L'essentiel de la stratégie des organisations [2 ed.] 9782297022903

Le contenu du livre Le terme « Stratégie » fait dorénavant partie du vocabulaire courant des Sciences de gestion. Il a c

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L'essentiel de la stratégie des organisations [2 ed.]
 9782297022903

Table of contents :
Sommaire
Introduction
Partie 1 - La stratégie au xxie siècle
Chapitre 1 - Les concepts utilisés en stratégiedes organisations
1 - La définition de la stratégie
2 - Le management stratégique
Chapitre 2 - Les écoles de pensée en stratégiedes organisations
1 - Les trois tendances de la pensée en stratégie
2 - Le cadre général de la démarche stratégique
Chapitre 3 - L'organisation face aux mutationsde l'environnement
1 - Le dualisme de l'économie mondiale
2 - Le développement durable
3 - L'intégration régionale
Partie 2 - Le diagnostic stratégique
Chapitre 4 - Le diagnostic interne
1 - Les ressources de l'organisation
2 - Les compétences fondamentales
Chapitre 5 - Le diagnostic externe
1 - L'environnement général
2 - L'industrie
3 - Les groupes stratégiques
4 - Les champs sectoriels
5 - Le marché
6 - Les facteurs clés de succès
7 - Une application du modèle de Porter : le marché chinois des cosmétiques
Chapitre 6 - Les modèles de diagnostic stratégique
1 - L'analyse SWOT
2 - Les matrices de portefeuilles d'activités
Partie 3 - Les différents types de stratégies
Chapitre 7 - Les stratégies d'activité
1 - Les facteurs de performance
2 - La description des stratégies
Chapitre 8 - La stratégie au niveau de l'organisation
1 - La spécialisation
2 - La diversification
3 - L'internationalisation
4 - Un exemple de stratégie d'entreprise : la société El Corte Ingles
Chapitre 9 - La mise en œuvre des stratégies
1 - La croissance interne
2 - La croissance externe
3 - Le désengagement
4 - Le partenariat
Partie 4 - La mise en œuvre de la stratégie par l'organisation
Chapitre 10 - Les différentes structures des organisations
1 - Les facteurs de choix des structures
2 - La description des structures des organisations
3 - Le cas particulier de l'internationalisation de l'entreprise
4 - Un exemple, le cas McDonald's
Chapitre 11 - La stratégie et la gestion des ressources humaines
1 - Le commandement
2 - Les motivations des subordonnés
3 - La gestion des hommes
Chapitre 12 - Les aspects financiers de la stratégie
1 - Les objectifs de la fonction financière
2 - Les fusions et les restructurations
Bibliographie

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S

Le contenu du livre

Le sommaire

Le terme « Stratégie » fait dorénavant partie du vocabulaire courant des Sciences de gestion. Il a concerné pendant longtemps l’analyse externe des organisations mais il s’étend aujourd’hui de plus en plus à l’analyse interne. Puisque la vie des organisations est caractérisée par la permanence de la prise de décisions, l’auteur a choisi, dans ce livre, de traiter du processus de décision stratégique et de ses différentes étapes, qu’il soit mené à un niveau global, celui de l’entreprise ou de l’organisation en général, ou bien au niveau des domaines d’activités stratégiques (DAS). En pratique, une présentation synthétique, rigoureuse et pratique de ce qu’il faut connaître de la Stratégie des organisations.

• La stratégie au XXIe siècle –– Les concepts utilisés en stratégie des organisations –– Les écoles de pensée en stratégie des organisations –– L’organisation face aux mutations de l’environnement • Le diagnostic stratégique –– Le diagnostic interne –– Le diagnostic externe –– Les modèles de diagnostic stratégique • Les différents types de stratégie –– Les stratégies d’activité –– La stratégie au niveau de l’organisation  –– La mise en œuvre des stratégies • La mise en œuvre de la stratégie par l’organisation –– Les différentes structures des organisations –– La stratégie et la gestion des ressources humaines –– Les aspects financiers de la stratégie

Le public –– Étudiants des filières universitaires en Sciences économiques et Sciences de gestion –– Étudiants de l’enseignement supérieur de gestion –– Formation continue

L’auteur Jean-David Avenel est professeur des universités à Paris-Est Créteil (Faculté Administration et Échanges internationaux) et membre du laboratoire Largotec. Il enseigne également dans plusieurs universités de pays membres de l’Union européenne. Il est l’auteur d’une vingtaine de livres et de nombreux articles.

Prix : 13,50 e ISBN 978-2-297-02290-3

les carrés

2e

Droit Science Politique Sciences économiques Sciences de gestion Concours de la Fonction publique

L’essentiel de la stratégie des organisations

L’essentiel de la tratégie des organisations

J.-D. avenel

2e édition

2e édition

L’essentiel

Jean-David Avenel

de la

Stratégie des

organisations

Cette collection de livres présente de manière synthétique, rigoureuse et pratique l’ensemble des connaissances que l’étudiant doit posséder sur le sujet traité. Elle couvre : – le Droit et la Science Politique ; – les Sciences économiques ; – les Sciences de gestion ; – les concours de la Fonction publique. Collection dirigée par Béatrice et Francis Grandguillot Facebook : « Les auteurs Grandguillot B & F »

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Gualino éditeur sur Facebook

© Gualino éditeur, Lextenso éditions – 2012 33 rue du Mail 75081 Paris cedex 02 ISBN 978 - 2 - 297 - 02290 - 3 ISSN 1288-8206

SOMMAIRE Introduction

13

1 La stratégie au

XXI

e

siècle

Chapitre 1 – Les concepts utilisés en stratégie des organisations 1 – La définition de la stratégie

■ ■ ■

17

Un concept militaire

17

Les dimensions de la stratégie

18

Les questions posées à la stratégie a) Pourquoi ? b) Quoi ? c) Comment ?

19 19 19 19

2 – Le management stratégique

■ ■

17

20

Définition

20

Les choix stratégiques

21

L’ESSENTIEL

4

DE LA

STRATÉGIE

DES ORGANISATIONS

Chapitre 2 – Les écoles de pensée en stratégie des organisations 1 – Les trois tendances de la pensée en stratégie

■ ■ ■

Les écoles à orientation normative Les écoles à orientation descriptive L’école de la configuration

2 – Le cadre général de la démarche stratégique

■ ■

23 23 23 24 24

25

L’origine de la pensée stratégique La démarche stratégique des organisations

25 26

Chapitre 3 – L’organisation face aux mutations de l’environnement

29

1 – Le dualisme de l’économie mondiale

■ ■

Définition de l’économie informelle Les conséquences du phénomène de l’économie informelle

2 – Le développement durable

■ ■

Définition Les conséquences pour l’entreprise

3 – L’intégration régionale





Les institutions de l’Union européenne a) Le Conseil européen b) La Commission c) Le Conseil des ministres d) Le Parlement européen e) La Cour des comptes f) La Cour de Justice La politique économique et monétaire commune a) Le Traité de Maastricht (1992) b) La Banque européenne d’investissement (BEI)

29 29 30

31 31 31

32 32 32 33 33 33 33 34 34 34 34

SOMMAIRE



Les entreprises et l’Union européenne a) Le marché et les ressources de l’Union européenne b) Le cadre juridique

5 35 35 36

2 Le diagnostic stratégique Chapitre 4 – Le diagnostic interne

39

1 – Les ressources de l’organisation

39

Les ressources disponibles Les ressources nécessaires Les ressources uniques

39 40 40

2 – Les compétences fondamentales

40

■ ■ ■ ■

■ ■

Les composantes des compétences a) La rareté b) La complexité du savoir-faire c) La culture d) Le savoir Les compétences fondamentales et les facteurs clés du succès L’importance de la chaîne de valeur

Chapitre 5 – Le diagnostic externe 1 – L’environnement général

■ ■

L’analyse PESTEL Les scenarii

2 – L’industrie



La concurrence entre les organisations présentes a) La force des barrières à l’entrée b) Le nombre d’entreprises travaillant dans l’industrie

41 41 41 41 41 42 42

43 43 43 44

44 45 45 45

L’ESSENTIEL

6

■ ■ ■ ■ ■

DE LA

STRATÉGIE

DES ORGANISATIONS

c) La différenciation entre les offres des concurrents d) Les barrières de sortie Le pouvoir des clients et des distributeurs Le pouvoir des fournisseurs La menace des substituts Les nouveaux entrants Le rôle de l’État

45 46 46 46 46 47 47

3 – Les groupes stratégiques

47

4 – Les champs sectoriels

51

5 – Le marché

51

6 – Les facteurs clés de succès

52

7 – Une application du modèle de Porter : le marché chinois des cosmétiques

52





L’analyse des forces de Porter a) L’intensité concurrentielle b) Les fournisseurs c) Les produits de substitution d) L’État e) Les nouveaux entrants f) Les consommateurs L’analyse des facteurs clés de succès a) Le marché des produits de soin b) Le marché des parfums c) Le marché du maquillage

Chapitre 6 – Les modèles de diagnostic stratégique

52 52 53 53 53 53 53 54 55 56 58

61

1 – L’analyse SWOT

61

2 – Les matrices de portefeuilles d’activités

62

■ ■

La matrice du Boston Consulting Group (matrice BCG) Autres exemples de matrices

63 64

SOMMAIRE

7

3 Les différents types de stratégies Chapitre 7 – Les stratégies d’activité 1 – Les facteurs de performance

■ ■

69

La maîtrise du cycle de vie de l’activité

69

L’accumulation de l’expérience

73

2 – La description des stratégies

■ ■ ■ ■ ■

69

75

La stratégie de prix

76

La différenciation

76

La stratégie hybride

77

La stratégie de focalisation

77

L’hypercompétition

77

Chapitre 8 – La stratégie au niveau de l’organisation

79

1 – La spécialisation

79

2 – La diversification

80

■ ■ ■

L’intégration a) L’intégration verticale b) L’intégration horizontale

80 80 81

La diversification liée

81

La diversification conglomérale

81

3 – L’internationalisation

■ ■

82

Les causes de l’internationalisation a) Le pourquoi de l’investissement direct b) Le pourquoi de la coopération directe internationale c) Les explications à l’internationalisation

83 83 83 84

Le processus de l’internationalisation

85

L’ESSENTIEL

8







DE LA

STRATÉGIE

DES ORGANISATIONS

La sélection des marchés en fonction de la stratégie de l’entreprise a) Le degré de similitude du marché étranger par rapport au marché initial b) La définition d’un vecteur de croissance c) La position compétitive de l’entreprise d) Le rythme d’internationalisation voulu dans le temps Typologie des modes d’accès aux marchés étrangers a) Les filiales b) Les succursales c) L’exportation d) Les licences e) Les accords industriels f) Les contrats de gestion g) Le piggy-back h) La franchise Les facteurs de choix d’un mode de présence à l’étranger a) Les objectifs de l’entreprise b) Les caractéristiques du marché

4 – Un exemple de stratégie d’entreprise : la société El Corte Ingles

Chapitre 9 – La mise en œuvre des stratégies 1 – La croissance interne 2 – La croissance externe

■ ■

Les modalités juridiques de la croissance externe Les avantages et inconvénients de la croissance externe

86 86 88 88 90 91 91 92 92 93 93 94 94 94 95 95 96

96

99 99 99 100 101

3 – Le désengagement

102

4 – Le partenariat

103

■ ■

Les types de partenariat et d’alliances Les facteurs de réussite du partenariat

103 104

SOMMAIRE

9

4

La mise en œuvre de la stratégie par l’organisation Chapitre 10 – Les différentes structures des organisations 1 – Les facteurs de choix des structures

■ ■

Les approches théoriques de l’entreprise et des modes de gestion Les facteurs qui influencent la structure des organisations a) La stratégie b) L’environnement c) La taille d) La technologie e) La culture

2 – La description des structures des organisations

■ ■ ■ ■ ■

structure structure structure structure structure

109 109 112 112 112 112 113 113

114

personnalisée fonctionnelle centralisée divisionnelle décentralisée matricielle de l’entreprise multinationale

114 115 116 116 117

3 – Le cas particulier de l’internationalisation de l’entreprise

119

■ ■

La La La La La

109

Le début de l’internationalisation des structures Les autres étapes de l’internationalisation

4 – Un exemple, le cas McDonald’s

Chapitre 11 – La stratégie et la gestion des ressources humaines 1 – Le commandement



La source de l’autorité a) L’autorité statutaire

119 120

123

125 125 125 126

L’ESSENTIEL

10

■ ■

DE LA

STRATÉGIE

DES ORGANISATIONS

b) L’autorité sapientiale c) L’autorité personnelle

126 126

Le pouvoir a) Le statut de l’individu b) La représentation à des postes de pouvoir c) Les symboles du pouvoir

126 126 127 127

Le style de direction

127

2 – Les motivations des subordonnés

■ ■ ■

L’analyse selon les besoins

128

L’analyse de McGregor

128

Le choix du style de direction a) Les facteurs du choix b) Le problème de la communication

129 129 130

3 – La gestion des hommes

■ ■

133

Les attentes des parties prenantes

134

1 – Les objectifs de la fonction financière

■ ■ ■



133

La notion de gouvernement d’entreprise

Chapitre 12 – Les aspects financiers de la stratégie



128

137 137

La fonction financière dans l’organisation a) La décision d’investissement b) La décision de financement

137 137 138

L’objectif financier des entreprises

138

La théorie de l’agence

139

La gouvernance d’entreprise a) Les directeurs et le conseil d’administration b) La rémunération des dirigeants c) Les relations avec les actionnaires d) La comptabilité

139 139 140 140 140

La planification stratégique et la valeur de l’entreprise

140

SOMMAIRE 2 – Les fusions et les restructurations

■ ■ ■

Les fusions et restructurations au début du XXIe siècle Les raisons d’une OPA La réorganisation de l’entreprise

Bibliographie

11

140 141 142 144

145

INTRODUCTION

Le terme stratégie dont l’existence remonte au moins à l’Antiquité et qui, à l’origine, est un terme militaire fait dorénavant partie du vocabulaire courant des Sciences de gestion. Ayant concerné pendant longtemps l’analyse externe des organisations, il tend de plus en plus à s’étendre à l’analyse interne. En effet, les deux orientations sont totalement indissociables et, en fait, sont complémentaires même si, comme l’ont montré Helfer, Kalika et Orsoni (2006), la démarche externe correspond à des périodes de développement des marchés et la démarche interne à des périodes de crise. La vie des organisations est caractérisée par la permanence de la prise de décisions. Il est courant depuis Ansoff (1960) de les classer en décisions stratégiques, c’est-à-dire relatives à la définition des grands axes de développement, en décisions administratives, c’est-à-dire concernant la structure et la gestion des ressources, et en décisions opérationnelles, c’est-à-dire portant sur l’exploitation courante. Toutes ces décisions s’appliquent à la résolution de problèmes différents et prennent en compte des facteurs quantitatifs et qualitatifs. Certaines sont programmables, d’autres ne le sont pas. Certaines sont prises par des individus, d’autres par une collectivité. Certaines sont, comme l’a montré Anastassopoulos (1985), des décisions anticipées ou prises dans la durée sans urgence ; d’autres sont des décisions émergentes, c’est-à-dire adaptés à un

14

L’ESSENTIEL

DE LA

STRATÉGIE

DES ORGANISATIONS

contexte ; enfin, d’autres sont occurrentes, c’est-à-dire prises brutalement en réaction à un événement. Nous nous intéresserons dans cet ouvrage aux seules décisions stratégiques au sens de Ansoff et nous les étudierons dans le cadre général des organisations. Ce terme générique inclut les entreprises publiques ou privées, auxquelles nous nous référerons en priorité, mais aussi toutes les autres communautés d’hommes comme les associations, les églises, les syndicats et les administrations. Le processus de décision stratégique comprend plusieurs étapes. La première consiste à effectuer un diagnostic stratégique de l’organisation. Celui-ci peut être mené à un niveau global, celui de l’entreprise ou de l’organisation en général, ou au niveau des domaines d’activité stratégique (DAS). Une fois ce diagnostic effectué, il est procédé à une analyse du portefeuille d’activités dans le cas d’une étude globale de l’organisation ou à une analyse par DAS. Celles-ci donnent naissance à une synthèse sur les plans financier, opérationnel et stratégique qui aboutira à la définition des orientations stratégiques au niveau de l’organisation et/ou des DAS. Enfin la mise en œuvre stratégique puis opérationnelle, avec leurs implications organisationnelles, concluent ce processus. C’est à partir de ce processus que le plan de cet ouvrage a été bâti. Après avoir présenté dans une première partie ce qu’est la stratégie en ce début de XXIe siècle, nous décrirons dans une deuxième partie en quoi consiste le diagnostic stratégique. Dans cette logique, la troisième partie de l’ouvrage s’intéressera aux différents types de stratégies pouvant être menées. Enfin, une quatrième partie montrera comment les organisations peuvent mettre en œuvre leur stratégie par la combinaison adéquate de leurs ressources humaines et financières.

PARTIE 1

La stratégie au

Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3

e

XXI

siècle

Les concepts utilisés en stratégie des organisations Les écoles de pensée en stratégie des organisations L’organisation face aux mutations de l’environnement

17 23 29

Le concept de stratégie a considérablement évolué au fil des ans. Il en résulte des conséquences au niveau des organisations quelles qu’elles soient. C’est pourquoi nous consacrerons cette première partie au rappel des concepts utilisés en stratégie (chapitre 1) avant de présenter l’évolution de la pensée en stratégie (chapitre 2) et d’analyser les mutations récentes de l’environnement auxquelles toute organisation se trouve confrontée en ce début de XXIe siècle (chapitre 3).

Les concepts utilisés en stratégie des organisations L’objectif de ce premier chapitre est de familiariser le lecteur avec les concepts et le vocabulaire que l’on emploie dans les organisations. Celles-ci sont, a priori et le plus souvent dans cet ouvrage, des entreprises privées et aussi publiques, mais également des syndicats, des associations, des organisations gouvernementales ou non gouvernementales (ONG). Nous nous efforcerons dans un premier temps de définir le concept de stratégie, puis d’analyser celui de management stratégique.

CHAPITRE

1

1 La définition de la stratégie La stratégie est tout d’abord un terme militaire ; il a été tardivement étendu à différentes disciplines.

■ Un concept militaire Le terme stratégie est issu du verbe grec « stratego » qui signifie planifier la destruction de ses ennemis au moyen d’un usage efficace des ressources dont on dispose. À Athènes, le stratège était l’un des personnages les plus importants de la cité tout en étant lui-même élu chaque année et susceptible, selon l’historien grec Thucydide, d’être destitué, voire condamné à une amende ou, même, à mort. Le terme a connu par la suite une extension : on l’utilise pour désigner l’emploi de moyens matériels ou humains ou pour désigner un ensemble d’actions coordonnées entreprises pour atteindre un objectif. On parlera ainsi de stratégie électorale.

18

L’ESSENTIEL

DE LA

STRATÉGIE

DES ORGANISATIONS

Ce sont Von Neumann et Morgenstern (1947) qui ont utilisé pour la première fois le concept de stratégie en gestion lors de l’introduction de la théorie des jeux. Chandler (1962) a généralisé l’emploi de ce terme qui fait dorénavant partie du langage courant.

■ Les dimensions de la stratégie Le concept de stratégie est un concept très riche et l’on peut distinguer plusieurs dimensions de la stratégie. Pour Mintzberg (1987), le terme désigne un plan consciemment défini, une manœuvre, un ensemble de comportements cohérents dans le temps, la localisation d’une organisation dans son environnement ou une manière de percevoir le monde. Desrumaux (1993) distingue de son côté deux dimensions de la stratégie : – la stratégie comme positionnement : il s’agit de définir le cadre de fonctionnement de l’organisation. On oppose les décisions qui fondent la stratégie à d’autres catégories de décisions. Ansoff (1965) distinguait par exemple les décisions opérationnelles, stratégiques et administratives ; – la stratégie en tant que perspective : on considère ici la stratégie comme logique sous-jacente des interactions entre l’organisation et son environnement. La stratégie donne par conséquent un sens à l’organisation, sens visible à la fois par ses membres et par les acteurs extérieurs. Elle donne la direction à suivre conformément à la phrase célèbre du philosophe romain Sénèque : « il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il veut aller ». Sur le plan pratique, la stratégie se rapporte aux orientations à long terme de l’organisation, en se souvenant qu’au XXIe siècle la notion de long terme varie selon les secteurs d’activité ainsi que nous le verrons par la suite. La décision stratégique aura pour objectif, dans une entreprise, l’obtention d’un avantage concurrentiel face aux autres acteurs du secteur : positionnement favorable face aux concurrents ou aux fournisseurs. La décision concerne le choix du périmètre d’activité de l’organisation : périmètre géographique (internationalisation versus spécialisation nationale) ou gamme de produits (diversification versus concentration). Elle implique que les ressources humaines, financières, technologiques, commerciales ou relationnelles seront allouées de façon inégale entre les différentes activités (domaines d’activité stratégique DAS) de l’organisation. L’allocation résulte des valeurs et des attentes des acteurs qui sont susceptibles d’exercer un pouvoir sur cette organisation. On peut enfin distinguer trois interprétations du terme stratégie : la stratégie voulue représente l’expression de l’orientation planifiée par les dirigeants. La stratégie réalisée a été effectivement

CHAPITRE 1 – Les concepts utilisés en stratégiedes organisations mise en place. Quant à la dérive stratégique, elle est une inadaptation progressive de la stratégie à l’évolution de l’environnement.

■ Les questions posées à la stratégie La stratégie peut être assimilée à un positionnement multidimensionnel d’une organisation. On peut la définir en répondant à trois questions résumées de façon simple par les interrogations élémentaires : Pourquoi ? Quoi ? Comment ?

a) Pourquoi ? La réponse à cette question aboutit à la définition de la mission ou de la vocation de l’organisation. Le pourquoi exprime la manière dont les dirigeants vont répondre aux interrogations suscitées par la remise en cause elle-même de l’existence de l’organisation : qui sommes-nous, que devrait être l’organisation à une certaine échéance ?

b) Quoi ? La réponse à cette question permet de définir les buts de l’organisation. Ce sont les intentions qui sous-tendent l’action, les aspirations relatives au positionnement externe de l’organisation sur un horizon temporel non défini nécessairement conformément à la célèbre phrase du général de Gaulle (1940) : « la bataille est perdue, mais pas la guerre ». On distinguera, dans la terminologie utilisée, les buts des objectifs. Les premiers sont, bien entendu, le profit pour l’entreprise, mais aussi la responsabilité sociale, par rapport au développement durable par exemple, ou les valeurs défendues pour une ONG. Les objectifs représentent les résultats que se fixe l’entreprise sur un horizon donné (augmentation de la rentabilité...).

c) Comment ? La réponse à cette interrogation va permettre de définir la stratégie dans le sens étroit du terme. Pour Thiétart (1984), « la stratégie est l’ensemble des décisions et actions relatives au choix des moyens et à l’articulation des ressources en vue d’atteindre un ensemble de buts et d’objectifs ». Ce choix est soumis à des contraintes politiques que Capet, Causse et Meunier (1985) définissent comme « l’expression des attitudes envers les différents acteurs avec lesquels l’entreprise entretient des relations ».

19

L’ESSENTIEL

20

DE LA

STRATÉGIE

DES ORGANISATIONS

Saloner, Shephard, Polodny (2001) ont reformulé ces questions pour tenir compte de l’environnement actuel de la pensée. Pour eux, le choix stratégique est fonction de quatre questions : – que pourrais-je faire ? : question qui a pour but de prendre en compte l’environnement ; – que dois-je faire ? : question qui permet d’inclure l’aspect éthique ; – que puis-je faire ? : question qui concerne l’organisation elle-même ; – que veux-je faire ? : question de dernier ressort qui s’adresse directement aux dirigeants. Quant à Hafsi, Seguin et Toulouse (2000), ils introduisent deux concepts nouveaux dans l’analyse : – le concept de la finalité supérieure qui inclut les concepts de vision et de mission ; – le concept de la finalité spécifique : il permet de prendre en compte des éléments relatifs à l’identité actuelle et future de l’organisation ainsi que des contributions économiques et non-économiques que cette dernière souhaite apporter à son milieu.

2 Le management stratégique On peut en rappeler la définition avant de présenter les choix stratégiques offerts à l’organisation.

■ Définition Le management stratégique consiste à prendre des décisions dont l’impact s’avérera fondamental pour l’avenir de l’organisation et à s’assurer que la stratégie est effectivement bien mise en œuvre. Il a pour objet la gestion de la complexité provoquée par des situations ambiguës et non-routinières, ce qui le différencie du management opérationnel. Il inclut le diagnostic de la position de l’organisation, la prise de décisions déterminantes pour son avenir et la mise en œuvre de ces dernières. Selon Soparnot et Grandval (2005), il s’agit d’une activité plurielle qui se réfère : – aux méthodes d’analyse : elles permettent aux dirigeants de diagnostiquer le potentiel de l’organisation ainsi que les caractéristiques de leur environnement. Il devient ainsi possible d’aligner les ressources et les compétences internes dans une logique adaptative ou d’ajuster l’environnement ; – aux choix stratégiques grâce auxquels l’organisation se dote d’avantages compétitifs qu’elle sera à même de faire valoir sur les marchés à conquérir ; – à l’opérationnalisation de ces choix : ils donneront vie à la stratégie de façon à devenir une réalité quotidienne pour les acteurs et de façon à passer du stade des idées à celui des actes.

CHAPITRE 1 – Les concepts utilisés en stratégiedes organisations En ce qui concerne le premier point, l’environnement se décline selon plusieurs composantes : économique, politique, commerciale, sociale, culturelle, technologique pour l’essentiel. Certaines de ces composantes représentent des menaces tandis que d’autres représentent des opportunités. Les avantages compétitifs sont les ressources et les compétences de l’organisation. Elles permettent d’en fixer la capacité stratégique c’est-à-dire ses forces et ses faiblesses : ce qu’elle sait mieux ou moins bien faire que ses concurrents. On appelle « compétences fondamentales » les compétences qui apportent à l’organisation un avantage concurrentiel décisif.

■ Les choix stratégiques Bojin et Schoet (2005) écrivent que l’art de la stratégie consiste à rechercher dans chacun des domaines d’activités à l’intérieur desquels l’organisation se trouve présente la construction d’un avantage concurrentiel déterminant, c’est-à-dire décisif, durable et défendable. Il vise à donner à l’organisation une position unique grâce à ses avantages compétitifs et matérialise sa philosophie. À partir de ce constat, on peut, en suivant les auteurs, identifier quatre stratégies « classiques » sur lesquelles nous reviendrons : – la domination par les coûts grâce aux économies d’échelle, à la maîtrise de la technologie, à l’emploi d’une main-d’œuvre bon marché ou à la diminution des frais fixes. Il s’agit d’exploiter les leviers de compétitivité sur la chaîne de valeur : on identifie ainsi les étapes fondamentales de la création de valeur (conception du produit ou service, assemblage des composantes du produit...) et on recherche à chacune d’entre elles les facteurs de compétitivité qui fourniront un avantage en terme de coût (automatisation des procédés de production...) ; – l’identification des créneaux dans lesquels on peut bénéficier d’un avantage concurrentiel : on les appelle souvent les niches. L’objectif est d’éviter la concurrence directe ou d’utiliser des critères de découpage de marchés de produits banalisés, grâce à l’utilisation des circuits de distribution ou grâce à l’amélioration de la qualité ; la différenciation (sophistication au moyen de la marque...) peut s’avérer être un bon moyen de dominer le marché ; – l’apport d’une valeur supérieure au client. Cette valeur existe déjà ou est potentielle. Elle peut consister à aborder le marché à partir d’un concept nouveau comme l’emballage ; – la déstabilisation du marché à son profit par l’intégration ou par l’adoption de nouvelles technologies...

21

22

L’ESSENTIEL

DE LA

STRATÉGIE

DES ORGANISATIONS

Il est commode, lorsqu’on se concentre sur la stratégie des grandes entreprises, de distinguer deux niveaux de choix de la stratégie : – le niveau de l’entreprise : on définit à ce niveau le périmètre d’activités, les relations entre les domaines d’activité stratégique, l’utilisation des synergies pouvant exister entre eux, l’allocation des ressources financières ; – le niveau des domaines d’activité stratégique (DAS) : il s’agit ici de définir les fondements, tant internes qu’externes, de l’avantage concurrentiel et d’identifier les économies d’échelle susceptibles d’être obtenues. Les choix prendront en compte les modalités possibles du développement (croissance interne...).

Les écoles de pensée en stratégie des organisations Les années d’après-guerre ont vu l’éclosion de nombreuses écoles de pensée. La plupart sont nées aux États-Unis et sont d’inspiration militaire ou sociologique. Nous les présenterons dans une première section avant de préciser en quoi consiste le cadre général de la démarche stratégique.

CHAPITRE

2

1 Les trois tendances de la pensée en stratégie Nous suivons ici la classification de Mintzberg, Ahbstrand et Lampel (2000) qui distinguent dix écoles regroupées en trois tendances.

■ Les écoles à orientation normative On peut en distinguer trois : – l’école de la conception exprime un point de vue sur le processus d’élaboration de la stratégie. Son objectif est de faire correspondre les différentes capacités intérieures à l’entreprise aux opportunités extérieures, en fait l’environnement. L’analyse SWOT (voir page 61) en représente une application ; – l’école de la planification analyse les procédures formelles des activités opérationnelles. Ansoff (1965) en est un des plus célèbres représentants ; – l’école du positionnement dont Porter est le chef de file exprime qu’un petit nombre de stratégies clés peuvent être en réalité mises en pratique. Elle propose trois stratégies génériques : la domination par les coûts, la différenciation et la construction d’un créneau. En outre, cette école énonce que l’élaboration de la stratégie est un processus intentionnel et rationnel clairement énoncé avant d’être mis en œuvre.

24

L’ESSENTIEL

DE LA

STRATÉGIE

DES ORGANISATIONS

■ Les écoles à orientation descriptive On peut regrouper sous cette rubrique six écoles : – l’école entrepreneuriale met l’accent sur le fait que l’élaboration de la stratégie est un processus visionnaire lié à la personnalité du dirigeant. Il s’agit d’une conception personnalisée de la stratégie qui insiste sur l’intuition, les mécanismes de pensée, l’esprit d’entreprise, l’expérience et la perspicacité des managers ; – l’école cognitive insiste sur le fait que l’élaboration de la stratégie est un processus mental. Pour elle, la stratégie est une véritable interprétation du monde. Il en résulte que cette école s’intéresse à l’esprit et au cerveau de l’homme ; – l’école de l’apprentissage énonce que l’élaboration de la stratégie est un processus émergent. Elle cherche, par conséquent, à identifier comment les stratégies se forment réellement dans les organisations. Ceci conduit à faire la distinction, que nous retrouverons par la suite, entre stratégie formalisée et stratégie émergente. Par ailleurs, cette école met en exergue la nécessité de l’apprentissage individuel et collectif ; – l’école du pouvoir prend pour hypothèse que l’élaboration de la stratégie résulte d’un processus de négociation à deux niveaux : • le micropouvoir représente ce qui caractérise le jeu politique à l’intérieur de l’organisation, • le macropouvoir est l’usage que l’organisation fait du pouvoir pour modifier les règles du jeu ; – l’école culturelle postule que l’élaboration de la stratégie est un processus collectif. L’exemple des entreprises japonaises dans les années 1980 fournit une justification empirique au postulat : la culture des entreprises japonaises est marquée par la culture du Japon ; – l’école environnementale affirme que la stratégie représente un processus de réaction face à un environnement qui est tout puissant. La stratégie constitue dans ces conditions un processus réflexe.

■ L’école de la configuration Selon cette dernière école, dont les principaux représentants sont Miller et Mintzberg, la stratégie s’élabore selon deux axes : – la description des états de l’entreprise et de son contexte ; – la description du processus d’élaboration de la décision en tant qu’il représente une transformation. L’élaboration de la stratégie permet le passage d’un état à un autre.

CHAPITRE 2 – Les écoles de pensée en stratégiedes organisations

2 Le cadre général de la démarche stratégique Il a été donné à l’origine par la pensée stratégique militaire avant d’être adapté à l’économie puis à l’entreprise.

■ L’origine de la pensée stratégique Il est d’usage de faire remonter, en Occident pour le moins, l’origine du discours scientifique de la guerre, et, par là même l’origine du discours stratégique, à Machiavel (L’art de la guerre, 1520). Pour lui, la mort ou la vie de l’État dépend de l’issue du combat. C’est cependant l’ouvrage de Carl von Clausewitz (1780-1831), De la guerre, qui demeure la première grande synthèse théorique de la guerre. Tirée de l’expérience napoléonienne, elle pose le lien entre le but stratégique (désarmer l’adversaire) et la fin politique (contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté). Dans le prolongement de cette analyse, l’auteur suisse Jomini, un employé de banque qui servit dans l’armée de Napoléon, tenta de théoriser la stratégie dans son ouvrage Précis de l’art de la guerre (1838) : il pensait que l’esprit humain était capable de rationaliser, de « géométriser », la guerre. L’expérience militaire permet de distinguer les stratégies offensive et défensive. La stratégie offensive peut être dans sa forme extrême une stratégie d’anéantissement de l’adversaire (en gestion ce sera l’OPA) ou, plus généralement, une stratégie à but limité : il s’agit de faire céder l’adversaire sans rompre un équilibre général. C’est l’objet d’une stratégie de différenciation dans le cas d’une entreprise. Autre stratégie offensive, la stratégie d’usure ou d’attrition cherche à épuiser les ressources et le moral des adversaires. Le débauchage des cadres dirigeants en est une illustration. Enfin, la stratégie de persuasion a pour objet d’obtenir la soumission de l’adversaire sans engager ses propres forces (guerre de communiqués par exemple). La stratégie défensive vise à décourager l’adversaire de prendre ou de poursuivre l’offensive. C’est la dissuasion chère à la France du général de Gaulle des années 1960 et l’application de l’adage romain : « Si vis pacem, para bellum ». L’idée est qu’aucun enjeu ne justifie le risque pris.

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■ La démarche stratégique des organisations Le général Fievet (1993) tirait de son expérience militaire le cadre général de la démarche stratégique à suivre par les organisations. On peut la résumer ainsi : – connaître l’histoire de l’entreprise et de son secteur d’activités ; – définir les principes sur lesquels s’appuient respectivement les cultures de l’entreprise et de l’industrie ou du secteur économique auquel elle appartient ; – prévoir l’avenir au moyen d’une démarche prospective : on établit ainsi des scenarii ; – édifier l’avenir au moyen d’une démarche créative. De leur côté, Saloner, Shepard et Polodny (2001) définissent quatre principes sur lesquels devra s’appuyer la démarche stratégique : – pour eux, la pensée stratégique est plus importante que la planification stratégique ; – la stratégie est un énoncé de fins et de moyens ; – la définition de la stratégie est un processus créatif ; – la stratégie n’est pas l’apanage des dirigeants ; – la structure organisationnelle et la stratégie sont ordonnées l’une par rapport à l’autre ; – la stratégie et sa mise en œuvre varient au fil des imprévus. Dans ces conditions il est possible de caractériser l’élaboration de la stratégie. Elle suit, selon Johnson et Scholes (2000), trois voies : – la stratégie voulue qui résulte de la volonté des dirigeants de l’organisation ; – la stratégie imposée par l’environnement au sens large (la législation par exemple) ; – la stratégie en tant que résultante de processus culturels et politiques dans le sens où le terme « politique » a été défini dans le premier chapitre. À cette classification, on peut ajouter le concept de stratégie émergente introduit par Mintzberg (1994). C’est celle qui est définie mais dont l’application peut être bloquée au sommet de l’entreprise, par les actionnaires notamment. Avenier (1997) pour sa part proposait une classification sensiblement différente. Il distinguait en effet : – la stratégie délibérée : elle résulte d’un plan intentionnel et possède un caractère normatif ; – la stratégie émergente : elle est une forme résultant des actions menées dans l’entreprise ; – la stratégie tâtonnante : ici l’élaboration et la mise en place de la stratégie reposent sur l’accomplissement d’actions concertées dans des situations émergentes. Il en résulte des

CHAPITRE 2 – Les écoles de pensée en stratégiedes organisations ajustements constants et, éventuellement, des retours en arrière. On retrouve une approche peu éloignée de ce que l’on appelle l’approche incrémentale. La stratégie peut, dans ces conditions, être considérée comme la résultante de processus différents. Hax (1990) en considérait trois : – le processus cognitif individuel qui permet de comprendre l’environnement et qui permet d’en connaître les ressources ; – le processus social et organisationnel qui rapproche les points de vue et suscite l’engagement grâce à la communication interne. Il permet l’obtention d’un consensus ; – le processus politique qui s’occupe du maintien et du transfert du pouvoir dans l’organisation. On peut, à ce stade, introduire les concepts d’information et de connaissance. La théorie américaine fondée sur les ressources (resource-based theory) met l’accent sur l’importance de l’information et sur la capacité à l’analyser et à l’interpréter. L’information constitue une ressource comme une autre et ces ressources peuvent procurer un avantage réel si l’organisation est capable de les transformer en services qu’elle pourra vendre (Wernerfelt, 1986). L’autre composante fondamentale de la stratégie est la connaissance. La théorie fondée sur la connaissance (knowledge-based theory) est une synthèse d’approches théoriques différentes de l’entreprise dans laquelle la connaissance tient un rôle de premier ordre. Elle explique pourquoi une entreprise peut obtenir une position concurrentielle favorable. La théorie considère que la connaissance et sa transmission sont fondamentales pour l’organisation. Elle introduit en outre les notions de : – connaissance explicite, dont la transmission est aisée grâce aux livres et instructions ; – connaissance tacite, qui résulte de l’expérience des individus et qui est difficilement transmissible. En conclusion, on peut souligner la nécessité de la mise en place d’une stratégie cohérente. Cette cohérence apparaît à quatre niveaux : – la cohérence externe : il doit exister une cohérence entre la stratégie de l’organisation et son environnement ; – la cohérence interne : il doit y avoir une cohérence entre la stratégie et les ressources de l’organisation, en termes de compétences et de technologie notamment ; – la cohérence entre la stratégie adoptée et les valeurs des décideurs. Cet aspect est particulièrement important pour des organisations telles que les églises ou les syndicats ; – la cohérence temporelle par rapport aux contraintes imposées par, dans le cas des compagnies multinationales et transnationales, le droit international public et privé.

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L’organisation face aux mutations de l’environnement Le développement de la mondialisation qui s’accompagne de questionnements sur le bien-fondé de l’idéologie libérale a des conséquences sur les stratégies des organisations. Les entreprises, qu’elles soient des PME-PMI ou des transnationales doivent en tenir compte. C’est pour cette raison que nous consacrerons les pages qui suivent au problème du dualisme de l’économie mondiale, à celui du développement durable et au phénomène de la constitution de blocs régionaux ce qui nous conduira à parler de l’Union européenne.

CHAPITRE

3

1 Le dualisme de l’économie mondiale L’examen des statistiques relatives au commerce international met en évidence un phénomène anormal : certains montants monétaires correspondant aux exportations d’un pays n’ont aucune contrepartie dans les importations des autres pays. Cette irrégularité, parfois surnommée « le trou noir » et dont le montant représente chaque année plusieurs milliards d’euros, est en grande partie liée à l’existence de l’économie souterraine ou informelle.

■ Définition de l’économie informelle L’organisation internationale du travail (OIT) définit l’économie informelle comme un secteur dont la logique de production diffère de celle de l’ensemble de l’économie. Elle inclut un ensemble d’activités menées par des individus dont l’objectif est d’assurer la survie d’un groupe (famille...). Une autre approche consiste à définir l’économie informelle comme l’ensemble des activités irrégulières qui ne satisfont pas aux normes fiscales et à la législation imposée par le droit commercial ou le droit civil.

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Le secteur informel est organisé autour de trois ambiguïtés : – l’hétérogénéité des activités ; – l’impossibilité de mettre en relation biunivoque les emplois informels, les activités informelles et les entreprises informelles ; – la non-correspondance entre le secteur informel et une thématique économique. Dans la réalité, l’expression « économie informelle » ou « économie souterraine » regroupe quatre grands types d’activités (Feige, 1997) : – les activités illégales dont la totalité des gains provient d’activités qui enfreignent les lois relatives au commerce. On trouvera ici le trafic de drogues, le marché noir, la prostitution ; – les activités non déclarées qui sont l’ensemble des activités économiques qui échappent à la taxation et à la fiscalité (fraude fiscale) ; – les activités non-enregistrées qui sont les activités économiques qui s’excluent du cadre statistique permettant de les inclure dans les statistiques nationales ou internationales (PIB, balance commerciale...) ; – les activités informelles se soustrayant aux obligations légales relatives au droit du travail ou à la protection sociale par exemple (volontariat, employés de maison non déclarés...). La place de l’économie souterraine, bien que variant selon les pays, demeure à un niveau élevé et a tendance à s’accroître avec la mondialisation des échanges (Radulescu, 2007). Elle représenterait : – environ 43 % du produit national brut du continent africain (PNB) ; – environ 30 % du PNB du continent asiatique (15 % du PNB chinois) ; – environ 42 % du PNB des pays d’Amérique latine (42 % du PNB brésilien et 32 % du PNB mexicain) ; – environ 15 % du PNB des pays membres de l’OCDE (8 % du PNB américain, 13 % du PNB français) ; – environ 40 % du PNB des pays de l’ancienne Union Soviétique et des pays de l’Europe de l’Est.

■ Les conséquences du phénomène de l’économie informelle La majorité des entreprises « licites » doit prendre en compte ce phénomène dans l’élaboration de sa stratégie dans la mesure où le secteur informel constitue un facteur qui fausse la concurrence, en particulier dans les pays en développement. L’évasion fiscale (36 % des activités illégales) procure un avantage financier évident. L’existence de paradis fiscaux, mentionnée à l’époque de la Grèce antique, n’est guère nouvelle. Ils offrent des avantages en termes fiscaux mais également la garantie du secret bancaire, la liberté des changes, des systèmes bancaires efficaces...

CHAPITRE 3 – L’organisation face aux mutationsde l’environnement Le non-respect des législations sociales ou du droit du travail permet l’obtention d’avantages en termes de coûts et de flexibilité de l’emploi. La délocalisation peut permettre d’en bénéficier. Dans le secteur du transport maritime, le recours aux pavillons de complaisance permet de bénéficier de tels avantages : le Liberia, qui possède la première flotte commerciale au monde, n’a signé aucune convention internationale dans le domaine maritime et n’impose aux sociétés aucune contrainte d’ordre fiscal ou social.

2 Le développement durable

■ Définition Les Nations unies le définissent comme « le développement capable de satisfaire le présent sans mettre en cause la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins » (Résolution de l’Assemblée générale 42/187, 11 décembre 1987). La déclaration de Rio de Janeiro indiquait les trois composantes du développement durable : environnement dans son acceptation écologique, société et économie. C’est dans ce cadre que s’est formée depuis deux décennies une législation souvent complexe et relative au respect de l’environnement, de la personne humaine et des espèces animales en voie de disparition. Cette législation qui est une composante du droit international public est opposable aux personnes morales publiques ou privées. Elle comprend des conventions internationales opposables aux États signataires et des conventions bilatérales. Cette législation doit être prise en considération par les entreprises internationales : droit maritime, droits de l’homme...

■ Les conséquences pour l’entreprise Elles sont juridiques. L’entreprise fautive peut être condamnée à des amendes et au versement de réparations (Total...). Outre les conséquences financières, l’impact sur l’image de l’entreprise peut être important. Les contraintes générales qui s’imposent aux entreprises internationales sont notamment (Micheli, 2008) : – l’obligation de respecter les législations locales ; – contribuer par leurs investissements à l’amélioration de l’habitat humain, au développement des processus de production, à la protection de l’environnement (terre, air, fleuves, mers...) et à toute autre action permettant d’améliorer les conditions de vie des individus.

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Ces principes visent à protéger les populations des pays les plus défavorisés des effets négatifs du libéralisme. Les secteurs de l’agriculture et du textile font l’objet d’une protection juridique particulière. Sur le plan financier, le concept d’investissement socialement responsable (ISR) a été introduit par divers fonds d’investissement voici quelques années. Il rassemble les démarches d’intégration des critères extra-financiers aux différents modes de gestion financière selon la définition de Novethic. Un investissement sera dit socialement responsable s’il est effectué dans des entreprises qui respectent trois critères : – critère environnemental : impact direct ou indirect de l’entreprise sur l’environnement (pollution, consommation d’eau excessive...) ; – critère social : impact direct ou indirect de l’entreprise sur les parties prenantes (respect du droit de l’homme, du travail...) ; – critère de gouvernance : relations entre les managers et les actionnaires par exemple.

3 L’intégration régionale La seconde moitié du XXe siècle a été caractérisée par la poursuite des tentatives d’intégration régionale : Association de libre-échange nord américain (ALENA), Mercosur, etc. Ce sont le plus souvent des zones d’échange (ALENA). Seule l’Union européenne prétend être, à ce jour, une union politique. Son existence a des conséquences importantes pour les entreprises du fait de la nouvelle législation qu’elle impose et de son importance économique sur la planète.

■ Les institutions de l’Union européenne a) Le Conseil européen Il comprend les chefs d’État ou de gouvernement des États membres ainsi que le président de la Commission. Il se réunit au moins deux fois par an sous l’autorité du président du Conseil européen élu pour une période de deux ans et demi. La présidence tournante du Conseil est maintenue, ce qui signifie que la présidence du Conseil n’est pas détenue par un président unique mais est exercée par le gouvernement d’un État membre dans son ensemble. Le président du Conseil européen assure à son niveau et en cette qualité la représentation extérieure de l’Union européenne sans préjudice des compétences du ministre des Affaires étrangères de l’Union. Ce dernier, nommé par le Conseil européen avec l’accord du président de la Commission, conduit la politique étrangère et de sécurité commune.

CHAPITRE 3 – L’organisation face aux mutationsde l’environnement Le Conseil européen définit les priorités politiques générales mais n’a pas de fonction législative. Il statue à la majorité personnes.

b) La Commission Ses membres, un président, un vice-président, le ministre des Affaires étrangères et treize commissaires sont désignés par les gouvernements des pays puis soumis à approbation par le Parlement européen. Le président est responsable devant le Parlement européen des activités des commissaires. La Commission prépare les directives européennes et le budget de l’Union. Elle élabore également les textes nécessaires à l’application des dispositions des traités et gère les crédits d’intervention communautaire. Elle dispose d’une imposante administration à caractère multinational qui comprend plus de 13 000 personnes.

c) Le Conseil des ministres Il est constitué par un ministre de chaque État membre, qui est différent selon les questions traitées. Il fonctionne en relation étroite avec la Commission. Le Conseil remplit des tâches variées : il arrête, après proposition de la Commission, les règlements, les directives et les décisions européens. Chaque État dispose d’un nombre de votes en fonction de son poids démographique. Les décisions sont prises à la majorité qualifiée ou, exceptionnellement, à l’unanimité.

d) Le Parlement européen Ses membres, dont le nombre par pays est fonction de leur poids démographique respectif, sont élus dans chaque État membre au suffrage universel direct pour une durée de cinq ans. Le Parlement a un rôle de contrôle politique sur la Commission dont il approuve la nomination et qu’il peut obliger à démissionner (motion de censure). Il peut poser des questions à la Commission et au Conseil, constituer des commissions d’enquêtes ; il dispose d’un droit de blocage sur les décisions du Conseil. Il adopte en accord avec le Conseil et sur proposition de la Commission les textes communautaires. Il adopte ou rejette le budget.

e) La Cour des comptes Elle assure le contrôle des recettes et des dépenses de l’Union et est la garante de la bonne gestion financière.

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f) La Cour de Justice Elle comprend un juge par État membre. Elle assure l’application de la Constitution européenne et le respect du droit dans son interprétation. Elle statue sur les recours introduits par un État, une institution ou des personnes physiques et morales.

■ La politique économique et monétaire commune a) Le Traité de Maastricht (1992) Il instaure une coordination étroite de la politique économique des États membres en respectant le principe de la libre concurrence. Il prévoit en outre l’instauration d’une monnaie unique et le respect des principes directeurs suivants : stabilité des prix, balances des paiements équilibrées, déficits budgétaires des États limités. L’Union monétaire, avec sa monnaie unique l’euro, a été créée par une partie des membres de l’Union européenne (15 à l’origine) qui le souhaitaient. L’euro est géré par le Système européen des Banques centrales (SEBC) qui comprend la banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales des États membres. La BCE est indépendante tout comme aux États-Unis la Réserve fédérale (FED). En revanche, la coordination des politiques économiques des États membres s’effectue dans le cadre du Conseil « Ecofin » où siègent les ministres de l’Économie et des Finances de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Les délibérations d’Ecofin font suite à la réunion d’un Conseil de l’Euro qui réunit les seuls ministres des États membres de la zone euro.

b) La Banque européenne d’investissement (BEI) Sa création est antérieure à celle de l’Union européenne. Elle contribue, avec le Fonds européen de développement (FED) au financement d’investissements dans les régions de l’Union les plus défavorisées. Après s’être portées sur le sud de l’Italie, l’Auvergne, puis l’Espagne, ses actions ont ensuite bénéficié en priorité aux Pays d’Europe centrale et orientale (PECO) entrés plus récemment dans l’Union. Les financements accordés par l’intermédiaire du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds européen d’orientation et de développement agricole (FEOGA) et du Fonds social européen (FSE) complètent le système d’aides de la BEI et du FED. La coopération entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), pour la plupart des anciennes colonies, constitue un pilier important de l’action de l’UE. Deux mécanismes ont été introduits pour stabiliser les recettes d’exportation des pays ACP : le STABEX pour les matières premières et le SYSMIN pour les produits miniers. L’Union

CHAPITRE 3 – L’organisation face aux mutationsde l’environnement européenne fournit également des aides financières, sous la forme de dons et de prêts à des conditions privilégiées, aux pays ACP Il existe aussi des accords privilégiés avec les pays méditerranéens d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient et des accords d’Union douanière avec certains États susceptibles d’intégrer l’Union dans le futur.

■ Les entreprises et l’Union européenne La stratégie des entreprises doit prendre en compte l’Union européenne en raison de l’attrait de son marché et de ses ressources financières ainsi qu’en raison de son cadre juridique favorable à l’entreprise privée.

a) Le marché et les ressources de l’Union européenne Le marché potentiel de l’Union regroupe plus de 300 millions d’habitants aux revenus comptant parmi les plus élevés de la planète. Son existence est fondée sur la libre circulation des travailleurs, ce qui la différencie de l’ALENA où la libre circulation ne s’applique qu’aux marchandises, sur la liberté d’établissement, ainsi que sur la libre prestation de services et sur l’interdiction des restrictions aux mouvements de capitaux. L’objectif étant évidemment de créer un système concurrentiel, des règles sont fixées afin d’organiser cet espace. C’est la Commission qui est chargée de les rédiger : – interdiction des « mauvaises ententes entre les entreprises », c’est-à-dire d’ententes dont l’objet serait de fausser le jeu de la concurrence : fixation des prix d’achat ou de vente ; contrôle ou limitation de la production, des débouchés ou des investissements ; répartition des marchés et des sources d’approvisionnement ; application à des partenaires commerciaux de conditions inégales pour des prestations équivalentes ; subordination de contrats à l’acceptation de prestations supplémentaires sans liens avec celui-ci ; – surveillance des opérations de concentration susceptibles d’entraver la concurrence ; – surveillance des aides accordées par l’État. Le Traité de Rome distinguait (article 92) celles qui sont acceptables de celles qui ne le sont pas. Les secondes sont celles qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. En revanche, les aides destinées à favoriser le développement de régions défavorisées, les aides aux projets d’intérêt européen et les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine européen sont encouragées ; – harmonisation des législations fiscales, notamment celles portant sur les taxes sur les chiffres d’affaires, les droits d’accises et les autres impôts indirects.

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b) Le cadre juridique 1) L’Europe sociale Le Traité de Rome incluait un certain nombre d’articles intitulés « La politique sociale » et le Traité de Maastricht comprend un « accord annexe sur la politique sociale ». Il s’agit, en fait, d’un nombre de règles minimales relatives à une partie limitée de ce qu’on désigne couramment par champ social : – directives relatives à l’hygiène et à la sécurité sur le lieu de travail, au congé parental et au travail à temps partiel ; – plans nationaux de lutte contre le chômage de longue durée et des jeunes (1997). En réalité, il n’existe pas d’Europe sociale, chaque État ayant conservé la maîtrise du traitement de ses problèmes sociaux. Il en va d’ailleurs de même aux États-Unis où cette dernière relève pour l’essentiel des États.

2) La protection de l’environnement Il existe plus de 200 directives concernant la protection de l’environnement mais leur application est loin d’être réelle. En effet, elles sont souvent complexes, délicates à mettre en œuvre et coûteuses. Les principales directives concernent : – l’amélioration de la qualité de l’air pour réduire les émissions de soufre : commercialisation de l’essence sans plomb... ; – l’amélioration de la qualité des eaux : interdiction du rejet de substances dangereuses dans les eaux fluviales et eaux de mer ; – réduction des sources de bruit par l’introduction d’appareils moins sonores ; – amélioration de l’élimination des déchets ; – réglementation de l’utilisation de produits chimiques nocifs.

3) La recherche scientifique et technologique L’Union encourage en particulier les activités de recherche permettant d’accroître la compétitivité industrielle. Le Conseil définit des programmes-cadres pluriannuels qui fixent les objectifs et les modalités de participation financière de l’Union.

PARTIE 2

Le diagnostic stratégique

Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6

Le diagnostic interne Le diagnostic externe Les modèles de diagnostic stratégique

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Avant de décider de ses orientations stratégiques, l’organisation va devoir procéder à un diagnostic de sa situation présente. C’est, en effet, elle qui influencera en premier lieu les décisions qui détermineront la situation future. Ce diagnostic comprend deux composantes au demeurant indissociables : – le diagnostic interne ; – le diagnostic externe. Enfin, nous présenterons plusieurs modèles de diagnostic stratégique.

Le diagnostic interne

CHAPITRE

4

1 Les ressources de l’organisation On distingue souvent les ressources disponibles des ressources nécessaires et des ressources uniques.

■ Les ressources disponibles On peut les regrouper en quatre rubriques : – les ressources immatérielles ou intangibles (intangible assets) : elles sont parfois délicates à mettre en évidence et, surtout, à évaluer. Ce sont les brevets, l’image de l’organisation et sa réputation, ses relations avec ses partenaires ; – les ressources physiques : ce sont par définition des ressources tangibles (tangible assets). Elles peuvent par conséquent être évaluées de façon comptable sachant que les méthodes d’évaluation sont nombreuses. On rencontrera dans cette rubrique les équipements, les bâtiments, les machines, le matériel de transport et le matériel de traitement de l’information ; – les ressources financières : on distingue souvent financement interne et financement externe : • le financement interne provient des apporteurs de fonds (partenaires, actionnaires). Ceux-ci sont intéressés par la rémunération des capitaux apportés (dividendes dans les sociétés anonymes), d’où un arbitrage à effectuer entre la distribution de dividendes et la mise en réserve du bénéfice. D’une manière générale, les pays de l’Europe continentale (Allemagne, France...) ont édicté des lois imposant l’existence de réserves obligatoires (5 % du montant

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du bénéfice jusqu’à ce que la réserve soit égale à 10 % du capital social dans les deux pays mentionnés). Les pays anglo-saxons, en revanche, laissent une complète liberté d’action aux assemblées générales pour décider de la distribution du bénéfice, même si la législation de certains États des États-Unis (Californie, New York...) apporte quelques restrictions, • le financement externe provient des banques et des pouvoirs publics. Les entreprises multinationales peuvent également bénéficier de prêts de la part d’organismes internationaux d’aide au développement, la Banque mondiale pour l’essentiel. Au sein de l’Union européenne, la Banque européenne d’investissement (BEI) propose des aides aux entreprises pour contribuer au développement des nouveaux membres, essentiellement les pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Ce financement prend la forme de prêts (obligations...), de prises de participation par exemple. Les garanties, comme celles offertes par la Compagnie française du commerce extérieur (COFACE), sont utiles pour l’entreprise exportatrice ou s’implantant à l’étranger ; – les ressources humaines : elles sont étudiées de façon quantitative et qualitative. Sur le premier point, il est nécessaire de connaître les effectifs ainsi que leur répartition par âge ou par catégorie socioprofessionnelle. Il est non moins essentiel de procéder à une étude qualitative qui prendra en compte la flexibilité et l’adaptabilité du personnel dans des situations de redéploiement ou d’internationalisation.

■ Les ressources nécessaires Elles permettent, au minimum, de se maintenir sur un domaine d’activité stratégique. La pression concurrentielle et le progrès technologique entraînent un déplacement de ce seuil minimal.

■ Les ressources uniques Elles expliquent l’avantage concurrentiel que possède l’organisation à une période donnée et sont très difficiles à obtenir par les concurrents. On les appelle parfois ressources de rente. C’est par exemple le fait pour un restaurant d’être localisé sur l’avenue des Champs-Élysées à Paris.

2 Les compétences fondamentales Les compétences représentent en général les capacités de l’organisation à déployer des ressources afin d’atteindre un objectif (Helfer, Kalika, Orsoni, 2006). Parmi elles, on peut en repérer certaines, distinctes, qui possèdent un caractère stratégique. Prahalad et Hamel (1990) les nomment compétences fondamentales.

CHAPITRE 4 – Le diagnostic interne

■ Les composantes des compétences On peut en distinguer quatre.

a) La rareté Certaines organisations dépendent de ressources qui existent en quantité limitée ; ce peut être : – des hommes : ainsi les équipes de coureurs cyclistes sont articulées autour d’un « leader » dont la défaillance remettrait en cause la formation ; – une licence : en France les chaînes de télévision se disputent l’exclusivité de la retransmission de la coupe de monde de football ; – une compétence qui n’a de valeur que dans une seule organisation : c’est le cas des systèmes servant à gérer des équipements industriels.

b) La complexité du savoir-faire Les compétences qui résultent de l’expérience collective sont souvent dispersées au sein de l’organisation, a fortiori lorsqu’elle est de grande taille ou internationale. Il en résulte qu’il faut porter une attention particulière à la gestion de ce partage des compétences et des connaissances.

c) La culture Les compétences sont fréquemment liées à la culture de l’organisation, celle-ci créant des schémas de pensée précis qui définissent ce qui est autorisé ou ce qui est licite. La culture induit certains comportements qui peuvent être difficilement modifiés même s’ils nuisent aux orientations stratégiques que prend l’organisation. On parle parfois de points de blocage. Le comportement basé sur le taylorisme est très difficile à éliminer.

d) Le savoir Le savoir, dans la mesure où il est correctement intégré, donne un avantage par rapport aux concurrents. On distingue dans la pratique : – le savoir explicite qui inclut les connaissances objectives. Elles sont codifiées et facilement transmissibles ; – le savoir tacite qui relève du domaine de l’individu. Il est difficilement transmissible. L’extériorisation (traduction de ce savoir en concepts explicites), l’intériorisation (transformation de ce savoir en routine organisationnelle) et la socialisation renforceront les compétences de l’organisation.

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■ Les compétences fondamentales et les facteurs clés du succès Les facteurs clés du succès sont les éléments stratégiques qu’une organisation doit maîtriser pour surpasser ses concurrents. L’existence de compétences fondamentales va permettre à l’organisation de détenir un ou plusieurs facteurs clés du succès (FCS). En effet, elles permettent la création d’une valeur supplémentaire pour le client. En outre, elles peuvent s’appliquer à d’autres produits ou services offerts par l’organisation et sont détenues durablement par elle. Afin de traduire ces compétences en facteurs clés du succès, il faut les expliciter de façon claire. Elles sont en effet souvent mal identifiables en raison de leur imbrication dans la routine quotidienne de la vie de l’organisation. Il importe donc de mener un diagnostic des compétences afin de la comparer aux concurrents. Cette comparaison peut consister en une comparaison historique ou en une comparaison avec les normes sectorielles. Le recours à l’étalonnage (benchmarking), outil de diagnostic externe, pourra l’enrichir.

■ L’importance de la chaîne de valeur La chaîne de valeur décrit les activités qui vont contribuer à l’obtention d’un avantage concurrentiel en proposant une offre que le client valorisera. Cet avantage provient de deux grands types d’activités : – les activités primaires ou principales : elles assurent l’offre de produits et/ou de services. Elles sont directement impliquées dans la création de valeur. Il s’agit des fonctions achat, production, logistique, commercialisation, service après-vente ; – les activités de soutien : elles servent à améliorer l’activité des précédentes. Ce sont la gestion des ressources humaines, la gestion des approvisionnements, la gestion du système d’information... La définition de la chaîne de valeur conduit à l’identification des activités qui apportent le plus de valeur grâce, en particulier, à la compétence que possède l’organisation. On en déduit les activités qui peuvent être externalisées. Renault par exemple sous-traite la fabrication de pièces détachées et recourt à des concessionnaires et à des agents pour assurer la distribution de ses véhicules.

Le diagnostic externe L’organisation doit, afin de déterminer sa stratégie future, analyser les opportunités dont elle pourra disposer dans l’avenir et les menaces auxquelles elle devra faire face. Cette analyse, qui constitue le diagnostic externe, s’effectue en décomposant l’environnement. On peut définir cinq composantes : l’environnement général, l’industrie, les groupes stratégiques, le champ sectoriel et le marché. Nous reviendrons ensuite sur les facteurs clés de succès avant de présenter un exemple d’application de ces concepts.

CHAPITRE

5

1 L’environnement général On peut l’étudier en utilisant la méthode PESTEL et construire des scenarii pour modéliser son évolution.

■ L’analyse PESTEL PESTEL est un acronyme américain qui signifie « Politique, Économique, Social, Technologique, Écologique, Légal ». Il suggère les six facteurs susceptibles d’influencer la stratégie. Il faut remarquer que l’influence de ces facteurs est différente selon la nature de l’organisation. L’entreprise internationale, par exemple, devra porter une attention particulière sur le droit international public dont le développement, sous l’impulsion de l’Organisation des Nations unies (ONU), s’accélère depuis une dizaine d’années : Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), adaptation du droit maritime à la lutte contre la pollution, protection des populations victimes de la pollution, droits de l’homme pour lutter contre la discrimination sous toutes ses formes dans l’entreprise... La connaissance de la jurisprudence est à cet égard indispensable

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(Avenel, 2007). Le tableau suivant est un exemple d’application (effectué en 2011) de cette analyse à la Turquie. Tableau 1 : Un exemple d’utilisation de l’analyse PESTEL appliquée à la Turquie Politique Candidate adhésion UE

Économique e

France : 2 client 6e fournisseur

Social Pays laïc

99,8 % de la population est musulmane

Technologie Développement des moyens de communication

Écologie

Cadre légal Politique de lutte contre la contrefaçon 45h de travail par semaine

■ Les scenarii Un scenario est une représentation plausible et détaillée du futur. Elle est obtenue en combinant les tendances structurelles qui sont par essence incertaines. On utilise la démarche suivante pour construire ces scenarii : – dans un premier temps on élabore plusieurs scenarii envisageables compte tenu des tendances structurelles ; – on construit ensuite une stratégie par scenario envisagé ; – la troisième étape consiste à effectuer un suivi de l’environnement et à en analyser les conséquences. On ajuste alors la stratégie en fonction de celles-ci. Dans la pratique, on se limite, dans un but de simplification et d’efficacité, aux hypothèses les plus probables.

2 L’industrie On désigne par industrie un groupe d’organisations proposant une offre identique de biens et/ou services. Il convient à ce stade de remarquer que les frontières de l’industrie sont susceptibles de varier dans le temps du fait de la convergence d’industries antérieures séparées ou de l’apparition de nouvelles forces macroéconomiques. C’est ainsi que la vente par Internet est en train de modifier radicalement la distribution traditionnelle.

CHAPITRE 5 – Le diagnostic externe Il est commode de partir du modèle des cinq forces de Porter (1982) auxquelles on ajoute souvent une sixième (les Pouvoirs publics) pour étudier l’intensité concurrentielle au sein de l’industrie. Nous l’illustrerons en prenant pour exemple l’industrie du prêt-à-porter de luxe.

■ La concurrence entre les organisations présentes Il s’agit des concurrents au sens classique du terme : ils proposent des biens et/ou services étroitement substituables. Il en va ainsi dans l’industrie de la banque par exemple. L’intensité concurrentielle varie selon les industries. Elle dépend des facteurs suivants. Dans le cas de notre exemple, elle est très forte du fait de la globalisation : présence de marques italiennes (Giorgio Armani...), américaines (Calvin Klein...).

a) La force des barrières à l’entrée Les barrières à l’entrée proviennent des économies d’échelle, c’est-à-dire de la baisse des coûts unitaires de production lorsque cette dernière augmente, ou de l’accumulation de l’expérience, ou encore de la maîtrise de l’évolution de la technologie. Elles peuvent également provenir de ce que le besoin de capitaux nécessaires à l’entrée dans l’industrie est trop élevé ou de ce que l’accès au circuit de distribution est malaisé ou de ce que l’image de marque à obtenir pour rivaliser avec les entreprises déjà présentes nécessiterait un investissement trop important.

b) Le nombre d’entreprises travaillant dans l’industrie On opposait dans l’analyse traditionnelle oligopole et monopole. La globalisation complique l’analyse puisqu’il n’existe plus de frontières géographiques pour délimiter l’importance de la concurrence : on oppose souvent Coca-Cola et Pepsi-Cola mais il existe, au niveau local, un très grand nombre de petites marques implantées au niveau d’une région, voire d’une ville (la marque Yoli à Acapulco). En outre, le recours à la croissance externe (voir page 99) aboutit au rachat de concurrents sans que la marque disparaisse nécessairement. Pour ce qui concerne notre exemple, on constate que, depuis quelques années, le prêt-à-porter de luxe a été confronté à la revalorisation du prêt-à-porter de milieu de gamme : entrée sur le marché de marques positionnées auparavant en milieu de gamme (Zara, Mango).

c) La différenciation entre les offres des concurrents Dans certaines industries, comme la restauration ou les produits de beauté, la différenciation est relativement aisée et le nombre de firmes augmente constamment. On se trouve dans une situation proche de celle décrite par les auteurs classiques de la concurrence pure et parfaite.

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d) Les barrières de sortie Ce sont les facteurs qui limitent la possibilité de se retirer de l’industrie en cas d’échec : investissements non transférables à une autre activité, licenciements coûteux, restrictions de la part des pouvoirs publics.

■ Le pouvoir des clients et des distributeurs Leur pouvoir est important s’ils sont concentrés ou si leurs achats représentent une part élevée du chiffre d’affaires de l’entreprise. C’est également le cas lorsque les produits achetés sont peu différenciés ou si le client est bien informé ou si l’État est lui-même client (cas des industries d’armement) ou protège les clients. L’existence de marques de distributeurs (marque Carrefour...) renforce également le pouvoir de négociation des distributeurs. Dans le cas du prêt-à-porter de luxe, la distribution est organisée selon une optique double : donner une image globale à la marque et intégrer des marges distributeurs élevées. Cela se concrétise par la création de nouveaux formats de vente, les mégastores.

■ Le pouvoir des fournisseurs Ici aussi, il dépend du pouvoir de négociation des partenaires. Celui des fournisseurs est d’autant plus élevé qu’ils sont concentrés face à leurs clients dispersés. Il l’est également s’il n’existe pas de produit de remplacement ou si l’organisation n’est pas un client important du fournisseur, ou si le produit du fournisseur n’est pas stockable. Le rôle de l’État, qui peut protéger le fournisseur face aux clients, peut être, de nouveau, très important.

■ La menace des substituts Le substitut est un autre produit ou service (le courriel remplace le courrier), ou un produit/service d’une autre industrie (automobile face au train), voire d’une industrie très éloignée (on peut préférer acheter une voiture plutôt que des meubles). Le substitut peut aussi provenir du fait que le produit n’est pas indispensable ou est nuisible (on arrête de fumer). Il y a un risque d’arrivée élevé si le niveau de profit dans l’industrie est fort, si d’autres produits sont capables de remplir les fonctions que remplissent les produits de l’industrie, ou s’ils utilisent une technologie nouvelle.

CHAPITRE 5 – Le diagnostic externe

■ Les nouveaux entrants Ils peuvent constituer une menace dans la mesure où les barrières à l’entrée ne sont pas assez solides. Il faut, en effet, pour les dissuader leur imposer des coûts structurellement et durablement supérieurs à ceux des organisations en place : économies d’échelle, forte intensité capitalistique, coût de l’accès aux réseaux de distribution, coût lié à l’obligation d’imposer son image, coût d’accès à la technologie...

■ Le rôle de l’État L’État intervient à plusieurs titres dans l’organisation de la concurrence : – il est en premier lieu un régulateur. Il faut d’ailleurs ajouter qu’actuellement, dans l’Union européenne, les directives européennes priment sur les lois nationales, de même qu’aux États-Unis, il y a supériorité de la loi fédérale sur les lois des 51 États. En outre, la législation édictée par l’Organisation des Nations unies influence de plus en plus le droit international public qui tend à s’imposer aux entreprises multinationales : droit de la mer, droit des transports, protection d’espèces animales, droits de l’homme... Dans le prêt-à-porter de luxe, en France, les termes « haute couture » et « couture création » sont des appellations juridiquement protégées par une réglementation réactualisée en 1992. Elle impose le respect d’un certain nombre de conditions ; – l’État assure également un certain protectionnisme malgré les recommandations faites par l’Organisation mondiale du commerce. Les États-Unis, par des barrières sanitaires, assurent un véritable protectionnisme pour les produits agricoles venus des pays en développement ; – l’État peut être un client dominant, comme dans tout ce qui est relatif à l’industrie de l’armement. Il peut également être un concurrent : la SNCF est en concurrence directe, par son activité fret, avec les transporteurs routiers ; – enfin, l’État, mais également les collectivités locales, est un prescripteur. Il est à l’origine des grands projets nationaux (construction d’autoroutes...) et internationaux (tunnel sous la Manche...). Il lui arrive également de favoriser certaines entreprises au moyen de subventions, même si, dans l’Union européenne, la Cour européenne de Justice tente d’interdire ces pratiques.

3 Les groupes stratégiques Ce sont les organisations dont les caractéristiques stratégiques sont semblables ou des organisations qui utilisent les mêmes facteurs de concurrence.

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Un groupe stratégique comprend des organisations regroupées selon leur taille, la largeur de leur gamme de produits, leur couverture géographique, leur niveau de qualité. Ce sont des concurrents directs uniquement. Dans l’industrie de l’hôtellerie, on pourrait définir des groupes stratégiques en fonction du nombre d’étoiles des établissements ou des chaînes. Le choix d’une stratégie oblige l’entreprise à étudier ses potentiels de développement et les réactions de ses concurrents. Elle doit donc collecter de l’information sur ces derniers. Elle peut, à cet égard, mettre au point un système de veille stratégique ou pratiquer l’étalonnage (benchmarking) de façon à imiter les concurrents les plus performants. L’étalonnage est une méthode mise au point dans les années 1980 chez Xerox par un de ses ingénieurs, Robert Camp. Il consiste à évaluer les tâches ou services dans chaque unité par rapport aux concurrents jugés les plus performants. L’objectif est d’atteindre ou de dépasser les performances les meilleures. Le schéma ci-après résume les étapes du processus.

CHAPITRE 5 – Le diagnostic externe Figure 1 : Les dix étapes du processus de Benchmarking

Source : Camp R., Benchmarking, Éditions d’Organisation, Paris, 1992.

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Parmi les autres méthodes susceptibles d’améliorer les performances de l’entreprise par rapport aux concurrents, on peut citer le Lean Management ou management au plus juste qui est très utilisé dans l’industrie. Il s’agit d’une méthode destinée à supprimer le plus grand nombre de problèmes courants de façon à ce que l’organisation puisse utiliser le maximum de ses capacités au lieu d’allouer ses ressources pour faire face aux dysfonctionnements quotidiens. Les outils employés sont d’origine japonaise comme le Just-in-Time, les 5 S (seiri ou classifier, seiton ou ordonner, seiso ou nettoyer, seiketsu ou standardiser, shitsuke ou discipline), le Kaizen (amélioration continue), le Value Stream Mapping (cartographie de l’ensemble des flux dans l’entreprise), le Single-Minute-Exchange (réduction des temps de changement des pièces pour lancer une nouvelle production), les Six Sigma pour réduire le nombre de produits défectueux. Les techniques quantitatives mises à la disposition des entreprises sont très nombreuses. On peut mentionner pour mémoire : – le diagramme de Pareto : il permet de représenter l’importance relative de différents phénomènes lorsqu’on dispose de données quantitatives. Cette représentation utilise une visualisation graphique, l’histogramme. Il permet aux participants d’avoir une même vision des priorités et de choisir sur quoi concentrer les efforts d’amélioration. On constate dans bien des cas que 80 % de l’effet résulte de 20 % des causes (loi de Pareto) ; – le diagramme d’Ishikawa, appelé encore diagramme causes-effet, pour étudier collectivement les causes d’un problème ; Figure 2 : Le diagramme causes-effet (méthode des 5 M)

– le diagramme de corrélation : il permet d’identifier l’intensité de la relation entre deux variables X et Y. Ce diagramme exprime une corrélation linéaire illustrée par un nuage de points réguliers étiré tout au long de la droite OZ dont on peut calculer l’équation.

CHAPITRE 5 – Le diagnostic externe Figure 3 : Le diagramme de corrélation (nuage de points)

Les informations qui serviront à alimenter ces méthodes proviennent de banques de données, des informations fournies par les médias, de celles offertes par des organismes privés ou publics (chambres de commerce, DAFSA...) ou par les syndicats professionnels. Les clubs d’affaires, séminaires, salons constituent également des lieux où l’on collectera l’information.

4 Les champs sectoriels Un champ sectoriel est un réseau d’organisations qui partagent des convictions, valeurs et pratiques communes. Il en est ainsi des avocats, des magistrats dans le champ sectoriel de la justice. Les organisations qui composent le champ sectoriel possèdent des interdépendances entre elles sur le plan économique ; elles possèdent en outre des objectifs d’ordre général communs ainsi que des convictions communes. Il est bon de remarquer qu’un champ sectoriel subit l’influence de champs adjacents : la profession d’expert-comptable inclut de plus en plus des fonctions de conseil.

5 Le marché On retrouve un concept traditionnel. Il est le lieu de la confrontation de l’offre et de la demande. Cependant : – du côté de l’offre, la segmentation du marché est un élément fondamental de la stratégie à partir de laquelle on définira les domaines d’activité stratégique de l’organisation. La segmentation conduit à la définition des similitudes et des différences entre les consommateurs que l’on répartit suivant l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle... Cela permet de déduire laquelle des deux stratégies, spécialisation ou diversification, il conviendra d’adopter ;

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– du côté de la demande, l’analyse doit prendre en compte le concept de la valeur perçue par le client. C’est un concept multidimensionnel qui inclut un grand nombre d’éléments : spécifications à remplir, réputation, fiabilité du produit, service après vente... Une fois connue cette valeur, il est possible de cadrer les besoins des clients et d’adapter sa politique de marketing.

6 Les facteurs clés de succès Ce sont les éléments stratégiques qu’une organisation doit détenir pour réussir face à ses concurrents. L’analyse du marché et de la concurrence aboutit à la définition de ces facteurs qui en définitive donneront à l’organisation les moyens de faire face aux forces de Porter que nous avons rencontrées précédemment : la création d’une marque valorisée par le client (marque Carrefour) limite le pouvoir de négociation des parties ; l’amélioration du rapport qualité/prix empêche l’entrée de produits substituts... Enfin, les études empiriques montrent que les facteurs clés de succès diffèrent selon les industries et selon la phase du cycle de vie à l’intérieur de laquelle se trouve le domaine d’activité stratégique.

7 Une application du modèle de Porter : le marché chinois des cosmétiques Il s’agissait de mesurer l’opportunité pour une entreprise française de cosmétiques (soins de peau, parfums, produits de maquillage) de s’implanter en Chine. À cet effet, il a été procédé dans un premier temps à une analyse des 5+1 forces mises en évidence par Porter puis, dans un second temps, à la définition des facteurs clés de succès nécessaires pour chaque catégorie de produits.

■ L’analyse des forces de Porter Nous reprenons les forces définies dans la section 2.

a) L’intensité concurrentielle Une multitude de marques sont déjà présentes sur le marché rendant la concurrence extrêmement rude, et cela sur toutes les gammes. Les marques locales agissent plutôt dans le bas et moyen de gamme, tandis que les grandes marques internationales agissent sur le moyen et haut de gamme.

CHAPITRE 5 – Le diagnostic externe

b) Les fournisseurs Le pouvoir de négociation des fournisseurs est assez élevé dans la mesure où ils peuvent exercer des compétences rares (les « nez » dans le secteur du parfum) ou assez concentrées (les laboratoires de recherche). Ces compétences peuvent cependant être intégrées à l’entreprise de cosmétiques.

c) Les produits de substitution Il existe finalement peu de produits de substitution aux produits cosmétiques. Pour les produits soin de peau, la chirurgie plastique peut éventuellement les remplacer...

d) L’État L’État encourage progressivement les échanges internationaux dans le domaine de la cosmétique en réduisant les taxes douanières d’année en année : avec une moyenne de taux d’imposition de 23 % en 2002, le gouvernement s’était fixé comme objectif un taux de 8 % en 2008.

e) Les nouveaux entrants Bien que de nombreuses entreprises désirent se développer sur le marché chinois, la majorité d’entre elles ont de grosses difficultés à y pénétrer. En effet, le coût d’entrée est particulièrement élevé dans ce marché car il nécessite de nombreuses ressources : – connaissance du marché chinois ; – lourd budget pour développer les points de vente ; – adaptation des produits au marché chinois ; – contacts avec l’administration chinoise afin de faciliter les démarches administratives.

f) Les consommateurs Il existe deux stratégies d’implantation en Chine : la première consiste à créer sa filiale et à développer soi-même son réseau de distribution (magasins, comptoirs négociés soi-même avec les grands magasins, chaînes spécialisées...) ; la seconde consiste à faire appel à un agent dont les missions seraient d’assurer la distribution et la promotion en Chine. Ces deux stratégies auront respectivement comme clients directs les clients finaux (B to C) et les agents (B to B). Chacune de ces méthodes présente bien évidemment des avantages et inconvénients repris dans le tableau ci-après.

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Tableau 2 : Les stratégies d’implantation en Chine

Filiale (B to C)

Avantages

Inconvénients

Contrôle direct des points de vente

Risque si méconnaissance du marché

Marge plus élevée

Lourds investissements requis

Meilleure capacité de réaction

Nécessite d’avoir une bonne organisation

Meilleure perception du marché Meilleure connaissance du marché de l’agent Non contrôle des points de vente Filiale (B to B)

Pas d’investissement lourd, moins de risque

Marge moins élevée Décalage entre la stratégie marketing et l’image

Notons que dans les deux cas, la force de négociation des clients reste assez élevée en raison de l’intensité concurrentielle dans ce marché. On peut conclure l’évaluation et hiérarchiser ces différentes forces.

■ L’analyse des facteurs clés de succès On utilise parfois pour effectuer ce type d’analyse la méthode de la matrice radar. Elle consiste à placer sur un graphe les facteurs clés de succès, au nombre de six dans cet exemple, et de leur attribuer une note, entre 0 et 10, après enquête auprès d’un échantillon cible de consommateurs potentiels. Nous présentons ici les résultats pour les trois types de produits.

CHAPITRE 5 – Le diagnostic externe

a) Le marché des produits de soin

Efficacité du produit : 9/10 La qualité et l’efficacité d’un produit sont les points essentiels d’un produit soin de peau. En effet étant donné que les Chinoises s’attachent à la qualité et à la blancheur de leur peau (complexe du « Mei Bai »), l’influence des techniques du marketing est moindre : seule l’efficacité prime. La consommatrice chinoise n’hésitera pas à être « infidèle » à une marque en testant les produits de la concurrence : si elle trouve un produit de meilleure qualité, elle changera immédiatement ses habitudes d’achat. Notoriété : 8/10 La bonne notoriété d’un produit soin de peau est nécessaire à son succès. Les consommatrices pourront éprouver une grande confiance à un produit via les campagnes de publicité qui prônent la qualité des produits mais également via le phénomène de bouche-à-oreille lié à la bonne efficacité du produit. Prix : 4/10 Diverses études l’ont montré : les consommateurs chinois sont influencés par les prix lors des décisions d’achat. Cependant, cette affirmation peut être nuancée dans certains marchés, et

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notamment dans celui des produits soin de peau. En effet, le prix n’a pas autant d’impact lors des décisions d’achat puisque les Chinoises seront prêtes à payer le « juste » prix si le produit garantit une certaine efficacité. Packaging (5/10) et distribution (6/10) Ces deux facteurs sont utiles dans la mesure où ils complètent et rendent cohérent le marketing-mix d’un produit qu’il soit positionné bas ou haut de gamme. Cependant, ils ne sont pas pour autant déterminants lors d’une décision d’achat. Aux yeux de la consommatrice, ils ne seront que le reflet de l’efficacité du produit ; elle s’apercevra de sa réelle qualité une fois qu’elle l’aura testé. Promotion commerciale (8/10) Des études ont démontré qu’une grande partie des consommateurs chinois est très influencée par les offres promotionnelles lors des décisions d’achat. C’est pourquoi nous assistons depuis ces dernières années à une homogénéisation des politiques commerciales dans beaucoup de secteurs d’activité parmi lesquels figurent les produits cosmétiques : les GWP (Gift With Purchase) consistent à proposer aux consommateurs, pour tout achat effectué, des cadeaux allant des échantillons au sac à main. La plupart des marques de cosmétique, qu’elles soient positionnées vers le bas ou vers le haut, proposent ce genre de promotion.

b) Le marché des parfums

CHAPITRE 5 – Le diagnostic externe Fragrance (8/10) La fragrance est appréciée par les consommateurs. Il faut cependant adapter le produit aux goûts locaux : en Chine, les consommateurs préfèrent les fragrances légères et fruitées. Il existe en outre des spécificités selon les régions. Notoriété (9/10) Que ce soit pour soi-même ou pour offrir, la notoriété d’un parfum est déterminante lors d’une décision d’achat. Par nature, le parfum est bien plus qu’un produit d’hygiène, c’est surtout un produit social, agissant sur l’imagination, la perception du consommateur. Prix (2/10) et distribution (7/10) Caractéristiques propres aux produits de luxe, le prix et la distribution sont deux maillons essentiels du marketing-mix car ils rendent cohérente l’image du produit. Les parfums devront être distribués dans les grands magasins haut de gamme ou moyen de gamme, ainsi que dans les parfumeries. Packaging (8/10) Il est indéniable que le packaging est un critère fondamental pour un produit tel que le parfum : il est en effet à la fois un produit de luxe mais également et, particulièrement en Chine, un cadeau idéal. Promotion (5/10) Comme décrit précédemment pour les produits soin de peau, les GWP constituent l’essentiel des actions de promotion en Chine. Certains professionnels affirment que ce type de promotion reste indispensable dans la pratique car aucun acteur ne veut prendre le risque de ne pas proposer de GWP de peur de perdre une part de leur clientèle, d’autant plus que les Chinois ne sont pas « fidèles » aux marques. Ainsi, c’est la règle du « Faire assez, sans en faire trop » qui prime sur ce marché, en attendant un bouleversement dans le comportement du consommateur chinois.

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c) Le marché du maquillage

Teintes (8/10) Dans un contexte d’adaptation au niveau local, le choix des teintes est extrêmement important puisqu’il doit convenir aux goûts des consommatrices chinoises. Les couleurs les plus populaires sont inspirées de la mode japonaise. Notoriété (8/10) Étant donné que les consommatrices chinoises commencent à peine à se familiariser avec les produits de maquillage, la notoriété d’une marque peut être un atout puissant : les jeunes consommatrices désirant acheter leur premier rouge à lèvres se fieront à la notoriété avant toute chose. Prix (3/10), packaging (6/10) et distribution (6/10) Dans un secteur d’activité tel que celui du maquillage, qui est en phase d’apprentissage en Chine, les facteurs tels que le prix, le packaging ou la distribution n’ont pour rôle que de rendre cohérent le marketing-mix, et n’ont pas de rôle déterminant. Communication pédagogique (9/10) Il est indéniable que la communication servant à « éduquer » les consommatrices est le point-clé du secteur. Que ce soient les aires de promotion/démonstration dans les grands magasins, les

CHAPITRE 5 – Le diagnostic externe conseillères de vente, les brochures d’explication, toute la politique repose sur cette « éducation » de la consommatrice. Promotion (7/10) Dans un contexte de marché encore jeune et de consommatrices peu fidèles aux marques, les actions de GWP semblent pertinentes dans la mesure où elles peuvent inciter les nouvelles clientes ou même les clientes des autres marques à acheter leurs produits.

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Les modèles de diagnostic stratégique Une fois effectués les diagnostics interne et externe de l’organisation, il convient de présenter les modèles retenus pour effectuer le diagnostic global. Les consultants les utilisent fréquemment. Nous présenterons dans les pages qui suivent l’analyse SWOT et les matrices de portefeuille d’activités.

CHAPITRE

6

1 L’analyse SWOT SWOT est l’acronyme américain pour Strengths (forces), Weaknesses (faiblesses), Opportunities (opportunités) et Threats (menaces). La méthode consiste à synthétiser dans un tableau les conclusions obtenues par une analyse de l’environnement, du marché et de la concurrence et d’en tirer les conclusions adéquates qui permettront de formuler une stratégie. Nous reprenons un exemple d’analyse fondée sur la méthode SWOT et appliquée à une société de services à la personne dans la région parisienne. Les opportunités et les mesures (diagnostic externe) figurent en général en bas du tableau alors que les faiblesses et les forces (diagnostic interne) sont placées dans le haut. La synthèse et les recommandations font suite au tableau. Elles fournissent la base de la réflexion nécessaire à la mise en place de la stratégie.

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Tableau 3 : L’analyse SWOT appliquée à une société de services à la personne* Interne

Externe

Forces

Faiblesses

– Diversité, originalité des nombreux services proposés. – Une réactivité et une capacité d’innovation très forte, à mettre en parallèle avec une inertie quasiment inexistante. – Un réseau qui se développe rapidement et qui gagne en notoriété. – Beaucoup de partenaires qui génèrent un fort trafic d’affaires.

– Pas de spécialisation dans un service en particulier et absence des services médicalisés, pourtant très porteurs. – Peu de trésorerie au début de l’activité. – Les créances clients, en l’occurrence les franchisés en situation de faillite qui ne payent plus, un problème propre à la franchise. – Les CESU préfinancés sont encore trop peu utilisés. – Des moyens financiers au niveau de la tête de réseau encore faible.

Opportunités

Menaces

– Une demande grandissante des services à la personne. – Un contexte politique favorable depuis l’instauration du plan Borloo. – Encore une forte possibilité de se développer, de nombreuses niches locales sont encore peu exploitées comme la zone EST. – Entreprises très « à la mode », en pleine expansion : explosion des services à domicile. – Un grand nombre d’indépendants sur le territoire national, futurs franchisés potentiels.

– Multiplication et démocratisation des entreprises de services à la personne (risque de forte concurrence à terme). – Mairies et autres organismes (associations...) qui proposent des services similaires, notamment d’aide aux personnes âgées. – Assurances proposant parfois des services d’aide à la personne en cas d’accident. – Un marché au noir qui reste encore très majoritaire. – Un risque des pouvoirs publics à se désengager du secteur et réduire les dispositifs des aides fiscales et sociales.

* L’étude a été effectuée en 2011 par un étudiant de l’Institut supérieur européen de gestion (ISEG).

2 Les matrices de portefeuilles d’activités Elles permettent de mener une analyse globale et simultanée du portefeuille d’activités de l’entreprise.

CHAPITRE 6 – Les modèles de diagnostic stratégique

■ La matrice du Boston Consulting Group (matrice BCG) C’est une matrice ou un tableau comportant deux axes : – celui des abscisses correspond à la part de marché relative des DAS de l’organisation. Elle est habituellement calculée par rapport aux principaux et plus importants concurrents ou, éventuellement, par rapport au concurrent principal. L’axe des abscisses est une échelle logarithmique dont les valeurs extrêmes sont égales à 0,1 (le DAS a une part de marché valant 10 % de la part de marché moyenne de la concurrence) et 10 (le DAS a une part de marché 10 fois supérieure à celle des concurrents) ; – l’axe des ordonnées correspond au taux de croissance de marché exprimé en pourcentages. Plus il est élevé, plus le marché est porteur et plus les besoins de financement seront importants. Les cercles correspondent aux DAS. Le diamètre du cercle représente le poids du DAS sur le marché. Figure 4 : La matrice BCG

Source : La stratégie d’entreprise, Mc Graw-HiII.

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En se fixant deux limites, une pour la part de marché relative et 10 % pour le taux de croissance du marché, on peut définir quatre cadrans correspondant à quatre grandes catégories de DAS appelés « étoiles » (cadran nord-ouest) en haut à gauche, « dilemmes » (cadran nord-est) en haut à droite, « vaches à lait » (cadran sud-ouest) en bas à gauche et « canards boiteux » (cadran sud-est) en bas à droite. Le cadran nord-ouest regroupe les entreprises de type « leader » ou « étoile » dont les taux de croissance du marché sont élevés (plus de 10 %) et possèdent une importante part de marché (plus de 1). Par contre, le cadran sud-est rassemble les entreprises à faible taux de croissance (moins de 10 %) et dont les parts de marché sont modestes (moins de 1) et en phase de déclin. Ce sont les activités dites « canards boiteux ». Le cadran nord-est, ou « dilemme », caractérise les entreprises ambitieuses mais qui manquent de liquidités pour investir ; elles doivent donc recourir à l’emprunt. Le cadran sud-ouest, lui, caractérise les entreprises possédant des liquidités sans les réemployer, donc qui « s’endorment » et qui vont entrer en phase de déclin. L’évolution normale d’un DAS pourrait être la suivante : de « vache à lait », il devient « dilemme », puis « étoile ». En revanche, il sera conseillé, toutes choses égales par ailleurs, de renoncer aux DAS « canards boiteux ».

■ Autres exemples de matrices Il est également possible d’établir une matrice en combinant les critères « position concurrentielle » et « cycle de vie » du DAS. C’est ce qu’avait entrepris A. D. Little. La nouvelle matrice (figure 5) comprend 20 cases à partir desquelles sont proposées diverses stratégies possibles.

CHAPITRE 6 – Les modèles de diagnostic stratégique Figure 5 : Type de stratégies en fonction du cycle de vie et de la position concurrentielle

En conclusion, on peut remarquer que la méthode BCG intègre l’aspect financier à travers le concept de liquidité et également l’aspect marketing par l’intermédiaire du taux de croissance. Son intérêt provient essentiellement de sa synoptique, de la représentation visuelle des résultats. La méthode met également en évidence les choix majeurs à effectuer par l’organisation. Cependant le modèle reste limité car il n’analyse pas les facteurs de succès ou d’échecs constatés et il contient un caractère contingent : il s’applique aux entreprises appartenant seulement au domaine d’activité. De plus l’utilisation implicite par BCG de la courbe d’expérience (voir p. 74) est contestable car la réduction des coûts unitaires peut passer par le progrès technique ou l’innovation et pas seulement par l’apprentissage. Enfin, ce modèle n’intègre pas l’aspect humain. Notons qu’il existe d’autres méthodes partant du même principe de la matrice mais dont l’appréciation est plus fine. La matrice Shell utilise deux critères : marché potentiel et capacités de la firme. La matrice McKinsey utilise les critères attrait du marché à moyen terme (en ordonnée) obtenu par diagnostic externe et position concurrentielle (en abscisse) obtenu par un diagnostic interne. Elle permet de définir neuf catégories de DAS regroupées en cinq : – les gagnants : ils évoluent sur un marché d’attrait élevé et disposent d’une position concurrentielle favorable. Il faut les développer ;

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– les perdants : leur position concurrentielle est faible et ils se situent sur un marché d’attrait faible, voir modéré. Leur maintien est sujet à caution ; – les profitables : ils se situent sur un marché à faible attractivité mais leur position concurrentielle est forte ; – les acceptables : l’attractivité du marché et la position concurrentielle de ces DAS sont moyennes ; – les dilemmes : ils se situent sur un marché à attrait élevé mais leur position concurrentielle est mauvaise. Ces trois derniers cas correspondent à des activités moyennement intéressantes. La matrice permet de faire le point sur l’état actuel du marché. Figure 6 : L’application de la matrice McKinsey au marché des boissons sans alcool en France en 2011

Source : ISEG, 2011.

PARTIE 3

Les différents types de stratégies

Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9

Les stratégies d’activité La stratégie au niveau de l’organisation La mise en œuvre des stratégies

69 79 99

Une fois le diagnostic stratégique effectué, l’organisation doit définir la stratégie qu’elle poursuivra. Bien entendu, cette stratégie peut comprendre plusieurs éléments ; elle peut également être infléchie au cours du temps en fonction de l’environnement ou de la personnalité des dirigeants qui se succéderont (stratégie incrémentale). Nous distinguerons dans cette partie les stratégies d’activités (chapitre 7) et les stratégies au niveau de l’organisation (chapitre 8). Enfin, nous examinerons dans un troisième chapitre comment peut s’effectuer la mise en œuvre de ces stratégies (chapitre 9).

Les stratégies d’activité On parle de stratégie d’activité (stratégie business ou stratégie de DAS) pour désigner les choix stratégiques effectués au sein d’un domaine d’activité stratégique. Ces choix auront pour finalité l’obtention par le DAS d’un avantage compétitif qui sera source de profit. L’analyse stratégique d’une activité suppose un examen préalable des facteurs de performance (section 1). Il permet de définir la stratégie qui sera mise en application (section 2).

CHAPITRE

7

1 Les facteurs de performance Il est courant de retenir deux facteurs, sources de performance des organisations. Ce sont : – la maîtrise du cycle de vie de l’activité, – l’accumulation de l’expérience.

■ La maîtrise du cycle de vie de l’activité Le cycle de vie est un concept qui avait été utilisé à l’origine en marketing. Il est une relation entre le volume des ventes (V) et le temps (t) : V = f (t) (1) Cette relation prend souvent la forme d’une courbe dite en S qui, dans sa représentation, présente un optimum (dérivée première de la fonction nulle) et un point d’inflexion (dérivée seconde nulle). La relation (1) peut par conséquent s’exprimer de la façon suivante : V = a t3 + b t2 + c t où a, b, c sont des constantes.

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Il en résulte la représentation suivante qui exprime clairement les quatre phases du cycle de vie. Figure 7 : Le cycle de vie du produit

La phase 1 est la phase de lancement : il faut faire connaître le produit pour inciter le consommateur à modifier ses habitudes et à l’essayer. À cette phase correspond une stratégie d’expansion. La phase 2 est la phase de croissance durant laquelle, si la phase précédente s’est traduite par un succès, le marché s’élargit grâce à l’amélioration de la communication et de la distribution. La phase 3 est la phase de maturité : les ventes augmentent mais le taux de croissance de ces ventes diminue en raison de la saturation progressive du marché et de la pression de concurrents. À l’optimum (point A) les ventes vont stagner. La phase 4 est dite de déclin : le produit est qualitativement ou technologiquement démodé du fait de l’apparition d’innovations chez les concurrents. Le DAS doit adopter une stratégie de liquidation durant laquelle on écoulera les stocks à bas prix, voire à perte. Le concept de cycle est utile pour les dirigeants : il leur indique les actions à mener durant les différentes phases. C’est ce que montre le tableau ci-après.

CHAPITRE 7 – Les stratégies d’activité

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Tableau 4 : Actions stratégiques et phase de cycle de vie des produits* Action

Phases

Priorité fonctionnelle

Introduction

Croissance

Marketing

Distribution physique

Déclin

• Technique • Production (développement du produit)

• Marketing et distribution

• Finance

• Amélioration technique

• Démarrage du produit suivant

• Développement de variantes mineures • Réduction des coûts • Introduction de changements majeurs

• Arrêt de toute recherche et développement pour le produit initial

• Sous-traitance et mise au point de différents procédés • Développement de standards

• Centralisation de la production • Suppression de la sous-traitance • Fabrication de longues séries

• Réduction des coûts • Fabrication de petites séries • Décentralisation • Mise au point de procédures de routine

• Sous-traitance • Simplification de la production • Contrôle précis des stocks • Stockage des pièces de rechange

• Publicité • Vendeurs à la commission • Incitation à l’essai des produits

• Accent sur la marque • Force de vente salariée • Réduction des prix

• Vendeurs salariés • Promotion agressive • Étude de marché standardisée

• Vendeurs à la commission • Suppression des promotions • Augmentation des prix • Distribution sélective • Retrait progressif

• Mise au point d’une logistique appropriée

• Intégration du système de livraison

• Réduction des coûts • Amélioration du service à la clientèle • Contrôle du stock des produits finis

• Réduction des stocks de produits finis • Réduction du service à la clientèle

Recherche et développement

Production

Maturité

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-----------------------------------------------------------------------------------------—————————————————————————————————————— Personnel

Finance

Comptabilité et contrôle

• Formation de l’encadrement • Intéressement des cadres supérieurs

• Amélioration de l’encadrement de la production • Importance des heures supplémentaires

• Amélioration de la productivité • Mise au point d’un système d’incitation pour l’efficacité

• Perte importante • Financement de grands investissements

• Profit important • Profit en baisse • Financement de la • Réallocation des croissance ressources financières

• Liquidation des équipements inutiles

• Mise au point de standards de production et de vente

• Analyse à court terme de l’utilisation des ressources rares

• Analyse des coûts superflus

• Analyse de la valeur • Analyse fondée sur les coûts et avantages

• Transfert de personnel • Incitation à une retraite anticipée

* D’après Fox (H.), « A Framework for Functional Coordination », Atlanta Economic Review, nov.-déc. 1973, pp. 10-11.

Le cycle de vie du produit, ou du DAS ou du secteur, dépend de celui de la technologie. En effet, un secteur ou un produit entre en déclin lorsque la technologie qui le sous-tend commence à se banaliser : le produit « télévision en noir et blanc » est entré en déclin lors de l’apparition de la télévision « couleur ». Par ailleurs, le cycle de vie n’est pas inéluctable : – tout d’abord, la durée des cycles et des phases varie selon les produits ou selon les activités. De la même manière, certains produits ou activités peuvent ne pas connaître les quatre phases ; – ensuite, les dirigeants peuvent, grâce à leur connaissance du cycle, le contrarier en raccourcissant par exemple la phase de lancement ou en relançant le produit grâce à des améliorations ou à des actions promotionnelles. Le schéma ci-dessous qui présente le cycle de vie de la restauration concédée en France est une illustration de cette affirmation.

CHAPITRE 7 – Les stratégies d’activité Figure 8 : Le cycle de vie des marchés de la restauration concédée

– l’exportation ou l’importation à l’étranger peuvent également contribuer à modifier le cycle de vie. L’exportation aura lieu le plus souvent durant la phase de maturité de façon à conserver l’avantage compétitif. L’implantation à l’étranger (voir page 83), qui pourra avoir lieu avant la phase de déclin, permettra de bénéficier de coûts de production plus faibles et de réexporter le produit vers le marché initial.

■ L’accumulation de l’expérience On peut montrer, de façon empirique notamment, que le coût unitaire de production (Cu) mesuré en unités monétaires constantes diminue au fur et à mesure que la production cumulée depuis l’origine du produit (Pc) augmente, ce qui peut s’exprimer de la manière suivante : a Cu = — pc où a est une constante.

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Figure 9 : La courbe d’expérience

Cette relation est également appelée loi d’expérience. Elle s’applique à une technologie spécifique, un changement technologique modifiant la forme de la courbe. Il va de soi que les courbes d’expérience sont différentes selon les produits et les entreprises. Cela se traduit par des courbes de pentes différentes. Figure 10 : Exemples d’entreprises avec expériences différentes*

*On notera que la courbe d’expérience devient une droite en coordonnées logarithmiques.

CHAPITRE 7 – Les stratégies d’activité Figure 11 : Expérience et production cumulée

L’axe Δ représente le niveau auquel le coût unitaire est à son maximum si l’entreprise veut pouvoir vendre son produit sans perte, au prix de vente du marché concurrentiel. La zone hachurée représente donc la marge de profit. Ici A est dominée, l’entreprise C est dominante car elle a le coût unitaire le plus bas grâce à son expérience et donc le profit le plus élevé. On l’appelle « entreprise leader », elle peut mener une stratégie agressive, baisser son prix de vente pour attirer les consommateurs et accroître par là sa part de marché ; la marge de manœuvre de l’entreprise C dépend de la nature de ses coûts (charges de structure, charges variables), du niveau de ses coûts, du volume de production, de la productivité et de la structure de ses coûts. Il convient d’ajouter que l’expérience n’intervient pas si l’activité est en phase de déclin ou si l’innovation technologique trop rapide fait que le produit devient obsolète et rend vaine l’expérience. C’est également le cas des produits pour lesquels l’élasticité de la demande par rapport au prix est faible. L’effet d’expérience rencontre par conséquent de nombreuses limites.

2 La description des stratégies Nous présenterons ici les stratégies par activités les plus courantes, à savoir la stratégie de prix, la stratégie de différenciation, la stratégie hybride et la stratégie de focalisation. Nous parlerons pour terminer de l’hypercompétition.

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■ La stratégie de prix On désigne par stratégie de prix une stratégie qui permet au DAS de proposer une offre que le consommateur perçoit comme celle des concurrents mais dont le prix est inférieur. Cette stratégie doit compléter celle dite de réduction de coûts. Concrètement la stratégie de prix peut consister en : – conquérir une part de marché plus large que celle de la concurrence afin de bénéficier d’économies d’échelle et/ou de l’effet d’expérience ; – concentrer l’activité sur les éléments de la chaîne de valeur réellement appréciés et valorisés par le client ; – sous-traiter les fonctions de la chaîne de valeur qui seront effectuées de façon plus efficiente par d’autres entreprises ; – réduire durablement les coûts si les dirigeants mettent à profit cette baisse pour effectivement diminuer le prix de vente, ce qui n’est pas nécessairement le cas.

■ La différenciation Il s’agit ici d’offrir un produit ou un service dont la valeur perçue sera différente de celle provenant des concurrents directs. On constitue ainsi une situation de quasi-monopole, ce qui permet de fidéliser la clientèle même si la part de marché n’est pas obligatoirement élevée. La différenciation, grâce aux nombreux facteurs qui contribueront à l’obtenir, apporte au client ou acheteur une valeur supplémentaire, qui sera fonctionnelle et/ou psychologique. Il accepte évidemment le supplément de prix nécessaire à l’obtention de cette valeur. Il peut ainsi accepter de voyager en 1re classe plutôt qu’en 2e classe en train. Parmi les nombreux facteurs de différenciation que l’on rencontre dans la vie courante, on peut citer la fiabilité technique du projet (automobile), la qualité du service avant, pendant ou après la vente (Darty pour le service après-vente), l’esthétique des produits (bouteilles en verre pour l’eau Badoît), le circuit de distribution (Galeries Lafayette qui sont des magasins haut de gamme), le conditionnement (emballages des flacons de parfum), l’innovation (L’Oréal avec ses laboratoires de recherche), l’hygiène des produits, la marque (hôtels Hilton), etc. Il faut remarquer qu’à côté de ces facteurs qui correspondent à une stratégie proposant un bien de valeur jugée supérieure à celle de la concurrence (stratégie parfois appelée stratégie de sophistication) coexistent des facteurs correspondant à la stratégie inverse. Elle est parfois appelée stratégie d’épuration et consiste à proposer des biens ou services dont la valeur est perçue comme inférieure à celle des concurrents. C’est par exemple le cas de la chaîne de distribution Leader Price.

CHAPITRE 7 – Les stratégies d’activité

■ La stratégie hybride Il s’agit ici de proposer à la fois une baisse de prix par rapport à la concurrence et une augmentation de valeur. Il faut donc pouvoir mettre en place une structure de coûts suffisamment faibles pour proposer des prix moins élevés que ceux des concurrents tout en conservant le surcroît de valeur qui attirera la clientèle. C’est une stratégie différente de la stratégie d’épuration dont nous avons parlé dans le paragraphe précédent. Le progrès technologique peut contribuer à l’adoption d’une stratégie. On l’observe par exemple dans le secteur des transports en commun : un aller Paris-Genève peut être vendu 20 euros grâce, notamment, à la technologie du TGV, ce qui était impossible il y a quelques années.

■ La stratégie de focalisation Il s’agit de proposer une offre spécifique qui attire une clientèle précise et évite la confrontation directe avec les concurrents. On parle également de stratégie de niche. La réussite d’une telle stratégie suppose que le marché doit être de taille réduite afin de ne pas attirer la concurrence. Il faut également posséder la technologie nécessaire afin de décourager cette dernière. Cette stratégie est souvent celle que pratiquent les PME-PMI à leurs débuts. Le succès éventuel favorisera l’extension des activités et l’accès au marché général. La lecture d’ouvrages sur l’histoire d’entreprises confirmera cette tendance.

■ L’hypercompétition L’instabilité de l’environnement constatée depuis les années 1980 a entraîné une dynamique concurrentielle, à l’échelle planétaire, qui provoque ce qu’on appelle l’hypercompétition. Selon D’Aveni et Gunther (1995), quatre facteurs peuvent provoquer l’hypercompétition : la demande, le savoir de l’organisation, la faiblesse des barrières à l’entrée et le recours aux alliances. L’idée générale est que les organisations opérant dans un environnement hypercompétitif ne possèdent qu’un avantage temporaire sur leurs concurrents et ceci, dans le meilleur des cas. Cette situation s’oppose évidemment à celle des organisations qui vivent dans un environnement stable, comme cela pouvait être le cas dans les années 1970, et pour qui une stratégie consistait à construire un avantage et à le conserver. L’évolution rapide de l’environnement tant technologique que politique ou juridique, provoque la fin de la stabilité. Toute stratégie couronnée de succès est imitée par les concurrents et l’avantage temporaire obtenu disparaît rapidement, ce qui aboutit à une situation de concurrence pure et parfaite comme le montre le schéma suivant extrait de l’ouvrage de D’Aveni et Gunther (1995).

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Figure 12 : L’escalade hypercompétitive

Il apparaît que, quel que soit l’avantage concurrentiel temporaire obtenu, il finit toujours par être détruit par l’action des concurrents. Il devient par conséquent difficile, voire impossible, de planifier des actions durables destinées à conserver la maîtrise de l’avantage concurrentiel. La stratégie à adopter supposera en priorité la rapidité, l’innovation, la flexibilité et l’acceptation du risque. Les dirigeants d’entreprises confrontées à cette situation d’hypercompétitivité devront développer une culture d’entreprise et des comportements adéquats. On retrouvera cette question dans le chapitre consacré aux structures d’entreprises et à la gestion des hommes.

La stratégie au niveau de l’organisation La stratégie au niveau de l’organisation (stratégie corporate) se présente dans toutes les organisations, le cas limite étant celui de la PME ne possédant qu’un seul domaine d’activité stratégique. L’histoire de l’entreprise, si l’on en croit les travaux de J.-L. Loubet en France ou de Chandler aux États-Unis, montre que la plupart des grandes entreprises que nous connaissons actuellement ont suivi un schéma de développement assez comparable tout au long du XXe siècle : PME à l’origine, à l’initiative d’un homme ou d’une famille (Renault, Michelin...), elles ont connu successivement les étapes de la spécialisation qui, réussie, s’est rapidement ouverte vers la diversification et l’internationalisation. Ce sont ces étapes que nous présenterons avant d’analyser un exemple concret, celui de l’entreprise de distribution espagnole, El Corte Ingles.

CHAPITRE

8

1 La spécialisation La spécialisation consiste pour l’organisation à orienter ses efforts sur un même type d’activité. C’est a priori la stratégie type de la PME. L’organisation utilise ses ressources sur un métier défini comme un ensemble homogène de compétences (Helfer, Orsoni, Kalika, 2006). Comme nous venons de le dire, la spécialisation correspond à la première phase du cycle de vie des organisations. La plupart en reste à ce stade ; seules quelques-unes, sous l’impulsion de dirigeants plus entreprenants, passent au stade suivant qui est celui de la diversification. Il faut cependant remarquer que la spécialisation n’exclut pas le développement à l’échelle nationale, voire internationale. On distingue ainsi la spécialisation par produit (un produit vendu sur différents marchés), la spécialisation par marché (vente de différents produits dans un seul pays) et la spécialisation sélective (choix de vendre certains produits sur certains marchés en fonction d’opportunités

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précises). C’est par exemple le cas dans la restauration : l’entreprise belge Léon de Bruxelles s’est implantée en France en offrant un produit identique (les moules). La spécialisation ne constitue donc point une stratégie de repli même si elle limite la flexibilité stratégique et les possibilités d’innovation. Elle permet l’obtention d’avantages de coûts, la définition d’une identité et d’une culture fortes ainsi que la mobilisation des ressources qui faciliteront la gestion.

2 La diversification La diversification consiste à développer des domaines d’activités dans lesquels l’organisation n’était jusqu’alors pas présente. Elle fait suite à la spécialisation mais, bien entendu, le degré de diversification est différent selon que l’organisation change ou non totalement de métier. Le fait pour une compagnie aérienne traditionnelle de fonder une filiale charter ne représente pas le même type de diversification que, pour la même compagnie, de créer une chaîne hôtelière. Il y a en effet changement de métier dans le second cas, ce qui suppose un apprentissage, alors que, dans le premier cas, le métier reste identique. On parle souvent d’ailleurs de continuum spécialisation-diversification. Il existe plusieurs manières de réaliser la diversification. On peut distinguer les stratégies de diversification marché (utilisation d’un nouveau canal de distribution), de diversification produit (lancement de nouveaux produits ou services) et de diversification totale (réalisation simultanée des deux catégories de diversification précédentes). On peut également distinguer les stratégies de diversification horizontale ou verticale (intégration) des stratégies de diversification liée et de diversification conglomérale.

■ L’intégration C’est le développement vers des activités adjacentes de la chaîne de valeur. On distingue en général l’intégration verticale et l’intégration horizontale.

a) L’intégration verticale Elle s’effectue soit en amont, soit en aval du domaine d’activité initial de l’organisation.

CHAPITRE 8 – La stratégie au niveau de l’organisation 1) L’intégration verticale en aval Elle a pour objectif de se rapprocher du client final et peut prendre différentes formes : – acquisition d’un réseau de distribution ; – acquisition ou création d’une entreprise de transport : Air France possède sa propre société de transport routier pour conduire ses passagers des aéroports au centre de Paris ; – création de service après-vente (Darty).

2) L’intégration verticale en amont Il s’agit à l’inverse de se rapprocher des fournisseurs, voire de s’y substituer. Cette stratégie permet d’assurer la sécurité de l’approvisionnement, de diminuer les coûts de contrôle et de stockage notamment. Elle peut également favoriser l’amélioration de la qualité.

b) L’intégration horizontale Il s’agit du développement vers des activités concurrentes ou complémentaires de celles de l’organisation. La gamme des produits ou services offerts devient plus large, on peut obtenir des gains de synergie selon la formule classique d’Ansoff (2 + 2 = 5) ; la production se développe. En revanche, il existe un risque de survenance de difficultés de coordination et de choc de cultures d’entreprises différentes dans le cas d’une intégration par absorption d’une autre entreprise. L’entreprise peut également se trouver confrontée à de nouveaux marchés qu’elle maîtrisera mal.

■ La diversification liée On appelle diversification liée le développement vers d’autres activités, mais qui ont des points communs avec l’activité initiale. L’organisation utilise un ou plusieurs maillons de sa chaîne de valeur comme pivot de diversification. Ce dernier peut être commercial (Disney utilise les boutiques situées dans ses parcs de loisirs pour vendre certains de ses produits) ou technologique (Boeing a fabriqué le Boeing 707 qui a été utilisé à des fins civiles et militaires) ou découler d’une compétence ou de la combinaison simultanée de plusieurs pivots.

■ La diversification conglomérale Il s’agit du développement vers des activités n’ayant aucun point commun avec l’activité initiale. On parle parfois aussi de diversification tous azimuts. Il y a création de nouveaux marchés, mais il se peut également que la nouvelle activité favorise le développement de l’activité initiale. Air France, lorsqu’elle créa la chaîne des hôtels Méridien, visait à développer son activité de

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transporteur aérien en offrant un produit complet à ses passagers depuis leur point de départ (grâce aux cars Air France dont nous avons parlé) jusqu’à leur hébergement à leur point d’arrivée (hôtels). L’avantage de ce type de diversification est, pour l’organisation, de disposer d’un portefeuille d’activités à risques différents. Les gains obtenus par certains DAS compensent des pertes temporaires subies par d’autres. En revanche, la gestion de l’ensemble pourra s’avérer complexe et les gains de synergie entre les activités peuvent être limités. Une telle stratégie peut également provoquer une perte partielle de la culture d’entreprise.

3 L’internationalisation Rappelons d’abord les concepts. La globalisation représente l’imbrication des stratégies des organisations et des politiques nationales et régionales dans un cadre mondial. C’est à l’intérieur de cette globalisation que l’organisation peut s’internationaliser, c’est-à-dire étendre ses activités au-delà du cadre national. Cette évolution n’est au demeurant pas nouvelle : François Braudel estimait que le monde occidental était mondialisé sous l’empire romain, au moins à l’intérieur du limes. Le célèbre historien américain Alfred Mahan (1840-1914) a démontré que la grandeur de l’empire britannique du XIXe siècle était due à l’enrichissement lié au commerce extérieur et, surtout, à la suprématie maritime du pays obtenue grâce à sa marine marchande florissante et à sa marine de guerre chargée de la protéger. En revanche, l’une des originalités du monde contemporain vient de ce que la globalisation actuelle est une mutation anthropologique qui va au-delà d’une simple mondialisation économique (Abélés, 2008) : la révolution de l’information et des transports conduit chaque habitant de notre monde à se connecter, volontairement ou non, avec le reste de la planète. Du point de vue de l’entreprise, nous suivrons la classification de Bartlett et Goshal (1991) qui distinguent : – l’entreprise internationale dont la présence à l’étranger demeure faible et dont les filiales locales sont gérées par la société mère ; – l’entreprise multinationale dont les filiales à l’étranger disposent d’une autonomie et où la coordination globale est faible ; – l’entreprise globale où la coordination globale est forte et la réactivité locale faible. Sa structure est intégrée par produit à l’échelle mondiale ; – l’entreprise transnationale dans laquelle coexistent une coordination globale forte et une réactivité locale élevée. La société mère assure la coordination au moyen de la culture d’entreprise et des processus.

CHAPITRE 8 – La stratégie au niveau de l’organisation Nous présenterons successivement les raisons de l’internationalisation, puis le processus et la façon dont l’entreprise va sélectionner ses marchés ; nous dresserons une typologie des modes d’accès aux marchés étrangers avant de conclure sur les facteurs de choix d’un mode de présence à l’étranger.

■ Les causes de l’internationalisation Nous analyserons successivement le cas de l’investissement direct puis celui de la coopération directe avant de généraliser l’étude à l’internationalisation.

a) Le pourquoi de l’investissement direct Les raisons de l’investissement direct à l’étranger sont au nombre de deux : augmenter les ventes et protéger les parts de marché. Comme force est de constater que ces objectifs peuvent être atteints par le biais de l’exportation, on peut se demander quels sont les avantages que procure l’investissement direct : – il permet d’éviter d’affronter les barrières à l’importation ; – il permet d’être à proximité de ressources qui manquent dans le pays d’origine : matières premières, main-d’œuvre bon marché... L’objectif est d’acquérir la maîtrise de l’exploitation et de la distribution de ces ressources ; – il évite l’utilisation des intermédiaires du commerce international et le recours à certains services extérieurs (assurance, distribution, service après-vente...) dont l’exportateur ne peut pas se passer ; – il permet d’abaisser les coûts de production : ce sont pour l’essentiel les coûts salariaux. Il faut cependant ajouter que la délocalisation permet aussi de bénéficier de la flexibilité du marché du travail et de l’absence ou de la non-application du droit du travail dans certains pays émergents ; – il permet de réduire certains coûts non liés au processus de production. Ils sont liés à l’existence d’une imposition faible, comme dans le cas du canton de Genève. Il va de soi, qu’avant de se lancer dans un investissement international, il convient de mener une étude comparative des coûts de l’investissement et de l’exportation.

b) Le pourquoi de la coopération directe internationale Il découle de l’épreuve des faits : de plus en plus, les gouvernements nationaux exigent une association de l’investisseur étranger avec des résidents locaux (c’est le cas dans de nombreux pays

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d’Amérique latine) et essayent d’intéresser les investisseurs étrangers à la réalisation d’objectifs locaux de développement. La coopération directe leur permet de réaliser ces objectifs. De leur côté, les entreprises peuvent être amenées à hésiter à s’implanter à l’étranger en raison des coûts que cela implique. En outre, la technologie que voulaient protéger les entreprises en effectuant un investissement direct hors des frontières nationales est fréquemment tombée dans le domaine public. La coopération directe internationale a pu, dans ces conditions, se substituer, dans de nombreux cas, à l’investissement direct international.

c) Les explications à l’internationalisation Outre celles que nous avons mentionnées et qui peuvent être généralisées, on peut trouver plusieurs explications à l’internationalisation sans recourir aux schémas d’explication des économistes qui sortent de notre champ d’étude : – il est parfois préférable pour l’entreprise de ne pas adopter une politique de diversification des activités susceptible de rapidement devenir risquée. L’internationalisation est alors un moyen de développement tout en conservant une stratégie de spécialisation des activités ; – lorsque l’entreprise est compétitive grâce à une gamme de produits, il sera préférable pour elle de la commercialiser hors des frontières plutôt que rechercher la diversification de ses activités. Le problème de l’internationalisation se pose donc en terme de stratégie et nous reviendrons par la suite sur ce point ; – la théorie managériale, qui met en exergue le rôle essentiel des dirigeants par opposition à celui des actionnaires, montre que les firmes qui s’implantent rapidement à l’étranger sont dirigées par des hommes aimant le risque. Ce sont eux qui définissent les marchés sur lesquels la firme s’implante et, comme ils souhaitent contrôler l’activité internationale, l’implantation se fait plutôt sous forme de filiales ; – la théorie behaviorale, qui s’intéresse aux relations entre les comportements individuels ou collectifs et la prise de décisions, montre que le rôle du propriétaire, dans la PME, ou du leader, dans la grande entreprise, est essentiel dans le processus d’internationalisation. Il est en effet exposé à des stimuli, internes ou externes à l’entreprise, qui déclencheront ou, au contraire, empêcheront ce processus. En définitive, ce seront les caractéristiques personnelles des dirigeants qui provoqueront ou empêcheront l’internationalisation. Il est important de rappeler ici que le processus d’internationalisation n’est pas le seul fait des entreprises des pays industrialisés et que certaines entreprises de pays émergents adoptent cette stratégie : c’est le cas de l’entreprise chinoise Geely qui racheta en 2010 100 % de la société Volvo Cars, filiale depuis 1999 de Ford Corporation.

CHAPITRE 8 – La stratégie au niveau de l’organisation

■ Le processus de l’internationalisation 1) On peut remarquer dans un premier temps que l’internationalisation sous sa forme la plus élémentaire, c’est-à-dire l’exportation, est, soit la conséquence d’un plan élaboré, soit le résultat d’une réponse à une occasion ponctuelle. Bilkey et Tesar (1977) résumaient dans un célèbre tableau qui est reproduit ci-après les six étapes du processus de l’exportation. Ce schéma, certes réducteur de la réalité, a le mérite de mettre en évidence un phénomène d’apprentissage à l’exportation et, plus généralement à l’internationalisation. Il va de soi que la durée de cet apprentissage varie selon le pays. Des chercheurs suédois ont, pour leur part, montré que l’internationalisation des firmes de leur pays était en fonction d’une « distance psychique », mesurée d’après le degré d’éloignement, de similitude entre les canaux de distribution, entre les marchés... Il résulte de leur étude que le système d’information de l’entreprise exerce une influence spéciale sur le processus d’ouverture internationale (Joffre, 1989). Tableau 5 : Les étapes du processus d’exportation 1) La direction ne s’intéresse pas à l’exportation. 2) La direction ne fait aucun effort pour exporter mais accepte des commandes. 3) L’entreprise étudie les opportunités d’exporter. 4) L’entreprise exporte de façon expérimentale vers un pays psychologiquement proche. 5) L’entreprise devient un exportateur expérimenté vers ce pays. 6) L’entreprise essaie d’exporter vers d’autres pays.

Toujours dans une optique comparable, des études américaines ont prouvé qu’au fur et à mesure que la connaissance des marchés s’améliorait, la démarche des entreprises devenait plus hardie et qu’elles n’hésitaient pas à se lancer sur des marchés éloignés psychologiquement et géographiquement (Vernon, 1989). 2) On peut également ajouter que plusieurs dimensions sont prises en considération dans le processus d’internationalisation. De Bodina (1986) en distingue trois : les pays, les marchés et les produits. C’est ainsi que l’on peut construire une typologie de l’engagement international qui s’étend de la PME exportant un produit dans un pays proche au groupe industriel qui vend des usines clés en mains à différents pays d’Amérique latine.

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3) Enfin, le processus d’internationalisation s’est accentué avec l’accroissement de l’intégration économique internationale dans les années d’après-guerre et le développement des politiques d’aides à l’exportation pratiquées dans la plupart des pays industrialisés. Bien entendu, plus l’entreprise est de grande dimension, plus son engagement international est important, encore que les PME aient tendance à s’internationaliser depuis une vingtaine d’années, par le biais de filiales de fabrication notamment. Il reste néanmoins que ce sont les entreprises de grande taille qui, le plus souvent, produisent à l’étranger.

■ La sélection des marchés en fonction de la stratégie de l’entreprise Si les caractéristiques propres du marché sont évidemment essentielles lors de la prise de décision par l’entreprise désireuse d’agir à l’étranger, il va de soi que son choix dépendra également de sa stratégie propre : désir de diversification tous azimuts ou, au contraire, besoin de recentrage des activités... Il en résulte plusieurs facteurs à prendre en considération : le degré de similitude du marché étranger par rapport au marché d’origine, le vecteur de croissance à l’étranger défini par la firme, la position compétitive de l’entreprise et le rythme d’internationalisation voulu dans le temps.

a) Le degré de similitude du marché étranger par rapport au marché initial Attiyeh et Wenner (1979) avaient très bien analysé la démarche à adopter dans un article publié aux États-Unis. On peut la résumer ainsi : l’entreprise choisit un marché en fonction de ses possibilités d’atteindre un niveau de performance satisfaisant face à ses concurrents ainsi que de ses ressources limitées. Ce niveau correspond à ce que les auteurs appellent la « masse critique » ; ils lui comparent la performance réelle de l’entreprise. Cet écart doit être comblé s’il est négatif ou conservé, voire accru, s’il est positif.

CHAPITRE 8 – La stratégie au niveau de l’organisation Le graphique suivant illustre la méthode : Figure 13 : La méthode de la masse critique

Le trait noir représente la masse critique, l’autre la performance de l’entreprise. La zone hachurée représente l’écart de performance à combler par l’entreprise. On déduit de cette étude les marchés pour lesquels les stratégies seront : – consolider la position ; – investir ; – abandonner.

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b) La définition d’un vecteur de croissance Il existe quatre cas de figures possibles que résume le schéma suivant : Figure 14 : Le vecteur de croissance de l’entreprise

Cas nº 1 : rien ne change. Cas nº 2 : l’entreprise peut uniquement désirer vendre son produit initial sur un marché nouveau. Elle devra retrouver une clientèle ayant le même comportement que sa clientèle d’origine. Ce sera évidemment rarement le cas dans la réalité, ce qui impliquera un repositionnement de la firme. Cas nº 3 : l’entreprise cherchera à vendre un nouveau produit à un même segment de marché. La cible reste identique. Il s’agit d’une politique d’internationalisation. Cas nº 4 : ici, la cible et le produit changent. On a une politique d’internationalisationdiversification.

c) La position compétitive de l’entreprise Il s’agit de replacer la stratégie suivie par la firme en fonction de la concurrence. Elle est soit défensive, soit offensive. Ces deux derniers termes, d’origine militaire, obligent à repenser la stratégie de la firme en termes militaires. C’est ce qu’ont fait Ayal et Zif (1978) auxquels j’emprunterai cette description résumée dans le tableau de la page suivante.

CHAPITRE 8 – La stratégie au niveau de l’organisation 1) La stratégie « accumulation de munitions » L’idée inhérente à cette stratégie est que l’entreprise porte son action sur son marché d’origine avant de s’internationaliser pour acquérir de l’expérience.

2) La stratégie « forteresse » L’entreprise concentre son action sur le marché intérieur où elle bénéficie d’une certaine protection, du fait par exemple de la législation protectionniste. Elle ne s’internationalise pas. On trouve de telles entreprises dans des pays en développement qui protègent une industrie naissante. C’était le cas du Mexique avant son adhésion au GATT. 3) La stratégie « tête de pont » L’entreprise va s’implanter dans un pays afin d’en atteindre un second, sur lequel se développent ses concurrents. On peut penser, à titre d’exemple, aux maquiladoras au Mexique.

4) La stratégie « périmètre de défense » Il s’agit d’une variante de l’internationalisation, limitée à des marchés proches pour des raisons géographiques ou culturelles ou politiques. Ainsi en va-t-il de l’Amérique latine pour les entreprises nord-américaines. 5) La stratégie « assaut frontal » L’entreprise attaque ses concurrents sur les marchés étrangers. Elle doit disposer des ressources financières et humaines nécessaires.

6) La stratégie « mouvement de tenaille » L’entreprise attaque ses concurrents sur les marchés étrangers, sans toutefois s’intéresser aux pays où se trouvent les firmes leader. 7) La stratégie « combats d’arrière-garde » L’entreprise cherche à maintenir sa position sur les marchés où elle n’est pas leader afin d’éviter le mouvement en tenaille dont nous venons de parler. 8) La stratégie de « ratissage » L’entreprise cherche à devenir leader mondial en attaquant sur tous les marchés possibles.

9) La stratégie « guerilla » L’entreprise, qui veut porter la concurrence dans des pays où elle ne se sent plus sûre, va harceler ses concurrents sur les marchés où ils sont en position dominante afin de les y immobiliser.

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Tableau 6 : Les stratégies de l’entreprise à l’étranger Concentration

Diversification

Objectif offensif Objectif défensif Objectif offensif Objectif défensif Accumulation de munitions

Forteresse

Impossible

Impossible

Marchés neutres

Tête de pont

Périmètre de défense

Mouvement de tenaille

Combats d’arrière-garde

Marchés de la concurrence

Assaut frontal

Impossible

Ratissage

Guérilla

Marchés d’origine

Source : Ayal (I.), Zif (J.), Competitive Market Choice Strategies in Multinational Marketing, Columbia Journal of World Business, 1978.

d) Le rythme d’internationalisation voulu dans le temps Il existe dans ce domaine deux stratégies possibles : – pénétrer rapidement un grand nombre de marchés, l’effort marketing étant bien sûr réparti entre ces derniers. Il s’agit d’une stratégie de dispersion ; – attaquer un nombre réduit de marchés de façon à s’y assurer une part de marché importante avant d’en attaquer éventuellement de nouveaux. Il s’agit alors d’une stratégie de concentration. Il semblerait que ces stratégies aient, à terme, les mêmes résultats.

CHAPITRE 8 – La stratégie au niveau de l’organisation

■ Typologie des modes d’accès aux marchés étrangers On peut schématiser cette typologie au moyen du schéma suivant : Figure 15 : Les modes d’accès aux marchés étrangers

a) Les filiales On distingue : – la filiale intégrée, parfois appelée « filiale-relais », qui est une filiale de commercialisation et de production ; – la filiale commerciale, implantée pour la seule mise en valeur commerciale du produit. Elle peut diriger un réseau de concessionnaires, comme c’est le cas dans l’automobile ; – la filiale industrielle ou de production, située à l’étranger et en particulier dans les pays en développement, pour réduire les coûts de production : main-d’œuvre, approvisionnement en matières premières. L’exemple type est celui des maquiladoras à la frontière entre le Mexique et les États-Unis ; – la filiale commune ou joint-venture établie en association avec un partenaire qui possède une partie de son capital. La joint-venture présente les caractéristiques suivantes : • elle est une entité juridique distincte des sociétés mères, • elle résulte d’une mise en commun de capitaux,

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• sa gestion est assurée de façon commune par les partenaires, • chacun d’eux possède un droit de contrôle. En pratique, on rencontre plusieurs types de joint-ventures qui résultent : • de l’acquisition partielle d’une société déjà existante à l’étranger lorsque le code des investissements local le permet, • de la création d’une entreprise nouvelle avec un partenaire qui est soit un partenaire local privé (on rencontre souvent ce cas de figure en Amérique latine), soit un partenaire local public (société mixte fréquente dans les secteurs de pointe), soit un partenaire également étranger (ce cas est plus rare). Notons enfin que les joint-ventures peuvent être des joint-ventures intégrées ou de production, ou de commercialisation. Dans ce dernier cas, le fait d’être associé à un partenaire local facilite la pénétration du marché puisque l’entreprise bénéficie de l’expérience de ce dernier.

b) Les succursales Les succursales n’ont pas de personnalité juridique, ce sont simplement des services décentralisés de l’entreprise. Elles relèvent de la fiscalité et du droit locaux.

c) L’exportation Il s’agit d’une vente directe à l’étranger, sans intermédiaire si l’on prend le terme au sens strict. Ce cas est évidemment un cas d’école et l’entreprise fait, dans la réalité, appel à des intermédiaires : – le représentant salarié basé à l’étranger ou au siège social. En fait, sa fonction est davantage celle d’une présence commerciale que d’une fonction de vente ; – le concessionnaire : il agit au nom de l’entreprise, il achète et vend les produits qu’elle lui procure. Il lui est lié par un contrat de concession valable pour un territoire déterminé. Il existe par conséquent une forte dépendance entre les deux partenaires, particulièrement sensible lors de la fixation du prix de vente du bien. L’entreprise qui veut contrôler sa politique de prix ne doit pas laisser le concessionnaire fixer ce prix. En revanche, elle peut mieux s’adapter au marché en laissant au concessionnaire une relative autonomie dans ce domaine ; – l’agent importateur, appelé aussi importateur distributeur ou grossiste importateur, n’est pas lié à l’entreprise exportatrice par un contrat aussi strict que le concessionnaire. Il n’y a, en particulier, pas d’exclusivité. Le danger pour l’exportateur est que l’agent importateur constitue un écran entre elle et le marché ; – le négociant international agit en son propre nom. Il achète et revend les produits sans avoir de fournisseurs ou de clients attitrés ;

CHAPITRE 8 – La stratégie au niveau de l’organisation – l’agent à la commission reçoit un mandat de l’entreprise exportatrice pour la représenter sur un marché étranger. Le lien entre les deux partenaires est donc très fort ; – le commissionnaire exportateur à la vente est un mandataire en général installé dans le pays de la firme exportatrice. Il prospecte, vend, expédie, facture au nom de cette dernière. Il reçoit en échange une rémunération ; – le commissionnaire à l’achat est mandaté par un acheteur pour l’approvisionner à l’étranger dans les conditions les plus avantageuses possibles. Il paie la marchandise et est rémunéré par l’acheteur ; – le courtier international met en présence un acheteur et un offreur qui le rémunèrent. Il ne reçoit pas de mandat.

d) Les licences On appelle licence d’un brevet « la concession d’un droit d’exploitation d’une invention qui a été publiée et dont un monopole d’exploitation a été attribué pour un certain temps par l’État à son inventeur ». La licence permet d’accéder à un marché sur lequel il est malaisé d’exporter ou de s’implanter. Elle nécessite très peu d’investissements. L’entreprise bailleur de la licence doit évidemment disposer d’une avance technologique et être capable d’en assurer le transfert. Bien entendu, le brevet doit être protégé, ce qui implique qu’il a été au préalable déposé auprès d’un organisme national ou international. À l’inverse, certains pays, du tiers-monde notamment, adoptent une législation restrictive vis-à-vis des brevets pour éviter que les entreprises n’adoptent une position abusive. De toute façon, des abus ont lieu dans les deux sens. On peut citer, à titre d’exemple, les difficultés de l’entreprise Lacoste au Mexique.

e) Les accords industriels On désigne sous le terme d’accords industriels « des accords par lesquels est organisée la communication d’un know-how industriel relatif à la fabrication d’un produit ou à l’exploitation d’un procédé ». Les accords industriels impliquent donc eux aussi un transfert de know how accompagné de la fourniture d’une assistance technique sans laquelle l’acquéreur ne pourrait maîtriser la technologie qui lui est remise. Dans une acceptation plus large, les accords industriels se transforment en une coopération comprenant la livraison d’équipements, la formation de personnels...

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f) Les contrats de gestion Dans un contrat de gestion, un investisseur construit ou achète un outil économique et en confie la gestion à une société de service au moyen d’un mandat. Cette dernière ne participe en principe pas à l’investissement, encore qu’elle puisse le faire. Ce type de contrats est très fréquent dans les activités de service. La chaîne d’hôtels Hilton International l’utilise souvent : c’est elle qui exploite et commercialise les hôtels placés sous son nom. En contrepartie, elle reçoit une rémunération, calculée sur le chiffre d’affaires de l’hôtel. L’investisseur, une société de capitaux privée ou publique, n’a aucun rôle dans l’exploitation. Il bénéficie du nom de la chaîne et de l’effet de chaîne au niveau de la publicité et du système de réservations notamment. Quant à la société étrangère, elle ne connaît qu’un risque minimal lié à l’exploitation et au rapatriement des redevances reçues. Les chaînes hôtelières nord-américaines sont particulièrement bien implantées en Amérique latine.

g) Le piggy-back Il s’agit d’un système de commercialisation par lequel un groupe industriel de taille internationale met son réseau commercial à la disposition d’autres entreprises en échange d’une rémunération. Il existe trois cas de piggy-back : – celui, de fait proche de la sous-traitance, qui consiste en la livraison de biens à l’intérieur du cadre de contrats de fournitures d’ensembles industriels ; – celui par lequel une entreprise qui s’implante hors des frontières entraîne avec elle certains fournisseurs ; – les accords de distribution commerciale.

h) La franchise La franchise est un accord selon lequel une entreprise, le franchiseur, met à disposition d’une autre entreprise, le franchisé, son nom, sa marque en échange d’une rémunération. Le franchisé est le propriétaire des actifs ; il assure la gestion de son établissement. Le franchiseur loue son enseigne et fait éventuellement bénéficier son partenaire de son savoir-faire. Il reçoit une redevance calculée le plus souvent sur le chiffre d’affaires obtenu par le franchisé. La franchise se rencontre fréquemment dans le secteur des services, celui de l’hôtellerie en particulier. Un exemple est fourni par la chaîne hôtelière américaine Holiday Inns. Outre son enseigne, la chaîne met à la disposition des franchisés son réseau de réservations, son expérience publicitaire ainsi qu’une « université » de formation des cadres aux techniques hôtelières.

CHAPITRE 8 – La stratégie au niveau de l’organisation

■ Les facteurs de choix d’un mode de présence à l’étranger Le choix d’un mode de présence à l’étranger est une décision à long terme qui conditionne la vie de l’entreprise dans la mesure où elle nécessite des ressources financières importantes et ce, quel que soit le mode de présence envisagé. Le choix, si compliqué soit-il, peut être effectué de façon rationnelle en considérant les objectifs de l’entreprise et les caractéristiques du marché sur lequel elle veut s’implanter.

a) Les objectifs de l’entreprise On en distingue quatre.

1) L’entreprise veut se rapprocher du marché C’est l’objectif le plus fréquent dans la pratique. Une telle situation est courante lorsque l’entreprise est en passe de perdre son marché national ou lorsqu’elle veut poursuivre la concurrence à l’étranger ou encore lorsqu’apparaît un nouveau marché. Dans ces conditions, la connaissance des besoins des consommateurs, ainsi que celle de leurs exigences sur les prix et la qualité des biens, nécessite une présence permanente. On l’obtient grâce aux moyens dont nous venons de parler. 2) L’entreprise cherche à minimiser ses risques Ils résultent de la commercialisation, du change, de la possibilité de rapatrier les fonds engagés. Il est courant de dire que les risques sont les plus importants dans les pays en développement, en raison des risques politique et financier qui s’ajoutent au traditionnel risque commercial. Il va de soi que l’entreprise qui souhaite minimiser ces risques dans les pays en développement a intérêt à utiliser des modes d’implantation comme la franchise, les accords de licence...

3) L’entreprise peut vouloir réduire ses coûts de production L’investissement à l’étranger est souhaitable si : CPE < CPN + CT + DD où : CPE = coût de production à l’étranger CPN = coût de production dans le pays d’origine CT = coût de transport DD = droits de douane La diminution des coûts de production, grâce notamment au bas coût de la main-d’œuvre, est la principale préoccupation des entreprises nord-américaines ou japonaises qui s’établissent au Mexique et exportent la quasi-intégralité de leur production aux États-Unis (maquiladoras).

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La réduction des coûts peut être obtenue de diverses autres façons : grâce aux accords industriels, il peut être plus intéressant de produire sous licence à l’étranger que d’importer. Enfin, la création d’une filiale commerciale peut entraîner à terme une réduction des coûts de commercialisation si elle évite le recours aux agents payés à la commission.

4) L’entreprise peut vouloir éviter les obstacles administratifs Dans ce cas elle décide l’implantation d’une unité de production locale ou utilise le mode d’implantation qu’est le transfert de technologie.

b) Les caractéristiques du marché Chaque marché présente des caractères particuliers qui influenceront le choix du mode d’implantation. Il est nécessaire de faire appel à un partenaire local si le marché est fermé. Une filiale commerciale est nécessaire lorsque le système de distribution du pays étranger est développé et lorsque le rôle de l’image de marque du produit est fondamental dans la décision d’achat des consommateurs. Il peut également être intéressant d’évaluer la rentabilité des différents modes d’implantation sur un marché, encore que les calculs correspondants soient délicats et longs à mener du fait de l’incertitude pesant sur le risque de change et le risque politique. Enfin, il faut rappeler que le mode d’implantation dépend fortement de l’expérience internationale de l’entreprise. Une entreprise qui pratique la franchise aura tendance à privilégier ce mode d’implantation sur un nouveau marché. En revanche, il n’existe pas de déterminisme, dans le choix d’un mode d’implantation, lié à la taille de l’entreprise : une PME n’est pas tributaire de l’exportation, ainsi que le prouve la présence de nombreuses filiales de PME françaises à l’étranger.

4 Un exemple de stratégie d’entreprise : la société El Corte Ingles La société de distribution El Corte Ingles fut créée en 1935 à Madrid par Don Ramon Areces Rodriguez. C’était à l’origine un simple magasin (PME) spécialisé dans la vente de vêtements pour enfants et qui comptait sept employés. Son développement rapide obligea son propriétaire de passer d’une structure juridique d’entreprise individuelle à une structure de société à responsabilité limitée (1940) puis de société anonyme (1952). Parallèlement le magasin devint un centre commercial spécialisé dans la vente de vêtements (étape de la spécialisation avec diversification géographique au niveau national : Madrid, Séville). Cette deuxième étape s’est poursuivie

CHAPITRE 8 – La stratégie au niveau de l’organisation jusqu’en 1981, avec une stratégie de diversification des activités : ouverture de nouveaux magasins à Valence (1971), Murcie (1973), Barcelone (1974), Malaga (1977) mais également création d’une filiale dans le tourisme (Viajes El Corte Ingles, 1969) et dans le secteur du bâtiment (diversification tous azimuts, 1976). C’est à partir de 1981 que la société, sous l’impulsion de ses nouveaux dirigeants après le décès de son fondateur, va entamer une nouvelle étape dans son développement, à savoir l’internationalisation : acquisition des magasins Harris en Californie (1981). Cette internationalisation demeure encore limitée jusque dans les années 2000-2005. La stratégie de développement reste fondée sur la croissance par ouverture de nouveaux magasins en Espagne et par une diversification sur le territoire de ce pays (acquisition de la compagnie d’assurances Correduria de Seguros en 1982, création de la société de service informatique Informatica El Corte Ingles, 1988). À partir de 2005, la stratégie va s’ouvrir de façon plus systématique aux activités internationales : ouverture d’un magasin à Porto (Portugal) en 2006, acquisition de locaux de 50 000 m2 à Rome et à Milan en 2008 afin d’ouvrir de nouveaux magasins. La société employait 105 000 personnes en 2008 réparties dans les DAS suivants : – magasins de vêtements, l’activité initiale, représentant un total de 101 entités ; – domaines d’activité stratégique proches de l’activité initiale : informatique, parfumerie, produits alimentaires, restauration, agences de voyages, téléphonie ; – domaines d’activité stratégique correspondant à une diversification conglomérale : assurances, construction, services financiers. Cet exemple illustre bien l’évolution d’une société au XXe siècle. De familiale, elle acquiert la structure de société par actions dont l’actionnariat est assez peu diversifié puisque 75 % du capital demeurent aux mains de la famille du fondateur. La stratégie de la société a évolué, mais de façon continue et en utilisant en parallèle et de manière exclusive des formes variées : – spécialisation et diversification géographique par région de 1935 à 1968 ; – diversification des activités autour de l’activité de base accompagnée d’une diversification géographique de 1969 à 1980 ; – recours à l’internationalisation de façon ponctuelle tout en axant le développement sur les autres modalités de 1981 à 2005 ; – développement plus systématique de l’activité internationale à partir de 2005.

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La mise en œuvre des stratégies On distingue traditionnellement la croissance interne de la croissance externe. Malheureusement, toute stratégie n’implique pas nécessairement la croissance, en particulier en période de crise, ce qui justifie le désengagement. Enfin, ces dernières années ont vu le développement d’une nouvelle modalité de développement des organisations, le partenariat, en raison, entre autres, de la mondialisation.

CHAPITRE

9

1 La croissance interne On parle de croissance interne lorsque l’organisation développe sa stratégie à partir de ses ressources et de ses compétences propres. Ce type de croissance s’effectue sous la forme d’une création, d’une capacité de production ou d’une capacité de recherche ou encore d’une capacité de commercialisation. Elle suppose que l’organisation va fonder sa croissance sur l’innovation quelle que soit sa forme. Les principaux avantages de la croissance interne sont qu’elle s’effectue de façon progressive, sans heurts culturels, et qu’elle valorise l’expérience qu’a acquise l’organisation. En revanche, elle s’effectue lentement, ce qui donne le temps de réagir à la concurrence. Par ailleurs, elle est souvent coûteuse, ce qui peut entraîner des problèmes de financement.

2 La croissance externe Nous rappellerons ici les modalités juridiques de ce type de croissance avant d’en présenter les avantages et inconvénients.

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■ Les modalités juridiques de la croissance externe On distingue en général la fusion, l’absorption et l’apport partiel d’actif. La fusion est utilisée lorsque deux ou plusieurs sociétés réunissent leurs actifs de façon à créer une nouvelle société. Elle constitue le lien privilégié auquel les dirigeants en quête de rupture stratégique ont recours. Les fusions sont fréquentes durant les périodes de croissance des performances des bourses de valeurs et lorsque les taux d’intérêt sont peu élevés. La réglementation et l’innovation financière en constituent les principales limites. Les objectifs sont l’extension de la gamme des produits, l’accès aux nouveaux marchés, l’accroissement des moyens de l’entreprise absorbante et l’obtention d’une meilleure efficacité.

L’absorption est la réunion de sociétés de dimensions, mesurées par le chiffre d’affaires ou par le nombre d’employés, inégales. Les actionnaires de la société absorbée reçoivent des titres émis à cet effet par la société absorbante qui, seule, demeure.

Enfin, dans le cas de l’apport partiel d’actif, une société apporte à une autre une partie de ses actifs en échange d’actions que cette dernière émet. Aucune des sociétés ne disparaît.

CHAPITRE 9 – La mise en œuvre des stratégies Sur le plan financier, ces opérations peuvent prendre plusieurs formes : – si la société acquise n’est pas cotée en bourse, l’acquisition s’effectue par négociation ; – dans le cas inverse, on utilise la procédure de l’offre publique d’achat (OPA) qui est soumise à diverses réglementations sur de nombreux marchés. La société absorbante propose directement aux actionnaires de la société à absorber de leur racheter leurs actions. Les dirigeants de cette dernière (la société-cible) peuvent s’opposer à cette opération. Une variante de l’OPA est l’offre publique d’échange (OPE). Ici, la société absorbante propose aux actionnaires de la société-cible de leur échanger leurs actions contre ses propres titres.

■ Les avantages et inconvénients de la croissance externe Le principal avantage de la croissance externe est la rapidité avec laquelle elle peut être mise en œuvre. Dans le cas d’une OPA, l’effet de surprise est un élément déterminant de la réussite. Par ailleurs, les ressources à mettre en œuvre pour effectuer la croissance externe sont moins importantes que celles à mobiliser en cas de croissance interne. L’internationalisation, par exemple, s’effectue fréquemment par croissance externe : l’acquisition d’une société permet de bénéficier de sa connaissance du marché étranger. Il se peut également que la firme que l’on veut absorber ait une position supérieure à celle de la société absorbante sur la courbe d’expérience, ce qui permet de raccourcir le délai d’apprentissage. La croissance externe peut également être préférable pour pénétrer sur un nouveau marché lorsque les positions des concurrents sont stables. L’absorption d’une société déjà établie n’augmente pas l’offre globale et évite de provoquer une « guerre des prix ». La croissance externe, en revanche, présente certains risques. Il existe tout d’abord la possibilité que le prix auquel l’entreprise a été rachetée ne corresponde pas à sa valeur réelle. De la même manière, la synergie attendue de l’acquisition n’est pas toujours obtenue. Enfin, l’acquisition peut entraîner un problème culturel : l’entreprise rachetée ne s’intègre pas dans le groupe en raison d’une incompatibilité d’organisation ou de culture. Cela s’était produit lorsque la compagnie aérienne Pan American racheta sa concurrente Florida Airlines et en licencia une partie du personnel. L’impossibilité d’intégrer au groupe un personnel qualifié et formé à sa culture contribua quelques années plus tard à la faillite de la Pan American. Il reste que l’internationalisation des entreprises a entraîné des vagues de fusions : déréglementation du transport aérien dans le monde, libéralisation des mouvements de capitaux au sein de l’Union économique et monétaire (UEM) en Europe. Ce mouvement qui, dans la dernière décennie, a atteint les sociétés de service n’est d’ailleurs autre que la répétition, dans d’autres

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secteurs d’activité économique, d’un phénomène qui avait touché les secteurs du textile, dans les années soixante, ou de la distribution, dans les années quatre-vingt. On peut également remarquer que croissance interne et croissance externe ne sont pas incompatibles entre elles. Si l’on reprend notre exemple de la société El Corte Ingles on constate qu’elle a pratiqué ces deux types de croissance. La croissance interne est utilisée pour l’implantation d’une partie des nouveaux magasins en Espagne : en 1979, El Corte Ingles crée sur ses ressources propres une chaîne de supermarchés Hipercor. En revanche, elle acquiert deux ans plus tard la chaîne de supermarchés californiens Harris, puis, en 1982, la compagnie d’assurances Correduria de Seguros. Ici donc, la croissance externe est un moyen d’assurer une stratégie de diversification géographique et de diversification des activités. La croissance interne sert à réaliser une stratégie de consolidation de l’activité initiale dans le pays d’origine.

3 Le désengagement Il s’agit ici d’arrêter l’activité d’un domaine d’activité stratégique pour affecter les ressources ainsi dégagées à d’autres DAS conformément à l’analyse effectuée dans la matrice BCG. L’abandon simple de certaines activités permet à l’entreprise de se recentrer sur son activité d’origine. Air France, par exemple, a abandonné il y a une dizaine d’années son activité hôtelière (hôtels Méridien) pour se recentrer sur le transport aérien, son véritable métier, et bien lui en a pris si l’on en juge à ses performances actuelles. Il faut cependant noter qu’une telle option stratégique est risquée sur le court terme : en effet, l’abandon d’activités s’accompagne parfois de troubles sociaux et d’une détérioration de l’image de marque, sans compter, bien entendu, la perte du chiffre d’affaires. Ce n’est donc que si la crise sur le court terme est surmontée que l’abandon pourra se révéler efficace. L’externalisation est également une forme de désengagement. En effet, l’entreprise confie à une autre une partie de sa chaîne de valeur de façon à consacrer ses forces à son cœur de compétences. La sous-traitance (une entreprise confie à une autre une tâche), la fourniture (une société fournit à une autre des éléments dont elle conserve la propriété industrielle), la concession, la licence et la franchise (voir chapitre précédent) sont des formes d’externalisation. L’externalisation permet la réduction des coûts et une flexibilité supérieure ainsi qu’une diminution de la complexité de la gestion. En revanche, elle introduit une dépendance, qui peut s’avérer dangereuse, envers d’autres organisations : perte de compétences, menace sur les approvisionnements, difficulté de contrôle de la qualité... Quoi qu’il en soit, l’externalisation n’a cessé de se développer depuis une quarantaine d’années : elle a initialement porté sur des activités telles que le gardiennage ou la restauration d’entreprise

CHAPITRE 9 – La mise en œuvre des stratégies (voir l’exemple d’Avenance) avant d’atteindre les fonctions comptable et informatique et, plus récemment, celles de la production et de la commercialisation. En outre, cette externalisation est loin de ne concerner que les seules entreprises privées puisque certains ministères y font appel : le Pentagone américain a recours aux sociétés militaires privées pour assurer certaines tâches en Irak.

4 Le partenariat Le partenariat est une forme de collaboration entre deux ou plusieurs organisations de façon à partager des ressources pour poursuivre une même stratégie. À cet égard, certains auteurs distinguent alliance et partenariat : l’alliance désigne pour eux une collaboration entre des organisations concurrentes et le partenariat celle entre des organisations non concurrentes.

■ Les types de partenariat et d’alliances On peut en distinguer six. Les trois premiers correspondent à des collaborations entre entreprises concurrentes ; ce sont : – les alliances complémentaires où des concurrents mettent en commun des ressources et/ou des compétences complémentaires. Dans l’alliance Sky Team, les compagnies aériennes membres (Aeromexico, Air France, Alitalia, Delta Airlines, KLM, (Korean Airlines...) mettent en commun leurs systèmes de réservation, leurs ateliers d’entretien... ; – les alliances d’intégration conjointe : les membres mettent en commun leurs ressources et compétences pour fabriquer un produit qu’ils ne pourraient pas, pour des raisons de coût ou de savoir-faire, produire isolément ; – les alliances dites additives : les membres seraient capables individuellement de fabriquer et de commercialiser le produit mais préfèrent s’allier pour dépasser plus rapidement un seuil de rentabilité. L’incitation des pouvoirs publics peut jouer un rôle déterminant, comme dans le cas d’Airbus Industries. Quant aux collaborations entre entreprises non concurrentes, on peut également en distinguer trois : – les joint-ventures ou coentreprises : on les rencontre fréquemment à l’occasion de projets internationaux. Les partenaires demeurent indépendants tout en créant une structure juridique commune afin de réaliser une activité déterminée. Une variante de la coentreprise est le consortium : les organisations se regroupent pour réaliser un grand projet sous l’initiative d’un ou de plusieurs États et avec l’appui de banques internationales et, souvent, d’un organisme d’aide

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au développement (Banque mondiale, Banque européenne d’investissement...) si le projet est réalisé dans un pays en développement ; – les partenariats verticaux : il s’agit d’une collaboration entre plusieurs entreprises opérant à différents stades d’une même filière ; – les accords intersectoriels dans le but d’exploiter ensemble une ressource ou des consommateurs (Coca-Cola et le parc EuroDisney).

■ Les facteurs de réussite du partenariat Le partenariat, s’il est réussi, permet d’obtenir une meilleure efficience et d’augmenter les compétences. Son succès dépend d’un certain nombre de conditions qui, pour certaines, sont définies lors de la négociation : – les objectifs, la répartition des tâches entre les partenaires, le partage des résultats, le processus de résolution des litiges futurs doivent être précisés. Cela est particulièrement important dans les partenariats internationaux pour lesquels le droit international privé est le recours ultime en cas de désaccord ; – le degré d’implication des pouvoirs publics. La plus grande partie des partenariats internationaux concerne des projets initiés ou soutenus par les États ou par les organisations supranationales (TGV, barrages, secteur de l’énergie...). Cette implication garantit en général l’obtention des ressources financières en provenance des institutions financières privées ; – la confiance qu’ont les partenaires entre eux. Elle intervient à plusieurs niveaux. Celui des dirigeants bien entendu, qui doivent se montrer capables de passer outre aux tensions culturelles engendrées par la nouveauté du partenariat. Le rôle des relations personnelles est à cet égard fondamental. Il doit cependant s’accompagner de la confiance entre les cadres des entreprises intervenant au niveau opérationnel, c’est-à-dire au niveau hiérarchique inférieur. Il en résulte que l’arrangement organisationnel au niveau du nouvel ensemble créé par le partenariat ne doit pas laisser apparaître d’ambiguïté dans les responsabilités de chacun, même s’il est indispensable de laisser ouverte la possibilité d’évoluer ; – l’évaluation périodique du partenariat : elle est la conséquence de ce qui vient d’être dit. Elle porte sur l’appréciation des résultats obtenus, sur la qualité des relations à l’intérieur du partenariat et sur la définition des objectifs futurs. On peut, pour conclure, remarquer que les partenariats connaissent, même si les premiers datent de la fin des années quarante aux États-Unis, un essor particulier depuis les années quatre-vingt en Europe. Ils ont même souvent été préférés aux fusions. Ils permettent en effet un rapprochement temporaire entre plusieurs organisations alors que la fusion est irréversible. Ils constituent une solution satisfaisante lorsque la fusion n’est pas justifiée pour des raisons de coûts ou pour

CHAPITRE 9 – La mise en œuvre des stratégies des raisons commerciales (l’entreprise cible possède des actifs non désirables ou se situe à un stade différent dans la filière) ou pour des raisons politiques (opposition de la puissance publique à la fusion). C’est ce qui explique que certaines entreprises n’aient pas fusionné alors qu’une certaine logique l’eût voulu (Continental Airlines et Delta Airlines aux États-Unis). Inversement, les avantages de la fusion par rapport au partenariat (synergies plus fortes à différents niveaux, image externe plus claire du point de vue commercial et juridique mais aussi vis-à-vis des investisseurs) peuvent justifier le recours à cette forme de croissance dans le secteur bancaire notamment. Il n’existe évidemment pas de règle générale comme dans la plupart des activités relevant des sciences humaines.

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PARTIE 4

La mise en œuvre de la stratégie par l’organisation

Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12

Les différentes structures des organisations La stratégie et la gestion des ressources humaines Les aspects financiers de la stratégie

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Une fois les orientations stratégiques fixées, l’organisation doit en assurer la mise en œuvre. Celle-ci dépendra à la fois de ses structures mais aussi de ses ressources humaines et, bien entendu, de ses capacités financières. C’est pourquoi nous étudierons, dans cette dernière partie, en quoi consistent les structures des organisations (chapitre 10) avant de nous intéresser aux ressources dont elles disposent et à leur gestion dans le but de réaliser les orientations déterminées. Ces ressources sont les ressources humaines (chapitre 11) et les ressources financières (chapitre 12).

Les différentes structures des organisations

CHAPITRE

10

1 Les facteurs de choix des structures La structure est souvent fonction des modes de gestion des organisations. Ceux-ci peuvent être appréhendés de manière théorique.

■ Les approches théoriques de l’entreprise et des modes de gestion Le tableau suivant récapitule l’évolution des théories relatives à l’entreprise et ses implications sur les modes de gestion au cours du XXe siècle. L’École classique se caractérise par l’importance de la centralisation, de la rationalisation et des motivations d’ordre monétaire dans une optique de maximisation du profit. Taylor et Fayol en sont les principaux représentants mais Gélinier ou Drucker (école néoclassique) reprennent partiellement leurs enseignements. En revanche, l’École des relations humaines, l’école des systèmes sociaux et la théorie des systèmes s’opposent à la théorie classique, à la fois en raison d’objectifs de stratégie générale différents et de modes de gestion souvent opposés. Les premiers auteurs avaient une formation militaire tandis que des auteurs comme Mayo, Herzberg, ou Emery et Trist s’inspirent de la psychologie ou de la sociologie. Ils sont de ce fait plus humanistes que leurs prédécesseurs mais ne remettent pas en cause le modèle libéral, contrairement à l’analyse marxiste très influente à partir des années 1930 jusqu’à la fin des années 1980.

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Tableau 7 : Les théories relatives à l’entreprise Groupes de fonctions de l’entreprise. Doctrine et management

Politique générale

Tactiques et procédures

Structure et répartition des fonctions

Liaisons Communication

Politique personnel Motivations

Relations humaines Formation

ÉCOLE CLASSIQUE (1900) Taylor Fayol

• Conservation du profit

• Procédures d’exception • Principes d’autorité • Contrôle à tous les niveaux

• Unité de commandement • Staff and line • Détermination d’un éventail de subordination • Centralisation • Définition étroite des tâches

• Principes d’officialisation des rapports • Centralisation de l’information • Chaîne d’information les plus courtes jusqu’à l’utilisateur afin d’éviter pertes et inflation

• Principe « bâton carotte ». • Importance. • Système de stimulations monétaires

• Sécurité • Stabilité • Principe d’objectivation

ÉCOLE NÉOCLASSIQUE (1956) Drucker Gélinier

• Maximisation du profit assurant la survie

• Objectif secondaires éclatés dans les centres de profit • Autocontrôlé

• Décentralisation • Aires de décision de plus en plus larges vers le haut de la hiérarchie

• Le supérieur est plutôt un agent de communication inter et intra-groupe

• Intérêt financier • Délégation des responsabilités. • Compétition. •Promotion proportionnelle aux résultats

• Équilibre délicat entre motivations positives et négatives • Importance de la formation

Secteur administratif • Système hiérarchique et officialisé de communication • Bordereaux

Secteur production

• Chaînes de production • Rationalisation des postes et des tâches • Contrôle de rendement

—————————————————————————————————— -------------------------------------------------------------------------------------------------------------

CHAPITRE 10 – Les différentes structures des organisations

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------------------------------------------------------------------------------------------------------------———————————————————————————————————————————— ÉCOLE DES • Favorise • Adaptation • Commande- • Prise en • Instaura• Comités • Mise en RELATIONS HUMAINES (1930) Mayo Likert Herzberg

le plein des groupes emploi aux objectifs humain et à atteindre professionnel

ment participatif • Principe « Bottom up »

considération des communications informelles

tion d’un • Échanges climat de vues favorable • Bien-être, confort • Coopération amicale • On privilégie le groupe sur l’individu

ÉCOLE DES SYSTÈMES SOCIAUX (1950) E. Jacques Emery Trist

• Satisfaction maximale de l’individu

• Définition des missions institutionnelles • Personnalisation des objectifs

• Unité de commandement limitée aux cas de conflit • Principe de l’aire d’influence • Non tranchée : centralisation/ décentralisation

• Prise en considération de l’environnement

• Modèles de résolution de conflits internes

THÉORIE DES SYSTÈMES (1965) Crozier Simon

•Coordination des potentiels pour réaliser l’objectif du système

• Régulation cybernétique globale • Stimulation

• Chaque poste est une « boîte noire » puis un sous système

• Toutes les liaisons sont considérées sous forme de flux unités par un langage

Source : B. Martory, Y. Pesqueux, Econo.

condition favorable du personnel

• Lignes de communication courtes utilisées dans toute leur longueur • Authentification de l’information

• Études et simulation débouchant sur la conception et la réalisation d’« outils sur mesure »

• Études et simulation débouchant sur la conception et la réalisation d’« outils sur mesure »

L’ESSENTIEL

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DE LA

STRATÉGIE

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■ Les facteurs qui influencent la structure des organisations Il est courant d’en distinguer cinq.

a) La stratégie De même que nous avions remarqué que la stratégie varie selon la phase de l’histoire durant laquelle se situe l’organisation, de même on peut remarquer que la structure varie selon l’étape historique à l’intérieur de laquelle se trouve l’organisation, ce qui prouve la relation entre structure et stratégie. On peut écrire, comme Chandler (1972) que « la structure suit la stratégie ». La stratégie de spécialisation qui est le propre des organisations dans une première partie de leur existence implique la mise en œuvre d’une structure par fonctions. À partir du moment où l’organisation se diversifie, elle doit adopter une structure par division décentralisée, ce qui peut se traduire par le fait que les divisions vont devenir à terme, pour reprendre l’expression de Williamson, des « quasi-firmes ».

b) L’environnement Deux auteurs britanniques, Burns et Stalker, ont, à partir d’une étude faite sur des entreprises de leur pays, mis en évidence deux types de structures : – la structure « mécanique » qui correspond à un environnement stable. Elle se caractérise par une forte spécialisation, une hiérarchie stricte et un contrôle autoritaire ; – la structure « organique » qui s’applique à un environnement instable : hiérarchie souple, tâches définies de façon évasive, prise de décisions décentralisée... En outre, les auteurs américains, Lawrence et Lorsch, ont montré que chaque service de l’organisation adaptait, dans cette situation, sa structure interne au degré d’incertitude de l’environnement immédiat : un service comptable aura tendance à adopter une structure mécanique alors qu’un service marketing adoptera plutôt une structure organique. Enfin, des études empiriques ont montré que les organisations les plus performantes étaient celles qui étaient capables de s’adapter le mieux à leur environnement.

c) La taille La relation entre la structure et la taille de l’organisation résulte de celle que nous avons mise en évidence entre la structure et la stratégie. La PME spécialisée possède une structure personnalisée centralisée autour du dirigeant. Son développement s’accompagnera d’une décentralisation progressive du fait que le dirigeant ne peut plus, matériellement, assumer l’ensemble des tâches.

CHAPITRE 10 – Les différentes structures des organisations

d) La technologie C’est l’auteur britannique Woodward (1982) qui mit, le premier, en évidence la relation existant entre la technologie et la structure. Il distingua, à cet effet, trois classes de technologies dans les entreprises britanniques : – la production à l’unité ; – la production de masse ; – la production continue. À ces trois classes, correspond un niveau de complexité et, par conséquent, une complexisation accrue des tâches et des structures. Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) peut également avoir des conséquences sur les structures : centralisation de certaines décisions, comme le choix des fournisseurs ; standardisation des règles et des procédures. Cependant, on remarque, d’un autre côté, que ces mêmes NTIC peuvent favoriser la flexibilité, ce qui favorise la réactivité. On retrouve ici le célèbre slogan de Microsoft : l’entreprise agile.

e) La culture Au sens large, la culture peut être définie comme un système de valeurs et d’idéaux partagés par les habitants d’un pays. Dans la réalité, on peut distinguer trois niveaux de culture : – la culture nationale : elle a des conséquences sur le comportement au travail, le respect de l’autorité, l’acceptation des inégalités. Il faut cependant remarquer qu’il existe des cultures subnationales dont l’influence, pour l’entreprise, est fondamentale. En Suisse par exemple, c’est au niveau du canton que la législation peut avoir le plus d’influence sur l’entreprise. Il en va souvent ainsi dans les pays à structure fédérale ou confédérale : Canada, États-Unis. La législation relative à l’entreprise (législation du travail, imposition...) relève pour l’essentiel de l’état ou du canton. Il n’existe ainsi pas de droit des sociétés fédéral aux États-Unis. Chaque état possède sa propre législation ; – la culture du champ sectoriel : qui est le réseau d’organisations partageant des valeurs et des pratiques communes. Il existe dans les champs des présupposés sur les bonnes pratiques de gestion : par exemple, le champ sectoriel « éducation » ; – la culture organisationnelle : les valeurs sont, à ce niveau, aisément identifiables. On distingue parfois, à cet égard, les croyances implicites ou paradigmes et les manifestations de la culture. Hofstede (1987) avait distingué quatre grandes caractéristiques des cultures : – le degré d’individualisme : il est plus élevé dans les pays industrialisés que dans les pays en développement ;

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– la distance hiérarchique et, par conséquent, les inégalités individuelles : alors que la Constitution française insiste sur l’égalité entre les hommes, celle des États-Unis ne s’intéresse qu’à la liberté, génératrice d’inégalités sociales ; – le contrôle de l’incertitude : la protection sociale des individus est forte en France ; elle est faible aux États-Unis ; – la masculinité/féminité : la société « masculine » prône la réussite individuelle, la société « féminine » privilégie l’entraide.

2 La description des structures des organisations On appelle organigramme une représentation graphique de la structure de l’entreprise. En France, l’Afnor propose une telle représentation normalisée qui est utilisée en tant qu’outil d’analyse. De nombreuses entreprises publient les organigrammes dans les rapports annuels ou sur leurs sites Web. L’organigramme présente la structure formelle de l’entreprise pour une période donnée. Cette structure peut varier dans le temps, elle peut également cacher la présence d’une structure informelle qui caractérise la vie réelle de l’entreprise et est fondée souvent sur des relations plus personnelles. La présence de la structure informelle est à la fois un facteur de souplesse dans la gestion et une source éventuelle de dysfonctionnements.

■ La structure personnalisée C’est une structure dans laquelle les liaisons et procédures sont relativement personnalisées et peu formalisées : on privilégie les relations personnelles et le directeur règle les problèmes. Il est par conséquent débordé et l’entreprise a besoin de cadres compétents. En revanche, le personnel est motivé et l’organisation est très flexible.

CHAPITRE 10 – Les différentes structures des organisations Figure 16 : Exemple de structure personnalisée

■ La structure fonctionnelle centralisée La fonction est une activité homogène précise : fonction commerciale, fonction financière... Les fonctions servent, dans cette structure, de critères de découpage structurel de l’entreprise. La direction assure la coordination au sommet, chaque individu occupe une position bien définie, les procédures de diffusion des ordres sont formalisées et suivent une ligne hiérarchique incontournable. Le contrôle prend une place essentielle, la direction générale règle les conflits entre les directions. Une telle structure s’applique bien aux entreprises à activité unique ; elle sous-entend un fonctionnement simple et une spécialisation par fonction. Elle implique une forte centralisation qui peut entraîner le ralentissement des décisions et favoriser les conflits personnels entre les responsables des différentes fonctions.

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Figure 17 : La structure fonctionnelle centralisée

■ La structure divisionnelle décentralisée Les divisions correspondent à des ensembles de services, leurs responsables ont à charge un produit ou un marché. Chaque division possède souvent une structure fonctionnelle centralisée et dispose d’une autonomie de manœuvre assez grande. La direction générale, à l’effectif réduit, intervient pour la fixation d’objectifs globaux, pour la répartition des moyens financiers et pour le contrôle. La division peut correspondre par conséquent à un DAS. La direction générale n’intervient plus dans les questions opérationnelles et favorise la mise en œuvre de stratégies de portefeuilles que nous avons étudiées précédemment (matrice BCG...). En revanche, il existe un risque réel d’éclatement de l’organisation et le coût d’une telle structure est élevé.

■ La structure matricielle Chaque membre de l’entreprise est repéré par les coordonnées d’une matrice ; l’abscisse représente l’appartenance à une fonction et l’ordonnée précise à quels projets ou tâches le responsable se consacre. On combine donc les avantages de la spécialisation et de la coordination pour supprimer les inconvénients des structures précédentes. On rencontre ces structures dans les grandes entreprises multinationales.

CHAPITRE 10 – Les différentes structures des organisations Figure 18 : La structure matricielle

■ La structure de l’entreprise multinationale Le critère premier de distinction est le plus souvent le produit si l’entreprise internationalise ses produits sur un nombre limité de marché.

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Figure 19 : La structure de l’entreprise multinationale par produit

À l’inverse, l’entreprise peut adopter un premier critère de découpage géographique par zones puis par produits. Figure 20 : La structure de l’entreprise multinationale par zone géographique

CHAPITRE 10 – Les différentes structures des organisations et :

3 Le cas particulier de l’internationalisation de l’entreprise

■ Le début de l’internationalisation des structures Le directeur de la société, si le nombre et le volume des activités à l’étranger deviennent importants, sera conduit à créer une division internationale. Son rôle est de gérer les exportations et les filiales situées à l’étranger. Le directeur de cette division entre en concurrence avec les autres directeurs, comme le montre l’organigramme ci-après, lors des décisions d’allocation de ressources. À terme, il devra, si les activités internationales se poursuivent avec succès, posséder son propre état-major.

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Figure 21 : Structure par produit avec une direction internationale

■ Les autres étapes de l’internationalisation La division internationale va, toujours dans une optique de développement, créer des sous-divisions par zones géographiques ou par catégorie de produits. On reproduit, au demeurant, assez souvent la structure organisationnelle de l’entreprise. On retrouve évidemment les schémas précédents. Sous une forme très développée, une structure avec directions internationales par produits peut se présenter sous la forme suivante.

CHAPITRE 10 – Les différentes structures des organisations Figure 22 : Un exemple de structure avec directions internationales par produits

De nombreuses sociétés préfèrent, à cette formule, celle de l’organisation par directions de zones géographiques. Chaque direction est responsable des activités dans les pays regroupés sous leur autorité.

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Figure 23 : Un exemple de structure par directions de zones géographiques

À l’intérieur des divisions, les directeurs de zones peuvent opter pour une organisation par produit ou par pays ou par fonctions opérationnelles (marketing, production...). Le président de la société dispose d’un état-major fonctionnel qui coordonne et contrôle les politiques financières et de personnel des zones. Chaque directeur définit et contrôle les objectifs à long terme de la division. Il participe aux décisions d’allocations de ressources entre les zones et les produits. L’Oréal possède ce type d’organisation.

CHAPITRE 10 – Les différentes structures des organisations

4 Un exemple, le cas McDonald’s La stratégie de cette entreprise est fondée sur la création de filiales dans lesquelles elle possède des participations et des franchises. Il existe par conséquent deux niveaux de décisions : – McDonald’s corporation définit la stratégie du groupe et prend les décisions stratégiques de manière centralisée : investissement et développement, financement, communication ; – les filiales sont responsables des décisions au niveau du fonctionnement : achats, fixation des prix dans les pays, communication au niveau régional. Les filiales rédigent tous les mois un rapport d’activité présentant le bilan, le compte de résultat, l’état des ventes par produit, la trésorerie et l’état des stocks ; ce rapport est analysé au siège central qui prend ensuite d’éventuelles décisions relatives à la promotion du personnel. Il faut en effet remarquer le rôle important de la promotion interne au sein de McDonald’s : de nombreux cadres ont débuté leur carrière à un poste à faible responsabilité. L’organigramme de la société est à la fois hiérarchique et fonctionnel. À sa tête, se trouvent un président et un conseiller qui sont membres du conseil d’administration. Ils disposent d’une large autonomie tout en étant aisément révocables. Les divisions fonctionnelles situées au niveau immédiatement inférieur sont : – la division Investissement et Développement (I + D) chargée de la recherche pour l’obtention de nouveaux produits, des investissements en matériels de cuisine et en nouveaux matériels de production ; – la division Marketing est scindée en deux : marketing à destination des adolescents et marketing à destination des adultes. Les activités marketing sont la publicité, le patronage de manifestations sportives... ; – la division Finance dont les fonctions incluent notamment le contrôle des coûts ; – la division Formation qui gère l’université du hamburger. Elle accueille 3 000 étudiants par an ; – la division Production qui assure le contrôle de la production ; – la division Internationale qui a un rôle particulier et est dirigée par un directeur exécutif international à la tête d’une structure par zones géographiques. Elles sont au nombre de quatre (Asie-Pacifique ; Europe ; États-Unis ; Amérique latine) et ont à leur tête un directeur qui dispose d’une large autonomie. On trouve ensuite les directions nationales, dont dépendent les restaurants du pays. Chaque restaurant est composé de départements (administration, cuisine, personnel, entretien, service clients) dirigés par un assistant au gérant dont l’un des rôles est d’assurer la liaison avec la direction pays.

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La stratégie et la gestion des ressources humaines La définition et la mise en œuvre de la stratégie supposent, ainsi que nous l’avons déjà noté, de nombreux arbitrages. Ces arbitrages s’effectuent, à différents degrés, à tous les niveaux de l’organisation et impliquent une gestion adéquate des ressources en hommes (le facteur travail des économistes). C’est pourquoi nous discuterons ici du commandement, des motivations des subordonnés et, en conclusion, des attentes des parties prenantes.

CHAPITRE

11

1 Le commandement Il convient de rappeler quelle est la source de l’autorité avant d’analyser les styles de direction possibles.

■ La source de l’autorité L’autorité représente le pouvoir. Elle donne le droit de commander, d’obliger les subordonnés à effectuer des actions qu’ils n’effectueraient pas nécessairement de leur plein gré. C’est un concept éminemment militaire dont la transgression s’accompagne en général d’une sanction. La reconnaissance de l’autorité est souvent liée à la culture nationale : la culture orientale met l’accent sur la concentration du pouvoir tandis que la culture occidentale insiste sur l’attribution de ce même pouvoir. Le respect de la hiérarchie sera plus fort dans les entreprises des pays d’Asie, tels les chaebols, ou conglomérats sud-coréens. Il est d’usage de distinguer trois sources de l’autorité.

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a) L’autorité statutaire Elle provient, ainsi que son nom l’indique, des statuts ou de la charte de l’organisation. Elle n’appartient pas à la personne qui l’exerce mais elle est délimitée par la définition des tâches que les subordonnés doivent faire. L’illustration la plus évidente de cette autorité est celle de l’autorité du président d’une Nation, dans un système démocratique. Elle découle de la Constitution (Constitution de 1783 des États-Unis, Constitution de la Ve République en France...). L’autorité statutaire a par conséquent un caractère légaliste qui confère à son détenteur le droit de dire à ses subordonnés ce qu’ils doivent faire, comment ils doivent le faire et quand ils doivent le faire. Fayol, qui était un ancien officier de l’Armée de terre française, a développé l’étude de ce type d’autorité.

b) L’autorité sapientiale Elle est fondée sur la connaissance (sapiens signifie savant en latin). Elle s’exerce en vertu du savoir au sens large puisque ce savoir résulte de l’acquisition de connaissances théoriques ou de compétences pratiques (expérience). Le spécialiste en conseil peut également exercer une autorité de ce type tout en intervenant uniquement par le biais de son expérience.

c) L’autorité personnelle À l’inverse des deux précédents types d’autorité, dont la caractéristique commune résulte d’une reconnaissance rationnelle, l’autorité personnelle repose sur la soumission des membres de l’organisation à la valeur d’un individu qui repose sur des qualités subjectives (tact, esprit d’équité...) mais qui lui procure une autorité de fait. Il s’agit de ce que Max Weber appelait l’autorité charismatique. On la retrouve fréquemment dans les PME, mais aussi en politique.

■ Le pouvoir En définitive, le pouvoir définit dans quelle mesure des individus ou des groupes sont capables d’inciter les autres à modifier leurs comportements. Dans toutes les organisations, on retrouvera des signes de pouvoir.

a) Le statut de l’individu Il s’accompagne d’un niveau adéquat de ressources financières et humaines mises à sa disposition.

CHAPITRE 11 – La stratégie et la gestion des ressources humaines

b) La représentation à des postes de pouvoir Elle figure sur la plupart des organigrammes de façon explicite ou implicite. La place de l’individu sur ce dernier est habituellement assez représentative de son degré d’influence dans la prise de décisions. Il faut cependant ajouter que coexistent souvent dans les organisations les structures formelles et informelles : l’épouse d’un chef d’État peut détenir une influence non négligeable.

c) Les symboles du pouvoir Ils varient selon les organisations. Ce sont souvent des signes extérieurs tels que la qualité du mobilier, la taille du bureau dans lequel se trouve le responsable.

■ Le style de direction On distingue souvent le manager et le leader. Le premier dispose d’un pouvoir légitime et a une autorité formelle. Zaleznik (1977) montre que le manager possède le sens de la rationalité et du contrôle. Inversement le leader, qui possède souvent une autorité formelle, est plutôt actif ; il aime le risque et est charismatique. Son charisme lui permet de mobiliser une équipe. Blake et Mouton (1985) ont, dans une analyse désormais classique, distingué cinq styles de direction : – le management « country club » qui met l’accent sur les besoins des individus de façon à créer une ambiance conviviale et un rythme de travail confortable ; – le management fondé sur le travail en équipe : tous les membres de l’organisation se sentent concernés. Il en résulte des relations de confiance et de respect ; – le management institutionnel : le niveau de performance est obtenu par un équilibre entre les nécessités de la production et le maintien du moral des membres de l’organisation à un niveau satisfaisant ; – le management fondé sur l’autorité et l’obéissance : ici on donne le moins de place possible à l’élément humain ; – le management appauvri : on déploie le minimum d’effort pour réaliser les tâches, le seul objectif étant de se maintenir dans l’organisation.

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2 Les motivations des subordonnés Les motivations des individus ont depuis longtemps été étudiées par des auteurs en sciences politiques et économiques. Pufendorf (1632-1694) avait par exemple démontré que les hommes, dans leurs actes, recherchaient à la fois des avantages matériels et financiers mais aussi la possibilité de s’intégrer à la vie en société (self-interest et sociability). Adam Smith reprit cette théorie, tout comme, plus directement, les analyses contemporaines.

■ L’analyse selon les besoins Désormais universellement reconnue, cette analyse due à Maslow (1987) montre que le comportement des individus provenait du niveau de leurs besoins non encore satisfaits. La pyramide de Maslow décrit les besoins des individus et les réponses que l’organisation peut apporter : – les besoins fondamentaux sont les besoins physiologiques, c’est-à-dire liés à la vie. Le salaire sert à les satisfaire ; – les besoins de sécurité. On les satisfait en garantissant la pérennité de l’emploi, en offrant différentes assurances ou des systèmes de retraite comme aux États-Unis ; – les besoins sociaux n’ont plus les caractéristiques matérielles des deux catégories de besoins précédents. Ils sont liés au désir d’appartenance à un groupe ; – les besoins d’estime apparaissent ensuite : l’individu va rechercher un titre, un statut ce qu’une promotion lui permettra d’obtenir ; – les besoins d’accomplissement. Il s’agit de la recherche d’une autonomie dans le travail et de plus grandes responsabilités.

■ L’analyse de McGregor McGregor répartit les individus en deux classes dites théorie X et théorie Y. La théorie X inclut les individus dont l’attitude est passive. Ils manquent d’ambition, rejettent les responsabilités. Leurs motivations sont la sécurité et un certain niveau de rémunération. Ils s’impliquent assez peu dans leur travail, se limitant strictement à effectuer ce qui leur est demandé. Ils n’aiment évidemment pas le changement. La théorie Y, à l’inverse, regroupe les individus dynamiques et ambitieux. Ils ont le sens du défi, sont de nature enthousiaste et s’impliquent au-delà de ce qui est exigé d’eux.

CHAPITRE 11 – La stratégie et la gestion des ressources humaines Il va de soi que des styles de direction différents doivent être adoptés selon la théorie : autoritarisme dans le cas de la théorie X, souplesse dans celui de la théorie Y.

■ Le choix du style de direction Il a un rôle essentiel dans la motivation des individus.

a) Les facteurs du choix Comme on l’a pressenti à la lecture des pages précédentes, le choix dépend à la fois de la personnalité du manager, de celle des subordonnés et du contexte dans lequel évolue l’organisation. Likert (1974) distinguait quatre styles de direction : le style autoritaire exploiteur, le style autoritaire paternaliste, le style consultatif et le style participatif. Pour lui, le style participatif se révélerait le plus efficace. De son côté, Mintzberg (1971) a démontré que le bon manager est un homme de contact, un informateur et un décideur. Il doit être capable, en particulier à notre époque, d’animer les équipes à distance par une bonne utilisation des techniques de l’information et de la communication (TIC). Compte tenu de la culture de l’organisation et du degré d’urgence des situations que rencontre le manager, il est possible de développer la motivation des hommes dans un cadre de liberté procuré par l’indétermination qui résulte du jeu des acteurs sous la double contrainte de l’organisation, au côté structurant, et de la culture du sous-groupe d’individus qui est dirigé.

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Figure 24 : Les déterminants de la motivation

b) Le problème de la communication La communication est un élément essentiel dans l’obtention d’un climat social satisfaisant et, par conséquent d’un bon niveau de satisfaction. Si l’information est source de pouvoir, parallèlement elle est très souvent l’instrument essentiel de l’exercice du pouvoir. De plus, quiconque accepte de communiquer de l’information éprouve quelque réticence en raison de la perte de pouvoir que cela implique. Compte tenu de ces contraintes, les observateurs posent les conditions suivantes au succès d’une politique de communication : – volonté de la direction générale de mettre en œuvre une réelle politique de communication : il est nécessaire, de surcroît, que son entourage immédiat comprenne cette volonté et souscrive aux objectifs définis. Ses membres devront avoir une participation active dans le cadre des moyens de communication qui seront mis en place ; – implication de l’encadrement : avant d’implanter n’importe quel moyen de communication, il est indispensable de faire comprendre à l’encadrement que l’autorité ne s’attribue pas, mais que pour savoir diriger les hommes, il faut savoir les écouter, les informer et gagner leur adhésion.

CHAPITRE 11 – La stratégie et la gestion des ressources humaines À titre d’illustration, nous donnons ici le résultat d’une enquête menée dans l’hôtel Ritz Health Club de New York en 2004 et qui explicitait les causes du climat social médiocre régnant dans cette entreprise. Tableau 8 : Les problèmes de communication rencontrés dans un établissement hôtelier 1er rang Problèmes centrés sur soi et ses attentes

e

2 rang

Insatisfaction du personnel vis-à-vis de la promotion

3e rang

Insécurité sur l’avenir

e

Problèmes relevant des supérieurs

Cloisonnement entre les services

4 rang

Manque de stimulation, de motivation

5e rang

Difficultés de communication avec ses supérieurs et ses collègues

6e rang

Manque de définition des tâches

e

7 rang

Insuffisance de commandement

8e rang

Manque de définition des objectifs

e

9 rang

Mauvaises conditions matérielles de travail

À partir d’études du même type, on a pu mettre en évidence quatre dimensions de l’information sociale nécessaire dans une organisation.

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Figure 25 : Les quatre dimensions de l’information sociale

CHAPITRE 11 – La stratégie et la gestion des ressources humaines

3 La gestion des hommes

■ La notion de gouvernement d’entreprise On peut définir le gouvernement d’entreprise comme l’ensemble des pratiques, structures et procédures qui précisent le partage du pouvoir, la répartition des responsabilités et les modes de contrôle entre les parties prenantes. La structure de gouvernement établit les intérêts que l’organisation devra servir et la manière dont elle va établir les priorités. Il est courant de considérer, qu’à l’exception des PME, il y a en général séparation entre la possession (investisseurs) et la gestion des organisations (managers), d’où l’existence de conflits d’intérêts plus ou moins aigus. Les parties prenantes sont : – les actionnaires : le conseil d’administration agit en leur nom dans le secteur privé : • en Europe continentale, le pouvoir est souvent concentré au sein d’une famille fondatrice. C’est l’inverse dans les pays anglo-saxons. Le pouvoir y est réparti entre des groupes d’actionnaires qui agissent de façon concertée et le conseil d’administration est contrôlé par des actionnaires de référence. Au Japon, les banques investissent dans les entreprises et le conseil d’administration n’est qu’un niveau parmi d’autres de prise de décision (keiretsu) : il n’existe pas la même exigence de profit à court terme, • en Europe, on rencontre parfois deux instances : la direction en charge du pilotage et le conseil de surveillance qui contrôle son activité (Allemagne). On contrebalancera ainsi le pouvoir des managers. Cette structure est autorisée en France. On la trouve chez Accor, Axa, Crédit Agricole... ; – les créanciers et les prêteurs : dans les pays anglo-saxons, on privilégie l’augmentation de capital comme moyen de financement à long terme : les relations avec les banques sont contractuelles. Au Japon, elles font partie du même groupe que les entreprises qui ont moins besoin de faire appel au marché financier. Il existe une vraie stratégie à long terme ; – les clients et les usagers : ils sont depuis quelques décennies davantage protégés par les lois sur la consommation ; il existe des autorités de régulation, comme le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Elles influencent les stratégies des entreprises. De nombreux services publics rédigent des « chartes » qui précisent leurs obligations envers les clients : RATP...

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■ Les attentes des parties prenantes Il existe souvent un conflit actionnaires/managers. En outre, les multinationales sont exposées à des environnements multiples : contestation antimondialiste contre McDonald’s par exemple. La cartographie des parties prenantes identifie leurs attentes et leurs pouvoirs pour établir les priorités politiques. On peut ainsi construire une matrice pouvoir/intérêt qui regroupe les parties en fonction du pouvoir qu’elles peuvent exercer et de l’intérêt qu’elles portent à la stratégie. Figure 26 : La matrice pouvoir/intérêt

L’interprétation de la matrice est la suivante : – case D : ce sont les actionnaires ; – case C : il s’agit des investisseurs institutionnels. Ils peuvent devenir des acteurs clefs ; – case B : c’est la collectivité. On peut la soumettre au lobbying ; – case A : c’est le grand public ; on lui donne des communiqués de presse. Bien sûr, la matrice varie dans le temps selon l’organisation : un changement de ministre dans un gouvernement si l’ancien ne s’intéressait pas à l’organisation alors que le nouveau s’y intéresse modifiera peut-être la stratégie à poursuivre.

CHAPITRE 11 – La stratégie et la gestion des ressources humaines Il est impossible de terminer ce chapitre sans dire quelques mots sur l’éthique des affaires qui est étroitement liée au mode de direction puisqu’elle se rapporte aux droits et aux devoirs éthiques entre l’entreprise, donc ses dirigeants, et la société civile dans son ensemble. Elle concerne : – en finance, essentiellement le délit d’initié, la rémunération excessive des dirigeants, les pots-de-vin ; – en gestion des ressources humaines, l’interdiction de la discrimination sur la base de l’âge ou du sexe, le respect de la vie privée des employés, l’équité dans les contrats de travail ; – en marketing, l’interdiction de la discrimination par les prix, des pratiques anti-concurrentielles, de la publicité déloyale, du marché noir ; – en gestion de la production, le rejet des produits défectueux, le respect des normes antipollution, l’interdiction des tests de produits pharmaceutiques dans les pays émergents. L’ONU avait mis au point en 1970 une charte de bonne conduite destinée aux entreprises internationales.

135

Les aspects financiers de la stratégie La fonction financière joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre et la réalisation de la stratégie des organisations. Sa fonction est de mobiliser puis de répartir les liquidités qui constituent le moteur de toute activité économique. C’est pour cette raison évidente que nous lui consacrons ce dernier chapitre dans lequel nous rappellerons ce que sont les objectifs de la fonction financière avant d’étudier le problème des fusions et restructurations que nous avions déjà évoqué mais dont nous analyserons ici les aspects financiers.

CHAPITRE

12

1 Les objectifs de la fonction financière

■ La fonction financière dans l’organisation La fonction financière est confrontée à deux types génériques de décisions.

a) La décision d’investissement Elle consiste à définir le type d’actifs à acquérir. Ces actifs sont corporels (terrains, bâtiments...) ou incorporels (brevets...) ou encore financiers (actions, obligations...). La décision d’investissement va s’effectuer en fonction de la réponse qui sera donnée aux deux questions suivantes : – combien l’organisation va-t-elle investir ? – à quel type d’investissement l’organisation va-t-elle consacrer ses fonds ?

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b) La décision de financement Elle consiste à définir le montant des fonds nécessaires à la réalisation de la précédente décision et à les réunir. Il existe, par conséquent, une relation étroite entre les deux décisions. Les fonds collectés sont d’origines variées : – les apports ou les augmentations de capital auprès des actionnaires ou, de façon générale, des apporteurs de capitaux pour les organisations qui ne sont pas des sociétés par actions ; – les emprunts qui constituent une source de financement externe. Ils sont effectués en général auprès des banques et/ou des institutions financières. L’émission d’obligations est en général le fait des grandes entreprises et institutions financières, ainsi que des États et des collectivités publiques ; – il existe également des financements hybrides qui sont une combinaison des deux sources de financement que nous venons d’évoquer. Les obligations convertibles en actions en sont un exemple : le détenteur des obligations peut, sans en avoir l’obligation, échanger ses obligations contre un certain nombre d’actions de l’entreprise. On peut également ranger dans cette catégorie de financement le capital mezzanine (de l’italien mezzanino qui est une combinaison de financements par capitaux propres et de financements par endettement). Très utilisé aux États-Unis, il est apparu relativement récemment en Europe ; – les subventions des États ou des collectivités locales dont l’octroi est réglementé au sein de l’Union européenne ; – l’autofinancement, qui provient pour une grande part des bénéfices non distribués et mis en réserve, constitue une source de financement interne. Il est à l’origine de la croissance interne.

■ L’objectif financier des entreprises Il est convenu, en finance, de considérer que l’objectif de l’entreprise est de maximiser la valeur des actions et, par conséquent, la richesse des apporteurs de capitaux. Il existe cependant d’autres objectifs secondaires pour l’entreprise. Ils sont, en réalité, fréquemment considérés comme des contraintes : – conserver un niveau suffisant de réserves ; – conserver un niveau suffisamment faible d’endettement ; – avoir un niveau de profitabilité suffisant ; – satisfaire les acteurs autres que les actionnaires (stakeholders) : les prêteurs (banques), le personnel, les managers, l’État... Il peut exister des situations de conflits d’intérêts entre les stakeholders.

CHAPITRE 12 – Les aspects financiers de la stratégie Les objectifs de l’entreprise peuvent varier selon la culture du pays d’origine de l’entreprise. On admet généralement que la maximisation de la valeur des actions est un objectif plus spécifique aux entreprises anglo-saxonnes. Au Japon, en revanche, l’accent est davantage mis sur les parts de marché ou sur le développement du produit (Kagona, 1985).

■ La théorie de l’agence Il existe une source de conflit potentiel lorsqu’il y a indépendance entre la propriété et le management de l’entreprise. L’actionnariat des grandes entreprises est souvent dilué tandis que la gestion est concentrée dans les mains d’un petit nombre de managers. Ces derniers sont tentés d’agir à leur aise alors qu’ils sont théoriquement censés agir dans le but de maximiser les intérêts des actionnaires par qui ils sont élus. Dans ces conditions, la théorie de l’agence considère que l’entreprise est un ensemble de contrats, le plus important étant celui qui lie les actionnaires et managers. Ceux-ci ont besoin d’être à la fois motivés et contrôlés pour agir en respectant les intérêts des premiers. Ces motivations et contrôles génèrent des coûts appelés coûts d’agence.

■ La gouvernance d’entreprise Si, en théorie, les dirigeants doivent agir en fonction des intérêts des actionnaires, de nombreux exemples montrent que cela n’est pas toujours le cas : recours à l’endettement excessif pour financer des opérations d’offres publiques d’achat, rémunération exagérée des dirigeants... Afin de limiter de tels dysfonctionnements, des études et des rapports élaborés notamment dans les pays anglo-saxons par des organismes professionnels et par les organismes de régulation boursière ont élaboré des règles relatives à la bonne gouvernance (rapport Hampel au Royaume-Uni par exemple). On peut en présenter les points essentiels.

a) Les directeurs et le conseil d’administration Le conseil d’administration doit contrôler et fixer les grandes orientations de l’entreprise. Aucun individu ou groupe d’individus ne doit se trouver en position dominante au sein du conseil d’administration. Il ne doit pas y avoir confusion entre la direction des activités de l’entreprise et celle du conseil d’administration. Les règles relatives à l’élection aux postes de direction doivent être claires et transparentes.

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b) La rémunération des dirigeants La rémunération des dirigeants doit dépendre de leurs performances personnelles et des performances de l’entreprise. Les dirigeants ne doivent pas participer aux prises de décisions relatives à leurs rémunérations.

c) Les relations avec les actionnaires Les objectifs de l’entreprise doivent être fixés en commun accord entre actionnaires et dirigeants.

d) La comptabilité Elle doit aider à la compréhension de la situation actuelle et des perspectives de l’entreprise. Un contrôle interne doit permettre de préserver les intérêts de l’entreprise et de ses actionnaires.

■ La planification stratégique et la valeur de l’entreprise De nombreuses études ont montré qu’il existe une relation entre la qualité de la planification stratégique et la valeur de la firme, donc le bien-être des actionnaires. Il en résulte plusieurs conséquences : – définir clairement les objectifs et informer les parties prenantes de ces objectifs ; – identifier les actions nécessaires à la réalisation de ces objectifs ; – obtenir l’information qui sera nécessaire à la réalisation de ces actions ; – évaluer l’impact financier des actions entreprises ; – contrôler les actions menées et évaluer leurs conséquences en les comparant aux objectifs fixés.

2 Les fusions et les restructurations Nous avons analysé dans la 3e partie (chapitre 9) les fusions et restructurations. Il importe ici d’y revenir mais en insistant sur leurs aspects financiers. Rappelons tout d’abord que ces opérations rencontrent fréquemment une forte opposition de la part de l’entreprise susceptible d’être acquise. Ensuite, ces opérations portent sur le long terme et leurs conséquences financières sont difficiles à évaluer. Leur issue est par conséquent incertaine.

CHAPITRE 12 – Les aspects financiers de la stratégie

■ Les fusions et restructurations au début du XXIe siècle Les vingt dernières années ont connu des vagues de fusions et de restructurations, d’une ampleur inconnue auparavant. On peut en trouver quelques explications : – l’accroissement de la rentabilité d’une certaine catégorie d’entreprises dans les années 1980 leur a permis d’accumuler des réserves qui, par la suite, ont favorisé les opérations d’acquisitions ; – la déréglementation des marchés de capitaux a ouvert de nouvelles sources de fonds et donné aux institutions financières de nouvelles opportunités de prêter ; parallèlement, de nombreuses entreprises ont vu leur capacité d’endettement s’accroître ; – les législations nationales relatives aux acquisitions ont été dans de nombreux pays assouplies sous l’effet de la mondialisation et de l’internationalisation des marchés de capitaux ; – la globalisation des marchés pousse à l’internationalisation des firmes et donc aux fusions et aux restructurations qui permettront de mieux affronter la concurrence au niveau mondial. Face à cette tendance qui porte atteinte au principe de la libre concurrence des économies libérales, celles de l’Union européenne en particulier, certains pays ont élaboré des règles susceptibles de contrôler, voire d’empêcher, les opérations de fusions-acquisitions, en particulier les offres publiques d’achat (OPA). Les autorités des marchés financiers obligent les initiateurs d’OPA à présenter certaines informations et à respecter certains délais qui donneront aux actionnaires de l’entreprise-cible la possibilité de réagir, s’il s’agit par exemple d’une OPA hostile. Nous illustrerons ces remarques en présentant les exigences formulées par le Takeover Code britannique élaboré dans les années 1990. Il n’a pas force de loi mais non-respect peut entraîner des réprimandes publiques qui nuiront à la réputation de l’initiateur et pourront, dans un cas extrême, provoquer l’échec de l’OPA. 1er jour : l’offre est annoncée. L’initiateur dispose de 28 jours pour faire une offre formelle. 14 jours après que l’offre formelle est effectuée : la société-cible publie un document pour justifier son refus de l’offre si cela est nécessaire. 21 jours après que l’offre formelle est effectuée : l’initiateur annonce combien d’actionnaires de la société-cible ont accepté de vendre leurs actions. S’il en a obtenu plus de 50 %, il a gagné. Dans le cas inverse, il peut se retirer ou effectuer une nouvelle offre. Dans ce dernier cas, l’entreprise dispose à nouveau de 18 jours pour convaincre ses actionnaires de ne pas vendre leurs actions. Au bout de ce délai, l’initiateur dispose de 4 jours pour présenter ses conditions nouvelles d’achat des actions.

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Enfin 14 jours plus tard, l’initiateur doit annoncer le nombre d’actions que l’on a accepté de lui vendre. S’il n’a pas obtenu les 50 % nécessaires, il lui faudra attendre un an avant de lancer une nouvelle OPA.

■ Les raisons d’une OPA L’OPA est un moyen d’accroître la satisfaction des actionnaires lorsque : – la firme-cible peut être acquise pour une valeur inférieure à sa valeur réelle. Cela suppose que l’on ne croît pas en la capacité du marché à évaluer correctement les sociétés ; – l’OPA se traduira par une synergie dans l’emploi des actifs combinés des deux firmes. Si VA et VB représentent les valeurs de deux firmes A et B, la fusion aura comme conséquence : VA + B > V A + V B La fusion s’effectuera sous la forme d’intégration horizontale, d’intégration verticale ou d’intégration conglomérale bien que, dans la réalité, la distinction soit délicate à faire. Quoi qu’il en soit, la fusion permettra : – l’obtention d’économies d’échelle au niveau de la production ou de la distribution ; – l’obtention de synergies ; – la pénétration sur de nouveaux marchés ; – d’atteindre une masse critique grâce à laquelle il sera, par exemple, possible d’entreprendre ou de développer des activités de recherche-développement ; – de réduire la dépendance de la firme par rapport à des producteurs ou à des distributeurs. La diversification du portefeuille d’activités est également un facteur de réduction du risque global de l’entreprise ; – aux dirigeants d’augmenter leurs rémunérations. En effet, les rémunérations des dirigeants sont généralement supérieures dans les grandes entreprises. En outre, comme nous l’avons vu, la croissance externe donne des résultats souvent plus rapides que la croissance interne. Les managers peuvent être, dans ces conditions, davantage tentés par l’adoption de stratégies d’acquisitions. Le financement d’une OPA peut s’effectuer de plusieurs manières : – la première est le règlement en espèces. C’est le moyen le plus sûr pour l’actionnaire de l’entreprise-cible. En revanche, il devra supporter un impôt ; – la deuxième consiste en l’échange d’actions (offre publique d’échange ou OPE). Le principal inconvénient pour l’entreprise acquéreuse est que l’opération peut modifier la structure des droits de vote en son sein.

CHAPITRE 12 – Les aspects financiers de la stratégie De nombreuses entreprises mènent un suivi de leurs concurrents directs ou non au sein d’une industrie afin de détecter des « candidats » à une fusion en définissant des opportunités stratégiques : – une entreprise en période de croissance sur un marché en phase de maturité devrait acquérir une entreprise opérant sur un segment de marché en phase d’expansion ; – une entreprise utilisant sa capacité de production de façon optimale devrait acquérir une entreprise fabriquant des produits comparables, mais avec une capacité de production non utilisée ; – une entreprise sous-utilisant ses ressources humaines devrait en acquérir une autre dans laquelle ces ressources pourraient être mises en valeur ; – une entreprise ayant besoin d’accroître sa part de marché devrait acquérir un concurrent direct. On peut également remarquer que croissance interne ou croissance externe peuvent permettre d’atteindre un même objectif : l’objectif d’accroissement du chiffre d’affaires sera atteint par une fusion ou par augmentation de la capacité de production grâce à un investissement. Dans le cas d’une acquisition, il peut être souhaitable d’effectuer une analyse SWOT de l’entreprise-cible afin d’en confirmer les potentialités. Cependant, une difficulté majeure de l’intégration résidera dans la capacité de l’acquéreur à contrôler les activités de l’entreprise-cible une fois l’acquisition effectuée. On peut distinguer deux situations extrêmes : – celle où les entreprises ont des métiers différents. Ici l’intégration est essentiellement financière et il est courant de limiter l’intégration à la fusion des informations financières ; – celle où les entreprises exercent des métiers identiques. Ici l’intégration s’applique à la plupart des fonctions des deux partenaires : fabrication, gestion des ressources humaines, distribution... L’audit post-acquisition du nouvel ensemble permettra de juger de l’efficacité de la fusion. Drucker (1981) avait énoncé cinq règles destinées à en assurer le succès : – vérifier que les entreprises qu’on acquiert vont former un ensemble cohérent par rapport à l’activité initiale : partage de technologies, exploitation d’un marché... ; – vérifier que l’acquéreur sera susceptible de procurer par la suite un avantage concurrentiel à l’entreprise-cible. Cet avantage bénéficiera en retour au nouvel ensemble ; – être capable de maintenir la spécificité de l’entreprise-cible en termes de produit et/ou de marché ; – être capable de confier, dans les mois qui suivent l’acquisition, la gestion de l’entreprise-cible à des managers capables et motivés ; – favoriser, dans les mois qui suivent la fusion, la promotion des personnels à l’intérieur du nouvel ensemble de façon à favoriser l’intégration des participants.

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■ La réorganisation de l’entreprise Il est possible de distinguer : – la restructuration au niveau de l’entreprise. Il s’agit surtout d’une modification de la structure de l’actionnariat de la société mère. La valeur des actions s’en trouve affectée ; – la restructuration au niveau des domaines d’activité stratégique ; – la restructuration de l’actionnariat. Il y a un changement dans l’obtention de la majorité de l’actionnariat : achat d’actions, désinvestissements, management buy-outs. Le désinvestissement consiste à vendre une partie des actifs de l’entreprise à un tiers. C’est un moyen de s’adapter aux changements de l’environnement économique et/ou politique. Le management buy-out est le rachat par les managers d’une partie des activités que la société décide d’abandonner. La rentabilité de ces activités sera normalement plus élevée que lorsqu’elles appartenaient à la société puisque les repreneurs sont motivés et deviennent autonomes dans la gestion. En outre, ils ont négocié le rachat à un prix avantageux. Pike et Neale (1999) proposent de répondre aux cinq questions suivantes pour évaluer l’efficacité du rachat* : – les managers qui reprennent les activités ont-ils les capacités et l’expérience suffisantes ? Les apporteurs de capitaux (banques...) exigent fréquemment des changements dans l’équipe de direction ; – quelles sont les motivations des vendeurs et des acquéreurs ? On peut en effet se demander comment il est possible de transformer une activité non rentable en une activité rentable ; – le rachat portera-t-il sur les actifs ou sur les actions de la société qui vend son activité ? – quels seront les nouveaux besoins d’investissement et de financement ? – quel est le prix de rachat satisfaisant ? La fixation d’un prix erroné peut entraîner l’échec à moyen terme de l’opération. * D’après Bank 3i (Investors in Industry). Cité in Pike (R.), Neale (B.), Corporate Finance and Investment, Prentice Hall, 1999.

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Gualino éditeur, Lextenso éditions 33, rue du Mail, 75081 Paris Cedex 02 Achevé d’imprimer par l’Imprimerie France Quercy, 46090 Mercuès N° d’impression : 12027B - Dépôt légal : janvier 201 2

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Le contenu du livre

Le sommaire

Le terme « Stratégie » fait dorénavant partie du vocabulaire courant des Sciences de gestion. Il a concerné pendant longtemps l’analyse externe des organisations mais il s’étend aujourd’hui de plus en plus à l’analyse interne. Puisque la vie des organisations est caractérisée par la permanence de la prise de décisions, l’auteur a choisi, dans ce livre, de traiter du processus de décision stratégique et de ses différentes étapes, qu’il soit mené à un niveau global, celui de l’entreprise ou de l’organisation en général, ou bien au niveau des domaines d’activités stratégiques (DAS). En pratique, une présentation synthétique, rigoureuse et pratique de ce qu’il faut connaître de la Stratégie des organisations.

• La stratégie au XXIe siècle –– Les concepts utilisés en stratégie des organisations –– Les écoles de pensée en stratégie des organisations –– L’organisation face aux mutations de l’environnement • Le diagnostic stratégique –– Le diagnostic interne –– Le diagnostic externe –– Les modèles de diagnostic stratégique • Les différents types de stratégie –– Les stratégies d’activité –– La stratégie au niveau de l’organisation  –– La mise en œuvre des stratégies • La mise en œuvre de la stratégie par l’organisation –– Les différentes structures des organisations –– La stratégie et la gestion des ressources humaines –– Les aspects financiers de la stratégie

Le public –– Étudiants des filières universitaires en Sciences économiques et Sciences de gestion –– Étudiants de l’enseignement supérieur de gestion –– Formation continue

L’auteur Jean-David Avenel est professeur des universités à Paris-Est Créteil (Faculté Administration et Échanges internationaux) et membre du laboratoire Largotec. Il enseigne également dans plusieurs universités de pays membres de l’Union européenne. Il est l’auteur d’une vingtaine de livres et de nombreux articles.

Prix : 13,50 e ISBN 978-2-297-02290-3

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L’essentiel de la stratégie des organisations

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