L'extrait des Questions et réponses sur les Evangiles d'Eusèbe de Césarée : un commentaire 9782503558301, 2503558305

Après avoir édité le texte des Questions évangéliques d'Eusèbe de Césarée (env. 265?env. 340) dans la forme abrégée

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L'extrait des Questions et réponses sur les Evangiles d'Eusèbe de Césarée : un commentaire
 9782503558301, 2503558305

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L’EXTRAIT DES QUESTIONS ET RÉPONSES SUR LES ÉVANGILES D’EUSÈBE DE CÉSARÉE : UN COMMENTAIRE

BIBLIOTHÈQUE DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES

SCIENCES RELIGIEUSES

VOLUME

171

Illustration de couverture : Détail de la Résurrection (d’après Mt. 28), chapelle de la Transfiguration, église de S. Innocenza, Monte Tauro (Rimini). Photo Claudio Zamagni (tous droits réservés).

L’EXTRAIT DES QUESTIONS ET RÉPONSES SUR LES ÉVANGILES D’EUSÈBE DE CÉSARÉE : UN COMMENTAIRE

Claudio Zamagni Privat-docent, université de Genève

H

F

La Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses La collection Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses, fondée en 1889 et riche de plus de cent soixante-dix volumes, reflète la diversité des enseignements et des recherches menés au sein de la Section des sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études (Paris, Sorbonne). Dans l’esprit de la section qui met en œuvre une étude scientifique, laïque et pluraliste des faits religieux, on retrouve dans cette collection tant la diversité des religions et aires culturelles étudiées que la pluralité des disciplines pratiquées : philologie, archéologie, histoire, philosophie, anthropologie, sociologie, droit. Avec le haut niveau de spécialisation et d’érudition qui caractérise les études menées à l’EPHE, la collection Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses aborde aussi bien les religions anciennes disparues que les religions contemporaines, s’intéresse aussi bien à l’originalité historique, philosophique et théologique des trois grands monothéismes – judaïsme, christianisme, islam – qu’à la diversité religieuse en Inde, au Tibet, en Chine, au Japon, en Afrique et en Amérique, dans la Mésopotamie et l’Égypte anciennes, dans la Grèce et la Rome antiques. Cette collection n’oublie pas non plus l’étude des marges religieuses et des formes de dissidences, l’analyse des modalités mêmes de sortie de la religion. Les ouvrages sont signés par les meilleurs spécialistes français et étrangers dans le domaine des sciences religieuses (chercheurs enseignants à l’EPHE, anciens élèves de l’École, chercheurs invités…). Directeur de la collection : Arnaud Sérandour Secrétaires d’édition : Cécile Guivarch, Anna Waide Comité de rédaction : Denise aiGle, Mohammad Ali amir-moezzi, Jean-Robert armoGathe, Marie-Odile BoulnoiS, Gilbert dahan, Jean-Daniel duBoiS, Vincent GooSSaert, Michael houSeman, Christian JamBet, Alain le Boulluec, Marie-Joseph Pierre, François de PoliGnac, Jean-Noël roBert

© 2016, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher. D/2016/0095/47 ISBN 978-2-503-55830-1 Printed on acid-free paper.

AVANT-PROPOS Cette étude, tout comme l’édition critique du texte eusébien qu’elle commente – la sélection des questions d’Eusèbe de Césarée conservée dans le manuscrit Vatican Palatin Grec 220 –, provient de ma thèse de doctorat. Je propose ici essentiellement la partie la plus étendue de celle-ci, à savoir l’ensemble du commentaire du texte, avec une nouvelle introduction et une petite conclusion. Dix ans après la soutenance de cette thèse, c’est aussi l’occasion de mettre un point final à ce dossier, du moins en ce qui me concerne. Je remercie l’actuel directeur de cette collection, M. Arnaud Sérandour et son prédécesseur M. Gilbert Dahan de m’avoir donné la possibilité de le faire, Mme Anna Waide, secrétaire d’édition, ainsi que quelques amis et collègues qui n’ont eu de cesse de m’encourager pendant cette période. Sans leur soutien, j’aurais probablement renoncé à ce projet de publication. Vu le temps écoulé entre la rédaction originelle et la parution de cette étude, c’est aussi l’occasion pour moi de reprendre, mettre à jour et occasionnellement modifier quelques-unes des idées et des hypothèses que j’ai défendues dans ma thèse ou par la suite, parfois aussi en faisant le point sur quelque réaction que ma thèse a suscitée. Au fur et à mesure que j’avançais dans mon œuvre de révision, je me suis aperçu qu’elle me poussait toujours plus à remettre en cause la totalité du travail, la structure du commentaire littéraire et son contenu, en me suggérant d’entreprendre résolument de tout refaire. Toutefois, puisque l’énergie et surtout le temps nécessaire pour accomplir cela m’ont fait cruellement défaut, j’ai fini par regarder les imperfections et les quelques qualités de ce travail comme l’on regarde quelque chose qui, dans le bien comme dans le mal, ne nous appartient plus et pour laquelle on a finalement cessé de s’inquiéter. Je dédie ce livre à mes parents qui (heureusement pour eux !) ne le liront jamais. Cependant, comme il arrive parfois, cette dédicace est en premier lieu utile à celui qui la signe et, dans mon cas, elle leur dira simplement que j’ai désormais appris que je ne pourrai jamais leur rendre tout ce qu’ils ont fait pour moi et que, pour une fois, je suis heureux d’assumer une dette qui restera toujours insolvable. Merci, Alma Domeniconi et Enzo Zamagni. Claudio zamaGni

INTRODUCTION

Questions et réponses sur les évangiles : un texte original et novateur Un des aspects les plus intéressants des Questions et réponses sur les évangiles 1 d’Eusèbe de Césarée 2 réside probablement dans leur forme littéraire : 1.

2.

La partie essentielle du titre de cette œuvre, ζητήματα καὶ λύσεις (mots techniques du genre), se retrouve tant dans la mention eusébienne de Dem. ev., VII,3,18 que dans la « sélection » des Questions (notamment dans le titre et dans le prologue à la deuxième section du livre). J’utilise la base du titre donné par ce dernier texte pour reconstituer le titre original de l’œuvre, puisque l’intitulé eusébien donné dans la Démonstration se réfère seulement à la première partie des Questions et n’est pas confirmé par le prologue de la deuxième section (pour plus de détails, voir commentaire à ESt, titre). Je ne suis pas responsable du titre donné à l’édition que j’ai préparée, euSèBe de céSarée, Questions évangéliques, éd. et trad. Claudio zamaGni, Paris 2008 (SC 523) : il s’agit du titre le plus courant par lequel l’œuvre est connue, celui qui est utilisé par la Clavis (CPG 3470) ainsi que, dernièrement, par Christophe GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ. Analyse de la tradition textuelle, édition, traduction et étude critique, BerlinBoston 2011 (TU 167), p. 40 sqq. Un autre titre est proposé par Roger Pearse dans son édition du texte « Gospel Problems and Solutions » (titre rappelant la tradition des προβλήματα sous forme de question et réponse) : euSeBiuS of caeSarea, Gospel Problems and Solutions. Quaestiones ad Stephanum et Marinum (CPG 3470), éd. Roger PearSe, trad. David J. D. miller (grec, latin), Adam C. mccollum (syriaque, arabe), Carol doWner (copte), et al., Ipswich 2010 (Ancient Texts in Translation 1). Il ne s’agit certainement pas d’un texte pseudépigraphe, même si cette hypothèse a été parfois évoquée, notamment par James A. Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum and Other Christian Writings to Text-Critical Debates concerning the Original Conclusion to Mark’s Gospel », ZNW 92 (2001), p. 78-112, ici p. 78 sqq., à la suite d’autres savants qui ont étudié notamment la section finale de Marc, par ex. William r. farmer, The Last Twelve Verses of Mark, Cambridge 1974, p. 3, 5, sqq. ; Steven L. cox, A History and Critique of Scholarship Concerning the Markan Endings, Lewiston (NY)-Queenston (ON)-Lampeter 1993, p. 28 ; Paul lamarche, Évangile de Marc, Paris 1996 (EtB, Nouvelle Série 33), p. 403. Comme le signale GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 41, il est bien possible que cette hypothèse ait été élaborée à partir des remarques de l’une des études les plus significatives sur ce sujet, bien que certainement pas la plus pointue, à savoir celle de John W. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, Vindicated Against Recent Critical Objectors and Established, Oxford-Londres 1871, p. 41-51, et notamment p. 43 (dans le même sens, voir déjà Claudio zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée. Étude et édition du résumé grec », thèse de l’Université de Lausanne et de l’EPHE [Paris], 2003, p. 10, 167). Récemment, mais indépendamment de Kelhoffer, Alice Whealey a proposé d’attribuer une partie des Questions, celles adressées à Marinos, à l’œuvre d’Acacius de Césarée, en énumérant plusieurs indices en faveur de son hypothèse, rassemblés et analysés avec une acribie admirable,

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Questions et réponses sur les évangiles comme leur titre l’indique, c’est une œuvre écrite sous forme de questions et réponses. C’est un genre littéraire bien connu dès l’Antiquité et qui avait été aussi très pratiqué dans les siècles précédents, mais qui n’était pas vraiment d’actualité à l’époque d’Eusèbe. Bien qu’étant certainement un texte mineur dans la production d’Eusèbe, ses Questions auront une importance considérable par la suite, tout d’abord à travers leur forme littéraire. Si le genre des questions et réponses n’avait pratiquement pas été usité, auparavant, dans la littérature chrétienne, il va en effet connaître un essor notable dans les siècles qui suivront Eusèbe 3. Mais le contenu aussi de ce texte d’Eusèbe ne passera pas inaperçu : preuve de leur qualité exégétique, certainement fruit d’un travail méthodique dans la bibliothèque de Césarée 4, les Questions eusébiennes proposent des solutions qui vont se retrouver par la suite sous la plume de plusieurs autres auteurs chrétiens, et pas seulement de langue grecque 5. L’influence exercée par ce texte dans les siècles

3.

4. 5.

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mais qui ne suffisent cependant pas à écarter l’attribution eusébienne de cette partie du texte ; voir Alice Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », RBen 123 (2013), p. 193-213 (je discuterai dans la suite de cette introduction les principaux problèmes que pose cette hypothèse, voir notamment p. 18, n. 46, en signalant ici une fois pour toutes qu’elle garde plus d’un argument en sa faveur). Sur les questions et réponses dans l’Antiquité, ainsi que sur la fortune qu’elles auront après Eusèbe, on pourra voir notamment les études publiées dans les recueils suivants : Annelie volGerS, Claudio zamaGni (éd.), Erotapokriseis. Early Christian Question-and-Answer Literature in Context. Proceedings of the Utrecht Colloquium, 13-14 October 2003, LouvainParis-Dudley 2004 (Contributions to Biblical Exegesis and Theology 37) et Marie-Pierre BuSSièreS (éd.), La littérature des questions et réponses dans l’Antiquité profane et chrétienne : de l’enseignement à l’exégèse. Actes du séminaire sur le genre des questions et réponses tenu à Ottawa les 27 et 28 septembre 2009, Turnhout 2013 (Instrumenta Patristica et Mediaevalia 64). Les quelques formes d’antécédents chrétiens à Eusèbe sont étudiées notamment par Lorenzo Perrone dans « Sulla preistoria delle “quaestiones” nella letteratura patristica. Presupposti e sviluppi del genere letterario fino al IV sec. », ASE 8 (1991), p. 485-505 et dans « “Quaestiones et responsiones” in Origene. Prospettive di un’analisi formale dell’argomentazione esegeticoteologica », CrSt 15 (1994), p. 1-50. J’ai déjà exprimé mes remarques à propos de la complexité de la rédaction de ce texte dans mes Questions évangéliques, p. 61-64. Dans le commentaire, je propose une ample liste de parallèles, mais beaucoup de reprises postérieures des explications eusébiennes ont été signalées auparavant, déjà à partir d’Angelo Mai en marge de la première édition imprimée des questions : Angelo mai, Scriptorum veterum nova collectio e Vaticanis codicibus, I, Rome 1825, notamment p. xi-xii, xiiii-xv, 101-106, 375, et ensuite, par exemple, id., Novae patrum bibliothecae, IV. Sancti Gregorii Nysseni, Eusebii Caesariensis, Dydimi Alexandrini, Iohannis Chrisostomi et aliorum nova scripta, Rome 1847, p. 218, 304-309 ; Gustave Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” sur l’Écriture sainte [I] », RB 41 (1932), p. 210-236, ici p. 228-236 ; David Wallace-hadrill, Eusebius of Caesarea, Londres 1960, p. 59-60 ; Jean-Noël Guinot, « L’exégèse ambrosienne des apparitions pascales (Lc. 24) », Aug. 30 (2000), p. 146-155. Concernant la grande fortune de l’écrit de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, j’estime qu’elle dépend essentiellement des citations qu’Eusèbe en donne (voir à ce propos GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 86-161, 317-344 sqq. et déjà zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 104-110).

Introduction qui l’ont suivi ne doit pas étonner, car, comme c’est le cas de chaque œuvre de l’évêque de Césarée, il s’agit d’un texte très intéressant et fortement novateur. La tradition textuelle Comme d’autres textes d’Eusèbe, les Questions sont perdues dans leur forme originale 6. Il en existe cependant une version réduite, l’ἐκλογὴ ἐν συντόμῳ (« sélection en abrégé ») 7, qui est attestée par un seul manuscrit du xe siècle 8 et qui propose un texte raccourci par des coupures plus ou moins importantes ; à ce texte manque certainement la partie finale, car il s’arrête de manière un peu abrupte et certainement remanié 9. Le texte de l’ἐκλογή a été édité à deux reprises

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8.

9.

Dans une lettre du 14 septembre 1563 (18e aux calendes d’octobre) mentionnée par Angelo Mai, Latino Latini écrit à Andreas Masius que le cardinal Sirletus lui fait part de la découverte d’un manuscrit contenant trois livres d’Eusèbe « de evangeliorum diaphonia » (ce qui correspond à l’un des titres par lesquelles cette œuvre était connue) : si cette remarque fait vraisemblablement référence à l’œuvre complète d’Eusèbe, il s’agit vraisemblablement de la dernière fois qu’une telle copie de l’œuvre d’Eusèbe a été consultée et les traces de ce manuscrit se perdent ensuite. Le texte de la lettre a été republié, traduit et annoté par David Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 396-403 ; voir mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. xi-xii, xiii et id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 217 ; liGhtfoot, « Eusebius of Caesarea », p. 338. CPG 3470 (1), a et b. La Clavis intitule Epitome cette ἐκλογή, à la suite de la traduction latine proposée dans la deuxième édition de Mai (mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 219), alors que dans la première édition il avait traduit beaucoup plus clairement « Excerpta » (mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 1) ; sur le sens à donner à cet intitulé, voir cependant mes Questions évangéliques, p. 21-26. Dernièrement PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 1, a proposé le curieux titre d’Ecloge in Epitome. Vaticanus Palatinus Graecus 220, f. 61a-96a ; sur ce manuscrit, voir Francesco d’aiuto, « Vat. Pal. Gr. 220 », dans F. d’aiuto, G. morello, A. M. Piazzoni (éd.), I Vangeli dei Popoli. La Parola e l’immagine del Cristo nelle culture e nella storia, Rome-Cité du Vatican 2000, p. 195-199, ainsi que mes Questions évangéliques, p. 27-32. Le manuscrit est désormais disponible pour la consultation à l’adresse http://digi.vatlib.it/view/MSS_Pal.gr.220 [consulté le 17 sept. 2015]. On verra le commentaire sur ce point, je synthétise ici en remarquant que le texte de EMar IV,3-6, qui clôt l’ἐκλογή, pose plusieurs problèmes : son style simple et plat n’est certainement pas eusébien ; il contient deux citations assez longues qui ne sont pas intégrées au discours et qui sont proposées sans commentaire, ce qui ne correspond ni à l’usage d’Eusèbe en général ni à la manière de l’auteur de l’ἐκλογή de choisir les extraits (au contraire, il réduit souvent le texte en simplifiant justement le dossier des citations d’Eusèbe) ; en dernier lieu, ce texte se termine par une problématique qui n’a plus rien à voir avec la question proposée (EMar IV,5-6) et, à moins de supposer que la question contenait un développement maladroitement effacé par l’auteur de l’ἐκλογή, cela signifie que ces paragraphes proviennent vraisemblablement d’ailleurs (ce qui représente aussi un usage étranger à l’auteur de l’ἐκλογή dans son ensemble). Ces indices indiquent que la conclusion actuelle du seul manuscrit de l’ἐκλογή n’est pas l’œuvre de son auteur. L’ἐκλογή aurait donc pu se poursuivre en couvrant les questions suivantes et sa conclusion originelle, probablement perdue au cours de la transmission textuelle, aurait été remplacée par celle actuellement attestée dans le manuscrit.

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Questions et réponses sur les évangiles par Angelo Mai (1825 et 1847) 10 et ensuite dans une nouvelle édition critique, que j’ai préparée et sur laquelle se fonde le présent commentaire 11. Il y a ensuite une série d’extraits qui se trouvent dans la chaîne sur Luc de Nicétas d’Héraclée 12, un auteur du xie siècle qui a eu accès aux parties initiales et finales de l’œuvre originale, de laquelle il a tiré des extraits généralement assez longs. Ses extraits ont été publiés par Angelo Mai dans sa deuxième édition des Questions d’Eusèbe, sur la base d’un manuscrit de la bibliothèque Vaticane 13. L’ἐκλογή et les extraits de Nicétas représentent actuellement les deux témoins principaux du texte eusébien ; ils sont pratiquement les seuls à donner des extraits du texte eusébien sans remaniements substantiels et ils représentent

10. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 1-82 ; id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 219-267 ; cette deuxième édition a été republiée par Jacques-Paul Migne dans sa Patrologia Graeca (PG 22, p. 877-1016) avec quelques variantes. 11. zamaGni, Questions évangéliques, p. 80-230. Le texte a aussi été publié dans zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 32-63 et dans Claudio zamaGni avec Albert frey (éd.), Eusebii Caesarensis Quaestionum Concordantia. Textus iuxta Vat. Pal. Gr. 220, Hildesheim-Zürich-New York 2005 (Alpha – Omega, Reihe A. Lexika, Indizes, Konkordanzen zur klassischen Philologie 245), p. 335-363. Mon texte et l’apparat des citations et allusions ont été repris par PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 6-128, avec quelques modifications textuelles proposées en note par David Miller, sur lesquelles je reviendrai dans le commentaire (mais voir déjà mon compte rendu du livre paru dans Journal of Early Christian Studies 20 [2012], p. 649-650). D’autres modifications du texte ont été proposées aussi par GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 54-55 (je reviendrai sur ces corrections également dans le commentaire). 12. CPG C135 ; ces fragments sont aussi mentionnés sous CPG 3470 (2), avec tous les autres fragments grecs, mais j’estime qu’il faut séparer les fragments de Nicétas car ils représentent un bloc organique, ce qui n’est pas le cas des autres fragments de l’œuvre. On peut avoir une idée du contenu de cette chaîne grâce au répertoire publié sur la base du manuscrit du mont Athos, Iviron 371, publié par Χρῖστος Θ. Κρικωνησ [dorénavant « Krikonis »], Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας (κατὰ τὸν κώδικα ἴβηρων 371), Thessalonique 1973 (BKm 9). 13. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 268-277, 283-298 ; texte reproduit dans PG 22,957B-972D, 984A-1005D et dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 134-154, 180-212. Au moins un extrait de Nicétas parallèle à ESt I,11 n’est pas reproduit par Mai, comme il l’indique ibid., p. 225, n. 1. C’est de toute manière une édition qu’il faudrait probablement mettre à jour, car elle se fonde sur un seul manuscrit sur les trente-sept que j’ai pu repérer. Une histoire de la tradition textuelle de cette chaîne a été préparée en 1902 par Joseph Sickenberger sur la base d’une étude de dix-huit manuscrits ; il concluait que le manuscrit utilisé par Mai (Vaticanus Graecus 1611) est un des meilleurs témoins disponibles de la chaîne (il est en effet très ancien et proche de l’original de Nicétas) et ses impressions ont été confirmées récemment par l’étude de la tradition manuscrite de la chaîne préparée par Christophe Guignard, qui identifie aussi un nouveau fragment dans la chaîne et en publie le texte dans son édition (voir infra, n. 20). Voir Joseph SicKenBerGer, Die Lukaskatene des Niketas von Herakleia untersucht, Leipzig 1902 (TU 22/4), GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 69-79, ainsi que mes « New Perspectives on Eusebius’ Questions and Answers on the Gospels – The manuscripts », dans Aaron JohnSon, Jeremy Scott (éd.), Eusebius of Caesarea: Traditions and Innovations, Washington DC 2013, p. 239-261, ici p. 248, 250-251.

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Introduction deux traditions indépendantes l’une de l’autre 14. Plusieurs parties de leur texte se recoupent (et, en pareils cas, les extraits de Nicétas sont généralement plus complets), cependant le texte de Nicétas est le seul à contenir la partie finale des Questions, tandis que l’ἐκλογή est la seule à connaître sa partie centrale 15. Ces deux traditions textuelles remontent donc séparément à l’original perdu, dont elles connaissaient peut-être des copies incomplètes, qu’elles ont utilisées de différentes manières et, dans le cas de l’ἐκλογή, également tronquées. Il est possible et parfaitement vraisemblable que Nicétas ait reproduit les extraits inclus dans son texte de manière intégrale, mais la famille textuelle d’où provient son texte ne coïncide certainement pas avec celle du manuscrit de l’ἐκλογή. Il existe enfin une série importante d’autres fragments grecs, transmis de manière disparate et dont l’histoire reste entièrement à faire 16. Nous disposons actuellement d’une collection rassemblée essentiellement par Angelo Mai dans ses deux éditions ; lors de sa première édition, il repéra dix-neuf fragments grecs et un fragment latin, en tirant ces fragments principalement des chaînes exégétiques déjà éditées ou parfois de manuscrits inédits de la bibliothèque Vaticane 17 ; dans sa deuxième édition, en plus des vingt-trois fragments de la chaîne de Nicétas, il ajouta sept nouveaux fragments grecs provenant d’autres sources (mais il ôta cependant dix fragments qu’il avait publiés dans la première édition, dont le fragment latin) 18. D’autres fragments ont été identifiés et publiés 14. Comme le montre une comparaison entre les deux traditions textuelles lorsqu’elles donnent un texte parallèle, les textes de l’ἐκλογή et de Nicétas contiennent tous deux des sections coupées (notamment dans le cas de l’ἐκλογή, qui élimine plus facilement les sections du discours jugées moins nécessaires à l’argumentation, par exemple les citations bibliques). Pour une évaluation plus ample de ces témoins, voir notamment mes Questions évangéliques, p. 19-21. Et GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 61-69. 15. Une nouvelle étude de la tradition textuelle de Nicétas pourra éventuellement modifier ceci, car l’édition dont nous disposons, quoique fondée sur un témoin très important, ne reflète certainement plus l’état de nos connaissances sur cette chaîne (voir supra, n. 13). 16. CPG 3470 (2). 17. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 89-101, 374. Dans son édition, il joint cependant ensemble les fragments provenant d’une même source, ce qui réduit le nombre des fragments grecs à douze dans cette édition. 18. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 85-87, 268-278, 298-303 ; un autre fragment est signalé sans être édité, ibid., p. 225, n. 1, tout comme son parallèle provenant de la chaîne de Nicétas (voir à ce propos supra, p. 10, n. 13). Dans sa deuxième édition, Mai introduit pour la première fois une division en chapitres dans l’ἐκλογή ainsi qu’une nouvelle numérotation des fragments qui fait toujours référence, même si elle est aujourd’hui largement dépassée car elle n’inclut pas l’ensemble des fragments connus, mais aussi parce que plusieurs de ces fragments sont plutôt à considérer comme des testimonia. Voici les fragments supprimés : mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 78-79 (note), 88-89, 89 (note), 90, 94-95, 95-100. L’ensemble des fragments publiés dans la deuxième édition de Mai a été republié par PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 154-158, 214-228 (sauf un fragment, dont il donne seulement le début, p. 214 puisqu’il le considère provenant de Dem. ev., et sur lequel voir infra, n. 21), avec une partie seulement des fragments qui se trouvaient exclusivement dans sa première édition (ibid., p. 160-166, 228-232, avec les fragments mentionnés aussi p. 215). Pearse propose aussi une concordance des fragments qu’il imprime ou mentionne, ibid., p. 405-411. Pour davantage d’informations à ce propos, voir mes « New Perspectives on Eusebius’ Questions and Answers on the Gospels », p. 243-245.

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Questions et réponses sur les évangiles par la suite, notamment huit fragments présents dans l’édition de la chaîne sur les évangiles de John Cramer 19, un fragment publié par Christophe Guignard 20, ainsi que d’autres encore 21. Le dossier de ces fragments et de leur tradition textuelle est encore à étudier, surtout que plusieurs manuscrits ont été signalés dans les catalogues de manuscrits mais demeurent aujourd’hui inédits 22. En l’état actuel

19. Roger Pearse les republie dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 166-174, 232-248 ; tous ces fragments avaient déjà été signalés par zamaGni « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 65, 69, 70, 134, 154, 165, sauf le n° 24, p. 168 de l’édition de Pearse (qui n’est pas parallèle à l’ἐκλογὴ). Les textes ont été édités dans John A. cramer (éd.), Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I. Catenae in evangelia s. Matthaei et s. Marci, Oxford 1840, p. 7-8, 10, 12, 13, 15, 251 ; II. Catenae in evangelia s. Lucae et s. Joannis, Oxford 1844, p. 399-402, 404-406. 20. On peut en lire le texte aux § 24 et 29 de l’édition de GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 302 et 304 (le texte existe aussi en tradition parallèle chez Nicétas, publié aux § 24-27 de l’édition). 21. Plusieurs autres fragments grecs, toujours tirés des volumes imprimés, avaient été signalés dans mon commentaire (zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée »), mais ils n’ont pas été reproduits dans l’édition de Pearse (qui pourtant le connaît et l’utilise, voir PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. xiv). Il y a aussi trois fragments qui se trouvent dans le dossier des deux éditions de Mai et qui proposent un texte parallèle de Dem. ev., I,8,1-4, qui pourraient être adjoints directement à la Démonstration, comme le pense David Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 215 (sur lesquels voir plus bas). Il y a encore le cas du fragment provenant de la chaîne de Nicétas, « sur la Pâque » (CPG 3479; PG 24,693A-705D), qui, d’après Charles Kannengiesser, pourrait faire partie des Questions, même si, en dépit des arguments de Luce Pietri, me semble toujours probable l’hypothèse d’Angelo Mai, récemment adoptée aussi par Mark DelCogliano, de le faire remonter au traité sur la Pâque envoyé à Constantin (voir Vita Const., IV,35) ; voir Charles KannenGieSSer, Handbook of Patristic Exegesis, II, Leyde-Boston 2004 (The Bible in Ancient Christianity 1/2), p. 676 ; mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 208 ; Mark delcoGliano, « The promotion of the Constantinian agenda in Eusebius of Caesarea’s On the Feast of Pascha », dans Sabrina inoWlocKi et Claudio zamaGni (éd.), Reconsidering Eusebius Collected Papers on Literary, Historical, and Theological Issues, Leyde-Boston 2011 (SVigChr 107), p. 39-68, ici p. 46-49, et euSèBe de céSarée, Vie de Constantin, éd. Friedelm WinKelmann et Luce Pietri, trad. Marie-Josephe rondeau, Paris 2013 (SC 559), p. 496, n. 1. Plus récemment enfin, Roger Pearse considère comme fragment des Questions un passage d’Isidore de Péluse, Ep. II,212 (PG 78,652B-653C [= 712 Évieux]), qui me semble plutôt un testimonium du texte eusébien (voir PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 248-253 ; zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 196 ; id., « New Perspectives on Eusebius’ Questions and Answers on the Gospels », p. 245, n. 35). L’ensemble de trois fragments maintenant signalés par Alice Whealey étaient aussi mentionnés dans ma thèse (voir Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », p. 195, n. 7 ; je considère le fragment attribué à Théodore de Mopsueste ou d’Héraclée comme un testimonium, voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 160 et infra, p. 214). Je signale enfin que, dans sa deuxième édition, Angelo Mai proposa aussi des excerpta latins tirés d’Ambroise et de Jérôme qui sont eux aussi très clairement des testimonia du texte (mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 304-309 ; ce sont des extraits non reproduits dans Migne), mais qui ont été cependant encore inclus parmi les fragments du texte dans l’édition de PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 258-300. 22. Voir zamaGni, « New Perspectives on Eusebius’ Questions and Answers on the Gospels », p. 251-253.

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Introduction de nos connaissances, nous pouvons provisoirement conclure que leur importance est globalement mineure par rapport aux témoignages de l’ἐκλογή et de Nicétas, notamment parce qu’il s’agit souvent de textes fortement résumés et remaniés. Il existe enfin une série d’autres fragments et témoignages dans d’autres langues anciennes, en particulier le dossier des témoins syriaques 23. Il s’agit principalement d’une traduction largement résumée comprenant notamment la première partie des Questions d’Eusèbe 24 et rédigée probablement entre le viie et le début du viiie siècle 25. Elle a été signalée dans un manuscrit de la bibliothèque Vaticane, très partiellement publiée dans la deuxième édition d’Angelo Mai, puis éditée par Gerhard Beyer en 1925 26. Il aurait probablement existé au moins une autre tradition textuelle en syriaque : elle serait à dater entre la fin du ive et le début du vie siècle, moment où elle a été utilisée par Philoxène de Mabboug ; selon Gerhard Beyer c’est à travers ce dernier que d’autres auteurs ont utilisé cette tradition dans leurs commentaires évangéliques, notamment Georges de Beelthan (viiie siècle) et Denys bar Salibi (xiie siècle), indépendamment l’un

23. CPG 3470 ; la présentation la plus complète de ce dossier est certainement celle de GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 118-131, 145-152, mais on peut voir aussi zamaGni, Questions évangéliques, p. 16-18, ainsi que les études du principal éditeur des textes concernant les questions en syriaque, à qui ces hypothèses interprétatives remontent, Gerhard Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen des Eusebius in jakobitischer Überlieferung und deren nestorianische Parallelen. Syrische Texte, herausgegeben, übersetzt und untersucht [I-V] », OrChr Neue Serie 12-14 (1925), p. 30-70 ; Dritte Serie 1 (1927), p. 80-97, 284-292 ; Dritte Serie 2 (1927), p. 57-69. 24. Quelques fragments et témoignages concernant la partie finale subsistent cependant aussi en syriaque, contrairement à ce que j’avais suggéré, notamment en Questions évangéliques, p. 12-13 (voir aussi infra, p. 19, n. 54). 25. Ainsi Anton BaumStarK, Geschichte der syrischen Literatur, mit Ausschluß des christlichpalästinensischen Texte, Bonn 1922, p. 279, suivi par Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen des Eusebius [II] », p. 31. 26. Il s’agit du manuscrit Vaticanus Syrus 103, dont Mai propose deux questions (mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 279-282 ; PG 22,976B-982D) et Beyer édite les dix autres (Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen des Eusebius [I] », p. 32-68). Ces deux éditions ont été republiées et vocalisées pour la première fois par Adam C. McCollum dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 306-344 (voir ibid., p. 304). Sur ces textes, voir aussi Dirk KruiSheer, « Ephrem, Jacob of Edessa, and the monk Severus: an Analysis of ms. Vat. Syr. 103, ff. 1-72 », dans René lavenant (éd.), Symposium Syriacum VII, Uppsala University, Department of Asian and African Languages, 11-14 August 1996, Rome 1998 (OCA 256), p. 599-605, notamment p. 600.

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Questions et réponses sur les évangiles de l’autre 27. D’autres fragments syriaques ont aussi été identifiés, provenant vraisemblablement de l’une ou l’autre de ces deux traditions 28. Une dernière tradition textuelle est enfin celle qui se retrouve dans des traductions en copte (bohaïrique), en arabe et en éthiopien 29, d’un recueil perdu,

27. Nous disposons du texte de Philoxène de manière fragmentaire, c’est pourquoi il est nécessaire d’utiliser les œuvres de Georges de Beelthan et de Denys bar Salibi. Le texte de Georges de Beelthan est publié par Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen des Eusebius [III] », p. 80-97, avec les renvois aux pages correspondantes dans l’édition de Denys bar Salibi (CSCO 15) ; je n’ai pas pu consulter l’édition de Rÿssel, contenant d’autres fragments de Georges d’après GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 123 : Georgs des Araberbischofs Gedichte und Briefe, éd. et trad. Victor rySSel, Leipzig 1891. 28. Une étude approfondie de l’ensemble de ces fragments manque toujours, surtout que la liste de fragments inédits s’enrichit (voir mes « New Perspectives on Eusebius’ Questions and Answers on the Gospels », p. 253). Quelques-uns de ces fragments, tirés de sources déjà publiées, sont mentionnés dans mon commentaire ainsi que dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 344-349 (voir p. 411). D’autres fragments ne sont par contre que des témoins de la fortune de ces questions en milieu syriaque, comme ceux dont discute Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen des Eusebius [IV-V] », IV, p. 284-292 ; V, p. 57-69 (ainsi que ibid., II, p. 63, 68-69) à la suite des remarques d’Anton BaumStarK, « Syrische Fragmente von Eusebios’ Περὶ διαφωνίας εὐαγγελίων », OrChr 1 (1901), p. 378-382. 29. Sur cet ensemble de textes, voir la tradition manuscrite dans mes « New Perspectives on Eusebius’ Questions and Answers on the Gospels », p. 246-247, 253-254. J’avais depuis longtemps répertorié la plupart des manuscrits provenant de ces trois traditions textuelles en dépouillant les catalogues imprimés des bibliothèques, mais, tout comme l’ensemble des autres savants qui s’étaient occupés des Questions avant moi, je ne m’étais pas rendu compte que quelques-uns de ces manuscrits avaient déjà été édités, et parfois depuis très longtemps : c’est à Roger Pearse que revient le mérite d’avoir attiré l’attention de la communauté scientifique sur ces publications. Bien avant la parution de son édition, Roger Pearse en a donné une notice dans son blog (www.roger-pearse.com), en annonçant d’abord l’existence d’une tradition copte dans l’édition de Paul de Lagarde (message du 13 sept. 2008), ensuite l’existence de la version arabe partiellement publiée par Francisco Javier Caubet Iturbe (12 mars 2010). Quant à moi, j’avais annoncé les résultats de mes recherches sur les catalogues des manuscrits grecs, latins, coptes, arabes et éthiopiens dans une communication à la session annuelle de la Society of Biblical Literature tenue à San Francisco le 21 nov. 2011, qui a ensuite paru sous forme d’étude (« New Perspectives on Eusebius’ Questions and Answers on the Gospels »). Roger Pearse était convaincu aussi de l’existence du texte dans d’autres langues anciennes (voir message du 13 janv. 2010 et PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. ix-x), ainsi que du fait que le texte est attesté en éthiopien (28 fév. 2012), mais il n’a jamais pu démontrer ces assertions. Concernant l’éthiopien notamment, en partant d’une remarque de Roger Cowley dans son étude du commentaire biblique ge’ez, Andǝmta, Pearse déduit que ce commentaire pourrait utiliser la version arabe du florilège copte de Robert Curzon (ce qui serait le cas des manuscrits British Library, Add. 16220, f. 10b-11a et EMML 2088, f. 9a-b), alors qu’il n’y a pas, à ma connaissance, de version ge’ez du texte arabe qui soit bel et bien directement attestée ; voir mes « New Perspectives on Eusebius’ Questions and Answers on the Gospels », p. 246-247, 253-254 ; Roger W. coWley, Ethiopian Biblical Interpretation. A Study in Exegetical Tradition and Hermeneutics, Cambridge-New York 1988 (UCOP 38), p. 49 (et n. 15, c’est le passage mentionné par Pearse), à signaler d’ailleurs qu’il existe une édition critique de ce texte (l’étude de Cowley concernant Gn. 1,1-2,4) : Mersha aleheGne, The Ethiopian Commentary on the Book of Genesis, Wiesbaden 2011 (ÄthF 73). Provenant sans doute du blog de Pearse, l’ensemble des remarques concernant les traditions

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Introduction peut-être une chaîne exégétique ou un florilège dogmatique, écrit originellement en grec entre le vie et le viie siècle (peut-être en Égypte, peut-être en milieu palestinien, éventuellement antiochien) 30. La traduction copte de ce recueil a été publiée par Paul de Lagarde sur la base d’un seul manuscrit en 1886 31 et elle contient trois fragments tirés des Questions d’Eusèbe de Césarée 32. La version arabe est traduite du copte, mais d’une tradition textuelle légèrement différente ; elle est inédite, sauf pour la première partie, concernant l’évangile de Matthieu, dont il existe une édition critique rédigée sur la base de neuf manuscrits classés en trois familles, publiée par Francisco Javier Caubet Iturbe en 1969 33 et contenant

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copte et arabe chez GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 153 (totalement absentes de sa thèse de 2009). CPG C117, C118, C127, C138, C148 (la version arabe est mentionnée dans la clavis seulement en ce qui concerne le commentaire de Matthieu, dont une édition existe, tandis que la version éthiopienne, inédite, n’y est pas mentionnée). Dans sa forme actuelle, le texte se présente comme une chaîne exégétique, mais Gilles Dorival a montré que la nature des extraits indiquerait plutôt un florilège dogmatique. Sur ce texte, voir notamment Gilles dorival, « Aperçu sur l’histoire des chaînes exégétiques grecques sur le psautier (ve-xive siècles) », dans StPatr 15, Berlin 1984 (TU 128), p. 146-169, ici p. 166-167 ; id., Les chaînes exégétiques grecques sur les Psaumes, contribution à l’étude d’une forme littéraire, I, Louvain 1986 (SSL, Études et documents 43), p. 28-29, ainsi que Hans acheliS, Hippolytstudien, Leipzig 1897 (TU 16/4), p. 167-168 ; Francisco J. cauBet iturBe, La cadena árabe del evangelio de san Mateo, II. Versión, Cité du Vatican 1970 (StT 255), p. xxxix-xl; Georg Graf, Geschichte der christlichen arabischen Literatur, I. Die Übersetzungen, Cité du Vatican 1944 (StT 118), p. 481-482. P. de laGarde (éd.), Catenae in Evangelia Aegyptiacae quae supersunt, Göttingen 1886. Le manuscrit utilisé est le n. 106 de la bibliothèque de Robert Curzon à Parham (maintenant à Londres, British Library, Or. 8812), comme l’indique Bentley layton, Catalogue of Coptic Literary Manuscripts in the British Library Acquired Since the Year 1906, Londres 1987, p. xlviii, 393 et pas le n. 102, comme l’affirme de laGarde lui-même (ibid., p. iii). de laGarde, Catenae in Evangelia Aegyptiacae, p. 2, 80, 119-120 ; le texte est repris dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 354, 358, 362. Pearse reproduit en effet tous les fragments que le texte attribue à un quelconque « Eusèbe » (voir la liste dans de laGarde, Catenae in Evangelia Aegyptiacae, p. vi, qui ne distingue pas les différentes œuvres d’Eusèbe de Césarée, ni celui-ci de ses homonymes), et, de manière parfaitement arbitraire, en incluant le lemme dans le texte chaque fois qu’il précède immédiatement le texte (dans tous les cas sauf les fragments 5, 8, 10-11 et 16-17 de Pearse), en fondant ensemble plusieurs fragments en un seul (les fragments 5, 12, 14 et 15 de Pearse correspondent à un total de 12 fragments dans de laGarde), et en rajoutant aussi deux fragments qui sont anonymes dans l’édition de de Lagarde (fragments 11 et 17 de Pearse, ce qui est signalé par les notes 38, p. 369 et 4, p. 380 de Carol Downer) ; voir notamment PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 352, 369-363, 368-375, 376-383 ainsi que de laGarde, Catenae in Evangelia Aegyptiacae, p. 118, 123-124, 168-169. Francisco J. cauBet iturBe, La cadena árabe del evangelio de san Mateo, I. Testo, Cité du Vatican 1969 (StT 254). L’édition se fonde principalement sur le manuscrit Vaticanus Ar. 452 (voir ibid., x, xlvii-l, liii-liv, lvii-lix), mais l’auteur connaît un ensemble de quatorze manuscrits : il en exclut cinq soit parce qu’ils ne représentent pas la tradition textuelle qu’il édite (avec les extraits de Matthieu), soit parce qu’il n’y a pas accès (manuscrit de Bagdad ; voir ibid., xlvi-xlvii).

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Questions et réponses sur les évangiles deux fragments aussi attestés par la tradition copte 34. La version éthiopienne est à son tour traduite de l’arabe, mais elle demeure totalement inédite 35. La structure, le contenu et la composition des Questions La structure de l’œuvre perdue se déduit très facilement à partir de l’ἐκλογή conservée. La comparaison avec les extraits provenant de Nicétas montre que l’ἐκλογή est une version réduite opérant des coupures ici et là 36 ; cependant, en dehors des passages éliminés, l’ἐκλογή a toutes chances de reproduire exactement la structure de l’ouvrage perdu d’Eusèbe. Angelo Mai avait lui aussi reconnu implicitement ces qualités à l’ἐκλογή, en organisant clairement les fragments de ses deux éditions en fonction de ce texte 37, et en le corrigeant ponctuellement dans le but de le rapprocher de l’original eusébien 38. Le texte des Questions d’Eusèbe était divisé en deux parties : une première consacrée aux difficultés concernant le début des évangiles (questions autour de la naissance de Jésus et de sa généalogie), et une deuxième partie concernant des questions issues de la partie finale des évangiles (résurrection et apparitions post-pascales de Jésus) 39. La première partie comportait vraisemblablement deux

34. Les fragments correspondent au premier et au dernier des trois existant en copte, ibid., I, p. 8, 251 (l’attribution aux Questions d’Eusèbe remonte directement à Caubet Iturbe, ibid., II, p. xxi-xxii) ; Pearse republie ces textes (PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 388, 392), avec les trois autres attribués à Eusèbe de Césarée (Caubet Iturbe distingue les différents « Eusèbe », voir cauBet iturBe, La cadena árabe del evangelio de san Mateo, II, p. 288) et l’un de ces trois, absent de la chaîne copte, pourrait représenter un parallèle à QSt XVI,2 (cauBet iturBe, ibid., I, p. 15 ; PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 390). 35. Elle a été signalée par Hermann Zotenberg dans Manuscrits orientaux : Catalogue des manuscrits éthiopiens (gheez et amharique) de la Bibliothèque nationale, [Paris] 1877, p. 73 ; voir aussi acheliS, Hippolytstudien, p. 165. 36. Voir supra, p. 11, n. 14. 37. On devine facilement que l’intention de Mai n’est pas de publier la totalité des fragments existants de l’œuvre perdue, mais d’en donner la structure et le contenu, en publiant l’ἐκλογή accompagnée des fragments les plus aptes à la compléter : cela se vérifie partiellement dans sa première édition de 1825 (comme je l’ai montré dans mes Questions évangéliques, p. 16, n. 2), mais devient évident dans sa deuxième édition de 1847, où beaucoup de fragments eusébiens sont ôtés sans aucune mention, vraisemblablement parce que l’éditeur estime désormais avoir trouvé d’autres fragments de meilleure qualité pour compléter son texte. Le texte de l’ἐκλογή est ainsi complété par les nouveaux extraits de Nicétas. 38. Dans de rares cas, tous signalés dans l’apparat critique de mon édition et parfois discutés dans le présent commentaire, Mai corrige le texte de l’ἐκλογή sur la base, notamment, des extraits provenant de Nicétas : bien qu’il ne s’agisse pas d’une manière critique et moderne de procéder, car il mélange ainsi les traditions textuelles, ses corrections s’imposent souvent d’elles-mêmes, si le but est de reconstruire l’original perdu d’Eusèbe. Il faut évidemment garder à l’esprit que ces interventions sur le texte de l’ἐκλογή indiquent aussi la considération que Mai continuait à avoir envers cette version, même après la découverte des extraits de Nicétas. 39. Il n’y aurait aucune raison de croire qu’Eusèbe ait aussi discuté de la partie centrale des évangiles, comme on l’a parfois prétendu dans le passé (sur cette problématique, voir infra, commen-

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Introduction livres 40 et était dédiée à un certain Stephanos, qui est censé avoir posé les quinze questions qui la composent 41. Ces questions concernent exclusivement des problèmes de généalogie de Jésus, à l’exception des trois dernières questions 42. Le texte suit de plus ou moins près l’ordre de Matthieu, à partir du chapitre premier, sauf pour les trois premières questions. Les questions traitent en particulier de défaillances internes au texte de Matthieu plutôt que de ses différences avec Luc 43. La deuxième partie du texte contenait au moins un livre et était dédiée à un autre personnage, du nom de Marinos, également censé avoir posé les questions 44. Il est possible, quoique non démontrable, que cette deuxième partie ait été composée d’un seul livre, et c’est pourquoi on trouve habituellement dans la littérature secondaire l’indication que l’œuvre était composée à l’origine de

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41.

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taire à EMar, prologue, p. 221), mais il est possible qu’il ait traité aussi de la crucifixion de Jésus, comme l’indiquent FMar 3 et 4 (sur lesquels voir infra, p. 18 et n. 47). Cette information nous provient du prologue à EMar, et semble confirmée par le témoignage de Nicétas, qui connaît seulement la première partie des questions adressées à Stephanos (Questions I-VI). Alice Whealey met en question cette division des questions à Stephanos, puisqu’elle attribue ce prologue à Acacius de Césarée, mais il me semble que la division en deux livres à Stephanos tient parfaitement lorsqu’on considère que l’ἐκλογή est seulement un extrait de l’original et que Nicetas connaît apparemment seulement la première partie de l’œuvre, qui pourrait bien correspondre au premier livre adressé à Stephanos (voir Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », notamment p. 197-198 et p. 211). Le texte de l’ἐκλογή est actuellement divisé en seize questions, mais les questions III et IV à Stephanos étaient initialement jointes, comme le montrent tant les manuscrits (ἐκλογή et Nicétas) que le contenu du texte ; à ce propos, voir Friedrich SPitta, Der Brief des Julius Africanus an Aristides, kritisch untersucht und hergestellt, Halle 1877, p. 13-14; Walter reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus an Aristides und Origenes (TU 34/3), Leipzig 1909, p. 23-24 ; Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” sur l’Écriture sainte [I] », p. 230, n. 1 ; Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 420, n. 9 ; zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 106-107 ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 48-49 (notamment n. 181). Sur le personnage de Stephanos, voir le commentaires au titre d’ESt, p. 35-36. J’emprunte ces remarques à Lorenzo Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea. Alle origini di un genere letterario », ASE 7 (1990), p. 417-435, ici p. 422. Ainsi la structure d’après Perrone, ibid., p. 422-423. Par rapport à ce schéma, Perrone relève néanmoins quelques exceptions : c’est le cas de la question IX, qui remonte en arrière, mais toujours à partir du texte de Matthieu, et de la question XV, la seule qui concerne exclusivement un passage de Luc (voir ibid., p. 423, n. 26). Comme Perrone le signale, Joseph-Rhéal Laurin avait déjà remarqué la référence privilégiée à l’œuvre de Matthieu (et en partie à celle de Luc) dans la structure de cette partie des Questions ; Joseph-Rhéal Laurin, Orientations maîtresses des apologistes chrétiens de 260 à 361, Rome 1954 (AnGr – SFHE, Sectio B 10), p. 383-384 ; Laurin inscrivait cette remarque dans le cadre d’une réplique argumentée d’Eusèbe aux attaques polémiques antichrétiennes de Porphyre, aspect que j’ai illustré dans mon « Porphyre est-il la cible principale des “questions” chrétiennes du ive et ve siècles ? », dans Sébastien morlet (éd.), Le traité de Porphyre contre les chrétiens. Un siècle de recherches, nouvelles questions, Actes du colloque international organisé les 8 et 9 septembre 2009 à l’Université de Paris IV-Sorbonne, Paris 2011 (EAug – Série Antiquité 190), p. 357-370, notamment p. 361-362. Sur Marinos, voir le commentaire au titre d’EMar, p. 219.

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Questions et réponses sur les évangiles trois livres 45. D’après l’hypothèse d’Alice Whealey, cette deuxième partie serait en réalité un extrait des questions d’Acacius de Césarée, l’évêque qui succéda à Eusèbe : c’est une hypothèse séduisante et correctement argumentée, mais qui ne s’accorde malheureusement pas vraiment avec l’ensemble des sources anciennes, qui témoignent d’un ouvrage d’Eusèbe dédié à Marinos 46. La reconstitution de cette partie du texte est plus compliquée du fait que l’ἐκλογή, avec ses quatre questions, est sans aucun doute largement incomplète pour cette deuxième partie. Eusèbe y traitait des thèmes concernant la résurrection de Jésus et les événements qui lui succèdent (visions des anges, apparitions du Ressuscité aux disciples à Jérusalem et ailleurs). Deux fragments (FMar 3 et 4 47) semblent toutefois attester que la crucifixion était aussi l’argument d’une question. Le premier de ces deux fragments sur la crucifixion proviendrait d’une « treizième question » adressée à Marinos, ce qui a inspiré à Angelo Mai, plus tard suivi par David Miller, l’hypothèse qu’une importante série de questions précédait l’actuelle première question à Marinos qui se lit dans l’ἐκλογή 48. En réalité, cependant, absolument rien n’oblige à supposer qu’Eusèbe ait vraiment suivi l’ordre chronologique des événements dans les questions adressées à Marinos et donc, comme Angelo Mai

45. Le témoignage indirect de Latino Latini (xvie s.) à propos d’un manuscrit des Questions eusébiennes en trois livres ne prouve rien, car rien ne nous dit qu’il s’agissait d’un manuscrit complet (il n’a pas matériellement vu le manuscrit en question) ; à ce propos, voir commentaire à EMar, prologue. Une étude des extraits de Nicétas concernant les questions à Marinos pourra éventuellement confirmer si elles pouvaient vraiment composer un seul livre. 46. L’hypothèse d’Alice Whealey prévoit une attribution fautive à Eusèbe de cette section de l’ἐκλογή à une époque relativement haute, pour expliquer le fait qu’elle ait passé pour eusébienne pendant des siècles, mais en même temps elle sous-entend aussi une datation relativement basse de l’ensemble de l’ἐκλογή, ce qui expliquerait l’imprécision de son attribution à Eusèbe (voir Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », notamment p. 194-195, 210-211). Bien entendu, elle propose plusieurs autres arguments positifs en faveur de son hypothèse, mais il demeure difficile de tirer des conclusions certaines en se fondant sur des sources qui ne mentionnent pas clairement d’où elles tirent leurs informations, comme c’est le cas de Jérôme, auteur qui connaît certainement tant Acacius qu’Eusèbe, ou encore des quelques particularités stylistiques des questions à Marinos, comparées e silentio avec d’autres témoignages eusébiens (voir ibid., notamment p. 198-210). Bien entendu, il s’agit d’une hypothèse qui demeure plausible, et dans la plupart des cas ces arguments sont parfaitement recevables, mais elle ne peut à mon avis pas expliquer correctement les attestations indirectes attribuant le texte à Eusèbe. Un peu hâtive (et toujours e silentio) son identification de l’œuvre eusébienne dédiée à Marinos avec les questions perdues sur la polygamie des patriarches (ibid., p. 212-213, voir aussi infra, p. 24). 47. FMar 4 a aussi une tradition textuelle parallèle publiée par John A. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, II. Catenae in evangelia s. Lucae et s. Joannis, Oxford 18401844, p. 389, comme le rappelle David Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 219. 48. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 299, n. a ; hypothèse reprise et en partie élaborée par David Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 217, n. 41. Si avérée, cette hypothèse nous donnerait d’ailleurs l’occasion de supposer que la deuxième partie des Questions comportait plus d’un livre, comme la première. Le fragment en question provient de la chaîne sur Marc publiée par Pierre PouSSineS (éd.), Catena Graecorum patrum in Evangelium secundum Marcum, Rome 1678, p. 343.

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Introduction et David Miller le reconnaissent aussi, rien ne peut nous obliger à conclure qu’une si grande partie des questions précédant la première soit perdue 49, d’autant plus que le texte de Nicétas ne semble pas connaître ces questions 50, et, surtout, qu’il est très vraisemblable que l’ordre des quatre premières questions à Marinos soit exactement celui de l’ἐκλογή, comme nous le montre la comparaison avec le parallèle de Jérôme, Ep. 120 51. Cette deuxième partie des questions eusébiennes est connue par plusieurs témoins anciens sous le titre de Questions à Marinos (ou sous une forme proche) 52, ce qui pourrait indiquer que cette partie des Questions circulait aussi séparément de l’ouvrage entier 53. Les témoignages syriaques semblent à leur tour montrer que la première partie de l’ouvrage circulait aussi à part, car les traditions syriaques ne semblent pas vraiment connaître cette deuxième partie 54. Si l’on considère le passage de Démonstration évangélique, VII,3,18, où Eusèbe renvoie aux choses exposées « dans la première des questions et réponses sur la généalogie de notre Sauveur » 55, on pourrait aussi déduire que cette phrase d’Eusèbe ne fait pas simplement référence au contenu du premier de ses ζητήματα καὶ λύσεις, mais qu’elle cache bel et bien le titre de la première partie de l’ouvrage adressée à Stephanos, Questions et réponses sur la généalogie de notre Sauveur 56, comme

49. C’est pourquoi j’estime qu’il n’est pas nécessaire de rentrer ici en détail dans l’ensemble des arguments que notamment Angelo Mai a proposés (mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 299, n. a). 50. Évidemment cela ne prouve rien, surtout que Nicétas n’avait pas accès à un texte complet des questions eusébiennes. 51. Voir infra, p. 21-22, n. 70. 52. Voir par exemple les textes des FMar 1-5 et FMar 7-10 (PG 22,1008A-1016B ; PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 214-228). 53. L’unité des deux parties est néanmoins assurée par la préface contenant la dédicace à Marinos, comme l’a bien relevé depuis longtemps Arthur C. mcGiffert, « The Life and Writings of Eusebius of Caesarea », dans Nicene and Post-Nicene Fathers (NPNF) (2. Ser.), I, New York 1890, p. 39. Comme nous l’avons vu plus haut (n. 46), Alice Whealey attribue cependant ce prologue à Acacius de Césarée (Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », p. 195-196). 54. La seule exception possible pourrait être la question 12 de la traduction résumée (ms. Vaticanus Syrus 103), mais, comme l’éditeur Gerhard Beyer le remarquait, il s’agit d’une question tirée d’Anastase Sinaïte : la dépendance envers le texte eusébien est donc indirecte et ne nous permet pas de conclure que l’auteur de cette tradition syriaque avait connaissance aussi des Questions à Marinos ; voir Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen des Eusebius [I] » p. 69 (apparat). 55. ἐν τῷ πρώτῳ τῶν εἰς τὴν γενεαλογίαν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν ζητημάτων καὶ λύσεων [διειληφότες]. À remarquer la polysémie du passage, qui permet aussi de comprendre : « dans la première de nos questions et réponses sur la généalogie du Sauveur », ou éventuellement aussi « dans le premier livre de nos questions et réponses sur la généalogie du Sauveur » et « dans le premier livre des questions et réponses sur la généalogie de notre Sauveur » (interprétation que j’avais trop hâtivement suivie en zamaGni, Questions évangéliques, p. 194, n. 2, ce qui n’a pas échappé à Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », p. 198). 56. Évidemment, on pourrait également tirer de ce texte aussi le titre de Questions et réponses sur la généalogie du Sauveur (note précédente).

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Questions et réponses sur les évangiles l’a déduit Rajiv Bhola, même si le prologue de l’ἐκλογή adressé à Marinos ne confirme pas complètement son hypothèse 57. À ce propos, David Wallace-Hadrill a proposé de comprendre l’ensemble des Questions eusébiennes comme l’agrégation de deux œuvres différentes, publiées séparément et dont la deuxième partie constitue le deuxième volet d’une œuvre déjà connue 58. Si son hypothèse est vraisemblable à la lumière de ce qu’on vient d’illustrer, son argument est cependant peu probant, car il conclut que les deux œuvres ont été rédigées séparément, simplement en partant de la remarque de Gustave Bardy, qui pense que les deux séries de questions sont réellement posées par les deux dédicataires 59. En réalité, la plupart des questions posées dans le texte d’Eusèbe étaient bien connues et objet de discussion à l’époque d’Eusèbe, et parfois bien avant 60, ce qui laisse supposer qu’Eusèbe fait recours dans son texte à un procédé rhétorique et en grande partie fictif, en élaborant lui-même, sinon la totalité, du moins une bonne partie des questions, et notamment leur forme et leur développement 61. Date de composition Quant à la date de composition, les indices les plus intéressants proviennent de deux renvois textuels d’Eusèbe : la question VII adressée à Stephanos selon l’ἐκλογή comporte une référence explicite à l’une des œuvres les plus célèbres de l’évêque de Césarée, Démonstration évangélique, I,2-9, tandis que, inversement, le texte de Démonstration évangélique, VII,3,18 fait explicitement référence à la question I dédiée à Stephanos. C’est Joseph Lightfoot qui avait proposé trois interprétations de ces références : soit il s’agit de renvois ajoutés par Eusèbe après la rédaction de ces deux œuvres, soit ils signifient que les deux œuvres sont contemporaines, soit enfin que les Questions sont antérieures à la Démonstration et que le renvoi en ESt VII a été ajouté au cours d’une deuxième édition qui ne serait autre que notre ἐκλογή. La première de ces hypothèses, qui ne peut pas être démontrée et qui finit par rendre inutilisables ces deux renvois, après avoir

57. Le témoignage direct de la Démonstration est a priori plus important que celui de l’ἐκλογή, mais le prologue des Questions à Marinos ne propose pas de référence aux généalogies, alors qu’il fait référence au principe des évangiles et d’autre part au titre global de l’œuvre que j’ai proposé plus haut (τῶν ἐν τοῖς θεοπνεύστοις εὐαγγελίοις περὶ τὴν ἀρχὴν ἀπορουμένων ζητημάτων καὶ λύσεων…) ; voir supra, p. 7, n. 1, et Rajiv Bhola, « Dating Eusebius’ Quaestiones ad Stephanum », dans BuSSièreS (éd.), La littérature des questions et réponses dans l’Antiquité profane et chrétienne, p. 153-176 , ici p. 153 sqq. 58. Wallace-hadrill, Eusebius of Caesarea, p. 51. 59. Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” sur l’Écriture sainte [VI] », RB 42 (1933), p. 328-352, ici p. 351 ; ainsi aussi Wallace-hadrill, Eusebius of Caesarea, p. 74. 60. Voir par exemple mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. xv ; Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 418-420, ainsi que le commentaire du texte. 61. On voit, par exemple, la manière d’élargir la question posée, en développant ses implications notamment en ESt I,1.

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Introduction été exclue déjà par Joseph Lightfoot, n’a jamais retenu l’attention des savants 62. La deuxième de ces hypothèses 63, reprise par Adolf Harnack 64 et perfectionnée par Eduard Schwartz 65, comprend les Questions, ou du moins celles dédiées à Stephanos, comme écrites en parallèle à la première partie de la Démonstration ; la datation des Questions est donc étroitement liée à la datation précise de la Démonstration : faut-il situer ce moment entre le début (ou la fin) des années dix, et le début des années vingt du ive siècle 66 ? Il s’agit en tout cas d’une chronologie relative largement admise et partagée par la plupart des savants 67. La troisième de ces hypothèses est celle que Joseph Lightfoot préférait ; elle a été soutenue par Erwin Preuschen 68 et, plus tard, adoptée aussi par David Wallace-Hadrill 69 : supposant que l’ἐκλογή est une deuxième édition des Questions abrégée par

62. Joseph B. liGhtfoot, « Eusebius of Caesarea, also known as Eusebius Pamphili », dans W. Smith, H. Wace (éd.), A Dictionary of Christian Biography, Literature, Sects and Doctrines (ci-après DCB), II, Londres-New York 1880, p. 308-348, ici p. 338. 63. Ibid. 64. Adolf von harnacK, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, II. Chronologie des altchristlichen Litteratur bis Eusebius, 2. Die Chronologie der Litteratur von Irenäus bis Eusebius, Leipzig 1904, p. 124. 65. Eduard SchWartz, « Eusebios von Cesarea », dans PRE, VI/1, Stuttgart 1907, p. 1370-1439, ici p. 1388, 1403. Schwartz repère aussi d’autres parallèles eusébiens du point de vue du contenu du texte, utiles pour définir la chronologie relative des œuvres eusébiennes. Il s’agit des ESt I et III-IV, qui ont des parallèles dans Hist. eccl., I,7,1-17 ; de ESt V, parallèle à Dem. ev., VII,3 ; de ESt XV, parallèle à Dem. ev., VII,2,17, et de ESt VIII, parallèle à Dem. ev., VII,2,32-34. 66. BarneS, Constantine and Eusebius, p. 71-72, 278 a défendu une datation basse de la Démonstration évangélique, entre 318 et 324, mais la plupart des savants préfèrent une datation un peu plus haute, en tout cas comme date de début de la composition ; en effet, comme l’a montré l’étude des principaux arguments utiles à la datation préparée par Sébastien Morlet, les seules certitudes qu’on peut avoir sont que la Démonstration évangélique est achevée, et peut-être aussi commencée, après 313 ; Sébastien morlet, La Démonstration évangélique d’Eusèbe de Césarée. Étude sur l’apologétique chrétienne à l’époque de Constantin, Paris 2009 (EAug – Série Antiquité 187), p. 80-93. 67. Voir par exemple Otto BardenheWer, Geschichte der altkirchlichen Literatur, III. Das vierte Jahrhundert mit Ausschluss der Schriftsteller syrischer Zunge, Fribourg-en-Brisgau 1923, p. 257 ; Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” sur l’Écriture sainte [I] », p. 228 ; Timothy D. BarneS, Constantine and Eusebius, Cambridge (MA)-Londres 1981, p. 122 ; Giancarlo rinaldi, « Tracce di controversie tra pagani e cristiani nella letteratura patristica delle “quaestiones et responsiones” », ASE 6 (1989), p. 99-124, ici p. 105-106 et La Bibbia dei pagani, I. Quadro storico, Bologne 1997 (La Bibbia nella storia 19), p. 285 ; Michael J. hollerich, Eusebius of Caesarea’s Commentary on Isaiah. Christian Exegesis in the Age of Constantine, Oxford 1999 (OECT), p. 7 ; zamaGni, Questions évangéliques, p. 42-46 ; morlet, La Démonstration évangélique d’Eusèbe de Césarée, p. 81-82 ; Bhola, « Dating Eusebius’ Quaestiones ad Stephanum », p. 155-157 sqq. 68. Erwin PreuSchen, « Eusebius, Bischof von Cäsarea in Palästina, gest. um 339 », dans RE, V, Leipzig 1898, p. 605-618, ici p. 616. 69. Wallace-hadrill, Eusebius of Caesarea, p. 18, 50-51, 57 ; voir aussi mcGiffert, « The Life and Writings of Eusebius of Caesarea », p. 40, harnacK, Geschichte der altchristlichen Literatur bis Eusebius, II/2, p. 124, n. 1 et reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus an Aristides und Origenes, p. 3.

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Questions et réponses sur les évangiles Eusèbe lui-même, ou sous sa direction, Lightfoot propose une datation haute de la première édition des Questions et une plus basse de l’ἐκλογή : le renvoi à Dem. ev., I,2-9, qui aurait été absent de la première version des Questions, précédant la Démonstration, a été ajouté de la compilation de l’ἐκλογή, postérieure à la Démonstration (comme le montre aussi le renvoi de Dem. ev., VII,3,18) 70. Bien que Lightfoot ne discute pas les arguments, les détails et les implications de son hypothèse 71, il me semble que le point principal de cette théorie est de considérer les Questions comme l’un des premiers ouvrages écrits par Eusèbe, ce qui expliquerait (ou même excuserait) la nature peu érudite et simple, voire simpliste, qui apparaît en première lecture de cet écrit, alors qu’en réalité, au-dessous de sa structure, il propose un contenu très riche et certainement pas naïf dans ses réponses, comme mon commentaire le montre 72. De plus, cette hypothèse peut bien rentrer dans un cadre chronologique différent, où l’on placerait l’Histoire ecclésiastique après la Démonstration et les Questions 73. Cette hypothèse de Lightfoot n’explique cependant pas pourquoi le texte de l’ἐκλογή est clairement défectif dans sa partie finale, qui ignore une bonne partie des Questions à Marinos 74. Elle n’explique également pas le fait que l’une des coupures opérées

70. liGhtfoot, « Eusebius of Caesarea », p. 338-339. Cette hypothèse rejoindrait l’assertion de William Farmer selon laquelle Jérôme déjà aurait connu le texte de l’ἐκλογή, mais il n’y a cependant aucun argument sérieux en faveur de cette thèse, qui attesterait l’ancienneté de l’ἐκλογή et pourrait en même temps donner de bonnes chances à la double rédaction eusébienne de Lightfoot : le texte de Jérôme, qui utilise clairement les Questions à Marinos (Ep. 120), semble bien au contraire supposer le texte complet de ces questions, comme le montrent la comparaison avec les extraits de Nicétas ainsi que le passage de ESt II,5 dont nous parlerons dans un instant. Voir farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 3 (il ne justifie d’aucune manière son affirmation, qui s’inspire vraisemblablement de BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 54-56) ; concernant le texte de Jérôme, voir déjà Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” sur l’Écriture sainte [II] », RB 41 (1932), p. 341-369, ici p. 363-365, ainsi que Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea ». Le fait que le texte de Jérôme commence avec les quatre questions de l’ἐκλογή semble indiquer que l’ordre de l’ensemble de ses questions pourrait aussi provenir de l’original d’Eusèbe. 71. Voir la remarque à ce sujet de Bhola, « Dating Eusebius’ Quaestiones ad Stephanum », p. 156-157, n. 8, qui propose d’expliquer le choix de Lightfoot comme plus plausible si l’on considère la publication par livres séparés de la Démonstration. 72. J’ai déjà analysé cet aspect en ce qui concerne ESt I dans « Eusebius’ exegesis between Alexandria and Antiochia: being a scholar in Caesarea – A test case from Questions to Stephanos I », dans inoWlocKi, zamaGni (éd.), Reconsidering Eusebius, p. 151-176. 73. C’est l’hypothèse qui a été défendue par Walter Reichardt, qui entend Hist. Eccl., I,7,1-17 comme suivant ESt IV (citation de Julius Africanus) ; reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus an Aristides und Origenes, p. 3-8. Se rallie à cette interprétation Marilena ameriSe, Introduzione a Eusebio di Cesarea, Brescia, sous presse, p. 72, qui utilise cependant l’argument qui voit en Dem. ev., VII,2,17 une citation d’ESt XV,4 (au sujet de ce parallèle de Schwartz, voir supra, p. 21, n. 65). 74. En plus, comme je l’ai déjà signalé supra, p. 9, n. 9, la section de EMar IV,3-6 ne peut d’aucune manière être attribuée à Eusèbe. De ce point de vue, pour garder cette hypothèse il faut donc absolument postuler qu’un accident matériel serait intervenu sur la tradition textuelle de l’ἐκλογή et que donc elle pouvait être considérablement plus longue que celle en notre possession.

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Introduction par l’auteur de l’ἐκλογή rende son texte maladroit par rapport au contenu de l’édition originale : cela concerne l’usage du verbe ἀναβιβάζω en ESt II,5, peu compréhensible lorsqu’on le compare à l’extrait correspondant de Nicétas (FSt 1), qui a toutes les chances de représenter l’original perdu 75. Aussi le titre choisi pour l’ἐκλογή et la manière de sélectionner les extraits nous amènent-ils vers un milieu qui, bien que proche d’Eusèbe, se rapproche culturellement plutôt de celui qui, entre le ive et le vie siècle, a produit bien d’autres eklogai comme la Philocalie d’Origène ou les premières chaînes exégétiques 76. La plupart des savants se sont donc ralliés à l’hypothèse selon laquelle les Questions, ou en tout cas la première partie, ont été composées en parallèle avec les livres I à VII de la Démonstration, en proposant donc une datation compatible avec ces données. Ceci amène les savants à dater les Questions entre le début des années 310 et celui des années 320 ; à titre d’exemple, on peut rappeler que Timothy Barnes date les Questions d’avant 320, Giancarlo Rinaldi les date entre 315 et 320, Friedhelm Winkelmann entre 313 et 324 au plus tard, Andrew Carriker simplement autour de 320, tandis que Sébastien Morlet les place entre fin 313 et 317 et Christophe Guignard dans la deuxième moitié des années 310, voire au-delà 77. On devine bien que toutes ces propositions, bien que non contradictoires, demeurent cependant très hypothétiques du fait que la datation de la Démonstration évangélique n’est pas certaine 78, et c’est pourquoi j’avais évité de proposer une datation de plus dans mon édition 79, me contentant de réaffirmer la contemporanéité des questions adressées à Stephanos et des livres I-VII de la Démonstration, tandis que je plaçais dans une deuxième période la rédaction des Questions à Marinos 80. Par la suite, Sébastien Morlet a signalé un parallèle textuel comportant des rapprochements littéraux précis entre un fragment des Questions à Marinos (attesté cependant sous plusieurs formes) et le texte de Démonstration évangélique I,8,1-4, ce qui lui semble un indice supplémentaire étayant l’hypothèse

75. Voir commentaire à ESt II,5, notamment p. 87. 76. Voir mes Questions évangéliques, p. 21-26 ; Bhola, « Dating Eusebius’ Quaestiones ad Stephanum », p. 157, considère comme suffisant ce seul argument pour invalider l’hypothèse de Lightfoot. 77. BarneS, Constantine and Eusebius, p. 122 ; rinaldi, « Tracce di controversie tra pagani e cristiani », p. 104 et id., La Bibbia dei pagani, I, p. 285 ; Friedhelm WinKelmann, Euseb von Kaisareia. Der Vater der Kirchengeschichte, Berlin 1991 (Biographien zur Kirchengeschichte), p. 190 ; Andrew carriKer, The Library of Eusebius of Caesarea, Leyde-Boston 2003 (SVigChr 67), p. 39 ; Sébastien morlet, « Eusèbe de Césarée : biographie, chronologie, profil intellectuel », dans S. morlet, L. Perrone (dir.), Eusèbe de Césarée, Histoire Eccésiastique, Commentaire, I, Études d’introduction, Paris 2012 (Anagôgé), p. 1-31, ici p. 13, GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 187. 78. Voir supra, p. 21, n. 66. 79. zamaGni, Questions évangéliques, p. 45-46. À la suite d’Eduard Schwartz, je signalais aussi que les Questions devraient être postérieures aux Canons évangéliques d’Eusèbe : je n’ai certainement jamais prétendu que la rédaction de ces deux œuvres était à peu près contemporaine, comme le sous-entend Bhola, « Dating Eusebius’ Quaestiones ad Stephanum », p. 67, n. 43. 80. zamaGni, Questions évangéliques, p. 44-45. Voir aussi mcGiffert, « The Life and Writings of Eusebius of Caesarea », p. 40.

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Questions et réponses sur les évangiles d’une rédaction concomitante des deux œuvres 81. Son hypothèse obligerait à situer la rédaction des Questions à Marinos en parallèle avec les questions adressées à Stephanos, ce qui semble pourtant contredire le prologue de l’ἐκλογή à Marinos : il me semble donc plus vraisemblable que ce fragment des Questions à Marinos ait simplement repris, à quelques années de distance et de manière littérale, peut-être aussi sous forme de citation, le texte de Démonstration évangélique I,8,1-4. C’est dans le même sens que va aussi Alice Whealey, pour qui Eusèbe réutilise deux fois ce même passage, excepté que, avec une hypothèse ingénieuse, elle fait remonter ce fragment à l’œuvre perdue d’Eusèbe sur la polygamie des Patriarches, qui aurait aussi été écrite sous forme de questions et réponses 82. Il existe aussi une autre possibilité, défendue par David Miller, qui considère simplement comme erronée l’attribution du fragment aux Questions à Marinos et qu’il s’agit bel et bien d’un fragment de la Démonstration 83. Le contenu aussi du passage (qui traite des deux catégories de chrétiens) plaide en faveur de l’interprétation de Miller ; toutefois, puisqu’il s’agit d’un extrait dépourvu de son contexte, il est difficile d’exclure avec certitude que ce passage ait aussi fait partie des Questions, du moins en l’état actuel de nos connaissances sur la tradition des Questions à Marinos. Il est plus certain que ce fragment ne se révèle pas très utile pour mieux dater cette deuxième partie des Questions (à moins de ne pas mettre en doute le prologue de l’ἐκλογή à Marinos). Un nouvel apport à la question de la datation a été récemment proposé par la monographie de Christophe Guignard consacrée à la Lettre à Aristide de Julius Africanus et par une étude de Rajiv Bhola spécifiquement consacrée à la datation des questions adressées à Stephanos. En analysant les parallèles textuels eusébiens aux Questions repérés par Eduard Schwartz 84, Rajiv Bhola a montré, entre autres, que la première question semble postérieure au passage parallèle d’Histoire ecclésiastique I,7,2-16 qui cite le même passage de Julius Africanus 85, tandis que la citation de Démonstration VII,3,18, ample et précise, l’amène à conclure que les Questions adressées à Stephanos avaient été publiées peu avant la rédaction de ce passage de la Démonstration 86. Ces arguments lui permettent

81. morlet, La Démonstration évangélique d’Eusèbe de Césarée, p. 82 (cette remarque se trouvait aussi dans sa thèse, discutée en décembre 2006, lorsque j’avais déjà livré le manuscrit de mon édition à l’imprimeur), puis id., « Eusèbe de Césarée », p. 18. Il s’agit d’un fragment textuel attesté par plusieurs témoins différents, dont il a déjà été question à la note 21 : voir les textes dans mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 298 (n. 3) et id., Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 90, 374. 82. Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », p. 211-213 ; elle signale aussi l’exemple de Theoph., V,39-45, passage où Eusèbe utilise Dem. ev., III,5,87-109. 83. David Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 215 ; ce groupe de fragments est exclu pour cette raison de l’édition de Pearse. 84. Bhola, « Dating Eusebius’ Quaestiones ad Stephanum », p. 157-166, 172-175 ; voir supra, p. 20-21, n. 65. 85. Selon Bhola ceci montre que les questions ont été écrites en même temps que l’Histoire ou peu après ; Bhola, « Dating Eusebius’ Quaestiones ad Stephanum”, p. 163-166 (voir aussi p. 169-170). 86. Ibid., p. 174-175.

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Introduction notamment de formuler une intéressante hypothèse de datation des Questions à Stephanos : étant donné qu’il adopte une datation basse pour l’Histoire, et une datation haute pour la Démonstration, cela lui permet de placer la rédaction des questions adressées à Stephanos précisément en 314, ou éventuellement autour de cette année, moment où la rédaction de l’Histoire était bien en cours et celle de la Démonstration commençait 87. L’ensemble de cette hypothèse est certainement intéressante, mais la date proposée demeure très discutable, du moins dans la mesure où la chronologie tant de l’Histoire que de la Démonstration le sont 88 ; en revanche, l’analyse et la compréhension des passages parallèles paraissent très convaincants en ce qui concerne la chronologie relative entre les différentes œuvres évoquées, et confirment ce que d’autres savants pensaient aussi. Ceci est d’autant plus vrai que son analyse rejoint de manière indépendante celle, bien plus détaillée, que Christophe Guignard a consacrée aux rapports existant entre l’Histoire et les Questions 89, en démontrant que la citation de Julius Africanus était déjà présente dans la première édition de l’Histoire et que le parallèle des Questions est certainement postérieur 90. À la lumière de ces nouvelles discussions, la fourchette temporelle dans laquelle situer la composition des Questions d’Eusèbe ne change toutefois pas significativement, du moins dans la mesure où l’on ne peut pas fixer avec certitude la rédaction de l’Histoire et/ou de la Démonstration, et il me semble donc sage de garder comme plus probable pour la rédaction des deux livres des questions adressées à Stephanos la période qui va des années 310 (vraisemblablement après 313, pour s’en tenir à la date la plus vraisemblable quant au début de la composition de la Démonstration) 91 jusqu’à la fin de la décennie, ou éventuellement aux débuts de la suivante (en tout cas après la rédaction du livre VII de la

87. Ibid., p. 175-176. 88. Je signale que l’étude très complète sur la datation de la Démonstration établie par morlet, La Démonstration évangélique d’Eusèbe de Césarée, p. 77-94, ne permet absolument pas d’arrêter une date certaine pour la Démonstration telle que Bhola la déduit, et la même chose est valable pour la datation de l’Histoire qu’il suit, par Richard BurGeSS, « The dates and editions of Eusebius’ Chronici canones and Historia ecclesiastica », JThS NS 48 (1997), p. 471-504. Sur la datation de l’Histoire, on verra maintenant : Osvalda andrei, « Canons chronologiques et Histoire ecclésiastique », dans morlet, Perrone (éd.), Histoire Eccésiastique, p. 33-82 ; Valerio neri, « Les éditions de l’Histoire ecclésiastique (livres VIII-IX) : bilan critique et perspectives de la recherche », Histoire Ecclésiastique, p. 151-183 ; Matthieu caSSin, Muriel deBié, MichelYves Perrin, « La question des éditions de l’Histoire ecclésiastique et le livre X », Histoire Ecclésiastique, p. 185-206. 89. Tant la thèse de Guignard que la communication de Bhola, parues par la suite, remontent à 2009. 90. Guignard confirme ainsi la chronologie généralement admise relativement aux rapports entre Histoire, Questions et Démonstration d’Eusèbe, en réfutant aussi sur une base très solide l’hypothèse de Reichardt en ce qui concerne l’usage eusébien de la Lettre à Aristide de Julius Africanus (voir supra, p. 22, n. 73) ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 167-188, 417-427. La conséquence de cette démonstration est bien clarifiée par Guignard : les citations eusébiennes de Julius Africanus en Hist. eccl., I,7,2-16 et ESt IV sont indépendantes l’une de l’autre (ibid., p. 188-189). 91. Voir morlet, La Démonstration évangélique d’Eusèbe de Césarée, p. 93.

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Questions et réponses sur les évangiles Démonstration) 92. Quant aux Questions à Marinos, la situation est plus compliquée car, en l’état actuel de notre connaissance très fragmentaire de cette section du livre, il me semble que l’on ne peut pas considérer sa composition comme parallèle à Démonstration évangélique I,8, vu les autres indices qui indiquent, d’une part, que les deux parties étaient connues indépendamment l’une de l’autre et, d’autre part, que l’auteur y utilise de manière différente le langage technique typiquement associé au genre des questions et réponses : autant d’indices qui nous portent à croire qu’un certain temps se serait écoulé entre la rédaction des deux parties de l’œuvre 93. Je considère donc toujours que les Questions à Marinos suivent la composition des deux premiers livres adressés à Stephanos, même si une étude plus approfondie des nombreux fragments et extraits de ces questions en dehors de l’ἐκλογή pourrait théoriquement changer la perspective de cette datation. Un commentaire de l’ἐκλογή des Questions d’Eusèbe Pour chacune des vingt questions de l’ἐκλογή, le commentaire qui suit contient plusieurs sections qui se répètent toujours dans le même ordre. D’abord on proposera une paraphrase résumée de la question elle-même, suivie d’un répertoire énumérant les autres traditions textuelles de la même question actuellement connues, en grec et dans d’autres langues, présentées également sous forme de paraphrase abrégée, avec une attention particulière pour les fragments qui s’éloignent le plus du texte de l’ἐκλογή 94. On trouvera ensuite la partie du commentaire proprement dit, consacrée au texte de l’ἐκλογή et divisée normalement en deux sections principales. Dans une première partie, on proposera une discussion concernant l’ensemble de la question et des thèmes qu’elle aborde, en prenant éventuellement aussi en considération les autres traditions fragmentaires en vue d’une explication globale de la question traitée, si possible en remontant aux intentions du texte eusébien perdu, et en cherchant toujours à repérer les antécédents de la problématique abordée ainsi que les parallèles postérieurs, indices de la fortune que ces explications ont souvent eue dans les siècles qui les ont suivies. La dernière partie du commentaire est, enfin, plus directement et étroitement liée au texte de l’ἐκλογή, dont on propose un commentaire de quelques lemmes sélectionnés, en suivant le texte de l’édition critique publiée

92. Ceci ne signifie évidemment pas que la rédaction des questions ait pris une dizaine d’années. 93. J’ai mentionné en ouverture de ces paragraphes les principales attestations concernant la circulation indépendante des deux parties de l’œuvre, quant aux variations dans l’usage terminologique entre ces deux parties, on verra mon étude « Existe-t-il une terminologie technique dans les Questions d’Eusèbe de Césarée? », dans volGerS, zamaGni (éd.), Erotapokriseis, p. 81-98, ainsi que Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », notamment p. 432-433. 94. Ce répertoire ne représente pas un inventaire complet des fragments des Questions d’Eusèbe édités, car en sont exclus tous les fragments n’ayant pas de parallèle dans l’ἐκλογή, ainsi qu’évidemment les fragments inédits ; il propose néanmoins une série importante de nouveaux fragments par rapport aux études courantes (une partie seulement de ces nouveaux fragments signalés a été reprise par l’édition de Roger Pearse à partir de ma thèse de doctorat ; voir supra, p. 12, n. 19 et 21).

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Introduction dans la collection des Sources chrétiennes, et en utilisant notamment sa division en chapitres et sa numérotation des lignes 95. Pour les extraits eusébiens et les différents fragments mentionnés, on utilise la numérotation imposée par Angelo Mai dans son édition de 1847 pour l’ensemble des fragments grecs (la même qui est reprise dans PG 22) et celle proposée par Gerhard Beyer dans ses éditions de 1925-1927, pour les textes syriaques 96, tandis que les quelques autres fragments provenant d’autres sources n’ont pas été numérotés, mais on donnera à chaque fois leur référence bibliographique 97. Une partie importante de ce commentaire a été consacrée à la recherche de parallèles textuels aux Questions d’Eusèbe. Ces textes montrent à quel point Eusèbe était au courant de l’exégèse chrétienne qui l’avait précédé mais aussi la fortune que son exégèse connut au long des siècles. Évidemment, dans mon étude, je me suis occupé plus directement des parallèles qui ont pu constituer une source d’Eusèbe en me contentant de signaler les parallèles postérieurs. À ce propos, il est clair que mes listes de parallèles ne peuvent pas prétendre à l’exhaustivité, surtout en ce qui concerne les textes postérieurs à Eusèbe et écrits dans d’autres langues anciennes que le grec et le latin ; je me suis aussi imposé une limite chronologique pour cette recherche, que j’ai fixée de manière parfaitement arbitraire à la fin du xiiie siècle 98. Évidemment, il ne faut certainement pas

95. Je profite de cet espace pour indiquer aussi une liste d’errata à corriger dans cette édition : voir liste infra, p. 30. 96. En ce qui concerne notamment les fragments imprimés par Mai et par Beyer, ce répertoire des traditions textuelles inclut parfois des textes qui seraient plutôt à considérer comme des testimonia des Questions eusébiennes ; ceci arrive, par exemple, lorsque le texte eusébien apparaît comme clairement et complètement récrit, sous forme très succincte (on peut en voir un exemple typique dans le commentaire à ESt I,6,50-54). Puisqu’une étude des traditions fragmentaires ne peut se faire sans un travail éditorial de l’ensemble de ces témoignages, ce qui demandera certainement une nouvelle classification et une nouvelle numérotation des fragments, il m’a paru bon d’en rester provisoirement à l’ensemble des travaux déjà publiés à ce propos. De ce point de vue, l’édition de Roger Pearse n’apporte rien de nouveau en affectant quelques nouveaux numéros à des textes déjà connus dans mon commentaire. 97. J’ai renoncé à utiliser la numérotation utilisée par Roger Pearse, qui propose une liste très incomplète de fragments (voir n. 94) en rajoutant des entrées à la numérotation d’Angelo Mai, qui a plusieurs défauts évidents : numérotation unique pour les fragments des questions adressées à Stephanos, division en six fragments FSt 2-7 d’un seul extrait de Nicétas (voir commentaire à ESt III, notamment p. 89-90), double numérotation de fragments en ce qui concerne les questions adressées à Marinos, plusieurs fragments connus restant en dehors de toute numérotation. Une nouvelle classification des fragments devrait indiquer aussi, chaque fois que possible, les endroits parallèles dans l’ἐκλογή (et, le cas échéant, dans Nicétas), comme le fait en partie celle proposée par Beyer pour la tradition syriaque, mais il faudra y réfléchir dans le contexte d’une réédition de la tradition fragmentaire qui n’est pas pour demain. 98. Tout parallèle postérieur a donc été exclu, même ceux déjà connus, par exemple celui de nicéPhore calliSte, Hist., I,8 (PG 145,653B-C), parallèle à ESt I,4 et signalé par mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 375 et id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 220, n. 2. À remarquer que Nicéphore connaissait évidemment l’Histoire d’Eusèbe, comme semble l’indiquer aussi la citation d’Africanus en Hist., I,11 (PG 145,661C-665D, déjà signalée par mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. XI-XII et id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 218 ; dans le même sens, GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 101, 159 ; je citerai doréna-

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Questions et réponses sur les évangiles comprendre cette liste de parallèles postérieurs comme des allusions directes aux Questions d’Eusèbe : ceci n’arrive que pour quelques-uns des auteurs les plus anciens, par exemple Jérôme, Ambroise ou Jean Chrysostome, tandis que la plupart des autres auteurs postérieurs utilisent les arguments d’Eusèbe de manière indirecte, la plupart du temps sans savoir que ses Questions en sont vraisemblablement la source, ni qui en est l’auteur.

vant seulement la première édition de Mai dans tous les cas où le texte de la deuxième reproduit celui de la première édition. J’ai inclus la Glossa ordinaria dans les parallèles parce qu’elle devait sans doute être disponible à cette époque (évidemment pas dans la forme de l’édition Rusch, que je cite faute de mieux). Enfin, il arrive parfois que les auteurs du Moyen Âge, notamment latin, reproduisent l’une de ces exégèses en indiquant leur source, souvent pour donner une autorité majeure à l’explication : j’ai toujours inclus ces citations dans mes listes de parallèles sans me demander jusqu’à quel point le texte source a été à chaque fois retravaillé ou plus simplement intégré dans le nouveau texte. J’ai fait une seule exception en ce qui concerne les Catenae aureae de Thomas d’Aquin, que je n’ai donc pas considérées dans mon recensement étant donné qu’il s’agit toujours d’extraits d’autres auteurs (l’ensemble des références aux passages de ces Catenae aureae peut être de toute manière très facilement récupéré simplement en se référant aux textes évangéliques qu’Eusèbe discute).

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

ESt

Ekloge Graeca quaestionum ad Stephanum

EMar FSt

Ekloge Graeca quaestionum ad Marinum fragmenta Graeca quaestionum ad Stephanum, numeratio ex Mai2 fragmenta Graeca quaestionum ad Marinum in Nicetae Catena seruati, numeratio ex Mai2 Syra traditio quaestionum ad Stephanum in Catenae Seueri appendice, numeratio ex Beyer Syra traditio altera quaestionum ad Stephanum ex commentario Georgio Beeltan tributo, numeratio ex Beyer

NMar SyrS SyrG

Les textes bibliques sont abrégés d’après la Traduction œcuménique de la Bible, en ajoutant les textes propres à la LXX. Les collections des éditions modernes et de la littérature secondaire sont abrégées selon la Theologische Realenzyklopädie.

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ERRATA CORRIGE (en référence à l’édition parue dans les Sources chrétiennes)

p. 14, n. 4

changer « PG 22, 957B-976 A » en « PG 22, 957B-972D »

p. 17, l. 10 et 17

changer « Sévère d’Antioche » en « Sévère »

p. 86, l. 76

changer Ἷωσήφ en Ἰωσήφ

p. 93, l. 2-3

changer « s’appellent-t-ils » en « s’appellent-ils »

p. 108, n. c

changer « Lc 3,23 » en « Lc 3,23-24 »

p. 109, l. 15, après la note c

ajouter la note « 2. » suivante : « 2. Sur ce texte de Lc 3,23-24, voir n. 1, p. 120-121 »

p. 114, apparat critique grec

ajouter l’entrée suivante : « 4,87 ἤμελλεν Migne : ἤμελλον P Mai

p. 118, apparat critique grec, l. 16

changer « ὅμως Mai2 οὗν V » en « ὅμως coni. Mai2 ex V »

p. 119, l. 7

changer « est » en « et »

p. 120, n. 1, l. 2

changer « Nathan » en « Melchi »

p. 146, n. u.

changer « Ps 50,1-2 » en « Ps 50,6 »

p. 164, n. 1, l. 4

changer « manquent » en « manque »

p. 190, l. 72

changer κατα-λαμβάνουσι en καταλαμβάνουσι

p. 194, n. 2, l. 2

changer « “premier livre” » en « “premier” livre »

p. 198, l. 31

déplacer l’appel de note « j » après δέ

30

COMMENTAIRE

EST, TITRE Εὐσεβίου. À relever que, ici comme au début de EMar, il manque le qualificatif cher à Eusèbe de Césarée renvoyant à son maître : τοῦ παμφίλου. περὶ τῶν ἐν τοῖς εὐαγγελίοις ζητημάτων καὶ λύσεων. Ce titre pourrait être celui de l’ouvrage perdu et il est partiellement confirmé par Eusèbe lui-même en Dem. ev. VII,3,18 : ἐν τῷ πρώτῳ τῶν εἰς τὴν γενεαλογίαν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν ζητημάτων καὶ λύσεων (éd. Heikel, GCS 23, p. 340), ainsi que par le prologue de la section adressée à Marinos et par la tradition syriaque de l’appendice de la chaîne de Sévère 1. Par contre, comme l’avaient conclu Anton Baumstark 2 et Wilhelm von Christ 3, le double témoignage de Jérôme permettrait de reconstituer un titre différent, qui sonnerait plutôt περὶ διαφωνίας εὐαγγελίων. En effet, en De vir. ill., 81,2 (éd. Ceresa-Gastaldo, BPat 12, p. 188), Jérôme mentionne une œuvre d’Eusèbe intitulée « de evangeliorum διαφωνίᾳ », et il donne la même référence en Comm. in Mt. I,1,16 (éd. Bonnard, SC 242, p. 76), où il dit : « Eusebius Caesariensis in libris diaphoniais euangeliorum [etc.] ». Plusieurs autres témoignages anciens, rassemblés notamment par Angelo Mai 4, et ensuite par Erwin Preuschen 5, ainsi que d’autres témoignages 6, attestent que ce texte fut le plus souvent connu sous le titre que Jérôme rappelle, ce qui est sans doute dû en bonne partie aussi à

1.

2. 3. 4. 5. 6.

J’ai déjà étudié cette problématique, en relation avec l’usage technique de ces mots dans le contexte du genre, dans mon article « Existe-t-il une terminologie technique dans les Questions d’Eusèbe de Césarée ? », p. 81-84. Concernant le titre de la tradition syriaque, voir Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 32. Anton BaumStarK, Geschichte der syrischen Literatur, p. 59, 279. Wilhelm von chriSt, Wilhelm Schmid, Otto Stählin (éd.), Geschichte der Griechischen Literatur, II. Die nachklassische Periode, 2. Von 100 bis 530 nach Christus, Munich 1924 (HAW 7/2/2), p. 1362. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. X-XII. Erwin PreuSchen, « Eusebius, Bischof von Cäsarea (c. 265-340), Schriften », dans Adolf von harnacK, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, I. Die Überlieferung und der Bestand, Leipzig 1893, p. 551-586, ici p. 577-578. Voir par exemple le fragment publié par John Cramer sur Mc. 1,1 : cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 266.

31

Questions et réponses sur les évangiles son influence. Le titre περὶ διαφωνίας εὐαγγελίων, qui fait évidemment écho à Origène, mais aussi à un terme clé de l’exégèse eusébienne 7, a cependant le défaut de ne rendre compte que d’une partie seulement du contenu de l’ouvrage, car il n’est pas parfaitement taillé sur les questions de type christologique formulées à partir des généalogies dans la deuxième partie des questions à Stephanos. Il s’agit en tout cas d’un titre qui a été très répandu, notamment dans le passé 8, mais, à l’exception de Baumstark et Christ, les savants évitaient de formuler un titre clairement défini. Dans le sens de ce type de titre allaient aussi les remarques de John Burgon 9, qui imaginait, on ne comprend pas bien pourquoi, que le titre du texte eusébien aurait dû nécessairement indiquer son contenu (le titre serait donc à identifier avec celui de Jérôme) plutôt que la terminologie technique des questions et réponses (comme supposent tant l’ἐκλογή que la Démonstration évangélique). Ce même type d’argument a été par la suite défendu notamment par Joseph Lightfoot 10 (qui utilise cependant aussi le titre eusébien de l’œuvre), ainsi que par Erwin Preuschen, qui semble distinguer entre un titre global de l’ouvrage, περὶ διαφωνὶας εὐαγγελίων, et les titres de ses deux parties, ζητήματα καὶ λύσεις 11, et notamment par Jacques Moreau, pour qui le témoignage de Dem. ev. VII,3,18 doit s’interpréter comme référence au genre littéraire utilisé et pas comme renvoi au titre de l’œuvre 12. Étrangement, Moreau ne tient pas compte du fait que les œuvres de ce genre littéraire ont justement d’habitude le titre de ζητήματα καὶ λύσεις. En réalité, Mai avait déjà clairement indiqué en 1847 que l’accord entre l’ἐκλογή et la Démonstration évangélique règle la question en faveur de l’attestation commune à ces deux témoignages provenant d’Eusèbe lui-même 13. Le titre devait donc certainement contenir les mots techniques du genre, ζητήματα καὶ λύσεις 14,

7.

8. 9. 10. 11. 12. 13. 14.

32

Voir la liste des occurrences des mots de cette famille dans mon « Existe-t-il une terminologie technique dans les Questions d’Eusèbe de Césarée ? », p. 87, et les remarques à ce propos de GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 267, n. 49, qui rappelle aussi l’étude d’Éric Junod, « Origène face au problème du désaccord (διαφωνία) entre les évangiles », dans E. Prinzivalli (éd.), Il Commento a Giovanni di Origene, il testo e i suoi contesti, Villa Verucchio (Rimini) 2005 (Biblioteca di Adamantius 3), p. 423-439. Voir aussi Sébastien morlet, « Signaler l’accord des textes. Un trait caractéristique de l’exégèse d’Origène et du commentarisme grec de l’époque impériale », dans Sylwia KaczmareK, Henryk PietraS (éd.), Origeniana decima. Origen as Writer, Louvain-Paris-Walpole (MA) 2011 (BEThL 244), p. 127-145. Plus récemment, dans la même ligne on trouve Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 82. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 42, n. l. liGhtfoot, « Eusebius of Caesarea », p. 338. PreuSchen, « Eusebius », p. 577-578. Voir aussi id., « Eusebius, Bischof von Cäsarea in Palästina », p. 616. Jacques moreau, « Eusebius von Cesarea », dans RAC, VI, Stuttgart 1966, p. 1052-1088, ici p. 1064-1065. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 217-218. Concernant la terminologie technique propre au genre des questions et réponses, voir notamment Alfred Gudeman, « λύσεις », dans PRE, XIII/2, Stuttgart 1927, p. 2511-2529 ; Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” [I] », p. 228 ; Perrone, « Le Quaestiones

ESt, Titre et cette argumentation a été suivie par plusieurs savants, entre autres par Karl Semisch, Eduard Schwarz et Gustave Bardy 15. En conclusion, le titre de l’œuvre est sans doute Questions et réponses sur les Évangiles, comme l’ἐκλογή notamment l’atteste. L’œuvre d’Eusèbe était divisée en deux parties bien distinctes, qui circulaient aussi indépendamment l’une de l’autre 16, ce qui a donné lieu à des titres plus ou moins composés, qui sont parfois complètement inacceptables, comme le titre de Discours sur le soir du sabbat et de Discours sur l’apparition de l’ange au tombeau, mentionnées par Victor Hély 17. Également inacceptables d’autres formes du titre, comme celle donnée par Johannes Quasten : Questions et solutions évangéliques adressées à Étienne et Questions et solutions évangéliques adressées à Marin, tirée certainement du manuscrit de l’ἐκλογή 18, ou celle proposée par Philiph Sellew : Quaestiones et solutiones evangelicae ad Marinum et ad Stephanum 19 et les différentes formes utilisées dans l’édition de Roger Pearse 20. πρὸς Στέφανον. Le texte de ESt n’a pas de prologue, à la différence de EMar. Il semble bien que ce manque soit dû à l’auteur de l’ἐκλογή, qui a pu supprimer

15.

16. 17.

18. 19. 20.

evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 432-433, ainsi que mon « Existe-t-il une terminologie technique dans les Questions d’Eusèbe de Césarée? », p. 81-98. En réalité, un titre comme περὶ διαφωνὶας εὐαγγελίων pourrait aussi avoir quelques parallèles dans la terminologie du genre, comme il arrive avec la Collection de difficultés et solutions d’Hésychius de Jérusalem, un texte avec une structure très proche de celle d’Eusèbe et qui s’intitulait probablement, à l’origine, εὐαγγελικὴ συμφωνία (CPG 6561) ; voir à ce propos Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” sur l’Écriture sainte [V] », RB 42 (1933), p. 211-229, ici p. 226 ; Claudio zamaGni, « Is the Question-and-Answer Literature from IVth and Vth Century an Homogeneous Group? », dans BuSSièreS (éd.), La littérature des questions et réponses dans l’antiquité profane et chrétienne, p. 241-268, ici p. 262-263. Karl G. SemiSch, « Eusebius, Bischof von Cäsarea, mit dem Beinamen Pamphili (d.h. Freund des Pamphilus), † 340 », dans RE, IV, Stuttgart-Hambourg 1855, p. 229-238, p. 238 ; SchWartz, « Eusebios von Cesarea », p. 1388 ; Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” [I] », p. 228 (voir notamment n. 5). Voir aussi Giancarlo rinaldi, « Tracce di controversie », p. 104, et Adam KameSar, Jerome, Greek Scholarship, and the Hebrew Bible. A Study of the Quaestiones Hebraicae in Genesim, Oxford 1993 (Oxford Classical Monographs), p. 93. Voir zamaGni, Questions évangéliques, p. 12-13, ainsi que l’introduction de ce volume. Victor hély, « Eusèbe de Césarée, premier historien de l’église », Faculté de Théologie de Paris, Paris 1877, p. 255. Ces titres proviennent vraisemblablement de la tradition textuelle fragmentaire grecque publiée par François comBefiS et Christian von matthaei : S. patris nostri Asterii Amaseae episcopi aliorumque plurimum dissertissimorumque ecclesiae Grecae patrum ac tractatorum lectae novae eruditissimaeque [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium, I], éd. François comBefiS, Paris 1648, p. 779-790 ; Anecdota Graeca [= Glossaria graeca minora et alia anecdota graeca, II], éd. Christian von matthaei, Moscou 1775, p. 62-64, 67-69. Johannes QuaSten, Patrology, III. The Golden Age of Greek Patristic Literature from the Council of Nicaea to the Council of Chalcedon, Utrecht 1960, p. 476 [d’après la trad. fr. de J. laPorte : Initiation aux pères de l’Église, III, Paris 1963]. Philiph SelleW, « Eusebius and the Gospels », dans H. W. attridGe, G. hata (éd.), Eusebius, Christianity, and Judaism, Leyde-New York-Cologne 1992 (StPB 42), p. 110-138, ici p. 135, n. 5. Cette édition utilise plusieurs titres différents, sans jamais discuter la question ; voir PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. ix, xiii, 1 sqq.

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Questions et réponses sur les évangiles le prologue qui pouvait exister, comme le supposait déjà Mai 21. En même temps, l’auteur de l’ἐκλογή a pu insérer la mention du dédicataire dans le titre, en supprimant le prologue qui aurait pu la contenir, s’il était conçu comme celui d’EMar 22. On ne connaît pas l’identité de ce Stephanos, ni celle du Marinos auquel est dédiée la deuxième partie de l’œuvre. Appelés « fils » (ESt, col., 1 et EMar., prol., 6), ils sont certainement des chrétiens, et Eduard Schwartz a proposé d’y voir deux figures de jeunes ecclésiastiques qui commencent à se dédier à l’exégèse biblique 23. Cette hypothèse s’intégrerait bien dans une interprétation globalement didactique de ce texte et de son genre littéraire, mais, tout en ayant eu un succès considérable 24, elle n’a en sa faveur aucun argument probant. Dans un tout autre sens va la suggestion de Joseph Lightfoot, qui note qu’un évêque du nom de Stephanos est mentionné au siège d’Antioche 25, même s’il faut se poser la question suivante : Eusèbe aurait-il pu appeler « fils » l’évêque d’une ville comme Antioche ? Vu les arguments traités, il me semble qu’il faut exclure l’utilisation de ce texte à un niveau de base, en vue par exemple de l’enseignement pour des catéchumènes. Ceux-ci étaient plutôt censés se former sur les principes énoncés par le credo 26, comme le montre par exemple le texte des Catéchèses mystagogiques jadis attribué à Cyrille de Jérusalem, et maintenant vraisemblablement à son successeur Jean 27. D’autre part si, comme Manlio Simonetti l’a souligné 28, ce genre littéraire naît sur la base d’une littérature de commentaires bibliques déjà existante, il garde un caractère érudit qui pourrait faire songer à un public déjà chrétien mais pas assez cultivé en exégèse, ou éventuellement à un milieu qui

21. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. XIII. Voir aussi à ce propos mon étude « Une introduction méthodologique à la littérature patristique des questions et réponses : le cas d’Eusèbe de Césarée », dans volGerS, zamaGni (éd.), Erotapokriseis, p. 7-24. 22. Évidemment, nous ne savons rien de certain à ce propos, et il faut aussi considérer que le colophon de l’ἐκλογή garde une dédicace à Stephanos, qui permettrait aussi de supposer que le nom du dédicataire n’était pas mentionné ailleurs. 23. SchWartz, « Eusebios von Cesarea », p. 1388. 24. Suivent cette perspective, par exemple, BardenheWer, Geschichte der altkirchlichen Literatur, p. 257 ; Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” [I] », p. 229 ; moreau, « Eusebius von Cesarea », p. 1065 ; rinaldi, « Tracce di controversie », p. 104 et id., La Bibbia dei pagani, I, Bologne 1997, p. 286 ; Gabriele BroSzio, « Quaestiones et responsiones », dans S. döPP, W. GeerlinGS (éd.), et al., Lexikon der antiken christichen Literatur, Fribourg-Bâle-Vienne 2002, p. 605-606, ici p. 605. Pour un état de la question à ce propos, voir mon étude « Une introduction méthodologique », p. 18-21. 25. liGhtfoot, « Eusebius of Caesarea », p. 339. 26. Voir John N. D. Kelly, Early Christian Creeds, Londres-New York 1972, p. 29-59, 340-344 [d’après la trad. ital., Naples 1987]. 27. Ainsi Victor Saxer, « Introduzione », dans cirillo e Giovanni di GeruSalemme, Catechesi prebattesimali e mistagogiche, éd. V. Saxer, trad. G. maeStri, V. Saxer, Milan 1994 (LCPM 18), p. 31-44. 28. Manlio Simonetti, Lettera e/o Allegoria. Un contributo alla storia dell’esegesi patristica, Rome 1985 (SEAug 23), p. 111.

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ESt, Titre pouvait aussi se confronter en dispute avec les adversaires du christianisme 29. On en conclut donc que le public de ce texte, dont Stephanos et Marinos font partie, doit être formé vraisemblablement par des chrétiens déjà experts et cultivés.

29. L’intention apologétique est souvent considérée comme la visée principale de ce texte eusébien (ainsi que de la littérature des questions en général) ; concernant les buts de ce livre et de cette littérature, voir notamment mes études « Une introduction méthodologique », p. 13-24, Questions évangéliques, p. 54-60, « Porphyre est-il la cible principale des “questions” chrétiennes du ive et ve siècles ? », p. 359-370 et « Is the Question-and-Answer literature from IVth and Vth Century an Homogeneous Group? », p. 263-267. Sur l’apologétique eusébienne en général, voir Sébastien morlet, « L’opera apologetica di Eusebio di Cesarea », dans Costantino I. Enciclopedia costantiniana, II, Rome 2013, p. 117-127

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EST I

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le fait que les évangélistes ont dressé la généalogie de Joseph et non de Marie. I,1. La descendance davidique de Jésus n’est pas démontrée, car, bien que Joseph soit descendant de David, Jésus n’est pas réellement son fils, puisqu’il est engendré de Marie et de l’Esprit saint. Pour démontrer la descendance charnelle de Jésus, il aurait donc fallu tracer la généalogie de Marie, dont on ne sait si elle était issue de David. I,2. Jésus lui-même avait établi de ne pas divulguer ouvertement, pendant sa vie, la connaissance de ce qui s’était produit lors de sa naissance, ce qui arrive aussi pour certains faits le concernant ou pour une partie de ses enseignements. I,3. Comme Ignace d’Antioche l’a souligné, les faits concernant la naissance et l’enfantement de Jésus sont un mystère, et il aurait été très difficile aux contemporains de Jésus de croire à ces faits s’ils avaient été divulgués. 1,4. La divulgation de ces faits aurait d’ailleurs pu être cause d’une condamnation à mort, car telle était la peine appliquée à une vierge trouvée enceinte avant le mariage ; c’est pourquoi l’Écriture signale qu’ils étaient désormais en condition de profiter du lien nuptial, de façon à ce que ces faits puissent rester facilement cachés. I,5. Si par contre elle avait été trouvée enceinte chez ses parents, il lui aurait été difficile de cacher cette grossesse et de se soustraire au châtiment prévu par la loi. Joseph, qui était un homme juste, n’aurait d’ailleurs pas pu l’accueillir dans sa maison si elle avait déjà été enceinte. I,6. Joseph, ayant été rendu digne par l’Esprit saint, est le premier à comprendre la conception miraculeuse de Marie, et c’est pourquoi, saisi de crainte, il décide de la congédier secrètement, estimant que ce qui était arrivé était trop important pour qu’elle vive avec lui. Ceci faisant, il se comporte avec justice : il lui évite ainsi d’être accusée. I,7. Mais Gabriel intervient pour que Joseph abandonne ce projet ; d’une part cette solution n’aurait pas pu cacher l’affaire, d’autre part il lui annonce que l’enfant à naître est le descendant de David attendu. I,8. Tout a donc été prévu pour garder cachés les faits concernant la conception de Marie, car, de toute manière, la réalité de ce qui s’était produit n’aurait pas pu être acceptée par les contemporains de Jésus.

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ESt I I,9. C’est donc à juste titre qu’on établit la généalogie de Jésus en tant que fils de Joseph, et, s’il n’en avait pas été ainsi, il aurait été considéré comme un enfant illégitime. De même que Jésus lui-même avait estimé qu’il ne fallait pas divulguer qu’il était le Fils de Dieu pendant sa vie, car le public ne l’aurait pas cru, il était sans doute nécessaire que les faits concernant sa naissance restent d’abord cachés, pour n’être révélés que plus tard, après l’accomplissement des prophéties. I,10. Si on admet aujourd’hui ces faits comme dignes de foi, il n’en allait pas de même autrefois, à l’époque où les évangélistes écrivaient, face aux Juifs. Ceux-ci ont donc retracé la généalogie de Joseph car Jésus passait pour être son fils, et aussi parce que l’Écriture n’a pas pour usage de tracer la généalogie maternelle, ce qui aurait pu être un motif de condamnation. De plus, en donnant la généalogie de Joseph, les évangélistes ont en même temps donné l’ascendance de Marie, car la loi prescrit de se marier à l’intérieur de sa propre parenté familiale et de sa propre tribu, afin que l’héritage familial ne passe pas de tribu en tribu. Si donc Joseph vit vraiment selon la loi, il a sans doute épousé une fille de la même tribu et de la même famille que la sienne, et Marie est donc aussi de la tribu de Juda et descendante de David. I,11. Le fait qu’on dit de Marie qu’elle est proche d’Élisabeth, qui est de la tribu de Lévi, s’explique de différentes manières. D’une part, tous les Juifs sont proches l’un de l’autre, car tous descendent d’Israël. Une autre explication pourrait être liée au fait qu’Élisabeth vivait avec son mari dans le territoire de la tribu de Juda, étant donné que, selon la loi, la tribu de Lévi n’avait pas de territoire propre. Une dernière explication peut être la similitude de leurs caractères, qui les a rendues dignes de participer toutes deux à l’économie du salut : elles auraient donc pu être d’une même tribu selon Dieu. I,12. L’époux et l’épouse deviennent selon la loi une seule chair, comme Paul le dit – et ceci est valable dès le moment des fiançailles, car c’est dès ce moment que la femme devient corps du mari, en le prenant comme chef. Il s’ensuit donc qu’en donnant la généalogie du mari (le chef), on a aussi celle de la femme (le corps), surtout si l’on peut vérifier qu’époux et épouse sont de la même tribu et de la même famille. Cela est manifeste dans le discours de Gabriel à Marie, où l’ange annonce que l’enfant obtiendra « le trône de David son père ». Or, en apprenant en même temps qu’elle avait conçu de l’Esprit Saint, si elle n’était pas descendante de David, Marie aurait dû réagir à cette parole, mais comme elle ne dit rien, elle devait réellement l’être. C’est pourquoi le passage de Luc qui dit que Joseph se rend à Bethléem pour le recensement avec sa femme ne signifie pas qu’elle va à Bethléem simplement pour suivre son mari, mais qu’elle aussi, comme son mari, est descendante de David, comme celui qui est né d’elle, Jésus le Christ de Dieu.

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Questions et réponses sur les évangiles Autres traditions textuelles I. Une courte scholie attribuée à Eusèbe, traduite par Balthasar Cordier 30 et republiée dans la première édition de Mai 31, résume très brièvement l’objet de cette question et sa réponse. I,1-11. Un parallèle à cette partie du texte se trouve dans SyrS IX 32, qui apparaît toutefois assez différent dans le contenu et dans la forme 33. Ce texte mentionne également, dans la formulation même de la question, le problème posé par le passage de Lc. 1,36, selon lequel Elisabeth et Marie sont proches (Ἐλισάβετ ἡ συγγενίς σου 34), ce qui n’a pas d’équivalent dans la formulation de l’ἐκλογή. La réponse du texte syriaque suggère d’abord de ne pas considérer cela un vrai problème, ce qui serait un motif d’outrage envers le rédempteur ou envers sa mère ; en effet, il y a des choses qui ne sont pas claires, parmi lesquelles la manière dont eurent lieu l’incarnation de Jésus et la maternité de Marie ; ceci est dû à la volonté précise de l’Esprit saint, qui a voulu que l’on sache peu de ces faits, comme l’illustrent trois citations évangéliques les concernant (Lc. 1,34 ; 1,42 et Mt. 1,20-21) ; le texte poursuit en reconnaissant que la manière de l’incarnation n’est pas claire (voir ESt I,2), et il présente à ce propos un dossier de citations un peu différent, qui inclut Lc. 1,34 ; 1,28 ; et Mt. 1-20-21, mais qui laisse tomber la citation d’Ignace d’Antioche. L’ingénieuse exégèse de Mt. 1,18-19 (voir ESt I,4-6) est aussi mise de côté, en invoquant une deuxième fois un mystère obscur. La suite du texte est plus proche de I,7-10, tant du point de vue du contenu que de celui de la forme, même s’il faut remarquer la citation de Es. 7,14 (faite à partir de Mt. 1,22-23), et le fait que la matière n’est pas toujours disposée dans le même ordre. La question suivante de cette tradition syriaque (SyrS X) enchaîne avec ESt I,12 (voir infra). I,3. Un court texte parallèle est attribué à Origène et à Eusèbe ensemble dans un fragment d’une chaîne ; il est publié chez Origène, Comm. in Mt., fr. 13/I (éd. Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 20) 35. I,6. Un parallèle à ce passage se retrouve chez Origène, Comm. in Mt., fr. 15 (éd. Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 21-23), texte attribué à Origène et à Eusèbe ensemble par la tradition manuscrite. Hormis l’ajout d’une brève introduction et d’une conclusion, ce passage correspond de très près à celui de l’ἐκλογή, au point que les éditeurs ont mis entre crochets toute cette partie (ibid., p. 22). Le texte provient donc vraisemblablement d’Eusèbe, même si la tradition

30. Balthasar cordier (éd.), Catena sexaginta quinque Graecorum patrum in S. Lucam, Anvers 1628, p. 95 31. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 89 (note) ; le texte n’a pas été repris dans l’édition suivante de Mai ni par celle de Roger Pearse. 32. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 48-56, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 324-330. 33. En particulier, ESt I,1-10 est repris dans SyrS IX,1 avec quelques variantes et en omettant pratiquement les paragraphes I,3-6 ; ESt I,11 trouve par contre un parallèle très proche en SyrS IX,2 34. Voir à ce propos comm. à ESt I,11. 35. Comme le signale l’apparat de Klostermann – Benz, c’est l’usage du texte d’Ignace d’Antioche qui est commun aux deux auteurs.

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ESt I manuscrite laisse entendre qu’Origène pourrait en être à l’origine (voir infra, notamment le commentaire à ESt I,6,100-103, p. 66-67). I,6,76-82. Ce court passage a un parallèle dans le FSt 13, texte publié par Pierre Poussines et repris par Mai 36 (pour une traduction de ce texte, voir commentaire ad loc., p. 62). I,6,76-82. Un autre parallèle de ce passage a été publié par John Cramer 37, avec attribution à Eusèbe (Mt. 1,18). Dans ce texte, Joseph est dit avoir appris ce qu’il était arrivé à Marie par l’Esprit saint, exactement comme il est arrivé à Elisabeth ; cette variante est certainement originaire (voir aussi commentaire ESt I,6,76-78). I,6,100-103. Ce texte devrait avoir plusieurs parallèles dans des chaînes inédites, à ce qu’affirme Konstantin Tischendorf (voir comm. à I,6,100-103 et 107-110), qui ne précise malheureusement pas si ces textes sont anonymes ou attribués à Eusèbe 38. Un de ces parallèles doit être le fr. 15 du Comm. in Mt. d’Origène signalé plus haut (voir la note du deuxième apparat de l’édition de Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 21). Toutefois, il s’agit peut-être d’une série d’allusions à Origène (voir commentaire à ESt I,6,66-68), tout comme il arrive pour le fragment concernant ESt I,6,70-72. I,6,100-103. Un autre des parallèles signalés par Tischendorf est sans doute celui qui a été publié par Cramer (sur. Mt. 1,19), aussi avec une attribution à Eusèbe et à Origène à la fois 39. I,11. Ce texte a un parallèle dans le FSt 14 publié par Mai à partir d’une chaîne inédite 40. Ce fragment est le seul qui contient un ajout véritablement

36. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 83, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 154. Je n’ai pas eu accès à l’édition originaire de Pierre Poussines. Dans mes listes des autres attestations de chaque question, je me limiterai à indiquer une seule des éditions d’Angelo Mai mais, comme c’est le cas du présent texte, en utilisant la numérotation des fragments de sa deuxième édition (ou celle de Beyer pour les traditions syriaques, et aucune numérotation dans les autres cas). Il va sans dire que les textes ayant cette numérotation se trouvent aussi dans la deuxième édition de Mai et dans PG 22 ; pour une synopse de la pagination entre ces différentes éditions, je renvoie à PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 405-411 (pour le cas présent, il oublie malheureusement d’indiquer que ce fragment se trouve aussi dans la première édition de Mai). 37. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 10, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 166 (comme il arrive dans la totalité des fragments parallèles à l’ἐκλογή que Roger Pearse signale comme « nouveaux », ils étaient déjà tous dans mon étude de 2003, voir dans ce cas mon « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 69). 38. Novum Testamentum Graece, Ad antiquissimos testes denuo recensuit, éd. Konstantin von tiSchendorf, I, Leipzig 1869, p. 4. 39. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 12, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 166 ; voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 70. 40. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 83-84, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 156, et dans GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 234.

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Questions et réponses sur les évangiles crucial au texte de l’ἐκλογή, pour autant qu’on puisse le rapporter intégralement à cette question, car le texte de la deuxième partie semble aussi se rapprocher de ESt IV,1 (et de son parallèle, FSt 8) 41. Après ce qui semble être un abrégé du contenu de la première partie de ESt I,11 (la partie qui précède πολλοὶ δὲ καὶ), ce texte affirme qu’une véritable union entre la parenté de Lévi et celle de Juda avait déjà été légitimée depuis Aaron, qui avait épousé Élisheba, soeur de Nahshôn (voir Ex. 6,23), le fils d’Amminadab et chef de la tribu de Juda (voir Nb. 2,4 ; 10,14), ancêtre de David (voir Rt. 4,20 ; 1 Ch. 2,10 ; Mt. 1,4 ; Lc. 3,32-33). De la même manière, Élisabeth, femme de Zacharie, provenait en réalité de la tribu de Juda, et était fille de Jacob, père de Joseph. Jésus provient donc selon la chair de la lignée de Nahshôn, celle des rois, mais cette lignée est en même temps croisée avec celle des prêtres, et c’est pourquoi il est à la fois roi et grand prêtre (sur cette exégèse, voir le commentaire, infra, p. 50-55). I,11. Selon une remarque présente dans la deuxième édition de Mai, ce paragraphe existe aussi, attribué à Eusèbe et avec quelques variantes, dans le manuscrit Vat. Gr. 1611 de la chaîne de Nicétas sur Luc (fol. 22) 42. Mai en utilise d’ailleurs une variante dans son texte (voir commentaire à I,11,252). I,11. Selon Mai 43, ce même paragraphe est aussi reproduit, avec des variantes, dans un manuscrit Vatican de Macaire (le ms. qu’il sigle « E », au fol. 50). I,12. Ce paragraphe correspond à SyrS X 44. Ce fragment syriaque montre une partie initiale plus développée (avec une citation de Dt. 22,23, qui apparaît toutefois remaniée), alors que la partie finale est très abrégée. Commentaire La question Les généalogies ont toujours eu une grande importance, et ceci était spécialement vrai dans le monde ancien, comme le montre par exemple le texte de 1 Tm. 1,4 ainsi que plusieurs études qui se sont occupées de la même question dans le contexte chrétien 45. Il en allait évidemment de même dans le contexte

41. Sur la complexe évaluation de ce texte et de son auteur, voir l’introduction au commentaire de cette question, ainsi que les parallèles à ESt IV, infra. 42. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 225, n. 1. Voir aussi KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 94 (n° 219). 43. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 225, n. 1. 44. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 56-58, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 332. 45. Voir à ce propos Wolfgang SPeyer, « Genealogie », dans RAC, IX, Stuttgart 1976, p. 1145-1268, et notamment p. 1201-1265, ainsi que les considérations de Raymond E. BroWn, The Birth of the Messiah. A commentary on the infancy narratives in Matthew and Luke, New YorkLondres-Toronto 1977 (The Anchor Bible Reference Library), p. 64-66, et de Karl-Heinrich oStmeyer, « Der Stammbaum des Verheißenen: Theologische Implikationen der Namen und Zahlen in Mt. 1.1-17 », NTS 46 (2000), p. 175-192, ici p. 182-183. Le commentaire de cette question d’Eusèbe a été en partie utilisé aussi dans mon étude « Eusebius’ exegesis between Alexandria and Antiochia ».

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ESt I juif et du proche orient, tant à propos des généalogies que des listes de façon plus générale 46. Cet intérêt pour les généalogies, uni au besoin d’expliquer les contradictions entre les deux généalogies de Jésus d’après Matthieu et Luc, explique très bien le fait qu’une si grande partie des questions eusébiennes soit dédiée à des thèmes apparemment beaucoup moins importants que ceux traités dans la deuxième partie du texte, concernant la résurrection, afin de démontrer la fiabilité des évangiles, jusqu’aux moindres détails de la lettre. Dans une première partie de sa réponse, Eusèbe explique que ce fut un dessein divin précis de laisser croire aux contemporains que la naissance de Jésus n’était en rien particulière : s’il n’en avait pas été ainsi, l’enfant aurait été considéré comme sans père et Marie n’aurait pu se soustraire à l’infamie, voire à une condamnation à mort, selon les lois des Juifs (I,2-9). C’est seulement après avoir construit un tel cadre de manière très cohérente qu’Eusèbe nous livre sa réponse à la question formulée. Réponse obvie, proposée déjà par plusieurs auteurs avant lui, comme nous le verrons, et qui consiste à dire que Marie aussi est de la souche de David, tout comme Joseph (I,10-12) 47. Bien que les noyaux de toute cette argumentation se retrouvent chez Origène déjà (notamment Hom. in Lc., VI,3-4 et Comm. in Rom. I,7, sur lesquels on reviendra dans un instant), Eusèbe en donne ici une élaboration considérablement plus développée et personnelle : sa démonstration de l’ascendance davidique de Marie représente donc à la fois non seulement une synthèse des meilleures exégèses disponibles, mais aussi une élaboration originale faite à partir d’elles.

46. Voir par exemple Otto eiSSfeldt, Einleitung in das Alte Testament, unter Einschuß der Apokryphen und Pseudepigraphen sowie der apokryphen- und pseudepigraphenartigen Qumrān-Schriften. Entstehungsgeschichte des Alten Testaments, Tübingen 1964 (NTG), p. 31-33, Marshall D. JohnSon, The Purpose of the Biblical Genealogies. With Special Reference to the Setting of the Genealogies of Jesus, Cambridge 1969 (MSSNTS 8), p. 77-82, 115 ; Robert R. WilSon, « The Old Testament Genealogies in Recent Research », JBL 94 (1975), p. 169-189, ici p. 169-173, Benjamin E. Scolnic, Theme and Context in Biblical Lists, Atlanta, GE 1995 (SFSHJ 119), p. 3-9, et Kenton L. SParKS, Ancient Texts for the Study of the Hebrew Bible. A Guide to the Background Literature, Peabody (Mass.) 2005, p. 344-360. Dans le même sens, on verra aussi les parallèles aux textes néotestamentaires signalés par Hermann l. StracK, Paul BillerBecK, Das Evangelius nach Mattäus erläutert aus Talmud und Midrasch, Munich 1922 (Bill. 1), p. 1-6 ; Joachim JeremiaS, Jerusalem zur Zeit Jesu. Kulturgeschichtliche Untersuchung zur neutestamentlichen Zeitgeschichte, II/2, Göttingen 1937, p. 150-168 ; JohnSon, The Purpose of the Biblical Genealogies, p. 146-208, 240 et Richard BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus in the Early Church, Édimbourg 1990, p. 315-326. 47. Sur ce point les savants se sont exprimés souvent, par exemple Pierre PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, sive de genealogia Iesu Christi Dei ac Domini nostri, liber sngularis [Toulouse 1646], p. 567-574 ; Johann A. BenGel, D. Joh. Alberti Bengelii Gnomon Novi Testamenti, III [1773], éd. P. Steudel, Stuttgart 1891, p. 8-10, 233-234 ; plus récemment, BroWn, The Birth of the Messiah, p. 62-64 et Jacques maSSon, Jésus fils de David dans les généalogies de saint Matthieu et de saint Luc, Paris 1982, p. 483-511 ; Gabriele BroSzio, Genealogia Christi. Die Stammbäume Jesu in der Auslegung der christlichen Schriftsteller der ersten fünf Jahrhunderte, Trier 1994 (Bochumer Altertumswissenschaftliches Colloquium 18), p. 47-78.

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Questions et réponses sur les évangiles La longue liste des reprises patristiques témoigne de l’accueil qu’a reçu cette explication eusébienne 48. En proposant cette question, Eusèbe ne peut certainement pas ignorer qu’il s’agit aussi d’une critique adressée aux évangiles dans un cadre polémique, entre autres au moins par Celse. Cette question se présente donc comme une réponse globale à un problème dont Celse avait sans doute développé les éléments. Eusèbe ne redoute pas d’aborder ce problème dans tous ses détails ; il assemble une réponse érudite et efficace à partir d’un développement organique d’observations éparpillées qu’il a pu lire dans différentes œuvres d’Origène. La question de l’ascendance davidique de Marie Plusieurs textes anciens affirment explicitement ou implicitement que Marie est de lignée davidique ou de la tribu de Juda, mais sans cependant utiliser les arguments qui sont ici propres à Eusèbe 49. L’argument chrétien est seulement sous-entendu par Ignace d’Antioche, Eph., 18,2 et Trall., 9,1 (voir aussi Smyrn., 1,1), et par Acta Pauli, III,1 et X,4,5 [= III Cor.] 50 ; Test. Jos., 19,8 51 ; Asc. Es., 11,2 52 ; Justin, Dial. cum Tryph. 43,1 ; 45,4 ; 68,6 ; 100,3 ; le Prot. Iac., 10,1 (dont la formulation affirme, d’une manière semblable à Eusèbe, que Marie est de la « tribu de David » ; je signale que, d’après une hypothèse élaborée par George Zervos, il s’agit dans ce cas d’un thème qui proviendrait d’une source commune avec l’Ascension d’Isaïe, source que Zervos intitule Genesis Marias 53) ; probable-

48. Il faut aussi noter à ce propos que, dans quelques-uns de ces cas, la fortune de cette exégèse semble s’inspirer directement d’Eusèbe plutôt que d’Origène, comme l’indiquent non seulement certaines correspondances ponctuelles mais aussi le fait que les plus anciens de ces auteurs connaissent et utilisent l’ensemble du corpus des Questions eusébiennes (voir commentaire à ESt I,3,39-42 et I,5,69-71). Cela n’arrive cependant pas toujours avec certitude, comme il est inévitable vu l’importance d’Origène et comme je le pense par exemple dans l’hypothèse formulée dans le commentaire au passage d’ESt I,6,76. 49. Voir à ce propos le commentaire à I,10,210-211, ainsi que Walter Bauer, Das Leben Jesu im Zeitalter der neutestamentlichen Apokryphen, Tübingen 1909, p. 9-16 et BroSzio, Genealogia Christi, p. 47-78. 50. Willy rordorf, avec Pierre cherix et Rodolphe KaSSer, « Actes de Paul », dans F. Bovon, P. Geoltrain (éd.), Écrits apocryphes chrétiens, I, Paris 1997 (Bibliothèque de la Pléiade 442), p. 1115-1177, ici p. 1129 et p. 1163 (l’édition critique de Rordorf est actuellement sous presse dans le Corpus Christianorum). 51. Voir Enrico norelli, L’Ascensione di Isaia. Studi su un apocrifo al crocevia dei cristianesimi, Bologne 1994 (Origini. Nuova Serie 1), p. 121, n. 226. 52. Ce texte ne provient pas d’une élaboration de Matthieu, mais d’une source commune avec lui, comme l’a montré norelli, L’Ascensione di Isaia, p. 116-142. 53. Voir notamment ces articles de George T. zervoS : « An Early Non-Canonical Announciation Story », dans Seminar papers: Society of Biblical Literature: one hundred thirty-third Annual Meeting, San Francisco, 1997, San Francisco-Atlanta (GE) 1997 (SBL.SPS 37), p. 664-691, ici p. 666-668, p. 674-675 et p. 686 ; « Seeking the Source of the Marian Myth: Have We Found the Missing Link? », dans F. Stanley JoneS (éd.), Which Mary? The Marys of Early Christian Tradition, Atlanta (GE) 2002 (SBL, Symposium Series 19), p. 107-120, ici p. 114-118 ; « Caught in the Act: Mary and the Adulteress », Apocrypha 15 (2004), p. 57-114.

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ESt I ment le Diatessaron de Tatien (et en tout cas Éphrem de Nisibe, Comm. in Diat., I,25-26.II,1, commentaire qui constitue notre source de la citation de Tatien, et qui utilise notre texte d’Eusèbe ou celui du Comm. in Rm. d’Origène, voir infra) ; Irénée de Lyon, Adv. haer., III,9,2 ; III,21,5 (SC 211, p. 104.414) et Dem. praed. ap., 36.40.63 ; Hippolyte, Ben. Isaac et Iacob, XVI (PO 27/1-2, p. 76-78) ; Tertullien, Adv. Marc., III,20,6-7 ; IV,1,7 ; De carne Chr., XXI,5-XXII,6 ; ainsi que le traité d’attribution contestée Adv. Iud., IX,26-27 ; Victorin de Poetovio, Comm. in Apc., IV,4 (éd. M. Dulaey, SC 423, p. 66). Le texte d’Eusèbe se distingue de ces prédécesseurs par le fait que l’ascendance davidique de Marie n’est pas simplement affirmée, mais argumentée à partir de l’usage d’une norme précise de la loi. Celse ? Celse avait relevé et reproché aux chrétiens la contradiction qui surgit dans les récits évangéliques à propos du fait que Jésus y est présenté comme descendant de David, alors que Joseph n’en est pas le père. Il se demandait pourquoi Marie, si elle était vraiment de la lignée royale, aurait ignoré cette information (Origène, Contra Cels., II,32 54). À cette question précisément, Eusèbe répondra en I,12, mais la critique de Celse devait être certainement plus développée que ce qui nous en reste. Une partie intégrante de cette attaque devait être, entre autres, l’accusation portée contre Jésus d’être un enfant illégitime et l’assertion selon laquelle Marie aurait été chassée par Joseph 55. Il me semble, en conclusion, que cet ensemble de critiques concernant la naissance de Jésus montre bien que Celse avait clairement relevé que la filiation davidique ne pouvait être prouvée par la généalogie de Joseph, même si rien ne le démontre de manière certaine. Quant à ses sources, comme le relève Enrico Norelli 56, Celse se fonde en ce cas directement sur le texte de Matthieu (Mt. 1,19, évidemment). Origène Bien que plusieurs textes du christianisme ancien aient affirmé que Marie aussi est une descendante de David, Eusèbe semble ici utiliser surtout les arguments

54. Voir à ce propos Theodor zahn (éd.), Das Evangelium des Matthäus, Leipzig 1903 (KNT 1), p. 65-68 ; BroWn, The Birth of the Messiah, p. 535-536 ; John J. cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, Tübingen 2000 (Studien und Texte zu Antike und Christentum 3), p. 28 ; Giancarlo rinaldi, Biblia gentium. Primo contributo per un indice delle citazioni, dei riferimenti e delle allusioni alla Bibbia negli autori pagani, greci e latini, di età imperiale, Rome 1989, n° 442, et id., La Bibbia dei pagani, II. Testi e documenti, Bologne 1998 (La Bibbia nella storia 20), n° 442. 55. Voir à ce sujet Origène, Contra Cels., I,28 ; I,32 ; I,39 et infra, commentaire à I,9,172-177. 56. Enrico norelli, « La tradizione sulla nascita di Gesù nell’ἈΛΗΘΗΣ ΛΟΓΟΣ di Celso », dans L. Perrone (éd.), Discorsi di verità, paganesimo, giudaismo e cristianesimo a confronto nel Contro Celso di Origene. Atti del II Convegno del Gruppo Italiano di Ricerca su « Origene e la Tradizione Alessandrina », Rome 1998 (SEAug 61), p. 133-166, ici p. 154 et p. 158.

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Questions et réponses sur les évangiles d’Origène, qui fut le premier à en proposer une explication argumentée et dont il nous reste une trace. Outre le très court texte de Comm. in Mt., fr. 3 (éd. Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 14-15), deux passages origéniens en particulier semblent avoir été utilisés par Eusèbe, Hom. in Lc., VI,3-6 (éd. Rauer, GCS 49, p. 34-37 57) et Comm. in Rom., I,7,61-96 (éd. Hammond Bammel, VL.AGLB 16, p. 59-61). Dans le premier passage, Origène explique que le choix d’une vierge qui était déjà fiancée, mais non encore réellement mariée, a été fait par Dieu afin d’éviter toute raison possible de honte au moment où cette grossesse allait devenir manifeste, ainsi que de cacher au prince de ce siècle la naissance miraculeuse de Jésus, détail qu’Ignace d’Antioche avait déjà souligné. Ce dessein a été possible grâce à Joseph et au mariage avec lui. Le Seigneur lui-même, ayant donc décrété de cacher sa naissance miraculeuse au prince de ce siècle, donna aussi l’ordre de ne pas divulguer ces faits pendant sa vie ; de même, dans toute l’Écriture, l’économie du Fils de Dieu échappe au diable (et, si les démons peuvent le reconnaître pendant sa vie, c’est vraisemblablement parce qu’ils sont plus éloignés du mal que leur prince, ajoute Origène). Le deuxième passage, déjà signalé par Walter Bauer 58, explique en quel sens Jésus est réellement descendant de David selon la chair, alors qu’il n’est pas le vrai fils de Joseph : selon Origène, Marie aussi est de la lignée davidique, puisqu’elle avait dû sans doute épouser quelqu’un de sa tribu et de sa famille, selon le précepte de la loi. Pour ce qui concerne le fait qu’elle est dite proche d’Élisabeth, Origène explique que tous les Israélites font en effet partie d’une même famille, celle des descendants d’Israël (il cite Rm. 9,3, comme Eusèbe) et il continue en disant que d’autres explications pourraient se trouver à ce sujet (« Haec quidem et alia his similia respondentur » 59), mais qu’il préfère quant à lui une lecture spirituelle et allégorique : lecture qu’il applique notamment au passage qui dit que Joseph est le père de Jésus, alors qu’il ne l’est pas, ou à la liste généalogique des rois descendants de David, dont trois ont été effacés par Matthieu 60. Ces arguments, poursuit Origène, ne peuvent cependant pas être traités rapidement, car ils demandent un examen à part (« quae non est nobis nunc in transitu pulsanda ; in suo enim loco requiretur » 61). L’allusion à d’autres développements possibles laisse entendre, me semble-t-il, qu’Origène avait traité ou avait l’intention de traiter les mêmes arguments d’une manière plus ample ailleurs 62. Quoi qu’il en soit de ce dernier point, Eusèbe a certainement utilisé ces deux passages d’Origène, comme le prouve le fait que le dossier des citations scripturaires est commun aux deux auteurs. Eusèbe n’a cependant pas reproduit

57. J’utilise la numérotation d’après l’édition de crouzel, fournier, Périchon, SC 87, p. 144-148 ; voir aussi In Lc., fr. 20a-b, éd. rauer, GCS 49, p. 235. 58. Bauer, Das Leben Jesu, p. 10-11. 59. oriGène, Comm. in Rm., I,7,75, éd. hammond Bammel, VL.AGLB 16, p. 60. 60. Voir euSèBe à ce propos, infra, ESt XII. 61. oriGène, Comm. in Rm., I,7,90-91, éd. hammond Bammel, VL.AGLB 16, p. 61. 62. Voir commentaire à I,10,210-223 (cette hypothèse a été par la suite reprise par Christophe Guignard, comme je le signale dans le commentaire ad loc.).

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ESt I exactement l’argumentation origénienne, mais il en a mis en valeur quelques parties seulement. Ces textes ne sont toutefois pas les seuls d’Origène à offrir des parallèles à la question eusébienne. Un troisième texte origénien offre une source probable de la mention d’après laquelle il aurait été étranger à l’usage de l’Écriture de proposer la généalogie de la mère de Jésus (ESt I,10), il s’agit de Comm. in Mt., fr. 10 (éd. Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 19). Un quatrième texte origénien concerne encore le fait que la virginité de Marie soit restée cachée, c’est le texte du Comm. in Mt., fr. 13/I (passage qui cite expressément Ignace et qui est attribué aussi à Eusèbe par l’auteur de la chaîne qui nous rapporte ce fragment) et fr. 13/ II (éd. Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 20-21). Du texte du fr. 13/II il faut peut-être rapprocher une scholie de Théodore d’Héraclée, le fr. 5 sur Mt. 1,24-25 dans l’édition de Joseph Reuss 63 (faussement attribuée à Jean Chrysostome par Cramer 64), comme l’explique l’apparat de Klostermann – Benz (GCS 49, p. 21) 65. Un autre texte du Comm. in Mt. entre aussi dans ce dossier, c’est le fr. 15 signalé plus haut parmi les autres traditions textuelles d’Eusèbe : il s’agit d’un texte eusébien dont Origène est peut-être la source 66. Bien que moins marquants, d’autres textes origéniens pourraient aussi avoir été à l’esprit d’Eusèbe ; il s’agit du passage où Origène affirme que la mention du premier recensement et du fait que Jésus y a été intégré indiquent un mystère (Hom. in Lc., XI,6 67), celui où il soutient que la conception de Jésus arriva d’une manière miraculeuse (In Lc., fr. 12d 68) et celui où il suggère que Marie et Elisabeth partageaient un même esprit (In Lc., fr. 33b 69). Julien Le point qui avait fait l’objet de la critique de Celse fut repris de manière beaucoup plus approfondie par Julien, notamment à propos des contradictions des deux généalogies et du fait qu’elles ne prouvent en tout cas pas la descendance davidique de Jésus. Plusieurs fragments subsistent de cette attaque de Julien, sans doute liés entre eux, comme l’ont noté plusieurs savants, par exemple Jacques-Paul Migne (PG 10, p. 63 n. 27) ou, plus récemment, John Cook 70. Les traces de ces critiques se retrouvent d’abord en Adv. Gal., fr. 62, l. 18-32 71, passage qui affirme que la prophétie d’une descendance royale perpétuelle de 63. Joseph reuSS (éd.), Mattäus-Kommentare aus der Griechischen Kirche, Berlin 1957 (TU 61), p. 57-58. 64. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 20. 65. Sur les chaînes utilisées dans cette édition, voir aussi Erich KloStermann, Ernst Benz, Zur Überlieferung der Mattäuserklärung des Origenes, Leipzig 1931 (TU 47/2), p. 15-18. 66. Voir supra, p. 39-40, ainsi que surtout le commentaire à I,6,100-103, p. 67-68. 67. Éd. crouzel, fournier, Périchon, SC 87, p. 194-196. 68. Ibid., p. 474. 69. Ibid., p. 240. 70. cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 289-290. 71. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. Emanuela maSaracchia, Rome 1990 (Testi e commenti, Università di Urbino, Istituto di filologia classica 9), p. 157-158. Ce passage est tiré

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Questions et réponses sur les évangiles Juda s’est déjà réalisée, et que Jésus n’est pas descendant de Juda, puisqu’il est fils de Marie et non de Joseph, et de toute manière la généalogie de ce dernier est controversée, puisque les deux évangélistes sont en désaccord à ce sujet. On trouve encore une autre critique en Adv. Gal., fr. 64, l. 9-12 72, texte provenant probablement d’un passage proche qui concerne la prophétie du règne davidique dans Nb. 24,17, qui ne peut pas se référer à Jésus d’après Julien. Enfin, il y a Adv. Gal., fr. 90 73, qui concerne la divergence entre les deux généalogies (notamment à propos du fait que Jacob est le père de Joseph selon Matthieu, alors que c’est Héli selon Luc). Qu’entre Celse et Julien cette critique ait pu être reprise et développée par Porphyre n’est qu’une hypothèse qui est certes possible, mais qu’on ne peut pas démontrer, en dépit des essais tentés en ce sens 74 (Julien connaît certainement l’œuvre de Porphyre, mais il en reste assez loin 75, de même que l’anonyme de Macarios, qui ne traite pas des généalogies de Jésus 76). Autres parallèles postérieurs Quant aux auteurs chrétiens, il y a d’abord un parallèle d’Eusèbe lui-même à cette question en Dem. ev., VII,3,18, où, lorsqu’il traite l’ascendance davidique de Jésus, il renvoie explicitement à ce passage des Questions 77. Eusèbe traite aussi de la même problématique en Hist. eccl., I,7,17 (voir aussi commentaire à ESt IV). En plus de ce passage et des scholies déjà signalées d’attribution incertaine, on peut trouver plusieurs autres parallèles grecs et latins qui traitent le même sujet. C’est le cas chez Théodore d’Héraclée, Fr. in Mt., 5 (Mt. 1,24-24 ; éd. Reuss, TU 61, p. 55-56) ; Éphrem de Nisibe, Comm. in Diat., I,25-26 et II,1-5 (éd. Leloir, CSCO 137, p. 17-19.23-26, trad. CSCO 145, p. 12-14.17-19) ; Athanase d’Alexandrie, Scholia in Mt. (PG 27,1392) ; Hilaire de Poitiers, In Mt., I,3 (SC 100, p. 94-96) ; Jean Chrysostome, In Mt. hom., I,6 ; II,3-4 ; III,1 ; IV,2-7 ; Ambroise de Milan, Exp. in Lc., II,1-5 ; III,2-5 ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,18-19 (éd. Bonnard, SC 242, p. 76-78) ; Augustin, De cons. ev. II,2,4 (éd. Weihrich, CSEL 43, p. 63.84) ; Serm. LI,6,9 ; LI,10,16 ; LI,12,20 (PL 38,338.342.343-

72. 73. 74.

75. 76. 77.

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de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,885B-888B) ; voir rinaldi, Biblia gentium, n° 316 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 318. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 159 ; texte mentionné par cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,900D-901C). Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 184 ; texte tiré de Jérôme, Comm. in Mt., I,1,16 ; voir rinaldi, Biblia gentium, n° 319 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 319. Voir Wilhelm neStle, « Die Haupteinwände des antiken Denkens gegen das Christentum », ARW 37 (1941), p. 51-100, puis dans id., Griechische Studien. Untersuchungen zur Religion, Dichtung und Philosophie der Griechen, Stuttgart 1948, p. 597-660, ici p. 612, et rinaldi « Tracce di controversie », p. 106, notamment n. 23. Voir à ce propos l’étude de Jean BouffartiGue, « Porphyre et Julien contre les chrétiens : intentions, motifs et méthodes de leurs écrits », dans Le traité de Porphyre contre les chrétiens, p. 407-426. Voir aussi les remarques de Richard Goulet (éd), macarioS de maGnéSie, Le monogénès, Paris 2003, I, p. 76-79 et 93-94. Concernant ce passage de la Dem. ev., voir aussi ESt XV.

ESt I 344 ; voir 350-351) ; Ps.(?) Basile de Césarée, In sanc. Christi gener., 3-4 (PG 31,1464-1465) ; Opus imperfectum in Mt., hom. I (PG 56,632-634) ; Ps.-Origène, Hom. in Mt., I,1-3 (éd. Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 239-243) et II (PLS 4, p. 853) ; Pierre Chrysologue, Serm. XLV (PL 52,588-589) ; Jean Damascène, Exp. fidei, 87 [IV,14] (éd. Kotter, PTS 12, p. 199-200) ; Bède le Vénérable, In Lc. exp., I (Lc. 1,27 ; PL 92,361) ; Hom., I,1.5.27 (PL 94,10.13-14.31-32.324-325) ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,13 (CSCO 69, p. 67, trad. CSCO 432, p. 48) ; Paul Diacre, Hom. de temp. 17 (PL 95,1163-1165) ; Walafrid Strabo, Exp. in Mt. 1,19 (PL 114,864) ; Raban Maur, Comm. in Mt., I (Mt. 1,18-19, PL 107,748-749 ; voir aussi ibid. Mt. 1,20, PL 107,750) ; Aymon d’Auxerre, Hom. de temp., 4.8 (PL 118,32.48.51) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., I.II (Mt. 1,12.17.19.20 ; PG 120,78-80.98-100.110) ; al-Bīrūnī, Chronologie des nations anciennes, III 78 ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., I (Mt. 1) 79 ; Comm. in Lc., I (Lc. 1) 80 ; André de Crète, Hom., III (PG 97,852B-857C) 81 ; Théophylacte de Bulgarie, En. in Mt., sur Mt. 1,12-16.18.19 (PG 123,153.156) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Matt., I (1,12.18-19 PG 129,125-129) 82 ; Christian Druthmarus (Christian de Stavelot), Exp. in Mt. 1,16.19 (PL 106,1275.1276-1277) ; Werner d’Ellerbach, Deflorationes I (In epiphania Dom. ; PL 157,763-765.767769.792) ; Bruno de Segni, Comm. in Mt., I,1-2 (Mt. 1,1.18 ; PL 165,72-75) ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt. 1,1.15-16.18 (CSCO 15, p. 32.47-51.70.72-74, trad.

78. alBêrûni, Chronologie orientalischer Völker, éd. C. Edouard Sachau, Leipzig 1876-1878, p. 22-23 ; corrections dans alBêrûni, The Chronology of Ancient Nations – an English Version of the Arabic Text of the Athâr-ul-bâkiya of Albîrûnî, or « Vestiges of the Past » –, éd. et trad. Sachau, Londres 1879, p. 374-375 ; trad., p. 25-27. 79. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, bishop of H³adatha (c. 850 A.D.), in Syriac and English, éd. et trad. Margaret dunloP GiBSon, Cambridge 1911, II, p. 20-21 ; trad., I, p. 12-13. 80. Ibid., III, p. 6, trad., I, p. 149. 81. Indépendamment de ma rapide mention de ce parallèle et de celle que j’en fais aussi dans le commentaire à ESt IV, Christophe Guignard a démontré que ce texte utilise sans aucun doute les Questions d’Eusèbe, avec des rapprochements tant avec ESt I qu’avec FSt 3-7 (GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 430-439). Sans rien enlever à l’originalité de l’analyse textuelle de Guignard ni à l’intérêt des conclusions auxquelles il parvient, je me permets de signaler que j’avais déjà clairement mentionné qu’André de Crète connaît sans aucun doute la première des Questions à Stephanos (zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 109), ce que Guignard reconnaît par ailleurs (GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 98 ; n. 391). Contrairement à ce qu’il suppose (ibid., p. 437 ; n. 13) en renvoyant à Christos Krikonis (KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, n° 219), Angelo Mai avait déjà correctement indiqué que la chaîne de Nicétas contient le passage parallèle à ESt I,11 (mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 225, n. 1 ; voir encore zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 70, 87). Je signale enfin l’existence d’un autre parallèle concernant l’ascendance davidique de Marie avec la première homélie sur la nativité de la Vierge du même André de Crète (PG 97,820C), texte que je ne trouve pas mentionné dans l’étude de Guignard (voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 500 ; zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 74). 82. Voir à ce propos Richard Simon dans PG 29,20.

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Questions et réponses sur les évangiles CSCO 16, p. 25-26.35-38.53.54-56) ; Comm. in ev. Lc. 1,27.36 ; 3,23 (CSCO 113, p. 240.252-253.308, trad. CSCO 114, p. 194.203-204.250) 83 ; Pierre le Mangeur, Hist. schol., in Ev. 3 (PL 198,1538-1539) ; Rodrigo Jiménez de Rada, Brev. hist. cath., IX,1 (éd. Fernández Valverde, CChr.CM 72B, p. 512) ; Rodolphus Ardetis, Hom. in Ep. et ev. Dom., XI (PL 155,1703-1704) ; Anselme de Laon, En. in Mt., I (Mt. 1,16 ; PL 162,1246-1247.1249-1251) ; Rupert de Deutz, Comm. in Mt., I (PL 168,1309-1310.1322-1235) ; Zacharie Chrysopolitain, In unum ex quattuor, I,5 (PL 186,71) ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,16 ; 1,17) 84 ; Albert le Grand, Super Mt. 1,16.18 85 ; Bonaventure, Comm. in Lc., III,58 86. Voir aussi Fr. in Mt., 1,16.18 (PG 106,1077C-1080A). Sauf le texte du Ps.-Origène, qui semble s’inspirer clairement du texte origénien, les autres auteurs pourraient très bien dépendre tous des Questions d’Eusèbe, y compris les auteurs qui connaissent le texte d’Origène, tels Ambroise et Jérôme 87, comme le montre l’utilisation de quelques développements propres à Eusèbe (voir commentaire à ESt I,5,69-71). D’autres textes de Didyme d’Alexandrie offrent des parallèles plus incertains. C’est le cas notamment de Comm. in Ps., 152,33-153,8 (Ps. 30,21 ; éd. Gronewald, PTA 8, p. 120), où, même si la contradiction n’est pas développée ou soulignée, Didyme relève que Jésus, « fils de l’homme », est venu à l’existence seulement par une mère. Dans deux autres textes, In Zachar., I,330 (SC 83, p. 366) et Comm. in Ps., fr. 1184 (Ps. 131,11 ; éd. Mühlenberg, PTS 16, p. 313), Didyme utilise une formule ambiguë laissant entendre que c’est à Marie qu’il faut référer l’ascendance de Jésus à Abraham et David, ce qui pourrait sous-entendre encore une fois la problématique de cette question.

83. Et aussi denyS Bar SaliBi, Comm. in ev. Lc. 1,32 ; 2,4 (CSCO 113, p. 244.268, trad. CSCO 114, p. 197.217). 84. Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentariorum, capita 1-8, éd. Johannes SPanuth, Leyde 1879, p. 4 (Mt. 1,16) ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 287-288. 85. Alberti Magni Super Matthaeum, I, éd. Bernhard Schmidt, Münster 1987 (S. Doct. eccl. Alberti Magni Opera omnia XXI/1), p. 22-23, 25-26, 28, 30, 32-33 86. Doctoris seraphici S. Bonaventurae S.R.E. episcopi cardinalis opera omnia, VII [Commentarius in evangelium s. Lucae], Ad Claras Aquas (Quaracchi-Florence) 1895, p. 85-86. 87. La connaissance directe du texte eusébien par Ambroise et l’utilisation des Questions dans son commentaire sur Luc ne font pas de doute ; voir la liste des parallèles de H. crouzel, F. fournier, P. Périchon, SC 87, p. 563-564, ainsi que les études d’Hervé Savon, « Ambroise lecteur d’Origène », dans L. F. Pizzolato, m. rizzi (éd.), Nec timeo mori. Atti del Conngresso internazionale di studi ambrosiani nel XVI centenario della morte di sant’Ambrogio, Milano, 4-11 aprile 1997, Milan 1998 (SPMed 21), p. 221-234, ici p. 228-231 et de Jean-Noël Guinot, « L’exégèse ambrosienne des apparitions pascales (Lc. 24) », Aug. 30 (2000), p. 145-172, ici p. 147-148. En sens contraire, voir Celestino corSato, La Expositio euangelii secundum Lucam di sant’Ambrogio. Ermeneutica, simbologia, fonti, Rome 1993 (SEAug 43), qui se limite à une remarque très générale concernant ce rapport, en privilégiant les parallèles entre Ambroise et Origène (voir par exemple p. 69-72, 183-184, 186-192, 287) ; la même démarche se retrouve aussi dans les observations de Charles W. neumann, The Virgin Mary in the Works of Saint Ambroise, Fribourg 1962 (Par. 17), par exemple p. 82-85. Sur la connaissance directe d’Origène de la part de Jérôme, voir aussi commentaire à ESt I,6,76.

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ESt I L’ascendance davidique de Marie L’idée que Marie descend de la famille de David, outre les quelques témoignages précédant Eusèbe (mentionnés dans le commentaire à I,10,210-211) et quelques-uns des textes parallèles que je viens de citer, se retrouve aussi chez beaucoup d’auteurs postérieurs à Eusèbe 88. Voir Ambroise de Milan, De patriarchis, IV,19 (CSEL 32/1, p. 135) 89 ; De spiritu Sancto, II,5,38 (CSEL 79, p. 101) ; Ambroise de Milan (?), De apol. proph. David secunda, V,28 (CSEL 32/2, p. 376) ; Ambrosiaster, Quaest. Vet. et Novi Test., 3,4 ; 44,13 ; 86 (éd. Souter, CSEL 50, p. 10.23.79.147) ; Ep. Paul. ad Rom., 15,12 (CSEL 81/1, p. 462 et 463) ; Eucher de Lyon, Instr. ad Salonium, I,2 (PL 50,796C-D) ; Épiphane de Salamine, Anc., 60,2-3 (éd. Holl, GCS 25, p. 71), Pan., LXXVII,13,1 ; LXXVIII,17,8 (éd. Holl, GCS 37bis, p. 427.468) ; Cyrille de Jérusalem, Cath. prebapt., XII,23 ; Théodore d’Héraclée, Frag. in Mt, 1.5 (Mt. 1,16 ; éd. Reuss, TU 61, p. 55.57-58 90) ; Ps. Hippolyte de Thèbe, fr. XVIIIa/b (éd. Diekamp 1898, p. 50-51) 91 ; Jacques d’Édesse, Ep. de genealogia Virg., 2-6 92 ; Bède le Vénérable, In Lc. exp., I (3,23-24 PL 92,361) ; André de Crète, Hom., I (PG 97,820C) ; II (PL 97,821.824.848) ; III (PL 97,845.852-853) ; [V] (PL 97,885.900.904) ; VI (PG 97,916B-C) ; Épiphane le moine, Sermo de vita sanctiss. Deiparae et de ipsius annis [Sermo XLI,1-2] (PL 120,188B-189C) ; Anselme de Canterbury, Hom., VIII (PL 158,632D-633A) ; Genealogia Virginis Georgice, 7-8 93 ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt. 1,15 (texte CSCO 15, p. 51, trad. CSCO 16, p. 37-38) ; Geoffrey d’Admont, Hom. fest., II ; XXVII (PL 174,640.749-750) ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 31, art. 2 94.

88. Sont ici repris les passages parallèles déjà signalés dans le paragraphe précédent, lorsqu’ils témoignent de la tradition concernant l’ascendance davidique de Marie. De cette liste sont exclus les textes qui attribuent de quelque manière l’une des généalogies de Joseph à Marie, comme semble le faire par exemple Didyme d’Alexandrie dans deux textes mentionnés (In Zachar., I,330 et Comm. in Ps., fr. 1184). Sur l’utilisation des généalogies de Joseph en référence à Marie, voir les remarques et la liste des textes anciens préparées par Theodor zahn, Forschungen zur Geschichte des neutestamentlichen Kanons und der altkirchlichen Literatur, Leipzig 1900, p. 265-269, et Das Evangelium des Lukas, éd. T. zahn, Leipzig-Erlangen 1920 (KNT 3), p. 210-211, n. 83. 89. Le texte précise que Marie provient « de domo et patria Dauid », ce qui rappelle tant Eusèbe qu’Origène. 90. Voir GCS 41/1, fr. 13/II in app., p. 21. 91. Voir Michel van eSBroecK, « “Généalogie de la Vierge” en géorgien », AnBoll 91 (1973), p. 347-356, ici p. 349-350 et François halKin, Novum Auctarium Bibliothecae Hagiographicae Graecae, Bruxelles 1984 (SHG 65), n° 2202c. Le même texte grec est reproduit dans la Genealogia Iosephi et Mariae : voir François halKin, « Une généalogie de saint Joseph », AnBoll 87 (1969), p. 372. 92. François nau (éd.), « Lettre de Jacques d’Édesse sur la généalogie de la sainte Vierge [I] », ROC 6 (1901), 512-531, p. 518-522 ; trad., ibid., p. 523-530. 93. van eSBroecK (éd.), « “Généalogie de la Vierge” en géorgien », p. 352. 94. S. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, XI. Tertia pars Summae theologiae, commentaire de Thomas Caietan (Tommaso de vio), Rome 1903, p. 321, p. 322-323.

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Questions et réponses sur les évangiles Cette information se trouve aussi dans une source utilisée par Ps.-Andronic Comnène, Dial. contra Judeos, 37-38 (PG 133,859-860D) 95. D’autres attestations sont celles de l’une des traditions textuelles des Toledot Yeshu 96, et de deux textes apocryphes slaves sur la Vierge, signalés et traduits par Michel Van Esbroeck 97. Le cas de FSt 14 Le FSt 14 a été publié par Angelo Mai à partir d’une chaîne vaticane inédite (sans plus de précisions) 98 en tant que fragment d’une autre version de ESt I,11. Ce texte introduit un thème majeur dans la discussion qui ne se trouve pas dans la tradition de notre ἐκλογή et que j’ai exposé dans la liste des parallèles (cf. p. 40-41) ; en plus de la contradiction posée par Lc. 1,5 et 1,36, il permet aussi de montrer comment l’économie divine a pu attester que le Christ était à la fois roi et grand-prêtre en utilisant cette contradiction. Il s’agit d’une argumentation proche de celle qu’on retrouve en ESt IV,1, un extrait de la Lettre à Aristide de Julius Africanus. Martin Routh fut le premier à attirer l’attention sur l’importance du témoignage des questions eusébiennes pour le texte de la lettre de Julius Africanus 99 et c’est sans doute à partir de ses remarques que Friedrich Spitta 100 s’occupe des questions d’Eusèbe, en prenant aussi en compte le FSt 14, qui lui semble non pas un parallèle à ESt I,11 comme le croyait Mai, mais plutôt un parallèle à ESt IV : selon Spitta, l’attribution à Eusèbe de FSt 14 n’est pas de l’auteur de la chaîne et, surtout, elle n’est pas acceptable, puisque ce texte doit provenir plutôt de la Lettre à Aristide de Julius Africanus 101; voilà pourquoi il l’utilise dans les paragraphes 5-6 de son édition de la lettre 102. La thèse de Spitta a été fort discutée par la suite, comme le montre l’analyse de la littérature critique maintenant proposée par Christophe Guignard 103, mais elle n’a pas de véritables arguments probants en sa faveur et, comme l’a montré déjà très bien Walther

95. Éd. partielle dans Franz dieKamP, Hippolytos von Theben, Texte und Untersuchungen, Münster 1898. p. 47-48 ; voir aussi van eSBroecK, « “Généalogie de la Vierge” en géorgien », p. 350. 96. Samuel KrauSS (éd.), Das Leben Jesu nach jüdischen Quellen, Berlin 1902, p. 67, trad. p. 91 ; voir norelli, L’Ascensione di Isaia, p. 121, n. 228. Voir aussi la nouvelle édition de Michael Meerson et Peter Schäfer, notamment la recension du Group II, Italie A, 1a, fol. 3r,39 du ms. de Leipzig, Universitätsbibliothek, B.H. 17 (TSAJ 159, vol. I, p. 237 et vol. II, p. 135-138.145). 97. van eSBroecK, « “Généalogie de la Vierge” », p. 349-350 (je n’ai pas eu accès à l’édition utilisée par Van Esbroeck). 98. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 83-84. 99. Martin J. routh (éd.), Reliquiae sacrae, sive Auctorum fere jam perditorum secundi tertiique saeculi post Christum natum quae supersunt, II, Oxford 1846, p. 331. 100. SPitta, Der Brief des Julius Afrikanus an Aristides, p. 46. 101. Ibid., p. 46-53. 102. Ibid., p. 108-109. 103. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 355-360 (voir aussi p. 234-235, 239-242, 270-271).

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ESt I Reichardt 104, on ne peut pas l’accueillir 105. Reichardt considère que l’attribution à Eusèbe de ce fragment proposée par la chaîne doit être un ajout erroné 106. Dans mon travail de 2003, j’avais défendu l’hypothèse que la première partie de ce fragment avait cependant toutes les chances d’être un texte d’origine authentiquement eusébienne, parce qu’elle semble bien être un résumé parallèle à ESt I,11 ; en m’exprimant ainsi, je voulais évidemment dire que le contenu du fragment pouvait reproduire celui du texte eusébien, mais certainement pas dans la forme qu’Eusèbe avait rédigée, et j’avançais ensuite l’argument que c’était la citation de Rm. 9,3, ainsi que son contexte, qui indiquaient cette origine eusébienne 107. Cette hypothèse n’a apparemment pas trop convaincu Christophe Guignard, qui n’a pas pris en compte cet argument 108 : il penche plutôt pour une origine non eusébienne de la totalité de FSt 14, tout en admettant que la première partie du fragment puisse être attribuée à Eusèbe parce que son contenu correspond à celui d’ESt I,11 109. Mais il préfère une autre hypothèse : l’attribution à l’évêque de Césarée serait un ajout d’un lecteur au manuscrit de la chaîne qui contient ce fragment, qui devait être anonyme (ce lecteur, ayant reconnu dans la première partie du fragment une explication correspondant à celle d’Eusèbe, y aurait alors ajouté l’attribution) 110. Or, il s’agit d’une conclusion plausible et intéressante tout comme l’analyse qui la précède, mais je dois remarquer qu’elle finit par rejoindre la mienne (la première partie est un texte qui semble être d’origine eusébienne quant au contenu), sans que Guignard tire aucun profit de l’argument que j’avais avancé, à savoir la présence de la citation de Rm. 9,3. Comme je l’ai signalé plusieurs fois 111, l’usage de cette citation dans un tel contexte, attestée en ESt I,11 comme en FSt 14 112, pointe directement vers Origène, Comm. in Rm., I,7, ce qui

104. reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus an Aristides und Origenes, p. 36-42. 105. C’est également la conclusion de l’analyse de GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 270-271, 355-364. 106. reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus an Aristides und Origenes, p. 37-38. 107. zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 85. 108. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 239, n. 38. En rapportant le texte de ESt I,11 (ibid., p. 239), Guignard arrive même à retrancher la citation de Rm. 9,3-4, exactement comme l’avait fait reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus an Aristides und Origenes, p. 37-38, n. 3. 109. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 241 (voir aussi ibid. p. 270-271). 110. Ibid., 241-242. Cette conclusion se fonde sur une remarque concernant le début du fragment, qui introduit cette explication en l’attribuant à un auteur anonyme, usage qui est étranger aux Questions eusébiennes, comme nous le montre l’ἐκλογή (ibid., 239-240) : il s’agit d’une remarque pertinente à laquelle je souscris de plein gré, mais c’est aussi un des indices qui m’avaient poussé à considérer ce texte comme une tradition remaniée des Questions. 111. Voir supra l’introduction au commentaire de cette question, ainsi que le commentaire à ESt I,10,211-223 et l’introduction au commentaire de ESt I,11. 112. Je ne vois pas une véritable référence à Rm. 9,3s dans le fragment de Sévère d’Antioche concernant Lc. 1,36, ni dans sa version syriaque de Jacques d’Édesse (Hom. cath., 63), comme le dit GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 232 (sur ces textes, voir ibid., p. 232-234, 445-445), même si un tel emploi ne changerait pas l’hypothèse concernant une origine origénienne de cette explication : au contraire, il la renforcerait.

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Questions et réponses sur les évangiles est d’ailleurs parfaitement admis par Guignard aussi 113. Cette citation montre que cette première partie de FSt 14 peut donc très bien être une réélaboration de ce passage des questions eusébiennes, ou alors remonter à la source commune origénienne qu’on a mentionnée (le texte de Comm. in Rm., I,7, ou le texte plus développé qu’Origène y signale mais dont on n’a pas de trace). Ce qui est certain est que la deuxième partie de FSt 14 n’a pas de parallèle évident dans d’autres parties des Questions (du moins à l’exception de FSt 8 114), et certainement pas dans l’ἐκλογή, et que cette seconde partie du fragment pourrait être rapprochée au texte que Julius Africanus réfute en ESt IV,1. De ce fait, ce n’est sans doute pas un hasard si Spitta reproduit seulement la partie finale de FSt 14 dans son édition 115, et si Reichardt, en reproduisant le texte du fragment, retranche de la première partie la citation de Rm. 9,3, qui se trouve aussi en ESt I,11 116. En 2003, j’avais proposé deux solutions pour expliquer la provenance de la deuxième partie de FSt 14 ; ma première hypothèse supposait qu’elle avait été empruntée à un autre auteur par le compilateur de la chaîne (ou, j’ajouterais maintenant, à une source intermédiaire) et cette hypothèse est si plausible que le contenu de cette partie du fragment se retrouve chez plusieurs auteurs chrétiens qui se sont occupés du problème de la parenté entre Marie et d’Élisabeth 117 : l’auteur de ce fragment dans sa forme actuelle aurait pu simplement tirer cet argument de l’un d’eux 118. C’est en somme l’hypothèse qui sera suivie et considérablement élaborée avec l’analyse de quelques-uns de ces parallèles par Christophe Guignard 119. À cette hypothèse, j’en ajoutais une deuxième, que j’estimais alors plus plausible, à savoir que cette deuxième partie du texte provienne aussi, d’une manière ou d’une autre, des Questions, étant donné qu’on peut admettre que le début du fragment provient de cette œuvre : j’envisageais dans ce cas plusieurs possibilités, soit ce texte provenait de l’une

113. Cité dans mon commentaire à ESt I,10,211-223, p. 72-73. 114. Je reviendrai sur cette proximité entre FSt 14 et FSt 8, que je signalais déjà en 2003 (zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 85). 115. SPitta, Der Brief des Julius Afrikanus an Aristides, p. 47-48. 116. reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus an Aristides und Origenes, p. 37-38, n. 3 (ainsi aussi GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 239). 117. J’en mentionnerai plusieurs à la fin de ce paragraphe (voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 75) ; ils sont maintenant aussi repris et commentés par GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 229-244, qui en ajoute aussi quelques-uns. 118. zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 85-86. Je n’ai par contre jamais prétendu que cette partie de FSt 14 pouvait provenir d’une autre œuvre d’Eusèbe (ainsi GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 239, n. 38). Guignard remarque très correctement que deux solutions distinctes sont présentées dans celle que j’appelle encore deuxième partie et qui correspond aux paragraphes (b) à (f) de sa division, alors que son paragraphe (a) correspond toujours à celle que j’appelle première partie (voir ibid., p. 234-235). 119. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 239-242 ; Guignard oublie toutefois de mentionner que je considérais parfaitement plausible cette hypothèse et que j’utilisais aussi le même argument concernant les parallèles au texte du FSt 14 pour la fonder.

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ESt I des questions d’Eusèbe (et il fallait voir de laquelle), soit il provenait de l’extrait de Julius Africanus qu’il cite (et il fallait voir de quelle manière). En ce qui concerne la première possibilité, j’estimais peu probable que cette deuxième partie de FSt 14 puisse provenir de cette première question 120 ; il me semblait plus vraisemblable qu’elle provienne d’une autre question d’Eusèbe, puisqu’elle traite d’arguments proches de ceux qu’il avancera dans quelques passages de questions suivantes, que j’identifiais notamment dans l’extrait de Julius Africanus en ESt IV,1 (deuxième possibilité) ou alors en ESt II,5 ou ESt III,3.5. Dans le cas de la lettre de Julius Africanus, j’imaginais qu’un passage de cette lettre aurait pu inspirer le discours qu’Eusèbe tient dans cette deuxième partie de FSt 14 (en me plaçant donc, même avec beaucoup de différences, dans la lignée de Spitta que je venais de contredire) ; le plus remarquable en tout cas pour moi était que la partie propre à FSt 14 (deuxième partie du fragment) n’aurait pas appartenu à cette première question d’Eusèbe 121. Cette hypothèse trouve un appui important dans le rapprochement entre FSt 14 et FSt 8 (qui est un texte parallèle à ESt IV,1), car ces deux extraits introduisent l’argument d’une origine sacerdotale et royale de Jésus en rappelant le mariage d’Aaron avec Élisabeth, de la tribu de Juda 122. Si l’attribution et l’authenticité de FSt 14 sont difficiles à cerner, celles du FSt 8 (texte provenant de la chaîne de Nicétas) sont beaucoup plus certaines, en remontant, sinon à Eusèbe, directement à Julius Africanus 123. Comme on le voit clairement, il s’agit cependant de suppositions fondées en bonne partie sur le silence des sources, et c’est pourquoi j’avais évité de prendre une position tranchée sur ces hypothèses 124. Maintenant Christophe Guignard, ayant préféré la toute première hypothèse, comme je l’ai dit, a exclu que cette partie du texte soit attribuable à Eusèbe ou plus ou moins directement à Julius Africanus, comme le montre pour lui la proximité d’autres parallèles au contenu de cette partie du fragment 125. L’étude textuelle qu’il propose ici est tout à fait remarquable, et l’ensemble des arguments qu’il apporte ainsi que son analyse me font maintenant pencher vers une hypothèse que j’avais sous-estimée et qu’il a maintenant si bien développée et défendue 126. Ceci dit, j’avoue que je ne trouve

120. Je tendais à exclure une telle provenance parce que cette option prévoit que l’auteur du FSt 14 ait eu à sa disposition un texte d’Eusèbe plus complet que l’ἐκλογή et qu’il ait décidé de conserver cette partie, tandis que l’auteur de l’ἐκλογή aurait décidé d’opérer exactement ici une coupe très importante (alors qu’il ne semble avoir guère abrégé cette question par ailleurs) ; en outre aucune autre tradition textuelle ne concorde sur ce point avec FSt 14. 121. zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 86. 122. Ibid., p. 85, où l’attribution de cette comparaison entre FSt 14 et ESt IV,1/FSt 8 à Routh est le fruit d’un refus (j’en suis évidemment le responsable, tant du refus que de la comparaison). 123. Ce qui n’est bien entendu jamais mis en cause par Guignard (voir par exemple, GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 355-356). 124. Ce qui est correctement signalé par Guignard (ibid., p. 239, n. 38), même si cela n’exclut certainement pas que je penchais très clairement en faveur d’une hypothèse précise (la deuxième partie provient aussi des Questions eusébiennes). 125. Ainsi GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 240-242. 126. Contra l’autre hypothèse que je préférais alors mais qui garde un défaut majeur : comme je le signalais en 2003, il n’existe aucun parallèle eusébien pour cette deuxième partie de FSt 14.

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Questions et réponses sur les évangiles pas plus d’arguments dans son analyse que je n’en trouvais dans la mienne pour trancher d’une manière définitive : les rapports textuels qu’il a pu distinguer ne suffisent pas selon moi pas à définir avec certitude la généalogie de FSt 14 et surtout à en exclure une origine eusébienne plus ou moins indirecte 127. En examinant cette difficulté maintenant, il convient encore ne pas sous-estimer l’apport que peut fournir le rapprochement de FSt 14 avec les textes d’Origène car, si on accepte l’hypothèse que l’alexandrin est bien à l’arrière-plan de ESt I,10-11 128, il est aussi parfaitement plausible que FSt 14 provienne d’Origène. L’anonymat de l’explication qui ouvre le fragment pourrait dans ce cas cacher son nom pour des raisons évidentes liées à la controverse origénienne 129, mais il ne s’agit que d’une autre hypothèse que je ne peux pas démontrer. Quant à la deuxième partie du texte, le même rapprochement m’amène à bien plus de prudence car l’hypothèse qu’Origène soit la source de l’ensemble des parallèles à la deuxième partie du fragment n’a aucun argument tranchant par rapport à l’explication de Guignard (cf. infra, p. 72-73). Les parallèles à la partie propre à FSt 14 En ce qui concerne le contenu propre du FSt 14, l’explication proposée pour mettre en lien les tribus de Juda et de Lévi (à savoir qu’elles avaient été unies à partir déjà d’Aaron et sa femme) se retrouve aussi par exemple chez Épiphane de Salamine, Pan. LVIII,13,5-6 (GCS 37bis, p. 464) ou chez Grégoire de Nazianze, Carm. I,1,18,36-59 (PG 37,483-485). Le dossier des parallèles à FSt 14 apparaît maintenant élargi par l’étude que Christophe Guignard a dédiée aux parallèles à la Lettre à Aristide de Julius Africanus 130. Une explication analogue avait également été proposée par Hippolyte, In Dan., I,13,1-8 (GCS, NF 7,38-32 [= In Dan., I,12,1-9, SC 14,90-94]), pour lequel toutefois cette liaison de tribus se produisit plutôt avec un autre ancêtre de Jésus, le dernier roi de Juda, Joiaquim (Joachim ou Jéchonias), qui est reconnu comme le mari de Suzanne (Dn. 13,1-2,29), à son tour identifiée comme fille du prophète Helkias et

127. Comme je l’ai signalé plus haut, j’avais aussi travaillé sur la même hypothèse en me fondant sur des arguments équivalents, quoique sans conduire l’analyse détaillée de Guignard, et il me semble toujours parfaitement possible que tous ces parallèles puissent provenir d’Eusèbe, car ils sont tous postérieurs (et pour plusieurs d’entre eux il s’agit de textes qui connaissaient les questions eusébiennes), du moins si on exclut Julius Africanus (ce que fait aussi Guignard) et si on ne propose pas l’hypothèse d’une dérivation origénienne (ce que Guignard, probablement à tort, n’invoque pas), sur laquelle je reviendrai. 128. Commentaire à ESt I,10,211-223. 129. À remarquer que Guignard propose toutefois une hypothèse qui explique également l’attribution anonyme de la première partie du fragment, sans tenir absolument compte d’Origène (GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 240). 130. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 229-244 (une bonne partie des références de Guignard est aussi dans mon commentaire à cette question et à ESt IV). Je signale en particulier son analyse ponctuelle des rapports entre Épiphane de Salamine, Pan. LVIII,13,5-6 et FSt 14 (ibid., p. 240-241 et voir aussi p. 231-232), où il établit que les deux textes ont une origine commune (le texte d’Épiphane ayant utilisé un texte proche de FSt 14).

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ESt I soeur du prophète Jérémie, appartenant à la tribu sacerdotale d’après Jr. 1,1. Comme l’avait bien vu Joseph Scaliger, cité par Martin Routh 131, les rapports de parenté proposés par Hippolyte ne sont pas vérifiables dans les textes bibliques (même si des sources tierces avaient été évidemment en mesure de les attester, en suivant les remarques de Maurice Lefèvre 132 ). En ce qui concerne enfin le développement sur la descendance divine et sacerdotale de Jésus seulement, beaucoup d’autres parallèles patristiques existent, parmi lesquels par exemple Augustin, De cons. ev., II,2,4 ; De divers. quaest. LXXXIII, 61,2 (qui explique de la même manière la proximité entre Marie et Élisabeth), Théodore de Mopsueste, Fr. in Mt., 6 (Mt. 2,1 ; TU 61, p. 98) et d’autres (voir infra, commentaire à ESt IV). I,1 Comme l’a remarqué Lorenzo Perrone, le premier paragraphe de cette question développe et articule l’aporie selon un schéma classique du genre littéraire des questions et réponses : comme cette démarche ne sera plus mise en œuvre dans la suite du texte, sauf pour ESt II,1, il est vraisemblable que plusieurs autres questions aient eu des développements semblables, et que leur suppression soit attribuable à l’auteur de l’ἐκλογή 133. Le cas du FSt 2, parallèle à Est III,1-2 (sur lequel voir commentaire ad loc.), semble étayer cette hypothèse. 3-4. πόθεν τὸν Χριστὸν ὡς υἱὸν Δαβὶδ γενεαλογοῦσι, κτλ. Eusèbe se réfère ici plutôt au texte de Mt. 1,1 (βίβλος γενέσεως Ἰησοῦ Χριστοῦ υἱοῦ Δαυίδ), qu’à Lc. 1,27 (Ἰωσὴφ ἐξ οἴκου Δαυίδ), car c’est le texte de Matthieu qui lie la mention de la descendance davidique à la rédaction de la généalogie, alors que Luc ne le fait pas ouvertement (Luc n’utilise même pas le verbe γενεαλογέω, comme on le voit aussi dans FSt 1) 134. Cette différence entre les deux généalogies avait déjà été remarquée par Origène, Hom. in Lc., XXVIII,3-4 135.

131. routh, Reliquiae sacrae, II, p. 326. 132. Le dossier est maintenant à nouveau discuté par GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 330-331, 345 sqq. et 377 sqq. 133. Voir à ce propos Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 423-425. Puisque ces développements contiennent parfois la numérotation de la question, il est plausible qu’ils aient été éliminés aussi parce que la numérotation de l’ἐκλογή avait changé avec l’introduction du fragment de la Lettre à Aristide de Julius Africanus comme question à part entière (voir à ce propos les considérations de GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 49). 134. Voir aussi, à ce propos, le commentaire à ESt II. 135. Voir le commentaire à ESt III.

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Questions et réponses sur les évangiles I,2 19-20. πρὸς ὠφέλειαν, κτλ. Le principe de l’« utilité » de l’économie qui se déploie dans l’œuvre de Dieu vient d’Origène, jusque dans les termes mêmes (voir par exemple Origène, De princ., III,1,17 136). 22-23. καὶ ἐντεῦθεν ἀπάρχεται, κτλ. Dans les synoptiques, qui relatent l’épisode du baptême, il y a cependant d’abord l’épisode des tentations au désert (Mt. 4,1-11 ; Mc. 1,12-13 ; Lc. 4,1-13) ; voir ESt I,3,37-39. 25. οὐδεμία ἱστορία δηλοῖ. En réalité, même en excluant Lc. 2,41-52, plusieurs textes décrivant la vie de Jésus avant son ministère public existent, comme l’Histoire de l’enfance de Jésus, connue aussi sous le titre d’Évangile de l’enfance selon Thomas 137, c’est pourquoi Eusèbe précise ἀπό τινος θείας γραφῆς, en écartant implicitement tout texte n’ayant pas le statut de canonicité dans l’Église. Le fait que le texte oublie l’épisode de Luc susmentionné est un autre indice qu’Eusèbe se réfère au texte de Matthieu en écrivant son commentaire (voir note à I,1,3-4). 30-31. ἄνευ τῆς τοιᾶσδε παραινέσεως τὰ θαυμάσια κατειργάζετο. Il en est ainsi dans la large majorité des cas : voir Mt. 8,5-17.28-34 ; 9,2-8.18-26.32-34 ; 12,10-13 ; 14,14-36 ; 15,22-38 ; 17,14-18 ; Mc. 1,23-34.39 ; 2,3-12 ; 3,1-5 ; 5,2-16.25-34 ; 6,34-56 ; 7,25-30 ; 8,1-9 ; 9,14-27 ; 10,46-52 ; Lc. 4,33-40 ; 5,17-25 ; 6,6-10.18-19 ; 7,2-17 ; 8,23-39.43-48 ; 9,11-17.28-43 ; 13,10-13 ; 14,2-4 ; 17,12-14 ; 18,35-43 ; Jn. 2,1-11 ; 4,19-30.39-42.46-54 ; 5,2-9 ; 6,2-13.19-20 ; 9,6-7 ; 11,11-44. 31-32. τῶν σεσιγῆσθαι, κτλ. Même en acceptant l’hypothèse selon laquelle l’épisode de la visite des Mages en Mt. 2 ne se réfère pas au moment de la naissance (voir ESt XVI,3), il semble difficile de lire Lc. 2 en soutenant qu’il y aurait eu une volonté de garder le mystère à propos de la naissance de Jésus. C’est probablement pourquoi Eusèbe corrige tout de suite : οὐδενὸς τῶν καθ’ ὃν ἐνηνθρώπησε χρόνον, κτλ. (l. 33-34). Il s’agit toutefois d’une considération qui ne semble pas apporter d’arguments en relation à la question posée, mais qui sert plutôt à montrer l’idée générale d’un dévoilement pédagogique de l’économie des faits rapportés par l’évangile (l’ὠφέλεια origénienne). Cette explication va se développer dans les paragraphes 3 à 9, et c’est seulement ensuite qu’Eusèbe reviendra à la question effectivement posée. I,3 36-37. δεύτερος γεγονὼς μετὰ τοὺς ἀποστόλους ἐπίσκοπος. Concernant la succession épiscopale d’Antioche, nos sources principales sont en partie contra-

136. Il s’agit de l’un des caractères principaux de l’Écriture selon l’exégèse origénienne, comme le remarque Simonetti, Lettera e/o Allegoria, p. 79, et id., « Scrittura sacra », dans A. Monaci caStaGno (éd.), Origene. Dizionario, la cultura, il pensiero, le opere, Rome 2000, p. 424-437, ici p. 429. 137. Pour d’autres textes de ce type, voir CPG n° 50-60.

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ESt I dictoires 138, mais on peut en retracer l’histoire avec quelque vraisemblance 139. L’un des témoignages anciens les plus importants à propos de l’épiscopat d’Ignace est celui d’Origène, Hom. in Luc., VI,4, selon lequel Ignace est « episcopum Antiochiae post Petrum secundum » 140, ou, dans un fragment de l’original grec μετὰ τὸν μακάριον Πέτρον τῆς Ἀντιοχείας δεύτερον ἐπίσκοπον 141. Eusèbe suit peut-être cette tradition dans l’Histoire ecclésiastique : Ἰγνάτιος, τῆς κατὰ Ἀντιόχειαν Πέτρου διαδοχῆς δεύτερος τὴν ἐπισκοπὴν κεκληρωμένος 142 et dans le Chronicon : « Antiochiae secundus episcopus ordinatur Ignatius » 143. Avec l’appui d’Origène, on interprète cette Πέτρου διαδοχή dans le sens que, d’après Eusèbe, Ignace se présenterait comme le deuxième évêque d’Antioche après Pierre 144, mais 138. Sur l’ensemble des sources, dont on mentionnera dans un instant les témoins principaux, on verra les recherches menées notamment par Theodor Zahn : Ignatii et Polycarpi Epistulae, Martyria, Fragmenta, éd. T. zahn (= Patrum apostolicorum opera, éd. O. de GeBhardt, a. von harnacK, t. zahn, II), Leipzig 1876, p. 261-262 ; Joseph B. liGhtfoot, The Apostolic Fathers. Revised Texts with Introductions, Notes, Dissertations, and Translations, II/1, Londres-New York 1889, p. 135-232 ; Adolf von harnacK, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, II. Chronologie der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, 1. Die Chronologie der Litteratur bis Irenäus nebst einleitenden Untersuchungen, Leipzig 1897, p. 118-129, 208-213 et Franz X. funK (éd.), Patres Apostolici, I, Tübingen 1901, p. LV. 139. J’ai commenté ce passage dans mon étude « Eusebius’ exegesis between Alexandria and Antiochia: being a scholar in Caesarea », p. 158-162 ; les conclusions de cette étude ont été essentiellement suivies par Bhola, « Dating Eusebius’ Quaestiones ad Stephanum », p. 169, n. 52 et rejointes (et considérablement élargies) par l’étude d’Enrico norelli, « La testimonianza di Origene su Ignazio di Antiochia », dans A. BaStit-KalinoWSKa, A. carfora (éd.), Vangelo, trasmissione, verità. Studi in onore di Enrico Cattaneo nel suo settantesimo compleanno, Trapani 2013 (Oi christianoi – Nuovi studi sul cristianesimo nella storia 15), p. 169-182. Norelli analyse aussi les témoignages anciens sur Ignace dans son commentaire sur Ignace, actuellement sous presse (voir ibid., p. 174, n. 13 ; iGnazio di antiochia, Le lettere, éd. et trad. norelli, Milan, sous presse) ; dans la section 2.2 de l’introduction, qu’il a eu l’amabilité de m’envoyer, il propose entre autres une analyse ponctuelle des textes origéniens et eusébiens très riche et complète, dont je n’ai pu tenir compte pour ce commentaire. Je peux cependant signaler que son intéprétation du témoignage eusébien et de ses rapports avec celui d’Origène se situe dans la même ligne que l’interprétation que j’en donne, comme le montrent aussi son article (norelli, « La testimonianza di Origene su Ignazio di Antiochia », p. 175, n. 15), et mon « Eusebius’ exegesis between Alexandria and Antiochia: being a scholar in Caesarea », p. 160-161). 140. Éd. crouzel, fournier, Périchon, SC 87, p. 144. 141. Éd. rauer, GCS 49, p. 34. Sur ces deux textes, sur leur contexte origénien immédiat et sur leurs variantes, on verra le commentaire de norelli, « La testimonianza di Origene su Ignazio di Antiochia », p. 169-180. Norelli, qui démontre notamment que le texte est certainement d’Origène (ibid., p. 173, n. 12), en dépit des réserves de Robert Joly, Le dossier d’Ignace d’Antioche, Bruxelles 1979, p. 99, et de Thomas lechner, Ignatius Adversus Valentinianos? Chronologische und theologiegeschichtliche Studien zu den Briefen des Ignatius von Antiochien, Leyde-BostonCologne 1999 (SVigChr 47), p. 72-73. 142. Hist. eccl., III,36,2 (éd. Bardy, SC 31, p. 147). 143. Chronic., a. CCXII Olymp. (éd. helm, GCS 24, p. 186 ; rééd., GCS 47, p. 186) ; on verra aussi ibid., a. CCXXI Olymp. (éd. helm, GCS 24, p. 194-195 ; rééd., GCS 47, p. 194-195). 144. Ainsi par exemple Camelot, dans l’introduction à iGnace d’antioche, PolycarPe de Smyrne, Lettres ; Martyre de Polycarpe, éd. et trad. Pierre T. camelot, Paris 1969 (SC 10), p. 9-10 et Norelli dans Claudio moreSchini, Enrico norelli, Storia della letteratura cristiana antica greca

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Questions et réponses sur les évangiles cette expression d’Eusèbe pourrait aussi être entendue comme une périphrase pour indiquer la dignité épiscopale, étant donné qu’Eusèbe lui-même, en Hist. eccl., III,22, affirme ouvertement qu’Ignace fut le deuxième évêque d’Antioche à la suite d’Evodius (mentionné comme premier évêque de la ville aussi dans le Chronicon) 145 ; Eusèbe n’a donc probablement jamais pensé que Pierre ait été le premier évêque d’Antioche, à moins de ne pas supposer, avec Walter Bauer 146, qu’il utilise deux sources différentes sans trop relever la contradiction, ce qui ne semble pas très convaincant, comme le relève aussi Enrico Norelli 147. Eusèbe connaît évidemment la tradition origénienne et s’efforce de ne pas la contredire, mais il semble clairement lui préférer l’autre tradition, qu’il doit juger authentique et qu’il apprenait probablement par Julius Africanus 148. À moins de supposer que la tradition faisant de Pierre le premier évêque d’Antioche soit une tradition secondaire, tout comme celle qui voit en Ignace son successeur direct 149. Le passage de Jérôme en De vir. ill., 16,1, n’est évidemment qu’un essai d’harmoniser ces deux traditions : « Ignatius, Antiochenae ecclesiae tertius post Petrum apostolum episcopus » 150. Jérôme connaissait le texte d’Origène et les passages du Chronicon eusébien pour les avoir traduits en latin ; il connaissait aussi Hist. eccl., III,36,2, comme le prouve son utilisation de deux des citations d’Ignace faites par Eusèbe 151 ; mais, puisqu’il ne suit pas exactement ces passages eusébiens, il a aussi évidemment à l’esprit la tradition d’Hist. eccl., III,22. Du reste, d’autres témoignages anciens tentent d’harmoniser les deux traditions,

145.

146. 147.

148. 149. 150. 151.

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e latina, I, Brescia 1995 (Letteratura cristiana antica. Strumenti), p. 166 ; Norelli change d’avis par la suite, voir norelli, « La testimonianza di Origene su Ignazio di Antiochia », p. 175, n. 15. Chron., a. CCV Olymp. (éd. helm, GCS 24, p. 179 ; rééd., GCS 47, p. 179) ; dans ce passage, tout en affirmant qu’Evodius en est le premier évèque, Eusèbe affirme que la première église d’Antioche a été fondée par Pierre. Evodius est nommé entre autres dans les lettres interpolées d’Ignace d’Antioche, Philad., 4, et Antioch., 7, ainsi que dans le martyre romain d’Ignace, Mart. Ign., I (textes édités par zahn, Ignatii et Polycarpi Epistulae, Martyria, Fragmenta, p. 234, 260, 207), et Diekamp dans F. X. funK, F. dieKamP, Patres Apostolici, II, Tübingen 1913, p. 176, 218, 341. En dépit de ces attestations, Evodius demeure un personnage peu connu, sur lequel voir norelli, « La testimonianza di Origene su Ignazio di Antiochia », p. 178-179 et Roger auBert, « Evodius, Εὔοδιος, premier évêque d’Antioche », DHGE XVI, Paris 1967, p. 133 Walter Bauer, Rechtgläubigkeit und Ketzerei im ältesten Christentum. Zweite, durchgesehene Auflage mit einem Nachtrag, éd. G. StrecKer, Tübingen 1964 (BHTh 10), p. 119-120. Enrico norelli, « Ignazio d’Antiochia combatte veramente dei cristiani giudaizzanti ? », dans G. filoramo, c. Gianotto (éd.), Verus Israel. Nuove prospettive sul giudeocristianesimo. Atti del Colloquio di Torino (4-5 novembre 1999), Brescia 2001 (Biblioteca di cultura religiosa 65), p. 220-264, ici p. 259, n. 93 ; ensuite id., « La testimonianza di Origene su Ignazio di Antiochia », p. 173-174, 175, n. 12 et iGnazio di antiochia, Le lettere, éd. et trad. norelli, sous presse. Voir à ce propos harnacK, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, II/1, p. 124. Cette observation obvie se trouve déjà chez Bauer, Rechtgläubigkeit und Ketzerei im ältesten Christentum, p. 120, ou encore par exemple chez auBert, « Evodius », p. 133 et norelli, « La testimonianza di Origene su Ignazio di Antiochia », p. 178. Éd. cereSa-GaStaldo, BPat 12, p. 106. Voir norelli, « La testimonianza di Origene su Ignazio di Antiochia », p. 175-176. Hist. eccl., III,36,7-11 et De vir. ill., 16,3-8.

ESt I notamment ceux de Socrate, Hist. eccl., VI,8, de Constit. apost., VII,46 et de Jean Malalas, Chron., 10 152. Notre passage, avec la mention μετὰ τοὺς ἀποστόλους, au pluriel, se réfère sans aucun doute au temps de l’épiscopat d’Ignace, et l’on peut donc exclure que cette mention soit à appliquer à Pierre. 39-42. καὶ ἔλαθε τὸν ἄρχοντα τοῦ αἰῶνος τούτου, κτλ. Citation explicite d’Ignace, Eph., 19,1. À part les écrits bibliques et le long extrait de Julius Africanus constituant ESt IV, c’est la seule citation contenue dans le texte de l’ἐκλογή 153. Son utilisation à l’intérieur du contexte de ESt I,2-9 montre sans doute que l’ensemble de l’argumentation qu’Eusèbe y développe tient compte d’Origène, Hom. in Luc., VI,4-6 (et notamment de VI,4 154), hypothèse maintenant admise aussi par Christophe Guignard 155. On a signalé la fortune de ce passage d’Ignace dans la littérature chrétienne 156, mais en réalité c’est plutôt la citation qu’en a fait Origène en premier qui a été reprise par les auteurs chrétiens, à partir d’Eusèbe 157. En effet, beaucoup des citations de ce texte d’Ignace ont été faites vraisemblablement à travers Eusèbe, comme l’indique l’utilisation de l’ensemble de cette question chez ces auteurs.

152. Textes cités et commentées aussi par norelli, « La testimonianza di Origene su Ignazio di Antiochia », p. 176-178. Voir aussi id., « Ignazio d’Antiochia combatte veramente dei cristiani giudaizzanti? », p. 259-260 et les textes cités par zahn, Ignatii et Polycarpi Epistulae, Martyria, Fragmenta, p. 262 et funK, Patres Apostolici, I, p. LV-LVI. 153. Comme le remarque GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 43, la comparaison avec les extraits de Nicétas montre que ce petit nombre de citations non bibliques remonte certainement à Eusèbe, autrefois bien plus ouvert en matière de citations. La citation directe d’Ignace d’Antioche n’est pas indexée par le recensement de carriKer, The Library of Eusebius of Caesarea, p. 215-217 ; l’auteur ne définit pas sa méthode, mais il a probablement utilisé des listes des citations déjà disponibles, comme celle des éditions GCS, ce qui expliquerait cet oubli. 154. On verra aussi d’autres parallèles origéniens, sur lesquels voir supra (p. 44-46) : Hom. in Luc., fr. 20b (éd. rauer, GCS 49, p. 235), et Comm. in Mt., fr. 13/I-II (éd. KloStermann, Benz, GCS 41/1, p. 20-21). 155. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 43-44 (voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 77). 156. Camelot dans iGnace d’antioche, PolycarPe de Smyrne, Lettres ; Martyre de Polycarpe, p. 74-75, n. 4. 157. Après Eusèbe, voir notamment Ambroise, Exp. in Luc., II, 3 ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,18, 76-78 (éd. Bonnard, SC 242, p. 78) ; Ps. (?) Basile de Césarée, In sanc. Christi gener., 3 (PG 31, 1464) ; Ps.-Origène, Hom. in Mt., I,1.3 (éd. Benz-KloStermann, GCS 41/1, p. 239.243) ; II (PLS 4,853) ; et Théophylacte de Bulgarie, En. in Mt., 1,18 (PG 123,156). Ces quatre derniers auteurs ne citent même pas le nom d’Ignace dans leurs exégèses, ce qui arrive aussi pour un autre texte parallèle, celui de Jean Chrysostome, In Mt. hom., II,4 ; III,1 (PG 57,28-29.31-33). Par contre Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt., 1,18 (CSCO 15, p. 70, trad. CSCO 16, p. 53) et André de Crète, Hom., III (PG 97,853C) citent le texte avec l’attribution à Ignace. Au sujet de ces citations, voir aussi Reinoud WeiJenBorG, Les lettres d’Ignace d’Antioche, étude de critique littéraire et de théologie, trad. B. héroux, Leyde 1969, p. 27, 30-31 et Jean rivière, « Le démon dans l’économie rédemptrice d’après saint Ignace d’Antioche », RevSR 2 (1922), p. 13-25; puis dans id., Le dogme de la rédemption. Études critiques et documents, Louvain 1931 (BRHE 5), p. 61-77, p. 68-72.

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Questions et réponses sur les évangiles Ce passage d’Ignace, avec l’idée du secret concernant la naissance, recèlerait aussi des traditions concernant le thème du descensus absconditus du Sauveur d’après Heinrich Schlier 158 ; c’est une remarque qui a été souvent faite 159, sans démonstration certaine, vu le peu d’éléments offerts en ce sens par le texte d’Ignace (concernant ce thème, très ramifié et peut-être lié à celui qui concerne le passage des âmes des défunts à travers les cieux, on verra le commentaire d’Enrico Norelli sur Ascension d’Isaïe 10,16-31, ainsi que les remarques de Claude Calame sur les tablettes orphiques 160). 41. τοῦ Χριστοῦ. C’est une variante par rapport au texte courant d’Ignace en tradition directe (qui lit τοῦ κυρίου). Cette leçon eusébienne est signalée et discutée par Weijenborg 161. Il ne la considère pas digne d’être retenue puisqu’on ne peut pas démontrer sans aucun doute qu’elle remonte à Eusèbe, vu que l’ἐκλογή a pu modifier le texte originaire, et que la variante aurait pu venir du rédacteur, beaucoup plus tard qu’à l’époque d’Eusèbe. Cet argument de Weijenborg ne peut pas être reçu, car, comme le montre la comparaison avec le texte de la tradition de Nicétas 162, le texte de l’ἐκλογή se compose d’extraits qui ont toutes les chances de reproduire le texte d’Eusèbe à la lettre. 42. μυστήρια κραυγῆς. Selon Jean Rivière le sens de cette expression est « mystères [maintenant partout] proclamés » 163. 44-45. τὸν Χριστὸν Θεοῦ καὶ σὺν ἀνθρώποις ἀναστραφέντα οἷα κοινὸν ἄνθρωπον ὁρώντων. Allusion probable à la lecture christologique de Bar. 3,38 LXX (ἐπὶ τῆς γῆς ὤφθη καὶ ἐν τοῖς ἀνθρώποις συνανεστράφη), devenue courante chez les chrétiens à partir du iie siècle 164. I,4 49-51. ἦ γὰρ ἂν καὶ δίκην κατὰ τὸν Μωυσέως νόμον, κτλ. Voir Prot. Iac., 14,1 (voir commentaire à I,6,92-93).

158. Heinrich Schlier, Religiongeschichtliche Untersuchungen zu den Ignatiusbriefen, Giessen 1929 (BZNW 8), p. 5-32. 159. Voir à ce propos par exemple WeiJenBorG, Les lettres d’Ignace d’Antioche, p. 274-275, William r. Schoedel, A Commentary on the Letters of Ignatius of Antioch, éd. H. KoeSter, Philadelphie (PA) 1985 (Hermeneia), p. 88-91 et lechner, Ignatius adversus Valentinianos ?, p. 252-270. 160. Enrico norelli (éd.), Ascensio Isaiae. Commentarius, Turnhout 1995 (Corpus Christianorum. Series Apocryphorum 8), p. 529-533 ; Claude calame, « Orphik, Orphische Dichtung », dans von H. canciK, h. Schneider (éd.), Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike, IX, StuttgartWeimar 2000, p. 58-69, notamment p. 67. 161. WeiJenBorG, Les lettres d’Ignace d’Antioche, p. 30. 162. Voir par exemple mes remarques à ce propos dans Questions évangéliques, p. 19-26. 163. rivière, « Le démon dans l’économie rédemptrice d’après saint Ignace d’Antioche », p. 61, 64-65. Sur l’interprétation qu’il faut donner à cette expression, voir cependant les remarques contraires de WeiJenBorG, Les lettres d’Ignace d’Antioche, p. 276. 164. Le sujet a été étudié par norelli, Ascensio Isaiae. Commentarius, p. 537.

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ESt I 53. πρὶν ἢ συνελθεῖν αὐτοὺς, εὑρέθη ἐν γαστρὶ ἔχουσα. Le texte de la citation de Matthieu (de même que sa suite, à la l. 60) confirme celui de tous les témoins 165 et d’Eusèbe lui-même dans Dem. ev. VII,1,54 166. 55-56. μετὰ δὲ τὸ συναφθῆναι τὸν Ἰωσὴφ, κτλ. Eusèbe lit Mt. 1,18 dans le cadre de son argumentation générale par laquelle il explique la naissance cachée du Sauveur. D’une part, comme le relèvent par exemple déjà Angelo Mai 167 et avant lui François Combefis 168, il s’agit d’un argument commun dans la littérature chrétienne ancienne, notamment à partir du texte d’Origène, In Lc. Hom., VI,3-6 ; d’autre part, il faut aussi remarquer que cette utilisation de Mt. 1,18 est spécifiquement eusébienne (voir aussi la lecture du même verset sous-jacente à Hist. eccl., II,1,2) 169. 60. παγχρησίμως. Hapax. I,5 70-71. Ἰωσήφ, ἀνὴρ δίκαιος εἶναι μεμαρτυρημένος. Le motif de la justice de Joseph lié à son comportement à l’égard de Marie enceinte (Mt. 1,19) sera développé dans les deux paragraphes suivants (I,6-7). C’est un thème absent du texte d’Origène (Hom. in Lc.), qui sera par la suite repris, peut-être à partir de ce texte d’Eusèbe 170, par exemple par Éphrem de Nisibe, Comm. in Diat., II,3-5 ; Hilaire de Poitiers, In Mt., I,3 ; Ambroise, Exp. in Lc., II,5 ; III,4 ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,19 ; Ps. (?) Basile de Césarée, In sanc. Christi gener. 4 (PG 31,1464-1465). Origène pourrait cependant être à l’origine aussi du contenu de ces paragraphes, si on admettait l’hypothèse proposée dans le commentaire à ESt I,6,76 (voir p. 62-63). 74. πρὸ […] τοῦ συνελθεῖν. Ne peut pas être considéré comme une variante de Mt. 1,18, puisque, pour les deux citations qui précèdent (I,4,53.59), Eusèbe montre qu’il connaît la leçon courante πρὶν ἢ συνελθεῖν (voir comm. à I,4,53).

165. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 4 ; New Testament Greek Manuscripts. Variant Readings Arranged in Horizontal Lines against Codex Vaticanus, éd. Reuben J. SWanSon, [I] Matthew, Sheffield-Pasadena (CA) 1995, p. 13. 166. Voir à ce propos Sylvia nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament. Methoden und Kriterien zur Verwendung von Kirchenväterzitaten innerhalb der neutestamentlichen Textforschung, Ratisbonne 2003 (Theorie und Forschung 786, Theologie 43), p. 107. 167. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 220, n. 2. 168. comBefiS, S. patris nostri Asterii Amaseae episcopi, p. XXII. 169. Charles Perrot signale un cas parallèle dans un papyrus grec égyptien d’Heidelberg, où un mariage est considéré valable dès son engagement ; Charles Perrot, « La paternité de Joseph selon Matthieu 1, 18-25 », dans J. lonGère (éd.), Marie et la sainte famille. Les récits apocryphes chrétiens, II, communications présentées à la 62e session de la Société Française d’Études Mariales, Espace Bernadette Soubirous, Nevers, septembre 2005 [= Études Mariales – Bulletin de la Société Française d’Études Mariales], Paris-Montréal 2006, p. 7-24, ici p. 13-14 ; le papyrus en question, P.Heid. G 4931, est disponible en photo dans la base de données de l’Institut de Papyrologie de Heidelberg, accessible à l’adresse http://www.rzuser.uni-heidelberg.de/~gv0/gvz.html [consulté le 9 juillet 2015). 170. Peut-être aussi d’un texte perdu d’Origène ; sur cette hypothèse voir le commentaire à I,6,76.

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Questions et réponses sur les évangiles I,6 Ce paragraphe concerne le texte de Mt. 1,19. Pour les parallèles à ce paragraphe voir le commentaire à I,5,69-71, auxquels il faut ajouter notamment Jean Chrysostome, In Mt. hom., II,4 et IV,3-4 (PG 57,28-29.43-45) ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,18-19 ; Théophylacte de Bulgarie, En. in Mt., 1,18 (PG 123,156). Le texte de SyrS IX,1 laisse complètement tomber ce développement, en récupérant toutefois la mention de la justice de Joseph dans le texte parallèle à I,10. 76-82. Τίνι δ’ ἄρα εὑρέθη, ἀλλ’ ἢ τῷ Ἰωσήφ; κτλ. Le paragraphe a un parallèle notamment dans FSt 13. Le texte de ce fragment semble être un simple résumé à partir d’un original qui pourrait bien être très proche de ESt I,6 : ὅτι δὲ ἔγκυος εὑρέθη ἡ θεοτόκος, καὶ ὅτι οὐδενὶ ἑτέρῳ ἀλλ’ ἢ τῷ Ἰωσὴφ, ὁ εὐαγγελιστὴς ἀπεφήνατο· ἐκ γὰρ πνεύματος ἁγίου γέγονε, φησὶ, τὸ τοιοῦτον φανερόν· δικαίῳ γὰρ ὄντι τῷ Ἰωσὴφ οὐκ ἦν θαυμαστὸν γνωσθῆναι διὰ πνεύματος ἁγίου, ἐξ οὗ καὶ ἡ κύησις γέγονεν. […] l’évangéliste a déclaré donc que la mère de Dieu fut trouvée enceinte, et que ce ne fut par personne d’autre sinon par Joseph ; en effet cela fut révélé, dit-il, par l’Esprit saint ; car il n’y avait rien d’étonnant à ce que Joseph, qui était juste, en ait eu la connaissance par l’Esprit saint, duquel était venue aussi la conception.

On reproduit ici le texte du fragment avec une traduction en guise d’exemple de la manière dont sont confectionnés plusieurs des fragments des Questions provenant d’une chaîne, qui essayent de résumer au maximum le contenu de l’exégèse originaire (le changement de ὁ λόγος en ὁ εὐαγγελιστὴς n’est qu’une simple clarification, nécessaire puisque le fragment provient d’une chaîne sur Matthieu). 76. Τίνι δ’ ἄρα εὑρέθη, ἀλλ’ ἢ τῷ Ἰωσήφ ; Cette formule eusébienne est proche de celle de Jérôme, Comm. in Mt., I,1,18, du Ps.-Origène, Hom. in Mt., I,2 (éd. Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 240-241), et de Théophylacte de Bulgarie, En. in Mt., 1,19 (PG 123,156). Concernant ces trois textes, on peut relever aussi qu’ils se rapprochent encore sur un autre point. En effet, les trois énumèrent parmi les causes du mariage de Marie, outre le fait que sa virginité pouvait ainsi être cachée au diable (voir commentaire à I,3,39-42), aussi le fait que Marie avait besoin de l’aide d’un mari lors du voyage en Égypte (Jérôme, Comm. in Mt., I,1,18 ; Ps.-Origène, Hom. in Mt., I,3, éd. Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 242 ; Théophylacte de Bulgarie, En. in Mt., 1,18, PG 123,156). À moins que ces trois auteurs aient déduit cela de ESt XVI, ce qui est peu probable, cette correspondance montre qu’ils ont eu une source commune autre qu’Eusèbe. De cette source pourrait provenir aussi la mention d’une troisième raison pour défendre Marie d’une accusation d’adultère, attestée par le même passage de Jérôme et du Ps.-Origène (Hom. in Mt. I,2.3, éd. Klostermann – Benz, GCS 41/1, p. 241.243), et que rappelle Eusèbe, ESt I,5,64-67. Si une telle hypothèse est vraisemblable, cette source ne peut être qu’un texte perdu d’Origène, probablement son commentaire sur Luc, un texte vraisemblablement connu par Jérôme (qui le mentionne

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ESt I dans sa liste d’œuvres d’Origène dans Ep., 303,4 171) et dont nous ne connaissons que des fragments 172, ou éventuellement de son commentaire sur Matthieu, dont un fragment pourrait indiquer qu’Eusèbe a repris une partie de cette exégèse à Origène : voir à ce propos le commentaire à ESt I,6,100-103. 76. Ἷωσήφ. Corriger le texte en Ἰωσήφ 173. 76-78. πῶς δὲ καὶ τίνα τρόπον εὕρηται τοῦτο τῷ Ἰωσήφ, ὁ λόγος διδάξει, φὰς ἐκ πνεύματος ἁγίου γνωστὸν γέγονεν. D’après Eusèbe, Joseph a compris que Marie était enceinte par l’œuvre de l’Esprit saint avant l’apparition de l’ange de Mt. 1,20-21 (voir ESt I,7,128-130), ou en tout cas que la grossesse de Marie avait une origine divine (voir commentaire à ESt I,7,130). Cette conviction peut se déduire du comportement de Joseph qui, bien qu’étant un homme juste selon Mt. 1,19, décide néanmoins de ne pas divulguer la grossesse de Marie avant le mariage, même si ceci contredit la loi, et ne s’accorde donc pas avec sa justice (ESt I,6,82-100). Une autre explication possible serait celle de voir là une lecture particulière du texte de Mt. 1,18-19, qu’Eusèbe est ici en train de commenter. Puisque Eusèbe insiste sur le complément d’agent εὑρέθη de Mt. 1,18, qu’il identifie comme Joseph (ESt I,5,75-6,76), il est possible (quoique pas nécessaire) qu’il lie la partie finale de Mt 1,18 (ἐκ πνεύματος ἁγίου) au verset suivant de l’évangile. À première vue, cette compréhension de Mt. 1,18-19 est possible seulement en supposant qu’Eusèbe lise un texte de Mt. 1,18-19 un peu différent de celui qui nous a été transmis. Mais le manque de clarté dans une argumentation si délicate chez Eusèbe, ainsi que la suite du texte, montrent à mon avis parfaitement bien qu’il dispose plutôt d’un texte semblable au nôtre et qu’il est en train d’en forcer un peu la lecture. S’étant certainement aperçu de ce problème, Éphrem de Nisibe, dans son Comm. in Diat., II,1-5, modifie sensiblement l’exégèse d’Eusèbe 174 (comme le montre l’ensemble du passage, le commentaire d’Éphrem est sur ce point une réélaboration de celui d’Eusèbe). 77. εὕρηται. David Miller, en rapportant une remarque de Stuart Hall, proposait en 2008 dans un manuscrit inédit de changer εὕρηται en εὑρέθη, καὶ en traduisant les l. 76-77 comme suit (avec une ponctuation après Ἰωσήφ) : « How and why [she was made pregnant], This was also made known to Joseph. ». Miller réfère ainsi les mots ἐκ πνεύματος ἁγίου (l. 78) à la grossesse de Marie et pas au fait que Joseph en prend connaissance « par le Saint Esprit » 175. Dans la version 171. Des doutes subsistent car cette liste est fondée sur celle des œuvres origéniennes d’Eusèbe lui-même ; voir à ce sujet Pierre nautin, Origène. Sa vie et son œuvre, Paris 1977 (CAnt 1), p. 227.243. 172. Voir l’état de nos connaissances sur ce texte chez Claudio Gianotto, « Luca (scritti esegetici su) », dans monaci caStaGno (éd.), Origene, p. 243-245, ici p. 244. 173. Voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 33, l. 50. 174. Éphrem contredit Eusèbe notamment en II,3, mais le suit en II,4-5. 175. David J. D. miller, Suggested Departures from the text of C. Zamagni’s edition of Eusebius, Gospel Questions and Answers, manuscrit inédit [2008], p. 1. Je remercie David Miller et Roger Pearse de m’avoir fait part de ces remarques, que Miller a élaborées pendant la traduction de l’ἐκλογή pour l’édition de Roger Pearse (la traduction de l’ἐκλογή était donc complète en 2008). Ces observations de Miller sont fondées sur l’édition du texte parue dans ma thèse, « Les

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Questions et réponses sur les évangiles qu’il a imprimée par la suite, David Miller ajoute deux autres arguments externes en faveur de sa thèse 176 : le premier est que le fragment FSt 13 témoignerait aussi en faveur de son interprétation et de sa correction, le deuxième est un fragment édité par John Cramer sur Mt. 1,18 177 contenant un ajout qui aurait été supprimé pendant la réécriture du texte de la part de l’auteur de l’ἐκλογή, ce qui montre que cet auteur a délibérément modifié ce passage : après ἐκ πνεύματος ἁγίου (l. 78), ce fragment conserve les mots ὡς γὰρ τῇ ἐλισάβετ ἐκ πνεύματος ἁγίου, provenant du texte originaire d’Eusèbe 178. Or, en ce qui concerne le premier de ces deux arguments externes, comme je l’ai déjà montré dans le commentaire à ESt I,6,76-83, FSt 13 est un fragment résumé dont on ne peut absolument rien tirer du point de vue de la teneur du texte originaire 179. En ce qui concerne la lacune du texte de l’ἐκλογή par rapport au texte édité par Cramer, non seulement elle ne prouve pas que l’auteur de l’ἐκλογή a modifié le texte, mais elle démontre plutôt le contraire : d’abord la lacune est clairement due à un saut du même au même et non à une volonté de modifier ou réduire le texte 180, ensuite, le fragment atteste aussi la leçon εὕρηται que Miller voudrait émender du texte de l’ἐκλογή, et enfin le texte de la lacune permet de reconstituer une subordonnée coordonnée au passage qui suit et avec la même construction (le datif τῇ ἐλισάβετ calquant τῷ Ἰωσήφ de la l. 78-79), et la correction proposée ne s’impose donc en aucune manière. Avec cette correction (et avec celle de la ligne 78), Miller normalise le texte (en ce sens, il propose un texte facilior), sans avoir pris connaissance,

176. 177.

178. 179.

180.

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Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 32-63, avant la publication de mon édition (Questions évangéliques, p. 80-230) ; j’aurais voulu les intégrer dans mon édition, mais elles me sont parvenues lorsque le volume était déjà sous presse et je n’ai pu en tenir compte d’aucune manière. Miller a maintenant introduit ces remarques, avec quelques modifications, dans l’édition du texte édité par Pearse (voir note suivante). Je signale ici que, toujours en 2008, Roger Pearse m’avait aussi fait parvenir une première version de la traduction de la seule question ESt I, qui était en effet assez différente de celle ensuite publiée. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 11, n. 2. Le texte est publié par cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 10, et repris chez PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 166 après avoir été signalé parmi les parallèles eusébiens dans mon « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 69. Le texte présente aussi cinq autres variantes mineures. Miller lui-même (chez PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 155, n. 11) est d’ailleurs implicitement du même avis, en signalant en note à sa traduction de ce fragment que « there is no verbatim overlap with the text of the main Problems and Solutions » (ce texte de référence est clairement le texte de l’ἐκλογή : ainsi, ibid., p. 132). Vu que le texte de ce fragment est fortement résumé, le passage de l’interprétation de Matthieu proposée par l’ἐκλογή à celle de FSt 13 ne pose donc pas de problème. On ne peut d’ailleurs pas dire si le responsable de cette lacune est vraiment l’auteur de l’ἐκλογή (voir commentaire à I,6,78 ad loc.). Je rejoins sur ce point les remarques de Christophe Guignard dans son compte rendu du volume de Pearse, paru dans Adamantius 18 (2012), p. 583-586, ici p. 585.

ESt I me semble-t-il, des remarques que je proposais dans le commentaire aux lignes 76-78 181 pour expliquer les difficultés de ce passage. 78. ἐκ πνεύματος ἁγίου. Comme le signale correctement David Miller (voir commentaire à I,6,77), le texte de l’ἐκλογή contient ici une lacune que l’on peut reconstituer grâce au texte publié par John Cramer sur Mt. 1,18 182 : après ἐκ πνεύματος ἁγίου (l. 78), le texte original d’Eusèbe contenait aussi les mots ὡς γὰρ τῇ ἐλισάβετ ἐκ πνεύματος ἁγίου, tombés par saut du même au même ; il est évidemment impossible de déterminer si la lacune est due au modèle de l’ἐκλογή, à son auteur ou à sa tradition textuelle, et donc de décider s’il faut ou non intégrer ce passage dans le texte de l’ἐκλογή 183. 78. γνοστὸν. David Miller propose γνοστὸν , avec un point ferme avant γνοστὸν en tant que conséquence logique de son interprétation de εὕρηται (supra, commentaire à la l. 77) 184. 81-82. ἐπισχεῖν δὲ τὴν κατὰ ἄνδρα κοινωνίαν. L’abstention de relations conjugales entre Joseph et Marie est aussi reprise de ce passage d’Eusèbe par Ambroise dans Exp. in Lc., II,6 et par Jérôme dans Comm. in Mt., I,1,18. Il s’agit de toute manière d’une conception bien répandue parmi les auteurs chrétiens anciens 185 et qui était déjà bien en place à l’époque du Protévangile de Jacques (voir Prot. Iac., 13-16) 186 ; il faut néanmoins remarquer que c’est Origène le premier théologien majeur à soutenir la chasteté perpétuelle de Marie 187, dans des passages comme Comm. in Mt., X,17 (éd. Girod, SC 162, p. 216). 86-87. ἐβουλήθη δὲ λάθρα ἀπολῦσαι αὐτήν. Le texte d’Eusèbe concorde avec celui des manuscrits néotestamentaires, à l’exception de l’ajout du δέ, qui n’est présent dans aucun autre manuscrit majeur 188. C’est un ajout qui s’explique bien comme marque signalant le début de la citation, et qui ne signifie pas forcément

181. Il les lisait pourtant dans son texte de référence pour la traduction, zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 79 (paru sous forme électronique à l’adresse http://doc.rero.ch/ [consulté le 9 juillet 2015] ; j’avais moi-même signalé ce texte à Roger Pearse). 182. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 11, n. 2. Le texte est publié par cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 10, et repris chez PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 166. 183. On doit évidemment résister à l’idée de réintégrer ce passage dans le cas où il manquait dans le modèle de l’ἐκλογή, qui constitue une recension textuelle à elle-même. 184. miller, Suggested Departures, p. 1 ; id., dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 11, n. 2. 185. Voir à ce propos Jean-Paul audet, « L’annonce à Marie », RB 63 (1956), p. 346-374, ici p. 365-367. 186. Voir à ce propos Albert frey, « Protévangile de Jacques », dans Bovon, Geoltrain (éd.), Écrits apocryphes chrétiens, I, p. 71-104, ici p. 77. 187. Voir par exemple Georges JouaSSard, « Marie à travers la patristique, maternité divine, virginité, sainteté », dans H. du manoir (dir.), Maria, études sur la sainte vierge, I, Paris 1949, p. 69-157, ici p. 79-82 et les remarques d’Henri Crouzel dans oriGène, Homélies sur Luc, éd. et trad. Henri crouzel, François fournier, Pierre Périchon, Paris 1962 (SC 87), p. 35-44. 188. Voir New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 13.

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Questions et réponses sur les évangiles qu’Eusèbe disposait d’un texte de Matthieu avec cet ajout 189. À propos de ce type de changements intervenant lors de l’insertion d’une citation dans un texte, on verra les remarques de Roderic Mullen et notamment l’état de la question dressé par James Ernest 190. 91. τοῖς. Selon David Miller, il serait nécessaire d’ajouter d’un mot (par ex. εἰωθόσιν) pour gérer l’infini κρίνειν même si le sens demeure de toute manière clair ; à sa suite, Christophe Guignard propose plutôt d’intégrer ίκανοῖς 191. 92-93. πῶς δὲ δίκαιος ὁ τὴν παράνομον πρᾶξιν ἐπισκιάζειν, κτλ. On peut remarquer que le parallèle de Prot. Iac., 14,1 à ce passage, en posant le même problème, offre aussi une solution semblable. Le texte de Dt. 22,13-21 au sujet de l’épouse que le mari ne trouve pas vierge, n’impose pas nécessairement la dénonciation et la répudiation de la part du mari, qui apparaît plutôt libre de garder sa femme s’il le souhaite 192. L’observation d’Eusèbe apparaît donc plutôt fondée sur d’autres passages, qui peuvent être (1) ceux qui concernent l’adultère de façon plus générale, comme Ex. 20,14 (et Dt. 5,17) ; Lv. 20,10 ; Dt. 22,22, textes qui avaient eu des suites dans le Nouveau Testament (voir Mt. 5,27-30 ; Jn. 8,3-5) ; ou, (2) le passage de Lv. 5,1 (voir aussi Pr. 29,24), qui impose aux témoins d’une action de révéler ce dont ils ont connaissance. Cette deuxième hypothèse, au premier abord moins pertinente, est en fait plausible, car elle est à l’arrière-plan de l’exégèse du même passage faite par Jérôme en Comm. in Mt., I,1,19,88-89 – texte qui tient compte des questions d’Eusèbe – lorsqu’il dit : « in lege praeceptum est non solum reos sed et conscios criminum obnoxios esse peccati » 193. 95-96. τὴν θειοτέραν τῆς παρθένου. La correction proposée dans l’édition de Migne, θειοτέραν τὴν τῆς παρθένου, permet de lire « comme il savait par le Saint Esprit que la conception, etc. », ce qui irait plus clairement, me semble-t-il, dans le sens de l’argumentation de ce paragraphe (voir commentaire à I,6,76-78 et I,6,77), mais qui se comprend néanmoins aussi par le texte du manuscrit. 100-103. τὸ μὴ θέλων αὐτὴν δειγματίσαι, κτλ. À part la variante textuelle de Matthieu qu’Eusèbe discute, le texte cité suit les manuscrits en tradition directe, qui n’ont pas de variantes connues 194. La leçon de Mt. 1,19 qu’Eusèbe paraît préférer (qui est attestée en tradition directe notamment par le manuscrit oncial

189. Eusèbe lui-même atteste du reste aussi la même citation, mais sans δέ, en Dem. ev. VII,1,54 (sur ce passage, voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 108). 190. James D. erneSt, The Bible in Athanasius of Alexandria, Boston-Leyde 2004 (The Bible in Ancient Christianity 2), p. 28-38 ; Roderic L. Mullen, The New Testament Text of Cyril of Jerusalem, Atlanta (GE) 1997 (SBL – The New Testament in the Greek Fathers 7), p. 67-68 ; un autre exemple chez Luciano canfora, Il copista come autore, Palerme 2002 (La memoria 552), p. 47-48. 191. miller, Suggested Departures, p. 1 ; id., dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 13, n. 3 ; GuiGnard, compte rendu de PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 585. 192. Quant aux autres cas concernant les vierges, décrits en Dt. 22,23-29, ils ne semblent pas à mettre en rapport avec notre texte (mais on peut toutefois voir l’usage de ces versets par Origène en Contra Cels., I,34). 193. Éd. Bonnard, SC 242, p. 78. 194. Voir New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 13.

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ESt I du Vatican, B) est la variante retenue par les principaux éditeurs modernes 195. La leçon qu’Eusèbe rejette expressément (οὐ γὰρ ἔφησε μὴ θέλων αὐτὴν παραδειγματίσαι) est cependant soutenue par la première main du manuscrit du Sinaï ‫ﬡ‬1) ainsi que par la plupart des manuscrits de Matthieu 196. Comme on l’a déjà signalé, un fragment d’une chaîne publié dans l’édition de Klostermann – Benz du Commentaire à Matthieu d’Origène, le fr. 15 (GCS 41/1, p. 21-23), attribue cette exégèse à la fois à Origène et à Eusèbe. Si l’on remarque qu’Eusèbe propose dans Dem. ev. VII,1,54 une autre citation de ce passage en attestant cette fois la leçon παραδειγματίσαι 197, on est fortement tenté de conclure que, dans notre passage, Eusèbe emprunte sans aucun doute cette exégèse à Origène, qui devait l’avoir développée dans son Commentaire à Matthieu maintenant incomplet sur ce point. Il faut encore remarquer que toutes les autres citations patristiques de ce passage présentent aussi la leçon παραδειγματίσαι : c’est le cas pour Épiphane de Salamine, Pan. LXXVIII,20,4, pour Jean Chrysostome, In Mt. hom., IV,3 (PG 57,43) et Ecl. in diem nat. Christi, hom. XXXIV (PG 63,836), et pour Romanos le Mélode, Hymn., IX,18,7 (éd. Grosdidier de Matons, SC 110, p. 40). Encore, contrairement à ce qu’Eusèbe affirme, le sens de δειγματίσαι 198 ne diffère pas beaucoup de celui de son composé (voir commentaire à I,6,103-110) 199. De plus, puisque l’utilisation du verbe composé est normalement préférée dans le grec tardif, souvent sans que cela en modifie significativement le sens, comme le remarquent Blass et Debrunner 200, il se peut bien que la leçon δειγματίσαι dans Mt. 1,19 soit simplement une variante secondaire, dont Origène (plutôt qu’Eusèbe) a pu donner une exégèse si intéressante qu’elle a été reprise par ailleurs.

195. Voir par exemple les textes de tiSchendorf, Novum Testamentum Graece, I, et du Novum Testamentum Graece, éd. Eberhard et Erwin neStle, B. aland, K. aland, et al., Stuttgart 1993. Voir aussi le commentaire de zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 72-73. Contrairement à ce qu’affirme David Miller (dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 13, n. 4), le dictionnaire liddell-Scott ne considère pas la leçon δειγματίσαι comme la bonne, mais il l’atteste simplement pour Mt. 1,19, tout comme il le fait pour la leçon concurrente παραδειγματίσαι (ainsi Henry G. liddell, Robert Scott [dir.], A Greek-English Lexicon, éd. revue et augmentée par Henry S. JoneS et Roderick mcKenzie, Oxford 1940, p. 372, 1308). 196. Cette variante est choisie seulement dans les éditions d’Hermann von Soden et d’Heinrich Vogels, d’après Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 748. 197. Voir Édouard deS PlaceS, Eusèbe de Césarée commentateur. Platonisme et Écriture Sainte, Paris 1982 (ThH 63), p. 146 et nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 107. 198. Sur le sens de ce mot, voir zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 73, n. 42, et William d. davieS, Dale c. alliSon, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, I, Édimbourg 1988 (ICC), p. 204. 199. Ceci se reflète aussi dans la version syriaque de Tatien, et nous empêche de remonter au texte grec que Tatien aurait pu attester. Ainsi Tijtze Baarda, « The Diatessaron of Tatian Source for an Early Text at Rome or Source of Textual Corruption? », dans C.-B amPhoux, J. K. elliott (éd.), The New Testament Text in Early Christianity. Proceedings of the Lille colloquium, July 2000, Lausanne 2003, p. 93-138 (Histoire du texte biblique / Studien zur Geschichte des biblischen Textes 6), p. 98-100, 110-112, 135. 200. Friedrich BlaSS, Albert deBrunner, Grammatik des neutestamentlichen Griechisch. Bearbeitet von Friedrich rehKoPf, Göttingen 1990, § 116.

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Questions et réponses sur les évangiles Cette leçon, δειγματίσαι, accompagnée de son commentaire, n’a évidemment pu que plaire à la majorité des éditeurs modernes, à partir de Tischendorf, qui l’a choisie en s’appuyant sur ce texte d’Eusèbe 201, mais il y a en réalité de bonnes chances que, sortie du commentaire à Matthieu d’Origène, elle ait fini par se répandre bien au-delà de sa valeur réelle, grâce entre autres à ces Questions d’Eusèbe. 103-110. πολλῆς οὔσης ἐν τούτοις διαφορᾶς, κτλ. Eusèbe joue sur le sens de quelques couples de verbes simples et composés avec et sans le préfixe παρα-. Toutefois la divergence dans ces couples n’est pas toujours nette. En effet, les oppositions γράψαι/παραγράψαι, λογίσασθαι/παραλογίσασθαι, ψηφίσαι/ παραψηφίσαι sont bien réelles, mais la conclusion οὕτως οὐδὲ τὸ δειγματίσαι καὶ παραδειγματίσαι ne va pas de soi de la même manière. En premier lieu, il faut remarquer que la langue grecque tardive tend à utiliser des verbes composés sans variation de sens par rapport au verbe simple 202. En deuxième lieu, à la différence des trois premiers verbes composés qu’Eusèbe invoque comme exemples, le mot παραδειγματίζω ne semble pas nécessairement avoir une valeur négative (voir aussi Hésychius d’Alexandrie, Lex., Π,490, παραδειγματίσαι· φανερῶσαι. θριαμβεῦσαι, éd. Schmidt 1861, p. 270) 203. 108-110. τὸ μὲν γὰρ παραδειγματίσαι, κτλ. Tischendorf 204 cite une scholie qui trouve probablement sa source dans ce texte d’Eusèbe (à moins qu’il ne faille rattacher ce texte à Origène, voir note à I,6,100-103) : μὴ θέλων αὐτὴν καταισχῦναι ἢ καὶ κινδυνεῦσαι· τοῦτο γάρ ἐστι τὸ παραδειγματίσαι. δειγματίσαι μὲν γὰρ ἐστι τὸ ἁπλῶς ἀπολῦσαι, παραδειγματίσαι δὲ τὸ ἐπὶ κακῷ φανερῶσαι καὶ παραδοῦναι εἰς θάνατον ὡς μοιχαλίδα. I,7 Ce paragraphe suit de près le texte de Matthieu 1,20. L’ange, en demandant à Joseph de ne pas renvoyer Marie, lui explique aussi la cause de sa conception miraculeuse. Joseph n’ignore pas qu’elle avait eu lieu par l’œuvre de l’Esprit Saint, ou qu’en tout cas ce qui était arrivé provenait de Dieu, vu qu’il n’a pas dénoncé Marie (voir I,6 ; I,7,129 et le commentaire à I,6,76-78), et l’ange lui apprend seulement que l’enfant qui va naître est le Messie attendu (voir I,7,117-118 : τὸν ἐκ σπέρματος Δαβὶδ τοῖς πᾶσι προσδοκώμενον). En ce sens, ce paragraphe d’Eusèbe présuppose que l’on ait aussi à l’esprit le texte de Mt. 1,21, où l’ange annonce à Joseph que Jésus sauvera son peuple de ses péchés (τέξεται δὲ υἱὸν καὶ καλέσεις τὸ ὄνομα αὐτοῦ Ἰησοῦν, αὐτὸς γὰρ σώσει τὸν λαὸν αὐτοῦ ἀπὸ

201. À ce propos, il me semble que l’apparat de neStle, aland (éd.), Novum Testamentum Graece, p. 2, devrait citer Eusèbe aussi parmi les témoins qui appuient son texte, et non seulement parmi ceux qui appuient la leçon contraire, παραδειγματίσαι (où la référence est clairement Dem. ev., VII,1,54). 202. BlaSS, deBrunner, Grammatik des neutestamentlichen Griechisch, § 116, et zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 73, n. 42. 203. Sur le sens de παραψηφίζομαι, qui est difficile à saisir dans le discours eusébien (« tricher » ?), voir liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 1331. 204. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 4.

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ESt I τῶν ἁμαρτιῶν αὐτῶν). On pourrait alors supposer que la citation de Mt. 1,20 en I,7,114-116 a aussi contenu la suite du texte de Matthieu (Mt. 1,21) dans le texte originaire des Questions, car ceci aurait clarifié le sens du passage d’Eusèbe. La tradition parallèle de SyrS IX,1, quoique très abrégée, contient par contre la citation de Es. 7,14, aussi destinée à expliciter les paroles de l’ange de Mt. 1,20 205. 114-116. Ἰωσὴφ Ἰωσὴφ υἱὸς Δαβὶδ, μὴ φοβηθῇς παραλαβεῖν Μαριὰμ, κτλ. Le texte d’Eusèbe est proche de celui des manuscrits. La variante principale de ce texte eusébien est la duplication du nom de Joseph, Ἰωσὴφ Ἰωσὴφ, qui n’est pas attestée ailleurs 206, même pas par Eusèbe lui-même (Comm. in Is., 7,14 et Dem. ev., VII,1,54 207). Quant à la leçon Μαριὰμ, elle est choisie par Tischendorf (avec ‫ ﬡ‬et D notamment), alors que Nestle – Aland lui préfère Μαρίαν, mais les deux leçons sont également bien attestées 208. 124. ὁ παραδόξως ὁ. Selon David Miller le texte est le fruit d’une erreur d’un copiste, à lire ὁ παραδόξως 209. 125-128. ἔπειτα δὲ αὐτῷ θαρσεῖν παρακελεύεται δι’ ὃν εἶχεν φόβον, κτλ. La peur de Joseph s’est manifestée avant l’apparition de l’ange, au moment où il comprend que la grossesse de Marie est d’origine divine (καταπλαγεὶς, dit Eusèbe en ESt I,6,82). 129. πρότερον γιγνωσκομένου τὴν αἰτίαν. Joseph sait déjà que Marie est enceinte par l’œuvre de l’Esprit Saint (voir I,6,76-78) et ce qu’il apprend de l’ange est que Jésus sera le messie (ESt I,7,116-125). 130. τὸ γὰρ ἐν αὐτῇ, κτλ. Cette citation de Mt. 1,20 est peut-être le fruit d’une maladresse de l’auteur de l’ἐκλογή, car elle semble affirmer simplement et seulement que ce que Joseph ignorait avant que l’ange ne l’en informe, était que l’enfant avait été conçu de l’Esprit saint, alors que l’ensemble de l’argumentation de ce paragraphe laisse clairement entendre que c’est sans aucun doute aussi le fait que l’enfant était le Christ l’objet de la révélation de l’ange (il aurait donc fallu avoir continué la citation jusqu’à Mt. 1,21 pour garder la cohérence de l’ensemble

205. 206. 207. 208.

Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 50. New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 14. Sur cette dernière citation, voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 108. Voir les textes de tiSchendorf, Novum Testamentum Graece, et de neStle, aland (éd.), Novum Testamentum Graece et les variantes recueillies par SWanSon, New Testament Greek Manuscripts, [I] Matthew, p. 14. On verra aussi l’étude sur la citation de Comm. in Is., 7,14 menée par Joseph verheyden, « Some Observations on the Gospel Text of Eusebius of Caesarea Illustrated from his Commentary on Isaiah », dans A. Schoor, P. van deun (éd.), Philohistôr. Miscellanea in honorem Caroli Laga septuagenarii, Louvain 1994 (OLA 60), p. 35-70, ici p. 48-50. Sur les formes du nom de la mère de Jésus, voir BlaSS, deBrunner, Grammatik des neutestamentlichen Griechisch, § 53, n. 12, et davieS, alliSon, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, I, p. 184, ainsi que les remarques de Stephen J. ShoemaKer, « A Case of Mistaken Identity? Naming the Gnostic Mary », dans F. Stanley JoneS (éd.), Which Mary? The Marys of Early Christian Tradition, Atlanta (GE) 2002 (SBL, Symposium Series 19), p. 5-30, ici p. 11-13. 209. miller, Suggested Departures, p. 1 ; proposition par la suite retirée dans l’édition de PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 15.

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Questions et réponses sur les évangiles du paragraphe, puisque Joseph savait en tout cas déjà, sinon que l’enfant avait été conçu de l’Esprit saint, au moins l’origine divine de la grossesse). 130. ἐν αὐτῇ. Le texte du manuscrit a ἐξ αὐτοῦ. Cette leçon apparaît fautive (voir aussi ESt I,7,115), probablement influencée par l’évolution du discours, selon lequel Joseph sait déjà (αὐτὸν διδάσκει οὐχ ὃ μὴ ἠγνόει, κτλ.) que la conception de Marie a une nature divine. I,8 La thèse eusébienne concernant la nécessité de garder cachés les faits de la naissance de Jésus (I,2-3) est maintenant affinée et soumise à l’épreuve des parallèles bibliques. Eusèbe s’était déjà référé aux mystères de l’économie divine, en mentionnant brièvement le fait que cette histoire aurait produit un scandale au cas où elle aurait été divulguée du vivant de Jésus (I,3,41-45) ; maintenant, il reprend cette problématique sur un plan logique, pour affirmer que, en dépit de tout miracle que Jésus aurait pu faire, personne n’aurait cru à sa naissance miraculeuse à son époque, puisque même Pierre a eu besoin d’une révélation de la part du Père pour reconnaître que Jésus est le Christ. L’argumentation continue au paragraphe suivant, qui achève ce développement avec la citation de Mt. 17,9, preuve ultime de la nécessité de différer après la résurrection la divulgation de certaines vérités (ESt I,9,182-196). La tradition de SyrS IX,1 est considérablement abrégée 210. Seule la citation de Mt. 13,55 est conservée par le syriaque, avec toutefois la mention « fils de Joseph » à la place de ὁ τοῦ τέκτονος υἱός, selon une leçon rare attestée aussi par ailleurs 211. 145-149. πόθεν τούτῳ πᾶσα ἡ σοφία αὕτη καὶ αἱ δυνάμεις, κτλ. On connaît peu de variantes à ce verset de Matthieu. L’ajout de πᾶσα (l. 97), mise à part cette attestation chez Eusèbe et une autre dans son Comm. in Ps., 71(70), 17 (PG 23,784B), est attesté seulement dans le manuscrit « De Bèze » et dans la version éthiopienne 212. 150-153. τῆς μητρὸς καὶ τῶν ἀδελφῶν ἑστώτων ἔξω, κτλ. Cette citation semble suivre un texte de Mt. 12,46-47 contaminé. En effet, le texte de la première partie apparaît fortement remanié à cause de son insertion dans le contexte eusébien et la deuxième partie montre une influence évidente du parallèle de Lc. 8,19-20 (ἰδεῖν σε θέλοντες est une leçon propre à Luc 213). Dans la tradition textuelle de Matthieu et Luc, ces passages présentent toutefois de nombreuses variantes dans la partie finale (et il en est de même pour le parallèle de Mc. 3,31-32 214), ce qui rend donc possible qu’Eusèbe utilise une variante déjà contaminée avant lui. 154-157. τίνα με, φησὶν, οἱ ἄνθρωποι λέγουσιν, κτλ. Cette citation semble avoir été considérablement adaptée en vue de l’insertion dans le contexte. C’est 210. 211. 212. 213.

Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 50. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 78-79. Voir ibid., p. 78 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 132. Voir par exemple New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 115, et id., New Testament Greek Manuscripts. Variant Readings Arranged in Horizontal Lines against Codex Vaticanus, [III] Luke, Sheffield-Pasadena (CA) 1995, p. 141. 214. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 245.

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ESt I Angelo Mai qui, dans sa deuxième édition, propose de lire τίνα με à la place de τίνα, en rapprochant le texte des leçons de Luc (9,18-19) et surtout de Marc (8,2728), plutôt que de celle de Matthieu (16,13-14). Il n’y a cependant pas de raison pour exclure qu’Eusèbe cite ici une variante de Matthieu, le seul synoptique pour lequel les manuscrits (D notamment) attestent l’interversion οἱ ἄνθρωποι λέγουσιν pour λέγουσιν οἱ ἄνθρωποι) 215, même si la variante qui concerne la partie finale (οἱ δὲ ἕτερόν τινα τῶν προφητῶν) ne semble pas avoir d’autres attestations 216. Le développement qui suit nous dirige également vers Matthieu, car il contient des citations provenant du même passage et qui dérivent de cet évangile (ESt I,8,159-166). 159-163. αὐτὸς εἴη ὁ Χριστὸς, κτλ. Citation procédant certainement du texte de Mt. 16,16-17, comme le prouve la deuxième partie (μακάριος εἶ Σίμων βὰρ Ἰωνᾶ, κτλ.) concernant Mt. 16,17, même si la partie initiale (Mt. 16,16) ne correspond pas aux témoins connus de cet évangile et ressemble à celle de certains manuscrits de Mc. 8,29 (W notamment 217). 165-166. ἡ δὲ Μαρία πάντα συνετήρει, κτλ. La leçon Μαρία est choisie par Tischendorf (avec ‫ﬡ‬1 et B notamment), alors que Nestle – Aland lui préfère Μαριάμ (voir note à ESt I,7,114-116). 165. τὰ ῥήματα. ‘Événements’, selon le sens dérivé de la langue hébraïque 218. I,9 Le paragraphe conclut la première partie de la réponse d’Eusèbe, visant la nécessité de montrer à tous que Joseph était le père de l’enfant. La tradition de SyrS IX,1 contient l’essentiel de ce que l’ἐκλογή nous rapporte, en laissant de côté la référence aux faits de la vie de Jésus 219. 172-174. τοῦτο δὲ εἰς ἀσέβειαν, κτλ. Derrière cette affirmation, on discerne la position de Celse concernant l’illégitimité de Jésus : voir Origène, Contra Cels., I,28 ; I,32 ; I,39 220. 181-182. αὐτὸν εὐτελὲς σχῆμα περιβεβλημένον. Allusion au passage de Ph. 2,5-11 (voir en particulier Ph. 2,7 : σχήματι εὑρεθεὶς ὡς ἄνθρωπος). 184-185. μηδενὶ εἴπητε τὸ ὅραμα, κτλ. La leçon eusébienne de ce verset de Mt. 17,9 comporte une variante bien attestée : ἀναστῇ à la l. 85, qui est bien attestée en tradition directe (‫ ﬡ‬par exemple), mais écartée par les éditeurs

215. En coupant donc la phrase, soit parce que son sens est obvie pour le lecteur, soit à cause d’une corruption (il faudrait dans ce cas rajouter εἶναι τὸν υἱὸν τοῦ ἀνθρώπου après λέγουσιν). 216. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 95, 300, 532. 217. Voir New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [II] Mark, Sheffield-Pasadena (CA) 1995, p. 130. 218. Voir Walter Bauer, Kurt aland, Barbara aland (éd.), Griechisch-deutsches Wörterbuch zu den Schriften des Neuen Testaments und der frühchristlichen Literatur, Berlin-New York 1988, p. 1473. 219. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 52. 220. Voir à ce propos voir aussi SPeyer, « Genealogie », p. 1238-1239 et norelli, « La tradizione sulla nascita di Gesù nell’ἈΛΗΘΗΣ ΛΟΓΟΣ di Celso », p. 152-158.

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Questions et réponses sur les évangiles modernes comme facilior 221. La partie finale de la citation (ἕως οὗ ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου ἐκ νεκρῶν ἀναστῇ) représente le point crucial de l’ensemble des citations scripturaires commençant au paragraphe précédant : Eusèbe réaffirme ici le fait qu’il y a des révélations réservées au temps qui suit la résurrection. I,10 204-206. καὶ τῆς τῶν θείων γραφῶν εὐηθείας ἀλλότριον, κτλ. La possibilité d’admettre une généalogie féminine dans le judaïsme posait effectivement problème, comme le signalent par exemple Erich Klostermann et Raymond Brown 222 ; il faut cependant remarquer qu’il y a nombre d’exceptions scripturaires à cette affirmation eusébienne, comme le montre par exemple le passage de Jdt. 8,1 223. 206-207. ἔδοξεν ἂν ἀπάτωρ, κτλ. Renvoi peut-être à une critique de Celse ; voir note à I,9,114-116. 210-211. καὶ τὴν Μαριὰμ ἐκ Δαβὶδ γεγονέναι συνίστων. On a déjà vu que Celse critique les évangiles sur ce point, en affirmant qu’ils ne démontrent pas la descendance davidique de Jésus, étant donné que Joseph n’en est pas le père (Origène, Contra Cels., II,32), mais le fait que Marie soit elle aussi de la descendance davidique a été souvent affirmé par les auteurs chrétiens (voir supra, p. 42-43 et 49) 224. 211-223. διὰ τοῦ μνηστῆρος τὸ τῆς γαμετῆς ὑποφαίνοντες γένος, κτλ. Pour démontrer que Marie est elle aussi de la famille de David, Eusèbe rappelle une loi qui interdit le mariage entre les personnes de deux tribus différentes lorsque celui-ci causerait le transfert de l’héritage des possessions immobilières d’une tribu à l’autre (voir Nb. 36,1-12), cas qui pourrait effectivement s’appliquer au mariage entre Marie et Joseph ; cette obligation concerne en effet les femmes qui sont les seules héritières des biens de leur père (voir Nb. 27,1-11) et, bien qu’Eusèbe ne s’y réfère pas, selon la tradition du Protévangile de Jacques, 1-5, Marie est justement enfant unique 225. Cette norme impose le mariage à l’intérieur de sa propre tribu, sans toutefois aucune spécification quant aux familles, à la différence de ce qu’Eusèbe prétend dans le texte. Comme Eduard Schwartz l’avait relevé 226, Eusèbe a exposé la même idée et avec le même type d’argumentation aussi en Hist. eccl., I,7,17, d’une manière si succincte que Schwartz est amené à

221. New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 164. 222. E. KloStermann (éd.), Das Matthäusevangelium, Tübingen 1927 (HNT 4), p. 3 et BroWn, The Birth of the Messiah, p. 89-90, 503-504. 223. Texte cité par SPeyer, « Genealogie », p. 526-527 et n. 23. 224. Voir aussi les remarques de zahn, Das Evangelium des Lukas, p. 208-211, ainsi que les témoignages rassemblées par José A. de aldama, María en la patrística de los siglos I y II, Madrid 1970 (BAC 300), p. 63-80 (et notamment p. 78-83). 225. Parmi les parallèles que j’ai trouvés, les seuls autres textes qui indiquent la condition d’héritière de Marie (ce qui justifie cet argument) sont ceux de Bruno de SeGni, Comm. in Mt., I,1, et de rodriGo Jiménez de rada, Brev. hist. cath., IX,1, et les deux ne semblent pas faire référence à Prot. Iac. 226. SchWartz, « Eusebios von Cesarea », p. 1388.

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ESt I croire que le texte de l’Histoire puisse être postérieur à notre passage. En réalité, non seulement la chronologie est inverse, comme on l’a vu dans l’introduction, mais aucun rapport chronologique ne peut être établi à partir du rapprochement entre ces deux passages, car l’argumentation d’Eusèbe dérive encore une fois d’Origène : dans son Comm. in Rm., I,7,66-68 227, Origène explique que « Maria quae desponsata Iosef antequam conueniret inuenta est in utero habens de Spiritu Sancto secundum legem sine dubio contribuli suo et cognato coniuncta est ». On retrouve là la même formulation ambiguë utilisée par Eusèbe en ESt I,10,217-220 : ἢ πρῶτα μὲν ἐκ τῆς φυλῆς τῆς πατρικῆς αὐτοῦ, αὕτη δὲ ἦν ἡ τοῦ Ἰούδα· ἔπειτα ἐκ τοῦ δήμου καὶ τῆς αὐτῆς πατριᾶς, αὕτη δὲ ἦν ἡ τοῦ Δαβίδ (« [il n’allait pas épouser une femme venant d’ailleurs] que, en premier lieu, de sa tribu paternelle, laquelle dans ce cas était celle de Juda, et ensuite de son dème et de sa descendance ; or c’était celle de David »). Cette formule introduit d’une manière subreptice l’idée – qui ne se trouve nulle part dans le texte normatif des Nombres – que le mariage devait avoir lieu non seulement parmi des personnes de la même tribu, mais aussi ἐκ τοῦ δήμου καὶ τῆς αὐτῆς πατριᾶς (voir aussi la formulation de Hist eccl., I,7,17 : τῶν ἐκ τοῦ αὐτοῦ δήμου καὶ πατριᾶς τῆς αὐτῆς 228). Cette même argumentation est reprise par plusieurs auteurs, par exemple Ambroise, Exp. in Lc., III,4 (qui cite explicitement Nb. 36,7-8) ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,18 ; Jean Chrysostome, In Mt. hom., II,4 et IV,2 (PG 57,2829.41-42). Parmi ces textes, celui de Jean Chrysostome, In Mt. hom., II,4, est très intéressant car il utilise tous les termes-clés de l’argumentation d’Eusèbe (φυλή, πατριά, οἶκος), mais dans un passage qui semble plus proche de l’argumentation d’Origène, Comm. in Rm., I,7 (passage que, comme on l’a mentionné dans l’introduction au commentaire de cette question, contient aussi la citation de Rm. 9,3, reprise par ESt I,11). Puisque les argumentations communes à Eusèbe et l’Origène de Hom. in Lc., VI, n’apparaissent pratiquement pas dans cette homélie de Jean, il se peut que la source suivie par Jean soit un texte plus élaboré, source aussi d’Eusèbe, et évidemment un texte d’Origène lui-même. Les conclusions de cette hypothèse ont été par la suite admises par Christophe Guignard 229. 219. ἐκ τοῦ δήμου καὶ τῆς αὐτῆς πατριᾶς. Ce couple de mots provient sans aucun doute d’Origène (voir commentaire à ESt I,10,211-223) 230. Sur le sens à donner du mot δῆμος, on verra les études de Gilles Dorival 231, tandis que

227. Éd. c. P. hammond Bammel, VL.AGLB 16, p. 59-60. En faveur de la dépendance d’Eusèbe envers Origène il faut considérer que l’explication donnée dans le paragraphe suivant à propos de la parenté d’Elisabeth et Marie provient aussi d’Origène (voir infra, p. 74) 228. Éd. G. Bardy, SC 31, p. 29. 229. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 17, 243, 354-355, n. 145 (voir aussi ibid., p. 432-433, n. 5). Guignard fait référence à mon étude « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 72, 83-84, mais j’ai aussi repris cette thèse dans mon « Eusebius’ exegesis between Alexandria and Antiochia », p. 168-170. 230. Voir aussi le parallèle d’Épiphane de Salamine, Pan., LXXVIII,17,8 (éd. holl, GCS 37bis, p. 468, l. 16). 231. La Bible d’Alexandrie, [IV] Les Nombres, éd. et trad. Gilles dorival, avec Betrand Barc, Geneviève favrelle, Madeleine Petit, Joëlle tolila, Paris 1994, p. 210, p. 192 ; dorival, « La traduction de la Torah en grec », dans C. doGniez, m. harl (éd.), La Bible des Septante. Le Pentateuque d’Alexan-

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Questions et réponses sur les évangiles sur πατριά, qui semble faire référence à Lc. 2,4 (texte concernant l’origine de Joseph : διὰ τὸ εἶναι αὐτὸν ἐξ οἴκου καὶ πατριᾶς Δαυίδ), on verra la glose de Jean Chrysostome, In Mt. hom., II,4 (PG57,28) : […] ἀπὸ πατριᾶς ἑτέρας, τουτέστι συγγενείας, ainsi que les remarques d’Alain Le Boulluec et Pierre Sandevoir 232. I,11 Le fait que Luc affirme que Marie et Élisabeth sont « consanguines » (Lc. 1,36) pose certainement un grand problème pour la thèse d’Eusèbe car Elisabeth est clairement définie comme descendante d’Aaron par Luc 1,5. Cette problématisation ainsi qu’au moins la première des solutions proposées (ESt I,11,224-226 et 226-236) proviennent d’Origène, Comm. in Rm., I,7, et forment la suite logique de la partie finale du paragraphe précédent (voir commentaire à ESt I,10,211-223). La partie suivante de l’argumentation d’Eusèbe ne se trouve pas dans le texte d’Origène, mais, comme j’ai expliqué supra (p. 44), le texte origénien semble indiquer que la discussion se poursuivait ailleurs, et que toute l’argumentation origénienne est donc ici réduite, comme l’est aussi la citation même de Rm. 9,3 (autre indice clair de la dépendance d’Eusèbe). 224. συγγενὴς τῆς Ἐλισάβετ. À la différence de notre texte, SyrS IX,2 cite expressément Lc. 1,36 (comme l’avait fait Origène, Comm. in Rm., I,7,69-70, éd. C. P. Hammond Bammel, VL.AGLB 16, p. 60). La citation explicite de Luc aurait donc pu se trouver aussi dans le texte original de la question (ou dans le développement correspondant à ESt I,1). 226-236. πᾶν γὰρ τὸ Ἰουδαίων ἔθνος ἑνὸς ἦν, κτλ. Première explication : on peut entendre συγγενής (Lc. 1,36) au sens où Paul l’utilise en Rm. 9,3, comme référence à l’ensemble du peuple d’Israël (voir Origène, Comm. in Rm., I,7,70-75, éd. C. P. Hammond Bammel, VL.AGLB 16, p. 60). 229-231. ηὐχόμην γὰρ ἀνάθημα εἶναι, κτλ. La citation de Rm. est abrégée d’une manière qui n’est pas attestée dans la tradition directe 233 ; il s’agit probablement d’une simple coupe pour gagner de l’espace. 236-248. καὶ ἄλλως […] διὰ τὸ οἰκεῖν ἐπὶ τῆς Ἰούδα φυλῆς, κτλ. Deuxième explication : on peut considérer le fait qu’Élisabeth vit au milieu de la tribu de Juda pour la rapprocher de cette même tribu. Eusèbe ne dit mot sur le fait que selon Lc. 1,26 Marie habite à Nazareth de Galilée. En opposition à la tradition lucanienne, Mt. 2 semble clairement placer la résidence de Joseph à Bethléem avant le voyage en Égypte et, d’après Mt. 2,22, il semble que Joseph est empêché de rentrer de l’Égypte en Judée à cause d’Archélaüs, le successeur d’Hérode, et c’est pourquoi il s’établit alors en Galilée, à Nazareth, à la suite d’un avertissement divin : (χρηματισθεὶς δὲ κατ’ ὄναρ). Le Protévangile de Jacques situe par

drie, Paris 2001, p. 31-59, ici p. 34 ; Jacqueline moatti-fine, « La tâche du traducteur », dans C. doGniez, m. harl (éd.), La Bible des Septante. Le Pentateuque d’Alexandrie, p. 67-76, ici p. 71. 232. La Bible d’Alexandrie, [II] L’Exode, éd. et trad. Alain le Boulluec, Pierre Sandevoir, Paris 1989, p. 114 233. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, II, Leipzig 1872, p. 409 ; Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 424.

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ESt I contre clairement la maison de Joseph à Jérusalem (voir Prot. Iac., 15,1). Il est toutefois clair que ces détails font partie de traditions visant à reconstituer une image de la famille de Jésus plutôt théologique que réellement historique 234. 239-242. ἀναστᾶσα δὲ Μαριὰμ ἐν ταῖς ἡμέραις ταύταις, κτλ. Avec le texte de pratiquement tous les manuscrits de Luc 235. 248-252. οὐκ ἀπεικὸς δὲ καὶ τῆς ὁμοιοτροπίας χάριν, κτλ. Dernier argument : le fait de coopérer à la même économie atteste l’ὁμοιοτροπία des deux « consanguines ». 252. μετεῖχον. En conclusion du paragraphe, Mai ajoute ἀλλὰ τοῦτο μὲν οὕτως ἀπολυτέον, texte qu’il tire du manuscrit Vat. Gr. 1611 de la Chaîne sur Luc de Nicétas, qui rapporte l’ensemble du paragraphe 11 (le texte du fragment n’est cependant pas édité par Mai) 236. David Miller propose maintenant d’intégrer cette variante au texte de l’ἐκλογή 237. I,12 La tradition de SyrS X propose le contenu de ce paragraphe sous forme de question séparée, en ajoutant aussi une nouvelle formulation de la question. 253-254. ὁ ὢν. David Miller propose de corriger en ὢν ὁ 238, en supposant dans la transmission textuelle une transposition qui rendrait plus compliqué (ou difficilior) un texte clair et simple.

234. Voir Enrico norelli, « La Vergine Maria negli apocrifi », dans C. leonardi, a. deGl’innocenti (éd.), Maria. Vergine Madre Regina. Le miniature medievali e rinascimentali, s. l. [2000], p. 21-42, p. 21-23 ; id., Marie des apocryphes. Enquête sur la mère de Jésus dans le christianisme antique, Genève 2009 (Christianismes antiques 1), p. 51-63. 235. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 419 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [III] Luke, p. 22. 236. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 225, n. 1. Mai mentionne dans la même note que ce passage se trouve aussi dans un manuscrit de Macaire. 237. miller, Suggested Departures, p. 1 ; id., dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 21, n. 6 (voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 87). Si dans le manuscrit de 2008 Miller n’expliquait pas la raison de l’omission de cette phrase, dans le texte imprimé il donne l’impression de croire, tout à fait à tort, que cette variante doit provenir du manuscrit de l’ἐκλογή. Il s’agit d’une leçon qui a bien des chances de provenir du texte original des questions eusébiennes ; elle ne peut pas pour autant être intégrée dans le texte de l’ἐκλογή, tout comme c’est le cas de plusieurs autres variantes que Miller choisit et qui finissent par fournir un texte contaminé des différentes traditions textuelles sur lesquelles il travaille (comme je l’ai remarqué dans mon compte rendu du livre de Pearse paru dans Journal of Early Christian Studies 20, p. 649, et comme le signale aussi Guignard dans son compte rendu du même volume, p. 585) ; en ce sens, Miller n’a évidemment pas toujours à l’esprit que je donne une édition de l’ἐκλογή en tant que recension à part entière, et pas une reconstitution du texte eusébien perdu (voir aussi commentaire à ESt II,4,42.45 ; II,5,63, etc.). 238. miller, Suggested Departures, p. 1 ; id., dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 21, n. 7.

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Questions et réponses sur les évangiles 253-254. κεφαλὴ τῆς γυναικὸς, κτλ. La citation de Eph. 5,23 est trop courte et fragmentée pour décider si elle appuie l’une ou l’autre des variantes principales concernant ce texte (ἐστιν κεφαλὴ τῆς γυναικός ou κεφαλὴ ἐστιν τῆς γυναικός) 239. 254-255. ἔσονται οἱ δύο εἰς σάρκα μίαν. La citation eusébienne s’accorde avec les manuscrits de la Genèse, qui n’ont pas de variante notable (quelques manuscrits omettent οἱ δύο 240). 255-256. μεμνηστευμένη. Selon l’usage néotestamentaire de ce verbe il faut entendre « fiancée » 241. Le mot pourrait cependant aussi signifier « mariée » et, dans ce cas, les références bibliques seraient plutôt Lv. 20,10 et Dt. 22,22. Le témoignage de SyrS X permet cependant d’exclure cette deuxième possibilité (voir comm. à I,12,256-257). 256-257. κατὰ τὸ αὐτὸ τιμωρίαν ὑπομένει. Cette allusion est explicitée en SyrS X, qui cite Dt. 22,23. 260-263. συναριθμεῖσθαι; κτλ. Le texte pourrait aussi être ponctué différemment : συναριθμεῖσθαι, […] γενομένη ; 262-263. καὶ δήμου καὶ πατριᾶς. Sur le sens de δῆμος et πατριά voir comm. à ESt I,10,219. 265-266. καὶ δώσει αὐτῷ ὁ θεὸς τὸν θρόνον, κτλ. La tradition directe de Lc. 1,32 ne note pas de variantes significatives pour ce texte 242, mais voir les citations d’Eusèbe lui-même en ESt XV,4,64-67 (voir commentaire ad loc.) et celle, proche, de Contra Marc., II,1,4 (éd. Klostermann, GCS 14bis, p. 32) 243. 267-275. πῶς γὰρ ἄλλως εἰκὸς, κτλ. En affirmant que Marie avait conscience d’être de la descendance davidique, Eusèbe réfute ici ce qui est le cœur de l’objection de Celse (Origène, Contra Cels., II,32). 268-269. ἢ συνομολογοῦντα αὐτὴν ἐκ τοῦ Δαβὶδ εἶναι. La conjecture proposée par Mai dans sa deuxième édition (ἢ συνομολογοῦντα ἐκ τοῦ Δαβὶδ εἶναι) permet de lire « …sinon que ces promesses n’étaient pour quelque descendante de David ? ».

239. À leur sujet voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 694 ou New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [III] Luke, p. 512. 240. John W. WeverS (éd.), Genesis, Göttingen 1974 (Septuaginta, Vetus Testamentum Graecum Auctoritate Academiae Scientiarum Gottingensis editum 1), p. 89. 241. Voir à ce propos Ceslas SPicQ, Lexique théologique du Nouveau Testament, Fribourg-Paris 1991, p. 1043 (rééd. en un vol. de SPicQ, Notes de lexicographie néo-testamentaire, Fribourg-Göttingen 1978-1982 [Orbis biblicus et orientalis 22]). 242. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 417 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [III] Luke, p. 20. 243. Sur la citation de Contra Marc., II,1,4, voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 246.

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ESt I 275-279. ἀνέβη δὲ καὶ Ἰωσὴφ ἐκ τῆς Γαλιλαίας ἐκ πόλεως Ναζαρὲθ, κτλ. Les variantes eusébiennes (déplacement de ἀπογράψασθαι et μεμνηστευμένῃ), rejetées par les éditeurs modernes, trouvent des attestations aussi dans la tradition directe de Luc 244. Une autre version de la citation chez Eusèbe se trouve en Dem. ev., VII,2,5 245.

244. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 426-427 ; Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 156 ; New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [III] Luke, p. 30-31. 245. Voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 159-160.

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EST II

Contenu de l’ἐκλογή Cette question porte sur la différence entre la généalogie de Matthieu, qui descend d’Abraham vers le bas, et celle de Luc, qui commence avec Joseph et remonte, non jusqu’à Abraham, mais jusqu’à Adam et à Dieu. II,1. Il aurait été opportun de s’accorder afin que soit Luc s’arrêtât à Abraham, soit Matthieu commençât avec Adam. II,2. La réponse est simple : personne ne pourrait dire que ceux qui montent ou descendent par le même chemin parcourent un chemin différent. Ainsi en va-t-il pour le double sens de la succession des lignages, à la manière propre aux Hébreux et aux Écritures. II,3. Par exemple, dans le livre de Ruth on trouve une généalogie descendante, comme chez Matthieu. II,4. Dans le premier livre des Rois on trouve par contre une généalogie qui remonte, comme celle de Luc. Dans les Chroniques on trouve deux généalogies qui vont dans les deux sens ; on peut trouver d’autres exemples de ce double usage et il faut donc en conclure que les évangélistes n’ont rien fait d’étrange. II,5. On présume injustement un désaccord entre les évangélistes, car chacun écrit sa narration dans un but précis : l’un donc commence depuis Abraham selon un dessein qu’il n’y a pas lieu d’exposer maintenant ; l’autre remonte et, en ne s’arrêtant pas à Abraham mais en rattachant son discours à Dieu, il fait remonter un mystère, par la nouvelle naissance dans le Christ. Autres traditions textuelles II. La question est fortement abrégée dans SyrG XI 246 ; elle contient toutefois des différences intéressantes par rapport à l’ἐκλογή. La question se réduit ici au problème posé par le sens inverse des deux généalogies (première partie de la question de ESt II). Il n’y a pas le développement de la question (ESt II,1), et les citations de 1 Ch. (ESt II,4) sont absentes. En revanche, la partie parallèle à ESt II,5 contient une section du texte manquant dans l’ἐκλογή, à savoir l’explication du fondement mystique du sens des généalogies : Matthieu, en descendant, montre la marche vers le bas du Verbe de Dieu pour notre rédemption, selon

246. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 88-90.

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ESt II la promesse, alors que Luc remonte pour montrer que le baptisé est élevé à la « profondeur » divine. II. SyrG XII 247 offre un deuxième parallèle abrégé pour l’ensemble de ESt II, et contient aussi des ajouts par rapport à celle-ci. La formulation de la question concerne la discordance entre le fait que Luc, en remontant, aurait pu s’arrêter à Abraham, ou Matthieu, en descendant, aurait pu commencer avec Adam (deuxième partie de la question de ESt II) ; la réponse est comparable d’abord à ESt II,2 (les deux parcourent un même chemin), mais poursuit en ajoutant que Matthieu, qui écrit pour les Hébreux, commence avec Abraham et descend, alors que Luc, qui place la généalogie au moment du baptême, remonte au Père céleste. Il manque le développement de la question (ESt II,1), et toutes les citations bibliques sont supprimées (II,3-4). II,1-4. Pour ces paragraphes, il y a la longue tradition parallèle de SyrS XI,1 248. SyrS XI joint à cette question ESt III et probablement ESt IV,2 249. La formulation de la question se limite au problème général posé par le fait que l’ordre des généalogies de Matthieu et Luc diffère. La réponse contient d’abord l’élaboration de l’aporie : alors que Matthieu part d’Abraham et descend, Luc remonte, ne s’arrête pas à Abraham, mais continue jusqu’à Dieu. Ce développement se poursuit en notant que la liste de Luc est ainsi beaucoup plus longue, alors qu’il aurait été utile d’avoir une concordance parfaite entre les deux listes (ceci semble être le seul ajout par rapport au texte de l’ἐκλογή) ; de plus, Matthieu trace sa généalogie en passant par Salomon, fils de David, jusqu’à Jacob, père de Joseph, alors que Luc le fait en passant par un autre fils de David, Matthan, et par ses descendants, Héli et Matthat (cette dernière partie se réfère clairement au contenu de ESt III). Par la suite, la réponse d’Eusèbe correspond au contenu du texte de ESt II,2-4, mais sans la citation de 1 Ch. 6,18-23. II,2-5. La presque totalité de cette question se retrouve dans FSt 1, qui a été publié par Mai dans sa deuxième édition 250. Ce fragment contient un texte presque identique à ESt II,2-4, hormis notamment une modification en tête de

247. Beyer, ibid., p. 90. 248. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 58-60, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 334-336. 249. Adam McCollum et Christophe Guignard rejoignent aussi essentiellement cette répartition de SyrS XI (voir McCollum dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 335 ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 122-123 ; voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 88 sqq.). 250. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 268-269, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 134. David Miller (PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 155) affirme à tort que les fragments 1-11 à Stephanos auraient été compilés par Nicétas ou sa source comme « a consecutive abridgement of To Stephanus 1-6 » ; en réalité il s’agit plutôt d’une série de textes qui sont identifiés, numérotés et en partie aussi déplacés par Mai (c’est le cas du FSt 8 comme nous le verrons par la suite), à l’intérieur d’un plus ample groupe de textes qui commentent la généalogie de Luc et qui non seulement ne forment en aucune manière une abréviation des questions d’Eusèbe, mais qui ne constituent même pas un groupe, puisque intercalés parmi d’autres textes (sur la constitution de la chaîne et sur l’ordre de ces textes, voir KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 160-162, n. 704, 709-710 et

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Questions et réponses sur les évangiles la partie parallèle à ESt II,2, due sans doute à la nécessité d’insérer le passage d’Eusèbe dans la chaîne et cinq autres variantes de moindre importance 251. Le texte de ce fragment est cependant bien plus riche pour la partie parallèle à ESt II,5 ; il y ajoute notamment une phrase importante : si Matthieu a décidé de descendre en partant d’Abraham, Luc a jugé bon de remonter en soulignant le mystère de la régénération du Christ dans le baptême, et c’est ainsi que, sans jamais utiliser le mot de « génération » 252, il conduit Jésus vers le haut : Luc ne s’arrête ainsi pas à un homme, mais arrive à Dieu, car Jésus est le Fils du Père. II,2-4. Un deuxième fragment grec résume ESt II,2-4, le FSt 15, publié par Pierre Poussines 253 et repris dans les deux éditions de Mai 254. Ce résumé est très court et son texte procède en supprimant toutes les citations vétérotestamentaires (il ne renvoie qu’aux deux premières). Commentaire La question La formulation de la question semble discuter deux problèmes différents, l’un concernant le sens des généalogies de Matthieu et de Luc, et l’autre le fait que la généalogie de Luc est plus longue, remontant directement « à Adam et à Dieu » 255. Cette question et surtout la partie finale de la réponse montrent la volonté chez d’Eusèbe de tirer des enseignements de nature christologique de certains détails des généalogies. On peut remarquer aussi que la réponse est divisée en une première partie, concernant le sens vers le bas ou vers le haut des deux généalogies (ESt II,2-4), et une deuxième, qui s’attaque à la raison pour laquelle Luc n’a pas cru bon de s’arrêter à Abraham (ESt II,5). La tradition syriaque de Georges de Belthan (SyrG), qui est aussi plus complète en ce qui concerne la partie finale, s’est vraisemblablement aperçue de ce dédoublement et a divisé le texte en deux parties distinctes (à remarquer que les textes de SyrS XI,1 et de FSt 15 pourraient attester aussi la même division, puisqu’ils ne traitent que de la partie initiale de la question). On peut cependant exclure que l’original des questions ait présenté deux questions séparées comme le laisse entendre SyrG, car les réponses de SyrG XI-XII montrent à mon avis très clairement que l’original devait contenir une seule question. On peut en déduire que le rédacteur syriaque est facilement parvenu à séparer en deux parties la question, mais il

251. 252. 253. 254. 255.

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714 ; voir aussi GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 60-61). Toutes ont été signalées par mai, ibid., p. 227. Voir à ce propos Origène, Hom. in Lc., XXVIII,3 et comm. à ESt III. PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 8. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 84, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 156. C’est une distinction qui aide, me semble-t-il, à mieux comprendre la question, mais en sens contraire va, de toute évidence, l’analyse de Helmut MerKel, Die Widersprüche zwischen den Evangelien. Ihre polemische und apologetische Behandlung in der Alten Kirche bis zu Augustin, Tübingen 1971 (WUNT 13), p. 132-133.

ESt II n’est pas arrivé à séparer nettement les deux réponses, ce qui l’a amené à fournir deux réponses résumées qui sont presque interchangeables, car elles répondent toujours à l’ensemble des deux questions. Le témoignage de FSt 1, indépendant de ESt II, plaide également pour l’intégrité de cette question. On peut donc conclure que la tradition de Georges de Belthan sépare la question en deux, alors que la tradition de la chaîne de Sévère (SyrS XI) laisse tomber la deuxième partie de cette question, et lui substitue directement la question qui suit, dont l’objet est proche de la deuxième partie coupée. L’ensemble des témoignages textuels (et notamment FSt 1 et SyrS XI,1) nous font supposer que la première partie du texte de l’ἐκλογή correspond assez bien à l’original eusébien. La deuxième partie de la réponse telle qu’elle est formulée dans l’ἐκλογή n’est par contre guère satisfaisante, au point même qu’elle est difficilement compréhensible sans l’apport des autres traditions textuelles 256. De toute manière, puisque Eusèbe discute les visées théologiques des deux généalogies de Matthieu et de Luc aussi dans la question suivante (ESt III), la réponse à cette partie finale de la question ne devait pas être beaucoup développée dans le texte original, ce qui peut avoir permis à plusieurs rédacteurs de la laisser complètement de côté, comme le font l’auteur du FSt 15 ou l’auteur de SyrS. Origène et autres parallèles Les problématiques ici abordées par Eusèbe semblent avoir été inspirées par Origène, notamment de Comm. in Mt., fr. 3 257, et de Hom. in Lc., XXVIII,1-4 258. Plusieurs autres auteurs postérieurs à Eusèbe traitent aussi de ces problèmes, parmi lesquels on mentionnera notamment Ambroise de Milan, dans Exp. in Lc., III,4 259 ; Épiphane de Salamine, Pan., LXIX,22,5-6 ; LXIX,23,4 (GCS 37bis, p. 172-173) ; Augustin, Contra Faust., III,4 (éd. Zycha, CSEL 25/1, p. 266) 260 ; De cons. ev. II,2,4 ; II,4,11-12 (éd. Weihrich, CSEL 43, p. 63.84.88-94) ; Serm.,

256. Voir commentaire à ESt II,5, p. 85-87. 257. Éd. KloStermann, Benz, GCS 41/1, p. 14. 258. Le passage de Hom. in Lc., XXVIII,1-4 a en fait inspiré plutôt ESt III que notre question, mais un parallèle direct entre ESt II et Hom. in Lc., XXVIII,1.4 demeure néanmoins plausible. De la même manière, un certain nombre des parallèles possibles à cette question semblent plutôt renvoyer au contenu de ESt III (voir aussi le commentaire à cette question, notamment à ESt III,3). 259. À relever qu’Ambroise reprend ici certainement notre question, comme le montre la citation de 1 S. 1,1 (même s’il n’y répond pas) ; il reprendra aussi la question suivante peu après (en Exp. in Lc., III,6-11, et voir aussi III,36). En sens contraire, mais sans arguments probants, s’est exprimé Giovanni Coppa : S. amBroGio, Opere esegetiche IX,1. Esposizione del Vangelo secondo Luca, éd. G. coPPa, Milan-Rome 1978 (Tutte le opere di Sant’Ambrogio 11), p. 241, n. 1. 260. Dans ce texte, Augustin se contente de relever la question sans proposer de solution.

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Questions et réponses sur les évangiles LI,21,31 (PL 38,351-352) ; Julien, Adv. Gal., fr. 62, l. 18-32 261 ; fr. 64, l. 9-12 262 ; Maxime le Confesseur, Quaest. et dubia, XII (éd. CC.SG 10, p. 10) ; Bède le Vénérable, In Luc. exp., I (Lc. 3,23-24 ; PL 92,362-363) ; Pierre Damien, Testimonia ex ev., I (PL 145,891-894) ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt. 1,1.17 (éd. CSCO 15, 32-33.56, trad. CSCO 16, p. 25-26.42) ; Rupert de Deutz, Comm. in Mt., I (PL 168,1320) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Lc., III (Lc. 3) 263 ; Anselme de Canterbury, Hom., VIII (PL 158,633-634) ; Zacharie Chrysopolitain, In unum ex quattuor, I,5 (PL 186,66) ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,1 ; Lc. 3,29-34) 264 ; Bonaventure, Comm. in Lc., III,60-61 (Lc. 3,23) 265 ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 31, art. 3,3 266. Voir aussi Basile de Césarée, Contra Eun., II,15 (SC 305, p. 58) et Fr. in Lc., 3,3 (PG 106,1192 A-C). II,1 5-12. Τὸ δεύτερον τῶν ὑπὸ σοῦ, κτλ. David Miller suppose que ce paragraphe contient la question telle que formulée par Eusèbe, et que la question en version succincte qui précède (διὰ τί ὁ μὲν ἄνωθεν, κτλ.) est un résumé ajouté par un copiste, exactement comme il arrive avec EMar IV, où ont été ajoutés une attribution et un bref descriptif avant la question (τοῦ αὐτοῦ. περὶ τοῦ τάφου καὶ τῆς δοκούσης διαφωνίας ; voir commentaire ad. loc.) 267, mais en réalité il s’agit plus simplement d’un développement de la question posée, exactement comme il arrive pour la question précédente 268; la question qui précède ce paragraphe (l. 1-4) n’est donc pas un ajout postérieur, mais fait partie du texte original, comme l’indique aussi la formule qui l’introduit (διὰ τί), qui se retrouve dans une large partie des questions adressée à Stephanos 269. 5. τῶν … προταθέντων. Ce mot renvoie à un usage technique dans le genre littéraire (voir aussi Est III,1,6) 270.

261. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 157-158 ; texte tiré de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,885B-888B) ; voir rinaldi, Biblia gentium, n° 316 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 318. 262. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 159 ; texte tiré de Cyrille d’Alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,900D-901C). 263. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, III, p. 23-24 ; trad., I, p. 160-161. 264. SPanuth, Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, p. 2 (Mt. 1,1) ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 285. 265. Bonaventurae opera omnia, VII, p. 86-87. 266. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 323, 324-325. 267. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 25, n. 8. 268. Voir à ce propos le commentaire à ESt I,1 ainsi que Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 423-425. 269. Voir mon étude « Existe-t-il une terminologie technique dans les Questions d’Eusèbe de Césarée ? », p. 88-98. 270. J’ai analysé quelques-uns des mots eusébiens caractéristiques dans mon article : « Existe-t-il une terminologie technique dans les Questions d’Eusèbe de Césarée ? », p. 81-98 (et notamment p. 85).

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ESt II 9. σύμφωνα καὶ συνῳδὰ. Termes techniques musicaux (voir aussi II,5,57) dont l’usage métaphorique est bien attesté dans le monde ancien 271, ainsi que chez les auteurs chrétiens 272 et chez Eusèbe 273. On peut supposer qu’Eusèbe a été influencé par l’usage massif qu’en fit Origène (voir par exemple Comm in Mt., II = Phil., VI,1-2) 274, mais c’était aussi le cas de Clément d’Alexandrie 275. II,2 18-21. τὸν αὐτὸν γοῦν τρόπον, κτλ. Noyau de l’argument biblique d’Eusèbe, souligné de manière rhétorique : le mot central exprimant l’argumentation, τρόπος, est répété avec emphase (l. 18, 20 et 31) et le mot φίλος est utilisé au sens possessif, comme chez Homère. 19. πάρεστιν. David Miller propose d’ajouter un infinitif dépendant de πάρεστιν, par ex. εἰπεῖν 276, pour expliciter le sens déjà clair de la phrase. 21. συνήθης. Le FSt 15, en concentrant l’argument d’Eusèbe, fera de cet attribut de τρόπος le mot clé de son résumé : ἦν γὰρ καὶ τοῦτο πάλαι τῇ θείᾳ Γραφῇ σύνηθες. II,3 22-31. καὶ αὗται αἱ γενέσεις Φαρὲς, κτλ. La tradition textuelle de Rt. 4,18-22 est assez tourmentée 277, mais les variantes de cette citation eusébienne sont de moindre intérêt, excepté la glose ὁ δὲ ἦν Ἰούδα τοῦ ἀρχιφύλου παῖς (l. 24), qui ne se trouve dans aucun manuscrit connu de Ruth. Dans sa première édition, Mai avait intégré cette glose dans la citation, mais dans sa deuxième édition il l’en exclut, ce qui trouve un bon argument dans le fait que le manuscrit de l’ἐκλογή indique la citation seulement à partir de Φαρὲς ἐγέννησε.

271. Ceci est valable notamment pour le premier mot de ce couple : voir par exemple liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 1689-1690. 272. Voir à ce propos par exemple Enrico Norelli dans iPPolito, L’anticristo – De antichristo, éd. E. norelli, Florence 1987 (BPat 10), p. 164 et Jean-Michel roeSSli, « Du Protreptique de Clément d’Alexandrie à la Laudatio Constantini d’Eusèbe de Césarée : Convergence et divergence dans l’interprétation du mythe d’Orphée », Archivium Bobiense 23 (2001), p. 93-105 [rééd. : « Convergence et divergence dans l’interprétation du mythe d’Orphée. De Clément d’Alexandrie à Eusèbe de Césarée », RHR 219 (2002), p. 503-513]. 273. Voir par exemple les attestations de συμφωνία et mots proches recensées dans Geoffrey W. H. lamPe (éd.), A Patristic Greek Lexicon, Oxford-New York-Toronto et al. 1961-1968, p. 1293. 274. Ainsi aussi le commentaire de Marguerite Harl dans l’édition du texte, SC 302, p. 319-321. 275. Clément Alexandrin, Protr., I,8,3, réfère par exemple le mot πολύφωνος au Sauveur. 276. miller, Suggested Departures, p. 1 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 25, n. 9. 277. Voir The Old Testament in Greek, According to the Text of Codex Vaticanus, i. The Octateuch, 4. Joshua, Judges and Ruth, éd. Alan E. BrooKe, Norman mclean, Cambridge 1917 (OTG[V] 1/4), p. 897.

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Questions et réponses sur les évangiles 24. ἀρχιφύλου. Le sens de « fondateur de la tribu » est bien attesté chez Eusèbe 278, contre le sens plus courant de « chef de tribu » 279. II,4 32. Ἡ δέ γε πρώτη τῶν Βασιλειῶν ἑξῆς διαδεξαμένη. Le premier livre des Rois correspond selon la Septante au premier livre de Samuel du canon hébreu, et se situe en tout cas après le livre de Ruth. Ayant cité les versets qui terminaient Ruth, Eusèbe cite maintenant ceux qui ouvrent 1 S., ce qui explique l’adverbe ἑξῆς, à entendre donc d’une façon strictement littérale. 35-38. καὶ ἐγένετο ἄνθρωπος, κτλ. Ce passage est riche en variantes dans la tradition de la Septante 280 et la leçon choisie par Eusèbe, qui fait commencer le verset par καὶ ἐγένετο, représente une tradition minoritaire attestée déjà par Origène 281 et suivie aussi par SyrS XI,1 282. 42. Δαβὶδ, φησὶν, ἦν υἱὸς Σολομῶν. Mis à part l’ajout du mot φησὶν indiquant la citation, cette phrase (Δαβὶδ, φησὶν, ἦν υἱὸς Σολομῶν) semblerait faire partie de la citation de 1 Ch. (l. 42-45 283), notamment à cause de ce qui précède ἄκουσον γοῦν καὶ τῶνδε, et dans sa première édition Mai l’entendait déjà en ce sens. Toutefois, aucune autre tradition directe connue ne soutient cette leçon 284 et cette phrase s’insère vraiment mal dans le contexte de 1 Ch. 3, où il est parfaitement inutile de rappeler que Salomon est fils de David. Elle est, par contre, à sa place dans le contexte de cette question, et il semble donc bien s’agir d’une simple glose, insérée dans la citation par erreur au cours de la tradition du texte eusébien, comme semble aussi l’indiquer le parallèle de SyrS XI,1 285. 42. Σολομῶν, υἱοὶ Σολομῶν. L’ajout du premier Σολομῶν, proposé déjà par Angelo Mai dans la première édition et repris aussi dans la deuxième, est nécessaire pour la compréhension du texte, qui ne fait autrement pas de sens. Avec d’autres indices (voir commentaire à ESt II,4,42 et 45), cette conjecture absolument nécessaire de Mai prouve que le texte de cette citation (voir commen-

278. lamPe, A Patristic Greek Lexicon, p. 241. 279. Le sens du mot est cependant peu clair déjà dans la Septante : voir à ce sujet Marguerite Harl dans La Bible d’Alexandrie, [V] Le Deutéronome, éd. et trad. Cécile doGniez, Marguerite harl, Paris 1992 p. 55. 280. Voir The Old Testament in Greek, According to the Text of Codex Vaticanus, II. The Later Historical Books, 1. I and II Samuel, éd. BrooKe, mclean, thacKeray, Cambridge 1927 (OTG[V] 2/1), p. 1, et le commentaire de leStienne dans La Bible d’Alexandrie, [IX/1] Premier livre des Règnes, trad. du grec par Bernard Grillet, Michel leStienne, éd. Michel leStienne, avec Jean maSSonnet et Anita méaSSon, Paris 1997, p. 126-127. 281. Ainsi leStienne, ibid., ainsi que Origenis Hexaplorum quae supersunt, éd. Frederick field, I, Oxford 1875, p. 487. 282. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 60. 283. Le manuscrit de l’ἐκλογή indique aussi la citation. 284. Voir The Old Testament in Greek, According to the Text of Codex Vaticanus, II. The Later Historical Books, 3. I and II Chronicles, éd. BrooKe, mclean, thacKeray, Cambridge 1932 (OTG[V], 2/3), p. 400. 285. Voir Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 60.

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ESt II taire à la l. 45) est corrompu dans le manuscrit de l’ἐκλογή. Dans sa deuxième édition, Mai proposa aussi une deuxième correction au texte, en lisant υἱὸς à la place de υἱοὶ, mais cette conjecture est plus problématique, car elle s’éloigne du texte normalement attesté par les manuscrits de la Septante et oblige aussi à introduire une correction ultérieure en fin de citation (voir commentaire à la l. 45). Cette deuxième conjecture de Mai (υἱὸς par υἱοὶ) a été par la suite acceptée par David Miller en 2008, mais cependant sans la correction en fin de citation, avec cette traduction : « Solomon’s sons were Roboam and Abia, Abia’s son was Osa… » 286 ; par la suite Miller a dû remarquer que cette traduction ne s’accordait pas avec la correction de Mai et l’a changée (« Solomon’s son was Rehoboam, his son was Abijah, Abijah’s son was Ahaz… »), toujours sans corriger le texte en fin de citation 287. 44. Ὀχοζῆ. Hapax. 45. Ἀμεσίας. L’intégration de υἱὸς αὐτοῦ proposée par Mai après Ἀμεσίας est une proposition d’intégration qui rapprocherait le texte de celui des éditions courantes et de la plupart des manuscrits : υἱοὶ Σολομῶν· Ῥοβοὰμ, Ἀβιὰ υἱὸς αὐτοῦ, Ὀσὰ υἱὸς αὐτοῦ, Ἰωσαφὰτ υἱὸς αὐτοῦ, Ἰωρὰμ υἱὸς αὐτοῦ, Ὀχοζῆ υἱὸς αὐτοῦ, Ἰωὰς υἱὸς αὐτοῦ, Ἀμεσίας υἱὸς αὐτοῦ. Non seulement une faute d’homoeteleuton semble ici probable, mais le texte parallèle de SyrS XI,1 288 confirme cette conjecture. Les variantes manuscrites semblent à leur tour exclure la possibilité de conserver la leçon de l’ἐκλογή, car les manuscrits qui omettent les mots υἱὸς αὐτοῦ après Ἀβιὰ, comme l’ἐκλογή, omettent aussi les occurrences suivantes de ces mots 289. La leçon du manuscrit est donc probablement fautive, mais la correction de Mai finit par normaliser le texte d’une citation qui reste de toute manière peu sûre, avec une glose insérée dans le texte, une leçon certainement erronée et même un hapax dans la liste des descendants de Salomon (voir commentaire à ESt II,4,42.44) 290. 49-52. Σαμουὴλ υἱοῦ Ἑλκανᾶ, κτλ. Les variantes dans cette liste sont très importantes par rapport à la majorité des manuscrits de 1 Ch., et suivent l’édition eusébienne de la Septante 291. 49. Ἡλιὴλ. Hapax.

286. miller, Suggested Departures, p. 1 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 27, n. 13. 287. Il est ainsi amené à traduire un υἱὸς αὐτοῦ en fin de citation (l. 45), inexistant dans le texte qu’il présuppose (sur cette variante, voir le commentaire à la l. 45) ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 27 et ibid., n. 13 (il n’est pas non plus gêné en signalant que la Septante lit normalement υἱοὶ et pas υἱὸς [l. 42]). 288. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 60. 289. Voir The Old Testament in Greek, éd. BrooKe, mclean, thacKeray, II/3, p. 400. 290. David Miller passe étrangement sous silence cette conjecture de Mai, que j’ai pourtant indiquée comme probable dans mon édition et qui est absolument nécessaire à son interprétation du passage (voir commentaire à la l. 42). 291. Voir à ce propos The Old Testament in Greek, éd. BrooKe, mclean, thacKeray, II/3, p. 411.

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Questions et réponses sur les évangiles II,5 Ce paragraphe répond à la deuxième partie de la question, formulée aux l. 2-4 et 8-12 et concernant la différence entre Luc, qui ne s’arrête pas à Abraham en remontant, et Matthieu, qui ne commence pas sa généalogie depuis Adam. Une source de cette exégèse est repérable chez Origène, Hom. in Lc. XXVIII,4 (voir comm. à ESt IV). La réponse telle qu’elle est formulée par le texte de l’ἐκλογή n’est pas très claire, notamment dans la dernière phrase (l. 62-64). Heureusement, d’autres traditions textuelles peuvent éclaircir le contenu de ce paragraphe. Il s’agit notamment d’un extrait grec provenant de la chaîne de Nicétas sur Luc, le FSt 1, dont le texte est considérablement plus long que celui de l’ἐκλογή. Cet extrait nous explique que Matthieu a fait commencer sa généalogie depuis Abraham en ligne descendante διὰ τὴν οἰκονομίαν τοῦ παρ’ αὐτῷ λόγου 292 et, pour expliquer le fait que Luc construit sa généalogie en remontant du bas vers le haut et en arrivant jusqu’à Dieu, cet extrait établit une relation entre cette généalogie et le fait que Luc l’insère au moment du baptême (la παλιγγενεσία de la l. 64). Par sa généalogie, Luc veut ainsi indiquer la filiation divine et non pas une filiation humaine, comme le signale aussi le fait que l’évangéliste n’utilise jamais le terme de génération (τῆς γενέσεως ὄνομα) 293 tout au long de sa généalogie. Les deux textes de la tradition syriaque de Georges de Belthan sont très ramassés, mais les deux nous offrent une vision éclairante de ce que devait être l’original eusébien. Ainsi, SyrG XI 294 soutient qu’un sens mystique se cache en ces deux généalogies : celle de Matthieu montre la descente vers le bas du Verbe de Dieu pour notre rédemption, alors que celle de Luc indique le fait que le baptisé est élevé. Le texte de SyrG XII 295 affirme que Matthieu commence avec Abraham et descend car il parle aux Hébreux (voir commentaire à ESt III,3,49-50), alors que Luc, qui place la généalogie au moment du baptême, remonte jusqu’à Dieu ; et c’est pourquoi il dresse sa généalogie au moment du baptême (conclusion elliptique, qui montre bien que ce texte doit aussi être un peu éloigné de l’original). Ces témoins montrent en effet que cette section de l’ἐκλογή devrait provenir d’un texte qui était peu clair aussi dans l’original eusébien, mais qui était de toute manière peu plus articulé (voir notamment le commentaire à la l. 64). En ce qui concerne le sens de la généalogie de Matthieu, le texte de FSt 1 est certainement le plus proche de ce que devait être l’original eusébien par rapport au passage concentré de l’ἐκλογή ; par contre, les deux témoins de SyrG semblent proposer ici une explicitation dérivée du texte de la troisième question à Stephanos 296. La réponse concernant la généalogie lucanienne devait à son tour contenir une mention plus claire par rapport à celle de l’ἐκλογή à propos du fait que Luc, par sa généalogie ascendante, voulait rattacher Jésus à Dieu, ce qui se fait convenablement au moment du baptême (note qui sera développée en ESt III).

292. 293. 294. 295. 296.

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mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 269. FrSt 1 : mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 269. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 90. Ibid. On verra par exemple la mention du fait que Matthieu écrit pour les Hébreux, parallèle à ESt III,3.

ESt II 57-64. οὐκ ὀρθῶς γὰρ οἴεταί τις αὐτοὺς διαφωνεῖν, κτλ. Eusèbe a pu aisément démontrer la pertinence des deux sens des généalogies de Matthieu et Luc, au travers d’arguments logiques (μίαν ἀμφοτέροις ὁδὸν πορευθεῖσιν, l. 13-18) et bibliques (l. 18-56) et il en arrive maintenant à expliquer la différence de l’étendue des deux généalogies de Matthieu et Luc. 60-61. ὃν οὐ καιρὸς νῦν ἑρμηνεύειν. Eusèbe (ou du moins le rédacteur de l’ἐκλογή) ne donne pour le moment aucun élément pour répondre à la question posée au sujet de Matthieu, dont l’οἰκονομία sera toutefois exposée dans les détails par la suite (ESt III) et en rapport à Luc. 63. τῆς. David Miller corrige en τὸ τῆς en suivant le texte de FSt 1 297. 63-64. ἐν Χριστῷ παλιγγενεσίας. Le texte se réfère au baptême de Jésus, comme le montre le contexte de la généalogie de Luc, ainsi que les autres témoins du texte eusébien. 64. ἀναβιβάζει. Le terme ἀναβιβάζω n’offre ici qu’un sens partiellement satisfaisant 298. La comparaison avec le texte du FSt 1 permet de montrer qu’il s’agit d’une difficulté qui – s’il n’y a pas d’erreur dans la tradition manuscrite – a été introduite dans le texte par l’auteur de l’ἐκλογή, qui ne peut donc pas être Eusèbe, vu que le texte n’est pas immédiatement compréhensible. Voici la partie du FSt 1 concernée 299 : διὰ τὸ τῆς ἐν χριστῷ παλιγγενεσίας μυστήριον, ἀναβιβάζει τὸν διὰ λουτροῦ γεγεννημένον, ἐπέκεινα ἁπάσης γενέσεως […] par le mystère de la régénération dans le Christ, il fait remonter celui qui est engendré par le bain au-delà de toute naissance.

Le texte de l’original eusébien devait ressembler à ceci plutôt qu’à celui de l’ἐκλογή. À partir d’un texte pareil, il est en effet aussi possible d’expliquer comment l’auteur de l’ἐκλογή a constitué le sien et non le contraire : une première possibilité est de supposer qu’il a coupé maladroitement l’original, très dense, en ayant interprété ἀναβιβάζω dans le sens de συμβιβάζω, verbe bien attesté dans la Septante, et qui pourrait se comprendre ici dans le sens d’enseigner 300. Une autre possibilité est de postuler que le même changement de la part de l’auteur de l’ἐκλογή soit dû au contexte biblique du récit du baptême (voir notamment Mt. 3,16 et Mc. 1,10) et au fait que dans cette question référence explicite est faite au bain de la régénération.

297. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 27, n. 14. 298. Voir liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 99 ; Evangelinus a. SoPhocleS, Greek Lexicon of the Roman and Byzantine Periods (from B. C. 146 to A. D. 1100), New York 1887, p. 134. 299. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 269 (= PG 22,959A). 300. Plusieurs attestations vont dans ce sens : voir Johann K. SchWeitzer, Joh. Caspari Suiceri, Thesaurus ecclesiasticus, e patribus Graecis, II, Amsterdam 1682, p. 1078-1080, ainsi que La Bible d’Alexandrie, V, éd. doGniez, harl, p. 43, 135-136 ; La Bible d’Alexandrie, II, éd. le Boulluec, Sandevoir, p. 99 ; liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 1675 ; SoPhocleS, Greek Lexicon of the Roman and Byzantine Periods, p. 1026 ; lamPe, A Patristic Greek Lexicon, p. 1281.

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EST III

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le fait que la généalogie de Jésus est retracée par Matthieu à travers la lignée de David issue de son fils Salomon, alors que celle de Luc est établie à partir des successeurs d’un autre fils de David, Nathan. III,1. L’explication de cette contradiction peut se trouver dans les formulations utilisées par les évangélistes. En effet, Luc dit que Jésus « était fils, comme il était estimé, de Joseph, fils de Héli, fils de Melchi », alors que Matthieu n’utilise pas une telle expression de prudence, et souligne le caractère véridique de sa généalogie. III,2. En effet, différentes opinions sur le Christ étaient courantes chez les juifs : il était réputé d’extraction royale, et donc descendant de Salomon ; mais d’autres refusaient cela, parce que les rois étaient coupables de fautes graves et Luc, en traçant une généalogie du Christ au travers de Nathan, rapporte une opinion d’autrui, et non la sienne. III,3. Une autre explication possible dépend des intentions des deux évangélistes : c’est dans le but de tracer la génération charnelle du Christ descendant de David que Matthieu a agencé de cette manière le début de son livre, alors que tel n’était pas le propos de Luc, qui n’a pas voulu raconter la généalogie charnelle de Jésus, car, s’il avait voulu le faire, il aurait su qu’il fallait exposer la même généalogie que Matthieu. Au contraire, en évoquant la généalogie au moment où Jésus est présenté comme fils de Dieu, au moment du baptême, Luc veut démontrer que, même s’il a des parents selon la chair, celui qui a été régénéré par Dieu a une origine qui remonte plus loin, par l’adoption divine. C’est pourquoi Luc insère la généalogie au moment du baptême et ne mentionne pas les pécheurs qui se trouvent dans la généalogie de Matthieu, car celui qui a été régénéré par Dieu devient étranger à la génération charnelle de ses pères. III,4. On peut pareillement dire que l’apôtre Paul a eu un père selon la chair, un infidèle, mais il en avait aussi un selon Dieu, dont il suivait les principes. Si quelqu’un traçait la généalogie de Paul, de qui ferait-il mémoire, sinon de son père charnel ? Mais si un autre plus tard voulait mettre en évidence sa naissance dans le Christ, ne ferait-il alors pas mémoire de celui qui l’a régénéré selon Dieu ? Et lorsqu’on annonce à Abraham qu’il ira avec ses pères, cette prophétie ne se réfère certes pas aux pères selon la chair, mais elle fait allusion aux pères selon Dieu. De la même manière, les descendants d’Abraham sont appelés fils de Sodome et Gomorrhe, à cause de leur comportement impie. Nous qui avons cru

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ESt III au Christ, même si nous provenons des pères infidèles, nous sommes devenus fils d’Abraham et du Christ. III,5. Luc, avec raison, n’énumère donc pas Salomon, ni la femme d’Urie, Thamar, Ruth, Jéchonias et d’autres hommes mauvais, mais il remonte par des hommes irréprochables, et montre Jésus régénéré dans la lignée du prophète Nathan. Ainsi, celui qui d’après Matthieu est engendré selon la chair était fils d’Abraham, mais Luc montre quant à lui qu’il a été régénéré selon Dieu, qu’il a assumé d’autres pères que ceux de la chair : c’est le fils de Dieu. Autres traditions textuelles Les fragments FSt 2-7, provenant de Nicétas et publiés pour la première fois dans la deuxième édition de Angelo Mai 301 représentent en réalité un seul extrait de Nicétas. J’avais déjà signalé en 2003 que la simple lecture de son édition laissait clairement entendre que cela devait être le cas, sans même avoir à consulter les manuscrits ; cela est dû, du moins en partie, au fait qu’Angelo Mai désirait de cette manière refléter la numérotation des paragraphes de ESt III qu’il venait d’introduire dans la même édition. Parmi les détails significatifs, je signalais que dans son édition les fragments sont tous identifiés comme provenant du fol. 64 du manuscrit Vat. Gr. 1611 de la chaîne de Nicétas sur Luc, alors que le fragment tiré d’Africanus parallèle à ESt IV (FSt 8) est numéroté à la suite, bien qu’il commence au folio précédent (ce qui montre également la volonté de suivre l’ordre de l’ἐκλογή) 302. Une vérification que j’aurais pu faire à l’époque sur l’ouvrage de Christos Krikonis m’aurait indiqué qu’un deuxième manuscrit de la chaîne de Nicétas sur Luc (Athos, Iviron 371) présentait aussi FSt 2-7 dans la forme d’un seul extrait, mais aussi que cet extrait contenait encore d’autres textes 303. Maintenant Christophe Guignard a étudié le dossier concernant cet extrait et les extraits voisins, en utilisant l’étude de Krikonis mais surtout trois manuscrits de la chaîne (Vat. Gr. 1611, Iviron 371 et Vindoboniensis Theol. Gr. 71), et en signalant qu’il s’agit d’un texte qui unit FSt 2-7 au passage de l’Histoire ecclésiastique (I,7,2-16) qui rapporte la Lettre à Aristide de Julius Africanus 304. Angelo Mai

301. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 269-272. 302. zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 94. Je retrouve la remarque concernant l’ordre des fragments aussi chez GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 59, n. 226. 303. KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 161-162 (n° 710) en ce qui concerne FSt 2-7, et p. 161 (n° 709) en ce qui concerne FSt 8. 304. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 59-61 (voir aussi p. 212). Il a aussi vérifié cela dans le Parisinus Coisl. 201 (probable copie de l’Iviron 371) et dans le Vaticanus Gr. 1642 (copie du 1611). En détails, Guignard affirme que le texte est une composition de trois textes : le § 9 de la Lettre à Aristide, suivi par FSt 2-7, suivi par Hist. eccl., I,7,2-16 (début de 16 seulement), mais le début de FSt 2 selon Mai correspond pour Guignard au § 9 de son édition de la lettre de Julius Africanus. Ce passage correspond à celui d’ESt IV,2,23-26 et il faut conclure avec Guignard que le lemme de la chaîne qui attribue cette partie du texte de FSt 2 à Eusèbe est erroné (ibid., p. 67-68), d’autant que cette partie initiale de FSt 2 suit dans la chaîne le texte FSt 8, parallèle aux § 1-8 de la Lettre à Aristide selon l’édition de Guignard (ibid.,

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Questions et réponses sur les évangiles avait aussi reconnu le passage tiré de l’Histoire ecclésiastique 305, ce qui, certainement, l’avait fait conclure que le texte était composite et qu’il pouvait l’éditer en plusieurs fragments séparés, sans donner d’explication 306. III. Un parallèle à cette question pourrait se trouver dans le FSt 18, texte d’attribution incertaine, peut-être composé à partir de différentes questions, sur lequel voir commentaire à ESt X. III. Le texte de cette question est presque totalement reproduit en SyrS XI,2-3 307. Comme nous l’avons vu dans le commentaire à ESt II, le texte de SyrS XI fusionne la matière de ESt II, III et vraisemblablement aussi ESt IV, avec quelques modifications 308. En SyrS XI la partie correspondant à ESt III est jointe avec ESt II 309. Le texte de SyrS XI,2 correspond à ESt III,1-2 ; celui de SyrS XI,3 à ESt III,3.5. La partie parallèle à III,3 est proche du texte de FSt 3-5, quoique plus brève. Dans cette partie on présente Matthieu comme un « syrien » (écrivant en hébreu), qui, dans le but de décrire la lignée charnelle de Jésus, situe la généalogie au début de l’évangile, au moment de la naissance et de la fuite en Égypte – le baptême ne survenant qu’ensuite 310. Luc place par contre la généalogie au moment du baptême, après l’annonce à Zacharie et la naissance de Jean, après l’annonce à Marie et la naissance du Christ, après le recensement et la prédication de Jean, au moment donc où le ciel s’ouvre et où l’Esprit saint,

305. 306.

307. 308. 309. 310.

90

p. 59). Ceci dit, il reste vrai que le FSt 2 contient à son début ce § 9 de la Lettre, et que Mai en l’incluant n’a fait que suivre l’attribution de la chaîne. Apparemment Krikonis est le premier à avoir remarqué que la partie initiale du FSt 2 correspond au texte d’Africanus rapporté dans ESt IV,2,23-26 (KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 162), suivi par David Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 137. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 274 n. 1, signalait également la présence de l’extrait de l’Histoire ecclésiastique (voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 105). Toujours en 2003, j’avais remarqué aussi que, si les FSt 2-7 constituaient un seul texte composé dans cet ordre, on pourrait en conclure que l’auteur de l’ἐκλογή avait modifié en partie l’ordre selon lequel il expose l’argumentation eusébienne en III,3 en la réduisant considérablement, mais mon hypothèse ne trouve pas de vérification dans les manuscrits, car le travail de Christophe Guignard a confirmé que les FSt 2-7 se trouvent effectivement dans cet ordre dans le texte de la chaîne (c’est un aspect sous-entendu dans l’analyse de GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 59-60), même s’il a démontré en même temps qu’il s’agit d’un texte composite dont l’unité originaire est seulement possible (en ce sens, Guignard a notamment démontré que l’attribution à Eusèbe de la première partie du FSt 2 est non seulement fautive mais qu’elle l’est de manière intentionnelle ; voir ibid., p. 68 ; voir p. 59). Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 60-64, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 336-338. Voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 88 sqq. ; McCollum dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 335 ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 122-123. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 58. Sur la perception antique de la traduction des écritures juives dans un grec qui était souvent inhabituel, voir Alexis leonaS, « À l’épreuve du sacré. Recherches sur les traducteurs et les lecteurs de la Septante », université de Paris IV-Sorbonne, Paris 2002 (en particulier p. 128-197), pour qui les calques des Septante deviennent un style « hiératique » clairement reconnaissable.

ESt III sous forme de colombe, annonce la filiation divine de Jésus. C’est parce que Luc veut présenter la filiation divine de Jésus qu’il compose une liste généalogique différente de celle de Matthieu : la sienne ne passe pas par Salomon, Jéchonias, Thamar et Ruth, mais il affirme que Jésus était le fils de Dieu et qu’il le considère tel, alors qu’il « était estimé » être le fils de Joseph, fils de Héli, desquels il n’était pas fils selon la nature. III,1-2. Ce texte a une tradition parallèle dans le FSt 2, publié par Angelo Mai avec l’exclusion de la partie finale du fragment, qu’il a omise parce qu’elle correspond à l’ἐκλογή 311. La partie initiale de ce fragment n’est cependant pas eusébienne, car elle correspond à ESt IV,2,23-26 (texte de Julius Africanus), et doit plutôt être considérée comme partie finale de FSt 8, parallèle à ESt IV 312. Ce fragment ne propose pas de contenu inédit par rapport à l’ἐκλογή, mais il se singularise néanmoins par un long développement de la question. C’est peut-être une partie qui ouvrait la question d’Eusèbe et qui a été omise par l’auteur de l’ἐκλογή (ce qu’il n’avait pas fait dans le cas de ESt I,1 et II,1). III,2. Ce paragraphe trouve un parallèle dans le FSt 16, qui a été publié dans la première édition de Mai à partir d’une chaîne inédite 313. Ce court texte contient l’explication selon laquelle Luc n’a pas suivi la généalogie royale à cause de l’idolâtrie de la plupart des rois, mais il a suivi celle qui passe par Nathan, dont on dit qu’il avait été prophète. Il s’agit certainement d’un parallèle à ESt III,2 et non à ESt III,5 (qui mentionne également Nathan), car ce FSt 16 mentionne le Premier livre des Rois. La chaîne inédite attribue cet extrait à une œuvre sur l’évangile de Matthieu d’Eusèbe (ἐν τῷ εἰς τὸ κατὰ Ματθαῖον). Par la suite, Mai a commenté cela en disant qu’Eusèbe avait dit la même chose en plusieurs œuvres 314 ; toutefois, c’est l’attribution de la chaîne qui est probablement erronée (la seule autre attestation chez Eusèbe d’un texte proche de celui-ci est la citation d’Africanus en Hist. eccl., I,7,2-16 : voir commentaire à ESt IV 315). III,3,43-47. Pour ce passage, FSt 3 nous fournit une version du texte beaucoup plus riche 316. Ce texte contient une description du début de l’évangile de Matthieu qui explicite et clarifie le texte de l’ἐκλογή : Matthieu (homme

311. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 269, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 136 (toujours avec l’omission de la partie finale du texte). 312. Voir l’introduction au présent paragraphe (notamment n. 304) et à ESt IV, ainsi que KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγέλιον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 162 ; zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 105 (descriptif du FSt 8 dans l’édition de Reichardt) ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 137 ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 60. Guignard propose aussi une comparaison entre le texte de FSt 2 et le parallèle au début de ESt III (ibid., p. 51-52). 313. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 84-85, texte republié dans Gospel Problems and Solutions, p. 158. 314. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 278. 315. On connaît aussi des scholies à Matthieu d’Eusèbe : voir Maurice Geerard, Clavis patrum Graecorum, II, Turnhout 1974 (CChr), n° 3469/9. 316. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 269-270, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 138.

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Questions et réponses sur les évangiles « syrien », publicain de profession et de langue hébraïque) entend établir la généalogie charnelle de Jésus, comme le montre le fait qu’il la place au début de son évangile ; après le catalogue des ancêtres, il cite l’épisode des mages, la rage d’Hérode, la fuite en Égypte, le retour et Archélaüs ; il passe ensuite à Jean le baptiste, qui commence sa prédication dans la trentième année de Jésus, et baptise celui-ci ; Matthieu n’expose donc que les stricts faits historiques, dans leur ordre chronologique. Il faut remarquer toutefois que la mention du baptême de Jésus à l’âge de trente ans ne provient pas de Matthieu, mais de Lc. 3,23 (elle se trouve aussi dans l’Évangile des ébionites, selon la citation d’Épiphane, Pan., XXX,13,2 317). III,3,47. Le FSt 4 318 contient un texte qui n’a pas de parallèles dans l’ἐκλογή. Déjà en 2003 j’avais cependant pu le situer dans le contexte de ESt III, grâce à plusieurs indices : ce fragment doit prendre place après ESt III,3,43-47 et avant III,47-59 (texte auquel il se réfère par son argumentation) ; outre la thématique proche de celle de III,47-59, je considérais aussi parmi ces indices le fait que sa construction est par certains aspects symétrique à celle du FSt 3 319 et j’en concluais que probablement ces fragments devaient se suivre, et, puisque l’accrochage à III,43-47 de FSt 3 ne fait pas de doute, il fallait aussi supposer que FSt 4 les suit immédiatement, ce que le témoignage de SyrS XI,3 confirme. Maintenant cette hypothèse est confortée par l’étude d’ensemble des extraits FSt 2-7 par Christophe Guignard 320, et elle est aussi suivie par David Miller qui, en lisant ensemble le groupe FSt 3-5 montre parfaitement bien que l’auteur de l’ἐκλογή a supprimé une partie considérable du texte qui correspond à l’ensemble de ces trois fragments, hormis la partie initiale du FSt 3 (correspondante à ESt III,3,43-47) et une partie centrale de FSt 5 (correspondante à ESt III,3,47-59) 321, comme je l’indiquais. D’après ce texte, Luc, né à Antioche, de descendance ionienne, expert en lettres et médecin, commence son évangile par l’épisode de Zacharie et d’Élisabeth, et passe ensuite à l’apparition de Gabriel à Marie, à la naissance de l’enfant, mais sans traiter de sa généalogie, même lorsqu’il présente l’enfant à douze ans. Plus tard, dans la quinzième année de Tibère, il dit que Jean baptisait et, qu’une fois Jésus baptisé, on entendit une voix des cieux qui disait « tu es mon fils… » : c’est à ce moment seulement que, comme s’il se réveillait, il fait mention de la généalogie.

317. Voir François Bovon, L’évangile selon saint Luc, [I] 1,1-9,50, Genève 1991 (CNT[N] 3/1), p. 184-185, et Daniel A. Bertrand, « Évangile des ébionites », dans Bovon, Geoltrain (éd.), Écrits apocryphes chrétiens, I, p. 447-453, ici p. 450. Concernant le fait qu’Épiphane appelle ce texte l’Évangile selon les Hébreux, voir dorival, « La traduction de la Torah en grec », p. 193. 318. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 270, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 138. 319. Dans les deux fragments, Eusèbe décrit les débuts des évangiles de Matthieu et de Luc ainsi que les compétences des auteurs (linguistiques entre autres). 320. Voir notamment GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 59-60. 321. Voir Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 139-143.

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ESt III III,3,47-59. Le FSt 5 322 contient un texte qui se réfère à ESt III,3,47-59, comme le prouve le parallèle aux lignes 66-69. Cependant, même si la thématique de ESt III,3,47-59 est analogue à celle de FSt 5, le contenu de ce fragment est en bonne partie absent de l’ἐκλογή : ce fragment est bien la suite logique du FSt 4, puisqu’il commence en discutant de la place que la généalogie occupe dans l’évangile de Luc, sur laquelle s’achevait le fragment précédent 323. Ce texte remarque que, si Matthieu suit exactement l’ordre des événements, Luc ne situe pas la généalogie à sa place, mais il ne s’en souvient que lorsque Jésus a trente ans, au moment du baptême administré par Jean, et sous une forme de digression. Mais l’un a procédé ainsi car il a voulu décrire la génération charnelle du Christ, alors que l’autre, soucieux d’évoquer la régénération par le baptême, montre Jésus comme fils de Dieu, voulant par là démontrer que, même s’il est fils de l’homme, car revêtu de chair, sa nature ne consiste pas dans la chair de ses parents et ancêtres mais procède de l’adoption divine. Luc aussi a donc inséré à la bonne place la généalogie, en y ajoutant la mention « comme il était estimé », qu’il combine avec la voix venant du ciel : « tu es mon fils… » ; en effet, il n’était pas opportun de l’appeler fils des hommes, comme pour les autres hommes, c’est pourquoi il dit « comme il était estimé », car il est déclaré être selon la nature fils de Dieu, mais il était estimé fils de Joseph, ce qu’il n’était pas réellement. III,3,59-4,82. Après une introduction qui est la suite logique de FSt 5, le FSt 6 324 offre un parallèle assez proche au texte de ESt III,3,59-69, auquel fait suite immédiate une version remaniée et réduite de ESt III,4,78-82 (ce texte élimine donc les lignes 70-77 présentes dans l’ἐκλογή) 325. III,5. Le FSt 7 326 correspond à ESt III,5 327, mais il ajoute une importante conclusion au texte, censée introduire une citation d’Africanus qui suivra ce paragraphe exactement comme il arrive dans l’ἐκλογή avec ESt IV. Cette conclusion est à considérer comme eusébienne 328, et le passage évoqué ici prouve

322. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 270-271, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 140-142. 323. Voir aussi SyrS XI,3, qui s’achève avec le même texte que celui qui conclut ce fragment. 324. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 271-272, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 142-144. 325. David Miller affirme que ce texte est parallèle à ESt III,3 seulement, mais il s’agit certainement d’une coquille, car il signale correctement aussi les parallèles ESt III,4 (y compris les réductions opérées par FSt 6) ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 143-145. 326. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 272, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 144. Pour la seule dernière partie du texte, celle qui est propre à FSt 7, il existe une nouvelle édition fondée sur la collation de quatre manuscrits (Vat. Gr. 1611, Iviron 371, Vind. Theol. Gr. 71, Par. Coisl. 201) par Christophe GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 47. 327. David Miller attribue erronément une partie du texte (vraisemblablement III,5,94-95) à ESt III,3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 143-145. 328. Voir reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus an Aristides und Origenes, p. 24 et GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 268-269 (ainsi que le commentaire à ESt IV) ; elle trouve aussi des parallèles dans des textes qui connaissent et utilisent les questions eusébiennes en tradition syriaque, comme le signale GuiGnard, ibid.,

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Questions et réponses sur les évangiles que la citation d’Africanus qui constitue le texte de ESt IV faisait bien partie de cette question à l’origine, et qu’elle en a été séparée dans l’ἐκλογή. Commentaire La question dans la version de l’ἐκλογή et ses origines Les traditions syriaque et grecque parallèles à l’ἐκλογή permettent de se faire une idée plus claire de l’argumentation d’Eusèbe, qui dans cette version réduite est parfois présentée d’une manière très schématique. Les parallèles à l’ἐκλογή, et notamment ceux correspondant à ESt III,3, montrent en effet que le texte original d’Eusèbe était plus riche et argumenté, même s’il faut reconnaître que l’ἐκλογή contient les principales conclusions eusébiennes. Il est toutefois curieux de constater que l’argument un peu farfelu concernant Paul en ESt III,4,70-78 ne se retrouve dans aucune autre tradition textuelle. Cet exemple aurait donc été retenu par l’auteur de l’ἐκλογή seulement, alors qu’en même temps il retranche bonne partie de l’argumentation qu’on trouve dans des parallèles à ESt III,3 (notamment dans le FSt 6 de Nicétas). Cette discussion recèle bel et bien une critique antichrétienne formulée contre les évangiles par des auteurs païens selon Giancarlo Rinaldi 329 : il mentionne en particulier le fait que Celse sait que les généalogies posaient des problèmes 330 et laisse entendre que ce texte d’Eusèbe réfute principalement une critique de Porphyre 331. D’autres textes sont encore invoqués par Rinaldi dans cette perspective 332. Il s’agit de Julien, Contra Gal., fr. 90 333, qui souligne la contradiction entre les deux généalogies au sujet des pères de Joseph, Héli et Jacob, et du fragment plus général sur le désaccord des généalogies du même Contra Gal., fr. 62 334. À ces fragments on pourrait encore ajouter le texte d’Ambrosiaster, Quaest. Vet.

329. 330. 331.

332. 333.

334.

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p. 218. Une ascendance partielle peut être retrouvée chez Origène, Hom. in Lc., XXVIII (voir commentaire à ESt X). rinaldi : Biblia gentium, p. 427, « Tracce di controversie », p. 106, notamment, n. 23, et La Bibbia dei pagani, II, p. 270. Voir supra, commentaire à ESt I, p. 43 et 45-46. L’origine porphyrienne des critiques aux évangiles est un leitmotiv (aussi) parmi les études concernant la littérature chrétienne des questions et réponses, souvent sans véritables arguments (voir à ce propos mon étude « Porphyre est-il la cible principale des “questions” chrétiennes du ive et ve siècles? », p. 359-370). Voir à leur sujet cooK, The Interpretation of the New Testament, p. 289-290. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 184 ; texte tiré de Jérôme, Comm. in Mt., I,1,16 ; voir à ce sujet rinaldi, Biblia gentium, n° 319 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 319. Je signale ici que les textes de Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt., 1,17 et 2,1 (sur lesquels voir infra), ne sont pas mentionnés par Masaracchia parmi les sources possibles de Julien, qu’ils nomment toutefois ouvertement : voir CSCO 15, p. 58, 100 et CSCO 16, p. 58, 75. Giuliano imPeratore, éd. maSaracchia, Contra Galileos, p. 157-158 ; rinaldi, Biblia gentium, n° 316 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 318.

ESt III et Novi Test., 56 335, qui, en se tenant à ce que le même Rinaldi affirme ailleurs 336, propose aussi une critique d’un adversaire du christianisme 337. À ces arguments, Rinaldi oublie d’ajouter qu’aussi le fragment publié par Adolf Harnack dans les appendices à son édition de Porphyre 338 concernant les contradictions des débuts des évangiles, pourrait avoir une certaine proximité avec FSt 3, tout comme le texte de Jérôme, Comm. in Tit., 3,9. Concernant le fait qu’Eusèbe explique la collocation des deux généalogies par deux intentions théologiques différentes, il faut rappeler qu’une critique attribuée à Porphyre devait concerner les débuts des quatre évangiles, c’est ce dont témoignerait un fragment de Pacatus que Adolf Harnack 339 lisait comme polémique antiporphyrienne. Si la reconstitution de la critique est plausible, il serait également possible que cette explication de la double visée de Matthieu et Luc par rapport au placement de la généalogie puisse aussi vouloir contredire la critique porphyrienne 340. Tous ces arguments ne sont que des indices et, s’il est évident que les adversaires du christianisme ont utilisé cet argument pour montrer la contradiction des évangiles, ceci n’est attesté qu’à partir de Julien. Par contre il est vraisemblable qu’un tel désaccord n’ait pas pu échapper à Porphyre, comme le suggère Rinaldi ni, j’ajouterai, même à Celse. Ce constat implique qu’il est impossible de démontrer que cette question soit née d’une critique païenne contre le christianisme, tandis que beaucoup de textes chrétiens très anciens la concernent : c’est vraisemblablement en milieu chrétien qu’on a discuté de cette question pour la première fois. Ainsi, la Lettre à Aristide de Julius Africanus, qu’Eusèbe connaît et qu’il cite dans les Questions ainsi que dans l’Histoire ecclésiastique (I,7,2-16), nous plonge dans une discussion qui était déjà très développée dans le monde chrétien à une époque ancienne, même avant l’intervention de Julius Africanus, comme son texte nous le montre 341. Mais

335. rinaldi, Biblia gentium, n° 320 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 320. 336. Voir rinaldi, Biblia gentium, p. 89-96.154-160.428 et id., La Bibbia dei pagani, I, p. 290-296. 337. Je ne partage pas cette option de Rinaldi qui, par cette attribution, reprend ainsi une hypothèse développée en particulier par Pierre Courcelle mais qui a été efficacement contestée par Lorenzo Perrone. Voir Pierre courcelle, « Critiques exégétiques et arguments antichrétiens rapportés par Ambrosiaster », VigChr 13 (1959), p. 133-169 (notamment p. 145 pour la question 56 d’Ambrosiaster) ; Lorenzo Perrone, « Echi della polemica pagana sulla Bibbia negli scritti esegetici fra IV e V secolo: Le Quaestiones Veteris et Novi Testamenti dell’Ambrosiaster », ASE 11 (1994), p. 161-185 (notamment p. 172-178, 181-185). 338. Adolf von harnacK, « Neue Fragmente des Werke des Porphyrius gegen die Christen. Die Pseudo-Polycarpiana und die Schrift der Rhetors Pacatus gegen Porphyrius », SPAW [14] (1921), p. 266-284, ici p. 270 (rinaldi, Biblia gentium, n° 312 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 312). Rinaldi utilise cependant ce texte comme preuve de la proximité entre les questions concernant la généalogie et le texte porphyrien : rinaldi « Tracce di controversie », p. 106, n. 18 et id., La Bibbia dei pagani, I, p. 287, n. 23. 339. harnacK, « Neue Fragmente des Werke des Porphyrius gegen die Christen », p. 270 ; voir cooK, The Interpretation of the New Testament, p. 135. 340. Mais, comme nous le verrons tout de suite dans le commentaire, il y a là vraisemblablement une ascendance origénienne. 341. Voir aussi les témoignages sur cette discussion recueillis par rinaldi, Biblia gentium, p. 427 et id., La Bibbia dei pagani, II, p. 270, ainsi que PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 532-547 ; BenGel, Gnomon Novi Testamenti, p. 9-10 et Peter voGt, Der Stammbaum Christi

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Questions et réponses sur les évangiles d’autres indices nous permettent aussi de remonter un peu dans le milieu chrétien. Tatien, par exemple, doit certainement avoir réfléchi à cette problématique : selon le témoignage de Théodoret de Cyr, Haeretic. fabul. compendium, I,20, son Diatessaron ne contient pas de généalogies, peut être à cause de l’admonition contre les généalogies de Tt. 3,9 342 ; plusieurs traditions du Diatessaron reproduisent par contre la généalogie de Matthieu, ou les deux généalogies ensemble, ou alors semblent du moins les supposer, comme c’est le cas du commentaire d’Éphrem de Nisibe au Diatessaron 343. Or, même s’il me semble probable que les traditions du Diatessaron comprenant les généalogies soient secondaires – le contraire s’expliquant mal 344 – et même si Tatien aurait pu avoir une raison théologique de ne pas intégrer les généalogies (le texte de Tt. 3,9), il reste que la tradition du Diatessaron nous montre que les généalogies ont vite posé un problème aux chrétiens 345. Le Fragment de Muratori (fol. 10r, l. 16-18.20-21) tient aussi compte de cette problématique 346. Un dernier témoignage très important à ce sujet, rappelé par Lorenzo Perrone 347, se trouve chez Origène, Contra Cels., II,32 : en répliquant à Celse à propos du problème des généalogies, le maître alexandrin affirme en effet que le problème de la discordance des généalogies évangéliques est objet de discussion aussi chez les chrétiens. Julius Africanus et Origène J’ai déjà signalé que le texte de la Lettre à Aristide de Julius Africanus présente la discussion articulée sur cette question la plus ancienne dont nous avons connaissance et qu’Eusèbe connaît bien ce texte. C’est un texte qui nous est parvenu de manière fragmentaire 348, et c’est justement Eusèbe qui nous en rapporte les plus amples portions que nous connaissons. Un de ces extraits eusébiens est reproduit justement dans la suite de ce texte : il forme la question

342.

343. 344. 345. 346. 347. 348.

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bei den heiligen Evangelisten Matthäus und Lukas. Eine historisch-exegetische Untersuchung, Fribourg 1907 (BSt[F], 12,3), p. 87-92 (qui ne connaît cependant pas de textes précédant les FSt 3-5 d’Eusèbe). Voir Robert M. Grant, « Tatian and the Bible », dans K. aland, f. l. croSS (éd.), Studia Patristica, I. Papers presented to the Second International Conference on Patristic Studies held at Christ Church, Oxford, 1955, Berlin 1957 (TU 63), p. 297-306, ici p. 303 ; éPhrem de niSiBe, Commentaire de l’Évangile concordant ou Diatessaron, éd. et trad. Louis leloir, Paris 1966 (SC 121), p. 18-19. éPhrem de niSiBe, Commentaire de l’Évangile concordant ou Diatessaron, p. 19 ; voir zahn, Das Evangelium des Lukas, p. 208. Mais Leloir n’est cependant pas vraiment de cet avis : éPhrem de niSiBe, éd. leloir, Commentaire de l’Évangile concordant ou Diatessaron, p. 20. Dans le même sens, il faut encore relever qu’aussi une partie des évangiles judéo-chrétiens omettaient les généalogies : voir Norelli dans moreSchini, norelli, Storia della letteratura cristiana antica greca e latina, I, p. 102-103, 105-106. Voir à ce propos par exemple Theodor zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, II/1, Erlangen-Leipzig 1890, p. 40-48. Perrone, « Echi della polemica pagana sulla Bibbia », p. 162. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 294-304, en donne maintenant une nouvelle édition (enrichie aussi d’un important commentaire).

ESt III IV à Stephanos dans le présent manuscrit de l’ἐκλογή, mais dans l’original des Questions d’Eusèbe, cet extrait était une simple citation faisant partie de cette question III 349, et vraisemblablement il la concluait 350. La Lettre à Aristide (voir ESt IV,1,16) partage un détail très intéressant avec cette question d’Eusèbe (voir ESt III,2,34-35 et III,5,99) : il s’agit de l’identification entre Nathan le fils de David et Nathan le prophète, qui fait du fils de David aussi un prophète. C’est un trait qui était déjà attesté dans le judaïsme, même s’il n’était pas courant, comme l’ont remarqué plusieurs auteurs, à la suite de Victor Aptowitzer, par exemple Marshall Johnson ou Richard Bauckham 351. Ce dernier a aussi avancé que la présence dans la question d’Eusèbe de cette qualification de Nathan fils de David comme prophète dérivait directement de la Lettre à Aristide 352. Dans mon étude de 2003, j’avais remarqué que cette identification n’est pas un trait propre à l’adversaire de Julius Africanus ni un trait particulièrement original ; je signalais que, en dehors de l’exégèse juive (que Baukham connaît parfaitement), ce trait se retrouve aussi dans Origène, notamment Hom. in Lc., XXVIII,1-4, un texte qui a vraisemblablement inspiré Eusèbe dans ses Questions, comme on le verra dans le prochain paragraphe ; tout ceci me poussait alors à conclure que la dérivation proposée par Bauckham, bien

349. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le mentionner dans l’introduction à ce volume, le fait que l’extrait d’Africanus faisait partie de cette question dans l’original d’Eusèbe ne fait absolument pas de doute ; voir à ce propos SPitta, Der Brief des Julius Africanus an Aristides, p. 13-14 ; reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 23-24 ; Bardy, « La littérature patristique des «Quaestiones et responsiones» [I] », p. 230, n. 1 ; Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 420, n. 9 ; zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 106-107 ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 45-49. 350. L’extrait en question suivait le passage qui conclut FSt 7 en introduisant la citation de Julius Africanus (voir supra, texte parallèle à ESt III,5, p. 93) ; comme le signale GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 47, l’extrait de Julius Africanus devait ainsi vraisemblablement conclure la question dans la version originale, sans aucune intervention ultérieure d’Eusèbe (voir aussi mon commentaire à ESt IV). 351. Victor aPtoWitzer, Parteipolitik des Hasmonäerzeit im Rabbinischen und Pseudoepigraphischen Schriften, Vienne-New York 1927 (Veröffentlichungen der Alexander Kohut Memorial Foundation 5), p. 114-115 (notes p. 260) ; JohnSon, The Purpose of the Biblical Genealogies, p. 135-136, 241-242, 245-247 ; BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 327, 340-354 (notamment p. 342, 347) ; dernièrement, GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 46-47, n. 171, qui fait remarquer qu’Aptowitzer propose de voir une intentionnalité dans l’identification des deux Nathan, ce qui ne change cependant pas la nature des sources judaïques (voir JohnSon, The Purpose of the Biblical Genealogies, p. 137-138, ainsi que zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 98) ; sur cette problématique voir aussi crouzel, fournier, Périchon, SC 87, p. 354-355, n. 2. Une de ces attestations est celle du Ps. Jérôme, un auteur juif converti, en Quaest. hebr. in II Reg., 59/178 ; voir à ce sujet BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 347-348 ; voir aussi l’introduction de l’édition de Avrom Saltman, PSeudo-Jerome, Quaestiones on the Book of Samuel, éd. A. Saltman, Leyde 1975 (StPB 26). 352. BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 349 (et p. 353).

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Questions et réponses sur les évangiles qu’émise à titre hypothétique, me paraissait sans véritable fondement 353 ; car il me semblait plus économique et vraisemblable que ce détail remonte directement et exclusivement à Origène. Je constate que Christophe Guignard me suit sur ce point, en formulant un jugement, de manière apparemment indépendante, qui est également prudent et circonspect sur cette hypothèse de Bauckham, et en arrivant lui aussi à la conclusion qu’une dérivation origénienne est beaucoup plus probable pour ce passage 354. Mais le même Guignard, dans une partie précédente de son étude, avait déjà attiré l’attention sur le fait que cette question d’Eusèbe se réfère deux fois au texte biblique de Luc 3,23-24 (ESt III,1,10 et FSt 4) dans une forme inusuelle, qui n’a pas d’attestations dans les manuscrits bibliques et qui est très rarement attestée en tradition indirecte. La citation d’Eusèbe affirme que Héli, le père de Joseph, est fils de Melchi, alors que les manuscrits bibliques affirment qu’il est fils de Matthat, fils de Lévi, fils de Melchi. L’explication que Guignard propose est que cette variante soit connue uniquement par la source de la solution utilisée dans la Lettre à Aristide concernant le problème de la double généalogie, et que tous les auteurs qui la mentionnent, comme Eusèbe, dépendent directement de l’attestation de Julius Africanus 355. Or, si cela est vraiment le cas, il s’agit d’une assertion qui n’est pas sans conséquences pour l’hypothèse de Bauckham. Comme je l’expliquerai dans la suite, en analysant l’ensemble de l’hypothèse de Guignard dans le commentaire à ESt III,1,10 et surtout dans celui à ESt IV,2,49-50, je n’estime pas qu’il ait vraiment démontré cette origine, mais je reconnais toutefois que, au vu des arguments qu’il propose, son hypothèse est sans doute la plus vraisemblable, du moins en ce qui concerne la dérivation de cette citation d’Eusèbe à partir du texte de Julius Africanus. J’estime en effet probable que, si Eusèbe avait réellement pu lire cette variante dans un manuscrit de Luc, il y a de fortes chances que cette variante ait été assez répandue pour qu’au moins un manuscrit la rapportant nous soit parvenu et que, vu les compétences philologiques d’Eusèbe et sa connaissance de plusieurs manuscrits, il aurait remarqué la singularité de cette leçon s’il avait vraiment rédigé sa question en utilisant de première main des manuscrits bibliques. Si Eusèbe a utilisé une leçon qu’il pouvait lire exclusivement dans la Lettre à Aristide, comme le pense Guignard, il devient alors très vraisemblable que le contenu d’une bonne partie de cette question ait aussi été inspiré par Julius Africanus, puisqu’il y a dans ce cas toutes les chances qu’Eusèbe ait repris la citation de Luc au texte de Julius

353. zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 100. 354. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 266, n. 46 (Guignard mentionne erronément la p. 98, car je n’avais certainement pas l’intention d’y affirmer que l’ensemble d’ESt III,2 représente in toto un ajout eusébien au milieu d’un passage inspiré par Origène ; voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 98, 100 et le commentaire à ESt III,2,34-35, p. 101). De manière cohérente avec ses conclusions, Guignard ne va évidemment pas tenir compte de la proposition de Bauckham dans sa reconstitution de la Lettre à Aristide et dans l’étude critique qui l’accompagne. 355. Aucun manuscrit biblique la rapportant n’aurait donc vraisemblablement jamais existé ; voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 225-227 ; voir aussi id., « Julius Africanus et le texte de la généalogie lucanienne de Jésus », dans StPatr 48, Louvain-Paris-Walpole (MA) 2013, p. 221-234, notamment p. 224-227.

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ESt III Africanus sans s’apercevoir de la particularité de cette variante, d’autant que la Lettre à Aristide n’attire certainement pas l’attention sur ce point 356. Et si Eusèbe a repris cette variante à l’ensemble de l’exégèse de Julius Africanus, il est donc aussi plausible qu’il en ait repris un peu plus que la simple citation, ce qui nous donne en conclusion un argument puissant en faveur de l’hypothèse de Richard Bauckham. Eusèbe dans ses questions pourrait alors avoir repris à la Lettre à Aristide bien plus que le long extrait qui forme actuellement ESt IV. Si on considère donc la citation de Lc. 3,23-24 en ESt III,1,10, qui est par la suite reproduite dans FSt 4, un fragment rapporté par Nicétas qu’il faut placer au début de ESt III,3, à la l. 47 du texte de l’ἐκλογή 357, et si on ajoute à ces deux citations la remarque de Bauckham qui concerne tant ESt III,2,34-35 qu’ESt III,5,99, les deux passages où Nathan le fils de David est caractérisé comme prophète, on peut en conclure que la troisième question à Stephanos était inspirée directement de la Lettre à Aristide, et, si on considère que ces indices vont du début de la question (voir ESt III,1,10) à sa toute dernière partie (voir ESt III,5,99), qu’Eusèbe peut avoir tiré de cette lettre beaucoup du contenu de cette question. Avant d’essayer de mieux définir ce point précis, il faut néanmoins remarquer que Julius Africanus n’est certainement pas la seule source de cette question, car un autre parallèle important et sûrement connu par Eusèbe se trouve chez Origène, notamment dans son Hom. in Lc., XXVIII,1-4 358. Ce texte origénien sur la discordance des deux généalogies remarque en particulier que l’une, qui montre que Jésus vient au monde, commence avec Abraham et descend, alors que l’autre, placée au moment du baptême, remonte jusqu’à Dieu (ainsi Hom. in Lc., XXVIII,1, véritable canevas d’ESt II) ; ensuite, le texte origénien signale que les personnages des deux généalogies diffèrent, et que, à la différence de Luc, la liste de Matthieu contient aussi des femmes pécheresses (Thamar, Rahab, Ruth et Bethsabée, dont il sera question dans ESt VII, VIII et IX) ; la mention de ces pécheresses dans la généalogie signifie que Jésus est venu précisément pour prendre sur lui nos péchés, dont il s’est chargé en descendant dans le monde ; mais lorsqu’il remonte du bain baptismal (Luc), ce n’est pas de la souche de Salomon qu’il naît, mais de celle de Nathan, de celui qui reprocha à son père la mort d’Urie et sa naissance ; d’ailleurs, si Matthieu emploie toujours le terme de « génération », Luc ne l’utilise jamais, en se bornant à dire que Jésus « était estimé fils de Joseph » (Hom. in Lc., XXVIII,3) ; Luc dit à ce point qu’il « commençait », car c’est au moment du baptême que Jésus a assumé le mystère de la deuxième naissance (Hom. in Lc., XXVIII,4). Ce texte origénien a donc des éléments communs avec plusieurs questions eusébiennes, mais il a

356. Pour Guignard (« Julius Africanus et le texte de la généalogie lucanienne de Jésus »), c’est un oubli volontaire de la part de Julius Africanus, mais j’y reviendrait dans le commentaire à ESt IV mentionné. 357. Voir ce qu’on a dit supra, p. 92-93, sur les fragments de Nicétas dans la discussion concernant les parallèles eusébiens. 358. crouzel, fournier, Périchon (éd.), SC 87, p. 352-356 ; il s’agit probablement du texte origénien auquel entend faire référence merKel, Die Widersprüche zwischen den Evangelien, p. 134.

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Questions et réponses sur les évangiles certainement beaucoup de contacts avec ESt III, ainsi qu’avec ses traditions parallèles grecques et syriaques. Comme je le remarquais déjà en 2003, la réponse à cette question, telle que formulée par Eusèbe, est cependant considérablement élargie par rapport à l’argumentation de l’homélie origénienne 359. Origène offre aussi d’autres parallèles à la question eusébienne, par exemple In Sam. hom., fr. 16 (II S. 5,14 ; GCS 6bis, p. 300), qui, même s’il ne contient pas une exégèse proche, dénote toutefois comme éléments caractéristiques des deux généalogies le fait que l’une passe par Nathan et l’autre par Salomon, et encore le texte origénien de In Ez. hom., IV,4, qui pourrait constituer une source d’où Eusèbe tire l’exégèse de ESt III,4,82-93 à propos de la filiation abrahamique (voir commentaire ad loc.). L’ensemble des parallèles ainsi défini nous permet donc maintenant de reconnaître deux sources desquelles Eusèbe tire l’exégèse qu’il propose dans la question III à Stephanos, Origène, que j’avais déjà indiqué en 2003 360, et, surtout, Julius Africanus. Bien entendu, il s’agit dune dérivation qui demeure douteuse (celle remontant à la Lettre à Aristide est plutôt désavouée par Guignard), mais il s’agit à mon avis d’une hypothèse qui pourrait donner lieu à une nouvelle explication de la structure de cette Question. En effet, si on prend en considération qu’entre la fin du paragraphe 2 et le début du paragraphe 3 Eusèbe marque une transition importante, en signalant la fin de la « première explication » avant de passer à une nouvelle (voir ESt III,2,42-3,43), on pourrait imaginer que la partie initiale (paragraphes ESt III,1-2 et FSt 2) aurait été inspirée principalement par la Lettre à Aristide, et la partie suivante (ESt III,3-5 et FSt 3-7) plutôt par Origène. On pourrait en effet supposer que, pour rédiger ESt III,1-2, Eusèbe se soit inspiré de la lettre, comme le montre la citation d’ESt III,1,10, en proposant une version proche de la thèse qui, dans la Lettre à Aristide, est soutenue par l’adversaire de Julius Africanus, ou peut-être une forme mise à jour de cette thèse : selon cette explication d’Eusèbe, Luc ne rapporte pas son opinion, mais il rapporte la généalogie de ceux qui croient à une descendance à travers Nathan fils de David (voir ESt III,1,19-21 et III,2,38-42) ; on remarquera qu’il n’est pas nécessaire de prévoir une descendance prophétique et/ou sacerdotale selon cette explication, mais simplement on trace la généalogie du Christ en dehors de la dynastie régnante de Salomon et de ses successeurs à cause de la malédiction adressée à Jéchonias par Jérémie, et on remonte à David par un autre fils, Nathan, et par une lignée qui n’a jamais régné ; dans ce sens, on pourrait supposer que la qualification de Nathan comme prophète ne soit qu’une glose, introduite peut-être par Eusèbe au milieu d’une explication qui ne présupposait pas forcément qu’il ait été prophète (ESt III,2,34-35, voir commentaire ad loc.). La partie suivante aurait par contre pu

359. Je signalais, à titre d’exemple, l’ajout en ESt III,2 concernant la double descendance messianique selon la pensée juive (descendance royale ou non) et le développement considérable de l’idée selon laquelle Matthieu décrit la généalogie naturelle de Jésus et Luc une généalogie indiquant sa filiation ou adoption divine (zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 98). 360. Voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 98-100. Origène ne cite pas les versets de Lc. 3,23-24 ce qui aurait permis de comparer son texte avec celui de Julius Africanus.

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ESt III être inspirée principalement par Origène, vu la transition de ESt III,3,43 et son contenu ; dans ce cas toutefois nous aurions la citation de Luc 3,23-24 de FSt 4 selon la leçon « africanienne », ce qu’on pourrait expliquer comme une reprise de la Lettre à Aristide (voir cependant le commentaire à ESt IV,2,49-50). Autres parallèles Un parallèle à la solution esquissée en Est III,2, se trouve dans un passage, édité partiellement par Walther Reichardt 361 et attribué à Grégoire de Nazianze dans la chaîne de Nicétas sur Luc ; le texte est cependant sans doute tiré de Carm., I,1,18 qui, comme d’autres parallèles à Est IV, propose aussi la solution que Julius Africanus rejettera (on verra, pour ces parallèles, le commentaire, infra, p. 122-124). On a déjà mentionné le texte d’Ambrosiaster, Quaest. in Vet. et Novi Test., 56,1-4, qui connaît et utilise cette question d’Eusèbe (Ambrosiaster propose la même solution qu’Eusèbe, et prend aussi position en se référant à Africanus). Un parallèle plus douteux est celui d’Ambroise, Exp. in Lc. III,4.611.36 (voir commentaire à ESt II,5), tout comme celui de Victorin de Poetovio, In Apc. IV,4, affirmant que Matthieu raconte la généalogie humaine de Jésus, mais que Luc et Marc aussi ont fait de même, et que le seul Jean indique la provenance divine de Jésus. D’autres textes parallèles sont ceux d’Ambroise, Exp. in Lc, III,2 ; Augustin, De cons. ev., II,4,11-13 (éd. Weihrich, CSEL 43, p. 63.88-94) ; Serm., LI,21,31 (PL 38,351-352) ; Retract., II,16. D’autres parallèles patristiques sont moins proches de l’exégèse eusébienne ; il s’agit notamment de Basile de Césarée, Contra Eun., II,15 (SC 305, p. 58) ; Épiphane de Salamine, Pan., LI,12,1 ; LXIX,22,5-6 ; LXIX,23,4 (GCS 37bis, p. 263.172-173) : Jean Chrysostome, In Mt. hom., I,3 et I,6 ; Opus imperfectum in Mt., hom. I (PG 56,612-613) ; Augustin, De cons. ev. I,2,4-3,6 ; II,1,2-4 ; II,3,4-7 (éd. Weihrich, CSEL 43, p. 4-7.63.8284.84-88) ; Théodore de Mopsueste, Fr. in Mt., 3 (Mt. 1,16, TU 61, p. 96-97) ; Julien, Adv. Gal., fr. 62, l. 18-32 362 ; fr. 64, l. 9-12 363 ; André de Crète, Hom., III (PG 97,848C-852B) ; Bède le Vénérable, In Luc. exp., I (Lc. 3,23-24, PL 92,362363) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Lc., III (Lc. 3) 364 ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,11 (CSCO 69, p. 63-64, trad. CSCO 432, p. 45-46) ; al-Bīrūnī, Chronologie des nations anciennes, III 365 ; Anselme de Canterbury, Hom. VIII (PL 158,633A-634B) ; Anselme de Laon, En. in Mt., I (Mt. 1,16 ; PL

361. Le texte provient des manuscrits grecs de Paris (Coislin. 201, f. 122v) et de Vienne (Theol. Gr. 71, f. 251r) ; voir reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus an Aristides und Origenes, p. 25. 362. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 157-158, texte tiré de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII, PG 76,885B-888B ; rinaldi, Biblia gentium, n° 316 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 318. 363. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 159, texte tiré de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII, PG 76,900D-901C. 364. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, III, p. 23-24 ; trad., I, p. 160-161. 365. alBêrûni, Chronologie orientalischer Völker, éd. Sachau, p. 22-23 ; corrections dans alBêrûni, The Chronology of Ancient Nations, éd. et trad. Sachau, Londres 1879, p. 374-375 ; trad., ibid., p. 25-27.

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Questions et réponses sur les évangiles 162,1246) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Lc., VI (Lc. 3,38, PG 129,909) ; Werner d’Ellerbach, Deflorationes, I (PL 157,792) ; Denys bar Salibi, Comm in ev. Mt. 1,15.17 (éd. CSCO 15, p. 51.56.58, trad. CSCO 16, p. 37-38.42-44) ; Comm. in ev. Lc., 3,23 (CSCO 113, p. 309, trad. CSCO 114, p. 250) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., I (Mt. 1,12, PL 120,76-78) ; Sedulius Scottus, Exp. in arg. sec. Luc. (PL 103,288-289) ; Pierre Damien, Testimonia ex ev., I (PL 145,891-894) ; Zacharie Chrysopolitain, In unum ex quattuor, I,5 (PL 186,66) ; BarheBraeuS, Horr. Myst. (Mt. 1,1 ; Lc. 3,29-34) 366 ; Bonaventure, Comm. in Lc., III,60-61 (Lc. 3,23) 367 ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 31, art. 2 ; art. 3,3 368. Voir aussi Fr. in Lc., 3,3 (PG 106,1192A-C). III,1 8-10. καὶ αὐτὸς ὁ Ἰησοῦς ἦν ἀρχόμενος, κτλ. Le texte lucanien d’Eusèbe comporte des variantes dans le début de la citation, ce qui concorde avec l’état de la tradition manuscrite en tradition directe 369. En ce qui concerne la partie finale de la citation, voir le commentaire à la l. 10. 9-10. ὡς ἐνομίζετο. Pour interpréter cette expression de Luc, qui reviendra à la ligne 11 et aux lignes 40, 41 et 106-107, Eusèbe s’inspire en même temps de Julius Africanus, Lettre à Aristide, 18 (éd. Guignard) ainsi que d’Origène, Hom. in Lc., XXVIII,3 ; cette phrase fournit à Eusèbe un appui pour affirmer que Luc donne une liste généalogique qui ne serait ni naturelle, ni celle à laquelle il croyait (voir l. 19-22). Dans le texte de Luc, il semble bien que cette expression soit utilisée simplement pour signaler que Jésus n’est pas le vrai fils de Joseph, ce qui n’engage évidemment aucun jugement concernant la généalogie de Joseph 370 ; cependant, comme le relève Allan Johnson 371, Eusèbe utilise ici l’outil grammatical de l’ἀνάγνωσις, consistant à séparer d’une manière particulière les mots (à savoir, les mots ὡς ἐνομίζετο ne s’appliquent pas à Joseph, comme il serait plus logique, mais à tous les noms de la généalogie 372). 10. τοῦ Ἡλὶ, τοῦ Μελχί. Le texte de Lc. 3,23-24 insère Matthat et Lévi entre Héli et Melchi, ou échange Melchi pour Matthat (ce qui bien entendu en soi n’effacerait pas la lacune des noms de Matthat et Lévi, quoique la citation s’arrête ici

366. SPanuth, Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, p. 2 (Mt. 1,1) ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 285. 367. Bonaventurae opera omnia, VII, p. 86-87. 368. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 322-325. 369. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 448 ; New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [III] Luke, p. 54-55. 370. Voir en ce sens par exemple zahn, Das Evangelium des Lukas, p. 206-207 et Bovon, L’évangile selon saint Luc [I], p. 185. 371. Allan E. JohnSon, « Rethorical Criticism in Eusebius’ Gospel Questions », dans E. A. livinGStone (éd.), Studia Patristica, XVIII/1. Historica – Theologica – Gnostica – Biblica. Papers of the Ninth International Conference on Patristic Studies, Oxford 1983, Kalamazoo (MI) 1985, p. 33-39, ici p. 34. 372. BenGel, Gnomon Novi Testamenti, p. 233, fait la même interprétation qu’Eusèbe.

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ESt III avec Melchi, ce qui nous empêche de tirer une conclusion sûre à ce propos) 373. En dépit du fait que cette variante n’est apparemment attestée dans aucun manuscrit biblique grec, j’avais conclu qu’elle devait avoir existé en tant que telle, du moins à l’époque de Julius Africanus, qui la cite 374. Je renvoyais aussi aux quelques attestations proposées par Konstantin Tischendorf, sans tenir compte du fait qu’elles étaient (presque) toutes postérieures à Julius Africanus et qu’elles pouvaient dépendre de lui 375. Selon Christophe Guignard c’est justement ce qui s’est passé : cette variante ne serait attestée qu’à travers la Lettre à Aristide de Julius Africanus, et donc Eusèbe aussi la tire exclusivement de lui, tout comme les autres attestations indirectes dont on dispose 376. Il s’agit d’une hypothèse tout à fait vraisemblable, que je discuterai dans le commentaire à ESt IV,2,49-50, mais sans qu’on puisse exclure que cette variante ait effectivement existé en tant que telle dans la tradition manuscrite biblique, à l’époque de Julius Africanus ou même après. Ce qui apparaît très probable par contre est que, à l’époque d’Eusèbe, cette variante n’existe plus que dans le texte de Julius Africanus, et, comme je l’ai expliqué dans la partie introductive au commentaire de cette question, il est effectivement probable que le texte des Questions d’Eusèbe ait repris cette variante à la Lettre à Aristide 377. Ceci donne aussi à penser que l’ensemble de cette partie de la question (ESt III,1-2) ait été également inspiré par Julius Africanus, comme l’avait proposé Richard

373. J’ai omis de remarquer la singularité de cette variante lucanienne dans mon étude de 2003, ainsi que dans mes Questions évangéliques, p. 109, mais Christophe Guignard la rappelle maintenant à juste titre (GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 226, n. 41) à la suite vraisemblablement de tiSchendorf, Novum Testamentum Graece, I, p. 449, qui mentionne aussi que FSt 4 (fragment de Nicétas provenant de cette même question) contenait une autre attestation de cette même variante (citation signalée par Guignard, ibid., ainsi que déjà par mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 270, n. 2 et par PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 139, n. 5). Guignard ne considère apparemment jamais que la variante puisse dépendre d’un échange de noms entre Matthat et Melchi, ce que je mentionnais en 2003 dans mon commentaire à ESt IV,2,49-50 (voir note suivante). 374. Ainsi dans mon commentaire à ESt IV,2,49-50 : zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 112, id., Questions évangéliques, p. 120-121, n. 1. 375. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 449. Tischendorf signale en effet le passage d’Irénée de Lyon, Adv. haer., III,2,3, comme probable attestation de cette variante, mais, comme le remarque Guignard, on ne peut pas utiliser ce passage pour reconstituer le texte d’Irénée, car l’évêque de Lyon y affirme seulement qu’il y a soixante-douze générations entre le Seigneur et Adam selon Luc, sans rien dire des noms ne faisant pas partie de sa généalogie ; ce passage d’Irénée est donc de toute manière trop vague pour fournir une information certaine, et ceci sans même devoir accepter le renvoi à Gn. 10 proposé par Guignard pour l’expliquer (voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 226 n. 38, id., « Julius Africanus et le texte de la généalogie lucanienne de Jésus », notamment p. 231-234). La même remarque est valable pour les différents textes de la vetus latina qui plaident pour une liste de soixante-douze générations dans la généalogie (voir Guignard, ibid.). 376. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 225-226 (voir aussi, p. 407-409). 377. Il n’y a apparemment pas d’autres citations de ce passage dans les œuvres d’Eusèbe (voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 48 : la citation de Lc. 3,23 en Hist. eccl., I,10,1 ne comporte pas la section qui nous intéresse).

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Questions et réponses sur les évangiles Baukham, bien qu’aucun autre indice certain ne puisse le confirmer (voir aussi supra, p. 98-99) 378. 17. υἱὸν τοῦ Ἡλὶ καὶ τοῦ Μελχὶ. Voir commentaire à la l. 10. 17. τις. Le manuscrit a τίς, mais l’accent ne semble pas de la main du copiste. En acceptant la leçon τίς, on pourrait reconstituer une phrase interrogative en plaçant un point d’interrogation (qui manque dans le manuscrit) par exemple après χρεία (l. 18). Le texte est aussi cité en Hist. eccl., I,10,1 379. 19-20. Λουκᾶς διατείνεται. David Miller considère que le texte n’a pas de sens si on n’ajoute pas οὐ après Λουκᾶς comme le fait Angelo Mai dans sa deuxième édition 380. À mon avis le texte est tout de même compréhensible si on donne à διατείνομαι un autre sens, pour lequel je m’inspire du lexique d’Evangelinus Sophocles 381. III,2 Ce paragraphe argumente la réponse donnée en III,1, inspirée vraisemblablement tant par Julius Africanus que par Origène. L’exégèse origénienne de Hom. in Lc., XXVIII,2-3 remarque que la généalogie de Matthieu contient des pécheurs (et pécheresses) et que Nathan, fils de David, a reproché à son père la mort d’Urie et la naissance de Salomon. Des remarques qu’Eusèbe a pu combiner avec la croyance selon laquelle les deux généalogies de Matthieu et de Luc symbolisent le pouvoir de Jésus en tant que roi et grand-prêtre, opinion qu’il lit dans la réfutation faite par Julius Africanus dans sa Lettre à Aristide (où il pouvait aussi lire que Nathan le fils de David était un prophète). Quoi de plus simple que d’établir le lien entre Nathan le fils de David et Nathan le prophète qui reproche à David son péché (même si, contrairement à ce qu’Origène affirme, il n’est pas identifié comme fils de David dans les textes vétérotestamentaires) avec la double qualification du Christ roi et grand-prêtre qui est à la base du texte réfuté par Julius Africanus ? On notera toutefois à ce propos la prudence d’Eusèbe, qui, tout en l’adoptant, semble s’apercevoir de cette identification fautive d’Origène (φασὶ δὲ τὸν Νάθαν καὶ προφητεῦσαι, dit-il en ESt III,2,34-35 382). Comme je l’ai dit plus haut, il s’agissait d’une identification déjà attestée dans le judaïsme, et qui n’avait pas forcément quelque chose à voir avec l’attente messianique 383. Augustin, en Retract., II,16

378. BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 349 (et p. 353). Bauckham pense aussi que cette variante était simplement dans la copie de Luc de Julius Africanus (ibid., p. 372). 379. Voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 48. 380. miller, Suggested Departures, p. 1 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 29, n. 15. 381. SoPhocleS, Greek Lexicon of the Roman and Byzantine Periods, p. 373 ; voir ma note à ce propos aussi dans zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 100. 382. Cette phrase fait vraisemblablement partie d’une glose si on accepte la proposition de la deuxième édition d’Angelo Mai, mais je crois qu’elle a de très bonnes chances d’être authentiquement eusébienne (voir commentaire ad loc.). 383. BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 327.

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ESt III niera une telle identification des deux Nathan 384, mais Eusèbe peut avoir supposé qu’Origène tirait cette information d’une source extra-biblique (d’où son expression φασὶ δὲ τὸν Νάθαν καὶ προφητεῦσαι). Eusèbe évite également de caractériser d’une manière quelconque la lignée de Nathan, en se contentant de signaler qu’on pourrait interpréter la prophétie de Jérémie sur Jéchonias (à laquelle il dédiera une autre question, ESt X), en concluant que le messie ne peut pas être de descendance davidique. Allan Johnson remarque aussi que le procédé mis en place par cette argumentation eusébienne, notamment en ESt III,2-3, est une ἀπόδοσις, une « définition », ou explication, qui peut concerner tant un mot qu’un background historique 385, et c’est évidemment un procédé que notre texte utilise sans cesse 386. 23-32. διαφόρων γὰρ παρὰ Ἰουδαίοις, κτλ. Eusèbe explique dans la suite du paragraphe ces deux différentes conceptions, l’une qui fait descendre le Christ de la souche royale de David, l’autre qui lui préfère une ascendance toujours davidique, mais non royale. Les arguments invoqués par Eusèbe sont bibliques (l. 26-32), mais le caractère prétendument juif de cette hypothèse des deux lignages davidiques du Christ n’est pas prouvé 387, et, même si l’on connaît plusieurs modèles messianiques à l’époque du second Temple, aucun ne semble correspondre exactement à celui proposé par Eusèbe, qui était probablement influencé par l’idée du messianisme sacerdotal d’He. 6-10 388. 34-35. φασὶ δὲ τὸν Νάθαν, κτλ. Dans sa deuxième édition, Angelo Mai met cette phrase entre parenthèses, en se fondant évidemment sur le manuscrit Vat. Gr. 1611 de la chaîne sur Luc de Nicétas (FSt 7), où elle n’apparaît pas. En effet, cette phrase pourrait bien être une simple glose. Il y a cependant aussi d’arguments contre la leçon de Mai : tout d’abord, une telle phrase ne serait

384. Voir à ce propos le commentaire à ESt IV. 385. JohnSon, « Rethorical Criticism in Eusebius’ Gospel Questions », p. 34. 386. Le terme est utilisé par Eusèbe (ESt III,2,42 ; XIII,1,17) ; voir à ce propos mon « Existe-t-il une terminologie technique dans les Questions d’Eusèbe de Césarée? », p. 85. 387. Voir l. 34-35, à propos de Nathan, où le prophète est identifié avec le fils de David par un renvoi biblique. 388. Sur les messianismes multiples et les problématiques annexes, on verra en général aPtoWitzer, Parteipolitik des Hasmonäerzeit, p. 82-173 (notes p. 236-293), ainsi que JohnSon, The Purpose of the Biblical Genealogies, p. 115-138 ; BroWn, The Birth of the Messiah, p. 505-512 ; ErnestMarie laPerrouSaz, L’attente du Messie en Palestine à la veille et au début de l’ère chrétienne, à la lumière des documents récemment découverts, Paris 1982 (Collection Empreinte 4), p. 93-328 ; BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 326-354, 365-371 (ascendance davidique du messie) ; Paolo Sacchi, Storia del Secondo Tempio. Israele tra VI secolo a. C. e I secolo d. C., Turin 1994, p. 357-383 (et en particulier p. 363-378 : parmi les différents modèles messianiques du judaïsme du second Temple, le caractère surhumain-sacerdotal tend à se substituer à celui de l’ascendance royale davidique, et parfois même à l’effacer) ; Thomas römer, « Origines des messianismes juif et chrétien », dans J.-C. attiaS, P. GiSel, l. Kaennel (éd.), Messianismes. Variations sur une figure juive, Genève 2000 (RePe 10), p. 13-29 et Pierluigi Piovanelli, « Les figures des leaders “qui doivent venir”. Genèse et théorisation du messianisme juif à l’époque du second Temple », ibid., p. 31-58.

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Questions et réponses sur les évangiles pas impossible pour le style eusébien, qui ne brille jamais pour son élégance 389, mais c’est surtout le contenu de cette phrase qui pourrait également avoir poussé Nicétas à l’omettre, puisque c’est dans cette glose qu’Eusèbe définit le prophète Nathan comme fils de David (il le fera à nouveau plus bas, à la l. 99) et la confusion entre le fils de David et le prophète est évidente à cause du renvoi au livre des Rois (κατὰ τὰ ἐν ταῖς Βασιλείαις φερόμενα) : le prophète n’est pas fils de David (il est par contre vraisemblablement l’auteur d’un livre, mentionné en 1 Ch. 29,29). Cette section est dès lors vraisemblablement originale, car Eusèbe l’a sans doute tirée d’Origène (voir supra, p. 99-100), et elle est confirmée aussi par la formule τοῦ προφήτου Νάθαν de ESt III,5,99 (qui se retrouve identique dans FSt 7), ainsi que par le témoignage des traditions de FSt 16 et de SyrS XI,2. 36-37. ἀπό τε τοῦ Νάθαν διαδόχων προελεύσεσθαι τὸν Χριστὸν διαβεβαιουμένων. Helmut Merkel commente très sommairement cette phrase en affirmant qu’Eusèbe a carrément inventé cette attente messianique 390. 42. αὕτη μὲν οὖν ἡ πρώτη ἀπόδοσις. Comme le signale Angelo Mai 391, une expression proche se trouve aussi en Dem. ev., I,9,5. III,3 Ce texte a été beaucoup raccourci par l’auteur de l’ἐκλογή, comme le montrent les témoignages des fragments de la chaîne de Nicétas et de SyrS XI,2-3 392. L’argument selon lequel les deux évangélistes indiquent, par l’emplacement de leurs généalogies, leur intention de signifier la naissance charnelle ou l’adoption divine du Christ avait déjà été avancé en ESt II,5 (voir aussi les parallèles FSt 1, SyrG XI,1 et XII,1). Comme le relevait déjà Angelo Mai en 1825 393, le contenu de ce paragraphe et du suivant pourrait se trouver sous la plume d’un auteur arien, et la référence au texte origénien de Hom. in Lc., XXVIII,1 fait penser que le discours qui n’est sans doute pas inspiré à Eusèbe par l’actualité théologique ni par un contexte de discussion polémique antichrétienne. 43. ἄλλος. Le texte de Nicétas (FSt 3), en ajoutant βαθὺς καὶ ἀπόῤῥητος, introduit un élément d’évaluation des réponses d’Eusèbe qui n’a pas de parallèles dans l’ἐκλογή, à part le jugement de EMar II,9,186-188 concernant la possibilité

389. Voir dans le même sens le jugement de Photius en Bibl., cod. 13, ainsi que Lorenzo Perrone, « Eusebius of Caesarea as a Christian Writer », dans A. raBan, K. G. holum (éd.), Caesarea Maritima. A Retrospective after Two Millennia, Leyde-New York-Cologne 1996 (DMOA 21), p. 515-530, ici p. 520-521. 390. Helmut merKel, Die Pluralität der Evangelien als theologisches und exegetisches Problem in der Alten Kirche, Berne-Francort-Las Vegas 1978 (TC 3), p. 69, n. 2 [d’après la trad. fr. de Jean-Louis maier, ibid., 1978]. 391. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 375. 392. L’hypothèse que je signalais en 2003, par laquelle l’auteur de l’ἐκλογή aurait pu inverser quelques-uns des passages du texte original, n’est plus d’actualité (voir l’introduction à la liste des parallèles eusébiens, supra, p. 89-90). 393. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 375.

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ESt III d’une erreur de la tradition manuscrite 394. L’intégration de βαθὺς καὶ ἀπόῤῥητος, choisie par la deuxième édition d’Angelo Mai 395 et ensuite adoptée par David Miller 396, aurait aussi l’avantage de rétablir un couple de termes indiquant (en opposition à ἱστορεῖν/ἱστορία) les deux sens de l’Écriture selon le langage technique d’Eusèbe tel qu’il a été défini par Carmel Sant 397. La leçon est donc vraisemblablement originaire, mais on ne peut évidemment pas la réintégrer, sinon au prix de donner une édition éclectique de l’ἐκλογή 398 ; l’évaluation de cette variante proposée par Christophe Guignard, qui signale en plus des parallèles origéniens (Contra Cels., I,24 ; VIII,3 etc.), va dans le même sens 399. 47-49. τὸν δὲ λουκᾶν ἡγοῦμαι μὴ, κτλ. En commentant la ligne 47 de ce passage de l’ἐκλογή (les mots τὸν δὲ λουκᾶν ἡγοῦμαι μὴ), David Miller remarque que le texte parallèle de FSt 3 (ἐγὼ δὲ ήγοῦμαι αὐτὸν καὶ) lui semble préférable 400, mais il ne propose pas de modifier le texte de l’ἐκλογή car, comme il l’explique ailleurs, il estime que le texte de FSt 3 est également corrompu : l’ensemble de la phrase qu’il lit dans FSt 3 (et qui correspond parfaitement à l’ἐκλογή sauf pour les premiers mots qu’on a indiqués) se lit ainsi : ἐγὼ δὲ ήγοῦμαι αὐτὸν καὶ τὴν κατὰ σάρκα γένεσιν τοῦ ἰησοῦ γενεαλογεῖν ἐθέλοντα νῦν τοῦτο πεποιηκέναι ce qui, puisque ce passage donne un sens opposé à celui de l’ensemble de l’argumentation d’Eusèbe concernant la généalogie de Luc, doit être corrigé en ajoutant ἄν entre νῦν et τοῦτο ; le texte de l’ἐκλογή, qu’il suppose provenant du texte corrompu de FSt 3, aurait été par la suite corrigé par un copiste qui aurait substitué μὴ à καὶ (l. 47) 401. C’est une explication inutilement compliquée, car le texte de FSt 3 peut se comprendre ainsi : « je pense d’autre part que lui 402, s’il voulait tracer aussi (καὶ)

394. Voir à ce propos aussi les considérations de Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 427-428. 395. Mai ne signale pas l’intégration, qui est évidemment fondée sur la base du manuscrit Vat. Gr. 1611 de Nicétas (mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 229), ce qui, en dépit de ce que dit mon apparat, a fait croire à David Miller qu’elle se trouve dans le manuscrit (voir note suivante). 396. miller, Suggested Departures, p. 1 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 31, n. 16. Miller affirme à tort que cette phrase se trouve dans le manuscrit de l’ἐκλογή (voir note précédente), et que son texte est aussi confirmé par FSt 3 (en réalité Miller dit FSt 1, mais il entendait sans aucun doute FSt 3, comme il lui arrive aussi de faire tout de suite après, ibid., p. 31, n. 17). 397. Carmel Sant, « The Old Testament Interpretation of Eusebius of Caesarea: The Manifold Sense of Holy Scripture », Royal University of Malta, La Valette 1967, p. 16-34 (voir à ce propos aussi commmentaire à ESt VII,2,67). 398. Cela était évidemment implicite aussi dans mon commentaire de 2003, où je signalais la thèse de Carmel Sant à laquelle Miller aurait dû faire référence pour trouver un argument un peu plus fort en faveur de son choix textuel (qui, je le rappelle, a été fait sur mon texte de 2003, et non sur l’édition de 2008 ; voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 101). 399. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 46, n. 168 ; voir aussi dans le même sens son compte rendu du livre de Pearse, p. 585. 400. Ainsi Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 31, n. 17 (il attribue le texte à FSt 1, mais il s’agit d’une coquille pour FSt 3, comme le montre aussi le renvoi qu’il fait au texte). 401. Ainsi ibid., p. 141, n. 6. 402. αὐτὸν, en référence à Luc.

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Questions et réponses sur les évangiles la généalogie de Jésus selon la chair, se serait maintenant 403 comporté ainsi 404 », en donnant une valeur adverbiale à τοῦτο 405. Cette compréhension du texte donne un sens parfaitement compatible avec l’ensemble de l’argumentation eusébienne, même si le sens de la phrase n’est pas celui qu’elle a dans l’ἐκλογή. En ce qui concerne la variante de la ligne 47 (τὸν δὲ λουκᾶν ἡγοῦμαι μὴ versus ἐγὼ δὲ ήγοῦμαι αὐτὸν καὶ), l’explication proposée par Miller ne considère pas non plus la solution la plus évidente, c’est-à-dire que l’auteur de l’ἐκλογή a modifié le texte ici parce que cette phrase correspond au point où il raccorde deux passages qui étaient à l’origine séparés par une autre section du texte : une de ces deux modifications était nécessaire, celle de l’explicitation du nom de Luc, car autrement le texte qui suit aurait fait référence à Matthieu, l’autre (μὴ à la place de καὶ) avait pour simple motif de clarifier l’argumentation d’Eusèbe, au prix d’un petit changement du sens de cette phrase. Le texte de Nicétas non seulement nous rapporte la longue section que l’auteur de l’ἐκλογή a supprimée 406, mais nous montre ainsi que le texte de l’ἐκλογή a été aussi modifié à cause de cette suppression. 48. νῦν. Ce νῦν, « à ce point », qu’il faut référer à Lc. 3,23-38, s’oppose à « début de l’œuvre » (τῇ εἰσβολῇ […] τοῦ λόγου, l. 31), qui renvoie à Mt. 1,1, comme en témoignent les autres traditions du texte, et comme le confirmera la suite de la phrase (voir l. 49-51, avec la reprise du νῦν et la mention explicite du baptême à la l. 50). 50. ὅτι ἐχρῆν ταύτην ἐκθήσεσθαι. Eusèbe pense à Matthieu comme à l’évangile le plus ancien (voir Irénée, Adv. haer., III,1,1 et Eusèbe, Hist. eccl., III,24,6) 407. D’autres traditions textuelles des questions conservent la mention du fait que Matthieu, syrien et de profession publicain, écrivit en hébreu : FSt 3 et SyrS XI,3 (c’est probablement de cette question que vient aussi la remarque dans le même sens chez SyrG XII,1). Cette mention devait se trouver dans l’original des questions, comme l’indiquent, outre les traditions textuelles mentionnées, certains parallèles vraisemblablement influencés par le texte eusébien, ceux d’Augustin, De cons. ev. I,2,4-3,6 et de Jean Chrysostome, In Mt. hom., I,3 408. 50-59. ἐπειδὴ δὲ νῦν τῆς διὰ λουτροῦ, κτλ. L’argumentation d’Eusèbe est ici singulièrement ramassée par l’auteur de l’ἐκλογή (alors que le texte de Nicétas est plus articulé). Elle explique en même temps le sens de la généalogie à rebours de Luc, le fait qu’elle remonte jusqu’à Dieu et le fait qu’elle est placée au moment

403. νῦν, dans le sens de « à ce point » (voir commentaire à la l. 48). 404. τοῦτο. 405. Contrairement à ce qu’affirme Miller (ibid.), c’est ainsi qu’Angelo Mai comprend FSt 3. Si une telle traduction est nécessaire ici, elle ne l’est pas dans le texte d’ESt III,3,48-49, où on peut tout aussi aisément comprendre le texte en lisant πεποιηκέναι comme transitif (Mai traduit toutefois aussi le texte de l’ἐκλογή comme FSt 3). 406. Entre la partie centrale de FSt 3 et la moitié du FSt 5 (en passant par le FSt 4, texte qui se trouvait au milieu de ces deux fragments). 407. À propos de cette mention, voir aussi Épiphane de Salamine, Pan., LI,5,3, ainsi que déjà Origène, Comm. in Io., I,4,22. 408. Voir aussi Opus imperfectum in Mt., hom. I, qui toutefois dépend plutôt des passages cités d’irénée, Adv. haer., III,1,1 et d’Eusèbe, Hist. eccl., III,24,6.

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ESt III du baptême. Ceci n’explique pas encore pourquoi les deux généalogies sont différentes, ce qu’Eusèbe essayera de faire dans les lignes qui suivent. 58. γένεσιν. La différence entre γένεσιν (leçon du manuscrit) et γέννησιν (leçon de la deuxième édition de Mai) avait fait l’objet d’une intervention d’Origène (qui lisait γέννησιν en Mt. 1,18 et γένεσιν en Mt. 1,1), conservée dans une chaîne 409. 59-69. ἐπειδὴ δὲ οὖν οὐ κατὰ τὴν αὐτὴν τῷ Ματθαίῳ διάνοιαν, κτλ. Dans cette partie, sur la base de ce qui précède, Eusèbe explique les différences entre les deux généalogies, toujours en s’inspirant d’Origène, Hom. in Lc., XXVIII,3-4. Pour ce faire, il intègre dans cette nouvelle argumentation celle qu’il avait déjà exposée (ESt III,2). Harold Smith 410 avait proposé d’unifier complètement l’argument de ESt III,2 sans cette deuxième explication, ce qui ne me semble pas justifiable (voir aussi note à ESt III,5,95-98), car il faut dissocier la première explication, où le Luc d’Eusèbe semble répéter une explication à laquelle il ne croit pas (l. 37-42), de celle-ci, où Luc est censé affirmer une originalité propre par rapport à Matthieu. III,4 70-82. Οἷον, ὡς ἐπὶ παραδείγματος, Παῦλος, κτλ. Eusèbe explique sa proposition de lecture des généalogies à l’aide de deux exemples bibliques, celui de Paul et celui d’Abraham. Pour ces personnages, Eusèbe suggère une séparation entre les pères charnels et les pères selon la foi, qui devrait éclairer les intentions de Matthieu et Luc dans leurs généalogies. À la différence de celui d’Abraham, l’exemple de Paul n’a aucune base biblique 411 ; c’est vraisemblablement la raison pour laquelle le texte de Nicétas a conservé (du moins en partie) la référence à Abraham, mais pas celle faite à Paul (ainsi FSt 6). 78-79. σὺ δὲ ἀπελεύσῃ πρὸς τοὺς πατέρας σου τραφεὶς ἐν γήρᾳ καλῷ. Eusèbe omet μετ’ εἰρήνης (ou ἐν εἰρήνῃ), normalement attesté avant (ou après) τραφεὶς 412.

409. Voir à ce sujet Harold S. Smith, Ante-Nicene Exegesis of the Gospel, I, Londres-New York-Toronto 1925, p. 201-202. 410. Smith, Ante-Nicene Exegesis of the Gospel, p. 209. 411. Voir cependant 1 Cor. 4,15 sur Paul comme seul « père » des Corinthiens en tant que leur évangélisateur. 412. WeverS, Genesis, p. 170.

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Questions et réponses sur les évangiles 79. τραφεὶς. Autre traduction : « ayant vécu » 413. Normalement corrigée en ταφεὶς d’après le texte hébreu 414, la leçon proposée par Eusèbe est toutefois conforme à celle de tous les témoins 415. 80. θεοσεβεῖς. Le terme a souvent au pluriel le sens de « chrétiens » tout court ; voir Eusèbe, Hist. eccl., VIII,6,6, etc. 82-93. οὕτω καὶ οἱ ἐξ Ἀβραὰμ ἀσεβεῖς ἦσαν, κτλ. Après le cas d’Abraham, Eusèbe traite maintenant celui de ses descendants : les uns, ses descendants selon la chair, ne sont pas ses véritables héritiers (« fils de Sodome et Gomorrhe »), mais les autres, les chrétiens, bien qu’ils ne soient pas ses descendants, sont appelés à l’être comme « deuxième succession » (δευτέραν […] διαδοχήν, l. 91-92). Ils sont même invités, par le baptême (διὰ τὴν κατὰ Χριστὸν ἀναγέννησιν, l. 92-93), à dépasser une telle descendance charnelle, pour devenir descendants d’une manière encore plus solidement fondée et meilleure (πολὺ κρείττονα τῆς κατὰ σάρκα, l. 92) ; cette argumentation dépend de textes pauliniens comme Rm. 4,1-24 ou Ga. 3,6-18 et semble être directement inspirée par Origène, comme le montre le passage de In Ez. hom., IV,4,38-66 416. 82-83. οἱ ἐξ Ἀβραὰμ. Le manuscrit met un point en haut après Ἀβραὰμ ; cette ponctuation pourrait être maintenue en éliminant οἱ à la ligne suivante (dont la présence est de toute manière peu appropriée dans cette phrase) ; le texte se comprendrait alors comme suit : « de même ceux qui descendent d’Abraham : ils étaient impies, fils d’Abraham selon la chair, mais selon la nature fils de Sodome et Gomorrhe ». 84. υἱοὶ Σοδόμων καὶ Γομόρρας. Voir le rapprochement entre Jérusalem et Gomorrhe par Origène, In Ez. hom., IX,1 417. 86-87. ὡς αὖ πάλιν ἐξ ὧν ἤμελλεν υἱοὶ Ἀραὰμ γίγνεσθαι. David Miller considère le passage corrompu et propose de lire ὡς οὐ πάλιν ἐξ ὧν ἤμελλον υἱοὶ Ἀραὰμ γίγνεσθαι (avec ἤμελλον comme dans le manuscrit, mais en changeant αὖ en οὐ, avec l’ajout de νῦν ἦσαν) 418. Pour Miller, la phrase est plus

413. La Bible d’Alexandrie, [I] La Genèse, éd. et trad. Marguerite harl, avec Monique alexandre, Cécile doGniez, Gilles dorival, Alain le Boulluec, Olivier munnich, Pierre Sandevoir, Françoise vinel, Paris 1986, p. 165. 414. Ainsi WeverS, Genesis, ad loc. et rahlfS dans Septuaginta, id est Vetus Testamentum Graece, iuxta LXX interpretes, éd. Alfred rahlfS [I-II], Stuttgart 1935, ad loc. ; mais aussi déjà Johann Grabe dans Η ΠΑΛΑΙΑ ΔΙΑΤΗΚΗ [sic] ΚΑΤΑ ΤΟΙΣ ΕΒΔΟΜΗΚΟΝΤΑ. Vetus Testamentum ex versione Septuaginta interpretum, éd. Johann E. GraBe, Johann J. BreitinGer, I, Zürich 1730, p. 23. 415. Voir La Bible d’Alexandrie, [I] La Genèse, éd. harl, p. 165. David Miller rejoint aussi l’ensemble de cette remarque (voir PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 33, n. 18 ; zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 102). 416. Éd. Borret, SC 352, p. 172-174. 417. Éd. BaehrenS, GCS 33, p. 407. 418. miller, Suggested Departures, p. 1 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 33, n. 19. En plus de sa conjecture, Miller signale à raison une erreur dans mon édition : j’adopte la correction ἤμελλεν de Migne à la place du texte ἤμελλον du manuscrit sans explication (faute que je signale maintenant dans la liste des errata proposée dans l’introduction au présent commentaire, à la note 92).

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ESt III claire si on introduit la négation οὐ, même s’il reconnaît que le sens proposé par le manuscrit (sans cette correction) demeure plausible en considérant le contexte de la citation d’Esaïe 1 qui précède ; quant à l’introduction de ἦσαν, il soutient qu’elle serait nécessaire même si on ne changeait pas αὖ en οὐ, parce qu’il considère que ἐξ ὧν introduit une proposition relative nécessitant un prédicat verbal ; sur l’ajout de νῦν, il ne s’exprime pas, mais c’est vraisemblablement le substitut de αὖ (ou plutôt αὖ πάλιν) du manuscrit ; sur le choix de la leçon du manuscrit dans ἤμελλον ( facilior), on verra mon commentaire à la ligne 87. 87. ἤμελλεν. Correction de Migne à partir du texte ἤμελλον du manuscrit, comme signalé à raison par David Miller 419 ; en suivant Angelo Mai, Miller adopte toujours le texte du manuscrit, en considérant la variante de Migne comme une simple coquille (voir commentaire aux l. 86-87). III,5 95-98. οὔτ’ οὖν τοῦ Σολομῶνος, κτλ. Sauf pour certains hommes, comme Jéchonias et ses successeurs, il est difficile de dire qu’il s’agit vraiment de personnages négatifs. Eusèbe, pour expliquer les deux généalogies, suit toutefois ici l’argumentation d’Origène (Hom. in Lc., XXVIII,2-3) qui fonde son interprétation sur le fait que la liste de Matthieu contenait des pécheurs (et pécheresses), au contraire de celle de Luc. Il faut noter qu’Eusèbe contredira cette interprétation pour ce qui concerne les femmes citées par Matthieu (ESt VII-IX). 99. ἐκ τοῦ προφήτου Νάθαν. Sur la caractérisation de Nathan le fils de David comme prophète et ses implications, voir commentaire à ESt III,2 et à III,2,34-35. 108. μετὰ πάντας. Autre traduction : « après tous », ce qui souligne un ordre de succession, mais l’expression partitive me paraît préférable.

419. Voir la note précédente.

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EST IV

Contenu de l’ἐκλογή Ce chapitre est un extrait d’Africanus concernant les généalogies. IV,1. Quelqu’un prétend que la divergence entre les deux généalogies et le mélange des noms de prêtres et de rois indiquent le fait que le Christ est roi et prêtre – comme si quelqu’un pouvait en douter. Mais l’une et l’autre liste de ceux qui sont énumérés évoque le lignage de David, et donc de la tribu royale de Juda. Or, si Nathan était prophète (comme l’étaient aussi son frère Salomon et leur père David), les prophètes peuvent provenir de n’importe quelle tribu, alors que les prêtres ne peuvent que descendre de la tribu de Lévi. Cette explication, qui se voudrait écrite en louange au Christ, est donc mensongère. IV,2. Pour comprendre ce qui s’est passé en réalité, il faut tenir compte du fait que, chez les juifs, on énumérait les générations selon la nature ou selon la loi, dans le cas où on engendrait des enfants au nom d’un frère défunt. C’est pourquoi aucune des listes des évangiles ne ment, l’une énumérant la généalogie selon la nature (Matthieu), l’autre celle selon la loi (Luc). Ainsi Matthan, descendant de Salomon, a engendré Jacob ; puis, Matthan étant mort, Melchi, descendant de Nathan, engendre de la même femme Héli, qui meurt sans enfants ; Jacob alors, qui est son frère utérin, engendre Joseph en son nom. Joseph est donc fils de Jacob selon la nature, mais d’Héli selon la loi. Autres traditions textuelles IV,1. Selon l’hypothèse de Friedrich Spitta 419, le FSt 14, ou plutôt sa deuxième et plus ample partie (à partir de πολλοὶ δὲ καὶ), pourrait être considéré comme un extrait de la Lettre à Aristide, et il serait donc à ce titre un parallèle à ESt IV,1, alors qu’Angelo Mai le considérerait parallèle à ESt I,11 420. Le contenu de cette partie centrale du fragment, qui est aussi d’attribution incertaine, discute du croisement entre les descendants de Lévi et de Juda, déjà avéré depuis Aaron et sa femme Élisheba, de la tribu de Juda ; de la même manière, Élisabeth, femme de Zacharie, provenait de la tribu de Juda, et était fille de Jacob, père de Joseph ;

419. SPitta, Der Brief des Julius Afrikanus an Aristides, p. 43-53. 420. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 83-84, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 156.

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ESt IV en conclusion, Jésus est par descendance en même temps roi et grand prêtre 421. Cette hypothèse de Spitta demeure théoriquement plausible (vu aussi le parallèle de FSt 8) mais toutefois non démontrable, et elle a été discutée, avec la question de l’attribution du fragment, dans l’introduction au commentaire de ESt I, p. 50. IV,1,3-2,26. Cette partie est connue sous une forme plus ample par le FSt 8, provenant de la chaîne de Nicétas sur Luc. Le texte de cet extrait a été publié d’abord en 1795 par Simone de Magistris 422. Ensuite, ce fut Martin Routh 423 qui le publia comme première partie (§ I) de son édition critique de la lettre d’Africanus (sans la partie correspondant à IV,2,23-26) 424, en se fondant sur deux manuscrits 425. Ce texte a été ensuite publié par Angelo Mai dans sa deuxième édition de 1847, à partir d’un troisième manuscrit 426. Sur le texte de Mai se fonde l’édition de la lettre d’Africanus publiée par Migne en 1857 427. C’est sur l’ensemble des trois manuscrits utilisés par Routh et Mai que se fondera Friedrich Spitta en 1877 dans son édition critique de la lettre à Aristide. Cependant, Spitta mêle cette tradition textuelle aux autres, et il faudra attendre l’édition de Walther Reichardt de 1909 pour disposer d’une première édition critique de la tradition de cet extrait de Nicétas 428. Édition qui a depuis été remplacée par celle de Christophe Guignard en 2011, qui ne republie cependant pas FSt 8, mais l’utilise en tant que témoin privilégié de son édition 429. Par rapport au texte de FSt 8 tel que défini par l’édition classique de Mai, je rappelle qu’il faut considérer aussi comme partie finale de ce fragment la section qu’il imprime comme partie initiale de FSt 2 et qui correspond à ESt IV,2,23-26 430 (cette question a été discutée supra, parmi les parallèles à ESt III, p. 89-91) 431.

421. Le contenu détaillé de ce fragment a déjà été illustré parmi les autres traditions textuelles de ESt I, p. 39-40. 422. Je n’ai pas pu consulter cette édition ; voir routh, Reliquiae sacrae, II, p. 512 et note à la p. 331, ainsi que SPitta, Der Brief des Julius Afrikanus an Aristides, p. 6, n. 3. 423. routh, Reliquiae sacrae, II, p. 228-231. 424. Selon Routh cette partie n’est pas d’Africanus, comme il l’explique dans son commentaire du passage. 425. Wien, Österreichische Nationalbibliothek, Theol. Gr. 71 (xiie/xiiie siècle), et Paris, Bibliothèque Nationale, Coislin 201 (xve siècle). 426. Il s’agit évidemment du manuscrit Vat. Gr. 1611 (xiie siècle) ; mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 273-274, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 144-148. 427. PG 10,52-64. La Patrologia reproduit le passage comme § I de la lettre de Julius Africanus, selon la division proposée par Routh, apparemment inconnue de Migne. 428. reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 53-57 (2e colonne). 429. Guignard utilise en bonne partie la même tradition textuelle, puisqu’il reprend les deux manuscrits utilisés par Routh (Vind. Theol. Gr. 71, et Coislin 201), celui utilisé par Mai (Vaticanus Gr. 1611), auxquels il ajoute le manuscrit Athos, Iviron 371 (xie/xiie siècle), qui est le modèle du Coislin. 430. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 269, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 136. 431. Voir ce propos notamment KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 162, Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 137 et GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 60 ; j’avais

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Questions et réponses sur les évangiles Le FSt 8 contient une section très proche du texte de l’ἐκλογή, parallèle à ESt IV,1,16-26. Par contre, les lignes 3-16 de l’ἐκλογή ne se retrouvent pas telles quelles dans le FSt 8. Ce fragment contient d’ailleurs d’autres parties du texte de Julius Africanus non attestées ailleurs (sauf pour une partie de FSt 14). Selon ce passage, Africanus affirme que, d’après l’adversaire qu’il entend réfuter, le Christ est à la fois prêtre et roi par le fait que les tribus royale et sacerdotale sont proches depuis l’époque des patriarches, car la femme d’Aaron, Élisabeth (Élisheba), est soeur de Naasson (Nahshôn), homme de la tribu de Juda (et même ancêtre de David d’après Rt. 4,20-22 et 1 C. 2,10-15), et que Éléazar (fils d’Aaron selon Ex. 6,23 ; 28,1, etc. 432) s’est marié et a eu des enfants avec la fille de Phatiel (qui doit nécessairement aussi être de la tribu de Juda, même si on ne le sait pas avec certitude). Un autre ajout de ce texte contient un argument contre ceux qui interprètent les deux généalogies dans le sens susdit : en proposant cela, ils font mentir l’Écriture, ce qu’il ne faut pas faire, même avec les meilleures des intentions (cette argumentation utilise la citation de 1 Cor. 15,12.15). IV,2. Une tradition parallèle à celle de l’ἐκλογή se retrouve en SyrS XI,4 433. Le texte de SyrS XI, dont il a déjà été question dans le commentaire à ESt II-III, réunit plusieurs questions, en retranchant quelques éléments (dans ce passage c’est notamment l’opinion réfutée par Africanus qui est ôtée). Le paragraphe est introduit par la formulation de la question à laquelle le texte répondra par la suite (« pourquoi dans une généalogie Joseph est-il fils de Jacob, fils de Matthan, alors que dans l’autre il est fils d’Héli, fils de Melchi ? ») et le texte propose une version de la réponse un peu élargie par rapport au texte de l’ἐκλογή et clairement plus proche du texte rapporté par Eusèbe en Hist. eccl., I,7,2-10 (sur ce texte, voir infra, p. 115-116). SyrS XI,4 se conclut avec une comparaison entre le nombre des générations présentes dans les deux généalogies, ce qui rappelle ESt XI-XII, et notamment XII,2. Dans cette explication, le nom d’Africanus n’est pas mentionné. En 2003 j’avais proposé de comprendre ce texte syriaque comme une composition de plusieurs textes différents 434, mais je reconnais qu’il pourrait tout aussi provenir dans son ensemble de la lettre de Julius Africanus, comme le propose Christophe Guignard (sans toutefois prendre en compte mes arguments, ni les autres parallèles eusébiens) 435. IV,2. Une autre tradition de ce paragraphe est celle rapportée par SyrG XIII 436. Il s’agit d’un texte de Georges de Belthan qui propose l’argumentation d’Africanus (ouvertement cité). Une partie du texte de la lettre à Aristide est

432. 433. 434. 435. 436.

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signalé cela en décrivant l’édition de Reichardt dans mon « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 105. Il est aussi chef des lévites d’après Nb. 3,32 ; 20,25-28 ; Dt. 10,6. Sur l’usage d’Ex. 6,23, voir maintenant les remarques de GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 236-237. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 64-66, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 340-342. zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 141. Voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, notamment p. 199, 274-275, 313. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 90-92.

ESt IV cependant attribuée à Philoxène de Mabboug, alors qu’une autre est anonyme (elle se présente donc comme texte de Georges de Belthan, et non d’Eusèbe). Cette attribution fautive du texte d’Africanus à Philoxène de Mabboug est l’un des arguments majeurs que Beyer utilise pour fonder sa théorie du texte syriaque utilisé par Georges de Belthan 437. L’ensemble de ce texte est en tout cas proche de celui de SyrS XI,4, avec quelques ajouts par rapport au texte de l’ἐκλογή 438. IV,2,26-53. La chaîne de Nicétas contient aussi un autre extrait de la lettre à Aristide de Julius Africanus, mais beaucoup plus riche et très proche de la tradition textuelle rapportée par Eusèbe dans Hist. eccl., I,7,2-10. Ce texte, dont l’existence a été signalée par Angelo Mai dans la deuxième édition des questions eusébiennes, a été collationné et utilisé par Spitta, Reichardt et Guignard dans leurs éditions critiques de Julius Africanus 439. La lettre d’Africanus à Aristide Le texte d’Africanus cité dans les questions est perdu dans son intégralité, car les fragments que nous possédons ne semblent pas constituer la totalité de l’écrit, comme l’a confirmé la dernière édition de Christophe Guignard 440. L’ensemble le plus complet de cette lettre se retrouve dans la chaîne de Nicétas, qui est le seul témoin contenant les deux principales parties connues de ce texte, qui correspondent aux deux sections citées par Eusèbe en ESt IV et en Hist. eccl., I,7,2-16. Cette lettre concernant la généalogie du Christ était certainement adressée à un dénommé Aristide, comme on l’apprend par Hist. eccl., I,7,1 441. Dans ce passage de l’Histoire ecclésiastique, Eusèbe nous informe qu’Africanus proposait une

437. Voir ibid., p. 92-93. 438. Comme le signale Guignard, en rejoignant les remarques plus générales de Beyer, par rapport à l’original ce texte est plus abrégé que celui de SyrS XI,4, mais aussi moins réélaboré (GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 125). 439. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 274, n. 1. Mai ne l’a pas édité car son contenu pouvait se lire dans l’Histoire ecclésiastique, ce qui correspond bien aux critères de son édition (voir à ce propos zamaGni, Questions évangéliques, p. 15-16). D’autres parallèles à cette question sont vraisemblablement attestés aux § 24-27 de la Lettre à Aristide de Julius Africanus (tiré de Nicétas) et aux § 24 et 29 de la même lettre ; voir à ce propos GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 59-61, 79-86, 119-125, 189-209 et 274-275. 440. Le texte de la Lettre que nous connaissons est déjà le fruit d’une œuvre de révision précédant Eusèbe (GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 258-264), et il est en tout cas lacuneux pour tous les éditeurs. En faisant référence à l’édition de Guignard, une lacune certaine se trouve entre les § 27 et 28, et deux autres peuvent se trouver entre les § 23 et 24 et entre les § 28 et 29 (voir ibid., p. 275-281, 302, 304).» 441. Voir Hist. eccl., VI,31,3 ; Jérôme, De vir. ill., 63,3 ; PhotiuS, Bibl., cod. 34, et FSt 7. Sur la vie d’Africanus et ses témoignages en général, voir George Salmon, « Africanus, Julius (Ἀφρικανὸς) », dans DCB, I, Londres 1877, p. 53-57, ici p. 53-54, ainsi que la notice de Christophe Guignard, sous presse dans le troisième volume de l’Histoire de la littérature grecque chrétienne dirigée par Bernard Pouderon (voir aussi son mémoire, Christophe GuiGnard, « Julius Africanus. Réexamen d’une énigme », Université de Lausanne, Lausanne 2003) ; et notamment les témoignages recueillis dans le volume Iulius Africanus, Chronographiae. The Extant Fragments,

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Questions et réponses sur les évangiles explication sur la discordance des deux généalogies de Jésus après en avoir réfuté d’autres, fautives ; par la suite, Eusèbe transcrit l’explication d’Africanus (correspondant à Hist. eccl., I,7,2-16). Cet extrait reproduit dans l’Histoire ecclésiastique est en partie parallèle à ESt IV,2, mais il contient l’explication d’Africanus dans une forme plus riche et développée que l’ἐκλογή, avec des sections qui se rapprochent aussi des textes de SyrS XI,4 et SyrG XIII. Le passage de l’Histoire ecclésiastique explique aussi comment les généalogies officielles ont été perdues, et montre qu’il n’a pas dû en être de même pour les copies privées. Puisque Eusèbe avait affirmé en Hist. eccl., I,7,1 qu’il y rapportait la deuxième partie de la lettre, la première partie devrait alors correspondre à celle qui est actuellement attestée principalement par ESt IV,1 et FSt 8. L’hypothèse de cette division en deux parties avait déjà été maintenue par Routh dans son édition 442 et par Mai 443 et elle a été couramment retenue par la suite 444, jusqu’à la toute dernière édition de Christophe Guignard, qui ajoute à la lettre un nouveau fragment tiré essentiellement de la chaîne de Nicétas sur Luc 445. Avant le travail de Guignard, la dernière édition critique de ce texte était celle de Reichardt, parue en 1909, et essentiellement fondée sur le répertoire de l’ensemble des traditions textuelles réalisé par Adolf Harnack en 1893 446. Il faut convenir que l’édition de Reichardt était largement dépassée, ne comportant de fait que la tradition grecque de la lettre, fondée sur ESt IV, sur le fragment FSt 8 tiré de la chaîne de Nicétas (y compris la partie que Mai publia avec le FSt 2), et sur les trois témoins de l’Hist. eccl., I,7,2-16. Seulement pour la tradition de l’Histoire ecclésiastique, Reichardt prenait en compte aussi la tradition syriaque, en utilisant l’édition de Schwartz (GCS 9/1), alors qu’il ne considérait pas ni les traditions syriaques des questions (qui étaient alors connues mais inédites, sauf le bref aperçu offert par Mai dans son édition de 1847 447), ni les autres attestations grecques indirectes publiées par Mai, qu’il considérait comme secondaires 448. La nouvelle édition de Guignard comble maintenant ces lacunes, en tirant profit

442. 443. 444.

445. 446. 447. 448.

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éd. Martin Wallraff et Umberto roBerto, et pour les sources orientales, Karl PinGGéra, trad. William adler, Berlin-New York 2007 (GCS, N. F. 15). Voir supra introduction au texte parallèle de ESt IV,1,3-2,26, p. 113. mai, Novae patrum bibliothecae tomus IV, p. 231 n. 1 et p. 273, n. 1. SPitta, Der Brief des Julius Afrikanus an Aristides, p. 37-76 ; voGt, Der Stammbaum Christi, p. 2-34 ; reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 22-23 ; Joseph M. heer, Die Stammbäume Jesu nach Matthäus und Lukas, Fribourg 1910 (BSt[F], 15/1-2), p. 34-35 ; Gottfried Kuhn, « Die Geschlechtsregister Jesu bei Lukas und Matthäus, nach ihrer Herkunft untersucht », ZNW 22 (1923), p. 206-228, ici p. 225 ; merKel, Die Widersprüche zwischen den Evangelien, p. 125-129. Fait apparemment exception Salmon, « Africanus », p. 55. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 271-275 et 295-304 (le nouveau fragment correspondant aux paragraphes 24-27, p. 302-304). Von harnacK, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, I, p. 512-513 ; voir à ce propos aussi zahn, Das Evangelium des Lukas, p. 216-217. Voir à ce propos zamaGni, Questions évangéliques, p. 15-18. reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 15-19.

ESt IV notamment des témoignages syriaques parallèles aux questions d’Eusèbe 449, et en prenant en compte bien d’autres témoignages indirects 450, y compris ceux que je signalais en 2003 451, à savoir celui qui, selon une hypothèse de Richard Bauckham, ferait remonter à la lettre à Aristide le contenu de ESt III,2 452, et le témoignage de SyrG VII, parallèle notamment à ESt XII (voir commentaire ad loc.) et que je signalais alors pour la première fois parmi les témoins possibles de la lettre à Aristide. Quant au contenu, les traditions rapportées par Julius Africanus dans son explication semblent de provenance judéo-chrétienne, comme le texte semble l’indiquer et comme l’ont suggéré plusieurs savants dans le passé 453 ; dans le même sens va aussi l’explication de Gottfried Kuhn, qui fait remonter l’explication à un original araméen dont Africanus ou sa source auraient mal interprété la numérologie : le nom d’Estha, la femme de Matthan et de Matthat/ Melchi d’après le texte d’Africanus, proviendrait, en fait, d’une mauvaise lecture du chiffre six, chiffre autour duquel toute la série généalogique de Luc serait construite 454. Maintenant le travail de Christophe Guignard a en partie confirmé ces hypothèses : la solution de Julius Africanus repose sur une source qu’il considère très sûre et qui, en conformité avec les indications de l’Histoire ecclésiastique, devait contenir une généalogie d’origine privée et une explication qui provenait d’un milieu directement proche de la famille de Jésus 455.

449. Même si une partie au moins de la tradition syriaque est fondamentale pour la reconstitution du texte de Julius Africanus (voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 119-125), je partage un avis généralement plus mitigé sur la valeur des témoignages syriaques. 450. Voir en général l’ample présentation des témoins et de la nouvelle édition que fait Guignard dans son volume, où il signale aussi que les témoignages grecs indirects et la version syriaque de l’Histoire ecclésiastique n’apportent pas d’amélioration au texte de la lettre à Aristide qu’on peut reconstituer. 451. zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 105-106. 452. BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 349. Sur cette hypothèse, peut-être sous-estimée par Guignard, voir commentaire à ESt III,2. 453. voGt, Der Stammbaum Christi, p. 15-17 ; JeremiaS, Jerusalem zur Zeit Jesu, p. 151-168 et BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 355-363. Sur l’ensemble de la problématique abordée par Julius Africanus dans le contexte de l’Antiquité, voir plus généralement BaucKham, ibid., p. 315-373. 454. Kuhn, « Die Geschlechtsregister Jesu bei Lukas und Matthäus », p. 226-228. Explication maintenant reprise et largement commentée par GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 307-308, n. l. 455. Voir notamment les conclusions de GuiGnard, ibid., p. 385-409 et aussi son étude « Jesus’ Family and their Genealogy according to the Testimony of Julius Africanus », dans C. clivaz, a. dettWiler, l. devillerS, e. norelli (éd.), avec B. Bertho, Infancy Gospels. Stories and Identities, Tübingen 2011 (WUNT 281), p. 67-93. Sur le texte de Julius Africanus voir aussi BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 348-352 et 355-363, ainsi que Oskar SKarSaune, « Fragments of Jewish Christian literature quited in some Greek and Latin fathers », dans O. SKarSaune, R. hvalviK (éd.), Jewish Believers in Jesus, The Early Centuries, Peabody (MA), 2007, p. 325-378, notamment p. 352-360.

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Questions et réponses sur les évangiles Quoi qu’il en soit de la valeur de l’exégèse d’Africanus 456, ce texte est probablement celui qui, plus que les autres, l’a rendu célèbre au cours des siècles, et les exégèses de cette lettre pour accorder les deux généalogies de Matthieu et Luc (celle qu’il conteste et la sienne) ont été reproduites et utilisées par un grand nombre d’auteurs, grâce notamment aux citations eusébiennes (voir la liste des parallèles infra, p. 122-125, et maintenant l’étude de Guignard). La réfutation de Julius Africanus a pratiquement effacé la mémoire de ses adversaires, qu’il ne nomme pas et qu’on n’est plus à même de reconnaître avec certitude. Leur explication ne subsiste après lui que grâce à sa réfutation et au succès qu’elle eut ; cette fortune est aussi attestée par Išo‘dad de Merw 457, qui attribue à Porphyre et à Julien une polémique contre la solution d’Africanus, en remarquant que Luc n’affirme pas rapporter une généalogie « selon la loi » 458. Commentaire Le manuscrit de l’ἐκλογή introduit clairement le texte de cette citation de Julius Africanus comme une « question » à part entière, en marquant le passage à un paragraphe nouveau. Ceci a poussé Angelo Mai à introduire une numérotation propre à cet extrait dès sa première édition de 1825, même si l’introduction de l’ἐκλογή ne comporte pas de véritable interrogation ; la tradition de Nicétas, découverte par Mai par la suite, démontre de manière certaine que ce texte n’est pas une question à part entière. Cette « question » constituait simplement la partie finale de la ESt III dans l’original eusébien, comme l’a bien montré Lorenzo Perrone 459, à la suite des quelques remarques déjà proposées par Reichardt et Bardy 460. À la base de cette démonstration il y a le texte du FSt 7, parallèle à ESt III,5 que Mai publia en 1847 ; ce fragment s’achève avec un passage qui introduit l’explication de Julius Africanus sur le même sujet, ce qui prouve que la citation était intégrée dans la même question. En voici le texte, suivi par sa traduction 461 :

456. Sur cette exégèse, voir PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 536-539, et les réserves déjà émises par Bauer, Das Leben Jesu, p. 26. 457. išo‘dad de merW, Comm. in Mt., [I] (Mt 1) ; The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 20 ; trad., I, p. 12. 458. Je signale que ce texte d’Išo‘dad de Merw n’est pas mentionné par les éditions de Porphyre par Harnack et de Julien par Masaracchia, bien que le texte soit déjà connu et utilisé par zahn, Das Evangelium des Lukas, p. 213, n. 86 et p. 216. 459. Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 420, n. 9. 460. reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 23-24 ; Bardy, « La littérature patristique des “Quaestiones et responsiones” », I, p. 230, n. 1. L’étude de Christophe Guignard confirme maintenant à son tour cette interprétation, comme nous avons vu dans l’introduction (voir par exemple GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 48-49). 461. Traduction de Jean-Louis Maier légérement modifiée, tirée de la version française de Helmut merKel, Die Pluralität der Evangelien als theologisches und exegetisches Problem in der Alten Kirche (TC, 3), Berne-Francfort-Las Vegas 1978, p. 73, n. 5.

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ESt IV ἵνα δὲ μή τις ἡμᾶς εὑρεσιλογεῖν ὑπολάβοι, καὶ ἱστορίᾳ χρήσομαι παλαιοτάτῃ παρ’ ἧς ἔστι τὴν λύσιν εὑρεῖν τῆς νενομισμένης παρ’ ἀμφοτέροις τοῖς εὐαγγελισταῖς διαφωνίας· τῆς δὲ ἱστορίας γέγονε συγγραφεὺς Ἀφρικανὸς, ἀνὴρ λόγιος καὶ τοῖς ἀπὸ τῆς ἔξωθεν παιδείας ὁρμωμένοις ἐπιφανής· οὗ πρὸς ἄλλοις πολλοῖς καὶ καλοῖς λόγοις, καὶ ἐπιστολὴ φέρεται πρὸς Ἀριστείδην περὶ τῆς νενομισμένης τῶν εὐαγγελιστῶν περὶ τὴν Χριστοῦ γενεαλογίαν διαφωνίας· ἔχει δ’ οὕτως· […] afin que personne ne nous soupçonne ici d’invention, nous voulons reproduire une très ancienne enquête, où l’on peut trouver une solution pour la prétendue dissonance entre les deux évangélistes ; l’auteur de cette enquête est Africanus, homme avisé, et illustre pour ceux qui viennent de la culture extérieure ; on transmet de lui, entre beaucoup d’autres nobles ouvrages, une lettre à Aristide sur la prétendue dissonance des évangélistes à propos de la généalogie du Christ ; elle se présente ainsi :

La reconstitution d’une question unique, qui est ainsi rendue possible, permet de résoudre quelques problèmes que ESt IV pose par rapport au reste de l’ἐκλογή, notamment le fait que cette « question » n’est pas formellement énoncée et que son texte n’est pas une synthèse originale (même à partir d’exégèses connues) mais se compose intégralement d’une simple citation, comportant des abréviations. Un autre argument mineur en faveur de cette hypothèse qui réunit ESt III et IV est aussi le témoignage de Ambrosiaster, Quaest. in Vet. et Novi Test., 56,1-4, texte qui prend position en faveur de la solution eusébienne (ESt III) et réfute celle d’Africanus : un tel usage semble indiquer qu’il connaît un texte eusébien précis, contenant les deux solutions, parmi lesquelles il préfère la première. La tradition de SyrS XI,4 semble contredire cette explication, car ce texte s’ouvre par une formulation de la question en tête du paragraphe, ce qui pourrait indiquer qu’une question introduisait l’extrait d’Africanus. Néanmoins plusieurs arguments, outre la conclusion du FSt 7, permettent de dire que cette formulation peut difficilement remonter à l’original des questions. En effet, même sans considérer le caractère composite de SyrS XI 462, il se peut très bien que la formulation de la question ait été introduite pour transformer l’extrait d’Africanus en une question comme les autres, ce qui constitue aussi la seule explication du fait que le syriaque élimine la référence à Julius Africanus 463. Dans le texte perdu d’Eusèbe, la citation de la lettre à Aristide faisait donc partie de la question qui précède. Il se peut que le texte de l’ἐκλογή reflète un passage de la tradition manuscrite qui n’a rien à voir avec son auteur, cependant l’explication la plus simple est celle qui voit dans l’auteur de l’ἐκλογή le responsable de la séparation entre l’extrait de Julius Africanus et le texte de la

462. Le texte de SyrS XI,4 représenterait un cas unique d’une question formulée à l’intérieur d’une autre, pour autant que la numérotation de Beyer reflète vraiment et sans aucun doute la tradition manuscrite : en effet le manuscrit Vat. Syr. 103, fol. 307v, semblerait indiquer ici le passage à une autre question, puisque le texte est en rouge, comme pour les introductions aux autres questions. 463. L’attribution à Julius Africanus devait sans aucun doute exister dans l’original, car on peut difficilement prétendre que cette référence ait été introduite en même temps par l’auteur de l’ἐκλογή et par la tradition suivie par Nicétas.

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Questions et réponses sur les évangiles troisième question d’Eusèbe, ce qu’il a fait de manière évidemment délibérée en choisissant d’ôter l’introduction à la citation qui se retrouve dans le FSt 7 464. À cet argument pour conclure que l’auteur de l’ἐκλογή est bien à l’origine de la séparation actuelle entre les questions ESt III et IV, Christophe Guignard en ajoute un autre ; en remarquant que l’ἐκλογή rapporte le numéro d’ordre des questions à l’intérieur des réponses dans les trois premières questions à Stephanos, et qu’il interrompt par la suite cet usage, on peut penser que la cause est que la citation de Julius Africanus, désormais isolée comme question à part entière, a définitivement altéré la numérotation originaire du texte eusébien ; l’auteur de l’ἐκλογή aurait donc été obligé d’effacer toute mention de ce type à l’intérieur des réponses 465. L’argument me semble suffisant pour bien expliquer que c’est l’auteur de l’ἐκλογή qui a transformé cette citation en question, bien qu’il se fonde sur le silence des sources, comme Guignard le rappelle 466. Ce qui arrive en tout cas est que l’extrait d’Africanus est devenu désormais presque un corps étranger au texte eusébien, du moins du point de vue formel. Le choix de l’auteur de l’ἐκλογή se justifie probablement par une volonté de transmettre de manière simple et claire tant l’extrait de la question eusébienne que l’explication très intéressante de Julius Africanus. Son travail contribue à mieux identifier l’extrait de la Lettre à Aristide qui devait être mal perçu dans l’ensemble d’une question qui est à peine plus longue. On notera à ce propos que le choix de l’auteur de SyrS XI,4, face au même dilemme, a été d’effacer carrément la référence à Africanus, tout en gardant son explication, qui est alors ipso facto attribuée à Eusèbe (ceci arrive en partie aussi en SyrG XIII). En effet, si on considère son ampleur, la citation de Julius Africanus devait poser un véritable problème à qui, comme l’auteur de l’ἐκλογή, se proposait d’offrir le texte d’Eusèbe sous une forme réduite. Plusieurs indices font en effet penser que la portion du texte d’Africanus était très large dans l’original des questions, même plus que ce dont l’ἐκλογή rend compte. Le témoignage des traditions syriaques montre bien que le texte contenant la solution proposée par Africanus était plus développé que celui de ESt IV,2, et le témoignage de Nicétas semble aller dans le même sens, comme le montre maintenant aussi l’édition de Guignard. En effet, bien que beaucoup plus long, l’extrait de Nicétas contient néanmoins quelques abréviations par rapport à celui de l’ἐκλογή 467. Ces témoignages indiquent clairement que l’original des questions contenait un extrait très long de la lettre d’Africanus, qui y était reproduite sans doute presque intégralement 468. Toutefois, Nicétas ou sa

464. Voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 107. 465. Voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 49. 466. Certes, on pourrait expliquer aussi différemment la disparition des mentions du numéro d’ordre à l’intérieur des questions, en remarquant que l’indication de ces numéros d’ordre dans les deux premières questions était faite dans le développement analytique de la question : on pourrait alors expliquer leur disparition par un simple souci d’abréviation (voir commentaire à ESt I-II à ce propos) ; ou, encore, on pourrait songer à une combinaison de ces deux facteurs (non seulement donc le souci d’abréger, mais aussi celui de garder la cohérence de la numérotation interne de l’ἐκλογή). 467. Voir la synopse de reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 53-56. 468. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 274, n. 1.

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ESt IV source 469 a dû diviser en deux parties le texte de Julius Africanus qu’il lisait dans sa tradition des questions : en effet, il reproduit une partie du texte de la lettre avant son extrait exégétique parallèle à ESt III, et une partie après ce texte. Autrement dit : le texte contenant la réfutation d’Africanus publié par Mai (FSt 8) précède l’ensemble des FSt 2-7 qui se rapportent à ESt III, alors que le texte contenant la réponse d’Africanus, que Mai n’a pas publié, le suit 470. Puisque ESt IV atteste que les deux parties de la lettre (celle contenant la réfutation et celle contenant la réponse d’Africanus) étaient citées par Eusèbe, il faut en conclure que Nicétas (ou la tradition qu’il suit) divise en deux parties la lettre d’Africanus, en séparant sa réfutation de sa solution (et en suivant aussi la division de la lettre proposée par Hist. eccl., I,7,2-16). Nicétas recopie ensuite ces deux parties avant et après les FSt 2 à 7 (parallèles à ESt III), de manière à obtenir un ensemble organique composé par la réfutation d’une solution fautive (par Africanus), la solution d’Eusèbe (parallèle à ESt III), et enfin la solution d’Africanus 471. Cette hypothèse explique bien l’état actuel du texte dans les témoins syriaques et dans l’ἐκλογή : les uns ont éliminé la réfutation de Julius Africanus et réduit sa solution, tandis que l’autre a réduit l’ensemble de la lettre d’Africanus. Cette hypothèse permet aussi de fournir une reconstitution possible de l’original perdu de la question, qui devait contenir aussi toute la partie de la lettre citée par Nicétas. Or, l’ensemble de cet extrait de la Lettre à Aristide cité par Nicétas, par rapport aux 108 lignes de ESt III (et aux 53 de ESt IV), doit couvrir au moins 120-125 lignes 472. Mais on imagine difficilement qu’une question de notre œuvre eusébienne contienne en majorité un extrait d’autrui ; il faut aussi considérer que le texte originel des questions d’où l’auteur de l’ἐκλογή a tiré son texte de ESt III était considérablement plus long que celui dont on dispose actuellement, comme on l’a montré dans le commentaire de la question précédente. L’ensemble de cette question devait donc se composer d’un long texte d’Eusèbe et le long extrait de la lettre à Aristide devait occuper moins de la moitié de la question. Celle-ci avait donc une longueur très considérable dans l’œuvre originelle d’Eusèbe, ce qui explique la volonté de la raccourcir, manifestée tant par l’auteur de l’ἐκλογή que par les traducteurs syriaques ; leur travail montre aussi le souci de garder une certaine proportion entre la partie écrite par Eusèbe et l’extrait d’Africanus. Pour l’auteur de l’ἐκλογή surtout, qui délimite parfaitement l’extrait d’Africanus, il n’aurait certainement pas été opportun d’abréger le texte d’Eusèbe sans réduire en même temps la citation de la lettre à Aristide. Ces avis

469. Nicétas a vraisemblablement utilisé une chaîne préexistante pour rédiger sa chaîne sur Luc, comme il est logique pour un auteur de son époque. Dans le cas de sa chaîne sur Job, cela a été démontré par Dieter et Ursula Hagedorn, voir Ursula und Dieter haGedorn (éd.), Die älteren griechischen Katenen zum Buch Hiob, I, Berlin 1994 (PTS 40), p. 133-137. 470. Voir mai, Novae patrum bibliothecae tomus IV, p. 269.273, notes en marge, et Reichardt reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 24-25. 471. Voir à ce propos reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 25. 472. C’est un calcul fondé sur l’étendue du texte de Nicétas par rapport à l’édition de ESt III-IV dans Sources Chrétiennes.

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Questions et réponses sur les évangiles sont maintenant partagés par Christophe Guignard en ce qui concerne le texte de Julius Africanus, et à propos des traditions syriaques et de l’étendue de sa lettre 473. Parallèles textuels Je signale en premier lieu que le texte du Comm. in Lc. 19,12 attribué à Eusèbe fait vraisemblablement allusion à la solution réfutée par Africanus. Bien que le texte soit dans un état fragmentaire, cette exégèse pourrait apporter un nouvel indice contre l’attribution de ce commentaire à l’évêque de Césarée. Beaucoup de parallèles dans la littérature chrétienne ancienne attestent le succès des arguments d’Africanus, très diffusés également au Moyen Âge et après. Une liste très ample en a été dressée par Peter Vogt 474, et on s’y référera pour les renvois concernant les auteurs modernes 475. Une nouvelle liste des parallèles anciens a été par contre préparée par Christophe Guignard et on pourra s’y référer pour davantage des références 476. Le succès de l’exégèse rapportée dans la Lettre à Aristide de Julius Africanus est certainement dû aux citations qui en sont données dans les questions d’Eusèbe et dans son Histoire ecclésiastique. Comme on l’a dit plus haut (p. 117-118), tant l’explication qu’Africanus réfute que la sienne ont partagé ce succès. Parmi les auteurs qui ont accueilli l’exégèse réfutée par Africanus comme plausible, certains semblent prendre en compte aussi sa réfutation. Parmi ceux qui proposent les deux solutions comme valables, il y a Hilaire de Poitiers, In Mt., I,1 (selon lequel Matthieu donne la lignée royale, et Luc la lignée sacerdotale ou lévitique, qui passe par Nathan : exactement comme le ferait l’adversaire d’Africanus) ; Ambroise, De patriarchis, III,14 ; IV,16 (CSEL 32/2, p. 132-133) ; Eucher de Lyon, Instr. ad Salonium, I,2

473. Certes, on ne peut pas exclure a priori que le texte original des questions ait contenu un extrait de forme plus réduite de la lettre d’Africanus, comme il arrive en ESt IV,2, car Nicétas et les traducteurs syriaques auraient pu avoir recours au texte complet d’Africanus pour intégrer l’extrait eusébien ; mais dans cette hypothèse il faut supposer que Nicétas et les traducteurs syriaques aient chacun de leur côté décidé de ne pas s’en tenir au texte des questions et d’aller chercher ailleurs le texte de Julius Africanus. Les intégrations proposées par les auteurs syriaques auraient pu alors simplement provenir de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe (disponible aussi en syriaque) ; mais, après s’être donné tant de peine, le traducteur syriaque aurait-il pu vraiment effacer une partie du texte d’Africanus (ESt IV,1), et en arriver même à en gommer le nom (SyrS XI,4) ? Par contre, Nicétas cite aussi une partie du texte d’Africanus qui n’est pas transmise par l’Historie ecclésiastique ; à supposer qu’il soit l’auteur d’un tel aménagement, il faudrait admettre qu’il avait à sa disposition le texte en tradition directe, qu’il a pu trouver à la bibliothèque de Constantinople où il travaille ; cependant, en dehors de sa fortune indirecte à travers des citations d’Eusèbe, le texte de cette lettre de Julius Africanus était-il vraiment très répandu ? 474. voGt, Der Stammbaum Christi, p. viii-xii, 34-73. 475. On pourra voir à ce propos aussi reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 15-19 et Bauer, Das Leben Jesu, p. 11-15. 476. Par exemple sa référence au Ps. Ambroise (Sur l’accord entre Matthieu et Luc sur la généalogie du Christ, PL 17,1101 sqq.), etc. Il me semble cependant que la plupart des textes signalés par Guignard se retrouvent aussi dans mon commentaire de 2003, que je reprends ici (voir notamment GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 86-161, etc.).

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ESt IV (PL 50,796-797) ; Augustin, De cons. ev. II,2,4 (éd. Weihrich, CSEL 43, p. 63.84) ; Épiphane de Salamine, Pan., XXIX,3,7-8 (GCS 25, p. 324) ; XXIX,4,5-8 (GCS 25, p. 324-325) ; LXXVIII,13,5 (GCS 37bis, p. 464) ; voir aussi Pan., XXIX,3,1-6 (GCS 25, p. 323-324) ; la glose anonyme au manuscrit de la Didaché de P. Bryennios 477 ; Bède le Vénérable, In Luc. ev. expositio, I (sur Lc. 3,23-24 ; PL 92,361-362 ; Bède ne souscrit pas vraiment à cette explication, mais suit en fait celle d’Africanus, en le mentionnant ouvertement ; après son explication, il évoque toutefois rapidement le fait que la généalogie selon Luc passe à travers le prophète Nathan 478) ; Werner d’Ellerbach, Deflorationes I (PL 157,792) ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 31, art. 2 479. Parmi les autres auteurs, qui soutiennent avec Africanus que la solution de son adversaire n’est pas à retenir, il y a Grégoire de Nazianze, Carm., I,1,18 (lequel connaît la solution proposée par Africanus, mais maintient aussi le caractère royal de la lignée établie par Matthieu, sacerdotale par Luc) ; Ambroise, Exp. in Lc., III,13 (lignée royale chez Matthieu, sacerdotale chez Luc 480) ; Augustin, De divers. quaest. LXXXIII, 61,2 (pour Augustin, la généalogie de Matthieu indique que Jésus est roi, celle de Luc qu’il est prêtre ; mais ceci ne signifie pas que le Christ est de la tribu de Lévi, car il est prêtre « selon l’ordre de Mélchisedek » ; plutôt, comme dans FSt 8, le croisement des deux tribus survient par un mariage, cette fois de l’un des fils de David avec une femme de la tribu de Lévi). La solution d’Africanus, qui a recours à la loi du lévirat, est attestée aussi par Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,15 (pour qui toutefois c’est Luc qui trace la généalogie charnelle, alors qu’on trouve chez Matthieu la généalogie selon la loi) ; Augustin, Contra Faust., III,3 (passage très loin d’Africanus) ; Retract. II,7,2 (passage parallèle à Africanus) ; II,16 (où Augustin fait, entre autres, la différence entre le prophète Nathan et Nathan le fils de David) ; Quaest. ev., II,5,1-2 ; De cons. ev., II,3,5-7 (passage qui ne provient pas d’Africanus, comme le montre Retract. II,16) ; II,4,11-12 (ce texte définit prophète Nathan le fils de Salomon) ; Quaest. in Opt., V,46 ; Serm., LI,17,27-19,29 (PL 38,348.350) ; Théodoret de Cyr (?), Quaest. et resp. ad orthod., 66 ; 131 ; 133 (PG 6,1307A-D.1382C-1384B.1386A-C) ; Ps. Eustathe d’Antioche, Comm. in Exaem. (PG 18,772) ; Apollinaire de Laodicée, Fr. in Mt. I (Mt. 1,16, TU 61, p. 1) ; André de Crète, Hom., III (PG 97,849A-852B) 481 ; Jean Damascène, Exp. fidei, 87 [IV,14] (éd. Kotter, PTS 12, p. 199-200) ; Ps. Jérôme (?), Exp. quatuor ev., Mt. 1,16 (PL 30,551) ; Ambrosiaster, Quaest. in Vet. et Novi Test., 56,1-4, qui, comme je l’ai dit plus haut, réfute explicitement la solution

477. Republié par JohnSon, The Purpose of the Biblical Genealogies, p. 273 (je n’ai pas eu accès à l’édition originale). 478. Ibid., p. 363. 479. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 322-323. 480. La source de ce texte est évidemment ESt IV ; on ne comprend donc pas la remarque de Coppa pour qui Julius Africanus est certainement l’auteur de cette exégèse (éd. coPPa, S. amBroGio, Opere esegetiche IX,1, p. 251, n. 1 ad loc.). 481. Il s’agit d’un texte extrait d’Africanus : voir voGt, Der Stammbaum Christi, p. 49-52. Selon reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 16-17, ce texte provient de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, mais en réalité il pourrait aussi être tiré des questions, étant donné qu’André de Crète connaît ce texte (par exemple, il utilise ESt I).

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Questions et réponses sur les évangiles d’Africanus (56,2) en faveur de celle d’Eusèbe (56,3) ; Jean de Nicée, De festo die nat. Domini (PG 96,1446) ; Bède le Vénérable, In Luc. exp., I (Lc. 3,23-24, PL 92,961-962) ; Christian Druthmarus, Exp. in Mt., 1,15 (PL 106, p. 1274) ; Exp. brevis in Lc. (PL 106,1506) ; Raban Maur, Comm. in Mt., I (Mt. 1,15, PL 107,735-736 482) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., I (Mt. 1,12, PL 120,7678) ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,10.12 (CSCO 69, p. 61-63.65-67, trad. CSCO 432, p. 44-45) ; al-Bīrūnī, Chronologie des nations anciennes, III 483 ; Euthyme Zigabène, Comm. in Lc., VI (Lc. 3,23.24.28.38, PG 129,908B-909C) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., I (Mt. 1) 484 ; Comm. in Lc., III (Lc. 3) 485 ; Bruno de Segni, Comm. in Lc., XIV (Lc. 3,23 ; PL 165,367) ; Denys bar Salibi, Comm. in ev Mt., 1,12.15-17 (CSCO 15, p. 43-49.51.56-58, trad. CSCO 16, p. 33-38.42-44) ; Comm. in ev. Lc., 3,23 (CSCO 113, p. 308-309, trad. CSCO 114, p. 250) ; Anselme de Canterbury, Hom. VIII (PL 158,633A-B) ; Genealogia Iosephi et Mariae 486 ; Anselme de Laon, En. in Mt., I (Mt. 1,16 ; PL 162,1246) ; Zacharie Chrysopolitain, In unum ex quattuor, I,5 (PL 186,65) ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,8 ; 1,12 ; 1,13 ; 1,16 ; Lc. 3,23-24) 487 ; Albert le Grand, Super Mt., 1,2.15 488 ; Bonaventure, Comm. in Lc., III,58-59.61 489 ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 31, art. 4,2 490 ; Glossa ordinaria, Lc. 3,23 491. Jérôme présente, quant à lui, un parallèle particulier en Comm. in Mt., I,1,16 : la discordance entre les deux pères de Joseph, Jacob et Héli aurait été relevée par l’empereur Julien (Contra Gal., fr. 90) 492 : voir à cet égard les textes de Julien, Adv. Gal., fr. 62, l. 18-32 493 ; fr. 64, l. 9-12 494. Un indice de dépendance envers Africanus se voit, pour la plupart de ces auteurs (Julien compris), dans le fait qu’ils suivent tous la tradition selon laquelle Héli est l’un des deux pères de Joseph (voir comm.

482. Voir Ps. Bède le vénéraBle, In Mt. exp., I, Mt. 1,16 (PL 92,10) 483. alBêrûni, Chronologie orientalischer Völker, éd. Sachau, p. 22-23 ; corrections dans alBêrûni, The Chronology of Ancient Nations, éd. Sachau, Londres 1879, p. 374-375 ; trad., ibid., p. 25-27. 484. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 17-19 ; trad., I, p. 10-12. 485. Ibid., III, p. 23 ; trad., I, p. 160. 486. Fragment tiré d’une compilation anonyme, « Une généalogie de saint Joseph », éd. halKin, AnBoll 87 (1969), p. 372 ; voir Novum Auctarium Bibliothecae Hagiographicae Graecae, éd. halKin, Bruxelles 1984, n° 2202c. 487. Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, éd. SPanuth, p. 4 (Mt. 1,16) ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen des Eusebius [IV] », p. 287. 488. Alberti Magni Super Matthaeum, éd. Schmidt, p. 15.22. 489. Bonaventurae opera omnia, VII, p. 85-87. 490. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 323-324. 491. Biblia Latina cum glossa ordinaria. Facsimile Reprint of the Editio Princeps Adolph Rusch of Strassburg 1480/81, éd. Karlfried froehlich, Margaret GiBSon, IV, Turnhout 1992, p. 151-152. 492. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 184 ; voir rinaldi, Biblia gentium, n° 319 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 319. 493. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 157-158, texte tiré de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,885B-888B) ; voir rinaldi, Biblia gentium, n° 316 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 318. 494. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 159, texte tiré de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,900D-901C).

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ESt IV à IV,2,49-50). Un dernier parallèle syriaque, édité par Gerhard Beyer 495, se trouve dans le manuscrit Med. Pal. Or. 47 (2r-v) de la Biblioteca Laurenziana (Florence). Anton Baumstark a aussi enfin signalé que le manuscrit Urmiah 12 traite des divergences des généalogies en se référant à l’explication d’Africanus, mais je n’ai pas eu accès à ce texte 496. Un adversaire d’Africanus ? Un dernier parallèle, signalé par Martin Routh 497, concerne FSt 8 : le passage d’Hippolyte, In Dan., I,13,1-8 (GCS, NF 7,38-32 [= In Dan., I,12,1-9, SC 14,90-94] ; voir supra comm. à ESt I/FSt 14, p. 53). D’après ce texte, Jésus est prêtre et roi de par son ascendance charnelle, car le dernier roi de Juda, Joachim, s’est marié avec Suzanne, soeur du prophète Jérémie (qui était de la tribu de Lévi d’après Jr. 1,1). Cet argument est donc analogue (non pas identique) à celui qui est réfuté par FSt 8. Hippolyte l’utilise pour justifier la prêtrise et la royauté charnelles du Christ, mais sans établir le lien avec le problème de la divergence des deux généalogies. L’Hippolyte de ce passage n’est donc pas l’adversaire d’Africanus, même s’il en est toutefois très proche 498. IV,1 La partie de la lettre d’Africanus contenue dans ce paragraphe n’est attestée autrement que dans le FSt 8 (Nicétas). Ce paragraphe apparaît très abrégé par rapport à ce fragment ; son sens est toutefois clair : Africanus rejette l’explication qui fait d’une généalogie le tableau de l’ascendance royale de Jésus et de l’autre celui de son ascendance sacerdotale 499. Dans le présent commentaire textuel, je me bornerai au texte de l’ἐκλογή, en renvoyant au commentaire de la Lettre à Aristide de Christophe Guignard pour un regard élargi sur l’ensemble du texte de Julius Africanus dont l’ἐκλογή est un des témoins 500. Les lignes 3 à 13 de l’ἐκλογή correspondent au § 1 de l’édition de Guignard, les lignes 13 à 20 au § 5 et les lignes 20 à 22 au § 6. 3. Οἱ μὲν οὖν ἤτοι τὴν εὐαγγελικὴν ἱστορίαν ἠγνοηκότες. On ne connaît pas ces adversaires d’Africanus, ceux qui partagent l’explication sur la discordance des généalogies exposée en IV,1,4-9, qui sera à nouveau attaquée en IV,2,23-26.

495. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 64-66. 496. BaumStarK, Geschichte des syrischen Literatur, p. 76-77, n. 10, repris par Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [V] », p. 57 ; cf. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 134-136 et mon « Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 196, où la référence était à la mauvaise place. 497. routh, Reliquiae sacrae, II, p. 331.332. 498. Voir aussi à ce propos les conclusions de GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 330-331, 345 et 377 sqq. 499. Sur le double messianisme royal et sacerdotal dans le contexte juif de l’époque, outre le commentaire à ESt III,2,23-32, voir par exemple Sacchi, Storia del Secondo Tempio, p. 374-378. 500. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 344 sqq.

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Questions et réponses sur les évangiles Le texte parallèle d’Hilaire de Poitiers, In Matt., I,1, qui ne considère pas la réfutation d’Africanus, provient peut-être de cette source 501. 4-9. δικαίως γέγονεν ἡ διάφορος αὕτη τῶν ὀνομάτων καταρίθμησίς, κτλ. La souche royale de Jésus étant une évidence, cette explication concernant la lignée sacerdotale a sans doute été principalement inspirée par les passages de la Lettre aux Hébreux concernant le sacerdoce de Jésus (voir He. 4,14-5,10 ; 6,17-10,18), même si cette lettre excluait l’ascendance sacerdotale de Jésus (He. 7,16). 7. ὡς οἷόν τε. David Miller et Christophe Guignard préfèrent la leçon de Nicétas, ὡς οἴονται, certainement meilleure dans le contexte, quoiqu’elle soit indubitablement facilior, mais, encore une fois, il s’agit d’une correction qui oblige à contaminer les traditions textuelles sans aucune raison 502. 9. ὥσπέρ τινος. En 2008 David Miller déclarait préférer l’accentuation de Migne ὥσπερ τινός 503, maintenant suivi aussi par Guignard (§ 1). 13-19. καίτοι ἀγνοεῖν αὐτοὺς οὐκ ἐχρῆν ὡς ἑκατέρα τῶν κατηριθμημένων τάξις, κτλ. La réfutation simple et logique d’Africanus se fonde implicitement sur les deux généalogies ainsi que sur les passages bibliques qui réservent le sacerdoce aux lévites. 16. εἰ γὰρ προφήτης ὁ Νάθαν. La supposition que Nathan le fils de David correspond au prophète Nathan qui lui reproche son péché contre Urie se retrouve chez Origène (Hom. in Lc., XXVIII,3), ainsi qu’en ESt III,2 (voir commentaire ad loc.). 16. ὅπως. Dans sa reconstitution du texte de Julius Africanus, Christophe Guignard préfère à juste titre la leçon ὅμως, légèrement meilleure, qu’il tire des manuscrits de Nicétas ; comme toujours, j’ai préféré ne pas mélanger les différentes traditions textuelles 504. Cette variante avait été adoptée par Angelo Mai dans sa deuxième édition de l’ἐκλογή ; son édition ne signalait cependant pas

501. Cette remarque (zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 110) est maintenant retravaillée, de manière apparemment indépendante et dans un contexte élargi, par Christophe Guignard, qui convient sur cette indépendance d’Hilaire (ainsi que d’autres sources latines, notamment Augustin) : GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 318-340. 502. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 35, n. 21 ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 54. J’estime que le texte du manuscrit garde un sens justement parce qu’il ne va pas forcément de soi que le messie devait être de descendance sacerdotale, et non simplement de descendance davidique ou royale. La variante de Nicétas, préférée par homophonie de prononciation, est relativement commune dans les manuscrits (voir George W. ButterWorth, « The meaning of ΩΣ ΟΙΟΝ ΤΕ », ClR 33 (1919), p. 15-17, notamment p. 17). 503. miller, Suggested Departures, p. 2 (cette remarque n’est pas reprise dans l’édition de Pearse). 504. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 54-55. Comme il le signale aussi (ibid., n. 204), ma traduction du passage contient maintenant une coquille qui n’existait pas dans ma thèse originelle (il faut changer « est » en « et » p. 119, l. 7). Quant à la ponctuation de mon texte (ibid., n. 205, mais voir aussi p. 258-259), il me semble que l’interprétation de Guignard la concernant découle tout naturellement de sa correction et elle y est en effet implicitement nécessaire. Ceci dit, il est clair que j’ai interprété faiblement le point en haut du manuscrit (et que je devrai sans doute le changer contre une virgule, p. 119, l. 17).

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ESt IV qu’elle était aussi la leçon de Nicétas : au contraire, selon Mai l’édition de Nicétas proposait la variante οὗν, ce qui explique les variantes de l’apparat critique dans mon édition, qui se fonde sur la collation de Mai pour le texte de Nicétas 505. 16-17. ὅπως καὶ Σαλομῶν ὅ τε τούτων πατὴρ ἑκατέρου. En réalité Salomon n’est jamais appelé prophète dans les écritures hébraïques, et même les attestations canoniques qui pourraient aller dans ce sens pour David sont loin d’attester un tel caractère prophétique (voir 1 S. 16,13 ; 2 S. 23,1-2) 506. Il s’agit cependant d’une tradition de lecture bien établie de voir en David, l’auteur par excellence des Psaumes, le prophète du Messie. Cette tradition, attestée dans le judaïsme 507, deviendra absolument centrale dans l’exégèse chrétienne (voir ESt VIII,1,14), car les psaumes vont tous devenir indistinctement des prophéties typologiques ; Salomon aussi est soumis à cette relecture christologique : c’est à lui qu’on attribue, outre beaucoup de livres canoniques et apocryphes, les psaumes 72 et 127, ainsi que, à l’intérieur de la Septante, les Psaumes de Salomon. 18. οὐ δεῖνες. Comme je le signalais en 2003, le texte est peut-être corrompu. Dans sa deuxième édition, Mai propose de suivre la leçon du manuscrit Vat. Gr. 1611, ἐξ οὐδεμιᾶς 508, ce qui permettrait de lire « mais les prêtres ne descendent d’aucune des douze tribus, ils sont seulement lévites ». Friedrich Spitta, suivi par Walter Reichardt et maintenant par Christophe Guignard, restitue οὐδένες, correction qui va dans le sens de la lecture de Mai. En adoptant cette correction, Guignard signale néanmoins que, puisque le texte de Nicétas est à considérer comme une correction à partir de la leçon de l’ἐκλογή, cette dernière remonte à l’original des Questions d’Eusèbe, ou même à sa copie de la Lettre de Julius Africanus 509. 20. καὶ θεοῦ πατέρων ἀκριβοῦς ἀληθείας. Comme le signale Cristophe Guignard, ce passage peu clair, que je lis en référence aux deux généalogies et à leur interprétation chez Julius Africanus, est sans doute corrompu et a donné l’occasion à plusieurs corrections parmi les éditeurs de ce dernier : καὶ θεοῦ πατρὸς ἀκριβοῦς ἀληθείας (Friedrich Spitta, suivi par Walter Reichardt), καὶ θεοῦ πατρώνων ἀκριβοῦς ἀληθείας (Theodor Zahn), ainsi qu’à la conjecture [κατὰ] ἀκριβοῦς ἀληθείας que Mai propose dans l’édition du texte de Nicétas sur la base de P (le texte de Nicétas ayant en effet omis l’ensemble de ces mots) ; Guignard conjecture maintenant καθuπερτερών ἀκριβοῦς ἀληθείας, en supposant une fausse lecture de ce mot, confondu avec les abréviations sacrées, ce qui a donné lieu au texte abrégé de dans P (avec θεοῦ et πατέρων abrégés). Ceci dit, Guignard remarque aussi que le texte de P devait aussi être à la base de celui de Nicétas, ce qui explique son silence. Cette leçon était donc sans doute déjà dans l’original d’Eusèbe, ou même dans la copie de la Lettre dont il disposait (l’exemple de P ne

505. Voir mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 231, 273. La nouvelle collation de Guignard permet maintenant de corriger ce point et mon apparat (voir la liste des errata, p. 30). 506. Salomon était aussi assimilé à Moïse dans la tradition juive ; voir à ce propos Les Odes de Salomon, éd. et trad. Marie-Joseph Pierre avec Jean-Marie martin, Turnhout 1994 (Apocryphes 4), p. 30-32. 507. Voir par exemple norelli, L’Ascensione di Isaia, p. 121, n. 229. 508. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 273, n. 2. 509. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 55.

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Questions et réponses sur les évangiles prouve donc rien en soi). Même s’il le juge corrompu, Guignard offre néanmoins une autre interprétation du passage d’après P (l. 20-21), que je propose ici au lecteur : « Que ne s’impose pas, dans l’Église du Christ et de Dieu, pères de l’exacte vérité, un discours de cette sorte… » 510. IV,2 Pour pouvoir invoquer la loi du lévirat, il faut que, des deux pères de Joseph selon Matthieu et Luc, l’un ait été le vrai père, l’autre son frère (ou son proche) mort sans enfants ; mais si Jacob et Héli, les deux pères de Joseph, sont frères, ils ne peuvent que l’être de deux pères différents, Matthan et Matthat/Melchi (voir commentaire à ESt IV,2,49-50), qui ont épousé la même femme (Estha, selon Africanus, comme on l’apprend par Hist. eccl., I,7,8, SyrS XI,4 et SyrG XIII ; le même nom est attesté aussi par d’autres auteurs). Sur la solution ici proposée par Julius Africanus et sa source ancienne, voir le commentaire de cette partie de la Lettre à Aristide par Peter Vogt ainsi que l’étude de Christophe Guignard 511. Les lignes 22 à 26 de l’ἐκλογή correspondent au § 9 de l’édition de Guignard, les lignes 26 à 32 au § 10, les lignes 32 à 36 au § 11, les lignes 36 à 44 au § 12, les lignes 44 à 45 au § 13, les lignes 45 à 47 au § 28 et les lignes 47 à 53 au § 29. 23-26. Ἵνα οὖν καὶ τοῦτο, κτλ. Selon Martin Routh 512, cette partie n’est pas de la plume de Julius Africanus. Toutefois, en lisant son argumentation, on comprend qu’il ne s’est pas rendu compte que cette phrase se trouve aussi dans la chaîne de Nicétas, qu’il connaît et édite : il arrive à cette conclusion car il a lu cette phrase seulement dans la première édition de l’ἐκλογή de Mai. Il n’a pas vu directement les manuscrits, dont il avait utilisé des collations probablement fautives sur ce point 513, peut-être parce que la chaîne contient ici une attribution erronée. De fait, la concordance des deux témoignages, fournie sur ce point par l’ἐκλογή et par l’extrait de Nicétas (FSt 8), montre que cette phrase provient très probablement de la lettre de Julius Africanus, même si la chaîne attribue le passage à Eusèbe, comme Mai le signale (et ce qui lui semble être une erreur) 514. Déjà Migne en PG 10,53 inclut la phrase dans son édition de Julius Africanus, à la suite de Mai évidemment, et Reichardt partage ouvertement cette opinion, en relevant que les manuscrits de Nicétas utilisés par Routh contiennent aussi

510. Voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 63-65, 294, ainsi que mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 273. 511. voGt, Der Stammbaum Christi, p. 20-34 ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 385-409. Voir aussi les considérations à ce propos de BroWn, The Birth of the Messiah, p. 503-504 et de maSSon, Jésus fils de David dans les généalogies, p. 419-429. On verra aussi Andreas Su-Min ri, Commentaire de la Caverne des trésors, Louvain 2000 (CSCO. Sub. 103), p. 435-437, qui annonce sur le sujet une étude à paraître que je n’ai pas pu retrouver. 512. routh, Reliquiae sacrae, II, p. 334. 513. Voir ibid., p. 329-330. 514. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 274, n. 1.

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ESt IV cette phrase 515. Christophe Guignard suit aussi cette ligne, en incluant ce texte au paragraphe 9 de son édition de la Lettre à Aristide. 516 23. τοῦ εἰρηκότος. Voir commentaire à IV,1,3. 26-45. Ἐπειδὴ γὰρ τὰ ὀνόματα, κτλ. Texte qui se retrouve presque exactement mot pour mot dans Hist. eccl. I,7,2-5. 29-30. οὐδέπω γὰρ […] ἀφ’ ἧς. Les corrections de la deuxième édition de Mai proviennent vraisemblablement du texte d’Africanus tel qu’il est cité par Eusèbe, Hist. eccl., I,7,2. Reichardt lit : ὅτι γὰρ οὐδέπω et σαφὴς. David Miller accepte la leçon σαφὴς de Mai, mais, comme ailleurs, sans considérer l’ἐκλογή comme recension à part entière 517. 38-39. ἐπεπλάκει […] ἀναστάσει. Les corrections de la deuxième édition de Mai proviennent probablement de la citation du texte d’Africanus par Eusèbe, Hist. eccl., I,7,4. Reichardt lit : ἐπεπλάκη et ἀναστάσεσιν, tout comme Guignard 518. 45-47. ἡ κατὰ φύσιν γένεσις, κτλ. Cette phrase appartient au texte de Julius Africanus selon Friedrich Spitta, qui l’insère dans son édition de la lettre 519. Toutefois, le fait que ce passage ne se trouve pas dans les textes parallèles de Hist. eccl., I,7,2-16 ni dans la tradition inédite de Nicétas (voir les éditions de Spitta et Reichardt), ainsi que son contenu, peuvent indiquer que cette phrase a plutôt été insérée par l’auteur de l’ἐκλογή et Reichardt la supprime de son édition. Il s’agit en effet du seul exemple où les deux traditions parallèles du syriaque et de Nicétas auraient supprimé un passage de Julius Africanus, et il est peu probable que l’auteur de l’ἐκλογή ait décidé de conserver exactement ce passage, alors qu’il semble avoir largement abrégé l’extrait d’Africanus par ailleurs, comme je l’ai montré plus haut 520. Maintenant Christophe Guignard réintègre ce passage dans son édition de la lettre, en le déplaçant au fond de son texte (§ 28). 47-53. Ματθὰν ὁ ἀπὸ Σαλομῶνος, κτλ. Ce texte se trouve presque mot à mot dans Hist. eccl., I,7,16. 49-50. Μελχὶ ὁ ἀπὸ Νάθαν ἐκ τῆς αὐτῆς γυναικὸς ἐγέννησε τὸν Ἡλί. En réalité, tous les témoins du texte de Luc 3,24 évoquent Matthat et Lévi entre Héli et Melchi. S’étant aperçu de la singularité de la leçon, Bède, In Luc. exp., I (Lc. 3,23-24 ; PL 92,362), glose le texte d’Africanus en notant qu’il devait utiliser un manuscrit qui confondait Matthat avec Melchi, ou que la source dont il tirait son explication devait laisser entendre que Matthat avait deux noms. L’échange entre

515. reichardt, Die Briefe des Sextus Julius Africanus, p. 25; et ibid., p. 57-58. 516. Voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 296. 517. miller, Suggested Departures, p. 2 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 37, n. 23. 518. Voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 282-283. 519. SPitta, Der Brief des Julius Afrikanus an Aristides, p. 122, § 31. 520. Il faudrait alors supposer que l’auteur de l’ἐκλογή a coupé une partie de la lettre d’Africanus, telle celle attestée par Hist. eccl., I,7,5-15, et que cette phrase suivait cette partie, avant le texte qui se retrouve en Hist. eccl., I,7,16 et en ESt IV,2,47-53, comme ce serait le cas selon l’hypothèse de Spitta.

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Questions et réponses sur les évangiles Melchi et Matthat, si c’est ce qui s’est produit, n’efface bien entendu pas la lacune, sauf si la citation à laquelle faisait référence Julius Africanus ne s’arrêtait pas avec Melchi, exactement comme il arrive avec le texte qu’Eusèbe en donne en ESt III,1,10 521, et avec l’ensemble des citations qu’en donne la Lettre à Aristide de Julius Africanus (voir § 4, 13, 26, et notamment 18, éd. Guignard). Cette variante de Luc ne semble pas exister ailleurs dans les manuscrits néotestamentaires en attestation directe 522, mais elle se trouve dans plusieurs attestations indirectes. L’existence de ces traditions indirectes m’avait poussé en 2003 à conclure qu’il devait s’agir d’une leçon qui avait certainement existé en tant que telle, du moins à l’époque de Julius Africanus, qui l’évoque aussi dans l’extrait qu’Eusèbe en donne ici 523. Maintenant, Christophe Guignard conclut au contraire qu’une telle variante semble être propre à Julius Africanus, puisque toutes ces attestations indirectes dépendent de lui, en commençant par celles d’Eusèbe 524. Guignard soutient aussi que Julius Africanus savait que cette variante ne pouvait pas être universellement reçue : il avait une remarquable préparation biblique, il avait la possibilité de consulter plus d’un manuscrit biblique, et, surtout, il connaissait aussi le texte habituel du verset, où Matthat est le père de Héli 525 ; il en conclut que Julius Africanus s’est bien rendu compte que le texte qu’il promouvait posait problème et qu’il a intentionnellement passé sous silence cette incongruité, parce que la tradition dont il se sert pour sa solution concernant la double généalogie l’obligeait à suivre cette variante 526.

521. Hormis ESt III,1,10, il n’y a apparemment pas d’autres citations de ce passage chez Eusèbe (voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 48 : la citation de Lc. 3,23 en Hist. eccl., I,10,1 ne comporte pas la partie du verset ici concernée). 522. Il faut dire que nous dépendons en cela encore de l’apparat de la huitième édition de Konstantin Tischendorf, qui représente toutefois la plupart des manuscrits anciens. Le recours aux éditions de neStle, aland (éd.), Novum Testamentum Graece, et à celle de l’International Greek New Testament Project (The New Testament in Greek. The Gospel According to St. Luke, I-II, Oxford, 1984-1987), auxquelles Guignard se réfère faute de mieux (GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 225, n. 38), ne peut rien ajouter à l’édition de Tischendorf à cause de la nature même de ces éditions (voir à ce propos mon article « Un art de l’« optimisme textuel » néotestamentaire ? Étude critique d’après un travail de K. D. Clarke », RivBib 50 (2002), p. 421-443, ici p. 435). 523. Ainsi, en commentant ESt IV,2,49-50, zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 112 (avec une fâcheuse coquille, « Nathan » à la place de « Melchi », qui est aussi passée dans mon Questions évangéliques, p. 120, n. 1, où je propose la même lecture de l’origine de cette variante). Pour la tradition indirecte, je renvoyais seulement à tiSchendorf, Novum Testamentum Graece, I, p. 449, tout en signalant que d’autres traditions indirectes existaient aussi (par exemple, Grégoire de Nazianze, Carm. I,I,18,88, PG 37,487). Bauckham pense aussi que cette leçon provient de la copie de Luc de Julius Africanus (BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 372). 524. Ainsi GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 225 ; voir aussi id., « Julius Africanus et le texte de la généalogie lucanienne de Jésus », notamment p. 231-234. 525. Ainsi Guignard à propos de la Lettre à Aristide, § 26 (ibid., p. 304 l. 3 ; voir p. 305, n. 30). 526. GuiGnard, ibid, p. 225-227 (les explications postérieures de l’oubli de Matthat et Lévi qui sont attribuées à Julius Africanus dans la tradition syriaque ne remontent certainement pas à lui : ibid., p. 219-227).

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ESt IV Ce qui nous intéresse ici est d’apprécier la pertinence de cette argumentation (voir à ce propos aussi supra, p. 102-103, comm. à ESt. III,1,10) : est-il incontestable que cette variante rapportée par Eusèbe remonte à Julius Africanus ? Je reconnais que Guignard a raison de ne pas faire confiance aux quelques attestations douteuses dans des manuscrits bibliques latins et de mettre en doute la validité de la seule attestation précédant Julius Africanus que Konstantin Tischendorf mentionne (Irénée de Lyon, Adv. haer., III,2,3) 527. J’étais donc trop rapidement arrivé à mes conclusions concernant l’existence de cette variante en me fondant notamment sur Tischendorf 528. Ceci dit, je pense que la question de l’origine de la variante n’est pas vraiment résolue par l’explication de Guignard, et pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’hypothèse que Julius Africanus ait emprunté cette variante à sa source uniquement pour une raison de convenance et en étant conscient de sa singularité, nous fait simplement remonter un peu plus haut, car la question devient alors de définir quel texte cette source connaissait. Et puisque nous ne pouvons pas remonter à la tradition de la généalogie utilisée par cette source, la compétence philologique de Julius Africanus pourrait nous faire penser qu’il n’a pas accepté sa variante par simple convenance, mais parce qu’il la considérait parfaitement fiable, ou, pourquoi pas, qu’il avait vérifié personnellement l’existence de cette variante dans un manuscrit biblique ou dans une source qu’il estimait indépendante, et qu’il ait ensuite décidé de passer sous silence ce détail. Le silence des sources permet comme toujours plusieurs hypothèses, mais l’explication la plus simple est à mon avis que l’auteur de cette exégèse (que ce soit Julius Africanus ou sa source) ait simplement trouvé cette variante dans son manuscrit. Or, il est tout à fait possible qu’il s’agisse d’un manuscrit unique, copié avec une faute, et dont aucun descendant ne subsiste, ou, encore plus simple, que l’exégète ait mal lu son manuscrit, en introduisant la faute dans son commentaire. Si tel est le cas, nous sommes dans l’hypothèse de Guignard : toutes les attestations existantes remontent à (la source de) Julius Africanus, et cette variante n’est que le fruit d’une faute ou d’une correction fautive. Si par contre cette variante a pu circuler dans plusieurs manuscrits bibliques, les données alors changent, car on pourrait également conclure que Julius Africanus la trouvait plausible, tout comme l’aurait fait Eusèbe (cela est invraisemblable à l’époque d’Eusèbe, mais n’en va pas forcément de même à celle de Julius Africanus !). Si, enfin, on considère que toutes les citations et allusions de ce passage chez Julius Africanus s’arrêtent à Melchi, il est aussi possible que l’auteur de cette exégèse ait remplacé Matthat par Melchi, comme l’a pensé Bède le Vénérable, mais on ne le saura jamais avec certitude 529.

527. GuiGnard, ibid, p. 225-226, n. 38. J’ai déjà discuté les détails du passage d’Irénée dans le commentaire à ESt III,1,10. 528. zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 112 ; id., Questions évangéliques, p. 120-121, n. 1. 529. Il est vrai que le nouveau fragment que Christophe Guignard attribue à la Lettre à Aristide (§ 26 de son édition), on cite la possibilité que les ancêtres de Jésus selon les généalogies de Matthieu et Luc indiquent les mêmes personnes par des noms différents : Jacob et Héli (pères de Joseph, respectivement selon Matthieu et Luc), Matthan et Matthas (grands-pères de Joseph d’après Matthieu et Luc). Même en acceptant l’attribution de Guignard, et l’identification du Matthat de Luc avec l’hapax Matthas, je ne vois pas comment on peut tenir comme démontré que Julius

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Questions et réponses sur les évangiles 50. ὁμομήτριοι ἀδελφοὶ. La leçon ὁμομήτριοι ἄρα ἀδελφοὶ de la deuxième édition de Mai provient vraisemblablement du texte d’Africanus tel qu’il est cité par Eusèbe, Hist. eccl., I,7,6. Reichardt lit : ὁμομήτριοι ἄρα ἀδελφοὶ.

Africanus connaissait exclusivement le texte habituel dans les manuscrits dont il disposait (GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 225-227 et p. 305, n. 30).

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EST V

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le fait que Matthieu situe David avant Abraham. V,1. C’est parce qu’il a été promis à David que le Christ allait naître de sa descendance. En effet, les prophéties concernant son règne ne peuvent pas s’appliquer à son fils Salomon, ni à ses descendants, dont Jéchonias est le dernier roi. V,2. Ces prophéties ne sont en aucun cas appropriées à Salomon et ne peuvent que se référer au Christ. Autres traditions textuelles V,1. La tradition syriaque dont témoigne SyrS I 530 propose un dossier de références bibliques différent, composé de Ps. 132(131),11, 89(88),4-5, Es. 11,1.10 et 1 Ch. 17,11-13 (avec une deuxième reprise de 1 Ch. 17,13), et contient une conclusion affirmant que Matthieu fait démarrer l’évangile de cette manière parce qu’il s’adressait aux Juifs. Sauf pour la conclusion, cette question correspond bien au contenu de ESt V,1. V,1. Un deuxième parallèle syriaque à V,1 peut être repéré en SyrG I 531. Le texte de cette question se compose de deux parties. La première contient un dossier de citations qui permettent de démontrer que le Messie est descendant de David ; il s’agit d’une allusion à Mt. 2,7 et des citations de Jn. 7,42, Ez. 42,23, Os. 3,5 et Jr. 33,15 : ces passages ne peuvent pas s’appliquer à David, et ils doivent donc être référés au Messie. De cette manière, en le présentant en premier, l’évangéliste a voulu privilégier le plus jeune et le plus célèbre, David, et il retourne ensuite à l’ancêtre, c’est-à-dire Abraham. En fait, personne ne pensait au Messie comme fils d’Abraham, mais comme fils de David, comme en témoignent la foule et les aveugles qui appelèrent Jésus « fils de David » 532, et même les scribes et pharisiens qui discutent avec Hérode (allusion à Lc. 23,10 ?). En deuxième lieu, c’est à David qu’est adressée la promesse selon laquelle le Messie naîtra de sa descendance, selon les prophéties ; suit un second groupe de citations,

530. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 32, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 306-308. 531. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 80. 532. Allusion probable à Mt. 20,29-31, mais voir aussi Mt. 12,23, 21,9 et Mt. 9,27, Mc. 10,46-48, Lc. 18,35-38.

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Questions et réponses sur les évangiles Ps. 132(131),11, 89(88),4.36, Es. 11,1.10 et 9,7 : des prophéties qui ne peuvent pas s’appliquer à Salomon. Le texte se conclut en rapportant un troisième argument, qui est toutefois parallèle à ESt VI et qui semble provenir de cette question. V,1,4-11. Une tradition parallèle se retrouve dans le FSt 9, publié par Mai dans sa deuxième édition du texte à partir de la chaîne de Nicétas 533. Dans le texte de Nicétas, ce fragment est en réalité uni aux deux suivants, FSt 10 (parallèle à ESt V) et FSt 11 (parallèle à FSt VI 534). Ce fragment montre un dossier de citations vétérotestamentaires beaucoup plus développé, comprenant, outre des citations de Ps. 132(131),11 (cité intégralement), Ps. 89(88),4-5 (un extrait), 1 Ch. 17,11-13 (avec une allusion explicite aussi au parallèle de 2 S. 7,12-14), les citations de Es. 11,1.10 et de 9,5-6. Puisque le fragment utilise aussi les citations qui se repèrent en ESt V,1,4-11, il s’en suit que les citations ajoutées devaient suivre ce passage dans le texte original perdu. V,1,11-21. Une autre tradition parallèle provenant de Nicétas est celle du FSt 10, publié par Mai dans sa deuxième édition 535. Dans le texte de Nicétas, ce fragment est en réalité uni aux précédent (FSt 10, parallèle à ESt V) et au suivant (FSt 11, parallèle à ESt VI) 536. Ce texte se caractérise par une version rallongée de l’argumentation, se concluant avec un ample dossier de citations absent de l’ἐκλογή. Il s’agit des références à Ps. 110(109),3 et 2,7, Pr. 8,22.25, Mc. 1,11/ Lc. 3,22, Ps. 72(71),5.17 et Es. 11,10. Commentaire La question Les autres traditions textuelles disponibles – toutes concernant le premier paragraphe, ESt V,1 – montrent que l’original perdu de la question était certainement beaucoup plus riche que le bref texte proposé par l’ἐκλογή. Il est par ailleurs évident que la réponse ne porte que sur une partie de la question (rien sur David avant Abraham, point qui sera repris en ESt VI). La plus intéressante parmi ces autres attestations, SyrG I, est malheureusement aussi la moins fiable d’entre elles. En fait, il s’agit d’une composition établie à partir de plusieurs textes, comme le démontre sa partie finale, qui provient de ESt VI 537. Il apparaît

533. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 274-275, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 148. 534. C’est le texte n. 714 de KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 162 ; voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 60-61. 535. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 275-276, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 150-152. 536. C’est le texte n. 714 de KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 162 ; voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 60-61. 537. Voir le commentaire ad loc. Il se peut donc que la première partie aussi, propre à cette tradition seulement, provienne d’une autre œuvre et qu’Eusèbe n’en soit pas l’auteur (le texte de Georges de Belthan étant un commentaire puisant à plusieurs sources).

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ESt V donc vraisemblable que la question originelle devait élaborer plus ouvertement le thème de l’ascendance davidique du Christ, séparée de la lignée des rois (voir par exemple la citation de Mc. 1,11/Lc. 3,22 de FSt 10). Par ailleurs, le dossier de citations de cette question était plus étendu que celui de l’ἐκλογή et il peut être reconstitué en partie par l’ensemble de la tradition, car, malgré certains choix communs, chaque auteur des extraits dont on dispose semble en avoir fait une sélection légèrement différente. Il est dont également vraisemblable que tant le texte de l’ἐκλογή et que ceux les témoins syriaques aient été constitués en premier lieu par des coupures sur le dossier des citations 538. La tradition syriaque commence par cette question, ce qui explique pourquoi les questions syriaques parallèles à ESt V sont SyrS I et SyrG I. En particulier, ceci est vrai pour SyrS, où la numérotation imposée par Beyer suit l’ordre des questions telles qu’elles se présentent dans le manuscrit Vat. Syr. 103, alors que pour SyrG la numérotation est fixée vraisemblablement d’après les parallèles avec SyrS. L’explication est simple : comme l’a relevé Lorenzo Perrone 539, le texte eusébien semble suivre de près l’évangile de Matthieu à partir de cette question et en commençant par le début (cette question commente Mt. 1,1, et ainsi de suite). En fait, les deux auteurs syriaques ont intégré l’exégèse eusébienne dans deux textes qui sont des commentaires sur Matthieu (le premier sous forme caténale), et ils ont donc été obligés de disposer leur matériel d’après l’ordre de l’évangile 540. Maintenant Christophe Guignard propose indépendamment cette explication 541. La critique d’un adversaire ? Selon l’hypothèse défendue par Gianfranco Rinaldi, cette question, attestée aussi dans Ambrosiaster, Quaest. de Novo Test., 5, proviendrait d’une critique externe au christianisme 542. La réponse d’Ambrosiaster cite en tout cas le Ps. 132(131),11, et pourrait dériver d’Eusèbe.

538. Ces coupures comportent parfois la simple réduction de l’étendue d’une citation, comme c’est le cas pour 1 Ch. 17,11-13/2 S. 7,12-14, passage intégralement attesté par FSt 9 et SyrS 1 mais réduit dans l’ἐκλογή. 539. Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 422-423. 540. On pourrait théoriquement supposer que le syriaque a conservé la numérotation originale : Eusèbe aurait suivi, du moins au départ, le texte de l’évangile de Matthieu, en proposant un ensemble suivi de questions et réponses, selon l’exemple des Questions de Philon sur la Genèse et sur l’Exode (qui sont, elles, disposées selon l’ordre de ces deux textes). Il n’y aurait cependant aucune raison contraignante pour l’auteur de l’ἐκλογή de modifier un tel ordre, s’il était original, alors que la modification contraire, concernant les textes syriaques, s’explique très bien. 541. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 119, n. 523 ; voir à ce propos zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 114. 542. rinaldi, Biblia gentium, n° 317 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 317. Il n’y a aucun argument contraignant à ce propos; voir le commentaire à ESt III.

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Questions et réponses sur les évangiles Le dossier des citations scripturaires d’Eusèbe Cette question comporte un important dossier de testimonia scripturaires concernant les promesses faites par Dieu à Abraham et David et leur réalisation ; apparemment il s’agit d’un recueil de citations réuni par Eusèbe lui-même, ou en tout cas non attesté auparavant à ma connaissance. Il faut cependant remarquer que quelques-uns des passages ici utilisés par Eusèbe ont déjà été utilisés dans le même sens par Origène. C’est par exemple le cas du texte de 1 R. 11, utilisé en Hom in Lc., XXVIII,2 ; de Ps. 132(131),11 utilisé en Fr. in Lc., 33 (éd. Rauer, CGS 49, p. 240). On verra aussi la citation de 2 S. 7 utilisée en De Orat., 33,3 : bien qu’Eusèbe n’utilise pas les mêmes versets (et qu’il utilise le texte parallèle de 1 Ch. 17), l’usage dans un contexte similaire pourrait également indiquer qu’Eusèbe connaissait cette exégèse origénienne. Autres parallèles Outre les passages de l’Ambrosiaster (Quaest. de Novo Test., 5), d’autres parallèles à notre texte son ceux d’Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,6-9 ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,2 ; Opus imperfectum in Mt., hom. I (PG 56,612613) ; Jean Chrysostome, In Mt. hom., II,3-4 ; Théodore de Mopsueste (ou d’Héraclée ?), Fr. in Mt., 2 (Mt. 1,1, TU 61, p. 136) ; Ps. Bède le Vénérable, In Mt. exp., I (Mt. 1,1 ; PL 92,9) ; Paul Diacre, Hom. de sanctis, 53 (PL 95,1519) ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt. 1,1 (CSCO 15, p. 31-32, trad. CSCO 16, p. 25-26) ; Sedulius Scottus, Exp. in arg. sec. Mt. (PL 103,275) ; Christian Druthmarus, Exp. in Mt., 1,1 (PL 106,1268) ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,5 (CSCO 69, p. 54-55, trad. CSCO 432, p. 39-40) ; Lib. schol. (rec. Urmiah), Mimra VII,5a (CSCO 447, p. 128-130, trad. CSCO 444, p. 92-94) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt. (Mt. 1) 543 ; Raban Maur, Comm. in Mt., I (Mt. 1,1, PL 107,732) ; Walafrid Strabo, Exp. in Mt., 1,1 (PL 114,851) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., I (Mt. 1,1, PG 120,46-47) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Mt., I (Mt. 1,1, PG 129,117-120) ; Pierre Damien, Serm., XLVI (PL 144,744) ; Rodolphus Ardetis, Hom. in Ep. et ev. Dom., XXXV (PL 155,1443-1444) ; Anselme de Laon, En. in Mt., I (Mt. 1,1 ; PL 162,1228-1229) ; Bruno de Segni, Comm. in Mt., I,1 (Mt. 1,1 ; PL 165,71) ; Rupert de Deutz, Comm. in Mt., I (PL 168,1312) ; Comm. quattuor ev., 5 (PL 167,1539) ; Zacharie Chrysopolitain, In unum ex quattuor, I,5 (PL 186,63) ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,1) 544 ; Glossa ordinaria, Mt. 1,1 545. Un dernier parallèle syriaque, édité par Gerhard Beyer en 1927 546, se trouve dans le manuscrit Med. Pal. Or. 47 (1v) de la Biblioteca Laurenziana (Florence).

543. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 11 ; trad., I, p. 7. 544. SPanuth, Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, p. 2 ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 284-285. 545. Biblia Latina cum glossa ordinaria, éd. ruSch, p. 151. 546. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 58.

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ESt V V,1 La priorité accordée à David s’explique par le fait que c’est à lui que Dieu avait fait la promesse d’établir son règne pour toujours ; or, cette promesse est sûrement christologique (ESt V,1,4-6, mais voir SyrG I,1), car la descendance charnelle de David s’est avérée caduque. Dans ce paragraphe, l’important dossier de citations ne présente pas de variante majeure par rapport à la plupart des témoins bibliques, hormis ce qui concerne l’attestation de 1 Ch. 7,12/2 S. 7,13 (l. 15-16). 15-16. ἀνορθώσω τὸν θρόνον αὐτοῦ εἰς τὸν αἰῶνα. Ce texte est très proche de 1 Ch. 17,12 et 2 S. 7,13. Dans ces deux passages, il ne présente qu’une petite variante : toute la tradition manuscrite, directe ou indirecte, de 1 Ch. termine ce verset par εἰς αἰῶνος, alors que toute la tradition manuscrite, directe ou indirecte, de 2 S. le termine avec εἰς τὸν αἰῶνα. Cette citation semble donc provenir de 2 S. 7,13 547. Dans le même sens voir aussi le témoignage de FSt 9, qui présente une citation plus ample, comprenant 2 S. 7,12-14/1 Ch. 17,11-13, et dont le texte semble ici encore être plus proche de 2 S. que de 1 Ch. Et pourtant, dans FSt 9 comme dans SyrS I, la citation reste introduite comme extrait du livre « des Chroniques » sans autre précision (ἐν παραλειπομένοις dans FSt 9). En plus, la tradition de FSt 9 ajoute qu’un texte semblable peut se lire dans le Deuxième livre des Rois (à savoir 2 S.). Dans ses deux éditions, Mai attribue donc la citation de l’ἐκλογή à 2 S. 7,13, tandis qu’il attribue celle du FSt 9 à 1 Ch. ; Alan Brooke, Norman McLean et Henry St. John Thackeray, proposent cette citation dans l’apparat de 1 Ch., en tant qu’unique attestation en ce sens 548. 18. καὶ. Miller propose de supprimer καὶ, en suivant le texte de Nicétas 549. 19-21. μηδενὸς μετὰ τὸν Ἰεχονίαν ἐπὶ τὸν θρόνον, κτλ. Concernant la descendance de Jéchonias, voir le commentaire à ESt X,1,2-8, infra, p. 171-172. V,2 La prophétie messianique faite à David ne peut pas s’interpréter littéralement en la référant à son fils Salomon, puisque celui-ci en est clairement indigne, comme le prouvent les citations du Premier livre des Rois (3 R. LXX). 26. ὅπερ ἀνοίκειον γένοιτ’ ἂν Σολομῶνι. Salomon n’est pas le premier-né de David et il faut comprendre le sens de cette phrase à la lumière de la suite de ce paragraphe, qui présente Salomon comme pécheur. 28-33. Σαλομῶν ἦν φιλογύνης· καὶ ἔλαβε γυναῖκας, κτλ. Cette citation diffère sensiblement de la leçon courante ; en particulier le texte omet 1 R. 11,1b, ajoute πολλάς (l. 29) et ὁ θεὸς (l. 32), il présente enfin une liste des femmes de Salomon avec quelques variantes. Hormis l’ajout de ὁ θεὸς, qui est propre

547. Voir l’édition critique de BrooKe, mclean, thacKeray, The Old Testament in Greek, According to the Text of Codex Vaticanus, II/1, p. 129 et II/3, p. 445. 548. Ibid., II/3, p. 445. 549. miller, Suggested Departures, p. 2 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 39, n. 24.

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Questions et réponses sur les évangiles à Eusèbe mais qui semble être une simple glose, ces variantes sont toutefois attestées aussi par une partie de la tradition directe (et indirecte) 550. 35-42. τότε ᾠκοδόμησε Σαλομῶν ὑψηλὸν τῷ Χαμὼς εἰδώλῳ Μωὰβ, κτλ. Cette citation contient des variantes par rapport à la majorité des témoins, à savoir l’ajout de la phrase ἐν τῷ ὄρει ἐπὶ πρόσωπον Ἱερουσαλήμ (l. 36-37) et de αἳ (l. 40), ainsi que la suppression de 11,8 (LXX), selon le texte massorétique, mais il s’agit toutefois de variantes bien attestées dans la tradition textuelle 551. 42. ἤδη. La conjecture de Mai εἰ δὲ propose un sens de εἰ correspondant à un sémitisme difficilior (voir Ps. 94,11 LXX ; Mc. 8,12), dont l’usage est attesté aussi en ESt VII,4,106, ESt VIII,3,78 et XV,1,18.

550. Voir The Old Testament in Greek, According to the Text of Codex Vaticanus, II. The Later Historical Books, 2. I and II Kings, éd. BrooKe, mclean, thacKeray, Cambridge 1930 (OTG[V], 2/2), p. 247-248. 551. Ibid., II/2, p. 248.

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EST VI

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le fait qu’après la mention de David, Matthieu ne descend pas, mais remonte en citant Abraham, mais non pas Adam, ni aucun des autres hommes pieux d’autrefois. VI,1. C’est que plusieurs oracles ont été donnés en premier à Abraham sur la vocation des peuples, avant même la circoncision et la loi de Moïse ; c’est à cause de sa foi et non au travers d’observances rituelles qu’Abraham a été rendu digne d’une manifestation du Seigneur ; c’est donc à lui qu’a été donnée la promesse des peuples, pour qu’eux aussi un jour vénèrent Dieu avec le même zèle, et soient dignes d’une égale bénédiction. VI,2. Abraham est donc l’ancêtre de la vocation des peuples et il a été reçu par l’évangéliste comme second après David. Ces deux hommes avaient été les premiers jugés dignes de la promesse de Dieu sur le sauveur des nations et la vocation des nations ; mais il faut que celui qui a reçu la promesse du sauveur de tous soit estimé plus que celui qui avait reçu la promesse de l’héritage des nations, d’où l’ordre choisi par Matthieu de mettre d’abord le père de Jésus selon la chair, et ensuite le père des nations selon l’esprit. Autres traditions textuelles VI. Nicétas est témoin d’un fragment couvrant la totalité de la question, FSt 11 552. Dans le texte de Nicétas, ce fragment est en réalité uni aux deux précédents (FSt 10-11, parallèles à ESt V) 553. Ce fragment s’ouvre avec un rappel du contenu de la question précédente concernant l’utilité de rattacher à David la promesse messianique ; sur la base de cette espérance, Matthieu appelle donc Jésus-Christ « fils de David » au début de son livre. Il remonte ensuite de David à Abraham, car c’est lui qui avait reçu en premier la promesse des peuples. Le texte propose de plus un simple parallèle de VI,1 ; mais il s’achève avec les citations de Gn. 12,3b et 18,17-18, rappelant la promesse des peuples adressée à Abraham,

552. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 276-277, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 152. 553. C’est le texte n. 714 de KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 162 ; voir GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 60-61.

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Questions et réponses sur les évangiles supprimée par l’auteur de l’ἐκλογή. La partie correspondant à VI,2 est par contre très abrégée dans ce fragment. VI. Une autre tradition parallèle pour l’ensemble de ESt VI est celle de SyrS II 554. Cette question s’ouvre avec un ajout rappelant que la mention de David figure à cet endroit à cause des attentes des juifs, qui espéraient le Messie de sa descendance, comme en témoigne la citation de Jn. 7,42 que ce texte propose. C’est pourquoi Matthieu ne place pas Abraham avant David, bien qu’il le précédât dans l’histoire et qu’il fût père des peuples en esprit, comme en témoignent Gn. 12,3b et 17,4b. Par rapport à ESt VI,1, cette question contient donc une partie qui diffère presque totalement de celle proposée par l’ἐκλογή. Par la suite, le témoin syriaque propose un texte parfaitement parallèle à l’ἐκλογή, mais qui s’achève par une conclusion propre et solennelle, indiquant que Matthieu place Abraham après David à cause de la supériorité de ce dernier, mais qu’il passe ensuite à Abraham parce qu’il est le premier destinataire de la promesse divine, en montrant aux Hébreux en même temps la succession davidique du Sauveur. VI. Le contenu de cette question trouve un parallèle dans SyrG II 555. Dans la formulation de la question, ce texte précise que le saut en arrière, qui conduit de David à Abraham, se fait sans nommer d’autres personnes entre les deux pour rendre explicite la référence à Mt. 1,1, sous-jacente à cette question. Le rappel d’Abraham est dû au fait que c’est à lui qu’ont été faites les promesses concernant les peuples, comme le montre le dossier de citations (Gn. 18,18 et Ga. 3,8 et 3,16 notamment). L’argumentation de VI,2 est réduite à une seule proposition : Matthieu remonte en arrière à l’origine qu’est Abraham, chef des peuples et justement deuxième dans la généalogie. VI,2. Un résumé de cette argumentation est offert pas SyrG I,2 556, qui intègre cet argument à l’intérieur de la réponse à la question qui précède. Commentaire La question La question, concernant la mention d’Abraham dans la généalogie, semble expliquer les raisons du silence concernant Abraham dans la réponse de la question précédente, qui, après l’avoir mentionné dans la demande, ne s’en occupe guère. Les débuts de FSt 11 et de SyrS II, qui rappellent sans aucun doute ESt V, pourraient aussi faire penser que cette question ait pu être liée à la précédente, ce qui arrive avec le texte de SyrG I ainsi que dans les quelques parallèles patristiques de la question. Toutefois SyrS II garde la formulation de la question, et le témoignage de Georges de Belthan (SyrG I) n’est pas en soi suffisant pour contrebalancer l’ensemble des autres attestations. Il faut donc conclure que la question s’ouvrait effectivement avec un rappel du cas de David traité

554. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 34, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 308-310. 555. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 82-84. 556. Ibid., p. 82.

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ESt VI précédemment (voir aussi le cas de ESt II, qui se conclut par une anticipation de ESt III), d’autant que la question fait aussi référence à ESt V par la mention d’Adam. L’original de la question traitait ensuite des promesses faites à Abraham à l’aide d’un dossier de citations, notamment vétérotestamentaires (FSt 11 et SyrS II intègrent beaucoup de matière de l’ἐκλογή sur ce point). Abraham avait mérité ces promesses par sa justice, comme l’explique bien l’ἐκλογή et comme le prouve le petit dossier de citations pauliniennes proposé par SyrG II 557. La critique d’un adversaire ? Cette question concernant la place de David en tête de la généalogie de Matthieu se trouve aussi dans l’Ambrosiaster, Quaest. de Novo Test., 5. Selon le jugement de Gianfranco Rinaldi 558, cette question répond à la critique d’un adversaire du christianisme visant à disqualifier la fiabilité des évangiles. Il est difficile d’établir si Eusèbe a vraiment pu trouver cette problématique dans un pamphlet anti-chrétien, car cette question ne met pas vraiment en lumière de contradiction réelle dans le texte de l’évangile. L’exégèse de l’Ambrosiaster mentionne dans sa réponse la présence de Ruth et de Bethsabée comme exemples de femmes (l’une étrangère, l’autre pécheresse) qui ont été « admises » dans la généalogie : le sens de la généalogie est donc de récapituler le salut pour tous (étrangers et pécheurs) opéré par le Christ. Cette explication pourrait renvoyer à la problématisation qu’Eusèbe développera dans les questions suivantes (ESt VIII-X), et ceci pourrait indiquer une provenance directement eusébienne pour ce texte de l’Ambrosiaster, ou du moins une provenance « livresque » (voir par exemple le parallèle avec Origène, Hom. in Lc., XXVIII,2 et le commentaire des questions concernées). Autres parallèles Outre les passages de l’Ambrosiaster (Quaest. de Novo Test., 5), il faut rappeler Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,6-9 ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,2 ; Opus imperfectum in Mt., hom. I (PG 56,612-613) ; Jean Chrysosthome, In Mt. hom., II,3-4 ; IV,2 ; Paul Diacre, Hom. de sanctis, 53 (PL 95,1519) ; Théodore de Mopsueste (ou d’Héraclée ?), Fr. in Mt., 2 (Mt. 1,1, TU 61, p. 136) ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt. 1,1 (CSCO 15, p. 31-32, trad. CSCO 16, p. 25-26) ; Walafrid Strabo, Exp. in Mt., 1,1 (PL 114,851) ; Ps. Bède le Vénérable, In Mt. exp., I (Mt. 1,1 ; PL 92,9) ; Sedulius Scottus, Exp. in arg. sec. Mt. (PL 103,275) ; Christian Druthmarus, Exp. in Mt., 1,1 (PL 106,1268) ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,5 (CSCO 69, p. 54-55, trad. CSCO 432, p. 39-40) ; Lib. schol. (rec. Urmiah), Mimra VII,5a (CSCO 447, p. 128-130, trad. CSCO 444, p. 92-94) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., I (Mt 1) 559 ; Raban Maur, Comm. in Mt., I (Mt. 1,1, PL 107,732) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., I (Mt. 1,1,

557. Au contraire, l’ἐκλογή, SyrG II a abrégé l’explication et non le dossier de citations. 558. rinaldi, Biblia gentium, n° 317 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 317 (voir aussi la partie introductive du commentaire à ESt III). 559. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 11 ; trad., I, p. 7.

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Questions et réponses sur les évangiles PL 120,46-47) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Mt., I (Mt. 1,1, PG 129,117-120) ; Pierre Damien, Serm., XLVI (PL 144,744) ; Rodolphus Ardetis, Hom. in Ep. et ev. Dom., XXXV (PL 155,1443-1444) ; Anselme de Laon, En. in Mt., I (Mt. 1,1 ; PL 162,1228-1229) ; Bruno de Segni, Comm. in Mt., I,1 (Mt. 1,1 ; PL 165,71) ; Rupert de Deutz, Comm. in Mt., I (PL 168,1312) ; Comm. quattuor ev., 5 (PL 167,1539) ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,1) 560 ; Glossa ordinaria, Mt. 1,1 561. Un dernier parallèle syriaque, édité par Gerhard Beyer en 1927 562, se trouve dans le manuscrit Med. Pal. Or. 47 (1v) de la Biblioteca Laurenziana (Florence). VI 1-4. οὐκ ἐπὶ τοὺς ἑξῆς διαδόχους τοῦ γένους κατάγει, κτλ. Le sens de la question se comprend évidemment en tenant compte de Mt. 1,1 (βίβλος γενέσεως Ἰησοῦ Χριστοῦ υἱοῦ Δαυὶδ υἱοῦ Ἀβραάμ), où Christ est défini d’abord fils de David et puis, en amont, fils d’Abraham (voir aussi ESt V pour la mention d’Adam). La mention d’Adam et des autres personnages est par contre inspirée par la comparaison avec la généalogie de Luc (voir Lc. 2,34-38) ; cette mention se trouve seulement dans la formulation de la question et est ignorée complètement dans l’ensemble de la réponse, puisque David et Abraham, les deux qui sont cités par Matthieu, sont les seuls à avoir reçu la promesse de Dieu (et donc c’est évidemment pour cette raison que Matthieu ne mentionne que ces deux). VI,1 14-15. οὐδέ γε δι’ ἄλλης τινὸς παρὰ Μωσεῖ φερομένης ἐθελοθρησκείας. Le sens dépréciatif du mot ἐθελοθρησκεία est attesté en Col. 2,23 563. Eusèbe semble utiliser le mot en Dem. ev., I,6,13 et ailleurs dans ce même sens 564. 20. αὐτῶν. En 2008, David Miller proposait d’ajouter τῶν après αὐτῶν 565. 20. κατὰ τὸν τοῦ Ἀβραὰμ ζῆλον. SyrG IV cite comme exemples Mélchisedek et Noé. Sur la formulation, voir Praep. ev., VII,8,24. 21. τῷ θεοφιλεῖ. Abraham. θεοφιλής n’est attesté ni dans la Septante, ni dans le Nouveau Testament (où l’on trouve le nom propre θεοφιλός, en Lc. 1,3 ; Ac. 1,1). VI,2 27-28. περί τε τοῦ σωτῆρος τῶν ἐθνῶν καὶ περί τῆς κλήσεως τῶν ἐθνῶν. Mai avait justement relevé que le lieu est corrompu (le manuscrit de l’ἐκλογή

560. SPanuth, Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, p. 2 ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 284-285. 561. Biblia Latina cum glossa ordinaria, éd. ruSch, p. 151. 562. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 58. 563. Voir Bauer, aland, Griechisch-deutsches Wörterbuch, p. 439. 564. Voir lamPe, A Patristic Greek Lexicon, p. 406. 565. miller, Suggested Departures, p. 2 (il laisse par la suite tomber cette proposition).

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ESt VI lit : περί τε τῆς κλήσεως καὶ περί τῆς τῶν ἐθνῶν). Le texte peut être rétabli à partir de SyrS II, qui explique la corruption par homeoteleuton et confirme aussi l’ajout (ou transposition) de κλήσεως, jadis proposé par Mai, qui ne connaissait pas cette tradition syriaque. En 2008, David Miller proposait d’ajouter καὶ après ἐθνῶν pour clarifier la phrase 566.

566. Ibid., p. 2 (il renonce par la suite à tomber cette proposition).

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EST VII

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le fait que Matthieu mentionne Thamar dans sa généalogie, et non une autre femme pieuse. VII,1. Thamar a agi avec justice, comme le reconnaît aussi son beau-père Juda ; son acte est provoqué par le fait que Juda ne tient pas ses promesses de la marier à son fils Silôm. Comme la loi qui interdit cela n’existe pas encore et que le fait d’être sans enfants était alors considéré un mal extrême, elle imagina un stratagème pour engendrer des enfants de Juda, en montrant à la fois sa chasteté et l’intempérance de celui-là. Sa chasteté, car elle était restée seule de nombreuses années, en attendant une descendance d’Israël, et l’intempérance de son beau-père car il apparaît incapable de se maîtriser, même peu après la mort de sa femme ; bien que la loi n’interdît pas ce qu’il fit, Juda est convaincu de ne pas avoir agi avec justice. VII,2. Elle conçoit donc une double descendance dans son premier rapport avec lui : ce fruit de Dieu montre son bon propos et, d’étrangère, elle devint digne du peuple des aimés de Dieu. Elle n’envisageait pas de s’unir à Juda avant la mort de sa femme, car elle ne l’aurait pas réputé licite. Elle resta chez son père sans enfant et le serait restée jusqu’à la fin, si elle n’avait pas considéré le bon moment pour en avoir. C’est pourquoi elle obtient la collaboration de Dieu, qui, d’une seule union avec Juda, lui donne de concevoir deux jumeaux, en accomplissant par là également son économie mystérieuse. Car c’est à cause de celle-ci que l’évangéliste a inclus dans sa généalogie la mention des deux, par laquelle il fait allusion à des choses peu ordinaires. C’est pourquoi Matthieu mentionne les deux et aussi leur mère, alors qu’il aurait suffi de dire seulement que Juda engendra Pharès – comme c’est le cas à propos de Jacob, seul à être mentionné, alors qu’Esaü est passé sous silence – et il ajoute encore la mention de la mère, en exhortant à considérer la narration qui les concerne. VII,3. Comme l’écrit Moïse dans la Genèse, lorsque Thamar enfanta ses jumeaux, voici que l’un sortait sa main ; la sage-femme lui lia alors un fil rouge, car il sortirait en premier, mais il retira la main et son frère sortit en premier, brisant la clôture : elle l’appela Pharès ; sortit ensuite celui qui avait d’abord mis la main dehors, Zara. Leur génération contient donc des mystères. Paul a interprété le sens de cette clôture en disant que c’est Jésus qui a abattu le mur qui la divisait, qui était la loi. VII,4. La naissance de ces deux représente alors autre chose : les deux genres de vie de ceux qui sont estimés dignes de la naissance auprès de Dieu, celle selon 144

ESt VII l’évangile et celle selon la loi de Moïse. La vie selon l’évangile a poussé dehors la main en premier, mais elle n’est pas sortie, en laissant la place à celle selon Moïse. Ainsi donc la première sortit en deuxième, avec le signe sur la main qui établit sa primauté, comme la vie des hommes qui, avant Moïse, vivaient déjà de manière conforme à l’évangile de Christ, Abraham et ses proches, Isaac, Jacob, Melchisédech et d’autres qui ont précédé la loi de Moïse, et qui, de même que nous, ont resplendi par la philosophie selon l’évangile. VII,5. La première vie est montrée par Zara, qui s’interprète orient, car elle montrait les premiers surgissements de la lumière de la religion, avant Moïse. Ensuite, comme si une clôture avait été brisée, sortit Pharès, qui tire son nom de ce bris, car il signifie division ; d’où aussi tirent leur nom les Pharisiens, qui se séparent eux-mêmes de la foule. Il eût été mieux que cette clôture ne fût pas brisée, ce qui aurait pu être si le second avait suivi la manière du premier ; ainsi n’y aurait-il eu qu’une seule clôture et une seule édification, pour les premiers et les seconds. VII,6. Les deuxièmes ne permirent pas aux premiers de prévaloir, la clôture fut brisée comme par un mur mitoyen : le premier sortit deuxième, en la personne de Jésus, lequel, selon les prophéties, a détruit le mur mitoyen, en faisant à nouveau des deux un seul. Ce mur qu’il a détruit est la loi de Moïse, qui nous sépare de la religion selon Dieu, de même qu’il n’est pas possible à ceux qui le veulent parmi les nations, de suivre cette loi. VII,7. Comme il est soutenu dans les Démonstrations évangéliques, Dieu a proposé à tous la vie selon l’évangile, car cette manière de vie avait produit la plus lumineuse et première génération ; cette vie d’avant Moïse qui a été transmise aux nations est ce Zara qui avait établi la conduite des hommes divinement inspirés, premier et dernier, lever bref qui brille à nouveau pour tous. VII,8. La généalogie de Jésus rapporte toutefois qu’il fut engendré du deuxième, de Pharès : c’est qu’il est né sous la loi, pour racheter même ceux qui sont sous la loi, comme le dit l’apôtre. Autres traditions textuelles VII. SyrS III présente un texte très abrégé qui rassemble ESt VII-X et qui n’est pas de grande utilité pour reconstruire l’original 563. Le texte syriaque propose en effet une seule question concernant la présence des femmes dans la généalogie de Matthieu. À la différence du texte de l’ἐκλογή, entre la mention de Thamar (ESt VII) et de la femme d’Urie (ESt VIII), il ajoute encore Rahab, femme de Salmon et mère de Booz selon Mt. 1,5 564 ; par contre, il ne traite pas de Ruth (voir ESt IX). La formulation de la question ne correspond pas non plus à celle de ESt VII, car il ne s’agit pas ici de comprendre pourquoi Matthieu fait mémoire d’une femme connue surtout par une action qui semble fautive, mais

563. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 36, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 310-312. 564. Il ne s’agit pas d’une donnée tirée de la bible hébraïque, voir le commentaire à ESt IX.

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Questions et réponses sur les évangiles il se demande simplement pourquoi l’évangéliste ne rappelle pas les femmes sauf les trois mentionnées (il concorde en cela avec la formulation ESt VIII et ESt IX). La réponse montre toutefois que la difficulté est bien l’état de péché de ces trois femmes. Matthieu mentionnerait ces trois femmes car leurs fils sont nés d’unions illégitimes, et l’une d’elles (Rahab, évidemment), était même prostituée. L’explication du fait est que le descendant de David n’est pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs, et pour racheter les péchés du monde. En les associant à sa semence, il les sanctifie, mais sans en être taché, comme le soleil qui, lorsqu’il brille, illumine tout lieu mais sans pour autant toucher aucun. Pour ce qui concerne le parallèle avec ESt VII, le texte est particulièrement proche au premier paragraphe : les désirs de Thamar n’étaient pas coupables, et elle n’a pas commis le péché de fornication avec Juda, car elle s’unit avec lui et non pas avec d’autres hommes, après la mort de ses précédents maris, et à un moment où aucune loi écrite ne l’interdisait. VII,1. La partie essentielle de la première partie de la réponse se retrouve, très réduite, dans le fragment SyrG III 565. VII,2-6. La mention de Zara et Pharès dans la généalogie de Matthieu est l’objet d’une autre petite question, SyrG IV 566. Ces deux personnages sont nommés principalement à cause du mystère que contient leur naissance ; Zara, le premier, au bras duquel la sage-femme a lié un fil, retire sa main et naît en second après Pharès, qui brise la clôture ; les deux enfants symbolisent donc d’une part l’œuvre de l’église aux temps d’Abraham, Melchisédech et Noé (Zara, qui mit dehors la main), et d’autre part le peuple des juifs et l’œuvre de l’alliance, jusqu’à l’arrivée du Christ. Les mots concernant le bris de la clôture (Gn. 38,29) se réfèrent au nouveau peuple qui, par son arrivée, a détruit la loi, mur médian. Commentaire La question Les questions ESt VII-IX forment un ensemble qui est vraisemblablement inspiré d’Origène, notamment des Homélies sur Luc, où le maître alexandrin traite, entre autre, le sens de la mention des femmes dans la généalogie 567. On remarquera que dans la tradition syriaque de Georges de Belthan le texte de ESt VII est séparé en deux (SyrG III-IV), ce qui vraisemblablement est dû à cette tradition syriaque remaniée ; à partir de cette question et pour la suite des questions à Stephanos, le texte de Nicétas ne nous fournit plus son précieux témoignage 568. On peut cependant imaginer que l’original des questions était plus élaboré sur ce point, et que ce développement aurait dû logiquement aussi

565. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 84. 566. Ibid., p. 84. 567. En ce qui concerne les aspects proprement exégétiques de la mention matthéenne des femmes, aussi en relation à ESt VIII et IX, on pourra voir oStmeyer, « Der Stammbaum des Verheißenen », p. 180-181, et notamment maSSon, Jésus fils de David dans les généalogies, p. 153-205. 568. Voir zamaGni, Questions évangéliques, p. 19-21.

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ESt VII remarquer que Zara apparaît dans la généalogie de Jésus sans être parmi ses ancêtres (voir ESt VII,2,57-67) : le texte de SyrG pourrait donc avoir tiré sa double question de ce développement. La réponse d’Eusèbe n’est en fait qu’une exégèse de Gn. 38 569, conduite d’une manière d’abord littérale (ESt VII,1,4-2,53) ; par la suite, Eusèbe prend le texte de Matthieu comme point de départ (ESt VII,2,53-67) et en donne une exégèse (ESt VII,3-8) qui est certainement la plus foncièrement allégorique de toute l’ἐκλογή, sinon vraiment la seule de ce texte, comme le prétendait David Wallace-Hadrill, en accord avec le lieu commun selon lequel il n’y a pas d’allégorie dans la littérature des questions et réponses 570. Tant la question que la réponse semblent élaborée à partir de plusieurs sources préexistantes (voir p. 148-149). D’une part Eusèbe utilise un passage d’Irénée de Lyon concernant l’interprétation à donner de la naissance de Zara et Pharès. D’autre part, il se sert surtout de l’exégèse d’Origène, lequel se demandait pourquoi des femmes (et des hommes) pécheurs ou étrangers étaient mentionnés dans la généalogie de Matthieu. Eusèbe est probablement à l’origine de l’agencement de ces deux explications (aucune autre attestation avant lui n’en est recensée dans la Biblia Patristica 571). C’est aussi à Eusèbe que sont dus les liens entre Gn. 38,27-30 et Eph. 2,14-16, ainsi que l’explication de la ruse de Thamar (voir ESt VII,1,24-28 et 2,41-45) ; dans ce dernier cas, il renonce à l’explication d’Origène, qui considérait Thamar une pécheresse, pour en montrer la droiture (Eusèbe reprendra toutefois l’explication origénienne en ESt X,2). De cette manière, Eusèbe peut ensuite passer au mystère caché dans la mention des deux fils de Thamar, par un emprunt à Irénée. Eusèbe essaye d’expliquer le sens allégorique du bris de la clôture lors de la naissance des jumeaux de Thamar en faisant intervenir Eph. 2,14-16, ce qu’Irénée n’avait pas fait. Pour comprendre le texte d’Eusèbe, il ne faut pas entendre le mot φραγμός, « clôture », dans son sens de « mur qui sépare, palissade », mais dans son autre sens, de « cloison, enclos » 572. Ainsi, lors de sa naissance, Pharès cause un bris dans la clôture, ce qui signifie que le φραγμός est brisé en deux, comme par l’édification d’un mur, celui que Paul appellera le « mur médian de la clôture » (τὸ μεσότοιχον τοῦ φραγμοῦ) et que Jésus abattra. Il faut donc distinguer le φραγμός, symbole positif qui représente l’unité (ESt VII,5,128-132), du μεσότοιχον (τοῦ φραγμοῦ), le mur qui le sépare en deux (la loi abattue par le Christ). Marguerite Harl s’exprime en sens contraire 573, à la suite de Pierre Hadot 574, en lisant le texte de la Genèse : d’après cette lecture, φραγμός serait plutôt à lire dans le sens de « palissade », car Eusèbe aurait compris l’explication du nom de Pharès selon Gn. 38,29 qu’il cite en ESt VII,3,50 (τί διεκόπη διὰ σὲ φραγμός;),

569. Voir PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 435. 570. Wallace-hadrill, Eusebius of Caesarea, p. 77. 571. Centre d’analyse et de documentation patristique, Biblia Patristica, Index des citations et allusions bibliques dans la littérature patristique, I, Paris 1975 ; II, Paris 1977, III, Paris 1980. 572. liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 1952, qui cite en ce sens justement Eph. 2,14 573. La Bible d’Alexandrie, éd. harl, I, p. 267 (note à Gn. 38,29). 574. Ainsi dans amBroiSe de milan, Apologie de David, éd. Pierre hadot, trad. Marius cordier, Paris 1977 (SC 239), p. 60-61.

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Questions et réponses sur les évangiles comme se référant à Zara qui est la figure de celui qui « a abattu le mur mitoyen de la clôture » (d’après Eph. 2,14, cité en ESt VII,3,83-84 et en VII,6,145). Cette interprétation sera reprise par Ambroise dans les deux passages de Exp. in Lc., III,17-29 et De apol. proph. David, III,11. En tout cas, en ce qui concerne Eusèbe, cette interprétation de φραγμός ne semble pas se justifier, car il se contredirait lui-même 575. En effet, il dit clairement dans ce texte que c’est Pharès qui a brisé la clôture (ESt VII,4,89-90), ce qui, une fois mis en relation avec Eph. 2,14, ne peut s’expliquer qu’en interprétant φραγμός dans le sens d’« enclos ». Irénée et Origène L’exégèse typologique de la naissance de Zara et Pharès provient d’Irénée, Adv. haer., IV,25,2 576 et elle sera reprise par Commodien, Instr., I,39,7. Ce passage d’Irénée propose une exégèse de Gn. 38,27-30 sans référence à Matthieu ; Eusèbe utilise donc Irénée d’une manière personnelle 577. Selon cette exégèse, le fil rouge lié à la main de Zara est le signe de la foi sans la circoncision, celle des patriarches ; Zara s’est retiré lorsque son frère naquit, et ainsi, celui qui était premier est né second, mais il reste reconnaissable grâce au fil écarlate, signe de la passion du juste préfigurée en Abel, ensuite dans les prophètes et enfin accomplie dans le Fils de Dieu. Cette exégèse du fil rouge se retrouve chez Origène, In Mt. comm. ser., 125, et dans In Lev. Hom., VIII,10, et chez Ambroise, De apol. proph. David, III,11. L’idée que Thamar et toutes les femmes mentionnées dans la généalogie de Matthieu soient des pécheresses, qui est sous-entendue dans la formulation de cette question, provient certainement d’Origène, Hom. in Lc., XXVIII,2. L’exégèse origénienne dans cette homélie est cependant différente de celle proposée par Eusèbe ici et dans la question suivante 578 : Origène souligne que la généalogie de Matthieu mentionne ces femmes parce que pécheresses ou étrangères, pour signifier que Jésus est venu précisément pour prendre sur lui nos péchés et nous appeler des peuples étrangers 579. De la même manière, Jésus est né de la souche de Salomon, de Roboam et des autres rois mauvais et pécheurs 580. Eusèbe gardera la même explication à propos de Ruth (tout en soulignant qu’elle agit irréprochablement, voir ESt IX), et de Jéchonias, mais exemptera de toute faute Thamar et Bethsabée, en notant que les pécheurs sont plutôt David et Juda, en soulignant aussi que David a obtenu le salut après son repentis et que

Cette explication pourrait s’appliquer aussi au saepes d’Ambroise. Sur ce passage d’Irénée, voir Simonetti, Lettera e/o Allegoria, p. 40. Cette allusion à Irénée a échappé à carriKer, The Library of Eusebius of Caesarea, p. 217-219. Origène dit de Thamar qu’elle est devenue par ruse la concubine de son beau-père, de Ruth qu’elle est une moabite, de Rahab qu’on ne sait pas d’où elle vient (mais il sous-entend évidemment qu’elle est une étrangère ; voir commentaire à ESt IX) et de la femme d’Urie qu’elle est adultère. 579. Sur cette exégèse, voir PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 433-464. Origène avait vraisemblablement proposé aussi une exégèse allégorique concernant les femmes nommées dans la généalogie dans son commentaire sur Matthieu, où il avait peut-être développé d’autres interprétations ; voir Comm. in Mt., fr. 6 ; 7 (Mt. 1,5, GCS 41/1, p. 17-18). 580. Eusèbe propose aussi une réponse à cette question en ESt X,2 (et SyrS III). 575. 576. 577. 578.

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ESt VII le mystère concernant Thamar concerne aussi la naissance miraculeuse de ses jumeaux (ESt VII, VIII et X,2,28-31). Autres parallèles textuels Cette exégèse origénienne concernant la présence des femmes dans la généalogie de Jésus a beaucoup de parallèles. Ils pourraient pour la plupart se référer au texte d’Eusèbe, non seulement à propos de cette question, mais aussi des questions ESt VIII-IX. Il s’agit notamment d’Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,36 ; Ambroise de Milan (?), Apol. pro David secunda, VI,32 (CSEL 32/2, p. 379-380) ; Paul Diacre, Hom. de sanctis, 53 (PL 95,1520) ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,6 (CSCO 69, p. 55-56, trad. CSCO 432, p. 40-41) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., I (Mt. 1) 581 ; Raban Maur, Comm. in Mt., I (Mt. 1,1, PL 107,732-733) ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,3) 582. Il y a d’autres textes qui sont plus proches de l’exégèse proposée par ESt VII, mais ils contiennent aussi l’idée que les femmes nommées dans la généalogie (pas seulement Thamar) sont des pécheresses, ce qui n’est pas la thèse des Questions. Il s’agit de Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt., 1,3.17 (CSCO 15, p. 33-37.58, trad. CSCO 16, p. 26-29.43-44) ; Christian Druthmarus, Exp. in Mt., 1,3 (PL 106,12681269) ; Rupert de Deutz, Comm. in Mt., I (PL 168,1315-1316) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., I (Mt. 1,3-5.6.17, PL 120,54-63.65-67.88) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Mt., I (Mt. 1,3, PG 129,121-124) ; Anselme de Laon, En. in Mt., I (Mt. 1,2 ; PL 162,1237-1240) ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 51, art. 3,5 583, ainsi que peut-être Opus imperf. in Matth., hom. I (PG 56,614-620). Plus directement proches de l’exégèse eusébienne sont les textes suivants, qui font le lien entre la mention des femmes dans la généalogie selon Matthieu et l’exégèse de la naissance de Zara et Pharès selon la Genèse : Jérôme, Comm. in Mt., I,1,3 ; Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,17-29 ; De apol. proph. David, III,11 ; Opus imperf. in Matth., hom. I (PG 56,614-615) ; Jean Chrysostome, Hom. 1-67 in Gen., LXII,1-2 (PG 54,533-535) ; In Mt. Hom., III,2-4 (PG 57,35-36 ; un simple écho se trouve dans le même texte en II,2) ; Walafrid Strabo, Exp. in Mt., 1,3 (PL 114,852) ; Théophylacte de Bulgarie, En. in Mt., 1,3 (PG 123,149-152). Voir aussi Fr. in Mt., 1,3 (PG 106,1077B). VII,1 Eusèbe montre la droiture des actions de Thamar, car elle obtient ce qui est dans son droit, alors que Juda l’avait trompée, en lui promettant des noces avec Silôm sans respecter sa parole 584.

581. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 12-13 ; trad., I, p. 8. 582. SPanuth, Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, p. 2 (Mt. 1,1) ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 285. 583. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 323, 325. 584. Voir l’exégèse rabbinique de cet épisode de la Genèse chez aPtoWitzer, Parteipolitik des Hasmonäerzeit, p. 66-81, notes p. 232-236.

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Questions et réponses sur les évangiles 5-7. δεδικαίωται Θάμαρ, κτλ. Comme quelques manuscrits en tradition directe, le texte d’Eusèbe atteste ἕνεκεν, ainsi que la graphie avec itacisme de Σιλὼμ pour Σηλὼμ ; je maintiens cette graphie, qui est répétée aussi en ESt VII,1,10 585. 7. οὐ γὰρ δὴ πορνεύειν προθεμένη ἐπὶ τοῦ τέγους ἔστη, Autre traduction possible : « en effet, ce n’est pas dans l’intention de se prostituer qu’elle se tenait dans un mauvais lieu ». 15-16. καὶ τῆς ἀτεκνίας ἐν ἐσχάτοις κακοῖς παρὰ πᾶσι τότε λελογισμένης. Outre les textes bibliques cités dans l’édition, voir aussi Eusèbe, Dem. ev., I,9,1-20, qui évoque les raisons pour lesquelles les anciens se préoccupaient d’engendrer beaucoup d’enfants, à la différence de ce qui arrive après la venue du Christ. Eusèbe a aussi écrit un traité perdu sur la polygamie et la fécondité (πολυπαιδία) des anciens (ibid., I,9,20, et Praep. ev., VII,8,29). 16. διαψευσάμενον αὐτῇ. Le verbe διαψεύδω est ici indûment construit avec le datif, sous l’influence du plus commun ψεύδω. 18. αὕτη. David Miller propose de normaliser en αὐτή 586. 18-20. οὔπω τότε νόμου Μωσέως, κτλ. En réalité, le comportement de Thamar ne semble pas tout à fait compatible avec celui qui est prescrit à ce sujet en Dt. 25,5-10, surtout à la lumière de la conception négative de la prostitution sous-jacente à Gn. 38,23 (voir Lv. 21,14-15 ; Dt. 23,18, etc.) : comme le relève Augustin, Contra Faust., XII,61, Juda n’affirme pas que Thamar est justifiée, mais qu’elle l’est plus que lui. Le rappel du fait que cet épisode a eu lieu avant que Dieu n’ait donné sa Loi aux hommes (voir commentaire à ESt VII,1,21-22) est donc nécessaire à l’explication qu’Eusèbe entend fournir. Bien entendu Eusèbe ne fait pas le même type de remarque sur le droit de Thamar au mariage avec Silôm, sanctionné par Dt. 25,5 et donc non encore codifié à l’époque où sont placés les faits racontés. 24-28. ἀλλὰ καὶ παρὸν γήμασθαι ἑτέρῳ, κτλ. Cette interprétation des mobiles de Thamar ne provient pas du texte canonique : elle est reprise en ESt VII,2,28-30. Aucune attestation de cette interprétation ne nous est connue avant Eusèbe, du moins d’après l’index de la Biblia Patristica 587. 28. χηρεύειν. Le sens du verbe se lie bien au personnage de Thamar, car il signifie aussi « être veuf ». 31-34. ἀλλ’ ἅμα τελευτᾷ ἡ τοῦ Ἰούδα γυνὴ, κτλ. Gn. 38,12 précise que Juda a terminé son deuil ; Eusèbe note encore une fois que la Loi divine n’avait pas encore été donnée, ce qui explique le fait que, comme l’action de Thamar, celle de Juda aussi n’est en rien répréhensible (voir commentaire à ESt VII,1,18-20). D’opinion un peu différente Angelo Mai, qui réfère μηδενός […] νόμου à la loi publique de la région 588.

585. 586. 587. 588.

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Voir WeverS, Genesis, p. 368. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 45, n. 26. Biblia Patristica, I-III. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 375 et id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 235, n. 1 (PG 22,905 n. 15).

ESt VII 33-34. ἡλίσκετο πρὸς αὐτῆς οὐ δίκαια πράττων. Le terme ἁλίσκομαι se place bien dans le contexte, car il signifie aussi « être pris en flagrant délit, être condamné ». Une autre traduction est donc possible : « il fut condamné par elle, car il ne faisait pas des choses justes ». La cause de condamnation n’est pas le fait qu’il a couché, comme il pense, avec une prostituée, mais le fait qu’il n’entend pas donner suite à la promesse de marier son fils Silôm à Thamar (voir Gn. 38,11). La précision d’Eusèbe selon laquelle Juda n’a pas commis d’infraction à la loi va aussi dans ce sens. 34. ἐπὶ μακροῖς ἔτεσι. Cette donnée n’est pas littéralement canonique (voir toutefois Gn. 38,14), et sert à mettre en évidence la continence de Thamar face à l’incontinence de Juda. VII,2 41. ἄλλοις ἑαυτὴν. David Miller propose de corriger en ἄλλοσε αὑτὴν 589. 41-45. παρὸν γὰρ ἄλλοις ἑαυτὴν ἀγαγεῖν, κτλ. Explication eusébienne qui ne provient pas du texte biblique ; voir commentaire à VII,1,24-28. 45-47. οὐ πρότερον δὲ ἡ Θάμαρ, κτλ. Autre interprétation eusébienne sans fondement biblique, visant à mettre en valeur la droiture de la conduite de Thamar. 63-65. ὅπερ πεποίηκεν ἐπὶ τοῦ Ἰακώβ, κτλ. Le cas de Jacob et Esaü est comparé à celui des enfants de Thamar sans doute à cause de Mt. 1,2 et de leur rivalité (Gn. 25,20-34 ; 27,1-41) qui, exactement comme dans le cas des fils de Thamar, était interprétée par les chrétiens comme symbole de l’opposition entre juifs et chrétiens (voir par exemple Épître de Barnabé, 13,1-6, Irénée, Adv. haer., IV,21,2-3). 67. ἱστορίαν. Comme le remarque Carmel Sant 590, le mot ἱστορία fait ici référence au sens littéral de l’Écriture, distingué d’un sens plus profond (βαθὺς καὶ ἀπόῤῥητος), et c’est un terme technique dans le langage d’Eusèbe 591. Cette distinction n’est pas ouvertement exprimée dans le texte de l’ἐκλογή, mais elle se retrouve plutôt dans les deux autres textes rappelés par Sant, FSt 7 592 et FSt 3 593. VII,3 68-77. ἐγένετο δὲ ἡνίκα ἔτικτε Θάμαρ, καὶ τῇδε ἦν δίδυμα ἐν τῇ γαστρὶ αὐτῆς, κτλ. Le texte de Gn. 38 d’Eusèbe contient le nom de Thamar, non attesté

589. miller, Suggested Departures, p. 2 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 47, n. 27. 590. Sant, The Old Testament Interpretation of Eusebius of Caesarea, p. 19. 591. Ibid., p. 16-34. 592. Parallèle à ESt VII (PG 22,965A). 593. Parallèle à ESt III (PG 22,960D). À noter que ce dernier exemple signalé par Sant (ibid., p. 29) se fonde en réalité sur un texte reconstitué par Mai sur la base de FSt 3 (voir commentaire ad loc.).

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Questions et réponses sur les évangiles en tradition directe ; c’est probablement un ajout pour clarifier la citation biblique, qui suit pour le reste la plupart des manuscrits 594. 74-87. τί διεκόπη διὰ σὲ φραγμός; κτλ. Pour comprendre l’argument d’Eusèbe, il faut entendre le mot φραγμός, traduit toujours par « clôture », dans le sens métonymique d’« enclos » ; le mot grec a toutefois, comme « clôture » en français, le sens principal de « palissade » 595. La même étymologie se retrouve aussi en 1 Ch. 11,13. 79. αἰνίγματα. Eusèbe utilise le terme en tant que mot technique faisant référence au sens profond de l’Écriture, comme le remarque Carmel Sant 596. Dans le même sens, le mot est utilisé par Porphyre en référence à l’écriture allégorique d’Homère : dans un fragment du De Styge (fr. 1 Castelletti) 597, Porphyre remarque que les anciens s’exprimaient tous par énigmes sur les dieux (πάντες μὲν γὰρ οἱ παλαιοὶ τὰ περὶ τῶν θεῶν καὶ δαιμόνων δι’ αἰνιγμάτων ἐσημαναν), mais qu’Homère était encore plus obscur, car il ne s’exprimait pas directement sur ces dieux, mais en utilisant des récits dans lesquels il signifiait autre chose (ὅμηρος δὲ καὶ μᾶλλον τὰ περὶ τούτων ἀπέκρυψε, τῷ μὴ προηγουμένως περὶ αὐτῶν διαλέγεσθαι, καταχρῆσθαι δὲ τοῖς λεγομένοις εἰς παράστασιν ἄλλων). 82-87. αὐτὸς γάρ ἐστιν ἡ εἰρήνη ἡμῶν, κτλ. La citation de Eph. 2,14-16 contient quelques variantes par rapport à la majorité des témoins 598, comme la suppression de ποιῶν εἰρήνην après ἄνθρωπον (ligne 86, correspondant à Eph. 2,15) et notamment l’emploi du verbe ἀπαλλάξῃ (ligne 87, correspondant à Eph. 2,16) à la place du courant ἀποκαταλλάξῃ. Le verbe ici utilisé (ἀπαλλάσσω) ne peut signifier « réconcilier » (ἀποκαταλλάσσω) qu’au passif. J’ai rétabli la leçon ἡμῶν pour le ὑμῶν du manuscrit, car il s’agit sans doute d’une simple faute d’itacisme. 83 ὁ. Pourquoi David Miller préfère la leçon d’Angelo Mai, qui omet ὁ en s’éloignant tant du texte paulinien que du manuscrit de l’ἐκλογή, cela m’échappe (à moins qu’il ne suppose que j’aurai normalisé cette citation) 599. VII,4 95-97. ὁ κατὰ τὸ εὐαγγέλιον […] τῷ κατὰ Μωυσῆ. La référence grammaticale est faite aux τρόπους de la l. 92, plutôt qu’aux βίων, comme préfère le comprendre Angelo Mai 600 (mais voir aussi ὁ […] βίος, lignes 99-100).

594. Voir WeverS, Genesis, p. 368-369. 595. Voir ESt VII,5, ainsi que l’introduction à cette question (p. 147-148) et le commentaire à ESt VII,5, 124-132. 596. Sant, The Old Testament Interpretation of Eusebius of Caesarea, p. 43-47. 597. Pour d’autres attestations de cet usage chez Porphyre ou d’autres commentateurs d’Homère, voir le commentaire par Castelletti à ce fragment dans PorPhyre, Sullo Stige., éd. et trad. Cristiano caStelletti, préface T. dorandi, Milan 2006, p. 142-144. 598. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, II, p. 673-674 ; Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland (éd.), p. 506. 599. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 49, n. 30. 600. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 31.

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ESt VII 97. εἶθ’. Sens consécutif 601. 99. συνιστῶντος. Forme tardive du participe συνιστάντος. Eusèbe utilise les deux formes : Hist. eccl., VI,19,3 ; Praep. ev., III,14,2 ; ESt I,10,211 ; Comm. in Ps., 105(104),3-4 ; Comm. in Is., 1,69, et, pour la forme classique, Praep. ev., X,8,3 (éd. Mras, GCS43/1bis, p. 582), Dem. ev., I,9,10 (éd. Heikel, GCS 23, p. 41) et Comm. in Ps., 46(45),9.10 (PG 23,412B). 99-101. ἦν δ’ ὁ τῶν πρὸ Μωσέως θεοφιλῶν ἀνδρῶν βίος ὁ κατὰ τὸ τοῦ Χριστοῦ εὐαγγέλιον. À la base de cette conviction, il y a certainement des textes pauliniens comme Rm. 4,3, Ga. 3,6-29, He. 7,1-19 et surtout He. 11,1-22 (mais voir 11,23-38 !). Eusèbe exprime la même idée aussi en Dem. ev., I,6,1-31. 103-104. οἱ ἀμφὶ Νῶε καὶ Σὴμ, καὶ Ἰάφεθ. Sem et Japhet sont deux des trois fils de Noé (Gn. 5,32, etc.), le dernier, Cham, n’est pas mentionné, probablement à cause de l’épisode de Gn. 9,20-27. 106. εἰ καί τινες ἕτεροι [κτλ.]. Sémitisme ; voir ESt V,2,42 (commentaire) et XV,1,18. VII,5 110-111. ὃς ἑρμηνεύεται ἀνατολή. Il n’y a pas de traces de cette interprétation du nom de Zara avant Eusèbe. Elle se retrouve dans le parallèle de Jean Chrysostome, Hom. 1-67 in Gen., LXII,2 (PG 54,535) et il est vraisemblable que cette interprétation ne soit pas une trouvaille eusébienne, mais qu’elle provienne d’une source perdue, probablement Origène, responsable de l’interprétation allégorique de Zara et Pharès (ESt VII,3-6). 121-124. τῆς τοῦ φραγμοῦ διακοπῆς ἐπώνυμος, κτλ. Le jeu étymologique hébreu est évidemment perdu dans la traduction grecque de Gn. 38,29 602. D’autres interprétations allégoriques anciennes du φραγμός ne sont apparemment pas prises en compte dans ce contexte. 124-132. Μακάριον μὲν οὖν καὶ πολὺ κρεῖττον ἦν μὴ διακοπῆναι τὸν φραγμὸν, κτλ. La clôture est une seule au commencement, mais elle est ensuite divisée en deux par le bris causé par la Loi : cela explique ce qui est dit aux l. 130-131 ainsi que le sens typologique de l’épisode (voir Eph. 2,14 : « celui qui a fait des deux un seul »). VII,6 136-140. ὁ πάλαι πρῶτος τὴν χεῖρα προτείνας, κτλ. La naissance de Zara, figure du Christ, symbolise la restauration de la clôture originaire ; en effet, elle survient en deuxième lieu, après que celle de Pharès, figure de la Loi, ait brisé en deux la clôture unique.

601. Voir Bauer, aland, Griechisch-deutsches Wörterbuch, p. 471. 602. Voir La Bible d’Alexandrie, éd. harl, [I] La Genèse, p. 267.

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Questions et réponses sur les évangiles 150. μὴ δὲ. David Miller préfère la leçon μηδὲ, en l’attribuant à Angelo Mai, alors qu’elle est de Jacques-Paul Migne, comme je l’indiquais dans mon édition de 2003 603. VII,7 152-163. ἐν ταῖς Εὐαγγελικαῖς ἀποδείξεσι, κτλ. Le texte se réfère vraisemblablement à Dem. ev., I,2,1-16, et notamment à I,4,1-6,76 (ainsi qu’à ses quelques reprises en I,7,18 ; I,9,1, etc.). En réalité, le texte de la Démonstration évangélique n’affirme pas ouvertement que la condition de vie selon l’évangile avait été proposée à tous (l. 152-154), mais plutôt l’identité entre la vie des patriarches et celle des chrétiens (voir notamment Dem. ev., I,5,3.9-10), ce qui correspond aux affirmations des l. 157-160. VII,8 165. ὡς ἡ βίβλος τῆς γενέσεως Ἰησοῦ Χριστοῦ. Difficile de dire s’il faut considérer cette expression comme citation de Mt. 1,1 ou comme une simple allusion 604. 169-171. γεννώμενος ἐκ γυναικὸς, κτλ. Le texte de Ga. 4,4-5 est sans doute modifié par son insertion dans le contexte eusébien 605.

603. zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 44, apparat à VII,6,101 (l’édition publiée dans le volume des Sources Chrétiennes a un apparat légèrement réduit et ne reprend pas cette variante) ; Mai propose par contre toujours le texte du manuscrit (mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 33 et id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 238). 604. En tout cas, il n’y a pas d’attestation directe de Mt. contenant l’article avant le mot γενέσεως (voir par exemple Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 1). 605. Voir ibid., II, p. 644-645.

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EST VIII

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne la présence de Bethsabée dans la généalogie. VIII,1. En mentionnant le fait que David engendra Salomon de la femme d’Urie, le livre de la généalogie du Christ montre de quelle manière les prières de David ont été exaucées. En effet, ce livre concerne le Sauveur Jésus, dans lequel David trouve sa seule espérance d’être délié de son péché contre Urie et sa femme ainsi que de la mort, comme le montrent les prophéties de ses psaumes concernant sa descente dans l’autre monde : en faisant la généalogie de Jésus, l’évangéliste nous annonce alors aussi les biens qui concernent David. VIII,2. David est probablement tombé dans cette chute à cause de son arrogance, qui lui avait fait dire « je ne pourrais pas être ébranlé » ; même s’il disait cela en étant en abondance de biens auprès du Seigneur, il est ensuite abandonné par lui pour cette cause, et un esprit étranger se mêle à lui ; il est alors bouleversé et il reconnaît que c’est parce que Dieu a détourné son visage de lui ; en reconnaissant sa faiblesse, il confesse que c’est de Dieu que lui venaient ses biens avant son péché. VIII,3. Lorsque le prophète Nathan vint lui faire des reproches, il composa le psaume qui dit « pour toi seul j’ai péché, et j’ai fait le mal devant toi » ; ce qui ne signifie pas qu’il a péché contre Dieu, car il n’a pas blasphémé, car son péché était plutôt contre Bethsabée et contre Urie, mais que ce péché a été connu par Dieu seul ; il se jette face à terre et ne veut pas se relever avant d’être exaucé, comme le font ceux qui prient avec son psaume. VIII,4. Le Seigneur lui montre alors Bethléem, ou Éphrata, car c’est la même ville ; David ne priait pas seulement pour connaître le lieu du Seigneur, mais aussi d’où sera sa demeure, à savoir qui donnera naissance au Logos de Dieu ; il obtient alors la promesse qu’il proviendra de sa descendance. Autres traditions textuelles VIII. Une courte notice parallèle à ce texte est celle du FSt 17, publié par Angelo Mai 606 (reprise de Pierre Poussines 607). Selon ce passage, l’évangéliste

606. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 85, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 158. 607. Voir Smith, Ante-Nicene Exegesis of the Gospel, I, p. 212.

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Questions et réponses sur les évangiles montre la pénitence de David en mentionnant la femme pour laquelle il avait péché et son mari ; s’il ne s’était pas humilié, David n’aurait pas été digne d’être l’ancêtre du Sauveur. VIII. D’après Erich Klostermann, le manuscrit D inf. 466 (976) de la Bibliothèque Ambrosienne de Milan attribue à Eusèbe le texte qu’il publie comme fr. 8 du Comm. in Mt. d’Origène 608. VIII. Parallèle à ce texte, SyrS III 609 présente un texte très abrégé fondant ensemble ESt VII-X, sur le contenu duquel voir les parallèles à ESt VII. VIII. Un résumé de cette question se trouve dans SyrG VI 610 : la femme d’Urie est mentionnée pour rendre plus claire la raison de la venue du Christ. David, s’étant enorgueilli des faveurs divines, a péché avec elle, mais après son repentir, l’Esprit lui révèle l’avent de Dieu parmi les hommes, le lieu de la naissance du Christ et qu’il sera son descendant. Ce texte cite Ps. 132(131),4.11 et mentionne, mais sans les citer, Ps. 29,9.16 611. VIII,2. Angelo Mai a publié un extrait de cette question identifié dans la collection des questions attribuée à Anastase Sinaïte : Quaest. et resp., 9 (PG 89,428-429) 612. Cette question est en partie pseudépigraphique selon Marcel Richard, notamment pour la partie concernant notre extrait 613. Le texte est attribué par erreur aux questions adressées à Marinos 614 et s’ouvre avec le constat (manquant dans l’ἐκλογή), que David a cédé à la tentation et a péché avec Bethsabée, ce qui a provoqué le reproche que Nathan lui fit en secret ; David non seulement confesse alors son délit, mais il le manifeste aussi à tous en dictant le psaume dont le titre contient le reproche du prophète Nathan, le psaume Ps. 51(50). Ceci a dû arriver car un esprit mauvais l’avait pris lorsqu’il dicta ce qui est dit dans le Ps. 30(29),7, ce qui ne semble pas de la main de celui qui écrivit le Ps. 127(126),1 (partie qui précédait dans le texte rapporté par l’ἐκλογή). À la suite de ces citations, le texte contient un développement qui a été omis par l’auteur de l’ἐκλογή, concernant l’humilité qu’il lui aurait fallu garder, ce qui est indiqué par les citations de 1 Co. 9,27, 1 Co. 1,31/ 2 Co. 10,17, 1 Co. 10,12, 2 Co. 10,18, 1 S. 2,3 et Pr. 27,1. Ensuite, le texte reprend en parallèle avec ESt VIII,2, par rapport auquel il présente un petit ajout à la partie finale, s’achevant

608. KloStermann, Benz, Origenes Matthäuserklarung [= Origenes Werke, XII], Berlin 1959, p. 18, notes ad loc. 609. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 36, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 310-312. 610. Texte édité dans Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 86. 611. Les passages sont d’identification douteuse, car d’après SyrG, le contenu de ces versets consisterait en des promesses de la venue du Christ tant parmi les morts pour la libération de David, que pour notre libération des péchés, ce qui ne correspond pas au Ps. 29 LXX. 612. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 85-87, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 160-164 (qui signale aussi la nouvelle édition critique parue en 2006 dans CCSG, 59). 613. Marcel richard, « Les véritables “questions et réponses” d’Anastase le Sinaïte », Bullletin de l’IRHT 15 (1967/68), p. 39-56, ici p. 43, 55. 614. Mai a vérifié à ce propos aussi la tradition manuscrite de la Bibliothèque Vaticane (mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 85, n. 1).

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ESt VIII avec les citations de Ps. 88(87),16b et Ps. 119(118),71.75, qui montrent que David reconnaît avoir été justement humilié. Commentaire La question La mention de la femme d’Urie, mère de Salomon, dans Mt. 1,6, est interprétée par Eusèbe en relation avec la faute que David commet envers elle et envers son mari. C’est donc un renvoi au péché de David, que la mention étrange de Bethsabée dans la généalogie de Jésus, tout comme la mention de Thamar indiquait le péché de Judas (et celle de ses jumeaux la vie selon l’évangile et selon la loi). Dans une première partie (ESt VIII,1), Eusèbe répond à la question en rapportant la mention de Bethsabée à la prophétie de David selon laquelle la naissance du Messie le délivrerait de l’abîme de la mort. Ensuite Eusèbe interprète la « faute » de David comme causée par l’éloignement de Dieu du roi, dû à son péché d’orgueil, qui entraîne l’épisode concernant Bethsabée et Urie ; David reconnaît cependant sa faute et se repent, d’après 2 S. 11,2-12,14. Ces faits sont lus aussi en référence au Ps. 51(50), dont le titre renvoie à cet épisode. Le témoignage d’Anastase Sinaïte, provenant sans doute de cette question, montre que la référence à ce titre du psaume devait être plus explicite dans le texte original qu’elle ne l’est aujourd’hui dans ESt VIII,3,58-60, et aussi que le texte eusébien de cette partie a été considérablement abrégé par l’auteur de l’ἐκλογή. Finalement, comme David est traditionnellement l’un des principaux prophètes annonçant le Christ, Eusèbe suggère que c’est après (ou à la fin de) sa repentance qu’il obtient l’annonce de la venue sur terre du Christ, qui naîtra à Bethléem de sa descendance, et qu’il obtient aussi, en même temps, l’assurance concernant son propre salut. Origène ? Outre le court fr. 8 du Comm. in Mt. d’Origène (GCS 41/1, p. 18), mentionné parmi les autres traditions textuelles eusébiennes en raison de sa double attribution, Origène avait déjà traité du Ps. 51(50) en relation avec l’épisode de 2 Samuel dans son commentaire perdu aux psaumes, dont on peut lire un extrait en Philoc., I,29 ; selon Marguerite Harl 615, on peut retrouver l’interprétation origénienne de ce texte grâce au Commentaire sur l’épître aux Romains traduit par Rufin. En Comm. in Rm., II,10 (éd. Hammond Bammel, VL.AGLB 16, p. 189-192), Origène explique le passage de Ps. 51(50),6, « contre Toi seul j’ai péché », en remarquant que le texte comporte une difficulté si ses mots se réfèrent à Dieu, car le péché de David, comme le titre du psaume l’indique, est plutôt contre Urie, Bethsabée et leur maison ; selon Origène le contenu du psaume ne correspond pas à son titre, mais Bethsabée, en tant qu’étrangère comme son mari, est ici figure des sectes

615. Dans oriGène, Philocalie, 1-20, sur les Écritures, éd. et trad. Marguerite harl, et La lettre à Africanus sur l’histoire de Suzanne, éd. et trad. Nicholas de lanGe (SC 302), Paris 1983, p. 217.

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Questions et réponses sur les évangiles étrangères à Dieu 616. David pourrait donc avoir péché à cause d’elle dans sa foi en Dieu ; c’est pourquoi il dit « contre Toi seul j’ai péché », en reconnaissant qu’il revient à Dieu seul de juger 617. L’exégèse d’Eusèbe prend clairement ses distances par rapport à celle d’Origène ; il ne dit mot de l’interprétation négative de Bethsabée selon le texte origénien des Hom. in Lc., XXVIII,2. Il est cependant clair que l’exégèse de l’Alexandrin a constitué le point de départ d’Eusèbe, tant pour le problème soulevé par la mention des femmes dans la généalogie que pour le lien entre 2 S. et Ps. 51(50). La solution eusébienne, totalement différente, serait alors pourtant influencée par la manière origénienne de poser le problème, d’autant que Ps. 51(50),6 est expliqué par Eusèbe avec le parallèle du texte de 2 S., par une exégèse qui débouche sur les prophéties messianiques octroyées à David (solution qui pourrait provenir aussi du commentaire perdu d’Origène). Autres parallèles textuels Outre les parallèles plus proches de l’exégèse origénienne de Hom. in Lc., XXVIII,2, déjà signalés dans le commentaire de ESt VII, l’élucidation de cette question trouve des parallèles dans Eusèbe lui-même. Il s’agit de Dem. ev., IV,16,26-30 ; VII,2,28-38 ; Ecl. proph., I,20 ; III,36 (PG 22,1077D-1081D.1164D1165A 618) ; Onom. (GCS 11/1, p. 82, l. 10-14 619). Parmi les autres auteurs il faut encore signaler les parallèles de Didyme d’Alexandrie, De sanct. spir., 227 (SC 386, p. 348) ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,3 ; Ambroise, Exp. in Lc., III,17.37-38 ; Ambrosiaster, Quaest. de Novo Test., 5 ; Opus imperf. in Matth., hom. I (PG 56,620) ; Théodoret de Cyr, Quaest. et resp. ad orthod., 78 (PG 46,1247.1320) ; Paul Diacre, Hom. de sanctis, 53 (PL 95,1520-1521) ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,3). VIII,1 3-4. Δαβὶδ ὁ βασιλεὺς ἐγέννησε τὸν Σολομῶνα, κτλ. La citation d’Eusèbe suit la leçon la plus répandue, avec la glose ὁ βασιλεὺς qui ne se trouve pas dans les manuscrits plus anciens, comme le Sinaiticus ou le Vaticanus 620.

616. Cette interprétation de Bethsabée par Origène est cohérente avec celle qu’il donne en Hom. in Lc., XXVIII,2, comme le note aussi harl : oriGène, Philocalie, 1-20, sur les Écritures, p. 220. 617. Voir aussi Didyme d’Alexandrie, Comm. in Ps., 50, texte peut-être inspiré par l’Origène du Comm. in Ps. 50, comme l’a indiqué Pierre hadot, « Une source de l’Apologia David d’Ambroise : les commentaires de Didyme et d’Origène sur le psaume 50 », RSPhTh 60 (1976), p. 205-225, ici p. 214-215 (et amBroiSe de milan, Apologie de David, éd. hadot, p. 142-143, n. 72, à propos de De apol. proph. David, X,51, passage qui utilise le texte de Didyme). 618. Trad. dans Monique JauBert PhiliPPe, « Les Extraits prophétiques au sujet du Christ d’Eusèbe de Césarée. Introduction. Traduction. Annotations », Université de Provence, Aix-Marseille I, Lille, 2000, p. 135-138, 231-232. 619. Paul de laGarde, Onomastica sacra, Göttingen 1887, p. 259. 620. Voir New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 10.

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ESt VIII 5. ἡ βίβλος αὕτη τῆς Ἰησοῦ Χριστοῦ γενέσεως. Allusion à Mt. 1,1 plutôt que citation (voir commentaire à ESt VII,8,165). 5-7. τὰς λιτανείας καὶ τὰς ἱκεσίας τοῦ Δαβὶδ, κτλ. Le sens de la phrase se dégage de la suite du texte (ESt VIII,3) : le passage auquel Eusèbe fait référence est vraisemblablement 2 S. 12,1-23 ; en effet, dans ce passage, bien que David prie et jeûne, son enfant meurt selon le châtiment infligé par le Seigneur. Mais la référence concerne en même temps le salut de David lui-même (voir ESt VIII,1,11-12). 7-8. τὴν οἰκονομίαν Ἰησοῦ Χριστοῦ. Autre traduction possible : « le dessein concernant Jésus Christ ». 13. ἀπολυτροῦσθαι. David Miller propose d’ajouter le complément (« from Hades »), en supposant une corruption textuelle 621. 9-26. δι’ οὗ μόνου ἐλπὶς ἦν καὶ τῷ Δαβὶδ τῆς […] ἁμαρτίας ἀπολυθήσεσθαι, κτλ. Le ton du passage fait clairement entendre qu’Eusèbe se réfère ici à la croyance, exprimée entre autres par différents credo anciens, que le Christ descend aux enfers immédiatement après sa mort et y libère les âmes de ceux qui y sont emprisonnés, d’où ma traduction de l’expression μέχρι θανάτου (l. 12, littéralement « jusqu’à la mort », comme en Phil. 2,8). Cette croyance est attestée par Eusèbe dans plusieurs autres ouvrages, recensés par Rémi Gounelle 622. 11-12. καὶ τῆς ἐν τῷ θανάτῳ καθείρξεως ἐλευθερωθήσεσθαι. Eusèbe donne au repentir de David (qui concerne sa faute envers Urie et Bethsabée) un sens existentiel concernant le salut de David lui-même. 14. θεσπίζων ἐν τοῖς ψαλμοῖς αὐτὸς ὁ Δαβὶδ. La tradition de David prophète, attestée dans le judaïsme rabbinique, est courante dans le christianisme 623, notamment avec la lecture christologique des Psaumes, dès Ac. 2,30 624. 16-21. κύριε, ἀνήγαγες ἐξ ᾅδου τὴν ψυχήν μου, κτλ. Les citations du livre des Psaumes n’attestent pas de variantes notables 625.

621. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 55, n. 33. 622. Rémi Gounelle, La descente du Christ aux enfers. Institutionnalisation d’une croyance, Paris 2000 (EAug–Série Antiquité 162), p. 409-410. Cette étude ne considère pas notre passage (voir aussi ibid., p. 284-285, à propos de Comm. in Ps., 63[62],10). Concernant la conception eusébienne de la descente aux enfers, notamment en lien avec Jb. 38,17b LXX, voir aussi Rémi Gounelle, « Le frémissement des portiers de l’Enfer à la vue du Christ. Jb 38,17b et trois symboles de la foi des années 359-360 », dans Jean doiGnon, Pierre maraval, Dominique doucet, et al. (éd.), Le livre de Job chez les Pères, Strasbourg 1996 (CBiPa, 5), p. 177-214, ici p. 195-196. Sur les attestations les plus anciennes (néotestamentaires ou non), on verra aussi Enrico norelli, « La discesa di Gesù agli inferi nelle testimonianze dei primi due secoli », dans Fabrizio BoSin, Carmelo dotolo (éd.), Patì sotto Ponzio Pilato, Bologne 2007 (Biblioteca di Ricerche Teologiche 5), p. 133-158. 623. Elle se trouve par exemple dans la Lettre à Aristide de Julius Africanus cité en ESt IV,1,16. 624. Voir à ce propos norelli, L’Ascensione di Isaia, p. 121, n. 229. 625. Voir l’édition critique de Rahlfs : Psalmi cum Odis, éd. Alfred rahlfS, Göttingen 1967 (Septuaginta, Vetus Testamentum Graecum Auctoritate Academiae Scientiarum Gottingensis editum 10), p. 122, 90, 99, 199.

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Questions et réponses sur les évangiles VIII,2 29. εἶπα. Eusèbe l’entend au sens présent, comme le montre l’exégèse de Ps. 30(29),8 proposée plus bas (l. 38-51). 31. σαλευθῇ. David Miller propose de corriger en σαλευθείη 626. 33-36. ἐὰν μὴ κύριος οἰκοδομήσῃ οἶκον, κτλ. La citation se caractérise notamment par l’ajout de αὐτήν en conclusion de Ps. 127(126),1 (l. 36). 36. φυλάσσων. Seul endroit où le manuscrit de l’ἐκλογή utilise une ligature σσ à la place de la graphie courante ττ. 38-40. διὸ καὶ παραχρῆμα καταλείπεται, κτλ. L’exégèse d’Eusèbe calque probablement 1 S. 16,14-23, passage qui décrit comment Saül est abandonné par le Seigneur et devient la proie d’une esprit mauvais (1 S. 16,14), que David apaise avec son chant. Ce trait davidique était bien présent à l’esprit tant des juifs que des chrétiens, car les uns et les autres ont comparé David à Orphée à cause de son chant au pouvoir apaisant 627. 28-29. σὺ δὲ ἀπέστρεψας τὸ πρόσωπόν σου, κτλ. La citation du Ps. 30(29),8 propose un texte qui, entre autres, intervertit les deux parties du verset par rapport aux attestations courantes ; cette variante, qui n’est pas attestée ailleurs 628, justifie l’interprétation d’Eusèbe, selon laquelle David est tout de suite (παραχρῆμα, l. 39) abandonné par Dieu à cause de son orgueil. 44. παράσχου. La correction normalisatrice παρέσχου de Migne 629 se justifie par les attestations de cette deuxième forme présentée aux lignes 50 et 53. Difficile toutefois de dire dans quelle mesure ce changement n’est pas dû à la tradition manuscrite. VIII,3 60-65. σοὶ μόνῳ ἥμαρτον, καὶ τὸ πονηρὸν ἐνώπιόν σου ἐποίησα, κλτ. D’après l’explication d’Eusèbe, l’expression σοὶ μόνῳ ἥμαρτον du Ps. 51(50),6, ne doit pas être comprise de la même manière que s’il était écrit εἰς τὸν θεὸν ἥμαρτον μόνον, mais dans un sens plus faible. Alors que l’exemple donné par Eusèbe, εἰς avec accusatif, signifie inévitablement « contre Dieu », le datif σοί est en effet plus souple, et pourrait se traduire tant par « contre toi » que par « pour toi ». Toutefois le sens de l’expression σοὶ μόνῳ ἥμαρτον du Ps. 51(50),6 dans son contexte est clairement « contre toi seul j’ai péché », car il n’y aurait sinon pas besoin de l’ingénieuse explication d’Eusèbe. Une telle compréhension du Ps. 51(50) n’est toutefois pas sans fondement biblique, car (étant donné également le titre du psaume) elle dérive sans doute de la lecture de 2 S. 12,13.

626. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 57, n. 35. 627. Jean-Michel roeSSli, « De l’Orphée juif à l’Orfée écossais : Bilan et perspectives », dans J. B. friedman, Orphée au Moyen âge, trad. de l’anglais J.-M. roeSSli, Fribourg-Paris 1999 (Vestigia 25), p. 285-345, ici p. 297-305. 628. Voir rahlfS, Psalmi cum Odis, p. 122, 309. 629. Correction maintenant reprise par miller, Suggested Departures, p. 2, et Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 57, n. 36.

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ESt VIII 74-75. συνεύχονταί γε αὐτῷ πάντες οἱ ἀγαθῶν συνεργοὶ. Ce sont sans doute les anges qui prient avec David le psaume 132(131),6, comme il est expliqué plus bas par Eusèbe lui-même (l. 88-89). 76-82. μνήσθητι, κύριε, τοῦ Δαβὶδ, κτλ. La citation ne comporte pas de variantes dans la tradition textuelle 630 et la seule différence dans le texte de l’ἐκλογή consiste en la suppression du verset 4c, peut-être par souci d’abréger. Quant à la construction des l. 78-82 (εἰ εἰσελεύσομαι εἰς σκήνωμα οἴκου μου, κτλ.), il s’agit d’un sémitisme (voir commentaire à ESt V,2,42 631). VIII,4 Sauf pour la citation de Michée (l. 93-95), les citations bibliques de ce paragraphe ne présentent pas de variantes significatives par rapport à la tradition directe 632. 87-90. δείκνυσιν ὁ κύριος αὐτῷ τὴν Βηθλεέμ, κτλ. Selon l’exégèse d’Eusèbe, le Ps. 132(131), prophétise que Bethléem/Éphrata sera le lieu d’où viendra le messie 633. 88-90. οἱ συνευξάμενοι αὐτῷ ἱεροὶ ἄγγελοι, κτλ. L’utilisation de la prosopopée comme clé de lecture des psaumes est bien attestée chez Origène 634 : par exemple Sel. in Ps., 2,1-2 (PG 12,1100-1101) 635. 93-95. καὶ σὺ, Βηθλεὲμ, κτλ. La citation de Michée est interpolée avec le texte de Mt. 2,6. Elle n’est attestée nulle part ailleurs sous cette forme, même si des interpolations de ce type se retrouvent autant dans la tradition manuscrite de Michée 636 que, en sens inverse, dans celle de Matthieu 637. On peut en tout cas exclure qu’il s’agisse d’un simple lapsus d’Eusèbe, vu aussi la proximité avec la citation qu’il donne du texte de Matthieu en Dem. ev., VII,2,11 638.

630. rahlfS, Psalmi cum Odis, p. 313. 631. Note reprise chez PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 59, n. 41 (voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 129). 632. Voir rahlfS, Psalmi cum Odis, p. 313, et WeverS, Genesis, p. 335-336. 633. Voir aussi PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 473-375. 634. Sur l’usage de la prosopopée chez Origène, voir Bernhard NeuSchäfer, Origenes als Philologe, I-II, Bâle 1987 (SBA 18/1-2), p. 263-276 (notes p. 475-481), ainsi que Andrea villani, « Origenes als Schrifsteller: ein Beitrag zu seiner Verwendung von Prosopopoiie, mit einigen Beobachtungen über die prosopologische Exegese », Adamantius 14 (2008), p. 130-150. 635. Le fragment est certainement authentique d’après Robert devreeSSe, Les anciens commentateurs grecs des Psaumes, Cité du Vatican 1970 (StT 264), p. 7 ; sur ce fragment, voir aussi MarieJosèphe rondeau, Les commentaires patristiques du Psautier (iiie-ve siècles), II, Rome 1985 (OCA 220), p. 100-101. 636. Duodecim prophetae, éd. Joseph zieGler, Göttingen 1967 (Septuaginta, Vetus Testamentum Graecum Auctoritate Academiae Scientiarum Gottingensis editum 13), p. 217. 637. Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 3. 638. Sur cette citation, voir Wallace-hadrill, « An analysis of some quotations from the first Gospel in Eusebius’ Demonstratio Evangelica », JThS NS 1 (1950), p. 168-175, ici p. 169-170, et nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 113.

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Questions et réponses sur les évangiles 96. τὸ σκήνωμα. Eusèbe réfère le mot à la souche davidique. Cet usage peu commun trouve sa racine sans doute dans le texte de Ps. 132(131),3.5 (voir ESt VIII,3,79.82). 99-100. προαπήγγειλαν, φήσαντες […] ἐπιλέγουσιν. Encore un usage de la prosopopée.

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EST IX

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne la mention de Ruth dans la généalogie. IX,1. Ruth rappelle la vocation des autres races, née par l’esprit à travers l’évangile. Elle, qui provient des Moabites, race à laquelle Moïse avait interdit l’accès à l’assemblée du Seigneur, devient plus forte que la loi et peut entrer dans le peuple d’Israël ; elle devint ancêtre du Christ non par la noblesse du corps, mais par sa conduite ; elle est donc un modèle pour nous, qui provenons d’autres peuples. IX,2. Matthieu fit mémoire d’elle dans la généalogie parce qu’il voulait annoncer la vocation des autres peuples, et nous annoncer par elle que nous aussi deviendrions partie du vrai Israël, le peuple de Dieu. IX,3. Ruth devint en effet « comme Rachel et comme Léa », qui ont bâti la maison d’Israël, car ce qui est dit d’elle, qu’elle a fait « une puissance en Éphrata, et elle aura un nom en Bethléem », ce sont autant de prophéties qui la lient à la naissance du Christ. Autres traditions textuelles IX. La question est reprise en SyrG V 639, qui nous offre un résumé de contenu semblable à celui de l’ἐκλογή (moins les citations bibliques). IX. Une attestation de cette question pourrait se lire en SyrS III 640, en supposant que le syriaque ait substitué la mention de Ruth à celle de Rahab (voir infra, p. 164-166) ; ce fragment présente un texte très abrégé fondant ensemble ESt VII-X : sur le contenu, voir les parallèles à ESt VII. Commentaire La question Cette question, concernant Mt. 1,5, fait suite à une question concernant Mt. 1,6, contredisant le schéma principal des questions, qui suit plutôt l’ordre du

639. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 84-86. 640. Ibid., I, p. 36, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 310-312.

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Questions et réponses sur les évangiles texte de Matthieu 641. On pourrait expliquer que l’ordre de l’ἐκλογή ne suit pas le texte évangélique par le fait que la question précédente s’achevait sur la mention de l’équivalence qui existe entre Bethléem et Éphrata, deux toponymes qui se retrouvent ensemble en Rt. 4,11 (verset cité en ESt IX,3,36-37) et dont la valeur prophétique aurait pu pousser Eusèbe à insérer Ruth parmi les questions à traiter, et pour laquelle il aurait pu aisément répéter l’exégèse de la question précédente. Mais ce n’est qu’une hypothèse. Le texte de SyrG suit par contre l’ordre de Matthieu, et intervertit l’ordre de l’ἐκλογή entre la question concernant Bethsabée (VIII) et celle concernant Ruth (IX), mais c’est un témoignage sans valeur, car le texte syriaque est conçu comme un véritable commentaire du texte évangélique, ce qui oblige à en suivre l’ordre. Origène Dans Hom. in Lc., XXVIII,2 642, Origène inclut aussi Ruth dans son exégèse des pécheresses et étrangères mentionnées dans la généalogie selon Matthieu ; comme pour ESt VII et VIII, ce passage est donc à la base de cette question eusébienne 643. Mais il existe aussi d’autres passages origéniens attestant l’exégèse concernant Ruth dont Eusèbe fait ici état : c’est le seul fragment origénien sur Ruth dont on dispose, à propos de Rt. 1,4 : In Rt. fr. (PG 12,989D). Il faut noter qu’Origène utilise aussi 1 Tm. 1,9, dont il donne en outre un texte très proche de celui d’Eusèbe (voir commentaire à ESt IX,1,11-12). Bien que le texte de 1 Tm. 1,9 selon Origène soit conservé sous une forme très abrégée, il est certain que le passage est la source d’Eusèbe, notamment à cause de l’utilisation de ce verset paulinien. Y avait-t-il une question sur Rahab dans le texte eusébien perdu ? Comme on l’a vu, l’ensemble des questions ESt VII-IX concerne le sens de la mention des trois femmes dans la généalogie et semble clairement avoir été inspiré de la même problématique, telle qu’Origène l’avait élaborée notamment en Hom. in Lc., XXVIII,2, où l’exégète alexandrin se demandait pourquoi il y avait la mention chez Matthieu des quatre femmes pécheresses ou étrangères au peuple d’Israël, et dignes donc d’être blâmées. Outre les trois femmes rappelées par ESt VII-IX, Origène mentionnait aussi Rahab, sans faire ouvertement référence à sa faute. Mais si le texte d’Origène est vraiment à l’arrière-plan de ce groupe de questions eusébiennes, il faut expliquer pourquoi Eusèbe aurait omis une explication concernant Rahab, d’autant qu’elle est apparemment bien plus « pécheresse » que les trois autres, du moins si l’on accepte qu’elle est bien la Rahab mentionnée par le livre de Josué (Jos. 2,1-21 et 6,17.22-25), selon l’identification bien attestée dans la litté-

641. Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 423, n. 26. 642. oriGène, Homélies sur Luc, éd. crouzel, fournier, Périchon, p. 254. 643. Cette fois sans les modifications de l’exégèse qu’Eusèbe avait introduites par rapport à Origène (voir à ce propos notamment le commentaire à ESt VII).

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ESt IX rature patristique 644, d’après laquelle elle serait non seulement étrangère (comme semble le suggérer Origène), mais aussi prostituée. Les autres traditions textuelles du texte eusébien, ainsi que les témoignages indirects les plus importants (Ambroise et Jérôme notamment), ne nous donnent pas un cadre parfaitement cohérent pour décrire la démarche d’Eusèbe. Si on considère SyrS III, parallèle à l’ensemble de ESt VII-IX, on voit que le syriaque discute de Thamar, Bethsabée et de Rahab, mais non de Ruth. On pourrait supposer que le texte eusébien perdu abordait, comme Origène, les quatre femmes de la généalogie, et que l’auteur de la version syriaque a choisi de garder Ruth et non Rahab, contrairement à l’auteur de l’ἐκλογή. Une autre explication serait cependant que l’une de ces deux traditions ait substitué le nom de Ruth à celui de Rahab ou réciproquement. Dans ce cas, il est plus probable que le texte original ait concerné Ruth car, à cause de la tradition d’interprétation concernant Rahab, étrangère et prostituée, le changement se comprend dans ce sens, alors que l’exégèse concernant le thème de la « femme étrangère » est bien commune aux deux cas. De plus, le témoignage de SyrG vient confirmer la version proposée par l’ἐκλογή. Parmi les attestations certaines des questions eusébiennes, il y a le passage d’Ambroise, Exp. in Lc., III,1-39, qui, en introduisant la problématique en III,17, mentionne les trois mêmes femmes citées par l’ἐκλογή, en donnant tout au long exactement l’exégèse eusébienne. En III,24 cependant, au milieu de son exégèse de Thamar, Ambroise introduit Rahab la prostituée, en reprenant l’exégèse commune de ce personnage 645. Il s’agit vraisemblablement d’une digression qui ne provient pas du texte eusébien, mais du fait qu’Ambroise s’est aperçu qu’Eusèbe a oublié de mentionner la quatrième femme, Rahab (comme SyrG, il se conforme à l’ordre de Matthieu dans la suite de son exégèse, ce qui montre qu’il avait le texte matthéen sous les yeux) ; au sujet de Rahab, Ambroise connaissait sans doute l’identification avec la prostituée du livre de Josué et son exégèse (par exemple voir De virg., II,3,24) : des indices sont le peu d’espace concédé à Rahab par rapport aux trois autres femmes et peut-être aussi le lapsus qui commence le paragraphe suivant, Exp. in Lc., III,24 : « sed ut ad historiam revertamur », qui reflète le canevas offert par la question d’Eusèbe sur Thamar. En somme, il est bien possible qu’Ambroise ait réintroduit Rahab dans le groupe des femmes de sa propre initiative. Un autre lecteur et utilisateur certain des questions eusébiennes, Jérôme, nous offre aussi un texte rappelant seulement les trois femmes mentionnées par l’ἐκλογή, dans Comm. in Mt., I,1,3 646. Tous les témoignages indirects semblent donc attester de leur côté qu’Eusèbe n’a pas dédié de question à Rahab. Eusèbe lui-même en ESt X,2,28-31, lorsqu’il rappelle le contenu des questions concernant la présence des femmes dans la généalogie (ESt VII-IX), omet Rahab. Aurait-il laissé tomber la mention faite par Origène en Hom. in Lc., XXVIII,2, texte à l’arrière-plan de ESt VII-IX ? Comme je

644. Identification fondée évidemment sur le texte matthéen, lu en référence à Rt. 4,20 ; voir F. lanGlemet, « Rahab, Rāḥāb », dans Dictionnaire biblique. Supplément (ci-après DBS), IX, Paris 1979, p. 1065-1092, ici p. 1079-1091. 645. Voir ibid., p. 1079-1091. 646. Jérôme se différencie un peu d’Eusèbe quant à l’exégèse, qu’il résume à l’os : en commentant la section concernant Thamar et ses enfants, il affirme que l’Écriture ne mentionne dans la généalogie que des femmes pécheresses car Jésus, en descendant d’elles, a effacé les péchés de tous, et il rappelle leurs noms : Ruth et Bethsabée.

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Questions et réponses sur les évangiles l’ai signalé, ce passage origénien définit exactement la « faute » des trois femmes mentionnées aussi par Eusèbe, mais ne donne pas d’explication claire sur celle concernant Rahab. Il suggère simplement qu’elle est étrangère, d’une manière claire dans la version latine de Jérôme, « Rachab, quae unde sumpta sit scire nequeo », mais de façon encore plus vague dans le texte grec dont on dispose, Ῥαχάβ, ἣν οὐδὲ οἴδαμεν (CGS 49, p. 162). Origène ne se montre pas plus bavard sur ce point dans les trois autres passages mentionnés par Crouzel, Fournier et Périchon 647 et par Langlemet 648, Hom. in Jos., III,3-4 ; VII,5 (GCS 7, p. 304-306.331-332) et Comm. in Mt. XII,4 (GCS 10, p. 75) : il sait que la Rahab du livre de Josué est une prostituée étrangère, et elle est pour lui la figure de l’Eglise chrétienne, ou même de la prostituée qui lave les pieds de Jésus avec ses larmes (voir Lc. 7,38), mais il n’identifie jamais la Rahab de Mt. 1,5 (en référence à Rt. 4,20) avec celle de Jos. 2,1-21 et 6,17.22-25. Si l’on considère cette réticence, on serait alors tenté de franchir un pas de plus, et de supposer qu’Origène distinguait nettement entre la prostituée étrangère Rahab, mentionnée dans le livre de Josué, et la Rahab mentionnée dans le texte de Matthieu (en référence à Rt. 4,20), dont on ne sait pas d’où elle venait. En effet, si nous ajoutons à ces textes celui de Comm. in Mt., fr. 6 (sur Mt. 1,5, éd. GCS 41/1, p. 17), nous apprenons que pour Origène la Rahab mentionnée par Mt. 1,5 est une inconnue qui n’est pas mentionnée ailleurs dans l’Écriture : μέμνηται καὶ τῆς Ῥαχάβ […] ἄσημος οὖσα καὶ οὐδαμοῦ τῆς γραφῆς φερομένη καὶ (ἵν’ οὕτως ὀνομάσω) ὡς ἀπὸ μηχανήματος ἐπὶ τὸ εὐαγγέλιον φθάσασα. Le texte du fragment caténal n’en dit pas plus (il continue avec l’exégèse de la mention de Ruth dans la généalogie) ; on n’est donc pas en mesure de savoir si Origène avait ouvertement nié tout rapport entre cette femme et la Rahab du livre de Josué, ce qu’il aurait dû logiquement faire en commentant Mt. 1,5. En tout cas, lorsqu’il mentionne la prostituée Rahab de Josué il ne fait pas la liaison avec la Rahab mère de Booz d’après Matthieu, et réciproquement. Dans le cadre ainsi reconstitué de l’exégèse origénienne, il apparaît évident que le maître alexandrin n’avait pas de griefs contre la Rahab de Mt. 1,5, ce qui explique le silence des questions eusébiennes sur la quatrième femme de la généalogie : c’est donc encore une fois l’arrière-plan origénien qui nous explique pourquoi Eusèbe ne dit pas mot de Rahab. Autres parallèles textuels Outre les parallèles plus proches de l’exégèse origénienne de Hom. in Lc., XXVIII,2, déjà signalés dans le commentaire d’Est VII, l’exégèse de cette question a été reprise par Jérôme, Comm. in Mt., I,1,3 ; Ambroise, Exp. in Lc., III,17.30-35 ; Ambrosiaster, Quaest. de Novo Test., 5 ; Opus imperf. in Matth., hom. I (PG 56,618619) ; Jean Chrysostome, In Mt. hom., III,4 ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,3 ; 1,17). Voir aussi Fr. in Mt., 1,11 (PG 106,1077c).

647. oriGène, Homélies sur Luc, éd. crouzel, fournier, Périchon, p. 354, n. 1. 648. lanGlemet, « Rahab, Rāḥāb », p. 1080-1081.

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ESt IX IX,1 2-5. καὶ πῶς οὐκ ἔμελλεν ὁ θεῖος, κτλ. Ce passage, qui pourrait paraître un simple développement de la question, ou avoir été partie de la formulation de la question originale perdue 649, semble cependant bien à sa place comme interrogation rhétorique, fournissant déjà un premier élément de réponse. 6-9. μωαβῖται γὰρ, φησὶ, καὶ ἀμμανῖται οὐκ εἰσελεύσονται, κτλ. Cette citation est très différente du texte attesté dans la plupart des manuscrits de la LXX, même si une partie au moins des variantes eusébiennes est indirectement attestée chez Philon ou chez d’autres auteurs chrétiens 650. Les interversions entre μωαβῖται et ἀμμανῖται et entre les noms de ces deux peuples et οὐκ εἰσελεύσονται ne sont pas attestées ailleurs, mais elles sont sans doute introduites au début du verset (de même que γὰρ φησὶ) en vue de son insertion dans le contexte. Selon Origène (Hom. in Gen., V,5 ; De Orat., 20,1), ces peuples, descendants de Lot (Gn. 19,30-38), représentent les juifs qui n’entreront dans l’église qu’à la fin des temps 651 ; l’exégèse d’Eusèbe, bien qu’elle reste plus littérale sur ce point précis, indique aussi la vocation universelle amenée dans le monde par le Christ 652. 9. κρείττων. Autre traduction possible, en lisant κρεῖττον, selon le texte du manuscrit : « et chose plus forte que la loi ». 11-12. δικαίῳ δὲ νόμος οὐ κεῖται, ἀλλ’ ἀνόμοις, κτλ. Les variantes de la citation comme l’ajout de δὲ et de ἀλλά, ont été probablement introduites par Eusèbe lui-même pour insérer le passage dans le contexte 653. IX,2 19. τοῦ λαοῦ. Mot indiquant traditionnellement le peuple d’Israël dans la version des LXX, où il est utilisé pour traduire l’hébreu ‫ צמים‬/ ‫( צם‬λαόϛ / λαοί), alors que le mot désignant d’autres peuples, ‫גו ׄים‬, est rendu d’habitude par ἔθνη, mot qu’Eusèbe applique aussi à Israël (par exemple ESt X,3,50 et XI,1,10). Le terme se trouve aussi en ESt III,4,86 (dans une citation), ESt X,1,10, ESt X,1,22 (dans une citation), ESt XI,1,5.18 et ESt XV,4,78, toujours au singulier. 22. μέλων. David Miller suit μέλλων d’Angelo Mai 654.

649. Voir les usages parallèles de NMar 1 et NMar 9, où la formulation de la question contient le développement de l’interrogation introduit par πῶς dans un deuxième temps, et aussi mon étude « Existe-t-il une terminologie technique dans les Questions d’Eusèbe de Césarée ? », p. 89, n. 16. 650. Voir l’édition critique du texte Deuteronomium, éd. J. W. WeverS, Göttingen 1977 (Septuaginta, Vetus Testamentum Graecum Auctoritate Academiae Scientiarum Gottingensis editum 3/2), p. 259. 651. Voir La Bible d’Alexandrie, [V] Le Deutéronome, éd. doGniez, harl, p. 259, notes à 23,4. 652. Voir ESt IX,2 et PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 507-509. 653. Dans le même sens Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 841, qui cite aussi le passage origénien de In Rt. fr. (PG 12,989D) attestant, entre autres, les mêmes différences. 654. miller, Suggested Departures, p. 2 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 63, n. 43.

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Questions et réponses sur les évangiles IX,3 33. ὡς Ῥαχὴλ καὶ ὡς Λεία. Ambroise de Milan cite aussi Rachel et Léa en Exp. in Lc., III,33. En III,17, Ambroise nomme Rachel seulement dans sa liste de femmes saintes (l’absence de Léa s’explique ici car il ne mentionne que Sara, Rébecca et Rachel, femmes d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qui préférait Rachel à Léa selon Gn. 29,30). 33-34. καὶ ᾠκοδόμησαν ἀμφότεραι τὸν οἶκον Ἰσραήλ. Dans ce verset, l’omission de l’article τοῦ devant Ἰσραήλ est largement attestée, alors que le καὶ est propre au seul Eusèbe 655. Ce καὶ est d’ailleurs probablement une simple faute de transmission pour αἳ, attesté par le reste de la tradition et restitué par Angelo Mai, maintenant suivi par David Miller 656. 46. ἀσυλλόγιστος. David Miller corrige en ἀσυλλογίστως 657.

655. Voir The Old Testament in Greek, éd. BrooKe, mclean, I/4, p. 896. 656. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 63, n. 44. 657. miller, Suggested Departures, p. 2 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 65, n. 45.

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EST X

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le problème posé par l’appellation de Joakim au moyen du nom de Jéchonias. X,1. Celui-ci avait deux noms (Eliakim et Joakim), et Jérémie l’appela Jéchonias lorsqu’il prédit sa déportation à Babylone, où il devait être emprisonné. Le rappel de Jéchonias par le nom que Jérémie lui avait donné dans la généalogie convient à celui qui est appelé à proclamer le pardon aux prisonniers. X,2. Matthieu a ainsi annoncé l’arrivée du rédempteur à Jéchonias lui-même et à son âme, en le nommant dans la généalogie avec les autres pécheurs. Il rappelle dans le même texte la faute de David par Bethsabée, la fornication de Judas, Ruth l’étrangère et le fait que le Christ vivait avec les publicains et les pécheurs, qu’il a supporté des choses honteuses, jusqu’à la crucifixion. En effet, il était nécessaire que celui qui devait devenir expiation pour les pécheurs passe par tout cela et que, étant innocent, il ait supporté les peines des pécheurs et des impies. X,3. Jérémie, en disant qu’aucun successeur de Jéchonias ne sera assis sur le trône de David, ne dit pas que sa semence ne subsistera pas, mais qu’elle ne régnera plus. Ce qui s’est révélé vrai, puisque le règne a fini avec la déportation à Babylone. Et celui qui venait pour les prisonniers, les pécheurs, les âmes enchaînées par les liens de la mort, venait pour les sauver. Cependant l’oracle de Jérémie n’est pas invalidé, car personne de la tribu de Judas n’est plus institué roi après le retour de Babylone, mais ce furent les grands prêtres qui gouvernaient jusqu’à l’arrivée du Christ, lorsque Hérode et Philippe étaient tétrarques, Pilate le gouverneur, l’empereur au-dessus d’eux. Autres traditions textuelles X. Un texte grec parallèle de cette question est le FSt 18 ; il a été édité par Pierre Poussines avec une attribution à Eusèbe et ensuite republié par Angelo Mai en 1825 658. Si dans sa première édition Mai a mis ce fragment en

658. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 87-88, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 358.

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Questions et réponses sur les évangiles parallèle avec ESt X 659, il l’a ensuite référé à ESt XIII 660. Même si l’attribution est incertaine et si le fragment doit avoir été remanié lors de son insertion dans la chaîne, la première des deux hypothèses de Mai me semble préférable. Ce texte affirme qu’une accusation grave a pesé sur Jéchonias, qu’il a été banni et prisonnier ; c’est pour cette raison qu’il était méprisé et que la généalogie de Jésus est double, qu’elle passe par Salomon selon les uns, par Nathan selon les autres (voir ESt III) ; c’est aussi pour cette raison que l’évangéliste fait mémoire de Jéchonias et dit qu’il est arrivé, le rédempteur des prisonniers, qui les ramène à soi par le baptême. X. Un texte parallèle à cette question a été publié par John Cramer en 1840, avec une attribution à Eusèbe par l’auteur de la chaîne 661. Le fragment, beaucoup plus court que ESt X, reproduit le texte de la citation de Jérémie mais il distingue ensuite entre Joakim et Jéchonias, comme il arrive en ESt XIII : l’auteur de la chaîne a donc combiné les deux questions. X,2. L’argument d’après lequel Matthieu fait mémoire des pécheurs dans la généalogie, des femmes notamment, et signifie donc que le rédempteur a pris sur lui les péchés humains, se retrouve en SyrS III 662, question parallèle à l’ensemble de ESt VII-IX comme on l’a dit (voir commentaire à ESt VII). Dans ce texte syriaque toutefois, cet argument est appliqué à tous les pécheurs mentionnés dans la généalogie, ce qui pourrait faire entendre qu’il résume notre question (le point commun pourrait être ESt X,2,27-34). En effet, aucun autre élément de cette question n’est présent dans SyrS III, où il n’y a pas mention de Jéchonias. Même si la proximité textuelle est très réduite, il reste possible que cet extrait soit parallèle à ESt X 663. Commentaire La question La réponse à la question posée consiste d’abord dans le rappel des différents noms de Joakim ; elle se développe ensuite en exploitant l’argument défendu par Origène, Hom. in Lc., XXVIII,2, selon lequel la mention des pécheurs dans la généalogie de Matthieu indique que le Christ a pris le rôle des hommes pécheurs ; ce même texte d’Origène devait être à l’esprit d’Eusèbe lors de la rédaction du passage rapporté dans FSt 7 (voir commentaire à ESt III). En plus des femmes (Thamar, Ruth, Rahab et Bethsabée), Origène nommait aussi Salomon, Roboam et les autres rois, dont une grande partie avaient été pécheurs face à Dieu. Le fait qu’Eusèbe traite de Joakim et pas de Salomon et Roboam, s’explique peut-être

mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 87, en marge. id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 278, en marge. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 7-8 (Mt. 1,11). Texte édité dans Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 36, et repris dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 310-312. 663. Il y a aussi un critère externe : puisque SyrS II est parallèle à ESt VI et SyrS IV à ESt XI, il est possible que SyrS III résume ainsi en une toutes les questions intermédiaires.

659. 660. 661. 662.

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ESt X par la volonté de rectifier (grâce à l’argument d’Origène) l’exégèse qui avait été donnée par Irénée de Lyon, Adv. haer., III,21,9, affirmant que Jésus n’était pas né de Joseph, car la prophétie de Jérémie (22,28-30, même texte cité par Eusèbe) refusait une descendance à Jéchonias. Irénée de Lyon avait traité aussi des prophéties christologiques concernant la naissance de Jésus en Dem., 57-59 (SC 406, p. 165-171) ; bien qu’il ne s’agisse pas d’un passage parallèle, il est possible que ce texte ait inspiré en quelque manière Eusèbe, ce qui peut aussi être le cas pour le texte de Justin, Apol., I,32,1-3.12-14 (éd. Wartelle, p. 138-140.140-142). Quant au FSt 18, il me semble que les éléments propres qu’il contient par rapport à ESt X proviennent de ESt III, et qu’ils s’expliquent bien si on les attribue au travail de l’auteur de la chaîne. En cas contraire, il faudrait admettre que l’original de cette question devait répéter les arguments déjà utilisés. Porphyre ? Giancarlo Rinaldi met en parallèle cette question avec Porphyre, Contra Christ., fr 11 Harnack 664. C’est la critique porphyrienne à la base de ESt XIII, qu’il n’y a, à mon avis, aucune raison de rappeler dans ce cas. Autres parallèles Outre les parallèles signalés à propos de ESt VII, voir Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,36.40.42-43 ; Ambroise de Milan (?), Apol. pro David secunda, VI,32 (CSEL 32/2, p. 379-380) ; Zacharie Chrysopolitain, In unum ex quattuor, I,5 (PL 186,64-65). Voir Julien, Adv. Gal., fr. 62, l. 18-32 665 ; fr. 64, l. 9-12 666 ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., I (Mt 1) 667 ; Denys bar Salibi, Comm in ev. Mt., 1,12 (CSCO 15, p. 43, trad. CSCO 16, p. 33) ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,12 ; 1,17). X,1 2-8. Διώνυμος οὗτος ἦν, κτλ. D’après le texte de la Septante, deux rois s’appellent Joakim (Yehoyaqim) : le fils de Josias, de même que le fils de celui-ci, qui est cependant appelé Joakin (Yehoyakîn) dans le texte hébreu 668. Eusèbe

664. rinaldi, « Tracce di controversie », p. 106, n. 21. Voir aussi id., Biblia gentium, n° 318, et La Bibbia dei pagani, II, n° 317 ; cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 136. 665. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 157-158 ; texte tiré de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,885B-888B) ; voir rinaldi, Biblia gentium, n° 316 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 318. 666. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 159 ; texte tiré de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,900D-901C). 667. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 14-16 ; trad., I, p. 9-10. 668. Sur ce point, voir zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 51-52 ; BroWn, The Birth of the Messiah, p. 61, 83 et Jacques maSSon, Jésus fils de David dans les généalogies, p. 25-63, 111-112.

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Questions et réponses sur les évangiles discutera amplement de ces deux personnages en ESt XIII,2-3 (voir le commentaire à ESt XIII,2,22-23). Le fils de Joakim, d’après les textes de 2 R. 24,6 et 2 Ch. 36,8 LXX (et Jr. 24,1), est appelé par les noms de Jéchonias et de Joakim et déporté à Babylone. Toutefois, d’après le texte de 2 Ch. 36,5-7 c’est son père, Joakim fils de Josias, qui est déporté à Babylone. Il s’agit donc d’une autre tradition biblique, peut-être secondaire, comme le pensent Edward curtis et Albert Madsen 669. L’hypothèse qu’il ne s’agit pas de la même déportation, formulée sur la base de Dn. 1,2 et 2 R. 24,1, n’est qu’une vaine tentative d’harmoniser les données bibliques 670 : elle n’est pas recevable et il faut admettre l’existence des deux traditions contradictoires, dont le texte de 2 Ch. 36,5-10, où les deux rois sont déportés, fait simplement l’état. Ceci se prouve notamment par Jr. 44,1 LXX (par rapport au texte massorétique) et par un passage de Flavius Josèphe, qui préfère la tradition selon laquelle c’est Joakim le fils de Josias qui est déporté, et corrige cette contradiction en laissant son fils Joakim régner à Jérusalem, à la place de son frère Sédécias 671. Le témoignage de Jérémie est en réalité contradictoire dans le texte de la Septante. En effet, Jr. 22,24-28 prophétise la déportation à Joakim fils de Joakim 672, ce qui arrive aussi en Jr. 36,28-37,1 d’après l’hébreu. Toutefois l’équivalent de ce dernier passage dans la Septante, Jr. 43,28-44,1 (LXX), laisse entendre que c’est le Joakim fils de Josias qui subit la déportation 673 ; ce qui pourrait représenter le stade le plus ancien du texte de Jérémie 674. Par contre, le Deuxième livre des Rois, dans le passage parallèle à 2 Ch. 36,5-8 (2 R. 23,36-24,6), préfère l’autre solution, et dit que Joakim fils de Josias « s’endormit avec ses pères », ce qui laisse clairement entendre qu’il régna à Jérusalem jusqu’au terme de sa vie 675, même si ce passage ne s’harmonise pas avec Jr. 22,19, ni avec celui de Jr. 36,30, qui sont des prophéties de sa mort violente 676. Cette tradition est la plus ancienne d’après l’interprétation de Edward curtis et Albert Madsen 677, mais elle pourrait aussi être simplement une correction de celle de 2 Ch. (le contraire s’expliquant

669. Edward l. curtiS, Albert a. madSen, A Critical and Exegetical Commentary on the Books of Chronicles, Édimbourg 1910 (ICC), p. 521. 670. Sur cette hypothèse, voir Raymond B. dillard, 2 Chronicles, Waco (TX) 1987 (Word Biblical Commentary 15), p. 299 et Sara JaPhet, I & II Chronicles. A commentary, Londres 1993 (OTL), p. 1065-1066. 671. Ant. Jud., X,6,3(96-98). 672. Voir Joel Drinkard dans Peter C. craiGie, Page H. Kelley, Joel F. drinKard, Jeremiah 1-25, Waco (TX) 1991 (Word Biblical Commentary 26), p. 322. 673. La tradition manuscrite suivant le texte hébreu sur ce point est secondaire : voir l’édition critique Jeremias, Baruch, Threni, Epistula Jeremiae, éd. John zieGler, Göttingen 1976 (Septuaginta, Vetus Testamentum Graecum Auctoritate Academiae Scientiarum Gottingensis editum 15), p. 399. 674. Voir William mcKane, A Critical and Exegetical Commentary on Jeremiah, II, Édimbourg 1996 (ICC), p. 932. 675. Ce qui a bien été remarqué par T. Raymond hoBBS, 2 Kings, Waco (TX) 1985 (Word Biblical Commentary 13), p. 350. 676. Carl F. Keil, Biblischer Commentar über die prophetischen Geschichtsbücher des Alten Testaments, III, Leipzig 1876 (BC 2/3), p. 416. 677. curtiS, madSen, A Critical and Exegetical Commentary on the Books of Chronicles, p. 521 (supra).

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ESt X mal). En tout cas, si on suit la tradition d’après laquelle c’est Joakim fils de Josias qui a été déporté, il serait possible d’identifier ce Joakim fils de Josias avec Jéchonias. Mais, même si l’identification du roi déporté par Nabuchodonosor est contradictoire dans le texte biblique, auquel des deux se réfère précisément Eusèbe ? D’une part, en disant que Joakim avait deux noms, mais que Jérémie l’a appelé Jéchonias (voir l. 2-3 : διώνυμος οὗτος ἦν· ἀλλ’ ἐπεὶ κατὰ τὸν προφήτην Ἱερεμίαν Ἰεχονίας ὀνομασθεὶς) Eusèbe semble désigner une personne ayant au total trois noms, ce qui pourrait indiquer le Joakim fils de Josias, qui s’appelle aussi Eliakim d’après 2 Ch. 36,4 (alors que son fils n’a pas de troisième nom, sauf peutêtre en considérant le texte hébreu, où il est appelé aussi Konias en Jr. 22,24.28 et 37,1 678). Cependant, le texte de Jr. 22 ne laisse pas de doute : Jéchonias est le fils de Joakim, neveu de Josias, car Eusèbe cite aussitôt Jr. 22,28-30. La même identification se retrouve en ESt XIII,2-3, où on voit clairement qu’Eusèbe pense que c’est le Jéchonias/Joakim fils de Joakim qui est déporté, et aussi qu’il sait que son père, appelé aussi Eliakim, n’a pas été déporté (voir ESt XIII,3,37-40). 4-8. ἠτιμώθη Ἰεχονίας ὡς σκεῦος οὗ οὐκ ἔστιν αὐτοῦ χρεία, κτλ. Les variantes attestées par Eusèbe se retrouvent aussi dans la tradition manuscrite, mais elles sont secondaires et en partie corrigées sur le texte hébreu 679. 18. ὅτι. David Miller propose de corriger en ὅτι ὁ 680. 15-16. ἀπεσταλμένος […] οὗτος ἦν Ἰησοῦς Χριστὸς. Nominativus pendens. 18-20. πνεῦμα κυρίου ἐπ’ ἐμὲ, κτλ. Bien qu’Eusèbe fasse référence explicitement à Esaïe, la citation est clairement influencée par Lc. 4,18, qui omet notamment une partie du verset en citant le texte du prophète, ce qui n’est pas attesté dans la tradition manuscrite 681. X,2 23-25. αὐτῷ τε Ἰεχονίᾳ καὶ τῇ τούτου ψυχῇ, κτλ. Voir l’exégèse comparable dans ESt VIII,1 et VIII,4, où c’est à David de recevoir la promesse du salut. 28-36. εἷς γὰρ ἦν καὶ ὁ αὐτὸς λόγος δι’ ὃν, κτλ. Le sens du mot λόγος dans ce contexte pourrait aussi être une référence au texte qui contient le récit 682. On pourrait alors traduire : « En effet, c’est au cours d’un seul et même texte qu’il a aussi fait mention de la transgression de David concernant la femme d’Urie, de la fornication de Judas, de Ruth, l’étrangère et la Moabite ; et il se trouve que c’est le même texte dans lequel il le représente vivant avec les publicains et les pécheurs, et supportant les choses les plus honteuses de la part des hommes, et étant à la fin

678. Voir Solomon mandelKern, Veteris Testamenti Concordantiae Hebraicae atque Chaldaicae, éd. F. marGolin, I-II, Berlin 1937, p. 1433. 679. Voir Jeremias, Baruch, Threni, Epistula Jeremiae, éd. zieGler, p. 261. 680. miller, Suggested Departures, p. 2 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 65, n. 48. 681. Isaias, éd. zieGler, p. 348. 682. David Miller, qui suit l’interprétation que je propose, pense par contre qu’il est nécessaire d’ajouter le nom ἰησοῦν dans le texte ; ainsi Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 67, n. 49.

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Questions et réponses sur les évangiles crucifié avec les criminels ; et c’était dans ce texte qu’il est dit : « voici l’agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde » ». 43-46. οὗτος τὰς ἁμαρτίας ἡμῶν αἴρει, κτλ. Avec quelques variantes mineures, la citation se trouve abrégée par rapport au texte des manuscrits 683 ; elle a dû être coupée par l’auteur de l’ἐκλογή. X,3 55-70. πλὴν ἀλλ’ ὁ ἐλθὼν κηρύξαι αἰχμαλώτοις ἄφεσιν, κτλ. Autre allusion à la croyance concernant la descente de Christ aux enfers pour libérer les âmes emprisonnées, non signalée dans la liste eusébienne de Rémi Gounelle (voir supra, commentaire à ESt VIII,1,9-26). Dans ce passage, Eusèbe s’appuie aussi sur deux citations bibliques, Ps. 107(106),14.16-17.20-21 et Es. 25,8, qui ne sont guère utilisées par d’autres auteurs chrétiens en ce sens ; en effet, à l’exception de Ps. 107(106),16, dont la fortune est attestée aussi dans les icônes traditionnelles de l’anastasis, les auteurs analysés par Gounelle n’utilisent pas ces versets 684. 58-59. ἐπὶ τὴν πάντων τούτων ἐλήλυθε σωτηρίαν. Allusion est faite aux prisonniers sauvés par l’œuvre du Christ, mais aussi aux pécheurs nommés dans sa généalogie. 60-67. ἀπέστειλε τὸν λόγον αὐτοῦ, κτλ. Cette citation composite n’est pas attestée avant Eusèbe dans la littérature chrétienne 685 ; elle présente quelques coupures par rapport au texte du psaume 686, dues aussi probablement à l’auteur de l’ἐκλογή. 73-75. μηδεὶς ἐκ τῆς τοῦ Ἰούδα φυλῆς μετὰ Ἰεχονίαν, κτλ. Cette explication fondée sur Jérémie ne tient pas compte du fait que Nabuchodonosor, selon 2 R. 24,17 et 2 Ch. 36,10, en déportant « Jéchonias », nomme roi Sédécias, qui est fils de Josias et donc toujours de la lignée davidique. 75-80. μετὰ γοῦν τὴν ἀπὸ Βαβυλῶνος αἰχμαλωσίαν, κτλ. Pour expliquer pourquoi la généalogie de Matthieu est tripartite, Eusèbe se réfère aussi aux étapes de l’histoire d’Israël divisée selon le type de gouvernement (voir ESt XI). 78-80. ἦσαν γοῦν κατ’ αὐτὸν τετράρχαι οἱ περὶ τὸν Ἡρώδην καὶ Φίλιππον, κτλ. Par rapport au texte de Luc 3,1, qui est sûrement à la base de cette liste, Eusèbe néglige le nom de Lysanias « tétrarque d’Abylène », qui avait été erronément ajouté au groupe des trois fils d’Hérode le Grand héritiers de son règne, sans doute pour obtenir le nombre de quatre 687.

683. 684. 685. 686. 687.

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Isaias, éd. zieGler, p. 321. Gounelle, La descente du Christ aux enfers, p. 443 et 444. Biblia Patristica, I-III. rahlfS, Psalmi cum Odis, p. 270. Bovon, L’évangile selon saint Luc, p. 165.

EST XI

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le fait que, dans la généalogie, les quarante-deux générations entre Abraham et le Christ sont divisées en trois sections. XI,1. Cette division fait référence aux diverses conditions de vie du peuple d’Abraham jusqu’à David, entre David et la captivité de Babylone et de celle-ci jusqu’au Christ. En effet, depuis Moïse et Josué jusqu’à David, le peuple était soumis aux juges et Jérusalem n’existait pas, ni son temple. À partir de David et jusqu’à la captivité, le peuple était soumis aux rois, tant les descendants de David, que ceux qui régnaient sur l’autre partie du peuple ; c’est l’époque du temple, qui subsista jusqu’à la captivité. Ensuite c’est la dernière époque, depuis la captivité jusqu’au Christ, pendant laquelle le pouvoir est soumis au lignage des prêtres. Autres traditions textuelles XI. Le contenu de cette question est repris dans SyrS IV 688, contenant un texte proche de celui de l’ἐκλογή. Toutefois, la formulation de la question est un peu plus développée et contient la référence explicite à Matthieu ; la même chose peut se dire pour le début de la réponse, qui est donnée d’emblée en expliquant que Matthieu a opéré de la sorte parce qu’il a énuméré les générations selon les formes de gouvernement ; par la suite, le texte continue d’une manière proche de l’ἐκλογή. XI. Pour cette question, SyrG IX 689 nous offre un parallèle très différent. D’après cette tradition, l’évangéliste a introduit la division en trois sections de façon polémique, contre les Juifs et pour éviter leurs critiques ; de cette manière, l’évangéliste indique clairement que l’économie divine n’est pas toujours la même, mais qu’elle s’est exprimée de manières différentes selon l’utilité, et ces changements sont marqués par le compte des générations. Ainsi l’on trouve les juges d’Abraham à Saül (l’évangéliste considère cet âge comme allant jusqu’à David car Saül avait régné comme juge), ensuite il y a l’époque des rois jusqu’à l’exil et enfin le pouvoir passe aux grands prêtres. Ainsi donc, pour montrer le changement des situations et la suite des genres de gouvernement, il énumère les

688. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 37-38, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 312-314. 689. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 88.

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Questions et réponses sur les évangiles juges, les rois et enfin les derniers régents, jusqu’au gouvernement du Messie, qui est tout à la fois roi et grand prêtre. Commentaire La question Cette question a été peut-être suggérée à Eusèbe par la partie finale de la précédente, qui traite des alternances du gouvernement d’Israël (ESt X,3,73-80). En tout cas, il n’y a pas d’aporie à résoudre dans cette « question ». Quant aux auteurs précédents, déjà Clément d’Alexandrie, Strom., I,147,5-6 (SC 30, p. 151), s’était interrogé sur le sens de la tripartition de la généalogie, bien qu’avec une visée toute différente. Le texte de l’ἐκλογή semble manquer des quelques petits développements de la partie initiale présentés par SyrS III, qui ont des chances d’être plus proches de l’original que le début abrupt de ESt XI. Par contre, le texte très différent de SyrG IX est vraisemblablement une synthèse de Georges de Belthan, établie avec le concours d’autres sources, comme le suggère aussi le rapprochement des deux autres traditions (SyrS et ἐκλογή). Selon Georges de Belthan l’époque des rois commence avec David puisque Saül était fait le dernier des juges (ce qui, au demeurant, s’accorde mal avec 1 S. 10,1 ; 10,17-25 et 12,1-2) ; son souci d’exactitude pour le début de la monarchie contraste avec son désintérêt pour le début de l’époque des juges ; aussi bien d’après l’ἐκλογή que d’après SyrS, Eusèbe, lui, précise à juste titre que l’époque des juges démarre avec Moïse et Josué, plutôt qu’avec Abraham. Si le texte original avait été également net dans les deux cas, on comprendrait mal que Georges de Belthan ait retenu par souci d’exactitude le point concernant les deux contemporains Saül et David, alors qu’il laisserait tomber celui concernant Moïse et Josué, séparés de plusieurs siècles d’Abraham. Il est donc probable que, pour ce passage, son texte soit le résultat d’une élaboration personnelle sur la base de la question eusébienne. La critique d’un adversaire ? Ce texte a un parallèle très net dans l’Ambrosiaster, Quaest. de Novo Test., 6 (CSEL 50, p. 432). D’après l’hypothèse de Giancarlo Rinaldi 690, la problématique de l’Ambrosiaster provient d’une critique d’un adversaire anonyme au christianisme et aux évangiles. Cette hypothèse peut trouver un argument en sa faveur dans SyrG IX, qui parle cependant d’une polémique juive, mais, comme on a vu, il s’agit d’un texte remanié par rapport à Eusèbe 691. À mon avis, puisqu’aucun problème réel n’est soulevé par la division de la généalogie en trois parties, une attaque antichrétien ne concernant l’objet précis de cette question n’aurait pas eu de sens du côté païen. Différent est le cas des remarques sur les erreurs de généa-

690. rinaldi, Biblia gentium, n° 321 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 321 ; sur cette hypothèse voir aussi commentaire à ESt III. 691. De plus, le texte d’Ambrosiaster est très différent dans sa réponse, ce qui exclut tout rapprochement avec SyrG IX.

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ESt XI logie de Matthieu, qui font l’objet de ESt XII. Le texte de l’Ambrosiaster propose toutefois une réponse différente. Pour lui, Matthieu a séparé Abraham de David car l’un est le père de la foi et l’autre du règne et, comme Saül était indigne du royaume, il en a été privé ; ensuite, Matthieu a séparé la période de David de l’exil car pendant cette période les juifs étaient devenus infidèles, et une autre va de l’exil au Christ, car pendant ce temps ils avaient vécu sans repos ni paix, sans un gouvernement propre, jusqu’à l’arrivée du Christ et de la grâce qu’il apporte. Si l’interrogation de l’Ambrosiaster est équivalente à celle d’Eusèbe, son exégèse ne semble pas tenir véritablement compte de celle de l’évêque de Césarée. Autres parallèles En plus du passage de l’Ambrosiaster, des textes parallèles sont ceux du début du Prologue monarchianiste sur Matthieu 692 ; Opus imperf. in Matth., hom. I (PG 56,629-630) ; Jean Chrysostome, In Mt. hom., IV,1.2 (PG 57,39.41) ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,9 (CSCO 69, p. 59-60, trad. CSCO 432, p. 43) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., I (Mt 1) 693 ; Euthyme Zigabène, Comm. in Mt., I (Mt. 1,11.17, PG 129,124C-125A.128) ; Rodrigo Jiménez de Rada, Brev. hist. cath., IX,1 694 ; Théophylacte de Bulgarie, En. in Mt., 1,17 (PG 123,153-156) ; Zacharie Chrysopolitain, In unum ex quattuor, I,5 (PL 186,64) ; Albert le Grand, Super Mt., 1,11 695 ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,17). XI 4. οὓς. Le relatif, plutôt qu’à ἀφορισμούς, peut être référé au féminin διαδοχὰς (ou, mieux, à ὑποδιαστολαῖς), avec un accord logique 696. XI,1 6-8. ἄλλη μὲν γὰρ ἦν ἡ, κτλ. À référer à καταστάσεις plutôt qu’à ἱστορίας. 12. ἦν τις ἴδιος τρόπος τῆς τούτων καταβάσεως. Le statut des juges comporte un certain charisme religieux 697. Sur ce sens précis de κατάβασις, voir Lampe, qui cite ce passage 698. 13-14. οὐδὲ τὰ Ἱεροσόλυμά πως συνειστήκει, κτλ. Jérusalem devient capitale du royaume avec David, qui l’avait prise aux Jébuséens (2 S. 5,6-7 ; 1 Ch. 11,4-5) ;

692. Texte dans Peter corSSen, Monarchianische Prologe zu den vier Evangelien, Leipzig 1896 (TU 15/5), p. 5 693. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, texte, éd. dunloP GiBSon, II, p. 16-17 ; trad., I, p. 10-11. 694. Roderici Ximenii de Rada Breviarium Historie catholice [II] (VI-IX), éd. Juan fernández valverde, Turnhout 1993 (CC.CM, 72B), p. 512. 695. Alberti Magni Super Matthaeum, éd. Schmidt, I, p. 20. 696. Voir BlaSS, deBrunner, Grammatik des neutestamentlichen Griechisch, § 296. 697. Voir Jan A. SoGGin, Storia d’Israele. Dalle origini a Bar Kochbà, Brescia 1984 (Biblioteca di cultura religiosa 44), p. 269-273. 698. lamPe, A Patristic Greek Lexicon, p. 705.

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Questions et réponses sur les évangiles le temple est construit par Salomon (1 R. 6,1-38 ; 7,13-51 ; 2 Ch. 3,1-5,1). Eusèbe semble faire ici une différence entre Jérusalem et la ville telle que David l’a conquise, la « Cité de David » ou la « Sion » jébuséenne (voir par exemple 2 R. 8,1). Cette « Cité de David » est située au sud-ouest de la Jérusalem proprement dite, laquelle est en effet le résultat de constructions successives, opérées notamment avec le concours de Salomon 699. Dans l’Onomasticon, Eusèbe ne fait apparemment pas cette différence 700, mais ce détail ne signifie pas grand-chose, car une partie entière de l’Onomasticon, perdue, ne concernait que la ville de Jérusalem 701 ; il aurait donc été inutile de répéter les mêmes informations dans les détails ailleurs dans l’ouvrage. 15. τοῦ. David Miller propose de suivre la correction de Mai τούς 702. 16. εἶτ’ αὖ πάλιν. Le pléonasme est typique du style d’Eusèbe, c’est pourquoi la correction de Mai, εἶτ’ οὖν πάλιν, ne me semble pas nécessaire. 17. κέχρηται. David Miller propose de suivre la correction de Mai κέχρηνται 703. 17-19. τοῖς τε ἀπὸ Δαβὶδ ἄρξασι καὶ τοῖς ἐν τῇ διαστάσει τοῦ λαοῦ γενομένοις. Après Salomon, une bonne partie du royaume se sépare du gouvernement de Roboam, fils de Salomon, qui gardera le pouvoir seulement sur Juda. La dynastie davidique continuera toutefois à régner jusqu’à l’exil, ce qui ne sera pas le cas pour le royaume schismatique du nord 704. 19. ἐξ ἐκείνου. Référence est faite ici à David, bien que le temple ait été construit par Salomon (par ex. 1 R. 6,1). Puisque l’épisode du schisme entre le royaume du nord et celui de Juda vient d’être rappelé (l. 17-19), il s’agit soit d’un sous-entendu d’Eusèbe ou alors d’une erreur grossière (de l’auteur de l’ἐκλογή ?). 20-22. εἰκότως καὶ τούτοις πάλιν ἰδίως ἀφορίσας […] καὶ τοὺς, κτλ. Le verbe ἀφορίζω peut se construire avec le datif 705 tout comme, plus usuellement, avec l’accusatif. Miller propose cependant de suivre la correction de Mai τούτους (l. 20) 706. 21-29. ὥσπερ οὖν καὶ τοὺς ἀπὸ τῆς αἰχμαλωσίας μέχρι τοῦ Χριστοῦ, κτλ. Dans ce passage, Eusèbe ne reprend pas le parallèle avec la ville de Jérusalem et le temple à nouveau bâti.

699. Sur cette édification de Jérusalem, Léon-Henri vincent, « Jérusalem », dans DBS, IV, Paris 1949, p. 897-966, ici p. 914-920 et Peter Welten, « Jerusalem, I. Altes Testament », dans TRE, XVI, Berlin-New York 1987, p. 590-609, ici p. 593-596. 700. GCS 11/1, éd. KloStermann, p. 106, l. 1-6 ; p. 107, l. 1-7 (voir Onomastica sacra, éd. de laGarde, p. 267). 701. Voir par exemple « Eusebio di Cesarea: filologia, storia e apologetica per un cristianesimo trionfante », dans C. moreSchini, e. norelli, Storia della letteratura cristiana antica greca e latina, I. Da Paolo all’età costantiniana, Brescia 1995 (Letteratura cristiana antica. Strumenti), p. 583-605, ici p. 602. 702. miller, Suggested Departures, p. 2 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 71, n. 51. 703. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 71, n. 52. 704. SoGGin, Storia d’Israele, p. 291-300. 705. lamPe, A Patristic Greek Lexicon, p. 279. 706. miller, Suggested Departures, p. 2 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 71, n. 53.

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EST XII

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le problème posé par le fait que Matthieu dit qu’il y a eu quatorze générations entre David et Jéchonias, alors qu’il y eut dix-sept rois. XII,1. S’il s’était proposé de décrire les successions des rois, on pourrait l’accuser, car par rapport aux livres des Rois et des Chroniques, il omet Ochozias, Joas et Amasias, qui ont régné à la suite entre Joram et Ozias. Il ne veut cependant pas énumérer les successions, mais, comme il le dit, les générations ; il n’y a donc pas de contradiction, car les livres des Rois et des Chroniques décrivent, eux, les successions. XII,2. On ne peut en effet pas appeler « génération » le temps de la vie d’un homme, car il arrive que certains meurent encore à l’âge enfantin, d’autres parviennent à l’adolescence, à la jeunesse, à l’âge mûr ou à l’extrême vieillesse : on ne peut donc pas appeler une génération la vie de l’homme ; également, on ne peut pas appeler une génération l’âge jusqu’à l’engendrement des enfants, car les uns les engendrent avant les vingt ans, d’autres pas avant les trente, de sorte que des gens du même âge peuvent être à leur premier enfant ou à leur quatrième ; comment donc compter une génération ? XII,3. L’évangéliste s’est proposé d’énumérer les générations, selon des critères qu’il connaissait et s’est donc moins préoccupé de la succession dans l’histoire. Il a pris pour la généalogie le nombre des personnes qui lui suffisaient pour compléter les quatorze générations. Il n’y a donc pas de contradiction avec les écrits historiques. Autres traditions textuelles XII. Cette question trouve un parallèle dans SyrS V,1-2 707. Le texte du premier paragraphe (SyrS V,1) est très proche de celui de ESt XII (avec une petite introduction qui invite le lecteur à cerner quels sont les vrais objectifs de Matthieu et qui introduit la réponse d’une manière moins abrupte que l’ἐκλογή). Le texte de SyrS V,2 contient par contre une autre partie, totalement absente du texte grec, mais qui devait faire partie de la question d’Eusèbe et qui provient

707. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 40-42, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 314-316.

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Questions et réponses sur les évangiles des Chronographies de Julius Africanus (cf. Chron., F90a Wallraff), d’après Christophe Guignard, qui a montré que ce passage a un parallèle dans la chaîne de Nicétas, qui n’avait pas été remarqué jusqu’à maintenant parce qu’adscrit à Grégoire de Nazianze 708. Il existe une autre explication, dit ce texte, selon laquelle le fait de laisser de côté ces trois noms correspondait à une intention précise de l’évangéliste. On dit en effet que leur faute était d’être d’une descendance méprisable, celle de Jézabel la Phénicienne, femme d’Achab ; le livre du Sauveur n’a donc pas été taché par sa mention. Du reste, Moïse aussi a omis le nom de Siméon lorsqu’il a prononcé les bénédictions sur les fils d’Israël, et la même chose se produit quelquefois en plusieurs endroits. XII. Un parallèle à ce texte est celui de SyrG VII 709, qui formule la question différemment : pourquoi a-t-il dit « Josaphat engendra Joram et Joram engendra Ozias » et omet-il Ochozias, Joas et Amasias ? La réponse est attribuée à Africanus, évêque d’Emmaüs, à savoir Julius Africanus : leur péché était de descendre de la lignée de Jézabel, c’est pourquoi on ne fait pas mention d’eux dans le livre de notre Sauveur. De ceci on déduit qu’il ne voulait pas mentionner sa semence, parce qu’elle était femme d’Achab. XII. Un texte qui pourrait provenir de cette question est SyrS XI,4 710 (mais il pourrait provenir aussi de la question suivante, car il a un court parallèle avec chacune de ces deux questions). Le texte de SyrS XI est composé à partir de plusieurs questions eusébiennes (comme on l’a vu dans le comm. à ESt II-IV) et, dans la partie finale 711, il affirme qu’il ne faut pas s’émerveiller si une généalogie (Matthieu) contient 41 générations (de David à Joseph) et l’autre une de plus, car il est normal que les hommes puissent vivre plus ou moins longuement, jusqu’à devenir ou pas grands-pères ; ce qui est au contraire extraordinaire est le fait que, au cours d’une période de l’ordre de 500 ans, il y ait seulement une unité de différence. Il semble difficile de faire remonter tout cet ensemble à Eusèbe : comme c’est une question composite, elle n’offre pas de conclusion sûre à ce sujet. XII,2-3. Un parallèle à ces paragraphes semble être le texte de SyrG X 712, attribué explicitement à Eusèbe par Georges de Belthan, mais dont la formulation textuelle pose des problèmes. En voici le contenu : le comput des hommes ne donne pas quatorze successions, mais la quantité des années est toutefois celle de quatorze générations. En fait la première série couvre 800 ans avec quatorze successions, mais celle du milieu occupe 400 ans et compte dix-huit successions. La première et la dernière série s’accordent sur le nombre des personnes, alors que le comput place la série du milieu avec les deux autres pour un nombre réduit d’années et un plus grand nombre de personnes. Ce fragment concerne donc la série du milieu de la liste généalogique matthéenne, et semble supposer

708. GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 203-209 ; cf. aussi ibid., p. 121. 709. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 86. 710. id., « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 64-68, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 340-342. 711. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 68. 712. Ibid., p. 88.

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ESt XII qu’elle est constituée de dix-huit successions. Mais, même en comptant les trois successions des rois qui manquent dans le texte de Matthieu, on n’arrive qu’à dix-sept successions. Ceci rend à mon avis peu crédible l’attribution à Eusèbe du texte du commentaire de Georges de Belthan 713 ; ce court fragment doit plutôt être le résultat d’une œuvre de synthèse et ne me semble pas utilisable pour la reconstitution du texte des questions. Commentaire La question Eusèbe pose ici la question de manière à effacer la vraie contradiction qui existe entre le texte de Mt. 1,8 et les passages de 1 Ch. 3,11-12 et 2 R. 8,25 ; 11,2 ; 12,20-22 ; 15,1 (etc.) ; en effet, selon Matthieu, Joram est le père d’Ozias alors qu’il est son trisaïeul d’après les livres des Rois et des Chroniques, auxquels Eusèbe lui-même fait référence (voir XII,1,4-8 et XII,3,51-53 714). Il est difficile de croire qu’Eusèbe ne se soit pas aperçu de cette contradiction, d’autant qu’elle est explicitement abordée chez Origène avec la plus grande précision possible, Comm. in Rm., I,6,77-96 715, à l’intérieur d’un passage qu’Eusèbe semble utiliser plusieurs fois dans les Questions. Pour Origène ce passage ne peut se résoudre que par l’allégorie 716, mais il n’offre aucune solution à l’aporie signalée. Comme j’ai tenté de le montrer plus haut (commentaire à ESt I), Origène doit avoir traité cette question également ailleurs. Eusèbe, si on admet qu’il avait à l’esprit ce texte du Comm. in Rm., se serait alors trouvé face à une contradiction non résolue ; aurait-il décidé de se simplifier la tâche n’en tenant pas compte ? On ne peut pas l’établir avec certitude, mais il paraît difficile qu’Eusèbe ait pu négliger un problème si important, signalé dans un texte que, de toute évidence, il connaissait très bien. Une solution peut-elle nous venir des deux textes d’Hilaire de Poitiers et de Jérôme 717 ? Tous deux connaissent sans doute les questions d’Eusèbe et tous deux signalent la contradiction d’après laquelle Matthieu fait d’Ozias le fils de Joram. Ils ont peut-être reconstitué eux-mêmes l’aporie chacun de leur côté. Est-il plus probable qu’ils l’aient tirée du texte original d’Eusèbe, où elle pouvait être signalée d’une manière plus cursive que chez Origène mais toujours sans véritable solution ? C’est une hypothèse qui ne tient pas, car elle implique que tant l’auteur de l’ἐκλογή qu’une partie de la tradition syriaque et

713. Un autre indice en ce sens vient de ESt XIII, texte qui discute de la dernière série de quatorze générations, alors qu’elle ne pose pas de problème selon SyrG X. 714. Sur cette exégèse, PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 477-481, et BenGel, Gnomon Novi Testamenti, p. 12-13. 715. Ainsi Origène (VL.AGLB 16, p. 60-61) : « in quarto autem Regnorum libro scriptum est quod Ioram genuerit Ochoziam et Ochozias genuerit Ioas et Ioas genuerit Amessiam Amessias uero genuerit Azariam ipsum qui interdum nominatur, et Azarias Ioatham. Hic ergo Ozias qui et Azarias, cum in tertio Regnorum libro dicatur Amessiae esse filius, a Matthaeo Iorae filius scribitur tribus in medio generationibus praetermissis », l. 82-88. 716. Ibid., l. 77-78 et l. 88-90. 717. hilaire de PoitierS, In Mt., 1,2 ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,8-9.

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Questions et réponses sur les évangiles aussi Ambroise 718, aient tous cru bon d’effacer ce détail indépendamment les uns des autres. Il faut donc en conclure qu’Eusèbe s’est contenté de mentionner les trois rois qui manquent dans la liste matthéenne (ESt XII,1,7-8), sans expliciter davantage ce problème. À ces considérations, que j’esquissais en 2003, il faut maintenant rajouter le fait que la parution de la nouvelle édition de Christophe Guignard de la Lettre à Aristide de Julius Africanus permet d’affirmer que la question et même une partie de la réponse (XII,2) ont certainement été inspirées par ce texte (voir notamment § 24), ce qui n’a rien d’étonnant vu l’ample citation de ESt IV. Le nouveau passage de la lettre (§ 24-27) est représenté par un texte jusqu’ici inédit et attribué erronément à Grégoire de Nazianze par la Chaîne sur Luc de Nicétas (et, pour le § 24 aussi à Africanus dans le manuscrit de Venise, Marc. Gr. 61) 719. La présence de Jézabel dans la question perdue d’Eusèbe Les deux traditions syriaques témoignent d’un important développement (que SyrG VII attribue à Julius Africanus), ainsi que d’une note signalant que l’on trouve aussi ailleurs dans l’Écriture un oubli semblable des noms (SyrS V,1). Le passage le plus intrigant est certainement celui concernant Jézabel. Il semble en effet contenir une erreur grossière, car Jézabel est la femme d’Achab roi d’Israël (1 R. 16,31, etc.) et n’a donc pas de rapport avec la lignée davidique 720 ; l’erreur aurait dans ce cas pu provenir du nom des fils d’Achab, Ochozias et Joram, qui lui succèdent dans cet ordre à la tête du royaume d’Israël (1 R. 22,40 ; 2 R. 1,17 ; etc.), et qui sont homonymes de Joram (fils de Josaphat), et Ochozias (fils de Joram), rois de Juda dans cet ordre, et tous deux proches de la maison d’Achab (2 R. 8,16-18.25-27). Cependant, même selon cette explication (confusion entre la dynastie davidique et celle d’Achab), il serait inutile que Matthieu efface la mémoire des trois rois qui manquent, puisque dans cette perspective Joram, mentionné par Matthieu 1,8, aurait dû logiquement être fils de Jézabel (voir 2 R. 9,22). Pour cette partie du texte, le témoignage d’Hilaire et, surtout, celui de Jérôme semblent encore nous offrir la possibilité d’une compréhension différente 721. Hilaire a dû mal comprendre ou mal expliciter sa source, puisqu’il affirme que l’omission des trois rois est due au fait que Joram a épousé une femme païenne, de la maison d’Achab (« ex gentili femina Ioram Ochoziam genuit, ex Achab scilicet domo ») ; le texte de Jérôme donne plutôt pour raison le fait que la femme de Joram était de la famille de Jézabel (« Ioram generi se miscuerat impiissimae Zezabel »). Ces deux témoignages indiquent clairement que leur source, qui doit logiquement être le texte eusébien des questions, soulignait le fait que la femme de Joram, roi de Juda, était fille d’Achab (voir 2 R. 8,18), et que donc sa

718. amBroiSe de milan, Exp. in Lc., III,36.40-42.45. 719. Il s’agit du n° 713 de l’étude de KriKoniS, Συναγωγὴ πατέρων εἰς τὸ κατὰ Λουκᾶν εὐαγγελὶον ὑπὸ Νικήτα Ἠρακλείας, p. 162 ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 59-61, 79-86, 119-125, 189-209 et 274-275. 720. Sur cette exégèse, voir déjà PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 481-482. 721. hilaire de PoitierS, In Mt., 1,2 ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,8-9.

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ESt XII descendance directe, jusqu’à la troisième génération, était de la descendance de l’impie Jézabel. Le texte d’Eusèbe ne devait pas être très clair, étant donné que les deux traducteurs syriaques et Hilaire semblent l’avoir en partie mal compris. Mais de toute manière la mention de Jézabel devait bien être dans son texte (à côté d’Hilaire et Jérôme elle est en effet mentionnée par d’autres textes parallèles qui connaissaient les questions, comme c’est le cas pour Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,40-42). L’auteur de cette explication était-t-il réellement Julius Africanus comme le dit SyrG VII ? Le texte de SyrS V,2 ne cite pas ce nom, mais ceci ne prouve rien, puisque l’auteur de ce texte a effacé également la mention de toute citation qui se trouvait dans le texte d’Eusèbe (la citation d’Ignace est totalement effacée dans SyrS IX, et la citation d’Africanus en SyrS XI,4 est présentée sans son attribution). D’autres témoignages syriaques assez tardifs indiquent aussi Africanus (Denys bar Salibi, Comm in ev. Mt., 1,8 ; Barhebraeus, Horr. Myst.), ainsi qu’une scholie caténaire de Jean Chrysostome sur Mt. 1,17 publiée par John Cramer 722, mais provenant du Chronicon 723. Cela ne suffit pas pour attribuer sans aucun doute le texte à Julius Africanus, puisque les attributions de Georges de Belthan ne semblent pas fiables 724. Il n’est donc pas absolument certain que l’auteur de ce fragment soit vraiment Julius Africanus. Mais si tel est le cas, le texte, qui devait être cité dans l’original des questions, a toutes les chances de provenir de la lettre à Aristide. Ces conclusions, datant de 2003, sont maintenant dépassées par la nouvelle étude de la Lettre à Aristide de Christophe Guignard, qui mentionne effectivement Jézabel (§ 25) dans un passage qui dans son ensemble a toutes les chances d’avoir effectivement été partie de l’original de la question eusébienne 725. La critique d’un adversaire ? Comme pour la question précédente, et pour d’autres questions encore, Gianfranco Rinaldi 726 attribue à un adversaire du christianisme la paternité de cette question, laquelle est présente aussi chez l’Ambrosiaster, Quaest. Vet. et Novi Test., 85 (CSEL 50, p. 146-147). Le texte de l’Ambrosiaster contient une formulation de la question incluant les noms des rois qui ne sont pas mentionnés

722. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 9. 723. zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 50, n. 16, suivi par Bauer, Das Leben Jesu, p. 24, n. 1 et par KloStermann, Das Matthäusevangelium, p. 5. 724. Par exemple c’est à Philoxène de Mabboug qu’il attribue une partie de l’extrait de la Lettre à Aristide d’Africanus (SyrG XIII, voir la liste des autres traditions textuelles de ESt IV), sans compter que sa proximité avec l’original eusébien est loin d’être sûre d’après l’hypothèse de Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 92-94, et ibid. [V], p. 68-69. Ne partage pas cette reconstitution GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, p. 199-200. 725. Guignard signale aussi comment le passage de Julius Africanus reprend ses propres Chronographies (voir F90a) ; GuiGnard, La lettre de Julius Africanus à Aristide sur la généalogie du Christ, notamment p. 203-209, ainsi que p. 383-383 pour la chronologie relative (concernant le nouveau fragment, voir supra, p. 181, n. 719). 726. rinaldi, Biblia gentium, n° 323 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 323.

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Questions et réponses sur les évangiles par Matthieu (de même que SyrG). La réponse est par contre différente, car, d’après l’Ambrosiaster, ces trois rois ne sont pas mentionnés à cause de leur mauvaise conduite (qui était d’ailleurs semblable à celle de Joram leur père). Cette interprétation diverge donc beaucoup de celle proposée par l’ἐκλογή, mais elle se rapproche de celles de SyrS V,1 et SyrG VII ; l’Ambrosiaster aurait donc pu la lire dans le texte original d’Eusèbe. Quant à l’hypothèse selon laquelle la question provient d’une critique païenne, on ne peut pas l’exclure, car l’objection de Porphyre concernant le nombre des personnes de la généalogie de Matthieu (voir le commentaire à ESt XIII) aurait aussi bien pu retenir cette aporie, mais aucun argument ne permet de le prouver. Autres parallèles Outre le passage de l’Ambrosiaster, nous avons déjà mentionné le texte d’Hilaire de Poitiers, In Mt., I,2, qui propose la solution de SyrS V,2 et de SyrG VII, en signalant le problème posé par le fait que selon Matthieu Joram engendra Ozias ; il y a aussi le texte d’Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,36.40-42.45, qui propose la solution de l’ἐκλογή et de SyrS V,1 727 ; il y a enfin Jérôme, Comm. in Mt., I,1,8-9, qui, après une description minutieuse des successions royales tirée de 2 R., note que la contradiction forte consiste en ce que « Ioram … non genuit Oziam sed Ochoziam et reliquos » ; après, il propose une solution qui pourrait provenir du texte attesté par l’ἐκλογή et par SyrS V,1 : « euangelistae propositum erat tres tesseresdecades in diuerso temporum statu ponere », et il présente ensuite aussi la solution propre aux traditions syriaques. D’autres parallèles sont ceux de Jean Chrysostome, In Mt. hom., IV,1.2 (PG 57,39), qui propose la question sans s’attarder sur la réponse, qu’il confie à ses auditeurs ; et de l’Opus imperf. in Matth., hom. I (PG 56,623-625.627-628), qui propose aussi d’expliquer l’omission de ces trois rois par le fait que la femme de Joram était fille de l’impie Jézabel, et il en mentionne même le nom (« Joram autem ex semine Achab et Jezabel, accipiens sibi uxorem Godoliam, genuit ex ea Ochoziam », ibid., p. 623-624). Voir aussi Théodore d’Héraclée, Fr. in Mt., 2 (Mt. 1,17 ; TU 61, p. 55-56) ; Didyme d’Alexandrie, Comm. in Ps., 304,2-3 (Ps. 42,1) 728 ; Théodore de Mopsueste, Fr. in Mt., 1 (Mt. 1,18, TU 61, p. 96) ; Jean Chrysostome, In Mt. hom., IV,1 (PG 57,39) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., I (Mt. 1) 729 ; Bède le Vénérable, In Lc. exp., I (sur Lc. 3,24 ; PL 92,363) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., I (Mt. 1,8, PL 120,69-72) ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,7.12 (CSCO 69, p. 57-58.64-65, trad. CSCO 432, p. 41-42.46) ; Denys bar Salibi, Comm in ev. Mt., 1,8.15-16 (CSCO 15, p. 37-38.58, trad. CSCO 16, p. 29-30.43) ; voir Comm in ev Mt., 1,17 (CSCO 15, p. 53, trad. CSCO 16, p. 40) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Mt., I (Mt. 1,11, PG 129,125) ; Paul Diacre, Hom. de sanctis, 53 (PL 95,1521) ; Christian Druthmarus,

727. Ambroise a évidemment à l’esprit ESt XII,2-3 (ou XIII,1) aussi en Exp. in Lc., III,14 (voir le commentaire à ESt XIII). 728. didyme l’aveuGle, Psalmenkommentar, éd. GroneWald, Bonn 1969 (PTA 12), p. 78. 729. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 14-15, 19-20 ; trad., I, p. 8-9, 12.

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ESt XII Exp. in Mt., 1,8 (PL 106,1271-1272) ; Raban Maur, Comm. in Mt., I (Mt 1,8, PL 107,734) 730 ; Anselme de Canterbury, Hom., VIII (PL 158,633C-D.635B-D) ; Anselme de Laon, En. in Mt., I (Mt. 1,2 ; PL 162,1242) ; Rupert de Deutz, Comm. in Mt., I (PL 168,1316-1317) ; Albert le Grand, Super Mt., 1,10 731 ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 31, art. 3,4 732 ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,8.17) 733. Voir aussi Fr. in Mt., 1,11 (PG 106,1077C). Deux derniers parallèles syriaques, édités par Gerhard Beyer 734, se trouvent dans le manuscrit Med. Pal. Or. 47 (1v-2r) de la Biblioteca Laurenziana (Florence). XII,1 5. ὡς. Selon David Miller le texte est corrompu et il propose d’ajouter οὐκ ὀρθῶς après ὡς 735. 6-12. ἐν γὰρ ταῖς βασιλείαις καὶ ἐν τοῖς παραλειπομένοις συμφώνως μετὰ Ἰωρὰμ, κτλ. Eusèbe identifie les trois rois qui ne sont pas rappelés par Matthieu, Ὀχοζία καὶ Ἰωὰς καὶ Ἀμεσία, et donc l’écart entre les quatorze générations de la liste de Matthieu, et la dynastie des dix-sept rois descendants de David. Différentes traductions anciennes et traditions indirectes, sans doute secondaires, attestent la présence des trois rois dans la liste de Matthieu 736. Leur absence dans le texte de Matthieu pourrait trouver diverses explications 737 ; en premier lieu, en considérant que la tradition de 1 Ch. 3,11 appelle Ὀχοζία principalement avec le nom de Ὀζειά, et accessoirement Ὀχοζία ou même Ὀζιάς 738 ; une faute d’homeoteleuton aurait donc pu intervenir soit en phase rédactionnelle, soit déjà dans les sources matthéennes ou dans un manuscrit de la Septante qui en était la base. Cette explication par erreur de copie est attribuée par Išo‘dad de Merw (Comm. in Mt., I) à l’« interprète », c’est-à-dire Théodore de Mopsueste. D’autre part, William Davies et Dale Allison notent aussi que, parmi les autres explications proposées, l’omission de quelques noms dans les listes généalogiques était apparemment commune, ce qui concorde

730. 731. 732. 733. 734. 735. 736. 737.

738.

Voir Ps. Bède le vénéraBle, In Mt. exp., I, Mt. 1,8 (PL 92,10). Alberti Magni Super Matthaeum, éd. Schmidt, I, p. 19-20. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 323, 325. SPanuth, Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, p. 3, 5 ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 286, 288. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [V] », p. 58-60, 62-64. miller, Suggested Departures, p. 2 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 73, n. 54. Voir Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 1, et Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 2 ; Tischendorf renvoie notamment à Épiphane, Anc., 59,4, et Pan., VII,7,9 (éd. holl, GCS 25, p. 68, 194). On verra à ce propos notamment les remarques de davieS, alliSon, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, I, p. 176-177. Voir aussi zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 49-51 ; heer, Die Stammbäume Jesu nach Matthäus und Lukas, p. 134-154, 204-214 ; maSSon, Jésus fils de David dans les généalogies, p. 112-133. The Old Testament in Greek, éd. BrooKe, mclean, thacKeray, II/3, p. 400.

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Questions et réponses sur les évangiles avec l’exemple fourni par SyrS V,2, et ils offrent plusieurs exemples allant dans ce sens 739. 15-16. ἐπειδὴ δὲ οὐ διαδοχὰς ἀλλὰ γενεὰς ἀριθμῆσαι προὔθετο. Hippolyte ne fait pas cette distinction dans son Chron., 686 (éd. Bauer – Helm, GCS 46, 686, p. 112-113). 17-19. μέχρι Δαβὶδ […] μέχρι Ἰεχονίου, κτλ. Pas d’autres attestations connues de ces variantes (μέχρι pour ἕως) de Mt. 1,17 740. 20-21. πάσης ἀπολύοιτ’ ἂν κατηγορίας. Termes techniques juridiques, mais aussi termes typiques de la littérature des questions et réponses 741. XII,2 45. σαλευσάντων. Le sens donné à σαλεύω est attesté par Lampe 742. XII,3 47-48. καθ’ οὓς αὐτὸς ἠπίστατο λόγους. Eusèbe pense que Matthieu compte l’espace d’une γενεά par une quantité précise d’années (voir infra, l. 49-51). Comme le relève Angelo Mai 743, ceci était un usage bien attesté anciennement, quoique la durée de la « génération » pût être différente d’un auteur à l’autre 744.

739. Voici les exemples de Davies et Allison : Gn. 46,21 vs 1 Ch. 8,1-2 ; Jos. 7,1 vs 7,24 ; 1 Ch. 4,1 vs 1 Ch. 2,3 (etc.) ; 1 Ch. 5,33 vs Esd. 7,3 ; Esd. 5,1 vs Za. 1,1 ; Apoc. Abr., titre vs Gn. 5,18-31 ; 11,10-26. L’incohérence de la généalogie de Flavius Josèphe, Vita, I,1-5, n’est par contre pas en désaccord avec des textes bibliques, comme le montre déjà Schürer, cité par Davies et Allison ; Emil Schürer, The History of the Jewish People in the Age of Jesus Christ, 175 B.C. – A.D. 135, I, Édimbourg 1973, p. 45-46. 740. Voir New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 12-13. 741. Voir par exemple mon étude « Existe-t-il une terminologie technique dans les Questions d’Eusèbe de Césarée? », p. 84-85. 742. lamPe, A Patristic Greek Lexicon, p. 1222. 743. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 47, n. 1 (voir id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 247, n. 1). 744. On verra à ce propos la liste des témoignages récoltés par Mai dans l’édition de 1847 (ibid., p. 474-475, n. 4), qui comprend Hérodote, Hist., II,142,2 (éd. lloyd 1989, p. 164 ; voir aussi ses commentaires aux p. XXVII-XXIX.359) ; Plutarque, Moralia, XXVI (De defectu oracul.), 11-12 (éd. SieveKinG 1997, p. 71-74) ; Denys D’Halicarnasse, Ant. Rom., XII,14 (éd. JacoBy 1905, p. 233) ; Ep. ad Pomp. Gem., I,15 (éd. Aujac 1992, p. 82) ; Eustathe de Thessalonique, Comm. in Iliad. I,250 (éd. van der valK 1971, p. 149 et 151-153).

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EST XIII

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le nombre des personnes entre Jéchonias et Joseph : Matthieu dit en effet qu’ils sont quatorze alors qu’ils sont douze. XIII,1. Comme pour la question précédente, l’intention de Matthieu est de décrire les générations et non les successions. Ainsi, les successions des hommes se poursuivent pour les personnes qui ont une certaine longévité, alors que leur génération n’avance pas. Pour cette raison, de David à l’exil, les successions sont plus nombreuses que les générations : il y a eu dix-sept successions et quatorze générations ; pour cette raison on a ici douze successions et quatorze générations, car il est vraisemblable que ces douze aient eu de la longévité. Ceci est une première explication. XIII,2. Mais on peut aussi trouver que cette succession dénombre quatorze générations, si l’on compte Jésus lui-même et Jéchonias ; car celui qui est arrivé à Babylone, Joakim, dit aussi Jéchonias, est un homonyme de celui qui a régné à Jérusalem, qui est son père, Joakim, dit aussi Jéchonias, fils de Josias. On pourrait ainsi arriver au nombre de quatorze générations. XIII,3. Le Livre des Rois témoigne de l’existence de deux Joakim. Le Joakim qui est déporté à Babylone est celui qui est appelé Jéchonias par Jérémie. Pour cette raison, on pourrait le compter dans la troisième généalogie, celle des quatorze générations allant de Jéchonias au Christ, alors que son père était placé dans la liste des générations précédentes. Ainsi donc le nombre des quatorze générations est atteint. Autres traditions textuelles XIII. Dans sa deuxième édition, Mai proposait de mettre en parallèle le FSt 18 avec cette question 742, alors que dans la première édition il l’avait rapproché de ESt X 743. Même si ce fragment paraît fortement remanié par l’auteur de la chaîne, il me semble mieux de retenir la première attribution, qui lie ce fragment à ESt X (voir commentaire à cette question).

742. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 278, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 158. 743. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 87.

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Questions et réponses sur les évangiles XIII. Cette question a un parallèle en SyrS VI,1-2 744, texte très proche de celui de l’ἐκλογή. Parmi les variantes à signaler, il y a que la formulation de la question fait explicitement référence à la question qui précède 745 et offre aussi une conclusion différente, qui synthétise le contenu des deux réponses d’Eusèbe, en coupant celle proposée par ESt XIII,3. XIII. Un parallèle possible est celui du texte de SyrS XI,4 746, même s’il faut plus vraisemblablement le rapprocher de ESt XII (voir le commentaire à cette question). XIII,1. Un parallèle à l’argument exprimé dans ce paragraphe semble pouvoir être repéré dans le texte de SyrG X 747, attribué à Eusèbe par Georges de Belthan. En effet, ce fragment (qui est bien entendu aussi parallèle à ESt XII,2-3) fait entre autres une distinction entre successions et générations. En dépit de l’attribution eusébienne, il ne s’agit toutefois pas d’un fragment offrant un texte utile pour la reconstitution de l’original des questions (voir le commentaire à ESt XII). XIII,2-3. Un texte contenant un parallèle à cette question a été publié dans la chaîne de John Cramer à propos de Mt. 1,11 avec attribution à Eusèbe 748. Ce court fragment combine ESt XIII avec ESt X, les deux questions concernant Jéchonias (voir le commentaire à ESt X). Commentaire La question Il y a plusieurs indices qui mettent en relation cette question avec ESt XII, parmi lesquels la première des deux solutions proposées dans cette question 749. Ces deux questions constituent donc un ensemble élaboré probablement en même temps. Il n’est donc pas étonnant de constater, avec Theodor Zahn 750, qu’il existe un fragment publié par John Cramer 751 sur Mt. 1,17 qui est certainement inspiré par les questions eusébiennes et qui contient une discussion de ce problème en

744. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 42-44, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 316-317. 745. Ceci s’explique bien étant donné le contenu de la réponse (voir ESt XIII,1). 746. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 64-68, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 340-342. 747. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 88. 748. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 7-8. 749. Voir aussi SyrS VI,1 et Ambroise, Exp. in Lc., III,45-46, ainsi que le commentaire de zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 49-56 au texte de Matthieu. Concernant les deux solutions eusébiennes ici proposées, voir PouSSineS, Diallacticon Theogenealogicum, p. 491-511, et BenGel, Gnomon Novi Testamenti, p. 11-14. 750. zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 50, n. 16 (voir aussi Bauer, Das Leben Jesu, p. 24, n. 1 et par KloStermann, Das Matthäusevangelium, p. 5), 751. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 9.

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ESt XIII relation avec celui qui avait occupé la question précédente d’Eusèbe (sur ce texte, voir commentaire à ESt XII) 752. Porphyre Pour ce que nous en savons, la formulation de cette aporie remonte à Porphyre, et il est possible qu’Eusèbe ait vraiment en tête sa critique lors de la rédaction. C’est un texte de Jérôme, Comm. in Dan. I,1, qui témoigne de cette critique porphyrienne, le fr. 11 Harnack 753. À ce fragment de Jérôme il faut ajouter celui de Pacatus d’Aquilée sur le même sujet identifié aussi par Harnack 754. Il existe un autre témoignage qui pourrait concerner Porphyre, celui de al-Bīrūnī, Chronologie des nations anciennes, III 755 ; il faut cependant exclure ce texte de ce dossier porphyrien, du moins en l’état actuel de nos connaissances, comme le montre notamment Timothy Barnes 756. Parallèles textuels Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,14, semble rappeler la solution de ESt XIII,1, mais il pourrait aussi faire référence à ESt XII,2-3, comme le pense Giovanni Coppa 757 ; de provenance plus sûre est le passage de Exp. in Lc., III,45-46, qui lie cette question à la précédente (voir SyrS VI) et retient les deux explications eusébiennes ; Jérôme, Comm. in Mt., I,1,12.17 ne garde par contre que la deuxième explication d’Eusèbe, à laquelle il en ajoute une autre, fondée sur l’orthographe hébraïque des deux noms, selon laquelle ils ont été confondus par une faute de copie ; une forme moins développée de la même explication se trouve aussi dans son Comm. in Dan., I,1, passage qui atteste la critique porphyrienne dont il a déjà

752. Le fragment est un passage de Jean Chrysostome, mais il est erronément attribué au Chronicon de Julius Africanus. 753. Voir rinaldi, Biblia gentium, n° 318 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 317 ; cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 136. 754. harnacK, « Neue Fragmente des Werke des Porphyrius gegen die Christen », p. 276 ; voir cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 137. 755. alBêrûni, Chronologie orientalischer Völker, éd. Sachau, p. 22-23 ; corrections dans alBêrûni, The Chronology of Ancient Nations, éd. et trad. Sachau, Londres 1879, p. 374-375 ; trad., ibid., p. 25-27. 756. Sur la citation porphyrienne dans ce texte, voir Timothy D. BarneS, « Porphyry ‘Against the Christians’. Date and the Attribution of Fragments », JThS NS 24 (1973), p. 424-442, ici p. 426-427, et cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 137, n. 173. Ce texte a également été omis par Andrew Smith dans son édition des fragments porphyriens en langue arabe (Porphyrii philosophi fragmenta, éd. Andrew Smith, David WaSSerStein, Stuttgart-Leipzig 1993 [BiTeu]) ; ce qui est toutefois certain c’est que al-Bīrūnī connaît, au moins de nom, Porphyre, cité dans le Livre de l’Inde, III (texte correspondant à Porphyre, fr. 207bT. de l’éd. Smith, ibid., p. 232). 757. amBroGio, Opere esegetiche IX,1, éd. coPPa, p. 253, n. 1, ad loc. Concernant le nombre des générations, Ambroise propose toutefois aussi une solution numérologique en III,16 (voir ibid., p. 55-57, n. 2).

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Questions et réponses sur les évangiles été question ; Hilaire de Poitiers, In Mt., I,2, compte treize générations jusqu’à Marie (sic), à laquelle il faut ajouter Jésus pour obtenir le nombre de quatorze ; Jean Chrysostome, In Mt. Hom., IV,1 (PG 57,39) propose de compter pour une génération le temps de l’exil, et pour une autre celle de Jésus lui-même, ce qui donne 14 générations de l’exil à Jésus. Voir aussi Théodore d’Héraclée, Fr. in Mt., 2 (Mt. 1,17 ; TU 61, p. 56) ; Didyme d’Alexandrie, Comm. in Ps., 304,2-3 (Ps. 42,1) 758 ; Opus imperf. in Matth., hom. I (PG 56,627-628) ; Épiphane de Salamine, Pan., VIII,8,1-4 (éd. Holl, GCS 25, p. 194-195) ; Ambroise de Milan (?), Apol. pro David secunda, VI,32 (CSEL 32/2, p. 379-380) ; Augustin, Serm., LI,8,12-13 (PL 38,339-340) ; Bède le Vénérable, In Mt. exp., I (Mt. 1,1, PL 92,10) ; In Lc. exp., I (sur Lc. 3,23-24.28 ; PL 92,362.363.365) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., I (Mt. 1) 759 ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,8.12 (CSCO 69, p. 58.6465, trad. CSCO 432, p. 42.46) ; Denys bar Salibi, Comm in ev Mt. 1,17 (CSCO 15, p. 52-55.57, trad. CSCO 16, p. 40-42.43) ; Anselme de Canterbury, Hom., VIII (PL 158,633C-D) ; Raban Maur, Comm. in Mt., I (Mt 1,12.17, PL 107,734D-735B.744D745D) ; Anselme de Laon, En. in Mt., I (Mt. 1,11 ; PL 162,1245.1248) ; Paul Diacre, Hom. de sanct., 53 (PL 95,1521) ; Bonaventure, Comm. in Lc., III,60 760 ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 31, art. 3,3 761 ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 1,11.17) 762. Voir aussi Fr. in Mt., 1,17 (PG 106, 1080A). Autres parallèles possibles – Une critique différente d’un adversaire ? Une autre série de textes semble poser la même question d’une façon un peu différente. L’aporie qu’ils remarquent concerne le nombre total des générations chez Matthieu, qui n’est pas de 42 (trois fois quatorze selon Mt. 1,17), mais inférieur. Parmi ces textes, il y a celui de l’Ambrosiaster, Quaest. de Novo Test., 7 (CSEL 50, p. 432-433), qui propose la même solution que ESt XIII,2-3. Selon l’hypothèse de Gianfranco Rinaldi 763, ce problème aurait été posé par un adversaire anonyme du christianisme, ce qui me semble sûr, à cause notamment du texte porphyrien. En plus de cette attestation, il faut considérer deux textes d’Augustin qui posent le problème de la même manière, Contra Faust., III,4, qui n’offre pas de réponse (CSEL 25/1, p. 266), et De cons. ev., II,4,8-10 (CSEL 43, p. 63.88-92), qui propose à la fois une solution fondée sur la numérologie et une autre solution analogue à celle de ESt XIII,2-3 (le contexte de II,4,11-13 indique une probable dérivation eusébienne, même indirecte). Voir aussi le texte de Bède le Vénérable, In Luc. exp., I (PL 92,962) ; Sedulius Scottus, Exp. in arg. sec. Mt. (PL 103,275-276). S’il est vrai que l’on se trouve ici simplement face à une formulation différente du problème

didyme l’aveuGle, éd. GroneWald, Psalmenkommentar, (PTA 12) p. 78. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 14-16 ; trad., I, p. 9-10. Bonaventurae opera omnia, VII, p. 86-87. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 323.325. Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, éd. SPanuth, p. 3, 5 ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 286-288. 763. rinaldi, Biblia gentium, n° 322 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 322 (voir à ce sujet comm. à ESt III).

758. 759. 760. 761. 762.

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ESt XIII qu’Eusèbe traite ici, il faut peut-être supposer que l’auteur de cette critique était aussi à l’origine Porphyre. Le lien entre le fragment 11 Harnack de Porphyre et l’ensemble de ces témoignages semble en effet plausible et, même s’il a échappé à Gianfranco Rinaldi 764, il renforcerait son interprétation globale de l’Ambrosiaster (pour Rinaldi, l’ensemble de ses questions proviendrait des critiques païennes). XIII,1 4. διὰ τὴν αὐτὴν αἰτίαν. Le renvoi à la solution de la question précédente indique que les deux questions ont été composées l’une immédiatement après l’autre (comme on l’a aussi remarqué entre les questions ESt II-III, V-VI et X-XI, il arrive souvent qu’un détail d’une question soit repris dans celle qui suit immédiatement). 4-5. οὐ γὰρ διαδοχὰς, γενεὰς δὲ, ὡς ἔφην, ἀναγράφειν ἐβούλετο. La distinction n’est pas obligatoire. Par exemple, Hippolyte ne la fait pas dans son Chron., 687 (éd. Bauer – Helm, GCS 46, 686, p. 114-115). 6. τὰς. David Miller corrige τὰς en ὀλίγας 765. 13-14. ἐπ’ ἀνδρῶν διαδοχαῖς δώδεκα, αἱ δεκατέσσαρες ἂν ἐπληροῦντο γενεαὶ. Comme Angelo Mai l’avait remarqué à propos de la question précédente, Eusèbe explique ici l’écart avec la liste de douze personnes, de Jéchonias à Joseph, en considérant qu’une γενεά a une durée précise (voir commentaire à ESt XII,3,47-48). 17. ἥδε. Mai corrige le texte du manuscrit ἡδὲ (de la conjonction ἡδέ 766 au pronom ὅσδε) : la présence de la conjonction δέ après καθ’ ἑτέραν (l. 18), incite à suivre la correction proposée par Mai. XIII,2 22-23. τὸν Ἰεχονίαν τὸν ἐν τῇ Βαβυλῶνι γεγενημένον. Pour l’identité des deux Jéchonias, à savoir Joakim fils de Josias et Joakim fils de Joakim, voir le commentaire à X,1,2-8 767. Dans la question présente, Eusèbe semble bien clarifier sa compréhension du texte biblique : pour lui, il y a deux rois appelés Joakim ou Jéchonias, le fils et le neveu de Josias, respectivement l’avant-dernier et le dernier roi de Juda. Le fils de Josias règne à Jérusalem pendant toute sa vie, alors que son fils est déporté à Babylone. Il faut cependant noter que Joakim fils de Josias n’est pas appelé Jéchonias dans les textes bibliques, à moins de suivre la tradition de 2 Ch. 36,5-7 (en la lisant évidemment en parallèle à des textes comme Jr. 43,28-44,1 LXX), où c’est Joakim fils de Josias qui est déporté à Babylone, et où c’est donc lui (ce qui correspondrait à la perspective de la généalogie de

764. Voir rinaldi, Biblia gentium, n° 318 et 322 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 317 et 322. 765. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 75, n. 55. 766. Voir liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 764. 767. Voir aussi zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 51-56.

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Questions et réponses sur les évangiles Matthieu). Mais telle n’est certainement pas la perspective d’Eusèbe et, même si elle l’était, elle n’expliquerait toujours pas le dédoublement du personnage de Jéchonias (οὗτοι δὲ καὶ Ἰεχονίαι ἐχρημάτισαν, l. 27). Dès lors, en considérant ce qu’Eusèbe affirme ici et par la suite (ESt XIII,2-3), on pourrait conclure qu’il savait qu’il n’était pas correct d’affirmer que les deux rois avaient été appelés Jéchonias sans autre explication, à l’intérieur du contexte dans lequel il place sa discussion ; on pourrait donc comprendre cette dernière remarque (οὗτοι δὲ καὶ Ἰεχονίαι ἐχρημάτισαν, l. 27) comme une glose explicitant ce que le reste du texte d’Eusèbe suggère seulement. 28. ἐξελληνισθέντος αὐτοῖς τοῦ ὀνόματος. Même si parfois la Septante substitue le nom de Jéchonias à celui de Joakim (voir au moins 2 Ch. 36,8 768), le nom de Jéchonias est attesté aussi dans le texte hébreu (voir Jr. 24,1, etc.) 769. XIII,3 37. τρόπον. David Miller propose de corriger en τόπον 770. 37-40. καὶ ἐβασίλευσε Φαραὼ Νεχαὼ ἐπὶ τὸν Ἰσραὴλ, κτλ. La variante ἐπὶ τὸν Ἰσραὴλ n’est attestée que par le seul Eusèbe 771, qui l’a peut-être introduite parce que le contexte de la citation manque. 41. υἱὸς εἰκοσιπέντε ἐτῶν Ἰωακεὶμ. Sur cette construction de υἱός voir les remarques de Georg Fohrer 772. 43-57. καὶ τὰ λοιπὰ τῶν λόγων Ἰωακεὶμ, κτλ. Cette longue citation d’Eusèbe contient quelques variantes, dont les plus importantes sont signalées par la suite 773. 44. ἰδοὺ γεγραμμένα. Eusèbe, avec la version arménienne, omet ταῦτα entre ces deux mots. 44-45. ἐπὶ βιβλίῳ λόγων τῶν ἡμερῶν τοῖς βασιλεῦσιν Ἰούδα. Le terme λόγος pourrait ici avoir le sens sémitique d’‘histoire’ 774. 49. Ἐσθά. La graphie de ce nom est plutôt Νεσθά, mais beaucoup de variantes existent, même si aucun manuscrit n’appuie celle d’Eusèbe. 53. ὁ βασιλεὺς. L’article à la place du nom propre Ναβουχοδονόσορ est attesté seulement par le manuscrit Alexandrinus, alors que l’arménien omet les deux. 54. ἐν τῇ πόλει. Variante attestée par le seul Eusèbe.

768. Les autres passages, indiqués par Hatch et Redpath représentent seulement des variantes minoritaires ; Edwin hatch, Henry A. redPath, A Concordance to the Septuagint and the other Greek versions of the Old Testament (including the Apocryphal books), Suppl. 1, Oxford 1906, p. 83, 769. Voir hatch-redPath, ibid. et mandelKern, Veteris Testamenti Concordantiae, p. 1433. 770. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 77, n. 56. 771. Voir The Old Testament in Greek, éd. BrooKe, mclean, thacKeray, II/2, p. 383. 772. Georg fohrer, « υἱός, υἱοθεσία. B. Altes Testament », dans Theologisches Worterbuch zum Neuen Testament (ci-après ThWNT) VIII/6, Stuttgart 1967, p. 340-354, ici p. 347. 773. Voir The Old Testament in Greek, éd. BrooKe, mclean, thacKeray, II/2, p. 384-285. 774. Voir Otto ProcKSch, « λέγω, λόγος, ῥῆμα, λαλέω. C. “Wort Gottes” im AT », dans ThWNT, IV/2, Stuttgart 1938, p. 89-100, ici p. 91.

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ESt XIII 56. ἡ μήτηρ. Eusèbe est encore le seul à ne pas proposer le texte ἡ μήτηρ αὐτοῦ. 775 58. ἀποικεσίαν. Terme parfois utilisé pour indiquer l’exil des Juifs, dans la Septante 776.

775. The Old Testament in Greek, éd. BrooKe, mclean, thacKeray, II/2, p. 485, enregistrent aussi l’omission de καὶ οἱ ἄρχοντες αὐτοῦ, qu’ils lisaient dans la deuxième édition de Mai ou dans Migne. 776. liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 200 s.v.

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EST XIV

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le fait que Jésus a pris le nom de fils de charpentier et non celui de quelque homme illustre. XIV,1. Il n’est pas venu pour montrer son règne divin, et donc il n’est pas venu avec ostentation. Pour purifier la vie des hommes, il s’est livré comme victime d’expiation pour nos péchés, et, certainement afin d’être conduit vers ce but sans encombre, il a caché la majeure partie de ses miracles. Il n’aurait certainement pas souffert pour nous ce qui est écrit s’il s’était approché comme un roi, en faisant des miracles divins et en se montrant supérieur à toute nature ; au contraire, « il s’est vidé lui-même », et n’a pas refusé de prendre le nom de fils de Joseph, lui qui « étant riche, à cause de nous devint pauvre, pour que dans sa pauvreté nous devenions riches ». Commentaire La question Cette question pose un certain nombre de problèmes. Le premier est le fait qu’il n’y a pas de véritable aporie dans la formulation de la question, car l’humble origine de Jésus n’est pas forcément une difficulté en soi. D’autres raisons auraient pu être invoquées pour justifier le caractère inapproprié d’une naissance humble, par exemple le manque de moyens pour obtenir une bonne éducation, ce qui aurait pu être une critique d’origine extérieure au christianisme (voir à ce propos les sarcasmes de Celse sur l’humble extraction de Jésus, en Origène, Contra Cels., I,28). Cependant, le seul point qui semble faire difficulté dans la formulation de l’ἐκλογή est la pauvre origine de Jésus, ce qui donne à penser qu’il s’agit d’une question inspirée par le thème paulinien de la « kénose » du Christ, précisément à cause de la citation qui achève la question. Si cette hypothèse est vraisemblable, le début de la réponse, avec sa référence à la royauté divine de Jésus, peut nous indiquer pourquoi Eusèbe a inséré cette question en ce point de son œuvre. En effet, il a pu se souvenir du texte paulinien en ce moment précis parce qu’il venait de traiter longuement de la naissance de Jésus à partir de la lignée royale de David (voir aussi l’expression ἐφ’ ᾧ, utilisée à la l. 5-6). Bien entendu, il est toujours possible que l’auteur de l’ἐκλογή ait abrégé cette question, nous privant de ses autres thèmes. La question est vraiment très courte (c’est la plus courte de l’ἐκλογή). Difficile toutefois de dire si cette réduction 194

ESt XIV est importante : que cette question ne soit pas attestée par d’autres traditions textuelles fait penser qu’elle ne devait pas contenir dans sa forme primitive beaucoup plus d’informations, ce qui expliquerait le peu d’intérêt pour elle. La réponse utilise les mêmes arguments qu’ESt I, en renvoyant à la doctrine du mystère qui enveloppe certains faits concernant Jésus. XIV,1 4. φανητιῶν. La reconstitution φανητικῶς de Mai2 donne lieu à un hapax ; par contre, le verbe φανητιάω est attesté 777. 5-6. ἐφ’ ᾧ. Expression utilisée aussi en Rm. 5,12 778. 9-10. τὰ πλεῖστα τῶν αὐτοῦ θαυμάτων ἀπέκρυπτέ τε καὶ ἐπεσκίαζε. Cette assertion n’est en réalité pas vérifiable dans le texte évangélique ; au contraire, la plus grande partie des miracles sont accomplis sans cette recommandation (voir le commentaire à ESt I,2,30-31). 21-22. ἑαυτὸν ἐκένωσε μορφὴν δούλου λαβών. Texte cité par Eusèbe aussi en Contra Marc., I,4,36 et, avec un texte un peu différent, en Eccl. theol., I,11,4 ; I,20,59.61-62 (éd. Klostermann, GCS 14bis, p. 25.70.90-91) 779. 24-26. ὅτι πλούσιος ὢν, δι’ ἡμᾶς ἐπτώχευσεν, κτλ. Citation contenant beaucoup de variantes non retenues d’ordinaire par les éditeurs, mais largement attestées dans une partie de la tradition directe et indirecte 780 ; l’inversion entre πλούσιος ὢν et δι’ ἡμᾶς ἐπτώχευσεν semble cependant propre à Eusèbe.

777. lamPe, A Patristic Greek Lexicon, p. 1470 ; SoPhocleS, Greek Lexicon of the Roman and Byzantine Periods, p. 1134. 778. Au sujet de cette expression, voir par exemple William Sanday, Arthur C. headlam, A critical and Exegetical Commentary on the Epistle to the Romans (ICC), Édimbourg 1902, p. 133. 779. Pour l’ensemble des attestations voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 247. 780. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, II, p. 601-602 ; Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 483 ; The Greek New Testament, éd. B. aland, K. aland, J. KaravidoPouloS, c. m. martini, B. M. metzGer, avec l’Institute for New Testament Research (Münster), Stuttgart-Londres 1993, p. 625.

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EST XV

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le fait que Jésus est assis sur le trône de David. XV,1. Le trône de David peut se comprendre de différentes manières ; il peut s’agir du trône sur lequel il s’asseyait et régnait ; il pourrait signifier la puissance et l’autorité sur les peuples ; on pourrait entendre par cela le trône qui est annoncé à David par Dieu, non pas celui sur lequel il est déjà assis, mais celui qui lui est annoncé par les prophéties, un trône éternel. XV,2. Puisque Dieu a annoncé à David qu’il lui donnerait un trône persistant comme les jours du ciel, le peuple hébreu a une grande attente à ce propos. Or, David avait régné pour peu de temps et Salomon l’avait suivi, tout comme leurs successeurs, jusqu’à Jéchonias et à la captivité de Babylone ; il semblait alors que le trône du règne de David n’existait désormais plus et, du reste, la promesse même avait déjà indiqué la fin du règne de David. XV,3. L’Esprit met ensemble toutes ces choses en voulant nous enseigner que les promesses du trône de David ne concernaient pas un royaume sensible, ni un trône compris au sens littéral, mais un trône éternel, ressemblant au soleil, à la lune et au ciel. XV,4. Comme tout le peuple désirait que ce trône éternel fût institué, Dieu a envoyé l’archange Gabriel annoncer à la vierge qu’elle engendrerait un enfant, et qu’elle l’appellerait Jésus, que Dieu lui donnerait le trône de David son père et qu’il régnerait pour toujours sur la maison de Jacob. Ces choses sont en accord avec les oracles qui ont prédit à David un trône éternel et céleste, et l’ange annonce que l’enfant prendra ce trône promis à David, mais qui ne lui avait pas été donné. Voilà l’essor de la plus grande prophétie annoncée à David, attendue par le peuple, réalisée en Jésus, celui qui « régnera pour l’éternité » ; c’est pourquoi Jésus dit « mon règne n’est pas de ce monde », parce que ce trône n’a rien de mortel, mais il est établi pour l’éternité. XV,5. S’il a dit qu’il règne sur Jacob il ne faut pas en conclure que le peuple des Juifs est signifié par Jacob. En effet, l’évangéliste Luc, qui écrivait après l’ascension aux cieux du Sauveur, savait bien que Jésus n’avait pas régné sur le peuple des Juifs ; il raconte au contraire leur complot pour le faire mourir, et dans les Actes des apôtres il décrit aussi leurs persécutions contre ses disciples. Il n’a donc pas pu penser que la phrase de Gabriel signifiait que le Christ régnerait sur eux, mais il l’a reçue pour vraie en ce sens que, par l’appel des peuples à l’adoption fait par notre sauveur, la « maison de Jacob » se comprenait différemment, comme le dit Paul.

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ESt XV Autres traditions textuelles XV. Un fragment parallèle à cette question a été publié dans la première édition d’Angelo Mai, sur la base d’un manuscrit du Vatican 781. Par rapport au texte de l’ἐκλογή il est réduit, notamment dans la première partie. Ce fragment n’a pas été repris dans la deuxième édition de Mai. XV. On trouve une tradition parallèle à cette question en SyrG VIII 782. Il s’agit d’un texte très résumé, qui concorde toutefois très bien avec le contenu de l’ἐκλογή. Commentaire La question La question de la lignée royale descendante de David avait aussi été posée par Irénée de Lyon, Adv. haer., III,21,8-9 (éd. Rousseau – Doutreleau, SC 211, p. 422-426). En se fondant sur le texte de Jérémie, qui est vraisemblablement évoqué aussi par Eusèbe en ESt XV,2, Irénée soutenait que Jésus ne pouvait être fils de Joseph, car la semence de David avait été maudite en Jéchonias. Si Eusèbe avait à l’esprit ce texte d’Irénée, il a probablement voulu renverser ses conclusions par d’autres arguments ; reprenant alors le problème de la royauté, qui se trouve toutefois bien plus élaboré que chez Irénée, à travers l’image du trône de David 783, mais il a dû développer une argumentation complètement nouvelle en vue d’une autre solution. Cette argumentation se reflète dans d’autres passages parallèles d’Eusèbe, signalés ci-dessous, ce qui semble indiquer qu’il tenait à cette explication, peut-être parce qu’il en était l’auteur. L’image du trône pourrait avoir été inspirée par les scholies à l’Apocalypse autrefois attribuées à Origène et qui fournissent un parallèle, très succinct cependant, de l’interprétation allégorique de cette image : voir Origène (?), Schol. in Apc., 24, éd. Diobouniotis – Harnack, TU 38/3, p. 31 784. Un autre passage d’Irénée concernant les prophéties messianiques, Dem., 57-59 (SC 406, p. 165-171), pourrait aussi être venu à l’esprit d’Eusèbe lorsqu’il rédigea cette question, tout comme un texte de Justin, Apol., I,32,1-3.12-14 (éd. Wartelle 1987, p. 138-140.140-142).

781. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 88-89, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 164-166. 782. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 86-88. 783. Image qui jouissait d’une certaine fortune ; voir zervoS, « An Early Non-Canonical Announciation Story », p. 677-679, 685-586. 784. Concernant les difficultés d’attribution de ces fragments, voir éric Junod, « À propos des soidisant scholies sur l’Apocalypse d’Origène », RSLR 20 (1984), p. 112-121, ici p. 118-121, et Sandro leanza, « Origene », dans Enrico norelli (éd.), La Bibbia nell’antichità cristiana, I. Da Gesù a Origene, Bologne 1993 (La Bibbia nella storia 15/1), p. 377-407, ici p. 404.

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Questions et réponses sur les évangiles Porphyre ? Cette question a un parallèle dans des fragments de Julien : Adv. Gal., fr. 62, l. 18-32 785 ; fr. 64, l. 9-12 786. Selon Gianfranco Rinaldi 787, ce texte de Julien pourrait reprendre une critique de Porphyre, mais aucun indice ne peut actuellement le démontrer. Autres parallèles Comme le remarque Mai 788, cette question trouve un parallèle en Dem. ev., VII,3,1-17 (éd. Heikel, GCS 23, p. 337-340), précisément en VII,3,12 et 3,17 (le passage se conclut avec la référence explicite aux questions en VII,3,18 ; voir ESt I). Le texte de la Démonstration évangélique semble plus développé que celui de l’ἐκλογή, avec notamment l’usage d’un dossier de citations élargi. Un autre parallèle eusébien, relevé par Heikel (ibid., p. 337.338, apparat), est Ecl. proph., I,20.23 (PG 22,1077D-1081D.1084D-1085A 789). D’autres parallèles eusébiens sont fournis par Comm. in Ps., 89(88),39-46 (PG 23,1112) 790, et par le fragment du Comm. in Lc., 1,32 (PG 24,532B-D), texte dont l’attribution à Eusèbe est contestée. Ce dernier passage utilise une exégèse très proche de celle de l’ἐκλογή à propos de la prophétie du Ps. 89(88) : une telle proximité pourrait être un indice en faveur de l’attribution, et, même s’il ne s’agit pas d’un texte eusébien, elle prouve assurément une parenté entre les deux textes. Parmi les textes parallèles postérieurs à Eusèbe, on trouve Ambroise de Milan, Exp. in Lc., III,43 ; Didyme d’Alexandrie, In Zachar., II,65-69 (PG 84,460) ; Comm. in Ps., 882 (Ps. 88,7) 791 ; Éphrem de Nisibe, Hymn. de nativitate Christi in carne, IV,2 [XXIV,2] (CSCO 186, p. 121, trad. CSCO 187, p. 110 792) ; Épiphane de Salamine, Pan., XXIX,1,4-3,1 (GCS 25, p. 322-323) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Lc., I 793, texte qui commente aussi l’expression de Lc. 1,33 selon laquelle Jésus régnera sur Jacob d’une manière analogue à Eusèbe 794 ; Bar Ebraeus, Comm. in Mt., I (sur Mt. 1,12) 795 ; Denys bar Salibi, Comm in ev Mt.,

785. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 157-158, texte tiré de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,885B-888B) ; rinaldi, Biblia gentium, n° 316 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 318. 786. Giuliano imPeratore, Contra Galileos, éd. maSaracchia, p. 159, texte tiré de cyrille d’alexandrie, Contra Iul., VIII (PG 76,900D-901C). 787. rinaldi, « Tracce di controversie », p. 106 (voir notamment n. 23). 788. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 375 et id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 249, n. 1. 789. Trad. Philippe JauBert, « Les Extraits prophétiques au sujet du Christ d’Eusèbe de Césarée », p. 135-138, 141. 790. Le Ps. 89(88) est lui-même souvent cité dans cette question. 791. mühlenBerG, Psalmenkommentare aus der Katenenüberrlieferung, p. 166-167. 792. Sancti Ephraem Syri Hymni et sermones, éd. Thomas J. lamy, II, Malines 1886, p. 471. 793. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, III, p. 8-10 ; trad., I, p. 151. 794. Ibid., III, p. 10 ; trad., I, p. 151. 795. SPanuth, Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, p. 3-4 ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 287.

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ESt XV 1,15-16 (txt. CSCO 15, p. 51, trad. CSCO 16, p. 38-39) ; Comm in ev. Lc., 1,32 (txt. CSCO 113, p. 244, trad. CSCO 114, p. 197). À noter enfin le rapprochement possible avec Origène, Comm in Io., X,5,21-22 (SC 157, p. 396), traitant du fait que Jésus est et à la fois n’est pas descendant de David, à l’intérieur d’une discussion plus ample concernant le problème des divergences évangéliques (Comm in Io., X,3,10-8,31). XV,1 Sauf quelques variantes, dont on rend compte dans la suite, les citations rapportées dans ce paragraphe et dans l’ensemble de la question attestent les leçons courantes des manuscrits 796. 9. τρόπους. Je ne retiens pas la correction τρόπος de Migne, qui normalise le texte. 11. θεοπρεπῶν. David Miller propose de corriger en θεοπρόπων 797. 13-15. ὡς ὤμοσα Δαβὶδ τῷ δούλῳ μου, κτλ. Sur cette citation voir le commentaire à ESt V,1,15-16. Le texte d’Eusèbe attesté ici est la variante avec ὡς en début du verset, qui n’est pas attestée ailleurs d’après l’édition de Rahlfs 798. 18. εἰ τῷ Δαβὶδ ψεύσομαι. Le εἰ est d’influence sémitique (voir supra, commentaire à ESt V,2,42). Dans ce cas il s’agit d’une tournure typique du serment 799. 19. μένει. Rahlfs accentue le texte au futur, μενεῖ, sans indiquer de variantes 800, mais l’accent du manuscrit est clair. David Miller propose de corriger en suivant le texte de Rahlfs 801. XV,2 25. τις. L’indéfini ajoute ici une emphase rhétorique 802.

796. Voir rahlfS, Psalmi cum Odis, p. 233, 235-237 ; Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 417, 934 et II, p. 373-374 ; New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [III] Luke, p. 250. 797. miller, Suggested Departures, p. 3, Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 83, n. 57. 798. rahlfS, Psalmi cum Odis, p. 233. 799. Voir notamment Marguerite harl, « Traduire la Septante en français : pourquoi et comment ? », dans Lalies. Actes des sessions de linguistique et littérature, III (Aussois, 1er-6 septembre 1981), Paris 1984, p. 83-93, ici p. 89-90 ; et aussi SoPhocleS, Greek Lexicon of the Roman and Byzantine Periods, p. 421 ; La Bible d’Alexandrie, [I] La Genèse, éd. harl, p. 76. La remarque est aussi reprise dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 83, n. 59 (voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 152.). 800. rahlfS, Psalmi cum Odis, p. 326. 801. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 83, n. 60. 802. Voir Bauer, aland, Griechisch-deutsches Wörterbuch, p. 1635.

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Questions et réponses sur les évangiles 30. λελύσθαι τὸν θρόνον. Selon la traduction de Mai 803 il ne s’agit pas d’une infinitive dépendant de ἐδόκει, mais de καταστρεψάντων ; en effet, la ponctuation originale du manuscrit de l’ἐκλογή, suivie par Mai, propose une virgule après Δαβὶδ et pas après ἐδόκει. 38. κύριε. Ajout propre au texte d’Eusèbe 804. XV,3 44-45. σωματικώτερον. L’usage de l’adjectif σωματικός 805 est typiquement origénien dans ce sens : voir par exemple les occurrences (du seul adjectif) dans De princ., IV,2,5 ; IV,2,8 ; IV,2,9, IV,3,1 ; IV,3,5 IV,3,6 ; IV,3,7 (éd. CrouzelSimonetti, SC 268, p. 316.334.340.344.362.366.368) 806 ; la traduction que je propose provient de ce sens technique imposé par Origène. 49. λέλυτο. Plus que parfait sans augment. XV,4 64-67. καὶ καλέσεις τὸ ὄνομα αὐτοῦ Ἰησοῦν, κτλ. Pas de variante propre à Eusèbe 807 ; pour la partie finale de la citation (καὶ δώσει αὐτῷ κύριος ὁ Θεὸς τὸν θρόνον Δαβὶδ τοῦ πατρὸς αὐτοῦ), voir le texte qu’Eusèbe lui-même en donne en ESt I,12,265-266 (voir commentaire ad loc.). 71-72. ὁ μὲν […] ὁ δὲ. Référence est faite ici à Dieu (voir ESt XV,2,24) et à Gabriel. 72. προὔλεγεν. David Miller propose de corriger en προὔλεγον 808. 74-75. οὐ μὴν καὶ δεδομένον. Angelo Mai 809 remarque en ce point un parallèle avec le Comm. in Lc. d’attribution eusébienne (sur Lc. 1,32) 810. La formulation ne correspond pas mot à mot, mais le contenu est en partie proche. 77. κεχρησμένης. La correction de Mai donne une leçon facilior, mais elle est à retenir à cause de la faute d’itacisme. 88. ψυχὰς νοερὰς. Expression peut-être d’ascendance origénienne (voir Comm. in Mt., XI,17, éd. Girod, SC 162, p. 364).

803. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 53 sqq. 804. Voir rahlfS, Psalmi cum Odis, p. 236. 805. Le mot s’oppose à ψυχικός, comme le rappelle SoPhocleS, Greek Lexicon of the Roman and Byzantine Periods, p. 1065. 806. Comparés aux deux derniers passages, les autres montrent particulièrement bien l’usage métaphorique origénien. 807. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 417 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [II] Mark, p. 20. 808. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 85, n. 61. 809. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 251, n. 1 (voir PG 24,532). 810. Ibid., p. 161-162.

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ESt XV XV,5 100. ἐπαναστάσεις. Voir par exemple Ps. 2,7 (sens et contexte proche, mais le verbe n’est pas le même ; plusieurs occurrences se trouvent toutefois dans ce sens dans la LXX 811). 104. εἰσποιουμένους. En lisant εἰσποιούμενος, avec le manuscrit de l’ἐκλογή, on pourrait traduire : « puisqu’il les a fait entrer ».

811. Voir hatch, redPath, A Concordance to the Septuagint, p. 506-507.

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EST XVI

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le problème posé par le fait que, d’après Matthieu, Jésus est emmené par ses parents en Egypte, et d’après Luc à Jérusalem, et de là à Nazareth. XVI,1. En décrivant la naissance du Sauveur, Luc dit que ses parents ne trouvèrent pas de logement à Bethléem car toute la multitude des descendants de David s’y trouvait ensemble à cause du recensement ; Marie déposa l’enfant dans une crèche ; ensuite, après huit jours, ils conduisirent l’enfant à Jérusalem selon le rituel, et de là ils partirent vers Nazareth. XVI,2. Matthieu traite de l’arrivée des Mages de l’orient. Étant partis au moment de la naissance du Seigneur et guidés par l’étoile, ils n’avaient certainement pas parcouru un si grand chemin en peu de temps, car il n’est pas vraisemblable que ce parcours depuis l’orient ait été fait en huit jours, ou qu’ils soient arrivés au moment même de la naissance. En effet, lorsqu’ils s’informent, ils se réfèrent à quelqu’un qui a été enfanté auparavant. XVI,3. Combien de temps s’était écoulé entre l’apparition de l’étoile aux Mages et leur arrivée, l’évangéliste même l’a indiqué, en disant « Hérode, ayant appelé les Mages en secret, s’enquit scrupuleusement auprès d’eux du temps de l’étoile qui était apparue », et c’est parce qu’il avait pu s’enquérir auprès d’eux que, après leur fuite, il fit tuer tous les enfants de la région de Bethléem jusqu’à deux ans. XVI,4. Les données des deux évangélistes ne sont donc pas en désaccord, si Luc après la naissance conduit l’enfant à Jérusalem, et ensuite à Nazareth, et si Matthieu dit qu’ils étaient encore à Bethléem après un temps de deux ans, et que de là ils sont partis vers l’Egypte, à cause du complot du roi ; et il était vraisemblable qu’ils visitent plusieurs fois ce lieu de grâce, Bethléem. Donc le temps de la naissance ne coïncide pas avec celui de la visite des Mages. XVI,5. On peut le calculer aussi autrement : Luc dit que Marie déposa l’enfant dans la crèche parce qu’ils ne trouvaient pas de place dans l’auberge, ce qui est probablement dû au recensement et à la multitude qui s’était rassemblée, alors que Matthieu raconte que les Mages ont adoré l’enfant dans une maison. Luc en fait décrit le moment de la naissance, alors que Matthieu décrit des choses qui ont eu lieu deux ans après, et il y avait à ce moment un lieu où loger.

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ESt XVI Autres traditions textuelles I XVI,1-5. Cette partie du texte trouve peut-être un parallèle en SyrS VII, publié dans la deuxième édition de Mai par le maronite Matthieu Sciahuanus 812. Ce texte propose une formulation de la question beaucoup plus ample, limitée toutefois aux problèmes que pose le texte de Luc. Selon Luc, le Christ est né à Bethléem dans une grotte et il a été mis dans une crèche, alors que selon le texte de Matthieu les Mages qui viennent l’adorer l’ont trouvé dans une maison. La formulation de cette question n’évoque donc pas de la même manière le problème exposé par ESt XVI. La réponse se présente comme plus élaborée que celle de la partie parallèle de l’ἐκλογή. Elle s’ouvre en affirmant qu’il est nécessaire de supposer que les faits racontés par Matthieu diffèrent de ceux de Luc, qui traite de la naissance du Messie, laissée de côté par Matthieu. Luc traite ainsi de la conception du Sauveur, des choses dites à Marie par l’ange, du fait que Joseph monte avec Marie enceinte de Nazareth, ville de Galilée, jusqu’à la ville de David, Bethléem de Judée ; lorsqu’ils s’y trouvèrent s’accomplirent les jours et Marie enfante un fils qu’elle dépose dans une crèche, car ils n’ont pas de place dans l’auberge, puisque tous les descendants de David se sont rassemblés à Bethléem pour se faire recenser ; c’est pourquoi ils se sont installés dans une grotte, où l’enfant est né. C’est en ce lieu que sont venus les bergers et qu’ils l’ont vu enveloppé d’un linge dans la crèche. Huit jours après, Joseph et Marie emmènent l’enfant à Jérusalem pour le faire circoncire, et ils rentrent ensuite à Nazareth. Matthieu raconte une autre histoire : il décrit la naissance et il passe ensuite à la visite des Mages, qui n’a pas lieu au moment du recensement, et il ne parle pas des bergers ; il faut conclure que cette visite a eu lieu à un autre moment que celui du recensement de la tribu de David et de l’arrivée des bergers. Il n’y a donc pas de contradiction si Luc dit que l’enfant est né à Bethléem et qu’après huit jours il est emmené à Jérusalem et de là à Nazareth et si, deux ans après (trois, traduit par erreur Beyer), Matthieu dit qu’ils se trouvaient encore à Bethléem, au moment de l’arrivée des Mages, et que de là ils fuirent en Egypte à cause d’Hérode, car il est vraisemblable qu’ils aient visité plusieurs fois ce lieu de grâce ; ils rentrent donc à Bethléem deux ans plus tard (trois, traduit encore une fois Beyer), et, le recensement étant terminé, ils trouvent de la place auprès de leurs parents, car ce lieu était vide à cette époque, lorsque les Mages viennent l’adorer et lui offrir leurs dons. Autres traditions textuelles II : les fragments caténaux grecs XVI,3-4. Un texte parallèle grec, attribué à la fois à Eusèbe et à Origène, a été publié par John Cramer (Mt. 1,7) 813. Le même fragment (mais référé à Mt. 1,1-21)

812. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 279-281 ; je suis la numérotation de la traduction de Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 46-48, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 320-322. 813. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 15-17, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 168-174 (comme il arrive dans la totalité des frag-

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Questions et réponses sur les évangiles a été republié dans l’édition de Klostermann du Commentaire à Matthieu d’Origène en tant que fr. 23 (GCS 41/1, p. 25). Il s’agit d’un fragment assez différent du texte proposé par l’ἐκλογή, qui discute essentiellement le moment de la visite des Mages ; cet événement prend place deux ans après la naissance de Jésus, comme le montrent l’enquête minutieuse d’Hérode auprès des Mages et son comportement à leur fuite. Ils ne sont donc pas arrivés tout de suite après la naissance pour le trouver dans une grotte, comme l’ont fait les pasteurs, mais deux ans après qu’il avait été béni par Siméon, car la famille de Jésus était retournée à Bethléem et habitait dans une maison. Les Mages arrivèrent dans cette maison et lui offrirent là des dons ; de là Jésus alla en Egypte à l’âge de deux ans, et y resta encore deux ans, dans le lieu appelé Panos, jusqu’à la première année d’Archélaüs et, après la mort d’Hérode, il rentra de l’Egypte en Israël. XVI,3. Que l’étoile soit apparue deux ans auparavant, le dit aussi une autre exégèse, très courte, proposée aussi par Cramer pour Mt. 1,7 814 et ayant comme attribution la simple mention ἄλλο (scil. σχόλιον), ce qui renvoie peut-être aux auteurs du texte précédent, Eusèbe et Origène. XVI,5. Un troisième texte est édité ensuite chez Cramer, concernant Mt. 1,9 815, avec une attribution : τοῦ αὐτοῦ, qui devrait logiquement renvoyer à Eusèbe et Origène, les deux derniers auteurs nommés 816. Il s’agit de l’intervention de l’ange et de la fuite en Égypte, qui a lieu après l’arrivée des Mages deux ans après la naissance, car au moment de la naissance il n’y avait pas de place pour loger dans Bethléem. Le texte se poursuit avec une exégèse des dons des Mages et de leur fuite. Dans la chaîne de Cramer, ces trois fragments sont suivis d’un autre texte qui commente l’apparition de l’ange (Mt. 1,13) 817 ; ce passage n’a pas de parallèle connu dans les questions, mais il pourrait être considéré comme la suite du dernier des trois fragments (sur Mt. 1,9), vu qu’il n’a pas d’attribution. Il en va de même pour les deux fragments suivants, à propos de Mt. 2,16-17 818 (auxquels font suite deux textes origéniens sur Mt. 1,18). Cramer nous donnerait donc un groupe compact de fragments attribués à la fois à Eusèbe et à Origène 819, mais qui proposent un texte assez diffèrent de celui de ESt dans la forme et en partie aussi dans le contenu. Bien que Robert Grant considère que le contenu de ces scholies ne provient pas d’Origène (peut-être à partir de la note de l’édition Klostermann,

814. 815. 816.

817. 818. 819.

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ments parallèles à l’ἐκλογή que Roger Pearse signale comme « nouveaux », ils étaient déjà tous dans mon étude de 2003, voir dans ce cas zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 154). cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 15. Ibid., p. 15-17. Ce type d’attribution pose cependant évidemment des problèmes : voir les remarques de Curti dans Carmelo curti, Maria a. BarBàra, « Catene esegetiche greche », dans Angelo di Berardino et Istituto Patristico Augustinianum (éd.), Patrologia. Vol. V, Dal Concilio di Calcedonia (451) a Giovanni Damasceno († 750) : i Padri orientali , Gênes 2000, p. 609-655, ici p. 614. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 17. Ibid., p. 17-18. Ibid., p. 15-17,

ESt XVI GCS 41/1, p. 25) 820, l’ensemble des textes proposés par Cramer est tout compte fait très différent du texte eusébien, ce qui nous amène à proposer l’hypothèse qu’il s’agit de textes plutôt origéniens, dont Eusèbe pourrait avoir repris partie du contenu, en écartant des éléments qui n’étaient pas nécessaires à son propos, comme l’explication des dons des Mages. Autres traditions textuelles III : un dossier de trois autres témoins syriaques XVI,3. Un autre fragment syriaque pourrait faire référence à cette question 821, SyrS VIII, publié dans la deuxième édition de Mai par Matthieu Sciahuanus 822. Le texte, attribué à Eusèbe, n’est pas introduit par une véritable question, mais par un titre faisant référence à l’étoile apparue aux Mages. Cette étoile est celle qui a déjà été annoncée à Moïse par Balaam, lui aussi un ‘mage’ venu de l’orient. C’était la prophétie de l’étoile à venir et de l’homme qui serait né de la semence d’Israël et qui aurait régné sur les peuples, comme le dit Moïse par la bouche de Balaam : « Balaq m’a fait venir de l’orient… » et par sa prophétie : « une étoile surgit de Jacob… » (voir Nb. 23,7 et 24,17 823). Il faut alors comprendre qu’au temps du Sauveur, les Mages ont vu l’étoile annoncée par Balaam, et ils se hâtent d’aller voir le roi qui est né ; leur voyage les emmène à Jérusalem, l’étoile leur indiquant le lieu et l’enfant. L’étoile donc « les précédait, jusqu’au moment où elle s’arrêta sur le lieu où était l’enfant » (Mt. 2,9). Lorsqu’il dit que l’étoile « s’arrêta », poursuit le texte, ce n’est pas qu’elle est descendue du ciel et s’est arrêtée sur le toit de la maison – se trompent ceux qui le pensent – mais plutôt qu’une étoile les conduisait d’en haut, d’une manière extraordinaire, et ils la suivaient en experts de son observation ; elle faisait son parcours varié en différentes étapes, jusqu’au moment où, proche de la maison, elle s’arrêta sans poursuivre plus loin ; les Mages alors se réjouirent beaucoup en la voyant immobile comme jamais auparavant. Ce fragment apparaît donc éloigné du texte de l’ἐκλογή, mais il pourrait bien s’insérer entre le paragraphe 3 et 4 de son texte. XVI,3. Un témoignage proche de SyrS VIII se retrouve en SyrG XIV, publié par Beyer 824, texte qui ne contient toutefois pas de traces eusébiennes sûres, mais

820. Robert M. Grant, The Earliest Lives of Jesus, Londres 1961, p. 82-83. 821. Selon David Miller, ce texte ne peut être référé à aucune des questions existantes ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 323. 822. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 281-282 (Mai propose le texte comme parallèle à cette question, p. 279) ; je suis la numérotation de la traduction de Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [I] », p. 48-49, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 323-324. 823. Je signale à ce propos l’étude de Tobias nicKlaS, « Balaam and the Star of the Magi », dans G. H. van Kooten, J. van ruiten (éd.), The Prestige of the Pagan Prophet Balaam in Judaism, Early Christianity and Islam, Leyde-Boston 2008 (Themes in Biblical Narrative 11), p. 233-246. 824. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [III] », p. 92. Le témoignage est repris dans un passage de la Chronique de Michel le Syrien mentionné et traduit par Witold WitaKoWSKi, « The Magi in Syriac tradition », dans George A. Kiraz (éd.), Malphono w-Rabo d-Malphone,

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Questions et réponses sur les évangiles dans lequel Georges de Belthan nous informe simplement que d’après Eusèbe (et Grégoire de Nysse [voir à ce propos la liste des parallèles]), les Mages étaient descendants de Balaam. XVI,3. Il existe un autre fragment syriaque attribué à Eusèbe qui pourrait être rapproché de cette question. Le texte en a été publié par William Wright en 1866 825, qui, après avoir accepté l’attribution eusébienne en 1866, l’a cependant refusée l’année suivante 826. Le texte avait déjà été rapproché par Wright du passage des questions eusébiennes ; il excluait cependant toute proximité directe avec SyrS VIII 827. Le fragment consiste pour sa plus grande partie en un extrait chronologique composé de listes de rois orientaux : ces rois se transmettent l’un à l’autre le contenu de la prophétie de Balaam à propos de la naissance du Messie, jusqu’à ce que leurs successeurs en reconnaissent les signes, et viennent pour adorer Jésus ; leur arrivée survient deux ans après sa naissance. Bien que le corps du texte soit constitué de la liste chronologique (Wright n’oublie pas de rappeler, entre autres, la proximité avec le Chronicon d’Eusèbe), on repère dans ce texte l’usage de quelques éléments déjà relevés : bien évidemment, Balaam et sa prophétie (SyrS VIII et SyrG XIV), et surtout l’idée que l’arrivée des Mages a lieu deux ans après la naissance de Jésus, ce qui, même si aucun argument n’est fourni, correspond à l’argument de la question XVI. Ce texte, bien qu’il n’ait probablement pas été rédigé par Eusèbe, contrairement à l’attribution manuscrite, semble donc contenir quelques arguments qui proviennent des questions de l’évêque de Césarée.

Studies in Honor of Sebastian P. Brock, Piscataway (NJ) 2008 (Gorgias Eastern Christian Studies 3) p. 809-843, ici p. 822-824. 825. William WriGht, « Eusebius of Caesarea on the Star [I-II] », Journal of Sacred Literature, 4th series, 9 (1866), p. 117-136 ; 10 (1867), p. 150-164. Texte : ibid. (1866), p. 118-136 ; trad., ibid. (1867), p. 151-164. 826. Voir WriGht, ibid. (1866), p. 117 et ibid. (1867), p. 150. Sur ce texte, voir aussi PreuSchen, « Eusebius, Bischof von Cäsarea », p. 585 ; Adolf von harnacK, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, II/2, p. 126 ; Theodor zahn, Einleitung in das Neue Testament, II, Leipzig 1907, p. 273, n. 5 ; BaumStarK, Geschichte des syrischen Literatur, p. 59 ; Joseph Bidez, Franz cumont, Les Mages héllénisés. Zoroastre, Ostanès et Hystaspe d’après la tradition grecque, Paris 1938, p. 48-49 ; Ugo monneret de villard, Le leggende orientali sui Magi evangelici, Cité du Vatican 1952 (StT 163), p. 15-16, 125-126 ; Ignacio ortiz de urBina, Patrologia Syriaca, Rome 1965, p. 230 ; Geza vermeS, Scripture and Tradition in Judaism, Leyde 1973 (StPB 4), p. 172-173 ; Muriel deBié, « Suivre l’étoile à Oxford : inédits sur la venue des Mages », dans Kiraz (éd.), Malphono w-Rabo d-Malphone, p. 111-133, 116-117 et 119 ; WitaKoWSKi, « The Magi in Syriac tradition », p. 818-819, 823-824 et 834-835. 827. WriGht, « Eusebius of Caesarea on the Star [I] », p. 117.

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ESt XVI Commentaire Les témoins syriaques proviennent-ils vraiment des Questions adressées à Stephanos ? Si le fragment de Wright semble de toute évidence un texte fortement remanié et d’un moindre intérêt pour la reconstitution de cette question, un premier point à résoudre est de voir si les autres fragments syriaques proviennent effectivement du texte des questions d’Eusèbe. Pour ce qui est de SyrG XIV, à première vue rien n’empêcherait d’y voir de simples développements ajoutés par la tradition de Georges de Belthan, et qui trouveraient la source de leur attribution à Eusèbe dans d’autres textes, comme Dem. ev., IX,1,1-20 et aussi Ecl. proph., I,13 (au sujet de ces textes, voir infra, p. 212). On peut cependant aisément conclure que le texte originaire des questions devait contenir aussi la mention de Balaam et du fait que les Mages, en se déplaçant à la suite de l’étoile, ne faisaient qu’interpréter la prophétie de leur illustre ancêtre, éléments présents dans les fragments syriaques. Plusieurs indices en ce sens se trouvent aussi dans les utilisations de cette exégèse eusébienne chez d’autres auteurs chrétiens postérieurs, qui connaissent bien et utilisent nos Questions. Parmi ces témoignages, il faut signaler notamment celui d’Ambroise (Exp. in Lc., II,43-50) : puisqu’il utilise largement les questions dans son Exp. in Lc., son recours à l’exégèse eusébienne de Balaam pourrait aussi provenir des Questions d’Eusèbe. Le texte d’Ambroise, auquel on pourrait ajouter les témoignages de quelques-uns des auteurs postérieurs, contient plusieurs trait communs montrant à mon avis la fiabilité de l’attribution à Eusèbe et aux Questions des témoins syriaques. Il est donc de mon point de vue clair que la thèse de Gilles Dorival 828, qui propose de reconnaître une source commune aux deux textes d’Eusèbe et d’Ambroise dans le livre de Seth cité par l’Opus imperfectum in Matthaeum, hom. II, est peu pertinente et, en ce qui concerne les rapports entre Eusèbe et Ambroise, peu vraisemblable, car le texte source d’Ambroise est, selon toute apparence, celui d’Eusèbe 829. Les témoins syriaques font-ils vraiment référence à cette question ? Comme je l’ai dit plus haut, selon Mai le fragment syriaque contenant la mention de Balaam devait faire partie de cette question 830. Gilles Dorival pense au contraire qu’il provient d’une question différente 831. Plusieurs indices nous font préférer la solution d’Angelo Mai. On a déjà vu les indices concernant le contenu : la mention de Balaam et de sa prophétie. Il faut de plus remarquer que le texte de SyrS VIII (et ceci vaut aussi pour les deux autres parallèles

828. Gilles dorival, « “Un astre se lèvera de Jacob”. L’interprétation ancienne de Nombres 24,17 », ASE 13 (1996), p. 295-352, ici p. 316, 322-323, 326 ; id., « L’astre de Balaam et l’étoile des Mages », Res orientales 12 (1999), p. 93-111, ici p. 98-99. 829. Le texte d’Ambroise s’inspire en fait énormément des questions eusébiennes ; voir par exemple Guinot, « L’exégèse ambrosienne des apparitions pascales », p. 145-172. 830. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 279. 831. dorival, « “Un astre se lèvera de Jacob” », p. 322, n. 64.

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Questions et réponses sur les évangiles syriaques mentionnant Balaam) ne contient la solution d’aucune véritable aporie et qu’il n’est pas introduit par une véritable question, mais par un titre. Si ce texte provient effectivement des Questions, il y a donc toutes les raisons de croire qu’il était une partie de la question présente, où il trouvait facilement place entre le troisième et le quatrième paragraphe. Si on maintient l’hypothèse de Dorival, il faut imaginer que le reste de la question dont SyrS VIII faisait partie (avec ses parallèles) est perdu dans ses éléments constitutifs (la définition de l’aporie, notamment). On voit bien par contre bien à expliquer pourquoi la référence à Balaam a été éliminée dans notre texte : c’est parce que Balaam avait une mauvaise réputation comme magicien et astrologue, image qui est attestée par maints parallèles dans l’antiquité chrétienne 832, tout comme l’est le lien, voire l’identification, de Balaam avec Zoroastre, Zarathuštra ou Nimrod 833. Il est très douteux que les exégètes chrétiens qui ont interprété la prophétie de Balaam en référence à l’épisode de Matthieu aient réellement accepté une telle identification 834. Même s’il est vrai que les mages étaient considérés comme disciples de l’enseignement de Zoroastre 835, cela ne signifie pas que les chrétiens identifièrent toujours Balaam avec un prophète mazdéen ou chaldéen, comme le propose Giuseppe Messina 836. Il me semble au contraire qu’il n’y a que de très rares attestations sûres et assez explicites de cette identification chez les chrétiens 837. En particulier, la plus importante d’entre elles n’est pas une allusion explicite : c’est le cas du dossier des références au Livre d’Hystaspe par plusieurs auteurs, dont notamment Clément d’Alexandrie, Strom., VI,7,43 838 ; il en va de même pour les attestations origéniennes concernant la prophétie de Balaam, qui n’est jamais liée

832. Voir par exemple vermeS, Scripture and Tradition in Judaism, p. 172 ; dorival, « “Un astre se lèvera de Jacob” », p. 316-321, 345-352 et id., « L’astre de Balaam et l’étoile des Mages », p. 101, 103-104, 107 ; John W. WeverS, « The Balaam Narrative According to the Septuagint », dans J.-M. auWerS, a. Wénin (éd.), Lectures et relectures de la Bible, Louvain 1999 (BEThL 144), p. 133-144, ici p. 134. 833. Sur cette identification, par exemple Bidez, cumont, Les Mages héllénisés, p. 48-49 ; monneret de villard, Le leggende orientali sui Magi evangelici, p. 9-16, 73-75, 106-107, 112-119, 125-157 ; vermeS, Scripture and Tradition in Judaism, p. 171-172, deBié, « Suivre l’étoile à Oxford », p. 118, et surtout Giuseppe meSSina, I Magi a Betlemme e una predizione di Zoroastro, Rome 1933 (Sacra Scriptura antiquitatibus Orientalibus illustrata 3), p. 56-85. 834. Un de ces exégètes était Origène (voir le paragraphe suivant pour les références). 835. Voir Giuseppe meSSina, Der Ursprung der Magier und die zarathustrische Religion, Rome 1930 ; id., I Magi a Betlemme e una predizione di Zoroastro, Rome 1933, p. 10-18 et « Una presunta profezia di Zoroastro sulla venuta del messia », Biblica 14 (1933), p. 170-198 ; deBié, « Suivre l’étoile à Oxford », p. 116-118 ; WitaKoWSKi, « The Magi in Syriac tradition », p. 819-820 et 827-838. 836. meSSina, I Magi a Betlemme e una predizione di Zoroastro, voir notamment ses conclusions, p. 82.84. 837. Ibid., p. 56, 58-61. 838. Ibid., p. 74-77, 86-95 ; je me permets à ce propos de renvoyer aussi à Claudio zamaGni, Alberto d’anna, « Accertamenti sul “Kerygma Paulou” », dans Pietro e Paolo, il loro rapporto con Roma nelle testimonianze antiche. XXIX Incontro di studiosi dell’antichità cristiana, Roma, 4-6 maggio 2000, Rome 2001 (SEAug 74), p. 67-123, notamment p. 74-94 ; je profite de cette occasion pour signaler au moins un titre qui m’avait échappé lors de la préparation de cette

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ESt XVI aux textes de la tradition zoroastrienne, comme le voudrait Messina 839. En conclusion, si l’on peut accepter l’idée que l’exégèse chrétienne a exploité de manière apologétique certains livres de tradition zoroastrienne 840, ou plus simplement l’existence de ces livres ou traditions, ceci n’implique pas que cette référence soit restée longtemps claire dans la tête des auteurs chrétiens, surtout quand il s’agit de celle dont il est question ici, concernant la prophétie de Balaam. Bien entendu, ceci peut arriver dans certains textes chrétiens, comme le montre le parallèle de l’une des recensions arabes de la Caverne des trésors, 45 841 par rapport à l’autre tradition arabe et aux deux syriaques 842. Toutefois, Origène déjà ne faisait pas de référence claire à cette identification (bien qu’il fût probablement au courant de l’identification possible de Balaam avec d’autres personnages) et ce sera bientôt la position la plus répandue chez les exégètes chrétiens, comme le montre ma liste de parallèles 843. Les Mages et Balaam dans l’histoire de l’exégèse L’interprétation messianique du texte de la prophétie de Balaam de Nb. 24,17 est bien attestée dans le judaïsme 844. La même chose se vérifie aussi dans le christianisme : par exemple Justin, Dial. cum Tryph., 106,4 ; Irénée de Lyon, Dem., 58

839. 840. 841. 842.

843.

844.

étude : Albert-Marie deniS, Introduction à la littérature religieuse judéo-hellénistique, II, Turnhout 2000, p. 1185-1189 (et, pour ce qui nous concerne ici, p. 1186-1187). meSSina, I Magi a Betlemme e una predizione di Zoroastro, p. 69-71. Non seulement la tradition zoroastrienne grecque, mais aussi celle iranienne. ri, Commentaire de la Caverne des trésors, p. 450-451. Voir Caverne des trésors, 45,2.11.16-17 (éd. ri, CSCO, 486, p. 360, 364-368, trad. CSCO 487, p. 140, 142-143) ; ri, Commentaire de la Caverne des trésors, p. 449-450. On verra à ce propos meSSina, I Magi a Betlemme e una predizione di Zoroastro, p. 64, et ri, Commentaire de la Caverne des trésors, p. 393-394, 451-452, 528-536. Cette liste ne contient pas les parallèles concernant Zoroastre lorsqu’il n’y a aucune référence explicite à Balaam ; quant au texte de išo‘dad de merW, Comm. in Mt., I, signalé par Messina (I Magi a Betlemme e una predizione di Zoroastro, p. 60-61), je note qu’il distingue deux traditions séparées concernant la prédiction de Nb. 24,17, l’une se référant à Balaam, l’autre à Zaradušt, qui n’est évidemment pas confondu avec Balaam : si Išo‘dad n’avait pas conscience que les deux traditions qu’il mentionne pouvaient être assimilées, c’est que les chrétiens ont vite oublié Zoroastre. Voir par exemple les renvois de StracK, BillerBecK, Das Evangelius nach Mattäus, p. 76-77 ; vermeS, Scripture and Tradition in Judaism, p. 165-166 ; La Bible d’Alexandrie, éd. G. dorival, [IV] Les Nombres, p. 451-452 ; dorival, « “Un astre se lèvera de Jacob” », p. 296-308, 332-333 et « L’astre de Balaam et l’étoile des Mages », p. 103 ; voir aussi WeverS, « The Balaam Narrative According to the Septuagint », p. 134, n. 4-5, qui signale d’autres références auxquelles je n’ai pas eu accès, et meSSina, I Magi a Betlemme e una predizione di Zoroastro, p. 86-95 (Messina propose une origine juive du Livre d’Hystaspe, en le transformant ainsi en un autre témoin en ce sens) ; il faut cependant remarquer que la prétendue prophétie de Zoroastre à ses trois disciples Hystaspe, Sassan et Mahman, est une tradition, sinon juive christianisée, foncièrement chrétienne, étant donné son contenu, d’après le fragment cité par Théodore bar Koni, Livre des scholies (rec. Urmiah), Mimra VII,21 (et que Pierfranco Beatrice a inséré dans sa récente reconstitution de la Théosophie dite « de Tübingen », comme partie du livre IV,1-6).

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Questions et réponses sur les évangiles et notamment Adv. haer., III,9,2 (seul texte qui mentionne Balaam plutôt que Moïse comme auteur de la prophétie), et Hippolyte, In Dan., I,9 (qui relie explicitement la prédiction concernant l’étoile à la naissance de Jésus) 845. En laissant de côté de nombreuses interprétations de l’étoile (dont celles liées à la prophétie de Balaam ne sont qu’une partie 846), il faut noter qu’à notre connaissance c’est Origène qui atteste le premier l’interprétation reprise par Eusèbe ici et ailleurs, ce qui avait déjà été noté par Carmel Sant dans sa dissertation inédite 847. Au contraire, Gilles Dorival 848 propose d’interpréter non seulement le texte allusif de Justin comme s’il faisait assurément le lien entre Matthieu et Nombres 849, mais aussi comme si ce lien était présent dans le texte même de Mt. 2,2. Ceci n’est pas certain, bien que ce soit une opinion répandue chez quelques exégètes, comme le rappelle par exemple la synthèse d’Edwin Yamauchi 850, qui au demeurant ne partage pas cet avis. Dorival propose cette solution sur la base d’un examen des témoignages d’origine juive contemporains de Matthieu 851, après avoir constaté l’impasse dans laquelle se trouvent les commentateurs anciens de Matthieu 852. Il me semble toutefois que les deux textes de Nb. 24,17 et Mt. 2,2 peuvent très bien supporter une interprétation messianique indépendamment l’un de l’autre, et notamment le deuxième indépendamment du premier, lorsqu’on considère son contexte (même si Mt. 2,2 est « démessianisé », comme dit Dorival, le contexte de Mt. 2 ne l’est pas

845. On verra aussi à ce propos Hugo Kehrer, Die heiligen drei Könige in Literatur und Kunste, I, Leipzig 1908, p. 10-22, 32-39 ; meSSina, I Magi a Betlemme e una predizione di Zoroastro, p. 23, 56-85 ; Engelbert KirSchBaum, « Der Prophet Balaam und die Anbetung der Weisen », RQ 49 (1954), p. 129-171, ici p. 9-144 ; La Bible d’Alexandrie, éd. dorival, [IV] Les Nombres, p. 452.453 ; dorival, « “Un astre se lèvera de Jacob” », p. 310-314, 334-340, 342-345 et « L’astre de Balaam et l’étoile des Mages », p. 96-99 ; Jean-Claude Picard, « Les rois Mages. Une autre lecture de l’Évangile de Matthieu », dans id., Le continent apocryphe : Essai sur les Littératures Apocryphes Juive et Chrétienne, Steenbrugge-Turnhout 1999 (IP 36), p. 265-280 ; norelli, « La tradizione sulla nascita di Gesù nell’’AΛHΘHS LOGOS di Celso », p. 162 et « Les formes les plus anciennes des énoncés sur la naissance de Jésus par une vierge », dans Marie et la sainte famille. Les récits apocryphes chrétiens, p. 25-44, ici p. 41-43 ; Tobias nicKlaS, « Balaam and the Star of the Magi », dans G. H. van Kooten, J. van ruiten (éd.), The Prestige of the Pagan Prophet Balaam in Judaism, Early Christianity and Islam, Leyde 2008 (Themes in Biblical Narrative 11), p. 233-246, Johann leemanS, « Balaam and the Star of the Magi », dans Van Kooten, van ruiten (éd.), The Prestige of the Pagan Prophet Balaam in Judaism, p. 287-299. 846. Voir sur le sujet par exemple lechner, Ignatius adversus Valentinianos?, p. 272-273, avec la bibliographie principale, Franscesca taSca dirani, « “Vidimus stellam eius in Oriente”. Le esegesi mediolatine della stella matteana », Annali di studi religiosi 8 (2007), p. 357-385, et Roy KotanSKy, « The Star of the Magi: Lore and Science in Ancient Zoroastrianism, the Greek Magical Papyri, and St. Matthew’s Gospel », ASE 24 (2007), p. 379-421. 847. Voir Sant, The Old Testament Interpretation of Eusebius of Caesarea, p. xi. 848. dorival, « L’astre de Balaam et l’étoile des Mages », p. 97, 101. 849. Voir Antonio orBe, Introduccion a la teologia de los siglos II y III, II, Rome 1987 (AnGr, 248/2 = SFT, Sectio A, 28/2), p. 590-592. 850. Edwin M. yamauchi, « The Episode of the Magi », dans J. vardaman, e. m. yamauchi (éd.), Chronos, Kairos, Christos, Winona Lake 1989, p. 15-39, ici p. 21-23. 851. dorival, « L’astre de Balaam et l’étoile des Mages », p. 104-107. 852. Ibid., p. 93-94, 100, 104.

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ESt XVI nécessairement : chez Matthieu les mages peuvent très bien avoir interprété l’étoile précisément parce qu’ils sont des astrologues, et c’est pourquoi l’exégèse de ce passage ne va pas de soi chez la plupart des commentateurs anciens) 853. Comme on l’a déjà dit, selon Origène les Mages étaient des descendants de Balaam et avaient connaissance de la prophétie rapportée par Nb. 24,17 : c’est ainsi qu’il explique qu’ils aient pu reconnaître l’étoile une fois apparue et se mettre en voyage 854. L’exégèse d’Origène se retrouve dans plusieurs passages 855, mais notamment à l’intérieur du grand cycle d’homélies dédié à Balaam (In Num. hom., XIII-XIX) : voir In Num. hom., XIII,7,4 ; XV,4,2 ; XVIII,4,1-7 (SC442, p. 150.214.328-330) ; Cat. in Num. 24,7 (PG 17,21-24) ; Comm. in Mt., Fr. 23 ; 24 ; 27 (éd. Klostermann, GCS 41/1, p. 25-27) ; In Gen. hom., XIV,3 (SC 7bis, p. 342-344) ; Contra Cels., I,59-61 (SC 132 p. 236-244) 856. La source d’Eusèbe est-elle Origène ? La source d’Eusèbe ne saurait être Origène selon Gilles Dorival 857, parce qu’Eusèbe définit cette exégèse comme une « histoire » ; le texte dont dépend Eusèbe serait probablement le livre pseudépigraphe de Seth qui est la source aussi de l’Opus imperfectum in Matthaeum 858 ; de plus, ce livre serait également la source d’Origène lui-même pour le texte de In Gen. hom., XIV,3, comme Dorival le suggère ailleurs 859. Mais si cette deuxième hypothèse est vraie, rien n’oblige à faire remonter l’exégèse d’Eusèbe directement à l’écrit attribué à Seth, alors qu’il pouvait puiser plus aisément chez Origène. Donc, bien qu’Eusèbe appelle « histoire » cette exégèse, il est bien possible qu’il la tire d’Origène, surtout si l’on

853. Pour toutes les références aux auteurs anciens, on verra l’analyse des principaux textes anciens dans dorival, « «Un astre se lèvera de Jacob» », p. 314-315, 327-332 et « L’astre de Balaam et l’étoile des Mages », p.93-96, 100-103. 854. Selon davieS, alliSon, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, I, p. 231, c’est probablement Matthieu lui-même qui entendrait les Mages comme successeurs de Balaam. 855. Voir orBe, Introduccion a la teologia de los siglos II y III, II, p. 584-589. 856. Davide Sardini, « Origene e la «stella» dei Magi », BeO 42 (2000), p. 219-250, ici p. 238-240, lit ce dernier passage comme une attaque contre l’astrologie, sans toutefois fournir aucun argument probant. 857. dorival, « «Un astre se lèvera de Jacob» », p. 322-323. 858. Ibid., p. 326. Sur cette possibilité, voir meSSina, I Magi a Betlemme e una predizione di Zoroastro, p. 64-67 et monneret de villard, Le leggende orientali sui Magi evangelici, p. 20-68 (le texte est aussi connu par KloStermann, GCS, 41/1, p. 26 et orBe, Introduccion a la teologia de los siglos II y III, II, p. 593). Sur les rapports entre le pseudépigraphe de Seth et l’Opus imperfectum, ainsi qu’avec d’autres textes rapportant les mêmes traditions, notamment la Révélation des Mages et la Caverne aux trésors, voir les études et les conclusions de WitaKoWSKi, « The Magi in Syriac tradition », p. 813-816; Annette yoShiKo reed, « Beyond the land of Nod: Syriac images of Asia and the historiography of “the West” », HR 49 (2009), p. 48-87, ici p. 77-82 ; Brent landau, Revelation of the Magi, The lost tale of Wise Men to Betlehem, New York 2010, p. 10-25 et 111-114 ; Pierluigi Piovanelli, «Scriptural trajectories through early Christianity, late Antiquity, and beyond: Christian memorial traditions in the longue durée », § 1, sous presse. 859. dorival, « L’astre de Balaam et l’étoile des Mages », p. 99.

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Questions et réponses sur les évangiles considère que celui-ci donne l’exégèse de Nb. 24,17 en plusieurs lieux. Il reste en revanche beaucoup plus douteux qu’Eusèbe ait aussi connu l’écrit (prétendu) séthien ; et même si c’était le cas (et alors l’appellation « histoire » serait un clin d’oeil savant), il se serait sans doute aperçu que la même exégèse était aussi connue d’Origène. Ce qui est sûr c’est qu’un texte parallèle à une partie de cette question est attribué par des manuscrits caténaux à la fois à Eusèbe et à Origène (voir supra, p. 192-193) et qu’il est très probable qu’Eusèbe ait connu et utilisé les textes origéniens. Celse, Porphyre et Philosabbatios D’après un texte d’Épiphane de Salamine, Pan., LI,8,1-10, trois adversaires du christianisme, Porphyre, Celse et Philosabbatios (selon l’ordre d’Épiphane), auraient critiqué sur ce point les évangélistes, en disant qu’il n’est pas possible que la naissance ait eu lieu à Bethléem et que l’enfant ait été emmené à Jérusalem huit jours après, s’il est vrai que la nuit même de sa naissance, après la visite des Mages, l’ange est apparu et les a fait fuir en Égypte, jusqu’à la mort d’Hérode (et d’autres auteurs chrétiens semblent témoigner également d’un certain embarras face à ce sujet 860). La critique rapportée par Éphiphane est si bien argumentée, qu’en se fondant sur elle, John Cook propose l’attribution de ce fragment à Porphyre, tout en reconnaissant que rien ne permet de préciser qui, parmi ces trois, est le véritable auteur de cette critique (le fragment est cependant placé parmi les fragments porphyriens et Cook suggère aussi un rapprochement de ce texte avec le fr. 92 Harnack de Porphyre) 861 ; Gianfranco Rinaldi avait aussi attribué ce fragment à Porphyre 862. Il est en effet peu probable que ce texte ait été écrit par Celse sous une forme si développée, car Origène ne mentionne pas de critique si précise et argumentée dans le lot des principales objections de Celse aux évangiles concernant la naissance de Jésus ; les seuls témoignages d’Origène sont en effet trop vagues, et concernent des critiques que Celse avait faits aux épisodes de l’adoration des Mages et de la fuite en Egypte (voir Origène, Contra Cels., I,58.66) 863. On ne connaît pas davantage les arguments que Celse aurait pu utiliser, même s’il est possible que sa critique ait été plus riche 864. Épiphane aurait cependant pu ajouter le nom de Celse (en deuxième place) en se souvenant d’une manière générale de ses objections aux récits de la naissance, sans que Celse

860. Voir à ce propos Bauer, Das Leben Jesu, p. 5-6. 861. cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 137 (notamment n. 175). 862. rinaldi, « Tracce di controversie », p. 106 ; id., Biblia gentium, n° 328 et La Bibbia dei pagani, II, n° 328. 863. Voir cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 31-32, rinaldi, Biblia gentium, n° 330 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 330. 864. En ce sens par exemple le détail de Celse selon lequel Jésus aurait appris en Égypte les arts magiques (Contra Cels., I,28.38).

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ESt XVI ait réellement formulé la critique en cause. Quant à ce Philosabbatios, il est par ailleurs pratiquement un illustre inconnu 865. Autres parallèles En plus de l’extrait syriaque édité par Wright, que j’ai traité parmi les autres traditions textuelles, Eusèbe résume son exégèse aussi en Dem. ev., IX,1,1-20 (notamment IX,1,1-2), et y fait allusion en Ecl. proph., I,13 (PG 22,1069A1072B) 866. Quant au moment de la visite des Mages, en Hist. eccl., I,8,1 Eusèbe semble sous-entendre qu’elle a eu lieu à peu près deux ans après le moment de la naissance 867. Le passage d’Épiphane de Salamine contenant le texte de la critique attribuée à Celse, Porphyre et Philosabbatios est suivi par une réfutation qui reproduit exactement l’argument eusébien : les faits racontés par Matthieu se passent donc deux ans après la naissance de Jésus (Pan. haer., LI,9,1-13) ; à ces arguments tirés vraisemblablement d’Eusèbe, il ajoute une chronologie concernant la fuite en Égypte (Pan., LI,10,1-3). Par contre, Augustin, De cons. ev., II,5,14-17 ; II,11,24 (CSEL 43, p. 63.64.95-113.120-122), s’il suit l’explication d’Eusèbe, mais place quand même la visite des Mages au moment de la naissance : arrivés à Bethléem avant le huitième jour, ils y trouvent encore l’enfant, qui sera emmené par la suite à Jérusalem ; Hérode comprendra qu’il a été joué par les Mages lorsque parviendra à son oreille la nouvelle des faits arrivés au temple, à savoir des prophéties de Siméon et Anne ; Jean Chrysostome, In Mt. hom., IX,4 (PG 57,180), semble aussi retravailler cette explication eusébienne : il ne faut pas confondre le retour à Nazareth après la purification au temple avec le retour à Nazareth depuis l’Égypte ; en effet, la fuite en Égypte eut lieu après le temps de la purification, car Dieu n’aurait pas pu commander cette fuite sans avoir laissé de temps pour la purification ; c’est donc une fois rentrés à Nazareth qu’ils reçoivent l’ordre de partir pour l’Égypte. D’autres passages parallèles sont Opus imperf. in Mt., hom. II (PG 56,637-638) ; Éphrem de Nisibe, Hymn. de nativitate Christi in carne, IV,4.20 [XXIV,4.20] ; VI,2 [XXVI,2] (CSCO 186, p. 122.125.133, trad. CSCO 187, p. 111.114.121 868) ; Hom. I de nativitate Christi 869 ; Grégoire de Nysse, De nativit. Christi (PG 46,1133D) ; Ambroise, Exp. in Lc., II,43-50 ; Ambrosiaster, Quaest. Vet. et Novi 865. Le TLG montre que son nom est cité une fois par Porphyre ; voir cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 137 et Holl dans GCS 31bis, p. 258 apparat. 866. Trad. Philippe JauBert, « Les Extraits prophétiques au sujet du Christ d’Eusèbe de Césarée », p. 126-128. 867. Dans le même sens, voir aussi Micheline alBert, « Le roi Hérode et les (Rois) Mages. Quelques aperçus tirés d’un commentaire syriaque », dans Martine dulaey, et al., Rois et reines de la Bible au miroir des Pères, Strasbourg 1999 (CBiPa 6), p. 105-126, ici p. 111, n. 37 et p. 122, n. 91 (mais le texte eusébien auquel Denys bar Salibi fait référence est plutôt celui de notre question, comme pour le passage mentionné ibid., p. 120). 868. Sancti Ephraem Syri Hymni et sermones, éd. lamy, p. 473, 481-483, 495. 869. Texte cité par dorival, « «Un astre se lèvera de Jacob» », p. 314 ; je n’ai pas pu voir l’édition d’Assemani de 1740 à laquelle il se réfère.

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Questions et réponses sur les évangiles Test. 63 (CSEL 50, p. 8.111-112) ; Jean Chrysostome, In nat. D. N. Iesu Chr. (PG 61,766) ; In Mt. Hom., VI,1 ; VII,3 (PG 57,63.76 ; voir toutefois In Mt. Hom., VIII,1, ibid., p. 81-83, qui place l’arrivée des Mages au moment de la naissance) ; Ps.(?) Basile de Césarée, In sanc. Christi gener., 5 (PG 31,1469) ; Chromace d’Aquilée, Tract. in Mt., IV,1 (CC.SL 9A, p. 212) ; Jérôme, Comm. in Mt., I,2,2 ; Comm. in Es., VII (sur Es. 19,2-4 ; CC.SL 73,278-279) ; XIII (sur Es. 46,12-15 ; CC.SL 73A, p. 525 ; voir aussi ibid., p. 519, sur Es. 46,8-11) ; Comm. in Ionam, I (CC.SL 79) ; Théodore de Mopsueste (ou d’Héraclée ?), Fr. in Mt., 8 (Mt. 2,23) 870 ; Césaire d’Arles, Serm. 113,2 (CC.SL 103, p. 466.470-471) ; Ps.-Matthieu, Evang. XVI,1 (CC.SA 9, p. 439) ; Léon le Grand, Tract., XXXIV,2, rec. α/β (CC.SL 138A, p. 179-180 [= Serm., XV,2,1-2, BPat 31, p. 256-258]) ; Ps. Bède le Vénérable, In Mt. exp., I (sur Mt. 2,1 ; PL 92,12-13) ; Caverne des trésors (recensions syriaques), 45,2.11/11-12.16-17 (CSCO, 486, p. 360.364-368, trad. CSCO 487, p. 140.142-143) et Caverne des trésors (recension arabe), 45 871 ; Ps.-Alcuin, De div. off., V (PL 101,1178B 872) ; Jacques de Saroug, Sur l’étoile et les Mages 873 ; Pierre Abélard, Theol. Christ., II,6 (CC.CM 12, p. 134 [voir Theol. « Scholarium », II,6, CC.CM 13, p. 409]) ; Sermones, IV. In Epiphania Dom. (PG 178,509D-414D) ; Christian Druthmarus, Exp. in Mt., 2,1 (PL 106, p. 1281) ; Diodore de Tarse, Contra fat., VIII,53 (cit. par Photius, Bibl., cod. 223 874) ; Théophylacte de Bulgarie, En. in Mt., 2,11 (PG 123,168) ; Smaragdi, Collectio in ep. et ev. ; in die Theophaniae (sur Mt. 2,2 ; PL 102,71-72) ; Werner d’Ellerbach, Deflorationes, I (In epiphania Dom. ; PL 157,812) ; Rupert de Deutz, Comm. in Mt., I (PL 168,1336) ; Anselme de Laon, En . in Mt., II (Mt. 2,9 ; PL 162,1254) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., II (sur Mt. 2,1 ; 2,16 ; PL 120,126.128-129.130) ; Raban Maur, Comm. in Mt., I (sur Mt. 2,2 ; PL 107, 757) ; Jean Damascène, Hom. de nativit. Iesu, 6 (PTS 29, p. 331-332) ; Marius Victorinus, Fr. In Nb., 13 (ou sur Mt. 2 ?) 875 ; Consultationes Zacchei christ. et Apollonii phil., II,4,12-13 (SC 402, p. 30-32) ; Ps. Denys, Chron., (éd. CSCO 91, p. 58-86, trad. CSCO 121, p. 46-67) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., I (Mt. 1) 876 ; Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,15 (CSCO 69, p. 69, trad. CSCO 432, p. 49) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Mt., II (Mt. 2,2.13.16 ; PG 129,137-140.148.152-153) ; Bruno de Segni, Comm. in Mt., I,3 (Mt. 2,1 ; PL 165,79) ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt., 2,1 (CSCO 15,

870. reuSS, Mattäus-Kommentare, p. 138. Voir Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », p. 195, n. 7 (mais déjà zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 160). 871. ri, Commentaire de la Caverne des trésors, p. 450-451. 872. Les Mages héllénisés, éd. Bidez, cumont, II, n° B 42. 873. Extrait cité par alBert, « Le roi Hérode et les (Rois) Mages », p. 111-112, n. 39 ; je n’ai pas eu accès à l’édition utilisée (P. BedJan, Homiliae selectae Mar-Jacobi Sarugensis, I, Paris 1905). 874. Éd. henry, IV, CBy, p. 47. 875. Texte cité par dorival, « “Un astre se lèvera de Jacob” », p. 316, d’après Englebert Kirschbaum et publié par Ambrogio amelli, « Analecta Hieronymiana et patristica », dans Miscellanea geronimiana, Scritti varii pubblicati nel XV centenario della morte di san Girolamo, introduction Vincenzo vannutelli, Rome 1920, p. 157-180, ici p. 178-179, d’après le manuscrit de Cassin, 384, p. 66 (c’est Amelli qui propose de faire remonter le fragment au commentaire sur Matthieu). 876. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 19 ; trad., I, p. 12.

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ESt XVI p. 89-91.93.114-115, trad. CSCO 16, p. 67-71.86) ; Pierre le Mangeur, Hist. schol., in Ev. 7.11 (PL 198,1541.1543-1544 ; voir aussi la tradition parallèle, attestée par le manuscrit de la Bibliothèque Nationale de France, Lat. 15269 877) ; Rodrigo Jiménez de Rada, Brev. hist. cath., IX,7 (CChr.CM 72B, p. 517-518) ; Albert le Grand, Super Mt., 2,1.2.16 (éd. Schmidt 1987, p. 45.47-48.61) ; Diodore de Tarse, Contra fatum, cit. par Photius, Bibl., cod. 223 878 ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 36, art. 6,3-4 879 ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 2,1-2) 880 ; Glossa ordinaria, Mt. 2[,1] 881. XVI,1 10-12. σπαργανῶσαι τὸ βρέφος, κτλ. Citation globalement non littérale du texte de Lc. 2,7. Il est possible que la partie finale (μὴ εἶναι αὐτοῖς τόπον ἐν τῷ καταλύματι) soit à considérer comme une vraie citation, car elle est reprise d’une manière presque identique en XVI,5,74-75 et en XVI,5,62-63. 13. ἀλλὰ καὶ, ὅτε, φησὶν. En ponctuant différemment, on pourrait inclure le καὶ dans la citation et lire ἀλλὰ, καὶ ὅτε, φησὶν ( « mais il dit : “et lorsque…” »). 13-16. ὅτε, φησὶν, αἱ ἡμέραι ἐπλήσθησαν, κτλ. Cette citation présente quelques variantes généralement non retenues par les éditeurs, comme l’interversion de αἱ ἡμέραι ἐπλήσθησαν, l’omission de ὀκτὼ (voir comm. l. 14-15) et l’expression τὸ παιδίον pour αὐτὸν 882. Ces variantes sont toutefois attestées aussi en tradition directe 883 ; le fait qu’une partie du texte a été omise est dû à la nécessité d’abréger, probablement par l’auteur de l’ἐκλογή. Comme le remarque Harold Smith 884, Eusèbe ne fait pas de différence entre circoncision et présentation. 14-15. χρὴ δὲ τοῦτο γίνεσθαι ὀγδόῃ μετὰ τὴν ἀπότεξιν ἡμέρᾳ. Cette glose eusébienne se justifie probablement par le fait que le texte de Lc. 2,21 utilisé par Eusèbe devait omettre ὀκτὼ 885.

877. Cette tradition a été traduite par Gilbert Dahan dans Nicole Bériou, Gérard Billon, Gilbert dahan, Sever J. voicu, et al., Les mages et les bergers, Paris 2000 (CEv–Supplément 113), p. 71-72[124]. 878. Éd. henry, CBy, p. 47. 879. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 364, 370-371. 880. SPanuth, Gregorii Abulfarag Bar Ebhraya in evangelium Matthaei commentarium, p. 6-7 ; trad. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 288-289. 881. Biblia Latina cum glossa ordinaria, éd. ruSch, p. 8. 882. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 430-431. 883. Voir New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [II] Mark, p. 35-36. 884. Smith, Ante-Nicene Exegesis of the Gospel, I, p. 250. 885. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 430.

215

Questions et réponses sur les évangiles XVI,2 La citation biblique de ce paragraphe ainsi que celles des paragraphes suivants, sauf exception signalée, n’attestent pas de variante particulière par rapport au reste de la tradition manuscrite directe 886. 20. ἀλλ’ ἢ. En rappelant Montfaucon, Angelo Mai 887 remarque qu’il faudrait lire ἀλλ’ ἢ ἡ, ce qui serait usuel chez Eusèbe. 20-21. ἢ τῶν μάγων ἀπὸ ἀνατολῆς ἄφιξις. Comme l’indique notamment le lien établi par Origène avec Balaam, par Mages on désignait des prêtres de l’orient, ayant des connaissances prophétiques et astrologiques 888. 21-22. κινησάντων μὲν ἀπὸ τῆς οἰκείας γῆς ἅμα τῷ γεννηθῆναι τὸν Ἰησοῦν. Le texte de Matthieu (Mt. 2,7.16) semble en effet sous-entendre qu’entre l’apparition de l’étoile et l’arrivée à Bethléem deux ans s’écoulent, comme Eusèbe va l’expliquer. 26-28. ὡς τὸν αὐτὸν νομίσαι εἶναι καιρὸν, κτλ. L’idée que les Mages arrivent au moment de la naissance est bien attestée (voir par exemple les textes de Jean Chrysostome, Ambroise et Augustin parmi les parallèles). XVI,3 40. ὅστις ἦν οὗτος. Autre traduction possible (en référence à τὸν χρόνον, l. 27) : « quel était celui-ci ». 41. ὑπ’ αὐτῶν. Légère adaptation du texte de Matthieu (ὑπὸ τῶν μάγων), due sans doute à l’introduction dans le contexte eusébien. 42-43. ὄντας εἰς. Variante de Mt. 2,16 qui ne semble pas être attestée ailleurs 889. XVI,4 54-55. ἐπιφοιτᾶν αὐτοὺς τῷ τόπῳ μνήμης τοῦ παραδόξου χάριν. Remarque qui pourrait sous-entendre l’existence d’un pèlerinage à Béthleem à l’époque où Eusèbe écrit. Le même Eusèbe, dans Vita Const., III,41,1 et III,43,1-2, témoigne de la construction d’une basilique à Béthleem par Hélène et Constantin 890, tandis que l’Itinéraire d’Égérie, aux ch. 25,12 et 42, atteste que Béthleem était effecti-

886. Voir ibid., p. 5-7 ; la plupart des ces citations se retrouvent aussi chez Eusèbe lui-même en Dem. ev., VII,2,5-13 (voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 111-117, 161-162). 887. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 375 et Novae patrum bibliothecae, IV, p. 252, n. 2. Je n’ai pas eu accès au commentaire aux Psaumes édité par Montfaucon. 888. Voir davie, alliSon, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, I, p. 227-231. 889. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 7 ; New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 19. 890. Voir le commentaire dans euSeBiuS, Life of Constantine, éd. et trad. Averil cameron, Stuart G. hall, Oxford 1999 (Claredon Ancient History Series), p. 291-294.

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ESt XVI vement un lieu de pèlerinage dans la deuxième moitié du ive siècle (conclusion de Pierre Maraval à partir du texte, en partie perdu, et des témoignages indirects 891). XVI,5 62-63. ἀνακλῖναι τὸ παιδίον ἐν φάτνῃ, κτλ. Citation certainement non littérale du texte de Lc. 2,7, sauf peut-être en ce qui concerne la partie finale (voir comm. à XVI,1,10-12). 67-71. ἀκούσαντες, φησὶν, οἱ μάγοι τοῦ βασιλέως Ἡρώδου, κτλ. Citation de Mt. 2,9.11 comportant plusieurs variantes inconnues dans la tradition manuscrite ancienne, ou propres au seul Eusèbe 892, qui offre pourtant un texte plus proche de celui des manuscrits en Dem. ev., VII,2,11-13 893. Il s’agit d’une citation adaptée au contexte, avec les ajouts de οἱ μάγοι, Ἡρώδου, et εἰς Βηθλεέμ, pour la clarté ; la suppression de ἐπάνω après ἐστάθη (l. 70) pourrait aussi s’expliquer de la même manière. La coupure dans la citation saute un élément important pour la compréhension de la suite de l’argumentation, le fait que l’enfant et Marie se trouvent dans une maison (voir l’allusion à Mt. 2,11, aux l. 73-74) ; peut-être que ce passage a été coupé lors de la rédaction de l’ἐκλογή, mais il est aussi plausible qu’Eusèbe l’ait laissé tomber exprès ici, pour retarder de manière rhétorique la solution, et offrir un finale d’exception à cette question, qui conclut les questions à Stephanos (le texte sera en fait cité à nouveau aux l. 82-84, où l’on spécifie que les Mages entrèrent εἰς τὴν οἰκίαν). 74-75. μὴ εἶναι τόπον αὐτοῖς ἐν τῷ καταλύματι. Possible citation littérale de Lc. 2,7 ; voir comm. à ESt XVI,1,10-12. 82-83. οἱ μάγοι. Cet ajout, non attesté ailleurs 894, éclaire la citation dans le contexte eusébien. 84. πεσόντες προσεκύνησαν. L’usage de cette formule (« tombés, ils l’adorèrent ») est déjà typiquement vétérotestamentaire et passe ensuite au grec de la Septante et de là aux textes du judaïsme et du christianisme, comme le relèvent William Davies et Dale Allison 895. En plus du Ps. 72(71),11 (qui est une référence fautive) et de Dn. 3,5-7, ils citent aussi Ac. 10,25 ; 1 Co. 14,25 ; Ap. 4,10 ; 7,11 ; 22,8, ainsi que Flavius Josèphe, Ant. Jud., VII,4,95 ; IX,1,11. Ce geste n’implique toutefois pas forcément l’adoration d’un dieu 896, mais un geste de grande déférence (par exemple 1 R. 1,23 et 2 R. 4,37).

891. ÉGérie, Journal de voyage (Itinéraire), éd. et trad. Pierre maraval ; valériuS du Bierzo, Lettre sur la B.se Égérie, éd. et trad. Manuel C. díaz y díaz, Paris 1982 (SC 296), p. 75-78. 892. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 6 ; New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 17. 893. Sur ce texte, voir nielSen, Euseb von Cäsarea und das Neue Testament, p. 115-117. 894. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 7. 895. davieS, alliSon, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, I, p. 248. 896. Ibid. (avec les exemples de Philon, Leg. ad Caium, 116, etc.).

217

EST, COLOPHON La présence du prologue des Questions à Marinos fait penser qu’il s’agit ici bien d’un colophon qui doit être référé à tout le livre dédié à Stephanos, même si le manuscrit de l’ἐκλογή présente le texte comme faisant partie de la question XVI. La présence de ce colophon (et du prologue à Marinos), est l’indice que les questions adressées à Stephanos devaient aussi s’ouvrir par un prologue, maintenant perdu.

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EMAR, TITRE Εὐσεβίου πρὸς Μαρῖνον. Le titre donné dans le manuscrit de l’ἐκλογή n’a pas précisé le fait qu’il s’agit d’un livre de questions, en considération du fait qu’il fait suite aux questions adressées à Stephanos. Cette indication ne pouvait manquer dans l’original des QMar, comme l’atteste le FMar 4, un fragment qui fait allusion au titre de cette partie de l’œuvre : ἐν ταῖς πρὸς Μαρῖνον ἐπὶ τοῦ σωτηρίου πάθους καὶ τῆς ἀναστάσεως ζητήσεσι καὶ ἐπιλύσεσι, ce qui laisse imaginer un titre très proche de celui de la première partie. Il y a cependant d’autres témoignages répertoriés par Angelo Mai (FMar 1-5 et 7-10) qui attestent la formulation abrégée « Questions à Marinos », ce qui prouve que la mention du dédicataire était incluse dans le titre original 1. Pour cette partie de l’ἐκλογή adressée à Marinos, Angelo Mai propose dans sa deuxième édition un titre calqué sur celui de la première partie des questions, dédiée à Stephanos 2 : ἐκλογὴ ἐν συντόμῳ ἐκ τοῦ αὐτοῦ Εὐσεβίου πρὸς Μαρῖνον περὶ τῶν ἐν εὐαγγελίοις ζητημάτων καὶ λύσεων. Sur l’identité de ce Marinos, on n’a pas plus de certitudes que sur l’identité de Stephanos 3.

1. 2. 3.

Voir PreuSchen, « Eusebius, Bischof von Cäsarea », p. 578, ainsi que zamaGni, Questions évangéliques, p. 11-13 Ce titre de Mai est à la base de l’erreur de Preuschen (ibid., p. 578), qui attribuait au manuscrit ce titre. Voir le commentaire au titre des QSt., p. 35-36 ; Joseph Lightfoot note que dans la liste des participants au concile de Nicée existent deux évêques du nom de Marinos, les évêques de Palmyre et de Sébaste en Palestine, mais, pour les raisons déjà exprimées dans le commentaire au titre des QSt, il est difficile de penser à une personnalité de rang épiscopal (Marinos est appelé « fils qui m’est très cher et très studieux », l. 6-7) ; liGhtfoot, « Eusebius of Caesarea », p. 339.

219

EMAR, PROLOGUE 2-3. δύο πεπονηκὼς ἤδη πρότερον συγγράμματα. Le prologue rappelant le nombre des livres précédents renvoie à l’usage ancien, où les différents livres composant une seule œuvre étaient copiés sur plusieurs rouleaux de papyrus et ce type d’information était précieux pour en recomposer l’ordre ; cela ne correspond toutefois plus à la situation réelle propre à Eusèbe 4. Par ce prologue, nous savons que l’original eusébien des questions se présentait sans doute en plusieurs livres, ce qui semble aussi être confirmé par Dem. ev., VIII,3,18, où Eusèbe pourrait renvoyer à un « premier livre » de ses questions, même si on peut aussi lire le texte de la Démonstration comme renvoyant à la première question, comme le signalent correctement Rajiv Bohla et Alice Whealey 5. Dans le présent passage, Eusèbe affirme que ce livre suit les deux qui s’occupaient des questions concernant les débuts des évangiles. Celui-ci est donc le troisième livre de l’œuvre, comme le remarquait bien Angelo Mai 6, ce qui ne signifie pas forcément que l’ouvrage était composé de trois livres au total, comme

4.

5.

6.

220

On peut voir à ce propos l’exemple de l’Histoire ecclésiastique ; voir canfora, Il copista come autore, p. 59-63 et, plus généralement, Louis holtz, « Titre et incipit », dans J.-C. fredouille, m. o. Goulet-cazé, P. hoffmann, P. PetitmeGnin, et al. (éd.), Titres et articulations du texte dans les œuvres antiques. Actes du Colloque International de Chantilly, 13-15 décembre 1994, Paris 1997 (EAug – Série Antiquité 152), p. 469-489. Voici le texte de Dem. ev., VIII,3,18 : ἐν τῷ πρώτῳ τῶν εἰς τὴν γενεαλογίαν τοῦ σωτῆρος ἡμῶν ζητημάτων καὶ λύσεων (éd. Heikel, GCS 23, p. 340) ; voir Bhola, « Dating Eusebius’ Quaestiones ad Stephanum », p. 153-XXX et Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », p. 198. Whealey entend suggérer que les Questions adressées à Stephanos n’étaient pas divisées en plusieurs livres, mais la logique de cette argumentation m’échappe, vu qu’elle se fonde sur le texte réduit de l’ἐκλογή et ne considère pas le témoignage de Nicétas, qui manifestement n’a pas connaissance de la deuxième portion des questions adressées à Stephanos (voir ibid., p. 197-198, ainsi que mon introduction, supra, p. 10-11). mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 217 ; voir dans le même sens von chriSt, Schmid, Stählin, Wilhelm von Christs Geschichte der Griechischen Literatur, p. 1362 ; Perrone, « Eusebio di Cesarea: filologia, storia e apologetica per un cristianesimo trionfante », p. 603.

EMar, prologue on a parfois vite conclu 7, même s’il y a des témoignages indirects vont en ce sens 8 et, même si Erwin Preuschen a affirmé que les Questions à Marinos devaient se composer aussi de deux livres 9, nous ne savons en réalité pas en combien de livres au total consistait l’œuvre. 3. τὰ μέσα παρελθὼν. Angelo Mai rappelle que Sixte de Sienne avait émis l’hypothèse que l’auteur du résumé aurait donné à l’œuvre sa physionomie actuelle, en laissant tomber des questions concernant les parties centrales des évangiles, mais il s’agit, déjà selon Mai, d’une hypothèse qui n’est pas acceptable, puisque tous les témoignages directs et indirects fiables font référence à l’existence de questions eusébiennes concernant exclusivement le début et la fin des évangiles 10. La seule attestation allant en sens contraire est FSt 12, qui est un texte certainement remanié et réécrit, et qui peut difficilement remonter à Eusèbe, comme l’avait remarqué déjà Angelo Mai 11. Et pourtant cette hypothèse farfelue continue d’avoir un certain succès, par exemple chez Joseph-Rhéal Laurin et plus récemment chez James Kelhoffer 12. Pour la maintenir, il faudrait dire pourquoi l’auteur de l’ἐκλογή aurait précisé dans le présent prologue que son texte ne contenait pas de questions sur les parties centrales des évangiles (τὰ μέσα παρελθὼν, l. 3) pour justifier son résumé, alors qu’il ne signale pas l’ensemble des coupures qu’il opère par ailleurs. De plus, il n’est pas vraisemblable que l’auteur de l’ἐκλογή, après avoir si fortement remanié le texte d’Eusèbe, ne se soit pas aperçu qu’il était inopportun d’affirmer que le texte qui précédait (l’ἐκλογή à Stephanos) était en deux livres, étant donné que son travail réduit en un livre les questions à Stephanos. S’il a conservé cette donnée, qui doit être originelle concernant les deux livres, pourquoi aurait-il par contre modifié le prologue pour nous faire croire que le texte des QSt ne comprenait pas des questions concernant τὰ μέσα ? 13 Puisque la mention des deux livres doit

7.

8. 9. 10. 11. 12.

13.

Ainsi s’expriment par exemple SemiSch, « Eusebius, Bischof von Cäsarea », p. 238 ; BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 42 ; The New Testament in the Original Greek, éd. Brooke F. WeStcott, Fenton J. A. hort, Cambridge-Londres 1881, « Introduction », p. 31 ; BardenheWer, Geschichte der altkirchlichen Literatur, III, p. 257 ; Bardy, « La littérature patristique des «Quaestiones et responsiones» [I] », p. 229 (qui affirme cependant que cette hypothèse est la plus probable) ; QuaSten, Patrology, III, p. 476 ; farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 3. Notamment celui de Latino Latini, humaniste de Viterbe qui, au xvie siècle, rapporte de la découverte d’un manuscrit de l’œuvre, apparemment complet, en trois livres ; sur ce témoignage, voir supra, l’introduction à ce volume, notamment p. 9, n. 6 et p. 17, n. 45. PreuSchen, « Eusebius, Bischof von Cäsarea », p. 578. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. XI. id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 277, n. 1. Laurin, Orientations maîtresses des apologistes chrétiens de 260 à 361, p. 381 ; Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 82-83. Ce dernier attribue cette hypothèse aussi à Burgon et à Farmer, à tort car ils n’expriment pas l’idée que la partie abrégée contenait des questions sur d’autres parties des évangiles (BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 42-44, et farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 3). On ne peut pas penser que l’auteur du résumé a divisé en deux livres son ἐκλογή des questions adressées à Stephanos, car le contenu est sensiblement trop court pour occuper deux livres. D’autre part, la taille d’un ouvrage qui aurait exigé un résumé en deux livres aurait sans doute été considérable, même si après l’avènement du codex, la longueur d’un livre n’est plus standardisée (voir

221

Questions et réponses sur les évangiles remonter à l’original eusébien, la mention de l’absence de questions concernant la totalité des récits évangéliques est donc originelle elle aussi. 4-5. τοῖς πᾶσι ζητούμενα. Expression certes vague pour faire référence à l’événement central de la prédication chrétienne, mais allusion aussi aux critiques qui étaient adressées à ces parties des évangiles par les adversaires du christianisme 14.

Leila avrin, Scribes, Script and Books. The Book Arts from Antiquity to Renaissance, ChicagoLondres 1991, p. 145-146, 173-175 ; Guglielmo cavallo, « Discorsi sul libro », dans G. CamBiano, l. canfora, d. lanza (éd.), Lo spazio letterario della Grecia antica, I/3, Rome 1994, p. 613-647, ici p. 619-625, 631-633 et canfora, Il copista come autore, p. 5-67). 14. Voir les remarques de Perrone, « Sulla preistoria delle «quaestiones» nella letteratura patristica », p. 491-492, 499 n. 35 ; id. « Il genere delle Quaestiones et responsiones nella letteratura cristiana antica fino ad Agostino », dans «De diversis quaestionibus octoginta tribus», «De diversis quaestionibus ad Simplicianum» di Agostino d’Ippona, éd. L. Perrone, J. PéPin, F. cocchini, et al., Rome 1996 (Lectio Augustini, settimana agostiniana pavese 12), p. 11-44, ici p. 25-26.

222

EMAR I

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne la discordance entre Matthieu et Marc au sujet de la résurrection du Sauveur, « le soir du samedi » ou « le matin, le premier jour de la semaine ». I,1. Deux solutions peuvent être données pour cette question. On pourrait rejeter tout le chapitre de Marc qui cause la contradiction, car il ne se trouve pas dans toutes les copies de cet évangile. Les copies soignées, qui fixent la fin de l’évangile avant ce passage, sont en effet la majorité ; il faudrait donc le rejeter, d’autant qu’il contredit un autre témoignage évangélique. On pourrait donc annuler une telle question. I,2. Mais quelqu’un d’autre, n’osant rien rejeter, dit que la leçon est double, comme il arrive aussi dans d’autres cas, et qu’il faut donc recevoir les deux. I,3. Si l’on convient alors que cette partie de Marc est authentique, il faut l’expliquer. En fait il n’y a pas contradiction entre ce que Matthieu dit, que le Sauveur s’est réveillé « le soir du samedi », et ce que dit Marc, « étant ressuscité le matin, le premier jour de la semaine » ; il suffit de mettre une pause après « étant ressuscité » (Mc.), verbe qui se lit alors en référence au « soir du samedi » (Mt.), et ce qui suit constitue une autre phrase (« le matin, le premier jour de la semaine il est apparu à Marie Madeleine »), confirmée par Jean ; Jésus n’est donc pas ressuscité le matin, au moment où il apparaît à Madeleine, mais bien avant, comme Matthieu le dit. Deux temps sont donc ainsi désignés. Autres traditions textuelles I. John Cramer 15 a publié un long extrait eusébien qui commence par une question tout à fait semblable à EMar I, mais dont la réponse est un long texte parallèle à EMar II (voir commentaire ad loc.). I. Un très court scholion attribue à Eusèbe l’affirmation que Marc ne mentionne pas les apparitions de Jésus aux disciples après la résurrection ; il a été édité par

15. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 251-253, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 238-242 (comme il arrive pour la totalité des fragments parallèles à l’ἐκλογή que Roger Pearse signale comme « nouveaux », ils étaient déjà tous dans mon étude de 2003 ; voir dans ce cas « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 165).

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Questions et réponses sur les évangiles Christian Matthaei et ensuite republié sous une nouvelle forme, très élargie, par John Burgon 16. L’ensemble du texte que Burgon publie se trouve inséré dans un autre fragment 17, parallèle plutôt à EMar IV et publié par Pierre Poussines en 1678 et par d’autres 18 (sur ce fragment, voir le commentaire à EMar IV). John Burgon établit que ce texte est tiré d’un autre extrait anonyme, toujours édité par Christian Matthaei dans le même ouvrage 19 ; or, puisque cet extrait ne contenait pas l’attribution à Eusèbe, ni l’indication que l’évangile de Marc nierait les apparitions du ressuscité aux disciples, il en conclut qu’il s’agit d’éléments secondaires et non fiables 20. L’hypothèse n’est certainement pas démontrée par les arguments invoqués par Burgon, comme l’ont déjà signalé Westcott et Hort ainsi que Theodor Zahn 21. Au contraire, la proximité de cette scholie avec le texte de NMar 11 (et des parallèles avec NMar 10 et FMar 8) fait penser que ces fragments dérivent de la même source : on peut donc accepter l’attribution eusébienne du fragment, au moins pour la partie concernant Marc 22, même s’il faut admettre qu’il s’agit d’un résumé de la pensée d’Eusèbe fait par l’auteur de la chaîne, et non d’un extrait mot à mot. Toutefois, même en admettant l’attribution eusébienne, on n’est pas certain que ce scholion provienne vraiment de cette question. Car, comme les parallèles l’indiquent, ce texte se réfère à une discussion concernant le lieu où les apparitions ont pris place, en Galilée ou à Jérusalem (voir les autres fragments eusébiens que j’ai déjà évoqués, NMar 10 et FMar 8). En outre, même en excluant la finale longue de Marc, c’est Mc. 16,7 qui affirme que Jésus va apparaître en Galilée ; il serait donc oiseux de faire intervenir ou non la finale longue dans ce contexte pour résoudre cette contradiction (la finale longue ne précise d’ailleurs pas où les apparitions ont lieu).

16. Voici le texte : κατὰ μάρκον μετὰ τῆν ἀνάστασιν οὐ λέγεται ὤφθαι τοῖς μαθηταῖς dans sa forme courte (BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 319 ; je n’ai pas eu accès à l’édition originale de Matthaei qu’il mentionne) ; pour la forme élargie, voir BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 320 ; voir tiSchendorf, Novum Testamentum Graece, I, p. 405 ; zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, II/2, p. 915 ; aland, « Der Schluß des Markusevangeliums », dans M. SaBBe, J. aland, h. W. BartSch, et al. (éd.), L’Évangile selon Marc. Tradition et rédaction, Louvain 1988 (BEThL 34), p. 444-445 et Joseph huG, La finale de l’Évangile de Marc (Mc. 16,9-20), Paris 1978 (EtB), p. 196. 17. En référence à l’édition de John Cramer signalée à la note suivante, le texte de Burgon s’insère à la page 447, ligne 3, entre les mots λίθον et ἄλλος (ainsi BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 319-320). 18. Pierre PouSSineS, Catena Graecorum patrum in Evangelium secundum Marcum, Rome 1678, p. 364-365 ; mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 94-95 (texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 228-230), cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 446-447 (Mc. 16,9). 19. Burgon reproduit le texte de Matthaei en soulignant les éléments communs : BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 320 20. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 320-323. 21. The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, p. 32-33 (voir aussi leur hypothèse pour normaliser le contenu du scholion, p. 33), et zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, II/2, p. 915-917. 22. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 405.

224

EMar I I,1. Une autre attestation de ce texte se trouve parmi les Fragmenta in Marcum (Mc. 16,9) attribués à Victor d’Antioche (cette attribution est loin d’être certaine) 23. Ce texte est presque littéralement identique à une partie du texte de EMar I, sauf que l’auteur y affirme avoir trouvé la finale longue attestée dans les exemplaires « soignés », en inversant le texte eusébien. John Burgon considère l’ensemble du commentaire attribué à Victor comme une simple chaîne, et il en conclut que ce texte est pratiquement une copie de celui de EMar I 24. Excepté le détail des exemplaires « soignés », l’hypothèse de Burgon est vraisemblablement exacte, et il ne s’agit même pas du seul texte des Questions d’Eusèbe que ce commentaire de Victor a intégré 25. Quant à la raison qui a poussé Victor à modifier le texte eusébien, Farmer propose de la repérer dans la nécessité d’adapter la glose eusébienne à la situation manuscrite qui lui était contemporaine 26, mais cette hypothèse suppose que l’auteur de ce changement connaisse une bonne quantité de manuscrits, et qu’il ait des critères pour définir quels sont les exemplaires « soignés » (et pourquoi ils le sont). En réalité, il est bien plus probable que le changement a été introduit pour la simple raison que son auteur considérait comme canonique la finale longue. Ceci est d’autant plus vrai si on admet que le commentaire attribué à Victor, dans sa forme primitive, s’arrêtait à Mc. 16,8 27 : dans ce cas, ce texte serait un ajout postérieur fait avec la seule intention d’accréditer la finale longue (tout en expliquant la contradiction apparente avec Mt. 28,1) 28. Cependant, on connaît l’ouvrage attribué à Victor encore trop peu pour dire s’il s’agit vraiment d’une simple chaîne qui rend les extraits anonymes 29 ou s’il y a un apport personnel considérable de son auteur 30.

23. Voir par exemple l’édition du fragment chez cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 444-445, ainsi que devreeSSe, « Chaînes exégétiques grecques », p. 11761177 ; Joseph reuSS, Matthäus-, Markus- und Johannes-katenen nach den Handschriftlichen Quellen untersucht, Münster 1941 (NTA 18/4-5), p. 118-141, et notamment p. 138-141. 24. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 58-65, 269-287, notamment p. 61-63. 25. Voir Harold S. Smith, « The Sources of Victor of Antioch’s Commentary on Mark », JThS 19 (1918), p. 350-370, ici p. 355, 367, et reuSS, Matthäus-, Markus- und Johannes-katenen, p. 139. 26. farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 25-26. 27. Voir par exemple WeStcott, hort, The New Testament in the Original Greek, p. 34-36 et huG, La finale de l’Évangile de Marc, p. 197. 28. On aurait donc le droit de douter des arguments de son auteur, trop marqués par sa visée apologétique (bien que son remaniement concernant l’ensemble des manuscrits puisse réellement exprimer la situation de son temps). 29. Voir par exemple Johannes irmScher, « Vittore di Antiochia », dans Dizionario Patristico e di Antichità cristiane (ci-après DPAC), II, Casale Monferrato 1984, p. 3606 (nouvelle éd., III, Gênes-Milan 2008, p. 5674). 30. Voir Smith, « The Sources of Victor of Antioch’s Commentary on Mark », p. 353 et, concernant ce passage d’Eusèbe, p. 367.

225

Questions et réponses sur les évangiles I,1. Une autre glose publiée par Jacobus Wettstein 31, et ensuite reprise par plusieurs autres auteurs 32, fournit un parallèle au premier paragraphe de cette question. Il s’agit d’uns scholie tirée notamment des manuscrits de Marc de la famille f1, et elle affirme qu’Eusèbe considérait (ἐκανόνισεν) que l’évangile se concluait avec Mc. 16,8 33. Le scholie introduit ensuite la finale longue, mais sans prendre en compte EMar I,2-3 ni invoquer l’autorité eusébienne, ce qui pourrait indiquer soit que ce texte provient d’EMar I,1, soit qu’il s’agit d’une observation tirée des Canons évangéliques 34. I,3. L’apparat critique de la dernière édition du Nouveau Testament de Tischendorf sur Mc. 16,9 35 indique un parallèle à cette question dans le FMar 7, texte signalé par Angelo Mai à propos de EMar II et tiré d’Anastase Sinaïte (Quaest. et resp., 153) 36, et qui se trouve aussi en syriaque (SyrS XII) 37. Ce parallèle ne se réfère sans doute pas au contenu de notre question (bien que, comme EMar I,1 et Mc. 16,9, il explique que Jésus avait chassé sept démons de Marie Madeleine), mais plutôt à EMar II et III, qu’il semble résumer ; voir le commentaire à EMar II. Commentaire La question Ce texte est sans doute le plus important témoignage patristique traitant du problème posé par la finale dite longue de l’évangile de Marc (Mc. 16,9-20) 38. Il s’agit non seulement du texte le plus ancien dont on dispose commentant cette

31. ἡ καινὴ διαθήκη. Novum testamentum Graecum, editionis receptae cum lectionibus variantibus, éd. Jacob Wetstein, I, Amsterdam 1751, p. 639 (d’après BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 115-116, texte republié aussi par Griesbach). 32. Novum Testamentum Graece, éd. Johannes M. A. Scholz, I/IV, Leipzig 1830, p. 200 ; Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 404 ; BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 120 n. p ; Kirsopp laKe, Codex 1 of the Gospels and its Allies, Cambridge 1902 (TaS 7/3), p. 92 ; Évangile selon saint Marc, éd. Marie-Joseph laGranGe, Paris 1929 (EtB), p. 457 ; aland, « Der Schluß des Markusevangeliums », p. 443 ; huG, La finale de l’Évangile de Marc, p. 196 et Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 148. 33. Sur cette glose et la famille f1, voir notamment aland, « Der Schluß des Markusevangeliums », p. 443, ainsi que John G. cooK, « Julian’s Contra Galilaeos and Cyril’s Contra Iulianum: Two Witnesses to the Short Ending of Mark », TC: A Journal of Biblical Textual Criticism 20 (2015), p. 1-21, ici p. 2-3. 34. zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, II/2, p. 917-918. 35. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 407. 36. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 93-94, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 222. 37. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 68-70, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 342-344. 38. Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 148-149 ; sur cette variante voir notamment Theodor zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, I/2, Erlangen-Leipzig 1889, p. 912-916 et id., Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, II/2, p. 910-938. Le commentaire de cette question a été utilisé aussi dans mon étude « L’état canonique du texte face à ses variantes : Eusèbe et Mc. 16,9-20 », Adamantius 11 (2005), p. 133-142.

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EMar I tradition textuelle de Marc, mais aussi d’un texte qui est probablement à la base des principaux témoignages patristiques à ce sujet, comme l’a démontré John Burgon 39. Ce texte est dès lors l’une des pièces maîtresses souvent invoquées par les savants en vue de l’exclusion des versets 16,9-20 du texte de Marc (ou en tout cas comme témoignage allant en ce sens), en commençant par Karl Lachmann 40. Mais cette lecture n’a pas été unanime, au point que ce passage d’Eusèbe a aussi été invoqué comme preuve ou indice soutenant le contraire, étant donné qu’il propose de ne pas rejeter les versets de Mc. 16,9-20 ; c’est une idée exprimée en premier par John Burgon, mais qui n’a pas cessé d’être reprise jusqu’à une date récente (James Kelhoffer) 41. Les éditions principales du Nouveau Testament n’oublient d’ailleurs pas de mentionner Eusèbe parmi les témoins de la finale longue, même si elles ont utilisé son témoignage pour l’exclure du texte (c’est le cas des éditions de Tischendorf et de Nestle – Aland) 42. Quel est le problème pour Eusèbe ? Le problème qui intéresse Eusèbe dans cette question n’est toutefois pas la valeur du texte de la finale longue de Marc, comme l’a bien remarqué James Kelhoffer 43 ; en effet, Eusèbe traite un problème tout à fait différent : Jésus

39. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 39-41, 51-69, 267-268, suivi par exemple par WeStcott, hort, The New Testament in the Original Greek, p. 33-36 ; farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 22-26 ; huG, La finale de l’Évangile de Marc, p. 193-194 et cox, A History and Critique of Scholarship concerning the Markan Endings, p. 32-34 (il faut remarquer une fois pour toutes que le livre de Farmer suit de très près celui de Burgon en plusieurs points – et c’est vraiment le moins qu’on puisse en dire, comme l’a justement remarqué aussi James neville BirdSall dans sa recension, JThS NS 26 (1975), p. 151-160, ici p. 153). 40. Ainsi Karl lachmann, « Rechenschaft über seine Ausgabe des Neuen Testaments », ThStKr 3 (1830), p. 817-845, ici p. 843 (il faut cependant signaler que Lachmann n’exclura pas ce texte dans son édition, Novum Testamentum Graece et Latine, éd. K. lachmann, P. ButtmannuS, I, Berolini 1842, p. 314-315). Dans le même sens : Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 403-407 (et notamment p. 404-405) ; The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, p. 31-32.45 ; Frederick H. A. Scrivener, A Plain Introduction to the Criticism of the New Testament, Cambridge-Londres 1883, p. 587-590 ; zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, II/2, p. 913-918 ; James K. elliott, « The Text and Language of the Endings to Mark’s Gospel », ThZ 27 (1971), p. 255-262, ici p. 255 ; aland, « Der Schluß des Markusevangeliums », p. 438-440 ; huG, La finale de l’Évangile de Marc, p. 188, 193-194 ; The Greek New Testament, éd. aland, et al., p. 189, et Bruce M. MetzGer, A Textual Commentary on the Greek New Testament, Stuttgart-Londres 1994, p. 103. 41. On verra dans ce sens les appreciations de BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 41-51, 234-235 ; laGranGe, Évangile selon saint Marc, p. 460-461 ; farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 5-6, 11-13 et Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 94. 42. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 407 et Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 148. 43. Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 93 ; voir aussi dans le même sens l’introduction de MerKel, Die Widersprüche zwischen den Evangelien, p. 136-137, et les remarques

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Questions et réponses sur les évangiles semble apparaître ressuscité d’après Matthieu « le soir du sabbat » mais d’après Marc « le matin, le premier jour de la semaine ». Ainsi formulée, cette question ne contient pas de véritable aporie, car il faudrait préciser que le problème surgit si l’on admet que les deux descriptions se réfèrent au même moment, et si l’on retient que Marc 16,9 affirme que Jésus est ressuscité le matin. Il faut encore remarquer que le texte de Marc auquel Eusèbe fait référence est celui de Mc. 16,2 44, qui décrit le moment de l’arrivée des femmes au tombeau, et non le passage qui indique le moment de la résurrection de Jésus, Mc. 16,9 (ἀναστὰς δὲ πρωὶ τῇ μιᾷ τοῦ σαββάτου, selon la citation qu’Eusèbe en donne plus loin, l. 30). En fait, la contradiction signalée par Eusèbe entre Matthieu et Marc pourrait déjà apparaître entre Mc. 16,2.6 et 16,9, car en Mc. 16,2.6, les femmes, arrivant au tombeau le matin, découvrent que le Sauveur est ressuscité auparavant (aoriste ἠγέρθη), alors que selon Mc. 16,9 la résurrection a lieu « le matin, le premier jour de la semaine » 45. Kelhoffer expose différemment le problème, ne considérant pas la contradiction entre Mc. 16,2.6 et 16,9 : pour lui, la question compare Matthieu 28,1 à l’ensemble de Mc. 16 ; c’est pourquoi Mc 16,2 et 16,9 sont mélangés 46. Une conception semblable était aussi sous-entendue par Westcott et Hort, comme le rappelle le même Kelhoffer 47. Quoi qu’il en soit à ce sujet, le fait que l’aporie n’apparaît pas d’une manière claire dans la formulation de la demande donne à penser que l’auteur de l’ἐκλογή a dû laisser tomber un passage comportant l’explicitation du problème. Et, s’il est vrai que l’auteur de l’ἐκλογή a réduit cette partie de la question, le fait qu’il se réfère au texte de Mc. 16,2 plutôt qu’à 16,9 pourrait indiquer qu’Eusèbe avait perçu aussi la contradiction qui existe entre Mc. 16,2.6 et 16,9. Est-ce qu’il y a un rapport entre EMar I et EMar II ? À part le problème précis qui intéresse Eusèbe, il faut noter que la partie initiale de la questions suivante, EMar II,1-3, fournit une autre réponse à cette question ; or il s’agit de réponses qui se contredisent mutuellement. En effet, alors que EMar I,3 suppose que le moment de la résurrection décrit par Matthieu a eu lieu le soir du samedi (ou en tout cas bien avant le matin du dimanche), la question suivante, EMar II,1-3, explique que le moment décrit par Matthieu est le matin du dimanche. Ayant remarqué que l’explication de la question EMar II contredit EMar I, John Burgon 48 a proposé de voir en EMar II,1 la seule solution qu’Eusèbe aurait approuvée. Selon Burgon, après avoir déjà exposé deux réponses en EMar I,1-3, Eusèbe a encore voulu en donner une autre, ce qui démontre que de Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 430, n. 34. 44. Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 90-91. 45. Voir à propos de cette chronologie laGranGe, Évangile selon saint Marc, p. 446, 448-449, et huG, La finale de l’Évangile de Marc, p. 45-51. 46. Ainsi Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 84, n. 18. 47. The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, p. 31 (voir col. a, l. 12-13) ; Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 90, n 61. 48. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 47-50, voir en particulier p. 47-48, n. x.

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EMar I les précédentes ne le satisfaisaient guère. Selon Burgon, Eusèbe aurait reproduit les deux réponses de EMar I sans en accepter le contenu, en les tirant d’un auteur précédent, probablement d’Origène (selon une proposition que Burgon reprend de Christian Matthaei) ; au contraire, il donne par la suite sa solution, correspondant à EMar II,1, et c’est de cette seule réponse qu’il faut tenir compte. Selon Burgon une preuve est que les auteurs postérieurs à Eusèbe ont tous répondu à la question posée en EMar I par la réponse donnée en EMar II,1 49. Cependant, même si après Eusèbe on utilisera souvent la réponse de EMar II,1 pour expliquer l’aporie formulée par EMar I, ce n’est pas toujours le cas et, surtout, l’exégèse donnée en EMar I,1-3 aura elle aussi une grande fortune. La reconstitution de la question par Burgon n’est pas acceptable aussi pour des critères internes au texte, car elle ne tient pas compte du fait que EMar II constitue une autre question, qui tente de résoudre une tout autre aporie, comme on peut le constater en lisant, avec la question, la totalité de la réponse. James Kelhoffer aussi s’en est aperçu 50 : compte tenu du contexte de l’ouvrage d’Eusèbe, il est clair que ce qui l’intéresse n’est pas de fournir une explication sûre et valable mais plutôt d’accumuler le plus de solutions possibles ; peu importe si elles se contredisent mutuellement, pourvu que l’on accepte l’une d’entre elles. Kelhoffer fait voir ainsi que la thèse de Burgon non seulement n’est pas démontrable, mais qu’elle est difficilement recevable même à titre de simple hypothèse. Néanmoins, si les remarques de Burgon ont eu l’effet de concentrer l’attention des savants sur le dossier textuel de EMar I et EMar II,1 tel qu’il l’avait défini (ceci vaut aussi pour Kelhoffer, de même que pour Westcott – Hort et Farmer), on ne peut pas considérer ces deux questions comme un tout concernant à peu près le même problème. En réalité, rien n’oblige à mettre en parallèle EMar II,1 et EMar I et, si on voulait le faire, il faudrait aussi examiner quelles sont les questions respectives et, il va sans dire, la totalité de leur texte. De plus, si Burgon ou les autres l’avaient fait, ils auraient pu s’apercevoir que EMar II,2-3 aurait pu également apporter des arguments à ce débat, en faveur de la solution de EMar II,1. Il reste alors arbitraire de continuer à utiliser EMar II en rapport avec EMar I, à la suite de Burgon 51. En effet, l’aporie formulée par EMar II concerne la chronologie des deux apparitions telles qu’elles sont racontées par Matthieu, selon lequel Marie Madeleine, qui a déjà contemplé le Ressuscité le soir du samedi, pleure le dimanche à l’aube, évidemment – mais ici aussi la formulation de l’aporie a dû être abrégée – parce qu’elle ne sait pas encore qu’il est ressuscité. Or, ce qu’Eusèbe essaie d’abord de démontrer c’est que Matthieu désigne à peu près le même moment que Jean (EMar II,1-3) ; Eusèbe pourra ensuite affirmer que ce qui est raconté par Jean précède ce qui est raconté par Matthieu (EMar II,4), et, en poursuivant dans cette

49. Ainsi aussi farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 5-13 ; voir le texte publié par cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 251-253. 50. Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 79-80, 91-94, 109-110. 51. Déjà Scrivener, A Plain Introduction to the Criticism of the New Testament, p. 587-590, avait considéré seulement EMar I dans son analyse, ce qui l’amenait à conclure qu’Eusèbe plaidait contre la finale longue, même s’il n’avait pas accepté toutes les critiques de Hort à Burgon (ibid., p. 583).

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Questions et réponses sur les évangiles direction, il développera sa réponse à la question posée. Il me semble évident que les arguments développés par EMar II,1 (ou II,1-3) sont étroitement liés à la suite de l’argumentation, et ne peuvent pas être lus comme une solution parallèle à EMar I. D’ailleurs, en considérant la totalité du texte de EMar II, la contradiction toujours invoquée entre EMar I et EMar II n’est plus aussi frappante, car Eusèbe pense clairement que, si les moments indiqués par Matthieu et Jean sont très proches, il ne s’agit pas en réalité des mêmes épisodes (qu’il s’agisse de la même Madeleine ou de deux différentes). En outre, le paragraphe EMar II,1 (et ceci est valable aussi pour l’ensemble EMar II,1-3) répondrait plutôt à une question qu’Eusèbe ne pose pas, celle qui demanderait pourquoi Matthieu place la visite des femmes le soir du samedi et Jean le dimanche matin. Eusèbe ne la pose pas, mais il y pense probablement, lorsque, dans EMar I,3, il signale que le temps de la visite de Marie Madeleine indiqué par Jean est le même que celui qui est indiqué par Marc 52. Eusèbe et la finale longue de Marc Le fait que ce texte traite de la finale longue de Marc a intrigué une grande quantité de savants 53 ; comme l’a remarqué James Kelhoffer 54, il faut toutefois admettre que, dans ce texte, Eusèbe n’a pas l’intention de prendre position en faveur de ou contre cette leçon marcienne. Du point de vue de la critique du texte de Marc, ce passage est en somme une source attestant plusieurs variantes différentes en même temps, et une interprétation de ces témoignages indirects est donc beaucoup plus compliquée qu’il semble, comme l’a noté Bruce Metzger 55. Eusèbe affirme à la fois que les copies les meilleures et les plus répandues de Marc ne contiennent pas la section 16,9-20 (EMar I,1,6-7.14-15), et qu’il faut néanmoins considérer qu’en ce lieu la leçon est double, et qu’il est donc sage de garder les deux leçons (EMar I,2). Ces considérations eusébiennes n’entrent toutefois en jeu qu’en lien avec le problème posé par la question. Deux réponses sont données ; d’une part il est dit qu’il s’agit d’un faux problème si on utilise une copie de l’évangile qui s’arrête à Mc. 16,8 ; d’autre part, il faut résoudre la question en admettant qu’on est tout à fait en droit d’utiliser une copie qui contient la finale longue (solution qu’Eusèbe développe en EMar I,3). L’hypothèse selon laquelle c’est Marinos qui atteste la connaissance de la finale longue dans ce texte et non Eusèbe, proposée par Westcott er Hort 56, à la suite

52. Cette remarque d’Eusèbe est utilisée par Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 92 pour lier EMar I avec EMar II,1, mais il ne s’agit pas d’un argument probant. 53. Je n’ai pas eu accès à la totalité de ces études ; pour une ample bibliographie, voir par exemple Kelhoffer, ibid., p. 81, n. 6. 54. Kelhoffer, ibid., p. 93-94 (voir aussi The New Testament in the Original Greek, WeStcott, hort, p. 32). 55. Bruce M. metzGer, « The Practice of Textual Criticism Among the Church Fathers », dans E. A. livinGStone (éd.), Studia Patristica, XII. Papers presented to the Sixth International Conference on Patristic Studies held in Oxford 1971, Berlin 1975 (TU 115), p. 340-349, ici p. 344. 56. The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, p. 31-32, 44 (et elliott, « The Text and Language of the Endings to Mark’s Gospel », p. 255).

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EMar I de Burgon 57, n’est pas à recevoir, si l’on en conclut qu’Eusèbe n’est plus à considérer comme un témoin de la leçon longue, ce que sous-entendent certainement Westcott – Hort et Elliott : Eusèbe montre en effet qu’il connaît très bien cette leçon. D’autre part, il n’est pas invraisemblable qu’une bonne partie des questions auxquelles Eusèbe répond n’aient pas vraiment été posées par les dédicataires de cette œuvre, qu’il s’agit plutôt d’un procédé rhétorique ; le cas est le même dans la lettre 120 de Jérôme, comme l’a montré d’une manière convaincante déjà Burgon 58. En conclusion, alors qu’il est seulement possible que Marinos soit un témoin de la finale longue, il est sûr qu’Eusèbe en est un. Si l’on exclut les deux scholies qui lui sont attribuées et dont il a déjà été question, Eusèbe a été confronté au moins une autre fois à la section finale de Marc. Dans ses Canons évangéliques, un travail qui repère les parallèles des évangiles, fondé sur une liste semblable d’Ammonios d’Alexandrie 59, Eusèbe n’a pas retenu la finale longue, ce qui, comme on le remarque souvent, semble indiquer sa préférence pour le texte court 60. L’idée qu’Eusèbe n’a pas inclus la finale longue dans les Canons a été contestée par Burgon, pour qui, entre autres, le texte sur lequel Eusèbe s’est fondé n’est pas l’ouvrage perdu d’Ammonios, comme on le penserait en suivant la Lettre à Carpianos 61. Farmer admet par contre que les canons d’Eusèbe n’incluent pas Mc. 16,9-20, tout en remarquant que le principe des canons est l’inclusion (exactement comme dans le Diatessaron de Tatien, qui contient la finale longue, remarque-t-il, et donc – au lecteur de conclure – on ne comprend pas pourquoi Eusèbe ne l’inclut pas) : dès lors, il soutient que les canons d’Eusèbe auraient pu contenir Mc. 16,9-20, car ces versets ont un parallèle chez Matthieu (sur lequel se fondait l’œuvre originelle d’Ammonios) 62. Ces hypothèses sont manifestement indémontrables, et il faut sans doute retourner aux arguments qui étaient déjà ceux de Tischendorf : il n’y a pas de raison de douter qu’Eusèbe ait tiré ses Canons évangéliques de l’œuvre d’Ammonios 63, et il est bien possible qu’Ammonios ait

57. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 26. 58. BurGon, ibid., p. 54-55. 59. Voir la Lettre à Carpianos d’Eusèbe ; Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 84*-85*, et Robert devreeSSe, Introduction à l’étude des manuscrits grecs, Paris 1954, p. 161-162. Une nouvelle édition de ce texte eusébien est en cours par Martin Wallraff (Bâle). 60. Ainsi par exemple Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 406 ; The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, p. 33 ; zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, II/2, p. 917-920 ; Caspar R. GreGory, Textkritik des Neuen Testamentes, II, Leipzig 1902, p. 872 ; von Soden, Die Schriften des Neuen Testaments, I/1, p. 394-395 ; aland, « Der Schluß des Markusevangeliums », p. 443-444 ; MetzGer, A Textual Commentary on the Greek New Testament, p. 103. D’après cox, A History and Critique of Scholarship concerning the Markan Endings, p. 29, cet argument aurait été utilisé pour la première fois par Samuel P. treGelleS, An Account of the Printed Text of the Greek New Testament with Remarks on Its Revision Upon Critical Principles, Londres 1854, p. 247-248 (non vidi). 61. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 119-120, 125-133, 295-312. 62. farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 61-64. 63. Voir en ce sens par exemple carriKer, The Library of Eusebius of Caesarea, p. 183-184.

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Questions et réponses sur les évangiles exclu la finale longue parce qu’elle manquait dans son texte de Marc, selon l’usage de l’église alexandrine ancienne 64. Quant au fait qu’Eusèbe n’inclut pas cette section, plusieurs explications sont possibles. Les canons d’Eusèbe seraient une version très peu retouchée de la synopse d’Ammonios, que l’érudit Eusèbe eut le mérite de diffuser sous une forme nouvelle plus simple et plus complète, mais sans y apporter de modifications substantielles quant aux sections définies par Ammonios ; Eusèbe ne serait donc pas intervenu pour ajouter la finale longue à ses canons : ou bien sachant qu’elle n’est pas présente dans toutes les copies, il n’a pas voulu prendre position, ou bien cette problématique lui a complètement échappé (ce qui semble très difficile). Une autre solution, esquissée par Timothy Barnes 65, est de supposer que l’opinion d’Eusèbe à propos de la finale longue ait changé au cours de sa vie : ainsi, à un certain moment il estime que c’est une partie à rejeter, ou du moins à passer sous silence, ou encore il ne la connaît pas (pendant les débuts de son activité littéraire, à la suite de l’origénien Pamphile), et, à une autre époque, il estime par contre que les deux versions font deux formes acceptables du texte de Marc (parti qui convient mieux à la maturité d’Eusèbe, où le philologue affirme ouvertement que les copies les meilleures sont celles sans la finale longue, mais où l’homme d’Église dit qu’il ne faut pas rejeter ce qui se trouve dans les copies des évangiles, en cautionnant aussi la finale longue). L’hypothèse de Barnes est en réalité plus radicale, car il considère qu’Eusèbe a enfin accepté sans autre le texte de Marc avec la finale longue, au point de l’avoir introduit dans ses Canons 66. Quoi qu’il en soit Eusèbe connaît très bien les deux traditions et, du point de vue de sa valeur comme témoin indirect, il est certainement un témoin pour les deux. Celse et/ou Porphyre ? Une remarque de Celse rapportée par Origène (Contra Cels., II,55.59.60, éd. Borret, SC 132, p. 414-416.422-426) critique la crédibilité du récit de la résurrection (et notamment la crédibilité de celle qui l’a vu ressuscité, une « exaltée » d’après Celse, ce qui renvoie à la Madeleine de Mc. 16,9 : παρ’ ἧς ἐκβεβλήκει ἑπτὰ δαιμόνια). À noter sur ce point qu’Origène nie que les textes évangéliques soutiennent les allégations de Celse, en faisant donc semblant de ne pas connaître la finale longue. Toutefois, bien que dans ce texte Celse ne s’en prenne pas à la

64. Les usages de Clément d’Alexandrie et d’Origène semblent en effet aller aussi dans ce sens, comme le notent par exemple huG, La finale de l’Évangile de Marc, p. 192-193 et MetzGer, A Textual Commentary on the Greek New Testament, p. 103. 65. Timothy D. BarneS, Constantine and Eusebius, Cambridge (MA)-Londres 1981, p. 122. 66. Barnes renvoie notamment à la liste des manuscrits contenant de nouvelles sections pour Mc. 16,9-20 qui avait été dressée par GreGory, Textkritik des Neuen Testamentes, II, p. 869-872, en supposant donc qu’Eusèbe est l’auteur de ces ajouts, ce qui n’est certainement pas l’avis de Gregory (ibid., p. 872) et qui ne se concilie pas avec le texte de EMar.

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EMar I problématique abordée par Eusèbe, sa critique signale au moins que le récit de la résurrection était contesté 67. Une formulation du problème très proche de celle d’Eusèbe est attribuée à Julien et à Porphyre par Išo‘dad de Merw dans Comm. in Io., XIX (Jn. 19) 68. Toutefois, les autres sources dont nous disposons attribuent cette critique à Julien seulement : il s’agit de Cyrille d’Alexandrie, Contra Iul., XIV 69 et de Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,33. On pourrait alors douter de l’attribution à Porphyre par Išo‘dad et retenir le seul Julien, comme le propose John Cook 70, même s’il se peut aussi que la source de Julien (et d’Eusèbe) soit Porphyre, comme préfère le croire Wilhelm Nestle 71. L’attribution à Porphyre de cette critique reste dans ces conditions seulement possible, et non prouvée. Origène ? Comme on a vu plus haut, John Burgon a supposé qu’Origène était à la base des informations offertes par EMar I,1 72, ce qui est possible, mais qui ne justifie pas sa thèse, selon laquelle Eusèbe ne pense pas que Marc peut s’arrêter à 16,8 73. L’opinion selon laquelle c’est à Origène que doit remonter EMar I est aussi partagée, entre autres, par Westcott – Hort et Scrivener 74. Hort présente toutefois l’hypothèse de Burgon comme si elle ne concernait que EMar I,1, ce qui lui permet d’affirmer que le contenu de cette partie de la question, puisqu’il remonterait à Origène, est encore plus digne de considération. En réalité, Burgon avait soutenu, non sans formulations parfois ambiguës, que tout le contenu de EMar I provenait d’Origène 75. S’il est en effet possible que EMar I,1 recèle une opinion d’Origène, il en va de même pour les explications proposées par EMar I,2-3 : si Origène se réfère souvent aux copies ἀκριβῆ, « soignées » 76, il montre de même du respect pour l’autorité de l’Église

67. Sur ce texte, voir cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 55-58. 68. Éd. dunloP GiBSon, The Commentaries of Isho‘dad of Merv, III, p. 211 ; trad., I, p. 278-279. 69. Contra Gal., fr. 96 Masaracchia ; voir rinaldi, Biblia gentium, n° 599 ; id., La Bibbia dei pagani, II, n° 599 et cooK, « Julian’s Contra Galilaeos », p. 3-8. 70. cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 154. 71. neStle, « Die Haupteinwände des antiken Denkens gegen das Christentum », p. 614 ; du même avis sont aussi rinaldi, « Tracce di controversie », p. 106-107 (notamment p. 106, n. 23) et Augusto Guida dans teodoro di moPSueStia, Replica a Giuliano imperatore, éd. A. Guida, Florence 1994 (BPat 24), p. 197. 72. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 47-50, 235-237. 73. Ibid., p. 49-50. 74. The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, p. 32, 46 et Scrivener, A Plain Introduction to the Criticism of the New Testament, p. 588. 75. Ainsi BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 47-48 ; voir aussi farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 5-6. 76. Voir à ce propos les remarques de BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 236 ; farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 18, et A History and Critique of Scholarship concerning the Markan Endings, p. 23-25 – et d’autres passages origéniens vont dans le même sens.

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Questions et réponses sur les évangiles dans son ensemble, et il n’oserait certainement pas déclarer qu’une leçon est à rejeter s’il sait que des copies en usage dans l’Église l’adoptent (voir par exemple De princ., Praef., 3-10). Farmer a encore tenté d’apporter des arguments nouveaux en faveur de l’origine origénienne de EMar I. Selon lui, la remarque d’Eusèbe sur les « copies soignées » (EMar I,1,7) ferait référence à un texte résultant d’une édition de Marc faite à Alexandrie avant Origène et qu’Origène aurait approuvée par la suite ; cette édition devait bien sûr s’arrêter à Mc. 16,8 77. Cependant, comme l’a déjà montré James Neville Birdsall 78, Farmer connaît mal la méthode philologique alexandrine et ne songe même pas à prouver qu’une édition pareille de Marc ait pu exister avant Origène : son argumentation n’est donc pas recevable, et l’idée qu’il faut rechercher Origène derrière EMar I reste une simple hypothèse. Néanmoins, il faut relever que l’argument qu’Eusèbe adopte pour expliquer de quelle manière il faut rattacher ἀναστὰς à ὀψὲ σαββάτων dans les textes de Mc. 16,9 et de Mt. 28,1 (EMar I,3) est proche de la manière de procéder d’Origène, dans un autre contexte. Il s’agit d’un possible usage de l’ἀνάγνωσις 79, outil rhétorique et grammatical employé par Origène dans son Commentaire sur la Genèse, I,11 80, dont voici une traduction française : D’Origène. Il ne faut pas négliger qu’un solécisme pourraît apparaître dans la phrase « Dieu a dit : que la terre fasse pousser l’herbe du foin, celle qui sème la semence selon le genre et selon la ressemblance ». En effet, « qui sème » ne se trouve pas à la place idoine. Comment est-il possible de comprendre d’une manière autre que par un solécisme – comme la plupart le retiennent – que l’expression « qui sème » est dite à propos de « l’herbe du foin 81 » ? Mais il est possible d’utiliser un signe de ponctuation comme division ; on comprend alors : « Dieu a dit : que la terre fasse pousser l’herbe du foin » et on ajoute les expressions ainsi séparées : « en semant la semence selon le genre et selon la ressemblance », pour que le texte soit : « Dieu a dit : que la terre fasse pousser l’herbe du foin » « selon le genre qui sème la semence », en rapportant l’expression « qui sème » à « genre ».

77. farmer, The Last Twelve Verses of Mark, p. 12-22, 40-47, 59-75. 78. neville BirdSall, recension de The Last Twelve Verses of Mark, p. 155-158. 79. Commentaire à ESt III,1,9-10, et la définition de l’ἀνάγνωσις par JohnSon, « Rethorical Criticism in Eusebius’ Gospel Questions », p. 3434. 80. Il s’agit du fr. D5 de l’édition de Karin Metzler, à paraître pour la collection GCS ; le texte provient d’une chaîne sur la Genèse : Collection Coislin, fr. 48, éd. Petit, CChr.SG, 15, p. 45-46. 81. Le solécisme consiste donc dans l’accord bizarre entre le féminin βοτάνην et le neutre σπεῖρον, quoique ce flottement de genre soit parfaitement attestée, comme le remarque Monique alexandre, Le commencement du livre, Genèse I-V. La version grecque de la Septante et sa réception (CAnt, 3), Paris 1988, p. 125 ; cf. aussi dans le même sens neuSchäfer, Origenes als Philologe [I], p. 214 (notes [II], p. 450).

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EMar I Autres parallèles eusébiens Des deux scholies attribuées à Eusèbe et publiées par Burgon 82, on a discuté dans la section concernant les autres traditions textuelles. On peut évidemment considérer le texte de EMar II,1-3 comme parallèle, puisqu’il offre une solution différente à ce qui pourrait être le même problème 83, même si tout cela est discutable, comme je l’ai montré plus haut. La même chose peut se dire pour NMar 1, qui discute du moment de la résurrection, en affirmant qu’elle avait déjà eu lieu au moment où les deux Maries qui parviennent au tombeau observent l’ange qui roule la pierre d’après Mt. 28,1-2 (NMar 1 traite cependant aussi d’une question totalement différente). Eusèbe a aussi traité très brièvement de ce problème en Dem. ev., X,8,17-21, où Matthieu est opposé aux trois autres évangiles. Dans ce cas encore, la solution est d’affirmer l’accord substantiel entre les quatre versions. Autres parallèles Des scholies concernant la finale longue existent en quantité ; ces témoignages peuvent plaider tant pour la finale longue que pour son exclusion 84. Il n’est pas invraisemblable que ces gloses aient été influencées, d’une manière ou d’une autre, par ce texte eusébien, qui est sans doute la source d’une bonne quantité des passages qui traitent ce problème. En plus du passage attribué à Victor d’Antioche, qu’il faut plutôt inclure parmi les témoignages d’Eusèbe (voir supra, p. 225), on trouve les parallèles suivants, qui, sans utiliser tous la solution d’EMar I, formulent le problème dans des termes semblables : Grégoire de Nysse, De tridui inter mortem et res. D. N. Iesu Chr. spatio 85 ; Augustin, De cons. ev., III,24,65 (CSEL 43, p. 77.354-356) ; Jérôme, Ep., 120,3 86 ; Sévère d’Antioche,

82. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 120.319-320. 83. Ainsi déjà The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott – hort, , p. 32. 84. Sur ces scholies, voir notamment aland, « Der Schluß des Markusevangeliums », p. 443-446 ; ainsi que, par exemple, BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 114-124, 133-190, qui tente de démontrer que les scholies n’appuient que la finale longue ; laGranGe, Évangile selon saint Marc, p. 458-459 ; Kurt aland, « Bemerkungen zum Schluss des Markusevangeliums », dans E. E. elliS, m. Wilcox (éd.), Neotestamentica et Semitica. Studies in Honour of Matthew Black, Édimbourg 1969, p. 157-180, ici p. 165-166 ; huG, La finale de l’Évangile de Marc, p. 196-197 ; Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 148 ; Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 404 ; The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, p. 30, 35-36. Maintenant cooK, « Julian’s Contra Galilaeos », p. 7-8 propose aussi pour d’autres texte de Cyrille d’Alexandrie une dérivation eusébienne. 85. « [Gregorii Nysseni] De tridui inter mortem et resurrectionem domini nostri Iesu Christo spatio », éd. Ernst GeBhardt, dans Sermones, éd. G. heil, A. van hecK, E. GeBhardt, A. SPira, Leyde 1967 (Gregorii Nysseni Opera IX), p. 271-306, ici p. 289 ; trad. Hubertus R. droBner, Die Drei Tage zwischen Tod und Auferstehung unseres Herrn Jesus Christus, Leyde 1982 (PP 5), p. 26-27. 86. Texte dans Saint Jérôme, Lettres, VI, éd. et trad. Jérôme laBourt, Paris 1958 (CUFr), p. 120, 130-131 ; voir BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 51-57 ; sur l’usage de Jérôme, voir cooK, « Julian’s Contra Galilaeos », p. 10-15.

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Questions et réponses sur les évangiles Hom. cath., 77 (PO 16, p. 795) 87 ; Ammonios d’Alexandrie, Fr. in Io., 20,1 88 ; Jean I de Thessalonique, Hom. de Christi resurrectione 89 ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mc., 16,9 (CSCO 95, p. 216-217, trad. CSCO 98, p. 174-175) ; Théophylacte de Bulgarie, En. in ev. Marci, 16,1-8 (PG 123,677 n. 90) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Mc., XLVIII (Mc. 16,9-10 ; PG 129,845D-848B) 90 ; Barhebraeus, Horr. Myst. (Mc. 16,20). Burgon 91 avait identifié le texte d’Hésychius de Jérusalem, Collectio difficultatum et sol., 52 (PG 93,1440-1441), comme parallèle d’Eusèbe, mais Kelhoffer, remarquant que les contacts entre ce texte et EMar I-II,1 sont réduits, pense plutôt qu’Hésychius ne connaît pas le texte d’Eusèbe 92. En réalité, le texte d’Hésychius est un parallèle à EMar IV (d’autres parallèles à différents passages des questions eusébiennes prouvent également qu’Hésychius connaissait le texte d’Eusèbe, comme par exemple EMar II). I 1. ὀψὲ σαββάτων. Le sens de cette expression de Mt. 28,1 est sans doute pour Eusèbe « le soir du sabbat », car il n’y aurait sinon aucune aporie dans la formulation de la question 93. On pourrait cependant comprendre cette expression de Matthieu dans le sens de « après le sabbat ». C’est entre autres la proposition de traduction du texte matthéen faite par Johann Bengel, par les dictionnaires de Liddell – Scott et Bauer – Aland (les deux derniers soulignant toutefois, d’une manière ou d’autre, le caractère impropre, bien qu’attesté, d’un tel usage de ὀψέ) 94. Le sens qu’Eusèbe donne à l’expression est par contre le plus correct en grec et c’est aussi le sens qui lui est donné par d’autres exégètes anciens 95, par quelques 87. Voir BurGon, ibid., p. 39-41. 88. Édition dans Johannes-Kommentare aus der Griechischen Kirche, éd. Joseph reuSS, Berlin 1966 (TU 89), fr. 607. 89. S. patris nostri Asterii Amaseae… [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium, I], éd. comBefiS, p. 796-820 ; un extrait de l’homélie concernant ce passage est cité aussi par Adolf BrinKmann, « Klassische Reminiscenzen », RMP n. s. 60 (1905), p. 630-635, ici p. 632 et teodoro di moPSueStia, Replica a Giuliano imperatore, éd. Guida, p. 206-207. 90. Voir BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 68-69. 91. Ibid., p. 57-58.267-268. 92. Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 101-102. 93. Il ne s’agit assurément pas d’une interprétation due à l’intervention de l’auteur de l’ἐκλογή, car on constate qu’Eusèbe entend la même chose tout au long de la réponse et aussi dans EMar II. 94. BenGel, Gnomon Novi Testamenti, p. 168 ; liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 1282 ; ainsi que par Bauer, aland, Griechisch-deutsches Wörterbuch, p. 1216. 95. Voir par exemple GréGoire de nySSe, De tridui inter mortem et res. D. N. Iesu Chr. spatio, avec le commentaire de Hubertus R. droBner, « Three Days and Three Nights in the Heart of the Earth. The Calculation of the Triduum Mortis according to Gregory of Nyssa (De Tridui Spatio p. 286, 12-290, 17) », dans A. SPira, c. KlocK, et al. (éd.), The Easter Sermons of Gregory of Nyssa. Translation and Commentary. Proceedings of the Fourth International Colloquium on Gregory of Nyssa, Cambridge, England: 11-15 September, 1978, Philadelphie (PA) 1981 (PatMS 9), p. 263-278, ici p. 265-267 ; ainsi que les commentaires évangéliques de zahn, Das Evangelium des Matthäus, p. 707, n. 1 et KloStermann, Das Matthäusevangelium, p. 227.

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EMar I traductions anciennes, dont la Vulgate («vespere autem sabbati ») 96, et qui a été depuis accepté par une partie des savants 97. Néanmoins, nombre de traducteurs et commentateurs refusent explicitement le sens de cette expression tel qu’Eusèbe l’entend 98. Peut-être qu’Eusèbe, les autres auteurs anciens 99 et les traducteurs anciens sont dans l’erreur, mais le sens qu’ils donnent à ὀψέ est clairement celui de « tard » (« le soir du sabbat ») et, de ce point de vue, même si Eusèbe est probablement la source des autres commentaires (mais il n’en va pas de même pour les versions), le fait qu’ils utilisent son exégèse implique qu’ils interprètent le mot ὀψέ de la même manière. Quant à la forme textuelle ὀψὲ σαββάτων par rapport à celle adoptée par la plupart des éditeurs, ὀψὲ δὲ σαββάτων, il faut dire que cette leçon d’Eusèbe est aussi celle d’un bon nombre de manuscrits 100. En EMar II,1,16-17, lorsqu’il donne la citation complète de Mt. 28,1, Eusèbe lit toutefois ὀψὲ δὲ σαββάτων : dans le cas présent il a pu être amené à supprimer la particule, altération tout à fait compréhensible dans le cas d’une citation, d’autant plus que celle-ci est intégrée au milieu d’une phrase 101. 2-3. πρωὶ τῇ μιᾷ τῶν σαββάτων. La citation provient littéralement de Mc. 16,2, mais la question se réfère implicitement plutôt à Mc. 16,9 (voir supra, p. 226-227) : il s’agit peut-être d’une incohérence introduite lors de la rédaction de l’ἐκλογή résumant la question.

96. Sur les traductions anciennes en ce sens, voir Ulrich luz, Das Evangelium nach Matthäus, IV. Mt 26-28, Düsseldorf-Zürich-Neukirchen-Vluyn 2002 (EKK 1/4), p. 401, n. 35. 97. Par exemple par Georgius D. KyPKe, Observationes Sacrae in Novi Foederis libros, I, Wroclaw 1755, p. 144-145, et aujourd’hui par luz, Das Evangelium nach Matthäus, IV, p. 395, 401 (je signale en passant que, p. 401, n. 32, Luz indique les parallèles de Grégoire de Nysse, Hom. in. res., II, et de Sévère d’Antioche, sans doute Hom. cath., 77, mais il s’agit du même texte, écrit par ce dernier). Dans le même sens aussi Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 84, n. 17. 98. Ce refus peut être péremptoire, comme dans la note à Mt. 28,1 de la Bible de Jérusalem (L’évangile selon saint Matthieu, éd. Pierre Benoit, Paris 1950 [SB(J)], p. 163 et rééditions), ou plus réfléchi, avec des textes anciens à l’appui, en utilisant l’argument que le sens donné par Eusèbe ne s’accorde pas avec Marc ni avec la suite du texte de Matthieu, etc., comme dans BenGel, Gnomon Novi Testamenti, p. 168 ; S. patris nostri Asterii Amaseae… [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium…, I], éd. comBefiS, p. 789 ; Das Evangelium des Matthäus, éd. zahn, p.707-708, n. 1 ; BlaSS, deBrunner, Grammatik des neutestamentlichen Griechisch, § 164, et dans davieS, alliSon, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, I, p. 663. L’argument concernant l’accord avec Marc (ou Jean, ou Luc – même si Marc, selon la théorie des deux sources, était connu de Matthieu) n’est pas vraiment probant (même en ne considérant pas la contradiction entre Mc. 16,1-2 et 16,9 dont on a parlé) et, quant au problème de la cohérence interne du texte de Matthieu, en EMar II Eusèbe arrive néanmoins à l’expliquer, tant bien que mal, tout en gardant son interprétation ordinaire du terme ὀψέ. 99. En plus des parallèles cités supra, p. 235-236, voir aussi ceux concernant EMar II, notamment Denys d’Alexandrie. 100. Voir notamment New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 292. 101. Toutes les citations patristiques signalées par tiSchendorf, Novum Testamentum Graece, I, p. 208 ne l’attestent pas non plus !

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Questions et réponses sur les évangiles I,1 4-5. ὁ μὲν γὰρ τὸ κεφάλαιον αὐτὸ τὴν τοῦτο φάσκουσαν περικοπὴν ἀθετῶν. En raison de la suite de l’argumentation, la περικοπή est évidemment Mc. 16,9-20 (voir commentaire à EMar I, l. 2-3). Burgon 102 juge le texte corrompu et propose de considérer la phrase τὴν τοῦτο φάσκουσαν περικοπὴν comme une glose de τὸ κεφάλαιον αὐτὸ. Par contre, Westcott – Hort et Kelhoffer 103 proposent de voir ici une rigidité de langage due à l’auteur de l’ἐκλογή, qui aurait fusionné des passages différents de l’original eusébien, alors que Guignard propose la lacune d’un participe avec le sens d’« éluder » après αὐτὸ 104. Sur la base de cette observation, Kelhoffer intervient à l’opposé de Burgon, en mettant entre parenthèses τὸ κεφάλαιον αὐτὸ. En suivant cette interprétation, ou pourrait traduire l’expression τὸ κεφάλαιον αὐτὸ par « le chapitre même ». Le fait qu’Eusèbe désigne ici la section de Mc. 16,9-20 comme περικοπή (ou κεφάλαιον, si on traduit τὸ κεφάλαιον αὐτὸ par « le chapitre même ») permet à Burgon 105, à partir d’autres indices encore (voir commentaire à la l. 7-8), de développer son hypothèse selon laquelle cette section, originelle dans l’évangile de Marc, formait une péricope dans les lectionnaires et dans les manuscrits néotestamentaires contenant les indications des péricopes pour la lecture communautaire 106. À cause de ce découpage liturgique, la péricope aurait été accidentellement omise dans certains manuscrits 107. L’hypothèse de Burgon implique cependant que les lectionnaires aient été très répandus déjà au iie siècle 108, ce qui est sans doute faux 109. 5. ἀθετῶν. Dans le sens de « rejeter », le verbe ἀθετέω est un terme technique de la critique textuelle 110. 6-7. μὴ ἐν ἅπασιν αὐτὴν φέρεσθαι τοῖς ἀντιγράφοις τοῦ κατὰ Μάρκον εὐαγγελίου. Ceci est la première d’une série de remarques d’Eusèbe concernant les manuscrits de l’évangile de Marc et le texte final qu’ils contiennent (voir ce qui est dit plus loin : τὰ γοῦν ἀκριβῆ τῶν ἀντιγράφων, l. 7 ; σχεδὸν ἐν ἅπασι 102. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 45, n. r. 103. The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, « Introduction », p. 31 et Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 84, n. 16. Westcott-Hort et Kelhoffer proposent la même explication, mais avec moins de logique, pour deux autres passages également ; voir à leur sujet commentaire à la l. 14. 104. Ainsi GuiGnard, compte rendu de PearSe, Eusebius of Caesarea, Gospel Problems and Solutions, p. 586. 105. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 213. 106. Ibid., p. 191-213. 107. Ibid., p. 214-232, 239-241. 108. Ibid., p. 225-226. 109. Voir par exemple Kurt aland, Barbara aland, Der Text des Neuen Testaments, Stuttgart 1989 (19821), p. 184-187 [d’après la trad. ital. de S. timPanaro, Il testo del Nuovo Testamento, Gênes 1987] ; voir aussi Christian-Bernard amPhoux, avec J.-P. Bouhot, « Les lectionnaires grecs », dans C.-B. amPhoux, J.-P. Bouhot (éd.), La lecture liturgique des Épitres [sic] catholiques dans l’Église ancienne, Lausanne 1996 (Histoire du texte biblique / Studien zur Geschichte des biblischen Textes 1), p. 19-53, ici p. 21-28. 110. Voir liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 31.

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EMar I τοῖς ἀντιγράφοις, l. 12-13 ; σπανίως ἔν τισιν ἀλλ’ οὐκ ἐν πᾶσι, l. 14-15). D’après Burgon 111, ces remarques (mais il ne considère pas l’avant-dernière) sont confuses (« vague and random » 112), ce qui indiquerait qu’Eusèbe ne les partage pas 113. En réalité, la cohérence de ces remarques est indiscutable : dans l’ensemble des manuscrits, se terminant presque tous avec Mc. 16,8, il y a un ensemble (plus petit) de manuscrits « soignés », qui se terminent tous avec Mc. 16,8, et un autre ensemble minoritaire qui contient aussi Mc. 16,9-20. 7. τῶν ἀντιγράφων. Terme technique pour signifier la copie (les copies) d’un livre 114. 7-8. τὸ τέλος. Combinée avec l’appellation faite par Eusèbe de la section de Mc. 16,9-20 comme (κεφάλαιον ou) περικοπή (voir comm. l. 4-5), cette expression (utilisée aussi l. 14) signifie pour Burgon que le texte eusébien utiliserait ici la terminologie des lectionnaires, en insinuant simplement que les « copies soignées » portent la mention τὸ τέλος après Mc. 16,8 (indiquant la fin d’une péricope et évidemment le début de la suivante). Selon cette interprétation, le texte d’Eusèbe ne dirait pas que, dans ces manuscrits, l’évangile de Marc s’arrête à Mc. 16,8, mais que, dans le contexte de sa question, une manière de supprimer la contradiction posée est de rejeter toute la dernière péricope de l’évangile 115. D’après cette hypothèse, Eusèbe – convaincu du caractère originel de Mc. 16,9-20 – en reprenant peut-être un texte d’Origène, reconnaîtrait ici seulement qu’après Mc. 16,8 les manuscrits soignés signalent τὸ τέλος (fin de la péricope) 116. Selon Burgon, le fait que plus loin Eusèbe dit que la plupart des copies ont l’indication τὸ τέλος après Mc. 16,8 (l. 12-14), ne signifie pas que ces copies terminent l’évangile avec Mc. 16,8, mais seulement que la plupart des copies comportaient une indication liturgique à cet endroit, sans qu’on puisse en conclure qu’elles ne contenaient pas Mc. 16,9-20. Eusèbe déclarerait donc simplement que, bien qu’il existe des copies sans la péricope Mc. 16,9-20, la plupart des manuscrits signalent qu’avec Mc. 16,8 une péricope s’achève 117. Cette lecture ne peut pas s’accorder avec ce qui est dit à la l. 14-15, à savoir que la section Mc. 16,9-20 n’est attestée que rarement. Il serait d’ailleurs impropre de qualifier d’ἀκριβῆ la majorité des copies, même en supposant une réticence d’un Eusèbe en train d’aménager sa source et de parler velatis verbis (pourquoi n’aurait-il pas été plus clair, à supposer qu’il n’en partageât pas les opinions ?). Quant au problème posé par le fait qu’il faudrait alors dater le découpage liturgique du iie siècle, on en a déjà parlé (voir commentaire l. 4-5).

BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 48-49. Ibid., p. 48. Ibid., p. 50. liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 154, ainsi que cooK, « Julian’s Contra Galilaeos », p. 17, n. 92. 115. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 233-234. 116. Ibid., p. 235-237. 117. Ibid., p. 234-235, 238-239. 111. 112. 113. 114.

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Questions et réponses sur les évangiles 10. μὴ φοβεῖσθε, Ἰησοῦν ζητεῖτε τὸν ναζαρηνόν. Selon Kelhoffer 118, il s’agit d’une citation de Mc. 16,6 montrant une contamination avec Mt. 28,5 (μὴ φοβεῖσθε), comme le pense aussi Tischendorf, qui signale une variante semblable dans le manuscrit D, dit « de Bèze » (μὴ φοβεῖσθαι) 119. En effet, comme l’indique Tischendorf, en EMar IV,2,45-46 Eusèbe propose un texte différent de ce passage de Marc (μὴ ἐκθαμβεῖσθε, Ἰησοῦν ζητεῖτε τὸν ναζαρηνὸν). Selon Kelhoffer, la forme de cette citation laisse penser que les extraits évangéliques proviendraient d’une harmonie, ou d’un manuscrit évangélique, ou de plusieurs manuscrits soumis à une harmonisation. Un autre argument invoqué par Kelhoffer se fonde sur d’autres passages du texte eusébien allant dans la même direction : il ne les signale pas ici, mais il le fait tout au long de ses notes au texte. Il me semble cependant que tout l’ensemble de EMar IV a souffert d’un important travail rédactionnel (voir commentaire à cette question), au point qu’il est difficile d’en tirer des conclusions valables. 8. ἐπιλέγει. Un autre sujet possible d’après Kelhoffer 2001, p. 85, n. 20 de cet ἐπιλέγει est Marc (dans une partie des copies !). 11. καὶ ἀκούσασαι ἔφυγον, καὶ οὐδενὶ οὐδὲν εἶπον, ἐφοβοῦντο γάρ. Bien qu’elle soit attestée par un seul manuscrit connu, la leçon ἀκούσασαι (κἀκούσασαι) est présente en tradition directe, et d’autres versions proposent des leçons proches d’Eusèbe 120. Quant à l’omission d’une partie du texte marcien, elle est due probablement à l’auteur de l’ἐκλογή, qui a ainsi gagné de l’espace. 14. περιγέγραπται τὸ τέλος. Selon Westcott et Hort 121, cette expression (comme d’autres, voir comm. l. 10 et 14-15) soulève une difficulté majeure, car περιγράφω signifie déjà ‘achever’ si le verbe se réfère à un livre 122, ce qui implique une erreur due à l’auteur de l’ἐκλογή. Il ne s’agit pas d’une véritable difficulté (même en rapport à celle de la l. 10), car le verbe peut aussi recevoir l’objet τὸ τέλος (comme il arrive aussi aux l. 7-8), surtout si l’on considère que les verbes composés n’ont plus à cette époque une valeur très distincte de celle du verbe simple 123. 14-15. σπανίως ἔν τισιν ἀλλ’ οὐκ ἐν πᾶσι. Cette affirmation est contestée par Burgon 124 ; il est d’après lui impossible que la majorité des manuscrits de Marc s’arrêtent à Mc. 16,8 comme le texte le prétend ; d’ailleurs, le discours confus (voir commentaire aux l. 6-7) indique pour Burgon qu’Eusèbe ne le pense pas, mais reproduit la pensée d’autrui (Origène). Cependant, les témoignages que Burgon invoque (Irénée et Hippolyte) ne prouvent rien sur les manuscrits circulant au iiie ou au ive siècle en Orient, ni sur les manuscrits des versions (plus

118. Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 84-85, n. 19. 119. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 403. 120. Ibid., et Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 147. La note de Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 85, n. 21 est manifestement erronée sur ce point (voir neStle, aland, ibid.). 121. The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, « Introduction », p. 31 (repris aussi par Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 85, n. 22). 122. Voir liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 1371. 123. Voir BlaSS, deBrunner, Grammatik des neutestamentlichen Griechisch, § 116. 124. BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 48-50.

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EMar I tardifs et susceptibles d’avoir été corrigés), alors que le témoignage direct des deux seuls manuscrits grecs du ive siècle existants, le Sinaiticus et le Vaticanus, appuie Eusèbe 125. Du point de vue syntaxique, Westcott et Hort 126 trouvent dans la « duplication » de cette formule (σπανίως vs ἔν τισιν ἀλλ’ οὐκ ἐν πᾶσι) un indice de l’intervention de l’auteur de l’ἐκλογή, qui aurait fusionné deux passages eusébiens (voir aussi comm. l. 10 et 14) ; possible, cette explication n’est pas nécessaire pour comprendre le texte. Sur le sens à donner ici à τὸ τέλος d’après Burgon, voir commentaire à la l. 7-8. 16. ἔχοιεν. Kelhoffer propose la traduction « implique » 127. I,2 20. ἄλλος δέ τις. Il s’agit des lecteurs d’Origène dans l’hypothèse de Burgon, mais Westcott et Hort la comprennent comme renvoyant ici à Origène (voir supra). 23-24. παρὰ τοῖς πιστοῖς καὶ εὐλαβέσιν ἐγκρίνεσθαι. Le jugement ecclésial represente la règle fondamentale pour la définition du canon scripturaire, ce qui correspond aussi à l’usage d’Eusèbe, Hist. eccl., III,25,1-3. Voir à ce propos mon étude « L’état canonique du texte », notamment p. 141-142 (ainsi que cooK, « Julian’s Contra Galilaeos », p. 18-19). I,3 28-29. ὀψὲ σαββάτων ἐγηγέρθαι. Le texte de Matthieu 28,1 ne dit pas que Jésus est ressuscité le soir du sabbat, mais il précise que la visite des deux Marie au tombeau a eu lieu ὀψὲ σαββάτων. En fait, cette visite doit logiquement suivre le moment de la résurrection (les anges révélant simplement un tombeau vide). En affirmant que la résurrection de Jésus avait eu lieu ὀψὲ σαββάτων, « le soir du sabbat », Eusèbe entendait donc par là que l’expression ὀψὲ σαββάτων n’indique pas un moment ponctuel, mais un espace temporel assez prolongé, qui peut inclure le moment de la résurrection et la visite des femmes, qui suit. Jésus est donc ressuscité « le soir du sabbat », et, un peu plus tard, mais toujours « le soir du sabbat », les femmes sont arrivées au tombeau et ont vu l’ange rouler la pierre. Pour comprendre cette formulation d’Eusèbe, on peut voir le parallèle de Denys d’Alexandrie, Ep. ad Basilidem, X,1 128, texte qu’Eusèbe semble connaître (voir EMar II,2). Dans cette lettre, le problème de l’interprétation de cette expression est lié à celui de la définition du moment précis de la résurrection (bien que

125. Sur ces témoignages, voir aussi ibid., p. 32-36, 70-113. 126. The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, « Introduction », p. 31 (repris encore une fois par Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 85, n. 22). 127. Kelhoffer, ibid., p. 85, n. 26. 128. ΔΙΟΝυΣΙΟυ ΛΕΙψΑΝΑ. The Letters and Other Remains of Dionysius of Alexandria, éd. Charles L. feltoe, Cambridge 1904 (CPT), p. 94-102 [PG 10,1272B-1277A] ; trad. Wolfgang A. Bienert, dans dionySiuS von alexandrien, Das erhaltene Werk. Διονυσιου λειψανα, Stuttgart 1972 (BGrL 2), p. 54-58, 114-115, dont j’utilise la numérotation de la lettre.

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Questions et réponses sur les évangiles Denys sache que le texte de Matthieu ne concerne que le moment de la visite des femmes, qui, en arrivant, l’ont toutes trouvé déjà ressuscité, voir PG 10,1273A). On peut supposer que c’est l’auteur de l’ἐκλογή qui a ici abrégé le discours eusébien, qui aurait pu, en fait, tenir compte de ces nuances temporelles. 30. ἀναστὰς δὲ πρωὶ τῇ μιᾷ τοῦ σαββάτου. Dans cette citation de Mc. 16,9, Kelhoffer 129 voit une contamination avec Mc. 16,2 130 ; rien n’oblige cependant à accepter cette thèse dans ce cas, me semble-t-il. Comme le note Tischendorf 131, l’expression πρώτῃ σαββάτου normalement attestée, a aussi des variantes. Parmi les variantes pour πρώτῃ, il est vrai que τῇ μιᾷ n’est attestée que par le seul Eusèbe, mais une de ses citations se trouve en FMar 7, texte en tradition indirecte rapporté par Anastase Sinaïte, Quaest. et resp. 153 ; quant à σαββάτου, bien que la présence de l’article τοῦ ne soit pas attestée hormis les trois citations de ce paragraphe, plusieurs manuscrits et versions ont σαββάτων ou τῶν σαββάτων (Tischendorf ne distingue pas avec précision, comme le démontre le texte de FMar 7 cité), ce qui prouve au moins qu’une certaine diffraction du texte existait en ce point 132. 31-49. μετὰ τὸ ἀναστὰς δὲ, ὑποστίξομεν, κτλ. L’ingénieuse lecture proposée par Eusèbe, apparemment rigoureuse 133, ne tient pas compte du fait que le δέ devrait obliger à ponctuer plus fortement avant ἀναστάς 134. Même si Eusèbe n’affirme pas qu’il faudrait éliminer la ponctuation avant ἀναστάς, son explication va clairement dans ce sens. À la l. 33, David Miller propose de corriger ἄν en ἀναφέρωμεν 135. 36-37. πρωὶ γὰρ τῇ μιᾷ τοῦ σαββάτου, ἐφάνη Μαρίᾳ τῇ Μαγδαληνῇ. Suite de la citation de Mc. 16,9 ; la présence de γάρ en début de citation ne fait naturellement pas partie du texte de la citation ; il s’agit d’une modification typique dans le cas des citations, ce d’autant plus que le γάρ manque aux lignes 30 et 47. Sauf pour ce qui a été dit supra (commentaire à la l. 30), la seule variante de ce texte est l’omission de πρῶτον avant Μαρίᾳ ; l’adverbe est toutefois attesté (après Μαρίᾳ) en FMar 7 136. 47-48. πρωὶ τῇ μιᾷ τοῦ σαββάτου ἐφάνη Μαρίᾳ τῇ Μαγδαληνῇ, ἀφ’ ἧς ἐκβεβλήκει ἑπτὰ δαιμόνια. Suite de la citation de Mc. 16,9 (l. 20.24-25). Le texte d’Eusèbe de cette dernière partie est le plus attesté (ἀφ’ – concordant avec une partie des manuscrits de Lc. 8,2 – contre un minoritaire παρ’, préféré par Nestle – Aland).

129. 130. 131. 132. 133. 134. 135. 136.

242

Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 86, n. 32. Une telle contamination correspond à ce qui ce passe pour la citation de Marc à la ligne 2-3. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 407. À relever toutefois que le Ps.-Grégoire de Nysse indiqué par Tischendorf est Sévère d’Antioche, qui dépend d’Eusèbe ; voir PG 46,645A et éd. KuGener, Triffaux (PO, 16, p. 840), qui confirment que tous les témoins grecs ont σαββάτων. Voir deS PlaceS, Eusèbe de Césarée commentateur, p. 146-147 et notamment l’usage du terme ὑποστίζω au sens technique, liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 1896. Comme le notent par exemple laGranGe, Évangile selon saint Marc, p. 448-449 et huG, La finale de l’Évangile de Marc, p. 45. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 99, n. 2. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 407.

EMAR II

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le problème posé par le fait que Madeleine, après avoir contemplé la résurrection « le soir du sabbat » selon Matthieu, pleure près du tombeau le premier jour de la semaine selon Jean. II,1. Il n’y aurait pas de contradiction si on supposait que l’expression « le soir du samedi » ne signifie pas l’heure qui suit le crépuscule du samedi, mais un moment tardif, « au soir », pendant la nuit qui suit le samedi. Pour cette raison, Matthieu, après « le soir du samedi » ajoute pour plus de clarté « lorsque la lumière pointait ». L’expression « le soir du samedi » est due à celui qui a traduit l’évangile hébreu de Matthieu, mais on indique clairement l’heure qui s’éclairait, et le discours de Matthieu ne diffère donc pas de Jean, qui dit « le premier jour de la semaine, Marie Madeleine alla le matin au tombeau, lorsqu’il y avait encore l’obscurité » : ils indiquent le même temps par des noms différents. II,2. Il existait aussi l’habitude d’appeler la semaine entière « samedi ». En disant le « soir du samedi », Matthieu entend donc « soir de la semaine », lorsque la lumière pointait. En effet, il aurait fallu rompre le jeûne le jour du samedi après le coucher du soleil, s’il est vrai que l’évangéliste signifie « le soir du samedi », mais nous avons l’habitude de rompre le jeûne une fois la nuit survenue, à minuit même, ou au cri des coqs, ou autour de l’aube ; dans les églises donc le temps qui est indiqué par cette expression n’est pas l’heure du samedi soir, mais celle que Matthieu a indiquée en disant « lorsque la lumière pointait, le premier jour de la semaine ». II,3. Si ces miracles avaient eu lieu le soir du samedi, tous les habitants de la ville auraient appris ce qui était arrivé, et il y aurait eu affluence au tombeau si les gens étaient réveillés ; la pierre ayant été renversée d’une manière merveilleuse, les gardes, naturellement, auraient révélé ces faits ; or, ils reçoivent des prêtres la consigne de dire que les disciples ont volé le corps pendant qu’ils dormaient, mensonge qui eût été vain s’il s’était réveillé le soir du samedi. Mais en fait Matthieu, comme Jean, identifie clairement un autre moment : « lorsque la lumière pointait ». II,4. Tu pourrais donc dire que les premières choses concernant la résurrection du Sauveur sont celles racontées par Jean, chez lequel Madeleine se présente deux fois au tombeau et, n’ayant pas trouvé le corps du Seigneur, pleure ; une deuxième partie est celle racontée par Matthieu, chez qui Madeleine se présente au tombeau une troisième fois, avec l’autre Marie, et ne pleure plus, car elle avait déjà vu le Seigneur. Les faits racontés par Marc et Luc ont lieu à d’autres 243

Questions et réponses sur les évangiles moments ; chez eux les femmes surviennent plus nombreuses. Il faut comprendre que Madeleine n’est pas venue en des moments très espacés, mais que les faits racontés par Matthieu et Jean arrivent à peu près dans le même lieu et temps, et qu’elle ne s’éloignait pas du sépulcre ; c’est pourquoi elle est incluse aussi dans les récits des autres, avec les autres femmes, qui sont arrivées plus tard. Elle était donc présente à chaque vision. II,5. Quant au fait que Matthieu, après avoir dit que les deux Maries sont arrivées pour voir le tombeau, ajoute qu’un ange est descendu pour rouler la pierre, il ne faut pas croire que ceci se passe à la même heure : chez Jean, en effet, le tombeau était déjà ouvert ; il faut donc dire que ce discours de Matthieu raconte des faits qui ont déjà eu lieu au moment où les deux Maries viennent pour voir le tombeau. II,6. Le problème proposé pourrait aussi se résoudre d’une manière différente, en supposant que les Maries selon Matthieu et celle selon Jean sont différentes. Il y avait en effet quatre Maries à la passion du Sauveur ; la « Théotokos », sa soeur Marie de Clopas, Marie Madeleine, et Marie mère de Jacques et Joseph. Jean a mentionné les trois premières Maries, les autres mentionnent la quatrième, en la prenant avec Marie Madeleine. II,7. Si donc l’on comprend que les deux Maries qui, d’après Matthieu, contemplent l’ange « le soir du samedi, lorsque la lumière pointait » sont différentes de celle qui, d’après Jean, arrive au tombeau « le premier jour de la semaine », en ignorant la résurrection et en pleurant, il n’y aura plus de contradiction, ni concernant les temps, ni les personnes, ni les paroles. II,8. Quant au fait que deux d’entre elles sont appelées Madeleine, il faut penser qu’elles provenaient du même village, ou que très tôt un scribe s’est trompé et qu’il a été suivi dans cette erreur, s’il n’y avait eu qu’une seule Marie. Les événements chez Matthieu ont donc lieu « le soir du samedi », c’est-à-dire à la nuit profonde, et ont été observés par Marie Madeleine et l’autre Marie, alors qu’une autre Marie, arrivée « le matin », d’abord inquiète de n’avoir pas trouvé le corps du Seigneur, le voit ensuite de ses propres yeux. II,9. Mais il est préférable de ne pas imputer d’erreur à ces lieux et d’affirmer qu’il y avait deux Madeleines, exactement comme il y avait quatre Maries. Deux Maries sont originaires de Magdala, l’une allant au tombeau « le soir du samedi » d’après Matthieu, et l’autre, elle aussi Madeleine, y allant d’après Jean « le matin », et celle-ci était celle qui est indiquée dans quelques copies de Marc comme celle dont le Sauveur avait expulsé sept démons, celle à qui s’adressèrent les mots « ne me touche pas », qui n’est pas la même que celle chez Matthieu. Autres traditions textuelles II,1-3. Une tradition textuelle éditée par François Combefis 136 propose seulement la première partie de la solution eusébienne, en laissant aussi tomber la

136. S. patris nostri Asterii Amaseae… [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium, I], éd. comBefiS, p. 780-784 ; tradition textuelle signalée par mai, Scriptorum veterum nova collectio, I,

244

EMar II mention de la traduction de Matthieu. Combefis 137 signale que cette question a un parallèle dans une chaîne concernant Jean 20 138. II,1-4. Un long extrait de cette question a été publié par John Cramer 139. Ce texte propose la question de EMar I, mais il y répond avec le texte de EMar II : il propose d’abord l’interprétation de ὀψὲ σαββάτων comme un moment tardif de la nuit, il rappelle l’usage d’appeler « sabbat » tous les jours de la semaine, en laissant tomber la question de la traduction de l’évangile de Matthieu. Ensuite, avant de rappeler l’impossibilité que la résurrection ait eu lieu le soir, car la nouvelle se serait diffusée vite, le texte contient l’argument qui concerne le moment de rompre le jeûne : si le moment était le soir du samedi, il aurait été nécessaire de le rompre le soir du samedi, mais ceci n’est pas la coutume qui s’est imposée, car ce moment a lieu plus tard, au milieu de la nuit ou au chant des coqs. Le texte se clôt avec la solution qui identifie la Madeleine dans les différents évangiles et propose de situer à des moments différents les visions. II,1-4. Une autre tradition de cette première solution se trouve chez Christian von Matthaei 140. II,6-7. Le texte de FMar 7 a été identifié par Angelo Mai 141 parmi les questions d’Anastase Sinaïte (Quaest. et resp., 153) ; ce texte propose un résumé concernant EMar II,6-7 qui semble suivi par un renvoi à l’argument de EMar III (voir commentaire ad loc.). II,6-7. Un texte parallèle à FMar 7 (Anastase Sinaïte) existe aussi dans une tradition syriaque publiée par Beyer : SyrS XII 142.

p. XI.64, n. 1. 137. S. patris nostri Asterii Amaseae [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium, I], éd. comBefiS, p. 789. 138. Si je comprends bien, Combefis fait référence à l’édition de Balthasar cordier, Catena patrum Graecorum in S. Joannem, Anvers 1630 (pour laquelle il propose aussi une correction), volume que je n’ai pas pu voir. Ce fragment devrait être celui qui est republié en PG 86,449A-552B, concernant Jn. 20,1-2, texte pour lequel Migne signale un parallèle avec EMar II,2-3 (PG 86,551 n. 79). Voir à ce propos le fragment recueilli par Angelo Mai sur la base de la chaîne de Cordier et d’un manuscrit inédit de la Bibliothèque Vaticane, mai, Scriptorum veterum nova collectio, I., p. 95-97 (texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 230-232), provenant aussi de l’édition de Cordier et republié en PG 86, 552B-553C. 139. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 251-253, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 238-242, qui ajoute le fragment qui suit dans l’édition de Cramer (j’avais déjà signalé le fragment dans mon « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 178). 140. matthaei, Anecdota Graeca, p. 62-64 (voir mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 257, n. 1 ; zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 179 ; PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 236). 141. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 93-94, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 222. 142. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 68-70, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 342-344.

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Questions et réponses sur les évangiles II,7-9. Un court fragment anonyme publié dans sa chaîne sur Marc par Pierre Poussines et republié par Angelo Mai 143, FMar 5, conserve l’explication qui propose l’existence de deux Madeleines, avec l’attribution aux questions d’Eusèbe 144. II,8. Un témoignage indirect publié anonyme par John Cramer sur Mc. 1,1 145 rappelle qu’Eusèbe avait utilisé l’argument d’une faute de copie pour expliquer les différences des évangélistes concernant la résurrection (sans plus de précisions). Commentaire La question La solution proposée par Eusèbe pour cette question est très articulée 146. Elle développe en effet plusieurs arguments qui, dans la plupart des cas, pourraient déjà constituer une réponse à eux seuls. Mais Eusèbe s’efforce de les agencer dans une seule réponse qui, compte tenu de la complexité du discours, garde quand même une bonne cohérence interne. Selon Eusèbe, on pourrait comprendre l’expression de Matthieu 28,1, ὀψὲ σαββάτων, « le soir du sabbat » (sur laquelle voir supra, p. 236-237), à la lumière de celle qui la suit, τῇ ἐπιφωσκούσῃ, « lorsque la lumière de l’aube pointait ». Pour pouvoir comprendre ainsi le texte, rapprocher les deux épisodes de Matthieu et de Jean, et affirmer que les faits racontés par Matthieu sont postérieurs à ceux de Jean (EMar II,4), il faut évidemment expliquer le sens de l’expression ὀψὲ σαββάτων. Eusèbe propose de comprendre ὀψέ dans le sens de « très tard », ce qui est tout à fait possible en grec, et ainsi d’assimiler le temps désigné par ὀψὲ σαββάτων pratiquement à l’aube du dimanche (EMar II,1). Cette expression est de plus à attribuer au traducteur qui a rendu de cette manière le texte original de Matthieu en grec (EMar II,1,16-20). S’agirait-il donc d’une maladresse du traducteur ? Eusèbe ne le dit pas explicitement, bien au contraire la suite suggère qu’il y a, sousjacente, une formule matthéenne typiquement hébraïque, s’il est vrai qu’il faut ici comprendre le mot sabbat au sens de « semaine » (EMar II). Selon Eusèbe donc, avec cette expression, Matthieu n’indiquait pas dans l’original hébreu la fin du sabbat, mais plutôt la fin de la semaine, et en tout cas pas le soir du sabbat au coucher du soleil. Si la première explication d’Eusèbe visait à démontrer que le sens de ὀψὲ σαββάτων peut bien en grec indiquer la fin de la nuit du sabbat (elle est, en fait, une explication de ὀψέ), il explique ici le sens de toute l’expression à partir du sens hébreu du mot sabbat (il éclaire cette fois le mot σαββάτων). Le

143. Catena Graecorum patrum in Evangelium secundum Marcum, éd. PouSSineS, p. 364 ; texte republié par mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 95 et ensuite par PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 220. 144. The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, « Introduction », p. 34-35 : Westcott et Hort doutent que ce texte provienne de la version originaire de la chaîne de Victor d’Antioche. 145. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 266 (Mc. 1,1). 146. Voir la présentation de MerKel, Die Widersprüche zwischen den Evangelien, p. 137-140.

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EMar II traducteur a donc apparemment traduit le texte hébreu avec un calque sémitique, mais dans un grec qui reste compréhensible. Voilà l’interprétation d’Eusèbe. À relever aussi qu’il ne prend pas en compte l’explication qui consiste à interpréter le tout comme « après le sabbat » (sur cette interprétation, voir commentaire à EMar I,1). Ensuite, le texte d’Eusèbe s’appuie sur un autre argument, à savoir que la tradition ecclésiastique ne fête pas le jour du Seigneur le soir du sabbat, mais attend au moins le milieu de la nuit pour rompre le jeûne (EMar II,2). Bien que le fait ne soit pas mentionné, le texte sous-entend qu’il en est ainsi parce que ce n’est pas avant minuit que Jésus est ressuscité (d’où logiquement l’impossibilité – toujours non exprimée – de comprendre Matthieu dans le sens que les femmes ont vu Jésus « le soir du sabbat »). En fait, Eusèbe tire sans doute cet argument de Denys d’Alexandrie (voir infra, p. 248-249), qui lie le moment de l’arrêt du jeûne pascal à celui de la résurrection ; par la suite (EMar II,3), Eusèbe démontre aussi qu’il serait impossible d’envisager la résurrection le soir du sabbat. Le texte des trois premiers paragraphes montre des faiblesses évidentes de raisonnement, car plusieurs des arguments sont postposés par rapport à leur place logique et nécessaires pour la compréhension du discours dans son développement (ou encore ils sont tout simplement sous-entendus). Il ne reste ensuite à Eusèbe qu’à démontrer que la visite de Marie Madeleine racontée par Matthieu prend place peu après celle de Jean, et il n’y a alors plus de contradiction. En conclusion, Jean et Matthieu racontent des épisodes différents, tout comme le font Marc et Luc : à chacun d’entre eux Marie Madeleine est présente (EMar II,4-5). Aucun problème chronologique ne se pose plus si l’on considère que, parmi les quatre Maries présentes lors de la passion, deux peuvent être originaires de Magdala. Dans ce cas, nous dit Eusèbe, il n’y a plus de contradiction entre l’événement que Matthieu place « le soir du sabbat » et ceux racontés par Jean (ainsi EMar II,7). Ceci veut-il signifier qu’alors la résurrection a eu lieu le soir du sabbat, avant minuit ? Eusèbe ne le dit pas. Mais s’il en était ainsi, il faudrait considérer le bloc des paragraphes 1-5 comme une première solution (hypothèse d’une seule Madeleine), et les paragraphes 6-9 comme une deuxième (deux Madeleines). C’est une interprétation apparemment possible, proposée par Marie-Joseph Lagrange 147 et que j’avais moi-même envisagée dans une précédente étude 148, parce qu’Eusèbe se garde bien de signaler ouvertement qu’il est en train de donner une solution alternative (comme il le fait par exemple en EMar I), et il faudra plutôt penser que la démonstration concernant le sens à donner à ὀψὲ σαββάτων (EMar II,1-3) reste valable et que la contradiction qui ne subsiste plus pourrait simplement être celle concernant la chronologie : les faits mentionnés par Matthieu peuvent ainsi avoir eu lieu avant ceux mentionnés par Jean. Cette deuxième interprétation du texte eusébien est confirmée par le fait qu’en EMar II,9 Eusèbe semble justement donner cette chronologie, les faits du récit de

147. Marie-Joseph laGranGe, « Jésus a-t-il été oint plusieurs fois et par plusieurs femmes ? Opinions des anciens écrivains ecclésiastiques (Luc, vii,36-50; Matthieu, xxvi,6-13; Marc, xiv,3-9; Jean, xii,1-8; cf. Jean, xi,2 », RB 9 (1912), p. 504-532, ici p. 514. 148. « L’exégèse des récits de la résurrection dans les Questions à Marinos d’Eusèbe de Césarée ».

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Questions et réponses sur les évangiles Matthieu se déroulant d’abord (mais pendant la nuit, pas le soir du samedi) et ceux de Jean ensuite. La Didascalie des apôtres Le texte de la Didascalie des apôtres, XXI 149 traite déjà de la durée du jeûne pendant la semaine qui précède la Pâque, en montrant notamment qu’il faut interrompre le jeûne seulement après le moment de la résurrection du Christ 150. Comme l’a indiqué François Nau 151, ce texte a été remanié dans Constit. apost., V,14,20-21 152 qui conserve les traces de cette idée. Denys d’Alexandrie Une lettre de Denys d’Alexandrie adressée à Basilide, un évêque de la Pentapole qui l’interroge sur l’heure à laquelle il faut terminer le jeûne pour fêter la Pâque, témoigne aussi que plusieurs usages étaient en cours dans les différentes églises. Denys explique ces différences par la difficulté de déterminer le moment de la résurrection de Jésus à partir des récits évangéliques 153. Denys analyse donc les quatre narrations évangéliques, proposant une heure qui suit en tout cas le milieu de la nuit (Ep. ad Basilidem, X,1 154), ce qui indique sans doute que le nouveau jour est déjà commencé 155. Wolfgang Bienert 156, en reprenant une remarque de Hans Lietzmann 157 à propos des Questions d’Eusèbe, avait déjà signalé la proximité de ces deux textes (les deux traitant le problème de la discordance des récits de la résurrection de manière à les harmoniser). En réalité, la proximité est encore plus frappante et, comme Westcott – Hort l’avaient noté 158, la lettre de Denys est bel et bien la source de la réponse d’Eusèbe en ce qui concerne l’explication du sens de ὀψὲ σαββάτων 159. En effet, Denys donne claire-

149. Éd. vööBuS, CSCO 407, p. 205-218, trad. CSCO 409, p. 188-202. 150. CSCO 407, p. 217, CSCO 409, p. 201. 151. François nau, « Le comput pascal de la Didascalie et Denys d’Alexandrie », RB 15 (1914), p. 423-425, ici p. 423. Sur ces deux textes, voir aussi Rudolf arBeSmann, « Fasttage », dans RAC, VII, Stuttgart 1969, p. 500-524, ici p. 513-514. 152. Éd. metzGer, SC 329, p. 258-260. 153. Voir The Letters and Other Remains of Dionysius of Alexandria, éd. feltoe, p. 92-93. 154. Ibid., p. 94-102 [PG 10,1272B-1277A] ; dionySiuS von alexandrien, Das erhaltene Werk, éd. et trad. Bienert, p. 54-58, 114-115, dont j’utilise la numérotation de la lettre). 155. Sur cet usage, voir Jack fineGan, Handbook of Biblical Chronology, Peabody (Mass) 1998, p. 10-11. 156. Bienert, Dionysius von Alexandrien. Zum Frage des Origenismus im dritten Jahrhundert, p. 122-123. 157. Hans lietzmann, Geschichte der Alten Kirche, III, Berlin 1938, p. 166-167 [d’après la trad. fr. de A. Jundt, Histoire de l’église ancienne, III, Paris 1941 (BH)], texte qui avait déjà été signalé par MerKel, Die Widersprüche zwischen den Evangelien, p. 131. 158. The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, « Introduction », p. 32. 159. Source qui a échappé à carriKer, The Library of Eusebius of Caesarea, p. 200-206.

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EMar II ment à cette expression le sens de « soir du sabbat » 160 et l’explique à la lumière de l’expression qui la suit, τῇ ἐπιφωσκούσῃ, qui indique que le mot « tard » (ὀψέ) identifie ici la nuit entre les deux jours, et non pas le soir du sabbat (PG 10,1276A-B), ce qui correspond aussi à l’interprétation qu’en donnera Eusèbe (EMar II,1). Cette remarque concernant EMar II,1 161 est confirmée aussi par le paragraphe qui suit (EMar II,2), où Eusèbe fait intervenir dans la discussion l’usage d’interrompre le jeûne à un moment précis, lié à l’instant où Jésus est censé être ressuscité (le temps exact étant impossible à déterminer). Origène et le moment de la résurrection Dans Hom. in Ex., VII,7.8 (éd. Borret, SC 321, p. 228.232) Origène, alors qu’il commente Ex. 16,6-7 (et 16,12), fait une référence au texte de Mt. 28,1 qui nous permet de comprendre qu’il situe le moment de la résurrection à l’aube du dimanche. Malheureusement, Origène n’est pas plus disert dans cette homélie. Les deux Madeleines et la femme qui a oint Jésus Eusèbe propose dans sa solution de supposer l’existence de deux Maries Madeleine. Cette explication n’est pas attestée avant lui, mais ce n’est sûrement pas une idée née de rien. Elle fonde d’une part son caractère de vraisemblance sur le fait que plusieurs Marie sont évoquées dans l’évangile, et notamment lors de la passion (EMar II,6) 162 ; d’autres auteurs bien connus d’Eusèbe l’avaient en effet déjà signalé avant lui, c’est le cas par exemple d’un passage d’Origène (Comm. in Mt. ser., 141, éd. Klostermann – Benz, GCS 38bis, p. 293-295), ainsi que d’un texte jadis attribué à Papias de Hiérapolis (fr. 22 Körtner = fr. 23 Norelli), mais qui est plutôt du lexicographe latin homonyme du xie siècle, comme l’a montré John Lightfoot 163. D’autre part, l’idée de deux Marie Madeleine peut aussi trouver sa racine dans un autre débat qui était déjà en cours et qui concernait l’épisode de l’onction de Jésus raconté en Mt. 26,6-13, Mc. 14,3-9, Lc. 7,36-50, et Jn. 12,1-8. Ces quatre épisodes semblent décrire un même fait, celui d’une femme (qui, d’après Jean 11,2 est Marie la sœur de Marthe) qui oint Jésus avec du parfum (et, comme le relève Lagrange 164, Eusèbe met les épisodes en parallèle dans ses Canons évangéliques !). On sait bien que cette femme a été par la suite identifiée

160. Voir Bienert, Dionysius von Alexandrien. Zum Frage des Origenismus im dritten Jahrhundert, p. 122. 161. Westcott et Hort se limitaient, vraisemblablement, à la partie discutée par Burgon. 162. Sur les Marie présentes à la passion, voir BaucKham, Jude and the Relatives of Jesus, p. 9-12. 163. Le passage a été attribué à Papias par plusieurs éditeurs, mais, selon la démonstration de Joseph B. liGhtfoot, Saint Paul’s Epistle to the Galatians, Londres 1896, p. 273, n. 1, cet extrait provient en réalité du lexicographe Papias (du xie). Pour l’histoire de la recherche et pour un commentaire de ce texte, on verra maintenant la contribution fondamentale de Norelli : PaPia di hieraPoliS, Esposizione degli oracoli del Signore, éd. et trad. Enrico norelli, Milan 2005 (LCPM 36), p. 478-485. 164. laGranGe, « Jésus a-t-il été oint plusieurs fois et par plusieurs femmes ? », p. 514.

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Questions et réponses sur les évangiles avec Marie Madeleine, et l’identification deviendra commune en Occident au bas Moyen Âge (mais elle est bien attestée en Orient aussi) 165. Toutefois, la difficulté d’harmoniser ces textes néotestamentaires est bien connue des exégètes, comme on peut s’en rendre compte à partir de plusieurs études récentes 166. C’est pourquoi assez tôt naît une tradition exégétique de ces textes qui les interprète comme des épisodes différents, avec plusieurs femmes qui auraient oint Jésus, deux au moins, la pécheresse et Marie sœur de Marthe 167. Eusèbe ne s’intéresse en réalité pas du tout à ce dossier en tant que tel, et le fait qu’on ait plus tard identifié Marie Madeleine et la femme de la scène de l’onction n’a évidemment rien à voir avec notre texte. Il faut cependant remarquer qu’Origène, premier d’une longue série d’auteurs, avait déjà suggéré l’idée qu’il s’agissait de trois épisodes différents, avec trois femmes, et trois onctions de Jésus. Il le fait dans Comm. in Mt. ser., 77 (éd. Klostermann – Benz, GCS 38bis, p. 178-186), à propos de Mt. 26,6-13 (l’onction de Béthanie) et de ses parallèles. Ou alors, conclut Origène, si les récits traitent du même épisode, ceci signifie sans doute que les évangélistes ont caché un sens allégorique dans leurs narrations. Cette exégèse origénienne est confirmée par plusieurs autres textes et fragments caténaux de l’alexandrin, comme c’est le cas pour Hom. in cant., I,4 ; II,2 (éd. Rousseau, SC 37, p. 67-68.81-82) ; Com. in Io., fr. 78 (éd. Preuschen, GCS 10, p. 544-545) ; et par le texte cité par Victor d’Antioche ( ?), Fr. in Mc., 16,9 168. Si l’exégèse d’Origène sous-entend que le sens allégorique doit être préférable au littéral (qui oblige à distinguer trois épisodes), il se peut bien qu’Eusèbe ait connu cette exégèse (même s’il met en parallèle les épisodes dans les Canons évangéliques). L’idée qu’il développe en EMar II concernant plusieurs Marie Madeleine pourrait donc avoir été inspirée par ce type d’exégèse qui explique la contradiction de ces épisodes en distinguant non seulement les épisodes, mais aussi les personnages qui en sont les protagonistes. Celse et/ou Porphye ? Des textes de Celse et de Porphyre qui pourraient être à l’arrière-plan de EMar I peuvent aussi se trouver derrière notre question. Si Celse critique la crédibilité du récit de la résurrection de manière générale, sans s’en prendre aux contradictions

165. Sur cette identification, voir par exemple Lagrange, p. 522, 528-529, 531 166. Par exemple Paul-Marie Guillaume, « Marie-Madeleine (sainte) », Dictionnaire de spiritualité (DSp), X, Paris 1980, p. 559-575, ici p. 559-562 ; Richard atWood, Mary Magdalene in the New Testament Gospels and Early tradition, Berne-Berlin-Francfort et al. 1993, p. 11-146 ; Mary R. thomPSon, Mary of Magdala, apostle and leader, New York-Mahwah (NJ) 1995, p. 16-80. 167. Voir à ce sujet le recueil de témoignages anciens de laGranGe, « Jésus a-t-il été oint plusieurs fois et par plusieurs femmes? », p. 507-532, ainsi que celui de atWood, Mary Magdalene in the New Testament Gospels and Early tradition, p. 148-204 (qui toutefois réfère souvent à Marie Madeleine des textes qui ne traitent que de l’onction, et qui n’ont donc rien à voir avec elle) et notamment celui de Guillaume, « Marie-Madeleine », p. 562-572, le recensement le plus complet, mais concernant à la fois la Madeleine et les épisodes de l’onction. 168. Sur l’ensemble de ces passages origéniens, voir le commentaire de laGranGe, « Jésus a-t-il été oint plusieurs fois et par plusieurs femmes? », p. 508-513.

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EMar II entre les différentes versions (Origène, Contra Cels., II,55.59.60 169), la critique définie ici par Eusèbe est en revanche attestée d’une manière plus claire dans plusieurs fragments de Julien l’empereur, dont l’un, celui d’Išo‘dad de Merw (Comm. in Io., XIX), attribue cette critique aussi à Porphyre (attribution qui pourrait ne pas être sûre). Pour tous les détails concernant ces textes, voir supra, p. 232-233, commentaire à EMar I. Autres parallèles eusébiens Eusèbe a aussi traité de ce problème en Dem. ev., X,8,17-21, où Matthieu (ὀψὲ σαββάτων) est opposé aux trois autres évangiles. Un autre fragment des questions eusébiennes contient un parallèle à ce qui est dit ici, bien qu’il ne constitue sans doute pas une autre tradition textuelle de cette question. Il s’agit de NMar 1 (PG 22,984C-985A), où Eusèbe mentionne le fait que la résurrection de Jésus avait déjà eu lieu au moment où les deux Maries parvenues au tombeau observent l’ange qui roule la pierre d’après Mt. 28,1-2. Eusèbe construit son texte En conclusion, si Celse pose surtout un problème concernant la vraisemblance de la résurrection et si Julien s’attaque à la discordance des récits (peutêtre en suivant Porphyre), le texte d’Eusèbe pourrait bien ne pas avoir utilisé ces éléments. Mais ce qui est certain est qu’Eusèbe se montre d’une habileté hors du commun au cours de la résolution du problème qu’il s’est posé, même malgré les quelques défauts logiques signalés (qui sont toutefois faciles à corriger et qui ne diminuent en rien la qualité de l’argumentation, même s’ils n’étaient pas dus à l’auteur de l’ἐκλογή). Eusèbe utilise assurément l’explication concernant le jeûne et le moment de la résurrection donnée par Denys, comme le montre la proximité des deux textes. En revanche, il n’est pas sûr qu’il ait aussi à l’esprit l’idée d’Origène selon laquelle Mt. 28,1 indique pour la résurrection le jour du dimanche (il est clair qu’Origène aurait pu élaborer cette exégèse dans un ouvrage perdu, dont ce qui est dit dans l’homélie sur l’Exode ne serait qu’un reflet), ni qu’en proposant l’hypothèse des deux Madeleines, il prenne pour modèle l’idée de multiplier les épisodes et les personnages développée par Origène concernant l’onction de Jésus. Mais si tel est le cas, l’exploit d’Eusèbe consiste ici à combiner des explications qui n’ont pas forcément à voir avec cette problématique (lettre à Basilide), et à en exploiter habilement d’autres en reprenant leur schéma plutôt que leur libellé (les deux Madeleines). L’ensemble qui en résulte est une synthèse qui se tient bien et qui connaîtra un succès durable parmi les auteurs chrétiens ultérieurs.

169. Éd. Borret, SC 132, p. 414-416.422-426.

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Questions et réponses sur les évangiles Parallèles Théodore d’Héraclée, Fr. in Io., 403 (Io. 20,11-13 ; TU 89, p. 168) ; Éphrem de Nisibe, Comm. in Diat., XXI,22 (éd. Leloir, CSCO 137, p. 326-327, trad. CSCO 145, p. 233) ; Grégoire de Nysse, De tridui inter mortem et res. D. N. Iesu Chr. spatio 170 ; Ambroise de Milan, Expl. super Ps. XII, 47,2 (éd. Petschenig, CSEL 64bis, p. 347-348) ; Exp. in Lc., X,147-148.150.153 (éd. Adriaen, CC.SL 14, p. 387-390 171) ; Jean Chrysostome, In Io. hom I-LXXXVIII, 85[84],4 (PG 59,464) ; Jérôme, Ep. 120,3-4 172 ; Comm. in Mt., IV,28,1 (éd. Bonnard, SC 259, p. 308) ; Augustin, De cons. ev., III,24,61-69 (éd. Weihrich, CSEL 43, p. 77.351-366) ; Théodore de Mopsueste, Comm. in Io., VII (éd. Vosté, CSCO 115, p. 339-351, trad. CSCO 116, p. 243-252) ; Hésychius de Jérusalem, Collectio difficultatum et sol., 50-52 (PG 93,1433A-1441A) ; Cyrille d’Alexandrie, Com. in Io., XII (Jn. 20,1-9 ; PG 74,684B-685A) ; Ammonios d’Alexandrie, Fr. in Io., 20,1 173 ; Jean I de Thessalonique, Hom. in mulieres unguenta ferenda, 1.4 (PG 59,637.641-644) ; Hom. de Christi resurr. 174 ; Sévère d’Antioche, Hom. cath., 77 (éd. Kugener – Triffaux, PO 16, p. 794-814 ; voir Jacques d’Édesse, Glossa in Severi Ant. Om. Cath. 77, ibid., p. 861-862) ; Jean Philopon, De opif. mundi, II,20 175 ; Bède le Vénérable, In Mc. exp., IV (Mc. 16,9-10 ; éd. Hurst, CChr.SL 120, p. 643) ; Anselme de Laon, En. in Mt., XXVIII (Mt. 28,1) ; PL 162,1493C-1494A) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., XXII (Mt. 28) 176 ; Comm. in Mc., XIII (Mc. 16) 177 ; Comm. in Io., XIX (Jn. 19-20) 178 ; Aymon d’Auxerre, Hom. de temp., 70 ; 79 (PL 118,446A-C.447D.484C-485C) ; Théophylacte de Bulgarie, En. in ev. Mt. 28,1-8 (PG 123,477B-D) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Mt., 28,1 (PG 129,745C-748B) ; Comm. in Mc., XLVIII (Mc. 16,9-10 ; PG 129,845D-848B) ; Werner d’Ellerbach, Deflorationes, I [In die sancto Paschae] (PL 157,916D-917A) ; Bruno de Segni, Comm. in Mt., IV,105 (Mt. 28,1 ; PL 165,309C-310A) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., XII (Mt. 28,1 ; PL 120,976C-978D) ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt., 28,1-2 (éd. Vaschalde, CSCO 95, p. 151-157, trad. CSCO 98, p. 121-126) ; Comm.

170. « [Gregorii Nysseni] De tridui inter mortem et resurrectionem domini nostri Iesu Christo spatio », éd. GeBhardt, p. 289 ; trad. droBner, Die Drei Tage zwischen Tod und Auferstehung unserer Herrn Jesus Christus, p. 26-27. 171. Voir aussi Guinot, « L’exégèse ambrosienne des apparitions pascales », p. 148-154. 172. Saint Jérôme, Lettres, VI, éd. laBourt, p. 120, 130-133. 173. Johannes-Kommentare aus der Griechischen Kirche, éd. reuSS, p. 607. 174. S. patris nostri Asterii Amaseae [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium, I], éd. comBefiS, p. 796-820 ; un extrait de l’homélie concernant ce passage est cité aussi par BrinKmann, « Klassische Reminiscenzen », p. 632 et par Guida, teodoro di moPSueStia, Replica a Giuliano imperatore , p. 206-207. 175. ιωαννου του Φιλοπονου, των εισ την μωυσεωσ κοσμογονιαν εξηγητικων λογοι ζ  –  Johannis Philoponi De opificio mundi libri VII, éd. Walther reichardt, Leipzig 1897 (BiTeu, Scriptores Sacri et prophani 1), p. 95-98 [= De opificio mundi – Über die Erschaffung der Welt, éd. Clemens Scholten, Johannes PhiloPonoS, I, éd. C. Scholten, Fribourg-Bâle-Vienne et al. 1997 (FC 23/1), p. 248-252]. 176. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 196-197 ; trad., I, p. 117-118. 177. Ibid., II, p. 237-238 ; trad., I, p. 145. 178. Ibid., III, p. 211-212 ; trad., I, p. 278-279.

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EMar II in ev. Mc., 16,9 (éd. Vaschalde, CSCO 95, p. 216, trad. CSCO 98, p. 174) ; Pierre le Mangeur, Hist. schol., in Ev. 183.185 (PL 198,1635C-D.1636D-1638A) ; Rodrigo Jiménez de Rada, Brev. hist. cath., IX,146-147 (éd. Fernández Valverde, CChr. CM 72B, p. 591-592) ; Albert le Grand, Super Mt., 28,1 179 ; Bonaventure, Comm. in Io., XX,11-14, quaest. 1-4 180 ; Comm. in Lc., XXIV,2-3 181 ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 51, art. 4,2 ; quaest. 53, art. 2,3 182 ; Glossa ordinaria, Mt. 28[,1] ; Lc. 24[,1] 183. II 1. ὀψὲ σαββάτων. Sur cette expression, voir commentaire à EMar I,1,1. 3. τῇ μιᾷ τοῦ σαββάτου. Il est difficile d’affirmer qu’il s’agit d’une vraie citation de Jn. 20,1, où les manuscrits n’attestent que τῇ δὲ μιᾷ τῶν σαββάτων. Bien entendu, l’absence de δέ n’est pas en soi un problème, mais la forme au singulier τοῦ σαββάτου n’est pas attestée par ailleurs, alors que le texte, en faisant référence à Jn. 20,1, induit à penser que l’allusion n’est pas littérale, ce qui serait confirmé par la citation des lignes 26-27, conforme aux manuscrits. II,1 4-6. εἰ τὸ ὀψὲ σαββάτων μὴ τὴν ἑσπερινὴν ὥραν, κτλ. Sur l’expression ὀψὲ σαββάτων, voir commentaire à EMar I,1,1. Le sens qu’a le mot ὀψέ à l’intérieur de cette argumentation est bien expliqué par ce qui est dit ensuite, à partir de la l. 7-8, ἀλλὰ τὸ βραδὺ καὶ ὀψὲ τῆς νυκτὸς τῆς μετὰ τὸ σάββατον (où je l’ai traduit par « avancé »). On pourrait peut-être traduire librement l’expression ὀψὲ σαββάτων par « le crépuscule du sabbat », « soir du sabbat » donc, mais au sens de sabbat avancé, à la fin de la nuit, traduction qui garderait l’ambiguïté de l’expression grecque, permettant de comprendre les deux sens dont il est ici question. 8-9. ὀψὲ τῆς ὥρας, κτλ. Ici ὀψέ au sens de βραδύ (l. 7) ; ce qui plus bas, l. 36, deviendra ὀψία ! La même explication, en référence au mot ὀψία, se retrouve aussi dans un scholion à Pindare (sur Isthm., 4,58b), et Eusèbe pourrait l’avoir tirée d’un passage perdu du commentaire à Matthieu d’Origène, comme le suggère Sébastien Morlet dans sa conférence tenue aux journées patristiques d’Oxford le 12 août 2015 184.

179. Alberti Magni Super Matthaeum, II/XV-XXVIII, éd. Bernhard Schmidt [= S. Doct. eccl. Alberti Magni Opera omnia, XXI/2], Monasterii Westfalorum 1987, p. 654-655. 180. Doct. ser. s. Bonaventurae opera omnia, VI, Claras Aquas 1893 [Commentarii in sacram Scripturam], p. 506-507. 181. Ibid., VII, p. 587-588. 182. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 487, 490-491, 503-505. 183. Biblia Latina cum glossa ordinaria, éd. ruSch, p. 87, 219. 184. Ainsi Sébastien Morlet, « Eusèbe de Césarée grammairien. Note à propos des Questions évangéliques (À Marinos, 2) et un scholie sur Pindare », à paraître. Voir le scholion sur Pindare dans l’édition de Anders B. drachmann (éd.), Scholia vetera in Pindari carmina, III, Scholia in

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Questions et réponses sur les évangiles 13. ἐπιφωσκούσῃ. Mai a ajouté εἰς après ἐπιφωσκούσῃ, selon l’usage de Mt. 28,1 que l’ἐκλογή atteste aussi peu après à la l. 24, mais ce verbe est aussi transitif. Le verbe ἐπιφώσκω pourrait aussi indiquer la lumière des étoiles qui se lève, comme l’entend Franz Zorell 185, mais ce n’est sans doute pas le sens qu’Eusèbe lui donne ici 186. 14. φησί· δηλαδὴ. Kelhoffer 187 rattache δηλαδή à φησί (l’adverbe devrait accentuer plutôt φησὶ), en ponctuant après ἐπιφωσκούσῃ, suivi aussi par David Miller en 2008 188. Cette solution permet d’éviter le télescopage de φησί avec ἐπήγαγε, mais la syntaxe de la phrase resterait néanmoins peu limpide, me semble-t-il. En 2010 David Miller, en comparant le texte de l’ἐκλογή avec les passages parallèles publiés par John Cramer et Christian von Matthaei 189, découvre que ce passage de l’ἐκλογή cache une faute par saut du même au même 190. 16-17. ὀψὲ τοῦ σαββάτου. Il faut vraisemblablement entendre dans cette expression que seul le mot ὀψέ se réfère littéralement au texte matthéen (citation), et non pas la suite, τοῦ σαββάτου, car, exactement comme à la l. 3 à propos de l’allusion à Jn. 20,1, cette forme au singulier n’est pas attestée ailleurs et, surtout, les autres citations, nombreuses, de cette expression présentent toujours la forme ὀψὲ σαββάτων (par exemple l. 4-5.20-21.24). 17. τοῦ ἑρμηνεύσαντος τὴν γραφήν. Eusèbe se réfère à la tradition selon laquelle Matthieu aurait écrit en hébreu son évangile, qui avait été traduit ensuite en grec ; outre le texte qu’Eusèbe attribue à Papias en Hist. eccl., III,39,16 191 (Papias, fr. 5 Norelli), la première attestation certaine à ce propos est celle

185. 186. 187. 188. 189.

190.

191.

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Nemeonicas et Isthmionicas epimetrum, indices, Leipzig 1927 (BiTeu), p. 230-231. Je remercie Christophe Guignard de cette précieuse information. Franz zorell, Lexicon Graecum Novi Testamenti, Rome 1978, p. 75 ; voir aussi davieS, alliSon, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, I, p. 663. Voir davieS, alliSon, ibid. et luz, Das Evangelium nach Matthäus, IV, p. 401 et n. 41. Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 88, n. 48. miller, Suggested Departures, p. 3. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 251-253, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 238-242 ; matthaei, Anecdota Graeca, p. 62-64 (voir mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 257, n. 1) ; j’avais déjà signalé le fragment dans mon « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 178-179. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 101-103, n. 6. La remarque de Miller explique parfaitement bien les problématiques que la phrase recèle, mais je ne comprends pas comment il peut affirmer que le passage de l’ἐκλογή contiendrait une « hitherto-unobserved textual difficulty », au vu notamment des remarques de James Kelhoffer (Kelhoffer, « The Witness of Eusebius’ ad Marinum », p. 88, n. 48), suivies des miennes (« Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 184). Le passage en question peut se lire chez cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 252, l. 2-4 (texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 238, l. 8-10) et matthaei, Anecdota Graeca, p. 62, l. 22-24. Voir Hist. eccl., III,24,6.

EMar II d’Irénée, Adv. haer., III,1,1 192. Selon Joseph Lightfoot 193, Eusèbe aurait repris de Papias aussi l’explication de ὀψὲ σαββάτων en tant que « faute » de traduction, mais cette supposition ne semble pas s’imposer, comme l’a déjà montré Enrico Norelli 194. 24-26. ὀψὲ δὲ σαββάτων τῇ ἐπιφωσκούσῃ, κτλ. La citation eusébienne de Mt. 28,1 propose Μαρία (l. 25), comme la plupart des témoins (y compris le manuscrit Vaticanus), ce qui représente une leçon facilior par rapport à Μαριάμ, aussi attestée (notamment le Sinaiticus). Quant au fait qu’ici le texte d’Eusèbe atteste la leçon ὀψὲ δὲ σαββάτων, avec la particule δέ, voir commentaire à EMar I,1,1. 26-28. τῇ δὲ μιᾷ τῶν σαββάτων ἔρχεται Μαρία ἡ Μαγδαληνὴ, κτλ. Les variantes de la leçon attestée par Eusèbe, qui se caractérise par le déplacement de certains mots ou expressions (ἔρχεται avant Μαρία et εἰς τὸ μνημεῖον avant ἔτι οὔσης σκοτίας), sont aussi attestées par des manuscrits ou versions du texte de Jean 195. Sur la valeur de « semaine » de σαββάτων, voir comm à EMar II,2,38-39. 31. ὁ διερμηνεύων. Le sens de ce mot est assurément que Jean a rendu plus clair ce que Matthieu avait dit 196. Sur le fait que Jean ait écrit en dernier, voir Hist. eccl., III,24,1-14, où en tout cas le but de Jean n’est pas d’éclaircir, mais plutôt de compléter l’œuvre des autres évangélistes. Quant à l’usage du mot ὁ διερμηνεύων, il est peu pertinent de la part d’Eusèbe d’appeler Jean ainsi dans ce contexte, alors qu’il vient d’utiliser le participe d’ἑρμηνεύω pour désigner le traducteur de Matthieu, dont il est question plus haut dans le paragraphe (voir l. 17) ; mais le sens du mot ici attesté est certainement celui de la l. 12. En tout cas, le fait que le texte auquel on fait référence est une citation de Jean 20,1 (πρωὶ […] τὸ σκοτίας οὔσης, l. 31) ne laisse pas de doute : ὁ διερμηνεύων est Jean et non le traducteur. Toutefois, si on postule une corruption du texte de la citation, on pourrait ponctuer autrement : νυκτὸς, ὀνομάσας πρωὶ, ὁ διερμηνεύων, et interpréter alors ὁ διερμηνεύων comme « le traducteur », en lisant : « d’une part ayant désigné le matin par « tard », pour indiquer un moment assez tardif et avancé de la nuit, le traducteur a ajouté « lorsqu’il y avait encore l’obscurité » » (texte dont il n’y a trace chez Matthieu). 36-37. μή τις τὴν ἑσπέραν, κτλ. À cause de sa redondance, la partie finale de la phrase est une glose glissée dans le texte, selon la lecture de David Miller 197.

192. Pour d’autres attestations, voir Enrico norelli, « Considerazioni di metodo sull’uso delle fonti per la ricostruzione della figura storica di Gesù », dans C. Gianotto, e. norelli, m. PeSce, L’enigma Gesù. Fatti e metodi della ricerca storica, éd. E. Prinzivalli, Rome 2008, p. 19-67, ici p. 51-53. 193. Joseph B. liGhtfoot, Essays on the Work entitled Supernatural Religion, Londres 1889, p. 208-209. 194. Ainsi PaPia di hieraPoliS, Esposizione degli oracoli del Signore, éd. norelli, p. 327-328 (et, pour un commentaire de l’ensemble du passage de Papias, voir ibid., p. 315-329). 195. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 950. 196. Ainsi aussi zahn, Einleitung in das Neue Testament, II, p. 274, n. 7. 197. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 103-105, n. 9.

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Questions et réponses sur les évangiles 37. σαββάτων φησὶν ὀψέ. Eusèbe cite ici les mots de Matthieu, mais il les intervertit pour que le sens à donner à ὀψέ soit plus clair (c’est-à-dire le sens de ὀψία). II,2 38-39. ἔθος δὲ ὅλην τὴν ἑβδομάδα σάββατον καλεῖν, κλτ. Eusèbe affirme deux choses différentes ici : d’une part que le mot « sabbat » indique aussi la semaine, et d’autre part qu’on utilise ce mot aussi pour indiquer n’importe quel jour. Eusèbe donne par la suite des exemples pour sa deuxième affirmation, mais non pour la première. Les deux usages rappelés par Eusèbe sont cependant attestés par d’autres sources 198. Selon l’usage juif, les jours de la semaine n’ont en effet pas de nom propre, sauf le sabbat et le jour de la parascève, et, de ce fait, ils sont simplement numérotés par un cardinal ou un ordinal 199. Cet usage, attesté ensuite dans le judaïsme alexandrin, est repris aussi par les auteurs chrétiens à partir des textes néotestamentaires 200. Eusèbe propose quatre exemples de cet usage du mot σάββατον aux l. 40-42 (dont le premier provient probablement du passage parallèle à Matthieu, Jn 20,1, qu’il vient d’évoquer, bien que l’expression soit attestée aussi dans Marc et Luc). Tous ces exemples concernent l’indication du jour de la semaine avec un génitif pluriel de σάββατον qui dépend toujours d’un numéral indiquant le jour. Cela ne correspond pas tout à fait à la première affirmation selon laquelle σάββατον indiquerait aussi tout simplement la semaine. C’est une variation essentielle, car l’expression de Matthieu ne contient pas de numéral, à la différence des autres exemples d’Eusèbe. 40-42. τῇ μιᾷ τῶν σαββάτων· ἐν δὲ τῇ συνηθείᾳ, κτλ. Contrairement à la traduction donnée pour l’expression τῇ μιᾷ τῶν σαββάτων en EMar II,1,26-27, il n’est pas possible (ici et par la suite) de traduire σαββάτων par semaine, car le texte deviendrait incompréhensible. 44-45. οὐκ εἰπὼν ἑσπέραν τοῦ σαββάτου, οὐδὲ ὀψὲ σαββάτου. L’utilisation du singulier σαββάτου (voir aussi l. 45 et 48) dans cette explication d’Eusèbe peut laisser entendre qu’il faudrait interpréter le pluriel seulement en référence au sens de « semaine » (vu que Matthieu 28,1 a un pluriel, tout comme Mc. 16,2,

198. Quant à l’utilisation de σάββατον dans le sens de « semaine », voir notamment KyPKe, Observationes Sacrae in Novi Foederis libros, p. 146 ; Bauer, aland, Griechisch-deutsches Wörterbuch, p. 1480 et Eduard lohSe, « σάββατον, σαββατισμός, παρασκευή », dans ThWNT, VII/1, Stuttgart 1960, p. 1-35, ici p. 32-33. À noter que lamPe, A Patristic Greek Lexicon, p. 1220, mentionne ce sens en donnant comme exemples seulement notre texte et celui de Sévère d’Antioche, Hom. cath., 77, qui en dépend. 199. Voir sur ce point les conclusions et les sources mentionnées par S. patris nostri Asterii Amaseae [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium, I], éd. comBefiS, p. 789-791 ; KyPKe, Observationes Sacrae in Novi Foederis libros, p. 145-146 ; BlaSS, deBrunner, § 247.1 ; lohSe, « σάββατον, σαββατισμός, παρασκευή », p. 7 ; Willi rordorf, Der Sonntag. Geschichte des Ruhe- und Gottesdiensttages im ältesten Christentum, Zürich 1962 (AThANT 43), p. 12-13 ; Joseph huG, La finale de l’Évangile de Marc (Mc 16, 9-20), Paris 1978 (ETB), p. 45-46. 200. Voir en ce sens SchWeitzer, Thesaurus ecclesiasticus, p. 916-917 et lohSe, « σάββατον, σαββατισμός, παρασκευή », p. 32-33, qui signalent plusieurs passages : par exemple celui de clément d’alexandrie, Strom., VII,75,2.

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EMar II Lc. 24,1 et Jn. 20,1.19). Ce n’est pas en fait le cas, car l’usage de σάββατον en grec n’établit pas de distinction entre singulier et pluriel, comme l’atteste Eusèbe lui-même, qui l’utilise au singulier dans le sens de « semaine » à la l. 2 201. 45-46. ἐπεὶ ἐχρῆν ἡμᾶς τῇ ἡμέρᾳ τοῦ σαββάτου, κτλ. L’argument d’Eusèbe provient de Denys d’Alexandrie (voir supra), et sous-entend évidemment que le moment auquel il faut interrompre le jeûne pascal est celui de la résurrection de Jésus (voir EMar II,3), et donc, puisqu’on ne l’interrompt pas le soir du samedi, mais à l’aube du dimanche, que le jour indiqué par Matthieu pour la visite des femmes ne peut en aucun cas pas être le sabbat. 50. αὐτῷ. David Miller lit ἤ αὐτῷ, en se fondant sur des traditions parallèles publiés par John Cramer et Christian von Matthaei 202. 51. καὶ ἤ. David Miller corrige en ἤ καὶ 203. II,3 65-66. οἱ μαθηταὶ αὐτοῦ, κτλ. Le texte eusébien de Mt. 28,13 est celui de la plupart des manuscrits néotestamentaires 204. II,4 78-87. τὰ μὲν πρῶτα τῆς ἀναστάσεως, κτλ. Après l’explication du sens de ὀψὲ σαββάτων, la chronologie qui fait suivre Matthieu par Jean ne pose plus de problème majeur. À relever qu’Eusèbe parle ici aussi franchement d’ἀνάστασις (l. 79.83) pour se référer à l’épisode. 100. τριῶν. David Miller lit τρίτων, en se fondant sur les traditions parallèles publiées par John Cramer et Christian von Matthaei 205. II,5 112-113. ἄγγελος γὰρ κυρίου καταβὰς, κτλ. Le texte de la citation eusébienne de Mt. 28,2 présente quelques parallèles dans les manuscrits néotestamentaires ;

201. Voir lamPe, A Patristic Greek Lexicon, p. 1220 ; lohSe, « σάββατον, σαββατισμός, παρασκευή », p. 7 ; Bauer, aland, Griechisch-deutsches Wörterbuch, p. 1480. 202. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 105, n. 12. Voir cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 252, l. 16 (texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 240, l. 6) et matthaei, Anecdota Graeca, p. 63, l. 6. 203. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 105, n. 12. 204. Voir tiSchendorf, Novum Testamentum Graece, I, p. 210 ; New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 294. 205. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 105, n. 12. Voir cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 253, l. 17 (texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 242, l. 8) et matthaei, Anecdota Graeca, p. 64, l. 2.

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Questions et réponses sur les évangiles rejetée par les éditeurs, cette leçon pourrait être influencée par le texte parallèle de Mc. 16,3 206. 113-115. οὐ γὰρ κατ’ αὐτὴν τὴν ὥραν, κτλ. L’ouverture du tombeau rapportée par Mt. 28,1-4 précède donc les faits racontés par Jean. 115. ὁπότε προυπῆρχεν παρὰ τῷ Ἰωάννῃ. La personne se trouvant auparavant selon Jean en ce lieu est sans doute Jésus et non l’ange dont il est question aux l. 110-115. Ceci est bien vraisemblable car référence est ici à l’épisode de Jn. 20,1-18, comme on l’apprend aussi de ce qui suit (Marie est avec les disciples, l. 115-117) ; le sens de la phrase serait autrement incompréhensible, car d’après Jn. 20,11-13 il y a deux anges au sépulcre (voir aussi ce qui est dit en EMar II,4,87 : τοὺς ἀγγέλους). 122. αὖθις. Cet adverbe pourrait aussi faire référence à ce qui précède (ὃς ἐπιστὰς). II,6 129. Θεοτόκον. Eusèbe utilise ce titre de Marie aussi en Scholia in Cant. (éd. Pitra, ASSS 3, p. 533) ; Contra Marc., II,1 ; Vita Const., III,43 ; Comm. in Ps. 110(109),4 (PG 23,1344A) 207. 132. τετάρτην. Le manuscrit de l’ἐκλογή contient une scholie qui corrige le texte de la question concernant la quatrième Marie : d’après ce texte c’est la mère de Jésus qui est présente au tombeau 208. Comme l’a relevé dans son édition Mai 209, le texte de cette scholie est d’une main plus récente que celui de l’ἐκλογή. Même si les éditions de Mai réfèrent cette scholie à l’adjectif τετάρτης de la ligne 137, il se rattache plutôt à cet endroit de l’ἐκλογή. En voici le texte (fol. 90 bis, verso). οὐχι· ἀλλ’ ἡ κατ’ ἀλήθειαν τοῦ κυρίου μήτηρ, αὕτη λέγεται καὶ μήτηρ Ἰακώβου καὶ Ἰωσῆ, τῶν νομιζομένων ἀδελφῶν τοῦ κυρίου, υἱῶν δὲ ὂντων κατὰ φύσιν τοῦ Ἰωσὴφ [ Ἰωσήφ Mai1 ut P] ἀπὸ τῆς προτέρας [reiecendum Ppc] αὐτοῦ [post αὐτοῦ

206. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 208 et Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 85. 207. Le titre peut bien évidemment aussi être un ajout postérieur (PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 109, n. 15). 208. Cette tradition, qui voit la mère de Jésus au tombeau, est bien attestée dans la littérature et la liturgie ancienne ; voir notamment Ciro Giannelli, « Témoignages patristiques grecs en faveur d’une apparition du Christ ressuscité à la vierge Marie », REByz 11 (1953), p. 106-119, ici p. 107-119. On peut voir aussi Sévérien Salaville, « Marie dans la liturgie byzantine ou grécoslave », dans H. du manoir (éd.), Maria, études sur la sainte vierge, I, Paris 1949, p. 247-326, ici p. 271-272, 288-289 et Édouard cothenet, « Marie dans les apocryphes », dans Maria, études sur la sainte vierge, VI, Paris 1961, p. 71-156, ici p. 109, 112. L’ambiguïté entre les deux Maries se reflète aussi dans quelques textes apocryphes et dans le Diatessaron de Tatien, comme le montre Stephen J. ShoemaKer, « Rethinking the «Gnostic Mary»: Mary of Nazareth and Mary of Magdala in Early Christian Tradition », Journal of Early Christian Studies 9 (2001), p. 555-595, ici p. 559-589 et id., « A Case of Mistaken Identity? Naming the Gnostic Mary », p. 7-8, 25-30. 209. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 70, note (voir p. 375) et id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 260, n. 2.

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EMar II add. αὐτοῦ Mai1] γυναικὸς [γυναικός P Mai : γυναικὸς Migne], τῆς Σαλώμης· τέσσαρας [τέσσαρας Mai : τέσσαρτις P ut uid.] γὰρ εἶχεν υἱοὺς ὁ Ἰωσὴφ, Ἰάκωβον καὶ Ἰωσῆ καὶ Σὶμωνα καὶ Ἰούδα. Καὶ καθὠς ἐνομίζετο ἡ τοῦ κυρίου μήτηρ γυνὴ τοῦ Ἰωσὴφ, οὕτως ἐνομίζετο καὶ τῶν υἱῶν αὐτοῦ μήτηρ. Non ! Elle est en vérité la mère du Seigneur : on dit d’elle qu’elle est aussi la mère de Jacques et de José, qui sont considérés frères du Seigneur, étant fils selon la nature de Joseph par sa première femme Salomè ; en effet, Joseph eut quatre fils, Jacques, José, Simon et Jude. Et comme la mère du Seigneur était considérée la femme de Joseph, elle était aussi considérée la mère de ses fils.

134-136. εἱστήκεισαν δὲ παρὰ τῷ σταυρῷ τοῦ Ἰησοῦ ἡ μήτηρ αὐτοῦ, κτλ. Eusèbe atteste la leçon la plus répandue Μαρία (deux fois), alors que le manuscrit Sinaiticus et peu d’autres témoins attestent Μαριάμ 210. 138-139. συμπαραλαβόντες τῇ Μαγδαληνῇ καὶ αὐτήν. Autre traduction possible : « en ajoutant à la Madeleine elle aussi ». 140-143. ἦσαν δὲ ἐκεῖ γυναῖκες πολλαὶ, κτλ. La citation de Mt. 27,55 contient une variante très rare, αἵτινες ἠκολούθησαν αὐτῷ à la place de αἵτινες ἠκολούθησαν τῷ Ἰησοῦ 211. 143-144. αἳ ἐθεάσαντο τὸν τόπον ποῦ τίθεται. Texte à insérer dans la citation évangélique selon Mai 212, suivi par Migne (PG 22,945-946). Tischendorf ne prend pas clairement position à ce sujet, mais il semble exclure cette possibilité 213, exactement comme Merkel 214, qui, tout en suivant le texte selon Migne, exclut cette phrase de la citation dans sa traduction. II,7 150-151. πρωὶ τῇ μιᾷ τῶν σαββάτων, ἔτι σκοτίας οὔσης. Selon Merkel 215, seule la deuxième partie de la phrase (ἔτι σκοτίας οὔσης) fait partie de la citation évangélique. La citation n’a pas de parallèles dans les manuscrits johanniques ; il s’agit sans doute d’une citation qui a été condensée, et qui n’est donc pas tout à fait littérale (voir la citation de Jn. 20,1 donnée supra aux l. 26-28). 154-155. ὀψὲ μὲν σαββάτων. Il faut évidemment comprendre cette expression selon le sens défini en EMar II,1-3 : le problème chronologique abordé par EMar II,4-5 ne pose plus de problème (l. 153-154) avec l’hypothèse de deux Marie Madeleine.

210. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 945 ; Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 313 et New Testament Greek Manuscripts, [IV] John, éd. SWanSon, SheffieldPasadena (CA) 1995, p. 264. 211. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 205 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 288. 212. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 70 et id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 260. 213. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 206. 214. merKel, Die Pluralität der Evangelien, p. 84-85. 215. Ibid., p. 87 (version française de Jean-Louis Maier uniquement).

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Questions et réponses sur les évangiles 157. πρωίας. Pour Merkel 216, ce mot fait partie de la citation évangélique. On pourrait trouver un argument en ce sens dans le parallélisme avec la citation ὀψὲ μὲν σαββάτων (ligne 154-155), mais il faudrait dans ce cas admettre qu’une telle citation n’a aucune valeur littérale (πρωί est tout de même présent en Jn. 20,1). Elle est aussi reprise en EMar III, l. 3 et 82. 159-161. μὴ δὲ ἀντιλογίαν περιέχειν, κτλ. David Miller propose d’ajouter ὡς ou ὥστε avant ces infinitives 217. II,8 167. Μαγδαληνῆς. Le texte serait beaucoup plus clair si on pouvait le corriger avec l’éponyme de la Madeleine, mais cela (Μαγδαλά) représenterait une lectio facilior, d’autant plus que dans l’Onomasticon, Eusèbe affirme : Μαγδαλά. φυλῆς Ἰούδα 218, ce qui contraste avec l’origine galiléenne de la Madeleine (voir Mt. 27,55-56 ; Mc. 15,40-41 ; Lc. 23,49-24,10). Mais le nom utilisé par Eusèbe aurait pu avoir une graphie moins commune, ce qui expliquerait la naissance de la variante. Eusèbe aurait pu par exemple identifier la ville éponyme de la Madeleine avec la Μαγαδάν que l’on trouve comme variante du plus commun Μαγδαλά dans les meilleurs manuscrits de Mt. 15,39 219 ; même si rien n’est moins certain, le texte de l’Onomasticon ferait dans ce cas pencher pour la graphie encore plus rare de Μαγεδάν (qui est aussi la leçon du Sinaiticus après correction) : Μαγεδάν. εἰς τὰ ὅρια Μαγεδὰν ὁ Χριστὸς ἐπεδήμησεν, ὡς ὁ Ματθαῖος. καὶ ὁ Μάρκος δὲ τῆς Μαγεδὰν μνημονεύει. καὶ ἔστι νῦν ἡ Μαγεδανὴ περὶ τὴν Γερασάν 220. 170. ὅτι. David Miller n’apprécie pas la présence de ὅτι dans l’ensemble de la phrase 221. 172. σμικρὸν ὕστερον ἐπιδείξωμεν. Merkel 222 identifie ce texte avec FMar 4, ce qui est possible ; cette référence pourrait aussi prendre en compte la suite immédiate de ce passage eusébien (l. 172-177). David Miller corrige ἐπιδείξωμεν en ἐπιδείξομεν 223.

216. Ibid. 217. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 111, n. 16. 218. Éd. KloStermann, GCS 11/1, p. 130, l. 9 ; Onomastica sacra, éd. de laGarde, p. 267. 219. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 92 ; Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 44. 220. Éd. KloStermann, GCS 11/1, p. 134, l. 18-20 ; Onomastica sacra, éd. de laGarde, p. 277. 221. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 111, n. 17. 222. merKel, Die Pluralität der Evangelien, p. 87, n. 4. 223. miller, Suggested Departures, p. 3, Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 111 n. 18.

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EMar II 175-177. οὕτω καὶ ἐπὶ τοῦ ἐπωνύμου, κτλ. Selon David Miller le lieu est probablement corrompu ; il corrige en tout cas κείμενον en κείμενου (l. 176), en suivant Mai, et propose de lire ἐπωνυμίου à la l. 175 224. II,9 186. σφάλμα. La référence est ici faite à EMar II,8,166. 194-195. κατά τινα τῶν ἀντιγράφων. Sur les exemplaires manuscrits, voir commentaire à EMar I,1. 198. κἀκείνη. La référence est à la Madeleine d’après Jean, car il faut exclure la référence la plus proche (Matthieu), ainsi que celle renvoyant aux accusations des l. 198-199 (Marc). 198. Μαγδαληνῆς. Ici aussi le texte semble faire référence au village de Magdala (voir commentaire à la l. 167).

224. miller, Suggested Departures, p. 3, Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 113 n. 19.

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EMAR III

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le problème posé par le fait que Madeleine a touché les pieds du Sauveur selon Matthieu « le soir du samedi », alors que « le matin » elle entend « ne me touche pas » chez Jean. III,1. Si les deux évangélistes traitent d’une seule Marie, il faut en conclure qu’elle se rendait souvent au même lieu. Elle est donc allée au sépulcre la première et, ayant contemplé ce qui est décrit par Jean, part annoncer l’ouverture du tombeau aux apôtres (voir Jn. 20,1-2). Elle revient ensuite avec eux au tombeau, et, une fois ceux-là rentrés chez eux, elle au contraire reste et pleure ; c’est alors qu’elle voit deux anges et le Sauveur même, qui d’abord la blâme « femme, pourquoi pleures-tu ? » et ensuite l’appelle « Marie ! », en l’incitant à se souvenir d’elle-même et de ce qu’elle avait autrefois entendu à propos de sa résurrection, et elle, revenue à la conscience, l’appelle « Rabbunì ». III,2. À ce moment, puisqu’elle s’approche de lui comme d’un maître et non comme d’un Dieu, il la repousse : « ne me touche pas », car elle n’était pas digne d’approcher sa divinité, elle qui pleurait encore et le cherchait parmi les morts, avec ces pensées humaines. C’est pourquoi il lui expose la cause de cette interdiction, en disant n’être pas encore remonté au Père, car elle ne croyait pas, et pensait que son corps aurait dû être près de là, mort : c’est pourquoi il lui dit « ne me touche pas », car si tu penses de telles choses sur moi, tu ne crois pas que je suis Dieu (voir Jn. 20,11-17). Elle monte ensuite une troisième fois avec l’autre Marie et contemple avec elle l’apparition de l’ange assis sur la pierre. III,3. Elle voit alors une deuxième fois le Sauveur, avec l’autre Marie, et cette fois elle reçoit l’ordre de se réjouir au lieu de pleurer, et il lui permet aussi de le toucher. Les évangiles donc s’accordent bien, en introduisant d’abord la Madeleine qui ne touche pas le Sauveur, lorsqu’elle pleurait et ne croyait pas, et puis qui le touche, lorsqu’elle reçoit l’ordre de se réjouir. Les événements décrits chez Jean précèdent donc manifestement ceux rapportés par Matthieu ; selon ce que nous avons dit auparavant, nous avons aussi éclairci l’expression de Matthieu « le soir du samedi » : elle n’indique pas l’heure du soir, mais le moment où la lumière surgit. Ainsi en va-t-il si l’on soutient que c’est la même Marie chez les deux évangélistes. III,4. Si l’on admet qu’il ne s’agit pas de la même Marie, toute ambiguïté peut être levée. Ainsi, les premières femmes, qui sont arrivées « le soir du samedi » puisqu’elles étaient plus zélées, l’ont adoré et ont été rendues dignes de saisir ses pieds, tandis que la Marie chez Jean, qui est une autre, est survenue le matin, plus tard par rapport à celles-ci. Selon Marc, il s’agit de la femme dont Jésus avait 262

EMar III expulsé sept démons ; son âme avait été tellement troublée qu’elle ne croyait pas, en pleurant et pensant que le corps du Seigneur avait été dérobé, au point qu’elle ne reconnut pas les deux anges, ni le Sauveur lui-même, qu’elle croyait être le gardien. Autres traditions textuelles III,2-3. Le texte de FMar 7, identifié par Angelo Mai 225 parmi les questions d’Anastase Sinaïte (Quaest. et resp., 153), propose un résumé concernant notamment EMar II,6-7, mais il utilise probablement aussi un texte parallèle à EMar III,2-3. III,2-3. Le texte de FMar 7 (supra) existe aussi dans une tradition syriaque publiée par Gerhard Beyer, SyrS XII 226. III,4. Un court fragment anonyme publié par Pierre Poussines et repris par Angelo Mai 227, le FMar 5, conserve l’explication eusébienne qui propose l’existence de deux Madeleines (voir parallèles à EMar II). Commentaire La question Cette question est, d’une certaine manière, une variante sous une autre forme de la question précédente, ou du moins elle en reprend un aspect et fait le point, comme le montre la réponse 228 ; ceci n’est pas un cas unique parmi les questions d’Eusèbe ; dans plusieurs cas nous pouvons remarquer un certain argument passer de la partie finale d’une réponse à celle qui suit (par exemple entre ESt II et III, V et VI, X et XI, XII et XIII et probablement aussi entre EMar I et II). Ici, il s’agit d’un problème chronologique entre les récits de Matthieu et de Jean, qu’Eusèbe explique en utilisant pratiquement les mêmes arguments que ceux de la question précédente (avec le renvoi explicite à l’interprétation déjà donnée de l’expression ὀψὲ σαββάτων et à la discussion concernant les deux Marie Madeleine). Cette question fait sans doute suite à EMar II dans le texte original perdu, principalement à cause de ces renvois, mais aussi parce que le FMar 7, qui semble abréger et réunir les deux questions dans un seul texte, les traite dans ce même ordre. Cette question pourrait par ailleurs avoir été fortement réduite par l’auteur de l’ἐκλογή, comme le montrent les citations, qui sont souvent très abrégées et modifiées.

225. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 93-94, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 222. En se tenant à l’identification de Mai, Roger Pearse (ibid.) ne réfère ce texte qu’à EMar II. 226. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [II] », p. 68-70, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 342-344. 227. Catena Graecorum patrum in Evangelium secundum Marcum, éd. PouSSineS, p. 364 ; texte republié par mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 95 et ensuite par PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 220. 228. Voir sur ce point MerKel, Die Widersprüche zwischen den Evangelien, p. 140 et notamment la présentation de Perrone, « Le Quaestiones evangelicae di Eusebio di Cesarea », p. 428-430.

263

Questions et réponses sur les évangiles À signaler que l’exégèse eusébienne concernant la raison de l’interdiction à la Madeleine de toucher Jésus, faisant intervenir la confession de la divinité de Jésus, non seulement eut un grand succès, mais c’est aussi un trait original de l’interprétation d’Eusèbe (à moins qu’il ne le reprenne en quelque manière d’Origène, mais les indices sur ce point sont incertains). Situation du texte, entre les critiques païennes et Origène Concernant les critiques provenant du monde païen qui pourraient être à l’arrière-plan de cette question, je ne peux que renvoyer aux textes déjà signalés dans les commentaires de EMar I et II. À ces textes, il faudra ajouter l’hypothèse de Giancarlo Rinaldi 229, selon laquelle cette question proviendrait d’une critique externe au christianisme. Cette critique est attestée aussi dans l’Ambrosiaster, Quaest de Novo Test., 70,1-2 230 ; on l’a déjà présentée dans le commentaire à ESt III. Le noyau de la réponse de l’Ambrosiaster, expliquant pourquoi il est défendu à la Madeleine de toucher Jésus, pourrait dériver d’Eusèbe. En De orat., 23,2 (éd. Koetschau, GCS 3, p. 350), Origène souligne qu’il faut comprendre Jn. 20,17 au sens mystique : l’ascension est celle de l’esprit plutôt que celle du corps, ce qui est plus digne de Dieu. Bien que l’argument ne soit pas tout à fait le même que celui de EMar II,2, le renvoi à une compréhension mystique du texte, ainsi qu’à la mise en valeur de la divinité du Ressuscité pourrait indiquer que le texte d’Eusèbe se fonde sur une relecture d’un texte origénien sur Jn. 20,17. Ce texte n’est pas forcément celui du De orat., 23,2 ; ce pourrait être un texte perdu. Les autres exégèses de ce texte qu’Origène propose ne sont en effet pas compatibles avec cette hypothèse ; c’est notamment le cas de Comm. in Io., VI,55,287-56,288 ; VI,56,291 ; X,37,245, et de Conv. cum Her., 7-8 231. Parallèles Outre le texte de l’Ambrosiaster, voir Théodore d’Héraclée, Fr. in Io., 403 (Io. 20,11-13 ; TU 89, p. 168) ; Ambroise de Milan, De Isaac vel Anima, V,43 (éd. Schenkl, CSEL 32/1, p. 667-668) ; Expl. super Ps. XII, 45,24 (éd. Petschenig, CSEL 64bis, p. 345) ; Exp. in Lc., X,147-148.153-155.160-166 (éd. Adriaen, CC.SL 14, p. 387-388.389-390.391-394) 232 ; De virg, IV,15 233 ; Jérôme, Comm. in Mt., IV,28,9 (éd. Bonnard, SC 259, p. 312) ; Ep. 59,4 ; Ep. 120,3-5 234 ; Jean Chrysostome, In Io. hom. I-LXXXVIII, 85[84],4 ; 86,1-2, 89(90),2 (PG 59,464.469-

229. rinaldi, Biblia gentium, n° 537 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 537. 230. Éd. Souter, CSEL 50, p. 463-464. 231. Sur l’exégèse origénienne de Jn. 20,17, voir Joseph crehan, « The Dialektos of Origen and John 20:17 », TS 11 (1950), p. 368-373, ici p. 368-370. 232. Voir aussi Guinot, « L’exégèse ambrosienne des apparitions pascales », p. 148-154. 233. S. Ambrosii Mediolanensis ep. De virginitate liber unus, éd. cazzaniGa, Turin-Milan-Padoue, et al. 1952 (CSLP),, p. 8-9. 234. Texte dans Saint Jérôme, Lettres, III, éd. et trad. par Jérôme laBourt, Paris 1953 (CUFr), p. 87-88 ; t.VI, p. 120-121.130-136.

264

EMar III 470) ; Augustin, Serm., CCXLIII,1-2 ; CCXLIV,2-3 ; CCXLV,1-4 ; CCXLVI,3-4 (PL 38,1143-1144.1148-1153 ; éd. Poque, SC 116, p. 298-300) ; Tract. in ev. Io., CXXI,3 (éd. Willems, CC.CL 36, p. 665-666) ; De cons. ev., III,24,61-69 (éd. Weihrich, CSEL 43, p. 77.351-366) ; Théodore de Mopsueste, Comm. in Io., VII (éd. Vosté, CSCO 115, p. 344-350, trad. CSCO 116, p. 247-253) ; Hésychius de Jérusalem, Collectio difficultatum et sol., 50-52 (PG 93,1433A-1441A) ; Jean I de Thessalonique, Hom. de Christi resurr. 235 ; Hom. in mulieres unguenta ferenda, 3-4 (PG 59,640-642) ; Sévère d’Antioche, Hom. cath., 77 (éd. Kugener – Triffaux, PO 16, p. 820-826) ; Anselme de Laon, En. in Mt., XXVIII (sur Mt. 28,1.5.9 ; Lc. 24.5 ; Jn. 20,11 ; PL 162,1493C-1494A.1498D-1500B) ; Cyrille d’Alexandrie, Comm. in Io., XII (Jn. 20,17 ; PG 74,693-696) ; Théodoret de Cyr ( ?), Quaest. et resp. ad orthod., 43.48 (PG 46,1246.1293A-B) ; Photius, Epist., 137 ; Ps. Bède, In Io. exp., 20,17 (PG 92,919) ; Išo‘dad de Merw, Comm. in Mt., XXII (Mt. 28) 236 ; Comm. in Io., XIX (Jn. 20) 237 ; Raban Maur, Comm. in Mt., VIII (Mt. 27,62-63 ; PL 107,1148D-1149A) ; Aymon d’Auxerre, Hom. de temp., 70 ; 77 ; 79 (PL 118,448C-449C.481.484C-485C) ; Christian Druthmarus, Exp. in Mt. 28,9 (PL 106,1499) ; Théophylacte de Bulgarie, En. in ev. Mt., 28,1-10 (PG 123,477BD.481A) ; En. in ev. Mc., 16,1-8 (PG 123,677B) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Marc., XLVIII (Mc. 16,9-10 ; PG 129,845-848) ; Comm. in Io., XVIII (Jn. 20,12 ; PG 129,1481D-1484A) ; Bruno de Segni, Comm. in Mt., IV,105 (Mt. 28,1 ; PL 165,309A-310A) ; Comm. in Io., III,52 (Jn. 20,11-12 ; PL 165,593-594) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., XII (Mt. 28,2.7 ; PL 120,978C-D.984A-986A) ; Geoffrey d’Admont, Hom. fest., XL (PL 174,829) ; Zacharie Chrysopolitain, In unum ex quattuor, IV,173 (PL 186,595D) ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt., 28,1 (éd. Vaschalde, CSCO 95, p. 151-156, trad. CSCO 98, p. 121-125) ; Pierre le Mangeur, Hist. schol., in Ev. 183.185.188 (PL 198,1635C-D.1636D-1638A.1638C-D) ; Rodrigo Jiménez de Rada, Brev. hist. cath., IX,146-147 (éd. Fernández Valverde, CChr.CM 72B, p. 591-592) ; Bonaventure, Comm. in Io., XX,11-13, quaest. 1-3 ; XX,26 238 ; Comm. in Lc., XXIV,3 239 ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 51, art. 4,2 240 ; Glossa ordinaria, Mt. 28[,1] 241. III 3. πρωὶ. Ce mot fait probablement partie de la citation, car il se retrouve aussi dans l’attestation de EMar II,7,150 (où aucun doute ne peut subsister, car elle est introduite par τήν).

235. S. patris nostri Asterii Amaseae [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium, I], éd. comBefiS, p. 809-812. 236. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, II, p. 196-197 ; trad., I, p. 117-118. 237. Ibid., III, p. 212, 218-219 ; trad., I, p. 279, 283. 238. Bonaventurae opera omnia, VI., p. 506.509 239. Ibid., VII., p. 587-588. 240. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 487, 490-491. 241. Biblia Latina cum glossa ordinaria, éd. ruSch, p. 87.

265

Questions et réponses sur les évangiles III,1 La chronologie des apparitions reconstituée dans EMar III,1-3 n’est pas cohérente avec celle de EMar I-II et IV. 15-16. μόνη πάλιν ἀπολειφθεῖσα ἐν τῷ τόπῳ, ἔκλαιεν ἑστῶσα. Autre traduction : « ayant été laissée en arrière, restée en ce lieu, elle pleurait ». 28-29. ὃ μεθερμηνεύεται διδάσκαλε. Cette variante de Jn. 20,16 n’est pas attestée ailleurs 242, mais elle est probablement fruit d’une contamination avec Jn. 1,38. C’est peut-être ce qui a poussé Tischendorf à ne pas l’intégrer dans son apparat, au contraire des autres citations de EMar (la présence de φησιν au milieu de la phrase laisse toutefois entendre qu’il s’agit d’une véritable citation et non d’une paraphrase eusébienne du texte de Jean). III,2 44. ἐπέστρεφεν. La correction ἀπέστρεφεν dans la deuxième édition de Mai permet de lire la phrase (lignes 42-44) : « ainsi il l’éloigna, elle qui pleurait, etc. », et d’éviter de devoir référer à Jésus l’action de se tourner (ἐπέστρεφεν) qui, dans le passage de Jean, concerne la Madeleine (voir Jn. 20,14). 51. ἐπανείη. La bonne proposition de Mai, ἐπανῄει, est acceptée par David Miller 243, alors que j’ai préféré garder intact ici le texte de la recension représentée par le manuscrit de l’ἐκλογή. III,3 58. δεύτερον. C’est la deuxième fois que la Madeleine voit le Ressuscité, mais évidemment la troisième fois qu’elle va au sépulcre, à ce qu’Eusèbe dit en EMar II (tout dépend si on sépare les deux épisodes racontés par Jean 20,1-18 ou non). 59. χαίρειν. Ce χαίρειν anticipe le χαίρετε de la l. 62 (citation de Mt. 28,9), en jouant sur le sens de simple salutation de χαίρετε 244. 61-63. λέγει γοῦν αὐταῖς ὁ Ἰησοῦς, κτλ. L’ajout de γοῦν s’explique par la mise en contexte de la citation. Mais le reste de la partie initiale de la citation (λέγει […] αὐταῖς ὁ Ἰησοῦς), qui n’a pas d’autre attestation 245, doit aussi avoir été modifié par son introduction dans le texte eusébien. 68. πρῶτα δὲ ἡγεῖσθαι. David Miller corrige en πρῶτα δὲ δεῖ ἡγεῖσθαι 246.

242. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 955 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [IV] John, p. 276. 243. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 117, n. 20. 244. Sur le sens de χαίρω en ce point (l. 59), voir par exemple Bauer, aland, Griechisch-deutsches Wörterbuch, p. 1744. 245. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 209 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 293. 246. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 119, n. 23.

266

EMar III III,4 82. πρωὶ τῇ μιᾷ τῶν σαββάτων, ἔτι οὔσης σκοτίας. La citation n’est sans doute pas littérale (voir note à la l. 3 et à EMar II,7,150-151). 89-90. κατὰ τὸν Μάρκον ἀφ’ ἧς ἐκβεβλήκει ἑπτὰ δαιμόνια. Est totalement omis cette fois (peut-être par l’auteur de l’ἐκλογή ?) le fait que cet épisode se trouve dans quelques copies seulement (voir EMar I).

267

EMAR IV

Contenu de l’ἐκλογή Cette question concerne le fait que d’après Matthieu un seul ange est vu, alors qu’il s’agit de deux anges d’après Jean, de deux hommes d’après Luc et d’un jeune homme selon Marc. IV,1. Les événements décrits par Matthieu viennent d’abord : les deux Maries ont observé l’ange qui survenait et roulait la pierre ; ceux décrits par Jean arrivent ensuite : deux autres anges sont assis dans le tombeau ; quant aux deux hommes mentionnés par Luc ou le jeune mentionné par Marc, ils peuvent aussi être différents. Marc et Luc ne mentionnent pas les mêmes faits que Jean et Matthieu : ils ont laissé ces choses aux meilleurs évangélistes, en complétant avec les choses tues par ceux-là. IV,2. Les visions décrites chez les quatre évangélistes sont donc différentes ; elles ont eu lieu à quatre moments différents et même ceux qui sont vus des femmes sont différents. Le premier moment est celui de Matthieu, « le soir du samedi », lorsque Marie Madeleine et l’autre observent le séisme ; le quatrième et dernier est celui de Marc, lorsque le soleil s’est levé et que Marie Madeleine, Marie de Jacques et Salomé sont venues avec les aromates ; au milieu il y a ceux de Jean, puis de Luc. IV,3. Luc dit que les femmes galiléennes apportent des aromates lorsque le jour était déjà avancé. IV,4. Jean dit que Madeleine va d’abord au tombeau « lorsqu’il y avait encore l’obscurité », puis elle vient vers Simon et Jean ; elle pleure ensuite auprès du tombeau et voit les deux anges et le Sauveur. IV,5. Certains questionnent le compte des trois jours et trois nuits, selon ce que le Christ a dit. Les uns comptent à partir de la trahison ; d’autres divisent en deux la parascève, puisque la nuit arriva et à nouveau le jour, et ensuite le samedi et sa nuit ; d’autres comptent le jour de la parascève et sa nuit, le sabbat et sa nuit, et le début du jour du Seigneur pour un jour entier, car le Christ est ressuscité alors qu’il était commencé ; ils comptent ainsi trois jours, puisque même à propos des morts et des enfants nouveau-nés l’habitude est de mesurer de cette manière un jour entier. IV,6. Puisque le Christ a dit « je serai trois jours et trois nuits dans le coeur de la terre », il faut rappeler que, si un débiteur a promis à un créditeur de satisfaire sa dette après trois jours, et qu’il l’a satisfaite avant, comment pourrons-nous dire qu’il a menti ? S’il est ressuscité plus rapidement, il n’y a pas de grief, mais si cela s’était produit plus lentement, il y aurait eu des soupçons et un mensonge ; 268

EMar IV mensonge car la limite aurait été dépassée, et soupçon car, les gardiens étant rentrés chez eux, le fait aurait pu passer pour un vol. Autres traditions textuelles IV,1-2 . Un texte publié par John Cramer 247 propose un passage parallèle à EMar IV,1-2 mais avec un texte considérablement plus long et qui utilise notamment une troisième fois l’argument déjà employé dans EMar II et III de l’existence de deux Madeleines différentes comme preuve de la pluralité des visions du Ressuscité dans les récits bibliques. IV, 1-2. Un deuxième texte publié par John Cramer (Mc. 16,1) 248 propose un texte proche qui pourrait aussi trouver sa source dans le texte eusébien. IV,1-2. Une tradition proche des deux publiées par Cramer, surtout la première, avait été éditée par François Combefis et ensuite signalée par Angelo Mai 249. IV,1-2. Une autre tradition de ce texte, parallèle à celle publiée par John Cramer, a été éditée par Christian Matthaei 250. IV,1-2. La question est attestée par le fragment publié par Mai NMar 5 251, qui, à l’opposé de EMar IV,1, propose de comprendre que les faits rapportés par Jean précèdent ceux racontés par Matthieu. IV,1-2. Cette partie de la question est attestée aussi dans le fragment de Mai NMar 7 252. IV,3-4. Un parallèle de cette partie de la question est peut-être le texte de NMar 6, édité par Mai 253. Ce passage n’a pas d’éléments véritablement proches, mais il s’agit d’un texte qui pourrait bien avoir fait partie de la question originaire d’Eusèbe. IV,3-4. Cette partie de la question trouve vraisemblablement un parallèle dans un fragment caténal édité par Pierre Poussines 254, dont il a été aussi question parmi

247. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I., p. 253-256, repris dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 242-248 (où ce texte est soudé avec l’extrait qui précède dans la chaîne de Cramer). 248. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 444-445. 249. S. patris nostri Asterii Amaseae [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium, I], éd. comBefiS, p. 784-789 (et signalée par mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. XI.64, n. 1 et en partie reproduite ibid., p. 78-79, n. 1, ainsi que, ensuite, dans id., Novae patrum bibliothecae, IV, p. 78-79, n. 1). 250. matthaei, Anecdota Graeca, p. 67-69 (voir mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 257, n. 1 ; zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 192 ; PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 236). 251. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 287-289, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 190-192. 252. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 290-292, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 196-200. 253. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 289-290, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 192-196. 254. Catena Graecorum patrum in Evangelium secundum Marcum, éd. PouSSineS, p. 495.

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Questions et réponses sur les évangiles les parallèles à EMar I 255. Le texte a été repris par Angelo Mai seulement dans sa première édition 256, et il en existe un témoin aussi dans la chaîne publiée par John Cramer à propos de Mc. 16,9 257. Commentaire La question Ce texte est clairement le résultat d’un assemblage de parties provenant d’au moins deux questions différentes. L’une est celle qui est effectivement formulée, et qui a des parallèles dans les fragments NMar 5 et 7, et surtout dans ceux publiés par Combefis et Matthaei. Il s’agit précisément d’une question concernant la discordance des apparitions angéliques au tombeau (EMar IV,1-2). L’autre est la question qui concerne la manière de dénombrer les trois jours que Jésus est censé passer au séjour des morts (EMar IV,5-6) 258. Au centre de l’argumentations, deux paragraphes contenant une simple paraphrase évangélique constituée à l’aide de grands morceaux de citations (EMar IV,3-4). Ils ne se rattachent pas facilement au reste du point de vue du contenu, mais pourraient trouver des parallèles dans deux textes grecs caténaux (notamment NMar 6 et celui publié aux p. 94-95 de la première édition de Mai). Ce qui semble clair c’est que la question posée se résout dans les deux premiers paragraphes ; même Merkel 259, qui accepte pourtant l’unité de cette question, ne parvient pas à mettre en relation la partie finale du texte avec la question effectivement posée. Ensuite, avec EMar IV,3-4, le style change énormément, avec des phrases très courtes et simples, et la manière de citer qu’on a évoquée, loin de celle de l’ensemble de ce texte ; de même inédit est l’usage de commencer des phrases avec ὅτι (EMar IV,3,36 ; IV,4,62 ; IV,5,75) : toute une série d’indices qui nous portent à conclure qu’Eusèbe n’en est peut-être pas l’auteur ; il ne l’est certes pas dans la forme textuelle qu’ils présentent actuellement et, même s’il en est l’auteur, ces paragraphes n’appartenaient vraisemblablement pas à cette réponse (et certainement pas les paragraphes 5-6) 260. Le contenu de ces paragraphes 3 et 4 non seulement n’ajoute rien à la réponse déjà donnée en IV,2, mais il est symptomatique que les textes d’autres auteurs parallèles à IV,1-2, ne présentent pas de renvoi au

255. Il s’agit évidemment du dossier étudié par BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 319-323. 256. mai, Scriptorum veterum nova collectio, I, p. 94-95, texte republié dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 228-230. 257. cramer, Catenae Graecorum patrum in Novum Testamentum, I, p. 446-447 (voir PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 229). 258. Voir l’étude des parallèles bibliques par Jacques duPont, « Ressuscité “le troisième jour” », Bib. 40 (1959), p. 742-761, ici p. 742-755, et la présentation de la question eusébienne par YvesMarie duval, Le Livre de Jonas dans la littérature chrétienne grecque et latine, Paris 1973 (EAug – Série Antiquité 53-54), p. 244-245. 259. MerKel, Die Widersprüche zwischen den Evangelien, p. 141-142. 260. Voir à ce propos mon étude « L’exégèse des récits de la résurrection dans les Questions à Marinos d’Eusèbe de Césarée », p. 189, n. 32.

270

EMar IV contenu de IV,3-6. Les cas est plus compliqué pour le contenu des paragraphes 5-6, car ils discutent d’un problème complètement différent : comment faut-il calculer les « trois jours » que Jésus passe au tombeau ? Un problème tellement différent de la question posée qu’il a fallu ajouter en tête de la question une glose spécifique renvoyant à cette réponse. Il semble clair que ces deux derniers paragraphes proviennent d’ailleurs et qu’il faut interpréter l’ensemble de la réponse comme une fusion produite entre EMar IV,1-2 (véritable réponse à la question), IV,3-4 (deux paragraphes mystérieux, qui ne semblent pas de la plume d’Eusèbe) et IV, 5-6 (explication intéressante, mais étrange à la demande posée). Reste cependant une question majeure : est-ce qu’au moins le contenu de ces deux derniers paragraphes provient d’une autre question des QMar ? Les parallèles caténaux d’Eusèbe, ceux d’Origène et de Denys d’Alexandrie, ainsi que le témoignage indirect de certains des auteurs postérieurs qui ont connu le texte eusébien, orientent vers une réponse affirmative, notamment pour le passage le plus intéressant, concernant la manière de dénombrer les jours passés au tombeau 261. Il faut donc conclure qu’après EMar IV,1-2, rédigée de la même manière que le reste de l’ἐκλογή, a été raccordée une section peu significative, qui a un style complètement différent et qui n’est peutêtre pas eusébienne (IV,3-4), puis une conclusion (IV,5-6) qui provient d’ailleurs et qui, si elle est vraisemblablement eusébienne, apparaît remaniée d’une manière étrangère à l’usage de l’ἐκλογή (introduction avec ὅτι et teneur très schématique) 262. On n’est pas en mesure d’expliquer pourquoi cette question a été rapiécée d’une telle façon, ce qui est certain est que les QMar se poursuivaient au delà et cette question n’a probablement pas été composée sous cette forme par l’auteur qui a écrit l’ensemble de l’ἐκλογή. Les apparitions angéliques auprès du sépulcre : la critique de Celse et la réponse d’Origène Celse avait remarqué la contradiction entre les récits des apparitions angéliques au moment de la résurrection et le désaccord des évangélistes notamment sur le nombre des prétendus anges (Origène, Contra Cels., V,52) 263. La solution origénienne à cette aporie est seulement esquissée (ibid., V,56 ; voir V,58) ; on devine que son interprétation littérale du passage est celle qu’Eusèbe explicite ici, à savoir que les apparitions des quatre récits sont quatre apparitions différentes. Selon l’hypothèse suivie par Giancarlo Rinaldi 264, l’aporie concernant le décompte des trois jours, attestée aussi dans l’Ambrosiaster, Quaest Vet. et Novi

261. Voir par exemple la reprise faite par Ambroise dans Exp. in Lc., X,151 ; voir aussi à ce propos Guinot, « L’exégèse ambrosienne des apparitions pascales », p. 153-154. 262. Indépendamment de ce qu’affirme Whealey, « Quaestiones ad Marinum: Eusebius or Acacius of Caesarea? », p. 200, je n’ai jamais prétendu que l’ensemble de la question ne fût pas eusébienne à partir d’arguments purement stylistiques (voir mon étude « L’exégèse des récits de la résurrection dans les Questions à Marinos d’Eusèbe de Césarée », p. 189, n. 32). 263. Voir cooK, The Interpretation of the New Testament in Graeco-Roman Paganism, p. 54 ; rinaldi, Biblia gentium, n° 598 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 598. 264. rinaldi, Biblia gentium, n° 366 et id., La Bibbia dei pagani, II, n° 366.

271

Questions et réponses sur les évangiles Test., 64,1-3 (éd. Souter, CSEL 50, p. 8.112-114), proviendrait d’une critique externe au christianisme (voir aussi commentaire à ESt III). La solution proposée par l’Ambrosiaster se fonde sur le parallèle des quarante jours du jeûne de Moïse (Ex. 34,28), mais l’argument est proche de celui utilisé en EMar IV,5,81-85. D’après une autre hypothèse, le même Rinaldi 265 ramène à Porphyre cette critique, au moyen d’un texte habituellement attribué à Julien. Il s’agit du même dossier de textes déjà analysé dans le commentaire à QMar I, comprenant Cyrille d’Alexandrie, Contra Iul., XIV (Contra Gal., fr. 96 Masaracchia) 266, Théodore bar Koni, Lib. schol. (rec. Seert), Mimra VII,33 et Išo‘dad de Merw dans Comm. in Io., XIX (Jn. 19) 267. En renvoyant à l’analyse proposée plus haut, je rappelle qu’il n’est pas possible de démontrer que l’attribution à Porphyre de cette critique est plus qu’une hypothèse. Les trois jours au tombeau : Origène, Didascalie des apôtre, Denys d’Alexandrie, Lactance Les textes essentiels du dossier concernant cette exégèse dans la littérature grecque et syriaque jusqu’à Grégoire de Nysse ont été étudiés par Theodor Zahn, suivi par plusieurs autres savants 268. Le problème des trois jours au tombeau avait en effet déjà été posé par Origène, Comm. in Mt., fr. 565 (éd. Klostermann, GCS 41/1, p. 232-233), qui considère la parascève, le sabbat et le premier jour de la semaine, et arrive à dénombrer trois nuits en comptant l’éclipse qui a lieu pendant la passion, ce qui donne donc un ensemble de trois jours et trois nuits (l’allusion, signalée par Klostermann, renvoie à Mt. 12,40). La même solution est proposée aussi par la Didascalie des apôtres, XXI (éd. Vööbus, CSCO 407, p. 207, trad. CSCO 409, p. 190), avec référence explicite à Mt. 12,40. Denys d’Alexandrie, qui connaît bien cette explication, s’efforce de la contredire dans des extraits cités par son lointain successeur Timothée II d’Alexandrie, Contra eos qui dicunt duas naturas 269. Œuvre antichalcédonienne 270 perdue dans

id., « Tracce di controversie », p. 107 (voir ibid. p. 106, n. 23) Voir id., Biblia gentium, n° 599 et La Bibbia dei pagani, II, n° 599. The Commentaries of Isho‘dad of Merv, éd. dunloP GiBSon, III, p. 211 ; trad., I, p. 278-279. zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, II/2, p. 914 ; Robert L. WilKen, « Liturgy, Bible and Theology in the Eastern Homelies of Gregory of Nyssa », dans M. harl (éd.), Écriture et culture philosophique dans la pensée de Grégoire de Nysse. Actes du colloque de Chavetogne (22-26 septembre 1969), Leyde 1971, p. 127-143, ici p. 134-135 ; duval, Le Livre de Jonas, p. 243-244, n. 21 ; droBner, « Three Days and Three Nights in the Heart of the Earth », p. 267-274, et id., Die Drei Tage zwischen Tod und Auferstehung unserer Herrn Jesus Christus, p. 106-114 (je n’ai pas eu accès au volume de Karl Gerlach, The Antenicene Pascha, Louvain 1998). 269. Timotheus Älurus des Patriarchen von Alexandrien Widerlegung der auf der Synode von Chalcedon festgesetzen Lehre, éd. Karapet ter-meKerttSchian, Ervand ter-minaSSiantz, Leipzig 1908, p. 317-322 ; trad. Frederick C. conyBeare, « The Patristic Testimonia of Timotheus Aelurus (Irenaeus, Athanasius, Dionysius.) », JThS 15 (1914), p. 432-442, ici p. 437-442. 270. Sur la théologie de l’œuvre de Timothée, voir Manlio Simonetti, « Timoteo II di Alessandria », dans DPAC, II, Casale Monferrrato 1984, p. 3452-3453, ici p. 3453 (nouvelle éd., III, Gênes-

265. 266. 267. 268.

272

EMar IV son original grec, dont il nous reste des fragments, ce texte subsiste en deux recensions, syriaque et arménienne, dont la plus complète et la seule à avoir été publiée intégralement est l’arménienne, celle qui contient les extraits d’une Lettre à la reine de Denys. Comme le remarque Ferdinand Cavallera 271, ces extraits de Denys viennent à la suite de l’œuvre de Timothée ; on pourrait donc penser qu’ils ont été ajoutés ultérieurement et qu’ils ne faisaient pas partie du texte de Timothée. D’après une conjecture de Frederick Conybeare 272, il pourrait s’agir d’une lettre adressée par Denys à Basilide (βασιλίδην se serait corrompu en βασίλισσαν dans le texte dont le traducteur arménien disposait), ou autrement, si le texte n’est pas fautif, le même Conybeare propose de voir dans la destinataire la reine de Palmyre Zénobie, protectrice de Paul de Samosate. Selon Wolfgang Bienert 273, on pourrait accepter l’attribution à Denys seulement si l’une des conjectures de Conybeare s’avérait exacte, c’est-à-dire si le destinataire était Basilide (ou, au moins, Zénobie). Bienert n’invoque cependant aucune raison de contester l’attribution du fragment à Denys (la seule raison serait peut-être l’attestation doublement indirecte du texte) ; en outre, il signale que l’argumentation du fragment de Timothée est proche de celle de l’authentique Lettre à Basilide de Denys 274, un indice de plus en faveur de l’attribution à Denys, indépendamment des conjectures de Conybeare. À la suite de François Nau 275, Bienert conclut que l’auteur est Denys et qu’il s’agit d’une deuxième Lettre à Basilide, sans doute pour la raison mentionnée 276 et parce que les deux lettres traitent des problèmes concernant la résurrection de Jésus 277. D’autres indices pourraient aller en ce sens. D’une part, le texte de Didasc. apost., XXI traite aussi des problèmes intéressant à la fois les deux lettres de Denys (en plus de certains relevant du EMar II et IV), ce qui pourrait indiquer qu’il s’agit des différentes pièces d’un même dossier. D’autre part, l’hypothèse qui voit en Zénobie la reine dédicataire de la lettre pose certes quelques problèmes ; elle ne prend en effet véritablement le pouvoir qu’après la mort de son mari Odenatus en 267, à savoir bien après la mort de Denys (elle assumera le titre de reine en

Milan 2008, p. 5358-5359, ici p. 5359). 271. Ferdinand cavallera, « Le dossier patristique de Timothée Aelure », BLE [IVe série] 1 (1909), p. 342-359, ici p. 352, n. 1. 272. ConyBeare, « The Patristic Testimonia of Timotheus Aelurus », p. 436-437 (apparemment reprise de Cavallera 1909,352, n. 1, comme le remarque Bienert, Dionysius von Alexandrien. Zum Frage des Origenismus im dritten Jahrhundert, p. 69). 273. Bienert, Dionysius von Alexandrien. Zum Frage des Origenismus im dritten Jahrhundert, p. 69. 274. Ibid., p. 68. 275. nau, « Le comput pascal de la Didascalie et Denys d’Alexandrie », p. 424. 276. Bienert, Dionysius von Alexandrien. Zum Frage des Origenismus im dritten Jahrhundert, p. 68. 277. Ibid., p. 124, aussi à la suite de nau, « Le comput pascal de la Didascalie et Denys d’Alexandrie », p. 424.

273

Questions et réponses sur les évangiles 271 278), et Denys n’aurait sans doute pas apprécié son appui à Paul de Samosate 279. Il convient toutefois de conclure qu’il n’y a aucune raison de douter de l’attribution à Denys du texte cité par Timothée 280, quoi qu’il en soit du problème de son destinataire, étant donné aussi que l’exposé de Denys semble trouver un germe dans le texte origénien et dans celui de la Didascalie des apôtres. Bien entendu, les deux hypothèses de Conybeare restent possibles, quoiqu’elles ne soient pas nécessaires en vue de l’attribution. Au sujet de la critique de Denys la division en deux du jour de la parascève, Nau 281 avait noté qu’elle était très laborieuse, ce qui indiquerait que l’adversaire visé par Denys avait une grande autorité ; cet adversaire était pour Nau la Didascalie des apôtres, mais, pour la même raison, ce pourrait être Origène lui-même. Le meilleur lieu où l’on observe un accord entre ce texte de Denys et celui d’Eusèbe est toutefois la solution alternative que Denys développe pour l’opposer à celle d’Origène et de la Didascalie. Cette solution sera exactement la dernière proposée par Eusèbe en EMar IV,5, consistant à prendre une partie du jour ou de la nuit comme un entier, jour ou nuit. Parmi les différents exemples que Denys propose en ce sens il y a aussi celui du jour de la naissance, qui est toujours considéré en entier bien que la naissance advienne à un moment précis, comme dans EMar IV,5,85-88. Un dernier texte, témoin parallèle de la problématique plutôt que de son développement, car aucun lien ne semble possible avec notre texte eusébien, se trouve chez Lactance, Div. inst., IV,27,19 (éd. Brandt, CSEL 19, p. 388). Autres parallèles dans les QMar En NMar 2 282, Eusèbe rappelle que, si les disciples étaient allés au sépulcre pendant la nuit, il y aurait eu un légitime soupçon de vol du corps. D’autres textes qui traitent des différentes visions angéliques sont ceux de NMar 6, NMar 8, FMar 6 283, ainsi que le fragment non numéroté paru aux p. 94-95 de la première édition de Mai 284 ; dans ces textes, Eusèbe tente aussi de résoudre les différences concernant l’épisode des aromates dans Marc et Luc en expliquant qu’il s’agit de moments différents. Le contenu des paragraphes 5-6 est en contradiction partielle

278. Joseph riSt, « Zenobia, Herrscherin (seit 271 Königin) von Palmyra (267-271/2), * nach 240, † nach 272 », BBKL, XIV, Herzberg 1998, p. 412-417, ici p. 412-414. 279. Voir en ce sens la lettre du concile contre Paul citée par euSèBe, Hist. eccl., VII,30,3, ainsi que les considérations de Manlio Simonetti, « Paolo di Samosata », dans DPAC, II, Casale Monferrrato 1984, p. 2633-2635, ici p. 2634 concernant la doctrine trinitaire de Paul, foncièrement anti-origénienne, et donc contrecarrée par plusieurs évêques de tradition origénienne, dont Denys (voir maintenant les considérations de Patricio de navaScuèS, DPAC, nouvelle éd., III, Gênes-Milan, p. 3858-3861, ici p. 3859-3860). 280. Au contraire Maurice Geerard, Friedhelm WinKelmann, Patres antenicaeni [= Clavis patrum Graecorum, I], Turnhout 1983 (CChr), n° 1603. 281. nau, « Le comput pascal de la Didascalie et Denys d’Alexandrie », p. 425. 282. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 284-285. 283. Ibid., p. 289-290, 292-293, 300. 284. Texte provenant de la chaîne de PouSSineS, Catena Graecorum patrum in Evangelium secundum Marcum, p. 365.

274

EMar IV avec le texte de NMar 1 285 : dans ce texte, Eusèbe affirme que la résurrection avait déjà eu lieu au moment de l’arrivée des femmes racontée par Matthieu (Mt. 28,1), ce qui équivaut à exclure toute possibilité de compter le dimanche parmi les trois jours. Parallèles Outre le texte de l’Ambrosiaster, voir Aphraate, Demonstr., XII,7 (éd. Parisot, PS 1,520-521 ; éd. Pierre, SC 359, p. 577-578) ; Firmicus Maternus, De errore profanarum religionum, XIV,2 (éd. Halm, CSEL 2, p. 114) ; Théodore d’Héraclée, Fr. in Io., 403 (Io. 20,11-13 ; TU 89, p. 168) ; Éphrem de Nisibe, Comm. in Diat., XIX,4 ; XXI,22 (éd. Leloir, CSCO 137, p. 270-271.326-327, trad. CSCO 145, p. 194.233) ; Grégoire de Nysse, De tridui inter mortem et res. D. N. Iesu Chr. spatio 286 ; Ambroise de Milan, De interpell. Iob et David, I,5,14 (éd. Schenkl, CSEL 32/2, p. 218-220) ; Exp. in Lc., X,151 (éd. Adriaen, CC.SL 14, p. 388-389) ; Jérôme, Ep., 120,3 287 ; Augustin, De cons. ev., III,23,61-64 ; III,24,66-69[70] (éd. Weihrich, CSEL 43, p. 77.351-353.356-366[368-369]) ; Aponius, In Cant., V (PLS 1,890-891) ; Isidore de Péluse, Ep., II,212 (PG 78,652B-653C [= ep. 712 Évieux, éd. à paraître]) 288 ; Fr. in Mt. 289 ; Hésychius de Jérusalem, Collectio difficultatum et sol., 52 (PG 93,1440-1441) ; Léon le Grand, Tract., LXXI,2 (CC.SL 138A, p. 435-436 [= Serm., LVIII,2,3-4, BPat 38, p. 352-354]) ; Jean I de Thessalonique, Hom. de Christi resurr. 290 ; Hom. in mulieres unguenta ferenda, 1 (PG 59,637) ; Bède le Vénérable, In Mc. ev. exp., IV (Mc. 16,5 ; éd. Hurst, CChr.SL 120, p. 640-641643) ; Quodvultdeus, De

285. mai, Novae patrum bibliothecae, IV, p. 283-284. 286. « [Gregorii Nysseni] De tridui inter mortem et resurrectionem domini nostri Iesu Christo spatio », éd. GeBhardt, p. 286-291 ; trad. droBner, Die Drei Tage zwischen Tod und Auferstehung unseres Herrn Jesus Christus, p. 25-28. 287. Saint Jérôme, Lettres, éd. laBourt, VI, p. 120, 130-131. 288. Ce testimonium chez Isidore devient un fragment du texte d’après PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 248-252 (voir zamaGni, « Les Questions et réponses sur les évangiles d’Eusèbe de Césarée », p. 196). Il va sans dire que l’énigmatique parallèle des Anecdota Matthaei que Pearse mentionne (ibid., p. 249 et p. 251, n. 80) n’est rien d’autre que l’édition de la même lettre d’après matthaei, Anecdota Graeca, p. 64-65. Comme je l’ai déjà signalé dans mon « New Perspectives on Eusebius’ Questions and Answers on the Gospels », p. 245, n. 35, plusieurs témoins manuscrits rapportent une tradition parallèle aux questions EMar II et IV, avec cette lettre d’Isidore au milieu, et c’est exactement de ce type de manuscrits que Matthaei tire son édition (matthaei, Anecdota Graeca, p. 62-69 ; à propos de cette édition, voir aussi BurGon, The Last Twelve Verses of the Gospel According to S. Mark, p. 320, n. 3 et The New Testament in the Original Greek, éd. WeStcott, hort, « Introduction », p. 33. 289. Je n’ai pas eu accès à ce texte, dont l’existence est mentionnée par Erich Klostermann (GCS 41/1, p. 232, apparat au fr. 565 d’Origène) ; une attestation devrait en être celle de la chaîne de Nicétas d’Héraclée sur Matthieu, éditée par B[althasar] cordier, Symbolarum in Matthaeum tomus alter, quo continetur catena Patrum Graecorum triginta collectore Niceta episcopo Serrarum, Toulouse 1647, p. 806. 290. S. patris nostri Asterii Amaseae [= Graecolat. patrum bibliothecae novum auctarium, I], éd. comBefiS, p. 800-804.

275

Questions et réponses sur les évangiles symb., II,6,3-7 (CCL 60, p. 343, 8-26) ; Anselme de Laon, En. in Mt. XXVIII (Lc. 24,5 ; PL 162,1499A-B) ; Aymon d’Auxerre, Hom. de temp., 70 ; 79 (PL 118,452A-C.485C-D) ; Théophylacte de Bulgarie, En. in ev. Mt., 28,1-10 (PG 123,477D-488C) ; En. in ev. Mc., 16,1-8 (PG 123,676,C-D) ; Euthyme Zigabène, Comm. in Mt., 28,2.7 (PG 129,748C-752A.752C-756B) ; Werner d’Ellerbach, Deflorationes, I [In die sancto Paschae] (PL 157,917B-C) ; Bruno de Segni, Comm. in Mt., IV,105 (Mt. 28,1 ; PL 165,311B-312A) ; Paschase Radbert, Exp. in Mt., XII (Mt. 28,2 ; PL 120,979C-980D) ; Denys bar Salibi, Comm. in ev. Mt., 28,2 (éd. Vaschalde, CSCO 95, p. 156-157, trad. CSCO 98, p. 125-126) ; Pierre le Mangeur, Hist. schol., in Ev. 184 (add. 2).186 (PL 198,1636B-C.1638C-D) ; Rodrigo Jiménez de Rada, Brev. hist. cath., IX,146 (éd. Fernández Valverde, CChr.CM 72B, p. 591) ; Bonaventure, Comm. in Io., XX,32, quaest. 5 291 ; Thomas d’Aquin, Summa theol., III, quaest. 51, art. 4,1 ; quaest. 53, art. 2,3 292 ; Glossa ordinaria, Mt. 28[,3] 293. Un autre parallèle à ce texte pourrait être celui de Barhebraeus, Horr. Myst. (Mt. 28,2) 294. IV 1-2. Τοῦ αὐτοῦ περὶ τοῦ τάφου καὶ τῆς δοκούσης διαφωνίας. J’ai ôté entièrement la phrase du texte, alors que Mai la gardait dans sa première édition, et en éliminait τοῦ αὐτοῦ dans la deuxième. En effet, il me semble probable que ce titre n’est qu’une glose glissée dans le texte parce que la formulation de la question ne rend pas compte de la deuxième partie de la réponse (qui explique, en fait, une question qui n’est pas posée, concernant le temps passé au tombeau). IV,1 18-19. δύο ἄνδρες ἐν ἐσθῆτι ἀστραπτούσῃ. Formulation très proche du texte de Lc. 24,4 ; il s’agit probablement d’une citation littérale, légèrement adaptée. 20. νεανίσκος λευκὴν περιβεβλημένος στολὴν, δεξιός. Formulation proche du texte de Mc 16,5, qui n’a pourtant pas de variantes semblables 295. Le texte est sans doute une citation avec des adaptations assez importantes (voir la place de δεξιός). 20-21. δεξιός τε ἀλλ’ οὐκ ἀριστερὸς. Cette remarque d’Eusèbe, avec ce qui suit (ὁ τὰ φαιδρὰ καὶ δεξιὰ ταῖς γυναιξὶν εὐαγγελιζόμενος), semble sousentendre une interprétation de δεξιός qui va dans le sens technique que prend l’adjectif dans l’art divinatoire, « qui donne de bons présages » 296.

Bonaventurae opera omnia, VI, p. 511. Thomae Aquinatis doct. ang. Opera omnia, p. 487, 490-491, 503-505. Biblia Latina cum glossa ordinaria, éd. ruSch, p. 87. Texte publié dans GreGory aBu’l faraJ (Bar-heBræuS), Commentary on the Gospels from the Horreum mysteriorum, éd. et trad. Wilmot E. W. carr, Londres-New York-Toronto 1925, p. 91-92 (tr. p. 73); cf. Beyer, « Die evangelischen Fragen und Lösungen [IV] », p. 289. 295. Voir Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 402-403. 296. liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 379. 291. 292. 293. 294.

276

EMar IV 26-27. λέγω δὴ τῶν τοῦ σωτῆρος ὀπτασιῶν. En fait, Matthieu ne mentionne pas une apparition du Sauveur lors de la découverte du tombeau vide ; il faudra donc entendre cette expression en référence à toute la partie finale de l’évangile ; il est en tout cas évident qu’Eusèbe entend donner un ordre hiérarchique aux évangiles (ordre qui reflète, peut-être, un ordre canonisé des manuscrits contenant les évangiles). IV,2 34. αἱ θεώμεναι. La correction de Mai s’impose en raison du parallélisme avec la phrase précédente et aussi parce qu’on ne peut pas traduire le génitif τῶν γυναικῶν « par les femmes ». Cette correction peut être étayée en outre par l’interprétation que Mai donne de ὀφθέντες (ligne 33), qu’il réfère aux êtres qui apparaissent aux femmes. Autrement, on pourrait comprendre le texte du manuscrit en considérant que θεάομαι a aussi un sens passif à l’époque hellénistique (ὀφθέντες se référant alors à οἵ τε καιροὶ τέσσαρες, ligne 32). 34-35. οἱ παρὰ τῶν ὀφθέντων λόγοι λεγόμενοι πρὸς αὐτὰς παραλλάττοντες. En réalité les discours des êtres angéliques dans Mt. 28,5-7 et Mc. 16,6-8 sont très proches, c’est seulement le cadre des apparitions qui change. 36-37. πρῶτος οὖν καιρός ἐστιν ὁ παρὰ τῷ Ματθαίῳ ὀψὲ σαββάτων. Cette explication chronologique n’est pas cohérente avec ce qui est dit en EMar III,1-3, mais évidemment le but d’Eusèbe n’est pas celui de donner un cadre cohérent à l’ensemble des réponses. 39-40. μὴ φοβεῖσθε ὑμεῖς, κτλ. Le texte d’Eusèbe est soutenu aussi par la tradition directe 297, sauf pour la chute de καθὼς εἶπεν avant δεῦτε, ἴδετε, non attestée ailleurs. 45-46. μὴ ἐκθαμβεῖσθε, Ἰησοῦν ζητεῖτε τὸν ναζαρηνὸν τὸν ἐσταυρωμένον. Le texte de Mc. 16,6, ici dans sa forme la plus attestée, et, comme l’a relevé Tischendorf 298, il est différent de celui cité en EMar I,1,10 (qui semble attester un texte remanié, voir comm. ad loc.). 49. μεθ’ οὗ. David Miller préfère normaliser le texte en μεθ’ ὅν 299. 50. οὐκ εἴσω. En lisant Lc. 24,3 (et suivants), on retient, me semble-t-il, l’idée contraire, que la vision a lieu dans le tombeau. IV,3 54. ὅτι. Une pareille ouverture de période, ici en IV,4,62 et IV,5,75, ne semble pas conforme à l’usage habituel de l’ἐκλογή, ce qui entre autres donne lieu à penser que les paragraphes 3-4 ne sont peut-être pas eusébiens et que les paragraphes 5-6 sont plus remaniés que la moyenne des questions eusébiennes

297. New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [I] Matthew, p. 293. 298. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 403. 299. Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 125, n. 28.

277

Questions et réponses sur les évangiles présentes dans l’ἐκλογή et qu’en tout cas ils ne proviennent pas de cette question (voir l’introduction au commentaire de cette question). 54-55. μιᾷ […] τῶν σαββάτων, ὄρθρου βαθέος. En Dem. ev., X,8,18 Eusèbe cite le texte d’une manière différente 300. 58-61. τί ζητεῖτε τὸν ζῶντα μετὰ τῶν νεκρῶν, κτλ. La citation semble avoir été abrégée, notamment dans la partie finale (ἔτι ὢν σὺν ὑμῖν λέγων, ὅτι δεῖ παθεῖν τὸν υἱὸν ἀνθρώπου), comme pourrait le montrer aussi la conclusion καὶ τὰ ἑξῆς. Il faut néanmoins signaler qu’une partie de ces variantes eusébiennes sont aussi attestées par des témoins directs 301. IV,4 62-67. τῇ μιᾷ τῶν σαββάτων Μαρίαν τὴν Μαγδαληνὴν μόνην ἔρχεσθαι, κτλ. La citation est certainement remaniée, comme le montrent les expressions πρὸς Σίμωνα καὶ πρὸς Ἰωάννην et Πέτρος καὶ Ἰωάννης. Le texte a aussi été abrégé (dans la suite comme le montre la conclusion καὶ τὰ ἑξῆς, mais pas seulement) ; il contient néanmoins quelques variantes attestées aussi dans la tradition directe 302. 69-74. ἰδεῖν λέγει δύο ἀγγέλους καθεζομένους, κτλ. Citation qui a probablement aussi été largement remaniée et en partie abrégée, avec des variantes attestées aussi dans des manuscrits en tradition directe 303. IV,5 75. τρεῖς ἡμέραι καὶ τρεῖς νύκτες. Cette expression de temps peut avoir un sens très générique 304, mais cela ne signifie pas que sa compréhension allait de soi, comme le prouvent les explications patristiques concernant ce point. 81-85. οἱ δὲ ἡμέραν μὲν τὴν παρασκευὴν ὅλην, κτλ. Origène, en Hom. in Lc., fr. 139, compare Lc. 9,28 et le parallèle Mc. 9,2, où il est question de la transfiguration ; Luc et Marc affirment qu’il arrive 8 et 6 jours après l’épisode précédent et Origène explique cet écart par deux manières différentes de compter les jours, en considérant aussi le départ et l’arrivée, ou en ne considérant que les jours pleins. Jérôme utilise la même manière de compter les jours pour résoudre la même contradiction en comparant Mt. 17,1 et Mc. 9,2 avec Lc 9,28 ; voir Comm. in Mt, III,17,1 (éd. Bonnard, SC 259, p. 26-28) et Tract. in Marci ev., VI (Mc. 9,2 ; éd. Morin, CC.SL 78, p. 479).

300. Voir à ce propos Randolph V. G. taSKer, « The text used by Eusebius in Demonstratio Evangelica in quoting from Matthew and Luke », HThR 28 (1935), p. 61-67, ici p. 66. 301. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 722 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [III] Luke, p. 407-408. 302. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 950-951 ; Novum Testamentum Graece, éd. neStle, aland, p. 314-315 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [IV] John, p. 272. 303. Novum Testamentum Graece, éd. tiSchendorf, I, p. 952-953 et New Testament Greek Manuscripts, éd. SWanSon, [IV] John, p. 274-275. 304. Voir par exemple Johannes B. Bauer, « Drei Tage », Bib. 39 (1958), p. 354-358 , ici p. 355-358.

278

EMar IV 86-87. τὴν ὅτε. David Miller suit la proposition de Mai, qui lit ὅτε τὴν 305. 89-90. τὴν τρίτην ἡμέραν καὶ τὴν ἐνάτην καὶ τὴν τεσσαρακοστὴν. Les sacrifices le troisième jour sont attestés aussi en dehors du christianisme 306. IV,6 97-98. τρεῖς ἡμέρας καὶ τρεῖς νύκτας ἐν τῇ καρδίᾳ τῆς γῆς ἔσομαι. Le texte de Matthieu ici cité contient deux variantes inconnues par ailleurs (postposition de l’expression ἐν τῇ καρδίᾳ τῆς γῆς et verbe à la première personne).

305. miller, Suggested Departures, p. 3 ; Miller dans PearSe, Gospel Problems and Solutions, p. 127, n. 30. 306. Attestations en ce sens dans liddell, Scott, A Greek-English Lexicon, p. 1824.

279

CONCLUSION

Cette œuvre utilise une forme littéraire très connue, parfaitement reconnaissable à son époque et certainement très élémentaire dans sa structure : une question, une réponse, tout est simple. Mais simple ne signifie pas improvisé, car ces questions montrent souvent qu’Eusèbe est ici en dialogue avec une tradition interprétative qui est parfois déjà bien établie, tant dans la formulation et l’élaboration de la problématique abordée que, surtout, dans la rédaction des réponses, souvent très articulées et construites, qui manifestent constamment une profonde connaissance des textes bibliques et de l’exégèse antérieure, dont Eusèbe est un avide lecteur. Les problèmes qu’il aborde sont soit des contradictions entre les évangiles soit d’autres discussions de passages qui ne semblent parfois pas poser de problème en soi : on passe ainsi de questions portant sur les différences entre les deux généalogies des évangiles de Matthieu et de Luc– ou sur le nombre des générations dans les deux listes, ou sur les différents récits de la résurrection – à des questions concernant le sens de l’ordre – ascendant ou descendant – des généalogies, ou la mention de David ou de certaines femmes dans la généalogie. Ce second type de questions constitue probablement l’ensemble le plus intriguant du texte eusébien, car elles sont certainement les plus inattendues dans un livre de questions et réponses, et représentent une très grande partie des questions adressées à Stephanos, questions qui n’ont que rarement une nature apologétique et n’intéressent aucun débat entre le christianisme et le monde païen, mais qui s’interrogent au fond sur la nature de Jésus à partir de certains détails des évangiles, notamment de Matthieu. Eusèbe définit à travers elles une idée du Christ, une sorte de christologie morcelée dont il ne donne que quelques pièces, rassemblées presque au hasard à partir des détails du texte qui sont mis en évidence par l’une ou l’autre question. Ce sont des questions qui ne se posent pas forcément en lisant le texte, qui ne discutent d’aucune erreur ou défaut du texte évangélique, mais qui mettent en évidence la manière dont le texte indique certains caractères messianiques de Jésus en tant que Christ. Ces questions à Stephanos sont étonnamment nombreuses, mais elles sont aussi celles qui ont le moins attiré l’attention de la plupart des savants, et a posteriori je reconnais que je fais partie de cette majorité, car elles ont été les plus négligées dans l’ensemble de mes études, et ce commentaire lui aussi leur consacre souvent peu d’espace, peut-être parce qu’elles manifestent une originalité par rapport aux prédécesseurs d’Eusèbe, ou qu’elles n’ont pas de tradition parallèle chez Nicétas, ou qu’elles ont été par la suite moins citées que certaines autres, ou enfin, qu’elles ont le mérite d’être si claires dans la formulation de leurs réponses qu’il m’a paru inutile d’aller plus loin dans le commentaire. Ce qui me paraît évident aujourd’hui, est que la christologie que ces questions définissent, si elle n’est certainement pas organique ni organisée, représente 281

Conclusion néanmoins une des contributions les plus originales de ce texte. Et ce n’est probablement pas un hasard, car s’il est vrai qu’Eusèbe n’est certainement pas connu pour sa pensée théologique, la christologie et la conception trinitaire de Dieu ont cependant représenté pour lui un champ d’intérêt et d’études, comme nous l’indiquent, entre autres, son activité au concile de Nicée ou la conception divine inspirée du platonisme qu’il esquisse, par exemple, dans la Préparation évangélique, au livre XI. Les réponses qu’Eusèbe élabore peuvent contenir plusieurs solutions possibles au problème auquel il s’est confronté, des solutions qui s’excluent parfois mutuellement, ou qui contredisent d’autres réponses données à d’autres questions. Cela est très frappant dans l’ensemble des questions adressées à Marinos, mais il ne faut pas s’étonner de cet aspect qui marque sans doute l’absence d’un véritable caractère apologétique du texte, et qui porte à croire que ce texte ne serait pas né dans le milieu de la polémique antichrétienne. Le commentaire montre d’ailleurs assez clairement le caractère éminemment chrétien de la grande majorité des questions posées, même s’il faut néanmoins signaler aussi que plusieurs questions offrent des parallèles avec les polémiques antichrétiennes de Celse et de Porphyre. Si l’œuvre n’est en soi ni polémique ni apologétique, certains des arguments et des questions qu’elle aborde le sont, eux, naturellement. Le but qu’Eusèbe semble viser, comme souvent dans son œuvre, est une exégèse exhaustive permettant d’offrir au lecteur un véritable état de la question, une accumulation de toutes les réponses possibles qui lui permettent de tirer ses propres conclusions. La réalisation d’une telle œuvre s’inscrit en effet particulièrement bien dans le cadre du lieu de travail exceptionnel dont Eusèbe pouvait jouir, la bibliothèque de Césarée, rassemblée par son maître Pamphile, qui, avec le scriptorium annexe, constitue la source fondamentale de la plupart des œuvres d’Eusèbe, inconcevables en dehors d’une bibliothèque particulièrement riche. Le commentaire des questions montre que cela n’est pas seulement vrai des œuvres à l’évidence les plus importantes, telles l’Histoire ecclésiastique ou la Préparation évangélique, mais aussi d’une œuvre apparemment très simple, à l’ambition certainement bien plus modeste, comme nos Questions. Les parallèles avec d’autres textes chrétiens précédents sont fréquents et montrent que non seulement la plupart des réponses, mais aussi les problématiques abordées par beaucoup des questions qu’Eusèbe pose sont enracinées dans une tradition exégétique bien établie au sein de la littérature chrétienne. Il ne faut donc pas supposer un arrière-plan polémique à ces questions, comme on l’a souvent fait dans le passé – avec un Eusèbe en train de répondre à des objections anti-chrétiennes précises – mais plutôt y voir une œuvre qui est, par essence, le fruit d’un travail de recherche en bibliothèque, livresque jusque dans sa forme littéraire, même si elle est peut-être née d’une circonstance occasionnelle, ou, vu les dédicataires, en lien avec un cadre d’enseignement chrétien, réel ou fictif. En effet, la forme même du texte, par questions et réponses, introduit une « voix » qui pose chaque question ; pour anonyme et formalisée qu’elle soit, dénuée de toute individualité (car c’est comme si la question se posait elle-même à partir des textes), en tant que fait littéraire, cette voix est pourtant là : elle est celle d’un lecteur implicite censé lire les évangiles, les comparer entre eux, leur 282

Conclusion attribuer une idée de vérité et, à partir de là, y repérer des difficultés qui exigent d’être résolues. Ces textes sont de cette manière placés au centre de l’attention des lecteurs, indépendamment du fait de savoir si ces questions et réponses reflètent le dialogue qu’un exégète enfermé dans son cabinet mène avec lui-même ou le débat d’une communauté de personnes concernées par ces textes, ce qui représente en tout cas l’état du texte tel qu’il a été rédigé comme l’objet d’une réflexion à trois voix, entre Stephanos et Marinos, d’une part, et l’évêque de Césarée, de l’autre. Le texte est néanmoins élaboré, développé et agencé dans un ordre précis par Eusèbe lui-même ; on le voit dans le fil rouge constitué par la généalogie de Matthieu, dans les liens logiques qui enchaînent une question à l’autre (cela arrive entre ESt II-III, V-VI, X-XI, XII-XIII et EMar II-III et peut-être même entre EMar I-II) ; on voit aussi quelques questions directement inspirées par des exégèses origéniennes. Les réponses montrent à leur tour la dette profonde d’Eusèbe envers le maître alexandrin, mais parfois aussi une certaine autonomie, lorsque Eusèbe sent la nécessité de s’en distancier. Origène n’est cependant jamais cité directement et cela semble très bien s’expliquer par la teneur de ces questions, dont le but semble être d’offrir un tableau des explications possibles aux problèmes soulevés, ce qu’Eusèbe obtient en juxtaposant les différentes solutions qu’il avait pu lire dans la bibliothèque de Césarée, mais sans aucun souci de rendre compte des sources qu’il utilise, puisque son but n’est pas de reconstituer une histoire des interprétations chrétiennes des quelques problématiques qu’il analyse : il construit un texte très simple en apparence, dont les références primaires ne sont que les textes évangéliques dont il est question et rarement d’autres citations ou allusions, notamment bibliques. Il y a cependant deux exceptions à cette règle générale. La première (ESt I,3) est plutôt marginale, car il s’agit d’une courte citation d’Ignace d’Antioche (Éph., XIX,1), qu’Eusèbe emprunte sans doute à Origène, et qui est parfaitement insérée dans l’ensemble de l’argumentation eusébienne. La deuxième exception (ESt IV) est en revanche très étonnante, car il s’agit d’un long extrait qu’Eusèbe cite pratiquement à la lettre, exactement comme il le fait d’habitude dans ses œuvres majeures, un passage si long que l’ἐκλογή l’a transformé en une question à part entière, tout en le réduisant. Il est difficile d’expliquer pourquoi Eusèbe a intégré cet extrait de la Lettre à Aristide de Julius Africanus, mais il s’agit certainement d’un texte qu’il appréciait beaucoup, puisqu’il en cite aussi un long extrait dans l’Histoire ecclésiastique. Il est impossible de démontrer si la source que cette lettre reprend peut vraiment remonter à la famille de Jésus, comme il a été, même récemment, défendu, mais ce qui est certain, c’est que ce long extrait n’apparaît pas à sa place dans l’économie des questions eusébiennes ; c’est comme si ce texte était resté au stade de note préparatoire, sans avoir été véritablement intégré à la solution de la question au moment de l’œuvre de synthèse opérée par Eusèbe ou, ce qui reviendrait presque au même, qu’il avait été ajouté après coup à la réponse (ce qui n’est cependant pas vraisemblable, comme le commentaire le montre). Cela ne sera probablement jamais élucidé, mais le commentaire a au moins montré qu’en dehors de cette exception de taille, les questions réutilisent largement les exégèses anciennes – toujours sans les mentionner ouvertement –, et ce n’est pas seulement le cas du presque omniprésent Origène, mais aussi ponctuellement d’auteurs comme Irénée de Lyon ou Denys d’Alexandrie, et 283

Conclusion de textes comme la Didascalie des apôtres ou d’autres textes anciens attestant l’origine davidique de Marie. En dépit des auteurs qu’Eusèbe utilise, et notamment d’Origène, on peut remarquer le fait qu’il y a vraiment très peu d’exégèse allégorique dans cet ouvrage, ce qui montre non seulement qu’Eusèbe ne se sentait jamais trop à l’aise avec ce type d’interprétation, mais aussi que la fonction de ce texte est prioritairement celle d’expliquer les problèmes internes des évangiles et leurs contradictions mutuelles sur le plan de la compréhension littérale des textes et des faits qu’ils rapportent. En conclusion, les questions eusébiennes apparaissent comme une œuvre rédigée après une série importante de lectures, visant à élucider tout aspect des problématiques abordées et toutes les solutions possibles, mais sous une forme qui n’est pas la même que celle qui a rendu Eusèbe célèbre. Il emploie une forme plutôt exégétique, sans citer ses sources, ni craindre d’emprunter à autrui un argument auquel il est acquis sans le mentionner, en réservant d’ordinaire les citations et les allusions aux livres bibliques seulement. Le texte biblique utilisé par Eusèbe, tant en ce qui concerne la Septante que les textes néotestamentaires, est relativement multiforme et peu standardisé, et il reflète certainement l’abondance des sources scripturaires dont Eusèbe pouvait jouir, mais aussi celles dont pouvait jouir Origène, qui inspire sans aucun doute plus d’une des citations bibliques eusébiennes. À ce propos, on peut remarquer qu’en dépit du fait que plusieurs questions traitent des contradictions entre les évangiles (et notamment les questions à Marinos, qui abordent des thèmes certainement plus sensibles), Eusèbe ne semble pas trop se soucier des questions concernant la canonicité du texte. À l’évidence, la canonicité des quatre évangiles est un acquis préalable, et les explications peuvent être utilisées pour en démontrer le bien-fondé, mais Eusèbe n’insiste pas sur une forme textuelle précise qui serait meilleure qu’une autre, car, comme d’habitude chez lui, la « canonicité » d’un texte n’est pas forcément univoque, mais elle reflète simplement les usages des chrétiens qu’on considère comme « orthodoxes ». Ce qu’il pense de la canonicité du livre de l’Apocalypse (ou de l’Évangile de Pierre) se vérifie ainsi ponctuellement lorsqu’il discute les deux conclusions de Marc et qu’il admet les deux en raison de leur attestation auprès des communautés chrétiennes, même s’il a aussi, à ce propos, un jugement philologiquement tranché – et, accessoirement, correct –, qu’il aurait pu utiliser pour choisir une de ces deux variantes. Les fragments des autres traditions textuelles, et notamment celle de Nicétas, qu’on a tenté de répertorier et de comparer au texte de l’ἐκλογή, montrent que ces Questions utilisaient encore bien d’autres citations et arguments, et qu’une édition ou une étude approfondie des autres fragments de l’ouvrage perdu, surtout en ce qui concerne la partie adressée à Marinos, pourrait nous restituer nombre d’idées, de notices et de savoirs, que le présent commentaire, dont le but était de comprendre les caractéristiques de l’ἐκλογή seulement, n’a fait qu’effleurer. Les Questions et réponses sur les évangiles ne sont pas passées inaperçues : leur forme littéraire, les solutions qu’elles proposent, ont inspiré beaucoup d’autres auteurs ; les réponses qu’Eusèbe y élabore ont fini par se diffuser considérablement après sa mort, et ce même si cette fortune s’est bientôt poursuivie de manière indirecte et sans connaissance précise de l’œuvre de l’évêque de Césarée : ses idées, ou celles qu’il choisit et qu’il transmet, passent d’un texte à l’autre, d’un 284

Conclusion milieu linguistique à l’autre, au fil des siècles. Si étrange que cela puisse paraître, il n’est pas du tout étonnant de constater une telle postérité de l’œuvre d’Eusèbe, fût-elle mineure comme celle-ci. Car, comme il arrive souvent chez lui, une de ses œuvres « mineures » aurait déjà largement suffi à faire d’Eusèbe l’un des savants les plus marquants parmi les auteurs chrétiens de son époque.

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Cette section ne comprend pas l’ensemble des sources citées parmi les parallèles textuels de chaque question (indiquées dans le texte selon l’abréviation de la Theologische Realenzyklopädie), mais les éditions mentionnées dans les notes et les autres parties du commentaire.

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315

INDEX DES AUTEURS ET TEXTES ANCIENS

Actes de Paul

47,2

III,1

42

X,4,5,1 (III Cor.)

42

Albert le Grand Sur Matthieu

252

Exposition sur Luc II,1-5

46

II,3

60 n. 157

II,5

61

II,6

65

sur Mt. 1,2

124

III,1-39

sur Mt. 1,10

185

III,2-5

sur Mt. 1,11

177

III,2

101

sur Mt. 1,15

124

III,4

61, 73, 81, 101

sur Mt. 1,16

48

III,6-11

81 n. 259, 101

sur Mt. 1,18

48

III,6-9

sur Mt. 2,1

215

III,13

123

sur Mt. 2,2

215

III,14

184 n. 727, 189

sur Mt. 2,16

215

III,15

123

sur Mt. 28,1

253

III,16

188 n. 757

III,17-29 Ps. Alcuin Sur les offices divins V

214

Ambroise de Milan Apologie de David III,11

148, 149

X,51

158 n. 617

Deuxième apologie de David V,28 VI,32

50 149, 171, 190

Explication sur douze psaumes 45,24

264

165 46

136, 141

148, 149

III,17

158, 166, 168

III,23

164

III,24

165

III,30-35

166

III,33

168

III,36

81 n. 259, 101, 149, 171, 182 n. 718, 184

III,37-38

158

III,40-42

182 n. 718, 182, 184

III,40

171

III,42-43

171

III,43-50

207, 213

III,43

198

III,45

182 n. 718, 184

III,45-46

188 n. 749, 189

X,147-148

252, 264

317

Index des auteurs et textes anciens X,150

252

X,151

271 n. 261, 275

X,153-155

264

X,153

252

X,160-166

264

Sur l’Esprit saint II,5,38

49

Sur Isaac ou l’âme V,43

264

Sur les Patriarches III,14

122

IV,16

122

IV,19

49

II,3,24

165

VI,15

264

I,5,14

275

135, 136, 141, 158, 166 176-177

7

190

70,1-2

264

Ammonios d’Alexandrie Canons

231-232

Fragments sur Jean sur Jn. 20,1

236, 252

Questions et réponses IX

156 226, 242, 245, 263

André de Crète

I

Sur l’accord entre Matthieu et Luc sur la généalogie du Christ

47 n. 81, 49

II 122 n. 476

Ambrosiaster Commentaire sur Romains

49

III

47, 50, 59 n. 157, 101, 123

V

49

VI

49

Ps. Andronic Comnène 49

Questions sur l’Ancien et le Nouveau Testament

Dialogue contre les Juifs 37-38

50

Anselme de Canterbury

– première recension 3,4

49

44,13

49

56

94 101, 119, 123 213

64,1-3

271-272

85

183-184

318

5 6

Homélies sur la nativité de la Vierge

Ps. Ambroise de Milan

63

– autre recension (Questions sur le Nouveau Testament)

153

Sur la vocation de Job et David

56,1-4

49

Anastase Sinaïte

Sur la virginité

15,12

86

Homélies VIII

49, 82, 101, 124, 185, 190

Anselme de Laon Commentaires sur Matthieu I (sur Mt. 1,1)

136, 142

Index des auteurs et textes anciens I (sur Mt. 1,2)

149, 185

I (sur Mt. 1,11)

190

I (sur Mt. 1,16)

48, 101, 124

II (sur Mt. 2,9)

214

XXVIII (sur Mt. 28,1)

252, 265

XXVIII (sur Mt. 28,5)

265

XXVIII (sur Mt. 28,9)

265

XXVIII (sur Jn. 20,11)

265

XXVIII (sur Lc. 24,5)

265

XXVIII (sur Lc. 24,5)

276

275

186 n. 739

Aponius Sur le cantique V

61,2

55, 123

Rétractations II,7,2

123

II,16

101, 104, 123

Sermons LI,6,9

LI,12,20 LI,17,27-19,29 LI,21,31

Apocalypse d’Abraham

123

Quatre-vingt-trois questions diverses

LI,10,16

Exposés

titre

V,46

LI,8,12-13

Aphraate

XII,7

Questions sur l’Optateuque

46 190 46 46 123 81, 101

CCXLIII,1-2

265

CCXLIV,2-3

265

CCXLV,1-4

265

CCXLVI,3-4

265

Sur l’accord des évangiles 275

I,2,4-3,6 II,1,2-4

Ascension d’Isaïe

II,2,4

101, 108 101 46, 55, 81, 123

10,16-31

60

II,3,4-7

101

11,2

42

II,3,5-7

123

II,4,8-10

190

Athanase d’Alexandrie Scholies sur Matthieu PG 27,1392

46

Augustin

101

II,4,11-12

81, 123

II,5,14-17

213

II,11,24

213

III,23,61-64

275

III,24,66-69[70]

Contre Fauste

III,24,61-69

III,3

123

III,4

81, 190

XII,61

II,4,11-13

150

III,24,65

275 252, 265 235

Traité sur Jean CXXI,3

265

Questions sur les évangiles II,5,1-2

123

319

Index des auteurs et textes anciens Aymon d’Auxerre Homélies sur le temps

I (sur Lc. 3,24)

184

I (sur Lc. 3,28)

190

4

48

Exposition sur Marc

8

48

IV (sur Mc. 16,5)

275

IV (sur Mc. 16,9-10)

252

70

252, 265, 276

77

265

79

252, 265, 276

Barhebraeus Grenier des Mystères

Homélies I,1

47

I,5

47

I,27

47

182

sur Mt. 1,1

82, 102, 136, 142

sur Mt. 1,3

149, 158, 166

sur Mt. 1,8

124, 185

Ps. Bède le Vénérable Exposition sur Jean sur 20,17

265

sur Mt. 1,11

190

sur Mt. 1,12

124, 171

sur Mt. 1,13

124

I (sur Mt. 1,1)

136, 140

sur Mt. 1,16

48, 124

I (sur Mt. 1,8)

185 n. 730

sur Mt. 1,17

48, 166, 171, 177, 185, 190

I (sur Mt. 1,16)

124 n. 482

sur Mt. 2,1-2

215

sur Mt. 28,2

276

sur Mc. 16,20

236

sur Lc. 3,23-24

124

sur Lc. 3,29-34

82, 102

Exposition sur Matthieu

I (sur Mt. 2,1)

214

al‑Bīrūnī Chronologie des nations anciennes III

47, 101, 124, 189

Livre de l’Inde

Basile de Césarée

III

189 n. 756

Contre Eunome II,15

82, 101

Bonaventure Commentaire sur Jean

Sur la génération du Christ 47

XX,11-14, q. 1-4

253

3

59 n. 157

XX,11-13, q. 1-2

265

4

61

XX,32, q. 5

276

5

213

3-4

III,58-59

Bède le Vénérable

III,58 III,60-61

Exposition sur Luc I (sur Lc. 1,27) I (sur Lc. 3,23-24)

320

Commentaire sur Luc

47 49, 82, 101, 123, 124, 129, 190

124 48 82, 102

III,60

190

III,61

124

XXIV,2-3

253

Index des auteurs et textes anciens XXIV,3

265

Protreptique

Bruno de Segni

I,8,3

Commentaire sur Luc XIV

124

Commentaire sur Matthieu I,1-2 I,1 I,3 IV,105

47

Stromates I,147,5-6

214 252, 265, 276

208

VII,75,2

256 n. 200

Constitutions apostoliques V,14,20-21

246

VII,46

214

– recensions syriaques 45,2

209 n. 842, 214

45,11

209 n. 842, 214

45,11-12

214

45,16-17

209 n. 842, 214

Césaire d’Arles

59

Consultationes Zacchei christiani et Apollonii phililosophi II,4,12-13

214

Cyrille d’Alexandrie Commentaire sur Jean XII (Jn. 20,1-9)

252

XII (Jn. 20,17)

265

Contre Julien

Sermons 214

VIII

46 n. 71 et 72, 81 n. 261, 82 n. 262, 101 n. 362 et 363, 124 n. 493 et 494, 171 n. 665 et 666, 198 n. 785 et 786

XIV

233, 272

Christian Druthmarus Exposition sur Luc

176

72 n. 225, 136, 142

– recension arabe

113,2

83 n. 275

VI,7,43

Caverne des trésors

45

Clément d’Alexandrie

124

Exposition sur Matthieu

Cyrille de Jérusalem

sur Mt. 1,1

136, 141

sur Mt. 1,3

149

sur Mt. 1,8

184

sur Mt. 1,15

124

sur Mt. 1,16

47

Denys d’Alexandrie

sur Mt. 1,19

47

sur Mt. 2,1

214

Lettre à Basilide

sur Mt. 28,9

265

Catéchèses prebaptismales XII,23

X,1

49

237, 241, 248-249, 257

Deuxième lettre à Basilide

272 n. 269, 272-274

321

Index des auteurs et textes anciens Didyme d’Alexandrie

Denys d’Alicarnasse

Commentaire sur les Psaumes

Antiquités romaines XII,14

186 n. 744

sur Ps. 41,1 (304,2-3)

Lettre à Pompée Géminos I,15

186 n. 744

sur Lc. 1,32

48 n. 83, 199

sur Lc. 2,4

48 n. 83

sur Lc. 3,23

102

sur Mc. 16,9

236, 252

sur Mt. 1,1

47, 82, 136, 141

sur Mt. 1,3

149

sur Mt. 1,8

183, 184 124, 171

sur Mt. 1,15-17

124

sur Mt. 1,15-16

47, 184, 198-199

sur Mt 1,15

49, 101-102

sur Mt 1,17

82, 94 n. 333, 101-102, 148, 184, 190 47, 59 n. 157 94 n. 333, 214

sur Mt. 28,1-2

252

sur Mt. 28,1

265

sur Mt. 28,2

276

Ps. Denys 214

Didascalie des apôtres XXI

sur Ps. 131,11 (n. 1184)

158 n. 617 197 48, 49 n. 88

Sur l’Esprit saint 227

I,330 II,65-69

Commentaire sur Matthieu

Chronique

48

158

Sur Zacharie

Commentaire sur Marc

sur Mt 2,1

184, 190

fragments caténaux sur Ps 88,7 (n. 882)

Commentaire sur Luc

sur Mt. 1,18

sur Ps. 30,21 (152,33-153,8) sur Ps. 50 (n. 532-551)

Denys bar Salibi

sur Mt. 1,12

papyrus de Tura

248, 272-274

48, 49 n. 88 198

Diodore de Tarse Contre le destin VIII,53

215 214

Égérie Itinéraire aux lieux saints 25,12

216

42

216

Éphrem de Nisibe Commentaire au Diatessaron I,25-26

43, 46

II,1-5

46, 63

II,1

43

II,3-5

61

II,3

63 n. 174

II,4-5

63 n. 174

XIX,4 XXI,22

273 252, 275

Homélie sur la nativité I

322

213

Index des auteurs et textes anciens Eusèbe de Césarée

Hymne sur la nativité IV,2 (XXIV,2)

198

IV,4 (XXIV,4)

213

IV,20 (XXIV,20)

213

Épiphane le moine Sermons XLI,1-2

49

Épiphane de Salamine

60,2-3

184 n. 736 49

Chronique a. CCXII Olymp.

57 n. 143

a. CCXI Olymp.

57 n. 143

a. CCV Olymp.

58 n. 145

Commentaire sur Isaïe 1,69

153

7,14

69

1,32 19,12

198, 200 122

Commentaire sur les Psaumes

Panarion VII,7,9

226, 231-232, 249-250

Commentaire sur Luc

Anchoratus 59,4

Canons évangéliques

185 n. 736

sur Ps. 46(45),3-4

153 159

VIII,8,1-4

190

sur Ps. 63(62),10

XXIX,1,4-3,1

198

sur Ps. 71(70),17

XXIX,3,1-6

123

sur Ps. 89(88),39-46

199

XXIX,3,7-8

123

sur Ps. 105(104),3-4

153

XXIX,4,5-8

123

sur Ps. 110(109),4

258

XXX,13,2 LI,5,3

92 108 n. 407

LI,8,1-10

212

LI,9,1-13

213

LI,12,1

101

LVIII,13,5-6 LVIII,13,5

54 122

71

Contre Marcel I,4,36

195

II,1

258

II,1,4 Démonstration évangélique I,2-9

77 11 n. 18 20, 22

LXIX,22,5-6

81, 101

I,2,1-16

154

LXIX,23,4

81, 101

I,4,1-6,76

154

49

I,5,3.9-10

154

I,6,1-31

153

I,6,13

142

I,7,18

154

LXXVII,13,1 LXXVIII,17,8

49, 73 n. 230

LXXVIII,20,4

67

Épître de Barnabé 13,1-6

I,8 151

Eucher de Lyon Instructions à Salonius I,2

49, 122

26

I,8,1-4

23, 24

I,8,1-8

12 n. 21

I,9,1

154

I,9,1-20

150

I,9,10

153

I,9,5

106

323

Index des auteurs et textes anciens I,9,20

150

I,7,17

46, 73

I,8,1

213

III,5,87-109

24 n. 82

IV,16,26-30

158

I,10,1

103 n. 377, 104, 130 n. 521

26

II,1,2

61

61, 66 n. 189, 67-68 n. 201, 69

III,22

VII VII,1,54 VII,2,5-13 VII,2,5

215 n. 886 77

255

III,24,6

108, 254 n. 191

III,25,1-3

VII,2,11-13

217

III,36,2

VII,2,11

161

III,36,7-11

VII,2,28-38

158

III,39,16

VII,2,17

58

III,24,1-14

241, 329 57 n. 142, 58 58 n. 151 254

21 n. 65, 22 n. 73

VI,19,3

153

VII,2,32-34

21 n. 65

VI,31,3

115 n. 441

VII,3

21 n. 65

VII,30,3

274 n. 279

VII,3,1-17

198

VIII,6,6

110

VII,3,12

198

VII,3,17

198

VII,3,18

7, 19, 20, 22, 24, 31-32, 46, 198, 220

IX,1,1-20 IX,1,1-2 X,8,17-21 X,8,18

207, 213 213 235, 251 278

Eclogues prophétiques I,13

207, 213

I,20

158, 198

I,23

198

III,36

158

Histoire ecclésiastique I,7,1-17 I,7,1

21 n. 65, 22 n. 73 95, 96, 115, 116 24, 25 n. 90, 89, 91, 95, 96, 115, 116, 121, 129

I,7,2-10

114, 115

I,7,2-5

129

I,7,2

129

I,7,5-15

129 129 n. 520

I,7,6

132

I,7,8

128

I,7,16

129

324

231

Onomasticon (GCS 11/1) 82

158

106

178

107

178

130

260

134

260

Questions évangéliques 1 ἐκλογή ESt titre I-II

I,7,2-16

I,7,4

Lettre à Carpianos

I I,1-11 I,1 I,2-9

1 n.1, 31-35 120 n. 466 21 n. 65, 22 n. 72, 36-77, 113, 123 n. 481, 125, 181, 198 38 20 n. 61, 74, 82 n. 268, 91, 112 59

1. En manque d’une classification cohérente pour les traditions fragmentaires des Questions évangéliques (voir l’introduction, p. 27 n. 96-97), j’utilise la numérotation de Mai et de Beyer pour les autres traditions du texte, avec entre parenthèse le parallèle à l’ἐκλογή, ou seulement ce dernier lorsque cette numérotation n’existe pas.

Index des auteurs et textes anciens I,2 I,2,30-31 I,3 I,3,37-39

38 195 38, 283 56

II

79-80

II,2

79-80

42 n. 48

II,3-4

I,4

27 n. 98

II,4,42

38

II,4,45

I,5,69-71 I,5,75-6,76 I,6

42 n. 48

55, 78-79, 91

II,2-4

I,3,39-421 I,4-6

55 n. 134, 78-87, 79, 90, 141, 263

II,1

79 75 n. 237 75 n. 237

II,5

22 n. 70, 23, 53, 80, 81 n. 256, 101, 105

63 38

II,5,63

75 n. 237

II,4

78

62

II,4,42

85

I,5,69-71

48

II,4,44

85

I,6,66-68

39

II,4,45

I,6,70-72

39

II,5

I,6,76-82

39, 64

I,6,50-54

27 n. 96

I,5,63-67

I,6,76

48 n. 87, 61

I,6,82

69

I,6,82-100

39, 63

I,7,114-115

71

I,7,115

70

I,7,116-125

69

I,7,128-30

63

I,8,159-156

71

I,9,182-196

70

I,10-11

54

I,10

45

I,10,210-211

42 n. 49

I,10,211-223

51 n. 111, 54 n. 128, 73-74

I,10,211 I,10,217-220 I,10,219 I,11

III-IV III

63

I,6,100-103

153 73 76 10 n. 13, 38 n. 33 et 34, 39, 47 n. 81, 50-52, 73, 112

I,11,224-226

74

I I,11,226-236

74

I,12

38

I,12,256-266

200

II-IV

179

II-III

114, 191, 263 283

84 22 n. 70, 23, 78, 54, 106 21 n. 65, 121 n. 472, 180 27 n. 97, 55 n. 135, 79, 80 n. 252, 81, 86, 87, 88-111, 89-90, 92 113, 118-121, 135 n. 542, 141, 151 n. 593, 170-171, 176 n. 690, 190 n. 763, 264, 272

III,1-2

55, 90, 100-101, 1103

III,1,6

82

III,1,9-10

234 n. 79

III,1,10

98-99, 130, 131

III,1,19-21 III,2

100 91, 117, 126, 100 n. 359, 109, 111

III,2-3

105

III,2,23-32

125 n. 499

III,2,34-35

97, 98 n. 354, 99-100, 104, 111

III,2,38-42

100

III,2,42-3,43

100

III,3-5 III,3 III,3,42 III,3,43-47 III,3,43

100 53, 81 n. 258, 86 n. 296, 90, 93 n. 325 et 327, 94, 99 105 n. 386 92 100

III,3,47-59

92-93

III,3,49-50

86

III,3,59-69

93

III,3,78-82 III,4

93 93 n. 325

325

Index des auteurs et textes anciens III,4,70-78

94

VII,3,83-84

148

III,4,82-93

100

VII,4,89-90

148

III,4,86

167

VII,4,106

138

VII,5,128-132

147

109

VII,6,145

148

97, 99, 106

VII,8,165

159

VIII-X

141

III,5

53, 90, 91, 93, 118

III,5,95-98 III,5,99 IV

22 n. 73, 25 n. 90, 46, 47 n. 81, 55, 59, 85, 89, 90, 91, 93, 96-101, 104 n. 384, 112-132, 182, 183 n. 724, 283

IV,1

40, 50-54, 112, 116, 122 n. 473

IV,1,3-2,26

116 n. 442

IV,1,16-26

114

IV,1,16 IV,2

97, 158 n. 623, 159 n. 623 79, 116, 120, 122 n. 473

IV,2,23-26

90 n. 304, 91, 113

IV,2,47-53

129 n. 520

IV,2,49-50

98, 101, 103 n. 373-374, 128, 130 n. 523

V-VI V V,1

191, 263, 283 21 n. 65, 133-138, 139-142 133-134

V,1,4-11

134

V,1,15-16

199

V,1,4-6

137

V,2,42 VI VI,1 VII-X VII-IX VII

153, 161, 199 134, 139-143, 170 n. 663 120 145, 156, 163, 169 111, 145, 164-166, 170 20, 99, 144-154, 156, 158, 163-164, 170-171

VII,1,4-2,53

147

VII,1,10

150

VII,1,14

127

VII,1,24-28

147

VII,1,41-45

147

VII,2,53-67

147

VII,2,57-67

147

VII,2,67

107 n. 397

VII,3-8

147

VII,3-6

153

VII,3,50

147

326

VIII-IX VIII VIII,1

149 21 n. 65, 99, 145-146, 149, 155-162, 164 157, 173

VIII,1,14

127

VIII,1,9-26

174

VIII,2

156

VIII,3

159

VIII,3,58-60

157

VIII,3,78

138

VIII,4 IX IX,1,11-12 IX,2 IX,3,36-37 X-XI X

173 99, 145-146, 148, 163-168 164 167 n. 652 164 191, 263, 283 90, 93 n. 328, 105, 169-174, 187-188

X,1,2-8

137

X,1,10

167

X,1,22 X,2

167 147, 148 n. 580

X,2,27-34

170

X,2,28-31

149, 165

X,3,50

167

X,3,73-80

176

XI-XII XI

114 170 n. 663, 174-178

XI,1,5

167

XI,1,10

167

XI,1,18 XII-XIII XII XII,1,7-8

167 263, 283 44 n. 60, 117, 177, 179-186, 188-189 182

Index des auteurs et textes anciens II,1-3

228, 235, 247, 259

XII,2

114

II,1

228-230, 246, 249

XII,3,47-48

191

II,1,16-20

246

170, 171, 181 n. 713, 184, 187-193

II,1,16-17

237

XII,2-3

184 n. 727, 188-189

XIII XIII,1

184 n. 727, 188 n. 745, 189

XIII,1,17 XIII,2-3

II,1,26-27

256

II,2-3

229, 245 n. 138

105 n. 385

II,2

241, 247, 249, 262

172-173, 190

II,3

247

XIII,2,22-23

172

II,4-5

XIII,3

188

II,4

229, 246

173

II,6-7

245, 263

XIII,3,37-40 XIV XV XV,1,18

XVI XVI,3 colophon

II,6

249

21 n. 65, 46 n. 77, 196-201

II,7

247

II,7,150-151

267

II,7,150

265

II,9

247

197

XV,4,64-67 XV,4,78

194-195 138, 152

XV,2

76 167 62, 202-217

prologue I-II I-II,1 I I,1,1-3 I,1 I,1,1

275

III,1,3

260, 266, 277

III,2,3

263

219 17 n. 39-40, 18 n. 45, 31, 34, 220-222 263-264, 266, 283 236 223-242, 245, 250-251, 264, 267, 270 228-230 226, 233, 247, 261 253, 255

I,1,7

234

I,1,10

277 230 226, 233

I,2

230

I,3

230, 234

II-III II

226, 245, 262-267, 269

III,1-3

230

I,2-3

106

III

56

I,1,6-7

I,1,14-15

II,9,186-188

35, 218

EMar titre

247

III,4,82 IV IV,1-2 IV,2,45-46

270 240

IV,3-6

9 n. 9, 22 n. 74

IV,3-6

270-271

IV,3,36

270

IV,4,62

270

IV,5,75

270

IV,5,81-85

272

IV,5,85-88

274

Chaîne de Nicétas FSt 1 (ESt II,2-5) 2-7 (ESt III,1-5) 2 (ESt III,1-2)

283 223, 226, 228-230, 236, 237 n. 98 et 99, 243-261, 263-264, 266-267, 269, 273, 275 n. 288

260 82, 224, 236, 240, 266, 268-279

23, 55, 79, 81, 86-87, 106 27 n. 97, 89-90, 92, 121 55, 89-90 n. 304, 90 n. 306, 91,100, 113, 116

3-7

47 n. 81, 100

3-5

90, 92, 95 n. 341

3 (ESt III,3,43-47) 91-92, 95, 106-108, 151

327

Index des auteurs et textes anciens 4 (ESt III,3,47) 5 (ESt III,3,47-59) 6 (ESt III,3,59-4,82) 7 (ESt III,5)

8 (ESt IV,1,3-2,26)

92-93, 98-101, 103 n. 373, 108 n. 406

4

92-93, 108 n. 406

6

93-94, 109

93, 97 n. 350, 105-106, 115 n. 441, 118-119, 120, 151, 170 40, 52-53, 79 n. 250, 89, 91, 113-114, 116, 121, 123, 125, 128

9 (ESt V,1,4-11)

134, 135 n. 538, 137

10-11

139

10 (ESt V,1,11-21)

134-135

11 (ESt VI)

134, 139-141

NMar 1

167 n. 649, 235, 251, 275

2

274

5 (EMar IV,1-2)

269-270

6 (EMar IV,3-4)

269-270, 274

7 (EMar IV,1-2)

269-270

8

274

9

167 n. 649

10 11 fr. parallèle à ESt I,11 à ESt IV à ESt IV,2,26-53

224 224 10 n. 13 115 n. 439 115

fragments grecs

FSt 12 13 (ESt I,6,76-82) 14 (ESt I,11 , IV,1) 15 (ESt II,2-4) 16 (ESt III,2) 17 (ESt VIII) 18 (ESt III , X , XIII)

221

3

328

246, 263 274

7-10

19 n. 52, 217

(EMar II,6-7, III,2-3) 8

226, 242, 245, 263 224

fr. parallèle à ESt I

38

à ESt I,3

38

à ESt I,6

38, 46, 67-68

à ESt I,6,76-82

39

à ESt I,6,100-103 (bis)

39

à ESt I,11 (bis)

40

à ESt IV

115 n. 439

à ESt VIII

156

à ESt VIII,2

156

à ESt X

170

à ESt XIII,2-3

188

à ESt XV

197

à ESt XVI,3-4

203-204

à ESt XVI,3

204

à ESt XVI,5

204-205

à EMar I

223

à EMar I

223-224

à EMar I,1

225

à EMar I,1

226

à EMar I,3

226

à EMar II,1-3

244-245

à EMar II,1-4 (bis)

245

à EMar II,8

246

à EMar IV, 1-2 (quater) à EMar IV,3-4

269 269-270

39, 62, 64 39, 50-55, 112, 114, 125 80-81, 83 91, 106 155 90, 169, 171, 187

FMar 1-5

17 n. 39, 18, 219, 260

5 (EMar II,7-9, III,4)

19 n. 52, 219 17 n. 39, 18

Traditions syriaques SyrS I (ESt V,1)

133, 135, 137

II (ESt VI)

140, 141,143, 170 n. 663

III (ESt VII-X) IV (ESt XI) V,1-2 (ESt XII) V,1

145, 148 n. 580, 156, 163, 165, 170, 176 170 n. 663, 175 179 179, 182, 184

Index des auteurs et textes anciens Préparation évangélique

V,2

179, 183-184, 186

VI

189

III,14,2

153

VI,1-2 (ESt XIII)

188

VII,8,24

142

188 n. 749

VII,8,29

150

X,8,3

153

VI,1 VII (ESt XVI,1-5)

203

VIII (ESt XVI,3)

205-208

IX (ESt I,1-11)

38, 183

IX,1

38 n. 33, 62, 69-71

IX,2

38 n. 33, 74

X (ESt I,12)

38, 40, 75-76

Scholies sur le Cantique

258

Sur la Pâque (fragment)

12 n. 21

Théologie ecclésiastique I,11,4

195

I,20,59

195

90-91, 106

I,20,61-62

195

XI,2

90, 106

XI,3

90, 92, 93 n. 323, 108

Théophanie

XI

79, 81, 90, 114, 119, 180

XI,1 (ESt II,1-4)

79-81, 84-85

XI,2-3 (ESt III)

XI,4 (ESt IV,2, XII, XIII) 114-116, 119-120, 122 n. 473, 128, 180, 183, 188 XII (EMar II,6-7, III,2-3)

226, 245, 263

133-135, 140

I,1

137

I,2 (ESt VI,2)

140

II (ESt VI)

140-141

III-IV

146

III (ESt VII,1)

146

IV (ESt VII,2-6)

142, 146

V (ESt IX)

163-165

VI (ESt VIII)

156

VII (ESt XII)

117, 180, 182-184

VIII (ESt XV) IX (ESt XI) X (ESt XII,2-3, XIII,1) XI (ESt II) XI,1 XII (ESt II) XII,1 XIII (ESt IV,2) XIV (ESt XVI,3) fr. parallèle à ESt XVI,3

Vie de Constantin

197 175-176 180, 181 n. 713, 188 78, 80, 86 106 79, 80, 86

216 258

IV,35

216 12 n. 21

Eustathe de Thessalonique Commentaire sur l’Iliade I,250

186 n. 744

Euthyme Zigabène Commentaire sur Jean XVIII (sur Jn. 20,12)

263

Commentaire sur Luc VI (sur Lc. 3,23)

124

VI (sur Lc. 3,24)

124

VI (sur Lc. 3,28)

124

VI (sur Lc. 3,38)

101, 123

Commentaire sur Marc

106, 108

XLVIII (sur Mc. 16,9-10) Commentaire sur Matthieu

206

12 n. 21

III,43

114-116, 120, 128, 183 n. 724 205-207

24 n. 82

III,41,1 III,43,1-2

SyrG I (ESt V,1)

V,39-45

I (sur Mt. 1,3) I (sur Mt. 1,11)

236, 252, 265

149 177, 184

329

Index des auteurs et textes anciens Glossa ordinaria

I (sur Mt. 1,12)

47, 136, 142

I (sur Mt. 1,17)

177

sur Lc. 3,23

47

sur Mt. 1,1

I (sur Mt. 1,18-19)

124 136, 142

II (sur Mt. 2,2)

214

sur Mt. 2[,1]

II (sur Mt. 2,13)

214

sur Mt. 28[,1]

253, 265

II (sur Mt. 2,16)

214

sur Mt. 28[,3]

276

II (sur Mt. 28,1)

252

sur Lc. 24[,1]

253

II (sur Mt. 28,2)

276

II (sur Mt. 28,7)

276

Grégoire de Nazianze Carmes

Évangile du Ps. Matthieu XVI,1

214

I,1,18 I,1,18,36-59 I,1,18,88

Firmicus Maternus Sur l’erreur des religions profanes XIV,2

215

101, 123 54 130 n. 523

Grégoire de Nysse 275

Sur la naissance du Christ

213

Sur les trois jours entre la mort et la résurrection du Christ 235, 252, 275

Flavius Josèphe Antiquités juidaïques VII,4,95

217

IV,11,1

217

X,6,3

172 n. 671

Ps. Grégoire de Nysse Homélies sur la résurrection II

Autobiographie I,1-5

186 n. 739

237 n. 97

Hérodote Histoires

Fragment de Muratori f. 10r, l. 16-18

96

f. 10r, l. 20-21

96

II,142,2

186 n. 744

Hésychius d’Alexandrie Généalogie de Joseph et de Marie 124 Généalogie de la Vierge 7-8

49 (voir aussi 50 n. 97)

Lexique Π,490

68

Hésychius de Jérusalem Collection de difficultés et solutions

Geoffrey d’Admont Homélies des fêtes II XXVII XL

330

49 49 265

50-52

252, 265

52

236, 275

Index des auteurs et textes anciens Irénée de Lyon

Hilaire de Poitiers

Contre les hérésies

Sur Matthieu I,1

122, 126

III,1,1

108, 255

I,2

181 n. 717, 182 n. 721, 184, 190

III,2,3

103 n. 375, 131

I,3

46, 61

III,2,9

43

III,9,2

210

III,21,5

Hippolyte Chronique 686

186

687

191

Commentaire sur Daniel I,9

210

I,13,1-8[I,12,1-9]

54, 125

43

Ps. Hippolyte de Thèbe fr. XVIIIa/b Histoire de l’enfance de Jésus

49 56

Ignace d’Antioche

58 n. 145

Épître aux Éphésiens 18,2

42

19,1

59-60, 283

58 n. 145

148-149

Démonstration de la prédication apostolique 36

43

40

43 43

57-59

171, 197

58

209

Isidore de Péluse Lettres II,212 (712)

12 n. 21, 275

Commentaire sur Jean XIX (sur Jn. 19)

233, 272

XIX (sur Jn. 19-20)

251

XIX (sur Jn. 20)

265

Commentaire sur Luc 47, 124, 198

III (sur Lc. 3)

82, 101

42

I (sur Mt. 1)

42

XXII (sur Mt. 28)

Épître aux Tralliens 9,1

151

IV,25,2

Commentaire sur Matthieu

Épître aux Smyrniotes 1,1

171

IV,21,2-3

I (sur Lc. 1)

Épître aux Philadelphiens 4

III,21,9

Išo‘dad de Merw

Épître aux Antiochiens 7

197

63

Sur les bénédictions d’Isaac et Jacob XVI

43

III,21,8-9

47, 118 n. 457, 124, 136, 141, 149, 171, 177, 184185, 190, 209 n. 843, 214 252, 265

Commentaire sur Marc XIII (sur Mc. 16)

251

331

Index des auteurs et textes anciens Jacques d’Édesse

Sur la naissance de Jésus PG 71,766

Lettre sur la généalogie de la Vierge 2-6

49

Glose à l’homélie 77 de Sevère d’Antioche 252 Jacques de Saroug Sur l’étoile et les Mages

214

67

149

LXII,2

153

Homélies sur Matthieu I,3

101, 108

I,6

46, 101

III,2-4

46, 136, 141 59 n. 157, 62, 73-74 46, 59 n. 157 149

III,4

166

IV,1

177, 184, 190

IV,2

73, 177, 184

IV,2-7

46

IV,3

67

IV,3-4

62

VI,1

213

VII,3

213

VIII,1

213

IX,4

213

252, 264

86,1-2

264

89,2

264

Scholies caténaires sur Mt. 1,17

332

6

214

10

59

Sur le jour de la naissance du Seigneur PG 96,1446

183

124

Jean Philopon De opificio mundi II,20

252

Jean I de Thessalonique Homélie de la résurrection 275

236, 252, 262,

Homélies sur les femmes au tombeau 1

252, 275

3-4

265

4

252

Jérôme Commentaire sur Daniel I,1

Homélies sur Jean 85,4

47, 123

Jean de Nicée

LXII,1-2

III,1

87 [IV,14]

Chronique

Homélies sur Genèse

II,4

Exposition de la foi

Jean Malalas

Eclogae

II,3-4

Jean Damascène

Sur la naissance de Jésus

Jean Chrysostome

hom. XXXIV

213

189

Commentaire sur Isaie VII

214

XIII

214

Index des auteurs et textes anciens Julien

Commentaire sur Jonas I

214

Contre les Galiléens (éd. Masaracchia) 62,18-32

Commentaire sur Matthieu

64,9-12

45, 81, 101, 124, 171, 198 46, 81-82, 101, 124, 171, 198

I,1,3

149, 158, 166

I,1,2

136, 141

90

46, 94, 124

181 n. 717, 182 n. 721, 184

96

233 n. 69, 272

I,1,8-9 I,1,12

189

I,1,16

31, 46 n. 73, 94 n. 333, 124

I,1,17

189

I,1,18

59 n. 157, 62, 65, 73

I,1,18-19

46, 62

I,1,19

61, 66

I,2,2

213-214

III,17,1

278

IV,28,9

264

Commentaire sur Tite

Chronographies F90a

180, 183 n. 725

Lettre à Aristide (voir aussi Eusèbe, ESt IV) – éd. Spitta 31

129 n. 519

– éd. Routh

3,6

95

I

113

– éd. Guignard

Des hommes illustres 16,1

58

16,3-8

58 n. 151

63,3

115 n. 441

81,2

31

Lettres 59,4

264

120

19, 22 n. 70, 231

120,3

235, 275

120,3-4

252

120,3-5

264

303,4

62

Traité sur Marc VI (sur Mc. 9,2)

278

Ps. Jérôme Explication des quatre évangiles sur Mt. 1,16

Julius Africanus

123

1-8

89 n. 304

1

125-126

4

129

5

125

6

125

9

89 n. 304, 128

10

128

11

128

12

128

13

128-129

18

102, 129

23-24

115 n. 440

24-27

182

24

182

25

183

26

129, 130 n. 525, 131 n. 529

27-28

115 n. 440

28-29

115 n. 440

28

128-129

29

128

Questions sur II Rois 59.178

97 n. 351

333

Index des auteurs et textes anciens Origène

Justin

Commentaire sur Genèse

Apologie I,32,1-3

171, 197

I,32,12-14

171, 197

Dialogue avec Tryphon

fr. D5 (sur Gn. I,11)

234

Commentaire sur Jean I,4,22

108 n. 407

43,1

42

VI,55,287-56,288

264

45,4

42

VI,56,291

264

68,6

42

X,37,245

264

100,3

42

X,3,10-8,31

199

106,4

209

X,5,21-22

199

fr. 78

250

Léon le grand

Commentaire sur Matthieu

Tract.

II (Philocalie VI,1-2)

83

XXXIV,2, rec. α/β

214

X,17

65

LXXI,2

275

XI,17

200

XII,4

166

Series 77

250

Series 125

148

Marius Victorinus Sur les Nombres fr. 13

214

Martyre d’Ignace d’Antioche 1

58 n. 145

82

Michel le Syrien Chronique

205 n. 824

Histoire ecclésiastique I,8

27 n. 98

I,11

27 n. 98

Opus imperfectum in Matthaeum

hom. II

334

fr. 6

148 n. 579, 166

fr. 7

148 n. 579

fr. 8

156, 157

fr. 13/I fr. 13/II

207, 211, 213

38, 45 45, 49 n. 90

fr. 15

38-39, 45, 67 204, 210

fr. 24

211

fr. 27

211 272, 273 n. 289

sur Mt. 1,7

203

sur Mt. 1,9

203-204

sur Mt. 1,19

40

Commentaire sur Psaumes sur Ps. 51(50)

47, 101, 108 n. 408, 136, 141, 149, 158, 166, 177, 184, 190

45 59 n. 154

fr. 23

fr. 565

Nicéphore Calliste

hom. I

44, 81

fr. 13/I -II

Quaestiones et dubia

249

fr. 3

fr. 10

Maxime le Confesseur

XII

Series 141

Selecta in Ps. 2,1-2

158 n. 617 161

Index des auteurs et textes anciens Homélies sur Cantique

Commentaire sur Romains I,6,77-96

181

I,7

41, 50-54, 73-74

I,7,61-96

44

I,7,66-68

73

I,7,69-70

74

I,7,70-75

74

I,4

250

II,2

250

Homélies sur Exode VII,7

248

VII,8

248

I,7,75

44 n. 59

I,7,90-91

44 n. 61

IV,4

100

II,10

157-158

IV,4,38-66

110

IX,1

110

Contre Celse I,24

107

I,28

43 n. 55, 71, 194, 212 n. 864

I,32

43 n. 55, 71

I,34

66 n. 192

I,38

212 n. 864

I,39

43 n. 55, 71

I,58

212

I,59-61

211

I,66

212

Homélies sur Ézéchiel

Homélies sur Genèse V,5

166

XIV,3

211

Homélies sur Josué III,3-4

166

VII,5

166

Homélies sur Lévitique VIII,10

148

II,32

43, 72, 76, 96

II,55

232, 251

II, 59

232, 251

VI

II,60

232, 251

VI,3-6

44, 61

V,52

271

VI,3-4

41

V,56

271

VI,4-6

59

V,58

271

VI,4

VIII,3

124

XI,6 XXVIII

Entretien avec Héraclide 7-8

264

250

Fragments sur Nombres 24,7

211

164, 167 n. 653

Hexaples sur 1 S. 1,1

XXVIII,2-3

XXVIII,3-4

57, 59 45 93 n. 328 81, 96-101 104, 111 136, 141, 148, 158, 164-166, 170 55, 109 80, 102, 126

XXVIII,4

85

fr. 20a-b fr. 20b fr. 33

84 n. 281

73

XXVIII,3 fr. 12d

Fragments sur Ruth sur Rt. 1,4

XXVIII,1-4 XXVIII,2

Fragments sur Marc 16

Homélies sur Luc (et Fragmenta in Lc.)

45 44 n. 57 59 n. 154 136

fr. 33b

45

fr. 139

278

335

Index des auteurs et textes anciens Paschase Radbert

Homélies sur Nombres XIII-XIX

211

XIII,7,4

211

XV,4,2

211

XVII,4,1-7

211

Homélies sur Samuel fr. 16

100

Sur la prière 33,3

136

20,1

167

23,2

264

Des Principes Praef., 3-10

234

III,1,17

56

IV,2,5

200

IV,2,8

200

IV,2,9

200

IV,3,1

200

IV,3,5

200

IV,3,6

200

IV,3,7

200

24

197

«Philocalie d’Origène» I,29

157

VI,1-2

83

I,1-3

47, 48

I,1

59 n. 157

I,2

62 59 n. 157, 62 47-48, 59 n. 157

Papias Exposition des oracles du Seigneur

336

184

I (sur Mt. 1,3-5)

149

I (sur Mt. 1,6)

149

I (sur Mt. 1,17)

149

I (sur Mt. 1,12)

47, 102, 124

I (sur Mt. 1,17)

47

I (sur Mt. 1,19)

47

II (sur Mt. 1,20)

47

II (sur Mt. 2,1)

214

II (sur Mt. 2,16)

214

XII (sur Mt. 28,1)

252

XII (sur Mt. 28,2)

265, 276

XII (sur Mt. 28,7)

265

Paul Diacre Homélies sur les saints 53

136, 141, 149, 158, 184, 190

Homélies sur le temps 47

Pierre Abélard Théologie chrétienne II,6

214

Theologia « Scholarium » 214

Sermons

Homélies sur Matthieu

fr. 23

136, 141

I (sur Mt. 1,18)

II,6

Ps. Origène

II

I (sur Mt. 1,1)

17

Scholies sur l’Apocalypse

I,3

Exposition sur Matthieu

249

IV. In Epiphania Domini

214

Pierre Chrysologue Sermons XLV

47

Index des auteurs et textes anciens Pierre Damien

Lettres 137

Sermons XLVI

136, 142

265

Prologue monarchianiste sur Matthieu

Testimonia ex evangeliis

177

I

82, 102 Protévangile de Jacques

Pierre le Mangeur Historia scholastica in Ev. 3

48

in Ev. 7

214

in Ev. 11

214

in Ev. 183

253, 265

in Ev. 184

276

in Ev. 186

253, 265, 276

in Ev. 188

265

Moralia XXVI

186 n. 744

Porphyre Contre les chrétiens 94-95, 118, 233, 250-251 fr. 11 Harnack

171, 184, 189, 191

fr. 92 Harnack

211

42

13-16

65

14.1

60, 66

15,1

75

Raban Maur Commentaire sur Matthieu I (sur Mt. 1,1)

136, 141, 149

I (sur Mt. 1,8)

185

fr. 1

47

I (sur Mt. 1,12)

189

I (sur Mt. 1,15)

124

I (sur Mt. 1,17)

190

I (sur Mt. 1,20)

47

I (sur Mt. 2,2)

214

VIII (sur Mt. 27,62-63)

265

Quodvultdeus Trois sermons sur le symbole II,6,3-7

Sur le Styx 152

Fragmenta historica (éd. Smith) 189 n. 756

275

Rodolphus Ardetis Homélies sur les épîtres et les évangiles du dimanche XI

Photius

48

XXXV

Bibliothèque 13

105 n. 389

34

115 n. 441

223

72

10.1

I (sur Mt. 1,18-19)

Plutarque

207bT

1-5

214-215

136, 142

Rodrigo Jiménez de Rada Bréviaire de l’histoire catholique IX,1 IX,7 IX,146-147

48, 72 n. 225, 177 215 253, 265

337

Index des auteurs et textes anciens IX,146

276

Scholies à Matthieu

275

Scholies à Matthieu (ms. Vat. Pal. Gr. 220)

Romanos le Mélode

sur Mt. 1,3

Hymnes IX,18,7

67

Rupert de Deutz

149, 166

sur Mt. 1,11

185

sur Mt. 1,16

48

sur Mt. 1,17

190

sur Mt. 1,18

48

Commentaire sur Matthieu I

48, 82, 136, 142, 149, 185, 214

sur Isthmicae 4,58b

De Trinitate et oberibus eius libri XLII, In quatuor evangelistas liber unus 5

Scholie à Pindare

136, 142

253

Sedulius Scottus Expositiuncula in argumentum secundum Lucam

Sévère d’Antioche

288-289

Homélies cathédrales 63

51 n. 112

77

235, 237 n. 97, 252, 256 n. 198, 265

102

Expositiuncula in argumentum secundum Matthaeum 275-276 275

190 136 141

Smaragdi Tatien

Collectiones in epistolas et evangelia in die Theophaniae (sur Mt. 2,2)

214

Contre les Juifs

Histoire ecclésiastique

Scholie à la Didaché

59 123

Scholie à Eusèbe sur EMar II,6,132

95-96

Tertullien

Socrate

VI,8

Diatessaron

258-259

IX,26-27

43

Contre Marcion III,20,6-7

43

IV,1,7

43

La chair de Christ XXI,4-XXII,6

43

Scholies à Luc sur Lc. 3,3

82, 102

Testament de Joseph 19,8

Scholies à Marc (éd. Cramer) sur Mc. 1,1

338

31 n. 6

42

Index des auteurs et textes anciens Théodoret de Cyr

Théodore bar Koni

Questions et réponses aux orthodoxes

Livre de scholies – recension Seert Mimra VII,5

136, 141

Mimra VII,6

149

Mimra VII,7

184

Mimra VII,8

190

Mimra VII,9

177

Mimra VII,10

124

Mimra VII,11

101

Mimra VII,12

124, 184, 190

Mimra VII,13

47

Mimra VII,15

214

Mimra VII,21

209 n. 844

Mimra VII,33

233, 272

136, 141

Théodore d’Héraclée Fragments sur Jean 403 (sur Jn. 20,11-13)

252, 264, 275

Fragments sur Matthieu (voir aussi sous Théodore de Mopsueste) 49

2 (sur Mt. 1,17)

184, 190 45-46, 49

Théodore de Mopsueste

252, 265

131

123

133

123

Résumé des fables hérétiques I,20

95

Théophylacte de Bulgarie Enarratio in evangelium Marci sur Mc. 16,1-8

236, 265, 276

sur Mt. 1,3 sur Mt. 1,12-16

149 47

sur Mt. 1,17

177

sur Mt. 1,18

47, 59 n. 157, 62

sur Mt. 1,19

47, 62

sur Mt. 2,11

214

sur Mt. 28,1-10

276 252, 265

Théosophie « de Tübingen » (éd. Beatrice) IV,1-6

209 n. 844

Catenae aureae

28 n. 98

III, quaest. 31, art. 2

49, 102, 123

III, quaest. 31, art. 3,3

82, 102, 190

III, quaest. 31, art. 3,4

185

III, quaest. 31, art. 4,2

124

III, quaest. 36, art. 6,3-4

215

136, 141

III, quaest. 51, art. 3,5

149

214

III, quaest. 51, art. 4,1

276

III, quaest. 51, art. 4,2

253, 265

1 (sur Mt. 1,18)

184

3 (sur Mt. 1,16)

101

6 (sur Mt. 2,1)

55

Autre série, peut-être de Théodore d’Héraclée 8 (sur Mt. 2,23)

158

Somme théologique

Fragments sur Matthieu

2 (sur Mt. 1,1)

123

78

Thomas d’Aquin

Commentaire sur Jean VII

265

66

sur Mt. 28,1-8

1 (sur Mt. 1,16) 5 (sur Mt. 1,24-25)

265

48

Enarratio in evangelium Matthaei

– recension Urmiah Mimra VII,5a

43

339

Index des auteurs et textes anciens III, quaest. 53, art. 2,3

253, 276

Timothée II d’Alexandrie Contra eos qui dicunt duas naturas 272 n. 269, 272-274 Toledot Yeshu (tradition du gr. II, It., A, 1a) 3r,39

50 n. 96

Victor d’Antioche Fragments sur Marc Mc. 16,9

225, 250

Victorin de Poetovio Commentaire sur l’Apocalypse IV,4

43, 101

Walafrid Strabo Expositions sur Matthieu sur Mt.1,1

136, 141

sur Mt.1,3

149

sur Mt.1,19

47

Werner d’Ellerbach Deflorationes I, In epiphania Domini I, In die sancto Paschae

47, 101, 123, 214 252, 276

Zacharie Chrysopolitain In unum ex quattuor I,5 IV,173

340

48, 82, 102, 124, 136, 171, 177 265

INDEX DES MANUSCRITS

Ann Arbor (Mich.), EMML 2088 Athos, Iviron 371

14 n. 29

10 n. 12, 89, 93 n. 326, 113 n. 429

Cassin, 384

214 n. 875

Florence, Bibliothèque Laurentienne, Pal. Or. 47 125, 136, 142, 185 Heidelberg, Papyrus G 4931

61 n. 169

Leipzig, Universitätsbibliothek, B.H. 17 50 n. 96 Londres, British Library, Add. 16220

14 n. 29

Londres, British Library, Or. 8812

15 n. 31

Milan, Bibliothèque Ambrosienne, D inf. 466 (976)

156

Paris, Bibliothèque Nationale, Coisl. 201 89 n. 304, 93 n. 326, 101 n. 361, 113 n. 425 et 429 Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 15269 214-215 Rome (Cité du Vatican), Bibliothèque Vaticane, Ar. 452 15 n. 33

Rome (Cité du Vatican), Bibliothèque Vaticane, Pal. Gr. 220 (ἐκλογή) 9 n. 8, 35, 75 n. 237, 83, 84, 96, 107 n. 396, 118, 142, 152, 160, 200, 201, 217, 257, 265 Rome (Cité du Vatican), Bibliothèque Vaticane, Syr. 103 13 n. 26, 19 n. 54, 119 n. 462, 135 Urmiah (Iran), Ms. 12

125

Vienne, Bibliothèque Nationale, Theol. Gr. 71 89, 93 n. 326, 101 n. 361, 113 n. 425.429 Venise, Bibliothèque Marcienne, Gr. 61 182, 186

Manuscrits bibliques et néotestamentaires Alexandrinus D / 05 f1

192 69, 71, 240 226

Sinaiticus 67, 69, 72, 158, 241, 255, 259, 260 Vaticanus W

71, 158, 241, 255 71

Rome (Cité du Vatican), Bibliothèque Vaticane, Gr. 1611 10 n. 13, 40, 75, 89, 93 n. 326, 105, 106 n. 395, 113 n. 426 et 429, 127 Rome (Cité du Vatican), Bibliothèque Vaticane, Gr. 1642 89 n. 304

341

INDEX BIBLIQUE

Écrits vétérotestamentaires

13,1-2,29 Deutéronome

1er Livre des Chroniques 2,3

186 n. 739

2,10

40

3

84

3,11-12

181

3,11

185

4,1

186 n. 739

5,33

186 n. 739

6,18-23

79

7,12

137

8,1-2

186 n. 739

11,4-5

177

11,13

133, 137, 152

17

136

17,12

137

17,11-13

133-134, 135 n. 538, 137

29,29

106

2 Livre des Chroniques 3,1-5,1

178

36,4

173

36,5-10

172

36,5-8

172

36,5-7

172, 191

36,8

172, 192 174

Daniel 1,2

172

3,5-7

217

342

5,17

66

10,6

114 n. 432

22,13-21 22,22 22,23-29

66 66, 76 66 n. 192

22,23

40, 76

23,18

150

25,5-10

150

25,5

150

Isaïe 1 7,14

110 38, 69

9,5-6

134

9,7

134

11,1

133-134

11,10

133-134

25,8

e

36,10

54

174

Esdras 5,1

186 n. 739

7,3

186 n. 739

Exode 6,23

40, 114

16,6-7

249

16,12

249

20,14

66

28,1

114

34,28

272

Index biblique Ezéchiel 42,23

133

22,24

173

22,28-30

173

22,28 24,1

Genèse 1,1-2,4

14 n. 29

5,18-31

186 n. 739

35,15

133

36,28-37,1

172 172

5,32

153

36,30

9,20-27

153

37,1

10

103 n. 375

43,28-44,1

11,10-26

186 n. 739

44,1

12,3b

139-140

17,4b

140

Judith

18,17-18

139

8,1

18,18

140

19,30-38

167

Lévitique

25,20-34

151

5,1

27,1-41

151

20,10

168

21,14-15

29,30 38

151

Nombres

38,12

150

2,4

38,14

151

3,32

38,23

150

10,14

147-148

38,29

146-147, 153

46,21

186 n. 739

Job 38,17b

159 n. 622

Josué 2,1-21 6,17 6,22-25

173 172, 191 172

72

66 66, 76 150

147, 151

38,11

38,27-30

173 172, 192

20,25-28 23,7 24,17

40 114 n. 432 40 114 n. 432 205 46, 205, 209-211

27,1-11

72

36,1-12

72

36,7-8

73

Osée 164, 166

3,5

133

164 164

Proverbes

7,1

186 n. 739

8,22

7,24

186 n. 739

8,25

13

27,1

156

29,24

66

Jérémie 1,1

55, 125

22

173

Psaumes

22,19

172

2,7

22,24-28

172

29,9

134

134, 201 156

343

Index biblique 29,16

156

2e Livre des Rois

156 n. 611

1,17

182

30,7

156

4,37

217

30,8

160

8,1

178

30

51

156-158, 160

8,16-18

182

51,6

157-158, 160

8,18

182

72

127

8,25-27

182

72,5

134

8,25

181

72,11

217

9,22

182

72,17

134

11,2

181

88,16b

157

12,20-22

181

89

198

15,1

181

22,40

182

89,4-5

133-134

89,4

134

23,36-24,6

172

89,36

134

24,1

172

95,11

138

24,6

172

107,14

174

24,17

174

107,16-17

174

107,20-21

174

110,3

134

1,4

164

119,71

157

4,11

164

119,75

157

4,18-22

83

126,1

156

4,20-22

114

127

127

4,20

127,1

160

132

161

132,3

162

1,1

81 n. 259

132,4

156

2,3

156

132,5

162

10,1

176

10,17-25

176

12,1-2

176

16,13

127

16,14-23

160

16,14

160

132,11

133-136, 156

1er Livre des Rois 1,23 11,1b

217 136-137

Ruth

40, 165 n. 644, 166

1er Livre de Samuel

6,1

178

6,1-38

178

7,13-51

178

5,6-7

177

8,25

180

5,14

100

11

137

7

16,31

182

7,12-14

22,40

182

7,13

137

5,6-7

176

344

2e Livre de Samuel

136 134, 135 n. 538, 137

Index biblique Épître aux Hébreux

11,2-12,14

157

12,1-23

159

4,14-5,10

126

12,13

160

6,17-10,18

126

23,1-2

127

7,1-19

153

7,16

126

11,1-22

153

Zacharie 1,1

186 n. 739 Évangile selon Jean 1,38

Écrits néotestamentaires Actes 1,1

142

2,30

159

10,25

217

4,10

217

7,11

217

22,8

217

Épître aux Colossiens 2,23

56

4,19-30

56

4,39-42

56

4,46-54

56

5,2-9

56

6,2-13

56

6,19-20 7,42

Apocalypse

142

1re épître aux Corinthiens 1,31

156

9,27

156

10,2

156

14,25

217

2e épître aux Corinthiens 10,17

156

10,18

156

Épître aux Galates 3,6-29

153

3,6-18

110

3,8

140

3,16

140

4,4-5

154

266

2,1-11

56 133, 140

8,3-5

66

9,6-7

56

11,11-44

56

12,1-8

249

20,1-18

258

20,1-2 20,1

245 n. 138, 262 253-254, 256-257, 259-260

20,11-17

262

20,11-13

258

20,14

266

20,16

266

20,17

264

20,19

257

Évangile selon Luc 1,3

142

1,5

50, 52 n. 112

1,26

74

1,27

55, 322

1,28

38

1,32

76

1,33

197

1,34

38

1,36

38, 50, 51 n. 112, 74

1,42

38

345

Index biblique 2

56

1,12-13

56

2,4

74

1,23-34

56

2,7

215, 217

1,39

56

2,21

215

2,3-12

56

2,34-38

142

3,1-5

56

2,41-52

56

3,31-32

70

5,2-16

56

3,22

134-135

3,23-38

108

5,25-34

56

3,23-24

98-100, 102

6,34-56

56

92, 103 n. 377, 130 n. 521

7,25-30

56

3,23 3,32-33

40

8,1-9

56

4,1-13

56

8,12

138 71, 87

173

8,29

4,33-40

56

9,2

5,17-25

56

9,14-27

6,6-10

56

10,46-52

56

6,18-19

56

10,46-48

133 n. 532

7,2-17

56

14,3-9

7,36-50

249

15,40-41

7,38

166

16,1-2

8,2

4,18

278 56

249 260 237 n. 98

242

16,2

228, 237, 242, 256

8,19-20

70

16,3

258

8,23-39

56

16,5

276

8,43-48

56

16,6-8

9,11-17

56

16,6

56

16,7

224

278

16,8

225-226, 230, 234, 239-240

9,28-43 9,28 13,10-13

56

16,9-20

14,2-4

56

16,9

17,12-14

56

18,35-43

56

18,35-38

133 n. 532

23,10

133

23,49-24,10

260

24,1

257

24,3

277

24,4

276

Évangile selon Marc 1,1

246

1,10

87

1,11

134-135

346

277 228, 240, 277

226-227, 231, 232 n. 66, 238-239 225-226, 228, 232-234, 237-238, 242

Évangile selon Matthieu 1,1

55, 108-109, 135, 140, 142, 154, 159

1,2

151

1,4

40

1,5

145, 163, 166

1,6

157, 163

1,8

181

1,11

188

1,13

204

1,17

186, 188, 190

Index biblique 1,18-19

38, 63

27,55

1,18

61, 63-64, 109, 204

28,1-2

1,19

43, 61-63, 66-67

28,1-4

1,20-21

38, 63

1,20

69

1,21

68-69

1,22-23 1,24-25 2

259 235, 251 258

28,1

225, 234, 236-237, 249, 251, 254-255, 275

28,2

257

38

28,5-7

277

45

28,5

240

56, 74, 214

28,9

266

28,13

257

2,2

210

2,6

161

2,7

133, 216

2,9

205, 217

Épître aux Philippiens 2,5-11

71

2,11

217

2,16-17

204

2,16

216

4,1-24

110

2,22

75

4,3

153

3,16

87

5,12

4,1-11

56

9,3-4

51 n. 108 et 112

5,27-30

66

9,3

44, 51-52, 73-74

8,5-17

56

8,28-34

56

9,2-8

56

1,4

40

56

1,9

164

9,18-26 9,27

56

12,10-13

56

12,23

133 n. 532

12,40

272

12,46-47

70

13,55

70

14,14-36

56

15,22-38

56

16,16-17

Épître à Tite 3,9

96

71 278

17,9

70, 72

17,14-18

56

20,29-31

133 n.532

21,9

133 n. 532

27,55-56

1re épître à Timothée

260

17,1

26,6-13

195

133 n. 532

9,32-34

15,39

Épître aux Romains

249-250 260

347

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos

5

Introduction

7

Liste des abréviations Errata corrige (en réf. à l’édition parue dans les Sources chrétiennes)

29 30

Commentaire ESt, titre

31

ESt I

36

ESt II

78

ESt III

88

ESt IV

112

ESt V

133

ESt VI

139

ESt VII

144

ESt VIII

155

ESt IX

163

ESt X

169

ESt XI

175

ESt XII

179

ESt XIII

187

ESt XIV

194

ESt XV

196

ESt XVI

202

ESt, colophon

218

EMar, titre

219

EMar, prologue

220

EMar I

223

EMar II

243

EMar III

262

EMar IV

268

Conclusion

281

Bibliographie

287

Index des auteurs et textes anciens

317

Index des manuscrits

341

Index biblique

342

BIBLIOTHÈQUE DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES, SCIENCES RELIGIEUSES

vol. 105 J. Bronkhorst Langage et réalité : sur un épisode de la pensée indienne 133 p., 155 x 240, 1999, PB, ISBN 978-2-503-50865-8 vol. 106 Ph. Gignoux (dir.) Ressembler au monde. Nouveaux documents sur la théorie du macro-microcosme dans l’Antiquité orientale 194 p., 155 x 240, 1999, PB, ISBN 978-2-503-50898-6 vol. 107 J.-L. Achard L’essence perlée du secret. Recherches philologiques et historiques sur l’origine de la Grande Perfection dans la tradition ‘Nying ma pa’ 333 p., 155 x 240, 1999, PB, ISBN 978-2-503-50964-8 vol. 108 J. Scheid, V. Huet (dir.) Autour de la colonne aurélienne. Geste et image sur la colonne de Marc Aurèle à Rome 446 p., 176 ill. n&b, 155 x 240, 2000, PB, ISBN 978-2-503-50965-5 vol. 109 D. Aigle (dir.) Miracle et Karâma. Hagiographies médiévales comparées 690 p., 11 ill. n&b, 155 x 240, 2000, PB, ISBN 978-2-503-50899-3 vol. 110 M. A. Amir-Moezzi, J. Scheid (dir.) L’Orient dans l’histoire religieuse de l’Europe. L’invention des origines. Préface de Jacques Le Brun 246 p., 155 x 240, 2000, PB, ISBN 978-2-503-51102-3 vol. 111 D.-O. Hurel (dir.) Guide pour l’histoire des ordres et congrégations religieuses (France, xvie-xixe siècles) 467 p., 155 x 240, 2001, PB, ISBN 978-2-503-51193-1 vol. 112 D.-M. Dauzet Marie Odiot de la Paillonne, fondatrice des Norbertines de Bonlieu (Drôme, 1840-1905) xviii + 386 p., 155 x 240, 2001, PB, ISBN 978-2-503-51194-8

vol. 113 S. Mimouni (dir.) Apocryphité. Histoire d’un concept transversal aux religions du Livre 333 p., 155 x 240, 2002, PB, ISBN 978-2-503-51349-2 vol. 114 F. Gautier La retraite et le sacerdoce chez Grégoire de Nazianze iv + 460 p., 155 x 240, 2002, PB, ISBN 978-2-503-51354-6 vol. 115 M. Milot Laïcité dans le Nouveau Monde. Le cas du Québec 181 p., 155 x 240, 2002, PB, ISBN 978-2-503-52205-0 vol. 116 F. Randaxhe, V. Zuber (éd.) Laïcité-démocratie : des relations ambiguës x + 170 p., 155 x 240, 2003, PB, ISBN 978-2-503-52176-3 vol. 117 N. Belayche, S. Mimouni (dir.) Les communautés religieuses dans le monde gréco-romain. Essais de définition 351 p., 155 x 240, 2003, PB, ISBN 978-2-503-52204-3 vol. 118 S. Lévi La doctrine du sacrifice dans les Brahmanas xvi + 208 p., 155 x 240, 2003, PB, ISBN 978-2-503-51534-2 vol. 119 J. R. Armogathe, J.-P. Willaime (éd.) Les mutations contemporaines du religieux viii + 128 p., 155 x 240, 2003, PB, ISBN 978-2-503-51428-4 vol. 120 F. Randaxhe L’être amish, entre tradition et modernité 256 p., 155 x 240, 2004, PB, ISBN 978-2-503-51588-5 vol. 121 S. Fath (dir.) Le protestantisme évangélique. Un christianisme de conversion xii + 379 p., 155 x 240, 2004, PB, ISBN 978-2-503-51587-8 vol. 122 Alain Le Boulluec (dir.) À la recherche des villes saintes viii + 184 p., 155 x 240, 2004, PB, ISBN 978-2-503-51589-2 vol. 123 I. Guermeur Les cultes d’Amon hors de Thèbes. Recherches de géographie religieuse xii + 664 p., 38 ill. n&b, 155x240, 2005, PB, ISBN 978-2-503-51427-7

vol. 124 S. Georgoudi, R. Koch-Piettre, F . Schmidt (dir.) La cuisine et l’autel. Les sacrifices en questions dans les sociétés de la Méditérrannée ancienne xviii + 460 p., 23 ill. n&b, 155 x 240, 2005, PB, ISBN 978-2-503-51739-1 vol. 125 L. Châtellier, Ph. Martin (dir.) L’écriture du croyant viii + 216 p., 155 x 240, 2005, PB, ISBN 978-2-503-51829-9 vol. 126 (Série “Histoire et prosopographie” n° 1) M. A. Amir-Moezzi, C. Jambet, P. Lory (dir.) Henry Corbin. Philosophies et sagesses des religions du Livre 251 p., 6 ill. n&b, 155 x 240, 2005, PB, ISBN 978-2-503-51904-3 vol. 127 J.-M. Leniaud, I. Saint Martin (dir.) Historiographie de l’histoire de l’art religieux en France à l’époque moderne et contemporaine. Bilan bibliographique (1975-2000) et perspectives 299 p., 155 x 240, 2005, PB, ISBN 978-2-503-52019-3 vol. 128 (Série “Histoire et prosopographie” n° 2) S. C. Mimouni, I. Ullern-Weité (dir.) Pierre Geoltrain ou Comment « faire l’histoire » des religions ? 398 p., 1 ill. n&b, 155 x 240, 2006, PB, ISBN 978-2-503-52341-5 vol. 129 H. Bost Pierre Bayle historien, critique et moraliste 279 p., 155 x 240, 2006, PB, ISBN 978-2-503-52340-8 vol. 130 (Série “Histoire et prosopographie” n° 3) L. Bansat-Boudon, R. Lardinois (dir.) Sylvain Lévi. Études indiennes, histoire sociale ii + 536 p., 9 ill. n&b, 155 x 240, 2007, PB, ISBN 978-2-503-52447-4 vol. 131 (Série “Histoire et prosopographie” n° 4) F. Laplanche, I. Biagioli, C. Langlois (dir.) Autour d’un petit livre. Alfred Loisy cent ans après 351 p., 155 x 240, 2007, PB, ISBN 978-2-503-52342-2 vol. 132 L. Oreskovic Le diocèse de Senj en Croatie habsbourgeoise, de la Contre-Réforme aux Lumières vii + 592 p., 6 ill. n&b, 155 x 240, 2008, PB, ISBN 978-2-503-52448-1 vol. 133 T. Volpe Science et théologie dans les débats savants du xviie siècle : la Genèse dans les Philosophical Transactions et le Journal des savants (1665-1710) 472 p., 10 ill. n&b, 155 x 240, 2008, PB, ISBN 978-2-503-52584-6

vol. 134 O. Journet-Diallo Les créances de la terre. Chroniques du pays Jamaat (Jóola de Guinée-Bissau) 368 p., 6 ill. n&b, 155 x 240, 2007, PB, ISBN 978-2-503-52666-9 vol. 135 C. Henry La force des anges. Rites, hiérarchie et divinisation dans le Christianisme Céleste (Bénin) 276 p., 155 x 240, 2009, PB, ISBN 978-2-503-52889-2 vol. 136 D. Puccio-Den Les théâtres de “Maures et Chrétiens”. Conflits politiques et dispositifs de reconciliation (Espagne, Sicile, xvie-xxie siècle) 240 p., 155 x 240, 2009, PB vol. 137 M. A. Amir-Moezzi, M. M. Bar-Asher, S. Hopkins (dir.) Le shīʿisme imāmite quarante ans après. Hommage à Etan Kohlberg 445 p., 155 x 240, 2008, PB, ISBN 978-2-503-53114-4 vol. 138 M. Cartry, J.-L. Durand, R. Koch Piettre (dir.) Architecturer l’invisible. Autels, ligatures, écritures 430 p., 155 x 240, 2009, PB, 978-2-503-53172-4 vol. 139 M. Yahia Šāfiʿī et les deux sources de la loi islamique 552 p., 155 x 240, 2009, PB vol. 140 A. A. Nagy Qui a peur du cannibale ? Récits antiques d’anthropophages aux frontières de l’humanité 306 p., 155 x 240, 2009, PB, ISBN 978-2-503-53173-1 vol. 141 (Série “Sources et documents” n° 1) C. Langlois, C. Sorrel (dir.) Le temps des congrès catholiques. Bibliographie raisonnée des actes de congrès tenus en France de 1870 à nos jours. 448 p., 155 x 240, 2010, PB, ISBN 978-2-503-53183-0 vol. 142 (Série “Histoire et prosopographie” n° 5) M. A. Amir-Moezzi, J.-D. Dubois, C. Jullien et F. Jullien (éd.) Pensée grecque et sagesse d’orient. Hommage à Michel Tardieu 752 p., 156 x 234, 2009, ISBN 978-2-503-52995-0 vol. 143. B. Heyberger (éd.) Orientalisme, science et controverse : Abraham Ecchellensis (1605-1664) 240 p., 156 x 234, 2010, ISBN 978-2-503-53567-8

vol. 144. F. Laplanche (éd.) Alfred Loisy. La crise de la foi dans le temps présent (Essais d’histoire et de philosophie religieuses) 735 p., 156 x 234, 2010, ISBN 978-2-503-53182-3 vol. 145 J. Ducor, H. Loveday Le sūtra des contemplations du buddha Vie-Infinie. Essai d’interprétation textuelle et iconographique 474 p., 156 x 234, 2011, ISBN 978-2-503-54116-7 vol. 146 N. Ragot, S. Peperstraete, G. Olivier (dir.) La quête du Serpent à Plumes. Arts et religions de l’Amérique précolombienne. Hommage à Michel Graulich 491 p., 156 x 234, 2011, ISBN 978-2-503-54141-9 vol. 147 C. Borghero Les cartésiens face à Newton. Philosophie, science et religion dans la première moitié du xviiie siècle 164 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54177-8 vol. 148 (Série “Histoire et prosopographie” n° 6) F. Jullien, M. J. Pierre (dir.) Monachismes d’Orient. Images, échanges, influences. Hommage à Antoine Guillaumont 348 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54144-0 vol. 149 P. Gisel, S. Margel (dir) Le croire au cœur des sociétés et des cultures. Différences et déplacements. 244 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54217-1 vol. 150 J.-R. Armogathe Histoire des idées religieuses et scientifiques dans l’Europe moderne. Quarante ans d’enseignement à l’École pratique des hautes études. 227 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54488-5 vol. 151 C. Bernat, H. Bost (dir.) Énoncer/Dénoncer l’autre. Discours et représentations du différend confessionnel à l’époque moderne. 451 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54489-2 vol. 152 N. Sihlé Rituels bouddhiques de pouvoir et de violence. La figure du tantrisme tibétain. 374 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54470-0

vol. 153 J.-P. Rothschild, J. Grondeux (dir.) Adolphe Franck. Philosophe juif, spiritualiste et libéral dans la France du xixe siècle. 234 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54471-7 vol. 154 (Série “Histoire et prosopographie” n° 7) S. d’Intino, C. Guenzi (dir.) Aux abords de la clairière. Études indiennes et comparées en l’honneur de Charles Malamoud. 295 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54472-4 vol. 155 B. Bakhouche, I. Fabre, V. Fortier (dir.) Dynamiques de conversion : modèles et résistances. Approches interdisciplinaires. 205 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54473-1 vol. 156 (Série “Histoire et prosopographie” n° 8) C. Zivie-Coche, I. Guermeur (dir.) Hommages à Jean Yoyotte 2 tomes, 1190 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54474-8 vol. 157 E. Marienberg (éd. et trad.) La Baraïta de-Niddah. Un texte juif pseudo-talmudique sur les lois religieuses relatives à la menstruation 235 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54437-0 vol. 158 Gérard Colas Penser l’icone en Inde ancienne 221 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54538-7 vol. 159 A. Noblesse-Rocher (éd.) Études d’exégèse médiévale offertes à Gilbert Dahan par ses élèves 294 p., 156 x 234, 2013, ISBN 978-2-503-54802-9 vol. 160 A. Nagy, F. Prescendi (éd.) Sacrifices humains… env. 300 p., 156 x 234, 2013, ISBN 978-2-503-54809-8 vol. 161 (Série “Histoire et prosopographie” n° 9) O. Boulnois (éd.) avec la collaboration de J.-R. Armogathe Paul Vignaux, citoyen et philosophe (1904-1987) suivi de Paul Vignaux, La Philosophie franciscaine et autres documents inédits env. 450 p., 156 x 234, 2013, ISBN 978-2-503-54810-4

vol. 162 M. Tardieu, A. van den Kerchove, M. Zago (éd.) Noms barbares I Formes et contextes d’une pratique magique 426 p., 156 x 234, 2013, ISBN 978-2-503-54945-3 vol. 163 (Série “Histoire et prosopographie” n° 10) R. Gerald Hobbs, A. Noblesse-Rocher (éd.) Bible, histoire et société. Mélanges offerts à Bernard Roussel 403 p., 156 x 234, 2013, ISBN 978-2-503-55118-0 vol. 164 P. Bourdeau, Ph. Hoffmann, Nguyen Hong Duong (éd.) Pluralisme religieux : une comparaison franco-vietnamienne. Actes du colloque organisé à Hanoi les 5-7 octobre 2007 299 p., 156 x 234, 2013, ISBN 978-2-503-55047-3 vol. 165 (Série “Histoire et prosopographie” n° 11) M. A. Amir-Moezzi (éd.) Islam : identité et altérité. Hommage à Guy Monnot, O.P. 420 p., 156 x 234, 2013, ISBN 978-2-503-55026-8 vol. 166 S. Bogevska Les églises rupestres de la région des lacs d’Ohrid et de Prespa, milieu du xiiie-milieu du xvie siècle 831 p., 156 x 234, 2015, ISBN 978-2-503-54647-6 vol. 167 B. Bakouche (éd.) Science et exégèse. Les interprétations antiques et médiévales du récit biblique de la création des éléments (Genèse 1, 1-8) 375 p., 156 x 234, ISBN 978-2-503-56703-7 vol. 168 K. Berthelot, R. Naiweld, D. Stökl Ben Ezra (éd.) L’identité à travers l’éthique. Nouvelles perspectives sur la formation des identités collectives dans le monde gréco-romain 216 p., 156 x 234, 2015, ISBN 978-2-503-55042-8 vol. 169 A. Guellati La notion d’adab chez Ibn Qutayba : étude générique et éclairage comparatiste 264 p., 156 x 234, ISBN 978-2-503-56648-1 vol. 170 H. Seng Un livre sacré de l’Antiquité tardive : les Oracles chaldaïques env. 150 p., 156 x 234, ISBN 978-2-503-56518-7

À paraître vol. 172 C. Ando Religion et gouvernement dans l’Empire romain env. 125 p., 156 x 234, 2016 vol. 173 Ph. Bobichon Controverse judéo-chrétienne en Ashkenaz (xiiie siècle) Florilèges polémiques : hébreu, latin, ancien français (Paris, BnF Hébreu 712, fol. 56v-57v et 66v-68v) env. 310 p., 156 x 234, 2016