene a en effet gepresenteerdt son Remissorium Philippi à Philippe le Bon en présence de membres de son entourage. Un document d’archives indique que le volume a été « parcouru et visité partout » par mijn here den cancellier, mijn here van Santes, den selven Pieter Bladelin, meister Heinryc Uuten Hove ende meer andere 520. Selon A. G. Jongkees, il n’est pas exclu que Boostenswene ait pu alors réciter à haute voix le prologue de son Remissorium Philippi 521. Enfin, certaines caractéristiques des Cent nouvelles nouvelles composées à la cour dans les années 1450, pourraient venir éclairer des modes de lecture auxquelles ont été associés des fonctionnaires ducaux dans un contexte de lecture de loisir. Rédigées pour la plupart par des membres du milieu aulique, écrites dans un style direct et léger, mettant en scène de nombreux officiers bourguignons dans des histoires au contenu divertissant − voire parfois assez leste −, la brièveté de chaque saynète suggère une lecture segmentée où une ou deux pièces seraient par exemple lues chaque soir par un (ou plusieurs) orateur(s) devant un public composé de familiers 522. L’expérience d’une telle lecture oralisée est forcément très contrastée par rapport à celle, plus institutionnalisée, que pratique le lecteur professionnel. Les commentaires générés par l’écrit ne prennent pas ici la forme de gloses marginales, de notabilia et autres manicules qui ponctuent la lecture empruntée aux canevas scolastique et humaniste. Dans ce modèle de lecture-spectacle teinté de connivence mondaine, nul doute que les remarques, interventions, objections ou explications générées par la trame narrative du récit − ou suscitées par un liseur habile − ont dû plutôt être formulées à voix haute et « en direct » par les auditeurs. Ces séances de lecture en commun ont probablement été à l’origine de certaines signatures et devises apposées par les participants dans des manuscrits 523 mais ces notes de liber amicorum ont également pu être 519

Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, IV, p. 16.

520

Doc.I.

521

Jongkees 1991, p. 19.

522

Le mode de composition des Cent nouvelles nouvelles (édition : Champion 1928), fragmentées en une série d’histoires courtes, est semblable aux Évangiles des quenouilles qui, eux, ne laissent aucun doute sur la manière dont ils étaient lues. Pascale Bourgain évoque dans un autre contexte le cas de la Topographia hibernica de Giraud de Barri, explicitement divisée par son auteur en trois parties qui devaient être lues trois soirs d’affilée. Certaines lectures publiques auraient pu représenter une forme de publicité de l’œuvre (Bourgain 1982, p. 54).

523

McKendrick 2003.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

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transcrites en bien d’autres occasions 524. Ainsi, l’ouvrage peut par exemple représenter une sorte de livre d’or où le signe d’identité des différents protagonistes commémore leur présence conjointe lors d’événements particuliers. L’éventail des possibilités s’avère assez large et, faut-il le préciser, le contexte qui entoure ces notes peut rarement être reconstitué. Enfin, le statut du livre qui appartient à un lecteur amateur tranche avec celui assigné au même objet par un lecteur professionnel. Pour ce dernier, le livreoutil est avant tout utilisé en tant qu’instrument pragmatique, technique et fonctionnel d’accès au savoir. Dans l’archétype des librairies des lecteurs amateurs, par contre, la collection se compose principalement de volumes plus divertissants qui reprennent les canons esthétiques du livre (bourguignon) de luxe. Généralement de grand format, richement illustrés et reliés, ils proposent une écriture bâtarde où les abréviations sont peu nombreuses et présentent une mise en page aérée. Nous parlerons ici de livres-objets qui constituent ce patrimoine de jouissance dont parlent les sociologues 525. Le livre n’est pas perçu comme un bien de première nécessité et sa fonction n’est pas liée à la notion d’utilité ou de besoin. En se profilant en qualité de consommateur de produits issus d’une culture du superflu 526, le possesseur amateur se démarque donc des lecteurs de type professionnel. II. 3. Livre-outil et livre-objet : variantes et déclinaisons On se gardera cependant de grossir le trait et d’opposer de manière dichotomique deux styles de lecture et de relation au livre qui, loin d’être concurrentiels voire contradictoires, coexistent dans la réalité sans s’exclure ni s’annuler l’un l’autre. Le profil de Thomas de Plaine est significatif d’une dualité de pratiques de lecture et d’attitudes vis-à-vis du livre. Son bagage académique et son expérience professionnelle lui autorisent une approche experte et intellectuelle de la lecture, vécue dans sa dimension d’objet utilitaire. Mais en parallèle à cette lecture d’ordre pratique qui rappelle celle d’un lecteur professionnel, on distingue aussi chez Plaine des traits plus proches du comportement du lecteur amateur. Le seul de ses ouvrages jusqu’ici retrouvé est exemplatif de cet autre versant de son attitude envers le livre : il s’agit d’une luxueuse Fleur des Histoires de Jean Mansel transcrite en une élégante bâtarde bourguignonne, pourvue d’une reliure de prix et illustrée par des miniaturistes confirmés 527. Ce produit littéraire issu du sérail bourguignon et qui semble 524

Certaines notes semblent ainsi témoigner de l’emprunt du manuscrit pour en réaliser une copie (McKendrick 2003).

525

M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, Nouveaux patrons, nouvelles dynasties, Paris, 1999.

526

Sur les déclinaisons de cette notion et ses implications : Bourdieu 1979, p. 56-59 et 433-443.

527

Baltimore, WAG, ms. W. 305.

308

Partie III : Des livres et des hommes

surtout avoir été apprécié par la frange supérieure de l’élite aristocratique bourguignonne et française, trouve ici un autre public en la personne de Thomas de Plaine, un homme qui doit davantage sa carrière et sa fortune à ses compétences et au « bon plaisir » du prince qu’à ses quartiers de noblesse528. Le livre médiatise son possesseur par un processus métonymique d’échange identitaire où le volume reflète la valeur de l’individu − et réciproquement : la Fleur des Histoires de Plaine témoigne combien le livre est un indicateur privilégié pour apprécier l’assignation statutaire du possesseur à une communauté donnée ou pour identifier les stratégies qu’il met en place pour y parvenir. En ce sens, le livre participe ici pleinement du « vivre noblement ». À l’image de l’exemple d’un lecteur hybride tel que Plaine, d’autres éléments invitent à ne pas renvoyer dos à dos la pratique d’une lecture professionnelle et les habitudes du lecteur amateur. Ainsi, les documents attestent que le plaisir dans l’acte de lire n’est pas réservé à l’une ou l’autre catégorie de lecteurs. Cette notion apparaît souvent dans les sources qui évoquent l’attitude de l’usager amateur vis-à-vis du livre et de la lecture. David Aubert parle fréquemment du gracieux plaisir de la ioyeuse lecture 529 et explique à l’occasion qu’il [Philippe le Bon] sur toutes choses prenoit plaisir de veoir par escript et oyr racompter les fais des anciens 530. Dans la lettre adressée à son fils Louis en 1465, Jean de Lannoy lui conseille de lire par bon plaisir un livre que je t’ai laissé avec plusieurs autres 531 tandis que Pierre de Hauteville terminait par ces vers la description poétique d’une librairie idéale : et d’autres livres ung millier ou le Defunct si s’esbatoit 532. Les divertissements organisés au début des années 1430 au château de Hesdin attestent également du rôle du livre (ici un peu particulier...) dans l’univers récréatif de la cour de Bourgogne. On y avait en effet installé ung estaplel, ouquel a ung livre de balades, que quant l’en y veult lire, les gens se tiennent tous broulliez de noir et tantost qu’ilz regardent dedans, aussi ilz sont moulliez d’eaue quant on veult 533. En comparaison, le lecteur professionnel s’apparente-t-il toujours à un utilisateur sérieux et sans âme d’un objet uniquement considéré comme un instrument de travail ? Des indices laissent au contraire entrevoir que la lecture savante pouvait être vécue comme une réelle delectatio qui permettait de recreare l’âme et le corps 534. On n’en sera pas autrement surpris. Au risque d’enfoncer une porte ouverte, rappelons que rien n’a jamais empêché quiconque (lecteur professionnel ou amateur) de muser sus 528

Le grand-père de Thomas est anobli en 1429 (Bartier 1955-1957, p. 389, n. 8).

529

David Aubert, prologue des Chroniques et conquêtes de Charlemagne (KBR, ms. 9066, fol.9v).

530

David Aubert, prologue des Miracles de saint Hubert (La Haye, KB, ms. 76 F 10, fol.8r).

531

de Lannoy - Dansaert 1937, p. 188.

532

Bidler 1986, vers 444.

533

de Laborde 1849-1852, I, n°954.

534

On renverra en particulier à deux courriers de Jérôme de Busleyden (docs I et III).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

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quelque livre, fût-il savant ou plus léger, pour le simple plaisir de passer temps 535. Enfin, le profil du lecteur amateur d’un Antoine Rolin n’a pas l’apanage de la bibliophilie536. Ce comportement dépasse en réalité largement le cadre d’une recherche portant stricto sensu sur les particularités externes du livre. La démarche bibliophilique se décline en effet de multiples façons. Ainsi, l’aspect sobre voire assez austère de ses outils de travail n’empêche en rien le lecteur de type professionnel d’adopter une attitude de bibliophile, dans le sens d’une quête motivée par la qualité et la rareté du contenu. Si les humanistes sont réputés pour être de véritables chasseurs de livres, on notera le bel hommage rendu par Érasme à Jérôme de Busleyden, ce grand amateur omnium librorum emacissimus 537. La bibliophilie peut aussi emprunter une autre voie, où le bibliophile se reconnaît non pas au type ou au nombre des livres (recherchés ou acquis) mais bien à la manière dont il les traite. L’une des attestations les plus éloquentes reste cette lettre adressée par Jérôme de Busleyden à Pierre L’Apostole, dont l’attitude peu scrupuleuse vis-à-vis de ses livres heurte son correspondant 538. À grands renforts d’attributs qui vantent la qualité, l’ancienneté ou la rareté de ses livres, Jean de Wysmes a pour sa part rédigé une description précise et minutieuse d’une quarantaine d’ouvrages en sa possession 539. Ces livres n’ont jamais été retrouvés. On ne saura donc probablement jamais si de Wysmes était un bibliophile éclairé fier d’un patrimoine dont il mesurait et appréciait la valeur ou s’il doit être rangé parmi les lecteurs du dimanche, ceux qui appréciaient les livres sans toutefois en être de véritables connaisseurs. S’agissant surtout des lecteurs amateurs, il faut enfin évoquer ce qu’on pourrait appeler la bibliophilie de Panurge 540. Comme l’écrit Sénèque, ce type de possesseurs ne goûte guère de ses livres que les tranches et les titres ; la bibliothèque ne représente pour lui rien d’autre que l’ornement obligé de toute maison qui se respecte 541. II. 4. L’appropriation du livre : les marques d’appartenance, un miroir à double face Quel que soit le profil du lecteur, la fonction mémorielle du livre va bien audelà de la conservation d’un texte dont il est le support. En ce sens, les marques 535

Christine de Pizan, Le Chemin de longue estude, éd. A. Tarnowski, Paris, 2000, vv. 197-207.

536

Voir R. Muller, Une anthropologie de la bibliophilie. Le désir de livre, Paris, 1997 ; voir aussi Partie II, chap. III, §. III.2.D.

537

Doc.XIV.

538

Doc.IV.

539

Doc.II.

540

H. Beraldi, La reliure en France au XIXe siècle, II, Paris, 1895, p. 222.

541

Sénèque, Dialogues, IV, De la tranquillité de l’âme, texte traduit et établi par R. Waltz, Paris, 1927, chap. IX, p. 90.

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Partie III : Des livres et des hommes

d’appartenance représentent de précieux auxiliaires pour cerner la manière dont le possesseur entend se définir lui-même en tant qu’acteur social. Certains éléments textuels permettent en outre d’appréhender la façon dont le propriétaire est perçu par un tiers (contemporain ou ultérieur). Toutefois, il n’existe aucune étude qui dresse à large échelle une typologie des marques de possession médiévales. Quoique de manière sommaire, A. Charon a néanmoins proposé une vue d’ensemble des indices de possession antérieurs à 1520 dans 6953 incunables français 542. Nous en rappellerons les résultats, tout en les confrontant à nos propres données. A. Charon constate qu’inscrire son nom ou apposer son seing manuel est le moyen le plus courant pour indiquer la propriété d’un imprimé. Le possesseur, indifférent à sa situation sociale ou géographique, ajoute cependant volontiers une indication de date qui lui permet de se situer par rapport à la pérennité du livre. Elle relève enfin que 19 % de ces mentions ont été écrites en français et que la présence d’armoiries est très limitée. Sur ce dernier point, la situation que nous avons rencontrée tranche très nettement avec les données de Charon puisque l’utilisation des armoiries comme moyen d’appropriation du livre s’impose ici très largement. L’héraldique (devise, armoiries) apparaît généralement dans des volumes qui présentent aux yeux du possesseur une valeur financière et/ou sentimentale. Si les livres d’heures constituent le type d’ouvrages le plus couramment personnalisé par des éléments héraldiques, ce constat vaut également pour d’autres volumes de belle facture, qu’ils soient de nature liturgique ou qu’ils reprennent des textes d’histoire, de littérature, de morale ou encore de musique. La présence d’une simple signature s’avère beaucoup plus discrète que dans les incunables analysés par Charon 543. La diversité des situations que nous avons rencontrées empêche cependant de dégager des constantes ou des variantes qui seraient fonction du type de propriétaire ou du type de livres. La signature représente dans certains ouvrages le seul indice de possession mais on repère également des exemples où elle est accompagnée d’autres signes d’appartenance (devise, armoiries, ex-dono, ex-libris) ou d’indications de date, de lieu ou des circonstances d’acquisition. Sans être totalement absentes, les notes de liber memorialis relatives à des événements ou à des personnages qui concernent directement le possesseur sont assez rares. Qu’en est-il du statut social ou de la situation géographique du propriétaire qui, à en croire A. Charon, ne représente pas un élément déterminant en matière de marques de possession dans les incunables français ? Au sein de notre corpus, 542

Charon 1995, pp. 465-466.

543

Sur la signature : Frieden 2006 et, plus largement, Fraenkel 1992.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

311

la référence exclusive ou prioritaire au service ducal apparaît au contraire assez fréquemment et on notera qu’elle concerne surtout des possesseurs laïcs. Dans leurs ex-libris, Louis Dommessant 544, Philippe de Louhans 545, Gilles de Rebecques 546, Pierre de Thielt 547 et Thierry Gherbode 548 se réclament ainsi uniquement de leur vacature. Les copistes auxquels ils ont commandé un ouvrage ne présentent Guillaume Bourgeois, Jacques Donche et Guillaume de Ternay qu’en leur qualité de fonctionnaires ducaux 549. D’après l’ex-dono inscrit dans l’un de ses manuscrits légué au Rouge-Cloître, le nom d’Edmond de Dynter restait exclusivement associé à ses fonctions de conseiller ducal 550 tandis que le poste d’aumônier des duchesses suffisait aux Guillemites de Bruges à désigner le donateur Nicolas Finet 551. Jean de Costimont, clerc et serviteur de Louis de Chantemerle, a transcrit pour lui plusieurs livres dans lesquels il indique toujours la fonction du commanditaire sur l’échiquier institutionnel ; elle figure toutefois systématiquement après son titre de noblesse 552. Dans le cas de Pierre de Boostenswene, ce sont ses grades universitaires qui précèdent sa mention au service ducal dans un ex-dono inscrit par le Rouge-Cloître 553. On recense d’autres attestations où le possesseur n’est pas défini (ou ne se définit pas lui-même) par son office auprès de mondit seigneur mais bien uniquement par son statut d’homme d’Église et, dans une moindre mesure, par ses titres académiques 554. Il faut ici évoquer le cas spécifique de Guillaume Fillastre qui, délaissant ses diplômes et son appartenance au Conseil ducal, se présente dans le prologue des Grandes Chroniques de France en qualité d’abbé de Saint-Bertin, d’évêque de Toul et de tres humble et tres obeissant subget, serviteur et devot orateur de

544

KBR, ms. 3527.

545

BNF, ms. fr. 2.

546

Vienne, Österreichisches Staatsarchiv, Archiv des Ordens vom Goldenen Vlies, ms. 51.

547

KBR, Inc. B 787.

548

Namur, Grand Séminaire, ms. Sem. 38.

549

David Aubert débute toutefois son colophon par la mention tres honnourable et sage Guillemme Bourgeois (BAV, ms. Pal. Lat. 1995). Hellin de Burgrave fait de même avec Jacques Donche (New Haven, Beinecke Library, ms. 226). L’exemplaire de Guillaume de Ternay est conservé à Cracovie, Biblioteka Czartoryskich, ms. Czart 2919.

550

KBR, ms. 5753-59.

551

BNF, ms. lat. 13142.

552

Oxford, BL, Canon misc., ms. 510 ; Paris, Arsenal, ms. 5199 ; Princeton, University Library, ms. 105.

553

KBR, ms. 225-226.

554

Roland L’Escrivain (Saint-Omer, BM, ms. 169) ; Guillaume Fillastre (Saint-Omer, BM, ms. 169) ; François de Busleyden (KBR, mss 5328-29 et 9051-9052-9053) ; Jean Chevrot (KBR, mss 90159016) ; Henri de Berghes (KBR, ms. 10518 ; Cambrai, BM, ms. 224 ; Saint-Omer, BM, ms. 22) ; Ferry de Clugny (pontifical, localisation inconnue) ; Jean Bont (Bratislava, Biblioteka Uniwersytheca, ms. M 1058).

312

Partie III : Des livres et des hommes

Philippe le Bon 555. Bien que le corpus compte de nombreux anoblis, le titre de noblesse est rarement mis seul en exergue. Outre Louis de Chantemerle, seigneur de La Clayette, citons cette Hof der Vrouwen traduit à la demande de Ian de Baenst, riddere, heere van Sint Jorijs etcetera 556 et le Brunetto Latini qui appartient à Pierre de Haute ville seigneur dars (mais aussi prince damours, comme précisé à la suite par le copiste) 557. Philippe Haneton ne retient de Charles de Saveuses que son titre de seigneur de Souverain-Moulins alors même que Saveuses occupait une place d’un certain rang dans l’hôtel de Philippe le Beau 558. Dans leurs ex-libris, les fonctionnaires ne se réclament jamais d’une ville ou d’une région et les colophons, prologues et autres dédicaces de leurs livres n’évoquent pas davantage leur ancrage territorial. Deux exemples suffiront à rappeler que cette pratique est pourtant très largement attestée par ailleurs. Un incunable de la famille de Baenst est passé entre les mains d’un possesseur nommé Louis Baye (ou Bave) qui ne se définit dans les deux ex-libris que par son lieu de résidence 559. Le Directorium Juris de Pierre de Boostenswene allait appartenir à un noble de Zélande, Pierre de Valckenisse. Il s’était cependant installé à Anvers, ce qui sera mis en avant par le Rouge-Cloître (bénéficiaire du livre) dans l’ex-dono 560. A. Charon estime à 19 % le taux d’indications en vernaculaire dans les marques de possession repérées sur des incunables français 561. Notre documentation est trop indigente pour avancer un pourcentage crédible et, plus largement, on ne distingue aucune véritable ligne de force dans l’utilisation de la langue latine ou vernaculaire par les officiers eux-mêmes. Des gens de savoir tels que Thierry Gherbode, François de Busleyden et Guillaume Stradio ont laissé une inscription latine dans des ouvrages en latin ; mais Louis Dommessant, lui aussi universitaire, opte pour le français dans l’ex-libris de ses Epistolae de saint Jérôme562 et celui d’Anselme Adorne 563, qui n’est pas titulaire d’un grade académique, apparaît en latin.

555

Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, ms. Erm. 88.

556

BL, Add., ms. 20698. Le colophon de la Cité de Dieu le présente aussi uniquement comme seigneur de St-Jorge (Lille, BM, mss 647-648).

557

KBR, ms. 10386.

558

Note de Philippe Haneton au second folio de garde du KBR, ms. 9053.

559

KBR, Inc. C 153-154.

560

KBR, ms. 152-154.

561

Charon 1995, p. 465, n. 22.

562

KBR, ms. 3527.

563

KBR, ms. 4659.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

313

Il reste enfin à évoquer l’absence de marques d’appartenance. Pour rappel, le taux d’indices de possession antérieurs à 1520 retrouvés dans les incunables des Pays-Bas méridionaux et de l’espace actuel de la France est extrêmement ténu (respectivement 2,18 % 564 et 1,94 % 565). Ces faibles pourcentages s’expliquentils uniquement par les aléas de la conservation ou faut-il invoquer des raisons pragmatiques liées à l’indifférence des propriétaires ? Dans quelle mesure ne devrait-on pas prendre en compte d’autres facteurs qui renvoient plus spécifiquement à la perception du livre imprimé avant les années 1520 (une décennie qui marque à bien des égards un tournant en histoire du livre) ? Il est intéressant de relever que Ferry de Clugny a pris soin d’apposer ses armoiries et/ou sa devise dans ses ouvrages liturgiques de luxe mais qu’aucun de ses incunables ne porte de marque de possession. Faute d’études similaires menées sur un plus vaste corpus et portant sur les années postérieures à 1520, le dossier reste encore largement ouvert. §. III. Les livres, un arsenal politique W. Paravicini a fort justement comparé la librairie du chancelier Hugonet à un « arsenal intellectuel » 566. Sans revenir sur un sujet déjà largement balisé 567, nous aimerions décliner la formule en évoquant l’arsenal politique des officiers ducaux tel qu’il peut apparaître au travers de leurs livres et de leurs bibliothèques. Ce paragraphe s’articulera autour de deux questions principales. Dans quelle mesure les lectures des fonctionnaires reflètent-elles leurs conceptions politiques ? Comment le processus de bourgondisation a-t-il été reçu au sein des collections des officiers ? III. 1. Des instruments de réflexion De nombreuses librairies constituées par les fonctionnaires comprennent des textes qui évoquent de manière explicite le bon gouvernement ou plus largement l’exercice du pouvoir et la participation à la vie publique. On relève ainsi de nombreux miroirs des princes dont la présence renvoie encore à la notion de communautés de lecteurs puisqu’ils apparaissent très fréquemment au sein de la librairie ducale et des collections de la haute noblesse bourguignonne. Une version française du De informatione principum figure chez Jean Aubert 568 tandis que Louis de Chantemerle commande avant 1437 une 564

Adam 2003, p. 222, n. 8 (sur la base de 3200 incunables).

565

Charon 1995, p. 460, n. 11.

566

Paravicini 2000.

567

Notamment : Vanderjagt 1984 ; Vanderjagt 1989 ; Vanderjagt 1995, Vanderjagt 2001 ; Dumolyn 2006a. Sur les fondements idéologiques de l’État bourguignon : Ideology of Burgundy 2006. Pour une comparaison avec les officiers anglais : Genet 2001.

568

N°17.

314

Partie III : Des livres et des hommes

copie illustrée de la traduction rédigée en 1379 par Jean Golein pour Charles VI 569. Mais c’est surtout le De rege et regno de Thomas d’Aquin qui semble avoir reçu une certaine audience au sein des milieux des officiers. On le retrouve en effet chez le chancelier Hugonet et chez Philippe Wielant ainsi que dans les collections de deux hommes d’Église, Martin Steenberch et Nicolas Clopper 570. Celui-ci disposait en outre du Speculum regum d’Alvarus Pelagius, une œuvre qui figure aussi parmi les livres de Godevaert de Wilde 571. Jean Chevrot mentionne dans son testament un Speculum regum non spécifié 572. On repère aussi chez plusieurs officiers le Liber super ludo scaccorum de Jacques de Cessoles 573. Les origines, les règles et les pièces du jeu d’échecs servent de prétexte à ce traité de morale truffé d’exempla dans lequel Cessoles propose un modèle de société idéale. En respectant la place et le comportement propres à leur condition, les pièces et les pions, conçus comme les symboles des différents estats, y vivent alors en harmonie. Une interprétation identique pourrait être proposée pour plusieurs pièces d’auteurs classiques ou humanistes 574. Entre autres textes qui ont pu contribuer à nourrir l’approche politique et les connaissances théoriques, on doit évoquer la présence chez François de Busleyden 575, Antoine Haneron 576 et Philippe Wielant 577 du De conjuratione Catilinae de Salluste. La Cyropedia de Xénophon apparaît en version latine chez Wielant 578 tandis qu’Haneron disposait du Hiéron du même auteur 579. Le premier texte sera mis en français par Vasque de Lucène tandis que Charles Soillot, lui aussi fonctionnaire ducal, dédiera sa traduction du Hiéron au Téméraire. Dans le même registre, rappelons la présence chez Lonijs et Clopper de la Defensio de praestantia Caesaris et Scipionis – ce dialogue d’humanistes où sont exposés les vertus et les défauts des deux personnalités politiques d’envergure, César et Scipion 580 – et les nombreuses attestations du De officiis de

569

Paris, Arsenal, ms. 5199.

570

Respectivement Répertoire documentaire, doc.II.44 (partie I) ; n°75 ; doc.IV.126.d ; n°233.

571

Respectivement Répertoire documentaire, n°59 ; KBR, ms. 9596-97.

572

Doc.III.6.

573

Hugonet, doc.II.77 (partie I) ; Aubert, n°7.b ; Bellengues n°56 ; Hauteville, doc.I.3.d (KBR, ms. 10394-414 ; version française de Jean Ferron) ; Clopper, n°50.b ; Wielant, n°110.

574

Sur l’utilisation des classiques dans la conceptualisation des idéaux politiques bourguignons : Vanderjagt 1995 ; Vanderjagt 2001.

575

Oxford, Bodleian Library, Rawl., ms. G 140.

576

Leyde, Universiteitsbibliotheek, ms. Lips. 50.

577

Répertoire documentaire, n°60a. et 108.a.

578

Répertoire documentaire, n°98.a.

579

Leyde, Universiteitsbibliotheek, ms. Lips. 50.

580

Respectivement n°15.c et 114.a.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

315

Cicéron 581. En insistant sur les notions de justice, de bonne foi, de fidélité ou encore de sincérité dans la parole et les engagements pris, ce traité offrait naturellement un guide de conduite morale adapté à tous ceux qui étaient amenés à exercer une fonction publique. Ces lignes de force expliquent certainement pourquoi il s’agit de l’un des textes les plus fréquents chez les officiers de tout estat qu’ils soient, quel que soit le poste occupé et les responsabilités endossées. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’alors précepteur de Philippe le Beau, le sagace François de Busleyden ait précisément choisi de faire réaliser une copie de ce texte pour son illustre élève 582. Ces quelques exemples issus de la littérature didactique, classique et humaniste invitent donc à supposer de la part des fonctionnaires ducaux un intérêt voire une certaine réflexion plus ou moins approfondie vis-à-vis des principes de gouvernement. Mais comment les ont-ils interprétés ? Cette question revient en réalité à s’interroger plus largement sur la manière d’analyser une librairie sous l’angle idéologique. La démarche exige de respecter certaines règles de critique fondamentales qui faute d’être prises en compte, risquent de fausser la perspective et de conduire à des erreurs d’interprétation. Outre les descriptions fournies dans les pièces d’archives qui se prêtent parfois difficilement à une utilisation optimale, il faut d’abord rappeler que le caractère synchronique et sélectif des sources représente dans certains cas un écueil de taille. La librairie de Philippe Wielant en offre un exemple significatif. On ne connaît de cette collection que le catalogue qu’il en dresse lui-même en avril 1483, soit quelques mois à peine avant son emprisonnement par Maximilien d’Autriche au motif d’accointances trop prononcées avec les « rebelles » flamands. On ignore tout des éventuelles orientations prises par sa bibliothèque après cette date-charnière et avant qu’il ne replace ses compétences au service de l’État central. Synchronique, la documentation se montre aussi sélective et, faut-il le souligner, les brûlots politiques sont par excellence des textes qu’un rédacteur d’inventaire préfèrera passer sous silence. Qu’il s’agisse d’une attestation dans un document ou d’un livre conservé, l’interprétation d’un texte sous l’angle des préoccupations politiques de son possesseur ne peut se fonder uniquement sur un constat de présence. De nombreux facteurs entrent ici en ligne de compte, au premier rang desquels intervient le contexte général dans lequel l’œuvre apparaît. Ainsi, les nombreux 581

On rappellera que saint Ambroise a composé un De officiis dont la structure est calquée sur le texte de Cicéron. L’auteur en reprend aussi les thèmes principaux tout en les adaptant aux devoirs chrétiens (Bossuat 1935, p. 247 ; voir à Clopper, n°145.b et à Lonijs, doc.II.63.a et 87.c).

582

Escurial, Real Biblioteca del Monasterio, ms. H. IV 23. Un exemplaire contenant le De amicitia, le De Senectute et le De officiis pourrait avoir été utilisé par Haneron pour l’instruction des enfants de la maison ducale (BNF, ms. lat. 6609). Ce ms. présente un colophon de Toussaint de Chenemont et remonterait à 1440 (Willard 1967, pp. 527-528 ; Blondeau 2001a, p. 737).

316

Partie III : Des livres et des hommes

textes contre la religion juive chez Wouter Lonijs ne signifient pas forcément que le Conseil de Brabant dont il faisait partie comptait en son sein un farouche adversaire des Juifs. On peut ici supposer qu’il s’agit de la survivance chez ce chanoine de Sainte-Gudule d’une ancienne tradition populaire locale – en l’espèce, le fameux miracle des hosties profanées par les Juifs à Bruxelles 583. De même, la présence dans une librairie de textes polémiques ou de controverse à l’égard de l’ordre politique, social, moral ou religieux n’implique pas nécessairement que le propriétaire ait souscrit aux propos de l’auteur du texte. D’abord, lecture n’est pas toujours synonyme d’adhésion aux opinions véhiculées par une œuvre, bien au contraire. Dans certains cas, on lira précisément avec attention les textes ou les auteurs dont on veut combattre les idées. Vu le profil général de Clopper (à la fois au niveau socioprofessionnel et en fonction de l’orientation générale de sa bibliothèque), la présence des écrits de John Wycliff dans sa collection ne fait pas de lui un hérétique 584. On mesure ici tout l’intérêt de retrouver un volume portant des annotations, des gloses, des commentaires inscrits par son possesseur et qui éclairent alors la manière dont l’œuvre a été reçue et perçue 585. Ce champ d’investigation se heurte toutefois aux outils heuristiques qui décrivent manuscrits et imprimés et dans lesquels l’existence même de ce type de données para-textuelles est souvent passée sous silence 586. Ensuite, la valeur vénale ou sentimentale d’un volume dont la valeur d’usage (et donc le contenu) était dépassée ou avait diminué peuvent avoir suffi à assurer sa survie durant plusieurs générations. Dans le cas des collections patrimoniales, comment déterminer si chaque ouvrage a suscité une réelle attention ou s’il a plutôt été feuilleté d’une main distraite par ceux qui en ont successivement hérité ? Autrement dit, comment savoir si un texte qui a emporté l’adhésion ou engendré la critique du père aura reçu le même accueil auprès du fils ou du petit-neveu ? L’examen d’une bibliothèque sous l’angle des livres et des lectures à portée politique doit en outre tenir compte de la diffusion séparée ou partielle 583

Voir Partie II, chap. II, §. III.2.B.

584

Répertoire documentaire, n°77.c. À propos d’un Songe du Verger, d’écrits de Wycliff et d’œuvres de Marsile de Padoue retrouvés chez des membres du Parlement de Paris sous Charles VI, Françoise Autrand parle de textes qui « laissent deviner, dans leur propriétaire, un esprit de libre examen habituellement dissimulé par la nature de nos sources » (Autrand 1973, p. 1239). L’auteur n’a sans doute pas tort, mais ces œuvres polémiques n’ont peut-être été lues que pour mieux en rejeter les préceptes.

585

À cet égard, une note inscrite par le médecin Liévin II van der Piet dans son De libris revolutionum Nicolai Copernicus de Rheticus est particulièrement illustrative : Fundavit terram super stabilitatem suam et non inclinabitur in seculum seculi (C. Sorgeloos, Une bibliothèque scientifique au XVIe siècle : les livres de Liévin I van der Piet, chanoine de Cambrai et médecin, et de Liévin II van der Piet, médecin, in Eulalie, I, 1998, spéc. pp. 126-127, ill. V).

586

Hindman 1991, pp. 225-258.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

317

(notamment sous forme de cahiers) de nombreux textes médiévaux. Cependant, les sources documentaires ne permettent pas toujours de déterminer si le volume décrit contient l’œuvre entière ou seulement certaines parties, livres ou chapitres. Or, la prudence s’impose face, par exemple, à une œuvre emblématique en matière de théorie politique telle que Policraticus de Jean de Salisbury 587. Car tout n’est pas politique dans le Policraticus : les livres VII-VIII abordent en effet uniquement des problèmes de morale posés à tout être humain en recourant à des exemples tirés des philosophes antiques et de l’Ancien Testament. Enfin, rappelons qu’un même texte peut être appréhendé et interprété de manière fort différente en fonction de divers paramètres tels que le degré de compétence ou les attentes du lectorat. Une œuvre hybride telle que le De civitate Dei de saint Augustin a très certainement été lue par beaucoup dans une perspective historique − qui sera d’ailleurs mise en exergue par Raoul de Presles dans sa traduction française 588 − tandis que certains ont plutôt été sensibles au message théologique et que d’autres y ont surtout cherché matière à une méditation de nature politique. La langue de rédaction de l’œuvre de même que les aspects formels du volume doivent aussi être intégrés dans tout essai interprétatif. À l’évidence, on ne peut aborder de la même manière une copie de grand format, sur parchemin et richement enluminé de la traduction française de l’Ab urbe condita de Tite-Live et un exemplaire de travail sur papier, reprenant la même œuvre mais en version latine. Reste la question posée plus haut : comment cet arsenal de littérature politique présent chez de nombreux possesseurs a-t-il été appréhendé ? Quel accueil les fonctionnaires lui ont-ils réservé ? Dans quelle mesure le programme idéologique véhiculé par ces textes a-t-il été assimilé et, le cas échéant, comment a-t-il été exploité ? Faute de témoignages avérés ou implicites, on ignore quelle a pu être l’attitude des fonctionnaires face à cette littérature à coloration politique dont l’interprétation s’avère polymorphe : simple outil de réflexion, approbation du modèle présenté, attitude plus critique voire rejet total des préceptes. Force est donc de reconnaître que le livre ne représente ni le meilleur indicateur ni le plus adéquat pour apprécier la culture générale des officiers en matière idéologique 589. À ce constat immédiat et, il est vrai, plutôt décevant, quelques compléments peuvent néanmoins être apportés, qui éclairent plus spécifiquement la réception du processus de bourgondisation auprès des fonctionnaires. 587

Senellart 1995, pp. 127-154 ; voir aussi Brucker 1987.

588

Monfrin 2001, p. 811.

589

En revanche, les travaux de W. Paravicini, A. Vanderjagt, R. Stein ou encore B. Sterchi ont démontré toute la richesse d’une analyse politique de la littérature produite par les officiers ducaux (Fillastre, de Dynter, Pignon, Hughes de Lannoy, Germain ou encore les indiciaires officiels).

318

Partie III : Des livres et des hommes

III. 2. Le processus de bourgondisation : une réception à double vitesse Le livre a joué un rôle essentiel dans ce que W. Blockmans et W. Prevenier ont appelé le processus de bourgondisation 590. Les souverains de la maison de Bourgogne – et Philippe le Bon en particulier – ont volontiers utilisé ce vecteur de culture par excellence pour intégrer et fédérer les milieux dirigeants. La cour de Bourgogne prise dans son acception la plus large devient le berceau d’une production littéraire abondante et variée quoique souvent tournée sur ellemême. Ce réservoir de textes français reprend les vieux thèmes épiques et courtois tout en (re)mettant au goût du jour des figures mythiques comme Alexandre, Jason, Hercule, Charlemagne, Girart de Roussillon ou Godefroid de Bouillon. L’ancienne aristocratie artésienne, picarde, hennuyère se rengorge de récits tels que le Roman de Gillion de Trazegnies, l’Histoire des seigneurs de Gavre et le Livre de Jean d’Avesnes qui exaltent les prouesses de « leurs » héros régionaux. L’histoire se voit elle aussi utilisée à des fins politiques et donne lieu à des œuvres encomiastiques destinées à justifier et légitimer le pouvoir en place. La politique culturelle de bourgondisation menée via la littérature par la maison ducale semble avoir été couronnée de succès, à en juger par l’air de famille que présentent la librairie de Bourgogne et les collections de la haute noblesse. Quel a pu être l’impact auprès des officiers de cette stratégie culturelle ducale ? Parmi bien d’autres indices, l’historiographie bourguignonne et les œuvres nées dans le sérail de la cour permettront de prendre le pouls de la bourgondisation au sein des bibliothèques des fonctionnaires ducaux. On connaît mieux depuis quelques années les mécanismes de l’instrumentalisation de l’Histoire réelle ou fictive par les ducs de Bourgogne 591. Il est désormais acquis que les vastes projets de chroniques régionales et dynastiques mis en chantier par Philippe le Bon répondent clairement aux visées politiques d’un prince à la tête d’une mosaïque de territoires sur lesquels il s’agissait d’affirmer sa légitimité et sa souveraineté. On ne décèle pourtant auprès des officiers que très peu d’indices de ce « véritable renouvellement de l’histoire des régions » à portée politique dont a parlé G. Small à propos de la cour de Bourgogne592. Certes, Jean Thirou possédait les Annales Hannoniae dans la traduction de Jean Wauquelin 593. Appliquée à la librairie ducale et considérée sous l’angle de la bourgondisation, cette œuvre majeure traduit l’affirmation et la justification des droits de la dynastie bourguignonne 594. Entre les mains de ce bourgeois de Mons et receveur de Hainaut, en revanche, la portée des Annales 590

Blockmans - Prevenier 1983, pp. 198-213. Sur ce qui suit, voir aussi Van Hoorebeeck 2009d.

591

Voir notamment Small 1996 ; Small 1997 ; Small 1998 ; Small 2000 ; Small 2006a ; Small 2006b.

592

Small 2000, p. 17.

593

Mons, Bibliothèque de l’Université Mons-Hainaut, ms. 122/290.

594

Pour une introduction et une bibliographie critique : Small 2000.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

319

Hannoniae prend sans doute un autre sens : celui de l’intérêt bien compris d’un membre de l’élite locale pour l’histoire de son pays natal. Le constat s’applique probablement à un autre possesseur des Chroniques de Hainaut, Antoine Rolin, un Hennuyer d’adoption qui s’implantera solidement dans cette région où il occupait d’importantes fonctions 595. On peut encore parler d’intérêts convergents dans le chef de Thomas de Plaine, qui appose ses armoiries sous la miniature représentant Girart de Roussillon dans sa Fleur des Histoires 596. En plus (ou avant ?) d’être un héros particulièrement mis à l’honneur dans la littérature officielle, Girart de Roussillon rappelait peut-être aussi à Plaine le berceau de ses origines familiales. S’il est malaisé de cerner la manière dont cette littérature pro-bourguignonne a été reçue, on cherche en vain dans les lectures des officiers les traces d’une forme de contestation de la politique ducale 597. Il faut néanmoins reconnaître que les textes à la gloire de la dynastie de Bourgogne ou qui relaient les grands idéaux de la maison régnante ne sont pas beaucoup plus nombreux. On relève parmi les officiers quelques rares lecteurs de Georges Chastelain 598, de Jean Mansel 599 ou de Raoul Lefèvre 600. Au registre des pièces laudatives, évoquons encore l’exemplaire des Commentarii de César dans la traduction de Jean du Quesne commandé par Donche 601, la Chronique de Jean Lefèvre de Saint-Rémy chez Wielant 602 et le Panegyricus d’Érasme qui figure peut-être chez Plaine 603. Sans être totalement absents, les textes qui célèbrent la maison de Bourgogne ne sont donc pas légion et, surtout, leur audience semble limitée aux fonctionnaires qui entretenaient des liens de réelle proximité avec le milieu curial ou qui y exerçaient des fonctions de premier plan – soit ceux qui se trouvaient dans le premier cercle de réception de ces textes. En grossissant le trait, on pourrait dire que la diffusion de la littérature bourguignonne qu’on retrouve à foison dans les collections de la haute noblesse ne s’est pas faite uniquement en circuit fermé mais presque. On touche là aux limites d’un mouvement d’intégration par la culture et, dans un sens, cette observation a de 595

Oxford, BL, Douce, Douce 205.

596

Baltimore, WAG, ms. W. 305.

597

Voir par exemple Autrand 1973, p. 1329.

598

Philippe Bouton : Florence, BML, ms. Med. Pal. 120 ; Jean Martin : Lille, BM, ms. 336 ; Jean Machefoing : Paris, Sainte-Geneviève, ms. 1999 (détail dans la Partie II, chapitre II, §. V.2.C).

599

Baltimore, WAG, ms. W. 305.

600

BNF, ms. fr. 22552 (Antoine Rolin) ; Répertoire documentaire, doc.II.83 (partie I ; Hugonet).

601

Dans cette œuvre dédiée au Téméraire, l’auteur compare notamment les qualités du prince à celles du célèbre général romain (New Haven, Beinecke Library, ms. 226).

602

Répertoire documentaire, n°94.

603

Répertoire documentaire, doc.II.32.

320

Partie III : Des livres et des hommes

quoi surprendre. De très nombreux officiers qui évoluent plus bas ou plus loin sur l’échiquier institutionnel bourguignon doivent eux aussi leur position à leurs fonctions au service et au bon vouloir du prince. En toute logique, cette littérature ad majorem Bourgondiam gloriam ne pouvait qu’emporter l’adhésion d’un tel lectorat, avide de textes qui justifiaient le placement de leurs compétences au service d’une si illustre maison. Ce constat d’une bourgondisation à deux vitesses invite une nouvelle fois à ne pas considérer trop fermement l’attitude culturelle des officiers en termes d’émulation ou de « trickle down ». Le service ducal représentait pour les fonctionnaires un moyen efficace d’entrer dans le cénacle de l’aristocratie et d’en adopter les comportements sociaux et culturels. On tente de décrocher une lettre d’anoblissement, d’obtenir une seigneurie, de manier l’épée plutôt que la plume, de s’allier à la noblesse par les liens matrimoniaux ou par des créances financières, de « vivre noblement ». Cette attitude générale a été reconnue et analysée depuis longtemps par l’historiographie. Comment dès lors expliquer la faible percolation de la littérature bourguignonne auprès de la majorité des fonctionnaires ducaux ? Deux raisons essentielles peuvent sans doute être invoquées. Il semble d’abord que la proximité représente un atout primordial. Cette observation est d’ailleurs confirmée par la présence marquée des œuvres bourguignonnes dans les librairies de l’entourage nobiliaire des ducs. Il faut donc s’interroger sur la capacité de ce type de littérature à s’exporter bien au-delà des frontières du milieu curial qui l’a vu naître. À juste titre, D. Bohler avait d’ailleurs parlé d’une « autarcie culturelle bourguignonne » 604. Ces textes devaient pourtant séduire un large public puisqu’une grande partie de ce réservoir littéraire recevra les honneurs de l’imprimerie 605. En théorie, il n’y a aucune raison d’imputer aux fonctionnaires (ou, à tout le moins, à un certain profil de fonctionnaires) une insensibilité voire un désintérêt vis-à-vis des thèmes, des valeurs ou du style de la littérature bourguignonne. Il semble également qu’on ne puisse invoquer des différences de goût, un concept à géométrie variable qui tombe souvent à point pour justifier des comportements qu’on a du mal à s’expliquer autrement. Un simple exemple suffira à se convaincre de la fragilité de ces arguments. Charles Soillot rédige vers 1464-1467 un Débat de félicité dédié initialement à Charles le Téméraire. A priori, il ne s’agit en rien d’une œuvre spécifiquement ad usum nobilium ; au contraire, serait-on tenté de dire. Sous un vernis didactique assez habituel, Soillot met en scène un acteur qui, à la faveur d’une oraison à 604

Splendeurs de la cour de Bourgogne 1995, p. XXIV.

605

Ne citons que deux exemples emblématiques. La dizaine d’éditions qu’a connu entre 1482 et 1500 le roman des Quatre fils Aymon a, en deux décennies, fait bien davantage pour la vulgarisation de cette œuvre que la production manuscrite en plusieurs siècles. Dans le même registre, un texte comme la Vengeance Notre-Seigneur qui, à l’état manuscrit, semble réservé à une certaine élite bourguigonne, bénéficie en moins de dix ans de trois éditions parisiennes.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

321

Dieu, parvient dans un riche palais où Grammaire l’accueille avant de lui présenter la Cour des Sciences. Théologie assure la présidence de cette Cour composée de conseillers appelés Logique, Arithmétique, Géométrie, Musique, Astronomie, Philosophie, Droit civil, Droit canon et Médecine. Le poste de greffier est confié à Rhétorique et à Poésie. L’acteur assiste alors à la plaidoirie d’Église, de Noblesse et de Labeur qui espèrent le convaincre que la Cour des Sciences est source de tous les bonheurs. Le récit se clôt sur le jugement rendu par ce tribunal allégorique qui estime que le « souverain bien » réside dans la contemplation de Dieu et de la Vierge. Le Débat de félicité porte donc en lui tous les ingrédients susceptibles de toucher un vaste lectorat de fonctionnaires : les conseillers de la Cour des Sciences personnifient par excellence le souvenir de leur cursus universitaire (juridique, théologique, médical), les praticiens du droit y retrouvent les prétoires dont ils sont familiers, le personnel de l’hôtel reconnaît l’allusion aux richesses du palais où est transporté l’acteur et les officiers ecclésiastiques ne peuvent qu’approuver le message final du récit. Par ailleurs, Soillot lui-même occupait à la cour une position qui permettait théoriquement à son œuvre de bénéficier d’une large audience. À l’époque où il rédige ce Débat de félicité, ce chanoine de la collégiale Sainte-Gudule (alors véritable vivier d’officiers ducaux) qui appartenait à une famille de fonctionnaires, exerçait en effet depuis quelques années au service de la maison princière. Or ce texte ne subsiste à l’état manuscrit que dans 4 témoins appartenant à Charles le Téméraire, Marguerite d’York, Louis de Gruuthuse et Philippe de Croÿ 606. L’édition parue chez Gérard Leeu entre 1489 et 1492 prouve cependant que le caractère « tout public » du Débat de félicité avait été reconnu par un imprimeur qui, en homme d’affaires avisé, n’engageait ses capitaux qu’envers des textes susceptibles d’intéresser un lectorat suffisamment large 607. Pour autant, on ne peut exclure que les lettres bourguignonnes nées dans le giron de la cour ducale n’ont probablement pas représenté les lectures privilégiées d’une certaine catégorie d’officiers, fussent-ils proches du milieu aulique. Les personnalités de Nicolas Clopper, de Wouter Lonijs, de Martin Steenberch, de Philippe Wielant, de Thomas de Plaine et de Guillaume Hugonet sont à cet égard emblématiques. À l’exception des ecclésiastiques Clopper et Lonijs, tous ces fonctionnaires ont exercé de hautes responsabilités dans l’État bourguignon et faisaient partie de ces experts qui gravitaient dans l’entourage immédiat du prince. Hormis pour les vastes librairies de Steenberch et de Wielant dont on ne connaît qu’un état plus ou moins imparfait, les sources offrent une vision assez complète des bibliothèques des autres 606

Voir LDB-I 2000, pp. 61-66.

607

ISTC,

is00612300.

322

Partie III : Des livres et des hommes

fonctionnaires. Plusieurs constantes se dégagent de ces collections. On y relève une profonde imprégnation de la culture latine universitaire et une dominante utilitaire, avec un accent prononcé pour la littérature religieuse dans les librairies des ecclésiastiques. Dans la majorité de ces bibliothèques, on observe aussi une réelle attitude d’ouverture vis-à-vis de la nouveauté, qu’elle soit intellectuelle (en l’espèce, humaniste) ou formelle (l’imprimé). On aura reconnu au travers de cette description le profil du lecteur professionnel qui caractérise au premier chef ces six possesseurs. On est donc bien loin des romans, chroniques bourguignonnes et autres témoins de la littérature chevaleresque et courtoise qui composent l’essentiel de la librairie de Bourgogne et des collections de la haute noblesse auxquelles elle a donné le ton. Si Hugonet, Wielant et Plaine possèdent chacun une œuvre typiquement bourguignonne, elle reste pour le moins isolée dans un océan de textes dits « sérieux ». Hormis chez Clopper, le thème de la croisade ne reçoit quasi aucun écho. Cette idée a pourtant traversé tout le règne de Philippe le Bon et Hugonet et Steenberch n’ont sans doute pas manqué de fréquenter à l’hôtel ducal l’un de ses principaux hérauts, Guillaume Fillastre. À l’exception de l’Histoire de Jason et Médée de Raoul Lefèvre chez le chancelier Hugonet 608 et de la Chronique de Jean Lefèvre de Saint-Rémy signalée chez Wielant 609, les collections de ces officiers offrent également très peu de traces de l’abondante littérature née dans le sillage de la Toison d’or (dont Steenberch était greffier). Faut-il croire que le sujet ne concernait que les membres de l’Ordre chez qui on retrouve effectivement bon nombre de textes relatifs à la Toison d’or ? Rien n’est moins sûr. L’Histoire de Jason et Médée de Raoul Lefèvre, précisément, connaîtra pas moins de 4 éditions entre 1475 et 1487, prouvant que les aventures d’un des plus grands Argonautes allaient passionner bien d’autres lecteurs que les chevaliers toisonnés 610. Pour l’essentiel, la carrière de ces six hommes s’est déroulée au service et à proximité des ducs. L’orientation culturelle de leur bibliothèque semble pourtant rester avant tout celle d’universitaires qui privilégient les lectures savantes et, surtout s’ils sont clercs, qui paraissent le plus souvent réfléchir en latin. Si certains n’ont pas été totalement hermétiques à toute influence bourguignonne, ces lecteurs de type professionnel restent attachés à une culture académique, érudite, tournée plus volontiers vers l’humanisme philologique. 608

Doc.II.83 (partie I).

609

Répertoire documentaire, n°94.

610

Bruges, William Caxton, vers 1475 (ISTC, il00110930) ; Lyon, Nicolaus Philippi et Marcus Reinhart, vers 1478-1480 (ISTC, il00110940) ; Haarlem, Jacob Bellaert, entre le 24 décembre 1485 et le 12 août 1486 (ISTC, il00110950) ; Lyon, Guillaume Le Roy, vers 1487 : (ISTC, il00110970).

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

323

Les modèles littéraires francophones prônés par la cour de Bourgogne − autrement dit, le processus de bourgondisation − n’ont donc pas forcément ni toujours été partagés par ceux qui en faisaient pourtant partie intégrante. Que conclure ? Il existe sur le fond comme sur la forme des différences incontestables entre les librairies de type nobiliaire et les bibliothèques dites savantes, constituées par les fonctionnaires du type « gens de savoir ». Mais audelà de ce constat immédiat et dressé depuis longtemps, un changement de paradigme permet de rendre compte d’une réalité (presque) insoupçonnée : il existe bel et bien des lectures partagées par l’un et l’autre public, qui rassemblent gentilshommes et hommes de robe au sein d’une certaine communauté de lecteurs. Plus largement, les déclinaisons du rapport au livre et à la lecture entretenu par différents types de lecteurs-utilisateurs (professionnel et amateur) soulignent combien il n’y a pas un lecteur mais plusieurs profils de lecteurs, tout comme il n’existe pas une manière de lire, mais des formes de lecture. En un sens, les marques d’appartenance confirment elles aussi la diversité des relations au livre. Ces témoins polymorphes et polysémiques de l’appropriation du livre (outil comme objet) indiquent que les fonctionnaires se réclament essentiellement de leur office au service ducal ou de leur appartenance au monde des clercs (ecclésiastiques et universitaires). Par ailleurs, force est de reconnaître que le livre seul ne représente pas un indicateur optimal pour cerner au mieux les opinions idéologiques des officiers. Les quelques remarques formulées à propos de leur arsenal politique offrent cependant un point de départ et une base de comparaison pour une étude menée à plus large échelle, et qui devrait prendre en compte d’autres types de sources (comme, par exemple, l’ensemble de la production littéraire des officiers). Enfin, l’analyse de la réception des « lettres bourguignonnes » auprès des fonctionnaires conduit à souligner une bourgondisation à deux vitesses et, du même coup, invite à nuancer deux conceptions trop strictement opposées. Pour les uns, l’acculturation des fonctionnaires est un phénomène établi. Tous, quels qu’ils soient, aspirent à « vivre noblement » et tendent à s’approprier les modèles littéraires francophones en vigueur à la cour et amplement relayés par l’élite aristocratique. Pour d’autres, l’ensemble des agents ducaux ne jure que par le latin et la littérature professionnelle et reste imperméable à toute influence bourguignonne. Ces deux opinions méritent sans doute d’être réajustées à la lumière de nos observations.

CONCLUSION

Il convient au terme de cette enquête de dresser un bilan des résultats engrangés. Sur la base d’une large gamme documentaire composée à la fois de manuscrits et d’imprimés encore conservés et d’attestations dans des textes d’archives et des sources littéraires, il s’agissait avant tout de reconstituer le bagage culturel des officiers à travers leurs bibliothèques et leurs habitudes de lecture. Cette enquête entendait aussi mieux cerner leur comportement de (re)producteurs culturels face aux nouveaux courants littéraires et intellectuels, aux avancées technologiques et aux modèles livresques bourguignons prônés par la maison ducale. Disparate et hétérogène : ces deux termes définissent à eux seuls le corpus des 103 officiers repris dans cette étude ainsi que les sources mobilisées pour appréhender les livres en leur possession. Ils résument également les contraintes méthodologiques auxquelles il a fallu faire face pour tenter de dégager, au sein de cette mosaïque d’hommes et de documents, les lignes de force et les exceptions, les singularités comme les traits communs. Les sources n’éclairent que la partie émergente d’un patrimoine livresque assurément plus étoffé sans toutefois que l’on puisse mesurer l’ampleur des déformations liées aux données documentaires. À des degrés divers et pour de multiples raisons, les caprices de la documentation relèguent dans l’ombre certains individus tandis que d’autres, particulièrement mis en relief, semblent alors sortir du lot. Paradoxalement, les inégalités qualitatives et quantitatives et la variété des situations sociales, professionnelles et culturelles des fonctionnaires étudiés ont constitué un laboratoire expérimental d’une étonnante richesse. S’il a fallu renoncer à l’exhaustivité, les bibliothèques de cette centaine d’officiers ont néanmoins permis d’approcher des réalités très contrastées et, au final, s’avèrent représentatives de plusieurs profils de lecteurs, de lectures et de librairies. La formation universitaire, l’état, la proximité avec le prince et − quoique dans une moindre mesure − l’implication dans des circuits littéraires à coloration courtoise ou humaniste reviennent de manière récurrente tout au long de cette enquête. Ces paramètres-clés façonnent non seulement la taille et le contenu des librairies des officiers mais conditionnent aussi leur attitude envers le manuscrit et l’imprimé, leur comportement de lecteurs et leur utilisation du livre. À bien des égards, ces critères servent d’ailleurs à les déterminer dans leurs rapports verticaux et horizontaux avec la société qui les entoure.

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

325

Plus fondamentalement, ces paramètres conduisent à esquisser à larges traits deux archétypes de fonctionnaires-possesseurs dont le substrat culturel diffère et qui s’expriment dans la thématique générale de leurs bibliothèques, dans la matérialité de leurs livres et dans leurs habitudes de lecture. Les lecteurs professionnels appartiennent à la communauté des gens de savoir ; quelles que soient leurs fonctions dans l’appareil d’État bourguignon, ces officiers titulaires d’un grade académique (a fortiori s’il s’agit d’agents ecclésiastiques) restent profondément marqués par une culture érudite et scolastique dont le latin constitue le véhicule privilégié. Ces litterati portent l’héritage d’une longue tradition savante où le livre-outil, synonyme d’accès au savoir et à la connaissance, représente l’instrument par excellence d’une lecture à finalité utilitaire et vécue en privé. Les librairies et les conceptions du livre des lecteurs amateurs traduisent d’autres influences culturelles. Généralement laïcs, ces officiers dont la formation ne doit rien au canevas universitaire conçoivent la lecture comme un art d’agrément qui, volontiers pratiqué dans un espace collectif, s’inscrit dans une forme de sociabilité teintée de vernis culturel. Chez ces lecteurs amateurs qui souscrivent aux standards livresques bourguignons, la bibliothèque reflète le statut du possesseur en quête de reconnaissance sociale et les démarches entreprises pour accéder au fameux « vivre noblement ». Pour autant, les modèles de lecteurs professionnels et amateurs (en quelque sorte les deux faces d’une même médaille) ne s’avèrent pas forcément concurrents ou antinomiques, pas plus qu’ils ne sont figés et hermétiques l’un à l’autre. Cette étude aura à cet égard contribué à réajuster certains postulats couramment admis à propos de quelques problématiques-clé. L’image du fonctionnaire savant, sérieux et imperméable voire réfractaire à toute innovation de forme et de fond mérite sans doute d’être retouchée à la lumière de plusieurs constats. Pour l’essentiel, l’imprimé a rapidement et durablement trouvé un lectorat privilégié auprès des hommes d’Église et des officiers universitaires, deux publics souvent perçus comme les gardiens d’une culture conservatrice marquée par le poids des traditions. C’est aussi au sein de cette catégorie d’officiers que l’humanisme philologique a compté ses plus ardents partisans qui, pour certains, ont joué un rôle pionnier dans l’introduction et le rayonnement de ce nouveau courant de pensée au cœur des Pays-Bas bourguignons. Volontiers relégué par l’historiographie au rang de possesseur de Panurge, certaines observations sur le prototype du fonctionnaire-courtisan invitent à revenir sur une émulation verticale présentée comme un phénomène quasi systématique. Par snobisme, contagion ou opportunisme, d’aucuns auront certes délibérément adhéré aux canons du livre prescrits en haut lieu. L’analyse à grande échelle des ouvrages réalisés à la demande des agents ducaux permet

326

Conclusion

néanmoins de mettre en évidence qu’ils sont loin d’avoir tous suivi les dictats de la mode prônés par leurs « employeurs ». Mieux : certains officierscommanditaires sont à l’origine d’une production livresque innovante et créatrice sur le plan artistique comme dans le champ littéraire. Un autre enseignement de cette enquête concerne deux phénomènes longtemps considérés comme les domaines réservés de certains fonctionnaires ou de possesseurs qui évoluent dans d’autres milieux culturels déterminés. Un examen transversal de l’ensemble des librairies a révélé l’existence d’un vaste réservoir de lectures partagées qui, au-delà des différences de langues et de statuts socioprofessionnels, réunit cette centaine d’officiers au sein d’une même communauté de lecteurs. Pour une large part, ces références littéraires en commun constituent aussi un trait d’union entre leurs collections, celles de l’ancienne noblesse de l’entourage curial et la librairie des ducs de Bourgogne. Ces deux derniers types de bibliothèques sont étroitement associés à la bibliophilie, un second concept reprécisé dans cette étude. Ni la famille ducale ni les membres de la haute aristocratie n’ont l’apanage de la bibliophilie interprétée comme la quête du livre de collection, rare, beau et précieux. Ecclésiastiques ou laïcs, universitaires ou non, ministres ou simples exécutants, bien des fonctionnaires ont possédé des textes peu fréquents dans des volumes de haute tenue. Mais l’attrait marqué pour le livre (dans la définition première du terme « bibliophilie ») se manifeste au travers d’attitudes fort diversifiées qui portent tantôt sur les types et les formes de livres recherchés, tantôt sur la manière dont le bibliophile traite ces objets convoités. En ce sens, de nombreux officiers méritent amplement le qualificatif de bibliophile, comme en témoignent tant les ouvrages eux-mêmes que les sources documentaires. D’une certaine manière, la façon dont les fonctionnaires ont massivement utilisé le livre pour initier ou consolider leurs réseaux de sociabilité tissés dans des cercles privés ou publics permet aussi de mettre en relief leurs rapports privilégiés avec ce support culturel par excellence. En soulignant l’importance du livre comme agent de liaison qui suscite, maintient ou renforce leur capital social, nos recherches ont sans doute porté un regard neuf sur l’existence, la nature et l’ampleur de la trame relationnelle des agents ducaux. De par leurs fonctions, les officiers entretiennent des liens particuliers avec la culture écrite dont ils sont à la fois producteurs et consommateurs. Ils exercent en outre au service d’un État qui a largement investi dans le livre et la littérature pour asseoir sa légitimité et fédérer les élites autour de valeurs bourguignonnes. Si cette stratégie s’est avérée payante auprès de la haute noblesse, le processus de bourgondisation littéraire paraît n’avoir touché que quelques fonctionnaires qui, dans le cadre de leur office ou de par leur état, évoluaient dans l’entourage immédiat du prince. Du reste, la proximité permet aussi de comprendre la

Chapitre III : Livre-outil et objet-livre

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présence chez certains officiers d’autres lectures qui, sans relever strictement du sérail bourguignon, circulent presque uniquement dans les collections des grandes lignées aristocratiques. À première vue, la littérature probourguignonne avait pourtant de quoi séduire ces homines novi qui entendaient adopter les comportements culturels de ceulx des anciens lignages. Ces textes où étaient exaltées les qualités du prince qu’ils servaient reflétaient en outre, par un jeu de miroir, leur propre statut sur l’échiquier social. Or le modèle culturel bourguignon n’aura pas réussi à concurrencer sérieusement les habitudes de lecture d’individus qui pour une large part restaient profondément marquées par d’autres influences, qu’elles soient académiques ou religieuses. À la tête d’une mosaïque de territoires fort contrastés, les princes de la maison de Bourgogne ont employé divers outils de propagande destinés à créer un sentiment de cohésion « nationale » autour de leur personne ou de leur dynastie. Sans doute l’imprimerie aurait-elle offert un moyen privilégié de diffuser plus largement des idéaux bourguignons ancrés qui plus est dans des récits attractifs et divertissants. Certains de leurs fonctionnaires devaient le savoir, eux qui avaient reconnu très tôt les avantages du nouveau média. En cela, sans doute, les ducs de Bourgogne auront peut-être manqué de clairvoyance. Au terme de cette étude, deux axes qui appellent des nouvelles recherches ou de plus amples développements méritent d’être retenus. Le premier est d’ordre chronologique et concerne l’impact de l’imprimerie sur les librairies constituées par les successeurs des officiers repris dans cette enquête. Il y aurait beaucoup à dire sur la nature et l’ampleur des mutations dans l’orientation thématique de ces collections de même que sur l’attitude de leurs possesseurs face à un livre désormais affranchi de son aïeul manuscrit. Le second axe, géographique, implique leurs collègues de la génération précédente qui ont poursuivi toute leur carrière dans les pays de par-delà. Les textes d’archives comme les nombreux livres encore conservés garantissent une solide base documentaire pour une étude qui répondrait aux mêmes objectifs que ceux de la présente enquête. Dans le Carnet de notes des Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar avait souligné combien la reconstitution d’une bibliothèque restait l’une des meilleures manières de restituer la pensée d’un homme. Notre contribution n’a pas la prétention d’avoir cerné au plus juste toute la complexité de l’univers culturel des fonctionnaires ducaux à travers leurs livres et leurs lectures. L’étude des bibliothèques qui ont appartenu aux officiers de mon très redoubté seigneur mais aussi la façon dont ils ont reçu et perçu le livre, appellent certainement des nuances, des correctifs ou des compléments. Du moins la moisson récoltée permettra-t-elle de mieux apprécier la place des officiers dans le paysage artistique et littéraire des Pays-Bas bourguignons et le rôle joué par le livre dans la constitution de leur identité culturelle.

RÉPERTOIRE BIOGRAPHIQUE L’astérisque* renvoie à un personnage cité dans le Répertoire biographique ou à un livre repris dans le Catalogue descriptif. En l’absence de renseignements, les rubriques correspondantes n’ont pas été mentionnées. Anselme ADORNE Seigneur de Cortachy Naissance - décès : 8 décembre 1424 - 20 janvier 1483. Origine : Bruges (famille originaire d’Italie). État : roturier (patriciat urbain). Ascendance - mariage - descendance : fils de Pieter II et d’Élisabeth Braderic ; épouse Margareta vander Banck (1443) → 16 enfants. Principales fonctions exercées : conseiller de la ville de Bruges (1444-1445, 1452-1453) ; capitaine du quartier Saint-Nicolas (1447-1448, 1450-1451, 14561457, 1458-1459, 1460-1461, 1462-1463) ; commis aux finances de Bruges (1463-1468) ; capitaine du quartier Saint-Jean (1473-1474) ; bourgmestre du Conseil (1475-1476) ; trésorier (1459-1460). Voyages et ambassades : ambassade commerciale en Écosse (1468) au nom de Charles le Téméraire, de la ville de Bruges et des Quatre Membres ; ambassade pour Charles le Téméraire auprès du shah de Perse (1473) ; voyage auprès du roi de Pologne (1474) et en Écosse (1477-1479, 1480, 1482). Varia : actif dans le commerce international ; en mars 1477, accusé d’avoir mal géré les deniers publics, il est arrêté avec une vingtaine d’autres Brugeois exerçant dans l’administration urbaine et est emprisonné. Il doit prononcer des excuses publiques et s’acquitter d’une amende ; tuteur de la léproserie de Bruges (1476-1480) ; participe aux tournois de la confrérie de l’Ours blanc (1447-1449) ; organisateur d’un tournoi à l’occasion de la Joyeuse entrée de Charles le Téméraire à Bruges (1468) ; membre de la confrérie de Notre-Dame de l’Arbre sec ; décoré de l’Ordre de la Licorne (1468-1469) ; pèlerinage en Terre sainte (1470-1471) ; commanditaire d’un tableau de Jan van Eyck. Orientation bibliographique : Walsh 1976 ; Geirnaert 1983 ; Geirnaert 1987, cols 2-13 ; Geirnaert 1987-1989 ; Geirnaert 2002 ; Van Hoorebeeck 2007b ; Haemers 2009, pp. 139, 166, 183-184 et 197. Raoul D’AILLY Vidame d’Amiens et baron de Picquigny Naissance - décès : ca 1390 - 1463. Origine : Picardie. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Baudouin et de Jeanne de Raineval ; épouse Jacqueline de Béthune → Jean ; Antoine ; Louis ; François ; Roger (ou Robert ou Raoul) ; Jacqueline ; Marguerite ; Marie (épouse d’Antoine Rolin*) ; Isabeau ; Anne ; Jeanne

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Principales fonctions exercées : conseiller-chambellan ; combat avec Jean sans Peur au siège de Pontoise (1417) ; participation au massacre des Armagnacs à Paris (1418) ; soutient Philippe le Bon dans sa guerre contre l’Angleterre et Charles VIII ; participation au combat contre les Gantois (1453). Voyages et ambassades : Balteau 1929. Varia : membre de la cour amoureuse de Charles VI. Orientation bibliographique : Balteau 1929 ; Bozzolo - Loyau 1982-1992, n°294 ; Nash 1999, spéc. pp. 47, 74, 85, 140-141 et 369. Robert ALARD Principales fonctions exercées : chapelain des archers (1438, 1445, 1449) ; chapelain des maîtres d’hôtel (1449) ; principal chapelain des maîtres d’hôtel (1458). Principales charges ecclésiastiques : prêtre. Orientation bibliographique : Paviot 2003 ; Kruse - Paravicini 2005, 11.297, 15.257, 16.375, 16.369, 16.505a-b et 20.628. Folpart van AMERONGEN Naissance - décès : ? - 1483. Origine : Utrecht. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jacob ; épouse Geertry van Themseke → Jacob ; Maria. Études : maître ès arts à Paris (1449) ; procureur de la nation allemande (1451) ; licencié en droit civil. Principales fonctions exercées : bourgmestre et échevin d’Utrecht (14561465) ; conseiller de David de Bourgogne (1459) ; conseiller-maître des requêtes de l’hôtel (1468-1469) ; conseiller laïc au Parlement de Malines (1473). Varia : auteur d’un Commentarius in Aristotelis Perihermeneias et d’un Commentarius in Boethii De divisione (1449-1450 ; Avignon, BM, ms. 1099). Orientation bibliographique : Van Rompaey 1973, p. 63, n. 39 et p. 505 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 8 ; Greve - Lebailly 2001, n°967-968 ; Greve Lebailly 2002, n°811. Pierre ANCHEMANT Seigneur de Marcke, Vischbrugge et Blommeghem Naissance - décès : ? - 6 juillet 1506. État : noble. Origine : Bourgogne. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean et de Peronette Arbaleste ; épouse Madeleine van den Steene (1490) → Nicolas. Principales fonctions exercées : clerc de Nicolas Ruter* ; secrétaire ordinaire des commandements (1488) ; secrétaire (1501). Voyages et ambassades : France (1492-1493, 1500-1501, 1501-1502) ; Bourgogne (1504) ; Angleterre (1505) ; Savoie (1506).

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Orientation bibliographique : Kervyn de Volkaersbeke 1873 ; Gachard 1876a, p. 372 ; Bartier 1955-1957, p. 82, n. 1, pp. 209, 213, 220, p. 225 et n. 4, p. 227, n. 6 et p. 229 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, I, pp. 44-45, 82, 91, 108 et 132, n. 6. Jean AUBERT Naissance - décès : ca 1363-1364 - 16 août 1444. Origine : Landgravirat de Hesse ? Bourgogne ? État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : épouse Guillemote (d’Auxonne ?) → Jean ; David. Principales fonctions exercées : clerc du trésorier ducal Josset du Halle (1393) ; clerc à la Chambre des comptes de Dijon (1394) ; maître de la chambre aux deniers (1400-1404) et secrétaire de Marguerite de Flandre ; clerc (1419) puis auditeur (1432-1444) à la Chambre des comptes de Lille. Varia : condamné à une amende pour malversation dans le cadre de ses fonctions de maître de la chambre aux deniers de Marguerite de Flandre (1404) ; représentant de la ville de Dijon aux États généraux de Paris (1411) ; auteur des Protestations à dire au lit de la mort contre les ennemis d’enfer et traducteur de la Vie de Jésus Christ (DLFMA 1992, p. 745). Orientation bibliographique : Cockshaw 1968 ; Cockshaw 1971 ; Dumolyn 2004. Guy (II) de BAENST Seigneur de Melissant et de Gapinghe Naissance - décès : ? - avant 1502 (ou octobre 1523 ?). Origine : Pays de Cadsant. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Guy Ier et d’Anna de Groote ; frère de Maria, Élisabeth, Jacquemine, Catherine et Magdalena ; épouse Josine Masin. Principales fonctions exercées : bailli de L’Écluse (1458-1468) ; receveur du domaine général de Zélande (1474) ; conseiller au Conseil de Flandre (14711492) ; maître des requêtes ordinaire de Maximilien d’Autriche (1485) ; conseiller au Grand Conseil (1492-1497) ; conseiller-maître des requêtes (1497). Il exerce des charges dans l’administration du Franc de Bruges (bourgmestre des échevins puis bourgmestre ; 1485-1486). Son allégeance à Maximilien d‫ۥ‬Autriche lui vaut la confiscation de ses biens (1484-1485). Voyages et ambassades : Buylaert 2002-2003, II, n°XVIII. Varia : membre de la confrérie Notre-Dame de l’Arbre sec à Bruges ; tuteur des enfants de Paul de Baenst*. Orientation bibliographique : J. Paviot, La politique navale des ducs de Bourgogne, 1384-1482, Lille, 1995, pp. 33, 178, 179 et 211 ; Van Hoorebeeck 2007b ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°360, 372, 408, 417, 437, 442, 724, 766, 786, 978, 979 et 1262 ; Haemers 2009, pp. 54, 69, 123 et 237.

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Jan (III) de BAENST Seigneur de Sint-Joris, Oostkerke, Beernem et Zotschoore Naissance - décès : ? - 18 mars 1486 (n. st.). Origine : Pays de Cadsant. État : anobli en 1462. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jan II et d’Anna Slyps ; frère de Lodewijk Ier, Zeger et Josse ; épouse (avant 1454) Margareta de Fever → 1 fils et 2 filles. Principales fonctions exercées : conseiller de la ville de Bruges (1441, 1443, 1452 (?), 1453, 1455 et 1467 (?) ; bourgmestre du Conseil de la ville de Bruges (1445) ; échevin (1457) ; bourgmestre des échevins (1470-1471 et 1473-1474) ; membre du Conseil ducal (att. 1460) ; conseiller-chambellan ducal (1470). Suite aux troubles engendrés à la fin mars 1477 par la mort du duc Charles, Jan (III) de Baenst fait partie de la vingtaine de hauts fonctionnaires brugeois qui sont alors arrêtés, puis libérés. Peu après, en mai, il est toutefois de nouveau emprisonné et torturé. Avec Anselme Adorne* et Paul van Overtvelt*, il est publiquement soumis à la question, condamné à une amende et sommé de se retirer à l‫ۥ‬abbaye Saint-Barthélemy de l‫ۥ‬Eeckhout à Bruges. Au lendemain du décès de Marguerite de Bourgogne en 1482, Jan (III) de Baenst restera un fidèle partisan des Bourguignons et choisira de soutenir Maximilien d’Autriche. Voyages et ambassades : Buylaert 2005a. Varia : fait construire à Bruges vers 1450 l’hôtel Sint-Joris (alias Hof van Watervliet ; aujourd’hui au n°27 de l’Oude Burg) ; membre de la gilde des arbalétriers (depuis 1467), de l’ordre de l’Ours blanc (participation aux tournois en 1467-1469) et d’une confrérie religieuse qui aurait regroupé, au sein de la chapelle de Jérusalem à Bruges, des anciens pèlerins de Terre sainte ; liens avec William Caxton et Colard Mansion. Son nom a été associé au huitième panneau de la Légende de sainte Ursule (Bruges, Groeningemuseum) : attribué au Maître de la Légende de sainte Ursule et réalisé entre 1475 et 1482, ce panneau aurait été exécuté à la demande de Jan (III) de Baenst et offert au couvent augustin des sœurs noires de Bruges. Il est enterré avec son épouse dans la chapelle Bladelin de l’église Notre-Dame de Bruges. Orientation bibliographique : Picat 1995, n°7 ; Buylaert 2005a ; Van Hoorebeeck 2007b ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n° 342, 504, 808, 1025, 2594, 3006-3007 et 3010 ; Haemers 2009, pp. 124, 183-184 et 197. Paul de BAENST Seigneur de Voormezele Naissance - décès : ca 1442 - juillet 1497. Origine : Pays de Cadsant. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Lodewijk Ier et de Clara Losschaert ; frère de Lodewijk II, Claire, Anna et Margereta ; oncle de Guy II*, de Jan (III)* et de Roeland Ier* ; épouse Jacquemine van de Karrest → Adrian, Jacob, Englebert et Margereta. Études : Université de Louvain (imm. 1464) ; docteur dans les deux droits de

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l’Université de Pavie (1472) ; recteur de la Faculté de droit de Pavie (1473). Principales fonctions exercées : conseiller-maître des requêtes (1477) puis rapporteur (1477-1480) au Grand Conseil ; président du Conseil de Flandre (1479-mai 1488 puis décembre 1489-1496). Arrêté début 1488 durant les troubles, il est relaxé un peu plus tard et fait alors partie du Conseil de Maximilien d’Autriche. Voyages et ambassades : Buylaert 2005b. Varia : Rudolphe Agricola prononce le 10 août 1473 la laudatio à l’occasion de son intronisation au rectorat de l’Université de Pavie ; il y évoque notamment sa circa litteras diligentia et son assidua studiorum opera (Sottili 1997). Orientation bibliographique : Walsh 1976, spéc. p. 187 ; Petitjean 1991, n°6 ; Buylaert 2005b ; Cockshaw 2006, n°47 ; Van Hoorebeeck 2007b ; Haemers 2009, pp. 53, 69 et 124. Roeland (Ier) de BAENST Seigneur d’Axpoele et d’Hansbeke Naissance - décès : ca 1412 - 1484. Origine : Pays de Cadsant. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils d’Antoine Ier et d’Isabeau Moens ; frère de Margareta, Barbe, Élisabeth et Cornélie ; cousin de Jan (III)* ; épouse Catherine Utenhove → Antoine Roelandszoon. Principales fonctions exercées : bailli des Quatre métiers (1448-1460) ; conseiller de Philippe le Bon ; commissaire du magistrat de Gand (1475) ; échevin de Gedele (1477) ; échevin de la Keure (1478-1479). Orientation bibliographique : Van Rompaey 1967, p. 110, p. 239 et p. 650 ; Van Hoorebeeck 2007b ; Haemers 2009, pp. 125 et 237. Richard de BELLENGUES dit Cardot Naissance - décès : ca 1380 - 25 février 1471 (n. st.). Origine : Rouen. Principales fonctions exercées : chantre à la chapelle des ducs de Bourgogne (1415-1419 ; 1436-1464) puis à la chapelle pontificale (1422-1426). Principales charges ecclésiastiques : chanoine et chapelain de Louvain et de Nivelles (1457) ; chanoine Notre-Dame de Ligny (1422) ; chanoine à SainteGudule de Bruxelles (1462) ; recteur de Saint-Willibrord ; charges ecclésiastiques à Beauvais, Picquigny et Rouen. Varia : auteur d’un rondeau intitulé Pour une fois et pour toutes. Son nom figure dès 1430 parmi les musiciens qui interprètent le motet Nove Cantum Melodie de Gilles Binchois. Sa devise est Fais ce que tu voudras − Avoir faist quand tu mourras ; il avait lui-même rédigé son épitaphe (Anderlecht, ASG, 266, fol.39v). Orientation bibliographique : Huybens 1975 ; Haggh 1988, II, pp. 544-546 ; Schreurs 2000 ; Ward 2001 ; Guilardian 2002, n°183 ; Illuminating the Renaissance 2003, pp. 29-30.

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Henri de BERGHES alias de Glymes-Berghes Naissance - décès : 20 juillet 1449 - 7 octobre 1502. Origine : Brabant. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean II et de Marguerite de Rouveroy ; frère de Jean III, Antoine et Corneille. Études : Universités de Louvain (imm. 1465) et d’Orléans (imm. 1466) ; docteur dans les deux droits. Principales fonctions exercées : chapelain de Marguerite d’York (1479) ; chancelier de la Toison d’or (1493) ; président du conseil aulique (dès 1494) ; chef du conseil (28 juin 1495) ; membre du conseil privé (10 août 1495) ; chef du conseil aulique princier (1497-1502). Comme son frère Jean et quelques autres protagonistes du clan « pro anglais », il tombe en disgrâce le 23 juillet 1502 à Tolède et doit rentrer aux Pays-Bas. Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Saint-Lambert et de SaintMartin à Liège (1473) ; protonotaire apostolique ; abbé commendataire de l’abbaye bénédictine de Saint-Denis-en-Brocqueroye (mai 1477 - ca mai 1487) ; coadjuteur de Jean de Bourgogne (1479) ; évêque de Cambrai (1480-1502). Voyages et ambassades : Hollande (1477), France (1499, 1501), Allemagne (1498), Angleterre (1499) ; prend part au premier voyage en Espagne de Philippe le Beau (1501 ; Petitjean 1991, n°12) ; voyage aux Lieux saints et séjour à Rome (1487). Varia : représenté sur un tableau en compagnie de son frère Jean III (Bergenop-Zoom, Museum Markiezenhof) ; son épitaphe a été rédigée par Érasme dont il a été le premier protecteur et qui sera son secrétaire particulier en 14921493 (Delcourt 1967 ; Contemporaries of Erasmus 1985-1987). Molinet composa une Épitaphe de monseigneur Henry de Berghes (Dupire 1936-1939, I, pp. 383-385). Orientation bibliographique : Chmel 1845, pp. 538-539 et 542 ; Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, VIII, Paris, 1934, cols 463-466 ; De Moreau 1949, pp. 60, 68, 142, 149 et 304 ; Delcourt 1967, passim Koller 1971, pp. 1719 ; Walsh 1976, spéc. pp. 188 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 18 ; Petitjean 1991, n°12 ; Contemporaries of Erasmus 1985-1987, I, pp. 132-133 ; Cools 2001, n°094 et 21 ; H. Cools, Les frères Glymes-Bergen. Les quatre fils Aymon des Pays-Bas bourguignons, dans Le héros bourguignon. Histoire et épopée (Publication du Centre européen d’études bourguignonnes, n°41), éd. J.-M. Cauchies, Neuchâtel, 2001, pp. 123-133 ; Cauchies 2001b, n°3 ; A. Dupont, Les initiatives de réforme à l’abbaye de Saint-Denis-en-Brocqueroie aux XVe et XVIe siècles, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, n°79, Mons, 2002, pp. 45-77 ; Cauchies 2003a, passim ; Cauchies 2003b, p. 396 et notes 56-57, 398-401 et 403, n°3 ; Cauchies 2005, p. 58, n°2, 62, n°9, 75, n°2 et 83, n°17 ; Filips de Schone 2006, p. 94.

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Hippolyte de BERTHOZ Naissance - décès : ? - juillet 1503. Origine : Poligny. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : épouse Isabelle Hugheins → Jean (Kerckhoffs-de Heij 1980, I, pp. 51, 59, 82 et 136, n. 55). Principales fonctions exercées : commis du trésorier Gilbert de Rulpe (1472) ; greffier des généraux des aides et trésoriers des finances (1473-1477) ; argentier de Marguerite d’York (1477-1485) ; maître de la chambre aux deniers ; receveur de l’extraordinaire de Philippe le Beau (1492) ; maître à la Chambre des comptes de Lille (1490-1495) ; conseiller de Philippe le Beau (1495-1499). Varia : Probablement à l’occasion de sa prestation de serment comme maître de la Chambre des comptes de Lille, le 16 février 1490, Molinet (lui aussi natif de Poligny) lui dédie une Oroison de Sainct Ipolite, où se retrouvent les devises de Berthoz (Vous seulement) et de son épouse (Dieu le scet) ; le prénom Ipolitus y apparaît également en anagramme (Dupire 1936-1939, II, pp. 513-523 ; III, pp. 1031-1032). Le nom de Berthoz est aussi lié au Triptyque du martyre de saint Hippolyte (Bruges, Musée de la cathédrale Saint-Sauveur et Musée Groeninge), œuvre de Thierry Bouts et Hugo van der Goes réalisée entre 1470 et 1478 (volets extérieurs : entre 1503 et 1508) où il est représenté avec son épouse. Orientation bibliographique : Bartier 1955-1957, pp. 299-301 ; Kerckhoffsde Heij 1980, I, p. 59 ; Petitjean 1991, n°15 ; Jean 1992, spéc. p. 284, n°8 ; Van den Bergen-Pantens 2001 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n° 371, 409, 599, 731, 741, 799, 803, 837, 923, 925 et 926. Pierre de BOOSTENSWENE alias de Renesse, van Renisse, in de Valk Naissance - décès : ? - début 1458. Origine : Zélande (Zierikzee ?). État : noble. Études : Université d’Erfurt (1418 ; ?) ; docteur en droit canon ; professeur à la Faculté des arts de l’Université de Louvain (1426 - 1431/1432) ; doyen de cette faculté (1426 et 1428). Principales fonctions exercées : clerc du registre et garde des chartes pour le comté de Hollande (dès 1432) ; conseiller (1434-1441, date de sa révocation à cet office) puis assesseur au Conseil de Hollande (1441-1443). Charges ecclésiastiques : écolâtre de Reimerswale (1438) ; doyen du chapitre d’Oostvoorne. Voyages et ambassades : Brabant, Flandre, Bourgogne ; voyage dans le cadre du concile de Bâle (1433) ; prend part aux négociations avec l’Angleterre et les villes de la Hanse teutonique ; ambassade auprès de l’empereur. Varia : en 1430, refus de lui accorder la régence de la part des autorités académiques qui lui reprochent d’avoir prononcé des injures à leur égard et d’avoir reçu, dans sa pédagogie, des étudiants qui logeaient avec un autre professeur à la Faculté des arts, Nicolas Valkenisse ; réintégré dans ses

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fonctions en 1431-1432 ; probablement décédé la Chartreuse de Zierikzee. Orientation bibliographique : Reusens 1903a, p. 266 et suiv. ; Thomassen à Thuessink van der Hoop 1921, pp. 186-215, 297-317 et 346-360 ; Fruyter 1921 ; Jansma 1933 ; Cockshaw 1982, p. 209 ; Manuscrits datés 1968-1987, III, n°290 ; Jongkees 1991 ; Isabelle de Portugal 1991, n°48 ; Stroo 2002, pp. 99104. Guillaume (II) BONT alias Custodis, de Coster Naissance - décès : fin du XIVe/début du XVe siècle - 20 juillet 1454 ? Origine : Brabant. Ascendance - mariage - descendance : petit-neveu de Guillaume (I) Bont ; neveu de Jean Bont* ; frère de Jean de Coster (alias Bont) et de Catherine ; → 6 enfants naturels. Études : maître ès arts et bachelier ès lois de l’Université de Paris (1427) ; Université de Louvain (1427) ; Université de Cologne (1428) ; doyen de la Faculté des arts de l’Université de Louvain (avril 1428) ; professeur de droit canonique (1438-1443, avec interruption durant les années académiques 14401441 et 1441-1442) ; qualifié dans certains documents de doctor utriusque juris ; chancelier de l’Université de Louvain (titre attaché à la fonction de doyen du chapitre Saint-Pierre à Louvain qu’il exerce depuis 1440). Principales fonctions exercées : à l’occasion de sa visite à Bruxelles au Conseil de Brabant en 1440, il porte le titre de raet ende meester van der requesten, dépendant du Grand Conseil (AGR, CC, 2411, fol.54v). Principales charges ecclésiastiques : chapelain et auditeur des causes du palais apostolique des papes Eugène IV et Nicolas V (1435) ; chanoine de la cathédrale de Liège (1436) ; doyen de Saint-Pierre à Louvain (1440) ; archidiacre d’Anvers (1440) ; chanoine de Sainte-Gudule à Bruxelles, de SaintPierre à Anderlecht, etc. Voyages et ambassades : Bohême (1438), Rome (1442 ; Godding 2000, p. 259). Varia : auteur d’ouvrages à caractère juridique (Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, IX, Paris, 1936, col. 1118). Orientation bibliographique : Dykmans 1940, p. 220 ; Haggh 1988, II, pp. 552-553 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. pp. 336-337. Jean BONT Naissance - décès : ca 1382 - 8 février 1454. Origine : Brabant. Ascendance - mariage - descendance : neveu de Guillaume (I) Bont ; oncle de Guillaume (II) Bont* ; laisse 3 enfants reconnus dont Paul Bont († 1483, chanoine de Saint-Pierre à Anderlecht : Haggh 1988, II, p. 554). Études : recteur de la Faculté des arts de l’Université de Paris (1412-1413) ; licencié dans les deux droits (1425). Principales fonctions exercées : conseiller (avant mai 1412) ; représentant d’Antoine de Brabant auprès du Parlement de Paris ; président de la chambre

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du Conseil (1419) ; chancelier de Brabant (1431-1445, date de sa démission). Principales charges ecclésiastiques : chanoine, trésorier (1427) et chantre (1434-1448) de Sainte-Gudule à Bruxelles ; chanoine de Saint-Pierre d’Anderlecht, à Sainte-Gertrude de Nivelles (1432) ; chanoine (1431) et trésorier de Notre-Dame de Cambrai ; chanoine de Saint-Lambert de Liège (1434) ; archidiacre de Famenne ; chanoine de Saint-Hermès de Renaix, de Notre-Dame d’Anvers (1425) et de Maastricht ; chapelain de Saint-Pierre de Lierre ; curé de Saint-Nicolas (Waas). Varia : Bont quitte le Brabant suite à son emprisonnement lors des troubles de 1420-1421 ; il aurait regagné Paris où il obtient en 1425 le grade de docteur dans les deux droits. Bienfaiteur du couvent de Groenendael et de la cathédrale de Cambrai (1461). Un tractatus magistri Ihoannis Bont de usuris figure à Bruxelles en 1473 dans l’inventaire des biens de Jean Braen (CCB-IV 2001, n°67.15). Orientation bibliographique : Houdoy 1880, p. 358 ; Dykmans 1940, p. 101, n. 3 ; Haggh 1988, II, pp. 553-554 ; R. Laurent, Documents relatifs à la chancellerie de Brabant (XIVe-XVe siècles), Bruxelles, 1995, pp. 11-14 ; Sommé 1998, p. 421 ; Godding 1999, spéc. pp. 79-81 ; Godding 2000, p. 257, n. 1 ; Guilardian 2002, n°129 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. pp. 326-327. Thomas BOUESSEAU Seigneur de Barjon Naissance - décès : ? - 28 octobre 1446. Origine : Bourgogne. État : noble (qualifié comme tel en 1441). Ascendance - mariage - descendance : fils de Guillaume ; épouse (I) Guillemette de la Chaume ; épouse (II) Jeanne de la Tournelle → Claude ; Nicolas ; Lancelot ; Pierre ; Jeanne. Principales fonctions exercées : clerc de l’audiencier Jean de Saulx (1406, 1411 et 1415) ; secrétaire sans gage (1415-1416) puis secrétaire en ordonnance (1418) à la Chancellerie de Bourgogne-Flandre ; audiencier (1421) ; garde des chartes du duché de Bourgogne (1430-1446) ; châtelain de Lantenay (14291432). Voyages et ambassades : Autun (1431-1432) ; Auxerre (1432) ; Arras (1435). Varia : membre de la Cour amoureuse de Charles VI ; enterré à Notre-Dame de Dijon dans la chapelle des Bouesseau. Orientation bibliographique : Bartier 1955-1957, p. 48 et n. 4, 57, n. 4, 69, n. 1, 86, n. 3, 169, n. 5, 186, n. 2, 224, 228, n. 1, 229, n. 3, 237, n. 6, 241, 367 et n. 3 et 399, n. 8 ; Van Rompaey 1973, p. 26, n. 36, 37-38, 177, n. 4, 178, n. 8, 181, n. 25, 193 et 210-212 ; Cockshaw 1982, pp. 61, 62, 64, 66 et n. 458, 67, 93, 94, 95, 97 et n. 652, 134, 135, 164, 198, n. 1130, 211, 213, 214, 217, 218, 222 et n. 1276 et 228 ; Bozzolo - Loyau 1982-1992, n°458 ; J.-B. de Vaivre, Un manuscrit ayant appartenu à Nicolas Bouesseau, maître des comptes du duc de Bourgogne, dans Archivum heraldicum, n°99, 1985, pp. 38-42 ; Caron 1987, pp. 182, 241, 298, 391, 392 et 503 ; Sommé 1998, p. 321 ; Kruse - Paravicini 2005, 4/2.23, 4/3.28, 5.400, 6/2.23, 7.106, 9.339, 9.454, 10.6, 11.386, 15.331 et 16.485 ; Cockshaw 2006, n°8, 9, 36, 87, 318 et 347.

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Pierre de BOURBON Seigneur de Carency Naissance - décès : 1424-1499. Origine : Picardie. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean et de Jeanne de Vendôme ; épouse Philipotte de Plaine (1450). Principales fonctions exercées : pensionnaire (28 juin 1495) ; pensionnaire de Philippe le Beau (1496) ; membre du grand conseil de justice (10 août 1495). Voyages et ambassades : expédition contre Liège (1468) ; entrevue de Trèves (1473). Varia : il prend part aux joutes du Pas d’Or (Bruges, 1468) et au banquet organisé par Charles le Téméraire en l’honneur de l’Empereur, à Saint-Maximin de Trèves (1473). Orientation bibliographique : Petitjean 1991, n°24 ; Greve - Lebailly 2001, n°414, 754, 758, 1142, 1155, 1507, 1620, 1672, 1691 et 1722 ; Cauchies 2005, p. 58, n°2, 70, n°24, 75, n°2 et 84, n°20 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°892, 982, 1295 et 3088-3089. Guillaume BOURGEOIS État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : son beau-frère Inglebert de Dielbeek reçoit de Charles le Téméraire l’autorisation de rendre les comptes de la succession de Guillaume Bourgeois en 1472 (ADN, B 2086). Principales fonctions exercées : conseiller (1462-1469) ; huissier d’armes (1462-1463) ; receveur de l’artillerie (1462-1469) ; responsable du compte de la dépense ordinaire (1462-1463) ; maître de la chambre aux deniers (1465-1469). Orientation bibliographique : Picat 1995, n°35 ; Greve - Lebailly 2001, n°53, 55, 98a, 99a, 102, 103a, 105, 108a, 109, 121a, 139, 811a, 915-916, 986b, 1115, 1117, 1173, 1219, 1265a, 1537a et 1733 ; Greve - Lebailly 2002, n°44, 48a, 52ab, 88a, 722, 825, 1633a, 1637a, 1645-1646, 1650b, 1652a, 1653, 1656a, 1665d, n°1667, 1668a, 1676, 1680b, 1684a, 1686c, 1693-1694, 1696, 1697a, 1698a et 1706 ; Kruse - Paravicini 2005, 20.616-617 ; Cockshaw 2006, n°192 ; Bessey Flammang - Lebailly 2008, n° 52, 53, 54-57, 115, 1498, 2403-2405, 2406, 2423, 2426, 2434, 2436, 2440, 2443 et 2456. Philippe BOUTON Seigneur de Corberon Naissance - décès : ca 1418 (à la Toussaint) - avant le 21 août 1515. Origine : Bourgogne. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jacques et d’Antoinette de Salins ; épouse (I) Marguerite du Fay ; épouse (II) Catherine de Dio → Claude, Jean, Anne, Claudine et Rose ; neveu du chancelier Rolin* ; cousin d’Olivier de La Marche (Jeanne, sœur de Jacques Bouton, a épousé Philippe de La Marche, père d’Olivier).

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Principales fonctions exercées : échanson faisant la dépense du comte de Charolais (1456) ; premier écuyer tranchant (1468-1470) ; compagnon d’armes d’Antoine de Bourgogne en Angleterre (1466) ; bailli de Dijon (1469) ; capitaine et châtelain de Sagy ; après 1477, passage au service de Louis XI en qualité de conseiller et chambellan puis retour au service de la maison de Bourgogne : conseiller-chambellan de Maximilien d’Autriche (1477) ; premier chevalier d’honneur du Parlement de Bourgogne (1479) ; concierge de l’hôtel ducal de Beaune (1479) ; nouveau passage à la France après 1482 (cité comme capitaine et châtelain d’Argilly en 1499). Varia : filleul de Philippe le Bon ; enterré avec sa seconde épouse dans l’église de Corberon ; inscription d’une épitaphe composée par Philippe Bouton sur sa pierre tombale ; auteur de plusieurs poésies (Debae 1995, pp. 477-478) ; évoqué par Molinet dans ses Chroniques (Doutrepont - Jodogne 1935-1937, I, p. 136). Orientation bibliographique : Palliot 1671 ; Gachard 1857, p. 119 ; E. Beauvois, Un agent politique de Charles-Quint, le Bourguignon Claude Bouton, seigneur de Corberon, Paris, 1882 (réimpression Genève, 1971) ; Bartier 1955-1957, p. 119 ; Caron 1987, pp. 143, 213, 281-282, 293-294, 492 et 510 ; Debae 1995, pp. 477-478 ; Greve - Lebailly 2001, n°847, 892 et 1461 ; Cools 2001, n°33 ; H. Cools, Équilibres et déséquilibres au sein de l’aristocratie des Pays-Bas (1477-1530), dans Élites nobiliaires 2001, pp. 75-76 ; Caron 2003, n°24 ; Kruse - Paravicini 2005, 18.41 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n° 1276 et 2281. Jacques de BRÉGILLES ou Bresilles, Brezille Naissance - décès : ? - 25 janvier 1475. Origine : Brégilles (village proche de Besançon) ? État : noble (? ; il aurait pu être anobli ; Paviot 2003, p. 317, n. 34). Ascendance - mariage - descendance : épouse Claire Le Villain (21 septembre 1442) → Jean ; Isabelle ; Gérard ; Philipote ; Isabelle ; Jeanne (voir aussi Londres, BL, Yates Thompson, ms. 4* et Bruxelles, KBR, ms. IV 1309*). Principales fonctions exercées : aide du garde-joyaux (1438) ; valet de chambre (1445) ; garde-joyaux en remplacement de Jean de Lachenal (cité dès 1446). Voyages et ambassades : Paviot 1995a ; Picat 1995, n°46. Varia : son épouse († 1496) fait partie du personnel féminin au service d’Isabelle de Portugal (1447-1454 ; Sommé 1998, pp. 272, 277 et 498) ; plusieurs de leurs enfants auront pour parrain et marraine des membres de la famille ducale (Philippe le Bon, Isabelle de Portugal, Isabelle de Bourbon) ou de l’administration bourguignonne (Jeanne Bastier, épouse du président du Conseil de Bourgogne Gérard de Plaine) ; loué par Chastelain* dans sa Chronique (Kervyn de Lettenhove 1863-1866, V, pp. 230-232) ; mort dans sa maison de Bruxelles. Orientation bibliographique : Bartier 1955-1957, p. 49, n. 2 et 147, n. 2 ; Paviot 1995a ; Picat 1995, n°46 ; de Schryver 2000 ; Kruse - Paravicini 2005, 11.340, 15.281, 15.290, 16.419, 16.421 et 20.516 ; Bessey - Flammang - Lebailly

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2008, n° 22, 133, 642, 1520, 1701, 1702, 2132, 2136, 2157, 2177, 2181, 2196, 2216, 2219, 2348, 2377 et 2378 ; Van Hoorebeeck 2009c, passim. Simon Le BRETON Naissance - décès : ? - 1473. Origine : Lille ? État : roturier. Principales fonctions exercées : chapelain à la chapelle ducale (1436, 14391442, 1444-1447, 1450-1456, 1461-1464) ; il quitte la cour en juillet 1465 pour la cathédrale de Cambrai. Principales charges ecclésiastiques : prêtre ; chanoine à Notre-Dame de Cambrai. Varia : il vivait à Bruxelles dans une maison sise Quackelstrate ; ami de Guillaume Dufay. Sur ses compositions musicales : Marix 1975, p. 194. Orientation bibliographique : Doutrepont 1909, p. 337 ; Marix 1975, spéc. pp. 193-195, 242-257 et 259 ; Haggh 1988, II, p. 559. Nicolas BRUGGHEMAN Naissance - décès : ? - 26 avril 1492. Origine : Gand. Principales fonctions exercées : confesseur de Maximilien d’Autriche (1477). Principales charges ecclésiastiques : prédicateur général de l’ordre des Dominicains ; lecteur et prieur du couvent des Dominicains de Gand ; évêque de Salubrie (1479). Varia : membre de la confrérie gantoise de sainte Barbe (1489). Orientation bibliographique : Gachard 1857, p. 116 ; A. de Crombrugghe, Bruggheman (Nicolas), dans Biographie nationale, II, Bruxelles, 1872, cols 108-109 ; Eubel 1901-1968, II, p. 252 ; F. Baix, Brugman Nicolas, dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, X, Paris, 1937, col. 908 ; P. Trio, Volksreligie als spiegel van een stedelijke samenleving. De broederschappen te Gent in de late middeleeuwen (Symbolae. Series B, n°11), Louvain, 1980, p. 219 ; B. de Jonghe, Belgium dominicanum sive historia provinciae Germaniae inferioris sacri ordinis FF. praedicatorum, Bruxelles, 1996, pp. 66-67 ; Paviot 2003, p. 172, n. 282 ; Lecuppre-Desjardin 2004, p. 295. François de BUSLEYDEN dit « le prévôt de Liège ». Naissance - décès : ca 1450-1455 - 23 août 1502. Origine : Luxembourg (Arlon ?). État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Gilles et d’Élisabeth (ou Jeanne) de Musset ; frère de Gilles, Valérien et Jérôme*. Études : Universités de Cologne (1468), de Louvain (1482) et de Padoue ; docteur en droit canon (ca 1484-1485). Principales fonctions exercées : précepteur de Philippe le Beau (1492) ; premier maître des requêtes dès 1495) ; cité parmi les conseilliez privéz dans

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l’ordonnance de Maximilien d’Autriche pour l’hôtel de Philippe le Beau (28 juin 1495) ; membre du conseil privé (10 août 1495) ; pensionnaire et maître des requêtes (1496) ; chef principal des finances (1497) ; conseiller domestique (1499) ; chef du Conseil (juillet-août 1502). Son titre de chancelier de Flandre est lié à sa fonction de prévôt de Saint-Donatien à Bruges obtenue en 1490. Principales charges ecclésiastiques : chanoine (1483) puis prévôt de SaintLambert à Liège (1485) ; prévôt de Saint-Donatien à Bruges (1490) ; doyen de Notre-Dame d’Anvers (1498) ; chanoine (1492) et trésorier (1497) de SainteGudule à Bruxelles ; chanoine de Saint-Rombaut à Malines, de Notre-Dame à Cambrai, de Saint-Pierre à Anderlecht (1490) et de Saint-Simon à Trèves ; archevêque de Besançon (septembre 1498) ; cardinal (août 1502). Voyages et ambassades : Allemagne (1496) ; France ; Espagne, etc. (Cauchies 2003a). Varia : membre de la confrérie Notre-Dame des Sept-Douleurs à Bruxelles (dès 1498) ; bienfaiteur des Chartreuses de Scheut et de Louvain ; exécuteur testamentaire d’Olivier de La Marche (Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, IV, p. CLXIV). Dans un poème A Nicolas de Ruttre, Molinet compare Ruter et François de Busleyden* à deux cierges qui éclairent de leur clarté fort rice les maisons, posteaux, chambres, salles, chasteaux, tours et cresteaux de Bourgoigne et d’Austrice (Dupire 1936-1939, I, pp. 386-388). Orientation bibliographique : Chmel 1845, pp. 538-539 et p. 543 ; De Moreau 1949, p. 70 et p. 123 ; De Vocht 1950, spéc. pp. 4-10 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 32-33 ; Contemporaries of Erasmus 1985-1987, I, pp. 234235 ; Haggh 1988, II, pp. 563-564 ; Petitjean 1991, n°34 ; Hours 1999, n°277 ; Cools 2001, n°043 ; Cauchies 2001b, n°8 ; Guilardian 2002, p. XXXVII et n°858 ; Cauchies 2003a, spéc. p. 68 et passim ; Cauchies 2003b, pp. 394, 396, 398-401 et 404, n°8 ; Cauchies 2005, spéc. p. 60, n°4, 62, n°11, 70, n°23, 75, n°3, 76, n°5, n°18, n°19 et 86, n°23. Cauchies 2006b, pp. 76-77 ; Filips de Schone 2006, pp. 89 et 139 et suiv. ; De Win 2009, S. Lucas, François de Busleyden (ca 1450-1455 - 1502), homme d’Église et homme d’État à la cour de Philippe le Beau (à paraître). Jérôme de BUSLEYDEN dit « le prévôt d’Aire ». Naissance - décès : 1470 - 27 août 1517. Origine : Luxembourg (Arlon ?). État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Gilles et d’Élisabeth (ou Jeanne) de Musset ; frère de Gilles, Valérien et François*. Études : Universités de Louvain (1482), d’Orléans (1500) et de Padoue (15011502) ; docteur dans les deux droits de l’Université de Padoue (1503). Principales fonctions exercées : conseiller et maître des requêtes de l’hôtel (1504-1517) ; membre du Conseil secret de Charles Quint (1517). Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Sainte-Gudule à Bruxelles (dont il est aussi trésorier), de Saint-Rombaut à Malines, de Saint-Lambert à Liège, de Notre-Dame de Courtrai, de Sainte-Waudru à Mons, de Notre-Dame

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de Cambrai, de Saint-Donatien à Bruges (1497), de Saint-Simon à Trèves ; archidiacre de Cambrai pour le district de Brabant (1503) ; prévôt de SaintPierre à Aire (1500), etc. Voyages et ambassades : Rome (1505-1506) ; Angleterre (1509) ; France (1515-1516) ; Espagne (1517). Varia : fondateur du Collège des Trois-Langues à Louvain ; habitait un imposant palais à Malines (Hof van Busleyden). À la demande de Philippe Wielant*, il compose une ode pour décorer l’un de ses tableaux représentant le Jugement de Pâris (De Vocht 1950, Ep. n°25 et Carmina V, n° III, p. 216). À son retour d’Italie en 1503, Busleyden compose probablement pour Thomas de Plaine* un poème intitulé Cuidam Moecenati et dans lequel il sollicite sa recommandation (De Vocht 1950, Carmina XXII, p. 253). Orientation bibliographique : De Vocht 1950 ; De Vocht 1951-1953 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 34 ; Petitjean 1991, n°36 ; Cools 2001, n°044 ; Cockshaw 2006, n°84. Jacotin Le CARPENTIER Origine : Lillers ? Principales fonctions exercées : expédition contre Liège (1468) ; gardehuche de l’échansonnerie ducale (1468). Orientation bibliographique : Greve - Lebailly 2001, n°1502. Louis de CHANTEMERLE Seigneur de La Clayette Naissance - décès : ca 1397 - 30 avril 1465. Origine : Bourgogne. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Philibert (lui-même était fils de Pierre II et d’Agnès de Vichy) et de Jeanne de Monteruc (fille d’Étienne et de Marguerite de Meauce) ; épouse Françoise de Chastelus → Étiennette ; Françoise ; Hughes. Principales fonctions exercées : écuyer tranchant puis échanson du comte de Charolais (1415 ; att. 1422-1423) ; échanson faisant la dépense (1426-1427 ; 1431-1432) ; maître d’hôtel d’Isabelle de Portugal (1432-1441) ; bailli et juge royal de Mâcon et de Saint-Gengoul (1441-1465). Voyages et ambassades : Espagne (1438). Varia : membre de la cour amoureuse de Charles VI. Orientation bibliographique : Lameere 1900, p. 45 ; van Buren 1973 ; Bozzolo - Loyau 1982-1992, n°787 ; Caron 1987, pp. 163, 240 et 291 ; Sommé 1998, pp. 75-76, 99, 204, 248, 253, 257, 296-297, 299-301, 311, 353, 355, 384, 395, 401 et 491 ; Kruse - Paravicini 2005, 3.14, 3.85, 5.89, 5.102, 7.59, 12.27 et 12.28 ; de Vaivre 2005.

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Jean CHARVET dit Jehan Petit Principales fonctions exercées : clerc de chapelle du comte de Charolais (1407 et 1409) ; retenu au même poste lorsque ce dernier devient duc de Bourgogne (1426/1427) ; chapelain ducal (1420, 1428) ; reste inscrit sur les registres de la chapelle ducale tantôt comme clerc, tantôt comme sommelier jusqu’en 1461. Principales charges ecclésiastiques : chanoine de l’église de Lens (1420) ; chanoine à la Sainte-Chapelle de Dijon (1421) ; prébende dans la paroisse de Haubourin (décanat de Lille ; 1455) ; chapelain de Saint-Gommaire à Lierre. Varia : gratification ducale en 1430-1431 pour acheter une maison à Lens (ADN, B 1942, fol.44r). Orientation bibliographique : De Moreau 1949, p. 77 ; Marix 1974, pp. 24, 80, 126, 157-159, notes 1 et 6, 176, 195-196, 242 et 255 ; Kruse - Paravicini 2005, 1.20, 2.25 et 5.295. Philippe de CHASSA alias « le petit Benetru ». Origine : Bourgogne. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean et d’Isabelle de Fétigny. Principales fonctions exercées : panetier faisant la dépense du comte de Charolais (1456) ; premier panetier ducal (1470). En 1469, Paul van Overtvelt* résilie sa charge de bailli de Bruges en faveur de Philippe de Chassa, qui restera en poste jusqu’au 26 avril 1472. Orientation bibliographique : Van Rompaey 1967, p. 118, n. 3, 153, n. 11, 224 et n. 2 et 620 ; Sommé 1998, p. 325 ; Greve - Lebailly 2001, n°1354 ; Greve - Lebailly 2002, n°620, 761 et 840 ; Kruse - Paravicini 2005, 18.22 ; Cockshaw 2006, n°111 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°504, 949, 1025, 2595, 2738 et 3008. Georges CHASTELAIN Naissance - décès : ca 1414 - ca 13 février 1475. Origine : comté d’Alost. État : anobli en 1473. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean et de Marie de Masmines ; frère de Lisbette, Louis et Marguerite ; → Gonthier (fils naturel légitimé en 1530). Études : il pourrait avoir reçu un premier enseignement à Gand ; Université de Louvain (1430-1432). Principales fonctions exercées : écuyer ducal (1433-1434) ; séjourne en France (1435-1444) avant de revenir à la cour de Bourgogne ; écuyer panetier (1446) ; écuyer tranchant (1451) ; indiciaire (1455) ; conseiller (1457). Voyages et ambassades : France (1446-1447) ; Moers (1447) ; duché de Bourgogne (1448), etc. Varia : important homme de lettres (Small 1997) ; singulier ami d’Olivier de La

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Marche (Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, I, p. 184). Orientation bibliographique : Small 1997. Philippe de CHAUMERGY Seigneur d’Entre-deux Monts et de Concœur Naissance - décès : ? - 1478 ? Origine : Franche-Comté. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : neveu d’Alix Perron. Principales fonctions exercées : homme de guerre, il prend part à la campagne de Neuss en 1474 et à l’expédition contre Liège (1468). Cité comme chef d’escouade de la compagnie de Jean de Jaucourt, capitaine de 100 lances de Charles le Téméraire (1472). Début janvier 1477, Philippe de Chaumergy est choisi par les échevins de Beaune comme capitaine pour mener l’opposition de la ville contre le roi Louis XI. Bien que gendre de Jean Jacquelin, fraîchement désigné par le roi de France président du Parlement de Bourgogne, il reste au service des Bourguignons et voit ses biens confisqués par le roi. Le 20 juin, l’artillerie royale attaque la ville de Beaune qui finit par se rendre le 2 juillet 1478. Philippe de Chaumergy se retire à Auxonne, prise après 4 jours de siège. Orientation bibliographique : M. Prevost, Chaumergy, Philippe de, dans Dictionnaire de biographie française, VIII, Paris, 1956, col. 856 ; Caron 1987, p. 270. Jean CHEVROT Naissance - décès : ca 1395 - 20 décembre 1460. Origine : Poligny. État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : frère de Sybille, dame d’Aumont, veuve en 1458 de Jean Marriot, de Dijon. Études : bachelier en décret (1416) puis licencié (1420) de l’Université de Paris ; lecteur ordinaire à la Faculté de décret de Paris (dès 1420) puis recteur (1421). Principales fonctions exercées : chef du Conseil ducal (1433-1460) ; chef du Conseil de régence (1433-1434 et 1454) ; chef des finances au sein du Conseil ducal (1438). Principales charges ecclésiastiques : archidiacre du Vexin à Rouen (1426) ; chanoine de Besançon (dès 1417), chanoine de Saint-Marcel à Paris (1422) et de Beaune (1435) ; chapelain à Salins (1435) ; chanoine de Cambrai et d’Harelbeke ; évêque de Tournai (1438-1460) ; évêque de Toul (1460). Voyages et ambassades : Arras (1435) ; négociations avec l’Angleterre (14361440), avec l’Empereur Frédéric III (1447), avec la ville de Bruges (1438-1438) et la ville de Gand (1450-1453 ; sur son activité diplomatique dans le cadre de ce conflit : Haemers 2004). Varia : commanditaire du Retable des Sept sacrements (Anvers, Musée des BeauxArts) et de la Piéta (La Haye, Mauritshuis) exécutés par Rogier Van der Weyden ; représenté dans le frontispice des Chroniques de Hainaut (KBR, ms. 9242, fol.1r ; sur la commande artistique de Chevrot : Nys 2006) ; compère et bon

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ami de Baudouin d’Oignies* (Fourez 1954, p. 109) ; membre de la cour amoureuse de Charles VI ; décédé dans son hôtel de Lille, rue d’Angleterre ; enterré à la cathédrale de Tournai. Orientation bibliographique : De Moreau 1949, pp. 55, 57, 65 et 100 ; Bartier 1955-1957, spéc. pp. 310-324 ; Fourez 1954 ; Van Rompaey 1973, pp. 16, 31, 79, n. 12, 83, 151-153 et 168 ; Bozzolo - Loyau 1982-1992, n°90 ; Vande Velde 2000 ; Haemers 2004, pp. 139, 163, 168, 315 et 343 ; Kruse Paravicini 2005, 9.478, 10.5, 11.574, 11.603-606, 16.421a, 16.473a, 16.774, 16.794-797 et 17.9 ; Nys 2004 ; Nys 2006 ; Cockshaw 2006, n°24 et 95. Nicolas CLOPPER Naissance - décès : ca 1403 - 18 septembre 1472. Origine : Heidelberg. État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : 3 enfants naturels dont un fils, Nicolas (auteur du Floriarum temporum terminé en 1472 et dédié à son père). Études : licencié en droit canon (Université de Cologne, 1423 ; Université d’Heidelberg, 1424 ; Université de Louvain, 1426-1429). Principales fonctions exercées : abbreviator à la curie romaine (avant 1433 1437-1440) ; conseiller au Conseil de Brabant (1441-1472). Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Saint-André de Cologne, de Saint-Paul à Liège, de Notre-Dame d’Anvers, de Saint-Rombaut à Malines (1430) et de Sainte-Gudule à Bruxelles (avant 1441) ; chantre, maître de fabrique et doyen (1441-1463) à Sainte-Gudule. Voyages et ambassades : Paviot 2003, p. 236 ; Godding 1999, spéc. p. 142. Varia : propriétaire d’au moins deux maisons à Bruxelles. Orientation bibliographique : Boeren 1949-1951 ; Haggh 1988, II, pp. 570571 ; Godding 1999, p. 87, n. 60, 90, note 74, 91, 94, 135, n. 249, 142, 144, n. 284, 232, n. 182, 265, n. 307 et 310, 308, 310, 337, n. 80, 346, 386, n. 289, 423, n. 436 et 438, 429, 435, 466, n. 1 et 554 ; Guilardian 2002, n°966 ; Paviot 2003, pp. 236-238 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. 324 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°430 et 1229. Ferry de CLUGNY Naissance - décès : ca 1420-1425 - 7 octobre 1483. Origine : Autun. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils d’Henri et de Pernette Coulot ; frère de Jean, Guillaume, Hughes et Églantine. Études : maître ès arts ; docteur dans les deux droits (Universités de Ferrare, Padoue et Bologne). Principales fonctions exercées : procureur à Rome de Louis de Bourbon (1456) ; juge d’appeaux au Parlement de Beaune (1463) ; maître des requêtes de l’hôtel (1456-1458, 1469) ; conseiller (1466-1470) ; chancelier de la Toison d’or (1473) ; président du Conseil ducal. Principales charges ecclésiastiques : chanoine et official d’Autun (1458) ;

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chanoine d’Auxerre, de Notre-Dame de Cambrai (1469-1473) et de Beaune (ca 1456-1458) ; protonotaire du Saint-Siège (1462) ; évêque de Tournai (1473) ; abbé commendataire de Saint-Denis-en-Broqueroye (1469-1473) ; chanoine de Saint-Lambert à Liège (1470-1473) ; archidiacre d’Ardenne (1470) ; administrateur perpétuel du monastère de Flavigny (1470) ; abbé de Tongerloo (1470) et de Marchiennes (1478) ; prévôt de Saint-Barthélemy de Béthune ; cardinal (1480). Voyages et ambassades : ambassade auprès de Calixte III (1456) ; Mantoue (1459) ; Melun (1465) ; Saint-Quentin (1466) ; Péronne (1468) ; Paris (1469) ; Rome (1469) ; Bretagne ; Noyon (1470) ; Hesdin (1470) ; Orléans (1471) ; Montils-les-Tours (1472) ; Senlis (1472) ; France (1474) ; Neuss (1475) ; Nancy (1476) ; Péronne (1477) ; Arras (1479) ; Cambrai (1478) ; Lille (1480) ; Rome (1482 ; Picat, n°65). Varia : ami des humanistes Jacques Ammannati-Piccolomini et Francesco Bertini ; enterré à Santa Maria del Popolo. Orientation bibliographique : Dupire 1936-1939, I, p. 125, vv. 135-139 ; De Moreau 1949, pp. 55, 57-58, 79 et 222 ; Van Rompaey 1973, p. 30, n. 10, 55-56, 79, n. 13, 81, n. 16, 130, 154, 168, 176, 505 et 508 ; Walsh 1976 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 49 ; de Schryver - Dykmans - Ruysschaert 1989 ; Picat 1995, n°65 ; Greve - Lebailly 2001, n°654, 674, 683, 802, 804, 843, 969, 1189, 1251 et 1883 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°1175, 1243, 1244, 1275 et 1614. Louis DOMMESSANT Naissance - décès : ? - 9 juillet 1471 ? Origine : Armentières. État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : fils de Vincent et d’Agnès Estoquiel ; frère de Guillaume et de Vincent ; épouse Catherine de Baenst → Jean. Le fils naturel qu’il a eu avec Catherine de la Ruelle, Roland, est légitimé le 24 mars 1444. Études : licencié en droit. Principales fonctions exercées : secrétaire de l’hôtel (1437, 1438, 1445 et 1449) ; greffier du Grand Conseil (1446-1452) ; maître de la Chambre des comptes de Lille (1448) ; procureur de la ville de Lille au Parlement de Paris (1462-1465) ; membre du conseil urbain de Lille (1462-1465) ; commissaire au renouvellement de la loi (Lille, 1448 ; Ypres, 1444 ; Bruges, 1439). Voyages et ambassades : spécialiste des questions anglaises (Sommé 2003, p. 356 ; Dumolyn 2004 ; Cockshaw 2006, n°24). Varia : propriétaire d’un hôtel rue de Rihour à Lille. Orientation bibliographique : Picat 1995, n°93 ; Sommé 2003 ; Dumolyn 2004 ; Kruse - Paravicini 2005, 10.6, 10.6a-b, 11.394, 15.340, 16.487 et 16.492 ; Cockshaw 2006, n°10, 23-24 et 320.

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Jacques DONCHE Naissance - décès : ca 1432 - 30 juillet 1492. Origine : châtellenie de Furnes. État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jacques et de Christine Zoetooms ; frère d’Adriaan, Antoine, Maria, Regnault, Lodewic et Charles ; épouse (I) Maria Boudins (1451) ; épouse (II) Philippa Utenhove (1473) → Lieven ; Pieter. Principales fonctions exercées : secrétaire de Gedele (jusqu’en 1451) ; électeur du seigneur (1453) ; électeur de la ville (1456) ; receveur des exploits du Conseil de Flandre (1468-1471) ; receveur général de Flandre pour le quartier de Gand (1468-1471) ; conseiller-commissaire du Conseil de Flandre (1460-1473) ; commissaire aux enquêtes (1459-1460 et 1464) ; conseiller ordinaire du Conseil de Flandre (1472-1492) ; bailli de Termonde (1477-1480 et 1485-1486) ; commissaire au renouvellement de la loi (Gand, 1464, 1469, 1473 et 1474 ; Eeklo, 1468-1476 ; châtellenie d’Hulst ; 1467-1468), etc. ; bailli du domaine de Termonde (1468-1471) ; moermeester et receveur de Flandre pour le quartier de Gand (1468-1472) ; watergraaf et moermeester de Flandre (14671480) ; représentant de Marguerite d’York aux États généraux (1476) ; maître des monnaies de Marguerite d’York (dont il est l’homme de confiance). En avril 1488, sa maison est détruite par les Gantois. Il fuit à Termonde et ses biens sont confisqués par les Gantois. Il sera dédommagé par Maximilien d’Autriche en 1489. Voyages et ambassades : Angleterre (1477 ; pour le compte de Marguerite d’York). Varia : membre de la confrérie de l’hôpital Saint-Jacques de Gand et de la gilde de Saint-Georges. Orientation bibliographique : Picat 1995, n°96 ; Greve - Lebailly 2001, n°777, 955 et 1873 ; Greve - Lebailly 2002, n°113 et 912 ; Dumolyn 2004 (avec bibiographie) ; P.A. Donche, Geschiedenis en genealogie van de familie Donche, 13652004. Geschiedenis over zeven eeuwen van een familie uit de kasselrij Veurne, te Diksmuide en de klasselrij Ieper, Berchem, 2005 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°676, 736, 852, 979, 1083 et 2315 ; Haemers 2009, pp. 124-125, 233-234 et 242. Edmond de DYNTER Naissance - décès : entre 1370 et 1380 - 17 février 1449. Origine : Grave. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils d’Ambroise ; épouse Hildegonde van Olmen → Ambroise. Études : étudie l’allemand (avant 1412) ; maître ès arts (Université de Paris ?) ; son inscription à la Faculté de théologie de l’Université de Louvain en 1442 lui aurait été accordée à titre honorifique pour le remercier de son intervention dans la création de l’Université (Godding 1999, p. 102, n. 120). Principales fonctions exercées : notaire public (1411 et 1434) ; secrétaire à la Chancellerie de Brabant (1412-1438) ; greffier au Conseil de Brabant (à partir

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des années 1430). Principales charges ecclésiastiques : à la mort son épouse, il reçoit de Philippe le Bon en 1442 un canonicat à Saint-Pierre de Louvain. Voyages et ambassades : Coblence (1414) ; concile de Constance (1415) ; Narbonne ; Douai (1415) ; Maastricht (1415). Varia : il réside une grande partie de sa vie à Bruxelles, où il est attesté dès 1411. À partir de 1430, il habite une maison située à l’angle de la Steenstraat et de la Bottelierstraat. Auteur de la Chronica nobilissimorum ducum Lotharingiae et Brabantiae ac regum Francorum rédigée en 1443-1444 et traduite en français par Jean Wauquelin à la demande de Philippe le Bon. Orientation bibliographique : Stein 1994, spéc. pp. 73-99 ; Godding 1999, p. 100, n. 112, 102, n. 120, 103, 147, n. 296, 277, 422, n. 435, 423, n. 436, 429, n. 455 et 433, n. 478 ; Small 2006a. Roelant LE FÈVRE Seigneur de Hemstede, Liesveld, Tamise, Steenbrugge, Harelbeke, Wissekerke, Ten Dorent et Koudenburg Naissance - décès : ca 1458 - 30 septembre 1517. Origine : Béthune ? État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : épouse Hedwige van Hemsteede (26 novembre 1485). Principales fonctions exercées : receveur général de Flandre et d’Artois (1479-1496) ; receveur des aides de Flandre (1479-1482 et 1485-1487) ; capitaine du château et du parc de Male (jusqu’en janvier 1481) ; trésorier des finances (1496-1499) ; conseiller (1495-1506) ; watergraaf et moermeester de Flandre (1495-1499 et 1502-1504) ; maître d’hôtel (1501-1506). Accusé d’avoir détourné des impôts à son profit, il est emprisonné par les Brugeois en 1483. On l’accusait également de s’être laissé acheter par le Franc de Bruges pour intervenir en sa faveur auprès de l’archiduc afin qu’il reste le Quatrième Membre de Flandre ; il est une nouvelle fois arrêté en 1488. En 1492, à la suite de son conflit avec les Allemands de la garnison de Damme, il est une 3e fois emprisonné puis relâché contre rançon (détails : Haemers 2006 et Haemers 2009, passim). Varia : prévôt de la gilde de l’Arbre sec (Bruges, 1487) ; fondateur d’une messe hebdomadaire à l’église de Tamise où il est enterré avec son épouse ; propriétaire d’une maison à Gand et d’un important château à Tamise ; fondateur d’un couvent de Dominicaines à Tamise en 1507 ; cité parmi les témoins du testament d’Olivier de La Marche (1501 ; Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, IV, p. CLXV). Évoqué par De Doppere : Hic quaestor erat avarissimus, nemo casum ejus dolvit. Semper recipit, sed nemini solvit (Dussart 1892, p. 30). Orientation bibliographique : de Reiffenberg 1846, p. 708 ; Feys 1893 ; R. Wellens, Roland Le Fèvre, dans Biographie nationale, t. XXXV, Bruxelles, 1970, pp. 260-262 ; Petitjean 1991, n°148 ; Cauchies 2001b, p. 55 ; Haemers 2006, spéc. pp. 1141-1143 ; Haemers 2009, passim.

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Guillaume FILLASTRE Naissance - décès : ca 1400-1407 - 21 août 1473. Origine : Champagne. État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : fils naturel de Guillaume et d’une religieuse bénédictine (probablement une de Failly). Études : bachelier en décret de l’Université de Paris (1428) ; docteur en décret de l’Université de Louvain (1436). Principales fonctions exercées : membre du Conseil de régence (1441) ; conseiller aux finances et membre du Conseil ducal (1456) ; chancelier de la Toison d’or (1461) ; premier conseiller au Conseil privé de Philippe le Bon (1463) ; chef du Conseil ducal (à partir de 1462). Principales charges ecclésiastiques : prieur de Sermaize (1426) ; abbé de Saint-Thierry à Reims (1431) ; abbé commendataire de Saint-Bertin à SaintOmer (1448) ; évêque de Verdun (1437) ; évêque de Toul (1449) ; évêque de Tournai (1461-1473 ; Prietzel 2001). Voyages et ambassades : Diète de Mayence (1441) ; Diète de Nuremberg (1444) ; assemblée de Chartres relative à l’abolition de la Pragmatique Sanction (1450) ; accompagne Philippe le Bon dans l’Empire (1454), etc. Varia : important mécène envers l’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer (Gil Nys 2004, spéc. p. 168 et suiv.) ; homme de lettres (Beltran 1995, pp. 42-51 ; Prietzel 2001). Évoqué par Chastelain* dans sa Chronique (Kervyn de Lettenhove 1863-1866, V, p. 55) ; ami de Roland L’Escrivain*. Orientation bibliographique : Van Steenberghe 1922 ; De Moreau 1949, pp. 55, 57, 65-67, 86-88 et 443 ; Beltran 1995 ; Picat 1995, n°116 ; Prietzel 2001 ; Gil - Nys 2004 ; Kruse - Paravicini 2005, 20.258a, 20.647a et 20.655 ; Cockshaw 2006, n°47, 67, 93 et 104 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°101, 956, 1114, 1140 et 2332. Nicolas FINET Origine : Louvignies (Brouwers 1905-1906, II, p. 42). Naissance - décès : ? - ? (il vivait encore en 1471). Études : maître ès arts (voir Varia). Principales fonctions exercées : chapelain d’Antoine de Bourgogne (1442) ; chapelain de Corneille de Bourgogne et commis à sa dépense ordinaire et extraordinaire ; aumônier d’Isabelle de Portugal (1447-1456), d’Isabelle de Bourbon (1458-1465), de Marie de Bourgogne (1458) et de Marguerite d’York (à partir de 1468). Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Notre-Dame à Cambrai et de Sainte-Waudru à Mons. Varia : traducteur pour Marguerite d’York du texte Benois seront les misericordieux où il se qualifie de maître ès arts (KBR, ms. 9296) ; égalemeut auteur du Dialogue de la duchesse de Bourgogne avec Jésus-Christ (BL, Add. ms. 7970). Orientation bibliographique : De Moreau 1949, p. 72 ; Sommé 1998, pp. 333 et 334, n. 145 ; Kruse - Paravicini 2005, 19.179. Jean de FROIMONT

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Naissance - décès : ca 1430-1435 - avant 1482-1483 ? Origine : Hainaut (Mons ?). État : noble ? Ascendance - mariage - descendance : épouse Jeanne de le Croix († 1466). D’autres Froimont sont attestés à Mons au XVe siècle sans qu’on connaisse leur lien de parenté avec Jean de Froimont (Vanwijnsberghe 2003, p. 24). Principales fonctions exercées : clerc/greffier de la cour de Mons (1454, 1462-1463, 1467 et 1472) ; conseiller à la cour de Mons (1468) ; homme de fief du Hainaut (1452, 1459 et 1468). Voyages et ambassades : Vanwijnsberghe 2003, spéc. pp. 24-26. Varia : bourgeois de Mons (1474/1476) ; commanditaire d’un portrait peint vers 1460 par Rogier van der Weyden (Bruxelles, Musées royaux des BeauxArts de Belgique, inv. n°4279 ; Caen, Musée des Beaux-Arts). Orientation bibliographique : Vanwijnsberghe 2003 ; L. Campbell, More on Phillippe de Croÿ and Jean de Froimont, dans The Burlington Magazine, n° 1223, 2005. François de GAND Naissance - décès : - ? mai 1461. Origine : Franc de Bruges ? État : noble. Ascendance - mariage - descendance : frère de Jean(Cockshaw 2006, spéc. n°33) ; épouse Élisabeth Robauts → Marieken. Études : Universités de Bologne (1422) et de Cologne (1419) ; docteur dans les deux droits (Université de Paris, 1431). Principales fonctions exercées : conseiller au Conseil de Flandre (1431-1439 ?) ; maître des requêtes de Philippe le Bon (1437-1458) ; conseiller au Conseil de régence (1454) ; commissaire au renouvellement de la loi (Gand, 1450 ; Bruges, 1439-1440 et 1443 ; Ypres, 1441 et 1443). Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Saint-Donatien à Bruges (1431) ; doyen de Notre-Dame de Courtrai (1444) ; chanoine de Saint-Hermès à Renaix (1424), de Saint-Sauveur à Harelbeke (1460), de Saint-Pierre à Cassel, de Sainte-Waudru à Mons, de Saint-Pierre à Lille, etc. Orientation bibliographique : De Moreau 1949, pp. 71-72, 75, notes 2 et 6, 76 et 82 ; Dumolyn 2004 ; Kruse - Paravicini 2005, 10.5, 11.382, 15.326, 16.466-472, 17.18, 20.563 et 20.572 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. p. 325. Thierry GHERBODE Naissance - décès : janvier 1422 ? Origine : Flandre (Ypres ?). Ascendance - mariage - descendance : petit-fils d’Éloi ; frère de Jean et de Gauthier ; → Everaert (fils naturel avec Jehanne le Merchière) ; Jeanne (fille naturelle de Pétronelle dite Patinière) ; Henri, Georges, Jean, Pierre et Marie Principales fonctions exercées : au service de Louis de Male (1378-1379) ; secrétaire et conseiller de Philippe le Hardi (1384/1385-1403) ; conseiller de Marguerite de Male (1405) ; garde des chartes de Flandre, Artois, Rethelois et Limbourg (1399) ; maître de la Chambre des comptes de Lille (1407-1422).

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Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Saint-Donatien à Bruges (1406-1407). Voyages et ambassades : souvent employé comme agent diplomatique entre la Flandre et l’Angleterre (1387, 1404, 1405, 1410 ; Leclercq 1959 ; Cockshaw 2006) ; France (1405) ; Allemagne ; Hongrie. Orientation bibliographique : Vande Velde 2000 ; Dumolyn 2004 ; Schnerb 2005, pp. 201, 274, 324, 390, 506-507, 578, 598 et 618 ; Cockshaw 2006, n°33, 35, 49, 164, 250, 342, 344 et 356. Gui GILBAUT Seigneur de Ligny, de Quesnoy-sur-Deûle et de Bruay Naissance - décès : ? - août 1447. Origine : région d’Hesdin. État : anobli par Charles VII en 1436. Ascendance - mariage - descendance : épouse Péronne Mansel → Péronne (épouse de Baudouin d’Oignies*) et Marie. Il a également une fille naturelle, Pérette, avec Isabelle la Chassetière et un fils, Antoine, avec Béatrice. Principales fonctions exercées : sommelier de corps de Philippe le Hardi (1405) ; receveur du bailliage de Hesdin (1407-1413 et 1423-1426) ; trésorier du Boulonnais (1414-1419) ; receveur d’Artois (1416) ; maître de la Chambre des comptes de Lille (dès 1419) ; conseiller de Philippe le Bon (dès 1423) ; receveur de toutes les finances (jusque 1427) ; gouverneur de la dépense (1426-1427) ; membre du Conseil ducal (1433 et 1438) ; premier maître de la Chambre des comptes de Lille (1441-1447) ; trésorier de la Toison d’or (1431-1447). Varia : propriétaire d’une maison à Hesdin et à Lille (rue d’Esquermoise) ; membre de la Cour amoureuse de Charles VI. Évoqué par Jacques du Clercq dans sa chronique (de Reiffenberg 1836, II, pp. 348-349). Orientation bibliographique : Koller 1917, pp. 57-59 ; Bozzolo - Loyau 1982-1992, n° 581 ; de Gruben 1997, spéc. pp. 29-30 ; Dumolyn 2004 ; Kruse Paravicini 2005, 5.286, 5.417, 9.452, 9.456, 9.457, 9.459, 9.476, 10.6b, 11.597, 15/3, 7. Pierre de GOUX Seigneur de Goux et de Wedergrate Naissance - décès : ? - 4 avril 1471. Origine : Bourgogne (Chalon-sur-Saône ?). État : anobli en 1453. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean et de Guye ; frère de Guye et d’Étienne ; épouse Mathie de Rye → Guyote ; Philippote ; Jeanne ; Hughette ; Jean ; Guillaume ; Guillemette (fille naturelle). Études : licencié en lois et bachelier en décret (att. 1434). Principales fonctions exercées : bailli d’Isabelle de Portugal dans la châtellenie de Chaussin (jusqu’en 1443) ; avocat fiscal et pensionnaire au bailliage de Chalon (1435-1453) ; maître des requêtes (1449) ; conseiller au Conseil de régence (1454) ; chambellan (1458 ; 1462-1465) ; bailli de Dôle (1461) ; conseiller (1462-1470) ; bailli de Chalon (1464) ; président du Conseil

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ducal en l’absence de l’évêque de Tournai (att. dès 1463) ; chancelier de Bourgogne (nomination le 26 octobre 1465). Voyages et ambassades : Bartier 1955-1957, spéc. pp. 343 et 350-356. Varia : Évoqué par Olivier de La Marche (Beaune - d’Arbaumont 1883-1888, II, p. 326) et par Chastelain* (Kervyn de Lettenhove 1863-1866, V, p. 33). Orientation bibliographique : Arbaumont 1881, pp. 9-10 ; E. Varenberghe, Goux (Pierre de), dans Biographie nationale, VIII, Bruxelles, 1884-1885, cols 164168 ; Bartier 1955-1957, pp. 341-363 ; Caron 1987, pp. 25, 318, 393, 393-394, 508, 514 et 525 ; Picat 1995, n°133 ; Sommé 1998, pp. 149, 199 et 201 ; Kruse Paravicini 2005, 16.480-481 et 20.39 ; Cockshaw 2006, n°71 et 83 ; Haemers 2009, p. 124. Jean (III) GROS dit « le Jeune ». Seigneur d’Agey et de Crissey Naissance - décès : 1434 - 1484. Origine : Bourgogne. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean Ier et de Péronette van Royen ; frère de Jean II ; épouse (I) Guye de Messey (nièce de Guillaume Hugonet* ; 1472) → Antoine, Ferry, Guillaume et Marie ; épouse (II) Marie Chambellan. À la mort de Jean III Gros, cette dernière épouse Guy de Rochefort, conseiller-chambellan ducal (1477) puis chancelier de France (1499-1508) → Louise (Kerckhoffs-de Heij 1980, I, p. 89 ; Gaillard 1857-1864, I, pp. 39-56). Principales fonctions exercées : clerc de son frère Jean II Gros (1451) ; secrétaire remplaçant (1445) ; audiencier (1453-1477) ; secrétaire signant en finances (1468). Emprisonné à Mons le 15 mars 1477 à la suite des troubles consécutifs au décès de Charles le Téméraire, il est libéré le 18 avril ; trésorier de la Toison d’or (1477) ; se place au service du roi de France (1483) dont il devient greffier en chef du Parlement pour le comté de Bourgogne. Voyages et ambassades : Noyon (1474 ; Ward 2006). Varia : propriétaire d’une maison à Dijon et d’un hôtel à Bruges (en 1488, Maximilien d’Autriche y sera enfermé) ; enterré à Saint-Michel de Dijon ; bienfaiteur de l’église Saint-Jacques de Bruges ; commanditaire d’un portrait exécuté vers 1450-1460 par Rogier van der Weyden (Chicago, Art Institute, Mr and Mrs Martin A. Ryerson Collection, inv. 1933.1052 ; Tournai, Musée des Beaux-Arts, n°481). Orientation bibliographique : Gaillard 1857-1864, I, pp. 39-56 ; Bartier 19551957, pp. 363, 366 et 372-381 ; Koller 1971, pp. 65-67 ; Cockshaw 1982, pp. 53, 62, n. 426, 64, 66, n. 458, 67 et n. 466, 71, 87, n. 601, 97, 112, n. 702, 123, n. 765, 148, n. 913, 149, n. 919, 150, n. 925, 186, 192, 213-214 et 228 ; Greve - Lebailly 2001, n°1, 24-25, 823, 1230, 1879 et 2098 ; Greve - Lebailly 2002, n°83, 315, 382, 418, 447, n°1147 et 1631 ; Kruse - Paravicini 2005, 15.340, 16.485, 19.213, 20.578 et 20.601 ; Small 2006b, p. 186 ; Cockshaw 2006, n°36, 37, 215, 332, 348, 351, 360 et 412 ; Ward 2006 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°108, 531, 561, 609, 1811, 1850, 2137 et 2395 ; Haemers 2009, pp. 37 et 54.

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Antoine HANERON Naissance - décès : début du XVe siècle - 10 décembre 1490. Origine : diocèse d’Arras (Steenvoorde ?) ; Artois (Cockshaw 2006, n°230). État : roturier. Études : maître ès arts et docteur en droit canon (Université de Paris) ; Université de Louvain (1429) ; admis à la régence de la Faculté des arts (1430) ; doyen de cette Faculté (1431-1432) ; recteur de l’Université de Louvain (1434). Principales fonctions exercées : précepteur du comte de Charolais et des bâtards ducaux (1438-1441) ; maître des requêtes de l’hôtel (1454, 1456 et 1458) ; commis sur le fait des finances et domaines (1468-1470) ; trésorier de la Chambre des comptes (1473). Son titre de chancelier de Flandre est lié à sa fonction de prévôt de Saint-Donatien à Bruges obtenue en 1467. Principales charges ecclésiastiques : archidiacre de Cambrai ; vicaire général de Jean de Bourgogne (évêque de Cambrai) ; protonotaire apostolique ; prévôt de Sainte-Waudru à Mons (dès 1439) ; curé de la chapelle de Sud-Beveland (1443) ; archidiacre de Cambrai (1450) ; conseiller (1456) puis vicaire général de l’évêque David de Bourgogne (1459) ; chanoine puis prévôt de Saint-Servais à Maastricht ; prévôt d’Utrecht (1458) ; prévôt de Saint-Barthélemy à Béthune ; chanoine (1446) puis prévôt de Saint-Donatien à Bruges (1467), etc. Voyages et ambassades : Stein 1937. Varia : En novembre 1469, il reçoit de Charles le Téméraire l’île de Schelling et en février 1470, une maison à Oye. Accusé d’avoir participé aux troubles qui éclatent à Gand à la suite du décès du Téméraire, il est arrêté et emprisonné. La peine de mort est prononcée à l’encontre de Gui de Bimeu, de Jan van Melle et de Guillaume Hugonet* tandis qu’Haneron est condamné à la prison. Le payement d’une amende met fin à sa détention. En 1478, Haneron retourne à Louvain. Auteur de plusieurs écrits de grammaire et de rhétorique rédigés en latin ; fondateur Collège Saint-Donatien à Louvain (1484). Orientation bibliographique : Stein 1937 ; De Moreau 1949, pp. 70, 77, 8081 et 85 ; De Vocht 1951-1953, I, spéc. pp. 120-124 et 284-285 ; C.C. Willard, Isabel of Portugal, patroness of Humanism ?, dans Miscellanea di studi e ricerche sur Quattrocento francese, éd. F. Simone, Turin, 1967, pp. 527-528 ; Gallet-Guerne 1974, pp. XII-XIII ; IJsewijn - Jacobs 1975 ; IJsewijn 1975, pp. 218-219 ; Walsh 1976 ; De Maesschalck 1977, IV, Testamenten, n°8 ; Stichtingen, n°18 ; Picat 1995, n°142 ; Prietzel 2001 ; Guilardian 2002, n°71, 621, 748 et 920 ; Tervoort 2004, p. 140 ; Kruse - Paravicini 2005, 17.17, 18.200 et 20.569 ; Cockshaw 2006, n°2, 47, 68 et 230 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. p. 327 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°104, 962, 991, 1038-39, 1140 et 1805. Corneille HAVELOES Naissance - décès : ? - 23 avril 1505. Origine : Brabant. Ascendance - mariage - descendance : fils d’Henri et d’Élisabeth van Belle ; légitimé le 13 avril 1469. Principales fonctions exercées : cité comme receveur des aides du Brabant en 1475 (ADN, B 2104) ; auditeur à la Chambre des comptes en Brabant en

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1472 (M. Gachard, Inventaire des archives des chambres des comptes précédé d’une notice historique sur ces anciennes institutions, Bruxelles, III, 1851, doc. n°15728) et en 1489 (cité en cette qualité dans le compte d’exécution testamentaire de Louis d’Enghien, seigneur de Rameru, en date du 9 décembre 1489 ; AGR, CC, n°28583, fol.136). Témoin de l’ordonnance de Maximilien d’Autriche relative à l’Épargne (20 janvier 1490, n. st. ; Chmel 1845, p. 197). Varia : repris dans l’obituaire de Sainte-Gudule (où il est enterré). Son inventaire après-décès fait état d’un geschildert tavereel van houte met twee doerkens van onser liever Vrouwen, ende dair inne geconterfeyt is die voirscr. wylen Coernelys Haveloes, d’welck hy begeert heeft te worden ter plaetsen daer by begraven is, avec dans la marge la mention : Dit is geset in St-Godelen kercke (Compte rendu 1839, p. 160 et n. 2). Le chapelain et chanoine homonyme signalé à l’église Sainte-Gudule en 1464 (Haggh 1988, II, p. 602) devrait-il être identifié avec l’auditeur à la Chambre des comptes en Brabant ? Orientation bibliographique : Compte rendu 1839 ; Haggh 1988, II, p. 602 ; Guilardian 2002, n°419. Pierre de HAUTEVILLE Seigneur d’Ars-en-Beauvaisis Naissance - décès : ca 1376 - 10 octobre 1448. Origine : Tournai (bourgeois de Tournai en 1415 puis de Lille en 1433). État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean ; frère de Paul, Bernardin et Jacqueline ; épouse Jeanne de Wasme (1432 ?) ; aura de Jeanne Mouton un fils naturel, Pierre (II) de Hauteville, légitimé en mai 1450. Principales fonctions exercées : échanson de Charles VI ; gardien de la monnaie de Tournai pour le roi (avant 1402) ; maître général des monnaies (1426-1443) ; écuyer d’écurie (1424) ; écuyer panetier (1434). Varia : Prince d’amour de la Cour amoureuse de Charles VI ; membre des compagnies littéraires de la Verde Prioré de Saint-Jacques de Tournai et du Chapel vert ; auteur de la Complainte de l’amant trespassé de dueil, de l’Inventaire des biens demourez du décès de l’amant trespassé de dueil et, peut-être, de la Confession et Testament de l’amant trespassé de dueil ; pourrait être représenté dans le tableau Léal souvenir peint par Jan van Eyck. Orientation bibliographique : Vanwijnsberghe 2000 ; Vanwijnsberghe 2001, pp. 52-54 ; Vanwijnsberghe 2006b, passim. Gautier HENRI alias « Waterlet », alias Walter Henrickx, alias Henri Watelet Naissance - décès : ? - 5 décembre 1494. Origine : Hainaut. Ascendance - mariage - descendance : → Jean (fils naturel). Études : Université de Louvain (1455 ; cité comme maître dans certains documents). Principales fonctions exercées : chorista à la cathédrale de Cambrai ; quatrième (1445) puis troisième sommelier ducal (1447) ; quatrième (1450-

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1452) puis troisième clerc de la chapelle (1453-1456) ; clerc de la chapelle du comte de Charolais (1456) ; clerc de l’oratoire (1468-1470) ; premier sommelier de l’oratoire (1470). Principales charges ecclésiastiques : chanoine et écôlatre (1454) à SainteGudule ; doyen de la chrétienté de Bruxelles ; prévôt de Sainte-Aldegonde de Maubeuge ; prévôt de Sainte-Walburge à Furnes ; chanoine de Saint-Rombaut à Malines et de Saint-Pierre à Anderlecht (1485). Varia : propriétaire de maisons à Mons, Louvain et Bruxelles ; bienfaiteur de la Chartreuse de Louvain ; Guillaume Stradio* est l’un de ses exécuteurs testamentaires (Soenen 1987, p. 433, n. 84) ; enterré à Sainte-Gudule dans un tombeau dont il avait lui-même rédigé l’épitaphe (Anderlecht, ASG, 266, fol.39v). Orientation bibliographique : Reusens 1877, p. 230 ; Monasticon belge, IV, Province de Brabant, 6e volume, Bruxelles, 1972, p. 1466 ; Marix 1974, pp. 21, 62, 129, n. 2, 201 et n. 2, 212, 248, 253 et 261 ; Soenen 1987 ; Haggh 1988, II, pp. 605-607 ; Guilardian 2002, n°1270 ; Kruse - Paravicini 2005, 18.215 ; Bessey Flammang - Lebailly 2008, n°174, 207, 2005, 2076 et 2413. Guillaume HUGONET Naissance - décès : 1430 - 3 avril 1477. Origine : Mâcon. État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : fils de Pierre ; frère de Philibert Hugonet ; épouse Louise de Layé → Charles ; Guillaume ; Estiennette ; Louise ; Isabelle ; Marguerite. Études : docteur dans les deux droits (janvier 1473 ; probablement Université de Turin ; n’est encore cité que comme licencié ès lois et en décret en 1465). Principales fonctions exercées : conseiller ducal au bailliage de Mâcon (1455-1458) ; juge de Beaujolais pourJean II de Bourbon (1461) ; maître des requêtes de Charles le Téméraire (1465) ; chef du Conseil (1470) ; vicechancelier puis chancelier de Bourgogne (nomination le 22 mai 1471). À la suite des troubles consécutifs au décès de Charles le Téméraire, Hugonet est arrêté (mars 1477) puis emprisonné et décapité à Gand le 3 avril 1477. Voyages et ambassades : Paravicini 1975, pp. 450-453. Orientation bibliographique : Paravicini 1972 ; Picat 1995, n°153 ; Flammang 2003 ; M. Boone, La justice en spectacle. La justice urbaine en Flandre et la crise du pouvoir « bourguignon » (1477-1488), dans Revue historique, n°308, 2003, pp. 43-65 ; Cockshaw 2006, n°37, n°83 et 84 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°327, 363, 365, 433, 733, 817, 1135-36, 1164, 1179 et 1644 ; Haemers 2009, passim. Roland L’ESCRIVAIN alias Roland Scriptoris Naissance - décès : ca 1400 - ca 1477. Origine : France. Ascendance - mariage - descendance : fils naturel de Jacques et de Béatrix

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Gonsalve (légitimé le 28 septembre 1460) → Pierre ; Catherine ; Bertine. Autre fils naturel : Martin (légitimé le 19 janvier 1443). État : noble. Études : licencié en médecine de l’Université de Paris (1424) ; recteur de l’Université de Paris (1428) ; doyen (1424 et 1427-1429) et maître-régent (14421443) de cette Faculté. Principales fonctions exercées : médecin de Jean de Lancastre ; chapelain d’Isabelle de Portugal ; médecin ducal (1438, 1445, 1449 et 1458 ; encore attesté en 1469). Principales charges ecclésiastiques : chanoine à la Sainte-Chapelle de Paris (1427-1443) et à Saint-Sauveur d’Harelbeke ; chanoine et archidiacre de NotreDame à Arras (1437-1475) ; chanoine (1428) puis doyen de Saint-Donatien à Bruges (1439-1476) ; titulaire d’une cure à L’Écluse (1476). Varia : les comptes de la léproserie Saint-Pierre à Bruxelles font à deux reprises mention d’un maître Roland Scrivere ; en 1455 et 1460, ce dernier a en outre été membre d’une commission réunie par Jean Vésale, médecin de la Ville de Bruxelles, pour examiner des lépreux (Charmasson 1973, p. 28). L’Escrivain est l’auteur de plusieurs ouvrages : l’Aggragatorium sive Compendium artis Arismetrice et un Reductorium phisionomie (toutes deux dédiées à Jean de Lancastre) ainsi que la Géomancie. Il a également rédigé un carré astrologique du couronnement de Charles VII (Charmasson 1980 ; Jacquard 1998, spéc. pp. 444-450). D’un naturel irascible (il aurait molesté le recteur de l’Université de Paris), Roland Lescrivain serait décédé à un âge fort avancé, ce qui fut attribué à l’usage qu’il faisait de l’hydromel (Wickersheimer 1936, II, p. 724) ; ami de Guillaume Fillastre* ; propriétaire d’une maison à Bruxelles vendue à Wouter Lonijs*. Orientation bibliographique : Wickersheimer 1936, II, pp. 723-724 ; De Moreau 1949, pp. 71 et 76-77 ; Bartier 1955-1957, pp. 383-384 ; Charmasson 1973 ; Charmasson 1976 ; Charmasson 1980 ; Blockmans - Prevenir 1983, p. 150 ; Paviot 1995b, p. 106 ; Picat 1995, n°186 ; Jacquard 1998, spéc. pp. 444450 et 452 ; Prietzel 2001, pp. 34, 60, 65, 341, 455 et suiv. et 459 ; Greve Lebailly 2001, n°1136 et 2022 ; Greve - Lebailly 2002, n°1097 et 1440 ; Kruse Paravicini 2005, 11.371, 15.316-317, 16.457, 16.459 et 20.604. Wouter LONIJS alias Leonijs, Loenys, Leonii, de Bruxella, Geylaert Naissance - décès : ? - 14 novembre 1489. Origine : Bruxelles. Ascendance - mariage - descendance : crayon généalogique reconstitué par de Raadt (de Raadt 1896, pp. 20-21). Études : Université de Louvain (1432) ; liseur à la Faculté des arts de l’Université de Louvain (octobre 1438). Principales fonctions exercées : procureur (1446-1448) puis conseiller extraordinaire au Conseil de Brabant (juin 1474-1477). Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Sainte-Gudule à Bruxelles. Varia : propriétaire d’une maison à Bruxelles achetée à Roland L’Escrivain* ; enterré à Sainte-Gudule à Bruxelles.

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Orientation bibliographique : de Raadt 1896 ; Reusens 1903b, n°18 ; Paris 1916 ; Lefèvre 1942, pp. 241-242 ; H. De Ridder-Symoens, Milieu social, études universitaires et carrière des conseillers au Conseil de Brabant, dans Recht en instelligen in de oude Nederlanden tijdens de middeleeuwen en de nieuwe tijd. Liber amicorum Jan Buntinx, Louvain, 1981, n°27 ; Haggh 1988, II, pp. 555 et 622-623 ; Godding 1999, p. 121, n. 201, 383, note 273 et 386, n. 289 ; Guilardian 2002, n°1186 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. 324-325. Jean LORFÈVRE Naissance - décès : ca 1410-1414 - entre le 22 juillet 1476 et le 26 janvier 1477. Origine : Picardie (Amiens). État : noble (?). Ascendance - mariage - descendance : fils d’Hue et de « Jake le Vayrire » ;frère de Jeanne ; épouse Gillette de Renty → Hughes ; Jeanne ; Catherine. Études : licencié en droit civil et bachelier en droit romain (1434 ; Université de Louvain, imm. 1429) ; recteur trimestriel de l’Université de Louvain (14341435). Principales fonctions exercées : pensionnaire de la ville d’Amiens (? ; 14391446) ; conseiller au Grand Conseil (1445) ; maître des requêtes remplaçant (1445) ; maître des requêtes (1449 et 1458) ; président du Conseil de Luxembourg (1452-1464) ; chancelier de Brabant (1463-1467) ; conseiller au Conseil de Brabant (1467-1469) ; président du Conseil de Brabant (1469-1477). Voyages et ambassades : Mayence (1453) ; France (1458) ; Liège, Arras et Amiens (1462) ; Trèves (1463). Varia : Lorfèvre aurait été soutenu par le « clan » des Croÿ, ce qui s’explique sans doute par son mariage avec Gillette de Renty, issue d’une famille auquel les Croÿ sont apparentés depuis l’union entre Guillaume de Croÿ († 1384) et Isabelle, fille d’Adrien de Renty et Marie de Brimeu ; auteur d’une traduction française du De dictis et factis Alphonsi regis ; exécuteur testamentaire de Jean de Bourgogne (1475). Orientation bibliographique : Renoz 1955, p. 40 ; De Win 1983 ; Picat 1995, n°189 ; Godding 1999, p. 83 ; Guilardian 2002, n°197 ; Kruse - Paravicini 2005, 15.330, 16.477, 17.19, 20.560 et 20.826 ; Lefèvre 2005 ; De Win 2007, n°II.2 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°349, 370, 380, 918, 1253 et 1379 ; I. Paquay, Gouverner la ville au bas Moyen Âge . Les élites dirigeantes de la ville de Namur au XVe siècle (Studies in European urban history, n° 16), Turnhout, 2008, pp. 127, 169, 184, 194 et 257.

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Philippe de LOUHANS Naissance - décès : ? - avant le 1er janvier 1466 (n. st.). Origine : Bourgogne ? Principales fonctions exercées : écuyer d’écurie (1449 et 1458 ; att. 1461 et 1463) ; lieutenant du sénéchal du Boulonnais (1463-1464) ; châtelain de Hardelot (1463-1464). Voyages et ambassades : Londres (1461 : Paris, BNF, ms. fr. 2*). Varia : conteur de 11 pièces des Cent nouvelles nouvelles (Champion 1928, spéc. pp. XIV-XXI). Orientation bibliographique : Kruse - Paravicini 2005, 16.333, 20.359 et 20.364. Vasque de LUCÈNE Naissance - décès : ca 1435-1440 - 31 décembre 1512. Origine : Portugal (diocèse de Coïmbre). État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils (ou parent) d’Alphonse ; frère (ou parent) de Fernand. Vasque de Lucène semble avoir eu une maîtresse qui vivait dans sa maison de Louvain et qui s’impliquera dans la gestion du Grand Hôpital de Louvain qu’il avait fondé (voir Varia). Études : Universités de Cologne (1450), de Paris (licencié en arts ; 1454-1455) et de Louvain (1465). Principales fonctions exercées : échanson d’Isabelle de Portugal (probablement dès avant 1467) ; panetier de la duchesse (1469-1470) et conseiller (1473-1475) ; échanson de Marguerite d’York (1493) ; au service de Maximilien d’Autriche et de Charles Quint (dont il devient le maître de l’hôtel). Voyages et ambassades : Angleterre (1470), Rome (1471), etc. ; participe à l’expédition contre Liège (1468) et à l’entrevue de Trèves (1473). Varia : bienfaiteur de nombreux couvents (Rijksarchief Leuven, Fonds Universiteit Leuven, n°779 et 2070). Molanus signale une Vierge peinte par Simon Marmion donnée par Lucène au Grand Hôpital de Louvain (dont il finança partiellement la construction de l’église : I. Molanus, Historiae Lovaniensium (Collection des chroniques belges inédites, n°9), éd. P. F.X. De Ram, II, Bruxelles, 1861, p. 870). Traducteur pour le Téméraire des Faits d’Alexandre de Quinte-Curce (1461-1468) et de la Cyropédie de Xénophon (1470). Évoqué par Olivier de La Marche dans sa Chronique (Beaune d’Arbaumont 1883-1888, I, pp. 14-15). Orientation bibliographique : Samaran 1938 ; Bossuat 1946 ; De Vocht 1950, pp. 427-429 ; Gallet-Guerne 1974, spéc. pp. 3-21 ; DLFMA 1992, pp. 1471-1472 ; Isabelle de Portugal 1992, pp. 53-56, 82, 95-96 et cat. n°24 ; Paviot 1995b, pp. 108-111 ; Sommé 1998, pp. 458-459 ; Cockshaw 2006, n°180 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°1206 et 1305.

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Jean MACHEFOING Naissance - décès : documenté au moins jusque 1468. Origine : Bourgogne (Dijon ?). État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Monnot et de Jeanne de Courcelles ; frère (?) de Philippe et de Marguerite ; épouse Liénor Rodriguez → Isabeau (épouse de Jean Coustain, Jean de Montferrant* puis d’Olivier de La Marche). Principales fonctions exercées : fauconnier de Philippe le Bon (1426-1427) ; valet de chambre (1433). Varia : qualifié par Chastelain* d’homme assez riche de prest (Kervyn de Lettenhove 1863-1866, IV, p. 236) ; filleul d’Isabelle de Portugal (Caron 2003, p. 132, n. 690). Orientation bibliographique : Bartier 1955-1957, p. 49, n. 2 et 222, n. 4 ; Caron 1987, p. 395 ; Small 1996, pp. 73, 112, 121, n. 157 ; Kruse - Paravicini 2005, 5.353 et 9.292. Thomas MALET Seigneur de Berlettes Naissance - décès : ca 1409 - 1487 ou avant le 16 août 1488. Origine : Lille ? État : anobli en 1473. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean et de Marguerite Le Candèle ; frère de Jean ; épouse Jeanne de Lannoy → Antoine, Jehanne, Marguerite, Ysabel, Katherine, Agnes, Philipote, Pasquette et Gertrude. Principales fonctions exercées : clerc de Gui Gilbaut* (1428-1438) ; receveur de la châtellenie de Lille (1438-1439) ; bailli et receveur de la seigneurie de la Boutillerie ; châtelain d’Ath (1445-1451) ; conseiller (1451) ; maître de la Chambre des comptes de Lille (1451-1482) ; commis sur le fait des domaines et finances (1472) ; général des aides de la chambre des Généraux de Malines (1473-1477) ; contrôleur général des aides (1480). Voyages et ambassades : Dumolyn 2004. Varia : fondateur de l’hôpital Notre-Dame d’Anstaing. Il semble avoir dû sa carrière au « clan » Croÿ (dont il contrôlera d’ailleurs les comptes de leur seigneurie de Nielles en 1453). Cette proximité avec les Croÿ lui vaudra d’être emprisonné sur ordre de Charles le Téméraire en 1465. Orientation bibliographique : Leclercq 1959, spéc. pp. 248-257 ; Jean 1992, n°87 ; Picat 1995, n°204 ; Dumolyn 2004 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°749 et 1284-1286 ; Haemers 2009, pp. 54 et 98. Jean MARTIN Naissance - décès : ? - 28 novembre 1474. Origine : Dijon. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jacques et de Marguerite Machefoing (sœur de Jean Machefoing* ?) ; frère de Philippe ; épouse Jeanne Freppier.

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État : se qualifie de noble homme, escuier, bourgeois de Dijon, garde des joyaux de Monseigneur le duc de Bourgogne (1456 ; Caron 1987, p. 244). Principales fonctions exercées : valet de chambre et garde des joyaux du corps de Philippe le Bon (1449, 1458 et 1461) ; premier sommelier de corps (1458, 1461, 1464 et 1473-1474) ; gouverneur de la châtellenie de Rouvres (1453) ; gruyer des bailliages de Dijon, d’Auxois et de La Montagne (1465-1466 et 1468). Varia : fondateur d’une chapelle à l’église Saint-Jean de Dijon (1470) ; conteur d’une des Cent nouvelles nouvelles ; avec son frère Philippe, Jean Martin aurait apporté son soutien au chroniqueur Hughes de Tollins dans son travail de rédaction (Small 2006b, p. 162, n. 41) ; évoqué par Chastelain* dans sa Chronique (Kervyn de Lettenhove 1863-1866, V, p. 231. Orientation bibliographique : Champion 1928, pp. XXXIX-XL ; Bartier 19551957, p. 49, n. 2, 63, n. 6, 88, 133, n. 2, 212, 237 et n. 6, 245, n. 1 et 272 ; Caron 1987, pp. 126, 138, 243-244 et 395-396 ; Kruse - Paravicini 2005, 16.412b, 16.419b, 20.4 et 20.519 ; Small 2006a, spéc. p. 243 ; Small 2006b. Quentin MÉNART Naissance - décès : ? - 18 décembre 1462. Origine : Flavigny-sur-Ozerain. Ascendance - mariage - descendance : oncle de Jean et de Guillaume de Chappes. Principales fonctions exercées : clerc des offices de la duchesse Marguerite (1407-1409) ; contrôleur de la dépense de l’hôtel de la duchesse et de ses enfants (1410) ; secrétaire de Jean sans Peur (1412) ; secrétaire du comte de Charolais et de Michèle de France (1413 et 1415) ; premier secrétaire ducal (1421-1426) ; conseiller (1423) ; maître des requêtes de l’hôtel (1427 ; 1433, 1437, 1438, 1445 et 1449) ; membre du Conseil de Philippe le Bon (1437). Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Saint-Donatien à Bruges, à Sainte-Walburge de Furnes et à Cambrai (ca 1420-1421 à 1439 ?) ; archidiacre de Bruxelles (1421) ; chanoine et archidiacre de Châlons-sur-Marne (1425) ; chanoine de Saint-Pierre de Lille (1427) ; prévôt de Saint-Omer (1426/1428) ; évêque d’Arras (1439) ; archevêque de Besançon (1439-1462). Voyages et ambassades : Cockshaw 2006. Varia : bienfaiteur de Notre-Dame de Cambrai (1461 ; Houdoy 1880, p. 358) ; membre de la cour amoureuse de Charles VI. Orientation bibliographique : Lameere 1900, p. 46 ; Lestocquoy 1942, pp. 44-45 ; Bartier 1955-1957, p. 48, n. 4, 77, n. 4, 95, n. 2-3, 125, n. 2, 126, 134, n. 1, 197, n. 1, 273 et n. 2, 277, n. 5, 293, n. 4 et 318 ; Bozzolo - Loyau 1982-1992, n°452 ; Vande Velde 2000 ; Kruse - Paravicini 2005, 3.47, 3.134, 9.332, 9.475, 10.5, 11.376, 11.581, 11.606, 15.321, 16.475 et 16.780 ; Cockshaw 2006, n°40, 57, 63, 164, 342, 361 et 380

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Jean de MONTFERRANT Seigneur de Bugey Naissance - décès : vivait encore en 1473 mais un acte de juillet 1480 signale Olivier de La Marche en qualité d’époux d’Isabeau Machefoing (Beaune d’Arbaumont, IV, p. LXXXVJ). Origine : Bourgogne. État : anobli en 1465. Ascendance - mariage - descendance : fils de Pierre et d’une certaine Marie ; frère de Pierre ; épouse Isabeau Machefoing (veuve de Jean Coustain et future épouse d’Olivier de La Marche). Principales fonctions exercées : panetier de Philippe le Bon (1445, 1449 et 1458) ; bailli de Courtrai (1464-1465) ; conseiller-chambellan de Charles le Téméraire (1468-1470). Varia : tuteur de Jacques de Bourbon jusqu’à sa mort à Bruges en mai 1468 (Kruse - Paravicini 2005, 20.171) ; échange en 1462-1463 une correspondance poétique et littéraire avec Chastelain* et Jean Robertet (Cambridge University Library, ms. Nn. 3.2*). Orientation bibliographique : S. Guichenon, Histoire de Bresse et de Bugey, Lyon, 1650 ; Van Rompaey 1967, p. 632 ; Caron 1987, p. 159 ; Picat 1995, n°215 ; Greve - Lebailly 2001, n°702 ; Greve - Lebailly 2002, n°620 et 828 ; Cowling 2002 ; Kruse - Paravicini 2005, 15.74, 16.117, 16.137, 20.156, 20.164 et 20.171 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°1244 et 1331. Étienne de LE MOTTE Naissance - décès : ? - 7 février 1483. Ascendance - mariage - descendance : frère de Pierre ; oncle de Jean. Principales fonctions exercées : chapelain de la chapelle ducale (1468-1470). Orientation bibliographique : Greve - Lebailly 2001, n°155, 183, 209, 238 et 265 ; Greve - Lebailly 2002, n°123, 158 et 188 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°157 et 194. Willem (III) MOREEL Seigneur d’Oostcleyhem Naissance - décès : ca 1425 ? - 2 janvier 1503. Origine : Bruges. Ascendance - mariage - descendance : fils de Willem II et de Johanna Luuxc ; épouse (fin des années 1450 ?) Barbara van Vlaenderberch → Marie, Barbele, Willem, Jan, Katelijne, Lievine, Anna, Clara, Antonine, Bernaerd, Charlotte et Maykin. Principales fonctions exercées : commis sur le fait des domaines et finances de Maximilien d’Autriche puis de Philippe le Beau (1479-1481 ; 1489) ; échevin de Bruges (1489) ; principael bouchoudere de Bruges (1477-1490) ; échevin de Bruges (1472, 1475, 1478, 1483 ; sur son implication dans les troubles politiques des années 1481-1492 : Haemers 2006 et Haemers 2009). Voyages et ambassades : Haemers 2006. Varia : avant son entrée au service de Maximilien d’Autriche, Moreel était

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banquier à la Banco di Roma et actif dans le commerce des épices ; membre de la gilde des Arbalétriers de Bruges ; membre de la confrérie Notre-Dame-desNeiges ; commanditaire d’un portrait exécuté vers 1482 par Memling (Bruxelles, Musée des Beaux-Arts, inv. n°1451 et 1452) ; commanditaire du Tryptique Moreel exécuté en 1484 par le même peintre (Bruges, Groenigemuseum, inv.0.91.1) ; aurait organisé à Bruges le premier concert public (R. Strohm, Music in late medieval Bruges, Oxford - New York, 1985, p. 38). Orientation bibliographique : De Vos 1994, n°7 et 25 ; The Flemish Primitives, II, The Dirk Bouts, Petrus Christus, Hans Memling and Hugo van der Goes groups, éd. C. Stroo, P. Syfer-d’Olne, A. Dubois et R. Slachmuylders, Bruxelles, 1999, n°8 ; A. Janssens, Willem Moreel en Hans Memling. Bijdrage tot het onderzoek naar de schilderijen van Memling in opdracht van de familie Moreel, dans Handelingen van het Genootschap voor Geschiedenis, gesticht onder de benaming « Société d’Émulation de Bruges », n°140, 2003, pp. 66-110 ; Haemers 2006, spéc. pp. 1547-1551 ; Haemers 2009, passim. Edmond LE MUSNIER alias Edmondus Munerius Naissance - décès : ? - 10 mars 1471. Principales fonctions exercées : aumônier d’Isabelle de Portugal (14301451), d’Isabelle de Bourbon et de Marie de Bourgogne (1458). Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Sainte-Waudru de Mons et de Notre-Dame de Courtrai. Orientation bibliographique : De Moreau 1949, p. 72 ; Marix 1974, pp. 179 et 213, n. 1 ; Sommé 1998, pp. 131, 173, 240, 248, 333-334, 494 et 504 ; Kruse - Paravicini 2005, 12.193 et 19.179. Jean de NIVELLES alias Jean Lampier, dit de Nivelles, alias Jean de Noyelles Naissance - décès : ? - 1509 (ou 1514 ?). Études : licencié en théologie. Principales fonctions exercées : confesseur de Philippe le Beau (1501-1502) ; conseiller (1505) ; membre de la grande chapelle de Philippe le Beau avec le titre d’évêque de Salubrie (1506). Principales charges ecclésiastiques : dominicain ; évêque de Salubrie (15041508). Voyages et ambassades : participe au voyage de Philippe le Beau en Espagne Varia : reçoit une lettre de naturalité de Philippe le Beau le 21 août 1502. Orientation bibliographique : Ruelens 1860, p. 9 ; Gachard 1876a, p. 345 ; Gachard 1876b, p. 524 ; Eubel 1901-1968, III, p. 315 ; Van Doorslaer 1934, p. 34 ; Dykmans 1985, pp. 51-52 ; Petitjean 1991, n°181 ; Schoysman 2001, n°342 et 451 ; Cauchies 2003, p. 199 et p. 215 ; Filips de Schone 2006, pp. 45, 94, 243 et 260, n. 35.

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Baudouin d’OIGNIES Seigneur d’Estrée et de Gouy Naissance - décès : début du XVe siècle ? - 12 juin 1459. Origine : Artois. État : anobli en 1452. Ascendance - mariage - descendance : second fils de Colart et de Marie de Molembais ; épouse (I) Péronne, fils de Gui Gilbaut* (1421) ; épouse (II) Isabeau de Haluin. Sur ses fils Antoine et Charles : Cools 2001, n°195-196. Principales fonctions exercées : panetier (1426-1427) ; maître d’hôtel de Philippe le Bon (1438) et de la duchesse Isabelle (1430-1437) ; gouverneur des domaines de la duchesse en Artois (1430-1435) ; gouverneur du souverain bailliage de Lille, Douai et Orchies (1435-1459) ; chambellan (dès 1452). Voyages et ambassades : en 1428, prend part en qualité de maistre d’ostel d’icelle despence à l’ambassade de Jean de Roubaix au Portugal (à laquelle participait Jan van Eyck). Varia : prononce un vœu lors du banquet du Faisan en 1454. Évoqué par Jacques du Clercq dans sa Chronique (de Reiffenberg 1836, II, p. 348) ; enterré dans la chapelle Saint-Louis qu’il avait fondée à Saint-Étienne de Lille ; compère et bon ami de Chevrot*. Orientation bibliographique : Bartier 1955-1959, p. 257, n. 7 et 386 ; Cockshaw 1982, p. 215, n. 1245 ; Isabelle de Portugal 1991, pp. 28, 55 et 123, n°26 ; Sommé 1998, pp. 28-29, 32, 146-147, 227, 231, 238, 248, 252-253, 268, 270, 296, 298-299, 301, 316, 354-355, 363, 439, 449 et 494 ; Cools 2001, n°195 ; Caron 2003, n°159 ; Kruse - Paravicini 2005, 5.59, 5.64, 5.76, 6.4, 9.488, 10.6, 11.65, 11.69, 15.64, 16.99, 16.103, 20.119 et 20.127. Thomas ORLANT Ascendance - mariage - descendance : frère d’Henri et de Philippe ; appartenaient-ils à la famille Erlant dont plusieurs membres ont été au service des finances françaises dès les années 1460 ? Principales fonctions exercées : valet de chambre (1406-1407) ; panetier ; maître général des monnaies (1440-1441). Varia : ses frères Henri et Philippe, marchands et orfèvres, comptent parmi les plus importants fournisseurs et bailleurs de fonds des ducs de Bourgogne à Paris. Orientation bibliographique : A. Lapeyre et R. Scheurer, Les notaires et secrétaires du roi sous les règnes de Louis XI, Charles VIII et Louis XII (1461-1515), Paris, 2 vols, 1978, I, n°247-249 ; II, pl. XLIII ; Sommé 1995, pp. 416, 423 et 426 ; Paravicini - Schnerb 2007, pp. 268, 271, n. 56, 288, 291 et 295. Wouter d’OUDHEUSDEN alias van der Eycke Naissance - décès : ? - ca 1504. Origine : Brabant. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Willem ; frère de Jan (I) ; →

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Jan (II) et Cornelia. Le nom de deux arrière-petits-enfants de Wouter, Floris d’Outheusden († ca 1590) et Anne d’Outheusden († octobre 1612), apparaissent dans le New York, PML, ms. M. 691*. Principales fonctions exercées : garde-joyaux en remplacement de Jacques de Brégilles* (probablement dès janvier 1475 ; repris comme tel dans les ordonnances de l’hôtel de 1477 et de 1496) ; conseiller (1495-1499). Encore cité en qualité de garde-joyaux en décembre 1503, il est remplacé le 18 mai 1504 par Thierry de Heetveld (Gachard 1876a, p. 364) ; cité comme généralmaître des monnaies de Hollande (1487-1498/1499). Voyages et ambassades : Petitjean 1991, n°188. Orientation bibliographique : de Reiffenberg 1846, p. 703 ; F. Beelaerts van Blokland, Het geslacht der Heeren van Oudheusden, dans De Nederlandsche Leeuw, n°31, 1913, cols 307-316 ; Gachard 1857, p. 122 ; Deschamps 1972 ; Kerckoffs-de Heij 1980, I, pp. 88, 90 et 152, n. 7 ; Petitjean 1991, n°188 ; ter Braake 2001-2002 ; Haemers 2009, p. 45 ; Van Hoorebeeck 2009c. Paul van OVERTVELT alias Deschamps Naissance - décès : ? - 19 novembre 1483 ou avant le 12 juillet 1484. Origine : Bruges (il y avait peut-être exercé comme aubergiste avant d’entrer au service ducal). État : anobli en 1427. Ascendance - mariage - descendance : frère de Madeleine ; épouse (I) une Machefoing → Jean ; épouse (II) Liénor Rodriguez → Jacqueline (épouse de Philippe de Chassa*) ; Adrienne ; Charles ; Jean ; Philippe. Études : parfois qualifié de maître. Principales fonctions exercées : secrétaire de Philippe le Bon (1433, 1436, 1438, 1440, 1442) et d’Isabelle de Portugal (dès avant 1434 et jusque 1446) ; receveur général des finances de la duchesse (1441-1454) ; bourgmestre de Bruges (1458-1459) ; bailli de Bruges et du Franc (1460-1469 ; il renonce à ce poste au profit de Philippe de Chassa*) ; watergraaf de Bruges (à partir de 1467) ; conseiller au Conseil de Flandre (1454-1460). Avec Jan (III) de Baenst* et Anselme Adorne*, Paul van Overtvelt est soumis publiquement à la question à Bruges en mai 1477 ; sommé de se retirer dans un couvent, il est finalement condamné à payer une amende. En 1483, le tribunal de Bruges le proscrit de la ville à la suite d’affaires de corruption intervenues durant son maiorat. Voyages et ambassades : Sommé 1998 ; Cockshaw 2006, n°111. Varia : tuteur de l’hôpital de la Potterie à Bruges (1464-1481) ; doyen de la confrérie de l’Arbre sec à Bruges (1469) ; fondateur d’une chapelle dans l’église Notre-Dame de Bruges. Avec Joao Vasquez*, il est l’un des exécuteurs testamentaires d’Isabelle de Portugal. Orientation bibliographique : Sommé 2003 ; Dumolyn 2004 ; Kruse Paravicini 2005, 11.395, 12.196 et 16.497 ; Cockshaw 2006, n°24, 111, 119, 201, 325 et 381 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°135 et 342 ; Haemers 2009, pp. 177 et 183-184.

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Laurent PIGNON Naissance - décès : ca 1368 - 1449. Origine : Sens. Études : studium au couvent des Jacobins de Paris ; maître en théologie (1413). Principales fonctions exercées : socius de Jean Marchant, confesseur de Jean sans Peur ; confesseur de Philippe le Bon (dès 1412) ; conseiller ducal (dès 1420). Principales charges ecclésiastiques : lecteur en théologie au couvent des dominicains de Reims (1393) ; prieur du couvent de Sens (1403) ; évêque de Bethléem (1423) ; évêque d’Auxerre (1432-1449). Voyages et ambassades : Concile de Bâle (1433) ; Arras (1435). Varia : auteur de plusieurs traités à l’usage des dominicains ainsi que du Traité contre les devineurs et du traité politique Du commencement de seigneurerie et de diversité d’états ; membre de la Cour amoureuse de Charles VI. Orientation bibliographique : Doutrepont 1909, pp. 209, 211, 302, 488 et 491 ; De Moreau 1949, p. 55 ; Bartier 1955-1957, p. 127 et n. 5 ; Bozzolo Loyau 1982-1992, n°85 ; Marix 1974, p. 64, n. 2, 82 et 165 et n. 2 ; Vanderjagt 1985 ; LDB-II 2003, pp. 264-268 ; Kruse - Paravicini 2005, 5.284 et 5.412 ; Schnerb 2005, pp. 15, 395, 398-400, 453, 458-459, 691-692, 695 et 697 ; Cockshaw 2006, n°268. Thomas de PLAINE Seigneur de Magny-sur-Tille Naissance - décès : ca 1440-1445 - 20 mars 1507. Origine : Franche-Comté. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils d’Humbert et d’Isabelle de Thoisy ; frère de Claude et Jean ; épouse Jeanne Gros → Thomasine ; Isabelle ; Gérard ; Humbert. Études : licencié dans les deux droits (Université de Louvain, 1459). Thomas de Plaine aurait poursuivi des études de droit civil à l’Université de Pavie dont il avait été recteur (Paravicini 2000, p. 265, n. 27). Principales fonctions exercées : conseiller-maître des requêtes au Parlement de Malines (1473) ; président du Conseil de Flandre (1475) ; conseiller-maître des requêtes de Marie de Bourgogne (1477) ; gouverneur de la Chancellerie de Bourgogne-Flandre (1478). Se tourne vers le roi de France : conseiller et maître des requêtes de l’hôtel de Louis XI ; second président du Parlement de Dijon. Dès 1484, il se replace au service de Maximilien d’Autriche : président du Grand Conseil de justice (1492, ordonnance de Maximilien d’Autriche pour l’hôtel de Philippe le Beau du 28 juin 1495 et ordonnance de Philippe le Beau pour sa cour et son gouvernement datée du 10 août 1495) ; chancelier de Bourgogne (1496-1507) ; membre du Conseil de régence (1501-1503 et 15051506). Voyages et ambassades : Angleterre (1476, 1478, 1480) ; Italie (pour le compte du roi de France, 1483) ; France (1493, 1495, 1499). Varia : membre de la confrérie gantoise de Sainte-Barbe (1474) ; une statue de

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Thomas de Plaine conservée au Musée du Louvre (Département des Sculptures, inv. R.F. 1679). Connaissant son intérêt pour la musique, Jérôme de Busleyden* lui avait offert un instrument (De Vocht 1950, Ep. n°11). Orientation bibliographique : Chmel 1845, p. 543 ; Bartier 1955-1957, pp. 388-401 ; Kerckoffs-de Heij 1980, II, pp. 112-114 ; Petitjean 1991, n°196 ; Cools 2001, n°203 ; Cauchies 2001b, n°27 ; Dumolyn 2004 ; Cauchies 2003a, passim et p. 405, n°27 ; Cauchies 2003b, spéc. pp. 66-67 ; Cauchies 2005, p. 62, n°10, p. 70, n°22, p. 83, n°17 et p. 84, n°20 ; Cockshaw 2006, n°36 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. p. 325 ; Van Hoorebeeck 2007a ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°1166 ; Haemers 2009, pp. 69 et 75. Louis QUARRÉ Seigneur de la Haye Naissance - décès : ? - 15 septembre 1520. Origine : Bourgogne (famille établie en Brabant). État : anobli en 1506. Ascendance - mariage - descendance : fils de Simon et de Philipote de Sartel ; épouse Barbe Croseinck. Principales fonctions exercées : receveur général des finances (1480-1492) ; trésorier de la Toison d’or (1486-1520) ; maître de la Chambre des comptes de Bruxelles (1491-1499) ; conseiller de Philippe le Beau (1495-1506). Varia : enterré dans l’église Sainte-Catherine à Malines ; commanditaire d’un triptyque exécuté par le Maître aux feuillages brodés (Lille, Musée des BeauxArts). Orientation bibliographique : Chmel 1845, p. 539 ; Bartier 1955-1957, p. 277, n. 2 et 387, n. 6 ; Koller 1971, p. 70 ; Petitjean 1991, n°207 ; Haemers 2009, pp. 28 et 192. Gilles de REBECQUES dit « Noir Lion » Naissance - décès : ? - avant le 18 août 1507. Ascendance - mariage - descendance : épouse le 18 décembre 1496 une dame de la suite de Béatrice de Portugal. Principales fonctions exercées : roy d’armes des marches de Haynnau, de Hollande, de Zeelande, de la basse Frise, de Namur et la conté de Cambrezis (1494 - avant le 18 août 1507 : Vienne, Österreichisches Staatsarchiv, Archiv des Ordens vom Goldenen Vlies, ms. 51*). Orientation bibliographique : de Reiffenberg 1846, p. 711 ; R. Wellens, Notes biographiques sur Gilles de Rebecques, roi d’armes de Hainaut, dans Annales du cercle archéologique du canton de Soignies, n°23, 1964, pp. 108-114 ; P.-E. Claessens, À propos des hérauts d’armes et spécialement de Gilles de Rebecques, dans L’Intermédiaire des généalogistes, n°121, 1966, pp. 26-28 ; Bozzolo - Loyau 1982-1992, I, pp. 7-19 ; Vanwijnsberghe 2000, spéc. pp. 159-165 ; Cauchies 2003b, p. 100.

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Gossuin van der RIJDT Naissance - décès : ca 1379-1385 - 26 avril 1465. Origine : Bruxelles. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean ; épouse Katherina Smeets → Catherine ; Élisabeth. Études : maître ès arts (Université de Louvain, 1436) ; cité comme legum doctor (Guilardian 2002, n°423). Principales fonctions exercées : pensionnaire de Bruges (1422) ; conseiller au Conseil de Brabant (1437) ; chancelier de Brabant (1445-1463) ; il démissionne de cette charge en 1463 et est remplacé par Lorfèvre*. Varia : enterré à Sainte-Gudule à Bruxelles. Orientation bibliographique : T. de Raadt, [sans titre], dans Annales de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles, V, 1891, pp. 327-328 ; Renoz 1955, pp. 3940 ; Haggh 1988, II, p. 650 ; Godding 1999, pp. 81-82 ; Guilardian 2002, n°423 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. pp. 332-334 ; De Win 2007, n°II.1. Antoine ROLIN Seigneur d’Aymeries Naissance - décès : ca 1424 - 4 septembre 1497. Origine : Bourgogne. État : anobli en 1451. Ascendance - mariage - descendance : fils de Nicolas Rolin* et de Guigone de Salins ; demi-frère de Jean (II) Rolin* et de Guillaume* ; épouse Marie d’Ailly (1444) → Louis ; Jacques ; Jean ; Nicolas ; Nicole. Principales fonctions exercées : maréchal à titre héréditaire du Hainaut ; grand veneur (1454) ; grand bailli et capitaine-général de Hainaut (1467-1495) ; gouverneur d’Avesnes et de Landrecies (1467) ; échanson de Philippe le Bon (1449) ; chambellan du comte de Charolais (1456). Capturé par les Français après Montlhéry, il soutient Marie de Bourgogne et ses biens situés en Bourgogne sont alors confisqués par Louis XI ; conseiller-chambellan de Maximilien d’Autriche (1477) ; chambellan de Philippe le Beau (1494) ; cité comme pensionnaire dans l’ordonnance de Maximilien d’Autriche pour l’hôtel de Philippe le Beau (28 juin 1495) et dans l’ordonnance de Philippe le Beau pour sa cour et son gouvernement (10 août 1495). Voyages et ambassades : il prend part dans les années 1440-1450 à plusieurs campagnes militaires (dont la guerre contre les Gantois et l’expédition à Utrecht) ; ambassade auprès du duc de Bretagne (1464), expédition contre Liège (1468), etc. Varia : prononce un vœu lors du banquet du Faisan en 1454. Orientation bibliographique : Chmel 1845, p. 538 ; Gachard 1857, p. 117 ; Petitjean 1991, n°216 ; Kamp 1993 ; Berthier - Sweeney 1995 ; Picat 1995, n°264 ; de Vaivre 1999a, spéc. pp. 24-25 ; Cools 2001, n°217 ; Cauchies 2001b, p. 56 ; Caron 2003, n°186 ; Kruse - Paravicini 2005, 16.168a-b, 16.181 et 18.5 ; Cauchies 2005, p. 58, n°2 et 75, n°2 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°393, 436, 708, 753, 770, 810, 870, 874, 888, 951, 984, 1335, 1828, 2651, 2796, 3145-46 et 3171.

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Guillaume ROLIN Seigneur de Beauchamp Naissance - décès : août 1411 - mai 1488. Origine : Bourgogne. État : anobli en 1452. Ascendance - mariage - descendance : fils de Nicolas Rolin* et de Marie de Landes ; frère de Jean (II) Rolin* ; demi-frère d’Antoine Rolin* ; épouse Marie de Levis-Cousan (1442) → François ; Marguerite ; Ysabeau ; Colette. Principales fonctions exercées : enfant-gentilhomme au service de Jean de Clèves (1430) ; échanson de Philippe le Bon (1438 et 1445) ; chambellan extraordinaire (1449) ; chambellan (1458) ; gouverneur, capitaine et châtelain de Château-Chinon (1445), de Dijon et d’Artois ; grand bailli d’Autun ; conseiller-chambellan (1463-1470). Il se tourne à deux reprises vers Louis XI (1470 puis après 1477) qui, après lui avoir confisqué ses biens, le retient comme chambellan. Voyages et ambassades : ambassade auprès de Charles VII (1450) ; participe à l’expédition contre Liège (1468). Varia : bienfaiteur de l’église Notre-Dame d’Autun. Orientation bibliographique : Kamp 1993 ; Berthier - Sweeney 1995 ; Picat 1995, n°265 ; de Vaivre 1999a, spéc. pp. 23-24 ; Cools 2001, n°219 ; Kruse Paravicini 2005, 6/1.7, 11.120, 11.133, 15.107, 16.23, 16.157, 16.168, 16.181, 20.110 et 20.114 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n° 2513, 2850 et 2851. Jean (II) ROLIN dit « le cardinal de Bourgogne ». Naissance - décès : 1408 - 1er juillet 1483. Origine : Bourgogne. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Nicolas Rolin* et de Marie de Landes ; frère de Guillaume* ; demi-frère d’Antoine* ; → Sébastien et Pierre ; Jeanne ; Jean* ; Blaise ; Barbe. Études : licencié en lois et bachelier en décret (Université de Paris) ; Université de Louvain ? Principales fonctions exercées : conseiller ducal (1430) ; confesseur du dauphin Louis (futur Louis XI). Principales charges ecclésiastiques : prébendé à l’église Saint-Quiriace de Provins (1418) ; archidiacre d’Autun ; évêque de Chalon-sur-Saône (1431) ; évêque d’Autun (1436-1483) ; cardinal prêtre au titre de Saint-Étienne-inCoelio-Monte (1449) ; abbé de Saint-Martin à Autun (1451) ; prieur commandataire de Bar-le-Régulier ; abbé commandataire de Balerne. Voyages et ambassades : Concile de Bâle (1433). Varia : filleul de Jean sans Peur ; nombreuses fondations (Kamp 1993 ; Kamp 1999) ; commanditaire de la Nativité exécutée vers 1480 par Jean Hey (Autun, Musée Rolin) ; sur les contacts noués par Jean II Rolin dans le milieu humaniste français : Beltran 1992. Sur son mécénat artistique : Joubert 2006. Orientation bibliographique : Berthier - Sweeney 1995 ; Kamp 1993 ; Kamp

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1999 ; de Vaivre 1999a, spéc. pp. 22-23 ; Guyot-Bachy 1999, p. 252, n. 11 ; Joubert 2006. Jean (III) ROLIN Naissance - décès : ? - 4 avril 1501. Origine : Avignon ? Ascendance - mariage - descendance : fils naturel de Jean (II) Rolin* et d’une religieuse, Raymonde de Roussy ; légitimé en 1485. Études : docteur dans les deux droits (Université de Louvain). Principales fonctions exercées : conseiller-clerc au Parlement de Malines (1473) ; maître des requêtes de Maximilien. Se place au service du roi de France : conseiller-clerc au Parlement de Paris (1492) ; président aux enquêtes (1500) ; président de la chambre d’inquisition. Principales charges ecclésiastiques : prieur de Saint-Marcel à Chalon ; doyen de Semur-en-Brionnais ; chanoine puis doyen de Saint-Lazare à Autun ; protonotaire du Saint-Siège ; abbé de Saint-Martin à Autun (1481-1501) ; évêque d’Autun (1500). Varia : des correctifs doivent être apportés aux informations fournies, notamment, par J. Bartier (la lignée de Nicolas Rolin* n’est pas représentée au Parlement de Malines par son fils, mais bien par son petit-fils : Bartier 19551957, p. 89, n. 2) et par A.J.M. Kerckhoffs-de Heij (qui confond Jean (II) avec Jean (III) Rolin : Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 122). Orientation bibliographique : Bartier 1955-1957, p. 50, n. 1 et 89, n. 2 ; Van Rompaey 1973, p. 62, n. 35 et p. 505 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 122 ; Kamp 1993 ; Berthier - Sweeney 1995 ; de Vaivre 1999a, spéc. p. 23. Nicolas ROLIN Seigneur d’Authumes, Beauchamp, Aymeries, etc. Naissance - décès : ca 1376 - 18 janvier 1462 (n. st.). Origine : Autun. État : anobli en 1422. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean et d’Aimée Jugnot ; épouse (I) Marie Le Mairet → Nicolas (?) ; épouse (II) Marie de Landes → Jean (II) Rolin* ; Guillaume* ; Philippotte ; Antoine ; Anne ; épouse (III) Guigone de Salins → Antoine* ; Louis ; Claudine ; Louise. Également père de plusieurs enfants naturels. Études : licencié en lois. Principales fonctions exercées : au service de Philippe le Hardi puis conseiller et avocat de Jean sans Peur au Parlement de Paris (1409) ; avocat à la cour du Trésor (1414-1417) ; maître des requêtes de Jean sans Peur puis de Philippe le Bon (nomination le 13 janvier 1422) ; chancelier de Bourgogne (nomination le 7 décembre 1422). Voyages et ambassades : Cockshaw 1982, pp. 44-46. Varia : membre de la cour amoureuse de Charles VI ; prononce un vœu lors du banquet du Faisan en 1454 ; fondateur de l’Hôtel-Dieu de Beaune (pour lequel le Retable du Jugement dernier a été réalisé par Rogier van der Weyden) ;

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fondateur de la chapelle Notre-Dame-du-Chastel à Autun (pour laquelle Jan van Eyck a peint la Vierge au chancelier Rolin). Sur ses fondations : Kamp 1993. Orientation bibliographique : Bozzolo - Loyau 1982-1992, n°81 ; Cockshaw 1982, spéc. pp. 44-50 ; Kamp 1993 ; Berthier - Sweeney 1995 ; Pridat 1995 ; Caron 2003, n°187 ; Kruse - Paravicini 2005, 5.396d, 5.427, 5.434, 10.5, 10.15, 11.565, 11.604-606, 11.610, 15/7, 16.767, 16.773, 16.794, 16.796-797, 16.809, 17.10, 20.601 et 20.826 ; Cockshaw 2006, n°10, 36, 71, 88, 91, 106, 137, 205 et 411 ; Paravicini - Schnerb 2007, pp. 364-365. Ysembart ROLIN Origine : Hainaut. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils naturel de Louis Rolin d’Aymeries (fils d’Antoine Rolin*) et de Jacqueline d’Arunda. Principales fonctions exercées : bailli d’Aymeries (1479 : New York, PML, ms. M. 38*). Orientation bibliographique : de Vaivre 1999a, p. 25. Paul de ROTA Naissance - décès : ? - 24 novembre 1485. Origine : diocèse de Cambrai. Ascendance - mariage - descendance : son neveu Jacques de Rota est chanoine de Nivelles (Cambrai, BM, ms. 372*). Études : licencié dans les deux droits (Université de Louvain, imm. 1433). Principales fonctions exercées : conseiller ducal (1469) ; conseiller ecclésiastique au Parlement de Malines (1473). Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Saint-Pierre à Anderlecht (1453) et de Saint-Rombaut à Malines ; chanoine et trésorier de Notre-Dame à Cambrai (1469) ; chanoine, chantre (1461) et trésorier (1474 et 1480) à SainteGudule. Orientation bibliographique : Reusens 1903b, n°35 ; Van Rompay 1973, p. 62, n. 35 et p. 505 ; Haggh 1988, II, pp. 653-654 ; Picat 1995, n°268 ; Prietzel 2001, pp. 232 et 234, n. 37 et 40 ; Guilardian 2002, n°1269 ; Greve - Lebailly 2002, n°740. Pierre de ROUBAIX Seigneur de Roubaix et d’Herzelles Naissance - décès : 1415 - 7 juin 1498. Origine : Picardie. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jean et d’Agnès de Lannoy ; épouse Marguerite de Ghistelles → Isabeau. Avec Jeannette Bette, Pierre de Roubaix aura un fils naturel, Andries († 5 avril 1543). Principales fonctions exercées : chambellan de Philippe le Bon (1437, 1445 et 1449 ; att. 1468-1470) ; chambellan de Maximilien d’Autriche (1477). Voyages et ambassades : participe à l’expédition contre Liège (1468).

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Varia : pèlerinage à Jérusalem dans les années 1450. Orientation bibliographique : Gachard 1857, p. 117 ; T. Leuridan, Histoire des seigneurs et de la seigneurerie de Roubaix, III, Roubaix, 1862, pp. 133-150 ; Picat 1995, n°269 ; Chevaliers 2000, n°3 ; Cools 2001, n°223 ; Kruse - Paravicini 2005, 11.48, 11.57, 11.583, 15.46, 16.63, 16.73 et 16.781 ; Bessey - Flammang Lebailly 2008, n°707, 750, 811, 888, 949, 1025, 1342, 2599, 2742 et 3015-3016. Nicolas RUTER alias le Ruistre, de Rutre, de Ruthere, Ruterius ; dit « le prévôt de Louvain ». Naissance - décès : ca 1440 - 15 novembre 1509. Origine : Luxembourg. État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : fils naturel d’un prêtre (légitimé en janvier 1487). Études : son titre de chancelier de l’Université de Louvain est uniquement lié à la charge de prévôt de Saint-Pierre de Louvain qu’il obtient le 10 juin 1487. Principales fonctions exercées : clerc de Pierre Milet ; secrétaire à la Chancellerie de Bourgogne-Flandre (1470) ; greffier civil au Parlement de Malines (1473-1477) ; secrétaire de Charles le Téméraire (1475-1477) et de Marie de Bourgogne (dès 1477) ; garde des chartes des pays de Luxembourg et comté de Chiny (1475-1480 ; il résilie cet office au profit de Gilles de Busleyden, frère de François* et de Jérôme*) ; secrétaire signant sur les faiz de nos privéz et secrez affaires et aussi pour le fait de nodis domaine et finance (1477) ; premier secrétaire (1477) ; contrôleur général des finances (1478-1479) ; audiencier (1480-1488) ; conseiller-maître des requêtes de l’hôtel (dès 1488-1489) ; cité parmi les conseilliers privéz dans l’ordonnance de Maximilien d’Autriche pour l’hôtel de Philippe le Beau (28 juin 1495) ; membre du conseil privé dans l’ordonnance de Philippe le Beau pour sa cour et son gouvernement (10 août 1495) ; maître des requêtes et commis de nos finances (1496) ; trésorier des finances (1498) ; conseiller-maître des requêtes et membre du privé conseil de monseigneur (1500) ; membre de nostre conseil estant lez nous (1504). Principales charges ecclésiastiques : chanoine à Notre-Dame de Courtrai (1480) et à Saint-Donatien de Bruges (1484) ; chanoine et archidiacre de Brabant à Cambrai (1484) ; commandataire perpétuel de la prévôté de SaintBavon à Harlem (1485) ; chanoine à Sainte-Gudule à Bruxelles ; prévôt et archidiacre d’Arnhem ; chanoine à Saint-Gommaire à Lierre et à Termonde ; chapelain à Flobecq ; prévôt de Saint-Pierre de Louvain (1487) ; évêque d’Arras (1502). Voyages et ambassades : Hollande (1472) ; Allemagne (1497) ; Autriche (1501) ; France (1501), etc. Varia : fondateur du Collège d’Arras à Louvain destiné à l’accueil d’étudiants boursiers de la Faculté des arts (1508 ; De Maesschalck 1977, III, pp. 793889) ; bienfaiteur de la Chartreuse de Louvain où il fonde une cellule ornée d’une suite de vitraux de la vie de saint Nicolas (Londres, Victoria and Albert Museum ; New York, Metropolitan Museum ; Glasgow, Burrell Collection ; Toronto, Royal Ontario Museum ; Isler-De Jongh 2004). Relations avec

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Érasme (Contemporaries of Erasmus 1985-1987, III, pp. 177-178). Mentor et l’un des grands amis de François de Busleyden*, Nicolas Ruter s’est fait représenter en buste à droite, coiffé d’un bonnet et vêtu d’une robe à collet montant, sur une médaille exécutée en 1478 par Jean de Candida (Tourneur 1959, n°10). Selon Molinet, le bon evesque Ruter, homme nourry en court, était doulz, humain, affable, liberal assez (Doutrepont - Jodogne 1935-1937, II, pp. 519520). Le même auteur lui dédiera un poème probablement rédigé à l’occasion de sa nomination comme évêque d’Arras (Dupire 1936-1939, I, pp. 386-388). Il le compare ainsi que François de Busleyden* à deux chirons qui éclairent de leur clarté fort rice les maisons, posteaux, chambres, salles, chasteaux, tours et cresteaux de Bourgoigne et d’Austrice. Orientation bibliographique : Chmel 1845, pp. 539 et 543 ; Gachard 1857, p. 122 ; Ruelens 1860 ; Kervyn de Volkaersbeke 1873, pp. 13-14, 19, 23, 35, 40, 50, 59, 62-63, 68, 78-79, 89, 116-117, 120 et 122-123 ; Reusens 1877, spéc. pp. 257-258 ; Doutrepont - Jodogne 1935-1937, I, p. 468 ; II, pp. 396, 487, 519520, 539 et 561 ; De Vocht 1950, pp. 5, 11, n. 2, 47, 62, 68, 74-75, 114, 138, 165-166, 208, 296, 305-308, 316, 335-336, 406, 409, 414 et 425 ; Bartier 19551957, spéc. p. 68, note 5, p. 69, n. 1, p. 82, n. 1, p. 121, n. 1, p. 125, n. 2, p. 282, n. 7-8 et p. 375, n. 3 ; Delcourt 1967, pp. 365-368 et 370-372 ; Monasticon belge, IV, Province de Brabant, 6e volume, Bruxelles, 1972, p. 1470 ; Maes 1973 ; Van Rompaey 1973, p. 42, n. 75, p.126, n. 113, p. 180, n. 17, p. 195, n. 106, p. 213 et 506 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, pp. 127-128 ; Cockshaw 1982, p. 86, n. 598, p. 89, n. 613, p. 91, n. 631, p. 139, n. 869, p. 162, p. 186, p. 188, p. 191, p. 208, p. 222 et p. 228 ; Contemporaries of Erasmus 1985-1987, III, pp. 177178 ; Petitjean 1991, n°219 ; E. De Maesschalk, Het Atrechtcollege voor 1600. Een verhaal over bischoppen en hertogen, dekens en rentmeesters, dans Atrechtcollege 15081992, cat. exp., Louvain, 1992, pp. 5-24 ; Schoysman 2001, n°290, n°341-342, n°432 et 454 ; Isler-De Jongh 2004 ; Cauchies 2001b, n°30 ; Cools 2002, n°4 ; Cauchies 2003a, p. 68, pp. 145-146, p. 149, p. 155 et pp. 240-242 ; Cauchies 2003b, p. 390, p. 395, n. 53, p. 398 et p. 405, n°30 ; Cauchies 2005, p. 62, n°7, p. 62, n°11, p. 70, n°22, p. 78, n°10, pp. 83, 17 et 18 ; Cockshaw 2006, n°68, 84 et 390 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°2384. Jean LE SAUVAGE Seigneur d’Escobecques-lez-Lille Naissance - décès : début 1455 - 7 juin 1518. Origine : Lille. État : anobli en 1503. Ascendance - mariage - descendance : apparenté à la famille de Wilde ; épouse Jacqueline de Boulogne → Jean ; Antoine. Études : licencié en lois (Université de Louvain, 1478). Principales fonctions exercées : clerc du greffier des finances (1480) ; conseiller au Conseil de Flandre (1489 ou 1494) ; conseiller-maître des requêtes (1492) ; président du Conseil de Flandre (1497-1508) ; président du conseil secret ou privé (1508-1511) ; chancelier de Brabant (1509-1515) ; chancelier de Bourgogne (1515-1518) ; chancelier de Castille (1516).

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Voyages et ambassades : missions diplomatiques en France et en Angleterre ; missions économiques à la fin du règne de Philippe le Beau (Petitjean 1991, n°149) ; se rend en Espagne pour y préparer la venue de l’archiduc Charles ; il y décède à Saragosse. Varia : protecteur d’Érasme (Contemporaries of Erasmus 1985-1987, II, pp. 325-326) ; auteur d’un Responsa in jure et d’un Traité du chancelier de Bourgogne sur les prétentions et différents qui sont entre les Maisons de France et de Bourgogne ou d’Autriche, touchant plusieurs grandes terres et seigneuries, fait du temps de Maximilien Ier. Orientation bibliographique : Walther 1909, p. 212 ; H. Vander Linden, Sauvage (Jean), dans Biographie nationale, t. XXI, Bruxelles, 1911-1913, cols 441444 ; M.-L. Lamy, Jean Le Sauvage, chancelier de Bourgogne (1455-1518). Esquisse biographique, mémoire de licence inédit, Université de Louvain, 1947 ; De Vocht 1950, spéc. pp. 93-95 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, pp. 133-136 ; Contemporaries of Erasmus 1985-1987, II, pp. 325-326 ; Petitjean 1991, n°149 ; L.V.G. Gorter-van Royen, Maria van Hongarije regentes der Nederlanden. Een politieke analyse op basis van haar regentschapsordonnanties en haar correspondentie met Karel V, Hilversum, 1995, pp. 132-133, 136-137, 159 et 183 ; Cauchies 2003a, n°18 ; Cauchies 2003b, pp. 67 et 122 ; De Win 2007, spéc. pp. 76-77. Charles de SAVEUSES Seigneur de Souverain-Moulins et de Robecques Naissance - décès : ? - avant 1504. Origine : Artois. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Robert et de Jacqueline de Frennes (KBR, ms. Goethals 736, p. 40) ; → Antoinette (ADN, B 2189). Ses liens avec Robert de Saveuses* restent à éclaircir. Principales fonctions exercées : conseiller-chambellan de Maximilien d’Autriche (1477) ; bailli de Saint-Omer (1489) ; haut bailli de la même ville (1497) ; chambellan (1492-1493 et 1495-1496 ; cité en cette qualité dans l’ordonnance de Philippe le Beau pour sa cour et son gouvernement (10 août 1495) ; capitaine de Gravelines (1495). Varia : en 1492, un mandement de Maximilien d’Autriche et de Philippe le Beau ordonne de rendre la somme de 5088 livres à Charles de Saveuses en compensation du château de Renescure, confisqué sur Philippe de Commynes (ADN, B 2145) ; évoqué par Molinet dans sa Chronique (Doutrepont - Jodogne 1935-1937, I, pp. 552, 566, 593 et 609 ; II, 99, 104, 105, 109, 241 et 332). Orientation bibliographique : de Reiffenberg 1846, p. 6 ; Gachard 1857, p. 118 ; Schnerb 1997, p. 228, n. 87 ; Cools 2001, n°233 ; Cauchies 2005, p. 77, n°8. Robert de SAVEUSES dit « le Bâtard de Saveuses ». Naissance - décès : ? - vivait toujours en 1491. Origine : Artois. État : noble.

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Ascendance - mariage - descendance : fils de Bon ; frère de Gillette ; neveu de Philippe et d’Hector ; épouse (I) Jeanne de Nesle (1443 ; ADN, B 1035) ; épouse (II) Catherine de La Fosse (avant 1479) → une fille (Doutrepont Jodogne 1935-1937, II, p. 217). Principales fonctions exercées : écuyer d’écurie (1449 et 1458) ; se place au service de la France en 1477 (conseiller-chambellan de Louis XI) ; capitaine d’Amiens (1478). Voyages et ambassades : siège de Saint-Valéry (1433) ; participe à l’expédition contre Liège (1468). Varia : prononce un vœu lors du banquet du Faisan en 1454. Orientation bibliographique : Doutrepont - Jodogne 1935-1937, I, p. 182 ; II, p. 217 ; Bartier 1955-1957, p. 255, n. 1 ; Greve - Lebailly 2001, n°1353 et 1676 ; Caron 2003, n°196 ; Kruse - Paravicini 2005, 16.312, 16.324, 20.357 et 20.364 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°951, 1340, 2217, 2663, 2806 et 3167-68. Jan van der SCAGUE Naissance - décès : ca 1449 ? - 1503. Origine : Gand. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jan et de Jacqueline van de Wyncle ; épouse Anna de Memere (1476) → Élisabeth. Il se serait marié une seconde fois avec Margereta van Hambrouck. Principales fonctions exercées : clerc de Guilbert de Ruple (1467-1469) ; bailli de Male (1476-1479) ; receveur des aides de Hollande, de Zélande et de Frise (1474-1476) ; receveur des rentes à Damme (1476-1479) ; receveur général de Flandre pour le quartier de Bruges et du Franc (1477-1479) ; receveur de l’extraordinaire de Flandre (1480-1481 et 1485-1486 ?) ; receveur général de Flandre (1483-1485, 1488-1489) ; conseiller de Maximilien d’Autriche (1485) et de Philippe le Beau (1488-1489) ; échevin de la keure (Gand, 1490) ; sur son implication dans les troubles politiques en 1481-1492 : Haemers 2006 et Haemers 2009. Voyages et ambassades : Greve - Lebailly 2001 (passim) ; Haemers 2006. Orientation bibliographique : Bartier 1955-1957, pp. 46 et 62 ; Van Rompaey 1967, p. 635 ; Van Peteghem 1990, p. 354 ; Greve - Lebailly 2001, n°676, 775, 1151, 1595, 596-1597, 1837 et 1864 ; Haemers 2006, spéc. pp. 1747-1749 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°426, 429, 461, 670, 781, 804, 816, 865, 1064, 1089, 1090, 1226, 1227, 1399 et 1677 ; Haemers 2009, passim. Simon van der SLUIS alias de L’Écluse Naissance - décès : ? - 27 ou 29 septembre 1499. Origine : Rotterdam. État : noble. Études : docteur en médecine (Université de Cologne) ; professeur à la Faculté de médecine de cette Université.

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Principales fonctions exercées : conseiller de Jean de Hornes ; médecin ducal (1461/1462 - 1496). Principales charges ecclésiastiques : chanoine de Saint-Lambert à Liège, de Saint-Pierre à Lille, de Sainte-Waudru à Mons, de Saint-Donatien à Bruges (1461) et de Notre-Dame à Courtrai ; chanoine et custode de la cathédrale de Liège ; prévôt de Saint-Rombaut à Malines (1473) ; archidiacre de Condroz (1473) ; prévôt d’Utrecht ; prévôt et archidiacre de Saint-Nicolas de Dordrecht ; prévôt et archidiacre d’Utrecht (1495) ; prévôt de Sainte-Pharaïde à Gand (1476) ; sous-diacre de Saint-Sauveur à Bruges. Varia : fondateur en 1495 d’une bourse pour le Collège Saint-Yvon à Louvain (Rijksarchief Leuven, Fonds Universiteit Leuven, n°1656) ; fondateur en 1499 d’une cellule à la Chartreuse de Louvain. Orientation bibliographique : de Reiffenberg 1846, p. 702 ; de Theux de Montjardin 1871-1872, II, pp. 292-293 ; Reusens 1877, pp. 237-238 ; Wickersheimer 1936, II, pp. 741-742 ; De Moreau 1949, p. 72 ; Louis 1966 ; Monasticon belge, IV, Province de Brabant, 6e volume, Bruxelles, 1972, pp. 14681469 ; De Maesschalck 1977, IV, Stichtingen, n°20 ; Picat 1995, n°180 ; M. Kintzinger, Phisicien de Monseigneur de Bourgoingne. Leibärzte und Heilkunst am spätmittelalterlichen Fürstenhof, dans Francia, n°27-1, 2001, pp. 89-116 ; Greve Lebailly 2001, n°501 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. p. 324 ; Van Hoorebeeck - Adam 2009, passim. Martin STEENBERCH Naissance - décès : début du XVe siècle - 9 décembre 1491. Origine : Brabant. Ascendance - mariage - descendance : fils naturel de Walter Steenberch et d’Élisabeth Roelants (légitimé en décembre 1468) ; frère de Jean et de Catherine. Études : licencié en droit (Université de Louvain, imm. 1437). Principales fonctions exercées : clerc de Jacques Barre, receveur du domaine des châtellenies de Lille, Douai et Orchies (1438) ; suppléant de Jean Tronson (1445) ; secrétaire (1449) ; secrétaire au Conseil de Brabant (1449-1467) ; membre du Conseil ducal (1462) ; greffier de la Toison d’or (1461) ; avec Charles Soillot, il est chargé par Maximilien d’Autriche d’inventorier la librairie ducale en novembre 1487. Principales charges ecclésiastiques : recteur de Saint-Nicolas ; curé de Molenbeek ; prêtre à l’église Sainte-Catherine de Bruxelles ; doyen de SaintLiévin à Zierikzee (1450) ; chanoine de Saint-Servais à Maestricht (1450) ; doyen de l’église Saint-Jean de Bois-le-Duc (1454) ; chapelain de la chapelle de l’hôpital de Malines (1459) ; doyen de Sainte-Gudule à Bruxelles (1459) ; prévôt de Sainte-Pharaïlde à Gand (1461) ; chanoine à Saint-Donatien de Bruges ; prévôt de la cathédrale d’Utrecht (1474) ; archidiacre et chanoine de l’église de Liège ; prévôt de Saint-Rombaut à Malines ; chapelain de Sainte-Walburge à Furnes. Voyages et ambassades : Angleterre (1446 et 1469) ; Maestricht (1450) ; Maestricht, Liège, Luxembourg et Trèves (1462) ; Cologne, Clèves et Saint-

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Omer (1463). Orientation bibliographique : Van Hoorebeeck 2005b ; Van Hoorebeeck 2006b ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°102, 998 et 1047. Guillaume STRADIO Seigneur de La Marche, de La Pierre, d’Orbais et de Malèves Naissance - décès : avant 1450 (?) - 3 avril 1504 (n. st.). Origine : Brabant (Bruxelles ?). État : anobli en 1499. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jacques ; épouse (I) Margareta ; (II) Hélène t’Seraerts (1536) → 11 enfants dont Henri (l’aîné), Jacques, Henri, Gilles, Anna, Judoca, Jeanne, Margareta et Guillaume. Études : licencié dans les deux droits (Université de Louvain, 1473). Principales fonctions exercées : avocat au Conseil de Brabant (1478) ; au service d’Arnould de Horne (1488) ; conseiller et maître des requêtes au Grand Conseil (1494 ou 1496) ; conseiller extraordinaire au Conseil de Brabant (1495) ; conseiller de Philippe le Beau (1496-1499) ; maître des requêtes ordinaire de Philippe le Beau (1496) ; chancelier de Brabant (1499-1504). Voyages et ambassades : Maastricht (1496) ; Namur (1498) ; Bois-le-Duc ; Luxembourg. Varia : propriétaire d’une maison in de Prochiaenstraete ; membre de la confrérie Sainte-Barbe ; exécuteur testamentaire de Gautier Henri* ; enterré à Sainte-Gudule. Orientation bibliographique : Kerckhoffs-De Heij 1980, II, p. 140 ; Petitjean 1991, n°232 ; Guilardian 2002, n°288 ; De Win 2007, n°II.8. Louis TALANT alias Ludovico Taglianti Origine : Italie. Principales fonctions exercées : conducteur d’une compagnie d’ordonnance de 100 hommes d’armes italiens en 1476 à la bataille de Grandson. Orientation bibliographique : Contamine 1995, spéc. pp. 213-214. Guillaume de TERNAY Naissance - décès : vers 1420 - après 1488 (?) Origine : Picardie. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : un fils naturel prénommé Guillaume (AGR, CC, 1926, ff.118v-119r). Principales fonctions exercées : valet d’Isabelle de Portugal (1438) ; écuyer et garde de l’artillerie (1456) ; écuyer tranchant de Philippe le Bon (1458 et 1466) ; échanson (1467) ; gouverneur du domaine de Lovendeghem (14701471) ; panetier (1472) ; prévôt adjoint (1472) puis prévôt de Lille (1475-1478) ; écuyer et maréchal des logis du duc (1475) ; écuyer faisant la dépense de l’archiduchesse Marie (1481). Voyages et ambassades : participe à l’expédition contre Liège (1468) et à une

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mission diplomatique auprès du Bâtard de Bourgogne en 1483. Orientation bibliographique : Gallet-Gerne 1974, p. 18, n. 114 ; Kerckhoffsde Heij 1980, I, p. 145, n. 22 et II, p. 115 ; Straub 1998, pp. 48-49 ; Greve Lebailly 2001, n°1510 ; Kruse - Paravicini 2005, 12.81, 12.83 et 20.258b ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°399, 372, 412, 469, 513, 675, 744, 807, 830, 835, 931, 932 et 978. Pierre de THIELT Naissance - décès : ? - 1502. Origine : Brabant. État : noble. Études : cité en qualité de maître (Bruxelles, KBR, Inc. B 787*). Principales fonctions exercées : clerc du chancelier de Brabant ; secrétaire au Conseil de Brabant (1457-1467). Principales charges ecclésiastiques : prend l’habit au couvent des Franciscains de Boetendaal (Uccle). Voyages et ambassades : Godding 1999. Varia : cité dans l’acte de création de la Chambre des comptes à Bruxelles par Charles le Téméraire en 1474. Orientation bibliographique : Renoz 1955, pp. 45, 54, 63, 67, 87, 116 et 118 ; Godding 1999, pp. 103, 146-148, 160, n. 349, 370, n. 213 et 538 ; Guilardian 2002, n°91. Jean THIROU dit Brassot Naissance - décès : ca 1400 - avril 1461. Origine : Hainaut. Principales fonctions exercées : homme de fief de Hainaut (1420, 1423, 1436) ; échevin de Mons (1433 et 1435). Les États du Hainaut lui confient la levée de l’aide accordée à Philippe le Bon en septembre 1434 ; receveur de l’aide octroyée au duc (1435-1436) ; nommé en mai 1436 parle duc gouverneur, bailli et receveur des terres, biens et revenus, villes et seigneuries qui lui appartiennent au titre d’héritier de Jean de Bavière ; lieutenant du receveur général de Hainaut (1438) ; receveur du domaine comtal au district de Mons (1444-1459). Varia : bienfaiteur du monastère du Val-des-Écoliers à Mons auquel il offre un vitrail pour leur église. Habitant de Mons, il acquiert de Guillaume de Lalaing un fief à Vellereille-le-Sec le 23 octobre 1432 ; adjoint ou associé de Simon Nockaert, Thirou partage avec lui les revenus des charbonnages de Wasmes ; cité comme honnourable et saige dans un document hennuyer du 17 novembre 1436. Orientation bibliographique : Cartulaire des comtes de Hainaut, de l’avènement de Guillaume II à la mort de Jacqueline de Bavière, éd. L. Devillers, Bruxelles, 18811896, IV, p. 428 ; V, pp. 344 et 512 ; VI, pp. 193-198, 219-220, 228-229 et 247248 ; E. Poncelet, Thirou (Jean), dans Biographie nationale, t. XXV, Bruxelles, 1930-1932, cols 8-9 ; van Buren 1972, p. 267, n. 5 ; Small 2006a, p. 239. Geoffroy de THOISY

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Seigneur de Mimeure et de La Motte de Chissey Naissance - décès : ? - 1472. Origine : Bourgogne. État : noble (chevalier). Ascendance - mariage - descendance : fils de Regnault et de Marguerite Juglier ; épouse Bonne de Montconnis (en ou avant 1439) ; neveu de Jean de Thoisy*. Principales fonctions exercées : panetier (1432) ; échanson (1439) ; capitaine de la flotte ducale (1441) ; conseiller (1442 et 1462-1463) ; chambellan (1446) ; bailli d’Auxois (1455-1466). Voyages et ambassades : voyage à Jérusalem et au Mont-Sainte-Catherine (1432) ; participe aux négociations de la Paix d’Arras (1435) ; voyage à Rhodes (1441-1442) ; expédition en Mer noire et en Méditerrannée orientale (14441447) ; plusieurs ambassades auprès du pape et du roi d’Aragon (1455-1457 et 1463-1464). Varia : prononce un vœu lors du banquet du Faisan en 1454 ; auteur d’un Advis pour recouvrer Constantinoble. Orientation bibliographique : P. de Thoisy et E. Nolin, La Maison de Thoisy au duché de Bourgogne. Origines, filiation et preuves, alliances, seigneureries, renseignements divers [Dijon, 1948-1964] ; Bartier 1955-1957, spéc. pp. 59, n. 5, 66, n. 3, 104, 286 et n. 3, 426 et 431 ; Van Rompaey 1973, p. 45, n. 102 ; Caron 1987, pp. 143, 161 et 390 ; Picat 1995, n°290 ; Prietzel 2001, p. 281, n. 238, 289, n. 12, 192, n. 28 et 460 ; Caron 2003, n°201 ; Paviot 2003. Jean de THOISY Seigneur de Gamay, de Mimeure et de Marlaing Naissance - décès : ca 1350 - 2 juin 1433. Origine : Autun (ou environs). Ascendance - mariage - descendance : fils de Pierre ; frère de Regnault, Laurent, Jeanne, Isabelle, Geoffroy, Guillaume et Henri ; oncle de Geoffroy de Thoisy* et de Pierre Brandin. Études : licencié en lois et en décret. Principales fonctions exercées : conseiller (1395-1396) ; maître des requêtes de l’hôtel (1405) ; lieutenant général en Flandre ; conseiller du comte de Charolais et d’Isabelle de Portugal ; chancelier de Bourgogne (1419-1422). Principales charges ecclésiastiques : doyen de Laon (1399) ; archidiacre d’Ostrevant en l’église d’Arras (1404) ; prévôt de Saint-André de Douai (1409) ; évêque d’Auxerre (1409) ; évêque de Tournai (1410). Voyages et ambassades : Cockshaw 1982, p. 42 ; Schnerb 2005. Varia : collaborateur et exécuteur testamentaire de Jean Canard († 1407) ; membre de la cour amoureuse de Charles VI ; Jean de Montreuil lui dédie son Traité contre les Anglais. Orientation bibliographique : Champion - de Thoisy 1843 ; Arbaumont 1881, pp. 7-8 ; P. de Thoisy et E. Nolin, La Maison de Thoisy au duché de Bourgogne. Origines, filiation et preuves, alliances, seigneureries, renseignements divers [Dijon, 1948-1964] ; De Moreau 1949, pp. 62-63 ; Bartier 1955-1957, spéc. p. 63, n. 7, 90, n. 3, 94, 125, 130, 204, n. 5, 209, 306, n. 9, 311-312, 434 et n. 4 et

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p. 435 ; Van Rompaey 1973, p. 78, n. 11, 79, n. 12, 83, 147, 150-151, 164, n. 109 et 170, n. 146 ; Cockshaw 1982, spéc. pp. 41-44 ; Bozzolo - Loyau 19821992, n°75 ; Sommé 1998, pp. 35, 38, 155, 248, 252, 331, 380-381 et 496 ; Prietzel 2001, pp. 225, 257, n. 125 et 278-281 ; Schnerb 2005, pp. 202, 304, 395, 397, 529, 556, 568, 570, 586, 598, 601, 693 et 695 ; Kruse - Paravicini 2005, 5.434 ; Cockshaw 2006, n°35, 49 et 137. Joao VASQUEZ alias Jean Vasque Naissance - décès : ? - 13 janvier 1486. Origine : Portugal (arrivée dans les Pays-Bas en 1430 avec la suite d’Isabelle de Portugal). Ascendance - mariage - descendance : épouse (I) Marguerite van Ackere → Charles ; épouse (II) Catherine vande Walle ; parent d’Henri Vasquez, repris dans l’hôtel de la duchesse entre 1450 et 1454. Principales fonctions exercées : valet de chambre (1440) puis secrétaire (1446-1447, 1451-1453 et 1466-1467) d’Isabelle de Portugal ; maître d’hôtel (1468) ; bailli de Bailleul (1457). Varia : son fils Charles est le filleul de Charles de Charolais ; à plusieurs reprises (1452, 1453-1454), il prête de l’argent à la duchesse dont il est (avec Paul van Overtvelt*) l’un des exécuteurs testamentaires. Sa maison, à Bruges, était en 1471 le lieu de rencontre des négociants portugais. Orientation bibliographique : Vanden Bussche, 1874, pp. 116-118 ; F. Marquez de Sousa Viterbo, D. Isabel de Portugal, duquesa de Borghonsa, dans Archivo historico portuguez, n°3, Lisbonne, 1905, pp. 90-92 ; Gallet-Guerne 1974, p. 6, et n. 28 ; J. Paviot, Portugal et Bourgogne au XVe siècle, dans Arquivos do Centro cultural Portugês, n°26, 1989, pp. 121-143, spéc. 123 ; Cockshaw 1982, p. 135 ; Paviot 1995b, pp. 125-127 ; Sommé 1998, spéc. pp. 326-327 ; Cockshaw 2006, n°123 ; Sommé 2007, p. 242. Henri de WARGNIES Origine : Picardie. État : noble. Principales fonctions exercées : écuyer d’écurie remplaçant (1445) ; écuyer d’écurie (1449 et 1458 ; 1467-1470) ; repris parmi les écuyers, panetiers, échansons et autres de l’hôtel ducal (1468). Varia : prend part à la prise de Liège en 1468. Orientation bibliographique : Greve - Lebailly 2001, n°1353 ; Kruse Paravicini 2005, 15.216, 16.308, 16.324, 20.349 et 20.364 ; Bessey - Flammang Lebailly 2008, n°919, 1322 et 1340. Philippe WIELANT Naissance - décès : 14 mai 1441 - 2 mars 1520. Origine : Flandre. État : roturier. Ascendance - mariage - descendance : fils de Jan et de Katharina de la

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Répertoire biographique

Kéthulle ; épouse Johanna van Halewijn → Hannequin (alias Jan) ; Johanna ; Florentine ; Philipotte ; Barbette ; Jacquemine ; Filips. Wielant a également eu avant son mariage une fille naturelle prénommée Betkin. Études : bachelier ès arts (Université de Paris, 1457) ; licencié en droit civil (Université de Louvain, 1464). Principales fonctions exercées : avocat au Conseil de Flandre (1465) ; conseiller ducal (1466 ou 1467) ; conseiller-maître des requêtes (1471) ; conseiller laïc au Parlement de Malines (1473-1477) ; conseiller-maître des requêtes de Maximilien d’Autriche et de Marie de Bourgogne (1477, 1479, 1481 et 1483) ; président de la cour de Hollande (1480) ; premier conseiller au Conseil de Flandre (1482) ; nommé au Grand Conseil (1483). Il ralliera le parti de Philippe de Clèves lors du conflit opposant Maximilien d’Autriche aux membres de Flandre. Ce changement de cap lui vaudra notamment d’être emprisonné et il perdra plusieurs de ses offices au service ducal. En mai 1488, Philippe de Clèves le choisit pour devenir président du nouveau Conseil de Flandre, un poste qu’il conservera jusque fin 1489. Ce n’est qu’en septembre 1495 que Wielant retrouve enfin grâce aux yeux de Philippe le Beau, qui le nomme alors conseiller-maître des requêtes ; conseiller laïc et vice-président du Grand Conseil (1504-1520). Varia : membre de la confrérie gantoise de Sainte-Barbe (1467) ; auteur de textes à caractère juridique et historique en français et en néerlandais. Il commandera à Jérôme de Busleyden* une ode pour décorer l’un de ses tableaux représentant le Jugement de Paris (De Vocht 1950, Ep. n°25 et Carmina V, n° III, p. 216) ; évoqué par Thomas More dans son Utopia. Orientation bibliographique : Gachard 1876a, p. 371 ; Van Rompaey 1973, pp. 515-520 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, pp. 157-162 ; Van den Auweele Tournoy - Monballyu 1981 ; Monballyu 1983 ; Petitjean 1991, n°268 ; Monballyu 1995, pp. 7-18 ; van Hijum 1999, spéc. pp. 99-103 ; Dumolyn 2001 ; Cockshaw 2006, spéc. n°49 et 107 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. p. 325 ; Van Hoorebeeck 2007a. Godevaert de WILDE alias Le Sauvage Naissance - décès : ca 1375-1380 - 16 mars 1430. Origine : Flandre. État : noble (chevalier). Ascendance - mariage - descendance : fils naturel de Gossuin* et de Mabalie Zoetemelc ; épouse Anne de Vooght → Gossuin*. Principales fonctions exercées : clerc du bailli des eaux de L’Écluse (1399) ; bailli des eaux de L’Écluse (1402-1403 ; 1413-1420) ; bailli d’Ardenbourg (1402-1406) ; receveur général de Flandre et d’Artois (1409-1413 et 14201422) ; conseiller ducal (1409). Varia : Le tableau Thimotheos de Jan van Eyck (1432) pourrait être son portrait posthume (Nys - Lievois 2002) ; enterré à Saint-Jean de L’Écluse. Orientation bibliographique : Lauwers 1998-1999 ; LDB-II 2000, pp. 145150 ; Nys - Lievois 2002 ; Dumolyn 2004.

Répertoire biographique

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Gossuin de WILDE alias Le Sauvage Naissance - décès : ? - octobre 1449. Origine : Flandre. État : noble. Ascendance - mariage - descendance : fils de Godevart* et d’Anne de Vooght ; frère de Hannekin et de Margaretha. Études : docteur en droit civil (Université de Bologne, 1424-1425). Principales fonctions exercées : conseiller (1425) puis président du Conseil de Flandre (1441-1445) ; maître des requêtes de l’hôtel (1437-1449) ; président du Conseil de Hollande (dès 1445) ; entre en conflit avec le procureur général de Hollande et de Zélande qui l’accuse en 1448 de sodomie. Emprisonné au château de Heusden, il est décapité à Lovenstein en octobre 1449. Orientation bibliographique : Lauwers 1998-1999 ; Dumolyn 2004 ; Kruse Paravicini 2005, 10.5, 11.384, 15.328, 16.466-472 et 16.474. Jean de WYSMES Naissance - décès : ? - après le 31 mai 1497. Origine : Wismes ? ; attesté à Tournai dès juin 1475. État : noble. Études : maître ès arts et docteur en médecine. Principales fonctions exercées : médecin de Marguerite d’York (1479). Orientation bibliographique : Hennebert 1856 ; C. Weightman, Margaret of York, duchess of Burgundy, 1446-1503, Gloucester, 1989, p. 125 et n. 72, p. 231 ; Paravicini 2000, pp. 313-314 ; Vanwijnsberghe 2001, spéc. pp. 56-57 ; Van Hoorebeeck - Adam 2009, passim. Jean YSEMBART Naissance - décès : ? - 25 novembre 1505. Études : cité en qualité de doctor in utriusque juris (1501 ; Haggh 1988, II, p. 695). Principales fonctions exercées : sommelier de l’oratoire (1496). Principales charges ecclésiastiques : chanoine, chantre et écolâtre (1493) de Sainte-Gudule à Bruxelles ; chanoine de Saint-Pierre à Anderlecht (à partir de 1489) ; écolâtre de Saint-Rombaut à Malines (1501) ; chanoine de SaintDonatien à Bruges (1498). Orientation bibliographique : de Reiffenberg 1846, p. 704 ; Haggh 1988, II, p. 695 ; Van Doorslaer 1934, p. 48 ; Guilardian 2002, n°1215.

RÉPERTOIRE DOCUMENTAIRE Anselme ADORNE Catalogue de la librairie de Jean Adorne ; Bruges, fin XVe ou début XVIe siècle (Bruges, Stedelijke Archieven, Fonds Limbourg-Stirum, cartulaire de Jean Adorne, fol.221v). Édition : CCB-I 1997, n°5.24. Commentaires : De Poorter 1909 ; Derolez 1972 ; CCB-I 1997, pp. 17-20. - De somno Cipionis scripti per Alsemum Adurnum. - Macrobe, De somnio Scipionis, transcrit par Anselme Adorne. Robert ALARD Recette générale des finances ducales ; Arras, le 5 février 1439 (ADN, B 1969, fol.248r). Édition : Paviot 2009, n°74. - A messire Robert Alart, prebstre, chappellain des maistres d’ostel et capitainnes des archiers de corps de monseigneur, la somme de douze escuz dor diz philippus, du pris de XLVIIJ gros monnoie de Flandres chascun escu, que mondit seigneur luy a donnee pour une foys en consideracion des bons services quil luy a fait, et aussi pour lui aider a acheter ung breviaire en lieu dun autre qui luy a esté emblé ; pour ce, par mandement de mondit seigneur sur ce fait et donné en sa ville d’Arras le Ve jour de fevrier lan mil CCCC XXXIX, et quittance dudit messire Robert, tout cy rendu XIJ escuz philippus de XLVIIJ gros, valent XIIIJ l. VIIJ s de XL gros. - don ducal pour l’achat d’un bréviaire. Pierre ANCHEMANT Testament ; 30 mai 1504. Édition : Kervyn de Volkaersbeke 1873, pp. 113-121. - Item, a la fille de celle qui me vendit la bible, qui est une femme vendant sur le Vrydachmart, II livres gros. - Les deux seuls libraires connus établis sur le Vrijdagmarkt à Gand ne sont pas attestés à la date du testament d’Anchemant (Rouzet 1975, pp. 135-136 et 182-183). Jean AUBERT Inventaire après-décès des biens dressé à la mort de son épouse ; Dijon, 16 septembre 1413 (ADCO, B, II 356-2, ff.1r-3v). Édition : Cockshaw 1968, pp. 285-287. Commentaires : Cockshaw 1968 ; Van Hoorebeeck 2009a, pp. 261262.

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Répertoire documentaire

- Inventaire fait par moy Odot de Verranges 1, clerc de la court de la maerie de Diion, des biens trouvez en lostel Jehan Aubert apres le trespas de feu sa femme. Présents honorables hommes sire Guy Poissonier 2, maistre Dreue Mareschal, Monnin Deschenon, Estienne Chambellant 3, le dit Jehan Aubert, maistre Josse Dauxonne et autres. Lesquelx biens ont este tauxé par eulx le jeudi XVIe jour de septembre lan mil IIII C et treze [...]. En la chambre darrier hault […]. [1] Item, ung livre des Evangiles (a) et de epistres en françois (b) taxé V frans

1.a. Evangiles 1.b. Epîtres [2] Item, ung livre des cas abregiez de lois et de decrez taxé III frans - Jean André, Casus breves super Decretales [3] Item, en ung volume relié et couvert de rouge, un Boece de Consolacion (a) et le testament maistre Jehan de Meun (b) taxé par les dessus dis V frans

3.a. Boèce, De consolatione philosophiae, version française 3.b. Jean de Meun, Testament [4] Item, ung livre de Tristan, taxé par les dessus dis VI frans - Tristan (sur Monnin, voir le préambule de l’inventaire et n°8) [5] Item, un viez saultier V gros - psautier [6] Item, ung livre de Croniques couvert de parchemin en grant volume taxé par les dessus dis IIII frans - chronique(s) non identifiables(s) [7] Item, en ung volume relié, Cathon en françois (a) et le livre des Eschaz (b) taxé par les dessus dis III frans 7.a. Caton 7.b. Jacques de Cessoles, Liber de moribus hominum et officiis nobilium ac popularium super ludo scaccorum, version française4. [8] Item, le roman de la Rose, taxé par les dessus dis IIII frans - Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Roman de la Rose (sur Monnin, voir le préambule de l’inventaire et n°4) 1

Procureur fiscal au bailliage de Dijon, il est nommé maître à la chambre des comptes de Dijon en 1416 (Arbaumont 1881, p. 122 et p. 382).

2

Marchand, clerc des offices de l’hôtel ducal puis valet de chambre ducal, Guy Poissonier devint maire de Dijon en 1415-1416. Anobli par Philippe le Hardi en 1378, il était l’un des plus grands marchands-épiciers dijonnais fournisseurs de la cour ducale (Dutour 1998). En 1415, il avait fait réaliser un cartulaire enluminé de la ville de Dijon (Dijon, BM, ms. 740).

3

Membre d’une importante famille dijonnaise liée aux Poissonnier, il a notamment exercé comme receveur du bailliage de Dijon (attesté en 1467-1470 : Picat 1995, n°57). Une Exposition des évangiles de l’année copié en 1454 comprend son ex-libris autographe (Paris, BNF, ms. fr. 24745).

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Dans Cockshaw 1968, à la place de « Jean IV d’Auxy » (chevalier de la Toison d’or et précepteur de Charles de Charolais), il faut lire « Jean d’Auxonne », bourgeois de Dijon, receveur général de Bourgogne et échevin (Dutour 1998, p. 158, p. 167 et p. 396 ; voir aussi préambule de l’inventaire et infra, n°10).

Répertoire documentaire

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[9] Item, ung volusme de Bible en françois (a) et le saultier en françois (b) taxé par les dessus dis X frans 9.a. bible 9.b. psautier [10] Item, en ung petit volume couvert de rouge a fueillez d’argent le saultier (a), vigiles de mois a IX leçons (b), le litanie (c), la vie Saint Bartholomin (d) et autres souffraiges (e) taxé par les dessus dis IIII frans 10.a. psautier 10.b. Pierre de Nesson, Vigiles des morts (?) 10.c. litanie(s) 10.d. vie de saint Barthélemy 10.e. autres suffrages (sur Jean d’Auxonne, voir n°7) [11] Item, ung livre de la nature des bestes a vener (a) et ung petit cartulaire (b) taxé par les dessus dis III frans 11.a. texte cynégétique non identifiable 11.b. cartulaire [12] Item, ung livre de Mateolus taxé par les dessus dis III frans - Matheolus, Lamentations [13] Item, le livre damandevie couvert de rouge taxé par les dessus dis IIII frans - Jean Dupin, Mandevie ou Jean de Mandeville, Voyages ? [14] Item, le livre de Mapemonde taxé par les dessus dis I escu - non identifié [15] Item, dix kayers de la Legende doree qui demeurent aux hoirs pour ce que ledit Jehan Aubert en a autant par devers lui - Jacques de Voragine, Legenda aurea, version française [16] Item, une Legende doree escripte de la main dudit J. Aubert taxé par les dessus dis XL frans - Jacques de Voragine, Legenda aurea, version française [17] Item, ung livre du gouvernement des princes taxé par les dessus dis VI gros - Gilles de Rome, De regimine principum, version française. Guy de BAENST Compte de confiscation établi pour la ville de Gand par Frans van Coppenhole et Wouter Sturtebier ; L’Ecluse, entre le 9 septembre 1484 et juin 1485 (AGR, CC, n°18254, ff.15r-16r). Inédit. Commentaires : V. Fris, Jan van Coppenhole, de leider van de opstand van Gent tegen Maximiliaan van Oostenrijk, dans Bulletijn der Maatschappij van geschiedenis- en oudheidkunde te Gent, n°14, 1906, pp. 93-114 ; Hancké 1995 ; Haemers 2006, pp. 444-445 ; Van Hoorebeeck 2007b.

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Répertoire documentaire

- Anderen ontfanc binnen der stede van Sluus ende daeromtrent. Eerts ontfaen vande catteillen toebehoorende Guys de Baenst, die bij zijn huus vercocht waren te Sluus, ghelijc den yventoris daerof mencioen maect, ghescreven bijden cleercq vander voornoemde stede vander Sluus, de somme van 112 lb. 6s. 7 d. gr. [1] Ontfaen van conijnc, de dekin ende previseres vanden rijkelijken ouden gulde van mijnen heeren van Sente Jooris in Ghent, ter causen van eender croene ende vier candeleers vergult bij hemlieden jeghens my ghecocht met vier quayiers van eenen messael, toebehoorende den voornoemden Guys de Baenst, de somme van 4 lb. gr. - 4 cahiers d’un missel vendus au doyen et aux proviseurs de la gilde gantoise de Saint-Georges. [...] [2] Ontfaen van Joos van den Driessche ter causen van den coope van eenen bouc bij hem jeghens my ghecocht toebehoorende den voornoemden Guys de Baenst gheheeten Faciculus, in Vlaemsche, de somme van 4 s. 6 d. gr. - Werner Rolevinck, Fasciculus temporum. Il s’agit de la traduction-adaptation en néerlandais attribuée à l’imprimeur Jan Veldener. La seule édition connue de cette traduction, datée du 14 février 1480, provient précisément des presses utrechtoises de Veldener(ISTC, ir00278000), qui avait aussi imprimé le texte latin en 1475 à Louvain (ISTC, ir00256000). Il s’agirait ici d’un imprimé puisqu’aucun ms. de la version néerlandaise n’a été retrouvé. [...] [3] Ontfaen van eenen boucke in prenten, gheheeten tBouck der proprieteyt der dinghen, in Lattine, toebehoorende den voornoemden Guys de Baenst, de somme van 5 s. gr. - Barthélemy l’Anglais, De proprietatibus rerum. Editio princeps : Cologne, vers 1471, Imprimeur des Flores sancti Augustini (? ; ISTC, ib00131000). Richard de BELLENGUES Inventaire après-décès ; Bruxelles, 27-28 février 1471 (Anderlecht, AE, ASG, 268, ff.214r-221r). Édition : CCB-IV 2001, n°26. Commentaires : Huybens 1975 ; De Keyser 1974, pp. 20 et 27 ; Van Hoorebeeck 2009a, passim. - Naervolgen de ruerlijcke goeden in den sterfhuyse zaleger gedachten wijlen heeren Rikaerts de Bellengem, canonck als hij leefde der collegikerken van sinte Goedelen in Bruessel, des bisdoms van Camerijck, gevonden ende bij mij Andriese van den Wyenhove, priester, openbaer notarijs [...] bescreven ende geinventariert in manieren naer verclaert, in tjair Ons Heeren dusent vierhondert ende tseventich na costume van scrivene des hoofs van Camerijcke, in de vierde indictie, opten XXVIIsten ende opten laesten daghen der maent februarii, des pauscaps ons alre heylichste vaders in Gode Pauli des tweesten paus, in zijnen zevensten jair [...]. In de groot camere ter straten [...]. Item vele boeken die nae vercleert staen.

Répertoire documentaire

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[1] Ierts een boeck geintituleert du voyage des Tartares - ce sujet est évoqué par plusieurs auteurs médiévaux : Vincent de Beauvais, Simon de Saint-Quentin, Jean de Plancarpin, Guillaume de Nangis, Marco Polo, etc. [2] Een ander boeck geheeten le romant de la rose - Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Roman de la Rose [3] Een ander boeck geheeten le cité des dammes - Christine de Pizan, Le cité des dames [4] Een out missael - missel [5] Een cleyn missale van zekeren missen - missel [6] Een vigilyboeck - vigiles [7] Een boeck met roeden leedere overbonden daerin vele boeken vergadert sijn - recueil de textes non identifiables [8] Een boeck geintituleert Otea - Christine de Pizan, L’épître d’Othéa [9] Een out boec van legenden in latine - légendier [10-11-12] Drie boeken geheeten le tresoir des histoires - le Trésor des histoires (voir aussi n°13.a) [13] Een ander daerin steet een stuck du tresoir des histoires (a) ende een boeck dat heet l’arbre du bataille (b) 13.a. Trésor des Histoires (autre partie ; voir n°10-11-12) 13.b. Honoré Bouvet, Arbre des batailles [14] Boecius de consolatione philosophie in walsche - Boèce, De consolatione philosophiae, version française [15] Een boec de uno clerico volente ire ad infernum in walsche - non identifié [16] Eenen ouwen brevier - bréviaire [17] Een cleyn boexken met eenen zilveren slote van Ons Heeren passie - récit de la Passion [18] Een cleyn boexken geheeten la complainte du Franche - Charles d’Orléans, Complainte de France [19] Een boeck van medicinen in walsche - texte(s) de médecine non identifiable(s) [20] Een latinen boexken de certis parvis grammaticalibus - texte(s) de grammaire non identifiable(s) [21] Een out rapiamus in walsche - rapiamus [22] Sydrack in walsche - Livre de Sydrac

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[23] Een medecijnboeck met rooden berderen - texte(s) de médecine non identifiable(s) [24] Eenen vocabulere de latino ad gallicum - dictionnaire latin-français [25] Mandevile in walsche - Jean de Mandeville, Voyages [26] Een vigilybuexken (a) met anderen oratien (b) 26.a vigiles 26.b. non identifiable [27] Een martirologium - martyrologe [28] Een boeck van den ordinarijs van Toel - ordinaire (à l’usage de Toul) [29] Alderhande legenden van santen in papire - légendier [30] Meerlin in walsche - Merlin (Prophéties Merlin ou extrait du cycle de Merlin ?) [31] Eenen zouter met eenen doeke overcleet - psautier [32] De passie in walsche - récit de la Passion [33] Een papiren boeck van vele materien (a), en het int met Seneca in walsche (b) 33.a. non identifiable 33.b. Sénèque, non identifiable. [34] Een oratiebuexken met eenen doeke overdect - livre de prières [35] Eenen lapidarijs in walsche - lapidaire [36] Een zwert nu gebonden boeck som latijn som walsch - texte(s) en français et en latin non identifiable(s) [37] Etates mundi in walsche - États du monde ? [38] Een cleyn missael van goeden scrifte en portable - missel [39] Een evangeliebuexken in walsche - Evangiles [40-41] Eenen brevier met zilveren sloten en een diurnal secundum ordinarium Tullensem 40. bréviaire 41. diurnal (à l’usage de Toul) [42] Een buexken de vita sancti Brandani - Vita sancti Brandani [43] Een stuk van der gulder legenden - Jacques de Voragine, Legenda aurea

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[44] Een boeck van astrologien in walsche - texte d’astrologie non identifiable [45] Eenen ouden brevier - bréviaire [46] Een stuck van eenen brevire - partie de bréviaire [47] Een getyde van diversen legenden - légendier [48] Legenda sancti Fourchei - Vita sancti Fursini [49] Een cleyn root getyeken van oratien - livre de prières [50] Een zwert boeck van legenden in latine - légendier [51] Pars institutorum legum - Instituta (extraits) [52] Onser Vrouwen getijde (a) met anderen getyekens tsamen gebonden (b) 52.a. oraisons à la Vierge 52.b. oraisons non identifiables [53] Een boec de naturis animalium - traité non identifiable sur la nature des animaux [54] Een walsch boeck geintituleert confession - non identifiable [55] Een canon van eenen missale - canon d’un missel [56] Tschaecspel in walsche - Jacques de Cessoles, Liber de moribus hominum et officiis nobilium ac popularium super ludo scaccorum, version française [57-58-59] Drie souters onder goet en quaet - trois psautiers [60] Noch een cleyn souterken met zwerten leere overtrocken - psautier [61] Item vele ander puysinge van boeken van cleynder weerden - livres ou parties de livres (cahiers, feuilles volantes, etc.) de peu de valeur. Pierre de BOOSTENSWENE I. Compte du rentmeester-generaal pour le Comté de Hollande ; La Haye, 3 mars 1450 (La Haye, Algemeen Rijksarchief, Grafelijkheidsrekenkamer, 5e reeks, ff.82r-v). Édition : Jansma 1933, cols 470-471. Commentaires : Jansma 1933 ; Stroo 2002, spéc. pp. 100-101, n. 38. - Jan Wandele secretaris mijns genadichs heren van Bourgongnen ende clerc vanden vorsz. Rentmeister de somme van een ende twyntich vrancken tot XXXII groten tstuc over een reyse die hy by bevele ende ordonnancien van mijn heren den stedehouder ende Raid van Hollant gedaen heet utter Hage tot binnen der stede van Brussel by mynen vorsz. genadigen here ende hoigen

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Raid om voir den selven mynen genadigen here ende hoigen Raid te doen commen meister Pieter van Renesse oic aldair wesende ende van him te eysschen ende vervolgen eenen groitten schoonen bouck geheiten Remissiorum die hy gemaict ende onder him hadde, zeer groitlijc dienende in die tresorie van Hollant [...]. In welke reyse de vors. Jan Wandele, onder besongieren, varen, merren ende keren, uutwas, overmits dat hy aldair thoufde tot den selven meister Pieter van Renesse den vorsz. bouck, die welke inden eersten dat de vornoemde Jan aldaer quam niet al volmaect was, gonstelic gepresenteerdt hadde mynen vornoemden genadigen here in tegenwoirdicheyt van mijn here den cancellier, mijn here van Santes, den selven Pieter Bladelin, meister Heinryc Uuten Hove ende meer andere, die den selven bouck over al duersaigen ende visiteerden, zonder yet dair of te eysschen of te willen hebben vanden selven mijnen genadigen here, om mijn vorsz. heren den stedehouder ende Raide dair of tydinge ende antwoirde te brengen, XXI dagen lang, beginnende den IIIden nach van Mairte, MCCCCXLIX vorsz. - payement d’un émissaire envoyé à Bruxelles par le Conseil de Hollande pour y chercher le Remissiorum Philippi de Pierre de Boostenswene (La Haye, Nationale Rijksarchief ‘s-Gravenhage in Zuid-Holland, 3e afdeling, Graven van Holland, n°2149*). II. Compte du rentmeester-generaal pour le Comté de Hollande ; La Haye, 24 mars 1450 (La Haye, Algemeen Rijksarchief, Grafelijkheidsrekenkamer, 5e reeks, fol.135r). Édition : Jansma 1933, cols 470-471. Commentaires : Jansma 1933 ; Stroo 2002, spéc. pp. 100-101, n. 38. - Jan Meynarts zoen dienar van meister Pieter van Renesse de somme van twaelf scilden tot XXVIII groten tstuc die him mijn heren der stedehouder ende Raide van Hollant geordineert hebben biden vorsz. Rentmeister gegeven te worden tot huescheden over synen aerbeyt, cost ende moeyenisse van gebrocht te hebben inden Hage in handen van mijn voirsz. heren den stedenhouder ende Raide eenen groitten schonen bouck die de vorsz. meister Pieter van Renesse om oorboir ende prouffijt mijns genadichs heren gemaict heeft by maniere van Repertoire van allen lettren, previligien, handvesten ende registren wesende in mijns voirsz. genadichs heren treosorie van Hollant, Zeelant ende Vrieslant, welken bouck die vornoemde meister Pieter, wesende by mynen vorzs. genadigen here in sijnre stede van Bruessele gegeven ende geschonken heeft, uut rechter gronste denselven mijnen genadigen here, die de voirsz. bouck by den vorsz. Jan Meynarts zoen gesent heeft den vornoemden mijn heren den stedehouder ende Raide om te leggen in die voirzs. tresorie, gelijc sy gedaen hebben in handen Diricx Boudins zoens bewarer der selver tresorie. - payement à Jan Meynartszoen pour avoir ramené de Bruxelles en Hollande le Remissiorum Philippi de Pierre de Boostenswene (La Haye, Nationale Rijksarchief ‘s-Gravenhage in Zuid-Holland, 3e afdeling, Graven van Holland, n°2149*).

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III. Compte du rentmeester-generaal pour le Comté de Hollande ; La Haye, 14591460 (La Haye, Algemeen Rijksarchief, Grafelijkheidsrekenkamer, n°159, fol.112v ; n°160, fol.103r-v). Inédit. Commentaires : Jongkees 1991, p. 20. - [...] die somme van XVIIJ s. groten voor een reyse bij him beyden gedaen bij ordonancien vanden vormoemde Rade uter Hage tot inden clooster ende convent vanden carthuysoude buyten Zirixee geheeten Syon om den pryor ende convent aldus van mijns genaden heren weg te bevelen hemlieden tot mijns genaden heren behoef daer te leveren alle die boucken inden selven cloester ende convent wesende aftergelaten bij meester Pieter van Renisse na uut wijsen den inventaris daer op gemaect ende daer mijn vornoemede genaden heren die hand om hadde doen slaen om die selve boucken al tsamen byden vormoemde Cornelis ende Jan gebracht te werden [...] welke die vormoemde pryor ende convent weygerden te doen [...]. - payement par le Conseil de Hollande à deux émissaires pour s’être rendus à la Chartreuse de Syon à Zierikzee afin de récupérer tous les livres qui, d’après l’inventaire qui en avait été rédigé, avaient été laissés sur place par Pierre de Boostenswene. Pour une raison qui n’est pas précisée, le prieur refuse toutefois de remettre les livres aux émissaires. IV. Pierre de Saint-Trond, Catalogus benefactorum ac promotorum bibliothecae nostrae et librorum quos intulerunt (KBR, ms. II 1164, fol.203r). Inédit. Commentaires : Lourdaux 1976, p. 181 et n. 45 ; Lourdaux - Haverals 1982, II, p. 121. - Amplissimus et Consultissimus Dominus Petrus de de Borstenswenen [sic] consiliarius illusstrissimus Philippi Ducis Brabantis et Burgundis Dono dedit Vaticanus manu scriptum in 2 voluminibus fol. - don par Pierre de Boostenswene au Val-Saint-Martin de Louvain d’un Vaticanus en 2 vols (= Bruxelles, KBR, ms. 1169-70* et Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 1536*). Guillaume BONT I. Testament ; 20 juillet 1454 (Anderlecht, AE, Chartrier de Saint-Pierre de Louvain, 1279/1101). Inédit. Commentaires : Godding 2000, p. 260, n. 20-25. [1] Item legavit Paulo Bont consanguino suo Sermones Lugdunenses - Sermones Lugdunenses ; à donner à Paul Bont [2] Item legavit magistro Gerlaco Bont legendum doctori recollectas suas quas ipse habet ab eo - Recollectae ; à donner à Gerlac Bont 5 [3] Item legavit magistro Johannem Custodis alias Bont fratri suo corpus iuris civilis per eundem testatorem sibi magistro Johanni emptum et quod ipse magister Johannes ex nunc habet - Corpus juris civilis ; à donner à son frère Jean. 5

Docteur dans les deux droits (1444), Gerlac Bont a enseigné à l’Université de Louvain et éait chanoine de Saint-Pierre à Louvain, de Saint-Pierre à Anderlecht et de Saint-Gommaire à Lierre (Reusens 1903a, p. 118-124, 126-128, 130-132, p. 134 et 141 ; Guilardian 2002, n°567).

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II. Procès-verbal de séance du Conseil de l’Université (Faculté des arts) ; Louvain, 20 décembre 1454. Édition : Van Hove 1917, p. 329. Commentaires : De Jongh 1911, p. 113 ; Van Hove 1914 ; Van Hove 1917 ; Van Belle 1974 ; Godding 2000, p. 25. - Tercio proposuit idem Dominus rector acta deputatorum cum executoribus testamenti quondam Dominus Wilhelmi Bont, in modo retencionis librorum suorum in hoc opido videlicet quatenus Universitas daret duos aut tres, et executores ex eis eciam eligerent duos aut tres, qui sub juramento solempniter facto taxarent verum valorem dictorum librorum et quod ita Universitas aut facultates possent emere, et si dicti eligendi per nominatos fuerint in taxacione predicta concordes, quod tunc venderentur, si vero non, duceretur difficultas as Universitatem ; quod avisamentum executores non accpetaverunt. Quare Dominus rector, ex consilio deputatorum Universitatis, precepit dictis executoribus, quia omnes erant jurati Universitatis, sub pena privacionis alio modo libros non vendere, nisi alias consulta Universitate, et hoc placuit Universitati unanimiter, salvo quod facultas artium addidit quod, taxacione facta per dictos eligendos, volens emere adderet ultra taxionem aliquam racionabilem propinam. - afin que la bibliothèque de Guillaume Bont reste in hoc opido, l’Université tente de trouver un arrangement avec ses exécuteurs testamentaires et d’obtenir un droit de préférence pour l’achat des livres. Le recteur leur propose de faire appel à des experts qui évalueront verum valorem cette librairie. Les exécuteurs testamentaires ayant refusé cette proposition, le recteur leur interdit de vendre les livres sans avoir au préalable reçu l’accord de l’Université. Il vient alors leur rappeler qu’en tant que membres du corps académique, ceux-ci tombent sous la juridiction de l’Université. La Faculté des arts émet quelques doutes quant à l’efficacité de cet argument d’autorité et propose que si les exécuteurs testamentaires reçoivent l’accord des autorités académiques et qu’ils vendent les ouvrages, les acheteurs doivent payer un supplément (propina). Cette proposition semble avoir été acceptée puisque le 23 février 1455, la Faculté des arts achètera des livres provenant de la succession de Bont. III. Valère André († 1655), Fasti academici studii generalis Lovaniensis, Louvain, 1650, p. 163 (cité dans Lourdaux - Haverals 1982, II, p. 343). - Guilielmus Custodis alias Bont [...] Extat Quodlibetum illius De usuris ac reditibus annuis, recitatum Lovanij an. 1450, & Lectura ad libb. II. Decretalium primores, MS. apud Martinianos. - Guillaume Bont aurait donné au Val-Saint-Martin à Louvain 2 de ses propres commentaires canoniques (non retrouvés) : un texte intitulé Quodlibetum de usuris ac redditibus annuis, recitatum Lovanii anno 1450 et une lectura ad Libros II Decretalium primores.

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IV. Valère André († 1655), Bibliotheca Belgica, Louvain, 1623, p. 340 (cité d’après Lourdaux - Haverals 1982, II, p. 343). - Guilielmus Bontius [...] Vidi ejusdem Bontii Lecturas sive Enarrationes ad libb. II primores Decretalium : Lovanii, ad S. Martinum. - voir doc.III. Jean BONT I. Acte de donation ; 21 juin 1443. Édition : CCB-IV 2001, n°24. Commentaires : Lefèvre 1932 ; De Keyser 1974, p. 41 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. p. 326-327. - In nomine Domini. Amen [...]. Anno incarnationis eiusdem Domini XIIIIc XLIIIo, indictione VIa, mensis Iunii die XXI, pontificatus sanctissimi in Christo patris et domini Eugenii, divina providentia pape quarti, anno suo XIIIo [...] magister Iohannes Bont, utriusque iuris doctor, Brabantie cancellarius, archydiaconus Famenne in Leodiensi, thezaurarius in Cameracensi, et in sancte Gudile Bruxellensi ecclesiis cantor et canonicus, in loco capitulari eiusdem ecclesie Bruxellensis ipsis dominis decano et capitulo, capitulariter congregatis, compendium sive librum dictum Gnotozolitos, per fratrem Arnoldum de Rotterdammis, canonicum regularem professum monasterii Viridis Vallis, utriusque iuris doctorem, editum et compositum, ad opus omnium et singulorum studere volentium exhibuit et presentavit. Quem quidem librum predictum memoratus dominus cancellarius et testator [...] antedicte ecclesie beate Gudile, ad vel circa ante stallum domini cantoris pro tempore existentis, in choro conchatenandum reliquit, donavit et legavit [...]. - don d’un Gnotosolitos d’Arnold Gheiloven à enchaîner dans le chœu r de Sainte-Gudule, dans la stalle du chantre. II. Testament ; 1er octobre 1451 (Bratislava, Biblioteka Uniwersytheca, ms. M 1058*, fol.br ; voir à Jean Bont* dans le Catalogue descriptif). Inédit. - Copia clausule ex testamento Reverendi domini Magistri Iohannis Bont, utriusque iuris doctoris, Thesaurarij ecclesie Cameracensis etc. quantum necessaria est hic Inscribi. Item volo insinuari dictum diem obitus mei monasterio Viridisvallis cui ultra alia per me eis benefacta lego septem lectos etc. necnon quatuor volumina lecturam magistri Nycholai de Lira super Biblia continentia. Atque alia quatuor volumina magna, omnia octo in pergameno scripta contientia dictionarium Et post obitum domini Pauli Bont canonici Anderlectensis Bibliam meam meliorem et maiorem, scolasticam hystoriam, etc. Que quidem omnia volumina tam Nycholai de Lira quam dictionarii Biblie et scolastice hystorie, relinquo eisdem sub conditione tali, quod [lacune] Et desuper prior et conventus predicti tenebuntur dare magistris fabrice et provisoribus pretactis litteras in forma debita ipsorum sub sigillo. Volens quod principio cuiuslibet voluminum predictorum copia istius clausule inscribatur in magna littera rubei coloris [en rouge] Nos prior et conventus Monasterii Beate

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Marie Vviridisvallis in Zonia ordinis Canonicorum regularium sancti Augustini dyoceseos Notumfacimus [lacune] In cuius rei testimonium nos prior et conventus Virisdivallis antedicti sigillum nostrum unicum et commune presentibus litteris duximus appendendum. Anno Domini Millesimo Quadringentesimo Quinquagesimo primo prima die octobris. - cette copie d’une clause du testament de Jean Bont figure dans une bible qu’il avait offerte au Rouge-Cloître (= Bratislava, Biblioteka Uniwersytheca, ms. M 1058*). La clause concerne 7 ouvrages légués par Bont à ce couvent : 4 vols des Postillae de Nicolas de Lyre, un dictionnaire, sa plus belle bible (= Bratislava, Biblioteka Uniwersytheca, ms. M 1058*) et son Historia scolastica. Pierre de BOURBON Liste des livres des couvents liégeois pris par les troupes de Charles le Téméraire en 1468, établie par Martin Scoenarts, chanoine de Saint-Martin de Liège, à la demande du chapitre Saint-Paul de Liège ; après le 27 août 1469 (Liège, Archives de l’État, Conseil privé, n°886). Édition : CCB-II 1994, n°4.1. Commentaires : Bormans 1866 ; CCB-II 1994, n°4. - Carency. Monseigneur de Carenci at des livres de Robemont et autres ornemens. - Pierre de Bourbon-Carency détient des livres de Robermont. Simon Le BRETON Compte d’exécution testamentaire de Guillaume Dufay († 27 novembre 1474) ; Cambrai, 1474-1476 (ADN, 4, G 1313, pp. 6-7 et 66). Édition et commentaires : C. Wright, Dufay at Cambrai. Discoveries and revisions, dans Journal of the American musicological Society, n°28, 1975, pp. 175-229. - Item pour J livre de vieses chanteries qui fut a messire Symon le Breton. - ms. musical en possession de Guillaume Dufay au moment de sa mort et qui appartenait à Simon Le Breton. Nicolas BRUGGHEMAN Testament ; 23 avril 1492 (Anderlecht, AE, 12029, 3 (= vol. II), ff.153r-156r). Édition : CCB-III 1999, n°7. - Anno eiusdem Domini millesimo quadringentesimo nonagesimo 2o, indictione decima, die vero vigesima tertia mensis Aprilis, pontificatus sanctissimi in Christo patris et domini nostri, domini Innocentii, divina providentia pape octavi, anno octavo [...] revendus in Christo pater et dominus, dominus Nicolaus Brugman, episcopus Salubriensis, Maximiliani regis Romanorum consiliarius ac confessarius generalis, sacre theologie ordinis Predicatorum professor [...] dixit, recitavit et asseruit contenta in dicta papiri cedula suum esse testamentum sive extremam voluntatem [...] Cuius quidem cedule tenor sequitur et est talis [...].

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[1] Breviaria sint conventui Gandensi post vitam fratris Michaelis - bréviaires ; à donner au couvent de Gand après la mort de frère Michel [2-3-4] Item de aliis libris habeat conventus Bruxellensis bibliam et expositionem (2), destructorium viciorum (3) et aliud volumen de virtutibus et viciis (4) 2. bible 3. texte non identifiable 4. texte non identifiable [5] Alii omnes restituantur conventui Gandensi, qui eos emerunt. - tous les autres livres sont à restituer au couvent de Gand qui les rachètera. Jérome de BUSLEYDEN I. Lettre à Andreas Lusitanus ; Padoue, 1502. Édition : De Vocht 1950, Ep. n°3 (Bruxelles, KBR, ms. 15676-77*, pp. 232-233). Commentaires : De Vocht 1950. - [...] Quem ut interea uel plaebeio aliquo munusculo magis apud te testatum facerem, hac te Lucernula dono, quae adiuuare aliquando possit tetrica illa ac seuera legum studia, a quibus quum nonnunquam feriari uisum fuerit, te Martiali, poetarum omnium lepidissimo, uolui donatum, ut penes te esset qui cum recreari, cuiusque urbana dicteria, sales, scomata gustare posses : tuum obiter (ni fallar) tantum delectura ingenium, tua quantum ambrosia nectareaque bellaria nostrum demulserunt palatum [...]. - durant ses études à Padoue, Jérôme de Busleyden offre un ouvrage du poète Martial à l’un de ses camarades, Andreas Lusitanus. Il s’agit peut-être d’un exempaire des Epigrammata dans la première édition d’Alde Manuce, parue à Venise en décembre 1501. II. Lettre d’Erasme († 1536) à Willem Hermansz. († 1510) ; Louvain, 27 novembre 1503. Édition : Allen 1906-1958, I, n°178. Commentaires : De Vocht 1950. - [...] Conciliavi mihi, vel potius se mihi conciliavit Hieronymus Buslidianus, archidiaconus Cameracensis, frater Episcopi, vir utriusque linguae callentissimus. Is subinde dictitat me fortunam fuisse futurum, si vir ille redisset incolumnis ; spes certe mihi omnis in eo viro sita fuerat. Donavi illi Apologos tuos cum epistola laudatrice ingenii morumque tuorum [...]. - Willem Hermansz. (Contemporaries of Erasmus 1985-1987, II, pp. 184185) est l’auteur de cette version en prose des fables d’Esope probablement imprimée vers 1502-1503 et dont il ne subsisterait aucun exemplaire. Thierry Martens a toutefois imprimé en 1513 ces Apologi avec les corrections de Pierre Gilles (sur cette lettre : voir aussi à Nicolas Ruter*). III. Lettre de Jérôme de Busleyden à Ludolf von Enschringen ; Malines, avant mai 1504 (KBR, ms. 15676-77*, pp. 228-229). Édition : De Vocht 1950, Ep. n°19. Commentaires : De Vocht 1950.

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- En tandum tuus ad te it libellus, quum ob authoris dignitatem, tum chartacterum elegantiam non tam oculos allecturus, tuas quam aures oblectaturus delicatissimas [...]. - Cette lettre accompagne un livre acheté par Busleyden pour Ludolf von Enschringen († 1504), chancelier de l’archevêché de Trèves et prochancelier de l’Université de la même ville 6. IV. Lettre de Jérôme de Busleyden à Pierre L’Apostole († 1532) ; Malines, 28 décembre 1504 ou début 1515 (KBR, ms. 15676-77*, pp. 234-235). Édition : De Vocht 1950, Ep. n°20. Commentaires : De Vocht 1950. - Et nudus, horridulus, squalidus, multo situ et longa carie obductus, tuus ad te redit libellus ; redit, inquam, mancus totus atque mutilatus, miseram hanc suam tam aegre ferens sortem, quam graviter ob id tuam detestans impietatem, quippe a candidatis olim et excellenti doctrina viris summo honore reverenter sempter habitus, ab ijsque passim in maximis delitijs fuerit collocatus ; iamiam abs te (proh scelus) turpiter despectus, humi iacens, luce privatus, et ita tenebris occlusus ; post longam cum tineis, scombris, blattisque rixam, tandem in murium praedam ac soricum escam sit addictus. Qua una re, mea quidem sententia, potuit illi contingere nihil indignius, ita nec quicquam poterat abs te patrari crudelius. Quare ut hinc poenam demeritam quidem et abs te luendam, vel totam deprecari, vel aliqua ex parte expungere possis, fac redeuntem ad te libellum pro dignate sua, authorisque sui (a quo editus est) excellentia, magis reverenter excipias : nundum operias, squalidoque illi et manco amissum nitorem instaures, quo demum omnes intelligant nequaquam ita immaniter in bonas a te literas saevitum esse, sed potius eas sibi apud te iucundum domicilium selegisse veluti gratissimo conciliabulo, suoque assertore perpetuo et uindice acerrimo [...]. - Jérôme de Busleyden remet à Pierre L’Apostole († 1532) des livres que ce dernier lui avait prêtés 7. V. Lettre d’Erasme († 1536) à Jérôme de Busleyden ; Bologne, 17 novembre 1506. Édition : Allen 1906-1958, I, Ep. n°205 (voir aussi De Vocht 1950, Ep. n°29, d’après Erasme, Luciani Opuscula, Paris, 1506, fol.48r). Commentaires : De Vocht 1950. - [...] Litteris his, ne ad tantum tamque doctum amicum nullo litterario munusculo comitatae venirent, Dialogos aliquot Luciani comites addidi ; quos pauculis his diebus, dum obsidionis metu Florentiam profugeremus, Latinos 6

Il est cité en 1490 comme prévôt de Saint-Simon de Trèves où Busleyden était chanoine (De Vocht 1950, p. 309-310 ; D. Kerber, Dr. Ludolf von Enschringen. Ein Rittersdorfer als kurtrierischer Kanzler (1483-1503, 1504), dans Beiträge zur Geschichte des Bitburger Landes, n°2, 1991, p. 30-37).

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Docteur en droit et professeur à Louvain (1492-1504), Pierre l’Apostole siège comme conseiller au Grand Conseil de Malines en 1501. Busleyden a probablement suivi ses cours de droit à Louvain avant de le retrouver comme collègue à Malines. La librairie décrite en 1532 dans son inventaire après-décès compte près de 500 entrées (Mannaerts 2000 ; Van Hoorebeeck 2005a).

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feci : hoc nimirum agens ne nihil agerem [...]. - cette lettre d’Erasme à Busleyden constitue la préface des Luciani dialogi dont il lui offre un exemplaire. VI. Lettre de Jean Lemaire de Belges à Jean de Marnix († 1532) ; Bruxelles, le 17 novembre 1507 (ADN, B 18987 (38288)). Édition : Fontaine - Brown 2002, pp. 83-84. Commentaires : Fontaine - Brown 2002. - [A] mon trèshonoré seigneur Monsieur maistre Jehan de Marnix, secretaire de Madame a Malines [...] Quamprimum ad vos rediturus interim humanitati tue mitto libellum continentem exemplaria picture harum antiquitatum que nuper in hiis partibus reperte sunt. Ut animus tuus multis curis obvolutus interdum oblectetur. Si forsan videris principem nostram aliquantulum ociosam poteris si placet ei ostendere non sine quadam benivola mentione mei (ut soles amice et humaniter facere) verum eas recuperare prorsus memineris. Non enim meus est libellus verum magister Egidius frater domini prepositi d’Aire dedit mihi eum eidem suo fratri deferendum. Igitur illum michi [illisible] reservabis ut promissum adimpleam [...]. Bruxellis hac die mercurii XVII novembris [...]. - dans un courrier adressé à Jean de Marnix († 1532), proche conseiller de Marguerite d’Autriche, Jean Lemaire de Belges évoque un opuscule contenant des échantillons d’antiquités qui viennent d’être retrouvées dans la région (soit le ms. Vienne, ÖNB, 3324*). Il glisse dans sa lettre que si Marnix constate par hasard que Marguerite d’Autriche disposait d’un peu de temps, il pourrait lui soumettre ces dessins (tout en n’oubliant pas de mentionner son nom). Il termine en lui demandant de garder le livre chez lui (à Malines) et insiste sur son souhait de récupérer ensuite cet ouvrage que lui a confié Gilles de Busleyden († 1536) afin qu’il le remette à son frère Jérôme. Jean de Marnix résidant à Malines tout comme Jérôme de Busleyden, il semble naturel que Jean Lemaire lui demande de conserver l’ouvrage chez lui, dans cette même ville. On ignore si Lemaire de Belges a pu s’acquitter de la tâche confiée par Gilles de Busleyden puisqu’on perd la trace du volume jusqu’à son transfert en 1665 à la Bibliothèque Impériale. VII. Lettre de Jérôme de Busleyden à Sylvius Italicus ; Malines, fin 1507-début 1508 (KBR, ms. 15676-77*, pp. 122-124). Édition : De Vocht 1950, Ep. n°45. Commentaires : De Vocht 1951-1955, III, p. 233, n. 6. - [...] Mitto Paeana Deiparae Virgini dicatum a Carolo Brugensi caeco, Oratore et musico suae aetatis clarissimo, editum ; cui de paupere uena accessit carmen tale quale nostrum : quod ne nil agas, legito, magis ut rideas quam probes, tum maxime ubi bonas horas male collocare uoles [...]. - envoi à Sylvius Italicus (De Vocht 1950, p. 368) du Paena de Charles Fernand (ca 1450 - 1517 ? ; De Vocht 1950, p. 371, n. 26 ; Contemporaries of Erasmus 1985-1987, II, pp. 21-22)n qui constitue un commentaire au De mundissimo Virginis Mariae Conceptu adversus Vincentium de Castrinovo écrit en 1489 par Robert Gaguin († 1501).

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VIII. Catalogue de la librairie de l’abbaye bénédictine Saint-Matthias de Trèves ; Trèves, 18 avril 1511 (Trèves, Archives de l’Archêché ; copie du catalogue de la librairie). Commentaires : De Vocht 1950, p. 373. - La mention ex dono domini Jheronimi Buysleidii, MDCXI a été transcrite en marge de l’entrée reprenant le Quincuplex Psalterium cum Commentariis de Jacques Lefèvre d’Etaples († 1536) imprimé à Paris en 1509. IX. Lettre de Jérôme de Busleyden à Martin van Dorp († 1525) ; Malines, octobre 1515 (KBR, ms. 15676-77*, pp. 273-275). Édition : De Vocht 1950, Ep. n°78. Commentaires : De Vocht 1951-1955, III, p. 233, n. 6. - [...] Qui animus noster ut tibi interea vel aliquo literario (quo te maxime oblectari intelligo) munere testatior fieret, te donatum iri volui eo opere quod nuperrime quidam a secretis Regi Gallorum (cui nomen est Budeo) emisit, titulum fronte operis praescribente, de Asse et eius partibus : opus sane sicuti eruditum, ita et inprimis tua lectione dignum, utpote mira rerum tum varietate tum antiquitate atque recondita doctrina conditum [...]. - don à Martin van Dorp 8 d’un exemplaire du De Asse de Guillaume Budé (vraisemblablement dans l’editio princeps imprimée à Paris par Josse Bade le 15 mars 1515). X. Lettre de Jérôme de Busleyden à Jean-Louis de Mouscron († 1535) ; Malines, fin mai-début juin 1515. Édition : De Vocht 1950, Ep. n°77 (Bruxelles, KBR, ms. 15676-77*, pp. 207-210). Commentaires : De Vocht 1950. - [...] Qualem gratulationem nostram (si daretur) nollem iam absens litteris prosequi : uerum hanc satius re ipsa cumulatius coram testatam facere, quando satis superque sciam qualis iandudum, quantus ac quotus in aere tuo sim, etsi nesciam ubi et quando id demum expungam, magnitudine tuorum in me meritorum plane obrutus, maxime quod me quotidie maiori foenore adhuc obligatiorem facere pergas, idque nuperrime pulcherrimo illo Gaugerico libello. Quo quidem, ut nihil nobis a te ornatius, ita nec eo quicquam poterat donatum iri gratius, praesertim cuius lectio sua mira elegantia, rerumque singularium (qua scatet) varietate nos mirum tenuit, delectavitque, in dies magis magisque delectat quoties in hunc (a publicis rebus feriando) incidimus [...]. - Busleyden évoque un exemplaire d’une œuvre de Pomponius Gauricus (ca 1482-ca 1530) qui lui a été offerte par Jean-Louis de Mouscron († 1535) 9. 8

Van Dorp compte parmi les plus proches amis de Busleyden (De Vocht 1950, p. 413 ; Contemporaries of Erasmus 1985-1987, I, p. 398-404).

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Jean-Louis de Mouscron avait rencontré Busleyden durant leurs études à Padoue (1501-1503). Docteur en droit, il était archidiacre de Cambrai (att. 1503) et chanoine de Saint-Donatien à Bruges (1507). Après avoir séjourné à Rome jusqu’en 1509, il est nommé conseiller ecclésiastique du Grand Conseil en 1511 et restera en fonction jusqu’en 1514 (De Vocht 1950, p. 300-301 ; Kerckhoffs-de Heij 1980, II, p. 102 ; Contemporaries of Erasmus 1985-1987, II, p. 465-466).

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XI. Lettre de Thomas More († 1535) à Erasme († 1536) ; Londres, vers le 17 février 1516. Édition : Allen 1906-1958, II, n°388. Commentaires : De Vocht 1950. - [...] Deinde quod cum Buslidiano mihi intercessit amicitia, qui me et pro egregia fortuna sua magnifice et pro animi bonitate comiter recepit [...] ; postremo tam egregie refertam bibliothecam, et ipsius pectus quavis etiam bibliotheca refertius, ut me plane obstupefecerit [...]. - en mission dans les Pays-Bas en 1515, Thomas More rencontre Busleyden avec qui il se lie d’amitié. Il évoque ici sa remarquable librairie personnelle. XII. Testament ; Malines, 22 juin 1517. Édition : De Vocht 1950, pp. 131-139 (1re partie : copie authentifiée par le notaire Lucas Vaes au XVIIe siècle sur la base d’une autre copie authentifiée par le notaire Robert Persoens et relevant du Collège des Trois-Langues ; commentaires sur la source dans De Vocht 1950, p. 130 et De Vocht 1951-1955, I, pp. 20-21 ; 2e partie : De Vocht 19511955, pp. 25-45). Commentaires : De Vocht 1950. [1] Item Francisco nepoti meo ex fratre Egidio omnia instrumenta musicalia et libros musicales omnes lego [...] - don de ses livres de musique à son neveu François ; voir doc.XIII.6 [2] Libros meos scriptos gallicos, in membrani vel in charta papirea, venumdari una cum mobilibus meis tota suppellectile superius non expressa - tous ses mss en français sur parchemin ou sur papier devront être vendus (voir doc.XIII.7) [3-4] Missale pulchrum et opulentum a bonae memoriae domino Attrebatensi michi donatum, illud venumdari una cum aliis libellis opulentis et preciosis serico et argento ornatis manu in membrana scriptis, quorum pretium impendetur in Rem et utilitatem futurae executionis praesentis dispositionis meae 3. missel reçu de Nicolas Ruter* (voir doc.XIII.1 ; Paris, Arsenal, ms. 600* ?) 4. tous ses autres mss sur parchemin devront être vendus (voir doc.XIII.7) [5] Alios vero omnes et quoscumque libros meos, cuiuscumque sint facultatis, linguae siue ydiomatis, impressos vel scriptos, volo illos omnes collocari simul in eo Collegio in quo alumni seu bursarii mei, de quibus infra fiet mentio, a me vel executoribus meis instituentur. - tous ses autres livres doivent être déposés au Collège des Trois-Langues pour y être mis à disposition des élèves. XIII. Compte d’exécution testamentaire ; 1517-1525 (Rijksarchief Leuven, Fonds Universiteit Leuven, n°1436). Édition : De Vocht 1950 ; De Vocht 1951-1953 (extraits). Commentaires : De Vocht 1950 ; De Vocht 1951-1953. [1-2] (fol.4r-v) Item van een Romsch missael gescreven in perkement in cleyn

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forme overtoghen met fluwel ende ghesloten met silveren vergulden sloten (1). Ende noch van een pontificael insgelix gescreven in persement ende overtoghen met fluwel ende met vergulden sloten (2) tsamen vercocht om XIIJ l. gro. vlem. [...] 1. missel (voir doc.XII.3 = Paris, Arsenal, ms. 600* ?) 2. pontifical [3] (fol.37r) Item betaeld van IIJ quaternen vanden grooten gescrevenen sancboecken int perkement voer de kerke van Sint Jans te Mechelen [...] V l. V st. - payement de 3 cahiers de chant commandés pour Saint-Jean de Malines [4] (fol.36r) Item voer een bybele in hebreaussche tale geprent betaelt XIIJ l. XV st. ende vanden selve te byndene betaelt den doctuer hebreo, XXX st., viz. tsamen XV l. - bible en hébreu imprimée pour le Collège des Trois-Langues et achetée par Matthieu Adrianus, le premier professeur d’hébreu du Collège (De Vocht 1951-1953, spéc. I, pp. 241-256). [5] (fol.35v) Item betaelt Henrick Bosbas librier tot Andwerpen dien de testateur schuldich was van boecken van hem gehadt [...], X l. X s. - remboursement au libraire Henri Bosbas (Rouzet 1975, pp. 60-61). [6] (fol.99v) Item Francisco den ouden zonen des voirscreven Gielis zyn gelaten ende meester Gielisse gelevert [...] met oic vele boecken musyken [...]

- dons de tous ses livres de musique à son neveu François (voir doc.XII.1). [7] H. De Vocht fait allusion à une collection de manuscrits français appartenant à Jérôme de Busleyden et dont certains étaient richement enluminés (De Vocht 1950, p. 113). Ces livres sont évoqués dans son testament (doc.XII.2) mais ne figurent pas dans son compte d’exécution testamentaire. Le compte fait également état du transport des ouvrages de Malines jusqu’à Louvain : [a] (fol.47v) Item van IIJ groote manden omde boecken dair inne te packen ende te Loeven te vueren [...] Item van den selven boecken te hulpen packen [...] ende vanden voirscreven IIJ gepacte manden te vueren uten huise tot des prochiaens huise van Sint Jans [...] - payement de 3 grandes malles de livres à transporter au Collège des Trois-Langues (voir doc.XII.5) [b] (fol.98r) Item betailt van vrachte van een groote steeckkiste den sterfhuys toebehoorende met allen den gescreuen boeken in perkement daerinne gesloten te wagen besteet om te Loven te vuerene int collegie [...] - voir supra. [c] (fol.98v) Item den voirschreven Barths. heeft geuaceert [...] van Johannes [...]. Item tot Loven XJa augustij gereyst metten gescreuen boeken om die te doen taxeren ende int collegie te laten vacerende IJ daghen [...] - voir supra.

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XIV. Lettre d’Erasme († 1536) à Polydore Virgile († 1555) ; Louvain, 23 décembre 1520. Édition : Allen 1906-1958, IV, n°1175. Commentaires : De Vocht 1950, pp. 64 et 197 ; De Vocht 1951-1953, III, pp. 233-234, notes 1-2 ; Van Hoorebeeck 2006c, p. 122. - [...] Haec quum accepissem et quid esset rei prorsus ignorarem, dedi negocium iuvenibus aliquot qui librum perquirerent Vergilii Polydori. Quum nusquam prostaret − nondum enim, opinor, deportatus erat ex Italia −, tandem mihi casu repertus est in bibliotheca clarissimi viri Hieronymi Buslidii ; nam is, ut erat omnium librorum emacissimus, ex Italie secum detulerat [...]. - cet exemplaire des Proverbia de Polydore Virgile (Contemporaries of Erasmus 1985-1987, III, pp. 397-399) correspond à l’édition parue à Venise chez Chr. de Pensis le 6 novembre 1500. Erasme précise que l’ouvrage, trouvé par hasard dans la librairie du Collège des Trois-Langues après l’avoir longtemps cherché, aurait été rapporté d’Italie par Busleyden. Le prêtre de Rotterdam est probablement dans le vrai puisqu’à cette époque (1501-1503), Busleyden poursuivait ses études à l’Université de Padoue. XV. Petrus Nannius († 1557), Petri Nannii Alcmariani in collegio Buslidiano apud Louanienses Latini Professoris Summiktoon, siue Miscellaneorum decas una, Louvain, Servatius Sassenus, 1548. Commentaires : A. Polet, Une gloire de l’humanisme belge. Petrus Nannius (1500-1557), Louvain, 1936, pp. 158-159 ; De Vocht 1950, pp. 305-307 ; De Vocht 1951-1953, III, p. 234, n. 6 et p. 235, n. 1. - [...] Longe elegantior lectio est in duobus scriptis codicibus, quorum alter a Buslidio relictus, qui primus in orbe Christiano Collegium trilingue instituit. Alter est Atrebatensis Colegij, quorum testimonijs subinde utemur ac proinde ob compendium, alterum Buslidianum, alterum Atrebatensem perpetuo appellabimus, in quibus ita scriptum invenias [...] (Petri Nannii Alcmariani in collegio Bvslidiano apud Louanienses Latini Professoris Summiktoon, siue Miscellaneorum decas vna, Louvain, Servatius Sassenus, 1548 ; extrait du chapitre intitulé Potitij Pinarique iunde dicti. Paulo post, ubi Herculis ara tractat dans le Livre V). - Titulaire de la chaire de latin au Collège des Trois-Langues, Peter Nannius a rassemblé plusieurs de ses travaux philologiques dans une édition parue la 1ère fois à Louvain en 1548. Dans son livre V, il propose une interprétation de certains passages de Tite-Live pour lesquels il a collationné 2 mss conservés à Louvain : le Codex Buslidianus déposé au Collège des Trois-Langues par Busleyden et le Codex Atrebatensis consulté dans la bibliothèque du Collège d’Arras fondé par Nicolas Ruter*. XVI. Georgius Cassander († 1566), édition du De Viris illustribus de Pline le Jeune, Cologne, Mart. Gymnicus, 1549. Édition : De Vocht 1950, p. 196, n. 6 (extraits ; voir aussi De Vocht 1951-1953, III, pp. 7, 10 et 71).

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- [...] Cui quidem ut numero parem nonnulli, aliqui etiam ea instructiorem , certe cultu, elegantia, ornatuque conferendam haud facile quisquam alibi reperiat. Id quod Hieronymum Buslidium aliquando apud te professum audivi [...]. - dans son édition du De Viris illustribus de Pline le Jeune parue en 1549 à Cologne chez Mart. Gymnicus, Georges Casant (un ancien étudiant du Collège des Trois-Langues) fait l’éloge de la librairie de Busleyden 10. XVII. Jean Bosche († 1585), traduction latine du Peri tês tou pantos phuseôs d’Ocellus Lucanus (Louvain, Servatius Sassenus, 1554). Commentaires : De Vocht 1951-1953, II, p. 235 ; De Vocht 1951-1953, IV, spéc. pp. 310-313. - Jean Bosche aurait utilisé une copie grecque de la librairie du Collège des Trois-Langues pour établir sa traduction latine du Peri tês tou pantos phuseôs d’Ocellus Lucanus. XVIII. D’après H. De Vocht, Jean Isaac Levita aurait utilisé 3 mss hébreux du Collège des Trois-Langues contenant le Physica attribué à Rabbi Aben Tibbon pour sa traduction latine publiée en 1555 à Cologne chez J. Soter (De Vocht 1951-1953, II, p. 235 ; De Vocht 1951-1953, IV, pp. 299-306). Invité à Louvain par l’évêque d’Arras Antoine de Granvelle pour y donner des leçons d’hébreu, c’est à cette occasion que Jean Isaac Levita aura consulté ces ouvrages à la bibliothèque du Collège des Trois-Langues. Jacotin Le CARPENTIER Liste des livres des couvents liégeois pris par les troupes de Charles le Téméraire en 1468, établie par Martin Scoenarts, chanoine de Saint-Martin de Liège, à la demande du chapitre Saint-Paul de Liège ; après le 27 août 1469 (Liège, Archives de l’État, Conseil privé, n°886). Édition : CCB-II 1994, n°4.22. Commentaires : Bormans 1866 ; CCB-II 1994, n°4. - Pais de Picardie [...]. Lilers. Jacotin le Carpentier, de la compaignie monseigneur Phelippe de Crevecuer, at unne bible de saint pol et demeure à Lilers delez Abeville. - Jacotin Le Carpentier, localisé à Lillers, détient une bible. Philippe de CHASSA Compte d’exécution testamentaire de Jean Bayart († 13 mars 1481), chanoine à Notre-Dame de Courtrai ; 26 octobre 1482 (Courtrai, Archives de la Ville, Fonds Onze-Lieve-Vrouw, Testamenta). Édition : CCB-I 1997, n°83. - Computatio executionis testamenti et ultime voluntatis quondam magistri Ihohannis [sic] Bayaert presbiteri, canonici ecclesie beate Marie Curtracensis, Tornacensis diocesis, facta venerabilibus et circumspectis dominis, decano et capitulo eiusdem ecclesie per nos Iohannem Ponchon, Stephanus de Mota, 10

Sur ce personnage : De Vocht 1951-1953, III, p. 296-305.

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canonicos, et Guillelmum Stier, capellanum eiusdem ecclesie, tamquam et sicut per predictos dominos deputatos ad dicti testamenti executionem propter absentationem fratris et soceri ipsius dicti testatoris ab eo in suos executores electorum. Sequitur recepta. [...] Item fuerunt in domo eiusdem defuncti reperti diversi libri et in inventario scripti diversorum auctorum et de diversis materiis, scilicet theologie, iuris canonici, legum et alienorum, qui libri quia omnes et singuli fuerunt coram lege Curtracensi evicti per domicellam [lacune dans le document], relictam quondam Philippi de Chassa, pro summa quinquaginta lb. gr. monete Flandrie, in qua dixit, ostendit et per compotum factum cum Hiustino fratre ipsius defuncto probavit ipsum defunctum fuisse ei ex mutuata pecunia obligatum, quare hic nichil [...]. - Philippe de Chassa ayant prouvé à Justin, frère du défunt, que Jean Bayart lui devait de l’argent, certains volumes ont été prélevés de l’inventaire. Georges CHASTELAIN Mention d’ouvrage par Jean Molinet († 1507) dans sa Chronique ; après 1475. Édition : Doutrepont - Jodogne 1935-1937, II, pp. 594-595. Commentaires : Small 1998, pp. 116-117. - [...] plusieurs coyers escripts de la main de mondit seigneur et maistre, tous desemparéz, imparfaicts et sans ordre [...] et aucuns certains volumes par luy très grandement avancés [...]. - Jean Molinet évoque certains ouvrages laissés en cahiers à sa mort par Chastelain (= Bruxelles, KBR, ms. 15843* ?). Philippe de CHAUMERGIS Liste des livres des couvents liégeois pris par les troupes de Charles le Téméraire en 1468, établie par Martin Scoenarts, chanoine de Saint-Martin de Liège, à la demande du chapitre Saint-Paul de Liège ; après le 27 août 1469 (Liège, Archives de l’État, Conseil privé, n°886). Édition : CCB-II 1994, n°4.77. Commentaires : Bormans 1866 ; CCB-II 1994, n°4. - Bourgogne [...]. Phelippe de Chamargis, seigneur de Buixillon et d’Entredeux-Mons, escuier trenchant de monseigneur le duc, lequel at le fille du gouverneur de Byanne, et monseigneur Collart de Ruffi, demourant a deux lieues pres de Digon, ont les ornemens et livres de l’egliese saint Nicolai delez le pont d’Amercourt. - Philippe de Chaumergis détient les livres de Saint-Nicolas d’Outremeuse. Nicolas CLOPPER Inventaire après-décès d’après un catalogue autographe ; Bruxelles, 19 septembre 1472 (Anderlecht, AE, ASG, 266, ff.8r-33r). Édition : CCB-IV 2001, n°27. Commentaires : Boeren 1949-1951 ; Van Caenegem 1960, n°30 ; Van Caenegem 1967, p. 282 et suiv. ; De Keyser 1974, pp. 21, 24-26, 27, 29 et 44 ; Paviot 2003, pp. 236-238 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. p. 324.

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- Inventaris van al den beruerlijken goeden bleven ende vonden na de doot wilen zaliger gedachten meester Claes Cloppers, canters in der kerken van sinte Goedelen, die afvlich waert opten XVIIIsten nach van septembri in tjaer XIIIIc LXXII, gemaect, ende geordinert ten bevele van den executeuren desselfs wilen meester Claes [...] bij mij Andriese van den Wyenhove notaris daertoe versocht ende zunderlinge gebeden. Ende in den iersten opten XIxsten dach der voirs. maent septembris wort bevonden [...]. Op tstudoer [...]. Item vele berderen ende pulpita, daerop gevonden waren de boeke in tleste van desen inventarijs bescreven [...]. Op de capelle [1] Item I missael ende II weendoeke - missel [...] Inventaris van den boeken gevonden binnen des voirs. testateurs huyse, also hij dien selve geordineert hadde ende gescreven in dese manieren. [2] Decretales antique seu magis usitate - A - Decretales [3] Decretales nove seu minus usitate - B - Decretales [4] Decretum pro parte glosatum - C - Decretum [5] Sextus cum glosa Iohannis Monachi - D - Liber Sextus (avec la glose de Jean Le Moine) [6] Clementine glosate per Iohannem Andree et glosa Iohannis Andree super VIo - E - Clementinae (avec la glose de Jean André) [7] Speculum iudiciale Iohannis Durandi - F - Guillaume Durand, Speculum judiciale [8] Additiones speculi Iohannis Andree - G - Jean André, Additiones au Speculum judiciale de Guillaume Durand [9] Distinctiones Henrici Bohic super primo decretalium - H - Henri Bohic, Distinctiones sur la 1ère Décrétale [10] Distinctiones Henrici Bohic super 2o - I - Henri Bohic, Distinctiones sur la 2e Décrétale [11] Distinctiones Bohic super 3o - K - Henri Bohic, Distinctiones sur la 3e Décrétale [12] Distinctiones eiusdem Bohic super 4o (a) cum aliis (b) - L 12.a. Henri Bohic, Distinctiones sur la 4e Décrétale 12.b. non identifiable [13] Distinctiones eiusdem Henrici super 5o decretalium - M - Henri Bohic, Distinctiones sur la 5e Décrétale [14] Summa Gofredi - N - Goffredus de Trano, Summa super rubricis Decretalium [15] Summa Hostiensis - O - Henri de Segusio, Summa Decretalium [16] Codex - P - Codex

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[17] Digestum vetus - Q - Digestum vetus [18] Digestum novum - R - Digestum novum [19] Inforciatum - S - Inforciatum [20] Parvum volumen - T - Parvum volumen [21] Liber institutionum per se - V - Instituta [22] Somma Asonis - Aa - Azon, Summa super Codice [23 → 28] Sex libri pantheologie habentes simul singulas litteras alphabeti in suis asseribus - Raynier de Pise, Pantheologia [29] Novella Iohannis Andree super 3e et 4o decretalium - Ab - Jean André, Commentaria novella sur les 3e et 4e Decretales [30] Anthonius super 3o decretalium - Ac - Antoine de Butrio, commentaire sur la 3e Décrétale [31] Iohannes Fabri super institutis - Ad - Jean Fabri, In Instituta [32] Apparatus Innocentii - Ae - Innocent IV, Apparatus in quinque libros decretalium [33] Lectura Iohannis de Ymola super Clementinis - Af - Johannes de Imola, Lectura super Clementinis [34] Somma Rofredi et eciam Damasi, etc. - Ag - Roffredus Epiphani Beneventanus, Summa [35] Dominicus super VIo - Ah - Dominique de Sancto Geminiano, commentaire sur le Liber Sextus [36] Abbreviatum speculi - Ai - Jean de Zinna, Speculum abbreviatum ou Guillaume Durand, Breviarium [37] Nova practica Petri de Ferrariis - Ak - Jean Pierre de Ferrariis, Practica nova judicialis (Practica aurea) [38] Solinus de mirabilibus mundi (a) ; Directorium ad passagium ultramarinum (b) ; De situatione seu descriptione Terre Sancte (c) ; Disputatio de nobilitate, etc. (d) ; Secreta pro acquirenda Terra Sancta et consumptione infidelium (e) Al 38.a. Solin, De mirabilibus mundi 38.b. Raymond Etienne, Directorium ad passagium utramarinum 38.c. Walter de Zierikzee, Descriptio Terrae sanctae 38.d. non identifiable 38.e. Marino Sanudo, Liber secretorum fidelium crucis [39] Baldus super libro feudorum (a) ; Commentum Baldi super pace Constantie (b) ; Repetitio dominis Cathonis super duobus in legibus digesti de legatis II (c) ; Tracatus circa constitutionem imperialem de prohibita feudi alienatione per Fredericum (d) - Am

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39.a. Balde de Ubaldis, Super usibus feudorum 39.b. Balde de Ubaldis, Super pace Constantiae 39.c. Cato Saccus, De legatis 39.d. Libri feudorum (livre II, titre 52) [40] Dinus super regulis iuris (a) ; Tractatus represaliarum Bartholi (b) ; Tractatus alimentorum Bartholi et Baldi (c) ; Tractatus de constituto et constituendo Baldi (d) ; Tractatus de excussione Iacobi de Arena (e) ; Tractatus de questionibus Bartholi (f) ; Tractatus de tiranno Bartholi (g) ; Repetitio capituli Cum contingat de iureiurando Iohannis de Ymola (h) ; Extravagans contra fraticellos assumentes novos ritus (i) ; Tractatus super imprestitis que sunt Veneciis Petri de Anchorano(j) ; Repetitio de materia indulgentiarum super capitulo Manifesta (k) ; De penitentiis et remissionibus Gasparis de Caldrinis (l) ; Repetitio capituli Perpendimus de sententiis excommunicationis Francisci de Saberellis (m) - An 40.a. Dino de Mugello, commentaire sur le Regulae juris du Liber Sextus 40.b. Bartole, De repraesalis 40.c. Bartole, De alimentis 40.d. Balde de Ubaldis, De constitutio et constituendo 40.e. Jacques de Arena, De excussione 40.f. Bartole, De quaestionibus 40.g. Bartole, De tyranno 40.h. Johannes de Imola, Repetitio sur la 2e Décrétale 40.i. Extravagantes ? 40.j. Petrus de Anchorano, Tractatus super imprestitis que sunt Veneciis 40.k. 5e Décrétale 40.l. Caspar Calderinus, De penitentiis et remissionibus 40.m. Franciscus de Zarabella, De generali excommunicatione [41] Lectura Iohannis de Ymola super 2e decretalium - Ao - Johannes de Imola, commentaire sur la 2e Décrétale [42] Repertorium iuris civilis Iohannis de Milis - Ap - Jean Milis, Repertorium juris civilis [43] Repertorium iuris canonici Iohannis de Milis - Aq - Jean Milis, Repertorium juris canonici [44] Paulus de Eliazaris super Clementinis (a) ; Consilia Oldradi (b) - Ar 44.a. Paulus de Liazariis, Casus summarii (ou Epitoma) sur les Clementinae ; 44.b. Oldardus de Ponte, Consilia [45] Allegationes prelatorum ecclesie contra regem Francie [sans cote] - textes en relation avec la Pragmatique Sanction de Bourges (1438) ? [46] Somma Pisana - As - Bartholomeus de Sancto Concordio, Summa de casibus [47] Tractatus de censura ecclesiastica Iohannis de Lignano (a) ; Tractatus de ecclesiastico interdictio Iohannis Caldrini (b) ; Lectura super arbore consanguinitatis et affinitatis (c) ; Tractatus de permutatione beneficiorum Frederici de Senis (d) ; Utrum tam spiritualium quam temporalium possessio

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rerum exteriorum impedimentum prestat ingressus regni Polorum (e) ; Somma Iohannis Andree de electionibus (f) ; Tractatus brevis de excommunicatione Johannis de Lignano (g) ; Extravagantes de beginis (h) ; Tractatus de horis canonicis Alberti de Ferariis (i) ; Tractatus de successione ab intestato (j) ; Repetitio capituli Cum dilectus de causa possessionis et proprietatis (k) ; Repetitio capituli Si furiosus de homicidis (l) ; Repetitio capituli Cum non ab homine de sententia excommunicationis (m) ; Repetitio capituli Cum contingat de foro competenti (n) - At 47.a. Johannes de Lignano, De censura ecclesiastica 47.b. Johannes Calderinus, De interdictio 47.c. non identifié 47.d. Fredericus Petruccius de Sienne, De permutationibus beneficiorum 47.e. non identifié 47.f. Jean André, De electione 47.g. Johannes de Lignano, De excommunicatione 47.h. Extravagantes 47.i. Albertus Trottus, Tractatus de horis canonicis ; 47.j. De successione ab intestato (Van Caenegem 1960, pp. 318 et 335, n. 156) 47.k. 2e Décrétale 47.l. non identifié 47.m. 5e Décrétale 47.n. 2e Décrétale [48] Mercuriales Iohannis Andree - Au - Jean André, Quaestiones Mercuriales [49] Tractatus de actionibus Iohannis de Blanosto (a) ; Tractatus de interdictis Odonis de Senis (b) ; Mandagotus de materia electionis et postulationis (c) - Ax 49.a. Jean de Blanot, De actionibus 49.b. Jean de Senis, De interdictis 49.c. Guillaume de Mandagout, De electione [50] De mulieribus claris (a) ; Tractatus de ludo scacorum (b) ; Gesta abbreviata regum Romanorum (c) ; Tractatus de aringis (d) ; De mirabilibus Orientalium, etc. (e) - Ay 50.a. Boccace, De mulieribus claris 50.b. Jacques de Cessoles, Liber de moribus hominum et officiis nobilium ac popularium super ludo scaccorum 50.c. Gesta regum Romanorum 50.d. Arnoldus de Augusta, Arengae judiciales et extrajudiciales 50.e. Jean de Mandeville, Itinerarum de sitibus terrarum et mirabilibus mundi [51] Aurea legenda - Az - Jacques de Voragine, Legenda aurea [52] Liber creaturarum su nature seu liber de homine, propter quem sunt creature, Raymundi Sabunde - A2 - Raymond de Sabonde, Liber creaturarum [53] Moralia beati Gregorii XV libri - Ba - Grégoire le Grand, Moralia [54] Iohannis Gallensis de corpore morali - Bb

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- Jean de Galles, De correptione morali [55] Expositiones evangeliorum et epistolarum - Bc - Expositions sur les évangiles et les épîtres [56] Ysidorus ethimologiarum - Bd - Isidore de Séville, Etymologiae [57] Rationale divinorum - Be - Guillaume Durand, Rationale divinorum officiorum [58] Commentum sancti Thome super X libris ethicorum Aristotelis - Bf - Thomas d’Aquin, In X libris Ethicorum Aristotelis [59] Speculum regum Alvari ordinis Minorum - Bg - Alvarus Pelagus, Speculum regum [60] De remediis utriusque fortune Adriani Carthusiensis (a) ; Gesta et facta trium regum (b) ; Firmanus Lactentii (c) - Bh 60.a. Adrien Monet, De remedio utriusque fortunae 60.b. Jean d’Hildesheim, Historia trium regum 60.c. Lactance, non identifiable [61] De exemplis et similitudinibus rerum prima pars - Bi - De exemplis et similitudinibus rerum (1ère partie) [62] De exemplis et similitudinibus rerum 2a pars - Bk - De exemplis et similitudinibus rerum (2e partie) [63] Horologium eterne sapientie (a) ; Tres libri sancti Athanasii de fide catholica contra hereticos Arrium, Sabellium et Fotinum (b) ; Speculum peccatoris (c) ; Tractatus de cognitione sui Hugonis de Hassia (d) ; Gnotosolitos Hugonis de Sancto Victore (e) ; Seneca de copia verborum (f) ; Tractatus theologie mistice Iohannis Gerson (g) ; Nomina doctorum qui scripserunt de contemplatione (h) ; Liber de gloria electorum et pena dampnandorum beati Augustini (i) ; Tractatus de peccato originali fratris Egidii de Roma (j) ; Tractatus de contractibus Iohannis Gerson (k) - Bl 63.a. Henri Suso, Horologium sapientiae 63.b. Athanase, De fide catholica (?) 63.c. Denis de Ryckiel, Speculum peccatoris (?) 63.d. Henri de Hesse, Speculum animae (?) 63.e. Arnold Gheiloven, Gnotosolitos 63.f. Pseudo-Sénèque, De verborum copia 63.g. Jean Gerson, Tractatus de mystica theologia 63.h. non identifiables 63.i. saint Augustin, non identifié 63.j. Gilles de Rome, Tractatus de peccato originali 63.k. Jean Gerson, Tractatus de contractibus [64] Epistole beati Ieronimi - Bm - Jérôme, Epistolae [65] Armachanus - Bn - Richardus d’Armagh, non identifiable [66] Sermones super Pater noster (a) et abbreviatum biblie (b) ; Item abbreviatum libri de homine (c) - Bo 66.a. sermons sur le Notre-Père

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66.b. abrégé de la Bible 66.c. Raymond de Sabonde, Liber creaturarum [67] Legende sanctorum in gallico - Bp - Jacques de Voragine, Legenda aurea, version française [68] Prima pars cronice Brabantie - Bq - Edmond de Dynter*, Chronica nobilissimorum ducum Lotharingiae et Brabantiae ac regum Francorum (1ère partie ?) [69] 2a pars cronice Brabantie - Br - Edmond de Dynter*, Chronica nobilissimorum ducum Lotharingiae et Brabantiae ac regum Francorum (2e partie ?) [70] Historia Ierosolimitana et de diversis circa Terram Sanctam (a) ; Liber Marci Paulo de Veneciis de conditionibus et consuetudinibus Orientalium regionum (b) ; Relatio cuiusdam viatoris Busciducensis de hiis que vidit et audivit in terris infidelium (c) - Bs 70.a. Jacques de Vitry, Historia Hierosolimitana 70.b. Marco Polo, De conditionibus et consuetudinibus Orientalium regionum 70.c. récit de voyage en Terre sainte d’un pèlerin de Bois-le-Duc [71] Liber de naturis deorum - Bt - Cicéron, De natura deorum [72] Translatio librorum Aristotelis de naturis animalium - Bu - Aristote, De animalibus [73] Liber de ypocritis et pseudopredicatoribus (a) ; De opere monachorum Augustinus (b) - Bx 73.a. non identifiables 73.b. saint Augustin, De opere monachorum [74] Tractatus de calcatione demonum seu malignorum spirituum fratris Nicolai Iaquerii ordinis Predicatorum - Bz - Nicolas Jacquier, Tractatus de calcatione [75] Tractatus de quadruplici exercitio spirituali Petri cardinalis Cameracensis (a) ; Liber soliloquiorum sancti Ysidori (b) ; De tribulationibus et temptationibus et earum remediis (c) ; De predestinatione (d) ; Expositio psalmorum prime, tertie, sexte et none (e) ; De gaudiis eternis (f) ; De arte moriendi (g) - B2 75.a. Pierre d’Ailly, De quadruplici exercitio spirituali 75.b. Isidore de Séville, Soliloquia 75.c. texte(s) sur les tentations et leurs remèdes 75.d. Henri de Gorcum, De predestinatione 11 75.e. Expositions sur les psaumes 75.f. Exempla de gaudiis regni caelorum ? 75.g. Ars moriendi [76] Sermones seu collationes facte per dominum Clementem papam VIum (a) Sommula fratris Bernardi de Ripperia de XII articulis fidei, de X preceptis, de 11

Clopper a pu prendre connaissance de ce traité durant ses études à Cologne où Gorcum a enseigné (Lexikon für Theologie und Kirche, IV, Fribourg, 1995, col. 1387).

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VII sacramentis, de virtutibus, etc.(b) ; Quidam tractatus incompletus qui dicitur viridarium consolationis (c) - Ca 76.a. Clément VI, Sermones 76.b. Bernardus de Ripperia, non identifié 76.c. Jacques de Bénévent, Viridarium consolationis [77] De vita beate Marie virginis Alexandri de Hales ordinis Minorum (a) ; Tractatus de ecclesiastica potestate (b) ; Conclusiones magistri Wiclef Anglici (c) ; Tractatus de visitationibus divinis et signanter sancte Brigide (d) ; Bulle de anno iubileo (e) ; Tractatus contra divinatores et sompniatores (f) - Cb 77.a. Alexandre de Hales, De vita beate Marie virginis 77.b. Augustin d’Ancône (?), De ecclesiastica potestate 77.c. John Wycliff, XII conclusiones 77.d. Brigitte de Suède (?), Tractatus de visitationibus divinis 77.e. bulle du jubilé de l’année 1450 (Boeren 1949-1951, p. 209, n. 138). 77.f. Augustin d’Ancône, Contra divinatores et sompniatores (?) [78] Horologium eterne sapientie (a) ; Tractatus de quatuor novissimis (b) - Cc 78.a. Henri Suso, Horologium sapientiae 78.b. Cordiale de quatuor novissimis [79] Reportata super 3o decretalium a titulo de successionibus ab intestato (a) ; Item super 4o decretalium (b) ; Item alique circa principium decretalium usque ad titulum de rescriptis Causa nonnulli (c) - Cd 79.a. Reportata sur la 3e Décrétale 79.b. Reportata sur la 4e Décrétale 79.c. Reportata sur la 4e Décrétale [80] Reportata super Io libro decretalium - Ce - Reportata sur la 1ère Décrétale [81] Reportata in legibus in titulo de legationibus (a) Item titulo ad legem Falcidiam (b) ; Item titulo ad senatus consultum Trebellianum (c) ; Item titulo de conditionibus et demonstrationibus (d) ; Item de iustitia et iure (e) ; Item titulo de statu hominum usque ad titulum Si quis cautionibus (f) ; Item titulo de pactis (g) ; Item a titulo de obsequiis patronis prestandis usque ad titulum de conditionibus insertis tam in legatis quam fidei commissis (h) - Cf 81.a. Reportata sur le Digestum (relatif à Jean Huss) 81.b → 81.g. Reportata sur le Digestum 81.h. Reportata sur le Codex [82] Reportata aliqua super 2o, quinto et 6o decretalium - Cg - Reportata sur les 2e, 5e et 6e Decretales [83] Diverse consultationes - Ch - textes non identifiables [84] Formalarius de litteris iusticie cancellarie apostolice - Ci - formulaire de chancellerie apostolique [85] Formalarius litterarum de graciis expectativis, provisionibus beneficiorum ac dispensationum, etc. - Ck - formulaire de chancellerie apostolique [86] Formalarius de diversis formis - Cl - formulaire de chancellerie apostolique

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[87] Formalarius de provisionibus ecclesiarum et monasteriorum - Cm - formulaire de chancellerie apostolique [88] Tractatus de regimine sanitatis magistri Magnini - Cn - Magninus, De regimine sanitatis [89] Reportata super 4o decretalium a titulo de consanguinitate et affinitate usque ad titulum Qui filii sint legitimi inclusive - Co - Reportata sur les Decretales [90] Reportata super VIo (a) et aliqua alia (b) - Cp 90.a. Reportata sur la 6e Décrétale 90.b. non identifiable [91] Liber medicine vocatus circa instans (a) ; Tractatus de epidemea Iohannis de Wesalia (b) - Cq 91.a. Matthaeus Platearius, Liber de simplici medicina 91.b. Jean Vésale, De epidemia [92] Libellus de consideratione beati Bernardi ad Eugenium papam (a) ; Tractatus metricus de azello (b) - Cr 92.a. Bernard de Clairvaux, De consideratione libri V ad Eugenium III 92.b. Nigel de Lonchamp, Speculum stultorum [93] Ovidius de vetula - Cs - De vetula [94] Libellus franchineus de sermonibus - Ct - sermons non identifiables [95] Quadripartitus apologiticus Cirilli episcopi - Cu 95.a. Cyrille d’Alexandrie, Apologeticus pro XII capitibus contra Orientales 95.b. Cyrille d’Alexandrie, Apologeticus pro XII capitibus contra Theodoretum 95.c. Cyrille d’Alexandrie, Apologeticus ad Theodosium 95.d. Cyrille d’Alexandrie, Explicatio XII capitum [96] Forme confessionum (a) ; Questio utrum sint caracteres vel exorcismi per que demones expellentur (b) ; De spiritu Guidonis de Corvo (c) - Cx 96.a. non identifiable 96.b. non identifiable 96.c. Jean Gobi, Historia de spiritu Guidonis de Corvo [97] Gesta Alexandri Galteri de Insula - Cz - Gautier de Châtillon, Alexandreis sive gesta Alexandri Magni [98] Libellus de statu clericorum et canonicorum secularium - C2 - Decretales [99] Dialogus Gaufridi et Aprilis de statu Romane curie - Da - Disputatio Ganfredi et Aprilis de statu curiae Romanae [100] Liber sermonum qui incipiunt Dominica 2a Adventus - Db - sermons non identifiables [101] Libellus de arte memorativa (a) et aliquid de cyromantia (b) - Dc 101.a. Ars memorativa (texte alchimique) 101.b. non identifiable (texte de chiromancie) [102] Libellus meditationum Boneventure et copia bulle de indulgentia sacramenti, etc. - Dd - Pseudo-Bonaventure, Liber meditationum

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[103] Libellus franchineus de veris virtutibus Alberti Magni - De - Albert le Grand (ou attribué à), De veris virtutibus [104] Tituli librorum legalium, sacrorum canonum et sacre scipture et nomina doctorum, etc. - Df - liste alphabétique des rubriques des libri legales [105] Textus libri sexti decretalium - Dg - Liber Sextus (extrait non identifiable) [106] Diversa tangentia materiam Turcorum - Dh - textes non identifiables relatifs aux Turcs [107] Repertorium meum commune a littera A usque N - Di - répertoire non identifiable [108] Repertorium simile a littera N usque V inclusive - Dk - répertoire non identifiable [109] Alie consultationis iuris - Dl - textes juridiques non identifiables [110] Repetitio super capitulo Testimonium de testibus (a) ; Tracatus super materia hereticorum (b) ; Tractatus de materia rescriptorum (c) ; Tractatus de interdictis filii Iohannis Andree (d) ; Tractatus de priviligiis et immunitatibus clercicorum (e) ; Tractatus de accusationibus, inquisitionibus et denuntiationibus, etc. (f) - Dm 110.a. Decretales 110.b. non identifiable 110.c. Reportata sur la 4e Décrétale 110.d. Bonicontrus, Tractatus de interdictio 110.e. Bonicontius, Tractatus de priviligiis et immunitate clercicorum 110.f. Bonicontius, Tractatus de accusationibus et inquisitionibus [111] Decisiones rote usque ad numerum 313 - Dn - Decisiones Rotae Romanae [112] Tractatus beati Ieronimi de predestinatione (a) ; Tractatus beati Augustini de vita Christiana (b) - Do 112.a. saint Augustin, De predestinatione sanctorum (?) 112.b. saint Augustin, De vita christiana [113] Tractatus beati Augustini de arte et modo predicandi [sans cote] - saint Augustin, De doctrina christiana [114] Tractatus de prestantia Scipionis Affricani et comparatione eius ad Iulium Cesarem (a) ; Epistole pape Pii ad Machametum principem Turchorum de fide catholica (b) ; Gesta Gotorum in Ytalia (c) ; Tractatus de felicitate (d) - Dp 114.a. Le Pogge, De prestantia Iulii Cesaris et Scipionis Affricani 114.b. Enea Silvio Piccolomini, Epistola ad Machametum principem Turchorum de fide catholica 114.c. Leonardo Bruni, De bello Italico adversus Gothos 114.d. Maffeo Vegio 12, De felicitate et misera ? [115] Provinciale omnium ecclesiarum cathedralium (a) ; Item regule cancellarie 12

Familier de Piccolominaeus durant le pontificat de Nicolas V, Vegius a pu connaître Clopper qui exerçait à la Curie au même moment (Boeren 1949-1951, p. 214, note 199).

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apostolice (b) ; Item certe arenge in licentiatu et doctoratu (c) ; Item de obitu sancti Ieronimi (d) - Dq 115.a. liste des diocèses 115.b. règlements en application dans la chancellerie apostolique 115.c. Johannes Calderinus, Arengae pro doctoribus et licentiatis et baccalaureis (?) 115.d. Isidore de Séville, Vita et transitus beati Jeronimi [116] Epistole alique Petri Blesensis (a) ; Aliquid de historia Ierosolimitana (b) Dr 116.a. Pierre de Blois, Epistolae 116.b. Odoric de Pordenone, Historia peregrinationis (?) [117] Repertorium super distinctionibus Henrici Bohic (a) ; Synonima verborum sive dictionum (b) ; Practica medicorum que utuntur erga infirmos (c) ; Introitus domini nostri ducis (d) ; Nova ordinatio sive constitutio super feudis (e) ; Ordinatio opidi Bruxellensis super divisione sive distinctione hereditatum, etc. (f) - Ds 117.a. répertoire des Distinctiones d’Henri Bohic 117.b. dictionnaire 117.c. Antonio Guaineri, Practica medica (?) ou Nicolao Bertruccio, Ex practica (Boeren 1949-1951, n°208) ? 117.d. Joyeuse entrée 13 117.e. Libri feudorum 117.f. ordonnance bruxelloise du 26 août 1430 sur la mainmorte (?) [118] Parva biblia - Dt - bible [119] Liber anniversariorum - Du - obituaire [120] Prohemia diversa litterarum apostolicarum (a) ; Item alique forme in minori iusticia (b) - Dx 120.a. modèles pour les exordes des lettres pontificales 120.b. modèles de lettres pour les causae minores [121] Forme supplicationum apostolicarum - Dz - modèles pour les suppliques au Saint-Siège [122] Reportata super 5o decretalium a titulo de usuris usque ad finem (a) ; Item super primo a titulo de postulando usque ad finem (b) ; Item alique super 2o decretalium (c) - Ea 122.a. Reportata sur la 5e Décrétale 122.b. Reportata sur la 1ère Décrétale 122.c. Reportata sur la 2e Décrétale [123] Reportata alique super VIo - Eb - Reportata sur la 6e Décrétale [124] Reportata super 2o decretalium a principio usque ad titulum de probationibus - Ec 13

Vu la chronologie de Clopper (ca 1403-1472), son lieu d’activité (Bruxelles) et la précision nostri ducis, il s’agit sans doute de la Joyeuse entrée de Philippe le Bon en Brabant en 1430.

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- Reportata sur la 2e Décrétale [125] Prenosticationes fratris Iohannis de Rupescissa - Ed - Jean de Roquetaillade, Pronosticationes [126] Summula dictaminum - Ee - une Summa dictaminis non identifiable [127] Auctoritates sive proverbia ex textibus iurium collecta - Ef - recueil de citations de législation romaine [128] Sanctus Thomas de regimine principum - Eg - Thomas d’Aquin, De regno ad regem [129] Reportata super 4o decretalium - Eh - Reportata sur la 4e Décrétale [130] Reportata aliqua super 3o decretalium - Ei - Reportata sur la 3e Décrétale [131] Reportata super institutis - Ek - Reportata sur les Instituta [132] Tulius de officiis - El - Cicéron, De officiis [133] Item sextus liber cum glosa Iohannis Andree - Em - Liber Sextus (avec la glose de Jean André) [134] Encheridion beati Augustini (a) ; De vita Christiana Augustinus (b) ; De singularitate clericorum Augustinus (c) ; Sermo super orationem Dominicam Augustini (d) ; Expositio eiusdem super simbolum (e) ; Sermo de ebrietate cavenda eiusdem (f) ; Crisostomus super Miserere mei Deus (g) ; De elevatione mensis in Deum Iohannis Gerson (h) - En 134.a. saint Augustin, Enchiridion ad Laurentium seu de fide, spe et caritate 134.b. saint Augustin, De vita christiana 134.c. saint Augustin, De singularitate clericorum 134.d. saint Augustin, Sermones de oratione dominica 134.e. saint Augustin, Expositio super symbolum (ou De symbolo ad catechumenos) 134.f. saint Augustin (attribué à), De ebrietate 134.g. Jean Chrysostome, homélie sur le psaume Miserere mei Deus 134.h. Jean Gerson, De monte contemplationis (?) [135] Expositiones super psalterium reverendissimi patris domini Iohannis de Turrecremata cardinalis sancti Sixti - Em - Jean de Turrecretama, Expositio super psalmos [136] Liber de magno papiro continens plures tractatus notabiles et singulares Eo - nombre indéterminé de textes non identifiables [137] Suetonius de XII Cesaribus (a) et epithoma Titi Livii a Lucio Floro editum (b) - Ep 137.a. Suétone, De vita XII caesarum 137.b. Lucius Florus, Epitome de Tito Livio [138] Prima pars biblie - Eq - bible (1ère partie) [139] Secunda pars biblie - Er - bible (2e partie)

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[140] Item tractatus de instructione seu directone simplicium confessorum (a) et alius de penitentia (b) - Es 140.a.Jean Gerson, De eruditione confessorum (?) 140.b. Jean Gerson, De confessione (?) ou De absolutione confessionis sacralis (?) [141] Sermones Iohannis Crisostomi de pacientia super Iob (a) ; Item Crisostomus de reparatione lapsi hominis (b) ; Item opusculum tripartitum Iohannis Gerson de preceptis decalogi, de confessione et arte moriendi (c) ; Item conclusiones de diversis materis Iohannis Gerson (d) ; Item tractatus de pollutione nocturna Iohannis Gerson (e) ; Item de pollutionibus diurnis et cognitione castitatis Iohannis Gerson (f) ; Item de forma absolutionis sacramentalis Iohannis Gerson (g) 141.a. Jean Chrysostome, Sermones de patientia super Job 141.b. Jean Chrysostome, De reparatione lapsi 141.c. Jean Gerson, De preceptis decalogi, de confessione et arte moriendi 141.d. Jean Gerson, textes non identifiables 141.e. Jean Gerson, De pollutione nocturna 141.f. Jean Gerson, De pollutione diurna 141.g. Jean Gerson, De absolutione confessionis sacralis [142] Hugo de claustro vite (a) ; Idem de naturis animalium et avium (b) ; Idem super lamentationes Ieremie mistice et moraliter (c) ; Septem libri de doctrina cordis (d) - Eu 142.a. Hughes de Saint-Victor, De claustra animae 142.b. bestiaire non identifiable 142.c. Hughes de Saint-Victor, Super lamentationes Jeremie 142.d. Hughes de Saint-Cher, De doctrina cordis [143] Lectura Cayni super codice - Ex - Cinus de Pistoie, Lectura super Codice [144] Consolatorium timorate conscientie (a) ; De morali lepra (b) ; Sermo sancti Bernardi de beata Maria (c) - Ey 144.a. Jean Nyder, Consolatorium timoratae conscientiae 144.b. Jean Nyder, De morali lepra 144.c. Bernard de Clairvaux, sermon 43 de ses Sermones de sanctis [145] Regule pastorales Gregorii pape (a) ; De officiis beati Ambrosii (b) - Ez 145.a. Grégoire le Grand, Pastorale, sive Regula pastoralis 145.b. Ambroise, De officiis ministrorum

[146] Epistola Pii pape secundi ad Turcum (a) ; Dialogus contra Bohemos et Taboritas (b) ; De fortuna ad dominum Probium militem (c) ; Bulla retractationum, etc. (d) ; De misera curialium (e) ; De origine Prucenorum (f) ; De Livonia (g) ; De bello Turchorum et Hongarorum, in quo ceciderunt rex Polonie et cardinalis sancti Angeli (h) ; Tractatus de origine et officio hyraldorum (i) ; Tractatus ad regem Bohemie Wadislaum (j) ; Epistola laudans poeticam et eam scientie iuris preferens (k) ; De differentia inter scientiam et prudentiam et de poetis (l) ; De laude litterarum (m) ; De duobus amantibus (n)

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146.a. Enea Silvio Piccolomini, Epistola ad Machametum principem Turchorum de fide catholica. Editio princeps : Cologne, Ulrich Zell, vers 1469-1472 (ISTC, ip00696000) 146.b. Idem, Dialogus contra Bohemos atque Thaboritas de sacra communione corporis Christi. Editio princeps : Cologne, Ulrich Zell, après 1472 (ISTC, ip00668000) 146.c. Idem, Epistola ad Procopium de fortuna (?). Editio princeps : s’agirait-il de l’Epistola ad Procopium de fortuna, probablement imprimée à Cologne par l’imprimeur du Dictys (alias Arnold Ther Hoernen), vers 1471 (ISTC, ip00704000) ? 146.d. Idem, Bulla retractationum (26 avril 1463). Editio princeps (conjointe avec le De curialium miseriis epistola) : Cologne, Ulrich Zell, vers 1470 (ISTC, ip00655950) 146.e. Idem, De curialium miseriis epistola. Editio princeps (conjointe avec la Bulla retractationum) : Cologne, Ulrich Zell, vers 1470 (ISTC, ip00655950) 146.f. Idem, De situ et origine Pruthenorum. Editio princeps (conjointe avec le De Livonia, le De officio et origine heraldorum et le De bello Turcorum et Hungarorum) : Cologne, Arnold Ther Hoernen, 1471-1475 (ISTC, ip00745000) 146.g. Idem, De Livonia. Editio princeps (conjointe avec le De situ et origine Pruthenorum, le De officio et origine heraldorum et le De bello Turcorum et Hungarorum) : Cologne, Arnold Ther Hoernen, 1471-1475 (ISTC, ip00745000) 146.h. Idem, De bello Turcorum et Hungarorum. Editio princeps (conjointe avec le De situ et origine Pruthenorum, le De Livonia et le De officio et origine heraldorum) : Cologne, Arnold Ther Hoernen, 1471-1475 (ISTC, ip00745000) 146.i. Idem, De officio et origine heraldorum. Editio princeps (conjointe avec le De situ et origine Pruthenorum, le De Livonia et le De bello Turcorum et Hungarorum) : Cologne, Arnold Ther Hoernen, 1471-1475 (ISTC, ip00745000) 146.j. Idem, Tractatulis ad regem Bohemiae Ladislaum de puerorum educatione. Seule édition avant 1500 : Cologne, Ulrich Zel, vers 1470 (ISTC, ip00691000) 146.k. Idem, De laude poeticae. Editio princeps (conjointe avec le De differentia inter scientiam et prudentiam et de poetis, le De laude litterarum et le Cur libri cumulentur) : Cologne, Imprimeur du Dictys, vers 1470 (ISTC, ip00723000) 146.l. Idem, De differentia inter scientiam et prudentiam et de poetis. Editio princeps (conjointe avec le De laude poeticae, le De laude litterarum et le Cur libri cumulentur) : Cologne, Imprimeur du Dictys, vers 1470 (ISTC, ip00723000) 146.m. Idem, De laude litterarum. Editio princeps (conjointe avec le De differentia inter scientiam et prudentiam et de poetis, le De laude poeticae et le Cur libri cumulentur) : Cologne, Imprimeur du Dictys, vers 1470 (ISTC, ip00723000) 146.n. Idem, De duobus amantibus Euryalo et Lucretia. Editio princeps : Cologne, Ulrich Zell, vers 1469-1470 (ISTC, ip00669500). Ultra prescriptos libros reperti sunt libri sequentes non signati litteris alphabeti prout alii prescripti.

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[147] Primo liber orationum Ciceronis - Cicéron, textes non identifiables [148] Fortalicium fidei (a) cum auctoritatibus utriusque testamenti quedam questio et determinatio eiusdem cum quatuor aliis tractatibus in uno volumine (b) 148.a. Alphonse de Spina, Fortalicium fidei 148.b → e. non identifiable [149] Marcus Tulius Cicero de agraria lege - Cicéron, discours contre des réformes agraires [150] Liber gallicus - texte(s) en français non identifiable(s) [151] Cicero de partitione oratoria (a) cum certis aliis tractatibus (b) 151.a. Cicéron, Partitiones oratoriae 151.b. textes non identifiables [152] Tractatus collectus per magistrum Walterum Buerley Anglicum - Walter Burley, non identifiable (De Vita et moribus philosophorum ?) [153-154] Item duo parva nocturnalia ordinarii Bruxellensis - 2 nocturnaux (à l’usage de Bruxelles) [155] Unum parvum diurnale de tote anno - diurnal [156-157] Breviarium in duobus libris - bréviaire. [158] Breviarium aliud quod dicitur ordinarii Traiectensis - bréviaire (à l’usage d’Utrecht) [159] Ordinarium breviarium in papiro - ordinaire. FERRY de CLUGNY Liste des livres provenant de Ferry de Clugny et déposés par Sixte IV à la Bibliothèque vaticane ; Rome, 26 novembre 1483 (liste établie par le custode Demetrio Guazzelli ; ajouts de Romolo de Mammacini, custode de la Vaticane de 1512 à 1534 ; BAV, ms. Vat. Lat. 3952, fol.86v). Édition et commentaires : de Schryver - Dykmans - Ruysschaert 1989. - Libros hos S.D.N. XXVI Novembri 1483 misit ad bibliothecam quia impressa pars illorum in super armario : alios non impressos in facultatibus suis reposuimus [1] De vita Christi ex papyro in rubeo - Ludolphe de Saxe, Vita Christi = BAV, Inc. S. 39* [2] Prima pars Antonini archiepiscopi Florentini ex papyro in rubeo - Antonin de Florence, Summa theologica = BAV, Inc. S. 35* [3] Secunda pars Antonini archiepiscopi Florentini ex papyro in rubeo - Antonin de Florence, Summa theologica = BAV, Inc. S. 36* [4] Tertia pars Antonini archiepiscopi Florentini ex papyro in rubeo - Antonin de Florence, Summa theologica = BAV, Inc. S. 37*

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[5] Quarta pars summae Antonini archiepiscopi Florentini ex papyro in rubeo - Antonin de Florence, Summa theologica = BAV, Inc. S. 38* [6] Prima pars speculi historiarum Vincentij ex papyro in nigro - Vincent de Beauvais, Speculum historiale (1ère partie). Editio princeps : Strasbourg, Adolf Rusch, 1476-1480 (ou vers 1473 ; ISTC, iv00282000) [7] Secunda pars speculi historiarum Vincentij ex papyro in nigro - Vincent de Beauvais, Speculum historiale (2e partie) [8] Historia scolastica ex papyro in gilbo - Pierre Le Mangeur, Historia scolastica = BAV, Inc. S. 127* [9] De proprietatibus rerum Fratris Bartholomei Anglici ex papyro in gilbo - Barthélemy l’Anglais, De proprietatibus rerum. Editio princeps : Cologne, Imprimeur des Flores Sancti Augustini, vers 1471 (ISTC, ib00131000) [10] Forcelicium fidei ex papyro in gilbo - Alphonse de Spina, Fortalicium fidei. Deux éditions avant 1483 : Strasbourg, Johann Mentelin, avant 1471 (ISTC, ia00539000) et Bâle, Bernhard Richel, avant le 10 mai 1475 (ISTC, ia00540000) [11] Speculum aureum preceptorum fidei ex papyro in gilbo - Henri de Herp, Speculum aureum fidei = BAV, Inc. II 294* [12] Quadragesimale Bertrandi ex papyro in gilbo - Bertrand de La Tour, Quadragesimale (?) [13] Opus quadragesimale fratris Roberti ex papyro in rubeo [barré] - Robertus Caracciolus, Sermones quadragesimales [14] Fernandus Cordubensis de Anatis ad Sixtum papam IIII ex papyro in pavonacio - Fernandus Cordubensis, Tractatus de annatis = BAV, Inc. II 300* [15] Faretra doctorum ex papyro non ligata - Pharetra doctorum et philosophorum = BAV, Inc. S. 147* [16] Preceptorium Magistri Iohanni Nider ex papyro in gilbo - Jean Nyder, Praeceptorium divinae legis [17] Defensio Platonis cardinalis Niceni ex papyro in rubeo - Jean Bessarion, Adversus calumniatorem Platonis 14 [18] Speculum vitae humanae ex papyro in gilbo - Rodericus Zamorensis, Speculum vitae humanae. Editio princeps : Rome, Conrad Sweynheym et Arnoldus Pannartz, 1468 (ISTC, ir00214000) [19] De auctoritate eccclesiastica ex papyro in gilbo - non identifié [20] Nicolaus de Lyra super bibliam solutus ex papyro - Nicolas de Lyre, Postillae [21] De pace et amicitia ex papyro in gilbo 14

La seule édition avant 1483 (qui comprend en outre la Correctio librorum Platonis de legibus dans la version latine de Georges de Trébizonde et le De natura et arte) est parue à Rome chez Conradus Sweynheym et Arnoldus Pannartz avant le 28 août 1469 (ISTC, ib00518000). Tout comme le n°20, ce volume était manquant lors du récolement de Romolo de Mammacini, custode de la Vaticane de 1512 à 1534 (de Schryver - Dykmans - Ruysschaert 1989, p. 246, note 23).

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- non identifié [22] Dictionarium iure canonico et memoriale decreti a fratre Jo. Joannis editum ex membrana in gilbo - Jean de Joncels, Memoriale Decreti = BAV, ms. Vat. Lat. 2680* [23] Decretum ex membrana in rubeo - Decretum = BAV, ms. Vat. Lat. 1373* (?) [24] Clementinae ex memb. in viridi - Clementinae = BAV, ms. Vat. Lat. 1399* [25] Sextus cum apparatu Jo. Andreae ex membrana in viridi - Liber Sextus = BAV, ms. Vat. Lat. 1392* [26] Decretales ex membrana in rubeo - Decretales = BAV, ms. Vat. Lat. 1390* De pace et amicitia ex papyro in albo [barré ; voir n°21] [27] Ceremoniale ex papyro in viridi - Cérémonial. Jean CHARVET Quittance dans la Recette générale des finances ducales ; Lille, juin 1428 (ADN, B 1938, fol.152v). Édition : Paviot 2009, n° 16. - A Jehan Chervet, dit Petit Jehan, clerc de chappelle de mondit seigneur, que icellui seigneur lui a samblablement donné tant pour consideracion de ses services comme pour luy aydier avoir ung breviaire, comme appert par quittance dudit Petit Jehan sur ce, XXIIIJ escuz d’or. - don ducal pour l’achat d’un bréviaire. Jean CHEVROT I. Acte de fondation de la chapelle Saint-Antoine fondée par Chevrot dans la collégiale Saint-Hippolyte de Poligny ; Poligny, 12 janvier 1446 (Lons-leSaunier, Archives départementales du Jura, 12 Gp 9, copie du 9 février 1768 par Tilloloy). Édition : Nys 2006, pp. 87-89, pièce A. Commentaires : Nys 2006. - Premierement, un messel à l’usage de Besançon enlulminé d’or et d’azur. - missel. II. Lettre de Jean Chevrot à Poligny ; Lille, date indéterminée. Édition : Nys 2006, p. 50. Commentaires : Nys 2006. - Chevrot annonce l’envoi d’une librairie à la chapelle en demandant de faire enchaîner les livres de bonnes chaynes de fer pour plus grant seurté. III. Testament ; Lille, 18 janvier 1459 (Tournai, Archives du Chapitre cathédral, Fonds des évêques, FE. 68). Édition : Nys 2006, pp. 89-91, pièce B

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(extraits). Commentaires : Nys 2006. [1-2-3-4-5-6] Item, donnons a Jehan, notre follol, filz desdiz Pierre et Jehenne, et ou cas qu’il iroit de vie a trespas, a l’ung des autres filz notre decret en ung volume (1) et notre decretale en deux volumes (2-3) ; item, une grande et belle bible en parchemin (4) ; item, Boece de Consolacion (5) aussi en parchemin en latin et en francois ensemble le livre intitule Speculum regum (6). 1. Decretum 2-3. Decretales 4. bible 5. Boèce, De consolatione philosophiae 6. Speculum regum non identifiable ; à donner à son filleul Jean. [7-8] Item, donnons a notre dessusdicte eglise de Tournay les deux volumes de saint Augustin de civitate Dei en latin et en francois que nous avons fait escrire et lesquelz sont a Therouenne pour faire contrefaire pour monseigneur d’Utrecht et lesquelz nous lui avons prestez et soit faite diligence de les recouvrer. - saint Augustin, De civitate Dei, version française (= Bruxelles, KBR, mss 9015-9016*). Ce monseigneur d’Utrecht est à identifier avec David de Bourgogne, fils naturel de Philippe le Bon et évêque d’Utrecht depuis 1456. [9-12] Item, a messire Riquier du Bout de la Ville, aussi chanoine de Lille et notre secretaire [...] notre petite bible en parchemin couverte de drap de damas violet (9). Item, le livre de Vita Christi en papier, en trois volumes, couvers de blanc cuir (10-11-12). 9. bible 10-11-12. Vita Christi (de Ludolphe de Saxe ?) ; à donner à son secrétaire, Riquier du Bout de la Ville. IV. Inventaire de la chapelle Saint-Antoine fondée par Jean Chevrot dans la collégiale Saint-Hippolyte de Poligny ; Poligny, 25 juin 1517 (Lons-le-Saunier, Archives départementales du Jura, fonds du chapitre Saint-Hippolyte de Poligny, 12 Gp 67). Édition : Nys 2006, pp. 93-100, pièce D. - Premierement, ung messel à l’usaige de Besancon, enluminez d’or et d’azur. - missel enluminé à l’usage de Besançon. V. Nicolas du Fief, Mémoire pour servir à l’histoire des évêques et de la cité de Tournay ; XVIIe siècle. Édition : Nys 2006, pp. 102-103, pièce E.4. - Item, Speculum historiale in 4 vol, Vita Christi in 2, Guilelmum De Universo et Henricus Bohic in 2 [...]. - Vincent de Beauvais, Speculum historiale - Vita Christi (de Ludolphe de Saxe ?) - Guillaume d’Auvergne, De universo - Henri Bohic, textes non identifiables.

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VI. F.-F. Chevalier, Mémoires historiques sur la ville et seigneurie de Poligny avec des recherches relatives à l’histoire du comté de Bourgogne et de ses anciens souverains et une collection de chartes intéressantes, Lons-le-Saunier, 2 vols, Pierre Delhorme, 17671769. Édition : Nys 2006, pp. 102-103, pièce E.5. - [...] À l’occasion de l’entretien de cette bibliothèque, je remarquerai que cet admirable compatriote avoit fait des envois de plusieurs tonnes de livres richement couverts et reliés, la plupart enluminés de fines couleurs, & dorés sur tranche avec des fermoirs d’argent. Ils périrent preque tous dans l’embrasement & le sac de Polingy en 1638 [...] 15 ; [...] Il joignit à ces immenses libéralités le présent d’une Bibliothèque formée de beaux livres, richement reliés, afin que l’Eglise de Poligny fut conforme en cela à l’Eglise métropolitaine [de Besançon] où il y avoit une bibliothèque commune. Parmi ces livres, il y en avoit de rares, mais cette bibliothèque augmentée par les bienfaits des particuliers périt dans le sac & l’incendie de Poligny en 1638 [...] 16. Louis DOMMESSANT Attesté comme bénéficiaire dans le testament de Marguerite de Bécourt († 1461), épouse d’Hughes de Lannoy ; Lille, 14 juin 1460 (ADN, 16 G 105, n°1143). Édition : de Lannoy 1957, spéc. p. 292. Commentaires : Schnerb 2000 ; Sterchi 2004, spéc. p. 109 ; Schnerb 2007. - Item, je donne et lais à maistre Lois Dommessent ung livre nommé de Bonnes Mœu rs. - Jacques Legrand, Livre des bonnes mœu rs. Edmond de DYNTER R. Stein signale un volume contenant des textes probablement rassemblés et transcrits par de Dynter. Conservé dans la Bibliothèque du Roi à Paris au milieu du XVIIIe siècle, ce ms. sur parchemin et postérieur à 1446 semble aujourd’hui introuvable (Catalogus codicum manuscriptorum Bibliothecae Regiae, IV, Paris, 1477, pp. 177-178 ; Stein 1994, p. 98 et n. 137). Roland L’ESCRIVAIN I. Emprunt à la librairie de Notre-Dame de Paris ; 5 août 1430 (Paris, Arsenal, ms. 852). Édition : Franklin, I, p. 52. Commentaires : Delisle 1868-1881, I, p. 429 ; Bartier 1955-1957, p. 278, n. 1 ; De Keyser 1974, p. 36. - Magister G. Perriere attulit in capitulo librum continentem tres primas decades Titi Livii, quem attulit de libraria ecclesia ; et placet Dominis quod tradatur, titulo commodati, magistro Rolando Scriptori medico, canonico Capellae palatii regalis Parisiensis, pro corrigendo unum suum similem librum, 15

F.-F. Chevalier, Mémoires historiques sur la ville et seigneurie de Poligny avec des recherches relatives à l’histoire du comté de Bourgogne et de ses anciens souverains et une collection de chartes intéressantes, Lons-le-Saunier, chez Pierre Delhorme, 1767-1769, I, p. 113.

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Idem, II, p. 323.

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pro quo tradet vadium competens et cedulam de restitutione intra quindecim dies. - emprunt à la bibliothèque du chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris d’un vol. contenant les 3 premières Décades de Tite-Live afin de corriger son propre exemplaire de ce texte. II. Université de Paris, Collège de Sorbonne, note d’emprunt dans le Diarium Bibliothecae Sorbonae ; 1er avril 1435 (Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 3323, fol.89r). Édition : Vielliard 2000, n°26. Commentaires : De Keyser 1971, p. 373 ; Viellard 2000, pp. 679-680 ; De Keyser 1974, p. 36. - Anno Domini Millesimo CCCCmo XXXIIIIto, die prima aprilis, habuit quendam librum de magna libraria pro magistro Rolando Scriptoris medici, qui liber intitulatur De judiciis astronomie in quo tamen eciam continentur plures libri partiales et sunt in toto XXI codices, pretii VI lb. par., 2° folio et duodenas particulas eorum, penultimo et hec diversitas est propter distantiam loci, pro quo libro dedit in vadium unam taceam argenteam et VI salutos auri quorum unum habemus suspectum quia videtur cupreus, quem librum ex deliberacione aule debet tenere usque ad festum sancti Johannis Baptiste proxime futurum. - emprunt contre gage d’un ms. d’astronomie III. Université de Paris, Collège de Sorbonne, note d’emprunt dans le Diarium Bibliothecae Sorbonae ; 16 avril 1435 (Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 3323, fol.89r). Édition : Vielliard 2000, n°27-28. Commentaires : De Keyser 1971, p. 373 ; De Keyser 1974, p. 36 ; Vielliard 2000, pp. 679-680. - Anno quo supra, die XVI aprilis ante Pascha, habuit quemdam librum de magna libraria in quo continetur primo Antidotarium. Item secretum Petri Hyspani De oculis, et continet in toto decem codices, et hunc habuit pro magistro Rolando Scriptoris, est precii 30 sol., 2° folio postea desicetur, penultimo alumen cum aqua, pro quo libro dedit in vadium duo coclearia argentea habentia duas frasias deauratas et duo salucia aurea ad sommam XVII sol. VIII d. par. pro quolibet, quem potest tenere per quindecim dies . - emprunt de 2 ouvrages de médecine, l’Antidotarius de Jean de SaintAmand (= BNF, ms. lat. 16192*) ainsi que le De oculo de Pierre d’Espagne IV. Université de Paris, Nation anglo-normande, note d’emprunt dans le Liber receptorum Nationis Alemanniae ; entre le 21 septembre 1432 et le 28 mars 1433 (Paris, Archives nationales, H 2587, fol.17r-v). Édition : Auctuarium cartularii 1964, p. 59. Commentaires : De Keyser 1971, p. 373. - Facta congregacione nacionis Almanie aput Sanctum Maturinum anno Domini M° CCCC° 32, mensis Marcii die 21a, super tribus articulis, primus erat ad audiendum compotum receptoris prefati et super ordinacione festivitatis, 2us supplicationibus et injuriis. Quoad primum auditus fuit compotus dicti

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receptoris, et fuit ejus recepta 9 lib. parisis, minus 2 sol. et misia fuit 8 lib. parisis, et ita dictus receptor tenebatur nacioni in duobus sol. paris. Et quia predictus receptor fuit detentus gratus, avatus et recommendatus de suo compoto dum tamen solveret nacioni quando et cicius quo posset habere vinum de suo salario quatuor librarum, quod salarium sibi navio libere dedit, et quia dictus receptor recepit 4 francos ex parte pronvincie ejusdem nacionis pro uno libro concesso magistro Rolando, doctori in Medicinis et canonico in Palacio, cui predictus receptor concessit unum librum de domo provincie in quo continentur commenta Alberti super diversos libros physice, et prefatus magister Rolandus dedit eidem receptori 4 francos in vadio et ira predictus receptor supplicavit quatenus eidem franchi defalcarentur in salario suo, quod nacio annuit, et sibi nacio dedit quitanciam de dictis quatuor francis provincie pro suo salario defalcando [...]. - emprunt contre gage à la Nation anglo-allemande des Commenta Alberti super diversos libros Physice. V. Achat de livres au chapitre Saint-Donatien de Bruges ; Bruges, 1446-1447 (Bruges, Archives épiscopales, Eglise collégiale Saint-Donatien, Série G, n°4, ff.7v-8r). Édition : CCB-I 1997, n°99. [1] Roffredus signatus per A : dominus decanus, IIII lb. XII s. - Roffredus Epiphani Beneventanus, texte non identifiable [2] Decretales signate V : dominus decanus, VII lb. III s. - Decretales [3] Decretum signatum per R : dominus decanus, XV lb. III s. - Decretum [4] Decretales signate per S : dominus decanus, III lb. XII s. - Decretales [5] Codex signatus per XXV : dominus decanus, XXXVI s. - Codex [6] Glosa super psalterio signata per XXI : dominus decanus, VI lb. XII s. - Jean de Turrecretama, Expositio super psalmos (?) [7] Textus IIII euuangeliorum : dominus decanus, III lb. VI s. - Evangiles [8] Decretales signate per N : dominus decanus, III lb. II s. - Decretales [9] Casus decretorum : dominus decanus, XII s. par. - Casus super Decretum [10] Liber oracionum et orarum cum clausulis argenteis : dominus decanus, XLVIII s. - livre de prières. Guillaume FILLASTRE I. Signalé comme acheteur dans le compte d’exécution testamentaire d’Edmond Le Musnier* ; Courtrai, 17 septembre 1476 (Courtrai, Archives de la Ville, Fonds Onze-Lieve-Vrouw, Testamenta). Édition : CCB-I 1997, n°81.

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[1] Item, Francisco Petrarcha de remediis utriusque fortune, vendito reverendo in Christo domino Guillelmo, episcopo Tornacensi, IIII lb. IIII s. - Pétrarque, De remediis utriusque fortunae (voir à Edmond Le Musnier*, n°5) [2] Item, Tullio de officiis (a) et quibusdam aliis (b), eidem vendito pro III lb. 2.a. Cicéron, De officiis ; 2.b. textes non identifiables (voir à Edmond Le Musnier*, n°6) [3] Item, epistola universitatis Tholosonae regi Francie directa, eidem vendita, IIII lb. IIII s. - Epistola universitatis Tolosonae regi Francie directa (voir à Edmond Le Musnier*, n°7) [4] Item, libro magistri Iohannis Gerson de consolatione theologie (a) et quibusdam aliis (b), eidem vendito, III lb. 4.a. Jean Gerson, De consolatione theologiae 4.b. textes non identifiables (voir à Edmond Le Musnier*, n°8) [5] Item, summa Prepositini eidem vendita, L s. - Summa Prepositini (voir à Edmond Le Musnier*, n°9). II. Testament ; Gand, 20 juillet 1473 (Saint-Omer, BM, ms. 753). Édition : Van Steenberghe 1922. Commentaires : Beltran 1995, p. 41, n. 45 ; Vanwijnsberghe 2001, p. 43, n. 269. - Item damus prefato monasterio Sancti Bertini omnes libros nostros qui erunt in eodem monasterio die obitus nostri. - don à l’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer (dont Guillaume Fillastre était abbé commendataire depuis 1448) de tous ses livres qui s’y trouvent. Nicolas FINET Signalé comme acheteur dans le compte d’exécution testamentaire d’Edmond Le Musnier* ; Courtrai, 17 septembre 1476 (Courtrai, Archives de la Ville, Fonds Onze-Lieve-Vrouw, Testamenta). Édition : CCB-I 1997, n°81. - Item, a magistro Iohanne [sic] Finet, elemosinario domine ducisse, pro magno breviario in duabus [sic] voluminibus ad usum Romane ecclesie, LXXII lb. par. - bréviaire (voir à Edmond Le Musnier*, n°24-25). François de GAND Compte d’exécution testamentaire ; Courtrai, après le 19 mai 1462 (Courtrai, Stedelijk Archieven, Fonds Onze-Lieve-Vrouw, Testamenta). Édition : CCB-I 1997, n°80. Commentaires : De Keyser 1971, pp. 355 et 371 ; De Keyser 1972, pp. 143, 145-146, 163-165, 167-168, 494, 496 et 498-499 ; De Keyser 1974, pp. 20, 33 et 45 ; Van Caenegem 1967, pp. 281-282 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. p. 325. - [...] Ce sont les comptes que maistre Pierre de Vlemques, chanoine de leglise de Nostre Dame de Courtray et scelleur de la court espirituelle de Tournay, sire Thomas Caempsaet, presbytre et chapelain de la dicte eglise, et Jehan de le

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Brande, secretaire de la ville de Courtray, comme executeurs du testament de feu venerable et discrete personne maistre François de Gand, presbytre, licenciee en decret et en lois, doyen de la dicte eglise de Nostre Dame en Courtray et conseillier et maistre des requestes de lostel de mon tresredoubté seigneur monseigneur le duc de Bourgoingne, font et rendent par devant pourveues et discretes personnes messeigneurs les doyen et chapitre de la devandicte eglise de tous les biens et receptes dont ilz ont eu la maniance et de tous les dons, legas, despens et mises contenus tant ou dit testament comme aultrement [...]. Sensievent les mises, despence et solucion faictes par les dits executeurs, tant pour lacomplissement du contenu ou dit le testament, comme pour pluiseurs autres debtes, deues par le dit feu maistre François en son vivant et depuis son trespas faictes par les dits hoirs [...]. [1-2-3-4-5-6-7-8] Delivré a leglise de Saint Saulveur de Haerlebeke sa lecture de Bertholy sur le droit escript, dont estoient huyt grans livres, avec tout ce que la dite eglise lui devoit de reste a cause de sa probende [...] pour y fonder son anniversaire. - Bartole, Super corpus juris civilis ; à donner à Saint-Sauveur d’Harelbeke. [9] Baillié et delivré a monseigneur maistre George Nicolay, official de Cambray, toutes les chainures dor et dargent et ung livre de la proprieté des choses, demourees apres le deces de feu maistre François. - Barthélemy l’Anglais, Liber de proprietatibus rerum, version française ; à donner à George Nicolay 17 [10-11-12] Payé et delivré a sire Pauwels Doornart ung petit saultier (10), ung petit breviaire (11) et ung bible metrifié (12), avec une livre de gros pour ce ycy XII lb. 10. psautier 11. bréviaire 12. bible ; à donner à Paul Doornart [13] A sire Jaques Spillart, son plus proche parent, son milleur breviaire, lequel depuis est escheu a sire Adam le Coustre par le trespas du dit messire Jaques. - bréviaire ; à donner à Jacques Spillaert. [14] Delivré a maistre Pierre de Vlemques son livre appellé Petrus de Cressenciis. - Pierre de Crescens, Ruralium commodorum ; à donner à Pierre de Vlemques (voir aussi le préambule du compte d’exécution testamentaire). [15-16] Delivré a sire Thomas Caempsaet son livre de Mandeville (15) avec ung aultre appelé somma Martiniana (16). 15. Jean de Mandeville, Voyages 16. Martin de Troppau, Chronicon pontificum et imperatorum ; à donner à Thomas Caempsaet [17-18-19-20] Delivré aux freres de lobservance de Courtrai sa bible (17), son livre Bernardy ad Eugenium papam (18), la legende dorree (19) et ung petit 17

Né en 1401, il étudie à Bologne (1419-1426) avant de devenir chanoine (1439). Il a été consulté en qualité d’official de l’évêché de Cambrai lors du procès contre les « vaudois » d’Arras en 1460 (Mercier 2006, spéc. p. 75 et suiv.). Il lèguera sa librairie à Notre-Dame de Cambrai par testament du 20 décembre 1469. La BM de Cambrai conserve quelques-uns de ses mss (Muzerelle 2000, passim ; voir aussi Houdoy 1880, p. 85).

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livre contenant pluiseurs sermons sur certaines euvangilles (20). 17. bible 18. Bernard de Clairvaux, De consideratione 19. Jacques de Voragine, Legenda aurea, version française 20. sermons ; à donner aux Franciscains de Courtrai. [21] Delivre a leglise de Nostre Dame de Courtray sa bible ystoriee avec une petite ymaige de Nostre Dame a mettre assez pres de sa sepulture. - bible ; à donner à Notre-Dame de Courtrai [22 → 31] Baillié et delivré a Jaspar du Chine, filz naturel de messire Ghillain du Chine, et en sa presence, le tuxte [sic] du droit civil, assavoir codice (22), FF. vetus (23), FF. novum (24), FF. inforciatum (25), FF. ; item, le petit volume (26) ; Asonis super codice (27) ; item, le decret (28), unes petites decretales (29) ; item, unes clementinnis (30) ; item, deux petis volumes escriptes en papier sur les institutes lesquelz composa sire Jehan de Plathea (31-32). 22. Codex 23. Digestum vetus 24. Digestum novum 25. Inforciatum 26. Parvum volumen 27. Azo, Summa super Codice et Institutis 28. Decretum 29. Decretales 30. Clementinae 31-32. Johannes de Plathea, Commentaire sur les Instituta ; à donner au fils naturel de Ghislain du Cygne (alias Utenzwane) 18. Antoine HANERON Acte de fondation du Collège Saint-Donatien à Louvain ; Louvain, 20 août 1484. Édition : de Schrevel 1883, pp. 21-34. Commentaires : Stein 1937, p. 302 ; IJsewijn-Jacobs 1975, p. 30 ; De Maesschalck 1977, IV, Stichtingen, n°18 ; Van Hoorebeeck 2006b, spéc. p. 327. - Qui ex bursariis vivens, perfecto illius cursu vel ante, ultro collegium dimiserit, dabit ad liberariam [sic] collegij unum librum ex iuris canonici aut civilis Doctoribus ad eius placitum sive discretionum. - extrait de l’acte par lequel Haneron convertit sa demeure en collège administré par la Faculté des arts de l’Université de Louvain. Entre autres dispositions, il institue six bourses pour des étudiants en droit canon. Lors de son départ du Collège Saint-Donatien, chaque boursier devra remettre à la librairie de l’institution un livre de droit.

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Seigneur de Wakken, haut bailli d’Alost et de Geraarsbergen de 1467 à 1477 (Van Rompaey 1967, spéc. p. 616 ; Bessey - Flammang - Lebailly 2008, n°506, 861 et 3011).

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Pierre de HAUTEVILLE I. Testament 19 ; Tournai, 6 août 1418 (Tournai, Archives de la Ville ; détruit en 1940). Édition : CCB-IV 2001, n°165 (voir aussi Vanwijnsberghe 2002, n°95). Commentaires : Vanwijnsberghe 2000, p. 141 et suiv. ; Van Hoorebeeck 2009a, pp. 262-263 ; Vanwijnsberghe 2006b, passim. [1-2] Item je donne a Guerard de Cuinghien, mon beau frere, mes heures (1) que je dis continuelment, aux cloans de ma devise, et I livre de papier, clos en assielles, qui parle de croniques de France et de pluiseurs autres croniques (2). 1. livre d’heures 2. chroniques de France (2.a.) et autres chroniques non identifiables (2.b.) ; à donner à Gérard de Cuinghien, seigneur de Pecq et second époux de Jacqueline, la sœu r de Pierre (I) de Hauteville (Vanwijnsberghe 2000, p. 145 ; Bozzolo - Loyau 1982-1992, n°759). [3] Item je donne a Pierre Soris, procureur en court laye, demorant en Tournay en la rue de Coulongne, I grant livre de papier bien espes, loyé en aisselles, qui contient pluiseurs volumes, c’est assavoir les dits de philosophes (a), Boece de consolation (b), Prudence et Melibee (c), l’eschequier moralizié (d), guide de l’art d’amours (e), les mediations saint Bernard (f), l’orloge de sapience (g), le miroir de chrestinté (h), les cent balades (i) et pluiseurs autres choses. Et commence ainsy : A noble homme Bertrand Aubert de Tarascon, frere Jehan Ferron, etc. et fine ainsy : Sy fine le libre des expositions et significations des songes exposez par Daniel et autres, etc. 3.a. Guillaume de Tignonville, Dits moraux des philosophes 3.b. Boèce, De consolatione philosophiae, version française 3.c. Renaut de Louhans, Prudence et Melibée 3.d. Jacques de Cessoles, Liber de moribus hominum et officiis nobilium ac popularium super ludo scaccorum, version française 3.e. Ovide, Guide de l’art d’amours 3.f. Bernard de Clairvaux, Méditations 3.g. Henri Suso, Horloge de sapience 3.h. Miroir de chrétienté 3.i. Cent ballades (= KBR, ms. 10394-414*) ; à donner à Pierre Soris [4] Item je donne a Bernardin, mon frere, ung aultre livre de papier, le plus espes que j’ay apres le grant, et est le moyen, et y a I quoyer ou deux en parchemin ou est le calendrier en lattin (a) et autres medicines (b). Et prie audit Bernardin qu’il le garde bien et visite, car il y a moult de bonnes choses. Et commence ainsy : Tout ly aucteur quy traittierent de fizique dient, etc. - textes de médecine non identifiables (b) avec un calendrier (a) ; à donner à son frère Bernardin [5-6] Item je donne a messire Jehan Braque, chevalier, l’un de mes executeurs, mon romant de la rose enluminé d’or (5) et mon livre du tresor liez (6), escripts, enluminez et couverts de aisselles, en parchemin. 19

Pierre (I) de Hauteville a établi un autre testament à Lille le 7 septembre 1447 (extraits édités dans Brassart 1884). L’original de ce document n’a pas été retrouvé. Des clauses − où n’apparaît aucun livre − extraites du testament figurent parmi les pièces produites en 1479-1480 par son fils Pierre (II) lors d’un procès qui l’oppose à Simon de Férin (Douai, Archives municipales, BB 68).

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5. Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Roman de la Rose 6. Brunetto Latini, Livre du Trésor ; à donner à Jean Braque II. Inventaire de la librairie de Bourgogne ; Bruges, 1467-1469 (ADN, B 3501123.745 bis, fol.54v). Édition : Barrois 1830, n° 997. - Ung autre livret en papier couvert de parchemin, intitulé au dehors : Livre venu du prince d’Amours, et parle d’Angormie ; comançant au second feullet, Mais quant à moy, et au derrenier, Charlot pour ce que autre renom. - algorisme non identifiable. Corneille HAVELOES Inventaire après-décès ; Bruxelles, 15 avril-12 juillet 1505. (AGR, CC, 28584, ff.54r-63v, 72r, 80a, r-v et 81b). Édition : Compte rendu 1839 (extraits). Commentaires : Van Hoorebeeck 2009a, p. 264. Liste I [fol.54r] [...] Int contoir beneden aen de zaele [...]. Item, een roode saeyen guerdine hangende voere den voirschreven lessenere aen een yseren gheerdeken mitten guerdynringen daer toebehoerende, in welcken lessenere bevonden syn die partyen van boecken hier naevolgende [1] Item ierst eenen grooten geprenten boeck overdect mit rooden ledere geheiten Lucanus in twalssche XX s. - Lucain, Pharsalia, version française. Editio princeps : Paris, Pierre Le Rouge pour Antoine Vérard, 22 décembre 1490 (ISTC, il00312000). [fol.54v] [2] Item Boetius de consolatione philosophiae int walssche geprent ende oic overdect mit rooden ledere XX s. - Boèce, De consolatione philosophiae, version française. Editio princeps : Lyon, Guillaume Le Roy, vers 1483 (ISTC, ib00813400). [3] Item Vitas patrum int latyne geprent gebonden ende overdect als voere XVJ s. - Vitas patrum. Editio princeps : Bruxelles, Frères de la Vie commune, entre 1476 et 1477 (ISTC, ih00197000). [4] Item noch eenen grooten boeck oic overdect gebonden geprent als voere geheiten La mer des histoires XXV s. - La mer des Histoires, vol. I. Editio princeps : Paris, Pierre Le Rouge, 14881489 (ISTC, ir00346000). [5] Item noch eenen grooten boeck geprent ende oick gebonden ende overdect als boven int walssche Jehan Bocache XX s. - Boccace, texte(s) non identifiable(s). Editio princeps : Bruges, Colard Mansion, 1476 ; ISTC, ib00711000). [6] Item noch eenen grooten geprenten boeck int walsche geheiten Ovidius de Methamorphosios ende oick gebonden [fol.55r] ende overdect met rooden leedere XX s.

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- Ovide, Metamorphoses, version française. Editio princeps : Bruges, Colard Mansion, mai 1484 (ISTC, io00184000). [7] Item noch eenen grooten geprenten boeck geintituleert Isidorus Ethimolosiarum ende overdect als vore XV s. - Isidore de Séville, Etymologiae. Editio princeps : Augsbourg, Günther Zainer, 19 novembre 1472 (ISTC, ii00181000). [8] Item noch eenen minderen boek geprent gebonden ende overdect als boven geheiten ende geintituleert Historia bipartita XIJ s. - Cassiodore, Historia tripartita. Editio princeps : Augbourg, Johann Schüssler, vers le 5 février 1472 (ISTC, ic00237000). [9] Item een cleyn geprent boecxken gebonden ende overdect als voere geheiten Gemela vocabulorum vij s. - Gemma vocabulorum (en latin et néerlandais). Editio princeps : Anvers, Thierry Martens, 20 septembre 1494 (ISTC, iv00331000). [10] Item noch een boecxken geheiten Liber de remedio utriusque fortune V s. - Pétrarque, De remediis utriusque fortunae [fol.55v] [11] Item noch een cleyn boecxken geheiten ende geintituleert Sermones Crisostomi X s. - Jean Chrysostome, Sermones [12] Item noch een cleyn boecxken ongesloten maer gebonden in zwerten ledere geheiten Navis stultorum V s. - Sébastian Brant, Das Narrenschiff, version latine [13] Item een cleyn geprent getyde boecxken Ad usum Romanum I s. VJ d. - livre de prières (à l’usage de Rome) [14] Item noch een cleyn boecxken ongesloten maer mit zwerten leedere overdect geheiten Les xxj epistres dovide getranslateert vuyten latyne int franchois IIJ s. - Ovide, Epistolae Heroides [fol.56r] [15] Item noch eenen grooten geprenten boeck overdect mit rooden leedere int walsche geintituleert La mer des histoires XXV s. - La mer des Histoires, vol. II. Editio princeps : Paris, Pierre Le Rouge, 14881489 (ISTC, ir00346000). [16] Item eenen boeck geheyten Prima et secunda pars Anthonini . - Antonin de Florence, Summa theologica (prisé avec le n°17). [17] Item noch eenen boeck geheyten Tertia pars Anthonii IIJ l. - Antonin de Florence, Summa theologica (3e partie ; voir n°16) [18] Item eenen grooten dicken boeck overdect mit rooden leederen geheyten Valerius Maximus int waelsche XXX s. - Valère Maxime, Facta et dicta memorabilia, version française [19] Item noch eenen grooten boeck overdeckt als boven geprent ende

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geintituleert Epistole XIJ pape cum Platina XXIIIJ s. - Bartolomeo Platina, Vitae pontificum. Editio princeps : Venise, Johannes de Colonia et Johannes Manthen, 11 juin 1479 (ISTC, ip00768000). [fol.56v] [20-21-22] Item drie boeckens van Titus Livius XLVIIJ s. - Tite-Live, Ab urbe condita, version française [23] Item noch een middelbaer boecxken overdect met swarten leedere geintituleert Historia de novis festis XVIIJ s. - textes hagiographiques non identifiables [24] Item noch eenen grooten dicken boeck geprent ende geintituleerd Aurea legenda in latyn XVIIJ s. - Jacques de Voragine, Legenda aurea. Editio princeps : Strasbourg, Henrich Eiggestein, avant avril 1472 (ISTC, ij00081000). [25] Item noch een middelbaer boeck gebonden ende overdect als boven ende geintituleert Scolastica historia XVIIJ s. - Pierre Le Mangeur, Historia scolastica [26] Item noch eenen boeck overdect ut supra geheiten Biblia cum concordantiis XLJ s. - bible (avec concordance) [27] Item eenen grooten boeck oick overdect mit roeden leedere geintituleert Liber antiquitatum Josephii - Flavius Josèphe, Antiquitates Judaicae (la note porte sur les n° 27-31). [fol.57r] [28] Item noch eenen grooten boeck gebonden ende overdect als voere geintituleert Josephus de bello Judaico - Flavius Josèphe, De bello Judaico [29] Item noch eenen gelycken ende geintituleert Augustinus de civitate Dei - saint Augustin, De civitate Dei [30] Item noch eenen geheeten Sermones quadragesimales - Robertus Caracciolus, Sermones quadragesimales [31] Item noch eenen geheiten Speculum historiale - Vincent de Beauvais, Speculum historiale [32] Item noch een gebonden boecxken geheiten Stephanus Fliscus (a) daer by zynde Sermones Tulii (b) ongebonden J s. VJ d. 32.a. Stephanus Fliscus, Sententiarum variationes seu Synonima 32.b. Cicéron, Sermones non identifiables [33] Item een cleyn boeckxen geheiten Ortulus animae J s. VJ d. - Hortulus animae. Il pourrait s’agir d’un imprimé (editio princeps : Strasbourg, Wilhelm Schaffener, 13 mars 1498 ; ih00485000). [fol.57v] [34] Item noch een cleyn boecxken geschreven int franchyne geheiten philosophia Moralis IIJ d.

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- Roger Bacon, Moralis philosophia (?) [35] Item een cleyn gescreven boecxken opt franchyne geintituleert Epilogus de quadruplici spirituali J s. - Pierre d’Ailly, De quadruplici exercitio spirituali [36] Item noch een ander cleyn wat dicker boecxken gebonden in rooden leedere ongesloten geheiten Ortulus rosarum in valle lacrymarum etc. gescreven opt franchyne IIJ s. - Thomas a Kempis, Hortulus rosarum [37-38] Item twee brevyren den eenen papieren ende den anderen franchyne beide overdect mit zuemen ledere XX s. 37. bréviaire 38. bréviaire [fol.58r] [39] Item oude gescreven boecxkens in cleynen formate mit berdderen gebonden J s. - non identifiable [40] Item een groot boeck int walsche, ruerende van de gesten van Cournualle beginnende Pour exciter et esmouvoir, etc. in grooten formate tsamen inleedere geschict zonder couvertoire VJ s. - texte français traitant des Gesten van Cornouailles (non identifié) [41] Item Speculum humanae salvationis cum figuris etc. geprent ende in franchyne gebonden IJ s. - Speculum humanae salvationis. Editio princeps : Pays-Bas, 1466-1467 (ISTC, is00656000). [42] Item Liber dyalogorum Gregorii geprent met franchyne overdect ende gebonden IIJ s. - Grégoire le Grand, Dialogii. Editio princeps : Stasbourg, Heinrich Eggestein, vers 1472-1473 (ISTC, ig00399000) [43] Item liber XIX de verbis sermonum (a) ende Historia patrum (b) tsamen mit franchyne [fol.58v] gedect ende gebonden in bastaerde letteren gescreven IIIJ s. 43.a. Liver XIX de verbis sermonum 43.b. Historia patrum [44] Item Compendium bibliae geprent gebonden ende oic overdect als vore IIJ s. VJ d. - Compendium Bibliae [45] Item een oudt boeck van cleynre weerden gescreven ende geheiten Le testament de messire Jehan de Meun etc. VJ d. - Jean de Meun, Testament [46] Item La destruction de Troye le Grand gescreven ende int walsche [barré] gebonden ende oic overdect mit franchyne couvertoire als voere J s. - Histoire de la destruction de Troie la Grant [47] Item een gescreven boeck int walssche [fol.59r] beginnende Du temps du roy Jehan de France J s. - non identifié [48] Item een gescrevenen boeck van cleynre weerden De primis pontificibus imperatoribus etc. VJ d.

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- non identifié [49] Item een walsch rymende boeck gescreven ende beginnende Des aventures me souvient J s. - Jean Froissart, Joli buisson de Jonece [50] Item een dick gescreven boeck mit gheeluwen leedere gedect ende gebonden beginnende Sed per utilem ende schynt eenen vocabularium zynde, IJ s. - dictionnaire [51] Item een ander boeck int walssche gescreven ende int franchyne gebonden [fol.59v] beginnende Cy commenche le [sic] table etc. De rubrices des bonnes mœu rs J s. - Jacques Legrand, Livre des bonnes mœu rs [52] Item een liber Appiani sophiste Alexandrini geprent ende in een franchyne couverture gebonden als voere In historiam romanam IJ s. VJ d. - Appien d’Alexandrie, Historia Romana. Editio princeps : Venise, Bernhard Maler (Pictor), Erhard Ratdolt et Peter Löslein, 1477 (ISTC, ia00928000) [53] Item Ovide De lart damour int walsche glose ende apostille geprent ende gebonden als voere J s. - Ovide, Ars amandi, version française. Aucune édition avant 1500 [54] Item een cleyn boecxken De la description de paradis et denfer gescreven J s. - non identifié [55] Item Vita Alexandri Magni in latyne gescreven VJ d. - Vita Alexandri Magni [fol.60r] [56] Item een gescreven boeck beginnende Tristis est anima mea ende tsurplus in rymen int walsche. 56.a. non identifié 56.b. non identifiable (les 3 lignes de cet item sont barrées). [57] Item Fasciculus temporum (a) enden Facetiae Pogi (b) geprent gebonden ende gedect als voere IIJ s. 57.a. Werner Rolevinck, Fasciculus temporum. Editio princeps : Cologne, Nicolaus Götz, après 1474 (ISTC, ir00253000) ; 57.b. Le Pogge, Facetiae. Editio princeps : Lyon, Johannes Siber, vers 14851487 (ISTC, ia00865900) [58] Item Johannes Bocatius De genealogia deorum etc. geprent gebonden ende gedect als voren IIJ s. - Boccace, De genealogia deorum. Editio princeps : Venise, Vindelinus de Spira, 1472 (ISTC, ib00749000) [59] Item een gescreven boeck van diversche materien int walssche beginnende De la maniere de lemprisonnement J s. - non identifié [60] Item een ander gescreven boeck van diversche materien beginnende Cy commenchent les ditz nouveaulx des philosophes (a) etc.(b) J s. 60.a. Guillaume de Tignonville, Dits moraux des philosophes 60.b. non identifiable [fol.60v] [61] Item een ander boeck geheiten Historia trojana Guidonis de Columpna

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gescreven gebonden ende int franchyne overdect als voere IJ s. - Historia Troiana, mise en prose latine de Guido delle Colonne [62] . - Chroniques des rois de France [63]