L’identite De Jesus Et L’identite De Son Disciple: Le Recit De La Transfiguration Comme Clef De Lecture De L’evangile De Marc 978-3525539514

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L’identite De Jesus Et L’identite De Son Disciple: Le Recit De La Transfiguration Comme Clef De Lecture De L’evangile De Marc
 978-3525539514

Table of contents :
AVANT-PROPOS vii
SOMMAIRE ix
ABRiVIATIONS ET SIGLES xvii
A. POSITION DU PROBLEME 1
А.1. PROBliMATIQUE 1
I. Le concept d'identit6 2
II. Approche psychologique du Nouveau Testament 2
III. Point de d0part dans l'Evangile de Marc 5
IV. Les dtapes du traitement de la problematique 7
A.2. ТНЁОШЕ DU SECRET MESSIANIQUE: PR6SENTATION ET
DISCUSSION 9
A.2.1. ΡΚέΒΕΝΤΑΤΙΟΝ DE LA POSITION DE WREDE 9
I. Une s6rie d'observations 10
1. Les ordres de silence 10
2. Tendance ä rechercher Vincognito 12
3. Jesus enseigne en paraboles 13
II. Le fondement de la theorie 13
III. L'incomprehension des disciples: une thematique distincte.... 14
A.2.2. REPRISES ET CRITIQUES DE LA ТНЁОШЕ DE WREDE 21
1. Hans Jürgen Ebeling : le secret souligne I 'epiphanie
du Fils de Dieu 21
2. Gaetan Minette de Tillesse : le secret, procede
litteraire d'une christologie haute 24
3. Ulrich Luz: ilfaut distinguer 'secret du miracle'
et 'secret messianique' 25
4. Heikki Räisänen : la theorie des paraboles doit etre
distinguie du secret messianique 29
A.2.3. LA RELATION ЁТАВЬ1Е PAR LtiVANGiLISTE AVEC LE
LECTEUR 31
χ
1. Gerd Theissen : rassurer ceux qui maintiennent
secrete leur identiti chritienne 32
2. Takashi Onuki: suspendre le jugement du lecteur sur
l'identitä de Jesus 32
Perspective de travail 34
В. Ь'ГОЕМТГЁ INDIVIDUELLE 39
В.1. DEFINITION DE L'IDENTITE INDIVIDUELLE 39
В. 1.1. EVOLUTION DE LA CONCEPTION DE L'IDENTTrfi
INDIVIDUELLE 39
Phase 1. Augustin: l'interiorite humaine, espace ой l'on
rencontre Dieu 41
Phase 2. La Reforme: valorisation de la vie quotidienne 42
Phase 3. Les Lumieres: l'individu, siege d'un centre
organisateur autonome 44
Articulation entre ces trois aspects 45
В. 1.2. Ь'ГОЕШТГЁ VUE PAR LES SCIENCES HUMAINES 46
I. Identit6 et identification selon la theorie freudienne 48
1. Processus ^identification dans l'hysterie 49
2. Rdle des identifications dans la construction du moi
et du surmoi 49
II. Prolongements psychanalytiques et döveloppementaux 51
1. Soi et conscience de soi 52
2. Part culturelle dans la reprisentation de soi 53
III. Identite individuelle et identite sociale : Qui suis-je ? 54
IV. Identit6 et röle 56
В. 1.3. PERSPECTIVE ANTHROPOLOGIQUE SUR L'IDENTITfi EN
GfiNßRAL 57
I. Quelques döfinitions prealables : Personne, personnalite,
identitö individuelle 59
1. Individu et per sonne. 59
2. Personnalite 60
II. L'identitö individuelle d'un point de vue anthropologique 61
III. L'identit6 individuelle d'un point de vue psychologique 63
IV. Articulation des deux points de vue 63
V. РгоЫёте mithodologique 66
VI. Modele поуаи-рёпрЬёпе de l'identit6 67
B.2. L'IDENTITi INDIVIDUELLE DANS L'ANTIQUITi 71
xi
В .2.1. DIRE L'IDENTOT} PAR L'ORIGINE: NOM ET FILIATION 73
I. Lenom 74
1. Le пот en Grece. 75
2. Le пот ä Rome 76
3. Le пот dans le judai'sme 77
II. La filiation 79
Modes de filiation , 81
B.2.2. LA NOTION DE PERSONNE DANS LES RELIGIONS DE
L'ANTIQUnrä GRECQUE 85
Dans la Grece archai'que et chez Homere 85
Dans la religion grecque 86
1. La religion de la cite 87
2. Le dionysisme 88
3. Les cultes ä mystires 89
4. L'orphisme 91
5. Quelle сарасШ d'autoditermination de la part de
l'individu? 93
B.2.3. L'INVENTION DE L'AUTOBIOGRAPHIE 95
La Vita de Jos6phe ...98
В.2.4. PARLER DE L'AUTRE DANS L'ßLOGE, PARLER DE SOI
DANS LA DfiFENSE 101
B.2.5. DIRE L'IDENTITli: L'ETRE ET LE PARAITRE 106
I. Les trait6s de physiognomonie 106
II. Prisentations et repr6sentations d'individus dans l'art
et la litt6rature 109
III. Le vetement 112
B.2.6. BIOGRAPHIE ET GENRE DE L'fiVANGILE 113
I. La Vita de Josephe 114
II. Les "Vies" de Plutarque 115
III. Les "Vies des Douze empereurs" de Sudtone 116
IV. La "Vie de Moise" de Philon 116
V. Les vies de prophetes de l'Ancien Testament 117
VI. Les 6vangiles synoptiques 119
B.2.7. LIBERT^ INDIVIDUELLE ET CULTURES DE L'HONNEUR
ET DE LA HONTE 123
Comment penser le changement d'identite? 126
B.2.8. MODELES DE L'IDENTITß INDIVIDUELLE 127
1. S'inscrire dans une lignee 127
2. A la recherche des types 128
xii
3. L'interet pour I'exceptionnel 129
4. Le goüt de l'exemplaire 130
5. L'identiti typologique 131
B.3. LE MODELE DE LA PERSONNALHi ORIENTEE VERS LE
GROUPE 135
Origine: les travaux de Bruce J. Malina 135
I. Presentation du modele 136
1. Premiere appellation: personnalite dyadique 137
2. Appellation modifiee: personnalite orientee vers le
groupe 139
3. Quelques references bibliques cities par Malina pour
illustrer son module 142
II. Le modele de la personnalit6 orientee vers le groupe doit
etre complete 145
1. Diviance et "labelling" 145
2. Deviance - eminence 148
3. L'emergence d'une nouvelle identite 149
B.4. LE MODELE DE LA PERSONNALITÄ ОЮЕОТЁЕ VERS UNE
INSTANCE SUPiRIEURE 151
B.4.1. L'INTiRET ET LES LIMITES DU МОБЁЬЕ DE MALINA ET
NEYREY 152
I. L'interet (ou la pertinence) du modele de la personnalite
orientee vers le groupe 152
II. Les limites de l'approche de Malina et Neyrey 153
1. Les divers plans ой est dite l'identite: question de
predominance 154
2. L'identite en transformation: legitimiti de Vinstance qui
redifinit l'identiti. 155
В.4.2. LE MODELE DE LA PERSONNALITTE ORIENTE VERS UNE
INSTANCE SUPERIEURE 158
1. La question du point de vue de l'individu 158
2. Articulation avec le modele noyau-peripherie 161
B.4.3. NiCESSITß DE NE PAS DßVOILER SOI-MEME L'IDENTITfi
NOUVELLE 162
Reinterpretation des ordres de silence donnes par Jesus 165
I. La r6v61ation de l'identite nouvelle de Saül et de David 166
1. Saül 166
2. David.. ! 167
xiii
3. Paralleles avec le divoilement de l'identite de Jesus chez
Marc 168
II. Marc precede aussi comme une personnalite antique 170
С. Ь'ГОЕШТГЁ DE JESUS DANS L'EVANGILE DE MARC 173
С.1. PLAN DE L'EVANGILE DE MARC 173
С. 1.1. LE PLAN DE MARC DANS L'HISTOIRE DE LA RECHERCHE
AU 20eme SIECLE. 173
L'etude du plan de Marc par John G. Cook :
une approche linguistique 178
1. Principaux marqueurs retenus 179
2. Marqueurs et niveaux de communications 180
3. Plan de Marc selon Cook 180
С. 1.2. MISE EN PLACE D'UN PLAN DE L'EVANGILE DE MARC
A L'AIDE DE DESCRIPTEURS 181
I. Methode 181
1. Choix de quelques descripteurs structurantsprincipaux... 181
2; Principes d'application 182
II. Elaboration du plan de l'Evangile de Marc 184
1. Examen des differents descripteurs 184
2. Galilee - Jerusalem: une structure bipolaire 185
С. 1.3. PLAN DE L'EVANGILE DE MARC SERVANT DE CADRE
Ä CETTE ЁТТГОЕ 191
С. 1.4. CONFIRMATION DE СЕ PLAN A L'AIDE DE CRITERES
SUPPLiMENTAIRES 192
I. Le proc6d£ d'inclusion 192
1. L'inclusion au moyen d'une expression langagiere
identique 193
2. L'inclusion au moyen d'unitis narratives thematiquement
semblables 195
II. La triple r6p6tition d'un motif ou d'un r6cit-type 196
III. Le schema de succession et le parallölisme
des enchainements 196
С.1.5. LA PLACE DE LA TRANSFIGURATION DANS LE PLAN DE
L'EVANGILE DE MARC 197
1. La Transfiguration: en chemin entre la Galilee
et Jerusalem 197
2. La Transfiguration joue un rdle de pivot dans le ricit 201
xiv
C.2. IDENTITE DE j6SUS ET TITRES CHRISTOLOGIQUES
CHEZ MARC 205
C.2.1. COMMENTAIRE DU TABLEAU 206
I. Premieres observations 208
1. Le titre "Christ" 208
2. Le titre "Le fils de l'humain" 208
3. Les expressions de la filiation divine 209
II. R6partition des titres dans l'Evangile de Marc 211
C.2.2. ANALYSE БЁТАПХЁЕ DES TITRES CONSIDßRiS 212
I. Χριστός chez Marc 212
"Commander de se taire" 216
II. "FilsdeDieu" 219
1. "Fils de Dieu": un titre pour designer un Θείος άνήρ 219
2. "Fils de Dieu": marque (royale) d'appartenance ä Dieu... 222
III. "Le fils de l'humain" 225
IV. Articulation entre "Le fils de rhumain",
filiation divine et "Christ" 226
1. Un synonyme ou un dquivalent 226
2. Une correction de la christologie du θείος άνήρ 227
3. "Le fils de l'humain": un titre complementaire 230
4. Une correction de la messianite terrestre 231
5. "Fils de Dieu" deргё/егепсе ä tout autre titre 232
C.3. ROLE DE LA TRANSFIGURATION CHEZ MARC 237
C.3.1. GENRE LITTßRAIRE ET FONCTION DU R6CIT DE LA
TRANSFIGURATION 238
I. Approche descriptive 239
1. Le recit de la Transfiguration: un mythe 239
2. Le ricit de la Transfiguration: un recit
d'apparition du Ressusctä 241
3. Le ricit de la Transfiguration: un recit d'epiphanie 246
II. Approche fonctionnelle 248
1. Le recit de la Transfiguration comme anticipation 249
2. Le ricit de la Transfiguration comme ΓένέΙαίϊοη
d'une identiti cachie 251
C.3.2. PARALLfeLES AU RiCIT DE LA TRANSFIGURATION
(MC 9,2-8) 253
1. Une premiere approche: la distinction entre tradition et
ridaction 254
XV
2. Au-delä de la distinction entre tradition et redaction: la
recherches de paralteles antiques 255
I. Paralleles v6t6rotestamentaires 255
1. Paralleles entre Mc 9,2-8 et la tradition
vütirotestamentaire se rapportant a Moise 256
2. Paralleles entre Mc 9,2-8 et la tradition
vätirotestamentaire se rapportant ä Elie 259
3. Traditions veterotestamentaires associant les figures
de Moi'se et Elie 259
4. Paralltles vetirotestamentaires ά Mc 9,2c. 3 260
5. Paralldles vitirotestamentaires ä Mc 9,7 262
6. Synthdse des paralleles vetirotestamentaires 263
II. Paralleles provenant du judai'sme intertestamentaire 263
III. Paralleles provenant du monde pai'en 267
C.3.3. иШЕЫТГГЁ DE jiSUS DANS LE RfiCIT DE LA
TRANSFIGURATION 273
D. LE CHEMINEMENT DE j6SUS PRiSENTi PAR MARC : UN
MODELE AIMITER ? 277
D.I. LES DISCIPLES DANS L'iVANGILE DE MARC 277
I. Disciples: groupe et sous-groupes 277
II. Disciples: connotation positive 280
III. Disciples: connotation n6gative 281
IV. Les interpolations de l'ambivalence de се portrait 283
1. L'interprätation historique 284
2. L'interpretation polimique 285
3. L'interpritation parinütique 287
V. L'6volution du portrait des disciples du гёск 287
D.2. L'IDENTIFICATION DU LECTEUR AVEC LES DISCIPLES 289
Critique de l'application du processus d'identification
ä des textes antiques 290
Incompr6hension des disciples et r6ponse du lecteur 292
1. Persistance de I 'incomprihension des disciples 292
2. La riponse du lecteur ä I'incomprihension des disciples.. 293
D.3. MODELES PROPOSiS AU LECTEUR PAR MARC 295
I. J6sus comme πκ^έΐε 295
II. Des personnages mineurs issus de la foule comme modöles. 297
La place des femmes chez Marc 301
xvi
III. Bilan: quel modele du disciple pour le lecteur? 303
1. Les disciples du ricit. 303
2. Les personnages secondaries issus de la foule 303
3. Jesus 303
E. CONCLUSION 305
Е.1. LE RtCIT DE LA TRANSFIGURATION ET LA
THÜMATIQUE DE Ь'ГОЕШ1ТЁ INDIVIDUELLE 305
I. Le recit de la Transfiguration ёпопсе l'identite veritable
de Jesus 305
II. Le recit de la Transfiguration et l'identite du lecteur 309
E.2. L'INCOMPRlSHENSION DES DISCIPLES ET LE PROJET
DE MARC 311
I. Reprise critique de la position de Wrede 312
II. Christologie: L'6clairage apport6 par l'6tude de l'identit6
individuelle 315
III. L'incompr6hension des disciples: reprise au niveau
r0dactionnel 319
ANNEXES
PLAN ОЁТАПХЁ DE L'6VANGILE DE MARC 325
TABLEAUX 333
I. Tableau synoptique des decoupages de l'Evangile de
Marc proposös par plusieurs commentaires 333
II. Decoupage de l'Evangile de Marc ä l'aide de
descripteurs topographiques 334
III. Fils de Dieu, Christ et Fils de l'humain dans l'Evangile
de Marc 335
IV. ParaMes entre Mc 9,2-8 et Ex 24,9-18 336
V. Parallfcles ä Mc 9,7 337
VI. Les disciples chez Marc: connotations positives et
n6gatives 338
INDEX DES R£F6RENCES AUX (EUVRES DE L'ANTIQUITi 343
BIBLIOGRAPHIE 347

Citation preview

ΝΤΟΑ 50 Pierre-Yves Brandt L'identite de Jesus et l'identite de son disciple

N O V U M T E S T A M E N T U M ET ORBIS ANTIQUUS (ΝΤΟΑ)

Publie au nom du Departement d'etudes bibliques de l'Universite de Fribourg Suisse par MAX KÜCHLER

avec la collaboration de GERD THEISSEN

L'Auteur Pierre-Yves BRANDT, ne ä Bienne, Suisse, en 1959. Maturite scientifique au Gymnase frangais de Bienne (1978), puis etudes de psychologie ä l'Universite de Geneve (licence en psychologie en 1982) ой il devient assistant en logique, psychopedagogie et möthodologie entre 1982 et 1988. Diplome de specialisation en psychologie pedagogique en 1983. Doctorat en psychologie en 1988: La justification par la negative dans 1'argumentation enfantine, Berne: P. Lang, 1989. Assistant de recherche du FNRS au Centre de recherches semiologiques de l'Universitä de Neuchätel de 1988 ä 1990. Plusieurs contributions consacrees ä l'etude de la contre-argumentation publiees dans les Travaux du Centre de recherches semiologiques (Neuchätel). Parallelement, etudes de theologie aux Universit6s de Geneve et de Heidelberg (licence en 1991). Assistant en Nouveau Testament ä Genfeve de 1995 ä 1999. Professeur associö de psychologie de la religion aux Universites de Lausanne et Genöve depuis 1999. Domaines de recherche: l'Evangile de Marc (De l'usage de la frontiäre dans la rencontre entre Jesus et la Syrophönicienne (Mc 7, 24-30), ETR 74,1999,173-188; Brandt P.-Y., Lukinovich Α., L'adresse ä Jösus dans les ävangiles synoptiques, Biblica 82, 2001, 17-50), les notions d'identit6 et de personne (Identite subjective, identite objective: l'importance du nom), Archives de psychologie 65, 1997,187-209).

Novum Testamentum et Orbis Antiquus

Pierre-Yves Brandt

L'identite de Jesus et l'identite de son disciple Le recit de la transfiguration comme clef de lecture de l'Evangile de Marc

Editions Universitaires Fribourg Suisse Vandenhoeck & Ruprecht Göttingen 2002

50

Die Deutsche Bibliothek - CIP-Einheitsaufnahme Brandt, Pierre-Yves: L'identite de Jesus et l'identitö de son disciple: le r6cit de la transfiguration comme clef de lecture de l'Evangile de Marc / Pierre-Yves Brandt. - Fribourg, Suisse: Ed. Univ.; Göttingen: Vandenhoeck und Ruprecht, 2002 (Novum testamentum et orbis antiquus; 50) ISBN 3-7278-1399-7 ISBN 3-525-53951-7

Publie avec l'aide du Conseil de l'Universite de Fribourg Suisse et de la Faculte de Thöologie de l'Universite de Lausanne Les originaux de ce livre prets ä la reproduction ont ete fournis par l'auteur © 2002 by Editions Universitäres Fribourg Suisse Fabrication: Imprimerie Saint-Paul Fribourg Suisse ISBN 3-7278-1399-7 (Universitätsverlag) ISBN 3-525-53951-7 (Vandenhoeck & Ruprecht) ISSN 1420-4592 (Novum Testam. orb. antiq.)

Pour les sceurs de Grandchamp

AVANT-PROPOS

L'ouvrage que voici est le resultat d'une recherche debutee en 1995 et qui a pris la forme d'une these de doctorat en Nouveau Testament soutenue le 15 juin 2001 ä la Facultö autonome de th6ologie protestante de l'Universite de Geneve. Mis ä part la correction de quelques fautes de frappe, le texte publie ici ne comporte qu'une modification qu'il vaut la peine de souligner par rapport au volume portant le т ё т е titre et d6pos6 ä l'Universite de Geneve. Sur le conseil du Professeur Gerd Theissen, j'ai mieux mis en evidence le fait que le modele de la personnalitö antique avec lequel je travaille n'est pas une simple Variante du modele 61abore par Bruce J. Malina et Jerome H. Neyrey. Ces auteurs insistent pour montrer que la personnalite antique n'est pas individualiste mais orientee vers le groupe (group-oriented), encastree (embedded) dans la famille. Appliquöe ä l'6tude de l'identite, cette distinction a le m6rite de mettre le doigt sur l'importance jou6e par les autres dans Гёпопсё de l'identitö individuelle. Le probleme, c'est qu'en identifiant les autres avec le groupe, Malina et Neyrey debouche sur un modele beaucoup trop schematique. II en perd de ce fait une grande partie de sa valeur heuristique. Dans toute soci6t6, l'identitd individuelle sur la base d'un contrat entre l'individu et la collectivitö. Les differences culturelles apparaissent des le moment ой l'on tient compte des differences de Statut parmi ces autres qui constituent la collectivite. Car n'importe quels autres n'ont pas les memes pouvoirs de redefinir l'identit6 d'un individu. C'est sur ce point que la notion de groupe est insuffisante, et т ё т е ä certains 6gards trompeuse, pour designer la specificite des processus constituant l'identite individuelle dans l'environnement culturel dans lequel est ηέ l'Evangile de Marc. Raison pour laquelle j'ai ρτέίέτέ parier d'orientation vers une instance superieure. Par cons6quent, et pour mieux mettre en evidence cette prise de distance th6orique par rapport au modele de Malina et Neyrey, j'ai r6organis6 la partie В de la th£se consacr£e ä l'identitö individuelle et rassemblant sous B.3. ce qui concerne 6a Präsentation du modele de Malina et Neyrey et en reservant B.4. ä la Präsentation du modele concurrent que je propose. Cet ouvrage ne serait pas arrive ä son terme sans le soutien et la confiance que m'a temoignee, tout au long du travail, ma directrice de these, la professeure Petra von Gemünden. Qu'elle en soit ici vivement remerciee. Mes remerciement vont aussi aux deux autres membres de т о п jury de these, les professeurs Enrico Norelli et Gerd Theissen. L'idee de travailler sur l'identitd individuelle dans l'Antiquite m'est venue apres une discussion avec le professeur Theissen au cours de laquelle il m'avait recommande la lecture des

viii

L'identite de Jesus et l'identitd de son disciple

travaux de Malina et Neyrey. Auant au professeur Norelli, j'ai beneficie de ses remarques judicieuses lors de la redaction du projet de these puis ensuite lorsqu'il a bien voulu lire une premiere version de la these. Ma reconnaissance va aussi au professeur Rordorf qui ma'vait invite ä presenter mon projet de these dans un seminaire pour doctorants qu'il animait avec le professeur Michel Grandjean. La vive discussion qui s'ensuivit, au cours de laquelle il d6fendit ardemment le point de vue selon lequel l'Evangile de Marc n'avait aucune intention biographique, m'a habitee tout au long de la redaction de се livre. Plusieurs autres personnes ont contribue, par leur aide ou leur soutien, ä la reussite de cette entreprise. Je ne saurais toutes les mentionner. Je tiens cependant ä remercier tout sp6cialement Marie Cenec qui a pris le temps de relire l'ensemble du texte pour en deloger autant que possible les coquilles et fautes d'orthographes, Jean-Daniel Macchi qui m'a aidö ä manier le traitement informatique du texte pour lui donner sa forme döfinitive prete ä la publication, et les professeurs Max Küchler et Gerd Theissen d'avoir accueilli ce texte dans la collection qu'ils diligent. Enfin, ma gratitude va ä la Facult6 autonome de theologie protestante qui a pris en charge la moiti6 des frais de publication. Geneve, ete 2002

Pierre-Yves Brandt

SOMMAIRE

AVANT-PROPOS

vii

SOMMAIRE

ix

ABRiVIATIONS ET SIGLES

xvii

A. POSITION DU PROBLEME

1

А.1. PROBliMATIQUE

1

I. Le concept d'identit6 II. Approche psychologique du Nouveau Testament III. Point de d0part dans l'Evangile de Marc IV. Les dtapes du traitement de la problematique A.2. ТНЁОШЕ DU SECRET MESSIANIQUE: PR6SENTATION ET DISCUSSION

2 2 5 7 9

A.2.1. ΡΚέΒΕΝΤΑΤΙΟΝ DE LA POSITION DE WREDE I. Une s6rie d'observations 1. Les ordres de silence 2. Tendance ä rechercher Vincognito 3. Jesus enseigne en paraboles II. Le fondement de la theorie III. L'incomprehension des disciples: une thematique distincte....

9 10 10 12 13 13 14

A.2.2. REPRISES ET CRITIQUES DE LA ТНЁОШЕ DE WREDE 1. Hans Jürgen Ebeling : le secret souligne I 'epiphanie du Fils de Dieu 2. Gaetan Minette de Tillesse : le secret, procede litteraire d'une christologie haute 3. Ulrich Luz: ilfaut distinguer 'secret du miracle' et 'secret messianique' 4. Heikki Räisänen : la theorie des paraboles doit etre distinguie du secret messianique

21

A.2.3. LA RELATION ЁТАВЬ1Е PAR LtiVANGiLISTE AVEC LE LECTEUR

21 24 25 29 31

χ 1. Gerd Theissen : rassurer ceux qui maintiennent secrete leur identiti chritienne 2. Takashi Onuki: suspendre le jugement du lecteur sur l'identitä de Jesus Perspective de travail

32 32 34

В. Ь'ГОЕМТГЁ INDIVIDUELLE

39

В.1. DEFINITION DE L'IDENTITE INDIVIDUELLE

39

В. 1.1. EVOLUTION DE LA CONCEPTION DE L'IDENTTrfi

INDIVIDUELLE Phase 1. Augustin: l'interiorite humaine, espace ой l'on rencontre Dieu Phase 2. La Reforme: valorisation de la vie quotidienne Phase 3. Les Lumieres: l'individu, siege d'un centre organisateur autonome Articulation entre ces trois aspects В. 1.2. Ь'ГОЕШТГЁ VUE PAR LES SCIENCES HUMAINES I. Identit6 et identification selon la theorie freudienne 1. Processus ^identification dans l'hysterie 2. Rdle des identifications dans la construction du moi et du surmoi II. Prolongements psychanalytiques et döveloppementaux 1. Soi et conscience de soi 2. Part culturelle dans la reprisentation de soi III. Identite individuelle et identite sociale : Qui suis-je ? IV. Identit6 et röle В. 1.3. PERSPECTIVE ANTHROPOLOGIQUE SUR L'IDENTITfi EN GfiNßRAL I. Quelques döfinitions prealables : Personne, personnalite, identitö individuelle 1. Individu et per sonne. 2. Personnalite II. L'identitö individuelle d'un point de vue anthropologique III. L'identit6 individuelle d'un point de vue psychologique IV. Articulation des deux points de vue V. РгоЫёте mithodologique VI. Modele поуаи-рёпрЬёпе de l'identit6 B.2. L'IDENTITi INDIVIDUELLE DANS L'ANTIQUITi

39 41 42 44 45 46 48 49 49 51 52 53 54 56 57 59 59 60 61 63 63 66 67 71

xi В .2.1. DIRE L'IDENTOT} PAR L'ORIGINE: NOM ET FILIATION I. L e n o m 1. Le пот en Grece. 2. Le пот ä Rome 3. Le пот dans le judai'sme II. La filiation Modes de filiation , B.2.2. LA NOTION DE PERSONNE DANS LES RELIGIONS DE L'ANTIQUnrä GRECQUE Dans la Grece archai'que et chez Homere Dans la religion grecque 1. La religion de la cite 2. Le dionysisme 3. Les cultes ä mystires 4. L'orphisme 5. Quelle сарасШ d'autoditermination de la part de l'individu? B.2.3. L'INVENTION DE L'AUTOBIOGRAPHIE La Vita de Jos6phe В.2.4. PARLER DE L'AUTRE DANS L'ßLOGE, PARLER DE SOI DANS LA DfiFENSE

73 74 75 76 77 79 81 85 85 86 87 88 89 91 93 95 ...98 101

B.2.5. DIRE L'IDENTITli: L'ETRE ET LE PARAITRE I. Les trait6s de physiognomonie II. Prisentations et repr6sentations d'individus dans l'art et la litt6rature III. Le vetement

106 106

B.2.6. BIOGRAPHIE ET GENRE DE L'fiVANGILE I. La Vita de Josephe II. Les "Vies" de Plutarque III. Les "Vies des Douze empereurs" de Sudtone IV. La "Vie de Moise" de Philon V. Les vies de prophetes de l'Ancien Testament VI. Les 6vangiles synoptiques

113 114 115 116 116 117 119

B.2.7. LIBERT^ INDIVIDUELLE ET CULTURES DE L'HONNEUR ET DE LA HONTE Comment penser le changement d'identite?

123 126

B.2.8. MODELES DE L'IDENTITß INDIVIDUELLE 1. S'inscrire dans une lignee 2. A la recherche des types

127 127 128

109 112

xii

3. L'interet pour I'exceptionnel 4. Le goüt de l'exemplaire 5. L'identiti typologique B.3. LE MODELE DE LA PERSONNALHi ORIENTEE VERS LE GROUPE Origine: les travaux de Bruce J. Malina Presentation du modele 1. Premiere appellation: personnalite dyadique 2. Appellation modifiee: personnalite orientee vers le groupe 3. Quelques references bibliques cities par Malina pour illustrer son module II. Le modele de la personnalit6 orientee vers le groupe doit etre complete 1. Diviance et "labelling" 2. Deviance - eminence 3. L'emergence d'une nouvelle identite I.

B.4. LE MODELE DE LA PERSONNALITÄ ОЮЕОТЁЕ VERS UNE INSTANCE SUPiRIEURE B.4.1. L'INTiRET ET LES LIMITES DU МОБЁЬЕ DE MALINA ET NEYREY I. L'interet (ou la pertinence) du modele de la personnalite orientee vers le groupe II. Les limites de l'approche de Malina et Neyrey 1. Les divers plans ой est dite l'identite: question de predominance 2. L'identite en transformation: legitimiti de Vinstance qui redifinit l'identiti. В.4.2.

LE MODELE DE LA PERSONNALITTE ORIENTE VERS UNE INSTANCE SUPERIEURE 1. La question du point de vue de l'individu 2. Articulation avec le modele noyau-peripherie

B.4.3. NiCESSITß DE NE PAS DßVOILER SOI-MEME L'IDENTITfi NOUVELLE Reinterpretation des ordres de silence donnes par Jesus I. La r6v61ation de l'identite nouvelle de Saül et de David 1. Saül 2. David.. !

129 130 131 135 135 136 137 139 142 145 145 148 149 151

152 152 153 154 155 158 158 161 162 165 166 166 167

xiii

3. Paralleles avec le divoilement de l'identite de Jesus chez Marc 168 II. Marc precede aussi comme une personnalite antique 170 С. Ь'ГОЕШТГЁ DE JESUS DANS L'EVANGILE DE MARC

173

С.1. PLAN DE L'EVANGILE DE MARC

173

С. 1.1. LE PLAN DE MARC DANS L'HISTOIRE DE LA RECHERCHE AU 20eme SIECLE. L'etude du plan de Marc par John G. Cook : une approche linguistique 1. Principaux marqueurs retenus 2. Marqueurs et niveaux de communications 3. Plan de Marc selon Cook

178 179 180 180

С. 1.2. MISE EN PLACE D'UN PLAN DE L'EVANGILE DE MARC A L'AIDE DE DESCRIPTEURS I. Methode 1. Choix de quelques descripteurs structurantsprincipaux... 2 ; Principes d'application II. Elaboration du plan de l'Evangile de Marc 1. Examen des differents descripteurs 2. Galilee - Jerusalem: une structure bipolaire

181 181 181 182 184 184 185

С. 1.3. PLAN DE L'EVANGILE DE MARC SERVANT DE CADRE Ä CETTE ЁТТГОЕ

191

С. 1.4. CONFIRMATION DE СЕ PLAN A L'AIDE DE CRITERES SUPPLiMENTAIRES I. Le proc6d£ d'inclusion 1. L'inclusion au moyen d'une expression langagiere identique 2. L'inclusion au moyen d'unitis narratives thematiquement semblables II. La triple r6p6tition d'un motif ou d'un r6cit-type III. Le schema de succession et le parallölisme des enchainements С.1.5. LA PLACE DE LA TRANSFIGURATION DANS LE PLAN DE L'EVANGILE DE MARC 1. La Transfiguration: en chemin entre la Galilee et Jerusalem 2. La Transfiguration joue un rdle de pivot dans le ricit

173

192 192 193 195 196 196 197 197 201

xiv

C.2. IDENTITE DE j6SUS ET TITRES CHRISTOLOGIQUES CHEZ MARC

205

C.2.1. COMMENTAIRE DU TABLEAU I. Premieres observations 1. Le titre "Christ" 2. Le titre "Le fils de l'humain" 3. Les expressions de la filiation divine II. R6partition des titres dans l'Evangile de Marc

206 208 208 208 209 211

C.2.2. ANALYSE БЁТАПХЁЕ DES TITRES CONSIDßRiS I. Χριστός chez Marc "Commander de se taire" II. "FilsdeDieu" 1. "Fils de Dieu": un titre pour designer un Θείος άνήρ 2. "Fils de Dieu": marque (royale) d'appartenance ä Dieu... III. "Le fils de l'humain" IV. Articulation entre "Le fils de rhumain", filiation divine et "Christ" 1. Un synonyme ou un dquivalent 2. Une correction de la christologie du θείος άνήρ 3. "Le fils de l'humain": un titre complementaire 4. Une correction de la messianite terrestre 5. "Fils de Dieu" deргё/егепсе ä tout autre titre

212 212 216 219 219 222 225

C.3. ROLE DE LA TRANSFIGURATION CHEZ MARC C.3.1. GENRE LITTßRAIRE ET FONCTION DU R6CIT DE LA TRANSFIGURATION I. Approche descriptive 1. Le recit de la Transfiguration: un mythe 2. Le ricit de la Transfiguration: un recit d'apparition du Ressusctä 3. Le ricit de la Transfiguration: un recit d'epiphanie II. Approche fonctionnelle 1. Le recit de la Transfiguration comme anticipation 2. Le ricit de la Transfiguration comme ΓένέΙαίϊοη d'une identiti cachie

226 226 227 230 231 232 237 238 239 239 241 246 248 249 251

C.3.2. PARALLfeLES AU RiCIT DE LA TRANSFIGURATION (MC 9,2-8) 253 1. Une premiere approche: la distinction entre tradition et ridaction 254

XV

2. Au-delä de la distinction entre tradition et redaction: la recherches de paralteles antiques I. Paralleles v6t6rotestamentaires 1. Paralleles entre Mc 9,2-8 et la tradition vütirotestamentaire se rapportant a Moise 2. Paralleles entre Mc 9,2-8 et la tradition vätirotestamentaire se rapportant ä Elie 3. Traditions veterotestamentaires associant les figures de Moi'se et Elie 4. Paralltles vetirotestamentaires ά Mc 9,2c. 3 5. Paralldles vitirotestamentaires ä Mc 9,7 6. Synthdse des paralleles vetirotestamentaires II. Paralleles provenant du judai'sme intertestamentaire III. Paralleles provenant du monde pai'en C.3.3. иШЕЫТГГЁ DE jiSUS DANS LE RfiCIT DE LA TRANSFIGURATION

255 255 256 259 259 260 262 263 263 267 273

D. LE CHEMINEMENT DE j6SUS PRiSENTi PAR MARC : UN MODELE AIMITER ?

277

D.I. LES DISCIPLES DANS L'iVANGILE DE MARC

277

I. Disciples: groupe et sous-groupes II. Disciples: connotation positive III. Disciples: connotation n6gative IV. Les interpolations de l'ambivalence de се portrait 1. L'interprätation historique 2. L'interpretation polimique 3. L'interpritation parinütique V. L'6volution du portrait des disciples du гёск D.2. L'IDENTIFICATION DU LECTEUR AVEC LES DISCIPLES Critique de l'application du processus d'identification ä des textes antiques Incompr6hension des disciples et r6ponse du lecteur 1. Persistance de I 'incomprihension des disciples 2. La riponse du lecteur ä I'incomprihension des disciples.. D.3. MODELES PROPOSiS AU LECTEUR PAR MARC

277 280 281 283 284 285 287 287 289 290 292 292 293 295

I. J6sus comme πκ^έΐε 295 II. Des personnages mineurs issus de la foule comme modöles. 297 La place des femmes chez Marc 301

xvi

III. Bilan: quel modele du disciple pour le lecteur? 1. Les disciples du ricit. 2. Les personnages secondaries issus de la foule 3. Jesus

303 303 303 303

E. CONCLUSION

305

Е.1. LE RtCIT DE LA TRANSFIGURATION ET LA THÜMATIQUE DE Ь'ГОЕШ1ТЁ INDIVIDUELLE

305

I. Le recit de la Transfiguration ёпопсе l'identite veritable de Jesus II. Le recit de la Transfiguration et l'identite du lecteur E.2. L'INCOMPRlSHENSION DES DISCIPLES ET LE PROJET DE MARC I. Reprise critique de la position de Wrede II. Christologie: L'6clairage apport6 par l'6tude de l'identit6 individuelle III. L'incompr6hension des disciples: reprise au niveau r0dactionnel

305 309 311 312 315 319

ANNEXES PLAN ОЁТАПХЁ DE L'6VANGILE DE MARC

325

TABLEAUX

333

I. Tableau synoptique des decoupages de l'Evangile de Marc proposös par plusieurs commentaires II. Decoupage de l'Evangile de Marc ä l'aide de descripteurs topographiques III. Fils de Dieu, Christ et Fils de l'humain dans l'Evangile de Marc IV. ParaMes entre Mc 9,2-8 et Ex 24,9-18 V. Parallfcles ä Mc 9,7 VI. Les disciples chez Marc: connotations positives et n6gatives

333 334 335 336 337 338

INDEX DES R£F6RENCES AUX (EUVRES DE L'ANTIQUITi

343

BIBLIOGRAPHIE

347

ABREVIATIONS ET SIGLES

I //

I er , 2 e all. angl. ap. AT augm. c.-ä-d. chap. cf. 6d dds 6d. esp. fran;. ЬёЬ. infra ital. J.-C. LXX NT p. par. pers. p.ex. reprod. τέν. s ss s. supra sing. TOB v. vol.

lorsqu'une citation tir6e d'un ouvrage chevauche un changement de page, ce signe indique oü se situe le passage d'une page ä l'autre dans la citation. parallele (söpare deux ref6rences bibliques consid6r6es comme paralleles ou suit la mention d'un passage d'un 0vangile synoptique pour renvoyer aux paralleles synoptiques). premier, deuxiöme... allemand anglais aprös Ancien Testament augment6 c'est-ä-dire chapitre confer, voir dditeur dditeurs ddition espagnol franfais ЬёЬгеи ci-dessous italien J6sus-Christ La Septante Nouveau Testament page ou pages paraMes personne par exemple reproduction r6vis6 et suivant (cette abrdviation est ассо1ёе ä un nombre; elle renvoie au verset ou ä la page qui suit le verset ou la page mentionnd). et suivants (cette abrdviation est ассо1ёе ä un nombre; elle renvoie aux versets ou aux pages qui suivent le verset ou la page mentionnd). siöcle ci-dessus singulier Traduction cecumdnique de la Bible verset volume

xviii

Abreviations et sigles

CEuvres de l'Antiquite Pour les livres bibliques, cf. les abrdviations de la TOB. Pour les autres oeuvres de l'Antiquitö, cf. les abröviations dans la bibliographie. Pour Celles qui n'y sont pas mentionndes, voir: Pour les auteurs grecs : cf. les abr£viations contenues dans: LIDDELL, Henry G., & SCOTT, Robert, A Greek-English lexicon, Oxford: Clarendon, 1996 ^ d . 1940 Γέν. et augm. par Henry S. Jones avec un suppldment τένΐβέ en 1996). Pour les auteurs latins :

cf. les abr6viations de GAFFIOT, Fdlix, Dictionnaire Paris: Hachette, 1934.

Latin-Frangais,

En plus, nous mentionnons: 1 Hen 1QM 1QS IQSb 2 Bar 4 Esd

4Q 4M PGM PsSal T. Aser T. Benj. T. Nephtali

1 Henoch, арре1ё aussi Henoch ithiopien Reglement de la Guerre Regle de la Communaute Livre des benedictions (annexe ä la Rigle de la Communaute) Apocalypse syriaque de Baruch IV Esdras document trouvd ä Qumran dans la grotte 4 ("4Q" est suivi du num6ro du fragment) 4 Maccabees Papyri grecs magiques Psaumes de Salomon Testament d'Aser Testament de Benjamin Testament de Nephtali

Sigles Pour tout renseignement supplömentaire sur les collections et les revues, on se r6f6rera au volume de la TRE intitul6 "Abkürzungsverzeichnis" paru en 1993. Ce volume constitue la deuxiäme ddition remani6e de SCHWERTNER, Siegfried, Internationales Abkürzungsverzeichnis für Theologie und Grenzgebiete (abr6g6 IATG ).

A. POSITIO N DU PROBLEME

А.1. PROBLÄMATIQU E

L'6tude qu e voic i a pou r objecti f d'opere r un e lectur e d e l'Evangil e d e Marc d'u n point de vue anthropologique, e t tout specialemen t psychologique . Quand nou s lison s l'evangile , nou s l'interpreton s spontanemen t e n fonctio n de notre conception d e l'etre humain. Mai s rien n e garantit que cette concep tion soi t l a mem e qu e cell e qu e l'evangelist e partageai t ave c se s destinatai res1. I I s'agir a don e pou r commence r d e precise r quell e es t l'anthropologi e sous-jacente a u text e evangeliqu e pou r voi r ensuit e que l eclairag e cel a ap porte ä la comprehensio n d e l'Evangil e d e Marc tan t su r l e plan christologi que qu e su r l e pla n d u proje t redactionne l d e l'6vangeliste . Cec i nou s ame nera ä reconnaitre l e röle-clef jou6 pa r l e r6ci t d e la Transfiguration pou r l a comprehension d e l'identit6 de J6sus dans l'Evangile de Marc. Pour precise r l'anthropologi e sous-jacent e ä l'evangile, nou s avon s chois i de nou s concentre r su r l a notio n d e personn e et , plu s precisement , su r l a conception d e l'identite individuelle qui domine dans le bassin mediterranee n au 1e r siecle de notre ere 2. Apres un e breve entr6e e n matier e su r l e concep t d'identitö e t su r le s difficulte s posees pa r un e approch e psychologiqu e d u Nouveau Testament , nou s indiqueron s commen t l e reci t d e l a Transfigura tion s'est trouv6 d'embl6e au point de d6part de notre enquete sur le theme d e l'identit6 individuell e dan s l'Evangil e d e Mar c e t nou s brosseron s ä grand s traits la maniere dont nous nous proposons de traiter cette problematique . ' C'es t tout e ['interrogatio n sous-jacent e ä l a dömarch e d e l a Psychologi e historique . In d6pendamment d e l a question d e savoi r s'i l es t possibl e d'ölabore r un e psychologi e his torique au sens stric t (c'est-ä-dir e indöpendammen t d e la question de savoir s i le s шёЛо des d e l a psychologi e son t applicable s hor s d'un e situatio n o ü l e psychologu e es t e n pr6sence des sujets humains qu'il observe) , o n peut se r6f6rer ä ce propo s aux travaux pu bli6s pa r Ignace Meyerso n su r le Лёше d e l a personne. Cf. auss i vo n GEMÜNDEN , Petra, La culture des passion s ä l'dpoque du Nouveau Testament . Un e contributio n th6ologiqu e et psychologique, ETR 70 (1995) 335-348 ; et ce qu'elle dit de la psychologie historique . 2

Dan s cette entreprise, je m e reconnais beaueoup d'affinitds avec Jean-Pierre Vernant qui a adoptd cett e attitud e dan s l e cadr e d e se s travau x consacrd s ä la Grfec e ancienne (cf. se s publications citöes en bibliographie). Cf . aussi L. Gernet, J. Redfield, B. Gladigow .

2 I. LE CONCEPT D'IDENTITE Aborder с е chapitr e particulie r d e l'anthropologi e qu'es t l'identit e indivi duelle revien t ä situe r d'emble e l'etr e humai n e n relation : l'identit e es t attri buee o u re^ue , ressenti e sino n persue . Ell e inscrit l'etr e humai n dan s s a rela tion ä autrui , ä l'imag e qu'i l a d e soi , ou , a u minimum , a u sentimen t d'etre . D'un poin t d e vu e psychologique , l a perceptio n d e l'identit e individuell e depend d e l a conscienc e d e so? . U n auteu r comm e Eri k H . Erikso n a tre s bien montr e qu'identit e interieur e e t identit e social e s e developpen t ensem ble. Autremen t dit , l'identit e individuell e s'elabor e e n relatio n ave c l'envi ronnement dan s leque l es t plong e l'individu . Tout e l a question , pou r notr e propos, v a etr e d e savoi r commen t son t pondere s l'u n pa r rappor t ä l'autr e sentiment intern e et regard des autres . Considerer l'etr e humai n d'u n poin t d e vu e relationne l m e parai t plu s dy namique qu e d e cherche r seulemen t ä e n construir e u n model e d u styl e corps/esprit qu i risque tre s vite de renvoyer ä des questions de "nature " ou d e "substance" dej ä si discutees. J' y voi s done un aspec t prometteur pou r renou veler notre discours su r l'humain e n theologie chretienne. L'objecti f qu i est le mien restant bie n d e dire le mystere d e l'incarnation d e maniere plu s adapte e ä notre epoque, sans trahir les textes qui nous l'ont revele ! II. APPROCHE PSYCHOLOGIQUE DU NOUVEAU TESTAMENT 4 Si l'o n consider e le s risque s inherent s ä l'entrepris e propos6e , l e dange r principal es t d e projete r su r le s ecrit s d u Nouvea u Testamen t de s categorie s qui leu r son t etrangeres . L a difficult e comporte deu x versants : l e fai t que l e recit evangeliqu e n' a pa s et e ecri t pou r nou s parie r d e l a psychologi e de s personnages qu'i l me t e n scen e e t l'applicatio n d e catigorie s moderne s ä u n ecrit antique . Tout d'abord , done , le s texte s neotestamentaire s n'on t pa s et e ecrit s pou r nous fourni r des renseignement s psychologique s o u sociologique s relatif s a ceux don t il s parlent. D e с е fait, s'interesser ä l'identite individuelle e n lisan t 3

A

4

Le

propo s d'un e conceptio n modern e d e l'identit e e n psychologie , voi r A . Mucchiell i qu i contient un e bibliographi e de s ouvrage s centraux ; pou r u n modfel e anthropologiqu e d e l'identit6, j e m'inspir e d e MUCCHIELLI , Alex , L'identite, Paris : PUF , 198 6 ains i qu e du modfele pr6sentä pa r M. Schuste r (cf. bibliographie) . s travau x qu i adopten t un e perspectiv e psychanalytiqu e son t asse z connu s dan s l e monde francophone . Citon s le s nom s d e Loui s Beirnaert , Franijois e Dolto , Dominiqu e Stein o u Antoin e Vergote . Mai s le s approche s psychologique s d u text e bibliqu e son t beaucoup plu s variee s qu e l a seul e perspectiv e psychanalytique . O n e n trouver a u n histo rique trö s complet accompagn 6 d'un e riche bibliographi e dan s l'ouvrag e rdcen t de LEINER , Martin, Psychologie und Exegese: Grundlagen einer textpsychologischen Exegese des Neuen Testaments , Gütersloh : Kaiser , Gütersloher Verlagshaus , 1995 .

Problematique

3

ces texte s peu t tre s vit e mene r ä un e form e d e "psychologisation " de s per sonnages d u recit . C e risqu e es t encor e amplifi e s i l'o n s'imagin e pouvoi r reconstituer l a personnalite humain e particulier e d e Jesus o u d e ses disciple s ä parti r de s evangiles . C'es t ains i qu e l a traditio n soufi e n'hesitait pas , sem ble-t-il, ä classe r Jesu s dan s u n de s neuf s types d e l a caracteriologi e qu'ell e avait developpee 5. C'es t ains i egalemen t qu e de s auteur s d u debu t d u siecl e se sont interesse s ä la Psychologie d e Jesus e t ont cr u pouvoi r l a reconstitue r ä parti r des textes evangdliques . Parm i eux , l'abb e Louis-Claud e Fillio n peu t decrire Jesus comm e u n "profon d penseur" 6 a u calme admirabl e e t aux emo tions noble s e t saintes 7 demeurant , quo i qu'i l advienne , "maitr e d e se s paro les e t de se s actes" 8. La suit e de la description vante , entr e autres , so n humi lite, s a patience , s a volont e san s faille . D e meme , Theodor e Flourno y re grettant d e ne pouvoir fair e "une etude psychologiqu e complet e d u caracter e humain d e J6sus" 9 s e contente d e souligne r so n heroi'sme , so n intelligenc e e t sa generosite 10. O n n'aur a pa s d e pein e ä reconnaitr e ic i l'enumeratio n d e quelques trait s attribue s traditionnellemen t au x saints" . A l'inverse , cel a peut donne r un e presentatio n auss i delirant e qu e cell e d e psychanalystes , r6putes pa r ailleur s mai s san s conscienc e d e l a distanc e culturelle , qu i peu vent declare r : "Le fonctionnemen t psychiqu e d u Chris t tien t ä s a structur e elle-meme e t a u fai t qu e so n idea l narcissiqu e es t s a propr e personne . L e Christ possede u n Moi defaillan t et hesitant." 12 L a manier e don t o n abouti t a ces resultats relev e cependan t d'un e mepris e ca r on interpret e c e qui nou s es t 5

C'est , du moins , c e qu e rapporten t ROHR , Richard, & EBERT , Andreas, Das Enneagramm: Die 9 Gesichter der Seele, München : Claudius , 1989 , p.70 . "Enneagramm " es t l a ddsigna tion modern e donnde ä une typologie d e l'äme humaine d6velopp6e depui s l e 15em e siecl e au moin s pa r des maitre s spirituel s soufi s et арре1ё е pa r eux "visag e d e Dieu" . L'aspec t l e plus intdressan t d e cett e caractdriologi e es t so n cöt e dynamique : o n peu t s e rigidifie r dan s ce qui nou s caract0rise , mai s o n peu t auss i s'ouvri r ä d'autre s aspects , e n particulie r e n prenant conscienc e de s trait s caract6ristique s du typ e auque l o n appartient . O n pourrai t ainsi compense r c e qu'il s peuven t avoi r d'extrem e e n intögran t de s trait s caractdristique s des autre s types . Selo n ce s maitre s soufis , Jesu s aurai t reuss i cett e integratio n desird e de s neufs types du systöme .

6

FILLION , Louis-Claude, La personnalite humaine de Jesus-Christ, Paris : L e Laurier , 1995 , p.18 (Extrai t de so n I i vre Vie de Notre-Seigneur Jesus-Christ par u en 1921) .

7

Fillion

, Personnalite humaine, p . 11.

8

Fillion

, Personnalite humaine, p . 12.

9

FLOURNOY p.29.

10

, Theodore, Le genie religieux (1904) , Saint-Blais e : Foyer solidariste , 4 1911,

Flournoy , Le genie religieux, p.29-56 .

" Alber t Schweitzer , dan s s a Geschichte der Leben-Jesu-Forschung, fai t 6ta t d e l'approch e de Karl Weidel qu i v a tout ä fait dans le meme sen s (p.580-58 2 d e l a 5ёше 6dition) . 12

GRUNBERGER , Вё1а , & DESSUANT , Pierre , Narcissisme, christianisme, essai, Arle s : Actes Sud , 1997 , p.84 .

antisimitisme

:

4

L'identitö de J6sus et l'identite de son disciple

dit d e Jesu s dan s le s evangile s ä parti r d'un e conceptio n modern e d e l'individu e t de sa psychologie. Dans le s cas ой I'on croi t pouvoir souligne r l a psychologie exceptionnell e de Jesus , l a mepris e pren d l e traver s suivant : o n preten d nou s apprendr e quelque chose de l'individu Jesu s alors qu'on nou s apprend quelqu e chos e d u stereotype (modele ) o u d e l'idöal auque l les auteurs bibliques estimaien t qu'i l s'etait s i bien conforme . Su r c e point , tout e un e discussio n s'es t developpe e pour savoi r s i le s "evangiles " constituen t u n genre litterair e nouvea u o u s'il s peuvent etr e consideres comm e des reprösentants d'u n genr e litteraire qu i le s precedait dan s l a litterature grecqu e e t latine 13. Je m'arretera i pou r l'instan t ä deux simple s constatations . L a premiere, d e Klau s Berger , qu i remarqu e qu e dans le s evangile s comm e dan s le s biographie s antiques , l e bu t n'es t pa s d e presenter un e individualite , c e qu i es t un e conceptio n moderne , mai s d e presenter c e qu i es t exemplaire : c e qu i es t typiqu e l'emport e su r c e qu i es t individuel14. L'autr e constatatio n es t cell e fait e par Charle s H . Talbert 15: l e but commu n au x biographies antique s et aux evangiles serai t d e corriger un e fausse image d'un maitre , de la remplacer pa r une comprehension correct e e t d'offrir un modele de suivance du maitre . On rejoint ici la seconde partie de la difficult6 mentionn6e plus haut et qui en constitu e l'aspec t principal . I I s'agit d e savoir s'il est possible d'appr6hen der l a psychologie de s gen s habitan t l a Palestin e d u 1e r siecle a u moye n d e concept construit s a u 20em e siecl e pou r parie r d e gen s appartenan t ä notr e civilisation occidentale . Charle s Taylo r relev e e n particulie r qu e l e concep t moderne d'identit e es t l e resulta t d'u n processu s d'elaboratio n qu i s'es t fai t progressivement, grosso modo d u 4eme a u 20em e siecl e d e notre ere . Est-i l

13

O n trouv e u n survol d e l a question dan s Ud o Schnelle , Einleitung ιη das Neuen Testament (UTB 1830) , Göttingen : Vandenhoec k & Ruprecht , 1994 , p . 188-195. La Formgeschichte a e u tendanc e ä sous-estimer l a valeu r littörair e de s 6vangile s e t ä en faire , d e c e fait , u n genre ä part. I I a fallu attendre qu e l'int6re t pour le travai l r6dactionne l de s 6vang01iste s s e developpe pou r que l a thfcs e du paralMlism e entr e le s 6vangile s e t l a littdratur e hell6nisti que prenn e d e l'importanc e ä une piriod e plu s r6cente . Dan s cett e perspective , le s dvangi les s'apparenteraien t soi t a u genr e d e l'ar6talogi e (icrit s biographique s rapportan t le s mi racles орёгё в pa r des etre s humain s divins) , soi t a u genre du roman grec, soi t a u genre de s biographies hellönistiques . Nou s reprendron s cett e discussio n dan s l e chapitr e consacr d ä la biographie et au genre d e l'dvangile .

14

BERGER , Klaus , Hellenistisch e Gattunge n i m Neue n Testament , ANRW, II (25.2), 1984 , p.1031-1432 e t 1831-1885 , ic i p.1238 . Berge r estim e qu e l e genr e litt6rair e auque l appar tiennent le s dvangile s es t ddj ä attest d dan s l a littdratur e antiqu e avan t l a rddactio n de s dvangiles contenu s dan s l e Nouvea u Testament . C e genr e es t celu i d e l a biographie . Le s öcrits don t il s s e rapprochen t l e plu s son t le s biographie s d e philosophe s qu i contiennen t des trait s d'encomion (ibid. p.1231) .

13

TALBERT , Charle s H. , What is a gospel? The genre of the canonical gospels , London : _ SPCK , 197 8 (original 1977) .

Problematique

5

des lor s no n seulemen t legitim e mai s tou t simplemen t possibl e d e parie r d'une conception d e 1'identite en Palestine au le r siecle ? Choisir l e theme de l'identite, c'es t e n u n certai n sen s partir d'u n question nement moderne . I I s e trouv e qu e l e suje t occidenta l a , e n general , cons cience d'etre une personne uniqu e et irrempla5able e t conscience d'avoi r un e identite individuelle . Mai s mem e s i le s penseur s d e l'Antiquit e n'elaboren t pas un e theori e d e l'identit d individuell e a u sen s propre , il s 6noncen t toute s sortes d e criteres permettan t d e qualifie r l'identite d'u n individu , c'est-a-dir e de r6pondr e ä l a questio n "qu i est-il?" . C'es t cel a qu i nou s interess e e t qu i constituera l'objet de notre etude de l'identite individuelle . III. POIN T D E DßPART DAN S L'EVANGIL E DE MAR C

Une premier e enquet e su r l a th6matiqu e d e l'identit e individuell e dan s l'Evangile d e Marc a tres vit e conduit a u recit d e la Transfiguration. C'est l e r6sultat d'un e premiere observation : l e fait que се recit es t place peu apre s l a question pose e pa r J6su s ä se s disciple s "Qu i suis-j e a u dir e de s humains? " (Mc 8,2 7 par) , questio n qu i port e tre s precisemen t su r l'identite . D'o ü l'hy pothese qu e l e reci t d e l a Transfiguratio n pourrai t etre , e n quelqu e sorte , l a röponse de Dieu lui-mem e ä la question d e Jesus 16. A la reponse des humain s (Mc 8,28 s par) , dan s laquell e i l fau t inclur e che z Mar c Cell e de s disciple s donnee pa r l'entremis e d e Pierr e (M c 8,29) 17, fai t ech o l a voi x c61est e r6velant aux disciples prdsents que Jesus est le fils bien-aime. A la suite de cette premiere observation, plusieurs questions ont emerg6 : pourquoi, comm e c'es t l e ca s dan s l e гёс к d e l a Transfiguration , choisi r d e dire pref6rentiellemen t l'identit 6 e n terme s d e filiation? A quell e conceptio n de l'identite individuelle cela correspond-il ? Le fait que la declaration affirman t que Jesus es t le fils bien-aime n'es t pa s un ёпопсё isole mais qu'elle est inscrite dans un rdcit a conduit alor s ä penser que l'ensembl e d u conten u narrati f d e la Transfiguration devai t servi r ä dir e l'identite de Jesus. Ce qui amen e ä s'interroger su r la maniere d e proceder d u narrateur ргеоссир ё d e dir e l'identit ö d e Jesus : l e choi x de s diver s motif s contenus dan s l e гёс к (metamorphose , role d u changemen t d'apparenc e de s vetements, role s d e l a пиёе , d e l a prdsenc e d'Eli e e t d e Moi'se, etc. ) e t l a 16

L e constat du lien entre ces deu x composante s du texte de s 6vangiles synoptique s n'es t pa s nouveau. Certain s ex6göte s on t т ё т е suppos d qu e le s pdricope s d e l a confessio n d e Pierre e t d e l a Transfiguratio n 6taien t primitivemen t li6es . Pou r un e discussio n d e c e point, voi r p.ex . le s ouvrage s citd s e n bibliographi e d e E . Bes t (1983 ) o u C . Grapp e (1992) p.164-172 .

17

Dan s l a perspectiv e d e Marc , e t contrairemen t ä c e qu'affirm e M t 16,17 , rien n'oblig e ä penser qu e Pierr e a plus qu'un e conceptio n humain e d e l a messianit d d e Jösus , comm e l e montre s a r6actio n ä l a premier e annonc e d e l a passio n e t l e jugement qu e port e e n con s6quence J6sus su r lui: cf. M c 8,33 .

6

L'identitö de Jesus et l'identite de son disciple

fa9on de le s assemble r doiven t correspondr e ä certains code s culturel s pou r rendre compte de l'identite de quelqu'un. Mais au-del ä d u reci t d e l a Transfiguratio n lui-meme , l'articulatio n sup posee entr e c e reci t e t l a questio n pose e pa r Jesu s su r so n identit e invitai t ä porter attentio n ä la maniere don t l'evangelist e a organise l e plan d'ensembl e de so n ecrit . I I n'etait pa s excl u qu'un e meilleur e comprehensio n d e l a fa$on dont l e reci t d e l a Transfiguratio n es t inser e dan s l'ensembl e d e l'evangil e eclaire l a conceptio n d e l a personnalite d'u n etr e humai n propr e a u context e dans leque l fu t redig e l'evangile . E t un e meilleur e connaissanc e d e cett e conception pourrai t ä son tour permettre de mieux comprendre c e que le recit de la Transfiguration dit de la position de l'etre humain devant Dieu . Le reci t d e l a Transfiguratio n ouvr e encor e d'un e autr e manier e su r l a problematique d e la Präsentation d e l'identitö de Jesus par l'evangeliste Marc . Car i l est suivi imm6diatemen t pa r u n ordre de silence qu e Jesus adress e au x disciples qu i l'on t accompagn e su r l a montagne 18. Or , ce t ordr e d e silenc e constitue u n de s arguments principaux invoque s par William Wred e lorsqu'i l developpe l a theori e d u secre t messianiqu e a u debu t d u 20em e siecle . Cett e theorie a ete amende e e t reamenagee d e differentes fasons depuis lors , mai s eile constitu e toujour s un e interpretatio n majeur e d e l'Evangil e d e Marc 19. D'apres cett e theorie , Jesus , dan s l a presentatio n qu e nou s e n donn e Marc , choisit deliberemen t d e cache r so n identit e messianiqu e jusqu'ä c e qu e so n veritable sen s soi t revel e pa r l a croix . Cett e theori e comport e evidemmen t une conceptio n implicit e d e l a personn e e t d e l'identit e individuelle . Pou r adopter un e telle attitude, i l faut que Jesus ai t une certaine conscience d e so i 18

M c 9,9 .

" Nonobstan t le s regret s d e ТяосмЁ , Etienne , L'tvangile selon saint Marc (CN T II) , Genöve : Labor et Fides, 2000 , p.6 0 e t not e 102 , su r le succö s d e l a thdori e du secre t mes sianique, celle-c i constitu e toujour s l a lign e d e lectur e qui domin e le s interpolation s d e l'Evangile d e Marc , comm e l'attesten t MORESCHINI , Claudio , & NORELLI , Enrico , His toire de la litterature chretienne antique grecque et latine : I. De Paul ά I 'ere de Constantin, Genev e : Labor e t Fides , 200 0 (orig . it . 1995) , p.7 0 : "Un 61emen t unificateur , su r l e plan d e l a rödaction , es t c e qu'o n appell e l a th6ologi e d u secre t messianique , mis e e n ένί dence e n premie r lie u pa r W . Wred e (1901)" , o u C O N Z E L M A N N , Hans , & L I N D E M A N N , Andreas, Guide pour I 'etude du Nouveau Testament (L e Mond e d e l a Bibl e 39) , Genev e : Labor e t Fides , 1999 , p.34 8 (origina l alleman d 1998) : "L'ide e fondamental e qu i tra verse tou t l'6vangil e es t cell e ä laquell e o n a άοηη έ l e no m d e 'secre t messianique"' . ERNST, Josef , Da s sog . Messiasgeheimni s - kei n 'Hauptschlüssel ' zu m Markusevange lium, in : Josef Hain z (dd) , Theologie im Werden, Paderbor n ; Zürich [etc.] : Schöningh , 1992, p.21-5 6 l a conteste , mai s adme t qu e le s interprfcte s n'on t pa s propos e d'interpr6tation d'ensembl e qui soi t meilleur e (ic i p.54) . FENDLER , Folkert , Studien zum ÜberlieMarkusevangelium. Zur Gattung, Chronologie, Messiasgeheimnistheorie und ferung des zweiten Evangeliums (Göttinge r Theologisch e Arbeite n 49) , Göttinge n : Vandenhoeck & Ruprecht , 1991 , p.105-14 6 plaid e quan t ä lu i pou r l a rdhabilitatio n d e l a thöorie de Wrede .

Probl6matique

7

et qu'il puisse dispose r libremen t d e la manifestation e t de la reconnaissanc e de so n identite . L'etud e d e l a conceptio n d e l'identit e individuell e a u 1e r siecle a done un impact direct sur la theorie du secret messianique . IV. LES ETAPES DU TRAITEMENT DE LA PROBLßMATIQUE Pour prepare r l'expos e d e ce t impact , nou s debuteron s don e notr e etud e par la pr6sentation d e la theorie du secre t messianique . Nou s commencerons , dans une premiere partie, pa r rappele r le s principau x argument s d e Wrede , puis nou s presenteron s le s grand s reamenagement s d e l a theori e qu i on t et e proposes au cours du 20eme siecle . Une deuxieme partie de la these ser a ensuit e consacre e ä l'etud e d e l a conception d e l'identite individuell e qu i dominai t a u le r siecl e dans l e bassin mediterran6en. Cett e etud e ser a introduit e pa r un e etud e d e l'identit e e n general d e sort e ä definir le cadre conceptue l dan s leque l nou s travaillon s e t d'asseoir ains i l e sen s de s terme s utilises . Cett e parti e s e terminer a pa r un e reprise d e l a theori e d u secre t messianiqu e ä l a lumier e d e cett e etude . Ell e conduira ä l'abandon d e la theorie du secret messianique . A ce point d e l'6tude s e pose l a question d'un e interpretation alternativ e a celle d u secre t messianiqu e pou r rendr e compt e d u proje t d e Mar c lorsqu'i l redige so n evangile . Dan s cett e perspective , nou s nou s demanderon s com ment une etude de l'identite individuelle peu t aide r ä la comprehension d e c e projet pris dan s so n ensemble . Cec i nou s conduir a ä nous interesse r succes sivement ä l a constructio n d e l'identit e d e Jesu s pui s ä l a constructio n d e l'identite du disciple par l'evangeliste . C'est ains i que , dan s un e troisieme partie de la these , nou s nou s centre rons tou t d'abor d su r l'identite de Jesus. Nous у montrerons qu e le recit d e la Transfiguration joue u n rol e centra l che z Mar c pou r dir e l'identit e d e Jesus . Nous procederon s d e troi s manieres . Nou s l e feron s d'une premier e manier e par l'analys e d u pla n d e l'evangile . Puis , d'un e deuxiem e maniere , e n repre nant l a questio n ä parti r d e l a christologi e e t d e so n enonc e a u traver s d e titres de majeste: nous verrons que la designation qu e Marc prefere pour dir e l'identite de Jesus es t celle de "Fil s de Dieu". Enfin, d'une troisiem e maniere , en nou s interessan t plu s specifiquemen t a u genr e d u reci t d e la Transfigura tion e t au x parallele s qu'o n peu t lu i trouver : nou s verron s qu e c e reci t com mente l a filiatio n divin e e n l'interpretan t d e manier e prophetique , e t qu e c e commentaire s'oper e sur le mode de l'identite typologique . Une quatrieme partie de la these reprendr a alor s l a questio n d e l'incom prehension de s disciple s qu i constitu e auss i u n aspec t tre s discut e pa r l a theorie d u secre t messianique . Nou s verron s commen t l'evangelist e construi t par etap e l'identit e d u disciple-lecteur . E n distinguan t l e pla n de s personna ges d u r6ci t e t l e plan d u lecteur , nou s montreron s commen t Mar c joue ä l a

8

L'identit6 de Jdsus et l'identit6 de son disciple

fois su r u n devoilemen t progressi f d e l'identit e d e Jisu s e t su r l a persistanc e de l'incomprehension de s disciples . En conclusion, l'analys e d e l a fa^o n dont Marc me t e n scen e le s different s personnages d e so n reci t ouvrir a su r l e moti f d e l a redactio n d e l'evangile . Nous essayeron s d e reconstitue r l e context e polemiqu e dan s leque l l e proje t de l a redactio n d e l'evangil e pren d corps . Cec i permettr a d'avance r un e hy pothese qu i pourrai t expliquer pourquo i l'6vang61ist e s'es t decide ä prendre l a plume.

A.2. THEORI E DU SECRET MESSIANIQUE: PRESENTATION ET DISCUSSION

On attribu e traditionnellemen t ä Willia m WRED E l a theori e d u secre t messianique comm e cle f d'interpretatio n d e l'Evangil e d e Marc . I I es t vra i qu'en publian t e n 190 1 so n ouvrag e intitul e Das Messiasgeheimnis in den Evangelien: Zugleich ein Beitrag zum Verständnis des Markusevangeliums Wrede proposai t un e lectur e syt6matiqu e d e l'Evangil e d e Mar c qu i allai t marquer d e manier e decisiv e le s travau x theologique s ulterieur s consacrd s ä cet evangile . Wred e n'es t cependan t pa s l e premie r ä avoi r relev ö l'importance d e l a thematiqu e d u voilement/devoilemen t d e l'identit e d e Jesus dan s l'Evangil e d e Marc . I I n'est pa s no n plu s l e premie r ä avoi r inter pr6t6 c e moti f e n relatio n ave c l a messianit 6 d e Jesus . E t i l n'es t pa s l e pre mier ä avoi r parl e d e secre t ä c e propos 2. Mai s i l es t l e premie r ä e n avoi r systömatise l a presentatio n sou s l a form e d'un e theori e don t l e bu t es t d e fournir un e explicatio n commun e ä plusieur s trait s caracteristique s d e l'Evangile d e Marc . A.2.1. P RESENTATION DE LA POSITION DE WREDE

L'idee par t d e l'observatio n que , selo n le s evangiles , Jesu s donn a ä d e nombreuses reprise s l'ordr e d e s e tair e au x demon s qu i lu i attribuaien t un e identite messianiqu e (M c 1,25.34 ; 3,1 2 par) , ordr e qu'i l donn a 6galemen t ä Pierre lors de sa confession de la messianite d e J6sus (M c 8,3 0 par). Ces commandement s d e garde r l e silenc e son t mi s e n relatio n ave c d'au tres situation s о й Jesu s ordonn e d e s e taire . Dan s l'Evangil e d e Marc , o n retiendra le s commandement s d e s e tair e qu i suiven t l a guöriso n d u lepreu x (1,43-45), d e l a fill e de Jaira s (5,43 ) e t d u sourd-mue t (7,36) . Interpr6tan t l e pouvoir d e guerison d e Jesus comm e u n sign e d e s a messianite , Wred e asso 1

Göttingen

2

Cf. p.ex . HOLTZMANN , Heinric h Julius , Hand-Commentar zum Neuen Testament I: Die Synoptiker - Die Apostelgeschichte, Freibur g I.B. : Mohr , 188 9 p.8 : "Demgemäs s hatt e aber auc h Jesu s selbs t bishe r sein e Messianitä t höchsten s nu r angedeute t i n de m ver hüllenden Name n "Menschensohn" , fall s nämlic h di e Stelle n M c 2 1 0 28 nicht au f Sach ordnung beruhe n sollten. " "Aber lang e kan n das Geheimnis s nich t meh r Geheimniss blei ben." Wrede, Das Messiasgeheimnis, p. l 1 n.l donn e tout e un e list e d e r0f6rence s d'inter prdtations qu i von t dan s l e mem e sens . E t dan s l'excursu s VI I d u т ё т е ouvrag e (p.279 286), i l präsent e plu s e n d6tail s ceu x qu'i l considör e comm e le s prdcurseur s d e l'idd e d u secret messianique .

: Vandenhoec k & Ruprecht .

10

L'identit6 de Jesus et l'identite de son disciple

cie l'ensemble de s injonction s de s e taire a u caracter e messianiqu e d e l'iden tite de Jesus. D'o u l'emergenc e d e l'hypothese selo n laquell e la messianite d e Jesus devai t etr e tenu e secret e duran t so n minister e terrestr e pou r n'etr e revelee pleinemen t qu'apre s s a mort e t sa resurrection. Cett e hypothes e s'ap puie su r M c 9, 9 compri s comm e cle f d e lectur e d u traitemen t d e l a messia nite de Jesus dans l'Evangile de Marc 3: Και κ α τ α β α ι ν ό ν τ ω ν αυτώ ν εκ το ϋ ορού ς διεστείλατ ο αΰτοΐς ϊν α μηδεν ί α ειδο ν διηγήσωνται , ε ί μ ή οτα ν ό υΙό ς τοϋ άνθρώπο υ εκ νεκρώ ν άναστη . Sur cette base, Wrede propose une relecture systematiqu e d e l'Evangile d e Marc. I. UNE SßRIE D'OBSERVATIONS 1. Les ordres de silence Le fondemen t de cett e relectur e par t don e d u consta t que , dan s l'Evangil e de Marc , Jesu s sembl e vouloi r cache r so n etr e (Wesen ) veritable 4. Cett e volonte s'exprim e avan t tou t pa r le s ordre s d e silenc e donne s pa r Jesu s au x d6mons qu i revelen t so n identite , au x temoin s d e certaine s guerison s qu'i l a operees, au x disciples . Wred e etabli t l a list e de s passage s qu i attesten t cett e observation. Wrede distingu e troi s catdgorie s d'ordre s donnd s pa r J6sus e t deu x cat6gorie s d e passage s apparentds5: 1. Ordres donnes aux demons Mc 1,2 5 J6su

s fait taire l'espri t impur qui l'appell e "I e Saint de Dieu" .

Mc 1,3 4 J6su

s n e laisse pas parier les ddmons parce qu'ils l e connaissent (sommaire) .

Mc 3,11-1 2 J6su

s fait taire les esprits impurs qui l'appellen t "l e Fils de Dieu" (sommaire) .

2. Ordres donnis apris des miracles Mc 1,43-4 5 J0su s ordonn e a u 16preu x d e n e dir e ä personn e commen t s'6tai t passd e s a purification.

3

"Ein e verhältnismässi g weni g beachtet e Stell e liefer t de n Schlüsse l fü r die Anschauung . Mir is t si e wenigsten s rech t eigentlic h de r Ausgangspunkt fü r die Erkenntni s diese r gan zen Gedankenreih e gewesen , un d insofern halte ich si e für eins de r wichtigsten Worte , di e Markus geschriebe n hat . E s is t de r Befehl , de n Jesu s nac h de r Verklärun g erteil t (99)" . (Wrede, Messiasgeheimnis, p.66) . 4 Wrede , Messiasgeheimnis, p.209 . 5 Wrede , Messiasgeheimnis, p.33-34 .

ТЬёопе du secret messianique

11

Mc 5,4 3 Jdsu

s recommand e ä ceu x qui on t assist ö a u retou r ä l a vi e d e l a fillett e d e Jai'rus de n'en parier ä personne.

Mc 7,3 6 J6su

s recommand e ä ceux qu i on t assist e ä la gudriso n du sourd-mue t d e n'e n parier ä personne.

Mc 8,2 6 J6su

s ordonn e ä l'aveugl e guir i d e rentre r ä l a maiso n san s entre r dan s l e village.

3. Ordres donnes aux disciples Wrede intitul e cette categorie : ordres donnds aprö s la confession d e Pierre (M c 8,29) . Mc 8,3 0 J6su Mc 9, 9 J6su

s recommande au x disciples d e ne parier de lui ä personne. s recommand e ä Pierre, Jacque s e t Jean de ne pa s raconte r ce qu'il s on t v u sur l a montagn e d e l a Transfiguratio n jusqu'ä c e qu e l e Fil s d e l'homm e res suscite d'entr e les morts .

4. Passages apparentes: intention de rester incognito Mc 7,2 4 Jdsu

s veut que personne n e sache qu'il est pre s de Туг .

Mc 9,3 0 J6su

s travers e la Galil6e et ne veu t pas qu'on le sache .

5. Passage apparente: ordre de silence qui n'est pas donne par Jesus Mc 10,47-4 8 Plusieur

s menacen t l'aveugl e d e Jöricho pour qu'il s e taise .

Cependant Wred e constat e qu e ce s donnee s n'on t pa s un e valeu r absolu e dans l'Evangil e d e Marc 6. Certaine s guerison s n e son t pa s accompagnee s d e l'ordre de ne rien raconter (p.ex . 2,1-12; 3,1-5), et la guerison du demoniaqu e de Geras a es t mem e suivi e d e l'ordr e contrair e (5,19) : l e demoniaqu e liber e est invite ä l'annoncer dan s s a maison au x siens ! A cela s'ajout e une certain e forme de contradiction dan s le fait que le s miracle s o ü J6sus demand e d e n e rien raconte r s e son t tou t d e mem e pass6 s dan s u n context e qu i fai t qu'il es t impossible qu e l'on n'en ai t pas eu publiquement connaissance . S i l'on peut ä la rigueur imagine r qu e J6su s etai t seu l ave c l e lepreu x e t qu e Tactio n d e J6sus aurait pu passer inaper5u e dans ce cas-lä, o u que J6sus pouvait esp6re r que ceu x qu i lu i avaien t атеп ё l e sourd-mue t s e tairaien t comm e i l l e leu r demandait, l'ordr e de se taire donn6 aux rares temoins admi s ä la gu6rison d e la fill e de Jai'rus n e pouvait e n aucun e fa^o n етрёсЬег qu e l a foul e rassem blee dan s l a maiso n sach e qu e l'interventio n d e Jesu s avai t 6t6 suivie d e l a gu6rison. D e plus , s i Jesu s souhaitai t tan t qu e so n activit e d e thaumaturg e reste secrete , pourquo i effectue-t-i l tant d e miracle s e n publi c (M c 1,21-34 ; 2,lss; 3,lss ; etc, par)? C'est l a raiso n pou r laquell e Wred e n e situ e pa s toute s le s observation s pr6citees su r le т ё те plan . Les ordres d e silence adress6 s au x demons cons tituent un e class e ä par t parm i le s ordre s d e silence . li s e n constituen t e n 6

Wrede

, Messiasgeheimnis, p.34-35 .

12

L'identit6 de Jesus et l'identitd de son disciple

quelque sort e l e cceur, parce qu'ils permettent d e comprendr e l e sen s premie r de la demande d e se taire: les demons on t une capacite tou t ä fait particulier e pour reconnaitre l a messianit e e t un e tendanc e ä la divulguer 7. O r c'es t jus tement ce qu e Jesus, selo n Marc, veut 6viter. Determiner c e qu i constitu e l e coeu r de l a th6orie es t importan t de s l e mo ment о й i l s'agir a d'evalue r le s critique s adressee s ä Wrede. I I importer a e n effet ä ce moment-l ä d e pouvoi r appretie r s i ce s critique s touchen t l e fonde ment de la theorie o u si elles porten t su r des elements apparentes . Ca r Wrede fait effectivement eta t d e deu x groupe s d'observation s supplementaire s qu'i l considere comm e apparenties* : l e fai t qu e Jesu s recherch e l'incognit o e t l e fait qu'il enseigne e n paraboles. 2. Tendance ä rechercher l'incognito A plusieur s reprises , Jdsu s s e retir e ä l'6cart pour enseigne r o u guerir , e t souvent i l reserv e so n enseignemen t ä de s groupe s restreint s d e disciple s qu'il reunit en prive. Wrede etablit une liste des passages concemes 9. 1. Signes et enseignements reserves ä des groupes restreints Wrede distingue divers groupes : 1.1. Pierre, Jacques et Jean A par t le fait d'Stre les seuls disciples ä accompagner Jdsu s lors du retour ä la vie de la fille de Ja'irus (5,37), ce sont aussi le s seuls ä accompagner Jdsus : Mc 9,2 Lor

s de la Transfiguration

Mc 14,3 3 Lor

s de la рпёге ä Geths6man i

7

Wrede , Messiasgeheimnis, p.22 . Wrede , Messiasgeheimnis, p.51 . 9 Wrede , Messiasgeheimnis, p.51-53 . Au fai t de s e retirer ä l'dcart fai t ёсЬо le fait que troi s gudrisons suivie s d'u n ordr e d e silenc e son t explicitemen t p l e n t i e s comm e s e ddroulan t ä ГёсаП : Mc 5,37.40 Lor s du retour ä la vie de la fillette de Ja'irus, J6sus ne laisse personne l'ac compagner sau f Pierre , Jacque s e t Jean , e t i l me t tou t l e mond e dehor s sauf l e pöre et la möre de l'enfant. Mc 7,33 Avan t de gudrir le sourd-muet, J6sus le prend loi n de la foule, ä l'6cart. Mc 8,2 3 Avan t de gudrir l'aveugle, Jdsus le тёпе hor s du village . Par ailleurs , i l faudrai t encore ajoute r aux passage s qu i indiquen t qu'u n enseignemen t es t d6voild e n ρπν έ un e observatio n absent e d e l a list e 6tabli e pa r Wred e au x p . 51-53 : i l s'agit d u fai t que le s annonces d e l a passion e t de l a rösurrection son t r£serv6e s au x disci ples (Mc 8,31 ; 9,31) o u aux Douze (Mc 10,33-34) . 8

ТЬёопе du secret messianique 1

3

1.2. Pierre, Jacques, Jean et Andre Seuls disciples ä etre lä : Mc 1,2 9 Lor

s de la gudrison d e la Ье11е-шёге de Pierr e

Mc 13, 3 Lor

s du grand discours eschatologiqu e

1.3. Enseignementsparticuliers aux

disciples "dans la maison"

Mc7,17 Su

r le pur et l'impur

Mc 9,28 Su

r се qui fait sortir le ddmon

Mc 9,33 Su

r la question "Qu i est le plus grand? "

Mc 10,1 0 Su

r le divorce

2. Jisus va ä Heart Mc 1,3 5 J6su Mc 1,4 5 L

s sort de nuit et s'en v a dans un lieu d6ser t a r6putatio n d e J6su s l'empech e d'entre r dan s un e vill e e t l'oblig e ä reste r dans des endroits disert s

Mc 3, 7 J6su

s se retire avec ses disciples a u bord de la mer

Mc 3,13 J£su

s monte su r une montagne e t у appelle ceux qu'il veut .

3. Jesus enseigne en paraboles Selon M c 4 , l e discour s e n paraboles es t un langage crypt6 10. L e centr e d e се messag e es t selo n Wred e l a messianit e d e Jesus qu i n e doi t etr e devoile e qu'apres l a resurrection". I I reste enigmatiqu e pour ceu x du dehor s qu i n'e n re5oivent pas l'explication. Pa r ce fait , ce discour s opere une distinction entr e les disciples e t le reste des auditeurs 12. Mc 4,10-13 Jdsu s leu r disait : " A vous , l e mystfcr e du Royaum e d e Die u es t donnd , mai s pour ceux du dehors, tout devient 6nigme. " Mc 4,33-34 J6su s n e parlai t pa s san s parabole, mai s e n ρήν έ i l expliquai t tou t ä se s disci ples.

Π. LE FONDEMENT DE LA ТНЁОМЕ De ce s observations , Wred e conclu t qu e Marc adopt e l a perspective selo n laquelle l a messianit 6 d e J6su s es t resti e сасЬё е jusqu'ä s a r6surrection . L a probl6matique du voilemen t d e l a messianit 6 d e J6su s dan s l'Evangil e d e 10

Wred e identifi e parabol e ä dnigme : "Offenba r is t dan n de r Ausdruc k παραβολή fü Markus ganz gleichwertig mit Rätsel." (Messiasgeheimnis, p.55). 11 Wrede , Messiasgeheimnis, p.54-6 5 et 70. A la p.210, il parle de "Parabeltheorie" . 12 Wrede , Messiasgeheimnis, p.54-55 .

r

L'identit6 de Jesus et l'identite de son disciple

14

Marc s e resum e don e finalemen t ä troi s aspect s prineipau x correspondan t aux trois groupes d'observations presentes : - Jesus cache son etre (Wesen) et sa messianite ; - il voile son enseignement pa r un discours en paraboles ; - il garde son enseignement secret 13. Se posant ensuit e l a questio n d e l'importanc e relativ e d e ce s troi s aspect s par rapport ä la theorie d u secre t messianique , Wred e arriv e ä l a conclusio n que pou r Mar c c e son t le s ordre s d e silenc e qu i constituen t l e poin t princi pal14. O n n e voi t e n effe t pas commen t l'ide e d'u n secre t ä propos d e l a per sonne d e Jesus aurai t p u emerge r d e l'observatio n qu'i l gard e so n enseigne ment secre t o u qu'i l enseign e e n paraboles 15. Autremen t dit , le s critique s le s plus forte s ä l'encontr e d e l a theori e d e Wred e seron t celle s qu i porten t su r les ordre s d e silenc e et , parm i ceux-ci , su r ceu x qu i son t adresse s au x demons. Le s demon s son t e n effe t presente s de s l e debu t d e l'evangil e comme disposan t d u savoi r qu i doi t etr e ten u secre t jusqu'apres l a resurrec tion: l e secre t d e l a messianit e d e Jesus 16. C'es t pourquo i Wred e estime , comme nou s l'avon s dej ä mentionn 6 plu s haut , qu e ce s ordre s d e silenc e permettent d e comprendr e tou t particulieremen t l a significatio n de s autre s ordres de silence . III. L'INCOMPREHENSION DES DISCIPLES: UNE THEMATIQUE DISTINCTE Parallelement, Wred e me t e n evidenc e u n autr e group e d e passage s rela tifs aux disciples . li s permettent d'abouti r a u consta t qu e les disciples resten t tout au long de l'Evangile de Marc incapables de comprendre qu i est Jesus 17: Mc 4,1 3 Jdsu Mc 4,40.41 Lor

0

Wrede

s constate que le s disciples n e comprennent pa s la parabole du semeur . s d e l a tempete apaisde , le s disciple s on t peur , manquen t d e fo i e t n e com prennent pas qui est Jösus.

, Messiasgeheimnis, p . 209-210 .

14

Wrede , Messiasgeheimnis, p gelten...".

15

Wrede , Messiasgeheimnis, p . 210-21 1

. 211 : "...fü r ih n müsse n di e Verbot e al s de r Hauptpunk t

16

Wrede , Messiasgeheimnis, p.24 .

17

Wrede , Messiasgeheimnis, p . 101-103. RÄISÄNEN , Heikki , Das "Messiasgeheimnis" im Markusevangelium: ein redaktionskritischer Versuch, Helsinki , 1976 , p . 119, ajout e en core: M c 8,32b-3 3 (l'incomprdhensio n d e Pierr e aprö s l a ргегшёге annonc e d e l a passion) , Mc 9,3 8 (l e disciple Jea n qui empech e quelqu'u n d e chasser des ddmon s a u nom d e J6sus ) et Mc 14,66-7 2 (l e reniement de Pierre) .

ТЬёопе du secret messianique

15

Mc 6,50-5 2 Lor

s d'un e autr e tempete , le s disciple s on t peu r quan d il s voien t J6su s arrive r marchant su r les eaux e t sont boulevers6s "ca r il s n'avaient rien compri s ä l'affaire des pains, leu r coeur 6tait endurci" .

Mc 7,18 Jdsu

s di t e n ριϊν έ au x disciple s qu'il s son t san s intelligenc e ca r il s n'on t pa s compris l a parabole sur ce qui rend pur et impur .

Mc 8,14-2 1 J6su s reproch e au x disciple s leu r coeu r endurc i parc e qu'il s n e comprennen t pas de quoi i l leur parle quand i l leu r dit de s e mdfier du levai n de s Pharisien s et de celui d'Hdrode . Mc 9,5-6 Pierr

e propos e d e construire troi s tente s lor s d e l a Transfiguration, parc e qu'i l ne savait que dire.

Mc 9,19 J6su

s trait e le s disciple s qu i n'on t p u chasse r u n espri t mue t (ains i qu e tou s ceux qui sont lä?) de "g6n6ration incrddule" .

Mc 10,2 4 Le

s disciples son t d6concert£s pa r les paroles d e J6sus concernant l a difficult6 qu'auront le s riches ä entrer dans le Royaume de Dieu .

Mc 14,37-4 1 A

Geths6mani, Pierre , Jacques et Jean qui s e sont endormis n e savent qu e dir e ä J0sus.

A ces passages, Wrede ajoute plus loin 18: Mc 10,1 3 Le

s disciples qui rabrouent les gens qui amenent des enfants ä Jdsus.

Mc 10,35-4 5 Jacque Mc 14,5 0 L'abando

s et Jean qui veulent siöger dans la gloire ä droite et ä gauche de J6sus. n d e tous les disciples lor s de l'arrestation d e J6sus.

Mais Wred e insist e pou r dire que l e voilemen t d e l a messianite d e Jesus e t l'incomprehension de s disciple s constituen t de s thematique s distincte s dan s l'Evangile d e Marc . Elle s s'appuien t i l es t vra i su r une т ё ш е perspectiv e d e depart consistan t ä faire d e l'ev6nemen t d e l a resurrection l e tournan t dicisi f op6rant l e d6voilemen t d e l a messianit e d e Jesu s e t introduisan t le s disciple s ä l a comprehensio n d e so n identit6 . Cependant , l e them e d u voilemen t d e l a messianiti concern e Jesu s e t celu i d e l'incomprdhensio n touch e le s disciple s et ils peuvent tou t ä fait fonctionner l'un sans l'autre 19. R6fl6chissant su r ce s donn6es , Wred e s e demand e s i elle s son t d'ordr e historique, c'est-a-dir e s i elle s son t l e refle t d'u n comportemen t effecti f d e J6sus. Wred e r6pon d e n contestan t l e caractör e historiqu e d e ce t aspec t d e l a Präsentation. Tou t d'abor d par un argument d e m6thode : o n ne devrait jamais oublier qu e l'Evangil e d e Mar c a 6te ecri t aprö s Päques . Autremen t dit , pense-t-il, e n tan t qu e lecteu r d e l'övangile , j e devrai s toujour s avoi r con " Wrede , Messiasgeheimnis, p . 106. 19 Wrede , Messiasgeheimnis, p . 235 . C'es t pourquo i Wred e prdsent e l a synthös e d e se s ob servations su r ce s deu x th6matique s s6par6ment . L e paragraph e intitul 6 "l e voilemen t d e la messianit6 jusqu'ä l a rdsurrection" (p.209-229 ) es t distinct d e celui intitul d "absenc e d e compr6hension de s disciples avant la resurrection" (p.229-235) .

16

L'identitö de J6sus et l'identitd de son disciple

science "das s ic h Darstellunge n vo r mir habe, dere n Autore n später e - wen n auch noc h s o früh e - Christen sind , Christen , di e da s Leben Jes u nu r mit de n Augen ihre r Zei t ansehe n konnten , di e e s au s de m Glaube n de r Gemeinde , mit alle n Anschauunge n de r Gemeinde , fü r die Bedürfniss e de r Gemeind e beschrieben"20. D e c e fait , il n' y a aucun moyen d'isole r une influence tardiv e du reste d u texte : i l serai t illusoir e d e vouloi r accede r a u J6sus historiqu e d e ce point d e vue . D e plus , Wred e enumere tout e une seri e de contradictions e t d'invraisemblances historique s qu i soulignen t l e fai t qu'i l n e fau t pas traite r le secre t messianiqu e comm e un e donne e factuell e mai s comm e un e elabo ration theologique . Plusieurs ölements invoqud s ä l'appui de cette conception on t döjä έίέ mentionnds , je n e le s rappellerai don e que brievement. Parm i le s contradictions, Wred e note 21: - J6sus command e d e taire s a messianit d mai s c e n'est pas san s exception (10,46-52) ; d e plus , il entr e ä Jdrusalem comm e u n messi e e t c'es t u n act e publi c (11,1-11 ) e t i l parl e lui-mem e de sa messianitd e n röponse ä la question d u Grand Pretre 22; - Jdsu s rdserv e l'annonc e d e s a passion ä se s disciples, mai s le s disciples d e Jean e t le s Phari siens ainsi que les autoritis juives sont informds de la mort du Messie (Mc 2,19s; 12,6ss) ; - Jdsu s parle e n paraboles pou r n e pas etre compris (M c 4,1 ls), mai s i l röpond e n parabole s ä l'accusation d'etr e poss6d 6 pa r Böelzebou l e n espdran t etr e compri s (M c 3,23ss) , e t Mar c indique qu'aprö s l a parabol e de s vigneron s homicides , le s grand s pretres , le s scribe s e t le s anciens (M c 11,27 ) ont bien compris que Jdsus parlait d'eux (M c 12,12) ; - L e peupl e constat e l e pouvoi r 6tonnan t d e Jdsu s e t reconnai t qu e so n enseignemen t es t nouveau (M c 1,22) , et pourtant tou t reste obscur pour le peuple; - le s disciples peuven t chasser les ddmons (M c 6,13), et pourtant il s 6chouent quand o n l e leu r demande (M c 9,18ss) . Quant aux invraisemblance s historiques , Wred e soulign e en particulier 25: - l e commandemen t d e tair e l a nouvell e aprä s l a r6surrectio n d e l a fill e de Jai'ru s es t inappli cable; - l e ddmon cri e et τένέΐβ l e secre t d u Sain t d e Die u devan t tou s alor s qu e personn e n e devrai t l'entendre (Mc 1,24-27 ; voir aussi 3,1 ls); - l'aveugl e devrai t rentre r dan s s a maiso n aprö s que J6su s Га тепё hor s d u village , mai s san s rentrer dans l e village (Mc 8,23.26) ; - J6su s veu t s e cacher e n Galild e e t v a ä Capharnaü m o ü i l a fai t tant d e choses e t o ü i l est s i connu (M c 9,30.33) . 20

Wrede Wrede 22 Wrede a Wrede 21

, Messiasgeheimnis, p.2 . , Messiasgeheimnis, p . 124-125. , Messiasgeheimnis, p.69 . , Messiasgeheimnis, p . 133-134.

Theorie du secret messianiqu e

17

Une explicatio n d e ce t eta t de s donnee s pourrai t etr e qu e Mar c a utilis e d u matdriel provenan t d e l a traditio n auque l l'ide e d u secre t messianiqu e aurai t et6 etranger e comme , pa r exemple , M c 11,1-11 . C e qu i aurai t сгё е quelque s tensions a u sei n d e l'6vangile . Wred e contest e cett e explication , estiman t qu'elle n'es t pa s süffisante . I I estime a u contrair e qu e le s tension s a u sei n d e l'Evangile d e Mar c n e son t pa s fortuite s mai s intentionnelles , ca r l a presen tation d'u n messi e qu i s e cach e oblig e ä d e necessaire s contradictions : pou r faire apparaitr e l a messianit e d e Jesus , i l fau t qu'ell e s e manifest e e n parole s et e n actions , mai s alors , ell e n e s e cach e plus 24! Wred e insist e don e su r l e travail redactionne l d e Marc . L'auteur , pa r l a mis e e n perspectiv e narrativ e des mat6riau x don t i l dispose, fai t v6ritablemen t oeuvr e de theologien 25. II import e de s lor s d e comprendr e l a porte e thdologiqu e d'un e hypothes e comm e cell e d u secret messianique . Selo n Wrede , cett e hypoth£s e a progressivement imerg £ dan s l a r6flexio n des premier s chrötiens , ä parti r d u momen t о й il s on t cherch 6 ä apporte r un e repons e ä l a question d e savoi r ä parti r d e quan d J6su s 6tai t l e Messie . I I es t improbabl e qu e l'idö e d u secret messianiqu e soi t un e inventio n d e Marc . Ell e lu i es t plutö t anterieure , e t Mar c n e pou vait s' y soustraire , ca r ell e £tai t certainemen t l e fai t d e large s cercles 26. Commen t comprendr e alors so n Emergence ? Wrede estim e que , dan s u n premie r temps , 6tan t donn d c e qu'avai t 6t 6 l a vi e terrestr e d e J6sus, i l 6tai t impensabl e d' y reconnaitr e tou t d e suit e cell e d u Messie 27 . L a premier e confes sion d e l a messianit d d e J6su s a d ü s'attache r exclusivemen t ä l a resurrection : e'es t "pa r s a rdsurrection d'entr e le s morts " qu e Jdsu s a 6t6 "etabl i Fil s d e Die u ave c puissance " (R m 1,4) . Ac 2,3 6 o u P h 2,6s s conserveraien t encor e l a trac e d e cett e conception 28. C'es t dan s l e mem e sens qu'i l fau t entendr e qu e l e Nouvea u Testamen t n e parl e pa s d e retou r d u Christ, mai s d e s a venue®. Seulement , apre s coup , l a vi e d e J6su s a pri s u n autr e poids , e t l'o n s'es t mi s ä dir e

24

Wrede , Messiasgeheimnis, p.125-126 . "Den n de r Jesus , de r sic h verbarg , lies s sic h nich t wirklich schildern . E s konnt e nu r imme r wi e i n eine r Ar t Anmerkun g z u alle n mögliche n Offenbarungen hinzugefüg t werden : wa s Jesu s abe r that , tha t e r i m Geheimen . Solch e Anmerkungen, i n dene n di e Offenbarunge n Jes u sozusage n hal b zurückgenomme n wer den, sin d die Verbot e un d die verwandte n Züge. " (p.126) .

25

"Deshal b bleib t e s wahr : al s Gesamtdarstellun g biete t da s Evangeliu m kein e historisch e Anschauung meh r vo m wirkliche n Lebe n Jesu . Nu r blass e Rest e eine r solche n sin d i n eine Ubergeschichtlich e Glaubensauffassun g Ubergegangen . Da s Markusevangeliu m ge hört i n diese m Sinn e i n di e Dogmengeschichte." (Wrede , Messiasgeheimnis, p.131) .

26

Wrede

27

"Denkba r schein t nur , das s Wirksamkei t ode r Persönlichkei t Jes u scho n z u seine n Lebzei ten di e Frage , di e Ahnung , di e Hoffnung , vielleich t de n Glaube n erweck t hätte , e r se i zu m Messias vo n ausersehen . Da s hiess e abe r wiede r nur , das s e r e s noc h nich t war. " (Wrede ,

28

Wrede

29

π α ρ ο υ σ ί α n e veu t pa s dir e "Wiederkunft " mai s "Ankunft" ; J6su s a d6j ä &x€ lä, mai s l e Messie doi t encor e venir . No n pa s qu e Jdsus doiv e encor e deveni r l e Messie , puisqu'i l Tes t depuis s a rdsurrection . Mai s i l doi t encor e venir , maintenan t qu'i l es t l e Messi e (Wrede ,

, Messiasgeheimnis, p.145

.

Messiasgeheimnis, p.217).

, Messiasgeheimnis, p.214

Messiasgeheimnis, p.215).

.

18 que celui-c i avai t et e celu i qu e l'o n attendai t maintenan t comm e l e Messie 30 . Puis , e n s e met tant ä гёЯёсЫг sur ce qu'il avai t et6 , on se mi t ä insister su r certains caractdristique s attribu6e s traditionnellement a u Messi e e t qu e J6su s avai t manifest6es : i l 6tai t rempl i d e l'Esprit , i l ac complissait de s miracle s e t de s exorcisme s comm e signe s d e so n autorit d e t d e s a gloire , i l pardonnait le s pechds" . Cett e гёПехю п pri t l a directio n d'un e affirmatio n d e l a naissanc e surnaturelle d e J6su s accompagni e d e l a ddclaratio n qu e Jösu s a ddj ä dt έ l e Messie 32. Mai s alors, e n т ё т е temp s qu e l'o n s e met ä identifier des traits messianique s dan s l a vi e de Jdsus , on constate que ceux-ci n'on t pas έίέ ddcouverts avan t sa rdsurrection. O n en d6dui t done qu'i l у avait un e volont e d61ib6r6 e de cacher la messianitö de J6sus durant so n minister e terrestre 33. Dans cett e perspective, l a r6surrection n e devient plu s le ddbut de la messianite d e J6sus, mai s le dibut d e l a revelation d e celle-ci 34. Par l a suite, i l est pensable qu'on ai t pass 6 d'une concep tion d e J6su s comm e messi e inconn u ä l a conceptio n qu e Jdsu s voulait reste r messi e in connu35. Selo n cett e lign e d'interpr6tation , qu e Wred e reconnai t comm e tentativ e e t no n comme resulta t d'un e preuve , Jdsu s n e se serai t pa s historiquemen t ргёвет ё l u i - т ё т е comm e le Messie 36. Dans cett e dlaboratio n progressiv e d e l a conceptio n d e l a messianit d d e Jdsu s duran t so n ministöre terrestr e ddjä , Wrede estim e qu e Mar c s e situ e ä un e 6tap e o u Involutio n n'es t pa s encore aboutie . E n quo i у aurait-i l contradictio n ä envisage r qu e miracle s e t enseignement , souffrances et mort son t con5U S par Mar c comm e de s attribut e e t des conditions d e l a messia nitd, dej ä manifest6s durant l a vi e terrestre d e Jesus , tou t e n concevan t qu e l a röceptio n d e l a dignit6 ("Würde" ) e t d e Гаиют ё ("Macht" ) - "un d auc h de r adäquate n Daseinsart " - date raient d'un momen t ultdrieur" ?

Pour Wrede , l'intentio n principal e d e Mar c es t evidente : montre r e t demontrer qu e Jesu s es t l e Fil s d e Dieu 38 , e t cec i e n depi t d u fai t que cel a es t 30

"...de r is t dagewesen, de n wi r nun al s Messia s erwarte n dürfen. " (Wrede, Messiasgeheimnis, p.217) . 31 Wrede , Messiasgeheimnis, p.218 , 22 2 e t 227 . "E s bleib t als o schwerlic h ein e ander e Möglichkeit, al s das s di e Anschauun g vo m Geheimni s i n eine m Moment e entstand , w o man vo n eine m messianische n Ansprüch e Jes u au f Erde n noc h nicht s wusste , un d da s heisst eben , i n einem Momente , w o man al s den Begin n de r Messianität di e Auferstehun g dachte. I n diese m Moment e mus s dan n allerding s de r Tite l Messia s wirklic h noc h eine n vom Leben Jes u au s gerechnet - futurischen Sinn gehab t haben . (...) . Freilich ers t zu eine r Zeit, al s sachlich di e ursprüngliche Auffassun g schon i m Weichen war , d. h. als i m Lebe n Jesu bereit s Hinweis e au f sein e künftig e Stellung, Kennzeiche n un d Äusserunge n seine r Messianität gefunde n wurden . Den n die s is t eine weiter e notwendig e Voraussetzung , di e sich au s de m Gedanke n de s Geheimnisse s selbs t unmittelba r ergiebt . Da s Verberge n schliesst ein, dass etwas zu verbergen war. " (p.227) . 32

"Jesu s is t der Messias gewesen" (Wrede, Messiasgeheimnis, p.218) . Wrede , Messiasgeheimnis, p.227 . 34 Wrede , Messiasgeheimnis, p.227-228 . 35 Wrede , Messiasgeheimnis, p.229 . 36 Wrede , Messiasgeheimnis, p.229 . 37 Wrede , Messiasgeheimnis, p.223 . 38 "Den n da s leide t keine n Zweifel , sein Zwec k wa r ja ebe n der , Jesu s mi t seine r Schrif t als Sohn Gottes zu schildern un d zu erweisen." (Wrede, Messiasgeheimnis, p.125) . 33

Theorie du secret messianique

19

reste cache durant l a vie terrestre de Jesus. Marc adher e done ä la conceptio n du secre t messianiqu e qu i devai t s e developper dan s l e milie u dan s leque l i l se trouvait , e t i l l a prolong e meme . C'es t ains i qu'un e bonn e par t d e с е qu'i l transmet ä c e propo s n e pouvai t pa s proveni r directemen t d e l a tradition , comme, pa r exemple , l a fa?o n don t i l formule les annonce s d e l a passio n e t dont i l les inser e dans l'ensemble d e son evangile 39. Le resulta t d e l a mise e n scene d e cett e conceptio n d u secre t messianiqu e peu t s e resume r e n deu x .д о points pnncipaux : - tant que Jesus fut sur terre, il tint sa messianite secrete ; - tou t e n restant voil e au x yeu x d u peuple , i l s e devoila ä ses disciples , mai s ceux-ci ne comprirent rien . Cette manier e d e presenter le s disciples es t tout ä fait particuliere ä Marc . Contrairement ä Mt 41 et ä Lc 42 qui le s presentent sou s u n jour meilleur , Mar c nous montr e tou t a u lon g d e so n evangil e le s disciple s incapable s d e saisi r qui es t Jesus 43. Contrairemen t ä Mt che z qu i l a confessio n d e Pierr e marqu e une progressio n dan s l a connaissanc e d e Jesu s pa r le s disciples , cett e peri cope a un e tout e autr e significatio n che z Marc : ell e n e di t rie n qu i n'aurai t pas dejä ete di t auparavan t e t ell e n' a aucu n impac t su r l a suite , ca r l'incapa cite de s disciple s ä saisi r qu i es t Jesu s n'es t pa s moindr e apre s qu'avant 44. Ainsi, s i M t pr6sent e c e momen t comm e u n momen t exceptionne l qu i declenche l a joie d e Jesus, i l faut oublier M t e n lisan t Mc : M c n e donn e au cune indicatio n laissan t entendr e qu e c e momen t aurai t u n caracter e excep -

39

Wrede , Messiasgeheimnis, p . 145.

40

Wrede , Messiasgeheimnis, p . 114.

41

Pou r Mt, l'essentie l es t de montre r que le s disciple s repr6senten t vraimen t l'enseignemen t du Christ e t l a veritabl e connaissanc e d e s a personne. I I n'y a plus, comm e che z Marc , op position entr e l'dpoqu e avan t l a croi x e t Гёроци е aprö s l a croix , mai s oppositio n entr e deux cercles : le s disciple s e t l a foule . Аргё в l a croix , o n peu t proclame r c e qu e certain s savaient d6jä : le s disciple s son t le s tdmoin s d e l a vie d e Jesus , don e se s representant s 16gi times. (Wrede , Messiasgeheimnis , p.162-163) .

42

Luc , pa r exemple , excus e l e sommei l de s disciple s (L c 22,45) ; d e meme , l a presentatio n de l a Transfiguratio n comm e un e scfen e nocturne , expliqu e l e sommei l de s disciple s du rant cett e scen e (L c 9,32) ; l'incomprthensio n de s annonce s d e l a passio n es t justifi6e pa r le fai t que le s disciples , parc e qu'ils appartiennen t a u peuple de s Israelites , partageaien t le s attentes d'Israel : l'espdranc e d'un e liböratio n (L c 24,21 ; A c 1,6) ; c'est c e qu i le s empechai t de comprendr e l'annonc e du messi e souffrant . D'un e certain e maniere , Lu c historicis e e n intέgrant le s disciple s dan s l e context e d e leu r temps. (Wrede , Messiasgeheimnis, p . 167171). Comm e che z Mt , l a n6cessit6 d e garder le secre t messianiqu e jusqu'ä l a r6surrectio n ne semble plu s un point essentiel (Wrede , Messiasgeheimnis, p . 178).

43

"Nac h dem Markusevangeliu m zeige n sic h di e Jünger im ganze n Verlauf e der Geschicht e unfähig, Jesus z u begreifen." (Wrede, Messiasgeheimnis, p.101) . 44 Wrede , Messiasgeheimnis, p . 116.

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L'identitö de Jösus et l'identitö de son disciple

tionnel45. I I faut admettr e dö s lor s qu e cett e scen e es t e n contradictio n ave c l'absence d e comprehension qu i caractirise le s disciple s pa r ailleurs 46. Ca r l a confession d e Pierr e manifest e san s contest e un e connaissanc e surnaturell e du secre t messianique 47. L a seul e explication qu e Wred e trouv e ä cet £ta t d e fait es t qu e cett e scen e a gard e l a trac e d'un e traditio n different e d e cell e choisie pa r Marc dan s l'ensembl e d e so n 6vangile , traditio n selo n laquell e l a messianite serai t reste e cache e ä tou s sau f ä Pierre 48. Autremen t dit , s i j e comprends bie n c e qu'il veu t dire , Wred e envisag e l e fai t que Mar c n e pou vait fair e autrement qu e d'integre r cett e pericope dan s so n evangile ; i l le fait done, mai s e n lu i 6tan t tout e s a porte e primitive . C'es t comm e s i Pierr e n e savait pa s vraimen t c e qu'i l dit , s a declaratio n n'etan t suivi e qu e pa r l'ordr e de se taire donne par Jesus. Dans l'Evangil e d e Marc, i l n'y a done ni progression dan s la connaissanc e qu'ont le s disciples d e l'identite de Jesus 49 ni volont e d e Jesus d'eduque r pro gressivement se s disciples 50: pou r Marc , c'es t de s l e debu t qu e le s disciple s auraient d ü comprendr e qu i etai t Jesu s e n l e voyant 51. S i Mar c nou s montr e les disciple s dan s l e mem e eta t d'inconnaissanc e d u debu t ä la fi n de l'evan gile, malgr 6 tou s le s enseignement s particulier s qu'il s resolven t d e J6sus , c'est qu'i l a un e intentio n precise : i l utilis e u n preced e d e contrast e qu i lu i permet de mettre en evidence deux aspects principaux d e sa pensee:

45 46

Wrede , Messiasgeheimnis, p. l 17. Wrede , Messiasgeheimnis, p.238 .

47

"S o mus s ma n urteilen , wei l di e Jünge r fü r Marku s dogmatisch e Grösse n sind : ύ μ ΐ ν τ ό μυστήριον δέδοτα ι τη ς βασιλεία ς το ΰ θεοΰ. " (p.238) . (Cf. M c 4,11) . 48 Wrede , Messiasgeheimnis, p. l 17 e t 238 . "(Markus ) könnt e hie r ein e wi e imme r geartet e Überlieferung wiedergeben ; al s ei n einzelnes, mi t dem Übrige n nich t weite r in Beziehun g gesetztes Stüc k hätt e er sie i n seine Erzählun g eingestellt. " (p. l 16) . * Wrede s

S

51

, Messiasgeheimnis, p.9-1 5 e t 108-109 .

i J6su s avai t adopt 6 un e attitud e p£dagogiqu e pou r fair e comprendr e qu e s a messianit i ötait diffdrent e d'un e messianit 6 teintö e d'ideologi e nationalist e e t politique , i l aurai t pri s la peine d'explique r qu e cett e attent e 6tai t еггопёе (с/ . Wrede , Messiasgeheimnis, p.39-40 ) et Mar c aurai t pri s l a pein e d'explique r ä se s lecteur s Da'ien s c e qu e pouvai t etr e cett e at tente (с/ , p.44) . D'ailleurs , ä la lecture , l e lecteu r d e l'Evangil e d e Mar c n e trouv e aueun e opposition entr e deux conception s d e l a messianit6 (p.43) . S i J6su s s'oppos e ä une certain e conception du Messie , c'es t e n ddfendan t Γίάέ ε d e l a souffranc e e t d e l a mort du Messi e (p.45), mai s pa s e n l'opposan t ä une conceptio n autre , pa r exempl e politique , du Messi e (p.46). Devan t l'incomprdhensio n de s disciples , Mar c n e nou s montr e don e pa s Jösu s fai sant beaueou p d'effort s pou r surmonte r cett e incomprdhensio n lorsqu'i l annonc e l a pas sion. C'es t pourquoi so n attitude ne peut pas etre qualifiöe de p6dagogique .

Wrede , Messiasgeheimnis, p.l09 .

ТЬёопе du secret messianique

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- l e contrast e entr e l'incompröhensio n prfpascal e des disciple s e t leu r com pr6hension postpascale 52; - l e contrast e entr e l'incomprdhensio n de s disciple s e t l a grandeu r d e J6sus : l'incomprehension de s disciples joue l e role de toile d e fond sur laquelle l a grandeur de J6sus peut ressortir 5 . Ce preced e d e contrast e es t don e u n preced e litteraire : i l n e correspon d pas ä u n "souveni r historique" . Marc , comm e J n d'ailleurs , nou s donn e un e caricature de s disciple s pou r accentue r l a nouvell e comprehensio n postpas cale54. Cependant , etan t donn e c e qu'es t l a final e d e l'Evangil e d e Marc , i l faut reconnaitr e qu e ce t ecri t n e donn e pa s beaucou p d'information s su r l a fa$on dont cette nouvell e comprehensio n s'es t d6clenchee . Wrede , cherchan t ä e n reconstitue r l'histoire , pens e qu'i l у a ä l'arriere-fon d d e Mar c l'idee , commune au \ evangile s d e Luc e t de Jean, selo n laquell e le s yeu x de s disci ples se sont ouverts grace ä la reception de l'Esprit-Saint 55. A.2.2. REPRISE S ET CRITIQUES DE LA THEORIE DE WREDE L'ouvrage d e Wred e su r l e secre t messianiqu e devien t de s s a publicatio n une ref6renc e incontournable de s etude s marciennes . I I n'est pas questio n d e refaire tout l'historiqu e d e la discussion 56. Nou s nou s contenteron s d e rappe ler ici les points majeurs de la critique ä l'aide des principaux auteur s qui on t amend6 et reformule la th6orie de Wrede. 1. Hans Jürgen Ebeling : le secret souligne l'epiphanie du Fils de Dieu

Des l a parution d e l'ouvrag e d e Wrede , o n repren d se s theses , o n le s dis cute, o n e n critique certain s aspect s o u certaine s parties 57. Mai s i l fau t atten 32

L a peintur e stdr6otyp6 e de s disciple s n'es t pa s u n manqu e d e respec t dan s l a pensd e d e l'dvangöliste. I I ne fau t pas oublie r qu'il l'61abor e ä une p6riode o ü le s apotre s son t devenu s des autoritd s reconnue s e t о й il s n e son t plu s aveugles . Selo n Marc , l'incomprdhensio n 0tait don e un e attitud e naturell e duran t l a p6riod e du secre t (Wrede , Messiasgeheimnis, p. 104 et 107) .

33

A

c6t 6 d u contrast e entr e incomprdhensio n prdpascal e e t comprehensio n postpascale , "spielt ein e ander e Kontrastwirkun g mit : ih r Unverstan d bilde t ein e Foli e fü r Jesu Höh e und Grösse." (Wrede, Messiasgeheimnis, p.107) .

54

Wrede , Messiasgeheimnis, p.233-234 .

55

Wrede , Messiasgeheimnis, p.23 1 -234.

56

Pou r une discussio n rdeent e su r l a thdori e d u secre t messianique , voi r p.ex . ERNST , Josef, Das sog . Messiasgeheimni s - kei n 'Hauptschliissel ' zu m Markusevangelium , in : Jose f Hainz (6d) , Theologie im Werden, Paderbor n ; Zürich [etc.] : Schöningh , 1992 , p.21-56 .

57

U n expos d trö s ddtailld des position s de s diver s auteur s qui on t pris part ä cette discussio n jusqu'au milie u de s annde s trent e constitu e l a premier e moiti ö d e l'ouvrag e qu e Han s Jürgen Ebelin g consacr e a u secre t messianique : EBELING , Han s Jürgen , Das Messiasge-

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L'identite de Jesus et l'identitö de son disciple

dre 193 9 pou r trouver un auteur qui reprenn e tout e l a discussion. C'es t Han s Jürgen Ebelin g qui , dan s so n ouvrag e Das Messiasgeheimnis und die Botschaft des Marcus-Evangelisten 58, contest e l'ide e que l'Evangile d e Marc soi t traverse pa r l a manifestatio n d'un e tendanc e ä garder u n secret 9. Selo n lui , en effet, mis ä part les passages o ü Wrede voit des ordres de silenc e e t qui n e le son t d'ailleur s pa s tous , o n trouv e un e foul e d e passage s qu i raconten t l e contraire, c'est-ä-dir e qu i indiquen t qu e l a reputatio n d e Jesu s s e repand , comme pa r exemple: 1,21-22.32-33.45 ; 2,1-2.13 ; 3,7-8 ; 4,1.2a ; 5,21b ; 6,31 33.53-5660. E n d'autre s mots , le s theme s antagoniste s d u voilemen t e t d e l a revelation s e cotoien t effectivemen t dan s l'Evangil e d e Marc , с е qu e Wred e n'avait pu fair e autremen t qu e d e constater . Cependant , contrairemen t a Wrede, Ebelin g n e pens e pa s qu'i l s'agiss e l a d'un e intentio n deliböre e d e l'evangeliste61. I I pens e pluto t qu e cel a result e du fai t qu e Mar c pren d le s elements comm e i l le s trouv e dan s l a tradition , e t qu e ceux-c i peuven t en tretenir des contradictions entr e eux 62. Toutefois, contrairemen t au x tentative s adoptan t un e approch e inspire e d e la critiqu e de s source s e t d e l'histoir e de s formes , i l reconnai t ä Wred e l e тёгке d'avoi r cherch e ä mettre e n evidenc e un e intentio n r6dactionnell e d'ensemble d e l'6vangeliste 6\ Simplement , contrairemen t ä Wrede , i l n e heimnis und die Botschaft des Marcus-Evangelisten (BZN W 19) , Berlin : Töpelmann , 1939 , p.1-113. 58 Cf. not e prdcddente . 59 Ebeling , Messiasgeheimnis, p . 116: "Von eine r Tendenz zu r Geheimhaltung wir d ma n be i dem Evangelisten nich t mehr reden dürfen." ω Ebeling , Messiasgeheimnis, p.116 . L'ordre d e rentrer directemen t che z lu i donn ö ä l'aveu gle en 8,2 6 par exemple n'est pas formellement un ordre de se taire comme o n l e trouve e n revanche e n 7,36 (p.141). E t l'ordre de s e taire donnd au poss6d 6 en 1,2 5 a pour principal e fonction de d6montrer l a sup&iorit ö de J6sus (p . 128); la fin d u rdci t (1,27-28 ) montr e qu e la ddmonstration a räussi puisqu e l a foule s'extasie et que l a г е п о т т ёе d e J£sus s e rdpan d (p.130). 61 Ebeling , Messiasgeheimnis, p.126 : "E s is t unmöglich , da s Nebeneinande r vo n Offen barung und Verhüllung mi t Wrede von einer bestimmten Tenden z de s Evangelisten he r z u erklären." 62 Ebeling , Messiasgeheimnis, p.126 : "Wi r vermöge n di e herausgestellte n Gegensätze , Widersprüche un d Unausgeglichenheite n nu r darau s z u erklären , das s de r Evangelis t ihnen völli g unbefange n un d s o unachtsa m gegenübergestande n hat , das s e r de n Stof f weitergibt, wi e e r ih m vorlag . Die s Ergebni s wir d durc h di e weiter e Beobachtun g bestätigt, das s vo n de n sech s Stellen , a n denen ei n Verbo t vorliegt , bei viere n zugleic h di e starke Verbreitun g beton t ist. " (p.126 ) Sui t l e commentair e d e M c 1,23-2 8 (p.126-131) , 5.21-43 (p.131-135) , 7,32-3 7 (p.135-136) , 10,46-5 2 (p.136-137) , 1,40-4 5 (p.137-140 ) e t 8.22-26 (p. 140-142). ° Ebeling , Messiasgeheimnis, p.134 : "Verbo t un d Offenbarung gehören i n diesen Geschich ten wesensmässi g zusammen ; jede literarkritisch e Operatio n führ t daher nich t blos s vo m Verständnis fort , sondern verletz t de n Tex t selbs t unheilbar . Wi r habe n bereit s obe n still -

ТЬёопе du secret messianique

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pense pa s qu e l e moti f d e l a r6velatio n es t mi s e n oeuvr e pou r souligne r l'importance du moti f d u secre t ä garde r jusqu'ä l a resurrection , mai s qu' ä l'inverse, c'es t l e moti f d u secre t qu i perme t d e souligne r l'impossibilit e d e maintenir cache e l'identit e veritabl e d e Jesus , e t don e qu i renforc e l e moti f de l a delation 6 4 . L'intentio n d e l'6vangelist e n e serai t don e pa s d e donne r une interpretatio n th6ologiqu e d u d6calag e tempore l entr e l e minister e ter restre de Jesus e t la revelation glorieus e d u Fils d e Dieu. So n intentio n serai t au contrair e d e decrir e d u debu t ä la fi n d e l'evangil e l'epiphani e d u Fil s d e Dieu65. Dan s cett e perspective , le s ordre s d e silenc e correspondraien t ä u n procede litterair e pou r souligne r l'impossibilit e d e cache r l a gloir e d e Jesus . On e n a un e illustratio n particulieremen t evident e e n M c 7,36 , lor s d e l a guerison d u sourd-muet , o ü Jesu s "leur " dit d e n'e n parie r ä personne: "Wi r haben ein e — ihre m Charakte r nac h hellenistisc h gefärbt e — Wunderer zählung vo r uns , di e beid e Motive , Verbo t un d Übertretung , bringt , u m di e δόξα Jes u z u unterstreichen . De r Evangelis t bedien t sic h de r Menge , u m schweigend Bultmann s Meinun g abgelehnt , di e dahi n geht , das s da s Schweigegebo t de n Zusammenhang unterbreche . Da s Verbo t reih t sic h vielmeh r gan z sachgemäs s a n da s nu minose Aussersichsein an , wie Wendling indirek t insofern erkannt hat, als er dieses gleic h zusammen mi t dem Verbo t streichen wollt e — eine Unmöglichkeit. " M Plu s g6n0ralement, tout e l a thöorie du secre t serai t a u servic e d'une th6ologi e de l a gloire : le moti f d u voilemen t dipen d d u moti f d e l a rdvelatio n e t no n l e contraire ; Ebeling , Messiasgeheimnis, p.112-113 : "Den n stet s musst e da s Verhüllungsmoti v nehmen , wa s da s Offenbarungsmotiv geben wollte . Wi r aber meinen , das s ein Durchdenken de r Traditions bedingungen de r synoptischen Stoff e lehrt, dass das Messiasgeheimnis | streng vo n de r Offenbarungsbotschaf t her — un d nich t umgekehr t — , als o konsequen t von de m missionarischen , evangelistische n Auftrage , zu de m sic h di e Gemeind e berufe n wusste, zu sehen un d zu verstehen ist" . 65

Ebeling , Messiasgeheimnis, ecri t e n effe t d'abord p . 144-145: "Unser e Deutun g sties s übe r eine bloss e Diskrepan z vo n Verhüllun g un d Offenbarun g hinaus vo r z u de r Evangeliste n sowie bereits die vor ihm liegend e Tradition bewegende n Intention , di e beides sich | dienstbar macht . Nich t Unglaube , Misserfol g ode r Verstockung , sonder n gerad e de r Er folg, da s sieghaft e Hinausrufe n i n all e Wel t stellt e sic h un s al s de r eigentlich e Gedank e unseres Motive s heraus. " Cette position , Ebeling l'avai t döj ä аппопсёе p.l 14 en disant qu e l'intention fondamental e d e l'evang61ist e es t d e rendr e temoignag e ä l a rövölatio n d u Fil s de Dieu. Plus loin, p. 145, il pr6cise: "So predigt M c die Epiphanie de s Gottessohnes, nich t seine einstweilig e Verhüllun g mi t unsere m Motiv. " E t i l enchain e e n renvoyan t ä Wred e qui adme t lui-mem e qu e l e secre t n e peu t etr e tenu : "Z u de n Wunder n Jes u gehör t notwendig da s Ansehe n un d de r Ruh m de s Wunderthäters . Zuma l wen n di e Wunde r al s Offenbarungen seine r Gröss e un d Mach t gedach t sind , wen n si e eine n bestimmte n Ein druck vo n ih m erzeuge n sollen . S o lieg t ein e Anerkennun g Jes u darin , das s sein e Tha t verbreitet wird . (... ) E s bricht sein e Herrlichkei t darau s hervor , das s e r verborge n bleibe n möchte un d doc h alsbal d bekann t wird. " (Wrede , Messiasgeheimnis, p.127) . L'idö e qu e l'6vangile d e Marc es t une öpiphanie du Fils de Dieu n'es t pas nouvelle. Elle avait d6jä έΐέ 6mise par Martin Dibelius : "S o war d Marku s al s ein Buch d e geheimen Epiphanien. " ( Die Formgeschichte des Evangeliums, Tübingen : Mohr , 1919 , p.64; dans l a З ё те έά. revu e e t augment6e de 1959 , cette phrase s e trouve p.232) .

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L'identit6 de J6sus et l'identitd de son disciple

dem Lese r de n Sin n de s Wunder s nahezubringen." 66. Ebelin g insist e ä c e propos tou t sp6cialemen t su r l a relation qu'6tabli t l'6vang61ist e ave c se s lec teurs o u auditeurs . Ainsi , e n M c 5,43 , l a recommandation fait e par J6su s d e ne parier ä personne d e l a gu6riso n d e la fill e de Jai'rus n'est pas l ä pour dir e que l e secre t messianiqu e n'es t τένέΐ έ qu' ä certains . L a fonctio n d e cett e re commandation es t oriente e ver s l e lecteu r o u l'auditeur ; eil e soulign e l e pri vilege d u lecteur/auditeu r qu i assiste , lui , a u miracle : "D u wirs t gewürdigt , dies göttlich e Geheimni s z u vernehme n | das nu r dre i seine r Jünge r erlebe n durften."67. L'honneur , c'es t d'etr e mi s su r pie d d'egalit e ave c le s temoin s oculaires68. Mai s l e reci t n'es t pa s construi t su r un e oppositio n entr e un e revelation secret e d'un e par t e t un Statu t officie l de Jesus cachan t s a messia nite duran t so n minister e terrestr e d'autr e part . L a revelatio n fait e en secre t est u n precede narrati f pou r s'adresse r a u destinatair e d u reci t d'un e manier e particuliere. 2. Gaetan Minette de Tillesse : le secret, procede litteraire d'une christologie haute Gaetan Minett e d e Tillesse 69 s e situ e dan s l a lign e interpretativ e d e Han s Jürgen Ebelin g don t il resume ainsi la these: "... l'intention profond e de Mar c se revele , no n dan s l e secret , mais dans la violation de ce secret. L e secre t n'existe qu'e n vu e d e s a violation!" 70. Autremen t dit , l e secre t portan t su r l a messianit6 d e Jesu s n' a pa s d e valeu r historique ; c'es t u n proced e litt6raire , une constructio n d e Marc 71 pour manifeste r "l a libert e ave c laquell e J6su s a choisi l e chemin d e la passion pluto t que celu i d e la gloire." 72 Mar c a besoi n du secre t messianiqu e pou r rendr e plausibl e l e fai t que Jesu s devr a souffrir sa passion malgr6 son succes. Cette n6cessit6 de la passion est la seule raiso n du secre t messianique , coram e l e resument deu x citation s d e Minette d e Til lesse:

66

Ebeling , Messiasgeheimnis, p.135 .

67

Ebeling , Messiasgeheimnis, p.131-132 .

68

Ebeling , Messiasgeheimnis, p.132 : "Got t würdig t de n Lese r seine s Rufes , stell t ih n jenen drei Augenzeuge n gleich : stell t er sich diese m Rufe ? Es lieg t als o ein Geheimni s i m Sinn e des hellenistische n μυστήριο ν vor ; de r Lese r un d Höre r diese s Ereignisse s empfing t e s als ihm persönlich zukommend e Offenbarung. " 69 MINETT E DE TILLESSE, Gaetan, Le secret messianique dans l'ivangile de Marc{ LeDiv 47) , Paris: Cerf, 1968 . 10 Minett e de Tillesse, secret messianique, p.26 . C'es t l'auteur qui souligne . 71

Minett e d e Tillesse , secret messianique, p.515 : "Pou r Wrede, l e secre t messianiqu e es t l a projection inconscient e d e l a foi pascal e su r l'histoire d e Jdsus ; pour nous, i l es t un e th£s e 61аЬогёе systematiquement pa r Marc."

72

Minett e de Tillesse, secret messianique, p.320 .

ТЬёопе du secret messianique

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"Le secret messianique exprime chez saint Marc l'irrivocable et libre decision de Jisus d'embrasser sa passion, parce que telle est la volenti divine. C'es t c e qu'exprime l e δε ι "il faut que". Si J6sus avait laissi le s foules ä leur enthousiasme d&irant , s'i l avait laiss d les dimon s hurle r leu r servil e confession , s'i l avai t laiss 6 le s apötre s divulgue r partou t leur sensationnell e ddcouverte , l a passio n eü t €t i rendu e impossibl e e t l a destind e d e J6sus s e füt шибе en triomphe, mai s un triomphe qui aurait έΐέ tou t humain (VIII , 33 ) et qui n'aurai t pa s accompli l e plan de salut divin." 73

Marc montr e commen t Jesu s 6vit e d e s e laisse r entraine r dans l a voi e d e l a gloire tout e humain e et resist e victorieusemen t ä tout c e qu i l'eloignerai t d e la passion . "L'enseignement d e Marc est celui-ci : l a gloire d u Fil s de Dieu es t une rdalit e puissant e et 6clatant e qu i ten d ä s e manifeste r de s l e d6bu t d u minister e d e Jesu s d'un e fago n presque irresistible . Le s d6mons , l a foul e e t mem e le s disciple s poussen t auss i Jdsu s dans c e sens . Mai s J6su s r6sist e violemment . I I dtouff e sa gloire , i l l'empech e ä tout e force d e s e manifeste r avan t l e temps , e t l a raiso n e n es t qu'i l "doit " d'abord 8tr e тёрпвё e t souffrir."14

Autrement dit , selo n cett e lecture, l e Christ de Mar c devien t tre s proch e d e celui d e Jean 75. C e qu i laiss e tou t de т ё т е u n certain malaise : un e christolo gie pergu e comm e "trop " basse peu t tre s vit e etr e lu e comm e un e christolo gie (tres ) haut e qu i s e cache ! I I fau t admettr e dan s c e ca s qu e To n peu t tre s facilement fantasmer en partant de ce qu i n'es t pas dit.. . 3. Ulrich Luz: il faut distinguer 'secret du miracle' et 'secret messianique' La principal e critiqu e qu e To n peu t adresse r ä Ebeling es t cell e formule e par Ulrich Luz 76: Ebelin g a fait l'erreur de generalise r ä l'ensemble de s mate riaux reuni s pa r Wred e pou r s a theori e d u secre t messianiqu e de s conclu sions qu i n e concernen t e n fai t que l'activit e d e guerisseu r d e Jesus 77. Autre ment dit , contrairemen t ä c e qu'i l pense , Ebelin g n' a pa s definitivemen t refute l a theori e d u secre t messianiqu e ca r l a critiqu e qu'i l fai t d e Wred e n e porte pa s su r l'ensemble d e l a theori e mai s seulemen t su r une de s cat6gorie s

Minette de Tillesse, secret messianique , p.321 ; c'est l'auteur qui souligne . Minett e de Tillesse, secret messianique, p.322-323 . 75 Minett e de Tillesse,secret messianique, p.322 : "L a seul e diffdrence entre Jean e t Marc es t que Jea n prdsent e l a passio n comm e u n ordr e τένέΐ έ e n secre t pa r l e Рёг е a u Fils , tandi s que Mar c voi t dan s c e plan d e salu t l'accomplissemen t de s Ecriture s qu e le s disciple s au raient d ü connaitre, s'il s avaient eu l e sens de Dieu. " 74

76

Luz , Ulrich , Da s Geheimnismoti v un d di e markinisch e Christologie , ZNW 5 6 ( 1 9 6 5 ) 9 30. 77 Luz , Geheimnismotiv , p . 17, di t e n not e 3 7 : "I n de r Ta t glaub e ich , das s EßELIN G vie l Richtiges gesehe n ha t un d z u Rech t versuch t hat , di e Wundergeschichte n mi t Schweige gebot vo n de n Wundergeschichte n überhaup t au s z u verstehen ; e r ha t jedoc h de n ver schiedenen Inhal t de s Wundergeheimnisse s un d de s eigentliche n Messiasgeheimnisse s nicht gesehen un d so seine These gewaltsam verallgemeinert. "

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L'identitö de J6sus et l'identit6 de son disciple

d"'ordres de silence", celle des ordres donnes apres les guerisons. L a force de sa critiqu e es t bie n d e porte r su r l e group e de s donnee s qu i constituen t l e fondement d e l a theorie . Mai s s a limit e es t qu'ell e n'es t pa s generalisabl e ä tout с е groupe et qu'elle est san s veritabl e effe t sur le s domaines apparentes : recherche de l'incognito et enseignement e n paraboles . Ce qu i v a permettr e ä Lu z d e propose r u n reamenagemen t d e l a theori e qui integr e le s observation s d'Ebeling . Dan s so n articl e d e 1965 , Lu z limit e sa discussio n d e l a theori e d u secre t messianiqu e ä la partie relativ e au x or dres d e silence . I I reconnai t coram e Wred e qu'il s apparaissen t dan s troi s contextes differents : ä la suite de guerisons, lor s d'exorcismes e t lors d'ensei gnements au x disciples . Selo n lui , cependant , l a raiso n d'etr e d e ce s ordre s n'est pa s l a meme dan s l e cas d e guerisons qu e dans le s deu x autre s cas . S'i l est appropri e d e parie r d e "secre t messianique " lorsqu e Jesu s fai t tair e le s demons qu i revelen t so n identit d divin e o u qu'i l demand e ä se s disciple s d e ne pa s parie r d e s a messianit e (8,30 ) e t ä Pierre , Jacque s e t Jea n d e n e pa s dire ce qu'ils ont v u sur la montagne (9,9) , la fonction d'un ordr e de silence ä la suit e d'un e gueriso n es t tou t autre . Dan s c e dernier cas , i l vau t mieu x par ier de "secret du miracle" 78. La distinctio n d e Lu z par t d u consta t suivant : le s miracle s renden t Chris t "epiphane" e t l a prddicatio n l e concernan t pren d appu i su r eux 79. Lu z com mence par souligne r qu e tous les miracles n e son t pas suivis d'u n ordr e d e s e taire80 e t qu e d e tel s ordre s dan s le s sommaire s n e concemen t jamai s le s guerisons mai s seulemen t le s exorcisme s (1,34 ; 3,11) 81. L a fonctio n de s recits d e miracle s es t d e montre r qu e Jesu s es t thaumaturge : l e succe s d e J6sus comm e guerisseu r doit , dan s cett e perspective , etr e tou t sau f tu 82. L a seule chos e qu i doi t dan s certain s ca s rester cachee es t le precede pa r leque l la gueriso n a et 6 obtenue 83. Mai s l a encore , l a nouvell e d e l a gueriso n s e ™ Luz , Geheimnismotiv , p . 17 caract6ris e c e qui distingu e d e ташёг е spdcifiqu e le s ordre s de silenc e dan s le s r&it s d e gudrison s pa r opposition au x autre s ordre s d e silenc e dan s l e fait qu'ils porten t su r des contenu s diffdrents : "Nich t di e Messianitä t ode r di e Gottessohn schaft Jes u sol l geheimgehalte n werden , sonder n da s Geschehe n de r Heilung , da s Wun der. Wi r werde n als o da s Geheimnismoti v i n de n Heilungsgeschichte n besse r al s "Wun dergeheimnis" bezeichnen." Cf. auss i p.28 . 79 Luz , Geheimnismotiv , p.10 : "I m Wunde r wa r Christu s epipha n geworde n un d au f di e Wunder gründet e sic h di e Verkündigun g vo n ihm. " А c e propos , Lu z renvoi e ä Ebelin g dans l a note 37 p.17 . 80 Luz , Geheimnismotiv, p . 11. 81 82

Luz , Geheimnismotiv , p . 12. Luz , Geheimnismotiv , p . 12.

° Luz , Geheimnismotiv , р.17.С/ . auss i Luz , Geheimnismotiv , p.1 3 qu i soulign e l e fai t que , dans plusieur s cas , l a gudriso n a lie u d'un e ташёг е o u d'un e autr e e n retrait : dan s un e maison (1,29-31 ; 2,1-12 ; 5,21-43 ; 7,24-30) , dan s l a synagogu e (3,1-6 ; voi r auss i 1,21-28 ) ou loi n de s gen s (7,31-37) . Bie n qu e Lu z n e s' y attard e pa s pr6cis6ment , o n pourrai t inter -

Thöorie du secret messianique

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repandra tre s vite et l'ordre de se taire ne fait que souligner l'impossibilit e d e tenir le miracle сасЬё, done renforce l'impression d'autorit e qu i s e degage d u personnage d e Jesus 84. En fait , "secre t d u miracle " e t "secre t messianique " on t selo n Lu z de s fonetions th6ologique s differentes . Le premie r me t e n valeu r l e pouvoi r mi raculeux d e Jesus , l e secon d soulign e l a natur e d e l a messianit e d e Jesus , laquelle n e peut veritablemen t etr e compris e qu'apre s l a croi x e t l a resurrec tion85. L e secre t messianiqu e propremen t di t fai t done parti e d'un e theologi e de la croix. Autrement dit , Luz li t l'Evangil e d e Mar c comm e l'expressio n d e l a coha bitation d e deux conception s christologique s differente s et dejä traditionnel les qu e Mar c repren d l'un e e t l'autr e ä so n compte 86. D'un e par t un e christo logie glorieus e qu i n e peut reste r cache e e t qu i es t manifeste e pa r l'autorit e de J6su s e t pa r so n activit e thaumaturgique . O n e n trouv e principalemen t l'expression dan s l a premier e parti e d e l'evangil e (1,16-8,26) . Ell e s e situ e dans l e prolongemen t d e l a conceptio n hellenistiqu e d u θείο ς άνήρ . Le s ordres d e silenc e qu i suiven t le s guerison s son t ä so n service . D'autr e part , une christologi e d e l a messianit d qu i doi t reste r secret e jusqu'apres l a resur rection parc e qu'ell e n e peu t etr e qu e ma l compris e tan t qu e l'o n n' a pa s v u comment J6su s affront e la souffranc e et l a mort . Ell e trouv e principalemen t son expression dan s la seconde partie de l'evangile (8,27-16,8). Les ordres d e silence adresses aux demons et aux disciples sont ä son service . L'apport principa l d e Luz ä la discussion d e la th£orie d u secre t messiani que es t d'avoi r montr e l'inhomogen6it 6 de s ordre s d e silence . Syst6matique ment associ 6 ä l a revelatio n d e l a filiation divin e d e Jesu s pa r le s demons , adress6 au x disciples , l'ordr e d e s e tair e n'es t jamais transgress d n i pa r le s demons n i pa r le s disciples . E n revanche , ce t ordr e n'accompagn e pa s tou jours le s guerisons et , lorsqu'il est donne, i l est souvent transgress6 . L a fonction de s ordre s d e silenc e n'es t don e manifestemen t pa s l a mem e dan s tou s les cas 87. Cel a dit , o n n e peu t qu e regrette r qu e Lu z n'appui e pa s so n expli prdter dans l e mem e sen s la prise du malade ä Г de art en 7,33 o u 8,23 , pou r ne cite r que ce s cas, comm e l e ddsi r d e garde r secre t l e ргосёё ё mi s e n oeuvr e lor s d e l a gudriso n d u sourd-muet o u d e l'aveugl e (7,33 ; 8,23-25) , у compris , dan s l e ca s du sourd-muet , l a for mule "Ephphata " (7,34) . 81

Luz , Geheimnismotiv , p.1 7 e t p.28 .

85

Luz , Geheimnismotiv , p.28 : "Da s Wundergeheimni s weis t au f di e Mach t de r Wunde r Jesu, (...) , das Messiasgeheimnis umschreib t da s Wesen de r Messianität Jesu, (...). "

86

Luz , Geheimnismotiv , p.29 .

87

THEISSEN , Gerd , Urchristliche Wundergeschichten: Ein Beitrag zur formgeschichtlichen Erforschung der synoptischen Evangelien (StN T 8) , Gütersloh : Mohn , 1974 , p.153 , not e 70, critiqu e l a distinction d e Lu z entr e deu x type s d e secrets . I I estime pe u vraisemblabl e que Mar c n'ai t pa s compri s l e secre t attach ö traditionnellemen t ä u n rici t d e miracl e comme centr d e n fai t auss i su r l a personn e d e J6sus . Autremen t dit , Mar c aurai t l u l e

28 cation d u "secre t du miracle" par des parallele s tire s d e l a litterature contem poraine de s evangiles , juiv e o u paienne , qu i montreraien t qu e l'ordr e d e s e taire donn e apre s un e gueriso n etai t u n comportemen t typiqu e de s thauma turges88. I I n'est en effe t pas d u tout s i eviden t qu e l a recommandation d e s e taire soi t u n trai t constituti f de s röcits d e guerison 89. A u contraire , plusieur s recits d e gueriso n rapporte s pa r l a litteratur e juive 90 e t paienne 91 n e parlen t "Wundergeheimnis" ave c le s lunettes du "Messiasgeheimnis" . I I ne faudrait cependant pa s n6gliger l e fai t que le s demande s explicite s d e s e tair e n e porten t d e fai t pas toute s su r l e meme objet. " Comm e i l le fait en revanche dans le cas des exorcismes, voi r Luz, Geheimnismotiv, p.19 . 89 BERGER , Klaus, & COLPE , Carsten, Religionsgeschichtliches Textbuch zum Neuen Testament, Göttingen : Vandenhoec k & Ruprecht, 1987 , p.33, quant ä eux, n e donnent qu'u n pa rallele ä des ordre s d e silenc e apre s une guörison : Papyri grecs magiques, ed . K . Preisen danz, 1928, 1 130ff . Mais il s datent l e texte du 4/5e sifecl e ap. J.-C., ce qui pos e u n ргоЫё me s i l'on veu t parie r d e рага11ё1е. BETZ, Hans Dieter , The Greek magical papyri in translation, including the Demotic spells, Chicago ; London : Univ . o f Chicago , 1986 , p . xli , date ce s textes entr e l e 2 ё т е siecl e av . J.C. et l e 5eme siöcl e ар. J.C. La datatio n d u text e considfrd e n particulie r n'es t don e pa s san s ргоЫёте . Cependant , i l es t e n plu s questio n dans ce texte d'un e recette. II s'agit d'un text e sacr 6 qui doit rester secret pou r etre efficace. Selon Berge r e t Colpe , c e n'es t don e pa s u n v6ritabl e parallel e au x ordre s d e silenc e attaches au x röcit s d e guörison , ca r raconte r un e gu6riso n n'dquivau t pa s encor e ä divul guer une recette, l e rdcit n'6tant en tout ca s pas considör6 comme un text e magique . Quan t ä Theissen, Urchristliche Wundergeschichten, p.220 , i l pens e auss i qu e l e secre t es t u n 61dment constitutif d u miracl e et que e'est т ё т е ä parti r d e lä qu'il a έίέ 6tend u ä d'autre s situations: "Zude m stamm t da s Geheimnismoti v au s de n Wundergeschichte n selbst ; da s Geheimnis gehör t zu m Wunder. " E t il pense auss i de ce fait que le s röcits de gudriso n on t une fonetion de r6v61ation dans l'övangile. Mai s le s paralteles hors du Nouveau Testamen t qu'il donn e son t peu convaincants . A la page 77 de so n 6tude , Theissen estim e que le s pa pyri magique s son t le s parallele s le s plu s proches . I I n e parl e pa s d e l'exempl e cit d pa r Berger & Colpe , mai s i l indiqu e (p.78 ) PGM IV 725-750. Dan s l a т ё т е perspective , o n aurait p . ex . auss i p u cite r plu s hau t dan s l e т ё т е text e PGM IV 557-560 o ü i l es t de mandö de mettr e l e doigt su r la bouche e t de dire "silence , silence , silence!" . Dan s tou t с е passage, i l s'agi t bie n d'un e instructio n recommandan t d e s e taire . Mai s l a recommanda tion es t fait e avan t qu e l a rdvdlatio n ai t 6t6 refu e e t no n aprös . E t surtout , cett e recom mandation es t ins6r6 e dans un e instructio n pou r invoque r l'immortalitd . D e plus , du poin t de vu e d u genre , cel a n' a rie n ä voi r ave c u n r6ci t d e gu6rison . L'autr e рага11ё1 е propos d par Theissen (p.77 ) provient d e Lucien: Trag. 271. Mai s o n retrouv e ici encor e u n doubl e ргоЫёте d e datatio n e t de contenu. Lucie n (env.12 0 - env.185) 6cri t ä pe u prö s u n siöcl e plus tar d qu e Marc , c e qu i pos e d6j ä un premie r ргоЫёт е lorsqu e l'o n veu t parie r d e pa га11ё1е. Mais surtout , l e passage e n questio n n e parle absolumen t pa s d'un ordr e d e garde r le silenc e donn 6 pa r l e gu6risseu r ä celu i qu'i l a gu6ri . C'es t a u contrair e l e malad e gudr i qui demand e a u gu6risseu r d e lu i dir e comment i l s' y es t pri s pour l e gu6rir et l e mödeci n lui r6pon d qu'i l n' a pas l e droit d e r6v61e r le secret qu i lu i a 6l6 communiqud pa r so n рёг е lorsqu'il lu i a donn6 I'initiation . 90

A

propo s d e Rabb i Hanin a be n Dossa : Mishna, Berakhot 5,5 ; Talmud Bab., Berakhot 34b. A propos de Rabbi Hanina ben Pappi : Talmud Bab., Qiddushin 39b-40a . " Sudtone , Vespasien VII ; Plutarque, Coriolan 38,1-7 ; Pyrrhus 3,7-9 .

Thdorie du secret messianique

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pas d e recommandatio n d e s e tair e e t on t pluto t pou r effe t d e magnifie r l e thaumaturge par le moyen de ses succes . 4. Heikki Räisänen : la theorie des paraboles doit etre distinguee du secret messianique Dans l a thes e qu'i l consacr e ä l a theori e d u secre t messianique 92, Heikk i Räisänen repren d le s these s defendue s pa r Luz . Pou r c e qu i concern e le s ordres d e silence , i l fau t distinguer l e moti f de s guirisons secretes d u moti f du secre t messianiqu e a u sen s propre . Lorsqu e Jesu s oper e un e guerison , i l n'interdit pa s toujour s ä ceux qu'i l a gueri d e raconte r c e qu i s'es t passe , e t ces ordre s son t plusieur s foi s transgresses 93. E n revanche, lorsqu e ce s ordre s de silenc e son t adresse s au x demon s o u au x disciple s e t s e rapportent a l'identite d e J6sus , il s n e son t jamais transgresses 94. Autremen t dit , le s acte s miraculeux d e Jesus ne peuvent demeurer caches 95. 92

RÄISÄNEN , Heikki, Das "Messiasgeheimnis" im Markusevangelium: ein redaktionskritischer Versuch, Helsinki : [s.n.] , 1976 . 93 Räisänen , "Messiasgeheimnis", p . 159-160, pens e n6anmoin s qu e l'interprötatio n donnd e par Lu z pou r explique r l a raiso n d'6tr e d u secre t accompagnan t le s guörison s n e perme t pas de rendre compte de tous les cas oü on l'observe . Un e autr e raison doi t auss i etr e pris e en compte : c'es t qu e J6sus cherch e auss i a 6viter des d6rangement s (Störungen ) qu i attire raient trop de publicitö . * C e qu e soulign e tou t particuli^remen t TAGAWA , Kenzo, Miracles et Üvangile: la pensee personnelle de l'Svangiliste Marc (EHPh R 62) , Paris : PUF , 1966 , p.173 . И у voi t un e diff6rence fondamentale entr e le s ordres d e silenc e qu i suiven t le s gu&isons e t le s ordre s de silenc e adressö s au x d6mons . L e silenc e command d aprö s un e gu6riso n sui t l a guöri son; il est donnέ "d u fai t de la gu6rison" (p.173) . L e silenc e command 6 au x ddmon s 6qui vaut e n revanch e ä u n ordr e d'expulsion . Tagaw a repren d ic i un e id6 e d e BAUERNFEIND , Otto, Die Worte der Dämonen im Markusevangelium, Stuttgart : Kohlhammer , 1927 , qu i dit ä propo s d e M c 1,24-2 5 p.ex. , qu e l'ordr e d e s e tair e donn 6 pa r Jisu s ".. . nu r ei n "Niederschlagen" de r ebe n z u Tag e getretene n "Lebensäusserun g de s Dämons" bedeute n und nich t etw a ei n Geheimhaltungsgebot , ei n Weitersageverbo t sei n kann " (Bauernfeind , p.31). Tagawa , p.172 , adher e ä l'id6 e qu e cett e lectur e s'appliqu e ä tou s le s passage s qu i parlent d u silenc e impos ö au x ddmons , у compri s don e dan s le s sommaire s (1,34 ; 3,12 ) qui son t clairemen t r6dactionnels : "S i l a rdduetio n de s dömon s a u silenc e dtait , dan s l a tradition, consid6r6 e comm e un e manifer e de force r le s ddmon s ä ob6i r pou r le s chasse r ensuite, pourquo i l'6vang61ist e n'aurait-i l pa s donn6 ä ce motif u n т ё т е sen s quand i l fait mention d e l'exorcism e dan s se s sommaire s rddactionnels ? Dir e qu e J6su s a ddfend u au x d6mons d e parier suffi t ä l'6vang61ist e pou r d6signer l e fait que J6sus a pratiqud de s exor cismes. O n congoi t ma l qu e l'6vang61ist e ai t p u n e plu s saisi r l e sen s qu e c e moti f avai t dans la tradition." Quant a u fait que le s d6mons prononcen t de s titres christologiques, cel a correspond a u fai t que , dan s l a conceptio n antique , pouvoi r dir e l e п о т c'es t avoi r u n pouvoir su r celu i qu i l e porte : "Freilich , wi r sahen , das s di e stärkst e Abwehrwaff e de s Dämons di e Kenntni s de s Wesen s Jes u ist " (Bauernfeind , Worte der Dämonen, p.34) . C'est dan s c e sen s qu'i l fau t entendr e le s rencontre s entr e Jisu s e t le s esprit s impur s comme de s affrontements: "Connaissant le s noms de se s ennemis, l'exorcist e peu t exerce r sur eu x un e forc e magique , e t rdeiproquement. " (Tagawa , Miracles, p.173) . O n e n a u n

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L'identit6 de Jesus et l'identite de son disciple

Се consta t d'inhomogeneit e d u moti f d u secret , Räisäne n l e prolong e a l'etude d e l a theori e de s paraboles . Selo n lui , l a theori e de s parabole s doi t etre clairemen t distingu6 e d u secre t messianique : alor s qu e l a conceptio n d u secret messianiqu e serai t une cr6ation de Marc 96, Mc 4,11-12 constituerai t u n corps etrange r dan s l'6vangile , iss u d e l a traditio n premarcienne 97. L'ide e contenue dan s ce s verset s n e s e trouverait null e part ailleur s dan s l'Evangil e de Marc . Ell e resulterai t d e l'experienc e fait e par le s Chretien s d e l'attitud e n6gative des juifs ä l'egard de l'annonce de l'evangile 98. Quant ä l'incompr6hensio n de s disciples 99, ell e entretien t evidemmen t u n lien tres fort avec le secret messianiqu e dan s la mesure oü l'incomprehensio n porte su r l'identit e d e Jesus . Mai s o n n e peu t cependan t pa s lie r tro p forte ment le s deu x themes . L e moti f d e l'incomprehensio n n e suppos e e n effe t pas forcemen t l e secre t messianique . L a preuv e e n es t qu'o n trouv e l e moti f de l'incomprehensio n de s disciple s dan s l'Evangil e d e Jea n san s qu'i l у soi t question d e secre t messianique . Autremen t dit , l a thematiqu e d e l'incom prehension de s disciples a un objectif d'actualisation parenetique , c e qui n'es t pas le cas pour le theme du secret . Räisänen tir e d e so n etud e qu e l'ensembl e de s materiau x rassemblö s pa r Wrede sou s l e thöm e d u secre t präsent e u n caracter e inhomogene . Cel a rösulte du fai t que des motifs contradictoires proviennen t d e la tradition elle meme et que ces contradictions on t ete prolongees pa r le travail redactionnel . Pas etonnant de s lor s que l e theme d u secre t soi t absent dan s plusieurs recit s ой o n pourrai t l'attendre 100. E n d'autre s termes , c e qu i rest e d e l a th6ori e d u secret messianiqu e a u sen s о й l e con9oi t Wred e n e s'appliqu e qu'au x ordre s de silence adresses au x ddmons et aux disciples. C e secret se rapporte ä l'etre (Wesen) respectivement ä l'identite de Jesus: il faut taire le fait qu'il est "Fil s bon exempl e e n M c 5,9 . Mai s Tagaw a (p . 173) estim e qu e I'dvangdlist e es t e n so i indif f6rent au contenu christologique des cris des ddmons. И Räisänen , "Messiasgeheimnis", p . 159. Cett e lectur e es t don e dan s l a lign e d e Η.-J . Ebe ling. 96 Räisänen , "Messiasgeheimnis", p.53 . 97 Räisänen , "Messiasgeheimnis", p.5 0 et p.52. " Räisänen , "Messiasgeheimnis", p.160 . Su r ce point , Räisäne n adh6r e ä l'interprdtation d e Martin Dibeliu s ( Die Formgeschichte des Evangeliums, Tübingen : Mohr , 196 6 , p.ex . p.232 o u p.297 ) qu'i l appell e Пп1ефгё1а110 П apologötiqu e d u motif d u secre t che z Marc . Dibelius estim e qu'e n montran t commen t l a r6vdlatio n rest e e n bonn e parti e secröte , l'6vang61iste trouve l e moyen d'expliquer pourquoi l e peuple n'a pas reconnu Jdsus durant son ministör e terrestre . Räisäne n adme t cett e explicatio n pou r l a thdori e de s paraboles , mais i l refus e de penser que l'ensemble d e ce qu i peut s e rattache r ä la thdmatique du se cret soit motivd par cette seule raison. 99

Räisänen , "Messiasgeheimnis", p.160 . Räisänen , "Messiasgeheimnis", p.16 7 e t p.160; p. ex., M c 2 es t doming par le motif de ce qui est rendu public.

100

Theorie du secret messianiqu e

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de Dieu " o u l e "Christ" 101. L e resultat , c'es t l a deconstructio n d'un e grand e partie d e l a thes e d e Wrede . E t c'es t surtou t d'e n ruine r l'objecti f principal . Wrede, e n proposan t l a theori e d u secre t messianique , cherchai t u n facteu r explicatif globa l d e l'entrepris e redactionnell e d e Marc . Räisäne n reconnai t la presenc e d u secre t messianiqu e dan s l'Evangil e d e Marc , mai s comm e u n aspect parm i d'autres . L e secre t qu i entour e certaine s guerisons , l a raiso n d'etre d e l a theorie de s paraboles e t le motif d e l'incomprehensio n de s disci ples re5oiven t de s explication s independante s le s un s de s autres . Quan t a u motif d u secre t messianique a u sen s propre 102, Räisänen doi t reconnaitre qu'i l est bien incapabl e d'expliquer s a raison d'etre 103. Се qui repose la question d e savoir quell e es t l a perspectiv e redactionnell e qu i pourrai t explique r l a presence conjoint e dan s l'Evangil e d e Mar c d e toute s le s caracteristique s dejä observees par Wrede. A.2.3. L A RELATION ETABLIE PAR L'EV ANGELISTE AVEC LE LECTEUR Hans Jürgen Ebelin g avai t beaucoup insistö sur la fonction litteraire du se cret: c'es t u n proc6d 6 utilis 6 par l'evangölist e pou r communique r a u lecteu r des information s qu i n e son t pa s (encore ) ä dispositio n d e tou s dan s l e monde d u r6cit 104. L a raiso n d'etr e d e с е ргосеё ё doi t don e etr e interpröte e par rapport ä la relation qu e l'6vang61iste €tablit ave c les destinataires d e so n 6crit. Deu x auteur s on t particulieremen t soulign e ce t aspect : Ger d Theisse n et Takash i Onuki . Nou s allon s brievemen t indique r e n que l sen s avan t d e pariser commen t nou s compton s utilise r cett e perspectiv e d e l a relatio n entre l'6vangelist e e t se s destinataires pou r mene r ä bien notr e etud e d u pro jet rödactionnel d e Marc.

101

Räisänen , "Messiasgeheimnis", p . 159.

I0B

Räisänen , "Messiasgeheimnis", p . 160-161: a u sen s restreint , done , e t qu'i l considör e contrairement ä Wrede comme un e pure construction rddactionnell e d e l'6vang61iste . Räisänen, "Messiasgeheimnis", p.162 : "Unbeantworte t is t abe r nac h wi e vo r di e ent scheidende Frage , warum e r gerad e s o verfahre n ist . Waru m ha t Marku s au s verschiede nen traditionnelle n Elemente n sein e besonder e Konstruktio n da s (eigentlichen ) Messias geheimnisses entwickelt? "

IM

I I insiste p.ex . beaucou p su r ce poin t dan s so n interprdtatio n d e l'ordr e de silenc e donn d ä ceux qui on t assist6 ä la gudrison de l a fille de Ja'frus (Mc 5,43) . I I est inconcevable qu e l a nouvelle d e l a guöriso n n e s e ripand e pa s sito t aprö s qu'ell e a eu lieu . L'ordr e d e s e tair e doit don e £tr e entend u ä un autr e niveau : c'es t u n signa l ä l'intentio n d u lecteu r pou r lu i faire comprendr e qu'i l es t d'embld e introdui t dan s l a connaissance v6ritabl e su r Jdsus {cf. Ebeling, Messiasgeheimnis, p.131-132 ; ddjä тепйоппё supra).

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L'identit6 de Jesus et l'identitd de son disciple

1. Gerd Theissen : rassurer ceux qui maintiennent secrete leur identite chretienne Gerd Theisse n estim e qu e l e secre t port e su r u n savoi r christologique 103. Marc mettrai t e n scen e l'ecar t entr e le s chretien s e t l'environnemen t dan s lequel ils son t plonges concernan t c e savoir, autremen t di t concernant l'iden tite d e Jesus . Le s premier s chretien s auraien t et 6 contraint s d e mainteni r secret c e qu'il s saven t d e Jesu s pou r s e proteger . L a fonctio n d e cett e presentation d u secre t es t parenetique : le s chretien s n e doiven t pa s avoi r mauvaise conscienc e d e cache r leu r identit e fac e ä l'exterieur 106. C'es t e n effet un e questio n d e survie . Pou r le s rassurer , Mar c leu r montrerai t qu e Jesus lui-mem e a dü s e comporte r d e l a mem e manier e pou r le s meme s rai sons. E n revanche , de s l e momen t о й leu r identit 6 es t d6voilee , il s doiven t temoigner san s peur . C'es t auss i c e qu e Jesu s a fait . II a choisi d e mainteni r son identit e secret e pour pouvoi r accompli r s a mission. Mai s de s l e momen t ой l a connaissanc e d u secre t s e repand , i l cess e d e fair e tair e ceu x qu i revelent so n identite 107. 2. Takashi Onuki: suspendre le jugement du lecteur sur l'identite de Jesus Takashi Onuk i lit egalement l a thematique d u secre t chez Marc comm e u n precede utilis e par l'evangeliste pour communique r u n message a u lecteur 108. Mais contrairemen t ä Theissen , c e proc6d e n' a pa s pou r lu i un e fonctio n parenetique mai s plutot cat6chetique . Onuki s'interess e ä la fonction des sommaires contenu s dans les evangiles , se demandant c e que l'auteur veu t communique r d e particulier a u lecteur pa r LAS

THEISSEN , Gerd , Di e pragmatisch e Bedeutun g de r Geheimnismotiv e i m Markusevange lium: ei n wissenssoziologische r Versuch , in: Han s G . Kippenber g & Gu y G . Stroums a (eds), Secrecy and concealment: studies in the history of Mediterranean and Near Eastern religions, Leiden ; New York ; Köln: Brill, 1995 , p.225-245, ic i p.226 .

106

Theissen , Geheimnismotive , p.235 .

107

L a lecture d e VOGT, Thea.Angsf und Identität im Markusevangelium: ein textpsychologischer und sozialgeschichtlicher Beitrag (NTO A 26) , Freiburg , Schwei z : Universitäts verlag ; Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht , 1993 , p.229-234 , v a d6j ä tou t ä fai t dan s cette direction. Dan s l a Präsentation d e Marc, J6sus aurait le comportement typiqu e d'un e personne stigmatis6 e : se cacher est une question de survie . S i J6sus veut cacher so n iden titi d e Fils d e Dieu, c'es t pou r se protdger vis-ä-vis d'u n environnemen t qu i menac e d e l e mettre ä mort (M c 3,6) . L'appe l ä la suivanc e dan s l a souffranc e indique qu e le s lecteur s sont auss i dan s un e positio n stigmatisde . Dan s cett e position , il s doiven t calque r leu r comportement su r celu i d e Jdsus . I I est dviden t qu e l e reje t pa r les instance s dominante s de l'environnemen t socia l renforc e de s attitude s d e repl i e t un e marginalisatio n lide s ä Fexclusion. Mai s nou s verron s qu e l e fai t de ne pas ёпопсег soi-mem e un changement d e Statut est Г attitude attendue tant que ce changement n' a pas έΐέ reconn u par les autres .

108

ONUKI , Takashi, Sammelbericht als Kommunikation: Studien zur Erzählkunst der Evangelien (WMAN T 73), Neukirchen-Vluyn : Neukirchene r Verlag, 1997 .

ТЪёопе du secret messianiqu e

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ce procede. U n de s chapitres d e son ouvrage es t consacre ä la problematiqu e du "secre t messianique" 109. L a raiso n provien t d u fai t qu e M c 1,3 4 e t M c 3,11s son t des sommaires e t contiennent Tu n comme l'autre l'injonctio n de s e taire adresse e pa r Jesu s au x demon s (1,34 ) o u au x esprit s impur s (3,11s ) lorsque ceux-ci proclament s a filiation divine 110. Selon lui , l e fai t qu e ce s injonction s adressee s au x demon s s e trouven t dans de s sommaire s a pour consequenc e qu'i l n'es t pa s possibl e d'explique r leur raiso n d'etr e e n s'e n tenan t uniquemen t ä l a progressio n d u reci t ä l a surface d u texte 111. C'es t pourquo i Onuk i parl e d e "fonctio n structurelle" 112 des injonction s a u silence . C'es t ä son avi s l a seul e manier e d e comprendr e l'apparente incohörenc e d e l a perspective narrativ e qu i fai t comme s i Pierre , Jacques e t Jea n etaien t pou r l a premier e foi s beneficiaire s d'un e revelatio n particuliere su r l'identit e d e Jesu s lor s d e l a Transfiguratio n alor s qu e ce s trois disciple s son t dej ä suppose s accompagne r Jesu s e n 1,24s 113 e t e n 3,11s114 ой l'identite d e Jesus es t criee publiquement pa r les demons. E n fait, Marc s'arrang e pou r qu'e n M c 1,24 s comm e e n M c 3,11 s i l rest e possibl e d'envisager qu e le s disciple s n'on t pas entend u c e que le s esprit s impur s on t dit: le s disciple s son t repouss6 s dan s l'ombr e e t le s dispute s d e Jesu s son t decrites d e tell e sort e qu'o n a l'impressio n qu'elle s n e s e passen t qu'entr e J6sus e t le s esprit s impurs . S i Mar c es t ains i pre t ä jouer ave c l a coherenc e narrative a u risque d e l'affaiblir , c'est qu'i l s e preoccup e e n premie r ressor t d'intervenir sur le lecteur en vue d'influencer son acte de lecture. Onuki me t l'accen t su r l e but d u reci t evangelique : Mar c veu t fair e entendre l e paradox e d u "Fil s d e Die u souffrant" . Pou r cela , i l doi t opere r u n d6placement dan s le s precompröhension s d e se s lecteur s qu i risquent d e n e pas associer la souffrance au titre de Fils de Dieu. Ainsi, en faisant taire ceu x qui revelen t l a filiation divine de Jesus san s tenir compte de la croix mais su r le seu l fondemen t d e so n autorit e d e thaumaturg e (c.-ä-d . le s demons) , i l suspend e n т ё т е temp s l e jugemen t d u lecteu r e n lu i faisan t entendr e

ю

C e chapitr e es t l e quatrifcm e d e l'ouvrag e e t port e l e titr e "Neu e Folgerunge n fü r da s "Messiasgeheimnis"". I I s'6tend de la page 49 ä la page 58 . 110 E n 1,34 , Jisu s n e le s laiss e pa s parie r (οΰ κ ήφιε ν λαλειν) , e n 3,12 , i l le s rabrou e (έπετίμα). Onuk i signal e qu e le s sommaire s reprennen t ic i u n moti f ddj ä mentionn d e n Mc 1,25 . '" Onuki , Sammelbericht, p.57 : "Di e Zugehörigkei t de r beide n Schweigegebot e z u de n Sammelberichten mach t e s vie l meh r nötig , si e primä r au f de r Eben e de r zwische n de m Autor und den Lesern vor sich gehenden Kommunikatio n z u betrachten. " ш Onuki , Sammelbericht, p.51 . ш С/ . M c 1,21.29 . 114 O u les disciples son t mentionnd s e n compagnie d e Jdsus (3,7.9) .

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L'identit6 de Jesus et l'identite de son disciple

qu'avant d'applique r u n titr e ä Jesus pou r qualifie r so n identite , i l fau t avoi r lu l'evangile en entier 115. Onuki remarqu e cependan t qu e l e lecteur a un temps d'avanc e su r le s dis ciples: i l connait c e qui s'es t passe a u bapteme alor s que le s disciples n e son t appeles qu'apre s ce t evenement" 6 . Autremen t dit , l e lecteu r es t plac e d'em blee dan s l'intimit e qu i exist e entr e Jesu s e t le monde de s esprits , e n particu lier la voix celeste . PERSPECTIVE DE TRAVAIL Les lectures d e Theissen e t Onuki on t le grand merit e de situe r l a themati que plu s larg e d e l a fonctio n d u reci t dan s l e processu s d e communicatio n entre l'evangelist e e t se s destinataires . Ii s entren t dan s un e perspectiv e qu i distingue clairemen t entr e mond e d u reci t e t mond e d u lecteur . C'es t un e perspective qu e nous voulon s egalemen t adopte r pour c e travail. Nous parta geons l'opinio n d'Onuk i selo n laquell e Mar c veu t modifie r chez se s lecteur s des precomprehensions relative s ä l'identite de Jesus. II s'agit bien, comme l e dit Theissen , d'u n savoi r christologiqu e ä communiquer. Cett e communica tion aurai t p u s e faire sous l a forme d'un trait e theologique . L e fai t d'utilise r le recit me t e n jeu de s preconstruit s culturel s relatif s ä l'identite individuell e qui fon t de l'identite bien plu s qu'un savoir . Car le recit me t en scen e celui-l a meme don t i l es t question : Jesus . De s lors , l e narrateu r es t soumi s ä de s regies d e vraisemblance . I I doi t veille r ä c e qu e le s attitude s e t comporte ments de s personnage s d e so n reci t soien t credible s pa r rappor t ä l'environ nement culture l dan s lequel il s s e meuvent, e n particulier e n c e qui concern e la manier e don t s'enonc e l'identit e individuelle . Qu i peu t l e faire? De quell e maniere? Dan s c e cadre , enonce r l'identit e d e Jesu s n e s e redui t pa s ä l a communication d'u n savoir. Cela implique la mise en scene de relations entr e les personnage s d u reci t e t c e savoi r qu i respecten t le s code s culturel s qu i sont les leurs . Cet aspec t es t systematiquement sous-estim e pa r les lectures d e l'Evangil e de Mar c qu i s'organisen t autou r d e l a thematiqu e d u secret . Toutes , у com pris la lecture recente de Theissen, voien t dans la resistance d e J6sus ä laisser devoiler so n identite l'expressio n d'un e Strategi e visant ä le laisser accompli r sa mission . A quelle s condition s u n comportemen t parei l serait-i l cr6dibl e dan s l e contexte culture l d e l'epoque ? J e voi s troi s possibilit6s . L a premiere renvoi e ä l'attitude de messagers divin s qui s e presentent incognit o chez les humains . C'est un e ide e bie n repandu e a u le r siecle . C'es t ains i qu e le s dieu x ш

Onuki , Sammelbericht, p.5 8 p.ex . Onuki , Sammelbericht, p.52 .

116

Theorie du secret messianique

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frequentent le s humain s san s qu'il s l e sachen t sou s le s trait s d 'etrangers117. C'est ains i auss i qu'Abraha m es t visit e pa r de s envoye s d e Dieu" 8 . C'es t ainsi encor e qu e I'o n pens e pouvoi r accueilli r che z so i de s ange s san s l e savoir"9. Ce s exemple s montren t qu e l'o n peu t prete r ä u n etr e celest e l a liberte d e garde r secret e s a propr e identit e e t d e l a revele r quan d bo n lu i semble. Cet arriere-plan s'appliqu e ma l ä l'Evangile d e Marc. Car , comme l' a montre Ebelin g e t d'autre s apre s lui , l e comportemen t d e Jesu s у es t conti nuellement fauti f pa r rapport ä un e tell e Strategie . S i l e bu t d e Jesus , selo n Marc, etai t d e ne revele r s a veritabl e identit e qu' ä u n certai n moment , pour quoi nous le montre-t-il s i incapable de realiser ce qu'il veut ? Une deuxiem e possibilit e renvoi e ä l'attitud e d e 1'etrange r qu i veu t reste r inconnu, e n genera l pa r peu r d e c e qu i pourrai t lu i arrive r s'i l declar e s a veritable identit6 . L'Antiquit e connai t de s recit s mettan t e n scen e u n te l scenario120. Mai s i l s'accommod e ma l ave c l'Evangil e d e Marc. Ca r Jesus n' y occupe pa s l e role d'u n etranger , mai s celu i d'u n indigen e don t o n connai t l a famille et le lieu d'origine 121. Une troisiem e possibilit e renvoi e au x recit s o ü i l es t questio n d'u n fil s de roi qu i ignor e so n identit e veritabl e parc e qu e d'autres , qu i son t a u courant , se son t arrange s pou r l e separe r d e s a famill e ä s a naissance 122. Mai s l'iden tite veritable transparai t malgr e lui . On trouv e dan s ce cas l e motif d e l'iden tite veritabl e qu i n e peu t pas etr e cachee . Mai s l a encore , cett e situatio n n e s'applique pa s bie n ä l'Evangil e d e Marc . Ca r dan s ce t evangile , Jesu s connait s a filiation divine, alor s qu e le s autre s n e l a connaissen t pas , c e qu i est la situation inverse . 117

Нотёге , Odyssee XVII , 48 5 sq q ; Piaton, Sophista 216 b ; Ovide, Metamorphoses VIII , 626 sqq . С/ . auss i A c 14,11 .

1,8

G n 18 .

119

Cf. H e 13, 2 qui peu t s'inspirer , outr e d e G n 18, 2 ; 19,2 , 6galemen t d e J g 13,3-2 2 o u d e Tobie 12,1-20 . Ношёге , Odyssee VI , 207-20 8 : "dtrangers, mendiants , tou s nou s viennen t de Zeus" . Odyssee VII , 199-20 0 : "Mai s peut-etr e est-c e u n die u qui nou s descen d du ciel."

™ Ношёге , Odyssee VII , 23 7 sq q : Ardte demand e ä Ulyss e so n no m e t l e peupl e don t i l provient, mai s Ulysse n e raconte que so n s6jou r chez Calyps o e t so n naufrage ; en VII , 28 , le no m d'Ulyss e es t toujour s inconn u ä Alkinoos e t Ar6t e qui regnen t su r l a Phöacie. E n 1 S 21,14-15 , Davi d simul e l a folie pour tromper Akish , ro i d e Gath , alor s qu e le s serviteur s d'Akish son t e n trai n d e l e reconnaitre . Lorsqu'Abraha m o u Isaa c fon t dir e ä propo s d e leur 6pous e qu'ell e es t leu r sceu r (G n 12,11-2 0 ; 20 ; 26,1-11), l a d6march e es t d u т ё ш е ordre : c e n'es t pa s l'origin e qui peu t cause r de s ennui s e t qu'i l fau t dissimule r mai s l'identit6 d e man . 121

E n plus de Mc 6,1-6a , o n peut s e refirer aux mention s de s membre s d e l a famille d e J6su s qui l e cherchent , ains i qu'au x fröquen t passage s dan s le s localitd s d'o ü i l es t issu , surtou t dans l a ргеппёге moiti e de l'6vangile .

122

O n pense 6videmmen t ä (Edipe ou ä Remus e t Romulus .

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L'identit6 de Jdsus et l'identitö de son disciple

Dans l e ca s d e J6sus prdsent d pa r Marc , i l s'agi t d'u n etr e humai n qu i ap prend s a filiation divin e a u debu t d u r6ci t e t qui , ä ce moment-lä , es t seu l ä etre a u courant . Que l es t l e comportement attend u d e lui dö s ce moment-lä ? Bien sür , d e s e comporte r e n fil s d e Dieu . Mai s l a voi x c61est e qu i lu i fai t cette revdlatio n n e lu i di t n i d e parier lui-mem e d e c e qu'i l a appris, n i d e l e tenir secret . De s lors , quell e es t l'attitud e requis e dan s u n te l contexte ? I I s'agit d e mettr e ä l'epreuve c e qu i a ete entendu , pou r e n precise r l a teneur . L'envoi a u desert , juste apre s l a revelation , es t indicati f d e cela . L a suit e d e l'evangile realise cette mise ä l'epreuve. Cela dit , prolongeon s c e qu e di t Onuk i d u proje t redactionne l d e Marc . Comme dan s l a demonstration d'u n theoreme , l e recit d u bapteme enonc e e n preambule c e qu e l'o n v a ensuit e s'efforce r d e demontrer . Mai s l a seul e connaissance d u recit du bapteme risquerait d e conduire ä des interpretation s erronees d e ce qu'il fau t у entendre. Pa r consequent, l'evangelist e a besoin d e deployer tou t l e recit de son evangile pour exposer l e sens veritable qu'il faut donner ä l'enonc e d e l a filiatio n divin e d e Jesus . L e them e d u silenc e qu i s'egrene a u fi l du recit vien t suspendr e le s conclusions hätive s qu e l e lecteu r pourrait etr e tent e d e tirer e n cours d e lecture. C e serai t un e manier e d e dir e au lecteur : tu ne comprendras vraimen t qu i est Jesus qu' ä la fin du recit, et tu ne comprendras vraimen t ce que tu dis en affirmant qu'il est Fils de Dieu qu e lorsque t u l e diras ave c l e centurion romai n a u pie d d e l a croi x (15,39) . Au trement dit , i l serai t absurd e d e croir e qu e Mar c pretendai t attribue r ä Jesu s lui-meme l e desi r d e maintenir secret e s a messianite. C e n'est pa s l a messia nit6 de Jesus qu'i l faudrai t garder secrete ; ce sont le s humains qu i n e doiven t pas s e prononcer su r l'identite d e Jesus avan t d e comprendre c e qu'ils disent . II s'agit don e no n pas tant d'u n secre t qu e d'une obligatio n d e suspendr e tou t jugement hätif . Selo n cett e lecture , l e commandemen t d e s e tair e prononc e par Jesu s n'es t pa s d'abor d theologiqu e mai s catdchetique . C'es t u n proedd e pour mettr e e n evidenc e l e centr e d e c e qu e l'o n veu t transmettre , c e centr e etant ä proprement parier le contenu theologique d e l'enseignement . Mais, ce faisant, Marc n e peut pas pour le seul besoin d e sa demonstratio n attribuer ä Jesus de s attitude s qu i paraitraient pa r tro p invraisemblable s dan s l'environnement dan s leque l i l s e trouve . L a mis e e n scen e qu'i l fai t d e l a maniere don t l a revelatio n fait e en secre t ä Jesus su r so n identit e divin e de vient perceptibl e pa r d'autre s e t obje t d e deba t doi t reste r plausibl e su r l e plan narratif . Autremen t dit , Mar c me t e n scen e de s acteur s qu i lu i permet tront d'illustre r le s diverse s reaction s possible s suscitee s pa r l a venu e d e Jesus afi n d e fair e reflechir le lecteu r e t d e l'amene r ä choisir l a bonn e atti tude parmi toutes celles exposees. Mais la maniere dont est епопсёе l'identit e de Jesu s a u fu r e t ä mesur e d e l'ecri t es t forcemen t impregne e pa r le s conceptions d e l'epoqu e su r l'attributio n d e l'identit e e t l a redefinitio n d e celle-ci.

Thöorie du secret messianique

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A parti r d e lä , nou s faison s l'hypothes e qu e dan s l e context e culture l d e l'6poque, seu l quelqu'u n don t l'autorit e 6tai t reconnu e pou r l e fair e pouvai t etablir un changement d'identite . Or, ceux que Jesus fait taire ne sont justement pas dans cette position: - de s esprits impur s et des demons (M c 1,25.34 ; 3,12) justement parc e qu'il s sont impur s e t qu e leu r temoignag e n e peut pa s etr e consider e comm e di gne de foi parce qu'ils sont aussi menteurs 123. - le s disciple s (M c 8,30 ; 9,9 ) parc e qu'il s son t soumi s ä leur maitre . li s n e sont don e pa s dan s l a positio n d e l e legitime r puisqu e e'es t justement lu i qui leur donne leur legitimite 124. Des lors, ma these principale sur ce point s'enonce ainsi: En ordonnant aux demons et ä ses disciples de se taire, Jesus ne fait rien d'etonnan t mai s adopt e tou t simplemen t l e comportemen t at tendu d'u n individ u qu i respect e le s regie s d'attributio n d e l'hon neur dans le contexte culturel dans lequel il vivait. Le probleme ains i pose , l a mise ä l'epreuve d e la these procedera pa r eta pes. Pour pouvoir appretie r un e difference de conception d e l'identite indivi duelle entr e l e monde o ü s'ecri t l'Evangil e d e Marc e t l e mond e moderne , i l s'agit de definir pour commencer c e que l'on entend pa r identite individuelle . Ce ser a l'objet du prochain chapitre . I I debouchera su r une theorie d e l'iden tite. Ensuite , nou s etudieron s commen t s e di t l'identit e individuell e dan s l'Antiquite. Dan s c e cadre , nou s discuteron s l e model e d e l a personnalit e orientee ver s le s autre s propos e pa r Malina . Pui s nou s passeron s a u proje t redactionnel d e Marc. Nous l'aborderon s e n examinant commen t i l construi t le plan d e son evangile . L'exame n d u dossie r concernan t le s titres christolo giques, la discussion d u genre de l'dvangile, pui s l'etude plus approfondi e du recit de la Transfiguration nous permettront d e montrer comment Mar c plac e J0sus dan s l a ligne e prophetique . C e faisant , nous verron s commen t tou t a u long du propos de Marc l'identite de Jesus est en debat et qui son t ceux qui le reconnaissent vraiment . Cec i nou s conduir a ä mettr e e n evidenc e u n enje u majeur de cet 6vangile : indique r о й et par qui s'oper e la veritable reconnais sance d e l'identit e d e Jesus. A u cour s d e cett e demonstration , nou s verron s

m

O n e n trouv e p.ex . l a formulatio n e n J n 8,44-5 5 о й l e lie n entr e possessio n e t mensong e est formellement expliciti, e t plus tar d aussi che z Tertullien, Apologetique, 22-23 . C'es t c e qui fai t dir e ä Bauernfeind , Worte der Dämonen , p.78-8 0 qu'o n n e peu t pa s san s autr e considdrer qu e Mar c ferai t de s d6mon s le s tdmoin s d e l a messianit d d e Jdsus : il s on t un e connaissance surnaturell e d e l'identit 6 ("Wesen" , cf. p.34 ) d e Jdsus (voi r auss i p.31) , mai s ils on t auss i l a caract6ristiqu e d e mentir . Don e o n n e peu t pa s accorde r cr6di t ä tou t c e qu'ils disent . 124 I I les appelle , le s institue , le s envoie .

38 L'identit

£ de Jösus et l'identitö de son discipl e

que Interpretatio n d u reci t d e l a Transfiguratio n joue u n rol e majeu r pou r comprendre l a visee de l'evangeliste .

В. L'IDENTIT E INDIVIDUELL E

В.1. DEFINITIO N D E L'IDENTITE INDIVIDUELL E

L'identite individuell e n e constitu e pa s u n obje t d e pens6 e conceptualis e par l a mentalit ö antique . L a rdflexio n su r c e them e s'es t developpe e ave c l'essor d e l a pensee moderne . Le s science s humaines , e n ech o ä ce dövelop pement lu i on t accord e un e attentio n particuliere . Avan t d e considere r c e qu'il e n est de la conception d e l'identite individuell e dan s l e monde antique , il convient d e d6finir ce que 1'on entend par ce concept. Nous procederons e n trois temps . Dan s u n premier temps , nou s presenteron s commen t l a themati que d e l'identit e individuell e a pri s pe u ä pe u un e plac e central e dan s l a conception occidental e d e l'etr e humain . Dan s u n deuxiem e temps , nou s montrerons commen t c e concept occup e un e place ä l'intersection d e la psy chologic, d e l a sociologi e e t d e l'anthropologie . C e qu i nou s amenera , dan s un troisiem e temps , ä proposer un e döfinitio n de l'identit 6 individuell e e n l a situant pa r rappor t au x notion s d'individu , d e personn e e t d e personnalite . Nous prolongerons ce s definitions en montrant commen t s'articulen t point d e vue psychologique e t point d e vue anthropologique . Nou s verron s alor s qu e si la röflexion sur l'identitö individuelle es t issue de la modernite, so n cham p d'application s'eten d ä l'ensembl e de s culture s e t particip e ä un e approch e anthropologique generale . Nou s l'illustreron s pa r la presentation d'u n тоёё1 е noyau-p6ripherie d e l'identite . C e model e permettr a d e montre r qu'un e grande parti e de s instrument s conceptuel s mi s e n oeuvr e pou r parie r d e l'identit6 individuell e peuven t san s autr e etr e transposd s pou r parie r d e l'identit6 d'un groupe. Le concept d'identit6 individuelle ayan t ete defini et s a capacite d e transposition ä l'etude d e l'identit6 dan s u n context e culture l no n occidental ayan t et e demontr6e , nou s pourron s alors , a u chapitr e suivant , exposer c e qu e recouvr e un e etud e d e l'identit e individuell e dan s l e mond e antique. В. 1.1. EVOLUTIO N DE LA CONCEPTION DE L'lDENTITß INDIVIDUELL E

L'identitö individuelle , tell e qu e l'envisag e l a pensee occidental e contem poraine, es t l e frui t d'un e longu e elaboratio n Иё е a u developpemen t d u

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L'identitö de J6sus et l'identitö de son disciple

concept d e personne . Selo n Marce l Mauss , i l faut attendre l a döfinition de l a categorie d u moi , ver s l a fi n du 18ёш е siecle , pou r qu e l e term e "personne " prenne l e sen s qu'i l a aujourd'hui , dan s l a Declaratio n universell e de s droit s de l'etr e humai n pa r exemple . E n disan t d e quelqu'u n qu'i l es t un e personne , nous voulon s dir e entr e autre s qu e ce t individ u a un e conscienc e indivi duelle, un e libert e individuelle 1, e t don e l e droi t d e s'autodetermine r su r l e plan des opinions, des convictions e t des croyances, у compris religieuses . Cette analys e a ete prolongee plus recemment pa r Hubertu s G . Hubbeling 2 qui pos e comm e caracteristiqu e principal e d u concep t d e personn e l a con science d e soi . I I enumere pa r ailleur s un e seri e d e critere s invoque s pa r di vers systeme s philosophique s pou r caracterise r l e concep t d e personne : l e fait d'etr e dou e d'un e volont e propr e pou r prendr e de s decision s (don e d e manifester un e libert e individuelle) , l e fait d'etre l e sieg e d e valeur s morale s (done d'avoi r u n certai n sen s de s responsabilites ) e t esth6tiques , l a capacit e de s e situe r dan s un e relatio n "Je-Tu" , qu e с е soi t ave c u n autr e individu , avec u n group e o u ave c Dieu . Partan t d e lä , on abouti t ä diverses definition s du concep t d e personn e suivan t qu e l'o n consider e te l o u te l criter e comm e essentiel o u non . Cependant , Jaspe r J . Oosten 3 a raiso n d e fair e remarque r que s i cett e approch e d u concep t d e personn e perme t d e situe r le s un s pa r rapport au x autre s diver s systeme s philosophique s occidentau x posterieur s a la Renaissanc e e t mem e au x Lumieres , ell e per d un e grand e parti e d e s a pertinence s i l'on s'interess e ä d'autres cultures o u ä d'autres epoques. Pour n e ' Maus s ddvelopp e ce s id6e s dans u n article paru d'abord en 193 8 intitul e "Un e catögorie d e l'esprit humain: l a notion d e personne , cell e d e 'moi ' " et repri s ensuite dan s Sociologie et anthropologic^Paris: PUF , 1950 . Le s renvoi s auxquel s je proeödera i ic i son t effectud s su r la base d e l a 6 m e ddition, Paris : PUF , 199 5 [collectio n "Quadrige"] , p.333-362 . E n c e qu i conceme l a caractdrisation donnd e ici , o n s e röförera plus particuliörement au x p.359-361 . Dans c e passage , Maus s es t d'avis qu'i l fau t attendre les mouvement s sectaire s de s 17ёт е et 18em e siöcle s pou r qu e s e posen t "le s question s d e l a НЬейё individuelle , d e l a con science individuelle , du droit d e communique r directemen t ave c Dieu , d'etr e so n pretr e ä soi, d'avoi r u n Die u intdrieur " (p.360). I I faut cependant note r que c e qu e di t Mauss d e l a communication direct e ave c Die u es t impr6cis . Abraham , Moi'se , le s psalmistes , J6sus , le s moines du ddser t d'Egypte , pour n e cite r qu e ce s exemples , tou s communiquen t directe ment ave c Dieu . L a рйёг е d e l'individu , dan s l a solitude, n' a pa s attend u l e pi6tism e pou r exister (l a lectur e d e M t 6, 6 suffirai t ä s'e n convaincre) , n i т ё т е l e christianism e d'ailleurs. L a рпёг е d e l'individ u san s mddiatio n sacerdotal e n'es t pa s l e privileg e d e l a modernit6. C e qui l'est , e n revanche , e'es t l e droi t d e s e forge r u n system e d e croyance s individuel. 2

HUBBELING , Hubertus G. , Som e remark s o n th e concep t o f perso n i n wester n philosophy , in: Hans G . Kippenberg , Ym e B . Kuiper , & Andy F . Sander s (eds) , Concepts of person in religion and thought, Berlin ; New York : de Gruyter, 1990 , pp.9-24 .

3

OOSTEN , Jasper J. , A fe w critica l remark s o n th e concep t o f person , in: Han s G . Kippen berg, Ym e B . Kuiper , & And y F . Sander s (eds) , Concepts of person in religion and thought, Berlin ; New York : de Gruyter, 1990 , p.25-33 .

D6finition de l'identitö individuelle

41

prendre qu e ce t exemple , i l fu t un temp s pa s s i lointai n e n Occiden t о й le s concepts centrau x pou r parie r d e la personne humain e dtaien t ceu x d'äm e e t d'honneur et non pas ceux de liberty ou de responsabilit6 4. Cantonnons-nous pou r l'instan t ä l'Occident . L a conceptio n modern e d e l'identit6 individuell e es t done relativement recente . Charle s Taylor 5, comm e Mauss, situ e l a derniere etap e d e s a construction a u 18em e siecle . Selo n lui , la conception selo n laquell e l e "soi " s e situ e a l'interieur d e la personne hu maine resulte d'un processus en trois phases. Phase 1. Augustin: Ι'ϊηίέήοήίέ humaine, espace ой Von rencontre Dieu La premier e phas e trouv e so n aboutissemen t dan s l a pense e d'Augusti n qui fai t coi'ncider l'oppositio n interieur/exterieu r ave c le s opposition s plato niciennes äme/corps , immateriel/materiel , eternel/changeant 6. Avan t lui , Platon n'avai t pa s besoi n d e parie r d'interiorit e pou r parie r d e l'äme 7. Pou r lui, l'opposition immateriel/materie l qu i coincide avec l'opposition äme/corp s ne recouvr e pa s un e oppositio n d e lieux : pa r rappor t ä l'äme , l e mond e materiel es t tout autant "exterieur " qu e le monde immateriel de s Id6es. Ainsi , si l'äm e s'oppos e a u corp s pa r so n immaterialite , i l serai t exagör e d e l a consid6rer dan s un rappor t de pure interiorit e pa r rapport ä celui-ci. No n pa s que l'o n ignor e qu e certaine s "pensees " o u emotion s s e produisen t " a l'interieur de " te l ou te l individu , a u sen s o u elle s peuvent etr e appr6hendee s par cet individu "en soi" sans forcement etre accessibles ä d'autres. Mais cel a n'impose pa s l a conceptio n d'u n "soi " a u sen s d'un e instanc e centrale , organisatrice. L'image d e l a caverne 8, i l es t vrai , laiss e entendr e qu e l'äm e e n contem plation es t e n quelqu e sort e dan s un e relatio n d'interiorit e pa r rappor t a u monde materiel . Mai s l a grande differenc e par rapport ä une conception mo derne d e l'interiorit e psychologiqu e consist e dan s l e fai t qu e Plato n n e re 4 5

6 7

8

Oosten , Person, р.31 -32. TAYLOR , Charles , Sources of the self: the making of the modern identity, Cambridge : Cambridge Universit y Press , 1989 . I I existe un e traduction fran9aise : Les sources du moi: la formation de l'identite moderne, Paris : Seuil , 1998 . Le s rifdrence s qu i suiven t s'ap puient sur Γέάίϋοη anglaise . Taylor , Sources, p . 121 et 128-129 . Taylor , Sources, p . 118-120, fai t remarquer combien l a "psychologie " envisagd e pa r Platon se distingu e d e cell e d'Hom£re . Нотёге , concevan t l'etr e humai n comm e soumi s ä de s forces diverse s parm i lesquelle s de s divinitös , propos e un e prisentatio n 6clat6 e d e с е qu e nous rangeon s volontier s sou s u n seul terme : diverses appellation s dösignen t des instance s sieges de s pensdes o u des sentiments, localisde s d'ailleur s ä divers endroits du corps. Che z Platon en revanche, l'individ u accompli , c'est-ä-dir e celu i qu i a contröle su r lui-meme, es t celui don t l'äme est une par le fait qu'elle est placde sou s l'hdgimonie d e la raison. Platon

, Republique, 5 14a-515c.

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L'identite de Jesus et l'identitö de son disciple

connait pa s d'independanc e ä l'äm e pa r rappor t a u cosmos . L a conceptio n d'une actio n o u d'un e decisio n don t l a sourc e serai t puremen t interieur e lu i est etrangere. Ainsi , s i l'äme est unifiee, c'est qu'elle est bien ordonnee , don e regie par l a raison. Mais ce t ordre n e regne qu e s i l'äme qu i es t immateriell e est justemen t tourne e ver s c e qu i es t immateriel , autremen t di t qu e s i eil e contemple l'ordr e cosmique. Le comportement depen d don e d'u n certai n typ e de relation d e l'äm e ave c l'exterieur : soi t elle est tourne e ver s c e qu i es t ma teriel e t changeant, soi t elle est tournee ver s c e qui es t immaterie l e t immua ble. L a sourc e d u comportemen t es t d e c e fai t autan t o u mem e plu s ä l'ex terieur qu'ä l'interieui^ . Selon Taylor , Augusti n marqu e un e etap e important e dan s l a constructio n de l'interiorit e humain e e n e n faisan t l'espace о й l'o n rencontre Dieu 10. Die u n'est pa s seulemen t un e instanc e transcendant e qu i illumin e l'äm e d e l'ex terieur, i l es t l a puissanc e pa r laquell e ell e voit , l a "lumier e interieure" . L'äme, oei l intdrieur , a besoin d'etr e gueri e pou r voi r l'ordre bon qu i regi t l e monde. Cett e guerison s e passe ä l'interieur, pa r Tactio n divine. II s'agit don e de s e tourner ver s l'interieu r pou r voi r commen t Die u agi t e t s e conformer ä son action" . Phase 2. La Reforme: valorisation de la vie quotidienne

Cette perspective ouvr e l a deuxieme phas e qui aboutir a ä la Rdforme dans la valorisatio n d e l a vi e ordinaire 12, attitud e qu i v a d e pai r ave c l e reje t de s mediations. Dan s l a mesur e о й l a Riform e affirm e que l e salu t es t directe ment l'ceuvr e de Dieu, ell e refuse de reconnaitre un e quelconqu e supdriorit e ä l a vi e consacrde , e t don e ä tout e form e d e hi6rarchie . L a spiritualit 6 de s R6formateurs es t un e valorisatio n complet e d e l a vi e quotidienne : l a ρΐέηΐ tude d e l'existence chretienn e s'exprim e dan s l'exercic e de s activit6 s couran tes d e l a vie , dan s l e mariag e e t l a vi e d e famille 13. C'es t l ä l a deuxiem e phase importante de la constitution d u "soi " moderne selon Taylor . Du fai t que l a r6flexion de Taylor port e specifiquemen t su r le s source s d e la morale , s a demonstratio n s'attach e surtou t ä souligne r l'importanc e qu'i l ' Taylor , Sources, p . 120-124. 10 Taylor , Sources, p.140 . Voi r l a fameuse formul e d'Augustin a u paragraphe 7 2 d u De vera religione: "Nol i fora s ire , i n teipsu m redi ; i n interior e homin e habita t Veritas " ("A u lie u d'aller dehors, rentr e e n toi-meme : c'es t ä l'int6rieur d e l'homm e qu'habit e l a v6rit6."). Cf. Patrologiae cursus completus. Series Latina. Tome 34, 6d . Jacques-Pau l Migne , Paris : 1865, col . 154 . " Taylor , Sources, p . 143. 12

L'expressio n utilisö e pa r Taylo r es t "affirmatio n o f ordinar y life " (с/ , e n particulie r Sources, p.x ; 211-218) . I I veu t dir e pa r l ä qu e l'o n s e me t ä donne'r d e l a valeur , d e l'im portance, au x choses d e l a vie d e tout un chacun: travail, vi e d e famille, etc .

13

Taylor , Sources, p.217-218 .

Definition de l'identitö individuelle

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faut accorder ä la Reform e de ce point d e vue : e n valorisan t l a vi e ordinair e et e n soulignan t qu e l e salu t s e jou e entr e Die u e t l'individ u san s autr e mediation necessair e qu e l e Christ, l a Reforme renvoie chaqu e individ u ä la responsabilite propre de ses actes. Ce faisant , Taylo r neglig e u n pe u l a discussio n d u lie n entr e valorisatio n de la vi e quotidienne et interiorit6. O r ce lien decoule de la valeur tout e nou velle donne e ä l'individu pa r rappor t a u groupe . Valorise r l a vie quotidienn e de l'individu impliqu e que la destinöe individuelle n e depend plus seulemen t de l a participatio n ä un e collectivite , ordo, corporatio n o u autre . De s lors , meme s'i l faudr a d u temp s pou r qu e c e changemen t d e mentalit e oper e un e transformation reell e de s institutions , le s condition s requise s son t reunie s pour qu e chaqu e individ u puiss e etr e considere comm e u n sujet 14, autremen t dit pou r qu e l'ide e d e "soi " soi t considere e comm e un e caractöristiqu e in trinseque de l'individualite humaine . Dans l a mem e perspective , l a spiritualit e ignatienne , contemporain e d e l a Reforme, serai t impensabl e san s l a valorisatio n d e l a vi e ordinair e qu i ca racterise cette periode et qui caract6rise d6jä la Devotio moderna 15. Ignac e d e Loyola invit e ä preter attentio n au x motion s spirituelles , parm i lesquelle s i l range prioritairemen t l a consolatio n e t l a d6solation , qu i viennen t dan s l'äme16 pour distingue r celle s qu i viennen t d e Die u d e celle s qu i son t provo quees pa r d'autres esprits . O r ce qui est intöressant , c'es t qu e c e qu'il appell e "motion spirituelle " ä certain s moments , i l l'appell e "motio n intdrieure " ä d'autres, comm e o n peu t l e voi r lorsqu'i l parl e d e l a consolatio n pa r exem ple17. Mais ce t interet pour la connaissance interieure 18 ou pour u n sent i e t u n goüter interieurs 19, qu i distingu e pa r exempl e l a pein e interieur e d e l a dou leur e t d e l'accablement 20, suppos e un e capacit y d e reconnaitr e c e qu e nou s appelons de s 6motions , de s pensee s et , plus largement , tou t mouvemen t in 14

D u moin s s'i l es t adulte e t consid6r6 comm e sai n d'esprit .

15

L a Devotio Moderna a so n origin e deu x siöcle s plu s t6t , cf. Εργνευ-Burgard , Georgette , Girard Grote, fondateur de la Divotion Moderne. Lettres et traitis, Turnhout : Brepols , 1998. G6rar d Grot e v6cu t entr e 134 0 e t 1387 . Lui , e t ceu x qu i l e suivent , proposen t au x laics comm e au x clerc s d e privil6gie r l a mise e n pratiqu e d e l'Evangil e e t l a r6alisatio n d e l'id6al d e l'ßglis e primitiv e pa r rapport au x spiculation s savantes . L a pratiqu e d e l a m6di tation, e n particulier , condui t ä l a sanctificatio n intirieure . I I s'agi t d'6duque r le s mouve ments d u coeu r ä l'imitatio n d e J6sus . C'es t pa r cette intdriorisatio n qu e s'opör e l a conver sion.

" Cf.

p.ex . Exercices spirituels 6 o u 313 .

17

Compare r ä cet effe t Exercices spirituels 6 о й l a consolation es t appeld e motio n spirituell e avec Exercices spirituels 31 6 o u eile es t арре1ёе motion int6rieur e (interior).

18

Connaissanc e intdrieur e d u рёсЬ ё ( Exercices spirituels 44, 5 e t 63,2) , d u Seigneu r ( Exercices spirituels 104 ) o u d u bien ( Exercices spirituels 233) ; cf. auss i 213,2 .

" Exercices

spirituels 2 e t 65,4 .

20

spirituels 203 .

Exercices

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L'identite d e J6sus et l'identitö de son discipl e

teme accessibl e ä l a conscience . Un e tell e approch e n'es t pensabl e qu'a u moment ой Ton considere que la vie interieure ordinaire merite 1'attention . Phase 3. Les Lumieres: l'individu, siege d'un centre organisateur autonome

La phas e qu i scell e l a constructio n d e l'identit e modern e es t situ6 e pa r Taylor a u 18em e siecle . Augustin , e n insistan t su r l a rencontre interieur e d e Dieu, a prepar e l a constitutio n d'un e instanc e interieure , l'äme , qu i devien t l'interlocuteur privilegi e d e Die u a u Moyen-Age , pui s finalement u n centr e organisateur autonom e ave c Descartes . Cett e evolutio n ulterieur e result e d e la possibilit e d'un e raiso n ddsengage e d u mond e tell e qu e l a con9oi t l e sys teme cartesien . L e monde , "desenchante" , es t per? u selo n l a perspective ga Шёеппе, c'est-ä-dir e d e manier e puremen t mecanist e e t fonctionnelle . L a raison peu t de s lor s l'observe r comm e "d e l'exterieur" 21. Ce t exercic e d e l a raison suppos e un e instanc e interieur e ä l'etr e humain , a u sen s о й eil e doi t etre independant e d u corp s lu i auss i soumi s au x regie s mecanique s auxquel les son t soumi s le s objet s du monde . A cett e instance , sieg e d e l'exercic e d e la raison, es t attribu 6 u n propr e dynamisme , capabl e d'engendre r de s raison nements, de s pensees. Parallelement, l a valorisatio n d e l a vi e ordinair e s'es t accompagnee , ave c l'essor d e l a bourgeoisie , d'un e valorisatio n d u travai l e t de s production s humaines. L e 18em e siecl e v a lir e dan s ce t exercic e d e l'activit e humain e l'expression d'un e vi e conform e ave c l a nature , attribuan t ains i ä l a natur e une valeu r normative : c'es t e n ell e qu e s e trouv e l a sourc e d e l'impulsio n juste, d u sentimen t juste 22. Mai s i l n e faudrai t pas confondr e ic i natur e ave c environnement. Lorsqu'i l es t questio n d e natur e ici , c'es t comm e d'u n con stituant d e ГЬитапк ё : l'etr e humain , avan t d'etr e u n anima l culturel , precede d e l a nature . Roussea u peu t ains i parie r d e l a natur e comm e d'un e tendance int6rieure , d'un e voi x int6rieure . C'es t e n l'ecoutant , pense-t-il , qu e nous faisons le bien. Tout es t dö s lor s e n plac e pou r traite r l'individualit e humain e comm e l e siöge d'un e instanc e capabl e d e ddcision s autonome s e t responsabl e d e se s propres orientations . Mai s le s difficile s articulations entr e natur e e t cultur e vont ouvri r su r d e nouvelle s investigations , e n particulie r l'exploratio n d e l'interiorit6 pou r mieu x comprendr e commen t s'organis e cett e instanc e cen trale. L a confrontatio n ä certaine s opacitö s a u cour s d e cett e exploratio n amenera l a distinctio n entr e conscien t e t inconscien t et , ave c elle , l'emer gence de la psychologie comme science .

21 22

Taylor , Sources, p . 144-147. Taylor , Sources, p.284 .

Definition de l'identite individuelle

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Articulation entre ces trois aspects Dans so n Histoire de la sexualite, Miche l Foucaul t evoqu e le s troi s as pects mentionne s pa r Taylor . I I s e plain t d'u n usag e d u term e "individua lisme" qu i l'appliqu e indistinctemen t ä chacu n d e ce s aspects , comm e s'il s etaient forc6ment lies . "II convient e n effe t de distingue r troi s choses: l'attitud e individualiste , caract6ris6 e pa r la valeu r absolu e qu'o n attribu e ä l'individ u dan s s a singular^ , e t pa r l e degr £ d'in döpendance qui lu i es t accord έ pa r rapport au groupe auque l i l appartien t o u au x institu tions don t i l relöve ; l a valorisatio n d e l a vi e ρπνέε , c'est-ä-dir e l'importanc e reconnu e aux relation s familiales , au x forme s d e l'activit e domestiqu e e t a u domaine de s intöret s patrimoniaux; enfi n l'intensitd de s rapport s ä soi, c'est-ä-dir e de s forme s dans lesquelle s on es t appel d ä s e prendr e soi-mem e pou r obje t d e connaissanc e e t domain e d'action , afin de se transformer, d e s e corriger, de se purifier, de faire son salut." 2

L'importance accorde e au x rapport s ä so i correspon d ä l a premier e phas e decrite pa r Taylor, l a valorisatio n d e l a vi e prive e correspon d ä l a deuxiem e phase, e t la valeu r absolu e accorde e ä la singularit e correspon d ä la troisiem e phase. L a constructio n d e l a conscienc e modern e d e l'individualit ö articul e les troi s aspect s distingue s pa r Foucault . Mai s ce s troi s aspect s n e son t pa s forc6ment lie s entr e eu x e t s'il s s'articulen t entr e eux , cel a peu t s'opdre r dan s un ordr e different . Ave c Foucault , nou s reserveron s l e qualificati f "indivi dualiste" pou r ddsigne r l a valorisatio n d e l a singularit 6 individuell e associ6 e ä une forte independance d e l'individu par rapport a u groupe . Nous rejoignon s ic i 6galemen t Loui s Dumon t dan s s a reflexio n su r le s d6buts d e l'individualisme . Dumon t distingu e entr e de s "individus-dans-le monde" e t de s "individus-hors-du-monde" 24. L'individualist e modern e serai t un "individu-dans-le-monde " - c'es t su r c e poin t qu e l'insistanc e d u 18em e sur la natur e comm e constituan t d e l'humanit e pren d tout e so n importanc e - , alors qu e le s i n d i v i d u a l s don t nou s parlen t le s temoignage s provenan t d u monde antique , d e mem e qu e tou s le s "renon^ants " dan s le s societe s tradi tionnelles (Dumon t le s compar e ave c le s renon9ant s hindous ) s e posen t e n d6calage ave c l a soci6t6 , restent fondamentalement orient6 s ver s l e groupe .

25

FOUCAULT , Michel , Histoire de la sexualiti 3: Le souci de soi, Paris : Gallimard , 1984 , p.56.

24

DUMONT , Louis , Christia n beginning s o f mode m individualism , in: Michae l Carrithers , Steven Collin s e t Steve n Luke s (eds) , The category of the person. Anthropology, philosophy, history, Cambridg e [etc] : Cambridg e Universit y Press , 1985 , p.93-122 , ic i p.95 . (Texte par u originellemen t dan s Religion 1 2 [1982 ] 1-27) . Dumon t repren d ic i de s considerations qu'i l avai t döveloppöe s antdrieuremen t e t qu i on t 6t 6 reprise s dan s DUMONT, Louis, Essais sur l'individualisme: une perspective anthropologique sur I'idiologie moderne, Paris : Seuil, 1983 , e n particulier p.33-67 .

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L'identit^ de J6sus et l'identite de son discipl e

В. 1.2. L'IDENTrrä VU E PAR LES SCIENCES HUMAINES En prolongemen t d e l a presentatio n d e revolutio n d e l a conceptio n d e l'identite individuell e e n Occident , voyon s commen t le s science s humaine s abordent aujourd'hu i l'identite individuelle . Dan s u n ouvrage recent 25, Pierr e Moessinger constat e qu e le s psychologue s s e son t beaucou p plu s interesse s au mo i qu' ä l'identite . I I l'attribue a u fai t que l'identite mobilis e l e lien indi vidu-societe, autremen t di t suppos e un e dispositio n a u travai l interdiscipli naire qu i tranch e ave c l e cloisonnement de s discipline s caract6risan t l a plu s grande parti e de s recherche s e n science s humaines . L e principa l reproch e qu'il adress e au x psychologue s es t d e tro p souven t reduir e l'etud e d e l'identite ä l'etude de s identifications , autremen t di t ä adopter un e approch e qu'il consider e comm e statiqu e parc e qu'ell e ten d ä rdifier l'identite. Contr e cette approch e statiqu e des psychologues, Mcessinge r plaide pour un e appro che qu i articul e poin t d e vu e psychologiqu e e t poin t d e vu e sociologique . C'est l e seu l moyen , selo n lui , de restituer ä l'identite s a caract6ristique pre miere : cell e d'etr e u n processus . I I n e s'agi t bie n sü r pa s d e nie r qu e l'identite result e pou r un e bonn e par t d e l a tentativ e d e correspondr e ä u n ideal int6riorise . Mai s elle fait intervenir tou t autan t les relations sociales . L a formation d e l'identit d result e autan t d e l a pressio n d u group e e t d e l a ma niere d' y defini r des role s qu e d e l a pression de s identification s consciente s ou inconsciente s d u sujet . Le jeu entr e ce s deux contrainte s constitu e l e pro cessus d e ridentitö . Or , dir e qu'i l у a jeu, c'es t dir e qu e l'identit 6 n'es t pa s jou6e d'avance . Plusieur s m6canisme s peuven t etr e mi s e n oeuvr e dan s c e processus, e t l e r6sulta t dependr a de s strat6gie s d6ployee s pa r l e group e comme par l'individu . Mcessinge r signal e quelques-un s d e ces m6canismes : la röductio n d e l a dissonance , le s rigulateur s constitu0 s pa r l a hont e e t l'envie, l a double-contrainte . La röflexion de Mcessinger a le m6rite de montrer I'impass e dan s laquell e s'enferme un e 6tud e d e l'identit6 qu i s e cantonnerai t a u poin t d e vu e socio logique d e 1'analys e de s role s sociau x o u a u poin t d e vu e psychologiqu e d e l'analyse de s identifications . L'6tud e doi t integre r ce s point s d e vue . D'ailleurs, ell e d6passe mem e le plan individuel . Tout ce qui vien t d'etre di t peut etr e transpos 6 a u pla n collecti f d e l'identit e d'u n group e ä l'int6rieu r d'un group e plu s large . L'identit 6 d'u n sous-group e a u sei n d'un e soci6te , l'identit6 d'un e famille , d'u n clan , d'un e association , d'u n group e profes sional, l'identit i ethnique , etc. , r6sulten t toujour s d'un jeu entr e regar d ex terne et regard interne . Deux critique s principales peuven t cependan t etr e adress6es ä Mcessinger . La premi£re port e su r c e qu'il di t de l'identification. II reproche au x travau x sur le s identification s d'adopte r un e approch e statiqu e d e l'identit 6 e t d e 25

MCESSINGER , Pierre, Le jeu de l'identiti, Paris : PUF , 2000 .

Ddfinition d e l'identit e individuell e

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passer ä cote "de s mecanismes d e guidage de l'individu, c'est-ä-dir e ä ce qu i fait la dynamique d e se s identifications" 26. Les reproche s d e Moessinger son t justifies e n c e qu i concern e le s travau x qu i n e son t interesse s qu e pa r le s etiquettes qu e le s individu s s'attribuen t eux-meme s ("femme" , "рёг е d e fa mille", "noir" , "t61espectateur" , "fran^ais" ) e t le s inclusion s entr e le s dif ferentes categories ains i definies 27. Mais, c e faisant , il fai t comme s i l a psy chologic ignorai t Г aspect processu s d e l'identite . Or , l a constructio n d e l'identit6 suppos e de s processu s d'identificatio n qu i n e s e r6duisen t pa s a l'(auto-)attribution d'etiquettes . L'etud e d u developpemen t d e l'enfan t l' a amplement mi s e n evidence , donnan t a u concep t d'identificatio n tout e s a valeur dynamique . La deuxiem e critiqu e port e su r l a reductio n d e l a culture a u social . Moes singer reconnait qu e l'identit 6 n e saurai t etr e apprehende e san s tenir compt e de ses contenus ; mais il n'en di t pratiquement rien, s e contentant d e signale r qu'ils "renvoien t auss i ä l'inclusio n de s individu s dan s d e vaste s systeme s sociaux"28. Or, s'i l a raison d e dire qu'il fau t "voir l e moi comm e u n ensem ble d e propri6te s ä la foi s individuelles e t sociales" 29, l a doubl e caract6risa tion d e ces proprietes n e suffi t pas pour les recouvrir toutes . Dan s se s conte nus, l'identit6 est marquee par des proprietös culturelles qui ne se confondent pas ave c le s propriete s sociales . Dan s un e cultur e donnöe , l a conceptio n d u moi individue l es t articulee ave c tout u n system e de valeurs e t une visio n d u monde qu i echappen t ä 1'analys e sociologiqu e e t supposen t u n regar d an thropologique tel qu'il a et6 developpe par l'anthropologie culturelle . Reprenons ce s deu x critique s adressee s ä Mcessinger . Tou t d'abord , e n montrant qu'i l exist e un e approch e psychologiqu e d e I'identificatio n qu i у reconnait u n processu s fondamentalemen t dynamique . C e faisant , nou s se rons amene s ä parie r d e l a relatio n entr e l e suje t e t l e model e auque l i l s'identifie et du d6veloppement d e la conscience de soi. Nous reprendron s ensuit e l a questio n d e l'identit e d'u n poin t d e vu e so cial: commen t articule r identit e individuell e e t identit e sociale ? Que l lie n entre identit ö e t role? Ces deux regards, psychologique e t social, nou s ouvri ront su r l a necessitö d'ins6rer l'etud e d e l'identitö individuell e dan s un e pers pective anthropologique plu s large qui integre point de vue psychologique e t point de vue sociologique .

26 27

a

Moessinger , Le jeu de I'identiti, p. l 10. Moessinger , Le jeu de l'identiti, p . 107, donn e un e list e de s chercheur s travaillan t dan s cette perspective .

Moessinger

29

, Le jeu de l'identite, p . 110.

Moessinger , Le jeu de I 'identite, p . 112.

48

L'identiti d e J6sus et l'identitd de son discipl e

I. iDENTITf i ET IDENTIFICATION SELO N LA THEORIE FREUDIENN E

L'identite "n'es t pa s u n concep t freudien" 30 . Cel a tien t ä l a visio n d e l'humain sous-jacent e aux travaux d e Freud : "Freud a 6te fondamentalement refractaire ä tout e saisi e global e d u psychism e individuel" 31. A I'inverse , i l construit s a theori e "autou r d u Symptome , e n tan t qu e formatio n limite e e t etrangere a u mo i ca r infiltre e par l'inconscient . L e moi , pri s dan s l e confli t sexuel est, dans les debuts de la psychanalyse, san s specificite personnelle o u identitaire."32 En d'autre s termes , tout e l'elaboratio n theoriqu e freudienn e s'organis e a partir d u postula t d e l'ambivalenc e pulsionnelle . L'identit e es t de s lor s "u n concept problematiqu e pou r le s psychanalystes. Ell e porte en elle le meilleu r et le pire : de la prise de conscience d e soi ä l'aveuglement total , d u degre l e plus fi n de l'elaboratio n psychiqu e a u passag e а Γ acte negateu r d e l a realit e psychique. L'identite pourrait proceder d'un leurr e dont seraient victime s le s analystes e n confondan t le manifeste et le latent, quand il s sont ä l'ecoute d e patients qu i metten t e n avan t certain s vecu s touchan t a u narcissism e : vide, futilite, inauthenticite , malaise s indicibles , attent e difficilemen t formule e d'etre enfi n eux-memes, d e s e trouver o u de s e retrouver. Ca r l'identit 6 peu t etre compris e comm e un e recherche ddsespere e d'unit e l a о й l e moi es t me nace par le conflit, voire par la desunion." 33 Si l e concep t d'identit e es t etrange r a u vocabulair e freudien , celu i d'identification (Identifizierung) у occupe un e place de choix. Freud 1'utilis e des 189 6 dans s a correspondance ave c Fliess 34 pour decrir e l a production d e sympt6mes hyst6riques , e t l e concep t n e cesser a d e s'enrichi r jusqu' ä l'elaboration d e l a 2em e topiqu e e n 1923 . A c e moment-lä , i l joue u n rol e

30

SOUFFIR , Victor, & MIEDZYRZECKI , Jacques, Argument , Revue franqaise de psychanalyse 63 (1999 ) 1093-1098 , ic i 1095 . D'ailleurs , l e Vocabulaire de la psychanalyse d e Jea n Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis (Pari s : PUF, 1967 ) ome t l'article identitö .

31

Souffi r & Miedzyrzecki, Argument , p . 1093.

32

Souffi r & Miedzyrzecki, Argument , p . 1093-1094.

33

Souffi r & Miedzyrzecki, Argument , p . 1093.

34

FLORENCE , Jean, L'identification dans la theorie freudienne (Publication s de s Facult0 s universitäres Saint-Loui s 11) , Bruxelle s : Facultis universitäre s Saint-Louis , 1978 , p.3 57, estim e (p.4 ) qu e l a premiör e occurrenc e d u term e sou s l a plum e d e Freu d s e trouv e dans l a correspondance ave c Fliess , dan s un e lettr e du 1 7 d6cembre 189 6 (l'extrai t es t cit 6 p.5-6). I I es t suiv i d'autre s occurrence s dan s cett e correspondance . Dan s l a Traumdeutung, i l donn e un e descriptio n exhaustiv e du processu s d e l a formatio n du symptöm e hyst6rique e t de l a fonction qu' y joue I'identificatio n ( Identifizierung). Tou t cel a es t repri s dans l'analys e du ca s " Dora " , patient e don t Freu d a entrepris 1'analys e a u momen t о й i l r6dige l a Traumdeutung , e t don t i l publi e u n compte-rend u ( Bruchstück einer HysterieAnalyse, G W V p . 163-286) quelque s annie s plu s tard.

Ddfinition de l'identit6 individuelle

49

central pour expliquer comment s'effectu e la mise en place puis la resolutio n du complexe d'CEdipe. Voyons comment . 1. Processus d'identification dans I'hysterie Dans l e ca s d e I'hysterie , Freu d constat e qu'un e hysteriqu e s'identifi e tantot ä telle personne, tanto t ä telle autre. Le motif d e cette identification est inconscient. L'identificatio n constitue une tentative de realiser des desirs qu e l'hysterique n e peut s'avouer . E n copian t u n trai t d e comportement, souven t sans lie n manifest e ave c l e desi r inconscient , l'hysteriqu e exprim e l e desi r d'etre c e qu'es t l'autr e o u d'avoi r c e qu'i l a . Freu d l'illustr e ä l'aid e d e l a fameuse "tou x nerveuse " d e l a jeune Dor a qu i condens e un e multiplie d d e rapports ambivalent s ave c tou s le s "objets " d e so n entourag e (se s parent s e t leurs "doubles " qu e son t Mr . e t Mme K.) . C e faisant , le mo i es t aliene . Un e personne hysteriqu e peu t mem e s'identifie r ä plusieurs personne s ä l a fois , ce qu i constitu e un e explicatio n possibl e de s personnalite s multiples . I I ar rive parfoi s qu e ce s identification s multiple s metten t e n scen e de s desir s contradictoires e t soien t don e incompatibles , ave c pou r consequenc e u n dechirement du moi 35. 2. Rdle des identifications dans la construction du moi et du surmoi Par l a suite , Freu d developp e s a theorie d u narcissisme . C e qu i l'amen e a preciser l e rol e de s identification s a u рёг е e t ä l a mer e dan s l a constructio n du mo i e t du surmo i e t dans la constitution d e l'identit6 sexuelle . Le s identi fications jouent u n role bien avant le complexe d'CEdipe et tout au long de sa mise e n plac e pui s d e s a resolution . Freu d e n donn e u n expos e tre s limpid e en ouverture du chapitre VII de Psychologie des masses : "L' identification est connue de l a psychanalyse comm e l a manifestation l a plus ргёсос е d'une liaiso n d e sentimen t ä une autre personne. Ell e joue u n rdle dan s la pr6histoire du complexe d'CEdipe . L e peti t gar?o n fai t montr e d'u n int6re t particulier pour so n рёге , i l voudrait deveni r e t etr e comm e lui , veni r ä sa plac e e n tou s points . Disons-l e tranquil lement: i l fai t du рёг е so n id6al . C e comportemen t n' a rien ä voi r ave c un e positio n passive o u fdminin e enver s l e рёг е (e t enver s 1'hpmm e e n g6n6ral) , i l es t bie n plutö t masculin pa r excel-1 lence. I I se concilie trfc s bien avec l e complexe d'CEdip e qu'il aid e ä ргбрагег. Simultan6ment ä cette identificatio n ave c l e рёге , peut-etr e mem e antdrieuremen t ä eile, le gargo n a commence ä effectuer un v6ritabl e investissemen t d'obje t d e l a т ё г е selo n le typ e pa r 6tayage. I I montr e don e alor s deu x liaison s psychologiquemen t distinctes , envers l a т ё ге u n investissement d'obje t tou t uniment sexuel , enver s l e рёге un e identi fication ä un пн^ё1е . Le s deu x subsisten t u n temp s cot e ä cote san s s'influence r n i s e perturber röciproquement. Pa r suite d e l'unification , irrdsistibl e dan s s a progression, d e

35

Pou r u n exposd plu s d^taill 6 su r I'identification che z Freud , cf. Florence , L'identification Pour I'identificatio n productric e d e symptome s hyst6riques , voi r e n particulie r p.3-5 7 e t p.267-271.

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L'identit6 de Jesus et l'identitö de son disciple la vi e d'äme 36, elle s finissen t pa r s e rencontre r e t d u fai t d e cett e confluenc e nai t l e complexe d'CEdip e normal . L e peti t remarqu e qu e l e per e lu i fai t obstacle auprö s d e l a mere ; son identificatio n ave c l e per e pren d maintenan t un e tonalit 6 hostil e e t devien t identique a u souhai t d e remplacer l e рёге egalement auprö s d e la тёге. L'identificatio n est a u demeuran t ambivalent e d6 s l e ddbut , eil e peu t tou t auss i bie n s e tourne r ver s l'expression d e l a tendress e qu e ver s l e souhai t d e r61imination . Ell e s e comport e comme u n rejeto n d e l a premiör e phas e oral e d e l'organisatio n d e l a libido , dan s la quelle o n s'incorporait , pa r l e fai t d e manger , l'obje t ddsir e e t prise , e t с е faisan t o n l'aniantissait e n tan t qu e tel. Le cannibale, comm e o n sait , en reste ä се point d e vue. И cherit se s ennemi s jusqu'ä l a d6voratio n e t i l n e d6vor e pa s ceu x qu'i l n e peu t chdri r d'une manier e ou d'une autre . Le destin d e cette identificatio n au рёге est facilemen t perdu d e vu e par l a suite . II peu t alors adveni r qu e l e complexe d'CEdip e connaisse un e inversion, que , dans un e positio n feminine, l e рёг е soi t pri s comm e l'obje t duque l le s pulsion s sexuelle s directe s atten dent leu r satisfaction , e t I'identificatio n a u рёг е es t alor s devenu e l e prdcurseu r d e l a liaison d'obje t a u рёге . L a mem e chos e vaut , ave c le s remplacement s correspondants , ögalement pour la petite fille. | II est facile d'enoncer e n un e formule la difference entre un e telle identification au рёг е et un choix d'obje t portant su r le рёге. Dans l e premier cas le рёге est ce qu'on voudrai t etre, dan s l e secon d c e qu'on voudrai t avoir . C e qui fai t done l a diff6rence, e'est qu e l a liaison s'attaqu e a u suje t ou ä l'objet du moi . C'est pourquo i l a ргепнёге de ces liaison s est possible , prialablemen t ä tou t choix d'obje t sexuel . I I est bie n plu s difficil e de don ner d e cett e distinctio n un e presentatio n mötapsychologiquemen t visualisable . O n re connait seulemen t qu e I'identificatio n aspir e ä donne r a u mo i propr e un e form e analo gue ä celle du mo i autre, pris comme 'modele'." 37

Cette longue citatio n perme t de mesurer combien l e jeu de s identification s est fondamentalemen t dynamique , contrairemen t ä c e qu e pretendai t Moes singer qu i l e limitai t ä de s proc6dure s d'etiquettage . S i l'affirmatio n d'un e identite individuell e originell e es t etranger e ä l a theori e psychanalytique , 1'identite peu t cependan t у etr e decrit e san s tro p d e probleme s comm e resultant d e l a constructio n d u moi . E n c e sens , o n peu t у defini r l'identit e comme l e produi t de s identification s premiere s e t secondaires . Dan s c e pro cessus, l'autr e joue l e rol e d e model e qu'i l n e suffi t pas d'imite r mai s auque l il s'agi t de s'identifier . E n effet, prendre l'autr e pour modele n e conduir a pa s loin s'i l s'agi t d'un e simpl e imitation . E n revanche, s'identifie r ä ce model e mobilise u n effor t considerabl e pou r renonce r ä certain s investissement s d'amour. E t cela conduira ä une structuration nouvelle d u moi, inconnu e tan t qu'elle n' a pa s et 6 accomplie . L a discussio n de s difference s interculturelle s porte sur ce qui constitue ces modeles . 36

M a remarqu e : l'unitö est done l e risultat d'un e Elaboration , mai s pas forc6men t un donn i de d6part. O n peu t rdfldchi r sur ce point ä ce que To n di t de l a ^conciliation intdrieur e e t de l a divisio n int6rieur e vu e comm e räsultant d e l a marqu e d u рёсЬ ё originel . L a recher che d'unitd apprdhend6 e comm e tentativ e de restituer un e unitd originelle qu i a 6t6 perdu e suite au рёс1гё, ä la rupture de relation . 37 FREUD , Sigmund , Psychologie des masses et analyse du moi (1921) , in : CEuvres competes tom e 16 , Paris : PUF, 1991 , p.42-44. G W XIII, p. 115-116.

D6finition de l'identite individuelle

51

II. PROLONGEMENTS PSYCHANALYTIQUES ET DEVELOPPEMENTAUX Le dynamism e de s processu s d'identificatio n joue , selo n l a perspectiv e freudienne, un rol e decisi f dan s l a mis e e n plac e d u complex e d'CEdip e pui s de s a resolution. Cett e resolutio n s'oper e e n princip e pa r l e renforcement d e l'identification a u paren t d u mem e sexe . E n fait , l e dynamism e d u je u de s identifications n e s e cantonn e pa s au x cin q premiere s annee s d e l a vi e en fantine. II se prolonge tou t a u lon g d u developpemen t enfanti n jusqu'ä l'äg e adulte e t mem e au-delä . Dan s l a theori e psychanalytique , l'adolescenc e constitue un e 6tap e decisiv e d e c e poin t d e vue . C'es t e n effe t au cour s d e l'adolescence qu e le s identification s mise s e n plac e avan t l a pubert e von t inevitablement etr e remaniees , pou r abouti r s i tou t v a bie n su r u n sentimen t d'identite suffisammen t stabl e e t solide . Apre s quoi , chaqu e cris e d e l a vi e va obliger ä retravailler l'equilibre identitaire . A propos du sentiment d'identit e qui emerge des remaniements identitaire s de l'adolescence , Francoi s Ladam e ecrit : "D'o ü l'hypothes e suivante , e n reference au narcissisme e t ä l'adolescence : c'est l'investissemen t positi f d e la representation d e soi qui donne un sentiment d'identite" 38. En c e qu i concern e le s crise s ulterieure s d e l a vie , c'es t u n aspec t qu i a surtout 6t € developp e pa r Eri k H . Erikson . Form e comm e psychanalyst e ä Vienne ver s l a fin des annee s vingt , i l veut l'ouvri r no n seulemen t ä l'appor t des science s sociale s e n genera l mai s ä un e pris e a u serieu x de s differences culturelles39. S a demarch e n e ser a pa s accepte e pa r le s tenant s d e l a psycha nalyse classique 40. Selo n Erikson , l'adolescenc e marqu e l e momen t d e l'integration de s elements psychosociaux dan s l'identite. Ca r ä cette periode , "une unit e plu s large , incertain e dan s se s contour s e t cependan t immidiat e dans se s exigences , remplac e l e milie u d e l'enfanc e - c'est-a-dir e l a 'socie ίέ'"41. Mai s ce processus n e fait que commencer ä l'adolescence. L a suit e d e la vi e ser a caract6ris6 e pa r d e nouvelle s crise s d'identite . C'es t pourquo i Erikson decoup e l a vi e apre s l'adolescenc e e n plusieurs stades , e n montran t comment l'identit 6 construit e ä l'adolescence doi t ensuit e s e recomposer e n integrant plus largement de s 616ments psychosociaux 42. 38

LADAME , Francois , Un e identit y pour quo i fair e ? ou imbrogli o de s identification s e t d e leur remaniement ä l'adolescence, Revue frangaise de psychanalyse 6 3 (1999 ) 1227-1235 , ici 1228 . 39 ERIKSON , Eri k Η .,Adolescence et crise: La quete de l'identiti (Champ s 60) , Pari s : Flammarion, 199 6 (origina l 195 8 ; l 4re trad. fr. 1972) , e n particulier p.42-92 . 40

Souffi r & Miedzyrzecki , Argument , p . 1093 n'h6siten t pa s ä qualifie r so n entrepris e d e "derive loi n d u cham p d e l a psychanalyse" , car , disent-ils , ell e "att6nu e l'importance , pour nous centrale, d e l'CEdipe" (1096) .

41

Erikson , Adolescence et crise,p. 133 .

42

Erikson , Adolescence et crise, p.93-147 , e n particulier 141-147 .

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L'identit0 de Jesus et l'identite de son disciple

Ladame associ e l'etablissemen t d'u n sentimen t d'identit e stabl e ä l'inves tissement positif d e la representation d e soi. II situe ce processus importan t a l'adolescence. Cependant , plusieur s auteur s qu i s e son t interesse s ä la petit e enfance dans une perspective developpemental e parlen t d'un e conscienc e d e soi bie n avan t l'adolescence . Voyon s c e qu'i l e n es t avan t d e pose r l a ques tion cruciale pour notre propos d e la part culturell e dans la construction d e la representation d e soi. 1. Soi et conscience de soi Moessinger n' a qu'e n parti e raiso n lorsqu'i l di t qu e le s psychologue s s e sont plus interesse s a u mo i qu' ä l'identite. Ca r s i cette caracterisatio n s'appli que tou t ä fait au couran t psychanalytiqu e strictemen t freudien , eile neglig e tout l e courant d e la psychologie d u so i ( s e l f ) qu i s'es t form e principalemen t dans l e monde anglo-saxo n ä partir des travaux d e therapeutes qu i avaien t l a double formatio n de pediatres et de psychanalystes e t qui cherchaient ä allier leurs observation s d u developpemen t d u peti t enfan t ave c l a theori e freu dienne. Parm i eux , Donal d W . Winnicot t insist e tou t specialemen t su r l a necessite d e n e pa s confondr e "soi " e t "moi" . L e "moi" , selo n l a conceptio n freudienne, es t un e instanc e d e l'apparei l psychiqu e ä cot e d u 9 a e t d u sur moi. L e so i d6sign e e n revanch e l a personn e propr e pa r rappor t ä l'objet 43. Selon Winnicott , a u fu r et ä mesur e qu e l e nourrisso n s e degag e de s soin s maternels, i l construi t c e qu'i l appell e un e "membrane-frontiere" , un e dis tinction entr e u n interieu r e t u n exterieur , entr e "soi " e t "non-soi" , o u entr e "soi" et "autrui" . Cette descriptio n correspon d ä la notio n d e "Moi-peau " introduit e pa r Di dier Anzieu 44. Selo n Anzieu , l e nourrisson commenc e ä eprouver le s limite s de so n "moi " e n prenant appu i su r l'experienc e sensoriell e de s frontiere s du corps propre . L a peau , eprouve e comm e limit e d'u n contenant , es t elabore e psychiquement comm e envelopp e de s contenu s psychiques . L e Moi-pea u serait ains i un e premiere manier e de s'eprouve r soi-mem e comm e individua lite distincte d e l'environnement . I I se construirait pa r Interiorisatio n d e l'en tourage maternant qui fonctionnaitjusque-lä comme enveloppe externe . Daniel Ster n poursui t cett e analys e e n posan t l'hypothes e fondamental e qu'il exist e de s sen s d e so i avan t l'apparitio n d u langag e e t d e l a reflexivite . Ces sen s d e so i "comprennen t l e sen s d e l'activit e propre , d e l a cohesio n physique, d e la continuite dan s le temps, d e l'intentionnalite e t d'autres expe -

43

44

W INNICOTT, Donal d W., Distorsion du Moi e n fonctio n du vra i e t du fau x self, in: Processus de maturation de la libido, Paris : Payot, 1960 . e

A NZIEU, Didier , Le Moi-peau, Paris : Dunod, 199 5 (2 6d ;

l 4re 6d.: Paris : Bordas, 1985) .

D6finition de l'identite individuelle

53

riences analogues." 45 S i jusqu'ä deu x moi s l e sen s d e so i n'es t encor e qu'u n sens de soi emergent, l a p6riode entre deux e t six mois verrai t l'apparitio n d u sens "d'u n soi-noya u e n tan t qu'unit e physiqu e separee , cohesive , limitee , avec l e sen s d'un e activite , d'un e affectivit e e t d'un e continuit e temporell e qui leur sont propres." 46 Par l a suite , l'apparitio n d u langag e perme t l'usag e d u preno m pou r dir e l'identitö. Dan s u n premie r temps , l'enfan t n e l'utilis e pa s comm e u n no m propre, mai s seulemen t comm e l a designatio n d e so n identit e objective , d u point d e vue des autres . Preuv e e n est l e fait qu'il fau t attendre l'äg e de deu x ans pou r qu'i l dis e "moi " (e t no n pa s so n prenom ) lorsqu'i l s e design e lui meme. Quant au "je" , il apparait rarement avan t 30 mois. 47 L'identite individuell e s e construi t don e a u traver s d e l a relatio n d'objet , par le developpement d e la conscience d u so i puis grace au x faculte s reflexives. S e percevoi r pui s s e reprösente r soi-mem e distinc t d e l'environnemen t constituent de s 6tape s d e cett e construction . L'acce s a u langage , e t plu s lar gement ä la fonction symbolique, joue un role essentiel su r ce chemin. Qu'il s'agiss e don e d e l a psychanalys e classiqu e ou , plu s largement , d e courants influence s pa r elle , nou s voyon s qu e l a thematiqu e d e l'identit e у est apprehende e d e fagon profondement dynamique. И η'у es t pas tan t ques tion d'6tiquette s ä applique r (o u ä s'appliquer) qu e d'u n processu s d e trans formation de soi. 2. Part culturelle dans la representation de

soi

Arrive ä c e Stad e d e l'expose , i l es t legitim e d e s e pose r l a questio n d e l'universalite d u developpemen t decrit . Le sen s d'un soi-noyau , l a conscienc e d'etre un e individualit e distinct e d e l'environnement emergent-il s quell e qu e soit la culture dans laquelle grandit l'enfant ? En fait , tout depen d d u degr e d'61aboratio n auque l o n s e situe . Ains i pa r exemple, Pierr e Dase n montr e qu e mem e s i l a notio n d'obje t vari e d'un e culture ä l'autre, o n peu t observe r che z tou s le s enfants du mond e entr e zer o et deu x ans , sau f s'il s son t gravemen t handicape s mentalement , un e succes sion d e conduites qu i indiquen t qu'il s construisen t pe u ä peu, pa r le s meme s etapes, c e qu e Piage t a appel e l'obje t permanent . Cependant , alor s qu e cer tains aspect s son t universels , i l fau t etr e plu s nuanc e su r d'autre s point s : "...les rythme s d e döveloppemen t selo n le s domaine s notionnels , l'actualisation d e l a competenc e e n performance , le s contenu s auxquel s

45

STERN , Daniel N. , Le monde interpersonnel du nourrisson, Paris : PUF , 198 9 (έά . агпёг . 1985), p.17 . 46 Stern , Le monde interpersonnel, p.21 . 47 ZAZZO , Rend, Reflets de miroir et autres doubles, Paris : PUF, 1993 , p.202-203 .

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L'identite de Jesus et l'identitö de son disciple

s'appliquent le s structures , e t les contexte s dan s lesquel s elle s son t mise s e n oeuvre dependent largement des valorisations culturelles." 48 Si To n transpos e ce s consideration s dan s l e domain e notionne l d e l a con science d e soi , i l parai t tre s vraisemblabl e qu e tou t enfan t normalemen t constitue ddvelopper a l e sen s d'u n soi-noya u a u Stad e prelangagier. Autre ment dit , il aura conscienc e d e son individualite associe e a u corps propre lu i offrant une autonomi e motric e e t sensoriell e pa r rappor t a u milie u environ nant. En revanche, l a thematisation d e l'identite individuelle et la valorisatio n de l a conscienc e d e so i dan s с е processu s peuven t varie r considerablemen t d'une cultur e ä l'autre . E n c e sens , i l es t tou t ä fai t envisageabl e qu e l e sentiment d'identit e resultan t d e l'investissemen t positi f d e l a representatio n de so i ä l'adolescence , selo n l a definitio n qu'e n donn e Ladame , puiss e etr e une dimensio n d u psychism e qu i s'elabor e dan s l a cultur e occidental e mo derne et pas forcement dans d'autres contextes . III. iDENTITi INDIVIDUELLE ET IDENTITfi SOCIALE : QUI SUIS-JE ? L'identitö es t un moye n d e dire la permanence e t la singularite. E n parlan t d'identite individuelle , o n cherche ä dire c e qui fai t 1'individualite d'u n etre , ce qu i l e ren d unique . Mai s l'identit 6 determin e auss i u n certai n rappor t a u monde. Comm e l e di t H61en e Chauchat , "i l n' y a pas d'individualit e qu i s e construise e n dehor s d e l'ordre social , pas d'individualit6 qu i n e soit rappor t ä c e monde" , autremen t dit , "l'identit ö es t e t n e peu t etr e qu e sociale." 4 C e qui Гатёп е ä mettre e n questio n l e bien-fonde de la distinctio n s i repandu e en psychologi e social e entr e identit e individuell e e t identit 6 sociale 50 e t ä proposer une approche plus intdgree de ces aspects.

* DASEN , Pierr e R. , Piage t entr e relativism e e t universalitd , in : Ciair e Meljac , Rober t Voyazopoulos e t Yvett e Hatwel l (6ds) , Piaget aprö s Piaget. tvolution des modiles, richesse des pratiques, Grenobl e : L a Pensd e Sauvage , 1998 , p.135-153 , ic i p.152 . Comme aspect s universels , Dase n signal e le s structure s cognitive s sensori-motrice s (qu i prdsident ä Elaboration d e l'obje t permanen t pa r exemple) e t le s structure s cognitive s de s opdrations concrfetes , d u moin s e n c e qu i concern e le s mdcanisme s e t dtape s d e leu r cons truction. * CHAUCHAT , Ηέΐέηε , D u fondemen t socia l d e l'identit i d u sujet , in : Ηέΐέηε Chaucha t e t Annick Durand-Delvign e (eds) , De l'identite du sujet au lien social: L'etude des processus identitaires, Pari s : PUF, 1999 , p.7-26 , ic i p.8 . 30

Pou r un e revu e su r l a question : ZAVALLONI , Marisa , & LouiS-GuiRiN , Christian ejdentiti sociale et conscience. Introduction ά l'ägo-ecologie, Montreal : Presse s Universitaire s d e Montröal; Toulous e : Privat , 198 4 ; LORENZI-CIOLDI , Fabio , Individus dominants et groupes dominis. Images masculines et feminines, Grenobl e : PUG , 198 8 ; DURAND DELVIGNE, Annick , Identite et modiles sexues des personnes. Contribution aux recherches sur la dynamique relationnelle de l'identite et du genre, thfcs e d e doctora t d'Etat , Paris : Universit6 Rend-Descartes , 1992 .

Definition de l'identit6 individuelle

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"L'identitd individuell e ddfini e en tan t qu e dispositio n personnell e e t l'identit d social e ddfinie pa r rappor t ä l'existenc e d e stirdotypes , normes , schöma s d e comportement s propres ä u n group e socia l son t de s difinition s qu i opposen t individue l e t socia l e t pa r consdquent excluen t l e fait que l'identit ö personnelle du suje t se construit pa r rapport a u social e t qu'i l n' y a pa s d e diffdrences de nature s entr e l'un e e t l'autre . C'est , e n effet, toujours l e fonctionnemen t psychiqu e qu i es t ä l'ceuvre . L'approch e pa r l e fonctionne ment psychiqu e condui t bie n sü r ä l a comprdhension d u comportemen t individue l mai s pas seulement ; l e group e e t le s phdnomene s qu i s' y produisen t rdsultan t eux-meme s des mdcanismes psychiques des membres qui en fon t partie. Les phdnomfenes de group e ne son t pa s fondamentalemen t diffdrent s des phdnomene s individuels . C'es t c e qu e re pdre Freu d dan s so n oeuvr e 'Psychologi e de s foule s e t analys e d u moi' . Le s рЬепошё nes d e group e n e s e diffdrencien t pas pa r leu r natur e mai s pa r l e fai t qu'il s s e jouen t d'une maniör e spdcifiqu e dan s le s groupes . C'es t l ä qu e rdsid e l a questio n d u lie n so cial..."51

Parier d e lie n social , c'es t envisage r l'identit e comm e resultan t d e l'interaction entr e le sujet et le groupe . "L'identitd social e es t ddfini e ici dan s un e perspectiv e interactionnist e lian t l e suje t au groupe. II ne s'agit pa s du pöle social d e 1'identitd, mais de 1'identitd elle-meme." 52

Comme l e di t Helen e Chauchat , un e tell e apprehensio n d e l'identit e re pose su r de s option s theorique s e t epistemologiques , e n particulie r su r l e concept de sujet et la fonction du langage 53. Dans cett e perspective, l e test d'association d e mots , deriv e d e la method e des association s libre s utilise e e n psychanalyse , offr e une approch e int6res sante d e l'identit 6 individuelle . I I en exist e plusieur s formes . Un e premier e forme, introduit e pa r Bugenthal e t Zelen 54 demand e d e repondr e troi s foi s a la questio n "Qu i etes-vou s ?" . Cett e method e a re9 u l e no m d e "Who are you ?". Un e deuxidm e forme , introduit e pa r Kuhn et McPartland 55, demand e de r6pondre vingt foi s de suit e ä la question "Qu i suis-j e ?" . Cette methode a re5u l e no m d e "Qui suis-je ?". L e tes t d e l'associatio n d e mot s classiqu e constitue egalement l a premiere partie de l'IMIS (Investigateu r multistad e d e l'identitö sociale ) elabor e pa r Zavallon i e t Louis-Guerin 56, construi t pou r etudier les representations qu e le sujet se fait de son environnement social 57. " Chauchat , Fondemen t social , p.7-26, ic i p.9-10. Chauchat , Fondement social , p.7-26, ici p. 10. 53 Chauchat , Fondement social , p.7-26, ici p. 10. 54 BUGENTHAL , Jame s F . T . , & Z E L E H Seymou r L . , Investigation s int o self-concept , Journal of Personality 1 8 (1950) 483-498 . 55 K U H N , M . H . , & MCPARTLAND , T . S . , A n empirica l investigatio n o f self-attitudes , American Sociological Review 1 9 (1954) 68-76 . 56 ZAVALLONI , Marisa , & LouiS-GußRiN , Christiane, Identiti sociale et conscience. Introduction ά l'ego-ecologie, Montrdal : Presse s Universitaire s d e Montrdal ; Toulous e : Privat, 1984 . 52

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Pou r un e revu e su r l a questio n d e l'utilisatio n d e l'associatio n d e mot s pou r 6tudie r l'identitd individuelle , с/. : CHAUCHAT, Не1ёпе , L'associatio n d e mot s - D u "Qu i suis -

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L'identite de J6sus et l'identite de son disciple

La method e d e l'associatio n d e mot s pou r dtudie r l'identit e individuell e repose justement su r le presuppose d e base que le sujet est un suje t parlant e t que l'identit e s e construi t dan s l e system e symboliqu e partag e socialemen t que constitu e l a langue . Chaucha t l e rappell e : "Bugenthal e t Zele n (1950 ) sont le s premier s ä suggere r qu e l e suje t es t l e seu l ä pouvoi r fourni r de s donn6es su r son identite." 58 Ce poin t d e vu e es t essentiel , quoiqu e incomplet . Ca r dan s Γ interaction entre suje t et groupe , l e suje t n'est pa s l e seu l ä parier . L e group e auss i es t constitu6 de sujets parlants. Pa r le systeme des institutions, l e groupe assign e aussi l'identit e ä l'individu . D e plus , parier , c'es t fair e usage d'un e langue , done fair e referenc e ä un e culture . L e je u d e l'identit e aur a beaucou p d e peine ä se mettre en place s i le sujet est en presence d'u n group e ave c leque l il lui est impossible de communiquer . IV. IDENTITE ET ROLE La notion d e role a ete beaucoup travaillee par les sciences sociales . Elle a permis d e defini r des role s sociaux , d'associe r ä chaqu e role u n Statut , un e fonction, de precise r le s relations d e dominance , d e reciprocites, d'alliance , etc. entr e role s differents . Elle a permis auss i d e difini r le s relation s fami liales en terme s d e roles. En anthropologic , l'usag e de s masques , de s tatoua ges, o u d'autre s attribut s vestimentaire s o u corporel s on t p u etr e decrit s e n lien ave c de s role s a u sei n d u groupe . Le s role s cristallisen t de s stereotype s identitaires. Mai s il s n e prennen t sen s qu e relativemen t ä u n system e d e reference constitu e pa r l a cultur e : mem e le s role s familiau x le s plu s elementaires n e son t pa s defini s d e l a mem e manier e dan s chaqu e culture . Les roles , e n tant qu'identite s prescrites , supposen t qu e le s individu s qu i le s endosseront s'identifieron t ä leur rol e : la mere deviendr a mer e e n assuman t son rol e d e mere , l e che f e n assuman t so n rol e d e chef , etc. Sunde n montr e comment l a theori e de s role s peu t aide r ä rendr e compt e de s changement s identitaires vecu s pa r de s gen s qu i s'identifien t ä des personnage s religieu x appartenant ä leu r traditio n religieuse 59. Cett e approch e a l'avantag e d e montrer qu e l'identit e construit e n'es t pa s forcemen t l e resulta t d e l'interaction entr e u n suje t et l a societe . Ell e peu t auss i s e presenter comm e une elaboratio n social e qu i preced e cett e interactio n e t qu i es t prescrit e ä l'individu. Dan s c e cas , l'individ u n' a d'autr e choi x qu e d'adhere r ä c e qu i je ? " ä l'IMI S d e Μ . Zavallon i e t С . Louis-Gu6rin , in : Ηέΐέη β Chaucha t e t Annic k Durand-Delvigne (eds) , De l'identite du sujet au lien social: L'itude des processus identitaires, Pari s : PUF, 1999 , p.29-51 . 58 Chauchat , L'association de mots, p.29-51, ic i p.36. 59 8υΝϋέΝ , Hjalmar , Die Religion und die Rollen : Eine psychologische Untersuchung der Frömmigkeit, Berli n : Töpelmann, 196 6 (original su6doi s 1959) , en particulier p.15-32.

D6finition de l'identiti individuell e

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lui es t prescrit . L'identificatio n consister a alor s dan s l e processu s d'adhesion. B . 1 . 3 . PERSPECTIV E ANTHROPOLOGIQU E SU R Ь'ГОЕЫТ1Т Ё E N GENERAL

D'un poin t d e vu e anthropologique , l a thematiqu e d e l'identit e debord e largement l a questio n d e l'identit e individuelle . Ell e apparai t de s qu'i l es t question d e classifications . L a constructio n d e categorie s d e bas e suppos e l a capacite d e definir des rapport s de ressemblance . Mar y Dougla s montr e ave c justesse qu e "l e rappor t d e similarit e es t un e institution" 60. C e faisant , ell e rappelle, reprenan t le s travau x d e Quine 61, qu e l a "ressemblanc e n'es t pa s une qualit e qu i peu t etr e reconnue au x chose s elles-memes . Ell e es t confere e ä des element s pri s dans un schema coherent." 62 "La comparaiso n de s culture s montr e clairemen t qu'aucun e identit y superficiell e d e propri6t6s n'explique commen t de s 616ments sont regroup6 s en classes. Tout d6pend d e la s01ectio n d e ce s propridtds . Ainsi , dan s l e Livitique [chapitr e 11] , l e chameau , l e lievre e t l e hyrax ® sont regroup6 s dan s u n tri o improbable . li s devraien t etr e ave c le s animaux ruminants , mais , en g6n6ral, les ruminants son t ongules, alors que l e chameau, le liövre et le hyrax n'on t pa s de sabots ; ils sont classd s ä part. Dans l e т ё те chapitre , le pore form e une classe ä lui tout seul , car i l est l e seul anima l ä sabots fendu s non ru minant. Mai s cett e classificatio n religieus e archai'que , comm e d e nombreuse s autre s classifications plu s contemporaine s 6tudi6e s pa r les anthropologues , doi t se s subdivi sions beaucoup plus ä sa сараскё ä modeler les interactions entr e les membres d e la so ci6t6 qu'ä un e curiositi d6sint£ress6 e pou r les ouvrages d e l a nature... I I existe un e difference fondamental e entr e un e classificatio n d'inspiratio n directemen t social e e t un e classification scientifique." 64

Autrement dit , "e'es t l'institutio n qu i decret e l'identite* 5 , et celle-ci , pou r etre determinee , suppos e tou t u n system e d e röferenc e qu i varier a d'un e culture ä l'autre. Pretendr e s e prononce r su r l'identite suppos e don e l a capa cite d e s e situe r dans un systeme d e reference particulier . Ce qu i es t di t ic i d e l'identit e e n genera l l'es t d'autan t plu s d e l'identit e individuelle e t d e l a notio n d e personn e qu i l'accompagne . I I est impossibl e de defini r une conceptio n d e l a personn e san s invoque r e n т ё т е temp s un e 60

DOUGLAS , Mary, Commentpensent les institutions (Bibliothöqu e d u MAUSS) , Paris : L a D6couverte, 1999 , p.7 3 ( 1 e 6d . angl . 1986 ; 1 " trad , frangais e 198 9 sou s l e titr e Ainsi pensent les institutions', il s'agit ic i d'une nouvelle traduction) . 61 QUINE , Willard va n Orman , Relativite de l'ontologie, et quelques autres essais, Pari s : Aubier-Montaigne, 197 7 (original атёг . 1969) . 62 Douglas , Comment pensent les institutions, p.77 . 63 O u daman, peti t mammifere de la taille d'un lapi n (NDT) . 61 Douglas , Comment pensent les institutions, p.76-77 . 65 Titr e du chapitre 5 de : Douglas, Comment pensent les institutions, p.73-84 .

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L'identite de Jösus et l'identite de son disciple

certaine fa^o n de caracterise r l a place d e l'individu dan s l e monde. C'es t c e qui amene Clifford Geertz ä affirmer : "La notio n occidental e d e l a personn e comm e u n univer s cogniti f e t determinan t plu s ou moin s l e comportement , comm e u n centr e dynamiqu e d e conscience , demotion , d e jugement e t d'actio n organis e e n u n tou t distincti f e t v u comm e s'opposan t ä la foi s ä d'autres tout s semblable s e t ä u n entourag e nature l e t social , est , quelqu e incorrigibl e qu'elle puiss e nou s sembler , un e ide e asse z special e dan s l e context e de s culture s mon diales. Plutö t qu'essaye r d e situe r Гехрёпепс е de s autre s dan s l e cadr e d'un e teil e conception, qui es t c e ä quoi Г 'empathie' ргбпбе arriv e en fai t ä etre habituellement , le s comprendre exig e qu'o n mett e d e c6t έ cett e conceptio n e t qu'o n voi e leur s experience s dans l e cadre de leur propre idee de ce qu'es t la personne." ®

La definitio n modern e d e l'identit e individuell e result e don e d'un e con struction. Pou r comprendr e l a manier e don t o n envisag e l'identit e d'u n indi vidu dan s l'Antiquite , i l s'agi t d e s e defair e d e c e qu e cett e evolutio n a p u nous fair e concevoir comm e s i 6vident : l e fai t que chaqu e individ u es t for cement uniqu e parc e qu e portan t e n lu i un e sourc e d e determinatio n (n e se rait-ce qu e partielle ) d e s a propr e identite , c'est-ä-dir e un e capacit e d e s'au todeterminer ind6pendammen t d e l'environnement . Des lors , l a manier e d'envisage r l e rapport d e l'individ u ä so n environne ment constitu e u n ax e principa l permettan t d e distingue r un e conceptio n antique d e l'identit e individuell e d'un e conceptio n moderne . Bruc e J . Malin a l'a tre s bie n per9 u lorsqu'i l caracteris e l a personnalit e antiqu e comm e "dya dique" o u "orienti e ver s le groupe" 67. L e sen s ä donner ic i a u terme "person nalite" demand e ä etr e precis6 . Dan s l'expressio n "First-Centur y Persona lity"68 par exemple , s'agit-i l simplemen t d'un e formul e condensee pou r dir e "la conceptio n d e l a personnalit e a u premie r siöcle" , o u faut-i l у lir e 1'affirmation qu e Г etre humai n d u premie r siecl e a un e personnalit i qu i l e distingue ä coup sü r d e 1'etre humain modern e ? Malina e t Neyrey opposen t syst6matiquement l a culture antiqu e du bassi n mediterran6e n ä la culture de s Etats-Unis d'aujourd'hu i pou r aide r leur s lecteur s ä prendr e l a mesur e d e l'ecart qu i le s separ e d e TAntiquit6 . L e proced ö n e s'expliqu e pa s unique ment, m e semble-t-il, par une preoccupation didactique . L a distinctio n parai t s'appuyer su r u n prisuppos e plu s fondamenta l selo n leque l un e form e d e personnalite es t attach6e ä une culture donnee. C e qui suppos e d e preciser c e 66

GEERTZ , Clifford , Savoir local, savoir global , Paris : PUF , 1986 , p.7 6 (origina l атёг . 1974 : Bulletin of the American Academy of Arts and Sciences 28) .

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I I introduit l a d6signation d e "personnalit e dyadique " dans : MAUNA , Bruc e J. , Th e indivi dual an d th e community : personalit y i n th e socia l worl d o f earl y Christianity , Biblical Theology Bulletin 9 (1979 ) 126-138 . Ultdrieurement , suit e au x travau x d e Harr y C . Triandis, i l prdför e parier de personnalite "orient6 e vers le groupe" .

A

MAUNA , Bruc e J. , & NEYREY , Jerom e H. , First-Centur y Personality : Dyadic , no t Individual, in Jerom e H . Neyre y (ed) , The Social World of Luke-Acts, Peabod y (Mass.) : Hendrickson, 1991 , p.67-96 .

Definition de l'identitö individuelle

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qu'il fau t entendr e pa r personnalit e dan s с е cadr e e t commen t с е term e s'articule avec d'autres terme s proches . I. QUELQUES DiFINITIONS PRiALABLES : PERSONNE, PERSONNALITE , IDENTITY INDIVIDUELLE 1. Individu et personne Nous avon s utilis e jusqu'ä presen t le s diver s terme s d'individu , personne , identite san s formellement les definir les uns par rapport au x autres . Au sen s commun, individ u e t personn e son t souven t pri s comm e de s synonymes 69. Dans l e cadr e d e cett e etude , individ u e t personn e designen t le s deu x ex tremites d'u n ax e qu i reli e l e biologiqu e ä l'anthropologique . Dir e d'u n etr e humain qu'i l es t u n individu, c'es t souligne r l e fait qu'il constitu e un e entit6 , un organism e ayan t s a propre coherence . Dir e d'u n etr e humai n qu'i l es t un e personne, c'es t fair e interveni r un e reprösentatio n d e celui-c i qu i integr e necessairement so n inscription dan s le groupe. On se situe ici au niveau d e la signification particulier e attribue e ä l'etr e humai n pa r un e cultur e o u un e societ6 particulier e ou , plu s largement , pa r u n system e d e pensee , philoso phique, juridique , etc . L e term e d e personn e n' a d e sen s qu e pa r rappor t ä une anthropologic 70. A u sen s naif , o n pourrai t dir e qu e l'oppositio n indi vidu/personne coincid e avec l'opposition nature/culture , s i le mot de "nature " n'avait pa s pris a u 18em e siecle un sen s s i particulier qu e To n hesite ä l'utili ser encor e dan s u n autr e sens : pa r l e processu s d e l a conceptio n pui s d e l a naissance s'ajout e un nouve l exemplair e ä l'espece humaine ; o n es t ic i dan s l'ordre d e la nature, dan s l'ordr e d u biologique, о й l'etr e humai n n e s e distin gue pa s foncieremen t d'autre s etre s vivants : l'individ u es t u n exemplair e ® Et pa s seulemen t a u sen s commun . Henri Piöro n pa r exemple, ä l'articl e "individu " dan s PLFIRON, Henri, Vocabulaire de la psychologie, Paris : PUF , 4 1968, p.21 6 6crit : "U n etr e vivant, dan s so n inddpendanc e biologique , es t dösign ö comm e individu , qu'i l s'agiss e d'u n animal o u d'un homme. Considör ö dans la sociötö humaine, l'individ u es t une personne. " 70

HADOT , Pierre , D e Tertullie n ä Воёсе . L e döveloppemen t d e l a notio n d e personn e dan s les controverse s thöologiques , in : Ignac e Meyerso n (ed) , Probldmes de la personne, Paris : Ecole Pratiqu e de s Haute s Etude s ; La Hay e : Mouton, 1973 , p.123-134 , montr e bien commen t I'usag e thöologiqu e d e l a notion d e personn e constitu e un e g6n6ralisation ä partir de so n sen s fondamental , l e röl e dramatiqu e e t auss i social , e t l a notion d e personn e grammaticale qu i e n d6coule . Lorsqu'il s ddsignen t le s personne s grammaticale s pa r l e terme prosopon, le s grammairien s grec s prendraien t pour modfel e le dialogu e dramatiqu e (p. 127). Le s 6nonc6 s trinitaires , fondö s su r l e concep t d e personne , s'inscriven t dan s l a meme veine : "l e caractör e propr e de s personnage s du dialogu e divi n s e d6fini t pa r l e dialogue lui-meme " (p . 126) . lis n'on t p u s'dlabore r qu'e n lie n ave c l a reprösentatio n qu e l'on avai t d e l'etr e humai n a u momen t о й il s on t έί έ prononcös . L e discour s su r Die u l e plus 61аЬог ё n'est pa s dissociabl e d'u n discours su r l'etr e humain . Commen t dö s lor s envi sager une thöologie qui n e röflöchirait pas ä son rapport avec l'anthropologie ?

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L'identitö de Jesus et l'identit£ de son disciple

d'une espece . L e term e individ u saisi t cett e сараск ё d e l'etr e humai n ä con stituer un e unite qui peut faire nombre. Le terme personne depass e l'ordre d u vivant: i l fai t passer dan s l'ordr e d u Symbole . O n n e peu t oublie r d'ailleur s qu'ä l'origine, persona designai t e n latin le masque, celui port e par l'acteur a u th6ätre, mai s probablement avan t dejä , lors de ceremonies rituelles 71. L e mo t d6signe d'emble e u n "obje t culturel" , concre t a u depar t e t qu i v a s'abstrair e de tou t substra t materie l ave c l e temps. D'emble e aussi , l e mot renvoi e ä u n role, l e role de l'acteur mai s plus largement l e role socia l qu'i l represente . L a fonction de representation n e le quittera pas. 2. Personnalite Si l'anthropologi e culturell e a fai t d u concep t d e personn e u n de s terme s de comparaiso n de s culture s entr e elles , l a psychologi e utilis e quan t ä eil e plus volontiers l e terme de personnalM lorsqu'ell e approch e l'etr e humain e n tant qu"'unit e integrative" 72: "l a personnalit e n'es t pa s un e substanc e — u n en-soi — situe e au-del ä de s rapport s etabli s ave c l e milieu ; eil e es t essen tiellement u n system e d e relations (...) . Les element s entr e lesquel s s'organi sent ce s relation s son t d'abor d le s comportement s e t les attitude s qui , pa r u n jeu d e correlations , s e traduisen t pa r de s type s e t de s traits." 73 E n fait , l'ap proche pa r d6terminatio n d e traits es t un e manier e d'envisage r l a difference qui ouvre sur la variete. La necessaire systematisatio n d e cette variete pour la reduire ensuit e introdui t tou t naturellemen t l a notion d e type . C'es t dir e qu e le term e d e personnalit e occup e un e plac e privilegie e dan s с е qu'o n appell e la psychologi e differentielle . L a personnalit 6 у es t con$u e comm e l'ex pression d'une structure particuliere de l'appareil psychique . Dans un e perspectiv e synchronique , cel a peu t conduir e ä l a reconnais sance d e diverse s structure s d e l a personnalit e a u sei n d'un e mem e popula tion e t don e ä la constructio n d'un e typologie . C'es t un e approch e d e l'iden tit6 qu i n e cherch e pa s ä caract6rise r l a singularit 6 irreductibl e mai s qu i classe l'individ u dan s u n type . Cette approch e peut d e ce fait se reveler util e lä o ü l a descriptio n d e l'identit 6 d'u n individ u proced e pa r räference ä de s types e t no n pa r l a mis e e n 6videnc e d e se s idiosyncrasies . Dan s l e mem e ordre d'idee, la psychologie social e au x Etats-Unis a introduit l'expressio n d e personnalit6 d e bas e o u personnalit e basiqu e qu e Henr i Pi6ro n defini t ainsi : "structure commun e d e personnalit e (attitudes , tendances , valeurs , senti 71

Marce l Mauss , Sociologie, p.350-354 , tent e d e retrace r Involutio n subi e pa r l e mo t persona dan s le monde latin. 72 PLFIRON , Henri, art. "Personnalitd" , in: Henri Piöron, Vocabulaire de la psychologie, Paris : PUF, 4 1968, p.320-321 . 73 CORRAZE , Jacques, art . "Personnalitd" , in: Encyclopaedia Universalis. Corpus 14, Paris : Encyclopaedia Universalis, 1985 , p.286-290 ici p.287 .

Definition de l'identte individuelle

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ments) de s membre s d'un e soci6te." 74 En c e sens, i l est tout ä fait possible d e parier d e "personnalit e antique" , pour autant que l'on trouve un e structur e d e personnalite commune aux membres de la societe antique 75. Dans un e perspective diachronique , o n peut auss i envisage r de s structure s de l a personnalit 6 successive s resultan t d'u n processu s d e structuration . Ainsi, l a psychologi e developpemental e modern e peu t parie r d'u n develop pement d e la personnalite ä partir de la naissance jusqu'ä l'äg e adulte. II s'agit de voir commen t s'oper e l a mise en place d e l'appareil psychiqu e qu i debou chera su r un e certain e conscienc e d e so i pa r l a constructio n d'un e identit e particuliere. A un e tout e autr e echell e d e temps , o n pourrai t cherche r a däcrire commen t s e modifient les processus d e structuratio n d e la personna lite au cour s des siecle s dan s une culture donnee. Parie r ains i d e personne e t de personnalit e perme t d e precise r le s deu x point s d e vu e auxquel s ser a abordee la question de l'identite individuelle dan s cette etude. II. L'IDENTITE INDIVIDUELLE D'UN POINT DE VUE ANTHROPOLOGIQUE Le poin t d e vu e anthropologiqu e es t global . C'es t celu i d u system e d e si gnification propre ä une culture. L'identite individuell e у est apprehendee e n fonction d e l a manier e don t es t con9u e l a notio n d e personne . Hubbelin g a raison d e distingue r l a problematiqu e d e l'identit e d e cell e d e l a personne : determiner l'identit 0 d e quelqu'u n n'es t pa s exactemen t l e mem e problem e que d'expose r un e conceptio n donne e d e l a personne 76. Cependant , l a ma niere don t o n s' y prendr a pou r etabli r l'identit e d e quelqu'u n dependr a d u concept d e personn e qu i у ser a associe . Hubbelin g propos e deu x maniere s d'envisager l a question . Un e approch e consist e selo n lu i ä etabli r l'identit e personnelle ä parti r d e l a notio n d e continuite , envisage e suivan t le s sys temes philosophique s comm e continuit e corporelle 77, conservatio n d u mem e 74

Dans : art . "Personnalitd" , in: Henri Pidron , Vocabulaire de la psychologie, Paris : PUF , 4 1968, p.321 .

75

L a question qui rest e ä ce Stad e de l a riflexion est d e savoi r s i la socidt d antiqu e exist e o u s'il faudrai t plutot parier des soci6t6 s d e l'antiquitd . Un e tell e distinctio n n e ser a introduit e dans notr e propo s qu e s'i l s'avdrai t pa r exemple nöcessair e d e distingue r a u 1e r siöcl e d e notre ёте la personnalit6 grdco-romaine d e la personnalit6 juive.

76 v

Hubbeling , Person, p.21 .

Cett e conceptio n n'es t pa s franchemen t moderne : Т е VELDE , Hermann, Som e remark s o n the concep t 'person ' i n th e Ancien t Egyptia n culture , in: Han s G . Kippenberg , Ym e B . Kuiper, & And y F . Sander s (eds) , Concepts of person in religion and thought, Berlin ; New York : d e Gruyter , 1990 , p.83-101 , estim e qu e l a cultur e d e l'ancienn e ßgypt e n e faisait pa s d e v6ritabl e distinctio n entr e personn e e t corps . O n e n trouverai t l'expressio n dans l a momification de s döfunt s (la continuity d e la personne apr£ s la mort est corrdlativ e de l a continuit y physique ; p.8 9 e t 95 ) e t dan s l e fai t qu e plusieur s mot s veulen t dir e ä l a fois "corps " et "soi " (p.89) .

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L'identit6 de Jesus et l'identitö de son disciple

cerveau, continuit e d e l a memoir e o u continuit e d e l'ego 78. L'identit e repos e selon cett e perspectiv e su r l'ide e d e permanenc e dan s l e temps . L'autr e ma niere d'envisage r l'identit e personnelle , toujour s selo n Hubbeling , s'elabor e sur la base d e la relation so i e t l'autre 79. L'attribution d e l'identite individuell e s'opere dan s l a communicatio n entr e l'individ u e t ceux qu i l'entourent . C'es t cette approch e qu'adopt e l'anthropologi e culturell e don t nou s nou s inspire rons largement . Nou s prendron s tou t particulieremen t e n consideratio n le s röles respectif s d e l'individ u e t d e so n environnemen t pour l'attributio n d e l'identite. Cel a signifi e qu e nou s preteron s specialemen t attentio n ä la rela tion entre l'individu e t le group e auquel i l appartient ; mais nou s nous interes serons auss i plu s largemen t a u rol e d e l a tradition 80 vu e comm e instanc e representative de s "autres " a u sen s d e mdmoir e d u groupe . Dan s cett e per spective, l a question d e la permanence es t secondair e ca r eile es t transfere e ä l'instance qu i attribu e l'identitö . L a question d e l a permanence o u d e modifi cations eventuelle s d e l'identit e ser a laisse e a u seu l jugemen t d e l'instanc e qui l'enoncera , qu e с е soi t l'individ u parlan t d e lui-mem e o u d'autre s parlan t de lui . L a seul e questio n qu i interess e ic i es t d e savoi r qu i es t habilit e a enoncer l'identite individuelle et en quels termes . 78

Hubbeling , Person , p.21 . Nou s penson s pouvoi r dtabli r l'identit e d'un e personn e pa r l'identification d e so n corps . C'es t ains i qu'o n utilis e le s relevd s d'empreinte s digitale s o u que l'o n s'assur e d e l a mor t d'u n individ u pa r l'exame n d e so n cadavre . Pourtan t l e corp s peut subi r de s modification s importante s (amputations , Chirurgi e esthdtique ) qu i fon t qu e nous avon s pein e ä dire qu e l e corp s es t rest d identique , don e qu'i l у a identit d d e l a per sonne parc e qu'i l у aurai t identit d d u corps . C'es t pourquo i certain s pr6fören t le crit6re d e la conservation d u cerveau a u егкёге de la continuity corporelle . L e probleme, c'est que l e cerveau auss i subi t de s transformation s a u cour s d e l a vi e d'u n individu , e t l'o n pourrai t dire l a mem e chos e d e s a memoir e o u d e so n ego , pou r reprendr e ce s termes . Catherin e McCall, Concepts of person: an analysis of concept of person, self and human being, Aldershot (England) : Avebury ; Brookfield (USA): Gower , 1990 , discute cett e question e n details. RICCEUR , Paul, Soi-тёте comme un autre, Paris : Seuil , 1990 , montre , e n particu lier au x page s 150-166 , qu e cett e approch e typiqu e d e l a philosophi e analytiqu e anglo saxonne debouch e su r des paradoxes plu s que su r des solutions . Selo n lui , cett e approch e de l'identit e 6chou e lorsqu'ell e tent e d e ddfini r l'identit d personnelle , ca r eil e confon d l'identit6 comm e memeti ave c l'identit e comm e ipsäite (p . 140). L a distinctio n es t pos6 e des les premieres page s d e l'ouvrage (pp.11-15 ) et discut6e ensuite de ташёг е plu s serr6 e ä partir de la page 137 . Ricoeur pense pouvoir r&oudre l a question d e la permanence dan s le temps e n envisagean t l'identit e personnell e comm e identit d narrativ e qui s e situ e "dan s le champ d e l a dialectiqu e d u т ё т е e t d u soi " (p.168) . S'assure r d e l'identit e d'u n indi vidu quelle s qu e soien t le s transformation s pa r lesquelle s i l a pass 6 n e pos e plu s d e pro Ыёте insolubl e dfes le moment oü l'o n peut en raconter l'histoire .

19

Hubbeling , Person, p.21 . MESLIN , Michel , Religiou s tradition s an d th e huma n person , in: Han s G . Kippenberg , Yme B . Kuiper , & And y F . Sander s (eds) , Concepts of person in religion and thought, Berlin; New York : de Gruyter, 1990 , p.67-76, parle en ce sens de la tradition comm e de la conscience d'un groupe humain (p.68 ) garante de la continuite (p.70) .

80

D i f i n i t i o n d e l'identit d individuell e

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III. L ' I D E N T I T i I N D I V I D U E L L E D*U N POIN T D E V U E P S Y C H O L O G I Q U E

D'un poin t d e vu e psychologique , l'identit e individuell e ser a aborde e pa r rapport ä се qui vien t d'etr e di t de la personnalite . Nou s nou s concentreron s sur с е qu i perme t d e dir e quell e es t l a personnalit e d e quelqu'un . Cett e determination s'effectuer a ä deux niveaux . L e premie r nivea u correspon d ä се qu e nou s avon s appel 6 personnalit e basique . I I s'agi t d e determine r l e mode de structuration d e la personnalite engendre a u sein d'une culture par la conception d e la personne qu i у est sous-jacente . Le secon d nivea u es t celu i de l'identite particuliere des individus ä l'interieur d'une personnalite basique . И s'agit d e pr6ciser dan s quelle mesur e i l est possible d'attribue r un e person nalite particuliere ä un individu, puis, pour u n individ u donne , commen t eil e se caract6rise . Alor s qu e l e premie r nivea u cherch e ä decrir e u n model e d e personnalite e t la notion d'identit i individuelle qui lui est associee, l e secon d niveau vis e ce qu'il у a d'individualitd dans l'identite individuelle . IV. ARTICULATIO N DE S D E U X POINT S D E V U E

Cette fa£o n d'envisage r l'6tud e d e l'identit e individuell e pourrai t donne r l'impression qu e l'approch e psychologiqu e n e constitu e qu'u n sous-chapitr e de l'anthropologi e culturelle . Cett e visio n serai t röductrice . I I es t toujour s possible d e proposer un e interpretatio n psychologiqu e de s conduite s humai nes qu i s e situ e ä u n nivea u d e g6n6ralit e ddpassan t le s diff6rence s inter culturelles81. Faut-i l alor s voi r l a psychologi e comm e un e disciplin e d e l'an thropologie a u sen s g6n6ral? Ceux qui revendiquen t l a possibilit£ d'un e psy chologie animal e s' y opposeront . L a probl6matique d e l'identit6 individuell e ne nou s oblig e pa s ä entre r dan s c e dibat . Ca r mem e s i l'o n supposai t qu e certaines espece s animale s puissen t e n quelqu e sort e s e "senti r etre" , pa r exemple e n ressentan t un e form e de souffranc e ä l'occasio n d'u n isolemen t prolong6 loi n de s congöneres , o n serai t encor e loi n de s capacit6 s symboli ques n6cessaire s pou r construir e un e identitd . No n pa s qu e l'anima l soi t to talement dömun i d e capacit6s d e reconnaissance. L'abeill e qu i gard e l'entr6 e de la ruche distingue une abeille qui provient de cette ruche d'une intruse. Le chien reconnai t l a voi x d e so n maitre . Mai s reconnaitr e n e veu t pa s encor e dire identifie r au sen s d'attribuer un e identit6 . Reconnaitre , c'es t avoi r 6tabl i un lien entre un stimulu s e t une r6ponse. Identifie r suppose des competence s bien plu s developp6es: i l s'agit de pouvoir 6tabli r un lien entre l e stimulu s e t une repr6sentatio n d e celui-ci , so n no m pa r exemple . Autremen t dit , i l fau t etre capabl e d'utilise r pa r exempl e u n syst£m e symboliqu e qu e l'o n partag e 81

Cf. Dasen , Piage t entr e relativism e e t universalis , p.135-153 , e n particulie r c e qu e nou s en avon s d6j ä di t su r l'universalit 6 d e certaine s structure s cognitive s e t l a variabilit 6 valorisations culturelles .

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L'identit6 de J6sus et l'identitö de son disciple

avec d'autres . L e langag e es t u n system e privilegi e permettan t cela 82. S i l a question d e l a relatio n d'identit e (rdpondr e ä la question : est-c e qu e cec i es t bien ceci? ) pourrai t constitue r u n obje t d'etud e e n psychologie g6n6rale 83, l a question d e l'attribution d e l'identite individuell e (repondr e ä la question: qu i est ce t individu? ) es t forcemen t dependant e de s conception s propre s ä l a culture dan s laquell e l a questio n es t posee . C'es t pourquo i l'approch e psy chologique d e cett e questio n n e peut pa s s e faire sans un e approch e anthro pologique conjoint e d e cett e mem e question : impossibl e d e caracterise r l a personnalite d e quelqu'un san s dir e a u prealabl e su r quell e conceptio n d e l a personne repose cette caracterisation . En c e sens , l a questio n psychologiqu e portan t su r l a personnalit e n e tou che qu'u n aspec t d e l a personne: so n mod e d'organisatio n psychique . C e qu i veut dire qu e pour l'etud e de l'identite individuell e qu e nou s nous proposon s d'effectuer, l'approche psychologiqu e es t encastre e dan s l'approch e anthro pologique qu i es t plu s globale . D'un e certain e maniere , l'approch e anthro pologique s'interess e plu s ä la permanence e t vis e un concept engloban t tou s les individus (c e que tou s le s individus on t en commun e t qui fai t qu'ils son t des personnes, qu'ils ont une identite personnelle). L'approche psychologiqu e vise pluto t l a differenc e et, pou r c e qu i es t d e l a personnalit e individuelle , cherche c e qu i perme t d e particulariser le s individu s le s un s par rappor t au x autres (ce qu'il у a d'individualitd dan s l'identite individuelle) . En c e qu i concern e l'approch e anthropologique , l a definitio n d e l'identit e individuelle peu t s'enonce r ainsi : qu e faut-i l savoi r d'u n individ u pou r pou voir etabli r so n identite ? Ave c l e corollaire : qu e faut-i l savoi r d e so i pou r pouvoir r6pondr e ä l a questio n "Qu i es-tu? " o u mem e "Qu i suis-je?" ? Au trement dit : devan t toute s le s information s qu e je рей х reuni r su r u n indi vidu, lesquelles seron t considerees comm e pertinentes pou r dire qui il est ? A ce niveau, on s'int6ress e a u systeme de l'identite dans une culture donnee. E n ce qu i concern e l'approch e psychologiqu e d e l a personnalitö individuelle , l a question d e l'identit ö individuell e s'enonc e plu s precis6ment : quell e es t 82

S e rdfdre r en particulie r ä ce propo s ä GILUERON, Christiane, Th e constructiv e functio n o f language i n th e baby' s developmen t fro m sensorimoto r adaptatio n t o humanity , in: W. d e Graaf & R. Maie r (eds.) , Sociogenesis reexamined , Ne w York : Springer, 1994 , p.149-16 8 en particulier p. 164. ю Pa r exemple e n psychologie döveloppementale , o n pourrai t s e demander ä partir de quan d et sou s quelle s condition s u n enfan t es t e n mesur e d'envisage r l a permanenc e dan s l e temps. I I est dviden t qu'i l faudrai t qu'i l ai t construi t l'obje t permanent . Mai s cel a n e suffi t pas encor e pou r qu'il puiss e dir e qu e te l obje t es t bie n toujour s l e meme . Le s 6preuve s d e conservation indiquen t d'ailleur s qu e "etr e l a mem e chos e que " n'es t pa s ddfin i d e l a meme manifer e ä tous le s ages . Pou r nous rapproche r d e l a probl6matique d e l'identit ö per sonnelle, o n pourrai t s e demander , e n prdsentan t ä u n enfan t de s photographie s d e se s grand-parents ä divers äge s ä partir de quan d il es t pre t к admettre qu e c'es t bie n toujour s eux.

Ddfinition de l'identite individuelle

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l'identite particulier e d e te l individu , c'est-a-dire , quell e singularit e lu i est elle reconnue ? Autremen t dit : ä partir de s information s consideree s comm e pertinentes pou r dire qui est tel individu, d e quels moyen s dispose-t-o n pou r dire la particularite de cet individu par rapport ä d'autres individus ? Appliquees a u personnag e d e Jesus , ce s deu x approche s debouchen t su r les questionnement s suivants . D'u n poin t d e vu e anthropologique , o n s e de mandera quell e es t l a conceptio n d e l'identit e individuell e qu i es t sous jacente au x presentation s qu i nou s son t faite s d e Jesu s pa r l'evangelist e Marc. D'u n point d e vue psychologique, o n s e demandera que l es t l e type d e personnalite basiqu e sous-jacent e ä ce s presentations , pui s o n chercher a a preciser quell e est l'identite particuliere qu i est attribuee par cet evangeliste a Jesus. Nous venon s d'affirme r que ce qui es t dit d'un individ u particulie r e n vu e de l e caracterise r depen d d e l a conceptio n qu e l'o n a de l'individualit e d e l a personne humaine . Mai s cel a n e correspon d pa s forcemen t ä l a conceptio n que l'o n en avait a u momen t о й cet individu a vecu. Ainsi, l a presentation d e la personnalite d e Jesus opere e pa r Ernes t Renan 84 nou s e n appren d plu s su r la conceptio n d e l'individualit e a u 19em e siecl e qu'a u le r siecle . L e reci t reconstruit. Mai s i l n e l e fai t pa s n'import e comment . L a descriptio n de s personnages repon d ä des exigence s d e coherence implicites , parm i lesquel les l a coherenc e psychologiqu e es t cell e qu i nou s interess e l e plu s ici . Comme l e disai t Davi d F . Straus s i l у a plus d'u n siecl e e t dem i dejä , nou s tenons inevitablemen t compt e "d e toute s le s loi s psychologiques qu i n e per mettent pa s d e croir e qu'u n homm e ai t senti , pens6 , ag i autremen t qu e n e font les hommes , o u autremen t qu'i l n e fait lui-meme d'ordinaire" 85. S i cel a est vra i d e Rena n lorsqu'i l s e fai t narrateur , с'es t d6j a l e ca s pou r l'evangeliste Marc . A notr e tour , nou s n e somme s pa s epargne s pa r cett e inevitable dömarch e d e reconstructio n e t pa r l a recherch e d e coherenc e qu i l'accompagne. L'impac t es t n6gligeabl e s i les loi s psychologiques son t sup posees universelles , immuable s e t identique s dan s toute s le s cultures . De s lors qu e cett e universalit e es t mis e e n question , i l devien t necessair e d e thematiser l a variatio n pou r pouvoi r prendr e quelqu e distanc e pa r rappor t ä la reconstruction implicit e spontanee . Ainsi, pou r entre r dan s l a conception d e l'evangeliste Marc , i l s'agi t d'etr e capable d'opörer un sau t culturel. Nous avons герёг е une evolution d e ce qu e l'on peu t mettr e sou s l e concep t d e "personne " e n Occiden t dan s l e sen s d'une Interiorisation . Mai s repere r le s etape s d e cette evolutio n n e suffi t pas 84

RENAN , Ernest,Vie de Jisus, Paris : M . L£vy , 1863 . Un e r66ditio n Meent e a paru ä Paris , chez R . Laffont, en 1995 .

85

STRAUSS , Davi d F. , Vie de Jesus ou examen critique de son histoire, Pari s : Ladrange , 1856 (trad , fr. sur la base de l'6d . all . de 1839) .

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L'identitö de Jesus et l'identite de son discipl e

pour garantir l'acce s a u concept d e "personne " a u 1e r siecle. Deconstruire u n edifice permet tou t a u plu s d e mettre e n evidence le s materiaux utilise s pou r l'elever ains i que les fondations sur lesquels i l fut etabli. Mais cela ne restitu e pas pour autan t le s edifice s dont on a reutilise le s materiaux n i le s materiau x ecartes e n cour s d e route . Autremen t dit , l e sau t tempore l s'accompagn e ic i d'un sau t culturel : l'acce s au x conception s latente s o u explicite s dan s l'Evangile de Marc. V. PROBLEM E METHODOLOGIQU E

Toute l a questio n pose e ic i es t d e savoi r s'i l es t veritablemen t possibl e d'acceder au x conception s propre s ä une autr e culture . Cliffor d Geertz pos e tres franchemen t la question : "S i nou s allon s — comme , dan s mo n opinion , nous l e devon s — nou s accroche r ä la recommandation formell e de voi r le s choses d u poin t d e vu e d e l'indigene , о й e n sommes-nou s quan d nou s n e pouvons plu s nou s reclame r d e quelque form e unique d'intimit e psychologi que, d'un e sort e d'identificatio n transculturelle , ave c no s sujets ? Qu'arrive-t il a u verstehen quan d Yeinfühlen disparait?" 86 L a repons e qu'i l donn e es t categorique. L'aller-retou r entr e la description detaille e locale et la recherch e de structure s globale s es t inevitable , ca r constituti f d u cercl e hermeneuti que87. La comprehension d'un e conception propr e ä une culture differente de la sienne necessite l'interpretatio n d e cette conception dan s le contexte cultu rel auque l eil e appartient . Mais , a u bou t d u compte , ell e ne nous ser a simul tanement accessibl e qu e s i nou s avon s p u etabli r de s equivalent s ave c de s aspects d e notre propre culture, e n disant par exemple qu e dans telle culture , on voi t "l e mo i comme u n composite , un e personne , o u u n poin t dan s u n motif."88 Nou s somme s alor s devenu s capable s d e formule r le s chose s comme si nou s appartenion s ä l'autre culture , mai s nous n e saurons jamais s i nous le s comprenons vraimen t comm e le s membres d e cette culture les com prenaient: "Comprendr e l a form e e t l a contraint e de s vie s interieure s de s indigenes, pou r employe r un e fois de plus le mo t dangereux , ressembl e plu s ä saisi r u n proverbe , discerne r un e allusion , comprendr e un e plaisanteri e —

86

GEERTZ , Clifford, Savoir local, savoir global: les lieux du savoir. Paris : Presse s Universi täres d e France , 1986 , p.72 .

87

Geertz , Savoir, p.88 .

88

Geertz , Savoir, p.89 , c'es t mo i qui souligne . L a citation es t tir6 e de l a phrase: "...quan d u n ethnographe comm e mo i qui m'intöress e au x sen s e t au x symbole s s'efforc e de trouve r l a conception qu e s e fai t d e l a personn e u n group e d'indigönes , i l avanc e e t recul e e n s e de mandant ä soi-meme : "Quell e es t l a form e g6n6ral e d e leu r vie? " e t "Quel s son t exacte ment le s vöhicule s pa r lesquels cett e forme s'exprime?" pou r dmerger ä la fin d'un e spiral e de mem e sort e ave c l a notion qu'il s voien t l e mo i comm e u n composite, un e personne , o u un point dans u n motif. "

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ou, comme je Tai sugg6r6, lire un poeme — qu e cela ne ressemble ä atteindre une communion . II nous fau t don e admettr e qu e l e langag e qu e nou s utilison s pou r d6crir e les conceptions antique s n e puisse etr e un autr e que celui qu i es t marqu e pa r les conceptions modernes . L e defl consiste ä rendre compt e des decalages d e conceptions ä l'aid e d u langag e qu i es t l e notre . L a recherch e d'equivalenc e conduit alor s ä montre r qu e tell e notio n qu i nou s es t familier e n' a pa s d e veritable equivalent dan s l'autre culture , mais qu e ce qu'elle recouvre es t pri s en charg e pa r diverse s notion s don t le s equivalent s son t repri s partiellemen t par plusieurs notions dans notre propre culture . VI. MODELE NOYAU-PERIPHERIE DE L'IDENTITE Clifford Geertz parl e d'un e recherch e d e structure s globales . C'es t e n c e sens que nous proposons d e saisir la problematique d e I'identite a u nivea u l e plus globa l а I'aid e d'u n model e noyau-peripherie . Nou s nou s e n somme s dejä expliques ailleurs 90. C e modele a l'avantage d e s'appliquer auss i bie n a u niveau individue l qu'a u nivea u collectif . Autremen t dit , i l es t capabl e d e rendre compt e d e 1'interactio n entr e identit e subjectiv e e t identit e objectiv e aussi bie n a u nivea u d e l'individ u pa r rappor t ä so n group e d'appartenanc e que d'un group e (famille , clan, ethnie ) pa r rappor t ä un autr e group e (englo bant o u non) . Pa r identit 6 subjective , i l fau t entendr e l'identit 6 qu'un e instance (suje t o u group e humain ) s'attribu e d e so n propr e poin t d e vue . L'identite objectiv e design e quan t ä eile l'identit e attribue e ä cette instanc e par l'environnement dan s lequel eile est plongee. Au pla n collectif , c e model e a 6t 6 utilis e pa r exempl e pa r l'ethnologu e Meinhard Schuste r pou r decrir e l'identit e inuk 91. Grac e ä c e modele , i l peu t montrer commen t l'identit e s'etag e e n plusieur s niveaux . L e noya u identi taire s'organis e autou r d u sentimen t d'etr e qu i s'exprim e dan s l e langage d u my the d'origine. U n recit, transmis a u sein du groupe , raconte comment son t apparus le s Inui t e t precis e pa r l a mem e occasio n l'origin e de s peuple s voi sins et ce qui le s distingue de s Inuit . Mai s l e myth e n e suffi t pas pou r expri mer l'identite . I I doit etr e redouble par de s criteres observable s qu i viennen t confirmer l'explicatio n subjective . Ce s diver s critere s combine s constituen t la peripheric d u systeme . On у trouve principalement l e critere de la langue : tous les Inuit parlent la meme langue . Malgre le s differences de dialectes, il s w 90

Geertz

, Savoir, p.90 .

BRANDT , Pierre-Yves , Identit 6 subjective , identit y objectiv e : L'importanc e d u nom , Archives de Psychologie 6 5 (1997 ) 187-209 . " SCHUSTER , Meinhard , Ei n Inu k sei n : Zur mehrdimensionale n Identitä t de r Eskimo , in : Gaetano Benedett i e t Loui s Wiesma n (eds) , Ein Inuk sein : Interdisziplinäre Vorlesungen zum Problem Identität, Göttinge n : Vandenhoeck & Ruprecht , 1986 , p. l 1-26 .

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L'identit6 de J6sus et l'identit6 de son disciple

se comprennent. L a langue fonctionne done comme sign e d e reconnaissanc e principal. O n у trouve auss i l e entere de s coutumes, e n particulier alimentai res. L e criter e d e l a langu e e t celu i de s coutume s perme t d e differencie r les Inuit de s autre s peuples . O n у trouv e enfi n le criter e geographiqu e qu i per met de distinguer le s groupes inuit le s uns des autres e t de ranger le s Indien s en dehor s d e leu r territoire , loi n ä l'interieur de s terres . O r i l es t interessan t de note r qu e l a valeu r accorde e ä ce s diff6rent s criteres n'es t pa s l a mem e pour le s Inui t e t pour le s Indien s voisins . S i l e fait de parier un e langu e dif ferente est consider e comm e u n sign e d e reconnaissance principa l d e part e t d'autre, l e no m attribu e a u peupl e n' a pa s obten u l e consensus . Le s Indien s n'appellent pa s le s Inui t "Inuit " mai s "Eskimos" , s e fondan t su r un e dif ference de coutume alimentair e : "eskimo", dan s l a langu e de s Indiens , veu t dire "mangeu r d e viand e crue" , mod e d'alimentatio n pratiqu e pa r le s Inui t qui frapp e le s Indien s a u poin t qu'il s e n on t fai t u n sign e d'identificatio n central. Le s Inuit , quan t ä eux , n e s e reconnaissen t pa s dan s cett e identite . "Inuit" renvoi e ä l'ide e d e personn e humaine 92. Cett e appellatio n s e fond e sur l e m y the d'origin e qu i attribu e un e natur e semi-canin e o u totalemen t canine au x peuple s autre s qu e le s Inuit . Ce t exempl e montr e qu e 1'identit e s'elabore ä l a croise e d u poin t d e vu e propr e e t d u poin t d e vu e d e 1'autre . Dans l e ca s de s Inuit , l e debat es t loi n d'etr e clos , ca r i l η' у a mem e pa s d e consensus su r le nom. Au pla n individuel , c e model e noyau-peripheri e rejoin t l a distinctio n qu'etablit Georg e H . Mea d entr e instanc e subjective , l e "Je" , e t instanc e ob jective, l e "moi" , a u sen s o ü l e mo i s'elabor e ä partir d'un e interactio n ave c l'environnement social 93. Ou , selo n Han s G . Kippenber g et al., l e so i peu t etre conij u comm e l a resultant e d'un e combinaiso n entr e le s role s sociau x imposes par les autres et la presentation qu e l'individu donn e de lui-meme a u moyen des codes culturels ä sa disposition 94.

92

C e mo t vien t d e l a racin e "Ine" , l e lieu , e t recouvr e l'idd e d e personne , d'habitant , d e propridtaire.

93

M EAD, Georg e H.,The individual and the social self, Chicag o ; London ; University o f Chicago, 1982 , e n particulie r p.5 5 e t 156 , estim e qu e l a conscienc e social e comm e l a conscience d e so i s'dlaboren t d e l a рёпрЬёп е a u centre . C'es t parc e qu'i l у a de s autres , per9us d'abor d ä parti r d e leu r p6riph6rie , leu r apparenc e ext6rieure , qu e s e construi t l e soi. L e so i s e construi t dan s l a conscienc e comm e u n objet . L'u n d e ce s objet s es t l e "moi": c'es t l e so i qu i es t rattach d a u "Je " alors qu e le s autre s so i n e l e son t pas . A u tra vers d e cett e pris e d e conscience , l e suje t peut attribue r u n so i ayan t un e int6riorit 6 au x au tres.

"K

IPPENBERG, Han s G. , K UIPER, Ym e В. , & S ANDERS, And y F. , Concepts of person in religion and thought, Berlin ; Ne w York : d e Gruyter , 1990 , p.3 , renvoien t ä c e propo s ä MEAD, Georg e H. , On social psychology, Chicago ; London : Universit y o f Chicago , 196 5 (1ёге 6d. 1934) .

D6finition de l'identitd individuell e

69

Autre exempl e : l a conceptio n d e l a personn e ä Jav a s'articule , selo n Geertz, su r un e form e d'oppositio n "interne/externe " don t le s terme s "s e röferent d'un e par t a u royaum e sent i d e l'experienc e humain e e t d e l'autr e a u royaume observ e d u comportemen t humain" 95 . Cett e oppositio n experienc e sentie/comportement observ e recouvr e d'un e certain e manier e l'oppositio n invisible/visible, e t egalemen t l'oppositio n passif/actif , passion/action , e t plus generalemen t mystique/ethique . Cett e manier e d'envisage r l a personn e pourrait auss i etr e decrit e ä I'aid e d'u n model e qu i oppos e noya u ä peri pheric. C e model e noyau-peripheri e nou s ser a particulieremen t util e pou r decrir e 1'interaction entr e individ u e t group e pou r l a determinatio n d e I'identit e in dividuelle. C o m m e n t s'articulen t l'identit e attribue e ä l'individ u pa r l e groupe ave c l'identit e qu e l'individ u s'attribu e lui-mem e ? A quelle s condi tions risque-t-il d ' y avoi r confli t entr e ce s deu x attribution s ? E n posan t ains i le probleme , nou s chercheron s ä 6claire r l e deba t autou r d e l'identit e d e Jesus te l qu'i l apparai t dan s l'Evangil e d e Marc . On peu t pa r ailleur s ajoute r un e dimensio n temporell e a u questionnement . D e s l e momen t о й l ' E v a n g i l e d e Mar c nou s parl e d e l'identit e d e Jesu s c o m m e etan t e n decalag e pa r rappor t ä l'identit e attendue , o n peu t s e de mander s'i l es t legitime , d u poin t d e vu e d e ce t evangile , d e pose r l a questio n d'une pris e d e conscienc e pa r Jesu s d e so n identit e divine . Dan s cett e per spective, l a determinatio n d e l a propr e identit e pourrai t etr e decrit e a u pla n general comm e un e pris e d e conscienc e (progressiv e ? ) qu i s ' e f f e c t u e grac e au dialogu e men e ave c l'environnement . Un e tell e descriptio n est-ell e a meme d'eclaire r l a Präsentatio n marcienn e d e l'identit e d e Jesu s ? Pour pouvoi r röpondr e ä ce s questions , i l es t necessair e d e precise r d'abord quell e es t l a conceptio n d e l'identit e individuell e qu i domin e l e mi lieu culture l dan s leque l es t plong e l'evangelist e Mar c et , e n particulier , quelle es t l a par t d u group e e t quell e es t l a par t d e l'individ u dan s l a defini tion d e l'identit e individuelle .

95

Geertz , Savoir, p.77 .

B.2. Ь'ГОЕШТГ Ё INDIVIDUELLE DANS L'ÄNTIQUITE

Maintenant qu e nou s avon s pos 6 un e definitio n general e d e l'identite , l'etape suivant e consist e ä reunir de s information s su r l'identit e individuell e dans l'Antiquite . L e bu t d e cette etap e es t d e preciser quell e etai t l a concep tion d e l'identitö individuell e qu i dominai t dan s l'environnemen t culture l о й fut redige l'Evangile d e Marc. Pour ce faire, nous devons delimite r c e qui v a constituer notr e cham p d'investigation , tan t e n c e qu i concern e le s aire s culturelles considerees qu'en ce qui concerne les thematiques visees . Du poin t d e vu e d e l'environnemen t culture l dan s leque l i l a v u l e jour , l'Evangile d e Mar c es t san s contest e u n produi t d e l a cultur e hellenistique . L'influence de la culture grecqu e у est certaine, n e serait-ce qu e parce que l e grec es t l a langu e commun e a u premie r siecl e d e notr e ere . Pa r consequent , ceux qu i l'apprennen t dan s le s 6cole s son t familiaris6 s ave c Homer e e t le s auteurs d e l a period e classique . Mai s l e bassi n mediterranee n es t auss i for tement marqu e a u premier siecl e par l'influence romaine car l'Empire romai n le domine largement ä cette epoque. A quoi s'ajoute , par l'entremis e d u bras sage de s population s inf6odee s o u conquises , l a diffusio n d e diverse s conceptions orientale s e t egyptiennes . О й s'arrete r dan s l'exploratio n de s divers courant s de pensees qu i se croisent dans l'Empire? Nous avons surtou t concentre notr e attentio n su r l a Grece , Rome , l'Ancie n Testamen t e t l e ju dai'sme hellenistiqu e parc e qu e c'es t principalemen t l ä qu e s e trouven t le s modeles litteraires qui ont pu influencer Marc lorsqu'il redige son evangile . Concernant le s thematique s qu i son t susceptible s d e fourni r de s rensei gnements su r l a conceptio n d e l'identit i individuelle , certaine s s'imposaien t d'elles-memes: lorsqu e l'on s'interess e ä la maniere de signifier l'identite d'u n individu, l'etud e d u system e d u no m e t l'examen de s mode s d e filiation von t de soi . Pa r ailleurs , puisqu e notr e travai l port e su r l'Evangil e d e Marc , un e enquete su r l a manier e d e presente r l a vi e d'u n personnag e dan s u n text e s'imposait egalement . Nou s avon s engag e cett e enquet e dan s le s deu x voie s qui s'offren t d'emblee: celle de la biographie e t celle du discours d'eloge. Ce s deux voies , orientee s l'un e comm e l'autr e ver s l a presentatio n d'autrui , ou vrent chacun e su r un e form e de presentation d e soi : l a biographie ouvr e su r l'autobiographie, l e discour s d'elog e renvoi e a u discour s d e defens e d e soi . Ces prolongement s porten t e n germ e u n questionnemen t plu s profond , celu i de l'articulatio n entr e identit e objectiv e e t identit e subjectiv e aborde e e n conclusion d u chapitr e precedent . L e discour s su r so i autorise-t-i l l'affirma tion plu s marque e d'un e subjectivit e o u n'est-i l qu e l'applicatio n ä so i d e l a fafon dont on s'y prend pour parier d'un autre ?

72

L'identit6 de J6sus et l'identitd de son disciple

Cette interrogatio n a conduit ä computer l e dossie r dan s deu x directions . Sur le versant d e l'identite objective , nous avon s cherch 6 ä r6unir des rensei gnements su r l a manier e d'envisage r l a relation entr e l a part apparent e e t l a part cachee d'u n individu . C'es t l a question d u lien entre etr e et paraitre dan s l'attribution d e l'identite . Le s traite s d e physiognomonie, le s representation s plastiques e t l e vetemen t on t constitu e autan t d e theme s pou r explore r cett e question. Su r le versant de l'identite subjective , nous nous sommes interroge s sur l a capacit e d'autodeterminatio n laisse e ä l'individu . E n c e domaine , l a question d e l'appartenanc e religieus e constitu e u n cham p d'observatio n privilegie. En effet, la diversite des courants religieux present s dans le bassin mediterraneen a u premie r siecl e e t l a possibilit e Offert e de s'associe r ä de s cultes diver s offr e un terrai n favorabl e pou r approfondi r l a questio n d e l a liberie d e choi x individuel . Raiso n pou r laquell e 1'etud e debouch e su r un e reflexion plus global e su r l e them e d e l a libert e avan t d e s e conclur e pa r l a presentation d e cin q modele s (no n exclusif s entr e eux ) d e l'identit e indivi duelle dans la culture hellenistique . Pour chacun e d e ce s thematiques , 1'etud e aurai t p u cherche r ä remonte r jusqu'aux racine s le s plu s ancienne s d e so n expression 1. Notr e propo s etan t centre su r l e premier siecl e ap . J.-C., i l importe moin s d e dresser un e gen6a logie precis e d e toute s le s conception s repandue s ä c e moment-l ä qu e d e chercher ä se faire une idee g6nerale de la conception dominant e d e l'identit e individuelle. Pou r cela, nou s devrons parfois retracer revolutio n d e certaine s notions, mai s c e ser a toujour s pou r mieu x comprendr e c e qu'i l e n es t a u moment oü Marc ecrit. Quant ä l'ordr e dan s leque l es t dispos 6 l e materie l d e cett e partie , i l n'es t qu'un itinerair e possibl e pou r relie r le s different s aspects evoques . Un e vi sion global e n e s e degag e qu'un e foi s qu'il s on t et e tou s parcourus . Nou s avons debut e pa r l'enquet e su r le s role s d u no m e t d e l a filiatio n pou r dir e l'identitö individuelle . C e premie r exame n soulign e combie n l'identit e depend d u regar d de s autres . Le no m e t l a filiation conferent une plac e e t u n Statut dans le groupe; il s ne peuvent etr e modifi6s qu'ä condition d'obteni r l a Ainsi, s i To n voulai t remonte r au x origine s d e l a notio n d e personne , i l faudrai t certaine ment consacre r tou t u n chapitr e ä l'Egypte . A u 13ёш е siecl e av . J.-C. , o n у trouv e d£j ä l'expression d'un e relatio n Je-T u dan s l a ρίέί έ personnelle , cf. Т е VELDE , Hermann, Som e remarks o n th e concep t 'person ' i n th e Ancien t Egyptia n culture , in: Han s G . Kippenberg , Yme B . Kuiper , & And y F . Sander s (eds) , Concepts of person in religion and thought, Berlin; Ne w York : d e Gruyter , 1990 , p.83-101 , ic i p.84 . Autr e indic e significatif : l a bio graphie, iddalisante , es t l e genr e littdrair e l e plu s ancie n e n Egypt e (p.90) . Le s rites fun6 raires son t auss i tre s instructif s ä ce propos : l e ргосёё ё d e momificatio n es t l'expressio n d'une conceptio n d e l'identit i d e l a personn e Пё е ä l a сопйпикё physiqu e (p.95) . Quan t ä la notion d'äme , eil e es t recouvert e pa r plusieurs termes . Т е Veld e (p.92-95 ) ёпишёге : ba ' (l'alter ego) , akh (l e pouvoi r cr0atif) , I'ombre, le coeur, ka (qu i es t parfoi s l e coeur , mai s aussi l'önergi e vitale) .

L'identit6 individuelle dans l'Antiquitö

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reconnaissance d'un e autorit e sup6rieur e ä soi . C e qu i pos e d'emble e l a question d e savoir si , dans l'Antiquit6, l'identit e est forcement donnee par le s autres. C'es t pourquo i nou s avon s directemen t abord e l a question d e la capa cite d'autodetermination e n reference au libre choix de prendre part ä telle ou telle pratiqu e religieuse . Nou s avon s prolong e e n nou s interrogean t su r l'in vention d e l'autobiographi e e t l'eventuell e conscienc e d'un e individualit e subjective don t eil e pourrait etr e l'expression . Nou s avon s alor s et e renvoy e aux condition s qu i legitimen t l a centratio n d'u n discour s su r u n individ u e n particulier. O u pou r l e dir e autrement : quelle s son t le s regie s e n usag e pou r dresser l e portrait d e quelqu'un? U n te l discour s es t motiv e soi t pa r l'obliga tion d e s e justifier (discour s d e defense ) soi t pa r l e proje t d e permettr e l a devaluation positiv e d e quelqu'un (eloge) . Dans u n ca s comme dan s l'autre , le but n'est jamais d e faire part de ses etats d'arne pour le simple plaisir d e s e raconter, mai s d'influence r l e regar d port e pa r le s autre s su r u n individu . C'est pourquo i i l etait necessair e d e s e demande r ensuit e commen t o n envi sageait, dans ce contexte, ce que l'on peut deduire de l'identite de quelqu'un a partir de ce qu'on peu t en percevoir "d e l'exterieur". L e parallele ave c les art s plastiques perme t e n particulie r d e precise r commen t s'articulen t ideal , stereotype e t particular^. C'es t seulemen t un e foi s ce parcours effectu e que nous avon s consider e l e genre d e l'evangile pa r rapport ä ce que l'o n appell e habituellement u n r6ci t biographique . I I s'agissai t d e montre r combie n l e genre d e l'evangil e lui-mem e es t l'expressio n d'un e conceptio n d e l'identit 6 individuelle e n accor d ave c c e qu i a 6t e mi s e n evidenc e jusque-lä. I I etai t alors possibl e d e rassemble r le s differente s information s recoltee s pou r montrer commen t elle s s'inscriven t dan s un e culture dominee pa r les valeur s de l'honneu r e t d e l a honte . Le s cin q modele s d e l'identit d individuell e qu i constituent l a conclusio n d e cett e parti e preparen t l a presentatio n e t l a dis cussion d'u n model e beaucou p plu s elabor e qu i inclu t un e grand e parti e de s donnees discutees : l e model e d e l a "personnalit e oriente e ver s l e groupe " developpe par Bruce J. Malina. B . 2 . 1 . D IRE L'IDENTIT6 PAR L'ORIGINE: NO M E T FILIATION

Une manier e privil£gie e pou r dir e l'identit 6 d'u n individ u consist e ä decli ner so n no m e t so n origine . Ainsi , l e premie r verse t d e l'Evangil e d e Mar c parle d e "Jesu s Chris t Fil s de Dieu". L'origin e es t dite ic i e n terme s d e filiation. S i l'o n adme t qu e c e premie r verse t constitu e l e titr e d e l'evangile 2, l a premiere mentio n d e Jesus dan s l a narratio n propremen t dit e s e situe a u ver set 9 о й J6su s es t present e comm e venan t d e Nazaret h d e Galilee . Dan s c e cas, l'origine est dite en termes de provenance geographique . 2

Cf.

infra chapitr e su r le plan de Mc .

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L'identit6 de Jösus et l'identiti de son disciple

Le nom , 6nonciateu r pa r excellenc e d e l'identit ö d'u n individu , comport e souvent dan s l'Antiquitö , mai s auss i bie n au-delä , l'indicatio n soi t d e l a pro venance giographiqu e soi t d e la filiation. C'est ains i qu e Γο η parle d e Ib?ä n de Bethlee m (J g 12,8) , d e Philo n d'Alexandrie , d e J6su s d e Nazaret h (M c 1,24) dans un cas , de Sheva fil s de Bikri ( 2 S 20,1.2.6.7.10...), d e Kimon fil s de Miltiade 3 o u d e Simo n fil s de Jonas (M t 16,17 ) dan s l'autr e cas , e t mem e de Makir , fils d'Ammiel , d e Lodeva r ( 2 S 9,4 ) pou r n e cite r qu e ce s exem ples. Aelius Theon , auteu r d'u n manue l pou r apprendr e l'ar t d e l'ecritur e e t d u discours datan t probablement d u premier siecl e de notre ere 4, range ce s deu x manieres d e dir e l'origin e dan s deu x categorie s distinctes . Lorsqu'i l indiqu e comment rendr e compt e d e l a noble origin e (ευγένεια) , i l di t qu e l a patrie , comme l a cite , situ e dan s l'espac e alor s qu e l a filiatio n situ e dan s un e genealogie, don e plutöt selon un axe temporel . Si Γ on revien t a u debu t d e l'Evangil e d e Marc, o n peu t s e demander ave c raison s i Nazareth (M c 1,9 ) sert veritablement ä dire la noblesse d e l'origine , au sen s o u Aeliu s Theo n e n parle , puisqu e Nazaret h n'es t pa s un e polis. 5 Mais Aeliu s Theo n ajout e que l e caracter e modest e d'un e origin e peu t etr e souligne pou r fair e ressortir α contrario l e m6rit e d e celu i qu i s e distingu e alors qu e l a fortune ne l'avai t pa s predispos e ä cela. 6 Quan t ä la d6signatio n "J6sus Chris t Fil s d e Dieu " (M c 1,1), eile situ e bie n dan s un e gdnealogie . И faut simplemen t note r qu e l a filiation, ici , n'est pa s humain e mai s divine , c e qui suppos e no n seulemen t un e extensio n pa r rappor t ä l'engendremen t charnel mai s auss i pa r rappor t au x rägles d'adoptio n entr e humains . Nou s verrons, su r c e dernie r point , qu e l a conceptio n veterotestamentair e es t dif ferente que la conception grecqu e ou romaine . I. LE NOM S'interessant au x nom s d e personne s dan s u n villag e fransais , Fran£ois e Zonabend situ e ell e auss i l e nom, e n l'occurrenc e l e patronyme, ä l'intersec tion d e l'espac e e t d u temps : "L e patronym e es t don e ä l a foi s u n sign e d'identification ä l'espace de reference du groupe, la marque d'appartenance a une lign6 e e t l'inscriptio n d e cett e ligne e dan s ce t espac e d e reference . (...) . 3

Κίμω ν Μιλτιάδο υ ou Μιλτιάδο υ υιοζ , cf. MOREL , Ch. , art . Nomen , Dictionnaire des antiquitis grecques et romaines, tom e 4 , Paris : Hachette , [entr e 187 7 e t 1919] , p.88-96 , ici p.91 . 4 Pou r l a datation , o n peu t s e refire r c e qu'öcri t Miche l Patillo n e n introductio n ä Aeliu s Theon, Progymnasmata, Paris : Les Beile s Lettres , 1997 , p . xvi . 5

Nathanael , justement , l e contest e puisqu'i l demand e s'i l peu t venir'quelqu e chos e d e bo n de Nazareth (J n 1,46) . 6 Aeliu s Th6on, Progymnasmata 112, 1 -2.

L'identite individuelle dans l'Antiquitö

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Le patronym e sous-ten d ä la foi s un cham p parenta l e t u n cham p territorial . Mais, dan s l e groupe , i l n e ser t pa s d'identifiant." 7 Cett e fonctio n d'identi fiant, c'est celle que remplit au sens strict le nom propre. Les mode s d e denomination le s plus ancien s s e contentent ä l'origine d'u n seul no m pou r rempli r l a fonctio n d'identifiant . O n e n trouv e un e larg e ex pression dan s l a Bible . Le s ancien s peuple s d e l a Grec e e t d e l'ltali e utili saient auss i u n no m uniqu e pou r nomme r le s individus 8. L e probleme , c'es t qu'un system e ave c u n no m uniqu e n e garanti t pa s un e identificatio n univo que. I I arriv e bie n u n momen t о й deu x individu s porten t l e т ё т е no m e t risquent d'etr e confondus . II faut des lor s i n venter un moye n pou r distingue r ces deu x individu s Tu n d e l'autre . Diver s moyen s on t 6t 6 d6veloppes , consistant tous ä faire suivre le nom d'indications qu i precisent l'identite . 1. Le nom en Grece

En Grec e ancienne , deu x systeme s principau x son t e n vigueur 9. L e pre mier consist e ä faire suivre l e nom d'un e referenc e au no m d u pere , soi t pa r une forme adjective (p.ex. Λαερτιάδης) , soi t en mettant simplemen t l e no m du per e a u genitif , suiv i o u no n d u mo t υιό ς (p.ex . Κίμω ν Μιλτιάδο υ [υιός])10. U n deuxiem e system e consist e ä faire suivre l e no m pa r un e indi cation d e l'origin e d e l a personne : l a trib u o u l e dem e auxquel s ell e appar tient, si elle fait partie de la ville т ё т е, l a ville ou le pays d'origine, s'i l s'agi t d'un Stranger . Mais qu'est-c e qu i v a fair e choisir u n proc6d e pluto t qu e l'autr e ? A l'ori gine, nou s l'avon s dit , l e bu t es t d e distingue r de s individu s qu i pourraien t etre confondus . Dö s lors , l a specificatio n n'appartien t pa s pa r princip e a u nom mai s depen d d u context e d e denomination . Pou r diff6rencie r un Stran ger d'u n autochtone , l a ref6rence au pay s d'origin e ser a plu s approprie e qu e la referenc e a u per e qu e l'o n n e connai t probablemen t pa s puisqu'i l vi t ail leurs. Pou r diff6rencier deux membre s d'u n т ё т е dhme , l a mention d u per e sera plus utile que la ref6rence au pays ou ä la ville qui seron t en principe le s memes. Lorsqu e l'indication ajoute e au nom devient syst6matique, o n peut la considerer comm e faisan t partie d u no m a u т ё т е titr e qu e le s surnom s qu i semblent avoi r €\£ assez frequents en Grfcce. , Franfoise , Pourquo i nommer? , in: Claud e L6vi-Straus s (6d ) L'identiti (Quadrige 48), Paris: PUF, 1987 , p.257-279 (1 ёге 6d. 1977) , ici p.263 . 8 MOREL , Ch., art. Nomen, Dictionnaire des antiquitis grecques et romaines, tom e 4, Paris: Hachette, [entr e 187 7 et 1919] , p.88-96, ic i p.88. 9 Morel , Nomen, p.91 . 10 Le s deux manures d e se rdfdrer au nom du p&re, par une forme adjective ou par le nom du рёге au gönitif, s e trouvent chez Нотёге . Pou r les femmes , on fai t suivre l e nom du nom du chef d e famille, c'est-ä-dir e l e рёг е pour la femme поп-тапёе , l e ma n pou r la femme mari6e, le fils pour la veuve. 7

ZONABEND

L'identit6 de Jösus et l'identitö de son disciple

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"Les surnom s semblen t avoi r 6t6 assez fröquent s ; ils pouvaien t etr e donne s soi t pa r I e public, soi t pa r le s ami s e t avoi r u n sen s favorabl e ou d6favorable . Dan s beaucou p d e cas i l s e substituai t presqu e officiellemen t a u no m primitif." 11 More l di t qu'i l 6tai t e n g0n6ral ajout 6 au no m pa r l'indicatio n " ό έπικαλούμενος " (surnommö) , comm e dan s l'exemple suivant : Λέω ν 'Αρτεμισίο υ ό έπικαλούμενο ς Ι ά σ ω ν ' 2.

2. Le пот a Rome Le princip e d e bas e d e l'onomastiqu e latin e repos e su r l'inscriptio n dan s un lignage. D e bonn e heure , le s Romain s euren t deu x noms : l e preno m e t l e nom d e l a gens, l e no m d e famille . Ce s deu x noms , suivi s d e l a designatio n du per e (p.ex . Q . Marciu s L.f.) , etaien t le s seul s admi s dan s le s decret s d u Senat e t le s loi s "jusqu' ä Гёроци е d e Sylla , e t mem e apres..." 13. Dan s l'usage ordinaire , u n troisieme no m o u surno m ( cognomen) s'introdui t pour commencer dan s le s familie s nobles , qu i s e distinguaien t ains i d e l a pleb e (tria nomina nobiliorum ). Ver s l a fi n d e l a Republiqu e e t a u 1e r siecl e d e 1'Empire, c e system e ä troi s nom s devien t l a regl e pou r tou s le s homme s libres. Parlan t de Coriolan, Plutarqu e precise qu'i l s'agi t du surnom d e Ga'iu s Marcius, Gai'u s etan t so n no m personne l e t Marciu s l e gentilic e d e s a fa mille14. "Ainsi, ä l'ipoqu e o u l e systfem e de s nom s a attein t so n d6veloppemen t naturel , le s hommes d e condition libr e et citoyens romain s son t d6sign6s pa r troi s еэрёсев de nom s et deu x indication s secondaire s : Marcus Tullius, Marcifllii Cornelia Tribu, Cicero'* 5 "(...) Dan s le s inscriptions d e la bonne ipoque", le s deux indication s d u no m d u рёге et

" Morel , Nomen, p.91 . D'aprö s c.i.gr. 268 6 cit d pa r Morel , Nomen , p.91 . L e Code x d e B0z e ( D 05 ) propos e u n ajout en L c 6,1 5 qu i utilis e cett e formul e pour signale r l e surno m d e Thoma s qu i n' a έ\.έ transmis dan s l e Nouvea u Testamen t qu e pa r l e seu l l'Evangil e d e Jea n (11,16 ; 20,24 ; 21,2). Mai s l'Evangil e d e Jea n utilis e ä chaqu e foi s un e autr e formule : " ό λεγόμενος" . Dans l'ßvangil e d e Marc , J6su s appell e Simo n d u no m d e Pierr e e t i l appell e Jacque s e t Jean "Boanerguös" , c'est-ä-dir e "fil s d u tonnerre" . Dan s le s deu x cas , Mar c l'exprim e ä l'aide d e l a formule : "έπέθηκε ν δνομα " (M c 3,16-17) . Dan s l e ca s d e Pierre , o n a l'im pression qu e c'est un nom nouvea u plu s qu'un simpl e surnom , mais dans l e cas de Jacque s et Jean, l'appellatio n n e peut pa s remplacer l e nom puisqu'ell e es t commune au x deux . D u fait que Mar c utilis e dans les deux ca s la т ё те formule , il n'est pas clair si, dans le cas d e Pierre, i l donn e ä c e no m plu s qu e l a fonctio n habituell e d u surnom , qu i peu t justemen t supplanter l e nom. La Traduction oecum&iiqu e d e la Bibl e tradui t d'ailleur s e n disan t qu e Pierre es t l e surno m donn d ä Simon . Cett e lectur e es t renforcö e pa r l e fai t qu e s i Lu c transforme l a formul e de Mar c e n "ώνόμασεν " (L c 6,14) , Matthie u l a remplac e pa r " ό λεγόμενος" (M t 10,2) , qu i es t justement l e proc6d6 d e Jean pou r dir e l e surnom . Autre ment dit , Matthie u indiqu e qu e l a formul e peu t etr e compris e a u premie r siäcl e comm e ddsignant un surnom .

12

13

Morel , Nomen, p.92 . Plutarque , Coriolan 11,2 . " Morel , Nomen, p.92 . 14

L'identite individuelle dans l'Antiquit6

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de l a trib u d'appartenance son t place s entr e l e nomen gentile e t l e cognomen et , comm e le ргёпот, e n g6n6ra l abrdg0es : M. Tullius M. f. Cor. Cicero.

Par l a suite , "l e nombr e d e nom s augmenta , surtou t pou r le s personnage s importants o u allie s ä de grandes families , et i l n'est plu s guer e possible d'e n comprendre l e systeme" 16. Nou s n'entreron s pa s dan s le s detail s d e l a parent e legitime qui , jusqu'alors uniquemen t agnatiqu e (сгеё е pa r descendanc e mas culine), devien t auss i cognatiqu e (parent e pa r le s femmes ) ä l a period e im periale17. Pa r l e lien d u manag e o u pa r l'adoption , i l у a divers moyen s d'ins crire dan s so n no m dan s de s lignee s plu s prestigieuse s qu e celle s don t o n provient. Troi s exemples , donne s pa r Mireill e Corbier , suffiron t ä illustre r comment "le s Romain s accorden t u n soi n permanen t e t attenti f ä creer d e l a parente"18: "M(arcus) Porciu s Cat o Salonianus , fils d e Cato n l e Censeu r e t d e s a deuxifcm e 6pous e Salonia; C(aius ) Pliniu s Caeciliu s Secundu s adopt e pa r so n oncl e materne l Plin e l'Ancien; M(arcus ) Terentiu s Varr o Lucullus , u n Liciniu s Lucullu s adopt ö pa r u n Terentius Varro. "

Cette inflatio n d u nombr e d e nom s e t с е souc i permanen t d e cree r d e l a parente reflet e l'importanc e central e occupe e pa r l'institutio n familial e a Rome. Ell e s e marque dan s l e system e d u no m comm e eil e se signale dan s l e role accord e au x masque s de s ancetre s e t ä l a plac e d e choi x qu i leu r es t attribuee dan s l a maison. L'identite , ä Rome, s e dit avan t tou t pa r l'insertio n de l'individu dan s un ou des lignage(s) . 3. Le nom dans le judai'sme Ren6 Voeltze l soulign e l a significatio n profond e d u no m attribu 6 ä l'en fant dan s le s religion s orientale s у compri s che z le s Hebreux . Donne r u n nom, c'es t avoi r u n pouvoi r su r l e destinatair e d u nom 19: ".. . parc e qu e l e nom defini t l'essence , i l r6vel e l e caracter e e t l a destine e d e celu i qu i l e porte."20 C'es t pourquoi , "change r d e no m signifi e changement d e vi e o u d e 16

Morel , Nomen , p.92 .

17

C'es t ains i qu e CARCOPINO , Jdrome, La vie quotidienne ä Rome ä l'apogee de l'Empire, Paris: Hachette , 1939 , p.97 , citan t Gaius , Institutes , III , 17 , peu t ёспге : "A u secon d siöcl e de notr e ёге , d e droi t gentilic e de s ancien s äge s es t tomb d e n d6su6tud e (...) . Tandi s qu e jadis l a seul e рагет ё 16gitim e dtai t celle qu e cr6ai t l a descendanc e masculine , o u agnatio, eile compren d maintenan t l a cognatio, o u parent d pa r le s femmes , e t döbord e l e domain e des justes noces. "

18

CORBIER , Mireille , Construir e s a рагет ё ä Rome , Revue historique 28 4 (1990 ) 3-36 , ic i 30. Ell e donn e auss i au x p.34-3 6 le s stemm a de s parentö s d'Auguste , d e N6ro n e t de s Comelii e t Aemilii. Le s exemple s son t tirds d'une note p.9 .

19

D e VAUX , Roland , Les institutions de l'Ancien Testament, t.I. , Paris : 1958 , p.74 , qu i ren voie ä Gn 1 : nommer; G n 2,19-23: nomme r l a femme .

20

D e Vaux , Les institutions de l'Ancien Testament tl , p.75 .

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L'identit6 de Jesus et l'identite de son disciple

destin, generalemen t ä l a suit e d'un e interventio n divine" 21. O n pens e a Abram qu i devien t Abraha m (G n 17,5) , Sara i qu i devien t Sar a (Gnl7,15) , Jacob qui devient Israel (G n 32,29; 35,10). Dans le cas de Joseph qu i devien t Qaphnat-Paneah, l e changement vien t d u Pharaon qu i affirm e ainsi so n pou voir su r lu i (G n 41,45) 22. Quan t ä Gedeon , c e son t le s gen s d e l a vill e qu i l'appellent Yeroubbaa l ("Qu e Baa l plaide" ) apre s qu e so n per e ai t pri s ains i sa defens e (J g 6,32 ; 7,1) . D e c e poin t d e vue , l e no m s e rapproch e d e c e qu'est l e surno m che z le s Grec s o u le s Romains 23: so n sen s etymologiqu e renvoie ä u n trai t identitair e d e celu i ä qu i i l es t donne , li e ä certaine s cir constances (p.ex . d e s a naissance ) o u ä u n trai t physique 24. L a differenc e principale pa r rappor t a u surno m gre c o u romai n consist e e n c e qu e l e no m ou l e no m nouvea u n'es t pa s donn e dan s l'Ancie n Testamen t pa r u n "on " anonyme (l e ca s d e Gedeo n fai t ici exception ) mai s pa r u n locuteu r design 6 qui a autorite sur le destinataire du nom: les parents, le roi, Dieu . Lorsque l'Ancie n Testamen t veu t a j outer a u no m un e precisio n su r l'iden tite, l a manier e generalemen t utilise e consist e ä situe r l'individ u dan s un e lignee. Mai s contrairemen t ä Rome , i l n'es t pa s fai t usag e d e patronyme . C'est l e lie n ave c l'ascendan t direc t qu i es t indiqu 6 pa r l e moye n d e l a rela tion "fil s de", par exemple "Itamar , fil s d'Aaron" (N b 7,8) 25, quitte ä remon ter ainsi plusieurs gen6ration s comme en Jos 7,1 oü est encore mentionnee l a tribu d'appartenance : "Akän , fil s de Karmi, fils de Zavdi, fils d e Zerah, de l a tribu d e Juda" . Ce t exempl e signal e 6galemen t l e role accord e ä la gönealo gie pour dire l'identite . Dans l e Nouvea u Testament , l a list e de s Douz e proced e d e meme . Ains i dans l'Evangile d e Marc (3,16-19) , l e nom es t donne seul dans l a plupart de s cas; parfois il est accompagn 6 d'u n surno m (Pierr e pour Simon , Boanergue s pour Jacque s e t Jean, Iscariot h pou r Judas) , parfoi s l a relatio n ä l'ascendan t paternel es t signag e (Jacque s l e fils de Zebedee, Jacque s l e fils d'Alph6e 26); 21

n

VOELTZEL , Ren6 , L'enfan t che z le s Hdbreux , in: L'Enfant. Premiire partie: AntiquiteAfrique-Asie [Recueil s d e l a Socidt ö Jea n Bodi n pou r l'histoir e comparativ e de s institu tions 35], Bruxelles: Librairie Encyclopidique, 1975 , p.131-183, ic i p.144 .

D e meme pour le changement de nom de Daniel et de ses compagnons en Dn 1,6-7 . Cf. ce qu'en dit Plutarque, Coriolan 11,2-6 . 24 E t ceci, mdm e s'i l n' y a pas de changement d e nom. I I sufflt pour s'en convaincre d e lir e comment son t donn6s le s nom s des fils d e Jacob (Gn 29,31-30,22) o u comment est expli qu6 le nom donn6 ä Samuel par sa тёге (I S 1,20) . 25 L e princip e es t l e т ё т е dan s de s texte s juif s contemporain s d e l'Ancie n Testament . Ainsi, dan s de s document s retrouvd s ä Elephantine , o n trouv e pa r exempl e l a mentio n d'un "Zakku r fils d e Meshullam" , cf. KRAELING , Emi l G „ The Brooklyn Museum Aramaic Papyri: new documents of the fifth century B.C. from the Jewish colony at Elephantine, Ne w Haven : Yale University, 1953 , papyrus 8,2. 26 Dan s ce cas, il est dvident que c'est le moyen de distinguer les deux Jacques Tun de l'autre. 23

L'identitö individuelle dans l'Antiquitö

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l'appartenance a u groupe de s Zelotes pour distinguer Simo n d e l'autre Simo n est une maniere plus rare . II. LA FILIATION Rien n'es t plu s importan t ä Rom e a u 1e r siecl e d e notr e er e qu e d e pou voir s e prevaloi r d'un e ligne e ancestrale . O n retrouv e l e raeme souc i dan s Γ importance qu e l e judai'sm e d e cett e epoqu e accord e a u fai t d e pouvoi r produire un e gen6alogi e qu i remont e au x patriarches . Matthie u l e sai t bien , qui fai t debuter ains i so n evangile . U n mem e souci , fond e pourtant su r de s motivations bien diff6rentes. Avec l'Exi l e t les multiple s brassage s d e populations qu'il s on t traverses , les Juifs cherchent ä pröserver l'identit e d u peuple 61u . Des l'Exil , l a ruptur e du lie n a u territoir e oblig e ä concentrer le s marque s d e l'appartenance juiv e sur l a filiatio n e t le s pratiques . L e rol e accord e ä l a genealogi e pou r dir e l'identit6 devien t central . L'attestatio n d e l'identit e juiv e s e conjugu e de s lors su r deu x mode s compl6mentaire s qu e I'o n retrouv e fortemen t souligne s chez M t e t Lc lorsqu'ils veulen t dir e l'identit e d e Jesus : il fau t etre d e тёг е juive e t i l faut pouvoir fair e 6tat d'un e gen6alogi e qu i rattach e au x ancetre s des douz e tribu s d'Israe l selo n u n princip e patrilineaire. 27 L'honneu r qu i resulte d u fai t de descendr e d'ancetre s celebre s n'es t bie n sü r pa s absen t d e la capacit 6 ä pouvoi r produir e un e genialogi e prestigieuse 28. Mai s i l rest e second pa r rappor t ä l a necessit e d e pouvoi r atteste r l'authenticit 6 d e so n origine juive. La stabilit ö göographiqu e de s familie s patricienne s romaine s n'occasionnait pa s le s meme s preoccupations . E n revanche , l e confli t entr e patriciens e t pleb£iens ä Rome a conduit ä donner d e plus en plus d e poids ä la nobless e d e l a famille dont o n provient . Pou r obteni r un e plac e e n vue , i l faut pouvoir d6cline r de s ancetre s prestigieux. Pa r l e manage o u I'adoption , 27

Cf. BOLENS , Lucie, La Bible et l'Histoire au feminin, Genfev e : M6tropolis, 1992 , p.101 106, qui estime que le projet de sauver les g6n6alogie s d e l'anonymat es t d6jä un effet de la premier e Diaspor a d e -587. L a prohibitio n d e l a polygamic e t de s relation s ave c de s 6trang£res, autoris6e s au temps de Hagar, Zilpa, Bilha , s'expliqu e pa r le fait que de telle s relations brouillen t l e je u d e l a gdndalogi e (p . 102). O n e n a u n be i exempl e dan s l e papyrus 8 publi d pa r Kraelin g dan s The Brooklyn Museum Aramaic Papyri . Lorsqu e Uriah be n Mahseia h libör e l'esclav e Yedonia h pa r un e dimarch e d'adoption , i l n e lu i donne pa s so n no m mai s l e dösign e comm e fil s de s a тёге Thw', don t l e no m es t 6gyp tien. Selo n Kraeling , т ё т е libre , Yedonia h continuer a d e s'appele r Yedonia h fils d e Thw', c e qui permettait ä l'audition d u nom de savoir d'emblde l e pedigree d'u n individ u (p.224). 28 L a faction d e Salll en 1 S 9,21, s'6tonnant d'etre choisi comm e roi alors qu'il appartient au clan l e moin s prestigieu x d e l a plu s petit e trib u d'lsraSl , v a tou t ä fai t dans c e sens . D e т ё т е , l e prestig e qu'il у a ä pouvoir s e dire "Fil s de David" accompagne l a Präsentatio n de Jösus dans les ivangiles.

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L'identitö de J6sus et l'identit6 de son disciple

des moyen s son t mi s e n oeuvr e pour rehausse r so n identite , mai s auss i pou r contröler les debordements 29. La Grec e ancienne , pou r s a part , η'ignor e pa s l e recour s a u prestig e de s ancetres pou r dir e l a valeu r d'u n individu . L'lliade e n contien t u n exempl e bien typique . Lorsqu e Diomede , fil s d e Tydee , e t Glaucos , fil s d'Hippoloque, s e rencontren t su r l e cham p d e bataille , Diomed e interpell e Γ autre qu'i l n' a jamai s v u pou r lu i demande r qu i i l est . Glauco s repon d e n declinant l a list e d e se s ascendant s ä commence r pa r so n arriere-arriere grand-pere Sisyph e ne ä Ephyre. Cela lui permet a u passage de depeindre le s prouesses d e so n grand-per e Bellerophon 30. Ce t exempl e illustr e commen t Γ identite est donnee par la filiation e t combien i l est honorable d e descendr e de gen s glorieux . Mai s ici , justement, i l n'es t pa s tan t questio n d e prouve r son appartenance a u peuple, comme с'est l e cas pour l e Juif qu i doi t montre r qu'il es t membr e d u peupl e d'Israel , qu e de faire la preuve d e so n honorabi Ιϊίέ. Cett e transmissio n d e l'honneu r de s parent s su r leur s enfant s est s i for tement ancre e qu'Origen e l'6voqu e a u 3em e siecl e ap . J.-C. comm e u n prin cipe allant encore toujours de soi. 31 Le recour s au x parent s s'appui e su r u n lie u commu n qu i n'es t d'ailleur s pas propre ä la culture hellenique: les enfants sont comme les parents. Plato n le disait dejä: "Gens d e cceur (αγαθοί) il s furent parce qu'ils 0taient issu s d e gens de cceur" 32, tout e n se faisant par ailleurs ГёсЬ о de doutes ä се propos 33. Mais o n l e trouv e auss i dan s l'Ancie n Testament . Ez6chie l pa r exempl e s'ecrie: "Tell e mere , tell e fille" 34. E t Quintilie n l e repren d d'un e autr e ma niere: "...ca r o n croi t generalemen t qu e le s fils ressemblen t ä leur s per e e t mere e t ä leur s ancetres , e t cett e ressemblanc e es t parfoi s l a caus e d e leu r comportement, honnet e ou honteux..." 35.

29

L a lo i cadr e le s prdtention s d e grandeur . C e qu i peu t parfoi s empeche r l a reconnaissanc e de se s propre s enfants , laissan t comm e seul e solutio n l e recour s ä l'empereur. C'es t l e ca s lorsque l'enfan t est ηέ d'une unio n illögitime . Dan s ce cas , l'empereu r peut transformer en mariage "tegitime " un e unio n qui n e l'6tai t pas , c e qui peu t ensuit e rendr e 16gitim e u n en fant s i l e рёг е choisi t alor s d e l e reconnaitre . Cf. Corbier , Construir e s a parent ö ä Rome , p.15-16. Sinon , l e рёг е peu t donne r so n fils e n adoption , c'est-ä-dir e l e transfire r ä un au tre.

30

Ношёге , Iliade, chan t VI , 119-236 . Pa r ce discours, Diomöd e d6couvr e qu'i l a eu entr e le s mains de s prdsent s faits par Belldrophon e t dont il a höritö. Grac e ä ce discours , i l renonc e ä s e battre contre l e descendant d'u n homme qu i avai t 6t6 l'hot e de sa famille.

31

Origfene , Contre Celse 1,29 .

32

Platon , Menex. 237a .

33

Platon , Protagoras, 326e : d e bons pöres peuvent engendre r des fils mdchants .

34

E z 16,44 .

35

Quintilien , Inst. Or. 5,10,24 . Trad . Jean Cousin, Paris : Les Belles Lettres , 1976 .

L'identit6 individuelle dans l'Antiquitö

81

Modes de filiation Cependant, Giusepp e Cambian o montr e ä propo s d e l a filiatio n dan s l a Grece ancienn e qu e l'identit e confere e pa r l a parent e n'equivau t pa s simple ment ä l'enonce d e l a parente biologique: "Bie n entendu , le s esclave s avaien t aussi de s parents , mai s il s n'avaien t pa s droi t ä un e parent e reconnue" 36. Ainsi, d'emblee , es t souligne e l a questio n d e l a reconnaissance : l'identit e n'appartient pa s ä l'individu . Ell e depen d d'u n system e d e principe s e t d e regies elabor e e t regul e socialement . L'individ u n'es t don e quelqu'u n qu e dans l a mesur e o ü i l peu t invoque r l a reconnaissanc e octroye e pa r autru i selon un e procedur e ldgitime e socialement . L'obtentio n d e cett e reconnais sance dependr a don e d u bo n vouloi r d e ce t autre . C'es t d e cett e ίβςο η qu'i l faut lir e l a pratiqu e d e l'expositio n de s enfants . L'enfan t expose , c'es t u n enfant qu i n' a et e reconn u pa r personn e ä s a naissance . I I n' a don e aucun e identite. I I n'es t personne , n'appartien t pa s a u mond e de s humains . Pou r у entrer, i l fau t qu'i l soi t recueill i pa r quelqu'un qui , pa r ce geste , lu i donner a acces ä u n Statu t dan s l a societ e de s humains . Selo n l e bo n vouloi r d e qu i l'aura recueilli , l'enfan t acceder a a u Statu t d'esclav e o u d'individ u libre , san s que cela ne signifi e forcement, dan s ce dernie r cas, un e adoption 37. Jean Rudhardt , ä partir d e l'dtud e d'un ca s trait 6 pa r Dömosthene , montr e qu e l e droit ένο lua e n Grdce , e n particulie r ä Athdne s ave c l a mis e e n plac e d e l a dömocratie . Alor s qu'a u d6but d u 5 i m e si£cl e l e рёге 6tait libr e de reconnaitre le s enfants d'une dpouse 6trangere, l a loi de P6ricl6 s lu i enlev e cett e libert6 . II s'agi t de rdserver le s privileges e t le s droits de s citoyen s ä ceu x qu i son t n6 s d e рбг е et тёг е atheniens. 38 Mais rien n e l'oblig e ä reconnaitr e u n enfan t 16gitimes Dan s c e cas , l'enfan t pouvai t don e etr e recueill i pa r quelqu'u n d'autre . Dan s l a pratique, c'ötai t souvent quelqu'un qu i cherchait un ЬёгШе г ou quelqu'un ä qui transmettre un e activitd artisanale , artistique , un e pratiqu e midicale , etc. : "S i To n n'avai t pa s d'enfant s o u s i 36

CAMBIANO , Giuseppe, Deveni r homme, in: Jean-Pierre Vernan t (6d ) L'homme grec, Paris : Seuil, 1993 , p.103-143, ici p.106 . 17 Cambiano , Deveni r homme , p . 105, qu i ajout e ä c e propos : "Dan s l e droi t attique , l'adoption 6tai t un e transactio n entr e l'adoptan t e t l e рёг е o u l e tuteu r d e l'adoptd , habi tuellement dan s l e but, pou r l e premier , d e s'assure r u n hdritie r male . L a pratique l a plu s rέpandue consistai t probablemen t ä röduire l'enfan t trouvi e n esclavage , afi n de l e garde r ä so n propr e servic e - souvent , s'i l s'agissai t d'un e fille, pou r en fair e une prostitu6e - o u bien de le vendre au moment opportun. " 38 RUDHARDT , Jean, L a reconnaissanc e d e paternitö , s a natur e e t s a port6 e dan s l a socidt 6 ath6nienne, Museum Helveticum 1 9 (1962) 39-64, ici 63. * GERMAIN , Loui s R.F. , L'expositio n de s enfant s nouveau-nd s dan s l a Gröc e ancienne : aspects sociologiques , irt: L'Enfant. Premiäre partie: Antiquite-Afrique-Asie (Recueil s d e la 8ос1ё1ё Jean Bodi n pou r l'histoire comparative de s institutions 35) , Bruxelles : Librairi e Encyclopidique, 1975 , p.211-246 , ic i p.241 , estim e qu e c'es t ains i qu e l'o n proc6dai t ä l'61imination d'enfant s souffrant de ddficiences physiques. Quan t ä l'exposition de s enfants adultέrins, incestueu x o u illdgitimes , il dit qu'elle a probablement exist d ä l'6tat enddmiqu e ä l'6poqu e classique ä Athenes ; mai s i l prdcis e qu'aucu n ca s n e peut etr e cit d pendan t ce s trois sidcles .

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L'identitö de J6sus et l'identitf d e son disciple

ceux-ci n e montraien t pa s d e talen t particulie r - comm e c e fu t l e cas , s i To n e n croi t Piaton , des enfant s du sculpteu r Polyclet e o n pouvai t adopte r ä titre d'hdritie r le fil s d'un membr e de l a famille o u celu i d'u n ami , o u bie n prendr e comm e apprent i l e fil s d'u n citoye n libr e n e disposant pas | de moyen s d e subsistenc e suffisants , o u bie n encor e achete r des esclave s e t le s former." ® En ce sens , l'adoptio n comm e l a reconnaissance d'u n enfant 16gitime son t un e "creation" : dans un cas comme dans l'autre, on dit que le рёге accomplit l a ποί,ησις 4I.

Nous l'avon s v u e n parlan t d u nom , l'adoptio n es t un e procedur e tre s im portante ä Rome pou r accede r ä un Statu t superieu r e t pour gagne r ains i un e identit6 plu s prestigieuse . Tre s a u fai t d u droi t romain , Pau l v a parie r d'adoption pou r dir e qu e nou s n e somme s plu s esclave s mai s fil s dan s s a Lettre au x Romains 42. I I le fait alors que la legislation bibliqu e e t le droit juif postexilique ne contiennent aucune disposition ä cet egard 43. Pourtant, l'Ancie n Testamen t connai t de s cas proches d e l'adoption dan s l e but d e transmettr e u n heritage . Ains i Jacob , su r so n li t d e mort , di t d'Ephräim e t Manasse, le s fil s de Joseph, qu'i l le s consider e comm e se s fils (Gn 48,5) . D e meme , Noem i reconnai t comm e so n fil s le nouveau-η έ d e s a belle-fille Ruth pour qu'i l devienn e l'heritie r d e so n fils deced e (R t 4,16-17) . Dans l e meme ordre d'idee, Mardochöe consider e Esthe r comm e s a fille. Ce s cas son t souven t invoques 44 comm e de s exemple s d'adoptio n dan s l'Ancie n Testament. Harald Wahl 45 conteste cett e lecture. A part dan s l e cas d'Esther, i l estim e qu'il es t inappropri e d e parie r d'adoptio n dan s ce s cas . Commen t imagine r qu'un grand-per e mouran t puiss e procede r ä l'adoption d e se s petits-enfant s alors que le pere est vivant et en plus present? Le recit n'est pas la pour nou s rapporter un e procedur e d'adoptio n mai s pou r justifie r l a r6partitio n de s tribus, Ephrai m e t Manass e ayan t u n Statu t ega l au x tribu s descendan t de s autres fil s d e Jacob . E t cec i d'autan t plu s qu e leu r mer e es t 6gyptienne . I I s'agit d e signifie r 1'appartenance complet e a u peupl e d'Israe l d'enfant s legi times mai s descendan t d'un e mer e no n juive. C'es t l e mem e problem e qu i doit etr e resol u pa r No6m i s i ell e veu t qu e l e nouveau-n 6 soi t consid6r d comme l e descendan t qu e Rut h a donn6 ä so n ma n d6funt . En effet , le pro -

40

Cambiano , Deveni r homme, p . 108-109. Rudhardt , La reconnaissance d e patemit6, p.56 . 42 O n trouve le terme υιοθεσία e n Rm 8,15; 23; 9,4, mai s d6jä en Ga 4,5 e t aussi en Ep 1,5 . 43 LIPINSKI , Edouard, art . "adoption " in: Dictionnaire encyclopidique de la Bible, Turnhout : Brepols, 1987 , p.18-19 . 44 Cf. pa r ex. Lipinski, adoption , p. 18-19, et Voeltzel, L'enfan t chez le s НёЬгеих , p. 148-149. 45 WAHL , Harald , Ester , da s adoptiert e Waisenkind . Zu r Adoptio n i m Alte n Testament , Biblica 8 0 (1999) 78-99 . 41

L'identitd individuell e dan s l'Antiquit e

83

bleme principa l ä surmonter η'es t pas que le per e biologique d e Γ enfant soi t Booz mai s que Ruth soit moabite ! Le ca s d'Esthe r serai t don e l e seu l veritabl e ca s d'adoptio n don t parl e l'Ancien Testament 47. Pourtant , l a comm e dan s tou s le s autre s ca s men tionnes jusqu'ici , l e processu s s e pass e ä l'interieu r d e l a famille 48. O n re trouve ic i l a logiqu e sous-jacent e a u levirat . I I s'agi t d'epouse r l a femm e d'un frer e defunt pour lui donne r un e descendanc e o u eleve r l a descendanc e d'un defun t comm e s'i l s'agissai t d e se s propre s enfants . Le s situation s qu i n6cessitent ailleur s un e legislatio n d e 1'adoptio n son t reglee s ic i pa r la soli darite familiale et ne necessitent pas de regies particulieres . Nous somme s ic i ä I'oppos e d e l a logiqu e romaine . L e Romai n cherch e quelqu'un qui pourra devenir son descendant. L'existenc e d e liens d e famill e pr£alables import e pe u dan s l e choix . L'adoptio n remplac e u n lie n d e filia tion (reconnu e o u non ) pa r u n autre . L a regl e du levirat , e t l a conceptio n juive d e l a filiatio n plu s generalement , on t pou r objecti f d'assure r un e des cendance ä l'autre. Ici , le s lien s d e famill e preexistants son t essentiel s ca r ils determinent ä qui revient prioritairement cett e responsabilite . Harald Wah l expliqu e cett e absenc e d e l'adoption 49 dan s l'Ancie n Testa ment par le fait que Dieu у est considere comm e l e maitr e de la vie. C'es t lu i qui ren d steril e o u qu i ren d fecond. L'adoptio n es t de s lor s inacceptabl e ca r eile serai t un e tentativ e d'interfere r dans Tactio n d e Dieu : rejete r l e frui t d e * C'es t l e ca s invers e qu i s e pr6sent e dan s Kraeling , The Brooklyn Museum Aramaic Papyri , papyrus 8 . I I s'agi t d'u n esclave , Yedoniah , fils d'un e esclav e dgyptienn e appar tenant ä un Juif , Zakkur. E n 41 6 av . J.-C., c e Juif transf6r e Yedoniah ä Uriah . L e transfer t est assort i d e l'affranchissemen t de Yedonia h pa r u n act e d'adoption : "qu'i l soi t шо п fils" (papyrus 8,3) . Kraelin g fai t l'hypothös e qu e Yedonia h es t l e fils d e Zakku r e t qu e Zakku r n'est dispos e ä transfere r Yedoniah qu' ä conditio n qu e Uria h l'affranchisse , ce qu i s e fai t sous l a form e d'une adoption . Mai s celle-c i rest e П т к ё е ä l'affranchissement . Yedonia h ne devien t pa s 1 ' höritier d e Uriah . S i te l 6tai t l e cas , cel a serai t forcdmen t mentionn d dan s le texte . E t Yedonia h es t design e comm e fils d e s a märe . Cett e demarch e correspon d beaucoup plu s ä l'adoption . Mai s ell e es t effectud e devant un e instanc e perse , e t l e scrib e est certainemen t d'origin e babylonienne . E n effet , ä cett e epoqu e l a Pers e a envah i l'6gypte e t l a colonie militair e juive ä Ё1ёрЬапПпе est assoeiö e ä l'envahisseur . Autremen t dit, de s Juif s fon t ic i appe l ä un e institutio n qu i n'es t pa s propr e a u judai'sme mai s qu i es t perse. L e cas d'Esther pourrai t ains i s'explique r pa r l e contexte perse . "I

I ne fau t pas confondr e adoptio n e t legitimation , l a legitimatio n etan t l'act e juridique pa r lequel u n enfan t nature l es t έίεν έ a u ran g d'hdritie r legitime . LIPINSKI , Edouard , art . "Legitimation", in: Dictionnaire encyclopidique de la Bible, Turnhout : Brepols , 1987 , p.73, donn e l'exempl e d e Sara , Rachel , Lea , qu i reconnaissen t comm e leur s de s enfant s nes d e leur s servantes . Pou r prolonge r su r c e point , o n peu t consulte r DONNER , Herbert , Adoption ode r Legitimation , Oriens Antiquus 8 (1969) 87-119 .

* Voeltzel , L'enfan t chez le s Hebreux, p . 148. * O n noter a encor e dan s c e context e l'absenc e d e tout e referenc e a u ca s d e l'adoptio n dan s Enumeration de s situation s soumise s ä l'interdit d e l'incest e e n L v 18 .

84

L'identit6 de Jösus et l'identitd de son disciple

la f6condit6 octroyöe en ne reconnaissant pa s les enfants regus50 ou pr6tendr e faire fi de la st6rilit6 51. Deux groupe s d e texte s d e l'Ancie n Testamen t contiennen t l e refle t d e coutumes d'adoption . C e son t ceu x o ü Die u parl e d'Israe l comm e d e so n fils52 et ceux o ü i l parle d u ro i comm e d e so n fils 53. L'ide e qu e l e roi es t re jeton d e la divinite est tres repandue dans le Proche-Orient ancien . En Israel , toute deificatio n du ro i es t rejetee. Cependant, Γ idee est conservee metapho riquement pou r dir e I'electio n divin e e t l a legitimatio n etablissan t u n lie n privilegie entr e Die u e t l e roi 54. L e Proche-Orien t ancie n connai t c e langag e pour dir e l a relatio n entr e suzerai n e t vassa l dan s le s traite s d'alliance : le s termes pour designer le suzerain et le vassal veulen t dire litteralement l e pere et l e fils . L'Ancien Testamen t a repris c e langag e utilis e dan s l a diplomati c pour parier de la relation entre Dieu et son peuple et entre Dieu e t le roi. И a aussi repri s ä ce propos de s formule s d'adoption qu e l'o n retrouv e pa r exemple dan s l a litteratur e cuneiforme . Ce s formule s etaien t utilis6e s dan s des declaration s solennelle s comparable s au x declaration s d e mariage 55. Pa r exemple, u n documen t bilingu e hittite-accadie n contien t l a formul e "Mo i l e roi, je l'appell e mo n fils" 56. U n documen t aramee n d u 5em e siecl e av . J.-C . contient ä troi s reprise s l a formul e "Qu'i l soi t mo n fils " pou r dir e l'adoption57. Si l'Ancie n Testamen t n e connai t pa s l'adoptio n entr e humains , ell e joue en revanche u n role majeu r dans l a relation entr e Dieu e t so n peuple. Ca r lu i seul donn e de s fil s e t de s fille s ä qu i i l veut , lu i seu l peu t s e choisi r l e fils qu'il veut . L e rite d'intronisatio n royal e utilis e c e langag e dan s u n context e cultuel largemen t developp e e n Egypte 58. Pa r ailleurs , dan s l'Ancie n Testa -

50

C'es t pourquo i le s Juif s n'exposen t pa s le s nouveaux-nd s comm e l e di t Diodor e d e Sicil e 40,3. 31 G n 15, 3 rapport e qu'Abraham sembl e vouloi r prendre son serviteu r comme höritier . Est-c e le souveni r d'un e possibilit d ligal e d'adopte r so n esclave , coutum e qu e l'o n trouv e e n Mesopotamie? Dieu , e n tout cas, s' y oppose . 52 E x 4,22-23; Es 63,16; 64,7 ; Jr 3,4.19; O s 11,1 ; Ml 1,6 ; Si 4,10. Voi r aussi D t 32,6 . a

2

S 7,14; 1 Ch 17,13 ; 22,10; 28,6 ; Ps 2,7-8; 89,27-28 .

54

PAUL , Shalo m M. , Adoptio n formulae : a study o f cuneifor m an d biblica l clauses , Maarav 2/2 (1979-1980 ) 173-185 , ic i 175-176 . 35 Paul , Adoptio n formulae , not e 1 0 p . 179 donn e de s exemple s d e formule s comparable s pour l e mariag e o u l e divorce , pa r exemple: "t u n'es pa s mo n man" . De s ddclaration s d e mariage et de divorce de ce typ e ont aussi 6t 6 retrouvöes ä EMphantine. 36

Paul , Adoptio n formulae , p. 179. Ces documents contiennen t auss i de s formule s nigatives .

57

Kraeling , The Brooklyn Museum Aramaic Papyri , papyru s 8 .

58

Wahl , Ester , das adoptierte Waisenkind , p.81 .

L'identitd individuelle dans l'Antiquit6

85

ment, Electio n divin e es t auss i explicitemen t associ6 e parfoi s ä la transmis sion d'un h6ritage 59. C'est cett e conceptio n qu e reflfct e la citatio n d u P s 2 reprise pa r l'Evangil e de Mar c dan s le s rdcit s d u baptem e e t d e l a Transfiguratio n lorsqu e l a voi x du cie l declare que J6sus est so n fils. B . 2 . 2 . L A NOTIO N DE PERSONNE DANS LE S RELIGIONS D E L'ANTIQUITI GRECQU E

Tant l e system e d u no m qu e l'etud e de s mode s d e filiation montren t qu'i l ne suffi t pas d e naitr e pou r avoi r un e identit e mai s qu'i l fau t e n plu s etr e reconnu pa r autrui . Cel a es t vra i d e l'attribution d e l'identit e e n general , mai s plus encor e d e l'attributio n d e l'identit ö dan s l'Antiquit e o ü u n tre s gran d pouvoir es t accord e au x personne s qu i on t autorit e su r l a famille , le cla n o u plus largemen t su r l a cit e o u l e peuple. C e son t ce s figure s qui, e n conferan t une identit e ä l'individu pa r l a nomination, pa r l'insertion dan s un lignage , lu i permettent d'accede r ä u n group e d'appartenanc e e t don e d'exister . Cel a dit , se pos e inevitablemen t l a questio n d e l a capacit e d'autodeterminatio n recon nue ä l'individ u dan s u n environnemen t socia l construi t su r d e telle s fonde ments. L a possibilit e Offert e par l a diversit e de s courant s religieu x d'adhere r ä tell e o u tell e form e d'expressio n religieus e laiss e pense r qu'un e certain e conscience d e l a libert e individuell e a p u emerge r dan s l e cadr e d e l'Anti quit6 grecque . C'es t cett e questio n qu e s e son t e n particulie r pos€ s Marce l Detienne e t Jean-Pierre Vernan t lorsqu'il s s e son t interesse s au x origine s d e la notio n d e personne , e t tou t specialemen t au x origine s grecque s d e cett e notion. Dans la Grece archai'que et chez Homere Detienne montr e qu e l a pense e grecqu e archai'que 60 n e connai t pa s l a no tion d e "personne " a u sen s о й nou s l'entendon s commun6ment . Selo n l'acception moderne , l a personn e es t difini e pa r l a conjonctio n d e plusieur s 616ments : "le corps , l e mo i social , l'originalit6 , l e sentimen t d e l a continuit e personnelle, l e sentimen t d'etr e sourc e d'actes." 61 . Dan s l a Grec e archai'que , par exemple, l e corps n'est pa s per9u comm e un e unite, sau f sou s l e mode d u corps-objet que represent e l e cadavre. L a representation d u suje t vivant n'es t 39

Le s nation s promise s a u roi (P s 2,8 ) o u a u peuple (P s 47,5) , l a terre promis e a u peupl e (J r 3,19). E n P s 89,28 , l e Statu t :μαθηταί; 8,29; Πέτρος ; 8,32: Πέτρος ; 8,33: μαθηταί ; 8,33: Πέτρο ς 8,34-9,1 8,34

• les disciples sont associds ä Taction de Jdsus (8,27a); les disciples sont interrog6s par J6sus (8,27b.29)

: μαθητα ί

9,2-8

9,2: Πέτρος , 'Ιάκωβος, 'Ιωάννης; 9,5: Πέτρο ς

9,14-29

9,14: μαθηταί ; 9,18: μαθηταί ; 9,28: μαθητα ί

• les disciples fonctionnent comme repoussoir: 8,4 montrent qu'ils n'ont rien retenu de 6,35-44

• Pierre et les disciples (qui ne sont pas capables de rdagir mieux que lui) se trompent sur l'identitd de Jdsus (8,30.33) • Jdsus corrige la comprdhension de la suivance des disciples: 8,33 reprend 1,17 et 8,34-9,1 montre que malgrd 1,21-8,32 , les disciples ont mal compris qui dtait Jdsus et се que signifiait le suivre

- les disciples sont privildgids car ils sont les seuls ä etre emmends avec Jdsus et ils re;oivent une rdvdlation particulidre

- Pierre ne sait que dire (9,6)

les disciples dchouent dans le ministöre que Jdsus leur а confid (3,15; 6,7), qu'ils avaient accompli avec succös (6,13) et par lequel ils dtaient identifids avec Jdsus

9,30-32 9,31

: μαθητα ί

- les disciples re^oivent un enseignement particulie r

- les disciples ne comprennent pas (9,32)

9,33-37 9,35

: δώδεκ α

- les disciples rajoivent un enseignement particulie r (9,33: ä la maison)

- Jdsus doit corriger leur ddsir de grandeur (9,35: "Qui veut etre le premier, qu'il soit le dernier")

9,38-41

9,38: Ιωάννη ς

- Jdsus corrige Tincomprdhension

Tableaux

341

10,1-12

10,10: μαθηταί - les disciples resoivent u n enseignement particulie r (10,10: ä la maison)

- les disciples interrogen t de nouveau (10,10 ) J6sus : l'enseignement qu'i l a άοηηέ leur parait-i l insuffisant?

10,13-16

10,13: μαθητα ί

- Jdsus doit corrige r Tincomprthension de s disciples qui semblen t n'avoir rien retenu d e 9,36 37

10,17-31 10,23 : μαθηταί; 10,24: μαθηταί; 10,28: Πέτρο ς

- par contraste avec l'homm e riche qu i renonce ä suivr e Jösus (10,22), Pierr e rappelle l'image positiv e des disciples qui ont tou t quittd pour le suivr e (10,28), ce que Jdsus ne conteste pas

- les disciples ont un e fonction de repoussoir: il s sont döconcertds (10,24 : έθαμβοΰντο), impressionnös (10,26 : έξεπλήσσοντο), c e qui oblige J6sus ä leur donne r des enseignement s suppl6mentaires

10,32-34

10,32: δώδεκ α

- ils sont effrayds, ceux qui suivent Jdsus ont peu r

10,35-45

10,35: 'Ιάκωβος, Ιωάννης; 10,41: δέκα ; 10,41: Ιάκωβος, 'Ιωάννης 10,46: μαθηταί - les disciples son t associds ä Taction de Jdsus

- J6sus doit corrige r Tincompr6hension qu i semblent n'avoir toujours pas int6gr6 ce qu'il a dit en 9,35 et 10,3 1

10,46-52 11,1-11 11,1

: δάοτώ ν μαθητών; 11,11: δώδεκ α

- les disciples son t associds ä Taction de J6sus

11,20-25 11,21

: Πέτρο ς

12,41-44 12,43

: μαθητα ί - les disciples re;oivent u n enseignement e n particulie r

- Ia rdponse de J6sus (11,22 24) montre qu'il interpröt e l'intervention d e Pierr e comme un e marqu e d'incomprdhension ("aye z foi en Dieu" )

342 13,1-2

Tableaux 13,1: εις των μαθητών

13,3-37

13,3: Πέτρος , 'Ιάκωβος, 'Ιωάννης, 'Ανδρέας

14,10-11

14,10: Ίοάδας Ίσκαριώθ ό εις τω ν δώδεκα

14,12-16

14,17-21

• Jdsus corrige l'incomprdhension du disciple • ils re9oivent un enseignement "ä part" (13,3) - il livre Jisus

• les disciples sont associis ä 14,12: Taction de Jösus μαθηταί; 14,13: δάο τώ ν μαθητών; 14,14: μαθηταί; 14,16: μαθητα ί 14,17: δώδεκα; 14,20: εις τών δώδεκα 14,29: Πέτρο ς

• les disciples sont associds ä Taction de J6sus (14,17)

14,32-42

14,32:μαθηταί; 14,33: Πέτρος , 'Ιάκωβος, 'Ιωάννης; 14,37: Πέτρο ς

• les disciples sont associ6s ä - les disciples dorment Taction de J6sus (14,37.40.41) • Pierre, Jacques et Jean sont - ils ne savent que dire ä privil6gi6s: ils accompaJ6sus (14,40) alors qu'il gnent J£sus pour prier avec ressent frayeur et angoisse lui (14,33)

14,43-52

14,43: Ίοάδα ς είςτών δώδεκα

14,53-72

14,54: Πέτρος ; 14,66.67.70.72: Πέτρος

• Pierre suit J6sus (14,54)

16,1-8

16,7: μαθηταί ; 16,7: Πέτρο ς

• les disciples et Pierre sont rdhabilit6s

14,26-29

• Tun d'eux est celui qui livre Jdsus (14,20) - Pierre manifeste de Tincompr6hension: i l ne croit pas ce que dit J6sus et le contrarie

- Judas livre Jdsus

• Pierre ne suit J6sus que de loin (14,54) Pierre renie J6sus trois fois

INDEX DES RiröRENCES AU X OEUVRES DE L'ANTIQUIT 6

Hormis les r6f6rences bibliques car la grande majorit6 d'entre elles renvoient ä l'6vangile de Marc. Les autres rdfdrences bibliques sont essentiellement des paralleles ä certains passages de l'fivangil e de Marc. Elles se regroupent dans des parties de la these ais6ment reparables ä l'aide du sommaire, principalement dans: B.2.1, B.2.8, B.3.I.3, B.4.3, C.2.2, C.3.2, D.l.IV. INSCRIPTIONS GRECQUE S c.i.gr. 2686

76

4Q246 4Q375 4Q376

223 274 274

28 28

T.Aser 4, 3 T. Benj 3,1 T. Benj 4,1 T.Nephtali 5, 4

133 133 133 264

PAPYRI PGM I V 725-750 PGM I V 557-560

Papyrus d'Elephantine (cf. Kraeling) papyrus 8 78 79 83 84 QUMRAN ETPSEUDiPIGRAPHES JUEFS

FLAVIUS JOSEPHE AJ AJ VIII , 315 AJ XII,24 1

98 99 133 133

BJ В J1,2 B/1,3 571,9 R/1,16 BJ 11,55-65 BJ 11,433-448 BJ IV,503-54 4 BJ IV,556-584 Ä/V.llss

98 99 274 98 98 98 169 169 169 169 169

Vita

98 114

1 Hen 37-7 1 1 Hen 62,15-1 6 I Hen 71, 1

209 266 266

1QM 3,5 1QM 12,4, 7

210 210

1QS 4,8

266

lQSb 1, 1 lQSb 3, 2 lQSb 4,25-2 7

263 263 263

2Bar51

98 255

PHILON D'ALEXANDM E

4Esd 1 3

98 209

4M 9,23 4M 13, 9

133 133

Leg. 111,102 Leg. 111,129

131 264

Legat. 95

263

344

L'identitf d e Jdsus et l'identitd de son disciple

Migr. 6 7 26

4

MISHNA

Mos. 27 Mos. 1,5-3 4 11 Mos. 1,27-2 9 26 Mos. 1,55-5 7 26 Mos. 1,8 5 13 Mos. 1,15 8 26 Mos. 11,2- 3 13 Mos. 11, 6 13 Mos. 11,4 0 13 Mos. 11,7 0 26 Mos. 11,7 1 26 Mos. 11,7 4 13 Mos. 11,14 1 13 Mos. 11,28 0 26 Mos. 11,28 8 26 Mos. 11,288-29 1 11 Mos. 11,29 2 26

4 7 4 3 264 2 5 2 264 2 265 2 4 8 1 1 5 4 7 5

Berakhot 5, 5 2

Mut. 8 8 26

2 264

Post. 173-17 4 26

4

Quaest. Ex. 11,1 26 Quaest. Ex. 11,29 26

3 4

Quaest Gen. 1,92 26

3

Sacr. 8 26

4

Somn. 1,216-21 7 26 Somn. 1,268-27 0 26

5 2 264

Spec. 111,6 9 Spec. IV,147 26 Virt. 217 26

8 3 4

TARGUM D E GN 22 Targum Neofiti 1 (N) 26 6 Targ. Yerushalmill 26 6

8

TALMUD BAB. Berakhot 34 b 2 Qiddushin 39b-40 a 2

8 8

SOURCES CHRfiTIENNES ANTIQUES Augustin De vera relig. 72 4

2

Eus£be de С&агё е Hist. eccl. 111,39 17

3

С^ёпе Centre Celse I et II 15 0 Contre Celse 1,29 8 0 150 Tertullien Apologetique 22-2 3 3 7 AUTEURS ANTIQUES PAIENS, GRECS ET ROMAINS Aelius Aristide Disc. sacr. 1,61-6 8 9

4

Aelius Theon Progymnasmata 10 (abr6g6 Prog.) Prog. 78,24-26 11 Prog. 109,2 8 10 Prog. 109,29-3 1 10 Prog. 110, 6 10

1 5 1 2 2

Index de s röfärences aux ceuvres de l'Antiquit d Prog. 112,1- 2 7 4 105 Prag. 112,16-1 7 10 2 Prog. 112,20-2 1 10 1 Prog. 121,30-3 2 10 5 Prog. 121,35-122, 4 10 5

Ciceron De Inventione 10 1 De.I. 1,24,35-1,25,3 6 10 4 De.I. 1,28-3 0 13 0 Leg. 26-2 7 10

Apul£e

8

Epictöte

Metamorphoses X I 9 0 91 Entretiens 1,2,5-3 7 14

Aristophane Cavaliers 230-23 3 12

8

Grenouilles 316-45 9 9 2 Grenouilles 686sq q 9 3 Aristote

8 7

Ροέί. 1452 a 29-33 31

7

Rhit. 1356 a 1 sq q 10 Rhit. 1369 b 15 10 Rhit. 1378 a 1 9 sqq 10 R. 1388b31-1391b 6 10 Rhit. 1395 b 13 sqq 10 Rhit. 1414 b 1 10 Rhit. 1418 b 23 10

5 III. 5 III. 5 III. 5 III. 5 3 Od. 5 Od.

Pseudo-Aristote Od. Physiogn. Od. 805a 28 10 805a 35-806b 3 10 806a 22-33 10 807a 32-807b 1 2 10

Euripide Suppi.m-m in Bacch. 132 9 268-26

8 Od 9 Od. 6 Od 8 Od.

9

Gaius Institutes 111,1 7 7

Hist, des An. I,8,491bl0 10 I,8,491bl2-14 10

1

7

Нотёге Hymne ä Apollon 27 1 H. ä Demiter 268s s 268-26 VI, 119-236 8 XXI,26-32 13 XXIII,22-23 13 XXIV 13 VI , 132 27 VI,207-20 8 3 Od. VI,229-23 7 27 VI I 27 Od. VII,2 0 27 VII,23 7 sqq 3 Od. VII I 27 . XIII 27 XV I 27 . XVII,485 sqq 3 XIX 27 Od. ХХШ 27

9

0 0 0 0

5

1 1 1 0

5 0 271 0 271. 1 5 1 1

346

L'identitd d e Jösus et l'identitö de son discipl e

Isocrate 10,15 10

3

Laudatio Turiae 11

4

Скёгоп 1,3- 5 12 Coriolan 11,2- 6 7 Coriolan 38,1- 7 2 Dimosthkne 11 Dimosthine 3, 4 12 Galba 7, 6 12 Galba 2 3 12 Marius 3, 1 13 Marius 5 13 Marius 6, 1 13 Marius 46, 6 13 Pyrrhus 3,7- 9 2

Luden Trag. 27 1 2

8

Lysias Or. fan. 3-6 8 11

4

Pollux

Ovide

Onomast. 4,143-15 4 10 9

Metam. 111,582-69 1 26 8 Metam. VII,62 6 sqq 3 5

Polybe

Piaton

Histoires V I 11

Menex. 237 a 8011 Menex. 237a-246 a 11

5

5

Inst. Or. 3,9, 1 10 Inst. Or. 5,10,24-2 9 8 Inst. Or. 12,10, 9 10

0

ИёриЬИдие 12 Ripubl. 514a-515 c 4

5 1

Rhet. ad Herenn. 10

Sophista 216 b 3

5

S^tone

Hist. nat. 34,7 4 11 Hist. nat. 35, 4 11 Hist. nat. 35,15 3 11

0 1 1

Plutarque Alexandre 1,2- 3 11 Brutus 56,1- 2 13

4 0 104 1 1

De gram, et rh. 4,7 10 1 Vies des douze Ces. 116 Vespasien 7 2 8

Tacite Agricola 12 Agricola 1, 3 9

6 0

1

Quintillien

Protagoras 326 e 8

Pline l'Ancien

8 6 78 8 5 8 7 6 0 0 0 0 8

9 9

BIBLIOGRAPHIE

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